LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
TOURS — IMPRIMERIE DE E. ARRAULT ET C^^
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
DE
LA GRANDE ENCYCLOPEDIE
S, B, — Cette liste sera reproduite avec les modifications nécessaires en tête de chaque volume, et une liste générale
sera publiée à fa fin de l'ouvrage.
COMITÉ DE DIRECTION
MM. BERTHELOT, sénateur, membre de l'Institut.
Hartwig DERENBOURG, protesseur à l'École spéciale
des langues orientales vivantes.
A. GIRY, professeur à l'Ecole des chartes.
GLASSON, membre de l'Institut, professeur à la Faculté
de droit de Paris.
D' h. HAHN, bibliothécaire en chef de la Faculté de
médecine de Paris.
G. -A. LAISANT, docteur es sciences mathématiques,
ancien élève de l'Ecole polytechnique.
MM. H. LAURENT, docteur es sciences mathématiques, exa-
minateur à l'Ecole polytechnique.
E. LE VASSEUR, membre de l'Institut, professeur au
Collège de France et au Conservatoire des arts et
métiers.
H. MARION, professeur à la Faculté des lettres de Paris.
E. MUNTZ , membre de l'Institut , conservateur de
l'École nationale des beaux-arts.
A. WALTZ,profes'-à la Faculté des lettres de Bordeaux,
Adam, professeur à la Faculté des lettres de Dijon.
Aguii-lon, ingénieur en chef des mines, professeur à l'Ecole
nationale supérieure des mines.
Alglave (Emile), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Ambrésin (Samuel), docteur en médecine.
André (Louis), procureur de la République à Chartres.
Armelin (Gaston), homme de lettres.
Arnavon (Honoré-L.), homme de lettres.
Arnodin (F.), ingénieur des arts et manufactures.
AsSE (E.), de la Bibliothèque de l'Arsenal.
AuLARD (F.-A.), professeur à la Faculté des lettres de
Paris.
Babelon (E.) , conservateur du département des médailles
et antiques de la Bibliothèque nationale.
Bapst (Germain), membre de la Société nationale des Anti-
quaires de France.
Barré (L.), astronome adjoint à l'Observatoire de Paris.
Barrés (Maurice), homme de lettres.
Barroux (Marins), archiviste adjoint aux Archives de la
Seine.
Baudrillart (André), ancien membre de l'Ecole française
de Rome, agrégé de l'Université.
Bayet, recteur de l'Académie de Lille, correspondant de
l'Institut.
Bazille, docteur en droit, avocat au Conseil d'Etat.
Beaudouin (Mondry), professeur à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Beaulieu, agrégé d'histoire.
Beauregard, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Beau vois (E.).
Bechmann (G.), ingénieur en chef, professeur à l'Ecole des
ponts et chaussées, directeur des travaux de salubrité
de la ville de Paris.
Bellet (Daniel), membre de la Société de géographie de
Paris.
BÉMONT (Charles), maître de conférences à l'Ecole des Hautes-
Etudes.
BENET (A.), archiviste du département du Calvados.
Bengesgo (M^»* Marie), élève de l'Ecole du Louvre.
Bérard, directeur de la poudrerie de Saint-Médard-en-Jalles.
Berger (Philippe), membre de l'Institut, professeur au Col-
lège de France.
Berlet (A.), procureur de la République à Mauriac.
Bernard (Emile), publiciste.
Bernard (F.), professeur d'économie politique.
Bernard (Maurice), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Bertaux (Emile), agrégé des lettres, membre de l'Ecole
française de Rome.
Berthelé (Joseph), archiviste du déparlement de l'Hérault.
Berthelot (André), agrégé d'histoire et de géographie
maître de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Berthelot (Daniel), assistant au Muséum d'histoire natu-
relle, professeur d'histoire des sciences physiques à
l'Hôtel de Ville de Paris.
Berthelot (Philippe), licencié es lettres et en droit.
Berthelot (René), agrégé de philosophie.
Bertrand (Alexandre), membre de l'Institut, directeur du-
musée de Saint -Germain.
Bertrand (Al.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Besson (Emmanuel), chef à la direction générale de l'Enre-
gistrement.
Blanchard ( Raphaël ) , professeur agrégé à la Faculté de
médecine de Paris.
Blanchet (Adrien), bibliothécaire au département des mé-
dailles et antiques de la Bibliothèque nationale.
Bloch (G.), maître de conférences à l'Ecole normale supé-
rieure.
Blogh (Raoul), docteur en droit, juge suppléant au Tribunal
de la Seine.
Blondel, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Blondel (D' R.), docteur es sciences.
Boehler, docteur en médecine.
BoiRAG, agrégé de philosophie, prof esseur au lycée Condorcet.
BONHOURE (Adrien), préfet des Pyrénées-Orientales.
Bordes (Charles), critique musical.
BoRNAREL (F.), agrégé de l'Université.
Bossert (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Bouché -Leclercq (A.), professeur à la Faculté des lettres
de Paris.
BouGENOT (S.), archiviste-paléographe.
BouRGOiN (Ed.), membre de l'Académie de médecine, pro-
fesseur à l'Ecole supérieure de pharmacie.
Bourne ville, médecin des hôpitaux.
BouRNON (F.), archiviste-paléographe.
BouTROux (Emile), professeur à la Faculté des lettres de
Paris.
Bovet (Marie-Anne de), publiciste,
BoYER (G.), préparateur de botanique et de sylviculture à
l'Ecole d'agriculture de Montpellier.
Braquehais (Léon), sous-bibliothécaire de la ville du Havre.
Brenet (Michel).
Bricon, homme de lettres.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Brochard (Victor), professeur à la Faculté des lettres de
Paris.
Brunetière (Ferdinand), membre de l'Académie française.
Brutails, archiviste du département de la Gironde.
BucHî^F.R, professeur de litlérature étrangère à la Faculté
des lettres de Caen.
Cabanes (D»' Aug.), publiciste.
Gagnât, professeur au Collège de France.
Caix de Saint-Aymour (vicomte Amédée de), publiciste.
Camescasse (J.), docteur en médecine.
Capus (Guillaume), docteur ès sciences.
Carré de Malberg, docteur en droit.
Cart (Théophile), prolesseur au lycée Henri IV et à l'Ecole
libre des sciences politiques.
Cart (William), agrégé de l'Université, professeur au lycée
Voltaire.
Castan (À.), correspondant de l'Institut, conservateur de la
Bibliothèque de la ville de Besançon.
CASTAN (Louis), directeur du service de la Garantie, à Paris.
Cat (E.), prolesseur à l'Ecole des lettres d'Alger.
Caiiwès (Paul), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Ghabry (L.), docteur en médecine et ès sciences.
Challamel, conservateur honoraire de la Bibliothèque
Sainte-Geneviève.
Champeaux. (de), bibliothécaire de l'Union centrale des arts
décoratifs.
Chancel (Jules), docteur en droit.
Charavay (Etienne), archiviste-paléographe.
Charlot (Marcel), sous-chef de bureau au Ministère de
l'instruction publique.
Charnay (Maurice), publiciste.
Cha vannes (Ed.), professeur au Collège de France.
Chavegrin, professeur à la Faculté de droit de Paris.
Chervin (D'^), membre du Conseil supérieur de statistique,
directeur de l'Institution des bègues de Paris.
Chesney, procureur de la République à Avallon.
Cheuvreux (Casimir), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Ghofardet, licencié en droit.
Claparède (A. de), docteur en droit, ancien secrétaire du
Département politique (affaires étrangères) de la Confé-
dération suisse.
Clermont, docteur en médecine.
Colin (Maurice), professeur agrégé des Facultés de droit.
CoLLiGNON (M.), membre de l'Institut, professeur à la Faculté
des lettres de Paris.
CoLLiNEAu, docteur en médecine.
Colmet d'Aage (Henri), conseiller maître à la Cour des comptes.
Compayré, recteur de l'Académie de Poitiers.
CoRDiER (H.), professeur à l'Ecole des langues orientales.
C08NEAU (E.), prolesseur au lycée Henri IV.
CouDERC (Camille), sous-bibliothécaire au département des
manuscrits à la Bibliothèque nationale.
CoUDREAu (Henri), explorateur de la Guyane.
Coupa RD.
CouRTEAULT (Henri), archiviste aux Archives nationales.
CousTAN ( A.), docteur en médecine.
CoviLLE (A.-H.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Cramaussel, professeur de philosophie au Ivcée de Gap.
Crozals (J. de), prof, à la Faculté des lettres de Grenoble.
Dastre (A.), professeur de physiologie à la Faculté des
sciences de Paris ;
Dauriac (Lionel), professeur à la Faculté des lettres de
Montpellier.
Debidour (A.), inspecteur général de l'Instruction publique.
Debierre (D' Ch.), professeur à la Faculté de médecine de Lille.
Declareuil (J.), docteur en droit, chargé de cours à l'école
de droit d'Alger.
BÉGLiN (H.), docteur en droit, avocat à la cour d'appel de Nancy
I>ELAVAUD (Ch.), inspecteur du service de santé de la
manne, en retraite.
Delavaud (L.), secrétaire d'ambassade.
Deniker, docteur ès sciences naturelles, bibliothécaire du
Muséum.
Oerenbourg (Joseph), membre de l'Institut.
Desdouits, ingénieur en chef aux chemins de fer de l'Etat
DESPRÉS (Armand), chirurgien de l'hôpital de la Charité
professeur agrégé de la Faculté de médecine. '
B1DIERJEAN (Lyonnel), avocat.
DiEHL, ancien membre de l'Ecole d'Athènes, professeur à
la Faculté des lettres de Nancy.
DoLLFus (G.), attaché à la Carte géologique de France.
DoLLFus (Lucien).
DoNON (Charles), docteur en médecine.
Dramard, conseiller à la cour de Limoges.
Drapeyron (Ludovic), docteur ès lettres, directeur de la
Revue de Géographie.
Droogmans (H.), ancien chancelier du Consulat général helse
aux Etats-Unis. ^
Drouin (E.), avocat, membre du conseil de la Soc. asiatique
BUBOis, secrétaire adjoint du Comité de législation étrangère
près le ministère de la justice.
DucRocQ, professeur à la Faculté de droit de Paris.
BUFouR, chargé du cours de littérature grecque à la Faculté
des lettres de Lille.
DUFOURMANTELLE (Maurlcc), avocat à la Cour d'appel de Paris
DcFouRMANTELLE (Charlcs), ancicn archiviste de la Corse.
Duhamel (Louis), archiviste du département de Vaucluse.
Dumoulin (Maurice), professeur au Ivcée de Roanne.
DupKOix (Paul), professeur à la Faculté des lettres de l'Uni-
versité de Genève.
Durand (Maxime), consul suppléant de France à New York.
Durand ( G. ) , archiviste du département de la Somme.
Durand-Gréville, publiciste.
DuREAu(D^A.),biblioth. en chef de l'Académie de médecine.
DuRiER (Ch.), vice-président du Club alpin français, ancien
chef de division au Ministère de la justice.
Dybowski, professeur à l'Institut agronomique.
Engerand, publiciste.
Enlaut, ancien membre de l'Ecole française de Rome, sous-
bibliothécaire de l'Ecole des Beau\-Arts.
Ernst (Alfred), de la Bibliothèque Sainte-Geneviève.
EsciiBAECHER (Emile), ancien chef de bureau au Ministère des
postes et télégraphes.
EspiNAS (Alfred), chargé de cours à la Faculté des lettres de
Paris.
Faliès (Gustave), publiciste.
Farges (Louis), chef du bureau historique au Ministère des
affaires étrangères.
Faucher (L.),ingen. en chef des poudres et salpêtres à Lille.
Feer (Léon), bibliothécaire au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Flamant (A.), ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Flourac, archiviste du département des Basses-Pvrénées.
Foncin (Pierre), inspect général de l'Enseignem. secondaire.
FoNSEGRivE, professeur de philosophie au lycée Buffon.
FoRESTiF.R, rédacteur a la Préfecture de la Seine.
FouRNiER (Henri), docteur en médecine.
FouRNiER (Marcel), professeur à la Faculté de droit de Caen.
FouRNiER DE Flâix, publicistc.
France (H.), professeur à l'Académie rovale militaire de
Woolwich.
François (G.), chef comptable de banque.
Fredericq (Paul), professeur à l'Université de Gand.
FuNCK-liRENTANO (Frantz), sous-bibliothécaire à la Biblio-
thèque de l'Arsenal.
Gaignière (Henri), substitut du procureur de la République
à Châlons-sur-Marne.
Galbrun, secrétaire de l'Ecole du Louvre.
Gardeil, professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Garnier (E.), membre du Comité des Sociétés des Beaux-Arts.
Garnier (L.), rédacteur en chef de la Presse vétérinaire.
Gasté (Armand), professeur à la Faculté des lettres de Caen.
Gausseron, professeur au lycée Janson-de-Saillv.
Gauthiez (Pierre), agrégé de l'Université.
Gautier (Jules), professeur au Ivcée Michelet.
Gavet (G.), agrégé à la Faculté de droit de Nancy.
GÉRARD (Aug.), ministre plénipotentiaire en Chine.
Gerspach, administrateur honoraire de la manufacture des
Gobelins.
GiARD (A.), professeur à la Faculté des sciences de Paris.
GiDEL, proviseur du lycée Condorcet.
GiQUEAux (P.), professeur au lycée de Nice.
GrRARD (Charles), chef du Laboratoire municipal de Paris.
Girard (Paul), maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure.
Girard (P. -F.), professeur à la Faculté de droit de Paris.
GiRODON (F.), docteur en droit.
Giron, attaché à la Direction générale des Postes et Télé-
graphes.
Gley(E.), prof, agrégé à la Faculté de médecine de Paris.
Gobat(D'), conseiller d'Etat, directeur de l'Education du
canton de Berne.
GoGUEL (P.), profes.de filature à l'Institut industriel du Nord.
GoNSE, membre du Conseil supérieur des Beaux-Arts, ancien
directeur de la Gazette des Beaux-Arts,
GoRCEix (H.), directeur de l'Ecole des mines de Ouro Prelo
(Brésil).
GouRDAULT, homme de lettres.
GouRDON DE Genouillac, du Comité de la Société des gens
de lettres.
GouRMONT (Rémy de), publiciste.
Grand (E.-D.), archiviste-paléographe.
Grandjean (Charles), secrétaire-rédacteur au Sénat.
Grandmougin (Charles), homme de lettres.
GuiGUE (Georges), archiviste du département du Rhône.
GuiRAUD (Paul), chargé de cours à la Faculté des lettres de Paris.
Guy (Arthur), élève diplômé de l'Ecole des langues orientales
vivantes.
Hahn (J.), médecin-major de 1'^^ classe.
Hauser (H.), docteur ès lettres, maître de conférences à la
Faculté des lettres de Clermont.
Heckel, professeur à la Faculté des sciences de Marseille.
Heim (D'- Fr.), professeur agrégé à la Faculté de médecine de
Pans.
Henneguy (Félix) , publiciste.
Herr (Lucien), bibliothécaire de l'Ecole normale supérieure.
Herrmann (DO, professeurà la Faculté de médecine de Lille.
HiLD (J.-A.), professeur à la Faculté des lettres de Poitiers.
HoMOLLE, membre de l'Institut, directeur de l'Ecole fran-
çaise d'Athènes.
HouDAS, prolesseur à l'Ecole des langues orientales.
Houssaye (Arsène), homme de lettres.
Hubert (Eugène), professeur à l'Université de Liège.
Humbert (G.), ingénieur des ponts et chaussées.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Jacquemaire (Numa), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Jeanroy, professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
JoANNis, docteur es sciences, chargé de cours à la Faculté
des sciences de Paris.
JoBBÉ-DuvAL (E.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
JoBiiN, sous-bibliotliccaire au Muséum d'histoire naturelle.
JoRGA (N.), professeur à Bucarest.
JouANNE (G.), ingénieur des arts et manufactures.
JouBiN (L.), docteur es sciences, maître de conférences à la
Faculté des sciences de Rennes.
JuLLiAN (Camille), professeur à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
KÉRAVAL (P. ), médecin des asiles de la Seine.
Kerlero du Grano, officier de marine en retraite.
Knab (L.), ingénieur civil des arts et manufactures.
Kohler (Gh.), bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
KoRZENiowsKi (J.), délégué de TAcadémie des sciences de
Gracovie.
Kruger {F.-H.), professeur à l'Institut des missions évangé-
liques de Paris.
KuHFF (G.), docteur en médecine.
KuNCKEL d'HERCULAis,assistant au Muséum d'histoire naturelle.
KuciNSR[, homme de lettres.
KuHNE, publiciste.
KuNSïLER, professeur à la Faculté des sciences de Bordeaux.
Lacour (P.), attaché à la direction des Beaux-Arts.
Lacour-Gayet (Georges), docteur es lettres, professeur d'his-
toire au lycée Saint-Louis.
Lacroix, docteur es sciences, professeur de minéralogie au
Muséum d'histoire naturelle.
Lagrésille (Georges), avocat à la Cour d'appel de Paris.
Lahilxonne (Jacques), professeur au lycée de Grenoble.
Lâîné, agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Lambert (Mayer), profeisseur au séminaire israélite de Paris.
Lambling (D»"), professeur agrégé à la Faculté de médecine
de Lille.
Langlois (D"" P.), préparateur au laboratoire de physiologie
de la Faculté de médecine de Paris.
Langlois (Ch.-V.M.), chargé de coursa la Faculté des lettres
de Paris.
Lanson (G.), professeur de rhétorique au lycée Michelet.
Lapie (Paul), professeur de philosophie au lycée de Tunis.
Larbalétrier [A..), professeur à l'Ecole d'agriculture du
Pas-de-Calais.
Larivière (Ch. de), receveur particulier à Gien.
Laur (F.), ingénieur des mines.
LAzzARi (Silvio), compositeur de musique.
Lavalley (Gaston), bibliothécaire de la ville de Caen.
Lavoix (Henri), administrateur de la bibliothèque Sainte-
Geneviève.
Lechalas (M.-C.), inspecteur général des ponts et chaussées.
Lechalas (G.), ingénieur en chef des ponts et chaussées.
Lecornu (L.), ingénieur en chef des mines, docteur es sciences.
LÉCRiVAiN (Ch.), chargé de cours à la Faculté des lettres de
Toulouse.
Lefèvre (Charles), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Lefèvre (Edouard), ancien président de la Société entomo-
logique de France.
Lefort (Paul), inspecteur des Beaux- Arts.
Lefranc (Abel), secrétaire du Collège de France.
Léger (L.), professeur au Collège de France.
Legrand (Emile), professeur à l'Ecole des langues orientales.
Le Goffig (Charles), agrégé de l'Université.
Lehr (E.), professeur honorairef'de droit à Lausanne.
Lehugeur (Paul), professeur au lycée Charlemagne.
Lemoine (D'- Georges), professeur à la Faculté de médecine
de Lille.
Lemonnier, chargé de cours à la Faculté des lettres, pro-
fesseur à l'Ecole des Beaux-Arts.
Lemosof (Paul), attaché à la Société de géographie.
LEON (Xavier), agrégé de philosophie.
Leprieur (Paul), attaché à la conservation du musée du
Luxembourg.
Leriche, drogman-chancelier à Mogador.
Leroux (Alf.), archiviste du département de la Haute- Vienne.
Le Sueur (l.), docteur en droit, attaché au ministère de la
Justice.
Levasseur, juge suppléant à Provins.
Léveillé, professeur à la Faculté de droit de Paris.
LÉvi (Israël), professeur d'histoire juive au séminaire
israélite de Paris.
LÉvi (Sylvain), professeur au Collège de France.
Lex (L.), archiviste du département de Saône-et-Loire.
Leymarie (C), bibliothécaire de la ville de Limoges.
LnuiLLiER (fj.), avocat, membre de la Société archéologique
de Touraine.
LiARD, directeur de l'enseignement supérieur au Ministère
de l'instruction publique.
LiÉTARD, docteur en médecine.
Loret (Victor), maître de conférences à la Faculté des lettres
de Lyon.
Lot (Ferdinand), bibliothécaire a la bibliothèque de TUni-
versilè de Paris.
Lucas (Charles), architecte.
LucipiA (Louis), membre du Conseil municipal de Paris.
Lyon (Georges), maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure.
Lyon-Caen (Ch.), membre de l'Institut, professeur à ïa
Faculté de droit de Paris.
Mabille (J.), attaché au laboratoire de malacologie du Mu-
séum d'histoire naturelle.
Maindron (Maurice), critique d'art.
Mantz (Paul), directeur général honoraire des Beaux-Arts.
Marais (Paul), sous-bibliothécaire à la bibliothèque Mazarine.
Marcel (Gabriel), bibliothécaire de la section de géographie
à la Bibliothèque nationale.
Marcuand, juge suppléant à Meaux.
Marchand (Louis), inspecteur d'Académie à Avignon.
Mariéton (Paul), ô'irecteur de \Si Revue fèlibréenne.
Marin (Paul), ancien élève de l'Ecole polytechnique.
Marleï (Léon), attaché à la bibliothèque du Sénat.
Marmonier, docteur en droit.
Marquet de Yasselot (Jeyn-J ), élève de l'Ecole du Louvre.
Marre (Aristide), chargé de cours à l'École des langues
orientales.
Martel (E.), avocat.
Martha (Jules), maître de conférences à l'École normale
supérieure.
Martha (D»-), secrétaire de la Société de médecine publique
et d'hygiène professionnelle.
Martin (â.-J.), ancien préparateur au laboratoire de phy-
siologie de la Faculté de médecine de Paris.
Martin (Henry), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal.
Martinièue (H. -p. de La).
Martinet (A.), commissaire du gouvernement près le conseil
de préfecture de la Seine
Maspero, membre de l'Institut, professeur au Collège de
France.
Massebieau (A.), professeur d'histoire au lycée de Rennes.
Massigli (Ch.), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Matignon (G.), maître de conférences à la Faculté des
sciences de Lille.
Maury (P.), docteur es sciences.
May (G.), professeur à la Faculté de droit de Nancy.
Mazade, préparateur du laboratoire des recherches médicales.
MAZEROLLE(Fernand), bibliothécaire-archiviste de laMonnaie
Mazon (A.), homme de lettres.
Mazzoni, professeur de littérature italienne à l'Institut des
Etudes supérieures de Florence.
Meillet (A.), maître de conférences à l'Ecole des Hautes-
Etudes.
Melani (Alfredo), professeur à l'Ecole supérieure d'art appli-
qué à l'industrie de Milan.
Melin (G.), docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Nancy.
Mély (F. de), correspondant du Comité des Sociétés des
Beaux-Arts des départements.
Menant (J.), membre de l'Institut.
MÉNARD (Louis), docteur en médecine.
Meynersd'Estrey (comte), docteur en médecine.
MicHAUD (D'- E.}, professeur à l'Université de Berne.
MicHAUT (G.), chimiste de la station agronomique de l'Yonne.
Michel (André), professeur à l'Ecole spéciale d'architecture,
conservateur adjoint au Musée du Louvre.
M[CHEL (Emile), membre de l'Institut.
Michel (Léon), agrégé à la Faculté de droit de Paris.
Moireau (Aug.), agrégé des lettres.
MoLiNiER(A.), professeur à l'Ecole des chartes.
MoLiNiER(Ch.), professeur à la Faculté des lettres de Toulouse.
MoLiNiER (E.), conservateur au Musée du Louvre.
Monceaux (P.), docteur es lettres, professeur de rhétorique
au lycée Henri IV.
MoNCELON, ancien délégué de la Nouvelle-Calédonie au Con-
seil supérieur des Colonies.
MoNiEz (D"^), professeur à la Faculté de médecine de Lille.
MoNiN (H.), docteur es lettres, professeur au collège Rollin,
professeur d'Histoire à l'Hôtel de Ville de Paris.
MoNMiTONNET, prolèsscur à Saint-Pétersbourg.
MoNOD (Gabriel), maître de conférences à l'Ecole normale
supérieure, directeur de la Revue histo7Hque.
MoRER, médecin-major de f® classe.
MoRTET (Ch.), conservateur à la bibliothèque Sainte Gene-
viève.
Mortet (Victor), bibliothécaire à la Sorbonne.
MoRTiLLET (G. de), ancien conservateur adjoint du musée de
Saint- Germain.
Moutard, examinateur à l'École polytechnique.
Muret, professeur à l'Université de Genève.
Nachbaur (Paul), avocat à la cour d'appel de Nancy.
Nénot, architecte de la Sorbonne.
NoLHAC (Pierre de), conservateur du musée de Versailles.
Normand (Charles), directeur de la revue VAmi des monu"
ments et des arts.
Oltramare, astronome à l'Observatoire de Paris.
Omont (H.), conservateur au département des manuscrits
de la Bibliothèque nationale.
Oppert (Jules), membre de l'Institut, professeur au Collège
de France.
Ottavi (P.), chargé du vice-consulat de France à Mascate.
OuRÉM (Alméida Arèas , vicomte d') , membre de l'Institut
hist. et géogr. du Brésil, ancien ministre plénipoten-
tiaire du Brésil à Londres.
LISTE DE MM. LES COLLABORATEURS
Ol'stalet(E.), assistant au Muséum d'histoire naturelle.
Paisa:st, attaché d'ambassade.
Palustre (Léon), directeur honoraire de la Société française
d'archéologie.
PARENT, publiciste, , , ^ ,
Paris, professeur à la Faculté des lettres de Bordeaux.
Passy (Paul), maître de conférences à l'Ecole des Hautes-
Etudes, président de l'Association phonétique des pro-
fesseurs d'anglais.
Paturet, substitut du procureur de la République, à Toulon.
Paulian, secrétaire-rédacteur à la Chambre des députés.
Pawlowski (Gustave), bibliographe.
PÉAN (D'), ancien chirurgien des hôpitaux.
PÉLissiER (L.-G.), professeur à la Faculté des lettres de
Montpellier.
Pelletan (Camille), député des Bouches-du-Rhone.
Peraté, ancien membre de l'École française de Rome, atta-
ché à la conservation du musée de Versailles.
PÉREZ (Bernard), publiciste.
Petit (E.), professeur au lycée Janson-de-Sailly.
Petit (P.), membre de la Société botanique de France.
Petit (D'L.-H.), bibliothécaire à la Faculté de médecine
de Paris.
Petit-Dutaillis (Ch.), professeur agrégé d'histoire au lycée
de Troves.
Peytoureau (D'^ a.), préparateur à la Faculté des sciences de
Bordeaux.
Pfender (Charles).
PiAGET (A.), docteur es lettres.
Picavet, docteur es lettres, proiesseur au collège Rollin,
maître de conférences à l'Ecole des Hautes-Etudes.
Picot (Emile), professeur à l'Ecole des langues orientales.
PiÉCHAUD (Adolphe;, docteur en médecine, médecin du
Sénat, inspecteur des écoles de Paris.
Pierre (Constant), commis principal au secrétariat du Con-
servatoire national de musique.
Pierret (Paul), conservateur du musée égyptien du Louvre.
Pignot (A.), préparateur à la Faculté de médecine.
PiLLET (Jules), professeur au Conservatoire des Arts et
Métiers, à l'Ecole des beaux-arts et à l'Ecole des ponts
Pinard (Ad.), professeur à la Faculté de médecine de Paris.
PiKEL-MAisoNNEuvE, docteur en médecine.
Planiol, professeur adjoint à la Faculté de droit de Paris.
Platon (G.), bibliothécaire de la Faculté de droit de Bor-
deaux.
Pligque (D--).
PoiNCARÉ (Kavmond), député.
PouGiN (Arthur), publiciste.
Pouzet (Ph.), agrégé d'histoire.
Prado (Eduardo da Silva), avocat et homme de lettres.
Preux (J.), ancien secrétaire du Comité de législation étran-
gère.
Prou (M.), bibliothécaire au Cabinet des médailles a la
Bibliothèque nationale.
Prudhoîvimf, archiviste du département de Tlsère.
PsicHARi (Jean), directeur ad joint à l'Ecole des Hautes-Etudes.
PUAUX (Franck), publiciste.
Quellien (N.), publiciste.
QuESNEL, professeur à l'Ecole des Hautes-Etudes commer-
ciales
QuESNERiE (Gustave de La), professeur au lycée Saint-Louis.
Radet, maître de conférences à la Faculté des lettres de
Bordeaux.
Ravaisse (P.), chargé de cours à l'Ecole des langues orien-
Ravaisson-Mollien (Charles) , conservateur adjoint au Musée
du Louvre.
Regelsperger, docteur en droit.
REGiSAUD (P.), professeur à la Faculté des lettres de Lyon.
Renard (Georges), protesseur à la Faculté des lettres de
Renault (Louis), professeur à la Faculté de droit de Paris.
Rekoult (René), avocat à la Cour d'appel, ancien chef de
cabinet du président de la Chambre des députés.
Reure, professeur à l'Ecole des Hautes-Etudes à Lyon.
RÉviLLOUT (E.), conservateur adjoint au Musée du Louvre.
Ribot (Th.), professeur au Collège de France, directeur de
la Revue philosophique.
RicHET (Charles), professeur à la Faculté de médecine de
Paris.
Riegel (Alfred), ingénieur des manufactures de l'Etat.
Rio-Brakco (J.-M. da Silva-Paranhos, baron de), membre de
l'institut historique et géographique du Brésil, ancien
député.
RiTTi (D* An t.). médecin de la maison nationale de Charenton.
RocHEBRUNE (D''de), assjstant au Muséum d'histoire naturelle.
Rolland, médecin des asiles de Lalorce (Dordogne).
Rossignol, agrégé d'histoire, professeur à l'Ecole polytech»
nique de Zurich.
RouiRE (D'), membre de la mission scientifique de Tunisie,
Roussel (Félix), avocat à la Cour d'appel de Paris.
RoussELET (Albin).
Ruelle (C.-E.), conservateur à la bibliothèque Sainte-Gene-
viève.
RussEL (W.), docteur es sciences naturelles.
Ruyssen (Th.), professeur agrégé de philosophie.
Sagnet (Léon), attaché au Ministère des travaux publics.
Sagnier (Henry), rédacteur en chef du Journal de l'agri-
culture,
Saint-Marc, prof . agrégé à la Faculté de droit de Toulouse.
Salone, professeur agrégé d'histoire et de géographie au
lycée Condorcet.
Samuel (René), sous-bibliothécaire du Sénat.
Santi (D"^ L. de), médecin-major de 2® classe.
Sarrau, membre de l'Institut, ingénieur en chef des poudre?
et salpêtres.
Saury (D*^), médecin de l'asile de Suresnes.
Sauvage (B^), directeur de la station aquicole de Boulogne-suî -
Mer.
Saverot (Victor), docteur en droit.
Sayous, professeur à la Faculté des lettres de Besançon,
membre correspondant de l'Académie hongroise.
Schefer (G.), bibliothécaire à la bibliothèque de l'Arsenal.
ScHMiT (L.), conducteur des ponts et chaussées.
Sergent (Ed.), commandant de l'armée territoriale.
Simon (Eugène), ancien président des Sociétés entomologique
et zoologique de France.
SouDAY (Paul), rédacteur au journal le Temps.
SouQUET (Paul), professeur de philosophie au lycée Henri IV.
Stein (H.), archiviste aux Archives nationales.
Straus, professeur à la Faculté de médecine de Paris.
Strauss, avocat à la Cour d'appel de Paris.
Stroseblin, professeur à l'Université de Genève.
Stryienski (Casimir), professeur agrégé au lycée Montaigne.
SwARTE (Victor de), trésorier-payeur général de Seine-ei-
Marne.
Tannery (P.), ingénieur des manufactures de l'État.
Tarde (G.).
Tausserat-Radel (Alexandre), sous-chef du bureau iusto-
rique au Ministère des affaires étrangères .
Thénard, professeur honoraire de l'Université.
Théry (Edmond), directeur de YEconomîste euro2^éen,
TniÉBAULD-SissoN, publîciste.
Thiers (Adolphe), publiciste
Tholin (G.), archiviste du département du Lot-et-Garonne.
Thomas (Antoine), chargé de cours à la Faculté des lettre&
de Paris.
Thomas (D' L.), bibliothécaire à la Faculté de médecine de
Paris.
TiERSOT (Julien), sous-bibliothécaire au Conservatoire de
musique
TouRNEUx ( Maurice \publiciste.
Trawinski, secrétaire des musées nationaux.
Trouessart, docteur en médecine.
Vachon (Marins), critique d'art.
Valabrègue (Antony), critique d'art.
Varigny (H. de), docteur en médecine, docteur es sciences
naturelles.
Vast (Henri), professeur d'histoire et de géographie au lycée
Condorcet, examinateur d'admission à l'école Saint-Cyr.
Vayssière (A.), archiviste du département de l'Allier.
VÉLAiN (Charles), professeur de géographie physique à la
Faculté des sciences de Paris.
Vendryès, membre de la Société botanique de France.
Venukoff (Michel), ancien secrétaire général de la Société
de géographie de Ruasie.
Vergniol (C), professeur agrégé d'histoire au lycée de
Bourges.
Verneau (D'), assistant au Muséum d'histoire naturelle.
Vernes (Maurice), directeur adjoint à l'École des Hautes-
Etudes (section des sciences religieuses).
Viala (Pierre), professeur de viticulture à l'Institut national
agronomique de Paris.
ViLLEDEUiL (Ch. de), astronome.
ViNsoN (Julien), professeur à l'Ecole des langues orientales,
VoGEL, publiciste.
VoLKOv (Th.), membre de la Société impériale russe de géo-
graphie.
Vollet ( E.-H. ) , docteur en droit.
Welschinger (Henri), vice-président de la Société des Etudes
historiques.
WiLL (Louis) . . , . ,
Yriarte (Charles), inspecteur gênerai des Beaux-Arts.
Zaborowski, publiciste, ancien secrétaire de la Société
d'anihropolofeie de Parib.
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
J
JANIÇON (François-Michel), publiciste français, né à
Paris le 24 déc. 1674, mort à La Haye en août 1730. Fils
de François Janiçon, sieur de Marsin, avocat au conseil et
huguenot de marque, il faisait ses études à Maastricht au
moment de la révocation de Fédit de Nantes. Il resta donc
en Hollande, collabora à la Gazette cV Amsterdam, prit la
direction de la Gazette de Hotterdam et celle d'un jour-
nal français fondé parles magistrats d'Utrecht.Il fut aussi
agent du landgrave de Hesse auprès des Etats-Généraux.
Il a laissé, outre des traductions : Etat présent de la
république des Provirices-Unies (La Haye, 1729-1730,
2 vol. in-'12), ouvrage qui a eu beaucoup de succès et qui
abonde en renseignements puisés aux meilleures sources.
JANlCULE(Mont) (V. Rome).
JANIN (Jules-Gabriel), littérateur français, né à Saint-
Etienne (Loire) le 16 févr. 1804, mort à Passy le 20 juin
1874. Fils d'un avoué, il vint terminer à Paris, au collège
Louis-le- Grand, les études qu'il avait brillamment com-
mencées dans sa ville natale, et, lorsqu'elles furent ache-
vées, il vécut fort modestement de répétitions à 2 fr. le
cachet jusqu'au jour où il débuta dans la petite presse
libérale. Il abandonna bientôt le Figaro pour la Quoti-
dienne qu'il ne tarda pas à quitter lorsqu'elle devint
l'organe de M. de Polignac. Présenté aux frères Bertin, il
fit d'abord partie de la rédaction politique du Journal des
Débats; mais, chargé un jour de suppléer Duviquet, suc-
cesseur de Geotfroy, comme critique dramatique, il apporta
dans cette tâche nouvelle tant de verve et de fantaisie
qu'elle lui fut désormais exclusivement confiée. Durant
quarante et un ans, Janin ne cessa point un seul lundi
d'entretenir son public, non seulement des pièces nouvelles
et de leurs interprètes, mais encore de réminiscences ou
d'affaires personnelles, dont quelques-unes sont demeurées
célèbres par les polémiques ou les procès dont elles furent
l'origine. C'est ainsi qu'à l'occasion du Mariage du cri-
tique (16 oct. 1841), il initia le pubhc, alors peu habitué
à ces sortes de confidences, aux joies que lui promettait
son union avec W^^ lluet, fille d'un magistrat, et s'attira
de la part d'Hipp. Rolle, et sous le même titre, une verte
riposte; ou bien encore, à propos d'une reprise du Tibère
de Marie-Joseph Chénier (déc. 1843), Félix Pyat répondit
dans la Réforme aux critiques des Débats en mêlant à ses
arguments de telles personnalités que Janin le fit con-
damner pour diffamation à six mois de prison. Il eut encore
d'autres démêlés oîi le papier timbré joua son rôle avec
Alex. Dumas (à propos de M^'^ de Belle-lsle), avec Th. de
Banville, avec le Figaro de Villemessant.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
Si ponctuel qu'il fût à remplir sa tâche hebdomadaire et
sans parler d'une collaboration assidue à V Artiste et à la
llevue de Paris (où il rompit des lances contre D. Nisard
et contre Balzac, à propos de la littérature « facile » et
à'Un Grand Homme de province à Paris)^ Janin s'était
révélé comme romancier par : l'Ane mort et la Femme
guillotinée (1829, 2 vol. in-12) ; la Coîifession (1830,
2 vol. in-i2) ; Barnave (1831, 4 vol. in-12) ; Contes
fantastiques et Contes littéraires (1332, 4 vol. in-12);
Contes nouveaux (1833, 4 vol. in-12) ; le Chemin de
traverse (1836, 2 vol. in-8) ; Un Cœiir pour deux
amours {iKdl,, in-8). VAne mort est demeuré fameux
par la bizarrerie de son titre et de son contenu ; la publi-
cation de Barnave^ dont Aug. Barbier, Féhx Pyat, Théo-
dore Burette, Edgar Quinet, avaient fourni leur quote-
part, fût un événement plus politique encore que httéraire,
car la préface, rédigée par Etienne Béquet, attaquait avec
véhémence Philippe-Egalité, et provoqua une réplique inti-
tulée ta Branche royale d'Orléans ou le Barnave de
M. J. Janin réfuté par l'histoire (iS3\, in-8). A partir
de ce moment, Janin, dont jusque-là « l'opposition avait
été la vie », témoigna en toute occasion le zèle le plus
bruyant en l'honneur de la branche cadette et garda,
disons-le à sa louange, la même attitude après l'exil et la
mort de Louis-Philippe. A considérer non le résultat défi-
nitif, mais l'effort, on ne saurait contester que Janin n'ait
été l'un des plus infatigables polygraphes de son temps,
même en tenant compte de quelques plagiats plus ou moins
déguisés et de la complaisance avec laquelle il prêtait son
nom à des éditeurs embarrassés ou peu scrupuleux. Une
énumération détaillée ne saurait en être tentée ici, et il
suthra, pour donner une idée de cette activité quelque peu
stérile, de rappeler les principales excursions du « prince
de la critique » dans les directions les plus diverses. Il faut
citer en première ligne : Deburau. histoire du théâtre
à quatre sous pour faire suite à l'histoire du Théâtre-
Français (1832, in-8 ; 2^ éd., 2 vol. in-12), pimpante
fantaisie; Histoire de la littérature dramatique en
France (1853-58, 6 vol. in-18), choix pratiqué par Fau-
teur dans ses feuilletons remaniés et modifiés ; Rachel et
la Tragédie (1859, in-8 et in-4, pi.) ; Béranger et son
temps (1865, 2 vol. in-18) ; puis de nouveaux romans :
la Religieuse deToulouse (1850, 2 vol. in-8) ; les Gaités
champêtres (1851, 2 vol. in-8) ; la Fin d'un monde et
du neveu de Rameau (1861, in-18) ; Contes du chalet
(1859, in-18); Contes non estampillés (1862, in-18) ;
les Oiseaux bleus (1864, in-18); le Talisman (1866'
1
JANfN — JANISSAIRE
2 —
in-18); les Amours du chevalier àe Fosseuse (d867,
in-18)-; Circé (1867, in-18) ; Vînterné (1869, in-18) ;
Petits Romans d'hier et d'aujourd'hui (1869, in-
18), etc. On retrouve un écho des événements contempo-
rains dans divers écrits de circonstance : Fontainebleau^
Versailles, Paris (1837, in-18), relation des fêtes du
mariage du duc d'Orléans ; le Prince royal (1842, in-18) ;
le Roi est mort (1850, in-8); la Muette^ le Château et
les désastres (1871, in-18), etc. Enfin Janin a écrit ou
signé le texte de plusieurs publications illustrées, telles
que : Un Hiver a Paris (184^, in-8) ; la Normandie his-
torique^ pittoresque et monumentale (1842, in-8), et
son pendant, la Éretagne historique, pittoresque et mo-
numentale (1844, in-8); les Petits Bonheurs de la vie
(1856, in-8) : les Symphonies de l'hiver (1858, in-8) ;
la Révolution française (1862-65, 2 vol. in-4), etc.
Janin avait, pour se constituer des titres sérieux au
fauteuil académique, traduit ou plutôt paraphrasé à sa
manière Horace (1860, in-12), et réuni, sous le titre de
la Poésie et r éloquence à Rome (1863, in-8), diverses
études sur les classiques latins, mais il échoua, en 1865,
contre Prévost-Paradol et s'en consola en publiant son
spirituel Discours de réception à la porte de l'Académie
française. Elu cinq ans plus tard en remplacement de
Sainte-Beuve, il eut lui-même John Lemoinne pour succes-
seur. Sa bibliothèque, très vantée de son vivant et qu'il
dut tour à tour léguer à sa ville natale, à l'Institut et à
l'Arsenal, a été dispersée en 1877 après la mort de sa
veuve et causa quelque déception aux amateurs. Sous le
titre d'OEuvres choisies (1875-78, 12 vol. in-18), A. de
La Fizelière avait rassemblé quelques-uns des écrits cités
plus haut, ainsi qu'une partie de la correspondance d'un
écrivain qui ne méritait peut-être ni les louanges excessives
que lui ont prodiguées ses contemporains ni l'injurieux
oubli dont il a payé cette célébrité éphémère. M. Tx.
BiBL. : A. PiKDAGNEL, JuIgs Jctnin, 1884, in-18, S-^ éd.,
augm. d'une bibliographie. — Sainte-Beuve, Causeries
du lundi, t. II et V. — G. Planche, Portraits littéraires.
— Albéric Second, le Tiroir aux souvenirs, 1885, in-12.
JANIN A (en turc lanina). Nom d'un vilayet turc et de
sa capitale en Albanie (Epire). Borné au N. par les vilayets
de Scutari et de Monastir, à l'E. par celui de Selfidjé,
au S.-E. par les provinces grecques de Trikala et d'Arta,
au S. et à l'O. par la mer Ionienne, le vilayet de Janina
comprend six sandjaqs : Bérat, Korétsa, Tépélen, Molista,
Janina et Prévésa. C'est une contrée couverte des ramifica-
tions du Pinde. La côte tout entière du sandjaq de Janina
est masquée par l'île de Corfou . Elle est bordée de dunes
broussailleuses et d'étangs dont le voisinage est absolu-
ment nuisible en été pour les villages. Il n'y a pas de port.
Très à l'E., dans l'intérieur, au pied des monts Mitchikéli
qui forcent TArta à couler vers le S., et du côté opposé
à cette rivière, s'étend le lac de Janina, long d'environ
20 kil. et large de 4 kil., dans une partie de son étendue
seulement. Cette nappe d'eau peu profonde (jamais plus
de 10m.), alimentée par plusieurs ruisseaux, se divise en
deux bassins que réunit un canal marécageux et semé d'îles,
et n'a pas d'écoulement visible. Mais on lui suppose des
issues souterraines. Le bassin N. (Laptchista) déverse
ses eaux dans un gouffre énorme, et donnerait naissance
au Kalamas. Le bassin du S. laisse couler ses eaux, à
l'étiage, dans un autre gouffre par un canal étroit, et for-
merait plus au S. le Louros, Quand le niveau est moins bas,
quatre trous ouverts dans les rochers reçoivent l'eau et la
conduisent à l'issue souterraine d'où naît le Louros. La ri-
vière cachée se révèle par de petits lacs semés à la surface
du sol. — Sur la rive 0. du lac, en face d'une petite île,
est bâtie la ville de Janina, par 39^47'' lat. N. et 18°41^
long. E., sur un contrefort du Mitchikéli avançant en pres-
qu'île au milieu des eaux. Janinti est entourée d'une mu-
raille flanquée de châteaux forts. Les maisons spacieuses
et bien bâties, à un seul étage, sont distribuées en rues
étroites et mal pavées, sauf doux artères principales. On y
remarque le konak du pacha, la mosquée d'Arslân-Aghâ
qui date de 1712. Il reste 6 églises sur 16 qui existaient
avant 1720. La ville compte environ 16,000 hab., aux
deux tiers chrétiens. Il y a une forte proportion de juifs
(plus de 3,000). Janina est presque entièrement grecque.
Elle abonde en souvenirs historiques. Elle s'élève au milieu
d'une contrée couverte de ruines de cités pélasgiques ; à
quelque distance se trouvent au bord du lac même les restes
de Hella et à 18 kil. au S.-O. les ruines de Dodone. En
51, après l'invasion des Goths, la ville déjà construite
prend le nom de Joannina, sous le patronage de saint
Jean. En 1181, Boémond, bâtard de Robert Guiscard, l'en-
lève ; en 1431, les Turcs l'occupent, vingt-deux ans avant
la prise de Constantinople. Enfin, cette ville est célèbre
grâce au fameux Ali-Pacha de Tépélen qui y avait établi
un lycée, une bibliothèque et des écoles. Janina contenait
alors 40,000 hab. Arthur Guy.
JANIN ET (Jean-François), graveur français, né à Paris
en 1732, mort en 1814. Il appliqua un procédé spécial de
gravure en couleurs (V. Gravure) ; parmi ses œuvres, on
cite des Vues de Paris, les portraits de Henri /F et de
Sully d'après Fr, Pourbus, les Comédiens d'après Wat-
teau, etc.
JANISLAW (Kotwicz), prélat polonais du xiv^ siècle. Il
mourut en 1340.11 fut archevêque de Gniezno. Il couronna
le roi Wladyslaw Lokietek, présida le synode d'Uniejow et
contribua à introduire l'Inquisition en Pologne.
JANISSAIRE. Les janissaires formaient en Turquie
une milice analogue à celle des prétoriens de Rome ou des
strélitz moscovites. Véritable armée permanente dont la
création précéda de cent quinze ans le premier essai de ce
genre qui fut fait dans les Etats européens, elle dura cinq
siècles, de 1334 à 1826. Son histoire est intimement liée
à celle de la Turquie ; après avoir été la terreur de l'en-
nemi du dehors et avoir conduit l'empire ottoman à l'apogée
de sa puissance, ce corps d'élite, devenu une non-valeur
militaire et la pierre d'achoppement de toutes les réformes,
finit par être la terreur des sultans eux-mêmes et une per-
pétuelle menace de ruine pour le pays.
Au début de la monarchie ottomane, sous le règne de
son glorieux fondateur Osman Khân (1281-1326), l'armée
turque consistait en une horde d'irréguliers, pasteurs à
l'ordinaire, guerriers quand sonnait l'appel aux armes. Ces
soldats volontaires ne savaient que combattre à cheval ;
l'infanterie n'existait pas. Ils n'en étaient pas moins redou-
tables, grâce à leur intrépidité et à leur admirable disci-
pline. La seule troupe permanente était la garde particu-
lière du sultan (qapougouli). Déjà maître d'un territoire
vaste et peuplé, puis rendu ambitieux par le succès, Or-
khân (1326-60) songea à organiser ses forces militaires
sur un pied nouveau. Il enrôla par voie de sélection des
mercenaires turcs qu'il prit à sa solde et dont il forma
un corps de fantassins {yaya ou piyadè) . Mais bientôt les
prétentions insolentes et l'insubordination de cette solda-
tesque le forcèrent à modifier cette tentative d'organisation
militaire. C'est pourquoi il résolut, de concert' avec son
vizir Ala ed-Dîn et le qazi-asker Djândéréli, de créer une
nouvelle milice qui, ne se recrutant pas parmi le peuple,
lui fût étrangère, ne pût exciter de séditions, fût enfin
entièrement dévouée au sultan, dont elle tiendrait tout. La
loi du devchirmé (recrutement) fut édictée ; elle concluait
à Tenrôlement, au fur et à mesure que la nécessité se pré-
senterait et une fois par an, d'un millier de jeunes gens
chrétiens parmi ceux qui avaient accepté la sujétion otto-
mane. Ces recrues, cantonnées dans Brousse, furent éle-
vées dans la religion de l'Islam et reçurent une rapide ins-
truction militaire ; chaque homme fut habillé d'un vêtement
d'uniforme en drap grossier et eut pour paye une aspre
(aqtchè) (0 fr. 08) par jour ; comme ration, deux pains,
100 drachmes (320 gr.) de riz, 200 de viande et 30 de
beurre. Le suhan étant considéré comme le père nourricier
de cette milice, les grades des officiers et des sous-officiers
empruntèrent leur dénomination aux principaux emplois de
la cuisine : le commandant fut appelé tchorbadji-hachi
— 3
JANISSAIRE
(premier distributeur de soupe, cantinier), après lui ve-
naient V achtchi-bachi (premier maître -queux) et lesaqqa-
èac/iz (premier distributeur d'eau). En raison de ces bizar-
reries, la marmite du régiment (qazdn) en fut comme le
drapeau, le centre de ralliement, et Tinsigne de parade fut
une cuiller de bois fixée au bonnet de feutre blanc. Sur la
prière d'Orkhân, Finstitution fut solennellement consacrée
par le fondateur de Tordre des derviches Bektachi, Cheikh
Hâdji-Bektach, qui bénit la troupe en imposant les mains
sur la tête de l'un des hommes et en disant : « Cette mi-
lice aura nom yéni-tchérl (nouvelle milice) ; que la face
de ces guerriers soit toujours blanche, leurs bras redou-
tables, leur sabre tranchant, leurs flèches mortelles, et
qu'eux-mêmes soient toujours victorieux ! » En mémoire
de cette cérémonie, le bonnet du soldat fut agrémenté par
derrière d'un morceau d'étoffe représentant la manche pen-
dante du derviche. Hâdji-Bektach devint naturellement le
patron spirituel de cette troupe d'élite qui devait se rendre
si célèbre par sa bravoure, ses crimes et enfin sa lâcheté.
Tel est l'historique de la création des yéni-tchéri, mot
dont nous avons fait janissaires. Les commencements
furent modestes ; le corps ne se composa que de mille
hommes; mais, chaque année, on enleva un millier d'en-
fants chrétiens pour l'augmenter. Ce chiffre alla toujours
croissant et finit par atteindre des proportions formidables :
Il n'y eut pas d'autre mode de recrutement jusqu'à Moham-
med IV (1648-87). « C'est le plus épouvantable tribut de
chair humaine, dit Th. Lavallée, qui ait été levé par une
religion victorieuse sur une religion vaincue... Par cet
étrange mode de recrutement, les Ottomans trouvèrent à
la fois le moyen d'enlever aux populations chrétiennes leur
partie la plus virile et de doubler leurs troupes sans mettre
les armes aux mains des vaincus. » (HisL de la Turquie.)
Mourâd I®"* (1360-89), qui dut aux janissaires d'être
vainqueur des Serbes à Kossova, dota l'armée créée par
son père d'un code militaire spécial et en perfectionna l'or-
ganisation. Après lui Mohammed II (1451-71), le conqué-
rant de Constantinople, et celui de l'Egypte, Sélim P^
(1512-20), complétèrent dans une large mesure les lois
qui régissaient ce corps et y introduisirent les réformes
devenues nécessaires avec le temps et le progrès. Or voici
de quelle façon était constituée l'armée permanente des
janissaires, à l'époque de sa plus grande gloire, c.~à~d.
au xvi« siècle, sous Suleïmân le Magnifique. Le corps en-
tier, désigné sous le nom de odjâq^ comprenait deux caté-
gories : les stagiaires et l'armée active. Ces deux catégories
étaient divisées en régiments (orta), chaque orta résidant
en un local déterminé {oda, chambrée, caserne).
Les stagiaires n'étaient autres que les enfants chrétiens
faits esclaves au cours des guerres et les jeunes gens re-
crutés en vertu de la loi du devchirmé parmi les sujets
ottomans non musulmans; c'étaient des Albanais, des Bos-
niaques, des Bulgares, des Grecs, des Serbes ou des
Arméniens de Roumélie. On les appelait adjémi-oghldn^
c.-à-d. « enfants (de troupe) étrangers ». Avant d'entrer
au service actif, ces novices, ces aspirants janissaires
avaient à faire un stage de sept années. En conséquence,
ils étaient envoyés, dès leur inscription aux rôles, les uns
dans les palais impériaux, les autres aux casernes- écoles
de Constantinople, ceux-ci au service des gouverneurs de
province, ceux-là dans les fermes, jardins et vergers du
sultan. Choisis parmi les plus robustes, sinon les plus in-
telligents, ils recevaient d'officiers instructeurs, de maîtres
es arts et métiers rétribués par l'Etat, une éducation aussi
complète que possible en vue de leur uture carrière. Outre
la langue turque elle catéchisme musulman, on leur ensei-
gnait le maniement des armes, les exercices de force et
d'adresse, les différents arts manuels et industriels, l'agri-
culture, etc. On rompait leur esprit à la plus sévère disci-
pline et leurs corps aux plus pénibles travaux. Ils étaient
employés comme ouvriers dans les différents arsenaux, ate-
liers et manufactures de l'Etat. Sous le nom de hostandji
(jardiniers), ils avaient la garde, la police et l'entretien
des jardins du Sérail, de Scutari, des rives du Bosphore,
de Gallipoli et d'Andrinople ; sous celui àHlch-oghlân
(V. Icoglan), ils étaient pages de Sa lîautesse. Six cents
d'entre eux étaient employés aux travaux de menuiserie et
de calfatage à bord des galères de l'Etat, tandis que d'autres
ramaient sur les caïques du sultan. C'est enfin parmi eux
que se recrutaient les marmitons (djévelek) et les bû-
cherons (baltadji) de la maison impériale. Après un long
et dur apprentissage, les adjémi-oghlân, s'ils étaient dignes
d'entrer dans le rang, étaient admis à combler les vides
laissés par les janissaires morts ou retraités. Ils étaient
alors répartis dans les différentes armes du corps suivant
leurs aptitudes. Djévad Bey relate ce fait curieux qu'à leur
arrivée à Constantinople, les stagiaires nouvellement pro-
mus avaient pour tradition de se rendre à leurs quartiers
respectifs en marchant à la queue leu-leu et en se tenant
les uns les autres par le pan du vêtement. Ils défilaient en-
suite devant l'oda-bachi qui, comme symbole de soumis-
sion, appliquait à chacun d'eux un soufflet et lui tirait les
oreilles. A quoi l'on répondait par le niyâz ou salut mili-
taire qui consistait à croiser les bras sur la poitrine en
inclinant profondément la tète ; puis on recevait son brevet
(sofa-tezkéré ) aux emblèmes de l'orta. Voilà coïtv-
ment on devenait janissaire avant l'an 1591, car à partir
de cette date le corps des adjémi-oghlân perdit complète-
tement de son prestige, l'habitude ayant été prise de rece-
voir dans l'odjâq une foule de gens sans aveu. Le corps
entier était divisé en 30 boulouk (troupe) et 29 djémaat
(compagnie), autrement dit 59 ortas, comptant chacune
trois officiers ; le tchorbadji bachi (colonel), le meïdân-
kiahya (capitaine) et le qàpoudji {== huissier), sorte de
référendaire du corps près l'agha commandant en chef la
milice des janissaires. L'odjaq était sous les ordres immé-
diats de Vistamboul-aghaci et du bostandji-bachi, offi-
ciers supérieurs relevant eux-mêmes de l'agha. Enfin les
adjémi-oghlân touchaient une solde et des rations régle-
mentaires ; ils avaient des costumes spéciaux et une caisse
de secours. D'après l'historien Aïni Ali Efendi, l'effectif des
adjémi-oghlân, y compris les officiers, maîtres et instruc-
teurs, était en 1609 de 9,406 hommes recevant par tri-
mestre une paye de 2,206,820 aspres; effectif réduit un
siècle plus tard au chiffre de 6,781 hommes à raison de
376,164 aspres par trimestre.
De 1 65 qu'il était sous Mourâd P^, le nombre des ortas
de la milice active fut porté un peu plus tard à 196, chiffre
qui ne fut dès lors jamais dépassé. Ces 196 régiments furent
divisés en trois classes : djémaat comprenant 101 ortas;
boulouk, 61 ortas; segbân (wnlg. seïmen, piqueurs),
34 ortas. L'effectif de chaque orta varia à toute époque,
suivant l'arme et suivant les circonstances; il fut de 100,
de 400, de 500 hommes et même, sous Abd-ul-Hamid P''
et Sélim III, de 2,000 et 3,000 hommes. Conséquem-
ment, l'effectif total de l'odjaq s'accrut d'année en année
dans une proportion égale, ainsi que l'indique le tableau
suivant :
ANNÉES
RÈGNES
EFFECTIF
1523
Suleimân
1.200
1574
Mourâd III.
13.600
1580
id.
27.000
1593
id.
48.688
1595
Mohammed III
45.000
1609
Ahmed 1°''.
37.627
1623
Mourâd IV.
44.858
1631
id.
46.113
1G78
Mohammed IV.
54.896
1698
Moustafa IL
33.389
1727
Ahmed m.
81.000
1805
Sélim III.
110.000
1824
Mahmoud II.
140.000
Il n'existait pas seulement de différence, entre chaque
orta de la milice active, pour l'effectif réglementaire, ma's
JANISSAIRE --
encore pour la tenue, le service, les emblèmes, les privi-
lèges, etc. Les unes tiraient leur nom de l'arme à laquelle
elles appartenaient, les autres du service spécialCqui leur
incombait ; la plupart étaient désignées d'après leur classe
et leur numéro d'ordre. Ainsi il y avait 46 ortas dites de
chameliers (chuturbân ou déuedji) ; 4 dites des privilé-
giés {khasséki) ; 4 d'archers appelés solaq (gauchers),
gardes du corps du sultan ; 2 de fusiliers (tufenghi) ;
2 de chasseurs (segbân-avdji), sans compter les 3 ortas
des tournadji^ des zaghardji et des samsoundji^ qui
étaient censément préposés aux meutes et oiseaux de chasse
du sultan ; les instructeurs (taalim-khanédji), les canon-
niers (zembourekdji), les bombardiers (khoumbaradji)^
les artificiers (baroudji), les conducteurs du train et des
équipages (top-arabadji) composaient l'effectif d'un nombre
équivalent d'ortas. Il va sans dire que l'artillerie était
montée, et, bien que le corps des janissaires fût un corps
d'infanterie, il n'en comptait pas moins quelques régi-
ments de cavalerie, sans doute de lanciers, tels que les
64« et 65^ djémaat. On formait aussi, au moyen de soldats
tirés des trois classes mentionnées plus haut, une orta
forte de 900 hommes qui, sous le nom de qouroudji^
étaient spécialement chargés du service des eaux et forêts.
Bon nombre d'ortas étaient communément désignées d'après
le titre des officiers supérieurs qui en étaient comme les
chefs honoraires. Enfin, le 1^^ boulouk avait le privilège
d'inscrire à son rôle le nom du sultan qui touchait en per-
sonne la solde du simple néfer, mais était tenu, en re-
vanche, sous peine de clameurs séditieuses, en sa double
qualité de père nourricier et de frère d'armes, de payer le
don de joyeux avènement et autres gratifications onéreuses
du nom de bakhchich.
La solde, sous le règne de Suleïmân, fut portée de 3 à
7 aspres pour les soldats nouveaux, de 8 à 20 pour les
vétérans, et pour les invalides de 30 à 100 aspres par jour.
L'aspre, monnaie d'argent, valait alors 40 paras d'aujour-
d'hui, soit 0 fr. 23, A la fin du xvi® siècle, sous Moham-
med III, le maximum de la solde était de 43 aspres et le
minimum de 7 ; mais déjà l'argent avait subi de si fortes
dépréciations que le taux de l'aspre avait baissé de plus
de moitié. Une retenue était faite sur le montant de la
solde ou plutôt du traitement, puisque la paye était faite
par trimestre. Les sommes ainsi retenues étaient appelées
tas-paraci (sou de la gamelle) et versées dans la caisse
du régiment ; elles servaient de fonds de réserve pour l'amé-
lioration de l'ordinaire, la décoration des casernes, Fha-
billement de gala des hommes, pour le soulagement des
camarades infirmes ou nécessiteux et la rançon des prison-
niers de guerre. On versait aussi dans cette caisse, d'après
Marsigh, non seulement le montant des biens propres des
janissaires décédés, mais encore le produit des intérêts du
capital à raison de 40 et 12 %. Les rations (tain) que
recevait chaque soldat étaient tellement abondantes qu'elles
laissaient de beaux profits au vékil-khardj (chef de l'in-
tendance). L'uniforme était composé, en général, d'un
bonnet de feutre {uskiuf) et du turban (adar), dont la
forme variait d'une or(a à l'autre ; d'une tunique de drap
(dolama); d'un large pantalon bouffant {ichalvar); de
chaussures appelées yéméni et d'un ceinturon de cuir pla-
qué de métal. Les jours de parade, on arborait le bonnet
broché d'or orné, en guise de pompon, de la cuiller de
bois. La volumineuse coiffure et le reste du costume des
sous-officiers et officiers était varié à l'infini et d'autant
plus riche que le grade était plus élevé. En somme, les
janissaires étaient parfaitement entretenus, mais toujours
prêts à se révolter quand on ne pourvoyait pas d'une ma-
nière suffisante à leurs besoins. En temps de pai^, ce
qui était rare, ils remplissaient, munis d'un long bâton,
les fonctions de sergents de ville, dont ils abusaient
d'ailleurs outre mesure; ils étaient commandés par un chef
de police appelé salma-tchoqadar . A la guerre, ils por-
taient l'arquebuse à serpentin ; un petit sabre {yataghân)^
un coutelas (khandjar) et un pistolet passés dans la cein-
4 —
ture ; un fourniment contenant poudre et plomb et la
mèche roulée autour du bras droit. L'arc (kémâïi) fut leur
arme jusqu'en 1570, et le mousquet (tufeng), tromblon ou
canardière, à partir du xiv« siècle. Les janissaires formaient
ordinairement la réserve de l'armée turque et furent pen-
dant longtemps célèbres à cause de l'aveugle intrépidité
avec laquelle ils se ruaient sur l'ennemi ; mais, comme ils
étaient et, par tradition, restèrent jusqu'à la fin étrangers
à toute espèce de tactique, ce qu'il y avait d'impétueux et
de sauvage dans le premier choc ne pouvait être dangereux
que pour un adversaire aussi peu avancé qu'eux-mêmes
dans l'art de faire la guerre. C'était pour eux une tache
que de laisser prendre par l'ennemi la marmite de Porta ;
mais renverser le qazân ou le briser était le signal des
séditions. C'est autour de ce révolutionnaire ustensile de
ménage, qui renfermait le destin des sultans et des chefs
du corps, que les officiers janissaires se réunissaient en
conseil.
On a vu dans quelles proportions s'accrut, de règne en
règne, l'effectif des janissaires. Sous Orkhân, cette milice,
encore peu importante, avait la capitale de l'empire pour
unique résidence. A partir du xvji^ siècle, Constantinople
abrita dans ses casernes plus de la moitié de l'effectif. Le
reste était disséminé dans toute l'étendue du territoire
ottoman. Des régiments entiers ou de simples détachements
tenaient garnison, suivant le besoin des circonstances,
dans les capitales de province, dans les forteresses des
marches frontières ou sur d'autres points stratégiques d'Eu-
rope et d'Asie ; l'Egypte et la Barbarie étaient générale-
ment exceptées. Le tableau comparatif ci-dessous, indiquant
les lieux de garnison les plus considérables et le chiffre
d'hommes affeclés à la garde de ces places, à trois époques
différentes, donnera quelque idée d'une répartition en
grande partie subordonnée aux événements politiques.
LIEUX
DE GARNISON
E F F E G T I !•
en 1678
(Mohammed IV)
EFFECTIF
en 1723
(Ahmed III)
EFFECTIF
en 1750
(Mahmoud l«r)
Bagdad
3.800
1.200
470
669
))
159
260
4.585
26.000
»
227
626
3.600
117
»
1.849
»
611
2.981
341
»
1.575
58
1.241
»
208
40.000
810
436
»
71
))
))
937
1.100
582
762
2.284
99
4.914
219
5.039
4.134
961
1.512
810
1.553
50.000
482
722
668
259
»
»
667
1.551
1.258
1.379
5.410
119
oasra... .
Belgrade
Bender
Bosna-Sérai
Braïla
Bude
Caffa . . .
Candie
Constantinople
Corinthe
Damas
Erziroum
Jérusalem
Kaminiecz
Konyeii
Mételin
OtchaJvOv
SaIoni(]ue
Van
Widdin
Yéni-Kalé
Le commandement suprême de Fodjaq des janissaires
était entre les mains deVagha^ nommé par le sultan, sou-
vent choisi parmi les vizirs, mais plus souvent encore im-
posé par le choix des janissaires eux-mêmes. Investi dans
l'ordre militaire des fonctions les plus importantes, géné-
ralissime de toutes les forces de l'empire, sorte de ministre
de la guerre, l'agha était un des plus hauts dignitaires de
l'Etat. En campagne, il était précédé d'un étendard blanc
surmonté de queues de cheval (tough). Comme janissaire,
il touchait une solde fixe de 500 aspres par jour. Le pou-
voir exercé par l'agha sur ses subordonnés était presque
illimité ; la crainte des révoltes l'empêchait seule d'en pous-
ser trop loin l'abus. Il avait en effet droit de vie et de mort
et était la source de toutes les grâces. Toutefois, il n'y
— 5 —
JANISSAIRE
avait pas de poste plus périlleux que le sien ; sa tête était
l'enjeu de chaque sédition. Sous ses ordres immédiats
étaient suivant Fimportance du grade: i® le segbân~ha-
chi, lieutenant de Fagha avec le titre de qaïm-maqdm,
commandant les 84 ortas de segbân ; — 2^ le goiil-kia-
hya^ lieutenant en second de Fagha, chef d'état-major de
l'odjaq, commandant les 61 boulouk ; — 3^ le mouzhir-
agha, officier chargé des affaires extraordinaires de Fodjaq
qu'il représentait près le grand vizir ; chef du 25® bou-
louk ; — 4^ le kiahya-yéri, lieutenant du qoul-kiahya,
chargé des affaires ordinaires de Fodjaq qu'il représentait
près l'agha, chef du 33® boulouk ; — 5° le zaghardji-
bachi, chef de la 64® djémaat (commise à la garde des
limiers du sultan); — 6® le samsoimdji-bacfû, chef de
la 7® (dogues) ; 7"* le tournadji-backi, chef de la 63«
(oiseaux de chasse). Les services confiés à ces trois officiers
supérieurs furent naturellement supprimés lorsque les sul-
tans eurent perdu le goût de la chasse ; mais le grade sub-
sista et les titulaires, toujours membres du conseil de Fagha,
conservèrent leur commandement respectif à la tête de leur
régiment transformé en régiment d'infanterie légère ou de
chasseurs ; — 8^-ii®, leskhasséki, au nombre de quatre,
membres du conseil, chefs des 14®, 49^ 66^ et 67® djé-
maat, ordinairement délégués par l'agha dans le comman-
dement des expéditions peu importantes; — 12° le bach-
tchaoûch, chef du 5® boulouk, chargé de présenter les
requêtes au conseil de Fagha, de présider à la réception
des recrues et de faire exécuter par deux tchaoï^œli assis-
tants les peines disciplinaires encourues par les hommes de
Fodjaq; — 13® le kiâtib on éfendi^ chef du 18® segbân,
secrétaire général chargé de la tenue du registre des rôles
(kiutuk), ayantsous ses ordres les chefs comptables du corps
des stagiaires et de la milice active, ainsi que les kiâtib
particuliers de chaque orta; — 14® Vimdm-agha^ aumô-
nier en chef de Fodjaq, ayant sous sa direction les 196
orta-imâm du corps, chef honoraire de la 28® djémaat.
Ces quatorze officiers généraux constituaient Fétat-major
de Fodjaq des janissaires. Les officiers de Forta étaient les
suivants : 1® le tchorbadji^ grade analogue à celui de co-
lonel ; — ^^Vosta-bachi, lieutenant-colonel ; — 3**Foda-
bachi, major, logéàla caserne ; — 4® le ?nozim(i;i, capitaine,
en nombre variable ; — 5° le baraïqdar, porte-drapeau ;
drapeau mi-partie rouge et jaune, orné de Femblème dis-
tinctif de chaque régiment: clef ou vaisseau, ancre ou masse
d'armes, etc., que l'on reproduisait sur les portes du quar-
tier et des corps de garde, sur les objets ou, tatoués, sur les
membres des soldats ; — 6® le bach-eski (vétéran) ou qara-
goidlouqtchi, commandant de corps de garde (qaraqoul) y
lieutenant; — 7® le tchaoïwh, sorte de sergent, en nombre
indéterminé; — S'^Vôn-bachi (dizainier), caporal; — 9® le
vékil-khardj, officier d'intendance ; — 10® Vachtchi-
bachiy cuisinier en chef et geôlier de Forta, la cuisine
étant aussi la prison ; des soldats lui servaient d'aides (ya-
maq) et des stagiaires de marmitons; — 11® le saqqa-ba-
chi^ officier préposé au ravitaillement de l'eau ; — 1 2® le mu-
tévelli, administrateur des biens de mmnmortQ (vouqoïif);
— 13® le beït-îil-maldji, trésorier; — 14<* le mehtei'-
bachiy chef de la fanfare qui se composait de soixante-
quatre musiciens et chanteurs : timbaliers, cors, trom-
pettes, flûtes, hautbois, cymbaliers, chargés de donner des
aubades aux officiers généraux du corps, aux dignitaires
de Fempire; — 15® Yorta-imdm^ aumônier.
Telle était l'organisation de la nouvelle milice sous le
règne de Suleimân-Khân qui brilla au dedans d'un éclat
incomparable et fut signalé au dehors par de vastes con-
quêtes. Cette organisation se trouvait réglée dans les moin-
dres détails par la « loi fondamentale du corps » ou qa-
7îoûn, dont les dispositions faisaient l'objet de nombreux
articles commentés et rangés sous quatorze titres différents.
En voici Fénumération : I. Les janissaires doivent aux chefs
exerçant le pouvoir, aux officiers exerçant le commande-
ment, une soumission et une obéissance absolues. — II. Il
doit régner entre tous les janissaires une union et un
accord parfaits ; leurs casernements et lieux de campement
seront même toujours groupés ensemble et à part. —
ni. Les janissaires s'abstiendront de toute ctiose qui ne
saurait convenir aux braves, comme la recherche du luxe
dans le costume et les armes, etc. — IV. En ce qui concerne
les devoirs que la religion impose, ils ne s'écarteront ja-
mais des préceptes du vénérable Cheikh Hâdji-Bektach. —
V. Ne seront admis dans Fodjaq que les hommes levés en
vertu de la loi du devchirmé, c.-à-d. qui auront fait
leurs classes dans le corps des adjémi-oghlân. — VI. Les
punitions emportant la peine de mort seront, par pri-
vilège, appliquées d'une manière spéciale. (Rayé préala-
blement du rôle comme indigne, le janissaire condamné
à mort par le conseil de Fagha était décapité de nuit
et à huis clos, le cadavre était jeté à la mer, un coup
de canon annonçait que la sentence était exécutée). —
VIL Les janissaires ne pourront être admonestés ni punis
que par leurs officiers. (Les peines correctionnelles étaient
la bastonnade, de 40 à 80 coups, administrée devant
Foda-bachi soit à la caserne, soit en place publique, l'em-
prisonnement et la mise aux fers dans le local de Fach-
tchi-bachi.) — VIIÏ. Les promotions en grade auront
rigoureusement lieu par ordre d'ancienneté. — IX. Les
janissaires invalides seront mis à la retraite et recevront
une pension proportionnelle. — X. Les janissaires ne
laisseront pas croître leur barbe. — XL Ils ne pourront
se marier avant d'avoir quitté le service actif. (Les fils
de janissaires furent admis au xvi® siècle à faire par-
tie des stagiaires. Les enfants en bas âge laissés par les
hommes décédés étaient élevés aux frais de l'Etat en qua-
lité de /bw(iow/a-/iownm, jusqu'à ce qu'ils entrassent dans
le corps.) — XIl. Les janissaires coucheront à la caserne
et ne s'en éloigneront pas sans autorisation. — XIII. Ils
ne devront exercer aucun métier. — XIV. Ils feront à
époques fixes (c'était de juin à novembre) les exercices et
manœuvres nécessaires à leur instruction militaire.
Le règlement organique du corps des janissaires, œuvre
de Mourâd I®^, fut augmenté au fur et à mesure par ses
successeurs d'un grand nombre d'articles additionnels.
Mais, si sages qu'en fussent les bases, il devint au bout de
deux siècles à peu près lettre morte, tant à cause de Faffec-
tion dont les sultans entouraient les janissaires, que des pri-
vilèges réclamés et obtenus par ceux-ci, de leur exigences,
de leur morgue et de leur indiscipline. C'est sous Suleïmân
que la puissance de cette armée modèle atteignit son apo-
gée, mais pour commencer presque du même coup à entrer
dans une voie de décadence. Ce prince, en effet, enleva
aux janissaires, et ce fut une grande faute politique, le
privilège qu'ils avaient de n'entrer en campagne que quand
le sultan commandait Farmée en personne. En outre, il aug-
menta leur solde, il confia au plus grand nombre la garde
de Constantinople qui devint leur quartier général et bien-
tôt le foyer de leurs intrigues ; il en fit la garde d'hon-
neur des ambassadeurs et des consuls étrangers sous le
nom de cavas (V. ce mot). Leur nombre devint bientôt
insuffisant pour tous les services qu'on exigeait d'eux et
l'on dut appeler des recrues dans leurs rangs non plus seu-
lement par l'enlèvement des enfants chrétiens, mais par de
nombreux privilèges qui attirèrent dans ce corps des aven-
turiers de toute origine. On leur permit de se marier, on
donna le brevet de janissaire à leurs fils, à leurs parents ;
on leur fit grâce du régime de la caserne; on leur laissa
exercer des métiers; on les rendit sédentaires dans les
garnisons qu'ils occupaient et où, citoyens, pères de fa-
mille, marchands, industriels, ils n'eurent plus ni disci-
pline ni vertus guerrières. Après Suleïmân, les troubles
intérieurs, les revers éprouvés au dehors, le manque de
soldats, la dégradation des princes, la corruption des
grands, Famollissement du peuple, Faffaiblissement de
l'esprit militaire forcèrent les sultans, qui délaissaient
la tente pour le sérail, à recevoir dans Fodjaq le rebut
de toutes les classes de la société et de toutes les na-
tions : ils n'y entra plus de chrétiens, mais des vagabonds
JANISSAIRE - 6
et des brigands. Les nègres seuls continuèrent à en être
exclus. C'est qu'en effet le titre de janissaire était devenu
une protection suffisante non seulement contre les exac-
tions des autorités locales, mais contre les poursuites judi-
ciaires. Alors ce corps qui avait été une armée d'élite,
brave, disciplinée, exercée, fanatique, toujours mobile,
campée, en marche, guerroyante, qui avait décidé du sort
de maintes batailles, devint une sorte de garde nationale
forte de ses prérogatives, pleine d'insolence, insoumise,
irréligieuse, avide, inerte enfin et lâche devant l'ennemi.
L'histoire des janissaires,sauf quelques brillants fait d'armes,
n'est qu'une suite de révoltes, d'assassinats de vizirs, d'aghas
et autres dignitaires, d'actes de brigandage, d'affreuses
atrocités de toutes sortes, à tel point qu'ils avaient fini
par être bien plus redoutables aux sultans et à la popula-
tion paisible que l'ennemi extérieur ; ils avaient fini, en
vrais prétoriens, par s'arroger le droit de détrôner leurs
maîtres et de les faire périr. Ce fut le sort de Bayézid II
(1512), de Mourâd III (1595), d'Osman II (1622),
d'Ibrahim P^ (1648), de Moustafa II (1774), de SélimllI
et de Moustafa IV (1808). Aussi y eut-il peu de sultans
qui ne désirèrent se débarrasser d'une soldatesque aussi
effrénée, constituant une menace journalière pour la sécu-
rité de l'empire, un Etat dans l'Etat. Mais les tentatives
faites à différentes reprises soit en vue d'une réforme, soit
en vue d'une
dissolution, ou
n'avaient point
eu les résultats
attendus, ou
avaient complè-
tement échoué
et provoqué, au
contraire , d e
sanglantes ré-
volutions . L e
sultan Mah-
moud II (1808-
39) fut le pre-
mier qui réussit
à ex terminer les
janissaires.
Imbu des
idées réforma-
trices de son
cousin Sé-
lim III, Mah-
moud avait compris qu'il ne pourrait jamais réorgani-
ser l'armée turque tant que les janissaires ne seraient
pas brisés. Aussi bien l'opinion publique, lasse de leurs
excès, s'était tournée contre eux, les oulémas eux-mêmes
les abandonnaient, irrités de leurs railleries, et l'armée les
méprisait pour leur lâcheté. En 1826, il résolut d'agir.
Ayant convoqué chez le mufti une assemblée générale de
tous les hauts fonctionnaires de l'empire et des principaux
officiers des janissaires, il leur fit lire et approuver un
projet d'ordonnance qui concluait à la création d'un nou-
veau corps (nizâm-i-djédid) instruit à l'européenne et com-
posé de soldats tirés de l'odjaq à raison de 150 hommes
pour chacune des 51 ortas de Constantinople« Les membres
de cette assemblée s'engagèrent par écrit à employer toutes
leurs forces pour faire triompher les projets du sultan.
L'acte fut lu ensuite aux officiers et sous-officiers des ja-
nissaires, qui parurent approuver. Le 12 juin commen-
cèrent sur la place Et-Meidani les leçons d'exercice pour
les officiers. Cependant ceux-là même qui avaient été les
premiers à applaudir à ces réformes conspiraient en se-
cret pour les faire avorter. Une proclamation comminatoire
du grand vizir hâta l'explosion du complot. Dans la nuit
du 16, les officiers subalternes et les soldats janissaires
renversent leurs marmites et se réunissent sur l'At-Meï-
dani; au point du jour, ils s'ébranlent en réclamant à
grands cris la tête des principaux fonctionnaires de l'em-
Groupe de janissaires.
pire. Mahmoud, qui avait prévu ce mouvement séditieux et
avait su gagner de longue main les officiers les plus in-
fluents, fait alors déployer l'étendard sacré du prophète
{sandjaq-i-chérif} que le mufti plante sur la mosquée
d'Ahmed. A cette vue, les masses populaires viennent avec
le plus vif enthousiasme se mettre aux ordres du padichâh.
Les rebelles sont rapidement refoulés et cernés dans la
place par Ibrahim-Agha à la tête des canonniers et des
bostandjis demeurés fidèles au sultan, fanatisés par les pré-
dications des oulémas et la vue de l'oriflamme sainte. Après
des sommations inutiles, le feu est ordonné; l'artillerie
tonne de toutes parts : les janissaires sont impitoyable-
ment massacrés à coups de boulets. On met le feu aux ca-
sernes qui bordent la place et dans lesquelles courent se
réfugier ceux qui échappent à la mitraille ; on en brûle
plus de 8,000. Le reste fut égorgé partiellement dans les
rues de la capitale. Un hatti-chérif à la date du 17 juin
déclara le corps des janissaires à jamais dissous, abolit
l'ordre des derviches Bektachi, adversaires déclarés de toute
innovation, et frappa même d'anathème le nom de janis-
saire. Des commissions militaires furent établies pour
juger et faire passer par les armes ceux qui avaient pu
échapper à la boucherie du i6; toutes les tentatives ulté-
rieures faites en province par les janissaires pour relever
la tête furent immédiatement étouffées dans le sang. On éva-
lua à 15,000 le
nombre d'indi-
vidus égorgés
dans ces exé-
cutions et à
20,000 ceux
qui furent ban-
nis les jours
suivants.
De l'ancien
corps des ja-
nissaires il ne
reste plus au-
jourd'hui qu'un
vague souvenir
évoqué par
quelques - uns
des cent vingt
mannequins à
têtes et à mains
de bois sculpté,
revêtus des an-
ciens costumes turcs si éblouissants de couleur et si
variés de forme, qui constituent le musée des Elbicè-i-
atiqa^ ce vestiaire rétrospectif du vieil empire ottoman,
situé au fond de la place At-Meïdani, à Conslantinoplc.
La vignette qui accompagne cet article représente, d'après
ce pandémonium décrit il y a quarante ans par Th. tm-
tier (Constantinople, p. 311), un janissaire de fac-
tion à la porte d'un corps de garde, jouant d'une petite
guitare à trois cordes appelée souta (1) ; près de lui est
le balai dont chaque passant était obligé de se servir pour
approprier la rue, à moins qu'il ne préférât se laisser ou
rançonner ou rosser ; (2) un orta-kiâtib ou officier
payeur; (3) un orta-tchaoïich ; (4) un bach-qaraqoul-
louqtchi^ armé d'une gigantesque cuiller à pot qui jouis-
sait du privilège de certains autels anciens : tout* con-
damné à mort qui parvenait à la toucher était gracié de
droit ; (5 et 6) janissaires de corvée portant le qazân ;
(7) saqqa chargé de l'outre à eau. Paul Ravaisse.
BiBL. : RicAOT, Etat présent de l'empire ottoman^ trrde
l'anglais par Briot; Paris, 1670. — Petis de La Croix,
Canon de Suleyman, tr. du turc; Paris, 1725. — Comte de
Marsigli, Etat militaire de VEmpii^e ottoman, ses pro-
grès et sa décadence ; Amsterdam et La Haye, 1732, in-foL,
avec 44 pi. — Juchereau de Saint-Denys , Révolutions
de Constantinople ; Paris, 1814,2 vol. — Mouradjea d'Ohs-
SON, Tableau général de l'empire ottoman; Paris, 1787-90,
2 vol. in-fol., avec 1.S7 pi. — Von Hammer-Purgstall,
Staatsverwaltung des osmanischen Reichs ; Vienne, 1813,
2 vol. — EssAD Efendi, Histoire de la destruction des
janissaires, tr. du turc parCAussiN de Perceval; Paris,
1833. — Brindési, Musée des anciens costumes musul-
mans, 22 planches coloriées; Paris, 1855. — Djévad Bey,
Etat militaire ottoman depuis la fondation de l'Empire
jusqu'à nos jours (en turc), tr. en français par G. Ma-
cRiDÈs ; Paris, 1882, t. 1, avec atlas.
JANISSAIRE (Le). On appelle ainsi l'auteur de mé-
moires fort curieux écrits en polonais vers la fin du xv^ ou
le commencement du xvi® siècle. Ces mémoires, découverts
à Berdytchev, furent publiés pour la première fois à Var-
sovie par Galezowski en 1828. Ils ont été depuis plusieurs
fois réimprimés (Sanok, 4868, 3® éd.). L'auteur n'était
pas Polonais de naissance ; c'était un Serbe, Michel Kons-
tantinovitch (né à Ostrovitsa, en pays serbe), qui avait été
quelque temps janissaire et s'était ensuite établi en Pologne.
Il fournit des renseignements fort intéressants sur la
Russie et la Pologne. Ses mémoires sont le premier docu-
ment historique sérieux en langue polonaise. Ils ont été
traduits en tchèque, en serbe et en latin. L. L.
BiBL. : Zeissberg, Polnische Geschichtsschreibung
des Mittelalters (419-421).
J AN KO VI es DE Zeszenicze (Antoine-Stanislas-Nicolas-
Pierre FouRNiER, baron) homme politique français, né à
Lunéville le 7 juil. 1 763, mort à Versailles le 6 juin 1847.
Préfet de la Meurthe en 1814, il fut élu député de ce dép.
le n août 1815, et réélu en 1820, 1824 et 1827. Il
avait été un des membres les plus ardents de la Chambre
introuvable, puis il en vint à se créer une situation indé-
pendante et déplut fort au gouvernement en présentant
en 1824 sa fameuse proposition obligeant à la réélection
tout député acceptant une place du pouvoir. Rejetée avec
indignation, cette mesure finit plus tard par prévaloir.
JANKOWSKI (Placide) , écrivain polonais, né dans le
gouvernement de Grodno en 1810, mort à Jérovitse en
1872. Son père était prêtre uniate; il suivit la même
carrière tout en se livrant à la littérature. Il s'efforça
comme nouvelliste d'imiter les humoristes anglais et prit
même le pseudonyme de Joh7i ofDycalp (Dycalp est l'ana-
gramme de Placyd).Ses principales œuvres sont: Lettres
cT avant les fiançailles et avant le spleen (S^'ûn^L, 1841) ;
la Bourgade (id., 1841); le Dernier Revenant (id.,
1842); Souvenir d\m Elfe (id., 1843); Récits (id.^
1843); Nouveaux Récits (Leipzig, 1847 ; Bruxelles, 1862);
le Docteur Panteusz (Wilna, 1845; Bruxelles, 1862) ;
Anecdotes (Wilna, 1847) ; les Bons Mots du Staroste
de Kaniow (Varsovie, 1873). Lors de ses débuts, il avait
collaboré avec Kraszevvski. On lui doit en outre un certain
nombre de traductions.
JAN MAY EN. Ile de l'océan Glacial arctique , entre
l'Islande et le Spitzberg, à 550 kil. de la première île, à
l'extrémité du plateau sous-marin qui leur sert de base
commune ; elle est située entre 70^-9^ et 71^9^ lat. N.,
1045^ et 11 «24^ long. 0. Elle a 413 kil. q., 55 kil.
de long du S.-O. au N.-E.; elle se divise en deux mas-
sifs montagneux réunis par une langue de terre basse
de 3 kil. de large; le massif septentrional renferme le
Beerenberg, volcan éteint de 2,904 m. d'alt, d'où descen-
dent plusieurs glaciers ; le massif méridional est un plateau
de 300 m. d'alt. bordé de falaises escarpées; ses plus hauts
sommets ont 500 m. ; sur l'isthme sont le Vogelberg
(150 m.) et la presqu'île faussement appelée île aux (Eufs,
volcan encore actif. L'île entière est de formation volca-
nique et récente, contemporaine des dernières laves islan-
daises. On y remarque à l'E. les baies du Bois flotté et de
Jamieson, séparées par l'île aux OEufs; à l'O. la baie du
Nord ou Anglaise et la baie Marie Muss, séparées par le
cap de la Tour de Brielle ; au N. les deux baies de la
Croix, au S. les baies du Sud et de Guinée; ces enfonce-
ments n'offrent aucun abri aux navires. L'île n'est abor-
dable que par le temps calme, et souvent cachée dans le
brouillard. Elle appartient nominalement au Danemark,
mais est inhabitée ; seuls quelques pêcheurs de phoques
norvégiens et écossais la fréquentent. Elle renferme des
renards polaires, des oiseaux de mer.
— JAINISSAIBE ~ JANNEQUIN
Elle fut aperçue en 1607 par H. Hudson, découverte en
1611 par le Hollandais Jan Mayen; des colons hollandais
qui voulurent s'y installer en 1630 y périrent. En 1882-83,
les Autrichiens y établirent une station météorologique sur
l'isthme, au bord de la baie Marie Muss. A.-M. B.
BiBL. : Die œsterreichlsche Polarstation Jan Mayen;
Vienne, 1886, 3 vol.
JAN MOT (Louis), peintre lyonnais, né en 1815, mort
le l^^juin 1892. Elève de l'école Saint-Pierre à Lyon, il
la quitta pour l'atelier d'Ingres dont l'esthétique devait do-
miner sa carrière. Il y retrouva son ami et compatriote Hip-
polyte Flandrin, son rival dans l'art religieux contempo-
rain pour la suavité de l'expression. Deux des premières
œuvres de Janmot, un Christ au tombeau et la Résur-
rection du fils de la veuve de Naïm (1840), furent très
remarquées à Paris. Mais il ne tardait pas à s'affirmer avec
une composition magistrale, la Cène, à Lyon, où sont des
morceaux du plus grand style, et un tableau, Fleur des
champs (auj. au musée de Lyon) (1845). Vers le milieu
de sa vie, L. Janmot exposa aux Salons, avec maints sujets
religieux, des portraits fort estimés. Parmi ses nombreuses
fresques (à Lyon, à Bordeaux, à Saint-Germain-en-Laye ,
à Toulon, etc.), il faut mentionner le chœur de Saint-
Polycarpe à Lyon, de sa maturité, et une chapelle à Saint-
Etienne-du-Mont, de sa dernière manière. Il subissait
depuis quelque temps l'influence de Delacroix, celle aussi
du paysagiste dauphinois Ravier. Une importante suite de
trente-quatre compositions symboliques, le Poème de
l'dme, que Janmot mettait au premier rang de son œuvre,
occupa plus de dix années de sa meilleure époque. Il la
divulgua même en un album photographique accompagné
de poésies correspondantes (Saint-Etienne, 1881, in-4).
Très inégale, cette série d'épisodes mystiques lui a néan-
moins inspiré quelques-unes de ses œuvres parfaites, des
dessins d'un style souple et serré, enfermant les plus
chastes inspirations de notre art religieux. Profondément
pénétré, comme Flandrin, du mysticisme lyonnais, s'il a
moins constamment que celui-ci la discipline, il a plus que
lui l'imagination. Leurs œuvres s'associent pour témoigner
d'un même idéal. Janmot avait publié en 1887 un ouvrage
important. Opinion d'un artiste sur l'art, pour exposer
sa doctrine. Paul Mariéton.
JAN NÉE (Alexandre), roi et grand prêtre juif (V.
Alexandre, t. II, p. 98).
J A N N EQ Ul N (Clément) , compositeur français du xvi*^ siè-
cle. On ne sait rien de sa biographie. Dans la dédicace
d'un de ses ouvrages, imprimé en 1559, il se dit « en povre
vieillesse vivant ». Quelques auteurs l'ont désigné sans
preuves comme élève de Josquin Deprés. Les plus anciennes
de ses compositions connues sont deux chansons à quatre
voix imprimées en 1529 dans deux recueils d'Attaingnant ;
l'une de ces deux compositions est la chanson des Cris de
Paris, où se révèle pour la première fois le génie descrip-
tif de Jannequin et sa verve comique. Peu d'années après
parut chez Attaingnant le recueil : Chansons de maistre
Clément Jannequin nouvellement et correctement im-
prinieez. La Bibliothèque nationale en possède un exem-
plaire complet. On y trouve cinq morceaux : « Reveillez-
vous, cueurs endormis » (chanson dite le Chant des
oiseaux) ; « Escoutez tous, gentilz gallois » {la Guerre,
appelée aussi la Bataille ou la Défaite des Suisses à la
bataille de Marignan) ; « Gentilz Veneurs » {la Chasse) :;
« Or sus, vous dormez trop » {le Chant de l'alouette),
et « Las povre cueur ». Le succès de ces morceaux d'une
originalité saisissante s'affirma par de nombreuses éditions :
Tilman Susato imprima la Bataille, la Chasse et le Chant
des oiseaux dans son Dixiesme Livre des chayisons (An-
vers, 1545). Nicolas Duchemin, à Paris, en 1551, pu-
bUa de Jannequin, dans son Cinquiesme Livre durecueil,
le Chant des oiseaux, le Chant du rossignol, le Chant
de V alouette, la Guerre (ou la Bataille), la Prise et la
Rédiiction de Boulogne, la Meunière de Vernon. En
1555, Duchemin réimprima les mêmes pièces en deux livres
JANNEQUIN — JANSÉNISME —
sous le titre à' Inventions musicales de maistre Clément
Janneqain. Elles reparurent en J559 chez Le Roy et
Ballard, dans le Verger de musique où figurent, en outre,
quatre nouveaux morceaux du même genre : « Or sus,
branles la teste » ou la Bataille de Metz ; le Caquet des
femmes^ la Jalousie et la Bataille de Benty. De toutes
ces chansons, la plus estimée semble avoir été celle de la
Guerre, on la Bataille de Marignan, sur laquelle Janne-
quin lui-même écrivit une messe insérée en 1530 dans le
Liber decem missarum de J. Moderne. Tous les luthistes
du XVI® siècle s'escrimèrent à la jouer sur leur instrument.
Verdelot y ajouta une cinquième voix facultative. En notre
siècle, cette célèbre chanson a retrouvé, d'abord dans les
exercices de l'école de Choron, puis de nos jours dans les
concerts de l'école Niedermeyer, de la Société Bourgault-
Ducoudray et des chanteurs de Saint-Gervais, une partie
de la vogue dont elle avait joui à la cour de François I^''.
Si les morceaux descriptifs de Jannequin montrent le côté
le plus personnel, le plus nouveau, le plus intéressant de
son talent et de son esprit tout français, ils ne représen-
tent qu'une petite part de son œuvre, qui comprend un
très grand nombre d'autres chansons à plusieurs voix. On
cite de lui un recueil de Sacrœ Cantiones seu motectœ
quatuor vocum (Paris, 1533). Avec sa messe sur la Ba-
taille, il a écrit une mesi^e super l'aveugle Dieu, imprimée
en 1554 dans le recueil de Duchemin, Missœ duodecim.
Vers la fin de sa vie, Jannequin parut abandonner les sujets
mondains et souvent plus que profanes qu'il avait affec-
tionnés. Il fit paraître en 1558 chez Le Roy et Ballard un
livre de Proverbes de Salomon mis en cantiques et
rymes françoises selon la vérité hébraïque, nouvelle-
ment composés en musique à quatre parties. Puis, en
1559, Octante deux Psaumes de David, traduits en
rhytkme finançais par CL Marot et autres, avec plu-
sieurs cantiques nouvellement composés en musique à
quatre ])arties. Ces deux ouvrages ont fait supposer que
Jannequin avait embrassé le protestantisme. M. Brenet.
JANNET (Claudio), économiste français, né à Paris le
22 mars 1844. Avocat à Aix, docteur en droit, il devint
professeur d'économie politique à l'université catholique de
Paris. Il appartient à l'école de Le Play. Citons parmi ses
œuvres : Etude sur la loi Voconia (Paris, 1867, in-8) ;
De VEtat présent et de V avenir des associations coopé-
ratives (1867, in-8) ; F Internationale et la question
sociale (1871, in-8) ; les Résultats du partage forcé des
successions en Provence (1871, in-8) ; les Institutions
sociales elle droit civil à Sparte (1874, in-8); les
Etats-Unis contemporains {\'èl^,m'i^\ 4^ éd., 1888,
2 vol. in-8); les Sociétés secrètes (1876, in-32) ; le
Crédit populaire et les Banques e7i Italie (\ 885, in-8) ;
les Précurseurs de la franc-maçonnerie (1 887, gr. in-8) ;
les Faits économiques et le mouvement social en Italie
(1889, in-8); le Socialisme d'Etat et la réforme so-
ciale (1889, in-8) ; le Capital, la spéculation et la
finance au xix"^ siècle (1892, in-8).
JANNEYRIAS. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Vienne,
cant. de Meyzieux; 546 hab.
JANOCKI (Jean-Daniel), bibliographe polonais, né à
Birnbaum (Posnanie) en 1729, mort à Bomst le 29 sept.
1786. Fils d'un Allemand du nom de Janisch, il se
convertit au catholicisme, devint bibliothécaire d'André
Zaluski et publia sous le titre de Janociana (Varsovie,
1776-79, 2 vol. ; suppl. par Linde, 1819) un vaste re-
cueil renfermant de nombreuses notices sur les anciens
écrivains polonais.
JANOV. Nom de deux villes de la Pologne russe: l'^gouv.
de Lublin, sur la Bjela, 7,000 hab. ; 2» gouv. de Sjedlec,
sur le Boug, 3,000 hab., haras impérial.
JANOV (Mathias de), théologien tchèque du xiv« siècle,
mort en 1394. Il fut l'élève de Milic de Kromèriz, l'un des
précurseurs de Jean Hus. Après avoir étudié la théologie
à Prague, il passa à l'université de Paris. Aussi est-il
souvent désigné sous le nom de magister parisiensis.
De 1381 à 1394 il fut chanoine à la cathédrale de Prague.
Il écrivit un certain nombre d'ouvrages de théologie qui
frayèrent la voie aux doctrines de Hus.
BiBL. : V. Jean Hus.
JÂNOWSKI (Jean-Népomucène), publiciste polonais, né
à Konopisky en 1803, mort en France. Il était bi-
bliothécaire de la Société des amis des sciences lorsque
éclata la révolution de 1836, Il rédigea pendant la révo-
lution la Gazette polonaise,^ émigra ensuite en France et
appartint au parti démocratique. Outre de nombreux ar-
ticles et des brochures polonaises, il a écrit en fran-
çais : Considérations sur la nationalité française au
wm^ siècle; les Derniers Moments de la Révolution de
Pologne en i83i.
JANS. Com. du dép. de la Loire-Inférieure, arr. de
Châteaubriant, cant. de Derval; 1,741 hab.
JANS (Jean), tapissier du xvu^ siècle, né à Audenarde
(Belgique). Cet artiste quitta son pays avec plusieurs
de ses concitoyens pour venir s'établir à Paris. Il y était
depuis plusieurs années et s'était fait connaître par son
habileté textile, quand il fut nommé maître tapissier du
roi (1654). Il dirigea plus tard, aux Gobelins, l'atelier de
haute hsse le plus renommé, et il y employait soixante-sept
ouvriers, sans compter les apprentis, qui tous travaillaient
sous ses ordres. Lorsque la maison des Gobelins fut trans-
formée en manufacture royale, les ouvrages de Jans étaient
payés à un prix supérieur aux sommes allouées aux ateliers
de ses travaux, et il a inscrit son nom sur les plus belles
tentures commandées par le roi, notamment sur celles
qui représentent l'histoire du monarque. Jans fut remplacé
en 1691 par son fils qui conserva la direction d'un atelier
de haute lisse aux Gobelins, jusqu'en 1731. On lui doit
l'exécution des belles portières des Dieux, d'après Audran;
mais, bien qu'il ait conservé fidèlement les traditions artis-
tiques de son père, il n'en dut pas moins céder aux exi-
gences des peintres dont les cartons tendaient à s'éloigner
des vigoureuses compositions décoratives de Lebrun.
BiBL. : E, MuNTz, la. Tapisserie. — J.-J. Guiffrey, His-
toire de la Tapisserie,
JANSA (Léopold), violoniste et compositeur, né à Wil-
denschwert (Bohême) en 1797, mort à Vienne le 25 janv.
1875. Fixé à Vienne en 1825, il fut nommé violoniste de
la chapelle impériale et directeur de musique à l'université.
Ses séances de quatuors étaient assidûment fréquentées et
vantées pour la perfection de l'exécution. En 1849, Jansa
ayant donné à Londres un concert au bénéfice des exilés
hongrois, le séjour de Vienne lui fut interdit. Il demeura
en Angleterre jusqu'à 1868, époque à laquelle une amnis-
tie lui permit de retourner en Autriche. Jansa a publié
quatre concertos pour violon et orchestre, huit quatuors, de
nombreuses fantaisies et sonates, et plusieurs recueils de
duos pour deux violons.
JANSAC. Com. du dép. delà Drôme, arr. de Die, cant.
de Luc-en-Diois ; 107 hab.
JANSÉNISiVIE. Les théologiens orthodoxes définissent le
jansénisme : un système hérétique sur la grâce, le libre
arbitre, la prédestination, le mérite des œuvres et le bien-
fait de la rédemption. Nous en avons indiqué l'origine aux
mots Bâius, Du Vergier de Hauranne (Jean), Jânson
(Jacques), Lessius, Molina. — Dans le célèbre livre que
ses éditeurs testamentaires intitulèrent Augustinus Cor-
nelii Jansenii, episcopi, seu doctrina sancti Augustini
de humanœ naturœ sanitate, œgritudine, medicina,
adversus Peligianos et Massilienses, tribus tomis com-
prehensa (Louvain, 1640, in-foL; Paris, 1641; Rouen,
1652), Jansenius avait entrepris d'exposer la doctrine de
saint Augustin. Or, comme nous l'avons dit à propos de
Baius et de Gotteschalk, il y a beaucoup de choses, des
choses différentes et même contraires, dans saint Augustin,
qui a rédigé lui-même de nombreuses rétractations de ses
propres opinions, et dont l'autorité a été alléguée tour à
tour par les catholiques et parles hérétiques. Quand il com-
bat les manichéens, qui estimaient essentiellement mau-
— 9 —
JANSENISME
vaise la nature de l'homme, il laisse à la liberté et aux
iacultés humaines une part qui peut être accommodée à la
doctrine traditionnelle du catholicisme. Mais, quand il com-
bat les pélagiens, qui lui opposaient les qualités naturelles
et la liberté de l'homme, et généralement toutes les fois
qu'il expose ingénument son propre sentiment, tout en gar-
dant le nom de hberté, il réduit l'homme à une impuis-
sance telle, qu'elle rend vains tous les efforts de sa volonté,
et qu'elle l'asservit à une grâce nécessaire, d'autant plus
voisine de la fatalité, que dans le système qu'il développa
en la lutte contre les pélagiens, la prescience divine équivaut
à la prédestination. En effet, par suite du péché d'Adam,
l'humanité est devenue une masse corrompue (massa per-
ditionis)^ absolument incapable par elle-même, non seule-
ment de faire, mais de vouloir le bien, par des motifs
agréables à Dieu. Dans cet état, tout ce qu'elle veut est un
péché. Tous les hommes sont hbres, mais seulement de
pécher, et dans la manière de pécher : aucun d'eux ne peut
être sauvé, sinon par le bénéfice d'une disposition spéciale,
gratuite et irrésistible {insuper abiliter et indeclinabi-
liter), que nul désir ou nul acte de sa part n'a la vertu
de mériter ou de provoquer, mais qui, après avoir pré-
venu la volonté des élus^ les soutient dans leurs résolu-
tions et les aide à agir, pour achever en eux l'œuvre de
l'élection. Ne pas comprendre un homme dans ce décret
d'élection, c'est le mettre hors de la grâce qui, seule, peut
sauver ; c'est le laisser incurablement réduit à un état per-
manent du péché, et implicitement le prédestiner à la dam-
nation. En fait, l'Eglise catholique n'a jamais admis cette
doctrine, parce qu'elle atténue désastreusement la valeur
des œuvres, et que cette valeur constitue le plus riche tré-
sor de l'Eglise. Quand l'augustinisme lui est présenté en la
personne de saint Augustin, elle s'incline; mais, quand il
est représenté par des docteurs moins inviolables, elle les
condamne sévèrement.
Jansenius avait lu dix fois tous les ouvrages de saint
Augustin et trente fois ses écrits contre les pélagiens;
d'ailleurs son ouvrage était dirigé contre le pélagianismeet
le semi-pélagianisme. Il semble inutile de dire dans quels
écrits de saint Augustin il avait cherché la doctrine de ce
Père de l'Eglise, et ce qu'il y avait trouvé. Son gros livre,
qui résume vingt-deux années de travail, est divisé, comme
le titre l'indique, en trois parties : I. Historiqne de l'hé-
résie de Pelage et de ses continuateurs ; IL Exposé de la
doctrine de saint Augustin sur la nature de Phomme, dans
son état de pureté primitive, puis dans son état de dégra-
dation depuis la chute d'Adam ; III. Sentiments du même
docteur sur la grâce et sur la prédestination des anges et
des hommes. Dès son apparition, les jésuites l'attaquèrent
bruyamment, les partisans de Jansenius le défendirent de
même. Un décret de l'Inquisition (22 mars 1641) prescri-
vit vainement le silence aux uns et aux autres . Par bulle
du 6 mars 1642, Urbain VIIÏ condamna VAugustinus^
comme ayant été publié sans l'autorisation du saint-siège
et comme renouvelant des propositions de Baius condam-
damnées par Pie V et Grégoire XllI. Mais ce fut seulement
le 2 janv. 1644 que cette bulle fut portée à la faculté de
théologie de Paris, avec une lettre de cachet du roi, enjoi-
gnant de la recevoir, selon l'intention du pape. La faculté
fit défense à tous les bacheliers de soutenir ou d'approuver
les propositions condamnées; mais elle différa l'enroËfis-
trement de la bulle, parce qu'elle visait des décrets de l'In-
quisition, dont l'autorité n'était pas reconnue par l'Eglise
gallicane. Quelques jours auparavant, Isaac Habert, alors
théologal de l'Eglise de Paris, depuis évêque de Vabres,
avait commencé à attaquer VAugmti7ius dans des sermons
prêches à Notre-Dame. Plusieurs historiens prétendent qu'en
agissant ainsi, Habert obéissait aux ordres de Richelieu ;
mais Richelieu était mort depuis un an. Antoine Arnauld
répondit par une Apologie de M. Jansenius ; Habert ré-
pliqua par une Défense de la foi^ à laquelle Arnauld op-
posa une seconde Apologie^ puis une troisième, ayant pour
litre Apologie pour les saints Pères. Habert ne répondit
plus, mais il composa un ouvrage dans lequel il établissait,
d'une manière très pertinente, que la doctrine des Pères
grecs est unanimement contraire au système de VAugus-
tinus.
Le l^^juil. 1649, Nicolas Cornet, docteur delà maison
de Navarre, syndic de la faculté de théologie, présenta à
l'assemblée six propositions dont les cinq premières résu-
maient ce que lui et des docteurs vénérables prétendaient
avoir trouvé de plus contraire à la foi dans le livre de
Jansenius. Un autre docteur, Sainte-Beuve, proposa d'y
ajouter une septième. Les deux dernières propositions con-
cernaient le sacrement de Pénitence ; il n'en fut plus ques-
tion dans la suite. Malgré Popposition de Louis de Saint-
Amour, une commission fut nommée pour examiner les pro-
positions incriminées. Soixante docteurs appelèrent comme
d'abus contre cette décision, et obtinrent du parlement
(5 oct.) un arrêt défendant d'agiter cette matière jus-
qu'à ce que la cour en eût autrement ordonné. Les commis-
saires furent intimidés par cette procédure. Après avoir
désavoué devant le parlement la censure qu'ils avaient
préparée, ils conclurent, et la faculté résolut qu'on ne pas-
serait point outre à l'examen des propositions, parce qu'il
y avait été pourvu par les ordonnances ecclésiastiques et
qu'il suffisait au syndic de les exécuter. Mais Passemblée
du clergé (mai 1650) adoptaune lettre qui avait été rédigée
par Habert et qui fut signée par quatre-vingt-cinq évêques
auxquels trois autres s'adjoignirent dans la suite. Afin de
mettre fin aux divisions et aux querelles qui troublaient
PEglise, les évêques sollicitaient un jugement souverain du
pape sur les cinq premières propositions dénoncées par Cor-
net. Ils rappelaient que Jansenius, proche delà mort, avait
soumis son ouvrage au jugement du saint-siège. En effet,
le 6 mai 1638, une demi-heure avant de mourir, il avait
dicté un testament, par lequel il léguait le manuscrit de
VAugustinus à Réginald, son chapelain, le chargeant de
le publier conjointement avec deux autres amis. Ce testa-
ment finissait ainsi : « Je sens que des changements se-
raient difficiles. Cependant, si le saint-siège exige quelques
changements, je suis un fils obéissant et soumis à PEglise,
dans laquelle j'ai vécu jusqu'à mon lit de mort. » Il avait
même eu la pensée de dédier son livre au pape ; sa lettre,
supprimée par Calenus et Fromond, fut publiée plus tard
par Condé, entre les mains duquel elle était tombée. Dans
son Augustinus (Prœmium, c. xxix ; Epilogus, édition
de Rotterdam, t. III, p. 445), il avait écrit : « Je veux
vivre et mourir dans la communion du successeur du prince
des Apôtres, ce vicaire de Jésus-Christ, ce chef des pas-
teurs, ce pontife de l'Eglise universelle. J'adopte tout ce
qu'il prescrit ; je rejette, je condamne, j'anathématise tout
ce qu'il rejette, condamne et anathématise. Je ne me flatte
point d'avoir bien saisi partout le sens de saint Augustin. Je
suis un homme, sujet à Perreur comme les autres hommes,
et j'abandonne mon ouvrage au jugement du saint-siège et
de l'Eglise romaine, ma mère. Dès ce moment, j'accepte,
je rétracte, je condamne et anathématise tout ce qu'elle
décidera /juc je dois accepter, rétracter, condamner ou ana-
thématiser. »
Dès le 12 août 1651, une congrégation spéciale, com-
posée de cinq cardinaux et de treize consulteurs, fut ins-
tituée à Rome, pour connaître des cinq propositions soumises
au jugement du saint-siège. Elle procéda d'abord avec len-
teur, attendant Parrivée des députés de France. Ceux des
jansénistes arrivèrent les premiers. Le lOjuil., ilsremirent
au pape une lettre signée de onze évêques : L.-//. de Gon-
drin^ archevêque de Sens; B, d'Elbène, évêque d'Agen;
Gilbert de Choiseul. évêque de Comminges ; Le Baron,
évêque de Valence et de Die ; A. d'Elbène, évêque d'Or-
léans; Bernard y évêque de Saint-Papoul ; /.-//. de Sa-
lette, évêque de Lescar ; Félix , évêque de Châlons ;
François, évêque d'Amiens; Henry, évêque d'Angers,
Nicolas, évêque de Beauvais. Ils priaient le pape de dé-
cliner Pinstance de leurs quatre-vingt-huit collègues ; pour
trois raisons principales : 1<* parce que les propositions
JANSENISME
10 -
dénoncées ayant été faites à plaisir et composées de termes
ambigus et équivoques, pour rendre odieuses certaines per-
sonnes et exciter des troubles, la décision dont elles seraient
l'objet, n'atteignant pas la réalité des faits, ne mettrait
point fin aux disputes ; 2^ parce que les questions de la
grâce et de la prédestination divine sont pleines de diffi-
cultés, et qu'elles ne s'agitent d'ordinaire qu'avec de vio-
lentes contestations; 3<* parce que, suivant l'ordre légitime
des jugements de l'Eglise universelle, joint à la coutume
observée dans l'Eglise gallicane, les causes concernant la
foi ne devaient être portées à Rome qu'après avoir été
examinées et jugées en France par un concile d'évêques.
Dans tous les cas, ils demandaient qu'on opérât comme
dans l'ancienne congrégation De auxiliis^ en entendant
contradictoirement les parties. Malgré cette intervention,
la congrégation poursuivit son œuvre, admettant les dépu-
tés des parties à présenter leurs moyens et arguments,
mais séparément et sans débat contradictoire. L'instruction
dura deux ans et quelques mois. Le 9 juin 4653, après
quarante-cinq séances, dont les dix dernières avaient été
présidées par Innocent X en personne, fut publiée la bulle
Cum occasione (datée du 31 mai), qui condamnait les
cinq propositions suivantes, formulées dans les termes
mêmes que Cornet avait présentés à la faculté de Paris :
I. Quelques commandements de Dieu sont impossibles
à des hommes justes qui veulent les accomplir, et qui
font à cet effet des efforts suivant les forces qu'ils ont
alors: la grâce qui les leur rendrait possibles leur
manque. Cette proposition, littéralement extraite du livre
de Jansenius, était déclarée téméraire, impie, blasphéma-
toire, frappée d'anathème. IL Dans Vétat de la nature
corrompue, on ne résiste jamais à la grâce intérieure.
Cette proposition n'est pas mot pour mot dans VAugus-
tinus, mais la doctrine qu'elle exprime y est en vingt en-
droits. Condamnée comme hérétique. III. Pour mériter et
démériter, dans Vétat de la nature corrompue, on n'a
pas besoin d'une volonté exempte de la nécessité d'agir ;
il suffit d'avoir une liberté exempte de contrainte.
Condamnée comme hérétique. Jansenius avait écrit : « Une
œuvre est méritoire ou déméritoire lorsqu'on la fait sans
contrainte, quoiqu'on ne la fasse pas sans nécessité. »
IV. Les semi-pélagiens admettaient la nécessité d'une
grâce intérieure et prévenante pour chaque action en
particulier ; et ils étaient hérétiques en ce qu'ils pré-
tendaient que cette grâce était de telle nature, que la
volo7ité de l'homme avait le pouvoir d'y résister ou d'y
obéir. La première partie de cette proposition fut condam-
née comme fausse, la seconde comme hérétique. V. C'est une
erreur des semi-pélagiens de dire que Jésus-Christ est
mort ou qu'il a répandu son sang pour tous les hommes
sans exception. La bulle déclare cette proposition fausse,
téméraire, scandaleuse ; et, si on l'entend en ce sens que
Jésus-Christ soit mort pour le salut seulement des prédes-
tinés, elle la condamne comme impie, blasphématoire, in-
jurieuse, dérogeant à la bonté divine, et hérétique. Janse-
nius avait écrit que les Pères, bien loin de penser que
Jésus-Christ soit mort pour le salut de tous les hommes,
ont regardé cette opinion comme une erreur contraire à la
foi caholique ; que le sentiment de saint Augustin est que
JésustChrist n'est mort que pour les prédestinés, et qu'il
n'a pas plus prié pour le salut des réprouvés que pour le
salut des démons {De gratia Christi, 1. III, en).
En France, le nonce remit au roi une copie de la bulle,
avec un bref du pape. Le 11 juil., Mazarin réunit chez lui
trente évêques qui se trouvaient à Paris. Il s'en trouvait
toujours un bon nombre, en ces temps où l'on pratiquait
fort peu la résidence. Leur sentiment fut unanime pour la
réception et l'observation de la bulle ; ils écrivirent au pape
pour le remercier. Quatre jours après, ils adressèrent à tous
les archevêques et évêques une lettre qui leur fut envoyée
avec des lettres patentes du roi autorisant la publication de
la bulle. Ce qui en faisait une loi du royaume. Elle fut reçue
partout sans résistance. Dans ses assemblées du mois d'août
et du mois de septembre, la faculté de Paris en vota l'en-
registrement à l'unanimité; elle députa vingt docteurs pour
remercier le roi de l'avoir obtenue, et lui répondre des sen-
timents de toute la compagnie. — Les jansénistes eux-
mêmes acceptèrent extérieurement la constitution d'Inno-
centX ; mais, pour en éluder les conséquences, ils se hvrèrent
à des simulations et dissimulations, évasions et distinctions
qui auraient fort joliment animé la verve de Pascal, si elles
avaient été commises par des jésuites. Le Journal de Saint-
Amour (1662, in-fol.) et leur correspondance intime at-
testent l'irritation et le mépris que la bulle excitait chez
eux. Cependant ils protestaient qu'ils se soumettaient sin-
cèrement à la décision du pape ; qu'ils tenaient comme lui
les cinq propositions pour de véritables hérésies, et qu'ils
les condamnaient dans le mauvais sens qu'il y avait con-
damné. Mais, afin de ne pas renier VAugustinus, ils sou-
tinrent que les propositions censurées ne se trouvaient point
dans ce livre ; et, d'ailleurs, qu'elles n'étaient pas condam-
nées dans le sens de Jansenius, mais dans un sens faux
qu'on avait mal à propos attribué à ses paroles ; que sur
ce fait le pape avait pu se tromper. C'est ce qu'on a ap-
pelé la distinction des sens, la question de fait et la
question de droit. Ces distinctions ruinaient toute la dis-
cipline de l'Eglise catholique. En effet, il est étrange de
reconnaître à une autorité la faculté de définir souveraine-
ment une doctrine, et de lui contester le discernement né-
cessaire pour constater que cette doctrine est contredite par
tel ou tel livre, tel ou tel discours, tel ou tel acte. En ma-
tière d'hérésie, la question de droit ou de dogme est tou-
jours inséparablement liée à une question de fait. En matière
de livres, ce serait inutilement que l'Eglise les condamne-
rait et en interdirait la lecture, si la distinction janséniste
était admise ; les fidèles pourraient s'obstiner à les lire, sous
le prétexte que les erreurs que l'Eglise a cru y découvrir
n'y sont pas, et que l'auteur a été mal entendu. En toute
matière, les ordonnances seraient vaines, s'il était permis
à ceux qui doivent y obéir de ne les accepter que dans un
sens différent de celui que les mots présentent naturelle-
ment à l'esprit. Les jansénistes étaient forcés de convenir
avec leurs adversaires que le sens dans lequel les cinq
propositions sont condamnées est bien le sens propre, na-
turel et littéral qu'elles ont suivant la signification ordi-
naire des termes qui les composent. Eux-mêmes, avant la
condamnation, les soutenaient en ce sens-là, qu'ils préten-
daient orthodoxe, l'attribuant à Jansenius. C'est en ce sens
qu'elles furent défendues dans les congrégations romaines
par les quatre consulteurs qui avaient pris parti pour elles ;
et c'est en ce sens aussi que des hommes d'une intelligence
et d'une sincérité incontestables, comme le savant orato-
rien Thomassin, confessaient, après avoir abandonné le
jansénisme, qu'ils avaient entendu et compris la doctrine
de VAugustinus.
Le 9 mars 1654, une assemblée des évêques présents à
Paris, réunie au Louvre, nomma des commissaires afin de
considérer les diverses interprétations et autres éva-
sions inventées pour rendre inutile la constitution.
Cette commission se composait de quatre archevêques :
B. Bouteillier, de Tours; G. d'Aubusson, ^'Embrun;
P. de Marca, de Toulouse ; F. de Harlay, de Rouen, et
des évêques d'Autun, de Montauban, de Rennes et de
Chartres. Elle examina attentivement les textes de Janse-
nius se rapportant à chacune des cinq propositions, et elle
prit connaissance des mémoires présentés par les jansénistes.
Le 24', dans une séance présidée par le cardinal Mazarin,
elle présenta son rapport, déclarant que les cinq proposi-
tions censurées sont comprises, sans aucune supposition,
dans le livre de Jansenius, et que loin d'altérer ou d'ag-
graver la doctrine qui y est contenue, elles n'en expri-
ment pas suffisamment le venin. Ce rapport rappelait que
les condamnations se font suivant la signification propre des
paroles et suivant le sens de l'auteur qui a enseigné une
doctrine incriminée, et non pas en un double sens, dont
l'un pourrait être catholique et l'autre hérétique. En con-
— 11 —
JANSENISME
séquence, il concluait que les cinq propositions étaient con-
damnées dans leur sens propre, qui était le sens de Janse-
nius. Ces conclusions furent adoptées dans une séance tenue
le 28, en laquelle l'assemblée, statuant, par voie de juge-
ment, sur les pièces produites de part et d'autre, décida
que la constitution d'Innocent X avait condamné les cinq
propositions comme étant de Jansenius et dans le sens de
Jansenius. Par bref du 29 sept., le pape félicita l'assem-
blée de sa décision, et déclara formellement qiiHl avait
condamné la doctrine de Cornélius Jansenius contenue
dans son livre intitulé Augustinus. L'année suivante
(20 mai 1655), les évêques, convoqués à Paris pour l'as-
semblée générale du clergé de France, résolurent d'adres-
ser à tous les évêques du royaume une lettre commune les
conviant à faire signer la bulle et le bref par tous les cha-
pitres, par tous les recteurs des universités et par toutes
les communautés, tant séculières que régulières, exemptes
et non exemptes ; par les curés et par ceux qui étaient ou
seraient pourvus de bénéfices dans leurs diocèses, et géné-
ralement par toutes les personnes qui étaient sous leur
charge, de quelque qualité et condition qu'elles fussent.
Le confesseur du duc de Liancourt, de la paroisse de
Saint-Sulpice, lui refusant l'absolution à moins qu'il ne don-
nât des marques d'une soumission parfaite à la bulle, et
qu'il ne rompît ses liaisons avec les jansénistes, Arnauld
publia sur ce cas une lettre adressée à une personne de
condition (24 févr. 1655). Il la fit suivre d'une seconde
{Lettre de M. Arnauld^ docteur de Sorbonne, à un duc
et pair de France^ pour servir de réponse à plusieurs
écrits publiés contre sa première lettre^ sur ce qui est
arrivé à un seigneur de la cour dans une paroisse de
Paris). Cette lettre, datée de Port-Royal-des-Champs
(10 juil. 1655), fut déférée à l'examen de la faculté de
théologie par Denis Guyard, alors syndic, comme contenant
deux propositions passibles de censure : I. Les cinq pro-
positions n'ont été soutenues par personne ; elles ont
été forgées par les partisans des sentiments contraires
a saint Augustin. En les attribuant à Jansenius^ on
impose des hérésies à un évêque catholique qui a été
très éloigné de les enseigner. Ayant lu avec soin le
livre de Jansenius et n'y ayant point trouvé ces p7V-
positions, M. Arnauld et ses amis ne peuvent déclarer
en conscience qu'elles y sont. — II. La grâce, sans la-
quelle on ne peut rien, a manqué a un juste, en la
personne de saint Pierre, dans une occasion oii Von ne
peut pas dire qu'il n'ait pas péché. Cette dernière pro-
position renouvelait et aggravait, en la précisant, la pre-
mière des cinq propositions condamnées par la bulle. Les
débats de cette affaire, dans laquelle Arnauld et ses amis
épuisèrent toutes les subtilités de la théologie et de la pro-
cédure, et usèrent de tous les moyens imaginables d'obs-
truction, durèrent du 4 nov. 1655 au 29 janv. 1656, et
occupèrent environ quarante séances de la faculté. Le
14 janv., la première proposition fut censurée par 130 doc-
teurs, comme téméraire, scandaleuse, injurieuse au
pape et aux évêques, et donnant lieu de renouveler la
doctrine de Jansenius précédemment condamnée.
76 docteurs avaient émis des avis plus ou moins favorables
à Arnauld. Le 29 janv., la deuxième proposition fut décla-
rée, par 127 docteurs, impie, téméraire, blasphématoire.,
frappée d'anathème et hérétique. Avant la fin de cette
dernière séance, les amis d'Arnauld s'étaient retirés, de
sorte qu'il n'y eut point d'avis contraire. Un arrêté du même
jour enjoignit à Arnauld de se soumettre à la censure en
la souscrivant dans la quinzaine, sous peine d'être retran-
ché du corps de la faculté et rayé du catalogue de ses doc-
teurs. On prescrivit cette signature à tous les docteurs et
officiers de la faculté; ceux qui la refusèrent furent exclus.
Depuis ce temps jusqu'à la Révolution, la faculté exigea
cette souscription et celle du formulaire du pape, dont il
est parlé plus bas, de tous ceux qui se présentaient pour les
examens du baccalauréat. Au commencement de l'instance,
Arnauld, après avoir vainement réclamé l'intervention du
parlement, avait prétexté, pour se soustraire à l'examen de
la faculté, un appel au pape, contrairement à Popinion pré-
cédemment émise par les jansénistes, à propos des cinq pro-
positions, que les causes de ce genre ne devaient êlre por-
tées à Rome qu'après avoir été jugées en France. Après sa
condamnation, il se garda bien de donner suite à son appel.
— Ce fut à l'occasion de cette affaire que Pascal commença
la publication de ses Lettres à un provincial. Elle est
présentée dans les trois premières et les quatre dernières,
avec beaucoup d'esprit et peu d'exactitude. Les autres lettres
ont trait aux jésuites. En les écrivant, il semble que Pas-
cal avait pour but d'assurer aux jansénistes l'appui des en-
nemis des jésuites ; elles eurent pour résultat de procurer
momentanément aux jésuites la bienveillance ou au moins
l'indulgence des adversaires, alors très nombreux et très
puissants, du jansénisme.
Le 1<^^ et le 2 sept. 1656, l'assemblée générale du clergé,
composée de 40 évêques et de 17 députés du second ordre,
trancha la question de fait, en déclarant que, avec la même
autorité que pour les matières de foi, l Eglise juge des
questions de fait qui sont hiséparables de ces matières
ou des mœurs générales de l'Église, Elle adopta un for-
mulaire pour l'acceptation de la bulle d'Innocent X, et
l'adressa à tous les évêques du royaume, les invitant à s'en
servir, afin de rendre l'exécution de la bulle uniforme dans
tous les diocèses ; puis elle décida que les évêques qui né-
gligeraient de faire souscrire la bulle et le bref d'Innocent X
ne seraient plus reçus dans les assemblées générales, pro-
vinciales ou particulières du clergé. Alexandre YII succé-
dait à Innocent X depuis le 7 avr. 1655. Informé de ce qui
se passait en France, il fit une constitution reproduisant et
confirmant celle d'Innocent X ; il y appelait « perturba-
teurs du repos public, enfants d'iniquité, ceux qui avaient
l'audace de soutenir que les propositions censurées ne se
trouvent point dans le livre de Jansenius, mais qu'elles ont
été forgées à. plaisir ou qu'elles n'ont point été condamnées
dans le sens de l'auteur » (16 oct. 1656). Cette constitution
fut reçue le 17 mars 1657 par l'assemblée générale, à la-
quelle les prélats présents à Paris et qui n'en faisaient point
partie avaient été invités à s'adjoindre. Le formulaire qui
devait être signé dans tous les diocèses fut définitivement
arrêté en ces termes : Je me soumets sincèrement à la
constitution du pape Innocent X, du SI mai i653,
selon le véritable sens qui a été déterminé par la cons-
titutio7i de notre saint père Alexandre Vil du i6 oct.
i656. Je reconnais que je suis obligé, en conscience,
d'obéir à ces constitutions ; et je condamne, de cœur et
de bouche, la doctrine des cinq propositions de Corné-
lius Jansenius, contenues dans son livre intitulé Au-
GusTiNus, que ces deux papes et les évêques ont con-
damnées : laquelle doctrhie n'est celle de saint Augus-
tin, que Jansenius a mal expliquée, contre le vrai sens
de ce saint docteur.
Ces mesures n'eurent guère d'autre résultat que de sus-
citer des écrits exprimant les protestations des jansénistes
sur la question de fait. Les plus importants furent deux ou-
vrages d'Arnauld : Cas proposé par un docteur touchant
la constitution d'Alexandre VU et le formulaire du
clergé; — Réflexions sur l'avis de Mgr d'Aleth (cet
évêque estimait alors qu'on pouvait et qu'on devait signer
le formulaire). Deux œuvres latines sous le pseudonyme de
Paul Irénée et de Guillaume Wendbrock : la première (Dis-
qîiisitiones Pauli Irenœi) justifiant Jansenius en niant le
fait ; la seconde, attribuée à Nicole, contenant une traduc-
tion des Lettres de Pascal, avec notes et mémoires. Le
13 déc. 1660, le roi fit appeler au Louvre les prélats pré-
sidents^ de l'assemblée générale du clergé, alors réunie à
Paris ; il leur dit qu'il désirait qu'ils s'appliquassent à cher-
cher les moyens les plus propres et les plus prompts
pour extirper la secte du jansénisme. Il emploierait son
autorité pour les faire exécuter : résolu d'user de sévérité
pour réprimer ceux qui n'avaient point pu se gagner par
la douceur. Pour obéir à ces ordres, l'assemblée décida
JANSENISME
12
qu'on exigerait sans retard la signature du formulaire. Ceux
qui la refuseraient seraient considérés comme hérétiques et
poursuivis selon les voies prescrites par le droit canon.
Ceux qui avaient écrit contre la teneur des constitutions
devraient faire, en outre, une rétractation formelle de ce
qu'ils avaient enseigné. Le formulaire fut autorisé par un
arrêt du conseil du 13 avr. 1661 ; et une lettre du roi fut
adressée à tous les archevêques et évêques du royaume, pour
les inviter à le faire signer. Quelques évêques écrivirent
au roi pour le prier de trouver bon qu'ils n'exécutassent
point ses ordres ; d'autres, parmi lesquels l'évêque d'Aleth,
envoyèrent à l'assemblée même des récusations analogues,
en réponse à sa lettre-circulaire, qui les avait invités à
signer et à faire signer.
L'exécution des mesures prescrites par le roi et par l'as-
semblée du clergé commença par le diocèse de Paris, alors
administré par les vicaires généraux du cardinal de Retz.
Dès le 8 juin, ils rendirent, pour réclamer la souscription
du formulaire, une ordonnance qui fit grand bruit. Elle dis-
tinguait entre le fait et le droit, demandant croyance pour
la décision de foi et respect pour la solution de fait. Les
curés de Paris s'empressèrent de signer et de faire signer
leurs ecclésiastiques; et dans une assemblée du 29 juin, ils
tirent dresser par notaire une déclaration attestant que
l'ordonnance des vicaires généraux les avait fort édifiés,
eux et les prêtres de leurs paroisses. Trois jours aupara-
vant, l'assemblée générale du clergé avait porté plainte au
roi contre ce mandement. Il fut condamné par arrêt du conseil
(9 juil.), ordonnant qu'Userait sursis à la signature du for-
mulaire, jusqu'à ce qu'il fût réformé. Les vicaires géné-
raux furent sévèrement blâmés par un bref d'Alexandre VII
(1 ^^ août 1661). Après de longues négociations avec le nonce,
beaucoup de contestations et de résistances, ils publièrent une
nouvelle ordonnance, conforme au projet qui avait été envoyé
de Rome et exigeant obéissance et sowmmf on d'esprit sur
tous les points. — Répondant à l'évêque de Châlons-sur-
Marne, qui lui avait demandé son avis, l'évêque d'Aleth
déclara que son sentiment était que les évêques ne devaient
ni signer ni faire signer le formulaire, en exécution du dé-
cret et de la déclaration de l'assemblée du clergé. En effet,
les évêques, députés à cette assemblée, n'avaient nullement,
selon lui, l'autorité d'un concile général, leur permettant
d'obliger par décret et ordonnance leurs confrères présents
et absents, et de les déclarer, en cas de refus, privés de
l'entrée et de voix délibérative et passivedans toute sorte
d'assemblées ecclésiastiques. D'autre part, nier la solution
d'une question de fait peut être un acte de témérité, d'igno-
rance ou de présomption ; ce n'est point un acte d'hérésie.
Enfin, ordonner à des confrères même absents, qui ont la
même autorité qu'eux pour juger de pareilles matières, de
souscrire que des propositions sont hérétiques en un sens,
avant de leur expliquer ce sens, constitue une espèce d'in-
jure ou une marque de peu d'estime ; c'est lestraiter comme
s'ils étaient incapables de la science ou du discernement
nécessaires pour juger ces matières. C'est les confondre
dans le troupeau des simples fidèles. Les évêques d'Angers,
de Beauvais et de Sens écrivirent pareillement pour pro-
tester ; et messieurs de Port-Royal prirent soin de faire
imprimer leurs lettres.
Les raisons présentées par l'évêque d'Aleth n'avaient
guère de force qu'à l'égard des évêques. Pour le reste du
clergé, les théologiens jansénistes étaient divisés en trois
partis. Les premiers prétendaient qu'on ne devait point
faire de difificullé de signer le formulaire, sans explication
ni restriction quelconque, quoiqu'on ne crût pas que Jan-
senius eût enseigné les hérésies qui lui étaient attribuées.
Suivant eux, la signature ne tombait que sur le droit, pour
ce qui était de la créance intérieure. Elle n'emportait, à
l'égard du fait, qu'un témoignage de déférence et de res-
pect, qui n'engageait qu'à ne pas contredire pubhquement
le pape et les évêques, et non à croire intérieurement que
ce qu'ils avaient décidé sur ce point était conforme à la
vérité. Les seconds déclaraient que lorsqu'on n'était point
persuadé que les cinq propositions sont de Jansenius, on
ne pouvait signer le formulaire simplement et sans quelque
explication ou restriction verbale, soit en réservant expres-
sément la question de fait, soit au moins en indiquant qu'on
ne rendait témoignage que de k pureté de sa propre foi.
Autrement, la signature renfermerait une restriction men-
tale, toujours criminelle dans les professions de foi, et de
plus un faux serment et une calomnie contre le prochain.
C'est en ce sens que fut conçue la déclaration rédigée pour
les religieuses de Port-Royal e( qu'on trouvera plus loin.
Pascal la jugeait équivoque, ambiguë, par conséquent cou-
pable. Les troisièmes estimaient qu'en condamnant le sens
de Jansenius, les constitutions avaient condamné la doc-
trine de la grâce efficace par elle-même. Cette doc-
trine étant une vérité de foi, qu'il n'est point permis
d'abandonner, les papes qui l'avaient condamnée s'étaient
trompés non sur le fait, mais sur le droit ; d'ailleurs eux-
mêmes déclaraient le fait inséparable du droit en cette ma-
tière. En conséquence, on ne devait signer qu'en protestant
expressément de ne point vouloir condamner le sens de Jan-
senius.
Pendant l'année 1663, il fui sursis à la signature du
formulaire, à cause des négociadons entreprises par Gil-
bert de Choiseul, évêque de Comminges, et le P. Perrier,
professeur de théologie au collège des jésuites à Toulouse, et
poursuivies sur l'ordre du roi, pour obtenir la soumission
des jansénistes, par voie d'accommodement. Les conférences
n'aboutirent qu'à des récriminations réciproques et à un
bref d'Alexandre VII (29 juil. 1 663), invitantles archevêques
et évêques de France à mettre la dernière main à leur œuvre
et à faire tous leurs efforts pour engager tout le monde à
se soumettre, de la manière due, aux constitutions, et à
rejeter et condamner sincèrement les cinq propositions.
Ils devraient pour cela employer les moyens qui leur sem-
bleraient les plus propres e't les plus efficaces. Le pape
louait la piété du roi et déclarait qu'il ne doutait pas qu'il
emploierait, s'il était besoin, son autorité pour vaincre
l'opiniâtreté des rebelles. Ce bref* fut reçu le 2 oct. par une
assemblée des évêques présents a Paris, avec prière au roi
de faire procéder, dans les deux mois au plus tard, à la
souscription du formulaire et à Texécution des délibérations
des précédentes assemblées. Des lettres patentes furent
expédiées en conséquence. Le 29 avr. 1664, le roi alla en
personne faire enregistrer au parlement une déclaration
portant que le formulaire serait signé par tous les ecclé-
siastiques, séculiers ou réguliers, nonobstant toutes appel-
lations simples ou comme d'abus; (\m les bénéfices de
ceux qui auraient manqué de le signer dans le mois de-
meureraient vacants et impétrables de plein droit ; que
personne ne pourrait à l'avenir être pourvu de bénéfice, ni
admis aux degrés dans les universités ou aux charges,
principautés et régences en dépendant, ni faire profession
dans aucun monastère ou en exercer les charges et offices,
sans avoir auparavant souscrit )e formulaire. ~ Le 9 juin
suivant, pour écarter certains scrupules et répondre aux
allégations des jansénistes, Pét-efixe, alors archevêque de
Pans, publia un mandement déclarant qu'à moins d'être
malicieux ou ignorant, on ne pouvait prendre sujet des
constitutions des papes et du formulaire, pour dire qu'ils
exigeaient une soumission de foi divine, à l'égard du fait ;
ils réclamaient seulement à cet égard une foi humaine et
ecclésiastique, obligeant à soumettre sincèrement son ju-
gement à celui des supérieurs ecclésiastiques. Comme les
jansénistes prétendaient que le pupe n'avait jamais fait men-
tion expresse du formulaire et qu'il le désapprouvait, non
seulement par son silence, mais par son exemple, puisqu'il
n'en faisait pas lui-même pour Rome, on décida dans le
conseil du roi de demandera Alexandre VII un formulaire,
avec commandement aux évêques de le publier et de le faire
signer. Par bulle du 15 févr. l665, le pape envoya, pour
être souscrit dans les trois mois, le formulaire suivant : Je
soussigné, me soumets à la constitution apostolique
d'Innocent X du 3i^ jour de mai 1653 et à celle
13 —
JANSÉNISME
d'Alexandre VU, son siuresseur, du iO oct. i656; je
rejette et condamne sincèrement les cinq propositions
extraites du livre de Cornélius Jansenius^ intitulé
AuGusrmus, dans le propre sens du même auteur, comme
le siège apostolique les a condamnées par les mêmes
constitutions , Je jure ainsi. Dieu me soit en aide et
les saints Evangiles. Cette bulle fut enregistrée, le 29 avr.,
en vertu d'une déclaration, que le roi avait portée lui-
même au parlement, ordonnnant aux archevêques etévêques,
sous peine de saisie de leur revenu temporel, de signer et
faire signer le formulaire, mns user d'aucune distinc-
tion, interprétation ou 'restriction.
Tous les évêques, à IVxception de quatre, obéirent et
firent obéir leur clergé ; lu plupart très sincèrement, car
eux-mêmes avaient sollicité les mesures adoptées par le
saint-siège et par le roi ; mais plusieurs avaient toléré les
interprétations, restrictions et évasions prohibées par la
déclaration du roi. Les quatre évêques qui restaient franche-
ment rebelles étaient : Pavillon, évêque d'Aleth ; Buzan-
val, de Beauvais ; Hefii'i Àrnauld, d'Angers ; Caulet, de
Pamiers, L'évêque de Noyon s'était d'abord joint à eux ; mais
il se soumit peu après. Dans son mandement du 1^^ juin.
Pavillon dit : « Que la soumission qu'on rend aux décisions
de l'Eglise se renferme dans les vérités révélées, et que
c'est à celles-là seulement qu'elle assujettit entièrement la
raison. Les autres vérités n'étant point absolument néces-
saires, Dieu n'a point laissé d'autorité infaillible pour les
connaître. Quand l'Eglise lUge si des propositions ou des
sens hérétiques sont contenus dans un livre, et si un au-
teur a eu tel ou tel sens, elle n'agit que par une lumière
humaine ; en quoi tous les théologiens conviennent qu'elle
peut être surprise. Partant, sa seule autorité ne peut cap-
tiver notre entendement, quoiqu'il soit vrai de dire qu'il
n'est point permis de s'élever témérairement contre ses juge-
ments, vers lesquels on doit témoigner son respect, en res-
tant dans le silence. » Les trois autres écrivirent dans le
même sens. Les mandements de ces quatre évêques furent
cassés par un arrêt du conseil d'Etat (20 juil. 4665),
comme contraires à la déclaration du roi et aux intentions
du pape. A Romo^ ils furent mis à V index. — A la suite
des premiers mandements des vicaires généraux du cardi-
nal de Retz, les religieuses de Port-Royal avaient signé le
formulaire, avec une tête et une queue, comme on disait
alors, c.-à-d. avec des explications destinées à dégager leur
conscience, sur la question de fait ; néanmoins, avec des
angoisses telles que la sœur sainte Euphémie (Jacqueline
Pascal) en mourut, et que la mère Agnès en fît une grave
maladie. Quand on leur demanda de nouveau leur signa-
ture, en exécution du mandement rédigé de concert avec
le nonce, elles l'accompagnèrent de la déclaration suivante :
« Considérant que dans fignorance où nous sommes de
toutes les choses qui sont au-dessus de notre profession et
de notre sexe, tout ce que nous pouvons faire est de rendre
témoignage à la pureté de notre foi, déclarons très volon-
tiers par notre signature, qu'étant soumise avec un très
profond respect à N. S. P. le pape et n'ayant rien de si
précieux que la foi, nous embrassons sincèrement et de
cœur tout ce que Sa Sainteté (Alexandre VU) et le pape
Innocent X en ont décidé, et rejetons toutes les erreurs qu'ils
ont jugées y être contraires. » Quand on exigea d'elles une
souscription pure et simple, elles la refusèrent et elles per-
sistèrent dans leur refus, malgré les subterfuges proposés
par des personnages réputés vénérables, malgré les dé-
marches personnelles de l'archevêque de Paris, malgré
Tenlèvement de seize religieuses, malgré la relégation de
Port-Royal de Paris à Port-Royal-des-Champs, malgré la
suspense ipso facto, malgré l'interdit des sacrements, mal-
gré les pressions de la supérieure qui leur fut imposée,
malgré une longue lettre à elles adressée par Bossuet : elles
étaient persuadées que Dieu faisait alors des miracles chez
elles, pour les encourager à la persévérance; et Nicole les
fortifiait par ses Lettres sur Vhérésie imaginaire. Onze
seulement succombèrent, qui se livèrent ensuite à des va-
riations délirantes, tantôt rétractant leur signature, tantôt
la renouvelant pour la rétracter encore (V. Port-Royal).
En présence de l'obstination des quatre évêques, le roi
pria le pape de déléguer douze prélats de France, pour con-
naître de leur contumace. Le pape fit difliculté sur le
nombre douze, afin de ne point autoriser la prétention des
évêques français, de ne point être jugés par moins de douze
évêques ; il ne consentit à en commettre que neuf. On avait
négocié longtemps sur le nombre, puissur le choix desjuges.
Quand ces négociations furent terminées, Alexandre VU
mourut et fut remplacé par Clément IX (10 juin 1667).
Dès le mois de juillet, Clément confirma la commission ins-
tituée par son prédécesseur. Le nonce qui le représentait
à Pans, Bergellini, archevêque de Thèbes, obtint du roi
quelques mesures pour punir ou plutôt intimider les quatre
évêques; mais il écrivait à Rome qu'il serait fort difficile
d'en venir à l'exécution, parce que leur parti était devenu
puissant. Ils avaient, disait-il, gagné la faveur des mi-
nistres d'Etat et la protection de quelques princesses du
sang ; attiré à leurs sentiments une grande partie des doc-
teurs de la Sorbonne, des membres des parlements et même
des réguliers. — En eifet, quelques princesses s'étaient
émues des persécutions infligées aux saintes filles de Port-
Royal ; et l'Eglise gallicane s'était alarmée, se sentant me-
nacée tout entière par la procédure qui soumettait des
eveques de France au jugement immédiat des commissaires
du pape. Dix-neuf évêques, secrètement encouragés par
vingt autres, prirent hautement la défense de leurs col-
lègues poursuivis. Le l'^^ déc. 1667, L.-H. de Gondrin,
archevêque de Sens, et les évêques de Châlons-sur-
Marne de Boulogne, de Neaux, à'Angoulême, de La
hochelle, àeComminges,àeCo?îsera?is,àe Saint-Pons,
de Lodève, de Vence, de Mirepoix, d'Agen, de Saintes,
de Rennes, de Soissons, d'Amiens, de Tulle et de
Troyes, écrivirent au pape, pour le prier d'inaugurer son
pontiticat en rendant la paix à l'Eglise. Après avoir loué
l'eminente vertu des quatre évêques, qui sont un des orne-
ments de leur ordre, ils justifient leurs mandements ; et
comme eux ils déclarent que ce serait un dogme nou-
veau et inouï, que de prétendre que les décrets par les-
quels l'Eglise décide des faits qui arrivent de jour en jour
sont certains et infaillibles, et qu'on doit foi à ces décisions
de fait, comme aux dogmes révélés de Dieu, dans l'Ecri-
ture ou dans la Tradition. Il suffit que les fidèles rendent
aux décrets de ce genre le respect dû à tous les actes de
1 Eglise. Ils ajoutent : « Ainsi, T. S. P., si c'était un crime
d être dans ce sentiment, ce ne serait pas leur erreur par-
ticulière, mais ce serait celle de nous tous, ou plutôt celle
de toute l'Eglise. C'est pourquoi il y a eu plusieurs évêques
et des plus célèbres d'entre nous, qui ont fait la même
chose qu'eux, ou par des mandements publics, quoique non
imprimés ; ou, ce qui n'a pas moins de poids, dans des
proces-verbaux qui demeurent dans leurs greff'es, et dans
lesquels ils ont expliqué tout au long cette doctrine. D'autres
se sont rendus faciles aux ecclésiastiques qui ont voulu
faire quelque addition à leur signature, pourvu qu'elle ne
contînt rien que d'orthodoxe. » Les dix-neuf adressèrent
au roi une lettre conçue avec une égale fermeté, portant
témoignage d'estime aux quatre évêques et insistant sur
1 irrégularité de la procédure instituée contre eux par le
bref du pape. Cela déplut fort au roi. Sur le réquisitoire
du procureur générai, le parlement rendit un arrêt ordon-
nant qu il serait informé des cabales et assemblées illicites
tendant à troubler la paix de l'Eglise et à affaiblir l'auto-
rité des déclarations et bulles enregistrées touchant la doc-
trine de Jansenius (19 mars 1668). L'évêque de Châlons
comme le plus ancien des signataires, répondit au procureur
général que le « bref de Rome contenait des clauses extra-
ordmaires pour faire le procès à quatre évoques, non seu-
lement contre les lois canoniques, mais au préjudice môme
de équité naturelle». Lui et ses collègues se seraient crus
indignes du caractère qu'ils tenaient de Jésus-Christ s'ils
ne se lussent opposés à l'exécution de ce bref (24 mai) De
JANSENISME
— U —
leur côté, les quatre avaient invité tous les évoques de
France à prendre leur défense, dans une cause qui était
commune à tous : « Puisque, écrivaient -ils, il ne s'agit pas
seulement de notre opposition particulière, mais du ren-
versement des saints canons, du violement des premiers
principes de l'équité naturelle et du dernier avilissement de
notre dignité» C^Savr.lGBB). Un arrêt du conseil d'Etat,
rendu le 4 juil., le roi présent, ordonna la suppression de
leur lettre-circulaire et fit défense à tous archevêques et
évêques d'y avoir égard.
Ainsi, au-dessus des cinq propositions, du sens de Jan-
senius, du point de droit et du point de fait, émergeait
une question de juridiction, intéressant au plus haut degré
les franchises et les usages de l'Eglise gallicane, et la di-
gnité du corps épiscopal. Le nonce, qui était informé de
l'émotion que cette question excitait chez le clergé, dans
les universités et dans les parlements, estimait que la con-
tinuation des poursuites provoquerait des conflits, que le
roi pourrait, sans doute, réprimer par la force, s'il le vou-
lait ; mais qui exposeraient à des atteintes fâcheuses l'au-
torité spirituelle du saint-siège. Il accueillit, avec empres-
sement, les démarches qui furent faites auprès de lui, par
l'archevêque de Sens et par Félix III Vialart de Herse,
évêque de Châlons-sur-Marne. Ces évêques s'étaient arrêtés
à l'expédient suivant : les quatre évêques ne révoqueraient
pas leurs mandements et ne rétracteraient point ce qu'ils
avaient avancé ; mais ils ordonneraient une nouvelle signa-
ture du formulaire, non par d'autres mandements publics,
mais par des procès-verbaux qui demeureraient dans leurs
greffes. Par ces procès- verbaux, ils déclareraient à leurs
ecclésiastiques, qu'au regard du fait, l'Eglise n'obligeait
qu'à une soumission de respect et de silence ; et ils leur
feraient signer le formulaire au pied de cette déclaration.
Ensuite, ils écriraient au pape une lettre pleine de respect,
pour lui rendre compte de cette signature. Les quatre
évêques acquiescèrent à ces conditions; mais ils y ajoutè-
rent qu'on leur laisserait la liberté de dresser leurs pro-
cès-verbaux et leur lettre au pape comme ils le jugeraient
à propos, et qu'on ne pourrait les obliger à y mettre au-
cun terme obscur, ambigu ou équivoque. — Hugues de
Lionne, alors secrétaire d'Etat à V étranger^ et que Saint-
Simon appelle le plus grand ministre du règne, recom-
manda très vivement cette transaction au nonce, qui témoi-
gna l'approuver, et en référa au pape. On ajouta aux
stipulations précédentes que les quatre évêques ne subi-
raient point de peines canoniques pour leur résistance pas-
sée. Jusqu'alors, le roi était censé ignorer ce qui se faisait.
Mais Colbert et Le Tellier s'étant joints à M. de Lionne,
pour approuver, celui-ci montra au roi, qui l'agréa, le
projet de la lettre que les quatre évêques devaient adresser
à Rome. On dit que le roi mit pour condition expresse à
son assentiment que l'on contenterait le pape. Pour ré-
ponse, le nonce reçut de Clément IX l'ordre de no plus
parler de rétractation des mandements, mais d'employer
tous ses efforts à obtenir l'autre point, c.~à-d. une sous-
cription sincère. Il semble bien résulter de ces termes que
le pape entendait que la sincérité de la souscription pou-
vait s'accommoder avec le maintien des mandements. On a
écrit que, outre la signature que les quatre évêques devaient
donner dans leurs synodes, publiquement, avec distinction
du droit et du fait, on leur en demanda une autre, pure
et simple, qui serait envoyée à Rome, mais qui ne serait
vue que du pape seul. Tout prouve que cette proposition,
si vraiment elle a été faite, fut repoussée.
A part une courte addition insérée par l'évêque d'Aleth
pour son diocèse, les procès-verbaux des déclarations faites
par les quatre évêques, en requérant la souscription de
leur clergé, sont identiques. En voici les dispositions prin-
cipales : « I. Par cette signature, vous devez vous obliger
à condamner sincèrement, pleinement, et sous aucune ré-
serve ni exception, tous les sens que l'Eglise et le pape
ont condamnés et condamnent dans les cinq propositions :
en sorte que vous professiez que vous n'avez de doctrine
sur ce sujet que celle de l'Eglise catholique, apostolique
et romaine. » C'est vraisemblablement cette première dé-
claration qui a permis aux évêques médiateurs de donner
au nonce, et à celui-ci de transmettre à Rome les renseigne-
ments en conséquence desquels Clément IX énonça dans
le bref mentionné ci-après, que la souscription avait été
faite purement et simplement. « II. Nous vous déclarons
en second lieu, que ce serait faire injure à l'Eglise que de
comprendre entre les sens condamnés dans ces propositions
la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas touchant
la grâce efficace par elle-même, nécessaire à toutes les
actions de la piété chrétienne, et la prédestination gratuite
des élus, à laquelle toute l'Eglise convient que les papes
n'ont donné aucune atteinte, 'comme ils l'ont souvent dé-
claré eux-mêmes. » L'importance capitale, prépondérante,
absorbante, attribuée à cette doctrine, constitue le carac-
tère spécifique du jansénisme. « ÏII. Nous vous déclarons
en troisième lieu, qu'à l'égard du fait contenu dans le
dernier formulaire, vous êtes seulement obligés par cette
signature à une soumission de respect et de discipline,
qui consiste à ne point vous élever contre la décision qui
en a été faite, et à demeurer daîis le silence, pour con-
server l'ordre qui doit régler en cette matière la conduite
des inférieurs à l'égard des supérieurs ecclésiastiques. »
L'évêque d'Aleth ajouta : « Parce que l'Eglise n'étant
point infaillible en ces sortes de faits, qui regardent les
sentiments des auteurs ou de leurs livres, elle ne prétend
pas obliger, par la seule autorité de sa décision, ses en-
fants à les croire. »
Ces procès-verbaux et le formulaire d'Alexandre VU
furent signés dans le diocèse de Beau vais, le 14 sept.
1668; dans celui d'Angers, le 15; à Aleth et à Pamiers,
le 18. La lettre de soumission des quatre évêques fut ins-
crite à Rome, dans le registre de la secrétairerie, le 26.
Le même courrier avait apporté une lettre de Louis XIV,
exprimant la satisfaction qu'il ressentait de cet accommode-
ment. Deux jours après, le pape fit expédier un bref
adressé au roi. H y annonce qu'il a appris avec joie que
les quatre évêques se sont soumis à la souscription pure
et simple du formulaire, et qu'il partage la satisfaction
que le roi s'était empressé de lui exprimer. Antoine Ar-
nauld se fit présenter au nonce, par les évêques de Châ-
lons et de Sens, et il attesta avoir signé le formulaire cons-
ciencieusement. Il fut aussi présenté au roi par Pompone,
son neveu; et il tourna ce compliment : « Sire, je regarde
comme le plus grand bonheur qui me soit jamais arrivé,
l'honneur que Sa Majesté me fait de me souffrir devant
elle. » Le 23 oct., le roi, étant en son conseil d'Etat,
ordonna que les bulles et constitutions d'Innocent X et
d'Alexandre VU continueraient d'être inviolablement obser-
vées et exécutées dans toute l'étendue du royaume; mais
que les contraventions et inexécutions faites à ces bulles
et à la déclaration du mois d'avr. 1655 resteraient comme
non avenues, sans que les poursuites pussent être renou-
velées sous quelque prétexte que ce fût. Il fit, en outre,
défense à tous ses sujets de s'attaquer, sous couleur de ce
qui s'était passé, usant des termes hérétiques, jansé-
nistes^ semi-pélagiens ou autres noms de parti; et
même d'écrire ou publier des Hbelles sur les matières con-
testées. Le 27, il écrivit aux quatre évêques une lettre bien-
veillante. Cependant le pape faisait toujours attendre sa
réponse à leur lettre de soumission. Ils avaient bien remis
au nonce des certificats attestant sommairement la signa-
ture du formulaire ; mais leurs adversaires les avaient dé-
noncés comme ayant usé de duplicité. Clément IX chargea
le nonce de faire discrètement une enquête. Lorsqu'il eut
acquis l'assurance que les restrictions énoncées dans les
procès- verbaux portaient, non sur le sens de la décision
de droit, mais seulement sur le caractère de la décision de
fait, et môme qu'une soumission de discipline et de res-
pect avait été promise à cette décision, il adressa aux
quatre évoques un bref pour leur donner une marque de
sa bienveillance paternelle ( 1 9 janv. 1669). Les religieuses
de Port-Royal ayant pareillement signé le formulaire, l'ar-
chevêque de Paris leva les censures prononcées contre elles
(févr.).
On donne communément le nom de paix de Clément IX
à cet accommodement. Les jansénistes affectèrent de triom-
pher ; ils l'appelèrent paix de r Eglise. Pour en perpétuer
le souvenir, ils firent frapper une médaille contenant d'un
côté la figure et le nom du roi; de l'autre, sur un autel
un livre ouvert, sur ce livre les clefs de saint Pierre avec
le sceptre et la main de justice du roi passés en sautoir;
au-dessus, un Saint-Esprit rayonnant avec ces mots : Gratia.
ET PAX A Deo ; sur le devant de l'autel : Ob restitutam
EccLESLE CONCORDIAM. Sur la plainte du nonce, le roi fit
rompre le coin de cette médaille. — La suite de l'histoire
du jansénisme se trouve aux mots : Port-Royâl, Quesné-
LiSME, Utrecht (Eglise d'), Paris (le diacre François de).
E.-H. VOLLET.
BiBL. : A. Arnauld, Considérations sitr l'entreprise de
M. Nicolas Cornet^ 1649. — Bourzeis, Propositiones de
Gratta in Sorbonnœ facultatem propediem examinandœ^
1649. — Ecrit à trois colonnes ou distinction des sens, 1653.
— RospiGLiosi, Relation de ce qui s'est passé dans Vaf-
faire du jansénisme. — Gerberon, Histoire générale du
jansénisme, 1703, 3 vol, in42. — H. Dumas, Histoire des
cinq propositions de Jansenius; Liège, lb99, 2 vol. in-12;
Défense de l'histoire des cinq jpropositions^ 1701, 8 vol.
in-i2. — QuESNEL, la Paix de Clément JX, 1701. — Colo-
NiA, Bibliothèque janséniste^ 1735, in-8. — Patouillet,
Dictionnaire des livres jansénistes ; Anvers, 1752,8 vol.
iri-12. — Sainte-Beuve, Port-Royal; Paris, 1867, 0 vol.
in~8.
JANSENIUS (Cornélius), septième évêque d'Ypres, né à
Aquoi, près de Leerdam (Hollande méridionale), en 1585,
mort à Ypres en -1638. Il suivit les cours de philosophie
et de théologie à Louvain, sous la direction de Jacques Jan-
son d'Amsterdam, qui avait été formé lui-môme à l'école
de Baius (V. ce nom). Jansenius paraît avoir subi dès ce
moment l'influence du baïanisme. Il se lia, semble-t-il, à
Louvain, avec Du Vergier de Hauranne, célèbre plus tard
sous le nom d'abbé de Saint-Cyran. Les deux condisciples
se retrouvèrent à Paris aux leçons de la Sorbonne et y com-
mencèrent ensemble l'étude approfondie des doctrines de
saint Augustin sur la grâce et la prédestination. Jansenius
suivit son ami à son castelde Campiprat, près de Bayonne;
ils y poursuivirent ensemble leurs travaux durant plusieurs
années, et le jeune théologien belge devint principal du col-
lège de Sainte-Pulchérie à Louvain ; il prit cette même
année le grade de docteur en théologie ; quelques mois plus
tard, il fut nommé professeur à la ïaculté de théologie, et,
en 4635, il revêtit l'hermine rectorale. Il avait été envoyé
en 1624 auprès du roi d' [Espagne pour protester contre
la fondation du collège des jésuites à Louvain, contraire
aux privilèges de l'université. Il n'avait encore écrit que
des opuscules théologiques quand, en 1635, il publia un
livre qui fit grand bruit : Mars Gallicus seu de justitia
armorum et fœderum régis Galliœ; c'était une attaque
véhémente contre la politique du cardinal de Richelieu et
ses alliances avec les luthériens d'Allemagne. Le reten-
tissement en fut considérable, et, d'après le P. Rapin(dans
son Histoire du Janséinsme), Philippe IV en aurait
été si satisfait qu'il éleva l'auteur à la dignité d'èvéque
d'Ypres. La vérité est que l'archevêque de Malines,J. Boonen,
métropolitain des Pays-Bas, présenta Jansenius comme
candidat au siège vacant, et obtint l'adhésion du conseil
d'Etat. Le nouvel évêque dirigea son diocèse pendant dix-
huit mois à peine et mourut de la peste le 6 mai 1638.
Il fut enterré dans sa cathédrale, la nuit qui suivit son
décès, sans cérémonie, conformément aux ordonnances du
magistrat. Jansenius avait consaci'é les vingt-deux der-
nières années de sa vie à la composition de son Augusti-
niis^ œuvre capitale, destinée, sans que l'auteur s'en
doutât, à troubler l'Eglise et à remuer le monde (V. Jan-
sénisme).
VAuyustinus, tentative de résurrection du baïanisme
et attaque directe contre la doctrine des scolastiques et
des jésuites sur la grâce et la prédestination, parut en
15 — JANSENISME — JANSON
1640. Dès 4642, le pape Urbain VIII en défendit la
lecture parce qu'il avait été publié sans l'autorisation de
Rome et renouvelait des propositions déjà condamnées par
le saint-siège. En 1655, sur l'ordre formel du pape et du
roi d'Espagne, on enleva l'épitaphe élogieuse qui ornait la
tombe de l'hérésiarque ; les chanoines yprois résistèrent
et firent rétablir l'inscription en 1671, mais le gouverne-
ment la fit de nouveau disparaître, et aujourd'hui, au mi-
lieu des mausolées splendides qui remplissent le chœur de
la cathédrale, une simple pierre sans inscription, ne por-
tant qu'une croix et dans chaque angle un chiffre 1-6-3-8
recouvre la sépulture du célèbre prélat. E. Hubert.
BiBL. : A. Van den Peereboom, Cornélius Jansenius^
Bruges, 1882, in-8. — A. Le Roy, Biographie de Jansenius.,
dans lâBiographie nationale de Belgique. — Callewaert
Jansenius, évêque d'Ypres, ses derniers moments^ sa sou-
mission au saint-siège ; Louvain, 1893, in-8.
J AN SENS Elinga (François), théologien et canoniste,
né à Bruges, mort en 1715. Il appartenait à l'ordre des do-
minicains, professa la théologie à Louvain, devint pre-
mier régent des études à Anvers et fut élu trois fois pro-
vincial de la Basse-Germanie. (Eu vres principales : Suprema
Romani pontificis auctoritas^ ejusque extra coneilium
générale defmieniis infaliibiïitate (Bruges, 1689) ;
Summa totius doctrinœ de Romani pontificis aucto-
rilate et infaliibiïitate (Bruges, 1690) ; Forma et Esse
Ecclesiœ Christi^ quœ diimtaxat est apud romano-ca-
tholicos (1702) ; Dissertationes XXV î theologicœ se-
lectœ de principalioribus quœstionibus hoc tempore
in scolis disputatis (1707).
J AN SON 5 Jwnsonniiis (Jacques), né à Amsterdam en
1547, mort en 1625. Professeur en théologie à l'univer-
sité de Louvain et successeur de Baius, comme doyen de
l'église collégiale de Saint-Pierre, il représente le trait
d'union entre le baïanisme et le jansénisme. Il était de
ceux qui prétendaient que les propositions de Baius, con-
damnées par le pape, reproduisaient, prises en un certam
sens, la doctrine de saint Augustin. L'université le chargea
de la leçon publique de théologie qu'elle avait spécialement
instituée pour réfuter Lessius. Il le combattit avec ardeur,
en s' appliquant à opposer à sa doctrine l'autorité de saint
Augustin. ÇiOmxûQ Lessius (V. ce nom) admettait une grâce
accordée à tous les hommes pour se sauver, et même un
secours moral pour les infidèles, afin d'accomplir la loi
naturelle, il devait se rencontrer parmi les disciples de
Janson quelqu'un qui souhaitât découvrir, dans les écrits
de saint Augustin, que Dieu ne veut pas sauver tous les
hommes et qu'il commande des choses impossibles. Ce dis-
ciple fut Cornélius Jansenius, qui lut dix fois tous les ou-
vrages de saint Augustin et trente fois tous ses écrits
contre les pélagiens, et naturellement y trouva ce qu'il y
cherchait. — OEuvres: Instructio Catholicœ Ecclesiœ;
— Enarratio Passionis;— In Sacrum Missœ canonem;
— des commentaires sur le Cantique des cantiques., sur
Job et sur V Evangile de saint Jean; des Oraisons fu-
nèbres, E'.-H. V.
JANSON (Marquis de) (V. Forbin).
JANSON (Paul), avocat et homme politique belge, né à
llerstal en 1810. Inscrit au barreau de Bruxelles en 1862,
il attira de bonne heure l'attention par une éloquence fou-
gueuse jointe à un sens juridique remarquable, et il défendit
les idées républicaines et socialistes dans des réunions tenues
par les associations ouvrières, notamment à Liège et dans
le Borinage. En 1877, il brigua un siège à la Chambre des
représentants et fut élu à Bruxelles contre le comte E, Go-
blet d'Aluiella (V. ce nom), après avoir déclaré au meeting
tenu par l'Association libérale « qu'aussi longtemps que la
Belgique serait gouvernée par un roi honnête homme, il
ne songerait pas à faire de la propagande républicaine.
Quant aux progrès sociaux, il fallait les résoudre dans un
esprit de paix et de conciliation, par la persuasion et la
liberté. » Il prit une part active aux débats parlementaires
et prononça notamment plusieurs discours très remarqués
sur le péril clérical. Lorsque les élections de 1878 eurent
JANSON -- JANSSEN
— 16 —
rendu le pouvoir au parti libéral, Janson appuya d'abord
loyalement le cabinet Frère-Orban (V. ce nom), mais,
trouvant insuffisante l'extension du droit de suffrage accor-
dée par le gouvernement, il forma, avec quelques députés
de l'extrême gauche, un groupe radical qui battit le minis-
tère en brèche, et finit par désorganiser le parti libéral au
bénéfice des catholiques. Battu aux élections de 1884,
Janson rentra à la Chambre en 1889, grâce à une alliance
avec les libéraux modérés. Il déposa une proposition de revi-
sion des articles 47, 53 et 56 de la constitution relatifs à
l'organisation électorale. Cette proposition ayant été prise
en considération, il défendit chaleureusement le suffrage
universel, tandis que le gouvernement se ralliait au sys-
tème dit de l'habitation. Après de longs débats, qui, à
certains moments, tombaient dans l'incohérence la plus
complète, tous les projets furent successivement rejetés. Le
pays était agité ; le parti socialiste soulevait les masses
populaires ; des émeutes éclatèrent sur divers points du
pays et furent réprimées d'une manière sanglante par la
garde civique et par l'armée. Alors Janson et l'extrême
gauche se rallièrent au système formulé par A. Nyssens,
membre de la droite, et la Chambre décréta le suffrage
universel tempéré par le vote plural. Ce système a fonc-
tionné pour la première fois au mois d'oct. 1894. Janson
échoua à Bruxelles avec toute la liste libérale.
JANSON (Kristoffer), littérateur norvégien, né à Bergen
le 5 mai 1841. Etudiant en théologie, il prit part au mou-
vement en faveur de la langue nationale, dit Maalstrœvere^
dirigea une école primaire supérieure, publia en patois
campagnard une série de récits sur la vie des paysans :
Fi^aa Bygdom (1865); Hang ag ho, Marit Skjelte
(1868j; lorgrim (1872); Den Bergtekne (1876); des
poésies lyriques, Norske Dikt (1867) ; une tragédie histo-
rique, Jon Arason (1867) ; un poème épique, Sigmund
Bresteson (1872) ; un roman historique (du xvi^ siècle),
Fraa Dansketidi (1875); un conte, Aufstanfyre sol og
verstanfyre Maane (1879) ; un drame moderne en langue
littéraire. En Kuindesjabue (1879). En 1876, le gouver-
nement lui alloua une pension de 1,600 couronnes; en
1882, il émigra en Amérique comme pasteur d'une com-
munauté d'unitariens ; il y a publié plusieurs écrits théolo-
giques et un beau poème, Prœriens Saga (1885).
JANSSEN (Pierre-Jules-César), astronome et physicien
français, né à Paris le 22 févr. 1824. Il étudia d'abord la
peinture, puis les mathématiques et la physique, passa en
1852 et en 1855 les licences correspondant à ces deux
sciences, fit dans l'intervalle quelques suppléances au lycée
Charlemagne et, en 1857, fut envoyé par le ministre de
l'instruction publique au Pérou, en compagnie des frères
Grandidier (V. ce nom), pour y effectuer diverses obser-
vations relatives à la détermination de Téquateur magné-
tique; mais une grave dysenterie l'obligea de regagner
presque aussitôt l'Europe (1858). En 1860, il se fit rece-
voir docteur es sciences physiques avec une thèse très re-
marquée : Sur l'Absorption de la chaleur rayonnante
obscure dans les milieux de l'œil ; il y démontrait ia
propriété qu'ont les milieux oculaires d'absorber la chaleur
rayonnante obscure et de ne laisser parvenir à la rétine que
les rayons lumineux qui doivent déterminer la vision. De
1865 à 1871, il fut professeur de physique générale à
l'Ecole spéciale d'architecture. En 1873, il se vit nommer,
à quelques mois d'intervalle, membre de l'Académie des
sciences de Paris (section d'astronomie) et membre du Bu-
reau des longitudes. En 1875, la Société royale de Londres
se l'associa à son tour. En 1876, il établit rue Labat, à
Montmartre, aux frais du gouvernement, un observatoire
d'astronomie physique. Il a encore (1894) la direction de
cet établissement, qui a été transféré dès 1877 sur les
ruines du château de Meudon et qui a pris un développe-
ment considérable. Il s'y est plus spécialement occupé de
photographie astronomique, contribuant par ses beaux cli-
chés du soleil à la connaissance de la constitution physique
de la photosphère. Il a été chargé, entre temps, d'un nombre
considérable de missions scientifiques : en Italie et dans les
Alpes, pour l'étude des raies telluriques du spectre solaire
(1861-62 et 1864) ; à Trani (Italie), pour l'observation
d'une éclipse de soleil (1867) ; à l'île de Santorin, pour
l'étude du volcan alors en éruption (1867) ; aux Açores,
avec Ch. Sainte-Claire Deville, pour des observations ma-
gnétiques et la reconnaissance topographique de ces îles
(1867) ; à Guntoor (Inde anglaise), pour l'observation
d'une seconde échpse de soleil (1868); à Oran, durant le
siège de Paris, d'où il sortit en ballon, pour l'observation
d'une troisième éclipse (1870-71); à Shoolor, dans les
Nil Gherrys (Inde anglaise), pour une quatrième éclipse
(1871) ; à Nagasaki (Japon), pour l'observation du passage
de Vénus (1874) ; à Oran, pour le second passage de Vé-
nus (1882); aux îles Carolines, pour l'observation d'une
nouvelle éclipse de soleil. Chacun de ces voyages a été
marqué par quelque nouvelle conquête de la science. C'est
ainsi qu'à Guntoor, en 1868, l'illustre pliysicien a reconnu
la nature des protubérances solaires et a en même temps
indiqué une méthode pour l'étude de ces phénomènes en
dehors des éclipses : double découverte qui lui a fait dé-
cer'uer par l'Académie des sciences le prix Lalande, excep-
tionnellement quintuplé en sa faveur. En 1870, lors de sa
traversée en ballon des lignes prussiennes, il a inventé un
nouvel instrument, le compas aéronautique, qui permet de
fixer à chaque instant sur la carte la position de l'aérostat.
En 1871, à Shoolor, il a constaté la présence autour du
soleil d'une nouvelle et dernière enveloppe gazeuse, qu'il a
dénommée l'atmosphère coronale. Au cours de la même
mission, il a déterminé la position de l'équateur magné-
tique au S. del'Indoet il a réuni pour notre Muséum d'his-
toire naturelle une riche collection d'animaux. Il avait été
conduit à supposer, dès ses premiers travaux, que les raies
de l'oxygène observées dans le spectre du soleil, surtout
lorsque cet astre est à l'horizon, ont une origine exclusive-
ment terrestre, qu'elles sont produites par l'interposition
de notre atmosphère et que les enveloppes gazeuses de la
photosphère solaire sont complètement dépourvues d'oxy-
gène ; cette hypothèse s'est trouvée confirmée par une série
d'observations qu'il a faites dans ces dernières années : aux
Grands-Mulets, à mi-côte du mont Blanc, en 1888 (il était
alors président du Club alpin) ; à la tour Eiffel, en 1889 ;
au sommet du mont Blanc, en août 1890. Cette dernière
ascension, effectuée entièrement en traîneau, lui a fourni,
en outre, l'occasion d'observations physiologiques des plus
intéressantes et a eu encore un autre résultat important :
l'édification, d'après ses indications, d'un observatoire mé-
téorologique sur la cime même du géant des Alpes. C'est le
plus élevé du globe (4,810 m.). Commencé en 1891, avec
le concours pécuniaire de M. Bischoffsheim, il était ter-
miné dès l'automne de 1893. Un autre (celui-ci astrono-
mique), dû également à l'initiative de M. Janssen, est en
voie de construction 300 m. plus bas, au grand Rocher-
Rouge.
^ Les écrits de M. Janssen comprennent, outre la thèse déjà
signalée, une centaine de mémoires, notes ou rapports in-
sérés pour la plupart dans les Comptes rendus de r Aca-
démie des sciences de Paris, dans les Archives des
missions scientifiques, dans les Annales de chimie et
de physique : Mémoire sur le spectre de la vapeur
d'eau (1866) ; Etudes sur une éruption volcanique à
Sanlorin (1867) ; Sur rObservalion de f éclipse an-
nulaire à Trani (1867) ; Rapport sur l'éclipsé totale
observée à Guntoor (1 868) ; Mémoire sur les raies
telluriques du spectre solaire (1871); Sur la Pho-
lométrie photographique (1881); Note sur V observa-
tion dupassage de la planète Vénus sur le soleil (1883) ;
Rapport sur la mission en Océanie pour V observation
de réclipse totale du 6 maiiSSS (1883); Sur la
Constitution des taches solaires (1886) ; Sur le Pho-
nographe d' Edison (1889) ; Compte rendu d\me as-
cension scientifique au 7nont Blanc, relation détaillée et
très intéressante de son ascension du 18 août 1890 (1 890) ;
Note sur radicule placé au sommet du mont Bla^ic
(1892), etc. Il a donné à part : Rapport sur l'éclipsé du
12 déc. 1812 observée à Shoolor (Paris, 4878, in~8) ;
les Méthodes en astronomie physique (Paris, 4882,
in-8) ; l'Age des étoiles (Paris, 4887, in-8) ; la Photo-
graphie céleste (Paris, 4888, in-8) ; le Spectre de f oxy-
gène et V atmosphère terrestre (Paris, 4 889, in-8), etc.
Léon Sagnet.
BiBL. : Notice sur les travaux de M. J. Janssen ; Paris,
1872, in-4. — Revue encyclopédique^ 1891, p. 276, et 1893,
pp. 978-988. — Liste de ses mémoires dan3 le Catalogue of
scientific papers de la Société royale de Londres, t. VIII
et X.
JANSSEN (Johannes), historien allemand, né à Xanten
le 10 avr. 1829. Prêtre catholique, il devint professeur
dans un gymnase de Francfort-sur-le-Main. Bien qu'ami
de Bœhmer dont il a publié la correspondance et les petits
ouvrages (Fribourg, 4 868, 3 vol.), il fut le champion du
parti ultramontain. Ses ouvrages inspirés de cet esprit
sont : Frankreichs Rheingelûste (Francfort, 1861;
2^ éd., 1883) ; Schiller als Historiker [Yrihourg, 1863;
2^ éd., 1879); Zur Genesis der ersten Teilung Polens
(1865) ; Gustav-Adolphin Deutschland (1865) ; Frank-
furts Reichskorrespondenx, von 1S16 bis 1519 (Fri-
bourg, 1863-66, 2 vol.) ; Zeitund Lebensbilder (1875 ;
3« éd., 1879]r: Fr.-L. Graf %u Stolberg (1876-77,
2 vol.; nouv. éd., 1 vol. 1882), et surtout sa grande his-
toire des Allemands depuis la fin du moyen âge (Gesch. des
deutschen Volkes seit dem Ausgang des Mittelalters
(Fribourg, 1877-86, 5 vol., 14^ éd.); il s'efforce d'y dé-
montrer que l'état de l'Allemagne était florissant au début
du xvi« siècle et que la Réformation a anéanti cette pros-
périté ; il attaque les réformateurs avec une violence qui le
fit accuser de dénaturer les documents et l'engagea dans
une série de polémiques ; il publia en 4882 et 1883 deux
livres contre ces critiques.
JANSSEN (Peter-Johann), peintre allemand, né à Dus-
seldorf le 12 déc. 1844. Fils du graveur F.-W-Thood.
Janssen, il entra, en 1860, à l'Académie de sa ville natale,
011 il eut pour maître Ed. Bendemann, et où il devait être
à son tour professeur en 1877. Après avoir visité Munich,
Dresde et la Hollande, il débuta, en 1868, par un Pierre
reniant le Christ qui attira sur lui l'attention, et il se
vit, en 1869, chargé de décorer la salle de l'hôtel de ville
de Crefeld d'épisodes tirées de l'histoire à'Hermann le Ché-
rusgue. Ces fresques, pleines de mouvement et de verve,
furent suivies, en 1872, d'une ample peinture à la cire,
Fondation de Riga, pour la Bourse de Brème ; de douze
autres fresques, relatives à la Légende de Prométhée,
pour les salles de Cornélius à la Galerie nationale de Ber-
lin ; d'un Cycle historique, pour la salle des Fêtes de
l'hôtel de ville d'Erfurt (1880-82) ; d'un tableau représen-
tant la Bataille de Fehrbellin, pour la salle des Maré-
chaux à l'arsenal de Berlin. Ajoutons à cela V Enfance de
Bacchus ; la Prière des Suisses avant le combat de
Sempach (1874), et, entre autres portraits, celui du feld-
maréchal Herwarth de Bittenfeld (musée de Berlin).
JANSSENS ( Victor- llonorius), peintre belge, né à
Bruxelles en 1664, mort à Bruxelles en 1739. Fils d'un
tailleur, il alla étudier la peinture à Home, avec une pension
du duc de Hoîstein, et s'inspira de l'Albane. De retour dans
sa patrie, il ne s'en absenta plus guère que pour un voyage
à Londres. On trouve de ses tableaux dans les musées de
Bruxelles et de Copenhague. Les uns sont tirés de l'anti-
quité, comme le Sacrifice d'Enée, Didon faisant bâtir
Carthage, d'autres sont religieux comme le Saint Charles
Borromée, d'autres enfin rentrent dans le genre fantaisiste
comme la Bataille grotesque entre sept femmes, G. A.
JANSSENS (Jean-Guillaume), général hollandais, né à
Nimègue en 1762, mort à La Haye en 1838. Officier dès
l'àgc de quinze ans, il fut blessé en 1793 au siège de
Menin et dut se retirer du service. Plus tard, il devint
commissaire des troupes françaises à la solde de la Répu-
blique batave, secrétaire général du dép. de la guerre, et,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
— 17 - JANSSEN - JANUS
en 1802, il fut nommé lieutenant général gouverneur de
la colonie du Cap de Bonne-Espérance, Il s'y défendit avec
courage et habileté contre les troupes anglaises et obtint
une capitulation honorable. Rentré en'^Hollande, tt fut
appelé par le roi Louis à la direction générale des services
militaires et au conseil d'Etat. Napoléon, après l'annexion,
l'envoya aux Indes pour remplacer Daendels (V. ce nom)
comme gouverneur général. Mal secondé par les troupes in-
digènes, Janssens fut battu par lord Minto et emmené captif
en Angleterre. Mis en liberté en 1812, il demanda à rendre
compte de sa gestion devant un conseil de guerre. Napoléon
s'y refusa et lui conféra le titre de baron. En 1814, Jans-
sens passa au service du roi Guillaume et réorganisa l'ar-
mée néerlandaise. Il venait d'être appelé depuis quelques
mois au rang de secrétaire d'Etat, quand il demanda sa
retraite en 1815. E. H.
BiBL. : Van Kampen, Histoire des Hollandais aux co-
lonies {en holland.); Haarlem, 1831-33, 4 vol. in-8. —
BosscHA, les Héros néerlandais {id.)\ Leeuwarden, 1886,
3 vol. in-4.
JANSSENS (Jean-Hérard), historien belge, né à Mae-
seyck en 1783, mort à Engis en 1853. Il étudia la théologie
à Rome et professa l'herméneutique sacrée d'abord au col-
lège de Fribourg, puis au séminaire de Liège. L'indépen-
dance d'esprit qu'il manifesta dans son enseignement lui
attira des diflîcultés avec ses supérieurs ; on lui reprocha
des tendances fébroniennes et il dut quitter sa chaire pour
occuper la modeste cure d'Engis. Guillaume P^ (V. ce
nom), l'appela au collège philosophique de Louvain. Cetéta-
bhssement ayant été supprimé après la révolution de 1830,
Janssens vécut dans la retraite et consacra ses loisirs à la
rédaction d'une Histoire des Pays-Bas (Liège, 1840,
3 vol. in-8). C'est un ouvrage important. L'auteur connaît
bien les sources et expose avec beaucoup de talent, notam-
ment la révolution du xvi^ siècle, celle de 1790 et la pé-
riode de 1815 à 1830. C'est un partisan décidé des réformes
de Joseph 11 et de Guillaume P^ ; il apprécie avec une har-
diesse rare chez un prêtre catholique les hommes et les
événements. Bien que Janssens n'ait pas connu les docu-
ments découverts dans les archives de Simancas et de
Vienne, son livre peut encore être utilement consulté au-
jourd'hui. E. IL
BiBL. : Daris, Histoire du diocèse et de la principauté
de Liège (172^-1852) ; Liège, 1873, 4 vol. in-8.
JANSSENS Van Nuyssen (Abraham) , peintre flamand,
né à Anvers en 1569, mort en 1631. Elève de Jean
Snellinck, bon coloriste, il prétendit, dit-on, égaler Rubens,
quoiqu'il s'inspirât surtout de l'école italienne. Cette pré-
tention a-t-elle stimulé son talent, comme on l'a cru?
Toujours est-il que ses toiles se recommandent autant par
la couleur que par la correction du dessin. La plupart sont
demeurées en Hollande et en Belgique. On cite, entre autres,
r Adoration des Mages, la Vierge soutenant le corps de
son fils ; la Foi et l'Espérance soutenant la Vieillesse.
JANSZOON (Laurens), dit Coster (V. ce nom et Impri-
merie).
JANTE (Technol.) (V. Charronnâge).
JANUS. I. Mythologie. — Un des dieux les plus anciens
et les plus caractéristiques de la rehgion romaine, un de
ceux qui eurent le plus à souffrir de l'invasion des idées
grecques et que l'on trouve d'autant plus honoré qu'on
remonte davantage dans l'histoire de Rome. L*étymologie la
plus plausible de son nom est celle qui en fait le masculin
d'une divinité non moins romaine que lui, Diana, et qui les
rattache tous les deux à dies, c.-à-d. à l'idée de jour et de
lumière. On rapportait l'institution de son culte au roi Numa;
dans l'ancien rituel, il était invoqué avant Jupiter lui-même ;
le roi en personne lui offrait des sacrifices dans la Regia. Il
fut sans aucun doute, pour les Latins primitifs, le dieu du
ciel lumineux, ce qui lui valut de devenir le dieu des ori-
gines et du commencement de toutes choses. Comme tel il
ouvre le ciel à la lumière ; c'est lui encore qui le ferme, ce
qui lui confère sa qualité de portier céleste : Patulcius et
2
JANUS — JANVIER
— 18 —
Clusius. On appelait janua le passage à double façade qui
est devenu l'arc de triomphe, ce qui fit imaginer le Janus à
deux fronts, le Janus double, que Fart naïf représenta
Tête double et barbue de Tas libral romain.
par une tête double et barbue, particulièrement sur les plus
anciennes monnaies de la République. Un arc de ce genre,
sans doute avec la vieille statue du dieu, se trouvait à l'ex-
trémité N.-E. du forum romain ; le passage n'en était fermé
qu'aux temps où une paix absolue régnait dans toute l'éten-
due de l'empire romain, c.-à-d. dans le temps où aucun
citoyen ne se trouvait hors de sa ville. Le nom et le culte
de Janus se retrouvent encore à Rome avec le Janicule,
colline que le roi Ancus Martius avait fortifiée pour pro-
téger la navigation sur le Tibre et le débarcadère situé en
face. C'est dans ce fait qu'il faut chercher l'explication de
la proue de navire qui figure parfois sur les monnaies en
même temps que la tête double du dieu ; il fut le génie
protecteur de la navigation commerciale à ses origines.
Dans la vie privée de chaque Romain, il est le dieu gar-
dien des portes et, d'une façon plus générale, des ouver-
tures par lesquelles la lumière pénètre dans les maisons,
comme Vesta est la déesse du feu qui brûle sur le foyer,
comme les Pénates senties pourvoyeurs du garde-manger.
On le représentait avec les insignes propres du portier, c.-à-d.
avec une clef dans la main gauche et dans la droite un bâ-
ton. Sa compagne était Cardea^ la déesse qui personnifie
les gonds (cardines) des portes. Ovide, dans les Fastes^
définit en ces termes le ministère du dieu dans le gouver-
nement du monde : « Tout ce que tu vois, le ciel, la mer,
les nuages, les terres, ma main le ferme et l'ouvre tour
à tour. 11 possède tout seul la garde de l'immense univers ;
le pouvoir de faire rouler les gonds m'appartient sans par-
tage. » C'est par une conclusion toute naturelle que les
Romains mettaient Janus au début de l'année en lui consa-
crant le mois qui porte son nom ; que dans chaque mois ils
le préposaient aux calendes et pour chaque jour à la lu-
mière naissante du matin ; ils en faisaient aussi le dieu de
la génération et de la naissance, celui qui ouvre, aux deux
périodes capitales, les portes de la vie. De même en l'unis-
sant à Juturna (V. ce nom) et en faisant naître de cette
union le dieu Fontus, on lui faisait honneur du jaiUisse-
ment premier, au sein delà terre, des eaux vives et potables :
fontes.
Outre le type du Janus barbu à deux têtes qui figure
sur les monnaies de la République et particulièrement sur
l'ancien as libral, nous avons Janus en pied sur des mon-
naies impériales. Le spécimen le plus intéressant nous est
offert par une monnaie de Commode où le dieu est debout,
barbu sur l'une des faces, imberbe sur l'autre, tenant d'une
main un bâton et appuyant l'autre sur un arc ou passage
d'où s'échappent les quatre Saisons, tandis qu'un enfant
avec la corne d'abondance, placé en face, représente l'an-
née nouvelle. Le Janus prétendu, œuvre de Scopas ou de
Praxitèle, que l'empereur Auguste fit apporter à Rome,
était un Hermès double qui pour cette raison fut confondu
avec le dieu romain. On trouve d'ailleurs d'auires dieux
encore, notamment Jupiter, représentés avec une face
double (V, Hermès). J.-A. Hild.
H. Astronomie. — Nom ancien de la constellation du
Rouvier. Comme Janus présidait à l'ouverture de Tannée,
c'était l'âme du monde, l'esprit moteur du ciel, et le Rou-
vier est une constellation qui se lève à minuit au solstice
d'hiver. Le Bouvier porte comme Janus le bâton ou le scep-
tre et la faux des moissons. L. B.
JANUS CoRNARius (V. Hagenbut).
JANUS Pannonius, poète latin d'origine slave, né vers
143*^, mort en 1472. 11 s'appelait de son vrai nom Jean
Cesinge, H étudia en Italie, puis prit du service dans l'ar-
mée hongroise. Il se consacra ensuite à la théologie et de-
vint évêque de Pecs (Funfkircken). En 1465, il fut chargé
d'une mission près du pape Paul II et accompagna Mathias
Corvin dans ses expéditions. Ses poésies latines ne furent
publiées qu'après sa mort et ont eu un grand nombre
d'éditions. Citons seulement celle de Paré dans les Deliciœ
Poetarum Ihmgaricorum (Francfort, 1619; Heidelberg,
1727) ; celle de Conradi (Bade, 1754) et de Samuel Te-
leki (Utrecht, 1784). L. L.
JANUSZ, princes de Mazovie (V. ce mot).
JANVIER (Astron.). Premier mois du calendrier ro-
main. Les Romains dédiaient ce mois à Janus et célé-
braient le septième jour de ce mois les J annales (V. Ca-
lendrier et Fête).
JANVIER (Saint), en italien San Gennaro, treizième
évèque de Bénévent, mort en 304 ou 305. Fête le 19 sept.
Il mourut martyr, sous Dioclétien, à Puteoli (auj. Puzzuoh,
en franc. Pouzzoles). Dans la cathédrale qui porte son
nom, à Naples, on conserve sa tête et deux ampoules de
son sang, qu'une veuve aurait recueilh lors de la décolla-
tion du saint, pour le remettre ensuite à l'évoque Sévère
de Naples. Deux fois par an, le l®"* mai et le 19 sept., et
de plus, en des occasions extraordinaires, on rapproche le
sang du crâne, et le sang, qui est coagulé, redevient
liquide. S'il ne se liquéfie pas, c'est que le saint est mé-
content, et une calamité menace Naples. Le clergé s'est
parfois servi de ce moyen pour irriter les passions poli-
tiques de la populace napolitaine, très attachée à son San
Gennariello, et toujours dans une attente fiévreuse du
miracle. La cérémonie du sang de saint Janvier est men-
tionnée par des documents depuis le milieu du xv^ siècle ;
elle peut dater d'un siècle auparavant, mais non du x^ siècle,
comme le voudraient certains historiens. F. -H. K.
I^IBL. : Acta sanctorum (Bolland.) : Anvers, 1757: Sept.,
t. VI, pp. 761-891.
JANVIER (Antide), horloger français, né à Saint-Claude
(Jura) le 1«' juil. 1751, mort à Paris le 23 sept. 1835.
ïl s'étabht d'abord à Besançon, puis à Verdun, fut nommé
en 1784 horloger-mécanicien du roi, avec logement au
Louvre, et fit créer, vers la fin de la Révolution, une école
d'horlogerie, qu'il dirigea quelque temps. Il mourut à l'hô-
pital. Il était membre des académies de Besançon et de
Rouen. Instruit, habile et ingénieux, il a produit de véri-
tables chefs-d'œuvre de mécanique, entre autres plusieurs
sphères astronomiques mouvantes, un planétaire avec
les inégalités, les excentricités, la rétrogradation équi-
noxiale, etc., une petite horloge à équation et à remontoir,
une autre à secondes et à poids, une pendule planétaire,
d'autres indiquant les heures des marées de quatre-vingts
ports, l'heure des chefs-lieux de tous les départements, etc.
Il a publié de nombreux ouvrages : Manuel chronomé-
trique (Paris, 1810, in-12; 3®"édit., 1821) ; Essai sur
les horloges 'publiques (Paris, 18H, in-8) ; Des liévolu-
lions des corps célestes par le mécanisme des rouages
(Paris, 1812, in-4) ; Recueil de machines (Paris, 1827,
in-4 ; 2^ éd., 1828); Manuel de lliorloger, en collab.
avec Lenormand (coll. Roret, 1831 ; nouv. éd., 1850).
BiBL. : Notice sur A, Janvier; Paris, 1835, in-4. — C.-F.
MiRAULT, id. ; Paris, 1840, in-8. — L.-J. Gabriel de Che-
NiER, Antide Janvier ; Poiigny, 1862, in-8.
JANVIER (Louis-Joseph), écrivain haïtien, né à Port-
au-Prince (Haïti) le 7 mai 1855, fils de Joseph Janvier,
commerçant et administrateur haïtien. Après de bonnes
études à l'Ecole wesleyenne, au lycée National et à l'Ecole
de médecine de Port-au-Prince, où il était chargé des ré-
pétitions de botanique, il fut envoyé par son gouvernement
suivre les cours de l'Université de Paris, se fit recevoir
docteur en médecine en 1881 et sa thèse fut couronnée par
19
JANVIER - JAPHET
la Faculté. Après avoir suivi les cours de FEcole des sciences
politiques dont il obtint les quatre diplômes, il fit des
conféretices à Paris, à Genève, à Lausanne, à Neuchâtel,
à Bruxelles, à Anvers sur des questions politi({ues, litté-
raires, commerciales, scientifiques, relatives à la république
d'iïaiîi. Le D^ Janvier, pendant son séjour à Paris, de '1875
à 4889, collabora à un grand nombre de journaux des
nuances les plus diverses. En sept. 1 889, son gouvernement
l'envoya à Londres en qualité de premier secrétaire de léga-
tion, et il fut député en 4894 aux conférences des églises
vieilles-catholiques qui se tinrent à Lucerno. Nommé en
nov. 1892 cbargé d'affaires d'Iïaiti à Londres à titre inté-
rimaire, et en oct. 4893 à titre définitif, il occupe actuel-
lement ce poste (4894). L'œuvre du l)'' Janvier est déjà
considérable. Outre sa collaboration dans la presse, il a
publié à Paris divers voUimes qui dénotent Péiendue et
la variété de ses connaissances : la Phtisie pulinojiaire,
thèse couronnée par la Faculté de médecine (4884); les
Détracteurs de la race noire et la république d Haïti
(4882) ; Promenades au quartier latin (4882); la Ré-
publique d'Haïti et ses visiteurs (1882); r Egalité des
Places 4884) ; le Vieux Piquet (4884) ; l'Evolution lit-
téraire en Haïti (1884); les liniinationaux (4884);
Haïti aux Haïtiens (4884): les A jf air es d'Haïti (188't');
les Constitutions d'Haïti (488()); Une Qiercheuse, roman
de mœurs parisiennes (4888). Le D^' Janvier lutte énergi-
quement par la plume et la parole contre l'invasion de
l'élément yankoe qui, à son avis, menace d'étouffer non
seulement la jeune race africano-laiine, mais toutes les
races latines du Nouveau Monde. Hector France.
JANVIER DE La Motte (Eugène), homme politique
français, né à Angers le 27 mars 4823, mort à Paris le
2() févr. 4884. Fils d'Elie Janvier (4798-4869), créé
comte par îe pape en 4851, qui fut député au Corps légis-
latif de 4852 à48G9, il débuta dans l'administration comme
sous-préfet de Saint-Etienne en 4850. l^réfet de La Lozère
(4853), puis de l'Eure ('185()), il déploya en ces divers
postes un faste extravagant qui le rendit extrêmement popu-
laire, mais endetta fort les départements. Mis on dis[)oni-
bilité à la suite de voies de fait contre un conseiller général,
M. Janvier de La Motte menaça le gouvernement de poser
sa candidature dans l'Eure et se ut ainsi nommer préfet
du Gard (4869), puis du Morbihan. Remis en disponibilité
en 4870, il devint un des membres les plus remuants du
comité plébiscitaire de Paris. Puis il se réfugia en Suisse
d'où M. Tliiers le fit extrader connue concussionnaire.
Traduit devant la cour d'assises do la Seiae-ïnferieure en
1872, il futacquilté grâce à l'intervention du ministre des
finances Pouyer-Quertier auquel les théories qu'il émit en
cette occasion relativement aux virements de fonds liront
perdre son portefeuille. Finalement, l'ancien préfet fut
condamné par la cour des comptes (1873) à la restitution
à l'Etat d'une somme de 440,832 fr. Le 20 févr. 4870,
il était élu député par l'arr. do Bernuy. Meiubre du parti
de l'Appel au peuple, il vota avec ladroite et soutint le gou-
vernement du Seize-Mai. Réélu le 14 oct. 1877 et le
21 août 4881, il combattit la pohtique opportuniste et
continua de mériter dans l'Assemblée la réputation d'extra-
vagance qui l'avait rendu célèbre comme administrateur.
Son fils Louis-Eugène (1849-4894), député bonapartiste
de Segré (4876), se rallia à la Répubhque en 4879 et ne
fut pas réélu. On le nomma receveur-percepteur à Paris.
JÂNVILLE. Gom. du dép. du Calvados, arr. de Caen,
cant. de Troarn ; 222 hab.
JANVILLE. Ch.-l. de cant. du dép. d'Eure-et-Loir, arr.
de Chartres, sur le plateau de la Beauce ; 4 ,263 hab. Car-
rosserie ; fabriques do billards, de cribles, de bûclies, de
sabots ; distilleries, moulins, tuilerie, vannerie. Mentionné
dans les documents depuis le commencement du xu^ siècle,
Janville a conservé des restes de ses anciennes fortifica-
tions.
JANVILLE. Com. du dép. de l'Oise, arr. et cant. de
Compiègne ; 229 hab.
JANVILLIERS. Gom. du dép. de la Marne, arr.
d'Epernay, cant. de Montmirail ; 1 80 hab.
JANVRY. Gom. du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Ville-en-Tardenois ; 439 hab.
JANVRY. Com. du dép. de Seine -et-Oise, arr. de Ram-
bouillet, cant. de Limours ; 396 hab.
JANZÉ. Ch.-l. de cant. du dép. d'Ille-et- Vilaine, arr.
de Rennes ; 4,760 hab. Stat. du ch. de fer de l'Ouest,
ligne de Rennes à Châteaubriant. Station d'étalons. Brique-
terie, clouterie, corderies, tanneries, fabrique de sabots,
commerce de volailles. Eglise en partie romane. Menhir de
la Pierre des fées ; vestiges d'un camp romain à la butte du
Chatellier.
JANZÉ (Charles-Alfred, baron de), omme politique
français, né à Paris le 45 août 4822, mort à Paris le
26 avr. 4892. Agronome connu, il fut élu député des
Côtes-du-Nord au Corps législatit le 4^'' juin 1863, avec
l'appui du gouvernement. Il se fit bientôt dans l'Assemblée
une réputation d'orateur d'affaires et prononça, notamment
contre les grandes compagnies de chemins de fer, des dis-
cours qui firent sensation. I^ur avoir conçu trop tôt l'idée
de l'Empire libéral, il fut vivement combattu par l'admi-
nistration aux élections de 4869 et perdit son siège. En-
voyé à l'Assemblée nationale par les Côtes-du-Nord le 2 juil.
4871 , il siégea au centre gauche et combattit le cabinet de
Broglie. Après plusieurs échecs, il ne fut réélu député
qu'en 4 878, puis le 29 janv. 4882. Il appuya générale-
ment la politique opportuniste et continua ses attaques
contre les compagnies de chemins de fer. Il fit adopter en
4882 une réforme fort utile concernant les rapports des
compagnies avec leurs agents commissionnés. On a de lui:
Accidents de chemins de fer (Paris, 4865, in-8) en
collaboration avec G. Bisson; Amendement Lesurques,
Notice historique (1864, in~8) ; la Constitution de
i852 (4867, in-8); les Finances et le Monopole du
tabac (4869, in-8) ; la Transformation de Paris (4869,
in-32); les Huguenots (4885, in-8); le Monopole Ha-
chette (1887, in-8).
JAPART (Jean), compositeur du xv^ siècle. On connaît de
lui quatorze chansons françaises et italiennes à quatre voix,
imprimées dans les trois livres du célèbre recueil publié
par Petrucci en 4 504 -4 503, plus deux autres morceaux
semblables contenus dans un manuscrit de la bibliothèque
Casanatensis à Rome. Ces compositions montrent en Japart
un des plus ingénieux musiciens de Fécole franco-néer-
landaise. Contrepointiste raffiné, il se plaisait aux combi-
naisons de deux ou trois thèmes simultanés, et aux artifices
canoniques. M. Br.
JAPEL (Georges), écrivain slovène, né en Garniole en
4 7 44, mort en 4 807. 11 collabora à l'édition Slovène de la Rible
qui parut de 4784 à 1804; il fut l'un des premiers à rêver
l'union linguistique des peuples slaves et peut être considéré
comme un des précesseurs de V illyrisme (V. ce mol). L. L.
JAPET (Astron.). Nom du huitième satellite de Sa-
lurne (V. ce mot).
JAPH ET. Le troisième des fils de Noé, second auteur du
genre humain après la destruction de la génération con-
temporaine par la catastrophe du déluge, porte lemême nom
qu'un personnage de la mythologie grecque, Japet ou Ja-
pétos. Cette assimilation s'impose quand on voit rattacher
à Japhet les populations grecques désignées sous le nom de
Javan (Ioniens). Sont-ce les Grecs qui ont emprunté ce
personnage à la Genèse? Cela est peu probable. A mesure
que l'on rajeunit la Bible et tout particulièrement les pre-
mières pages de la Genèse^ la solution inverse prend un
caractère, tous les jours plus marqué, de vraisemblance. Les
écrivains juifs vivant au temps de la Restauration (période
post-exilienne) auraient donc emprunté à la Grèce le per-
sonnage de Japhet, qui leur sert à désigner l'ensemble des
peuples suldssant Finfluence de la civilisation hellénique.
Noé, au moment où il vient de maudire ('hanaan, annonce
à Japhet le plus brillant avenir et exprime le désir de le
voir se partager Chanaan, c.-à-d. laPhénicie, avec les des-
JAPHET — JAPON
— 20 —
cendants de Sem, qui sont les Juifs. Il est difficile de com-
prendre le rôle attribué ici à Japhet, si Ton ne suppose pas
que les conquêtes d'Alexandre sont déjà un fait accompli
pour l'époque où l'écrivain de la Genèse (IX et X) tenait la
plume. M. Vernes.
JAPON (Bois du) (Techn.). Bois tinctorial provenant
non seulement du Japon, mais aussi des Indes, du Siam,
de la Chine, des Antilles et du Brésil ; il se présente sous
forme de bûches dépouillées de leur aubier, ou encore en
branches présentant un canal médullaire très apparent,
quelquefois rempli d'une moelle rouge jaunâtre et souvent
vide ; il est dur, pesant, compact et peut prendre un beau
poli. Le bois du Japon est d'un rouge plus pâle que les
autres bois rouges dont il est une des variétés ; il provient
du Cœsalpinia sappan; on l'appelle aussi bois de sappan
ou de sapan. On en distingue deux sortes principales : le
bois de Siam, d'un rouge vif, en bûches de la grosseur
d'un bras ordinaire, sans aubier, et le bois de Bimas en
bâtons de î2 à 3 et jusqu'à 4 centim. de diamètre, jaune à
l'intérieur et rouge rosé aux parties qui ont subi l'action
de l'air; traité par l'eau, ce bois donne une liqueur colorée
en rose ; il cède tout son colorant à l'eau bouillante ; on
le trouve dans le commerce en bûches, en copeaux, en
poudre, sous forme d'extrait sec et d'extrait à 30 et 20*^.
La matière colorante qu'il contient est la brésiline qui,
sous l'influence des oxydants, se convertit en brésiléine ;
on en fait, au moyen d'amidon, de craie, d'alun, etc., des
laques colorées qui servent pour la peinture à la colle et
pour la peinture à l'huile. On l'essaye par teinture. L. K.
JAPON. Géographie physique. — Situation et
SUPERFICIE. — Grand empire et archipel de l'Asie orien-
tale. On désigne ce pays sous le nom de Dai Nippon
(Grand-Japon) qui est la transcription chinoise de Ta Je-
peun, Je-peun Koiio, empire du Soleil-Levant, comparé
au Tchoung Kouo, empire du Milieu, la Chine. Zipangn
de Marco Polo n'est qu'une transcription phonétique de
Je-peun Kouo, Nippon (ou Ni-hon) est la désignation
officielle depuis 670 ap. J.-C. Le Japon est encore désigné
sous le nom de Finomoto, équivalent de Nippon, et en
poésie sous celui de Yaniato^ porte des montagnes ; mais
de même que le nom de Nippon est généralement restreint
à la plus grande des îles de l'archipel, Hondo, de même
Yamato est plutôt réservé à l'une des provinces de cette
même île (dans la circonscription de Kinai) où se trouvent la
ville de Nara et les célèbres sanctuaires Shinto. Je citerai
encore les noms de O-mi-kvni, et à cause de sa longueur,
Toyo-ashi-wara-no-chi-aki-no-naga-i-ho-aki-no-mizu-
ho-no-kuni, La superficie totale de l'empire, d'après la
statistique officielle, est de 38'i,446 kil. q., dont 226,579
pour Nippon et dépendances, 48,210 pour Sikokou, etc.,
43,615 pour Kiou-siou, etc., 94,012 pour Yesso, etc. On a
donné d'autres chiffres : Metchnikov dit 401,306 kil. q..
Reclus 372,818,62 kil. q., V Atlas des missions catho-
liques 382,447 kil. q.
Limites. — L'archipel japonais forme une longue ligne
se dirigeant d'une façon générale du N.-E. au S.-O., de-
puis le Kamtchatka jusqu'à l'île Formose. Dans ses limites
officielles, l'empire japonais est compris à l'E. depuis l'ex-
trémité E. de l'île Shimoushu, province de Tchi-shima,
long. E. 154M2'; à l'O. de l'extrémité 0. de l'île
Yonakouni-shima, dans l'archipel Riou-kiou, ou Liou-
tchou, long.E. 1200 25'; au S., depuis leS. de l'île Hater-
mu-shima,dans l'archipel Riou-kiou, lat. N. 24^06^; auN.,
depuis le N. de l'île Araïto-shima, province de Tchi-shima,
lat. N. 50^ 56^ Par son extrémité septentrionale au N. des
Kouriles, le Japon est séparé du cap Lopatka, au S. du
Kamtchatka, par le grand détroit des Kouriles ; par l'île de
Yesso, il se rapproche de Fîle de Sakhahn, russe depuis
1875, dont il est séparé par le détroit de La Pérouse;
Kiou-siou est séparé de la presqu'île coréenne par le dé-
troit de Corée, enfin les îles Riou-kiou, en se rapprochant
de Formose, forment en quelque sorte la mer orientale,
Toung-hai des Chinois. Le Grand Océan, dont les dépen-
dances baignent la côte occidentale de l'archipel japonais,
en forme la limite orientale, vaste nappe d'eau qui s'étend
jusqu'aux côtes de l'Amérique septentrionale.
Côtes et îles. — Les côtes de l'empire japonais offrent
un développement total de 27,600 kil. dont 10,600
pour Nippon et les îles adjacentes; 2,500 pour Siko-
kou, etc., 9,500 pour Kiou-siou, etc., 5,000 pour
Yesso, etc. On compte 520 îles adjacentes dont 189 dépen-
dent de Nippon, 74 de Sikokou, 213 de Kiou-siou et 44
de Yesso. En réahté, ce ne sont pas seulement 520 îles qu'il
faudrait compter, mais plus de 3,800 rochers et îlots. La
côte N.-E. d'Asie, le Kamtchatka, les Kouriles, le N. de
Yesso, et l'île de Sakhalin forment la mer d'Okhotsk ; si
l'on passe par le détroit de La Pérouse entre Sakhalin et
Yesso, on pénètre dans la mer du Japon, formée à l'E. par
la majeure partie des îles de l'empire japonais, à l'O. par
la Russie d'Asie et la Corée; enfin, si l'on passe entre la
Corée et l'île de Kiou-siou par le détroit de la Corée, large
de 160 milles environ et que franchissent en quatorze ou
seize heures les vapeurs de Nagasaki à Fou-san, on arrive
dans la mer orientale qui baigne les côtes de Chine et qui
est fermée à l'Orient par les îles Riou-kiou et Kiou-siou.
La côte méridionale et orientale est tiédie par le Kouro-
shivo, courant chaud, tandis que VOya-shivo^ courant
froid, baigne les Kouriles et Yesso (Y. Asie et Courant).
Les principales îles de l'archipel japonais sont l'ensemble
des Kouriles ou Tchi-shima (mille îles), qui s'étendent du
Kamtchatka à Yesso, dont elles sont séparées par le Yesso-
se-to^ détroit de Yesso. La grande île de Y'esso est séparée,
comme nous l'avons déjà dit, de Sakhalin par le détroit de
La Pérouse. Au large, on trouve à FO. des îles telles que
flebun-shiri, Rii-shiri, Tsore-shiri^ Yage-shiri^ Oku-
shiri^ 0-shima ( Vulcain) .Yesso est séparé de la plus grande
île, Hondo ou Nippon, par le Tsugaru-seto; au large, à
l'O., on trouve les îles Tobi-shima, Atuo-shima, la grande
Sado-skima^ Oki-shima; à l'E., les Sitsi-to (les sept
îles). Hondo a comme une espèce d'enclave, Sikokou
(quatre provinces), dont elle est séparée par le Mi-skima-
nada, le Bingo-nada, le Harima-nada. C'est entre Hondo
et Sikokou que se trouve également la grande île Awadjij
qui sépare VHarima-nada de Vldzumi-nada, au fond du-
quel se trouvent Hiogo et Osaka. Sikokou est séparé de
Kiou-siou (neuf provinces) par le Bongo-nada. Kiou-siou
même est séparé de Hondo par le détroit étroit et célèbre :
le Simonoseki-seto ; la mer entre Hondo et Kiou-siou
porte les noms de Suo-nada et lyo-nada. Les bâtiments
qui, venant de la côte de Chine, après avoir fait relâche à
Nagasaki dans Kiou-siou, s'engagent pour se rendre à
Yokohama dans cette mer intérieure, formée entre Kiou-
siou, Hondo et Sikokou, ont un des plus beaux spectacles
de la nature. Entre Kiou-siou et la Corée, se trouvent les
grandes îles ïki-shima et Tsou-shima. On désigne sous le
nom de canal de Krusenstern la partie située entre Kiou-
siou et Tsou-shima, et canal de Broughton l'autre partie
comprise entre Tsou-shima et la presqu'île coréenne. Citons
encore à FO. de Kiou-siou Goto-shima et Kosiki-shima,
Le S. même de Kiou-siou, Sata-no-misaki ou cap Tchi-
katchov, est séparé de Tanega-shima par le détroit de
Van Diémen, et Tanega-shima est relié par Yakou-shima
et l'archipel de Linschoten au grand groupe des Riou-kiou.
Les îles Bonin ou Ogasawara-shima s'étendent au S.-E.
de Kiou-siou en trois groupes principaux : Parry, Beechey
et Coffin.
Sur ces côtes, la mer forme de nombreux golfes : je ne
citerai que Walfisch Bay au N. de Yesso ; la baie du Vol-
can, au S. de cette même île; Aomori Van^ et Nobeji
Van au N. de Hondo ; la baie de Yokohama, le Sourouga
Van, le Oaivari Va7i au S. de cette même île, ainsi qu'à
FO. le Wakasa Van, Au S. de Kiou-siou, la côte 0. forme
une foule de golfes, et au S. File deKago-shima se trouve
dans un renfoncement assez profond pour être appelé mer
deKago-shima, Kago-shima-nada. Les c\€,]ones(taïfouns),
fréquentes à la fin de l'été et en automne, créent à la navi-
(^?aiiàe Encyclopédie— ToTïie XXI.
JAPON
Corée
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E.dePapisl22
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130
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H. LAMIRAULr et (7!^ Editear-s
— 21 —
JAPON
gation de grands périls. Elle est paralysée, surtout en
hiver, sur la côte inhospitalière de la mer du Japon, par
le vent du nord.
Relief du sol. — La direction générale de l'archipel
japonais, du N.-E. au S.-O., donne également les grandes
lignes de son système montagneux qui suit les Kouriles,
puis l'archipel japonais, et enfin par les Riou-kiou, For-
mose et les îles Philippines, termine cette longue chaîne
d'îles qui forme la limite extrême de l'Asie vers l'Orient.
Une autre ligne montagneuse, venant du S. des îles Bonin,
traverse une partie de lïondo, obliquement à l'autre
chaîne, qu'elle croise à Yesso, et forme enfin la grande ar-
rête de Sakhalin ; le point d'intersection de ces deux axes
montagneux serait, selon la théorie de L. Metchnikov,
aux abords du Tsugaru-seto, qui sépare llondo de Yesso.
Presque tous les pics de ces chaînes sont des volcans, soit
éteints, soit encore en activité. La montagne est tellement
l'expression même de la nature du pays, que le mot qui
l'indique, yama^ est devenu pour le Japonais presque l'équi-
valent du mot paysage. Le point culminant (3,769 m.) est le
célèbre volcan Fousi-yama (V. ce mot), dans la région la
plus large de Hondo; non loin est l'On-take (3,004 m.).
Entre les provinces de Shinano et de Hida s'élèvent les
montagnes Neigeuses, d'aspect très sauvage ; c'est un mas-
sif granitique et porphyrique, qui dépasse 3,000 m. (Ya-
riga-take, 3,139 m.); les cols sont de 1,800 à 2,000 m.
et obstrués par la neige une grande partie de l'année. On
trouve dans le centre de l'île beaucoup de cimes de plus de
2,500 m. ; nous citerons le ïlaku-san, le Tate-yama
(2,896 m.), le Norikura, l'Asama-yama (2,591 m.), le
Kimpu-zan, le Komaga-take (2,923 m.), le Shirane-san, le
Nantai-san (2,541 m.), etc. Dans le N. de Hondo s'élèvent
les trois grands volcans de Chôkai-san, Ganju-san, ïwaki-
san. Au centre de Yesso, le Tokachi-dake atteint 2,500 m.
Le relief est beaucoup moins accentué à l'O. du lac Biwa;
aucun sommet n'atteint 2,000 m. ; on peut citer l'Omine-
san (1,880 m.) dans la presqu'île de Yamato et le Daisen
(1,640 m.). Dansl'ile de Kiou-siou, les volcans Asô-yama
et Kirishi-yama ont à peu près 1,600 m., ainsi que les
crêtes schisteuses de l'île de Sikokou.
Géologie. — La géologie du Japon n'est pas encore bien
connue ; les études méthodiques ne remontent qu'à une
vingtaine d'années. Il renferme une grande variété de ter-
rains sédimentaires et éruptifs, profondément bouleversés.
Le gneiss ne paraît qu'en peu d'endroits ; les schistes cris-
tallins sont très développés ; ils forment le noyau et les
montagnes de Sikokou. Les schistes paléozoïques, les
grauwackes, les quartzites, les calcaires primitifs forment
le centre de Hondo. Au-dessus se sont déposés des sédi-
ments triasiques, jurassiques et crétacés. On n'a pas encore
signalé de terrains éocènes. Les dépôts miocènes et plio-
cènes sont développés le long des rivages, mélangés à des
grès, à des schistes argileux, à des tufs volcaniques, etc.
Les gr'anites se sont épanchés abondamment à travers les
schistes cristallins et paléozoïques, altérés par le métamor-
phisme. Au S.-O. et au centre de Hondo sont de vastes
massifs granitiques ; ils atteignent 3,000 m. au Komaga-
take et forment la masse principale d'une grande partie des
montagnes. Les éruptions ultérieures, porphyriques et sur-
tout trachytiques et doléritiques, les ont partiellement re-
couverts. — Le Japon fait partie de la ceinture volcanique
qui borde le Grand Océan. 11 compte des centaines de vol-
cans éteints et une vingtaine en activité ; les principaux de
ceux-ci sont : l'Aso-yama, près de Koumamoto (Kiou-siou) ;
l'Asama-yama au N.-O. deTokio; le Shirane-yama dans
les monts de Nikko, au N. de Tokio.
Après avoir brièvement marqué les principaux carac-
tères du sol japonais, nous nous contenterons mainte-
nant d'indiquer quelques-uns des produits qu'il renferme.
Sa nature volcanique est la cause d'un nombre considé-
rable de sources thermales (généralement sulfureuses)
et minérales dont les vertus curatives sont fort bien
connues des Japonais qui les utilisent; toutefois, sauf
dans le Tokai-do, leur composition chimique n'a pas été
suffisamment établie suivant les méthodes rigoureuses
de la^science européenne. La première mine d'argent fut
découverte en 674 à Tsu-shima pendant la période" Hakuho
de Temmu-Tennô. On en trouve en quantité considé-
rable et on coînpte huit régions argentifères comprenant
346 mines. — L'or était connu soîis Mommu-Tennô en
701. Dans un même nombre de régions, on l'exploite dans
89 mines, dont les plus importantes sont celles de Sado-
shima. — Le aiivre est d'excellente qualité, facile-
ment exploitable, et incontestablement une des sources
de la richesse du Japon ; dans l'ancien temps, les Hollan-
dais en faisaient un grand commerce à Deshima ; les mines
les plus prospères sont celles d'Ani (Akita). — Le fer, en
quantité immense, est le plus souvent de qualité inférieure,
— La production du plomb ne suffit pas encore à la con-
sommation'; quant au soufre, il se rencontre partout. Le
%incGt le mercure font défaut. On dit que les Coréens ap-
prirent aux Japonais l'usage des métaux lorsque leur pays
futenvahiàrépoquederim'pératriceZin-gô(200ap.J.-C.).
— La houille est une des grandes richesses du Japon ; on
l'exploite surtout à Yesso et à Kiou-siou. Quoique moins
vaste que le bassin de Yesso, grâce à sa position et à sa
grande quantité de fer, Kiou-siou fournit les quatre cin-
quièmes de la production totale du charbon. Pendant long-
temps, ayant qu'il ne fût question des charbons de Formose
ou de Chine, les mines de Kagoshima furent exploitées, eî
je crois que ce furent les premiers charbons indigènes em-
ployés sur les vaisseaux étrangers. Le charbon de Nagasaki
est aujourd'hui le meilleur charbon du pays. Hondo a été
insutïisamment étudié; le bassin houiller du N. de Tokio
est, jusqu'à présent, le plus grand connu de l'île : il est de
1 ,820 kil. q., mais donne de mauvais produits. — Le Japon
manque de rockes de construction, ses calcaires sont trop
friables, le granit est trop dur à travailler : c'est à cause
de cette absence de matériaux convenables que les Japonais
préfèrent construire leurs maisons en bois.
Régime des eaux. — La configuration même de l'em-
pire japonais, baigné d'eau de tous côtés, la direction do
ses arêtes montagneuses, suffisent à faire comprendre qu'il
ne peut y avoir dans les îles des rivières d'étendue consi-
dérable. Aussi aucun fleuve n'atteint-il une longueur de
400 kil. Presque tous ont une pente rapide dans la partie
supérieure et un lit ensablé dans la partie inférieure dé leur
cours. Le plus grand fleuve de Hondo est le Kiso-gawa, long
de 368 kil., qui sort des montagnes du Shinano, et prenant
une direction méridionale à travers la province de Mino^
se jette dans le golfe d'Owari, séparant la province du même
nom de celle d'ïsé. Citons encore dans la même île VOfio-
y-gawa, entre ïoutomi et Suruga, le Ten-riu (dragon
céleste), entre le lac Suva et la mer (Toutomi-nada) , à
l'une des embouchures duquel se trouve Hamamatsu, C'est
du lac Suva que sort aussi le Tsi-kuma-gaiva (fleuve du
sang de l'Ours) ou Sinano-gawa qui, après un parcours
de 250 kil., se jette dans le delta de la rivière deNiigata,
où est construite la ville du môme nom. Citons encore le
Kita-gami-gawa qui, long de 300 kil., se jette après un
cours N.-S., dans le golfe de Sendaï (Rikuzen). — Dans
l'île de Sikokou, nous ne marquerons que le Yosino-gawa
et le Naka-gaïua qui ont plus de 100 kil., et se jettent
dans le détroit de Linschoten, entre Sikokou et Hondo; e£
dans l'île de Kiou-siou, le Tokusi-gawa. — Enfin, si nous
remontons au N., nous marquerons dans Yesso, le Tecivo-
gawa, Vîsi-kari-gawa avec son grand affluent VOuyé-
gawa, enfin le Kousino-gawa qui ont tous plus de 300 kil,
L'étude des lacs qui forme aujourd'hui une des branches
les plus importantes de la géographie physique offrirait uo
vaste et nouveau champ de recherches. Le plus célèbre de
ces lacs est celui de Biiva, ainsi nommé d'après sa forme
[Inwa, luth à quatre cordes), long du N. au S. de 85 kil.,
large de l'O. à l'E. de 25 kil., a 290 kil. de tour; il est:
situé dans la province Omi (To-san-do) ; entouré de collines
qui, dans le S.-O. deviennent des montagnes que couronne
JAPON — :
le célèbre monastère bouddhique de Hi-ye-san. il est extrê-
mement poissonneux. Nous avons déjà parié du lac Suva;
nous citerons encore le lac Asino-umi, au sommet du mont
Hakoné, prov.deSagami, qui est plus grand ; le Tsiii-son-
%i, au sommet du Nantaï-san (Nikko) ; le Inmva-siro et le
Ziu-san-kata dans le N. Henri Gordier.
Climat. — Les climats, au Japon, sont très variés à
cause de la situation de ce pays. S'étendantdu ^^^ au 54°
de lat. N., et s'étageant du niveau de la mer à plus de
3,000 m. d'altitude, l'empire japonais est soumis à des
températures différentes selon les localités. Le climat est
plus doux que celui du continent asiatique, à cause du
Kouro-shivo, grand courant équatorial, qui longe les côtes
sur une fort grande étendue, entre le 13° au N. et le d6°
au S., mais il est moins chaud que celui des pays de la
Méditerranée situés sous la même latitude, et surtout beau-
coup plus extrême. 11 gèle et neige en hiver à Kiou-siou,
sous la latitude du delta du Nil. A Tokio (35°40Mat. N.),
la température moyenne de l'année est seulement de -|-i3o;
le thermomètre descend à — 40°; il monte en juillet à
-+- 35^; on a compté jusqu'à 60 nuits de gelée; en hiver,
de novembre à mars, la température moyenne est de
-4- 5°, 5. Le climat est soumis au régime des moussons; en
été souffle le vent du S., humide et chaud; en hiver le
vent glacé du N.-O. et du N. Il pleut beaucoup, surtout
durant l'été ; en hiver le temps est plus sec et le ciel serein.
La chute d'eau annuelle est de 4 ,430 millim. , dans Hondo, et
pendant l'été, les orages représentent 4/40® de la moyenne
annuelle. D'après de récentes statistiques, l'humidité de l'air
est de :
Saison froide.
74°, Japon.
82°, S. de l'Europe.
Saison chaude,
84°9, Japon,
70^ S. de l'Europe.
C'est en 4660 que le thermomètre fut introduit au Ja-
pon, mais les premières observations ne datent que du
4^^' juin 4875, où elles furent relevées par l'ingénieur an-
glais Henry-B. Joyner. La loi du 3 août 4887 constitua
un service météorologique. Les principales stations sont au
nombre de huit : Wakayama, Hiroshima, Osaka, Tokio,
Nagano, Hakodaté, Sapporo, Némouro.
Il y a d'autres stations secondaires au nombre de 267 :
25 de deuxième ordre et 242 de troisième ordre.
Le bureau central météorologique comprend quatre ser-
vices : 4° service de climatologie; 2° service d'avertisse-
ment; 3° service des tremblements de terre; 4° service
d'administration. Par les soins de l'administration, il est
publié un bulletin renfermant toutes les observations.
Flore et Faune. — On trouve dans l'art. Asie (t. iV,
pp. 442 et 445) des mdications générales sur la flore et la
faune de Farchipel japonais . Nous nous bornerons à y ajouter
quelques détails. — La flore du Japon est extraordinairement
riche et variée. Elle présente de grandes ressemblances
avec celle de la zone forestière du bassin de l'Atlantique
(Europe et Amérique du Nord) et avec celle de l'I^urope
tertiaire. Elle a aussi beaucoup des plantes de la région des
moussons (Asie orientale), bambous, camphrier, (^f^m^/Zm
japonica^ diverses Laurinées et Terstromiacées. Les chênes
verts, les conifères, les hêtres, les ormes, les aunes, les
mai^nolias sont très répandus. La flore des montagnes su-
périeures est celle des régions arctiques. On connaît les
emprunts faits par nos jardiniers au Japon : caméha, ma-
gnolia, allante, chrysanthèmes, néflier du Japon {Eriobo-
trya japo7iica, etc.). — La faune japonaise comporte
50 espèces de mammifères, 360 oiseaux, 30 reptiles et
batraciens, etc. Les plus caractéristiques ne dépassent pas
l'île de Hondo. Citons le sarou, singe japonais (Inuus spe-
ciosus), le couma, l'ours noir (Ursus japonicus), les fai-
sans versicolor et Sœmmeringi. On remarque encore le
renard commun, le Nycterentes viverrinus, le Mêles Ana-
kuma, le sanglier, le cerf sika^ l'antilope ciHspa ; le rat
pullule et loge sous les toits à défaut de caves ; la souris
est rare. Il n'y a qu'un seul serpent venimeux. Dans les
ruisseaux de la province d'Iga, près de Kioto, vit la sala-
mandre géante {Cryptobranchiis japoniciis).
Anthropologie et Ethnographie. — A part les
Aï)ios (V. ce mot) et les indigènes des îles Liou-kiou, les
habitants de l'empire mikadonal ne forment qu'un seul
peuple, ou mieux une seule nation. D'ailleurs même dans
l'île de Yesso et dans l'archipel des Kouriles, l'habitat des
Aïnos est de plus en plus envahi par les colons japonais.
Quant aux îles Riou-kiou, les Japonais y forment presque
la majorité de la population. Notons en passant que les
indigènes de ces îles diffèrent peu des Japonais ; on les dit
être^plus velus que ceux-ci, avoir le nez plus proéminent
et la peau plus foncée.
Les Japonais offrent, comme la plupart des peuples, cer-
taines variétés dans leur contiguration physique ; on peut
réduire ces variétés, avec la plupart des auteurs modernes
(Dœnitz, Molmike, Siebold, Mage, Metchnikov, Balz, etc.),
à deux types principaux. Le premier, que l'on peut qua-
lifier de fin et qui se rencontre surtout parmi les classes
supérieures de la société, est caractérisé ainsi qu'il suit :
taille élancée, corps assez grêle, crâne dolichocéphale, face
allongée, yeux très obhques, nez fin convexe, bouche pe-
tite. Le second type, que l'on peut désigner sous le nom
de grossier, est commun à la masse du peuple. Voici sa
caractéristique : corps trapu, crâne arrondi, face élargie,
pommettes saillantes, yeux modérément obliques, nez aplati,
bouche largement fendue (Balz). L'un et l'autre de ces types
appartiennent à la race mongole ; le premier est presque
identique à celui que l'on rencontre parmi les nobles Coréens
et dans le N. de la Chine, tandis que le second se rapproche
du type commun aux Chinois méridionaux et aux peuples
indo-chinois : Annamites, Laotiens, etc. ; il offre aussi
quelques traits malais. L'influence du type aïno sur le peuple
japonais a été très médiocre; elle ne se manifeste que
dans le N. de l'île Nippon. Et cependant il est certain que,
dans les temps protohistoriques, les Aïnos occupaient non
seulement le N., mais encore le centre de la Grande lie,
s'étendant au S. peut-être jusqu'au 35® degré de lat. N. Il
est même probable que les « amas coquilliers» ou « kjœk-
kenmœddings » et les ruines des remparts que l'on a trouvés
sur plusieurs points du Japon (aux environs de Tokio, à
Omori, etc.), sont l'œuvre des Aïnos, car on en trouve de
tout à fait analogues sur la côte 0. de Yesso, près d'Hako-
daté, et dans d'autres régions qu'ont habitées dans les
temps historiques ou qu'habitent encore actuellement les
Aïnos.
En confrontant les données de l'histoire avec celles de
l'anthropologie, on peut supposer que les individus du type
fin sont les descendants des tribus venues par la Corée et
les îles Tsou-shima et Iki-shima, dans le S.-O. de Nippon,
à une époque incertaine, mais très reculée. Quant aux gens
du type grossier^ ils peuvent bien descendre des envahis-
seurs qui occupaient, vers le vu® siècle av. J,-C. (d'après
une chronologie douteuse), la côte ouest de l'île de Kiou-
siou, et se répandaient de là dans l'île de Nippon. Venus
soit de la Corée, soit de la Chine méridionale, ces guerriers
envahirent les royaumes fondés par les premiers immi-
grants et se sont répandus dans le S. et le centre du
Nippon, en y fondant le royaume de Yamato. Vers le
n*^ siècle, ils englobèrent dans cet Etat les Kmaço ou
Koîimaosi, les indigènes de l'île Kiou-siou, dont l'origine
est inconnue. A des époques plus reculées, les deux élé-
ments, fusionnés en un seul, formèrent le peuple japonais
qui n'a cessé de refouler les aborigènes du Nippon, les
Aïnos ou Yebis vers le N. Déjà, au vn° siècle de J.-C,
ceux-ci n'occupaient que la partie tout à fait septentrio-
nale de l'île (jusqu'au 38^^ parallèle à peu près) ; au
IX® siècle, ils reculèrent au delà du détroit de Tsougarou,
dans l'île de Yesso, d'où ils venaient trafiquer avec les Japo-
nais dans le N. du Nippon encore au xvi*^ siècle.
D'une façon générale, les Japonais sont petits de taille
(taille moyenne des hommes, 4 "^59, celle des femmes,
i'^47), assez robustes et bien proportionnés. La couleur
23 -
JAPON
de la peau varie depuis le jaune pâle, presque blanc, jus-
qu'au jaune brunâtre, couleur de feuille morte. Fait re-
marquable, les Japonais ne présentent pas de rougeur aux
joues, malgré leur teint souvent moins foncé que celui des
Européens. Par contre, ils ont presque tous une accumu-
lation du pigment sur la ligne médiane du ventre, et tous
les nouveau-nés offrent une tache caractéristique bleuâtre
dans la région sacro-lombaire qui disparaît souvent au
bout d'un certain nombre d'années (Bâlz). Les cheveux sont
en général raides, lisses et noirs. Le système pileux est peu
développé, sauf les cas où on peut présumer les mélanges
avec les Aïnos. Le crâne est mésocéphale (indice cépb.
moyen: 78,2 sur le vivant, 79 sur le crâne), avec la ten-
dance vers la dolichocéphalie dans le type fin, vers la bra-
chycéphalie dans le type grossier; il est assez haut (indice
de hauteur-longueur, 79,8), volumineux et offre surtout
deux particularités : le maxillaire supérieur est très large,
très bas, dépourvu de fosse canine et sa portion envi-
ronnant l'ouverture nasale est moins fortement dirigée
en avant que chez les Européens; l'os malaire est très
fréquemment divisé en deux parties par une suture
transversale plus ou moins complète; tandis que dans
les crânes des autres races, on ne rencontre cette suture
que 2, 3 ou 5 fois sur 100, on la trouve dans les
crânes japonais 20 fois sur 100 (Bàlz). Aussi a-t-on appelé
la portion supérieure du malaire de ces crânes os japoiii-
cum (flilgendorf).
Les traits saillants du caractère japonais sont la politesse
et l'aptitude à dissimuler les émotions ; il ne faut pas en
conclure que le fond de leur nature soit mauvais ; au con-
traire, ils sont très honnêtes, laborieux, gais, enjoués,
bienveillants et très courageux (Mohnike, Metchnikov). La
civilisation européenne, introduite au Japon depuis un
quart de siècle, a beaucoup modifié les mœurs et les usages
du pays, mais les traits essentiels du caractère national
restent inaltérés. Tel, par exemple, l'esprit chevale-
resque des classes dirigeantes méprisant tout ce qui touche
au négoce ou à l'industrie ; cet esprit explique l'ardeur
avec laquelle les Japonais instruits se lancent dans les
luttes des partis politiques, comme on l'a pu constater
maintes fois, depuis que ce peuple se trouve en possession
du régime parlementaire. J. Deniker.
Religions. — Au point de vue religieux, les Japonais
se répartissent en deux croyances : l'une dite nationale,
le shinto ou culte des Kamis (divinités indigènes de na-
ture et d'origine diverses) ; l'autre, d'importation étran-
gère, le bouddhisme. Après s'être disputé avec achar-
nement la suprématie, après des luttes séculaires où la
victoire oscilla de l'un à l'autre des adversaires, après des
persécutions réciproques allant jusqu'à la prise d'assaut,
l'incendie, le pillage des temples et des monastères et au
massacre des prêtres et des fidèles, dégénérant parfois en
de petites guerres civiles où le sang coulait à flots, les
deux ennemies vivent maintenant dans une paix apparente
à l'abri d'un compromis de tolérance imposé par les pro-
grès du scepticisme et de l'indifférence religieuse plutôt
que librement et sincèrement consenti. Car les vieilles
haines, les jalousies, les ambitions ardentes, les querelles
de jadis ne sont pas éteintes entre les deux clergés ; seu-
lement, au lieu d'armes meurtrières, elles se règlent aujour-
d'hui avec des mémoires apologétiques et des controverses
plus ou moins courtoises. Dans cette lutte pour l'existence
et le pouvoir, l'avantage est jusqu'à présent au bouddhisme,
qui compte au nombre de ses ouailles plus des deux tiers
de la population, et, selon toutes probabilités, il lui restera
en raison de sa supériorité dogmatique et philosophique (si
quelque nouveau facteur n'entre pas en ligne), malgré
l'appui que le gouvernement prête au shinto, dont il tend
à faire une religion d'Etat.
Le Shinto. — Le nom de shinto, employé pour dési-
gner la religion nationale du Japon, est relativement mo-
derne. Emprunté à la langue chinoise, il ne paraît avoir
été adopté qu'après l'introduction et rétablissement du
bouddhisme (vi^ siècle.) comme terme de distinction entre
la nouvelle croyance et l'ancienne qui, sans doute, était
demeurée innomée tant qu'elle n'avait pas de rivale.
Les auteurs japonais sont unanimes à affirmer la haute
antiquité et l'originalité absolue de leur rehgion nationale.
Elle remonte, prétendent-ils, au temps même de la créa-
tion du monde et, instituée par les dieux, s'est conservée
jusqu'à nos jours sans changements et pure de tout em-
prunt à l'étranger. Ces prétentions, est-il besoin de le
dire, ne tiennent pas devant l'examen critique des faits
et des maigres documents que nous fournit la littérature
religieuse du shinto.
En dehors des nombreux commentaires qui en ont été
faits à des époques rapprochées de nous, ces documents
se résument à trois livres : le Ko-zi-ki, le Nihon-shô-ki
et le Shiou-i, dont le plus ancien, le Ko-zi-ki^ ne remonte
pas plus haut que le viii® siècle de notre ère, c.-à-d. à
un.e époque où les idées et la Uttérature chinoises avaient
pénétré et s'étaient répandues au Japon, ce qui suffirait
déjà à nous inspirer une légitime suspicion à l'égard de
leur originalité. Ce ne sont, ni les uns, ni les autres, des
livres religieux à proprement parler, car ils ne renferment
ni exposés de dogmes, ni prières, ni prescriptions rituelles
ou morales ; ce sont de simples recueils de légendes, de
traditions populaires historico-mythologiques choisies parmi
les plus accréditées, ainsi que le reconnaît lui-même, dans
sa préface, Oho-no-Yasoumarô, l'auteur du Ko-zi-ki, A côté
d'un fonds de croyances enfantines, naïvement extravagantes
et souvent obscènes, qui sont indubitablement indigènes
et fort anciennes, nous y trouvons les traces évidentes
d'idées mythologiques chinoises (ce qui n'a rien d'étonnant
étant donnée la grande influence que la Chine a exercée
sur le développement de la civilisation japonaise), d'inter-
polations et de remaniements relativement récents, destinés,
à ce qu'il semble, à corriger ce que la donnée primitive
avait de trop matériel.
La mythologie du shinto est très simple. A part les
cinq grands dieux — qui paraissent avoir été inventés
après coup — toutes ses divinités, les Kmnis, sont des
personnifications des forces de la nature ou de ses éléments,
des génies locaux, des ancêtres, ou bien des héros divinisés.
Aucune préoccupation philosophique, aucune conception
rationnelle ne paraissent avoir présidé à leur invention. Ils
naissent sans trop qu'on sache comment, de quoi, ni pour-
quoi; et la plupart, une fois nés, ne jouent plus aucun
rôle dans la fable. Ils ne sont même pas créateurs. Sa
cosmogonie, tout aussi primitive, est du moins originale
avec sa légende des Huit lies engendrées par le dieu Izana-gi
et enfantées par la déesse ïzana-mi.
« Lorsque le chaos commençait à se condenser », dit
le Ko-zi~ki, « mais que ni la force, ni la forme ne s'étaient
encore manifestées, et que rien n'existait qui fût nommé,
rien qui fût fait, qui pouvait connaître sa nature ? Cepen-
dant le ciel et la terre d'abord se séparèrent et les trois
dieux procédèrent au commencement de la création ;
VEssence active et VEssejice passive se développèrent
alors et les deux Esprits devinrent les ancêtres de toutes
choses. » Les trois dieux sont : Amé-no-mi-naka-noushi-
nO'kami^ « le dieu maître du centre auguste du ciel »,
Taka-mi-mousou~bi-nO'kami^ « le grand et auguste
dieu merveilleux producteur », et Kami-mousou-bi-no-
kami, « le dieu merveilleux producteur », nés par une
sorte de génération spontanée. Quant aux deux Essences,
il est facile de reconnaître en elles les principes Yang et
Yin de la cosmologie chinoise.
A ce moment, la terre flotte dans le chaos « comme une
tache d'huile » ; elle se condense, devient visqueuse et
« semblable en quelque sorte à une méduse » ; de cette
viscosité jaillit « une chose qui devint un scion rouge »
et de ce scion naissent (ou poussent) deux nouveaux dieux :
Ou-mashi-ashi-Kabi-hikô-dji-nO'kami, « l'aimable Prince
aîné du Scion rouge », et Amé-no-tokô-tatchi-no-kami,
« le dieu résidant éternellement dans le ciel ».
JAPON
— !24
Ces cinq divinités constituent le groupe des grands dieux
célestes, invisibles, isolés.
Ensuite apparaissent les Sept Générations divines,
composées de deux divinités isolées et de cinq couples divins
mâles et femelles, peut-être créés par la triade primitive
ou par les deux Producteurs, peut-être formés spontané-
ment par l'action des deux Essences; ce sont : 1° Kouni-
no-tokô-tatchi-no-kamiy « dieu résidant éternellement
sur la terre » ; 2*^ Toyô-koumo-nou-no-kami, « dieu
maître de toute abondance » ; 3° Ou-hidji-ni-no-kami,
« dieu du limon de la terre», et Sou-hidji-ni-7io-kami,
« déesse du limon de la terre » ; 4° Tsounou-gouhi-no-
kami, < dieu de tout germe », et Ikou-gouhi-no-kami^
« déesse de toute vie » ; d^ Oko-to-no-dji-no-kami,
« dieu aîné du Grand Espace », et Oho-to-no-bé-no-
kami^ « déesse du Grand Espace » ; 6^ Omo-darou-no-
kami^ « dieu à Textérieur parfait », et Aya-Kashikô-né-
no-kami^ « déesse vénérable »; 1° Izana-gi-no-kami,
« le dieu qui engage », et Izana-mi-no-kami^ « la déesse
qui engage ». Ces deux derniers paraissent avoir eu un
corps matériel, d'une nature se rapprochant de celle du
corps humain, et sont les agents actifs de la création du
monde terrestre.
Jusqu'ici la terre n'existe toujours que sous une appa-
rerce visqueuse, informe. Les dieux engagent Izana-gi et
Izana-mi à la rendre solide et, à cet effet, donnent à
Izana-gi la lance céleste de pierre précieuse appelée Nou-
Kobo. Ces deux dieux se placent alors sur le pont ou
l'escalier Ama-no-ouki-kashi, qui relie le ciel à l'abîme, et
agitent avec la lance divine le limon des eaux ; quand ils
la retirent, la vase restée au bout de la lance dégoutte,
s'empile et forme l'île d'Onogoro. Curieux de visiter leur
nouveau domaine, ils descendent dans l'île et, la trouvant
agréable à habiter, ils y commencent l'œuvre de l'enfante-
ment du monde. Leur premier-né est le dieu Hirougo^
être difforme et chétif qu'ils abandonnent aux flots de
l'Océan sur une barque de roseaux ; puis ils donnent nais-
sance à l'île d'Aha, « Ecume ».
Etonnés et chagrins de la faiblesse et de la laideur de
cette progéniture, ils remontent au ciel demander con-
seil aux grands dieux. Ceux-ci déclarent que la mauvaise
constitution de ces enfants provient de la grave inconve-
nance commise par Izana-mi en faisant la première des
avances à son époux. Les deux démiurges redescendent
donc dans leur île et, cette fois, agissant selon les règles de
la bienséance, donnent naissance d'abord aux huit îles
d'Ahadji, de Foutana, de Mitsougô, de Tsoukoushi, d'iki,
de Tsou, de Sadô et de Yamato, qui constituent le Japon
proprement dit, puis aux six îles secondaires de Kozhima,
d'Adzouki, d'Ohoshima, de Himé, de Tchika et de Fouta-
gô. Après avoir enfanté ces îles, ils engendrent les dix di-
vinités qui président à l'atmosphère, à la terre, aux eaux
et à l'automne : Oho-koto-oshi-wo-no-kami^ Iha-tsout-
chi-biko-no-kami, Iha-dzou-bimé-no-kami , Oho-to-
bi-waké-no-kami ^ Amé-no-fouki-wo-no-kami, Oho-
ya-biko-no-kami , Kaza-gétsou-waké-no-oshi-wo-no-
kami , Oho-wata-tsou-mi-no-kami , Minato-no-kami
et Haya-aki-dzou-hikô-no-kami ; ensuite naissent les
dieux du Vent, des Arbres, des Montagnes, la déesse des
Marais, le dieu du Bateau de camphre céleste, la déesse de
la Grande Nourriture et enfin le dieu du Feu, Hi-no-haya-
yagi-wo-no-kami, dont la naissance coûte la vie à Iza-
na-mi.
Désolé de la perte de sa compagne, Izana-gi verse d'abon-
dantes larmes, et de ces larmes naît Naki-saka-mé-7io~
kami, « déesse des cris et des pleurs » ; puis il enterre la
morte au sommet du mont Hiba, et, fou de douleur, d'un
revers de son terrible sabre, Amé-no-wo-ha-bari, tranche
la tête du dieu du Feu, cause involontaire de la mort de
sa mère. Du sang de ce dieu naquirent huit divinités, et
huit autres de ses divers membres. Après cette exécution,
l'inconsolable Izana-gi entreprend d'arracher leur proie aux
enfers et descend au « lieu de putréfaction » ; mais Izana-mi
a « mangé la nourriture de l'enfer » et ne peut lui être
rendue. Au moins veut-il la voir une dernière fois ; mais il
n'aperçoit plus qu'un cadavre en décomposition, pâture de
vers repoussants, et s'enfuit plein d'horreur poursuivi jusque
sur la terre par
Izana-mi et les
puissances de
l'enfer, à qui il
n'échappe qu'en
fermant avec un
énorme rocher le
passage qui con-
duit au sombre
séjour. Délivré de
leur poursuite, le
dieu s'empresse
de se plonger dans
un ruisseau afin
de se purifier, et
alors de chaque
vêtement dont il
se dépouille, de
chaque partie de
son corps que
touche l'eau pu-
rifiante, naît une
divinité ; de son
œil gauche sort
la déesse Ama-
térasou-oho-mi-
kami à laquelle
il donne l'empire
du soleil; de son i
œil droit, le dieu
Tsouki - yomi -
no- kami dont il
fait le régent de
la lune; de son
nez, le dieu Ta/ce'-
haya-Sousa-no~
wo-no-mikoto
— plus généra-
lement appelé
Sousa-no — qui reçoit en partage l'empire de l'Océan.
A partir de ce moment, il n'est plus question d'Izana-gi ;
quant à Izana-mi, elle devient la grande déesse de l'enfer,
sous le nom &^Yomo-tsou-oho-kami,
L'espace nous manque pour analyser, ainsi qu'il con-
viendrait, les légendes des démêlés du turbulent Sousa-no
avec sa sœur Ama-térasou, et de son exil sur la terre, —
du meurtre de la déesse de la Grande-Nourriture, Oho-
gé-tsou-himé, du cadavre de laquelle naissent les animaux
domestiques et les céréales, — de la victoire de Sousa-no
sur le dragon à huit queues, et résumer les hauts faits
de la longue série de dieux terrestres qui se succèdent sur
le sol du Japon, depuis l'établissement de Sousa-no à Sou-
ga, dans la province d'Idzoumo, jusqu'à l'avènement de
l'empereur Zim-mou, le premier dieu humain, fondateur
de la dynastie impériale du Japon. Du reste, ces traditions
mythologiques, qui appartiennent plutôt au cycle héroïque,
ne nous apprendraient pas grand'chose au point de vue re-
ligieux ; elles ont surtout pour objet d'établir la filiation
divine des daïris ou mikados.
Il est bien difiicile de se faire, d'après ces documents,
une idée nette de ce qu'était anciennement la religion des
Japonais. Le rôle effacé des grands dieux, l'oubli dans le-
quel on les laisse aussitôt après avoir constaté leur exis-
tence autorisent à supposer qu'ils ne faisaient pas partie
du panthéon primitif et ne sont qu'une imitation de la
Irinité chinoise San-thsing, tandis que l'importance don-
née à la déesse du soleil, Ama-térasou, semble indiquer
qu'elle a été — comme elle l'est encore du reste dans la
croyance populaire — la grande divinité principale. Mais
Ama-térasoLi-oho-kami {d'après
dessin japonais).
il ne faudrait pas conclure de ce fait à l'existence d'un
monothéisme primitif ; nous sommes ici en présence d'un
polythéisme, ou, si l'on veut, d'un polydémonisme parfai-
tement caractérisé.
Un fait, d'autant plus curieux à constater qu'il est très
rare, c'est l'absence complète de toute idée de morale et
de tout culte; en fait de rites, nous ne trouvons dans les
cent quatre-vingt sections du Ko-zi-ki que celui de la pu-
rification par l'eau. La notion de l'existence et de l'im-
mortalité de l'âme paraît absolument inconnue aux anciens
Japonais, de même que l'idée d'une autre vie et de ré-
compenses et de châtiments futurs. Le ciel, Takama-no^
hara^ est une contrée toute semblable à la terre, avec des
montagnes, des rivières, des champs, des forêts, des pa-
lais, résidences des dieux; il est situé à une portée de
flèche au-dessus du monde terrestre et on y accède par
un escalier. Les hommes y ont-iis accès après leur mort?
C'est très douteux. Cependant la tradition populaire y fait
monter Izana-gi après la mort d'Izana-mi; mais il ne faut
pas oublier que ce personnage a plus d'un dieu que d'un
homme. L'enfer, Yomo ou Yomo-tsou-kouni, est sim-
plement la contrée des morts, un pays ténébreux conçu à
l'image du monde de la terre, sans qu'il s'y rattache une
idée quelconque de châtiment ou de supplice ; il est situé
au-dessous de la terre et communique avec le monde des
vivants par un passage étroit.
Un état religieux aussi primitif ne pouvait évidemment
pas durer bien longtemps ; aussi, dès le vi*^ siècle avant notre
ère, si nous en croyons les historiens japonais, il se trans-
forme et un véritable culte s'établit. Les dieux étant con-
sidérés comme les ancêtres de la dynastie impériale et de
la nation japonaise, ce culte prit naturellement la forme
ancestrale et ce fut l'empereur lui-même qui eut la charge
d'offrir les sacrifices à ses divins ancêtres en son nom per-
sonnel et pour tout son peuple. Quant aux particuliers,
chacun honorait ses ancêtres à domicile d'une façon à peu
près identique au culte ancestral chinois. Les prêtres, dont
la charge est de bonne heure devenue héréditaire, ne rem-
plissaient que des fonctions subahernes ; ils entretenaient
les temples et participaient aux cérémonies solennelles en
chantant des hymnes avec accompagnement de musique et
en exécutant les danses sacrées. Les temples, construits en
bois brut sans autre ornementation que des rameaux verts
et des bandelettes de papier blanc, consistaient en un sanc-
tuaire ne renfermant qu'un miroir de métal, un sabre et
un gohei (bâton de bois blanc décoré de papier blanc dé-
coupé en losanges) posés sur une table de bois naturel, et
souvent fermé par un voile blanc, ainsi que l'est encore
aujourd'hui le sanctuaire célèbre d'Ama-térasou à Isé. U
était interdit de faire des images des dieux. S'il n'est pas
certain qu'on ait jamais sacrifié des victimes humaines de-
vant les autels, par contre les sacrifices humains étaient
pratiqués à l'occasion des funérailles, et l'usage d'enterrer
vivants avec les morts illustres non seulement leurs servi-
teurs, mais encore un certain nombre de leurs amis, se
conserva d'une façon réguUère jusqu'au i*^** siècle de notre
ère. Il fut aboli, dit-on, par l'empereur Souinin-Tennô en
l'an 2 av. J.-C. ; mais il paraît certain qu'il persista acci-
dentellement jusqu'en 646, c.-à-d. presque jusqu'à l'époque
(742) où l'auteur du Ko-zi-ki compilait ce recueil à la
demande de l'impératrice Gem-miyô, veuve de l'empereur
Temmu.
Les progrès de la civilisation, l'influence de plus en plus
grande de la littérature et de la philosophie chinoises, peut-
être aussi la concurrence redoutable du bouddhisme, ame-
nèrent peu à peu dans le shinto de nouvelles modifications
tendant à le rapprocher du niveau des autres religions voi-
sines. Si le respect de l'antiquité et des choses sacrées ne
permit pas de toucher au texte même des anciennes tra-
ditions, de nombreux commentateurs s'efforcèrent de les
expliquer de façon à en faire disparaître ou à atténuer ce
qui pouvait paraître trop extravagant ou trop grossier à
l'esprit moderne, et à présenter le polythéisme du shinto
25 — JAPON
sous l'aspect d'une sorte de monothéisme, en sacrifiant les
dieux secondaires, réduits à l'état de simples esprits ou de
personnifications des vertus et des énergies du dieu su-
prême. D'après cette nouvelle école, Amé-no-mi-naka-
noushi-no-kami, Esprit ou Essence dépourvu de forme ma-
térielle, est le dieu unique, incréé, éternel, invisible et
créateur ; conception qui le rapproche beaucoup du Shang-
ti des Chinois. Taka-mi-mousou-bi-no-kami et Kami-mou-
sou-bi-no-kami ne sont pas des dieux distincts, mais repré-
sentent les deux facultés ou pouvoirs essentiels du dieu
unique : le premier donne la forme matérielle aux êtres et
aux choses, le second anime la matière. (Cette conception,
cela va sans dire, est celle des lettrés et des philosophes ;
le peuple demeure fidèle à ses anciennes croyances et son
culte se porte presque exclusivement sur la déesse solaire
Ama-térasou.) L'âme humaine, œuvre de Kami-mousou-bi ,
est immortelle et possède deux principes, ou facultés, in-
destructibles : Fo2iyou-mi-tama^ principe du bien, et
Ara~mi-tama, principe du mal; la vertu consiste dans la
prédominance du bon principe. L'âme est faite de la même
essence que le dieu suprême ; elle peut s'en rapprocher in-
définiment par ses mérites et, après la mort, aller se re-
poser à ses côtés dans le Takama-no-hara, ou monde des
dieux. L'âme coupable descend dans l'enfer, Néno-kouni
Soko-no-kouni, pour y subir des supplices incessants.
L'idée de la transmigration n'est pas admise.
Au point de vue de la morale, les shintoïstes modernes
ont tout simplement adopté celle de Confucius ; ils ne pou-
vaient faire un meilleur choix.
Actuellement le culte est à peu près dépourvu de céré-
monial extérieur; comme aux premiers temps, le sacrifice
consiste en une simple offrande de viandes, de poisson, de
volailles, de fruits, de riz cuit et d'eau pure, après laquelle
les prêtres exécutent leurs chants et leurs danses confor-
mément à l'ancien rituel. L'introduction de la morale dans
la religion a étendu les charges de ces derniers ; en dehors
des sacrifices, d'ailleurs peu fréquents, ils enseignent les
préceptes religieux et moraux et prononcent des sermons,
entrecoupés de chants sacrés, qui ne sont pas sans quelque
rapport avec les prêches protestants.
Enfin, le culte domestique a également été simplifié ; les
offrandes déposées devant les tablettes ancestrales, qui
étaient autrefois de véritables repas de plusieurs plats, ne
se composent plus aujourd'hui que de riz cuit à l'eau et
sans sel, d'eau pure et de bâtonnets d'encens.
Le Bouddhisme. — Il existe trois versions relatives à
l'introduction du bouddhisme au Japon. L'une en attribue
l'honneur à une mission coréenne venue au Nippon à la
suite de la conquête de la Corée par la célèbre impératrice
Zin-gô-Kogô, au iv« siècle de notre ère; une autre le fait
arriver en 552 dans les bagages d'une ambassade chinoise ;
la troisième, enfin, donne le mérite de son importation ^u
prêtre Oô-shin envoyé, à cette même date, par le roi de
Corée, avec sept autres religieux coréens, pour apporter à
l'empereur une image du Bouddha en cuivre doré et tous
les livres bouddhiques qui étaient traduits en chinois à
cette époque. La première de ces traditions, qu'aucune
preuve n'accompagne, doit être écartée en raison du ca-
ractère trop légendaire de la conquête problématique de la
Corée par Zin-gô. Quant aux deux autres, faute de docu-
ments suffisants, il est impossible de se prononcer entre
elles, et nous ne retenons qu'un seul point de leur récit,
sur lequel presque tous les historiographes du bouddhisme
japonais sont d'accord, la date de 552. Un autre point
semble également acquis, c'est que l'image sacrée, apportée
par l'ambassade chinoise ou coréenne, tut déposée dans la
maison que le courtisan ïna-mé possédait à Moukawara
(Yamato), qui, transformée par ses soins pieux, devint
le premier temple bouddhiste du Japon.
Ce ne fut pas sans peine que le bouddhisme parvint à
s'implanter, ayant à lutter non seulement contre une reli-
gion d'Etat et la superstition populaire, mais encore contre
la politique d'un gouvernement dont le souverain était
JAPON — 26
considéré comme le descendant direct des dieux du pays
et quelque peu dieu lui-même. Après avoir végété pendant
plus de 300 ans, il commença à se développer, après
l'éclosion de ses premières sectes, vers le ix^ siècle, pour
atteindre son apogée du xni<^ au xvi^, grâce à la protection
qu'il trouva auprès du gouvernement des shogouns.
Quand Yori-tomo fonda, au xi^ siècle, cette institution
du shôgounat si curieusement semblable à la mairie du pa-
lais de notre dynastie mérovingienne, il jugea de bonne
guerre de s'appuyer sur le bouddhisme pour faire opposi-
tion au mikado, chef du shinto, et cette politique habile,
suivie par ses successeurs, fut très probablement le point
de départ de la fortune du bouddhisme au Japon, de même
que, quelques centaines d'années auparavant, la protection
d'Açoka lui avait donné la suprématie dans l'Inde. Les
bouddhistes reconnaissants embrassèrent résolument le parti
des shogouns ; on vit le^s monastères se changer en forte-
resses, les moines troquer la chape contre la cuirasse, et
maintes fois un empereur ayant cessé de plaire à son puis-
sant vassal alla, la tête rasée, méditer à l'ombre d'un cloître
sur la fragihté de la grandeur humaine. Plus tard, au temps
du grand Taï~kô et de Yéyas, tous les daimyôs furent con-
traints de s'affilier à l'une des sectes bouddhiques.
Le bouddhisme japonais appartient au système Mahâ-
yâna ou bouddhisme du Nord, et aux écoles dites mâdhya-
mika ou madhyama-yâna, yogâcârya etkâlâcakra (V. Boud-
dhisme), bien que deux
de ses sectes les plus
anciennes passent pour
professer la doctrine
Ilina-yâna ou du boud-
dhisme du Sud, asser-
tion douteuse jusqu'à
plus ample informé.
Comme celui du Né-
paul, du Tibet et de
quelques sectes chi-
noises, son culte
s'adresse, outre Çâkya-
mouni (Shaka), aux
cinq Dhyâni-Bouddhas,
Daï'Niichi « Mahâ-
Vairocana », Ashikou
« Akshobya », Hô-sliiô
« Ratna Sambhava»,
Amida « Amitâbha »,
Fokou - djô -djôu
« Amogha-Siddha », et
aux mille Bouddhas des
trois mondes (passé-
présent - futur ) , qu'il
désigne par les noms
génériques de Nio-raï
« Tathâgata » et Bout-
sou « Bouddha ». Les
cinq Dhyâni-Bouddhas
jouissent d'une importance toute particulière en tant
qu'essences et origines de tous les autres Bouddhas, — bien
que les quatre derniers ne soient que des intelligences ou
qualités de Daï-Nitchi, le Bouddha suprême, existant par
lui-même, éternel, — et parmi eux celui dont le culte est
le plus répandu est Amida^ personnification de la Cha-
rité, régent de la Terre pure (paradis) de Soukhâvatî, ins-
pirateur et en quelque sorte père spirituel de Shaka-mouni.
Au contraire, Daï-Nitchi est, en général, assez négligé,
sauf dans les sectes de Tén-dai et de Shin-gon qui le recon-
naissent pour leur divinité suprême. Shaka-mouni^ quoique
reconnu comme le fondateur du bouddhisme actuel, n'oc-
cupe qu'un rang secondaire (excepté dans la secte de Ni-
tchirén ou Hokké-shou)ce qui tient à sa situation d'émanation
d'Amida. Au-dessous des Bouddhas, nous trouvons comme
objets d'un culte secondaire les Bossatsou ou Bodhisattvas,
parmi lesquels se distinguent au premier rang Mon-djou,
Daï-Nitchi-nio-raï (Bouddha su-
prême, bois du xviii« siècle).
Rakan {terre cuite du ix° siècle).
« Manjuçri », Foughéîi, « Samantabhadra », et surtout
Kouan-on^ « Àvalokitê-çvara », personnification de l'énergie
charitable d'Amida, qui forme une sorte de triade avec ce
Bouddha et Shaka-
mouni. Dans la classe
des Bodhisattvas figu-
rent les Seize Ra-
kans, « Mahâ-Sthavî-
râs », et les principaux
fondateurs d'écoles et
de sectes. En plus des
Bouddhas et des Bo-
dhisattvas, les cieux
bouddhiques sont peu-
plés d'innombrables
divinités de puissance
et de rangs variés, les
Mio-ô, « Mahâ-dé-
vas », pour la plu-
part d'origine çivaï-
que, les Tén, « Dé-
vas », ou dieux
célestes, les Djin ou
Sfiin, « Esprits »,
les 500 RakanSy
« Arhats », les Tén-
gou^ génies des mon-
tagnes et des forêts.
Enfin les mondes in-
férieurs sont habités
par des légions de
démons, tels que les
Ashoura, « Asuras »,
les Yakha, « Yak-
shas », etc., d'origine indienne et japonaise. Un certain
nombre de Kamis ont été admis au nombre des divinités
bouddhistes.
Sous le rapport des dogmes et des doctrines, il ne s'écarte
guère des traditions du Mahâyâna indien que sur quelques
points de minime importance et de pure interprétation, et
sur la date du Nirvana de Çâkya-mouni, qu'il place en l'an
4000 avant notre ère. Cependant il est intéressant de signa-
ler sa conception du Nirvana, Né-han, beaucoup plus pré-
cise et plus affirmative que celles des autres écoles boud-
dhiques ; pour lui, le Nirvana n'est ni un lieu (paradis),
ni le néant ou l'anéantissement; mais une union intime, une
sorte de fusion du moi de l'être avec le Bouddha, la réali-
sation parfaite du principe « le Bouddha, les Etres et la
Matière ne font qu'un », qui fait de l'être un véritable Boud-
dha parfait et qui s'obtient par « l'acquisition de l'Esprit
de Bodaï (Bodhi) » et la destruction des passions, état au-
quel le saint peut parvenir sans quitter la vie terrestre et,
même, que le prêtre atteint temporairement, selon la doc-
trine des sectes Tén-daï et Shin-gon, pendant qu'il officie
dans certaines cérémonies. Cet état devient définitif après
la mort du saint et le délivre à tout jamais des chaînes de
la transmigration.
Toutes les sectes japonaises reconnaissent et professent
deux degrés d'enseignement appropriés à l'inteBigence et à
l'état d'âme des disciples : Kén-kiô ou doctrine exotérique,
pour le commun des fidèles et les novices, et Mi-kiô^ ou
doctrine ésotérique. Cette dernière, qui, seule, mène à l'ac-
quisition de l'Esprit de Bodhi, ne peut être enseignée qu'aux
initiés d'une capacité et d'une ferveur éprouvées.
Au Japon même on n'est pas d'accord sur le nombre des
sectes, par la raison qu'elles sont divisées et subdivisées à
l'infini en sous-sectes plus ou moins importantes dont cer-
taines ont pris le rang de sectes, et aussi parce que quel-
ques-unes ont disparu ou se sont fondues avec d'autres
de doctrines similaires. En les étudiant d'un peu près on
pourrait peut-être les ramener à cinq ou six types origi-
naux. En général, on en compte huit, douze ou quinze. C'est
cette dernière classification, adoptée par la secte Shin-
— 27 —
JAPON
gon, que nous croyons devoir suivre en raison de la répu-
tation de savoir des prêtres de Shin-gon. De ces quinze
sectes, neuf sont dites anciennes parce qu'elles ont été fon-
dées du vil® au ix^ siècle, et six modernes, établies entre le
xii« et le xvi*^ siècle.
Sectes anciennes, La première secte japonaise fut ins-
tituée en 625 par un prêtre coréen, nommé E-kouan, qui
s'était fixé au temple de Gouangôdji, à Aska (Yamato). Elle
reçut le nom de San-ron. Sa doctrine repose sur la néga-
tion des phénomènes extérieurs et intérieurs et fait con-
sister la vérité en un terme moyen qui n'est ni l'être, ni
le néant. En même temps E-kouan professait la doctrine
de la non-réalité du moi et des éléments des cinq agré-
gats, qui fut adoptée par la secte Djô-djitsou. Actuellement
ces deux sectes n'ont plus ni disciples, ni représentants.
En 653, la secte Hossô fut fondée, dans ce même temple
de Gouangôdji, par Dô-shô, élève du prêtre chinois Géndjô-
Sanzô. La base de sa doctrine est qu'il n'y a rien de réel
que la pensée, tout le reste est illusion. Dô-shô enseignait
aussi le dogme des Quatre Vérités Excellentes et des Huit
Bons Chemins, qui devint le credo de la secte Kou-sha. Les
livres de ces deux sectes sont étudiés par toutes les autres
écoles ; mais le Kou-sha a disparu et la secte Hossô n'a plus
que 48 temples, desservis par 14 prêtres seulement.
En 699, le prêtre En-no Shô-kakou fonda la secte Shou-
ghén, aujourd'hui absorbée dans les sectes Shin-gon et
Tén-daï.
La secte Kégon fut instituée en 843 par Ryôbén, dis-
ciple de Oô-yéi et de Dji-koun ; elle s'est fondue dans les
autres sectes et ne possède plus en propre que 22 temples
avec 10 prêtres seulement.
En 754, le prêtre chinois Gan-djin fonda la secte Hi-
tsoii^ basée sur l'étude du Vinaya, ou Règles de discipline ;
ses doctrines sont adoptées par toutes les autres sectes,
mais maintenant elle n'a plus d'existence propre.
En 805, le grand prêtre Saitchô, ou Déngyô-daï-shi,
construisit le temple d'En-ryakou-dji et institua la secte Tén-
daï, dont l'enseignement, empreint de mysticisme, est basé
sur le principe de « l'unité de nature du Bouddha, des Etres
et des Choses », et sur la doctrine ésotérique du Saddharma-
pundarîka-sûtra ou Lotus de la Bonne Loi. Elle appartient
à l'école Yogâcârya. Très importante et très prospère, elle
possède actuellement 4,800 temples et 2,800 prêtres.
La secte Shin-gon^ « Vraie Parole », fondée en 806 par
le prêtre Koukaï, plus connu sous le nom de Koô-boô-daï-
Koù-boô-daï-slii (bois du xvii'' siècle).
shi, repose également sur le principe de l'unité du Bouddha,
des Etres et des Choses ; mais elle y a ajouté, comme moyen
de parvenir à l'état de Bouddha, la récitation des formules
mystiques, Tantras et Dhâranîs, et l'usage des Mûdras,
signes cabalistiques faits avec les doigts constituant une for-
mule magique et une prière muettes. Elle représente au
Japon l'école de mysticisme ou kâlàcakra. Son enseigne-
ment est presque entièrement ésotérique. Elle possède
43,600 temples desservis par 7,060 prêtres.
Sectes modernes. Pendant à peu près trois cents ans
aucuiiie nouvelle secte ne se constitua; mais, en 1148, le
prêtre Ryô-nin fonda dans le temple de Raikôdji, à Ohara
(Yama-shirô), la secte Youzou-nemboutsou basée sur
« l'échange de la vertu personnelle avec celle d'autrui, au
moyen de la récitation du nom d'Amida ou Charité éter-
nelle». Sans être prospère, elle compte à l'heure actuelle
357 temples avec plus de 200 prêtres.
En 4175, la secte Djô-dô, « Terre pure », fut fondée
par lïô-nen, d'après les principes du prêtre chinois Zén-dô.
Sa doctrine repose sur « l'acquisition de la Bodhi par la
contemplation du Bouddha », considérée comme le moyen
de parvenir à la Terre pure de Soukhâvati, étape de repos
bienheureux sur le chemin de Nirvana. Avec ses deux
ordres ou sous-sectes, de Séizan et de Tchinzei, elle
compte 8,300 temples et 5,500 prêtres.
La secte Zén, basée sur la méditation abstraite, Dhyâna,
se compose de trois ordres ou sous-sectes, établis : le pre-
mier, IHnza'v^ par le prêtre Yéisaï en 4201 ; le second,
Sôtô, en 4245, parDô-guén; le troisième, Wôbakou, par
Douguén en 4663. Ses temples, au nombre de 20,780, sont
desservis par 15,600 prêtres. L'ordre de Sôtô est le plus
florissant des trois ordres de Zén.
La secte japonaise la plus importante par le nombre de
ses adhérents, attirés par la simplicité et la facilité de ses
doctrines, le Shln-shouon « Vraie Secte», date de 1224
et a pour fondateur Shin-ran, disciple de Hô-nen. Elle
Sliin-ran (bois du xvi» siècle).
enseigne que l'esprit de Bodhi s'acquiert exclusivement par
la grâce de la Vérité éternelle qui a pris l'engagement de
délivrer toutes les créatures, et qu'il suffit, pour provoquer
l'action efficace de cette grâce, d'invoquer le nom sacré
d'Amida, qui est réellement la Vrrité éternelle. Contraire-
ment à la règle bouddhique u;;iverselle, qui prescrit le
célibat des religieux et l'abstinence de toute chair, ceux de
cette secte sont autorisés à se marier et à se nourrir de
vianc(e et de poisson. Elle possède 40 grands temples et
49,100 temples secondaires relevant des premiers, avec
48,700 prêtres pour les desservir. Grâce à l'autorisation
du mariage des prêtres, la prêtrise est très fréquemment
héréditaire dans cette secte.
Dans le courant du x^^ siècle, vers l'an 949, un prince
de la famille impériale, fils de l'empereur Téi-gô, se voua
à la vie religieuse sous le nom de Kouya-Djô-nin et, à
JAPON — 28 —
rimitation de Çâkya-mouni, se mit à parcourir le pays en
prêchant la doctrine de la conquête de la Terre pure au
moyen de Fillumination produite parla Bodhi, s'acquérant
par la prière, les actions de grâce et les invocations à la
Vérité éternelle personnifiée par Amida, c.-à-d. à peu de
chose près celle de la secte Djô-dô ; mais cette tentative pré-
maturée n'eut point de succès. Le prêtre Ippen, se disant
inspiré par l'esprit de Kouya-Djô-nin, la reprit en 1275 et
donna à la secte qu'il fonda le nom de Dji-shou, Très peu
suivi, à cause sans doute de sa trop grande similitude
avec Djô-dô, le Dji-shou a peu de fidèles et possède seule-
ment 330 temples avec 200 prêtres.
La secte Nitchi-ren fut fondée en 1261 par le prêtre
Nitchi-ren, disciple de Tén-daï dont elle est considérée
Nitchi-ren (bois du xvip siècle).
comme une sous-secte. On lui donne aussi le nom de Hokké-
shou. Sa doctrine repose sur l'autorité du Saddharma-
pundarîka-sûtra, ou Lotus de la Bonne Loi (en japonais,
Miô-hô-rén-ghé-kiô), et sur l'efficacité exclusive de la
méditation pour parvenir à la connaissance du Bouddha et
à l'acquisition de la Bodhi. Elle proclame l'unité de tous
les Bouddhas passés avec Çâkya-mouni, Bouddha du temps
présent. Comme adjuvant à la contemplation, elle recom-
mande la répétition incessante du titre de son sùtra fonda-
mental précédé de la formule d'adoration iVa-mow. Sur les
autels de cette secte la formule Na-mou-miô-hâ-rên-
ghé-kiô, « adoration au Lotus de la Bonne Loi », inscrite
sur une tahlette, est placée entre deux Bouddhas, Shaka-
mouni et Ta-hô ; cet ensemble appelé Sam-bô^ « Tri-ratna,
trois Trésors », représente la trinité bouddhique : « Boud-
dha, Dharma, Sangha », le Bouddha, la Loi et l'Eglise. Le
Nitchi-ren-shou possède 3,060 temples et 2,500 prêtres.
Si nous faisons le compte des temples possédés actuel-
lement par les 10 survivantes des 15 sectes primitives, nous
arrivons au total de 70,617 temples desservis par 52,584
prêtres. Ces chiffres, s'ils sont sincères, donnent une haute
idée de la prospérité et de la puissance du bouddhisme au
Japon ; mais ils accusent en même temps une disproportion
considérable entre le nombre des temples et celui des des-
servants, d'autant plus étonnante au premier abord qu'elle
est inverse de ce qu'on pourrait raisonnablement attendre.
Cette disproportion tient à ce que les petits temples ou
chapelles, très nombreux dans les villes et les campagnes,
n'ont pas de desservants attitrés et pas de cérémonies jour-
nalières ; le service y est fait, quand les circonstances le
réclament, par des prêtres fournis par les temples princi-
paux. Le nom de monastères conviendrait mieux que
celui de temples à ces derniers qui comportent, outre le
sanctuaire, une bibliothèque, des salles de réunion et des
maisons pour le logement des prêtres, groupées autour de
l'habitation du suf>érieur. Sauf ceux de la secte Shin-shou,
qui se fixent volontiers dans les villages, il est très rare que
les religieux bouddhistes résident en dehors des temples.
Les religions étrangères sont faiblement représentées au
Japon. Le judaïsme et le mahométisme n'ont aucun adhé-
rent parmi les Japonais ; quant au christianisme catholique
et protestant, malgré les efforts de ses missionnaires, il
n'a fait jusqu'à présent qu'un nombre insignifiant de con-
versions. Le Japonais tient à son individualité ; s'il recon-
naît la supériorité des Européens au point de vue scienti--
fique et industriel et cherche à les égaler, il la nie en ce qui
concerne la religion et, malgré le scepticisme que lui a
inculqué le confucianisme, se refuse énergiquement à re-
nier ses traditions nationales. L. de Milloué.
Mœurs et coutumes. — Les Japonais sont vifs, gais
et braves, ayant au plus haut degré le sentiment de la
patrie. Un de leurs traits les plus caractéristiques est la
propreté ; et, dans l'ancien temps, ils étaient plongés cons-
tamment dans les rivières ou dans les piscines, comme des
canards, hommes et femmes mêlés. Il y a environ huit
cents bains à Tokio. La femme japonaise est d'un naturel
aimable, de petite taille, mais gracieuse ; elle doit obéis-
sance à son père, jeune fille; à son mari, épouse ; à son
fils aîné, veuve. Quoiqu'elle ne soit pas maltraitée, la femme
tend maintenant, sous l'influence des idées occidentales, à
transformer sa situation sociale et à augmenter son indé-
pendance; sans aucun doute, Fadoption des modes euro-
péennes contribuera beaucoup à sa transformation. — Les
Japonais perlent plusieurs noms : le nanori ou jitsumyo^
vrai nom ; le zokumyo ou tsusho, nom commun qui corres-
pond à notre prénom; le uji ou myoji^ surnom, souvent
tiré du lieu de la résidence; le azana, sobriquet; le go,
nom de guerre des artistes ; les vieux noms aristocratiques
comme Tokugawa, Minamoto, sont des kabane o\isei; les
noms posthumes des empereurs comme Jimmu-Tenno, par
exemple, sont des okuri-na ; }[iOiir les prêtres bouddhistes,
le nom posthume est homyo ou kaimyo; les noms de
femmes, yobi-na^ sont généralement tirés d'un objet gra-
cieux, d'une fleur par exemple, m faisant précéder ce nom
d'O, « honorable », ainsi 0-kiku, chrysanthème. — Les céré-
monies de mariage ressemblent smgulièrement à celles de la
Chine ; quand un jeune homme est d'âge à se marier, la
famille s'adresse à un entremetteur (nakodo), souvent un
ami de la maison, qui, lorsqu'il a trouvé un parti, menasse
une entrevue (mi-ai) ; si les partis se conviennent, un
échange de présents (yuino) a lieu. Après le choix d'un jour
heureux pour le mariage, la fiancée se rend chez le fiancé,
en blanc, couleur de deuil, pour bien marquer qu'elle est
morte pour sa famille. Les principales cérémonies du ma-
riage consistent dans le san-san ku-do (trois l'ois., neuf
fois), parce que les fiancés boivent trois fois, de 'hacun
des trois vins qui leur sont offerts. Quelques jours après
la cérémonie, les nouveaux mariés font une visite {sato-
gaeri) aux parents de la fiancée. Le divorce est relative-
ment rare au Japon, et les causes n'en sont pas toujours
très claires, je crois qu'elles doivent ressembler à celles
qui existent en Chine. Le deuil consiste principalement
dans le port de vêtements de deuil et d'abstention de
viande animale ; sa durée varie suivant le degré de parenté
et pour le port des vêtements et pour l'abstention de nour-
riture. Pour le père et la mère, le port des vêtements de
deuil est de treize mois et pour l'abstention de viande ani-
male, cinquante jours; pour un rils aîné, vêtements, quatre-
vingt-dix jours, et nourriture, vingt jours ; les visites pério-
diques que le Japonais doit faire aux tombes de ses morts
se nomment haka-mairi. — Je ne puis mieux décrire le cos-
tume japonais que dans les propres termes de M. Cham-
berlain : « D'abord une ceinture (shita-obi) de mousseline
blanchie ; ensuite une chemise (juban) de soie ou de coton,
à laquelle on ajoute en hiver une jaquette {dogi) en même
étoffe; puis vient la robe extérieure (,'cimono), ou, en
hiver, deux robes doublées (shitagi et uwagi), retenues
par une étroite ceinture (obi). Dans les cérémonies, on
porte en outre une sorte de large pantalon, nous devrions
plutôt dire deux basques, appelées hakama^ et un habit
empesé {haori). Le hakama et le haorisont invariablement
de soie, et le haori est orné en trois endroits avec les armoiries
ou mon de son propriétaire. La tète est presque toujours
nue ; elle est quelquefois couverte d'un large chapeau de paille,
tandis qu'aux pieds il y a une sorte de chaussettes, appelées
ta/n, qui atteint seulement jusqu'à la cheville, et qui a un
compartiment séparé pour- le gros orteil. Il y a deux es-
pèces de sandales en paille, les zori qui sont libres, et
employés pour les légers travaux, et le waraji^ qui sont
attachés étroitement autour des pieds et employés pour les
grandes marches seulement. Les gens à leur aise portent
seulement le tabi à l'intérieur et une paire de socques en
bois, appelés geta, au dehors. Le costume national d'un
gentleman japonais est complété par un éventail, un parasol,
et, dans sa ceinture, par une pipe et une blague à tabac.
Les négociants portent aussi à leur ceinture, ce qui est
appelé yatate, sorte d'encrier portatif avec une plume
dedans. Une espèce bon marché de kimono ou robe, est
le yukata, robe de chambre en coton, destinée à l'origine
pour aller au bain, mais qui est souvent maintenant portée
le soir comme déshabillé. ?» Les Japonais aiment le jeu et la
danse ; les danses ancienntîs et classiques sont dénommées
sous le nom de mai, le^ danses modernes et populaires
sous celui à^odori; le kagura est une danse religieuse,
danse avec des robes de damas et avec des masques sur la
figure; hbon-odori est une danse d'été, d'origine boud-
dhiste ; le bugaku était jadis dansé à la cour, et avait un
caractère symbolique ; le no était moins une danse (ji'nn
opéra : c'était la seule permise à la cour de Tokugawa. La
place nous manque pour entrer dans le détail d'autres choses
intéressantes, concernant le Japon, telles que les lutteurs,
mais je ne puis ne pas mentionner cette façon spéciale de se
donner la mort, appelée hara-kirU qui consiste à s'ouvrir
le ventre avec un sabre. Dans les derniers temps, la victime
se contentait d'un simulacre en se faisant une simple en-
taille, pendant qu'un ami le décapitait en môme temps.
Démographie. — D'après la statistique officielle, la
population se montait au 31 janv. 4 89 1 à 40,353,461 hab. ,
et le l^»* janv. 1892 on l'évaluait à 40,718,677, dont
20,563,416 du sexe masculin et 20,155,261 du sexe fé-
minin. La prépondérance du sexe masculin est assez mar-
quée : on sait qu'en Europe et particulièrement en France,
on observe le phénomène inverse.
La population se répartissait comme suit entre les di-
verses régions
29 — JAPON
Ces chiffres ne comprennent pas les mort-nés. La der-
nière période quinquennale, du 31 déc. 1 886 au 3 1 déc.l 891 ,
a donné un accroissement de population de 2,211,500,
dépassant sensiblement celui qui ressortirait de Texcédent
des naissances. Comme il ne s'explique pas par une immi-
gration, il s'ensuit que probablement le premier recense-
ment ou les déclarations de naissances ne sont pas tout à
fait complets.
Au 1^"^ janv. 1892, la population se répartissait comme
suit entre les castes : kwazokoii (nobles), 3,844; sizo-*
koii (anciens samouraï ou guerriers), 2,009, 396; hei-
min (simples particuliers), 38,705,437.
A cette date, on comptait 9,550 étrançfers au Japon :
5,344 Chinois; 1,708 Anglais; 967 Américains ; 523 Al-
lemands; 378 Français, etc. Au 31 déc. 1885, cette po-
pulation n'était que de 6,803. Par contre, le nombre des
Japonais résidant à l'étranger aurait passé de 11,580 à
32,146 ; ils sont surtout établis en Corée, en Chine, puis
aux Etats-Unis.
Voici la liste des villes avant plus de 50,000 hab. au
l^'-janv. 1892 :
Hab. par
Nippon central ( îles
Kil. q.
Habitants
kil. q.
Bonin comprises).. .
94.793
15.776.841
166
Nippon septentrional. .
78.225
6.190.028
79
— occidental ....
53.561
9.279.740
173
Sikokou
18.210
2.887.397
159
Kiou-siou (îles Riou-
kiou comprises) ....
43.615
6.270.863
144
Yesso ( îles Kouriles
comprises)
94.012
314.108
3
Total
382.416
40.718.677
106
Dans le vieux Japon, abstraction faite des îles du Nord,
la densité atteint 140 hab. par kil. carré, le double de
celle de la France.
Le mouvement de la population est accusé par les chiffres
suivants :
Eïcedentdes
Naissances Décès Mariages naissances snr
1887...
1888...
1889...
1890...
1891...
1.078.548
1.186.857
1.219.783
1.151.034
1.086.775
753.456
752.834
808.680
823.718
853.139
334.149
330.246
340.445
325.141
325.651
les décès
325.092
434.023
411.103
327.316
233.636
Tokio
. 1.161.800
Nagasaki
60.581
Osaka
. 483.600
Tokoushima . . .
59.969
Kioto
. 297.527
Toyama
59.090
Nagoya
179.174
Hakodaté
57.942
Kobé
142.965
Koumamoto . . .
56.618
Yokohama . .
. 132,627
Kagoshima. . . .
56.157
Kanazawa. . ,
93.531
Wakayama. . . .
55.668
Hiroshima . .
90.J54
Foukouoka . . . .
54.885
Sendaï
64.476
Géographie politique. — Gouvernement. — Au
Japon, la monarchie est héréditaire et constitutionnelle,
représentée par un empereur qu'on désigne sous le nom de
Tennô, qui correspond au Tien-houang des Chinois, c.-à-d.
empereur céleste. On le désigne également par les appella-
tions de Tenshi, équivalent du chinois Tien-tseu, fils du
Ciel, ou encore Shujô, l'Etre suprême ; le terme de Mikado
qui est employé au Japon dans le sens poétique est celui
par lequel l'empereur est le plus connu à l'étranger. L'ori-
gine de l'expression n'est pas exactement connue ; en gé-
néral, on suppose que Kado, qui veut dire porte^ corres-
pond au mot chinois men, et que mi veut dire auguste,
ce qui nous donne, comme lofait remarquerM. Chamberlain,
un équivalent de la Sublime Porte des Turcs. De même
qu'en Chine, les périodes impériales (nie n-fiao) sont rei^ré-
sentées par des nen-go; ainsi, l'empereur actuel, Mutsu-
hito, né à Yedo le 3 nov. 1852, a le nen-go de mei-dji,
en chinois ming-tche. L'impératrice actuelle porte le nom
de Haru-ko (impératrice printemps) ; née le 28 mai i 850,
elle est la fille du noble Tadaka, de l'illustre maison Fu-
jiwara llchidjo, de la cour de Kioto. L'impératrice mère,
Asako, née à Yedo le 23 janv. 1834, vit encore. Quelques
impératrices se sont rendues illustres dans l'histoire de
l'empire, mais la constitution du 11 févr. 1889 ayant in-
troduit la loi salique au Japon, le rôle de ces dernières est
singulièrement diminué.
Divisions politiques. — La première répartition du Japon
en provinces fut faite par Seimu-Tenno en l'an 131 ap.
J.-C. La di vison, aujourd'hui encore populaire au Japon,
en régions ou routes (do) remonte à la veuve de Chuai-
Tennô, l'impératrice Zin-gô-kogô. On comptait avant les mo-
difications administratives actuelles, neuf régions : I. Kinai
ou Go-kinai, qai comprenait cinq provinces (Yamashiro,
Yamato, Kawachi, Idzumi ou Senshiû, Settsu) ; située dans
File de iïondo, c'était, en réalité, le domaine impérial ; ses
villes principales étaient Kioto, Osaka, Hiogo, Kobe, etc.
IL Tokai-do (route de la mer Orientale), Hondo, 15 pro-
vinces (Iga, Ise ou Seishiil, Shima, Owari ou Bishiù, Mi-
kawa ou Sanshiii, Tôtùmi ou Enshiù, Suruga ou Sunshiù,
Kai ou Kôshiù, Idzu, Sagami ou Sôshiû, Musashi on Bu-
shiù, Awa ou Bôshiû, Kadzusa, Shimôsa, Hitashi); villes
principales : Tokio, Yokohama, Nagoya, etc. Itl. Toseii-do
JAPON
- 30
(région des montagnes orientales) ou Nakasan-do (région
des montagnes centrales), Hondo, 43 provinces (Omi ou
Gôshiù, Mino, iïida, Shinano ou Sinshiû, Kodzuke ou
lôsliiû, Shitnotzuke ou Yashiû, Iwaki, hvasiiiro, Piikuzen,
Rikuchiù, Mutsu; cinq provinces auxquelles on applique
le nom d'Oshiû, les deux suivantes, Uzen et Ugo, recevant
celui de Devva) ; villes principales : Hikoné, Otsou, Sen-
daï, etc. IV. Eokourokou-do (région continentale du Nord),
Hondo, 7 provinces (Wakasa ou Iakushiû, Echizen, Kaga
ou Kashiû, Noto, Etchiû, Echigo, Sado [île]) ; villes prin-
cipales : Fou-koui, Kanazawa, Niigata, etc. V. San-yin~
do (région des montagnes yin, principe femelle, par con-
séquent, de l'ombre) , Hondo, 8 provinces (Tamda, Tango,
Tadjima, Inaba ou [nshiû, lîôki, Idzumo ou Unshiù, Iwami
ou Sekisliiû, Oki [lie]); villes principales : Tottori, Mat-
souyé, etc. VI. San'yô-do{rëgmides, montagnes yô, prin-
cipe mâle, par conséquent du soleil et de la lumière), Hondo,
8 provinces (iïarima ou Bansliiù, Mimasaka ou Sakushiù,
Bizen, Bitchiù, Bingo, Aki ou Geibhiù, Suwô, Nagato ou
Chôshiù); villes principales : tlimedzi, Okayama, Hiro-
shima, etc. VIL Nankai-do (région de la mer du Sud),
Hondo et Sikokou, 6 provinces (Kii ou Kishiù, Awaiji [île] ;
les quatre suivantes forment l'île de Sikokou, Awa ou
Ashiû, Sanuki, lyo, Tosa ou Toshiû); villes principales :
Vakayama, Tokou-shima, etc. \i[[. Sai-kai-do (région de
la mer de l'Ouest), Kiou-siou, 11 provinces (Chikuzen,
Chikugo, Buzen, Bungo, Hizen, Higo, Hiuga, Osumi, Sat-
suma ou Sashiû, îki [île], Tsousliima [île]); villes princi-
pales : Nagasaki, Kago-shima, etc. IX. Hokkai-do (région
de la mer du Nord), Yesso, considérée connne colonie jus-
qu'en 1868, divisée alors en 10 provinces auxquelles
s'ajouta celle des îles Kouriles, soit 11 provinces (Osliima,
Shlribeshi, Iburi, Ishikari, Hitaka, Tokachi, Teshiwo,
Kushiro, Nemuro, Kitami et Ghiijma [îles Kouriles]); villes
principales : Hakodaté et Sapporo. Ces neuf régions for-
maient ainsi un total de 84 provinces et de 717 districts
ou kokori^ auxquels il faut ajouter les îles Riou-kiou(Liou-
kiou ou Lou-tchou) et Ogasawara-shima (Bonin). En 1872,
ces anciennes divisions furent abolies, et le pays divisé en
trois fou: Tokio, Saikio (Kioto), Osaka, et 72 ken ou dé-
partements, non compris la colonie de Yesso et le royaume
vassal (han) des îles Riou-kiou. Ce dernier fut médiatisé
et le nombre des autres ken réduit à 35, soit un total de
36 ; il fut porté ensuite à 43. En voici la liste : Kanazawa,
Hiogo, Nagasaki, Niigata, Saitama, Chiba, Ibaraki, Gumma,
Tochigi, Sakai, Mie, Aichi, Shizuoka, Yamanashi, Shiga,
Gifu, Nagano, Miyagi, Fukushima, Iwate, Aomori, Yama-
gata, Akita, Ishikawa, Tottori, Shiinane, Okayama, Hiro-
shima, Yamaguchi, Wakayama, Eliime, Kochi, Eukuoka,
Saga, Oita, Koumamoto, Kago-shima et Okinawa ; ce dernier
ken a été formé des îles Riou-kiou.
Les trois fou ou préfectures des districts da résidence
sont administrés par des gouverneurs, et les ken, préfec-
tures des districts ruraux, dont on a récemment porté le
nombre à 43 (avec Nara, Fou-koui, Toyama, Tokoushima,
Myasaki), ont à leur tête des chhi, dont dépendent les
fonctionnaires des sous-divisions kou^ mairies, et goun,
sous-préfectures, au nombre de plus de 8U0. On peut rat-
tacher soit à l'administration provinciale, soit pylïus direc-
tement au cabinet des ministres, l'administration particu-
lière de Yesso, et des îles Kouriles, dont le bureau est désigné
sous le nom de Hokkaido-cho (3 ken : Nemuro, Sapporo,
Hakodaté).
La capitale du Japon est depuis 1868 Tokio ou Tokei (en
chinois Tong-king) qui veut dire cour de l'Est, et n'est qu'une
désignation, comme dans l'empire du Milieu, de Pe-king,
cour du Nord. Tokio n'est autre que Ycdo (porte de l'es-
tuaire), l'ancienne capitale des shogouns depuis 1590. L'an-
cienne capitale des mikados a été, de 794 à 1868, Kioto,
Kioto, que l'on désigne aussi par le nom do Sai-kio, cour
de l'Ouest, qui correspond au chinois Si~king . Nous avons
de même, enCochinchine, Tong-king, cour de l'Est, qui est
Hanoï et Si-king, cour de l'Ouest, qui est Hué. Parmi les
anciennes capitales du Japon, je ne citerai que Nara, dans
la province de Yamato, au vin^ siècle, et Kamakura, près
de Yokohama, résidence des shogouns au xii® siècle, dé-
truite en 1455 et 1526. Henri Cordier.
Budget. — L'année financière va du i^"^ juillet au
30 juin. Pour simplifier, nous comptons le yen"=: 5 fr.
Recettes. Dépenses.
1887-88. , . . 430.294.445 fr. 397.265.180 fr.
1888-89. . . . 434.418.455 — 407.520.120 —
1889-90.... 461.695.020 — 398.568.355 —
1890-91.... 429.353.165 — 410.627.015 --
1 891 -92 .... 417. 801 . 345 -- 4 1 7 . 801 . 345 ™
1 892-93 .... 430 . 340 . 400 - 430 . 340 . 400 --
Voici le détail des recettes et dépenses pour le budi^et do
1892-93 : 1^ Piécettes : Impôts, 332,115,985 fr. (savoir :
douanes, 22,395.480 fr. ; impôt foncier, 193,856,695 fr.;
impôts sur les revenus, 5,292,205 fr,; impôt sur les
liqueurs fermentées, 77,943,285 fr.; sur le tabac,
9,224,305 fr. ; timbre, taxes diverses, 23,404,015 fr.) ;
pj'oduit net des travaux publics et revenu des do-
maines, 46,313,545 fr. ; recettes judiciaires et licences,
8,831,970 fr.; recettes diverses, 10,457,825 fr.; recettes
extraordinaires, 32,621,075 fr. — 2« Dépenses : Service
de la dette, 106,854,350 fr. ; liste civile, apana<?es et
temples, 16,034,055 fr.; pensions diverses, 6,307,445 fr.;
conseil d'Etat et Sénat, 7,209,265 fr.; affaires étran-
gères, 3,705,485 fr. ; intérieur, 31,127,360 fr.; finances,
15,208,000 fr. ; guerre, 64,766,825 fr. ; marine,
28,562,355 fr. ; instruction publique, 4,777,915 fr. ;
4,154,170 fr.; communications. 24,602,840 fr.; justice,
18,462,685 fr. ; office de Hokkaido, 8,245,865 fr.; dé-
penses diverses, 50,177,665 fr. ; dépenses extraordinaires,
85,144,120 fr.
La dette publique atteignait au 31 mars 1892 les
chiffres suivants :
Dette intérieure 1 . 424 . 787 . 695 fr.
— - extérieure 72 . 443 .120 —
Total 1.497.230.815 fr.
Mais il faut en retrancher un actif de 23,058,575 fr.
et observer qu'on comprend dans le montant de la
dette intéri^eure 238,511,920 fr. de papier-monnaie et
32,918,175 fr. ne portant pas intérêt. D'autre part, la
guerre engagée contre la Chine en 1894 accroîtra proba-
blement beaucoup le capital de la dette.
Armée. ^— L'organisation du système militaire actuel
date de l'année 1866. Auparavant l'armée japonaise ne
se composait que de samouraï, aujourd'hui com[)lète-
ment disparus ou à peu près, k cause des missions étran-
gères, françaises ou allemandes qui ont créé des troupes
homogènes et disciplinées, sur le modèle de celles de
leurs pays. C'est à Yokohama que s'établirent les en-
voyés du gouvernement français, sous la direction du ca-
pitaine d'état-major, M. Chanoine. Ils avaient commencé
à réorganiser ces bandes ép^rses, quand éclata la révolu-
tion de 1868 qui les empêcha de continuer leur œuvre.
Cependant, quelques années plus tard, et malgré nos dé-
sastres, une deuxième mission fut envoyée avec le colonel
d'état-major M. Marguerie, qui, de 1872 à 1880, établit
l'organisation de l'armée sur des bases fondamentales. Par
les lois de recrutement de 1875, 1879, et puis par celles
du 28 déc. 1883 et 21 janv. 1893, le système militaire
fonctionne de la façon suivante. Le service est obHgatoire
et personnel ; il y a très peu d'exemptions (soutiens de
famille, prêtres, étudiants, professeurs, etc.). H comprend
trois ans dans l'active, quatre dans la première réserve,
cinq dans la deuxième, huit dans la territoriale. On pro-
cède au moyen du tirage au sort. Les premiers numéros
parient dans l'armée active : les autres forment le dépôt :
enfin les plus élevés constituent ce qu'on appelle l'armée
nationale, armée réunie par l'cinporcur en cas d'invasion et
oii sont appelés les individus de dix-sept à quarante ans.
Il est cependant possible de se faire exonérer du service
en versant 270 yen pour Tactive et 135 pour la réserve.
Le volontariat existe. C'est au mois d'avril que les recrues
arrivent au régiment après avoir passe devant un conseil
de revision. Le minimum de la taille a été fixé à 1^50
pour l'infanterie, l'^59 pour la cavalerie et le génie, i^Qi
pour l'artillerie. La solde de chaque soldat est de iocent.
Après quarante-cinq ans, dont vingt-cinq de services, il y a
une retraite de 210 fr. La tenue se compose d'une tunique
à deux boutons et d'un pantalon en drap bleu. L'arme se
reconnaît par la bande du pantalon : rouge pour l'infante-
rie et la gendarmerie, verte pour la cavalerie, jaune pour
l'artillerie, blanche pour le génie et bleue pour l'intendance,
le train, le service de santé. La casquette ressemble à celle
des soldats russes. L'organisation militaire est ainsi cons-
tituée : un ministère formant cinq divisions, un état-major
général distinct du ministère et comprenant : i général de
division, 1 général de brigade, 1 colonel, 3 lieutenants,
6 sous-lieutenants (en tout 39 otticiers d'état-major, y
compris les attachés à l'étranger) ; une inspection générale
permanente, dirigée par un général de division ayant sous
ses ordres 24 officiers. Le Japon est partagé en six divi-
sions territoriales correspondant à une division d'infanterie
(l'île de Yesso en forme une septième) ; en trois directions
d'artillerie (Tokio, Osaka, Simonoseki), en trois divisions
de génie dans les mêmes villes. En outre il existe un ré-
giment delà garde dont le siège est à Tokio, et des bureaux
de recrutement.
Les officiers japonais peuvent être classés en quatre
catégories : i^ anciens samouraïs ; 2^ anciens élèves des
écoles; 3° anciens sous-officiers ; 4^ anciens fonctionnaires
civils.
Les écoles militaires sont en effet fort nombreuses :
i^ V Ecole de guerre, dirigée par un colonel et recevant
60 élèves âgés de moins de trente ans et ayant déjà servi
deux ans dans l'infanterie ou la cavalerie ou un an dans
les armes spéciales. Les cours durent deux ans; 2^ V Ecole
d'application d'artillerie et du génie; 3° V Ecole spé-
ciale militaire^ sous la direction d'un colonel, admet
464 élèves, âgés de moins de vingt-quatre ans, et les garde
pendant trois ou quatre ans selon l'arme; 4*^ V Ecole pré-
paratoire militaire; 5« les Ecoles d'infanterie et de
cavalerie; 6° V Ecole de tir de V artillerie; 7° V Ecole
d'administration militaire (42 élèves) ; 8^ V Ecole de
77iédecine (23 médecins stagiaires et 49 élèves-médecins) ;
9° ï Ecole des sous-officiers (1,096 élèves admis par
concours, étant célibataires et ayant dix-huit ans au mini-
mum et vingt-cinq ans au maximum). En outre il existe
des écoles de maréchalerie, de musique, etc., etc. L'ar-
mée active comprend 28 régiments d'infanterie, dont 4 de
la garde à 2 bataillons (1,633 hommes, dont 48 officiers,
125 sous-officiers, 4 médecins, 2 officiers d'administration
1,440 soldats et 11 chevaux). Le régiment de ligne ren-
ferme 1,721 hommes.
Il y a 7 divisions de cavalerie à 3 escadrons, dont un
de la garde et 6 de la ligne. L'artillerie de campagne
compte un régiment de la garde et 6 de la ligne, et l'artil-
lerie de forteresse, 4 régiments à 3 divisions. Le génie est
composé de 7 bataillons dont un de la garde, et le train de
7 bataillons y compris un pour la garde. En plus, il a été
formé, par les missions étrangères, deux corps de musique,
une milice insulaire de Tsoushima et la colonie militaire
du Hokkaïdo. Pour assurer le bon ordre de tous ces ser-
vices, on a créé 6 légions de gendarmerie. Les troupes sont
armées du fusil Mourata, calibre do 11 millim., qui est du
genre du Gras, du Beaumont et du Mauser. C'est une très
bonnearmequivientdela manufacturede Tokio. La cavalerie
est munie de la carabine du même système, avec une car-
touche spéciale renfermant moins de poudre. Cette poudre,
assez médiocre, sort des établissements Itabashi (Tokio) et
d'iwabana (Takazaki). L'artillerie a adopté les pièces de
campagne du système Krupp, avec un cahbrede 80 millim.
Il faut, en effet, que les batteries soient facilement trans-
31 — JAPON
portables à travers le sol montagneux du Japon. En 1892,
l'armée active en temps de paix comprenait : 2,766 officiers
et 57,036 hommes. Certaines modifications ont eu lieu ;
avec les services auxiliaires, le total étaitde 71,129 hommes
et 7,979 chevaux.
Marine. — La formation de la marine date à peu près
de la même époque que l'organisation de l'armée. Avant
la révolution de 1868, il n'existait que quelques navires
en bois appartenant à de puissants seigneurs, et de nom-
breuses barques, servaat aux marins japonais, soit pour. ^
pêche, soit pour le pillage. Ce sont encore des officiera
étrangers, français, anglais ou allemands, qui constituèrent
une tlotte devenue aujourd'hui si importante que les Japo-
nais se considèrent comme les Anglais de l'extrême Orient.
Le Japon se divise en deux amirautés dépendant du minis-
tère de Tokio: 1° Amirauté de l'Est, dont le siège est à
Yokohama, qui comprend le Hokkaïdo et la partie N.-E.
de l'empire sur la mer du Japon jusqu'à la pointe de Noto,
et sur l'océan Pacifique, jusqu'à la pointe de Ooshima;
2** Amirauté de rOuest^ dont le siège est à Miwora, dans
la mer intérieure. Le recrutement des marins s'opère ainsi :
par engagements volontaires de sept ou neuf ans ; par
choix fait parmi les hommes qui doivent alors servir quatre
ans. Les rengagements sont autorisés sans limite d'âge.
L'effectif comprend : 865 sous-officiers, 3,300 marins,
450 domestiques, 40 employés civils. Il y a, en outre, une
compagnie d'artillerie de marine (100 hommes, 4 officiers),
un bataillon d'infanterie de marine (300 hommes). Le re-
crutement des officiers est réglé sur la loi française de
1834. La plupart sortent de l'académie de Kulé ou des
écoles navales étrangères; les autres sont d'anciens pre-
miers maîtres ou viennent de l'Ecole des capitaines au long
cours, établie sur un navire dans le fleuve Sumida, à
Tokio. Les ingénieurs sortent de l'Université de Tokio,
et les médecins, de l'Ecole de médecine navale. Il existe
dans la baie de Yedo l'arsenal de Yokoska, qui a été
fondé par des ingénieurs français en 1867, et la pou-
drerie de Mita-Mura. Le service à bord s'exécute d'après
des règlements français. L'uniforme est celui de la marine
anglaise. La flotte comprend : 31 navires, 26 torpilleurs,
5 transports; mais, sur ces 31 navires, la plupart sont en
bois. H n'y a pas de transports. Récemment le gouverne-
ment japonais a soumis un plan de constructions navales
représentant une dépense de 235,000,000 de tr. Ce plan
renferme : 2 cuirassés de 9,500 tonnes, 3 croiseurs cui-
rassés de 6,0'JO tonnes, 1 croiseur protégé de 4,500 tonnes,
6 croiseurs de 1,300 à 3,000 tonnes, 7 avisos-torpilleurs
de 500 tonnes.
Instructioin. — On a peu de renseignements sur l'his-
toire de l'éducation dans l'antiquité, mais depuis l'époque
d'Ojin-Tennô (270 ap. J.-C), les empereurs se sont beau-
coup occupés de l'instruction de leur peuple. SousTemmu-
Tennô (673-686), l'Université fut établie à Kioto et des
écoles furent créées dans diverses parties de l'empire. Les
écoles, très florissantes au viii® siècle, périchtèrent plus
tard, et pendant les périodes lio-ge7i (1156) et hei-ji
(1159) l'éducation tomba entre les mains des soldats.
C'étaient les prêtres bouddhistes qui étaient plus particu-
lièrement chargés de l'éducation. L'avènement au pouvoir
de la maison de Toku-gawa, au commencement du xvii^ siècle,
en même temps qu'elle donnait une impulsion aux études
nouvelles, en changea complètement la nature; les grands
ouvrages de Confucius furent étudiés avec soin et appris
avec Te même zèle qu'en CJiino même. Toutefois, la révo-
lution de 1868 modifia l'ancien système. On désigne sous
le nom de mombu-sho le département de l'éducation et
de mombu-kiijo le ministre de l'éducation. Après avoir
fait l'essai de plusieurs collèges, on créa enfin une Uni-
versité impériale a Tokio {ToJdo-daigaku) ; elle comprend
six facultés : droit, lettres, sciences, art de l'ingénieur,
médecine et agriculture, et elle renferme à peu près neuf
cents étudiants. On compte en outre deux écoles normales
supérieures pour les garçons et les filles, une école supé-
JAPON
32
rieure du commerce, une école technique, une école des
nobles (Gakushiu-in) des académies navale et militaire,
une académie de musique, une école des beaux-arts, une
école d'aveugles et de sourds-muets, cinq écoles moyennes
supérieures et, de plus, un grand nombre de collèges par-
ticuliers.
Suivant la Gazette officielle, à la fin de 4892, le
nombre total des périodiques et des journaux était de
972 : 228 étaient consacrés aux nouvelles, H à la juris-
prudence et à l'économie politique, 69 à la religion, 251 à
l'éducation et aux romans, 40 à la médecine, i61 au com-
merce, à l'agriculture et à l'industrie, et 26 aux rensei-
gnements officiels. En 1892, 244,203,066 journaux ou
revues ont été imprimés, c.-à-d. 163 par jour et par 10,000
hab. ; 460 nouveaux journaux ont paru, et 434 ont arrêté
leur publication, tandis que 87 ont été interdits par l'au-
torité. On compte à Tokio 203 revues et journaux ; à
Osaka, 57 ; à Kioto, 46 ; à Kanazawa, 11 ; à Hiogo, 36;
à Iwata, 2 seulement. On peut rapprocher de ce chiffre de
1892 celui de 1891, 766 périodiques, et celui de 1890,
716. Citons parmi les revues et les journaux étrangers:
la Revue française du Japon, la Japan Gazette, le
Japan Directory, le Japan Herald, le Japan Mail, le
Hiogo News. Une Asiatic Society of Japan, qui publie
des Transactions fort intéressantes, a été créée en oct.
1872 ; de même en 1873 a été fondée une Deutsche Ge-
sellscJiaft fur Natur und Volkerkmide Ostasiens qui
imprime à Tokio de remarquables Mittheilungen.
Géographie économique. — Agriculture. — Le
Japon est un pays essentiellement agricole, d'autant que
jusqu'à la révolution de 1868, le commerce et la plupart
des industries étaient méprisés. Le sol est partagé entre les
paysans, pour lesquels l'impôt en argent payé à l'Etat rem-
place l'ancien impôt en nature payé aux daïmyos. La
grande propriété n'existe pas ; la noblesse n'a guère de
biens fonciers. Les champs, travaillés à la bêche, soigneu-
sement fumés et débarrassés des mauvaises herbes, sont
soumis à un régime de rotation des cultures. Les rende-
ments sont considérables ; les bonnes terres donnent une
récolte en mai ou juin (blé, orge, pois, fèves), une autre
à la fin de l'automne (riz). La surface cultivée est très
faible : moins de 15 *^/o de l'ensemble du Japon, moins de
12 ares par tête d'habitant. Les principales cultures sont :
les cinq fruits (Go-koku),riz, blé, gerste, hirse, haricots,
puis des oignons, une rave, le tare (Colocasia antiquo-
rum), la patate [Baiatas edulis) ; nos arbres fruitiers
dégénèrent au Japon, qui ne peut citer que son kaki (Dios-
pyros) et ses mandarines, La culture du thé a une grande
extension dans les coUines ; celles du tabac, du coton, du
chanvre, du Polygonum tinctorium, du ginseng, sont
considérables. Le mûrier à papier (Broussonetia papyri-
fera) et le mûrier des vers à soie viennent à l'état sau-
vage. La production de la soie est concentrée dans le centre
de Hondo, surtout dans les prov. de Kodzuke, puis dans
celles de Shinano et Koshiu. L'arbre à laque (Rhus ver-
nicifera) prospère au centre et au N. de l'île. L'élevage
est peu développé. Les chevaux sont petits, mais endurants;
le bœuf n'est employé que comme bête de somme ; le porc
peu répandu; la volaille (poules, canards, pigeons) abonde.
Citons encore les abeilles, le chat à courte queue, le chien de
race naine. Il n'y a ni ânes, ni moutons, ni chèvres, ni oies.
Industrie. — Des industries japonaises, nous connais-
sons surtout celles de l'art décoratif, dont les produits
sont très appréciés en Europe: laques, émaux cloisonnés,
bronzes, porcelaines et autresproduits céramiques, ivoires,
bois sculptés, estampes, etc. Le goût et l'adresse des Japo-
nais sont universellement admirés (V. ci-dessous le § Beaux-
arts). Les laques se font à Nagasaki et dans les grandes !
cités de Nippon ; de même les incrustations; pour les '
bronzes, Kioto, Tokio et Kanazawa sont au premier rang;
pour les émaux cloisonnés, Kioto, Nagoya et Tokio ; pour
le travail des métaux, Kioto. La porcelaine et les grès se
font à Arita (prov. Hizen), Satsuma (S. deKiou-siou),
Kioto, Seto (prov. Owari) et Kanazawa. Les plus belles
soieries et brocarts viennent de Kioto.
Les industries européennes implantées dans l'archipel
ont fait, depuis quelques années, d'énormes progrès. Dans
un rapport très intéressant, publié par le consul anglais
Hugh Fraser, nous trouvons qu'en 1892 il n'y avait pas
moins de 38 filatures de coton, dont 9 à Osaka seule-
ment, avec 385,990 broches, représentant un capital de
plus de 50 millions de fr. ; en 1880, il n'y avait qu'une
seule filature, celle de Kagoshima. En 1890, la produc-
tion a été de 42,527,042 livres angl., représentant une
consommation de coton brut de 49,331,368 Kv. angl.
— Il n'y a en ce moment que 2 ateliers de tissage sur
le modèle européen, l'un, pour le coton, à Osaka, l'autre,
pour la laine, à Senjiu, faubourg de Tokio, qui appartient
au ministère de la guerre. — En dehors des chantiers de
construction navale appartenant au gouvernement, il y en
a 3 autres considérables à Tokio, Hiogo et Nagasaki. Ces
chantiers construisent les vapeurs à hélice et à aube, les
navires à voiles, les chalands, les dragues, etc.— En dehors
de la manufacture de papier du gouvernement à Oji, fau-
bourg de Tokio, il y a seulement 6 moulins à papier au
Japon : 2 à Tokio, 5<?Mz, établi en 1876, et Yiikosha,
étabh en 1874; 2 à Osaka, Shimogo, établi en 1876, et
1 autre appartenant à M. Abe, récemment terminé; 1 à
Kioto, Umedzu, établi en 1875, et 1 à Kokura, province
de Buzen, Senjin, établi en 1891. Ces papiers, fabriqués
soit avec des chiffons, soit avec de la paille de riz, ou avec
l'écorce de l'Abies firma, sont destinés à la consommation
intérieure. — Les premières fabriques d'allumettes furent
installées au Japon en 1876 ; elles sont au nombre de près
de 70, dont 60 environ dans les villes de Tokio, Osaka et
Hiogo. Il y a 17 fabriques de savon à Osaka et 1 à Hiogo;
en 1890, la valeur des produits d'Osaka était de 15,000
liv. st., dont la moitié a été exportée en Chine; la même
année, sur 77,160 boîtes fabriquées à Hiogo, 14,249 boîtes
furent employées seulement dans le pays; le reste fut en-
voyé en Chine; la plus grande manufacture de savon est
celle de Yokohama, établie en 1888. — La fabrication du
verre est une des plus anciennes industries du Japon;
Osaka, Nagasaki sont des centres, mais la plus grande
manufacture est celle de Tokio.
Voies de communication. — Le Japon n'a pas un sys-
tème de navigation fluviale aussi considérable que celui
de la Chine; mais, en revanche, il a un grand nombre de
routes dont quelques-unes fort anciennes et célèbres, telles
que le To-kai-do, route qui conduisait de Kioto à Yedo,
sur laquelle était établi un service de 53 relais de porteurs
{tsugi). Les moyens de transport sont d'ailleurs nom-
breux : le total de véhicules de toute sorte, qui s'élevait
dans l'année 1876-77 à 257,200, a atteint, en 1884-85,
642,775. Ces chiffres ne comprennent pas seulement les
voitures de maître, les chariots traînés par les chevaux,
les chariots traînés par les bœufs, mais aussi les jinriki-
cha ou pousse-pousse, qui figurent dans cette dernière
année pour 169,908. Le mot àejinrikichayeiû dire litté-
ralement « homme-force-voiture ». Ces véhicules sont, au
reste, d'origine relativement récente ; Ils ont été inventés
vers 1870, et de là, ils ont été transportés naturellement
en Chine. D'ailleurs, le Japon a un moyen de transport
autrement important qui n'existe qu'à l'état presque rudi-
mentaire en Chine : c'est le chemin de fer.
La première ligne de chemin de fer construite au Japon
a été celle de Tokio à Yokohama, commencée en avr. 1870
et terminée en 1872. La distance est courte d'ailleurs :
28 kil. 1/2. C'est la ligne qui a coûté le plus cher. En dehors
de cette ligne, l'Etat exploite celles do Kôbé à Otsu, Tsu-
ruga à Ogaki, Takasaki à Yokogawa, Takétoyo à Atsuta,
et Témya à Horonaï. Les compagnies particulières n'ont
commencé leurs travaux qu'en 1888. Au 31 mars 1893,
le réseau total des chemins de fer au Japon était de
2,974 kil., dont 898 sur les lignes de l'Etat ; les pro-
jets en vue pour une trentaine d'années augmenteraient
33 -
JAPON
jusqu'à 7,400 kil. les lignes de chemin de fer. Ces lignes
sont extrêmement prospères, et on en peut juger par les
intérêts que les principales payaient à leurs actionnaires à
la fin de juin 1893 : Nippon, 10 % ; Ryomo, 8 °/o ;
Kobu^ iO'^lo ; Kwansaiy ^^^/o; Sanyo, 4,5 °/o; Kiou-
siou, 4,7*^/0; Tanko, 7,5 0/0.
Lorsque lye-yasu devint shogoun, il établit un système de
postes un peu primitif, laissé plutôt à Tinitiative privée
d'agences appelées hikyaku-ya; mais en 1871, suivant
en cela les conseils américains, une sorte de service à
Teuropéenne fut créé par rétablissement d'un service pos-
tal gouvernemental sur le To-kai-do, entre Tokio, Kioto
et Osaka. Comme en Chine, dans les ports ouverts au
commerce étranger, les grandes puissances occidentales
eurent leur bureau de poste spécial jusqu'à ce que le Japon
fiît entré, le l^*" avr. 1879, dans l'Union postale univer-
selle. Au 31 déc. 1885, on comptait 4,137 bureaux de
poste japonais ; les voies postales étaient : territoriales,
47,366 kil.: fluviales, 405 kil.; maritimes, 23,545 kil.
La première ligne télégraphique fut une ligne d'essai, ou-
verte en 1869 pour l'administration ; en 1870, des lignes
furent établies entre Tokio et Yokohama d'une part, et
Osaka et Kobé d'une autre. En 1893, la longueur des
lignes était de 13,576 kil. ; celle des fils, 36,598 kil. ; le
nombre de bureaux était de 309 contre 280 en 1885-86.
Marine marchande. — En 1892, la marine marchande
comprenait 18,70 navires ou jonques de construction ja-
ponaise, et 1,442 de construction européenne dont 607
vapeurs, jaugeant 95,588 tonneaux, et 835 voiliers jau-
geant 50,137 tonneaux. On compte en outre environ
490,000 bateaux de pêche et 150,000 pour la culture des
rizières.
Commerce. — Voici quel était, en 1891, l'état du com-
merce général d'après les pays (en milliers de yen) :
PAYS IMPORTATIONS EXPORTATIONS
Grande-Bretagne 19.996 5.633
France .' 2.834 15.120
Allemagne 5.127 1.457
Suisse 550 259
Belgique 689 69
Italie 112 755
Russie 885 316
Corée 4.033 1.466
Chine 8.798 5.826
Hong-kong 5.090 12.579
Indes 5.643 989
Australie 229 757
Amérique du Nord 6.861 31.138
Autres pays 2.081 1.551
Pour les navires » 1 .612
Totaux 62.927
79.527
Voici, pour la même année, les principaux articles des
importations et des exportations (en milliers de yen) :
Importations
Coton 8.199
Sucre 7.811
Céréales 6 . 442
Filés de coton. . . 5.673
Pétrole 4.536
Cotonnades 3.428
Drogues, etc 3 . 352
Lainages 3.160
Fer 2.899
Machines et instru-
ments 2.447
Voitures et navires 1 . 536
Articles en fer. ,
Peaux
Vêtements
Armes
1.214
942
843
793
Soie 31.882
Thé 7.033
Riz 6.214
Cuivre 4.937
Houille 4.831
Soieries 4.782
Poissons et co-
quilles 2.299
Exportations
Camphre 1.629
Poterie 1.425
Articles en bois
et ouvrages de
paille 1.286
Herbes marines. . 1 . 234
Drogues, etc.. . 877
grande encyclopédie. — XXL
D'après le dernier « livre bleu » publié en août 1 894,
il y a au Japon 1,006 compagnies par actions représentant
un capital de 101, 762, 349 dollars; 131 banques nationales
avec un capital de 48,416,000 dol. et diverses compagnies
de chemins de fer avec 73,124,000 dol. de cap. ; 14 nou-
velles compagnies sur la vie ont été créées en 1893, mais
on a remarqué que, sur trois personnes, une seule continue
à payer sa police d'assurance. Il y a 11 compagnies d'élec-
tricité au capital nominal de 2,477, 250 doL, dont 1,674,713
dol. versés.
Monnaies, poids, mesures. — Les monnaies japonaises
sont représentées par le yen:=z^ fr., et le sert =: 5 cent.;
le yen d'argent pèse 26sr,9564 au titre de 900 millièmes;
le yen d'or pèse 1^%6667 au titre de 900 millièmes (ls%5
d'or fin). Théoriquement 1 yen r= 100 sen; 1 sen z=z
10 rin; 1 rin =10 mô;i md = 10 shu ; 1 shu =
10 kotsu; en pratique ofiTicielle, on ignore les monnaies
au-dessous du rin; la monnaie impériale a été installée à
Osaka par des Anglais qui ont été depuis lors remplacés par
des Japonais. Les monnaies d'argent sont des pièces de 1 yen
et ses subdivisions ; il y a également des pièces de nickel
de 5 sen, et pour les sommes plus petites des pièces de
cuivre ; le papier-monnaie qui est au pair de la monnaie d'ar-
gent est fabriqué dans la capitale de Tokio à l'établisse-
ment appelé Insatsu-kyoku. — Les mesures de longueur
sont le ni=:3,9273 kilom., le nmarm=l,85i8 kil., le
tchô=zi,0%d hectom. ; le ken= i,S\S^2 m. ; le chakou
= 3,0303 décim., c.-à-d. le ri =: 36 tchô ; 1 tchô=z
60 ken ; 1 ken = 6 chakou ou siak ou pied japonais ;
1 chakou m iO soun ou pouces ; 1 soun = 10 boun (frac-
tions) ou 100 rin (cheveux). — Les mesures de surface sont
le ri carré = 15 ,4235 kil. q. ; le tchô carré zr 99,1736
ares; le tan-=z 9,9174 ares; le ^5owèo zn 3,3058 m. q.
— Lesmesuresdecapacitésontle /coÂoz^zi: 180,3907 litres;
le to =: 18,0391 litres ; le chô z= 1 ,8039 litres ; le gô =:
0, 1804 litres. — Les mesures de poids sont le kwan=:
3,7565 kilogr.;le kin = 6,0104 hectogr. , le momm^ =1
3,7565 gr.
Histoire. — Histoire intérieure. — Les origines de
l'histoire du Japon et les légendes qui y sont relatives ont
été exposées dans les §§ Ethnographie et Religions, Le
premier mikado, le premier empereur homme, du Japon,
aurait été Kami-yamato-no-Iware-hiko (667 av. J.-C), ori-
ginaire du S. de Kiou-siou ; après des victoires rempor-
tées sur ses voisins rivaux et sur les Aïnos, il conquiert
l'île de Nippon, jusque vers le 30<* lat., devient en 660,
empereur sous le titre de Zim-mou-Tennô, et il choisit
pour capitale Yamato (Kashiwabara). Il mourut en 585,
à l'âge de cent trente-sept ans, et fut remplacé par son troi-
sième fils, Kami-nuna-gava-mimi-no-mikoto, avec le titre de
Suisei'Tennô. Le héros le plus célèbre de l'époque an-
cienne du Japon est Yamato-Daké, fils du 12? mikado,
l'empereur Keiko (71-130), qui conquiert l'E. du Japon,
la plaine de Yedo (Kuwanto), et, tantôt déguisé en femme,
tantôt traversant les flammes, accomplit des merveilles de
valeur.
Les premières relations de la Corée avec le Japon re-
montent à l'an 33 avant notre ère, époque à laquelle une
ambassade coréenne arriva au Japon sous le règne de Mi-
mdikïArï-ihïkO'-ni-ymo-mikoto (Sujin-Tennô). C'est l'année
avant l'ère chrétienne que les sacrifices humains ou même
d'animaux sur les tombes des empereurs sont abolis. Une
ambassade japonaise fut envoyée en Chine en 57 après
notre ère sous les règnes de Iku-me-iri-hiko-isati-no-mikoto
(Suinin-Tennô) et de Kouang-wu-ti, des Han orientaux.
Rappelons qu'en 200, la veuve de Chuai-Tennô (le 15® mi-
kado) fit la guerre à la Corée divisée en trois royaumes,
Kao-li, Pet-si et Sm-h{Kudara, Koma et Shiraki), dont
les princes se soumirent l'année suivante. De la Corée
furent envoyés au Japon des brodeuses (285 ap. J.-C.) et
les livres sacrés chinois {Rongo et Senjimon). C'était alors
le règne de Hondano-miko (Oji7i-Tenno),sons lequel égale-
ment (306 ap. J.-C.) des ouvriers chinois apportèrent le tis-
3
JAPON
— 34 —
sage au Japon. Les relations delà Corée avec le Japon étaient
d'ailleurs extrêmement suivies , mais sans parler des
guerres qui eurent lieu entre ces pays depuis le iii^ siècle
de notre ère, nous rappellerons qu'en 55^2, le bouddhisme
fut importé de Corée. Nous arrivons alors à une période
de l'histoire japonaise beaucoup plus sûre. Les japonistes
actuels, M. Aston entre autres, considèrent Tannée 461
de notre ère comme la première date digne de foi de la
chronologie japonaise. Sous Oho-hasuse-no-mikoto (Yu-
riaku-Tennô) , fut introduit le mûrier au Japon.
C'est en 645 de notre ère, 1305 de l'ère japonaise, que
l'habitude chinoise de compter par période nien-hao, en
japonais nen-go, fut établie par Ame-yorodu-toho-yino-
mikoto (Kotoku-Tennô). Le premier nen-go est donc de
645 et porte le nom de Dai-kwa ou Tai-kwa, en chinois
Ta-hoa, C'est pendant cette première période que furent,
d'une part, réorganisée l'administration provinciale (646
ap. J.-C.) et d'autre part, dans la capitale, établis les
huit ministères au-dessus desquels se trouvait un conseil
supérieur, composé d'un (id^jo-tiaz-jm (premier ministre),
d'un u-dai-jin (ministre de gauche) et d'un sa-dai~jin
(ministre de droite) (649 ap. J.-C). Notons en 663 ap. J.'-G.
la défaite des Japonais par les Coréens et les Chinois
réunis ; le règne important de Ïemmu-Tcnnô (673-686
ap, J.-C), marqué par des règlements -concernant les vê-
tements ; l'établissement de barrières, appelées seki-slio,
pour contrôler les voyageurs aux frontières des provinces ;
la division des Japonais en huit familles, etc. Celui de
Kammu Tennô (le 50^ mikado) (782-807), fondateur de
Kioto, promoteur de progrès agricoles; en 799, le coton-
nier; en 815, la culture du thé sont introduits au Japon.
L'introduction du cérémonial chinois écarta les mikados du
commandement militaire et fit passer le gouvernement aux
mains de leurs lieutenants. Il s'ensuivit une anarchie de
plusieurs siècles, durant laquelle se constitua un régime
comparable à la féodalité européenne, avec une noblesse de
cour et une classe militaire. La famille de Fujiwara, appar-
tenant à la noblesse de cour, eut une influence prépondé-
rante du vii^ au XII® siècle. L'ascendant passa alors à deux
familles militaires, les Taira et les Minamoto. En 888,
Mo^atsune, premier ministre (Daïjo-daïjin) de la maison de
Fujiwara, reçut à titre héréditaire la dignité de kambaku
(administrateur en chef). Les mikados étaient complètement
tombés sous la tutelle des Fujiwara, ne prenant d'épouses
et ne mariant leurs filles et sœurs que dans cette famille.
— Les Taira se rattachèrent à un petit-fds de Kammu-
Tennô. Leur splendeur fut courte. Les Minamoto passent
pour des descendants du 52® mikado, Saga-Tennô. Ils ont
donné au Japon de brillants généraux. Les familles Ashikaga
et Tokugawa ne sont que des branches des Minamoto. Un
de leurs premiers héros fut Yoriyoshi, qui, au milieu du
XI® siècle, soumit les peuplades Emishi du N. de l'île de
Hondo. Son fils Yoshiiye éclipsa ses exploits; les légendes
le célèbrent sous le nom de HachimanTaro. Au xii® siècle,
les intrigues de palais cèdent la place aux guerres civiles.
L'usage s'était établi de faire abdiquer les mikados et de
les cloîtrer lorsqu'ils atteignaient vingt ans, de manière
que le souverain nominal fût mineur. Le 75® mikado,
Shutoku-Tennô, avait ainsi régné de trois à vingt ans et
s'était retiré dans un monastère. Mais à la mort imprévue
de son jeune beau-frère, Konoyé-Tennô, qui lui avait suc-
cédé, il voulut assurer le trône à son fils. Ce fut l'occasion
d'une guerre acharnée ; tandis que le chef de la maison de
Minamoto, Tametomo, l'appuyait, le Kambaku et les Taïra
lui opposèrent un fils de son prédécesseur, Toba-Tennô ;
le chef des Taïra, Kiyomori, fit prévaloir ce dernier, qui
régna sous le nom de Go-Shirakawa-Tennô (1156). Le frère
de Tametomo exilé, Yoshilomo, reprit la lutte, mais fut
battu devant Kioto et tué (1159). Ses fils, Yoritomo et
Yoshitsune, se soulevèrent à leur tour (1180). La lutte fut
terrible. Le souvenir des hauts faits de Yoshitsune et de
von serviteur le géant Benke est encore populaire. Il pré-
salut dans le Sud, tandis que Yoritomo triomphait dans la
région de la capitale. Définitivement vainqueur en 1185,
Yoritomo fut nommé l'année suivante sotsui-hoshi et,
en 1192, sei-i-tai-shôgoun. Ce mot de shogoun veut dire
généralissime, et il paraît avoir été employé pour la pre-
mière fois par un certain Watamaro, dans une guerre
contre les Aïnos en 813 sous l'empereur Kami-no-sin-wau
{Saga-Tennô), Le titre de taï-koun donné également au
shogoun, est d'origine chinoise et n'était pas usité chez les
Japonais. La victoire de Yori-tomo lui permit d'exercer au
Japon un pouvoir semblable à celui des chua en Annam,
c.-à-d. celui d'un maire du palais auprès d'un roi fainéant.
Tandis que le mikado, roi spirituel, ou roi civil (appelé
par les Chinois wen-wang) règne et ne gouverne pas,
le shogoun (wou-wang) est le chef guerrier. Cet état de
choses a duré jusqu'à la révolution de 1868. Yori-tomo
ayant fondé une nouvelle capitale, Kama-kura, sa dynastie
est connue (1192) sous le nom de shogouns de Kama-kura
ou de Minamoto. Yori-tomo mourut en 1199 et le second
shogoun fut son fils Yori-iye (1 199-1202) ; il fut lui-même
remplacé par son frère Sane-tomo (1208-1219), Voici la
liste de ces shogouns :
Dynastie Mnamoto: Yori-tomo (1186-1201); Yori-iye
(1202) ; Sane-tomo (1203-1219). — Dynastie Fujiwara:
Yori-tsune (1220-1243) ; Yori-tsugu (1244-1251). —
Dynastie Jimmu-ten-wo : Mune-taka (1252-1265);
Kore-yasu (1266-1289); Ilisa-akira (1289-1307); Morî-
kuni (1308-1333); Mori-yosi (1333-1335) ; Nari-yoshi
(1334-1338). — Dynastie Ashikaga : Taka-udji(1334-
1357) ; Yoshi-mori 1 (1358-1367) ; Yoshi-mitsu I (1368-
1393) ; Yoshi-motsi (1394-1422) ; Yoshi-katsu I (1423-
1425) ; Yoshi-motsi (réétabli en 1425-1428) ; Yoshi-nobu
(1428-1440); Yoshi-katsu II (1441-1443); Yoshi-nari
(1449-1471) ; Yoshi-nao (1473-1489) ; Yoshi-mura
(1490-1493) ; Yoshi-mitsu II (1494-1507) ; Yoshi-mura
(réétabh, 1508-1521) ; Yoshi-naru (1521-1545); Yoshi-
fusa (1546-1565); Matu-naga (usurpateur, 1565-1568);
Yoshi-sùsa (1568) ; Yoshi-aki (1568-1573). — Dynastie
Taïrano: Taïra-nobu-naga (1574-1582); Aketi-mitu-
hide (usurpateur, 1582); San-bau-si (1582-1586).—
Dynastie Toyo-tomi: Hide-yoshi ou Taï-ko-sama (1586-
1590); Hide-tugu (1591-1595); Hide-yori (1600-1615).
— Dynastie Toku-gawa : Mina-moto-no-iye-yasù-kô
(1603-1605); Hide-tada-kô (1605-1622) ; lye-mitu-ko
(1623-1649); lye-tuna-kô (1650-1680); Tuna-yosi-kô
(1681-1709); lye-nobu-kô (1709-1712); lye-tugu-kô
(1713-1715) ; Yoshi-mune-kô (1716-1745); lye-sige-kô
(1745-1762); lye-haru-kô (1762-1786); lye-nari-kô
(1787-1837); lye-yohi-kô (1838-1853) ; lye-sada-kô
(1853-1858); lye-motsi-kô (1858-1866); Yoshi-hisa-kô
(1866-1867).
Dans leur première période, presque aussitôt après leur
avènement, les shogouns subirent le sort des mikados et
furent réduits à une autorité nominale ; le pouvoir réel fut
exercé par des shukkens ou régents appartenant à la
famille de Hojo, descendant du beau-père de Yori-iye. Des
enfants détenaient à Kioto et à Kamakura le titre de mikado
et de shogoun. Cette situation dura de 1199 à 1334; le
plus célèbre des douze régents est Hojo Tokimune qui re-
poussa l'invasion des Mongols (1281). La puissance des
Hojo fut détruite à Kamakura par le héros Nitta Yoshisada,
de la famille de Minamoto, et à Kioto par Ashikaga Taka-
udji, lequel restaura le pouvoir effectif des shogouns.
En 1331 , Taka.-haru (Go-Daïgo), cherchant à secouer le
joug de la famille de Hôjô, avait été battu et remplacé sur
le trône par Kogon-Tennô. Néanmoins», Daïgo ayant été
réinstallé en 1334, les successeurs de Kogon continuèrent
de régner à Miako {Kioto), en sorte qu'il y eut deux dynas-
ties de mikados : dynastie du Nord et dynastie du Sud.
D'ailleurs, la dynastie de Kogon, composée de six princes,
dont le dernier, Moto-hito {Go-Komatsu) , par suite de l'abdi-
cation de l'empereur du Sud, devint, en 1392, seul mikado,
régnajusqu'à 1412. La division du Japon en deux empires
n'a donc duré que soixante ans, de 1332 à 1392.
- 35 -
JAPON
C'est au XVI® siècle que recommencèrent les grandes
luttes, favorisées par la faiblesse des shogouns d'Ashikaga.
Membre de la famille Ota (maison de Taïra), petits dai-
mios d'Owari, Nobu-naga commença à lutter contre les
shogouns, peu de temps après Tarrivée des Portugais au
Japon. Son courage, qui lui avait valu de grandes acqui-
sitions de territoire, lui suscita de nombreuses jalou-
sies ; il n'en eut pas moins assez d'influence pour faire
nommer en 4 568 Yoshi-aki comme shogoun ; ce devait être
le dernier de la maison Ashikaga. Après avoir détruit, en
457*'», le monastère de Hiyeizan, Nobu-naga déposait Yoshi-
aki, se substituait à lui, restaurait l'autorité du mikado,
favorisait le christianisme, combattait vigoureusement les
bonzes qui s'étaient déclarés contre lui, les soumettait,
mais, trahi ensuite, il se suicidait (kara-kiri) à l'âge de
quarante-neuf ans, en 4582. L'œuvre de Nobu-naga fut
continuée par son élève et lieutenant Hide-yoshi, fils d'un
paysan, qui réussit à pacifier le Japon, troublé à la mort
du grand chef. Vainqueur des ennemis qui avaient causé
la mort de Nobu-naga, Hide-yoshi fit la guerre à la Corée,
et persécuta les chrétiens qui avaient été jadis protégés
par son prédécesseur. Hide-yoshi , qui était un des
hommes les plus remarquables du Japon, est également
connu sous son nom de dynastie, de famille, Toyo-torai,
ou par son titre de Tai-ko (Tai-ko-sama). Tai-ko-sama
mourut le 15 sept. 4598 ; sa succession fut disputée entre
son fi^ls et Toku-g2L\\ei-Iye-îjasù. seigneur de Mikawa, qui
gouvernait le Kuwanto et résidait à Yedo. La querelle fut
résolue par la sanglante bataille de Sekighara (1600), la
plus meurtrière et la plus décisive des annales japonaises,
lye-yasù, s'étant emparé du pouvoir, continua l'œuvre de
ses deux devanciers et prit, en 4603, le titre de shogoun.
Quoique, deux ans plus tard, il ait abdiqué en faveur de
son fils, il conserva ce titre jusqu'à sa mort, arrivée en
4646. Le shôgounat devait durer dans cette famille de
lye-yasû, ou deToku-gawa,qui n'était elle-même qu'une
branche des Minamoto, jusqu'à la Révolution de 4868,
époque à laquelle cette fonction fut abolie; l'empereur
Mutsu-hito étant monté sur le trône en 4867, le dernier
titulaire, le quinzième shogoun de la maison de Toku-gawa,
fut Yoshi-hisa-ko, fils du prince de Mito, Nari-akira, qui
avait été adopté par le prince de Hitotsubashi.
On désigne généralement sous le nom de période féodale
les siècles pendant lesquels le Japon fut administré par
es shogouns. On donnait le nom de ckï?ni(? (grand nom),
titre qui était déjà connu sous Yori-tomo, aux chefs prin-
cipaux militaires de l'empire dont lye-yasù assura la stabi-
lité aux dépens de leur puissance réelle en les déclarant
tous ses vassaux. lye-yasù divisa les daimios en fudaï, qui
appartenaient à la famille de Toku-gawa ou tout au moins
à leurs vassaux et en tozama^ daimios n'appartenant pas
à la famille du shogoun, qui ne reconnurent son autorité
qu'en 4600. Ceux-ci furent les principaux fauteurs de la
révolution de 4868, avec les kuge, la vieille noblesse ja-
ponaise, mécontente de l'aristocratie militaire des fudaï.
Ces kuge, presque tous de sang impérial, appartenaient
aux neuf familles : Fujiwara, Sugawara^ Taira^ Mina-
motOj Kiowara, Abe, Onakadomi, Urahe et Tamba,
Comme le vrai souverain, le mikado, ces kuge vivaient
dans la plus grande oisiveté, et la plupart d'entre eux
dans la plus profonde misère. — Les soldats formaient
une classe à part, les buke; mais, depuis Yori-tomo, on les
appelait plus souvent samurai ou gardes. Ils avaient les
classes inférieures {hei-min)^^ dont ils étaient la terreur,
en quelque sorte à leur merci. Vivant chez leur daimio,
un peu à la façon de nos hommes d'armes du moyen âge,
ils avaient le droit de porter deux épées, se mariaient
entre eux, et leur fils aîné recevait une pension de leur
chef. Beaucoup de ces pensions furent rachetées par le
gouvernement impérial à partir de déc. 4873; elles le
furent toutes à partir d'août 4876. En 4878, le mot de
samurai fut changé en celui de shi%okii, qui a le même
sens. On désignait sous le nom de rônin, vagabonds, les
samurai qui avaient cessé d'être attachés à la personne
d'un daimio, soit librement, soit par renvoi, soit enfin
par le fait de la condamnation de leur chef; le rônin,
n'ayant pas de paye, comme le samurai, vivait souvent de
rapine, mais aussi se montrait fort dévoué à celui qui
l'employait, ainsi qu'en témoigne l'histoire célèbre des
Quarante-sept RdninSj qui furent tous condamnés au
hara-kiri pour avoir (avr. 4704) vengé la mort de leur
patron, Asano, seigneur de Ako.
L'arrivée des étrangers au xvi^ siècle, la politique des
shogouns à leur égard, aussi bien, sinon plus, que le sys-
tème féodal protégé par ces derniers, amenèrent la révolu-
tion de 4868. Nous continuerons donc l'histoire du Japon
dans le chapitre suivant, relatif aux relations étrangères.
Relations étrangères. -- Temps anciens et moyen
âge. Les anciens ne connaissaient pas le Japon ; les mar-
chands arabes, au contraire, l'ont connu et l'on pourra
consulter à ce sujet le mémoire de M. deGoeje : Arabische
Berichten over Japan (Amsterdam, 4883). Doit-on dési-
gner les îles de Sila comme Yule, par le Japon, ou comme
de Goeje, par la Corée? Aboulféda écrit: « Sîla ou Sîlâest
située au plus haut de la Chine, à l'E. Ceux qui voyagent
sur mer ne s'y rendent pas souvent. C'est une des îles delà
mer Orientale qui font pendant, par leur situation, aux îles
Eternelles et Fortunées de la mer Occidentale ; seulement
celles-ci sont cultivées et remplies de tous les biens, contrai-
rement à celles-là. » — Dans l'histoire des Mongols, Youen,
Youen-chi, le Japon, Je-peun, est décrit dans le chap. ccviii
de la quatrième section. C'est le pays Je-peim Kouo, trans-
crit phonétiquement et décrit par Marco Polo sous le nom
de Zipangu : « Sypangu est une isle en Levant qui est en
la haulte mer, loings de la terre ferme mille cinq cens
milles; et est moult grandisme isle. Les gens sont blans
et de belle manière. Hz sont idolastres, et se tiennent par
eux ; et si vous dy qu'il ont tant d'or que c'est sans fin ;
car ilz le treuvent en leurs isles. Hz sont pou de marchans
qui là voisent, pour ce que c'est si loings de la terre ferme.
Si que pour ceste raison leur habonde î'or oultre mesure. »
Rachid-eddin emploie également ce mot modifié de Zipangu.
Le mot de Nippon se trouve déjà au x^ siècle de notre ère
sous la forme Al-Ndftm, dans le Ikfiwdn-dlSdfd. En
réalité, le Japon, qui a été connu des Occidentaux par la
relation de Marco Polo, avait été oublié par eux et l'on
peut considérer le Portugal comme l'ayant découvert à
nouveau.
Portugal Dans une lettre adressée en 4505 par le
ro] de Portugal, Emmanuel, au roi de Castille, il est parlé
d'un navire du roi de Calicut, qui fut saisi par les Portu-
gais et à bord duquel on trouva trois instruments astrono-
miques en argent qu'il avait été chercher dans l'île Sapo-
nin (Japon). — Le Japon se retrouve sous son ancienne
forme de Zipangu, ou ses variantes, dans le globe de Mar-
tin Behaim (4492) et dans la relation de voyage de Ma-
gellan, par Pigafetta (4524). Mais on peut dire que le
Japon n'a été connu que par le voyage de Fernâo Mendez
Pinto (4545). Les Portugais avaient débarqué à Ta-ne-^a
shima en 4542 ; dès l'année suivante, le daimio de Bungo
envoyait une ambassade en Portugal. L'arrivée de saint
François-Xavier à Kago-shima le 45 août 4549 allait don-
ner une grande extension au christianisme dans le Japon.
Nobu-naga protégea les chrétiens au détriment des bonzes.
Une ambassade envoyée par les daimios de Bungo, d'Arima
et d'Omura, qui quitta le Japon en 4582, l'année de la
mort de Nobunaga, arriva en 4585 à Rome, où elle fut
reçue par le pape Grégoire XIIL L'ère de Hide-yoshi
(Taiko-sama) amena une forte réaction contre les chrétiens ;
en 4587, un arrêté d'expulsion fut pris contre eux, et ils
ne tardèrent pas à être persécutés (4596). En 4597 furent
crucifiés à Nagasaki 9 missionnaires et 47 catholiques
indigènes. lye-Yasù s'était d'abord appuvé sur les catho-
liques, mais, prévenu par les Hollandais et les Anglais
contre eux, il leur devint hostile. Son fils et son petit-fils
les exterminèrent.
JAPON
86 —
Hollaiidais et Anglais, Une expédition partie en
i 607 sous les ordres de l'amiral général Pieter Willemsz
Verhœven qui avait pour mission spéciale d'enlever aux
Portugais les îles Moluques, arriva à Bantam enfévr. d609,
après avoir envoyé au Japon deux navires, le Leeuw et le
Brack. Les Hollandais construisirent en 4609 une facto-
rerie à Firando (Hirado), île du Saï-kai-do, dépendant de
Kiou-siou, à la pointe de la province Hizen, non loin de
l'île Ikki, et y installèrent comme agent Jacques Speckx.
Ce voyage a été raconté par Reynier Diecksz. Le port de
Firando était sûr, mais l'accès en était difficile. Les Hol-
landais eurent de telles difficultés dans leur établissement
qu'ils songèrent même en 4617 à l'abandonner, mais ils le
maintinrent néanmoins. Ils avaient d'ailleurs rendu de
grands services aux Japonais en leur apprenant à fondre
des pièces d'artillerie. En 1624, Speckx fut remplacé
comme résident par Cornelis van Nyenrode. Le 9 nov.
4640, les Japonais donnèrent l'ordre aux Hollandais de dé-
molir tous leurs magasms nouveaux, ainsi que les établis-
sements qui porteraient des emblèmes chrétiens. François
Caron céda à cette injonction, mais le 44 mai 4644, les
Japonais forcèrent les Hollandais d'abandonner Firando
pour s'installer dans la petite île de Deshima, sous la sur-
veillance de Tautorité de Nagasaki. Cet ordre, qui était en
quelque sorte l'expulsion des étrangers du Japon, fut exé-
cuté, et, le 24 mai 4644, les Hollandais quittaient Fi-
rando. La factorerie de T^irando n'avait pas été pour les
Hollandais une possession incontestée. Le capitaine anglais,
Saris, commandant le « huitième voyage » de VOld Com-
pany, parti en 4644, établit en 4643 une agence à Firando
dont R. Wickham fut le premier agent. C'est dans une
lettre de Wickham, du 27 juin 4645, adressée à M. Eaton,
à Miaco, et conservée dans les archives de la Compagnie, que
se trouve la mention la plus ancienne du thé (chaw). En
4646, le privilège accordé aux Anglais de faire le com-
merce au Japon fut modifié et limité au seul port de Fi-
rando. Les Hollandais, jaloux de leurs rivaux, et infiniment
supérieurs en nombre, les attaquèrent en 4648 et les au-
raient certainement massacrés sans la médiation des Japo-
nais. Malgré cet incident, l'année suivante, Anglais et
Hollandais, reconnaissant la nécessité d'une entente, réu-
nirent leurs deux factoreries en une seule. L'arrangement
dura peu, car, dès 4624, les Hollandais continuèrent seuls
leurs opérations. — Firando a toujours été noté pour l'hos-
tilité de ses princes contre le christianisme. Quoique les
chrétiens fussent très nombreux dès 4606, le Père Augus-
tin Hernando de Saint-Joseph fit en 4646 de vains efforts
pour établir une mission et construire une éghse à Firando,
et l'année 4624 fut marquée par une grande persécution.
— On peut dire que depuis que les Hollandais furent relé-
gués à Deshima jusqu'à l'arrivée du commodore américain
Perry, en 4833, la situation des étrangers au Japon ne
changea guère. Vainement en 4807 les Russes essayèrent-
ils de débarquer à Yesso, vainement les bateaux français
ou anglais tentèrent-ils, soit aux îles Lieou-kieou, soit
dans l'archipel japonais proprement dit, d'établir des rela-
tions. Nous devons nos connaissances sur l'empire du
Soleil-Levant à quelques rares voyageurs : Engelbert
Kempfer, qui séjourna au Japon de 4690 à 4692, dont
l'Histoire, quoiqu'il fût Westphalien, parut en anglais en
4727 ; le Suédois Charles-Pierre Thunberg, élève de Linné,
envoyé au Japon en 4772; Philippe Franz, baron de Sie-
hold, qui a publié le grand ouvrage Nippon, Archiv %ur
Beschreibung von Japan (Leyde, 4832-4854).
Le commodore Perry, Les grands intérêts commer-
ciaux des Etats-Unis dans l'Extrême-Orient décidèrent le
président Fillimore à envoyer au Japon une escadre suffi-
sante pour obtenir la signature d'un traité. Le commodore
Matthew Calbraith Perry, mis à la tête de l'escadre, arri-
vait en juil. 4853 à Uraga, à l'entrée delà baie de Yedo,
porteur de ses instructions. Il visitait après les îles Lieou-
kieou et la Chine, et l'année suivante, malgré l'hos-
tilité du prince de Mito et les ennemis des shogouns de la
maison de Toku-gawa, le bakufu, c.-à-d. le gouverne-
ment shogounal, consentit à signer un traité à Kanazawa,
le 34 mars 4854. Ce traité signé pour les Etats-Unis par
le commodore M. C. Perry, l'était pour le Japon par
Hayashi, Dai-gaku-no-kami, Ido, prince de Tsoushima,
Iza-wa, prince de Mimasaka, et Udono, membre du minis-
tère des finances, et comprend douze articles, dont le plus
important est le dixième qui ouvrait aux Américains les
ports de Shimoda dans la province d'Idzu, et d'Hakodaté,
dans l'île de Yesso. Ratifié par le président des Etats-Unis
en 4854, les ratifications de ce traité furent échangées à
Shimoda le 24 févr. 4855. Ces dates sont le point de dé-
part d'une ère nouvelle : le 14 oct. de la même année,
l'amiral anglais, sir James Stirling, signait à Nagasaki
un traité qui ouvrait les ports de Nagasaki (Hizen) et
d'Hakodaté (Matsmai); venaient ensuite le vice-amiral
russe Euphimius Poutiatine (traité de Shimoda, 7 févr.
4855), le chevalier hollandais Jan Hendrik Donker Cur-
tius (traité de Nagasaki, 30 janv. 4836). Un nouveau
traité fut signé à Yedo, le 29 juil. 4858, par le consul
général américain Townsend Harris qui permettait d'éta-
blir un agent diplomatique à Yedo, et qui amena la signa-
ture d'un nouveau traité avec la Hollande le 48 août 4858,
avec la Russie le 7 août, avec la Grande-Bretagne le
26 août, et enfin, avec la France, le 9 oct. 4858. La
France, représentée par le baron Gros, obtenait l'ouver-
ture pour le commerce français de Hakodaté, Kanazawa et
Nagasaki, à partir du 43 août 4859, de Ni-i-gata, à par-
tir du 4^'* janv. 4860, et d'Hiogo, à partir du 4*^^ janv.
4863. A partir du 4®^ janv. 4862, les sujets français
étaient autorisés à résider dans la ville de Yedo, et à dater
du 4^"^ janv. 4863, dans la ville d'Osaka, mais seulement
pour y faire le commerce. Cependant, l'agitation contre
les étrangers augmentait; le 5 juil. 4864, la légation d'An-
gleterre était attaquée; l'année suivante, un Anglais,
M. Richardson, était assassiné près de Yokohama le 44 sept.
4862 par les gens du daimio de Satsuma. Enfin, le 5 sept.
4864, les flottes combinées anglaises, françaises, hollan-
daises et américaines, détruisent les forts de Shimonoseki.
En 4867, Mutsu-hito devient mikado; immédiatement
la révolution éclate, et la première année du nouveau règne
(4 868), qui prend le nom de mei-dji, le shôgounat est aboli ;
les partisans des anciens shogouns de la maison de Toku-
gawa sont battus, les traités avec les puissances étran-
gères sont ratifiés, les ports de Kobe, Osaka, puis (4869)
Ni-i-gata et Yedo sont ouverts aux étranger? la capitale
du mikado est transportée de Kioto à Yedo, ^i' prend le
nom de Tokio.
Epoque contemporaine. — En peu de temps, on voit
se transformer non seulement le gouvernement, mais les
mœurs du pays. Dès 4874, les fiefs {han) des daimios
sont pris par le gouvernement central ; par suite, le régime
féodal est aboli, et les classes inférieures (eta), parias
chargés des métiers vils, et heïmin, population d'indus-
triels, d'agriculteurs et de commerçants, trouvent l'égalité
dans la société. En même temps, le bouddhisme cessait
j d'être religion officielle ; on établissait des postes et des
télégraphes; à Osaka, une monnaie d'Etat était installée
pour fabriquer des monnaies sur le modèle européen ;
enfin on commençait la rédaction d'un nouveau code pénal ;
l'année suivante (4872) le Japon construisait, avant la
Chine, le premier chemin de fer de l'Extrême-Orient :
de Tokio à Yokohama ; l'adoption du calendrier grégorien,
des lois sur la conscription et contre la nudité dans les
villes, marquèrent de plus en plus le désir d'entrer dans
une voie absolument neuve ; en 4873, nous voyons le mou-
vement s'accentuer encore par l'introduction de la vaccine
et de la photographie, et l'adoption des uniformes officiels
européens. Mais toutes ces réformes devaient fatalement
aboutir à une réaction, dont la première (4874) est la ré-
bellion de Saga, district de la province de Hizen, dan
Kiou-siou, qui fut rapidement écrasée par le général Nodzu
cette même année, des pêcheurs des îles Riou-kiou, ayan
— 37 —
JAPON
fait naufrage sur la côte de Formose, furent massacrés;
les Chinois ayant refusé de donner satisfaction au Japon
pour l'attaque dont cet équipage avait été l'objet de la
part des sauvages de l'île, une expédition sous les
ordres du général Saigo-Tsugumitsu débarqua sur la côte
sud-est : la guerre était inévitable entre les deux empires
de rExtrême-Orient, si les puissances occidentales, et l'An-
gleterre en particulier, n'avaient servi de médiatrices.
Un traité donnant pleine satisfaction au Japon fut signé
le 34 oct. 4874; Tannée 4875 fut moins heureuse au point
de vue extérieur, car le Japon cédait à la Russie toute l'île
de Sakhalin, dont elle occupait jusqu'alors le S., en échange
de l'archipel stérile des Kouriles. Un édit promulgué en
4876, qui devait avoir force de loi à partir du 4^^^ janv.
4877, défendit dorénavant aux anciens samurai de porter
les deux épées. Cet édit et la politique extérieure du gou-
vernement amenèrent une nouvelle grande rébellion, cette
fois, du clan de Satsuma, dirigée par le frère même du
général Saigo-Tsugumichi, Saigo-Takamori, qui se mit à la
tête d'une force de 44,000 hommes au milieu de févr.
4877. Battue le 49 août, la révolution fut complètement
anéantie le 24 sept. 4877, et Saigo se suicida l'année sui-
vante. Cette mort, l'écrasement des rebelles, le triomphe
des nouvelles idées furent la cause, le 44 mai 4878, de
l'assassinat à Tokio, par des gens de Kaga, du célèbre mi-
nistre de l'intérieur Okubo-toshimitsu.
Nous rappellerons gue les années suivantes furent mar-
quées par la promulgation des codes pénal et criminel (4 884 ),
l'établissement de différents rouages administratifs et judi-
ciaires, la fondation d'une nouvelle constitution (4889),
toutes choses dont nous parlons au reste ailleurs. Signa-
lons toutefois les visites au Japon de l'ancien président
des Etats-Unis, Grant (4879), et celle du tsarévitch,
actuellement l'empereur Nicolas 11, qui faillit être assassiné
à coups de sabre à Otsu, sur les bords du lacBiwa (1891).
Guerre de Corée. — Nous avons déjà, au cours de
cet article, fait mention des difficultés qui ont existé pen-
dant des siècles entre la Corée et le Japon. Dès l'année
4872, les Coréens avaient refusé de faire droit aux de-
mandes que les Japonais faisaient remonter à l'impératrice
Zingo (V. Corée); aussi, après le règlement des affaires
de Formose avec la Chine, une flotte, sous les ordres du
général Kuroda, avec une nouvelle ambassade, fut-elle
envoyée à Fou-san, où elle arriva le 45 janv. 4876. Le
mois suivant, le 26 févr. 4876, un traité fut signé à
Kang-hoa, en chinois et en japonais, par Kuroda-Kiyotaka
et Inouye-Kaoru pour le Japon, et Sin-Hôn et In-Jâ-syng
pour la Corée. Par ce traité extrêmement important,
était affirmée l'indépendance de la Corée ; l'ouverture
de ports au commerce était accordée. Les Japonais obte-
naient donc du premier coup ce que tour à tour la France
et les Etats-Unis avaient exigé en vain. Des arrangements
et des règlements en 4877, en 4882, en 4883 complé-
taient ou modifiaient le traité de 4876. Entre temps, la
Chine ou au moins ses employés prenaient la direction des
douanes dans les trois ports ouverts au commerce : Jen-
tchuan, Yuen-san et Fou-san. Il était évident que la Chine,
se considérant comme suzeraine de la Corée, ne se laisse-
rait pas supplanter dans ses droits par sa jeune rivale;
depuis 4882, une double garnison chinoise et japonaise,
casernée à Séoul ; amenait beaucoup de désordres par suite
de leurs jalousies. Le 4 déc. 4884, des troubles sérieux
éclataient à Séoul ; sept des ministres furent assassinés ; le
lendemain, la lutte se déclarait entre la garnison chinoise
et la garnison japonaise. La légation japonaise était brûlée,
un grand nombre de Japonais étaient massacrés et les sur-
vivants forcés de fuir vers la côte. Les auteurs de cette
révolution étaient : Palk-keum-moun-youi, Kim-ok-kyoum,
Saye-koum-pou, Hong-yeng-syetri. Ils paraissent avoir agi
pour le compte des Japonais, mais le résultat fat con-
traire à leurs espérances, .puisque ce furent les Chinois,
qui, aidés du peuple, eurent le dessus. Il faudrait connaître
peu les Japonais pour supposer qu'ils accepteraient longtemps
cette situation, Kim-ok-kyoum, réfugié au Japon, était induit
par un de ses compatriotes, Hong-tjyong-ou à se rendre
avec lui à Chang-haï ; il fut assassiné dans cette ville, à
coups de revolver, par son compatriote, qui déclara avoir
agi par ordre du roi de Corée (28 mars 1894). Le corps
de Kim-ok-kyoum, transporté en Corée, y fut coupé en
huit morceaux, répartis entre les huit provinces du royaume.
La guerre à laquelle le Japon se préparait depuis longtemps
ne pouvait tarder à éclater.
Avant même la déclaration officielle de la guerre, les
hostilités commencèrent. Le 20 juil. le navire anglais Kow-
shing, capitaine Galsworthy, partait de Takou, pour trans-
porter des troupes à Asan, en Corée. Il fut coulé près des
îles Shup-sinto et, sur 4,500 hommes, 40 seulement, y com-
pris le capitaine Galsworthy et le capitaine allemand von
llannecken, furent sauvés. Les premières luttes importantes
eurent heu sur terre : une première attaque, les 27 et
28 juil., des Japonais sur les troupes chinoises fortifiées à
Asan, ne paraît pas avoir eu de résultats importants, car
les Japonais, sous la direction du général comte Yamagata,
s'engagèrent résolument sur la grande route qui conduit
de Séoul à Péking par la Mandchourie. Ils prenaient con-
tact le 45 sept, à Ping-yang : les généraux chinois Yeh et
VVei, ayant jugé la retraite nécessaire, laissèrent seul le
général Tso ; le 46, les Japonais emportaient la position et
les Chinois, en débandade, se repliaient vers Yi-tcheou (Wi-
ju) sur le Yalou, fleuve frontière entre la Corée et la
Mandchourie. Deux jours plus tard, le 47 sept., l'amiral
chinois Ting, chargé d'accompagner des troupes à desti-
nation de Wi-ju, était attaqué à l'entrée du Yalou parla
flotte japonaise, qui remportait une grande victoire. Les
débris de la flotte chinoise gagnèrent péniblement Port-
Arthur. Cependant, les Japonais s'emparaient de Wi-ju le
8 oct., puis, remontant la rive gauche du Yalou, leur gé-
néral Nodzu franchissait (24 oct.) ce fleuve, et il arrivait
après quelques combats à Foung-houang-tcheng, point d'in-
tersection des trois routes de Moukden, de Niou-tchouang
et de Port-Arthur. D'autre part, le comte Oyama quittait
Hiroshima le 26 sept, et débarquait à Ta^-lien-ouan, au-
dessus de Port-Arthur. Un troisième corps japonais, sui-
vant la côte depuis Wi-ju, était venu renforcer ses troupes
par terre. On peut prévoir toutes les éventualités mili-
taires ; rien que la paix — que la Chine demande déjà
— pourra empêcher, après la prise de Port-Arthur, la
marche des Japonais sur Chan-hai-kouan, au pied de la
Grande Muraille, et de là sur Tien-tsin et Péking. Quant
aux troupes, sous le commandement du maréchal Yama-
gata et du général Nodzu, elles ont dû déjà quitter Foung-
houang-tcheng, et avoir pris en grande partie la route
de Moukden, capitale de la Mandchourie, berceau de la
famille actuellement régnante à Péking, par conséquent
ville sainte (Cheng-king). Les quelques difficultés que les
Japonais laissent derrière eux dans le Sud de la Corée, oii
le « parti national », les Tong-hak, lutte contre eux, ne sont
rien à comparer avec les terribles embarras des Chinois.
Langue. — La vraie langue japonaise, c.-à-d. leyamatOj
est une langue agglutinative, polysyllabique ; elle ne res-
semble en rien au chinois, mais se rapproche du coréen,
des langues tartares mandchoue et mongole. D'une façon
générale, le qualificatif précède le substantif ; ainsi l'ad-
jectif ou le génitif précède le nom ; l'adverbe, le verbe, etc.
Le nombre, comme en chinois, ne se rapporte pas directe-
ment à l'objet; un mot spécial intervient pour établir leurs
rapports. Ainsi on ne dit pas : dix chevaux, mais dix
têtes de chevaux, etc. Le yamato n'a pas de vraies con-
jugaisons, les formes verbales étant impersonnelles. « Le
verbe s'y produit, dit Metchnikov, sous une forme rudi-
mentaire et se confond souvent avec les autres parties du
discours : narou (devenir), sourou (être), arou (avoir ou
être), que l'on serait porté à considérer comme des verbes
par excellence, ne sont que des radicaux amphibologiques
dont la signification varie suivant leur rôle dans la phrase.
Ils se suffixent à d'autres radicaux et les transforment en
JAPON
38 -
verbes ou à peu près. Les temps peuvent être indiqués par
des changements de terminaisons. Le pluriel qui n est que
rarement énoncé pour les substantifs par la répétition du
mot ou par le suffixe d'un radical signifiant classe, caté-
gorie ou pluralité, ne l'est jamais pour les verbes. L'ac-
tif se change en passif, l'affirmatif en négatif, et, de plus,
l'on obtient le désidératif, le causatif, le concessif, etc., en
intercalant ou en suffixant des radicaux uniformes et qui
peuvent se suffixer à même titre aux autres parties du dis-
cours. — Il existe en japonais des pronoms pour la pre-
mière (i;â^, <2, onvare) et pour la deuxième (nanzi, imaci)
personne, mais l'on ne s'en sert jamais dans la langue parlée.
Ils y sont remplacés par des locutions honorifiques, géné-
ralement imitées du chinois. Les pronoms possessifs, qui
jouent un rôle très important dans les langues turco-tar-
tares, font défaut au yamato. » Autres traits : absence de
diphtongues, la consonne / manque et est remplacée par r;
les sons y, ch^ tchet dj du Sud se prononcent dans le Nord
z^ s^ ts et dz. — Les relations des Japonais avec les Chi-
nois ont amené l'introduction dans la langue d'un grand
nombre de mots chinois, formant un idiome corrompu
sinico-japonais appelé vakan.
On place généralement vers l'an 400 de notre ère l'in-
troduction du système idéographique de l'écriture de Chine
au Japon ; en plus de ces caractères chinois, on inventa,
d'après les caractères chinois les plus employés, un système
d'écriture appelé kana, dont il existe deux variétés, le
kata-kana, inventé, dit-on, parKibi-no-mabi, mort en 776,
et le fiira-gana, inventé par le saint bouddhiste, Koô-
boô-daïshi en 835. Le kata-kana est ainsi nommé (écri-
ture de côté) parce qu'il est placé à côté de caractères
chinois ; le hiragana est une cursive qui sert à la corres-
pondance, pour les romans populaires, etc.
L'étude de la langue japonaise par les Européens est
d'origine relativement récente : une des premières chaires
créées, sinon la première chaire de la langue japonaise, est
celle du D"^ J.-J. Hoffmann à Leyde; depuis sa mort, elle
est occupée par M. L. Serrurier ; la première chaire de japo-
nais créée à Paris a été celle de l'Ecole des langues orien-
tales (juin 1868) que son premier titulaire, M. Léon de
Piosny, occupe encore ; M. Rudolf Lange occupe la chaire
de japonais dans le séminaire, nouvellement installé, des
langues orientales de Berlin. Dans les autres villes, comme
Florence, avec MM. Antelmo Severini et Carlo Puini, le
japonais n'est qu'une des branches d'un enseignement plus
général, quelquefois un auxiliaire du chinois ; mais incon-
testablement les grands progrès de la langue japonaise sont
dus aux savants européens établis au Japon, tels que le
missionnaire américain J.-C. Hepburn, et les Anglais Ernest
M. Satow, W.-G. Aston, Basil Hall Chamberlain. Dans les
temps plus anciens, on ne se servait guère que des ou-
vrages des PP. Collado et Rodrigues ; ce dernier nous re-
met sous la plume le nom de M. Léon Pages quia édité la
grammaire de ce missionnaire ; enfin, comme travailleur
indépendant contemporain ^ M. François Turrettini, de
Genève, éditeur de VAtsume-gusa et du Ban-zai-sau.
Littérature. — M. Ernest Satow, qui suit en cela les
bibliographes indigènes, divise la littérature japonaise en
seize classes : I. Grandes histoires : outre le Kozi-ki et le
Mhoîi'Shô-ki dont nous avons parlé au chapitre Religions ^
citons le Dai-Nihonshi^ du xvii® siècle. — IL Divers ou-
vrages historiques : Mitsu Kagami, Gempei Seisuiki,
Heike Monogatari, qui a été traduit par Turrettini,
Taiheiki^ Mhon Gioaishi, dont les cinq premiers livres
ont été traduits par M. Satow. — III. Droit : Hyô no Gige
et Engi-shikL — IV. Biographie. — V. Poésie. Les Ja-
ponais aiment à chanter les choses gracieuses, les ileurs,
les oiseaux, les choses de la nature ; presque toute la poésie
japonaise est lyrique, sauf les drames classiques. Nous ne
citerons parmi les recueils de poésie que le Man-yo-sliu
(collection d'une myriade de feuilles) et le Kokinshû
(chants anciens et modernes). — VI. Les romans clas-
siques : le .plus connu peut-être est Je Taketori Monoga-
tari, l'histoire du coupeur de bambou, qui a été traduit
dans plusieurs langues européennes, le Genji Monogatari
(1004 ap. J.-C), remarquable par son style. — VIL
Mélanges : Makura no Sôshi et Tsurezure-Gusa. —
VllL Journaux personnels : Hôjoki, Murasaki, Shikibu
Niki. — IX. Voyages : Tosa Niki. — X. Théâtre. On
désigne sous le nom de Nô le théâtre des hautes classes
et sous celui de Shibai ou Kabuki le théâtre des classes
inférieures ; quant aux pièces, on les divise en deux
classes : pièces historiques, jidai-mono; comédies de
mœurs, sewa-mono. Le théâtre du Japon remonte à la
plus haute antiquité; on y trouve son origine dans les
danses religieuses; au v® siècle, ces danses améliorées,
jointes à une action théâtrale, formèrent les premiers nô;
c'est encore au théâtre qu'on peut encore le mieux étudier
les mœurs et les coutumes de l'ancien Japon, qui tendent
si vite à disparaître. Le plus célèbre auteur dramatique du
Japon est Chikamatsu Monzaemon qui a écrit un drame
sur la conquête de Formose sur les Hollandais par Koxinga
et mis au théâtre l'histoire des quarante-sept rônins; cette
dernière histoire a été également l'objet d'une pièce par un
dramaturge non moins connu : Takeda Izumo. Les théâtres
de Yedo étaient réputés les meilleurs depuis que Tokugawa
lyeyas avait invité Saruvaka-Kan-Saburo, célèbre acteur
de Suruga, à venir jouer dans sa capitale. Le plus célèbre
acteur actuel est Ichikawa Danjurô, de Tokio. — XL Dic-
tionnaires et ouvrages de philologie : Wakun no Sliiori,
Gagen Shûran, principaux dictionnaires classiques ; Gen-
kai, dictionnaire récent^ plus complet que les précédents ;
la meilleure grammaire est Kotoba no Chikamichi, par
Minamoto-no-Shigetane. — Xll. Topographie : on désigne
sous le nom de Meishô Zue les guides dans les différentes
parties de l'empire; il y a, comme en Chine, des ouvrages
topographiques qui ont perdu leur valeur pratique, mais
ont conservé un grand intérêt historique. — Xlll. Litté-
rature shintoïste : Kojiki Den, Koshi Den sont les prin-
cipaux ouvrages. — XIV. Littérature bouddhiste : les deux
meilleurs livres de cette section sont des recueils de morale
Jitsit-Go Kyô et dôji Kyô. — XV. Romans modernes :
le plus célèbre romancier moderne du Japon est Bakin
(1767-1848) dont le roman le plus populaire est Hakken-
den, conte des huit chiens. Citons encore le Hiza-Kurige
et, parmi les romans historiques, le /-ro-/ia Bimko et le Yiiki
no Akebono, qui donnent la vie des quarante-sept rônins.
— XVI. Mélanges : ouvrages sur les sciences, les arts, les
antiquités, le confucianisme, etc. — A ces seize divisions de
M. Satow, M. Chamberlain ajoute une dix-septième qui
comprend la littérature européenne du Japon, c.-à-d. les
ouvrages écrits par les Japonais sous l'influence étrangère,
Beaux- Arts. — L'art japonais dérive de l'art chinois,
probablement par l'intermédiaire de la Corée, mais l'origi-
nalité, l'imagination, ladéhcatesse de ses artistes ont donné
aux productions de l'empire du Soleil Levant un cachet tout
à fait particulier qui leur a valu l'admiration, non seule-
ment des indigènes, mais encore celle des Occidentaux. Il
n'est personne en Europe aujourd'hui qui ne sache ce qu'est
un kakémono (chose suspendue), c.-à-d. un dessin, une
aquarelle, un autographe, destiné à être pendu au mur
comme un tableau; ou un surimono (chose imprimée),
carte sur laquelle les poètes inscrivaient leurs vers, les
artistes faisaient imprimer leurs dessins, et qui circulait au
nouvel an entre les parents et les amis. On peut diviser en
huit périodes l'histoire de la peinture au Japon : L Ecole
bouddhique : l'école la plus ancienne qui fut introduite au
vio siècle par des pèlerins, dont le plus célèbre représen-
tant est considéré comme le créateur de l'art de peindre,
est Kose Kanoaka, qui vivait au ix^ siècle et dont on ne
connaît qu'une demi-douzaine d'œuvres authentiques. —
IL Ecole de Tosa: ainsi nommée de Tsunetaka, peintre
fameux, sous -gouverneur de la province de Tosa, au
xiii« siècle, dont la réputation était si grande que le
nom de Tosa fut substitué à celui de Yamato, ^ae portait
l'Ecole, dont la plus nm'imne branche, celle do fiasuga^
avait été fondée vers Tan 1000 par Motomitsu, de la famille
de Fujiwara, élève de Kose ; cette école peut-être consi-
39 - JAPON
dérée, comme celle deKioto, nationale par excellence ; outre
la branche de Kasuga, ainsi nommée d'un temple près de
Le Fousi-yama, montagne sacrée du Japon (dessin de Hokousaï).
Nara, on notait également la branche de Takuma, d'après
son fondateur Takuma Taraenji (vers 4038), et la branche
Dessin d'Outamaro.
de Sumiyoshi^ fondée par Keiou (vers 4200), dans l'école
de Tosa, dont la décadence commence au xv« siècle. —
III. Ecole chinoise dont l'artiste le plus célèbre fut Ses-
A'/ifw (4420-4506); après avoir étudié en Chine (4460), il
vint se fixer en 4469 dans le temple à'Unkoju-ji; on peut
dire qu'il est le précurseur de l'école de Kano, dont le fon-
dateur fat un de ses élèves.-— - IV. Ecole de Kano, fondée
au xv^ siècle par Kano Masanobu (4453-90), élève de
Sesshiu ; d'abord soumise à l'influence chinoise, grâce aux
rapports [entre les shogouns Ashikaga et les Ming, cette
école s'en affranchit avec Tanyu ou Morinobu (1604-75)
et Naonobu (4607-54). •— V. Ecole de Korin: Korin
(Ogata) (4640-4746), élève de Sumiyoshi Hirozumi,
avec ses élèves Kenzan (1663-4744), et Hoitsu (1764-
4828), furent de grands travailleurs, surtout pour les
laqueurs et les ciseleurs. — VI. Ecole de Shijo: ainsi nom-
mée d'après le quartier de Kioto oti Okio Maruyama (1732-
85) avait installé son atelier; là, étudiant d'après nature,
il était en quelque sorte le fondateur d'une école natura-
liste. — VIL Ecole de Toba, fondée par Toba no Sôjô,
ou Gakuyu au xii^ siècle, est celle de la caricature qui
atteint son apogée au xvii^ siècle, avec Hanabusa Itcho
(4652-4724) et Ippo. — VIII. Ecole Ukiyo-ye, Cette école
célèbre, populaire, réaliste, a été créée au commencement
du xvii® siècle par Iwasa Matahei ; j'emprunte, avec quel-
ques changements, au catalogue de la vente de Taigny, la
classification suivante des ateliers des artistes de cette
école : Première période (xvii^ siècle et première moitié
du xviii® siècle). Gravure en noir. Gravure en couleurs
à deux ou trois tons: Moronobu^ mort vers 4745; les
Tori-i, Kyonobu, Kyomasu, Kyotada, Kyomitsu, Kyohiro,
Kyotsuné ; les Ôkumura, Massanobu, Toshinobu ; les
Niskîinura^ Shighénaga, Shighenobu ; les JSishikawa^
Sukenobu, Sukenori, Tsukioka Massanobu, Tatshibana Mo-
rikuni; les Hishikawa^ Toyonobu, mort en 1789, Toyo-
masa ; les Hanabusa, Itcho, Ippo. — Deuxième période
(seconde moitié du xvin® siècle) : Haronobu^ élève de Shi-
ghénaga, florissait entre 1764 et 4779, remarquable par
sa grâce ; les derniers Tori-i, Kyonaga, Kyominé ; Ippi-
tsusai Buntscho, florissait entre 4760 et 1780 ; Koriusai,
contemporain du précédent, un peu de maniérisme ; les pre-
miers Ustagaïua, Toyoharu, Toyohiro ; les Katoukawa,
Garde de sabre, dite « à la lune ».
nités et particulièrement de Bouddha ; la plus célèbre de
ces statues est le colossal Grand Bouddha {Daibutsu) de
Kamakura qui date du xm*^ siècle. Mais c'est dans la cise-
lure plutôt que dans la grande sculpture qu'excellent les
Japonais ; tout le monde admire ces breloques qui servent
à rattacher à la ceinture la blague à tabac, inséparable du
Japonais, ces netsuke en bois, en corne, en os, en métal,
en laque, en ivoire; les fermetures des blagues à tabac
{kanémonos)^ les petites plaques en métal ciselé, les poi-
gnées de sabre [menuki)^ les gardes de sabre^ les petits
couteaux qui accompagnent le grand sabre (A:(?c?;^î*A;a), etc.,
les masques si bizarres qui arrivèrent à la perfection au
commencement du xvii"^ siècle avec Z)^m^' Jioman. La sculp-
ture sur bois est représentée par deux magnifiques spéci-
mens à Nara et au temple de Nikko ; le plus célèbre sculp-
teur sur bois fut Hidari Jingorô, né en i 594.
La fabrication de la porcelaine est introduite de Chine
vers 4520 par Gorodayu Shonsui; un grand centre de la
production est la province de Hizen ; Tapogée de sa fabri-
JAPON — 40
Shunsho, le fondateur, seconde moitié du xviii^ siècle,
Shunyei, Shunko, etc., Yeishi, Yeisho, Yeishin, Shuontscho ;
lesiff-to, Shighémasa (d739-i819), Massanobu, Kiku-
gawa Yeizan ; Sharaku (Toshiu-sai), fin du xvin^ siècle,
le meilleur p^nntre de portraits du Japon; Tchoki; Outa-
maro (1754-97), peintre de femmes; E. de Concourt lui
a consacré un livre; ses élèves, Shikimaro, Hidémaro,
Shiko.— Troisième période (xix^ siècle) : les Utagawa,
Toyokuni (1769-48:25), peintre d'acteurs et de scènes de
théâtre; Kunisada (1785-1864), élève du précédent; Ku-
niyoshi (1796-1861), peintre historique; Kunitora {Ichiyo-
sai); on désigne, sous le nom d'écoled'OsflA;^, les élèves
des Utagawa, peintres d'acteurs et des scènes de théâtre,
tels que Kunimitsu, Kunimassa, Kuniyasu, Kuniakira, Ho-
kukei,Hokushiu, Riukosaï; Hiroshighé Motonaga(ildl-
1858), le plus grand paysagiste du Japon, et l'école paysa-
giste de Meïshos; Hokoiisaï (1760-1849), débuta sous le
nom de Shunrô, dans l'atelier de Shunsho, a cultivé tous
les genres et illustré tous les sujets, le plus grand, le plus
fécond, le plus varié des artistes japonais ; notons parmi
ses élèves son gendre YanagawaShighénobu (1787-1842),
Hokkei, son meilleur élève, Gakutei, Shinsaï, Keisaï Yei-
zen, Hokube, Hokujiu, Riusai, Rintei, etc. ; les peintres
de Surimonos, qui comprenaient presque tous ces derniers
noms; enfin les humoristes et caricaturistes contempo-
rains, Kiàsai, élève de Kano, né en 1832; beaucoup de
ses dessins sont reproduits sur les lanternes {uchiwa) ; on
l'a surnommé shôjô, le grand buveur ; Keisaï, etc.
La sculpture est, comme la peinture, d'origine bouddhi-
que. Elle se montre sous forme de vastes objets de bronze,
brûle-parfums, gongs, etc., et surtout de statues de divi-
Bonze chantant (terre cuite du
xiP siècle).
cation est entre 1750 et 1830 (V. Porcelaine). Le vieux
Satsuma a atteint son maximum de perfection dans la pre-
mière moitié de ce siècle.— C'est également aux Chinois que
les Japonais doivent leur première bonne poterie ; quoiqu'ils
en fassent remonter la fa-
brication à une époque
antérieure à 660 av.
J.-C, ce n'est qu'en
1230, que la première
bonne poterie vernissée
japonaise fut faite à Seto
par Tôshiro, qui avait
étudié en Chine.
La fabrication des la-
ques est plus encore une
branche de l'art qu'une
industrie au Japon, elle
est faite avec le suc de
l'arbre appelé Rhiis ver-
nicifera qui s'échappe
lorsqu'on lui fait des in-
cisions. On applique la
laque sur du métal, mais
surtout sur du bois ; les
meilleurs bois sont le
hinoki (Chamœcyparis
obtusa) et le kiri {Pau-
lownia imperialis) ;
pour des objets com-
muns, on emploie les
bois du suji {Cryptomeria japonica) et du keyaki (Pla-
nera japonica). L'application de la laque est extrêmement
délicate et longue ; après plusieurs couches de laque ordi-
naire, on peut faire des applications avec des laques
d'or (hirama-
kiye et taka
makiye). L'art
de la laque est
indigène (V. La-
que).
Nous avons
déjà dit que l'ab-
sence de roches
de construction
avait eu une in-
fluence directe
sur la construc-
tion des mai-
sons ; il est très
certain que les
tremblements de
terre si terribles
et si nombreux
dans l'archipel
japonais sontune
autre cause. Les
maisons japo-
naises sont de
légères char-
pentes posées
sur terre sans
caves, couvertes
de chaume ou de
tuiles ; de murs,
il n'y en a pas à
vrai dire, la
maison est fermée par des portes de bois (amado)^ glis-
sant sur des rainures pendant l'été ; en hiver, ces portes
en bois sont remplacées par d'autres portes en papier semi-
transparentes appelées 5/10 /z; les chambres sont fermées
par d'autres portes en papier et leur dimension peut être
agrandie, leur nombre diminué ou augmenté, suivant qu'on
laisse en place ou qu'on enlève ces portes.
[Aigle et sin;
41 -
JAPON
La musique est d'origine chinoise et bouddhique; sui-
vant le docteur Mùller, Féchelle musicale se compose de cinq
notes de la gamme harmonique mineure; M. Piggott pense
que la gamme japonaise est notre gamme mineure pure et
simple. « L'instrument le plus parfait des Japonais, dit
Metchnikov, est le koto, espèce de zitter, dont on tire à
Taide d'un crochet des sons assez mélodieux ; mais l'on
Les Grues (laque du xvhq siècle).
a rarement l'occasion de l'entendre ; anciennement l'on ne
jouait du koto qu'à la cour des empereurs. Le biwa^ man-
doline à quatre cordes, est l'instrument des aveugles ; il
sert d'accompagnement aux improvisations et surtout au
récit de Heiké Mono-gatari. Les hommes jouent aussi
parfois de la flûte (fouyé) et du tambour {taiko et tsud-
zumi). Le sami-sen (guitare à trois cordes) est l'instru-
ment de prédilection des deux sexes. Il est accordé en
trois tons : hon-tsio (ton naturel), ni-agari (seconde
majeure) et sansagavi (tierce mineure). Lorsque plusieurs
sami sert sont joués à la fois, l'on donne à celui qui sert
pour la mélodie un accord particulier, nommé taka-né.
Il existe une grande variété de sami-sen et de riu-ghei,
styles ou méthodes de musique. Le style le plus usité au-
jourd'hui est le zioruri qui sert d'accompagnement aux
chansons erotiques. Naga~uta est le style d'accompagne-
ment pour les déclamations ; ghi-dai-yu-bu-ci est le style
martial : hayari-uta est la musique des danses. »
Henri Cordier.
Législation. — Ancien t)roit. — Les lois les plus
anciennes dont on ait gardé le souvenir datent d'une
époque relativement récente. Pendant longtemps, en effet,
le Japon a été gouverné suivant le régime patriarcal,
sans loi écrite. Ce n'est qu'en 604 ap. J.-C. que le prince
impérial Shotoku fit la compilation des Dix-sept Lois fort-
damenlales, œuvre bientôt suivie de la Codification des
lois et ordonnances et de la Compilation des règle-
ments et règles supplémentaires. En 4232, fut promul-
guée la Constitution de Hojo, qui subit ultérieurement
des modifications et additions nombreuses, dont la plus
authentique porte le nom de Nouvelle Co7istitufion sup-
plémentaire. En 1746, Yoshi-mitsu, surnommé le Législa-
teur de Tokugawa, fit réunir en un recueil unique tous les
décrets et ordonnances des shogouns; les Documents légis-
latifs contiennent le droit civil. En 1742 parurent les
Cent Articles de Tokugawa, reidermant les Jois crimi-
nelles. Ces lois ne furent distribuées que parmi les minis-
tres et les juges, la nmxime du gouvernement de Toku-
gawa étant que « le peufde ne doit pas connaître la loi,
mais seulement obéir ».
Droit public et administratif. — En 1867, lorsque le
mikado (souverain légitime qui siégeait à Kioto) eut recon-
quis l'exercice effectif de son autorité contre le shogoun ou
taïcoun (dictateur militaire et souverain de fait qui siégeait
à Yedo), l'histoire du Japon entra dans une phase nouvelle.
La dénomination de l'ère qui allait s'ouvrir (mei-dji,
gouverner clairement) étuil à elle seule une promesse et
un programme. Dans la formule du serment prêté en 1867,
lors de son avènement, par l'empereur actuel, Mutsuhito,
ce souverain prenait l'engagement « de gouverner d'accord
avec l'opinion publique et 'la délibération populaire ». En
1868, une sorte de Parlement, composé de 276 membres
de la noblesse feudataire fut convoqué à Yedo, mais cette
assemblée, imbue des anciens préjugés, hostile aux ré-
formes projetées, dut être dissoute! Pour vaincre cette
opposition et trouver un appui dans les classes populaires,
le nouveau gouvernement s'attaqua au régime féodal et
militaire (hoken-seiji), dont l'impopularité était d'ailleurs
devenue extrême. Les fian ou provinces des daimios furent
abolis, leurs noms mêmes changés, et Ton organisa des
divisions territoriales nouvelles, les fou (villes) au nombre
de trois, les ken (préfectures) au nombre de quarante-
trois, à la tête desquelles furent placés des gouverneurs
dévoués au nouveau pouvoir (1871). Un Sénat fut créé en
1872, mais il se composait exclusivement de fonction-
naires et n'avait (ju'un rôle purement consultatif. En 1875,
l'empereur prit l'initiative de convoquer à Tokio les fonc-
tionnaires des provinces « pour s'enquérir des sentiments
du peuple et consulter l'intérêt public ». Le rescrit impé-
rial annonçait la mise à l'étude d'une « forme constitution-
nelle à donner au gouvernement ». Une insurrectien san-
glante, réprimée en 1877, l'etarda la convocation de cette
assemblée jusqu'en 1878. Sa première œuvre fut l'élabo-
ration, sous la présidence du comte Ito, de lois relatives à
la création d'assemblées municipales et provinciales issues
de l'élection. Ces corps représentatifs devaient servir de
base à l'édifice ultérieur de la constitution. Ces lois, con-
nues sous le nom des trois grandes lois, furent mises
en vigueur en 1879 et re visées sur quelques points en
1880. Les assemblées qu'elh^s organisent sont chargées de
fixer le montant des impositions" locales, sous le contrôle
des gouverneurs et du ministre de l'intérieur. Sont éligibles
tous les citoyens mâles âgés de vingt-cinq ans résidant
dans la circoiiscription depuis trois années consécutives au
moins et payant comme impôt foncier annuel plus de 10 yen
(le yen vaut nominalement 5 fr. 15 environ : sa valeur
réelle n'est plus guère aujourd'hui que de 4 fr. 30). Sont
électeurs tous les citoyens mâles âgés de vingt ans rési-
dant dans le district et payant plus de 5 yen. Chaque année
ou tous les deux ans au moins, les gouverneurs sont con-
voqués au ministère de l'intérieur pour discuter les ques-
tions se rattachant à l'administration locale. Chaque cir-
conscription est partagée en villes (kou) et en cantons
(gun) administrés par un fonctionnaire (cho) qui gère les
affaires locales.
Un édit impérial du 17 avr. 1888, entré en vigueur le
l^^avr. 1889, a poussé jdus loin le principe de la décen-
tralisation, en organisant un nouveau système d'adminis-
tration locale dans les shi (municipalités), cho (villes) et
5072 (villages). Cette réforme est destinée à recevoir une
application graduelle, suivant les circonstances et les
besoins des localités.
Par un édit en date du 12 oct. 1881, l'empereur avait
promis pour Tannée 1890 l'institution d'un nouveau Par-
lement. En attendant que cette création, qui était présentée
comme le couronnement de l'œuvre entreprise, à savoir
« l'établissement graduel d'une forme constitutionnelle de
gouvernement », pût être rculisée, une première étape fut
franchie par tout un ensemble de réformes administratives
JAPON
- 4-2
et politiques, dont la dernière porte la date du 22 nov.
1885. Les postes de premier ministre, de ministre de
gauche et de ministre de droite, dont la création remon-
tait à plus d*un millier d'années et qui étaient toujours
occupés par des nobles de la cour, furent alors supprimés.
En même temps, le cabinet ou conseil des ministres est
constitué sur des bases entièrement nouvelles. Il com-
prend un président à portefeuille et neuf autres ministres
(affaires étrangères, intérieur, finances, guerre, marine,
justice, instruction, agriculture et commerce, communica-
tions). Les membres du conseil ne s'intitulent plus sanguis,
ils sont devenus daï-dzin (grands ministres). Chacun d'eux
dirige sous sa responsabilité les affaires de son départe-
ment, mais les questions d'intérêt général doivent être dé-
libérées en conseil. Le président du conseil remplit en
outre les fonctions dévolues auparavant au premier grand
ministre, c.-à-d. à l'ancien daï-dzio daï-dzin. C'est lui
qui présente à l'approbation du mikado les projets de noti-
fication et qui les signe, lorsqu'ils sont approuvés par Sa
Majesté. L'empereur assiste aux délibérations du conseil.
Quelques modifications ont été introduites dans' les attri-
butions respectives des ministres. Ainsi le ministère des
travaux publics est supprimé et remplacé par le ministère
des communications, de qui relèvent les télégraphes, les
phares et la navigation commerciale. Les mines et les ma-
nufactures de l'Etat passent au ministère de l'agriculture et
du commerce. L'école des ingénieurs est rattachée au mi-
nistère de l'instruction publique. Quant aux chemins de fer,
ils restent provisoirement sous la surveillance du cabinet.
Le comte Ito fut nommé président du conseil et ministre
de la maison de l'empereur.
A côté de ce conseil des ministres et pour créer des si-
tuations aux hauts personnages dépossédés par l'etFet de
cette réforme, on a institué un conseil du palais, dont les
attributions ne s'étendent qu'aux choses mêmes du palais et
n'ont absolument rien de politique. Dans ce conseil entrè-
rent : comme président et gardien des sceaux, le prince
Sandjo, ancien premier grand ministre, et comme conseil-
lers : l'ancien ministre de la marine, l'ancien président du
conseil d'Etat, l'ancien ministre des travaux publics, l'an-
cien président du Sénat, etc. Le prince Arisougava, pre-
mier prince du sang, était, en compensation de la perte de
son poste de grand ministre de gauche, nommé grand chef
de l'état-major général. Le conseil d'Etat fut supprimé et
remplacé par un conseil de jurisprudence, dépendant du
cabinet et comprenant trois sections : administration, légis-
lation, justice. Enfin le Sénat fut conservé et ouvrit même
ses rangs à quelques-uns des membres du conseil d'Etat
supprimé. Le comte Oki, privé du portefeuille de l'instruc-
tion publique, obtint ainsi la présidence du Sénat.
La promesse faite parle mikado, le 12 oct. 1881, reçut
son exécution à la date fixée. La nouvelle constitution de
l'empire japonais a été solennellement promulguée le d 1 févr.
1889 (onzième jour du deuxième mois de la vingt-deuxième
année de l'ère de mei-dji). Le comte Ito, président du
conseil privé, a pris à la rédaction de cette charte, comme
d'ailleurs à toutes les autres réformes antérieurement exé-
cutées, une part prépondérante. Cette constitution com-
prend 76 articles. Le chap. I traite des pouvoirs de
l'empereur ; le chap. II, des droits et devoirs des sujets;
le chap. III, de la Diète impériale; le chap. IV, des mi-
nistres d'Etat et du conseil privé ; le chap. V, de la jus-
tice; le chap. VI, des finances; le chap. VII, de quelques
règles supplémentaires.
Chapitre I. — L'empereur exerce le pouvoir législatif
avec l'assentiment de la Diète. Deux ordonnances, l'une
de 1881 et l'autre de 1886, ont réglé les formes de la
promulgation des lois. Le souverain a le droit de disso-
lution. Il déclare la guerre, fait la paix et conclut les
traités. Il promulgue l'état de siège, lorsque les circons-
tances l'exigent. Il a le droit d'amnistie, de grâce, de com-
mutation dejpeine et de réhabilitation.
Chap. IL — Les sujets japonais peuvent être, tous sans
distinction, nommés aux divers emplois. Ils sont égaux
devant la loi. Le droit de propriété, la liberté de conscience
et de culte, la fiberté de parole, de réunion et d'associa-
tion, le secret des correspondances privées sont protégés.
La loi du 28 nov. 1872, complétée par celle du 21 janv.
1888, astreint tous les Japonais au service miUtaire.
Chap. III. — La Diète est composée de deux Chambres :
la Chambre des pairs, composée des membres de la famille
impériale, des ordres de noblesse et des personnes dési-
gnées par l'empereur; la Chambre des représentants, com-
posée de membres élus par le peuple. En même temps que
la constitution, ont été promulguées : une ordonnance im-
périale sur la Chambre des pairs, une loi sur les Chambres,
une loi sur l'élection des membres de la Chambre des re-
présentants. L'ordonnance concernant la Chambre des
pairs comprend 13 articles. Les membres de la famille im-
périale âgés de plus de vingt ans, les princes et marquis
âgés de plus de vingt-cinq, sont membres de droit. Les
comtes, vicomtes et barons, élisent leurs représentants, qui
doivent être âgés d'au moins vingt-cinq ans, et dont le
nombre ne doit pas dépasser le cinquième des membres de
leur ordre respectif : leur mandat dure sept ans. Les pairs
choisis par l'empereur en raison de leurs services ou de
leur science, sont nommés à vie : ils doivent avoir au
moins trente ans. Dans chaque ville (fou) et dans chaque
préfecture (ken), les quinze plus imposés, âgés de plus de
trente ans, élisent un représentant : si l'empereur con-
firme l'élection, le pair ainsi désigné siège pendant sept
ans. La loi électorale pour l'élection des membres de la
Chambre des représentants compte 111 articles et contient
en appendice un tableau des circonscriptions. La ville de
Tokio élit 12 députés, la ville de Kioto 7, la ville d'Osaka
10 ; les 42 cantons élisent ensemble 271 députés : au total,
300 représentants, soit environ un représentant pour
128,000 habitants. Le mandat des représentants est de
quatre ans. Pour être électeur, il faut avoir vingt-cinq ans,
être domicilié depuis un an au jour de la confection des
listes dans la ville ou préfecture, y résider, payer depuis
un an au moins des impôts directs d'au moins 1 5 yen ou
depuis trois ans au moins un chiffre égal d'impôt sur le
revenu. Tout électeur est éligible après l'âge de trente ans.
Le vote a lieu par bulletins sur lesquels l'électeur écrit ou
fait écrire : 1 ° le nom du candidat pour lequel il vote ;
2^ son propre nom et sa résidence. Les incapacités élec-
torales et les incompatibilités ne diffèrent point de ce
qu'elles sont chez les autres nations. Les fous, les ban-
queroutiers, les individus privés de leurs droits civiques,
ceux qui sont détenus à l'occasion d'une poursuite crimi-
nelle, les soldats et marins en activité de service ne peu-
vent ni voter ni être élus. Il y a incompatibilité absolue
entre le mandat de député et celui de membre de la Chambre
des pairs ; de même avec les fonctions de ministre de la
maison impériale, d'oflicier de police, de justice ou de
finance et de prêtre. Les fonctionnaires départementaux,
dans le ressort de leur circonscription et, quand ils se sont
occupés d'une élection, les fonctionnaires municipaux sont
inéligibles. La loi sur les Chambres comprend 99 articles.
Elle règle tout ce qui concerne les convocations, la prési-
dence, le secrétariat , les indemnités, les comités, séances,
questions, adresses, les rapports des deux Chambres, les
pétitions, la discipline, etc.
Chap. IV. — Les attributions des ministres d'Etat res-
tent telles qu'elles avaient été établies par la réforme de
1885. Ils donnent leur avis à l'empereur et sont respon-
sables devant lui. Ils contresignent les lois, ordonnances
et rescrits impériaux : la forme de ce contreseing a été
déterminée en 1886. Le conseil privé est appelé à déli-
bérer sur les matières publiques importantes, dont l'exa-
men lui est confié par l'empereur.
Chap. V. — Les magistrats qui rendent la justice sont
inamovibles, sauf lorsqu'ils sont frappés par une sentence
criminelle ou une punition disciplinaire. Des justices de
paix {kou-saïbansho)^ au nombre de 299, ont été établies
- 43 -
JAPON
dans les villes et villages. Il y a 48 tribunaux de première
insiânœ (tchihô-saïbansho), qui jouissent au civil d'une
compétence illimitée et. au criminel, jugent eux-mêmes
certaines affaires de peu d'importance et instruisent les
autres. Des cours d'appel {kôso-in)^ au nombre de 7,
jugent les appels portés contre les sentences rendues par
les tribunaux de première instance. Tous les trimestres,
on constitue près des cours d'appel et parfois près des tri-
bunaux de première instance, des cours criminelles com-
posées d'un président et de quatre juges, pour juger les
crimes importants. Les affaires criminelles, d'après les
statistiques, se décomposaient ainsi :
Crimes sérieux
Infractions légères. . . .
Total
1887 1891
4.397 3.591
79,723 154.087
84.120 157.678
Une cour de cassation (daïshin-in) a été crééje en
1875 à Tokio; elle juge les pourvois tant civils que cri-
minels. Une loi sur l'organisation judiciaire, complément
du nouveau code de procédure civile, a été promulguée le
2 févr. 1890; on en trouvera plus loin l'analyse. La cons-
titution prévoyait la fondation d'une cour des litiges admi-
nistratifs, qui n'a pas pu encore être organisée.
Chap. VI. — Ce chapitre, ainsi que nous l'avons dit,
traite des finances. En même temps que la constitution, a
été promulguée une loi sur les finances en 33 articles,
réglant principalement les questions budgétaires.
Chap. VII. — Ce chapitre détermine le mode de revision
de la constitution et du statut de la famille impériale.
Le 11 févr. 1889, c.-à-d. le jour même où il octroyait
à son peuple une constitution, le mikado, par une déclara-
tion qui n'a été ni contresignée par les ministres ni pu-
bliée dans le journal officiel, mais qui a cependant toute
la valeur d'une loi fondamentale de l'empire, réglait l'ordre
de succession au trône et arrêtait l'oi'ganisation de la fa-
mille impériale. L'art. 74 de la constitution soustrait
d'ailleurs aux délibérations de la Diète toutes les mo-
difications au statut de la famille impériale. Ce document,
intéressant à plus d'un titre, établit tout d'abord que la
dignité impériale est héréditaire par droit de primogéni-
ture et de mâle en mâle, et détermine l'ordre dans lequel
les princes issus de l'épouse légitime et ceux nés de me-
kake (concubines) pourront être appelés au trône. Mais ces
prévisions, quelque minutieuses qu'elles soient, se trouvent
presque annulées en fait par la disposition de l'art. 9, où
il est dit qu'au cas où le prince ayant par sa naissance
droit au trône ne serait pas sain de corps et d'esprit ou
encore si quelque raison d'importance majeure l'exigeait,
l'ordre de succession pourrait, sur l'avis du conseil de
famille et du conseil privé, subir des modifications. De
même, toutes les prescriptions relatives au choix du régent
n'ont, pour ainsi dire, qu'une valeur documentaire, puisque
Fart, 25 laisse au conseil privé et au conseil de famille la
faculté de n'en tenir aucun compte. Or, les membres du
conseil de famille n'ayant aucune influence poHtîque, alors
que le conseil privé est composé d'anciens ministres ou
hauts fonctionnaires, c'est bien ce conseil privé qui décide
en définitive à quel prince doit appartenir le pouvoir su-
prême, de même que c'est à lui encore qu'il faut attribuer,
du moins en grande partie, toutes les mesures que le mi-
kado semble prendre de sa propre autorité. Il est en outre
à remarquer que l'hérédité dans la descendance adoptive,
qui était d'un usage constant dans le passé, est virtuelle-
ment abolie par la déclaration du 11 févr. Ce fait est d'au-
tant plus grave qu'il implique la suppression complète du
droit d'adoption, c.-à-d. d'un droit passé à ce point dans
les mœurs japonaises qu'on peut le considérer aujourd'hui
encore commet constituant la base même de la famille.
Droit privé. — Quelque intérêt que présente cette ré-
volution accomplie par le gouvernement japonais dans l'or-
ganisation administrative et politique du pays, la réforme
du droit privé, poursuivie simultanément, a pour nous un
intérêt encore plus direct.
Parmi les hommes qui ont eu la plus grande part dans
cette œuvre législative, il faut signaler au premier rang
M. Boissonade, professeur à la Faculté de droit de Paris,
actuellement conseiller légiste du gouvernement japonais,
qui, chargé d'abord par le ministre du Japon à Paris de
faire des conférences de droit constitutionnel et droit com-
mercial à sept délégués du ministère de la justice venus à
Paris pour étudier la législation française, fut ensuite
appelé au Japon, où une œuvre importante de codification
allait être entreprise sous sa direction.
Code pénal. De toutes les parties de la législation, la
loi pénale est assurément celle qui a le plus immédiate-
ment pour objet la conservation de l'ordre social, puisqu'elle
tend à défendre contre toute atteinte venant de l'intérieur
« l'organisation politique de l'Etat, le fonctionnement ré-
gulier des autorités, la vie des particuliers, leur honneur,
leurs biens et, généralement tous les droits publics et
privés » (Boissonade, Projet revisé de code pénal pour
l'empire du Japon, p. 2; Tokio, 1886).
Aussitôt après la Restauration, en 4868, le nouveau
gouvernement avait publié une circulaire officielle, par
laquelle il ordonnait que provisoirement, jusqu'à ce qu'une
loi définitive fût mise en vigueur,* la loi pénale de Toku-
gawa continuerait à être appliquée. Pour mettre cette loi
en harmonie avec les principes de la Restauration, le gou-
vernement élabora une première loi pénale temporaire.
Préoccupé de rendre la législation pénale uniforme pour
toutes les parties de Fempire, en même temps que pour toutes
les classes de la population, il promulgua, la 3® année de
mei-dji (janvier 1871), un nouveau code pénal en six livres,
qui puisait une partie de ses éléments dans la loi nouvelle
de Taiko et les lois féodales de Hojo, Ashikaga et Toku-
gawa et faisait de notables emprunts au code chinois, dont
il adoucissait la rigueur. Le nouveau code était applicable
à tout Fempire, mais ne supprimait pas toutes les diffé-
rences existant entre les diverses classes de sujets. Ce code
fut bientôt suivi (5^ année de mei-dji, mai 4873) d'une loi
réformée, en trois livres, adoucissant encore les peines,
mais prévoyant et punissant des infractions qui, n'ayant
pas été spécialement visées par le précé^îent code, n'étaient
réprimées par les tribunaux que par voie d'analogie et d'in-
terprétation de la loi, ce qui n'allait pas sans un peu
d'arbitraire. Le gouvernement ne crut pas encore devoir
s'arrêter là. Désireux d'acquérir sur tous les habitants du
territoire japonais la plénitude de juridiction et de retirer
aux étrangers le privilège d'extraterritorialité, qui les main-
tient sous la juridiction de leurs consuls et sous la législa-
tion pénale de leur pays, le gouvernement devait tout
d'abord s'appliquer à mettre sa législation pénale en har-
monie avec l'esprit général des lois étrangères les plus
estimées. Dès 4874, M. Boissonade fut chargé de rédiger
un projet de code pénal et un projet de code de procédure
criminelle. Une commission fut instituée au ministère de
la justice, sous la présidence même du ministre Oghi
Takato, et composée du général Yamada, alors vice-ministre
de la justice, de MM. Tsourouda, Namoura et Sakaia.
secrétaires au même ministère, et de M. Boissonade, chargé
de rédiger Favant-projet et d'établir le texte français du
projet adopté. Le travail, commencé en sept. 1875, fut ter-
miné en juil. 1877 et transmis au gouvernement, qui le
soumit à une commission nouvelle, où entrèrent des secré-
taires du conseil dû gouvernement, des membres du Sénat
et des membres de la commission formée au ministère de
la justice, chargés de soutenir le projet. M. Boissonade
n'en faisait pas partie. Le premier projet, inspiré surtout
par les dispositions du code pénal français et, à un degré
moindre, par celles des codes belge, allemand, du projet
italien, etc., s'attachait à adoucir encore les peines et à
les proportionner plus exactement à la gravité des infrac-
tions. Il comprenait quatre livres. Le premier, consacré aux
dispositions générales., expose les principes généraux, le^.
JAPON — 44 ~
règles communes à la punition des diverses infractions ;
le livre II traite des crimes et délits contre la chose pu-
blique, c.-à-d. contre l'Etat et la société; le livre III traite
des crimes et délits contre les particuliers, soit contre les
personnes, soit contre les propriétés ; le dernier livre est
consacré aux contraventions. La commission mixte, dont
nous avons indiqué la composition, fit subir à ce projet de
nombreuses retouches et aussi de fâcheuses mutilations.
Le texte, après ce travail de remaniement, fut approuvé
par le gouvernement et promulgué au mois de juil. 1880;
il a force de loi depuis le 1^'' janv. 4882. Bientôt néan-
moins on reconnut que les modifications et suppressions
apportées au projet du ministère de la justice par la nou-
velle commission n'avaient pas toujours été heureuses, et
le gouvernement lui-même songea à entreprendre une nou-
velle revision. Avant la promulgation du texte officiel du
code de 4882, M. Boissonade avait commencé à publier un
commentaire de son projet primitif et l'avait poussé jusqu'à
l'art. 373. Quand la promulgation du nouveau texte fut
faite, M. Boissonade crut devoir suspendre un travail
« dont on n'avait pas tenu compte et qui, ne pouvant plus
s'appliquer au nouveau texte, aurait paru en être la cri-
tique, sans avoir désormais d'utilité au moins présente ».
Cependant, sur l'invitation même du ministre de la jus-
tice, M. Boissonade, dès Tannée 4882, dut reprendre ce
commentaire resté inachevé, et il le publia en 4886 sous
le titre de Projet revisé de code pénal pour V empire du
Japon : ce projet peut être considéré comme nouveau, en
ce sens que non seulement il reprend dans l'ancien projet
presque tout ce qui en avait été retranché par la commis-
sion mixte de 4877, mais encore qu'il contient un grand
nombre de dispositions entièrement nouvelles, étrangères
même au projet primitif.
Code de procédure criminelle. Le projet du code pénal
était terminé depuis un an déjà, lorsque le projet de code
de procédure criminelle fut entrepris. Antérieurement,
pendant son court passage au ministère de la justice,
M. Ito avait déjà apporté un changement radical dans les
pouvoirs et les fonctions du ministère public et dans tout
le système des poursuites criminelles. Deux lois importantes
avaient été alors promulguées : celle de 4873, sur les prin-
cipes de la procédure pénale, et celle de 4874, sur les
règles de la police judiciaire. La préparation du code de
procédure criminelle, commencée au ministère de la justice
en juil. 4877 (7® mois de la 40^ année de mei-dji) était
terminée à la fin de l'année 4878. Ce fut l'œuvre d'une
commission instituée au ministère de la justice sous la
présidence d'honneur du ministre, M. Oghi Takato, et
composée de M. Kichira, procureur général à la cour de
cassation, président, de six secrétaires du ministère de la
justice, et de M. Boissonade. Le projet, imprimé en fran-
çais et en japonais, fut alors présenté (sept. \ 879) par le
ministre de la justice, en même temps que le premier pro-
jet du code pénal dont nous avons parlé, au conseil su-
prême du gouvernement et bientôt transmis par celui-ci au
Sénat. Les deux projets furent soumis à une même com-
mission, composée, ainsi que nous l'avons dit, de secré-
taires généraux du conseil du gouvernement, de membres
du Sénat et des membres de la commission primitive ins-
tituée au ministère de la justice, à l'exception de M. Bois-
sonade. Le projet du code de procédure criminelle eut à
subir les mêmes mutilations que le projet du code pénal.
Le nouveau texte fut approuvé par le gouvernement et
promulgué le 7® mois de la 43^ année de mei-dji (juil. 4880) :
il a force de loi depuis le 4^"^ janv. 4882. Le chap. I
pose les principes généraux; le chap, II traite des tribu-
naux : le chap. III, de l'arrestation, de la procédure et de
l'instruction préliminaire concernant les infractions; le
chap. IV, des poursuites ; le chap. V, des recours ; le cliap. VI,
de la revision ; le chap. VII, des attributions spéciales de
la cour suprême. Sur l'invitation même du ministre,
M. Boissonade entreprit de publier le projet primitif et le
commentaire qu'il avait rédigé à l'origine pour lui servir
d'exposé de motifs. Cette publication parut en 4882, sous
le titre de Projet de code de procédure criminelle pour
r empire du Japon, accompagné d'un commentaire.
Ce projet est divisé en cinq livres, traitant : le premier, de
l'organisation et de la compétence des tribunaux de repres-
sion ; le deuxième, de l'instruction préparatoire ; le troisième,
des juridictions de jugement ; le quatrième, des attribu-
tions de la cour de cassation ; le cinquième, de l'exécution
des jugements.
Code civil. Aussitôt après la restauration de 4867, le
gouvernement avait remis provisoirement en vigueur les
vieilles lois de Tokugawa. En 4870, il créa \q Bureau
d'enquête sur les lois et les institutions, avec mission de
simplifier et d'harmoniser les lois devenues incertaines et
contradictoires. A la tête de ce bureau fut placé M. Yto,
nommé un peu plus tard, en 4872, ministre de la justice.
Cet homme d'Etat se rendit compte que le seul moyen
d'amener les gouvernements étrangers à renoncer à l'ex-
traterritorialité de leur nationaux et au régime des capi-
tulations, source de nombreuses difficultés et aussi, on
peut l'avouer, de fréquentes injustices, était d'élaborer un
code civil qui pût être applicable aux étrangers aussi bien
qu'aux Japonais. L'œuvre de codification entamée par
M. Yto ne fut pas interrompue par son départ du minis-
tère en 4873 : son successeur, M. Oghi Takato, se consacra
tout entier à cette grande tâche. Au mois de mars 1879
(42^^ année de mei-dji), le ministre chargea M. Boissonade
de rédiger un projet de code civil, en lui laissant liberté
complète tant pour le fond que pour le plan et la méthode
de son travail. Les diverses parties du projet devaient être,
au fur et à mesure de leur rédaction, discutées d'abord au
sein d'une commission préparatoire composée des premiers
présidents des cours et tribunaux siégeant à Tokio et
d'officiers du ministère de la justice; après quoi, le projet,
avec les corrections qui auraient pu y être apportées,
devait être soumis à une commission supérieure, composée
de membres du bureau de législation générale (tiô-sei-
kioku), de membres du conseil d'Etat (san-ji-in), de
membres du Sénat (gen-ro-in). Les principaux membres
de la commission préparatoire devaient entrer dans la nou-
velle pour soutenir le projet. Enfin le texte du nouveau
code, définitivement arrêté par la commission supérieure,
devait être soumis dans son ensemble au cabinet (daï-jo-
kivan, naï-kakou), présenté par ce dernier au Sénat, et
revêtu ensuite de la sanction impériale.
A l'origine de son travail, M. Boissonade se contentait
de soutenir verbalement devant la commission les articles
de son projet. Bientôt on décida qu'un commentaire écrit
accompagnerait le texte des articles et serait traduit en
japonais, imprimé et distribué à la commission. Les t. I
et II du projet furent ainsi imprimés en 4880 pour l'usage
exclusif de cette dernière. Ce commentaire, d'abord très
réduit, prit peu à peu, surtout à partir du t. III, plus d'ex-
tension. Il fallut donc reprendre la matière contenue dans
les deux premiers tomes pour en faire un exposé des mo-
tifs complet ; la seconde édition de ces deux volumes a été
publiée en 4882 etI883, les t. IV et V parurent en 4889.
Le projet, tel qu'il subsistait après les diverses modifi-
cations subies dans les commissions, reçut, au commence-
ment de l'année 4890, l'approbation du cabinet, du Sénat
et du conseil privé de l'empereur (su-mitsu-in) ; il a
enfin été sanctionné et promulgué par l'empereur au mois
d'avr. 4890 (23« année de mei-ji). Il devait commencer
à s'appliquer à partir du 4«'' janv. 4893. Ce code ce-
pendant, pas plus que le code de commerce, dont nous
parlerons tout à l'heure, n'est encore actuellement en
vigueur; par suite de circonstances sur lesquelles nous
reviendrons, son apphcation se trouve aujourd'hui indéfi-
niment ajournée. Une traduction française du texte officiel,
accompagnée d'un exposé des motifs, a été (commencée : un
premier Volume parut en 4894 , qui contient les livres rela-
tifs aux biens, à l'acquisition des biens, aux garanties des
créances et aux preuves. Peu après que le texte officiel fut
45 —
JAPON
promulgué, M. Boissonade fut autorisé à réimprimer son
projet personnel, texte et commentaire, avec les modifica-
tions et additions qu'il jugeait utiles. Cette nouvelle édition,
qui comporte quatre volumes, a été publiée en 4890.
L'œuvre de M. Boissonade n'embrasse que les livres II
(biens, droits réels et droits personnels), III (manières
d'acquérir les biens), IV (sûretés ou garanties des créances)
et V (preuves). Le livre 1, consacré aux personnes, a été
réservé. Pour légiférer sur la constitution de la famille et
le droit de succession, on a pensé qu'une profonde connais-
sance des mœurs et des coutumes séculaires du Japon
était nécessaire : la rédaction de cette partie du code a
été confiée exclusivement h des légistes japonais, auxquels on
donna mission de recueillir préalablement les coutumes des
principales provinces de l'empire. Une traduction officielle
anglaise du livre des personnes a paru à Tokio en 4892.
Code de procédure civile. Dans les premiers temps qui
suivirent la Restauration, la procédure civile fut laissée
telle qu'elle avait été organisée sous le régime des lois de
Tokugawa. En 4870, le gouvernement fit un Règlement
de procédure^ qu'on modifia ultérieurement pour le rendre
applicable à tout l'empire. Le Règlement de l'action lé-
gale et le Formulaire de la procédure furent promulgués
en 4872 et en 4873. En 4884, le gouvernement institua
un comité chargé d'élaborer un projet de code. Ce projet,
à la rédaction duquel un légiste anglais, M. Montagne Kirk-
wood, prit une part notable, fut terminé en 4887. Approuvé
par le gouvernement et par le Sénat, le code de procédure
civile a été promulgué en 4890 et est en vigueur depuis
le d®^ janv. 4891. Il comprend huit chapitres : chap. I,
principes généraux; chap. II, procédure en première ins-
tance ; chap. III, recours ; chap. IV, renouvellement de la
procédure ; chap. V, requêtes sur pièces et sur lettres de
change et promesses; chap. VI, exécutions; chap. VII,
procédure de l'assignation publique ; chap. VIII, procé-
dure de l'arbitrage.
Ce code a été complété, le 2 févr. 4890, par une loi
organique des cours et tribunaux, entrée en vigueur dès
l'année même de sa promulgation. Elle comprend près de
150 articles et est divisée en quatre chapitres : chap. I,
tribunaux et cours de justice (saïbansho) et ministère
public (kenji-kioku) ; chap. II, membres des cours de
justices et officiers du ministère public; chap. III, exercice
des fonctions judiciaires ; chap. IV, devoirs administratifs
des tribunaux et pouvoirs de revision des sentences judi-
ciaires.
Code de commerce. L'ancienne loi japonaise ne faisait
pas de distinction entre les lois civiles et les lois commer-
ciales. C'est en 4881 que le gouvernement jugea néces-
saire de compléter le projet de code civil par un projet de
code de commerce. Il institua une commission composée de
fonctionnaires particulièrement au courant des questions
commerciales et chargea un jurisconsulte allemand, con-
seiller du gouvernement japonais, le D^ Hermann Rœsler,
de rédiger un projet (Entwurf eines Handelsgesetzbuches
fur Japan^ mit Commentar, 3 vol.; Tokio, 4884). Le
gouvernement confia ensuite l'examen de ce projet à une
commission spéciale, qui termina son œuvre en 1887. Le
nouveau code ne comportait qu'un seul livre, divisé en
trois chapitres: chap. I, du commerce en général ; chap. II,
du commerce maritime; chap. III, de la failUte.
Approuvé par le Sénat, le code de commerce fut, comme
le code civil, promulgué le 27 mars 4890, c.-à-d. à une
époque où le régime constitionnel , établi en principe,
n'existait pas encore en fait. Une traduction officielle en
anglais fut publiée à Tokio en 4892. Le nouveau code de
commerce devait être obligatoire à partir du 4*^"^ janv. 1894,
alors que le code civil ne devait recevoir son application
qu'à partir du 4^^ janv. 1893. Mais, dès sa première ses-
sion, la Diète vota l'ajournement du code de commerce au
l^^janv. 4893, invoquant comme prétexte l'utilité qu'il
y avait à fixer une date uniforme pour l'apolication des
deux codes. Puis, dans la session de mai-juin 4892, les deux
Chambres votèrent un nouvel ajournement au 4«^ janv.
4897. Les ministres protestèrent et conseillèrent d'abord
à l'empereur de ne pas sanctionner ce vote. Ils finirent
cependant par céder, et la loi fut promulguée le 22 nov.
4892, peu de jours avant l'ouverture de la session. En
voici la traduction : « La mise en vigueur des codes, des
parties de codes, des dispositions et des règlements ci-
dessous désignés est ajournée jusqu'au 3 1^ jour du 42® mois
de la 29« année de mei-dji (34 déc. 4896), afin de per-
mettre d'y apporter les corrections nécessaires : Les
livres suivants du code civil : le livre des biens, le
livre des moyens d'acquérir les biens (moins le chapitre
des successions), le livre des sûretés ou garanties des
créances ou droits personnels, et le livre des preuves et
de la prescription, promulgués par la loi n** 28, le 3®
mois de la 23® année 'de mei-dji (mars 4890) ; le
code de commerce, promulgué par la loi n'^ 59, le
8® mois de la même année (août 4890) ; les dispositions
préliminaires relatives aux lois, promulguées par la loi
n°97, le 40® mois de la même année (oct. 4890) et les
livres suivants du code civil : le livre des moyens d'ac-
quérir les biens (chapitre des successions), et le livre de-
personnes, promulgués parla loi n^98, le 40® mois de la
même année (oct. 4890). Toutefois, lorsque les correc-
tions de telle ou telle partie auront été terminées, celle-ci
pourra être mise en vigueur, même durant la période pré-
vue par la présente loi. » Par application de cette dernière
disposition, d'après laquelle certaines parties des nouveaux
codes pouvaient être rendues exécutoires avant le 34 déc.
1896, si elles parvenaient à être amendées avant cette
date, la Diète, dans les derniers jours de la session de
4892-93, consentit à voter la mise en vigueur, à partir du
4®^ juil. 1893, des hvres duéode de commerce relatifs aux
associations et sociétés commerciales, aux efiéts de com-
merce et aux faillites. Le 25 mars 4893, la Gazette offi-
cielle du gouvernement japonais a publié une ordonnance
impériale faisant connaître la composition et le mode de
fonctionnement de la commission chargée d'examiner le
code civil, le code de commerce, ainsi que les lois annexes,
dont la mise en vigueur a été ajournée.
La Gazette officielle du 44 avr. 4893 donne la com-
position des membres de cette commission. C'est le comte
Ito, président du conseil des ministres, qui en est nommé
président. Les noms des membres délibérant furent publiés
dans la Gazette officielle du 24 avril. Ils furent choisis
équitablement parmi les partisans et les adversaires des
nouveaux codes. Ces derniers paraissent cependant devoir
être en majorité. Ils se recrutent principalement parmi les
légistes soumis à l'influence anglaise, hostiles à l'idée de co-
dification, et parmi cette catégorie de patriotes intransi-
geants qui, à la Diète, ont voté contre les codes, sous
prétexte qu'ils étaient en contradiction avec les anciennes
coutumes, les usages et les lois de leurs ancêtres. M. Bois-
sonade n'a cessé de protester contre cette allégation (V. no-
tamment sa brochure sur les Nouveaux Codes japonais,
Tokio, 4892). Un juge impartial autant qu'autorisé,
M. Wigmore, professeur américain, dià^moUvé {Materials
for study of private law ~- New Codes and Old Cus-
toms) que le nouveau code ne faisait en réalité que déve-
lopper des principes admis au Japon depuis les temps les
plus anciens, et qu'en outre la législation française, dont
il s'inspire, se rapproche beaucoup plus des vieilles cou-
tumes japonaises que la loi anglaise-
Droit international. C'est dans la période qui va de
1855 à 1860 que le shogoun se décida à conclure avec les
puissances étrangères des traités de commerce et d'amitié.
Ces traités qui, exploités contre lui, furent une des causes
de son renversement, furent cependant, après la Restaura-
tion, confirmés par le mikado. Voici la date des princi-
paux d'entre eux : avec la France, traité du 9 oct. 4858,
complété par la convention du 25 juin 1866 (consulter
également : édit de juin 1778, lois du 28 mai 1836, du
8 juil. 4852, du 49 mars 1862, du 28 avr. 4869, décret
- 46 —
du 45 nov. 1887); — avec l'Autriche-Hongrie, 18 oct.
1869 ; — avec la Belgique, d^'^août 1866 ; — r avec le Dane-
mark, 12 janv. 1867; — avec l'Allemagne (Prusse),
24 janv. 1861 ; — avec la Grande-Bretagne, 14 oct. 1854,
26 août 1858, etc. ; — avec l'Italie, 25 août 1866; —
avec les Pays-Bas, 30 janv. 1856 ; — avec le Portugal,
3 août 1860 ; — avec la Russie, 7 févr. 1855, 19 août
1858; — avec l'Espagne, 1 2 nov. 1868; — avec la Suède et
la Norvège, 11 nov. 1868; — avec la Suisse, 6 févr. 1864;
— avec les Etats-Unis d'Amérique, 31 mars 1854, 29 juil.
1858, etc.
D'après ces traités, les étrangers ont en général le droit
d'immigrer et de s'établir 'au Japon, mais seulement dans
certaines localités et .leur banlieue (Tokio ou Yedo, Hako-
daté, Kanazawa, Nagasaki, Niigata, Osaka, Yokohama,
Kobe ou Hiogo, Shimoda). Ils y jouissent des droits civils
et commerciauxen général. En ce qui concerne la juridic-
tion, il faut distinguer : 1° au criminel, l'étranger n a pour
juge que l'autorité consulaire de son pays, et celle-ci juge
d'après sa loi nationale ; 2° au civil, l'étranger a pour
juge l'autorité consulaire dans toutes les contestations qu'il
a avec ses propres nationaux ; 3^ l'étranger est soumis à
la règle : Actor sequitur forum rei, dans toute contes-
tation avec d'autres étrangers ou avec des Japonais.
Le Japon poursuit la revision de ces traités. De son
côté, l'Institut de droit international avait, dès 1874, mis
cette question à l'étude, et en 1879, sir Travers Twiss avait
rédigé à ce sujet un rapport qui fut justement remarqué.
En 1887 eurent lieu à Yokohama des conférences entre les
représentants de toutes les puissances ayant des traités avec
le Japon et les délégués du gouvernement iaponais. Voici
quelles seraient, d'après le Journal du droit interna-
tional (1887, pp. 252, 693 etsuiv.) les bases de l'accord
projeté : l'intérieur du Japon sera ouvert au commerce
étranger dans une période de deux ans après la signature
des traités ; à l'intérieur, les étrangers seront soumis à la
juridiction japonaise ; les concessions de Yokohama et
autres ports ouverts seront placés sous la même juridiction
trois ans après la signature du traité, à condition tou-
tefois que le Japon ait constitué à cette époque des tribu-
naux dans tous les centres où sont établis les étrangers.
Cet accord a déjà reçu un commencement de réalisation.
En 1888, le Mexique conclut avec le Japon un traité par
lequel il renonçait, en ce qui le concernait, au bénéfice de
l'extraterritorialité, moyennant le droit, accordé à ses na-
tionaux, de s'établir et de commercer à l'intérieur. Par
suite d'une convention tout récemment conclue (1894)
entre le Japon et le gouvernement provisoire d'ilawai, les
clauses de l'ancien traité, signé en 1871, deviennent abro-
gées. Les sujets hawaïens pourront, à l'avenir, en se con-
formant aux lois et règlements en vigueur, ou qui pourraient
être établis par la suite, circuler librement dans tout le
pays, y résider, louer des maisons ou des magasins et se
livrer à leur profession. En revanche, le gouvernement
d'Hawaï a renoncé formellement à son droit de juridiction
sur ses nationaux résidant au Japon. Enfin l'Angleterre
vient de signer, à la date du 15 août 1894, un nouveau
traité avec le Japon. Le traité porte sur deux points prin-
cipaux. D'une part, les Anglais acquièrent le droit de s'éta-
blir et de commercer Ubrement à Fintérieur du pays;
mais, en revanche, les Japonais Recouvrent la liberté (qui
leur était refusée par les anciens traités) d'adopter telle
politique douanière qu'il leur plaît. Les négociateurs an-
glais ont accepté une légère augmentation de tarifs. Pour
prévenir de nouvelles augmentations dans un terme trop
rapproché, ils auraient désiré que le nouveau traité fût
conclu pour une période de vingt ans. Finalement on est
tombé d'accord pour lui assigner une durée de douze ans.
Sur le second point, celui de l'extraterritorialité, les né-
gociateurs anglais se sont montrés prudents. Ils ont voulu
attendre que la justice indigène ait achevé de faire ses
preuves et que les nouveaux codes aient été promulgués.
Un délai de cinq années a été déterminé, après lequel le
; nouveau traité doit entrer en vigueur : les sujets britan-
niques établis au Japon deviendront alors justiciables des
1 tribunaux japonais. En outre, les dispositions du traité qui
' concernent le tarif douanier ne pourront être appliquées
que lorsque des conventions analogues auront été signées
entre le Japon et toutes les autres puissances : autrement
le commerce anglais se trouverait placé dans un état d'in-
fériorité. En résumé, ce traité n'a pas l'importance immé-
diate qu'on avait été tenté de lui attribuer tout d'abord. Il
ne diffère que sur un point des traités qui avaient été
signés en 1889 avec les Etats-Unis, la Russie et l'Alle-
magne et qui n'avaient pu être ratifiés par suite de l'oppo-
sition populaire : l'adjonction de juges européens aux mem-
bres des hautes cours de justice japonaises. L'Angleterre
a cru pouvoir renoncer à cette garantie, qui avait paru
injurieuse aux Japonais.
La question de la revision des traités reste donc, en
définitive, posée dans les mêmes termes qu'il y a vingt ans,
lorsqu'en 1872 l'ambassade du prince Ivvakura fut chargée
d'aller aux Etats-Unis pressentir sur ce point les disposi-
tions du cabinet de Washington : elle reste indissoluble-
ment hée à la question de codification. Le Japon a fait
beaucoup, nous l'avons vu, pour opérer la réforme de ses
institutions et de sa législation : il lui reste à achever
l'œuvre entreprise en promulguant, dans leur intégralité,
le code civil et le code de commerce. Le gouvernement ja-
ponais poursuit, dit-on, des négociations parallèles avec
les autres nations, notamment avec la France, l'Allemagne
et la Russie. Ces nations n'ont aucun motif de précipiter
leur adhésion, puisqu'on vertu de la clause de la nation la
plus favorisée, toutes les autres puissances, lorsqu'elles
jugeront le moment favorable, pourront, à l'avenir, en
acceptant la juridiction japonaise pour leurs nationaux, ré-
clamer les mêmes avantages que ceux qui ont été concédés
à l'Angleterre. Si elles croient devoir s'engager dès main-
tenant, elles ne pourront signer, comme l'Angleterre elle-
même, qu'un traité conditionnel, subordonné, quant à sa
mise en vigueur, à l'achèvement de la réforme législative
et judiciaire au Japon. Joseph Dubois.
BiBL. : Pages, Bibliographie japonaise; Paris, 1859,
in-4. — H. CoRDiER (en préparation), Bibliotheca Ja-
ponica, pour faire suite à la Bibliotheca Sinica. — Léon
Metchnikoff, l'Empire japon^tis ; Paris, 1882, in-4. —
B.-H. ChAxMoerlain, Things Japanese; Yokohama, 1891,
in-8. — G. Appert, Ancien Japon; Tokio, 1888, in-12(avec
ces trois ouvrages on aura une connaissance fort exacte
et fort suffisante du sujet). — E. Karmpfer, History of
Japan; Londres, 1727-1728, 2 vol. in-fol. — C.-P. Thun-
BERG, Resa; Upsal, 1789-93, 4 voL in-8; ail., Berlin, 1792,
in-8 ; franc., Paris, 1796, 2 vol. in-4. — P. -F. von Siebold,
Archiv^ 1832 et suiv., 9 vol. in-fol. — D'une façon générale,
consulter les livres de Satow, d'AsTON et de Chamber-
lain.— Les ouvrages les plus importants sont: E. de Vil-
laret, Dai Nippon ; Paris, s. d.,in-8. — Rein, Japan, et
The Industries of Japan, très important (latrad. anglaise
préférable à roriginal allemand). — W.-E. Griffis, The
Mikado's Empire. — Richard Hildreth, Japan as it was
and is. — Rutherford Alcock, The Capital of the Tycoon,
2 vol. in-8. — F. Régamey, le Japon pratique; Paris, in-12.
— J.-R. Black, Young Japan. — Bousquet, le Japon de
nos jours; Paris, 2 vol. in-8. —A. Humbert, le Japon et
les Japonais ; Paris, in-4. — W. Bramsen, Chronologi-
cal Tables. — Adams, History of Japan ; Londres, 2 vol.
in-8. — D. Murray, Japan; Londres, 1894, in-8. — H. Nor-
man, The Real Japan, 1892, in-8. — Léon de Rosny, le
Livre canonique de l'antiquité japonaise ; Paris , in-8.
-— A.-B. MiTFORD, Taies of Old Japan; Londres, in-8.
— Audsley et Bowes, Keramic Art of Japan, etc.,
Londres, in4. — Anderson, Pictorial Art of Japan. —
Gonse, Art japonais; Paris, 2 vol. gr. in-4 et in-8. —
A.- W. Franks, Japanese Pottery ; Londres, in-8. — P. Gran-
didier, Porcelaine ; Paris, 1894, in-4. — Geerts, Pro-
duits de la nature japonaise; Yokohama, 2 vol. in-8. —
J.-C. Hepburn, Dictionary ; Yokohama, gr. in-8. — Hoff-
mann, Japanese Grammar; Leyde, 1877, in-8. — W.-G.
Aston, Grammar ; Londres, 1877, in-8. — Résumé statis-
tique de l'Empire du Japon (publication japonaise offi-
cielle). — Rapports consulaires français et anglais. —
Transactions of the Asiatic Society of Japan. — Mitth,
Deutsche Ges. f, Natur u. Vœlkerkunde Ostasiens.
Religion. — A. von Knobloch, Die Begrsebniss-ge-
brœuche der Shintoisten ; Mittheilungen der Deut. Gesell.
fur Natur und Vœlkerkunde Ostasiens, 1874, vol. I, p. 39.
— Emile Burnouf, la Mythologie des Japonais, d'après
47 -
JAPON - JARD
le « Kohou-si-ryakou », ou Abrégé des historiens du Japon ;
Paris, 1875, in-8. — P. Kempermann, Ueber die Kn"
milehre ; Mittheilungen der Deut, Gesell. fur Natuv und
Vœlherkunde Ostasiens, 1874, vol. ï, p. 30. — G. Bous-
quet, la Religion au Japon^ dans Revue des Deux Mondes,
1876, 2«trim., p. 297. — Du môme, le Japon de nos jours ;
Paris, 1877, 2 vol. in-8. — A. Severini, Notizie di astro-
logia Giapponcse ; Genève, in-4. — Léon Metchnikofp,
Extraits du « Ko-zi-ki », ou Cosmogonie japonaise ; Ge-
nève, in-8. — Emile Guimet, Promenades japonaises ; Paris,
1879-80, 2 vol. in-4. — J.-J. Rein, Japan nach Reisen und
Studien; Leipzig, 1881, vol. I. — E. Satow, Ancient Ja-
panese rituals, dans Transactions of the As. Soc. of Ja-
pan, 1881, vol. IX, p. 183. — Basil Hall Chamberlain,
Translation ofthe Ko-zi-ki, dans Transactions of the As.
Soc.ofJapan^ vol. X, suppl. — Léon deHosny, la Grande
Déesse solaire Ama-térasou-oho-Kami., et les origines du
sintauisme ; dans Revue de Vhist. des rel., 1884, t. IX,
p. 202. — L. Bastide, l'Histoire des dynasties divines du
Japon., dans Muséon., 1886, vol. V, p. 260. — G.-H. Schills,
Kô-hô'Wô-raï ^ la Voie de la piété filiale, dans Muséon.,
1886, vol. V, pp. 143, 317. — M.-A. Tomm, le Shintôisme,
sa mythologie et sa morale., dans Annales du musée
Guimet, t. X, p. 307. — Perceival Lowell, Esoteric iShin-
iô, dans Transactions ofthe As. Soc. of Japan, vol. XXI,
pp. 106, 152, 204. — Romyn Hitchcock, Shinto., or the
Mythology of the Japanese, dans Annual Report ofthe
U. S. National Muséum for the year 1891 , p. 489. —
Ymaïzoumi, Questions et Répoiises. Conférence entre les
prêtres de la secte Sinsiou et la mission scientifique fran-
çaise, dans Annales du musée Guimet., t. I. — Bunyu
Nanjio, a Catalogue of the chinese translations of the
Buddhist Tripitaka^ the Sacred Canon of the Buddhisfs
in China and Japan; OxCord, 1883, in-4. — Du môme,
A Short History of the Tvoelve Japanese Buddhist Sects ;
Tokio, ^1887. — 'F,-Max Mûller, Pragnâ-pâramitâ-hri~
daya sûtra, edited and translated from the ancient Japa-
nese palm-leaves ; Oxford, 1884, in-4. — P. Regnaud et
Y. Ymaïzoumi, 0-mi~to-King^ ouSukhavâti-vyûha-sûtra^
dans Annales du musée Guimet., t. 11. — James Troup,
On the Tenets ofShinshiuor True Sect of Buddhism., dans
Transactions of the As. Soc. of Japan., 1886, vol. XIV,
p. 1. — James Summers, Buddhism and the traditions
concerning its introduction into Japan, dans Transac-
tions ofthe As. Soc. of Japan, 1886, vol. XIV, p. 73. —
Ryauon Fusishima, le Bouddhisme japonais Doctrines
et histoire des douze grandes sectes bouddhistes du Ja-
pon; Paris, 1889, in-8. — Sir Monier Williams, Bud-
dhism; Londres, 1890, in-8. —Alfred Millioud, Esquisse
des huit sectes bouddhistes du Japon, dans Revue de
Vhist. des rel., 1892, vol. XXV, p. 218 et vol. XXVI, p. 201.
JAPY (Frédéric-Benoît), général français, né à Badevel
(Doubs) le23févr. 18^26. Il entra à Saint-Cyr en 1844 et
en sortit en 1846 comme sous-lieutenanf d'infanterie.
Promu lieutenant en 1850, capitaine en 1855, il était co-
lonel depuis 1869 lorsque éclata la guerre entre la France
et la Prusse. Il fut promu général de brigade en 1874,
général de division en 1881 et reçut en 1886 le comman-
dement du 15® corps d'armée. Il fut admis au cadre de
réserve en 1891 et fut alors élu sénateur par le dép. du
Doubs. Le général Japy s'y est occupé activement des ques-
tions d'organisation militaire. Paul Marin.
JAQUELOT (Isaac), pasteur protestant, né à Wassy le
16 déc. 1647, mort à Berlin le 20 oct. 1708. La révo-
cation de Fédit de Nantes l'exila ; il fut pasteur français
à La Haye en 1686 et à partir de 1702 à Berlin. Parmi
ses écrits, sa Dissertation sur l'existence de Dieu (La
Haye, 1647, in-4; Paris, 1744, 3 vol. in-12) fut em-
ployée même parles catholiques ; là, comme dans ses œuvres
polémiques (liste complète dans Haag, la France protest,,
Paris, 1856, t. VI, pp. 37 etsuiv.), il lutte contre le cal-
vinisme intransigeant de ^rieu et contre le scepticisme de
Bayle. Son Traité de la vérité.,, des livres du F. et du
N, Testament (Botterdam, 1715, in-12;3^éd., Amster-
dam, 1752, in-12) passe pour un chef-d'œuvre; mais, pour
ses contemporains, Jaquelot était surtout un orateur; ses
Sermons ont été réunis en 2 vol. (Amsterdam, 1710,
in-12; Genève, 1721 ; 1724 et 1774, 2 vol. in-12).
JAQUEMART (Techn.). Statue mécanique en fer, en
fonte ou en plomb, que l'on plaçait au moyen ûge sur les
tours munies d'une horloge publique et à proximité de la
cloche de cette horloge. Cette statue représentait en général
un homme armé tenant un niarteau. Quand l'heure devait
sonner, les bras de la statue se soulevaient et le marteau
allait frapper sur la cloche. Dans plusieurs de nos villes
Jaquemart do Notre-
Dame de Dijon.
du Nord, le beffroi a conservé son jaquemart. Celui de Fhôtel
de ville de Compiègne est encore surmonté de trois jaque-
marts qui jouissent dans la
contrée d'une grande popula-
rité. Un des jaquemarts les
plus anciens est celui qui ac-
compagne l'horloge de l'église
Notre-Dame de Dijon. A côté
de lui se trouvent sa femme
et ses enfants, qui prennent
part aux sonneries. L. K.
JAQUET (V. Costume,
t. XII, p. 1160).
JAQUETTE. I. Costume
(V. Costume, t. XH, p. 1160).
H. Artillerie. — On nomme
ainsi, dans certaines bouches
à feu en acier, un tube de
même métal entourant la par-
tie postérieure du canon et
destiné à renforcer celle-ci.
La jaquette porte quelquefois
les tourillons de la pièce.
Dans ce cas, l'organe de
fermeture de la culasse peut
être logé dans la partie pos-
térieure de la jaquette dé-
bordant le canon à l'arriére :
il prend ainsi appui direc-
tement sur la jaquette pen-
dant le tir; il peut également
être logé dans le canon lui-même, ce dernier prenant appui
sur un épaulement postérieur de la jaquette. Quel que soit
le système de construction de la bouche à feu, la jaquette
concourt, dans ce cas, à supporter les efforts longitudi-
naux du tir. La jaquette peut aussi être dépourvue de tou-
rillons. Dans ce cas, elle sert uniquement à renforcer le
tonnerre dans le sens transversal; on peut d'ailleurs, par
un agrafage convenable de la jaquette placée à chaud sur
le canon, faire concourir la jaquette à renforcer en même
temps le canon dans le sens longitudinal. Les canons
réglementaires en France ne portent' pas de jaquette.
JARA (La). Région d'Espagne, qui s'étend de la rive
gauche du Tage aux monts de Tolède et est couverte de
broussailles oti dominent le ciste (jara, en espagnol), les
bruyères, le sparte et les lentisques ; elle est presque dé-
serte, ne renferuie que 20,000 hab, sur une grande sur-
face et n'est propre qu'au pâturage des moutons. E. Cat.
JARACZEWSKA (Elisabeth, née Krâsinska), femme de
lettres polonaise, née en 1792, morte à Cracovie en 1832.
On lui doit un certain nombre de romans remarquables
par la fidélité avec laquelle ils retracent les types et les
mœurs de l'époque : Sopfiie et Emilie (Varsovie, 1827 ;
2^^ éd., 1862) ; le Soir de VAvent (Varsovie, 1828,
réimpr. en 1862) ; Première Jeunesse (Varsovie, 1829) ;
Nouvelles morales (1828). Ses œuvres ont été réunies en
4 vol. (Breslau, 1845). Cette édition est précédée d'une
biographie de l'auteur par Victorine Ossohnska.
JARAMA. Affluent du Tage (y, ce mot).
JARANDILLA. Ville d'Espagne, ch.-l. de district de la
prov. de Cacérès (Estrémadure), dans la vallée du Jaranda
(affluent du Tietar), fertile en fruits et en pâturages, que
l'on appelle la Vera de Plasencia; 2,000 hab. Palais
des comtes d'Oropesa, couvent fondé par eux en 1582.
A 10 kil. à rO. se trouve le monastère de Yuste, fameux
par la retraite de Charles-(juint en 1557.
JARGIEU. Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Vienne,
cant. de Bcaurepaire; 672 hab.
JARD (Constr.), Les jards sont des galets ou grosgra-
viers que l'on tire du lit des fleuves et des rivières et que
l'on emploie dans les empierrements de chaussées et dans
la confection des bétons.
JARD - JARDIN
- 48 —
JARD (La). Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. et cant. de Saintes; 348 liab.
JARD. Com. du dép. de la Vendée, arr. des Sables-
d'Olonne, cant. de Talmont; 1,204 hab.
JARD-Panvillier (Louis-Alexandre), homme politique
français, né à Aigonnay (Deux-Sèvres) le 7 nov. 4757,
mort à Paris le 14 avr. 1822. Médecin à Niort, maire de
cette ville en 1790, puis procureur général syndic du dé-
partement, il fut député à la Législative et à la Conven-
tion. Il vota, dans le procès do Louis XVI, pour la déten-
tion, le bannissement à la paix et le sursis. Envoyé le
10 mai 1793 à l'armée de La Rochelle, il n'y resta qu'un
mois et fut rappelé comme modéré. Très effacé à la Con-
vention, il se fit, au conseil des Cinq-Cents, le défenseur
des émigrés et des prêtres réfractaires, et combattit en
juil. 1799 la motion de déclarer la patrie en danger. Il
se montra favorable au coup d'Etat du 18 brumaire, et
fut, le 29, délégué par les consuls provisoires dans la
9® division militaire, pour y rallier les esprits. Nommé
membre du Tribunat, il en fut successivement le secrétaire,
le questeur et le président. C'est Jard-Panvillier qui fut
le rapporteur de la proposition (iurée (mai 1804) tendant
à décerner à Bonaparte le titre d'empereur. Il en fut ré-
compensé par le titre de chevalier en 1808 et par celui de
baron en 1813. A la suppression du Tribunat en 1808, il
devint président à la cour des comptes. Il fut l'un des pre-
miers à adhérer en 1814 à la déchéance de l'empereur, le
servit de nouveau pendant les Cent-Jours et se rallia
néanmoins à la seconde Restaurai ion. Il entra à la Chambre
des députés et y siégea jusqu'à sa mort. A. Kuscinski.
JARDIN. I. Archéologie. — Jardins suspendus
(V. Babylone, t. IV, p. 1047, et Architecture des jar-
dins).
II. Architecture (V. Architixture des jardins).
III. Horticulture. — Presque partout, le jardin est
destiné à produire à la fois des léy,umes, des plantes d'or-
nement et des arbres fruitiers. Il est clos d'un mur sur
lequel on palisse les arbres fruitiers et au-devant de ce mur
régnent une plate-bande et une aPée. Au milieu du jardin,
un ou plusieurs carrés séparés par des allées et divisés en
planches reçoivent les légumes et, sur leur pourtour, des
arbres fruitiers conduits en cordon, en candélabre, en que-
nouille, etc. Tout autour des allées, en bordure, des fleurs,
du persil, du cerfeuil, de l'oseille, etc. Cette disposition du
jardin plaît au plus grand nombre. Elle semble à ceux qui en
jouissent réaliser la meilleure utilisation du terrain. Pour-
tant, ce mélange des cultures est défavorable à leur succès
et nuit à l'effet ornemental. Aussi on cultivera séparément
les diverses catégories de plantes du jardin, lorsque son
étendue le permettra, en réservant à chacune d'elles l'espace
proportionné à l'importance qu'on lui accorde. Une clôture,
haie ou mur de préférence, un sol perméable et profond,
le voisinage de l'habitation et de l'eau, sont les conditions
essentielles à réaliser ou à rechercher pour l'établissement
du jardin. Les jardins spécialement destinés à la produc-
tion des fruits ou jardins fruitiers sont divisés en carrés
par une allée de ceinture à 1 m. 50 des murs et des allées
tracées intérieurement à angle droit. L'intervalle à laisser
entre les arbres varie avec leur nature, les formes qu'on
leur fait prendre, la fertiHté du sol. On cultive les arbres
en espalier contre les murs. Dans les carrés, on les plante
en lignes et on les conduit en contre-espalier, en gobelet, en
pyramide, etc. Les jardins consacrés aux plantes d'orne-
ment ou jardins d'agrément sont disposés selon leur éten-
due, le relief du terrain, le paysage environnant, la pré-
sence d'un cours d'eau, etc., en jardin français ou en jardin
paysager. Des allées droites, bordées de plates-bandes de
fleurs entourant des gazons plaîis ou des bassins, des ave-
nues, des bosquets, caractérisent le jardin français, dont
le parc de Versailles est en grand la splendide expression.
Dans les jardins paysagers appelés aussi jardins anglais,
très à la mode de nos jours, les allées sinueuses, les con-
tours gracieux, les gazons vallonnés semés de corbeilles de
fleurs, de bosquets, de grandes plantes d'ornement isolées
ou groupées, remplacent le tracé raide mais souvent ma-
jestueux du jardin français. Citons enfin les jardins créés
en vue de l'étude des plantes : les jardins botaniques et les
jardins dendrologiques. Dans les premiers, les espèces,
groupées en genres et en familles, sont disposées sur les
côtés de plates-bandes parallèles. Cette disposition exprime
incomplètement les affinités que ces plantes ont entre
elles. Mais les arrangements moins imparfaits auxquels
on a pensé ou que l'on a appliqués pour représenter sur
le terrain les atîinités des plantes, sont, en même temps,
moins simples et moins commodes en pratique. L'avan-
tage scientifique de grouper les plantes d'après leurs affi-
nités naturelles n'exclut, pour les jardins dendrologiques,
spécialement réservés aux végétaux ligneux, ni l'harmonie,
ni le pittoresque de la disposition. Tandis qu'on établit le
jardin botanique sur un terrain plat de préférence, le
jardin dendrologique peut être avantageusement installé sur
une surface mamelonnée . On y trace des allées sinueuses
dont les bords sont plantés des buissons les plus bas et,
derrière eux, s'étagent les arbustes et les arbres élevés.
G. Boyer.
Jardin DES Plantes (V. Muséum d'histoire naturelle).
IV. Pédagogie. — Jardin d'enfants (en allemand, Kin-
dergarten), — Nom donné par Frœbel à ses écoles de petits
enfants, « soit parce qu'il entrait dans ses vues d'annexer
toujours un jardin à l'école, soit qu'il considérât l'enfant
comme une plante frêle et délicate, ayant besoin d'une cul-
ture persévérante et attentive ». Le but étant de tirer parti
des dispositions naturelles de l'enfant, — besoin d'activité,
amour du jeu, curiosité, esprit d'imitation, — pour régler
son développement physique, intellectuel et moral, on l'at-
teint par quatre groupes d'exercices : {""jeux gymnastiques
accompagnés de chants (histoires mimées en même temps
que chantées, représentation d'actes de la vie champêtre,
ou de certains métiers) ; i^ culture des jardinets ; l'en-
fant y acquiert des notions sommaires sur les plantes,
apprend à les aimer, exerce ses forces ; 3^ gymnastique
de r œil et de la main ; 4^ causeries, poésies et chants.
Le troisième groupe est le plus intéressant. Frœbel, par
une gradation savante, veut à la fois apprendre à l'enfant
l'usage de ses doigts, le rendre adroit, lui donner des con-
naissances précises sur les nombres, les lignes, les vo-
lumes, etc. C'est dans l'usage du matériel affecté à ce groupe
qu'apparaissent ces règles minutieuses souvent reprochées
à Frœbel, ces petits travaux, trop ingénieux ou trop jolis,
remarqués à toutes les expositions et qui dénotent une
intervention étrangère ou une habileté trop précoce. Le
matériel comporte des solides en bois, divisés en six séries;
des surfaces en bois ou en papier ; des bâtonnets, bandes
de papier, petits pois, anneaux, pour l'étude des lignes ;
du papier quadrillé, des perles, des boutons, des poinçons,
pour l'étude du dessin ; de l'argile, pour l'étude du mode-
lage. La pratique de cette méthode exige de la part des
maîtresses une patience sans bornes ; de leur habileté à se
faire aimer par les enfants dépend le succès, surtout le
progrès moral, but principal de Frœbel. Le premier jardin
d'enfants fut fondé par lui à Blankenburg en \ 836, et ainsi
dénommé à partir de 1840 ; outre les petits enfants, il y
recevait les personnes qui voulaient se former à la pro-
fession de jardinières. En 4850, grâce àpfla générosité
du duc de Saxe-Meiningen, il put ouvrir un jardin modèle
à Marienthal. Après sa mort, sa femme continua son œuvre,
à Marienthal, puis à Keilhau, à Dresde, à Hambourg. Le
véritable apôtre de la méthode fut W^ de Marenholz, qui,
à partir de 1853, parcourut l'Europe pour gagner l'opinion
publique à sa cause. En Angleterre, en "Autriche, en
Belgique, en Italie, en Russie, en Espagne, en Portugal,
aux Etats-Unis, les principes de Frœbel ont été adoptés
soit complètement, soit avec des modifications. En France,
où les salles d'asile, dès 1833, employaient déjà des mé-
thodes analogues, celle de Frœbel fut propagée en 1835,
et surtout à partir de 1871, après la fondation de la
49 —
JARDIN — JARGEAU
Société Frœbel. Mais nos écoles maternelles ont leur ca-
ractère original (V. Frcebel, Ecoles maternelles). J. G.
V. Marine. — On appelle jardins les surfaces qui ser-
vent à raccorder d'une façon continue les tambours (V. ce
mot) des roues dans les navires à aubes, à la muraille du
bâtiment. Leur but est d'éviter sur les tambours des roues
les coups de mer directs qui, s'engouffrant dans une surface
rectangulaire en dièdre droit, arracheraient tout. Par ex-
tension, on nomme aussi jardins, dans les cuirassés d'es-
cadre, les surfaces, en dehors des bastingages, qui relient
sans ressaut brusque les demi-tourelles de certaines pièces
de canon du pont à la muraille.
BiBL. ; PÉDAGOGIE.— Frœbel, Muttev und Kose-Lieder.
Ein Familienbuch^ 1843. — F. Buisson, Dictionnaire de
pédagogie. — Octavie Masson, VEcole Frœbel, j histoire
d'un jardin d'enfants ; Bruxelles, 1880. — Cours normal
donné à l'Ecole primaire supérieure d'Ixelles, d'après la
méthode de F. Frœbel ; Bruxelles, 1860.
JARDIN (Le). Corn, du dép. de la Corrèze, arr. de
Tulle, cant. d'Egletons; 307 hab.
JARDIN. Com. du dép. de l'Isère, arr. et cant. (S.)
de Vienne; 536 hab.
JARDIN (Suzanne Habert, dame du) (V. Habert).
JARDIN (Nicolas-Henri), architecte français, né à Saint-
Germain-des-Noyers le 22 mars 1720, mort en 1802.
Ayant obtenu le grand prix d'architecture en 1741 sur un
projet de chœur pour une église cathédrale. Jardin voyagea
en Italie de 1744 à 1748 et entra, à son retour en France,
dans le service des bâtiments royaux. Il fut appelé en 1754
à Copenhague par le roi de Danemark Frédéric V avec le
titre de professeur d'architecture à l'Académie royale et
d'intendant des bâtiments royaux, et fit élever, dans cette
ville, le palais de Moltke et l'église royale commémorative
de la dynastie d'Oldenbourg, vaste rotonde de marbre blanc
avec ornements en bronze doré dont la construction, long-
temps interrompue, a été reprise de nos jours; la salle des
chevaliers au château de Christianbourg, et à Jœgensdorf,
le château de Bernsdorf et le palais d'Araelitgade. Revenu
en France en 1771, Jardin entra à l'Académie d'architec-
ture et fut nommé architecte du roi et chevalier de Saint-
Michel. Entre autres travaux, il construisit en France l'hô-
pital de Lagny et donna, en collaboration avec Antoine, les
dessins de la nouvelle façade de l'Hôtel de ville de Cambrai
dont les travaux furent conduits par Richard. On doit à
cet architecte les Plans^ Coupes et Elévations de l'église
royale de Frédéric V, à Copenhague (Varïs, 1765, in-fol.).
— Louis-Honoré Jardin, frère du précédent, né en 1730
et mort à Copenhague en 1759, fut, lui aussi, appelé en
Danemark comme professeur d'architecture et aida son frère
dans ses premiers ouvrages. Charles Lucas.
JARDINAGE (Sylvie). Mode de traitement des forêts
apphqué surtout aux résineux, consistant à enlever çà et
là, sur toute l'étendue de la forêt, un certain nombre des
plus beaux arbres réclamés par la consommation et en outre
les arbres dépérissants. Ce nombre variait suivant la
durée de la révolution. On a reproché au jardinage de
rendre l'abatage difficile, la vidange dangereuse pour les
arbres restés debout, la surveillance très imparfaite ; de
donner des produits en matière inférieurs en qualité et en
quantité, pour une même révolution, à ceux fournis par
la méthode dite naturelle, etc. Le jardinage a cependant
laissé de belles forêts. Du reste on surveille mieux l'ex-
ploitation, on la rend plus facile et plus économique, en
établissant des divisions dans la forêt, en introduisant
dans la méthode les coupes d'éclaircie et de nettoiement.
Avec le jardinage, le sol, toujours couvert, reste frais,
meuble, et le réensemencement naturel s'y fait facilement
sur les petits vides que laissent les coupes ; tous les arbres
se soutiennent ; il y a peu de chablis ; le régime des eaux
est assuré. G. Boyer.
JARDINE (David), compilateur et historien anglais, né
en 1794, mort le 13 sept. 1860. xivocat, puis recorder
de Bath, enfin magistrat de police au tribunal de Bow
Street, à Londres, il a composé l'index de la Collection
grande encyclopédie. — XXI.
of State trials de Howells. Son livre le plus connu est
intitulé A Narrative of the Gunpowder plot (Londres,
1857, in-8).
JARDINES. Nom donné par les navigateurs espagnols
à des archipels d'îlots et de cayes qui sont parsemés au-
tour de l'île de Cuba (Amérique, possessions espagnoles).
On distingue les Jardines del Hey, qui s'étendent le long
de la côte N.-E. de l'ile, sur une longueur de près de
450 kil. (entre le Puerto de Nuevitas à FË. et le cap Hi-
cacos, à l'O.) ; les Jardines de la Reyna, le long de la
côte S. de l'Ile, entre le cap Cruz et le port de Trinidad ;
les Jardines y Jardinillos le long de la côte S. Ces noms
rappellent l'aspect verdoyant de ces îles coralliques, qui
sont de vrais jardins emplis d'oiseaux. Quelques-unes,
dans lesqueHes il jaillit de l'eau douce, sont habitées; la
plus importante est celle de Pinos^ dans le groupe des Jar-
dines y Jardinillos. E. Cat.
JARDINIÈRE (Ameubl.). Ce meuble ne commença à
être en usage que vers le commencement de notre siècle.
Auparavant, les vases et les caisses de fleurs étaient placés
sur des tables ordinaires ou sur des piédestaux. Les pre-
miers modèles de jardinières ont été dessinés par Percier,
dans le goût pseudo-antique du premier Empire. De nos
jours, le goût des fleurs, comme décoration d'appartement,
a pris une grande extension et on a multiplié le nombre
et la forme des jardinières qui les supportent. Il en existe
qui sont des tables dont la partie supérieure est évidée
pour contenir les plantes ; d'autres sont des vases à pied
unique ou formant trépied. Le bois, le laque, la marque-
terie, le métal et la faïence y sont employés concur-
remment ou mélangés pour la décoration de leurs motifs.
JARDON (Henri- Antoine), général belge, né à Verviers
en 1768, tué à Negrellos en 1809. Issu d'une famille très
pauvre, il ne reçut que les éléments de l'instruction pri-
maire, et, quand éclata la révolution liégeoise de 1789, il
s'engagea dans l'armée des patriotes. Après la victoire des
Autrichiens, il passa dans l'armée française avec le grade
de lieutenant. Sa brillante conduite à Wattignies lui valut
d'être promu général de brigade. H refusa ce grade en
faisant observer que son instruction était insuffisante. Mais
le comité de Salut public lui enjoignit de le garder. Jardon
contribua à la prise de Courtrai, prit une part considérable
à la campagne de Hollande sous les ordres de Pichegru, et
eut l'audace d'entrer presque seul dans Kampen qui se
rendit sans coup férir; quelques jours plus tard, il réussit
dans une expédition aussi audacieuse contre Hasselt. Lorsque
la paix de Bâle eut mis fin aux hostilités, Jardon fut chargé
de réprimer la révolte qui avait éclaté en Belgique quand
le Directoire avait voulu faire exécuter la loi sur la
conscription. H battit les rebelles à Diest et à Hasselt et
rétablit l'ordre, non sans recourir à de cruelles exécutions
militaires. Il passa ensuite à l'armée du Danube, puis à
celle du Rhin et commanda ensuite le dép. des Deux-Nèthes
jusqu'en 1808. A cette époque, il fut envoyé en Espagne,
contribua à la victoire d'Elvina, à celle de Lanhozo, en
Portugal, et fut tué à la tête de sa brigade, en attaquant le
pont de Negrellos défendu par les troupes anglaises. E. H.
BiBL. : A. Orts, la Guerre des Paysans; Bruxelles,
1863, in-8, — ïhil-Lorain, Histoire du général belge
Henri Jardon ; Verviers, 1881, in-8.
JARDRES. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Poitiers,
cant. de Saint-Julien-Lars; 581 hab.
JARGAN (Mont) (V.Gargan).
JARGEAU. Ch.-l. de cant. du dép. du Loiret, arr. d'Or-
léans, sur la rive gauche de la Loire; 2,522 hab. Fabrique
de chaux, plâtre; corderies, corroiries, tanneries, vanne-
ries, taillanderies, distillerie ; fabrique de meubles, de fleurs
artificielles ; pépinières. Ancien oppidum gaulois du nom de
Gergoyia, Jargeau fut au moyen âge le chef-lieu d'une sei-
gneurie possédée par les évêques d'Orléans. Prise par les
Anglais en 1427, elle leur fut enlevée le 22 mai 1419 à
la suite d'une brillante victoire de Jeanne d'Arc. Eglise
(mon. hist.) en partie romane avec refaçons postérieures
JARGEAU - JAROCHOWSKI
— so-
dés xni^, XVI® et XVII® siècles. Pont suspendu sur la Loire
reliant Jargeau à Saint-Denis-de-l'Hôtel, stat. du ch. de
J'er d'Orléans.
JARGON (V. Argot).
JARJAYES. Com. du dép. des Hautes-Alpes, arr. de
Gap, cant. de Tallard; M6 hab.
JARJAYES (François-Augustin Régnier de), gênerai
français, né dans les Hautes-Alpes en 1745, mort à Pans
en 1822. Aide de camp du général Bourcet, son oncle,
de 1770 à 1775, il passa ensuite dans Fétat-major. En
1791, il obtint le grade de maréchal de camp et les
fonctions de directeur adjoint au dépôt de la guerre. Etant
maréchal de camp, Jarjayes se maria avec une des femmes
de chambre de la reine, ce qui le mit dans son intimité et
lui fournit l'occasion d'être chargé de missions de confiance,
n fut envoyé à Turin par Marie-Antoinette, après le voyage
de Varennes, dans le but d'empêcher le prince de Condé
de faire l'acte de belligérant qu'il se proposait de consommer
en pénétrant en France par Lyon. U réussit dans sa mis-
sion et fut ensuite l'intermédiaire des relations établies entre
la reine Marie-Antoinette et les trois représentants Barnave,
Lameth, Duport. Après la mort du roi, Jarjayes resta à Pans,
s'efforça de délivrer la reine et ses enfants, se mit en relations
avecLepître et Toulan, qui étaient chargés de la garde des
prisonniers du Temple, pénétra dans la prison de la reine sous
des vêtements de Savoyard, et arrêta avec la reme un plan
d'évasion qui échoua à cause de l'irrésolution de Lepître.
A la fin de mars 1793, la reine lui remit le cachet
et l'anneau de Louis XYI, avec ordre de les porter au
comte de Provence. Jarjayes devint ensuite aide de camp
du roi de Sardaigne, rentra en France sous le Consulat
et reçut en 1815 le grade de lieutenant général. P. Marin.
BiBL : Mémoire de M. le baron de Goguelat, lieutenant
général sur les événements relatifs au voyage de
Louis XVI à Varennes, suivi d'un Précis des tentatives
qui ont été faites pour arracher la Reine à la captivité du
Temple; Paris, 1823, in-8. - Paul Gaulot Un Complot
sous la Terreur (Marie- Antoinette, Toulan, Jarydijes) ;
Paris, 1889, in-8.
JARMÉNIL. Corn, du dép. des Vosges, arr. et cant. de
Remiremont, en partie dans la vallée de la Moselle, en
partie dans celle de la Yologne, à 14 kil. S.-E. d'Epmal;
600 hab. Filature et tissage de coton; feculeries ; mou-
lins ; carrière. Le village de Jarménil, jusqu'en 1655, por-
tait le nom de Chaméry, A proximité, antiquités romaines.
JARNAG. Ch.-l. de cant. du dép. de la Charente, arr.
de Coenac sur la rive droite de la Charente; 4,880 hab.
Stat. de la ligne de chem. de fer de Nantes à Angoulême.
Jarnac a été une baronnie qui a appartenu à la famille des
Taillefer, puis, en 1 217, à celle des Lusignan, plus tard aux
Craon et aux Chabot ; ces derniers prirent le titre de
comtes. L'un d'eux, René Chabot, y fit construire un châ-
teau aujourd'hui détruit. C'est près de Jarnac, dans la
plaine comprise entre Bassac, la Charente et Triac que se
livra le 12 mars 1569, une bataille entre catholiques et
protestants, dans laquelle le prince de Condé trouva la
mort • une pyramide commémorative en marque l empla-
cement. L'égUse de Jarnac possède une crypte romano~go-
thique. Une promenade occupe l'emplacement de l ancien
château. Commerce de vins et d'eaux-de-vie.
JARNAC-Châmpagne. Corn, du dép. de la Charente-in-
férieure, arr. de Jonzac, cant. d'Archiac; 906 hab. _
JARNAG (Guy Chabot, baron de), capitaine français.
On le trouve, dès 4 539, pourvu d'une compagnie des ordon-
nances du roi. Le 28 févr. suiv., il épousa Louise de
Pisseleu, sœur de la toute-puissante duchesse d Ltampes.
Ce mariage, qui semblait le destiner à une haute tortune,
lui valut au contraire une demi-disgrâce sous le règne sui-
vant à la suite d'une rencontre célèbre où il tut comme
le prête-nom de sa belle-sœur contre La Châtaigneraye,
prête-nom du roi et surtout de sa maîtresse Diane de Poi--
tiers (V. La Châtaigneraye). Dans la suite du règne, il
est mentionné sans nul éclat avec son même grade de
simple capitaine. H fut en 1557 l'un des héroïques défen-
seurs de Saint-Quentin. L'avènement de Charles ÏX lui valut
des compensations à cette longue obscurité. 11 fut fait pre-
mier gentilhomme de la chambre de ce prince et gouverneur
de La Rochelle. Il vivait encore en 1572. L. M.
BiBL. P. Anselme, Histoire généalogique des grands
officiers de la couronne, t. IV, p. 5o7.
JARNAC (Philippe de Rohân-Châbot, comte de), né le
2 juin 1815, mort le 22 mars 1875. Fils du général aide
de camp du roi Louis-Philippe, il entra, en 1834, au minis-
tère des affaires étrangères, accompagna en Allemagne le
duc de Broglie, chargé d'aller négocier le mariage du duc
d'Orléans, puis fut envoyé à Londres comme second secré-
taire. En 1840, il remplit les fonctions de commissaire du
roi sur la Belle-Poule^ qui allait chercher à Sainte-Hélène
les cendres de Napoléon, et fut nommé, à son retour, agent
et consul général à Alexandrie. Le 28 févr. 1848, il donna
sa démission et resta dans la vie privée jusqu'en 1874, date
à laquelle le duc de Decazes lui confia l'ambassade de
Londres ; il mourut peu après. Ecrivain de talent, M. de
Jarnac a publié une série d'études sur les élections an-
glaises de 1874, sur la déclaration des droits de 1689, sur
lord Byron, sur M"^® Elliot, etc. ; il a écrit une petite pièce,
Rien qu'un œillet, et fait paraître un roman : le Dernier
d'Egmont,
JARNA6ES et mieux JARNAGE. Ch.-l. de cant. du
dép. de la Creuse, arr. de Boussac ; 835 hab. Jarnage
possédait un prieuré dépendant de l'abbaye de Cluse, au
diocèse de Turin, au moins dès le xiii® siècle. La ville fut
fortifiée au xv^ siècle, peut-être même plus tôt ; les comtes
de la Marche y établirent une châtelienie, démembrée de
celle d'Ahun.
JARNE (La). Corn, du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de La Rochelle, cant. de La Jarrie; 523 hab. Eglise
du xii® siècle.
JARNIOUX. Corn, du dép. du Rhône, arr. de Ville-
franche-sur-Saône, cant. du Bois-d'Oingt ; 604 hab.
JARNOSSE. Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne,
cant. de Charlieu; 1,323 hab. Fabriques de soierie et de
colonne.
JARNOWICK (Giovanni Giornovicchi, dit), violoniste
italien, né à Paîerme en 1745, mort à Saint-Pétersbourg
le 21 nov. 1804. Elève de LoUi, il débuta à Paris au Con-
cert spirituel en 1770, avec un succès brillant qui se pro-
longea pendant près de dix ans. Depuis 1779, Jarnowick
voyagea presque continuellement, et se fit entendre dans
presque toutes les grandes villes d'Europe, mêlant à ses
succès de virtuose des aventures et des querelles qui l'obli-
geaient sans cesse à changer brusquement de résidence.
Son talent ne put rivaliser à Londres avec celui de Viotti,
ni à Saint-Pétersbourg avec celui de Rode. Vers la fin de
sa vie, il tirait autant de vanité et de profits de son adrese
au jeu de billard que de son habileté de violoniste. Il a
publié quinze concertos, trois quatuors, des sonates et des
symphonies qui ne lui ont pas survécu.
JARNY {Garniacum, 936). Com. du dép. de Meurthe-
et-Moselle, arr. de Briey, cant. de Conflans, sur FYron,
à 2 kil. au S.-E. de Conflans ; 702 hab. Sucrerie ; mou-
lins ; tuileries. Eglise gothique remarquable, autrefois
fortifiée. Jarny fut fondé en 1200 par Hugues II, comte
de Vaudémont.
JARO. Village de l'île de Panay (Océame, archipel des
Philippines espagnoles), prov. d'Iloilo, centre d'une com.
étendue peuplée de 14,000 hab., la plupart de race visaya.
Siège d'un évêché relevant de l'archevêché de Manille.
JAROCHOWSKI (Kazimir), historien polonais, né à So-
kolniki Maie, dans le grand-duché de Poznan, le 12 sept.
1829, mort le 24 mars 1888. Après avoir étudié le droit
à Berlin il entra dans la magistrature. On lui doit d'im-
portantes publications historiques : le Portefeuille de
Gabriel Junosza Podoski (Poznan, 1856-61, 6 vol.);
Histoire du règne d'Auguste II jusqu'à V invasion de
Charles XII (id., 1856) ; Récits historiques {id,^ 1860) ;
Pierre Z^'' et Je tsarévitch Alexis (Cracovie, 1862) ;
- 51 -
oAROCiïOWSKI — JARRET
Récits et études historiques (Poznan, 1863, 2 vol.) ;
la Grande-Pologne de i655 à J657 {id,, 1864) ; His-
toire du règne d'Auguste H de il 02 à il 04 (id,,
1874); Récits et études (Varsovie, 1877, 3 voL). Il a
collaboré à un grand nombre de recueils ; au moment de
sa mort il venait d'être nommé député à la Diète de Prusse.
M. Kraushaar lui a consacré une étude dans le premier
volume de ses Mélanges historiques (Drobiazgi histo-
ryczne; Saint-Pétersbourg, 1891). L. L.
JAROWIER (en allem. Jaromierz), Ville de Bohême,
cercle de Kralovedvor (Kœniginhof), sur la ligne Por-
dubice-Reichenberg ; 7,000 hab. On y remarque l'église de
Saint-Nicolas qui renferme le tombeau du prince Dmitri
Sanguszko, assassiné dans cette ville en 15S4. Jaromer
remonte au xiv® siècle. Elle fut prise par les hussites en
1421 et devint un des principaux centres de la secte des
utraquistes. C'est aux environs de Jaromer, à Herzmanitz,
que naquit Wallenstein,
JAROMIR, prince de Bohême, fils de Boleslav II. Il fut
appelé à régner en 1803, fut chassé de Prague par Boleslav
le Vaillant, roi de Pologne ; il y rentra l'année sui-
vante. En 1012, il fut détrôné par son frère Oldrich et
périt assassiné en 1038. — Un autre Jaromir, fils de Brze-
tislav P'^, devint évêque de Prague en 1068. Il mourut
en 1089.
JÂROSLAW(en allem. Jaroslau). Ville de Galicie (em-
pire d'Autriche), chef-lieu de capitainerie de cercle, située
sur le San et le chemin de fer Karl Ludwig ; plus de
12,000 hab. (dont un tiers d'Israéhtes). Commerce de bois
et de céréales.
JAROSLAW BoGORYJA, prélat polonais, né dans les der-
nières années du xm® siècle, mort en 1376. Vers 1320 il
fut recteur de l'université de Bologne. Il devint ensuite ar-
chevêque de Gniezno.
JAROSSE (Agric). La jarosse ou petite gesse {La-
thyrus cicera) est une plante légumineuse haute de 50 à
70 centim., à fleurs solitaires d'un rouge brique, donnant
des gousses oblongues et comprimées, renfermant des
graines anguleuses d'un gris cendré. C'est une plante four-
ragère très rustique, qui résiste aux froids rigoureux et aux
grandes sécheresses. On la sème généralement en sep-
tembre, parfois seule, plus souvent avec du seigle ou une
avoine d'hiver pour ramer ses tiges, qui sont grimpantes.
On répand de 230 à 300 litres de graines par hectare. On
fauche vers le mois de juin ; le fourrage vert ainsi obtenu
convient à tous les animaux ; le foin est également de bonne
qualité, mais les graines constituent un aliment dangereux
ayant des propriétés toxiques manifestes non seulement
sur le bétail, mais sur l'homme. M. G. lleuzé rapporte à
ce sujet qu'en 1840 le tribunal correctionnel de Niort a
condamné le fermier Lucas, en vertu des art. 317 et 319
du C. pén., à faire une pension viagère à quatre de ses
domestiques qu'il avait rendus complètement paralytiques
en les nourrissant avec du pain fabriqué avec ^le la farine
de froment à laquelle il avait ajouté de la farine de jarosse.
Jarosse d'Auvergne (V. Lentille),
JAROSZEWICZ (Joseph), historien polonais, né en Li-
thuanie en 1793, mort à Bielsk en 1860. Il fut professeur
au lycée de Krzemieniec (Kremenets) et à l'université de
Wilna. Outre un certain nombre de mémoires sur des
questions historiques, il a laissé un travail considérable :
Tableau de la Lithuanie au point de vue de la culture
intellectuelle et de la civilisation (V^ilna, 1844-45,
3voL), L. L.
JAROUSSEAU (Jean), pasteur protestant, né à Mainxe
(Angoumois) en 1729,mortàChenaumoine,lel8juinl819.
Sa vie simple, son ministère agité et caractéristique pour
l'état d'une partie de la société française durant la seconde
moitié du xviu^ siècle ont été décrits par son petit-fils Eug.
Pelletan, dans le Pasteur du désert (Paris, 1855,in-12;
2«éd., 1877).
JARRAS (Hugues-Louis), général français, né à Nîmes
le27mars 1811, mort en 1890. Admis à l'Ecole de Saint-
Cyr en 1829, sous-lieutenant-élève à l'Ecole d'état-major
en 1832, lieutenant en 1834, capitaine en 1838, chef d'es-
cadrons en 1847, il fit presque toute cette partie de sa
carrière à l'armée d'Afrique. Cavaignae, qui l'y avait
connu, l'appela auprès de lui en 1848 comme premier aide
de camp. Jarras lui rendit de grands services durant les
journées de Juin. Lieutenant-colonel en 1852, colonel en
1854, il pritpart^ à l'expédition de Crimée, puis en 1859
à la campagne d'Italie, au cours de laquelle il fut fait
général de brigade. Le 31 juil. 1867, il devenait divi-
sionnaire et quelques semaines après il recevait du maréchal
Niel la direction du Dépôt de la guerre, avec la mission de
préparer un plan de concentration de l'armée en vue d'un
conflit possible avec l'Allemagne. Il occupait encore ce poste
en 1870 lorsque la guerre éclata. Le peu qu'on avait fait
dans l'intervalle, pour assurer le transport des troupes sur
la frontière, était dû en grande partie à son initiative.
Malheureusement la plupart de ses avis n'avaient pas été
suivis. Dès le début des hostilités on l'appela au grand
état-major, pour y remplir avec le général Lebrun et sous
les ordres de Lebœuf les fonctions d'aide-major général de
l'armée. Il exerça ces fonctions jusqu'au 12 août, jour oii
Napoléon III céda le commandement en chef à Bazaine. Ce
même jour l'état-major fut réorganisé, et Jarras, prenant la
place de Lebœuf et de Lebrun, en devint le chef unique.
N'ayant aucune confiance dans Bazaine et regardant un dé-
sastre comme inévitable, il n'avait accepté cette situation
que contraint et forcé. Six jours après ses pronostics étaient
vérifiés ; les troupes françaises se voyaient rejetées et
bloquées sous les murs de Metz. Alors commença pour
lui une rude épreuve. Il s'était brouillé tout de suite avec
Bazaine qu'il n'aimait pas et qui le lui rendait. Pendant le
siège, celui-ci le tint systématiquement à l'écart, le combla
de mauvais procédés. Jarras assista ainsi, les bras croisés,
aux intrigues politico-militaires qui aboutirent à la capitu-
lation du 27 oct. Par une ironie du sort ce fut lui qui
dut négocier et signer cet acte. Ce qu'il avait vu durant ces
tristes jours lui inspira un ressentiment profond contre
Bazaine. Aussi, dès que la paix fut faite, se montra-t-il l'un
des plus ardents parmi les accusateurs du maréchal. Cité
en témoignage devant le conseil de guerre de Trianon, il
fit contre son ancien chef des dépositions enflammées, dont
l'une provoqua en pleine audience une pénible alterca-
tion entre l'accusé et lui (déc. 1873). En mars 1876,. il
quitta le service actif. — Pendant sa captivité en Alle-
magne, il aval*, rédigé sur les opérations de l'armée de Metz
un travail où il relatait les faits dont il avait été témoin.
Le ministre de la guerre lui ayant refusé l'autorisation de
publier ce travail, il chargea sa femme de le faire paraître
après sa mort. L'ouvrage a été imprimé en 1892 sous le
titre : Souvenirs du général Jarras^ chef d' état-major
de r armée du Rhin (Paris, in-8). C'est un document de
premier ordre pour l'histoire de la guerre de 1870 et le
livre d'un honnête homme. Ch. Grandjean.
JARRE (Techn.). Gros vase en terre vernissée à deux
anses (V. Poterie). — On donne aussi le nom de jarres à
des poils raides qui sont écartés lors de la fabrication du
feutre (V. ce mot).
JARRET. I. Anatomie. — C'est la partie du membre
pelvien qui est située derrière l'articulation du genou, et oïl
s'opère la flexion de la jambe sur la cuisse (V. Poplité).
Chez les quadrupèdes, le jarret correspond aux articulations
radio-carpiennes et tibio-tarsiennes, à celles du carpe et
du tarse. C'est l'analogue des articulations du poignet et
du cou-de-pied chez l'homme. On peut y ajouter encore les
os métacarpiens et métatarsiens (V. Canon).
IL Art culinaire. — Le jarret de bœuf, mais préfé-*
rablement le jarret de veau, est employé dans la confection
du bouillon, avec carotte, sel, etc.
m. Ameublement. — Motif d'ébénisterie qui rappelle le
jarret d'un animal. On a fait à l'époque de la Restauration
des sièges et des tables à jarret.
JARRET — JARRY
— 52 —
JARRET. Coni. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
d'Argelès, cant. de Lourdes; 242 hab.
JARRETIÈRE. I. Costume. — Ruban ou lien qui sert
à attacher les bas au-dessus ou au-dessous du genou.
Comme les bas (abréviation de bas-de-chausses), les'^jarre-
tières parurent vers le milieu du xvi^ siècle. D'abord fort
simples, elles ne tardèrent pas à être très ornées ; on pos-
sède encore des jarretières anciennes assez nombreuses,
réunies en collections par quelques curieux. Sous Louis XIV,
la jarretière consistait en un galon d'or que retenait une
boucle de prix ; au xviii^ siècle, les hommes les employaient
couramment. Ph. B.
Ordre de la. Jarretière. — Fondé en Angleterre le
d9 janv. 1350, par le roi Edouard III, à la suite d'un in-
cident qui se produisit dans un bal où se trouvait la com-
tesse de Sahs-
laissa tomber la
jarretière de sa
jambe gauche.
Edouard se
baissa rapide-
ment pour la
ramasser et la
rendre à la com-
tesse. Cette ac-
tion toute natu-
relle donna lieu
à des plaisante-
ries qui furent
désagréables à
la comtesse et
l'obligèrent à
quitter le bal;
ce que voyant,
le roi impa-
tienté s'écria
tout haut : «lïoni soit qui mal y pense », et il ajouta qu'il
donnerait un tel éclat à ce ruban bleu que ceux des cour-
tisans qui s'étaient permis de plaisanter à son sujet s'es-
timeraient trop heureux de l'obtenir. Ce fut donc pour
tenir cette parole que Edouard fonda l'ordre de la Jarre-
tière. Bien que cette légende soit accréditée comme vé-
rité, quelques historiens ont prétendu qu'il fallait attri-
buer la création de l'ordre à la commémoration de la ba-
taille de Crécy, le roi s'étant servi pendant le combat du
mot déraillement: garter (jarretière), mais rien n'appuie
cette version. L'ordre est destiné à la haute noblesse bri-
tannique et aux souverains étrangers. La grande maîtrise
appartient à la couronne d'Angleterre. Les statuts ont été
modifiés et réformés par Henri VIII, le 23 avr. 1522.
Tous les membres sont chevaliers. L'ordre, qui est consi-
déré comme le plus illustre de l'Europe, se compose, non
compris les princes descendants de Georges P^ et les étran-
gers, du souverain régnant, du prince de Galles et de vingt-
cinq gentilshommes. Dix -huit chevaliers militaires de
vVindsor sont attachés à l'ordre qui a de nombreux digni-
taires. Jarretière de velours bleu foncé, ruban bleu.
H. GOURDON DE GeNOUILLAC.
IL Artillerie. — Cordage de 16 niillim. de diamètre,
servant, dans l'embarquement en chemin de fer du matériel
d'artillerie, à assujettir entre elles certaines parties du
matériel, notamment les timons et les roues, pour les em-
pêcher de se déplacer sur le truc.
III. Marine. — Tresses plates cousues sur l'arrière
des voiles, le long de la ralingue d'envergure, terminées
par une boucle en fer d'un côté, de l'autre par un bout de
ligne. Quand la voile est serrée sur la vergue, elle est en-
tourée par les jarretières. Le bout de ligne qui se trouve
sur l'avant de la voile vient passer par-dessus la filière
dans la boucle; on l'amarre ensuite sur lui-même et la
voile est alors soutenue et fixée tout le long de la vergue.
Insigne de Tordre de la Jarretière.
JARRIC (Pierre du), écrivain français, né à Toulouse
en 1567, mort à Saintes en 1616. Jésuite, professeur de
théologie morale à Bordeaux, on cite son Histoire des
choses mémorables advenues tant es Indes orientales
qu'antres pays de la découverte des Portugais (Bor-
deaux, 1608-14, 3 vol. in-4), écrite d'après les relations
des missionnaires.
JARRIE (La). Ch.-L de cant. du dép. de la Charente-
Inférieure, arr. de La Rochelle; 968 hab. Stat. du chem.
de fer de l'Etat, ligne de Niort à La Rochelle. Important
commerce de beurre, distillerie de betteraves, carrosserie,
corderie, moulins. Eglise (mon. hist.) en grande partie ro-
mane avec des remaniements du xvi« siècle. Le portail
principal, accosté de deux grandes colonnes à chapiteaux
historiés, est particulièrement curieux.
JARRIE. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Grenoble,
cant. de Vizille ; 991 hab.
JARRIE-AuDomN (La). Com. du dép. de la Charente-
Inférieure, arr. de Saint-Jean-d'Angély, cant. de Loulay ;
510 hab.
JARRIER. Com. du dép. de la Savoie, arr. et cant. de
Saint-Jean-de-Maurienne ; 937 hab.
JARRIGE (Pierre de), magistrat, chroniqueur français,
né à Saint-Yrieix le 1^^ mars 1539, mort à Saint Yrieix
le 25 mars 1574. H fut juge-viguier de sa ville et a laissé
des mémoires intéressants commençant avec l'année 1558.
— Son fils, Pardoux de Jarrige, né à Saint-Yrieix le
26 janv. 1561, mort à Saint-Yrieix en 1630, succéda à
son père dans la charge de viguier et continua ses Mé-
moires jusqu'à l'année 1591, date oii Saint-Yrieix sup-
porta un long siège; des fragments en ont été publiés
dans le Bulletin de la Société archéologique et histo-
rique de Limoges (année 1858).
JARRIGE (Pierre) , publicistefrançais, né à Tulle en 1 605,
mort à Tulle le 26 sept. 1670. D'abord jésuite, il se con-
vertit au protestantisme et passa en Hollande. Condamné
à œort par contumace (17 juin 1648), il se mit à publier
des pamphlets très violents contre la Société de Jésus,
entre autres les jésuites mis sur Uéchafaud (Leyde,
'1649,in-12). Ce livre, dans lequel les jésuites sont accusés
des crimes les plus odieux, fit un bruit considérable. Cepen-
dant Jarrige, qui n'était au fond qu'un ambitieux incapable,
mécontent de no recevoir des Etats-Généraux qu'une pen-
sion de 400 livres, rentra en France en 1650 après avoir
écrit une amende honorable des plus plates : Rétractation
du P, Pierre Jarrige (Anvers, 1650, in-12).
JARRY (Nicolas); le plus célèbre des calligraphes fran-
çais du xvii« siècle. On ne connaît ni la date de sa nais-
sance, ni celle de sa mort. On n'a d'ailleurs que très peu
de renseignements sur sa vie. H était marié à Françoise
Lescuillon, dont W eut un fils, en 1637. H est qualifié, dans
l'acte de baptên;e de ce fils, de noteur de la musique du
roi. La dernière date qu'on trouve sur ses œuvres est celle
de 1665. H reçut néanmoins, en \m^, du trésor du
roi, une certaine somme « pour des escriptures et filets
d'or mis sur des feuilles de vélin ». C'est la mention la
plus récente qu'on ait relevée sur lui. Son écriture est
d'une beauté remarquable. On ne cite pas de calligraphe
qui puisse lui être préféré. Les manuscrits écrits par lui
sont cependant d'inégale valeur. Ils n'en atteignent pas
moins tous dans les ventes des prix élevés. On ne doit pas
lui attribuer sans examen tous ceux qui portent son nom.
D'habiles faussaires ont, en effet, signé pour lui des pro-
ductions calligraphiques anonymes, dont il n'est certaine-
ment pas l'auteur. Ch. Brunet lui a exceptionnellement
consacré un long article, dans son Manuel du libraire
(1862, t. m, col. 511-515) et Supplément (1878, 1. 1,
col. 692-693). La bibliographie qu'il a dressée de ses
œuvres est à peu près complète. Elle ne comprend pas
moins de 46 numéros. Nous nous contenterons de signaler
ici les volumes qui sont maintenant conservés à la Biblio-
thèque nationale et ceux qui présentent un intérêt de pro-
venance : Prœparatio ad missam (1633, petit in-8),
53 -
JARRY — JAS
exécuté pour Dominique Séguier, évêque de Meaux ; Missale
(1639, in-foL) , relié aux armes du cardinal de Richelieu,
acheté 2,320 fr. par M. de Ruble, enfévr. 1894, à la vente
du comte de Lignerolles ; laGuir lande de Julie, exécutée
pouriW^® de Rambouillet (lCil,in-fol.), aujourd'hui chez
M"^^ la duchesse d'Uzès (Jarry tit deux autres copies de
la Guirlande, mais aucune d'elle ne présente le même in-
térêt que celle de l'exemplaire précédent qui est l'exemplaire
même offert à Julie d'Angennes) ; Preces hiblicœ (1641,
in-4), exécuté pour H.-L. Habert de Monmort, relié par
Le Gascon, aujourd'hui à Chantilly; Livre de prières
(1649-51, in-32), exécuté, semble-t-il, pour M^^^ de Mont-
pensier, relié par Le Gascon, vendu 9,800 fr. à la vente
La Roche-Lacarelle, en 1888, et 7,620 fr. à une vente
faite par la librairie Paul, etc., en 1891 ; Office de la
Vierge (1651, petit in-8), exécuté pour Andrée de
Vivonne, femme de François V de La Rochefoucauld, l'au-
teur des Maximes, appartient au comte Aimery de La
Rochefoucauld; Adonis, poème de La Fontaine, dédié à
Fouquet (1658, gr. in-4), appartient à M. Dutuit; Office
de la Vierge (1664, in-12), écrit pour Louis Fouquet,
fils du surintendant, et pour Madeleine de Lévis ; Officium
beatœ Mariœ Virginis (1648,in-16), exécuté pour CL de
Rebé, archevêque de Narbonne, aujourd'hui à la biblio-
thèque de Resançon; le Psaultier de Jésus, fait à Paris,
en 1641, parle commandement de M"^® de Lorraine (in-8),
aujourd'hui ms. français 14851; la Prigione di Fillindo
il costante (1643, in-foL), aujourd'hui ms, italien 578;
les Sept Offices de la semaine (1663, in-32), aujour-
d'hui ms. latin 10570; Prœparatio ad missam- (s. d.,
in-32), exécuté pour Michel Le Masle, chantre de l'église
de Paris, aujourd'hui ms. latin 16315. C. Couderc.
JARS. I. Zootechnie (V. Oie).
IL Rlâson. — Mâle de Foie ; il est toujours représenté
passant.
JARS. Com. du dép. du Cher, arr. de Sancerre, cant.
deVailly; 1,682 hab.
JARS (François de Rochechouart, chevalier de), mort
le 10 avr. 1670. Grand favori à la cour d'Anne d'Autriche,
il fut exilé en Angleterre après la journée des Dupes. Re-
venu en France en 1631, il participa à l'intrigue nouée
entre M"^^ de Chevreuse, le garde des sceaux Châteauneuf
et Henriette de France pour attirer la reine mère à Londres
et ruiner le crédit du cardinal de Richelieu sur le roi. Ar-
rêté (1632), A\ fut d'abord enfermé à la Rastille, puis
transféré à Troyes oti il fut condamné à mort. Le cardinal
lui envoya sa grâce au pied de Féchafaud. Le chevalier
de Jars remis en liberté passa en Italie. Il en revint à la
mort de Louis XllI, servit d'intermédiaire, au début de la
Fronde, entre Mazarin et Châteauneuf, et mourut dans
Fobscurité. R. S,
JARS (Gabriel) VAîné, ingénieur des mines et métal-
lurgiste français, né à Lyon le 17 déc. 1 729, mort à Ecully
(Rhône)le 2oct. 1808. Son père était directeur des mines
de Saint-Rel et de Chessy. Il Faida dans son exploitation,
accompagna son frère, avec lequel on le confond souvent
(V. le suivant) dans son voyage de 1766, fut l'un des quatre
inspecteurs généraux des mines créés en 1790 et passa assez
obscurément les dernières années de sa vie à Lyon et à
Saint-Rel. C'est lui qui a édité le grand ouvrage de son
frère cadet : Voyages métallurgiques, etc.
BiBL.: PoTiQUET,rJnsfiiut de France ; Paris, 1871, in-8.
JARS (Gabriel) le Jeune, ingénieur des mines et métal-
lurgiste français, frère du précédent, né à Lyonle26janv.
1732, mort à Clermont-Ferrand le 20 août 1769. Elève
de l'Ecole des ponts et chaussées, il fut choisi avec Guil-
lot-Duhamel (V. ce nom) par Trudaine pour former le
premier noyau de notre corps des mines, visita d'abord les
exploitations et établissements métallurgiques de diverses
provinces françaises, puis consacra trois années (1757-59)
à explorer et à étudier, avec Guillot-Duhamel, ceux de la
Saxe, de FAutriche, de la Rohême, de la Hongrie, du
Tirol, de la Carinthie et de la Styrie. En 1765, il alla en
Angleterre ; en 1766, avec son frère aîné (V, le précé-
dent), en Hollande, dans le Hartz, en Norvège et en Suède.
Il fut frappé d'un coup de soleil, en 1769, au cours d'une
excursion minéralogique dans les environs de Langeac.
Cette mort prématurée ne lui permit pas de rendre à' Fart
des mines et à la métallurgie tous les services que l'on eût
été en droit d'attendre de l'auteur des Voyages métallur-
giques, remarquable relation éditée par son frère aîné
(Lyon, 1774-81, 3 vol. in-4). On a encore de lui : VAri
de fabriquer la tuile et la brique en Hollande (Paris,
1767, in-foL), et quatre mémoires insérés dans les recueils
de l'Académie des sciences de Paris, dont il avait été nommé
correspondant en 1761 et membre en 1768. L. S.
BiBL. : L. Aguillon, l'Ecole des Mines de Paris, dans les
Annales des Mines, année 1889, 8« sér., t. XV, pp. 442 et 452.
JARS de GomiNAY (Marie) (V. Gournay).
JARSY. Com. du dép. de la Savoie, arr. de Chambéry,
cant. du Châtelard; 810 hab.
JARVES (James-Jackson), écrivain américain, né à Bos-
ton en 1818. Nommé consul à Honolulu, il y fonda le
premier journal, The Polynesian (1840) et fut nommé par
le gouvernement des Sandwich directeur de la presse. Plus
tard, le roi le chargea de négocier des traités avec sa pa-
trie, la France et 'l'Angleterre. On a de lui, outre des
ouvrages sur les îles Sandwich : Parisian Sights and
French Principles (1852), livre qui fut interdit en France
par le gouvernement d'alors ; îtalian Sights and Papal
Principles (1855), Confessions of an Inspirer (1857)
et plusieurs oeuvres de critique d'art, se rapportant le plus
souvent à l'Italie où il fixa de bonne heure sa résidence.
JARVILLE {Jarvilla, 1519). Com. du dép. de Meurthe-
et-Moselle, arr. et cant. (0.) de Nancy, sur la Meurthe
et le chem. de fer de Paris à Strasbourg; 2,577 hab.
Forges ; hauts fourneaux ; ateliers de constructions en fer;
fabriques d'outils, de potasse et de chaux ; construction de
bateaux ; arboriculture. Sur le territoire de la commune,
les Petites-Malgranges {la Neuve-Mallegrange , 1574),
château aujourd'hui converti en maison de santé, et la
Grande-Malgrange {la Valgrange, 1401), dès le xvi^ siè-
cle maison de plaisance des ducs de Lorraine, qui y avaient
un haras dans le siècle suivant ; au xviii^ siècle, le roi
Stanislas y construisit un château aujourd'hui transformé
en pensionnat et collège Hbre.
JARVIS (Charles), peintre (V. Jervas).
JARZÉ. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. de Baugé,
com. de Seiches; 1,745 hab. Commerce de bestiaux ; hui-
lerie^ Dolmen de La Roche-Thibaut. Château construit en
1475 par Jean Bourré, familier de Louis XI, incendié en
1794 et restauré depuis. Eglise de la Renaissance. Chapelle
de Montplacé (xvii^ siècle),' lieu de pèlerinage.
JAS (Mar.). Le jas est la pièce ordinairement en bois
pour les grosses ancres, en fer pour les petites, placée à
la culasse de l'ancre, sous la cigale, perpendiculairement
au plan des
pattes. Sa Cot^ve su/,.' /t-A' X
longueur doit ^
être égale à
celle de la
verge. Il a
pour but de
guider l'ancre
et de forcer
les pattes, au
moment d u
mouillage, à
se poser nor-
malement au
sol , ce qui
leur permet
d'y pénétrer.
Le jas se
compose de deux parties en bois réunies par des cercles en
fer. La culasse de l'ancre porte des tenons sur lesquels se fixe
Jas en bois.
JAS -« JASMIN
U —
îe jas, et qui l'empêchent de se déplacer. Au-dessous d^e
2,000 kilogr., les jas sont en fer. C'est alors une barre
ronde passant au-dessous de la cigale dans un autre trou
perce dans la verge. Le jas est maintenu en place par un
épaulernent de métal d'un côté, de l'autre par une clavette.
L'extrémité de ce côté est recourbée, ce qui permet, une fois
Isl clavette enlevée, d'appliquer le jas le long de la verge ;
Tancre tient par suite bien moins d'espace et peut se pla*
cer où l'on veut. Jaler consiste à redresser le jas perpen-
diculairement à la verge, et à mettre la clavette en place.
JAS. Corn, du dép. de la Loire, arr. de Montbris^n)
cant. de Feurs ; 404 hab.
JASEUR (Ornith.). Les Jaseurs {Ampdis L. ; Bomby-
civora Temminck ; Bomby cilla Vieillot) sont classés mainte-
nant dans une petite famille {Ampélidés [V. ce mot]), T|ue
l'on range à côté de la famille des Hirundinidés (V. Hiron-
delle) et dans laquelle M. Sharpe fait entrer également
quatre genres de Passereaux américains (Dulus, Phaino-
ptila^ Phainopepla et Ptilogonys). Par leurs formes
ramassées, les Jaseurs ressemblent un peu à certaines
Hirondelles, telles que l'Hirondelle de rochers et l'Hiron-
delle de fenêtres, mais ils ont le bec conformé d'une toute
autre façon, les mandibules étant beaucoup moins aplaties
et moins larges, et celle du haut présentant une forte dent
à l'extrémité, tandis que son antagoniste est retroussée et
un peu échancrée à l'extrémité. Les narines s'ouvrent en
avant du front sur deux parties arrondies. Les pattes sont
plus hautes et plus robustes que chez les Hirondelles ; les
ailes sont larges et poin-
tues ; la queue est courte
et coupée carrément; le
plumage , toujours bien
fourni, offre des teintes
douces et agréables à l'œil :
du gris plus ou moins lavé
de roux vineux, du brun
marron , du noir et du
blanc. Cette livrée est re-
haussée d'abord par une
bordure d'un jaune clair
ou d'un rouge vif, occu-
pant l'extrémité des pennes
caudales, ensuite par des
taches blanches ou rouges
situées à l'extrémité des
pennes secondaires et de
quelques-unes des rémi-
ges; enfin, au moins dans
certaines espèces, par des ornements fort singuliers qui sont
particuhers au genre Ampelis, et qui consistent en de
petits prolongements cornés de Taxe des pennes secon-
daires, prolongements colorés en rouge vermillon et sem-
blables à des gouttes de cire à cacheter. Une longue huppe
de plumes soyeuses et érectiles achève de donner aux Ja-
seurs une physionomie tout à fait caractérisée.
Les Jaseurs fréquentent surtout les grandes forêts de
pins et de bouleaux où ils se nourrissent pendant l'été de
menus insectes, en automne et en hiver de baies sauvages
et de graines. La disette les force, de temps en temps, à
entreprendre, en petites bandes, de lointains voyages.
C'est ainsi qu'on voit apparaître, à des époques irrégu-
lières, dans notre pays, les Jaseurs de Bohême (Ampelis
garrula L.), dont la véritable patrie se trouve dans les
les régions boréales des deux mondes. Parfois même on a
signalé en Angleterre l'arrivée de quelques Jaseurs des
cèdres (Ampelis cedrorum V.) qui habitent d'ordinaire le
N. de l'Amérique et descendent en hiver jusque dans
l'Amérique centrale et aux Antilles. Une troisième espèce
de Jaseurs, V Ampelis japonica Sieb., vit en Sibérie,
dans le N. de la Chine, ainsi qu'au Japon, où se trouve
aussi une quatrième espèce, récemment décrite, V Ampelis
Maësi Oust. E. Oustalet.
BiBL. : Degland et Gerbe, Ornithologie européenne,
Jaseur de Bohême.
ï%é, i i, p. 577, 2« éd. — David Oustalet, Oiseaux
de la Chine, 1877, p. 130.— Dresser, A History of the Birds
of Europe, 1813, t. III, p. 429 et pi. 155. — R.-B. Sharpe,
Cat. D. Brit. Mus,, 1885, t. X, p. 212. - Brehm, Vie deê
animaux, ôdit. franc., Oiseaux^ par Z, Gerbe, 1. 1, p. 620.
JASIÊNSKI (Jakob), général polonais, né à Wihia,
mort à Praga en HPI. 11 fut officier d'artillerie et se
distingua, en lt92, à Zieience et à Dubonka. En it94-, il
commandait une division. Il fiit tué en défendant Pragà
contre les Russes. C'était uïl poète distingué ; la plupart de
ses poésies n^ont paru qu'après sa mort. Elles ont été ré=^
fumées par K.-W. Wojcicki (Cracovie, 4869).
JASIONE (Jasione L,)(Ëoto). Genre de Lampanulacées,
comprenant d^s herbes vivaces, bisannuelles ou annuelles, à
fe'Jîiiles alternes ou en rosette, à fleurs pentamères, presque
régulières, nombreuses, rapprochées en capitules ou en
ombelles ; la corolle est à tube court et à divisioiis pt'o^
fondes ; les étamines ont des anthères solîdées à là basé
ou sont Hfores ; te fruit est valvicide. Tous les Jasione sont
européens ou de la région méditerranéenne. Le /. mon-
tana L., à fleurs bleues, est commun sur les pelouses arideSj
sablonneuses ; il a été préconisé comme astriiigent et vul^
néraire, sous les noms û'Eerb'e à fnidi et de Fausse Scâ-
bieuse: D^' L. Hn.
JâSMIN. î. Botanique, — {Jasminum T.). Genre de
Dicotylédones qui a donné son nom à la famille des Jasmi-
nacées, que Bâillon rapporte, comme tribu sous, le nbp m
Jasminées, aux Oléacées. Les fleurs soht tétramères, irré-
gulières, le calice d^nt'é bu divisé, la corolle hypocratéri-
morphie^ avec normalement deux étamines insérées sur le
tube. Le gynécée supère a un ovaire à deux loges, avec
généralement deux ovules. Le fruit est charnu , souvent
didyme, et les graines ont un embryon charnu, exalbuminé,
à radicule infère. Les espèces, au nombre de 80 à 100, ^oht
des arbustes à feuilles opposées ou alternes, à fleurs dispo-
sées en cymes. On les trouve dans toutes les parties du
monde ; il en existe une dans le midi de l'Europe et plu-
sieurs ont été introduites en Amérique. — Les fleurs
répandent une odeur suave ; elles servent à préparer une
essence très volatile, l'essence de Jasmin, que l'on fixe h
l'aide deThuile de Ben et qui est d'un grand usage en par^
fumerie. On emploie surtout dans ce but les fleurs du
/. Sambac Vahl ou Jasmin d'Arabie, du /. gra7idifloru7i%
L. ou Jasmin d'Espagne et du J, officinale L. ou Jasmiq
blanc. Celles de cette dernière espèce ont servi comme émolr:
lientes, résolutives et emménagogues; les graines sont véné^
neuses. Les feuilles du /. floribundum\. B. ou Jîabbh
Tsalmo des Abyssins et celles des/, abyssinicum HochsL
sont employées comme anthelminthiques.
Jasmin d'Amérique (V. Gaïac). — J. bâtard (V. Lyciet),
— J. DE Virginie ou J. Trompette (V.Tecoma).— J. du Cap
(V. Gardénia). — J. jaune, J. de la Caroline ou J. sau^
VAGE (V. GeLSEMIUM). — J. DE PeRSE (V. SyRINGA). -^
J. vénéneux. C'est V Acocanthera venenata Don [Ces^
trum venenatum Thunb.), Solanacée dont les fruits,
très vénéneux, sont employés par les Hottentots pour em-
poisonner les animaux féroces. — J. de Virginie (V. Bi-
gnonia). D* L. Hn.
IL Horticulture. — Le jasmin blanc (Jasminum
officinale L.) est l'espèce la plus répandue dans les jardins.
On le cultive et on le palisse contre les murs au midi. Il
repousse du pied lorsque le froid tue ses tiges, mais dans
le Nord il est bon de couvrir le pied d'une couche de li-
tière durant l'hiver. Multiplication facile de boutures et
de marcottes. Le jasmin blanc sert souvent de porte-greffe
pour les autres espèces à fleurs blanches : /. Sambac Ait.,
moins rustique que le précédent et ne venant en plein air
que dans le S., J. multi florum Axidr,, /. azoricum L.,
joli buisson à feuillage dense, d'une belle verdure et à
fleurs parfumées, et J. grandiflorum L. à demi rustiques^
sous le climat de Paris. Deux espèces de jasmins à fleurs
jaunes : J. fruticans L. et J. nudiftorum L. (J. d'hiver),
réussissent partout en plein air. Le J. revolutum^ Sims-
(J. triomphant), très beau buisson à fleurs en lars^a cymes,,,
- 55
JASMIN
est aussi très résistant. Le J. odoratissimum L. réclame
un abri pendant l'hiver. Les jasmins à port dressé se cul-
tivent généralement en buissons isolés d'un bel effet ou
en haies ornementales. Ils supportent bien la taille. On
greffe souvent sur le /. fruticans les espèces à Heurs
jaunes. Les jasmins demandent une exposition chaude. Ils
ne sont pas exigeants sur la qualité du sol. On les multi-
plie de greffes, de boutures et de marcottes. G. Boyer.
JASMIN (Jacques BoÉ, dit), poète agenais, le plus cé-
lèbre précurseur des Félibres, né le 6 mars d 798, mort le
4 oct. d864. Fils d'un pauvre tailleur bossu et d'une mère
boiteuse, il vint au monde dans le bruit d'un charivari de car-
naval dont son père avait fait les couplets. L'enfance du poète
ne soupçonnait pas la misère des siens : son grand-père allait
mendier dans les métairies et la maison manquait souvent
de pain. Jasmin a chanté avec infiniment de naturel et
d'émotion les Souve^iirs de ses joies et tristesses premières.
Cette libre enfance, qu'il a faite ainsi légendaire, ne sau-
rait être négligée : elle a décidé de sa vocation. Le tou-
chant épisode de la mort de l'aïeul avait « plombé sa pen-
sée » pour la vie. L'enfant songeur entra vers douze ans
à l'école, chez un « régent » de sa famille, puis au sémi-
naire d'Agen. Sa facilité et son goût de l'étude l'y distin-
guaient, quand une peccadille le fit renvoyer à ses parents.
Occupé quelque temps, à d'humbles besognes, Jasmin fut
enfin mis en apprentissage chez un coiffeur qui avait
été soldat de Bonaparte. Là son goût des contes et de la
causerie fut à l'aise. Il y trouva du temps pour la lecture.
Mais de quels livres ! Florian et Ducray-Duminil lui révé-
lèrent son imagination. A dix-huit ans, rêvant toujours et
rimant en français, il devenait perruquier lui-même, et
bientôt se mariait. Son esprit et ses goûts littéraires acha-
landaient, « argentaient » sa boutique. Parmi les vers pa-
tois qu'il composait pour le carnaval, comme son père, il
lui advint un jour de trouver une romance qui devint popu-
laire, la Fidelitat ageneso (Me cal mouri!) (4822), et son
penchant, sans plus de réticences, se déclara tout entier
pour la muse indigène.
Son premier ouvrage important, Lou Chalibary^ poème
héroïco-burlesque (Agen, 1825), fut très bien accueilli. C'est
un de ces petits chefs-d'œuvre patois, spirituels, mordants,
qui doivent aux tours piquants de l'idiome leur plus sûre
originalité. Jasmin ne devait pas mentir à ses promesses.
Après quelques chansons politiques dans le faux goût d'alors,
il se révéla tout à fait dans une ode magistrale, Lou Très de
May (1830). La Société littéraire d'Agen avait mis au con-
cours un dithyrambe (français) à Henri IV, pour l'inau-
guration de sa statue à Nérac. Le poète languedocien fut
couronné avec le lauréat français, l'Académie agenaise
reconnaissant ainsi les droits de la langue vulgaire. C'était
sans exemple, depuis deux cents ans. Déjà célèbre, Jasmin
osa chercher son inspiration dans ses souvenirs. Pour être
descendu en lui-même, il y rencontra son génie. Son poème,
Mous Soubenis, où la tristesse résignée alterne avec la
gaieté saine, exaltait la sainte pauvreté et la bonté du
peuple. Le nom de Jasmin symbolisa dès lors pour son Midi
la poésie sincère et la muse attendrie des humbles.
11 commençait d'aller de ville en ville, récitant ses com-
positions. Une ode lue devant la statue du maréchal Lannes
(1834) acheva de le consacrer dans sa région. Alors il
réunit ses premières œuvres sous ce titre, Las Papillotos
(1835). nie conserva pour ses trois recueils suivants (1842,
1851, 1863). La popularité de Jasmin dans le Midi s'atta-
chait déjà autant au diseur qu'au poète. Son génie cependant
grandissait. La récitation à 13ordeaux, d'un nouvel ouvrage,
CAbuglo de Castel Cullié (1836), retentit jusqu'à Paris
et lui valut tousles hommages de la critique. Après Nodier,
Sainte-Beuve salua le « troubadour » d'Agen comme un
grand poète. La marque de son génie se retrouve, avec
moins de sobriété peut-être dans l'émotion, mais plus de
variété de ton comme de style, dans un grand poème auquel
il travailla sept ans et qui mit le sceau à sa gloire. Françou-
neto, poème en quatre pauses (lu à Bordeaux, 1840; pu-
blié en 1842), est l'épopée touchante et dramatique de
l'amour contrarié, parmi les superstitions et les préjugés
du village. Puis vint cette admirable et courte idylle de
proportions plus harmonieuses, de perfection plus consom-
mée, Maliro rinnoucento (1847), qui fut unanimement
saluée comme un chef-d'œuvre. Devant un tel idéal de la
poésie, il est regrettable que Jasmin n'ait pas produit
davantage. Parmi les pièces de circonstance où le reléguait
sa vie désormais dispersée, il produisit encore deux courts
poèmes dignes de leurs aînés, Lous dus Frays Dessous (les
Deux Jumeaux, 1846) et la Semmano d'un fil (1849).
Les trois dernières œuvres notables de Jasmin furent un
médiocre poème français, Hélène, une éloquente épître,
Lou Poeto del puple à Moussu Renan et Mous Noiibels
Soubenis (1863), secondes remembrances de sa jeunesse,
inférieures aux premières, mais où éclate encore sa verve
attristée ou riante.
Depuis 1840, la vie littéraire du poète se dispersait par
tous les chemins du Midi. Pour répandre ses poésies, la
langue vulgaire étant si peu écrite, il avait résolu de bonne
heure de les réciter lui-même en laissant le profit à des
œuvres de bienfaisance. Il récoltait les hommages du plus
reconnaissant enthousiasme, et il les chantait ingénument,
en amoureux delà gloire et de la poésie. Le « Rameau d'or
de Toulouse » (1840), « la Coupe d'or d'Auch » (1842),
« la Bague d'Albi » (1852), ainsi que les présents du roi
Louis-Philippe et de la duchesse d'Orléans, n'étaient ce-
pendant rien auprès des ovations spontanées de populations
entières, comme il en rencontra plus d'une fois, au cours
de sa campagne pour la reconstruction de l'église de Vergt,
par exemple (1840-44), qui passionna tout le Périgord.
On estime à plus de douze mille les séances que donna Jas-
min pendant trente ans, et à plus de 1,500,000 fr. les
sommes ainsi recueillies pour les pauvres. Tant de gloire
et de charité devaient faire estimer haut et loin le poète.
Son premier voyage à Paris fut sa consécration littéraire
(1840). Il reçut la croix de la Légion d'honneur et une
pension qui, avec ses livres, lui permit de renoncer à son
état de coiffeur, qu'il reprenait modestement au lendemain
de ses tournées triomobaîes. Enfin, l'Académie française
attribua un prix extraordinaire de 5,000 fr. « au poète
moral et populaire » (1851). Mais la plus souhaitée et la
plus douce de ses couronnes fut celle que sa ville natale
lui décerna solennellement en 1856.
A tous les heureux dons de Jasmin, l'amour passionné
du sol patrial et de la poésie, le vif instinct populaire, le
goût du naturel, la simplicité dans l'expression, il manqua
une qualité primordiale chez un grand écrivain. Sa langue
s'est ressentie toujours de son défaut de culture. S'il Fa
constamment épurée, à force de recherches dans le voca-
bulaire du peuple, il n'a pu suppléer au sens philologique
que seule une éducation classique peut donner. Sa muse
resta « la muse des prairies, des guérets, des bergers ».
Le rôle de Jasmin fut-il bien, cependant, celui que le patrio-
tisme méridional pouvait attendre de son génie ? Pendant
quarante ans, le saint Vincent de Paul de la Lyre fit vibrer
de l'Océan au Rhône et de la Loire aux Pyrénées, le
sentiment confus d'une communauté de langage entre les
populations du Midi. Mais l'action d'un précurseur d'une
renaissance nationale, du réveil d'une race dans sa suprême
expression, son idiome, était au-dessus de ses forces et de
son idéal. II entrevit, à ses débuts, cette noble tâche de
représentant d'un peuple et de défenseur d'un passé qui
n'abdique jamais.
Cette fière ardeur du poète devait se tempérer aux sou-
rires de Paris. Un réveil des énergies provinciales semblait
alors s'annoncer de toutes parts. L'année de Françouneto
(1840) voyait surgir les premiers livres de Gelu, de Béné-
dit à Marseille et de Peyrottes en Languedoc. Jasmin pou-
vait mettre sa jeune gloire à la tête du mouvement nouveau.
Le succès de ses récitations poétiques dispersa son prosély-
tisme, l'orientant, il est vrai, \ners la charité. Son rôle de
précurseur était fini. Toujours il se sentait l'orgueil d'avoir
JASMIN — JATIVA — 56
maintenu le parler des aïeux. Mais satisfait d'avoir ressus-
cité pour un temps « l'honneur de la langue aimée », d'ail-
leurs insoucieux de lui rendre entière dignité en remontant
à ses traditions, il n'admettait pas de disciples à son œuvre,
ni de successeurs à sa gloire. II s'était abstenu de parti-
ciper aux deux premiers congrès des poètes provençaux
(Arles, 4852 ; Aix, 1853), d'où devait sortir le Félibrige.
Il entrait dans la vieillesse comblé de lauriers personnels,
mais indifférent au mouvement dont son œuvre et sa re-
nommée avaient favorisé l'éclosion. A ce titre, l'Aquitaine
peut revendiquer pour le plus génial précurseur d'une Re-
naissance affirmée désormais, ce Jasmin dont la poésie es^
à celle des troubadours et des chanteurs patois du dernier
siècle ce qu'est à l'aubépine ou à l'églantine sauvage la
rose épanouie. — La ville d'Agen a élevé une statue à
Jasmin, le 12 mai 1870. Mistral l'a saluée d'un magnifique
sirvente. Une commémoration du poète a été célébrée
depuis par les Félibres et les Cigaliers, dans sa ville natale
(1891). Paul Mariéton.
JASNEY (Gesniacus, Gisneyum). Com. du dép. de la
Haute-Saône, cant. de Vauvillers, arr. de Lure, sur le ruis-
seau du Breuil ; 458 hab. Moulin, tannerie. Découvertes
de monnaies romaines. Restes de châteaux anciens. Eglise
du xvm^ siècle (tabernacle richement sculpté). Prieuré de
l'ordre de Saint-Benoît supprimé à la Révolution. Seigneu-
rie qui, après avoir donné son nom à une ancienne maison
de chevalerie franc-comtoise, fut divisée et appartint suc-
cessivement aux de Saint-Mauris, de Mathay, de Jacquehn
et de Mongenet. L-x.
JASON (V. Argonautes).
JASON DE Phères, célèbre tyran grec du iv^ siècle av.
J.-C, précurseur de Philippe de Macédoine. Fils de Lyco-
phron, tyran de Phères (Thessalie), allié des Spartiates, il
continua la poHtique de son père, tendant à s'emparer de
la Thessalie entière et à l'unifier en un Etat puissant. En
378, il aide Néogène à s'emparer de la tyrannie à Histiée
(Eubée). En 375, Jason était maître de presque toute la
Thessalie ; les Dolopes et le roi d'Epire, Alcétas, étaient ses
vassaux. La soumission de Polydamas, de Pharsale, le fit
reconnaître comme chef (Taydç) de la Thessalie. Il forma
une armée régulière de 20,000 hoplites et 6,000 cavaliers,
avec l'intention formelle d'imposer sa suzeraineté aux Grecs
et de les conduire à la conquête de l'empire perse. Il sut
régler ses finances de manière à entretenir cette armée et
une marine sans grever ses sujets. Il s'allia aux Thébains
contre Sparte, profita de leur victoire de Leuctres pour
vaincre les Phocéens, démanteler Hyampolis et Héraclée. Il
s'allia aussi à Amyntas de Macédoine. Il préparait une im-
mense fête à Delphes lorsqu'il fut assassiné (370). Les hon-
neurs rendus à ses meurtriers par les cités grecques té-
moignent de la crainte qu'inspirait Jason. A. -M. B.
JASPE. Variété de quartz qui est d'un usage courant
dans l'art décoratif. C'est un anhydride cryptocristallin qui
se trouve sous forme sphérique. Il est ordinairement jaune,
rouge ou brun, soit mat, soit luisant, opaque. On distingue
plusieurs variétés; les principales sont : le jaspe égyptien,
jaune d'ocre, brun ou rouge, qu'on trouve dans le désert
ou dans les alluvions du Nil, près du Caire, dans un con-
glomérat tertiaire; le jaspe rouge qu'on trouve à Mulheim
en Brisgau ; le jaspe commun, rouge brun, jaune ou noir,
(ju'on trouve dans des minerais de fer ; le jaspe gris, vert,
jaune, rouge, brun, qu'on trouve en Sibérie (Okhotsk,
lekaterinenbourg), dans le Tirol, le Harz, en Sicile, en
Corse, etc. Très apprécié des Romains, le jaspe sert à faire
des mosaïques, des marqueteries, des vases, des coffrets,
des cachets, etc.
JASPÉ (Filât.). Nom donné à des fils retors formés par
la réunion de deux fils de couleurs différentes.
JASSANS-RioTTiER. Com. du dép. de l'Ain, arr. et
cant. de Trévoux ; 417 hab.
JASSEINES. Com. du dép. de l'Aube, arr. d'Arcis-sur-
Aube, cant. de Chavanges ; 375 hab.
JASSERON. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Bourg,
cant. do Ceyzériat; 660 hab. Ruines d'un château féodal.
BiBL. : RiBAUD, Notice sur le château de Jasseron, dans
1 Annuaire de l'Ain pour 1885.
JASSES. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. d'Or-
thez, cant. de Navarrenx ; 327 hab.
JASSY (V. Iassy).
J A SI R E S ( Ardèche) . Ro cher supportant un large plateau
qui domine la rivière d'Ardèche, en face de la ville d'Au-
benas. Son nom lui vient d'un castnim qu'y avaient établi
les Romains à'Alba Helviorum pour surveiller les défilés
des Céyennes. Outre la trace partout reconnaissable du mur
circulaire, d'environ 4 kil. de longueur, qui marquait
l'emplacement du camp retranché, on y voit, à peu de
distance, les débris d'un fort, muni de quatre tours
(environ 200 m. de long sur 100 de large) qui formait le
principal ouvrage avancé d'Alba à FO. On a trouvé dans
cette région beaucoup d'ossements, de médailles, de mon-
naies et de débris d'armes. A. Mazon.
BiBL.: Voyage le long de la rivière d'Ardèche; Privas,
18bo.
JASTROW. Ville de Prusse, district de Marienwerder ;
5,000 hab. ; foire aux chevaux (à la Saint-Michel). La
ville reçut une charte urbaine en 1603.
JASTRZEBSKI ou JASTRZEIVIBSKI (Louis-Corvin) ,
paléographe polonais, né en Galicie en 1805. Il acheva
ses études à Paris à l'Ecole des chartes. En 1839, il fut
chargé d'une mission par M. de Salvandy à l'effet d'étu-
dier le célèbre manuscrit slave de Reims, connu sous le
nom de Texte du Sacre (V. ce mot). Il en déchiffra le
premier la partie glagolitique et publia dans le Journal
général de Vînstruction publique un rapport qui fit
grand bruit dans les pays slaves. Il le réimprima à Rome
en 1 845 . On lui doit encore un Mémoire sur r histoire
du couvent des Visitandines de Varsovie. Il se tua à
Rome dans un accès de folie. L. L.
JASZ (en latin lazyges). Nom d'une population hon-
groise, qui a prêté à certains malentendus, et qui a formé
plusieurs expressions géographiques. Cette désignation
s'appliquait, dans les diplômes des anciens rois de Hongrie,
à une population à' archers magyars, jouissant, moyen-
nant un service militaire spécial, de privilèges spéciaux,
et établie, à côté des colonies cumanes, entre le Danube et
la Theiss. Leur nom devint, dans le latin officiel, tantôt
Philistœi, à cause de la traduction allemande {Pfeil, flèche ;
Pfeilschîltzer, archers), tantôt et plus souvent lazyges,
en copiant a peu près le mot hongrois. Aussi les érudits
fantaisistes leur ont-ils trouvé des ancêtres dans Hérodote.
Leur district, comprenant 68,000 hab., a été réuni en
un seul comitat avec le district de la Grande-Cumanie et
celui de Szôlnok lors de la réorganisation de 1876. Deux
villes de cette région conservent le nom de cette peu-
plade : Jâsz-Berény qui a 24,000 hab., Jâsz-Apathi
10,000 hab., la plupart magyars, catholiques et agricul-
teurs. E. S.
JÂSZAY (Paul), historien hongrois, né à Szântô en
1809, mort en 1852. Secrétaire de la chancellerie hon-
groise, il fit des recherches dans les archives et entreprit
un grand ouvrage dont le premier volume seulement a été
achevé : la Nation hongroise après le désastre de
Mohdcs (Pest, 1846). Il publia aussi quelques monogra-
phies sur le xvii^ siècle. Après sa mort, François Toldy a
édité un autre ouvrage de Jàszay : la Nation hongroise
depuis les temps les plus reculés jusqu'à la Bulle
d Or (Pest, 1855). Le tout est en langue magyare.
JATAMANSl (Bot.) (V. Sumbol).
JATIVA. Ville d'Espagne, ch.-l. de district de la prov.
de Valence, au pied du mont Bernisa et dominant une
vaste plaine qui s'étend vers le N. et que l'on appelle la
huerta de Valence ; 15,000 hab. environ. La ville, entourée
d'une magnifique verdure, a gardé de vieilles murailles de
l'époque moresque, une assez belle église, de nombreux
-. 57 —
JATIVA - JAUBERT
couvents, des rues en général escarpées, tortueuses et
étroites. Elle a une assez grande animation; station du
chemin de fer de Madrid à Valence, elle a une bourse pour
la soie {Lonja de seda), des moulins à riz, des papeteries,
des filatures de lin dont les produits sont estimés. Dans
l'antiquité, la ville de Satabis était en cet emplacement :
elle fut appelée Jativa par les Arabes qui y introduisirent,
dit-on, la fabrication du papier. Conquise par D. JaimeP*^
d'Aragon en 42^24, elle prit partit en 1705 contre Phi-
lippe V ; conquise par lui, elle reçut le nom de San Felipe,
mais dans l'usage il n'a pas prévalu et est même tout à
fait oublié. E. Cat.
JATROPHA(Ja^rop/iaL.) (Bot.). Genre de plantes de la
famille des Euphorbiacées, qui a donné son nom au groupe
des Jatrophées (Bâillon). Les fleurs sontunisexuées, penta-
mères ; chez les Jatropha proprement dits , il y a cinq
pétales libres et tordus, dix étamines bisériées, monadelphes,
cinq glandes alternant avec les pétales. Dans les fleurs
femelles, le gynécée est supère, à ovaire triloculaire por-
tant un style à trois branches bifides. Le fruit est une
capsule tricoque et les graines sont celles des Euphorbes,
arillées et albuminées (Bâillon). Dans la section Cnidos-
colus les pétales disparaissent dans les fleurs des deux
sexes dont le calice devient souvent pétaloïde. Dans la sec-
tion Curcas(l , ce mot), les fleurs sont gamopétales. La
gamopétalie n'est qu'apparente chez le J. Heudelotii, de
l'Afrique tropicale. Le J. Manihot est devenu le type d'un
genre spécial (V MAmnoT). — Le genre ainsi déUmité ren-
ferme environ 70 espèces originaires des régions chaudes.
Elles sont frutescentes ou en partie herbacées, avec des
feuilles alternes ; les fleurs, rarement dioïques, forment
des grappes de cymes. La plupart des espèces sont laiteuses;
leurs graines sont riches en huile purgative. D'' L. Hn.
JATTE (ArchéoL). Sorte de grande écuellede bois dans
laquelle on pouvait manger et boire. L'orfèvrerie se plut
bientôt à embeUir cet ustensile primitif, et les jattes d'ar-
gent firent bientôt partie des buffets d'apparat que les
princes du moyen âge et de la Renaissance aimaient à étaler
dans les salles de banquet. On en tailla également dans des
matières dures et on les garnit de montures d'orfèvrerie
ornées de perles et de pierreries. La jatte se tranforma en
cuvette pour recevoir le pot à l'eau. Les manufactures de
porcelaine établies en Saxe et à Sèvres, de même que les
faïenceries de Rouen et de Moustiers ont exécuté une
grande quantité de jattes, dont le travail et la forme sont
remarquables, et soutiennent la comparaison avec les spé-
cimens de l'Extrême-Orient. Les jattes sont employées de
nos jours, dansl'intérieur des ménages, principalement pour
la conservation du lait.
JATXOU. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Rayonne, cant. d'Ustarits; 339 hab.
JAU-DfGNAc-ET-LoïRAC. Com. du dép. de la Gironde,
arr. de Lesparre, cant. de Saint-Vivien ; i ,826 hab. Vins
de Médoc estimés. Cette commune est formée de trois vil-
lages, éloignés l'un de l'autre de 2 kil. et formant un
triangle au centre duquel se trouve l'église. Au lieu dit
Richard^ sur la rive gauche de la Gironde, existe un petit
port d'embarquement.
JAUBERDAT (Vitic.) (V. Cottis).
JAUBERT (Aimeri de) (V. Rarraut [Comte de]).
JAUBERT (François, comte), homme politique français,
né à Condom le 3 oct. 1758, mort à Paris le 17 mars
1822. Avocat et professeur de droit à Bordeaux, il devint
membre de la municipalité de cette ville en 1790 et fit
partie en 1793 de la commission fédérahste organisée
pour résister à la Convention. Mis hors la loi par décret
du 6 août 1793, il fut sauvé par le 9 thermidor et reprit
sa place au barreau. Le 9 germinal an X, il était nommé
membre du Tribunat, devenait en 1804 président de cette
assemblée, et entrait au conseil d'Etat en 1806. 11 prit
une part considérable à la rédaction du code civil, du code
de procédure civile et du code de commerce. Gouverneur
de la Banque de France en 1807, créé comte de l'Empire
en 1808, il perdit la faveur de Napoléon en s*associant à
l'opposition des régents de la Banque. Nommé conseiller à
la cour de cassation le 15 févr. 1815 en remplacement de
Sieyès, il fut pendant les Cent-Jours directeur général des
contributions indirectes. Aussi la seconde Restauration lui
enleva-l-elle son siège de conseiller à la cour de cassation
qu'il ne reprit que le 23 déc. 1818, grâce à l'influence du
comte d'Artois, et qu'il garda jusqu'à sa mort.
JAUBERT (Guillaume-Auguste), évêque et homme po-
litique français, né à Condom le 9 janv. 1762, mort le
2 mars 1825, frère du précédent. Curé de Notre-Dame de
Bordeaux (1801), il fut nommé en 1809 évêque de Saint-
Flour et créé baron de l'Empire. Il était imbu de principes
gallicans qui déplaisaient fort au pape, et celui-ci profita de
ses dissentiments avec Napoléon pour refuser l'institution
canonique. Mgr Jaubert finit par l'obtenir en 1811 et as-
sista au concile national, mais il ne put jamais se faire
sacrer, ce qui l'obligea à démissionner en 1819. Il fut
désigné en 1813 par le Sénat comme député du Cantal au
Corps législatif et y siégea jusqu'à 1815.
JAUBERT (Le chevalier Amédée), orientaliste français,
né à Aix (Provence) le 3 juinl779,mort le28janv. 1847.
D'abord compositeur à l'imprimerie Didot, pour faire vivre
sa famille ruinée et proscrite paria Révolution, il entra à
l'Ecole des langues orientales où il se distingua si vite qu'il
obtint à l'âge de dix-neuf ans de faire partie en qualité
d'interprète de l'expédition d'Egypte. Il fut nommé pendant
la campagne interprète en chef du corps d'occupation et
gagna la confiance de Bonaparte. Revenu avec lui en France,
il fut nommé secrétaire interprète du gouvernement et pro-
fesseur à l'Ecole des langues orientales (1800-1801). Il
fut chargé de mission dans les Etats barbaresques (1 802)
et à Constantinople pour notifier l'avènement de l'empereur
(1804). Napoléon lui confia en 1805 la tâche de se rendre
à Téhéran auprès du chah de Perse pour étudier les moyens
d'action de ce pays contre l'Angleterre et la Russie. Jau-
bert s'acquitta de sa mission avec succès, mais eut pour
l'accomplir à courir de grands dangers. H fut notamment
retenu longtemps prisonnier dans un souterrain par l'ordre
du pacha de Bayazid. Il ne rentra en France que dans l'été
de 1807. En 1815, il accepta à la veille de la chute de
Napoléon d'aller le représenter comme chargé d'affaires à
Constantinople, ce qui lui assura la disgrâce du régime
suivant. Depuis il se consacra à l'étude des langues orien-
tales et fit en 1818 un nouveau voyage en Asie pour ra-
mener en France des chèvres du Tibet. Il entra à l'Institut en
1830 et à la Chambre des pairs en 1841. Il était professeur
au Collège de France et directeur de l'Ecole des langues
orientales. Parmi ses œuvres, on peut citer : Voyage en
Arménie et en Perse (Paris, 1821); Eléments de la
grammaire turque (Paris, 1823-34). On a aussi de
Jaubert de nombreux articles dans le Journal asiatique
et la Revue encyclopédique.
J A U B E RT ( Hippoly te-François, comte) , homme politique
français, né à Paris le 8 oct. 1798, mort à Montpellier
le 5 déc. 1874. Neveu de Jean-François-Jérôme Jaubert,
procureur impérial et représentant de Céret à la Chambre
des r.ent-Jours, qui lui laissa une fortune considérable, il
s'établit comme maître de forges dans le Cher où il conquit
une situation prépondérante. Elu député de Saint-Amand
sans interruption de 1831 à 1842, il ne tarda pas à se
faire connaître comme un brillant orateur d'affaires et de-
vint ministre des travaux pubhcs dans le cabinet du l^*" mars
1840. Il se retira avec ses collègues le 28 oct. 1840 et
fut créé pair de France le 27 nov. 1844. A la révolution
de 1848 il se retira tout à fait de la politique. Adminis-
trateur des usines de Fourchambault, il fut élu député du
Cher à l'Assemblée nationale le 8 févr. 1871 et siégea au
centre droit. On a de lui : Vocabulaire du Berry et des
provinces voisines (Paris, 1838, in-8) dont la troisième
édition a été publiée sous le titre de Glossaire du centre
de la France (1856-58, 2 vol. in-8); lllustrationes
plantarum orientalium, encoUab. avec Ed.Spach (1842-
JAUBERT -- JAUGEAGE
- 58
1857, 5 vol. in-4); Etude sur le traité de commerce
avec l'Aîiçleterre (4869, in-lS). Le comte Jaubert avait
été élu membre libre de l'Académie des sciences en i 8o8
et il démissionna en 4872 parce qu'un projet de réorga-
nisiition de l'Institut qu'il avait rédigé fut repoussé.
JAUCOURT. Corn, du dép. de l'Aube, arr. et cant. de
Bar-sur-Aube ; 224 hab. Cette localité, située sur la rive
gauche de l'Aube, au pied d'une côte fort escarpée, au con-
fluent du Landion, fut jadis le siège d'une importante ba-
ronnie et possédait un vaste château fort, construit au
XIV® siècle, qui fut démantelé en 4632 par ordre de
Louis XIIL II en subsiste encore de belles ruines, ainsi
qu'une chapelle romane dédiée à saint Jean (xii® siècle).
L'église, en partie du xii® siècle, possède un curieux re-
liquaire byzantin en vermeil, du xiv^ siècle. A. T.-R.
JAUCOURT (Louis, chevalier de), philosophe français,
né à Paris en 4704, mort à Compiègne en 4779. Il étudia
la théologie à Genève, les sciences exactes et naturelles à
Cambridge, la médecine à Leyde où il connut Tronchin.
Rentré à Paris en 4736, il vécut dans une société mon-
daine et philosophique. Il fut l'un des principaux rédac-
teurs de V Encyclopédie^ oii il écrivait, avec Buffon, les
articles scientitiques. Doué d'un grand esprit de modéra-
tion, il fut plutôt du parti philosophique de Montesquieu
que de celui de La Mettrie et de d'Holbach. Les qualités
de son caractère lui attirèrent partout l'estime et l'amitié.
Il a laissé un grand nombre de mémoires adressés à di-
verses académies ou sociétés savantes et une Vie de Leib-
niz, mais pas une grande œuvre. Ce fut un homme
d'esprit et de savoir que la renommée ne tenta point.
JAUCOURT (Arnail-François de), homme pohtique fran-
çais, né à Tournan (Seine-et-Marne) le 14 nov. 4757,
mort à Prestes (Seine-et-Marne) le 5 févr. 4852. D'une
famille protestante, il entra au service comme sous-lieute-
nant au régiment de Languedoc-dragons le 28 juil. 4773 ;
il fut promu capitaine le 24 avr. 4777, mestre de camp au
2® régiment de Condé-dragons le 44 nov. 4780, fit la
campagne de Genève en 1782 sous les ordres du prince de
Condé et devint colonel de son régiment le 10 mars 1788.
Membre de la société des Feuillants, président de l'adminis^
tration de Seine-et-Marne, il fut, le 31 août 1791, élu par
ce département député à l'Assemblée législative. Il entra dans
le comité militaire et s'occupa d*es questions de son métier.
Il vota presque constamment avec la droite, tout en appuyant
les mesures prises contre les émigrés et les prêtres réfrac-
taires.Jaucourt fut promu maréchal de camp le 6 févr. 1792.
Voyant qu'il n'était pas d'accord avec la majorité de l'As-
semblée, accusé de trahison par ses parents qui avaient
émigré, il donna sa démission le 31 juil. et fut remplacé
le 7 août. Arrêté le 10 août 4792 par ordre de la Com-
mune et enfermé à l'Abbaye, il réclama l'inviolabilité des
députés, qui ne cesse, disait-il, qu'un mois après qu'ils
ont abandonné les fonctions législatives. Remis en liberté
à la fin d'août sur les instances de M"^^ de Staël, il échappa
ainsi aux massacres, et le 2 sept, demanda au ministre de
la guerre et obtint un congé pour aller aux eaux rétablir
sa santé. Il en profita pour accompagner Talleyrand dans
sa mission à Londres. Rentré en France après l'exécution
de Louis XVI, il èmigra en Suisse. Il fut remplacé comme
maréchal de camp le 4^^^ févr. 4793. Mêlé aux intrigues des
émigrés, il revint à Paris après le 48 brumaire et, sur la
recommandation de Talleyrand, il fut, le 25 déc. 4799,
nommé membre du Tribunat. En avr. 4802, il défendit,
avec Lucien Bonaparte, le concordat devant le Corps légis-
latif et, le 22 oct. suivant^ le Tribunat le nomma prési-
dent. Jaucourt entra au Sénat le 34 oct. 4803. Devenu un
des familiers de Joseph Bonaparte, il l'accompagna à Naples
et reçut le titre de comte en mai 4808. Le 20 mars4842,
il fut désigné pour organiser les cohortes du premier ban
de la garde nationale à Marseille. Ses sentiments royalistes
se réveillèrent lors des désastres de 4814 et il fit partie,
le 4^^ avr., du gouvernement provisoire qui rappela les
Bourbons. Louis XVIII combla Jaucourt de faveurs; il le
nomma ministre d'Etat et pair de France le 43 mai 4844,
lui confia, le 4 juin, l'intérim du ministère des affaires étran-
gères et réleva, le 25 oct., au grade de lieutenant général
honoraire. Aussi, lors du retour de Napoléon de l'île d'Elbe,
Jaucourt accompagna Louis XVIII à Gand, tandis que l'em-
pereur mettait hors la loi son ancien serviteur. Waterloo
le ramena en France et le roi le nomma, le 9 juil. 4815,
ministre de la marine. Il abandonna ces fonctions le 23 sept.,
mais reçut en échange le titre de membre du conseil privé.
Jaucourt, qui descendait de Du Plessis-Mornay par les
femmes, se consacra dès lors aux intérêts du protestan-
tisme. Il se rallia un des premiers à la monarchie de Juillet
et fut rendu à la vie privée par la révolution de 1848. Il
vota pour la présidence de Napoléon et donna son appro-
bation au coup d'Etat de déc. 4 854 . Etienne Charavay.
JAUDONNIÈRE (La). Com. du dép. de la Vendée, arr.
de Fontenay-le-Comte, cant. de Saint-Hermine ; 756 hab.
JAUDRAIS. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de
Dreux, cant. de Senonches; 294 hab.
JAUDY, Rivière du dép. des Côtes-dii-Nord (V. ce mot,
t. XIII, p. 4).
JAUER. Ville de Prusse, district de Liegnitz (Silésie),
sur la Neisse furieuse (Wiitende Neisse), affluent de la
Katzbach; 42,000 hab. Saucisses renommées, toiles, lai-
nages, etc. Elle reçut une charte urbaine en 4461, et fut
la capitale de la principauté de Jauer (3,200 kil. q. en-
viron).
JAUFFRET (Gaspard- Jean- André- Joseph) , archevêque
d'Aix, né à La Roque-Brussane (Provence) le 43 déc.
4759, mort à Paris le 43 mai 4823. Il se fit remarquer
par sa lutte contre la constitution civile du clergé, dans
les Annales de la religion et du sentiment, qu'il avait
fondées en 4794 ; plus tard, il fut l'un des principaux col-
laborateurs des Annales religieuses. Sous l'Empire, déjà,
il travailla à la réorganisation et au rétablissement de nom-
breuses congrégations, entre autres de la Société des Mis-
sions étrangères, en 4805. Le cardinal Fesch l'avait chargé
de l'administration du diocèse de Lyon pendant son ab-
sence ; puis il l'avait fait appeler au secrétariat de la
grande aumônerie. En 4806, Jauffret fut nommé évêque
de Metz et, en 4844, archevêque d'Aix. Parmi ses nom-
breuses puljlications, il suffit de citer Du Culte public...
(Paris, 4795, 2 vol.; 3« éd. ,4845).
JAUFFRET (Pierre), agronome français, né à Venta-
breu, près d'Aix (Provence), en 4776, mort à Bordeaux
en 4837. 11 est surtout connu par la préparation d'un en-
grais qui porte son nom, avec toutes sortes de plantes
herbacées et d'arbustes mis à fermenter avec une lessive
fortement alcaline ou caustique. Cette méthode est décrite
dans une brochure publiée à Paris (4838, 2® éd.),.
JAUFFRET (Joseph), conseiller d'Etat, né à LaRoque-
Brusane (Provence) en 4784, mort en 4836. Il n'était
guère âgé que de vingt-un ans lorsque Portails se l'ad-
joignit comme chef du secrétariat à la direction des cultes.
OEuvres principales : Mémoires historiques sur les affaires
ecclésiastiques de France au xix^ siècle (Paris, 4828,
3 vol. in-8) ; Examen des articles organiques publiés à
la suite du concordat de 1801^ dans leurs rapports
avec nos libertés, les règles générales de V Eglise et la
police de l'Etat (Paris, 4847, in-8) ; De la Juridiction
épiscopale (Paris^ 4824 et 4827, in-8) ; Du Célibat des
prêtres (Paris, 4828, in-8).
JAUFFRET (François-Antoine), évêque français, né à
La Ciotat le 4 déc. 4833. Ordonné prêtre en 4859, pro-
fesseur de rhétorique à l'école de Belsunce, puis directeur
de cet établissement jusqu'en 4888, il devint à cette date
chanoine de Marseille. Il fut nommé évêque de Bayonne le
7 déc. 4889. H a écrit : M^** de Belsunce et le Jansé-
nisme, nouvelle (Marseille, 4882, in-8).
JAUGEAGE. I. Physique. — Jauge Mac Leod. — On
désigne ainsi un petit appareil qui permet d'apprécier la
pression des gaz très raréfiés et, si on admet que la loi de
Mariotte est vraie pour ces pressions, de mesurer la terisîdïî
de ces gaz. La plupart des appareils qui servent à faire le
vide par récoulement du mercure, comme la trompe de
Sprengel, sont munis d'un appareil de ce genre. Il se com-
pose d'une partie renflée V, surmontée d'un tube tenné à sa
partie supérieure et divisé depuis le trait p jusqu'au som-
met en iO parties d^égal volume* Par la partie inférieure
le ballon V communique en a d'utle part avec un tube à
t-obinet R et latéralement à un tube gradué en milli-
Inêtres à& d eu b par lequel il communique avec l'appareil
où se trouve le gaz dans lequel on veut mesurer la pres-
sion. L'appareil communique par le robinet R avec un tube
contenant du mercure. Tout d'abord le mercure â'élève
dans l'appareil un peu au-dessous de a, de sorte que la
jauge V est pleine du gaz dont on veut mesurer la pres-
sion. Au moment où l'on veut faire cette mesure, on
Ouvre lentement le robinet R. Le mercure pénètre dans
l'appareil et arrive aussitôt m trait a où il intercepte la
communication entre la jauge et l'appat-eil A. Le mercure
continuant à arriver comprime de plus m plus le gaz dans
y et monte dans le tube gradué. Lorsque le mercure eit
arrivé en p dans la jauge, il est dans
Vmtte tube entre a et b plus ou
moins haut suivant la pression;
on continue à laisser monter le
mercure dans le tube ^y, mais en
faisant attention qu'il ne dépasse
pas la partie graduée dans le tube
a b. Supposons qu'on puisse le lais-
ser monter jusqu'à la division i ,
et que dans le tube ab le mercure
arrive alors en c. Soit R le rap-
port entre le volume total de la
jauge (tube gradué Py compris) jus-
qu'en a et une des divisions py. Le
gaz aura été comprimé dans ce
rapport R, sa pression sera deve-
nue R fois plus grande que la pres-
sion X qu'on veut mesurer. Or sa
pression est celle qui est dans
l'appareil A augmentée de la co-
lonne de mercure c d que l'on lit
sur l'appareil. On peut sans erreur
sensible négliger la pression dans
A devant la pression c d. La pres-
sion primitive était donc, en ap-
c d
pliquant la loi de Mariotte, a?=: -—
en colonne de mercure. Le rap-
port R est choisi assez grand (500
par exemple) , de sorte que lorsque
la colonne c d est de 4 millim . , la
pression primitive équivalait (tou-
jours en admettant la loi de Ma-
riotte) à i/e^>00 do millim. de mer-
cure. Même si l'on n'admet pas la
loi de Mariotte, cet appareil reste
d'un usage précieux, car il sert
toujours à indiquer, sans la me-
surer, la pression sous laquelle
une expérience a été faite et il permet dans des expériences
ultérieures de se remettre à la même pression.
Jauge Thomson (V. Electromètre Thomson, t. "XV,
p. 795). A. JoANNis.
II. Technologie.— On désigne particulièrement sous
cette dénomination diverses opérations qui ont pour but de
déterminer : la capacité d'un vase, d'un récipient quelcon-
que, tonneau ou réservoir, destiné à contenir des liquides;
le volume d'eau qui s'écoule, pendant un temps donné, par
un orifice d'une section déterminée ; le débit d'un cours
d'eau ou d'une source qu'on se propose d'appliquer à des
usages industriels ou à l'alimentation d'une ville ; la mesure
ou la capacité d'un navire ou d'une embarcation quelconque,
89 — JAUGEAGE
(ï.-à-d. le volume qu'offre le bâtiment sous le rapport de
sa longueur, de sa largeur et de sa profondeur. Le jau-
geage d'une capacité quelconque renfermant un liquide se
fait par le calcul du volume intérieur du récipient. Le cal-
cul est très simple quand il se rapporte aux formes géo-
métriques d'un parallélépipède ou d'un cylindre ; mais, pour
les futailles et les tonneaux, la courbure des parois rend le
calcul beaucoup plus complexe. L'octroi de Paris emploie,
à cet effet, la formule suivante :
V=:|:ï/ ("(^ + (0 — (^)0,56l2
dans laquelle V représente le volume, l la longueur inté-
rieure du tonneau, D et d les valeurs du plus grand et du
plus petit diamètre. Dans le commerce, le jaugeage des
tonneaux peut se faire en appliquant les formules ci-après :
1^ Si la courbure est très prononcée :
2^* Si la courbure est d'une dimension moyenne :
3° Si le tonneau est presque cylindrique :
On peut enfin, dans la plupart des cas, employer la formule
moyenne :
V = 0,0875 / (^ -h 2 D)^. L. Knab.
III. Marine. — Jauger un navire, c'est en mesurer le
volume intérieur d'après certaines règles que nous allons
faire connaître. Il ne faut pas confondre la jauge et la ca-
pacité utilisable du navire. Cette dernière est en général
plus forte que le volume servant de base au payement des
droits, taxes, etc. Cette remarque est importante à rete-
nir. La loi sur la marine marchande, du 3 janv. 4893,
fixe que la jauge totale, brute, d'après laquelle sont cal-
culées les primes à la navigation, sera établie conformé-
ment aux décrets du 24 mai 4873, art. de 4 à 12, et du
7 mai 1883. Ce décret prescrit que la méthode employée
sera la méthode anglaise Moorson. Voici en deux mots ea
quoi elle consiste.
Pour un navire vide, on divise la longueur du premier
pont au-dessus de la cale en 4, 6, 8, 40 ou 42 divisions,
suivant que le navire appartient comme longueur aux 4^®,
2^, 3<^, 4®, 5« classes et au-dessus. Par les points de divi-
sion, on mène des verticales qui sont elles aussi divisées
en plusieurs parties. On obtient ainsi une série de volumes
tels que aa^ b¥ qu'on cube. On fait la somme de tous ces
volumes. De plus on cube l'espace entre les ponts, en y
ajoutant dunettes, chambres de pont. On somme tous ces
volumes et on divise la somme S ainsi obtenue par l'unité
de volume adoptée qui représente 400 pieds cubes anglais,
ou 2"^o,83. Le résultat est le tonnage brut du navire (gros
tonnage en anglais).
Si le navire est chargé, on mesure au moyen d'une chaîne
le périmètre au maître couple /?, la longueur L du pont
supérieur et sa largeur /, on applique la formule ;
L(^-±^yx0,i8
pour les navires en fer, et
L('-t^yx.,n
JAUGEAGE — JAUNE
— 60
pour les navires en bois. Cette formule donne le tonnage
jusqu'au pont supérieur ; on complète comme précédemment.
Pour avoir le tonnage légal, net, au Registered Tonnage,
on déduit l'espace consacré au logement de l'équipage, qui
ne doit pas aller au delà du 1/20 du tonnage brut, puis le
logement de l'appareil moteur et des soutes à charbon.
Cette déduction ne peut dépasser 50 % du tonnage brut.
Pour les bateaux de plaisance, yachts de course, on a
adopté la formule suivante :
Tzz
©"x-:
B
5,5
dans laquelle T donne la valeur en mètres cubes et frac-
tions ; P, la longueur du périmètre mesuré au maître couple,
en mètres et fractions; L, la longueur du yacht en mètres
et fractions ; B, la largeur au maître couple en mètres et
en fractions. Ajoutons, à titre de renseignements, que les
chargements des navires sont évalués suivant les circons-
tances, en trois unités : le tonneau-poids ou tonne de
i ,000 kiiogr. ; le tonneau de jauge ou 2"^«,83 ; le ton-
neau d'affrètement ou vol. de 4"'^,44 employé pour établir
les conditions du fret de marchandises encombrantes, mais
légères. A. Kerlero du Crano.
JAUJA. Ville du Pérou, dép. de Junin, sur le fleuve de
ce nom ; 3,000 hab.
JAUJAC (Gaudlacum). Com. du dép. de l'Ardèche,
arr. de Largentière, cant. de Thueyts ; 2,533 hab. Le vol-
can de Jaujac, un des cratères les mieux conservés de
Vrance, a couvert de ses laves la vallée de l'Alignon jus-
qu'à l'Ardèche. Les eaux, en se creusant un passage, ont
mis à jour de magnifiques colonnades basaltiques décrites
par Faujas de Saint-Fond. Au pied du volcan coule la fon-
taine minérale du Péchier. A. Mâzon.
JAULDES. Com. du dép. de la Charente, arr. d'An-
goulême, cant. de La Rochefoucauld ; 843 hab.
JAULGES. Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre,
cant. de Saint-Florentin ; 408 hab.
JAULGONNE.Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Condé-en-Brie ; 535 hab. Station dite
de Varennes-Jaulgonne, du chemin de fer de l'Est.
JAULNAY. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. de Chi-
non, cant. de Richelieu ; 421 hab.
JAULNAY. Com. du dép, de la Vienne, arr. de Poitiers,
cant. de Saint-Georges ; 2,067 hab. Commerce de vins,
vinaigreries, minoteries, scierie mécanique. Eglise desxii^,
xni® et xvi® siècles ; châteaux Couvert et de JPerre, datant
tous deux de la Renaissance; à 3 kil. auN.-O., grand don-
jon carré du xv^ siècle, la Tour de Brin.
JAULNES. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Provins, cant. de Bray-sur-Seine ; 345 hab.
JAULNY. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Toul, cant. de Thiaucourt; 480 hab.
JAULZY. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne,
cant. d'Attichy ; 367 hab.
JAUMIÈRE (Trou de) (Mar.). Espace circulaire percé
à l'arrière du navire, au-dessus du dernier étambot, et
permettant à la mèche du gouvernail de pénétrer dans
l'intérieur du bâtiment. Un presse-étoupe, placé sur la
mèche à son entrée, empêche l'accès de l'eau à l'intérieur.
Avec les anciens gouvernails en bois, le même but était
atteint au moyen d'un morceau de cuir cloué sur la mèche
et sur la muraille, qu'on appelait la braie du gouvernail.
JAUNAC. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Tournon,
cant. du Cheylard ; 230 hab.
JAUNE. I. Chimie industrielle. — Les matières colo-
rantes jaunes employées dans l'industrie peuvent être ré-
parties en trois groupes, suivant leur origine : les ma-
tières minérales^ les matières végétales, les matières
artificielles.
Jaunes minéraux. — Le jaune minéral le plus important
est le jaune de chrome (V. Chromate, t. XI, pp. 287-289).
Le jaune de Naples est un anlimoniate de plomb plus
ou moins mélangé d'oxyde de plomb, préparé généralement
en chauffant de l'acide antimonique avec de f oxyde et du
carbonate de plomb, ou de l'antimoine pulvérisé mélangé
d'azotate de potasse et d'oxyde de plomb, ou des alliages
de plomb et d'antimoine avec des substances oxydantes.
Le jaune minéral^ connu aussi sous les noms de jaune
de Turner, de Cassel, de Kassler, de Vérone, de Paris, de
Montpellier, etc., a pour base des oxychiorures de plomb.
On le prépare en mélangeant 4 parties de litharge broyée
et tamisée avec une solution de 4 parties de sel marin
dans 4 parties d'eau. Le mélange se gonfle et il se forme de
l'oxychlorure de plomb qui lui donne une couleur blanche ;
il deviendrait dur et sec si on ne le broyait de nouveau
avec de l'eau salée, jusqu'à ce qu'on ait employé la quantité
indiquée. On ajoute de l'eau pure et on calcine au rouge
sombre la pâte dans un creuset. On peut aussi préparer le
jaune minéral en calcinant du minium ou de la litharge
avec une certame quantité de chlorhydrate d'ammoniaque
jusqu'à ce que l'oxychlorure de plomb formé entre en fusion.
Le produit obtenu ainsi est d'un jaune plus éclatant. Le
jaune minéral sert surtout pour la peinture des décors.
Le jaune minéral fin ou jaune d'antimoine est une
combinaison d'antimoniate et d'oxychlorure de plomb. L'in-
venteur, Mérimée, le préparait en fondant dans un creuset
un mélange de 3 parties de bismuth avec 24 parties de
sulfure d'antimoine et 64 de nitre. La masse fondue était
versée peu à peu dans l'eau froide et pulvérisée. La poudre
desséchée est mélangée avec son poids de chlorhydrate
d'ammoniaque et seize fois son poids de litharge aussi pure
que possible, et fondue dans un creuset. La matière fondue
est bronzée et lavée. On peut aussi opérer de la manière
suivante : on chauffe à une température convenable un
mélange intime d'acide antimonique et d'oxychlorure de
plomb, ou d'antimoniate de potasse et de chlorure de plomb.
Le sulfate de plomb basique est d'un jaune clair et
sert dans la peinture sous le nom de jaunepaille minéral.
Ce produit est préparé en fondant parties égales de sulfate
de plomb et de litharge bien broyée; on coule la masse
dans l'eau froide et on la pulvérise. On emploie aussi comme
couleur jaune le massicot, Varsénite de plomb, Viodure
de plomb.
Le trisiilfure d'arsenic ou orpiment, matière d'une
belle couleur jaune d'or, sert dans la peinture depuis la plus
haute antiquité. On la rencontre à l'état naturel en Perse
et en Chine et on le prépare artificiellement en chavffant un
mélange de 1 kiiogr. de fleur de soufre et de 7 kiiogr.
d'acide arsénieux en poudre très fine.
Le jaune de cadmium est une très belle couleur pré-
parée avec du sulfure de cadmium, malheureusement son
prix très élevé en restreint l'emploi.
On trouvera, à l'art. Brun (t. VIII, p. 233), tout ce qui
concerne les ocres jaunes .
Jaunes végétaux. — Les principales matières colo-
rantes jaunes d'origine végétale sont :
Noms Origine
Xanthopurpurine. Racine de garance.
Xanthine. id.
Mungistine. Mungeet ou garance des Indes.
Cureumine. Racine de curcuma.
Rhéine ou acide chryso- Racine de rhubarbe, de rha-
phanique, jaune de pontic, de patience, lichen
rhubarbe. des murailles.
Gentianine. Racine de gentiane.
Morindine. Racine du mûrier d'Inde (Mo-
rinda citrifolia),
Rhamnoxanthine. Racine de bourdaine (Rham-
nus fraiigula).
Berbérine. Racine d'épine-vinette (Berbe-
rish
Noms
Origine
Plumbagine.
Racine de dentelaire (Plum-
bago europœa).
Chélidoxanthine
Racme, fleurs et feuilles de la
grande chélidoine.
Quercitrine ou
querci-
Ecorcedequercitron, bourgeons
trin.
floraux du cappaiis, du so~
phora^ feuilles, fleurs et
fruits du marronnier d'Inde.
Quercitréine.
Produit de l'oxydation de la
quercitrine.
Bois jaune ou mûrier des tein-
Morin blanc ou acide mo-
rique.
turiers.
Morin jaune ou morésine
Oxydation du morin blanc.
(acide niorintannique).
Fusdne.
Bois de fustet.
Lutéoline.
Tiges de gaude (Reseda luteola) .
Calluxanthine.
Tiges de bruyère (Calluna vul-
^garis).
Rodoxanthine.
Tiges du Rhododendron fer-
Xanthopicrite.
Ecorce du clavelier des Antilles.
Datiscine.
Jeunes tiges et feuilles du Da-
tisca.
Scoparine.
Spartium scoparium.
Thujine.
Parties vertes du Thuya occi-
de7îtalis.
Feuilles de houx, de rue, de
lUxanthine ou
acide ru~
ténique.
sarrasin.
Xanthine des fleurs.
Fleurs jaunes.
Xan théine.
Fleurs jaunes de dahlia.
Phylioxanthine.
Matière jaune contenue dans la
matière verte des feuilles.
Xantholéine ou
jaune de
Glumes du sorgho sucré.
llUUv- LlD.
Jaune de carthame.
Fleurs de carthame.
Spiréine.
Fleurs d'ulmaire (Spirœa ul-
Antirrhine.
Crocoxanthine (crocine,
safranine, polychroïte).
Acide lutéique.
Chrysorhamnine.
Xanthorhamnine.
Xantinocarpine.
maria).
Fleurs de linaire (Antirrhium
linaria).
Fleurs de safran et autres
crocus, fruits du Gardeiiia
grandiflora^ du Fabiana
indica.
Fleurs de VEuphorbia cypa-
rinia.
Graines vertes de Perse et
d'Avignon.
Graines brunes de Perse et
d'Avignon.
Ecorce et fruits verts du mapé
de Taïti.
Principe jaune du rocou.
Suc de cachou.
Résine dite gomme-gutte.
Noix de galle.
Purrlice ou jaune indien.
Orelline,
Jaune de cachou.
Jaune de gomme-gutte.
Acide lutéogallique.
Acide purrlîéique ou
cuxantique.
Le curcuma (V. ce mot) ou safran des Indes est une
plante dont les tiges souterraines contiennent une matière
colorante jaune à laquelle on a donné le nom de curcu-
mille, et que l'on est parvenu à obtenir cristallisée ; sa
formule est C^^II^^O^. Cette matière a tous les caractères
d'une résine ; elle est peu soluble dans l'eau bouillante,
qu'elle colore cependant en jaune ; elle est très soluble
dans l'alcool, l'éther, les huiles fixes et volatiles, la glycé-
rine, l'acide acétique. Les acides concentrés la dissolvent
en la faisant virer au rouge cramoisi ; les alcalis la colo-
rent en rouge brun, ainsi que les sels de plomb, d'urane,
l'acide borique et le borax. Pour obtenir les bains de tein-
ture avec le curcuma, on fait infuser la matière dans de
Peau rendue alcaline. On en fait usage pour teindre le
— 61 ~ JAUNE
papier, le bois, le cuir, les pommades, certains vernis,
comme couleur de fond pour les dorures. Le principe colo-
rant du curcuma est peu solide ; il se fixe mieux sur la
laine et la soie que sur le lin et le coton. Les principales
réactions du curcuma, obtenues avec les solutions alcoo-
liques, sont les suivantes ; les alcalis, l'eau de chaux et
les sels calcaires, l'acide borique et les borates le font
virer au rouge brun ; le sous-acétate de plomb produit un
précipité châtain ; l'azotate de plomb, un précipité jaune
clair ; l'azotate d'argent et l'azotate de mercure, un préci-
pité jaune rougeâtre; le chlorure d'étain, un précipité
rouge brun ; la gélatine, un précipité jaune ; le chlorure
et le sulfate de fer rendent la liqueur brune; le sel marin
et le sel ammoniaque brunissent la liqueur et produisent
un précipité jaune.
Le quercitron (V. ce mot) ou chêne jaune (Quercus
tinctoria) possède une ecorce riche en tanin, qui contient,
en outre, un principe colorant rouge, un principe brun et
une matière colorante jaune soluble dans l'eau, le querci-
trin ou acide quercitrique, cristallisable en aiguilles inco-
lores, qui, sous l'action de Pair ou des agents oxydants,
prennent une belle couleur jaune ; sous l'action de l'acide
sulfurique étendu, le quercitrin {C^*^W^O^^) fixe deux
équivalents d'eau et se dédouble en glucose et en une nou-
velle matière colorante, le quercitréiii, qui se présente sous
Paspect d'une poudre jaune citron, avec un léger reflet
vert. La décoction de quercitron est rouge orangé brun ;
elle se trouble rapidement et laisse déposer une matière
jaune cristallisée ; à la longue, elle se colore en rouge brun
et se prend en caillots. Ses principales réactions sont : les
alcalis solubles foncent la couleur; la chaux fonce la cou-
leur et produit un précipité floconneux, jaune roux ; l'alun
éclaircit la couleur et ne forme qu'un léger précipité ; le
chlorure d'étain donne un précipité roux ; le bichlorure
d'étain, un précipité jaunâtre; Pacétate de plomb produit
des flocons épais, jaune roux ; la gélatine, un précipité
floconneux rougeâtre ; les sels de fer colorent la liqueur
en vert et précipitent ensuite des flocons d'un brun olive;
les acides éclaircissent la liqueur et font naître des flocons
roux. Le quercitron est employé pour la teinture en
jaune du coton mordancé à l'alun ou au sel d'étain, ra-
rement pour la soie. La nuance n'est malheureusement pas
solide et passe assez rapidement au roux. Ce sont les fa-
briques d'indiennes qui font le plus grand usage du quer-
citron.
Le bois jaune, miirier des teinturiers, bois du Brésil,
est fourni par le 3Iorus tinctoria, arbre qui croît au
Brésil, au Mexique et dans les Antilies. Il renferme deux
principes colorants capables de teindre en jaune les étoffes
et que M. Chevreul a nommé morin jaune et morin
blanc ; Wagner les considère comme des acides et les dé-
signe sous le nom d'acide morintannique (morin jaune)
et d'acide morique (morin blanc) ; ils sont isomères. La
décoction de bois jaune est légèrement amère et astrin-
gente ; elle n'a pas d'odeur et se comporte de la manière
«vivante avec les réactifs : les alcalis solubles font virer la
couleur au jaune orangé brun verdâtre ; la chaux agit de
même ; les acides sulfurique, azotique et oxalique produi-
sent un léger précipité ; Pacide acétique affaiblit la teinte
et éclaircit la liqueur ; le sulfate ferrique colore la liqueur
en brun olivâtre et y détermine un précipité noir olive ;
l'alun produit un précipité jaune serin ; le sulfate de fer,
un précipité vert foncé; le chlorure d'étain, un précipité
jaune ; le perchlorure d'étain, un précipité jaune doré ;
Pacétate de plomb, un précipité jaune orangé ; Pacétate
de cuivre, un précipité jaune brun ; la gélatine, un préci-
pité floconneux, jaune orangé. Le bois jaune agit en tein-
ture par ses deux principes colorants qui donnent les
mêmes nuances avec les mordants d'alumine et de fer ; on
Pemploie principalement pour teindre la laine en jaune ou
en vert avec le sulfate d'indigo, le bleu de cuve. Les cou-
leurs jaunes sont très belles ; mais elles passent peu à peu
au roux sous l'influence de Pair et de la chaleur
JAUNE - e^2
Le fustet ou fustel est un arbrisseau nommé par les
botanistes Rhus cotinus^ de la famille du sumac. Il croît
dans les Antilles et dans l'Europe méridionale; son bois,
utilisé pour la teinture, renferme une matière colorante
jaune, une matière rouge et une matière brune. M. Clievreul
a donné le nom de fustine au principe jaune, qui est so-
luble dans Teau, dans l'alcool et dans l'éther. La solution
de bois de fustet présente les réactions suivantes : la les-
sive de potasse, d'eau de chaux et de baryte, l'ammoniaque
la font passer au rouge ; la chaux et la baryte y produisent
en même temps un précipité ; le sel d'étain donne un pré-
cipité floconneux orangé rougeâtre ; l'alun affaiblit la cou-
leur et la précipite légèrement ; l'acétate de plomb produit
des flocons orangés ; le chlorure de baryum donne des flo-
cons roux verdâtres, peu solubles dans l'acide azotique.
Le fustet sert en teinture pour les laines ; il donne des
teintes peu solides. Les peaussiers et les fabricants d'in-
diennes en font grand usage.
La gaude (Reseda luteola) fournit une belle couleur
jaune, déjà utilisée dans l'antiquité comme nous l'appren-
nent les auteurs anciens et particulièrement Virgile. On la
cultive dans le midi de la France et en Normandie ; dans
la Thuringe, la Saxe, le Wurttemberg et l'Angleterre. Le
principe actif de la gaude a été nommé lutéoli7ie par
M. Chevreul qui l'a obtenu cristallisé en aiguilles trans-
parentes, jaunâtres ; pur, il est complètement incolore, et
sa coloration est due à une oxydation produite par l'oxygène
de l'air ou des corps oxydants. La décoction de gaude est
jaune intense et laisse déposer des flocons bruns olivâtres
qui sont un mélange de lutéoline impure et d'oxyde de fer.
La décoction filtrée donne les réactions suivantes : alcalis
solubles: font virer la couleur au jaune d'or verdâtre;
eau de chaux : fonce la couleur ; eau de baryte : précipité
floconneux, jaune ; alun : léger précipité jaune ; chlorure
d'étain et acétate de plomb : précipité jaune abondant ;
sulfate ferrique: coloration brun olivâtre, formation d'un
précipité brun; acétate de cuivre: précipité jaune roux.
La gaude donne de belles teintes jaunes très solides ;
elle sert à préparer une laque jaune employée en peinture.
Sous le nom de graines jaunes, on comprend les baies
d'un certain nombre d'arbrisseaux de la famille des Rham-
nées, tels que le Rhamnus infectorius^ le Rhanmus
amygdalinus, le Rhamnus alcoides, le Rhamnus saxa-
tilis, nommés aussi plus communément nerprun des tein-
turiers. Ces végétaux croissent dans le midi de la France,
en Espagne, en Perse, en Turquie. Dans le commerce, on
distingue les graines jaunes par le nom de leurs pays d'ori-
gine ; ainsi on trouve les graines d'Avignon^ produites
par le Rhamnus infectorius; les graines d'Espagne, pro-
duites par le Rhamnus saxatilis; les graines de Morée,
les graines de Turquie, les graines de Perse. Les graines
jaunes renferment deux matières colorantes jaune citron,
que M. Leforta nommé rhamnigine et rhamnine; ces
principes sont isomères et ont pour formule Ci2H^''0^.2H0.
La rhamnigine est soluble dans l'eau, ce qui la distingue
de la rhamnine, qui est fort peu soluble. Les caractères
des décoctions des graines jaunes sont les suivants : alcalis:
virent à l'orangé ; acides : les troublent un peu ; eau de
chaux : vire au jaune verdâtre ; alun : affaiblit la couleur,
sans précipiter; chlorure d'étain: afi'aiblit la couleur, léger
précipité. La couleur obtenue avec ces matières est d'un beau
jaune, mais peu solide. On l'emploie dans les fabriques
d'indiennes et pour colorer les liqueurs.
Rocou, Sous le nom de rocou, on désigne une matière
tinctoriale produite par la pulpe qui entoure la graine du
rocouyer {Bixa orelana ) , arbrisseau qui croît dans
l'Amérique méridionale, au Mexique, au Brésil, aux An-
tilles. Le rocou renferme deux principes colorants : un
principe jaune, l'or^//m^, soluble dans l'alcool et dans l'eau,
peu soluble dans l'éther ; un principe rouge, la bixine,
soluble dans l'alcool et dans l'éther, en rouge orangé. La
dissolution alcaline de rocou présente les réactions sui-
vantes : les acides produisent un précipité orange, soluble
dans un excès d'alcali, en jaune pâle ; l'alun donne un
précipité orange ; le sulfate de cuivre, un précipité jaune
brun ; le chlorure d'étain, un précipité jaune citron. Le
rocou est peu e:;iployé dans la teinture, car sa couleur
s'altère à l'air ; il sert surtout pour colorer les vernis et les
matières grasses.
^ Safran. Dans le commerce et dans l'industrie on dé-
signe sous le nom de safran les stigmates de la fleur du
Crocus sativus. Le safran est cultivé principalement en
France, dans le Gâtinais, et en Espagne, dans l'Aragon ; le
premier est le plus apprécié.
Le safran renferme une matière colorante jaune, la sa-
franine ou crocine, qui passe au bleu et au lilas sous l'ac-
tion de l'acide sulfuriqueet au vert sous l'action de l'acide
azotique. Le safran n'est plus guère employé que pour la
coloration des bonbons et des liqueurs.
Racine d'épine-vi7iette. La racine de l'épine-vinette
{Rerberis vulgaris) renferme dans son écorce une ma-
tière colorante jaune, la berbërine, donnant les réactions
suivantes : les alcalis la font virer au rouge ; les acides
affaiblissent la couleur ; l'alun, les sels d'étam, le tartrate
et l'acétate de potasse, lui donnent une couleur jaune citron
sans former de précipité sensible; le sulfate de cuivre lui
donne une nuance vert pré. La décoction de racine d'épine-
vinette est utihsée pour teindre les cuirs et quelques étoffes.
Jaune de rhubarbe (V. Chrysophanique [Acide]).
Jaunes artificiels. — • Les matières colorantes artifi-
cielles jaunes sont excessivement nombreuses. Voici, d'après
les tableaux de G. Schultz et P. Julius, les principales et
leurs réactions.
Acide picrique. Préparation : action de l'acide azotique
sur le phénol; aspect de la matière : cristaux jaune pâle, so-
lubles dans l'eau, à froid, plus facilement à chaud; solubles
dans l'alcool, la benzine, etc. ; fondant à 122%5; saveur
trèsamère. Chauffés avec du cyanure de potassium, ils se co-
lorent en brun. L'acide picrique colore la laine ou la soie,
en bain acide, en jaune.
Jaune Victoria. Mélange des sels alcalins (sels de po-
tasse ou ammoniacaux) du dinitro-o-crésol et du dinitro-
p-crésol. Préparation : action de l'acide azotique sur un
mélange d'acide o et p-crésolsulfonique ou sur le diazoto-
luol. Aspect de la matière : poudre jaune rouge. Le sel de
potasse décrépite ; le sel ammoniacal brûle sans décrépiter.
Soluble dans l'eau en jaune orangé; par addition d'acide
chlorhydrique à la solution aqueuse, la solution donne un
précipité blanc de dinitro-crésol. Par addition de soude,
aucun changement de couleur; les sels ammoniacaux lais-
sent dégager de l'ammoniaque. Dans l'acide sulfurique
concentré, solution jaune faible. La matière sert à colorer
les liqueurs, etc.; elle colore la soie et la laine en orangé.
^ Jaune de Martius, jaune d'or, jaune de naphtol.
Sel ammoniacal, sel sodique ou sel de "chaux du dinitro-a-
naphtol. Préparation : action de l'acide nitrique sur l'a-
naphtilamine, sur les sels de l'a-diazonaphtaline ou sur
l'acide a-naphtolsulfonique, ou sur l'acide nitroso-a-
naphtolsulfonique ou a-naphtoldisulfonique. Aspt^. "^ la
matière : sel de soude ou sel ammoniacal, petits cristaux
jaune orangé; sel de chaux, cristaux rouge jaune; les pre-
miers sont solubles dans l'eau; le sel ammoniacal est
soluble dans l'eau et dans l'alcool. Le sel de soude dé-
crépite ; le sel ammoniacal brûle. L'acide chlorhydrique
produit dans la solution aqueuse un précipité de dinitro-a-
naphtol qui fond àl38«. Le jaune de Martius teint la laine
en jaune, en bain acide.
Jaune de naphtol S; jaune acide S; citronine A.
Sel de soude ou de potasse de l'acide dinitro-a-naphto-
sulfonique. Préparation : action de l'acide nitrique sur
l'acide a-naphtoltrisulfonique. Aspect de la matière : poudre
jaune orangé, facilement soluble dans l'eau. La lessive de
potasse dans les solutions même étendues donne un préci-
pité floconneux. Cette matière colorante teint la laine et
la soie, en jaune, en bain acide.
Jaune brillant. Sel de soude de Facide dinitro-a-naph-
tolmonosulfonique. Préparation : action de Facide azotique
sur l'acide a~naphtoldisulfonique ou sur l'acide nitroso-
a-naphtoidisulfonique. Aspect de la matière : poudre jaune
soluble en jaune brun dans l'eau. Par addition d'acide
chlorhydrique à la solution aqueuse, la coloration devient
jaune clair: par addition de soude, on obtient un précipité
jaune orangé, soluble à chaud. Dans l'acide sulfurique con-
eentré, solution jaune faible. Le jaune brillant colore la
laine et la soie en jaune, en bain acide.
Tartrazine. Sel de soude de l'acide diphényl-p-sulfo-
nique-osazonedioxytartrique. Préparation : action de l'acide
phénylhydrazinemonosultbnique sur l'acide dioxytar trique.
Aspect de la matière : belle poudre jaune orangé, soluble
dans Peau. Par addition d'acide chlorhydrique à la solu-
tion aqueuse, aucun changement ; par addition de soude,
coloration rouge. Solution jaune dans l'acide sulfurique
concentré. Teint la laine en jaune, en bain acide.
Jaune d'aniline. Chlorhydrate d'amidoazobenzol. Pré-
paration : diazoamidobenzol chauffé avec du chlorhydrate
d'aniline dans une solution d'aniline. Aspect de la matière :
cristaux bleu métallique, solubles dans l'eau en jaune, so-
lution brune dans l'acide sulfurique, devenant rouge lors-
qu'on retend dans l'eau. Le jaune d'aniline ne se trouve
plus dans le commerce comme matière colorante ; il sert
pour la préparation du jaune acide et de l'induline.
Jaune acide, jaune solide. Mélange du sel de soude de
Pacide amidoazobenzoidisulfonique avec un peu de sel de
soude de l'acide amidoazobenzoimonosulfonique. Prépara-
ration : action de l'acide sulfurique fumant sur le chlorhy-
drate d'amidoazobenzol. Aspect de la matière : poudre
jaune, soluble dans l'eau. Coloration orangée par addition
d'acide chlorhydrique à la solution aqueuse. Solution jaune
brun dans l'acide sulfurique concentré. La solution sulfu-
rique étendue d'eau devient jaune orangé. Le jaune acide
teint la laine et la soie en jaune, en bain acide; il sert pour
la préparation des matières colorantes diazoïques.
Jaune fin, jaune W. Sel de soude de l'acide amido-
azotoluoldisulfonique. Préparation: action de l'acide sulfu-
rique fumant sur Famidoazotoluol. Aspect de la matière :
poudre jaune brun, soluble dans l'eau en jaune. Par addi-
tion d'acide chlorhydrique à la solution aqueuse, coloration
rouge fuchsine. Solution dans l'acide sulfurique concentré,
brun jaune ; diluée avec de l'eau, rouge fuchsine. Teint la
laine en jaune rougeâtre, en bain acide.
Soudan G» M-dioxyazobenzol, aniline-azo-^-résorcine ;
combinaison diazoïque d'anihne combinée avec la résor-
cine. Aspect de la matière : poudre brune, en partie soluble
dans l'eau chaude, en jaune. Par addition d'acide chlorhy-
drique à la solution aqueuse, précipité brun clair. L'addi-
tion de soude donne une hqueur brun clair. Solution jaune
brun dans l'acide sulfurique concentré; par addition d'eau,
la liqueur précipite en brun clair. La matière colorante est
soluble en jaune dans l'alcool ; elle sert pour colorer les
liqueurs, les matières grasses, etc.
Jaune d'alizarine G. G. Acide m-nitraniline-azosalicy-
lique; combinaison diazoïque de m-nitraniline avec l'acide
salicylique. Aspect de la matière : pâte jaune, insoluble
dans l'eau ; soluble en jaune dans l'alcool. Par addition de
soude à la pâte, coloration jaune orangé. Solution orangée
dans l'acide sulfurique concentrée, donnant un précipité
jaune clair par addition d'eau. Cette matière colorante teint
la laine mordancée au chrome, en jaune.
Jaune de résorcine, tropéolvne 0, tropëoline i?,
chrysoïne. Sel de soude de l'acide sulfanilique-azorésorcine,
qui s'obtient par la combinaison de l'acide sulfanilique
avec la résorcine. Aspect de la matière : poudre brune,
soluble dans Peau en jaune rougeâtre. La solution aqueuse
ne subit aucun changement par addition d'acide chlorhy-
drique ; la soude la fait passer au brun rougeâtre. Solu-
tion jaune dans l'acide sulfurique concentré, qui passe au
jaune rougeâtre par addition d'eau. Le jaune de résorcine
teint la laine en jaune rougeâtre, en bain acide.
Jaune brillant S. Sel de soude de l'acide sulfanilique-
-- 63 - JAUNE
azodiphénylaminsulfoné, obtenu en sulfurant l'orangé IV.
Aspect de la matière : poudre jaune orangé, soluble dans
1 eau en jaune. La solution aqueuse passe au rouge violet
par addition d'acide chlorhydrique et par addition d'un excès
de soude. Le jaune brillant se dissout en rouge bleu dans
l'acide sulfurique concentré ; cette solution devient rouge
fuchsine par addition d'eau. Cette matière colorante teint
la soie et la laine en jaune en bam acide.
Azoflavine, jaune indien. Mélange d'orangé ae di-
phénylamine nitré et de nitrodiphénylamine préparé par
l'action de l'acide azotique sur l'orangé de diphénylamine.
Aspect de la matière : poudre jaune ocre, peu soluble dans
l'eau, à froid, plus soluble à chaud ; la solution est jaune
citron; celle-ci, additionnée d'acide chlorhydrique, prend
une teinte plus intense ; elle passe au brun jaune par ad-
dition de soude. Le jaune indien est soluble en rouge
fuchsine dans l'acide sulfurique concentré ; cette solution
étendue d'eau devient rouge jaune et laisse déposer un
précipité brun jaune. Le jaune indien teint la laine, en
bain acide, en jaune.
Jaune brillant, Tétrazostilbènedisulfophénate de so-
dium, produit par la combinaison d'une molécule de dia-
midostilbène avec deux molécules de phénol. Aspect de la
matière : poudre brun clair, soluble en jaune rouge dans
Peau. La solution aqueuse laisse déposer un précipité vio-
let par addition d'acide chlorhydrique; l'acide acétique
étendu lui donne une teinte plus claire ; on obtient une
coloration rouge jaune, par addition de soude. La solution
dans Pacide sulfurique concentré est violet rouge ; étendue
d'eau, elle laisse déposer un précipité violet. Le jaune
brillant teint le coton en jaune, au bain de savon.
Jaune de Hesse, Tétrazostilbènedisulfosalicylate de
sodium obtenu en combinant une molécule de tétrazo-
distilbène avec deux molécules d'acide salicylique. Aspect
de la matière : poudre jaune d'ocre, soluble en brun dans
l'eau. La solution aqueuse donne un précipité noir, par ad-
dition d'acide chlorhydrique, et devient rouge cerise par
addition de soude. La solution dans Pacide sulfurique con-
centré est violet rouge; Peau y produit un précipité noir.
Le jaune de Hesse teint la laine en jaune, au bain de
savon.
Jaune Congo. Tétrazodiphényl-phénol-sulfanilate de
sodium résultant de la combinaison d'une molécule de tétra-
zodiphényle avec une molécule de phénol et une molécule
de sulfanilate de soude. Aspect de la matière : pâte jaune
brun, soluble dans l'eau en jaune. L'addition d'acide chlo
rhydrique à la solution aqueuse produit un précipité brun;
l'acide acétique étendu donne un précipité brun, la seconde
une coloration brun jaune. La solution dans l'acide sul-
furique est brun rouge, et précipite en brun par addition
d'eau. Le jaune teint le coton en jaune, au bain de savon.
Chrysamine G, (V. Flavophénine, t. XVII, p. 582).
Jaune^ de carbazoL Sel de soude du diamidocarbazol-
diazo-salicylique-salicyle, obtenu en combinant une molé-
cule de diamidocarbazol avec une molécule d'acide salicy-
lique. Aspect de la matière : poudre brun soluble en brun
jaune dans l'eau. La solution aqueuse précipite en brun
par addition d'acide chlorhydrique et prend une teinte jaune
orangé par addition de soude. Soluble en violet dans
l'acide sulfurique concentré ; cette solution précipite en
brun par adddition d'eau. Le jaune de carbazol teint le
coton non mordancé en jaune, en bain alcalin bouillant.
Jaune d'alizarine A, Tryoxybenzophénone, condensa-
tion de l'acide benzoïque ou du benzotrichloride avec le
pyrogallol. Aspect de la matière : pâte jaune gris, soluble
dans l'eau bouillante. La solution aqueuse ne subit aucun
changement par addition d'acide chlorhvdrique ; elle de-
vient rouge sombre et se transforme rapidement en un
produit d'oxydation vert, par addition de soude. La solu-
tion dans l'acide sulfurique est verte et donne un précipité
blanc par addition d'eau. Le jaune d'alizarine A teint le
coton mordancé à l'alumine en jaune d'or.
Jaune d'alizarine C. Gallacétophénone, produit par
JAUNE
— 64 —
l'action de l'acide acétique cristallisable et du chlorure de
zinc sur le pyrogallol. Aspect de la matière : petits feuillets
jaunâtres ou blancs, ou pâte jaunâtre, peu soluble dans
l'eau froide, facilement dans l'eau chaude ; facilement so-
luble dans l'alcool ; soluble dans la lessive de soude en
brunâtre, dans l'acide sulfurique en jaune clair. Le jaune C
teint la laine mordancée au chrome et le coton mordancé
à l'alumine en jaune. Ch. Girard.
Jaune de cobalt (V. Cobalt).
Jaune mars (V. Brun, t. VIIÏ, p. 233).
II. Pathologie. — Fièvre jaune. — La fièvre jaune,
encore appelée typhus ictérode ou typhus amaril ou ty-
phus d Amérique ^\q> vomito negro des Espagnols, est une
maladie infectieuse endémo-épidémique, qui a pour foyer
principal le golfe du Mexique. On en trouve les premières
traces au xv® siècle. Christophe Colomb, en débarquant à
Saint-Domingue, en 1493, y perdit de cette maladie la plus
grande partie de son équipage. D'abord cantonnée sur le
littoral du golfe et aux grandes Antilles, elle s'est répandue
sur la côte orientale, puis sur la côte occidentale de l'Amé-
rique, et a créé des foyers secondantes sur la côte occiden-
tale d'Afrique (Sierra Leone, Sénégal). Au début du
xviii® siècle, elle atteignit New York ; depuis, elle a été
amenée à plusieurs reprises dans les ports européens (Lis-
bonne, Cadix, Carthagène, etc. ; Saint-Nazaire, Brest,
Southampton, Falmouth, Svs^ansea). Par les voies commer-
ciales rapides, elle a gagné même les parties élevées du
continent américain. Mais elle est restée toujours circons-
crite entre 44<> lat. N. en Amérique, 51^ lat. N. en Eu-
rope, 35^ lat. S. en Amérique, 9° lat. S. en Afrique. Elle
n'a jamais été vue ni dans les Indes orientales, ni en Chine.
Elle règne principalement dans la région intertropicale et
présente la plus grande mortalité de mai à août.
En moyenne, l'incubation est de trois à six jours, mais
dans les cas extrêmes elle peut être de vingt-quatre heures
à plusieurs mois ; en cela elle se rapproche de la malaria.
On la considère, du reste, souvent comme une forme de
fièvre pernicieuse intermittente ou récurrente, ce que ten-
drait à prouver l'immunité des individus atteints une pre-
mière fois. Son origine miasmatique ne parait pas douteuse ;
on l'observe souvent en même temps que les fièvres pa-
lustres. Elle fait toujours plus de victimes dans les parties
basses, les plus malsaines, des villes, en particulier des
ports de mer. Les grands vents et les pluies froides l'ar-
rêtent. Plusieurs auteurs ont cru avoir découvert un mi-
crobe spécifique de la fièvre jaune. De Lacerda [C. Pi.
Acad. des se, Paris, 4887) décrit une bactérie ovoïde
formant des chaînettes ou torulas ramifiées (Fungus febris
flavœ), dont la germination coïnciderait avec les épidémies
de fièvre jaune. Des expériences ont été faites au Mexique
par Carmona y Valle, puis par Doraingos Freire au Brésil ;
tous deux ont fait des cultures avec un coccus trouvé dans
le sang et se sont servis du virus atténué par des cultures
successives pour faire des inoculations préventives. Après
ces inoculations, supportées même par les petits enfants,
on observe, d'après Freire, delà fièvre, de la douleur orbi-
taire, des vomissements et un ictère léger ; tout est fini
au bout de deux à trois jours et alors l'immunité est à peu
près complète ; Domingos Freire a observé dans l'épidémie
de Rio de Janeiro de 1885-86 une mortalité de 1 «/o chez
les personnes non vaccinées, de 1 p. 1000 chez les vacci-
nées. D'après une statistique plus complète du même au-
teur, embrassant la période de 1883 à 1890, la mortalité
des vaccinés serait de 4 p. 1000. Freire admet la sécrétion
par son coccus d'une ptomaïne très toxique, Alvarado la
production de phosphate acide de soude toxique aux dépens
de la Iccithine. Tous ces résultats sont encore fortement con-
testés. La réceptivité pour la fièvre jaune est variable ; elle
est transmissible au fœtus. Elle frappe de préférence les
étrangers et semble épargner les nègres ; il y a peut-être là
une question de régime, les nègres étant plus végétariens que
les blancs ; il paraîtrait que les nègres qui suivent le même
régime que les blancs seraient atteints comme eux (Maurel).
Autopsie, A l'autopsie, on constate la teinte ictérique
du tégument, un état congestif de presque tous les viscères
qui peut aller jusqu'à l'extravasation sanguine, en parti-
culier dans les poumons et l'estomac, enfin une dégéné-
rescence graisseuse du cœur et de l'aorte, et des capillaires
de presque tous les organes, ainsi que du foie ; la dégéné-
rescence graisseuse du foie et des autres viscères rappelle
celle qu'on observe dans l'intoxication par le phosphore et
l'arsenic et dans d'autres maladies infectieuses. Le rein,
brunâtre, est le siège d'une desquamation épithéliale ; l'urine
renferme de l'albumine. La rate est rarement tuméfiée, ce
qui distingue nettement la fièvre jaune de la malaria.
Symptômes. La fièvre jaune présente deux périodes
principales, une période fébrile très accusée et une période
de dépression physique et psychique qui se termine quel-
quefois par une nouvelle phase fébrile à type typhoïdique.
La première période, caractérisée par une température très
élevée et l'accélération du pouls, dure de trente-six à cent
cinquante heures ; la deuxième période, qui peut être beau-
coup plus longue, est caractérisée par la lenteur et l'inter-
mittence du pouls, l'ictère, l'anurie, l'albuminurie, la
diminution de la plasticité du sang, les congestions capil-
laires, les hémorragies passives des muqueuses et les vo-
missements noirs, parfois par des convulsions, du délire
et du coma. Examinons de plus près quelques-uns de ces
symptômes.
La fièvre jaune s'annonce généralement par de la cépha-
lalgie et de la rachialgie {coup de barre), de l'inappétence,
des nausées et des vomissements ; puis viennent des fris-
sons suivis d'une chaleur fébrile qui fait monter le ther-
momètre à 39^o-42'> C. et au delà; la température des
organes internes peut atteindre 44° C. Du troisième au
cinquième jour, la température s'abaisse pour se relever
peu après dans les cas mortels. Le pouls présente quelque-
fois une allure anormale qui contraste avec l'état fébrile
et qui est due probablement à l'action sur le cœur d'une
toxine spéciale ; ce caractère, quand il existe, distingue bien
la fièvre jaune de la malaria. Le rein est pris de bonne
heure; il se congestionne, devient le siège d'une desqua-
mation épithéliale et laisse passer l'albumine dans l'urine
dès les premiers jours (du deuxième au cinquième) ; cette
albuminurie persiste souvent longtemps, même après la
guérison. A la période aiguè, la perte d'albumine peut être
de 30 gr. par jour, ce qui correspond presque aux albu-
minoides d'une livre de sang. L'albuminurie a pour cause
principale l'altération chimique du sang par le principe
toxique qu'il renferme. Il se coagule difficilement ; les ma-
tières extractiyes s'y accumulent: urée, carbonate d'ammo-
niaque, etc., ainsi que les produits delà sécrétion biliaire;
les globules deviennent inaptes à fixer l'oxygène. L'excré-
tion d'urée par l'urine peut atteindre 64 gr. par jour ;
une autre portion s'excrète par les muqueuses gastrique et
intestinale qu'elle irrite. Les vomissements noirs de cette
période sont dus précisément à cette irritation de la mu-
queuse gastrique. L'urémie est considérablement augmentée
par l'anurie qui survient à un moment donné et qui est la
conséquence de la surcharge graisseuse du rein. Dans ce
cas, la mort est certaine, et il n'est pas étonnant qu'elle
soit alors précédée de convulsions, de délire et de coma.
Signalons encore les infections secondaires qui peuvent
compliquer cette maladie, telles que : abcès, parotidite,
paraplégie, néphrite, gangrènes locales, etc.
Marche. La fièvre jaune est de durée très variable ; dans
les cas légers , tout est fini après la période fébrile du
début. Dans les cas graves, la mort peut survenir au bout
de deux à trois jours ; lorsque la température axillaire
atteint 43^,5, le pronostic est mortel. La mort peut encore
survenir par hémorragie, par urémie, par afî"aiblissement
générai, par abcès métastatique, etc. En général, il est rare
que la deuxième période se termine par la guérison. Quoi
qu'il en soit, la convalescence peut être rapide, comme
elle peut être très prolongée. Un écart de régime peut
déterminer une rechute.
65 —
JAUNE - JAURÉGUIBERRY
Traitement et prophylaxie. Il n'existe pas de traite-
ment spécifique de la fièvre jaune. On se borne à donner
un purgatif léger et un vomitif au début : on combat la
fièvre par l'aconit, la varaire, le gelsemium, les injections
glacées dans le rectum, Falcool, etc.; la quinine n'a ^uère
d'action que comme tonique du cœur ; contre les vomisse-
ments, on donne des pilules de glace et on met une vessie
de glace sur l'épigastre; enfin, on active par tous les
moyens appropriés les fonctions de la peau et des reins.
Comme mesures hygiéniques, on favorise la ventilation, on
désinfecte les selles et on change et désinfecte souvent la
literie. Il y a toujours lieu de tonifier et de nourrir le ma-
lade ; mais le régime doit être léger en même temps que
fortifiant ; de même dans la convalescence. Quant à la pro-
phylaxie, on met en quarantaine les navires suspects et on
les désinfecte ainsi que la cargaison. D'^ L. Hn.
III. Géographie. — Fleuve Jaune (V. Hoâng-ho).
Mer Jaune (V. Asie, t. IV, p. 94).
BiBL. : Pathologik. — Carmona y Valle, Leçons sur
Véiiologie et la prophylaxie de la fièvre jaune ; Mexico,
1885, in-8. — Domingos FRp:iRr':, Statistique des vaccina-
tions^ etc.; Berlin, 1891, in-8. — J.-B. de Lacerda, 0
Microbio pathogenico da febre amarella; Rio de Janeiro,
18'J3, in-8.
J AU N EAU (Bot.). Nom vulgaire du RammciUus acris L.
(V. Renoncule) et du Ficaria ranunciiloides L. (V. Fi-
caire).
JAUNISSE. I. Pathologie (V. Ictère).
IL Viticulture (V. Chlorose).
JAUR (Le). Uivière du dép. de VHérault (V. ce mot,
t. .XIX, p. 1141).
JAURE. Corn, du dép. de la Dordogne, arr, de Péri-
gueux, cant. de Saint-Astier; 353 hab.
JÂUREGUI (Juan), fanatique espagnol, né à Bilbao
vers io57 ou 1562, mort à Anvers le 18 mars 1582. Il
était employé chez un banquier espagnol d'Anvers, Anastro,
quand il conçut le projet de tuer Guillaume d'Orange, sur-
nommé le Taciturne, « ayant esté presché et persuadé par
quelques-uns, ou plustost charmé et ensorcelle », dit Bran-
tôme. Suivant Pierre de L'Estoile, un jésuite lui aurait
affirmé qu'il occuperait au ciel, où l'emporteraient les
anges, un siège auprès de Jésus-Christ, au-dessous du trône
où siégeait la Vierge Marie, s'il délivrait l'Eglise d'un prince
hérétique et vengeait Philippe II. Jduregui se présenta
devant Guillaume d'Orange pendant un festin, le suivit
hors de la salle et lui tira un coup de pistolet dans l'an-
tichambre, comme il contemplait une tapisserie avec divers
seigneurs français et flamands. Deux balles traversèrent
les joues du prince de part en part, sans atteindre la
langue, mais l'arme, trop fortement chargée, fit explosion,
enlevant au meurtrier le pouce de la main droite. Malgré
cette blessure, il saisit un poignard dont il était muni, et
se précipitait vers sa victime quand les gentilshommes
présents le massacrèrent sur la place avec leurs dagues et
leurs épées. Le sire de Bonnivet le frappa le premier.
Jâuregui, paraît-il, comptait qu'un miracle le rendrait invi-
sible, « ce qui fust cause qu'il entreprist ce coup ». Un
serviteur d' Anastro, Antonio Venero, et un dominicain,
Antonin Timmermann, accusés d'être ses complices, périrent
sur l'échafaud . Timmermann fut plus tard mis au nombre
des martyrs de son ordre. Le peuple soupçonna d'abord le
duc d'Anjou d'avoir poussé l'assassin ; il courut aux armes
en tumulte et faillit massacrer les Français. On sut ensuite
que Jâuregui était Espagnol et l'émeute se calma. Deux
ans après cette tentative, un émule du Basque illuminé,
Balthazar Gérard, tuait le prince d'Orange à Dclft, le
10 juil. Lucien Dollfus.
JÂUREGUI Y Aguilâr (Juan de), poète et peintre espa-
gnol, né à Séville aux. environs de 1570, mort à Madrid
en 1640 ou 1641. Sa famille était originaire de Biscaye,
Dans sa jeunesse, Jâuregui partit pour l'Italie et étudia
le dessin et la peinture à Rome, d'après l'antique et les
maîtres italiens. Suivant Pacheco, il excellait surtout dans
le portrait. Jâuregui fit les illustrations du livre du jésuite
grande encyclopédie. — XXI.
Luis Alcâzar : Investigatio arcani sensus in Apocalypsï
(Anvers, 1619, in-fol.). « Elles représentent les princi-
pales visions qu'eut l'Evangéhste saint Jean, pleines de
figures d'hommes et d'animaux, grandement dessinées en
la manière florentine. » (Cean Bérmudez.) C'est à Rome
qu'il traduisit en vers castillans VAminta de Torquato
Tasse (1607). Cette traduction, devenue classique, est
un chef-d'œuvre par la fidélité de la version et la magis-
trale élégance du style. Le poète ne cessait d'ailleurs de
la corriger, souvent, du reste, sans l'améliorer. Il en donna
une seconde édition, entièrement modifiée, accompagnée
de poésies lyriques (Rimas; Séville, 1618). De retour en
Espagne, et avant 1613, Jâuregui peignit un remarquable
portrait de Cervantes avec lequel il était lié. L'auteur de
Don Quichotte en parle élogieusement dans le prologue
de ses Nouvelles. Cette toile n'est point parvenue jusqu'à
nous. Jâuregui s'établit à ^Madrid, fut nommé chevalier de
Calatrava et grand écuyer de la première femme de Phi-
lippe IV, Isabelle de Bourbon. Quoique hostile au cultisme
contre lequel il écrivit même une satire : Discurso poético
contra el hablar culto y estilo oscui^o, il finit par en
subir l'influence, notamment dans son poème d'Orfeo
(1624), admirable parfois, et plus encore dans une imita-
tion de la Pharsale de Lucain, en octaves sonores et gon-
gori(|ues, publiée seulement en 1684. Parmi les œuvres
originales de Jâuregui, on peut citer quelques bons sonnets,
une ode sur la mort de la reine Marguerite et V Aventura
amorosa. poème exquis, tout imprégné de renaissance
italienne. VAminta a été réimprimée dans le Parnaso
de Sedano et dans celui de Quintana. Cette dernière col-
lection donne, outre de longs extraits de VOrfeo, la bataille
navale de César devant Marseille librement traduite d'après
Lucain. Lope de Vega fait l'éloge du peintre-poète en un
sonnet dans lequel il loue le fondu parfait de ses ombres
et le tableau de Judith qu'il égale à l'admirable traduction
deVAminta. Lucien Dollfus.
JAURÉGUIBERRY (Jean-Bernard), amiral français, né à
Bayonne le 26 août 1815, mort à Paris le 21 oct. 1887.
Admis à l'école navale en 1850, aspirant le 15 oct. 1832,
enseigne le 10 févr. 1839, il prit part en cette qualité aux
expéditions du Parana et de l'Uruguay, à la suite des-
quelles il devint lieutenant de vaisseau (23 déc. 1845). Il
servit ensuite en Crimée où il se distingua à l'attaque de
Kinburn, puis en Cochinchine où lors de la conquête il
dirigea d'importantes opérations (prise de Tourane, défense
de Saigon, prise des forts de Ki-hoa), enfin en Chine où,
après le bombardement des fortifications du Pei-ho, il prit
le commandement des marins débarqués et entra à leur
tête dans Pékin. Dans l'intervalle il était devenu capitaine
de frégate (29 nov. 1856), puis capitaine de vaisseau
(11 juil. 1860). Revenu en France avec ce dernier grade
à l'issue de la campagne de Chine, il alla gouverner le
Sénégal jusqu'en 1863. On l'employa alors dans les ports
et à l'escadre d'évolutions où il se fit remarquer comme
officier extrêmement vigoureux. Il y commandait la Re-
vaiiche, quand le 24 mai 1869 il fut nommé contre-
amiral. L'année suivante, au moment où la guerre éclata
avec l'Allemagne, il était major-général de la flotte à
Toulon. Nommé aussitôt à un commandement en sous-ordre
dans l'escadre de l'amiral Fourichon,il participa à l'inutile
campagne de cette escadre dans la mer du Nord ; puis,
quand la marine fut appelée à concourir à la défense du
territoire envahi, il reçut la mission d'organiser la défense
des lignes de Carentan. Peu après il passait à l'armée de
la Loire pour y commander, sous Chanzy, la 1^« divi-
sion du 16« corps (3 nov. 1870). Le surlendemain de
son arrivée, ce marin improvisé général assistait à la
bataille de Coulmiers et pour ses débuts à la tête d'une
troupe de terre décidait la victoire (6 nov.). Il se distin-
gua de nouveau aux combats de Villepion et de Patay
(l*^''-2 déc), ce qui lui valut simultanément le grade de
vice-amiral (6 déc.) et le commandement en chef du 16^
corps, que Chanzy abandonnait pour prendre la direction
5
JÂUREGUIBERRY — JAURÈS
— 66
suprême de la 2 « armée de la Loire. Chanzy n'eut pas de
meilleur lieutenant. Durant les pénibles opérations qui se
terminèrent par le désastre du Mans, le corps de Jauré-
guiberry fut toujours en première ligne les jours de
Bataille, à l'arrière-garde les jours de retraite. Il était
comme le noyau de cette malheureuse armée ; il y main-
tenait seul un peu de cohésion. Après la bataille du Mans,
et quoiqu'il y eût supporté le principal effort de l'ennemi
(10-12 janv. 1871), ce fut encore lui qui protégea la
marche rétrograde sur Laval (combats de Chassillé et de
Saint-Jean-sur-Evre (14 et 15 janv.). Dans ces circons-
tances extraordinaires, son chef s'était montré à la hauteur
de toutes les tâches.
La paix conclue, Jauréguiberry fut nommé préfet maritime
à Toulon (29 mai 1871), poste qu'il occupa jusqu'au 13 sept.
1873. Il exerça ensuite successivement les fonctions de vice-
président du conseil d'amirauté (1875-76), do comman-
dant en chef de l'escadre d'évolutions (1876-77) et de
président du conseil des travaux (1877-79). Enfin le
4 févr. 1879 il fut appelé à faire partie du cabinet Wad-
dington en qualité de ministre de la marine. Elu bientôt
après sénateur inamovible (27 mai), il se consacra tout
entier à partir de ce moment à la vie politique. Son âge
l'éloignait en effet du service actif, bien qu'il eût été
maintenu dans la 1^^ section du cadre des officiers géné-
raux comme ayant commandé en chef devant l'ennenn. Le
23 sept. 1880 il résigna son portefeuille, mais il le reprit
dans le deuxième cabinet Freycinet (30 janv. 1882), et le
garda jusqu'au 21 févr. 1883. Ch. Grândjean.
JAURE6UY Y Jaureguy (Gaspar), àhEl Paslor, gué-
rillero espagnol, né à Villareal vers 1780, mort à Vittoria
en déc. 1844. C'était un berger qui forma une guérilla
contre les Français, leur infligea des pertes sérieuses en
Biscaye, où il opérait do concert avec Acedo. Promu briga-
dier par Ferdinand YII, il reprit les armes contre les Fran-
çais en 1820. Chassé d'Espagne, il y rentra à la mort de
Ferdinand Vil et fut promu major général.
JAURÈS (Constant-LoLiis-Jean-Benjamin), amiral fran-
çais, né à Paris le 3 févr. 1823, mort à Paris le 13 mars
1889. Admisà l'Ecole navale en 1839, aspirant le 1^^ sept.
1841, enseigne le l^*' nov, 1845, lieutenant de vaisseau
le 8 mai 1850, il fit dans ces divers grades, de 1841
à 1853, une série de campagnes dans le Pacifique, les mers
du Sud et le Levant. Il servit ensuite de 1854 à 1855 à
Fescadre de la mer Noire pendant l'expédition de Crimée,
puis en 1859 à Fescadre de l'Adriatique durant la guerre
d'Italie, enfin de 1860 à 1861 à l'escadre d'iîlxtrème-Orient
avec laquelle il prit part aux opérations contre la Chine et
l'Annam. Sa conduite lors de la conquête de la Cochin-
chine lui valut alors le grade do capitaine de frégate
(26 août 1861). De retour en France, il fut employé dans
\Qi ports et au ministère, puis aprèsune nouvelle campagne
dans le Levant nommé capitaine de vaisseau (22 mai 1869).
Sur ces entrefaites éclata la guerre avec l'Allemagne. Jaurès
reçut aussitôt le commandement de Vlléroïne dans Fes-
cadre de l'amiral Fourichon et participa avec ce navire à la
croisière de la mer du Nord. iVÎcis l'esca Iro ayant été dis-
loquée en septembre, il se vit rappelé à terre et désigné pour
servir comme chef d'état-major auprès de l'amiral Jauré-
guiberry, chargé de mettre en état de défense les lignes
dô Carentan. C'était un emploi bien nouveau pour lui. 11
y fit preuve d'une telle activité cfue Gambetta ne voulut
point le laisser dans un poste aussi secondaire. Le 10 nov.
1870, Jaurès était appelé au commandement de la subdi-
vision de Maine-et-Loire; le 18, il devenait général de
brigade à titre auxiliaire ; le 20, il était promu général de
division. En même temps, il recevait la mission d'orga-
niser le 21® corps d'armée. (Quelques jours lui suffirent
pour rassembler 45,000 hommes, avec lesquels il se porta
vers la forêt de Marchenoir, au secours de Chanzy vive-
ment pressé par Frédéric-Charles. Ses troupes, à peine
armées et manquant de tout, firent néanmoins une hono-
rable contenance à Lorges, Josnes, Fréteval, Bloret, Mont- I
fort, Savigné et au Mans. A la suite de cette dernière
affaire, Jaurès fut promu général de division à titre défi-
nitif. La paix faite, il demanda vainement à passer dans
l'armée de terre. On le rétablit purement et simplement
sur les contrôles de la marine comme capitaine de vais-
seau, mais le 16 oct. 1871 il reçut en dédoiumagement
les étoiles de contre-amiral. (^)uelques mois auparavant, il
avait été élu par le Tarn à FAssemblée nationale. Il y prit
place au centre gauche et se consacra pendant toute la législa-
ture à ses devoirs parlementaires. Devenu en mars 1876
sénateur inamovible, il rechercha des emplois plus actifs.
Après avoir obtenu en 1877 un commandement en sous-
ordre dans l'escadre d'évolutions, il fut nommé le 11 déc.
1878 à Fambassade de Madrid, qu'il échangea le i6 févr.
1882 contre celle de Pétersbourg. Dans "^l'intervalle, \[
avait été promu vice-amiral (31 oct. 1878). Rappelé de
Russie en 1883, il fut mis à la tèfe de l'escadre dYH'olu-
tions (23 oct.) ; après ((uoi il reprit son siège au Sénat vers
la fin de 1884. Le 22 févr. 1889, il entrait dans le cabinet
Tirard comme ministre de la marine, en remplacement de
l'amiral Krautz. Mais moins d'un mois après, il était em-
porté par une attaque d'apopiexie. Ch. Grândjean.
JAURÈS (Jean), honnne politique, professeur et phi-
losophe, né à Castres (Tarn) le 3 sepi. 1859. H fit toutes
ses études au collège de sa ville natale, puis, à dix-sept
ans, vint les compléter à Paris, connue élève de Sainte-
Barbe suivant les cours du lycée Louis-le-Grand. Reçu à
l'Fcole normale avec le a** l,en 1878, il en sortit agrégé
de philosophie en 1881, et enseigna la philosophie deux ans
au lycée d'Albi, puis deux ans comme maître de confé-
rences à la faculté des lettres de Toulouse. En 1885, il
fut nommé député par le dép. du Tarn. Durant cette légis-
lature, il siégea sur les bancs de la gauche et prit
part à plusieurs débats, où il montra déjà ses dons ora-
toires, mais sans les mettre encore au service ni d'un
parti ni d'une cause bien déterminée. Non réélu en 1889,
il rentra à la faculté de Toulouse comme chargé d'un cours
complémentaire. Le succès de ce cours le fit presque aus-
sitôt nommer conseiller municipal de cette ville et il fut
trois ans adjoint au maire pour l'instruction publique. En
cette ([ualilé, il porta la parole avec éclat lors de la récep-
tion du président de la République, en mai 1891. Il con-
courut à la création de la faculté de médecine de Toulouse
et remit à l'Etat au nom de la ville les bâtiments neufs de
la faculté de médecine et de la faculté des lettres. Entre
temps, il préparait ses thèses de doctorat : De Primis So-
cialismi Ger maniai lineamentis apiid Liitherum,
liant, Fichte et Hegel (Paris, 1891, in-8), et De la Réa-
lité du monde sensible (1891, in-8).
Aux élections générales d'août 1893, il fut de nouveau
élu député, par la deuxième circonscription d'Albi, sur
un programme résolument socialiste. Les ouvriers de
la région minière du Tarn récompensaient de leurs
votes l'appui moral que M. Jaurès n'avait cessé de
leur prêter durant la longue et mémorable grève de Car-
maux, soit par sa présence même et son ardente parole,
soit par la plume dans la Dépêche de Toulouse. Les grèves
du Nord, aussitôt après les élections, lui donnèrent l'occa-
sion de prendre de plus en plus la tète du mouvement so-
cialiste, et, dès la rentrée du Parlement, une interpellation
retentissante sur les grèves acheva de le mettre en relief
comme chef du groupe socialiste à la Chambre, surtout
comme l'orateur de ce groupe. L'éloquence de M. Jaurès a
ceci de particulier, qu'elle est à la fois vibrante, colorée,
sonore, en un mot essentiellement populaire, —ses adver-
saires disent méridionale, — et châtiée, pure, harmonieuse,
du meilleur aloi littéraire. Personne n'est plus écouté
que lui, même de ceux que choquent ses opinions. Sa doc-
trine repose-t-elle sur une science suffisamment sûre des
faits sociaux? Beaucoup en doutent, et les économistes le
nient; mais tous ceux qui connaissent M. Jaurès s'accordent
à dire qu'elle traduit un état de conscience où les calculs de
l'intérêt et les préoccupations personnelles n'entrent pour
— 67 -
JAURÈS — JAVA
rien, disparaissent dans les élans sincères d'un idéalisme
panthéistique, dont témoignent ses écrits philosophiques et
qui a gardé quelque chose de la ferveur chrétienne de son
enfance. H. M.
J AU SI ERS. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. et cant.
de Barcelonnette, sur la rive droite de TUbaye ; i,58B hab.
Fabrique de draps ; mouiinage et dévidage de soie. Gypse
et schiste ardoisier. Ruines d'une ancienne forteresse arabe.
JAUX. Com. du dép. de FOise, arr. et cant. de Com-
piégne ; 719 hab.
JAUZÉ. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de Mamers,
cant. de Bonnétable ; 291 hab.
JAVA. Généralités. — Grande île de l'archipel malais,
colonie hollandaise.
Situation, Limites, Superficie. — L'Ile de Java est une
des îles de la Sonde, la quatrième pour l'étendue (après
Bornéo, Sumatra, Célèbes), mais la première pour la po-
pulation et la richesse. Elle est placée entre l'océan Indien
au S., la mer de Java qui la sépare de Bornéo au N., le
détroit de Bali qui la sépare de Bali à l'E., le détroit de
la Sonde qui la sépare de Sumatra à l'O. Elle est comprise
entre 5^52' et 8'' W lat. S., '102« 5o^ et il2« 'U^ong. E.
Elle s'allonge de l'O. à l'E. sur une longueur de 4 ,000 kil. ;
sa largeur varie de 75 à 195 kil. entre Djokjakar ta au S. et
le cap Bœgel au N. Elle a une superficie de 131,733 kil. q.
en y comprenant les îlots voisins et Tîle de Madoura
(5,286 kil. q.) qui s'y rattache.
Géographie physique. — La côte septentrionale est
basse, plate, précédée d'îlots nombreux, creusée d'anses
peu profondes ; l'ancre mord aisément sur la vase du fond ;
elle renferme plusieurs bons mouillages et a une importance
prépondérante au point de vue conim rcial. La côte méri-
dionale est abrupte et d'accès diiïicile, avec deux ports
seulement. Les principaux accidents du littoral sont à
partir du détroit de la Sonde : la rade d'Andjer, puis au
N. le cap Saint-Nicolas, les rades de Bantam, de Batavia,
de Tjiassem, d'Iudramayou, deChéiibon, de Samarang (obs-
truée par une barre), de Djavana, de Bembang et la belle
baie de Sourabaya , derrière l'ile Madoura; à LE., la
profonde baie de Pampang ; au S. les baies de Wijnkoops
(Balabouna Rouna) et Duck de Vries; à l'O., la pointe
Eerste, les baies Meeuwen (des Mouettes), derrière l'ile du
Prince, Welkomst et Peper (du Poivre). Les principaux
îlots voisins de Java sont : à PO., Pile du Prince, celles de
Krakatoa effondrée en 1883, de Dwars-in-den-Weg ; Soun-
gian et Merack ; auN., les îles Pandjang, Bali (ou Tounda),
Lanjang (ouKombouis), Ontong-Java, Boompjes, Karimon,
Bavian, Rahas; au S., les îles Barung, Kambangan avec
ses grottes vénérées, etc.
Java est très montueux, surtout à l'O. et au centre. Le
long du rivage septentrional s'étend une large plaine d'al-
luvions ; au S. de celle-ci se dressent les montagnes, offrant
d'admirables paysages très variés et embellis par la végé-
tation tropicale. Cette région montagneuse est formée de
calcaires tertiaires percés d'un grand nombre de volcans
éteints ou en activité. Les massifs, les calcaires forment au
S. une muraille qui n'est interrompue qu'en peu d'endroits
par des dépressions (baie Wijnkoops, extrémité orientale);
on les appelle, dans la partie orientale GunongKidul, mont
du Sud. Dans la région septentrionale de Java, les montagnes
sont généralement isolées, sauf dans la chaîne de Pandang.
Les massifs trachytiques, porphyriques et les volcans en-
core actifs constituent les plus hautes montagnes de l'île et
en déterminent la physionomie. Ils sont tantôt isolés, tan-
tôt groupés, séparés par des cols et des plaines d'altitude
variable, dont leurs déjections ont recouvert le sol. Jung-
huhn a compté 45 volcans. Deux groupes principaux se
rencontrent: l'un à PC, comprenant 14 cratères, l'autre à
l'E., renfermant le point culminant de l'ile. Nous résumons,
d'après Laugel, la description de Junghuhn. On rencontre
d'abord à 60 kil. S. de Batavia le Saîak (2,000 m.), puis
vers PE., le Ghedek surmonté de trois cônes (3,030 m.),
le Tikoraï (2,808 m.), le Papandayang, près de la côte S.,
dominant la fameuse Vallée de la Mort jonchée d'osse-
ments d'animaux asphyxiés par ses exhalaisons d'acide car-
bonique; à l'E., le Galoungoung, terrible par la fréquence
de ses éruptions ; entre celui-ci et le Gountour (1,982 m.)
au N., également actif, dort au fond d'un cratère de
2,000 ra. de tour le lac Blanc (Telaga Rodas) aux eaux
blanchies par l'alun et le soufre ; plus loin le Slamat ou
Gédé (;i,427m.) dont les deux cratères fument sans cesse,
le plateau de Dieng (1,850 m.), le Soumbing (3,328 m.),
le Merbabou (3, 106 m.), le Merapi (2,860 m.) encore ac-
tifs; plus à l'E., le Lawou (3,236 m.), le Walisang
(3,367 m.), le Kawi (2,920 m.), l'Ardjouno (3,333 m.),
leBromo ou Tanggher (2,577 m.), éteint aujourd'hui avec
son cirque de 25 kil. de tour et de 2,000 m. d'alt. Sur
ses pentes, on récolte le meilleur tabac de Java ; le Sme-
rou est le plus haut de tous (3,666 m.). « L'île entière
est pour ainsi dire criblée de passages par lesquels les va-
peurs souterraines peuvent se dégager; aussi la pression
de ces vapeurs ne devient jamais assez forte pour amener
jusqu'à la bouche des volcans des laves en fusion qui
puissent s'écouler par les cratères ou par des fissures ou-
vertes dans le flanc de la montagne. On ne trouve actuel-
lement dans Java aucune coulée de cette nature comparable
à celles du Vésuve, de l'Etna et des volcans de l'Islande.
Les volcans n'y rejettent, avec une quantité incroyable de
vapeur d'eau et de vapeurs acides, que des débris fragmen-
taires et des cendres. C'est sans doute parce que les appa-
reils volcaniques sont si rapprochés qu'à Java les tremble-
ments de terre sont purement locaux. » Ils sont fréqnents,
mais sans rapport avec les éruptions volcaniques ; sur
143 catalogués par Junghuhn, 109 se sont produits tout à
fait isolément. Les volcans les plus dangereux sont le Ga-
loungoung, le Gountour et le Merapi ; le plus actif est le
Lamongan. Les lacs sulfureux sont assez nombreux au
fond d'anciens cratères ; de même les solfatares, les vol-
cans de boue, les moffettes. Les plus fameux cataclysmes
furent l'efiondrement du Ringghit (1556), qui fit périr
10,000 personnes; l'éruption du Papandayang en 1772
(3,000 morts), celle du Galoungoung en 1822(4,000 morts,
115 villages détruits), le tremblement de terre de 1867 et
surtout l'engloutissement du Krakatoa (V. ce mot) qui
fit périr plus de 50,000 Javanais. Les principales plaines
sont celles de Bandong à PO., Sourakarta au centre, Ma-
diyoun, Kediri, Malang à PE.
L'humidité de Patmosphère explique l'abondance des cours
d'eau. Ils n'ont pas grand développement et ne sont guère
navigables, mais Pîle est admirablement arrosée. La chaîne
méridionale ne laisse de place aux vallées que du côté N.
Le principal fleuve est le Bengawan, descendu du Merapi,
qui coule vers PE., passe à Sourakarta et finit en face de
l'île de Madoura ; il a 260 kil. de long et se grossit du
Madioun. Il faut encore citer : le Brantas qui naît à PO.
du Smerou, traverse la plaine de Malang, Kediri et finit
près de Sourabaya ; le Taroun près de Batavia ; le Manok
dans le Lunbagan ; sur le versant méridional on peut nom-
mer le Tandoui, le Progo et le Serayou. Il n'y a pas de lac
considérable. On compte plus de 80 sources minérales,
généralement sulfureuses ; plusieurs renferment de l'iode,
du pétrole, etc.
Le climat est tropical, mais la différence d'altitude y
introduit une grande variété. Le trait fondamental est
l'alternance régulière de la saison des pluies et de la saison
sèche, suivant le régime des moussons. La saison pluvieuse
dure de novembre à avril ; les pluies sont amenées par la
mousson d'O. et du N.-O. qui commence vers la fin d'oc-
tobre ; elles débutent par de terribles orages et s'abattent
en véritables trombes durant les mois de janvier et février.
La saison sèche dure de mai à octobre et est soumise au
régime des vents du S. et du S.-E. ; les pluies et orages y
sont rares et de faible importance ; le mois d'août est le
plus sec. La saison humide est la plus agréable et la plus
saine à cause de la moindre chaleur et de la pureté de
l'air ; durant la saison sèche, on souffre de la chaleur, des
JAVA — 6S
vents desséchants et du malaise de la végétation ; les ma-
ladies y sont beaucoup plus fréquentes, mais il n'y a
d'époque réellement insalubre que celle du changement des
moussons. La température décroît naturellement avec l'al-
titude ; on distingue quatre zones. La zone inférieure ou
torride de la mer, à 650 m. d'alt., a une température
moyenne annuelle de 27^,5 ; dans la plaine maritime, de
23*^ vers 600 m. d'alt. ; à Batavia, la température est à
peu près constante (+ 25° à + 26^) ; il n'y a guère plus
d'un degré de différence entre la moyenne du mois le plus
chaud (mai) et celle du plus froid (janvier) ; la plus haute
température n'atteint pas + 34^^, la plus basse ne descend
pas au-dessous de -|- d9^. La chute d'eau annuelle dépasse
2 m. La température est plus élevée à Samarang qu'à Ba-
tavia; la moyenne est de -j- 28° à Buitenzog ; un peu plus
haut, elle est de + 25°. L'alternance des moussons et celle
des brises de terre et de mer est régulière dans la zone
torride : c'est aussi dans celle-là que sévissent les miasmes
paludéens. — La zone moyenne ou tempérée s'étend de
650 m. à 1,450 m., et la température moyenne y décroît
avec l'altitude depuis + 23° jusqu'à + 18°. Les hautes
plaines de Preang sont la région type pour cette zone ;
leur température moyenne est un peu supérieure à + 20°.
Les changements de saisons sont moins marqués que dans
la plaine. — La troisième zone est celle des nuages, qu'on
appelle aussi zone fraîche ; on y comprend les pays situés
entre 4,450 m. et 2,400 m., notamment le plateau de
Dieng; la température décroît de + 18° à + '13° ; à Dieng
elle est de + 15°. Cette zone est baignée par les nuages
qui l'enveloppent d'un épais brouillard et y déposent une
abondante humidité ; le vent du S.-E. y souffle d'un bout
à l'autre de l'année. — Au-dessus s'étend la zone des hauts
sommets ou zone froide, où la moyenne varie de -h 13° à
4- 8° ; la température peut s'abaisser au-dessous de zéro
sur les sommets déboisés, à cause du rayonnement noc-
turne, mais il ne neige jamais. La pluie est très rare, les
nuages s'élevant rarement jusqu'à cette zone.
La splendeur de la végétation tropicale s'étale aussi bien
sur les pentes des volcans que dans les plaines alluviales ;
elle recouvre tout jusqu'aux pointes extrêmes. « Le navi-
gateur qui côtoie le rivage de Java, écrit Temminck, a sous
les yeux les palmiers aux cimes élevées qui bordent la
côte dans presque toute son étendue ; derrière ces parasols
de verdure, le sol de la plaine monte par un plan douce-
ment incliné jusqu'au pied de la chaîne de montagnes dont
est couronné le centre de l'île. Ces campagnes sont parfai-
tement cultivées et embellies de jolis villages, où les mai-
sons, construites en bambous et en rotang, sont entourées
d'une haie et ombragées de bouquets d'arbres fruitiers
étalant leur sombre verdure. Ces teintes présentent un
agréable contraste avec la végétation vive et gaie des vastes
champs de riz distribués en amphithéâtre sur le flanc des
collines ; de celles-ci s'échappent par intervalles des cours
d'eau et des cascades, auxquels les terres doivent leur
surprenante fécondité. » Aucun pays du monde n'offre, sur
une surface aussi restreinte, une plus grande exubérance
de vie végétale ou animale.
Flore et Faune. — La flore et la faune de Java sont
extrêmement riches. On peut, au point de vue de la végé-
tation, distinguer des étages successifs correspondant à peu
près aux quatre zones climatériques. La première, de 0 à
400 m. d'alt., est celle de la plaine côtière avec ses vastes
champs de riz, de mais, de canne à sucre, de cannelliers,
les bananiers, le poivre et la vanille, les njagnifiques fleurs
qui rémaillent ; elle est caractérisée par les palmiers, le
musa (pisang), les arums, les aramantacées, les euphor-
biacées, les légumineuses. Au-dessus de 400 m. commence
la région des tiguiers qui dominent dans les forêts vierges,
les bambous, les orchidées, les méliées y pullulent ; les
palmiers et les légumineuses sont de moins en moins
nombreux à mesure qu'on s'élève. On peut signaler le
koundang, figuier sauvage, dont le suc fournit une cire
blanche ; le manguier, dont les fruits nourrissent les indi-
gènes. En s'élevant un peu, on rencontre les rasamalas
(Liquidambar Altingiana), aux troncs droits et blancs,
de 45 m. de haut, des acacias, des fougères arborescentes,
des lianes; dans cette zone, on cultive le caféier et aussi
l'arbre à thé. Dans la zone tempérée, on trouve, outre les
plantes que nous venons d'énuinérer, les mélastomacées,
lorenthacées, nepenthes ; au centre de l'île, les angring
(Parasponia parviflora) ; à l'E. les forêts de tchemoros
(CasuarinaJunghukniana) sont caractéristiques ; les cul-
tures du cinchona et du tabac réussissent bien de 500 à
1,000 m. ; de même le mais, les légumes et les arbres
fruitiers d'Europe, le palmier areng. Ils cessent, ainsi que
les figuiers, vers 1,600 m.; les rasamalas deviennent
rares; ils sont remplacés par les chênes, les tecks {Tectona
grandis), les lauriers, les érables, les châtaigniers, les
sourens (Cedrela febrifuga), les agathisantes, arbres
géants, au pied desquels se pressent des rhododendrons,
des azalées, des rubiacées, des Calamus parmi lesquels
le rotang ; le sol est revêtu de mousses et de fougères ; les
orchidées sont encore nombreuses; sur les hauts plateaux
sont quelques marais et des prairies. A partir de 2,000 m.
la végétation s'appauvrit, la taille des arbres diminue pro-
gressivement jusqu'aux dimensions de simples buissons;
les tecks se trouvent encore, ainsi que des fougères arbo-
rescentes, de 10 à 15 m. de haut, quelques conifères, des
rhododendrons, des myrtes, des sureaux, des berbéris, des
acacias, des chèvrefeuilles, des rubiacées; la végétation
se rapproche de celle de l'Europe ; les fleurs de renoncules,
pensées, pâquerettes, tapissent le sol ; les plantes caracté-
ristiques sont les éricacées (Agapetes) et les Gnaphalium
ligneux qui montent à plus de 3,000 m. ; il est difficile
de savoir si les plantes européennes {Plantago major,
Souchus oleraceus, Artemisia vulgaris^ Rumex cris-
pus, Stellaria média, Solanum nigrum, etc.) ont été
nnportées accidentellement par les Européens ou sont venues
par l'Asie ; dans cette zone supérieure ou froide, on cul-
tive comme en Europe les oignons, les pommes de terre, etc.
La faune est très riche, comme la flore. Java possède
une centaine de mammifères, dont plusieurs lui sont parti-
culiers et d'autres communs avec Sumatra et Bornéo ; on
compte six espèces de singes ; les plus abondants sont le
loutoung (Semnopitliecus maurus), le monyet (Cerco-
pithecus cynomolgus) et le wauwau [Xylobates leu-
ciscus). Les chauves-souris sont extrêmement nombreuses
dans les cavernes, et on utilise leurs excréments pour en
tirer du nitrate. Il existe seize espèces de rongeurs, sur-
tout des écureuils, un porc-épic {Acanthica jauanica) et
un lièvre (Lepus nigricoUis). Le chien sauvage {Canis
rutilans) vit dans les forêts du S. ; le tigre royal, la pan-
thère, le léopard, le chat sauvage {Felis minuta) sont
abondants, de même le chiii-i\gre(Linsang gracilis). Les
sangliers elles rhinocéros bicornes {Rhinocéros sundaicus)
sont nombreux jusque sur les sommets où les sentiers
qu'ils frayent sont souvent utilisés. L'île possède, surtout
àl'O., plusieurs espèces de cerfs, un bœuf sauvage (Bos
sundaicus) et un buffle. Citons encore un Galeopithecus,
voisin des insectivores et qui vole à l'aide d'une membrane
tendue entre ses membres, et le teladou (Mydans meli-
ceps), intermédiaire entre le blaireau et le putois. Java n'a
ni tapirs ni éléphants, abondants pourtant à Sumatra. Le
chameau, l'âne, le cheval n'existent qu'à l'état domestique;
le chameau, amené d'Arabie, a rapetissé ; le porc chinois,
la chèvre, le bœuf européen prospèrent. Les oiseaux sont
très nombreux et très beaux ; leur nombre décroît avec
l'altitude ; on n'en rencontre pas sur les sommets ; en re-
vanche, les oiseaux chanteurs ne se trouvent que dans la
montagne. Il faut indiquer une quantité de perroquets
propres à l'île, le kakatoès blanc à aigrette jaune, le lori
rouge, des pies, des buceros, des alcedos, des pigeons, la
Fringilla oryziuora, qui se nourrit de riz ; la Gracula
religiosa, la Muscipa cantatrix, le Fatco peregrinus,
venu d'Europe ; l'aigle blanc, la célèbre hirondelle salan-
gane [Collocallia esculenta) dont les nids sont si appré-
- 69
JAVA
ciés en Chine ; on les récolte trois fois par an dans les
cavernes et les crevasses des falaises du rivage (surtout à
Rangkop etKorang-Bolong)etdans celles des montagnes ;
indiquons encore deux espèces de paons, plusieurs espèces
de coqs sauvages, dont le bankiva, ancêtre de notre coq
de basse-cour ; le casoar casqué (Casuarius galeatiis).
Les oiseaux de basse-cour d'Europe ont été acclimatés; on
peut chasser dans les bois et marais les faisans, les grèbes,
les bécassines, les canards, les oies, les cailles, etc. Les
reptiles sont extrêmement abondants : les tortues, mais
aussi les crocodiles, les lézards, les grenouilles, les dra-
gons (lézard volant), les caméléons, iguanes, geckos et
par-dessus tout les serpents, dont un tiers des espèces sont
venimeuses : le python améthyste {outar saiva)^ couleuvre
de dO m. de long, et le naja ou serpent à lunettes sont
particulièrement à craindre. On doit compter un millier
d'espèces de poissons ; insectes et mollusques sont aussi
en quantité et variété prodigieuse.
Ethnographie. — La population indigène appartient
à la race malaise, au groupe occidental de cette race. Elle
se divise en deux peuples distincts par leur aspect phy-
sique et leur langage : à TE., les Javanais proprement dits
forment plus des trois quarts des habitants de l'ile ; à TO.
les Soundanais au nombre de 5 millions environ.
Les Javanais sont très brachycéphales, de taille moyenne
(1"^65 env.), élancée et souple; les femmes sont très gra-
cieuses ; la peau brun foncé est parfois très claire dans
les montagnes, particulièrement chez les femmes ; les ex-
trémités sont fines ; le nez petit est moins applati que chez
les autres Malais, la figure est ovale, les pommettes peu
saillantes, l'œil noir bien fendu, les cheveux noirs, la
barbe peu développée ; les hommes portent volontiers la
moustache. Aux Javanais se rattachent les Madouriens
(2 millions env.), habitant l'île de Madoura et les petites
îles voisines jusqu'à Sourabaya et Kediri; ils leur res-
semblent, mais sont moins bien découplés, ont les mains et
les pieds et l'aspect général plus grossiers. On regarde
comme représentant le type javanais le plus pur deux tri-
bus de montagnards qui sont restés fidèles à la religion
brahmanique: les Tengghers dans les forêts de la mon-
tagne de ce nom, les Badouiou Djelmadans celles du dis-
trict de Sebak (résidence de Bantam). — Les Soundanais
paraissent être intermédiaires entre les Javanais, les autres
Malais et les Battas; ils sont petits (1^57 env.), trapus et
vigoureux, ont les pommettes plus saillantes, la bouche
plus grande, les lèvres plus épaisses, le nez plus épaté, la
peau un peu plus claire, quoique les nuances varient beau-
coup selon les classes; ils ont l'aspect de montagnards
robustes et énergiques et se rapprochent du type mongo-
liqiie. — Les Javanais et Soundanais ont succédé dans l'île
de Java à une population primitive dont on retrouve quel-
ques débris dans les forêts des monts orientaux ; on les
appelle Kalangs; ils vénèrent le chien roux; àSourakarta
ils formaient une caste inférieure, travaillant le cuir; ce sont
des N/'gritos à peau noire et cheveux crépus, analogues à
ceux des îles Philippines et de la presqu'île de Malacca.
La fertilité du pays rend la vie facile aux habitants. La
masse du peuple vit sinipiement et aisément. Le riz est la
base de la nourriture; on mange peu de viande, surtout sé-
chée (dendeng), beaucoup de poisson sec, des bananes et
toutes sortes de fruits; on assaisonne avec le sel etlepiment
{capsicum) ; on extrait du sucre et du vin du suc du pal-
mier arenga, horassus.ete. ; on boit aussi le lait de coco
frais. L'usage de mâcher le bétel est universel ; on fume
beaucoup le tabac et l'opium. Le paysan habite une chau-
mière {oumah) ou hutte de bambou, posée à même le sol
et non pas sur plate-forme comme dans les îles voisines ;
les murs sont formés de claies de bambous aplatis ; de
même les cloisons; le toit est formé de feuilles de palmier
nipas. Les huttes ne sont jamais isolées, mais groupées en
villages plus ou moins grands et entourés d'arbres frui-
tiers ; un village moyen a de 50 à 200 liab . Les gens
aisés ont des maisons de pierre à l'européenne. L'habille-
ment est plus complet que dans l'Inde ; en effet, dans les
provinces intérieures, l'altitude abaisse la température au
point d'imposer des vêtements chauds. Les Javanais ont
heureusement conservé la préférence pour les étoffes tissées
par eux. La pièce principale du costume est le sarong, large
pièce d'étoffé à rayures multicolores entre-croisées, de 2 m.
à 2'^50 de long sur 1 m. environ de large, dont on coud
les deux bouts ; ce sac sans fond est passé sur l'épaule en
écharpe ou fixé aux branches ; il couvre les jambes jusqu'à
la cheville; on y ajoute un pantalon court ou un tablier
avec ceinture, parfois aussi des chemises ou des jaquettes;
les femmes ont à peu près le même costume que les hommes;
les enfants vont nus jusqu'à six ou sept ans, sauf ceux des
riches; presque tout le monde marche pieds nus. La tête
est couverte d'un turban ou d'un serre-tête. La vie de fa-
mille est très régulière; seuls les grands ont plusieurs
femmes ; on pratique le mariage par achat (V. Famille) ;
les enfants sont très respectueux envers leurs parents. La
circoncision, qui existait avant l'introduction de l'islamisme,
se pratique dans la dixième année. A l'époque de la virilité
on lime en pointe les dents des adolescents et on les auto-
rise à mâcher le bétel. Les Javanais ont le goût des
meubles et petits ustensiles; leurs vases, tasses, cuillers
sont sculptés dans des noix de coco ; les rotangs, les bam-
bous, les herbes se tressent en tapis, sacs, chapeaux;
on découpe en minces lanières la peau de buffle. Voici
le tableau que Van Leent trace des mœurs javanaises
(Archives de médecine navale, 1868). D'une nature
douce, qui dégénère facilement en apathie, le Javanais
aime son lieu natal, est très fidèle à sa coutume (adat) ;
sobre, travaillant volontiers pour sa famille, il a peu de
goût pour le labeur qu'on lui impose pour des cultures in-
dustrielles dont il n'apprécie pas l'utilité. Très attaché à sa
famille, hospitalier, poli, il est fort honnête, pacifique,
d'intelligence affinée et capable d'une culture supérieure,
mais dénué d'énergie. Il est très docile, obéissant à ses su-
périeurs et particulièrement à ses prêtres musulmans qui
excitent son courage par les talismans qu'ils lui confient.
C'est un bon soldat, dur à la fatigue quand ses chefs lui
donnent l'exemple; le fanatisme, la jalousie, l'exaspéra-
tion provoquée par une injustice ou une offense le rendent
féroce. L'aristocratie a développé surtout les défauts de la
race ; courtoise, mais hautaine, elle s'adonne à la volupté,
et ne recule pas devant des crimes pour satisfaire ses pas-
sions ; la domination néerlandaise en la comprimant pro-
tège les classes inférieures. Les chefs se ruinent à entre-
tenir dans leurs palais (kraton) des orchestres {g amel an)
et des troupes de bayadères, à organiser des combats de
tigres ou de taureaux, combats de coqs, jeux de cartes qui
donnent lieu à de gros paris. Le peuple partage cette pas-
sion du jeu et des spectacles, danses, marionnettes, ombres
chinoises. Les Soundanais, d'allure plus indépendante,
sont beaucoup moins joueurs, de même qu'ils sont peu fu-
meurs d'opium. Les Madouriens plus fiers, plus belliqueux
que les Javanais, sont plus marins et commerçants qu'agri-
culteurs; ils ne peuvent plus s'adonner à la piraterie, mais
recrutent la majeure partie de la milice indigène.
La religion dominante est l'islam, rite sunnite ou or-
thodoxe. Elle fut introduite à la fin du xiv^ siècle par des
religieux arabes ou hindous et supplanta après des luttes
sanglantes les religions hindoues (brahmanisme et boud-
dhisme) qui prévalaient auparavant. Le triomphe des
musulmans fut fatal à l'art javanais dont ils ont détruit la
plupart des monuments et, d'une manière générale, para-
lysa la civilisation indigène qui déclina depuis lors. Les
Javanais sont de zélés musulmans ; ils font en grand nombre
le j)èlerinage de La Mecque, où ils possèdent d'ailleurs une
nombreuse colonie. Ils ont cependant conservé beaucoup
de croyances et de pratiques brahmaniques et même féti-
chistes; dans les cavernes où l'on recueille les nids d'oi-
seaux se trouvent des idoles de Loro Dpinggrand, d'ori-
gine hindoue ; le fétichisme est encore très vi vace ; on vénère
tel arbre, tel volcan, un vieux canon abandonné dans un
JAVA
- 70 ~
champ, etc. Il n'y a presque pas de chrétiens, à peine
9,000 parmi les indigènes, le gouvernement ayant eu grand
soin de ne pas favoriser les missionnaires qui eussent su-
rexcité le fanatisme musulman. Il reste à peine 4,000 indi-
gènes fidèles de l'hindouisme; encore les 3,000 Tenggher,
qui n'ont ni écoles ni temples, ont-ils mélangé leur culte
de coutumes qui le défigurent complètement.
Les Chinois (243,000) répandus dans toutes les villes
pratiquent surtout le petit commerce et l'industrie, ex-
ploitent les indigènes et se retirent chez eux après fortune
faite. Les Arabes (44,000) sont généralement très consi-
dérés; ce sont de bons marins, d'habiles commerçants, des
prêtres. On compte environ 3,000 Hindous, ouvriers sur-
tout. Les Européens, au nombre de 42,500, sont, outre
les soldats et les fonctionnaires, des planteurs, des fabri-
cants de sucre, des commerçants. Ils ne représentent pas
plus que les Arabes ou les Chinois un élément sédentaire de
la population. A.-M. B.
Langue. — Le javanais est une langue océanienne
mêlée d'un grand nombre de mots sanscrits. L'ancienne
langue, le kawi, qui est restée langue religieuse et littéraire,
est surtout riche en mots sanscrits, et par là, elle se rattache
aux autres idiomes de l'Inde, comme le pâli, le birman, le
siamois, l'ancien cambodgien, tous dérivés du sanscrit. Le
kawi a eu une littérature importante et il a exercé à son
tour une grande influence sur la littérature javanaise mo-
derne. Il s'est formé vers le i®^ siècle, à l'époque de l'intro-
duction du bouddhisme à Java. Comme le disent Crawford
et Friederich, lorsque les missionnaires hindous arrivèrent
dans l'archipel indien, ils apprirent la langue des indigènes;
mais, pour enseigner et donner l'instruction religieuse au
peuple, ils furent dans la nécessité d'employer le sanscrit,
et c'est ainsi que se forma une sorte de langue mixte dont
la base était l'océanien, mais dont toute la partie littéraire
et scientifique était indo-européenne. Le Brata-yuda^ le
Ramayana et la plupart des livres de la littér;iture java-
naise sont des imitations ou des traductions des ouvrages
hindous, ou basés sur la mythologie indienne. Toutefois
dans ces ouvrages le javanais a toujours su conserver son
originalité en leur associant des légendes nationales qui leur
donnent une physionomie propre. Les mots sanscrits ont
été sans doute traités suivant les règles de la grammaire
javanaise, mais l'orthographe est restée en quelque sorte
sanscrite : ainsi le sandangan correspond au groupe de
deux ou trois consonnes réunies comme en sanscrit : le
paten est le virama, le tcheichak est Vanusvara, les
règles du sandi sont presque les mêmes. Outre le sanscrit,
l'arabe a fourni aussi au javanais un assez grand nombre
de mots à partir du xii® siècle, mais ils sont la plupart très
déformes, surtout lorsque ces mots contiennent des sons
étrangers à la langue javanaise. Il faut citer aussi les em-
prunts faits au portugais et au hollandais.
Outre le javanais proprement dit qui vient du kawi, il
existe une langue populaire indigène qui est le ngoko ; il y
a de plus une sorte de langage officiel ou cérémoniel {kra-
ma) que l'on parle quand on s'adresse aux souverains, aux
princes et aux grands personnages. On s'en sert aussi dans
certains ouvrages. 11 est formé de mots ngoko, sanscrits,
malais et étrangers. Il existe quatre dialectes parlés, soit
dans l'île de Java, soit dans les îles voisines, savoir : le
javanais proprement dit, le sunda parlé dans l'O. de l'île,
le madura parlé dans l'ile de ce nom et le bali qui est la
langue parlée de l'île du même nom. A côté de ces dialectes
populaires, le kawi reste partout la langue religieuse et
sacrée. Le javanais s'écrit de gauche à droite comme toutes
les langues de l'Inde, l'alphabet (atcharakan) se compose
de vingt lettres principales (aksara) et de plusieurs lettres
accessoires ou signes orthographiques. Il y a deux sortes
d'écriture : la droite {djedjeg) et l'écriture penchée ou
cursive (miring). L'alphabet javanais moderne est dérivé
de l'alphabet kawi lequel était lui-même formé de l'écri-
ture sanscrite du vi® ou vu® siècle. E. Drouin.
Les meilleures grammaires javanaises sont celles de
Roorda (néerl., Amsterdam, 4855; abrégé, 1874) et de
Favre (Paris, i 866) ; les meilleurs dictionnaires, ceux de
Favre (javanais-français, Vienne, 4870) et de Roorda
achevé par de Vreede (javanais-néerlandais, Amsterdam,
4875;2«éd., 4883 et suiv.).
Littérature. — La littérature javanaise est très riche;
en premier lieu, il faut citer les poèmes traduits du kawi
et récrits : Bharata'Yuddha(}di\\ Brata-yuda), éd. ettrad.
par Cohen Stuart (Batavia, 4860); Ardjuna-Sasrabahu,
éd. par Palmer VandenBroek (1872); Ardjuna-Wiwaha
dont P. Van den Broek (4868) et Gericke (1849) ont édité
deux versions : le Râmâyana, récrit en prose sous le titre
de Rama, éd. par Winter (Amsterdam, 1845) ; Marrik-
Maya, poème cosmogonique, éd. par de Hollander (Bata-
via, 1852). Les fables d'animaux sont très goûtées ; la plus
célèbre est le Kantjil, éditée par P. Van den Broek (La
Haye, 1878). Les pièces de théâtre {wayang) empruntent
leur sujet aux poèmes épiques hindous ou javanais ;
quelques-unes sont de vrais drames, la plupart des canevas
pour marionnettes ou ombres chinoises ; beaucoup ne sont
pas écrites. On en a cependant publié un bon nombre :
Pregi7ia(êd, par Wilkens; Batavia, 1846), Palasara,
Pandu(êd. par Roorda, La Haye, 1869), six Purwa{éd,
par te Mechelen et de Vreede dans les Comptes rendus de
la Société de Batavia), Abiasa (éd. par Humme, La Haye,
1878), etc.; on a aussi publié des résumés en prose : Raden
Pandji (éd. Roorda, La Haye, 1869) et 23 canevas de
wayang (éd. par te Mechelen, Batavia, 1879). — Un
des principaux monuments de la littérature javanaise est
formé par les Babads, chroniques. Il existe aussi des ro-
mans historiques, parmi lesquels on peut nommer Damar
Wulan (Samarang, 1873), Acyi-5a/cra(1844), Angling-
Darma (1853), Radji-Pirangou, récit musulman des
aventures de Moïse et Pharaon (éd. par Roorda, La Haye,
1844). Les recueils de lois (Augger) ont été publiés par
Roorda (1844) et Kayser (1853). Le récent récit de voyage
de Purwa Lelana (Batavia, 1865) est fort remarquable.
Géographie politique. — L'île de Java (y compris
Madoura) est une possession directe du royaume des Pays-
Bas, à l'exception de deux petits Etats vassaux gouvernés
par des sultans, Djokjakarta et Sourakarta.
D'après le recensement de 1891, la population totale
était de 23,862,280 hab., soit 181 par kil, q. Sur ce
chiffre, on comptait : 23,559,727 indigènes, 42,504 Eu-
ropéens, 243,006 Chinois, 14,047 Arabes et 3,536 divers,
principalement Hindous. La population s'accroît rapidement,
car, au 31 déc. 1880,elle n'était quede 19,129,075 hab.
(19,166,700 avec l'armée et la flotte), ce qui représente
un accroissement de près de 25 Vo et de 36 hab. par kil. q.
en dix années. Cette progression ne semble pas près de
s'arrêter, attendu qu'il y a encore une grande partie de^
terres cultivables qui sont vacantes.
L'île est divisée en 22 résidences : à l'O., Bantam,
Batavia, Kravang, Cheribon, Preang ; au centre, sur la
côte N., Tagal, Pekalongan, Samarang, Japara ; sur la
côte S., Banjoumas, Bagelen, DjOkjakarta ; à l'intérieur,
sur la côte S., Madioun, Kediri ; sur (e littoral E., Pasou-
rouan, Probolingo, Besouki ; enfin l'île de Madoura. — Les
principales villes sont la capitale Batavia (104,590 hab.),
qui progresse; Sourabaya (117,986 hab.) et Sourakarta
(100,291 hab.) qui diminuent, Samarang, MasterCorneelis,
Djokjakarta, Pasarouan, Pekalongan, Touban, Bangkalan.
L'armée recrutée exclusivement par voie d'engagement
comprend (en 1893) pour toutes les Indes orientales néer-
landaises : 13,593 Européens, 57 Africains, 19,753 indi-
gènes répartis comme suit :
Officiers Soldats
Etat-major 537 2 . 5^^
Infanterie 707 26.715
Cavalerie 33 853
Artillerie 90 2.707
Génie 10 584
Total ,
1.377 33.403
71 ™
lAVA
Il y faut ajouter une réserve coloniale de îS compagnies,
des gardes civils {schidierijcn) et des corps d'arnice indiens
(pràdjœrits, légions, barissans, etc.), d' un effectif total de
8,775 hommes, dont 4,780 indi^fènes. — La flotte des
Indes orientales comprend (en '1893) 1 corvette protégée,
16 vapeurs à hélice, 5 vapeurs à roue, \ torpilleur, soit
23 bâtiments d'une force de 17,768 tonneaux, 16,450 che-
vaux-vapeur, portant 79 canons de plus et 77 de moins de
iO centim., et 2,238 hommes d'équipage. Le personnel
total de la marine était de 627 officiers et élèves, 557 em-
ployés (médecins, mécaniciens, etc.), 5,939 sous-officiers
et matelots, plus 2,921 miliciens de mer et 1,204 matelots
indigènes. Il faut encore ajouter pour l'infanterie de ma-
rine 55 officiers et 2,106 sous-officiers et soldats. L'en-
semble des forces, armées de terre et de mer, comporte
donc un peu moins de 57,000 hommes. C'est, en face des
24 millions de Javanais, à peu près la même proportion
que celle des forces anglaises dans Flnde ; mais cette armée
a de plus à contenir 8 millions de sujets ou de vassaux des
autres îles de l'archipel malais et les belliqueuses popula-
tions de Sumatra, Bali, Lombok, Célèbes, etc. Pour Java,
un chiffre bien moindre suffirait, car la domination néer-
landaise y est tout à fait acceptée et, depuis 1830, aucune
résistance, aucun trouble ne s'est produit.
Ces résultats font honneur à l'habileté des gouvernants ;
leur politique et leur administration peuvent servir de mo-
dèle (V. Colonisation, t. XI, pp. 1091-1096). Le principe
fondamental est de respecter les idées et l'organisation
auxquelles la population est habituée et attachée. On utilise
la hiérarchie politique et sociale existante en tenant les
chefs par le désir des fonctions dont dispose le conquérant.
Chaque village forme une dcssa ou communauté autonome,
administrée par un chef élu. La propriété y est collective
et chaque année on procède à une nouvelle répartition des
terres entre les villageois. Chacun de ceux-ci paye un impôt
foncier et est astreint à certaines corvées. Toutefois, le
collectivisme n'est complet que dans le centre de l'île; à
TE. et à rO., la propriété individuelle existe souvent.
Le budget de Java n'est pas distinct de celui des autres
colonies néerlandaises. Nous en donnons le tableau pour
l'année 1893. Les recettes atteignaient 130,464,898 flo-
rins; les dépenses, 136,588,058, soit un déficit de
6,123,160 florins. Voici le détail des recettes: .
Aux Pays-Bas Aux Indes
Vente du café 20.861.024 9.021.500
— quinquina 178.200 »
— de rétain 5 . 643 . 462 »
Ferme de l'opium » 18 . 567 . 000
Douanes » 12.836.000
Dimes ou impôt foncier. . » 16.157.000
Gabelle du sel.. » 8.297.000
Postes et télégraphes » 1 . 738 . 000
Chemins de fer 990.000 7.398.000
Divers 1 .165.192 27.612.520
Total des recettes 28.837.878 101.627.020
Dépenses 25.489.592 111 .098.466
Géographie économique. — Les richesses minières
sont médiocres. Le minerai de fer est assez ahondant, mais
de faible teneur et ne léniunère pas l'exploitation ; non plus
que les sables légèrement aurifères de quelques rivières.
On trouve beaucoup denaphte et d'asphalte dans les régions
volcaniques ; du lignite près de Bantam ; du sel en plu-
sieurs endroits, surtout à Kouwon,près de Samarang ; des
pierres à bâtir à Kedon ; beaucoup de sources thermales,
ordinairement sulfureuses ; enfin on exploite dans les pro-
vinces de Kediîi, Bagelen et Chéribon une terre argileuse
(silicate d'alumine mêlé d'oxyde de fer, de chaux, etc.) qui
constitue un aliment très apprécié, particulièrement des
femmes ; on la fait griller. Les salines maritimes sont mo-
nopolisées par le gouvernement.
L'agriculture est ia ressource essentielle de l'île. En 1881 ,
les champs occupaient 3,283,819 hect., dont 2,145,762
soumis au système de culture officiel, dont on trouvera la
description à l'art. Colonisa.? ion. La principale culture ali-
mentaire est celle du riz. On le produit soit dans des rizières
inondées artificiellement (sawa) ^^oii dans des terres labou-
rées arrosées par la pluie (tipar) ou simplement fumées
par des cendres de bois et travaillées {gaga). Les sawa
sont naturellement plus productifs ; on appelle slokan
leurs canaux d'irrigation; on y produit, après le riz,
une seconde récolte de plantes oléagineuses (Imollen)
ou de coton. Les tipar sont laissés en jachère au bout de
trois ou quatre récoltes. Le café est cultivé soit sur injonc-
tion officielle, soit librement par les paysans, surtout à l'O.
de l'île. Les cultures de la canne à sucre, de l'indigo, du
thé, sont libres. Celles du nopal à cochenille, du poivre et
du quinquina (Cinchona succirubra et ledgeriana), in-
troduites en 1854, sont faites soit pour le compte du gou-
vernement, soit à l'entreprise. La vente de tous ces pro-
duits est monopolisée par le gouvernement qui achète natu-
rellement à bas prix. L'exploitation des bois de teck si pré-
cieux pour les constructions navales est monopolisée. On
comptait (en 1885) 517,629 chevaux, 2,046,111 bœufs et
2,483,991 buffles. — La pêche est active, surtout sur la
côte septentrionale ; les Madouriens s'y adonnent spéciale-
ment. Lâchasse est aussi une ressource importante dans les
montagnes. La récolte des nids d'hirondelles est monopo-
lisée au profit du gouvernement.
L'industrie est peu développée, mais quelques branches
sont remarquables : la tannerie, la joaillerie, le travail du
fer, du cuivre et du bronze (instruments à musique, kriss
ou poignards, etc.). Les étoffes tissées et teintes par les
femmes sont très belles ; on cite, en particulier, les battiks^
cotonnades à dessins variés, qu'on fabrique surtout à Sa-
marang, Badou, Djokjakarta et Sourakarta.
Les voies de communication sont nombreuses. Un réseau
de larges routes relie les principales villes. Le gouvernement
y entretient un service de chevaux qui sont mis à la dispo-
sition des fonctionnaires civils et militaires, et aussi, moyen-
nant rétribution, à celle des particuliers. Les transports se
font dans des charrettes attelées de buffles, et en montagne
à dos de cheval. — L'île de Java possédait en 1892 un ré-
seau de 1,258 kil. de chem. de fer, plus 173 kil. en cons-
truction. Les voies ferrées ont été établies soit par le gou-
vernement, soit par une compagnie (Nederlandsch Indische
Spoorweg Maatschappij) ; les principales lignes sont celles
de Sourabaya à Pasourouan par Sidoardjo et Bangil avec
embranchements de Bangil à Malang et de Sidoardjo par
Kertosono à Paron et à Touloung Agoung et Blitar, de Ba-
tavia à son port de Tandjong Priok ; de Batavia à Buiten-
zorg ; de Buitenzorg à Tchiandjour, Bandoung, Tchitcha-
lenga ; de Pasourouan à Probolingo ; de Samarang à Fort
Willem I et Djokjakarta. — Il faut ajouter qu'une partie
des transports se font par mer; le cabotage est actif; il
est fait en partie par les navires de la Nederlandsch In-
dische Stoomvaart Maatschappij. Celle-ci fait aussi le ser-
vice de Melbourne et de Hong-kong. Les relations avec
l'Europe sont assurées par trois compagnies néerlandaises
(Stoomvart Maatschappij , iNederland , Rotterdamsche Lloyd) ;
les Messageries maritimes, la compagnie Rubattino, la Pe-
ninsular and Oriental, grâce à un service côtier, relient
Java à la grande escale de Singapour. — Les lignes télé-
graphiques ont une longueur de plus de 6,000 kil. Pour
l'ensemble des Indes orientales, on comptait (à la fin de
1891) 7,852kil.(9,095kil. de fils), plus 9i0kil.de câbles;
233 bureaux, 350,702 dépèches intérieures, 147,342 dé-
pêches internationales et 31,633 dépêches de service. Un
câble relie Java à Sumatra et par là à FEurope ; un autre
à Port-Darwin, au N. de l'xVustrahe. — On comptait à la
fin de 1891, aux Indes orientales, 193 bureaux de poste
ayant distribué 5,584,000 lettres intérieures et 1 ,475,000
extérieures, 1,357,000 cartes postales (dont 79,000 pour
le service extérieur) et 6,662,000 imprimés et échantil-
lons (dont 5,600,000 pour le service extérieur). Les recettes
JAVA
n —
se montaient à 4 ,958,879 florins, les dépenses à 3,583,484
florins, y compris une partie de celles des télégraphes.
Le commerce de Java est extrêmement important ; il se
fait surtout avec les Pays-Bas, puis viennent Flnde an-
glaise, la Chine (Hong-kong), l'Australie, les Etats-
Unis, etc. Quelques chiffres feront juger de son importance.
La flotte marchande des Indes orientales à la fin de 4891
comprenait 4,874 navires jaugeant 2,331,427 tonnes. Le
mouvement des ports pour le commerce général (non com-
pris le cabotage d'île à île) accusait aux entrées 3,258 va-
peurs jaugeant 3,673,000 tonnes et 498 voiliers jaugeant
400,000 tonnes, soit un mouvement total (entrées et sor-
ties) de plus de 8 millions de tonnes. Le commerce des
Indes orientales s'est beaucoup accru depuis le début du
siècle. En 4825, les exportations se montaient à 49 mil-
lions de florins et les importations à 44 millions et demi. En
4864, la seule île de Java exportait pour 407,834,495 flo-
rins de marchandises et en importait pour 39,740,900.
En 4884', les exportations se montaient à 449,838,000
et les importations à 422,446,000. En 4894, pour l'en-
semble des Indes orientales, on trouve 224,464,000 flo-
rins aux exportations et 477,434,000 aux importations.
Les principaux articles d'exportation sont : le sucre
(54,500,000 fl.), le café (36,600,000 fl.), le tabac
(32,300,000 fl.); ces deux derniers progressent, le pre-
mier diminue ; puis viennent l'étain (des îles Banca et Bil-
liton, 9,200,000 fl.), la gutta-percha (4,600,000 fl.),
le poivre (4,200,000 fl.), l'indigo (3,200,000 fl.), le riz
(2,900,000 fl.), la résine de damonar (2,600,000 fl.),
le gambir (2,600,000 fl.), le thé (2,200,000 fl.), le co-
pra (2,000,000 fl.), les peaux (2,000,000 fl.). Les ex-
portations faites pour le compte du gouvernement se mon-
taienl en 4894 à 22,460,000 florins, les importations à
9,448,000 florins.
Histoire. — L'histoire de Java est un peu mieux con-
nue que celle du reste de l'archipel Malais, dont ce fut la
partie la plus anciennement et la mieux civilisée, mais
cette histoire est néanmoins fort obscure. La civihsation
javanaise vient de l'Inde; pas plus que celle-ci elle n'a de
chronologie. On peut admettre que la grande immigration
hindoue se place au ii® ou au i^'^ siècle av. J.-C. et se pro-
pagea par rindo-Chine et Sumatra. Cependant ces régions
étaient déjà gagnées par la propagande bouddhiste, et les
missionnaires hindous qui débarquèrent à Java semblent
avoir été des brahmanes; du moins, en 414 ap. J.-C, le
bouddhisme était à peu près inconnu dans l'île au témoi-
gnage du pèlerin bouddhiste chinois Fa-hian. Le boud-
dhiste s'est répandu ultérieurement, et les monuments attes-
tent qu'il y eut une extension comparable à celle du
brahmanisme. Le nom de Java est d'origine hindoue; c'est
c'est celui d'une céréale, le panicum italicum^ dont le
nom sanscrit est cljava; Ptolémée l'applique déjà à l'île.
Les annales javanaises ont conservé le souvenir d'un grand
nombre de souverains ou de dynasties bouddhiques, mé-
langé à des mythes hindous. L'île était divisée en plusieurs
royaumes dont les capitales sont aujourd'hui ruinées. Les
principales de ces cités dont on voit encore les restes
furent :Doho (résid. deKediri), Brambanan, Madang-Ka-
molan (près de Virosobo), Djenggolo (résid. de Sourabaya),
Singhasari (près de Malang), Padjedjaran (65 kil. de Ba-
tavia) et surtout Madjapahit (près de la rivière Kediri, au
S.-O. de Sourabaya) dont les immenses ruines attestent
l'antique splendeur; il faut citer aussi le colossal temple
de Boro-Boudor, dans la plaine de Progo (résid. de Ke-
don), entre quatre volcans. C'est une pyramide de 457 m.
de côté et 36 m. de haut, avec six terrasses successi\es,
bordées de balustrades que surmontent 400 niches, voû-
tées en coupole et renfermant 400 statues colossales de
Bouddha. La terrasse supérieure porte trois terrasses cir-
culaires concentriques avec 78 chapelles (dagops) en forme
de cloche; un dernier dagop et un Bouddha de 4 m. de
haut couronnent l'édifice. Il est bâti en trachyte et décoré
de 2,000 grands bas-reliefs.
Ces difierents royaumes guerroyaient les uns contre les
autres. Les deux principaux étaient: Padjedjaran et Mad-
japahit. A la fin du xiu^ siècle, le vaillant Ôuttou Gadéva
réunit l'île entière sous sa domination. Son empire se dis-
loqua après sa mort. En 4304, le sultan de Ternate s'em-
para de Madjapahit; mais en 4359 les indigènes y repri-
rent le dessus. Au milieu du xv^ siècle, Ankavidjaya fonda
le grand empire de Madjapahit. Il conquit non seulement
l'île de Java, mais presque toute la Malaisie ; 25 grandes
îles lui obéissaient : les Moluques, presque tout Bornéo,
toutes les îles de la Sonde, Sumatra, la presqu'île de Ma-
lacca. Cet empire fut détruit par les musulmans en 4478.
Maîtres de l'Inde, ils s'attaquèrent au dernier pouvoir po-
litique qui représentait les religions hindoues. Leur pre-
mière invasion date de 4405. Les vaincus résistèrent à
l'E. de Java et trouvèrent un refuge dans l'île de Bali où
ils se sont maintenus. Java fut entièrement conquise par
l'islamisme et de nouveau morcelée. A côté des Etats fondés
par les envahisseurs arabes, il se reconstitua des Etats
malais. La prédominance politique sur l'archipel appartint
quelque temps aux souverains de Malacca, jusqu'au jour
où les Portugais s'emparèrent de la ville (4544). Les prin-
cipautés entre lesquelles fut divisée Java furent celles de
Demak à TE., Chéribon à l'O., celles de Bantam et Mata-
ram, auxquelles s'ajoutèrent celles de Djakatra, Kalinia-
mot, Kedon, Madoura, etc. Au xvi« siècle, il ne subsistait
que quatre principautés : Mataram, la plus importante,
Djakatra, Chéribon et Bantam. En 4579, les Portugais
nouèrent avec les Javanais des relations régulières. Mais
dès 4594 parurent les Hollandais. En 1640, ils s'emparè-
rent de Djakatra; en 4619, ils y fondèrent Batavia; en
4682, ils se substituèrent aux Anglais à Bantam ; au milieu
du xviii^ siècle ils profitèrent de ce que le sultan de Ma-
taram les appelait contre les Madourans et les gens de
Macassar, pour lui imposer leur protectorat, diviser son
royaume en deux parties, celle de l'O., qui demeura à son
héritier avec le titre de soushounan et celle de l'L. attri-
buée à un parent avec le titre de sultan. Après l'occupa-
tion anglaise (4841-15), les grandes insurrections s'ache-
vèrent par l'annexion directe de l'île entière, sauf deux
principautés insignifiantes. On trouvera dans l'art. Colo-
nisation une histoire complète de l'installation des Hollan-
dais à Java, de la conquête et de l'organisation de l'île.
A.-M. B.
BiBL. : Van der Chus adi-essé une bibliographie com-
plète des ouvrages relatifs a Java publiés d'e 1659 à 1870
dans le 2« fasc. du t. XXXIX des Mém. de la Soc. des arts
et sciences de Batavia {Verh. Baiav. Gen. van Kunster en
Wetenschappen); Batavia, 1880, in-4. — Kas, Geogr. bi-
bliogr. van Nederl. Oost Indie; Uirecht, 1881, a donné une
bonne bibl. des ouvrages publiés de 1865 à 1880. — Nviioff
en a donné une autre en 1883.
Il faut citer parmi les ouvrages d'ensemble : Fr. Valen-
TYN, Oud euNieuw Oost-Indieh; ûordrecht et Amsterdam,
1721-26, 9 vol. gr. in-fol. ; ouvrage capital, rédigé par un
missionnaire. — TEMMiNCK,Cowpci"œi/ sur les possessions
néerlandaises dans l'Inde archlpélagique ; Leyde, 1816-19,
3 vol. in-8. — Verhandelingen over denatuurlijke geschie-
denis der Nederlandsche ôverzeesche Bentzungen; Leyde,
1837-47,3 vol. in-fol. av.ûg:. — Roord a, H andboek der L and
en Volkenkunde van Nederlandsche Indie; Amsterdam,
1841, 4 vol. in-8. — Siebold et Melvill van Carnbee, le
Moniteur des Indes orientales et occidentales; La Haye,
1846-50, 4 vol. in-8 av. cartes. ~ Veth, Catalogue de la
section des colonies néerlandaises à Vexposiliorî coloniale
Internationale d'Amsterdam de iS83; Leyde, 1883, m-8. —
On trouvera d'abondants matériaux dans les Mém. de la
Soc. de Batavia (en holL), quia publié depuis 1781 une cen-
tame de volumes, et dans les contributions à l'étude de la
langue, la géographie et l'ethnographie des Indes néer-
landaises {Bijdragen tôt de Taal, Land en Volkenkunde
van Nederlandsche Indie) qui se publient depuis 1853 à La
Haye.
Les meilleurs atlas sont ceux de Hinderstein (1812,
8 feuilles au 2,250,000% et surtout Melvill et Versteeg
qui embrassent toutes les Indes néerlandaises, et celui de
HoLLANUER ct DoRNEiSEN rjui accompagne Texcellent ira-
nuel du premier [Handleiding van Ned. Indie; l':'82,
2 vol., 4" éd.). — Serne a donné une carte d'ensemblo au
4,000,000» (Amsterdam, 1878, 4 fouilles). — Pour Vile de
Java, Valentyn a donné dès 1726 une carte en 7 feuilles
au 625,000% — L'atlas de Melvill comprend une carte de
Java en 23 feuilles; 2« éd. par Versteeg, 1870.— Jungeiuhx
a donné une carte au 350,000% 2« éd., La Flaye, 1878; repro-
duite dans les Mitth. de Petermann en 1860. — Enfin le
ministère des colonies publie à La Haye dos cartes topo-
graphiques au 100,000«.
Parmi les nombreux ouvrages spéciaux publiés sur l'île
de Java, on peut citer : Junghuhh, Java (néerl.); Amster-
dam, 1850-55 (trad. ail., Leip/ig, 1852-54, 3 vol. — Kussen-
DRAGGER, Natuuv en Àardryhsk^uidige Beschrijving van
Java; Groningue, 18-11, in-8. — iMoney, Java /^ow ta ma-
riage a colony ; Londres, 1861, 2 vol. ~ W. Barringtoin:
D'ALMEiDA^Life in Java ; Londres, 18G4, 2 vol. in-8. — Brum
et Van Hœvell, Alterthinner des Ostindischen Archipels ;
Berlin, 1864, in-8. — De Molins , Voyage à Java^ dans le
Tour du monde, 1864, t. X, pp. 231-289. — Java, dans Re-
vue maritime et coloniale, t. XIV-XVII, 1865-66. — Van
Leent, Java, Géographie médicale, dans Arch. de méd.
navale, avr.-oct. 1868. — Veth, Java; Haarlem, 1875-81,
in-8. — Leemans, Boro Boudour; Leyde, 1874, in-8. —
Meister, Bilder aus Java; Zurich, 1874. — Winckel,
Esai sur Vadmin. de la justice aux Indes orientales; Ams-
terdam, 1880, in-8. — Charnay, Miss, dans Vile de Java,
dans Arc/i. mlss.^ t. VIL— HoFDijK,/n'^ llarlje van Java;
Amsterdam, 1882. — Van den B[':rg, De Handel van Java;
1883. — K.-W. Van Gorkom, De Oostlndische Cultuure;
1883. — Kan, Histoire des découvertes dans l'archipel in-
dien; Leyde, 1883. — Raifle, Hlslory of Java; Londres,
1817, 2 vol. in-4; 2« éd., 1830. — Dulaurier, Empire de
Madjapahit, dans Nouv. Journal asiat., 1846, t. Vil, p- 544,
et t. XIII, p. 523. — Lassen, Indische AUerthumskunde^
t. IV, p. 506. — Van D éventer, Gtschledenis der Neder-
landers op Java ; Haarlem, 1886 et suiv.
JAVAES. Rivière du Brésil (V. Chavàistes).
JAVAL (Léopold), homme politique français, né à
Mulhouse le 4^^ déc. 1804, mort à Paris le 28 mars 4872.
Fils d'un riche industriel israélite, il fit comme volontaire
l'expédition des gorges de l'Atlas. Il avait été nommé
sous-lieutenant de cavalerie lorsque sa famille l'obligea à
rentrer en France. Il coopéra à la fondation des premiers
omnibus de Paris, connus sous le nom d'Orléanaises
et de Favorites, dirigea la banque paternelle, et s'associa
à la plupart d- s grandes affaires industrielles du moment,
entre autres l'établissement des chemins de fer en Alsace,
Le 22 juin 4857 il était élu député au Corps législatif par
le dép. de l'Yonne on il avait créé la ferme-école de Vau-
luisant. Membre du tiers-parti, il prit une part considérable
aux débats d'atfaires et se montra libre-échangiste cou-
vaincu et éloquent. Réélu en 4863 et 4869, ircombattit
le plébiscite et, avec Thiers et E. Picard, ses amis, pro-
clama la République. Il fut élu représentant de l'Yonne à
l'Assemblée nationale le 8 févr. 4 874 .
JAVAL (Louis-Euiile), ocuMste et homme politique fran-
çais, fils du précédent, né à Paris le 5 mai 4839. Sorti de
l'Ecole des mines de Paris en 4864, avec le diplôme d'in-
génieur civil, il se fit recevoir docteur en médecine en 1 868.
Il s'est, depuis lors, à peu près exclusivement consacré à
des travaux d'oculistique. Ils ont spécialement porté sur
l'astigmatisme, pour la détermination duquel il a inventé
un ingénieux appareil, d'une très grande précision, l'op-
tomètre binoculaire (Y. Astigmatisme, t. IV, pp. 362 et
363), et sur le strabisme, dont il a beaucoup contribué à
perfectionner les méthodes de guérison. Il s'est aussi pré-
occupé de l'hygiène de la vue dans les établissements d'ins-
truction et a proposé de nombreuses réformes (jréventives.
Il a été nommé en 4877 directeur du laboratoire d'ophtal-
mologie de la Sorbonne, et il est depuis 4885 membre de
PAcadémie de médecine. A une élection partielle de 4885
et, quelques mois après, aux élections générales, le dép.
de l'Yonne l'a envoyé à la Chambre des députés, oii il a
siégé parmi les républicains opportunistes et où il a pro-
noncé plusieurs discours très remarqués sur la question de
la dépopulation de la France, contre l'entreprise de Panama,
en faveur de l'assurance ouvrière, etc. Il a été l'un des pro-
moteurs de la candidature Carnot à la présidence de la Ré-
publique. Il ue s'est pas représenté en 4889. Il est Fauteur
de plus de deux cents mémoires originaux et articles parus
dans divers recueils et journaux {Annales d'ocidistigue^
Hevue d'hygiène, Compte rendu de la Soc. de hiolo-
yie.eic). Ù a, en outre, donné à part : Du Strabisme dans
ses applications à la physiologie de la vision (Paris,
4808, in-8) ; Hygiène des écoles primaires et des écoles
— 73 — JAVA — JAVELAGE
maternelles (Paris, 4884, in-8) ; Mémoires d'ophtal-
mométrie^ édités en quatre langues ; Manuel du stra-
bisme (Paris, 4894, in-8), etc. Il a enfin traduit de VdS.-
hmmAV Optique physiologique d'Helmholtz (Paris, 4867,
in-8). ' L. S.
BiBL. : Exposé des travaux scientifiques du D"" Javal ;
Paris, 1882, in-4.
JAVALAMBRE (Penade). Massif montagneux d'Espagne
qui couvre de ses épais rameaux les confins des anciennes
provinces d'Aragon et de Valence ; les pentes couvertes de
bois de pins et de chênes envoient leurs eaux au Mijarès,
au Palencia et surtout au Guadalaviar. Le point culminant
est le Pico Javalambre, avec 2,002 m. E. Cât.
JAVAN ou YAVAN est, d'après la table généalogique de
la Genèse^ le nom de l'un des fils de Noé, par lequel est
désignée la Grèce (lonie, Ioniens). C'est dans le même ordre
d'idées que le livre de Daniel désigne Alexandre comme
étant le ^< roi de Javan ».
JAVARI (V. Yâvâiu).
JAVART(Art. vétér.). Le javart est une nécrose partielle
de la peau, des tendons, des ligaments et des fibro-cartilages.
Lejavart cutané est un furoncle et consiste essentiellement
dans la nécrose du derme et dans l'élimination de la partie né-
crosée. Le javart tendineux, sorte de panaris, se caractérise
par une fistule persistante, qui est l'expression de la né-
crose partielle soit des tendons, soit des Ugaments. Le javart
cartilagineux a son siège sur les fibro-cartilages complé-
mentaires de l'os du pied. Le froid, la neige, le séjour dans
des écuries humides et malpropres, des heurts, des coups,
des blessures, telles sont les causes principales des javarts.
Des cataplasmes émollients, des bains d'eau de lin ou de
son, favorisent l'élimination du bourbillon s'il s'agit de
javart cutané ou tendineux ; les pansements stimulants,
excitants, antiseptiques, faciliteront et hâteront la cicatri-
sation des plaies. Quant au javart cartilagineux caractérisé
par la nécrose du cartilage et la fistule qui en est la con-
séquence, les injections excitantes d'alcool, de liqueur de
Villate peuvent en avoir raison au début. Si, malgré ce trai-
tement, la fistule persiste, s'il y a claudication, il y aura né-
cessité de recourir à l'opération, c.-à-d. à l'extirpation du
fibro-cartilage. L. Garnier.
JAVâUGÛES. Corn, du dép. de la Haute-Loire, arr. et
cant. de Brioude; 331 hab.
JAVEA. Ville d'Espagne, prov. d'vVlicante, sur la rive
gauche du Jalon et à 2 kil. de la mer ; 7,000 hab.
Le littoral près de là est très découpé et présente un grand
nombre de grottes curieuses. La ville, abritée contre les
vents du N., a un climat très doux ; elle a de vieilles mu-
railles, garnies de tours, des rues étroites et en pente,
mais bien entretenues. Commerce de raisins secs ; tissus.
Le port est fréquenté par des navires anglais qui viennent
charger des fruits et par des balancelles espagnoles. Javea
est en relations fréquentes avec l'Algérie, et est le point
d'atterrissement du câble qui relie les Baléares à l'Espagne.
JAVEL (Eau de) (V. Chlorure décolorant).
JAVELAGE (Agric). Cette pratique consiste à laisser
quelque temps les céréales sur le sol après les avoir cou-
pées, avant de les mettre en gerbes (V. ce mot). Le javet
lage est nécessaire pour que les plantes nuisibles puissen-
sécher avant la mise en gerbes et pour que la céréale, qui
toujours doit être fauchée un peu prématurément, puisse
achever sa maturation. C'est surtout dans les régions sep-
tentrionales qu'on pratique le javclage ; dans le Midi, il est
beaucoup moins nécessaire, car le temps y étant sec, les
mauvaises herbes se fanent pendant la coupe et la matura-
tion s'achève en gerbes. Il n'en est pas moins vrai que le
javelage doit être surveillé ; il est de la plus haute impor-
tance qu'il ne dure pas trop longtemps, surtout si le temps
est humide; autrement les grains germent et l'herbe pousse
à travers les javelles ; ceci est surtout vrai pour le seigle
et l'orge. Quant au blé, il peut rester en javelles quatre à
six jours sans souffrir ; si on est obligé d'aller au delà, il
faut retourner les javelles dès que leur face supérieure est
JA VELAGE -- JAY
sèche. L'avoine peut rester huit jours; quelquefois on la laisse
douze ou quinze jours, mais alors son grain augmente de
volume au détriment du poids, ce qui nuit à sa valeur mar-
chande (V. Moisson). Alb. L.
JAVELINE, JAVELOT (Arm. anc). Il convient de
donner ce noiu à toutes les armes de jet, aux traits qu'on
lançait à la main, comme aujourd'hui encore les sauvages de
l'Afrique et de l'Océanie jettent leurs sagaies. Le type de
ces armes dans l'antiquité est le pilum romain qui, en se
modifiant, devint l'angon des Francs. Au moyen âge, ces
armes furent peu employées sinon par les peuples orien-
taux, mais les Catalans et autres Européens méridionaux,
qui avaient de fréquents rapports avec les Turcs, en adop-
tèrent l'usage sous le nom de dardes.
Plus tard, ces cavaliers grecs, albanais ou épirotes qui,
sous le nom de stradiots, servirent de cavalerie légère en
France, en Italie et ailleurs, étaient munis d'une longue
javeline dont ils se servaient comme d'une lance. Cette
javeline, d'origine turque, atteignait une longueur de 7 à
8 pieds, et c'est d'elle que dérive la lance moderne dont les
pandours autrichiens ramenèrent l'emploi sur les champs
de bataille au xviu^ siècle (V. Pilum, Sagaie, Lange et
Hast [Armes d']). On doit laisser le nom de javelot aux
traits longs de moins de 4 pieds, souvent faits entièrement
d'acier, que les Indiens, les Turcs, les Persans maniaient
avec tant d'adresse, il y a peu de temps encore, et qu'ils
lançaient à de grandes distances. Maurice Mâindron.
JAVENÉ. Com. dudép. de l'Ille-et-Vilaine, arr. et cant.
de Fougères ; 973 hab.
JAVÈBCY (Sieur de) (V. Félibien).
JAVERDAT. Com. du dép. de la Haute-Vienne, arr. de
Rochechouart, cant. de Saint-Junien ; i.l49 hab.
JAVERLHAC. Com. du dép. de la Dordogne, arr. et
cant.deNontron,sur leBandiat; 1,535 hab. Stat. du chem.
de fer d'Orléans, ligne du Quéroy àNontron. Colonie agri-
cole pénitentiaire privée à Jommeîières. Forges ; minerai
de fer. Monument mégalithique connu sous le nom de Pierre
Virade. Château des xin^, xv^ etxviii^ siècles.
JAVERNANT. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Troyes,
cant. de Bouilly; 214 hab.
JAVIE (La). Ch.-l. de cant. du dép. des Basses-Alpes,
arr. de Digne, au confinent de la Bléone et de l'Arigeol ;
AQ6 hab. Forêt communale. Commerce de prunes. Châ-
teau en ruines.
JAVOGUES (Claude), homme politique français, né à
Bellegarde le 19 août 1759, mort à Paris le 10 oct. 1796.
Fils d'un notaire, il servit d'abord dans l'armée, devint
ensuite élève de procureur et s'établit à Montbrison en
1789. Administrateur du district de Montbrison, il fut élu
député du Rhône-et-Loire à la Convention, siégea à la
Montagne et vota la mort de Louis XVL Envoyé le 20 juil.
1793 dans Sanne-et-Loire, sa mission fut ensuite étendue
aux dép. de Rhône-et-Loire et de l'Ain. Il se montra
très rigoureux, surtout contre les riches. Couthon, qu'il ac-
cusait de modérantisme, le fit rappeler. Décrété d'arresta-
tion, il bénéficia de l'amnistie votée dans la dernière séance
de la Convention. Pris dans l'affaire du camp de Grenelle,
le 25 fructidor an IV, il fut condamné à mort et fusillé.
JAVOLS (Gabales). Com. du dép. de la Lozère, arr.
de Marvéjols, cant. d'Aumont; 1,154 hab. Ancien chef-
lieu de la civitas Gabalum, on l'identifie avec Anderitum^
station romaine citée par les itinéraires. Javols paraît avoir
été assez important à l'époque impériale. Des fouilles effec-
tuées dans ce siècle ont amené la découverte de monuments
considérables, d'inscriptions et de nombreuses monnaies;
Anderitum fut en grande partie détruit par des Barbares,
probablement dès le m^ siècle, date d'une première inva-
sion; il ne s'est jamais complètement relevé de cette ca-
tastrophe. Toutefois il resta pendant longtemps encore la
capitale du pays, et les évêques y résidèrent probablement
jusqu'au milieu du x® siècle, date de leur établissement
définitif à Mende. Au x\m^ siècle la seigneurie appartenait
au comte de Peyre, Les habitants vivaient des produits du
sol et de la fabrique de draps grossiers. Source thermale
fréquentée par les gens du pays. A. Molinier.
liiBL. : Congrès archéologique de France (séances de
1857); Cacn, 1858, in-8, pp. 99-110.
JAVORZNO. Bourg d'Autriche, prov. (}e Galicie, district
de Chrzanov; 5,500 hab. Mines de houille; fonderie de
zinc ; verrerie.
JAVREZAC. Com. du dép. de la Charente, arr. et cant.
de Cognac; 080 hab.
JAVRON. Com. du dép. delà Mayenne, arr. de Mayenne,
cant. de Couptrain; 2,195 hab. Stat. du chem. de fer de
l'Ouest, ligne de Mayenne à Pré-en-Pail. Fabriques de ma-
chines agricoles, de clous, de sabots. Eglise (mon. hist.)
des xii*' et xv^ siècles.
JAVUREK. Peintre tchèque, né à Prague en 1810. H fit
ses études à Vienne et à Prague et les compléta par des
séjours à Anvers, à Dresde et à Paris. On lui doit un cer-
tain nombre de tableaux historiques, notamment : la Mort
de r empereur Alhrecht ; l'Assassinat du dernier Pré-
myslide ; le Meurtre des officiers de Waldstein ; les
Adieux de Jean Hus, des portraits, etc.
JAX. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. de Brioude,
cant. de Paulhaguet; 547 hab.
JAXU. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. deMau-
léon, cant. de Saint-Jean-Pied-de-Port ; 329 hab.
JAY (John), homme d'Etat nord-américain, né à New
York le 12 déc. 1745, mort à Bedford (Massachusetts)
le 17 mai 1829. Descendant d'Auguste Jay, protestant
français de La Rochelle, il prit part aux pourparlers préli-
minaires de l'insurrection des colonies américaines, con-
seilla la réunion d'un congrès général et y fut délégué
(sept. 1774). Il rédigea l'adresse au peuple de Grande-
Bretagne, une autre aux Canadiens, fut un des commis-
saires chargés de correspondre avec les libéraux euro-
péens, de s'entendre avec la France, etc. En 1779, il fut
nommé ambassadeur en Espagne, n'y obtint rien et se
rendit à Paris où il négocia avec Franklin le traité de paix
avec la Grande-Bretagne (1782-84). En 1788,11 décida
l'Etat de New York à accepter la constitution fédérale. 11
fut nommé président de la cour suprême (1789). En
1794, il fut chargé d'une mission en Angleterre pour la
délimitation des frontières et l'estimation des indemnités
dues aux Américains pour les prises illégales faites par les
croiseurs britanniques. Il conclut un traité qui fut mal
accueilh aux Etats-Unis, mais ratifié. Il fut six ans gou-
verneur de l'E^tat de New York, se retira en 1800 et
acheva sa vie dans sa propriété paternelle. Jay était d'un
caractère très élevé et très pur dans sa vie privée et pu-
blique, humanitaire, imbu d'idées de justice ; très pieux il
appartenait à l'Eglise épiscopale. La solidité et la rectitude
de son jugement, sa vigueur logique lui valurent l'estime
générale. Ce fut un des plus marquants parmi les fonda-
teurs des Etats-Unis. — Son fils William (1789-1868)
prit une part active aux mouvements religieux, antiescla-
vagiste et antimilitaire. Son livre : War and Peace ;
the evils of tlie first^ with a plan for supporting the
last (1848), eut un grand succès. — Son fils John, né en
1817, fut ambassadeur à Vienne. A. -M. B.
JAy(Antoine),littérateurfrançais, né à Guîtres (Gironde)
le 20 oct. 1770, mort à Chaberville (Gironde) le 9 avr.
1854. Elève des oratoriens de Niort, où il compta parmi
ses maîtres Fouché,plus tard duc d'Otrante, il termina ses
études à Toulouse, où il s'inscrivit au barreau, puis, do
1795 à 1802, parcourut l'Amérique du Nord. Précepteur
pendant six ans des fils du duc d'Otrante, il débuta, en
1808, par un Eloge de Corneille. Directeur du Journal
de Paris, professeur à l'Athénée, membre de la Chambre
des représentants pendant les Cent-Jours, collaborateur du
Constitutionnel, de la Minerve, fondateur avec Jouy,
Arnault et de Norvins de la Biographie nouvelle des
contemporains, Jay fit preuve à la fois en politique d'un
libéralisme sincère et en littérature de l'opposition la plus
intransigeante. Membre de la Chambre des députés de
- 75 ^
JAY — JEAN
1821 à 1837, il remplaça, en 1832, le duc de Montes-
quiou-Fezensac à FAcadénue française et il eut lui-même
pour successeur Silvestre de Sacy.
Outre une relation de ses pérégrinations en Amérique,
insérée dans le Nouveau Journal des voyages (1803) et
sa collaboration aux journaux et recueils cités plus haut,
Jay a publié un choix de ses articles intitulé le Glaneur
ou Essais de Nicolas Freeman (1812, in-8) ; Histoire
du ministère du cardinal de Richelieu (1815, 2 vol.
in-8); la Conversion d'un romantique (1830, in-8),
pamphlet en prose spécialement dirigé contre les Poésies
de Joseph Delorme de Sainte-Beuve ; enfin un recueil de
ses OEuvres littéraires (183i, 4 vol, in-8). Une condam-
nation à trois mois de prison, provoquée par une notice
sur Boyer-Fonfrède dans la Biographie nouvelle^ lui donna
Jouy (V. ce nom) pour compagnon de captivité à Samte-
Pélagie et fut l'origine de sa collaboration aux Hermites
en prison, ainsi qu'au Salon d'Horace Vernet^ analyse
pittoresque de quarante-cinq tableaux exposés chez lui
(1822, in-8). M. Tx.
JAYâC. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Sarlat,
cant. de Salignac ; 621 hab.
JAY AT. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Bourg, cant. de
Montrevel; 1,104 hab. Stat. du chem. de fer de Chaion
à Bourg.
JAYET (Miner.) (V. Jais).
JAY ME, rois d'Aragon et de Majorque (V. Jacques et
Aragon).
JAYR (Hippoiyte-Paul), homme politique français, né à
Bourg le 25 déc. 1801. Préfet de l'Ain (183^^), de la Loire
(1837), de la Moselle (1838) et du Rhône (1839), il fut
créé pair de France le 9 juil. 1845. Le 9 mai 1847, il
remplaça dans le cabinet Soult le ministre des travaux
publics Teste et se signala par un remarquable travail sur
î'orga'nisation du corps des mines et des ponts et chaussées.
Il conserva ces fonctions dans le cabinet Guizot du 19 sept.
1847 et rentra dans la vie privée lors de la Révolution de
1848. Il a longtemps fait partie du conseil d'administration
des chemins de fer de l'Est.
JAZENEUIL. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Poi-
tiers, cant. deLusignan, sur la Yonne ; 1,182 hab. Eglise
(mon. hist.) du xu^ siècle.
JAZENNES. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Saintes, cant. de Gémozac ; 530 hab. Stat. du chem. de
fer de Paris à Royan.
JAZLOWICKI. Ancienne famille polonaise établie en
Podolie. Elle doit son nom à la petite ville de Jazlowiec
(Galicie). Ses principaux représentants ont été : Wacslav
Jazlowicki (xvi® siècle), grand hetman de la couronne,
castellan de Kamenets, voiévode de Podolie et de Ruthénie,
commandant des troupes de frontières de ces provinces ;
il mourut en 1575. — Nicolas Jazlowicki, fils du précé-
dent, occupa ^Xixûmvs starosties ; en 1576, il fut envoyé
auprès d'Etienne Batory pour lui annoncer son élection ;
dans une expédition contre les Valaques il fit prisonnier
le fameux chef janku. Il avait rêvé de conquérir la Crimée
avec une armée cosaque, mais il échoua dans cette entre-
prise. Il mourut en 1594. L. L.
JEAN (Feu de la Saint-) (V. Feu, t.XVII, p. 369).
JEAN-DE-DiEU (Saint) (V. Charité [Frères de la]).
JEAN-le-Blanc (Ornith.).Nom vulgaire du Circaète de
Yrance (Circaetus gallicus) (V. Circaète).
JEAN-MAYEN(Ile de) (V. Jan Mayen).
JEAN. Nous avons classé les personnages de ce nom
dans l'ordre suivant : i^ les saints; 2^ les papes;
S° les empereurs, rois et princes^ classés par pays^
selon l'ordre alphabétique : Angleterre, empire byzan-
tin, etc. ; sous chacune de ces rubriques, on trouvera
d'abord les empereurs^ les rois, puis les priiices ; P les
personnages divers.
saints
JEAN (Saint), apôtre. Jean, fils d'un pêcheur du lac de
Génésareth, du nom de Zébédée, fut, ainsi que son frère
Jacques, une des premières personnes qui s'attachèrent à
la fortune de Jésus de Nazareth. Les deux frères forment
avec Pierre un cercle plus intime, auquel Jésus confie vo-
lontiers ses plus secrètes pensées; les membres de ce pe-
tit groupe se mettent volontiers en avaîit et manifestent
leurs anibitions avec une intempérance qui leur vaut de sé-
vères avertissements. Dans les premiers temps de l'Eglise
chrétienne, Jean continue de faire partie du triumvirat
apostolique qui prétend décider souverainement de l'orien-
tation de la jeune communauté. De son côté, le quatrième
évangile nous représente Jean comine le disciple bien-aimé
de Jésus, que celui-ci initie aux raffinements d'un mysti-
cisme singulièrement complexe. D'autre part, la tradition
ecclésiastique veut que Jean se soit, quelque temps avant
la destruction de Jérusalem, fixé en Asie Mineure ; il aurait,
au cours de sa longue vieillesse, imprimé aux communautés
chrétiennes de ce pays, la marque de sa conception particu-
lière du christianisme. En somme, la personne de raf)ôtre
Jean reste entourée d'une i fort grande obscurité; elle ne
peut prendre corps que pour ceux qui lui attribuent la
composition soit de V Apocalypse, soit de l'Evangile et des
Epîtres johanniques; mais aucun de ces cinq ouvrages ne
saurait être attril3ué à l'un des disciples immédiats de Jésus .
Evangile et épltres de saint Jean. — Le Nouveau
Testament et la tradition ecclésiastique attribuent à l'apôtre
Jean la composition de cinq des livres qui figurent au canon
des Ecritures, à savoir l'Apocalypse, le quatrième évan-
gile et trois épîtres. On a donné toutes les indications né-
cessaires à l'intelligence du premier de ces ouvrages dans
un article spécial (V. Apocalypse) et l'on a établi que
V Apocalypse canonique ne pouvait être attribuée à Jean,
fils de Zébédée, ni dans son inspiration première, ni dans
sa forme primitive. En ce qui touche l'Evangile, nous avons
fait voir également (V. Evangile) que l'écrit attribué à
saint Jean est un remaniement des trois premiers évangiles,
inspiré par une pensée systématique absolument étrangère
aux manières de voir et de sentir du prerier cercle des
apôtres. Ce mysticisme subtil qui enlève à la figure de Jé-
sus tous les traits d'une personnalité vivante et le réduit à
l'état d'une abstraction impersonnelle, n'a pu prendre corps
qu'à un moment où l'Eglise sacrifiait les souvenirs réels
et matériels de son fondateur aux illusions d'une savante
métaphysique. Cette métaphysique théologique plonge elle-
même ses racines dans le philonisme et, d'une manière plus
générale, dans les spéculations judéo-alexandrines. Attribuer
une oeuvre d'analyse raffinée à Tun des compagnons immé-
diats de Jésus, c'est commettre un non-sens historique et
littéraire, c'est faire violence à la psychologie. Cependant
quelques écrivains distingués ont entrepris récemment de
soutenir que, si la doctrine du quatrième évangile est visi-
blement étrangère à la sphère où se mouvait la pensée des
premiers chrétiens, l'auteur avait en sa possession des sou-
venirs d'un prix inestimable sur le cadre de la vie de Jésus,
ce que M. Sabatier ne craint pas d'appeler « une tradition
positive et originale sur la vie de Jésus ». On arrive ainsi
à une formule faite pour ménager certaines susceptibilités,
mais qui ne donne point satisfaction aux exigences d'iuie
démonstration rigoureuse : « Le quatrième évangile peut et
doit être ramené à l'apôtre Jean, mais d'une façon médiate
et indirecte. Il représente la forme qu'avait revêtue l'his-
toire évangélique en Asie Mineure dans les cercles où s'était
exercé son long ministère. C'est une solution moyenne ré-
sultant du double caractère de cet écrit, où il est aussi
difficile de méconnaître la préoccu[>ation du théologien et
du commentateur que la tradition positive et précieuse d'un
témoin de Jésus. » Ces efforts désespérés pour sauvegarder
en quelque mesure l'historicité de l'évangile johannique,
après qu'on a sacrifié son contenu dogmatique, ne nous
semblent pas devoir renciintrer beaucoiip d'écho en dehors
.des cercles où des considérations officielles rendent néces-
saires de gazer les résultats purement négatifs d'une cri-
tique fondée sur des principes rationnels. Nous nous bor-
nerons à rappeler quelle déformation le quatrième évangile
JEAN —
fait subir aux miracles rapportés dans les synoptiques, dé-
formation qui s'explique toujours par des motifs systéma-
tiques, des faits tels que la purification du Temple rapportée
aux débuts de la carrière de Jésus, la lourde et pénible in-
venûon qui se montre dans le miracle des noces de Cana et
de la résurrection de Lazare, deux prodiges qui sont la la-
borieuse mise en œuvre de propositions purement dogma-
tiques. M. Renan s'était placé à un autre point de vue
quand il retenait quelques-unes des indications du quatrième
évangile; il se préoccupait de ne pas trop dégarnir ses
sources et sacrifiait les exigences de la critique au souci de
la composition littéraire. L'évangile attribué à l'apôtre saint
Jean n'a rien de commun avec ce personnage.
Nous en devons dire autant des épîtres, qui appartiennent
au même cercle d'idées que le quatrième évangile. La pre-
mière et la plus importante rappelle la théologie de l'Evangile
dont elle est l'application pratique. M. Sabatier l'a carac-
térisée avec exactitude en disant que « nul écrit du Nou-
veau Testament ne se prête moins à l'analyse que celui-là.
On peut même se demander si nous sommes en présence
d'une lettre s'adressant à des lecteurs particuliers avec un
but spécial. On dirait plutôt une homélie famihère, pleine
sans cloute d'une idée dominante, mais où les pensées de
détail se succèdent sans ordre logique, appelées par les in-
cidents du discours, par le dernier mot qui vient d'être
écrit. Aussi renoncerons-nous à les distribuer dans un cadre
quelconque. Il suffira de noter l'idée inspiratrice et le sen-
timent particulier qui résonnent sous toutes les lignes et en
font l'unité, pour ne pas dire la monotonie. Cette idée, ex-
primée dans le premier verset, c'est la réalité et l'incar-
nation de la parole de vie dans la personne du Christ, qui
se communique et se propage par la foi dans tous les
croyants. D'un autre côté, toute la richesse de cette com-
munion et de cette foi vivante se manifeste dans l'amour,
le commandement nouveau qui résume et accomplit tous les
autres. C'est cette prédication répétée qui a valu à son au-
teur le surnom d'apôtre de l'amour. — A quels lecteurs
l'épître est-elle adressée? Ils restent aussi mystérieux que
l'auteur lui-même. Aucune circonstance historique ou géo-
graphique ne permet de les deviner. » La seconde et la
troisième épître placées sousle nom de Jean sont fort courtes;
elles se donnent comme l'œuvre d'un « presbytre » ou
« ancien » et ont des destinataires particuliers, un certain
Caïus et une femme, ou plutôt une communauté spéciale. —
L'Evangile et les épîtres constituent les documents de la
théologie «johannique », titre purement conventionnel qui
désigne des vues en faveur à la fin du i®^ siècle et au com-
mencement du second de notre ère. M. Vernes.
BiBL. : Pour la bibliographie générale, V. Nouveau
Testament; à consulter toutes les Introductions au Nou-
veau Testament et les dictionnaires bibliques.
JEAN-Bâptiste (Saint), personnage juif qui joue un rôle
considérable aux débuts du christianisme, mais dont la per-
sonne et l'action restent entourées d'une grande obscurité.
Du témoignage réuni de l'historien Josèphe et des Evan-
giles, il résulte que, au temps d'iïérode Antipas, un ascète
de ce nom s'était établi dans la région du bas Jourdain aux
environs de Jéricho ; ce Jean, couvert d'un vêtement étrange
qui rappelait celui des anciens prophètes, afi'ectant de se
nourrir des produits spontanés du sol, annonçait la venue
du Dieu tout-puissant et faisait retentir de terribles im-
précations à l'adresse des riches, des puissants, des gens
en place. A ceux qui écoutaient ses instructions, il admi-
nistrait le baptême, — d'où son surnom, — c.-à-d. qu'il
les plongeait dans les eaux du Jourdain après qu'ils eussent
fait pleine et entière confession de leurs péchés. Cette im-
mersion signifiait que le pénitent se débarrassait des souil-
lures du passé et inaugurait une vie de vertu et de piété
qui lui vaudrait l'indulgence et le pardon du juge suprême.
Josèphe déclare que, cette prédication semblant de nature
à ébranler le prestige des autorités constituées, Hérode
Antipas fit enfermer Jean-Baptiste dans la forteresse de
Machérus et, bientôt après, lui ôta la vie. La mort du bap-
76 -
tiseur pourrait tomber aux environs de l'an 30 de l'ère
chrétienne. Les Evangiles prétendent que Jean s'attira le
ressentiment d'Antipas par les observations qu'il ne crai-
gnit pas de lui adresser sur sa vie privée, mais que ce
prince ne se décida à le sacrifier entièrement que sur les
sollicitations de sa femme Hérodiade et d'une fille que celle-ci
avait de son précédent mariage. Jean-Baptiste nous apparaît
donc comme un de ces agitateurs au rôle à la fois religieux
et politique, dont les circonstances troublées que traversait
le judaïsme exphquentle succès. Son action fut, en effet, as-
sez profonde pour survivre à sa personne, et un groupe de
disciples entretint pendant quelques générations le souvenir
de ses menaces et de sa rude prédication. Ce groupe était
destiné à se fondre dans les rangs de l'Eglise chrétienne.
En suite de cette fusion, les Evangiles nous présentent
le rôle de Jean-Baptiste sous un jour qui n'est certainement
pas celui de la réalité. Au lieu de constater que le chris-
tianisme a accaparé à son profit le mouvement considérable
provoqué par le Baptiste, ils prétendent que Jean s'est donné
dès le premier jour comme le précurseur et le héraut de
Jésus de Nazareth, d'abord qu'il a annoncé sa venue, puis
qu'il lui a administré le baptême, ce qui a été l'occasion
d'une manifestation céleste proclamant la dignité messia-
nique de Jésus; ils ne vont pourtant pas jusqu'à prétendre
que Jean ait volontairement disparu de la scène après avoir
désigné Jésus comme le Messie attendu. On peut, en re-
vanche, se demander si Jésus n'a pas commencé par être
un disciple de Jean, dont il se serait séparé par la suite ;
la pauvreté des documents ne nous permet pas de trancher
la question et nous hésiterions à nous engager dans cette
voie. Nous penserions plutôt que les mouvements provo-
qués successivement par Jean et par Jésus ont été entière-
ment indépendants l'un de l'autre et que l'absorption du
premier par le second n'a été que le produit des circons-
tances. La théologie chrétienne ne pouvait se résoudre à expli-
quer cette fusion par des raisons tirées de la nature des
choses. Aussi les Evangiles nous mettent-ils en présence
d'un système, soigneusement élaboré : d'un côté, Jean an-
nonce la venue imminente du Messie et déclare le recon-
naître dans Jésus; de l'autre, Jésus, appliquant au Bap-
tiste plusieurs textes de la Bible, le désigne comme étant le
prophète Elie, dont l'apparition devait précéder immédia-
tement la venue du Messie. Des critiques même qui s'ef-
forcent de sauvegarder l'historicité de l'histoire évangélique,
sont contraints toutefois par l'évidence à aboutir à des con-
clusions singulièrement voisines des nôtres. Ainsi M. A.
Sabatier s'exprime ainsi : « On est habitué à faire aboutir
toute l'œuvre de Jean-Baptiste à celle de Jésus comme à
son but et à son terme et à l'y absorber entièrement. L'his-
toire nous présente autrement les choses. Elle nous a mon-
tré Jean-Baptiste gardant son indépendance et poursuivant
sa mission parallèlement à celle de Jésus. Elle nous montre
ses disciples gardant la même attitude vis-à-vis des dis-
ciples du Christ, assez longtemps encore après sa mort. Le
livre des Actes meaiionne un groupe de douze disciples de
Jean à Ephèse, qui ne savaient pas encore qu'il y eût un
baptême d'esprit, et que Paul fait entrer définitivement dans
l'Eglise. Le quatrième évangile, sans pouvoir être expli-
qué tout entier par une intention polémique contre les dis-
ciples de Jean, vise pourtant bien dans plusieurs passages,
des groupes où l'on était tenté de voir dans Jean le Messie
lui-même. Epiphane mentionne parmi les sept hérésies juives
et après celle des pharisiens, celle des héméro-baptistes qui
paraît s'être rattachée à Jean. » En gros, les Evangiles acca-
parent Jean-Baptiste, mais en le maintenant volontairement
à un rang inférieur; il représente l'eau par opposition à
l'esprit, le règne de la loi en contraste avec l'Evangile. —
Le troisième Evangile rapporte avec quel accompasmement
de circonstances merveilleuses se serait produite la nais-
sance de Jean ; c'est un pastiche agréable de plusieurs pas-
sages de l'Ancien Testament, en aucune façon l'écho de
souvenirs authentiques. M. Vernes.
BiBL. : Sabatier, art. Jean-Baptiste, dans Encyclo-
77
JEAN
péàie des sciences religieuses^ t. VIL— Vernes, Histoire
des idées messianiques. — Renan, Vie de Jésus. — Havet,
le Christianisme et ses origines^ t. IV.
JEAN Chrysostome (Saint), célèbre Père de l'Eglise
(V. Chrysostome).
JEAN Climàque (Saint), Père de l'Eglise, mort vers 605
(fête le 3 août). On sait très peu de choses certaines sur sa
vie ; car tout ce que rapporte son biographe, le rnoine Da-
niel, est sujet à caution. Il entra très jeune au monastère
du mont Sinaï, dont il devint ensuite abbé. On le surnomme
quelquefois Sinaïte ou Scolastique, mais plus souvent
Climàque, à cause d'un de ses ouvrages intitulé échelle
(■/.Ai[jLa^) du Paradis {Scala paradisi). Il y enseigne les
voies pour parvenir au plus haut point de perfection reli-
gieuse. On a encore de lui un Libei' ad pastorem, qui
renferme d'intéressantes comparaisons entre un supérieur
de couvent et un berger, un professeur, un médecin, un
capitaine. Ces deux ouvrages, surtout le premier, ont joui
d'une grande vogue au moyen âge, Beaulieu.
BiBL. : Vie de Jean Cliniaque, par le moine Daniel de
Raïthu (en latin), dans Ltppomam, t. III, p. 401 ; dans
MiGNE, Pair, grœca^ LXXXVlîI. -— Pour les œuvres de
Jean, V. Fabricius, Bibliotheca grœca.
JEAN CoLOMBiNi (Saint) (V. Colombini).
JEAN Damascène (Saint), savant religieux de la pre-
mière moitié du vin® siècle, mort après 754. C'est un des
hommes les plus remarquables de son temps et parla dignité
de son caractère et par l'étendue de ses connaissances. Ori-
ginaire de Damas, il sortait d'une famille du nom de Man-
sour, qui était au service du khalife. Il reçut une très
bonne éducation et, entre autres maîtres, eut un moine
nommé Kosmas, qui était venu de Sicile à Damas comme
prisonnier de guerre. 11 entra ensuite dans les conseils du
khalite; mais il ne tarda pas à en sortir pour se faire ordon-
ner prêtre. Il fut mêlé à toutes les controverses religieuses
de son temps et joua un rôle actif dans la querelle des ico-
noclastes. Du fond du monastère de Saint-Sabas, à Jéru-
salem, où il s'était retiré, il défendit l'orthodoxie avec
toutes les ressources d'une dialectique infatigable. Toute-
fois son biographe Jean semble avoir beaucoup exagéré
et poétisé son rôle, A l'en croire, le khalife lui avait fait
couper la main, pour avoir défendu les images et quitté son
service, et Jean l'aurait recouvrée grâce à l'intervention
miraculeuse de la Vierge. Or ni Jean ni les chroniqueurs
ne font mention de ce miracle. On sait seulement que Jean
fut, au concile de 754, frappé d'anathème avec Germain et
Georges. Jean a laissé un nombre considérable d'ouvrages :
des écrits de polémique, des traités dogmatiques, des
œuvres poétiques et des épîtres. On en trouvera une liste,
incomplète toutefois, chez Lequien, le meilleur éditeur des
œuvres de Jean (Lequien, Sancti J.-D. Opéra omnia^
1712. Patrologia grœca, XCIV-VI). Un de ses princi-
paux titres de gloire est d'avoir été, avec Kosmas, le plus
important représentant de la troisième période de la poésie
religieuse grecque. On lui attribue généralement un traité
de musique liturgique; toutefois, cette paternité a été
contestée récemment. Il est plus probable que Jean n'en
fit qu'une revision. Comme poète, Jean imite Grégoire
de Nazianze. A la simplicité d'un Romanos il préfère les
artifices compliqués de la versification et de la composition.
Il se complaît dans les tours de force poétiques, au détri-
ment de la chaleur des sentiments et de la clarté de l'ex-
pression. L'intelligence de ses poésies en souffre constam-
ment ; il en est qui sont aussi obscures que les chœurs des
tragiques grecs. Son originalité consiste à avoir substitué,
dans ses poésies religieuses, la quantité à l'accentuation.
Toutefois Jean montre une préoccupation constante do faire
sentir, dans ses trimètres iambiques, les syllabes accen-
tuées, qui reviennent d'une mani'^'re régulière. Beallteu.
BiBL. : Jean, patriarche de Jérusalem, Vie de Saint
Jean, éd. Lippomani, t. V ; Surius, 6 mai. — Phil. Labbe,
Conspectus novae edlt. omnium oper. S' J. D. in iv part,
distrib. ; Paris, 1052. ■— Lwquien, Conspectus operura J.
D. ; Paris, 1700.— F. Nève, Saint Jean de Damas et son in-
fluence en Orient, dans Revue belge, 1861. -— Perrier,
J ean Damascène, sa vie et ses écrits; Strasbourg, 1863. —
Grundlehner, Johannes D. ; Utrecht, 1877. — Langen,
J.von Damaskus; Gotha, 187y. ~ Lupton, S. John of
Dam. father of english readers ; Londres, 1883. — Karl
Krumbacher, Gesch. der byzant. Litteratur ; Munich,
JEAN DE Capistran (Saint) (V. Capistrano).
JEAN DE Damas (Saint) (V. Jean Damascène [Saint]).
JEAN DE DuKLA (Saint), religieux polonais, né à Dukla
en 1414, mort en 1484. Il fît ses études à l'université de
Cracovie et entra dans l'ordre des bernardins. L'Eglise lui
a conféré le titre de bienheureux.
JEAN DE LA Croix (Saint), religieux, de son nom de
famille : Jean de Yep,ez, né à Ontiveros, près d'Avila
(Vieille Castille),en 1542, mort en 1591 ; béatitié en 1675,
canonisé en 17:26 par Benoit Xlll. Fôte le 24 nov. —
Après la mort de sa mère, il entra, très jeune encore,
dans un hôpital pour soigner les malades ; il le fit avec
un dévouement au-dessus de son âge. Il résolut ensuite de
se vouer à la vie monastique. Son goiît pour la solitude
l'attirait vers les chartreux, mais son'ardente dévotion pour
la sainte Vierge le détermina à préférer les carmes. Vers
l'âge de vinot et un ans, il prit l'habit dans leur monas-
tère de Médina del Campo. Bientôt après, il entreprit avec
sainte Thérèse l'œuvre que nous avons relatée au mot
Carmes (t. IX, p. 454), et qui aboutit à l'institution des
carmes 'déchaussés. Les carmes, qui s'opposaient à cette
réforme, l'accubèrent de rébellion à leur ordre et le firent
emprisonner a Tolède comme fugitif et apostat. Sainte
Thérèse parvint à le faire mettre en liberté, après neuf
mois de détention. Il dirigea ensuite divers couvents adhé-
rents à la réforme et en fonda d'autres. En 1585, il fut
élu provincial d'Andalousie ; en 1588, définiteur de l'ordre.
Mais en 1591, dans un chapitre tenu à Madrid, s'étant
élevé contre les décisions des supérieurs, qui voulaient
qu'on abandonnât la conduite des carmélites, il fut dé-
pouillé de ses fonctions et confiné dans le monastère de
Pegnuela, sur la sierra Morena. 11 y tomba malade et fut
transféré dans un autre couvent, où il mourut, privé de
soins et accablé d'outrages. — Ses œuvres expriment la
quintessence du mysticisme et ne peuvent guère être com-
prises que par les adeptes : Nuit obscure de l'âme; —
Mo7itée du Carmel; — Cantique du divin amour entre
rame et Jésus-Christ, son divin époux;— Vive flamme
d'amoîir; — Lettres spirituelles; — Conseils spiri-
tuels. — Edition: Barcelone, 1619, in-4. — • Traductions
en fran<;ais : le P. Cyprien (Paris, 1641 , in-4) ; le P. Louis
de Sainte-Thérèse (Paris, 1665, in-4) ; le P. Maillard
(Paris, 1694, in-4). E.-H. Vollet.
BiBL. : Joseph de Jesu Maria, Vie de Jean de la Croix;
Bruxelles, 1632, in-4, traduite par le P. Dosithée de Saint-
Alexis; Paris, 1727, '2 vol. in-4.
JEAN DE Matera (Saint), né à Matera (Potenza, Italie)
vers 1070, mort au Mont-Gargan le 20 juin 1139. Après
avoir vécu de longues années dans la retraite en des lieux
déserts, il revint prêcher dans sa province natale, y fut
méchamment accusé d'hérésie, et fonda, vers 11 iS, un
ordre particulier, dit de Pulsano, du nom du principal
monastère, au S. de Tarente. On y suivit la règle de Saint-
Benoît, avec quelques prescriptions spéciales. L'ordre
s'éteignit au xiv« siècle.
BiBL. : Acta Sanctorum (Bolland.) ; Anvers, 1707 Juin,
t. III, pp. 37-58. '
^ JEAN DE Matha (Saint), instituteur d'ordre, né à
Faucon, dans la vallée de Barcelonnette (Provence), en
1160, mort en l^il3. Fête le 8 févr. Il fit ses études à
Aix, puis à Paris, oîi il fut reçu docteur en théologie et
ordonné prêtre. En la première messe qu'il dit, au moment
où il élevait l'hostie, un ange apparut, sous la forme d'un
jeune homme vêtu d'une robe blanche, avec une croix
rouge et bleue sur la poitrine : il avait les bras croisés et
les mains posées sur deux captifs, comme s'il eût voulu
en faire l'échange. Jean se retira auprès d'un saint ermite,
Félix de Valois, qui vivait au diocèse de Meaux, afin de
prier avec lui, pour connaître le sens de cette apparition.
Un jour qu'ils s'entretenaient près d'une fontaine, ils
JEAN
aperçurent un cerf d'une grande blancheur, qui portait
entre ses bois une croix rouge et bleue ; et en trois songes
difierents, un ange vint leur dire d'aller à Home demander
au pape ce qu'ils devaient faire. IL y ai river eut au (ooi-
mtncemenl de i'arnée 11 98. Conm'e ils assistoient à la
messe que le pape céîébiail jour apprendre la volonté de
Dieu, Fapparition de la pjtmière messe se renouvela. Le
2févr.,jour de la Purification, le pape les revêtit de
l'habit qu'ils avaient vu à i'an^e, et il les envoya à Paiis
avec des lettres ordonnant à Eudes, évêque de cette ville,
et à Absalon, abbé de Saint-Victor, de leur donner une
règle et un couvent. Gauthier ou* Gaucher de Chatillon
leur céda, entre Gandeleu et La Ferté-Milon, le terrain où
avait eu lieu la vision du cerf, d'où le nom de Cerfioy
donné au couvent qui y fut construit. Jusqu'à la fm du
xviii« siècle, ce couvent resta le chef de l'orc/r^ de la
Sainte-Trinité, qui avait été ainsi fondé et voué à la
rédemption des captifs. La règle avait été approuvée et
l'ordre confirmé, avec octroi de grands privilèges, par
bulle d'Innocent Ilï (47 déc. 4198). Les religieux devaient
réserver un tiers de leurs biens pour le rachat des captifs,
et, suivant leur première règle, ils étaient astreints à une
extrême austérité. Les supérieurs de leurs couvents étaient
appelés ministres. Quarante ans après sa fondation, cet
ordre possédait six cents maisons en divers pays. On a
évalué à neuf cent mille le nombre des captifs et esclaves
rachetés par lui avant la fin du xviu^ siècle. Ils avaient
aussi servi les croisades avec un grand zèle, accompagnant
les croisés dans leurs expéditions, les exhortant à combattre
vaillamment pour la gloire de Jésus-Christ, soignant les
blessés et les malades.
A l'époque de la Révolution, les trinilaires ne comp-
taient plus guère que cent cinquante couvents, répartis en
treize provinces, dont six pour la France. Urbain IV avait
commis Lévêque de Paris et les abbés de Saint-Victor et
de Sainte-Geneviève pour tempérer leur règle ; cette miti-
gation fut approuvée par Clément ÏV (1267). Mais le relâ-
chement dépassa souvent et de beaucoup les adoucissements
permis, et nécessita diverses réformes. La plus importante
fut opérée en Espagne, vers 4594, par le P. Jean-Baptiste
de la Conception, qui institua les trinitaires déchaussés.
En 4636, ils obtinrent de Urbain VIII l'autorisation d'avoir
leur propre général. Cette réforme fut imitée en Fi'ance
par le P. Jérôme de Halies, dit du Saint-Sacrement ; auto-
risée par Clément VIII (4601), elle fut confirmée par
Urbain VIII (4629), qui lui donna Aix pour centre. Au-
jourd'hui, l'ordre de la Sainte-ïrinité, est compté tout
entier parmi les ordres mendiants ; et chacune des deux
branches a son supérieur général à Rome : vicaire gé-
néral pour les trinitaires chaussés, ministre général
pour les déchaussés. — Dès 4204, des femmes s'étaient
adjointes en Espagne à l'œuvre des trinitaires, mais comme
oblates ou béates, sans prononcer de vœux. En 4236, leur
maison devint un véritable couvent, avec des religieuses
de chœur et des sœurs converses. Il se fonda dans la suite
un grand nombre d'étabhssements de religieuses de cet
ordre. — Les trinitaires ont aussi un tiers-ordre. — En
France, ces religieux portaient le nom de Mathurins, à
cause d'une chapelle dédiée à saint Mathurin (rue Saint-
Jacques), qui leur avait été donnée par l'évêque de Paris
et le chapitre de la cathédrale, et auprès de laquelle ils
avaient construit un monastère. Comme c'était dans cette
maison que se tenaient ordinairement les assemblées de
l'université, on l'appelait Primaria sedes Universitatis.
— Le recensement spécial de 4864 mentionne 3 religieux
trinitaires, 4 maison ; 625 religieuses trinitaires, 39 mai-
sons (3 maisons mères); 62 Irinitaiies déchaussées, 7 mai-
sons. E.-H. VOLLET.
BiBL. : HÉLYOT continué par Bullot, Histoire des
ordres monastiques, religieux et militaires; Paris, 1714-
21, 8 vol. in-4, fig. — Prat, Vie de saint Jean de Mathaet
de saint Félix de Valois, 1846.
JEAN DE Salerne (Saint), dominicain, né à Salerne en
4194, mort en 1242. Supérieur de la maison des frères
78 -
prêcheurs à Florence, il fut chargé par Grégoire IX de
combattre les patarins (V. ce mot), et, pour ses succès, il
fut canonisé le 2 avr. 4783.
JEAN GuALBERï (Saint) iV. Gualbert).
JEAN Kenty (Saint), théologien polonais, né à Kentv
en 4397, mort en 4473. Il fit ses études à l'Académie de
Cracovie où il prit le titre de docteur en théologie. Il fut
célèbre comme professeur et comme prédicateur. H a été
canonisé en 4707. L'Eglise romaine célèbre sa fête le
20 nov.
JEAN l'Aumônjer (Saint), patriarche d'Alexandrie de
606 à 646 (Pagi) ou 620 (Lequien), Il n'embrassa la vie
religieuse qu'à la mort de sa femme. Devenu patriarche
d'Alexandrie, il se voua tout entier aux bonnes œuvres et
laissa dans tout l'Orient une réputation d'inépuisable bonté.
Il avait organisé un service d'assistance publique qui ren-
dit les plus grands services quand les chrétiens de Palestine,
fuyant devant les Perses après la prise de Jérusalem (juin
614), accoururent en foule en Egypte. Sa liste d'assistés
ne comprenait pas moins de 7,5U0 pauvres. Ce fut aussi
un prélat réformateur qui fit une rude guerre à la simonie
et chercha à combattre les progrès des hérésies, en déve-
loppant l'instruction religieuse "des fidèles. Quand les Perses
s'emparèrent de l'Egypte en 646, Jean dut quitter son
siège d'Alexandrie. Il se réfugia dans son pays natal, où il
mourut peu après. Beaulieu.
BiBL. : On a plusieurs biographies de Jean dont deux
principales ; celle de Leontius, évêque de Neapolis en
Chypre (Migne, Patr. graec, XCIII); celle de Siméon Me-
TAPHRASTK (MiGNE,Pah\ grœc, CXIV).-Bruni, Vita del
gl s. Giovanni, etc.; Venise, 1610. — Palafox y Mendoza,
Vida de S. J. ; Madrid, 1650. - Lezzi, Vita di S. Giou.,
lool.
JEAN le Silencieux (Saint), évêque de Colonia (Armé-
nie), né à Nicopolis (Arménie) en 454, mort à Saint-Sabas,
près de Jérusalem, vers o58. Fête le 43 mai. Né de pa-
rents chrétiens et riches, il construisit, dès 472, une église
en l'honneur de la Vierge. Vers 481, il fut sacré évêque
de Colonia à son corps défendant, car il aimait la solitude
et le silence. Il avait horreur des bains et ne se lavait ja-
mais ; il s'était promis de ne jamais se laisser voir ni se
regarder lui-même, sans vêtement. Il dut aller à Constan-
tinople, vers 491, pour affaires de son diocèse; au lieu de
retourner à Colonia, il se sauva à Jérusalem et se fit rece-
voir au couvent que Sabas venait de fonder. Il y fut chargé
des plus humbles services et ne dit à personne, sauf au pV
triarche, sous le sceau de secret, qui il était. Quand des
dissensions éclatèrent au couvent, vers 503, Jean se retira
au désert; en 540, il revint au couvent pacifié et y vécut
dans le silence le plus complet, une vie angélique, suivant
l'opinion de ses contemporains. F. -H. K.
BiBL. : ActaSanctorum {Bolland.); Anvers, Mai 1680,
t. 111, pp. 2o2-2o8.
JEAN iNépomucène, patron de la Bohême. Il vivait
sous le roi Vacslav IV. Il s'appelait Jean de Pomuk et fut
tué par l'ordre de Vacslav tout simplement pour avoir encou-
ragé l'évêque Jean de Jenstein dans sa résistance aux
volontés royales (iO mars 4393). La statue de ce saint
s'élève sur le fameux pont de Prague et est l'objet de la
dévotion des pèlerins. On la rencontre aussi sur des
ponts de beaucoup de villes de la Bohême. On montre
son tombeau à la cathédrale de Prague, et, le 46 mai, il
est visité par de nombreux pèlerins venus de toutes les
parties de la Bohême et de la Moravie. La légende qui fait
de Jean de Pomuk le martyr de la confession auriculaire,
ne se forma qu'au xv« siècle et prit naissance en dehors
de la Bohême. Elle fut développée au xvi^ siècle dans la
Chronique de Hajek et devint rapidement populaire. Le
culte de Jean Népomucène se développa surtout au xvii« siè-
cle sous l'influence des jésuites. On lui attribua des mi-
racles; la légende s'élargit et le jésuite Babin lui donna
une rédaction définitive {Acta sanctorum, t. III, mai).
En 4683, fut érigée la statue qu'on voit encore sur le pont
de Prague. Jean de Pomuk fut déclaré bienheureux en
4724 et canonisé en 4729. Mais la canonisation s'appliqua
à un personnage qui n'a point existé, qui aurait péri en
1383, tandis que le vrai Jean de Pomuk mourut en 1393.
Dobrovsky fut le premier à signaler cette erreur singulière
(Litterarisches Mayaz-in von Uœhmen; Prague, 1787).
Quoi qu'il en soit des efforts de la critique moderne, la lé-
gende du prétendu saint est encore très vivace en Bohènie.
Toutefois, il esta remarquer que, ni en 1883, anniversaire
de la mort du faux Jean Népomucène, ni en 1893, anniver-
saire de la mort du vrai, on n'a osé célébrer le 5® cente-
naire du martyre. L. Léger.
BiBL. : Abel, Die Légende vom helligen Johann von
Nepomiik, 1855. — Sybel's Ilistorische Z'eitschrift^ 1873. —
Jean Herber, Jnn Nepomucky (en tchèque) ; Prague, 1893.
PAPES
JEAN I^^ (martyr), 55« pape, élu le 13 août 523, mort
le 18 mai 526. Fête le 27 mai. Le fait principal de ce
pontificat consiste dans les négociations que Jean entreprit
auprès de l'empereur Justin, sur l'ordre de Theodoric, roi
des Ostrogoths. Justin, ardent persécuteur des hérétiques,
avait ménagé les ariens dans ses premiers édits ; mais il
finit par ordonner de prendre leurs églises et de les re-
mettre aux catholiques, après les avoir consacrées de nou-
veau. Theodoric envoya le pape à Constantinople, avec
menaces de représailles, afin de réclamer, non seulement
la tolérance pour les ariens qui avaient persévéré, mais le
droit pour ceux qui avaient abjuré de revenir à leur pre-
mière foi. Jean fut reçu à Constantinople avec de grands
honneurs; il officia à la fête de Pâque, suivant le rit latin,
et il exigea qu'on lui donnât dans l'église un trône plus
élevé que celui du patriarche. L'empereur, qui régnait déjà
depuis huit ans, se fit couronner par lui. Mais les histo-
riens sont en désaccord sur la manière dont il s'acquitta
de sa mission. Les uns, invoquant des témoignages authen-
tiques, affirment qu'il présenta, avec de vives instances, la
double demande dont il était chargé ; d'autres, qu'il la
divisa, sollicitant la tolérance pour les ariens, mais con-
seillant de refuser à ceux qui en étaient sortis la faculté
de rentrer dans leur ancienne Eglise. D'autres, s'appuyant
sur une lettre de Jean, dont l'authenticité est fort con-
testée, prétendent qu'il proposa à Justin de repousser
pareillement les deux parties du message de Theodoric.
Quoi qu'il en soit, il fut emprisonné à Ravenne, dès son
retour, et il y mourut. E.-Il. Vollet.
BiRL. : Liber Pontifîcalis. — GREGOROviuft, Geschichie
der Stadt Rom im Mittelalter ; Stuttgart, 1859-73, 8 vol.
in-8. — J. Barmby, dans le DicLionary of Christian biogra-
phy de W. Smith et H. Wace ; Londres, 1877-87, 4 vol.
in-8.
JEAN il, surnommé Mercuriiis^ 58® pape, élu le 31 déc.
532, mort le 27 mai 535. 11 était né à Rome, et avant
son élection, il y était prêtre, au titre de Saint-Clément.
Sur les instances du Defensor Ecclesiœ, agissant vraisem-
blablement de concert avec le pape, Athalaric, roi des
Ostrogoths, confirma, au commencement de ce pontificat,
un décret rendu en 530 par le Sénat romain, pour ré-
primer les promesses et les dons d'argent faits, à l'occasion
des élections, par les prétendants à la papauté, et la dila-
pidation des biens de l'Eglise, qui en était la conséquence.
— Le 25 mars 534, Jean approuva un édit de Justinien
déclarant que le Verbe divin et le Christ sont un et le
même, et que les souffrances qu'il a endurées en sa
chair sont, comme ses miracles, de cet un et même.
Dans une lettre adressée au pape en lui communiquant son
édit, l'empereur expliquait que le Verbe et Christ, un et
le même, consubstantiel au Père quant à sa divinité,
consubstantiel à nous quant à son humanité, avait pu
souffrir dans sa chair, quoique cet un et môme lut im-
passible dans sa divinité. Les acémètes, qui soutenaient
l'opinion contraire, se prévalaient dîme lettre du pape
Hormisdas condamnant des moines qui avaient prétendu
qu'une personne de la Trinité avait souffert dans la
chair. Plusieurs écrivains argumentent de ce fait, pour
établir qu'un pape a approuvé ce qu'un autre avait con-
damné. E.41. V.
BiBL. : V, Jean l''^.
79 — JEAN
JEAN m, 63« pape, élulelB juil. 560, mortlel2juiL
573. Le seul fait quelque peu mémorable de ce pontificat
se rapporte à la juridiction ecclésiastique. Deux évêques
de la Gaule déposés par un synode tenu sur l'ordre du roi
Gontt'an, ayant fait appel à Kome, furent rétablis par le
pape ; mais, ayant commis de nouveaux méfaits, ils furent
définitivement destitués par un autre synode. — 568-569
conquête de la plus grande partie de l'Italie par les Lom-
bards. E.-H. V.
^ JEAN IV, 74® pape, élu le 24 déc. 640, mort le H oct.
642. R repoussa énergiquement et fit condamner par un
synode romain ÏEcthesis (V. ce mot et Monothélisme) de
l'empereur Héraclius. Comme on objectait que le pape lio-
norius s'était déclaré contre la coexistence de deux volontés
en Jésus-Christ, il prit la défense d'IIonorius et soutint
que le pape avait nié non deux volontés distinctes, mais
deux volontés contraires en Jésus-Christ. — Répondant
à une lettre que les évêques et les prêtres d'Ecosse avaient
adressée à Séverin, son prédécesseur, il réprouva leur
usage relativement à la célébration de la fête de Pâques,
et il les mit en garde contre le pélagianisme. E.-lL V.
JEAN V, 84e'pape, élu le 23 juil. 685, mort le 2 août
685. Ne à Antioche en Syrie, il commence une série do
papes provenant de l'Eglise d'Orient. Il est aussi le premier
pape dont la consécration se fit sans attendre la confirma-
tion de l'empereur. Cette dispense avait été accordée sous
le pontificat de Benoit II, par un mandat de l'empereur
Constantin Pogonat. — Au VP concile œcuménique (681)
Jean avait été un des trois représentants du pape Agathon.
JEAN VI, 87«pape, élu le 20 oct. 701, mortle9janv.
705. Il était d'origine grecque. Il apaisa une sédition des
soldats mutinés à Rome contre l'exarque dltalie. Il racheta
les captifs pris par Gisulphe, duc de Bénévent, qui avait
envahi et ravagé la Campanie ; et il traita avec lui pour
qu'il se retirât de cette [)rovince. Il reçut et fit juger favo-
rablement par un synode romain l'appel de Wilfrid, évêque
d'York, déposé par un synode anglais. E.-H. V.
JEAN VII, 88- pape,' élu le 1«^ mars 705, mort le
17 oct. 707. n était Grec : son père s'appelait Platon.
Aussitôt après son élection, Justinien 11 lui envoya les ca-
nons du concile Quinisecte (692), appelé aussi concile in
Trullo (V. Constantinople, t. XR, p. 628, col. 2), le
priant de les communiquer à un synode romain qui en
confirmerait ceux qui auraient obtenu son approbation, et
qui pourrait repousser les autres. Ils avaient été rejetés pré-
cédemment dans leur ensemble par le pape Sergius, comme
contenant des dispositions contraires aux prérogatives et
aux usages du siège de Rome. Jean les remit à Justinien
sans protestation ni modification aucune. Un biographe de
ce pape, reproduit par le Liber Pontifîcalis, attribue cet
acquiescement tacite « à la lâcheté et à la fragiUté humaine »,
et il suppose que 1a prompte njort de Jean fut le châtiment
de sa faii)lesse; Baronius, au contraire, estime qu'il agit
avec dignité, le silence étant la seule réponse que méritât
la demande de l'empereur. E.~lï. V.
JEAN VIII, papesse (V. Jeanne [La papessej).
JEAN Vlll, 110« pape, élu le 14 déc. 872, mort le
15 déc. 882. Il était né à Rome et était archidiacre de
l'Eglise romaine lorsqu'il fut élu. Le 25 déc. 875, il cou-
ronna comme empereur Charles le Chauve, qui était venu
à Rome et avait gagné la faveur du Sénat et du peuple par
ses libéralités, et celle du pape par des promesses de secours
contre les Sarrasins, vraisemblablement aussi par des pro-
messes de concoiirs pour l'extension de l'autorité du saint-
siège sur les Eglises de l'Empire. Ce prince se rendit ensuite
à Pavie, pour y recevoir la couronne de Lombardie. Les
dix-huit évêques assemblés en concile, à l'occasion de ce
couronnement, déclarèrent qu'ils l'élisaient unanimement
seigneur et protecteur, mais en lui rappelant que c'était la
bonté divine qui l'avait, par l'intercession de saint Pierre
et do saint Paul, et par le ministère du pape Jean, leur
vicaire, élevé à la dignité impériale, pour l'utilité de l'Eglise.
Le 21 juin 876, deux légats siégeaient avec cinquante
JEAN —
évêques français au concile de Pontion, convoqué par ordre
de Charles le Chauve : on y confirma l'élection de l'empe-
reur et les actes du concile de Pavie ci-dehsus mentionnés ;
on y agita plusieurs fois l'affaire d'Ansegise, archevêque de
Sens, que le pape venait d'instituer primat des Gaules et
de la Germanie, et vicaire du saint-siège en ces contrées,
soit pour la convocation des conciles, soit pour toutes autres
affaires ecclésiastiques. Il devait notifier aux évêques les
décrets du pape, lui faire rapport sur l'exécution, et lui
référer les causes majeures. Les évêques répondirent qu'ils
respectaient le seigneur Jean, leur père spirituel, souverain
pontife et pape universel ; tous recevaient avec vénération
grande les choses que, selon son sacré ministère, il avait
décidé dans son autorité apostolique, et ils lui rendaient
sur toutes choses l'obéissance qui lui était due. Mais, con-
formément à l'avis de Hincmar, ils réservèrent expressé-
ment les droits des métropolitains. Malgré les instances de
l'empereur et des légats, Ansegise ne put obtenir rien de
plus. Le titre de primat attribué depuis lors à Tarchevêque
de Sens n'a jamais été considéré dans l'Eglise gallicane
comme conférant juridiction.
Les Sarrasins tenaient alors quelques fortes positions
dans le sud et le centre de l'Italie, et leurs flottes, venant de
la Corse, de la Sardaigne et de l'Afrique, dominaient et
ravageaient les côtes occidentales. La plupart des villes et
des princes avaient renoncé à les combattre; plusieurs
même avaient fait alliance avec eux. Jean seul essaya avec
constance de leur résister. Mais tous ses efforts restèrent
vains, ainsi que toutes ses instances pour obtenir le secours
des princes chrétiens. Lorsque la Campanie fut envahie
et dévastée, il dut se soumettre à un tribut annuel de
25,000 marcs d'argent. — Il avait soutenu jusqu'à la fin
le parti de Charles le Chauve. Après la mort de cet empe-
reur (13 oct. 877), Lambert, duc de Spolète, et Adalbert,
marquis de Tuscie, occupèrent Rome, et forcèrent les prin-
cipaux habitants à jurer fidéUté à Carloman. Le pape, sé-
questré dans Saint-Pierre, parvint à s'échapper et à gagner
la France par mer (avr. 878). Il tint à Troyes (août-sept.)
un concile, auquel assistèrent trente évêques et le roi Louis
le Bègue, qui y fut couronné. On y excommunia Lambert
et ses complices, et on condamna, par anathème sans espoir
d'absolution, Formose, évêque de Porto (plus tard pape),
et Grégoire, maître de la milice de Rome. A la fin du con-
cile, Jean pria les évêques de le suivre pour la défense de
l'EgUse romaine, avec tous leurs vassaux armés. L'année
suivante, il rentra a Rome. Malgré son aversion contre
Carloman, il dut se résigner à couronner son fils, Charles
le Gros (12 fév. 881).
Dans l'ordre religieux, les faits les plus importants de ce
pontificat se rapportent aux actes de Jean à l'égard de
Photius et de l'Eglise grecque. Ces actes ont provoqué des
controverses qui s'agitent encore passionnément aujour-
d'hui, et où se produisent avec une singulière abondance
les accusations réciproques de falsification et de suppres-
sion de documents si communes dans l'histoire ecclésias-
tique. Au concile tenu en 869 à Constantinople après la
disgrâce de Photius (VHP concile général des Latins), Jean
avait été le principal rapporteur, et il avait conclu à l'an-
nulation de l'élection de Photius, comme absolument illé-
gitime. Mais Photius fut rappelé plus tard par l'empereur
Basile, qui lui confia l'éducation de ses enfants, et après
la mort du patriarche Ignace (23 oct. 878), il fut rétabli
sur le siège de Constantinople. Un concile général fut con-
voqué à Constantinople pour restaurer la paix de l'Eglise.
C'est le VHP concile œcuménique des Orientaux (nov. 879-
mars 880), l'assemblée ecclésiastique la plus nombreuse
depuis le grand concile de Chalcédoine : 383 évêques. Jean
sollicitait alors le secours de Basile contre les Sarrasins ;
il reconnut Photius, mais en essayant de profiter de cette
occasion pour renouveler et faire prévaloir les prétentions
de Rome à une suprême juridiction sur toute l'Eghse, et
sa revendication de l'Eglise de Bulgarie. 11 n'obtint de l'em-
pereur qu'une assistance navale insuffisante contre les agres-
80 -
sions des Sarrasins, et échoua misérablement dans ses deux
autres entreprises. Les légats qui le représentaient au con-
cile étaient Paul, évêque d'Ancône ; Eugène d'Ostie et Pierre,
cardinal-prêtre. Ils prétendirent qu'ils avaient été envovés
pour confirmer Photius dans sa charge et ses dignités ;
mais on leur fit bientôt comprendre que le patriarche n'avait
nul besoin de la confirmation du pape. Dans les lettres
qu'ils devaient lire au nom de Jean, ils omirent, avec ou
sans son consentement, les énonciations qui imposaient à
Photius l'obligation de demander au pape pardon d'occu-
per illégalement le trône patriarcal, et de reconnaître qu'il
devait sa confirmation à la grâce du pape. Ils finirent par
dire qu'ils avaient été envoyés pour rétablir l'union dans
l'Eglise de Constantinople; mais puisque cette union était
déjà rétablie et Photius accepté comme patriarche, ils
n'avaient plus qu'à remercier Dieu, le dispensateur de la
paix ; et ils signèrent en ces termes la réprobation du con-
cile de 869, qui avait condamné Photius : « Je reconnais
Photius patriarche légalement élu, j'entre en commu-
nion avec lui conformément aux instructions du pape. Je
regrette et j'anathématise le concile qui a été convoqué
contre Photius, ainsi que tout ce qui a été fait contre lui
à l'époque du pape Adrien, de bien heureuse mémoire, et
je ne compte pas ce concile au nombre des véritables. »
Les instructions écrites qu'ils avaient reçues de Jean (Com-
monitorium, § 10) comprenaient cette déclaration de nul-
lité : ... Synodus qiiœ fada est contra Pliotium,., ex
nunc sit regecta, irrita et sine robore, et non connu-
mer etur cum altéra sancta Synodo. — Lorsque les
légats réclamèrent la restitution des Eglises de Bulgarie,
on leur répondit que cette question ne concernait que des
limites, et qu'il n'était pas opportun de la traiter, — Dans
le P"* canon de la V^ séance, le concile décréta l'égalité
entre les patriarches de Rome et de Constantinople, et il
interdit d'accorder de nouvelles prérogatives au siège de
Rome.
L'empereur ayant proposé au concile de formuler et de
promulguer un modèle de foi pour tous les chrétiens, le
représentant du patriarche d'Antioche, les autres métropo-
litains et les légats répondirent qu'il était préférable de s'en
tenir à l'ancien symbole, déjà accepté par tous les chrétiens
et confirmé par les précédents synodes œcuméniques. On
lut solennellement le symbole de'^Nicée-Constantinople, le-
quel fait procéder le Saint-Esprit du Père seulement, et
par conséquent ne contient pas le Filioque ajouté par les
Latins. Par une décision unanime, on condamna tous ceux
qui se permettraient de retrancher, d'ajouter ou de modi-
fier quoi que ce fût à ce symbole. En la séance de clôture,
le concile déclara, avec la même unanimité, ennemis de
Dieu ceux qui pensaient autrement. Répondant à une lettre
que Photius lui avait envoyée dès son rétablissement (878),
Jean avait écrit : « Votre envoyé s'est expliqué avec nous ;
il trouve que nous observons la forme primitive du sym-
bole, que nous n'y ajoutons ni n'en retranchons rien...
Non seulement nous ne prononçons pas le symbole avec
Paddition Filioque, mais nous condamnons ceux qui le
font, comme des gens qui défigurent l'enseignement du
Christ, qui violent la parole divine. Mais votre sagesse
n'ignore pas qu'il est difficile de faire accepter cette ma-
nière^ de voir à nos autres évêques, de modifier un usage
qui s'est enraciné depuis des années. Il nous paraît donc
préférable de ne forcer personne à abandonner l'addition,
mais d'agir sur eux par la modération et la prudence, en
amenant peu à peu à abandonner ce blasphème. » La plu-
part des écrivains occidentaux contestent l'authenticité de
cette lettre. Les Orientaux répondent qu'à l'époque où
elle fut écrite, le Filioque, ajouté par le concile de Tolède
dès 589, n'avait point encore été accepté par l'Eglise de
Rome, bien qu'il le fût par d'autres Eglises occidentales.
Moins d'un siècle auparavant, Léon III (795-816), avait
refusé à Charlemagne de l'insérer dans le Credo. Une lettre
de Jean (Ad Sfendopvlcrnm, comitem), dont l'authenti-
cité n'est pas douteuse, montre que personnellement il
n'était pas favorable au Filioque. D'ailleurs, entrant en
communion avec Photius, qui en était l'adversaire déclaré,
il indiquait à tous qu'il ne condamnait pas cette réproba-
tion. On vient de voir que ses légats agirent en conséquence
au concile de Constantinople. En refusant de reconnaître
les actes de ce concile, Jean ne motiva son refus ni sur
les décisions relatives au Filioque, ni sur la condamnation
du concile de 869, mais sur ce que Pholius n'avait point
demandé pardon de ses torts envers Rome, ni remercié le
pape du bienfait qu'il lui avait accordé, en reconnaissant
la légitimité de son élection, et sur ce qu'il n'avait point
cédé la Bulgarie. — Plusieurs historiens reprochent à ce
pape d'avoir abusé des armes spirituelles et d'avoir prodi-
gué les excommunications au point d'en avilir la valeur. 11
reste de lui 326 lettres, reproduites dans la collection des
conciles de Labbe. On a prétendu que les trois dernières
sont apocryphes. E.-ïï. Vollet.
BiBL. : WATTERicri, Pontificum Romanorura ab exeunte
sœculo IX ad finem sœcuti XIIJ ab œqualibus conscriptœ ;
Leipzig, 1862. — Hefele, Conciliengeschichte; Fribourg,
1873. -— Grkgorovius, Geschichte der SladtRom im Mit-
telalter ; Stuttgart, 1859-73, 8 vol. in-8. — De Reumunt, Rom
im Mittelalter ; Berlin, 1867-70^ 3 vol. in-8. — Hergenro-
THER, Photiiis ; Ratisbonne, 1807, 2 vol. in-8. — Jager,
Histoire de Photius ; Paris, 1864, in-8. — Revue interna-
tionnle de théologie : le Patrvirche Photius; Berne, janv.-
mar8 1894.
JEAN !X, 119*^ pape, consacré le 15 juil. 898, mort le
12 mars 900, suivant plusieurs historiens; le 30 nov.
suivant d'autres; au mois d'août, suivant Papencordt.
Aussitôt après la mort de Théodore, un parti avait élu le
diacre Sergius; mais avant que celui-ci fût consacré, Jean,
natif de Tibur, fils de Rampoald, fut éhi par un autre
parti. Sergius, chassé de Rome, se réfugia auprès d'Adal-
bert, marquis de Tuscie. Dès son avènement, Jean s'em-
pressa de convoquer un concile qui condamna les actes in-
famants commis par le pape Etienne YI, contre la mémoire
et sur le cadavre du pape Formose. Mais ceux qui avaient
participé à ces actes furent absous, comme ayant agi par
contrainte. Renouvelant une ordonnance d'Etienne V, ce
concile statua que l'élection des papes serait faite par
l'assemblée des évêques et de tout le clergé, sur la demande
du peuple, et que la consécration aurait lieu en présence
des commissaires de l'empereur, pour éviter les désordres,
afin que l'Eglise ne fût point scandalisée ni la dignité de
l'empereur diminuée. 11 défendit aussi d'exiger de l'élu les
serments nouvellement inventés. Le canon XI se réfère à un
fait intéressant pour l'histoire des mœurs de ce temps-là :
« Il s'est aussi introduit une détestable coutume: à la mort
du pape, on pille le palais patriarcal ; et le pillage s'étend
par toute la ville de Rome et les faubourgs. On traite de
même les maisons épiscopales, à la mort de l'évèque. C'est
pourquoi nous défendons cela à Pavenir, sous peine non
seulement des censures ecclésiastiques, mais aussi de l'in-
dignation de l'empereur. » Deux autres décisions décla-
rèrent légitime le couronnement de Lambert et annulèrent
celui d'Arnulte. Lambert rendit au pape les biens enlevés
à l'Eglise et invalida les aliénations qui en avaient été
faites. E.-H. Vollet.
JEAN X, XI, Xll. — Jean X, 126^ pape, élu fin avr. 914,
mort en mai 928. Il avait été prêtre à Ravenne, évêque de
Bologne, puis archevêque de Ravenne, ce qui rendait son
élection contraire aux lois canoniques alors établies. C'est
pourquoi Raronius lui-même l'appelle psetidopape. Un
Catalogue des papes^ dressé au monastère duMont-Cassin,
peu de temps après son pontificat, l'accuse d'avoir été
intrus (invasor) et attribue la mort qu'il subit à un juste
jugement de Dieu. Il devait sa nomination à la faction qui
dominait à Rome depuis 903.
Cette faction, composée du parti du duc de Spolète et
des Romains qui s'y étaient ralliés, fut longtemps dirigée
par des femmes, dont Fhistoire, écrite d'après les témoi-
gnages de leurs ennemis, vante la beauté et l'habileté, mais
condamne sévèrement les mœurs. Pendant près d'un demi-
siècle, le siège apostolique a été occupé par leurs amants,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE — XXL
81 — JEAN
leurs fils ou leurs petits-fils. D'où le nom de Pornocratie
donné à cette période de l'histoire de l'Eglise romaine,
laquelle est inséparable de l'histoire de ces femmes. Il nous
semble d'autant plus nécessaire de la résumer ici, que
parmi les douze papes qui furent élus sous cette influence,
plusieurs sont appelés Jean. Théodora était la femme de
Théophilacte, que les documents anciens désignent sous le
titre de consul romain. Il est vraisemblable que dès 903
elle occupait le château Saint-Ange; quoi qu'il en soit,
elle tenait Rome et la gouvernait virilement. Luitprand dit :
Theodora^ scortum impudens^ Romance civitatis non
invirililer monarchiam obtinebat. Après la mort de son
mari, elle devint la maîtresse d'Albéric, marquis de Tos-
cane ; mais on raconte qu'elle était passionnément éprise
du prêtre qui devint le pape Jean X, et que c'est à elle
qu'il dut l'évêché de Bologne, puis l'archevêché de Ravenne
et enfin la papauté. Elle eut deux filles: Maroziâ {Maria
Marmccia) et Théodorà, qu'on surnomma la Jeune, pour
la distinguer de sa mère. Marozia, qu'on dit avoir été la
maîtresse du pape Sergius III, épousa un seigneur romain,
Albéric, consul, patrice et marquis de Camerino et de
Spolète. Elle en eut deux fils. L'aîné fut le pape Jean XI ;
Albéric, le second, exerça de 932 à 954, comme sénateur
et patrice, le pouvoir temporel à Rome, ne laissant aux
papes que la direction des aftaires spirituelles.
Au commencement de son pontificat, Jean X avait agi
de concert avec Albéric pour combattre les Sarrazins, et,
avec l'aide des Grecs et de quelques princes italiens, ils
avaient remporté ensemble une victoire décisive près du
Garigliano (916). Albéric mourut en 924, et Marozia
épousa Gui, marquis de Toscane. Il se prit de haine contre
Pierre, frère du pape, qu'il soupçonnait de travailler à
former à Rome un parti d'opposition; il s'empara du
palais de Latran, fit tuer Pierre, sous les yeux du pape, et
enfermer celui-ci dans une prison, où on le laissa mourir
de faim (juin 928). Le Catalogue des papes, mentionné
au commencement de cette notice, porte qu'il fut étranglé:
Jusle laqueo confectus, Léon YI (928-29) et Etienne VII
(929-31) lui succédèrent ; puis Jean XI, fils de Marozia
et d'Albéric (129« pape, élu le 30 mars 931, mort en
janv. 936). Le second mari de Marozia étant mort, elle en
prit un troisième (932), Hugues de Provence, qui avait été
élu roi d'Italie en 926, et avec qui Jean X semble avoir
cherché alors à s'allier contre elle. Hugues vint s'établir
avec Marozia au château Saint-Ange. Son arrivée avait été
acclamée par les Romains, mais ses procédés envers eux
les indisposèrent bientôt. Albéric, second fils de Marozia
et de son premier mari, souffleté par lui, excita le peuple
à se révolter contre la tyrannie,d'une femme et d'un
barbare. L'assaut fut donné au château Saint-Ange ;
Hugues s'enfuit par la partie du château qui donnait issue
sur les murs de la ville ; Marozia tomba au pouvoir de son
fils, qui la tint enfermée jusqu'à sa mort (dont on ignore
l'année). Les Romains proclamèrent Albéric sénateur et
prince, senator et pr inceps omnium Romanorum {9?)''2)
et, suivant Frodoard, patrice. Son frère était alors pape,
de sorte que toutes les puissances étaient réunies entre les
mains des deux fils de Marozia, ou plutôt d'Albéric, car il
gardait étroitement son frère, ne le laissant sortir que
pour les cérémonies religieuses, et il exerçait lui-même le
gouvernement ecclésiastique. Hugues essaya plusieurs fois
de se venger, mais ses attaques restèrent sans succès, et
il se résigna à conclure avec Albéric un traité d'alliance et
d'amitié (936), qui fut renouvelé définitivement en 946
après d'autres agressions pareillement malheureuses de
Hugues. Jean XI était mort dans les premiers jours de
l'année 936. Après lui furent élus Léon VII (936-39),
Etienne VHI (939-42|, Martin HI (942-46), Àgapet II
(946-55), tous sous le protectorat d'Albéric, qui resta si
fortement établi à Rome, qu'à sa mort (954), son fils Octa-
vien, qui était dans les ordres, put lui succéder comme
sénateur, et, moins de deux années après, se faire pro-
clamer pape.
0
JEAN
Octavien était alors âgé de dix-huit ans. Dans l'exercice
du pouvoir temporel, il garda son nom ; mais, le trouvant
d'une consonnance trop païenne pour le chef de l'Eglise, il
s'appela Jean XII (134® pape, élu en janv. 9ob', mort le
44 mai 964). Tous les historiens s'accordent pour pré-
senter ce petit-fils de Marozia comme le pape le plus mépri-
sable qui ait occupé le siège de saint Pierre, et pour lui
attribuer tous les vices : luxure de la pire espèce, impu-
demment étalée, cruauté, avarice, trafic éhonté des offices
ecclésiastiques, dérision sacrilège de la religion dont il
était le pontife suprême. Deux vieux historiens disent, l'un
qu'il aimait collectio fœminarum^ l'autre que le palais
pontifical était devenu prostibidum meretricum. En 960,
pour se défendre contre Bérenger II, roi d'Italie, il soli-
cita le secours du roi de Saxe, Otton P^*. Ce prince vint
en Italie et fut couronné roi des Lombards. En 962, il
reçut à Rome la couronne impériale, après avoir juré de
respecter tout ce qui appartenait à l'Eglise romaine et de
ne rien entreprendre dans la ville contre la volonté du
pape, celui-ci jurant, de son côté, de ne rien entreprendre
contre Otton ; il renouvela, en outre, les donations de
Pépin et de Charlemagne, à la condition que l'élection des
papes restât soumise à la confirmation impériale (43 févr.).
Mais, bientôt après, Jean s'unit aux ennemis de l'empereur,
Bérenger et Adalbert, son fils, et il s'efforça d'exciter
contre lui les Grecs et les Hongrois. Otton revint en armes
et entra à Rome (3 nov. 963), tandis que le pape, qui
avait pris le heaume et la cuirasse, campait avec ses
troupes de Tautre côté du Tibre. Le clergé et le peuple
jurèrent fidélité à l'empereur, et s'engagèrent à ne plus
élire ni consacrer de pape désormais, sinon avec son appro-
bation et celle de son fils, et d'après le propre choix de
l'un et de l'autre. Trois jours après, un concile fut ass^'m-
Mé pour juger le pape. Il y fut accusé d'avoir fait du palais
sacré un lieu de débauche, d'avoir commis des meurtres
et des sévices odieux, d'avoir simoniaquement élevé à un
évèché un garçon de dix ans, d'avoir consacré un diacre
dans une écurie, d'avoir, jouant aux dés, invoqué Jupiter
et Vénus, d'avoir bu à la santé du diable. Tout le clergé
et les Romains attestèrent solennellement la vérité de ces
accusations. Il fut condamné et déposé comme impudique,
homicide et sacrilège. Le protonotaire de l'Eglise romaine
fut élu pour le remplacer et prit le nom de Léon VIll
(22 nov.). Il reconnut la légitimité du serment prêté à
l'empereur, et son droit de donner l'investiture aux évêques
et aux archevêques. Jean, sommé de comparaître devant
le concile, menaça d'excommunication tous ceux qui ose-
raient le juger. Lorsque Otton était encore à Rome, ses
partisans tentèrent une première insurrection, qui fut éner-
giquement réprimée (janv. 964). Mais dès que l'empereur
eut quitté l'Italie, Léon fut chassé de Rome, et Jean y
rentra, exerçant de cruelles vengeances contre ses adver-
saires, faisant couper aux uns le nez, aux autres la main,
la langue ou d'autres membres. Le 26 févr., il tint un
concile qui condamna Léon et annula tous les actes de son
administration spirituelle. Comme Otton marchait sur Rome
pour le châtier, Jean mourut, après une maladie de huit
jours, selon quelques historiens, ou, suivant d'autres, tué
par un mari qui l'avait surpris avec sa femme.
E.-H. VOLLET.
BiBL. : Watterich, Gregorovius, de Reumont, He-
FELE, ouvrages mentionnés dans les précédentes notices.
— Papencordt, Geschichte der Stadt Hom im Mittel-
alter ; Paderborn, 1857, in-8. — Duret, Geschichisbloetter
aus der Schweiz, 1854.
JEAN XIII, 136^ pape, élu le i^'' oct. 965, mort le
6 sept, 972. Il était Romain, fils d'un nommé Jean, qui fut
évêque. Lorsqu'il fut élu, il occupait le siège épiscopal de
Narni. Quelques semaines après son avènement, les Ro-
mains, qu'il avait voulu soumettre à une stricte obéissance,
se soulevèrent contre lui, l'enfermèrent dans le château
Saint-Ange (15 déc. 965), puis le tinrent emprisonné
dans la Campanie. L'année suivante (automne 966), Otton
entreprit une expédition en Italie. A la nouvelle de son ap-
proche, il se fit à Rome une contre-révolution suscitée par
un descendant deThéodora la Jeune (V. Jean X), Jean, fils
de Crescentius. Le pape fut rappelé (sept. ^66). Il sévit,
avec les raffinements d'une cruauté férocement ingénieuse,
contre les chefs de la révolte, que l'empereur lui avait li-
vrés. E.-H. V.
JEAN XIV, 140° pape, élu en nov. 983, mort le 9août
984. Pierre, évêque de Pavie, chancelier de Otton II.
Quelques semaines après son élection, il fut renversé par
le parti sabin, allié aux Grecs. Boniface VU (Y. ce nom),
revenu de Constantinople, où il s'était réfugié, le fit mou-
rir de faim dans sa prison ou étrangler. Lui-même mourut
quatre, six ou kuit mois après (les historiens diffèrent sur
ces nombres) et fut remplacé par Jean, fils de Robert. Ce
Jean XV, à qui on attribue un pontificat d'environ quatre
mois, est ordinairement compté dans la série des papes de
ce nom ; mais il ne figure pas sur la liste officielle, soit
que le parti qui l'avait élu ait été impuissant à l'établir au
pouvoir, soit qu'il n'ait point été consacré. E.-H. V.
JEAN XV ou XVI, 142« pape, élu en juil. 985, mort
en 996. H était Romain, fils de Jean, prêtre de la région
Gallinœ^ albœ. Il fut tenu dans une étroite dépendance par
Crescentius, chef du parti sabin, qui exploitait, à son profit,
même l'exercice de la puissance spirituelle. Jean lui-même
était cupide et vénal en tous ses actes : Turpis lucri cu-
pidwn atque in omnibus suis actibus venalem, ainsi
qu'il est écrit en la Vie d'Abbon, abbé de Fleury. Il se
décida enfin à se délivrer de ce joug ou de ce partage,
s'enfuit de Rome (995) et appela Otton en Italie. Crescen-
tius, effrayé, traita avec le pape, qui promit le pardon et
rentra à Rome, avec une grande solennité. E.-H. V.
JEAN XVI ou XVII, antipape, 997-998 (V. Grégoire V).
JEAN XVII ou XVIII, Ul^ pape, élu le 9 mai 1003,
mort le 31 oct., même année. Fils de Sicco et de Columba,
né au château de Repugnano (Marche d'Ancône). Sa
science et sa piété l'avaient fait élire à l'unanimité.
JEAN XVIII ou XIX, 148^ pape, élu le 26 déc. 1003,
mort le 18 juil. 1009. Fasanus, cardinal au titre de
Saint-Pierre, avant son élection.
JEAN XIX ou XX, 151« pape, élu en août 1024, mort
fin mai 1032. Romanus, de la famille des comtes de Tus-
culum, et frère de Benoît VIH; avant son élection, consul
et sénateur de Rome. Comme il était laïque, on dut lui
conférer précipitamment les ordres pour les consacrer pape :
Vno el eodem dieprœfectus fuit et papa. De même que
sa famdle, il resta fidèle au parti des princes allemands.
Rappela à Rome et protégea Guido d'Arezzo, à qui on a
attribué l'invention de la gamme et la substitution des
notes aux lettres, pour écrire la musique. E.-H. V.
JEAN, 1044-46, antipape ou pape, sous le nom de Gré-
goire VI (V. ce nom).
JEAN XX ou XXI, Petrus Miani, 192« pape, élu le
15 sept. 1276, mort le 16 ou le 17 mai 1277, écrasé par
la chute du plafond de sa chambre. Il était Portugais, fils
de Julien : d'où le nom inscrit ci-dessus. Il avait été ar-
chevêque de Braga, et cardinal-évêque de Tusculum, puis
de Viterbe. Sa grande science le fit accuser de sorcellerie
par les moines, auxquels il était peu favorable. Martin le
Polonais écrit de lui : Magtis, in omnibus disciplinis
instructus, religiosis infestus, contemnens décréta
concilii generalis. l\ annula la constitution que Gré-
goire X avait publiée au concile général de Lyon, mettant
en conclave les cardinaux assemblés pour l'élection des
papes. E.-H. V.
^ BiBL. : KÔHLER, Nachvicht von Papst Johannes; Gœt-
tmgue, 1760.
JEAN XXI ou XXII, Jacques Duèze, 201^ pape, élu le
7 août 1316, par les cardinaux assemblés à Lyon, mort
le 4 déc. 1334. H était né à Cahors, fils d'un savetier,
suivant la plupart des historiens, ou d'un notable bour-
geois, suivant quelques autres, qui semblent plus exacte-
ment informés. Elevé par Jacques Ferrier, archevêque
83 -
JEAN
d'Arles, il avait succédé à son prolecteur comme chance-
lier du roi de Naples, Robert d'Anjou. Celui-ci le fit nom-
mer successivement archevêque d'\vignon et cardinal-
évêque de Porto. Dans l'affaire des templiers, il avait été le
conseiller de Philippe le Bel. — En 1314, Louis, duc de
Bavière, avait été élu empereur à Francfort, et couronné à
Aix-la-Chapelle, pendant que son compétiteur, Frédéric
le Bel, archiduc d'Autriche, était couronné à Cologne.
Jean profita de cette rivalité pour revendiquer la supréma-
tie à laquelle les papes prétendaient. Par bulle de 1317, il
statua qu'en cas de vacance de PEmpire, le pouvoir était
dévolu au saint-siège ; il ordonna, en conséquence, aux
officiers impériaux en Italie de résigner leurs fonctions, et
il transmit à Robert de Naples le titre de vicaire. Lorsque
Louis eut vaincu son rival (1322) et qu'il eut rétabH en
Loffibardie les ofïiciers de l'Empire, Jean lui infligea une
censure pour avoir exercé le pouvoir, avant d'avoir obtenu
la confirmation pontificale. Dans une bulle du 8oct.l323,
il affirma que le jugement de l'élection appartenait au pape
et que, jusqu'à ce qu'il eût statué, l'élu ne devait point
prendre le titre de roi ; il somma Louis, sous peine d'ex-
communication, de s'abstenir de tout acte de gouverne-
ment. Par acte public du 8 déc, le roi contesta ces pré-
tentions, appela du pape présent au pape futur, et réclama
la convocation d'un concile général. Cette résistance fut
punie d'excommunication (23 mars 1324). Louis répliqua
par un nouvel appel à un concile général, dirigé cette fois
contre le pape personnellement, l'accusant d'être un per-
turbateur de la paix, un contempteur du droit et un hé-
rétique, parce qu'il condamnait la pauvreté évangélique
professée par les franciscains rigides (V. François d'As-
sise, t. XVIII, p. 47, col. 2). Ce conflit provoqua de
nombreux écrits, dans lesquels on discuta avec grande har-
diesse sur ce que nous appellerions aujourd'hui la nature,
l'étendue et les rapports réciproques des deux puissances.
Non seulement la plupart des légistes, mais aussi des théo-
logiens renommés, parmi lesquels des religieux, tels que
Occam, Marsile de Padoue (V. ces noms) et Jemi de
Jandun, soutinrent les droits des princes et même des
peuples.
Jean mit en interdit tous les lieux où résideraient le roi
et ses partisans ; mais Louis, réconcilié avec son ancien
rival, passa en Italie pour abattre la puissance du pape. 11
marcha sur Rome, et le M janv. 1328, il s'y fit procla-
mer empereur, par une assemblée populaire réunie au Ca-
pitole. Une autre assemblée décida que le pape devait rési-
der à Rome, et ne pas quitter la ville sans la permission
du peuple. Le 12 mai, un antipape fut élu, le franciscain
Pierre Rainalucci de Corbara {Pierre de Corbière)^ qui
prit le nom de Nicolas V, et mena un train de vie somp-
tueux, peu conforme à la doctrine de la sainte pauvreté.
Quand Louis eut quitté l'Italie, où il sentait son pouvoir
chanceler, Nicolas fut abandonné des Romains et hvré à
Jean, qui lui imposa une soumission solennellement accom-
phe, la corde au cou (15 août 1330), et le fit enfermer
dans une prison honnête, où il était traité en ami et
gardé en ennemi. Mais, vers le même temps, Jean s'alié-
nait les cardinaux itahens, en nommant un trop grand
nombre de cardinaux français ; et d'autre part, son auto-
rité spirituelle se trouva périlleusement atteinte, à l'occa-
sion de sermons prononcés par lui sur la Vision bêatifique
(Avent, 1331). La doctrine qui lui était attribuée fut dé-
férée par le roi de France à la faculté de Paris, qui la
condamna (2 janv. 1333), mais dans des termes qui ten-
daient à dégager la responsabilité du pape. Le roi lui com-
muniqua cette sentence, en le pressant d'y souscrire. On
dit même qu'il le menaça de le faire ardre., s'il ne se ré-
voquait. La réponse du pape fut hautaine. Néanmoins, la
veille de sa mort, il accomplit la satisfaction demandée; il
assembla ses cardinaux, et fit lire une bulle, mise en
grosse, où il disait : « Nous confessons et nous croyons
que les âmes séparées des corps et purifiées, sont au ciel
dans le paradis, avec Jésus-Christ et en la compagnie des
anges, et qu'elles voient Dieu et l'essence divine, claire-
ment et face à face, autant que le comporte l'état d'une
âme séparée. Que si nous avons prêché, dit ou écrit quelque
chose de contraire, nous le révoquons expressément. »
Quand il mourut, la résistance de Louis de Bavière conti-
nuait, et l'interdit jeté sur l'Allemagne n'était pas levé, —
Jean développa avec une habileté, une audace et un succès
merveilleux la fiscalité apostohque ; il en tira de telles
sommes qu'il laissa un trésor de 25 millions de florins
(300 millions). Pour la part qu'il prit à la promulgation
officielle du recueil des Clémentines et l'attribution de
son nom à une collection à' Extravagantes , V. Canon,
t. IX, p. 64, col. 2. Léon XÏII a ordonné la publication
des registres des papes d'Avignon, d'après les archives du
Vatican. Les bulles de Jean XXII y forment 70 volumes
manuscrits. E.-H. Vollet.
BiBL. : Baluze, Vitœ papavum Avenionensium ; Paris,
1693, 2 vol in-4. — André, Histoire politique de la mo-
narchie pontificale au xiv siècle ou la papauté ^'Avi-
gnon; Paris, 1845, in-8. — Christophe, Histoire de la
papauté pendant le xiv« siècle; Paris, 1852, 3 vol. in-8. —
Bertrand Y, Recherches historiques sur l'origine^ l'élec-
tion et le couronnement de Jean XXII ; Paris, 1854, in-
8. — Verlaque, Jean XXII^ sa vie et ses œuvres ; Pa-
ris, 1883, in-8. — MuLLER, Der Kampf Ludwigs der Baiern
mit der rœmischen Curie; Tubingue, 1879, 2 vol. in-8. —
RiEZLER, Die litterarischen Widersacher der Pàpste zur
Zeit Ludwigs des Baiers; Leipzig, 1874, in-8. —P. Meyer,
Marsile de Padoue., Strasbourg, 1870, in-8. — Ch. Schmidt,
Histoire de l'Eglise d'Occident au moyen âge; Paris,
1885, in-8.
JEAN XXII ou XXIH, Balthasar Cossa, 212« pape,
élu le 17 mai 1410, déposé le 29 mai 1415, mort le
22 nov. 1449. Il était né à Naples de iamille noble. Après
une jeunesse désordonnée, où il avait été corsaire et avait
commis tout ce que cette profession comporte, il se mit au
service de l'Eglise (1395) et devint successivement archi-
diacre à Bologne, cardinal-diacre au titre de Saint-Eustache,
légat de Bologne et de la Romagne. Il contribua puissam-
nient à l'élection d'Alexandre V. Après la mort de ce pape,
il fut lui-même élu par seize cardinaux réunis à Bologne.
La plupart des Etats de l'Europe le reconnurent. Prétex-
tant le hesoin d'argent pour réduire ses deux rivaux (Gré-
goire XII et Benoît XIII), il recommença le système des
exactions et publia des règles de chancellerie qui confir-
maient les anciens abus et en introduisaient de nouveaux.
On demanda de toutes' parts un concile général ; l'université
de Paris et l'empereur Sigismond se firent les organes de
ce vœu. Jean essaya d'y résister; mais poursuivi parTar-
mée de Ladislas, roi de Naples, et ayant besoin de la pro-
tection de Sigismond, il fut contraint de s'y soumettre
(1413) et convoqua un concile à Constance pour le 1®^ nov.
1414. Il en présida les premières séances ; mais bientôt il
s'éleva tant de plaintes sur les scandales de sa vie que la
pensée d'en délivrer l'Eglise s'imposa à la majorité des mem-
bres du concile. On lui demanda son abdication, et on le me-
naça, s'il s'obitinait à la refuser, d'employer contre lui le
bras séculier, au nom de l'Eglise. Il s'enfuit, déguisé en pale-
frenier, et se mit sous la protection de Frédéric d'Autriche.
Vainement, il écrivit aux princes que la convocation du
copcile avait été extorquée de lui par violence ; le concile
persévéra dans son entreprise d'épuration et de réforme.
Le duc d'Autriche, mis au ban de l'Empire pour avoir aidé
Jean à s'évader, promit de le livrer ; il s'empara de M et
le retint prisonnier. Le 29 mai 1415, Jean fut déposé
« comme notoirement simoniaque, dissipateur des biens et
des droits de l'Eglise romaine et des autres Eglises, ayant
mal administré le temporel et le spirituel, scandalisé le
peuple chrétien par ses mœurs malhonnêtes et persévéré
dans cette conduite mauvaise, de manière à se montrer in-
corrigible ». Il fut, en outre, condamné à être enfermé,
sous la garde de l'empereur, aussi longtemps que le concile
le jugerait nécessaire. On lui donna pour prison le château
de Gotlieben, où quelques mois auparavant il avait fait dé-
tenir Jean Hus. Ce fut là que cinq cardinaux lui notifièrent
la sentence du concile ; il Paccepta avec une entière sou-
JEAN
— 84
mission. Transféré à Heidelberg, il se consola en écrivant
des vers sur les vicissitudes de la fortune. En déc. 1418,
il obtint sa liberté, moyennant 35,000 florins d'or payés
au palatin. Il se rendit en Italie, ou il fut accueilli avec sym-
pathie par les Florentins, ses anciens alliés. Ayant reconnu
Martin V comme son successeur et le seul chef de l'Eglise,
il reçut de lui le titre de doyen du Collège des cardinaux.
Six mois après, il mourut. Pour le détail des faits sommai-
rement relatés ici, V. Constance (Concile de), Gerson,
Schisme d'Occident. E.-ïl. Vollet.
BiBL. : Théodore DE Niem, VitaJohannis XXIII ; Franc-
fort, 1620. — Aebi, Sigmunds Stelliing zu Papst Johannes^
dans les Geschitsblsetter ans cler Schv^eiz. — Christophe,
Histoire de la papauté au xv« siècle ; Lyon, 1863, 2 vol.
in-8. — ScHMiDT, Histoire de VEglisè d'Occident au
moyen âge ; Paris, 1885, in-8.
empereurs, rois et princes
Allemagne
JEAN (Nepomuk-Maria-Josepli) , roi deSaxe(18o4-73),
né à Dresde le 12 déc. 1801, mort à Pillnitzle 29 oct.
1873. Fils cadet du prince Maximilien et de Caroline de
Parme, il manifesta un goût très vif pour la poésie, la mu-
sique et pour la littérature italienne, pubha sous le pseu-
donyme de Philaletfies une traduction annotée de la
Divine Comédie (Leipzig, 1839-49, 3 yoI.). Son frère
aîné étant devenu corégent (1830), il siégea dans divers
conseils et commissions. Assez populaire, il fut cependant
insulté lors des troubles de Leipzig (1845). Il succéda à
son père Frédéric-Auguste le i^*" août 1854, prêta son
concours aux réformes de la justice et de la législation
économique, fut hostile à la politique prussienne jusqu'en
1866 ; à la guerre, il fut obligé d'évacuer son royaume et,
quand il y fut rentré, devint le fidèle allié du roi de Prusse,
très estimé pour son caractère personnel. Il est né de son
mariage avec Amélie-Auguste de Bavière, trois fils, dont
l'aîné Albert lui succéda, et six filles.
JEAN (Baptiste- Joseph- Fabian-Sebastian), archiduc
d'Autriche, né le 20 janv. 1782, inart à Gratz le 11 mai
1859. Sixième fils de l'empereur Léopold II et de l'infante
Marie-Louise, il fut placé en 1800 à la tête de l'armée que
Kray avait laissé battre ; Moreau lui infligea la grande dé-
faite de Hohenlinden et le battit encore à Salzbourg. Durant
la paix il dirigea et releva l'école d'ingénieurs de Vienne.
En 1805, il fut préposé à l'armée qui gardait le Tirol contre
les Bavarois et Ney, eut l'avantage au col Strub (3 nov.
1805), fut rappelé par son frère Charles pour se joindre
en Carinthie à l'armée d'Italie qu'ensemble ils ramenèrent
vers Vienne. Il s'occupa ensuite d'organiser les provinces
alpestres en vue d'une nouvelle guerre. En 1809, il appela
aux armes les Tiroliens et marcha contre le vice-roi d'Ita-
lie, Eugène, qu'il vainquit à Pordenone et Sacile (16 avr.
1809) et parvint à Vérone. Rappelé au N. après les dé-
faites de son frère, il fut lui-même battu à Raab (14 juin) ;
chargé de garder Comorn, il fut invité à accourir sur le
champ de bataille de Wagram ; il n'arriva qu'au moment
où la bataille était perdue ; l'archiduc Charles en rejeta la
responsabilité sur lui, ce qui engagea entre les deux frères
une violente polémique. Jean voulait continuer la guerre.
Il ne joua plus de rôle actif et s'occupa de développer l'agri-
culture et l'industrie en Styrie. Son humanité, son libéra-
lisme, son amour pour le peuple lui valurent une grande
popularité. On s'adressa à lui en 1848; l'empereur quittant
Vienne l'y laissa pour le suppléer ; il ouvrit l'Assemblée
constituante, fut nommé par le Parlement de Francfort
administrateur général de l'Empire et vint y former un
ministère. Mais il agit dans les intérêts de l'Autriche et
fit échouer les projets de constitution. Il avait conclu en
1827 un mariage morganatique avec la fille d'un maître
de poste, Anna Plochef, d'Aussee (1804-85) qu'il fit com-
tesse deMeran (1845). Il en eut un fils François (1839),
qui porte ce titre. A. -M. B.
BiBL. : Biographies par Schniîidawind (1810), Leitiner
(1860), ScHLOSSAR (1878 et 1880).
JEAN DE Luxembourg, roi de Bohême, né vers 1293,
mort en 1346. Il était fils de Henri de Luxembourg et de
Marguerite de Brabant. Son père, empereur sous le nom de
Henri VII, saisit bientôt l'occasion de lui donner un royaume
en profitant des offres d'un parti puissant, qui refusait de
reconnaître H. de Carinthie, devenu roi de Bohême en
1306, par son mariage avec une sœur de Venceslas Hï,
le dernier des Prémyslides. Henri VII déposa H. de Carin-
thie, qui n'avait pas demandé l'investiture impériale, maria
son fils Jean à la plus jeune sœur de Venceslas III, Elisa-
beth, le proclama roi de Bohême (1^^ sept. 1310) et lui
donna le comté de Luxembourg. Après avoir obligé H. de
Carinthie à (quitter Prague, Jean de Luxembourg s'y fit
couronner roi de Bohême, le 7 févr. 1311. Dès lors il mena
une vie très agitée, promenant de tous côtés son activité
turbulente et belliqueuse. Vicaire de l'Empire en 1313, il
marchait vers l'Italie au secours de son frère, quand celui-ci
mourut (24 août). Trop jeune encore pour obtenir la cou-
ronne impériale, il prit d'abord parti pour Louis de Bavière,
élu empereur en 1314, contre son compétiteur Frédéric
d'Autriche, et gagna ses éperons de chevaUer à la bataille
d'Essling. En Bohême, il eut à lutter contre les grands et à
réprimer les excès des Bégards et des Béguines. En 1318,
il maria sa plus jeune sœur, Béatrix, à Charles-Robert, roi
de Hongrie, en 1322 sa sœur cadette, Marie, à Charles le
Bel, roi de France, et obtint pour son fils, Jean-Henri, qui
venait de naître, la main de Maulstach, fille aînée de son
rival, Henri, duc de Carinthie et de TiroL Après avoir
combattu pour Louis V de Bavière à Mûhldorf, où Frédé-
ric d'Autriche fut battu et pris (28 sept. 1322), il seconda
le pape Jean XXII , qui voulait faire élire empereur
Charles IV le Bel. On voit ensuite le roi de Bohême en
1326 devant Metz; en 1329 en Bohême et en Silésie, où
plusieurs princes reconnaissent sa suzeraineté; en 1328
en France, au sacre de Philippe VI (29 mai) et à la bataille
de Cassel (23 août) ; en Autriche, guerroyant contre Fré-
déric le Bel, réconcilié avec Louis de Bavière; en Lithua-
nie et en Poméranie, combattant, avec l'Ordre teutonique,
contre les barbares du Nord ; en 1329 à Amiens, où
Edouard IH venait rendre hommage à Philippe VI (6 juin)
puis dans les électorals de Trêves et de Mayence, dans le
Tirol et enfin dans l'Italie du Nord, où nombre de villes
se donnent à lui. Pendant les années suivantes, il défend
la Bohême contre le roi de Hongrie et Otton d'Autriche,
il intervient contre Robert d'Artois et le duc de Brabant
en faveur de Philippe VI et marie sa sœur. Bonne de
Luxembourg, à Jean, duc de Normandie, héritier de la
couronne de France (août 1322) ; il se rend à Avignon
auprès de Jean XXII, qu'il essaye vainement de réconcilier
avec Louis de Bavière (nov. 1332), retourne en Italie
(décembre) où il échoue contre une coalition puissante
(1333), se brouille encore avec l'empereur, va soutenir
contre lui et contre Otton d'Autriche, frère de Frédéric,
son fils Jean-Henri, fait une seconde expédition en Lithua-
nie, marie son autre fils Charles avec Blanche, fille de
Charles de Valois (1333) et sa fille Anne avec Otton d'Au-
triche (1335) et accourt en France (1336) pour seconder
Philippe VI, qui lui donne le gouvernement du Languedoc
(1338). Il combattes Anglais en Guyenne (1339-40), puis
va négocier avec eux la trêve de Notre-Dame d'Espléchin,
près de Tournai (15 sept. 1340). Devenu aveugle, il n'en
continue pas moins de guerroyer, soit en Lithuanie, soit
contre Louis de Bavière, ligué avec les rois de Hongrie et
de Bohème, et vamêmeassiégerCracovie (1343). Clément VI,
qui soutenait les maisons de Valois et de Luxembourg,
ayant excommunié Louis de Bavière (avr. 1346), le roi
Jean fit élire empereur son fils Charles. Il revint aussitôt
avec lui en France, voulut combattre à Crécy et mourut
là comme il avait vécu, en preux chevalier (26 août 1346).
Nul prince, à cette époque, ne fut plus populaire que Jean
l'Aveugle. Son courage héroïque, ses goûts artistiques et
littéraires lui valurent une réputation sans égale. Il ne
faut pourtant pas ignorer que ce piince « courtois, preux
et vaillant » ruina son royaume et se ruina lui-même par
85 —
JEAN
ses prodigalités, que, si le Luxembourg profita de sa pré-
dilection, la Bohême eut beaucoup à souifrir de ses conti-
nuelles absences et do ses guerres. Néanmoins, il agrandit
ce royaume en mettant la Silésie et la Moravie sous sa
dépendance. En somme, il fut plulôt uu héros qu'un bon
roi. Après la mort de sa femme Elisabeth (1330), qui vé-
cut longtemps séparée de lui, il avait épousé une fille de
Louis P^' de Bourbon, Béatrix, dont il eut un fils, Ven-
ceslas, né en 1338. E. C.
BiBL. : Lentz, Jean L'Aveugle, roi de Bohême ; Gand,
1839, in-8. — Schœtter, Johann, Graf von Luxemhurg
und Kœiiig von Bœhmen; Luxembourg, 1865, 2 vol. in-8.
JEAN LE Parricide, né en 1290, fils du duc Rodol-
phe Il de Souabe et d'Agnès, fille d'Ottocar de Bohème.
Exclu par son oncle l'empereur Albert F-'' de toute part à
l'héritage des Habsbourg, il conspira contre sa vie avec
l'archevêque de Mayence, Pierre d'Aspelt ; le i^^^ mai 1 308,
il le surprit au passage de la Keuss à Rheinfelden, avec
Rod. de Wart, Walter d'Eschenbach et Ulrich de Balm ;
ils regorgèrent. Mis au ban de l'Empire et traqué parla
veuve de sa victime, Jean disparut ; on raconte qu'il se
serait montré à Pise à l'empereur Henri Vil en 4313, re-
vêtu de l'habit monastique. A. -M. B.
Pour les hA^, princes cVAnhalt^ margraves de Bran-
debourg^ ducs de Hanovre^ princes de Nassau, comtes
palatins, électeurs ou ducs de Saxe, etc., V. Anhâlï,
Brandebourg, Hanovre, Nassau, Palatinat, Saxe, etc.
Angleterre
JEAN SANS Terre, roi d'Angleterre, né vers 4167,
mort le 49 oct. 1216. Dernier fils de Henri II et d'Eîéo-
nore, il reçut dans son enfance le surnom de Lackland
ou Sans Terre parce que Henri 11 avait partagé tous ses
domaines entre ses aînés. Son père le préférait cependant
à tous les autres. Le 28 sept. 1176, William, comte de
Gloucester, lui donna en mariage sa fille Avice. En mai
1177, à Oxford, il fut nommé roi d'Irlande. Après avoir
guerroyé, de concert avec son frère Geolfroi de Bretagne,
contre son frère Richard d'Aquitaine, il fut fait chevalier,
à Windsor (31 mars 1175). En Irlande, où il se rendit
ensuite, son insolence le fit détester; il s'amusait, dit-on,
à tirer les longues barbes des Irlandais. Pendant l'année
1187, il coopéra avec son père et son frère Richard, en
Normandie, en Berry, à la campagne contre Philippe-Au-
guste. Richard, jaloux de la préférence de leur père pour
Jean, s'entendit avec le roi do France; et Henri II mou-
rut, dit-on, de la douleur qu'il eut d'apprendre que le
fils auquel il avait tout sacrifié le trahissait aussi pour se
reconcilier avec son aîné (6 juil. 1189). Richard, devenu
roi, donna à Jean le comté de Mortain en Normandie, celui
de Derby en Angleterre, et différents domaines. Le mariage
depuis longtemps convenu entre le jeune prince et Avice
de Gloucester eut lieu à Marlborough le 29 août. En
octobre, Richard lui conféra encore les comtés de Dorset,
Somerset, Devon et Cornwall; c'était lui constituer dans
rO. de l'Angleterre une sorte de principauté et une grande
autorité, dangereuse en l'absence du roi. Jean dirigea, en
effet, l'opposition des barons contre Guillaume Longchamp
(V. ce nom), évêque d'EIy, le chancelier du royaume,
qu'il réussit à expulser. Quand il apprit la captivité de
Richard Cœur de Lion, il descendit en Normandie, sur
l'invitation de PhiUppe-Auguste, et fit hommage à ce
prince des domaines continentaux de la couronne d'Angle-
terre (févr. 1193). Mais il répandit en vain le bruit de la
mort du héros ; on ne le crut pas ; il trouva, en Angle-
terre même, des résistances. Quand Philippe-Auguste
l'avertit que« le diable était déchaîné », il n'osa l'attendre
de pied ferme, et s'enfuit à la cour de France. Le 31 mars
1194, Richard, de retour, et maître de tous les châteaux
de Jean en Angleterre, le condamna, s'il ne comparaissait
pas dans les quarante jours, à perdre ses droits à la cou-
ronne et tous ses fiefs anglais. Au mois de mai, cependant,
l'intervention de la reine mère procura une réconciliation
entre les deux frères. Afin de rentrer en grâce, Jean guer-
roya en Normandie contre les Français (prise d'Evreux,
déroute de Vaudreuil). Il obtint en récompense la restitu-
tion des comtés de Mortain et de Gloucester, et une pen-
sion de 8,000 1. angevines. En 1196, il prit Gamaches,
captura l'évêque de Beauvais; en 1 198, il brûla le Neu-
bourg. On dit qu'à son Ut de mort Richard Cœur de Lion,
touché par ces services et sa soumission, le désigna comme
son successeur (avr. 1199). — A son avènement, Jean
sans Terre était âgé de trente et un ans. Il s'était déjà fait
connaître comme un personnage sans foi, cruel, vindicatif,
comme un tyran extravagant et comme un lâche. Ses dé-
bauches dépassaient la mesure commune. Il n'avait ni re-
ligion, ni gravité naturelle. R fut reconnu sans difficulté
en Normandie, mais les anciens domaines des Plantagenets
(Anjou, Maine, Touraine) se déclarèrent pour Arthur, son
neveu. Après avoir châtié les habitants du Mans (mai), il
fut couronné à Westminster. Le 24 juin, il conclut avec
Philippe-Auguste une trêve jusqu'au mois d'août; en sept,
les Français furent obligés d'évacuer le Maine, et Guillaume
des Roches livra Arthur et sa mère Constance au roi
Jean. A la conférence des Andelys (janv. 1200), Jean et
Philippe se mirent d'accord, moyennant le mariage de
Louis de France avec Blanche de Castille, nièce de Jean :
Blanche de Castille aurait comme dot Evreux et tous les
châteaux de Normandie que les Français possédaient au
moment de la mort de Richard, plus 3,000 marcs. Par le
traité du Goulet (22 mai) Philippe reconnut de son côté
Jean comme roi d'iingleterre, duc de Normandie et suze-
rain de Bretagne; celui-ci renonçait à l'alliance du comte
de Flandre et de l'empereur Othon. — En paix avec la
France, Jean, qui n'avait pas eu d'enfants de sa femme
Avice, obtint de divorcer avec elle, pour cause de consan-
guinité; elle se remaria plus tard avec Geoffroi de Mande-
ville. Le 30 juil. 1200, il épousa à Chinon Isabelle, fille
d'Adhémar, comte d'Angoulème, fiancée d'Hugues le Brun,
l'héritier du comte de la Marche. Ce mariage réveilla la
guerre : Hugues le Brun, pendant un voyage du roi en
Angleterre, souleva contre lui les seigneurs du Poitou;
Jean, parti de Portsmouth avec une armée considérable,
fut reçu honorablement à Paris (l^** juil. 1201), et, de
Chinon, seinonça les Poitevins à comparaître devant lui.
A la requête des Poitevins, il fut invité lui-même à com-
paraître devant la cour de France. 11 ne comparut pas ; et,
en punition de cette désobéissance, ses fiefs furent for-
faits. Le 8 juil. 1202, Philippe assiégea Radepont; re-
poussé, il s'empara de Gournay, où il accorda au jeune
Arthur la main de sa fille, en même temps qu'il l'investit
de toutes les possessions continentales des Plantagenets, la
Normandie exceptée. Mais, le l®"* août, Jean surprit l'armée
qui assiégeait sa mère dans Mirebeau ; et il s'empara, d'un
seul coup de filet, d'Arthur, de sa sœur Eléonore de Bre-
tagne, d'Hugues le Brun et de deux cents chevaliers fran-
çais : Eléonore fut gardée jusqu'à sa mort dans la prison de
Bristol ; quant à Arthur, enfermé à Falaise, où, dit-on,
Jean essaya vainement de le faire aveugler, puis à Rouen,
il mourut le 3 avr. 1203, probablement tué de la main de
son oncle ; son corps fut jeté à la Seine. C'est une vieille
tradition que, convoqué pour ce fait devant les pairs de
France, Jean fut dépouillé de ses fiefs, par contumace, à
cette occasion. Louis do France, en 1216, se prévalut de
cette prétendue sentence, mais il y a là une confusion :
Jean, condamné et dépouillé par la cour de France en 1202,
pour la raison ci-dessus indiquée, tua son neveu en 1203;
on s'imagina plus tard, et dès 1216, qu'il avait été frappé
à cause de son crime (V. sur ce point Ch. Bémont, dans
la Revue historique, XXXll, pp. 33-74, 290-311). Cepen-
dant Philippe faisait des progrès en Normandie. On raconte
que Jean sans Terre, négligent à son ordinaire, répondait
à toutes les demandes de secours de ses partisans en
disant : « Laissez-le faire ; quoi qu'il prenne, je le repren-
drai en un jour. » Le Château-Gaillard succomba le 6 mars
1204. En juil., tout le duché était tombé aux mains des
Français sans que Jean eût fait autre chose que de près-
JEAN
— 86 -
surer ses sujets anglais en vue d'une expédition future.
L'année 4205 \it les Français s'emparer du Poitou et de
Chinon (23 juin). Le 8 juil. 1206, Jean débarqua enfin à
La Rochelle, et, avec l'aide du vicomte de Thouars, prit
Angers; mais il consentit à concluie, le 26 oct., une trêve
par laquelle il abandonnait toutes ses anciennes provinces
au N. de la Loire. — Hubert, archevêque de Canterbury,
mourut le 42 juil. 4205, et cet événement jeta le roi Jean
dans une querelle fatale avec le clergé anglais et avec
Rome. Il fît élire, contre le candidat d'une partie des élec-
teurs, le sous-prieur Reginald, son favori John de Grey,
évêque de Norwich ; mais le pape Innocent cassa ces deux
élections et sanctionna celle, qu'il procura, du cardinal
Etienne Langton. Jean répondit par des actes de violence,
qui attirèrent l'interdit pontifical sur son royaume. Bien
qu'il eût juré « par les dents de Dieu » de couper le nez
de quiconque promulguerait l'interdit, les évêques de Lon-
dres, d'Ely et de Worcester, après s'être convaincus de
son obstination, publièrent la sentence du pape, le 24 mars
4208. Il céda, négocia, offrit de se soumettre, à condition
que la personne de Langton lui serait épargnée. Le 42 janv.
4209, il fut menacé de l'excommunication, s'il ne cédait
point sans réserves dans les trois mois. Cette fois, il ne mé-
nagea plus rien : il confisqua les revenus des évêques qui
avaient quitté le royaume; pour s'assurer de la fidélité des
barons, il exigea d'eux des otages ; personne n'osa lui noti-
fier officiellement son excommunication ; en même temps, il
obtenait la soumission de William, roi d'Ecosse, et il ap-
puyait Othon IV, son neveu, contre le pape. Avec les dé-
pouilles du clergé (particuhèrement de l'ordre de Cîteaux),
qui le dispensèrent de recourir à une taxation sur les laïques,
il entreprit, au mois de juin 42 1 0, une expédition en Irlande.
Il réussit à abattre la puissance de la famille de Lacy, à
introduire dans l'île sœur le régime administratif en vigueur
en Angleterre, et à imposer, comme gouverneur, son ami,
l'évêque de Norwich. Au retour, il arracha 66,000 marcs
aux juifs, arrêtés en masse. Sa campagne de 4241 dans le
N. du pays de Galles fut également heureuse. Mais, en
4212, Innocent III, à bout de patience et de délais, se dé-
cida enfin à prendre la mesure extrême de le déposer ; il
confia à Philippe de France l'exécution de cet arrêt. On
constate que le roi Jean déploya alors quelque activité :
tous ses ennemis ayant profité de l'incident pour relever
la tête, et quelques-uns de ses amis pour le trahir, il
infligea une nouvelle correction aux Gallois, exigea de nou-
veaux otages des barons, s'allia aux comtes de Boulogne
et de Flandre contre Philippe, lança dans la Manche une
flotte qui brûla Dieppe, et réunit une grosse armée pour
repousser l'invasion. Néanmoins, il avait peur ; de sinistres
prophéties circulaient sur son compte, et l'on disait que,
dans son entourage môme, le roi de France avait des
partisans. Le 15 mai 4243, à Douvres, il se soumit entre
les mains du légat Pandolf, s'engageant à accueillir Lang-
ton et tous les ecclésiastiques bannis, à leur restituer leurs
biens, à placer l'Angleterre et l'Irlande sous la suzeraineté
du pape, enfin à payer chaque année un tribut de mille
marcs au siège romain. — Une assemblée se réunit à
Saint-Albans le 4 août 4243 pour fixer les compensations
dues aux prélats OKilés. Le roi n'y assista point : il était dans
le Nord, à la poursuite des seigneurs qui avaient refusé de
l'accompagner dans une expédition qu'il méditait en Poi-
tou ; mais beaucoup d'évêques, de barons, et de représen-
tants des townships du domaine royal y figurèrent. Cette
assemblée ne se contenta pas d'évaluer les pertes subies
par le clergé; elle discuta des questions de politique gé-
nérale. Jean avait promis d'observer désormais « les lois
de Henri l^^ »; l'archevêque lut ces lois, et les barons s'en-
gagèrent à exiger que le texte en fût respecté. Pour échap-
per à l'odieuse présence des évoques, ses adversaires triom-
phants, et aux barons qui paraissaient résolus à lui arracher
des réformes ou dés garanties, Jean résolut, sur ces entre-
faites, de pousser sérieusement la guerre contre Philippe :
déjà, une armée anglaise, sous Guillaume Longue-Epée,
comte de SaUsbury, agissait en Flandre contre les Français ;
il accueillit l'hommage de Raymond VI de Toulouse, banni
de ses Etats, et débarqua, le 15 févr. 4244, à La Rochelle.
Les Lusignans, le comte de la Marche, ses anciens enne-
mis du Poitou, se joignirent à lui. Le 47 juin, il prit An-
gers. Mais la bataille de Bouvines anéantit les forces com-
binées de Flandre, de Lorraine et d'Angleterre, d'une
part ; et, d'autre part, Louis de France "reconquit aisé-
ment, en juillet, les places de l'Anjou. Jean fut heureux,
le 44 sept., d'obtenir une trêve de cinq ans. — L'issue de
la campagne de 4244 n'avait pas augmenté son prestige :
battu, ruiné, il se trouva en présence d une coalition de
barons qui, pendant son absence, avait décidé, dans une
assemblée tenue à Saint-Edmonds, de lui arracher une
« charte de libertés ». Il était au Temple de Londres
quand, le 6 janv. 1245, les barons de Saint-Edmonds pro-
duisirent, en armes, leurs exigences; ils ne consentirent à
lui accorder un délai (jusqu'au 26 avr.) que sur la ga-
rantie formelle de l'archevêque, de l'évêque d'Ely et du
comte Maréchal qu'il leur donnerait satisfaction. Ce délai,
Jean le mit à profit pour se croiser et pour informer le
pape du complot tramé contre lui. Le 26 avr., il refusa
nettement de contre-sceller la cédule que les barons lui pré-
sentèrent ; et la guerre fut déclarée. Londres, Lincoln
lui échappèrent. Terrifié, il consentit à s'aboucher avec les
rebelles, le 45 juin, à Runnymede, entre Stains et Wind-
sor. Là fut scellée la Grande Charte (V. ce mot), véritable
traité de paix entre ses sujets et lui. — Dès lors, le roi
humilié, excité par les capitaines des mercenaires à son
service, ne vécut que pour se venger et pour recouvrer la
plénitude de son ancienne autorité. Le 46 août, il refusa
de paraître à l'assemblée de Brackley. Il fit publier l'ex-
communication prononcée par le pape contre ses ennemis,
fauteurs de désordres. Alors le baronnage se divisa en deux
partis : l'un se rapprocha de lui; l'autre, décidément révo-
lutionnaire, le déposa, et élut Louis de France, fils de
Philippe-Auguste, en sa place. Le 30 oct., Jean s'empara
du château de Rochester, l'une des principales forteresses
de ses adversaires; en mars 4246, de Colchester, le légat
Guala interdit à Louis de répondre à l'appel des barons
excommuniés. Mais Louis (V. Louis VIII, roi de France)
n'obéit pas : le 21 mai 4246, il débarqua à Stonor, près
de Sandwich. Winchester se rendit à lui le 44 juin, et les
désertions se multiplièrent dès lors dans le camp opposé.
Au cours de la campagne, Jean, saisi de la dysenterie,
mourut à Newark, peut-être empoisonné. Il fut enterré
dans la cathédrale de Worcester. — De sa femme Isa-
belle, dont Mathieu de Paris dit qu'il fut obligé de pendre
les galants au-dessus de son lit, et qu'il fit enfermer, à
partir de 4214, à Gloucester, il eut cinq enfants : Henri III,
Richard de Cornouailles, Jeanne, reine d'Ecosse (morte
en 4238), Isabelle, femme de l'empereur Frédéric II (morte
en 4241), Eléonore, qui épousa successivement Guillaume
le Maréchal, comte de Pembroke, et Simon de Montfort,
comte de Leicester (morte à Montargis en 4274). L.
Arménie
JEAN, prince d'Arménie (V. Ivané).
Bulgarie
JEAN AssEN, prince de Bulgarie (V, Assen).
Danemark
JEAN 1^^, roi de Danemark, de Suède et de Norvège
(4484-1513), néàAalborgen4455,mort le 20fév. 4513.
Accepté comme héritier de l'Union Scandinave en 4458, il
succéda à son père Christian P^'. La Norvège ne l'accepta
qu'en 4483, après qu'il eut signé une capitulation assu-
rant les privilèges des ordres; en Suède, l'administrateur
Sten Sture lui résista jusqu'en 4497 ; il fallut une expé-
dition et une victoire devant Stockholm pour que Jean pût
s'y faire couronner (28 nov. 4497). Il donna à son frère
Frédéric, favorisé par leur mère Dorothée, les duchés de
Holstein et de Slesvig, scission qui fut l'origine de con-
flits séculaires (V. Slesvig et Danemark). Le duc et le roi
— 87 —
JEAN
furent complètement battus par les Dithm arches (1500), et
Sten Sture reprit Stockholm vainement défendu par la
reine. Ils s'allièrent à Lubeck et à la Ligue hanséatique. Le
roi acheva son règne en guerroyant contre les Suédois et
les Hanséates. En 1542, les uns et les autres traitèrent. Il
avait réprimé sévèrement les insurrections de la noblesse
norvégienne. A. -M. B.
Empire byzantin
J EAN l^% TziMiTzÈs, empereur de Constantinople (V. Tzi-
MITZÈS) .
JEAN II CoMNÈNE Calojeanou JEAN le Bon, empereur
d'Orient, né en 1088, mort le 8 avr. 1443. Fiis aîné
d'Alexis P^, il succéda à son père malgré les intrigues de
sa mère Irène et de sa sœur Anne (15 août 1148). Cette
dernière et son mari Bryenne formèrent même contre lui
une conspiration, qui échoua. Les conjurés eurent leurs
biens confisqués. Jean fut surtout un guerrier infatigable.
L'abolition de la peine de mort signafe pourtant son gou-
vernement intérieur qui, à côté de l'activité législative
d'Alexis et de Manuel, semble un peu vide. D'autre part,
au point de vue économique, Jean essaya de supprimer les
privilèges accordés aux Vénitiens par la bulle d'or de 4082.
Il en refusa la confirmation au doge Domenico Michel,
chassa les Vénitiens de leurs quartiers ou échelles. La
lutte économique se compliqua d'une guerre; Jean s'allia
aux Génois et tenta d'enlever la Dalmatie aux Vénitiens
(4449-20). Mais ceux-ci sont victorieux dans les Sporades
et les Cyclades qu'ils pillent, ravagent les côtes du Pélopo-
nèse, s'établissent dans les îles Ioniennes. Cette guerre
gênait beaucoup la lutte contre les barbares; Jean, pour
s'en débarrasser, rétablit la bulle de 1082. Jean, à l'inté-
rieur, fut habilement secondé par son ministre Axuch,
d'origine turque. Aux frontières, il passa sa vie à guerroyer :
en Europe, dans la première période de son règne; en Asie,
dans la seconde. Il achève, au N. du cours inférieur du
Danube, de briser la puissance des Petchénègues, déjà
bien affaiblis depuis leur invasion de 1047. En 1122, il les
bat près de Berrhœa. Dans les années suivantes, ce sont
les Serbes (1123) et les Hongrois (1124), coalisés sous
Bêla Ouroch et Etienne II, qui sont vaincus. Le péril
serbo-hongrois écarté, Jean court en Asie contre les Turcs
Seldjoukides. Déjà en 1149-20 il avait pris Laodicée et So-
zopolis; pas à pas, de 4426 à 4437, il les refoule et leur
reprend leurs conquêtes. En 4437, il enlève aux Armé-
niens la quatrième Arménie, qu'il réunit à l'Empire. Par
l'Arménie il se trouva en contact avec Raymond, prince
d'Antioche. Il fit une entrée solennelle à Antioche, et, de
concert avec Raymond, dirigea une expédition contre les
Turcs Atabecks de Syrie. Il mourut dans une campagne en
Cilicie, à Anazarba, après avoir disposé de la couronne
en faveur de son fils puîné. Manuel, au détriment de son
fils aîné, Isaac. Manuel devait encore exagérer les qua-
lités militaires, qui sont la marque principale du caractère
de Jean. Beâulieu.
BiBL, : Dans le Corpus Script, hist. byzRntinœ; Honn.
1828-1878, V. NiGÉTAS, Cinname, — Histoires générales
byzantines (V. bibl. au mot Isaac 1''=^ Comnéne)- — Wil-
KEN, Rerum ah Alexio /'"■, Joanne^ etc., gestarum libri
quatuor; Ileidelberg, 1811.
JEAN II! Vatatzès, empereur de Nicée, né à Didymo-
tique (Thrace) en 4493, mortle 30 oct. 4255. Jean appar-
tenait à la famille des Ducas; son mariage avec Irène,
fille aînée de Théodore Lascaris, en fit le successeur de ce
dernier au trône de Nicée (4222). Mais les deux frères de
Théodore, Alexis et Isaac, sa fille cadette Eudoxie protes-
tèrent contre l'avènement de Jean. Ils se réfugièrent au-
près des Latins de Robert de Namur, qu'ils poussèrent à
la guerre. Jean leur infligea une défaite sanglante àPœme-
nenon (4223) ; les deux frères furent faits prisonniers et
eurent les yeux crevés. Jean enleva aux Latins leurs pos-
sessions asiatiques ; sa flotte parcourut en maîtresse le
bassin oriental de la x^léditerranée, s'empara de Lesbos et
de Rhodes et resserra de jour en jour le blocus autour de
Constantinople. Il est un instant tenu en échec par Jean de
Brienne, qui entre à Lampsaque (4233); de plus, sa flotte
échoue par deux fois dans une tentative contre Candie et
est dispersée par une tempête. Jean trouva heureusement
des alliés dans Asan II, roi de Bulgarie, dont la fille épouse
son fils Théodore, et dans le despote d'Epire. Fort de cet
appui, Jean enlève Gallipoli (4235) et bâtit un fort à l'en-
trée des Dardanelles. Constantinople est assiégée par terre
et par mer ; mais Jean de Brienne infligea aux Grecs une
série d'échecs, qui délivrèrent la capitale. En même temps
les Bulgares abandonnent Jean. Leur aUiance est rempla-
cée par celle de Frédéric II, empereur d'Allemagne, qui
vint aux Grecs parce qu'il haïssait, en Jean de Brienne, le
protégé des papes. La mort de Jean de Brienne arrive sur
ces entrefaites (4237) et Vatatzès, malgré ses échecs sous
Constantinople, se trouve de nouveau menaçant pour les
Latins. Ceux-ci tentent contre lui un vigoureux effort :
Baudouin II met en gage ses reliques, va mendier des se-
cours en Europe ; le pape fait en sa faveur d'activés démar-
ches dans l'Europe centrale, gagne les princes de Hongrie
et maintient les Bulgares dans FaUiance de Constantinople.
En Orient, même les Latins trouvent de précieux auxiliaires
dans lesKoumans. Le vicaire de l'Empire, Narjaud de Toucy,
épouse la fille de leur chef Jonas. Le résultat de tous ces
eiforts fut désastreux pour Vatatzès qui, battu, perd Tsu-
rulon, la clef de Byzance, et abandonne ses conquêtes d'Eu-
rope (4240), Les quinze dernières années de Vatatzès
furent très occupées ; mais il renonce à prendre Constan-
tinople et ne fait plus que des conquêtes préparatoires et
de détail. Il intervint en Epire. La guerre civile y régnait
entre le despote Théodore, son frère et son fils. Vatatzès
s'empara de la capitale épirote, Thessalonique, et y main-
tint comme despote l'empereur associé, Jean, fils do Théo-
dore, qui devint son client (4246). Il intervint aussi en
Bulgarie, après la mort d'Asan II (4244) et s'empara d'une
partie de la Macédoine, deSkopia et de Melnik. Il cherche
à isoler Constantinople par sa diplomatie : il conclut un
traité d'alliance avec le sultan d'Iconium et fait rompre un
projet d'union entre une fille du sultan et Baudouin II ; il
entre en pourparlers avec le pape, moins dans l'intention
de réunir l'Eglise d'Orient à Rome que pour détacher le
pape de Baudouin. Cette politique porte ses fruits ; il re-
prend Tsurulon et peut-être allait-il tenter l'assaut de
Constantinople quand il mourut. — Jean Vatatzès avait
mis sa maison à deux doigts de refaire l'empire de Byzance
à son profit ; l'usurpateur Michel Paléologue devait lui en
dérober l'honneur. Beâulieu.
Bibl. : Histoires générales byzantines (V. au mot Isaac I"^'
Comnène).
JEAN IV Lascaris, empereur de Nicée, né en 4250,
mort à une date indéterminée, après 4264. Fils de Théo-
dore Lascaris et d'Hélène, fille d'Asan II, roi des Bulgares,
il succéda en 4258 à son père, sous la tutelle de Georges
Mouzalon et du patriarche Arsène. Mais Michel Paléologue,
connétable des mercenaires latins, se soulève contre Mou-
zalon, qui est tué. 11 devient tuteur du jeune Jean, associé
à l'Empire et finalement se fait couronner seul à Nicée
(24 déc. 4258). Le patriarche Arsène se retire dans un
monastère. La surprise de Constantinople par le césar Alexis
Stratégopoulos a lieu encore aux cris de : « Victoire aux
deux empereurs Michel et Jean! » (4264). Mais Michel,
après son entrée solennelle dans la capitale de l'Empire
restauré, se hâte de se débarrasser de Jean et le relègue
au château de Dacityze. Beâulieu.
BiHL. : Histoires générales byzantines (V. au mot Isaac I«^"
Comnène).
JEAN V Paléologue, empereur d'Orient, né en 4332,
mort le 46 févr. 4390. Fils d'Andronic III, il succéda en
4344 à son père, sous la régence de sa mère, Anna de Sa-
voie. La régence fut troublée par les entreprises du grand
domestique Cantacuzène. D'abord favorable à Anna, Canta-
cuzène, en proie aux vexations des familiers de la régente
qui le trouvent trop puissant, se tourne contre ^ elle et se
fait proclamer empereur sous le nom de Jean VI. Une hor-
JEAN
— 88
rible guerre civile commence : Cantacuzène s'allie au kral
de Serbie ; Anna au sultan des Osmanlis. Les sujets byzan-
tins sont molestés, enlevés et vendus en Asie ; les provinces
et les villes sont conquises par les Serbes et les Génois.
Enfin Cantacuzène entra par surprise à Constantinople.
Anna dut traiter (1345). On convint que Cantacuzène se-
rait empereur en premier jusqu'à la majorité de Jean V,
c.-à-d. pendant dix ans, jusqu'en 1355. Mais à l'expira-
tion des dix années, Cantacuzène se montra peu disposé à
céder la première place à Jean V. La guerre civile recom-
mença. Cantacuzène confisqua les biens de Jean, le dépouilla
du pouvoir et le remplaça par son propre fils Mathieu
(1354). Jean V trouva un appui auprès des Génois. Il s'em-
para des portes de Constantinople. Comme en d345, un
traité fut conclu. Jean V et Jean VI devaient être empe-
reurs à titres égaux ; Mathieu conserva le titre d'empereur
avec Andrinople. Bientôt Cantacuzène se retira dans un
monastère et son fils Mathieu, sur ses prières et ses me-
naces, abdiqua aussi : Jean V était seul empereur (4355).
Il se trouva aussitôt aux prises avec les Osmanlis qui sous
Mourad, en 1360, conquièrent Andrinople. Jean V, sans
hommes et sans argent, vint implorer la pitié de l'Occi-
dent et pousser à la croisade. On le vit à Rome s'agenouiller
devant Urbain V (1369) et abjurer le schisme, dans le
midi de la France, à Venise, où il emprunte à gros intérêt,
ne peut rembourser et est mis en prison pour dettes. Jean
demande de l'argent à ses deux fils : Andronic, associé à
l'Empire, et Manuel, gouverneur de Thessalonique. Andro-
nic, qui se souciait peu de voir revenir son père, refuse
tout secours; Manuel, au contraire, envoya l'argent néces-
saire. De retour en Orient, Jean destitua Andronic et le
remplaça par Manuel. Andronic mécontent passe à l'ennemi
s'associe avec le fils de Mourad : tous deux forment un com-
plot ayant pour but de se débarrasserde leurs pères (1374).
Mourad découvre le projet et fait crever les yeux à son fils.
Andronic faillit subir le même traitement de la part de son
père. Il trouva des protecteurs dans les Génois qui, le
11 juil. 1375, entrent à Constantinople et installent An-
dronic à la place de Jean, qui est enfermé. Jean, soutenu
parles Vénitiens, tente en vain de provoquer un mouve-
ment en sa faveur ; il peut néanmoins s'enfuir auprès du
sultan. Grâce à l'appui de Mourad, il entre à Constanti-
nople. Andronic reçoit en apanage le reste de l'Empire en
Europe (1379). Dès lors Jean est à la merci du sultan. Il
lui paye tribut, promet de lui fournir un contingent mili-
taire et de lui donner un de ses fils en otage. Le succes-
seur de Mourad, Bayézid I^*", emmène le fils de Jean, le
jeune empereur associé Manuel, dans toutes ses campagnes.
Il le force à assiéger Philadelphie, promise à Mourad par
Jean et qui ne voulait pas se donner aux Osmanlis. Jean
subit sans protester toutes les humiliations ; il renonce à
réparer les fortifications de Constantinople, devant les ordres
de Bayézid. Il laisse à son fils Manuel un empire mourant.
— Jean eut des défauts : il manqua d'énergie et sa vie pri-
vée fut loin d'être irréprochable ; mais les faiblesses de son
règne doivent aussi être imputées aux circonstances et sur-
tout aux hommes de l'Occident, qui ne voulurent pas le
soutenir contre les Osmanlis. Beâulieu.
BiBL. : Histoires générales byzantines (V. au mot Isaac I*''"
Comnène).
JEAN VI Cantacuzène (V. Cantacuzène).
JEAN VII Paléologue, empereur d'Orient, né en 1360,
mort en 1410 (20 nov.). Petit-fils de Jean V par son fils
Andronic. Quand Andronic se révolta en 1375, le jeune
Jean subit le sort de son père. Il fut enfermé et défiguré
à la suite d'une opération maladroite pour le priver de la
vue. Sous le règne de son oncle Manuel, le jeune Jean fut
protégé par les Osmanlis. Bayézid l'opposa à l'empereur,
lui donna 10,000 hommes, avec lesquels il marcha sur
Constantinople. Manuel effrayé consentit à partager l'Em-
pire avec son neveu (déc. 1398). Peu après il partit pour
l'Occident afin de trouver des secours contre les Osmanlis.
Jean VII, seul maître de l'Empire, paya l'appui de Bayézid
en consentant à un honteux traité. Il s'engagea à payer
un tribut aux Osmanlis, à leur ouvrir un quartier de Cons-
tantinople, où Bayézid mit un cadi, un iman et fit élever
une quatrième mosquée. A son retour à Constantinople, Ma-
nuel désavoua le traité. L'empire osmanli était alors en
conflit avec l'empire mongol, le sultan Bayézid venait d'être
fait prisonnier sur le champ de bataille d'Angora. Manuel
se sentait fort, il déposa Jean VII et le relégua à Lemnos.
Jean prit le froc et se retira dans un monastère.
BiBL. : Histoires générales byzantines (V.au mot Isaac I^^'
Comnène).
JEAN VMI, empereur d'Orient, né en 1390, mort en
1448. Des six fils de Manuel II, qui mourut en 1425, ce
fut Jean, déjà associé à l'Empire, qui succéda à son père.
A son avènement Jean VU paya tribut aux Osmanlis et leur
céda plusieurs villes sur la mer Noire, moyennant quoi
l'Empire jouit d'un calme relatif jusqu'en 1435. A cette
date les Osmanlis de Mourad H étaient de plus en plus me-
naçants. Jean se décida à implorer les secours de l'Occi-
dent. Il fit des ouvertures au pape Eugène IV et laissa
entrevoir sa soumission complète et sincère à l'Eglise ro-
maine. Eugène IV envoya à Constantinople le légat Nicolas
de Cusa. Celui-ci s'aboucha avec le patriarche Joseph et
l'archevêque de Nicée, Bessarion. On convint de réunir un
concile à Ferrare pour traiter de l'union des deux Eglises.
L'empereur, avec une suite de 700 Grecs, dont Joseph et
Bessarion, s'embarqua pour l'Italie le 27 nov. 1437. Le
concile de Ferrare se passa en disputes de préséance ;
transféré à Florence, en 1439, il aborda enfin les diver-
gences de doctrine. L'union des deux Eglises fut définitive-
ment scellée le 6 juil. 1439 par un symbole arrêté en
commun. Mais le concile de Florence eut moins de résul-
tats politiques que littéraires. Le pape ne réussit pas à
entraîner l'Occident au secours des Byzantins. Jean Hunyade
ne reçut que quelques croisés de bonne volonté, le cardinal
Condolmieri, neveu du pape et le légat Julien Césarini. La
défaite de Varna ruina les espérances du pape et de Jean VII
(1444); celle de Kossovo (1448) jeta Jean dans le plus
profond découragement. Il mourut quatorze jours après.
Jean VIII n'avait pu réussir à imposer l'union religieuse à
ses sujets. Marc Evgenikos avait protesté contre cette union
au concile de Florence. De retour à Constantinople, il la
combattit encore, et Jean mourut avant de l'avoir opérée.
L'historien Doucas appelle avec raison Jean VIII le deimier
empereur. L'empire d'Orient n'a plus, après lui, que quel-
ques années à vivre. Beâulieu.
BiBL.: Histoires générales byzantines (V. au mot Isaac I^'"
Comnène). — H. Vast, le Cardinal Bessarion, 1878.
JEAN, empereur de Thessalonique, mort après 1246. Son
père, Théodore- Ange, frère et successeur du despote d'Epire,
Michel, s'était fait couronner empereur de Thessalonique
quand il eut conquis cette ville sur les Latins (1223). Au
cours d'une guerre contre Asan II de Bulgarie, il fut battu
et eut les yeux crevés (1230). C'est alors que, remis en
liberté, il associa à l'Empire son fils Jean. Jean et Théo-
dore guerroyèrent contre leur oncle et frère. Manuel ; la
guerre civile commença en Epire. Jean III Vatatzès en pro-
fita pour envahir la Macédoine et s'emparer de Thessalo-
nique. L'empire épirote de Thessalonique avait duré vingt-
trois ans (1223-16). Jean reconnut l'empereur de Nicée et
conserva Thessalonique avec le titre de despote.
BiBL. : DucANGE, FamiHdB byzantinœ, 1680.
JEAN-Ange-Dukas-Comnène, prince épirote, mort en
1290. C'était le fils naturel de Michel II, mort en 1267.
Au partage que Michel fit de ses Etats, Jean obtint le S.,
la Thessalie, la Locride, et établit le siège de son despotat
à Patras. Dans sa petite sphère d'action, Jean n'eut pas un
gouvernement sans gloire : il s'usa à guerroyer contre son
frère Nicéphore, qui avait eu l'Epire, et lui enleva une à
une un grand nombre de villes. Il fut aussi souvent en
lutte avec Michel Paléologue, qui l'avait nommé sébasto-
cratôr. Une question religieuse les divisait surtout ; en face
de Michel, qui essayait de se rapprocher de Bome pour se
taire pardonner la prise de Constantinople, Jean se pose en
champion de Forlhodoxie. Quand les envoyés de l'empereur
eurent, au concile de Lyon (1274), reconnu la suprématie
papale, Jean assembla un concile dans ses Etats, qui dé-
clara hérétique la croyance de TEglise romaine. Jean fut le
dernier, en importance, des despotes d'Epire de sa race,
qui devait s'éteindre en 1318. Beaulieu.
BiBL. : DucANGE, FamUise byzantinœ, 1680, p. 210.
JEAN DE Brienne (V. Brienne).
JEAN DuKÂS César (V. Dukas).
Espagne
JEAN ou JUAN l^'", roi d'Aragon, mort le 19 mai
1395. Il était fils de Pedro IV, surnommé le Cérémo-
nieux, et de Leonor de Sicile. Brouillé avec son père pour
avoir épousé secrètement Yolande, fille du duc de Berry
(1384), il se réconcilia dans la suite, mais dut quitter la
cour en 1385. A la mort de Pedro IV (5 janv. 1387),
Juan hérita de la couronne d'Aragon. Le premier acte du
règne fut le procès de Sybil deForcia, belle-mère du nou-
veau roi, dénoncée par un juif et accusée par la voix pu-
blique de l'avoir ensorcelé au moyen de breuvages magiques
(suivant une autre version, il s'agissait de Pedro IV). Sy-
bil put échapper à la torture, mais perdit titres et biens ;
on ne lui laissa qu'une très faible rente. Deux de ses pré-
tendus complices subirent la question et furent décapités.
Ensuite Juan P"^ s'occupa du schisme de l'Eglise. Une
assemblée de prêtres et de chevaliers, réunie à Barcelone,
reconnut Clément VII d'Avignon pour seul pape légitime-
ment élu, grâce aux eiforts du cardinal aragonais Pedro
de Luna, plus tard Benoit Xlll (4 févr. 1387). D'un ca-
ractère doux, mais indolent, Juan l^^ négligeait les affaires
sérieuses pour ses plaisirs favoris : la fauconnerie, la chasse,
les fêtes, la poésie, la musique. La reine encourageait ces
goûts. Tous deux attiraient les troubadours el récompen-
saient par des dons magnifiques la moindre chanson limou-
sine rimée en leur honneur. Prodigalité pareille eut bien-
tôt épuisé le trésor de l'Aragon. Pendant que le roi prési-
dait les Certes, en la ville de Monzon, la noblesse
mécontente se réunissait à Calasanz. Elle adressa par écrit
ses griefs au souverain. Devant une menace de guerre ci-
vile, don Juan consentit à restreindre les dépenses et
bannit de la cour une favorite de la reine Yolande, Carroza
de Vilaragur (1390). La même année, des bandes d'aven-
turiers français, conduits par Bernard d'Armagnac, rava-
gèrent le N. de la Catalogne. Vaincus à deux reprises, les
pillards repassèrent la frontière à l'approche de l'armée
royale, en saccageant le Roussillon dans leur retraite.
Juan P^ eut ensuite à combattre les Sardes, soulevés contre
la domination aragonaise à la voix de Brancaleone Doria
(1391). Son neveu, Martin d'Exerica, avait épousé Marie,
reine de Sicile. Juan I®^ l'aida à s'emparer de cette île.
Bernardo de Cabrera vainquit les Siciliens et les soumit à
la couronne d'Aragon (1393). Juan P^' mourut deux ans
après d'une chute de cheval, chassant le loup dans la forêt
de Foxa. Comme il ne laissait que deux filles, il eut pour
successeur son frère don Martin, duc de Momblanc. L'an-
née de sa mort avait été signalée par une nouvelle incur-
sion des Français. Lucien Dollfus.
JEAN ou JUAN 11, roi d'Aragon et de Navarre, mort
à Barcelone le 19 janv- 1479. Il était fils de Ferdi-
nand 1*^^, surnommé le Juste, et de Leonor d'Albuquerque.
Quand mourut son père (1416), il eut le titie de duc avec
la seigneurie de Lara et les villes de Momblanc et de Mé-
dina del Campo. Son aîné, Alphonse V, était roi d'Ara-
gon. A la mort de Carlos ïll le Noble (1425), dont il
avait épousé la fille, dofiaBlanca, l'infant don Juan devint
roi de Navarre. Il suivit son frère Alphonse V le Magna-
nime à la conquête de Naples et fut pris avec lui à la*^ ba-
taille navale de Ponzia, gagnée par les Génois (25 août
1435). Remis en liberté, Alphonse le chargea de gouver-
ner l'Aragon en son absence. Ayant attaqué Juan II de
Castille, il essuya une défaite complète à Olmedo, ainsi que
les seigneurs castillans révoltés contre le roi (19 mai 1445).
89 — JEAN
Le 27 juin 1458, Alphonse V mourut à Naples, laissant
à Juan II la couronne d'Aragon. Excité par sa seconde
femme, Juana Enriquez, fille de Fadrique Enriquez, almi-
rante de Castille, il avait persécuté avec acharnement son
fils Carlos, prince de Viana. Il le vainquit et le prit à
Ayvar (1452), lui rendit la liberté à la demande des Cer-
tes, se vit forcé de le reconnaître héritier d'Aragon, de
lui céder le gouvernement de la Catalogne, et finit, dit-on,
parle faire empoisonner, en 1461 (V. l'art. Carlos de
Viana). Aussitôt le peuple de Barcelone s'arma contre le
roi qu'il accusait de ce crime. Juan II eut recours à
Louis XL Le roi de France lui fournit 700 lances et de
plus 200,000 ducats. Cerdagne et Roussillon furent remis
entre ses mains jusqu'au payement de la dette. La reine
Juana Enriquez et l'infant Ferdinand, assiégés dans Girona
par les Catalans, n'échappèrent que grâce à l'arrivée des
hommes d'armes français (1462). La Catalogne insurgée
se donna d'abord au faible Enrique IV de Castille qui
l'abandonna bientôt, puis au connétable de Portugal, dom
Pedro, proclamé par les rebelles comte de Barcelone et roi
d'Aragon (1464). Le prince Ferdinand, plus tard Ferdi-
nand le Catholique, âgé de treize ans seulement, vainquit
les Catalans et les Portugais à Los Prados del Rey (1465).
Après la mort du connétable, les révoltés appelèrent René
d'Anjou (1466) qui, trop vieux pour venir en personne,
leur envoya son fils Jean, duc de Lorraine. En 1468,
Juan II, devenu aveugle, fut guéri par un astrologue et
médecin juif nommé Abiabar. Enfin, Jean de Lorraine
étant mort, Barcelone se rendit au roi, après une résis-
tance acharnée (1472). La guerre de Catalogne avait duré
dix ans. Cette lutte était à peine terminée que les villes
du Roussillon, cédées jadis à Louis XI et aceablées d'im-
pôts par leur nouveau maître, se soulevèrent à la fois et
massacrèrent les garnisons françaises. A cette nouvelle,
le vieux Juan II accourut s'enfermer dans Perpignan avec
sa noblesse et le connétable de Navarre, Pedro de Peralta.
Philippe de Savoie dut lever le siège en grand désordre
à l'approche de Ferdinand qui conduisait une armée ara-
gonaise et castillane au secours de son père. Louis XI
traita. Le 17 sept. 1473, il fut convenu entre lui et
Juan II que le Roussillon serait restitué à l'Aragon le jour
où les 200,000 ducats, prêtés en 1462, seraient entière-
ment payés. Malgré cela, la guerre reprit. Les Français
s'emparèrent d'EIne (1474), de Perpignan (1475) et péné-
trèrent dans Ampurias (1476). Juan II mourut âgé de
quatre-vingt-un ans et demi, sans avoir vu la fin de la
longue lutte engagée contre Louis XL II eut pour succes-
seur son fils Ferdmand V le Catholique (en Aragon Ferdi-
nand II), époux de l'infante Isabelle depuis 1469 et roi de
Castille depuis 1475 (V. Ferdinand V). Lucien Dollfus.
JEAN l^»-, roi de Castille, né le 24 août 1358, mort le
9 oct. 1390. Fils de Henri II, de Trastamare, il lui suc-
céda en 1379. Son caractère doux et affable promettait à
la Castille un règne heureux. Il resserra l'alliance avec la
France et envoya une flotte pour aider le roi Charles V dans
sa lutte contre Jean de Montfort, duc de Bretagne, et les
Anglais. Son fils aîné, à peine âgé de quelques mois, ayant
été fiancé (1380) avec la fille unique de Ferdinand (V. ce
nom), roi de Portugal, lequel se ligua ensuite avec Jean,
duc de Lancastre, prétendant à la couronne de Castille, le
roi Jean porta la guerre chez son voisin inconstant, qui se
soumit en 1382 et accorda la main de sa fille au second
fils de son vainqueur. Il l'offrit ensuite en mariage à Jean P"^
lui-même, devenu veuf récemment, qui l'accepta, et qui,
dès l'année suivante, envahit de nouveau le Portugal pour
s'en faire reconnaître roi après la mort de son beau-père.
Soutenu par une grande partie de la noblesse portugaise,
il allait réussir dans ses plans sans l'intervention de la
fièvre jaune, qui l'obligea de rebrousser chemin. Le frère
consanguin de Ferdinand, le grand maître d'Aviz, Jean
(V. ce nom), ayant été élu roi de Portugal en 1385, Jean P'
de Castille se porta contre lui à la tête d'une forte armée,
qui subit une défaite complète à Aljubarotta (14 août 1386).
JEAN
- 90
Il eut ensuite à combattre le duc de Lancastre, et cette
guerre de deux ans se termina par un accommodement, de
même que celle avec le Portugal aboutit à une trêve de
six ans (1389). Ce prince, plein de sagesse et de modéra-
tion, mourut à trente-deux ans d'une chute de cheval. De son
premier mariage avec Eléonore d'Aragon, il eut plusieurs
enfants ; son fils aîné, Henri III, lui succéda. G. P-i.
BiBL. : P. LoPEZ DE Ayala, Coronica ; Pampelune, 1591.
JEAN II, roi de Castille, né le 6 mars 1403, -mort à
Yalladolid le 21 juil. 1434. Petit-fils du précédent et fils
de Henri IIÏ, il succéda à celui-ci le 23 déc, 1406, sous la
tutelle de sa mère, Catherine, et de son oncle, Ferdinand
de Castille, qui, devenu en 1412 roi d'Aragon, abandonna
tout le pouvoir à la régente. Après la mort de celle-ci en
1418, les rênes du gouvernement passèrent à l'archevêque
de Tolède et à Alvaro de Luna. Le jeune roi, renversé du
trône et emprisonné en 1420 par son beau-frère, Henri
d'Aragon, grand-maître de l'ordre de Saint-Jacques, fut
rétabli avec l'aide de son autre beau-frère, Jean II, roi
d'Aragon. Dès lors, son règne se partage entre les intrigues
de Jean et de Henri de Navarre contre lui et surtout contre
son puissant favori, Alvaro de Luna (V. ce nom), élevé à
la dignité de connétable, et entre les faveurs ou les rigueurs
exercées contre lui, sous la pression des révoltes des
nobles castillans. Jean de Navarre fut complètement défait
à la bataille d'Olmedo (1445), et Alvaro de Luna finit par
être injustement décapité (4433). De sorte que ce monarque
sans caractère, quoique doué d'excellentes qualités, n'a à
son avoir que des succès sur les Maures de Grenade et la
haute protection qu'il accordait aux poètes et aux littéra-
teurs. Le fils qu'il eut de son mariage (1418) avec Marie
d'Aragon, lui succéda sous le nom de Henri IV. De sa
seconde union (1447), avec Isabelle de Portugal, il eut un
fils, Alphonse^ et une fille. G. P-i.
J EAN, connu sous le nom de don Juan d'Autriche^ né à
Ratisbonnele24févr. 1347,mortàNamurlel^'* oct.1578.
Il était fils naturel de Charles-Quint et de Barbara Blom-
berg de Ratisbonne. Il fut élevé en Espagne par les soins de
don Luis (iuijada, sous le nom de Geronimo. Son origine fut
révélée après la mort de son père par une lettre de celui-ci
à Philippe II. Le roi témoigna une grande faveur à son frère,
lui fit prendre le nom de Juan, lui donna un bel étaWisse-
ment et lui fit achever son éducation à Alcala. Très beau
et cavalier accompli, le jeune prince manifesta sa prédilec-
tion pour la vie militaire. Il fit, avec Requesens, une ex-
pédition contre les Barbaresques (juin 1368), puis reçut le
commandement de l'armée opposée aux Morisques révoltés
de Grenade. Il n'eut l'autorité réelle qu'en 1370 et se
signala par de brillants exploits (prise de Galera, etc.)
qui mirent fin à la résistance. H fut alors mis à la tête de
la flotte envoyée par la Sainte Ligue contre les Turcs et
remporta la victoire ..de Lépante (7 oct. 1371). Il n'en put
tirer parti à cause des dissensions entre les alliés. En sept.
1373, il s'empara de Tunis et s'y fortifia, contre l'ordre
de Philippe II, rêvant de s'y créer un royaume; son frère
ne s'y prêta pas. En 1374, il fut chargé de pacifier Gênes.
En 1373, il reçut le titre de vicaire général des possessions
espagnoles d'Italie. Il forma alors le projet de délivrer Ma-
rie Stuart, avec l'idée d'acquérir les couronnes d'Ecosse et
d'Angleterre. En 1576, il fut nommé gouverneur des Pays-
Bas, traversa la France déguisé en esclave maure d'un des
gens de sa suite et arriva à Luxembourg le 4 nov. 1376,
jour de la tuerie d'Anvers. Il avait pour instructions de
réconcilier sans rien concéder. Il s'y employa avec une du-
plicité semblable à celle de Phihppe II, signa pour se faire
reconnaître l'Edit perpétuel, renvoya ses mercenaires es-
pagnols ; mais il était hostile à la tolérance qu'il promet-
tait, et ni Guillaume d'Orange, ni les Etats de Hollande et
de Zéiande n'en furent dupes. Le gouverneur fit revenir
ses troupes par petits paquets et occupa le château de Na-
mur. Les Etats des Pays-Bas appelèrent comme gouver-
neur l'archiduc autrichien Mathias, sous le nom duquel
Guillaume eut tout le pouvoir, et déposèrent don Juan
d'Autriche (7 déc. 1377). L'armée des Etats fut mise en
déroute à Gembloux par Alex. Farnèse (31 janv. 1378);
mais Philippe II laissait son frère sans renforts ; il semble
qu'à cette époque Antonio Perez ait réussi à éveiller l'in-
quiétude du soupçonneux monarque contre le romanesque
et aventureux Jean. Le confident de celui-ci, Escovedo,
envoyé à Madrid pour porter ses déclarations, fut assas-
siné, par ordre du roi. Miné par la fièvre, le jeune gou-
neur succom.ba. On a parlé de poison que Phihppe II lui
aurait fait donner, mais rien n'autorise cette conjecture.
Après de pompeuses funérailles, le corps fut embaumé et,
par mesure d'économie, sur l'ordre du roi, coupé en trois
morceaux que des cavaliers transportèrent secrètement à
travers la France, emballés au pommeau de leur selle. En
Espagne, on les réunit, on célébra de nouveau un somp-
tueux convoi et on déposa la dépouille du héros de Lépante
à l'Escurial. A.-M. B.
BiBL. : V. la bibl. de l'art. Philippe II et Stirling-
IvIaxwell, Don Juan of Ausiria; Londres, 1883, 2 vol.
JEAN ou DON Juan d'Autriche, général espagnol, né
le 7 avr. 1629, mort le 17 sept. 1679. Fils naturel du roi
d'Espagne Philippe ÏV et d'une actrice. Maria Calderon, il
fut nommé grand prieur de Castille, prit part à la guerre
de Portugal en 1642, réprima en 1647 la révolte de Masa-
niello à Naples, et fut investi ensuite des fonctions de gou-
verneur d'Italie. En 1632, il étouifa l'insurrection de Ca-
talogne, et se distingua ensuite dans la guerre contre la
France. Vice-roi des Pays-Bas espagnols en 1636, il y
fut chargé de la direction des opérations militaires. La for-
tune lui sourit un moment, mais il perdit contre Turenne
la bataille des Dunes (14 juin 1638), et le reste de
son armée fut anéanti près d'Audenarde, Après la paix
des Pyrénées, il commanda en chef l'expédition contre le
Portugal (1660). Battu à Estremoz (8 juin 1663), il quitta
l'armée l'année suivante. Après une période de disgrâce,
il devint vice-roi d'Aragon, puis premier ministre de
Charles IL ' G. P-i.
Bibl. : F. -F. Bremundano, Uîstoria. de la, vida, y hechos
de D. Juan d'Austria; Saragosse, 1673,in-fol. — Gr. Leti,
Vita di D. Giovanni dAustria ; Cologne, 1686, in-12. — jRe-
lation des différends arrivés en Espagne entre D. Juan
d Autriche et le cardinal Nitard; Paris, 1677, 2 vol. in-12,
France
JEAN 1®^' LE Posthume, roi de France, né le 13 nov.
1316, mort le 20 nov. suiv. Il était fils de Louis X et de sa
deuxième femme, Clémence de Hongrie. Il naquit cinq mois
et demi après la mort de son père. De sa première femme,
Marie de Bourgogne, Louis X laissait une fille, mais elle
n'eut pas la couronne, et un frère du roi défunt, Phihppe,
comte de Poitiers, prit la régence, en attendant les couches
de la reine (juin 1316). D'après divers témoignages Jean
le Posthume ne vécut que cinq jours, mais, à en croire cer-
tains documents, comme le Diario de Sienne et une charte
de Nie. Rienzi, le comte de Poitiers, aidé par sa belle-
mère, Mahaut, comtesse d'Artois, aurait, pour s'emparer
du trône, substitué au petit roi l'enfant qui mourut alors.
Quant au véritable fils de Louis X, il aurait été élevé par
un négociant de Sienne, Guiccio de Mini, dont il porta le
nom. îl est certain qu'un faux roi Jean I^"^ parut en Italie
et dans le midi de la France pendant le règne de Jean le
Bon. Pris en Provence, il aurait été enfermé au château de
rOEuf , à Naples, et y serait mort. Quoi qu'il en soit, l'en-
fant qui mourut au Louvre le vendredi 20 nov. 1316 figure
parmi les rois de France sous le nom de Jean P^. E. C.
Bibl. : Guill. de Nangis (le continuateur de), I, 430-
431. — Les Grandes Chroniques de France^ édit. P. Paris;
Paris, 1836, col. 1226 et 1232, in-fol. — D. Devic et D. Vais-
SETE, Hisi. du Languedoc; Toulouse, 1886, t. IX, 361, 723,
in-4. — Bull, de la Soc. de Vhist. de Fr.., année 1844, p. 122.
— Mém. de l'Acad. des Insc. eiB.-L.,XIV, 114-115.
JEAN 11 LE Bon, roi de France, né le 16 avr. 1319,
mort le 8 avr. 1364. Il était fils du roi Philippe VI de
Valois et de sa première femme, Jeanne de Bourgogne. Ha-
bitué à guerroyer contre les Anglais dans le lïainaut (1340),
en Bretagne (1341-42), en Guyenne (1346), il avait pris
~ 91 —
JEAN
pour modèJe son beau-père, le roi cheyàim Jean P Aveugle
(V. ce nom) dont il avait épousé la deuxième fille, Bonne
de Luxembourg, en 1332. Jean le Bon, c.-à-d. le prodigue,
le généreux, fut aussi un chevalier sans peur, mais il ne
fut pas toujours sans reproches. 11 prit le pouvoir (241 août
4350) dans les circonstances les plus difficiles. Ses pre-
miers actes montrent bien ses qualités et ses défauts. Il
rend la liberté aux fils de Robert d'Artois, innocents de la
trahison de leur père, mais, sur de simples soupçons, il
fait exécuter, sans jugement, Raoul d'Eu, connétable de
France (19 nov. 1350), et donne sa charge à son favori,
Charles de La Cerda; il prodigue, pour les fêtes du sacre
(sept. 1350), For qu'il arrache au royaume épuisé et il a
pour principale ressource l'altération des monnaies ; il fonde
l'ordre de l'Etoile, dont tous les membres juraient de ne ja-
mais reculer dans le combat ; il marie sa fille aînée, Jeanne,
à Charles le Mauvais, roi de Navarre (fév. 1352), et il ir-
rite aussitôt ce prince vindicatif en ne lui cédant pas les
domaines promis en échange du comté d'Angoulême qu'il
accorde à La Cerda. Le 8 janv. 1354, Charles le Mauvais fit
assassiner le connétable, entra en relations avec Edouard III
et, malgré plusieurs réconciliations apparentes avec son
beau-père, chercha tous les moyens de lui nuire. Jean II
essaya vainement de faire la paix avec Edouard III (1354),
qui poussa plus activement les hostilités. Il attaqua lui-
même la France au Nord sans grand succès ; le duc de
Lancastre alla secourir Jean de Montfort en Bretagne ; le
prince Noir, qui était à Bordeaux, ravagea impunément le
Languedoc et Jean dut convoquer les Etats de langue d'oil
à Paris, vers la fin de 1355. Déjà les Etats de 1351 et di-
vers Etats provinciaux s'étaient plaints des prodigalités du
roi, des variations continuelles des monnaies; ils n'avaient
obtenu que des garanties illusoires. Ceux de 1355 ne sont
guère connus que par une ordonnance du 28 déc, mais elle
suffit à montrer leur importance. Le roi fut obligé de leur
abandonner l'administration financière. Ils se réunirent de
nouveau en mars 1356 et remplacèrent les taxes votées
dans la session précédente par un impôt sur le revenu, dont
personne n'était exempt. Il y eut des protestations dans
plusieurs provinces, surtout en Normandie, où Charles le
Mauvais et ses partisans, comme J. d'IIarcourt, encoura-
geaient la résistance et cherchaient à entraîner dans leur
parti le jeune dauphin Charles. Jean 11 vint lui-même à
Rouen, où il fit décapiter J. d'IIarcourt et arrêter le roi
de Navarre, qui fut jeté en prison (avr. 1356). Aussitôt
God. d'IIarcourt et les frères de Charles le Mauvais appe-
lèrent les Anglais en Normandie. Tandis que Jean II allait
les y combattre, le prince Noir ravageait les provinces du
centre et s'avançait auprès de la Loire. Alors le roi de
France marcha contre lui, mais il fut défait et pris à la
bataille de Poitiers (19 sept. 1356), emmené à Bordeaux,
puis en Angleterre. On trouvera dans l'art. Charles V
(V. aussi Marcel [Etienne]) le récit des événements ac-
complis pendant sa captivité et le règne de son fils. Le roi
prisonnier intervint pour conclure une trêve avec l'Angle-
terre (23 mars 1357) et annuler ce qui avait été fait sans
son autorisation. Puis au moment où la trêve de 1357 allait
expirer, Jean II conclut à Londres une nouvelle convention
qui devait lui rendre la liberté au prix des sacrifices les plus
ruineux (24 mars 1359). Des Etats réunis à Paris déclarèrent
que ce traité n'était « passable ne faisable » et votèrent des
subsides pour continuer la guerre (25 mai). Alors p]douard 111
passa en France, marcha sur Reims et sur Paris (mars 1360),
s'avança jusqu'auprès de Chartres, en subissant de grandes
pertes, et conclut le traité de Brétigny, moins désastreux
pour la France que celui de Londres (8 mai). Amené à
Calais (8 juil.), Jean II y ratifia le traité de Brétigny le
24 oct. et fut mis en liberté le lendemain. Il confirma les
actes de son fils et, tout en reprenant le pouvoir, lui laissa
une certaine part dans le gouvernement. Malgré quelques
bonnes mesures, ce triste règne se termina au milieu de
nouvelles calamités, la peste, la famine, les brigandages
des compagnies de routiers. En 1362, le comte de Tancar-
ville, envoyé contre ces brigands, fut vaincu, avec J. de
Bourbon, à la bataille de Briguais, près de Lyon (6 avr.).
La réunion de la Bourgogne au domaine royal (nov. 1361)
ne profita pas à la France, car le roi donna bientôt ce fief
à Philippe le Hardi,, son plus jeune fils (6 sept. 1363). Un
autre de ses fils laissés en otage, le duc d'Anjou, s'étant
évadé, Jean II crut devoir prendre sa place. Il alla se re-
mettre entre les mains d'Edouard III (janv. 1364) et mou-
rut à Londres. E. Cosneau.
BiriL. : Froissârt, édit. S. Luge, IV, V, VI; édit. Ker-
VYN, XXI, 302 et stiiv. — P. Villani, dans Muratori,
XIII. — G. DE Nangis (le continuateur de). — Les Grandes
Chroniques de France^ édit. P. Paris. — U. Chevalier,
Répert. des sources du M. A., col. 1192. — E. Lavisse et
A. Rambaud, Hist. gén., III, 122-123 (bibliogr.). — E. Cos-
neau, les Grands frailés de ha guerre de Cent ans, pp. 1
et suiv.
JEAN sans Peur, duc de Bourgogne, né à Dijon le
28 mai 1371, mort à Montereau' le 10 sept. 1419.
Fils de Philippe le Hardi et de Marguerite de Flandre, il
porta d'abord le titre de comte de Nevers et épousa en
138o Marguerite de Bavière, En 1396, il fut nommé chef
de la croisade de Hongrie dans laquelle il sut jouer un
beau rôle ; fait prisonnier à Nicopolis (sept.), racheté après
neuf mois de captivité à Brousse, il rentra triomphalement
dans Dijon en févr. 1398, ayant pris à sa charge la ran-
çon de ses compagnons et sauvé Boucicaut. Il est dès lors
populaire. Duc à la mort de son père le 27 avr. 1404,
comte de Flandre à la mort de sa mère en 1405, il est le
rival du duc d'Orléans, Louis, et s'appuie sur l'université
et sur le peuple de Paris qui lui sait gré de s'opposer à la
levée d'impôts. Il ramène de force à Paris le dauphin que
l'on conduisait à Melun (sept. 1405) et, faisant le justi-
cier, publie tout un plan de réformes. Comme il cherche à
reprendre Calais, le duc d'Orléans lui fait enjoindre par le
roi d'abandonner son entreprise (1406). Le 23 nov. 1407
ce duc, son cousin, auquel il avait trois jours auparavant
juré une amitié éternelle, était assassiné par ses ordres.
Après une absence momentanée, il revient à Paris, est ac-
clamé (mars 1408) et fait prononcer l'apologie de son crime
par Jean Petit, puis va porter secours à l'évêque de Liège
dont les sujets sont révoltés, et par une sanglante victoire
à Othée gagne son surnom de Sans Peur (1408). Le roi
lui accorde son pardon et le nomme gouverneur du dau-
phin (1409). Comte de Flandre, Jean est l'allié naturel
des Anglais. En 1411, pour lutter contre le parti des d'Or-
léans ou Armagnacs, il installe à Paris des soldats anglais
et s'entend aussi avec la corporation devenue politique des
bouchers ; la guerre civile et la révolution cabochienne
commencent; tout-puissant, il ordonne des exécutions san-
glantes et conduit Charles VI contre le duc de Berry
(1412); mais les Cabochiens se font violents et dans la
journée du 22 mai 1413 il ne peut plus les contenir.
Après que la paix de Pontoise a été signée avec les Arma-
gnacs, il croit devoir quitter Paris (août 1413) et, lors-
qu'il revient en armes, le roi marche contre lui. La paix
d'Arras n'est acceptée par lui qu'en juil. 1415. Il n'en
trame pas moins une conspiration contre la famiUe royale.
Malgré ses dénégations, c'est alors l'allié secret des Anglais
avec qui il s'était engagé en 1412 à ne jamais traiter. Le
lendemain de la bataille d'Azincourt, à laquelle il n'avait
pas pris part, il envoie bien son gantelet à Henri V, mais
il a une entrevue avec lui à Calais (1416) et, s'il n'y con-
clut pas une alliance ouverte, ce n'est que par prudence.
Privé par la mort prématurée du dauphin Jean d'un ins-
trument qu'il espérait faire servir à ses desseins, il a re-
cours aux armes et adresse aux villes un manifeste où il se
donne comme le sauveur de la chose publique (25 avr.
1417). Pendant l'invasion anglaise, il marche sur Paris
qui cette fois lui ferme ses portes et se retire à Montlhéry
d'où il publie un autre manifeste. Avec l'aide de la reine
Isabeau, il organise un nouveau pouvoir à Chartres, puis,
après une tentative infructueuse contre Paris, àïroyes, et
se rend encore populaire en supprimant les impôts. La con-
juration de Perrinet Le Clerc lui ouvre les portes de Paris
JEAN
92
(mai 1418) ; il n'y entre que le 14 juil. ; la terreur y règne
et il se trouve réduit à faire exécuter des chefs du mou-
vement populaire; comme ses efforts pour faire revenir le
dauphin ont échoué, il le calomnie, laisse Rouen se rendre
aux Anglais et abandonne Paris menacé (nov.). Alors,
sans doute parce qu'il voit Henri V garder pour lui ses
conquêtes, et aussi afin d'avoir à sa discrétion le dauphin,
comme il a déjà le roi, il se rapproche du prince Charles
qui de son côté désire une réconciliation; mais, à cause des
exigences du duc, un traité n'est signé à Pouilly près de
Melun qu'après de longs pourparlers et deux entrevues
(juil. 1419). Il entame néanmoins de nouvelles négocia-
tions avec les Anglais, laisse prendre Pontoise, ne porte
pas secours à Paris et paraît hésiter beaucoup à se rendre
de Troyes à Montereau oii il devait avoir une autre entre-
vue avec le dauphin. Le 10 sept., sur le pont de Monte-
reau entièrement palissade où avait été construite une en-
ceinte réservée, une dispute s'élève entre lui et le dauphin
qui avaient amené chacun dix hommes d'armes et il tombe
frappé sous les coups de chevaliers du prince dont il tentait
peut-être de s'emparer.
Possédant peu d'avantages physiques, mais de l'esprit,
ambitieux à ce point qu'on l'a soupçonné d'aspirer à la cou-
ronne, disposant d'immenses ressources, Jean sans Peur
a véritablement été le premier personnage de son temps.
Il a recherché partout des alliances ; ayant déjà celles de
la Savoie et de la Navarre, il s'allie en 1417 avec l'empe-
reur Sigismond et entre en relations avec l'Espagne, le Por-
tugal et l'Ecosse. Violent et audacieux à l'occasion, rempli
d'impudence, ne reculant, pour être maître absolu, devant
aucun moyen, il a cependant toujours suivi une politique
tortueuse et défiante. D'un caractère despotique, il s'est
attiré en Flandre de grandes difficultés. Dans ses rapports
avec les Anglais, il a osé ne réserver tout au plus que les
questions relatives aux personnes du roi et du dauphin.
Vis-à-vis de la royauté, sa conduite a consisté « en alter-
natives de soumission intéressée et de révolte hautaine ».
Une grande part de responsabilité lui revient dans les
tristes événements du règne de Charles VI. M. Barroux.
BiBL. : De Barante, ifis^ des ducs de Bourgogne, éd.
Gachard, 1838, t. L — De Beaugourt, Hist. deClmrles VII,
partie. 1881, t. 1 ; cf. Rev. des quest. hist., 1868, V, pp. 189-
237. — Delaville Le Roulx, la France en Orient au
xiY» siècle; Paris, 1885, 2 vol. in-8. — B, Zeller, Louis
de France et J. s. P. ; Paris, 1886, in-16. — E. Jarry, la
Vie politique de Louis de France; Paris et Rouen, 1889,
in-8. — A. GoviLLE, les Cabochiens ; Paris, 1888, in-8. —
De Pétigny, Charte de la reine Isabelle en Bavière, dans
BibL de l'Ec. des Ch., série B, t. IV, p. 329. — P. Frede-
RicQ, Essai sur le rôle politique des ducs de Bourgogne
dans les Pays-Bas ; Gand, 1875, in-8. — De La Chauve-
LAYS, les Armées des ducs de Bourgogne; Paris, 1881,
pp. 108-248, in-8. — E. Petit, Itinéraire de Philippe le
Hardi et de J. s. P.; Paris, 1888, — P. Durrieu,
J. s. P... procureur général du diable...; Nogent-le-Ro-
trou, 1887, in-8 (extr. de l'Ann. Bull, de la Soc. de l'hist.
de Fr.).
JEAN DE Grailly, comte de Foix et vicomte de Béarn
(1412-36), né en 1382 ou 1383, mort à Mazères le
4 mai 1436. Il était fils d'Archambaud de Grailly, captai
de Buch, et d'Isabelle de Foix-Castelbon. Le dernier comte
de Foix, Mathieu, étant mort sans enfants, en 1398, Ar-
chambaud s'empare de la succession au nom de sa femme,
sœur du prince défunt. Les officiers royaux s'opposent vai-
nement à l'envahisseur qui après trois ans d'efforts obtient
gain de cause, renonce à Falliance anglaise et entre en pos-
session des vastes domaines de la maison de Foix (1401).
Jean, fils aîné du nouveau comte, épouse peu après (1402),
Jeanne, infante de Navarre, déclarée héritière du royaume
au cas où son père Charles Ht le Noble mourrait sans
enfants ; en même temps, il est investi de la vicomte de
Castelbon au S. des Pyrénées, vicomte que le roi d'Aragon
venait de restituer à Archambaud ; le jeune prince n'en
prendra d'ailleurs possession qu'en 1406. Il sert en France
sous les ordres de Louis d'Orléans (1406), en Sardaigne
sous ceux du roi d'Aragon (1407), hérite des domaines de
son père (1412), s'attache en France au parti bourguignon
et guerroie contrôles Armagnacs, obtient en 1418 et 1419
de chacun des deux partis l'office de lieutenant et capi-
taine général en Languedoc et Guyenne, se le fait enlever
par le dauphin (1420), rendre par Henri V (1422), puis
de nouveau par Charles VU (1425), qui lui donne le
comté de Bigorre et la vicomte de Lautrec, se mêle active-
ment aux affaires d'Aragon, tente de conquérir le Comtat-
Venaissin (1433). Après la mort de Jeanne de Navarre
(1413), il épouse Jeanne d'Albret (1423), dont il eut deux
fils, puis Jeanne d'Urgel (1436).
BiBL. : D. Vaissete, Hist. du Languedoc, nouv. édit.,
t. IX, passim, et surtout L. Flourac, Jean /«■■, comte de
Foix., vicomte souverain de Béarn, lieutenant du roi en
Languedoc ; Paris, 1884, in-8.
JEAN, vicomte de Narbonne, fils puîné de Gaston IV,
comte de Foix (mort en 1472). Il avait reçu sa vicomte
de Narbonne de son père par avance d'hoirie dès 1468 et
il était au moment de la mort de Gaston premier cham-
bellan du roi et gouverneur de Guyenne; en 1475,
Louis XI lai donne le comté d'Etampes, deux ans plus tard
le comté de Pardiac; en même temps, il devient gouverneur
du Dauphiné et reçoit le collier de Saint-Michel. Il avait
épousé Marie d'Orléans, fille du duc-poète et sœur du fu-
tur roi Louis XII. En 1483, son neveu, François Phœbus,
roi de Navarre, comte de Foix et vicomte de Béarn, étant
mort sans enfants, il dispute la succession à la sœur du
défunt, Catherine, qui devait épouser l'année suivante Jean
d'Albret. Les deux parties profitent de la minorité de
Charles VIII et en viennent à des hostilités ouvertes. Cette
guerre désole le Midi pendant plusieurs années. Eu 1484,
le conseil de régence fait mettre sous la main du roi les
places contestées et les adversaires conviennent d'une trêve
bientôt rompue. Dix ans plus tard, en 1494, le vicomte
de Narbonne suit le roi en Italie. Un peu plus tard, en
1497, il s'accorde définitivement avec ses parents de Na-
varre et renonce à toutes ses prétentions moyennant une
rente perpétuelle de 4,000 livres et la cession à titre via-
ger de quelques places du pays de Foix. L'avènement de
Louis XH, son beau-frère, ranime ses espérances, et il
léguera ses prétentions à son fils, Gaston de Foix-Nemours.
Il meurt peu après (son testament est daté du 27 août
1500), laissant deux enfants, Gaston^ si célèbre sous le
le nom de Gaston de Foix, et Germaine, qui épousa
Ferdinand le Catholique. A. Molinier.
BiBL, : D. Vaissete, Histoire de Languedoc, nouv. éd.,
XI, passim,. — Boissonnade, Histoire de la réunion du
royaume de Navarre à l'Espagne; Paris, 1893, in-8.
Pour les princes féodaux du nom de Jean, V. Alen-
çoN, Armagnac, Auvergne, Berry, Brienne, Dauphiné,
Forez, Joinville, Lorraine, Nevers, Orange, San-
cerre, etc.
Géorgie
JEAN, prince de Géorgie (V. Ivané).
Pays-Bas
JEAN l^*", duc de Brabant, mort en 1294. Il monta
sur le trône en 1267 et épousa successivement Marguerite
de France, fille du roi Louis IX, puis Marguerite de
Flandre, fille de Guy de Dampierre. En 1276, il passa
les Pyrénées avec son beau-frère, Philippe de France,
pour combattre le roi d'Aragon, et contribua à la prise de
Girone, en Catalogne. Il intervint aussi en faveur des
Liégeois, brouillés avec leur prince-évêque Henri de Guel-
dre, et plus tard il s'interposa entre l'archevêque de
Cologne et le comte de Juliers, dont les querelles entra-
vaient le commerce des Brabançons dans les contrées arro-
sées par la Meuse et le Rhin. Mais l'acte le plus important
de son règne fut la conquête du duché de Limbourg
(V. Bradant, t. VU, p. 923). La possession de cette riche
province était disputée pnr Renaud de Gueldre et Adolphe
de Berg. Celui-ci, se sentant trop faible, céda ses droits à
Jean de Brabant, tandis que son rival vendait les siens à
Henri IV de Luxembourg. Jean de Brabant fut victorieux
à Wœringen (5 juin 1288) et, depuis cette époque, le Lim-
bourg demeura uni au Brabant. Jean I®"^ accorda de nom-
breux privilèges à ses sujets, se montra le protecteur
éclairé des lettres, et attira à sa cour le trouvère Adenès
H Rois (V. ce nom, t, I, p. 559), les chroniqueurs Boen-
dale (V. ce nom, t. Vfl, p. 41), Van Velthem, etc. Il était
lui-même poète, et l'on a conservé neuf de ses œuvres,
espèces de pastourelles écrites en haut allemand. E. iï.
BiBL. : A. Wauters, le Duc Jean !«'' et le Brabant sous
le règne de ce prince \ Bi-uxelles, 1859, in-8.
JEAN, comte de Hollande (V. Hollande).
JEAN (Maurice de Nassau) (Y. Nassau).
Pologne
J EAN -Albert, roi de Pologne, troisième fils de KazimirlV
et d'Elisabeth d'Autriche, né en \ 459, mort à Thorn le 1 5 juin
1504. Avant son arrivée au pouvoir, il avait acquis une
renommée de bravoure militaire dans quelques batailles
gagnées contre les Tatares et avait révélé un caractère
entreprenant et énergique. Après la mort de Matthias
Corvin, roi de Hongrie (avr. 1490), Jean-Albert fut invité
par une partie de la noblesse de ce pays à lui succéder au
trône, pendant qu'un autre parti élisait son frère Vladislav
roi de Bohème. Leur père, Kazimir de Pologne, soutint
Jean-Albert et l'envoya en Hongrie avec une armée. Vaincu
à la bataille de Kassa (allem. Kaschau) en 1491, Jean-
Albert reçut de son frère les duchés de Glogow, Kosel,
Bytom, etc., en Silésie, avec le titre de duc de Silésio, mais
il s'en démit l'année suivante, lorsque la mort de son père
(7 juil. 1492) l'appela en Pologne. Son entrée sur la scène
politique ne fut pas heureuse. Le roi Kazimir IV avait réglé
d'avance sa succession : il léguait la monarchie polono-
lithuanienne à son quatrième fils Alexandre, tandis que son
fils aîné Vladislav devait garder le trône de Bohême et Jean-
Albert devait occuper celui de Hongrie. Mais la double élec-
tion hongroise et l'échec subi par Jean-Albert changeaient
évidemment ces plans. Les Lithuaniens, jaloux de la supré-
matie polonaise, appelèrent au trône grand-ducal Alexandre,
les Polonais élurent Jean-Albert, qui fut couronné (sept.
1492). Il fut forcé de renoncer à la Lithuanie. Il commen-
çait son règne sous les meilleurs auspices. C'était l'époque
de la plus grande puissance de la dynastie des Jagellons ;
trois frères se partageaient l'immense étendue des royaumes
de Bohême, de Hongrie, de Pologne et de Lithuanie. Le
premier acte de Jean-Albert fut un traité avec son frère
Vladislav de Bohème et Hongrie, conclu à Buda (déc. 1492),
par lequel les frères se donnaient des garanties réciproques
et des promesses d'intervention au cas d 'inobéissance de
leurs sujets ou de troubles intérieurs. Les deux diètes de
Piotrkow (1493-96) accrurent la compétence du pouvoir
royal. Jean-Albert s'inspirait évidemment des conseils de
l'Italien Callimaque (V. ce nom), partisan décidé de l'ab-
solutisme. En 1493, Jean- Albert reçut à Poznan les am-
bassadeurs du doge Marco Dandolo, qui le poussaient à la
guerre contre les Turcs et en môme temps les ambassadeurs
de Bayezid H qui lui offrait une paix perpétuelle ; le grand
maître de FordieTeutonique lui avait fait hommage comme
vassal ; son frcy-o, le cardinal Frédéric, était archevêque
de Gniezno et p; imat-métropolitain du royaume; le grand-
duc de Lithuanie, Alexandre, se mariait avec Hélène, fille
d'Ivan IH, grani!-duc de Moscou, et finissait ainsi cette
interminable guérilla de frontières; le roi avait réuni à la
couronne le duché de Plock après la mort du dernier duc
Janusz de la branc'ic de Mazovie ; il acheta au prix de
80,000 florins d'or le duché de Zator. L'expédition contre
le sultan ne fut pas heureuse. Les Polonais traversèrent la
Pokucie, qui appartenait à un vassal de la Pologne, Etienne,
hospodar de Valachie. Ils furent attaqués par les Valaques
et défaits dans la Bukovine. En 1498, la Russie-Rouge fut
envahie par les Turcs, Tatares et Valaques. Jean-Albert
entreprit de résister. Une ligue réunit en 1499 les trois
princes Jagellons, Jean-Albert, Vladislav et Alexandre, et
Etienne de Valachie ; le pape Alexandre VI promit des
secours financiers et une bulle de croisade en envoyant en
1500 son légat en Pologne. Les Tatares de Mengli-Giray-
— 93 — JEAN
iian envahirent la Lithuanie et les terres russes ; cependant
Jean-Albert ne voulut pas conclure une paix oiferte par
Bayezid, mais négocia avec Louis XH de France et son
frère Vladislav cJe Hongrie contre les musulmans. Mais il
n'était pas donné à Jean-Albert de mettre ses plans à exé-
cution. Après la mort de Jean de TiefFen, l'ordre Teuto-
nique avait élu comme grand maître le landgrave de Saxe,
Frédéric, en 1498. Quoique cité par le roi, le nouveau
vassal ne vint pas rendre hommage à son suzerain; il
était sûr du secours de l'empereur Maximilien I^"*. Jean-
Albert dut conclure un armistice en 1501 avec le sultan
Bayezid II, et forcer le grand maître à la soumission. Il se
trouvait avec son armée à Thorn, lorsqu'il mourut subite-
ment d'apoplexie. 11 n'était pas marié ; son frère Alexandre,
grand-duc de Lithuanie, lui succéda. J. Korzeniov^ski.
BiBL. : Consultez, outre les livres d'histoire générale de
Pologne (BoBRZYNSKi, Caro, Szujski), les' études de
BoBRZYNSKi, le Parlement polonais sous Jean- Albert (en
polon.); PuLASKi, Mengli'Giray (enpolon.), et les sources
indiquées dans Finkel, Bibliographie de l'histoire de Po-
logne, n"» 2375-2456 et 6814-6908.
JEAN 11 OU KASIMIRV (1609-1672) (V. liksmm).
JEAN 111 SoBiESKt, roi de Pologne (V. Sobieski).
Portugal
JEAN l«»^ (Joâo), dixième roi de Portugal et fondateur
de la dynastie d'Aviz, surnommé de son vivant le Père de
la Patrie, et le Grand, ensuite le Roi de bonne mémoire,
né à Lisbonne le 11 avr. 1358, mort à Lisbonne le 14 août
1433. Il était fils naturel du roi Pierre l''^ et de Thérèse
Lourenço, noble Galicienne, issue, dit-on, de la maison
d'Andrada. Elu, dès Tûge de sept ans, grand maître de
l'ordre religieux et mihtaire d'Aviz, il resta confiné dans
l'exercice de sa haute charge jusqu'à la mort de son frère
consanguin, le roi Ferdinand (1383). A défaut d'héritier
mâle, la couronne revenait alors au gendre de celui-ci, au
roi Jean I^'" de Castille, contrairement aux vœux de la na-
tion. La conduite scandaleuse de la reine douairière Eléo-
nore (V. ce nom), régente du royaume, augmentait encore
l'effervescence populaire. Le grand maître se décida alors
à frapper un grand coup : il tua de sa propre main, au
palais même de la reine, son amant, Andeiro, comte d'Ou-
rem(6 déc. 1383). Proclamé aussitôt, par le peuple, régent
et défenseur du royaume, il se trouva bientôt aux prises
avec les troupes de la Castille. Il soutint efficacement un
siège de cinq mois à Lisbonne, et, avec l'aide de son jeune
ami, Nuno Alvarez Pereira, devenu plus tard connétable
de Portugal, il fit perdre à l'envahisseur un terrain consi-
dérable. Proclamé roi de Portugal, le 6 avr. 1385, par les
Etats généraux réunis à Coïmbre, il continua avec vigueur
la lutte contre les Castillans, et les défit entièrement à la
célèbre bataille d'Aljubarotta (14 août 1386). En commé-
moration de cette victoire décisive qui maintint l'indépen-
dance du Portugal, on éleva bientôt après, sur le terrain
même de la bataille, le couvent de Batalha, qui servit de
lieu de sépulture royale. Le roi Jean envahit à son tour
la Castille, échoua devant Coria, guerroya encore quelque
temps avec le concours du duc de Lancastre, puis continua
seul la lutte, avec des chances diverses, jusqu'à la conclu-
sion d'une trêve de six ans (29 nov. 1389), prorogée pour
quinze ans en 1393. Interrompue, en 1396, par la faute
du roi Henri III de Castille, cette trêve fut renouvelée en
1401 , puis en 1411 et en 1423, et confirmée par une paix
solennelle en 1431, sous le règne de Jean II de Castille. A
la faveur de cette tranquillité, le roi de Portugal alla s'em-
parer de Ceuta, en Afrique (1415). Quelques années plus
tard, les Portugais découvrirent l'île de Porto Santo, puis
Madère (1421). ^
Jean y^" fit de nombreuses réformes à l'intérieur : il fut
le premier auteur des lois du gouvernement, qu'il ordonna
de rédiger en langue vulgaire ; il aboht (1422) l'usage de
compter les années par l'ère de Jules-César, et il créa les
premiers ducs en la personne de ses deux fils. On lui doit
la construction de nombreux édifices religieux et civils, et
son règne de quarante-huit ans fut bienfaisant à tous les
JEAN
— 94 —
égards. Il avait épousé une femme de haute valeur inîel-
lectuelle et morale, Philippe de Lancastre (2 févr. 4387),
sçeur de Henri IV, roi d'Angleterre, et il eut d'elle six fils
et deux filles, parmi lesquels : Edouard^ qui lui succéda ;
Pierre, duc de Coïmbre (V. ce mot); Henri^ duc de Viseu
(1394-1460), qui contribua puissamment aux découvertes
géographiques de ses compatriotes ; Ferdinand (Y. ce mot),
dit le Prince Constant, célèbre par sa grandeur d'âme du-
rant sa captivité chez les Maures, et Isabelle (V. ce nom),
femme de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. G. P-i.
BiBL. : Damiâo de Goes, Chronica do principe D. Joào;
Lisbonne, 1567, 1724, 1790. — F. Lopes, Chronica, 1644,
3 vol.— Duarte Nunez do LiÂo, Chronica del Rey D.Joào,
1645 et 1780.— Fr. de MexNezes, comte cI'Ericeira, Vida
y acçoès del Rey Joào J", 1674.— M. Monteiro, Joannes,
Portugalliœ Reges, 1742, in-i'ol.— Les historiens modernes
(V. Portugal).
J EAN 11, treizième roi de Portugal, surnommé le Prince
Parfait, né à Lisbonne le 3 mai 1435, mort à Alvor
(Algarves) le 25 oct. 1495. Fils d'Alphonse V et d'Eléo-
nore de Portugal, il reçut une excellente instruction, se
montra un guerrier brillant à la prise d'Arzila, en Bar-
barie (1471), et exerça avec talent la régence pendant l'ex-
pédition de son père en Castille (1475-76), puis pendant
le voyage de celui-ci en France (1477). Roi de fait d'abord,
avant de succéder à son père le 31 août 1481, il se mon-
tra toujours sévère et n'hésita point à faire tomber des
têtes de conspirateurs, fussent-ils de sa propre famille ;
mais, en même temps, il fut scrupuleux à récompenser tous
les services réels. La tranquillité intérieure une fois réta-
blie, il prépara lentement et sûrement les moyens d'étendre
son pouvoir ou ses relations dans l'Extrême-Orient. Il réu-
nit autour de lui tous les géographes, cosmographes ou
mathématiciens renommés ; il envoya Covilhào et Paiva
(V. ces noms) en explorateurs dans l'Abyssinie et dans
l'Inde ; ses flottes découvrirent successivement la Côte d'Or,
dans la Guinée, le Congo et le cap de Bonne-Espérance.
S'il ne sut pas deviner le génie de Christophe Colomb, qui
lui avait fait part de ses vastes projets, il prépara les grandes
découvertes de Vasco da Gama. 11 étendit aussi les con-
quêtes de ses devanciers chez les Maures d'Afrique. Grand
politique, savant dans l'art de régner, il fit preuve d'un
large esprit de tolérance en accueillant dans ses Etats les
juifs chassés de Castille. Il s'appliqua aussi à y faire fleu-
rir les beaux-arts, le commerce et l'agriculture. Sa mort
prématurée a été attribuée à l'action d'un poison lent. —
De son mariage (1471) avec Eiéonore de Portugal, sa
cousine, fille aînée de Ferdinand, duc de Viseu, il n'eut
qu'un fils, Alphonse (1475-91), marié avec Isabelle, fille
aînée de Ferdinand le Catholique, roi d'Aragon et de Cas-
tille, et mort d'une chute de cheval. Son successeur au
trône fut Emmanuel, petit-fils du roi Edouard. G. P-i.
BiBL.: Garcia de Resende, D. Joào o segundo; Lisbonne,
1536. — D. de Goes, Chronica do principe Joào W, 1567.
— A.-M. DE Vasconcellos, Vida y acciones del rey
D. Juan II; Madrid, 1639, in-4, et trad. fr., Paris, 1641, in-8.
— M. Tellez da Sylva, De Rébus gestis Joannis II ; Lis-
bonne, 1689, in-4. — Ruy de Pina, Chronica del rey
D. Joào II, 1792.
JEAN Ml, quinzième roi de Portugal, né à Lisbonne le
6 juin 1502, mort à Lisbonne le l^'^ juin 1557. Fils aîné
du roi Emmanuel et de sa seconde femme, Marie d'Aragon-
Castille, il succéda à son père le 19 déc. 1521. Il marcha
sur les traces de ce glorieux monarque, s'appliqua à aff'er-
mir ses conquêtes dans le Nouveau-Monde et en fit de nou-
velles ; mais il abonna une partie de celles faites en Afrique,
ne gardant que Ceuta, Tanger et Mazagan. 11 établit l'In-
quisition dans ses Etats en 1533 et accueillit les jésuites
en 1540. Il se servit de ces derniers pour les missions des
Indes, surtout de saint François-Xavier, et il leur confia
l'éducation de la jeunesse. L'université de Coïmbre, qu'il
dota richement, lui fut redevable d'un éclat exceptionnel,
grâce à des maîtres illustres que le roi fit venir de France
et des autres pays. C'est à lui qu'on doit l'achèvement du
célèbre couvent de Belem, l'aqueduc d'Evora, l'arsenal na-
val, etc. De son mariage (1525) avec Catherine d'Autriche,
sœur puînée de Charles-(}uint, il eut neuf enfants: six fils,
dont aucun ne lui survécut, et trois filles, dont deux mortes
jeunes, et Marie de Portugal, épouse de Philippe II d'Es-
pagne. Il eut pour successeur son petit-fils, Sébastien.
BiBL. : Fr. de Andrada, Chronica del rey Joào III, 1613.
— • Luiz de Souza, Anîiaes de D. Joào III.
JEAN IV, vingt et unième roi de Portugal et premier de
la dynastie de Bragance, né au château de Villa Viçosa le
19 mars 1604, mort à Lisbonne le 6 nov. 1636. Fils aîné
de Théodose II, duc de Bragance et de Barcellos, et d'Anne
de Velasco y Giron. A l'époque de sa naissance, le Portugal
était déjà depuis vingt-quatre ans sous le joug de l'Espagne.
Le jeune prince, partagé entre sa passion pour la musique
et les exercices du corps, ne semblait point destiné à déli-
vrer sa patrie de la captivité. A vingt-neuf ans, il épousa
une Espagnole de grande maison, très ambitieuse et très
énergique, qui le poussa, dit-on, vers la conquête du trône.
La haine de plus en plus vive contre l'administration cor-
rompue des Espagnols et l'appui secret du cardinal de lii-
cheheu lui en facilitèrent l'accès. Quarante patriotes de
haut parage organisèrent un complot savamment combiné,
qui réussit sans effusion de sang, et le duc de Bragance
fut proclamé par eux roi de Portugal, aux acclamations du
peuple (1«^ déc. 1640). Les Cortès ratifièrent ce choix le
29 janv. suivant. Le nouveau souverain se montra à la
hauteur de sa tâche : il constitua des forces armées, refit
les finances, conclut des traités avec plusieurs puissances,
et fit avorter des conspirations contre lui et la liberté de
la patrie. Les Espagnols, qui s'étaient tenus tranquilles
pendant plusieurs années, furent complètement battus à
Montijo, près de Badajoz, le 26 mai 1 644. Ses flottes eurent
plusieurs avantages sur les Hollandais au Brésil en 1649
et 1654. Le roi Jean IV demeura toujours fidèle à son
goût passionné pour la musique: on lui doit différenfes
compositions et plusieurs opuscules, en espagnol et en por-
tugais, sur la théorie de cet art, où il fit preuve d'un re-
marquable sens critique. — De son mariage (1632) avec
Louise de Guzman, tille du duc de Médina Sidonia, il eut
sept enfants, parmi lesquels Alphonse VI et Pierre II,
rois de Portugal, et Catherine, épouse de Charles II, roi
de Grande-Bretagne. G. P-i.
BiBL.: J. PiNTO Ribeiro, Usurpaçào, retençao, resiau-
raçào de Portugal, 1642. — J. de Vasconcellos, Restau-
raçào de Portugal, 1643.
JEAN V, vingt-quatrième roi de Portugal, né à Lisbonne
le 22 oct. 1689, mort le 31 juil. 1750. Fils de Pierre II
et de Marie-Sophie-Elisabeth de Bavière-Neubourg, il suc-
céda à son père le 1^^ janv. 1707, et malgré lui, "il conti-
nua, avec peu de chance d'ailleurs, la lutte contre la France
dans la succession d'Espagne. Ses troupes furent défaites
à Almanza(27 avr. 1707), aux environs de Campo Mayor
(7 mai 1709), etc. ; le Portugal perdit successivement plu-
sieurs places importantes, entre autres Miranda de Duero
(juil. 1710), et Duguay-Trouin s'empara de Rio-de-Janeiro,
au Brésil (13 sept. 1711). La paix d'Utrecht le rendit libre
de suivre ses penchants pour les pompes religieuses, et
tous ses efforts politiques ne tendirent qu'à obtenir à cet
égard du saint-siège des privilèges particuliers, ainsi que
le titre de « Majesté Très-Fidèle ». Son action au dehors ne
se traduisit qu'en envoi d'une flotte de secours d'abord aux
Vénitiens contrôles Turcs (1716), ensuite au roi de Perse
contre les Arabes (1 719) . Ce monarque d'une rare bigoterie,
qui confia le gouvernement à un moine ignare, frère Gas-
pard, fut cependant un zélé protecteur des études et un
bibliophile ; on lui doit la fondation de l'Académie d'his-
toire (1720) et de plusieurs autres, ainsi que l'enrichisse-
ment considérable de la bibliothèque royale. — De son
mariage (1708) avec Marie- Anne d'Autriche, fille de l'em-
pereur Léopold 1«^, il eut six enfants; son second fils,
Joseph,\m succéda. G. P-i.
BiBL.: Vida, successos e fallecimento do reu Joào V;
Lisbonne, 1750.
Russie
JEAN l«^ et JEAN il (V. Ivan).
95 -
JEAN
Suède
JEAN l®% roi de Suède, mort en 1222. Fils de Sverker
et d'Ingierd, il succéda à Eric X, laissa gouverner le clergé
sous son nom et fit des expéditions peu heureuses en
Ehstonie.
JEAN II (V. Jean P% roi de Danemark).
JEAN lll,roideSuède(do68-92),néle2l déc.1537,
mort le 17 nov. 1592. Fils de Gustave Vasa, son père
qui le préférait lui donna le grand-duché de Finlande. Son
frère aîné, Eric XiV, le soupçonnant de comploter avec son
beau-père, Sigismond, roi de Pologne, une restauration
catholique en Suède, se saisit de lui par trahison à Abo et
l'emprisonna avec sa femme à Gripsholm (1563). Pris de
remords, il le relâcha en 1567. Jean s'entendit alors avec
leur autre frère, Charles de Scedermanland,et les mécon-
tents pour détrôner Eric, acheta par de larges concessions
l'agrément des Etats et monta sur le trône. Plus tard, il
fit empoisonner Eric, par précaution. Il mit fin à la guerre
contre le Danemark par le traité de Stettin (déc. 1570)
conservant la Norvège. Il fit la guerre au tsar Ivan, pour
TEhstonie (1572-83)*, l'emporta à partir de 1579 ; l'aUiance
de la Pologne (1580), lui permit de conquérir i'Ingrie et
la Garélie, qu'il garda à la trêve de 1583. Sa femme obtint
sa conversion personnelle au catholicisme, mais il la tint
secrète. Leur fils, Sigismond, élevé dans la foi catholique,
y gagna d'être élu roi de Pologne (1587), mais il n'en
résulta que des difficultés. Jean lll dut faire une large place
à son frère Charles, zélé luthérien ; lui-même se remaria
en 1585 avec une luthérienne, Gunnila Bielke. A. -M. B.
PERSONNAGES DIVERS
JEAN, nom de plusieurs patriarches de Constantinople.
— SamtJean Chrysostome (V. Chrysostome), patriarche,
de 397 à 402. — Jeaîi II de Cappadoce, patriarche de
517 à 520. — Jean III, dit le Scolastique ^ patriarche
de 564 à 577, remplaça Eutychès lors de sa première dé-
position. Il accomplit, en matière de législation religieuse,
une œuvre identique à celle de Justinien en matière de
législation civile. Il forma une collection de canons, puis
fit rassembler les lois civiles de Justinien répondant aux
canons et y ajouta les constitutions impériales ayant traita
des affaires ecclésiastiques. C'est le 7iomocano7i. Ces deux
recueils se trouvent dans la Bibliotkecajuris canonici ve~
teris de Justel (1661). Ils formèrent, durant tout le moyen
âge, les bases du droit canon chez les Grecs. — Jean IV
le Jeûneur, patriarche de 582 à 595. Ancien diacre de
la grande église de Constantinople, il succéda à Eutychès,
déposé pour la deuxième fois le 12 avr. 582. Imitant ses
prédécesseurs Jean II et Mennas, il prit le titre de patriarche
œcuménique au concile de 582, réuni pour juger l'inceste
de Grégoire, patriarche d'Antioche. Il fut soutenu dans ses
prétentions par l'empereur Maurice et conserva son titre
nouveau malgré les vives observations des papes Pelage II
et Grégoire le Grand. Sa grande abstinence lui a fait don-
ner le surnom de Jeûneur. On lui attribue plusieurs ou-
vrages d'authenticité douteuse : un Traité de la pénitence,
un Manuel à V usage du confesseur^ un Discours sur
la pénitence, la continence et la virginité, un Ecrit
sur les pseiido-propliètes, les faux docteurs, etc. (ces
deux derniers ouvrages sont d'ordinaire imprimés sous le
nom de saint Jean Chrysostome), des Préceptes à un
moine ; enfin ïrithème rapporte comme étant de lui un
livre de L^^^r^s à divers personnages, et Isidorus un Traité
sur le baptême. — Jean V, patriarche de 669 à 675.
— Jean VI, patriarche, de 712 à 715, favorisa la poli-
tique monothélite de l'empereur Philippique et chercha à
détruire l'œuvre du sixième concile œcuménique de Chal-
cédoine (680). — Jean VII Léconomante, patriarche de
832 à 842. Issu d'une noble famille, il fut le favori de
l'empereur Michel, qui en fit le précepteur de son fils Théo-
phile. Elevé au patriarcat grâce à ce dernier, il soutint sa
politique iconoclasique. Lors de la réaction qui signala en
842 la mort de Théophile et Favènement de Théodora, Jean
fut ciiassé de son siège. Il tenta en vain de provoquer un
mouvement populaire contre Théodora, et fut exilé dans un
monastère. Jean a été trop calomnié par ses ennemis, qui
l'ont représenté prédisant Favenir au fond d'un plat (d'où
son surnom) ; en réalité il voulut tenter un dernier effort
contre le monachisme et reprendre l'œuvre réformatrice de
Léon III FIsaurien. — Jean VIII Xiphilin, patriarche de
1064 à 1075 (V. XiPHiLiN). — Jean IK lîiéromnémon,
patriarche de 1111 à 1134. •— Jean X, dit Camatère,
patriarche de 1199 à 1206. — Jean XI Bekkos, pa-
triarche de 1275 à 1282. — Jean XII, patriarche de
1294 à 1304. — Jean XIII, dit Glyciis, patriarche de
1316 à 1320. — Jean XIV dWpri, \Mvhvche de 1333
à 1347.
BiBL. : Fabricius, Biblioth. grœca. — Lequien, Oriens
christiamis ; Paris, 1740.
JEAN, dit Exarque (V. ce mot).
JEAN, chroniqueur français de la fin du xn© siècle,
moine de l'abbaye de Marmoutiers vers 1170. Il a remanié
à cette époque la compilation connue sous le nom de Gesta
consulum Andegauorum, (ju'il dédia au roi d'Angleterre
Henri II, et a écrit une histoire ae Geoffroy V le Bel {His-
toria Gaufredi comitis Andegauorum). Ces œuvres ont
été plusieurs fois publiées et notamment par Marchegay,
Salmon et Mabille dans les Chroniques des comtes
d'Anjou (Paris, 1856-1871, in-8; ColL de la Soc, de
riiist. de France).
JEAN, prélat tchèque, né au xiv« siècle, mort àEsztergom,
(Gram) en Hongrie en 1430. H fut l'un des adversaires les
plus énergiques de Jean Hus. Il devint évêque de Litomysl,
près d'Olomouce, puis archevêque de Vacs en Hongrie et
cardinal. On l'appelle quelquefois Jean de Fer à cause de
l'armure qu'il portait habituellement.
J EAN d'Antioche, historien byzantin, vivait au comment
cément du vi« siècle, de 500 à 530. Il avait composé une
histoire universelle, Xpovr/.r) laiop^a, allant d'Adam jusqu'à
la mort d'Anastase (518). Jean s'était servi de sources an-
ciennes, où il avait puisé avec goût et intelligence. Il ne
nous reste malheureusement plus de cette œuvre qu'un
certain nombre de fragments.
BiBL. : G. Satiriadis, Zuv Kritik des Joh. von Antlo-
chia, dans Jahrb. f. class. PhiL; Leipzig, 1887. — Karl
Krumbagher, Gesc/i. der by z. Litt. ;18QI.
JEAN d'Arras, romancier français du xiv® siècle. Se-
crétaire de Jean, duc de Berry, il composa vers 1390, à
la demande de ce prince et de sa sœur, la duchesse de Bar,
le roman de Mélusine, où il recueillit plus ou moins fidè-
lement les légendes qui couraient alors sur la célèbre fée.
Un certain Coudrette a composé vers 1440 un poème sur
Mélusine où Fœuvre de Jean d'Arras a été largement uti-
lisée ; mais ce remaniement ne fit pas oublier l'original en
prose et tandis que l'œuvre de Coudrette est restée inédite,
celle de Jean d'Arras a été imprimée au moins cinq fois avant
le xvi« siècle. La plus ancienne édition, très rare, a paru
à Genève en 1478. A la même époque elle a été traduite en
flamand, en allemand et en espagnol. De nos jours, le
roman de Mélusine a été réimprimé par Brunet dans la
Bibliotlièque eUévirienne (Paris, 1854) ; l'édition laisse
beaucoup à désirer.
JEAN DE Bâsynstoke, savant anglais du xin^ siècle,
mort en 1252. Après avoir fait ses études à Oxford, il
visita la Grèce (1240) et séjourna longtemps à Athènes,
où la fille de l'évêque lui apprit la langue. De retour en
Angleterre, il traduisit divers manuscrits grecs.
JEAN DE Bologne (V. Bologne).
JEAN de Candel ou de Chandelles, chancelier de l'Eglise
de Paris, mort dans la première moitié du xiii® siècle. Il
fut nommé chancelier de Notre-Dame vers 1209 et voulut
interdire l'enseignement de la théologie et du droit canon
dans toutes les écoles qui n'étaient pas épiscopales ou
claustrales ; il prétendait de même exiger des professeurs
un serment d'obéissance. De là ses démêlés avec l'univer-
sité qui finit par obtenir raison par l'intervention d'Inno-
cent III.
JEAN
96 —
JEAN DE Châlânçon, dit Saint Jean (V. Dortiâl). j
JEAN DE Cologne, architecte espagnol de la fin du xv^ '
siècle. Originaire de Cologne et de son vrai nom Johann
von Kœln, cet architecte, que les Espagnols appellent
Juan de Colonia, fut amené en 1442, de Bâle à Burgos,
par l'évêque Alonso de Carthagène qui le fit travailler à la
cathédrale de cette ville et notamment élever les deux
flèches des tours du portail occidental, lesquelles constituent
par la légèreté de leur construction et la délicatesse de
leur ornementation un des plus heaux spécimens de l'art
gothique allemand en Espagne. Jean de Cologne donna
aussi les plans de l'église de la Chartreuse de Miraflores,
près de Burgos, église destinée à servir de lieu de sépulture
à la famille royale de Castille et qui fut terminée par son
fils Simon de Colonia. Ce dernier fut aussi architecte de
la cathédrale de Burgos dont il fit élever en style gothique
deux admirables chapelles absidales, Tune pour le conné-
table P. Fernandez de Velasco et l'autre dite de la Concep-
tion. Simon de Colonia fut, de plus, le chef d'une école
de grands artistes qui florit pendant plus d'un siècle, mais
dont les derniers représentants, Alonso de Covarrubias et
Diego de Siloe, abandonnèrent les traditions de leur maître
pour commencer en Espagne la restauration de l'architec-
ture gréco-romaine. Charles Lucas.
BiBL.: J. J.MERho^ Nachrichlen Kœlnischer Kûnstler;
Cologne, 1850, in-8. — C. Bermudez, Noticias de Los Ar-
quitectos; Madrid, 1829, 4 vol, in-8.
JEAN DE Croi, théologien protestant, né à Uzès, mort
à Uzès le 31 août 1659. Fils du controversiste François
de Croiy il professa à l'Académie protestante de Nîmes.
JEAN d'Ephèse , évêque monophysite d'Ephèse du
vi^ siècle. Jean fut aussi historien, mais il ne nous reste
rien de lui. Michel le Syrien (mort en 1199) nous apprend
seulement, dans la préface de sa chronique, que Jean a été
une de ses sources principales.
BiBL. : CuRETON, Eccles. hist. of John bishop of Eph.^
1853. — Land, Joh. bischof. von Eph.; Leyde, 1859. —
G. Hertzsch. De Script. Rerum imperatoris fiberli Cons-
tantinU 1881. — Karl Krumbaoher, Gescli. der byz.
LUI., 1891.
JEAN d'Epiphanie, historien byzantin, mort vers 591.
Nous savons par Euagrios {Eist. eccles,^ liv. V) qu'il
vivait de son temps et était son parent. Le même Euagrios
nous fait connaître le sujet de son ouvrage. Il racontait
les révolutions qui portèrent sur le trône le roi de Perse
Khosroès II et allait de l'année 572 à 590 environ. On
avait longtemps cru cette œuvre perdue. Le commencement
se trouvait heureusement dans un manuscrit de la Biblio-
thèque nationale. Il a été publié dans les Notices et
extraits des manuscrits (iSiO). hsiU avait composé avec
soin son ouvrage, qui a, sans doute, servi à Théophylacte
Simocatta et à Anne Comnène.
BiBL. : Karl Krumbacher, Gesch. der byz. Litt.., 1891,
pp. 52-53.
JEAN d'Euchaïta, poète grec du xi® siècle. Il fut d'abord
moine, puis évêque d'Euchaïta. Nous avons de lui : 1^ des
Poèmes iambiques sur les principales fêtes, sortes de
pièces de circonstance, dont l'exécution et le choix des
thèmes offrent une grande ressemblance avec les pièces de
Christophoros de Mytilène et deProdromos; ^^ des Homé-
ties; 3^ des Lettres au nombre de 72 ; 4<* un important
discours historique qu'il prononça lors du siège de Cons-
tantinople sous Constantin Monomaque.
BiBL. : Karl Krumbacher, Gesch. der byz. LUI.., 1891,
p. 355.
JEAN DE Fidanza (V. Bonaventure) .
JEAN de Hauteseille, écrivain latin du moyen âge,
moine à l'abbaye de Hauteseille, au diocèse de Toul, à la
fin du xii^ siècle. Il est connu comme auteur d'un roman
intitulé Dolopatkos, qu'il dédia à Bertrand, évêque de Metz
(1179-1212), et dans lequel il a recueilli et habilement
mis en œuvre des légendes d'origine orientale, échos plus
ou moins altérés du roman indien de Sindibdd, ou roman
des Sept Sages. Traduit librement en vers français par
Herbert (V. ce nom), l'ouvrage du moine de Hauteseille
a été longtemps considéré comme perdu dans sa forme
latine. MM. Mussafia et OEsterley en ont récemment dé-
couvert plusieurs manuscrits, notamment un manuscrit
de l'abbaye d'Orval, connu au siècle dernier par D. Mar-
tène et aujourd'hui conservé à la bibUothèque de VAthe-
nœum de Luxembourg : c'est d'après ce manuscrit que
M. OEsterley a publié la première édition du texte latin du
Dolopathos (Johannis de Alta Silva Dolopatkos^ sive de
rege et septem sapientibus ; Strasbourg, 1873, in-S).
JEAN de Hauteville, poète latin du xn^ siècle. On ne
sait rien de sa vie, si ce n'est que, Normand, il a résidé en
Angleterre. Son nom même est incertain ; on l'écrit Haute-
ville, Anville, Hanteville, Hauville, etc. Il a dédié son ou-
vrage à Gautier de Coutances, au moment où ce prélat ve-
nait d'être transféré de l'évèché de Lincoln à l'archevêché
de Rouen (1184). — Cet ouvrage est intitulé Archi-
threnius, è.Qyj. Oprîvioç, c.-à-d. princeps lamentationum .
Le héros du poème porte ce smgulier nom parce qu'il se
lamente perpétuellement sur les misères et sur les vices de
la société. Archithrenius est un jeune homme qui fait
d'abord une confession générale de ses fautes, gémit sur
l'indignité de la nature humaine et déclare qu'il va se
mettre à la recherche de la Nature pour lui demander con-
seil. H commence son voyage, et visite d'abord le palais de
Vénus (l. ï), puis le pays de la Gourmandise (1. II). Après
avoir pris congé des Ventricoles, il arrive à Paris où il
espère ne trouver que des sujets de joie ; mais son attente
est trompée, et le 1. III est tout entier consacré à la des-
cription des misères de la vie d'écolier dans l'Université
de Paris. Au commencement du 1. IV, Archithrenius, tou-
jours désolé, est sur la montagne de l'Ambition, séjour des
rois; il y rencontre le luxe, l'avidité, la corruption, la
bassesse. Mais il aperçoit tout à coup un monstre horrible,
dont la tête s'élève jusqu'aux cieux : c'est la Cupidité; il
disserte sur ce vice, particulièrement sur l'avarice des
prélats (l. V). Au VP livre, le pleureur est transporté
subitement dans l'île de Thulé, séjour des anciens philo-
sophes, qui passent leur temps à déclamer contre les
vices; il entame avec eux une conversation pessimiste qui
dure jusqu'au IX^ livre. Il ne se consolerait pas s'il n'avait,
enfin, une vision : la vision d'une jeune déesse charmante,
la Nature, qui lui apparaît au milieu d'une plaine fleurie,
entourée d'un nombreux cortège. Il tombe à ses pieds. Elle
lui débite, pour commencer, plus de cinq cents vers sur la
philosophie naturelle; ayant ensuite écouté sa requête, elle
prend pitié de lui et lui fait épouser une jolie femme, qui
s'appelle la Modération. Archithrenius cesse de pleurer, et
il écoute avec componction les conseils que la Nature lui
prodigue au sujet de ses devoirs conjugaux. — Tel est le
meilleur des grand poèmes moraux du xii® siècle ; car Jean
de Hauteville écrivait mieux que Bernard de Morlas et Henri
de Settimello. Archithrenius eut un grand succès. On le
commentait encore au xv® siècle. Au xvi®, il fut imprimé
par les soins de Jodocus Badius Ascensius (Paris, 1517,
pet. in-4, très rare). La dernière édition est celle de
M. Th. Wright, au t. I de son recueil intitulé Latin Sati-
rical Poets of the twelfth century (Londres, 1872, in-8
[Rolls Séries]). Cf. Histoire littéraire de la France,
XIV, pp. 569-79. L.
JEAN de La Rochelle (Johannes de Rupella), philo-
sophe scolastique, né à La Rochelle au commencement du
xm*^ siècle, mort à Paris en 1271. Il entra de bonne heure
dans Tordre des franciscains. Son maître, Alexandre de
Ilalès, de l'université de Poris, lui confia la traduction de
ses leçons. Il lui succéda en 1253 et occupa sa chaire jus-
qu'en 1271. Tous ses ouvrages sont restés manuscrits.
L'un des plus importants, conservé à la Bibliothèque na-
tionale, est un De Anima, commentaire du traité d'Aris-
tote, suivant la doctrine d'Alex, de Halès. Il distingue dans
l'esprit humain cinq facultés : les sens et V imagination,
qui se rapportent aux formes corporelles ; la raison, qui
connaît des genres et des espèces des choses corporelles;
Ventendement, qui se rapporte aux êtres spirituels ; Vin-
- 97 -
JEâN
telligence, qui saisit Dieu considéré comme la vérité éter-
nelle. Il admet la théorie des idées-images, qu'il attribue
à saint Augustin, et que reprendront saint Thomas et
Duns Scot. Il avait aussi écrit un Commentaire aux Seii-
tences de Pierre Lombard. C-el.
JEAN DE HoLYwooD (V. Sacro Bosco [Johannes de]).
JEAN DE Leyde, ou JEAN Bockelsonou Bockold, sec-
taire anabaptiste, né à La Haye vers 4510, mort à Munster
le 23 janv. 1536. On ne sait rien de sa première jeunesse ;
il paraît avoir été tailleur et aubergiste à Leyde. S'étant
lié avec le boulanger Jan Mathys de Haarlera, Tapôtre de
l'anabaptisme, il le suivit à Munster et lui succéda, en 1534,
comme chef de parti et prophète. Il établit alors à Munster
une théocratie terroriste, se proclama roi apocalyptique du
nouvel Israël, et établit la polygamie et la communauté de
biens. Mais son règne fut de courte durée. En 1535, Muns-
ter fut pris; Jean de Leyde tomba entre les mains de
révèque, qui le fit d'abord exposer dans une cage de fer,
puis mourir dans de cruels supplices (V. Anabaptistes).
BiBL. : H. JocHMus, Gesc/îic/ïfe der Kirchenreformation
zu Munster; Munster, 1825. — J.-C. Wallmanin, Joh. von
Leyden ; Quedlimburg, 1844, — K. Hase, Das Reich der
Wiederlœul'er ; Leipzig, 1860. — Cornélius, Bericlite der
Augenzeugen ûber das mûnstersche Wledertœuferreich;
Munster, 1853. — Du même, Geschichte des mûnsterschen
Au fruhrs ; Leipzig, 1855-60, 2 vol. — Ra^ke, Deutsche Ge-
schichte im Zeitaiter der Reformations 1881.— Félix Kuiin,
Luther, sa vie et son œuvre ; Paris, 1883-84, 3 vol. in-8.
JEAN de Luna (V. Jean de Se ville).
JEAN de Lyon, évéque vaudois de la fin du xif siècle.
On ne sait rien de sa vie. Ses écrits que nous connaissons
par Keynier, théologien du xiii^ siècle, ont eu une grande
célébrité et se sont répandus surtout en Lombardie. Il pro-
fessait le manichéisme, niait la Trinité et enseignait la
transmigration des âmes. Il fut le chef de la branche la
plus audacieuse de la secte des Vaudois (V. ce mot).
BiBL. : Dauinou, Jean de Lyon etArnold^ dans Histoire
littéraire de la France^ t. XV. — Fabricius, Bibliotheca
mediœ œtatis t. IV. — La Croix du Maine, BibL franc.,
1772, t. I, '
JEAN de Mérîcour (Johannes de Mercuria), philosophe
scolastique du milieu du xiv® siècle. Il appartenait à l'ordre
de Cîteaux et était disciple de Guillaume d'Occam. D'un
esprit naturellement hardi et paradoxal, il formula des
propositions qui furent censurées par l'université de Paris,
condamnées par l'Eglise, et qu'il dut rétracter publique-
ment. Il disait, par exemple, que le péché vient de Dieu,
qu'il est un bien, que nul ne peut résister à ses passions
sans le concours de Dieu ,et qu'un homme qui cède à une
passion irrésistible n'est pas coupable de péché.
J EAN DE Meun ou de Meung (Jean Clopinel, dit), célèbre
écrivain français, né à Meung sur-Loire (Loiret) vers 1250,
mort au commencement du xiv® siècle. On sait peu de chose
de sa biographie. Venu sans doute comme étudiant à
l'université de Paris, il paraît avoir passé la plus grande
partie de sa vie dans cette ville, oti il habitait en dernier
lieu une maison de la rue Saint-Jacques (à peu près au
numéro actuel 21 8), qui fut donnée après sa mort, en 1305,
aux frères prêcheurs par maître Adam d'Andeli. Le premier
et le plus célèbre de ses ouvrages est la fin du Romani de
la Rose : laissé interrompu, vers 1237, par Guillaume de
Lorris qui n'en avait écrit que 4,070 vers, le Roman de
la Rose n'aurait probablement pas laissé de traces sans la
continuation de Jean de Meun qui compte près de
19,000 vers : c'est vers 1280 que Jean de Meun paraît
avoir terminé cet immense poème. En 1282, à la demande
de Jean de Brienne, comte d'Eu, il mit en prose française
le traité De Re militari de Végèce; un peu plus tard, il
traduisit les épltres d'iléloïse et d'Abailard, la Topographia
hibernica de Giraud de Barry et le De Amicitia spiri-
luali de saint Ailred : ces deux dernières traductions ne
nous ont été conservées par aucun manuscrit connu. Plus
tard encore, à la demande du roi de France Philippe le Bel,
il traduisit la Consolatio Philosophiœ de Boèce, en vers
et en prose, d'après le modèle du latin. Enfin, sur la fin de
sa vie, à une date qui peut être fixée entre 1291 et 1296,
grande encyclopédie. — XXL
il écrivit en quatrains monorimes son Testament, œuvre
intéressante où sont prodigués à la fois les témoignages de
piété et les sarcasmes contre les moines. Là s'arrête la liste
des œuvres authentiques de Jean de Meun; la réputation
dont il a joui lui a valu l'attribution d'un grand nombre
d'ouvrages apocryphes qu'il est inutile de mentionner.
Le Testament de Jean de Meun et sa traduction de
Boèce ont eu beaucoup de vogue au xiv® et au xv® siècle,
à en juger par le nombre des manuscrits qui nous les ont
conservés plus ou moins fidèlement, mais cette vogue n'a
pas dépassé le moyen âge, et c'est surtout comme principal
auteur du Rom.an de la Rose que Jean de Meun a été et
reste célèbre. En acceptant le cadre imaginé par son de-
vancier, le continuateur de Guillaume de Lorris l'a rempli
d'un esprit tout différent. Autant le premier auteur du Ro-
man de la Rose est délicat, autant le second est grossier,
et il y a entre eux une antithèse presque aussi violente
que celle qui existe entre la poésie lyrique courtoise du
temps de Philippe-Auguste et les fabliaux : Guillaume de
Lorris est l'humble serviteur des dames et Jean de Meun
les accable des plus sanglantes injures ; le premier réprouve
sévèrement la fausseté dans l'amour, le second traite la
loyauté de niaiserie. Comme œuvre d'art et de morale, la
seconde partie du Roman de la Rose est inférieure à la
première, mais elle est aussi beaucoup plus personnelle et
plus vivante, et l'on y sent un tempérament vigoureux
servi par une robuste érudition chez cet homme que l'on
se représentait, dans les générations qui l'ont immédiate-
ment suivi, comme « solennel maistre et docteur en sainte
théologie, philosophe très profond, sachant tout ce qui à
entendement humain est scible ». Il y a du Rabelais chez
Jean de Meun; on peut même dire, avec M. G. Paris, qu'il
fut « le Voltaire du moyen âge, avec toutes les restrictions
que comporte ce compliment ».
Le succès du Roman de la Rose a dépassé celui de
toutes les œuvres httéraires du moyen âge : on en con-
naît plus de 200 manuscrits, dispersés dans toutes les
bibhothèques de l'Europe ; il a été imprimé à plusieurs
reprises sous sa forme primitive dès les débuts de l'impri-
merie, et jusqu'au commencement du xvi« siècle, où Marot
en fit un rajeunissement qui retrouva presque chez ses con-
temporains la vogue que l'original avait eu chez ceux de
Jean de Meun. Son influence a pesé lourdement sur la lit-
térature française du xiv® et du xv^ siècle et peut se com-
parer à celle de Pétrarque sur la littérature italienne du
xv*^ siècle : c'est dire qu'elle n'a pas été très heureuse. Ce
n'est pas que Jean de Meun n'ait été vivement attaqué
pendant la période dominatrice du Roman de la Rose :
Guillaume de Digulleville, Christine de Pisan, Gerson ont
fulminé contre lui, mais ils se plaçaient sur le terrain de la
morale et de la religion et non sur celui de la littérature.
A l'étranger, le Roman de la Rose a pénétré presque par-
tout dès la fin du xiii® siècle : il a été mis en vers flamands
par Henri van Aken, en sonnets italiens par un certain Du-
rante, contemporain de Dante, en anglais par Chaucer, etc.
Des trois éditions qui ont été publiées dans ce siècle de ce
célèbre poème par Méon (Paris, 1813,4 vol. in-8), par
Francisque Michel (Paris, 1864, 2 vol. in-12) et par
M. Croissandeau (Orléans, 1879, 5 vol. in-12, avec une
traduction en vers en français moderne), aucune ne fournit
un texte sûr dressé d'après les meilleurs manuscrits.
M. Ernest Langlois, auteur d'une bonne étude critique sur
les sources du poème, en a annoncé une nouvelle édition
qui répondra sans doute à l'état actuel de la philologie
française. A. Thomas.
BiBL. : P. Paris, Jean de Meung^ clans l'Histoire litté-
raire de la France, t. XXVIII, pp. 391-429. — J. Quiciie-
RAT, Jean de Meung et sa maison à Paris, dans BibL de
VEcole des chartes, 1880, pp. 46-52. — Ernest Langlois,
Origines et sources du Roman de la Rose; Paris, 1890.
JEAN DE NiKiu, écrivain grec du commencement du
vii^ siècle. Evêque de Nikiu, dans la Basse-Egypte, il com-
posa une histoire universelle, dans le genre de celle des
Malalas, qui commence à Adam pour aller jusqu'au début
7
JEAN
- 98
du VII® siècle. L'auteur y traite de l'histoire orientale, grecque
et romaine. Très succinct au début, il déyeloppe de plus en
plus sa matière avec Tépoque byzantine. La dernière partie
est fort importante. L'original grec fut, à une date incer-
taine, traduit en arabe et de l'arabe en éthiopien. Nous n'en
avons plus que la traduction éthiopienne. Beaulieu.
BiBL. : Karl Krumbacher, Gesch. der byz. Litt., 1891.
JEAN DE Paris, dominicain, docteur de l'université de
Paris, mort à Bordeaux en 1306. On vantait ses vives
reparties, qui lui ont valu le surnom de Pungens asinos,
« Pique-ânes ». De deux traités qu'il a publiés, le premier,
Determinatio de modo existendi corporis CÂristi in
sacramento (Londres, 1686), cherche un moyen terme
entre le symbolisme dont on accusait l'université de Paris
et la transsubstantiation formulée par Innocent Ilï. Accusé
d'hérésie, Jean en appela à Rome et mourut avant la fin
du procès. Le second de ses ouvrages appartient à la lutte
entre Philippe le Bel et Boniface VIII ; c'est le De Poles-
tate regia et papali (dans Goldast, Monarchia romani
imperii^ Hanovre, 1611-1614, t. II). Moins hardi que
P. Dubois (V. ce nom, t. XIV, p. 1155), Jean procède de
Thomas d'Aquin, mais ne craint pas les conséquences ; il
limite l'Etat et l'Eglise, chacun à sa sphère, et, comme les
deux pouvoirs dérivent tous deux directement de Dieu, la
position prise par Innocent III et par Boniface VIII est con-
damnée. Il réclame aussi une autonomie théorique de
l'évêque et de tout prêtre à l'égard du pape. F.-H. K.
JEAN T)E Paris, peintre français (V. Perréal).
JEAN dePise (V. Pisani).
JEAN DE Procida (V. Procida).
JEAN DE RoYE, auteur présumé d'une chronique de
Louis XI, dite la Chronique scandaleuse, attribuée jus-
qu'ici à un personnage inconnu nommé Jean de Troyes, dont
M. B. de Mandrot a trouvé le nom à la fin d'un manuscrit de
la Chronique scandaleuse (man. fr. 506^2, à la Bibl. nat.).
Ce manuscrit s'arrête à l'année 1479 (mars). Or, à cette
époque, le duc de Bourbon, Jean II, avait un secrétaire
nommé J. de Roye, qui était aussi garde de son hôtel; en
outre, la Chronique scandaleuse parle beaucoup de la
maison de Bourbon. Il est donc vraisemblable que J. de
Roye est l'auteur de cette chronique, dite scandaleuse, qui,
d'ailleurs, ne justifie nullement ce titre. E. C.
Bibl. : BihL de l'Ecole des chartes, vol. LU, année 1891,
p. 129 (article de M. B. de Mandrot, qui va publier une
nouvelle édition de la Chron. scarîd. dans la Collection de
la Soc. de VHist. de Fr.
JEAN DE RuYSRROEK (V. Ruysbroek).
JEAN DE Saint- Victor, chroniqueur, mort en 1351.
On a cru à tort qu'il était Anglais. Il était Parisien, cha-
noine de Saint-Victor. Lelong a cru pouvoir l'identifier
avec un nommé J. Boivin. Sa chronique, qui s'étend
jusqu'en 1326, est originale à dater de 1300. La plus
grande partie en fut rédigée dans le deuxième quart du
XIV® siècle. L'œuvre de Jean de Saint- Victor se distingue
par une grande indépendance, voire une grande hardiesse
d'appréciation. C'est le mieux informé des chroniqueurs de
l'Ile-de-France sur les événements de Flandre.
Bibl. : D. Bouquet, t. XXI, édition et notices par Gui-
gnaut et de Wailly.
J EAN DE Salisbury (Johannes Sarinsberiensis ou Parvus
ou Leverianus), né à Salisbury au commencement du
xii® siècle, mort à Chartres en 1180. Il vint en 1136 étu-
dier à Paris, où il fut l'élève d'Abailard. Sa pauvreté le
força à quitter Paris et à se retirer à l'abbaye de Montier-
la-Celle, où il continua ses études. En 1148, l'archevêque
Theobald de Ganterbury l'emmena en Angleterre, et fit de
lui son secrétaire. Il fut ensuite celui de Thomas Becket,
dont il partagea la fortune et la disgrâce. Rentré en
France en 1176, il fut, grâce à Thibaut, comte de Cham-
pagne, nommé évêque de Chartres, où il mourut. Le
principal ouvrage de Jean de Salisbury, intitulé Poli-
craticus sive de nugis curialium et vestigiis philo-
sophorum, est du plus haut intérêt pour l'histoire de la
scolastique. Les dix premiers livres sont une sorte d'his-
toire de la philosophie. La philosophie grecque est une
tour de Babel, pleine de l'orgueil de la raison. Le stoïcisme et
l'épicurisme ont si bien corrompu la vérité qu'il n'est resté
de place que pour le doute de la Nouvelle Académie. Les
deux derniers livres contiennent les idées rehgieuses et
morales persoùnclles à l'auteur. L'humilité chrétienne est
une meilleure préparation à la philosophie que l'insensibilité
stoïcienne. Le but de la philosophie est le bonheur, où l'on
arrive par la vertu, et pour lequel il faut réunir toutes
les méthodes proposées par les écoles, afin que l'homme
soit uni à Dieu par des liens multiples d'intelligence et
d'anaour. A cet ouvrage il faut joindre le Metalogicus,
écrit de logique et de polémique. On y trouve une connais-
sance très suffisante de la logique d'Aristote. L'auteur lui
reproche des subtibilités, et le juge plus fort pour détruire
que pour fonder. Le fondement de toute connaissance est
la sensibilité, d'où se dégagent la pensée et l'imagination.
L'abstraction fait du sensible la science, grâce à laquelle
l'entendement aperçoit les formes substantielles. Mais ce
progrès ne peut se faire qu'avec l'aide de la grâce. Les
universaux ne sont ni des noms ni des réalités indépen-
dantes de Dieu : ce sont des concepts abstraits par l'en-
tendement et qui reproduisent les formes ou qualités inhé-
rentes aux choses. Ces deux ouvrages ont été publiés
séparément : le Policraticus en 1476 à Bruxelles, le Me-
talogicus en 1610 à Paris ; et ensemble, à Lyon (1613),
Leyde (1639), Amsterdam (1666), Oxford (1648, éd.
Miles). Le Policraticus a été traduit en 1640 par Mé-
zerai. — On a encore de lui un poème: De Membris cous-
pira7itibus, une Vie de saint Anselme de Ganter bury
{Anglia Sacra, II, 14) ; Vie de Thomas Becket, dans le
Quadrilogue (149o); un Comment, de saint Paul
(1646), et des Lettres, C-el.
Bibl. : Reuter, J. von Salisbury, 1842. ~ Schaar-
scHMiDT, J. Saresberensis nach Leben und Studien, Schrif-
ten und Philosophie, 1862.
JEAN DE Séville ou de Luna, savant juif du xii^ siècle.
Il fut occupé par l'archevêque de Tolède Raimond (1130-
1150) à des traductions d'ouvrages arabes sur la philo-
sophie et les mathématiques. Il faisait la version en
castillan et elle était mise en latin par Dominicus Gondi-
salvi. Le prince Boncompagni a publié (Trattati d'arit-
metica) le texte d'un livre : Alghoarismi de practica
arismetrice, de Johannes Hispalensis, qui est un des
plus anciens traités concernant le calcul avec nos chiffres
et le zéro. L'original arabe ne paraît pas, malgré le titre,
être dû à Mohammed Alkhwarismi. Il était beaucoup plus
développé que le traité arithmétique de ce dernier, dont le
prince Boncompagni a également publié une traduction,
probablement due à Adelhard de Bath. T.
JEAN DE SoissoNS, maître d'œuvre (V. Damas [JeanJ).
JEAN DE Stavelot, chroniqueur belge, né à Stavelot
en 1388, mort à Liège en 1449. 11 entra à l'abbaye de
Saint-Laurent, à Liège, accompagna l'évêque Jean de
Heinsberg dans la croisade contre les hussites, et assista
au couronnement de l'empereur Frédéric III en 1442. Il
rédigea une volumineuse chronique qui forme la suite de
l'œuvre de Jean d'Outre-Meuse (V. Desprez), Elle contient
les renseignements les plus complets sur l'histoire des
Pays-Bas pendant la première moitié du xv^ siècle, et des
appréciations quelquefois très hardies sur les événements
dont l'historien a été témoin. L'œuvre de Jean de Stavelot
a^ été publiée par la commission royale d'histoire de Bel-
gique en 1861, sous la direction de J. Borgnet. E. H.
Bibl. : Journez, Biographie de Jean de Stavelot, dans
la Biographie nationale de Belgique, X, 419-431.
JEAN de Troyes (V. Jean de Roye).
JEAN DE Venette (V. Venette).
JEAN de Vicence, dominicain italien, né vers la fin du
xii« siècle, mort à Bologne après 1260. Il débuta en 1233
à Bologne, où il prêcha avec tant de puissance la paix qu'il
réussit à faire cesser les guerres civiles qui ruinaient la
cité. Il parcourut ensuite tout le nord de Tllalie et tra-
vailla à la pacification du pays. Dans une grande assemblée
97 -
LESSEPS
de Lesseps se multiplia, Napoléon III intervint, et, Tannée
suivante, les travaux purent reprendre. L'inauguration
officielle eut lieu le 47 nov, 1869. Ce fut par le monde
entier un enthousiasme indescriptible. Ferdinand de Les-
seps fut mis au rang des plus illustres célébrités ; les
souverains, accourus à Port-Saïd pourleféliciter,lui confé-
rèrent les plus hautes dignités de leurs ordres les plus hono-
rifiques ; le gouvernement français, notamment, le nomma
grand-croix de laLégion d'honneur (4869) sans qu'il eût passé
par le grade de grand officier; les Anglais eux-mêmes ne
voulurent pas demeurer en arrière, et Londres lui accorda sa
faveur la plus recherchée, le droit de bourgeoisie (4870).
Pendant quinze années, il fut certainement le citoyen du
monde le plus populaire, en même temps que le plus ad-
miré et le plus respecté ; on ne l'appela plus que « le
grand Français », et sa vie devint comme une longue et
glorieuse apothéose. Il payait de mine, du reste, avec sa
physionomie martiale, sa taille bien prise et esthétique-
ment serrée dans sa redingote noire, ses épaules larges, sa
démarche aisée et cette auréole de triomphateur qui ne
quittait guère son large front. C'était en outre un cavalier
d'élite, et il dut en grande partie à cette qualité son ascen-
dant sur les Egyptiens. Il n'y eut qu'en politique qu'il ne
fut pas heureux. Aux élections de 4869, l'Empire le porta
candidat oflSciel contre Gambetta dans la deuxième circon-
scription de Marseille : il échoua. 11 échoua également le
^o maï's 4876, par 8i voix contre 474 données à Ricard,
comme candidat de la droite sénatoriale à un siège de séna-
teur inamovible. Il ne professa jamais, du reste, des opinions
bion extrêmes. Sa conduite dans les affaires de Rome en
4849 et les mesures prises alors contre lui avaient fait
guelque temps supposer qu'il était républicain. Mais il s'était
incontestablement réconcilié avec Napoléon IIÏ, et il entrete-
nait les meilleures relations avec l'impératrice, qui était sa
coqsinô (V. Lesseps [M.-l.-P., comte dej). Ce fut même
lui qui la fit évader des Tuileries le 4 sept. 4870 et qui
la conduisit en lieu sûr.
Dès 4873, il étudia un autre gran4 projet. Il s'agissait,
cette fois, d'une voie ferrée qui, allant d'Orenbourg à
Pechaver, à travers l'Asie centrale, devait relier les ré-
seaux russe et angio-^indien. Ce fut l'un de ses fils, Victor,
attaché d'ambassade, qui se rendit dans l'Inde pour examiner
sur place la question, mais elle resta sans solution. Quelques
années plus tard, à la suite d'une visite qu'il fit lui-même
aux chotts algériens et tunisiens, il se déclara hautement
pour la création, sur leur emplacement, d'une mer intérieure
africaine dont les eaux seraient amenées de la Méditerranée
par un canal de 460 kil. partant de Gabès. Les clans
avaient été dressés par le commandant Roudaire. Des ingé-
nieurs refirent les études et Constatèrent que les parties à
submerger étaient au-dessus du niveau de la mer. Ferdi-
nand de Lesseps fut aussi l'un des promoteurs du canal de
l'isthme de Corinthe. 11 ne s'en occupa toutefois qu'en
passant. D'autres idées le hantaient. Il voulait un digne
pendant à l'isthme de Suez. Il ambitionnait de faire plus
grand encore.
Le percement de la longue langue de terre qui sépare
les deux Amériques avait, à maintes reprises, depuis le
comnieucement du siècle, obsédé les rêves de marins et
d'ingénieurs. Deux officiers de notre flotte, MM. Wyse et
Reclus, avaient plus récemment recherché le tracé d'un
canal entre Panama, sur î'océan Pacifique, et Coînn, sur
l'Atlantique. Ferdinand de Lesseps se mit à la tète d'un
comité chargé d'étudier leur avant-projet. Un congrès in-
ternational d'ingénieurs se réunit à Paris au mois de mai
4879. Plusieurs plans, tous insuffisamment préparés d'ail-
leurs, lui furent soumis. Mais de Lesseps avait son idée
arrêtée. Le canal de Panama devait être, comme son frère
d'Egypte, à niveau constant et sans écluses; il n'en admet-
tait pas d'autre. La situation était pourtant bien différente.
Au lieu d'un long ruban de sable à draguer, c'était toute une
montagiie de roche dure dans laquelle ïi allait falloir creuser
une gigantesque cuvette. De Lesseps ne voulut pas prendre
GRANDE ENCYCLOPÉDIE, — XXIL
en considération les observations réitérées que lui firent à
cet égard deux sous-commissions techniques. Il avait en son
étoile une confiance absolue. « Si l'on demande, disait-il,
à un général qui a gagné une première bataille s'il veut en
gagner une autre, il ne peut refuser. »Ilse contenta, pour
l'évaluation des dépenses et de la durée des travaux, de don-
nées vagues et incertaines, et il entraîna assez facilement la
majorité du congrès, qu'hypnotisait le sticcèsde Sdez. Une
première tentative d'émission publique échoua (août 4889).
Malgré ses soixante-quinze ans, il paya de sa personne, comme
vingt ans plus tôt pour son premier canal, organisa toute
une campagne de conférences, fonda le Bulletin du canal
interocéanique et, au mois de décembre, partit pour Panama
avec sa femme, deux de ses enfants et toute une escorte
d'ingénieurs,_ d'économistes et de journalistes. Le 4®'janv.
4880,' la |)étite Ferdinand^ de Lesseps donna le premier
coup de pioche. On resta vingt jours. L'observation des
difiicultés fut forcément très superficielle. On alla ensuite
aux Etats-^Unis, où l'opposition était fort vive et on revint
en Europe. Au niois de déc, une nouvelle émission fut
lancée. Elle fut couverte plusieurs fois. Le 3 mars 4884,
la Compagnie du canal interocéanique fut définitivement
constituée. L'inauguration devait avoir lieu le 4^'* oct. 4887 !
(V. Panama).
Cependant, Ferdinand de Lesseps n'en avait pas fini avec
le canal de Suez et avec les Anglais. En 4875, le gouver-
nement de la reine avait acheté au khédive pour une valeur
de 400 millions de fr. les 476,602 actions dont il était
propriétaire. En 1884, il mit à profit la révolte d'Arabi
Pacha pour débarquer en Egypte et tenter de s'emparer
du canal, que l'amiral Hoskins, excité aux plus violentes
mesures par le Times et par quelques autres journaux
anglais, ne craignit pas d'occuper militairement. Vaine-
ment, Ferdinand de Lesseps, accouru immédiatement à
Ismaïlia, protesta-t-il contre cette atteinte à la propriété
privée. Son attitude énergique sauva néanmoins la situa-
tion. Arabi Pacha lui promit de respecter (a neutralité du
canal, et l'amiral anglais lui demanda spontanément d'en
reprendre l'exploitation normale. Les attaques des jour-
naux d'outfe-lanche n'en furent que pluS acharnées. Ils
alléguèrent d'abord les allures insolentes du président de
la Compagnie, puis l'insufiisance du canal, et ils réclamèrent
le percement d*une seconde voie pour le service spécial de
l'Angleterre. De Lesseps sut tenir tête à tous les orages.
Trois ans après un nouveau et dernier voyage en Egypte
(4884), il remporta une victoire décisive par la signature
de la convention franco-anglaise du Si3 oct. 4887, qui
a&sure, soûs la garantie des principales puissances, la neu-
tralité du canal et qui reconnaît le privilège exclusif de la
compagnie concessionnaire (V. Suez).
« Le grand Français » jouissait encore à cette époque
de toute sa popularité et de tout son prestige. Membre fibre
de l'Académie des sciences de Paris depuis 1873, il avait
été choisi en 4884 par l'Académie française pour succéder
à Henri Martin, bien que ni la nature de ses écrits, qui ne
sont en général que des recueils de documents, ni son style
fort relâché ne parussent devoir le désigner aux suffrages
d'une compagnie littéraire. La plupart des sociétés savantes
de l'étranger s'étaient fait également un honneur de s'at-
cher à des titres divers le « perceur d'isthmes », et il pré-
sidait, plus ou moins effectivement, une multitude d'asso-
ciations, de cercles, de congrès, etc. Au mois de mars
1887, il fut envoyé par le gouvernement français à Beriin,
sans qu'on ait jamais su exactement si cette mission était
relative à une invitation secrète de l'Allemagne à l'expo-
sition universelle de 4889 ou à quelque démarche tendant
à la révision du traité de Francfort. Il reçut en tous cas
de l'empereur, du prince de Bismarck et de toute la cour
les marques les plus ostensibles de sympathie et de défé-
rence. Malheureusement, l'œuvre de Panama marchait rapi-
dement à la ruine, et la considération de Ferdinand de
Lesseps allait bientôt sombrer dans ce cataclysme financier»
En 4885, la situation de la Compagnie était déjà critique»
7
LESSEPS -• LESSING ^
En 1886, son président effectua un nouveau voyage dans
Tisthme, au cours duquel il consentit à reconnaître que le ca-
nal à niveau était pour le moment impossible et qu'il fallait
se contenter, temporairement au moins, d\in canal a écluses.
Mais de toute façon il fallait beaucoup d'argent : or les
caisses étaient vides, plus d'un milliard avait déjà été dépensé
et la défiance grandissait. 11 y eut alors une àérie d'émissions
infructueuses, entremêlées d'enquêtes gouvernementales et
de vifs débats parlementaires (Y. Panama). Seul Ferdinand
de Lesseps ne désespérait pas et, dans une nouvelle cam-
pagne de publications et de conférences, il annonçait contre
toute évidence l'ouverture du canal avant la fin de 4890.
Il dut pourtant, le 11 déc. 1888, abandonner la lutte. Le
4 févr. 1889, la liquidation judiciaire de h Compagnie fut
prononcée. Les bruits les plus graves commencèrent , à cir-
culer : les travaux réellement utiles ne représentaient, di-
sait-on, qu'une faible part des sommes dépensées; des tra-
vaux incohérents et un gaspillage éhonté avaient absorbé
le reste. Sous la pression de Topimon publique, la Cbâmbro
des députés vota, le 4 janv. 1892, à l'unanimité de §09 vo-
tants, un ordre du jour réclamant « une répt'ession éner-
gique ». Le 9 févr. 1893, la cour de Paris condamna Fer-
dinand de Lesseps et son fils aîné, Charles, qui avait été
depuis le début des études du canal de Panama son colla-
borateur de tous les instants, à cinq années d'emprisonne-
ment et à 3,000 fr. d'amende. Charles avait seul comparu.
Son père, littéralement écrasé par la ruine de son èuvre,
vivait depuis le commencement de l'année 1889 au fond de
sa propriété de La Chênaie, dans un état de somnolence
sénile qui avait permis àj sa famille de tout lui cacher : le
procès et l'arrestation de son fils. Il ne connut pas davan-
tagesa condamnation. Ellene lui fut du reste jamais, notifiée
et on n'eut pas ainsi à le rayer des cadres de la Légion
d'honneur. Il mourut à La Chênaie à quatre-viflgt-neuf ans.
Son corps fut ramené à Paris, où les honneurs militaires ne
lui étaient pas régulièrement dus, et un silencieux cortège
de fidèles admirateurs le conduisit à sa dernière demeure.
Le désastre avait fait trop de victimes et trop de dupes,
lui-même y avait trop directement contribué par des fautes
et par une légèreté indiscutables, pour qti'ii pût éviter le
ressentiment populaire. Mais l'histoire oubliera certainement
les égarements de sa vieillesse trop présomptueuse et trop
confiante pour se souvenir seulement qu'il fit Suez, qu'à
l'âge de soixante-dix ans encore sa gloire ét^it intacte et
que, s'il laissa commettre de honteuses dilapidations, il ne
fut lui-même, entre les mains d'industriels et de financiers
sans scrupules, qu'un instrument à peu près inconscient ;
elle ne verra plus en lui que « Fincariiatiop de l'esprit
d'entreprise dans sa plus haute acception, que Finitiateur
de la plus grande révolution matérielle qui ait eu lieu dans
ce monde (Francis Charmes) ». Il ne r<?cueilîit du reste
que bien peu de chose du maniement de tous ces millions.
Il semble même plutôt avoir compromis sa fortune dans
cette affaire, car le 5 juin 1894 l'Assem()lée générale des
actionnaires de la Compagnie du canal de Suez dut voter
à sa femme et à ses enfants, pour assurer leur avenir, une
pension viagère de 120,000 francs.
Ferdinand de Lesseps $'était marié, alors qu'il était con-
sul en Egypte, avec M^^® Mamaile, morte en i8^4:. Elle M
laissa deux fils : Charles- Aimé-Marie^ né en 1849, et
Victor, Fun et F autre cités dans le cours de cet article.
Le 23 nov. 1869, il épousa à îsmaïlia une créole de l'île
Maurice qu'il avait rmcontrée dans un salon parisien,
W^ Hélène Autard de Bragard. Elle avait alors dix-huit
ans. Elle lui donna à son tour neuf charmants enfants bien
connus des Parisiens, qui ont vu si souvent leur joyeuse
cavalcade remonter à poney l'avenue des Champs-Elysées.
Ferdinand de Lesseps a publié : Ma Mission à Rome en
mai i849 (Paris, 1849, în~8) ; Percem^ent de Fisthme
de Suez (Paris, 4855-61, 5 vol. in-8 et atlas) ; Question
du canal de Suez (Paris, 1860, in-8); Conférences
sur le canal de Suez (Paris, 1862, 2 vol. in-8); le Per-
cement de V isthme de Suez (Paris, 1868, in-12) ; Egypte
98
et Turquie (Paris, 1869, in-8) ; Lettres, journal et
documents pour servir à Vhistoire du canal de Suez
(Paris, 1875-84, 5 vol. in-S) ; Souvenirs de quarante
ans, dédiés à mes enfants, autobiographie remplie
d'intéressantes anecdotes (Paris, 1887, 2 vol. in-8) ; Ori*
ginesdu canal de Suez (Paris, 1890, in-16). Il a com-
muniqué en outre à l'Académie des sciences une vingtaine
de mémoires qui ont paru dans ses Comptes rendus et qui
ont tous trait aux isthmes de Panama et de Suez ou à la
mer intérieure africaine. Léon Sâgnet.
BiBL.: V..., M. de Lesseps à Grenoble; Grenoble, 1867,
m-8. — S. Bebteaut, F. de Lesseps et son œuxtre ; Mar-
seille, 1875, m-8. — A. Pinard, F. de Lesseps ; Paris, 1883,
m-12. — V. aussi ses Souvenirs de quarante uns et les bibl.
des art. Panama et Suez.
LESSEPS (Jules, baron de), diplomate et financier fran-
çais, né en 4809, mort à Paris le 20 oct. 1887, frère du.
précédent. Il fut longtemps chargé d'affaires du bey de
Tuïlis à Paris. Il prit une grande part à la direction et à
l'administration du canal de Suez et fut membre du conseil
d'administration du Canal interocéanique. L. S.
Bibl. : Banq^et offert aU baron J. de Lesseps leiô mars
1869 ; Paris, 1869, in-8.
LESSER (Credzé, baron de) (V. Creozé de Lesser).
LESSEB (Alexandre), peintre polonais, né à Varsovie
en 1814. Il étudia d'abord son art à Varsovie, puis à
Dresde et à Munich, sous la direction de Cornélius et de
Schnorr. De ses longs voyages en Allemagne, en France,
en Belgique et en Angleterre, il rapporta un bagage con-
sidérable de connaissances sur l'histoire de Pologne au
point de vue artistique. Plusieurs de ses tableaux : Vin-
cent Kadluhek, la Défense de Trembowla, Skarbek
Habdank, Sainte Eedvige sur le champ^ de bataille, etc.,
sont devenus célèbres dans son pays. Mais son oeuvre prin-
cipale, c'est la série des portraits des rois de Pologne
publiés par Dzwonkowski (Varsovie, 4860). Lesser est
aussi Fauteur de critiques d'art très estimées parues dans
les Klosy et d'un livre sur le sculpteur Wit Stvposz (Weit
Stoss). ^. F. Trawinskï.
LESSEBT (De). Famille de banquiers (V, Delessert).
LESSEUX, Com. du dép. des Vos^-es, arr. et cant. de
Saint-Dié; 475 hab.
LESSIVES. Ville de Belgique, prov. de Hainaut, arr.
de Soignies, sur la Dendre; 8,600 hab. Stat. des ch. de
fer de Mons à Alost et de Tournai à Braine-le-Gomte. Exploi-
tations de carrières (600,000 tonnes par aii) ; fabriques de
tuyaux de grès, de toiles, de chicorée. La possession de Les-
sines et de sa banlieue fut disputée pendant des siècles entre
la Flandre et le Brabant ; on l'appelait la terre de débat,
LESSl?l@ (Gotthold-Ephraïm), écrivain allemand, né à
Kamenz, dans la Haute-Lusace, le 22 janv. 4729, mort à
Wolfenbiittel le 45 fév. 4784. Son père, pasteur protes-
tant, était estimé dans le monde théologique pour quelques
dissertations savantes et une traduction des sermons de Til-
lotson. Ephraïm était Fainé de dix fils, pestiné à Fétat
ecclésiastique, il reçut sa première instruction dans la mai-
son paternelle et dans l'école communale de Kamenz. A l'âge
de douze ans, il fut admis, à la suite d'un examen, à VAfra-
neurn de Meissen, gymnase fondé autrefois par Félecteur
Maurice de Saxe dans les bâtiments sécularjlsés du couvent
de Sainte-Afre. L'instruction y était à peu près gratuite,
les études très fortes, la discipline sévère. Le jeune Les-
sing se distingua par son ardeur au travail, en même
temps que par un esprit d'indépendance qui inquiétait par-
fois ses directeurs. Ses lectures favorites étaient Plaute,
Térence et Théophraste. 11 écrivit, au gymnase même,
quelques poésies anacréontiques et didactiques, et il esquissa
une comédie, Der junge Gelehrte, « Le savant, disait-il
plus tard, c'était la seule espèce do fou qui me fût alors
connue, et, en écrivant cette pièce, j'apprenais à me con-
naître moi-même. » Il gagna une année sur le stage sco-
laire, et, au mois de sept. 1746, il entra i l'université de
Leipzig, lais il quitta bientôt la théologie, et, pendant
trois ans, il fut inscrit sur les registres do la faculté de
médecine. îl s'occupait de sciences naturelles, mais sur-
tout de littérature et de philologie. Il avait rencontré à
Leipzig un parent, Christlob Myîius, auteur de cotoédies
médiocres, mais qui eut de l'influence par les revijies qu'il
fonda successivement. Mylius rédigeait alors simuUaué-
ment une feuille scientifique, Der Naturforscker, et ^nQ
feuille littéraire, Ermunterungen mm Vergiïng$:ri des
Gemûths^qm Fune et l'autre darèrent deux ans (iWt-
48). Lessing fut son collaborateur, et il fut mis par lui
en rapport avec le théâtre. Il s'associa avec Félix Weisse
pour la traduction de pièces françaises. Enfin il fit repré-
senter, après l'avoir fortement remanié, le Jeune Savant
(4747, 8 actes), qui réussit devant le public de Leipzig,
mais dont le succès ne s'étendit guère plus loin. C'était,
en somme, une œuvre peu originale, et qui ne déuQtait en
rien le futur réformateur de la scène allemande. On peut
en dire autant des pièces qui^'suivirent : Der Misogyn
(4748, 3 actes); Die alte Jungfer (4749, 3 actes); Die
Juden (4749, 4 acte); X)^r Freigeist (4749, 5 actes),
toutes comédies de caractères dans le goût de Destouches,
que Lessing a toujours mis trop près de Molière. Les per-
sonnages sont invariablement les Oamis et les Léandr^s (lu
vieux répertoire ; Fintrigue est menée par un valet ou par
une soubrette; les trois unités sont scrupuleusement
observées. La comédie Die Juden offre cependant un cer-
tain intérêt, parce qu'on peut y voir le premier germe du
poème de Nathan le Sage.
Les comédiens avaient alors, en Allemagne, une exis-
tence fort instable ; la troupe de Leipzig se dispersa en
4748; Mylius se rendit à Berlin, et Lessing, après un
séjour de quelques mois (août-décembre) à Wittenberg,
alla le rejoindre. Mylius fut chargé du supplément litté-
raire de la Gazette de Voss (alors encore entre les
mains de Rudiger, beau-père de Voss), et ils publièrent
ensemble, en 47.^0, les Beytrœge zur Historié und
Aufnahme des Theaters. Les sujets traités dans ce re-
cueil montrent dans quelle sphère d'idées on vivait alors
en Allemagne. On y trouve, de la main de Lessing, une
traduction des discours de Corneille sur la tragédie, une
dissertation sur la vie et les ouvrages de Plaute, suivie
d'une traduction et d'une critique des Captifs. Mylius, de
son côté, donne des extraits des Lettres de Voltaire sur
l'Angleterre. Déjà cependant l'horizon commençait à
s'étendre ; on a conservé des fragments d'autres traductions
de Lessing, notamment de la Vie est un songe de Calde-
ron (4750), à'Agamemnon et de Tancrède et Sigis-
monde de Thomson (4754). Il entra, en 4754, à la Ga-
zette de Voss^ succédant à Mylius, qui mourut trois ans
après, et dont il publia les OEuvres mêlées (Berlin, 4754).
Jusque-là, les articles qu'il insérait dans les journaux, les
traductions qu'il faisait pour les théâtres, étaient ses prin-
cipaux moyens d^existence. C'est sans doute dans l'espoir
de voir s'ouvrir un jour devant lui la carrière de l'ensei-
gnement qu'il reprit ses études universitaires à W^itten-
berg (déc. 4754), o(i il retrouva un de ses frères. Pendant
un an, il s'occupa surtout de philologie classique, et il com-
mença ses Rettungen^ ou Réhabilitations, celle de Car-
dan, mathématicien el philosophe du temps de la Renais-
sance, accusé d'athéisme, surtout celle d'Horace, dont on
accusait lourdement les amours poétiques ou réelles. Il eut
encore à défendre Borace, un peu plus tard, contre un
mauvais traducteur, le pasteur Sumuel-Gotthold Lange,
contre lequel il écrivit son Vade mecum (Berlin, 4754),
le premier de ces pamphlets où il excellait et pour lesquels
il créa un style à part. Lorsqu'il revint à Berlin (nov,
4752), il était magister honarum artium^ un titre qui
ne lui fut jamais d'aucune utilité. Ce qui est plus impor-
tant pour la suite de sa carrière, ce sont les relations nou-
velles où il entra avec Frédéric Nicolaï, fils d'un libraire
de Berlin, esprit sec, mais curieux et pénétrant, et l'aus-
tère philosophe Moïse Mendelssohn. Il fut confirmé par
eux dans sa prédilection de plus en plus marquée pour la
littérature anglaise, et il écrivit Miss Sarah Sampson.qm
99'-^ LEASING
fut pour le théâtre ce que la Clarisse de Richardson avait
été pour le roïfian, i|né tent|itive pour chercher l'intérêt
non pliis dansjle choc des passions Wroïques, mais dan^ les
joies et les douleurs de Ija vie brdinaire. Cett^ p^èce, le pre-
mier exemple; de la tragédie Bourgeoise en Allemagne, fut
jouée à Franc^ort-sur-VOder, en présence de l'auteur, le
40 juil, 475;5:,, '
Lessing ne 'demeurait jamais longtemps au même en-
droit, pas plus qu'il ne savait se cantonner dans un ordre
de travaux quelconque; il était d'humeur essentiellement
voyageuse. Vers la fin de la même année, on le retrouve
à Leipzig, attiré sans doute par les représentations de
la troupe dô ICoch. Jl étudia les comédies de Goldoni,
et arrangea îueme poi^r le théâtre VElrede fortunata
(4756). En liiêrhe temps, il collaborait à la Bibliothek
der schœneriWim7}sc}iaften und freien Kûnste, quQ
venait de fon(|ér rjficolaï. On lui proposa d'accompagner un
jeune ï^égociant de Leipzig, nomme W!inc|ler, dans un
grand ^oyage [k. travers Jj'Europe. Ûuelle occasion inatten-
due de connaître :1a vie moderne autrenie^t que par les
livres 1 II acçej^k avec empressemeut- Les deux voyageurs
parcoururent à; petites jpurnées le N. de 1^ Allemagne, et
arrivèrent just|u^à Amsterdam, où ils devaient s'embar-
quer pour r Angleterre. Mais \k ils apprirent l'entrée des
troupes prussiennes à Leipziî^ (sept. 4756) : c'était la
guerre de Sept ans qui eommençait. Winckler dut rentrer
pour garder sa r^iaison. tessïng Gùnmt encore,i pendant les
dernier^ temp^ de son séjoui; à Leipzig, le poète Ewald de
Kleist, qui faisait partie (lu corps d occupation, et, au mois
de mai 47^8, il était de retour à Berlin.
Il avait trente ans ; il avait dirigé jusque-là ses investiga-
tions en tous $eps; il s'était tourné successivement du côté
de la France, de l'Ang'leterre, de l'Espagne, de l'Italie ; il
s'était occupé de littérature, de philologie, même de sciences
naturelles, sans savoir aU juste sut-j quel point spécial il por-
terait son effort : pour uil esprit ^iiitique, la maturité arrive
tard. En 4 759, il commença, en collaboration avec Nicolaï et
Mendelssohn, les Bnefe aie neueste Littèratur betreffend^
appelées communément titteratfiiçbriefe. Ce fut son vrai
début dans la littérature, sa prenjiere œuvre réellement ori-
ginale. Les Lit leràtur brie fe^idiX^x^i surtout (^irigés contre
une feuille hebdomadaire^ Der mr^ische Ausfseher, que le
théologien Cramer publiait à C|)pehhague sous les auspices
de Klopstock, et dont le but était dé soumettre les écrivains
au contrôle de la religion et d^ la; morale. Le principe de
Lessing fut de reconnaître le méij'ite^ sous quelque ban-
nière qu'il se rencontrât : il créa la critique ijodépendante.
Il est difficile à un Allemand (fe ne pas chercher d'abord,
dans une œuvre d'art, un but ihprfil: Lessing lui-même en
donna la preuve dans ses Abhc^ndlungen iiber die Fabel
(4759). Il soutient que Ja fable appartient noï^ à la poésie,
mais à la philosophie, et il reproche à La. Fontaine d'avoir
méconnu les règles du genre. La f'ontaine disait, dans sa
préface, que, n'ayant pu atteincfre k la brièveté de Phèdre,
il avait cru en revanche devoir « égayer l'ouvrage plus que
Phèdre ne l'avait fait ». Lessing explique le mot égayer k
contre-sens, ta Fontaine a beà^ lui dire : « Je n'appelle
pas gaieté ce qui excite le rire,|ipais un certain charme, un
air agréable qu'on peut donner à toutes sortes de sujets,
même les plus sérieux. » Les#^g s^obstine à prendre le
mot dans son sens le plu^ vulgaire : « Les Français, dit-il,
ne mettent-ils pas la gaieté au-deSsùs de tout? La gaieté n'est-
elle pas le contraire' de îagrâ^cç? » Au tort de n'avoir pas
compris La Fontaine, Lessing^ajouta: celui de ^vouloir faire
mieux que lui ; il composa trois livrer de fables, telles qu'il
les entendait, courtes, morale^ et^ enisomrne, insignifiantes.
C'est encore un besoin oùW dé coricision qui lui fit
écrire la tragédie en un act^ , et en prose intitulée Phi--
lotas (4759); Oleito, à qui là jpièce fut communiquée sans
nom d'auteur, la remania saps penser à iïial, dans sa ver-
sification fluide (Berlin, 4760)^ et Lessing ne lui en garda
pas rancune. Philotas est antique pai^ le sujet ; Lessing étu-
diait alors assidûment les tragiques grecs, et il publia,
LESSING
— 100
peu après, sa dissertation sur Sophocle (1760), vrai tra-
vail d'érudit, pour lequel il avait patiemment compulsé
tous les anciens commentaires. Il cherchait encore la forme
classique de la tragédie allemande, qu'il ne trouva que bien
plus tard dans Nathan le Sage,
Les Litieraturbriefe continuèrent de paraître jusqu'en
1765, mais la collaboration de Lessing ne fut réellement
active (jue pendant la première année. En 1 760, il fut nommé
secrétaire du général de Tauenîzien, gouverneur de Breslau.
Il se trouva transporté tout d'un coup dans des relations
nouvelles et en partie fort banales. « J'aurais dû et j'aurais
pu prévoir, dit-il après quelques mois dans une lettre à Men-
delssohn (30 mars 1761), que des occupations insignifiantes ~
finiraient par me fatiguer plus qu'une étude sérieuse et inin-
terrompue, que, dans le cercle où je me suis laissé brusque-
ment introduire, de? plaisirs mensongers et des distractions
sans nombre ébranleraient enfin tous les ressorts de mon
âme. Ah ! mon cher ami, votre Lessing est perdu ! En peu
de temps vous ne le reconnaîtrez plus, lui-même ne se recon-
naîtra plus. 0 mon temps, mon temps, qui est tout et que
je possède, le sacrifier ainsi à je ne sais quels motifs ! » Ces
motifs étaient sans doute le repos inatériel, la subsistance
assurée. Le fait est que, tout en se plaignant parfois de
ses fonctions nouvelles, il les garda jusqu'en 1765. C^est
la période la moins féconde de sa vie, si Ton ne considère
que le nombre des travaux, surtout de ces travaux de pu-
bliciste et de traducteur sur lesquels il dispersait son acti-
vité. Mais il ne faut pas oublier que c'est à Breslau qu'il
prépara deux ouvrages qui parurent immédiatement après
son retour à Berlin, et qui comptent parmi les plus injpor-
tants : \q Laocoori {ilm) et la comédie de Minnavon
Barnhelm (1767). Le sous-titre de Laocoon, Ueber die
Grenzen der Malerei und Poésie j en indique la pensée
générale .Xhaque art a ses limites qu'il ne franchit pas impu-
nément : la peinture et la sculpture représentent des attitudes
fixes, tandis que la poésie vit de mouvement. C'était la
condamnation du genre descriptif, qui était alors trop en
honneur parmi les imitateurs de Élopstock et surtout chez
les disciples attardés de l'école suisse. Minna de Barnhelm
futia première comédie allemande originale ; elle est en-
core aujourd'hui à peu près la seule dont le succès se soit
maintenu à travers toutes les révolutions du goût. Elle
fut représentée à Hambourg le 30 sept» 1767.' Lessing
avait été appelé à la direction littéraire du théâtre de cette
ville. Il eut l'idée de rendre compte des représentations
dans une feuille spéciale xlont le premier numéro parut
le 1^^ mai 1767 : ce fut l'origine de la Hamburgische
Dramaturgie.
Les deux tiers des pièces dont se composait alors le
répertoire allemand étaient traduites du français : c'était
donc surtout la France que Lessing avait à juger. Il y a,
dans sa critique du théâtre français, quelques défauts de
perspective, même des partis pris^ mais aussi beaucoup
d'observations justes. Il semble, dans un passage, mettre
Destouches au même rang que Molière; évidemment Molière,
aussi bien que La Fontaine, lui échappe. 11 insiste trop sur
l'invraisemblance des plans de Corneille, sans tenir assez
compte delà grandeur des situations. Il parie peu de Ra-
cine, qui était pourtant reconnu comme le représentant le
pins parfait de la tragédie française. Contre Voltaire, il a
presque toujours raison. Le but-principal de la Drama-
turgie est de détruire l'autorité d^s tragiques français.
Lessing leur oppose d'abord Shakespeare ; puis il cherche
à les mettre en contradiction avec eux-mêmes, en montrant
qu'ils ont mal interprété les principes des anciens, sur
lesquels ils prétendent se fonder. 11 reprend donc, après
Corneille, la Poétique d'Aristote ; il examine à nouveau,
le texte en main, les deux grands ressorts de la tragédie,
la crainte et la pitié; il précise les termes, déduit les
conséquences. Mais ensuite il introduit à son tour dans la
définition d'Aristote un élément étranger, tout à fait ger-
manique, lorsqu'il déclare que le résultat du spectacle tra-
gique doit être de transformer nos passions en dispositions
vertueuses (tugendhafte Fertigkeiten), C'est ainsi qu'il
explique la fameuse Catharsis d'Aristote, la purgation
des passions, cette sorte de soulagement que nous éprou-
vons à satisfaire le besoin d'émotion qjii est en nous, par
la contemplation d'un malheur fictif^' soulagement sem-
blable à celui que nous procure une musique sacrée, « qui
nous jette d'abord dans un religieux délire, et nous laisse
ensuite dans un état de calme qui est comme la guérison
de l'âme ». Aristote sent et parle comme un homme qui
vit au milieu des merveilles de l'art ; Lessing glisse encore
une fois, comme il l'avait déjà fait à propos de la fable, sur
la pente morahsante qui était celle de son siècle. Voltaire,
quelques années auparavant, en commentant Corneille,
s'était borné à plaisanter la purgatîon. « Je lie sais pas ce
que c'est que cette médecine, disait-il ; je n'entends pas
comment la crainte et la pitié purgent, selon Aristote;
mais j'entends fort bien comment la crainte et la pitié agitent
notre âme pendant deux heures, selon la nature, et com-
ment il en résulte un plaisir très noble et très délicats »
On voit par les derniers mots que la plaisaûterie de Vol-
taire était, au fond, plus près de la vérité que la docte
argumentation de Lessing. Schiller dira plus tard, avec
plus de sens esthétique que Leasing et avec plus de sé-
rieux que Voltaire, que ce qui affecte péniblement- dans la
réalité peut devenir une source de plaisir dans le jeu de
la fiction.
Quelle que fût d'ailleurs la valeur des arguments de .
Lessing, sa cause était gagnée d'avance auprès de ses com-
patriotes, destinés à devenir shakespeariens par leur
nature même et par la conformité de leur génie avec celui
de l'Angleterre. Un seul homme tenait, dans les études de
Lessing', autant de place que Shakespeare, c'était Diderot.
Comme 'Diderot, il voulait rapprocher le théâtre de la réa-
lité, le metti;*e en contact plus immédiat avec la vie. Il
avait déjà traduit le Fils naturel et le Père de famille
(Berlin, 1760). Il travaillait depuis longtemps à une tra-
gédie bourgeoise qui lui causait beaucoup de tourments,
parce qu'il voulait, tout en lui laissant le caractère d'un
drame de famille, lui faire produire tous les effets de la
grande tragédie. La première idée à^Emilia Galotti est de
1756 ; mais, dans une lettre à Nicolaï (du 27 janv. 1758|,
Lessing, en parlant à son ami d'un jeune poète qui n'était
autre que lui-même, disait : « Il écrit huit lignes tous les
huit jours ; il ne cesse d'agrandir son plan, et il ne cesse
d'effacer ce qui est déjà fait. Son sujet actuel est une Vir-
ginie bourgeoise qu'ila appelée Emilîa Galotti. Il a dé-
pouillé, en effet, la Virginie romaine de tout ce 'qui la ren-
dait intéressante au point de vue politique ; il a pensé que
le destin d'une fille immolée par un père à qui sa vertu
est plus chère que sa vie, était assez tragique par lui-même
et suffisait à remuer les profondeurs de l'âme. » On a re-
proché à Lessing d'avoir diminué l'importance du sujet en
le sortant de son cadre historique, et même d'avoir rendu
le dénouement invraisemblable; mais l'action, paît cela
même qu'elle est réduite à ses éléments essentiels, est si
rapide, si entraînante, que le spectateur ri'a pas le temps
de raisonner son émotion. Le dialogue est vif et serré ;
parfois même trop concis ; nulle tirade, nulle digression ;
tout se hâte vers la catastrophe finale.
Emilia Galotti ne fut représentée qu'en 1772, à Bruns-
w^ick. Le théâtre allemand de Hambourg ne dura que deux
ans. Dès la fin de la premièïte année, l'arrivée d'une troupe
française le priva d'une partie de son public. Les auteurs
allèrent jouer pendant l'hiver, à Hanovre, et revinrent an
printemps de 1 768 ; la dernière représentation eut lieu le
25 nov. Lessing resta encore une année à Hambourg, èccupé
de sa polémique contre Klotz, dont le résultât fut la ïon^ue
suite de ses Briefe antiquarischen Inhalts 0^er\ïn^
1868-69, 2 parties). Klo(z était professeqr d'éloquence à
l'université de Halle. Après avoir longtemps! collab6i|é à la
Bibliothèque de Nicolaï, il avait fondé une reVue rivale sous
un titre pareil, et il s'était retourné en maint^ occasion contre
ses anciens amis. C'était un homme d'un talent ordinaire,
- lOB -
JEANNE - JEANROY
à la suite de conflits malheureux avec Charles-Quint, fut
sans retour perdu pour l'alliance française, sa protestation
de 4541 servit de base à l'instance en cour de Rome que
dénoua une bulle d'annulation du mariage, pour défaut de
consentement. En 4548, elle épousa, de plein gré, cette
fois, et pour tout de bon, Antoine de Bourbon, duc de
Vendôme. Deux ans plus tard, la mort de son père mettait
la couronne souveraine sur sa tète.
D'aigres démêlés avec licnri 11, qui aurait bien voulu
réunir la Navarre à ses Etats, des intrigues périlleuses
avec Philippe II, au sujet des territoires conquis en 1512
par Ferdinand le Catholique, emplirent les dix années sui-
vantes. Quoique agitée et anxieuse, cette période n'en est
pas moins la plus heureuse de son existence. Brave homme
au fond, son mari était sans la moindre consistance. Il fut
en tout ce qu'il fut en religion, à cette époque de foi ar-
dente, s'engageant étourdiment dans le protestantisme,
qu'il devait bientôt renier avec éclat, tandis que Jeanne n'y
faisait adhésion que par étapes timides, mais dès lors pour
toujours. Quoi qu'il en fût, leur bonheur intime fut sans
nuage tant qu'ils vécurent hors de la sphère des grands
intérêts sociaux dont Paris était le centre. Il fut détruit
du jour où Antoine se fixa à la cour de France, surtout
du jour où Catherine de Médicis, proclamée régente à l'avè-
nement de Charles IX, crut avoir besoin de lui comme contre-
poids à l'ambition des Guises. Pour le détacher du parti cal-
viniste, elle lâcha sur lui iVF^ de Roué, l'une des plus expertes
recrues de son fameux Escadron volant (V. ce mot). Cepen-
dant les choses ne tournèrent pas tout à fait au gré de la reine
mère : il abandonna « la cause », il est vrai, mais au profit
des Guises, non au sien. En butte à d'odieux traitements à
leur instigation, Jeanne regagna péniblement la Navarre
(mars 1562). La nouvelle delà mort de son mari, frappé
sous les murs de Rouen défendu par le comtedeMontgomery
(47 nov. 4562), ne tarda pas à l'y rejoindre.
C'est ici le lieu de réfuter la calomnie suivant laquelle
Jeanne d'Albret proscrivit le catholicisme dans ses Etats.
La vérité est qu'elle institua la liberté de conscience : la
coexistence des deux cultes est un fait reconnu par les
meilleures autorités. Elle craignait par-dessus tout l'émeute,
désirait par-dessus tout la paix : nobles sentiments que son
époque n'était point en état de comprendre. Aussi bien les
convoitises de Charles IX et de Philippe II, déguisées sous
le masque de la foi, s'entendaient-elles en secret, — quitte à
se choquer violemment, lorsque viendrait l'heure du partage
— pour lui créer mille ditficultés. Sentant le sol trembler sous
ses pieds, elle gagna La Rochelle en sept. 4568, au début
de la troisième guerre civile. Derrière elle, le pays se sou-
leva. Mais, à son appel, le comte de Montgomery pénétra
en Navarre, chassa les officiers partisans du roi de France
de place en place et y raifermit son autorité. La paix de
Saint -Germain (4 août 4570) ouvrit à son activité un
champ plus vaste : il fut question, pour sceller la réconci-
liation des deux confessions, de marier son fils Henri,
avec la princesse Marguerite, sœur de Charles IX. A la fois
éblouie et défiante, elle accourut à la cour. Mais le malheur
la guettait, dès qu'elle sortait de son royaume. Paris qui,
en 4561-62, lui avait pris son mari, allait lui prendre la
vie : arrivée le 44 févr, 4572, elle tomba malade le 3 juin
et s'éteignit deux jours après. « Ainsi mourut, dit d'Au-
bigné, cette reine qui n'avait de femme que le sexe, l'âme
entière aux choses viriles, invincible aux adversités. » —
Outre deux fils, morts en bas âge, elle avait eu deux enfants
qui lui survécurent : Henri de Bourbon, destiné à régner
sur la France sous le nom de Henri IV, et Catherine
(V. ce nom), la future duchesse de Bar. Léon Marlet.
Bi.iL. : Baron de Ruble, le Mariage de Jeanne d'Al-
bret ; Paris, 1877, in-8. — Du même, Antoine de Bourbon et
Jeanne dAlbret; Paris, 1881-1886, 4 vol. in-8. — Lettres
de Catherine de Médicis, t. I-IV(sans omettre les copieuses
introductions du savant éditeur, le comte de La Perrière).
— N. Weiss, l'Intolérance de Jeanne d'Albret, dans le
Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme
français^ année 1891. — Léon Marlet, le Comte de Mont'
gomery ; Paris, 1890, in-8 ; ch. vi et vu.
Personnages divers
JEANNE d'Arc (V. Arc [Jeanne d']).
JEANNE DE Chantal (Sainte) (V. Chantâl).
JEANNE Grey(V. Dudley).
JEANNE Hachette (V. Hachette).
JEANNE Seymour (V. Seymour).
JEANNETTE (Ile de la). île de l'océan Glacial arctique,
au N.-E. de l'archipel de la Nouvelle-Sibérie, par 76M'7'
lat. N. et 156''36'' long. E. Découverte par le capitaine de
Long, elle reçut le nom de la Jeannette, qui sombra à
quelque distance.
JEANNIN (Pierre), homme d'Etat français, né à Autun
en 4540, mort à Paris en 1622. Elève de Cujasà Bourges,
il fut avocat à Dijon en 1569. Il devint conseiller en 1572,
président au parlement de Bourgogne en 1579 ; il fut en-
suite conseiller du duc de Mayenne, premier président
au parlement de Paris, intendant en 1602 et contrôleur
général des finances en 1610. D'abord partisan de la
Ligue, il se rallia ensuite à Henri IV. Son volume, iVe-
gociatio7is, a eu plusieurs éditions (1656, in-fol. ; 1659,
2 vol. în-12; 1819, 3 vol. in-8 ; 1837, gr. in-8). Cet
ouvrage se trouve aussi dans la Nouvelle Collection des
mémoires pour servir à l'histoire de Finance, par Mi-
chaud et Poujoulat (1887, 2« série, t. IV).
BiBL. : Eloge par Saumaise, 1623, in4 ; par Guyton de
Morveau, 1766, in-8 ; par Foisset, dans Revue des Deux
Bourgognes, iiiin et juiL 1836. — Mongis, Discours de ren-
trée de la cour de Dijon^ 4 nov. 1856. — Moniteur, 8, 15 -et
22 mai 1854 (art. de Sainte-Beuve).
JEANNIN DE Castille (Pierre) (V. Castille).
JEANNIOT (Pierre-Georges), peintre et officier fran-
çais, né à Genève en 1848, de parents français. Elève de
A. Jeanniot, il a peint des toiles, et surtout des aquarelles.
Citons : les Bords du Lignon^ le soir (1887); la Pièce
d'eau (iSS9).
JEANNOTTE-BozÉRiAN (V. Bozérian).
JEAN BON (Philippe -Auguste), peintre et littérateur
français, né à Boulogne-sur-Mer le 10 mai 1808, mort au
château de Comborn (Corrèze) le 8 avr. 1877. Il se lia tout
jeune encore avec Sigalon et avec Godefroy Cavaignac. Après
juil. 1830, il fonda et présida la Société libre de peinture
et de sculpture, fit des conférences publiques, écrivit dans
plusieurs journaux et revues, notamment dans la France
littéraire. Après le 24 févr. 1848, Ledru-Rollin le fit nom-
mer directeur des musées nationaux, et il organisa l'ex-
position Hbre qui eut lieu, la même année, aux Tuileries. Il
fonda le musée du Luxembourg, restaura le Louvre et la ga-
lerie d'Apollon, acheva le salon des Sept-Cheminées, s'occupa
activement du musée ethnologique, organisa la chalcogra-
phie, et créa une imprimerie en taille-douce à l'usage du
musée. Le sculpteur Nieuwerkerke le remplaça en 1849.
En 1863, ayant repris ses pinceaux, il succéda à Loubon,
qui dirigeait l'Ecole des beaux-arts de Marseille, et fut
nommé membre correspondant de l'Institut. Il a écrit, entre
autres articles, des Commentaires sur la Vie des peintres
de Vasari, avec Léopold Leclanché. Ses tableaux sont nom-
breux, mais quelques-uns seulement attestent un talent sé-
rieux, sinon original. Citons : les Petits Patriotes (1830,
au musée de Caen) ; les Forgerons de la Corrèze (1836) ;
Criminels cueillant le poison de Tupas (1840); le Port
abandonné d' A mhleteuse ; le Camp d'Equihem (1855);
le Phénicien et V Esclave (1859) ; Vue de Notre-Dame de
la Garde et du château d'If (1865), etc. Parmi ses por-
traits, notons ceux de la famille Odier, de Subervie et de
Cavaignac. Challamel.
JEAN ROY (Marie-Henri-Gustave- Alfred), littérateur
français, né à Mangiennes (Meuse) le 5 juil. 1859. Elève
de l'Ecole normale (promotion de 1878), il fut professeur
de rhétorique à Troyes (1881), à Besançon (1883), au
collège Stanislas (1885) et fut nommé en 1889 chargé de
cours et en 1893 professeur de langue et littérature du
Midi de la France à la faculté des lettres de Toulouse.
M. Jeanroy s'est fait connaître par de remarquables études
sur l'histoire de notre littérature éparses dans la Romania,
JEANROY — JEPFERSON
— 404
la Revue critique, la Grande Encyclopédie et autres re-
cueils. Il a publié : les Origines de la poésie lyrique en
Fraiîceau moyen âge (Paris, 4889, in-8); Extraits des
chroniqueurs français du moyen âge (Paris, 4894, in-8),
en collaboration avec M. G. Paris; Mystères provençaux
du xv^ 5fè(:î/(? (Toulouse, 4893, in-8), en collaboration avec
M. H. Teulié, etc.
JEANSA6NIÈRE. Corn, du dép. de la Loire, arr. de
Montbrison, cant. de Saint-Georges-en-Couzan ; 430 hab.
JEANTES. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Vervins,
cant. d'Aubenton; 740 hab.
J EAU RAT (Edme-Sébastien), astronome français, né à
Paris le 44 sept. 4725, mort à Paris le 7 mars 4803.
Professeur à l'Ecole militaire (47S3), il était membre de
l'Académie des sciences (classe d'astronomie, puis de géo-
métrie) depuis 4763 ; en 4796, un an après la réorga-
nisation de l'Institut, il succéda à Cassini dans la section
d'astronomie. Sauf un Traité de perspective (Paris, 4750,
in-4) , tous ses écrits ont trait à l'astronomie ; ils parurent
àdiX\s> \q Recueil des savants étrangers (4763) et dans
les Mémoires de V Académie des sciences de Paris
(4763-88). Jeaurat écrivit douze volumes de la Connais-
sance des temps, dont Lalande lui laissa la rédaction de
4776 à 4790. Il est, d'autre part, l'inventeur d'une lunette
à double image, dite diplanlidienne, dont la description
se. trouve dans les Mémoires de V Académie (i 779 et 4786).
BiBL. : E.-S. Jeaurat, Indication succincte de ses tra-
vaux scientifiques ; Paris, s. d., in-4. — J.-F. Moistucla,
Hist. des mathém. ; Paris, an VII, t. I, p. 712.
JEBUS (V. Jérusalem).
JÉCHIEL, rabbin français, mort en Syrie en 4268.
Il dirigea une école à Paris, écrivit des commentaires du
Talmud et soutint les 25-26 juin 4240, avec un collègue
converti au christianisme, une controverse publique dans
le palais de saint Louis; en 4257, il passa en Syrie.
JÉCHONIAS ou JOACHIM, roi de Juda, Pun des der-
niers princes de la dynastie davidique. Sous son règne de
quelques mois (599 av. J.-C), Jérusalem fut prise une
première fois et il se produisit une première déportation
des Israélites sur la terre étrangère. Jéchonias fut emmené
à Babylone par le vainqueur, qui plaçait sur le trône de
Jérusalem Sédécias, oncle du roi dépossédé.
JECKEL ou J EK EL (Franz-Joseph), publiciste polonais,
né à Vienne en 4762, mort à Vienne le 44nov. 4844. Il
remplit les fonctions d'avocat en Galicie. Il a écrit en alle-
mand un certain nombre d'ouvrages relatifs à l'histoire de
la Pologne : Polens Siaatsverœnderungen und letzte
Verfassung (Vienne, 1800-4840, 6 part.); Galiziens
Strassen {id., 4809). Il a en outre écrit l'histoire de la
littérature polonaise dans l'ouvrage intitulé Geschichte der
Kunste und Wissenschaften (Gœttingue, t. XL).
JECKER (Jean-Baptiste), banquier suisse, né à Porren-
truy vers 4840, mort à Paris le 26 mai 4874. D'une bonne
famille du cant. de Berne, il était vers 4836 à Paris em-
ployé dans la maison de banque Hottinguer. Son frère, le
docteur Jecker, médecin renommé de Mexico, qui a laissé
à notre Académie de médecine un legs de 300,000 fr., le
fit venir au Mexique et le commandita. Très intelligent,
doué d'un véritable génie pour les affaires, J.-B. Jecker
devint rapidement un des plus grands industriels du pays
et y fonda la banque la plus importante. En ^1859, le pré-
sident Miramon lui confia la conversion de la dette inté-
rieure dont le résultat se traduisit par une émission de
75,000,000 de bons de la maison Jecker qui prélevait
sur l'opération une commission énorme. Le président Jua-
rez refusa de reconnaître ce traité. D'autre part, Jecker
avait obtenu du gouvernement mexicain l'autorisation de
reconnaître les terrains de la Sonora et de la Basse-Cali-
fornie (49 déc. 4856) et manquant à ce traité le gouver-
nement avait fait expulser le 47 mai 4859 les membres
des commissions scientifiques qui opéraient le lever des
plans. Aussi, dès que l'intervention armée de la France au
Mexique eut été décidée (V. Mexique), Jecker, qui avait des
intelligences dans l'entourage de Napoléon III et qui se fit na-
turaliser Français, céda-t-il à la France tous ses droits et ac-
tions dans la question de la Sonora contre 40,000,000 de fr.
environ. On a longtemps prétendu que l'affaire Jecker était
la cause de l'expédition du Mexique ; elle ne fut en réahté
qu'une spéculation accessoire greffée sur l'intervention. En
4861, le gouvernement mexicain reconnaissait la créance
Jecker, fixée à 27,703,770 fr. Pour se faire payer plus
vite le banquier conclut un arrangement avec le ministre
des finances. Il réduisit sa créance à 22,660,000 fr. et
se fit remettre trois traites, l'une de 7,660,000 fr. à
Féchéance du 45 oct. 4865, l'autre de 5,000,000 à
l'échéance du 45 déc. Ces valeurs furent payées. Mais Maxi-
milien refusa de solder la troisième valeur de 40,000,000
à échéance du 45 févr. 4866, et révoqua son ministre des
finances, car cet arrangement était aussi désastreux pour le
trésor mexicain que compromettant pour le trésor français.
Le maréchal Bazaine fut un instant accusé d'y avoir prêté
les mains. Il réussit à prouver que toute cette scandaleuse
affaire avait été conduite par la mission française, d'ac-
cord avec la légation de France et traitée en dernière ana-
lyse par le cabinet même de Maximilien. Quoi qu'il en
soit, Jecker revint en France à peu près ruiné. Le 40 mai
4874, il fut arrêté dans les bureaux de la préfecture de
police de la Commune au moment où il demandait un pas-
seport. Emprisonné avec les otages à la Grande-Roquette,
il fut fusillé le 26 dans les terrains vagues de la rue de la
Chine.
JEDBURGH. Ville de l'Ecosse méridionale, chef-lieu du
comté de Roxburgh, à 6Q kil. S.-E. d'Edimbourg, sur le
Jed, affluent du Teviot; 6,245 hab. Stat. du chemin de
fer d'Edimbourg à Berwick. Fabriques de lainages. Ruines
d'une célèbre abbaye du moyen âge.
JEDLERSDORF. Faubourg de Vienne, dans le March-
feld; 7,000 hab. — Non loin est l'importante gare de
Jedlersee, avec de grands ateliers de chemins de fer.
JEEZE. Rivière d'i\.llemagne, affluent gauche de l'Elbe;
80 kil. de long, arrose les districts de Magdebourg et Lu-
nebourg, passe à Salzwedel, Dannenberg et finit à Hil-
zacker.
JEFFERIES (Richard), littérateur anglais, né près de
Swindon (Wiltshire) le 6 nov. 4848, mort à Goring (Sus-
sex) le 44 août 4887.11 débuta dans la littérature par une
collaboration assidue à deux journaux provinciaux {VAdver-
tiser et V Herald du Wiltshire), écrivit des poésies, puis
des romans. La notoriété lui vint tout à coup en 4877, lors-
qu'il eut donné son Gamekeeper at Home, recueil d'études
parues d'abord dans la Pall Mail Gazette, remarquables
par un vif sentiment de la nature, la poésie des descrip-
tions et une science très sûre de la vie et des mœurs des
animaux. Bientôt parurent : Wild Life hi a Southern
County (4879), son chef-d'œuvre ; Round about a Great
Esiate, The Open Air, Red Deer (4884), etc., et des
œuvres d'imagination, de tout premier ordre, Wood ma-
gie (1884) et Bevis (1882) ; The Story of my Ecart
(1883) et After London (4885). Jefferies était célèbre,
mais une longue et douloureuse maladie l'entraîna à des
dépenses considérables. Il était chargé de famille et trop
indépendant et, trop fier pour recourir aux fonds des gens
de lettres, il passa ses dernières années à écrire sans re-
lâche, pour vivre, des études sur les scènes et les agré-
ments de la vie de province qui sont loin de valoir ses
autres œuvres. R. S.
JEPFERSON. Ville des Etats-Unis, capitale du Texas,
sur le lac Caddo, tributaire de la rivière Rouge ; 5,000 hab.
Fondée en 4843.
JEFFERSON City. Ville des Etats-Unis, capitale de
l'Etat de Missouri, à droite du Missouri ; 40,000 hab. Mi-
noteries, fonderies, construction de voitures ; auprès sont
des mines de houille.
JEFFERSON (Thomas), troisième président des Etats-
Unis, né à Shadwell (Virginie) le 2 avr. 4743, mort à
Monticello (Virginie) le 4 juiL 4826. Fils du colonel Peter
105
JEFFERSON
JefFerson, riche planteur, et de Jane Randolph, il perdit
son père en 4757. Il fit de fortes études classiques et prit
une grande influence sur ses camarades. Il exerça à partir
de 1767 la profession d'a\'ocat avec un rapide succès et,
dès 4769, fut élu pour représenter son comté dans la
Chambre de la colonie. 11 devint aussitôt un des chefs de
l'opposition. A cette époque, il construisit sa résidence de
Monticello et épousa Martha Skelton, belle et riche veuve.
En 1774, il accentua le conflit contre la métropole et le
gouverneur. Après la seconde dissolution du parlement
virginien, il joua un rôle prépondérant à la convention
libre, formée par les députés spontanément réunis. Il rédigea
sous le titre de Summary View of the rights of British
America un énoncé des revendications américaines, qui
fut le prélude de la déclaration d'indépendance. Il parut
alors trop avancé et ne fut pas adopté par le congrès des
délégués des colonies. Jefferson fut considéré en Amérique
et en Angleterre, où son manifeste eut un grand retentis-
sement, comme un des chefs du parti national américain.
Il fut élu au congrès de 1775 comme suppléant de Ran-
dolph, retenu en Virginie par ses fonctions de président
de la Chambre. Il rédigea la riposte des Virginiens aux
propositions de lord North, laquelle fut accueillie avec
enthousiasme au congrès qui en adopta les termes. En
mai 1776, il reçut de la Viri^inie mandat de proposer la
déclaration d'indépendance. Il fut nommé président de la
commission chargée de rédiger cet acte, et son texte fut
adopté, sauf de légères modifications (4 juii. 1776).
Jefterson consacra les années suivantes à la réforme
radicale des institutions de la Virginie : suppression des
substitutions; abolition du droit d'aînesse remplacé par le
partage égal entre les enfants; liberté religieuse; suppres-
sion de la rémunération officielle de l'Eglise. Il fallut une
lutte de plusieurs années pour faire accepter à l'aristo-
cratie virginienne ces principes ; par là Jetferson fit pré-
valoir aux Etats-Unis un esprit tout à fait différent de
celui de l'Angleterre et conforme aux principes philoso-
phiques qu'allait promulguer la Révolution française. Il fit
également passer un bill prohibant toute importation d'es-
claves. Il eut moins de succès lorsque, élu gouverneur de
son Etat' (1779-81), il dut résister à l'attaque des armées
anglaises, mais ce fut parce qu'il avait mis toutes ses res-
sources au service de l'armée fédérale. Malgré de vives
attaques, l'assemblée locale lui vota des remerciements. Il
rentra au congrès, y fut rapporteur de la paix définitive
avec l'Angleterre, fit adopter le système actuel de monnaie,
remplaçant la livre sterling par le dollar, fit régler l'orga-
nisation des vastes territoires de l'Ouest, cédés par la Vir-
ginie à la Confédération. En mai 1784, il fut envoyé en
Europe pour négocier avec John Adams et Benj. Franklin
les traités de commerce. En 1785, le congrès le nomma
ministre plénipotentiaire eu France, à la place de Franklin,
démissionnaire. Il vécut à Paris très heureux, dans l'in-
timité de ses amis d'Alembert, Condorcet, Destutt de
Tracy, etc. Il préféra toujours la France à l'Angleterre.
Rentré en Amérique en 1789, il reçut le poste de secré-
taire d'Etat dans le cabinet de Washington (mars 1790).
Il y fut l'adversaire résolu d'Al. Hamilton et devint contre
le chef des fédéralistes le champion des républicains.
Les premiers étaient unitaires, les autres décentralisateurs.
Adversaire résolu du système anglais, Jeff'erson défendit
l'autonomie des Etats contre son rival qu'il accusait de
velléités monarchiques. Il ne put empêcher Hamilton de
prévaloir dans l'organisation des finances, de la Banque des
Etats-Unis, etc. Partisan de la France, tandis que Hamil-
ton l'était de l'Angleterre, il voulait autoriser l'armement
de croiseurs américains donnant la chasse aux navires an-
glais. Washington imposa une stricte neutralité, mais
Jeff'erson obtint la reconnaissance officielle de la République
française. Le ministre français Cenest fit armer des navires
privés contre l'Angleterre ; il s'ensuivit un violent débat
entre Jefferson et Hamilton auquel le président donna rai-
son. Genest fut rappelé et bientôt Jefferson donna sa dé-
mission. Quand Washington se retira, la lutte électorale
des deux grands partis se concentra entre Adams, candidat
des fédéralistes, et Jeff'erson, candidat des républicains.
Le premier eut la majorité ; le second, ayant obtenu le
plus de voix après lui, fut élu vice-président. Il combattit
la rupture avec la France en 1798 et fit déclarer par la
Virginie et le Kentucky qu'ils s'y opposeraient par la force.
En 1800, les républicains l'emportèrent dans l'Etat de
New York, grâce à l'habileté d'Aaron Burr. Celui-ci fut
porté par eux aux élections présidentielles [de 1801 pour
le poste de vice-président, Jefferson l'étant pour celui de
président. Ils eurent la majorité, mais obtinrent le même
nombre de suffrages ; de sorte que, comme on n'avait pas
spécifié pour quel poste les votants désignaient chacun
d'eux, Burr revendiqua la présidence. Le congrès des re-
présentants dut statuer, et Jefferson ne fut élu qu'au
trente-sixième tour de scrutin, son compétiteur demeurant
vice-président. Il administra avec beaucoup de sagesse,
changea peu de fonctionnaires, substitua au cérémonial de
Washington une simplicité démocratique qui accrut sa
popularité. Il obtint de la France la cession de la Loui-
siane (1803), fit explorer ses nouvelles acquisitions par
Lewis et Clarke (1803-06), mit à la raison les Marocains
et les Trij)olitains. Il fut réélu président, avec G. Clinton
pour vice-président, par 148 voix sur 176 (1805). L'achar-
nement qu'il déploya contre Burr, inculpé de trahison
(1806), excita une vive opposition. Jefferson revendiqua
énergiquement les droits des Etats-Unis dans le conflit
an glo- français. Le blocus général, proclamé par les deux
adversaires, privait l'Amérique des bénéfices que lui avait
jusqu'alors procuré sa neutralité. En 1807, après l'inci-
dent du Chesapeake^ il interdit aux navires de guerre
britannique les eaux américaines, puis il mit l'embargo sur
les navires nationaux (déc. 1807), afin d'éviter les consé-
quences des blocus européens. En févr. 1809, on adoucit
cette prohibition, se contentant d'interdire l'intercourse
entre les belligérants. Jetferson refusa un troisième mandat
présidentiel et se retira à Monticello où il acheva sa vie. Il
s'occupa de la création de l'université de Virginie. Ruiné
par sa fastueuse hospitalité, il fut autorisé par la législa-
ture à mettre ses biens en loterie (18^26). Ce projet ne fut
pas exécuté ; l'ancien président mourut peu après, le
même jour que John Adams.
Jefferson est un des fondateurs de la nation américaine,
le représentant le plus marquant de ses tendances démo-
cratiques. Cet homme à cheveux roux, aux larges yeux gris,
à l'aspect rude, au tempérament ardent, imbu de la cul-
ture française, fut un logicien disciple des philosophes pa-
risiens et représentant leur esprit en face de l'esprit anglais
de tradition. Rationaliste décidé, il niait la divinité du Christ,
proclamait le droit naturel, n'admettant pas que l'antiquité
d'un droit suppléât à sa justice. Après dix ans de luttes
contre les autoritaires qui marquèrent la constitution fédé-
rale à leur empreinte, Jefferson eut à son tour le dessus. 11
fit passer dans les mœurs ses habitudes de simpficité et
délivra la jeune république de tout le cérémonial européen.
Il ne fut pas seulement le théoricien de la démocratie, il en
fut le modèle. Il n'a jamais parlé en public, mais il entre-
tint une correspondance étendue et jusqu'à sa mort exerça
ainsi, de Monticello, une influence considérable. Son pres-
tige dure encore et ses écrits font encore autorité. Les prin-
cipaux sont : le code virginien (1779), Notes on Virgi-^
nia (1782, rééd. avec notes originales en 1853), un
projet de constitution (1783), un manuel de pratique par-
lementaire. On a publié ses œuvres complètes aux frais
du congrès : The Writvngs of Th. Jefferson, being his
aiitobiography , correspondence , reports, messages,
addr esses and other writings officiai and private (Wa-
shington, 1853-55, 9 vol. in-8). A. -M. B.
BiBL. : Les principales biographies de Jefferson sont
celles de G. Tuoker (Philadelphie, 1837, 2 vol.); de H. -S.
RANDALL(New York, 1858, 3 vol.); de sa petite-fille Sarah
N. Randolph (New York, 1871); de J.Parton (Boston,1874)
et de Morse (Boston, 1886).
JEFFERSONVILLE — JEHOVAH
406 -
JEFFERSONVILLE. Ville des Etats-Unis, Etat d'In-
diana, sur l'Ohio, en face de Louisville; 12,000 hab. Ate-
liers pour les chemins de fer; construction de machines à
vapeur, etc.
JEFFREY (Francis, lord), écrivain anglais, né à Edim-
bourg le23oct. 1773,mortà Edimbourg le 26janv. 1830.
il fit de fortes études à Glasgow, à Edimbourg, à Oxford et
se fit inscrire au barreau. Un des membres les plus bril-
lants de la Spéculative Society où il connut Scott, Jeffrey
commença à publier des critiques littéraires qui furent
remarquées. Il se lança aussi avec ardeur dans la poli-
tique et écrivit, dans l'esprit whig, un essai sur la poli-
tique (1793). Venu à Londres, il fit partie avec Brougham,
Brown, Horner, de l'Academy of Physicks; avec eux et
Sidney Smith, il fonda VEdinburgh Reuiew, dont il fut le
premier directeur. Cette revue obtint un succès immédiat
dû à son libéralisme et à son indépendance. Son premier
numéro, paru le 10 oct. 1802, était vendu à 2,500 exem-
plaires en 4803 ; on atteignit un tirage de 9,000 en 1808,
de 13,000 en 1814. La vie de Jeffrey est dès lors liée à
l'histoire de la revue. Il eut en 1806 un duel retentissant
avec Moore, offensé par un article. Puis en 1812, étant
tombé amoureux d'une Américaine, miss Wilkes, il la sui-
vit en Amérique en 1813, l'épousa et reprit ses fonctions
de directeur qu'il avait brusquement abandonnée^ à la suite
de ce coup de passion. Au reste, ayant été élu en 1829 à
l'unanimité doyen de la faculté des avocats, il les céda à
Macvey Napier. A l'avènement des whigs au pouvoir (1830),
il fut nommé lord avocat. Elu membre du Parlement par
les bourgs du Forfarshire, puis par Malton, enfin par Edim-
bourg (1832), il défendit le Scottish Reform Bill de 1831-
32 et le Burgh Bill de 1833 et devint en 1834 juge à
la cour de sessions. Il se consacra avec ardeur à ses devoirs
judiciaires. Mais toujours passionné pour la littérature et
l'art, il fit de sa maison un des cercles les plus brillants
d'Edimbourg. Il était en termes très amicaux avec Dickens
et Macaulay auxquels il donna d'excellents conseils. Carlyle
écrit que Jeffrey fut le prince des critiques anglais et il le
compare à Voltaire. C'est un jugement qu'on ne peut accep-
ter sans réserves. Jeffrey, quoique toujours poli et réservé,
fut un critique généralement froid et malveillant. Il ignora
l'importance de la révolution romantique et mystique ac-
complie par W. Scott, Coleridge, Shelley, Wordsworth et
ne reconnut le mérite de Byron et de Moore qu'après que
le succès populaire l'eût consacré. Ses articles ont été réu-
nis en quatre volumes (Edimbourg, 1844-53). On a de
Jeffrey un portrait par Colvin Smith et un beau buste en
marbre par Patrick Park qui est à la National Portrait
Gallery. R. S.
BiBL. : Lord Cockburn, Life of lord Jeffrey^ with a sé-
lection from his correspondence, 1852, 2 vol.
JEFFREYS (George, baron), célèbre magistrat anglais,
né à Acton (Denbi^hshire) en 1648, mort à Londres le
48 avr. 1689. Ambitieux et remuant, il eut, fort jeune,
l'idée de se faire un nom dans la magistrature ; pourtant,
lorsqu'il débuta au barreau en 1668, il avait plus fré-
quenté les cabarets que les écoles de droit. Il avait eu
toutefois le talent de se créer des relations ayantageuses.
Comme avocat, il obtint un succès rapide. En 1678, il était
nommé recorder de la Cité. Le complot papiste le mit tout
à fait en lumière. II y prit le parti du gouvernement avec
un tel zèle qu'il fut nommé, en 1680, chief justice de Ches-
ter et conseiller de la couronne. Il joua un rôle identique
en d'autres procès politiques, notamment lors de la pour-
suite de lord William Russell impliqué dans le complot de
la Rye House. Il fut récompensé de ces nouveaux services
par le poste de chief justice d'Angleterre (29 sept. 4683)
et l'entrée au conseil privé (4 oct.). Il présida en cette
qualité au procès de Titus Oates, et sa conduite en cette
affaire lui valut le titre de baron Jeffreys de Wem (15 mai
4685) ; il fut un des membres les plus actifs de la fameuse
commission de justice instituée après la bataille de Sedge-
moor, qui prononça tant d'iniques condamnations. Non seu-
lement Jeffreys gagna une fortune importante aux Assises
sanglantes, mais il y ramassa les fonctions de lord chan-
celier (28 mai 168.5). Arrogant, grossier, de mœurs cra-
puleuses, il n'était rien moins que populaire; aussi, lors de
la révolution de 1688,s'empressa-t~il de prendre la fuite,
déguisé en matelot. Reconnu, il fut entouré par une foule
qui menaça de lui faire un mauvais parti. Conduit sous
bonne escorte à la Tour, il essaya de se sauver en promet-
tant à Guillaume d'Orange d'importantes révélations rela-
tives à la succession au trône ; mais il mourut avant que
son procès n'eût commencé. Intelligent, spirituel, mais dé-
nué de tout principe et d'une versatdité politique choquante,
Jeffreys a été peut-être l'homme le plus connu et le plus
exécré de son temps. On a de lui de nombreux portraits,
dont l'un figure à la National Gallery. R. S.
BiBL. : WooLRYGH, Memoivs ofthe life ofjudge Jeffreys,
1827. ~ Western Marlyrology or Bloody Assizes, toqether
with the life and deatfi of George lord Jeffreys, 1705. —
Life and character of the late lord chancellor Jeffreys, 1725.
JEGUN. Ch.-l. de cant. du dép. du Gers, arr. d'Auch;
1,646 hab.
JEHAN DE SoissoNS ou de Damas (V. Damas).
JEHANNIN (François-Claude), jurisconsulte français, né
à Louhans en 1630, mort à Dijon le 22 nov. 1698. Avocat
au parlement de Bourgogne (1649), substitut du procureur
général (1652), il jouissait d'une telle réputation qu'on
l'avait surnommé le Papinien de la Bourgogne. Ses œuvres
ne sont certainement pas de nature à justifier une telle
renommée. Citons : Remontrance des états de Bourgogne
touchant le franc-alleu (1692) ; Coutume générale des
pays et duché de Bourgogne, avec des notes (Dijon,
1736). — Son petit-fils, François-Jean-Baptiste, sieur de
Chamblanc, né à Dijon le 2 févr. 1722, mort vers 4791,
fort lié avec Jussieu et Buffon, s'occupa passionnément
d'histoire naturelle et fut le premier fondateur du cabinet
minéralogique de Dijon, dispersé pendant la Révolution.
JEHOTTE (Louis), statuaire belge, né à Liège en 1803,
mort à Bruxelles le 3 févr. 4885. Fils de Léonard
Jehotte, qui fut le dernier graveur des monnaies duprince-
évèque de Liège, il vint de b)nne heure à Florence, puis à
Rome où il reçut les leçons deMathias Kessels et de Thor-
waldsen, au collège Liégeois, fondé par Lambert Darchès.
Dès 1824, il était récompensé par l'Académie de San Luca.
De retour à Liège, il exécuta le monument de M. de Méan,
prince-évêque de Liège, qui fut élevé dans l'église métro-
pohtaine de Saint-Rombaut, puis une statue du Prince
Charles de Lorraine érigée, en 1848, devant le Palais
de l'Industrie à Bruxelles, et, par la suite, une Baigneuse,
un Caïn qui figura à l'Exposition universelle de Paris en
1855, les bustes du Roi Léopold, du Général Desprez,
de V Archevêque Ch. d'Argenteau,^ etc. Il fut nommé de
bonne heure membre de l'Académie royale des beaux-
arts de Belgique. G. A.
JÉHOVAH. Appellation de la divinité propre au peuple
d'Israël. Cette appellation elle-même doit être corrigée, les
Juifs s'étant interdit de bonne heure de prononcer le nom
sacré et le remplaçant dans la lecture par des termes gé-
nériques, tels que Dieu ou le Seigneur. Cependant on a
laissé subsister dans le texte hébreu les quatre consonnes
yod, hé, mi;,/i(?quiconstituentlacharpentedutétragramme
ineffable, et on les a entourées des voyelles du mot Ado-
naï, Seigneur; cela a donné naissance à la fausse lecture
Jéhovah. Si on restitue par conjecture les voyelles qui con-
viennent au tétragramme yhvh, on obtient, selon toutes les
vraisemblances, la forme Ya/iy^Vi, désormais adoptée (sauf
des nuances tout à fait secondaires) par la littérature scien-
tifique en Allemagne, en France et en Angleterre. On peut
donc admettre que, à partir de l'époque oîi il apparaît pour
la première fois à la lumière de l'histoire, c.-à-d. vers
1100 avant notre ère, Yahvéhkiaiit le nom par excellence
du dieu d'Israël. Ce nom avait-il été emprunté au dehors?
Rien ne nous autorise à le croire. Ce qu'on peut affirmer
sans hésitation, c'est que la théologie juive, représentée
107
JÉHOVAH — JÉLIOTTE
tout particulièrement par le Deutéronome et les écrits
prophétiques, tient l'appellation Yahvék pour la désigna-
tion expresse de la divinité en tant que protectrice spéciale
d'Israël, ce qui est résumé dans les formules bien connues :
«Je suis Yahvéh, ton dieu, qui t'ai lire du pays d'Egypte»
et « Je suis Yahvéh, ton dieu à partir du pays d'Egypte. »
On a fait de grands efforts pour préciser le sens qui s'at-
tachait originairement au mot Yahvéh, mais ces tentatives
n'ont pas été couronnées de succès. On ne peut pas tenir
pour valable l'explication souvent proposée : il est, ou : il
fait être, c.-à-d. . il crée. Yakvéh^ dont la prononciation
serait peut-être plus exactement reproduite en écrivant
Yahouéh, se présente à nous dans un très grand nombre
de noms propres portés par les Israélites, avec des formes
abrégées telles que Yahou, Yeho, Yo, Yah. M. Vernes.
JÉHU, roi d'Israël (royaume des Dix-Tribus) dans la
première moitié du ix® siècle avant notre ère. Joram, roi
d'Israël, fils et successeur d'Achab, avait été blessé devant
la place forte de Ramothdu Galaad, qu'il se proposait d'en-
lever aux Syriens et était retourné à Jezrahel pour s'y gué-
rir. Un de ses officiers, du nom de Jéhu, profita de cette
circonstance pour se substituer à lui ; après avoir obtenu
l'assentiment de l'armée, il marcha vivement sur Jezrahel,
où il mit à mort Joram et tous les membres de la famille
royale. Son règne de vingt-huit ans ne semble pas avoir
été fort brillant, au moins en ce qui touche le conflit avec
les Syriens, qui maintinrent et fortifièrent contre lui les po-
sitions qu'ils occupaient sur la rive orientale du Jourdain.
Le nom de Jéhu se trouve mêlé à la légende du prophète
Elisée ; les livres bibliques assurent que c'est à l'instigation
de ce dernier qu'il aurait renversé Joram, afin de venger
l'outrage fait au culte national par la faveur accordée aux
divinités phéniciennes. On nous le représente, en consé-
quence, dans des scènes pittoresques, faisant piétiner et
jeter aux chiens le corps de la vieille Jézabel, veuve d'Achab,
et réunissant tous les adhérents de Baal sous un faux pré-
texte dans le temple érigé en l'honneur du dieu phénicien,
de manière à les exterminer d'un seul coup. M. Vernes.
JÉJ UN 0-1 LÉON (V. Intestin).
JÉJUNUM (V. Intestin).
JEJUY. Rivière du Paraguay, affluent gauche du Para-
guay. 11 reçoit à droite l'Aguarey (cascade de 125 m. de
haut), et traverse la région où croît le yerba mate^ dont
on transporte de grandes quantités par son cours. Il ar-
rose San Pedro.
JEKYLL (Joseph), homme politique anglais, né en 1753,
mort à Londres le 8 mars 1837. Avocat sans causes, il se
fit une grande réputation par sa collaboration au Morning
Chronicle et à VEvening Statesman, où il donna notam-
ment une satire extrêmement spirituelle contre la taxe sur
le sel imposée par Pitt. Elu au Parlement par Calne en 4787,
il représenta cette circonscription jusqu'en 4816. Il y réus-
sit peu, quoiqu'il parlât beaucoup ; mais, fort connu, il jouis-
sait d'un autre genre de célébrité, étant l'objet de prédi-
lection des caricatures des feuilles satiriques. Favori du
prince de Galles, il fut nommé, en 1805, soliciter général
et conseiller du roi, en 1815 maître à la chancellerie. Il
a laissé : Letters ofthe late îgnatius Sancho, an Afri-
can who knew many celebrities (1782, 2 vol.) ou du
moins le mémoire anonyme qui précède cet ouvrage, qui
obtint un grand succès, et Facts and observations rela-
ting to the Temple Church (1811). R. S.
JELACIC (Joseph) (on écrit aussi Jellâchich), général
croate, né à Petrovaradin (Pcterwardein) en 1801, mort à
Agram en 1859. Il était fils d'un général qui avait servi
dans les guerres de Turquie et d'Italie. Il entra à l'âge de
dix-huit ans dans l'armée autrichienne. En 1842, il était
colonel. En 1845, il se distingua dans la campagne de
Bosnie; sympathique au mouvement national de l'illyrisme,
son nom devint populaire chez les Slaves méridionaux. En
4848, sur la demande de ses compatriotes, les Croates,
l'empereur le nomma (le 22 mars) général, ban de Croatie-
Slavonie et commandant d'une partie de la frontière mili-
taire. Il résista en cette qualité aux prétentions du minis-
tère hongrois qui voulait mettre la main sur la frontière
militaire. L'empereur Ferdinand le manda à Innsbruck
pour s'expliquer sur ce conflit et le destituer. Mais Jeiacic
ne tint pas compte de cette destitution, se fit installer ban
par l'archevêque de Karlovtsi et le 11 sept, il prit l'offen-
sive contre les Hongrois, puis il marcha sur Vienne qui
était en révolution et entra dans cette ville après avoir
refoulé les Hongrois au combat de Schwechat. Il pénétra
ensuite en Hongrie et le 5 janv. 1849 il entra avec Wen-
dischgratz dans Buda et dans Pest. Au mois de mars 1849
il fut nommé feldzeugmeister. Au mois de juille il fut battu
près de Hegyes par les Hongrois. La campagne finie,
Jeiacic reprit sa place dans l'armée autrichienne. En 1854,
il reçut le titre de comte. En vertu d'un ordre impérial un
régiment croate porte le nom de régiment Jeiacic. Dans sa
jeunesse le futur général avait publié des poésies alle-
mandes (Gedichte ; Vienne, 1851) qui ne sont pas sans
valeur, et qui ont été retraduites en croate. Sa statue
s'élève sur une des places de la ville d'Agram. L. L.
JELENSKY (V. Hrubt z Jeleni).
JELINEK ou GELINEK, nom de plusieurs musiciens
tchèques. — Herïnann, né en 1709, mort en 1779, a
italianisé son nom qui veut dire Cerf sous la forme Cer-
veiti. Après avoir été moine, il quitta son monastère et
parcourut le monde ; il résida notamment en France et en
Italie. Il a publié des concerti et des sonates. Ses œuvres
inédites sont encore aujourd'hui conservées au monastère
de Zeliv (Seelau). — Joseph^ né à Jedlice en 1758, mort
à Vienne en 1825, fut élève de Segert; remarqué par
Mozart et par Haydn pour son talent sur Torgue et le
piano, il fut attaché comme musicien à diverses grandes
familles, notamment aux Kinsky et aux Esterhazy. Ses
compositions sont fort nombreuses : on en compte une cen-
taine. Elles ont été publiées à Vienne, à Berlin, à Mayence,
à Paris. — Vilem\ né à Paris en 1667, mort en 1735,
était aussi, comme son nom l'indique, d'origine tchèque.
Il fut maître de chapelle de Napoléon, de Louis XVIII et
de Charles X, inventa une harpe nouvelle et écrivit quel-
ques ouvrages. L. L.
J ELIN EK (Karl), météorologiste autrichien, né à Brunn
le 23 oct. 1822, mort à Vienne le 19 oct. 1876. H étudia
d'abord le droit, puis les mathématiques et la physique,
fut successivement attaché aux observatoires de Vienne
(1843) et de Prague (1847), enseigna ensuite les mathé-
matiques supérieures à l'Institut polytechnique de Prague
(1852-62) et succéda en 1863 à Kreil comme direc-
teur du Bureau central météorologique et magnétique de
Vienne, auquel il donna une très grande extension. Il
fut nommé en 1874 membre de l'Académie de Vienne.
Les résultats de ses importants travaux sur la météorolo-
gie et le magnétisme terrestre se trouvent consignés dans
une cinquantaine de mémoires originaux publiés principa-
lement par le recueil de l'Académie de Vienne et par la
Meteorolog. Zeitschrift, Il a, en outre, donné à part :
Psychrometer-Tafebi fur das hunderttheilige Thermo-
meter^ en collab. avec H. Wild (Vienne, 1871 , in-4 ; 3® éd.,
Leipzig, 1887) ; Anleilimg zur Anstellung meteoroL
BeobaMungen (Vienne, 1876, in-8), etc. Il a aussi in-
venté plusieurs instruments très ingénieux. L. S.
BiRL. : Catalogue of scientif. papers de la Soc. roy. de
Londres, t. III et VIII.
JELINEK (Edvard), littérateur tchèque, né à Prague en
1855. Il entra dans l'administration. Comme écrivain, il s'est
surtout occupé de la littérature des peuples slaves, a publié
de 1881 à 1886 un recueil fort important, la Revue slave,
et collaboré à des revues tchèques et polonaises. On lui
doit, en outre, un certain nombre d'ouvrages en langue
tchèque, notamment des Etudes sur la société polo-
naise, sur la Lithuanie et sur les Cosaques, etc.
JÉLIOTTE ou JÉLYOTTE (Pierre), chanteur scénique
français, né à Lasseube (Basses-Pyrénées) le 13 avr. 1 713,
mort vers 1790. II fut l'un des artistes les plus renommés
JELIOTTË - JEMTLAND
~ 108
et les plus justement célèbres de notre Académie royale de
musique, où ses succès sont restés légendaires. Il reçut
une excellente éducation musicale à la maîtrise de la cathé-
rale de Toulouse, où il apprit à jouer de divers instru-
ments, entre autres de la guitare et du théorbe, sur les-
quels il devint fort liabile. Après avoir été enfant de chœur
dans cette église, il faisait partie de ses musiciens en qua-
lité de haute-contre, lorsque TOpéra le fit venir à Paris.
Jéliotte était à peine âgé de vingt ans lorsqu'il débuta à ce
théâtre, à la réouverture de Pâques de l'année 1733. Il y
connut aussitôt le succès, grâce à une voix délicieuse, dont
il savait tirer le parti le plus heureux, et fut bien-
tôt une des gloires de l'Opéra, où sa seule présence
suffisait pour enchanter les spectateurs. Jéliotte et l'ado-
rable M^^^ Fel firent pendant de longues années les délices
du public, et les triomphes qu'ils obtinrent ensemble dans
divers opéras, particulièrement le Devin du village et
Daphnis et Alcimadure^ sont demeurés célèbres. En
dehors des rôles nombreux qu'il reprit dans les ouvrages
du répertoire, Jéliotte en créa plus de quarante dans
des opéras de Rameau, Mouret, Mondonville, Dauvergne,
Campra et autres compositeurs. Jéliotte prit sa retraite de
l'Opéra au plus fort de ses succès, dès 1755 ; il reçut une
pension de 1,500 livres et continua déjouer sur les théâtres
de la cour jusqu'en 1765 ; il avait été pourvu d'une charge
de maître de guitare du roi et avait obtenu, en survivance
de son camarade Tribou, la place de théorbe de la
chambre; enfin, en 1780, le roi lui accorda une pension
de 8,516 livres, en qualité de vétéran de sa musique.
Excellent musicien, Jéliotte avait écrit, pour le service de
la cour, la musique d'une comédie lyrique de La Noue,
Zélisca^ qui y fut représentée en 1746. On lui doit aussi
un certain nombre de chansons agréables. Cet artiste fort
remarquable était aussi un homme accompli ; recherché
de toutes parts pour son talent et ses qualités, il était reçu
jusque chez les grands, qui le tenaient en haute estime. -—
Le musée du Louvre possède un tableau d'Olivier représen-
tant Un Thé chez le prince de Conti^ au Temple, dans
lequel on voit Jéliotte accompagnant sur sa guitare Mozart
enfant, jouant du clavecin. Un autre tableau du Louvre,
celui-ci de Charles Coypel, offre un curieux portrait de
Jéliotte sous des habits de femme, peut-être dans un de
ses rôles de l'Opéra. Arthur Pougin.
JELLACHICH(V. Jelacic).
JELLETT (John-Hewitt), mathématicien et ecclésias-
tique irlandais, né à Cashel (Tipperary) le 25 déc. 1817,
mort à Dublin le 19 févi'. 1888. Il entra dans les ordres
à
président de la Royal
Irish Academy, et en 1881, par le ministère Gladstone,
proviseur du Trinity Collège de Dublin. Après la sépara-
tion de l'Eglise irlandaise, il prit une part active aux tra-
vaux du synode général. Il s'est acquis la réputation d'un
savant de premier ordre par de nombreux mémoires de
mathématiques pures et appliquées et de physique, insérés
dans les Transactions et les Proceedings de l'Académie
irlandaise, dans le Journal de Liouville, dans les Reports
de la British Association, etc., et par deux excellents ou-
vrages de mathématiques : A Treatise of the Calculus of
Variations (Dublin, 1850); A Treatise on the Théo ri/
of friction (Londres, 4 872, in-8 ; 2« édit., [1876). Il "a
aussi publié quelques écrits religieux, entre autres : An
Examination of some of the moral difficullies of the
0kl Testament (Dublin, 1875, in-8) ; The Ejficacity o/
Frayer (Londres, 1878, in-8 ; 2«éd., 1880). L. S.
BiBL. : Times, 21 et 24 févr. 1888. ~ Gravhic, 10 mars
1888. — Catalogue of scientlficpapersof the Royal Society ;
Londres, 1869 et 1879, t. III et VIII.
JELOWICKI (Alexandre), prédicateur polonais, né en
Podolie en 1804, mort à Rome en 1877. Il quitta la Po-
logne après l'insurrection de 1830 et s'établit à Paris. Il
y fonda d'abord une librairie, puis se fit prêtre et entra dans
l'ordre des résurrectionnistes dont il devint plus tard
en 1846, fut nommé en 1848 professeur de physique à
l'université de Dublin, en 1869 président de la Royal
supérieur. Il a publié de d835 à 1857 un recueil intitulé
Nouvelles du pays et de rémigration, un Recueil de ser-
mons (Leipzig, 1864), des Oraisons funèbres (Paris,
1869). On lui doit aussi deux volumes de Souvenirs
(Paris, 1839, 2« édit., Poznan, 1878). Il fut lié avec
Mickiewicz et contribua à la publication de quelques-unes
de ses œuvres. L. L.
BiBL.: EsTREiCHER, Bibliographie polonaise clii xix» siè-
cle. — Notice dans VAnnuaire (tiocznik) de la Société
littéraire polonaise de Paris ; Poznan, 1879.
JEMÂPPES (Belgique) (V. Jemmapes).
JEMEPPE. Com. de Belgique, prov. et arr. de Liège,
sur la Meuse ; 9,000 hab. Stat. du chem. de fer de Liège
à Paris. Exploitations de charbonnages et de carrières ;
fabriques de cuivre, de chaudières; forges. Jemeppe est le
lieu de naissance de Renkin-Sualem (1644-1708), créateur
de la machine de Marly.
JEIVIMAPES. Com. belge de la prov. de Hainaut, arr.
de Mons, sur la Haine et sur le canal de Mons à Condé ;
12,000 hab. Stat. du chem. de fer de Mons à Valen-
ciennes. Importantes exploitations de charbonnages, fonde-
ries, fabriques de machines à vapeur, cristalleries, lami-
noirs; commerce agricole. — Jemmapes est célèbre par
la sanglante bataille qui fut livrée sur son territoire le
6 nov. 1792. Dumouriez, à la tête de 50,000 hommes,
battit complètement l'armée autrichienne, forte de 30,000
soldats, commandée par le duc Albert de Saxe-Teschen.
Les conséquences de cette défaite étaient incalculables :
les impériaux perdaient 4,000 hommes tués ou blessés et
devaient battre en retraite jusqu'à la Meuse. Ce succès était
l'œuvre de Dumouriez et de ses trois lieutenants, Thouve-
not, Dampierre et le duc de Chartres, qui devint plus tard
roi des Français. E. H.
BiBL. : Chuquet, Jeynmapes et la conquête de la Bel-
gique; Paris, 1890, in-18.
JElViaiÂPES (Dép. de). L'un des huit départements
français formés des Pays-Bas en 1801, après le traité de
Lunéville. Il avait Mons pour chef-lieu. Il fut enlevé à la
France en 1814.
JEMMAPES. Ville d'Algérie, dép. de Constantine, arr.
de Phihppeville, à 30 kil. de Philippeville, à 117 kil. de
Constantine, dans une belle plaine arrosée par l'oued Fen-
dek. Elle a pour annexes les villages d'Ahmed-ben-Ali et
de Sidi-Nassar, et est le chef-heu d'une commune de plein
exercice de 3,027 hab. dont 1,014 Français et d'une com-
mune mixte de 27,340 hab. dont 440 Français. Centre
créé en 1848 et peuplé de familles parisiennes, c'est une
des communes les plus riches du département et un centre
agricole assez animé. Alentour il y a de beaux vignobles,
des cultures de tabacs et céréales, des exploitations de
liège et d'écorce à tan ; à Ras-el-Ma, il y a une mine de
mercure, du minerai de plomb à l'Oued-Moukhal et une
source thermale exploitée à l'Oued-Hamimine.
JEMTCHOUJNIKOV, poète russe, né en 1822. Il fit ses
études à Pétersbourg, servit au Sénat et au conseil de l'em-
pire. Il publia un certain nombre de poèmes satiriques sous
le pseudonyme de Kouzma Proutkov et deux comédies en
vers: Une Nuit terrible {iSoO) et la Folie (1854) qui ob-
tinrent un grand succès. On loue particulièrement l'humour
de ses satires.
JEMTLAND et Ostersund. La;n de la Suède septen-
trionale, compris entre la Norvège àl'0.,'le Westerbotten
au N., le Westernorrland et Gefleborg à l'E., le Koppar-
berg au S.; 52,219 kil. q. ; 80,000 hab. Il comprend
le Jemtland, le S. d'Ilerjeâdalen et le diocèse d'Yytterhog-
dal. s'étendant sur les bassins supérieurs du Ljusne, de
rindals et du Storse. Ses froides vallées, avec leurs lacs et
leurs tourbières entourés de vastes forêts, laissent peu de
place aux champs. On élève beaucoup de chevaux ; on vend
le cuir des troupeaux, les produits forestiers, le cuivre, le
plomb, le cristal de roche, le poisson des lacs, etc. La seule
ville est Ostersund. Le chem. de fer de Stockholm à Throndh-
jem traverse le pays.
109 —
JENATSGH — JENSEN
JENATSCH (Georges), militaire grisou, né à Samaden
(Flaute-Engadine) en 1596, mort assassiné à Coire le
24 janv. 1639. Il étudia la théologie à Zurich et Bàle et
fut pasteur à Scharans (Grisons), mais à vingt-quatre ans
il jeta le froc aux orties et se fit soldat. A cette époque,
(guerre de Trente ans), les Grisons étaient divisés en deux
partis: les catlioliques soudoyés par FEspagne-Autricho et
dirigés par les Planta, et les protestants, le parti français,
conduit par les Salis ; il s'enrôla dans ce dernier groupe
et se distingua promptement. On lui doit Fassaul du châ-
teau deRietbergoù Pompée Plantafut tué (1621). Plus tard,
devenu chef de parti, il joua le premier rôle dans l'expul-
sion des Français et du duc de Rohan qui occupaient les
Grisons; son changement de politique finit par amener
pour peu de temps la restitution de la Valteline aux ligues
grisonnes. Cette histoire nécessiterait de 1-ongs développe-
ments dans lesquels nous ne pouvons entrer. Gouverneur de
la Valteline, il vint à Coire le 24 janv. 1639; il banquetait
joyeusement lorsque des hommes masqués entrèrent dans la
salie du festin et le tuèrent. On assure que Rodolphe Planta,
fils de Pompée, était parmi les assassins. Il fut inhumé
dans la cathédrale de Coire. La vie agitée de Jenatsch en a
fait le héros de plusieurs drames, entre autres d'un drame
historique de M. Théodore de Saussure (Genève, 1868),
dont la version allemande a été jouée plusieurs fois en
1 893 dans les Grisons. E. Kuhne.
JENIL (V. Genil).
JENISCH (Bernard, baron de), orientaliste allemand,
né à Vienne le 10 nov. 1734, mort à Vienne le 23 févr.
1807. Envoyé à Constantinople en qualité de « jeune de
langues » (1755), puis à Temesvar comme interprète de
la frontière, chargé d'affaires auprès du sultan (1772),
directeur de la chancellerie italienne (1791), l'empereur
le nomma baron en 1800. Il est Fauteur de : Anthologia
Persica (Vienne, 1778, in-4) ; De Fatis linguanim
orientaliiimnimirumpersicœ et Iwxicœ (Vienne, 1780,
in-fol.) ; Ilistoria priorum regum Pei^sarum post fir-
maium in regno islamismum, tirée de Mirkhond avec
une version latine (Vienne, 1782, in-4). Il a donné une
édition du grand dictionnaire arabe-persan-turc deMe-
ninski (Vienne, 1780-1802, 4 vol. in-fol.). Arthur Guy.
BiBL.-.GRŒFFER.OsterreichisckeNalional-Eneyclopœdie.
JENKIN (îïenrietta-Camilla), femme auteur anglaise,
né à la Jamaïque en 1807, morte à Edimbourg le 8 févr.
1885. Fille de Robert Jackson, custos rotulorum de Kings-
ton, elle épousa, en 1832, un midshipman, Charles Jenkin.
Peu fortunée, elle écrivit pour vivre. Ses romans les plus
connus sont : Cousin Stella (1859) et Wlio Breaks Pays
(1861), jolie étude de coquette anglaise. On peut mention-
ner encore : Once and again (1865); Two French Mar-
riages (1868) ; A Psyché of to day (1868) ; Jupitefs
Daughters (1874). Intelligente, aimable et jolie, M"^^ Jen-
kin tint à Gênes un salon brillant, très fréquenté par les
libéraux. — Son fils, Henri-Charles- Fleeming^ né le
25 mars 1833, mort à Edimbourg le 12 juin 1885, fut un
ingénieur et un électricien de talent. Il a laissé des travaux
remarquables sur la résistance de la gutta-percha, sur la
transmission par câbles sous-marins, sur les transports par
l'électricité, et des œuvres littéraires qui ne manquent pas
de mérite. On a publié ses Papers^ literary scientific, etc.
(Londres, 1887, 2 vol.). R. S.
JENKINSON (Charles) (1727-1808), premier comte de
Liverpool (V. ce nom).
JENKINSON (Robert Banks) (1770-1828), second
comte de Liverpool (V. ce nom).
JENKINSON (Charles-Cecil Cope) (1784-1851), troi-
sième comte de Liverpool (V. ce nom).
JEN LAIN. Com. du dép. du Nord, arr. d'Avesnes, cant.
(0.) duQuesnoy; 1,016 hab.
JENNER (Edward), médecin anglais, né à Berkeley le
17 mai 1749, mort à Berkeley le 26 janv. 1823. Il étudia
la chirurgie à Londres sous Hunter, son compatriote, puis
en 1772 retourna dans sa ville natale. Dès 1775, il com-
mença ses remarquables recherches sur la vaccine (V. ce
mot), puis, en 1796, pratiqua sa première inoculation. Le
Parlement lui vota en 1 802 une récompense nationale de
10,000 livres, une autre de 20,000 en 1807 ; une statue
lui a été élevée à Londres (Trafalgar Square) en 1857.
Son ouvrage unique est : An Inquiry into the causes and
effects of the variolœ vaccinre, etc. (Londres, 1798,
in-4; 1800, 1801, in-8; nombr. trad.). D^ L. Hn.
JENNE8S0N (Les). Famille d'architectes lorrains des
xvii^ et xvni^ siècles. Des deux plus anciennement connus,
Jean /*'" et Jean //, maîtres maçons à Nancy, le second,
Jean lî, fils du premier, né à Nancy le 7 févr. 1646,
mort à Nancy le 27 janv. 1713, travailla aux fortifications,
devint architecte de Nancy et membre de l'Académie de
cette ville dès la fondation de cette académie en 1702. Le
troisième, Jean-Nicolas, probablement fils du précédent,
né vers 1685 et mort à Nancy le 12 mai 1755, fut archi-
tecte de la ville et des ducs de Lorraine François III et
Stanislas Leczinski. Le nom de cet architecte est attaché
à un grand nombre de constructions de Nancy, hôtels,
maisons particulières, fontaines et travaux de voirie, ainsi
qu'aux édifices publics suivants : la cathédrale, dont il
commença la construction avec Jacques Beteau, Thomas
Gentillàtre et Louis-François Guesnon ; la caserne de la
rue Saint-Nicolas, le bâtiment du Refuge, le Palais ducal,
dont Jennesson fit abattre ou modifier certaines parties an-
ciennes dites la Galerie d'entrelacs et le Louvre qu'il re-
construisit ou restaura dans le style classique; l'église
Saint-Sébastien et enfin la chapelle Saint- Pierre, cette
dernière construite à ses frais et où il fut inhumé, mais
que plus tard la ville de Nancy loua et enfin acheta. A
Remiremont, Jennesson fit reconstruire le palais abbatial
du fameux chapitre des dames nobles, lequel palais, incendié
en 1871, mais réédifié en grande partie dans les données
mômes de l'œuvre de Jennesson, abrite encore, dans ses
salles grandioses, la mairie, le tribunal civil et la biblio-
thèque municipale. Charles Lucas.
JENNINGS (Louis-John), écrivain anglais, né à Lon-
dres en 1837. Envoyé comme correspondant spécial du
Times aux Indes et "aux Etats-Unis de 1863 à 1868, il
publia à son retour en Angleterre : Eighty Years of Re-
publican Government in the United States; Field
Paths; Rambles among the Hills; The Croker Paper s;
The Millionaire, etc. H est membre du Parlement pour
le parti conservateur depuis 1885. H. France.
JENSEN (Adolphe), compositeur allemand, né à Kœ-
nigsberg le 12 janv. 1837, mort à Baden-Baden le
23 janv. 1879. Il étudia d'abord seul, puis fut élève de L.
Ehlert et de F. Marburg; il composa tout jeune encore des
lieder et de la musique de chambre et d'orchestre. Après
plusieurs voyages en Russie et en Danemark, il revint en
1859 dans sa ville natale où il fut bientôt un des profes-
seurs les plus recherchés, tandis que sa réputation comme
compositeur se répandait de plus en plus. En 1866, il fut
appelé à Berhn comme professeur à l'école des virtuoses
de Tausig. En 1 868, il se fixa à Dresde, et en 1870, à Gratz
enStyrie. Une mort prématurée a empêché cet artiste de don-
ner toute la mesure de son grand talent. Mais on peut
affirmer que ses nombreux lieder et morceaux de piano
sont Fœuvre d'un musicien exceptionnellement doué, et
que, dans ce genre, on n'a rien publié en Allemagne, de-
puis Schumann, de plus distingué et de plus personnel.
Voici la liste de ces œuvres principales : la Fille de Jephtë^
avec soli et chœurs; les Peler i7is d'Emaûs; Voix
intérieures, Etudes romantiques, 17 pièces; Tableaux
de voyage, 12 pièces ; Scherzo, Berceuse et Pastorale à
4 mains; Première Sonate en fa mineur; Chants et
danses, 20 pièces; Six Suites allemandes et de très
nombreux lieder sur des textes de Chamisso, Geibel, R.
Burns, Hœmmerling, etc. ^ S. L.
JENSEN (Wdhelm), journaliste et romancier allemand,
né à lleiiigenhufen, dans le llolstein, le 15 févr. 1837.
Il fut élevé à Kiel et à Lubeck et après avoir commencé
JENSEN - JEPHTE
4dO
ses études de médecine, il prépara le doctorat en philosophie,
qu'il obtint en 4860. Après un séjour à Munich, Jensen
s'établit à Stuttgart (d868) où il rédigea, pendant quel-
ques années, la Gazette populabr. de Souabe, organe du
parti allemand, puis à Fiensbourg, où il fut rédacteur de
la Gazette de F Allemagne du Nord; il vécut de 1872 à
4876 à Kiel, qu'il quitta pour aller à Fribourg-en-
Brisgau, où il se trouve encore maintenant (1894). Jensen
avait débuté en 4866 dans la littérature par une nouvelle,
Maître Timothée^ et dès lors il n'a cessé de produire,
écrivant surtout des romans et des nouvelles ; il a toujours
montré une imagination très puissante et un grand talent
de description que gâte parfois un style un peu maniéré et
prétentieux. On regarde comme ses chefs-d'œuvre les nou-
velles: Sous un soleil plus ardent (4869) ; Eddystone
(1872), et le roman Minatka (4874) ; parmi ses'autres
œuvres très nombreuses, on peut encore citer les romans
et nouvelles: Aurore boréale (4872); Trois Soleils
(4873) ; Soleil et ombre (4873) ; les Sans Nom (4873);
Cent Ans après (4873) ; Autour du trône impérial
(4878) ; les tragédies : Didon (4870) ; Jeanne de Cas-
tille (4874) ; un poème épique : llle (4874) ; les poésies
lyriques: Poésies (iSQ9) ; Chants de France (4874);
Autour du midi de ma vie (4876) ; les Voix de la vie
(4881), etc. ^ L.-W. C.
J EN SON (Nicolas), graveur et imprimeur français, né
à Sommevoire (Haute-Marne), à une date qu'on ne connaît
pas, mort à Venise, probablement dans les quatre derniers
mois de 4480 et certainement avant le 25 mars 4484. On
n'a que très peu de renseignements sur sa vie. Son lieu
d'origine a été ignoré jusqu'à ces dernières années, l.es
uns le disaient de Tours, les autres de Langres et quel-
ques-uns de Paris. Le premier témoignage précis qu'on ait
sur lui est tiré d'un recueil manuscrit formé par un savant
du xvi^ siècle, appelé Hautin, et conservé aujourd'hui à la
bibHothèque de l'Arsenal, sous le n^ 4074 (ancien iï. F.
467). On ne sait pas autre chose de cette mission
et on en est réduit à faire des hypothèses sur les causes de
l'insuccès de Jenson et de son départ pour Venise. C'est,
en elTet, dans cette ville qu'il s'installa. Son premier vo-
lume porte la date de 4470. L'étabhssement qu'il fonda
prospéra rapidement. Les legs nombreux qu'il put inscrire
dans son testament (7 sept. 4480), publié récemment par
M. H. Stein, prouvent que son exploitation fut très
rémunératrice. Il n'est pas, comme on le dit quelquefois,
l'inventeur des caractères romains, mais il réalisa par
l'étude des manuscrits italiens les plus parfaits, un type pîus
harmonieux que celui dont on avait fait usage avant lui
(V. Impkimerie) . Sa réputation devint si grande que le pape
Sixte IV lui conféra, en 1475,1e titre de comte palatin. La
liste de ses publications a été donnée par G. Sardini, dans
le consciencieux travail qu'il lui a consacré : Esame sui
principi délia francese ed ilaliana tipografia ouvero
storia critica di Nicolas Jenson (Lucca, 4796-4798,
3 parties, in-fol.). En 4480, Jenson sentant sans doute sa
fin approcher, s'associa avec quelques imprimeurs et en
particulier avec Jean de Cologne. Sa marque artistique
figura, jusqu'en 4487, sur les volumes que publia cette
association. C. Couderg.
BiBL. : H. Stein, l'Origine champenoise de Nicolas
Jenson; Paris, 1887, in-8, extrait de la Bibliothèq^ie de
l'Ecole des Chartes, 1887, t. XLVIII, pp. 566-579. On trou-
vera, dans cet article, l'indication de tous les travaux
dont N. Jenson a été Tobjet.
J EN STEIN (Jean de), prélat tchèque du xiv® siècle,
mort à Romeen i400. Il devint en 4376 évêque de Misnie
et en 4380 archevêque de Prague. Ami du luxe et du
plaisir, il fut bien accueilli à la cour du roi Vacslav IV.
Revenu à des sentiments plus chrétiens, il entra bientôt en
lutte avec lui. C'est à cette occasion qu'eut lieu le meurtre
du chanoine Jean de Pomuk connu plus tard sous celui de
Jean Népomucène. A la suite de ce contlit l'archevêque
se rendit à Rome pour porter plainte contre le roi. Mais
ses démarches n'aboutirent pas. En 4396, il donna sa
démission. Le pape lui conféra le titre in partibus de
patriarche d'Alexandrie. L. L.
J ENTY (Charles), publiciste et homme politique français,
né à Sucy-en-Brie le 27 févr. 4826, mort à Paris le
26 ayr. 4882. Il acquit une grosse fortune dans la cons-
truction de chemins de fer en France (notamment ceux des
Charcutes) et à l'étranger (Italie, Russie) et devint en
4869 directeur du journal la France où il mena cam-
pagne en faveur de l'Empire libéral. En 1870, il céda sa
direction h Girardin et prit en 1873 celle du Petit Journal
dont il fut bientôt président du conseil d'administration.
Le 20 févr. 4876, il était élu député par l'arr. de La Roche-
sur- Yon. Membre des 363, il fut battu le 44 oct. 4877
par le candidat ofîiciel de Puiberneau ; mais, celui-ci ayant
été invalidé, M. Jenty fut réélu le 7 avr. 4878. Il appuya
la politique opportuniste et échoua aux élections générales
de 4881. Il perdit presque toute sa fortune à la suite de
la mise en faillite de la Compagnie du chemin de fer de
Vendée qu'il avait créée.
JENTZCH (Karl-Alfred), géologue allemand, né à
Dresde le 29 mars 4850. Reçu docteur en 'J 872 et nommé
en 4875 directeur du nouveau muséum de Kœnigsberg, il
est en outre professeur à l'université de cette ville. Il est
l'auteur d'excellents travaux de géologie qui ont notamment
porté sur les terrains diluviens, sur les marécages et sur
les dépôts d'ambre de la Prusse orientale et occidentale. Il
a publié, outre plusieurs cartes géologiques de grande va-
leur (entre autres celle de la Prusse proprement dite au
4/100.000®) et un nombre considérable de mémoires ori-
ginaux, de notes, d'articles, etc., les ouvrages suivants :
Die geologisch-mineralogische Litteratur Sachsens
(Leipzig, 4874, in-8); ^Bericht ueber die geolog.
Durchforschung der Provinz Preussen (Kœnigsberg,
4877-78, 2 vol. in-4); die Zusammensetzung des ait-
preuss. Bodens (Kœnigsberg, 1879, in-4); Berichte
ueber die geolog, Durchforschung des norddeutschen
Flachlandes (Kœnigsberg, \ 88d , in-4) ; Ueber die neue-
ren Fortschritte der Géologie Westpreussens (Leipzig,
4888, in-8), etc. L. S.^
JENYNS (Soame), écrivain anglais, né en 4704, mort
en 4787. Il débuta en 4727 parla publication d'un poème
anonyme : The Art of Dancing. En 4742, le comté de
Cambridge l'envoya au Parlement, où il siégea jusqu'en
4754. L'année suivante, il était nommé commissaire du
« Roard of Trade and Plantations ». Il écrivit beaucoup
dans les revues et journaux du temps. Parmi ses livres,
F7re Enquiry into the Nature and Origin of Evil
(4757), et surtout View of the internai Evidence of
the Christian B.eligion eurent un grand retentissement.
Ses œuvres, en vers et en prose, ont été réunies en 4 vol.
in-8 (4790 et 4793). Jenyns compte parmi les prosateurs
les plus élégants de son temps, et, si sa philosophie n'était
pas bien profonde, elle n'avait, du moins, rien de gourmé.
JENZAT. Com. du dép. de l'Allier, arr. et cant. de
Gannat ; 975 hab.
JEPHSON (Robert), poète et auteur dramatique irlan-
dais, né en 4736, mort en 4803. Après avoir servi dans
un régiment irlandais, il vécut à Londres dans la société
des littérateurs et des acteurs du temps, puis il se fixa à
Dublin où il occupa longtemps une charge importante dans
la maison du vice-roi et siégea au Parlement d'Irlande.
Il excellait dans la poésie comique et satirique ; à son
poème en vers héroïques sur les grands hommes de Rome
(Roman Portraits), on préfère, à juste titre, les Spé-
culations of Jeoffry Wagstoffe et même sa longue sa-
tire sur les excès de la Révolution française, intitulée
The Confessions of Jacques Baptiste Couteau. Il écrivit
plusieurs pièces de théâtre, dans tous les genres, dont
quelques-unes, comme les tragédies de Braganza, du
Count of Narbonne et de Julia, or the Italian Lever ^
furent représentées avec un grand succès. B.-H. G.
JEPHTÉ. Personnage plus ou moins mythique de l'an-
cienne histoire juive, que l'on fait figurer dans la série des
m —
JEPIITÉ -- JERÉMIE
« juges », antérieurs à l'établissement de la royauté.
C'était une sorte d'aventurier, appartenant aux groupes
israélites qui, ayant établi leur domicile sur la rive gauche
du Jourdain, y étaient constamment vexés et molestés par
de retoutables voisins, notamment les Ammonites, Un jour
Jeplité, ayant pris le commandement d'une bande, rem-
porta un succès signalé sur l'ennemi et s'attira ainsi la
reconnaissance de ses concitoyens. Mais cette victoire fut
gâtée par un incident assez étrange ; Jephté avait fait, avant
de partir, le vœu d'offrir à la divinité la première per-
sonne de sa maison qui sortirait à sa rencontre. Cette per-
sonne se trouva être sa fille. Il n'hésita pas à la sacrifier
et ses compagnes célébrèrent sa mémoire par une fête
annuelle. Dans un conflit qui s'éleva, par la suite, entre
les gens du Oalaad (région transjordanique) et la tribu
d'Ephraïm, Jephté fait massacrer impitoyablement les Ephraï-
mites, que Ton discerne au moyen d'une différence dialectale
quand ils essayent de dissimuler leur nationalité. Ils pro-
nonçaient s au lieu de sh, sibboleth au lieu de shibbo-
leih; delà l'expression sc/wèèo/(?//i dans le sens démarque
de reconnaissance, de symbole. Les incidents relatifs à
Jephté participent de la suspicion qui s'atta(;lie aux débuts
de l'histoire juive. M. Vernes.
BîBL. : Vernes, Précis d'histoire juive. — Renan, His-
toire du peuple d'Israél^ t. I.
JEQUIRITY. L Botanique (V. Abre).
II. Thérapeutique. — Les graines de VAbrus preca-
torius (V. Abre), qui jusqu'ici n'avaient guère été em-
ployées que pour faire des colliers ou des ornements di-
vers, sont entrés dans la thérapeutique oculaire, il y a une
dizaine d'années, en Europe du moins, car au Brésil on em-
ploie depuis longtemps l'infusion de jequirity contre la con-
jonctivite granuleuse. Weckor et Stattler ont étudié avec
méthode ce procédé de traitement et ils ont vu que la macé-
ration de la graine instillée dans l'œil déterminait une
inflammation purulente de la conjonctive, substitutive do
la conjonctivite granuleuse. Quant au mécanisme d'action,
il est encore discuté ; Stattler, puis Cornil admettent que
l'action irritante est déterminée par des microorganismes,
qui, en se développant dans la macération de jequirity,
trouvent là des éléments qui font naitre ou exaltent sa
virulence. Toujours est-il que si l'on injecte ce liquide sur
des animaux, on détermine assez rapidement la mort et
l'on trouve dans le sang la même bactérie arrondie avec
quelques bâtonnets remplis de spores. Pour Vanneman, il
ne s'agit pas d'un ferment figuré, mais d'une véritable
diastase existant dans la grame et qu'il désigne sous le
nom de jequirytine ; Dujardin-Beaumetz et Bechamps
adoptent, en partie du moins, cette manière de voir, puis-
qu'ils considèrent la jequirityne comme un mélange de
légumine inactive et d'une zymase, la jequirityzymase.
Shemœker a utilisé les propriétés inflammatoires du jequi-
rity pour traiter certaines affections de la peau ou des
plaies n'ayant aucune tendance à se cicatriser ; il employait
une macération de grains, mis sous forme de pulpe.
Ohleyer a essayé la macération de jequirity chez des lapins
tuberculeux en injections intrapulmonaires, pratiquées au
niveau des cavernes ; les lapins ont succombé, mais on a
constaté un travail de réparation aux lieux d'infection.
Dans le traitement de la conjonctivite, on emploie une ma-
cération de 5 à 10 gr. de graines pour oOO gr. d'eau pen-
dant vingt-quatre heures, et on fait des lotions ou des
applications au pinceau trois fois par jour. Au bout d'une
semaine, la guérison peut être obtenue. D'^ P. Langlois.
J EQ U m N H 0 N H A. Fleuve du Brésil, qui naît dans l'Etat
de Minas Geraes et finit dans celui de Bahia, sous le nom
de Belmonte; il a 800 kil., dont 100 navigables. Né dans
le massif d'Itambé, il coule vers le N., reçoit à gauche
ritacambirassu (200 kil.), le Vacaria (loO kil.), le Sali-
nos (125 kil.), à droite l'Arassuahy qui coule parallèlement
depuis la source. Le fleuve descend par des rapides et des
cascades les terrasses de Minas ùeraes ; les plus belles ,
sont le Caxoeira do Inferno et le Salto Grande^ large de
15 m. à peine, avec une chute de 150 m. sur 1,500 m. de
parcours. Il perd une partie de ses eaux dans la plaine de
Bahia, détache un bras qui rejoint le Pardo et finit à Bel-
monte où une barre obstrue son embouchure.
JERABEK (François), écrivain tchèque, né à Sobotku
(Bohème) en 1836. On lui doit des poésies lyriques et des
œuvres dramatiques : le Serviteur de son maître^ la Co-
médie^ le Fils de r Homme, les Voies de l'opinion pîi-
blique^ etc.
JÉRABEK (Points, droite, hyperbole de) (Géom.). Les
points de Jérabek sont ceux qui ont pour coordonnées nor-
males dans un triangle, è, c^ a, et c, a, b. Le premier est
le point direct et le second le point rétrograde. La droite
de Jérabek est celle qui joint les deux points ci-dessus. On
appelle hyperbole de Jérabek, une hyperbole équilatèredont
tous les points sont points inverses de la droite d'Euler ;
cette dernière joint le centre de gravité du triangle au centre
du cercle circonscrit. Elle a pour équation en coordonnées
, v^ ib^ — c'^) cos A
normales : > ^^ zno.
^ X
A. L.
JERDAN (William), publiciste écossais, né à Kelso en
1782, mort en 1869. Après avoir tenté à plusieurs re-
prises la carrière du droit à Londres et à Edimbourg, il
se consacra au journalisme. A partir de 1806, on le voit
collaborer à un grand nombre de journaux ou de revues,
avec des succès divers, jusqu'en 1817, oîi il devint rédac-
teur en chef, puis propriétaire de la Literary Gazette,
fondée par Henry Colburn, qu'il maintint pendant trente-
trois ans, avec une phalange d'écrivains, comme Crabbe,
Barry Cornwal, Alaric WaUs, Th. Campbell, miss Mit-
fort, xMrs. Hemans, etc. Mais un journal rival, fondé en-
core par Colburn, The Athe?iœum, porta à la Literary
Gazette un coup dont elle ne se releva pas, et Jerdan la
quitta en 1850. Parmi les publications en volumes de ce
laborieux et prolifique écrivain, ont peut citer Six Weeks
in Paris (1818, 3 vol.), toute une série de biographies,
sous ce titre général : The National Portrait Gallery
of the Nineteenth Century (5 vol. in-4) et cinq volumes
d'autobiographie (1852-53). Jerdan fut un des fondateurs
de la « Boyal Society of Literature », de la « Royal Geo-
graphical Society » et du « Garrick Club ». B.-iï. G.
JEREA (Paléont.) (V. Lithistides).
JEREBTSOV ou GEREBTZOFF (Nicolas-Arsenievitch) ,
écrivain russe, mort en 1860. Il fit ses études au corps
des ingénieurs et s'occupa particulièrement des questions
économiques. Il a publié en russe : Remarques sur l'éco-
nomie rurale de l'Angleterre et de l'Ecosse (Saint-Pé-
tersbourg, 1862) ; en français. Essai sur l'histoire de la
civilisation en Russie (Paris, 1858, 2 vol.); De l'Eman-
cipation des Serfs en Piussie, etc.
JÉRÉMIE. Ville maritime de la république d'Haïti, au
N. de la presqu'île méridionale. Elle doit son nom à un
pêcheur qui y forma en 1756 son établissement; le mouil-
lage est mal abrité. A peu de distance est la propriété de
Guinaudraie où naquit le général Alexandre Dumas.
JE RÉ MIE. L'un des plus importants recueils de pro-
phéties contenu en la Bible se donne pour l'tBuvre d'un
certain Jérémie (Yrmyahou), « fils de Helcias, l'un des
prêtres d'Anatoth, dans le pays de Benjamin». Il s'agirait
donc d'un prophète ayant appartenu à une classe du clergé
résidant dans la banlieue de Jérusalem ; l'époque de l'acti-
vité prophétique de ce personnage est déterminée dans les
lignes suivantes : « La parole de Yahvéh lui fut adressée
au temps de Josias, fils d'Amon, roi de Juda, la treizième
année de son règne, et au temps de Joachim, fils de Josias,
roi de Juda, jusqu'à la fin de la onzième année de Sédé-
cias, fils de Josias, roi de Juda, jusqu'à l'époque où Jéru-
salem fut emmenée en captivité au cinquième mois. »
Jérémie aurait donc assisté aux convulsions suprêmes du
royaume de Juda et aurait été mêlé à tous les incidents de
cette période profondément troublée. Le prophète résume
lui-même très nettement son rôle, en se déclarant chargé
JEREMIE
— 112 —
par la divinité de lancer l'anathème contre un peuple re-
belle et idolâtre, « contre les rois de Juda, contre ses
chefs, contre ses prêtres et contre le peuple du pays ».
Une pareille attitude ne pouvait manquer de soulever de
vives protestations et, à mesure que le prophète multiplie
ses avertissements et ses menaces, l'opposition grandit.
La persistance de Jérémie à annoncer à ses concitoyens les
effroyables châtiments qui seront la peine de son apostasie
à la fois religieuse et morale, lui attire d'incessantes per-
sécutions et jusqu'aux plus graves dangers. C'est dans son
livre qu'il faut chercher les détails des périls auxquels il
n'échappe momentanément que pour en courir de nouveaux,
que lui valent ses mfatigables protestations. Non content
de flétrir le mal, il s'est tellement convaincu de l'inutilité
de la résistance anx Chaldéens, considérés comme les ins-
truments du châtiment divin, qu'il décourage la défense et
se donne toutes les apparences de la trahison à l'endroit
de la cause nationale. Cependant, il ne se rebute point. Il
charge son secrétaire Baruch de donner lecture publique
du recueil où il a réuni la série de ses censures enflam-
mées, proclamant les désastres suspendus sur la tête du
peuple, l'avertissant pour la dernière fois d'y échapper par
une prompte capitulation. Le rouleau, déchiré et mis en
pièces par la main propre du souverain, est immédiatement
reconstitué, et Jérémie continue de s'acquitter de son in-
grate mission jusqu'à ce que l'événement lui ait donné trop
complètement raison. Resté en Judée après la ruine su-
prême de la cité, on finit par nous le montrer entraîné en
Egypte dans le mouvement tumultuaire qui suivit le meurtre
du gouverneur Godolias, que le vainqueur avait installé
pour assurer un peu d'ordre à la portion épargnée du
peuple israélite.
L'intérêt religieux et littéraire qui s'attachait au livre
de Jérémie a donc semblé se doubler d'un intérêt purement
historique ; c'est là un jugement qui a été exprimé par bon
nombre d'exégètes du temps présent. « De tous les livres
qui ont été compris dans la collection prophétique, dit
M. Reuss, il est le plus intéressant pour l'histoire. C'est
que nous n'y rencontrons pas seulement des discours... ;
une partie notable du volume contient ce que nous appelle-
rions aujourd'hui des mémoires, soit une relation de faits
composée par un témoin oculaire. Aucun des prophètes
dont il nous est parvenu des écrits ne paraît avoir été
mêlé aux affaires publiques au même degré que le fils du
prêtre Helcias, et si nous ne craignions pas de donner une
fausse couleur aux choses en ne tenant pas assez compte
de la différence :'es conditions sociales et politiques, nous
dirions volontiers qu'il nous apparaît comme un orateur de
l'opposition dans les graves conflits intérieurs qui précé-
dèrent et hâtèrent la ruine de la ville et de la dynastie. »
Cependant, quand on y regarde de près, on ne tarde pas
à s'apercevoir que le livre de Jérémie répond médiocre-
ment aux espérances qu'un premier examen avait fait
naître. Sans parler de pages décidément inauthentiques,
telles que le grand oracle sur Babylone (ch. l-li), sans
insister sur une série de morceaux du caractère le plus
invraisemblable ou qui reposent sur de vraies impossibilités
(ainsi les voyages de Jérémie jusqu'à l'Euphrate et ses
communications régulières avec les victimes de la première
déportation, sa connaissance précise de la durée de la cap-
tivité de Babylone et un grand nombre d'épisodes qui sup-
posent cette connaissance), sans relever la présence d'élé-
ments qui font double emploi et s'excluent mutuellement,
il faut convenir que la composition du recueil est singuhè-
rement incohérente ; ainsi en ont jugé les auteurs de la
traduction grecque (Septante), qui l'ont profondément
modifié, soit en ce qui touche l'ordre des textes, soit à
l'égard de leur contenu. Une fois l'attention mise en éveil,
les motifs les plus graves de doute se pressent dans l'es-
prit. Voilà un homme qui aurait joué un rôle considérable
dans les quarante dernières années du royaume de Juda,
intervenant, — c'est le livre mis sous son nom qui le
prétend, — dans toutes les circonstances décisives par le
conseil et par Faction. Eh bien ! ce personnage du pro-
phète-prêtre Jérémie, les livres des Rois n'en soupçonnent
même pas l'existence pour les temps de Josias, de Joachim
et de Sédécias; son nom n'y est pas prononcé, ce qui ferait
penser qu'il ne figurait pas dans les sources qui étaient à
la disposition du rédacteur des livres historiques et qu'il a
dû être emprunté, comme c'a été le cas pour le prophète
Daniel, à un cycle de récits et d'anecdotes de moindre au-
torité, concernant les derniers temps de la royauté juive.
Voici maintenant une seconde réflexion, de plus de portée
encore : le rôle de Jérémie est éminemment paradoxal ; c'est,
quand on y regarde de près, un personnage absurde, im-
possible. En pleine guerre, il déclare que' les ennemis de
son peuple sont les instruments des vengeances divines sur
Israël et qu'il ne faut leur opposer aucune résistance. Non
seulement il décourage et énerve la défense, mais il prêche
la trahison. Ses compatriotes sont furieux, mais, en dépit
de quelques mauvais procédés dont ils usent à son égard,
lui laissent poursuivre jusqu'au bout une campagne détes-
table. La question qui se pose ici est : N'est-ce pas là un
rôle tout artificiel ; n'est-ce pas là l'expression des vues
auxquelles sont arrivés les docteurs du second Temple
quand ils ont cherché à se rendre compte des raisons pro-
fondes, c.-à-d. théologiques, qui ont déterminé la victoire
des Chaldéens ? Voilà des questions qu'il est indispensable
de se poser, et il n'est plus permis de les écarter dédai-
gneusement par l'affirmation, un peu puérile, que le rôle
de Jérémie présente un caractère de vérité et d'authenti-
cité incontestables. On l'a dit assez longtemps d'un per-
sonnage plus important encore que Jérémie, à savoir de
Moïse, avant d'être amené à rajeunir d'abord de cinq, puis
de dix siècles, la législation mise sous son nom. Ou Jéré-
mie a joué, dans les convulsions suprêmes de Jérusalem,
le rôle d'un fou malfaisant, — rôle que M. Renan a bien
fait ressortir, mais sans vouloir en tirer la conséquence
logique, -r- ou bien il exprime, sous une forme vive et
pénétrante, la philosophie de l'histoire, qui est, d'un bout
à l'autre, la doctrine de la Bible et qui est sortie des écoles
du second temple.
On arrive à ce même résultat d'une composition pseu-
dé pi graphe du Livre de Jérémie, si l'on discute les rap-
ports de cette œuvre soit avec le Deutéronome, soit avec
la prétendue réforme de Josias, comme nous l'avons fait
dans notre étude intitulée la Question du deutéronome
d'après une récente hypothèse {Essais bibliques, Paris,
1891). Pour l'analyse du contenu de Jérémie, V. notre
Examen de V authenticité des écrits prophétiques (Du
Prétendu Polythéisme des Hébreux ;l^ms, 1891, t. II).
A consulter aussi E. Havet, t. III du Christianisme et
ses origines, et le t. III de V Histoire du peuple d'Israël
de Renan. On trouvera la traduction de Jérémie, accompa-
gnée des éclaircissements indispensables, dans la Bible de
Reuss {les Prophètes). M. Havet a soutenu la thèse de
la composition pseudépigraphique dans la Modernité des
prophètes (Paris, 1891). — (^uel que soit le parti auquel
la critique juge à propos de s'arrêter après un nouvel et
scrupuleux examen des documents, soit l'hypothèse d'un
fonds ancien fortement remanié, soit la thèse d'une com-
position pseudonyme qu'on pourrait rapporter au m® siècle
avant notre ère, le Livre de Jérémie conserve sa place au
premier rang des grandes œuvres bibliques. Son inspira-
tion, tour à tour tendre et passionnée, la large envolée de
ses développements oratoires, la spiritualité singuUèrement
hardie de certains passages, dont le christianisme s'est
emparé pour leur donner une forme définitive, tout cela
contribue à maintenir sa situation traditionnelle. Quant à
la personnahté de l'auteur, nous croyons qu'elle n'a rien
à gagner aux essais récemment faits pour la dégager ; un
Jérémie, qui aurait été réellement le héros du livre de ce
nom, serait un personnage éminemment paradoxal auquel,
à défaut de notre admiration, nous pourrions tout au plus
accorder notre indulgence. En revanche, le livre contient,
'sous la forme arrangée et artificielle que les écrivains juifs
113 -
JERÉMÏE - JERMYN
de l'époque grecque pratiquaient de préférence, l'expression
de sentiments très délicats et de vues de la plus grande
élévation, — document inestimable pour l'histoire des idées
morales et religieuses. M. Vernes.
JÉRÉMIE, patriarche de Constantinople, né à Anchia-
los en 1536, mort à Constantinople en 1594. Assez jeune,
il fut nommé métropolite de Larisse; puis, le 5 mai
1572, un synode de Constantinople l'éleva au patriarcat,
qui lui fut d'abord contesté par son prédécesseur démis-
sionnaire, Métrophane (mort en '1580). Il fut ensuite,
comme la plupart des patriarches, en butte aux accusations
de trahison et de crime de lèse-majesté ; il fut emprisonné,
relâché, exilé et rappelé. En 4589, on le trouve en Russie,
où il confère au métropohte Job de Moscou la dignité de
cinquième patriarche, ce qui rendit l'Eglise russe indépen-
dante de Constantinople. Jéréraie est connu pour avoir été
amené, par une longue correspondance avec des théologiens
de Tubingue, à définir avec assez de précision les princi-
pales doctrines distinctives de l'Eglise orthodoxe. On trouve
cette correspondance, importante pour l'étude de la doc-
trine grecque, dans les Ada et scripta theologorum Wir-
temberg. et patriarchœ Constantinop...ab an. i576 ad
an, i58i, grœce et latine (Wittenberg, 1584). F.-H. K.
JEREMIE (James -Amiraux), historien ecclésiastique
anglais, né à Guernesey en 1802. Descendant d'une vieille
famille huguenote établie depuis longtemps dans les îles
Anglo-Normandes, il entra dans les ordres, professa la théo-
logie à l'université de Cambridge, où il avait étudié, et devint
doyen (dean) de Lincoln. On a de lui une History of the
Christian Church in the Second and Third centuries
(1852), pour laquelle il a utilisé les articles qu'il avait
fournis à VEncyclopredia Metropolitana. B.-H. G.
J ER EZ ou XÉ R ES DE la Fronterà. Ville d'Espagne, ch.-l.
de district, prov. de Cadix (Andalousie), stat. du ch. de
fer de Madrid à Cadix et tête de l'embranchement sur San
Lucar; 49,000 hab. La ville, dans la plaine du Guadalete,
a un vieil alcazar avec deux tours et quelques rues du moyen
âge bien conservées, mais aussi des quartiers très neufs
et très vivants. C'est là que s'entassent en de vastes cel-
liers les vins si fameux cultivés sur les coteaux d'alentour,
le Pajarete, au goût sucré, fabriqué avec des raisins
presque secs, le Tintilla elle Manzanilla, plus secs. Les
principaux négociants sont des étrangers, des Anglais (le
xérès est appelé par eux sherry) et des Français. Le trafic
des vins, qui a fait la fortune de ce pays, est des plus ac-
tifs ; outre ce qui en est écoulé vers l'Espagne, il en sort
par le port de Santa Maria, à l'embouchure du Guadalete,
de 300 à 400,000 hectol. chaque année. Près de là est
une Cartuja ou chartreuse célèbre. C'est dans les envi-
rons, sur les bords du Guadalete, que se livra en 7H la
légendaire bataille de six jours qui mit fin au royaume des
Visigoths et ouvrit l'Espagne aux Arabes. E. Cat.
JEREZ DE LOS Caballeros. Ville d'Espagne, ch.-l. de
district de la prov. de Badajoz (Estrémadure), au pied de
deux coUines peu élevées; 8,000 hab. Elle est entourée de
murailles très anciennes, mais s'étend au delà par des fau-
bourgs; une forteresse la domine avec trois grosses tours,
dont une, à ce que l'on dit, est la Tour sanglante où furent
décapités les templiers. Les rues sont étroites, mais les
bâtiments publics et les maisons sont bien construits, en-
tourés de beaux jardins d'orangers. Le pays alentour est
très fertile et produit des céréales, des légumes, des fruits,
du vin, de l'huile ; on élève des chevaux de trait et de la-
bour, des moutons, des chèvres, des bœufs, mais princi-
palement des porcs d'une race très estimée. La ville est
par suite un marché agricole important ; elle a aussi un
peu d'industrie, tissus, fabriques de savon, poteries, etc.
La ville de Jerez, fondée en 1229 par le roi Alphonse, fut
agrandie par saint Fernand en 1232 et donnée par lui à
l'ordre des temphers; elle changea alors son nom de Jerez
de Badajoz en celui de Jerez le los Caballeros. Patrie d'un
grand nombre d'hommes célèbres comme 1). Juan de Bazan
et Nuiîez de Baboal. E. Cat.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
JERICHAU (Jens-Adolf), sculpteur danois, né à Assens
(Fionie) le 7 avr. 1816. Elève de Thorwaldsen, il se fit con-
naître par un groupe d'Hercule et Hébe; ses autres
œuvres les plus connues sont : Pénélope, Chasseur de
panthères, Adam et Eve après le péché, les Anges de
la mort et de la résurrection, le monument d'OÉrsted.
Il professa à l'Académie des beaux-arts de Copenhague à
partir de 1849. — Sa femme, Anna-Marie-Elisabeih
Baumann, née à Varsovie en 1819, qui l'épousa à Rome en
1845, s'est fait un nom comme peintre de scènes de la
vie populaire des Polonais, Romains, Danois, etc. — Leur
fils Harald, né le 17 août 1852, mort à Rome le 6 mars
1878, élève de Bénouville, peignit de beaux paysages : le
Ponte Molle, Vue de Velletri, Rivage de Sorrente, Ca-
ravane près de Sardes, etc. A.-M. B.
JÉRICHO. Ville de la Palestine ancienne, à six heures
à l'E. de Jérusalem, dans une situation singulièrement
privilégiée. Elle se dressait, en effet, au débouché de la
montagne judéenne, dans la plaine du bas Jourdain. Jéricho
commandait ainsi, d'une part, les communications de la
capitale avec le Jourdain et la région inférieure du Galaad,
ainsi que le pays d'Ammon et de Moab ; de l'autre, les
voies qui assuraient l'écoulement des produits de la région
transjordanique sur Jérusalem et la côte philistine. La
richesse des terrains d'alluvion, qui constituent la vallée
basse du Jourdain, l'abondance des eaux fournies par la
montagne de Judée, la température exceptionnellement
élevée du climat due à la dépression de la vallée du Jour-
dain et permettant de cultiver les essences propres aux
pays les plus chauds, toutes ces conditions favorisèrent le
développement de Jéricho. Même après avoir écarté la
fameuse légende qui montre les murailles de la ville s'effon-
drant au son des trompettes sacrées au temps de Josué,
le rôle de Jéricho reste considérable. Elle est nommée, à
bien des reprises, dans l'histoire juive, se couvre de mo-
numents magnifiques au temps d'Hérode, connaît encore
des jours de prospérité dans les premiers temps du chris-
tianisme et au moyen âge. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un
.misérable hameau, dans les environs duquel se voient
d'intéressantes ruines. Une administration intelligente,
secondée par l'initiative privée, pourrait transformer de
nouveau cette région et substituer à la désolation actuelle
la richesse et l'abondance. M. Vernes.
J ERLICZ (Joachim), historien polonais, né à Kolenka en
1598, mort dans la seconde partie du xvii« siècle. Il prit
part aux campagnes contre les Turcs et les Cosaques, ser-
vit sous Zolkiewski et Czarniecki. Il a écrit une Chronique
des événements du temps présent qui a été publiée par
K.-W. Wojcicki (Saint-Pétersbourg, 1853). Elle va de
1620 à 1673, et est surtout relative aux événements
dont l'Ukraine fut le théâtre. L'auteur n'affiche aucune
prétention littéraire et se contente de noter les faits au
jour le jour.
JERMYN (Henry), homme d'Etat anglais, mort à Londres
en janv. 1684. Attaché à l'ambassade de Paris en 1624, il
fut élu au Parlement par Liverpool en 1628, et, la même
année, fut nommé vice-chambellan de la reine. Habile et
prudent, il fit à la cour une rapide fortune que ne put en-
tamer le scandale qu'il excita en 1634, en séduisant Eleo-
nor Villiers, une des demoiselles d'honneur de la reine,
qu'il refusa d'épouser. En 1639, il était grand écuyer ; en
1640, il représentait CorfeCastle au Parlement; en 1641,
il prenait une part prépondérante au complot de l'armée
pour enlever la Chambre des communes. Obligé de s'enfuir
en France, il revint en Angleterre en 1643, et, à la tête
d'un petit corps de troupes, il escorta la reine à Oxford et
s'empara de Burton-on-Trent. Créé baron Jermyn de Saint-
Edmundsbury, il essaya de détacher du Parlenient le comte
de Rolland et fut chargé d'une foule de négociations à
l'étranger, notamment celles relatives à l'intervention ar-
mée de la France. Il accompagnait la reine en France en
1644. Il était l'adversaire déterminé du parti des royalistes
constitutionnels, et il chercha à exclure des conseils de
JERMYN — JÉRÔME
— lU -~
Charles ïï, Hyde et Nicholas. Mais Hyde finit par rempor-
ter sur lui et il perdit beaucoup de son influence sur le roi.
A la Restauration, il fut pourtant comblé de faveurs. Il
avait déjà été créé comte de Saint-Albans le 27 avr. 1660,
et il fut nommé lord chambellan en 1671. Persona grata à
la cour de France, il fut à plusieurs reprises ambassadeur
à Paris et prépara, notamment, le traité secret de Douvres
de 1669 ei le traité de 1667 dirigé contre la Hollande.
Personne ne contribua mieux que lui à établir une entente
complète entre les deux pays, et Charles II disait souvent :
« Jermyn est plus Français qu'Anglais. » Aussi était-il peu
aimé de ses compatriotes, qui ne lui ont pas ménagé les
attaques et qui ont été jusqu'à exphquer par un mariage
secret la faveur constante dont il jouit auprès d'Henriette-
Marie. R. S.
BiBL. : Mémoires de Grammont. -- Ranke, History of
England, t. III. — Mignet, Négociations relatives à la suc-
cession d'Espagne^ t. II. — Green, Letters of Henrietta
Maria.
JERMYN (Henry), homme d'Etat anglais, né en 1636,
mort à Cheveley le 6 avr. 1708, neveu du précédent. Il
suivit à Saint-Germain les souverains exilés et devint, à la
Restauration, grand écuyerduduc d'York. Adopté par son
oncle, il fit, comme lui, grande figure à la cour ; comme
lui, il jouissait d'une réputation de joueur et de débauché.
Amant de lady Shrewsbury, amoureux éconduit de la belle
Ilamilton, il eut, en 1662, un duel retentissant avec Tho-
mas Howard, qui le blessa grièvement. Catholique, il de-
meura éloigné des affaires jusqu'à l'avènement de Jacques II,
qui réleva à la pairie le 13 mai 1685, avec le titre de baron
Dover, le fit entrer au conseil privé et le nomma lord lieu-
tenant du Cambridgeshire. Membre de la cabale cathoHque,
il devint commissaire à la trésorerie en 1687, et, à la révo-
lution, il accompagna le prince de Galles à Portsmouth
(1688). Il dirigea, en 1689, une expédition en Irlande et
manqua d'être pris dans les parages des Sorlingues. A la ba-
taille de la Boyne, il commandait un corps de troupes. Il
se rallia à Guillaume d'Orange (1690), mais passa le reste
de sa vie hors des affaires publiques, se plaisant au milieu
d'un cercle de lettrés, d'artistes et d'hommes de plaisir,
entre autres Evelyn, Hamilton, Saint-Evremond. R. S.
JERNBERG (Auguste), peintre suédois, né à Stock-
holm le 16 sept. 1826. Il débuta par la peinture d'histoire
et passa à celle de genre. On cite son Clarinettiste^
rOurs au marché^ C Âprès-Midi du dimanche .> le
Marché de Diisseldorf. — Son fils Olaf est un paysa-
giste connu.
JERNINGHAM (Edward), poète anglais, né en 1727,
mort en 1812. Il fit ses études en France, au collège an-
glais de Douai, d'abord, puis à Paris. Plus tard il se con-
vertit au protestantisme. Ami des lords Chesterfield, Har-
courtetCarlisle et de Horace Walpole, il vécut non seulement
comme un grand seigneur ami des lettres, mais comme
un producteur littéraire infatigable. Il serait fastidieux de
donner la liste de ses poésies, dont un grand nombre se
trouvent réunies dans la neuvième édition de ses Poems
on Varions Subjects, en 4 vol. (1806). Walpole regardait
son poème sur l'Origine et les Progrès de la Poésie
Scandinave (1784) comme son meilleur ouvrage: ce n'est
pas à dire que ce soit un chef-d'œuvre, loin de là. Des
tragédies très médiocres, comme The Siège of Berwick
(1794), des biographies, des essais moraux, augmentent
encore l'encombrant et lourd bagage littéraire de Jern-
ingham. Il en avait bien d'autres en manuscrits, qu'il
légua à l'éditeur Clarke ; mais celui-ci, soigneux de ses
propres intérêts, fit à la mémoire du poète la charité de
les garder inédits. B.-H. G.
JÉROBAAL (V. Gédéon).
JÉROBOAM l®% fils d'un certain Nebat et d'origine
éphraïmite, se mit à la tête des mécontents au moment où
Roboam, fils et successeur de Salomon, venait réclamer à
Sichem le gouvernement dos tribus du centre et du Nord.
Ainsi se consomma la séparation, assez improprement dite
schisme des Dix-Tribus. 11 serait plus exact de dire que
l'immense majorité des Israélites refusa de supporter plus
longtemps le joug que la petite dynastie établie à Jérusa-
lem prétendait faire peser sur l'ensemble de la nation.
Jéroboam devint, dans ces circonstances, le véritable roi
d'Israël, tandis que Roboam n'était plus que le roi de Juda
et se trouvait hors d'état de réduire ceux qui avaient fait
sécession. Jéroboam, dans un règne de vingt-deux ans
(environs de l'an 950 av. J.-C), semble avoir entrepris
d'importantes constructions, notamment des travaux de
fortification. Les écrivains bibliques l'accusent d'avoir favo-
risé l'apostasie religieuse en installant des « veaux d'or »
à Dân et à Béthel ; ce reproche est sans fondement, la cou-
tume ancienne en Israël ayant été d'adorer Yahvéh sous
des formes animales et aucune initiative ne devant être
attribuée à Jéroboam sous ce rapport. M. Vernes.
JÉROBOAiVI II, roi d'Israël, fils de Joas, arrière-petit-
fils de l'usurpateur Jéhu, qu'on dit avoir été favorisé par
les prophètes, règne soit quarante et un ans, soit cinquante
et un ans, aux environs de l'an 800. Ce long règne semble
avoir été des plus brillants et des plus prospères. Les
Syriens, dont les entreprises contre Israël étaient le plus
gros danger du moment, paraissent avoir été refoulés dans
leurs anciennes Umites. Le royaume de Juda, singulière-
ment affaibh, ne causait aucune inquiétude à ses voisins
du Nord. La dynastie de Jéhu, après une phase de prospé-
rité, ne devait pas tarder à succomber à son tour sous
l'efïbrt d'une de ces conspirations que favorisait une orga-
nisation essentiellement militaire et oligarchique.
JÉRÔME (Saint), en latin Eusebius ïïieronymus , le
plus érudit des pères de l'Eglise, né à Stridon entre 340
et 346, mort à Bethléem le 20 sept. 420. Quoique né de
parents catholiques sur les confins de la Dalmatie et de la
Pannonie, il ne fut baptisé qu'à Rome sur sa demande et
après une vie assez légère, durant l'épiscopat de Libère,
donc avant 366. Il était allé à Rome pour y poursuivre ses
études littéraires. Puis il voyagea en Gaule, séjourna à
Trêves, revint vers le sud et finit par se fixer non loin de
sa patrie, à Aquilée. Là il se lia avec Rufin, Héliodore et
quelques autres jeunes gens. Les récits d'Evagre d'An-
tioche les enthousiasmaient pour les ermites d'Orient; cela
fut décisif pour la tournure d'esprit de Jérôme ; les germes
déposés alors dans son àme se développèrent et firent de
lui le grand promoteur de l'ascétisme monastique en Occi-
dent. Vers 373, Jérôme et queljues-uns de ses amis ac-
compagnèrent Evagre en Palestine. H est caractéristique
pour Jérôme qu'il emporta en voyage une bibliothèque as-
sez volumineuse, réunie jadis pendant son séjour à Rome.
A Antioche, il tomba malade ; dans un songe qu'il eut, il
se targuait de son titre de chrétien; le Christ lui répon-
dit : Mentiris, Ciceronia7iiis es, non Christiamis ! Sur
cela, Jérôme se retira dans le désert de Chalcis pour y
mener la vie parfaite d'un ermite, priant, jeûnant, se ma-
cérant, apprenant finalement l'hébreu pour vaincre les
obsessions de la chair. On le retrouve à Antioche, au prin-
temps de 379; puis il va entendre Grégoire de Nazianze à
Constantinople (381), et débute dans sa carrière d'érudit
en traduisant en latin l'histoire d'Eusèbe et en y ajoutant
la chronique des années 330 à 380, puis en traduisant
quelques ouvrages d'Origène et en exprimant la nécessité de
recourir pour l'intelligence de l'Ancien Testament à l'original
hébreu.— Le pape Damase, avec lequel il correspondait", lui
demanda de venir à Rome en 382. Les trois années qu'il
y passa furent décisives pour sa vie; il s'y fit quelques
amis et de nombreux ennemis tant par ses publications
savantes que par sa propagande en faveur de l'ascétisme.
Ces deux activités devinrent le but de sa vie. Entre autres
travaux, il revisa la version latine du Nouveau Testament,
traduisit les psaumes et se prépara à mettre en latin l'An-
cien Testament par une étude minutieuse des diverses tra-
ductions grecques comparées avec le texte hébreu. D'autre
part, il groupa autour de lui un cercle de dames apparte-
nant aux plus anciennes familles patriciennes : Paule qui
descendait des Scipions, sa fille Julie Eustochium, Marcelle
dont le palais sur l'Avenlin leur servait de lieu de réunion,
Léa, Sophronic, Fabiola et d'autres, toutes blasées et
fuyant les corvées de la vie sociale. Il leur expliquait les
Ecritures, élucidait pour eiles des sujets d'archéologie bi-
blique, mais surtout il leur inculquait ses principes ascé-
tiques dont l'exposé se trouve dans son De Custodia vir-
ginitalis^ une diatribe acerbe contre le mariage. Le pape
Damase mourut en déc. 384; on avait parlé de Jérôme
pour lui succéder (Ep. XLV, 3) ; mais soij extrême irri-
tabilité, son manque de tact, sa critique amère de îa vie
mondaine du clergé, l'ascétisme exalté qu'il propageait et
qui le singularisait, lui et ses adhérents, les calomnies qui
circulaient sur ses nombreuses entrées dans la maison de
Marcelle, tout cela l'avait rendu fort impopulaire. Quand
un de ses adversaires, Sirico, fut élevé à Fépiscopat rotnain,
Jérôme, ne voulant plus vainement « chanter les louanges
du Seigneur dans un pays étranger » (Ep, XLV, 6),
c.-à-d. au milieu d'une société hostile au monachisme,
quitta pour toujours Rome en août 385, et alla en Pales-
tine. — Il emportait sa bibliothèque, et Paule avec sa fille
Eustochium le suivirent bientôt. D'autres amis et amies de
Jérôme étaient déjà en Palestine ou s'y rendirent dans la
suite. Ce fut comme un exode de quelques déhcats, fati-
gués de l'agitation mondaine, pressentant les catastrophes
prochaines, hypnotisés par un faux idéal moral, cherchant
dans le désert une satisfaction égoïste. Après avoir visité
les lieux saints et fait un séjour en Egypte, le berceau du
monachisme, Jérôme se fixa à Bethléem. Avec les res-
sources financières de Paule, un couvent fut construit ; à
côté s'éleva un hospice où les femmes exerçaient l'hospita-
lité. Pour Jérôme, la première période (386-392) de son
séjour à Bethléem fut, en somme, une retraite scientifique
plutôt qu'autre chose ; il continua ses recherches érudites
sur l'archéologie biblique et sur le texte des livres saints,
ainsi que sur l'histoire ecclésiastique. La seconde période
(393-404) est marquée par plusieurs controverses reten-
tissantes, en particulier contre Jovinien (Y. ce nom), un
adversaire du monachisme ; contre Vigilance, « nouvelle
incarnation de Jovinien », que Jérôme combattit par une
polémique passionnée où les insultes remplacent les argu-
ments ; contre l'origénisme, ce qui le brouilla avec son vieil
ami Fiufin et dévoila l'étroitesse de son esprit, en même
temps qu'un manque de générosité, de courage et de droi-
ture. Enfin, les quinze dernières années de sa vie (404-
420) furent troublées par les événements et [>ar les atteintes
de la vieillesse. Les barbares qui pillaient Rome (409)
passaient aussi par la Palestine. Jérôme, malade, dut fuir
plusieurs fois ; la mort de ses amis l'isolait ; son opposi-
tion contre le pélagianisme le brouillait avec la plupart
des évoques palestiniens ; mais, jusqu'à sa mort, il persé-
véra dans ses travaux d'érudition biblique.
L'œuvre littéraire de Jérôme est considérable. Erasme
en prépara la première édition complète à Bâle (1516-
4520, en 9 vol. in-foL); avant cela les lettres et quelques
trahés seulement avaient été publiés par Massimo, à Rome,
en 1468. Les éditions complètes, postérieures à celles
d'Erasme, n'y ajoutèrent pas grand'chose; celle des béné-
dictins J. Martianay et A. Pouget (Paris, 1706, 5 vol. in-
fol.) est même fort défectueuse ; la meilleure est toujours
celle de D. Vallarsi et Scip. Maifei (Vérone, 4734-1742;
2® éd., 1762-1766, 11 vol. gr. in-4); elle a été réimpri-
mée par Mîgne dans sa Patrologie (Paris, 1845, t. XXill-
XXXUI). Parmi les nombreuses traductions de Jérôme,
celle de la Bible est d'une importance capitale ; elle est
encore en usage sous le nom de Vulgate (V. ce mot). Les
nombreux commentaires de Jérôme sur des écrits bibliques
sont plutôt des compilations de l'opinion des autres ; ils n'ont
une valeur réelle que pour la critique textuelle qui inté-
ressait Jérôme et sur laquelle il avait des documents perdus
aujourd'hui. En théologie proprement dite, il manque d'es-
prit philosophique; d'ailleurs, il évite le plus possible les
définitions doctrinales et se soumet d'avance et servilement
à l'autorité qui prévaudra. Dans ses écrits de controverse,
li^> -" JÉRÔME — JERROLD
il prend Fopinion de l'Eglise pour la vérité absolue et
dénigre ou même dénature tout ce qui y est contraire. Ses
contributions à l'histoire de l'Eglise, surtout son De Viris
illmtribus seu de scriptoribus ecclesiasticis, fournissent
des données précieuses, quoique l'auteur s'y montre dénué
d'esprit critique. Les 148 lettres (t. 1 de Vallarsi) sont
incontestablement ce que Jérôme a laissé de plus intéres-
sant, abstraction faite de la Vulgate, Le style est correct,
vif, éclairé par des images justes et des tournures ou des
mots heureux. Quelques-unes de ces épîtres sont des chefs-
d'œuvre, et plusieurs montrent, prises sur le fait, la vie
sociale et ecclésiastique du temps de Jérôme; elles sont
indispensables à celui qui veut comprendre les origines du
monachisme. Il ne peut être question d'exposer le système
théologique d'un penseur aussi médiocre ; une vue d'en-
semble était ce qui lui manquait le plus, F.-H. Krûger.
Btbl. : Les préfaces des principales éditions des œuvres
de Jérôme, surtout celles d'ERA^ME et de MarttAis'ay (V.
ci-dessus).- Acia Sanctorum, t. VIII, pp. 418 et suiv.™ J.
Engelstoft, Hieronymiis Stridonensls, interpres^ criti-
ciis, exegota, etc.; Copenhague, 1799, in-8. -- O. Zœcklkr,
Ifleronymus, sein Lehen u. sein Werhen ; Gotha, 1865. —
Aniédée Thierry, Saint Jérôme, la société chrétienne à
Rome et l'émigration romaine en Terre sainte ; Paris,
18G7, 2 vol. ~ E.-L. Cutts, Saint Jérôme ; Londres, 1877.
— IL GoELZER, Etude lexicographique et grammaticale
de la latinité de saint Jérôme ; Paris, 1836. — G. Martin,
Life pf Saint Jérôme ; Londres, 1888.
JÉRÔME, roi de Westphalie (V. Bonaparte).
JEROME (Ida pka-Jerome), écrivain anglais, né à Wal-
sall le 2 mai 1861. Appartenant à une bonne famille de
rO. de l'Angleterre, il vint tout jeune à Londres où il eut
une existence des plus mouvementées et où il exerça tous
les métiers : clerc, maître d'école, sténographe, reporter,
acteur, journaliste. Il débuta dans la littérature par un
volume de critiques très tines et très personnelles : On the
Stage and o^' (Londres, 1885). Il conquit une véritable
renommée par la publication d'études fort humoristiques,
îdde Tlioiights of an idle fellow (1886), et Three Men
in a Uoat (1889). Il a fait jouer quelques pièces qui ont
eu du succès. Mentionnons: Barbara (1886); Sunset
(i 888), comédies en un acte ; Wood Barrow Farm (1888)
et New Lamps for old (1890), comédies en trois actes.
JÉRÔME DE. Prague, théologien tchèque, né à Prague
dans la seconde moitié du xiv^ siècle, mort à Constance
le 30 mai 1416. Il avait fait ses études à Prague et à
Oxford d'où il rapporta les livres de Wykleff; il prit en
l'i98 le titre de bachelier à l'université de Prague et le
titre de maître dans quelque université allemande. Il visita
aussi celle de Paris et alla jusqu'en Palestine. De retour
à Prague il enseigna à l'université et adhéra aux doc-
rines de Jean llus. Jeté en prison, il réussit à s'échapper.
En 1412, il prêcha contre les indulgences. En 1413, il
se rendit en Pologne et en Russie, prêcha les nouvelles
doctrines et entra en rapport avec le clergé orthodoxe.
En 1415, il alla à Constance pour défendre Jean llus;
emprisonné, il abjura d'abord ses doctrines, puis il les con-
fessa ensuite avec enthousiasme et fut condamné à être
brûlé. Il monta sur le bûcher le 30 mai 1416. Les hu-
sites le vénérèrent comme un martyr et célébrèrent sa
fête le 6 juin.
BiiîL.^: V. Jean Hus.
JÉRÔME deTrévise (V. GmoLAMo da Treviso).
JERONYMITES (V. Hiéronymites).
JÉROSE(Bot.). Nom vulgaire de VAnastatica hiero-
chuniicaL. (V. Rose de Jéricho).
I JERROLD (Douglas- Wilham), littérateur anglais, né à
Londres le 3 janv. 1803, mort à Londres le 8 juin 1857.
Fils de l'acteur Samuel Jerrold, il figura sur la scène dès
l'àoe le plus tendre, mais ayant appris lui-même le latin,
le français et l'italien, il fut pris en amitié par le capitaine
Austen qui le fit entrer dans la marine. Il quitta le ser-
vice en 1815 et débuta dans la littérature par de petits
vers et des critiques dramatiques. En 1818, il écrivait un
drame The Duellists qui échoua sous ce titre, mais qui,
' rebaptisé 3lore frightened ihan hiirt (1821), obtint un
JERROLD — JERSEY
— H6
grand succès et fut même traduit en français et joué à
Paris. Collaborateur de nombreux journaux et revues, il
conquit la renommée par sa comédie Black-eyed Susan
(i 829) qui eut plus de 400 représentations. Il continua
d'écrire pour le théâtre et prit, en 4836, la direction du
Strand Théâtre qui ne Ihi procura que des déboires, ce qui
le dégoûta pour un temps de la littérature dramatique. Il
devint un des collaborateurs les plus assidus du Punch dès
son apparition (4841) et lui donna notamment ses Mrs.
Caudle's Curtain Lectures qui obtint un succès considé-
rable (1846). Il gagnait beaucoup d'argent et il le perdait
en fondant des journaux sans lendemain ; en 4845, le
Douglas Jerrold' s Shilling Magazine; en 4846, le Dou-
glas Jerrold' s Weekly Newspaper. A partir de 4852, il
dirigea avec beaucoup d'habileté le Lloyd's Weekly Neivs-
paper. Les OEuures de Jerrold ont été publiées en 4854-
54 , 8 vol. ; elles comprennent un grand nombre de
pièces de théâtre, des critiques, essais et esquisses, sous
les titres de Other Times et de The Brownrigg Pa-
pers, etc. R. S.
BiBL. : Blanchard Jerrold, Life and remains of Dou-
glas Jerrold ; Londres, 1859, in-8.
JERROLD (William-Blanchard), littérateur anglais, né
à Londres le 23 déc. 4826, mort à Westminster le 40 mars
4884, fils du précédent. Il avait de grandes dispositions
pour le dessin et à seize ans il illustra avec goût certains
journaux de son père, mais il abandonna bientôt l'art pour
la littérature. Il débuta au Weekly Newspaper de son
père par une série d'études sur l'émigration intitulée The
OUI Woman jvho lived in a Shoe, 11 fut un des pre-
miers collaborateurs du Daily Neivs pour lequel décrivit,
en 4855, un compte rendu de l'Exposition universelle de
Paris. Il prit tant de goût pour la France qu'à partir de
cette date et jusqu'à sa mort il habita la moitié de l'année
à Paris. Fort répandu dans le monde littéraire et politique,
il connut intimement Gustave Doré et fut reçu avec affabi-
lité à la cour des Tuileries. A la mort de son père, il prit
la direction du Lloyd's Weekly London News, auquel il
donna une couleur libérale très marquée. Il fut un des
fondateurs de la branche anglaise de l'association interna-
tionale pour la protection de la propriété httéraire. Jerrold
a écrit des pièces de théâtre qui ont eu du succès, entre
autres : Cool as a Cucwnber (4854); Beau Brummel
the king of Calais (4859); Cupid iîi wailing (4874);
des opuscules gastronomiques, la plupart sous le pseudo-
nyme de Fin-Bec, et il était en effet un fin gourmet ; de
nombreuses œuvres de vulgarisation; son chef-d'œuvre est
The Life of Napoléon III (4874-82, 4 vol. in-8), pour
lequel l'impératrice Eugénie lui avait fourni de nombreux
documents. R. S.
BiBL. : Charles Kent, Life of W.-B. Jerrold, dans II-
luslrated Review de mars 1873.
JERSEY. Géographie. ~ La principale des îles Nor-
mandes, au S. de cet archipel, à 25 kil. 0. de la presqu'île
du Cotentin et à 440 kil. S. de la côte d'Angleterre;
446 kil. q.; 22 kil. de long du S.-E. au N.-O.,' 40 kil.
de large; 55,000 hab. La forme de File est celle d'un qua-
drilatère dont les côtés se coupent à angle droit selon les
points cardinaux. La côte N. est formée de falaises de
400 m. où se creusent de nombreuses grottes, des criques,
mais point de port; on y remarque le cap Gros-Nez au
N.-O., auprès duquel se dressent les falaises de Piémont,
la pointe Sorel; la côte orientale comprend les baies de
Sainte-Catherine et de Grouville entre lesquelles s'élève
le roc de Montorgueil; la côte méridionale, profondément
rongée par la mer et bordée à 3 kil. de rochers submergés
qui représentent l'ancien rivage, comprend les baies de
Saint-Clément, Saint-Aubin et Sainte-Brelade; la seconde
est lu principale de File dont elle recueille presque toutes
les eaux. La côte occidentale comprend la pointe de la Cor-
bière, déchiquetée en cavernes, piliers, etc., la pointe de la
Moye, la triste grève de Saint-Ouen, le cap Gros-Nez.
Le chmat est très doux. Le sol est très fertile, creusé
de vallons ravissants. Les prairies, plantées de pommiers,
occupent la plus grande partie du sol; dans les jardins
poussent en pleme terre les végétaux des pays méridio-
naux. On cite les poires de Jer'sey, le chou cavalier qui
dépasse 2 m. Les yaches laitières sont petites, mais excel-
lentes. Les chevaux, issus d'un croisement de normands et
de cosaques, sont très vigoureux. Jersey est une villégia-
ture très goûtée des Anglais qui y vivenfen grand nombre.
Les 9/10 des habitants sont protestants. La seule ville no-
table est Saint-Hélier, la capitale. — Il existe plus de
400 kil. de route, et deux chemins de fer rehent Saint-
Héher à Saint-Aubin et Sainte-Brelade (42 kil ) et à
Gorey (9 kil.). a.-M. B.
^législation. — Droit coNSTrruTioNNEL et adminis-
tratif. ™ L'île de Jersey, ainsi que les autres îles Anglo-
Normandes, est placée sous la souveraineté de la couronne
d'Angleterre : elle ne fait pas partie du royaume (realm)
proprement dit. Ces lies appartiennent au roi d'Angleterre,
non pas comme souverain du Royaume-Uni, mais comme
duc de Normandie. En d'autres termes, elles ne sont pas
régies par la constitution anglaise, mais par des coutumes
séculaires qui, du temps du roi Edouard II, étaient déjà
qualifiées d'immémoriales. En 4769, dans des remontrances
qui furent écoutées du gouvernement anglais, William Le
Marchant exposait en ces termes, d'une grande précision,
le régime pohtique de ces îles : « Nous formons un Etat
distinct et séparé de l'Angleterre, quoique sous le même
souverain. Nul acte du Parlement n'est considéré ni suivi
dans ces îles, quoiqu'elles y soient mentionnées, à moins
qu'il ne nous soit transmis avec un ordre du conseil, et
même ces actes, ces ordres, quelque respectables qu'ils
soient, n'ont point force de loi ici jusqu'à ce qu'ils aient été
vérifiés parla cour royale et enregistrés sur nos Records. »
Les îles n'ont pas de représentants au Parlement an-
glais ; elles jouissent de privilèges et d'immunités, reconnus
et confirmés à plusieurs reprises par les rois d'Angleterre
agissant comme ducs de Normandie, qui leur donnent le
moyen de contrôler et, au besoin, de repousser toute loi
impériale qui porterait atteinte à leurs franchises' tradi-
tionnelles. Normalement, le pouvoir législatif est exercé
dans les îles Anglo-Normandes par les Etats de chacune
d'elles. Ces lois locales, pour devenir définitives, doivent
être confirmées par un ordre de la reine en conseil. Les
actes du Parlement et les ordres du conseil sont enregistrés
et publiés en anglais ; les lois et les règlements votés par
les Etats sont rédigés et promulgués en français. Le français
est d'ailleurs resté la langue ofiîcielle des Etats et des cours
de justice. L'organisation des Etats varie dans les diverses
îles. A Jersey, les Etats sont présidés par le baiUi, qui pré-
side également la cour royale et qui est nommé par la reine.
L'office de bailli n'est donné « que durant le bon plaisir
du prmce » : en fait, il est conféré à vie. Le gouverneur
a droit de séance aux Etats, et il peut suspendre l'exécu-
tion de leurs décisions en opposant son veto.
Les Etats de Jersey se composent, outre du bailli, pré-
sident, de douze jurés justiciers, membres de la cour
royale et élus à vie par les contribuables de l'île, des douze
recteurs anglicans des paroisses de l'ile, nommés par la
reine, et des douze connétables de ces paroisses, élus pour
trois ans par les contribuables de chacune d'elles. En 4856
fut voté un nouveau règlement, que la reine confirma,
d'après lequel les onze paroisses rurales de l'île ont droit
chacune à un député. La paroisse de Saint-Hélier nomme
trois députés. Ces quatorze députés sont nommés pour trois
ans, comme les connétables. Le procureur général de la
reine et l'avocat général, qui remplissent près de la cour
royale les fonctions de ministère pubhc , ont le droit
d'assister aux séances des Etats, mais ils n'ont que voix
consultative. Le corps électoral se compose des contri-
buables, sujets de la reine, portés sur les listes du i^ât pa-
roissial (un comité de taxation, présidé par le connétable,
contrôle la déclaration que chaque habitant est tenu de faire
delà valeur de ses propriétés foncières et mobilières. L'im-
pôt paroissial est perçu au prorata de cette évaluation ; de
m -~^
Lettre
IçUre de change, dont la création Constitue entre toutes per-
sonnes un acte de comnierce, est un écrit soumis à des forines
déterminées par lequel une personne, h tireur, donne à une
autre, le tiré^ l'ordre de payer à une troisième, le bénéfi-
ciaire an preneur^ ou à son ordre, une certaine somme d'ar-
gent. Autrefois elle supposait l'existence préalable d*un con-
trat de change, et la loi exigeait qu'elle fût créée d'un lieu sur
un autre. Maië cette présomption avait cessé d'être conforme
a la réalité dès choses ; aussi la nécessité de la remise de
place en place a-t~elle été supprimée par la loi du 7 juin
1894. Quand la lettre de. change est tirée d'un lieu sur
un autre, elle permet d'éviter les frais et risques des trans-
ports d'argent. De nos jours elle constitue surtout un ins-
trument de crédit, à cause de la négociation que le tireur
peut en faire dès qu'elle est créée en l'endossant au pt-ofit
d'un banquier qui lui en verso immédiatement le montant
spus déduction de l'escompte. Elle est rédigée par éci^it et
conçue dans une forme analogue à la suivante :
Paris, le 46 août 1894, B, P. F. 500
Au 16 novembre prochain, il vous plaira payer à
Tordre de A... la soniime de cinq cents francs, valeur
reçue (comptant ou en marchandises), etc.
Signé: B..o
à C... à Grenoble»
FormeSé Parmi les formes prescrites par la loi pour la
lettre de change, les unes sont essentielles à la validité du
titre, les autres simplement accessoires. Les premières se
réfèrent à la désignation des personnes, à la désignation
de l'obligation et à la constitution du titre. Trois personnes
au moins doivent être nommées dans la lettre de change :
le tireur, créateur du titre, le tiré qui doit en payer le
montant, et le preneur auquel ou à l'ordre duquel le paye-
ment doit être fait. L'obligation doit être désignée par
l'indication: 1° De la somme due, de telle sorte que toute
personne puisse savoir ce qui devra être payé. S** De l'époque
du payement. Elle peut être fixée à vue ou à un certain
délai de vue et â un certain délai de date ; tirée à vue, la
lettre de change est payable à sa présentation. Le délai de
vue se compte du jour de l'acceptation ou du protêt faute
d'acceptation. Les délais sont exprimés par jours, par mois
ou par usances (trente jours). Le jour du point de départ
du délai n'est jamaiis compté. La date du payement ne doit
pas être fixée à un terme incertain : cependant une lettre
de change payable en foire est échue le jour de la foire si
elle ne dure qu'un jour, et à la veille de sa clôture si elle
dure plusieurs jours. 3^ Du lieu du payement. — Les men-
tions relatives à la constitution du titre sont : la date, afin
que chacun puisse être fixé sur l'échéance quand la lettre
est à vue, et sur la capacité du tireur; le lieu de la
création de la lettre, important à connaître quand elle est
tirée ou circule à l'étranger ; la valeur fournie, car c'est
la cause de l'obligation, il faut indiquer quelle valeur a
été fournie, afin qu'à la seule inspection du titre on puisse
savoir quel crédit lui accorder. La valeur fournie s'indique
notamment paij les expressions : valeur reçue, en espèces
ou comptapt, en marchandises, en compte. L'omission des
nientions essentielles constituant un vice inhérent au titre
lui-même entraîne sa nulhté absolue. S'il n'y a que sup-
position, c.-à-^d. déclaration mensongère et relative seule-
nient au nom et à la quahté des personnes, le titre cesse
d'être une lettre de change (C. com., art. 112, modifié par
la loi du î juin 1894). Il devient une simple promesse dont
le caractère sera à fixer en fait. Les mentions accessoires
se rapportent : 1^ Au tireur» Il peut créer la lettre payable
à son ordre, quand il n'a pas encore trouvé de preneur,
ou qu'il veut se servir de lettres acceptées pour se procu-
rer du crédit. Le texte formel de l'art. 110 C. com- ne
permet pas de douter qu'un tel titre constitue une lettre
de change, même avant lé premier endossement, La lettre
peut encore être tirée par ordre ou pour le compte d'up
tiers. Le tireur par ordre est un mandataire ; il signe k
htire par procuration àa son mandant qui seul est obligé.
Le tireur peur compte est un commissionnaire ; il signe
la lettre en son propre nom, et c'est sa foi qui est suivie
par lés tiers lors même qu'il aurait désigné soh donneur
d'Qr^re.] 2^ Au tiré. On peut indiqué^" ^sms I^ lettre une
persbnne qui la payera à défaut du tiré : c'est le recom-
mmtdatairé ou besoin^ ou une personne autre que le
tiré au domicile de laq^ielie la lettre sera payable : c'est le
àon^iciliataire. On i recours à rindicatién d'un do-
micitiataire quand on! a à faire payer sur une ])lace où
l'oii n'a personne sur Ijui tirer, mais où Ton connaît quel-
qu'uû qui se chargera 'de payer si on lui envoie l^s fonds.
Le tiré a également le dJt'oit de domicilier son acceptation.
3** Aux Choses, Daûs cet ordre d'idées, on peut indiquer
la mention suivant' avisi ou sans autre am, selon qu'on
entéiid ou non avertir le tiré avant l'échéance ; la mention
retour sans frais qui dispense le porteur du protêt, La
mention relative ad néàbre des exemplaires de la lettre
aii^sf conçue: Payez par cette preinière de change, la
deuiième, la troisième ne l'étant ^ Payez par cette
deuxième de change, la première, la troisième ne l'étant. ....
Le payement fait sur l'un des exemplaires annule les autres.
Cette clause n'a d'autre avantage que de permettre de pa-
rer aux inconvénients qui pourraient résulter de la porte
à laquelle la lettre de change est exposée à cause de sa
circulation. On peut encore insérer dans la lettre de change
que le tireur n'est pas responsable de son payement : c'est
la clause sans garantie; que k lettre ne sera pas pré-
sentée à FacceptatiOû, qu'elle ne sera pas négociable avant
l'échéance. Pour qu*une lettre de change soit valable, il ne
sufiit pas qu'elle contienne les mentions essentielles que
noU^ venons d'indiquer, il faut encore qu'elle soit tirée
par une personne capable de s'obliger. Ainsi k signature
donnée par une femme au bas d'une lettre dechs^nge, alors
même qu'elle ne serait pas mariée, ou que Tctarit elle se-
rait autorisée de son mari, ne vaut à son égard que comme
simple promesse si elle n'est pas marchandepublique.il
faut en conclure q4'aucun c^es effets spéciaui à la lettre
de change : possibilité pour le porteur de se retourner
contre elle faute d'acceptation du tiré, présomption do
commercialité, prescription dé dnq ans, ne se produira à
l'égard de la femme. Le mineur commerçant est pleinement
capable de signer une lettre dé change. Par contre, l'inca-
pacité du mineur npn-comiherçant est absolue. La lettre
signée parlui ne vaudrait même pas, comme simple promesse.
Il pdttrrait (;epen(Jant être }énu dans la mesiire oti il s*est
enrichi. La lettré |ie WkngevaWdrai^ comme simple promesse
si elfe était signée paï" un mineur, émancipé oti aûtprisé de son
tuteur. Est nulle aussi la lettre de change sigUéépar un in-
terdit Quant à celle signée par le poiirvu d'up conseil judi-
ciaire, elle est nul|e^; il la si^nc seul, elle vaut j^omme simple
promesse s'il est assiste de g(^n cotiséil. Ces nullités s'ap-
pliquent alors mê|ne| que llnqsipabiê aurait rén^pli d^ns la
lettrç un autre rôle que celui c|u tireur. Elle nî'est opposable
que par les incapables, lès autres siguatairef de k lettre
restant obligés coufàe en dro|t couimùh.
Ttfinsmission. Cetlie transmission peut s*opérer par
tous les modes orcjiluaîî'es (le céssipn dans Ips termes du
droit commun, mais lc| mode Je plus simple ^t le plus or-
dinaire est i'endo^^ériient ; (Conséquence naturelle de la
clause à ordre, L*etitio!ssemén|; doit être écrit|; il est placé
généralement, au (Iqs du titre ^t libellé de la façon suivante :
rayez à l'ordre dcM|..*, valéuf reçue..... le.,... signé.....
Il doit énoncer len'om du çéd^jjtt, Ile nom (lu cessionnaîre^
l'indication de k valcnr fourni^ et la date. L'antidate de
rendpssemerit est pui^i de la peine! du faux ; mais rien ne
s^oppose à ce que \é porteiir d'ûnç lettre de change Fen-^
dosse après son échéance, peurvu Iqu'il ait quelque chose
à céder. L'endossement qui contient toutes ces mentions
est dit régulier et produit tjjois effets principaux : 1° il
transfère au cessionpalre la! propriété de k créance, avec
tous ses accessoires,! cautippnemeiit, hypothèque, etc.. ;
^^ il rend Tendosseur garant du payement vii;-à"vis du ces-
sionnaire; 3« les exceptions personnellement opposables
LETTRE
416
au cédant sont inopposables au cessionnaire. On peut ajou-
ter à l'endossement sans nuire à sa validité des clauses
qui restreignent ou modifient l'obligation de l'endosseiîr :
la principale de ces clauses est l'endossement à forfait et
sans garantie. Si l'endossement n'est pas régulier, il ne
vaut que comme procuration. Ne vaut également que comme
procuration l'endossement en blanc qui consiste unique-
ment dans la signature de l'endosseur. Ces deux sortes
d'endossement se désignent Souvent sous le nom d'endos
de procuration tacite. Il y a aussi des endos de procuration
expresse : Payez pour mon compte à l'ordre de qui
n'ont pour but que de donner mandat de toucher. C'est
donc par l'application des principes du mandat que se réglera
la situation de l'endossataire vis-à-vis tant des tiers que
de l'endosseur. Il faut observer pourtant que le droit
d'aliéner, refusé au mandataire ordinaire, doit être accordé
au bénéficiaire d'un endos de procuration expresse. Nous
signalerons encore l'endossement de garantie ou pignoratif
qui a pour effet de donner le titre en gage d'une créance,
et qui permet notamment au créancier d'en toucher le
montant à l'échéance et d'en donner quittance (V. Endos-
sement).
Garanties de payement. Elles sont au nombre de
quatre : 1** La provision. Par la souscription de la lettre
de change, le tireur s'engage à fournir au preneur l'accep-
tation du tiré avant l'échéance, et une fois celle-ci arrivée
à lui procurer le payement par le tiré ; l'ensemble des
moyens employés par le tireur pour déterminer le tiré à
exécuter ces engagements constitue la provision. La pro-
vision doit être faite par le tireur, ou celui pour le compte
duquel la lettre est tirée. Pour qu'il y ait provision, il
faut et il suffit que le tiré soit débiteur du tireur d'une
somme au moins égale au montant de la lettre. Cette
créance du tireur sur le tiré peut d'ailleurs avoir une
cause quelconque. Il faut en outre que la dette du tiré
soit exigible. C'est au tireur qu'incombe l'obligation de
prouver l'existence de la provision : il peut avoir intérêt
à le faire, au regard du tiré et au regard du porteur non
payé qui l'actionne en garantie. L'accejptation de la lettre
établit, au profit du tireur, présomption que la provision a
été faite. Au jour de l'échéance, la provision appartient au
porteur ; il a sur elle un droit exclusif, et le tiré ne pourrait
se prévaloir, pour refuser le payement, ni de saisies-arrêts
pratiquées par les créanciers du tireur, ni de la faillite de
celui-ci, ni de la création d'autres lettres de change.
:2° Uacceptation. L'acceptation e^t l'engagement pris par
le tiré envers le porteur de payer la lettre de change à
son échéance. Tant qu'elle n'est pas intervenue, il n'y a
au regard du tiré de la part du tireur qu'une oiïjL'e de
mandat qui ne saurait obliger le premier et l'autoriserait
à opposer au porteur de la lettre toutes les exceptions
qu'il pourrait opposer au tireur. En acceptant, le tiré copsent
à être traité comme le débiteur personnel du porteur. Le
tireur doit procurer au porteur l'acceptation et, à moins de
stipulation contraire, il en est solidairement garant avec
les endosseurs. Le droit de demander l'acceptation est
une simple faculté poUr le porteur qui n'encourt aucune
déchéance s'il ne l'a pas fait. L'acceJ)tation te doit pas
être demandée pour les lettres à vue, puisqu'en les présen-
tant il faut en exiger de suite le payement. L'acceptation
s'exprime par le mot accepté, elle doit être signée, et elle
est datée si la lettre est à un certain délai de vue. Le mot
accepté n'est pas sacramentel ; il pourrait être remplacé
par des équivalents. Lorsque la lettre est à un certain dé-
lai de vue, l'absence de date à l'acceptation la rend exigible
au terme qui y est exprimé, à compter de sa date. L'accep-
tation pourrait être donnée par un acte séparé ; dans ce cas
le tiré n'étant pas obligé par la lettre de change, l'obliga-
tion qu'il contracte pourrait ne pas être commerciale. Elle
doit être fournie à présentation ou aU çlus tard dans les vingt-
quatre heures à peine de dommages-intérêts envers le por-
teur. Elle à pour effets d*obliger lé tiré de faire présumer
la provision ; elle fait courir le délai de vue, et elle saisit
le porteur de la provision. Le refus d'acceptation se cons-
tate par un acte qu'on appelle protêt faute d'acceptation
(V. ci-après); il doit être dressé pour le surplus de la
somme portée à la lettre de change quand l'acceptation
n'intervient çîue pour partie de la somme. Le refus d'ac-
ceptation oblige solidairement le porteur et les endosseurs
de donner caution pour le payement de la lettre ou de
payer immédiatement. La caution, comme le payement, ne
peut évidemment être exigée que d'un seul, et celui qui
l'aura fournie aura un recours contre ses cogarants. La
caution pourrait être remplacée par un nantissement. Lors
du protêt faute d'acceptation, la lettre de change peut être
acceptée par un tiers intervenant pour le tireur ou l'un
des endosseurs ; cette acceptation est mentionnée dans le
protêt qui est signé de l'intervenant. C'est ce qu'on appelle
acceptation par intervention. L'intervenant doit immédia-
tement notifier son intervention à celui pour le compte du-
quel il est intervenu. Cette acceptation ne modifie en rien
les droits du porteur contre le tireur et les endosseurs.
Elle pourrait être opérée même par le tiré qui a refusé
l'acceptation pure et simple. Il aurait intérêt à le faire en
intervenant pour un endosseur quand il n'a pas provision
et en intervenant pour le tireur lorsque celui-ci n'est
qu'un tireur pour compte (V. Accepteur). 3** L'aval.
C'est le cautionnement d'une lettre de change par un tiers
non encore obligé au payement. Il doit être écrit et fourni
soit sur la lettre, soit par un acte séparé ; il s'exprime en
général par les mots : bon pour aval, sans que ces termes
aient d'ailleurs rien de sacramentel. L'aval est un acte
essentiellement commercial. Le donneur d'aval est, sauf
convention contraire, une caution solidaire, obligée au
rang de celui qu'il a entendu cautionner. Si celui-ci n'est
pas déterminé, on présume que l'avaliseur a entendu cau-
tionner le tireur. 4" La solidarité. Tous ceux, dit l'art.
440 C. com., qui ont signé, accepté ou endossé une
lettre de change, sont tenus à la garantie solidaire envers
le porteur. Cette solidarité ne produit pas les effets de la
solidarité ordinaire. Ainsi l'interpellation adressée à un
des codébiteurs solidaires ne produit pas d'effet à l'égard
des autres. Le porteur doit d'abord s'adresser au tiré.
C'est seulement sur son refus constaté de payer qu'il
peut s'adresser à l'un quelconque des autres garants.
Celui des obligés qui a payé a recours contre ses coobligés
non pas divisément, mais solidairement. Les parties peuvent,
par des conventions particulières, faire cesser cette so-
lidarité.
Payement. Il doit avoir lieu en espèces, à moins que
les parties ne soient d'accord pour autoriser la dation en
payement d'une autre chose, par exemple des effets de
commerce. Il est effectué dans la monnaie que la lettre
indique, sans cependant que renonciation de la somme en
monnaie d'un pays implique que le payement doive se faire
en cette monnaie. En l'absence de stipulation, c'est la
monnaie du temps et du lieu de payement qui devra être
employée. La lettre de change revêtue de l'acquit du por-
teur est remise au tiré qui a payé. Il doit avoir soin lors-
qu'il paye sur une seconde, troisième, quatrième, non re-
vêtue de son acceptation, de retirer en même temps celle
qu'il a acceptée, sans quoi il ne serait pas libéré au regard
du tiers porteur de son acceptation. Le porteur est forcé
d'accepter le payement partiel d'un lettre de change qui lui
serait offert ; il doit la faire protester pour le surplus. Mais
on ne saurait le contraindre à recevoir un payement anti-
cipé. Le tiré n'aurait d'ailleurs pas d'intérêt à le faire ;
car, tandis que le payement fait normalement fait présumer
qu'il s'est valablement libéré; le payement qu'il ferait avant
l'échéance le laisse responsable de sa validité. Cependant
le payement même normal ne serait pas valable s'il avait
été fait au mépris d'une opposition. Cette opposition ne
peut être fondée que sur deux causes, la perte de la lettre
de change et la faillite du porteur. Dans la première hy-
pothèse, le propriétaire de la lettre qui l'aura égarée s'en
procurera un autre exemplaire en s'adressant à son endos-
JÉRUSALEM
Plan^de Jérusalem (1/12500)
C. Sy. — Couvent syrien.
S. A.' — Eglise Sainte-Anne.
H.S.J. ~ Hôpital Saint-Jean.
M. — Eglise de la Madeleine.
S. P. — Ee-lise Saint-Pierre.
C^S-S. — ■ Couvent du Saint- Sau
veur.
T. P. — Temple protestant.
S.J. M. — Saint-Jacques le Mineur
C* Ar. — Couvent arménien.
L'équidistance des courbes de niveau est de 10 mètres. L'altitude la plus basse est de 600 mètres.
M.O. — Mosquée d'Omar.
A.K. — - El-Aksa.'
S. Sp. — Eglise du Saint-Sépulcre.
Lam. — Mur des Lamentations
JERUSALEM
120 —
de définir absolument la portée, nous permettent de re-
monter au N. jusqu'à la porte des Eaux, ainsi nommée sans
doute parce qu'elle donnait accès à la grande source d'eau
vive de Jérusalem, actuellement fontaine de la Vierge, puis
à la porte des Chevaux, enfin à la porte de Miphkad (sens
incertain) ; ces diverses ouvertures sont disposées dans la
portion de la muraille qui court le long du ravin du Gé-
dron. Auchap. xii de Néhémie, la muraille est l'objet d'une
dédicace solennelle ; deux grands chœurs se forment pour
en faire le tour l'un par Î'E., l'autre par TO. Ils partent
en se tournant le dos de la porte de l'Ordure qui débouche
sur le gué Hinnom. Le chœur de droite ou de l'E. par-
vient à la porte de la Source (près de l'étang de Siloé),
franchit les degrés de la cité de David et gagne la porte
des Eaux; le chœur de gauche ou de l'O. franchit succes-
sivement, en se dirigeant d'abord au N. puis à l'E., les
autres portes que nous avons indiquées. Les deux troupes
finissent par se rencontrer dans l'enceinte sacrée. Il est à
remarquer que la distance à parcourir était sensiblement
égale pour les deux processions si l'on admet que Jérusa-
lem n'englobait point à cette époque la colline occidentale,
tandis qu'avec le système adopté d'ordinaire, le chemin as-
signé au groupe de gauche est environ double de celui que
parcourt la troupe de droite. On croit discerner aussi que
l'ancienne ville était particulièrement munie d'ouvertures
et de voies de communication avec le dehors, d'une part au
S.-E. où la population était groupée à proximité des sources
et des jardins maraîchers de la vallée du Cédron, dans le
voisinage des demeures royales et du temple, et au N.-O.,
où aboutissaient les principaux chemins.
La Jérusalem ancienne a passé elle-même par tant de
phases, elle a traversé tant de circonstances de nature à
modifier son aspect et quelques-unes de ses principales
dispositions, qu'il est devenu bien difficile d'en donner une
idée exacte. Dès l'époque où furent achevées les principales
bâtisses de Salomon, elle prit, à peu près, la physionomie
qu'elle devait conserver jusqu'à sa destruction par les
Chaldéens. En revanche, dans les deux premiers siècles de
la Restauration, elle traversa une période de médiocrité.
Sous les successeurs d'Alexandre, Séleucides ou Ptolémées,
elle reprend quelque importance ; mais ce n'est qu'au mo-
ment des persécutions religieuses organisées par Antioclms
Epiphane (170 av. J.-C.) et de l'insurrection des Mâcha-
bées, qui en fut la suite, que nous obtenons de nouveau
quelques renseignements précis. On nous entretient surtout
d'une bastille, qui fut érigée pour permettre à une garnison
syrienne de tenir en respect la ville et le Temple. Cet
ouvrage de fortification était absolument indépendant de la
vieille enceinte, et ainsi s'explique que les Syriens aient pu
continuer d'y tenir garnison pendant des années, après que
les Machabées eussent repris possession de la ville et du
temple. Nous plaçons donc le château ou acropole des
Syriens sur la montagne occidentale, dans la région du
Saint-Sépulcre ou aux environs de la porte de Jaffa. Etabli
pour surveiller la route de Jafi'a et celle de Sichera, il
était en mesure de gêner et d'inquiéter la ville, au besoin
même de fermer ses communications avec le Nord et l'Ouest.
On assure que la citadelle d'Acra fut rasée, parce qu'elle
semblait plus faite pour vexer et opprimer Jérusalem que
pour la défendre, et que les Asmonéens préférèrent forti-
fier l'angle N.-O. de la ville en y établissant aussi leur
propre palais. Là s'éleva le château dit Baris, qu'Hérode
devait transformer et appeler Antonia (angle N.-O. du
Haram). Le siège et la prise de la ville par Pompée (63 av.
J.-G.) sont restés parmi les souvenirs saillants de cette
époque; vingt-six ans après, Ilérode devait de nouveau
s'en emparer de haute lutte. Il semble que, là encore,
l'attaque se soit produite du côté du N., les côtés 0., S.
et E. offrant des conditions trop difficiles à l'assaillant.
C'est incontestablement à Hérode le Grand qu'il faut
attribuer la plus considérable des révolutions qu'ait tra-
versées Jérusalem. Il en fit véritablement une ville nou-
velle, et nous estimons que l'archéologie'palestinienne aurait
des chances beaucoup plus sérieuses d arriver à des résul-
tats probables en ce qui touche les débris du passé Israé-
lite si, avant de se poser des questions sur l'état de Jéru-
salem sous les Asmonéens, au temps de Néhémie, sous
Josias, sous Ezéchias, voire même à l'époque de Salomon
et de David, elle prenait à tâche de déterminer ce qu'on
peut attribuer à l'époque hérodienne. Hérode entreprit de
« romaniser » la Judée et tout particulièrement Jérusalem.
Il commença par mener à bien un travail gigantesque, qui
fut la construction, en un parallélogramme sensiblement
régulier, de l'esplanade du Temple, restée depuis, sauf des
modifications tout à fait superficielles et extérieures, l'en-
ceinte du Haram ech-Chérif. Sur cet emplacement incom-
parable, qui ne put être créé que par des expropriations
de quartiers entiers, par des travaux de soutènement et de
constructions souterraines en voûte des plus grandes dimen-
sions (notamment aux angles S.-O. et S.-E.), Hérode
établit les bâtiments du Temple avec toutes les annexes,
dépendances, cours, parvis, vestibules, chemins d'accès,
qu'ils réclamaient. Le malheur des temps a fait impitoya-
blement disparaître tout ce qui dépassait le niveau du sol,
mais l'enceinte du Haram restera à jamais le monument de
ce prodigieux travail, exécuté lui-même en pierres cyclo-
péennes, qui donne à la Jérusalem actuelle sa physionomie
de sévère grandeur et perpétue à jamais le souvenir du
temple qui servit pendant des siècles de métropole au
judaïsme. Hérode donna également ses soins au château
de Baris, qui devint Antonia. Lui-même s'édifia un palais
somptueux sur la colline occidentale (porte actuelle de
Jatfa). On doit considérer Jérusalem comme ayant compris
alors la colline occidentale en même temps que la colline
orientale ou du Temple. Bornée à l'E. par le Cédron, au S.
et à l'O. par le gué Hinnom, elle était couverte au N. par
un mur, dont il est difficile de rétablir la situation avec
exactitude. Ce rempart offrait deux bastilles, à l'O. le
château royal avec les tours Hippicus, Phasael et Mariamne,
à l'E. la citadelle Antonia. Agrippa P^' annexa les fau-
bourgs qui gagnaient de plus en plus dans la direction du
N. et du N.-O. et les comprit dans une nouvelle enceinte,
dont il n'est pas possible non plus de déterminer le tracé
avec certitude. Généralement on l'identifie à la muraille
N.-O. actuelle ; quelques auteurs la reportent plus loin
encore. C'est devant cette capitale, ornée des plus beaux
monuments, entourée de jardins et de maisons de plaisance,
mais d'une physionomie beaucoup plus grecque et romaine
qu'orientale, que Vespasien et Titus vinrent mettre le siège.
Les récits de Josèphe, malgré leurs exagérations, leur
défaut de précision et l'arrangement que l'écrivain fait
subir aux faits, nous en donnent une impression singuliè-
rement émouvante. Après une lutte désespérée, les diffé-
rentes enceintes de la ville furent emportées. On prétend
que Titus donna l'ordre de détruire la ville entière et le
Temple, qui furent rasés et que, seules, furent épargnées
les trois tours de Phasael, d'Hippicus et de Mariamne, ainsi
que la partie occidentale de l'enceinte.
Jérusalem sous l'ère chrétienne. — La Jérusalem
d'Hérode, après un siècle d'un éclat qu'elle n'avait jamais
atteint, était tombée dans l'état le plus misérable. Une
garnison romaine occupait l'anicen château (aujourd'hui
El-Kalaah) et la population s'abritait tant bien que mal
dans des demeures sommairement établies. Adrien, en
135, à la suite de la révolte de Bar-Kokebah, rétablit la
vieille cité sous le nom d'#iia Capitolina. Sur l'emplace-
ment de l'ancien sanctuaire juif se dressa un temple érigé
en l'honneur de Jupiter Capitolin ; les remparts furent re-
levés, mais sans qu'on se conformât au tracé ancien. On
laissa en dehors de la ville toute la partie méridionale du
mont occidental et la plus grande partie d'Ophel ; on peut
supposer que la ligne de murailles élevée par Agrippa et
couvrant le front N.-O. de la ville fut respectée, mais cette
vue n'est pas universellement admise. La reconstruction
de Jérusalem sur un plan absolument païen, en un temps
où il n'y avait lieu de tenir compte des désirs ni de la po-
— 121 —
JERUSALEM
pulation juive, d'ailleurs exclue, ni des chrétiens, fut assu-
rément la circonstance la plus défavorable pour le main-
tien des caractères spéciaux à la métropole antique du
judaïsme. Les débris des anciennes constructions durent
être utilisés sans scrupule, et la meilleure chance de les in-
terpréter utilement s'est trouvée de la sorte irrémédiable-
ment perdue. On prétend qu'un temple de Vénus s'éleva
en manière d'insulte sur l'emplacement du tombeau du
Christ; mais il faudrait, pour expliquer une décision de
cette nature, que la dévotion relative aux grands faits du
christianisme naissant eût, dès cette époque, désigné le lieu
du supplice de Jésus, ce qui est douteux. Avec l'empereur
Constantin et sa mère Hélène, nous voyons se faire jour et
se manifester de plus en plus nettement le désir de con-
sacrer par des monuments le souvenir des événements
religieux dont Jérusalem avait été le théâtre. La piété im-
périale s'attacha tout particulièrement aux lieux marqués
par la mort de Jésus, et une basilique s'éleva sur rempla-
cement présumé du Golgotha et de la grotte funéraire qui
avait dû recevoir temporairement le corps du Crucifié. Dans
quelles conditions fut faite cette désignation, il n'est pas
possible de le dire. Beaucoup de savants estiment qu'il est
assez difficile de considérer le Golgotha traditionnel comme
n'ayant pas été compris dans l'enceinte de Jérusalem à
l'époque d'Hérode et de Ponce-Pilate. 11 n'est, d'autre
part, pas grand besoin de relever combien est peu vrai-
semblable l'accumulation de tant de souvenirs dans un aussi
étroit espace; il n'est pas à présumer qu'on plaçât des
tombes d'un certain apparat à proximité immédiate du lieu
des exécutions publiques, et la présence simultanée du Cal-
vaire et du Saint-Sépulcre dans un seul et même bâtiment,
à quelques mètres de distance, paraît difficile à accepter.
Toutefois, on a fait remarquer l'existence, à quelques pas de
l'édicule considéré comme le tombeau du Christ, de quel-
ques loges ou cavités funéraires, creusées dans le ro5her et
qui indiquent que l'endroit a reçu des corps à une époque
ancienne; c'est ce qu'on appelle le tombeau de Joseph
d'Arimathie. Mais il faudrait déterminer si ces « fours »
funéraires sont antérieurs à l'époque de Jésus, contempo-
rains de son supplice, ou bien ne seraient pas de l'époque
qui a suivi la destruction de Jérusalem par Titus, où des
quartiers entiers devinrent déserts et furent rendus à la cul-
ture ou laissés à l'état sauvage. Il nous parait fort probable
que le Golgotha de la tradition était compris dans l'en-
ceinte de Jérusalem au temps de Ponce-Pilate, mais qu'il
en fut exclu quand Adrien releva les murailles. A ce mo-
ment-là, il ne subsistait en fait de constructions visibles
que l'ensemble du Haram actuel et le château d'Hérode
(porte de JafFa) ; la pointe N.-O. de la première fut reliée
au second par un mur courant dans une direction oblique
et ne comprenant pas le Golgotha. Au temps d'Hélène,
alors que trois siècles avaient passé sur les événements,
on désigna à la piété impériale une légère extumescence
rocheuse, située hors de la ville actuelle et que les accrois-
sements ultérieurs de la population y firent comprendre de
nouveau quelques siècles plus tard. Quant à l'intention
malveillante dont aurait usé Adrien en érigeant un sanc-
tuaire à Vénus sur l'emplacement du tombeau du Christ,
nous avons dit qu'elle n'est pas étaWie. Avec Constantin
commence l'intérêt du monde chrétien pour Jérusalem,
considérée comme berceau de la nouvelle religion. Nous.
renonçons à décrire quelles péripéties la ville a traversées
jusqu'à nos jours et dont l'indication la plus sommaire nous
entraînerait à de trop longs développements. H est cepen-
dant essentiel de remarquer que la domination des croisés,
d'une part, celle des musulmans de l'autre, assurèrent à la
ville la physionomie qu'elle a gardée jusqu'à notre époque.
Jérusalem actuelle. — Quand le voyageur qui a
débarqué à Jaffa a franchi dans la direction S.-E. la
plaine philistine, il s'engage dans la montagne de Judée et
s'élève peu à peu sur les hauts plateaux. Enfin, après avoir
franchi le ravin profond où se trouve le village de Kulo-
niéh, il gravit une croupe d'une ait. moyenne de 800 m.
C'est sur la partie méridionale de cette croupe, délimitée à
l'E. par le ravin du Cédron, aujourd'hui ouady Sitti Ma-
ry am, à l'O. et au S. par le gué Hinnom, aujourd'hui
ouady Er-Rababi, que s'élève Jérusalem; la montagne, qui
s'abaisse sensiblement du N. au S. en forme de promon-
toire, se termine au S. par des pentes abruptes ; elle est
divisée elle-même par un ravin secondaire (Tyropéon), qui
permet de distinguer, en dehors d'accidents moins impor-
tants, une coUine orientale (celle où s'élève le Haram ech-
Chérif) et une colline occidentale, qui porte la citadelle et
le Saint-Sépulcre. Jérusalem, située à 31° W lat. N. et
33° long. E. occupe, de la sorte, un plateau calcaire assez
inégal. Tandis que, par le N. et le N.-O., elle se relie en
pente douce aux monts de Judée, elle se trouve isolée sur
trois de ses faces et dominée par une série de hauteurs, qui
ne permettent de la découvrir qu'à faible distance. Pour
avoir un aspect d'ensemble, il faut gravir le mont des Oli-
viers, d'où l'on jouit d'une vue panoramique d'un grand
(Caractère.
Jérusalem est entourée d'une haute muraille, qui lui donne
l'aspect d'une ville du moyen âge ; cette enceinte, élevée par
le sultan Soliman en 1534, peut être considérée comme
répondant aux remparts qui défendaient la ville au temps
des croisades. Elle est fortifiée de tours et de bastions et
décrit plusieurs sinuosités. Le côté qui longe la vallée du
Cédron (à l'E.) est le seul à offrir une ligne parfaitement
droite. Une ligne sensiblement orientée de l'E.-N.-E. à
rO.-S.-O. sert de défense à la ville par le seul côté que la
nature a rendu accessible. \ A partir de l'angle N.-O., qui
marque le point culminant de la ville et où plusieurs
savants placent la tour Pséphinus érigée par Agrippa, le
mur tourne brusquement au S.-E. pour présenter bientôt
le seul gros ouvrage de défense encore subsistant, la cita-
delle, El-Kalaah ; cet ouvrage, qui ne répond d'ailleurs en
aucune façon aux conditions de la fortification moderne,
commande la porte de Jaffa. A partir de ce point, la mu-
raille, dominant de haut la vallée de Hinnom, court régu-
lièrement du N. au S. sur une longueur de 400 m.,' au
bout de laquelle elle se rejette brusquement à l'E. par un
angle droit. Elle finit, en suivant une marche brisée, par
rejoindre le mur méridional du Haram ech-Chérif. L'en-
semble de cette fortification détermine un quadrilatère irré-
gulier, dont les deux plus grands côtés (N. et S.) ont l'un
environ 1,300, l'autre 1,200 m., et les deux plus petits
(E. et 0.) respectivement 900 et 800. La distance à vol
d'oiseau jusqu'à la Méditerranée est de 52 kil., jusqu'à la
mer Morte, de 22. La hauteur de la montagne du Temple
au-dessus du niveau de la mer est de 744 m., tandis que
la colline occidentale présente des ait. de 780 à 790 m.
La ville est fort mal percée et distribuée. A côté de grands
espaces non occupés, les maisons s'accumulent les unes sur
les autres en certains endroits, et la population circule dif-
ficilement dans des ruelles étroites, tortueuses et mal en-
tretenues. La population musulmane occupe la portion N.-E.
qui, en y ajoutant le Haram ech-Chérif, comprend plus de
la moitié de la ville actuelle ; les Arméniens sont fort au
large dans le quartier S.-O., tandis que les Juifs s'étouffent
dans les limites très insuffisantes du quartier S.-E. Le
quartier N.-O. est occupé parles établissements chrétiens.
Les communications avec l'extérieur se font par un petit
nombre de portes, dont les principales sont, au N. la porte
de Damas ou porte de la Colonne (bâb El-Amoud) et à l'O.
la porte de Jaffa ou porte de Hébron (bâb El-Khalil). A
l'E. s'ouvre la porte de Saint-Etienne ou porte de Notre-
Dame-Marie (bâb Sitti-Maryam) ; c'est le seul débouché qui
existe du côté de la vallée du Cédron, la porte Dorée, qui
donnerait accès dans le Haram, étant murée. Au S.-O. se
trouve la porte de Sion ou porte du prophète David (bâb
I En-Nebî-Daoud) et au S.-E. la porte des Maugrabins. Pour
' les facilités du quartier chrétien on a récemment (1889)
percé au N.-O. la bâb Abdul-Hamid ; la porte d'Hérode
au N.-E. (bâb Es-Zahiréh) est rarement ouverte. Mais,
^ depuis quelques années, Jérusalem a cessé de se tenir
JERUSALEM
— in —
renfermée dans ses murailles ; elle les a franchies pour
créer, tout particulièrement sur la route de Jaffa, des éta-
blissements qui prennent de jour en jour un plus grand
développement. Le faubourg ainsi formé à l'O. de la ville et
où se remarquent les bâtiments russes dominant tous les
Eglise russe sur le mont des Oliviers,
autres par leur masse imposante, présente une série d'édi-
fices religieux ou charitables, de fondations qui ont pour
but l'assistance des malades et des pèlerins ou l'éducation ;
les consulats des diverses nations européennes s'y trans-
portent dans d'agréables conditions, les négociants installent
de confortables villas ; la sécurité dont jouit le pays déter-
mine un mouvement d'émigration dans la banlieue, qui,
avec l'ouverture de la voie ferrée (4893), amènera à bref
délai une transformation complète. Il est permis, sans se
laisser aller à des imaginations déplacées, d'entrevoir le
moment où une Jérusalem moderne, pleine d'activité et de
Stèle du temple de Jérusalem (musée de Tschiniki-Kiosque,
à Constantinople).
vie, se sera juxtaposée à la Jérusalem ancienne. Toutefois,
les amis éclairés de l'antiquité peuvent se rassurer ; la
ville conservera éternellement son cachet de sévère tristesse
grâce à son enceinte, à l'incomparable esplanade du Haram
et aux dispositions topographiques caractéristiques, que les
plus grands bouleversements ne réussiraient pas à faire
disparaître. Elle restera la ville des glorieux souvenirs poli-
tiques et religieux sans bouder aux progrès du siècle, en
appliquant au contraire les ressources de la science mo-
derne à la reconstitution de son passé. Aussi, dans les
nombreuses fondations que Jérusalem a vu naître et se dé-
velopper depuis un demi-siècle à l'ombre de ses vieilles
murailles, faut-il noter avec une sympathie particulière
l'institution de centres de travail et d'étude, où l'on réunit
les ressources nécessaires à la connaissance méthodique de
la géographie, de l'histoire et de l'archéologie palesti-
niennes. Le moment n'est sans doute pas éloigné où quelque
gouvernement européen, à défaut de l'initiative privée,
établira dans la ville sainte une école d'antiquités orien-
tales. Les diverses communions chrétiennes rendront plus
de services à la cause de la civilisation et d'une religion
sagement entendue en recherchant et en classant scrupu-
leusement les matériaux relatifs à l'histoire de Jérusalem et
de la Palestine, qu'en se disputant fiévreusement quelques
pieds de terre, auxquels s'attachent les souvenirs du passé.
La vieille Jébus des Chananéens, la Jérusalem des Is-
raélites, l'iElia des Romains, TEl-Kouds (le Sanctuaire) des
musulmans, compte aujourd'hui, si elle ne dépasse pas ce
chiffre, une population de 43,000 âmes, dont les Juifs
forment la plus grande partie. On y signale 8,000 musul-
mans, 5,000 Grecs, 2,000 Latins. Ces chiffres sont singu-
lièrement grossis au moment des pèlerinages, particulière-
ment des fêtes de Pâque, où les pieux visiteurs affluent
chaque année en plus grand nombre. — Nous n'oserions
cependant point affirmer que la plupart des personnes
qu'une respectueuse curiosité attire à Jérusalem en retirent
tout le profit qu'elles s'assureraient si elles faisaient précé-
der leur visite d'une sérieuse et intelligente préparation ;
nous avons même le regret de dire que cette réserve
doit s'appliquer à des recherches entreprises par des sa-
vants consciencieux. Depuis une trentame d'années que
l'étude archéologique de Jérusalem est entreprise par une
série 4e sociétés et de particuliers désireux de reconstituer
la topographie de la ville ancienne, de grands progrès ont
été accomplis, mais il reste énormément à faire. On se rendra
compte des extraordinaires difficultés auxquelles se heurte
l'investigateur, — et que lui-même, dans son désir de
fixer un point douteux, de déterminer un emplacement
contesté, perd parfois de vue, — quand on aura fait
réflexion que, pour retrouver la vieille ville sous la nou-
velle, il nous faut, en quelque sorte, percer des puits au
travers de dix ou douze couches de débris, répondant à
autant d'états divers qu'a traversés Jérusalem. Quand, en
présence d'un monument antique, on s'empresse de dire :
il date des Machabées, il remonte à Ezéchias ou même à
Salomon, — on a souvent négligé de se demander s'il ne
serait pas du moyen âge ou du temps des croisades,
s'il ne provient pas de la Jérusalem de Constantin ou des
temps d'iËlia Capitolina ; c'est quand on s'est assuré que
l'édifice examiné est décidément antérieur à l'époque
d'Adrien qu'on peut, avec des chances sérieuses, l'assigner
aux temps qui précèdent la destruction de Jérusalem par Titus.
Quant à remonter à l'époque antérieure aux grands travaux
d'Hérode, nous ne voudrions point dire qu'il ne faille ja-
mais le tenter, mais il ne convient de le faire qu'en s'en-
tourant des plus minutieuses précautions.
Le pèlerin qui consacre huit à dix jours à visiter les
sanctuaires de Jérusalem auxquels une dévotion respec-
table rattache, parfois sans examen suffisant, les souvenirs
de l'histoire évangélique ou du judaïsme, ce pèlerin ne peut
manquer de revenir chez lui avec une inextricable confu-
sion dans l'esprit ; la masse des notions qu'il a fébrilement
entassées, pivote et gravite pour lui autour de la conception
d'un drame divin, dont Jérusalem a été le théâtre : Dieu
rachetant l'homme par le don de son fils, un peuple rebelle
payant de sa ruine sa coupable obstination, la Providence
conservant au travers des siècles le théâtre de la rédemp-
tion du monde et de l'incrédulité du judaïsme comme un
éternel avertissement aux cœurs bien disposés. Malheu-
reusement, beaucoup de visiteurs, quand même ils n'ap-
partiennent pas à la catégorie spéciale des pèlerins, n'en
- 123
JERUSALEM
rapportent pas une vision beaucoup plus satisfaisante. Pour
retrouver l'antiquité sous les apparences modernes, il faut,
en effet, savoir soigneusement distinguer les époques et s'as-
treindre à remonter progressivement du présent jusqu'au
passé le plus reculé. Voici les étapes qu'on aura à franchir :
1*^ On a sous les yeux la Jérusalem moderne, entrée fran-
chement depuis le traité de Paris (i 806) et l'expédition de
Syrie (1860-61) dans le mouvement de la civilisation euro-
péenne; aux vieux quartiers musulman, juif, chrétien,
s'ajoutent le faubourg en formation, le chemin de fer, les
établissements d'assistance, d'instruction religieuse, de re-
cherche scientifique. 2° Ce mouvement moderne a été pré-
cédé par la période musulmane-ottomane, qui a débuté en
dotant Jérusalem de son enceinte actuelle (1517 à 1836).
3*^ Jérusalem sous la domination musulmane-égyptienne
(1291 à 1517). 4« La période des croisades (1099 à 1291)
a pour nous un double intérêt, d'abord en raison de la part
prise par les différentes nations européennes à la grande
« guerre de religion » de Flslam et du christianisme, puis
par l'importance des monuments, inégalement conservés,
la plupart du temps ruinés, qui se rattachent à cette phase
de Thistoire de Jérusalem. 5° La période musulmane-arabe
(636 à 1099) offre également un grand intérêt et l'on peut
en marquer les traces; elle a laissé, elle aussi, des monu-
ments considérables. Nous sommes ici encore sur un terrain
suffisamment solide. 6^ La période impériale-chrétienne, à
partir du régne de Constantin (823-636), n'a guère laissé
que des ruines ; cependant on peut restituer en quelque
mesure les substructions de plusieurs édifices. C'est à l'époque
d'Hélène et de Constantin que remontent les principales dé-
signations des lieux s?iints ; mais, séparées par trois siècles
des événements dont elles prétendaient consacrer à jamais
remplacement, elles n'ont qu'une valeur relative. 1^ Alors,
— quand on a soigneusement déterminé ce qui, dans les
monuments ou dispositions de la Jérusalem moderne, revient
à chacune des six époques précédentes, — alors seulement
on peut se poser la question : Quels souvenirs se ratta-
chent à yElia Capitolina, à la ville païenne fondée par
Adrien sur les ruines de la vieille cité juive? La période
romaine-païenne ainsi visée s'étend de 135 à 323 de notre
ère. Ici l'on est pris d'une sorte de regret. Pourquoi la Jé-
rusalem détruite par Titus en 70 n'est-elle pas restée à
l'état de ruine? Nous y trouverions, en ce cas, les éléments
d'une reconstruction archéologique, qui a été si heureuse-
ment appliquée à d'autres villes fameuses de l'antiquité.
Le fait est, qu'en dehors des substructions, que leur masse
ou la protection des débris accumulés ont protégées contre
une disparition complète, les matériaux de la Jérusalem
judéo-romaine (63 av. J.-C. à 135 de notre ère) ont passé
dans les constructions ultérieures. Ce qui peut atténuer en
quelque mesure nos regrets, c'est que la restitution de
la Jérusalem d'Iïérode nous mettrait en présence d'une
ville beaucoup plutôt grecque et romaine qu'orientale.
Cependant, ainsi qu'il a été dit, la Jérusalem hérodienne se
retrouve, d'une part dans l'enceinte du Haram, de l'autre
dans quelques portions inférieures des remparts, notamment
dans la base de la citadelle (El-Kalaah). La période héro-
dienne, à laquelle nous donnons le numéro d'ordre 8, est
précédée de la période asmonéenne (9) de 167 à 63 avant
notre ère, de la période judéo-grecque (10) de 330 à 167
avant notre ère, de la période judéo-persane et judéo-
chaldéenne (11) de 588 à 330 avant notre ère. Que de
modifications, que de transformations, quelle série de ré-
volutions religieuses, de bouleversements politiques et na-
tionaux au cours de ces sept siècles ! Nous n'osons pas
croire qu'on puisse discerner avec des chances sérieuses
l'œuvre de la période asmonéenne, bien moins encore
celle des époques antérieures. C'est cependant, après les
souvenirs relatifs à la personne de Jésus-Christ, les traces
laissées par la Jérusalem d'un Josias, d'un Ezéchias, tout
particulièrement d'un David et d'un Salomon, que le visi-
teur s'imagine naïvement retrouver. Nous venons d'indi-
quer que cette recherche est au plus haut point hypothé-
tique et qu'on s'expose, en s'engageant trop précipitamment
dans cette voie, à des erreurs analogues à celle de M. de
Sauicy, désignant des sépultures de l'époque judéo-romaine
pour les tombes royales de la dynastie de David. D'autre
part, nous ne voudrions point sembler, par un parti pris de
scepticisme, décourager la recherche. Il n'est pas impossible
que des hypogées vraiment antiques soient mis au jour ; que
tel travail d'adduction d'eaux puisse être attribué à une
époque vraiment ancienne, comme ce tunnel du Siloé, dont
on rapporte l'étabhssement à l'époque d 'Ezéchias, mais que
nous proférerions rajeunir quelque peu et rapporter à l'époque
de la Restauration d'après le caractère cursif de l'inscription
hébraïque qu'on a découverte près de son issue inférieure.
En poussant jusqu'au bout la nomenclature des différentes
phases qu'a traversées Jérusalem et dont plusieurs ont dû
entraîner des remaniements essentiels, de complètes trans-
formations, la douzième époque traitera de la ville ancienne
'1
T--^2
/ s C*5^:
Tombeau dit ^.^ des Roi« »,
après la destruction du royaume d'Israël (de 719 à 588),
la treizième de Jérusalem^ au temps de la rivalité des
royaumes de Juda et d'Israël (950 environ à 719), la qua-
torzième enfin de la Jérusalem de David et de Salomon, de
1025 environ à 950 avant Père chrétienne. Nous croyons
que le simple visiteur — et particulièrement l'historien et
l'archéologue — ■ qui s'astreindra à ne jamais perdre de vue
les conditions ci-dessus indiquées de toute recherche sur un
sol aussi bouleversé, trouvera dans cette simple succession
des périodes principales, toujours présente à ses yeux, le
préservatif le plus sûr contre les écarts de l'imagination.
Les développements où nous avons dû entrer nous obli-
gent à réduire au minimum les indications relatives aux
principaux monuments de la Jérusalem actuelle. — La
place d'honneur doit être faite au Haram ech-Chérif,
vaste parallélogramme où se dressent la mosquée du Ro-
cher et la mosquée El-Aksa, ainsi qu'une série de cons-
tructions de moindre importance. La Coupole du Rocher
(Kubbctes-Sakrah), improprement appelée mosqmîe d'Omar,
est l'œuvre du khalife Abd el-Mélik ibn Mérouan (687 à 690
de l'ère chrétienne) ; elle a la prétention de recouvrir le
rocher où la tradition juive, adoptée par l'islamisme, place
le sacrifice d'Isaac. Elle est, en gros, située dans l'enceinte
où s'élevait le temple d'fîérode, lequel avait pris lui-même
la place du second temple, rebâti sur les ruines du vieil édi-
fice dont on rapporte l'origine à Salomon. Il est à propos de
rappeler ici que l'ingénieuse restauration du temple de Salo-
JÉRUSALEM - 124
mon récemment tentée par MM. Perrot et Chipiez n'est, en
aucune façon, une reconstitutionarchéologique. La mosquée
El-Aksa s'élève sur les substructions de la basilique Sainte-
Marie érigée par Justinien. Le travail d'établissement des
murs et du soutènement en voûte qui a constitué l'espla-
nable actuelle doit être reporté à Hérode. Les fouilles si
intelligemment poursuivies par les agents de la Palestine
Exploration found Society, la première recherche métho-
dique entreprise de notre temps pour l'exploration du sous-
sol jérusalémite, ont établi ce point avec une évidence qui
ne laisse rien à désirer. A noter surtout les remarquables
constructions de soutènement exécutées aux angles S.-E.
et S.-O. du Haram. — Un grand intérêt s'attache à la
reconstitution des anciennes enceintes, mais on s'est trop
hâté en déclarant que l'enceinte moderne (xvi® siècle) a
respecté le rempart établi par Adrien et que celui-ci s'est
conformé, à son tour, au tracé d'Agrippa, au moins en ce
qui concerne les côtés E., N. et 0. Cette question des
anciennes enceintes est infiniment complexe et la lumière
n'est pas près d'être faite à cet égard. — La situation de
Jérusalem, privée de sources, sauf dans la partie inférieure
du ravin de Cédron, a entraîné, en dehors des citernes
ménagées dans les maisons privées et dans les édifices
publics, la construction d'aqueducs, amenant les eaux du
massif montagneux qui s'élève dans la région sud de Jéru-
salem jusqu'à une ait.
de 900 m. et de ré-
servoirs ou piscines em-
magasinant ces eaux.
Ces conduits et bassins
remontent, les uns aux
musulmans et aux croi-
sés, les autres à l'époque
romaine ; les principaux
réservoirs sont, à VO.
le Birket Mamillah et
le Birket es-Sultan, à
l'intérieur de la ville,
dans le quartier chré-
tien, le Birket Hammam
el-Batrak et, aux envi-
rons de la porte Saint-
Etienne (N.-E.) le Bir-
ket Israïn. — Il subsiste
un certain nombre de
monuments de l'époque
judéo-romaine, notam-
ment l'hypogée improprement appelé « tombeau des Rois »,
le monument dit d'Absalon et quelques anciennes construc-
tions funéraires. — En fait de monuments chrétiens, le prin-
cipal est l'ensemble de constructions nommé Saint-Sépulcre,
dont l'origine remonte à Constantin ; le monument actuel
est de l'époque des croisades, mais a subi des remaniements
considérables. A noter, dans l'enceinte du Muristan (hos-
pice des chevaliers de Saint-Jean), les ruines de l'église de
Sainte-Marie-Majeure et, près de la porte Saint-Etienne,
l'église Sainte-Anne (xu® siècle) récemment restaurée. —
Munk écrivait, il y a cinquante ans, les lignes suivantes :
« Objet de tous les bienfaits du ciel comme de ses châ-
timents les plus sévères, Jérusalem a obtenu, au prix de
ses vicissitudes, les hommages qui lui sont adressés des
différentes parties du monde. Dans sa lutte contre les na-
tions, elle a dû périr pour devenir l'objet de leurs respects
et de leur culte. Maintenant qu'elle ne présente plus qu'une
image de*désolation, le voyageur s'arrête à chaque pierre
pour y chercher un souvenir ; mais, malgré les mille inves-
tigations dont elle a été l'objet, sa topographie ancienne,
après tant de bouleversements, présente de nombreuses
difficultés. Entre les traditions d'une pieuse créduhté et les
paradoxes du septicisme, il n'est pas facile de démêler la
vérité. » Aujourd'hui que la vieille capitale s'engage déci-
dément dans les voies du progrès et que l'examen archéolo-
gique, appuyé sur des plans et sur des reproductions exactes,
Coupole du Saint-Sépulcre.
permet de démêler en bien des circonstances le vrai du faux,
le possible et le probable du chimérique et du fantastique,
Jérusalem mérite de devenir, au même titre que Rome et
Athènes, un centre régulier d'études pour les grands mou-
vements qui ont déterminé l'orientation morale et intellec-
tuelle de l'humanité. La ville qui a présidé aux débuts du
judaïsme et à son glorieux épanouissement, la ville qui la
vu naître le christianisme, que l'Occident chrétien a disputée
furieusement à l'Orient musulman, qui a été le théâtre des
conflits les plus tragiques, les plus grandioses entre l'idée
religieuse ou nationale et l'intérêt politique, cette ville-là
doit s'élever au-dessus des conflits mesquins d'attribution
de sanctuaires. Elle est l'une des patries du monde mo-
derne ; elle doit, dans l'orgueil de ce passé incomparable,
puiser le sentiment de dignité et de confiance en soi-même
qui assurera son avenir. Maurice Vernes.
Assises de Jérusalem (V. Assises).
Concile de Jérusalem. — On a donné ce nom à une
conférence qui eut Heu à Jérusalem, vers l'an 50. au sujet
de la circoncision et de Fobservance de la loi mosaïque
par les païens convertis (V. Christianisme, t. XI, p. 274,
col. 2).
Royaume latin de Jérusalem. — La plus importante
des principautés fondées par les croisés en Terre sainte.
Les autres Etats chrétiens fondés après la première croi-
sade étaient au nombre
de trois: comté d'Edes-
se, principauté d'An-
tioche et comté de Tri-
poli ; ces deux dernières
circonscriptions occu-
paient la côte nord de
la Syrie jusqu'à la Cili-
cie, et le comté d'Edesse
s'étendait assez loin
dans l'intérieur des ter-
res, jusqu'aux environs
de l'Euphrate. Plus au
S. et jusqu'à la mer
Rouge d'une part et à
l'isthme de Suez de
l'autre, on trouvait le
royaume de Jérusalem
proprement dit. Les li-
mites de cet Etat ont
naturellement beaucoup
varié. Avant même la
prise de Jérusalem par Saladin, qui fut suivie de la con-
quête par les infidèles de la majeure partie de la Pales-
tine, le royaume n'avait pas toujours eu la même éten-
due. A TE., il débordait au delà du Jourdain, du lac de
Tibériade et de la mer Morte, et la route de caravanes
que suivaient les marchands musulmans avait dû être
reculée jusqu'en plein désert, à l'Orient des seigneuries
de Suhete et de Montréal. Au N. il était borné par la
principauté de TripoH, dont le séparait le Nahar-Ibrahim
(ancien Adonis); à l'O. il atteignait la mer, au S. le golfe
Elamitique, sur la mer Rouge, et le désert d'El-Arisch, qui
s'étendait jusqu'à l'entrée de TEgypte. C'était donc une
longue et étroite langue de terre, occupant l'ancienne Ju-
dée^oute entière et quelques territoires que n'avaient jamais
occupés les Hébreux. — L'organisation du pays était toute
féodale et le roi de Jérusalem', sans parler de la suzeraineté
nominale qu'il exerçait ou prétendait exercer sur le comté
de TripoU ou la principauté d'Antioche, avait sous lui
quatre grands barons et douze seigneurs secondaires; les
baronnies étaient le comté de Jafia à d'Ascalon, la seigneu-
rie de Krak ou de Montréal au delà du Jourdain et de la mer
Morte, la princée de Galilée et la terre de Suhete (vers le
lac de Tibériade), enfin celle de Sagette; cette dernière
était sur la mer, vers le N. du royaume, près du fleuve
Leitany. Voici les noms des douze seigneuries : le Darum
Saint-Abraham, Arsur, Césarée, Naples, Bessan, Caïmont,
425 —
JERUSALEM
Cayphas, le Toron et Belinas, le Scandélion, Saint-
Georges et Barut. Chacun de ces seize barons avait ses feu-
dataires, dont les services, les charges et les droits sont
minutieusement réglés par les Assises de Jérusalem. Les
uns servent à cheval, sont des chevaliers, les autres sont
de simples sergents à pied. A ces forces permanentes, tout
à fait insuffisantes pour la défense du pays, s'ajoutaient les
chevaliers du Temple et de l'Hôpital, les croisés envoyés
périodiquement par l'Europe, tantôt par petites bandes,
tantôt par grandes masses, enfin les mercenaires chrétiens
ou musulmans, qu'on appelait les Turcopoles. C'est à l'aide
de ces faibles ressources que le royaume de Jérusalem put
soutenir la lutte contre les sultans de Damas et d'Egypte,
pendant près de deux siècles, lutte bien difficile et dans
laquelle la valeur extraordinaire des chevaliers latins avait
peine à compenser l'inégalité numérique.
H serait trop long d'étudier l'organisation politique du
royaume. On l'a fait plus d'une fois et le mieux est do ren-
voyer aux ouvrages allemand de F*rutz, Culturgeschichie
der Kreuzzilge^ et français de Rey, les Colonies franques
en Syrie (Paris, 1883, in-8). Si jamais la puissance des
Latins ne fut très solidement établie à TE. de la vallée du
Jourdain, le centre du pays et surtout le littoral de la Mé-
diterranée paraissent avoir joui, durant tout le xii^ siècle,
d'une prospérité extraordinaire. La pohce était suffisante,
la sécurité fort grande, et une fois la première conquête
faite, conquête qui fut marquée par des excès regrettal)les,
la population de Syrie et de Palestine, même celle de reli-
gion musulmane, paraît s'être fort bien accommodée du
nouvel état de choses. Les écrivains arabes reconnaissent
eux-mêmes que leurs coreligionnaires sont plus heureux
dans les pays chrétiens que dans les sultanats voisins. Les
impôts étaient peu lourds, la tolérance était imposée au
clergé lui-même par les nécessités de la politique, et à
vivre au milieu de races et de religions différentes, les des-
cendants des anciens croisés avaient appris à respecter les
mœurs et les croyances de leurs voisins. Bien plus, et c'est
pour les écrivains occidentaux un thème inépuisable à dé-
clamations, les Francs de Syrie avaient adopté en partie les
mœurs des vaincus. Enfin, entre les conquérants et les su-
jets, il y avait eu des alliances, et ces aUiances avaient donné
naissance à ceux que les écrivains du temps appellent les
Poulains, et qu'ils traitent avec le plus profond mépris.
Si la majeure partie du pays appartenait à des chevaliers ou
à l'Eglise, était organisée militairement pour la défense, dans
les villes de la côte, ce qui dominait , c'était la classe bourgeoise
et commerçante, composée degens de toutes nations et princi-
palement de Français, d'Italiens et de Grecs. Elle était fort
opulente, et avait, encore plus facilement que la noblesse,
adopté les usages et le genre de vie des populations syriennes.
Les ports d'Acre, de Jaffa, de Tyr et de Sidon étaient des
entrepôts actifs où les marchands d'Europe venaient s'ap-
provisionner de produits d'Orient, et d'où on transportait
dans l'intérieur du pays les denrées de l'Occident ; commerce
d'échange des plus fructueux pour les négociants, les Occi-
dentaux achetant beaucoup plus qu'ils ne vendaient ; les
commissionnaires de ces places de commerce devaient faire
de rapides et énormes fortunes. En somme, la Palestine
jouissait sous la domination des princes latins d'une prospérité
qu'elle n'a jamais retrouvée plus tard, et les Turcs n'ont guère
fait que détruire sans rien fonder. Aujourd'hui encore, ils se
servent des fortifications, des travaux d'art construits par
les croisés, et tout ce qu'ils ont su faire c'est entretenir
les plus importants.
La principale cause de la (ihute du royaume latin de Jé-
rusalem a été sa faiblesse, mais il faut aussi y ajouter les
dissensions intestines, les querelles entre les souverains et
les vassaux indociles, enfin la mauvaise politique de quelques-
uns des rois. On trouvera une esquisse de l'histoire de cette
principauté à l'art. Croisades. Voici la suite des rois, avec
quelques renseignements supplémentaires : Godefroi de
Bouillon, élu le 23 juil. 1099, mort le 48 juil. 1100, —
Baudouin, comte d'Edesse, frère du précédent, élu en 1100,
mort le 7 avr. 1118. Sous son règne, le royaume se com-
plète par la conquête de Saint-Jean-d'Acre et de Beyrout ;
ne laissant point d'enfants, il est remplacé par Baudouin ïl,
fils du comte de Rethel, qui devait régner de 1118 au
21 août 1131. Sous ce règne, le royaume atteint les
hmites qu'il conservera jusqu'à l'apparition de Saladin;
Baudouin est un instant prisonnier des Turcs, puis délivré ;
il échoue devant Alep, mais Tyr est conquis par lui et
complète l'occupation de la côte, Baudouin II ne laissait
que des filles, dont l'aînée, Mélissende, lui succède avec
son mari. Foulques, comte d'Anjou, qui règne jusqu'au
13 nov. 1147. La vie de ce prince est remplie par des
luttes contre l'empereur d'Orient, à cause de la princi-
pauté d'Antioche, dont Foulques était baile. — Il a pour
successeur son fils aine, Baudouin ÏII, qui règne sous la
tutelle de sa mère et meurt en 1163. En 11 44, les infidèles
reprennent Edesse et détruisent le comté de ce nom. Bau-
douin m meurt sans laisser d'enfants de sa femme, Théodora,
nièce de l'empereur Manuel Comnène. — Son frère Amauri,
comte de Jaffa et d'Ascalon, lui succède. Il a le grand tort,
ayant déjà à combattre Noureddin, sultan de Damas, de se
mêler des affaires d'Egypte, dans la pensée d'empêcher la
réunion de ce pays et du sultanat de Damas sous un seul
maître. Trois expéditions successives n'amènent aucun ré-
sultat, et, peu d'années après, cette union tant redoutée
sera un fait accompli. Dès lors les jours du royaume, me-
nacé au N.-E. et au S., sont comptés. Amauri meurt le
11 juil. 1173, laissant de sa première femme, Agnès de
Courtenay, Baudouin IV qui lui succède et Sybille. —
Baudouin IV, dit le Mesel ou le Lépreux, élève de l'arche-
vêque de Tyr, Guillaume. Sous son règne commencent les
conquêtes du grand Saladin. En 1182, devenu aveugle,
Baudouin abdique et prend pour successeur son jeune
neveu, Baudouin V, fils de Sybille et du marquis deMont-
ferrat. Sybille étant dès lors veuve, il lui fait épouser Gui
de Lusignan, fils du comte de la Marche, qui reçoit le titre
de régent du royaume et de tuteur du jeune prince. Peu
après, Gui perd ces hautes fonctions qui sont conférées à
Raimond, comte de Tripoli, et Baudouin ÏV meurt le 16 mars
1 185. — Baudouin V, son neveu, lui succède; il avait cinq
ans et meurt dès l'année suivante en septembre 1186. —
La mère du jeune roi, Sybille, devient alors reine du
royaume et fait monter avec elle sur le trône son mari,
Gui de Lusignan. Une partie des grands du royaume, dont
le comte de Tripoli, proteste contre cette révolution, et
ces dissensions intestines vont précipiter la ruine du
royaume. Saladin prend prétexte d'un acte de brigandage
de Renaud de Châtillon, seigneur du krak de Montréal, et
envahit la Palestine. Le roi Gui accourt à la rencontre de
l'ennemi avec toutes les forces qu'il a pu réunir, mais son
armée est détruite près de Tibériade le 4 juil. 1187 ; la
sainte Croix qu'on a apportée au camp tombe aux mains
des musulmans, et Gui fait prisonnier doit pour sa rançon
livrer la place forte d'Ascalon. Saladin pousse sa pointe,
occupe Acre, Beyrout, Sagette,Giblet. Jérusalem tombe entre
ses mains le 2 août 1187 ; au mois de janvier de l'année
suivante, les chrétiens ne possèdent plus en Palestine que
le krak de Montréal, Saphet, le krak de Saint-Jean, Chas-
telblanc, Margat et Tyr, dont Saladin vient de lever le siège.
Le royaume latin de Jérusalem était à tout jamais dé-
truit,_mais le titre royal va subsister, etjusqu'en 1291, les
chrétiens posséderont quelques débris de leurs anciens do-
maines de Palestine. Gui de Lusignan, mis en liberté dès
septembre 1187, entreprend le siège d'Acre, qui durera
quatre ans et se terminera par la reprise de cette ville grâce
aux efforts de Richard d'Angleterre et aux secours de Phi-
lippe-Auguste. Mais la reine Sybille étant morte en 1190,
le beau-frère de Gui, Conrad, marquis de Montferrat, dis-
pute au sire de Lusignan le titre royal. En 1191, Richard
et Philippe-Auguste partagent les débris du royaume entre
les deux prétendants, puis Conrad est assassiné par des
émissaires du Vieux de la Montagne (avr. 1192). — Sa
veuve, Isabelle, épouse Henri, comte dejChampagne, qui
JERUSALEM — JESSE
— 126
devient roi de Jérusalem et hérite en H94 des terres
laissées au roi Gui, mort cette année. Il meurt d'accident
en 1197. Sa veuve, Isabelle, épouse alors Amauri do Lu-
signan, frère de Gai, qui devient roi de Jérusalem. Il mi-urt
en 1*206, ne laissant que des tilles de son mariage. -—Jean
de Brienne, élu alors pour le remplacer, arrive en Terre
sainte en 1210 et épouse Marie, fille de Conrad de Mont-
ferrât. De ce mariage naîtra Isabelle qui épousera, en 1229,
l'empereur Frédéric IL En 1219, Jean prend part à la cin-
quième croisade qui lui vaut pendant deux ans la posses-
sion de Damiette. Peu après, il se rend en Occident pour
réclamer des secours ; son gendre Frédéric II l'oblige à lui
céder le titre royal, et dès lors Jean ne re verra plus la
Terre sainte. Le royaume est alors pour quelques an-
nées administré au nom de l'empereur par un baile. En
1229, Frédéric se rend lui-même en Orient; il prend pos-
session des débris du royaume et obtient du sultan d'Egypte
la restitution de Jérusalem et le droit pour les pèlerins de
circuler sur les routes du pays, avantages effectifs que ne
savent apprécier ni les barons de Syrie, ennemis du sou-
verain allemand, ni le pape Grégoire IX qui Ta excommu-
nié. Les grands de Palestine, en effet, absolument hostiles
à Frédéric II et provoqués par les abus de pouvoir du baile
impérial, cherchent partout à qui offrir le vain titre de roi
de Jérusalem. En 1240, ils reconnaissent 'l'autorité d'Alix,
reine de Chypre, qui vient de se remarier à Raoul de Sois-
sons, et déclarent en même temps réserver les droits de
Conrad, fils de Frédéric. En 1244, Jérusalem tombe aux
mains des Kharismiens ; cette catastrophe, qui décide saint
Louis à se croiser, ne met pas fin aux querelles entre les
barons. En 1246, Alix meurt, et son fils, Henri, roi de
Chypre, prend le titre de roi de Jérusalem qu'il transmettra
à ses descendants ; de son côté Conrad se porte pour héri-
tier et seigneur du royaume latin; le pape Innocent IV
favorise d'ailleurs ouvertement l'usurpation des Lusignan.
Sous Hugues, fils de Henri (1253), le royaume latin est
administré par Jean d'Ibelin, seigneur d'Arsur, puis par
le maréchal Geoffroi de Sergines. Saint Louis, qui réside
deux ans en Syrie, essaye d'apaiser les querelles entre
les barons et relève à ses frais les défenses des vdles
chrétiennes. A ce moment, où le royaume est réduit
à presque rien, le vain titre de roi de Jérusalem n'en est
pas moins l'objet de convoitises ardentes, et en 1277, l'une
des prétendantes, Marie d'Antioche, cède tous ses droits,
réels ou imaginaires, à Charles d'Anjou, roi de Naples et
de Sicile; ce prince ambitieux fait occuper par ses troupes
la ville d'Acre et déclare la guerre au roi de Chypre,
Hugues III; après quelques années de luttes, Acre est re-
conquis par le fils de celui-ci, Henri II (1286), et cinq ans
plus tard (129Î) cette ville, dernier boulevard de la puis-
sance chrétienne en Palestine, tombe aux mains du sultan
d'Egypte. C'en est fait du royaume de Jérusalem.
Le titre royal continue d'ailleurs à subsister; les rois de
Naples de la maison d' Anjou s'en parent jusqu'au xv® siècle
(jusqu'à René d'Anjou) ; d'autre part, il est porté par les
rois de Chypre. Au xv*^ siècle le titre passe à la maison de
Savoie par le mariage de Charlotte, fille du roi Jean II, et
de Louis de Savoie, comte de Genève (1458), et par la
donation de Charlotte à son neveu Charles de Savoie (1485).
Les ducs de Savoie, puis rois de Sardaigne, ont porté le
titre de rois de Chypre et de Jérusalem jusqu'en 1859, date
de la fondation du royaume d'Italie. A. Molinier.
BiBL. : SociN et Benzinger, Paldestina und Syrien^
3° éd., Leipzig, 1891 (collection Bœdeker). — Articles
nourris et substantiels sur Jérusalem dans plusieurs dic-
tionnaires, notamment dans ceux de Riehm et de Schenkel
(en allemand) et dans V Encyclopédie de Lichtenberger.
— Au point de vue de la piété catholi(iue, Liévin, Sanc-
tuaires et lieux Idstoriques de la Terre sainte; Jérusa-
lem, 39 éd., 1887 (l'"^ partie). — A consulter l'ouvrage de
GuERiN, Description géographique^ étende la Palestine^
trop dépendant de la tradition. ~ Ce qui est essentiel,
c'est l'ensemble des recherches et plans du Palestine
Exploration found, ainsi que les études insérées dans la
Zeitschrift des deutschen Palestina-Vereins. — Les
voyages et récits relatifs à la Palestine et à Jérusalem
forment une bibliothèque. Notons enfin : De Saulgy, les
Derniers Jours de Jérusalem. —De Vogué, les Eglises de
la Terre Sainte. -~ Perrot et Chipiez, le Temple de
Jérusalem.
Royaume latin de Jérusalem. — V. Fart. Croisades.
— Du Gange, les Familles d' outre-mer, dans Documents
inédits pour V histoire de France; Paris, 18(59, in-4. —
Rœiiricht, Regesta regni Hierosolymitani; Innsbruck,
1893, in-8. y , ,
JERUSALEM (Johann-Friedrich-Wilhelm), théologien
allemand, né à Osnabriick le 22 nov. 1709, mort à Wol-
fenbiittel le 2 sept. 1789. Il fut un prédicateur distingué
et un théologien assez considéré à une époque où le ratio-
nalisme régnait partout en Allemagne. Le duc de Bruns-
wick le combla d'honneurs et de' charges. Il provoqua à
Brunswick la fondation du célèbre Collegium Carolinum,
qui lui dut son organisation et son développement rapide.
A la demande du duc, il rédigea une apologie du christia-
nisme, qui fut traduite en plusieurs langues ; en français :
Considérations sur les vérités fondamentales de la Reli-
gion(Y\erà[in, 1770). On trouve son autobiographie dans
ses Nacligelassene Schriften (Brunswick, 17''93).
JERVAS ou JARVIS (Charles), peintre de portraits et
traducteur anglais, né en Irlande vers 1675, mort à Londres
en 1739. Elève de sir Godfren Kueller, il étudia ensuite à
Rome et succéda à son premier maître dans l'office de
peintre du roi. Peintre à la mode, fort recherché par les
grandes dames qu'il représentait en bergères, il a fait,
outre les portraits de Georges II et ceux des principaux
personnages de la cour, plusieurs portraits du Pape et un
de Swift, Son chef-d'œuvre paraît être le portrait de la
Duchesse de Queensberry , conservé dans la National
Portrait Gallery. L'importante collection d'objets d'art
qu'il^ avait formée fut vendue aux enchères après sa mort.
Il laissait aussi une traduction de Don Quichotte^ dont
Smolett se servit plus tard et qui fut publiée par les soins
de sa veuve en d742, avec des illustrations par Vander-
bank et une introduction historique sur les romans de che-
valerie par Warburton, en 2 vol. in-4. B.-H. G.
f Atom .... C2*^IF^Az032H20.
La jervine est un alcaloïde qui existe dans le Veratrum
sabadilla ou cévadille, à côté de la vératrine et d'autres
alcaloïdes, tels que la rubijervine, la vératralbine, la cé-
radine. Elle est presque insoluble dans l'eau, mais se dis-
sout dans l'alcool où elle cristallise. L'acide sulfurique dis-
sout la jervine en donnant une coloration jaune qui passe
bientôt au vert. G. M,
JERVIS ou JARVIS. Ile de l'océan Pacifique, Polynésie,
par 0° 22' 23'' lat. S. et 162^ 15' 21" long. 0. Elle a
4 kil. q. De formation coralliaire, son lagon est asséché.
Elle est inhabitée. On en a retiré du guano.
JERVIS (John) (V. Saint-Vincent [Comte dej).
JESENSKY (en latin Jessienus). Paul Jesensky fut au
XVI" siècle évèque de FUnion des frères bohèmes et prit
part à la traduction de la Bible dite de Kralice. — Jean Je-
sensky, né à Breslau en 1566, mort en 1621, fut docteur
en médecine de l'université de Padoue et professeur aux uni-
versités de Wittenberg et de Prague, médecin des empe-
reurs Rodolphe II et Mathias. En 1618, il devint rec-
teur de l'université de Prague, prit part à la révolte des
Etats de Bohème et fut chargé d'une mission politique en
Hongrie. Après la bataille de la Maison-Blanche, il fut
condamné à mort et exécuté le 6 juin 1621.
JESONVILLE. Corn, du dép. des Vosges, arr. de Mire-
court, cant. de Darnev ; 280 hab.
J ESSAI NS. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Aube, cant. de Vendeuvre; 375 hab. Eglise du xu° et du
XIV® siècle.
JESSE (John-lîeneage), Httérateur anglais, né en 181 5,
mort à Londres le 7 juil. 1874. Fils du naturaliste Edward
Jesse (1780-1868), il fit de bonnes études à Eton el fut
employé dans les bureaux de l'amirauté. Il a laissé une
série d'études historiques intéressantes comme des romans
et dont plusieurs sont écrites d'après des documents inédits.
— \îl —
JESSE - JESUITIQUE
Citons : Memoirs of the Court of En^land during the •
reigns of the Stuarts (1840, 4 -vol. in-8); Memoirs of
the Court of England froui the Révolution to Death of
George II (1843, 3 vol. in-8); George Selwyn and his
contemporaries (1843, 4 vol. iii-8) ; Memoirs of ihe Pre-
tenders and their adhérents (1845, 2 vol. in-8); Lite-
rai^yand historical Memorials ofLondon (1847,2 vol.
in-8); Memoirs of Richard the Third (1862, in-8) ; Me-
moirs of the Life and Reign of George the Third (1867,
3 vol. iil-8), son chef-d'œuvre (il y soutient que George lit
fut effectivement marié à la jolie Hannah Lighfoot, ce qui
excita toute une polémique) ; Memoirs of the celebrated
Etonians (1875, 2 vol. in-8). R. S.
JESSELIN (V. Genselin).
J ESTE D (en allemand Jeschken), montagne de Bohême,
située au S. de Reichenberg; elle fait partie des monts de
Lusace.
JÉSUATES, religieux (Y. Colombini).
JÉSUITES (V. Société de Jésus et les articles sur le
fondateur et les généraux de cet ordre : Ignace de Loyola,
Laynès (Jacques), Borgia (François de), Mercuriân (Evé-
rard), Aquaviva (Claude), Vittelschi (Mutio), Carâffâ
(Vincent), Piccolomini (François), Gottifredi (Alexandre),
Nickel (Gosvi^in), Oliva (Jean-Paul), Noyelle (Charles de),
GoNZALÈs (Thyrse), Tamburini (Michel- Ange), Retz (Fran-
çois), ViscoNTi (Ignace), Centurions (Louis), Ricci (Lau-
rent), Brzozowski (Thaddée), Fortis (Louis), Roothaan
(Jean), Beckx, (Pierre), Martin (Louis) et Anderleoy, son
prédécesseur; mêoie notice pour ces deux derniers.).
JÉSUITESSES. Les jésuites n'ont jamais eu ni tiers-
ordre proprement dit, ni religieuses associées, assujetties à
leur règle et à leur direction, comme les bénédictins, les
dominicains, les franciscains et la plupart des autres
ordres. Dès 1549, Ignace de Loyola avait sollicité et ob-
tenu la bulle Licet non debitum, protégeant son œuvre
contre toute affiliation de ce genre. -— On a donné le nom
de Jésuitesses à une congrégation de religieuses instituée
à l'imitation de la Société de Jésus, en 1534, par deux
Anglaises, venues en Flandre, Warda et Tuitia, mais qui
semble n'avoir jamais été canoniquement confirmée. Elles
faisaient vœu de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, fon-
daient des collèges et prêchaient dans des assemblées. Ur-
bain VIII les supprima en 1631 (31 mai), leur ordonnant,
sous peine d'excommunication ipso facto^ de quitter leur
habit, de sortir immédiatement des maisons et collèges où
elles avaient demeuré jusqu'alors, et de vivre séparément,
sans pouvoir jamais se rassembler pour délibérer sur quoi
que ce fût,
JÉSUITIQUE (Architecture). Style d'architecture qui
fleurit surtout à Rome et dans les pays de religion catho-
lique vers la fin du xvi® siècle et pendant les xvii« et
xviii^ siècles. Dans ce style furent construites et décorées
de nombreuses éghses rappelant, par les dispositions de
leur plan, par l'agencement de leur façade et surtout par
le mode et la richesse de leur ornementation intérieure,
l'éghse du Gesù et l'église Saint-Ignace à Rome, l'église
Saint-Paul-Saint-Louis, rue Saint-Antoine, à Paris, et
quelques sanctuaires que l'on peut considérer comme types
de cette architecture et qui, consacrés sous différents vo-
cables, doivent leur origine aux jésuites et furent élevés
en l'honneur ou sous les auspices de cette puissante com-
pagnie. Une étude rapide des principales données, plan,
façade, coupe et ornementation, des trois églises citées
plus haut, étude résumant les monographies de ces églises
publiées par J. Gailhabaud {Monuments anciens et mo-
dernes ; Paris, 1850, t. IV, in-4), dira les premiers
maîtres et montrera bien l'origine et les développements de
cette architecture jésuitique restée si chère encore de nos
jours uu catholicisme romain et à plusieurs ordres religieux.
Commencé dès 1568, sur la volonté et aux frais du
cardinal Alexandre Farnèse, grand admirateur des jésuites
et neveu du pape Paul 111 qui venait d'approuver à nou-
veau leur institut, la première église des jésuites à Rome,
l'église du Gesù, dédiée à Jésus-Christ, chef et patron du
nouvel ordre, eut pour premier architecte J.-B. Vignole
(V. ce nom), et cet artiste s'inspira, pour le plan, qui fut
plus d'une fois imité dans les églises jésuitiques, des plans
conçus par Palladio pour l'église Saint-Georges, à Venise.
Le plan de l'église du Gesù (V. fig.) offre une croix la-
tine formée par une nef unique, le transept et le chœur ;
Plan de l'église du Gesù, à Rome.
des deux côtés de la nef un collatéral, divisé en chapelles
communiquant entre elles, supporte des tribunes auxquelles
on accède par de petits escaliers circulaires pris dans le
mur de la façade principale. La croisée est surmontée d'une
coupole érigée à l'aide de pendentifs sur piliers d'angle.
Lorsque Vignole mourut en 1573, la construction avait
atteint la hauteur de la première corniche, et le cardinal
Alexandre Farnèse dut s'adresser à un élève de Vignole,
J. délia Porta pour continuer l'œuvre, mais le nouvel
architecte, auquel sont dues l'abside, la coupole, la
voûte de la nef et la façade principale, fut loin de con-
server la sobriété et l'imitation de l'antique qui caractérisent
l'architecture de Palladio et de Vignole, et, précurseur de
l'exubérance et du désordre architectural qui devaient se
faire jour au milieu de tant de richesses d'ornementation
dans les a3uvres du Bernin et du Borromini (V. ces
noms), J. délia Porta décora la façade principale de deux
JÉSUITIQUE
— 128 —
ordonnances corinthiennes superposées, celle du bas, élevée
au-devant de la nef et des collatéraux, et celle du haut,
élevée seulement au-devant de la partie supérieure de la
nef; en revanche, deux grands ailerons, sortes de volutes
allongées ou de consoles renversées formant amortissement,
rachètent la différence de largeur des deux ordonnances,
et ces ailerons, dits aussi consoles jésuitiques, se retrou-
veront plus ou moins accentués ou atténués dans les façades
de presque toutes les églises de la Compagnie de Jésus ou
d'architecture jésuitique (V. t. I, p. 950, fig. 2, l'aileron
très développé de l'église
du Gesù, à Rome, et
t. II, p. 799, fig. 3,
l'aileron peu important
formant amortissement
de la partie supérieure
de la façade de l'église
Saint-Gervais et Saint-
Protais, à Paris). Outre
un fronton triangulaire
compris dans un fronton
circulaire, lesquels sur-
montent les colonnes
encadrant l'entrée prin-
cipale de la nef, un im-
portant fronton triangu-
laire couronne l'ordon-
nance supérieure, et une
lanterne ajourée, sur-
montée d'une croix,
s'élève au-dessus de la
coupole, laquelle est ex-
térieurement de forme
octogonale comme le
tambour qui lui sert de
base. Tels sont les prin-
cipaux éléments de la
façade de cette église du
Gesù si souvent imitée
et qui marque une phase,
non la plus heureuse de
la Renaissance italienne;
en outre, l'ornementa-
tion intérieure de cette
église, dont l'exécution
s'est poursuivie posté-
rieurement à l'achève-
ment de sa construction,
accentue bien plus en-
core la révolution qui
s'est produite dans l'ar-
chitecture italienne et,
sous rinfluence des jé-
suites, à travers le monde entier. C'est partout, dit
J. Gailhabaud, «un luxe, une richesse, une magnificence
qui éblouissent, mais que réprouve le bon goût; car on
y sent les idées dominantes de l'époque, c.-à-d. cette
manie, cet engouement du bizarre et de la surcharge
en matière de décoration, l'action enfin du Bernin et du
Borromini, et, plus encore, celle de leurs élèves et de
leurs imitateurs, qui surenchérirent, par leurs excentri-
cités, sur les écarts déjà blâmables de ces deux maîtres ».
J. délia Porta, pour le grand autel; Pierre de Cortone,
pour le transept de droite dédié à saint François-Xavier ;
le P. Pozzi, un jésuite, pour le transept de gauche, dédié
à saint Ignace de Loyola, le fondateur de l'ordre ; le Ber-
nin, enfin, pour les figures de la Religion et de la Sagesse
décorant, près du maître-autel, le tombeau du cardinal
Bellarmin : tels sont les maîtres italiens auxquels l'église
du Gesù doit les parties les plus caractéristiques de son or-
nementation, ornementation dont une vue de la chapelle
de Saint-Ignace fera, mieux que toute description, conce-
voir la richesse.
Chapelle de Saint-Jgnace, dans l'église du Gesù, à Rome,
La seconde des églises des jésuites, l'église Saint-Ignace, à
Rome, dont la construction commença en iô'îlQ, plus d'un
demi-siècle après celle de l'église du Gesù, c.-à-d. au mo-
ment où les jésuites étaient le plus en faveur à la cour de
Rome, fut, elle aussi, élevée aux frais d'un cardinal, neveu
d'un pape, le cardinal Louis Ludovisi, neveu de Grégoire XV.
Des plans furent demandés à l'architecte bolonais Dome-
nico Zampieri, dit le Dominiquin, qui fit deux projets, les-
quels furent remis au P. jésuite Horace Grassi : ce dernier
les combina et en tira le projet qui fut suivi. Le plan de
l'église Saint-Ignace qui
comprend grande nef
avec bas côtés, transept
dont la croisée est sur-
montée d'une coupole,
et abside, toutes données
habituelles aux églises
jésuitiques, rappelle as-
sez bien le plan de
l'église du Gesù. Il en
est de même de la façade
dessinée par l'architecte
bolonais Alessandro Al-
gardi, qui succéda dans
la direction des travaux
au P. Grassi : on voit,
à l'éghse Saint-Ignace
comme à l'église du
Gesù, les deux mêmes
ordonnances corinthien-
nes dont la différence de
largeur est également
rachetée par des aile-
rons, et une coupole
octogonale surmonte la
croisée des deux églises.
Cependant, tout en s'ins-
pirant de l'œuvre de
J. délia Porta — et
peut-être cette quasi-
imitation lui fut-elle im-
posée — Algardi sut
apporter dans les lignes
et dans les profils une
sobriété rappelant plu-
tôt les œuvres de Vi-
gnole que celles de son
élève . L'intérieur de
l'éghse est aussi plus
sobrement décoré, au
moins pour ce qui est
dejlanef; mais à l'église
Saint-Ignace comme à
l'église du Gesù, les croisillons du transept brillent d'une
trop exubérante richesse. Au reste, pour les Italiens dé-
vots du XVII® siècle, le mérite et la beauté de ces églises
jésuitiques consistèrent surtout dans les draperies tour-
mentées des sculptures, dans l'abus des marbres et des
stucs, des bronzes et des ors, enfin dans de grandes com-
positions picturales, d'un style non moins riche et non
moins tourmenté que celui des sculptures. C'est ainsi qu'à
l'église Saint -Ignace, la peinture de la voûte, œuvre du
P. jésuite Pozzi, est une des plus renommées de ce genre
et consiste en une architecture fantastique, avec corniche,
ressauts, tribunes, etc., au travers de laquelle des anges
et des saints font cortège à Ignace de Loyola entrant dans
la cour céleste. Et que'dire des autels, des tombeaux, des
chaires à prêcher, des stalles et des flambeaux de cette
église : ils sont à l'avenant de l'architecture, de la sculp-
ture et de la peinture, et c'est tout dire.
L'église Saint-Paul-Saint-Louis fut élevée, de 1627 à
-1641, rue Saint-Antoine, à Paris, grâce aux libéralités du
roi Louis Xlll et du cardinal de Richelieu, pour être le
sanctuaire de la maison professe des jésuites : aussi ne le
cédait-elle en richesse d'ornementation extérieure et inté-
rieure à aucune autre de cet ordre. Le P. jésuite Fran-
çois Derand (V. ce nom), très habile en stéréotomie, en
donna les plans et en surveilla les travaux. Trois ordres
corinthiens, dont un composite, superposés, des frontons,
des ailerons à la partie supérieure et partout des festons,
des entrelacs et des vases caractérisent, plus encore sur le
portail de cette église que sur les portails des églises de
Rome citées plus haut, le style jésuitique à son épanouis-
sement. L'intérieur de cette église rappelle, comme dispo-
sition, l'église du Gesù à Rome; mais le dôme octogonal,
qui surmonte la croisée, était, à l'époque où il fut élevé,
le plus important de cette forme en France. La Révolution
vit priver ce sanctuaire des richesses innombrables qui y
étaient accumulées et parmi lesquelles il faut citer les anges
d'argent soutenant un reliquaire renfermant le cœur de
Louis Xlll et surtout le fameux monument élevé en l'hon-
neur de Henri de Bourbon, prince de Condé, sur les des-
sins de Jacques Sarazin (V. ce nom).
Presque toutes les églises élevées en pays catholiques
pendant les xvii*^ et xviii^ siècles présentèrent plus ou moins
quelques-uns des caractères du style jésuitique, et à Paris
on peut citer, entre autres, les portails des églises Notre-
Dame des Victoires, Sainte - Elisabeth , Saint -Thomas
d'Aquin et le portail de l'ancienne église Saint-Barthélémy
de la Cité, transporté et reconstruit au-devant de l'église
des Blancs-Manteaux, comme tous inspirés, tant dans leur
ordonnance d'architecture que dans leur ornementation
sculpturale, de ce style jésuitique dont les trois égUses
étudiées plus haut montrent les éléments principaux à leur
naissance et dans leur développement. Charles Lucas.
JÉSUS. La vie^ la personnalité et Vœuvre de Jésus
ont donné lieu à des appréciations très diverses^ par-
fois même contradictoires, entre lesquelles nos prin-
cipes d'impartialité ne nous permettent pas de prendre
un parti absolu,
Recomiaissant V impossibilité de rédiger un article
unique qui donne satisfaction aux différents ordres de
penseurs, ainsi qu'à tous les lecteurs d'une œuvre
d'ensemble, nous avons présenté cette grande question
sous ses deux formes les plus nettes, daîis deux articles,
dont le premier résume avec la haute autorité de son
auteur, le P. Didon, la doctrine catholique, et le se-
cond expose avec une précision parfaite, sous la signa-
ture de M, Maurice Ver nés, son représentant le plus
autorisé, le point de vue de la critique rationaliste.
Ce double exposé était indispensable : il est en
effet aussi intéressant pour les rationalistes de con-^
naître l'idée que les chrétiens se font de Jésus, que
pour les croyants de ne pas ignorer les affirmations
de la critique moderne.
JÉSUS-Christ. Jésus-Christ est le grand nom de l'his-
toire. Il en est d'autres pour lesquels on meurt ; il est
le seul qu'on adore à travers tous les peuples, toutes les
races, tous les siècles. Sa vie ne forme pas seulement la
dernière scène d'un drame national qui occupe un espace
de près de vingt siècles, depuis Abraham jusqu'à la des-
truction du peuple juif; elle remplit l'histoire universelle
dont elle est le centre et le faîte. C'est à Jésus que tout se
termine et de lui que tout dérive. Après deux mille ans,
il reste la personnalité la plus vivante et la plus néces-
saire, la plus contredite et la plus invincible.
Il s'est manifesté, suivant le premier mot tombé de ses
lèvres, dans la plénitude des temps, vers le milieu du
VIII® siècle de Rome, de la 192^ olympiade, et, d'après la
chronologie biblique, vers la fin du 4^ millénaire de la créa-
tion. L'empire romain, le paganisme, la philosophie, le ju-
daïsme officiel, toutes les forces humaines organisées alors
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
— 129 — JÉSUITIQUE — JÉSUS
avaient accompli leur évolution. Le monde se mourait, as-
servi par la politique romaine, dégradé, désespéré par les
fausses religions, demandant vainement aux philosophes le
secret de la vie et de la vertu ; le judaïsme lui-même ago-
nisait, infidèle à sa destinée. Jamais il n'y eut moment plus
critique. Mais Dieu veillait, et dans son peuple élu les
humbles priaient, espéraient. En dehors du judaïsme une
attente vague dont témoignent les poètes, les historiens,
les livres sibyllins, palpitait, tenait le monde en haleine :
c'était le pressentiment qui annonce tous les événements
importants de l'histoire.
I. Jésus naquit à Bethléem, vers Fan 747-49 de Rome.
Son origine n'est point semblable à la nôtre. Il n'est pas
né comme nous du « mélange des sangs, ni d'un instinct
charnel, ni d'une volonté d'homme ». Apportant à l'hu-
manité le secret et le pouvoir de renaître dans l'Esprit, il
est né de la femme et de l'esprit de Dieu. Sa mère s'ap-
pelait Marie, une Nazaréenne. Il ne tient à l'espèce hu-
maine que par elle. Celui qui vient inaugurer la race
nouvelle des fils de Dieu échappe au torrent des généra-
tions terrestres : ce n'est pas l'homme qui l'engendre, c'est
l'Esprit qui l'évoque des chastes entrailles de la Vierge.
Bien que né à Bethléem, Jésus a vécu à Nazareth, en Gali-
lée, où habitait Marie, sa mère, et celui qui passait pour
son père, Joseph le charpentier. Il y fut élevé comme tous
les Galiléens de son âge et de sa condition. Cette existence
cachée, pauvre et laborieuse, dura près de trente ans. Elle
est enveloppée de mystère. L'Esprit de Dieu seul a fait grandir
Jésus, le façonnant et le préparant à sa vocation future. Il
a tout reçu de cet Esprit et rien des hommes. Quel maître
eût pu l'initier à une vocation qui était au-dessus de
l'homme? Tout ce qu'il a vu, senti, résolu, désiré, lui a
été donné d'intuition et d'inspiration.
Lorsqu'un homme providentiel a atteint sa plénitude, le
milieu où il doit agir l'invite à se produire^ les circons-
tances vont au-devant de lui ; de la même main qui crée
les génies et les applique à son œuvre. Dieu conduit les
événements où ils doivent prendre place ; entre le cours des
uns et l'évolution des autres, c'est une harmonie prééta-
blie : la même heure marque leur maturité. Au moment
où Jésus approche de sa trentième année, — l'âge de la
virilité parfaite chez les Juifs, — le même Esprit qui l'a
produit et qui a fait converger vers lui tout le mouvement
des siècles, prépare directement le théâtre où il va pa-
raître ; il lui fraye le chemin ; il éveille Pâme de son peuple
par une de ces voix qui passionnent la foule et ébranlent
les consciences.
II. Alors parut en Israël un homme destiné à tra-
duire à son pays troublé par les partis, courbé sous le
joug païen, égaré par ses passions et ses préjugés, la pensée
et les desseins de Dieu. Jean était de la race des pro-
phètes et le plus grand de tous. Il vécut et grandit, comme
un être consacré, un « Nazir ». Nulle influence terrestre
ne devait effleurer cette âme vouée à la plus haute des
missions.
Il habite le désert, écoutant la voix intérieure de l'Es-
prit et se fortifiant par elle. La vigueur de son inspiration
l'élève au-dessus de son temps et de son milieu. Pour lui
trouver des pareils, il faut remonter jusqu'à Elie le Thes-
bite et jusqu'à Isaie ; tous les deux revivent en lui. D'un
caractère inflexible, il ne craint rien : ni le peuple, ni les
grands, ni les princes ; sa sincérité est inexorable. Pénitent
héroïque, il a l'austérité qui s'impose aux foules. Nul pro-
phète n'a crié plus puissamment que lui le mot qui con-
vient aux nations écrasées par la justice de Dieu : « Faites
pénitence. » Et, cependant, ce vengeur de la morale, ce
héraut du repentir et du terrible jugement de Dieu, ne plie
pas sous Paccablement des vices qu'il flagelle ; ce n'est
point un pessimiste découragé, c'est un homme d'espé-
rance. Il voit venir le Royaume de Dieu, et il annonce
qu'il est là.
La grande œuvre que Dieu préparait depuis tant de siècles,
— « cette œuvre des entrailles de la miséricorde de Dieu,
9
JESUS
— 130 --
le salut du monde, rillumination des païens et la gloire
des vrais fils d'Abraham », — allait paraître. Jean le savait,
le voyait, l'affirmait. A l'appel du nouveau prophète, le
peuple entier se souleva. Le désert fut rempli de sa voix.
Les chemins solitaires furent encombrés par la foule qui
accourait de toutes parts à la recherche et à la suite de
l'anachorète.
Le voyant se doubla du réformateur, et tandis que le
voyant apaisait les espérances de la foule, le réformateur
l'entraînait et lui enseignait la science du salut. Cette
science, qui consiste tout entière dans la préparation au
règne messianique, se résumait pour lui en deux éléments :
une vertu, la pénitence ; un rite, le baptême accompagné
delà confession des péchés. Plusieurs mois s'étaient écoulés
depuis l'entrée en scène de Jean. Etabli sur la rive orien-
tale du Jourdain, en un lieu désert appelé Béthanie, en
face de Jéricho, près du gué que traversent les caravanes
qui vont dans le S. de la Pérée, vers Hesbon et Mâcherons,
il avait vu passer une foule innombrable ; mais il compre-
nait que son œuvre n'atteindrait son point culminant qu'à
la condition qu'il verrait, qu'il montrerait au peuple le Messie
attendu, le fondateur du royaume de Dieu. Ses yeux le
cherchaient, ses pressentiments l'appelaient. Une voix inté-
rieure lui dit : « Celui sur lequel tu verras l'Esprit des-
cendre et demeurer, c'est celui qui baptise dans l'Esprit-
Saint. »
On touchait à la fin de Tannée 27, peut-être aux pre-
miers jours de l'an 28. La Galilée, comme toutes les autres
provinces, était remplie du nom de Jean-Baptiste ; les Ga-
liléens, suivant l'impulsion qui emportait vers lui tous les
Juils, venaient à leur tour demander le baptême. Ce fut
pour Jésus l'heure de Dieu. Le charpentier de Nazareth
avait trente ans ; il se mêla aux caravanes de son pays et
descendit dans la vallée du Jourdain. Jean ne le connais-
sait pas. Jésus s'approcha de lui. Une vision soudaine le
lui révéla. « Au-dessus de la tête de Jésus, Jean vit les
cieux ouverts, et l'Esprit, sous la forme corporelle d'une
colombe, descendit et se reposa sur lui. » C'était le signe
attendu. Il s'inclina devant Jésus de Nazareth, et il se
défendait de lui donner le baptême.
— Comment, disait-il, c'est moi qui dois le recevoir de
toi, et tu viens me le deuiander?
— « Laisse, répondit Jésus, c'est ainsi que nous devons
accomplir toute justice. »
Jean obéit et le baptisa. Jésus s'éloigna presque aussitôt
et disparut au désert. En s'y retirant, après son baptême,
il veut traverser, à sa manière, cette phase de recueil-
lement total qui, dans la vie des hommes d'action, précède
l'exécution de leur œuvre.
La destinée de Jésus ne l'appelait point à s'attarder
longtemps au désert, il n'y fait qu'une halte. Les plus
grands parmi les hommes religieux y vont prendre de
l'énergie, Jésus s'y retire pour en montrer; ils recherchent
la solitude et la paix, Jésus la lutte; ils lui demandent un
refuge contre le mal, Jésus vient y prier, recevoir les
attaques de Satan et le vaincre.
III. Après son jeûne et sa tentation au désert, Jésus re-
vient seul sur les bords du Jourdain, aux environs de Beth
A'barah où Jean, depuis qu'il l'avait baptisé, ne cessait de
lui rendre témoignage. C'est au fond de cette vallée du
Jourdain, creusée comme un immense sillon, c'est là, sous
ce ciel ardent, au point même où la parole de Jean-Bap-
tiste a mis en fermentation la conscience d'Israël, que l'on
peut saisir les premières manifestations de l'action pu-
blique de Jésus. Il recrute là ses premiers disciples, André
et Pierre, Philippe et Barthélémy. Il revient avec eux en
Galilée, à Nazareth, à Cana, à Bethsaïde, à Capharnaiim ;
mais la Pâque de l'an 28 était proche, les caravanes s'or-
ganisaient sur tous les points de la Galilée, pour aller à la
fête, Jésus se mit en chemin vers Jérusalem avec ses dis-
ciples.
En agissant ainsi, il obéissait aux exigences de son rôle,
car la Judée était le centre obligé de toute action prophé-
tique et messianique. Il alla droit au Temple devenu un
marché et un bazar. A la vue du trafic qui déshonorait la
maison de Dieu, il donna libre cours à son zèle, à son
indignation, à sa sainte colère, et, ramassant les cordes qui
servaient à lier ou à parquer les bêtes, il en fit un fouet
et se mit à chasser tous les marchands avec leurs brebis
et leurs bœufs ; puis il répandit l'argent des changeurs,
renversa leurs tables et dit à ceux qui vendaient des co-
lombes au nom de la famille des grands prêtres : Em-
portez-les d'ici, ne faites pas de la maison de mon père
une caverne de voleurs! C'est par cet acte audacieux
et véhément de zèle indigné, que Jésus s'affirma à la
face de la multitude et des autorités juives, Maître du
Temple et Fils de Dieu. La scène ne put manquer d'avoir
un grand retentissement. L'attention publique se porta
vivement vers le nouveau prophète ; il fut approuvé par
le peuple, mais il choqua, heurta, blessa les chefs et les
anciens, les prêtres et leurs fidèles, les indifférents et
les satisfaits, toute cette classe que l'autorité ou le bien-
être affadit, les partisans des usages en vigueur et delà
tranguillité à tout prix, tous ceux qui, de près ou de loin,
tenaient au pouvoir. Les sociétés et les hommes se ressem-
blent toujours et partout.
Cette scène marque dans la vie publique de Jésus la date
de la première opposition qu'il souleva. Entre lui et Pau-
torité nationale et religieuse, le conflit est désormais ouvert,
il était inévitable, il sera poussé jusqu'à la dernière vio-
lence.
Jésus s'est déclaré le Fils de Dieu, et il a inauguré son
ministère à Jérusalem même, à la face du peuple et du pou-
voir ; or, Jérusalem, c'est la nation tout entière, le centre
d'où émanent les deux puissances auxquelles tout obéit :
l'opinion publique et l'autorité. On sait ce qu'il est, on sait
ce qu'il veut ; partout où il portera ses pas désormais, les
regards du peuple et l'œil des chefs seront sur lui. L'effet
est obtenu. Du nord au midi, de l'Hermon aux confins de
l'idumée, de l'occident à l'orient, de la « grande mer »,
comme on appelait la Méditerranée aux vastes plaines du
royaume arabe d'Arétas, la Palestine est avertie qu'un
grand prophète s'est levé, se disant le Fils de Dieu, prou-
vant sa mission par des prodiges et demandant la foi à sa
parole. Elle n'ignore pas que les esprits se divisent à son
sujet, qu'il attire la foule, mais que les chefs du peuple, à
très peu d'exceptions près, les docteurs et les anciens,
l'aristocratie de la fortune, du sacerdoce et de la science,
les grands prêtres et le Sanhédrin, lui font une opposition
déclarée. Ils ne voient en lui qu'un faux prophète, un im-
pie, un blasphémateur; ils le surveillent, ils l'épient; et,
craignant que la foule, séduite, échappe à leur autorité,
ils sont résolus à sévir et à traiter Jésus avec toute la ri-
gueur dont leur loi frappe ceux qui séduisent le peuple et
blasphèment Jéhovah. Ainsi, à Jérusalem, Jésus n'avait
réussi qu'à rallier dans la multitude quelques âmes simples
et droites, à se créer dans la classe supérieure quelques
amis inconnus, réservés, tels que Nicodème et Joseph d'Ari-
mathie, à provoquer dans le monde officiel, gardien des tra-
ditions et des lois, une répulsion invincible et menaçante.
L'antagonisme de la hiérarchie contre Jésus aurait pu,
dès la première heure, empêcher, paralyser et même anéan-
tir son action. Mais Jésus connaît la mesure exacte de
l'opposition qu'il peut déchaîner, sans préjudice pour son
œuvre ; et tant que son heure n'est pas venue, il a la sa-
gesse de fuir le danger, lorsque le danger devient trop
pressant. C'est dans cette sagesse qu'il faut chercher le
motif historique pour lequel il abandonne maintenant la
Judée et sa métropole, et va chercher, en Galilée, un milieu
plus tranquille, plus hospitalier, qui lui permette de fonder
l'œuvre de son Boyaume.
IV, L'évangéhsation de la Galilée tient, dans sa vie pu-
blique, une place considérable ; elle a duré de huit à neuf
mois, depuis la fête des Purim de l'an 29 jusqu'à la fête
des Tabernacles de la même année. Toute l'œuvre de Jésus,
— ce qu'il appelait son Royaume, — cette œuvre qui de-
— i3d —
JÉSUS
vaît remplir le monde, sous le nom d'Eglise, a été fondée,
organisée dans ces jours rapides. Jésus a révélé ce qu'il
était, s'est emparé de la conscience humaine dans la per-
sonne de quelques pauvres Galiléens dont il a fait ses
Apôtres, et il a inauguré avec eux et en eux son royaume,
qui ne devait connaître aucune limite, ni celle de l'espace,
ni celle du temps. La pauvreté apparente des moyens est
hors de proportion avec l'immensité des résultats, et ce
contraste forme la plus grande énigme de l'histoire. Pour
comprendre son action dans ce nouveau milieu et les inci-
dents qui signalèrent son apostolat, il faut connaître l'état
de l'opinion et de la conscience de ceux qu'il venait évan-
géliser. Un mot le résume : le royaume de Dieu est proche.
L'expression, empruntée à Daniel, désigne le règne du
Messie, succédant aux grands royaumes de la terre, les
éclipsant par sa grandeur et ses hienfaits. L'idée qu'elle tra-
duit est tout le génie du peuple juif, elle le fait vivre, elle
est le ressort de son évolution. Elle inspire aux prophètes
leurs plus grands oracles.
Les Apocalypses des deux siècles qui précèdent l'avène-
ment de Jésus en sont remplies. En passant par les lèvres
de Jésus, cette expression se propage et s'enflamme. Nulle
n'est plus populaire. Chaque nation a de ces mots qui, par
moments, exercent une puissance magique. A quoi tient
ce charme irrésistible? Evidemment à ce qu'ils expriment
plus ou moins l'idéal qui, dans une époque, attire ou pas-
sionne un pays, un siècle, toute une civilisation.
Les meilleurs, parmi les Juifs, vivaient confiants dans
les grandes promesses de Dieu, dans sa miséricorde et sa
fidélité ; ils attendaient l'œuvre, mais sans la déterminer,
de peur de la méconnaître. En dehors d'eux, il est facile
de voir que deux grands courants entraînent et égarent les
esprits : l'un terrestre et politique, l'autre légal et reli-
gieux. Ceux qu'emporte le premier, rêvent, sous le nom
de Règne de Dieu, le rétablissement du royaume d'Israël,
l'affranchissement du joug des Romains et un Messie qui
sera le chef terrestre de ce royaume. Dans la simplicité et
l'impétuosité de leur foi, ils voient déjà Jérusalem devenue
le centre et la métropole de tous les peuples, ils con-
templent la maison de Jéhovah ouverte aux païens accourus
en foule pour y adorer leur Dieu et acclamer, dans leur
Messie, le roi universel. Enfiévrés d'espérances, ils tres-
saillent à la pensée d un monde nouveau, débordant de
joie et de félicité, véritable âge d'or de l'humanité mes-
sianique. C'est le propre de la foi naïve de se bercer
d'illusions. Les Gahléens s'abandonnaient d'autant plus à
ces rêves qu'ils répondaient mieux à leur nature indépen-
dante et guerrière.
Ceux qu'emportait le courant légal et religieux ambi-
tionnaient surtout le triomphe de la loi mosaïque, telle que
les scribes et les hassidim, depuis Esdras, l'avaient inter-
prétée. Ils se résignaient au joug étranger, pourvu que le
Dieu d'Israël devint le Dieu de l'univers, et la Thora, le
code universel. Ce courant prévalait dans les écoles et chez
les chefs du peuple, Sadducéens, amis du pouvoir, et Pha-
risiens modérés de l'école de Hillel. Le règne de Dieu, pour
les Juifs égarés par les préjugés politiques et religieux, n'est
que leur propre règne. Tous mettent leurs idées à la place
de la pensée de Dieu, les uns en voulant asservir le monde
à une nation, les autres en prétendant enchaîner les cons-
ciences à une loi imparfaite ; or, la nation juive était des-
tinée à périr et la loi mosaïque à être complétée. Un seul
être a compris et révélé dans sa plénitude la pensée divine
résumée dans ce mot : « le règne de Dieu » ; c'est Jésus. Il
adopta cette expression populaire dans son apostolat gali-
léen. Nulle ne répondait mieux à ses desseins et à son
œuvre, car elle contenait toute sa doctrine, tout son plan ;
elle est sa gloire, sa raison d'être, tout son génie.
Envisagé dans ses éléments essentiels, le royaume de
Dieu implique un chef, une loi, des sujets. Le chef est
Jésus ; la loi, l'esprit vivant de Dieu ou la volonté du Père ;
les sujets, l'ensemble des hommes qui, par la foi, recon-
naissent le chef, s'ouvrent à cet Esprit par le repentir et
acceptent cette volonté par l'amour. Considéré dans son
évolution, à l'exemple de tout ce qui grandit, il embrasse
trois phases : le début, la croissance laborieuse et la con-
sommation. Dans sa phase initiale, il se concentre en Jésus
et ses premiers fidèles; dans sa croissance, il comprend la
hiérarchie apostolique et tous les croyants qui lui obéissent
comme dépositaire des pouvoirs du Christ invisible ; dans
sa consommation, il représente le terme glorieux de l'hu-
manité régénérée dans la gloire réservée aux élus. Ces trois
états, liés l'un à l'autre, procèdent l'un de l'autre : du
germe divin qui est le Christ sort l'Eglise, grandissante
comme les rameaux de l'arbre gigantesque qui doit couvrir
le monde, et l'humanité, pleinement transfigurée par le
Christ, sort de l'humanité souffrante avec lui, livrée comme
lui aux persécutions et à la lutte, jusqu'à ce que l'esprit
de Dieu la glorifie dans la plénitude de la vie, à l'exemple
de Jésus. L'avènement du règne de Dieu, tel que Jésus le
concevait, n'est plus une question juive, c'est une question
humaine. L'Evangile qui contient cette nouvelle est, dès
lors, le livre de tous, et celui qui la réalise n'est plus seu-
lement le Messie des Juifs, il est le médiateur universel.
Ce règne est plus que la transformation divine et défini-
tive de la religion d'Israël, et il est la religion même, dans
sa perfection absolue.
Avec Jésus, un règne nouveau, dans le sens le plus
rigoureux, est véritablement inauguré sur la terre, règne
infini, éternel, qui dominera, perfectionnera les règnes
antérieurs de la matière, de l'animalité et de l'humanité.
Au-dessus de la matière, des forces animales et de la rai-
son, il y aura désormais, en activité incessante, l'esprit
vivant et personnel de Dieu. lia pris possession de l'huma-
nité dans le Christ ; il débordera de lui sur toutes les âmes
de bonne volonté, toutes les races, toutes les civilisations.
Pour accomplir son œuvre, Jésus avait la vertu de Dieu
qui se traduisait, humainement, en lui, par la sagesse, la
puissance et la bonté. Sa sagesse éclairait, sa puissance
commandait à la matière et aux esprits, sa bonté attirait
tout.
Ce que nous appelons l'éloquence, — le génie de la pa-
role publique, est en lui non pas un art, mais un don mer-
veilleux de l'Esprit. Nul apôtre, nul prophète ne l'a égalé.
Aucun n'a eu, comme lui, le secret de persuader et d'émou-
voir ; aucun n'a fait entrer plus avant dans l'âme des con-
victions plus fortes et plus sublimes, des vertus plus hé-
roïques, plus d'énergie et plus d'amour. Sa parole est un
des leviers avec lesquels il a soulevé le monde. En traduisant
toute son âme, elle incarne la pensée et la vertu de Dieu.
Elle est Esprit et Vie. Elle a l'originalité suprême, le relief
et l'éclat, la force et l'à-propos; elle taille et frappe droit
comme le glaive, elle en a la pointe et le double tranchant.
Alors même qu'elle emprunte quelquefois les expressions
des Prophètes, elle ne répète pas, elle rajeunit les an-
ciennes formules, en leur donnant un sens nouveau ; elle
les achève et les remplit. Elle jadlit d'inspiration de la plé-
nitude du Dieu vivant, et emporte avec elle le Dieu vivant.
« Le ciel et la terre passeront », a osé dire Jésus, « mes
paroles ne passeront point. » Elles demeurent, en effet,
dans la conscience humaine, comme des étoiles dans la nuit.
Le genre humain admire les aphorlsmes recueillis de sa
bouche comme l'expression parfaite, idéale, de la vérité.
Quelle prière remplacera la sienne et osera tenir à Dieu un
autre langage que le « Notre Père, qui êtes aux cieux »?
11 nous a donné la formule de toutes les vertus héroïques ;
de la charité : « Aimez jusqu'à vos ennemis, et faites le
bien à ceux mêmes qui vous haïssent » ; de l'humilité :
« Hypocrite, tu vois le fétu dans l'œil de ton frère et tu
ne vois pas la poutre dans ton œil » ; de la bonté envers
le coupable : « Que celui qui est sans péché lui jette la
première pierre » ; du pardon des bourreaux : « Père,
pardonne-leur, ils ne savent ce qu'ils font » ; de la conso-
lation et de la force dans les douleurs : « Venez à moi,
vous qui souffrez, et je vous relèverai. » Il a créé la science
d'être heureux, dans ces maximes qui semblent un défi à
JESUS — 132 —
la sagesse humabie et qui n'ont jamais déçu personne :
« Heureux les pauvres, les doux, les affligés, les affamés
de justice, les pacifiques, les persécutés: c'est dans ceux-
là qu'arrive le Règne de Dieu. »
La parole de Jésus a l'énergie créatrice. En exprimant
la vérité, J 'homme ne peut que souhaiter le bien, il n'a
pas la vertu de le produire. Jésus faisait le bien qu'il
disait ; il parlait comme ayant puissance souveraine et irré-
sistible. D un mot, il chassait et subjugait les esprits mau-
vais, guérissait les malades, calmait toute douleur, donnait
le mouvement aux paralytiques, la vue aux aveugles,
l'ouïe aux sourds, la vie aux morts. Il avait le don de
transformer l'âme. Le Thaumaturge en Jésus entraînait et
subjuguait plus encore que l'Evangéliste. Le peuple est le
même partout, en Orient comme en Occident ; la puissance
le captive plus que l'intelligence, les faits éclatants plus
que les paroles éloquentes, les prodiges plus que les dis-
cours. Mais lorsque ces deux éléments se réunissent, l'ac-
tion est irrésistible.
Un autre élément d'action populaire en Jésus, c'est son
caractère, la mansuétude et la bonté. Il ne flatte pas le
peuple, comme les séducteurs; il l'aime. Tout en lui est
au service de cet amour. Il regarde les pauvres, les petits,
les malheureux, les pécheurs méprisés. Quel contraste vio-
lent avec les Pharisiens, les docteurs, les chefs de tout
ordre, prêtres, anciens, scribes, qui font du mépris de la
populace un précepte et presque une vertu î Né lui-même
au milieu des pauvres, destiné à une vie de martyr, il
exerce la séduction réservée aux hommes qui portent l'au-
réole de la souffrance.
L'évangélisation de la Galilée a un caractère franchement
populaire. Si Jean, à la seule annonce de la venue du Règne
de Dieu, avait ébranlé la conscience juive, quelle action ne dut
pas exercer Jésus, publiant à la foule des Galiléens que le
Règne de Dieu était arrivé? Toutefois, cette nouvelle émou-
vante ne devait pas tarder à soulever les plus graves difficul-
tés. La première tenait à l'idée même du royaume annoncé, la
seconde au Messie, fondateur de ce royaume. Tout, dans la
doctrine et la personne de Jésus, heurtait de front les pré-
jugés du peuple et des docteurs galiléens. Ils attendent un
règne politique : Jésus annonce un Règne spirituel et inté-
rieur; ils espèrent que la Loi va régner : Jésus prophétise
le règne de l'Esprit ; ils veulent un Messie armé de la
puissance terrestre : Jésus se présente, sans prétention
humaine, sans autre force que celle de son Père, la sagesse
qui enseigne l'éternelle Vérité, la puissance qui guérit
l'âme et le corps; ils rêvent le triomphe du peuple et de la
race charnelle d'Abraham sur toutes les nations : Jésus
vient inaugurer le peuple et la race des hommes régénérés
par l'Esprit; ils se persuadent que le titre de fils d'Abraham
et la fidélité à la loi de Moïse suffisent pour être incorporé
à ce nouveau peuple de Dieu : Jésus ne commande que la
transformation morale et la foi en sa parole. Tout était
contre lui.
Trois catégories se forment, en Galilée, autour de Jésus :
les disciples, la foule, la haute classe dirigeante, anciens
et docteurs. Les disciples suivent le Maître, vivant de sa
vie, s'imprégnant de sa doctrine et de sa vertu. Ils sont la
terre élue qu'il travaille et féconde; il les aime avec pré-
dilection, leur parle sans figures, les initie peu à peu à ses
desseins, les pénètre de son esprit et se les incorpore. La
foule, en Orient comme en Occident, est toujours la même :
spontanée, passive, ne résistant pas à l'attrait de la nou-
veauté, de la puissance et surtout des bienfaits palpables,
matériels ; c'est là que Jésus recherche et recrute ses dis-
ciples, parce que là se trouvent les cœurs simples, les
âmes droites. Le peuple galiléen, plus indépendant des
pouvoirs établis, et plus accessible à une action que ces
pouvoirs suspectaient, lui inspirait plus de confiance que
celui de Jérusalem. Jésus, du premier coup, provoqua son
enthousiasme ; il l'attirait sur ses pas, aux synagogues,
dans les villages, à travers les champs, au bord du lac et
sur les collines écartées. On vit rarement pareille effer-
vescence autour d'un prophète : c'était une sorte de ma-
gnétisme divin. L'opposition ne tarda pas à se produire
autour de Jésus en Galilée comme à Jérusalem dans la classe
élevée, gardienne des traditions, dans celle qui a le pouvoir
et qui représente les doctrines en vogue. Elle revêt toutes les
formes : provocante et insidieuse, elle flatte et intimide ;
elle est aux aguets pour épier et pour surprendre, elle
s'attache à celui qu'elle veut perdre et grandit avec lui,
elle sai^ déchaîner les passions, elle connaît l'art de toutes
les hypocrisies et de la haine ; elle ne recule devant rien
pour nuire, et elle poursuivra Jésus jusqu'à la mort. Qui-
conque apporte une idée, une forme, une force nouvelles,
a contre lui les idées, les formes, les forces anciennes.
Bien que né pour le progrès, l'homme se refuse au pro-
grès. Toute innovation est un enfantement laborieux. Vou-
loir perfectionner l'humanité, c'est aller au-devant du
supplice.
Le récit évangélique met en vive lumière cet antagonisme
et les circonstances diverses qui, au jour le jour, l'enve-
niment et l'exaspèrent. En même temps que l'opposition
se dessine et s'élève autour de Jésus, dans la classe des
lettrés et des maîtres, les disciples augmentent, la foule
grossit, elle arrive à Capharnaùm, de la Galilée et de la
Pérée, des villes de la Décapole et de Jérusalem, de la
Judée et de l'Idumée, de Tyr et de Sidon, de la Phénicie
et de la Syrie. C'est un ébranlement général. On ne veut
pas seulement le voir et l'entendre, les malades se préci-
pitent vers lui pour le toucher. Il les guérissait par le seul
contact; sa puissance rayonnait en bonté. Il était obligé de
se dérober, tant la multitude le pressait. Afin de lui échap-
per, il dit à ses disciples de tenir une barque toujours
prête, lorsqu'il cheminait le long du lac. C'est dans ces
jours de Galilée que Jésus, avec une activité sans trêve,
posa les fondements de son œuvre. Il organisa hiérarchi-
quement ses apôtres, choisissant ceux qu'il voulait, ils
sont douze, groupés deux à deux: voici leurs noms soi-
gneusement conservés par les trois premiers Evangiles. En
tête, Simon, que Jésus surnomma Pierre, et, avec lui, son
frère André ; Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean,
qu'il appela « Boanergès », les fils du tonnerre ; Philippe
et Barthélémy, Thomas et Matthieu le publicain, Jacques,
fils d'Alphée et Thadée, Simon le Cananéen et Judas Isca-
riote, qui le trahit. Pas un riche, pas un scribe ou un
docteur, pas un ancien, pas un chef de synagogue. Ce sont
des gens obscurs, inconnus, même dans leur petite pro-
vince. Aucun d'eux n'a étudié ; le plus lettré est le publi-
cain Lévi, le seul peut-être qui sait écrire; les autres sont
des bateUers ou des artisans comme leur Maître. Ni for-
tune, ni science, ni pouvoir : ils n'ont rien, ces enfants
du peuple ; et Jésus les constitue ses apôtres. « Je ferai
de vous des pêcheurs d'hommes », avait-il dit à Simon ; il
tient sa promesse. Il avait demandé à ses disciples de prier
le Père céleste pour qu'il envoyât des ouvriers en sa mois-
son; lui-même avait prié sans trêve; le Père céleste a écouté
son Fils : voilà les moissonneurs de la première heure.
Les Douze, désormais, ne quitteront plus Jésus. Son Es-
prit sera en eux et sur eux, il sera leur force, leur science,
leur pouvoir ; ils annonceront la parole du Royaume, et,
pour donner crédit à leur apostolat, ils auront le don de
guérir les infirmités et les maladies, et de chasser les dé-
mons, au nom de leur Maître. Les moyens humains, sa-
gesse politique et force brutale, éloquence et richesse, tout
est dédaigné. L'histoire ne connaît rien de plus audacieux ;
pour sauver le monde, Jésus n'a que son Esprit ; et pour
créer des apôtres, il n'a qu'à le donner . C'est en Galilée
qu'il formula le code de sa Loi nouvelle que les Evangiles
ont résumé dans le discours sur la montagne. Jamais l'idéal
et la science du bonheur dont le cœur de l'homme est al-
téré ne s'étaient traduits sous cette forme, avec un accent
plus pénétrant. Le bonheur n'existe que dans la partici-
pation au règne de Dieu. Quiconque le cherche ailleurs, —
dans la richesse, la joie et le rassasiement terrestres, dans
l'approbation et la gloire humaines, — s'abuse. Nul ne pos-
- 433
JÉSUS
sédera la terre du ciel, ù moins d'être humble et doux, de
n'avoir d'autre volonté que la volonté du Père.
Les consolations divines sont réservées à ceux qui ont
pleuré, et le rassasiement de l'âme à ceux qui auront senti
la faim et la soif de la justice. On ne méritera le pardon
de Dieu qu'en prodiguant soi-même la miséricorde ; on ne
verra Dieu qu'à la condition d'être un cœur pur; et, pour
s'entendre appeler par Dieu même l'enfant du Père cé-
leste, il faudra être un pacifique, répudier la violence, apai-
ser les haines, calmer les conflits, faire régner la frater-
nité entre les hommes comme entre les fils du même Père
au ciel. Ce qui paraissait la négation de la vie en devient
la condition même et le gage. La pauvreté, l'humilité, les
larmes, le tourment de la justice, l'abandon généreux de
ses droits, le renoncement à tout ce qui trouble la pureté
du cœur, l'amour de la paix, la douceur qui s'interdit
toute résistance violente, la persécution dans ce monde où
les puissants sont toujours prêts à écraser les faibles et à
outrager la justice : voilà la route qui mène au Royaume.
Les disciples ont déjà fait les premiers pas. Aussi, Jésus
insiste sur le bonheur des persécutés pour la justice.
— « Oui, vous serez heureux, leur dit-il, lorsque les
hommes vous maudiront, vous persécuteront et diront
toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.
« Réjouissez-vous, tressaillez de joie, parce que votre
récompense sera grande dans les cieux. »
Il leur parla de leur grande mission d'apôtre et de leurs
devoirs.
— « Vous êtes le sel de la terre », disait-il, « mais
prenez garde de vous affadir. Le sel affadi n'est bon qu'à
être jeté sur le chemin, pour être foulé aux pieds par les
passants. Vous êtes la lumière du monde. On n'allume pas
une lampe pour la mettre sous le boisseau, mais sur un
candélabre, afin qu'elle éclaire tous ceux qui sont dans la
maison. »
— « Que votre lumière luise devant les hommes, comme
le flambeau dans votre maison ; et qu'en voyant vos bonnes
œuvres, ils glorifient votre Père qui est dans les cieux. »
Il leur enseignait aussi la grande science de la prière.
— « Lorsque vous priez, vous ne ferez point comme les
hypocrites qui aiment à prier, debout, dans les synagogues
et dans les carrefours, afin d'être vus des hommes. Je vous
le dis, en vérité, ils ont déjà reçu leur récompense.
«Pour vous, quand vous prierez, entrez dans votre
chambre, fermez-en la porte, et, en secret, priez votre
Père. Votre Père qui voit dans le secret, vous le rendra.
« Ne multipliez pas les paroles, en priant comme font
les païens, car ils s'imaginent être exaucés à force de
paroles.
« Ne leur ressemblez point, car votre Père sait ce dont
vous avez besoin, avant que vous le demandiez.
« Vous prierez donc ainsi :
« Notre Père qui êtes dans les cieux, que votre nom
soit sanctifié. »
« Que votre Règne advienne. Que votre volonté soit faite
sur la terre comme au ciel. »
« Donnez-nous aujourd'hui notre pain pour vivre. »
« Remettez-nous nos dettes, comme nous remettons les
leurs à ceux qui nous doivent. »
« Et ne nous induisez pas en tentation ; mais délivrez-
nous du Mauvais. Ainsi soit-il. »
Voilà la prière dans sa forme idéale, nécessaire, absolue.
Ainsi parlent les enfants de Dieu à leur Père d'après l'en-
seignement de Jésus. Son âme a passé dans ces paroles
qui nous traduisent en langue humaine le gémissement
inénarrable de l'Esprit dans toutes les consciences où il a
soufflé.
La sagesse païenne et la morale juive sont dépassées.
Ce que l'une avait entrevu, Jésus le montre; ce que l'autre
avait ébauché, il l'achève. Pas un sage avant lui, qui n'eût
fait à la faiblesse de l'homme et au mal quelque conces-
sion habile ; Jésus n'a besoin d'aucun compromis, il donne
le mot suprême de la justice et de la sainteté, et il a seul
le droit d'exiger la perfection, de commander l'héroïsme,
parce que, seul, il communique à la conscience fragile
l'énergie de Dieu. 11 arrache l'humanité aux passions qui
la tyrannisent, à la colère et à la volupté, à la vengeance
et à la haine ; il lui apprend la douceur et l'austérité, la
bonté et l'amour ; il la déracine de la terre où elle s'épuise
et meurt ; il la ramène purifiée au Père qui est dans le ciel
et qui seul peut lui donner la félicité et la vie sans bornes.
La douleur n'est plus un obstacle, elle est un moyen. Ceux
qui renoncent à tout possèdent Dieu ; ceux qui souffrent
sont les heureux ; les doux et les humbles sont les plus forts ;
les persécutés sont les triomphants ; les affamés de justice,
les rassasiés ; et les cœurs purs de tout égoïsme et de toute
volupté voient Dieu. Le sacrifice est le levier qui doit sou-
lever le monde. La sagesse humaine est renversée. Voilà
l'œuvre législative de Jésus, dans son absolue beauté.
C'est en Galilée que le Maître a semé le long du lac, sur
les chemins, sur les collines, ses enseignements populaires
sous forme de paraboles. La rhétorique juive affectionnait
ce genre imagé. Les rabbins célèbres étaient renommés par
leurs paraboles et leurs sentences. En adoptant ce mode
d'enseignement populaire, Jésus lui a donné une simplicité,
une vérité, une sobriété, un charme inconnus avant lui. La
plupart de ses paraboles sont restées gravées dans le sou-
venir; elles réahsent le beau absolu, l'humanité entière
les connaît et les admire ; l'enfant les épelle et l'homme
les médite; Fil lettré les comprend et le penseur y trouve
une lumière infinie. Les ignorants les peuvent lire et Jésus
a trouvé par elles le secret d'enseigner les mystères de
Dieu au dernier des enfants du peuple.
L'évangélisation de Jésus avait pour but de montrer à
tous que le temps du Règne messianique était arrivé, de
manifester la nature de ce royaume et de prouver qu'il en
était lui-même le fondateur et le chef. Après deux mois
d'une activité incessante, malgré l'opposition perfide et
sans trêve des Pharisiens et des lettrés, malgré les in-
succès partiels, comme les deux tentatives sur Nazareth,
le peuple entier à été mis en branle. La multitude est
dans la main de Jésus, il en est le maître ; elle le suit
partout où il va. Dans les premiers jours, il pouvait lui
échapper, en montant sur la barque et en disant à
Pierre : « Allons au large », ou se dérober à sa recherche,
en fuyant au désert ; maintenant, le désert lui-même ne
le défend plus, elle accourt l'y rejoindre. Jésus n'est
plus seulement pour elle un prophète, un envoyé de Dieu,
comme l'appelait Nicodème et comme le peuple lui-même
l'avait appelé plus d'une fois ; il est le Messie. La soli-
tude de Bethsaïde, après le miracle de la multiplication
des pains, retentit d'un long cri : — Voila le prophète
attendu, celui qui vient, celui qu'a annoncé Moïse, voilà
le Fils de David ! Cette acclamation populaire, qui semble
le triomphe de Jésus, constitue en réalité le péril le plus
redoutable de son œuvre. Il va déployer, pour le con-
jurer, toute sa force, tout son calme, toutes les ressources
d'une sagesse divine. Sans doute, il est l'Envoyé attendu
et le Messie promis, mais non le Messie rêvé par la cons-
cience abusée de ce peuple. Il n'est pas le Messie charnel,
terrestre, national, politique; il est le Messie spirituel,
céleste, humain, religieux. Son royaume n'a rien de
commun avec les royaumes de ce monde. Toute sa pré-
dication a été consacrée à en dévoiler la nature, tantôt à
mots discrets, en figures et en paraboles, tantôt en termes
exprès et énergiques. Il ne s'est réclamé de rien, si ce
n'est de TEsprit de Dieu, il n'a voulu que sauver et guérir,
proclamer la vérité, verser la vie dans les âmes mortes ;
jamais, dans aucun cas, il n'a dit un mot, accompli un
acte qui pût flatter l'ambition du peuple ou les idées
fausses des docteurs. Mais les docteurs n'ont pas voulu
comprendre, et la conscience épaisse de la masse n'a pas
pu voir. Quelques élus ont seuls entendu et compris.
En dehors des disciples et des apôtres, la foule, m^gré
son enthousiasme, reste aveugle, et comme elle ne s'élève
pas à la hauteur de la doctrine de Jésus, relative au vrai
JÉSUS
— 134
règne messianique, elle ne s'affranchit pas non plus de ses
propres préjugés, relatifs au vrai Messie. Ces Galiléens
ardents et belliqueux sont toujours obsédés du rêve de
Judas le Gaulonite. Ce qu'ils veulent, c'est un chef armé,
un conquérant, un libérateur. La passion politique les en-
flamme et les exalte, et leur enthousiasme pour Jésus est
au paroxysme ; ils s'excitent les uns les autres et forment
le complot d'enlever Jésus, de l'entraîner à Jérusalem peut-
être et de le proclamer Roi, à la face du peuple. Le mo-
ment était critique. Les mouvements populaires sont ter-
ribles, entraînant les plus forts et déconcertant les plus
habiles ; mais nul péril n'a jamais trouvé la sagesse du
Maître en défaut.
Dans les discours répétés qu'il tint au peuple durant
plusieurs jours en pleine synagogue, et que le quatrième
évangile a conservé en substance, Jésus enseigna avec une
grandeur d'affirmation irrésistible, une audace de formules
inouïe le vrai messianisme dont il était l'incarnation, il
repoussa a>ec une sainte colère toute royauté terrestre,
et tout compromis avec les passions populaires. Ces dis-
cours ont suscité une vraie tempête. L'ébranlement produit
par la parole du Maître, l'orage déchaîné, eut une telle
véhémence que non seulement le peuple le quitta, mais
que plusieurs des disciples eux-mêmes, ceux qui vivaient
avec lui, en furent bouleversés.
— Cette parole est dure, s'écriaient-ils, qui peut
l'écouter ?
Jésus veillait sur les siens ; il entendit leur murmure.
— « Cette parole vous scandalise », leur dit-il, « et
si, un jour, vous venez à voir le Fils de l'homme remontant
où il était auparavant, le croirez- vous alors ? »
Après cette crise, il ne reste autour du Maître que les
Douze, et un certain nombre de disciples. Humainement,
la cause est perdue. L'éloquence, la sagesse, les prodiges,
la bonté, les manifestations incessantes de l'Esprit dont
Jésus surabonde, rien n'a pu vaincre l'obstination de ce
peuple endurci. Au lieu de suivre Jésus, il veut que Jésus
le suive. Depuis la fin de la crise, — quelques jours après
la Pâque de l'an 29, — jusqu'au mois de septembre, où
il se mettra résolument en marche vers Jérusalem, Jésus
ne fait plus en Galilée et à Capharnaiim que des appari-
tions rapides.
Les documents ne nous le montrent plus, comme dans
les premiers mois, attirant la foule, exposant en paraboles
les mystères du Royaume. Il s'en va, silencieux, à la
frontière du pays galiléen, dans le voisinage des terres de
Tyr et de Sidon ; il visite la Décapote, touche terre à
Magdala et repart pour la tétrarchie d'Hérode-Philippe, en
passant par Bethsaïda-Julias. Ce n'est qu'après ces divers
voyages qu'il traverse la Galilée, et rentre un instant à
Capharnaùm, à la veille de la quitter pour toujours. Ce
mouvement de retraite est commandé par la situation. Jésus
doit se défier d'Hérode et de ses courtisans ; les Phari-
siens, plus irrités que jamais, le poursuivent de leurs
embûches et de leurs menaces : il ne faut pas s'exposer
prématurément à leur haine. D'ailleurs, ce n'est point en
Galilée, mais en Judée et à Jérusalem que doit se dénouer
la destinée du Messie.
V. Le départ de la Galilée marque le point culminant de
la vie de Jésus et la partage en deux phases distinctes. La
Galilée et la Judée, voilà ses deux champs d'action.
La Galilée a eu la gloire de le voir agir et vivre, la
Judée et sa métropole le verront mourir. Quitter la
Galilée et revenir en Judée, c'était pour Jésus aller au-
devant des grandes luttes ; il s'y détermina avec une
héroïque fermeté. « Les jours », dit saint Luc, « où il
devait être enlevé de ce monde étant accomphs, il tourna
son visage résolument vers Jérusalem. » Six mois le sépa-
rent de la mort ; elle est désormais sa pensée unique, il
consacre à la préparer le reste de sa vie, et il porte seul
le secret de cet avenir accablant. A Jérusalem, sous les
yeux et à la face des représentants officiels de la nation,
l'action de Jésus prend un caractère plus solennel et
déchaîne la lutte où il succombera. Cette action, pendant
la fête des Tentes et les jours qui suivirent, ne nous est
connue que par les récits du quatrième Evangile. Les
épisodes sont brièvement racontés, les discours résumés
en un mot, une phrase ; malgré cette sobriété, ces pages
font revivre cette période agitée et mémorable où Jésus
revendiquait si fortement le titre et les fonctions de Messie.
Toutes les scènes se déroulent dans le Temple, sous
le portique de Salomon ou dans la galerie de la cour
d'Israël, près des troncs destinés aux ofïrandes. C'est là
que s'écoulent les journées du Prophète. Il arrive à la
première heure, enseigne la foule, discute avec les Phari-
siens et les Scribes, et, le soir venu, il retourne au mont
des Oliviers, avec ses disciples, pour y passer la nuit. La
multitude qui se presse pour l'écouter ne ressemble point
à celle qu'il entraînait à sa suite, en Galilée, au bord du
lac, sur la montagne, au désert. A côté du bas peuple, des
gens simples et sans culture, venus de la province, que
saint Jean désigne par l'expression oyXoç, on voit les
Hiérosolymites, les habitants de la métropole, les Judéens,
comme il les nomme. Ils se distinguent de la masse par
une connaissance moins imparfaite des Ecritures, une dé-
votion plus raffinée et surtout une obéissance plus docile à
l'autorité ; ils ont toujours l'œil sur elle, prêts à recevoir
le mot d'ordre, apprenant d'elle ce qu'ils doivent penser
et ce qu'ils doivent faire. Les chefs se mêlent à la foule
pour la surveiller et pour juger le Prophète. En se rendant
à la cour des prêtres ou à la grande salle du conseil, les
Anciens, les membres du Sanhédrin, les Sadducéens
sceptiques et les Pharisiens intolérants, infatués de leur
science, ont pu eux-mêmes entendre ses paroles ; quel-
ques-uns certainement ont été éblouis et subjugués par
cette doctrine qui en scandalisait tant d'autres.
C'est faute d'avoir suffisamment distingué ces éléments
que la critique s'est méprise sur le mode de l'enseigne-
ment de Jésus à Jérusalem. Il est là, au centre des écoles
et au foyer de la science orthodoxe et traditionnelle, aux
portes mêmes du Sanhédrin où se discutent et se tranchent
tous les problèmes de casuistique religieuse, où se jugent
toutes les nouveautés, où comparaissent les faux pro-
phètes. En Galilée, il parlait le plus souvent à la masse
populaire; à Jérusalem, dans le Temple, il parle à tous, au
peuple de la province et aux habitants de la métropole,
aux personnages influents de la hiérarchie et aux docteurs
les plus célèbres et les plus écoutés. Partout identique avec
elle-même, sa doctrine, dont la forme seule varie, se ré-
sume en deux points essentiels : sa fihation divine et la
divinité de sa fonction messianique.
Que Jésus fût envoyé de Dieu et qu'ainsi sa mission fût
divine, qu'il procédât de Dieu et qu'ainsi son être même et
sa personne fussent à l'égal de Dieu, c'était la question fon-
damentale, la question de vie ou de mort. Résolue affir-
mativement, il devenait le seul chef à suivre, le seul maître
à écouter, le vrai sauveur et Tunique libérateur ; la hié-
rarchie elle-même n'avait qu'à s'incliner devant lui et à se
soumettre à lui dans la foi. Au contraire, résolue négati-
vement, il passait aux yeux du pouvoir religieux comme
un faux prophète, il était justiciable des rigueurs du San-
hédrin et menacé, suivant la loi, d'être exterminé du peuple.
Le blasphème pour les Juifs consistait, d'après leur for-
mule même, à s'attaquer « au fondement ». Or, le fonde-
ment sacré c'est Dieu, le Temple et la loi. Nier l'unité de
Dieu, l'éternité du Temple et de la loi, voilà le grand
crime religieux. En entendant Jésus s'égaler à Dieu, s'iden-
tifier avec lui, se proclamer un même être que lui, ils
crièrent au blasphème. Evidemment ces docteurs dégéné-
rés avaient méconnu la notion vraie de leur Messie. La
divinité du héros messianique, nettement enseignée par les
prophètes et solennellement proclamée par Jésus, ne leur
paraît qu'un blasphème ; ils ferment les yeux et se dé-
tournent de lui, parce qu'il ne répond point à leurs préjugés
et à leur vanité nationale. Et alors même qu'en principe les
docteurs eussent reconnu la divinité de leur Messie, l'oppo-
— 131)
JESUS
sition contre la personne de Jésus était telle qu'en le voyant
s'arroger le titre saint et la dignité divine de l'Envoyé su-
prême, ils l'eussent encore analhématisé et lapidé comme
un faux prophète. Mais Jésus ne fléchit pas. La colère des
hommes le trouvait toujours dans l'équilibre que donnent
la sainteté et la vérité. Il s'éloigne une dernière fois de Jé-
rusalem, afin de ne pas précipiter le dénouement du drame
qui se jouait entre lui et l'autorité religieuse. En la quit-
tant pour aller dans la Pérée, il se tourna vers elle, l'âme
remplie d'une tristesse inénarrable. Il n'y reviendra que
pour y mourir.
Un incident, dont on ne pouvait pressentir les suites,
vint abréger le séjour de Jésus en Pérée, et précipita le
dénouement de sa vie. La maison de Béthanie, où il rece-
vait l'hospitalité dans ses voyages à Jérusalem, et dont les
hôtes l'accueillaient comme le Seigneur et l'ami avec une
foi si aimante, — la maison de Béthanie était dans la
tristesse. Lazare était malade. Marthe et Marie, ses sœurs,
envoyèrent à Jésus ce message : Seigneur, voici, celui
que vous aimez est malade. Jésus vint, trouva son ami
Lazare enseveU depuis quatre jours. Il s'approcha du
tombeau, fit lever la pierre dont il était scellé, et là, de-
vant tous, après avoir prié, il s'écria d'une voix forte :
« Lazare, sors dehors ! » Et l'enseveli, aussitôt, sortit, les
pieds et les mains liés de bandelettes, le visage enveloppé
d'un suaire.
— « Qu'on le délie », dit alors Jésus, « et qu'on le laisse
aller. »
Beaucoup d'entre les Juifs, qui s'étaient rendus vers
Marthe et Marie, crurent en Jésus, à la vue du prodige.
Quelques autres obstinés s'en allèrent- vers les Pharisiens
de Jérusalem leur raconter ce qui se passait à Béthanie.
Ils étaient de cette race dont l'aveuglement défie tout,
même l'éclair éblouissant de la force et de la bonté de
Dieu : ils justifient le mot de la parobole du mauvais
riche : «Un mort ressusciterait, ils ne le croiraient pas.»
VI. Le Sanhédrin s*émut des événements qui agi-
taient le peuple aux portes de la métropole et dans la mé-
tropole même. Il fut convoqué en assemblée solennelle.
Pontifes et docteurs délibérèrent. — Cet homme, disaient-
ils, a une puissance extraordinaire ; il multiplie les pro-
diges. Que faire? Si nous le laissons agir, tous vont aller
à lui. Les Romains viendront et ruineront notre ville et
notre nation. Jésus devenait un danger public aux yeux du
pouvoir. Il mettait en péril non seulement la paix, mais
l'existence de la patrie. On a peine à comprendre la légè-
reté et l'aberration d'un tel jugement. Comment le Sanhé-
drin pouvait-il confondre le mouvement populaire créé par
Jésus avec l'agitation politico-reHgieuse d'un Judas le
Gaulonite ? N'apportait-il pas la circonspection la plus vi-
gilante à combattre dans la foule le messianisme faux d'une
restauration et d'un affranchissement national ? N'avait-il
pas répudié avec indignation, en Galilée, la royauté tem-
porelle qu'on lui offrait ? N'avait-il pas évité toujours, à
Jérusalem même, le nom de Messie qui prêtait à l'équivoque
et dont il s'efforçait de donner l'interprétation spirituelle?
Ne payait-il pas le tribut et ne respectait-il pas les auto-
rités établies ? Tous ces faits étaient publics; les membres
du grand Conseil qui, depuis le début de sa carrière,
n'avaient cessé d'épier et de surveiller le Prophète, ne
pouvaient les ignorer. Mais les assemblées sont pires que
les individus. L'intérêt, les petites passions, les préjugés,
les aveuglent et les affolent. La classe sacerdotale ne par-
donnait pas à Jésus le dédain qu'il affectait pour les vains
rites dont la vog^ue faisait la richesse des employés du culte.
Le parti pharisien, dont il avait démasqué les vices, dé-
noncé la fausse science et stigmatisé l'hypocrisie, le haïs-
sait ; il était exaspéré par l'ascendant qu'il exerçait sur le
peuple et par ses prétentions à un rôle supérieur à celui de
prophète et à Moïse lui-même. La classe aristocratique,
composée de Sadducéens, avait pour Jésus de la crainte et
du mépris ; elln redoutait qu'en attirant le peuple, il ne
troublât l'ordre, car elle tremblait devant les Romains, et
l'effervescence de la foule l'effrayait. Tout, plutôt que
l'agitation et le tumulte ; la tranquillité à tout prix : voilà
le grand mot. Ces conservateurs satisfaits ne jugent que
par là les hommes et les choses ; sur ce point, ils sont in-
transigeants. Ils avaient dans la haute assemblée, la pré-
pondérance. Les pontifes issus des grandes familles des
Phabis, des Kamith, des Boéthos, des Kantharos et des
Hanan, étaient Sadducéens. Ils seront inexorables envers
Jésus.
C'était une nécessité du gouvernement divin de l'huma-
nité que Jésus mourût ; « il le fallait et non pas seulement
pour le salut d'Israël, mais afin de rassembler en un les
fils de Dieu qui étaient dispersés ». Les crimes ont leur place
dans l'évolution humaine. La plus grande iniquité, com-
mise envers l'Etre le plus saint, a été le point de départ
de la rénovation de l'humanité et du règne de Dieu.
Jésus, trahi par un de ses disciples soudoyés, fut saisi, la
nuit, dans le jardin de Gethsémani,au delà du Cédron.On
l'emmena secrètement au palais de Kaïphe pour être jugé.
Après un interrogatoire captieux dans lequel le pontife,
les membres du conseil et les chefs de la classe sacerdotale
cherchèrent vainement quelque faux témoignage pour
motiver une condamnation à mort, Kaïphe posa solennel-
lement à Jésus la question décisive : — Etes-vous, lui dé-
manda-t-il, êtes-vous le Christ, le Fils du Dieu béni? Ré-
pondez, je vous adjure au nom du Dieu vivant.
Jésus, qui, dans sa vie publique, avait évité de prendre
ce titre de Christ, si faussement interprété par l'opinion
populaire et par les docteurs eux-mêmes, mais qui toujours
s'était affirmé comme le Fils de Dieu, devant le peuple, les
Pharisiens et les émissaires du Sanhédrin; Jésus, qui n'avait
agi, enseigné et vécu parmi eux que pour établir sa filia-
tion divine, interpellé par le grand prêtre, et, convaincu
que sa réponse allait être son arrêt de mort, n'hésita pas
à rompre le silence et à rendre à la vérité un témoignage
suprême :
— « Je le suis, répondit-il, et un jour vous verrez le
Fils de l'homme assis à la droite de la vertu de Dieu et ve-
nant sur les nuées du ciel. »
Cette déclaration solennelle résumait toute sa doctrine
sur sa personne et sur son œuvre, et elle rappelait à ses
juges ce qui les choquait le plus : la participation du Fils
de l'homme à la puissance même de Dieu, — sa vraie di-
vinité. L'accusé se grandissait jusqu'à la hauteur de Dieu ;
et en annonçant à ses juges, suivant le mot du prophète,
son retour sur les nuées, il leur signifiait qu'ils comparaî-
traient un jour devant son tribunal. Le scandale éclata. Le
grand prêtre, en signe de douleur, déchira ses vêtements.
Il ne s'agissait plus d'examiner les droits de l'accusé au
titre de Messie, de contrôler les témoins. La prétention à
la gloire incommunicable de Dieu, l'usurpation de la Divi-
nité était évidente; jamais on n'avait ouï pareil blasphème.
— Vous l'avez entendu, dit-il, il a blasphémé, qu'avez-
vous encore besoin de témoins ? Que vous en semble ?
La délibération ne fut pas longue. Tous, à l'instant, le
jugèrent digne de mort. On s'étonnera qu'aussitôt après sa
condamnation, les Juifs n'aient pas lapidé Jésus, comme
plus tard ils lapideront Etienne. Mais depuis qu'ils étaient
asservis au pouvoir romain, depuis que le pontificat avait
abdiqué toute indépendance, et que la politique saddu-
céenne prévalait dans le Sanhédrin, le droit au glaive, —
ce grand attribut de la souveraineté, — avait disparu. La
haute assemblée, même en jugeant ce qui ressortissait à
son tribunal, ne prononçait plus de peine capitale ; elle se
contentait de jugements qui, pour être définitifs et va-
lables, avaient besoin de la sanction du gouverneur. L'exé-
cution était réservée à l'autorité romaine et à ses agents.
Jésus fut traduit devant Pilate. Pilate essaya vainement
par des expédients cruels ou habiles de sauver Jésus. En
face du fanatisme juif accusant Jésus de rébellion contre
l'autorité romaine, et de prétention au titre de roi, le gou-
verneur se laissa fléchir, et après s'être lavé les mains de-
vant le peuple, en disant : « Je suis innocent du sang de ce
JESUS
436 -
juste », il livra Jésus pour être crucifié. Le supplice de
Jésus eut lieu un vendredi, vers midi, près des murs de
Jérusalem, à l'endroit nommé Golgotha, l'an 783 deRome
et l'an 30 de l'ère chrétienne. Elevé en croix, sa première
parole fut une parole de pardon : « Père, pardonnez-leur,
ils ne savent ce qu'ils font. »
Après trois heures d'agonie, il poussa avec force un cri
suprême : « 0 Père, je remets mon esprit entre vos mains. »
Et il inclina la tête et il rendit l'esprit.
C'était la neuvième heure, les ténèbres, comme un temps
d'éclipsé du soleil, s'étaient épaissies. Le grand voile du
Temple qui fermait l'entrée du Saint des saints se déchira
en deux du haut en bas. La terre trembla, et des rochers
se fendirent. Des tombeaux s'ouvrirent d'eux-mêmes, et
les cadavres des justes qui y reposaient se levèrent. Ces
phénomènes prodigieux, dont la Palestine et la Judée seules
furent témoins, révèlent le lien puissant qui rattache Jésus
à la nature, au ciel, à la terre et à l'humanité. Le soleil
en se voilant, la terre en s'ébranlant, s'associent à la tris-
tesse de cette heure lugubre. La mort du Crucifié est tout
à la fois la fin et le commencement d'un monde. Le vieux
monde est vaincu ; le nouveau va poindre. Ce voile sacré
qui cachait la demeure impénétrable de Dieu, est déchiré.
Le mosaïsme, la Loi élémentaire, comme l'appelait saint
Paul, est périmée. Le Temple est détruit. La Victime qui
vient d'expirer nous introduira par son sang dans le Saint
des saints véritable, dont l'autre n'était que la figure. Les
morts eux-mêmes entendront sa voix ; et la vie qui ruis-
sellera d'elle envahira tout ; les tombeaux seront ouverts,
et ceux qui y dormaient se réveilleront. Fr,-H. Djdon.
JÉSUS DE Nazareth. « L'événement capital de l'his-
toire du monde, a dit Renan, est la révolution par laquelle
les plus nobles portions de l'humanité ont passé des an-
ciennes religions, comprises sous le nom vague de paga-
nisme, à une religion fondée sur l'unité divine, la trinité,
l'incarnation du fils de Dieu. Cette conversion a eu besoin
de près de mille ans pour se faire. La religion nouvelle
avait mis, elle-même, au moins trois cents ans à se former.
Mais l'origine de la révolution dont il s'agit est un fait qui
eut lieu sous les règnes d'Auguste et de Tibère. Alors vécut
une personne supérieure qui, par son initiative hardie et
par l'amour qu'elle sut inspirer, créa l'objet et posa le
point de départ de la foi future de l'humanité. » De quels
matériaux l'historien dispose pour restituer la personnahté
de Jésus de Nazareth, fondateur du christianisme, nous
allons l'indiquer.
Au premier rang doivent figurer les sources païennes,
mais elles se réduisent, ou peu s'en faut, aux déclarations
de Tacite, qui rapporte l'origine du christianisme à un cer-
tain Christus, mis à mort sous le règne de Tibère par ordre
du procurateur Ponce Pilate, c.-à-d. entre 2ô et 36 de l'ère
chrétienne, trois quarts de siècle environ avant le moment
oti Tacite rédigeait ses Annales. Ce que dit Suétone de la
nouvelle religion est à peu près insignifiant, et la fameuse
lettre de Pline à Trajan est suspecte. Les sources juives
ne nous instruisent pas davantage; elles ont le caractère
d'une polémique injurieuse en dehors du passage de Jo-
sèphe, dont le caractère inauthentique est généralement
admis par la critique. Nous en sommes donc réduits comme
sources proprement dites aux livres du Nouveau Testament,
c.-à-d. au témoignage de ceux-là seulement qui ont reconnu
le Messie dans Jésus de Nazareth. Dans ces livres eux-
mêmes nous ne pouvons retenir comme documents se rap-
portant directement à notre objet que les Evangiles, dont
nous avons analysé le contenu et défini le caractère à l'art.
Evangile.
Nous avons établi que les quatre Evangiles canoniques
étaient des compositions essentiellement dogmatiques,
écrites dans le dernier quart du premier siècle de notre
ère {saint Jean n'étant lui-même que du commencement
du second) pour démontrer que Jésus de Nazareth avait
réalisé d'une manière complète les conditions que devait
remplir le Messie ou Christ attendu par les Juifs ; qu'il
avait exprimé parfaitement, à la fois par ses enseignements,
par ses guérisons miraculeuses et par sa mort sur la croix,
suivie d'une glorieuse résurrection, le type tracé par les
livres sacrés du judaïsme. Dans quelle mesure les auteurs
des Evangiles ont-ils plié les souvenirs authentiques venus
à leur connaissance aux nécessités d'un cadre dogmatique,
c'est là un point sur lequel les récents historiens de Jésus
ne se sont pas mis d'accord. H convient donc d'indiquer
les diverses opinions en présence en laissant au lecteur le
soin de conclure.
Les vues soutenues par les modernes sur la valeur his-
torique des Evangiles se ramènent à deux : 1° le point de
vue conservateur; 2^ le point de vue critique. Dans la pre-
mière hypothèse, sans nier que les faits allégués aux Evan-
giles soient disposés de façou à aboutir à une démonstration
dogmatique, on considère que tous ces faits sont authen-
tiques. La tâche de l'historien de Jésus consistera donc à
les présenter dans un enchaînement tel qu'ils puissent être
tous conservés, quel que soit l'écart, au moins apparent,
que Ton constate entre les Evangiles, soit dans le détail des
récits, soit dans leur relation mutuelle. Ce travail de con-
cordance ou d'harmonistique a été exécuté de notre temps
avec une incontestable compétence par des écrivains tels
que l'abbé Fouard, le P. Didon, du côté des théologiens
catholiques, par M. E. de Pressensé chez les protestants.
Sans s'accorder sur tous les points, ces auteurs partent de
l'idée qu'il convient de ne sacrifier aucune des données de
l'histoire évangélique ; ce qui les distingue surtout de leurs
devanciers, c'est Pefiort qu'ils ont fait pour replacer la
personne du Christ dans le cadre de la géographie palesti-
nienne et des usages orientaux, en s'aidant des ressources
que fournissent la connaissance personnelle du pays et les
progrès considérables accomplis depuis cinquante ans dans
l'intelligence du milieu juif du premier siècle de notre ère.
Si l'on se reporte à l'analyse très complète que nous avons
donnée des Evangiles (V. ce mot), on se rendra aisé-
ment compte qu'on peut prendre tel d'entre eux, notam-
ment saint Marc, comme le canevas d'une exposition où les
éléments empruntés à saiiit Luc, saint Mathieu, saint
Jean seront insérés à la place convenable ; au lieu de saint
Marc^ on peut prendre comme cadre soit saint Luc, soit
saint Mathieu, soit saint Jean en le complétant par les
données qui sont spéciales aux trois autres ; on peut encore
défendre un type mixte et en quelque sorte personnel en
n'adoptant pas expressément le canevas fourni par l'un
quelconque des Evangiles. On voit donc que, tout en restant
dans les limites de la plus stricte orthodoxie, on peut être
amené à présenter la vie de Jésus sous des aspects sensible-
ment différents.
C'est un inconvénient qui a frappé beaucoup de théo-
logiens, qui pensent qu'il vaudrait mieux s'en tenir à un
commentaire des Evangiles que de chercher à reconstituer
la personnalité historique de Jésus ; on sent d'instinct, en
effet, que le contraste entre ce qu'on attend d'un homme,
qui se propose d'atteindre un but déterminé par l'emploi
des influences naturelles, — objet que vise généralement
une biographie, — et le spectacle d'une vie où inter-
viennent constamment des forces supra-sensibles, risque
d'aboutir à une conception discordante. Le miraculeux,
qui apparaît dans telle circonstance donnée et isolée
comme la conséquence naturelle du dogme de l'incarnation,
se concilie malaisément avec l'emploi des moyens qu'on ap-
pelle naturels. Celui qui a le premier à son entière dispo-
sition devra-t-il et pourra-t-il employer les seconds comme
s'il n'était qu'un homme ordinaire? On voit doiic que la
tâche de celui qui se propose de retracer la « vie de Jé-
sus » au point de vue de l'orthodoxie traditionnelle, pour
simple qu'elle semble au premier abord, est singulièrement
difficile.
Le point de vue critique est celui d'un grand nombre
d'écrivains modernes, qui disent : Sous les Evangiles, qui
dépeignent l'action de Jésus de manière à inculquer à leurs
comprise lui sert à interpréter même la constitution chi-
mique de la matière et les grandes lois du monde et lui
dicte toute sa métaphysique. Gomme historien de la philo-
sophie, datis son cours du Collège de France, dans ses raii-
ports académiques, souvent très importants et qui foMè-
raient de nèmoreux volumes, il a toujours rapprocha lés
doctrines modernes des anciennes et mêlé intimement la
théorie k l'histoire, les vues dogmatiques aux recherchés
d'érqditjon. H. M*
LÉVÈQUE (Henri-Frédéric), homme politique frani^ais,
né à y r y (Côte-d'Or) le 8 août 4829. Avocat au barreau
de liijon,^ procureur de la République en 4870, il fut iil-
terné |iar les Allemands à Epinàl et gardé cotome otage.
Il s'évada au commencement de 4874 et fut élu le 2 jUïL
représentant de la Côte-d*Or à l'Assemblée nationale. Mèriibre
de la gauche républicaine, secrétaire de ce groupe, il ènà-
battit le; ministère dé Broglie. Réélu député en 1876 par
la 2^ cirdonscriptioTi de Dijon ^ membre des 363, réélu aivec
euxen 4877, puis en 4802, en 4885, en 4889, il écHoiia
aux élections 30 1893 contre M. Delanne, radical. Soiis-
gouverneur du Crédit foncier (4878), il démissionna en 4[8^0
en protestant assez violemment contre la gestion du ^bil-
verneur M. Christôphle. Cet événement donna lieu le 8"mki
à line inter|)ellation à la Chambre des députés qui eut poiir
résiiltat de consolider la situation dôM. Christôphle (Y, ce
nom).
LËVph. L Topographie (V. Topographie).
îï. Astronomie. — Première apparition d'un astre au-
dessus de l'horizon, produite parle mouvement diurne. —
Le lever héliaque d'un astre se produit lorsque cet astre
apparaît sur Fhorizon, le soleil étant invisible. ■— Le lever
cosmifjiie a lieu qUand F'astre apparaît eU mêUie temps que
le séleil. — Le lever acronique s*observe quand l'astre
se lève lorsque le soleil se couche. — Le lever héiiaqùe, le
lever cosmique et le lever acronique sont aussi appelés
ïèvers poétiques. L. B.
III. Théâtre. — - Lever de rideau; — C*est le nom
qu'on donne, en langage théâtral, à la petite pièce, gèné-
raléttient saUs importance, qui sert d'escorte au grand ou-
vrage à succès, et qui commence obscurément le spectacle,
celle pour laquelle, par coUséquent, le rideau se levé pour
la première fois de la soirée. Elle se joue généralement,
comnie on dit, devant les banquettes, c.-à-d. àFheurè oU
pet| de spectateurs sont réunis dans la salle. Nknnioins, il
arrive souvent que Fauteur de ia grande pièce, désireux de
peï!cevbir tous les droits de la soirée, accapare ce ïévei:* de
rideau J fiour lequel il a toujours dans ^es caridns quél<ïue
acte sans conséquence qui lui sert en cette circbnstanfeei
I?.*ttisi0ire. --Lever DU roi. — Rite de Féti^uette
française, gui jorapï^enait trois parties : 4** réveillé, eùcore
au lit, le td se lavait les mains, prenait l'eau bénite, et disait
Fpfîiee' dii SaiBit-Esprit ; pdis comtnençait le peiit leiÈr^ oti
étaient admis le dauphin et ses enfants, les prihçes du sang,
le grand chanibellan, les premiers gentilslionimes de là
chariibi?e, lé gifand maître et les maîtres dé la garde-robe,
les 'premiers Uiédedin et chirurgien, et les persUnnes aux-
quelles la mêihe grâce avait été octroyée ; ,^*^| le réî, en
rolîede chaàibté eî pantoufles, demandait la ^rernière en--
trée'méhxût^i à\x cabittet, valets de chïambré, lecteurs,
seigneurs ayant un brevet d*enl^rée) ; ^^ qhahd le roi^ pei-
gné éirasé"; a kit changé de linge, le grand lever com-
mençait pour les admôhi^i^s, autres ofiicieré dé la niaisôn
dii |roi, et pour la nol)léS!Je de cour. ïll IJonin.
ËIB'L. ':" V. ETlQÛEt'TE.' '" , ,h;! ■: '
LEVER (Charles4ameë),rorriancier irlandais, hé à Dublin
le ^4 août 48D9, niort à trieste le 4^^ juin 4!$7â. Il fit
ses. études médicales à fiubliu et à Gfcettinguy, devint en
48àt m^deçin^ delà légation anglaise à Bruxelles, mais
ne! tarda pas à, s'adonner exclusivement à des iravadx de
pliiffîé. ïl publia, d'abord dans le ï)w^fe tJnivkrsity Ma-
gd^îfiè ((in% dirigea de 4842 a 4845), des romans diffus,
où lï^âu^iiei^t égafèirtient la composition et le ^tyle,| mais
si ihéWeinéntés, si pleins de bonne humeur, si fentraîtaants
435 — LÉVÊQUE - LE tMRIER
dans la rapide succession de leurs incidents touchants ou
codiques, ^qu'ils obtinrent le plus vif succès. Sa réputation
a presjïue balancé uu moment celle de Dickens. De Con-
fesèîàks ôf Ha&y Lorrequer^ son premier récit (4837),
jusqu'à sbu dernier^ Lord Kïlgobbin (4872, 3 vol.), il ne
ceséà de produire, mûrissant ses qualités et diminuant ses
défauté. Ses romans ont pour sujets la peinture des mœurs
irlaiidîlisesj des Scènes d'aventures, de batailles et d'ex-
ploits Ibomànesqùesl La collection de ses œUvres ne forme
pas inqins de trente-trois volumes. Il devint, en 4867,
cdnM à TJrieste.
BtBL. : FttzPATRiOK, tife ofGh. Lever; 1884, 2« éd.
LEVE RÛ (Jeanne-Emilie), actrice française, née à Paris
le 44 juil. 4788, morte à Paris le 46 nuv. 4843. Elle fit
d'abbrd jpartîe du corp^ de ballet de l'Opéra, débuta le
27 (ict. 4804 ad théâtre Louvoîs ; son talent déjà plein de
promesses, rebâtisse pai^ une beauté rare, reçut le meilleur
accueil. Le 30 juil: 4808, elle débuta à la Comédie-Fran-
çaise dans 7^ misahthrope et les Trois Sultanes^ on. son
succès fut d^autant plus complet qu'elle chanta d'une façon
fort agréable, en s'accompagnànt sur la guitare. Elle fut
reçue sociétaire dè^ le 4®*' âvr. 4809 ; elle se vit en hutte
à deb tracasseries é[m lui suscita M^^® Mars, qui fiUil;, par
ses intrigués, pÈir ta faire reléguer au second plan. Elle
n'en fouriiit pàé tooinsàla Comédie-Fraiiçaise une belle
carrière jusqu'au 1®^ avr. 4832. A. P.
LEVEBôIÉS. Cém. du dép. de l'Aisne, arr. de SaiUt-
QuehtiU, cant. dû Catelet; 4,482 hab. Stat. du chem. de
fer du Nord, liginé du Catelet à Saint-Quentin.
LEVERlDôÉ (Richard), chanteur scéniqUe et composi-^
teur anglais, né en 4669, mort en 4758. Chanteur sans
goût, mais doué d'Une belle voik de basse, il appartint, de
1698 à 4747, à la troupe du théâtre de Lincoln's-inn-fields,
où il écrivit tous lés airs de son rôle dans le drame musi-
cal de Motteaux intitulé Thè Inàian Princess, et où il
fit représeiîtér en 4716 uû opéra de sa composition, P|/m-
mus and Thysbei Dix arinees environ après avoir quitté
ce théâtre, il foûdaj dit-én, un éafé où se rendaient beau-
coup d^ainateurs déàireux d'eUténdre ses chansons ; il faut
croire pourtant que cette specdlation finit par n'être pas
très heureuse, car, lors<|ui'il fut devenu vieux, un médecin
de ses ainis ouvrit en Sa faveur Une souscHption pour une
pension anWélle qu'il re^ut régulièrement jusqu'à sa niort,
EU 47^7,' Leveridge publia e»^ deux volumes un recueil
des chansons d6i:^t'il avait cUïhppsé la musique. Certains
écrivains anglais dtit assuré qu'il avait écrit aussi les mé-
lodies du second |icte dQ'Maebeth, telles qu'elles ont été
publiées dans Fêdition des oeuvres de Shakespeare donnée
par Rôwé, mais Faùthentiicité du fait ne paraît pas absolue.
LE VERNËt (V. Vernet).
LEVERNO<è. tom, du dép. de la Côte-d'Or, arr. et
cant. (S.) de ^éaiitte ; fl4$ hàb.
LE VERRIER {Urbaiïi-Jean-Joseph), astronome fran-
çais, né à Sainjt-Lô (Matiche) le 44 mars 4814, mort à
Paris le $3 sèpC 4877. Fils d'un employé dé l'administra-
tion des domâiïiës, il fit ad éollège de Saint-Lô de bonnes
études littéraife, lés compléta |ïar trois années de mathé-
matiques ^li collège de Caeh et au collège Saint-Louis,
à Paris, écjhLoiiaSeii 4830* kbxl examens de FEMe polytech-
nique, se repï^Éënt|i en i834 j f^ut reçu parmi les premiers
et chuisit k,8k $drpb la câifrière des tabacs. A l'Ecole d'ap-
plication du qjuâï |ljDrsaiy:,|il s'adonna, dans le laboratoire
de Gay-I^ussaç, à dïb rechérclies de chimie, fit preuve tout
de suite d'tine irâlidé habileté éomuie expérimentateur et
publia, dh^'^imÏÏ^^^mnsWMnales de chifhie et de phy-
sique, uJid' élude très i!*^marquée sur les combinàisoiis du
phosphore aveél*hydrogêhe, Suivie, eh 4837, d'une seconde
étude, ndhj Ui^ins i'uiporian|te, furies combinaisons du même
corps av^c;Fbiy|eïïe»Podrtan(, il n'avait pas encore trouvé
sa voie ; lés niath||4ial!iq[Ué^ Fs|ttiraiént, et il passait a appro-
fondir Fanaiype;ln|nitésîmaîé;les loisirs que lui laissait le
laborateird^ ft i8p6, il d;o|lnà|Sâ déhiissîon d'ingénieur des
manufactiii:*esaô fÈtat,iJéiir fte paé se rendre en province.
LE VERRIER — iW
Il lui fallut pendant quelque temps se contenter d*une
place de professeur au collège Stanislas. Mais il obtint, à
la fin de 1837, celle de répétiteur d'astronomie à l'Ecole
polytechnique et, conduit par les devoirs mêmes de sa fonc-
tion sur le seuil de la mécanique céleste, il s'attaqua aus-
sitôt aux problèmes les plus ardus de cette science diffi-
cile, dont il fit dès lors son étude exclusive. Au mois de
sept. 4839, il présenta à l'Académie des sciences de Paris
un premier et remarquable mémoire intitulé 5wr les Va-
riations séculaires des orbites des planètes. Il y démon-
trait, au moyen d'arguments nouveaux et avec plus de
rigueur qu'on ne l'avait encore fait, la stabilité du monde
solaire et, quelques semaines plus tard, il indiquait dans
un second mémoire les limites numériques entre lesquelles
doivent osciller les excentricités et les inclinaisons mu-
tuelles des orbites des planètes. Ce brillant début attira
sur lui l'attention d'Arago. D'après les conseils de Fil-
lustre astronome, il entreprit la revision des tables de
Mercure et il en publia en 1843 de nouvelles, bien supé-
rieures comme clarté et comme précision à celles de ses
devanciers. Il s'occupa ensuite des comètes périodiques,
qui étaient alors à l'ordre du jour, examina minutieuse-
ment les perturbations des deux comètes découvertes m
nov. 1843 par M. Paye et en août 1844 par de Vico, et
prouva qu'à l'encontre de certaines suppositions la pre-
mière, dont il donna du reste une théorie complète, n'avait
rien de commun avec celle de Lexell (1770), ni la seconde
avec celle de Tycho (1585), Ces derniers travaux lui ou-
vrirent les portes de l'Académie des sciences: le 19 janv.
1846, il fut élu membre de la section d'astronomie en
remplacement de Cassini.
Il n'était connu encore que du monde savant ; il allait
devenir populaire. Sur les instances d*Arago, il avait re-
pris, avec Uranus, l'oeuvre de revision des tables plané-
taires si heureusement commencée avec Mercure. La tâche
n'était pas aisée. Uranus faisait depuis longtemps le déses-
poir des astronomes. Ses positions réelles étaient en dé-
saccord croissant avec celles qu'indiquaient la théorie, et
l'hypothèse de l'existence d'une huitième planète de grande
dimension, qui devait produire par son attraction les per-
turbations signalées, avait été émise à diverses reprises :
par Bouvard, notamment, en 1821, et par Bessel, en
I84O. Le Verrier se convainquit vite, en dressant de nou-
velles éphémérides, de l'exactitude de cette idée, et il réso-
lut de déterminer par le calcul la position de la planète
perturbatrice. Le M août 1846, il annonça publiquement
à l'Académie quelle serait sa place dans le ciel le l®"^ janv.
Trois semaines après, le 23 sept., l'astronome Galle, de
Berlin, qu'il avait engagé, dans une lettre reçue le niatin
même, à commencer des recherches en s'aidant des ex-
cellentes cartes construites par son observatoire, la ren-
contra à cinquante-deux minutes du point indiqué. On
pensa un instant à lui donner le nom de Le Verrier^ mais
on l'appela définitivement JSeptune (V. ce mot).
La sensation que produisit cette découverte, « au bout
de la plume », d'un astre distant de plus de 1 milliard de
lieues, fut immense et son auteur reçut de toutes parts les
témoignages d'admiration les plus flatteurs. Les académies
étrangères se l'associèrent ; les souverains le couvrirent de
croix ; Louis-Philippe le nomma d'emblée officier de la Lé-
giqn d'honneur, sans qu'il ait été chevalier, et lui confia
l'éducation scientifique du comte de Paris ; une chaire d'as-
tronomie fut créée exprès pour lui à la faculté des sciences
de Paris et il fut attaché comme astronome adjoint au Bu-
re£^u des longitudes; enfin son buste fut exécuté par ordre
du ministre de l'instruction publique. La priorité de la
découverte lui fut, toutefois, un instant contestée. Un jeune
étudiant de l'université de Cambridge, J.-C. Adams (V. ce
nom), avait entrepris en effet dès 1841, au sujet des per-
turbations d'Uranus, des recherches théoriques qui l'avaient
conduit un peu avant Le Verrier, paraît-il, et à Finsu de
celfii-ci, à plusieurs résultats a peu près identiques. Mais
son travail ne fut publié qu'après celui de l'astronome fran-
çais et la Société royale de Londres, appelée à se pronon-
cer, partagea entre eux la médaille Copley.
En 1849, les électeurs du dép. de la Manche envoyèrent
Le Verrier à l'Asgemblée législative. Après quelques hési-
tations sur son orientation politique, il prit résolument
parti pour l'Elysép. Il ne se fit remarquer du reste que
dans les commissions, éloigné qu'il était de la tribune par
son défaut absolu d'éloquence, et il ne s'y occupa guère que
des questions d'enseignement ou d'ordre scientifique. En
1850, il fut chargé du rapport sur le projet de loi relatif
à la construction des lignes télégraphiques; il prit part en-
suite à l'élaboration des diverses propôsitipns relatives à
la réorganisation de l'Ecole polytechnique, au recrutement
des ingénieurs des ponts et chaussées, à l'organisation de
l'enseignement professionnel. Après le coup d'Etat, il fut
nommé sénateur (janv. 1852), inspecteur général de l'en-
seignement supérieur, meiîibre du conseil de perfectionne-
ment de l'Ecole polytechnique (1854). En ces deux dernières
qualités, il s'efforça d'imprimer aux études scientifiques une
direction nouvelle, de leur donner un caractère plus res-
treint et plus « pratique ». Son influence ne fut pas heureuse ;
les innovations qu'il était parvenu à faire accepter produi-
sirent de fâcheux résultats, dans les lycées aussi bien que
dans les grandes écoles, et, après un essai de quelques an-
nées, elles furent, à la demande générale, complètement
abandonnées. Il assouvit alors sur l'Observatoire son besoin
de réformes. Après la mort d'Arago, il avait été appelé à
la direction de cet établissement (janv. 1854). Il s'em-
pressa de le soustraire au contrôle du Bureau des longi-^
tudes (dont il était désormais membre titulaire), et il pro-
posa toute une réglementation nouvelle, qui modifiait non
seulement l'organisation administrative, mais encore la
nature et le mode des observations. Il s'agissait en général,
il faut bien le reconnaître, de réelles améliorations, et les
méthodes qu'il préconisait marquaient un véritable pro-
grès. Éalheureusement, il manqiia tout à la fois, dans l'ap-
plication de ses réformes, de mesure et de tact. Autoritaire
et agressif, il régna pendant quinze an? à rObsei:'vatoire
en odieux despote et, par ses procédés intolérables d'adm^
nistratioti autant que par ses attaques irrégulières contre
ses confrères, ameuta contre lui et le monde savant et l'opi-
nion publique. Une enquête fut ordonnée, un comité de
surveillance lui fut adjomt. Rien n'y fit. Le^ protestations,
de nombreuses qu'elles étaient, devinrent unanimes, et l'Ins-
titut, oU il provoquait à tout propos d'orageux incidents,
se joigliit, pour réclamer une mesure énergique^ au person-
nel de ^'Observatoire et à la presse. Le 5 févr. 1370, il fut
enfin révoqué et remplacé par ftelaunay. Après la guerre,
il reprit son cours à la faculté des sciences de Paris, Le
13 févr. 1873, Delaunay étant mort, M. Thïers le rappela
à la direction de l'Observatoire ; mais ses pouvoirs furent
tempérés par l'institution du « Conseil de surveillance ».
Dans ces conditions, son retour fut assez bien accueilli,
même par la presse républicaine, qui consentit k (oublier
le politicien antilibéral et l'administrateur insdciab^é pour
ne se souvenir que du savanf; de premier ordre et <iu tra-
vailleur infatigable. Quatre ans après, le 23 sept. 1 $77,
jour anniversaire de la découverte de Neptune, il succomba
à une longue et douloureuse maladie. Il était depuis 1863
grand officier de la Légion d'honneur. Il avait été, soiis le
second Empire, en même tenips que sénateur, membre et
président du conseil général de la Manche.
La fameuse découverte de Lé Verrier n'avait été qu'un
incident dans sa carrière scientifique. Il avait entrépris, oh
l'a vu, à rinstigation d'Arago, la révision complète des
tables des mouvements planétaires. Il poursuivit jusqu'au
bout la réalisation de ce gigantesque travail, reprit toutes
les observations, refit tous les c^ilculs et (^onna, pour chaque
planète, de nouvelles tables, qui laissent loin derrière toutes
celles consti'uites avant lui (V. Astronomie, t. IV, p. 379)
et qui ont été adoptées non seulement par la Connais-
sance des Temps, mais aussi par le iV^Wjfzm^ A Imanac,
Il en corrigea la dernière épreuve le l^"* sepl;. 1877, trois
tite troupe ? Est-ce seulement pour accomplir, à l'occasion
de la fête solennelle de Pâque, le pèlerinage légal ? Nous
ne le pensons pas. C'est, autant que nous pouvons l'ima-
giner, pour annoncer dans la capitale elle-même l'im-
minence de la révolution surnaturelle que la divinité lui a
donné mission de préparer. Mon sentiment, après l'étude
attentive des documents à laquelle je me suis livré, est qu'il
devait croire au succès, c. -à-dire qu'il se représentait la
crise annoncée comme devant se produire sans délai. Les
événements tournèrent autrement. Il est possible que la
parole du réformateur de Nazareth ait été accueillie par
l'indifférence générale; il est plus probable cependant
qu'elle rencontra quelque écho. Mais nous ne croyons pas
que Jésus ait eu l'occasion, par un contact un peu pro-
longé, d'exercer une action vraiment efficace. Ce qu'il sou-
leva, c'est la défiance des autorités ecclésiastiques et des
représentants de la théologie officielle. Non pas qu'il fût
hétérodoxe; d'ailleurs, le dogme juif ne ressemblait en au-
cune façon au nôtre. La latitude était beaucoup plus grande ;
en revanche, on était intransigeant sur les questions rela-
tives à la pratique. Il est à présumer que Jésus, dans la
façon dont il annonça l'apparition imminente du royaume
de Dieu, s'exprima sur le compte des cérémonies du Temple
et de leur valeur réelle, sur un ton un peu libre, qui pa-
rut irrespectueux, sinon sacrilège. Ses disciples le défen-
dent contre un tel reproche ; mais il est clair que le fond
de sa prédication était antiritualiste. Le christianisme a été
une revanche du sentiment religieux contre le formalisme
des dévots, et quelque chose de cette intention profonde
devait percer aux yeux d'une autorité perspicace et mé-
fiante. Il y eut alors un conflit. Jésus, mal compris ou in-
justement attaqué, riposta-t-il sur le ton d'un homme qui
a conscience de sa haute mission ? Le tout dut aboutir à
une bagarre dans l'enceinte du Temple ; les agents de l'au-
torité ecclésiastique mirent la main sur Jésus, et, sans
peut-être attacher une très grande importance à l'affaire,
le déférèrent à l'autorité romaine comme ayant troublé
l'ordre public. Celle-ci, à son tour, le traitant comme un
personnage sans conséquence, l'envoya partager le sup-
plice de quelques malfaiteurs de bas étage détenus sous
les verrous. Si Jésus avait eu réellement l'intention de pro-
voquer un conflit sur la question religieuse, nous estimons
que les choses auraient pris une autre tournure. En un
mot, le supplice de Jésus nous apparaît comme un accident,
qui le surprit lui-même, qui surprit ses disciples et qui
passa absolument inaperçu, au moment des fêtes de la Pâque
ou quelques jours après. Tout ce que ses disciples éper-
dus, qui avaient repris précipitamment le chemin de la
Galilée, retinrent de ce voyage, qu'on avait entrepris avec
une si joyeuse confiance (naturellement le parti pris dog-
matique de l'Evangile l'oblige à représenter les choses tout
autrement) et d'où devait dater la révolution attendue,
mais qui avait été interrompu subitement par la plus
épouvantable catastrophe, tout ce qu'ils en retinrent c'est
que le procurateur romain qui avait donné l'ordre de mettre
Jésus en croix s'appelait Pontius Pilatus. Or, ledit per-
sonnage administra la Judée de 20 à 36 de l'ère chré-
tienne ; la mort de Jésus doit être placée vers 30 ou 32.
Nous avons le devoir de considérer comme dépourvues de
toute base sérieuse les tentatives qui ont été faites pour
établir une chronologie de la vie de Jésus ou, matière plus
délicate encore, pour restituer l'évolution de sa pensée
et le développement de ses sentiments religieux, pour
définir le processus par lequel il aurait passé avant d'ar-
river à la claire conscience de sa mission réformatrice.
Jésus est un fils du prophétisme hébreu, non dans ce que
ce dernier a parfois de dur et de sévère, mais dans son
inspiration la plus haute, la plus tendre, la plus suave, en
accusant la note de pitié et de charité par laquelle on peut
parler au cœur de l'humanité entière en franchissant les
bases que posent d'immuables formules rituelles. « Ce
n'est pas évidemment dans l'ordre de la pensée que Jésus
a pu être au-dessus des autres hommes, écrit Havet. Jésus
139 - JÉSUS
n'est pas un penseur ; il n'a pas apporté la lumière dans
les ténèbres. Il n'est ni un philosophe, ni un savant, ni un
politique, ni un capitaine, ni un poète; il n'a pu rendre à
l'humanité aucun des grands services que lui rendent ces
diverses puissances de l'esprit. Mais, dans les limites de
ses idées et de ses croyances, Jésus a été puissant par le
cœur, par la passion, par la bonté. Il a aimé son pays et
sa religion au point de n'en pouvoir supporter l'humilia-
tion et les misères, et c'est ce qui lui a fait croire, d'une
foi si énergique, à un lendemain réparateur; c'est ce qui lui
a fait prêcher la bonne nouvelle de la résurrection de son
peuple. . . Tout ce bien qu'il a fait, il l'a fait à la condition
de souffrir et de mourir... Sa vie a été un combat, sans
bruit pourtant et sans violence, où il gardait l'attitude
humble et patiente qui, le plus souvent, a été celle du juif
opprimé. Il n'en a pas moins été le martyr de son patrio-
tisme et de son amour des misérables et il a laissé le sou-
venir d'une existence toute d'élan et de dévouement, ter-
minée par une mort affreuse sur la croix ; souvenir assez
touchant et assez profond pour qu'après sa mort qrelques-
uns aient dit : Celui-là n'a-t-il pas été le Christ ? et qu'une
fois cela dit, on Tait cru sans peine. Voilà Jésus tel que
nous arrivons à le ressaisir, et on ne peut que Faimer et le
vénérer. »
Après avoir remarqué que, « au moment où Jésus est
mort, il n'existait encore rien de ce que nous appelons
le christianisme », en matière tant de dogmes que de
rites, M. Havet exprime l'avis que « cet accent original
qui nous frappe dans l'Evangile tient, en grande partie, à
ce qu'il ne nous reste aucun autre écrit composé dans le
même temps et dans le même pays », mais qu'« il tient
aussi vraisemblablement dans une certaine mesure à l'âme
même de Jésus, dont l'Evangile porte l'empreinte ». —
« Et cette âme, conclut Havet, une fois fixée dans un Hvre
devenu sacré, est passée par là dans ceux qui ont vécu de
ce livre. C'est la part de Jésus dans le christianisme, part
notable et qui ne lui sera point ôtée, quelque difficile qu'il
soit de faire exactement le triage et de la distinguer tou-
jours de ce qui est venu d'ailleurs. » A côté de ce juge-
ment de la libre pensée, qui appelle assurément quelques
réserves parce qu'il accuse trop, à notre sens, le côté poli-
tique et national de l'œuvre de Jésus, on pourrait placer
les appréciations d'autres critiques indépendants qui, après
avoir constaté que la pauvreté des documents s'oppose à ce
qu'on fixe avec netteté l'image de Jésus, reconnaissent ce-
pendant que son influence personnelle a été décisive dans
la naissance de la révolution rehgieuse qui porte son nom.
La fondation du christianisme. — Au lieu de voir les
cieux s'ouvrir pour le renouvellement du monde, Jésus a
succombé inopinément. Héraut et prophète du règne de
Dieu, il n'a pas vu se réaliser son espoir, mais a péri par
un supplice infâme, apportant sans doute dans ce dénoue-
ment imprévu de sa destinée le sentiment de résignation
douloureuse dont l'histoire de ses prédécesseurs lui offrait
maint exemple. Les amis, qu'il avait groupés autour de sa
personne et de sa cause, se sont dispersés en proie à l'effa-
rement et à la stupeur. De cette tentative avortée, que
peut-il résulter? Jésus, d'ailleurs, ne s'est pas proposé de
fonder une religion nouvelle ou même de réformer le ju-
daïsme. Et cependant, quelques années plus tard, il existe
en Palestine un groupe considérable de personnes, formant
une communauté religieuse distincte du judaïsme et se sé-
parant de celui-ci par certaines pratiques et surtout par
des croyances, au premier rang desquelles figure la recon-
naissance de Jésus de Nazareth comme étant le Messie, le
chef de l'économie future dont l'avènement est renvoyé à
une époque indéterminée bien que peu éloignée, — Messie
qui, après avoir succombé sur la croix, a été prendre
séance par la résurrection auprès du Tout-Puissant et doit
en revenir pour accomplir cette même révolution, à laquelle,
du vivant même de Jésus, on avait aspiré. Comment cela
s'est fait, c'est ce qu'il s'agit d'expliquer au moyen de
JESUS
d40
documents qui, malheureusement, comme c'était le cas
pour la personne môme et Tœuvre de Jésus, sont très
insuffisants.
Lorsque le groupe des amis de Jésus se retrouva, quelques
jours après la catastrophe , sur les lieux témoins de son
action, sur les bords du lac de Galilée, une question an-
goissante se posa devant ces consciences candides, devant
ces cœurs bien disposés. Jésus les avait-il trompés en se
donnant à eux comme un envoyé de Dieu? s'étaient-ils
trompés eux-mêmes en lui attribuant cette qualité ? La
question, — et cela, semble-t-il, sans grande hésitation, —
fut résolue d'une façon négative. Oui, Jésus était bien un
envoyé, un agent de la divinité chargé de préparer l'avè-
nement de son règne glorieux. Tout attestait cette qualité
— excepté le supplice qui avait terminé sa carrière et
semblait avoir brisé son œuvre au moment du succès.
Restait donc à voir, si, au moyen d'une explication trouvant
son appui dans les Ecritures, le héraut du royaume céleste
pouvait être considéré comme ayant succombe au supplice,
ce qui entraînait non l'échec définitif, mais seulement
l'ajournement des espérances attachées à sa personne. Or,
de l'idée d'un « serviteur de Dieu », d'un prophète exposé
à la mauvaise volonté d'adversaires obstinés des volontés
divines, on arrivait sans grande difficulté à celle du pro-
phète succombant sous les coups des méchants, à la condi-
tion toutefois que le succès de ceux-ci ne fût que tempo-
raire. Nous avons affaire ici à des hommes, assurément
dépourvus des raffinements de la haute culture, mais d'une
réelle intelligence. Donc Jésus le prophète, après son sup-
plice, n'avait pas manqué d'être recueilli auprès de Dieu,
qui avait magnifiquement récompensé son dévouement et
l'avait promu aux plus grands honneurs, ceux de Maître
ou Seigneur et de Messie. « Jésus de Nazareth, homme
désigné par Dieu à votre intention par les miracles, les
prodiges et les signes que Dieu a opérés par son moyen
au milieu de vous, comme vous le savez bien, ainsi les
Actes font-ils parler l'apôtre Pierre dans une allocution
aux gens de Jérusalem, ce Jésus, après qu'il vous eût été
livré selon le plan déterminé et la prescience de Dieu, vous
l'aviez mis à mort par la main des impies en le clouant
au bois ; mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des étreintes
de la mort... Que toute la maison d'Israël tienne donc pour
certain que Dieu a constitué comme Seigneur et Christ
(Messie) ce même Jésus que vous avez crucifié. » Ce qui
avait d'abord paru une catastrophe brisant la carrière du
maître devint bientôt une circonstance utile de sa vie,
puis le point d'aboutissement nécessaire et voulu de Dieu
de toute sa carrière, le sacrifice suprême qui assurait le
rachat de l'humanité. Le type du prophète persécuté, don-
nant sa vie pour le bien de ses frères, n'était-il pas tracé
dans Isaïe et dans les Psaumes? Jésus ayant été élevé
par Dieu, à la suite de son supplice, à la dignité messianique,
une fusion complète se fait entre la notion du prophète per-
sécuté et l'idée du Messie triomphant ; c'est une seule per-
sonne, passant des épreuves et des souffrances à la gloire.
Il va sans dire que tous les traits par lesquels l'Eglise cor-
rige et précise l'attitude prise par son fondateur, sont
bientôt considérés comme remontant à lui-même, notam-
ment la justification de sa mort ignominieuse qu'on l'a vu
annoncer de loin et dont il a déclaré à l'avance les consé-
quences.
Ce Jésus, qui est ressuscité et que le Tout-Puissant a
installé à sa droite en qualité de Christ ou Messie, ne
laisse pas, du reste, de donner à ses disciples les preuves
de sa glorieuse assomption; il leur apparaît, à plusieurs
reprises, non pas comme la figure de la personne aimée
apparaît de plus en plus distincte dans la rêverie de
ceux qui la pleurent, mais par une sorte de nécessité logique
dont l'effet est de donner pleine confiance aux siens et de
mettre entre leurs mains des armes invincibles, confondant
l'obstination des adversaires. Cette forme première d'une
assomption opérée sans témoins subit à son tour une trans-
formation. On est en mesure d'affirmer, ens'appuyantsurun
texte prophétique d'Osée, que le Christ est sorti du tombeau
le surlendemain de son supplice, soit le troisième jour en
comptant le jour de la crucifixion pour le premier. Du ciel
il redescend à différentes reprises sur la terre pour se faire
voir à ses disciples et leur donner d'utiles instructions ; il
se sépare définitivement d'eux par une ascension publique
qui s'opère sur le mont des Ohviers à Jérusalem. En réalité,
Jésus est devenu un hôte du ciel à partir de sa résurrection
et, même postérieurement à son ascension, il est en mesure
d'apparaître à telle personne, comme ce fut le cas pour
saint Paul. Ces apparitions, aux yeux des écrivains, ne
sont pas de simples visions, mais offrent un caractère de
réalité incontestable. Ajoutons enfin, pour montrer qu'il y
avait là les éléments d'une nouvelle communauté religieuse,
que l'avènement du royaume de Dieu, que le Messie doit
glorieusement inaugurer, est ajourné à une certaine dis-
tance, peut-être l'espace d'une génération, ce qui permettra
l'exercice d'une propagande fructueuse.
Use constitue ainsi un judaïsir.e réformé, dont les membres
furent désignés par les Juifs de l'observance traditionnelle
conime Nazaréens^ c.-à-d. partisans de Jésus de Naza-
reth et par les gens de culture grecque et romaine comme
chrétiens, c.-à-d. sectateurs du Christ ou du Messie.
Ce judaïsme réformé se distingue de la masse de ses com-
patriotes et coreligionnaires parce qu'il déclare reconnaître
en Jésus de Nazareth le Messie annoncé par les prophètes;
mais cette seule différence est assez marquée pour que le
conflit entre les deux groupes prenne des proportions de plus
en plus grandes. En effet, les chrétiens tendent à relever le
Christ Jésus à un tel degré qu'ils semblent, dans la pensée
du judaïsme orthodoxe, attenter à la majesté divine. C'est
un sentiment dont nous avons relevé la trace à différentes
reprises dans l'Evangile de Marc, en y signalant un spécimen
des arguments polémiques qu'échangeaient juifs et chré-
tiens à l'époque de sa composition. Il faut donc que les
deux communautés, après un temps plus ou moins long
d'indivision, opèrent franchement leur séparation, l'une se
cristallisant dans le ritualisme, l'autre s'ouvrant de plus en
plus au monde païen, dont la conquête lui offre un magni-
fique avenir. Au point de vue de la direction, la jeune
Eglise se groupe autour des principaux disciples de Jésus,
Pierre, Jacques, Jean, et, d'une manière générale, autour
des « douze », considérés comme l'autorité suprême et
qui forment pour la première fois une sorte de collège. Au
point de vue du rite, on met en vedette deux pratiques,
celle du baptême, empruntée à Jean-Baptiste, qu'on trans-
forme en en faisant une cérémonie d'introduction dans le
groupe chrétien et d'adhésion au Christ, et celle de la
sainte Cène ou Pâque chrétienne, qui est la commémoration
du dernier repas du Seigneur. Tout cela est fort mal ex-
pliqué dans le Hvre des Actes des Apôtres, qui transporte
les débuts de l'Eglise chrétienne de Galilée à Jérusalem et
qui, méconnaissant de la plus étrange manière le caractère
des manifestations psychiques connues sous le nom de glos-
solalie ou don des langues, imagine une merveilleuse effu-
sion de l'esprit divin lors de la fête juive de la Pentecôte
(ou semaines) qui commémorait le don de la loi au Sinaï ;
encore une cérémonie du judaïsme, qui perd sa signification
traditionnelle pour s'adapter aux besoins nouveaux. Au
règne de la loi, figée dans son texte immuable, se substitue
la liberté de l'esprit, qui inspire les fidèles de la nouvelle
économie.
Cette manifestation, survenue cinquante jours après la
mort de Jésus, est manifestement apocryphe, de même
que la nomination d'un douzième apôtre pour remplacer
le traître Judas dans le collège directeur. Ce ne fut cer-
tainement qu'au bout de quelques années, lorsque la foi
en Jésus le Christ se trouva assurée dans la région ga-
liléenne, que les disciples du Maître crucifié tentèrent de
plaider leur cause dans la capitale. Ils y obtinrent assez
de succès pour que Jérusalem devînt bientôt la métropole
du christianisme et comptât dans ses murs les principaux
chefs de la nouvelle communauté. La tension entre chré-
— 141 —
JESUS
tiens et juifs ayant été portée à son suprême degré par la
façon, de plus en plus dégagée, dont les adhérents de Jésus
parlaient de la loi et des pratiques rituelles, notamment
par le langage hardi d'un certain Etienne ou Stéphane qui
appartenait à la catégorie des diacres ou serviteurs, il se
produisit des actes de violence. Stéphane est traduit devant
le sanhédrin et lapidé comme blasphémateur ; les chrétiens
deviennent l'objet de mesures rigoureuses et l'on cite parmi
ceux qui leur firent le plus de mal un certain Saul ou Paul,
qui devait devenir par la suite le plus fervent propagateur
de la doctrine évangélique. Il contribua, par son incroyable
énergie et ses qualités supérieures de décision et d'intelli-
gence, à briser les dernières attaches qui rivaient le chris-
tianisme à la cause du judaïsme et à ouvrir ainsi largement
le monde de langue et de civilisation grecque à la doctrine
de Jésus, fidèle en cela, non à l'intention directement expri-
mée du maître qui ne s'était rien proposé de pareil, mais
aux tendances libérales qui avaient toujours inspiré sa pa-
role et ses actes. — On peut considérer le christianisme
comme ayant été réellement constitué dans ses éléments
essentiels quelques années à peine après le supplice de Jésus
de Nazareth. Notre tâche s'arrête ici, parce que nous ne
nous proposons pas de raconter à cette place l'histoire de
l'Eglise chrétienne, d'exposer les crises qu'elle a traversées
et l'évolution doctrinale qui s'est produite dans son sein,
mais simplement de montrer que son point de départ et sa
raison d'être sont bien à chercher dans la personne et dans
l'œuvre de Jésus de Nazareth.
Historique des essais sur la vie de Jésus. — Il nous
reste, pour achever cette notice, à donner quelques indi-
cations sur les travaux récemment consacrés à la per-
sonne du fondateur du christianisme. Ce n'est qu'au
xviii® siècle qu'on chercha, pour la première fois, à se repré-
senter Jésus comme un fondateur de rehgion, ayant cher-
ché à atteindre son but par des moyens appropriés. Mais
cette tentative, subordonnée à des préoccupations polémiques
avouées, ne pouvait donner que de médiocres résultats.
M. Sabatier résume en bons termes cette phase des études
religieuses : « La critique moderne débuta par des écrits
hostiles. A la foi crédule des âges passés, le xviii"^ siècle
répondit par une incrédulité passionnée. En France cepen-
dant, Voltaire fut bien plus mesuré que les rationahstes
allemands. On fit de Jésus un politique ambitieux, dont la
conspiration n'avait pas réussi. C'est ainsi que Reimarus,
dans les fameux Fragments de Wolfenbûtiel, édités
d'abord parLessing (1777), interprétait sa vie, son ensei-
gnement et sa destinée. Moins important est le roman de
Venturini, où tout le surnaturel des récits évangéliques est
expliqué par la complicité de quelques amis intimes, aidant
le Christ à mystifier le peuple et ses propres disciples [Na-
tûrliche Geschichte des grossen Propheten von Naza-
reth, 1800). L'utilité de ces deux ouvrages fut du moins
de poser le problème et de le poser nettement sur le ter-
rain de l'histoire. Il était dans le goût du xviii® siècle d'ex-
pliquer l'origine des religions par une duperie politique.
Cette théorie ne pouvait pas ne pas être appliquée au chris-
tianisme. » L'œuvre capitale qui, après une longue période
de tâtonnements, inaugure l'application d'une critique
rigoureuse aux faits de l'histoire évangélique, est le livre de
Strauss : DasLeben Jesu, kritisch bearbeitet (1835), ce
qui peut se traduire en français par Examen critique de
la vie de Jésus (traduction en notre langue par Littré).
« L'exposition, dit M. Sabatier, y est munie d'une immense
érudition, qu'un style clair et facile rend accessible à tout
esprit cultivé. On peut lui reprocher une assez fatigante
monotonie. Le procédé littéraire, toujours le même dans
chaque chapitre, laisse trop voira l'avance le résultat uni-
forme où tend la discussion. L'auteur se met tour à tour
au point de vue de l'interprétation rationaliste et de l'in-
terprétation supra-naturaHste, et montre combien elles sont
intenables. Alors vient comme nécessaire et irrésistible
l'explication par le mythe. Nos Evangiles ne sont point des
documents historiques, mais le produit de la légende popu-
laire, d'une mythologie inconsciente, dans laquelle la cons-
cience chrétienne primitive reflétait naïvement son propre
contenu. » En d'autres termes, au lieu d'expliquer le sur-
naturel évangélique par des méprises et des exagérations
qui permettent de les ramener aux conditions de la réalité
(système des vieux rationalistes) ou par l'intervention
d'une puissance supérieure (système supra-naturaliste),
Strauss se propose d'en rendre compte en montrant qu'on
a transporté sur la personne d'un prophète du nom de Jé-
sus de Nazareth tout ce que l'opinion populaire attendait du
Messie. Enlevez de l'Evangile la mythologie messianique
superposée à la personne réelle de Jésus de Nazareth, il ne
restera rien ou pas grand'chose. L'analyse critique entre-
prise par Strauss aboutit ainsi à un résultat purement né-
gatif. Fondée sur une remarque profondément vraie, à sa-
voir que la communauté chrétienne a appliqué à la personne
de son fondateur tout ce qu'on attendait du Messie et que,
sur un fond assez pauvre, s'est ainsi élevée une construc-
tion d'un caractère tendanciel, la Vie de Jésus de Strauss
pèche par une appréciation insuffisante de la composition
et du rapport mutuel des quatre Evangiles, qui adonné oc-
casion à la critique semi-conservatrice allemande de con-
tester sa haute valeur et de déplacer le débat en le trans-
portant du terrain des faits sur celui des textes. Strauss,
du reste, avait quelque peu compromis sa thèse en semblant
la rendre solitaire d'une théorie tout hégélienne sur l'idée
de l'Homme-Dieu, dans laquelle il démontrait que « le vrai
fils de Dieu, qui naît du Saint-Esprit, qui fait des miracles,
meurt et ressuscite glorifié, c'est l'humanité elle-même, que
c'est elle seule qui réalise le dogme chrétien, car il n'est
pas dans la nature des choses que l'idée absolue épuise sa
richesse dans un individu; il y faut l'espèce tout entière ».
En somme, nous tenons la première Vie de Jésus pour une
œuvre de premier ordre, qui domine encore la matière : la
non-historicité foncière des Evangiles y a été établie pour
la première fois avec toutes les ressources d'une science
exacte et d'une logique implacable. A trente ans de dis-
tance, jaloux des lauriers cueillis par Renan, Strauss a
voulu refaire son travail en adoptant une disposition diffé-
rente ; il a donné ainsi une vie populaire de Jésus {Das
Leben Jesu fur das deutsche Volk bearbeitet, 1864).
Dans la préface de la traduction française, publiée par les
soins de Nefftzer et DolKus, on lit les indications suivantes:
« Cette Nouvelle Vie de Jésus est par le plan, la méthode
et les résultats, absolument distincte du premier ouvrage
du même auteur... La première Vie de Jésus recevait de
son plan des apparences toutes négatives. Elle était pure-
ment analytique et, après avoir décomposé les éléments
légendaires des récits évangéliques, elle avait négligé de
recomposer dans leur ensemble les éléments positifs et
historiques. Elle avait nettoyé le tableau, mais elle ne l'avait
pas montré. Aussi les esprits superficiels conclurent-ils que
le tableau lui-même avait disparu. M. Strauss l'avait res-
tauré; il passa pour l'avoir détruit... La Nouvelle Vie de
Jésus répond d'une manière complète aux deux faces du
programme : elle est à la fois absolument analytique et ab-
solument synthétique. L'analyse ne néglige aucune parcelle
des récits évangéliques; la synthèse réunit tout ce que
l'analyse a découvert de substance historique et n'y ajoute
aucune hypothèse. L'esquisse historique de la vie de Jé-
sus, qui est la première partie de l'ouvrage, est l'ensemble
des notions positives contenues dans les Evangiles sur la
personne, les vues et les idées du fondateur du christia-
nisme. Cet ensemble ne restitue pas une figure et une vie
complète. L'auteur se contente de coordonner ce qu'il a
trouvé et ne se préoccupe pas de compléter des données in-
complètes par des conjectures arbitraires. » Quel que soit le
très grand mérite scientifique de cette œuvre, il nous est
impossible de la considérer comme donnant le dernier mot
de la question, l'analyse critique n'étant malheureusement
pas dominée, chez Strauss, par un jugement ferme sur la
genèse et le véritable sens des documents évangéliques.
JESUS
- i42 -
Renan venait, pour sa part, de remuer l'opinion et
d'obtenir un extraordinaire succès de curiosité par sa Vie
de Jésus (4863), premier volume d'une Histoire des ori-
gines du christianisme. « Alors que chez Strauss, dit
M. Sabatier, il devenait à peu près impossible de dire s'il
restait autre chose de l'histoire que le fait abstrait de l'exis-
tence de Jésus de Nazareth, sa vie prenait chez M. Renan
les couleurs vives, les arêtes saillantes, le relief d'une his-
toire moderne. Que l'historien-poète ait poussé trop loin et
jusqu'au romanesque ce goût de peinture précise et vivante,
il n'en faut pas douter. Mais il n'en est pas moins vrai
qu'il avait eu l'intuition d'une vie humaine intense, origi-
nale, profonde, que l'analyse des documents évangéliques
avait fait apparaître. La réalité triomphait du mythe...
M. Renan a établi trois périodes dans la vie active de Jésus.
La première est celle de l'idylle galiléenne,oti Jésus appa-
raît comme un doux et pieux rabbin, prêchant la pure reli-
gion de l'esprit. Puis, entraîné par ses propres succès, par
l'enthousiasme de ses disciples, il consent à se laisser nom-
mer fils de David et se prête, moitié sincèrement, moitié par
complaisance, au rêve de ses amis. Enfin, il entre en lutte
avec la hiérarchie, s'exalte et se livre entièrement aux espé-
rances apocalyptiques d'un prochain retour triomphant et
de l'établissement politique du règne de Dieu. » Il est fort
remarquable que Renan se trouve avoir subi dans une très
faible mesure l'influence de la logique impitoyable et de la
théorie mythique de Strauss, pour ressusciter bon nombre
des thèses de la critique du xviii® siècle et du vieux ratio-
nahsme du commencement de ce siècle. Au fond, il se pro-
pose de combiner dans une même figure un type de mys-
tique chrétien du moyen âge et un type de réformateur à
la façon musulmane et orientale. Parfaitement renseigné
sur les travaux de la critique appliquée aux Evangiles'J il
se refuse à accepter leurs dernières conséquences logiques
parce qu'il sacrifierait ainsi les éléments indispensables à
la restitution qu'il tente. Après avoir fait les plus expresses
réserves sur ces différents points, nous louerons hautement
Renan à deux égards : c'est la vie d'un homme, non
d'un personnage surnaturel au vieux sens orthodoxe ou au
sens plus raffiné de la critique protestante, — qui pose comme
un a priori la sainteté morale, « l'anamartésie » du fonda-
teur du christianisme, — qu'il prétend écrire ; ce n'est pas
un être abstrait, un Dieu incarné ou un Idéal moral qu'il
veut peindre, mais « un homme en chair et en os, sem-
blable à nous par ses faiblesses et par ses élans » (Saba-
tier), et il s'est acquitté de sa tâche avec une décision que
rien n'a fait fléchir, ramenant, en réalité, pour la première
fois, Jésus du ciel sur la terre. Là est le premier et le plus
grand mérite de l'œuvre ; le second est d'avoir restitué,
avec une exactitude et une conscience admirables, le milieu
géographique, politique, social et religieux où se meut la
personnalité du fondateur du christianisme. Par là, l'his-
toire sacrée a été encadrée définitivement dans l'histoire
profane, et l'avènement du christianisme est devenu un
chapitre de l'histoire générale du développement de la civili-
sation au lieu de le briser par l'intrusion d'un élément d'un
autre ordre au milieu des facteurs d'ordre humain. A titre
d'œuvre très estimable et conçue avec autant d'indépen-
dance respectueuse que de hardie pénétration, nous citerons
les Evangiles de G. d'Eichthal (4*863), dont l'auteur a tracé
d'après ce qu'il estime être l'Evangile primitif une esquisse
de l'œuvre de Jésus. — Se rattachant à la tradition du
xviii® siècle, mais la transformant grâce à un sens très haut
de la valeur morale et religieuse du christianisme, Havet
a donné à son tour, dans le tome quatrième du Christia-
nisme et ses origines (4884), une « critique des récits sur
la vie de Jésus », qui est un modèle de logique et témoigne
d'une rare vigueur intellectuelle. C'est assurément, à l'heure
actuelle, ce qui a été écrit de plus solide sur la personne
et l'œuvre du fondateur du christianisme, bien que l'au-
teur fasse trop grande la part des préoccupations stricte-
ment politiques et nationales dans l'espérance messianique
(V. Messie). Renan a rendu hommage à l'œuvre de Havet
dans le jugement suivant : « Havet sera cité dans des siècles
pour avoir, le premier, jeté sur les problèmes qui ont le
plus troublé les âmes quelques mots justes, fermes et froids. . .
Le livre des Origines du christianisme, qui ne traite
qu'un côté du sujet, le traite d'une façon définitive; c'est
un livre inflexible. »
Du côté catholique, il n'y a rien à citer comme essai
de tenir compte des exigences de la critique moderne,
sinon l'effort fait par d'habiles écrivains, tels que l'abbé
Fouard et le P. Didon (1880 et 4894), pour replacer la
figure de Jésus dans le cadre des mœurs de son temps et
de la géographie palestinienne. C'est le cas aussi pour
M. de Pressensé (4866) qui représente l'orthodoxie pro-
testante. Le protestantisme cependant a produit sur ce
point une série d'œuvres d'une réelle importance, qui repo-
sent sur les plus solides connaissances historiques et phi-
lologiques, mais elles sont plus à leur place dans l'histoire
des études bibUques (V. Evangile). Le mérite de la critique
enseignée dans les grandes écoles théologiques de la Ré-
forme, en Allemagne et en Hollande particulièrement, a
été de conduire la question de la composition et de l'ori-
gine des Evangiles jusqu'à sa maturité; malheureusement,
au moment de conclure, le courage a manqué, parce que
la portion d'élément historique à sacrifier a paru trop con-
sidérable. Des œuvres très estimables, telles que celles de
Schenkel, de Keim et d'autres encore, n'aboutissent qu'à
reconstituer une figure, qui flotte entre la réalité et la théo-
rie, parce qu'on cherche moins en Jésus le réformateur reli-
gieux qui a agi dans un miHeu et à un moment donnés, que
ridéal moral fait homme; de la déité métaphysique qu'on
abandonne, on est passé à un Absolu dans l'ordre de la
conscience, et, au point de vue de la pure histoire, cela ne
vaut pas beaucoup mieux. Cette obsession du point de vue
dogmatique n'est, nulle part, plus sensible que dans le tra-
vail où Colani ramène l'espérance messianique chez Jésus à
une conception purement spirituelle et éthérée {Jésus-Christ
et les croyances messianiques de son temps, 4864).
Nous avons établi tout ce que ces procédés avaient d'inac-
ceptable dans notre Histoire des idées messianiques
(4874). Le travail qui peut donner l'idée la plus favorable
des résultats auxquels parvient la critique protestante in-
dépendante, résolue à faire de sérieuses concessions aux
exigences de la recherche historique et httéraire, est l'art.
Jésus-Christ donné par M. Sabatier à VEncyclopédie des
sciences religieuses de Lichtenberger (4880, t. VIII).
Nous avons montré par quelques emprunts l'estime que nous
en faisons. — Le judaïsme n'a pas produit d'œuvres d'une
réelle originalité sur la personne de Jésus. Nous signalerons
V Histoire des Juifs de Graetz(t.II de l'éd. française), où
Ion cherche à rattacher Jésus à l'essénisme, vue qui, après
avoir été proposée oar quelques écrivains protestants, a
été abandonnée décidément par la critique la plus récente,
l'œuvre du fondateur du christianisme n'ayant en commun
avec la secte en question que des analogies tout extérieures.
Maurice Vernes.
Fidèles compagnes de Jésus. — Enseignement :
436 religieuses, 7 maisons.
Filles de Jésus. — Education des filles du peuple et
soin des malades, soit à domicile, soit dans les hospices :
444 filles, 78 maisons, 2 maisons mères.
Sœurs de Jésus. — 43 sœurs, 4 maison. — Autre
congrégation du même nom : 27 sœurs, 2 maisons.
Ursulines de Jésus. — 674 religieuses, 45 maisons.
Prêtres de Jésus et de Marie (V. Eudistes).
Religieuses de Jésus-Marie. — Education des filles
de toutes les classes : 96 rehgieuses, 4 maisons.
Congrégations diverses de l'Enfant- Jésus (V. En-
fant-Jésus).
Ordre de Jésus- Christ. — Institué à Avignon
(44 mars 4349) par le pape Jean XXH. L'insigne des che-
valiers était une croix d'or pleine, émaillée de rouge, enfer-
mée dans une autre croix enrichie d'or. L'établissement de
- 143 -
JESUS — JET
cet ordre militaire avait été sollicité par Denis, roi de Por-
tugal, pour combattre les mahomètans.
Ordre de Jésus-Maria. — Créé en 4615, par le pape
Paul V, dans le dessein de défendre les intérêts de l'Eglise
contre les infidèles et les hérétiques, en organisant une
légion de chevaliers armés à cet effet. Il était composé de
trente-trois grands prieurs ou grands- croix en l'honneur
des trente-trois années que vécut Jésus-Christ sur la terre.
Ces grands-croix étaient envoyés dans les villes de l'Etat
ecclésiastique pour y exercer la justice dans tous les diffé-
rends religieux. Les chevaliers de grâce étaient tenus en
temps de guerre d'équiper un cavalier à leurs frais. Tous
les membres portaient une croix semblable à celle de Malte
où se trouvaient entrelacées les lettres J. H. S.
BiBL. : F. Strauss, Das Leben Jesu, kritisch bearbei-
tet, 1835 (traduction française par Littré). — Du même, Das
Leben Jesu fur das deutsche Volk bearbeitet, 1865 (traduc-
tion française par Neiîtzer et Dollfus). — E. Renan, Vie de
Jésus; Paris, 1863. —G. d'Eichtoal, les Evangiles; Paris,
1863. — E. Havet, le Christianisme et ses origines; Paris,
1884, t. UL — E. DE Pressensé^ Jésits-C/irisf, son temps,
sa uie, son œuvre; Paris, 1864. — T. Colani, Jésus-Christ
et les croyances messianiques de son temps; Paris, 1864.
— M. Vernes, Histoire des idées messianiques ; Paris,
1874. — A.. Sabatier, Jésus-Christ ; Paris, 1880 (dans
VEncyclopédie des Sciences religieuses de Lichtenberger,
t. VIII). -— FouARD, Vie de N.-S. Jésus-Christ; Paris,
1880. — P. DiDON, Jésus-Christ; Paris, 1890, 2 vol. — La
Foi en la divinité de Jésus; Paris, 1893, in-12.
JÉSUS, fils de Sirach, ou plutôt de Sira, juif du second
siècle avant notre ère, auteur d'un précieux traité moral
écrit en hébreu, qui fut traduit ultérieurement en grec par
son petit-fils, du même nom, établi en Egypte, et a été
admis dans le recueil des livres sacrés selon le catalogue
des Septante, où il figure sous le nom d'Ecclésiastique
(V. ce mot) ou de Sagesse de Jésus, fils de Sirach, Indé-
pendamment de son intérêt pour la connaissance des doc-
trines, des mœurs et des préoccupations de l'époque, ce
livre offre cette particularité qu'il déclare ouvertement le
nom de son auteur et échappe aux conditions d'anonymat
ou de pseudonymat, qui rendent si difficile l'étude de la
littérature de l'époque.
J ET. Hydraulique. — On appelle ainsi la colonne liquide
lancée verticalement à travers un orifice alimenté par l'eau
d'un réservoir très élevé ; le panache gracieux qui s'épa-
nouit à son sommet et retombe en poussière liquide, l'a fait
employer depuis les temps les plus reculés pour décorer
les cours et les jardins et y entretenir la fraîcheur ; on en
a découvert dans les maisons riches de Pompéi, et on en
trouve dans presque toutes les habitations de l'Orient. La
forme la plus simple est celle d'un jet unique placé au mi-
lieu d'un bassin circulaire ; l'un des plus célèbres de ce
genre est le jet du parc de Saint-Cloud dont la hauteur
atteint 42 m.; c'est du reste une exception très coûteuse
en raison de l'énorme dépense d'eau qu'elle entraine, sur-
tout lorsqu'il faut élever cette eau mécaniquement dans le
réservoir d'alimentation, comme à Versailles dont les
grandes eaux consomment 7,000 m. c. élevés à 150 m.
de hauteur. La gerbe du Palais-Royal débite 82 m. c.
par heure, celles du rond-point des Champs-Elysées dé-
bitent 70 m. c. La fontaine du square Louvois débite
32 m. Ces débits considérables, possibles lorsqu'on dispose
de grandes quantités d'eau pour les services pubHcs, sont
loin d'être atteints dans la plupart des villes de province ;
mais on obtient déjà des effets décoratifs suffisants avec
des débits de 5 à 10 m. c. à l'heure. L'alimentation des
fontaines à jets multiples nécessite des dispositions spéciales
de chacun des jets. En général, c'est par le groupement
des jets, dont on fait varier la section et l'inclinaison, que
l'on réalise les fontaines décoratives et les pièces d'eau
dont Le Nôtre et Mansard ont fait un si magnifique em-
ploi. Les lois de l'hydrauMque apprennent qu'il faut donner
aux tuyaux une très grande section par rapport à celle
des orifices d'écoulement ; l'eau doit s'y mouvoir avec une
vitesse très faible afin d'éviter les pertes de charge dues
aux frottements, pertes qui réduiraient dans une grande
proportion la hauteur des jets. Par la même raison, les
gerbes doivent être alimentées par deux tuyaux, dont l'un
est réservé pour le jet central ; l'autre débouche dans une
boîte qui enveloppe concentriquement la partie redressée du
premier tuyau. C'est dans le couvercle de cette boîte que
sont percés les orifices dont les inclinaisons et les paraboles
d'écoulement sont calculées au moyen des formules de
l'hydraulique.
Les données qui permettent de se rendre compte de la
hauteur à laquelle peut parvenir un jet d'eau jaillissant
par un ajutage déterminé sont l'objet de détails intéres-
sants dans les traités spéciaux sur cette matière. Bornons-
nous à dire que la hauteur verticale du jet est sensiblement
égale à celle qu'on obtient en déterminant la hauteur pié-
zométrique, c.-à-d. la charge effective représentée par la
distance verticale du centre de l'orifice d'écoulement jus-
qu'à la surface du liquide à l'origine de la conduite, et en
retranchant de la valeur de cette charge entière la somme
des résistances occasionnées par le frottement sur toute
la longueur de la conduite et sur l'orifice de sortie. Cette
donnée théorique est sujette à deux causes de diminution
de la hauteur, principalement pour les gerbes qui s'élèvent
verticalement par suite de la résistance de l'air d'abord et
aussi par suite de la chutedes gouttes Mquides qui retombent
sur les filets ascendants et neutraUsent en partie leur force
ascensionnelle. D'une série d'expériences exécutées pour
déterminer l'influence des pertes de charge sur la hauteur
du jet, Mariotte et Bossut ont obtenu des résultats qu'on
peut exprimer par la formule ci-dessous :
W =:h-- 0,01 h^
dans laquelle h représente la hauteur totale ou charge
effective mesurée depuis le centre de l'orifice jusqu'au ni-
veau supérieur du point de départ du liquide ; /i' repré-
sente la hauteur que le jet atteindra. L'expérience démontre
que les diminutions dans l'élévation des jets verticaux va-
rient sensiblement dans le même rapport que les carrés des
hauteurs h représentant la charge totale sur l'orifice
d'écoulement. Les ajutages servant d'orifice de sortie sont
de formes diverses, selon les effets qu'on veut obtenir,
tantôt cylindriques, tantôt coniques et convergents, quel-
quefois enfin divergents. Les ajutages cylindriques sont,
en général, les plus employés. Pour donner un exemple de
la disposition des ajutages destinés à composer une gerbe,
nous pouvons emprunter à M. d'Aubuisson de Voisins la
description de celle qu'il a fait établir pour la fontaine jail-
lissante de la place des Carmes à Toulouse. Supposons
l'orifice des jets à 7 m. en contrebas du niveau du réservoir
et la perte de charge égale à 1^50 sur la conduite d'amenée.
Par conséquent, la charge effective h sur l'orifice sera égale
à 9 m. — 1^^50, soit 7^oO. D'après la formule précé-
dente, la hauteur W à laquelle le jet pourra atteindre sera
donnée par l'équation
W =z 7^50 — (0,01 X 7,50Si) — 6^94.
La gerbe sera formée par un jet placé au centre de la ca-
lotte hémisphérique et deux rangs concentriques de huit
ajutages chacun. Si l'on a fixé préalablement à 70 pouces
d'eau le débit qu'on veut obtenir, on donnera au jet cen-
tral un débit plus fort que celui des ajutages concentriques,
soit par exemple 6 pouces d'eau avec un diamètre de O'^Ol 54,
Ensuite, les huit jets du premier rang sont établis de ma-
nière à s'élever à 6 m., avec un débit de 4 pouces et demi
chacun , un diamètre de 0"^01 1 7 et une inclinaison de 73H5',
avec un angle de convergence de 8*> ; les huit derniers
ajutages du second rang, lançant l'eau à 5 m. de hauteur,
auront un diamètre de 0^^0097, un angle de convergence
de 2^ et une inclinaison de 70M'3^ La boîte qui portera
la calotte hémisphérique sur laquelle seront placés les aju-
tages aura un diamètre de 0°^30 et une hauteur à peu près
égale; la calotte qui en ferme la partie supérieure porte le
nom de souche, parce que c'est sur elle que sont implantés
les ajutages. Du milieu de cette calotte on décrira avec un
rayon de 0°^141 la circonférence sur laquelle se placeront
JET
— iU
les huit premiers ajutages à égale distance les uns des autres.
Pour les huit du second rang, on décrira une circonférence
concentrique avec un rayon de 0^,1675, en plaçant chacun
des jets exactement au milieu de la distance entre ceux du
rang précédent. Ces ajutages consistent en petits cylindres
de bronze ayant 0"^,03 de diamètre et autant de longueur,
vissés sur la calotte et percés longitudinalement au dia-
mètre et à l'inclinaison qui ont été indiqués précédemment.
Cette disposition est en général celle de toutes les gerbes à
jets mulliples, formant en retombant une surface analogue
à celle d'une demi-sphère par suite de l'inclinaison et de
la hauteur variable donnée aux filets liquides. On retrouve
l'influence du coefficient de la vitesse, pour la portée du
jet des pompes à incendie ; en effet, l'équation de la trajec-
toire parabolique donne pour la portée x
sin2 a;
a étant l'angle du jet avec l'horizontale. Le maximum a
lieu pour a zn 45^ ; dans ce cas, x =: — zz: rn^ 2 /i,
h étant la hauteur correspondante à la vitesse du jet au
sortir de Torifice. L'élévation du jet, pour l'angle a, est
exprimée par ?/ :=r — sin^a = w^ h sin^a; cette éléva-
tion est la plus grande possible lorsque le jet est vertical ;
dans ce cas, a = 90°. L. Knab.
Pêche. — On désigne ainsi, sur les côtes de Picardie,
des filets dits demi-folles (V. ce mot) tendus en ravoir.
Menuiserie. — Jet d'eau (V. Croisée, t. XllI, p. 456).
Droit pénaL — La loi, au point de vue pénal, a con-
sidéré le jet de certains objets comme une contravention,
mais elle a fait diverses distinctions dans ses art. 471 du
C. pén. (no 6 et n*' 12), 47S du C. pén. (n<^ 8), 479 du
C. pén. (n^ 3). Le cas le plus simple est celui de l'art. 471
(n° 6) du C. pén. : la loi punit d'une amende de 1 à 5 fr.
ceux qui auront jeté ou exposé au-devant de leurs édifices
des choses de nature à nuire par leur chute ou par des exha-
laisons insalubres. Dans ce cas, la loi suppose que personne
n'a été atteint. La même amende est prononcée par len° 12
de l'art. 471 du C. pén. contre ceux qui imprudemment
auraient jeté des immondices sur quelque personne. — La
différence avec le n*' 6 de l'art. 471 est qu'ici, quelqu'un a
été atteint par les immondices. L'art. 475 {n° 8) du C. pén.
punit d'une amende de 6 à 10 fr. ceux qui auraient jeté
des pierres ou d'autres corps durs ou des immondices
contre les maisons, édifices et clôtures d'autrui ou dans les
jardins ou enclos, et ceux qui auraient volontairement jeté
des corps durs ou des immondices sur quelqu'un. Ici, un
autre élément vient s'ajouter à ceux contenus dans le n<'12
de Part. 471, c'est la volonté. Enfin l'art. 479 (n" 3) du
C. pén. punit d'une amende de 11 à 15 fr. ceux qui au-
raient occasionné la mort ou la blessure des animaux ou
bestiaux appartenant à autrui par jet de pierres ou d'autres
corps durs. Ici le fait se distingue et s'aggrave par le ré-
sultat.
Si, au lieu de blessures ou mort d'animaux, c'était de
blessures ou mort humaine ainsi occasionnées par impru-
dence qu'il fût question, le fait ne serait plus une contra-
vention, il deviendrait un délit, et les dispositions à appli-
quer seraient les art. 319 ou 320 du C. pén. D'après
l'art. 97, n^ 1, de la loi du 5 avr. 1881, les maires sont
chargés de veiller à ce qu'on n'expose rien aux fenêtres et
autres parties des édifices qui puisse nuire par sa chute,
et à ce qu'on ne jette rien qui puisse endommager les pas-
sants ou causer des exhalaisons nuisibles. La défense de
jeter des choses susceptibles de nuire par des exhalaisons
insalubres, renferme implicitement Tinterdiction de faire
ou laisser couler des eaux insalubres sur la voie publique.
La disposition de l'art. 471 du C. pén. qui punit le fait
de jeter sur la voie publique des objets de nature à nuire
n'atteint que les auteurs mêmes du fait incriminé et non
les propriétaires ou locataires des appartements d'où ces
objets ont été jetés. Aucune excuse, sauf celles établies
par la loi, ne peut être utilement invoquée par le contre-
venant. Raoul Bloch.
Droit maritime. — Le jet est une avarie commune.
C'est Pacte qui consiste à précipiter dans la mer tout ou
partie des marchandises chargées sur un navire, pour le
salut du navire ou du reste de la cargaison . D'après l'art.
410 C. com., la nécessité du jet résulte de la tempête ou
de la chasse de l'ennemi. Mais cette énumération n'est
pas limitative. Le jet pourrait être rendu nécessaire par
d'autres circonstances, par exemple Péchouage du navire,
ou même la maladresse ou la faute du capitaine. En prin-
cipe le capitaine ne doit eftectuer le jet qu'après avoir con-
siilté sur son opportunité les intéressés au chargement
s'il s'en trouve sur le navire et les principaux de l'équi-
page. En cas de désaccord c'est l'avis du capitaine et des
principaux de l'équipage qui l'emporte. La délibération sur
le jet doit être consignée par le capitaine sur le registre
du bord. Elle exprime les motifs qui ont déterminé le jet,
les objets jetés ou endommagés ; elle présente la signature
des délibérants ou les motifs de leur refus de signer. Elle
doit être affirmée par le capitaine au premier port où le
navire abordera, dans les vingt-quatre heures de son arri-
vée. Le jet opéré après délibération préalable s'appelle jet
régulier. Mais on comprend que l'imminence du péril ne
permette pas toujours de procéder à la délibération. Dans
ce cas, le capitaine peut opérer le jet sans délibération. Le jet
est dit alors irrégulier, mais il n'en constitue pas moins
une avarie commune. Le capitaine n'est d'ailleurs pas ab-
solument Ubre de choisir comme il lui convient les objets
à jeter. Il doit se conformer autant que possible au pres-
crit de l'art. 411 C. com., aux termes duquel les choses
les moins nécessaires, les plus pesantes et de moindre prise,
doivent être jetées les premières, ensuite les marchandises
du premier pont au choix du capitaine et par l'avis des
principaux de l'équipage. Les pertes résultant du jet sont
en règle générale comme celles résultant des avaries (V. ce
mot) communes réglées par contribution sur les effets jetés
et sauvés, et sur moitié du navire et du fret au lieu du
déchargement. La valeur des marchandises jetées est fixée
par experts au lieu du déchargement, en prenant pour base
leur prix courant en ce lieu et leur qualité justifiée par
des connaissements ou des factures s'il yen a (V. Contri-
bution). Toutefois, la perte résultant du jet reste à la
charge du propriétaire pour le tout quand il s'est appli-
qué : 1^ aux marchandises chargées sans connaissements
ou déclaration du capitaine ; 2^ aux objets appartenant au
capitaine et aux gens de l'équipage lorsque les formaUtés
prescrites par les art. 344 et 345 C. com. n'ont pas été
remplies ; 3° aux marchandises chargées sur le pont. Le
jet peut entraîner un dommage non seulement pour les
marchandises qui le subissent, mais encore pour le reste
de la cargaison ou pour le navire . Ce dommage constitue
une avarie commune donnant ouverture à contribution dès
qu'il est établi qu'il est la conséquence directe du jet. Ce-
lui auquel appartiennent les marchandises jetées ne perd
pas sur elles son droit de propriété ; elles doivent lui être
restituées si elles sont retrouvées ou retirées de la mer.
Dans cette hypothèse, il est procédé à un règlement de ce
qui est dû à raison de la détérioration des marchandises et
des frais de recouvrement. Tout ce que le propriétaire a
touché sur la contribution et qui excède ce nouveau rè-
glement doit être restitué par lui aux intéressés.
Lyonnel Didierjean.
BiBL. : Droit maritime. — Boistel, Précis de droit
commercial; Paris, 1878, in-8, 4« éd. — Caumont, Diction-
naire de droit maritime^ v° Jet; Paris, 1807, gr. in-8.— De
CouRCY, Question de droit maritime^ i^^ série ; Paris,
1877-1887, 4 vol. in-8. — Cresp et Laurin, Cours de droit
maritime; Paris, 1876-1882, 4 vol. in-8. — Des.tardin,
Traité de droit commercial maritime ; Paris, 1878-1890,
9 vol. in-8. — Frignet, Traité des avaries communes et
particulières ; Paris, 1859, 2 vol. in-8. ~ Govare, Traité
des avaries communes et de leur règlement ; Paris, 1882,
in-8. — Lyon-Caen et Renault, Précis de droit com-
mercial ; Paris, 1879-1885,2 vol. in-8. —De Valroger,
Droit maritime; Paris, 1882-1886, 5 vol. in-8.
J ETÉE. Les navires ne peuvent pas toujours entrer immé-
diatement dans les ports, et en cas de mauvais temps les voi-
liers sont obligés d'attendre au large le moment où la hauteur
de la marée leur permettra de gagner la terre ; on peut avoir
la ressource du remorquage, mais dans beaucoup de ports les
vapeurs destinés à cet usage manquent. Quand la mer est
mauvaise, le remorquage présente d'ailleurs des dangers
sérieux, à cause des chocs auxquels sont soumis les câbles
de remorque ; si ceux-ci viennent à casser, la position du
navire devient très critique ; les vapeurs eux-mêmes peu-
vent être obligés d'attendre en pleine mer, à cause du
manque de profondeur à la marée basse, lorsque le port
n'est pas précédé d'une rade, ou mouillage, comportant
souvent des jetées, des brise-lames, des môles, des digues.
Nous commencerons par l'examen de ce qui concerne les
ports à marée débouchant sur des plages meubles.
Quand le port est dans un estuaire, il est séparé de la mer
par une passe plus ou moins profonde, ouverte dans le
cordon littoral par les eaux du fleuve et par le mouvement
alternatif de la marée ; cette passe se déplace, se contourne
et il importe de la fixer dans la position la plus favorable
pour le mouvement maritime. L'action prépondérante sur
les passes peu profondes est celle de la dernière phase du
jusant, car celui-ci agit alors avec un maximum de pente
sur un minimum de section. On est donc amené à endi-
guer le courant entre deux levées rattachées à la terre, et
qui s'avancent en mer dans la direction où l'on veut éta-
blir le chenal ; ces levées n'ont pas besoin d'être très
élevées, vu le moment où il importe le plus de favoriser leur
action, quand la profondeur du chenal est seule à considérer.
Elles sont en général rectilignes et parallèles ; mais, s'il
s'agit d'un prolongement, et si l'ancienne direction a été
reconnue défectueuse, on arrive à avoir un chenal formé
de deux parties rectilignes avec un raccordement courbe
entre elles. Le rayon de la courbe doit être de 800 à
1,000 m. quand le port est fréquenté par de grands
vapeurs ; quant à la largeur, des circonstances locales
peuvent amener à l'augmenter vers la mer, mais il est plus
fréquent de rencontrer des parties larges avant les extré-
mités, parce que les navires entrants ont besoin d'espace
pour évoluer, de manière à éviter les abordages avec les
autres navires ; l'avenir appartient aux larges avant-ports,
limités par des jetées à écartement minimum à leurs extré-
mités. La question de l'orientation du chenal dépend
surtout des convenances des navires à voiles, dont les
évolutions sont plus difficiles que celles des vapeurs. Pour
que la navigation à voile fût aussi facile dans un sens que
dans l'autre, il faudrait un chenal orienté perpendiculaire-
ment au vent régnant le plus habituellement dans le port;
un navire peut en effet marcher perpendiculairement au
vent dans un sens ou dans l'autre. Ce vent, normal à sa
longueur, est dit veîit en travers. Mais il faut considérer
plus particulièrement les gros temps, et, lorsqu'ils régnent,
l'entrée doit être plus facile que la sortie, puisqu'on n'est
pas libre de ne pas entrer, tandis qu'on peut attendre des
circonstances plus favorables avant de sortir ; or la marche
d'un voilier est bien assurée quand le vent vient un peu
obliquement de l'arrière (vent largue) ; on peut d'ailleurs
avancer avec un vent d'avant peu aigu (67^ au moins) ;
d'où il résulte que, si l'obliquité est moindre, on ne pourra
sortir qu'en louvoyant. — La longueur des jetées est, pri-
mitivement, à peu près celle de l'estran, c.-à-d. qu'elle
égale la largeur de la plage qui découvre à mer basse. Le
plus souvent, les premiers effets sont très prompts et satis-
faisants, mais il arrive quelquefois que des prolongements
sont nécessaires, parce que les premiers effets sont peu
durables. Ces prolongements ne doivent, d'ailleurs, avoir
lieu qu'avec prudence, peu à peu, parce qu'ils amènent des
modifications dans le régime général de la côte.
Les brise-lames sont des plans inclinés d'un douzième
environ, ayant le pied très bas et la crête au-dessus des
hautes mers; ils sont établis au droit d'interruption des
jetées. Ils ont pour but et pour effet d'absorber une partie de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
- U5 — JETÉE - JETHRO
la force vive des lames qui viennent se briser sur eux, et par
suite ils empêchent l'agitation d'être trop forte entre les jetées.
Celles-ci, pour les ports à marée débouchant sur des plages
meubles, dont nous nous occupons actuellement, peuvent
être basses ; mais on les surmonte le plus souvent d'un
plancher de manœuvre porté par une haute charpente ; on
arrive ainsi à diminuer le volume des enrochements et à
faciliter l'emploi de simples moellons dans toute la jetée,
si l'on forme des encoffrements avec des madriers fixés
sur les cours de pieux. Le mélange d'eau douce ne per-
mettant pas aux vers tarets de se développer, les ouvrages
en bois sont admissibles aux abords des ports d'estuaires.
Les jetées peuvent être de hauteur moyenne, ou même très
hautes, sans donner lieu à des dépenses excessives. Cela
est d'autant plus important que si les digues basses peu-
vent suffire dans certains cas au point de vue de l'amélio-
ration du chenal, elles ne conduisent pas au but quant à
la sécurité de la navigation ; aussi n'en construit-on plus
guère. La première condition de la sécurité des navires
entrants est de pouvoir être secourus quand ils manquent
l'entrée ; on arrive à ce résultat à l'aide d'hommes de
service circulant en sécurité sur le plancher des jetées en
charpente, et celles-ci permettent de régler économique-
ment la hauteur et le profil longitudinal des enrochements,
suivant les circonstances locales.
Jetées en eau profonde. — Ce nouveau cas diffère essen-
tiellement de celui qu'on vient d'examiner, soit qu'il
s'agisse de côtes différentes, soit qu'il s'agisse de prolon-
gements exceptionnels de jetées enracinées le long de plages
découvrant à basse mer. Deux cas sont à considérer.
Mers sans marée. Sur la Méditerranée, beaucoup de
ports, établis sur des baies largement ouvertes, sont d'un
accès facile ; mais ils manquent de calme et il faut les
abriter contre l'agitation du large ; on construit des caps
artificiels (ou bien on prolonge ceux qui existent naturel-
lement) ; ils sont désignés indifféremment sous les noms de
jetées, digues, môles ou brise-lames ; il importe de
remarquer tout spécialement que cette dernière dénomina-
tion a un sens très différent de celui qu'elle a dans les
ports de la Manche, par exemple (V. ci-dessus). Le prin-
cipe général de la construction de ces ouvrages consiste
à amonceler des pierres, en quantité telle qu'elles forment
un massif saillant au-dessus de l'eau. Il faut que ces
pierres soient denses et que les plus exposées soient de
fort volume ; au besoin, on place sur les talus regardant
le large d'énormes blocs artificiels ; le massif est exhaussé
par un mur en maçonnerie.
Mers à marée. On construit également des jetées en enro-
chements dans les mers à marée où le bois est, de même que
dans la Méditerranée, dévoré par les tarets; sur ces jetées,
plus encore que dans la Méditerranée, il faut surmonter les
enrochements par des murs en maçonnerie, afin de rendre la
défense contre la mer suffisante sans que la base de la jetée
s'élargisse démesurément. On a plus de facilités pour l'éta-
blissement de ces murs dans les mers à marée, à cause de
l'abaissement périodique des eaux. Quand on manque de
blocs de bonne qualité pour le corps de la jetée et de ma-
tériaux de gros volume pour les talus, on peut constituer
tout le soubassement à l'aide de blocs artificiels. C'est ce
qu'on a fait à Douvres. A Saint-Jean-de-Luz, la mer est
tellement violente que les enrochements n'entrent que dans
les vides des gros blocs naturels. M.-C. L.
BiBL. : Laroche, Travaux maritimes; Paris, 1891, gr.
in-8 et atlas. — Du même, Ports maritimes; Paris, 1893,
2 vol. gr. in-8 et 2 atlas.
JÉTHRO ou JÉTHER, ailleurs nommé Raguel, prêtre
de Madiun, accorda, selon la légende juive, l'hospitalité à
Moïse et lui donna en mariage sa fille Séphora. Il rejoint
Moïse au désert au moment où le peuple, échappé à la
servitude d'Egypte, est parvenu aux environs du Sinaï, et
lui donne d'utiles conseils pour la conduite des affaires. Le
fils de Jéthro, Ilobab, est représenté comme ayant associé
sa fortune à celle des Israélites au moment où les descen-
10
JÉTllRO — JEU
dants d'Abraham quittent le Sinaï. Quelques indications
du livre des Juges nous montrent les descendants de la
famille de la femme de Moïse, que ce livre désigne non
plus comme des Madianites, mais comme des Cinéens
(Kénites), établis au milieu du peuple d'Israël dans un
canton situé à l'extrémité S. du pays judéen; cependant,
un membre de la tribu, du nom de Héber, s'était fixé aux
environs de Kadesh-Nephtali, à l'extrême N. du pays de
Chanaan, et sa femme Jahel s'illustra en mettant à mort
le chef de l'armée chananéenne, Sisara, contre lequel
avaient marché le chef Baracet la prophétesse Débora. Ces
données sont intéressantes, mais elles ne doivent être
acceptées qu'avec les plus expresses réserves. M. Vernes.
JETON. L'étymologie française de jeton^ qui provient
de gectoner, jeter, dit bien quel était le principal usage de
ces petites pièces de cuivre, d'argent, d'or môme qu'on
trouve dans les collections ; on s'en servait pour les comptes,
les jetant au fur et à mesure que les sommes étaient énon-
cées. Mais on les trouve employées à un usage du même
genre dès l'antiquité, et si, à l'imitation des Egyptiens, les
Athéniens employaient des coquillages, les Romains utili-
sèrent pour leur compte des rondelles d'ivoire, puis des
jetons je plomb, de cuivre, ceux-ci surtout portant des
effigies et des légendes. 11 y avait aussi des jetons de jeu,
d'autres servant à des marchands, à des industriels pour
donner leur adresse ; quelques-uns paraissent spécialement
frappés pour prendre part à des fêtes, des cérémonies, et
donnaient sans doute droit à l'entrée. Dans le moyen âge,
l'emploi de jetons de compte devint général ; tous les
calculs se faisaient ainsi, et cet usage persista longtemps
même après l'introduction des chiffres arabes ; les anciens
auditeurs de la cour des comptes avaient pour fonction de
placer les jetons convenables au fur et à mesure que les
sommes étaient énoncées, d'où le nom qui leur a été donné
et conservé. En Angleterre, cette manière de compter s'est
maintenue pour l'Echiquier (comptes du Trésor) jusqu'en
4826. Les marchands employaient les jetons sur leurs
abaques ou tables à compter, effectuant ainsi des opérations
que les divisions des monnaies et des mesures devaient
rendre quelquefois fort pénibles. Les jetons furent d'abord
frappés comme des monnaies ; en Angleterre même c'étaient
des monnaies étrangères qui tout d'abord servirent de
jetons; puis les marchands, soit par eux-mêmes, soit
par la corporation à laquelle ils appartenaient, en firent
frapper portant des marques spéciales, armoiries ou signes
distinctits, et des légendes ; toutefois, les jetons des Lom-
bards, très nombreux et très variés, ne portent aucune
légende. Le signe placé sur le jeton se trouvait souvent
reproduit sur l'enseigne de la boutique, et était apposé
comme une garantie sur les marchandises qui en sortaient;
un auteur (le chevalier Domenico Urbani) dit même que
ces signes se retrouvent sur certains filigranes de papiers.
On utilisait encore les jetons pour les payements de faible
importance, et surtout pour un usage analogue à celui des
bons de pain ou de viande employés de nos jours. Des
jetons spéciaux devaient aussi être présentés dans des cir-
constances déterminées ; d'après l'appendice au règlement
de 43o4, les ouvriers et monnayeurs du serment de France
devaient offrir à tous les membres, lors de leur réception,
un jeton d'argent du poids de deux gros, usage qu'on re-
trouve encore au xvii*^ siècle. Les jetons servaient égale-
ment pour le jeu ; les rois et, à leur exemple, les grands
seigneurs avaient pour cela des jetons particuliers ; on les
employait aussi comme des sortes de cartes de visite, les
laissant chez les suisses des grands hôtels. Enfin, les cor-
porations d'arts et de métiers avaient chacune leur jeton
spécial. Plus d'une fois les jetons furent frauduleusement
employés comme monnaies, et le proverbe, faux comme un
jeton^ ne paraît pas avoir d'autre origine. G. François.
Jeton de présence. — Ce sont des jetons de métal, en ar-
gent ou en or, donnés dans quelques sociétés ou compa-
gnies, académies, conseils d'administration, commissions
d'examens, etc., à chacun des membres présents à une
146 -
séance, à une assemblée, etc. Ils représentent une valeur
conventionnelle et s'échangent généralement contre de la
monnaie. Cette expression désigne aussi les honoraires
payés aux membres d'un conseil, d'une société industrielle
ou commerciale, pour participation à des séances.
JETS (V. Fauconnerie).
JETTE-Feu (Mécan.). Appareil ménagé sur les grilles
de certaines chaudières à vapeur et particulièrement sur
celles des chaudières locomotives, pour permettre de faire
tomber le feu instantanément en cas de besoin, si, par
exemple, les appareils d'alimentation viennent à refuser
leur service. On a appliqué, à cet effet, sur les foyers de
petites dimensions, des grilles mobiles sur toute la sur-
face, mais on préfère aujourd'hui, surtout avec les grilles
inclinées de grande longueur actuellement en usage, les
conserver fixes, en les munissant à l'extrémité d'un appen-
dice mobile autour d'un axe horizontal, qui laisse tomber
toute la couche de combustible en se dérobant. Cet appen-
dice, en forme de grille, reçoit proprement le nom de jette-
feu et sert aussi à enlever, sur la fosse du nettoyage de
l'avant du foyer, le mâchefer accumulé sur la grille.
JETTE-Saint-Pierre. Com. de Belgique, prov. de Bra-
bant, arr. de Bruxelles; 7,500 hab. Stat. du chem. de
fer de Bruxelles à Ostende. On y voit l'immense pension-
nat dirigé par les dames du Sacré-Cœur et qui reçoit la
plupart des jeunes filles de l'aristocratie belge.
J EU. Psychologie.— Le jeu estunmode de l'activité qui
présente ce caractère original de ne se subordonner à aucun
terme supérieur à son propre développement et de constituer
pour lui-même sa fin. Sans doute le motif qui porte à s'y adon-
ner se tire du plaisir ou plus exactement de la perspective
du plaisir qui lui est naturellement annexé. Sans doute en-
core, ainsi que dans sa Politique Aristote en fait à bien
des reprises la remarque, le mobile du jeu est un désir de
repos et c'est un délassement, une détente, que Ton de-
mande à l'amusement. Mais ni l'une ni l'autre de ces con-
sidérations n'est de nature à démentir notre définition gé-
nérale. D'une part, en effet, si le jeu est aimé en raison du
plaisir qui l'accompagne, ce plaisir découle de l'expansion
d'activité que le jeu entraîne et nullement d'un résultat
étranger, plus ou moins lointain, à l'égard duquel il ne pré-
senterait que la valeur d'un intermédiaire. D'autre part, si
le jeu plaît par le repos qu'il procure, ce repos que l'on
attend de lui n'est point un état d'inaction qui lui serait
consécutif; le jeu est repos par lui-même en ce qu'il laisse
d'autant plus stagnantes nos fonctions normales que ce sont
comme d'autres forces en nous et dans un cadre entière-
ment nouveau, qu'il met en branle. L'inertie de ce qui en
nous a coutume de se mouvoir est ainsi faite grandement
d'une agitation extra-habituelle. S'il entrait dans notre
dessein d'esquisser ce que l'on pourrait appeler la physio-
logie du jeu, nous verrions l'analyse des concomitants or-
ganiques du phénomène corroborer de tous points cette
première déduction autorisée par la psychologie intuitive.
Une telle déduction permet de placer dès l'abord en vive
lumière le trait distinctif qui prête son plus grand attrait
au fait que nous étudions. Le jeu nous donne la plus com-
plète illusion de la liberté. Etre libres, en effet (je laisse
de côté le problème d'essence qui nous entraînerait dans une
controverse de métaphysique), n'est-ce pas se trouver au
moins momentanément afiranchis des conditions imposées
à nos énergies par des besoins déterminés et par des lois
précises, conditions qui aboutissent à installer au sein de
notre être mental un automatisme conscient et réfléchi? Le
besoin exige l'acte, ou mieux une certaine série d'actes ac-
complis suivant les voies les plus brèves et les plus sûres
possibles. La nécessité de se nourrir, de se vêtir, de s'abri-
ter, soi et les siens, commande un labeur continu, dont
les procédés seront de moins en moins laissés à l'arbitraire
et qui peu à peu constituera un déterminisme auquel, ab-
solument parlant, on peut bien se soustraire, mais qui, à la
longue, grâce à la complicité de l'habitude, régit presque
inflexiblement la vie. Or, un mode d'agir où ce détermi-
447 -
JEU
nisme se détend, un mode d'agir où nul besoin défini ne
réclame impérieusement nul système défini d'actions, par
la raison bien simple que ce mode est à lui-même son but
et que Ton ne s'y livre que parce que nulle nécessité ne
commande de s'y livrer, ne revêtira-t-il point toute l'ap-
parence d'affranchissement ? Et qu'est-ce que le jeu, sinon
précisément un tel mode ?
Si ce double point de départ est admis, on comprendra
qu'il y ait jeu partout où se produira une série d'actions
librement réalisées, sans aucun autre but que de les ac-
complir. Tout organe joue qui s'exerce sans autre stimu-
lant que le désir de cet exercice. Marcher pour franchir la
distance qui me sépare de l'endroit où j'ai affaire est un
travail; marcher sans objet et simplement parce qu'à la
marche j'éprouve une jouissance est un jeu. Regarder at-
tentivement un site, pour en discerner les différents plans,
pour en évaluer les mouvements de terram, etc., est un
travail. Promener mes yeux sur l'horizon, sans autre
préoccupation que de les emplir de lumière et do vives
couleurs, c'est un jeu et des plus enivrants.
Les déterminations qui précèdent suffiraient déjà à faire
ressortir l'étroite parenté qui unit le plaisir du jeu au
plaisir esthétique. Cette parenté, M. Herbert Spen-
cer en a donné la formule physiologique dans le dernier
chapitre de ses Piincipes de Psychologie; mais, avant
lui, Kant, dans sa Critique du Jugement, en avait es-
quissé les raisons profondes : les arts agréables, dans les-
quels il comprenait les amusements sociaux non moins
que les heaux-arts proprement dits, avaient les uns et les
autres pour essence une libre finahté. Aussi bien l'art, que
peut-il être, sinon le plus délicat, le plus affiné des délas-
sements ? Mais la relation qui unit les deux concepts paraî-
tra de plus en plus intime à mesure que nous pousserons
plus avant l'analyse.
Le jeu, tel que nous l'avons jusqu'ici décrit, est quelque
chose de bien rudimentaire et vague; il lui est donné de
revêtir des formes plus arrêtées. Les actes qu'il suppose
peuvent tendre à des œuvres qui lui survivront, exécutées
cependant non pas en vue du profit parfois très réel qui en
peut suivre, mais bien uniquement en raison de la satis-
faction ressentie à les créer. C'est ainsi qu'il arrivera de
demander à la pratique d'un métier un divertissement : on
fera du jardinage, on se plaira aux occupations du menui-
sier, du tourneur. Dans une lettre célèbre, M°^^ de Sévigné
conte comment un après-midi elle s'est mise à faner, elle
et une bande d'amis, et que cela leur a paru à tous la plus
ravissante partie. Quand Louis XVI se laissait captiver à
des amusettes de serrurerie, il ne désirait qu'une chose,
se distraire de la sorte du souci de mal régner.
Que le jeu ainsi entendu se précise un peu davantage, et
nous verrons bientôt poindre l'activité esthétique. Un élé-
ment nouveau y sera nécessaire, que la psychologie va
d'elle-même nous fournir : le goût de l'imitation. Nous
imitons ; nous aimons imiter, sans doute parce que nous
voulons agir et que, d'autre part, créer serait au-dessus de
nos forces. Or l'imitation qui n'a point dans un intérêt
étranger sa source ou, pour mieux dire, l'imitation qui n'a
pas la valeur vénale d'un moyen en vue d'un avantage ulté-
rieur, par cela môme qu'elle tire d'elle seule tout son attrait
et qu'elle maintient exempte de toute contrainte la volonté
qui s'y complaît, réunit toutes les conditions que suppose
le jeu, et elle mérite d'être tenue pour une espèce de ce
dernier. Ce genre de récréations n'est pas inconnu à l'ani-
mal. Rappelons-nous les vers où Lucrèce nous dépeint les
molosses jouant avec leurs petits :
Et catulos blande cum lingua lambere temptant
Aut ubi eos jactant pedibus morsuque petentes
Suspensis teneros imitantur dentibus haiistus.
Si l'imitation, à son tour, se détermine davantage, qu'une
idée nouvelle la domine, l'idée du beau, en laquelle se résu-
ment nos plus pures impressionsde convenance, démesure,
d'harmonie, le jeu exquis par excellence va naître, je veux
dire le jeu des arts. C'est d'abord la nature elle-même, cette
nature qui nous environne de ses épouvantes et de ses
prestiges , qui sollicite par toutes voix notre habileté
reproductrice. Les hommes, nous dit encore le même poète
incomparable, se mirent d'abord à imiter les limpides
notes des oiseaux ; le chant et la mélodie musicale ne sont
venus que bien après. Bientôt, d'ailleurs, l'imitation se
retourne en quelque sorte vers elle-même et elle prend pour
objet l'agent qui en est le principe. L'homme imite l'homme,
soit en ses traits physiques, soit en ses vivantes passions,
soit en ses aspirations pleines d'infini et de mystère. Et
ainsi la peinture, la statuaire, la musique, la poésie lui
composent un jeu savant et divin.
Reste, il est vrai, une manière de jouer que nous avons
jusqu'ici passée sous silence, et qui, infiniment moins noble
que les précédentes, passe aux yeux du vulgaire pour la
plus captivante et de beaucoup. Bien que ce nouveau mode
paraisse, au premier coup d'œil, sans rapports avec ceux
que nous venons de dire, on va s'assurer que la dissem-
blance est toute superficielle et que nos définitions initiales
ont à son égard conservé leur valeur. Je veux parler des
jeux de hasard. Quoi que l'on veuille entendre sous ce mot
de hasard, soit qu'avec Spinoza et Hume, on l'emploie à dé-
signer simplement notre ignorance des causes, soit qu'avec
Cournot on nomme de ce nom l'interférence à un point
donné du temps de deux séries causales indépendantes l'une
de l'autre, il est assurément une chose dont tout le monde
tombera d'accord : c'est que le fortuit, c'est, en fait du
moins, l'imprévisible ou, si l'on aime mieux, l'indétermi-
nable pratiquement. Or, ne serait-ce pas précisément ce
caractère qui nous livrerait la clef de la jouissance si vive,
si aiguë parfois, que nous font éprouver les divertissements
qui ont le hasard pour pivot? Dans le cours ordinaire de
notre vie, en effet, la portée de tous nos actes est mesurée
très exactement, et nous évaluons, non, il est vrai, sans
parfois commettre de lourdes erreurs, les conséquences
de leurs conséquences. C'est un réseau complexe de causes,
d'effets et d'effets d'effets, dont les fils sont à la longue
machinalement tissés par nous. Les combinaisons de ha-
sard nous font, au contraire, pour quelque temps, déchirer
quelques mailles de l'étroit filet. Elles mettent au défi nos
évaluations ; elles ont cette magie de sembler rompre le
déterminisme. Notre imagination voit se briser notre chaîne
et, si Ton dirige l'attention sur les secrets motifs qui
animent le joueur, on percevra que l'intense satisfaction
éprouvée déjfive en dernière analyse de notre passion de
liberté.
Toutefois, une difficulté se dresse : d'où vient, dira-t*on,
que les jeux de hasard sont particulièrement attachants
lorsqu'un gain leur est annexé, et comment concilier ce fait
avec le principe posé tout à l'heure, suivant lequel l'activité
qui se déploie dans le jeu serait exempte de tout intérêt?
— La raison en est, répondrons*nous, que l'activité qui se
déploie dans le jeu de hasard est l'activité à peu près exclu-
sive de notre imagination. Elle n'engendre ni des mouve-
ments ni des œuvres, et cependant elle a besoin d'une ma-
tière ; cette matière ne sera autre que notre intérêt.
On joue avec l'intérêt comme on joue avec ses muscles. Et
nous ajouterons que le jeu de l'intérêt est à sa manière une
imitation, ce qui lui donne, avec l'art, un point d'attache.
Oui, le jeu de hasard imite les vicissitudes de la vie indus-
trieuse avec ses ambitions, son aléa, ses surprises; il repro-
duit les métamorphoses des conditions, les alternances si
brusques parfois de la prospérité et du malheur. L'exis-
tence sociale elle-même apparaît comme un immense jeu de
ce genre et le langage courant note l'analogie, qui a rendu
courante cette expression : la bonne et la mauvaise fortune*
Plus encore, il serait possible, en pénétrant davantage cet
intéressant sujet, de relever une identité d'origine entre le
plaisir que l'on goûte aux jeux de hasard et celui qui nous
attire au drame et au roman d'aventures. De part et d'autre,
notre imagination nous fait oublier le déterminisme donné
qui enserre présentement notre personnalité, et elle va,
cherchant dans des combinaisons nouvelles et imprévues,
JEU — 448 —
des sources vives d'émotions. Dans les deux cas, l'homme
mime sa propre activité : il mime sa vie, son ambition de
parvenir, son appétit de bonheur.
Concluons donc qu'une psychologie serait bien courte qui
ferait à l'amour du jeu une place seulement épisodique.
Comme Tart, je le reconnais, il n'est qu'un mirage, mais
c'est un mirage bienfaisant, à la condition que le fantôme
ne finisse point par supplanter la réalité. Dans le cas du
hasard surtout, le jeu peut captiver à ce point de rendre
désormais inapte aux uniformités modestes, à la patience du
travail journalier. Enfin un mobile de pur intérêt linit trop
souvent par en altérer la nature. On espère de quelques
coups de cartes le miracle d'édifier une fortune qui, dans les
conditions ordinaires, réclamerait le labeur de toute une vie.
Dans ces tristes exemples, il est trop clair que le jeu n'est
plus devenu qu'un prétexte sous lequel s'abritent la cupi-
dité, la paresse, l'envie même, en sorte que ce qui, dans
l'origine, était apparu comme le déploiement de notre libre
activité, aboutit, en des cas extrêmes et cependant bien com-
muns, à faire de la volonté l'esclave des plus viles pas-
sions. Georges Lyon.
Pédagogie. — Longtemps les jeux des enfants et des
jeunes gens n'ont été l'objet que d'une médiocre attention
de la part des éducateurs, devant qui ils ne trouvaient
grâce qu'à titre de distractions nécessaires. Si insuffisantes
que fussent les notions d'hygiène et de physiologie, on était
bien forcé de reconnaître que des moments de répit sont
indispensables dans l'étude, que l'esprit perd son ressort
à trop rester tendu, que le travail d'abord, la santé à la
longue, souffrent d'une application trop prolongée, d'ail-
leurs absolument contraire au tempérament des enfants,
pour qui le mouvement et la joie sont des besoins. Cette
vérité élémentaire est aujourd'hui familière à tout le monde
et tient la place qu'elle doit au moins dans la théorie de
l'éducation, quoiqu'elle en tienne toujours trop peu dans la
pratique. Mais bien autre est l'importance du jeu dans la
pédagogie moderne. Déjà Rabelais y voit très nettement
une condition et une forme, presque la forme par excel-
lence du libre développement de l'enfiint, au triple point de
vue physique, intellectuel et moral. C'est l'opinion qui a
prévalu de plus en plus dans la pédagogie libérale.
Au physique, il n'y a plus de doute pour personne : ni
la gymnastique même la plus rationnelle, si utile qu'elle
puisse être, ni les moyens orthopédiques les plus savants,
si nécessaires qu'ils soient quelquefois, ne valent ni ne sau-
raient remplacer les jeux libres, surtout les jeux de plein
air, les grands jeux de force et d'adresse, dans lesquels
s'exaltent toutes les énergies vitales, se développent symé-
triquement tous les organes, s'harmonisent toutes les
fonctions. Aucun jeu, peut-être, ne suffirait, à lui seul,
parce que chacun met en œuvre certains muscles principa-
lement, et que l'enfant livré à lui seul fait de préférence
les mouvements qu'il fait le mieux, par conséquent qu'il a
le moins besoin de faire : de là la nécessité de la gymnas-
tique méthodique et celle d'une certaine direction et surveil-
lance exercée sur les jeux eux-mêmes, ne fût-ce que pour
les varier et les graduer. Mais cette direction doit être très
discrète : il faut beaucoup se fier à la nature. Les jeux les
plus libres sont les meilleurs, et ils font d'autant plus de
bien qu'ils sont plus libres. Quant à l'orthopédie, si elle
reste nécessaire pour corriger les déviations de croissance,
on sait que ces déviations ne se produisent guère quand la
croissance est absolument libre. Contre la scoliose, la myo-
pie, tous les dangers résultant de la vie sédentaire et du
travail cérébral forcément imposé aux enfants, il n'y a
point de remède en dehors d'une très large part faite au
loisir, non au repos seulement, mais au loisir actif en plein
air, au déploiement libre et gai de toutes les forces.
Ce déploiement des forces physiques ne va jamais sans
un vif exercice des sens et de toutes les facultés intellec-
tuelles. Assurément, ce serait un paradoxe de dire que le
jeu peut rendre à l'esprit tous les mêmes services que le
travail; ce serait surtout une erreur, et pire encore, de
vouloir faire de l'étude même un jeu, en la rendant tou-
jours et à tout prix amusante. Mais si l'efiort qui coûte, si
le labeur méthodique est une condition du progrès qu'on
demande à l'étude, il n'en est pas moins vrai que le jeu
aussi, certains jeux surtout, mais tout jeu plus ou moins,
excite, exerce, assouplit la pensée, lui donne du mouvement
et du ressort, développe le coup d'œil, l'esprit d'à-propos,
l'esprit de finesse. Mentalement donc, aussi bien que phy-
siquement, le jeu a une vertu éducative. L'étude, quelque
soin qu'on prenne de la régler savamment, risque toujours
de produire certaines déviations de croissance dans le sens
de quelque spécialité. C'est lui qui assure l'équilibre et le
rétablit au besoin. De là le bienfait, même intellectuel, des
vacances intelligemment employées. Le loisir actif sous
toutes ses formes saines, — voyages, sports divers, rela-
tions sociales --- a une valeur orthopédique. Non seulement
il anime et vivifie, mais il harmonise en fortifiant.
Or, ces mêmes services qu'il rend au corps et à l'esprit,
il les rend encore au caractère. D'abord, moralement comme
intellectuellement, la première chose à faire pour l'édu-
cateur est, selon le conseil de Montaigne, de « laisser
trotter » l'élève devant lui, pour juger de son allure. L'en-
fant n'est jamais plus lui-même que dans ses jeux. C'est là
qu'il faut observer à nu ses tendances, pour les diriger
ensuite et, s'il y a lieu, les transformer. Mais indépendam-
ment de toute direction intentionnelle, la plupart des jeux
exercent et éprouvent la volonté, la fortifient par consé-
quent, soit qu'ils demandent plutôt la décision hardie et
prompte, ou la ténacité, ou la patience, ou le sang-froid,
ou toutes ces qualités à la fois, comme c'est l'ordinaire
surtout dans les jeux collectifs où deux camps luttent de
vigueur et d'adresse. Le profit moral est au maximum
quand les équipes ne s'organisent pas seulement à l'im-
proviste, mais sont constituées en sociétés de jeux, s'ad-
ministrant elles-mêmes, nommant leurs chefs, faisant leur
règlement. C'est là vraiment l'apprentissage de la liberté.
Car être un homme libre, c'est obéir à des lois qu'on se
donne et à des chefs qu'on a choisis ; et une société libre
ne subsiste que par l'union volontaire de ses membres sous
une loi commune. Le concert des énergies individuelles à
la fois exaltées et maîtresses d'elles-mêmes, dévouées les
unes aux autres jusqu'au sacrifice, tempérées par l'esprit
de justice et élevées au-dessus de l'égoïsme par l'esprit de
solidarité : voilà l'idéal social que l'enseignement moral
proprement dit fera goûter à la raison. Cet idéal, le jeu
déjà le révèle à l'enfant et le lui fait aimer : de là la large
part que fait au jeu, et que lui fera de plus en plus la pé-
dagogie libérale. H. Marion.
Sociologie. — Le jeu, dont l'origine et le caractère psy-
chologique sont étudiés ci-dessus, est une occupation com-
mune à tous les animaux supérieurs et particulièrement à
toutes les races humaines. Toutes pratiquent plus ou moins
l'exercice de l'activité physique ou mentale sans but sérieux,
habituellement afin de se délasser du travail. Au premier
rang viennent les jeux physiques. Ils tiennent une grande
place dans la vie des enfants et subsistent même chez les
populations où l'éducation est le plus disciplinée, à côté de
la pmnastique. Il est d'ailleurs assez difficile de tracer la
limite précise entre les exercices gymnastiques et le jeu qui
reproduit la plupart de ceux-ci .-"course, lutte, saut, etc.,
le mobile étant souvent dans les deux cas l'amour-propre,
le désir d'affirmer une prééminence sur les concurrents ou
camarades. La course, plus ou moins variée par des combi-
naisons d'adresse, fait encore le fond de beaucoup de jeux
d'enfants : barres, épervier, cache-cache, rentrée, soit qu'il
s'agisse simplement d'attraper, entre certaines limites, soit
qu'il faille préalablement découvrir, puis attraper les joueurs
du camp opposé. Le caractère commun à ces jeux et à tous
les autres est, en effet, la division des joueurs en plusieurs
bandes ou partis (généralement deux) qui luttent l'un contre
l'autre. — Le saut donne ]ieu à des combinaisons peu va-
riées, saut en hauteur ou en largeur, saute-mouton, jeu
de l'ours, où il s'agit de s'asseoir d'un bond au sommet
149
JEU
d'un cercle formé par les têtes et les éf saules de camarades
groupés en rond et tournant le dos au dehors. L'adresse à
grimper donne lieu à divers jeux dont le plus répandu est
celui du mât de cocagne, ofFrant au haut du mât bien sa-
vonné un prix au plus adroit grimpeur. Le jet d'un corps
pesant, ordinairement d'un disque ou d'un palet, est un jeu
très pratiqué, soit qu'on se borne à en faire une épreuve
de vigueur en jetant le plus loin possible un disque très
lourd, un marteau, etc., soit qu'on le transforme en jeu
d'adresse en visant à atteindre un certain objet ou à s'en
rapprocher le plus possible : par exemple, dans le jeu du
tonneau, du bouchon, de boules ou du cochonnet, de
quilles, etc. On y peut rattacher les innombrables variétés
du jeu de balle, de bille ou de paume, dont la vogue est
encore aussi vive qu'au temps de VOdyssée, ballon, foot-
ball, lawn-tennis, croquet, billard, etc.
Aux jeux physiques proprement dits se rattachent les
jeux militaires, inséparables des exercices militaires, attendu
que chacun de ceux-ci est pratiqué comme jeu par ceux qui
en ont le goût. Chez beaucoup de sauvages, les jeux mili-
taires sont les plus ou même les seuls goûtés des adultes :
escrime de l'épée ou de la lance, tir de l'arc, etc. Aujour-
d'hui encore, dans nos pays, l'escrime, le tir sont des jeux
très pratiqués. Au moyen âge, les tournois ont tenu dans
la vie des nobles une très large place. Les carrousels n'en
sont qu'un pâle reflet. Le seul jeu sanglant, universelle-
ment pratiqué en Europe et qui puisse être assimilé aux
jeux militaires, est la chasse.
Jusqu'ici nous nous sommes placés seulement au point
de vue de ceux qui prennent part au jeu. Mais il y en a
un autre, non moins important. En effet, dans presque
tous ces jeux physiques, le plaisir est double : à celui des
acteurs s'ajoute celui des spectateurs, lequel devient dans
une foule de cas le but principal du jeu. Il en résulte natu-
rellement de profondes modifications dans l'organisation de
celui-ci, désormais approprié au spectacle qu'il s'agit
d'ofirir. Une grande part du plaisir tenant à l'incertitude
du succès final, on tend à équilibrer les chances de ma-
nière à ménager jusqu'au bout ce genre d'intérêt. D'autre
part, les jeux dégénèrent en véritables combats, d'autant
plus passionnants pour le spectateur, mais n'ayant plus
rien de leur caractère primitif pour les acteurs ; ces der-
niers deviennent des professionnels qui vivent du spectacle
offert par eux aux badauds. Ainsi se développe l'industrie
nouvelle des saltimbanques, des prestidigitateurs, des
cirques et à un degré plus intellectuel du théâtre (danse,
représentations scéniques, concerts, etc.), le jeu se trans-
formant en art (V. le § Psychologie). Laissant de côté
tout ce qui intéresse l'art, nous n'avons à signaler ici que
les spectacles qui restent de simples jeux : courses et com-
bats d'hommes ou d'animaux. Les courses à pied, les
courses de chars dans l'antiquité, les courses de vélocipèdes
et de chevaux à l'époque contemporaine attirent la plus
grande affluence de spectateurs ; leur vogue dépasse celle
des représentations scéniques (théâtre, café-concert). La
lutte, la boxe, particuHèrement dans les pays anglo-saxons,
excitent encore l'enthousiasme de milliers de spectateurs ;
les combats de gladiateurs furent le passe-temps favori des
Romains ; notre époque ne connaît plus de combats san-
glants que ceux des animaux, combats de coqs surtout en
Malaisie, combats de taureaux en Espagne. Pour les pre-
miers, comme pour les courses de chevaux et pour les
duels légendaires des boxeurs américains, il intervient or-
dinairement un élément nouveau, qui modifie complètement
le caractère psychologique du plaisir du jeu, le pari. Mais
celui-ci joue un bien plus grand rôle dans les jeux d'in-
telligence que dans les jeux physiques.
L'exercice désintéressé de l'activité mentale est chez les
civilisés aussi fréquent, pour le moins, que celui de l'acti-
vité physique. Le jeu est généralement pratiqué même par
les travailleurs dans les moments de repos; il suffit à rem-
pUr la vie de milliers d'oisifs. Les jeux intellectuels sont
extrêmement nombreux : quelques-uns sont de pures com-
binaisons, donnant lieu à un art complet : tels les échecs,
les dames; le domino, le trictrac comportent une forte part
de hasard : celui-ci est plus ou moins grand, parfois total
dans les jeux de cartes, whist, piquet, écarté, poker, bac-
cara, etc. ; il régne seul dans le jeu de dés et ses dérivés (par
exemple le jeu de l'Oie). Pour compléter la nomenclature
des jeux intellectuels, il faut citer les devinettes, rébus,
casse-tête variés, etc., puis h^ jeux de société ou jeux in-
nocents, enfin les jeux scientifiques, physique amusante, etc.
Les jeux intellectuels ont l'avantage de développer l'at-
tention ; les jeux de société constituent une récréation ano-
dine, parfois précieuse. Les jeux scientifiques constituent un
utile complément d'éducation et donnent la clef des combi-
naisons des prestidigitateurs. On trouvera l'énumération et
la description de beaucoup d'amusements de ce genre dans
des ouvrages spéciaux, auxquels il suffit de renvoyer. On
trouvera d'ailleurs dans la Grande Encyclopédie des ar-
ticles étendus sur les principaux jeux (V. Course, Dames,
Echecs, Carte, Ecarté, Piouet, etc.).
Jusqu'ici nous nous sommes occupés du jeu envisagé
comme exercice physique ou mental, jeu de force, d'adresse
ou de combinaison [)rocurant à celui qui s'y livre ou à ce-
lui qui le contemple une distraction et un plaisir. Il nous
reste à parler des jeux de hasard. Entre ceux-ci et les pré-
cédents, l'antithèse est complète. Les uns représentent
l'exercice désintéressé de l'activité, les autres l'acte le plus
intéressé, la tentative pour se procurer un gain sans tra-
vail; d'une part, le simple plaisir de l'effet; de l'autre la
suppression de tout effort. La différence résulte de l'union
au jeu d'un autre facteur, le pari. Presque tous les jeux
comportent une lutte entre deux ou plusieurs individus ou
deux ou plusieurs groupes. Le vainqueur retire du succès
une satisfaction d'orgueil. La tentation est très forte d'y
adjoindre un bénéfice matériel. Dans le jeu-spectacle, un
prix est habituellement proposé au vainqueur, et il arrive
que le jeu devient pour celui qui s'offre en spectacle une
profession semblable aux autres. Les spectateurs glissent
sur la même pente et volontiers soulignent la préférence
qu'ils ont pour l'un ou l'autre champion en pariant en sa
faveur. Dans les jeux ordinaires, les défis ont souvent le
même corollaire, un pari engagé entre les concurrents.
Nous avons indiqué déjà comment cette tendance, combi-
née avec préoccupation d'aviver l'intérêt du spectacle, con-
duit à égaliser les chances, de manière à laisser au hasard
la plus grande place dans l'issue. Une confusion s'établit
entre le jeu et l'appel au hasard. Elle est facilitée par les
idées religieuses qui dans l'un et l'autre cas attribuent la
décision au choix fait par les dieux. On leur fait honneur de
la victoire, et dans les circonstances douteuses, lorsqu'on hé-
site entre plusieurs résolutions, on emploie le tirage au sort
pour connaître leur préférence, l'indication fournie par le
sort étant censée émaner d'eux (V. Divination). L'appel au
hasard devient une méthode pour tous les cas douteux,
par exemple pour décider de la propriété d'un objet con-
testé. Il devient, à côté du travail et du brigandage mili-
taire, un moyen d'acquérir. Chez un grand nombre de
peuples sauvages, nous trouvons cette passion du pari. On
le greffe sur les jeux les plus simples, sur ceux où l'ha-
bileté a le moins de rôle et dans lesquels tout ou presque
tout dépend du hasard. La violence des passions excitées
par ces jeux, qui ne sont plus que des prétextes à parier,
est telle qu'ils effacent tous les autres et que dans le lan-
gage le mot joueur est synonyme de parieur.
Les jeux de hasard les plus simples sont ceux qui éga-
lisent exactement les chances et comportent le minimum
d'appareil : pair ou impair, pile ou face ; de même la mora
des Italiens, et la plupart des combinaisons du jeu de dés
qui fut longtemps le plus usité de tous. Dans l'Europe mo-
derne, il a été détrôné par les cartes ; tous les jeux de
cartes sont des jeux de hasard, mais l'habileté du joueur
joue dans quelques-uns un rôle appréciable (whist, piquet,
écarté, poker), tandis que dans d'autres elle est négli-
geable ou n'intervient pas (baccara, pharaon, rouge et
lEU
150
noir, trente et quarante, onze et demi, vingt-un, passe-
dix, lansquenet, rams, etc.). Tous laissent une porte ou-
verte à la fraude; les tricheries les plus banales sont,
d'une manière générale, celles qui consistent à s'assurer
des cartes avantageuses, soit en les retrouvant dans le pa-
quet, soit en les ajoutant au jeu ; et celles qui vous font
connaître le jeu de l'adversaire, soit en marquant les
cartes, soit en se faisant renseigner par un compère, soit
en ayant ce dernier pour adversaire et s'entendant avec
lui pour détrousser les parieurs qui ont misé sur l'un ou
l'autre jeu ; la tricherie à la marque, par laquelle on s'ajoute
des points ; la fraude consistant à augmenter ou à dimi-
nuer son enjeu après que le coup est gagné ou perdu, etc. ;
à l'écarté on s'assure le roi ou bien on le retourne ; on
prend six cartes et on en écarte une de plus qu'on n'an-
nonce ; au baccara on fait ajouter au paquet une « por-
tée » de cartes connues du banquier et qui lui assurent
le gain d'une série de coups ; au poker, on complète une
séquence, un brelan, en reprenant une carte de son écart
ou en l'ajoutant ; de même au piquet ; la simple énuméra-
tion des inventions des « grecs » pour voler les joueurs
naïfs suffit à remplir des volumes. Le seul remède est de
ne jouer qu'avec des personnes qui vous sont complète-
ment connues. L'habitude du jeu est très répandue, et
presque tout le monde y joint un pari, expose un enjeu.
Dans la majorité des cas cet enjeu est minime, étant seule-
ment destiné « à intéresser la partie ». On joue au café
les consommations aux cartes, au domino, au billard. On
joue en famille quelques sous au loto. Si le jeu était limité
à des paris individuels, il serait presque inoffensif. Mais
on a vu s'introduire l'exploitation du jeu par des indus-
triels qui offraient à tout venant de parier contre eux,
mais qui ne lui laissaient pas une chance égale à la leur ;
ils s'assuraient un avantage. Les systèmes destinés à pro-
curer à celui qui offre le pari et qui tient le jeu (on l'ap-
pelle banquier), contre les parieurs ou pontes une pro-
babilité supérieure de gain, varient selon les jeux. A la
roulette l'avantage essentiel du banquier consiste en ce
qu'il a 36 chances contre \ au ponte et que pourtant il
ne paye au gagnant que 35 fois sa mise; il se réserve
ainsi 2,7 °/o. Au pharaon, l'avantage résultant du plié
(6 ^/o) et de la dernière carte (3 °/o)'est encore plus fort ;
les loteries, et notamment celles qui organisent le pari
sur des numéros donnent au banquier le maximum do
bénéfice. Aux courses, le prélèvement du bookmaker varie
de 40 à 25 *>/o; celui du pari mutuel est en France habi-
tuellement de 7 *>/o (V. Course, Loterie, Roulette, etc.).
Un certain nombre de jeux déguisent de simples escroque-
ries : par exemple le bonneteau^ les poules au billard or-
ganisées dans des cafés par des spécialistes qui s'entendent
pour détrousser les parieurs. La plupart des maisons de
jeu déguisées sous le nom de casinos ou de cercles ne se
contentent pas des bénéfices de la cagnote et s'entendent
avec des grecs, tricheurs de profession, pour voler les
joueurs. L'exploitation industrielle du jeu-pari est presque
toujours doublée d'un vol.
Un caractère commun à la plupart des jeux de hasard
est leur extrême facilité ; ils reposent sur les combinaisons
les plus simples des cartes ou des dés, afin que tout le
monde puisse s'y adonner. Dans ceux qui sont l'objet d'une
exploitation industrielle, on cherche à ce que le jeu soit le
plus vite possible : plus les paris se succèdent rapidement,
plus souvent se répète la prime du banquier et plus aussi
s'accentue l'entraînement du joueur, ne lui laissant aucun
intervalle pour se ressaisir. La roulette et certains jenx de
cartes (baccara, trente et quarante, etc.) ont à cet égard un
redoutable privilège.
Tous les moralistes s'accordent à dénoncer les funestes
effets de la passion du jeu (pari). Le joueur perd l'habi-
tude et le goût du travail, la rémunération régulière que
celui-ci assure paraissant infime comparée au gain qu'une
série de paris heureux, un moment de veine, peuvent pro-
curer en quelques minutes. Il perd la notion de la valeur
de l'argent et, alors même que, pendant un délai prolongé,
ses gains et pertes se compenseraient ou laisseraient une
plus-value, le joueur n'en aurait pas moins été entraîné à
des dépenses tellement supérieures à ses ressources nor-
males que sa ruine demeure certaine. La violence des émo-
tions du jeu détruit tous les autres sentiments et livre le
joueur à toutes les impulsions : superstitions puériles,
abandon de la famille, vol, abus de confiance, meurtre
même, pour obtenir l'enjeu d'une nouvelle partie. Ces dan-
gers sont si flagrants que tous les Etats civilisé* ont re-
connu qu'il y a un intérêt social majeur à refréner le jeu.
Cependant il faut reconnaître que son rôle dans notre
société est bien plus considérable qu'il ne paraît au premier
abord. On retrouve à tous les degrés l'opération qui con-
siste à chercher, au prix d'un risque, un gain, lequel ne
représente plus alors le résultat d'un travail, mais le ré-
sultat d'un combat. La forme la plus simple est le jeu
ordinaire, roulette ou jeu de cartes, par exemple ; mais
tous les échanges, toutes les affaires à échéance plus ou
moins longue comportent un élément de risque : dans toute
opération commerciale à terme, dans tout achat pour re-
vendre, il y a une part de jeu, les autres facteurs étant le
travail, la matière, etc., éléments de la valeur actuelle et
future de l'objet échangé. Toutes les fois qu'on escompte
l'avenir, qu'on opère sur des probabilités, on fait un acte
analogue à un pari. La spéculation s'efforce d'isoler cet
élément des autres et cherche dans les affaires financières
et commerciales les profits du jeu ; c'est aujourd'hui de
beaucoup la forme la plus importante du jeu ; il se joue
dans les Bourses des valeurs et dans les diverses Bourses
commerciales des sommes cent fois plus considérables que
dans tous les tripots, cercles, cafés du monde entier. Les
opérations qui s'y traitent sont en grande majorité fictives
et sans autre motif que le jeu. Toutefois, nous devons
observer que cette forme du jeu est sensiblement différente
de l'autre. 11 ne s'agit plus de hasard pur, mais de l'incer-
titude de l'avenir et du conflit de prévisions contradic-
toires sur des événements futurs. L'intelligence, l'informa-
tion ont ici une importance prépondérante ; c'est seulement
sur une grande quantité d'opérations, c.-à-d. de paris, et
par une vérification expérimentale, qu'on peut assimiler le
jeu de bourse et la généralité des spéculations commer-
ciales à des jeux de chance ou de hasard. A cet égard, ils
représentent la contre-partie de V assurance {y, ce mot),
par laquelle une autre catégorie de personnes cherchent à
se mettre à l'abri des risques de l'avenir.
A l'époque actuelle, les trois espèces de jeux les plus
usuelles sont: les jeux de cartes, le jeu de courses, le jeu
de bourse. Les jeux de cartes, auxquels on peut assimiler
la roulette, sont complètement ou à peu près complètement
des jeux de hasard. Aux courses, il n'en est plus de même
en apparence ; la connaissance des performances des che-
vaux, de l'état du terrain, du mérite des jockeys, etc.,
bref de toutes les conditions qui déterminent le résultat
d'une course, permettent de prédire à coup sûr le vain-
queur ; telle est, du moins, l'opinion des joueurs ; en fait,
leur ignorance les réduit à parier au hasard. Le jeu aux
courses est le moins dangereux à cause du petit nombre
de paris (six par jour, au maximum), de l'intervalle qui
les sépare et permet d'éviter l'entraînement fiévreux si
fatal aux joueurs de cartes ; mais l'aspect scientifique du
jeu de courses conduit le joueur à consacrer son temps à
des études destinées à obtenir de meilleurs pronostics ; les
courses absorbent ainsi toute son activité. Il en est de
même pour le jeu de bourse, dont les paris sont encore
plus espacés, mais portent sur des sommes plus fortes.
Une des causes les plus efficaces de la ruine des joueurs,
c'est que les établissements qui offrent à jouer prélèvent
sur les joueurs, par la cagnote, un impôt qui, en un temps
assez court, engloutit la totalité des fonds promenés sur le
tapis vert ; à la roulette, la probabilité est qu'au trente-
sixième coup le joueur aura perdu son enjeu. Ce prélève-
ment se retrouve dans tous les jeux : aux courses, il est
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JEL
représenté par les 7 Vo que retient l'agence officielle du
pari mutuel ; à la bourse par le salaire ou courtage des
intermédiaires, agents de change, coulissiers, etc. Il faut
donc aux probabilités mathématicfues de ruine des joueurs,
indiquées dans le § Mathématiques, ajouter ce fardeau
écrasant des frais d'organisation du jeu. A.-M. B.
Histoire. — Grèce. — Les jeux athlétiques et scé-
niques prirent en Grèce une grande extension, lis furent
associés aux grandes fêtes religieuses et, en particulier, les
jeux athlétiques formaient la partie principale des grandes
fêtes internationales célébrées à intervalle régulier à Olym-
pie, à Delphes, à Némée et sur l'Isthme. On en trouvera
l'historique et la description dans les art. Isthmiques, Né-
MÉENS, Olympiques et Pythiques (Jeux).
Rome. — Les jeux ont tenu une large place dans les
fêtes religieuses romaines, aussi bien dans les cultes pri-
vés que publics. Ces jeux comportaient des courses, des
combats dans le cirque, combats de bêtes et combats de
gladiateurs (V. Cirque et Gladiateur) et des représenta-
tions théâtrales. Les dernières semblent avoir été emprun-
tées aux Grecs ou aux Etrusques ; les combats sanglants
aux Etrusques.
Jeux funéraires. Les jeux funéraires (ludi funèbres
novemdiales) étaient offerts par les familles riches le jour
du banquet funèbre, c.-à-d. le neuvième après l'enterre-
ment; ils consistaient en combats de gladiateurs lesquels
équivalaient à des sacrifices humains de victimes immolées
en l'honneur du défunt.
Les jeux publics devinrent fort nombreux ; ils sont
énumérés avec leurs dates à l'art. Fête. Ils se divisaient
au point de vue du programme en cir censés^ gladiatorii
et scenici, célébrés dans le cirque, l'amphithéâtre (cavea)
ou le théâtre (scena). Au point de vue officiel, on les dis-
tingue en stati^ votivi et extraordinarii (V. Fête). Il
n'y avait de jeux faisant réellement partie du culte natio-
nal que les Equirria et les Consualia célébrés par les
pontifes et consistant en courses de chevaux et de chars.
Cependant les autres jeux furent incorporés au culte ro-
ma;n et soumis au contrôle du collège des pontifes, à l'ex-
ception de ceux qui demeurèrent associés à des cultes
d'origine étrangère et dépenuirent du collège des Quinde-
cemviri sacris faciundis (V. Pontife et Quindecemvirs) .
Les jeux votifs étaient présidés par les magistrats qui les
« vouaient » chaque année : consuls pour les jeux Romains
et les Grands Jeux {ludi Romani et Magni) ; édiles de la
plèbe pour les jeux plébéiens (hidiiplebeii et Ceriales);
préteur urbain pour les jeux ApoUinaires. Leur organi-
sation fut confiée aux édiles curules, puis, après l'an 22 av.
J.-C, aux préteurs. Les jeux extraordinaires, voués parles
magistrats pour un motif sérieux, étaient comme les pré-
cédents célébrés aux frais du trésor public {sumptu pu-
blico) ; seulement les magistrats pour en accroître le faste
contribuaient souvent personnellement à la dépense. En
outre, lorsque le Sénat refusait d'autoriser celle-ci, ils pou-
vaient célébrer les fêtes vouées par eux à titre de jeux pri-
vés. Les fériés privées, auxquelles on invitait le peuple
entier, se multiplièrent, parce que les pontifes n'autorisaient
dans les jeux publics que les courses et (à partir de 364
av. J.-C.) les représentations scéniques; ils excluaient les
combats sanglants, le spectacle le plus goûté du peuple.
Ceux-ci étaient offerts en supplément à titre de jeux pri-
vés. Cependant, à partir de 405 av. J.-C, l'Etat les accepta
et les laissa présider par ses magistrats. Nous compléte-
rons ces indications générales par un bref historique des
principaux jeux.
Les jeux ApoUinaires furent voués en 244, après la dé-
faite de Cannes, pour se conformer à une prédiction des
Carmina Marciana promettant l'expulsion des Carthagi-
nois en échange de cette création ; ils se célébraient dans le
Grand Cirque. — Les jeux Capitolins auraient été institués
par Camille en l'honneur de la délivrance du Capitole ; il
n'en est plus question dans la période répubhcaine. Sous
l'Empire on retrouve une fête analogue, mais qui semble
avoir une autre origine ; sous Commode elle comportait des
concours gymnastiques, scéniques et musicaux. — Les jeux
Floraux institués en 238 av. J.-C, d'après un ordre des
livres sibyllins, étaient célébrés dans le cirque Floralis. —
Les jeux Juvéniles (Juvenalia) furent institués par Néron
pour rappeler sa majorité. Ses successeurs appliquèrent ce
nom aux jeux offerts sur le Palatin au début de l'année. —
Les Grands Jeux sont mentionnés par Tite Live pour la
première fois en 484 av. J.-C; Denys d'Halicarnasse les
a décrits et en attribue la fondation au dictateur A. Pos-
tumius, vainqueur des Latins. Ils commençaient par une
procession du Capitole au Grand Cirque par le Forum, où
le peuple se groupait en ordre militaire : en tête les jeunes
patriciens à cheval ; en queue les athlètes, chœurs de mu-
siciens et les statues des dieux. Après un sacrifice solen-
nel avaient lieu les jeux : courses de chars et de cava-
liers, luttes athlétiques (à partir de 488 av. J.-C). — Les
jeux Megalenses, en l'honneur de la Grande Mère, furent
importés avec son culte, de Pessinonte en Phrygie (496 av.
J.-C). Les édiles curules C Atilius Serranus et L. Scri-
bonius Libo les célébrèrent les premiers. — Les jeux plé-
béiens furent institués à une date indéterminée, pour fêter
soit l'expulsion des rois, soit la restauration de la bonne
intelligence entre patriciens et plébéiens. Ils avaient lieu
dans le cirque de Flaminius. Ils formaient la contre-partie
des jeux Romains, fête patricienne, souvent confondue
avec les Grands Jeux et célébrée en l'honneur de la trinité
capitoline (Jupiter, Junon, Minerve). — Les jeux Sécu-
laires remontent au consul M. Valerius Publicola qui les
aurait institués sur l'invitation des livres sybillins. Leur
périodicité dépend du calcul de l'année séculaire qui fut
assez irrégulier. Le rituel était réglé par les quindecem-
virs; ils ne prirent de grande importance que sous l'Em-
pire, à partir d'Auguste. L'idée en paraît empruntée à la
théologie étrusque. On trouvera de plus amples détails dans
l'art. Siècle.
Temps modernes. — Nous ne retrouvons plus dans les
Etats modernes d'organisation officielle des jeux athlétiques,
des représentations du cirque ou du théâtre comparable à
celles de l'antiquité. En revanche, nous constatons une ten-
dance à exploiter les jeux de hasard au profit du trésor
public et à les transformer en une sorte d'institution offi-
cielle. Le fait est général pour le jeu de bourse, universel-
lement favorisé, parce qu'on admet qu'il favorise la circu-
lation des capitaux. Il l'est presque autant pour le jeu aux
courses, auquel on impose seulement une lourde redevance
au profit de l'Assistance publique et de l'élevage; dans ces
deux cas il y a le prétexte d'un intérêt général ; mais on
est allé plus loin et on a vu des gouvernements développer
la passion du jeu pour l'exploiter à leur bénéfice. On trou-
vera dans l'art. Loterie tous les détails à ce sujet ; et
nous nous bornerons à rappeler que dans les pays de l'Eu-
rope méridionale, Italie, Espagne, Portugal, aujourd'hui
encore c'est l'Etat qui organise les paris sur des combi-
naisons numériques et démoralise ses administrés pour les
dévaliser. On est allé encore plus loin et on a vu fonction-
ner des tripots officiels ; un seul s'est maintenu par la fic-
tion de l'indépendance de MonacQ, artificiellement conservée
pour éluder une interdiction à laquelle aucun Etat digne de
ce nom n'oserait se soustraire. Sans atteindre à ce degré
de scandale, tous tolèrent l'existence de maisons de jeux,
sauf à s'efforcer d'en réserver l'usage aux classes aristo-
cratiques.
Les jeux de hasard étaient très répandus dans l'antiquité:
en Grèce, les Spartiates seuls les avaient interdits; à Rome,
plusieurs empereurs eurent la passion des dés et y ris-
quèrent Qô grosses sommes, entre autres Caligula et Claude.
Tacite nous dépeint la puissance de tette passion chez les
Germains qui jouaient jusqu'à leur liberté. La législation
romaine qui interdit le jeu, sauf les paris engagés à propos
d'exercices physiques, dut tolérer qu'on jouât son écot dans
les festins. Les prohibitions que l'Eglise fit édicter à diverses
reprises prouvent la persistance des jeux de hasard. Saint
JEU
— 452
Louis ne pouvait empêcher son père de s*y adonner. Au
XVI® siècle, le rôle croissant des aventuriers, la démorali-
sation italienne répandirent partout les jeux de dés, de
cartes. Il se créa des maisons de jeu ; Louis XIII en fit fer-
mer 47 à Paris. Mais, particulièrement sous le règne de
Louis XIV, la cour et le roi donnèrent Texemple du mépris
des ordonnances édictées contre les joueurs. Tout le monde
d'ailleurs trichait, le roi tout le premier. La sévérité qui
est adoptée aujourd'hui pour imposer la loyauté dans le
jeu et dans le règlement des dettes d'honneur, fut incon-
nue à la cour. L'exemple donné par celle-ci multiplia les
tripots. Ils s'en organisa dans les ambassades, notamment
dans celle de Venise. Des courtisanes vieillies en ouvrirent.
Le plus célèbre fut au xvui® siècle celui de M^^ de Sainte-
Amaranthe, belle-mère de Sartines, le lieutenant de police.
A la Révolution française, sous le Directoire, il s'ouvrit
une foule de maisons de jeu, surtout au Palais-Koyal ; de
Paris le fléau s'étendit dans les villes de province. Il y eut,
48, rue de Richelieu, un tripot où on acceptait les mises
de six liards. Il fallut mettre le holà. Le Consulat n'osa
prononcer d'interdiction totale ; il réduisit à neuf le nombre
des maisons de jeu à Paris et imposa aux entrepreneurs
une grosse redevance versée au budget de la police secrète.
Ce fut l'origine de la ferme des jeux. Les frères Perrin
l'obtinrent d'abord et firent une grosse fortune. Vers 1810
leur succéda Boursault-Malherbe qui fit de plus grands
avantages à la Ville. Ses bénéfices furent énormes au mo-
ment de l'occupation de Paris par les alliés. Blucher per-
dit 4,500,000 fr. au Palais-Royal (n^ 154). Le bail de
Boursault finit en 4847 et on le mit en adjudication. Il fut
pris par les frères comtes de Chalabre, au prix de 5 mil-
lions. Le dernier entrepreneur fut Bénazet. Il payait
5,550,000 fr. à la Ville de Paris, mais le Conservatoire
de musique recevait un dixième, les théâtres un autre et
les Quinze-Vingts un troisième (soit en tout 4,660,000 fr.).
La Ville devait en outre recevoir moitié des bénéfices nets
et les trois quarts au-dessus d'un produit brut annuel de
9 millions. Les bénéfices de la ferme des jeux furent au
maximum de 9,008,628 fr. 54 en 4825 ; ils atteii^nirent
6,844,838 fr. 85 en 4837, la dernière année, En'^4836,
la Chambre décida la suppression des jeux publics qui fut
réalisée le 34 déc. 4837. Il y avait alors sept maisons de
jeu à Paris, quatre au Palais-Royal (n°^ 36, 443, 427 et
454), une au coin de la rue Favart et du boulevard, deux
rue de Richelieu (cercle des Etrangers et Frascati) ; la der-
nière admettait les femmes.
Les jeux publics furent supprimés en Angleterre le
4*"" déc. 4853, mais on constata le mois suivant la per-
sistance de 48 maisons de jeu dans l'aristocratique West-
End. Aux Etats-Unis, celles de San Francisco furent
fermées en 4855. L'Allemagne conserva plus longtemps
les jeux publics, surtout dans la région rhénane ; la sup-
pression, réclamée par la Prusse en 4854, ne fut adoptée
par la Confédération de l'Allemagne du Nord qu'au 4^"^ juil.
4868 et généralisée dans toute l'Allemagne en 4872 ;
alors se fermèrent les tripots officiels de Bade, Hombourg,
Vy^iesbaden, Ems, Mannheim et Pyrmont. Ceux de Spa
(Belgique), Saxon (Valais, Suisse), Saint-Sébastien (Es-
pagne) ont également été clos. Il ne reste plus que celui
de Monaco (V. ce mot).
La suppression du jeu public est un grand progrès.
Malheureusement, on tolère dans les capitales et les sta-
tions de villégiature la persistance de maisons de jeu,
déguisées sous le nom de cercles ou de casinos et qui
puisent dans la cagnotte l'argent employé à organiser des
attractions luxueuses. La police et les gouvernements les
favorisent, tantôt parce que leur personnel est à la solde
des tenanciers de ces tripots, tantôt parce qu'en concédant
ces lucratifs privilèges ils payent des concours utiles. On
prétend faire la part du feu, comme pour la prostitution,
en laissant s'exercer, dans des conditions discrètes, une
passion qu'on surveille et réglemente. Malgré ces tolé-
rances plus ou moins avouées, les jeux d'argent sont
prohibés partout. Certains Etats de la république des Etats-
Unis ont poussé les interdictions à leurs dernières consé-
quences. Dans rindiana, gagner aux cartes une somme, si
petite qu'elle soit, est un délit. Le Tennessee interdit le
système qui consiste à donner à l'acheteur d'une marchan-
dise des billets donnant chance de gagner une prime. En
revanche, l'Etat de New York autorise à jouer son écot,
au billard par exemple. Cette faculté est générale en France,
où la majorité des consommateurs dans les cafés jouent
leurs consommations et ne jouent rien de plus. Limité
aux classes aristocratiques, aux oisifs qui jouissent de ca-
pitaux qu'ils n'ont pas produits, le jeu peut être regardé
comine utile ; en détruisant ces fortunes stériles, il remet
en circulation des capitaux et concourt à l'amoindrissement
des classes improductives. Il représente, dans une certaine
mesure, la contre-partie des spéculations de bourse par
lesquelles les capitalistes drainent l'épargne populaire et
se l'approprient. A. -M. B.
Mathématiques. — Jeux de hasard. — La théorie des
jeux de hasard est une des parties des plus importantes, des
plus difficiles et des plus intéressantes du calcul des pro-
babilités. Son utilité est incontestable : au point de vue
scientifique, elle a donné naissance à une foule de théories
intéressantes et a exercé la sagacité des savants les plus
illustres ; c'est elle qui a fait naître le calcul des probabi-
lités ; au point de vue pratique, elle a donné lieu à la théorie
des assurances sur la vie; enfin, au point de vue moral,
elle inspire à ceux qui l'ont étudiée avec soin l'horreur des
jeux de hasard en montrant à nu toute leur immoralité, tous
leurs dangers. Il n'y a pas à proprement parler de jeu parfai-
tement équitable, j'espère le prouver, en ce sens que les
joueurs ne se trouvent jamais dans des conditions morale-
ment équivalentes ; cependant on convient de dire qu'un jeu
est équitable lorsque les joueurs, ayant joué un très grand
nombre de parties, leurs mises sont telles que, si on les mo-
difiait très peu, l'un d'eux au moins serait sûr de perdre
ou sûr de gagner. Pour qu'un jeu soit équitable, à ce
point de vue, il faut et il suffît que la mise de chaque
joueur soit égale à ce que l'on appelle son espérance ma-
thématique. L'espérance mathématique d'une somme d'ar-
gent est le produit de cette somme par la probabilité que
l'on a de la gagner.
Supposons d'abord que les conditions du jeu restent les
mêmes à chaque partie jouée et qu'un joueur attende en
cas de gain une somme constante a, avec la probabilité p
constante aussi de l'obtenir; le théorème de Bernoulli
nous apprend que si le joueur joue un très grand nombre
s de parties, il en gagnera sp zb E, E désignant un nombre
qui est de Tordre de la racine carrée de s.
Plus exactement, il y aura une probabilité
2 /'v^s p (1 -p) s
e~^'^ dx
que le joueur gagnera un nombre de fois compris entre
sp — E et 5/? H- E, et l'intégrale précédente est très voisine
de 4 quand j======: est un peu supérieur à 2;
\/'^p(i—p)s
ainsi par exemple, si
E
3, l'intégrale sera
égale à 0,99997. Ainsi il y aura à peu près 40,000 à
parier contre 4 qu'après s parties, le joueur en aura gagné
un nombre compris entre ps — 3 s/ 2 j» (4 — p) s et ps
H- 3 s/ 2 /? (4 — /?)5. Le calcul montre qu'il a juste autant
de chance d'en gagner ps — aqne ps-h<x; il résulte de
là que si la mise de notre joueur est pa^ égale à son espé-
rance mathématique, il aura autant de chances d'être en
gain que d'être en perte après un grand nombre de parties
jouées. Au contraire, si sa mise est pq-h a, un peu supé-
rieur à pa, sa perte sera psa, à une quantité près au plus
égale à 3a \/ 2^ (2 -—p) s, négligeable vis-à-vis de psa ;
- 153 —
JEU
il serait forcément en gain si sa mise était pa — a.
Lorsque la probabilité de gagner ne reste pas la même à
chaque partie, pourvu que cette probabilité reste comprise
entre des limites finies, une analyse un peu plus compli-
quée montre encore que la mise du joueur à chaque coup
doit être égale à son espérance mathématique : j'ai dit
pourvu que cette probabilité reste comprise entre des li-
mites finies, et aussi pourvu que les sommes espérées par
le joueur restent également comprises entre des limites
finies ; ces restrictions sont absolument nécessaires et c'est
pour les avoir négligées ou oubliées que Ton en est arrivé
à voir des paradoxes là où il n'y a que des phénomènes
naturels et qui ne sont nullement en contradiction avec les
théories.
Le simple bon sens, bien avant l'invention du calcul des
probabilités, avait déjà indiqué comment les joueurs
devaient régler leurs mises dans les cas les plus simples,
et un grand nombre d'auteurs ont considéré la règle
de l'espérance mathématique comme un principe fon-
damental n'exigeant aucune démonstration. Tirons du
moins, de la discussion à laquelle nous venons de nous
livrer, cette conséquence : si un joueur veut se garer contre
toutes les chances de perte et s'il veut se réserver un
bénéfice certain à la longue, sa mise doit être inférieure à
son espérance mathématique ; c'est ce qu'ont compris les
directeurs de toutes les maisons de jeu et les assureurs qui
demandent à leurs clients des primes plus fortes que celles
qu'ils devraient payer en toute équité ; disons toutefois en
faveur de ces derniers que, à rencontre des directeurs des
maisons de jeu, ils rendent des services sérieux qui méri-
tent un salaire.
Si nous étudions maintenant le jeu de hasard à un autre
point de vue, l'analyse mathématique démontre d'une façon
péremptoire que, quand deux ou plusieurs joueurs jouent à
un jeu équitable, le plus riche est celui qui a le plus de
chances de ruiner les autres, et que s'il est de beaucoup le
plus riche il ruinera presque à coup sur les autres ; s'il est
infiniment riche il ruinera certainement les autres. Conclu-
sion : le joueur de profession qui joue contre le public,
infiniment plus riche que lui, se ruine à coup sûr. Il se
ruinera à fortiori s'il joue contre un banquier qui se
réserve un avantage quelconque, par exemple contre le
fermier d'une maison de jeu.
Les joueurs ont des préjugés qui leur ont fait inventer
une foule de combinaisons qui doivent les conduire à la for-
tune; aucune de ces combinaisons ne peut résister à l'ana-
lyse, et le jeu doit forcément ruiner à la longue celui
qui s'y livre, quelque ingénieuses que soient ses combinai-
sons. On a proposé quelquefois le moyen suivant pour réa-
liser au jeu un bénéfice en apparence certain ; ce moyen
consiste à placer des mises allant en doublant à chaque
coup tant que le joueur perd. Mais outre qu'un pareil jeu
ne serait pas équitable, puisque im mises ne resteraient
pas comprises entre des limites fixées, le joueur court le
risque de perdre sa fortune à un moment donné, et à ce
moment son partner peut refuser de jouer avec lui si sa
mise n'est pas effective ; d'ailleurs les directeurs des mai-
sons de jeu ont bien soin de limiter les mises des joueurs
à un certain maximum. En résumé, si l'on prend le mot
équitable avec son sens ordinaire, le jeu n'est réellement
équitable que quand deux joueurs également riches placent
des mises égales à leurs espérances mathématiques ; dès
que l'un d'eux devient plus riche, le jeu cesse d'être par-
faitement équitable puisque le plus riche a le plus de chance
de ruiner l'autre. Au fond et en toute rigueur le joueur est
dupe ou coquin ; abstraction faite même de cette considé-
ration que le gain réalisé au jeu n'est certainement pas de
nature à rehausser l'honorabilité de celui qui en profite.
H. Laurent.
Droit. — Droit romain. — Des lois de l'épogue républi-
caine, les lois Titia, Publicia, Cornelia, défendaient les jeux
de hasard où une somme d'argent servait d'enjeu. Elles n'au-
torisaient que les jeux d'adresse. Un sénatus-consulte cité par
Paul renouvelle cette prohibition. L'édit prétorien, de son
côté, pour décourager l'industrie de ceux qui donnent à jouer
à autrui, décide que celui qui reçoit des joueurs ne peut agir
contre ceux qui l'ont frappé, ont commis un dommage ou un
vol à son préjudice. Cette défense des jeux d'argent et ces dis-
positions de l'édit prétorien reproduites au Digeste de Justi-
nien montrent que ce prince s'est approprié la législation
antérieure et ses prohibitions. C'est ainsi qu'une constitu-
tion du code, émanée de cet empereur, défend tout jeu de
hasard, et, parmi les jeux d'adresse, n'excepte que cinq es-
pèces de jeux et parmi eux les courses de chevaux. La sanc-
tion de la prohibition des jeux d'argent parait avoir été, au
début, la condamnation à des peines criminelles. Dans le
dernier état du droit, cette sanction est purement civile.
Elle consiste dans la nullité absolue de la convention de
jeu et de toute convention destinée à subvenir aux besoins
des joueurs. De là suit que le joueur ne peut être poursuivi
en payement de sa dette de jeu et que, s'il a payé, il peut
répéter son payement par la condictio indebiti. De même,
celui qui a, en connaissance de cause, prêté de l'argent des-
tiné à servir d'enjeu, n'a pas d'action pour obtenir la res-
titution du prêt. Dans deux cas, cependant, on trouve une
répression plus sévère que celle consistant dans la nullité
de la convention de jeu. L'édit avait donné au magistrat le
droit d'infliger une multa ou une peine corporelle à ceux
qui engagent autrui au jeu par violences ou menaces. Jus-
tinien maintient cette disposition. De plus, il punit de la
confiscation ceux qui tiennent une espèce de jeu de hasard,
qu'il appelle ÇuXtva îtcttixoc, equi ligneU et qui, suivant la
description qu'en donnent certains interprètes, fait songer
à un jeu très pratiqué de nos jours dans certaines villes
d'eaux. G. May.
Ancien droit français. — Le jeu paraît avoir été une
passion chez les peuples barbares tout comme chez les Ro-
mains. Si nous en croyons Tacite, les Germains s'y livraient
avec ardeur. Les rois de France se préoccupèrent de bonne
heure de prohiber le jeu. Charlemagne, dans un de ses capi-
tulaires, confirma la défense de jouer à des jeux de hasard,
fait^epar le concile de Mayence tenu en 813. Saint Louis, en
4254, défendit de jouer aux échecs, aux dés et au trictrac,
interdit les lieux publics où l'on donnait à jouer, et pro-
hiba même la fabrication des dés. Ces prohibitions ont été
renouvelées et étendues à d'autres jeux par Charles IV en
4319 et Charles V en 4369, à peine de 40 sols d'amende
pour les contrevenants, somme qui représente environ
400 fr. de notre monnaie ; on exceptait de cette délense
les jeux propres à exercer au fait des armes. Cependant
Charles VllI, tout en défendant le jeu de dés aux prison-
niers, permit aux personnes de naissance et d'honneur,
qui étaient en prison pour cause légère et civile, de jouer
au trictrac et aux échecs, et François P^ accorda par
lettres patentes une action pour dettes contractées au jeu
de paiime. Charles IX, dans son ordonnance de 4560,
comprit dans la même prohibition les maisons de prostitu-
tion et les maisons de jeu. Par l'ordonnance de Moulins,
en 4566 (art. 59), il permit aux mineurs de répéter ce
qu'ils y auraient perdu, « sans néanmoins, ajoute-t-il,
approuver tels jeux entre majeurs ». L'ordonnance don-
^ née à Biois par Henri III en 4577 défend aussi aux
hôteliers et cabaretiers de tenir des jeux de dés, de
cartes ou autres. La déclaration du 30 mars 4644 renou-
vela cette prohibition. Louis XIÏI, en interdisant également,
par l'ordonnance de 4629, les maisons de jeu, introduisit
en outre dans la législation quelques dispositions impor-
tantes. Il déclara annulées toutes les obligations et pro-
messes résultant du jeu, quelques déguisées qu'elles fussent,
même en vente d'immeuble, échange ou autrement ; il dé-
fendit de prêter de l'argent ou des objets précieux pour
jouer, et de répondre de ceux qui jouaient, à peine de nul-
lité des obligations et de confiscation de corps et de biens ;
il ordonna enfin que ceux en faveur de qui les obligations
auraient été contractées fussent condamnés, envers les
pauvres, à pareille somme que celle portée auxdites obli-
JEU
154 —
gâtions, et il permit aux père, mère, aïeuls et aïeules, et
aux tuteurs, de répéter tous les objets perdus au jeu par
leurs enfants et pupilles. En cette matière, la preuve par
témoins était admise quoique la somme fût au-dessus de
400 livres. Divers arrêts du parlement de Paris prohi-
bèrent les académies de jeu et certains jeux en particulier ;
ce furent notamment les arrêts du 8 juil. d66d, du 46 sept.
4663, du 29 mars 4664. Ce dernier était très sévère;
il défendait les académies de jeux à peine de 400 livres
parisis d'amende pour la première fois, et, pour la
seconde, du fouet et du carcan. Un arrêt du parlement de
Paris du 46 déc. 4680 et un arrêt du conseil du J6janv.
4694 énumèrent encore certains jeux qu'ils défendent sous
des peines sévères. Un nouvel arrêt du 8 févr. 4708 vise
les marchands, colporteurs et artisans qui donnent à jouer
dans les foires et marchés; il prononce une peine de
4,000 livres d'amende et de confiscation des jeux, mar-
chandises, chevaux et équipages qui seront vendus au bé-
néfice des hôpitaux. Enfin, Louis XVI a fait aussi contre
les jeux du hasard, le d®^ mars 4781, une déclaration
d'après laquelle devaient être condamnés ceux qui tien-
draient les jeux à 3,000 livres d'amende et les joueurs à
4,000 livres chacun ; en cas de récidive, l'amende devait
être du double, et dans tous les cas payable par corps. Des
peines affictives et infamantes devaient être prononcées
après deux condamnations à l'amende. G. Regelsperger.
Droit civil. — Le contrat de jeu est la convention
par laquelle deux personnes s'engagent réciproquement,
en se livrant à un jeu, à se payer l'une à l'autre une cer-
taine somme, suivant le résultat de la partie. Ce contrat, qui
n'est pas illicite, n'entraîne pourtant pas toutes les consé-
quences des contrats en général. La loi, gans considérer
comme absolument inexistante la dette du perdant, refuse
cependant toute action au gagnant (C. civ., art. 4965).
Aussi le débiteur, actionné en payement d'une dette de cette
nature, peut-il opposer une exception dite exception de jeu.
La dette de jeu n'est pas seulement la dette contractée direc-
tement par le perdant envers le gagnant, mais encore la
dette résultant des engagements pris envers un mandataire
qui sciemment a été l'intermédiaire d'opérations de jeu et
aussi la dette contractée au cours d'une partie envers un
autre joueur, pour des avances faites par celui-ci. Dans
ces différents cas, le créancier n'aurait aucune action contre
son débiteur. Il n'en serait pas de même, au cas où un
mandataire serait chargé de régler une perte de jeu sans
avoir servi d'intermédiaire dans l'opération de jeu, ou bien
au cas d'un prêt fait pour jouer si le prêteur n'a pas par-
ticipé au jeu; il y a là un contrat distinct, indépendant du
jeu. Mais, si la loi refuse toute action pour les dettes de jeu,
elle défend pourtant au perdant de répéter ce qu'il a vo-
lontairement payé, à moins qu'il n'y ait eu, de la part du
gagnant, dol, supercherie ou escroquerie (C. civ. , art. 4 967).
En disant que le payement doit être volontaire, la loi veut
exiger qu'il ait été fait en connaissance de cause, c.-à-d.
que celui qui a payé ait su qu'il acquittait une dette de jeu.
Si après avoir mis son enjeu sur la table, avant le commen-
cement de la partie, le perdant veut, après la partie, s'op-
poser à l'enlèvement de cet enjeu par le gagnant, celui-ci
a contre le perdant une action, car il est devenu proprié-
taire. La cour de cassation a même décidé, au cas où ce
fait se produit dans une partie de baccara, que le joueur
qui veut retirer sa mise après le coup gagné par le ban-
quier peut être poursuivi pour vol. On peut reconnaître à
la dette de jeu le caractère d'une obligation naturelle, mais
traitée par la loi encore plus rigoureusement que les autres.
En effet les obHgations naturelles peuvent en principe être
l'objet d'un cautionnement ou d'une novation . La dette de
jeu ne le peut pas, puisque la loi, par des raisons d'utilité
sociale, a déclaré qu'elle ne pouvait donner Heu à aucune
action. — L'art. 4966 vient apporter une exception à la
rigueur de la règle édictée par l'art. 4965. La loi ne refuse
pas l'action pour le payement des sommes dues par suite
de jeux propres à exercer au fait des armes ou à dévelop-
per la force, l'adresse et l'agilité du corps (courses à pied
ou à cheval ; courses de chariot ; jeu de paume et autres
de même nature).
Droit pénal. — La loi pénale tend uniquement à la ré-
pression des jeux de hasard proprement dits. Elle ne punit
pas les joueurs eux-mêmes, mais seulement d'une part
ceux qui auront tenu une maison de jeux de hasard, d'autre
part ceux qui auront établi ou tenu ces sortes de jeu dans
un lieu public. Bien que nous pensions, avec une certaine
partie de la doctrine, que les jeux de hasard sont ceux où
le hasard seul préside, la jurisprudence décide, depuis 4877,
que peuvent être compris parmi les jeux de hasard ceux
où la chance prédomine sur l'adresse et les combinaisons
de l'intelligence. Ce sont les art. 440 et 475 (5^) du C. peu.
qui règlent la matière. Trois conditions sont nécessaires
pour que l'art. 440 du C. pén. soit applicable ; il faut:
4*^ que le lieu où l'on joue ait principalement pour desti-
nation le jeu ; 2° que les jeux auxquels on s'y livre soient
des jeux de hasard ; 3^ que le public y ait accès soit libre-
ment, soit sur la présentation des affihés. La présence
d'administrateurs préposés ou agents n'est pas un élément
constitutif du délit. L'art. 440 ne mentionne ces auxiliaires
que pour les atteindre lorsqu'il en existe dans l'établisse-
ment. L'étabhssement de jeux de hasard dans un heu pu-
blic visé par l'art. 475 (5°) du C. pén. constitue une simple
contravention punie des peines de l'amende et accessoirement
en vertu de l'art. 477 du C. pén. de la confiscation des
enjeux et appareils ayant servi au jeu. Cette contravention
suppose la réunion de trois éléments : 4° établissement ou
tenue de jeux ; 2° publicité du lieu où le fait s'est produit ;
3*^ jeu constituant un jeu de hasard ; il faut certainement
considérer comme lieu public, dans le sens de l'art. 475
(5o), la salle d'un café par exemple. Comment alors dé-
terminer la sphère d'application de l'art. 41 0 et de l'art. 475
(5<^) ? Dans quel cas y aura-t-il délit ou simple contraven-
tion? La cour de cassation résout cette question à l'aide de
la distinction suivante : ou bien le fait incriminé présente
un certain caractère d'habitude ou de permanence, auquel
cas il y a Heu à l'application de l'art. 410 : il y a tenue de
maison de jeux ; ou bien, au contraire, il s'agit d'un fait
isolé, de jeux tenus d'une manière accidentelle, et alors c'est
l'art. 475 (5°) qu'il faut appliquer. Les art. 410 et 475 du
C. pén. étaient appliqués autrefois par la jurisprudence
aux paris aux courses avant que la loi des 2-3 juin 4894,
fût venu réglementer la matière. Cette loi, dans son art. 4,
punit des peines de l'art. 440 du C. pén. tous individus
qui exploitent le pari sur les courses de chevaux en offrant
de parier ou en pariant avec tous venants en quelque lieu
que ce soit. Raoul Bloch.
Littérature. — Jeux floraux. — Nom donné depuis
le xvi^ siècle à un concours poétique fondé à Toulouse en
4323 et qui subsiste encore aujourd'hui, après avoir subi
d'importantes modifications. La décadence de la littérature
provençale au commencement du xiv® siècle inspira à sept
troubadours toulousains l'idée d'instituer un concours pour
en perpétuer la culture, et, un peu plus tard, de rédiger un
code poétique de la langue d'oc destiné à guider à la fois les
concurrents et les juges du concours. Ces sept troubadours
étaient : Bernard de Panassac, écuyer ; Guillaume de
Lobra, bourgeois; Bérenger de Saint-Plancart, Pierre de
Méjanaserra, changeurs ; Guillaume de Gontaut, Pierre
Camo, marchands, et Bernard Oth, notaire. Dans le mani-
feste en vers qu'ils lancèrent vers la Toussaint 4 323 « per
diversas partidas de la lengad'oc » pour inviter les poètes
méridionaux à venir présenter leurs œuvres à Toulouse le
4 6^ mai suivant, ils s'intitulent : « La sobregaya companhia
dels set trobadors de Tholosa. » Ils promettent de donner
une violette d'or à la composition qu'ils jugeront la meil-
leure, sans acception de personne. D'ailleurs, d'après les
termes mêmes de ce curieux manifeste, ce n'est pas seu-
lement un concours que les sept troubadours toulousains
voulaient établir en s'en constituant eux-mêmes les juges,
c'est aussi un congrès de poésie en langue d'oc : ils annon-
155 ~
JEU
cent en effet qu'ils liront eux-mêmes quelques-unes de
leurs compositions et qu'ils les soumettront à la critique
de leurs confrères du dehors. Le premier concours eut
lieu effectivement le 4^^ mai 4324; le lendemain, les sept
membres du jury délibérèrent entre eux sur le mérite des
poésies soumises à leur jugement, et le 3 mai, ils procla-
mèrent en public qu'ils donnaient la violette à maître
Arnaud Vidal, de Castelnaudary, auteur d'une chanson en
l'honneur de la Vierge. Dès le premier jour, en présence
de l'affluence que ce nouveau concours attirait à Tuolouse,
l'administration municipale {los senhors de capUol) avait
pris spontanément à sa charge les frais de la violette d'or.
Dans les années qui suivirent, la compagnie des sept
troubadours s'organisa et se compléta : elle prit définiti-
vement le titre de « consistori dels set mantenedors del
gay saber », nomma un bedeau et un chancelier, décida
que les sept mainteneurs ne resteraient qu'un an en
fonction et éliraient eux-mêmes leurs successeurs, fixa
les conditions dans lesquelles elle créerait, à l'imitation des
universités du temps, des bacheliers et des docteurs qui por-
teraient le titre de bacheliers et de docteurs « en gay
saber », et enfin , lorsque deux prix nouveaux furent
ajoutés à la violette primitive , l'églantine et le souci
(gaug) d'argent, détermina les genres admis à concourir
pour chaque fleur. Ce qui 'est plus important de beaucoup
que cette organisation intérieure, c'est l'heureuse idée
qu'eut le consistoire du Gay Saber de faire rédiger, par son
chancelier Guillem Molinier, une vaste compilation de
grammaire et de poétique, qui, après plusieurs ébauches,
fut définitivement promulguée en 4356 sous le titre de
Leys d'Amors. Le recueil des Leys d'Amors (publié par
Gatien-Ârnoult, sous ce titre : Las Flors del gay saber,
estier dichas Las Leys d'Amors (Toulouse, 4844-4843,
3 vol. in-8), est un monument de première importance pour
l'étude de l'ancienne littérature provençale, s'il n'a pas eu
sur ses destinées ultérieures l'influence qu'en attendaient
ses promoteurs.
Le concours poétique inauguré le i^^ mai 4324 con-
tinua régulièrement pendant le xiv*^ et le xv® siècle, sans
jeter un grand éclat, et ouvert seulement aux productions
écrites en langue d'oc. Il faut noter pourtant l'écho que
trouva au delà des Pyrénées la création du consistoire du
Gay Saber et l'institution à Barcelone, en 4393, d'un
concours analogue, sur l'initiative du roi d'Aragon, Jean I^''.
Il s'est conservé seulement une soixantaine des pièces
couronnées à Toulouse jusqu'à la fin du xv® siècle. Elles
ont été publiées en 4849 par le D"* J.-B. Noulet (Toulouse,
in-8) sous le titre de Las Joyas del Gay Saber. Ce sont
les chansons en l'honneur de la Vierge qui y prédominent,
et nous avons expliqué ailleurs comment de ce fait était
née au commencement du xvi® siècle la légende de Clé-
mence Isaure, prétendue fondatrice ou restauratrice des
Jeux floraux (V. Clémence Isaure) . Parmi lesrimeurs dont
le nom figure dans la liste des lauréats, il n'y a guère à
distinguer que trois noms: Arnaud Vidal, qui ouvre la
liste, Raymond de Cornet, et au milieu du xv^ siècle,
Bérenguier de l'Hospital, dont le Planh de crestiandat
contra lo gran Turc, et la pastorela sur le même sujet,
couronnés en 4474, témoignent d'une inspiration vigou-
reuse, animée déjà du souffle de la Renaissance.
Au commencement du xvi® siècle, une révolution s'ac-
complit dans la constitution des Jeux floraux de Tou-
louse. Les formes archaïques de poésie, soigneusement ré-
glementées par les Leys d'Amors^ telle que la chanson, le
sir ventés, le descort, la danse, etc., sont tombés en
désuétude ; la poésie française est admise concurremment
avec la poésie provençale, et en 4543 la violette est dé-
cernée à une ballade française « unisonante et entrelacée »
ayant pour auteur un étudiant, Jacques Sapientis. Depuis
lors, la langue d'oc paraît avoir été proscrite ; l'ancien
consistoire du Gay Saber prend déjà le titre de Collège
de rhétorique et de poésie françoise, et un peu plus
tard, après le manifeste de Du Bellay et de ses amis, celui
de Collège de la poésie latine, grecque et françoise
c'est dire qu'il s'inféode aux destinées de la littérature
française elle-même pendant la même période. On sait
avec quel dédain Du Bellay parle des Jeux floraux de
Toulouse et des « espiceries » qui y sont couronnées. Les
Jeux floraux ne tardèrent pas cependant à se rallier à la
nouvelle religion poétique, car le collège de Toulouse dé-
cerna en 4554 à Ronsard une de ses fleurs, convertie pour
la circonstance en une Minerve d'argent, et en 4586 il
vota un Apollon d'argent, transformé peu après en David,
à l'adresse de Baïf. Une fois la fièvre de la Renaissance
passée, les Jeux floraux retombèrent dans leur somno-
lence et dans leur isolement séculaires. Le seul lauréat un
peu connu du commencement du xvn^ siècle est le poète
Maynard. Ce fut bien pis sous Louis XIV: en 4690, les
Jeux floraux se recommandaient surtout par un gigan-
tesque « rastel », oii les capitouls faisaient servir 300
boîtes de confitures, plus de 2,400 gâteaux, 4 ,300 bou-
quets dorés ou argentés et jusqu'à 49 veaux entiers dont
chaque invité emportait une pièce.
Il était temps qu'une réforme radicale s'accomplît.
Grâce aux démarches de Simon de La Loubère, membre
de l'Académie française, les Jeux floraux furent érigés
en Académie des belles-lettres par lettres patentes de
Louis XIV, données à Fontainebleau en sept. 4694. C'est
la charte de l'Académie actuelle des Jeux floraux qui se
propose de célébrer avec éclat son deuxième centenaire,
et dont la vie n'a été suspendue que de 4 790 à 4806. Pen-
dant ces deux siècles, l'Académie des Jeux floraux a
publié régulièrement chaque année (depuis 4696, avec
interruption de 4700 à 4703 et de 4790 à 4806) les
poésies et les oeuvres en prose qu'elle a couronnées, et ses
concours ont joui dans toute la France et même à l'é-
tranger d'un crédit incontestable : les noms de ceux qui
les ont affrontés avec succès en témoignent hautement.
Nous citerons au hasard: Palaprat, Campistron, Mar-
montel. Fermât, Riquet, Lefranc de Pompignan, Voltaire,
le cardinal Maury, Barrère, Fabre d'Eglantine, Baour-
Lormian, Soumet, Fontanes, Chateaubriand, Millevoye,
Guiraud, Thiers, W^^ Tastu, Reboul, Victor lïugo, La-
prade, Rémusat, Mistral, Bornier, Coppée.
Les membres de l'Académie des Jeux floraux sont au
nombre de quarante et portent le titre de mainteneurs .
Ils siègent au Capitole, sous la présidence d'un modéra-
teur et, à son défaut, d'un sous-modérateur, tous les
vendredis. L'Académie est dirigée par un secrétaire per-
pétuel, assisté d'un secrétaire des assemblées, des deux
censeurs et d'un dispensateur faisant office de trésorier.
Elle n'a pas de membres correspondants : elle décerne aux
écrivains qu'elle juge dignes de cet honneur le titre de
maîtres es jeux floraux, sans exclure les femmes qui ont le
titre de maîtresses es jeux floraux, mais qui ne prennent
pas rang dans les séances. La date du 3 mai est, comme
au xiv® siècle, celle de la séance solennelle oti sont pro-
clamés les noms des lauréats. Actuellement, par suite de
fondations diverses, l'Académie décerne onze prix ou fleurs:
amarante d'or (ode), violette d'argent (poème, épître,
discours en vers), souci d'argent (élégie, idylle, églogue,
ballade), lis (hymne ou sonnet à la Vierge), primevère
d'argent (fable), églantine d'or (discours en prose), immor-
telle d'or (études historiques), jasmin d'or (philosophie
chrétienne), violette d'or (poésie sur un sujet donné par
l'Académie), églantine d'argent (sonnet), œillet d'argent
(prix d'encouragement, applicable à tous les genres). Pour
tous ces prix, le français est la seule langue admise; nous
apprenons au dernier moment qu'une donation faite ré-
cemment à l'Académie des jeux floraux doit être appliquée
par elle à récompenser des œuvres écrites dans les dia-
lectes méridionaux ; ce nouveau prix sera décerné pour la
première fois en 4895 pendant les fêtes du Centenaire.
A. Thomas.
Jeu-parti (V. Comédie, t. XI, p. 4183).
BiBL.: PÉDAGOGIE. — Philippe Daryl, lîenais^ance p/iy-
JEU — JEUNE
— 156
sique ; les Jeux de plein air, etc. — A Magendie, Effets
moraux de V exercice physique; Paris, 1893, in-18.— Ma-
nuel d'exercices gymnastiques et de jeux scolaires^ publié
par le ministère de Finstruction publique, 1891, in-8.
Sociologie. — Bruck, Ueber Spiel and Wetle; Greifs-
wald, 1868. — Krugelstein, Unterschiedzv^ischen Spiel
und Wette ; Leipzig, 1869. — Schuster, Das Spiel, seine
Entwickelu7ig undBedeutungimdeulschen Recht ; Vienne,
1878. — GuTSMUTH, Spiele zur Uebung und Erholung des
Kœrpers und Geistes; Hof, 1885, 7*» éd. par Schettlèr. —
V. le t. III du Dict. polit, de Standard libr. Cyclopœdia.
Histoire. — V. Cirque, Fête, Gladiateur. — V. le
vol. du Manuel de Marquardt et Mommsen consacré
aux cultes romains.
Mathématiques. — Huyghens, De Ratiociniis in ludo
abœ. — Les traités du calcul des probabilités de Laplace,
Poisson, Bertrand, Laurent, etc. — Laurent, Théorie
des JeuXf dans VEncyclopédie des Aides-mémoire, publiée
par Léauté.
Droit romain. — Dig. XI, 5. — De Aleatore.—Cod. de
Justin., 111,43. — De Alealor. — Molitor, les Obligations
en droit romain ; Paris, 1867, t. II, n»» 705, 706, 707, 2 vol.
in-8, 2« éd. — Mainz, Cours de droit romain ; Bruxelles,
1877, t. Il, § 266, 3 vol. in-8, 4'^ éd.
Littérature. — V.labibl. de Fart. Clémence Isaure.
JEU-LES-Bois. Com. du dép. de l'Indre, arr. de Cliâ-
teauroux, cant. d* Ardentes ; 697 hab.
JEU-Maloches. Com. du dép. de l'Indre, arr. de Châ-
teauroux, cant. d'Ecueillé ; 401 hab.
JEUDI SAINT. Dies cœnœ domina dies pediluvii,
dies mandat^ dies indulgentiœ^ dies competentium,
dies mysteriorum. Ces divers noms indiquent les princi-
paux objets du culte de cette journée : institution de la
Sainte Cène, commémoration de l'acte de Jésus lavant les
pieds de ses disciples, et des commandements attachés à
ces deux faits ; réconciliation, c.-à-d. absolution public|ue
des pénitents; admission des catéchumènes; consécration
des saintes huiles et du saint chrême par l'administration
des sacrements. A la messe de ce jour, le célébrant consacre
deux hosties, l'une pour le sacrifice, l'autre pour l'office du
lendemain, dans lequel on ne consacre pas. Cette hostie de
réserve se nomme les présanctifiés. On la porte solennel-
lement dans le reposoir qui figure le sépulcre de Jésus-
Christ. Depuis le jeudi saint jusqu'au samedi, les autels
sont dépouillés de leurs ornements, et on ne sonne plus les
cloches. E.-H. V.
JEU FOSSE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Mantes, cant. de Bonnières ; 302 hab.
JEUGNY. Com. du dép. de l'iVube, arr. de Troyes,
cant. de Bouilly; 390 hab. Stat. du chem. do fer de l'Est,
de Saint-Florentin à Vitry-le-François.
JEU M ONT. Com. du dép. du Nord. arr. d'Avesnes,
cant. de Maubeuge, sur la rive droite de la Sambre cana-
lisée ; 3, '195 hab. Stat. du dép. du Nord, ligne de Mau-
beuge à Erquelines. Bureau de douanes. Carrières de
marbre, de pierre bleue et de terres réfractaires. Impor-
tantes usines métallurgiques, forges, fonderies, ateliers de
construction de machines. Manufactures de glace et de
verre à vitre. Scierie de marbre. Fabriques de ciments, de
briquettes, de feutres et de chaussons de feutre, de pro-
duits chimiques. Ruines d'un château du xui^ siècle.
JEÛNE. I. Ethnographie. — Le jeûne, à titre de ma-
cération, de pénitence ou d'expiation, est offert aux dieux
comme un sacrifice, notamment dans les religionshistoriques.
Les théologiens et les législateurs religieux, les fondateurs
d'ordres, ont vu sans doute aussi un principe d'ordre dans
sa pratique régulièrement imposée à des époques fixes et
pendant un temps assez long. Il est de toute évidence qu'elle
était d'une nécessité absolue dans les couvents. Sans son
imposition rigoureuse, ces couvents devenaient et ne pou-
vaient devenir que des sentines de vices. Elle est la con-
dition première de la claustration, de la vie monacale. Elle
fut aussi un moyen d'améliorer les mœurs dans les sociétés
barbares. Le jeûne prolongé au premier printemps, lors-
qu'il fut observé avec rigueur par tous, a dû avoir une in-
fluence morale appréciable. Il est plus que probable que
cette influence se manifestait notamment par la réduction
du nombre des viols, toujours fréquents à cette époque de
l'année. Pas de pureté sans jeûne. Le jeûne est la source
de toutes les perfections morales ou de la sainteté qui les
comprend toutes. Voilà ce qu'on dit habituellement *et voilà
ce qui est en effet très vrai, d'une vérité matérielle, pour
ne pas dire physiologique. Le jeûne comme moyen de dis-
cipline morale, pratiqué par les religieux de tous les cultes
et les moines de toutes les nations, s'explique donc très
rationnellement. Mais ce n'est pas dans cette explication
rationnelle qu'il faut chercher les motifs qui ont fait in-
venter et adopter l'usage du jeûne tel qu'il existe ou a
existé chez la plupart des peuples. Cet usage, en effet,
prend sa source dans l'animisme qui a fait et fait encore le
fond de la religion de tous les peuples. Chez tous les
peuples, le jeûne fut ou est encore pratiqué pour s'élever
à plus d'intelligence et de pureté sans doute, mais plus
spécialement pour entrer en communication avec les esprits.
Ce sont les sorciers ou prophètes qui l'ont mis en vogue
pour pénétrer dans les régions supérieures au monde réel.
Les plus célèbres de ces prophètes, du moins pour nous,
sont les prophètes juifs. Ce que les prophètes juifs annon-
çaient au peuple, croyant à la valeur objective de leurs
rêves, ce sont leurs « visions ». Et ils se procuraient des
visions, se mettaient, pensaient-ils, en communication avec
les esprits supérieurs, en se retirant, pour jeûner, dans la
solitude. Le raisonnement qu'ils se faisaient, le Zoulou se
le fait encore. « Le corps que l'on remplit constamment,
dit-il, ne saurait apercevoir les choses secrètes. » Le jeûne
un peu prolongé détermine en effet des vertiges, exaspère
la sensibilité et jette l'organisme dans un état d'anxiété
terrifiante. Les idées délirantes sont le fruit spontané de
cet état ; elles se développent dans le sens des préoccupa-
tions habituelles et s'amplifient parles impressions doulou-
reuses que cause la solitude où les moindres choses, formes
ou bruits, prennent des proportions fantastiques. Par le
jeûne, on arrive donc à volonté à l'exaltation de l'imagi-
nation, à la fixation du rêve tout éveillé, aux visions, c.-à-d.
pour l'animiste, aux inspirations par les esprits. Et ce
n'est pas seulement chez les Juifs qu'y avaient recours
ceux qui voulaient acquérir de l'ascendant sur le peuple
par des prédictions formidables. Ils ne nous offrent qu'un
exemple particulier d'une coutume très générale. La plupart
des sorciers, depuis le Grœnland jusqu'à l'Afrique aus-
trale, se préparent à l'exercice de leurs professions par des
jeûnes prolongés qui les jettent souvent dans un état ner-
veux maladif permanent. Et nulle part peut-être leur usage
n'a été aussi général et aussi rigoureusement imposé que
chez les anciens Peaux-Rouges. Chez ces sauvages, les am-
bitieux s'exerçaient à jeûner dès le jeune âge et, dès qu'ils
se sentaient assez préparés, ils se soumettaient à un jeûne
plus prolongé pendant lequel ils faisaient, enregistraient
devant témoin des prophéties. Si quelque chose de ces pro-
phéties dont on devine la tournure baroque paraissait
s'adapter aux événements survenus, après examen des
vieillards, ils étaient sûrs de passer sorciers et chefs. On
ne devenait pas chef sans cette épreuve. Le développement
du culte dans la civilisation mexicaine n'avait fait qu'étendre
cette coutume peau-rouge. A la fête d'un des dieux du
Mexique, tous les prêtres devaient jeûner 460 jours. Ils se
passaient des baguettes à travers la langue pour témoigner
de la constance de leurs privations. Zaborowski.
II. Histoire religieuse (V. Carême et Ramadhan).
III. Physiologie. — On trouvera à l'art. Inanition l'ex-
posé des désordres apportés dans l'organisme par le jeûne
prolongé. Qu'il nous suffise de rappeler que, d'après les re-
cherches de Chossat, recherches confirmées par tous les tra-
vaux ultérieurs, la mort arrive quand l'être vivant a perdu
40 ^/o de son poids primitif. Cette perte n'est du reste pas
répartie également entre les divers organes, le foie, le cer-
veau ne diminuant pas de poids, alors que la graisse tout
d'abord, puis les muscles sont fortement atteints. Des re-
cherches récentes montrent même que, si les premiers
organes cités, les organes nobles, suivant l'antique expres-
sion, ne sont pas touchés par l'atrophie, c'est qu'ils reçoi-
vent continuellement des éléments azotés provenant des
157 --
JEUNE - JEVONS
muscles ; l'albumine de ces derniers se transforme en glo-
buline pour aller, véhiculée par le sang, reformer les élé-
ments albuminoïdes du cerveau. En ce qui concerne l'homme,
Richet fait trois distinctions pour l'étude des jeûnes et
des jeûneurs : le jeûne expérimental comportant des expé-
riences précises sur des sujets sûrs, limités à quelques jours ;
le jeûne charlatanesque, expression peut-être sévère, mais
qui s'adresse à ces jeûnes célèbres des Tanner, des Mer-
latti, des Succi, dans lesquels le côté scientifique est
plus qu'atténué; enfin le jeûne forcé, portant sur les indi-
vidus placés dans des circonstances indépendantes de leur
volonté. Dans le second groupe, et en modifiant l'épithète,
on doit placer le jeûne des aliénés, des hystériques, des
fakirs, etc.
Dans un jeûne expérimental de quarante-huit heures,
sur un sujet bien constitué, mais maigre (50 kilogr.), Han-
riot et Richet ont constaté une diminution de poids de
2^^400, soit de is''32 par kiIogrammeetparheure;ilsontvu
également la quantité d'acide carbonique produite tomber
considérablement, 44 litres au heu de 18, entraînant une
diminution correspondante de la ventilation pulmonaire,
400 litres au lieu de 500. L'expérience faite par Senator
sur Cetti a été prolongée jusqu'au dixième jour et il perdit .
dans ce laps de temps G'^^SOO.
Les jeûnes de Tanner, de Succi, de Merlatti ont été
prolongés beaucoup plus longtemps ; leur perte de poids a
été d'ailleurs beaucoup moindre par kilogramme et par
heure au début même de l'expérience, c.-à-d. dans les con-
ditions comparables à celles des jeûneurs étudiés par vSe-
nator, Ranke (sur lui-même), par Hanriotet Richet. Mais
il ne faut pas oublier que Merlatti, avant de commencer son
expérience de cinquante jours, avait dévoré « une oie
grasse avec les os » ; que Succi prenait une liqueur à base
sans nul doute de narcotique, enfin et surtout que ces in-
dividus paraissent tous doués d'une tare psychique. Succi
avait été deux fois enfermé comme aliéné .
Chez les individus qui, sans tare cérébrale, ont voulu se
tuer par inanition, la mort est généralement arrivée vers
le dix-septième ou dix-neuvième jour: Antonio Viterbi se
laisse mourir de faim en prison après dix-sept jours. Un
autre individu, cité par Richet, meurt le dix-huitième jour.
Une ieune fille, après sténose par brûlure de l'œsophage,
meurt le quinzième jour. C'est là un chifi're qui paraît de-
voir être admis comme durée ordinaire de la résistance
chez des individus normaux, placés dans des conditions fa-
vorables. Chez les individus à tare psychique, au contraire,
la résistance paraît atteindre des limites invraisemblables.
Un aliéné de Devilliers aurait résisté avec un peu de vin
soixante-seize jours, un malade de Desbarreaux soixante-
trois jours. Les cas de jeûne d'hystériques sont nombreux.
Une malade de Lasègue ne prenait que quelques gouttes de
thé coupé de lait, et pendant un an « elle ingéra à peine la
ration alimentaire de deux jours ». Les analyses faites à
la Salpêtrière des excréta tant gazeux que solides et liquides,
montrent du reste que la désassimilation est pour ainsi
dire arrêtée. Debove a réussi à faire garder le jeûne quinze
jours, par suggestion, à des hystériques et, pendant tout ce
temps, la perte de poids n'a pas dépassé 0-^^13 par kilogr.
et par heure.
Nous n'avons cité ici que des observations recueillies par
des observateurs dignes de confiance. Il nous parait inutile
de donner les faits par trop merveilleux rapportés par les
auteurs des xvi^ et xviii^ siècles, qui racontent du reste
presque toujours par ouï-dire. Tel Jean de Marceville qui
rapporte l'histoire d*une fille de vingt-deux ans qui fut
deux ans entiers sans boire ni manger et d'une fille de
Tulle qui resta trois ans « après avoir reçu la communion
à Pâques ».
Dans les cas de jeûnes forcés par suite d'accidents :
éboulement, naufrages en mer, etc., on note au contraire
un phénomène inverse. Ce n'est plus dix-sept et vingt jours
que les malheureux résistent, mais à peine très souvent
sept à dix jours. On note presque toujours des troubles
cérébraux graves dès le début du jeûne. Mais ici il faut faire
intervenir encore le système nerveux. C'est lui le grand
régulateur de la nutrition. Si chez les individus à types
spéciaux cités plus haut, hystériques ou autres, il joue
essentiellement un rôle d'inhibiteur des échanges, dans les
circonstances dramatiques où se trouvent les individus af-
famés, il est au contraire dynamogénique, accélérateur de
ces mêmes échanges, d'où une désassimilation plus active,
une marche plus rapide des symptômes morbides.
D^ P. Lânglois.
BiBL. : Physiologie. ~ Gley, le Jeûne et les Jeûneurs,
dans Revue scientifique, 1886. — Richet, l'Inanition chez
Vhomme^ dans Revue scientifique, 1889. — Lasègue, De
l'Anorexie hystérique. — Charcot, Leçons sur l'hysté-
rie, 1888.
JEUNE-Italie (Société de la). Fondée à Marseille par
Mazzini en 1832, elle avait pour organe un journal du
même nom (V. Mazzini).
JEUNE-LoRETïE. Bourg du Canada, prov. de (iuébec, à
14 kil. N.-O. de cette ville; le quart des habitants des-
cendent des anciens llurons.
jeunes-Détenus (V. Détenus).
JEU RE. Corn, du dép. du Jura, arr. de Saint-Claude,
cant. de Moirans; 342 hab.
JEUX-lès-Bard. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. et
cant. de Semur; 115 hab.
JEUXEY. Com. du dép. des Vosges, arr. et cant. d'Epi-
nal ; 538 hab.
JEVDOKIMOV ou mieux IEVDOKIMOV(Nicolas-Ivano-
vitch, comte), général russe, né en 1804, mort en 1873.
Il joua un grand rôle dans la conquête du Caucase. Sous les
ordres d'Iermolov, il porta à Schamyldes coups décisifs, le
défit en 1858, s'empara de sa résidence de Weden (avr.
1859) ; ces victoires aboutirent à la capture de Schamyl et
à la soumission du Caucase oriental. Jevdokimov fut récom-
pensé par les titres de comte et d'aide de camp de l'empe-
reur. En 1861, on le chargea de soumettre les Tcherkesses.
Il y réussit après une campagne méthodique de trois an-
nées. La prise de Wardan (28 avr. 1864) consomma la
conquête du Caucase occidental. Les Tcherkesses furent
transplantés ou émigrèrent en Turquie. Leur vainqueur fut
alors adjoint au grand-duc Michel, gouverneur du Caucase.
En 1870, il prit sa retraite.
JEVER. Ville d'Allemagne, grand-duché d'Oldenbourg,
à rO. du golfe de Jade; 5,500 hab. Vieux château bâti
en 1410 par Edo Wiemken. Ce fut le chef-lieu d'une sei-
gneurie de 330 kil. q., annexée en 1575 à l'Oldenbourg,
transférée par mariage aux Ânhalt-Zerbst; Catherine II de
Russie en devint propriétaire en 1793. Alexandre I*^** la
céda à la Hollande (1807) ; en 1814, on Tunit à Olden-
bourg.
BiBL. : VoRNSAND, Gesch. Jeverlands, 1875.
JEVEROS. Ville du Pérou, dép. de Loreto, sur l'Ar-
mana-yacu, sous-affluent du Huallaga (affl. de l'Amazone);
2,000 hab. Ancienne mission de jésuites déchue de son im-
portance.
JEVON (Thomas), acteur et auteur dramatique anglais,
né en 1652, mort en 1688. D'abord petit maître à dan-
ser, il débuta vers 1673 au théâtre et jusqu'à son dernier
jour joua avec le plus brillant succès les rôles d'amoureux
comiques. Son triomphe fut le rôle d'Arlequin dans le
Faust de Mountford (1676). On ne connaît de lui qu'une
comédie, The Devil of a ivife^ représentée en 1686 à Dor-
set Garden et qui n'eut pas moins de huit éditions entre
cette date et 1735. Le nom de Jevon, avec nombre d'anec-
dotes sur son compte, apparaît fréquemment chez les au-
teurs du temps. R. S.
JEVONCOURT. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Nancy, cant. d'Haroué ; 131 hab.
JEVONS (William-Stanley), philosophe et économiste
anglais, né à Liverpool en 1835, mort le 13 août 1882.
Il fit ses études au collège de l'Université, à Londres, et
alla en 1854 à Sydney comme employé à la Monnaie royale ;
il en revint en 1859. En 1864, il devint professeur de
JEVONS - JH/VNSI
logique, de philosophie morale et d'économie politique au
collège Owen, de Manchester. Comme économiste, il s'est
surtout occupé de la question monétaire et de la question
du travail. Son originalité consiste à avoir essayé de renou-
veler la méthode de l'économie politique. Suivant lui, cette
science se divise en deux parts, une de fait, qui doit être
traitée d'une façon tout historique et statistique, une de
théorie qui doit être traitée suivant une méthode mathéma-
tique. Il a appUqué cette seconde méthode notamment à la
théorie de la valeur, qui, suivant lui, est multipliée par
l'utilité. Cette idée de l'utilité n'est pas d'ailleurs déter-
minée par lui d'une façon suffisamment précise. En somme,
S. Jevons, économiste, n'est sans doute pas un rénovateur
comme Ricardo, à qui on l'a comparé quelquefois, mais c'est
un esprit vigoureux et pénétrant. Il a apporté les mêmes qua-
lités dans l'étude de la logique. Il part de la question de la
« quantification du prédicat » soulevée par llamilton. Pour
lui, comme pour Boole, la logique déductive a une grandeim-
portance scientifique, et est nécessaire à l'induction. Pour
pouvoir formuler une loi, il faut savoir quels effets résul-
tent d'une loi donnée. Mais, tandis que, pour Boole, tout rap-
port du sujet au prédicat se ramenait à l'identité pure et
simple, S. Jevons distingue plusieurs rapports (identité
simple, partielle, hmitée) dont il faudra tenir compte dans la
substitution des termes. Chaque terme est représenté
par une lettre, et, la substitution se faisant suivant les lois
déterminées de l'égalité, la déduction se ramène au déve-
loppement d'une formule algébrique. Sans doute la logique
n'est pas ainsi entièrement réduite à l'algèbre, la science
de la qualité à celle de la quantité ; mais les deux sciences
sont unies par des principes plus profonds qui leur sont
communs et qu'elles supposent. La science de la quahté
ou logique reçoit ainsi un développement qu'elle ne com-
portait pas dans la forme purement quahtative, que lui
avait donnée Aristote. Les principaux ouvrages de Jevons
sont : Value ofGold (1868) ; The Coal Question (4865) ;
The Substitution of similars (1869); Elementary tes-
sons in Logic (4870) ; Money and the mecanism of
exchange (1872); The Principles of science (4874);
Methods of social reform (4883); Pure Logic (4890) ;
Economie politique (trad. en fr. par Graver). C-el.
BiBL. : L. LiARD, les Logiciens anglais contemporains;
Paris, 1878, in-18.
JEWELL (John), prélat anglican, né dans le comté de
Devon en 4522, mort en 4574. Il subit l'influence du réfor-
mateur John Parkhurst pendant ses années d'études à Oxford
et, quand il fut nommé professeur de littérature (4539),
il se déclara ouvertement pour la cause protestante. Comme
recteur de Sunningwell dans le comté deBerks,iI mit beau-
coup d'ardeur à propager les nouvelles doctrines. Toutefois
il apostasia (4553) à l'avènement au trône de la princesse
catholique Marie. Peu de temps après, il résolut de retour-
ner à la foi protestante. Dans ce but, il s'exila et se rendit
à Francfort et de là à Strasbourg, en compagnie de Pierre
Martyr. Les deux amis poursuivirent leur œuvre de pro-
pagande anti catholique en fondant, à Strasbourg, une
école de théologie qu'ils dirigèrent personnellement. La
reine Marie étant morte en 4558, la cause du protestan-
tisme se releva avec l'avènement d'Elisabeth à la couronne
d'Angleterre. Jewell retourna aussitôt dans son pays où
il fut nommé, quelque temps après, évêque de Salisbury
(4560). Vers cette époque, il composa son principal ou-
vrage, Âpologia ecclesiœ anglicanes^ protestation contre
l'exclusion des AngHcans des séances du concile de Trente.
Il parut, en 1565, une réfutation de cet ouvrage sous le
titre de Confutation of the Apology. Jewell répliqua par
un nouveau traité, Defence of the Apology (4567). On
doit encore à ce théologien : Treatise of the Holy Scrip-
tures (4582). Ses œuvres ont été publiées par la Parker
Society de 4845 à 4850.
BiBL. : L. HuMFREY, Joannis Juelli vita et mors; Lon-
dres, 1573.
JEWSBURY (Maria-Jane), femme auteur anglaise, née
à Measham (Derbyshire) le 25 oct. 4800, morte à Poonah
458 —
(Bombay) le 4 oct. 4833. Chargée de famille, elle dut
vivre de sa plume. Elle débuta au Manchester Herald et
collabora avec grand succès à VAtheneum et à d'autres
revues. Citons d'elle : Phantasmagoria (Leeds, 4824,
2 vol. m-8) ; Letters to the Young (4828, in-12) ; Lays
ofLeisure Hours (4829, in-42); The Thrêe Historiés
(4830, m-8). Grande, bien faite, spirituelle, elle était
très répandue dans le monde httéraire où on l'aimait fort.
Elle épousa, en 4832, le révérend Fletcher qu'elle accom-
pagna aux Indes où elle mourut du choléra. — Sa sœur,
Géraldine Endsor, née à Measham en 1812, morte à
Londres le 23 sept. 1880, encore plus brillamjnent douée
que son aînée, sous le rapport de la beauté et de l'esprit,
lut mlimement liée avec les Carlyle, avec Huxley, avec
Fronde, avec lady Morgan, dont elle arrangea les Mé-
moires, avec lady Martin qu'elle encouragea à publier ses
Female Characters of Shakespeare. Elle a laissé des
romans et des historiettes pour les enfants. Citons parmi
ses meilleures productions: Zo^'(4845); The Halhsisters
(1848); Marian Withers (1851); Sorrows of Genti--
hty (1856) ; Right of wrong (1859). R. S.
JEZ, romancier polonais (V. Milkowski).
JÉZABEL, princesse phénicienne, épouse d'Achab, roi
d Israël (première moitié du ix^ siècle avant notre ère).
Les écrivains bibliques, notamment l'auteur de l'épopée
prophétique, consacrée à glorifier Elie et Elisée, qui a été
insérée dans les livres des Pxois, l'accusent d'avoir intro-
duit à Samarie le culte des divinités de son pays, de Baal
etd'Astarté, et persécuté les adhérents du culte national.
Les démêlés de cette reine, qu'on nous représente comme
cruelle et sans scrupules, avec le prophète Elie, sont bien
connus, ainsi que sa fin tragique, en expiation de ses
crimes, au moment où Jéhu s'empara du trône (1 Rois
xvï, à 2, Rois, IX, passim),
JEZAIN VILLE. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Nancy, cant. de Pont-à-Mousson ; 667 hab.
JEZEÂU. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Bagnères-de-Bigorre, cant. d'Arreau ; 220 hab.
JEZIERSKI (Léopold-Jacek), homme d'Etat polonais, né
en 1722, mort en 1805. Il remplit les fonctions de castel-
lan et de staroste et fut membre de la diète dite de Quatre
ans. II était célèbre par son esprit mordant. H a publié
quelques écrits politiques, notamment un recueil de dis-
cours (Varsovie, 1764), un ouvrage sur les Traités de
la Pologne avec les pays voisins depuis i657 (éd.
1789), etc. ^
JEZIERSKI (François de Sales), parent du précédent,
ne en 1738, mort en 1791. Prêtre et membre de l'ordre
des missionnaires, partisan de la Révolution française, il
élabora pour la diète de Quatre ans toute une série de ré-
formes radicales en faveur de la bourgeoisie et des paysans.
Outre deux romans à tendances pohtiques : Goworek
(Varsovie, 1789); Rzepicha (id., 1790), il a laissé plu-
sieurs écrits purement pohtiques : les Interrègnes en
Pologne {id., 1790) ; Catéchisme des mystères du gou-
ver7iement polonais {id., 1780); Remarques sur la
condition des non-nobles en Pologne (id., 1790); Petit
Lexique avec commentaires {id., 1792). C'est un pam-
phlétaire mordant et spirituel,
JEZIERSKI (Michel), né dans le gouvernement de Kiev
en 1811, mort en 1891. Ha publié des poésies, des comé-
dies et des romans historiques : la Femme du chancelier,
Clément Janicki, le Dernier Amour du dernier roi, ^ic,
JEZIERSKI (Louis), publiciste et administrateur fran-
çais, né à Lyon le 13 nov. 4843. Après avoir été rédac-
teur en chef de VEstafette, il donna des articles militaires
au National, et fut nommé, le 28 déc. 4886, directeur des
journaux officiels. On a de lui : Combats et batailles
du siège de Paris: bataille de sept jours {P^vk, 1871,
m-i^); Histoire de la guerre de iSîÙ-îi (Paris, 1874).
JEZRAHEL, plus exactement IZREÈL (V. Esdrélon).
JHANSl. Ville de l'Inde (V. Djansi).
- 459 -
JHERING — JIRECEK
JHERIN6 (Rudolf de), juriste allemand, néàAurichle
22 août 4848. Il fut professeur aux universités de Bâle
(4845), Rostock (4846), Kiel (4849), Giessen (4852),
Vienne (4868), Gœttingue (4872). Parmi ses ouvrages très
originaux, les plus importants sont : Geist des rœmischen
Rechts (Leipzig, 4852-65, 4 vol.; 4^ éd., 4878) ; livil-
rechtsfœlle ohne Entsclieidungen (4847; 4^ éd., 4880) ;
Veber den Grund des Besitzschutzes (2® éd., 4869) ; Die
Jurisprudenz imtœglichen Leben (4870 ; 6® éd., 4886) ;
DerKampfums Recht (Vienne, 4872 ; 8^ éd., 4886), tra-
duit dans la plupart des langues européennes; Scherz und
Ernst in Jurisprudenz (Leipzig, 4885) ; ses articles ont
été réunis en trois volumes (Gesammelte Aufsœtze, léna,
4884).
JIBAROS. Indiens du Pérou (V. Jivaros).
J IBM EL, dieu lapon (V. Ibmel).
JICIN (en allemand Gitschin), Ville de Bohême, ch.-l.
de capitainerie sur la ligne du Nord- Autrichien ; 40,000
hab. Jicin fut au début du xvu® siècle la résidence de
Wallenstein, Elle souffrit beaucoup de la guerre de Trente
ans. En 4866, elle fut occupée par les Prussiens après un
sanglant combat. Le 2 juil., le roi de Prusse y établit son
quartier général. Le 3, un conseil de guerre y élabora le
plan de la bataille de Kœniggratz.
JIDIATA (Lucas), prêtre et écrivain russe du xi® siècle,
mort en 4060. Il devint en 4034 évêque de Novgorod.
Il a laissé une Instructio7i qui est probablement le plus
ancien monument de la littérature slavonne russe, et qui a
été publiée par l'évêque Makari dans son Histoire de
l'Eglise russe (t. I). L. L.
JIHLAVA(V.Iglau).
JIJONA. Ville d'Espagne, ch.~l. de district de la prov.
d'Alicante , sur le penchant de la sierra de Castella ;
4,400 hab. On aperçoit de loin dominant la ville un châ-
teau fort de l'époque arabe qui a été maintes fois restauré,
et de magnifiques jardins; les rues sont étroites et en
pentes raides. Le pays alentour produit en quantité des
céréales, des fruits, surtout des amandes et du miel ; on
en fait des espèces de nougats {turrones), très estimés dans
toute l'Espagne. On récolte aussi le kermès. E. Cat.
JIKA Kapétane, héros des guerres de l'indépendance
serbe, né en Macédoine, mort le 5 avr. 4808. Ancien
aubergiste à Belgrade, il prit part à la guerre austro-
turque de 4788-94 et se retira ensuite en Syrmie, vivant
d'une pension que lui alloua l'Autriche. En 4804, il rentra
en Serbie, se mit à la tête d'une bande d'insurgés et fonda
le fameux camp retranché de Déligrad. Il fut blessé à
mort en repoussant une attaque des Turcs sur Déligrad.
JILOCA. Rivière d'Espagne, dans l'Aragon. Elle najt,
sous le nom de Cella^ dans la sierra de Albarracin, auN. de
Téruel ; elle prend le nom de Jiloca à son confluent avec une
rivière formée par les sources de Monreal del Gampo, los
Ojos de Monreal. Elle passe par Torrijo, Gamin Real,
Fuentes Glaras, reçoit le Navarrete qui lui apporte en hiver
une masse d'eau considérable et va se jeter dans le Jalon,
affluent de droite del'Ebre, après un cours de 425 kil. Sa
direction générale est du S. au N. Ses eaux, fort abon-
dantes dès la source, servent aux irrigations. E. Gat.
JIMENA DE LA Frontera. Ville d'Espagne, prov. de
Gadix (Andalousie), sur le versant de la sierra de Gazules,
près du Guadiaro, dans un pays montagneux, en partie
couvert de broussailles et qui produit des céréales, des fèves,
des pois chiches; 6,600 hab. On y élève des chevaux, des
moutons et des porcs. E. Gat.
JIMENEZ(V. GiMENEz).
J I NI EN EZ DE CïSNEROs (Le cardinal) (V. Ximénès).
JINGO. Sobriquet des chauvins anglais, popularisé par
une chanson de Macderwod en 4876.
JINSIFOV (Ivan), littérateur bulgare, né à Vêles (Macé-
doine) en 4848, mort en Russie en 4877. Il fit ses études
à Moscou, y devint professeur et collabora à la Gazette de
Moscou, Il a pubhé à Moscou en 4863 : le Recueil bul-
gare qui renferme des poésies originales et des traductions
en dialecte macédonien : en 4870 il fit paraître à Braïla
un récit patriotique, la Chemise ensanglantée,
^ JIRASEK (Aloys), romancier tchèque contemporain, né
a Kronov (Bohême) en 4 854. Après avoir achevé ses études
a Prague, il collabora à un certain nombre de journaux
bohèmes. On lui doit un grand nombre de romans et de
nouvelles où il retrace des épisodes de la vie nationale :
Viklora 1875); iw Château ducal (4877); le Paradis
du monde (4881) ; la Fin et le Commencement (4882) •
le Siècle d'or en Bohême (4883); Maryla (4885 ;
Contes et Nouvelles (1887); les Rochers (im), etc!
M. Jirasek^est professeur à Litomysl. L Léger
JIRECEK ou JIREC2EK(Joseph),savantethommed'Êtat
tchèque ne a VysokeMyto (Bohême) en 4825, mort à Prague
en 1890. Il fit ses études à Litomysl et à Prague. Docteur
en droit, il collabora à divers journaux et à la traduction
du code autrichien. Il fut attaché ensuite au ministère des
cultes et de l'mstruction publique et composa divers re
cueiis de littérature tchèque pour les écoles. Il édita en outre
un certain nombre d'anciens textes tchèques et le recueil
intitulé Mémoires de philologie, d'histoire et de litté-
rature. En 4862, il publia en collaboration avec son frère
Hermenegild un important ouvrage : Die Echtheit der
Kœmgmhofer Handschrift kritisch nachgewiesen
(V. Kralove Dvor). Il publia une nouvelle édition des
œuvres de Satarik dont il avait épousé la fille. En 4869 il
était parvenu aux fonctions de conseiller de ministère: en
4874 il reçut le portefeuille de l'instruction publique dans
le cabinet Hohenwart. En cette qualité il s'efforça d'aug-
menter le nombre des établissements d'instruction pubHque
dans les pays slaves et fonda l'Académie polonaise de
Cracovie. Il quitta le ministère au mois d'oct. 4874 en
même temps que M. de Hohenwart. En 4874, il se retira à
Prague et devint président de la Société royale des sciences.
Il a publie dans le recueil de cette Société et dans celui
du musée de Prague une foule de mémoires relatifs à l'his-
loire de la httérature tchèque qui se distinguent par une
solide érudition. On lui doit en outre un important ouvrage
f^nl^'n/}''^^^^^ ^'^'èque (Prague]
4874-75, 2 vol.). En 4879, il avait été nommé membre
du Reichsrat autrichien. - Son frère, Hermenegild, né à
\ysoke Myto en 4827, étudia comme lui le droit et entra
au mmistere de l'instruction publique. Après avoir débuté
par des pubhcations purement littéraires, il s'est particuliè-
rement occupé de l'histoire des pays slaves et en particulier
de leur législation. Ses principaux ouvrages sont : Collection
-de documents slaves-hongrois; Ueber die Eigentums-
verletzungen nach dem altbœhmischen Rechte (Vienne
iSob); Codex juris bohemici(?v3igne,iS61-S9,\ vol )•
le Droit slave en Rohème et en Moravie (Pra^^-ue, 4863-
73, 3 vol.); Recueil des lois slaves (Prague, '4880*
Anhquœ Bohemiœ topog raphia historica (id , 4893)'
Constantin-Joseph Jireczek, fils de Joseph, né à Vienne
en 4854, s est fait connaître par d'importants travaux his-
toriques. Après avoir pris à Prague le titre de docteur en
philosophie, 1 voyagea chez les Slaves méridionaux et
étudia particulièrement leurs langues, leur histoire et leur
littérature. En 4872, il fit paraître à Braïla une Biblio^
graphie de la littérature bulgare moderne. En 4876
il publia en tchèque une Histoire de la Nation bulgare
qui a eu depuis une édition allemande (Prague, même année^
et une édition russe (Odessa, 4882). En 4880, il entra au
service de la Bulgarie et devint d'abord premier secrétaire
du ministère de 1 mstruction publique, puis bientôt mi-
nistre. Il quitta ce poste en 4882 et fut nommé président
du Lomite scientifique et directeur de la Bibliothèque natio-
nale de Sofia. En 4883, il revint à Prague, où il est devenu
professeur d histoire à l'université tchèque. Il a passé de-
puis à 1 université de Vienne. M. Gonstantin Jireczek a
écrit en tchèque, en allemand, en serbe et en bukare II
a notamment collaboré à la Revue du Muséum de Praaiie
A {Encyclopédie d'Otto, aux Mémoires des sociétés sa-
JIRECEK — JOACHIM
vantes de Belgrade et de Sofia, à VArchiv fur slaivische
Philologie, etc. L'un de ses plus importants ouvrages est
son Voyage en Bulgarie (en tchèque, Prague, 4 888). Une
partie de cet ouvrage a été analysée par M. Léger dans le
volume intitulé Russes et Slaves, Il a été remanié en
allemand dans le volume intitulé Das Furstenthum Bulga-
rien (Prague et Vienne, 1891). On lui doit encore : Die
Heerstrasse von Belgrad nach Constantinople (Prague,
1877); un mémoire en tchèque sur les Rapports de
Catherine II avec la République de Raguse (Prague,
1893). L. Léger.
JIRON. Ville de Colombie, Etat de Santander, sur le
rio de Oro ; 10,000 hab. Lavage de sables aurifères, cha-
pellerie, marché 'agricole.
JISKRA DE Brandeis (Jean), guerrier tchèque du
XV® siècle. Il servit contre les Turcs et devint chef des
troupes du roi Ladislav le Posthume, roi de Hongrie et de
Bohême et se créa dans le nord de la Hongrie une princi-
pauté indépendante dont il se fit reconnaître le chef. 11
repoussa en 1451 les attaques de Jean Hunyade et ne fut
réduit à l'obéissance que par Mathias Corvin qui l'obligea
(1462) à restituer les terres qu'il avait usurpées. Il reçut
en échange de sa soumission le titre de magnat. On ignore
la date de sa mort,
JITOMIR. Ville de Russie, ch.-l. du gouvernement de
Volhynie, sur la Teterev ; 54,000 hab. D'après la légende,
la ville porterait le nom de son fondateur, Jitomir, l'un
des lieutenants d'Askold et de Dir, compagnons de Rurik
(ix® siècle). Jitomir avait subi de nombreux' assauts lors de
l'invasion tatare. Jusqu'à son annexion à la Russie (1778),
Jitomir jouissait des prérogatives des principales villes de
Pologne. Erigé en ch.-L du gouvernement, en 1804.
J!U ou S IL Rivière de Roumanie, affluent gauche du
Danube. Née en Transylvanie (comté de Hunyad), elle re-
çoit le Sadu, traverse les Karpates, pénètre en Roumanie,
traverse l'O. de la Valachie (dép. de Jiu de Susu ou
Gorjîu et Jiu de Josu ou Dolj), reçoit le Tisman (dr.), le
Gilort (g.), le Motru (dr.), l'Amaradia (g.), passe à 3kil.
de Craïova et finit en face de Rahova. Elle a 300 kiU de
long, dont 40 en Transylvanie.
JIVAROS (Anthrop.). Sur le haut Amazone et les pentes
orientales des Andes, occupant les territoires limitrophes
de l'Equateur et du Pérou, sont échelonnées plusieurs
peuplades indiennes groupées aujourd'hui sous le nom de
Jivaros. Quoique Guaranis par les origines de la race et
par la langue, les Jivaros se distinguent des autres Indiens,
et des Péruviens notamment, par une taille plus élevée, et
une certaine sveltesse alliée toutefois à des membres bien
musclés, beaucoup d'agilité et de vigueur. Leur nez est
souvent aquilin. Leurs yeux petits et vifs sont horizon-
taux. Ils ne portent pour tout vêtement qu'une ceinture
dont les deux bouts pendent par devant. Ils portent d'ail-
leurs aussi les ornements habituels des autres Indiens. Ils
sont chasseurs et pêcheurs avant tout , mais élèvent
cependant des troupeaux de porcs. Hs pratiquent la couvade
comme les Caraïbes. Quoique doux et hospitaliers, ils sont
fiers, attachés à leur indépendance, courageux, redoutables
dans la guerre. Et pendant longtemps ils ont joui, encore
comme les Caraïbes, d'une véritable réputation de férocité,
à cause des trophées, uniques en leur genre, dont ils
aimaient à se parer. Ces trophées, connus depuis un petit
nombre d'années sous le nom de chanchas^ sont des
peaux de têtes humaines (celles des ennemis tués) qui,
desséchées à l'aide de pierres chauffées introduites à leur
intérieur, sont réduites dans toutes leurs dimensions. Ces
peaux, avec leur figure naine et ridée, leur longue cheve-
lure et une frange introduite dans les lèvres, ils les por-
tent suspendues à leurs propres cheveux tressés, par un trou
ouvert à leur sommet. Zaborowski.
J IVO Kl Nl(Vasili-Ignatievitch), acteur russe, né en 1807,
mort en 1874. Il débuta en 1824 et se fit surtout remarquer
dans les rôles comiques. Il joua pendant de longues années
au petit théâtre de Moscou. Il a laissé des Souvenirs.
160
JIZDRA. I. Rivière de Russie, affl. de gauche de l'Oka ;
longueur du cours environ 160 kil., largeur 16 à 60 m.
Utilisable seulement pour le transport de radeaux.
IL Ville de Russie, gouvernement et à 150 kil. S.-O.
de Kalonga, ch.-l. de district; 12,000 hab. — Le dis-
trict, d'une superficie d'environ 6,500 kil. q. dont près
de la moitié couverte de forêts (sapins, pins et bouleaux).
Mines de fer et de houille ; 163,000 hab.
JMOUDE (V. Samogitu).
JO. Rivière de France (V. Garonne [Haute-], t. XVHI,
p. 554).
JOAB, parent de David, se distingua auprès de lui par
son courage et son sang-froid ; de bonne heure, on le voit
placé en tète de la petite troupe que le successeur de Saùl
avait su réunir autour de lui, d'abord bande franche, qui
finit par devenir une garde du corps, propre à servir de
noyau à une véritable armée. Joab conduit déjà les hommes
de guerre associés à la fortune de David dans la lutte en-
gagée entre celui-ci et Isboseth (Isbaal), fils de Saiil,
assisté du vieux chef Abner. Il conduit tour à tour les
expéditions dirigées contre les Syriens, les Edomites et les
Ammonites; c'est à son énergie impitoyable qu'est due la
répression de la révolte d'Absalon, au premier moment
couronnée de succès ; on prétend qu'il tua de sa propre
main le fils rebelle et se justifia avec hauteur devant David
de cette exécution, déclarée par lui nécessaire. Un peu plus
tard, il réprime l'insurrection fomentée par un certain
Séba. Joab se débarrasse également par son épée de ses
deux rivaux, Abner et Amasa. Tombé en disgrâce auprès
de Salomon pour avoir pris le parti de son frère Adonias,
il fut mis à mort par son ordre. — Quelques réserves qu'il
y ait lieu de faire sur les détails de rédaction des livres
de Samuel et des Rois, la figure de Joab se dessine très
nettement avec des allures de résolution et de brutalité.
On le voit, tour à tour, consacrer ses hautes qualités au salut
de David menacé et venger sans scrupule ses injures per-
sonnelles. Son rôle semble avoir été décisif dans les événe-
ments qui assurèrent un lendemain au trône de David
(V. notre Précis d'histoire juive). M. Vernes.
JOACHAZ. Ce nom est porté par deux personnages de
l'ancienne histoire juive : 1<^ par le fils et successeur de
Jéhu sur le trône d'Israël ou des Dix-Tribus (seconde
moitié du ix® siècle avant notre ère) ; sous son règne, les
progrès des Syriens mirent le royaume du Nord dans la
plus triste situation; 2° par le fils et successeur de Josias,
roi de Juda (610 av. J.-C), qui, au bout de trois mois
seulement de règne, fut déposé par le roi d'Egypte Nécho
et emmené en Egypte, où il mourut.
JOACHIM (Saint) (V. Anne [Sainte]).
JOACHIM ou ELIACIM, roi de Juda, fils aîné de Josias,
fut placé par le roi d'Egypte Nécho, vainqueur à Mageddo,
sur le trône de Jérusalem. La population dut acquitter une
forte contribution de guerre aux mains du pharaon. Quelques
années plus tard, c'est le roi de Babylone qui impose à son
tour au malheureux royaume un tribut onéreux ; la révolte,
généreuse mais imprudente, de Joachim, au bout de trois
ans d'oppression, devait attirer sur Juda les plus grandes
catastrophes. Joachim mourut, après onze ans de règne, au
moment où l'armée chaldéenne se dirigeait contre Jérusa-
lem, escortée des contingents des séculaires ennemis d'Israël,
Syriens, Ammonites, Moabites (610 à 599 av. J.-C).
JOACHIM, roi de Juda (V. Jéchonias).
JOACHIM (Georg), surnommé Rheticus (le Rhétien),
astronome et mathématicien suisse, né à Feldkirch (anc.
Rhétie) le 15 févr. 1514, mort àKassa (Hongrie) le4déc.
1576. Il étudia les mathématiques à Zurich et à Witten-
berg, où il prit ses grades en 1535, professa durant deux
années (1537-39) à l'université de cette dernière ville, se
rendit ensuite auprès de Copernic, à Frauenburg, aida
l'illustre astronome, dont il fut le premier disciple, dans
les calculs de son De Revolutionibus orbium cœlestinm
(V. Copernic, t. XII, p. 897), l'excita à le publier, en
revit lui-même les épreuves et propagea courageusement
les nouvelles idées. « Si Aristote revenait au monde, di-
sait-il en manière de mépris aux pédpatéticiens, il serait
tout le premier à reconnaître son erreur, » En 1542, il
retourna à Wittenberg, puis, après un voyage à Nurem-
berg, alla successivement résider à Leipzig, oii il eut encore
une chaire, en Pologne et, enfin, à Kassa, où l'avait appelé
UQ magnat du pays. L'astronomie n'est pas la seule science
où il se soit immortalisé. Il entreprit de calculer, avec un
rayon de d. 000.000.000.000.000 les sinus, cosinus, tan-
gentes, etc., de tous les arcs de dix en dix secondes de 0° à
90** et donna sous le titre : Canon doctrince triangulorum
(Nuremberg, 4551 ; 2^ éd., Bâle, 1580 [très rare]) une
première ébauche de cette œuvre de patience. Mais le tra-
vail complet ne fut publié qu'un demi-siècle plus tard, par
Valentinus Otho, son élève, et aux frais de l'électeur pa-
latin, sous ce nouveau titre : Opus palatimim de triant
gulis a G.-J.-R. cœptum (Heidelberg, 1596, in-fol.).
Cette édition était aussi incorrecte qu'incomplète. Pitiscus
(V. ce nom) parvint heureusement à retrouver le manuscrit
original, le revit entièrement et en fit paraître une seconde
édition, supérieure à tous les points de vue et considéra-
blement accrue, sous ce troisième titre : Tliesainms ma-
themalicus sive Canon sinuum^ etc. (Francfort, 1613,
in-fol. [très rare]). C'est dans les tables de Joachim Rheti-
cus qu'on trouve le premier emploi des sécantes en trigo-
nométrie. Voici ses autres ouvrages : Narratio de Ubris
Revohitionum Copernici, lettre à son ami J. Schoner, qui
constitua la première divulgation du système de Copernic
(Dantzig, 1540, in-4; 2*^ éd., Bàle, 15il, in-8; réimpr.
en 1566 dans le De Revolidionibiis et en 1596 dans le
Prodromus de Kepler) ; Orationes de astro7iomia, etc.
(Nuremberg, 1542); Ephemeris ex fundamentis Co-
pernici (Leipzig, 1550, in-4 [très rare]), avec d'inté-
ressants détails biographiques sur Copernic. Dans une lettre
à Ramus, de 1568 (V. Simler, ouvr. cité à la bibl. ci-
dessous), Joachim parle bien encore d'un traité sur la chi-
mie, et, ailleurs, de commentaires sur EucHde, de traités
sur l'astronomie, sur la philosophie de la nature, etc. ;
mais ces écrits n'ont pas été publiés ou du moins ne nous
sont pas parvenus. Léon Sagnet.
Bibl. : J. Simler, Epilome bibliolhecœ C. Gessneri;
Zurich, 1574, p. 228. — J.-S. Bailly, Hist. de l'aslron.
mod.; Paris, 1875, t. I, p. 361, et t. II, p. 43. — Bernoullt,
Hist. de VAcad. de Berlin, année 1786. — J.-F. Montucla,
Hist. des mathém.; Paris, an Vil, t. I, pp. 581 et 637.—
Lalande, Bibliogr. astron. ; Paris, 1803, p. 129. — J.-B.-J.
Delambrb, Hist de Vaslron. mod.; Paris, 1821, 1. 1, p. 138,
et t. II, p. 2.— F. Hœfer, Hist. de Vastron.; Paris, 1873,
p. 309.— Du même, Hist. des mathém.; Paris, 1879, p. 368.
— Prowe, Nicolaus Copperniciis; Berlin, 1883, t. I, p. 284,
et II, pp. 301, 389, 406, 426, 513. — Die Chorographie des
Joachim Rheticus, dans la Zeitschrift fur Math, und
P/iys., XXI, Hist. litt., p. 125.
JOACHIM l«r, roi des Deux-Siciles (V. Murât).
JOACHIM, électeur de Brandebourg (V. ce mot).
JOACHIM (Joseph), écrivain suisse, né à Kestenhoîz
(Soleure) le4 avr. 1835. Joachim est un autodidacte : l'école
de son village et un séjour d'un an dans la Suisse romande
ont été ses seuls moyens d'instruction. Il a toujours habité
son village et écrit la plupart de ses œuvres dans le dialecte
soleurois : elles ont été publiées dans les principaux jour-
naux de la Suisse allemande, puis tirées à part. Les plus
connues sont Adam Zeltner, Aus Berg und Thaï, et
Lonny die Heimatlose (1889), traduite en français, Die
Brader (1891), etc.
JOACHIM DE Flore, abbé cistercien et théologien mys-
tique, né à Celico (Calabre) vers 1150, mort à Fiore (Ca-
îabre) entre sept. 1201 et juin 1202. A l'âge de quatorze
ans, il vivait à la cour de Roger de Sicile; puis il fit un
pèlerinage en Terre sainte, après lequel il se fit moine en Ca-
labre; on sait seulement qu'en 1178 il était depuis quelque
temps abbé du couvent cistercien de Corace. Environ douze
ans plus tard, Joachim renonce à sa charge, quitte son cou-
vent et se retire dans la solitude, où il finit par fonder un
nouveau couvent, Saint- Jean de Flore, autorisé par un
bref de 1196. Joachim avait recommandé à ses amis de sou-
GRANBE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
- i61 - > JOACHIM
mettre tous ses écrits à l'approbation du saint-siège. Voilà
tout ce qu'on sait aujourd'hui de la vie de cet homme, dont
le nom devint comme le signe de ralliement de tous les affa-
més d'idéal et de justice jusque vers la fin du xiii^ siècle. On
attribue à Joachim de Flore trois écrits : le Liber concordiœ
utriusque Testamenti (Ymise, 1519, in-4); VExpositio
in Apocalypsin (Venise, 1527, in-4), et le Psalterium
decem ckordarum (Venise, 1527, in-4). Tous ces ou-
vrages ont été interpolés par des franciscains spirituels
(V. ci-dessous); mais on a, sans doute, tort de les consi-
dérer comme complètement inauthentiques. Leur origine
s'explique naturellement. Le relâchement des mœurs cléri-
cales et monastiques créait vers la fin du xii® siècle un ma-
laise général et un vif besoin de réformes ; l'auteur des
trois écrits en question répond à ce besoin et laisse en môme
temps libre cours à son imagination apocalyptique. Il décrit
l'histoire du règne de Dieu et de la vie du monde en trois
états ou âges successifs, mais qui se préparent l'un l'autre ;
celui du Père, celui du Fils et celui de l'Esprit; ils corres-
pondent à l'état de mariage, à l'état clérical et à l'état
monastique. Le dernier âge commence avec saint Benoît et
aura pour terme l'an 1260; alors, après la victoire sur
l'antéchrist, l'Evangile sera annoncé à tous les hommes.
Le rôle principal dans cette tâche est assigné à « l'ordre
des justes » ou des « spirituels » tiré des « petits» {par-
vuli) de l'Eglise latine, une allusion, semble-t-il, à la con-
grégation spéciale de cisterciens fondée par Joachim. En
tout cela, il n'y a aucune opposition contre la papauté, ni
aucune hérésie. Il est vrai que le quatrième concile de La-
tran (1216) condamne une contradiction du Psalterium
contre la construction trinitaire de Pierre Lombard, mais
en rappelant expressément le désir de l'auteur de se sou-
mettre au saint-siège. — Par contre, le mécontentement
des franciscains rigoristes (V. François d'Assise [Saint],
t. XVÏII, p. 47) trouva bientôt des points d'attache dans
les écrits de Joachim de Flore. Les paruuli furent identi-
fiés avec les minorités ; eux-mêmes se crurent appelés à
hâter Tépanouissement du régime de l'Esprit et se nommè-
rent les spirituels. Ce sont eux qui mêlèrent à la pensée de
Joachim l'expression de leurs ressentiments et de leurs
espérances. De là la défiguration de certaines parties des
écrits de Joachim, et de là encore l'agitation joachimite
qui remplit la seconde moitié%du xui® siècle. De nouveaux
ouvrages furent composés sous le nom de Joachim, entre
autres une Interpreiatio in Hieremiam (Venise, 1525);
et un Scriptum super Esaiam (Venise, 1517). En 1254,
on faisait circuler à Paris des copies d'un livre intitulé
Introductorius in Evangelium etœrnum qui fit beau-
coup de bruit et provoqua l'intervention des autorités ecclé-
siastiques. Le volume se composait des trois traités de Joa-
chim, fortement interpolés, et précédés d'une introduction
qui opposait à l'Evangile écrit, suivant la lettre duquel le
pape juge, un Evangile nouveau et spirituel dont la prédi-
cation sera confiée à un ordre spécial, les franciscains spi-
rituels. Les principaux éléments de cette introduction, per-
due aujourd'hui, ont été reconstruits d'après des fragments
par Preger (dans les actes de la Histor. Masse der Kgl.
bayer. Akad. der Wissenschaften ; Munich, 1874, t.XÏÏ,
3^ part., pp. 33 et suiv.). Elle est l'œuvre du père Ghe-
rardino del Borgo San Donnino, ami du général des fran-
ciscains Jean de Parme. Le livre fut condamné par le saint-
siège en 1255 et Fauteur emprisonné jusqu'à sa mort en
1273. (Sur les conséquences de ces faits pour l'histoire
des franciscains, V. t. XVIII, p. 47.) Mais il y eut des joa-
chimites jusqu'au commencement du xiv^- siècle. En Italie,
les franciscains spirituels prenaient Frédéric II pour Fanté-
christ et attendaient son retour, tandis que les dominicains
joachimites en Souabe regardaient l'empereur comme « le
principal défenseur de l'Eglise » et Innocent IV comme
l'antéchrist, d'où finalement la légende du retour de Bar-
berousse (V. t. XVIII, p. 96). ' F.-llerm. Kruger.
Btbl. : DoM Rernardo Antonio de Rtso, Délia Vila e
délie opère delV abbnte Giachino; Milan, 1872. — Pregkr,
11
JOACHÏM ^ JOAILLERIE —
Geschichte der deutschen Mystlk ira Mittelalter; Leipzig,
1874^ t. I, pp. 196-207, ainsi que l'étude citée ci-dessus. —
REUTER,Gesc/iic/ife der religiœsen Aufklœrung im Mittel-
alter; Berlin, 1875, t. II, pp. 191-218. — K. Renan, Nou-
velles Etudes d'histoire religieuse; Paris, 1884, pp. 217-322.
JOACHIMSTAL (en tchèque Jachimov). Ville de
Bohême, siège d'une capitainerie de cercle, située au
pied des monts Métalliques, sur la Weseritz; 7,000 hab.
Joachimstal doit sa fondation à la famille Schlick qui donna
un grand développement à l'industrie minière du pays.
C'est là que furent frappés les premiers thalers appelés joa-
chimstalers. Ce nom survit encore dans le mot russe efimok
qui veut dire un écu et qui est une corruption du polonais
joachymik.
JOACHIMSTHAL. Bourg de Prusse, district de Pots-
dam (Brandebourg) ; 2,000 hab. Fondée en 4604, par
rélecteur Joachim Frédéric, qui y créa en 1607 une école
supérieure transformée en un gymnase, lequel a été trans-
féré à Berlin. C'est un des plus renommés de l'Allemagne.
JOACHIM STHAL (Ferdinand), mathématicien allemand,
né à Goldberg (Silésie) le 9 mars 4818, mort à Breslau
le 5 avr. i 861 . Il fut d'abord privat-docent à l'université
de Berlin (1846-53), puis professeur de mathématiques à
celles de Halle (1853-56) et de Breslau (1856-61). Emi-
nent représentant de la nouvelle école dont firent partie
Hesse etClebsch, il fixa dès 1846 l'attention des géomètres
par la publication d'un remarquable mémoire qui avait
pour titre : Die Bedingungen unmiUelbarer Integrabi-
litài von Differentialausdrûcken mit mehr als zwei
Verànderlichen {Journal de Crelle, XXXIIl) et dans le-
quel il résolvait complètement une importante question
effleurée seulement par Lagrange. Ses travaux ultérieurs,
parus également dans le Journal de Crelle, ne firent qu'ac-
croître encore sa réputation, entre autres deux mémoires
sur la construction des normales qu'on peut abaisser d'un
point sur une section conique (XL VIII, 1854) et sur un
ellipsoïde (LIX, 1861). Il préparait une géométrie analy-
tique à deux et à tr4)is dimensions, que sa mort prématurée
l'empêcha d'achever ; mais le manuscrit, partiellement
prêt à être imprimé, fut mis plus tard à contribution par
0. Hermès et par Liersemann. L. S.
BiBL. : Catsilogue of scientiiic papers of the Royal So-
ciety, 1869, t. Ilf.
JOAD, chef du clergé jérusalémite, est représenté comme
3' étant mis en tête de la conspiration qui renversa la reine
Àthalie et lui substitua un jeune prince du nom de Joas
(V. ce nom), fils d'Ochosias, que Jéhu avait assassiné.
JOAILLERIE. I. Technologie. — L'art de monter les
pierres précieuses dans l'or ou dans l'argent ne faisait pas
chez les anciens l'objet d'une industrie spéciale. C'était le
même ouvrier qui mettait en œuvre l'or et l'argent pour
quelque usage que ce fût. De tout temps on a monté des pier-
reries ; l'énumération faite par le prophète ïsaïe des richesses
que les filles de Sion accumulaient sur elles ne laisse pas
subsister de doute à ce sujet, car, à la suite d'une longue
liste qu'il donne d'ornements d'or, il termine en signalant
les pierreries qui retombent sur leurs fronts. On peut citer
un passage de Pline, où il dit avoir vu Lollia Paulina toute
couverte d'émeraudes et de perles, que le mélange des
couleurs rendait encore plus éclatantes. Sa tête, ses che-
veux, sa gorge, ses oreilles, son cou, ses bras, ses doigts
en étaient surchargés. A part le diamant peut-être, on
peut donc affirmer que, dans l'antiquité, toutes les autres
pierres étaient abondantes et qu'on les montait pour servir
à la parure; mais on les montait autrement qu'à présent.
Chaque pierre avait sa sertissure particulière faite d'une
bâte tournée, et les joyaux des temps anciens étaient com-
posés de la réunion ou de Féparpillement de ces sertis-
sures, disposées sur une plaque pour y former des dessms,
ou rattachées par des anneaux en manière de pendeloques.
L'Orient a certainement été le berceau de la joaillerie ;
toutes les pierres précieuses en étaient originaires. Les
joailleries orientales qui ont été conservées et qui sont par-
venues jusqu'à nous sont celles qui ont été faites dans
162 —
l'Inde. Revêtues d'un caractère qui leur était propre, elles
n'offraient aucune analogie avec celles des autres contrées ;
elles dérivaient de la palme et de la fleur ; le règne animal
y était parfois représenté, sous la forme d'un oiseau à
longue queue, dont le paon semble avoir fourni le type.
Les grosses pierres centrales, émeraudes et rubis, étaient
presque toujours de forme cabochonnée au-dessus et au-
dessous et gravées ou sculptées partout, de façon à pré-
senter soit des rayonnements à côtes arrondies, soit des
corymbes superposées, soit des arabesques de feuillages et
de fleurs ; les reliefs de cette gravure étaient toujours doux
au toucher et à la vue. On dit que les molettes employées
pour exécuter ce travail étaient faites d'un bois dur que
les ouvriers imprégnaient de poudre de diamant mélangée
à l'huile. Les grosses pierres étaient montées à jour, tan-
dis que les plus petites étaient montées à fond et jouaient
sur paillon. Les pierres de couleur étaient en forme de
cabochon et les diamants étaient taillés sur table. Ces dia-
mants étaient désignés par le nom de lahora et étaient
montés à fond sur un paillon blanc concave qui leur don-
nait un jeu sans acuité; aussi le plus grand efl'et des bi-
joux indiens était-il produit par les pierres de couleur.
Toutes les montures étaient faites en or d'un titre excessi-
vent élevé ; les envers et les épaisseurs en étaient décorés de
dessins en émaux transparents et très vifs, de couleur rouge,
verte et quelquefois gros bleu, presque toujours entremêlés
de blancs opaques. Le serti des pierres était très caracté-
ristique; les larges filets creux qui les contournaient
étaient bordés extérieurement d'un petit biseau net et pré-
cis qui en accentuait agréablement la forme. Le plus sou-
vent les colliers et les bracelets étaient composés de ces
plaques de joaillerie, enfilées par des cordons de soie dont
les extrémités nouées tenaient lieu de fermeture.
L'ancien monde occidental connut surtout les meilleures
pierreries de l'Orient, par le trésor de Mithridate que Pom-
pée fit placer au Capitole après qu'il eut vaincu son ad-
versaire. Varon nous dit qu'indépendamment des rubis,
des topazes, des diamants, des émeraudes, des opales, des
onyx et de tant d'autres pierres précieuses, on y voyait
encore une multitude d'anneaux, de bagues, de cachets et
de chaînes d'or d'un travail exquis. Plus tard ce sont les
successeurs au trône de Constantin qui se couvrent d'or et
de pierreries, imitant en cela les souverains asiatiques.
Puis le goût de ce luxe se répand en Europe, et nous
voyons les successeurs de Clovis, lorsqu'ils se furent af-
franchis de toute sujétion à l'Empire, copier la tenue des
souverains de Constantinople. Leurs riches colliers et leurs
ceintures resplendissent de pierres précieuses et leurs vête-
ments mêmes sont ornés de pierres cousues. Les princes et
les princesses suivent cette exemple ; Fortunat, dans un
passage de la vie de sainte Radegonde, raconte que cette
princesse, voyageant un jour avec ses plus belles parures,
s'arrêta devant une église et que, touchée de la sainteté du
lieu, elle déposa comme ofi'rande, sur l'autel, ses fines
tuniques, ses manchettes, ses coiffes, ses fibules, tous les
objets enfin où l'on voyait briller l'or et les pierreries.
Avant que saint Eloi ne fût consacré à Dieu, il portait des
habits couverts d'or et de pierreries ; ses bourses étaient
tressées de perles. L'usage des joailleries cousues se per-
pétua fort longtemps. Le sort de la joaillerie fut presque
toujours attaché à celui de la fortune publique. Le goût du
faste chez les souverains contribua souvent à la mettre en
faveur, mais ce goût était la plupart du temps déterminé lui-
même par les événements. Nous l'avons vu prospère chez les
successeurs de Clovis ; sous Charles le Chauve, elle jette
quelque éclat et tombe au milieu des calamités et des ter-
reurs qui marquèrent la fin du x« siècle, dans le marasme
le plus complet. Elle tend à se relever au xii®, et, au mo-
ment où il semble qu'elle va refleurir, elle est frappée, en
1272, parl'édit de Philippe le Bel qui enjoint aux bour-
geois de se défaire immédiatement de ce qu'ils possèdent
en fourrures de vair et de gris, en joyaux, en cercles d'or
et d'argent. En 1313, lorsque la chevalerie fut conférée à
_ 164
LHERZOLITE
Tanaqae, des tloujos, près de Vic-Dessos, qui se présentent
traversées dans tous les sens par de larges veinules de chry-
sotile^ de metaxite et d'anUgorite.Qûh plus remarquable
encore de Moncaup-Arguénos offre cette particularité de
renfermer dans ces fissures un minéral vert foncé très
riche en nickel, identique à la garniérite de la Nouvelle-
Calédonie. Très fréquemment aussi dans les Iherzolites
pôrphyroïdes qui de beaucoup sont celles qui se serpen-
tinisent le plus volontiers, les cristaux de brohzite sont
transformés en hastite ; enfin la giohertite mélangée à de
la magnétite^ de Vopale et.même du quartz, réprésentent,
d'après M. Lacroix, qui a fait de ces minéraux de remplis-
sage des fissures des serpentines, dans sa belle monogra-
phie des Iherzolites pyrénéennes (Nouvelles Archivés du
Muséum^ 4894, 3® sérié, VI), l'objet d'une étude détail-
lée, le terme ultime d'une transformation qui atteignant
d'abord, comme d'habitude, Tolivine, gagne ensuite la bron-
zite, puis le diopside. Dans la masse sorpentineuse ainsi
formée, les fragments demeurés intacts de ces divers mi-
néraux diminuent peu à geu, puis finalement, quand ils ont
tous disparu, la roche taillée en lame mince apparaît sous
le microscope, formée d'un réseau de rubans biréfringents
entourant de grandes plages constituées par une substance
jaune verdâtre, pâle, amorphe, mais renfermant des fibres
hiféfringentes appartenant aux éléments cristallisés pré-
cédemment cités. C'est la structure en maille bien con-
nue de toutes les serpentines qui dérivent des péridotites
riches en olivine.
Très fréquemment aussi les pyroxènes s'observent oura-
misés, c.-à~d. transformés en amphibole ; mais de plus on
peut encore constater par places des cas plus compliqués
de développement secondaire de ce même minéral. Dans la
région de Lherz, en particulier, M. Lacroix a signalé non
seulement la présence, sur le trajet des fentes qui, multiples,
traversent la Iherzolite, d'une amphibole verte du type de
la smaragdite associée à du dipyre, mais ce fait que,
dans les points où ces veinules s'élargissent, ces éléments
nouveaux épigénisent ceux de la Iherzolile au point de la
transformer en une roche amphibolique où l'abondance
d'un élément riche en alcalis comme le dipyre indique
clairement qu'on doit considérer ce nouvel état comme un
faciès de fumerolles des Iherzolites, c.-à-d. comme résul-
tant de la circulation des vapeurs ou des eaux minéralisées
qui ont accompagné leur sortie. A l'appui de cette hypothèse
vient se placer ce fait que, dans les calcaires traversés par
ces roches, ce même minéral figure parmi les éléments qui
s'y développent le plus largement sous cette action.
Phénomènes de contact. Mais le dipyre n'est pas le
seul élément gui se développe ainsi en grands cristaux
dans les calcaires au voisinage et sous l'influence des Iher-
zolites ; en examinant avec beaucoup de soin dans les Py-
rénées les phénomènes qui se passent à leur contact (ce
qui lui a permis de résoudre la question jusqu'alors si
controversée de leur âge en montrant qu'après avoir large-
ment traversé les assises liasiques on les rencontrait à
l'état de galets dans les brèches calcaires oolithiques du
4)ajocien) M. Lacroix est venu nous apprendre ce fait inat-
tendu que les actions métamorphiques exercées par des
roches aussi basiques sur les assises encaissantes étaient
comparables à celle des granités. On en jugera en apprenant
que les minéraux qui naissent sous cette influence dans les
calcaires régulièrement stratifiés sont : le dipyre, la tour-
maline, le rutile, le sphène, Vapatiie, des micas (biotite,
phlogopite, plus rarement muscovite), des amphiboles
(hornblende, actinote, trémolite), des pyroxènes (diop-
side plus ou moins ferrugineux) , des feldspaths (orthose,
microcline, bytownite, anorthite, plus rarement albite,
oligoclase-albite, andésite, labrador), enfin du quartz,
de la magnétite, du graphite et de Voligiste, L'ensemble
donne naissance dans la zone de contact à de véritables
cornéennes feldspathiques ou à dipyre, comme celles
qui se développent près des granités ; puis à des schistes
micacés ressemblant à des micaschistes, tant est grand le
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXIL
développement du mica noir, ou bien à des roches amphi"
boliques, les unes à texture grenue prenant l'aspect d'une
diorite, les autres schisteuses à la manière des amphibo-
lites |neissiques. Les grès eux-mêmes, transformés comme
d'habitude en quartzite par recristallisation des grains de
quartz, apparaissent criblés d'aiguilles de rutile ^tà^ tour-
maline asso-
ciées à de la
sillima-
nite, de
Vandalou-
site ainsi
qu'un peu de
wte. Ici en-
core la pré-
sence dans
toutes ces
roches sédi-
mentairçs
normale-
ment pau-
vres en al-
calis de mi-
néraux qui
en sont ri-
ches comme
le dipyre, les
feldspaths et
Lherzolite
Calcaire
'Liasiquô
Fig. 4. — Dyke de lherzolite pénétrant,
aux environs de Prades, dans un cal-
caire liasique qui au contact (a), après
avoir perdu sa schistosité, est devenu
cristallin et chargé de minéraux divers
(microcime, mica, am.phibole, tourma--
Une, dipyre, etc.).
les micas, ou fluorés comme la tourmaline, prouve jusqu'à
l'évidence que toutes ces actions de contact exercées par les
Iherzolites sont d'ordre hydrothermal et dues aux émana-
tions volatiles qui ont accompagné leur éruption.
Distribution des Iherzolites. Dans les Pyrénées, les
Iherzolites, exclusivement cantonnées dans les chaînes
extérieures calcaires, constituent, au milieu des formations
sédimentaires de cette zone, une série de poîntements
groupés par faisceaux et (jni doivent tous être considérés
comme les parties en saillie d'une masse profonde, mis à
jour par le dèblayement partiel de leur ancienne enveloppe
sédimentaire. En dehors de quelques gisements isolés situés
dans les Hautes-Pyrénées (environs de Bagnères-de-Bi-
gorre à Médoux) et les Basses-Pyrénées (cirque du Pé de
Hourat, butte de Moun Caou, près des bains de Durrieu),
on les remarque disposées par groupes importants dans la
Haute-Garonne (massif de Moncaup-Arguénos, groupe de
Coulédoux) et surtout dans l'Ariège, où se présentent,
avec le groupe très important de Prades, ceux célèbres de
Yic-Dessos et de Fétang de Lherz. Ce dernier, développé sur
2,200 m. de long E.-O. et 800 m. de large, forme dans
le S. de l'étang des saillies dressant leurs crêtes arrondies
à î ,390 m. de haut.
Pour atteindre ensuite une région présentant un déve-
loppement comparable de pareilles roches, il faut ensuite
gagner dans le S.-O. de l'Andalousie, la sauvage Serrania
de Ronda; en ce point, les Iherzohtes, escortées de puis-
sants massifs de serpentine, constituent des montagnes
entières, aux formes toujours remarquablement arrondies,
et se montrent associées à d'autres types pétrographiques
du même ordre, représentés par des dunites (olivine et
fer chromé) et des harzburgites (olivine et bronzite). La
lherzolite normale est en ce point plus riche en olivine que
dans les Pyrénées ; de plus, en se chargeant par places
d'anorthite, elle présente des passages nombreux et variés
aux no rites à olivine.
En dehors des Pyrénées et de l'Espagne, les seuls gise-
ments connus de Iherzolites franches méritant d'être men-
tionnés sont ceux du Piémont (Monti Rossi de Baldissero,
Locana, Castellamonte, Musine) et du laryland, près de
Baltimore, dans l'Amérique du Nord. Mais en se souve-
nant combien est complète l'analogie de composition et de
texture des bombes d'olivineàes basaltes avec ces roches,
on ne peut manquer dô reconnaître que, sous cette forme
enclavée, elles soient très répandues tant sont fréquents
41
LHERZOUTE ™™ LÏADIERES
462 --
dans les formations basaltiques ces nodules qu'on sait être
empruntés à des Iherzolites de profondeur. Ajoutons enfin
que dans leurs parties pierreuses, les météorites offrent
souvent une association semblable à Fétat grenu deperidot,
d'enslatite et de bronzUe. La seule différence, c'est que
ces pierres tombées du ciel, vraisemblablement issues de
parties les plus profondes des masses planétaires, sont bien
plus riches en minerais, notamment en éléments ferreux
non oxydés (fer natif). Ch. Vélain.
BiBL. : RosENBuscH, Mîkroskopische Physiographie des
massiue Gesteine, 1877, t. IL — Zirkel, Lehrb. dev Pétro-
graphie^ 1893, t. L — Damour, Anstlyse de lallierzolitef
dans Bull, de la Société géologique de France^ 1%2^2^ sér.,
t. XIX, p. 413. — Lacroix, Etude minéralogig[ue des Iher-
zotites pyrénéennes^ dans Nouvelles Archives du Mu-
séum, 1894, 3*5 série, VI. — Du même, les Phénomènes de
contact de la Iherzolite dans les Pyrénées^ dans Bull, des
services de la carte géologique de France^ 1895, t. VLn"42.
LHEUREUX (Louis-Ernest), architecte français, né à
Fontainebleau le 45 juil. 4827. Elève de Henri Labrouste,
M. Lheureux entra en 1856 dans le service des travaux
de ville de Paris où il devint architecte des ,V® et XÏI® ar-
rondissements» On lui doit en cette qualité la direction des
grands travaux commencés par L. Gernesson à l'Entrepôt
de Bercy, le pittoresque pavillon de restaurant sur le quai
de la Seine, à proximité de cet entrepôt ; la bibliothèque
de FEcoie de droit et les agrandissements (en cours d'exé-
cution) de la Faculté de droit. M. Lheureux, qui a obtenu
des prix aux concours de l'Hôtel de Ville et de la Sor-
bonne, a encore fait élever tous les nouveaux bâtiments du
collège Sainte-Barbe sur la rue Valette, bâtiments consti-
tuant VEcole préparatoire fondée dans cet établissement
pour mettre ses élèves les plus forts à même de passer
avec succès les examens ouvrant l'accès des grandes Ecoles
du gouvernement, Charles Lucas.
LHEZ. Gom. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Tournay; 428 hab.
LHOiP^AÎZh. Corn, du dép. de la Vienne, arr. de
Montmorillon, cant. de Lussac; 4,406 hab.
LHOiOND (Gharles-François), grammairien français,
né à Chaulnes en 1727, mort à Paris le 34 dée. 4794.
Brillant élève du collège d'Inville, à Paris, dès qu'il eut
reçu les ordres, il en fut nommé principal ; ce collège sup-
primé, il passa à celui du Cardinal-Lemoine comme régent
de sixième et conserva cette classe durant vingt ans, faisant
preuve d'un absolu désintéressement. Devenu émérite (re-
traité), il écrivit les ouvrages qui ont fait sa réputation.
Incarcéré en 4793 pour refus de serment, il fut sauvé par
son élève Tallien. Il a publié : De Viris illustribus Urhis
Romœ (in-J8); Eléments de grammaire latine (1779,
in-42); Doctrine chrétienne (4783, in~42); Epitome
historiée sacrœ (4784); Histoire abrégée de l'Eglise
(i 787) ; Histoire abrégée de la religion avant la vernie
de Jésus-Christ (4694). Les deux premiers de ces ou-
vrages ont servi de base à l'enseignement secondaire en
France, en Belgique et en Russie pendant près d'un siècle.
Ils doivent cette vogue unique à leur clarté. Ils sont d'ail-
leurs très médiocres et la grammaire manque de méthode.
LHÔPÎTÂL, Gom. du dép. de l'Ain, arr. de Nantua,
cant. de Ghâtilion; 427 hab.
LHOPiTEÂU (Gustave), homme politique français, né
à Ecrosnes (Eure-et-Loir) !e 26 avr, 4860. Avoué à
Ghartres, conseiller général d'Eure-et-Loir, il fut élu dé-
puté de la première circonscription de Chartres aux élections
de 4893, avec un programme radical.
L'HOSPÎTÂL (V. Hospital).
LHOTA (Antonin), peintre tchèque, né à Kutna Hora
(Kuttenberg) en 1814. Il étudia la peinture à l'Académie
des beaux-arts de Prague et fut élève de Kadiik. Il se per-
fectionna à Munich et en Italie. En 4867, il devint pro-
fesseur à l'Académie de Prague et fut envoyé à l'Exposi-
tion universelle de Paris. Ses tableaux religieux figurent
dans un grand nombre d'églises de Bohême. On lui doitles
cartons des vitraux de la cathédrale de Saint-Vit. Parmi
ses tableaux historiques, on cite : la Vision de Libussa^
les. Prussiens convertis par Premysl Otakar, le Bap-
tême de Borivoj^ Charles IV et Pétrarque , la Rétrac-
tation de Jérôme de Prague,
LHOTE (Nestor), voyageur français, né à Cologne
en 4804, mort à Paris en 4842. Lié avec ChampoUion le
Jeune, il fut en 4828 attaché comme dessinateur à la
commission de l'exploration d'Egypte. Il y demeura après
la mort de Ghampollion et y fit de nouvelles recherches
en 4838 et 4844. Citons de lui : Notice historique sur
les Obélisques égyptiens (Paris, 4836, in-8); Lettres
écrites d'Egypte en iBSS et iSSO (4840, in-8), etc.;
il collabora au Musée des antiquités égyptiennes de
Ch. Lenormant, à la Revue des Deux Mondes, etc.
LHOTE (Amédée), érudit français, né à Châlons-âur-
Marne le 8 juiL 1 829. Fils d'un coiffeur et coiffeur jusqu'en
4852, il fit lui-même son instruction et, d'abord employé
dans les bureaux de la ville (1852), devint en 4866 sous-
bibliothécaire de Châlons. Il a publié d'intéressantes études
d'histoire locale, entre autres : Biographie châlonnaise
(J870, in-8) ; Imprimeurs, libraires et relieurs de
Châlons depuis l'introduction de V imprimerie (4872,
in-4) ; Recherches sur les centenaires du département
de la Marne (4875, in-8); Chanoines de Notre-Dame
de Châlons (4877, in42) ; la Famille Varin, graveurs
(1870, in-8), etc.
LHOUIVIOIS. Gom. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Parthenay, cant. de Thénezay; 454 hab.
LHUÎLLIER (Claude-Emmanuel) (V. Chapelle).
LHUIS. Gh.-L de cant. du dép, de l'Ain, arr. de
Beliey;^4,455hab.
LHUÎTRE. Gom. du dép. de FAube, arr. d'Arcis, cant.
de Ramerupt, sur la Lhuitrelle ; 483 hab. Eglise des xn^
et xiîi® siècles. Portail du xvi® siècle. Tour romane. Vi-
traux de la Renaissance. Fonts baptismaux du xn® siècle.
Retables peints du xvi® siècle.
LHULIER (V. Lulier).
LH U YS. Gom. du dép. de FAisne, arr. de Soissons^ cant.
de Braisne ; 488 hab.
LL Mesure de longueur chinoise qui vaut 480 tchang
de 2 pou (pas), soit 442 à 443 m. C'est aussi une mesure
de poids pour l'or et l'argent équivalente au kœsch ou cash
valant 4/400 de mace, soit 0^^0378.
Ll ou RIVIÈRE DE SpiTi. Rivière de FHimalaVa occi-
dental, affi. du Sutledj dont elle constitue la source occi-
dentale. Elle naît entre le Spitiet le Lahoul par 32° 29Mat.
N. et 75° 24/ long. E., à l'E. des monts Paralsa, sous le
nom de Parang4a, descend vers leS.-E., puis vers l'E.,
grossie du Lingti à g. et du Pinou à dr., passe à Fort-
Dankar, reçoit le Parati à g., tourne au S., longeant à FE.
le Léo Porgyal, et s'unit au Sutledj à 2,580 m. d'alt.
L! ou LOÏ» Nom des sauvages de l'intérieur de Fîle
d'Haïnan; on les rapproche des Miao-tsé.
LîA ou LÉAj fille aînée de Laban et première femme de
Jacob. Elle donna à celui-ci six fils et une fille : Ruben,
Siméon^ Lévi^ Juda, Issachar, Zabulon et Dina, On met
également sous son nom les deux enfants nés de sa princi-
pale servante : Gad et Aser,
LIA Félix (V. Félix).
LSAC. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Rabastens ; 304 hab.
LIA Dl ÈRES (Pierre-Chaumont), littérateur et homme
politique français, né à Pau le 28 sept. 4792, mort à Paris
le 47 août 4858. Elève de FEcole polytechnique (4840-42),
il servit dans l'arme du génie, participa à la campagne
de Saxe, à la bataille de Leipzig et fut fait prisonnier à
Gorkum (4814). Resté fidèle à Napoléon pendant les Cent-
Jours, il ne reprit de service qu'en 4848 avec le grade de
capitaine. En 4830, il combattit sur les barricades contre
le gouvernement et devint peu après officier d'ordonnance de
Louis-Philippe. Elu député des Basses-Pyrénées le 4 mars
4834, réélu constamment jusqu'à la révolution de 4848,
il prit souvent la parole à la Chambre, fort redouté des
ministres ou de Fopposition suivant les circonstances, à
— 465 —
JOAILLERIE - JOAS
Cette surface formera la petite griffe presque invisible qui
retiendra les quatre diamants dont elle touche les angles;
elle sera relevée en grain et arrondie par le perloir. Répé-
tée à tous les points de jonction de quatre diamants, elle
sera en nombre à peu près égal à ceux-ci, de sorte que
chaque grain servira à fixer quatre diamants ou quatre
coins de diamant, et que chaque diamant sera retenu par
quatre grains. Le sertisseur coupe ensuite avec un burin,
sur le bord d'argent qui dessine la forme extérieure de la
pièce, un même filet à angle creux qui en affirmera le con-
tour. La polisseuse polit alors les épaisseurs et les parties
accessoires de la pièce, anneaux, bélières, épingles ou char-
nières. Dans la joaillerie très soignée, elle polit aussi les
filets coupés sur les bords par les sertisseurs. Dans la joail-
lerie plus ordinaire, elle les laisse sur ce qu'on appelle le
coupé-vif, qui est une manière employée par le sertisseur
pour donner de l'éclat au métal, en le tranchant rapidement
avec un burin poli. Parfois les grosses pierres sont mon-
tées dans des sertissures isolées. La mode actuelle veut
qu'elles soient tenues par des chatons dits illusion, c.-à-d.
dont les griffes évidées à jour et dissimulées par l'incli-
naison qu*on leur donne en dessous de la pierre sont à
peine visibles. On emploie, pour faire la joaillerie, le même
outillage de temps immémorial. Dans cette industrie, tout
se fait à mesure et à la main, sauf quelques chatons spé-
ciaux qui s'obtiennent mécaniquement. L. Knâb.
IL Contributions indirectes (V. Bijouterie et Garantie).
JOAL. Ville maritime du Sénégal, à 75 kil. S. de Corée;
ancien comptoir portugais dans le pavs de Sine.
JOANELLUS (Pierre) (V. Giovanelli).
JOANN, princes russes (V. Ivan).
JOANNAS. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. et cant.
de Largentière ; 776 hab.
JOAN NE (Adolphe-Laurent), littérateur français, né à
Dijon le 15 sept. 4823, mort à Paris le 4^'' mars 4881.
Avocat au barreau de Paris, il abandonna la jurisprudence
pour le journalisme. En 4840, il commença la publication
de sa série à' Itinéraires, qui lui a valu une si grande
notoriété, et il entreprit ensuite celle des Géographies
départementales. Joanne fut un des fondateurs du Club
alpin (1874).
JOANN E (Paul-Bénigne), géographe français, né à Paris
le 3 févr. 1847, fils du précédent. Avocat à la cour d'ap-
pel de Paris, il abandonna le barreau pour seconder son
père dans la direction de la publication des Guides Joanne
à la hbrairie Hachette, et à sa mort resta à la tête de ce
service où il réalisa d'importantes améliorations. Son œuvre
capitale est le Dictionnaire géographique et adminis-
tratif de la France et de ses colonies, bel ouvrage en
cours de publication (4890 et suiv., in-4).
JOAN NES HisPÂNUS, canoniste. On sait qu'il avait étu-
dié à Paris, mais on ne possède aucun renseignement sur
sa vie. Il est cité au moyen âge comme l'un des plus
anciens glossateurs et comme auteur d'une Lectura super
Decretum.
JOAN NES RoDRicus de Casteeli Albï (V. Amatus Lu-
SITANUS).
JOANNESIA(Joaw/imaVel[os.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Euphorbiacées, série des Jatrophées (Bâil-
lon), voisins des Jatropha (V. ce mot). L'unique espèce,
le /. princeps Vellos. (Ânda Gomesii A. J.) est un bel
arbre du Brésil, à feuilles alternes, digitées, à fleurs en
cymes axillaires corymbiformes; les fleurs sont monoïques,
avec un périanthe double, trimère ou pentamère, accompa-
gné, dans les fleurs mâles, d'un androcée de huit à dix
étamines bisériées, dans les fleurs femelles, de cinq glandes
hypogynes et d'un ovaire biloculaire et biovulé. Le fruit
est une drupe biloculaire, à endocarpe très dur. Les graines
sont oléagineuses et purgatives, D'" L. Hn.
JOAN NET. Ile de la Louisiade (V. ce mol).
JOANN ET (Claude), littérateur français, né à Dole le
46 juil. 4746, mort à Paris en 4789. Ordonné prêtre, il
rédigea pendant dix ans une sorte de journal intitulé
Lettres sur les ouvrages et les œuvres de piété (4754-
64, 40 vol. in-i2) où il témoigna d'une critique assez
fine, mais d'un style peu agréable. On peut citer de
lui : Eléments de poésie française (Paris, 4752, 3 vol.
in-4 2) ; les Bêtes mieux connues (4770, 2 vol. in-4 2),
où il a soutenu que les animaux sont de pures machines
et réfute V Essai sur Vâme des bêtes de Bouillier ; De la
Connaissance de l'homme dans son être et dans ses
rapports (4775, 2 vol. in-8).
JOANNIS (Alexandre- Jean), chimiste français, né à
Paris le 48 août 4857. Ancien élève de l'Ecole normale
supérieure (4877), agrégé des sciences physiques (4880),
docteur es sciences physiques (4882), chargé de cours à
la faculté des sciences de Paris. Principales publications :
thèse de doctorat : Recherches thermiques sur les com-
binaiso7is du cyanogène avec les métaux; trois mo-
nographies publiées dans V Encyclopédie chimique de
M. Fremy {cyanogène, fer, mercure)', diverses notes
présentées à l'Académie des sciences sur l'oxyde de cuivre,
en commun avec M. Debray sur les propriétés des ammo-
niums alcalins, etc. M. Joannis est un des principaux colla-
borateurs de la Grande Encyclopédie.
JOANNY (Jean-Bernard Brisebarre, dit), acteur fran-
çais, né à Dijon le 2 juil. 4775, mort à Paris le 5 janv.
Î849. Fils d'un musicien, il étudia d'abord la musique,
puis la peinture, et à seize ans s'engagea dans le 4^^ ba-
taillon de Paris, d'où il passa au 7^ hussards. Devenu
maréchal des logis chef, il dut quitter le service à la suite
d'une blessure qui nécessita l'amputation d'un doigt. Il
entra alors à l'administration des domaines, puis enfin, sur
les conseils de M^^® Sainval aînée, aborda le théâtre. Après
avoir débuté en 4797 au théâtre de la République dans
OEdipe à Colone, il partit avec Talma pour Bruxelles, où
il joua à ses côtés les confidents tragiques. De retour en
France, il fut, après quelques années d'études et de dures
misères, engagé à Lyon, puis à Marseille, et c'est alors
qu'il commença à établir une réputation qui ne devait plus
cesser de grandir. Il vint débuter à la Comédie -Française
le 40 juil. 4807, mais bientôt retourna en province. En-
gagé enfin à l'Odéon pour y tenir le grand emploi tragique,
Joanny débuta avec éclat à ce théâtre, le 4 oct. 4849,
dans Adélaïde Dugiiesclin, et bientôt créa le rôle de
Procida dans les Vêpres siciliennes. Son succès fut tel
que la Comédie-Française voulut aussitôt l'enlever à l'Odéon,
qui parvint à le garder. Cependant, la santé de Talma
déclinant de jour en jour, Joanny, que l'on considérait
comme son seul successeur possible* fut décidément appelé
à la Comédie- Française, où il reparut le i®^ oct. 4825.
La mort bientôt survenue de l'illustre tragédien lui laissa
le champ absolument libre, et alors commença pour Joanny,
dont le talent était vraiment solide et mâle, une carrière
extrêmement brillante. Il ne se montrait pas seulement
dans le grand répertoire tragique ; mais les jeunes écrivains
du mouvement romantique, Victor Hugo, Alexandre Dumas,
Casimir Delavigne, Alfred de Vigny, lui confiaient des créa-
tions qui lui faisaient le plus grand honneur. C'est ainsi
qu'il établit les rôles du duc de Guise dans Henri Uf et
sa cour, à' Othello, de Ruy Gomès dans Hernani, de
Saint-Vallier dans le Roi s'amuse, de Tyrrel dans les
Enfants d'Edouard, de Coitier dans Louis XI, du Quaker
dans Chatterton, pour ne citer que les plus éclatants.
Après quinze années passées de la façon la plus active et
la plus brillante, Joanny prit sa retraite le 4^'' avr. 4844.
Il fut certainement l'un des artistes qui ont le plus honoré
notre ^grande scène littéraire. Arthur Pougin.
JOÂO, rois de Portugal (V. Jean).
JOAS, roi de Juda. Après qu'Ochosias, roi de Juda, en
séjour à Jezrahel, eut succombé sous les coups de Jéhu,
usurpateur du trône d'Israël (Dix-Tribus), on ditqu'Athalie,
mère d'Ochosias, fit périr ks enfants de celui-ci, qui au-
raient été ses propres petits-fils. Par les soins d'une sœur
d'Ochosias, Josabeth, épouse du grand prêtre Joad, un
tout jeune enfant, du nom de Joas, aurait échappé au
JOAS — JOB
— i66 —
massacre; au moment où le jeune prince atteignait Tâge de
sept ans, une conjuration organisée par Joad renversa
Athalie et rendit à Joas le trône de ses pères. Il y a lieu
de faire des réserves sur l'historicité des faits tels que les
présentent les livres bibliques. D'ailleurs, Joas, malgré
les précautions prises par Joad pour assurer l'influence
durable du sacerdoce sur le jeune roi, trompe les espé-
rances attachées à la restauration de la descendance du
grand roi David. Au cours d'un long règne de quarante ans
(seconde moitié du ix^ siècle avant notre ère), on nous le
montre successivement occupé à remettre en état les bâti-
ments du Temple, écartant par de lourds sacrifices, en
dépouillant les trésors tant du Palais que du Temple, les
menaces de l'invasion syrienne, enfin succombant à une
conspiration, dont les promoteurs avaient peut-être ex-
ploité sa mauvaise administration et ses échecs. Plus tard
(livre des Chroniques)^ on représenta Joas comme ayant
abandonné le culte national et mis à mort Zacharie, fils de
Joad, auquel il devait le trône (V. notre Précis d'histoire
juive, pp. 446-9). — Un autre Joas, fils et successeur de
Joachaz, régna seize ans sur Israël (fin duix^ siècle), rem-
porta de sérieux avantages sur les Syriens et, provoqué par
Amasias, de Juda, infligea une sanglante défaite aux Judéens
et s'empara de Jérusalem qu'il démantela et dépouilla, tout
en laissant sur le trône la dynastie de David. M. Vernes.
JOB. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. et cant.
d'Ambert ; 2,548 hab.
JOB, Le livre de Job^ classé par les collecteurs du canon
de la Bible hébraïque dans la troisième section du recueil
sacré dite Ketoubim (écrits) et, d'après le grec, hagio-
graphes, est wn poème philosophique de la plus haute valeur.
Il est assurément, avec la Genèse et le livre d'/sai'^, ce
que la littérature hébraïque a produit de plus extraordi-
naire ; mais, à la différence de ces deux œuvres, Job est
une composition ordonnée, une sorte de drame présentant
un prologue, un corps et un épilogue. ~ L'auteur met
en scène un personnage du nom de Job, résidant au pays
de Hus (Outs, Ausitide), c.-à-d. au N.-E. de la Palestine,
aux confins de la Syrie. C'était un homme «intègre et
droit, craignant Dieu et se détournant du mal » ; il était à
la tête d'une famille florissante ; il possédait des troupeaux
innnombrables et ne perdait aucune occasion de manifester
une piété aussi vive que sincère. Le vertueux Job est sou-
mis, avec l'autorisation divine, à une terrible épreuve.
Satan, l'ange accusateur, assure à Yahvéh que la piété de
Job est liée à son bonheur présent et disparaîtrait le jour
oti l'adversité viendrait à fondre sur lui ; la divinité consent
à ce que l'expérience soit faite. Job est frappé successive-
ment dans ses biens, dans ses affections, dans sa propre per-
sonne ; déchu de sa haute situation, tombé dans l'état le plus
misérable, dévoré par un ulcère, il est invité par sa femme
à maudire Dieu, auteur de ses maux. Il s'y refuse en répon-
dant avec noblesse et résignation, d'abord: « Yahvéh avait
donné, Yahvéh a enlevé ; que le nom de Yahvéh soit béni ! »
puis: «Puisque nous acceptons de Dieu le bonheur, pour-
quoi n'accepterions-nous pas aussi le malheur ? » 1 s'inchne
donc pieusement devant la volonté du Tout-Puissant.
Là-dessus, sous le prétexte d'offrir des consolations à
leur ami tombé dans le malheur, surviennent trois person-
nages, qui lui déclarent doctement qu'il a dû commettre
quelque mauvaise action, dont il porte en ce moment la
peine. Tour à tour, chacun des trois interlocuteurs prend
la parole pour développer ce même thème, et Job riposte à
ces soupçons avec la plus extrême énergie. D'après les
trois amis de Job, il y a ici-bas une relation nécessaire
entre la vertu et le bonheur ; Job assure, en revanche, que,
si Dieu l'a frappé, c'est sans qu'il eût donné prise à sa
colère. Apfès une série de dialogues, où l'infortuné afiirme
avec véhémence sa complète innocence et dénonce hautement
l'injustice commise par la divinité à son égard en réponse
aux protestations indignées de ses amis, le dernier mot
lui reste et ses interlocuteurs ne peuvent plus lui opposer
que le silence. «Jusqu'à mon dernier soupir, dit Job, je
défendrai mon innocence ; je tiens à me justifier et je ne
faiblirai pas ; mon cœur ne me fait de reproches sur aucun
de mes jours.» (xxvii, 5-6.) Nous qui sommes dans le
secret du drame, qui savons qu'il s'agit là, non du châti-
ment d'un coupable, mais d'une épreuve mystérieuse qui
se fait avec la permission de Dieu pour faire ressortir en
dernière analyse la foi désintéressée du héros du livre,
comprenons très bien et partageons, en quelque mesure,
la poignante angoisse du juste, qui se sent victime d'un
traitement immérité ; ses interlocuteurs, qui maintiennent
le point de vue vulgaire de la rétribution normale et en
quelque mesure immédiate du crime par le châtiment, de
la vertu par la richesse et le bonheur, font preuve de
bonnes intentions, mais, avec leurs vues bornées et terre à
terre, ne font qu'exaspérer celui qu'ils prétendent conso-
ler et ramener à d'autres sentiments. Résigné sous la main
divine qui l'a frappé sans qu'il en discernât le motif. Job
s'emporte maintenant contre des explications, dont il aper-
çoit la fausseté et qui viennent ajouter l'insulte à sa misé-
rable condition. Ce n'est pas seulement sa conscience qui,
en ce qui le concerne personnellement, proteste contre la
thèse que ses interlocuteurs ont déduite d'une observation
terre à terre, trop facile à satisfaire. Job a médité de
longue date sur le train des choses humaines; il sait bien
qu'il n'est ni le premier ni le seul à souffrir sans avoir la
conscience d'un manquement positif à la loi divine. « Je
sais bien, riposte-t-il à ses amis qui l'exaspèrent par leur
parti pris banal, je sais bien quelles sont vos pensées,
quels jugements iniques vous portez sur moi : vous dites :
Où est la maison de l'homme puissant, où est la tente
qu'habitaient les impies? Mais quoi n'avez-vous point inter-
rogé les voyageurs? Au jour du malheur, le méchant est
épargné; au jour de la colère, il échoppe.» (xxii, 27-30.)
Après que Job a fermé la bouche à ses amis, apparaît
un dernier interlocuteur, dont «la colère s'enflamme contre
Job, parce qu'il se disait juste devant Dieu», mais qui ne
s'en prend pas avec moins de vivacité aux trois amis du
malheureux, par la raison « qu'ils n'ont rien trouvé à ré-
pondre et que néanmoins ils ont condamné Job». Elihu,
c'est le nom de ce personnage, développe un thème nouveau,
à savoir que l'épreuve a une vertu éducatrice et bienfai-
sante. Quel est, en définitive, l'homme en mesure d'afiirmer
son impeccabilité ? Celui qui a résisté jusqu'à ce jour
pourra succomber demain. En conséquence, le juste frappé
à l'improviste doit s'incliner et attendre avec patience
l'heure où la miséricorde divine viendra le relever. «Dieu,
dit Elihu, sauve le malheureux dans sa misère, et c'est par
la souffrance qu'il l'avertit. » Et s'adressant directement à
Job : « Dieu te retirera aussi de la détresse pour te mettre
au large, en pleine liberté, et ta table sera chargée de
mets succulents. Mais, si tu défends ta cause comme un
impie, le châtiment est inséparable de ta cause. Que l'irri-
tation ne t'entraîne donc pas à la moquerie et que la gran-
deur de la rançon ne te fasse pas dévier! » (xxxvi, 45-18.)
Ramené au calme par ces discours, qui dissipent l'amer-
tume inspirée par d'injustes reproches et lui font entrevoir
une compensation à la suite de l'épreuve mystérieuse qu'il
subit, Job est en état d'entendre la parole divine elle-même.
Le Tout-Puissant apparaît, en effet, «au milieu delà tem-
pête» et développe dans un brillant langage la profondeur
et l'impénétrabihté de l'action divine. Dieu ferme la bouche
à Job en lui faisant voir quelle distance sépare son pou-
voir et sa science de l'intelligence et des moyens d'action
d'un misérable mortel. Et Job s'incline devant cette dé-
monstration d'une hautaine éloquence. Mais ce n'est pas
pour donner raison aux amis de Job que Dieu s'est résolu
à entrer lui-même en scène ; il adresse d'amers reproches
à ces importuns, qui ont défendu avec tant d'insistance le
point de vue banal de la rétribution selon les œuvres ; il
les accuse de «n'avoir pas parlé de lui avec droiture,
comme avait fait son serviteur Job», et c'est Job lui-même
qui intercédera pour Dieu en leur faveur. Celui-ci s'était
incliné devant l'admonestation divine avec la sincérité et
167
JOB — JOBERÏ
la décision qui lui arrachaient tout à Theure des paroles
presque blasphématoires. « Je reconnais que tu peux tout,
avait-il dit à Yahvéh, et que rien ne s'oppose à tes pen-
sées... Oui, j'ai parlé sans les comprendre des merveilles
qui me dépassent et que je ne conçois pas... Mon oreille
avait entendu parler de toi, mais maintenant mon œil fa vu.
C'est pourquoi je me condamne et je merepens sur la pous-
sière et sur la cendre. » (xlii, 2-6.) Job est rétabli dans
sa prospérité première ; Dieu lui rend une famille et des ri-
chesses qui lui assurent une condition supérieure à ce qu'elle
avait jamais été. Après la terrible épreuve dont le corps du
poème est la mise en œuvre, il vit cent quarante ans,
assiste aux progrès de sa descendance jusqu'à la quatrième
génération, meurt âgé et «rassasié de jours».
L'auteur de cet admirable poème, qui peut être hardiment
mis sur le pied de tout ce que la littérature classique des
temps anciens et modernes a produit de plus achevé, s'est
proposé de protester contre la vue étroite, qui établit une
balance exacte par doit et avoir entre la faute et le châti-
ment ; il marque assez cette intenlion par le traitement
qu'il fait subir aux amis malencontreux de Job. Il a voulu
démontrer que, dans bien des cas, notamment dans celui
qu'il suppose, l'explication vulgaire est mal fondée, que
les décrets divins sont impénétrables pour la pensée bor-
née de l'homme, que l'épreuve qui fond sur le juste est à
la fois la rançon d'une vertu supérieure et le gage de hautes
destinées, qu'au lieu d'être l'indice de la réprobation divine
elle est comme un sceau qui marque quelques élus (pen-
sée analogue à celle qui a inspiré la description du servi-
teur de Dieu souffrant dans la seconde partie à' haïe et
que le christianisme a complétée et développée), que la
suprême justice de la divinité ne doit jamais être soupçonnée
et que ceux qui gardent une confiance assurée dans l'équité
du Tout-Puissant finiront par voir leur foi récompensée,
comme il était advenu à Job. — L'ensemble des caractères
du Hvre, la langue fortement teintée d'aramaïsmes, les
connaissances très étendues de l'auteur attestant une civi-
lisation développée, le souci de résoudre un problème de
philosophie morale qui montre une réflexion avancée et
sûre d'elle-même, la hardiesse et la liberté avec laquelle
sont discutées les différentes solutions, le choix d'une ré-
gion non palestinienne pour y placer le théâtre de l'action,
la science littéraire qui est sensible dans l'agencement du
livre, mais surtout dans le détail des développements,
toutes ces considérations excluent de la manière la plus
catégorique la supposition d'une origine ancienne, nous ne
dirons pas de l'époque de Moïse comme le veut la tradition,
ni du siècle de Salomon comme on Fa prétendu, mais du
vin® siècle avant notre ère, c.-à-d. de l'époque d'Ezéchias.
Quelles que soient le* résistances d'hommes tels que Reuss
et Renan, il est désormais établi que Job est un produit
du judaïsme post-exihen. La question qui se pose aujour-
d'hui est : Le livre est-il antérieur ou postérieur au moment
où les conquêtes d'Alexandre ont établi un large contact
entre la pensée grecque et le monde oriental? Toutes les
vraisemblances sont en faveur de la seconde alternative et
le livre de Job doit être attribué avec des chances très
sérieuses au m® siècle avant notre ère. — Une question
sur laquelle l'accord se fera moins volontiers est celle de
l'intégrité du livre. On y a, de longue date, signalé des inco-
hérences faisant supposer le déplacement accidentel de
quelques passages, on a noté des développements étendus
(le discours sur la sagesse, au chap. xxviir, les descrip-
tions de l'hippopotame et du crocodile, aux chap. xl et
XLi) comme ayant pu être intercalés après coup, on a par-
ticulièrement désigné les discours d'Elihu (chap. xxxir-
xxxvii) comme n'ayant pas fait partie du poème sous sa
première forme. Nous avons nous-même développé dans
le temps l'hypothèse d'une série d'états par lesquels le
poème aurait passé avant d'arriver à sa forme actuelle
(art. Job dans V Encyclopédie des sciences religieuses,
1880, t. Vil); mais, sauf à admettre quelques perturba-
tions et doubles emplois, nous revenons aujourd'hui de
plus en plus (V. la note de la p. 816 de notre Précis
d'histoire juive) à l'idée de l'intégrité du poème, qui nous
est bien parvenu, dans son ensemble, sous la forme que
lui avait donnée son auteur. Nous n'en excepterions même
pas les discours d'Ehihu, étant très touché des arguments
par lesquels M. Cornill a récemment défendu leur authen-
ticité (Einleitung in das Alte Testament^ 2^ éd., 1892,
pp. 231 et suiv.). On trouvera dans ce dernier ouvrage
l'indication des principaux ouvrages étrangers sur la ma-
tière. En langue française il suffira de citer Renan {le
Livre de Job, 4859) et Reuss (Philosophie religieuse et
morale des Hébreux, 1878). Maurice Vernes.
JOBBA (V. Djobbah).
J 0 B B É-Du VAL (Armand-Marie-Félix) , peintre français,
né à Carhaix (Finistère) le 16 juil. 1821, mort à Paris le
2 avr. 1889. Elève de Paul Delaroche, il a peint des por-
traits, des tableaux religieux et des sujets de genre. Il appar-
tient au groupe des néo-grecs, et s'est fait connaître à la fois
comme artiste et comme homme politique. Adjoint au maire
du XV« arrondissement de Paris après le 4 sept. 1870,
conseiller municipal de Paris de juil. 1871 jusqu'à sa mort,
il a peint un assez grand nombre de tableaux, parmi lesquels
nous citerons : l'Evanouissement de la Vierge (1849),
la Moisson, au musée du Mans, rOaristis (1855), plu-
sieurs compositions exécutées à la cire qui* se trouvent dans
l'église de Saint-Louis-en-l'Ile à Paris, le portrait deJea7i
Huilant pour la galerie d'Apollon au Louvre, la décora-
tion de la grande salle de l'hôtel de ville de Lyon, r Agri-
culture et le Commerce^ Vlndustrie et VArl^ au tribu-
nal de commerce de la Seine, et quatre peintures religieuses
qui se trouvent dans la chapelle du monastère de la Visi-
tation, à Troyes. Citons encore quatre sujets (1853), pour
la chapelle de Saint- Borromée à Saint-Séverin de Paris.
JOSBÉ-DuvAL, jurisconsulte français, né à Brest le
4 mai 1851, neveu du précédent. Reçu docteur en droit
en déc. 1874, à la suite de la soutenance de deux thèses
très remarquées, l'une sur la Condition résolutoire en
droit romain, l'autre sur l'Histoire du retrait lignager
et la vente à réméré. Ayant pris part avec succès au
concours d'agrégation de 1876, M. Jobbé-Duval a été atta-
ché en qualité d'agrégé à la faculté de droit de Douai, de
1876 à 1881. Il y a enseigné le droit administratif et a en
outre été chargé d'un cours de droit civil approfondi pen-
dant l'année scolaire 1877-78, et d'un cours d'histoire du
droit français en 1880-81. Attaché à la faculté de droit
de Paris en juil. 1881, il y a enseigné pendant deux ans
le droit romain. Puis de 1883 à 1885, il a été chargé du
cours de droit industriel. Mais, en 1885, il est revenu au
droit romain et, après avoir été nommé professeur adjoint
le 1®^ déc. 1890, il a obtenu en 1892 une chaire de droit
romain. M. Jobbé-Duval a publié u-ne savante Etude his-
torique sur la revendication des meubles en droit
français. Il est auteur de divers articles parus dans des
revues de droit et collabore à la Gravide Encyclopédie,
J0B8ES (Ruisseau de) (V. Eure [Dép. de l']).
JOBE (V. Etatn, t. XVI, p. 447).
JOBERTdeLamballe (Antoine- Joseph), célèbre chirur-
gien français, né à Matignon (Côtes-du-Nord) le 17 déc.
1799, mort à Passy le 25 avr. 1867. Reçu chirurgien des
hôpitaux en 1829, agrégé de la faculté en 1830, chirur-
gien consultant du roi en 1831, membre de l'Académie de
médecine en 1840, chirurgien de l'empereur en 1852, pro-
fesseur à la faculté de médecine en 1854, il devint membre
de l'Institut en 1856. Jobert a puissamment contribué à la
thérapeutique des maladies utérines et a imaginé, entre
autres procédés, la cystoplastie par glissement pour la gué-
rison de la fistule vésico-vaginale. Ses ouvrages sont re-
marquables ; Traité des plaies d'armes à feu (Paris,
1833, pi.) ; Etudes sur le système 7ierveux (Paris, 1838,
2 vol.) ; Recherches sur les appareils électriques des
poissons (Paris, 1858, atlas) ; Traité de chirurgie plas-
tique (Paris, 1849, 2 vol. av. atlas); De la Réunion en
chirurgie (Paris, 1864, 2 vol. etpL), etc. D'^L. Hn.
JOBÏ — JODELJ.E
— 168 ~
JOBI. Ile duN. de la Nouvelle-Guinée, à l'entrée de la
baie de Geelvink; elle a 160 kil. de l'E. à l'O., 15 kil. de
large, 3,500 kil. q. ; 7,000 hab- Très montagneuse, la
côteN. est abrupte et inhospitalière, la côte S. semée d'ilôts.
Peuplée de Papous Mafours et d'indigènes qui les com-
battent, elle dépend du sultan de Tidore, vassal des Pays-Bas.
JOBOURG. Corn, du dép. de la Manche, arr. de Cher-
bourg, cant. de Beaumont, à 3 kil. de la mer, à l'extré-
mité de la presqu'île de Cotentin ; 505 hab. Retranche-
ments antiques. Falaises formant le promontoire nommé
le Nez de Jobourg, dans lesquelles s'ouvrent de profondes
cavernes. Sémaphore.
JOBSON (Richard), voyageurangiais du xvn^ siècle. C'est
un des premiers explorateurs de la Gambie où il fit en 1620
un voyage dont il a laissé la relation : The Golden Trade
or a discovery of the Pdver Gamba, etc. (1623, in-4).
JOCASTE ou EPICASTE (V. OEdipe).
JOCELYN (Robert, vicomte) (V. Roden [Comte de]).
JOCH. Com. du dép. des Pyrénées-Orientales, arr. de
Prades, cant. de Vinça; 302 hab.
JOGHER (Adam-Benoît), philologue et bibliographe
polonais, né en 1791, mort en 1860 à Vilna où il était
conservateur de la bibliothèque de la ville depuis 1827.
Son ouvrage capital est un Tableau historique et biblio-
graphique de la littérature et des sciences en Pologne
depuis Vintroduction de V imprimerie jusqu'en i830
(Yilna, 1840-57, 3 vol. in-4), travail précieux, classé
dans l'ordre méthodique des matières, mais non terminé.
Parmi ses ouvrages philologiques, on cite : V Harmonie
des langues (1859) et Epilogue de l'histoire de la langue
primitive ( 1 859) . G . P-i.
JOCH M US (August-Giacomo), baron de Cotignola, aven-
turier allemand, né à Hambourg le 27 févr. 1808, mort à
Bamberg le 14 sept. 1881. Il débuta par le commerce, fit
à Paris des études militaires, passa en Grèce en 1827, y
devint capitaine et aide de camp du général Church, resta
au service du roi Otton (1832), se rendit en Angleterre
(1835) où il s'engagea dans la légion étrangère expédiée
au secours d'Isabelle, s'attacha à la fortune des « Christi-
nos », parvint au grade de général de brigade; Espartero
le prit pour chef d'état-major de l'armée du Nord (1837).
La guerre finie (1838), il revint en Angleterre ; Palmers-
ton l'envoya à Constantinople; les Turcs en firent un gé-
néral de division, pacha à deux queues (juil. 1840); en
Syrie, il fut général en chef de l'armée anglo-austro-turque,
s'empara d'Acre (nov. 1840), reçut le mois suivant le
commandement de toutes les forces turques. Les hostilités
terminées (févr. 1841), il demeura au service de l'empire
ottoman jusqu'en 1848. La nouvelle de la révolution le
ramena en Allemagne; l'archiduc Jean, administrateur de
l'empire, en fit un ministre des affaires étrangères et de la
marine (mars-déc. 1849). En 1859 et 1866, le gouver-
nement autrichien lui confia des commandements, mais
seulement après la fin de la guerre ; il y gagna le titre de
baron (1859), et le grade de feld-maréchal-lieutenant
(1866). Il fit deux voyages autour du monde (1853-55 et
1870-71). Ses œuvres complètes ont été publiées (Berlin,
1883-84, 4voL). A.-M.B.
JOCKEY (V. Course, t. XIÏI, p. 158).
JOCKEY Club (V. Course, t. XIII, p. 152).
JOCONDE (Giovanni) (V. Giocondo [Fra]).
JOCOTAN, Rivière du Guatemala, affluent du Motagna,
sur lequel se trouve la ville du même nom. Mine de fer,
lac sulfureux.
JOD (Gramm.). Le jod (prou, iod) est une consonne spi-
rantede la langue indo -germanique qui se rattache, par son
articulation, à l'ordre des gutturales palatales. On est d'ac-
cord aujourd'hui pour le distinguer de Vi faisant fonction
de consonne; mais ces deux sons se sont confondus dans les
langues issues de la langue primitive. L'existence du jod
n'est certaine qu'à l'initiale des mots devant une voyelle ;
le sanskrit le représente par i/, le grec par Ki le latin par
j (yugdm^ Çuyov, jugum). Le grec seul a conservé la
difïërence qui existait antérieurement entre le jod et Vi
consonne ; le premier est régulièrement représenté par ^,
le second par l'esprit rude. Dans l'intérieur des mots, la
présence du jod primitif est moins démontrée ; et les lin-
guistes n'ont pas encore décidé, pour un très grand nombre
de cas, si l'on doit admettre un i consonne ou un jod.
L'écriture syllabique en usage dans les inscriptions cy-
priotes avait deux signes que l'on transcrit ja, je ; mais là
il s'agit sûrement d'un i consonne.
BiBL. : Brugmann, Grundriss der vergleichenden Gram-
matih der indogerman. Spracfien, t. I, pp. 110, 409, 453.
JODELET (Julien Geoffrin ou Joffrin, dit), acteur et
farceur français, né vers la fin du xvi'^ siècle, mort à Paris
en mars 1660. Il commença par être le camarade et le
partenaire des farceurs alors si populaires du théâtre du
Marais, où il entra en 1610 ; mais il était destiné à de-
venir un vrai comédien et un véritable artiste. Ce qui est
certain, c'est que la naïveté plaisante de son jeu et la
vérité de son débit dans le genre comique lui valurent une
telle renommée que, sur l'ordre de Louis XÏII, il passa,
en déc. 1 634, de la scène burlesque du Marais à celle,
plus relevée, de l'Hôtel de Bourgogne, oti les exploits de
farceurs tels que Turlupin, Gros-Guillaume et Gaultier-
Garguille n'empêchaient pas l'éclosion de la comédie nais-
sante, qui avait pour soutien des acteurs comme Bellerose
et Floridor. Loin de se montrer inférieur à ceux-ci, Jodelet
conquit auprès d'eux une situation importante et devint
rapidement Pun des comédiens les plus aimés de leur
théâtre. La meilleure preuve qu'on puisse donner de son
talent est de rappeler que c'est lui que Pierre Corneille
chargea d'établir le rôle de Cliton dans le Menteur et la
Suite du Menteur^ de même que Thomas Corneille lui
confia le rôle du même nom dans l'Amour à la mode, et
celui de Don Bertrand de CigarraL Ce qui prouve en-
core à quel point il était aimé du public, c'est que plu-
sieurs auteurs firent pour lui des pièces dont le personnage
principal, rempli par lui, portait précisément son nom et
donnait son titre à l'ouvrage. C'est ainsi qu'il joua Jodelet
duelliste et Jodelet ou le Maître valet, deux comédies
de Scarron représentées en 1645, Jodelet astrologue^
autre comédie de Douville, donnée l'année suivante, et
enfin Jodelet prince ou le Geôlier de soi-même, que
Thomas Corneille mit à la scène en 1655. Il est certain
que Jodelet avait un talent supérieur ; il y joignait une
physionomie très plaisante, et son visage avait une expres-
sion si comique qu'il n'avait qu a se montrer pour exciter
l'hilarité des spectateurs, hilarité qu'il augmentait encore
par le sentiment de surprise qu'il feignait d'éprouver en
entendant les rires qui l'accueillaient. Il parlait assez for-
tement du nez, mais ce qui eût été un défaut chez un autre
rendait parfois son débit tellement burlesque que le public
ne s'en amusait que davantage et considérait ce défaut
comme une qualité. On en trouve le témoignage dans les
fréquentes allusions à ce nasillement que se permettaient
les auteurs du temps et qu'ils plaçaient dans sa propre
bouche, ce qu'ils n'eussent assurément pas fait si le parler
de Jodelet n'eût pas été considéré comme un des éléments
comiques de son jeu. On fit de son vivant le portrait de
Jodelet, qui ressemble quelque peu à une caricature, et
Loret lui fit une épitaphe dans sa Muze historique. Ce
comédien fameux eut un fils qui fut un moine célèbre :
Claude Jofi'rin entra fort jeune dans l'ordre des Feuillants
et acquit une grande renommée de prédicateur sous le nom
de dom Jérôme. Arthur Pougin.
JODELLE (Etienne), sieur de Limodin, poète français,
né à Paris en 1532, mort à Paris en juil. 1573. De bonne
heure, il témoigna des dispositions pour la poésie et, quoique
ses débuts n'eussent pas été brillants, il ne tarda pas à faire
partie de la Pléiade. Il se réserva la rénovation du théâtre
antique. Une tragédie, Cléopâtre captive, et une comé-
die, la Rencontre, représentées en 1552 à l'hôtel de
Reims devant Henri H et tous les personnages marquants
de l'époque, obtint un succès considérable et gagna à Pau-
469
JODELLE — JOFFKEDl
teur la faveur du souverain. « Il donna à Jodelle, écrit
Brantôme, cinq cents écus de son épargne et outre lui fit
tout plein d'autres grâces, d'autant que c'était chose nou-
velle et très belle et rare. » De fait, l'entreprise du poète
inaugurait une ère nouvelle dans l'histoire du théâtre en
France. Il substituait aux mystères la tragédie qui existait
déjà, mais comme un exercice d'érudition et qu'on n'avait
point encore songé à produire devant le grand public. En
tout il fallut innover, créer une troupe de comédiens,
trouver une scène. L'une fut composée de compagnons du
poète, l'autre fut simplement la cour d'un hôtel ou d'un
collège dont les fenêtres devinrent des logos pour les spec-
tateurs de distinction. Après son éclatant succès, qui le
mit pour un temps sur le même pied que son maître Ron-
sard, Jodfllle vécut en grande faveur à la cour, fort admiré
de ses contemporains et se faisant nombre d'ennemis par
sa hauteur et son outrecuidance. Le temps n'a pas été fa-
vorable à ses œuvres dont Ronsard, qui l'envia un peu,
avait dit déjà « qu'il eût désiré pour la mémoire de Jodelle
qu'elles eussent été données au feu au lieu d'être mises sur
la presse, n'ayant rien de si bien fait en sa vie que ce
qu'il a voulu supprimer, étant d'un esprit prompt et inven-
tif, mais paillard, ivrogne et sans aucune crainte de Dieu
auquel il ne croyait que par bénéfice d'inventaire ». Ces
œuvres comprennent : Eugène^ comédie en cinq actes;
Cléopâtre captive^ Bidon se sacrifiant^ tragédies en cniq
actes ; le Recueil des inscriptions^ figures^ devises et
mascarades ordonnées en l hôtel de ville de Paris en
i538; rilyménée du roi Charles IX, les Amours, des
poésies de circonstance, des sonnets, des odes, etc. Elles
ont été réunies d'abord par Charles de La Motte (Paris,
1574, in-4), puis par Ch. Marty-Laveaux (Paris, 1868-70,
2 vol. in-8) dans la collection de la Pléiade française.
JODOCUS ou JOBST,empereurd' Allemagne (V.Josse).
JODOIGNE. Ville de Belgique, prov. de Brabant, arr.
de Nivelles, sur la Grande-Cette, affluent du Demer; 4,500
hab. Stat. du chem. de fer de Tirlemont à Namur, et
tête de ligne d'un chemin de fer vers Louvain et d'un autre
vers Wavre. Exploitations de carrières.
JODRELL (Richard-Paul), éruditet auteur dramatique
anglais, né en 47 io, mort en 4834. 11 siégea quelques an-
nées à la Chambre des communes ; mais il s'occupait sur-
tout de critique classique et de philologie : de là ses lllus-
trations of Euripides, on the Ion and Bacchœ and on
the Âlcestis (4781-89, 3 vol.) et son traité sur la Phi-
lology of the English Language (4820, in-4). On a aussi
de lui des poésies et des pièces de théâtre, comme A Widoiv
and no Widow, The Persian Heroine, etc. Il a publié
anonymement un volume de Select Dramatic Pièces
(4787) et un recueil de ses Poetical Works a paru en
4814. — Son ûh aine, sir Piichard-PaulioMvell (4784-
4864), a laissé un recueil de vers latins et grecs: Car-
mina selecta (4810), et un poème sur Douvre, ancien et
moderne {iU\). B.-H. G.
JŒCHER (Christian-Gottlieb), érudit allemand, né à
Leipzig le 25 juil. 4694, mort le 40 mai 4758. Profes-
seur (4730), puis bibliothécaire (4742) de l'université de
Leipzig, il réédita le Gelehrtenlexikon de Mencke (4725
et 4733), puis en rédigea un (4750, 4 vol.), successive-
ment remanié parDunckel (4755-60), Adelung (4 784-87)
et Rotermund (Brème, 4810-22, 6 vol.). B^n philosophie,
il défendit les idées de Wolf ; il avait un grand talent de
parole.
JOËL. Les quelques pages qui figurent au recueil des
douze petits prophètes de la Bible hébraïque sous le nom
d'un certain « Joël, fils de Péthuel », d'ailleurs inconnu,
sont intéressantes à étudier, d'abord parce qu'elles sont
d'une facture élégante et d'une facile intelligence, ensuite
parce qu'on y démêle très aisément les procédés de cette
littérature pseudonyme ou pseudépigraphe, qui fut culti-
vée avec tant d'amour par le judaïsme post-exilien dans
les quatre siècles qui précèdent l'ère chrétienne. En eifet,
Pinauthenticité ou modernité du livre de Joël est reconnue
par la plupart des critiques et, d'autre part, il n'est pas
douteux que son auteur n'ait voulu faire passer son écrit
pour une œuvre fort ancienne; la synagogue a même
consacré cette prétention en plaçant Joël avant Amos, ce
qui a engagé autrefois la critique à revendiquer pour cette
composition agréable, mais nullement antique de langue et
d'inspiration, la date du ix*^ siècle avant notre ère. Au-
jourd'hui on la rapporte à un auteur inconnu du iv® ou,
plutôt encore, du m® siècle av. J.-C. — Dans l'ensemble,
l'écrivain s'est proposé de décrire ce qu'on appellera plus
tard le « jugement dernier », c.-à-d. la crise suprême
dans laquelle Yahvéh interviendra comme juge pour punir
les méchants, notamment les nations ennemies des Israé-
lites, et pour inaugurer glorieusement l'ère messianique.
Mais, dans les perspectives qu'il énonce, il n'y a pas de pro-
gression bien sensible; c'est plutôt une série de tableaux,
dans lesquels l'écrivain reprend son thème fondamental en
en variant les aspects, en en distribuant les éléments d'une
façon différente. Prenant texte d'une invasion de saute-
relles (imitée d'une des plaies d'Egypte) et de la dévasta-
tion qui en a été la suite, le prophète se plaint qu'on soit
dans l'impossibilité de présenter désormais offrandes ou
libations dans le temple de Jérusalem ; il engage les prêtres
à multiplier les marques de deuil, à publier un jetine, à
convoquer dans le Temple les anciens du pays afin d'im-
plorer la clémence divine. Reprenant ici le thème de l'in-
vasion des sauterelles, l'auteur en montre, dans un mor-
ceau d'une forme achevée, les désastreuses conséquences ;
c'est le terrible et redoutable « jour de Yahvéh ». Mais
le repentir sincère du peuple parviendra à fléchir le cour-
roux céleste; la famine prendra fin, la fertilité reviendra;
les sauterelles, cause première de la dévastation, seront
jetées hors du pays. Une ère de prospérité inouïe succé-
dera aux menaces qui ont failli amener la perte de Jéru-
salem et des fidèles. Un second tableau débute par la pro-
messe de l'effusion de l'esprit divin, qui sera donné à tous
dans la mesure la plus abondante. Des prodiges effroyables
marqueront l'arrivée du « jour de Yahvéh » ; le salut sera
seulement sur la montagne du Temple, où Yahvéh abri-
tera ses fidèles. Au suprême assaut tenté par les nations
étrangères contre Jérusalem, Yahvéh opposera son bras
invincible, et les fils d'Israël, groupés autour du Temple,
jouiront désormais, sous la direction immédiate de la divi-
nité, d'une paix et d'une prospérité sans égales. — Ce sont
là ce qu'on pourrait appeler des exercices de rhétorique
sacrée sur un thème cher à l'imagination juive après que
la restauration des services du culte eut été opérée par les
soins d'Esdras et de Néhémie; le court livre de Joël sup-
pose ces services parfaitement organisés de longue date.
C'est une sorte de résumé de l'apocalyptique ou de l'es-
chatologie au m® siècle avant notre ère. M. Vernes.
BiBL. : A, Merx, Die Prophétie des Joël und ihre Ans-
/egfer,1879. — CoRmLL, Einleitung indasA. T., 1892, pp. 174
et suiv., 2« éd. — Vernes, Mélanges de critique religieuse,
1880, pp. 218 et suiv.— Du même, Ùu Prétendu Polythéisme,
1891, t. II, pp. 309 et suiv.
JOËL, historien byzantin, de la fin du xu® et du com-
mencement du xm^ siècle. Sa vie nous est totalement in-
connue. Il a écrit une chronographie générale, y^poyo^pix^ioi,
£v auvo^'ci, qui commence à Adam pour finir à la prise de
Constantinople par les Latins en 1204. Son ouvrage est des
plus médiocres, sans style et sans valeur historique.
BiBL. : ,ToËL, Corpus script, hist. byz.; Bonn, 1836. ~
Karl Krumbacher, Gesch. der byz. Lilt., 1891, p. 148.
JŒNSSEN (Erik) (V. Dâhlberg [Comte]).
JŒUF. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. et
cant. de Briey ; 2,341 hab.
JOFFREDI ou JOFRIDI (Jean de), cardinal français,
né à Luxeuil en 1412, mort en 1473. Evêque d'Arras,
puis d'Albi, il remplit plusieurs missions diplomatiques
sous Louis XL C'est par son intermédiaire et non sans son
influence que Louis XI abolit, et à l'étonnement de tous, la
pragmatique sanction de Bourges (1463); d'ailleurs, le
patronat autre que royal le gênait, et il obtint, par la
JOFFREDI — JOHANNIS
— 170 —
convention de 1470, que le pape ne nommerait que des
Français et tiendrait compte de la recommandation du roi.
JOFFREYdeLa Cour-au-Chantre (Abraham-Hubert de) ,
général suisse au service de la France, né le 29 nov, 1675,
mort à Arras le 19 mars 1748. D'une noble famille du
pays de Vaud, il entra à dix ans comme cadet dans un ré-
giment suisse. En 1692, à dix-sept ans, a}ant bravement
combattu à Fleurus, blessé à Steinkerque, il fut nommé
sous-lieutenant. Capitaine l'année suivante, chef de com-
pagnie en 1704, il se signala dans la guerre de la succes-
sion d'Espagne. En 1738, il fut colonel propriétaire de son
régiment. Il abjura le protestantisme dans les dernières
années de sa vie. On lui doit une Histoire du régiment
de Joffrey jusqu'en il 42 et des Mémoires sur les pri-
vilèges de la nation suisse en France, Kuhne.
JOFFRIN (Julien) (V. Jodelet).
JOFFRIN (Jules-François-Alexandre), homme politique
français, né à Troyes le 16 mars 1846, mort à Paris le
17 sept. 1890. Ouvrier mécanicien, il se lança de bonne
heure dans la politique, et, vers la fin de l'Empire, il était
connu comme un socialiste militant. Après avoir servi aux
mobiles de la Seine pendant la guerre franco-allemande,
il fut compromis dans les affaires de la Commune et put
se réfugier en Angleterre où il demeura jusqu'à l'amnistie
de 1881. Membre du parti ouvrier, il se présenta sans suc-
cès aux élections législatives de 1881 à Saint-Denis et à
Montmartre. Il fut plus heureux le 7 mai 1882, date à
laquelle le quartier des Grandes-Carrières l'envoya siéger
au conseil municipal. Réélu par Clignancourt en 1886 et
1887, vice-président de l'assemblée en 1888-89, il était
chef du parti possibiliste au moment de l'aventure boulan-
giste. Malgré les souffrances presque intolérables que lui
causait un cancer à la bouche, Joffrin entama une lutte
énergique contre le boulangisme. Diffamé par les journaux
Vlntransigeant et la France, il leur intenta un procès où
il obtint gain de cause; le 22 sept. 1889, il était élu dé-
puté par la deuxième circonscription du XVIll® arrondis-
sement de Paris, avec 5,500 voix. Le général Boulanger
y avait obtenu 7,811 suffrages, mais comme il était con-
damné contumace, et par suite inéligible, la commission
de recensement proclama Joffrin, qui ne fut admis à la
Chambre qu'après un débat des plus importants et des
plus mouvementés. Les boulangistes le poursuivirent de
leur haine, et son intervention dans une interpellation re-
lative aux secours accordés par le conseil municipal aux
grévistes du Rhône donna heu à des scènes de tumulte
telles qu'il fallut expulser de la salle des séances MM. Dé-
roulède, Millevoye, Laguerre (janv. 1890). Joffrin repous-
sait courageusement ces attaques, mais la maladie qui le
minait l'emporta prématurément.
J06AND (Maurice), romancier français, né à Marseille
le 21 mai 1850. Journaliste républicain, il débuta dans le
roman en 1876, avec V Orpheline d'Endoume^ la Ven-
geance du Bâtard, les Trois Empoisonneuses et VEn-
fant de la Folle ; ce fut sur le succès de ce dernier ou-
vrage que le jeune romancier vint à Paris, où il se fit
éditer en livraisons illustrées et réussit si bien qu'il s'adonna
presque exclusivement à ce mode de publication où il a
obtenu de réels succès. Il a adopté le pseudonyme de Marc
Mario pour se distinguer de son frère.
JOGAND-Pagès (Gabriel-Antoine), dit Léo Taxil^ écn-
vain français, né à Marseille le 20 mars 1854. Elève des
jésuites, il débuta par une propagande anticléricale for-
cenée, d'un caractère diffamatoire, fonda une librairie an-
ticléricale, subit plusieurs condamnations pour outrage à
la morale publique, diffamation, fraudes littéraires, fut
expulsé de la franc-maçonnerie. En 1885, il fit volte-face;
après une bruyante abjuration, il fut absous par le pape et
s'adonna à la rédaction de pamphlets contre les libres pen-
seurs. Ses principaux ouvrages sont : les Soutanes gro-
tesques (1879, in-8); la Chasse aux Corbeaux (1879,
in-18) ; les Bêtises sacrées (1881, in-18); les Porno-
graphes sacrés, la confession et les confesseurs (1882,
in-18) ; la Bible amusante (1882, in-4); V Empoison-
neur Léon XIII (1883, in-18); les Maîtresses du pape
(1884, in-8); Vie de Jésus (1884, in-18) ; puis dans son
esprit nouveau : Révélations complètes sur la franc-
maçonnerie {iSHo/d y o\, in-18); Cojifession d'un ex-
libre penseur {i%^l , in-18); Histoire anecdotique de
la troisième République (1887, in-18); la France
maçonnique (1888, in-18) ; la Ménagerie républicaine
(1889, in-18); la Corruption fin-de-siècle (1891,
in-18).
JOGANVILLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de
Valognes, cant. de Montebourg; 131 hab.
JOH'ANAN BEN Zaccaï, docteur juif, florissant de 60 à
80 après J.-C. Il peut être considéré comme un véritable
sauveur du judaïsme, à l'heure la plus malheureuse de son
histoire, alors que la destruction du Temple de Jérusalem
mettait en grand danger l'existence même de la religion
juive. Patriote, mais esprit clairvoyant, il comprit l'inuti-
lité de la résistance des Juifs et leur conseilla de chercher
sagement la paix dans la soumission aux Romains. Sa voix
ne fut pas écoutée. Il chercha alors à préparer, avant la
catastrophe, le salut du judaïsme, en transportant à Jabné,
avec l'autorisation de Titus, le sanhédrin de Jérusalem et
en y fondant une école destinée à faire de cette ville un
nouveau centre de religion et de science. Pour sortir de la
ville assiégée sans être aperçu par les partisans de la ré-
sistance, il s'enferma dans un cercueil et se fit ainsi trans-
porter hors des murs de l'enceinte. Ses explications agga-
diques qui renferment, il est vrai, un fonds de mysticisme,
nous révèlent un esprit pratique, sage et élevé. Au milieu du
désarroi qui suivit la chute du Temple, son enseignement
rétablit l'union et la cohésion au sein du judaïsme et, plus
d'une fois, attira sur les vaincus la sympathie de Titus et de
Vespasien. On dit qu'il vécut cent vingt ans. S. Debré.
BiBL. : Graetz, Gescfiichte der Juden ; Berlin, 1853, IV,
ch. I. ~ Bâcher, Die Agada der Jannaïten. — Fraenkel,
Tarké hammichna.
JOHANN, JOHANNES (V. Jean).
JOHANN A (Comores) (V. Anjouan).
JOHANNARD (François-Auguste), homme politique
français, né à Beaune le 14 déc. 1837, mort à Londres
en oct. 1888. Ouvrier fleuriste, puis employé de com-
merce, il eut une part active à l'organisation de l'Inter-
nationale des travailleurs, fut membre du conseil général
de cette association à Londres et fonda, le 8 févr. 1870,
la section française du faubourg Saint-Denis. Enfermé
pour ce fait à Mazas, il fut délivré le 4 septembre. Can-
didat malheureux à l'Assemblée nationale, il fut élu le
16 avr. 1871 membre de la Commune par le II® arron-
dissement de Paris et devint le 22 avr. membre de la
commission des relations extérieures. Le 17 mai, il était
délégué comme commissaire civil auprès du général La
Cecilia. Il vota l'organisation du comité de Salut public et
après la chute de la Commune put se réfugier en Angle-
terre, où il créa une fabrique de corsets à Manchester.
JOHANN EAU (Eloi), érudit français, né à Contres (Loir-
et-Cher) le 2 oct. 1770, mort à Paris le 25 juil. 1851.
Professeur au collège de Blois (1791), directeur d'une pen-
sion privée (1792-94), il fonda en 1803 l'Académie cel-
tique qui devint en 1813 la Société des Antiquaires de
France. Censeur de la Hbrairie (1811-14), Johanneau fut
pourvu sous la Restauration de la sinécure de conservateur
des monuments d'art des résidences royales. Il a laissé un
très grand nombre d'ouvrages parmi lesquels nous men-
tionnerons : Monuments celtiques (Pans, 1805, in-8);
Mélanges d'origines étymologiques et de questions
grammaticales (1818, in-8) ; Lettres sur la géographie
numismatique (1849, in-8); des éditions critiques de
Martial, de Montaigne, de P. Charron, de Rabelais, etc.
JOHANNIS ou JANSSENS (Erasme), théologien belge,
né vers 1540, mort à Klausenburg vers 1600. Il était
recteur du collège d'Anvers quand il se convertit aux doc-
trines de la Réforme. Il se réfugia alors en Hollande et
171 —
JOHANNIS — JOHN
devint recteur au collège d'Embden. Il adopta ensuite les
idées sociniennes, et, après avoir erré de ville en ville, il se
rendit en Pologne, où depuis le règne de Sigismond P^les
sectateurs du socinianisme étaient fort nombreux. En 1584,
à Cr^covie, il provoqua les unitaires à une discussion pu-
bllque et soutint contre leur champion FausteSocin « que le
Christ avait été créé de rien avant toutes les autres créa-
tures »• Cette espèce de tournoi théologique dura deux jours
et eutno grand retentissement en Allemagne. Quelque temps
après, Johannis se rétracta, et devint ministre de la secte
des unitiii'*6s en Transylvanie; il y passa ses dernières
années dans robscurité."
BiBL. • BoR, Histoire des guerres des Pays-Pas (en
holIand.)i Amsterdam, 1679, 6 vol. in-fol. — Paquot, Mé-
moires pour servir à l'histoire littéraire des Pays-Bas;
Louvaiïh 1765-70, 3 vol. in-fol. — Diercxsens, Antverpia
Christo riascens et crescens ; Anvers, 1773, in-fol.
JOHANNISBERG. Bourg de Prusse, district de Wies-
baden, dans le Rheingau; 1,400 hab. Au pied d'une col-
line de 185 m. d'alt, qui porte un magnifique château.
Celui-ci fut édifié en 17*1^2-23 sur les ruines d'une abbaye
bénédictine fondée en 1090, abolie en 1563, ressortissant
à Fulda; il fut donné à Kellermaun en 1807, au prince
de Metternich en 1814. Sa valeur tient au vignoble de
16 hect. qui en dépend et produit le plus fameux des vins
du Rhin. — Au voisinage sont les châteaux de Schwarx^-
enstem, Johannisburg, etc.
JOHANN ISBURG. Ville de Prusse, district de Gum-
binnen, sur le lac Rosche; 3,300 hab. Son château, bâti
en 1345, eut jadis une grande importance; un canal de
6 kil. joint la ville au lac Spirding et se relie aux canaux
de Masurie, qui créent dans cette région un réseau de voies
navigables. A l'O. s'étend la vaste lande de Johannis-
burg, longue de iOO kil., large de 45 kil.
JOHANN ITES. 1« Chevaliers de l'Hôpital ou de Saint-
Jean-de-Jérusalem (V.HôprrAL, Rhodes, Malte). — 2® Che-
valiers de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Thomas (V. Hô-
pital et Thomas) .
JOHANNOT (Jean), homme politique français, né à Ge-
nève le 30 juin 1748, mort à Echichens, cant. de Vaud
(Suisse) le 15 janv. 1829. Descendant d'une famille pro-
testante de l'Ardèche, réfugiée en Suisse après la révoca-
tion de l'édit de Nantes, il s'occupa d'abord de commerce
dans sa ville natale. En 1787, il vint en Alsace pour diri-
ger la fabrique des toiles peintes à Wesserling. En 1789,
il réunit une troupe de volontaires à la tête de laquelle il
battit et dispersa une bande d'insurgés dans la vallée de
Saint- Amarin. En 1792, il entra au directoire du dép. du
Haut-Rhin, et en était président quand il fut élu à la Con-
vention. Dans le procès de Louis XVI, il vota pour la mort
et pour le sursis. Il fit constamment partie du comité des
finances, et proposa en germinal an lll la démonétisation
des assignats. Il fit aussi partie de la commission chargée
d'examiner la conduite des anciens membres des comités.
Au conseil des Anciens, où il siégea jusqu'au 20 mai 1797,
il continua à s'occuper des questions financières. Sorti de
la vie politique, Johannot se fixa à Vaucresson (Seine-et-
Oise), y établit une manufacture de cordes et fut maire de
cette commune de 1799 à 1810. Il signa l'acte addition-
nel lors des Cent-Jours et, exilé en 1816, il se retira en
Suisse, où il avait conservé ses propriétés. Il ne rentra pas
en France quoiqu'il en obtînt la permission en 1818.
JOHANNOT (François), peintre, manufacturier et intro-
ducteur de la lithographie en France, né à Offenbach
(Hesse-Darmstadt) vers 1760, mort à Mannheim en 1838.
Petit-fils d'un fabricant de papiers de luxe à Annonay, qui
transporta son industrie en Allemagne à la suite de la
révocation de l'édit de Nantes, il s'adonna d'abord à la
peinture des fleurs, vint ensuite à Lyon pour y apprendre
le métier de tisseur en soie, et établit dans sa ville natale
une manufacture de soieries. Simultanément avec Sene-
feider, il s'occupa des recherches qui aboutirent à l'inven-
tion de la lithographie (V. ce mot), en association avec
son cousin Charles André, et ils furent les premiers à
importer cet art nouveau à Pans, en 1806, sans que le
succès couronnât leurs efforts. Il exerça ensuite les fonc-
tions d'inspecteur de la librairie à Lyon, et, ayant perdu
sa place en 1818, il retourna en Allemagne. G. P-i.
JOHANNOT (Charles), graveur français, né à Offenbach
(Hesse-Darmstadt), en 1788, mort à Paris en 1825, fils
aîné du précédent. Artiste de talent, il a exécuté de bonnes
gravures au pointillé pour une édition de l'/lmm^a du Tasse,
pubhée en 1813. On lui doit aussi le Trompette blessé,
reproduction d'une toile d'Horace Vernet. Challamel.
JOHANNOT (Charles- Henri-Alfred), peintre, graveur et
dessinateur français, né à Francfort-sur-le-Main le 21 mars
1800, mort à Paris le 7 déc. 1837. Elève et frère du
précédent, il acquit de la léputation avec les Orphelins,
d'après Scheffer, en 1824, et se distingua particulière-
ment par de nombreuses vignettes qui ont illustré les
ouvrages de lord Byron, de Walter Scott et de Fenimore
Cooper. En 1831, il se livra surtout à la peinture, et
exposa Don Juan naufragé. On lui doit la Vie de saint
Hippolyte qui se trouve dans l'église Notre-Dame de
Lorette, à Paris; un tableau remarquable, l'Entrée de
i)F^^ de Montpensler à Orléans, pendant la Fronde
(1833), qui a figuré au musée du Luxembourg; la Ba-
taille de Brattelen, au muséee de Versailles; Marie
Stuart quittant l'Ecosse (1837) ; François de Lorraine,
duc de Guise, après la bataille de Dreux (1836) pour
le château d'Eu ; P Embarquement d'Elisabeth d'Angle-
terre à Kenilworth (1840), composé par lui, peint par
son frère Tony. Challamel.
JOHANNOT (Tony), peintre et graveur français, frère
des précédents, né à Offenbach le 9 nov. 1803, mort à
Paris le 4 août 1852. Il travailla avec Alfred aux illustra-
tions de Walter Scott et de Fenimore Cooper, inaugura
le genre des illustrations dans le texte, pour les œuvres
de Molière, le Diable boiteux et Don Quichotte, con-
courut au succès de Manon Lescot, du Voyage sentimen-
tal, du Faust, des Contes de Nodier, et d'autres ouvrages
qu'il enrichit de ses vignettes interprétant avec un tact
remarquable les beautés du texte. Nous rappellerons en
outre des gravures publiées à part, notamment les Enfants
égarés, d'après Scheffer, qui datent de 1827. Parmi ses
tableaux, on cite : la Bataille de Rosebecque (1839) et
Louis VU forçant le passage du Méandre (1841), qui
sont au musée de Versailles ; Louis-Philippe offrant à
la reine Victoria deux tapisseries des Gobelins (1846),
au château d'Eu; Scène de pillage en i525 (1852), etc.
JOHN Bull(V. BuLL[JohnJ).
JOHN 0 Groat. Ce nom qui fut celui d'un passeur fai-
sant le service, au xv^ siècle, au pied du cap Duncansby,
sert encore à désigner cette pointe extrême de l'Ecosse.
La maison de Johnny o Groat a disparu depuis longtemps.
JOHN (Franz, baron de), général et homme politique
autrichien, né à Bruck le 20 nov. 1815, mort à Vienne
le 26 mai 1876. Capitaine au début de la guerre d'Italie
de 1848, il se distingua à Custozza, et devint un personnage
important de l'état-major en attendant le grade de colonel
qu'il obtint en 1857. Chef d'état-major en Tirol, puis en
Vénétie, il devint, en 1861 major général, et en 1866,
après la seconde victoire de Custozza qu'on lui devait en
partie, feld-maréchal-lieutenant. Au mois d'octobre de la
même année, il fut appelé au ministère de la guerre, por-
tefeuille qu'il conserva seulement jusqu'en janv. 1868.
Feldzeugmeister en 1873, il occupait au moment de sa
mort le poste de chef de l'état-major général.
JOHN (Eugénie), connue sous le surnom de Marlitt,
romancière allemande, née à Arnstadt (Thuringe) le 5 déc.
1825, morte à Arnstadt le 22 juin 1887. Fille d'un mar-
chand, sa belle voix lui valut la protection de la princesse
de Schwarzburg-Sondershausen ; elle acheva son éducation
musicale à Vienne, entra au théâtre, mais dut le quitter
pour une maladie de l'ouïe. Elle fut alors pendant une
dizaine d'années lectrice de la princesse, puis se retira à
Arnstadt (1863). A partir de ce moment, elle se consacra
JOHN — JOHNSON
— 472 —
à la rédaction de romans qui parurent dans la Gartenlaube
et obtinrent un succès universel ; ce sont des romans à
thèse, où Marlitt combat des préjugés sociaux ; ils sont vi-
vants et intéressants, mais d'une médiocre psychologie, assez
maniérés et d'une vérité douteuse : Die zwœlf Aposteln
(Leipzig, 1863); Goldelse (J866; i8« éd., 1885); Blaubart
(1866); Das Geheimniss der alten Mamsell (1867) ;
Thuringer Erzœhlungen (1 869) ; Reichsgrœfin Gisela
(1869) ; DasHeideprmzesschen(iS"Ji) ; Diezweite Frau
(1873) ; Im Hause des Kommcrzienrats (1877) ; [m
Schilling shof (1880); Amtsmanns Magd (1881) ; Die
Frau mit den Karfunkelsteineii (488o). A. -M. B.
JOHN (Richard-Eduard), juriste allemand, né à Ma-
rienwerder le 17 juil. 1827, mort en sept. 1889. Profes-
seur des universités de Kœnigsberg(1856),de Kicl (1868),
Gœttingue (1869), député à la Chambre prussienne (1862-
67), un des fondateurs du parti national-libéral, il fut un
des criminalistes les plus remarquables de notre époque. Ses
principaux ouvrages sont : DasStrafrechtinNoi^ddeutsch-
landzur Zeit der Gesetzbûcher (1858) ; Die Lehre vom
fortgesetzten Verbrechen (Berlin, 1860) ; Ueber Straf-
anstalten (Berlin, 1865) ; Entwiirf zu einem Straf-
gesetzbuch (1868) ; Ueber Geschwornengerichte und
Schœffcngerichte (Berlin, 1872). Il a exposé ses idées
dans l'encyclopédie juridique de Holtzendorff et rédigé dans
la collection de Bezold (Gesetzgebung des Deutschen
Ueiches) la partie relative au droit pénal (Erlangen,
(1881-84). A.-M. B.
JOHN ES (Thomas) (V.Jones).
JOHNSON (Richard), écrivain anglais, baptisé à Lon-
dres le 24 mai 1573, mort vers 1659. On ne sait rien de
sa vie. Il débuta par Nine Worthies of London (1592,
in-4) et donna bientôt le hvre qui fit sa réputation et qui
fut extrêmement populaire, Famous Historié of the sea-
ven Champions ofChristendom(i^91, in-4, 2^ éd.). En-
couragé par le succès, Johnson se mit à écrire force romans
dont les plus intéressants sont: Pleasant Conceites of old
Hobson(i601 , in-12), réimprimé en 1843 par la Percy
Society ; The Most Pleasant History of Tom à Lincolne
(1607); The Golden Garland of princely pleasures and
délicate delights (1620, in-12, 3^ éd.), chants et sonnets ;
The History of Tom Thumbe (1621, in-12). R. S.
JOHNSON (Edward), historien américain, né dans le
Kent (Angleterre) en 1600, mort à Woburn (Massachu-
setts)le 23 avr. 1672. Auteur d'une intéressante History of
New England de 1628 à 1652, insérée dans Massachus-
setts historical Collections, aux t. Il, III, IV, VII et Vllt.
JOHNSON (Benjamin) (V. Jonson).
JOHNSON (Samuel), théologien et polémiste anglais,
né en 1647, mort en mai 1703. Chapelain domestique de
sir William Russel, il mit ses connaissances sur l'histoire
constitutionnelle de son pays au service du parti whig. Dès
1681 il entra en polémique avec Hickes au sujet du pa-
pisme et des tendances papistes du duc d'York, le futur
Jacques II. Condamné par Jeffreys (nov. 1683) à la dé-
tention, il ne laissa pas de publier des pamphlets antipa-
pistes, notamment, en 1686, An Humble and Hearty
Address to ail the english protestants in the présent
Army^ qui fut distribuée aux soldats du camp de lïouns-
low Heath. Pour ce pamphlet, il fut dégradé de la prê-
trise, exposé au pilori, et reçut 317 coups de fouet de
Newgate à Tyburn. En 1689, le Parlement whig annula la
procédure infamante de 1686, et recommanda à Guil-
laume III ce martyr de la tyrannie de Jacques II pour un
bénéfice. On lui oiSPrit le titre de doyen de Durham ; il re-
fusa; il espérait mieux. Aigri par cette déception, il se
laissa aller à dénoncer les apologies hypocrites de la Ré-
volution, faites par les courtisans de Guillaume III, qui ne
renonçaient point à la doctrine du droit divin. On lui prêta
ce mot que le seul titre de Guillaume était la volonté du
peuple, et que si les rois n^étaient responsables que devant
Dieu seul, le Rump Parliament avait bien fait jadis d'en-
voyer Charles P*' devant Lui. Une grosse pension ne
l'apaisa pas. En 1602, il publia un exposé, à sa manière,
des principes de la Révolution : An Argument proving
that the Abrogation of King James was according io
the Constitution of the English Government, qui lui
valut, de la part d'adversaires masqués, des coups de bâton.
Ses œuvres complètes ont été réunies, sous le titre de Memo-
rials, en 1 vol. in-fol. (Londres, 1710; 2^ éd., 1713). L.
JOHNSON (Benjamin), acteur anglais, né vers 1665,
mort en août 1742. A partir de 1696 jusqu'à sa mort, il
joua sur les scènes de Drury Lane et de Ilaymarket, avec
un très grand succès, les premiers rôles des pièces de
Farquhar, de Mrs. Centlivre, de Congreve, de Ben Jon-
son. Il était plus correct que brillant, mais surtout extrê-
mement consciencieux. Aussi durant sa longue carrière ne
perdit-il jamais la faveur du public. R. S.
JOHNSON (Charles), auteur dramatique anglais, né en
1679, mort le 11 mars 1748. Inscrit au Middle Temple en
1701, il dut à sa liaison avec le célèbre acteur Robert
Wilks le penchant pour le théâtre qui lui fit abandonner
la jurisprudence. Après des débuts peu brillants, il donna à
Drury Lane une bonne comédie, The Wife's Relief (12 déc.
1711). Son succès lui monta tellement la tête qu'il ne crai-
gnit point d'attaquer Pope qui se vengea en raillant cruel-
lement, dans la Dunciade, sa fatuité et sa fécondité. Hardi
plagiaire, Johnson a, en effet, laissé de nombreuses pièces,
parmi lesquelles nous citerons: Country Lasses (1715),
qui tint l'affiche jusqu'à la fin du xvni'^ siècle; The Sticcess-
ful Pijrate (1713); The Female fortune teller (1726) ;
The Sultaness (1717), adaptation du /)(2/az-^/^ de Racine ;
The Victim (1714), adaptation d'//?/iz^^'72z^. R. S.
JOHNSON (Le capitaine Charles), littérateur anglais du
xvm^ siècle. On ne sait rien de sa vie et il est plus que pro-
bable que son nom est un pseudonyme. Quoi qu'il en soit,
c'est sous ce nom que parut un livre qui a eu une fortune
incroyable : A Gejieral History ofthe robberies and mur-
ders of the most notorious pyrates, etc. (Londres, 1724,
in-8), trad. en hollandais (1727), en allemand (1728), on
français (1726) et souvent réimprimé. On a publié sous le
même nom : A General History of the lives and adven-
tures of the most famous highivay men, murderers,
Street robbers^ etc. (Londres, 1734, in-foL), ouvrage fort
recherché des bibliophiles pour ses belles gravures, mais
qui n'est qu'une réimpression des Hightvaymen d'Alexan-
der Smith. R. S.
JOHNSON (Samuel), célèbre écrivain anglais, né à
Lichfield le 18 sept. 1709, mort à Londres le 13 déc. 1784.
Fils d'un petit libraire, il eut une enfance souffreteuse et
témoigna, en même temps qu'une hypocondrie innée, une
précocité extraordinaire. Grâce à la bienveillance d'un
gentilhomme, il put suivre les cours de l'université
d'Oxford (1728) où sa laideur, sa pauvreté, son habituelle
mélancolie lui attirèrent mille vexations. Encore fut-il obligé
d'interrompre prématurément ses études. Il vécut quelque
temps grâce à d'obscures besognes de librairie et occupa un
emploi inférieur dans une école privée deMarket Bosworth.
Le 9 juil. 1735, il épousait Mrs. Porter, veuve d'un mer-
cier de Birmingham, de vingt ans plus âgée que lui, laide,
rouge et fardée, qu'il aimait romanesquement. Les deux
époux ouvrirent une institution de jeunes gens dans les
environs de Lichfield, mais leur aspect hétéroclite épou-
vantait parents et élèves: ils n'en eurent jamais que trois,
dont Garrick. Johnson, dégoûté de l'enseignement, vinten
1737, accompagné de Garrick, tenter fortune à Londres.
Il avait en poche une tragédie, Irène, qu'il offrit vainement
au directeur de Drury Lane. Il réussit à entrer au Gen-
tleman's Magazine, oti il donna de 1741 à 1744 un
compte rendu assez curieux des débats du Parlement. Une
satire à la manière de Ju vénal, London (1738), une Vie
de Richard Savage (1744), intéressante étude des mœurs
de la bohème littéraire du temps, commencèrent à le tirer
de l'obscurité où il végétait. En 1747, il traçait le plan de
son fameux Dictionnaire et, durant les huit années de
labeur énorme que nécessita sa préparation, il pubHa :
— 473 —
JOHNSON
Vanity of human wishes (1749), poème qui excita l'ad-
miration de Byron et de W. Scott ; il fit représenter, sans
succès d'ailleurs, son Irène àDruryLane (6 févr. 4749);
il entreprit dans son Rambler (20 mars 1750-44 mars
4752) tout un cours de morale, parlant tour à tour des
connaissances utiles, de la vengeance, de la patience, de
la retraite, de l'affectation, de la chasse aux héritages, etc.
Ce journal, du même genre, sinon du même talent que le
Spectateur d'Addison, passa d'abord presque inaperçu.
Mais il obtint, quand les numéros eurent été réunis en vo-
lumes, dix éditions successives et établit la réputation de
moraliste de Johnson. Il était célèbre; il fut illustre dès
l'apparition du dictionnaire {A Dictionnary, with a
Grammar and History of the English Lariguage, 4755,
2 vol. in-foL). Ce solide travail, pourtant sans valeur phi-
lologique, mais remarquable par l'excellence des définitions
et le choix judicieux des exemples, lui conquit du premier
coup une autorité indiscutée. Il ne lui apporta pas la ri-
chesse. A la mort de sa mère (4759), il dut, pour payer
les frais de maladie et de funérailles, composer en une se-
maine cette pessimiste History of Rasselas, prince of
Abyssinia, qu'on a comparée, sans raison d'ailleurs, au
Candide de Voltaire, et qui est la plus populaire de ses
œuvres (4775, 5^ éd., traductions en allemand, en français,
en italien, en hollandais, en bengali, en hongrois, en po-
lonais, en grec moderne, en espagnol). Vainement il avait
tenté de conjurer la mauvaise fortune en fondant le Lite-
rary Magazine (4756-58) puis Vldter (1758-60) qui
succombèrent tour à tour. Il dépensait en charités presque
tous ses pauvres revenus, ayant recueilli dans sa maison,
après la mort de sa femme (1752), trois vieilles dames
infirmes et un médecin sans pratiques. En 4762, il reçut
enfin du gouvernement une pension de 300 livres qui lui
permit d'envisager des jours meilleurs. Encore nel'accepta-
t-il pas sans scrupules et se crut-il obligé d'écrire, par
reconnaissance, quelques brochures politiques du plus pur
torysme : The FalseAlarm (4770) ; Thoughtson the late
transactions respecting Falkland Islands (1771), The
Patriot (4774), Taxation no tyranny (4775). Elles
étaient d'ailleurs bien conformes à ses opinions, car il pro-
fessait, avec sa brutale intransigeance, que « le whiggisme
est la négation de tout principe ».
Il est devenu, sans conteste, un véritable dictateur
littéraire. Sa critique fait loi, il est l'arbitre du style.
Dans les clubs, qu'il se plaît à fonder, on rencontre le
peintre Joshua Reynolds, le docteur Nugent, le spirituel
Beauclerk, Langhton, Goldsmith, qu'il a sauvé de la prison
pour dettes en faisant imprimer son immortel Vicaire de
Wakefield, l'acteur Garrick, l'orateur Burke, l'historien
Gibbon, Fox, l'indianiste W. Jones, l'évêque Percy, Adam
Smith, Sheridan, Burney et Boswell, son incomparable
biographe I Sa conversation est recherchée par le roi, par
les plus hautes personnalités de l'aristocratie. Enfin il a fait
la connaissance (1764) d'un riche brasseur, membre de la
Chambre des communes, Henry Thrale, qui, féru à son
-égard d'une admiration sans bornes, lui procure dans sa
maison de Londres ou dans ses maisons de campagne tous
les agréments du confort. C'est l'apogée de sa gloire. Il se
permet quelques voyages, à Oxford, à Lichfield, etc., aux
Hébrides (4773), soutient une polémique retentissante avec
Macpherson pour avoir douté de l'authenticité des poèmes
d'Ossian, pousse jusqu'à Paris (1775) où il s'obstine à
parler latin et où on l'ignore. Entre temps, il a pu-
blié : une édition critique de Shakespeare (1765, 8 vol.),
dont la préface générale est un chef-d'œuvre et qui mérite
de former date dans la littérature shakespearienne; des
préfaces biographiques et critiques pour une collection des
poètes anglais (Livesofthe most emincnt english Poets;
1779-84, 40 vol.; Oxford, 4 864-5, 3 vol.) qui sont le mieux
écrit de ses ouvrages. A partir de 4784, la santé de Johnson
décline rapidement. La mort de son ami Thrale lui porte
un coup funeste. Mrs. ïhraîe, qui lui avait jusque-là té-
moigné une amitié filiale (elle a publié sur lui un recueil
d'anecdotes des plus curieux) l'abandonne pour épouser le
musicien italien Piozzi, dont elle s'est amourachée. Johnson,
privé de son asile, revient à son ancien penchant pour les
clubs, en fonde deux qui ne donnent lieu qu'à des réunions
mélancoliques. Ses infirmités s'aggravent et il meurt après
avoir supporté courageusement les ponctions tentées pour
le soulager de son hydropisie. Le 20 déc. 4784, il fut
enterré à V^estminster Abbey; en 4785, un monument lui
fut élevé à Saint-Paul. Taine a tracé de Johnson un por-
trait saisissant : « On voyait entrer un homme énorme, à
carrure de taureau, grand à proportion, l'air sombre et
rude, l'œil clignotant, la figure profondément cicatrisée
par des scrofules, avec un habit brun et une chemise sale,
mélancolique de naissance et maniaque par surcroît. Au
milieu d'une compagnie, on l'entendait tout d'un coup mar-
motter un vers latm ou une prière. D'autres fois, dans
l'embrasure d'une fenêtre, il remuait la tête, agitait son
corps d'avant en arrière, avançait, puis retirait convulsive-
ment la jambe... On se mettait à table; à peine servi, il
se précipitait sur sa nourriture, comme un cormoran, les
yeux fichés sur son assiette, ne disant pas un mot, n'écou-
tant pas un mot de ce qui se disait autour de lui, avec une
telle voracité que les veines de son front s'enflaient et qu'on
voyait la sueur en découler... Lorsque enfin son appétit
était gorgé et qu'il consentait à parler, il disputait, voci-
férait, faisait de la conversation un pugilat, arrachait n'im-
porte comment la victoire, imposait son opinion doctorale-
ment, impétueusement et brutalisait les gens qu'il réfutait. . .
Cependant, tout en prononçant, il faisait des bruits étranges,
tantôt tournant la bouche comme s'il ruminait, tantôt sif-
flant à mi-voix, tantôt claquant de la langue comme quel-
qu'un qui glousse. A la fin de sa période, il soufflait à la
façon d'une baleine, son ventre ballottait et il lançait une
douzaine de tasses de thé dans son estomac. » On pourrait
s'étonner qu'un pareil grotesque ait été l'idole de toute une
société et des plus élégantes, si l'on ne savait qu'il était
doué des qualités les plus rares. Sous sa rudesse, peut-être
voulue, il cachait un cœur excellent, plein de tendresse et
de pitié pour les faibles, les enfants, les pauvres, les ani-
maux ; ses amis, et ils étaient nombreux, l'adoraient ; sa
grossièreté, peut-être une arme de combat, épargnait les
femmes ; il leur témoignait une politesse raffinée et savait
leur tourner les plus jolis comphments du monde ; son
hypocondrie, à coup sûr produite par sa mauvaise santé,
faisait souvent place à la gaieté la plus éclatante et la plus
communicaîive : « il riait comme un rhinocéros » (l'om
Davies) ; enfin le culte qu'il professait pour la vérité, la
grande dignité de sa vie, sa fière indépendance de carac-
tère inspiraient autant de respect pour sa moralité que pour
sa puissance intellectuelle. Johnson, brillant causeur, ne sau-
rait être considéré comme un écrivain de tout premier ordre,
ni comme un penseur profond. Son style est lourd et ma-
niéré, sa phrase est solennelle, à mots pompeux, à pé-
riodes trop équilibrées. « Docteur, disait Goldsmith, si
vous faisiez une fable sur les petits poissons, vous les feriez
parler comme des baleines. » Ses idées ne brillent ni par
la nouveauté, ni par la hardiesse : ce sont le plus souvent
d'honnêtes lieux communs et là est peut-être le secret de
la popularité sans précédent dont ses ouvrages jouissent en
Angleterre. Outre ceux que nous avons mentionnés ci-
dessus, nous citerons encore: Marmor Norfolciense
(1739) ; Miscellaneous Observations on the tragedy of
Macbeth (1745); Life of Ths. Browne (4756) ; A Joiir-
ney to the western Mes of Scotland (1775); Prayers
and méditations (1785); Letters to Madame Piozzi
(17^88); L6^/^^r5(4892,2vol.), et ûesJohnsoniana (iSm-
4854, 2 vol.) plus ou moins authentiques. Il existe plu-
sieurs éditions de ses OEuvres complètes. La meilleure
est celle d'Oxford (4825, 44 vol.). On a de lui de nombreux
portraits, dont quatre par Joshua Reynolds, un par miss
Reynolds, un par Barry. R. S.
BiBL. : Boswell, Life of Samuel Johnson, éd. du D"-
Birkbeck Ilill ; Londres, 1887, 6 vol. — Ths. Tyer, Biogra-
JOHNSON
— 474
phical Sketch, 1785. -— Robert ANDERSON,Li/(e ofS. John-
son with critical observations on his-works; Londres, 1795,
in-8.— J. Hawkins, Life ofS. Johnson; Londres, 1787, in-8.
— A. MuRPHY, Essay on ihe life and Genius of S. John-
son ; Londres, 1792, in-8. — M""» Piozzi, Anecdotes of Dr.
S. Johnson during ihe last twenty years of his life;
Londres, 1785, in-8. — Macaulay, Vie de Johnson^ dans
Encycl. Britann. — Birkbeck Hill, Dr. Johnson, his
friends and his critics., 1878 — Leslie Stepîien, Life of
S. Johnson, 1879, et D. of National Biogr., t. XXX, 1892.
— Taine, Histoire de la littérature anglaise; Paris, 1863,
t. III, pp. 336 et suiv., in-8.
JOHNSON (Sir William), homme d'Etat anglais, né en
Mande en 1715, mort à Johnson (Etat de New York) le
4 juii. •1774. Venu en 1738 en Amérique, il administra
une vaste propriété qu'un de ses oncles possédait dans la
vallée de la Mohawk, puis fonda lui-même un établisse-
ment dans ces parages et commerçant avec les Indiens ac-
quit sur eux une intluence considérable. Nommé, en i 744,
colonel des Six Nations, il fut chargé en 1748 de la défense
de la frontière et prépara un plan de campagne contre les
Français, qu'il ne put exécuter par suite de la conclusion
de la paix d'Aix-la-Chapelle. En 1755, il était nommé su-
rintendant des affaires indiennes. Chargé de diriger l'expé-
dition contre Crown Point, il battit les Français au Lac
Georges et fut créé baronnet (27 nov. 1755). L'année sui-
vante, il essaye sans succès de ravitailler Oswego elle fort
William Henry; en 1758, il assiste Abercromby à Ticon-
deroga ; en 1759, il commande en second l'expédition contre
le Fort Niagara et s'en empare; en 1760, il est à la tête
du contingent indien qui marche sur Monréal; en 1768, il
signe avec les Indiens le grand traité du fort Stanwix. En
récompense de ses services, il reçut de la Couronne un im-
mense terrain sur la Mohawk où il construisit Johnson
Hall, qui devint le village de Johnson, puis une ville im-
portante. On a de sir William un remarquable mémoire
sur The Languages, customs and manners of the In-
dian Six Nations.^ inséré dans les Transactions de la
Philosophical Society (nov. 1772). Sa correspondance
officielle (au British Muséum) est un document de pre-
mier ordre pour l'histoire de l'Amérique. R. S.
BiBL. : W.-L. Stone, Life of sir W. Johnson; Albany.
1885, 2 vol.
JOHNSON (Reverdy), juriste américain, né à Annapo-
lis le 21 mai 1796, mort à Annapolis le 10 févr. 1876.
Avocat à la cour suprême, il publia avec ïlarris une col-
lection des décisions de la cour d'appel du Maryland (1820-
27, 7 vol.), fut sénateur fédéral (1845-49 et 1863-68),
attorney général des Etats-Unis, sous la présidence de
Taylor, ministre auprès de l'Angleterre (1868-69), où il
négocia, pour l'affaire de VAlabama, un traité que le con-
grès rejeta.
JOHNSON (Andrew), 17« président des Etats-Unis, né
à Raleigh (Caroline du Nord) le 29 déc. 1808, mort à
Carter County (Tennessee) le 31 juil. 1875. Orphelm de
père, il eut une enfance très miséreuse, fut apprenti
tailleur, apprit seul à lire, s'établit en 1826 à Greenville
(Tennessee), où il se maria ; sa femme lui apprit l'écriture
et le calcul. Il prit une part active à la poUtique, organisa
un parti des travailleurs et fut élu alderman (1828), puis
maire (1830) de Greenville. En 1835, il fut élu comme
démocrate à la législature du Tennessee ; son opposition
énergique à un emprunt le fit échouer en 1837, mais ses
funestes prédictions s'étant réalisées, on le réélut en 1839;
il entra au Sénat du Tennessee en 1841, puis fut envoyé
au Congrès en 1843. Les démocrates l'élurent en 1853
gouverneur du Tennessee et le réélurent en 1855, puis ils
l'envoyèrent au Sénat fédéral (déc. 1857). Dans la ques-
tion de l'esclavage, il accepta à contre-cœur le compromis
de 1850 et vota avec les démocrates sudistes. A l'élection
présidentielle de 1860, son Etat voulut le porter; Johnson
soutint ensuite Breckeuridge, le candidat des sudistes ultras.
Mais il se sépara d'eux dos qu'ils manifestèrent leurs vel-
léités de sécession. 11 les combattit énergiquement au
Sénat et fit les plus grands efforts pour empêcJier le Ten-
nessee de se détacher de l'Union. Il faillit être lynché et
I fut brûlé en effigie (mai iS6i). Il était le seul sénateur
du Sud qui prit cette attitude. Lincoln le nomma général
de brigade et gouverneur militaire du Tennessee (mars
1862). 11 s'établit à Nashville et lutta vaillamment, s'effor-
çant de réorganiser les pouvoirs civils réguliers dans le
sens unioniste. En 1864, la convention républicaine, qui
choisit Lincoln comme candidat présidentiel, désigna
A. Johnson pour la vice-présidence. Il fut élu et, un mois
après son entrée en fonctions, l'assassinat de Lincoln en
ht le président des Etats-Unis (15 avr. 1865).
Il poursuivit énergiquement la soumission du Sud, met-
tant à prix l'arrestation de ses chefs, mais s'efforça de
réconciher les sécessionnistes. Il établit dans les Etats
vaincus des gouvernements provisoires, promulgua une
amnistie générale, demandant seulement aux rebelles un
serment de fidéhté. Cette politique lui aliéna le parti qui
l'avait élu. L'opposition éclata dès la réunion du Congrès.
Celui-ci n'acceptait pas que les Etats sécessionnistes fussent
réadmis à envoyer des représentants et à recouvrer tous
leurs droits avant qu'ils n'eussent fourni des garanties de
désarmement complet et pour la protection des noirs éman-
cipés et investis des droits de citoyen. On renvoya à un
comité de quinze membres la validation des pouvoirs des
élus des Etats confédérés. Malgré le veto présidentiel,
qu'une majorité des deux tiers annula, le Congrès maintint
ses décisions. Johnson déclara que c'était une rébellion
nouvelle et entra en conflit absolu avec la majorité. Il
changea plusieurs des ministres de Lincoln, convoqua une
assemblée à Philadelphie pour l'organisation d'un nouveau
parti, profita d'un voyage à Chicago pour faire une cam-
pagne de discours contre le Congrès. Les élections donnè-
rent une grande majorité à ses adversaires. On décida de
subordonner la réintégration des Etats à leur adhésion au
quatorzième amendement à la constitution assurant le droit
de suffrage aux gens de couleur. Les veto du président
contre les décisions successives du Congrès furent brisés
par la rnajorité légale des deux tiers. En 1867, la crise
devint aiguë. Le Congrès avait divisé dix Etats entre cinq
districts militaires et délégué aux commandants militaires
l'autorité fédérale, à laquelle étaient subordonnés les pou-
voirs civils. Le président, s'appuyant sur l'avis de l'attorney
général, donna des ordres combinés pour annuler la loi\
Les généraux Grant, commandant en chef, et Sheridan,
commandant du 5^ district, protestèrent. Le Congrès vota
un acte aux termes duquel les commandants militaires ne
relevaient que du général en chef. Le président destitua
alors le ministre de la guerre Stanton et le remplaça par
Grant, puis il promulgua une amnistie générale et rendit
aux blancs des Etats sudistes leurs droits électoraux. Mais
Stanton en appela au Sénat qui refusa de sanctionner sa
révocation et le remit en fonctions. Johnson le destitua de
nouveau deux mois après (févr. 1868) ; d'accord avec le
Sénat, le ministre refusa de quitter ses fonctions. La
Chambre des députés vota par 126 voix contre 47 la mise
en accusation du président devant le Sénat (24 févr. 1868).
Le procès commença le 23 mars ; l'accusation visait deux*
chefs : attaques contre le Congrès et destitution illégale de
Stanton ; sur les deux chefs, la majorité ne fut que de 35
contre 19 ; il eût fallu les deux tiers pour une condamna-
tion. Johnson, qui s'était appuyé sur l'opinion de Lincoln,
l'emportait. Stanton dut se retirer. Le président promul-
gua une amnistie générale en faveur de tous les sécession-
nistes. Mais, pour chercher un appui, il avait favorisé la
corruption politique. Il ne fut même pas adopté comme can-
didat par les démocrates. Le 4 mars 1869, il transmit ses
pouvoirs à Grant. Après deux échecs électoraux, il rentra
en 1875 au Sénat fédéral pour le Tennessee. A. -M. B.
BiBL. : Savagi<^,, Li/e and state pnpers of A. Johnson;
New York, 1865. — Fostkr, Life und speeches of A. John-
son ; New York, 18(57. — hnpeacliment and Trial of
A. Johnson; Philadelphie, 1868. — Sciiucht, A. Johnson
und die Kœmpfe seiner Zeit; Leipzig, 1879. — V. aussi la
bibl. de l'art. Etats-Unis.
JOHNSON (Eastman), peintre américain contemporain,
- 175 —
JOHNSON — JOHNSTON
né à Lovel (Maine) le 29 juil. 1824. Il étudia à Dusseldorf,
à Paris, à Rome et à La Haye, puis retourna se fixer à
New York où l'on goûte fort ses portraits et ses sujets de
genre, qui ont du caractère et de la couleur.
JOHNSON (Henri), dit Fusin, caricaturiste français,
né à Paris le 15 sept. 1836. Elève de Gleyre,ila collaboré
au journal le Gaulois en 1858 et au Diogène. il a illustré
des ouvrages légers avec beaucoup d'esprit, et parfois avec
de lestes allures. Dans un autre genre, il a publié des dessins
dans le Musée des familles et dans d'autres recueils mo-
raux. Depuis 1883, il expose des toiles qui ne manquent pas
de mérite et des dessins à la plume fort remarquables.
JOHNSTON (Robert), historien écossais, né vers 1567,
mort en 1639. Elevé à l'université d'Edimbourg, à laquelle
il laissa en mourant une donation de 1,000 livres sterling
pour l'entretien de huit étudiants pauvres, il remplit des
fonctions administratives à Londres et occupa ses loisirs à
écrire une Historia Renim Britannicarum... ab anno
i572 ad annum i628, en 22 livres, dont les trois pre-
miers parurent en 1642 (Amsterdam). Thomas Middleton
en traduisit en anglais ce qui se rapporte aux affaires écos-
saises et le publia sous le titre: The History ofScotland
during the Minority of King James (Londres, 1646).
L'ouvrage entier parut enfin en 1655 (Amsterdam, in-fol.).
JOHNSTON (Archibald), homme d'Etat anglais, né à
Edimbourg vers d610, mort le 23 juil. 1663. Avocat au
barreau d'Edimbourg, il conquit une influence politique
considérable en devenant un des membres les plus actifs du
comité formé pour résister aux tentatives de Charles P^'
pour imposer à l'Ecosse le rituel anglais (1638). Un des
auteurs du co venant national, il fut élu à l'unanimité clerc
de l'Assemblée générale de Glasgow, puis procurateur de
l'Eglise. Il prit dès lors à divers titres une part prépondé-
rante aux affaires, accompagnant les commissaires chargés
de négocier la pacification de Berwick (1639), puis le traité
de Ripon (1640), exerçant un contrôle général sur les opé-
rations militaires. Créé le 13 nov. 1641 lord de session
avec le titre de lord Warriston, il assista à la convention
de 1643 à l'assemblée générale de Westminster où il dé-
fendit énergiquement les presbytériens contre les indépen-
dants, devint avocat du roi. Néanmoins, il combattit vive-
ment le fameux engagement pris par le Parlement écossais,
de 1648, d'appuyer Charles, alors prisonnier à Carisbrook
et lorsque cette assemblée eut été dispersée après la ba-
taille de Preston, il siégea pour le comté d'Argyll dans le
nouveau Parlement, auquel il fit adopter VAct of Classes
(23 janv. 1649). Pourtant il figura à la proclamation de
Charles II comme roi à Edimbourg (5 févr.). Après la ba-
taille de Dunbar, il s'allia avec Cromwell qui, en 1658, le
fit entrer àla Chambre des pairs. A la Restauration, Charles II
le fit poursuivre avec la dernière rigueur. Arrêté à Rouen,
il fut extradé et enfermé à la Tour. Il fut pendu sur une
place d'Edimbourg. R. S.
JOHNSTON (James-Finlay-Weir), chimiste anglais, né
à Paisley (Ecosse) le "13 sept. 1796, mort à Durham le
18 sept. 1855. H fut l'élève de Berzelius (1830-32) et
occupa de 1833 à 1855 la chaire de chimie et de minéra-
logie à l'université de Durham. Il était membre de la So-
ciété royale de Londres. Ses plus importants travaux ont
porté sur la chimie agricole et industrielle, et il a écrit un
Catechism of agricuUural Chemistry and Geology
(Edimbourg, 1844, in-8), qui a eu, de son vivant, 35 édi-
tions et qui a été traduit dans les principales langues. Nous
citerons encore, partni ses ouvrages les plus estimes :
Chemical Tables (Edimbourg, 1836, in-4); Eléments
of agricuUural Chemistry and Geology (Edimbourg,
1842, in-8; 6^ éd., 1853, in-i2) ; Instructions for
Analy sis of Soils (Eàimhoiivg^ 1847, in-8 ; 3^édit., 1855) ;
Notes on North America (Londres, 1851, 2 vol. in-8);
Chemistry of Common Lz/^ (Edimbourg, 1853-55, 2 vol.
in-8; 3^ édit., 1879). L. S.
BiBL. : Catalogue of scienUfic papers of the Royal So-
ciety ; Londres, 1869, t. III.
JOH NSTON (Albert-Sidney), général américain, né dans
le comté de Mason (Kentucky) en 1803, tué à Shiloh le
6 avr. 1862. Elève de l'Ecole militaire de West Point, en
1 834, il passa au Texas où il devint général en chef de
l'armée (1836), ministre de la guerre (1838-40); il fut
colonel d'un régiment de volontaires dans la guerre contre
le Mexique, puis fermier sur le rio Brazos (1846-49), ren-
tra au service des Etats-Unis (1849), devint colonel do
cavalerie (1855) et commandant militaire du Texas, puis
fut mis à la tête de l'expédition contre les Mormons de
rUtah (août 1857), ce qui lui valut la promotion au grade
de général de brigade; il entra le l^'' avr. 1858 dans la
cité du lac Salé. En 1861, il reçut le commandement du
département du Pacifique, mais bientôt se joignit à l'armée
confédérée. Il combattit à Bull Runn, reçut le commande-
ment de l'armée de l'Ouest et fut chargé d'organiser des
corps francs dans le Tennessee ; mais il fut battu à Fort
Donelson et rejeté derrière le Tennessee; Beauregard vint
à son secours et livra la bataille de Shiloh où un éclat
d'obus tua Johnston. A.-M. B.
BiBL. : W. JoHNSTOx, Life of gênerai A.-S. Johnston;
New York, 1879.
JOHNSTON (Alexander-Keith), géographe anglais, né
à Kirkhill (Midlothian) le 28 déc. 1804, mort à BenRhyd-
ding (Yorkshire) le 9 juil. 1871. Graveur, avec son frère
William, il donna des cartes remarquables. Ses principales
productions qui ont eu un grand et légitime succès sont :
The National Atlas of historicaL commercial and poli-
ticalGeography (Edimbourg, 1843, in-fol.); The Phy si-
cal Atlas of natural phenomena (1848, in-fol.); The
Dictionary of Geography (Londres, 1850, in-8) ; Atlas
of physical Geography (1852, in-4); Atlas of astro-
nomy (1855, in-4) ; Atlas of the United States, Bri-
tish and Central America (1857, in-fol ); The Royal
Atlas of modem geography (1861, in-fol.), etc. — Son
fils, Alexander-Keith, né en 4844, mort en '1879, au
cours de l'expédition du lac Nyassa qu'il dirigeait, a publié :
Map of the lake régions of Eastern Africa (Edimbourg,
1870) ; The Surface Zones of the Globe (1874), etc.
JOHNSTON ( Joseph-Eccles ton) , général américain , né
dans le comté Prince Edward (Virginie) en févr. 1807.
Elève de l'Ecole de West Point, il fut aide de camp du
général Scott dans la guerre contre les Séminoles, fut at-
taché au bureau topographique (1838) et à la surveillance
des frontières septentrionales (1843), puis des côtes (1844-
46) ; il rendit à Scott les plus grands services dans la guerre
du Mexique, et de capitaine passa colonel d'un régiment de
voltigeurs. En 1860, il était général de brigade. Il passa
du côté des confédérés, fut mis à la tête des troupes de
Virginie (1862) qu'il commanda à la bataille de Bull Runn.
Grièvement blessé à celle de Fair Oaks (31 mai 1862), il
reprit le service en novembre, essaya de débloquer Vicks-
burg, mais fut repoussé à Jackson (14 mai 1863) et se re-
plia sur Canton. Après la défaite de Bragg à Chattanooga
(nov. 1863), il le remplaça et s'établit à Dalton; il fut
alors l'adversaire malheureux de Sherman ; celui-ci tourna
sa position et le battit successivement à Resaca, au col
d'Allatoona, au mont Kenesaw, à Atlanta. Johnson fut
remplacé par Hood (17 juil. 1864). (iuand Sherman
marcha d'Atlanta sur Savannah, Johnston reçut le com-
mandement des débris des forces confédérées du Tennessee,
de la Caroline du Sud, de la Géorgie et de la Floride (févr.
1865). Accablé par des forces supérieures, malgré un succès
à Benton ville (1 9 mars) , il ne put que retarder la défaite finale.
Après la capitulation de Lee, il traita avec Sherman; mais
le président Johnson rejeta cet accord et le 26 avr, 1865
Johnston mit bas les armes avec 27,000 hommes à Durham's
Station, près de Grensboro (Caroline du Nord). Il vécut
depuis dans la retraite à Savannah, s'occupant activement
de restaurer la prospérité des Etats sudistes. H a publié
le récit de ses campagnes : Narrative of military ope-
rations (New York, 1874). A.-M. B.
JOHNSTON (Alexander), peintre écossais, né à Edira-
JOHNSTON — JOÏGNY
476 -
bourg en 4816, mort à Londres en 4894. Elève d'une école
de dessin de sa ville natale, puis à Londres de rAcadémie
royale, où depuis 4838 il exposa des sujets d'histoire anec-
dotique, principalement empruntés aux annales d'Ecosse.
Tableaux principaux ; Galerie nationale : Lord Russell
recevant le sacrement dans sa prison (Paris, exposi-
tion universelle de 4853); Char les- Edouard et Flora
Mac Donald (4847); le Pays des Fidèles (4878); Per-
suasion. On connaît aussi de lui une Charlotte Corday,
JOHNSTON E. Ville du comté de Renfrew (Ecosse), à
40 kil. S.-O. du chef-lieu, dans la commune de Paisley,
sur un affluent de la Clyde; d 0,256 hab. Stat. du chem.
de fer d'Ayr à Glasgow. Filatures et fonderies.
JOHNSTONE (William), marquis d'Annandale, homme
d'Etat anglais, mort à Bath le 44 févr. 1724. Ami de
Monmouth, il hésita fort à se prononcer aux débuts de la
révolution de 4688. Finalement, il adhéra au parti de
Guillaume et s'en trouvant mal récompensé, entra presque
aussitôt dans le Club, ou parti des mécontents, qui fit
au gouvernement une si vive opposition parlementaire.
En 4690, il trama avec Montgomery un complot pour la
restauration de Jacques II. Il s'établit dans les borders
attendant le résultat de la campagne de Mackay contre
Dundee. La dispersion définitive des troupes de Dundee le
fit revenir en hâte à Bath où il feignit une maladie. Puis,
craignant d'être trahi, il révéla lui-même tout le complot
à la reine Marie et s'en remit à sa discrétion. Il subit un
court emprisonnement à la Tour et, à peine en liberté, fut
comblé de faveurs : lord extraordinaire de session, lord de
la trésorerie, président du Parlement de 4695, marquis
d'Annandale (1701), comte d'IJartfell, vicomte d'Annand,
sans compter les pensions. Il avait présidé avec beaucoup de
tact la commission d'enquête sur les massacres de Glencoe.
La reine Anne le tint aussi en haute considération : elle le
nomma lord du sceau privé (1702) et lord président du
conseil privé (1702-06). Secrétaire d'Etat avec Melville
en 4707, il fit une opposition très vive au traité d'union
entre l'Ecosse et l'Angleterre. Elu en 4707 pair repré-
sentant d'Ecosse, réélu en 1708, 4740 et 1745, il fut
nommé par Georges I^"^ garde du grand sceau (1744). Au
début de la rébellion de 4713, il empêcha les rebelles
d'entrer àDumfries. R. S.
JOHNSTONE (James, chevalier de), royaliste anglais,
né à Edimbourg en 4749, mort vers 4800. jacobite zélé,
il rejoignit à Perth le prétendant en 4745, devint aide de
camp de lord George Murray, assista à la défaite de Cul-
loden, put s'échapper et se réfugier en Hollande. Il entra
en 4734 dans la marine française avec le grade d'enseigne,
servit au Canada contre les Anglais, fut aide de camp de
Montcalm. Il revint en France après la capitulation de
Québec et quitta le service avec une pension de 4,485 livres.
Il avait écrit en français un récit de ses aventures dont une
partie fut pubhée (en anglais) sous le titre de History of
the Rébellion of i745-'i 846 [Londres, 4820). Une édi-
tion complète des Mémoires de Johnstone a été donnée
(toujours en anglais) par M. Ch. Winchester (4870).
JOHNSTONE (Charles), romancier anglais, né à Carri-
gogunnel (comté de Limerik) vers 4749, mort à Calcutta
vers 4800. Il appartenait à la famille des comtes d'Annan-
dale. H est surtout connu par un roman à clef qui obtint
un succès considérable et qui est une des meilleures chro-
niques scandaleuses du temps : Chrysal or the adven-
tures of a Guinea (Londres, 4760-65, 4 vol., nombr.
éd.). On peut encore citer de lui : The Rêverie (4762,
2 vol.); The Pilgrim (1775, 2 vol.); History of John
Juniper (ilSi, 3 voL)- R. S.
JOHNSTONE (Christian-Isobel), femme de lettres écos-
saise, née en 4784, morte en 4857. Mariée d'abord à un
Mr. Mac Leish, elle épousa, après divorce, John Johns-
tone, instituteur à Dunfermlme, qui alla s'installer à In-
verness, où il acheta VInverness Courier. On les retrouve
plus tard à Edimbourg, intéressés dans différentes publica-
tions dont John Johnstone était à la fois, la plupart du
temps, rédacteur, éditeur et imprimeur. Mrs. Johnstone aidait
activement son mari et, de4834à 4846,elle dirigea le Taifs
Magazine. On a d'elle : The Cook and Houseivife's Ma-
nual (1826); The Diversions of Hollycot, or Art of
Thinking (1828) ; Lives and Voyages of Drake, Caven-
dish and Dampier (1831); True Taies ofthe Irish Peas-
antry et plusieurs romans ou nouvelles, publiés anonyme-
ment ou sous le pseudonyme de Mrs. Margaret Dods.
JOHNSTONE (James), publiciste anglais, né à Londres
le 26 juin 1845, mort à Coulsdon (Surrey) le 24 oct. 4878.
Chef d'une importante maison de syndic de faillites, il
acheta en 1 857 à Charles Baldwin la propriété du Morning
Herald et du Standard. Johnston fit du Standard une
feuille du matin, doubla son journal et réduisit son prix,
ce qui lui donna une extension considérable. Il publia en
même temps le Morning Herald jusqu'en 4869, fonda
VEvening Herald (1857-65) et ÏEvening Standard
(1870) qui tira souvent à plus de cent mille exemplaires.
Tous ces journaux défendaient la politique conservatrice.
JOHNSTOWN. Ville des Etats-Unis, Etat de Pennsyl-
vanie, sur le Conemaugh et le canal de Pennsylvanie;
10,000 hab. Grands établissements métallurgiques.
JOIGNEAUX (Pierre), agronome, publiciste et homme
politique français, né à Ruffey~lès-Beaune (Côte-d'Or) le
23 déc. 1815, mort à Bois-Colombes (Seine) le 25 janv.
1892. D'abord élève de l'Ecole centrale, il se lança bientôt
dans la politique militante, fut condamné en 4838 à quatre
années de prison pour participation à la rédaction d'une
feuille clandestine, l'Homme libre. Envoyé par son dépar-
tement à l'Assemblée constituante de 1848, puis à l'As-
semblée législative de 1849, il fonda la Feuille du village
(1849-51), organe de propagande républicaine, qui eut un
vif succès. Expulsé à la suite du coup d'Etat, il rentra en
France en 4859, à la faveur de l'amnistie générale, con-
tinua à s'occuper d'agronomie, échoua dans la Côte-d'Or
et la Sarthe aux élections de 1 869 et, durant le siège de
Paris, s'occupa de créer des cultures maraîchères dans les
terrains^ vagues delà capitale. Le 8 févr. 1871, il fut en-
voyé à l'Assemblée nationale par la Côte-d'Or, qu'il conti-
nua à représenter jusqu'aux élections de 1889, où il dé-
clina toute candidature. Peu après, à une élection partielle,
il fut élu sénateur de la Côte-d'Or. Dans ces diverses as-
semblées, il siégea à l'extrême gauche et s'occupa surtout
de questions agricoles. Il a écrit beaucoup d'ouvrages et
des brochures de toute sorte pour la vulgarisation des con-
naissances agronomiques : Dictionnaire d'agriculture
pratique, avec le D^ Moreau (Paris, 4855, 2 vol. in-8) ;
le Livre de la Ferme, avec de nombreux collaborateurs
(Paris, 1861-64, 2 vol. in-8; ¥ éd., 1890), etc. Il est
aussi l'auteur de divers travaux d'érudition et il a publié
quelques mois avant sa mort ses Souvenirs historiques
(Paris, 1891, 2 vol. in-42). On lui a élevé un buste à l'Ecole
d'horticulture de Versailles (déc. 1894). L. S.
J0I6NY. Com. du dép. des Ardennes, arr. deMézières,
cant. de Charleville; 668 hab. Stat, du chem. de fer de
l'Est, ligne de Paris à Givet par Reims, Ferronnerie.
^ JOIGNY [Joviniacum). Chef-heu d'arr. du dép. de
l'Yonne, sur une colline qui domine la rive droite de
l'Yonne; 6,248 hab. Stat. du chem. de fer de Paris-Lyon-
Méditerranée. Commerce de grains. Vins célèbres de la
Côte-Saint-Jacques et de Verger-Martin. C'est à tort qu'on
a identifié Joigny avec le Baîidritim de la Table de Peu-
tinger. Joigny n'apparaît dans l'histoire qu'au x^ siècle,
bien que la forme de son nom indique que cette localité
existait en tant que villa, appartenant à un certain Jovi-
nius, au moins dès l'époque gallo-romaine. A la fin du
x« siècle, le comte de Sens, Rainard, y fit bâtir un châ-
teau. Sa fille Adélaïde hérita de lui le territoire de Joigny,
qui forma dès lors un comté démembré de celui de Sens.
Adélaïde épousa un certain Geoffroy, mort en 4042 au
plus tard. Leur fils, Geoffroy II, leur succéda dans le
comté de Joigny; mais il mourut sans enfants, et son
comté revint à Adélaïde qui avait épousé en secondes no'^es
477 ^
JOIGNY -^ JOINT
Engelbert, comte de Brienne, qui maria la fille de sa
femme à Etienne de Vaux, ducfuel sortit la première maison
de Joigny. Au mois de sept. 1300, le comte Jean lïl et
Agnès, sa femme, accordèrent aux habitants de Joigny,
moyennant 4,000 livres de petits tournois, une charte les
atfranchissant de toutes tailles et servitudes, et leur accor-
dant quelques franchises, telles que le droit d'aller et de
venir librement, la garantie contre la prise des meubles et
des provisions par leurs officiers, l'assurance de ne pas
être obhgés à plaider hors de la ville ni à aller à l'host
hors du comté, sinon pour le service du roi ou dans le cas
où le comte serait à la tète des troupes. La communauté
présentait des sergents au prévôt du comte pour faire le
guet et garder les biens. Cette charte fut confirmée par le
roi comme comte de Champagne. Le comte de Joigny était
Fun des sept pairs du comté de Champagne. L'organisation
municipale ne remonte qu'au xvi^ siècle ; Joigny avait un
maire assisté de trois échevins, élus par les habitants.
Jeanne, comtesse de Champagne, qui avait épousé Charles
de Valois, mourut en 1330. Sa succession échut à son
plus proche parent, Simon de Sainte-Croix, qui céda ses
droits à Charles de Valois, qui rétrocéda le comté à Jean
de Noyers en 4337. Le comté de Joigny passa, en 1438,
dans la maison de La Trémoille, en la personne de Louis
de La Trémoille, fils de Marguerite de Noyers et de Gui
de La Trémoille. Le comté échut ensuite à la famille de
Sainte-Maure, puis, en 1576, à celle de Laval. En 1603,
Gabrielle de Laval vendit le comté à Pierre de Gondi.
En 1703, Françoise de Gondi l'abandonna au duc de Vil-
leroy, son héritipr. En mai 14^9, les Anglais assiégèrent
Joigny. Dans une escalade de nuit, les assaillants turent
vigoureusement repoussés. Les habitants, attribuant leur
victoire à la protection de la Vierge, lui dédièrent les tro-
phées de leur victoire dans le prieuré de Notre-Dame; un
fragment d'échelle, qui en provient, se voit encore dans
l'église Saint-André. Le l"i juil. 1530, la plus grande partie
de la ville fut détruite. Joigny prit partie pour la Ligue.
En 1591, elle résista aux attaques de Sully. Le 26 mars
1594, la ville ouvrit ses portes au maréchal de Biron. En
1870, elle fit une vaine tentative de résistance aux troupes
allemandes.
Monuments. — Voie romaine d'Auxerre à Sens. Cime-
tière antique au lieu dit Mouchette, découvert en 1820.
Restes du château du x^' siècle ; porte Saint-Jean, du
xii^' siècle. Eglise Saint-Thibaud, à trois nefs, des xv*^ et
xvi^ siècles; tour du xvii^ siècle; statue d'Etienne Por-
cher, sergent d'armes du roi, xiv^ siècle. Eglise Saint-
Jean, à trois nefs (1504-1596), restaurée et agrandie en
1856; tour carrée, avec lanterne, datée de 1609 ; cette
église était comprise dans Fenceinte de l'ancien château.
Eglise Saint-André, à deux nefs, du xv^ siècle, remaniée
aux XVI® et xvii'^ siècles ; porte de la Renaissance. Porte
du xiii^ siècle de l'ancien prieuré de Notre-Dame. Chapelle
funéraire dite des Ferrands, du xvi^' siècle, bâtie par
Jacques Ferrand, archidiacre de Sens. Château des comtes,
commencé en 1569, presque entièrement construit par
Pierre de Gondi, achevé en 1613. Hôpital Notre-Dame,
avec façade du xvn^ siècle. Maisons des xvi^ et xvn^ siècles.
Pont du xviii® siècle. Palais de justice, avec une façade
de 1817. Archives municipales contenant des documents
depuis le xui® siècle. Archives de l'hôpital. Archives du
tribunal civil. Bibliothèque municipale (10,000 vol.).
Armoiries. — D'azur^ la ville en perspective, vue du
Sud-Ouest, Vhôtel de ville girouette, les églises, le
ctiàteau et les bâtiments ajourés, essorés de gueules^
la porte ouverte, les tours ajourées, maçonnées de
sable, et, sur l'ouverture de la 'porte de la ville, un
maillet d'or, le manche en haut,
BiBL. : Almanach historique de la ville, diocèse et
bailliage de Sens, année 178^;, p. 37; année 1783, p. 19. —
Carlier, Notice sur les comtes de Joigny, dans Bulletin
de la Soc. archéolog. de Sens, 18b3, t. Vlil. p. 309. — Ch.
Demay, Relation de l'attaque de Joigny en 1651, dans
Bull, de la Soc. des sciences de V Yonne, 1873.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
JOINT. I. Technologie. — En terme de maçonnerie, ce
sont les faces par lesquelles les pierres sont contiguës laté-
ralement, tand.:, qu'on nomme lits leurs plans de séparation
horizontaux. En terme de construction, ce sont les plans
suivant lesquels les conduites de distribution, les tuyaux
ayant des longueurs limitées, sont raccordés bout à boat ;
ces joints doivent naturellement être étanches et préparés
de manière à ne pas laisser fuir les liquides ou les gaz qu'ils
renferment. Les joints de vapeur, comme ceux de tous les
orifices pratiqués dans les chaudières, doivent être particu-
lièrement soignés. En terme de menuiserie, on appelle joint
la face la plus petite de chaque planche ; les assemblages à
plat-joint sont ceux qui se tont sans rainure ni baguette.
En terme de pavage, c'est l'entre-deiix de chaque pavé
que l'on remplit le plus généralement de sable, quelquefois
de mortier ; les joints situés entre chaque pavé de la même
rangée se nomment joint de rive ; ceux qui se trouvent
entre chaque rangée portent le nom de joint en bout.
IL Architecture. — Les dispositions et les intervalles
donnés aux joints des assises de pierre dans une bonne cons-
truction, dispositions et intervalles qui sont motivés par la
nature même de la pierre mise en œuvre, prennent le plus
souvent une importance considérable pour l'aspect et
l'échelle d'ensemble d'un édifice et deviennent ainsi une des
données caractéristiques du style d'architecture de cet édi-
fice en même temps qu'ils peuvent servir à déterminer
l'époque de sa construction. C'est ainsi que, sans remonter
aux temps anciens ni même au moyen âge, les appareils
d'architecture des édifices construits à Paris de nos jours,
appareils répondant à la nature des pierres employées, sont
bien différents comme proportions des appareils usités à
la fin du dernier siècle et, pour en citer un exemple, les
bâtiments de l'ancien Garde-meuble et du Ministère de la
marine, place de la Concorde, ont, par le peu de hauteur
de banc de la pierre du bassin de Paris qui a servi à leur
construction, un aspect grandiose qu'ils ne sauraient pré-
senter s'ils étaient construits de nos jours avec une pierre
des carrières de l'Oise ou de Lorraine, dont la grande hau-
teur de banc permettrait de faire des assises deux et trois
fois plus hautes que celles existantes. Charles Lucas.
ni. Mécanique. — On donne le nom de joint aux articu-
lations de diverses formes, telles que charnières, four-
chettes, etc. Le joint brisé est un organe de transmission
de mouvement servant à relier deux arbres concourants ou
parallèles d'un faible écartement. Nous citerons, comme
exemple, le joint universel inventé par Cardan, géomètre
français, qui vivait au xvi^ siècle et qui est connu, en An-
gleterre, sous le nom de Hooke, bien que ce géomètre soit
né cinquante-neuf ans après la mort de Cardan. Ce joint est
d'ailleurs peu usité, sauf sur certains arbres de couche très
longs qu'on veut briser pour se garantir des tassements
irréguliers ; il est appliqué plus fréquemment en Hollande
oti il sert à relier les moulins à vent avec les vis d'Archi-
mède employées aux épuisements, ce qui lui a fait aussi
donner le nom de joint hollandais. Le joint universel se
compose essentiellement d'un croisillon présentant aux
extrémités des deux diamètres perpendiculaires quatre tou-
rillons dont les axes se coupent mutuellement en deux par-
ties égales au centre du croisillon. Les deux tourillons d'un
même axe tournent sans glissement longitudinal dans les
branches d'une fourche montée à l'extrémité de l'un des
arbres de rotation ; les deux autres tourillons tournent pa-
reillement dans la fourche qui termine l'autre arbre, et le
centre du croisillon est situé au point d'intersection du pro-
longement des deux arbres. On conçoit que, si l'une des
fourches est animée d'un mouvement ne rotation autour de
son axe, elle entraîne l'autre fourche et, par suite, l'axe
correspondant dans un mouvement qu'il est facile d'étudier.
On reconnaît, en outre, que la transmission deviendrait
impossible si les deux axes se coupaient a 90*^, et aussi
n'emploie-t-on ce mouvement que si les deux axes font
entre eux un angle très obtus. Lorsque l'angle des deux
axes est voisin de 90*, il est préférable de recourir à un
12
JOINT — JOINVILLE
— 178
axe auxiliaire coupant les deux premiers sous un angle ob-
tus de 430<* à 140*^ et de le relier à chacun de ceux-ci par
un joint universel. On remplace souvent cet axe intermé-
diaire, lorsqu'il doit être très court, par une pièce portant
seulement les deux fourches qui le terminent; c'est la dis-
position connue sous le nom de double joint de llooke.
Enfin, on peut encore citer le joint do Oldham, qui est em-
ployé pour assurer la transmission du mouvement entre
deux axes parallèles très peu distants. Ce joint comprend
aussi un croisillon transmettant le mouvement par l'inter-
médiaire de deux fourches réunissant les extrémités des
axes à relier, mais il diffère de celui de Cardan en ce que
les bras du croisillon peuvent glisser longitudinalement dans
les fourches en même temps qu'ils tournent dans le plan
du croisillon autour de l'arbre moteur. L. Knab.
IV. Marine. — On entend par joint dans les machines
marines, tuyaux de vapeur, tuyaux conducteurs d'eau, etc.,
toute disposition qui sert à rendre étanche la réunion de
deux pièces juxtaposées. Les joints sont de difiérentes na-
tures suivant le but qu'ils doivent remplir. Ils se font tous
avec différents mastics dont ils portent le nom. Le mastic
est appliqué entre les deux surfaces à joindre et tous les
écrous sont serrés en même temps. C'est ainsi qu'on a les
joints au minium (1 partie minium, i partie céruse, huile
de lin) employé à la jonction des pièces qui doivent se dé-
monter et ne sont pas exposées directement au feu, telles
que : assemblage de tuyaux, portes autoclaves, etc.). Joints
♦'). la céruse, même but que le précédent. Joints au mastic
de fer (tournure de fonte, 40 parties en poids ; fleur de
soufre en poudre, 2; sel ammoniac, 4 : humecter avec de
l'eau de mer) employé pour les joints des pièces en fer ou
on fonte qui ne doivent pas se démonter. Joints au caout-
chouc employé pour les tuyaux d'eau froide, etc.
V. Mathématiques. — Le célèbre naturaliste Buffon
s'est quelquefois occupé de mathématiques, et en particu-
lier de questions concernant le calcul des probabilités ; le
jeu du joint couvert, dont il a donné la théorie dans son
histoire naturelle, consiste à lancer au hasard une pièce de
monnaie sur un parquet pavé avec des hexagones réguliers
égaux ; on gagne quand la pièce tombe sur le périmètre
d'un des polygones en question. La probabilité de perdre à
ce jeu est le rapport des aires des deux hexagones réguliers
homothétiques dont l'un est la surface du pavé et dont
l'autre a son côté à une distance du côté de celui-ci égal
au rayon de la pièce. Soit a le côté du pavé, r le rayon de
la pièce, la probabilité de perdre au jeu de franc carreau
est
2
4
et celle de gagner -•-—-•
Le jeu de franc carreau a donné lieu à une foule de pro-
blèmes des plus intéressants sur le calcul des probabilités.
En voici quelques-uns : sur un parquet formé de lignes
parallèles équidistantes, on jette au hasard un petit bâton,
on demande la probabilité pour qu'il rencontre une des pa-
rallèles en question — le calcul apprend que cette proba-
%
bilité est — ■' / désignant la longueur du bâton et a la dis-
tance de deux raies du plancher. — ■ Si / = a. cette proba-
bilité devient - ; de là résulte un moyen expérimental pour
calculer le nombre tc et qui consiste à lancer un grand
nombre de fois un bâton de longueur l sur un parquet
formé de raies distantes les unes des autres de la quantité
égale /. Si sur un nombre total N d'épreuves le bâton a
rencontré n fois une raie du plancher, on aura :
Z — !L
et cela avec une approximation d'autant plus grande que n
sera plus grand. Mais il ne faut pas se faire d'illusion sur
la valeur pratique de cette méthode ; et, pour obtenir le
1
nombre Tt à j-rr près, il faut faire au moins 5,000 épreuves.
La probabilité pour qu'une pièce de monnaie de rayon r
rencontre un plancher formé de raies distantes les unes des
T
autres de la quantité a est - ; si au lieu d'une pièce circu-
laire on projetait un disque de forme convexe quelconque,
s
la probabilité de rencontre serait ^ — , s désignant la lon-
gueur du périmètre du disque. H. Laurent.
JOINTE. On donnait ce nom, dans les anciens Pays-Bas,
aux collèges administratifs délégués par le gouvernement
central, soit temporairement, soit d'une manière perma-
nente. Les principales jointes étaient la chambre héral-
dique, les jointes des eaux, des monnaies, des monts-de-
piété, la jointe des administrations et des subsides. Les
unes n'avaient qu'un caractère consultatif, d'autres parti-
cipaient à l'exercice du pouvoir exécutif. Leurs membres
étaient toujours nommés par le gouvernement.
BiBL. : PouLLET, les Constitutions nationales belges de
Vancien régime^ t. XXVI des Mém. de l'Acad.roy. de Bel-
gique.
JOINTOIEIVIENT (Gonstr.). Se dit du remplissage des
joints d'une maçonnerie avec un mortier liquide. La ma-
çonnerie de parement vu doit être jointoyée immédiatement
après son ragrément, soit au fur et à mesure de son éléva-
tion, soit après son achèvement. Les jointoiements ont pour
but d'empêcher les dégradations dans les maçonneries et de
donner un aspect plus agréable à l'appareil. Lorsque le join-
toiement a lieu au fur et à mesure de l'élévation de la ma-
çonnerie, on applique du mortier fin dans tous les joints,
de manière à bien tracer le contour des pierres et on le
serre avec le tire-joint contre ce contour, en enlevant avec
soin toutes les bavures. On laisse le mortier rejeter son
eau et prendre une certaine consistance, puis on le foule
et on le lisse à plusieurs reprises avec une spatule en fer,
jusqu'à ce que le retrait occasionné par la dessication ne
donne plus lieu à aucune gerçure. Dans le cas où l'on em-
ploie un autre mortier que celui de pose, on commence par
enlever le mortier de pose sur 5 centim. de profondeur au
moins et on le remplace par le nouveau mortier que l'on
serre avec force dans les joints, de manière à le bien sou-
der avec le mortier encore frais de la maçonnerie. Lorsque
le jointoiement a lieu après l'achèvement de la maçonne-
rie, on commence par dégrader au moyen d'un crochet en
fer le mortier des joints sur une profondeur de 3 à 5 cen-
tim. et par dresser au besoin les arêtes au moyen d'une
règle et d'un ciseau bien affûté ; puis, après avoir épous-
seté les joints, on les lave avec une brosse de chiendent
trempée dans du lait de chaux clair et on les remplit avec
le mortier prescrit. L'opération s'achève ensuite comme
précédemment. Pour un parement en pierres de taille, les
surfaces de jointoiement sont tenues en retraite de 3 mil-
lim. par rapport au plan des arêtes des pierres de taille.
JOINVILLE. Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-Marne,
arr. de Wassy ; 4,478 hab. Stat. du chem. de fer de l'Est,
sur la hgne de Paris à Chaumont. Centre des exploitations
de minerai de fer et des grandes usines métallurgi(jues de
la région ; hauts fourneaux avec fonderie et atehers de
construction ; fonderie de cuivre, fabriques de machines-
outils à travailler les métaux; de chaînes de fer, de
brouettes, etc. Chambre consultative des arts et manufac-
tures. Cette ville, située dans une position pittoresque, sur
la rive gauche de la Marne, au pied d'un coteau que cou-
ronnait autrefois une imposante forteresse, fut le siège, dès
le haut moyen âge, d'une seigneurie puissante érigée bien-
tôt en baroiinie. Ses titulaires, pendant plus de deux siècles,
remplirent la charge de sénéchaux de Champagne; mais
le plus célèbre fut Jean (V. ci-dessous), mort en 13^24,
l'ami fidèle et le touchant biographe de Louis IX. A la fin
du XI v^ siècle, la terre de Join ville passa dans la maison
régnante de Lorraine, puis à une branche cadette, et fu
i19 —
JOINVILLE
attribuée à Claude de Lorraine, le chef de la fameuse mai-
son de Guise ; dans les premières années du xvi^ siècle.
Henri II, en 4552, l' érigea en principauté, au profit du
duc François de Guise. On sait le rôle considérable que
jouèrent dès lors, dans notre histoire, les nouveaux sei-
gneurs de Joinville. C'est au château de Joinville que fut
signée, le 34 déc. 4584, entre les représentants de Phi-
lippe II, roi d'Espagne, et les chefs de la Ligue, Falliance
dite du Bien public. Vers la fin du xnf^ siècle, la princi-
pauté de Joinville passa par héritage à la famdle d'Orléans
qui la conserva jusqu'à la Révolution ; le duc d'Orléans,
Philippe-Egalité, vendit alors le château, à charge pour les
acquéreurs de le démolir, clause qui fut malheureusement
exécutée. — La ville, à travers les vicissitudes des inva-
sions et des guerres intestines, fut assiégée et pillée à di-
verses reprises. Charles-Quint, en 4544, s'en empara de
vive force et l'incendia. Elle a conservé cependant un cer-
tain nombre de maisons en bois du xvi® siècle ; un jardin
botanique, très bien soigné, situé aux abords de la gare, et
le Petit-Bois^ immense pelouse ombragée de beaux arbres,
donnent accès au château du Grand-Jardin, ancienne mai-
son de plaisance de Claude de Lorraine, premier duc de
Guise, qui la fit construire pour sa femme, Antoinette de
Bourbon, dans la première moitié du xvi^ siècle. Cette gra-
cieuse demeure (mon. hist.) forme un rectangle dont les
deux façades sont ornées de sculptures d'un goût délicat.
Sur la place du Marché s'élèvent une vieille halle et l'église
Notre-Dame, en partie des xii®, xni^ et xvi® siècles. L'hô-
pital Sainte-Croix, fondé par Claude de Lorraine et Antoi-
nette de Bourbon, remanié et agrandi en 4826 et 1864, a
gardé des constructions primitives un grand bâtiment à
pignon dont on admire, à l'intérieur, la magnifique char-
pente. On y voit de beaux émaux de Léonard Limosin, re-
présentant les fondateurs, le duc et la duchesse de Guise ;
un maître-autel en bois doré, des tapisseries anciennes, et
un curieux coftVe-fort provenant du vieux château. Dans le
cimetière, on remarque la jolie chapelle gothique de Sainte-
Anne (4502), ornée de beaux vitraux de la Renaissance,
et le monument commémoratif des anciens seigneurs de
Joinville, construit en 4844 avec les débris des tombes de
marbre noir renversées à l'époque de la Révolution. L'hôtel
de ville renferme une intéressante tapisserie des Gobelins,
des boiseries du xv® siècle, et deux statues en marbre
blanc, œuvre de Dominique le Florentin, qui proviennent
du mausolée de Claude de Lorraine et d'Antoinette de
Bourbon. Dans la rue du Grand-Pont se dresse la statue
en bronze de Jean de Joinville, par Lescorné (4861); le
piédestal, en marbre, est orné de trois bas-rehefsen bronze
représentant divers épisodes de la vie du chroniqueur. Les
armes de Joinville sont : Trois broyés d'or^ liées d'argent
sur champ d'azur^ au lion de gueules^ en chef, nais-
sant sur champ d'argent, La devise est celle des anciens
seigneurs : Omniatutatime, A. Tausserât-Radel.
BiBL. : Emile Jolibois, la Haute-Marne ancienne et
moderne ; Chaumont, 1858-1861, gr. in-8, avec pi. et carte.
— Ed. Lepoix, Joimnlle ancien et moderne ; Joinville,
1887, album in-fol. oblong.
JOINVILLE. Village d'Algérie, annexe de la commune
de plein exercice de Blida, arr. et dép. d'Alger ; 500 hab.
presque tous Européens. H occupe à 2 kil. seulement de
Blida l'emplacement d'un camp établi en 4840; grâce à
Fabondance des eaux et aux plantations d'orangers, grâce
aussi à son climat salubre et au voisinage de la ville, il
n'a pas eu à subir les mêmes épreuves que la plupart des
autres villages algériens. — Joinville est aussi le nom d'un
îlot sur lequel s'appuie le môle du port deCherchell et qui
porte un phare de 4^ classe. E. Cat.
JOINVILLE. Bourg du Brésil, Etat de Santa Catarina,
sur le Cachoeira, à 5 kil. de la baie de Sâo Francisco. Il
appartient à la colonie agricole de Dona Francisca., peu-
plée d'Allemands et d'Italiens.
JOINVlLLE-LE-PoNT. Coni. du dép. de la Seine, arr.
de Sceaux, cant. de Saint-Maur, sur la rive droite de la
Marne ; 4,324 hab. Stat. du chem. de fer de l'Est (ligne de
Vmcennes). Ce ne fut d'abord qu'un hameau appelé la
Branche du pont de Saint-Maur et dépendant de la paroisse
de Saint-Maur ; en 4790, il obtint, non sans peine, d'être
détaché de la commune de Saint-Maur et de former une
municipalité particulière, qui, en 4831, prit le nom de
Joinville-le-Pont, par un sentiment de flatterie non dou-
teux pour la monarchie de Juillet. Depuis, la prospérité de
Joinville n'a pas cessé de s'accroître; elle est due à son
agréable situation entre le bois de Vincennes et la Marne,
qui y attire de nombreux touristes et canotiers ; c'est aussi
un centre assez important de navigation commerciale, grâce
à sa position à l'entrée du canal qui relie les deux bras de
la Marne sur ce point.
Ecole de gymnastique de Joinville (V. Ecole, t. XV
p. 423). '
. W^^'kVA^vLh^^^'^.oU^^^î?^^^ ^" diocèse de Paris,
t II, p 459 de Fédit. de 1883 -- Piérart, Histoire de Sainte
Maur des Fossés; Pans, 1886, t. I, pp. 250 et suiv., 2 vol.
in-o.
JOINVILLE (Jean, sire de), chroniqueur français, né
vers 4224, peut-être le 25 déc. 4222, mort entre mil.
4347 et jum 4318, sans doute le 24 déc. 4347. Appar-
tenant à une famille qui occupait le premier rang à la cour
de Champagne et possédait la charge de sénéchal, il passa
vraisemblablement plusieurs années de son enfance auprès
du comte Thibaut dont il était écuyer tranchant en 4241.
En 4248, il s'embarqua pour la croisade, ayant dû mettre
en gage une grande partie de ses terres et emmenant 9 che-
valiers et environ 700 hommes, demeura neuf mois en
Chypre, aborda en Egypte en mai ou juin 4249, fut le
compagnon de captivité du roi, et, après avoir séjourné à
Acre, Césarée, Jafïa et Sidon, revint en France en 4254.
Il n'avait joué en résumé qu'un rôle assez modeste, mais
il était devenu à ce point l'ami de saint Louis, sous la su-
zeraineté duquel il était entré en 4253, que les frères du
roi, à leur départ de Terre sainte, lui avaient recommandé
ce prince, resté sur son conseil. Partageant dès lors son
temps entre la Champagne où il présidait les grands jours
de Troyes et la cour de France où saint Louis n'hésitait
pas à le faire asseoir auprès de lui et écoutait ses avis et
même ses remontrances, il refusa cependant de prendre
part à la croisade do 4270. Il déposa en 4282 dans l'en-
quête qui précéda la canonisation du saint roi. Charo-é par
Phdippe III d'administrer la Champagne pendant la mino-
rité de Jeanne de Navarre, il vit sa situalion augmentée
par le mariage de cette comtesse avec Philippe le Bel, qui
lui confia d'importantes missions. Entré en 4344 dans la
ligue des nobles de Champagne contre le roi, il fit encore
partie de l'expédition de Flandre de 4345. Il était vérita-
blement^ le type du chevalier du xiii« siècle, considéré
comme l'arbitre du bon goût dans les questions d'usage et
d'étiquette, lorsqu'à la prière de la reine Jeanne il entre-
prit en 4305 de dicter ses mémoires intitulés Histoire de
saint Louis qu'il dédia en 4309 à Louis le Hutin.
Cet ouvrage, qui est un des plus anciens textes écrits
en prose française, dans une langue intermédiaire entre le
français de l'Ile-de-France et le lorrain, a été composé
très probablement à l'aide de notes et par la juxtaposition
de morceaux rédigés en difiérents temps; ce sont avant
tout les souvenirs parfois inexacts d'un témoin, mais Join-
ville a mis en œuvre aussi quelques traditions et les dé-
tails qu'il tenait de Pierre d'Alençon sur les derniers mo-
nients de son père; il a utilisé de même certains passages
d'une ancienne rédaction des chroniques de saint Denis et
inséré dans son texte une ordonnance du roi sur les bail-
lis et prévôts et les Enseignements de saint Louis à son
fils. Le but évident de son histoire est de proposer son
héros comme modèle aux rois ; il ne faut y chercher ni
précision m critique ni ordre réel; les causes des faits
comme leurs conséquences y sont passées sous silence;
mais on y trouve des renseignements géographiques, de
nombreux traits de mœurs exposés dans un style pitto-
resque et, mieux encore, un portrait vivant de saint Louis;
ses mérites sont ceux d'un peintre. Les chapitres où le séné-
JOINVILLE — JOLÏBÔIS
.-» 4S0
chai de Champagne rapporte des mots du roi sur la pru-
d'homie, la manière dont on doit se vêtir, ou le représente
rendant la justice ou raconte les souffrances de la reine
à Damiette, sont célèbres. On lui a su gré également de sa
sincérité, qui lui faisait déclarer qu'il aurait mieux aimé
avoir conanis trente péchés mortels que d'être lépreux.
Conservé dans trois manuscrits, V Histoire de saint Louis
a été éditée dès 4 546 ; plusieurs fois rééditée, puis traduite,
elle a été publiée enfin correctement en 1868, avec tra-
duction, par N. de Wailly dansla Société de V histoire de
France (nouv. éd. améliorée en 1874, in~4). On a de Join-
ville encore, avec une lettre de 1315 à Louis X, un Credo j
écrit en 1250 et refait en 1287, qui est un petit manuel
destiné à procurer le salut des âmes (r'eproduit en fac-similé
d'abord dans les Mélanges de la Société des bibliophiles
français, 1837, puis dans l'éd. Didot, 1870, in-4). Les
chartes de sa chancellerie en langue vulgaire ont été im-
primées dans la Bibliothèque de F Ecole des Chartes
(1867, pp. 557-608; 1871, 133; 1874, 436; 1884,
654; 1886, 5 et 468). Marius Bârroux.
BiBL. : N. DE Wailly, Mém. sur la langue de J., dans
Bibl. de VEc. des Ch.; 1868, pp. 329-478, et 1883, pp. 12-25.
— P. Meyer, Comptes rendus, dans la Revue critique
d'hisL, 186'9, 11,3-11 (cf. Romania, XVI, 164). — P. Viol-
LET, les Enseignements de saint Louis à son fils, dans
Bibl. de VEc. des Ch. , 1874, pp. 5-56. — F, Delaborde,
les Sires de Joinville, dâxis Pos. des tk. de VEc. des Ch. ;
Paris, 1877, p. 14, in-B. — Du même, J. de J., dans Revue
des Deux Mondes, 1892, t. CXIV, pp. 602-36. — G. Marx,
Ueber die Wortstellung bei J.; Altenbourg, 1881, in-8.—
Un Nouveau Texte relatif au sire de J., dans Bibl. de VEc.
des Ch., 1888, p. 705. — G. Parts et A. Jeanroy, Extr.
des chroniqueurs fr. ; Paris, 1892, pp. 87-110, in-16 (G.
Paris, extr. de la Chr. de Roi. et de J.; Paris, 1889, 2^ éd.).
JOINVILLE (Geoffroi de), sire de Vaucouleurs, né vers
1225, mort le 21 oct. 1314. Il était lils de Simon de Join-
ville et de P)éatrix d'Auxonne, et frère cadet de Jean de Join-
ville, l'illustre chroniqueur. Son mariage avec Mathilde de
Lacy, héritière de l'imporlant comté de Meath, en Irlande,
l'attira en Angleterre, où il devint l'un des serviteurs dé-
voués de la couronne. En 1273, il fut investi delà charge
de grand justicier en Irlande, qu'il exerçait encore en
1276. Il combattit sous les ordres d'Edouard P"^ dans le
pays de Galles (1276), en Gascogne (1294) en Flandre
(1297). Il joua un rôle important dans la série de négo-
ciations qui intervinrent entre les cours de France et d'An-
gleterre à la suite de l'armistice de Vyve-Saint-Baron
(1297, 9 oct.), et qui aboutirent au traité de Paris (1303,
20 mai), il prononça dans plusieurs conférences diploma-
tiques des discours dont on a conservé la teneur. Geoffroi
de Joinville se démit de ses seigneuries d'Angleterre et
d'Irlande en 1308, et se fit dominicain au couvent de
Trim, où il mourut. Sa femme, Mahaut de Lacy, qui lui
avait donné au moins neuf enfants, était morte en avr. 1303.
On trouve le nom de Geoffroi de Joinville orthographié dans
les textes de l'époque de manières diverses: Geynvil, Gien-
ville, Genneville, Gionville, Joinville.
Frantz Fiwck-Brentano.
Bibl. : William Dugdale, The Baronage of England,
1675-75, in-f'ol., au mot Genneville. — J.-T. Gilbert,
Fac-similés of national mss. of Ireland; Londres, 1871-84,
in-(ol. — D'Arbois de Jubainville, dans la Bibl. de
VEcole des Chartes, 1885, pp. 341-45. — Ch.-V. Langlois,
id., pp. 722-23. — Fr. Delaborde, id, 1893, pp. 334-43. —
Ch. BÉMONT, Chartes des libertés anglaises; Paris, 1892,
jn-S.
JOINVILLE (Edmond), peintre français, né à Paris le
23 sept. 1801, mort à Paris en 1849. Elève de Hersent, il
commença de se faire connaître en 1826, année où il ex-
posa une Vue du Campo Vaccino à Rome. La duchesse
de Berry, qui le protégeait, le chargea de parcourir,
aux frais de l'Etat, l'Italie et la Sicile, d'où il rapporta un
grand nombre de paysages, de dessins et de croquis. Pen-
dant dix-sept années, de 1831 à 1848, il a envoyé aux
divers Salons des tableaux qui sont à peu près oubliés
aujourd'hui. Citons seulement sa Vue de Gênes (1831),
sa Vue prise à Palerme (1837), sa Danse de la Taren-
telle (1842) et sa Vue de Tunis, Faubourg de Bab-
Azoum à Alger (1848). Challamel.
JOINVILLE (Prince de) (V. Orléans).
JOISELLE.Com. du dép. de la Marne, arr. d'Epernay,
cant. d'Esternay ; 200 liab.
JÔKAI (Maurice), homme d'Etat et romancier hongrois,
né à Komorn le 19 févr. 1825. Aussi précoce que lejeune
Petœfi, son camarade à l'école de Papa, il écrivit, dès 1842,
le drame du Petit Juif, et Tannée même où il obtenait son
diplôme d'avocat, en 1846, il publiait son premier roman,
les Jours de semaine, qui lui attirait déjà l'attention du
monde littéraire. Aussi pouvait-il diriger un recueil litté-
raire, les Images de la Vie, éditer un recueil de nouvelles
et figurer au premier rang des journalistes dans la journée
du 15 mars d848, ayant à peine vingt-trois ans. Il assista
à la capitulation de Vilâgos, et tomba un moment au pou-
voir des Russes ; mais la femme distinguée qu'il avait ré-
cemment épousée le fit évader, et, presque aussitôt après
le triomphe de la réaction, il put se livrer de nouveau à
son activité littéraire. Le titre du premier ouvrage qui
parut alors. Esquisses des combats de la Révolution,
montre que Jôkai n'entendait pas désarmer en face du pou-
voir vainqueur. En effet, dès que la presse politique put
revivre, il devint l'infatigable rédacteur du Hon, puis de
la Nemzet, Comme député, il appartint d'abord à l'opposi-
tion modérée, puis au parti libéral gouvernemental. Sa
production littéraire était cependant immense; on pourrait
l'appeler l'Alexandre Dumas de la Hongrie, bien qu'à son
extrême facilité vienne parfois se joindre la puissance de
Victor Hugo ou celle de Zola. Citons seulement, parmi des
ouvrages d'une célébrité européenne traduits toujours en
allemand, parfois dans une autre langue : les Turcs en
Hongrie (1853); le Nouveau Seigneur (1862, en fran-
çais parM^^Q Steinecke, 1886); les Fils de lliomme au
cœur de pierre (1869, en français par M. de Gérando-
Teleki, 1880) ; les Diamants noirs (1870) ; le Roman
du siècle à venir (1872) ; les Comédiens de la vie
(1876); Aiîné jusqu'à l'échafaud (1882); etc. Mais
Jôkai n'est pas seulement romancier et prosateur pohtique,
il est aussi poète politique et dramaturge, comme l'attestent
un recueil publié en 1880 et les pièces intitulées : le Roi
Koloman ([Sd^); Georges Dozsa (iSoS) ; les Martyrs
de Szigetvàr (1859); 3îilton (1878), etc. — Depuis
la mort d'Arany, Jokai est le patriarche de la littérature
magyare. " E. Sâyous.
Bibl. : Schwiker, Geschichtederungarischen Litteratur.
JÔKULL (V. Islande, t. XX, p. 1009).
JOKULL'SA (V. Islande, t. XX, p. 1010).
JOL (Corneille), marin hollandais, né à Scheveningen au
commencement du xvii^ siècle, mort à File Saint-Thomas
en 164i. Il s'engagea comme simple mousse au service de
la Compagnie des Indes et se distingua par une rare intré-
pidité dans les campagnes navales contre le Portugal et
l'Espagne. A l'âge de vingt-sept ans, il était capitaine de
vaisseau; en 1638, la part qu'il prit à la victoire des
Dunes lui valut le grade d'amiral. Il fut alors envoyé en
Afrique et enleva aux Portugais une partie de leurs colo-
nies et les annexa aux possessions hollandaises. Il mourut
de la fièvre jaune au moment où il semblait devoir rem-
porter de nouveaux succès, E. H.
Bibl.: Van Kaupe-n, Histoire des Hollandais aux colo-
nies (en holl.) ; Haaiiem, 1831-33, 4 vol. in-8.
JOLI (Antonio), peintre italien, né à Modène vers 1700,
mort en 1777. Elève de Pannini, il peignit des décors de
théâtre en Italie, Espagne, Angleterre, Allemagne, fut pein-
tre de la cour de Naples sous Charles III et Ferdinand IV,
JOLIBOIS (Claude-Emile), professeur et archéologue
français, né à Chaumont-en-Bassigny le 5 mai 1813.
Professeur d'histoire au lycée de Colmar en 1843, mis en
disponibilité en i 849 pour ses opinions politiques, prit la di-
rection du journal le Républicain du Rhin qui fut supprimé
au coup d'Etat du 2 décembre 1851. M. Jolibois fut même
alors emprisonné jusqu'en 1853. Rendu à la liberté, il
184 -
JOLTBOIS - JOLLIYET
vint à Paris ot s'y livra à IVnseignement libre jusqu'en
4859, époque où il fut nommé archiviste du dép. du Tarn.
M. Jolibois est l'auteur de nombreuses publications histo-
riques et archéologiques, relatives à son pays natal ou au
pays albigeois et parmi lesquelles il faut citer : une tra-
duction des Chroniques de révêché de Langres {iSAZ,
in-8); rUistoire de la ville de Rethel (iSi6^ in-8);
l'Histoire de la ville de Chaumont{iST^(), in-8, pi.) ; la
Roue de fortune ou la Chronique de Grancey, roman
généalogique du xiv® siècle, traduit et publié pour la
première fois (4857, in-8); la Haute-Marne ancienne et
moderne (4864, in-4); l'Histoire des consuls de la
ville d'Albi (4865, in-8); Albi au moyen âge (4874,
in-8) ; Dévastation de l'Albigeois par les compagnons
de Montluc (487^2, in-8) ; r Inventaire des Archives dé-
partementales du Tarn (4873-75, 2 vol. in-4). M. Joli-
bois dirigea en outre VA^muaire du Tarn depuis 4860
et a fondé en 4876 la Revue historique, scientifique et
littéraire du dép. du Tarn. (Iharles Lucas.
JOLIBOIS (Eugène), homme politique français, né à
Amiens le 4 janv. 1849. Avocat à Paris, il entra dans la
magistrature en 4849, devint procureur général, passa
en 4863 dans l'administration comme préfet de la Savoie
et, nommé conseiller d'Etat en 1866, il reprit sa place au
barreau de Paris après la chute de l'Empire. Elu député le
20 févr. 4876 par la deuxième circonscription de Saintes, il
fit partie du groupe de l'Appel au peuple, dont il devint
bientôt un des principaux chefs. Il se fit remarquer à la
Chambre par ses qualités d'orateur, et, réélu le 44 oct.
4877, le 24 août 4884, le 4 oct. 4885 et le 22 sept. 4889,
il ne se représenta pas aux élections générales de 4893.
Fidèle à la ligne politique qu'il avait toujours suivie, il fut
constamment un adversaire mordant des divers cabinets
républicains et se distingua notamment lors des débats
relatifs à l'arrestation du prince Napoléon (4882), aux
affaires du Tonkin, à l'expulsion des princes, aux troubles
de Châteauvillain (4886), etc. 11 appuya vivement le bou-
langisme.
JOLI ET. Ville des Etats-Unis, Etat d'ïllinois, sur la
rivière Des Plaines, à 56 kil.S.-O. de Chicago; 45,000 hab.
C'est un nœud de ch. de fer, et le canal de l'illinois au Mi-
chigan y passe. Joliet est donc le marché agricole de cette
région, avec de grandes minoteries; au voisinage sont de
belles carrières de pierre de taille.
JOLIET ((harles), littérateur français, né à Saint-Hip-
polyte-sur-le-Doubs le 8 août 4832. Employé au mmistère
des finances de 4854 à 4864, il abandonna l'administration
pour la littérature et collabora sous son nom et divers pseu-
donymes à une foule de feuilles parisiennes. Parmi ses nom-
breux ouvrages, nous citerons : l'Esprit de Diderot (Paris,
4859, in-4 2); la Bougie rose, comédie (4 865, in-42) ;
le Roma?î de deux jeunes mariés (1866, in-42) ; les
Athéniennes, poésies (4866, in-42) ; les Pseudonymes
du jour (4867, in-42 ; 2*^ éd., 4883) ; Huit Jours en Da-
nemark (1867, in-42) ; le Train de maris (4872, in-42) ;
Jeune Ménage (4876, in-42) ; la Vipère {\%m, in-42);
la Fornarina(iSS^, in-i2) ; Curiosités des lettres, des
sciences et des arts (iHM, in-42); Romans incohérents
(4887, in-42) ; le Trésor des curiosités (4894, in-42) ;
la Vie d'artiste. Rérengère (1892, in-42) ; Nouveaux
Jeux d'esprit (4 892, in-42), etc.
JOLIETTE. Ville du Canada, prov. de Québec, ch.-l.
de comté, sur la rivière de l'Assomption ; 5,000 hab. Mar-
ché agricole; fonderie, tannerie, mouhns à fouler, etc.
J-OLIMETZ. Corn, du dép. du Nord, arr. d'Avesnes,
cant. du Quesnoy ; 908 hab. Stat. du chem. de fer du
Nord, ligne d'Auinoye à Valenciennes.
JO LIMON T. Chaînon détaché du Jura, courant du N.-E.
au S. -0., entre les lacs de Neuchâtel et de Bienne, en
Suisse. Le sommet, dont l'ait, est de 700 m., forme
un plateau en partie cultivé, d'où l'on jouit d'une vue
admirable sur les lacs, le Jura et la chaîne des Alpes,
depuis le Titlis jusqu'au mont Blanc. Dans la forêt qui
couvre le flanc N. de la montagne se trouve un autel drui-
dique.
JOLI MO NT (François-Gabriel Basset de), peintre et
écrivain français, né à Martainville, près de Rouen, en
4787, mort à Dijon en 4854. Il se distingua dans la pein-
ture à la gouache et dans l'aquarelle ; il se montra aussi
fort habile pour reproduire, pour restaurer les anciens
manuscrits ornés de miniatures. Habitant successivement
Rouen et Dijon, il a publié différents ouvrages relatifs aux
monuments de ces deux villes, de Paris, du Calvados, de
Lyon, de Reims, aux cathédrales de France. Citons son
Recueil de ^5 dessins originaux représentant des abbayes
et d'anciens châteaux du dép. de la Seine-Inférieure,
d'après la collection de Galgmères, et Polya7ithea archéo-
logique (ouvrage pubhé à Moulins, 4842-4843).
JOLIN (Jean-Christophe), acteur et écrivain suédois,
né le 28 déc. 4848, mort à Stockholm le 43 nov. 4884.
Il débuta sur la scène en 4845, et s'en retira en 4868 ; à
partir de 4857, il dirigea l'école scénique. Il a traduit et
adapté plusieurs pièces étrangères, en a écrit une vingtaine
d'originales : des comédies comme En yuan af verld och
en man afvdrde et En maji som vill har ro ; des drames
comme Mâster Smith Barnhusbauren^ Smddeskrif-
varen ; de plus des romans Rosen bland Kamelior,
Vinglaren, etc. Ses œuvres complètes ont été publiées
(Stockholm, 4872 et suiv., 7 vol.).
JOLIVARD (André), peintre de paysage, né à Mons en
4787, mort à Paris en 4854, élève de Bertin. Il a gravé
sept paysages.
JOLI VET. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
et cant. de Lunéville; 487 hab.
JOLLIET ou JOLIET (Louis), explorateur français, né
à Québec en 4645, mort en 4700. Elève des jésuites, il
entra dans l'ordre en 4662 et se consacra à l'étude des
langues indiennes et de la géographie. Il étudia avec le
père Marquette la route vers le Mississippi, partit de Michi-
limackinac le 47 mai 4673, remonta de la baie Green la
rivière Fox, atteignit le grand fleuve le 47 juin, franchit
l'illinois, l'Ohio, et chez les Indiens Arkansas retrouva
la trace des Européens venus par le S.; certain que le
Mississippi aboutissait au golfe du Mexique, il revint au
lac Michigan en remontant l'Iiïinois. Il perdit son équi-
page et ses cartes dans les rapides Lachine, près de
Montréal. Il reçut, en 4680, la seigneurie d'Anticosti et
continua de travailler activement à la cartographie franco-
américaine. Les archevêques Taschereau et Taché descen-
dent de Jolliet.
JOLLIVET (Jean-Baptiste-Moïse, comte), homme poli-
tique français, né à Tury (Yonne) le 48 déc. 4753, mort
à Paris le 28 juin 4848. Notaire avant la Révolution, il
fut membre du directoire du dép. de Seine-et-Marne (4794)
et devint le 4^'' sept, député de ce département à l'Assem-
blée législative. Adversaire déclaré des Jacobins, il réussit
toutefois à éviter toute persécution de leur part. Il rendit
à divers titres de grands services au gouvernement dans
les questions des finances . Créé conseiller d'Etat en
l'an Vin, il s'occupa principalement de préparer et discuter
les titres du code civil relatifs aux privilèges et hypothèques.
Préfet du Mont-Tonnerre (4800), ministre du royaume de
Westphalie (4807), il fut créé comte de l'Empire le 2 août
4808. On a de lui : l'Impôt progressif et le morcelle-
ment des patrimoines (4792, in-8) ; Principes fonda-
mentaux du régime social (4793, in-8); l'Impôt sur
les successions, l'Impôt sur le sel (4798, in-8); le
Thalweg du Rhiîi considéré comme limite entre la
France et l'Allemagne (4804); De l'Expertise (4802,
in-8).
JOLLIVET (Pierre- Jules), peintre français, né à Paris
le 26 juin 4794, mort à Paris le 7 sept. 4874. Il étudia
dans l'atelier de Gros et dans celui de Dejuinne. De 4822
à 4825 il travailla en Espagne pour la publication du Mu-
sée de Madrid, ordonnée par Ferdinand VII. Revenu en
France, il s'adonna complètement à la peinture et repro-^
JOLLIVET — JOLLY
— 482
duisit beaucoup de scènes de genre, surtout de scènes es-
pagnoles. Son Lara (4835), au musée du Luxembourg ;
son Massacre des Innocents (4845), au musée de Rouen,
ses diverses toiles au musée de Versailles, ont été appré-
ciées. On voit de lui Jésus guérissant les malades^ dans
la ville de Vitry-le-François, des vitraux dans l'église de
Saint-Louis-en-l'Ile, une décoration à la fresque dans
l'église Saint-Ambroise, à Paris, et un travail sur lave
ém'aillée, à Saint-Yincent-de Paul, la Trinité, le plus grand
émail qui ait été fait. Ses portraits de Philippe III et de
Catinat sont au musée de Versailles. Challamel.
JOLLIVET (Adolphe), homme politique français, né à
Rennes le 28 avr. 4799,^ mort à Paris le 24 févr. 4848.
Elu député d'IUe-et- Vilaine le 24 oct. 4083, réélu cons-
tamment jusqu'en ^1839, et du 20 mars 4840 jusqu'à sa
mort, il prit une part considérable aux débats et aux travaux
de l'Assemblée oU il se montra toujours ministériel dévoué.
Il fut membre du conseil privé du roi Louis-Philippe et
fut tué dans le jardin des Tuileries pendant l'insurrection
de 4848. Il a laissé de nombreux ouvrages parmi lesquels
nous citerons : Examen du système électoral anglais
(Paris, 4835, in-8); Historique de la traite et du droit
de visite (4844, in-8); Documents américains, annexion
du Texas, émancipation des noirs, etc. (4845, 3 vol.
in-8); les Colonies françaises (1845, in-8) et plusieurs
volumes sur la question des sucres.
JOLLIVET (Gaston), publiciste français, né à Paris en
4842. Chroniqueur littéraire au Figaro, puis au Gaulois,
à la Patrie, il a usé jadis du pseudonyme de Bixiou. Ci-
tons de lui : Plutus, comédie en collaboration avec Albert
Millaud; Nos Petits Grands Hommes (Paris, 4884, in-42);
la Briguedondaine, revue en collaboration avec P. Ferrier ;
VArt de vivre (4888, in-42), sous le pseudonyme de Fon-
teneilles,
JOLLOIS (Jean-Raptiste-Prosper), ingénieur français,
né à Rrienon (Yonne) le 47 août n76, mort à Paris le
25 juin d842. Il était ingénieur en chef directeur, dans le
corps des ponts et chaussées. Attaché à l'expédition d'Egypte
en '1798, il fut nommé membre de la commission chargée
d'explorer la partie méridionale du pays, étudia les ruines
de Thèbes, d'Esneh, de Denderah, revint ensuite dans le Delta
pour des travaux hydrauliques et, de retour en France,
coopéra à la rédaction du grand ouvrage sur l'expédition
d'Egypte. Après ce grand travail, il rentra au service actif de
son corps (ponts et quais de Paris). Devenu ingénieur en
chef des Vosges, puis du Loiret, il consacra tous ses loisirs à
la publication de travaux archéologiques, s'attacha à l'his-
toire de Jeanne d'Arc (dont il publia une Histoire illus-
trée, 4824, in-fol.) et construisit en 4820, à Domrémy,
un monument à sa mémoire. Il a terminé sa carrière comme
ingénieur en chef directeur, à Paris, et a coopéré activement
à l'assainissement de la banlieue de la capitale. M. -G. L.
BiBL. : Alfred Maury, dans Mémoires de la Société des
Antiquaires de France, t. XVIII.
JOLLY (Antoine-François), auteur dramatique français,
né à Paris le 25déc. 4662, mort à Paris le 30 juil. 4753.
Censeur royal en 4737. Il fit jouera l'Opéra Méléagre, tra-
gédie lyriqueencinq actes (Paris, 4 709, in-42); au Théâtre-
Français /'Eco /é? des amants (4749, in-42), comédie en trois
actes ; la Vengeance de V amour, comédie en cinq actes, qui
fut outrageusement sifflée au Théâtre-Italien, où il obtint au
contraire un très grand succès avec les deux comédies de /a
Femme jalouse (4727, in-42) et de la Capricieuse (4726,
in-42). Mais c'est surtout comme érudit que Jolly est recom-
mandable. Il a donné de bonnes éditions de Molière, des deux
Corneille, de Racine et édité les Mémoires d'Omer Talon.
A l'instigation de Daguesseau, il entreprit un immense re-
cueil manuscrit des cérémonies, joutes, carrousels, entrées,
mariages, baptêmes, funérailles sous l'ancienne monarchie,
recueil connu sous le titre de Grand Cérémonial de
France, et formant 7 vol. in-fol. (Bibliothèque nationale).
Il en avait publié un extrait : Projet d'un nouveau céré-
monial français (Paris, 4746, in-4).
JOLLY (Marie-Elisabeth), actrice française, née à Ver-
sailles le 8 avr. 4764, morte à Paris le 5 mai 4798. Elle
était fille d'un marchand quincaillier, et dès ses plus jeunes
années elle figura dans les ballets de la Comédie-Française,
où on lui fit jouer quelques rôles d'enfants. Un peu plus
tard elle devint élève de Préville, qu'elle surprit par son
intelligence et qui la fit engager, à l'âge de dix-sept ans,
dans la troupe de la célèbre Montansier, à Versailles. Le
1^^ mai 4784 elle débutait avec éclat à la Comédie-Fran-
çaise, dans Dorine de Tartufe et Lisette du Tuteur, Ses
débuts furent si brillants et son talent était déjà si remar-
quable que dès 4783 elle était reçue sociétaire. Ce talent
était d'une telle souplesse qu'elle jouait tour à tour et avec
une égale supériorité les soubrettes telles que Toinette du
Malade imaginaire et Finette du Dissipateur, des ingé-
nues telles qu'Agnès de V Ecole des femmes, des rôles de
caractère tels que la tante de la Coquette corrigée, et de
grands rôles de tragédie tels que Constance ^'înès de Castro
et Athalie. Artiste de premier ordre, excellente en tous
les genres, elle conquit une situation absolument exception-
nelle. Aussi fut-elle chargée d'un grand nombre de créa-
tions, entre autres dans les Courtisaiies, le Fou par
amour, les Châteaux en Espagne, le Sourd, VOpti-
misle, Jean Calas, le Collatéral, le Conciliateur, le
Conteur, l'Inconstant, etc. En 4793, W^" Jolly fut
arrêtée par ordre du Comité de salut pubhc, ainsi que tous
ses camarades de la Comédie-Française (alors théâtre de
la Nation) et détenue pendant plusieurs mois aux Made-
lonnettes. Elle n'en sortit qu'à la condition de se montrer
sur le théâtre de la Répubhque, puis elle alla rejoindre ses
anciens camarades à l'Odéon. Mariée à un ancien capitaine
de cavalerie nommé du Lomboy, dont elle eut cinq enfants,
elle mourut poitrinaire, dans toute la force de la jeunesse
et du talent. Cette femme charmante est la première qui,
faisant un pèlerinage à Ermenonville en 4788, déposa une
couronne sur la tombe de Jean-Jacques Rousseau ; cette
couronne était en bronze et portait cette inscription :
Offerte en il 88 aux mânes de J.-J. Rousseau par
Marie Jolly, épouse et mère. Sa mort excita d'universels
regrets, et le poète Lebrun fit graver ces deux vers sur sa
tombe :
Eteinte dans sa fleur, cette actrice accomplie
Pour la première fois a fait pleurer Thalie.
Arthur Pour, m.
JOLLY (Philipp-Gustav), physicien allemand, né à
Mannheim le 26 sept. 4809, mort à Munich le 24 déc.
4884. Il fut reçu agrégé à Reidelbergen 4834, y professa
de 4839 à 1854 et occupa ensuite la chaire de physique
de l'université de Munich. Ses travaux, fort estimés, ont
plus particulièrement porté sur les phénomènes d'endos-
mose, dont il a donné des lois, depuis reconnues fausses
(V. Endosmose, t. XY, p. 4048), sur la dilatation des gaz,
sur la composition de l'atmosphère, sur la mesure de la
densité de la terre. Il a inventé plusieurs instruments : un
thermomètre à air, un eudiomètre, une machine pneuma-
tique à mercure, etc. Il a publié, outre des mémoires et
articles de revues : Anleitung zur Differential-und
Integralrechnung (Heidelberg, 4846, in-8) ; Die Prin-
cipien der Mechanik (Stuttgart, 1852, in-8); Ueber die
Physik der Molecularkrœfle (Munich, 4857, in-4); Die
Verœnderlichkeit in der Zusammensetzung der atmos-
phœrischen Luft (Munich, 4878, in 4); Die Anwendung
der Waage auf Problème der Gravitation (Munich,
4878-84, in-4).
Il a laissé deux fils : Ludwig, né à Heidelberg le 42 mars
4843, professeur de sciences politiques à l'université de
Tubingue et économiste très distingué, à qui l'on doit,
entre autres écrits de valeur : Die franzosische Volks-
schule unter der 3 Republik (Tubingue, 488i, in-8) ;
— Friedrich, né à Heidelberg le 24 nov. 4844, profes-
seur de clinique psychiatrique à l'université de Strasbourg,
qui est également l'auteur de nombreux ouvrages : Bericht
ilber die Irrenabteilung des Julius-Spitals (Wurz-
- 483
JÔLLY — JOLY
bourg, 1873) ; Untersuchungen ûber den elektrischen
Leistungswider stand des menschliehe^i Kœrpers {SirsLS-
bourg, 1884) ; Einrichtung der psychiatrischen Klinik
in Strassburg (Strasbourg, 1887), etc. L. S.
BiBL. : Catalogue of scientific papers, publié par la
Société royale de Londres, t. III, VIII et X.
JOLLY (Jules), homme politique badois, né à Mannheim
le 21 févr. 1823, mort à Wiesbaden le 14 oct. 1891.
Privat-docent, puis professeur de droit à l'université de
Heideiberg (1857), il entra au ministère de l'intérieur avec
le titre de conseiller, fut, à la Chambre badoise, le chef des
nationaux-libéraux. En 1866, il devint ministre de l'inté-
rieur, puis ministre d'Etat et président du conseil des mi-
nistres (1868), en sept. 1876 président de la cour des
comptes. C'est lui qui négocia pour le grand-duché de Bade
la création de l'Empire allemand.
JOLY (Claude), écrivain français, né à Paris le 2 févr.
1607, mort à Paris le 15janv. 1700. Fils d'un lieutenant
général de la maréchaussée et d'une fille d'Ant. Loisel, il
entra dans les ordres, reçut un canonicat à Paris (1631),
accompagna le duc de Longue ville au congrès de Munster,
se retira' à Rome durant la Fronde, fut nommé chantre de
Notre-Dame en 1671. Ses nombreux ouvrages sont d'un
style rigoureux et d'un esprit indépendant. Citons : Be-
cueil de maximes pour l'Institution du roi (Paris,
1652, 1663, in-16), pamphlet contre Mazarin, qui fut
brûlé par ordre du Chàtelet ; divers factums contre les
curés, l'université, etc., qui lui disputaient la juridiction des
écoles, etc.
JOLY (Gui), historien français de la fin du xvn® siècle.
Neveu du précédent, il fut syndic des rentes de l'Hôtel de
Ville (1652), suivit la fortune du cardinal de Retz et écrivit
des Mémoires pour compléter les siens sur les événements
de 1648 à 1665; ils n'en sont, sauf pour la fin, qu'un
abrégé. Gui Joly rédigea ensuite en 1667 et 1668, pour
Louis XIV, deux traités opposés à ceux de Stockmans et
destinés à établir les droits de la reine sur une partie des
Pays-Bas (V. Dévolution).
JOLY (Hugues- Adrien], iconophile et administrateur
français, né à Paris le 10 avr. 1 7i 8, mort à Paris le 27 févr.
1800. Secrétaire de l'Académie de peinture et de sculp-
ture, il fut nommé vers 1750 garde du Cabinet des estampes
de la Bibliothèque du roi, et il devint le principal orga-
nisme du dépôt confié à ses soins, qu'il accrut considéra-
blement par d'intelligentes acquisitions. — Son fils, Adrien-
Jacques^ né à Paris en 1756, mort à Saint-Germain-en-Laye
le 20 nov. 1829, fut son adjoint depuis 1792 et le rem-
plaça le 26 oct. 1795. Sous son administration vigilante
et éclairée, le Cabinet des estampes devint sans rival au
monde. C'est à lui qu'on doit l'idée de la vulgarisation de
l'histoire de la gravure au moyen d'une exposition d'une
série d'estampes. G. P-r.
JOLY (Etienne-Louis-Hector de), homme d'Etat français,
né à Montpellier le 22 avr. 1756, mort le 10 avr. 1837.
Secrétaire de la Commune de Paris, il fut nommé, le 3 juil.
1792, ministre de la justice dans le cabinet feuillant oii il
remplaçait Duranthon. Le 10 juil., il donna (avec ses col-
lègues) sa démission qui ne fut pas acceptée par le roi et,
jusqu'au 10 août, de Joly conserva son portefeuille. Le
29 frimaire an II, la Convention décrétait que « Joly, mi-
nistre de la justice à l'époque du 10 août et prévenu d'un
système atroce de proscription contre les patriotes qui résis-
taient aux manœuvres liberticides du tyran, sera, si fait n'a
été, mis en état d'arrestation et traduit au tribunal révolu-
tionnaire ». Mais de Joly put s'échapper et termina sa vie
dans l'obscurité.
JOLY (Les), architectes français du xix® siècle. —
Jules-Jean-Baptiste de Joly, né à Montpellier le 24 nov.
1788, mort à Paris le 8 févr. 1865, fut élève de Delagar-
dette, de Delespine et de l'Ecole des beaux-arts, où il rem-
porta le prix départemental en 1815. Ayant succédé en
1821 à B. Poyet comme architecte de la Chambre des
députés, il fit élever, en 1828, une salle provisoire dans
le jardin du Palais-Bourbon, puis, de 1829 à 1833, la
salle actuelle sur l'emplacement de l'ancienne salle des
Cinq-Cents et, en 1848, une nouvelle salle provisoire
occupant presque toute la cour d'honneur du Palais;
il fit aussi agrandir l'hôtel de la présidence et relier cet
hôtel par une galerie à la Chambre des députés. Jules de
Joly publia un Recueil d'ornements et de bas-reliefs
(Paris, 1819, dem.-foL); les Plans, coupes, élévations
et détails de la Chambre des députés (1840, in-fol.),et
V Historique du Palais-Bourbon (1855, in-8). — Ed-
mond de Joly, fils et élève du précédent, né à Paris le
7 avr. 1824,"mort à Neuilly-sur-Seine le 15 sept. 1892,
fut associé dès 1848 aux travaux de son père auquel il suc-
céda en 1860 comme architecte de la Chambre des dépu-
tés. On lui doit, en cette qualité, la galerie des Fêtes de la
présidence, l'installation, en 1871, à Bordeaux, dans le
grand théâtre, de l'Assemblée nationale, puis l'installation,
peu de temps après, de cette même Assemblée, à Versailles,
dans la salle de spectacle du château. Enfin, en 1875,
Edmond de Joly fit construire, dans Taile sud du Palais
de Louis XIV, une salle des séances spécialement affectée
à la Chambre des députés, mais pouvant se transformer
en salle de congrès recevant ensemble le Sénat et la
Chambre. Charles Lucas.
JOLY (Aristide), littérateur français, né à Châtillon
(Seine) le l«^juinl824, mort à Caen le 16 janv. 1893.
Professeur de littérature française à la faculté d'Aix (1858),
puis de Caen (1 862), doyen de cette faculté (1 870) , il a laissé
outre ses thèses de doctorat : Et^ide surJ, Sadolet (1856)
et De Ballhassaris Castilionis opère Cortegiano (1856) ;
des ouvrages d'érudition parmi lesquels nous citerons : Re-
cherches sur Benoet du Lac (Lyon, 1862, in-8); Marie
de France et les fables au moyen âge (Caen, 1863, in-8) ;
les Lettres de cachet dans la généralité de Caen (1864,
in-8); Procès de Mirabeau en Provence (1865, in-8);
Antoine de Montchrétien (1865, in-8) ; Recherches sur
les juges des Vaudois (1865, in-8); Benoît de Sainte-
More et Aramond de Troie (1869-1871 , 2 vol. in-4);
Du Sort des aliénés dans la Basse-Normandie (1869,
in-8); la Fosse du Soucy (1877, in-8); Histoire de
deux fables de La Fontaine (1877, in-8). Il a publié
le roman inédit de Wace : la Vie de sainte Marguerite
(1879), traduit la Guerre et la Géologie du colonel
Quijano y Arrocjuia (1876), etc.
JOLY (Maurice), publiciste français, né à Lons-le-Sau-
nier en 1831, mort à Paris le 16 juil. 1878, Avocat au
barreau de Paris, secrétaire de la princesse Mathilde, il
publia un pamphlet des plus violents contre l'Empire : Dia-
logue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu
(Bruxelles, 1864, in-12), qui lui valut outre une grande
notoriété, une condamnation à quinze mois de prison et à
200 fr. d'amende. Joly fut à la fin de l'Empire un des ora-
teurs les plus assidus et les plus écoutés des réunions pu-
bliques et après le 4 sept, il essaya d'obtenir un poste du
nouveau gouvernement ; il n'y réussit pas, collabora à la
Liberté et à divers autres journaux où il écrivit des articles
contre la gauche républicaine. Finalement il se suicida.
JOLY (Jules-Charles-Henri), philosophe français, né à
Auxerrele 10 déc. 1839. Elève de l'Ecole normale supé-
rieure (1860), il en sortit agrégé de philosophie et débuta
au lycée de Nice (1863), d'où il passa au lycée de Poitiers
(1865), et à celui de Douai (1868). Reçu docteur en
1869 avec ces thèses : De Cynica Institutione sub im-
peratoribus romanis (Paris, in-8), et V Instinct^ ses
rapports avec la vie et avec V intelligence, essai de psy-
chologie comparée (Paris, in-8) couronné par l'Académie
française, il succéda à Tissot à la fin de 1871 dans la
chaire de philosophie de la faculté des lettres de Dijon et
devint en 1879 doyen de cette faculté. Deux années de
suite (1881-83), il suppléa Caro à la Sorbonne, où il resta
ensuite comme maître de conférences, chargé d'un cours
complémentaire, jusqu'au jour où il passa au Collège de
France (1885) comme suppléant d'Ad. Franck dans 1^
JOLY — JOMÏNI
484 —
chaire de « droit de la nature et des gens ». Cette chaire
ayant été supprimée l'année suivante, à la retraite du titu-
laire, M. Joly prit un congé et fut chargé de missions dans
divers pays pour y étudier le système pénitentiaire et le
mouvement de la criminalité. Plusieurs années de suite il
a fait à l'Ecole de droit de Paris un cours libre de « science
criminelle et pénitentiaire ». En 1890, il a été délégué au
congrès pénitentiaire international de Saint-Pétersbourg.
Ayant demandé sa retaite en 4893, il s'occupe surtout de-
puis de questions sociales et écrit dans divers périodiques.
Il est membre du conseil d'administration de la Société
générale des prisons, président du patronage de l'enfance
et de l'adolescence, etc. — Outre ses thèses il a publié :
Cours de philosophie (Paris, 1871, in-16, 10^ éd.);
r Homme et l'animal (Paris, 1877, in-8; 3* éd. 1893,
in-16, couronné par l'Académie des sciences morales);
Vlmagination (Paris, 1877, in-16; 2« éd. 1882); Elé-
ments de morale (1880, in-16, 2^ éd.); Notions de Pé-
dagogie (1884, in-16; 2« éd. 4890); Psychologie des
grands hommes (1883, in-46; 2^ éd. 4891); le Crime^
étude sociale (1887, in-46, 4® éd.); la France crimi-
nelle (4889, in-16, 3^ éd.); le Combat contre le crime
(1891, in-16, 2® éd.), ces trois derniers ouvrages ont
obtenu à l'Académie des sciences morales le prix AudifFred;
le Socialisme chrétien (1892, in-16). Il faudrait ajouter
un certain nombre d'éditions classiques, notamment celle
du Traité de morale de Malebranche avec introduction
et notes (Paris, 4882). M. Joly a collaboré à beaucoup de
journaux et de revues, notamment à la Nouvelle Pievue^
au Journal des Débats et au Correspo7idant. Signalons
surtout, dans ces deux derniers recueils, une série d'études
sur l'éducation correctionnelle en France et à l'étranger.
JOLY (Albert-Henri), homme politique français, né à
Versailles le 40 nov. 4844, mort à Versailles le 2 déc.
4880. Avocat à Versailles, il défendit brillamment et avec
un retentissement énorme les prévenus de participation à
la Commune, notamment Rossel et Kochefort, ce qui lui
valut une suspension de six mois. Il se lança dans la poli-
tique et, après plusieurs échecs, fut élu député de la pre-
mière circonscription de Versailles le 20 févr. 4876. Membre
de l'Union républicaine, il combattit vivement le Seize-Mai,
fit partie des 363 et fut réélu avec eux le 44 oct. 1877.
On a de lui : la Peine de mort en matière politique
(Paris, 1876, in-8).
JOLY deChoin (Marie-Emilie) (V. Choin).
JOLY bE Fleury. Famille de magistrats français. — Le
premier, Guillaume-François (4675-1756), succéda à
Daguesseau comme procureur général (1747). De ses fils.
Orner (4745-4840), avocat général (4746), puis président
au parlement de Paris (4768), a vu ses Réquisitoires
vivement attaqués par Voltaire ; Jean-François^ né le
8 juin 4748, mort à Paris le 43 déc. 1802, après avoir
occupé diverses fonctions dans la magistrature, fut nommé
ministre des finances à la place de Neckerle24mail781.
Son ministère fut marqué par une augmentation des charges
publiques qui excita de vifs mécontentements. Il se retira
en mars 4783, et eut d'Ormesson pour successeur.
JOLYOT DE Crébillon (V. Crébillon).
JOM HAKKIPOURIM (V. Fète, t. XVII, p. 346).
JOMARD (Edme-François), géographe et archéologue
français, né à Versailles le 47 nov. 4777, mort à Paris le
23 sept. 4862. Il entra en 4794 à l'Ecole polytechnique,
fit partie, en qualité d'ingénieur-géographe, de l'expédition
d'Egypte (4798) et devint membre^ de l'Institut du Caire,
auquel il communiqua, dans d'intéressants mémoires, les
résultats de ses explorations topographiques et de ses re-
cherches archéologiques. En 4803, au retour d'une mis-
sion géographique dans le Haut-Palatinat, oli il s'était livré
à de savantes études géologiques, il fut attaché comme se-
crétaire à la rédaction de la Description de r Egypte, à
laquelle il fournit six volumes de remarquables dissertations
et dont il dirigea pendant vingt années les travaux de gra-
Tum et d/impression. Eu i%w% il fut élu îneœbre de Vkm-
demie des inscriptions et belles-lettres en remplacement
d'Ennius Visconti et en 4839 il devint conservateur du
département des plans et cartes de la Bibliothèque royale,
à laquelle il était attaché depuis 4828. Il s'était aussi in-
téressé à l'enseignement primaire et avait propagé en France
l'enseignement mutuel, dont il avait étudié l'organisation
et les méthodes au cours d'une mission en Angleturre
(4844). Il a publié à part : Sur les Lignes numériques
des anciens Egyptiens (Paris, 4846-49); Arithmétique
élémentaire (Paris, 4820, in-8); Etalon métrique
trouvé àMemphis (Paris, 4822, in-4); Voyagea l" oasis
de Syouah (Paris, 4823) ; Aperçus et coups d'œil sur
les nouvelles découvertes dans l'Afrique centrale (Paris,
4824-27); Nouveaux Tableaux de lecture (Paris, 4835,
in-fol.; 6« éd., 4 849) ; Etudes géographiques et histo-
riques sur l'Arabie {?3ivïs, 4839, in-8); Observations
sur le voyage au Darfour (Paris, 4845, in-8); les Mo-
numents de la géographie (Paris, 1862, in-4). etc. Il
a en outre enrichi de notes V Histoire de l'Egypte de Men-
gin, le Dictionnaire wolof de J. Dard, les relations de
voyages de Cailiiaud, de Beaufort, de Drovetti, de Pacho,
de Bené Caillé, etc. Il est enfin l'auteur de nombreux mé-
moires et articles épars dans divers recueils {Bulletin de
la Société de géographie de Paris, Revue encyclopé-
dique. Encyclopédie des gens du monde, Reviie afri-
caine, etc.). Léon Sagnet.
BiBL. : M. GuiGNiAUD, Discours sur Jomard; Paris,
1862, in-4.— De La Roquette, Notice sur la vie et les tra-
vaux de M. Joinard; Paris, 18G3, in-8. — R. Cortambert,
id.; Paris, 1863, in-8. — Godard de Saponay, ici: Paris,
1863, in-8.
JOiyiBERT (Charles-Antoine), imprimeur-hbraire et
écrivain d'art français, né à Paris en 4742, mort à
Saint-Germain-en-Laye le 30 juil. 4784. Beçu libraire
en 47.36, imprimeur de 47o4à 4760, il fut élu syndic de
sa corporation en 4772. Très érudit en malhématiq\ies, en
architecture et en iconographie, il laissa une série d'ou-
vrages de valeur, entre autres : Architecture moderne
ou VArt de bâtir (4754, 2 vol. in-4), édition refondue de
l'ouvrage de Briseux ; Répertoire des artistes (4763,
2 vol. in-fol.) ; Catalogue raisonné de l'œuvre de Charles
Cochin (4770, in-8), celui de l'œuvre à'Etienne delta
Relia (4772) et celui de l'œuvre de Sébastien Le Clerc
(4774, 2 vol.). Saint- Aubin a gravé son portrait d'après
Cochin. G P-i
JOMELLI (Nicola) (V. Jommelli).
JOIVIINI (Henri, baron), général suisse, né à Payerne
(cant. de Vaud) le 6 mars 4779, mort à Paris le 24 mars
4 869. Son père était syndic de Payerne ; il le destina à entrer
aux régiments suisses, qui étaient au service de la monar-
chie française, et lui fit apprendre ce qui touche au métier
militaire. Après la journée du 40 août 4792 et le licencie-
ment des corps suisses qui servaient la roi Louis XVI, le jeune
Jomini dut renoncer à sa vocation militaire : il entra dans
une maison de banque à Paris. Cependant il s'intéressa aux
opérations militaires et particulièrement aux opérations de
Bonaparte en Italie. Il revint en Suisse en 4798, et,
s'étant présenté au ministre de la guerre, lui parut avoir
de remarquables aptitudes aux choses militaires, si bien
que celui-ci le choisit pour aide de camp, avec le grade de
lieutenant. En 4799, à l'âge de vingt ans, il fit preuve de
telles aptitudes qu'il reçut le grade de chef de bataillon et
exerça les fonctions de secrétaire général du département
de la guerre. Il organisa les milices suisses et fut d'une
grande utilité à Masséna, quand celui-ci fit la campagne de
4799, en Suisse. Les circonstances politiques ayant'obligé
Jomini à abandonner ses fonctions militaires en Suisse, 'il
se rendit à Paris et entra dans une maison de commerce.
C'est alors qu'il_ publia le Traité des grandes opérations
militaires où il expliquait le pourquoi des succès et des
défaites, en le rattachant à des principes supérieurs de tac-
tique et de stratégie. En 4 804, lors de la formation du
camp de Boulogne, Jomini fut admis dans l'armée fran-
çaise^ avec le grade de chef de bataillon qu'il avait eu daas
185
JOMÏNI — JOMMELLI
r armée suisse. 11 fut attaché à Tétat-major du maréchal
Ney, comme aide de camp. En 4805, il suivit le maréchal
à Elchingen, au Micheisberg, à Ulra : il montra sur le
champ de bataille la netteté de concept qui caractérisait
ses études antérieures. Il y révéla une extrême ténacité de
caractère, refusant de se conformer aux ordres supérieurs,
quand il apercevait leur danger pour le succès des opéra-
tions, et évita ainsi des fautes graves au maréchal Ney,
au cours de ces diverses actions de guerre. Jomini fit en-
suite la campagne du Tirol, fut nommé colonel et premier
aide de camp de Ney. 11 écrivit alors un mémoire sur les
éventualités d'une guerre prochaine avec la Prusse qui
frappa par sa justesse l'attention de l'empereur. Vint la
guerre avec la Prusse : Jomini fut à léna auprès de l'em-
pereur, puis avec Ney pendant la campagne de Pologne :
il y rendit au maréchal de grands services qui furent ré-
compensés en 4807 par le brevet de baron, par le grade
de colonel et par le titre de chef d'état-major du maréchal.
En 1808, Jomini accompagna Ney en Espagne et lui donna
des conseils excellents. Néanmoins, ayant été envoyé en
mission auprès de l'empereur, il encourut, en son absence,
la disgrâce de Ney, qui fut monté contre lui par des mé-
contents qui le discréditaient auprès du maréchal, si bienque
Ney sollicita la mise à la disponibilité de Jomini. C'est alors
que, dégoûté par ses déboires, Jomini donna sa démission
de colonel, revint en Suisse et sollicita du service auprès
de l'empereur de Russie, alors allié de la France. Cette sol-
licitation ne fut pas accueillie immédiatement et, lorsqu'il
y fut répondu favorablement par l'empereur Alexandre,
Napoléon, qui avait été instruit de la démarche de Jomini,
lui signifia de revenir à Paris et là lui donna le choix entre
la prison de Vincennes et le grade de général français.
Jomini choisit le grade de général et fut attaché à l'état-
major général, sous les ordres de Berthier. Néanmoins
il avait été froissé de la brutalité du procédé impérial,
et il demanda à ne pas porter les armes contre l'em-
pereur de Russie : il fut nommé gouverneur de Wilna,
puis de Smolensk. Dans les difficultés de la retraite de
Russie, Jomini atténua plus d'un échec et évita bien des
fautes. Le 4 mai 1813, il fut replacé avec le grade de gé-
néral comme chef de l'état-major de Ney, auprès de qui il
était rentré en grâce, et, par sa claire perception des cir-
constances, il prit sur lui de changer les ordres en cours
d'exécution et de faire gagner par le maréchal la bataille
de Bautzen. Au lieu de recevoir pour récompense le grade
de général de division que Ney demanda pour lui, ce fut un
blâme de Berthier porté à l'ordre de Tarmée qu'il reçut,
et cela pour un retard dans l'expédition des situations de
son corps d'armée, retard motivé par les pertes énormes
subies par l'une des divisions qui n'avait pu fournir ses
états à Jomini. Cette punition, aussi ridicule qu'injuste,
décida Jomini à quitter le service de la France. Il profita,
pour réaliser son intention, de l'armistice de Parschwitz et
alla offrir ses services à l'empereur de Russie qui se trou-
vait alors à Prague. Parti le 44 août du camp français,
Jomini arriva le 46 à Prague : il fut accueilli avec faveur
et nommé aide de camp de l'empereur Alexandre, avec le
grade de général de division. La démarche de Jomini a été
ainsi jugée par Napoléon, à Sainte-Hélène : « Jomini n'a
pas trahi ses drapeaux : il avait à se plaindre d'une grande
injustice ; il a été aveuglé par un sentiment honorable ; il
n'était pas Français, l'amour de la patrie ne l'a pas retenu. »
Jomini ne livra le secret d'aucune des formations de l'ar-
mée qu'il venait de quitter : son rôle fut d'éviter aux
armées alliées les fausses manœuvres qu'elles étaient sur
le point de commettre, comme il avait paré aux fausses
manœuvres prescrites à l'armée française, avant Bautzen.
Chose singulière, ses excellents conseils furent si peu com-
pris dps généraux de l'armée alliée que Jomini fut sur le
point de quitter l'état-major de l'empereur Alexandre. Il
en fut détourné par l'intérêt de la Suisse que l'armée alliée
parlait d'envahir ; il obtint que l'invasion fût différée.
Dans la campagne de France^ iomini montra beaucouçi d^
réserve, refusant de prêter son concours à l'invasion, comme
il avait fait, en 481:2, lors de l'expédition de Russie. Il prit
part au congrès de Vienne, vint à Paris en 4815, à la
suite de l'empereur Alexandre, et fit tous ses efforts pour
sauver la vie de son ancien chef, le maréchal Ney. Cette
fois encore, ses démarches suscitèrent à son égard des
haines féroces. Jomini prit part au congrès d'Aix-la-Cha-
pelle et au congrès de Vérone. Il désapprouva la guerre
d'Espagne, lorsqu'elle éclata. Jomini fut nommé précepteur
militaire du grand-duc Nicolas et devint ensuite son aide de
camp. En 4828, il assista, à la suite de l'empereur
Alexandre, à la guerre de Turquie : il y donna les meil-
leurs conseils. En 1830, il organisa l'Académie militaire
de Russie, puis demanda sa retraite, l'obtint et alla en
jouir à Bruxelles. En 4854, il fut rappelé par l'empereur
Nicolas, son ancien élève, qui voulait s'aider de ses con-
seils pour soutenir la guerre de Crimée. Jomini déféra à
son désir. Réinstallé enBelgique en 4856, il se fixa ensuite
à Passy. où il mourut à l'âge de quatre-vingt-dix ans.
Jomini est le plus estimé des écrivains militaires du siècle.
11 avait l'intuition de la stratégie et de la tactique. A ces
qualités intellectuelles, il joignait une ténacité extrême
dans ses idées, qui n'admettait pas de ménagements d'ex-
pressions. La liste de ses livres est très longue, et les plus
modestes de ses ouvrages sont des chefs-d'œuvre dignes
d'être étudiés : Traité des grandes opérations mili-
taires, ou Histoire critique et militaire des guerres de
Frédéric 11 comparées à celles de la Révolution (Paris,
4805, 5 vol. et atlas, in-8); Principes de la stratégie
(Paris, 4848, 3 vol. in-8); Histoire critique et militaire
des campagnes de la Révolution, de i792 à iSOi
(Paris, 4806, 5 vol. ; 3« éd., avec le colonel Koch, Paris,
4849-24, 45 vol. et atlas); Vie politique et militaire
de Napoléon (Paris, 4827, 4 vol. m-8); Tableau analy-
tique des principales combinaisons de la guerre et de
leurs rapports avec la politique des Etats (Saint-Péters-
bourg, 1830, in-8); Précis de Part de la guerre, ou
Nouveau Tableau analytique des principales combi"
naisons de la stratégie, de la grande tactique et de la
politique militaire (Paris, 4836, 2 vol. in-8); Précis
politique et militaire de la campagne de iSiÔ (Paris,
4839, in-8); Légendes destinées à accompagner P atlas
militaire et portalif (Paris, 1849, in-8). Outre ces ou-
vrages, Jomini a publié un grand nombre d'opuscules. Sa
correspondance avec le général Sarrazin sur la campagne
de 4813 a été publiée en 4845; sa correspondance avec
M. Capefigue sur l'invasion de la Suisse et celle avec le
baron Monnier ent été publiées en 4821. Paul Marin.
BiBL. : Adrien Pascal, Observations historiques sur la
vie et les ouvrages du général baron de Jomini ; Paris,
1842, in-8. — Ferdinand Lecomte, le Général Jomini, sa
vie et ses écrits; Paris et Lausanne, 1861, in-8 (rééd. deux
fois). — Sainte-Beuve, le Général Jomini ; Paris, 1869.
JOMINI (Alexandre, baron de), diplomate russe, fils
du précédent, né en 4844, mort à Saint-Pétersbourg le
46 déc. 4888. Attaché dès 4835 au ministère des affaires
étrangères, dont il devint premier conseiller en 4855, il a
été pendant bien des années l'auxiliaire le plus compétent
et le plus actif des chanceliers Nesselrode, Gortchakov et
Giers. Il a suppléé même avec succès ces deux derniers à
diverses reprises. A. Debidour.
JOIVIIVIELLI (Nicola), compositeur italien, né à Aversa
(royaume de Naples) le 44 sep. 4744, mort à Naples le
28 août 4774. Elève des conservatoires de San Onofrio
et de la Pieta, à Naples, il reçut soit dans ces écoles, soit
au dehors, les leçons de Durante, Feo, Mancini et Léo. Il
composa d'abord des ballets et des cantates de chambre.
En 4737, il donna son premier opéra, UErrore amoroso;
sa renommée s'étendit rapidement; en 4740, il fut appelé
I à Rome, où il étudia les maîtres de la grande école romaine;
j en 4 741 , à Bologne, où il profita des conseils du P. Mar-
; tini. Le succès de sa Merope à Venise en 4747 le fit
! nommer directeur du conservatoire degli Incurabili, De
i 1749 à 1754, il occupa k poste de maître de chajieile de
JOMMELLI — JONAS
486
Saint-Pierre à Rome. De 4754 à 4768 il habita Stuttgart
comme maître de chapelle de la cour. Ce long séjour en
terre allemande porta Jommelli vers une nouvelle direction
artistique ; il fortifia son écriture harmonique et son ins-
trumentation. Mais si cette transformation aida à ses suc-
cès à Stuttgart, elle éloigna de lui le public italien. Lors-
qu'il revint dans sa patrie, il eut le chagrin de voir échouer
complètement à Naples ses opéras Demofoonte (4770),
Armida (4770) et îfigenia in Aulide (4773), qui comp-
taient cependant parmi ses meilleures partitions. La tris-
tesse que Jommelli ressentit de ces échecs altéra profondé-
ment sa santé. Son dernier ouvrage fut un Miserere à
deux soprani et orchestre, écrit sur la traduction italienne
de Mattei. Le nombre total des opéras de Jomelli dont les
titres sont connus est de 44 ; ceux qu'il avait écrit à Stut-
gart ont été détruits par un incendie en 4802. Les qua-
lités d'expression dramatique, plus développées chez cet
artiste que chez la plupart de ses compatriotes au xviii®
siècle, l'avaient fait surnommer «le Gluck de l'Italie».
Outre ses opéras, il a laissé quatre oratorios, dont une
Passion, cinq messes, un Requiem et d'autres composi-
tions religieuses moins importantes. Des copies de la plu-
part de ses ouvrages existent dans quelques grandes biblio-
thèques, notamment aux archives du Collège royal de
musique, à Naples, et au Conservatoire de Paris. M. Br.
BiBL.: S. Mattei, Elogio di Jommelli; Naples, 1785.
— Alfïeri, Notizie biografiche di N. Jomm,elli ; Rome,
1845. — Florimo, Cenno storioo sulla scuola musicale di
Napoli, t. I.
JON (F. du) (V. Du Jon).
JON EmiKssoN (V. Erichsen).
JON EspoLTN (V. Espolin).
J0NÂ6E. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Vienne, cant.
de Meyzieux ; 976 hab.
JONAS. L'écrit, fort court, qui porte ce nom et figure
dans le recueil des douze petits prophètes de la Bible' hé-
braïque, se donne pour le récit d'aventures, dont le héros
est un prophète du nom de « Jonas, fils d'Amithaï », cité
dans les livres des Rois (2, Rois, xiv, 25) comme con-
temporain de Jéroboam II, roi d'Israël (première moitié du
viii^ siècle avant notre ère). C'est la raison pour laquelle
la synagogue lui a donné place dans le canon sacré avant
Michée, contemporain d'Isaïe. C'est à tort que quelques
critiques modernes ont contesté que la place de Jonas fût
marquée dans la collection prophétique, sous le prétexte
que sa prophétie se réduit à un récit; en effet, la narration
qui fait partie de presque tous les écrits prophétiques y
joue souvent un très grand rôle. Jonas est invité par la
divinité à se transporter à Ninive pour annoncer à cette
capitale sa ruine prochaine en punition de ses crimes ; cette
mission lui déplaisant, il s'embarque à Japho sur un na-
vire à destination de Tarsis (Espagne). Mais une tempête
éclate, et Jonas est bien obligé d'avouer que le danger
couru par le navire n'a pas d'autre cause que son propre
refus d'obéir à la divinité. Là-dessus, on le jette à l'eau.
Englouti par un grand poisson, Jonas reste dans son ventre
trois jours et trois nuits et témoigne par une fervente prière
de son retour à de meilleurs sentiments. La divinité, tou-
chée de son repentir, ordonne au poisson de vomir le pro-
phète sur le rivage, puis elle lui renouvelle l'ordre d'aller
à Ninive. Cette fois-ci, Jonas obéit et il annonce à Ninive
sa destruction prochaine. Les habitants de Ninive donnent
immédiatement les signes du plus sincère repentir et Dieu
prend la résolution de leur accorder le pardon qu'ils sol-
licitent humblement. Jonas, de nouveau, éprouve un mou-
vement de mauvaise humeur en voyant que la clémence
divine a rendu vaines les menaces dont il était porteur.
Sur quoi, la divinité veut lui donner une leçon de tolé-
rance ; elle lui procure, par une dispensation bienveillante,
l'ombrage d'une plante (un ricin), qui le protège contre
l'ardeur du soleil, et soudain elle lui enlève cet abri pro-
tecteur. Aux plaintes du prophète, Dieu répond : « Fais-
tu bjen de t'irriter à cause du ricin?... Tu as pitié de
cette" plante, qui ne t'a coûté aucune peine et que tu n'as
pas fait croître, qui est née dans une nuit et qui a pérî
dans une nuit. Et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive, ïa
grande ville, dans laquelle se trouvent plus de cent vingt
mille hommes qui ne savent pas distinguer leur droite de
leur gauche et des animaux en grand nombre. » (iv, 9-44.)
Le livre de Jonas est moderne par tout son contenu, mo-
derne par sa langue, moderne par ses connaissances géo-
graphiques qui comprennent du Tigre jusqu'à TEspagne,
moderne par les allusions aux pratiques, relativement ré-
centes, du jeûne et des vœux, moderne par ses connais-
sances historiques, qui lui ont fait très ingénieusement
choisir Ninive pour une action dont le héros appartient
au vm® siècle av. J.-C, moderne plus encore par cette
circonstance, — qui prouve quelle étendue a pris son horizon
religieux, — que le prophète n'est plus l'organe de Dieu à
l'égard des seuls Israélites, mais à l'endroit des différentes
nations du globe, moderne par la facilité avec laquelle on
annexe ici au judaïsme la capitale de l'Assyrie, moderne par
les termes du cantique de Jonas qui font allusion au rituel
du temple de Jérusalem pour l'époque du m® siècle avant
notre ère, moderne par son propos avoué d'universalisme
libéral, mais plus particulièrement encore par la note d'in-
dulgence et de pitié qui met dans l'ombre les sévérités de
la justice divine, moderne enfin par les allures très particu-
lières du récit, où Dieu, prophète, hommes, bêtes et plantes,
forment les éléments d'un petit drame, conçu dans l'esprit
de cette littérature kaggadique qui prit un si grand dé-
veloppement aux abords du christianisme. Le livre de Jo-
nas est donc une œuvre de la seconde moitié du m® siècle
avant notre ère, de très peu antérieure à la clôture du re-
cueil prophétique que nous plaçons aux environs de 200
av. J.-G. M. Vernes.
BiBL. : Reuss, Philosophie religieuse et morale des Hé-
breux, 1878, pp. 561 et suiv. — Vernes, art. Jonas^ dans
Encyclopédie des sciences religieuses, 1880, t. VII. — Le
même, Du Prétendu Polythéisme, 1891, t. II, pp. 312 et suiv.
— CoRNiLL, Einleii. in das A.T., 1892, pp. 180 et suiv., 2« éd.
JONAS, évêque d'Orléans, mort à Orléans en 844. Il
succéda à Théodulphe, mort en 824, s'efforça d'imposer
une discipline ferme à son diocèse, assista au concile de
Paris de 829, et, avec les évêques du Nord et contre le
pape, il prit énergiquement parti pour Louis le Pieux
quand ses fils se révoltèrent contre lui. On a de Jonas trois
écrits, réimprimés dans la Patrologie de Migne (séries
latin,, t. CVI). Les Libri IIl de Cultu imaginum (éd.
princeps à Cologne, 4554) sont dirigés contre le radica-
lisme iconoclaste de Claude de Turin (V. ce nom), quoique
Jonas réprouve aussi les superstitions par trop grossières.
Il prend pourtant la défense des reliques et de leurs ver-
tus. Cela tient, en partie, à l'antique doctrine, qu'il retient
encore, de la restriction des effets de la mort de Jésus aux
péchés commis avant le baptême. Dans les Libri III de
Institutione laicali, Jonas oppose à la rudesse et au relâ-
chement moral de son temps, la force que peut donner
l'amour de Dieu dans la vie pratique et laïque. Les traits
de mœurs qui se rencontrent dans ce traité caractérisent
l'époque et ne manquent pas d'importance historique. Enfin ,
le De Institutione regia [Spicilegium ; Paris, 4655,
t. I, p. 323) est une épître d'exhortation adressée au jeune
Pépin d'Aquitaine. F. -H. K.
BiBL. : Hist. litt. de la France ; Paris, 1740, t. V, pp. 20-31.
JONAS (Justus), théologien et réformateur allemand,
né à Nordhausen le 5 juin 4493, mort à Eisfeld le 9 oct.
4555. Il étudia le droit, puis la théologie à Erfurt, et fut
appelé en 4524 à Wittenberg, comme professeur de théo-
logie et pasteur de l'église collégiale ; il y fut promu au
grade de docteur en théologie. Il eut avec Luther les rap-
ports les plus intimes et fut un de ses plus fidèles collabo-
rateurs. Il l'accompagna en 4524 à la diète de Worms,
collabora à la traduction de la Bible, à l'inspection des écoles
(4529), au colloque deMarbourg (4529), à la diète d'Augs-
bourg (d530), et assista à la mort et aux funérailles de
Luther (4546). Il avait été nommé en 4541 pasteur à Halle ;
mais Maurice de Saxe l'en ayant fait expulser en 4546, U
_ 187 -
JONAS - JONCHETS
deyint prédicateur de la cour à Cobourg, et mourut comme
surintendant d'Eisfeld. Il publia de très nombreux écrits
en allemand et en latin, entre autres: Discussio procon-
jugio sacerdotali (4523).
BiBL.: Pressel, JiistusJonas, 1863. — Fdlix Kuhn, Lw-
iher^ sa vie et son œuvre ; Paris, 1883-84.
JONASSEN (Vitus) (V. Bering).
JONATHAN ou JONATHAS,fils de Saûl. Il se distingue
auprès de son père dans les luttes contre les Philistins qui
fondèrent l'indépendance des Israélites, se lie d'une étroite
amitié avec David, écuyer de son père, est soupçonné par
celui-ci de connivence avec le futur roi d'Israël, mais
reste d'un bout à l'autre fidèle à Saul et finit par succom-
ber avec lui sous les coups des Philistins dans le combat
de Gelboé. L'amitié de Jonathan et de David est restée
célèbre; le « cantique funèbre », placé dans la bouche de
David au moment où lui parvient la nouvelle du désastre
du Gelboé, mêle dans un même regret les noms de Saiil
et fait allusion à ladite amitié. M. Vernes.
JONATHAN, fils de Matatias (V. Machabées).
JONC.I. Botanique. — {JuncusT.). Genre de Monoco-
tylédones, qui a donné son nom à la famille des Joncacées.
Ses représentants sont des plantes herbacées, croissant
presque toutes dans le voisinage de l'eau. Les tiges sont
nues ou fouillées ; les feuilles alternes sont écartées, ou
parfois toutes rapprochées, distiques, à la base des tiges ;
elles sont généralement cylindriques, plus rarement planes
ou canaliculées. L'inflorescence est terminale, mais parfois
la feuille bractéale se prolonge et la fait paraître latérale.
Le périanthe se compose de six pièces glumacées, avec six
étamines ou trois par avortement du verticille intérieur ;
l'ovaire est triloculaires,multiovulé, la capsule trivalve. On
connaît près de 200 espèces de Joncs, répandues sur tout
le globe. Beaucoup sont fourragères, textiles, etc. ; ex. : le
Jonc à lier ou Jonc des jardiniers qui est fourni par les
Jimcus eff'usus Huds., /. conglomeratus L. et J, glaucus
Ehrh. On donne encore le nom do Jonc à d'autres plantes
telles que le Scirpus lacustrîs L. ou Jonc d'eau. Jonc
d'étang ou Jonc des chaisiers; le Typha latifolia L., ou
Jonc de la passion ou Jonc à marotte ; le Cyperus papyrus
L. ou Jonc du Nil ; le Butomus umbellatus L. ou Jonc
fleuri, Jonc des rivières ; le Genista juncea Lamk. ou Jonc
d'Espagne, etc. D'' L. Hn.
IL Horticulture. — On cultive quelques joncs comme
Juncus effïtsus Huds., /. glmicusÈhrh,, J, maritimus
Lam., pour garnir et consolider les bords des étangs et
des pièces d'eau. Leurs rameaux que l'on peut tresser et
dont on fait des chapeaux, des nattes, servent encore de
liens pour attacher les plantes. D'autres espèces : /. al-
pinus VilL, /. JacquiniL.^J, Tenageia Ehrh., se plaisent
dans la terre de bruyère humide et sont parfois cultivées
en bordure. G. B.
JONCACÉES. L Botanique. — Famille de plantes Mo-
nocotylédones, composée d'herbes généralement vivaces, à
rhizome écailleux, répandues dans les endroits humides des
parties tempérées de riiémisphère boréal. La tige est noueuse,
ordinairement simple, feuillée; les feuilles sont alternes,
entières, engainantes à la base, planes ou cylindriques. Les
fleurs sont ordinairement hermaphrodites, petites, régu-
lières, à périanthe composé de six pièces semblables, vertes,
parfois pétaloîdes, à six étamines, rarement trois, opposées
aux pièces du périanthe et insérées à leur base, avec des
anthères biloculaires, introrses. Le gynécée se compose
d'un ovaire libre, à trois loges parfois confondues en haut
(Luzula), avec un style à trois stigmates; la capsule est
trivalve, à déhiscence loculicide, rarement septifrage; les
graines ont un test membraneux, plus ou moins lâche ;
l'embryon, petit, à radicule infère, est logé dans un albu-
men charnu près de sa base. Les genres principaux sont :
Juncus L. et Luzula DG. (V. Jonc et Luzule).
IL Paléontologie. — On voit apparaître les Joncacées,
après la plupart des autres Glumacées, dans les terrains
éocènes, les Juncus en particulier dans l'aquitanien.
JONCELS. Abbaye bénédictine du diocèse de Béziers,
près de Lunas. La date de fondation en est inconnue. La
première mention de cette maison se trouve dans un di-
plôme de Pépin P^, roi d'Aquitaine, de l'an 837, par
lequel ce prince la prend sous sa protection. L'histoire de
Joncels, qu'on appelle quelquefois Saint-Pierre-de-Lunas,
est assez obscure. Restaurée par saint Fulcran, évêque de
Lodève au x® siècle, elle est usurpée par Bernard-Aton,
vicomte de Béziers, qui la possédait en 1418. Au xi^ siècle
elle avait été un instant unie à l'abbaye de Psalmodi, au
diocèse de Nîmes. Joncels est soumis pour un temps à
l'abbaye de Saint-Victor de Marseille par Guillaume Gri-
moard, plus tard pape sous le nom d'Urbain V. Le couvent
est pillé et à demi détruit au xvi*^ siècle par les calvinistes,
qui dispersent les archives. Dès le milieu du xv®, l'abbaye
était tombée en commende.
BiBL. : Gallia christiana^ VI. — D. Vaissette, HisL de
Languedoc, passim, et principalement IV, 485-488.
JON CHÈRE (La). Com. du dép. de la Vendée, arr. des
Sables-d'Olonne, cant. de Moùtiers-les-Maufaits ; 985 hab.
JONCHÈRE (La) (lat. Juncheria). Com. du dép. de
la Haute-Vienne, cant. de Laurière, arr. de Limoges, sur
le chemin de fer de Limoges à Paris ; 4,497 hab. Douze
foires par an. Le bourg de La Jonchère avait au moyen
âge plus d'étendue qu'aujourd'hui. L'évêque de Limoges en
possédait la seigneurie et y était représenté par un prévôt.
Il en est souvent question dans les documents d'origine
limousine. Le domaine du Vignaud, à M. de Léobardy, est
réputé l'un des mieux exploités du département.
JONCHERE (Etienne Lécuyer de La), ingénieur mili-
taire et publiciste français, né à Montpellier en 4690,
mort à Londres en 4740. Esprit inventif, comme Vauban,
à la fois très pratique et chimérique, il assista au siège
de Lille, en 4740, par le prince Eugène, et composa son
premier ouvrage (4748) sur les travaux de siège et la nou-
velle manière de fortifier les villes. Puis il étudia le projet
de réunir la Méditerranée à la Manche au moyen de la jonc-
tion de l'Yonne et de la Saône, canal de Bourgogne (4748).
Mais on lui vola ses plans et son idée. En 4749, non dé-
couragé, il publia ses Principes d'hydraulique et de
mécanique^ suivis en 47^29 d'un opuscule Sur rimmo'
bilité de la terre au centre de Vunivers et en 4734
d'un Mémoire relatif aux longitudes difficiles a trou-
ver. Les travaux scientifiques et les projets n'absorbèrent
pas son activité. En 4720, au mWiQXiàn système et du mou-
vement de liquidation des finances du règne de Louis XIV,
il fit paraître (Amsterdam, 4 vol. in-i2) ses idées ou
plutôt son Système d'un gouvernement de la France. ■■
C'est un plan de réforme financière fiscale calquée sur les
plans, idées, édits de Lav^. La Jonchère imagine d'abolir
tous les impôts et de les remplacer par une dîme en nature,
de charger une compagnie de la percevoir et de faire face
à toutes les dépenses de l'Etat, armée, marine, dette
publique, royauté, administration, canaux, rivières,
d'orner Paris^ d'acheter le Louvre et d'émettre pour
4,900,000,000 d'actions garanties par l'impôt unique,
Guérin de Hademont paraît avoir précédé de La Jonchère
dans la conception de l'impôt unique. On sait que Vauban
ne substituait la dîme royale qu'à une partie des impôts.
La Jonchère mourut dans une extrême pauvreté. F. de F.
JONCHÊRES. Com. du dép. de la Drôme, arr. de Die,
cant. de Luc-en-Diois ; 478 hab.
JONCHEREY. Com. du territoire de Belfort, cant. de
Délie ; 489 hab.
JONCHERY. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. et
cant. de Chaumont; 283 hab.
JONCHERY~suR-SuiPPES. Com. du dép. de la Marne,
arr. de Chàlons-sur-Marne, cant. de Suippes ; 281 hab.
JONCHERY-sur-Vesle. Com. du dép. de la Marne,
arr. de Beims, cant. de Fismes ; 60o hab. Stat. du chem.
de fer de l'Est, ligne de Soissons à Beims.
JONCHETS (Jeux). Petits bâtonnets très menus en os
ou en ivoire, d'une longueur de 7 à 8 centim., formant,
JONCHETS — JONES
— ^88
au nombre de quarante ou cinquante, un jeu complet.
Certaines pièces : le roi, la reine, ies cavaliers se distin-
guent des autres par une petite tête ; il y a aussi des dra-
peaux. Deux joueurs munis chacun d*un petit crochet se
placent face à face. Celui que le sort a désigné prend le
paquet de jonchets et le laisse tomber brusquement sur
une table, de manière à ce qu'ils s'éparpillent et s'enche-
vêtrent. Le joueur alors, à l'aide de son crochet, s'évertue
à capturer tour à tour chacun des jonchets et les met à
part. En raison de leur forme particulière et de leur poids,
les jonchets désignés sous le nom de roi, reine, cavaliers,
drapeaux, présentent à l'élimination des difficultés plus
grandes ; aussi leur capture comporte-t-elle un plus grand
nombre de points. Cette capture doit s'effectuer sans qu'au-
cune pièce du jeu autre que celle qui est visée remue. Au
moindre mouvement provoqué, la main passe à l'autre
joueur qui doit observer la même règle. A la fin de la
partie, c.-à-d. lorsque la totalité des "jonchets a été tour
à tour, à l'aide du crochet, retirée de la table, par l'un
ou par l'autre joueur, on compte les points. Le roi compte
pour 20; h reine, 10 ; les cavaliers et les drapeaux, 5;
les autres jonchets, i. Connus des anciens, k& joîichets,
onchets, honchets ou hochets constituent un des jeux
d'adresse les plus primitifs. D*" Collineau.
JONCIÈRES (Félix-Ludger, dit Victorin de) , compositeur
et critique musical, un des musiciens les plus actifs et
les plus intéressants de la France, ou pour mieux dire de
la nouvelle école, né à Paris en avr. 4839. Voulant
d'abord se livrer à la peinture, il entra dans l'atelier de
Picot, puis il l'abandonna pour la musique et travailla
avec Élwart et Leborn. Ses études n'étaient pas encore ter-
minées qu'il se livrait à la composition, faisant entendre
d'abord de la musique d'orchestre sur ÏHamlet de Sha-
kespeare, puis au Théâtre-Lyrique un grand opéra, Sarda-
napale (1867) et un autre deux ans après dans la même
salle, le Dernier Jour de Pompéi. Toute cette musique
révélait un artiste bien doué pour le théâtre, au talent vigou-
reux et mâle, mais incomplet et n'ayant pas encore suf-
fisamment acquis le maniement des voix et de l'orchestre.
M. Joncières était entré résolument dans la lutte ardente
qui s'était ouverte à la suite des concerts de Wagner ; ses
ennemis lui firent payer cher son inexpérience et aussi ses
mots spirituels et mordants. Le Dernier Jour de Pompéi
eut une chute éclatante. M. Joncières rentra pour quelque
temps dans l'ombre, puis il redescendit dans l'arène avec
Dimitri (1876). Ce fut une surprise. Son style avait pris
du corps et de la solidité, son orchestre était devenu co-
loré, puissant, varié, le sentiment dramatique s'était
affirmé, bref on était en face d'une oeuvre véritablement
intéressante et musicale ; on sentait que le compositeur, en
homme de talent et de volonté, avait profité des sévères
leçons de ses ennemis. Avec Dimitri, M. Joncières a pris
rang parmi les musiciens qui font honneur à l'école fran-
çaise. Ce succès fut suivi de la chute imméritée de la Reine
Berthe à l'Opéra dont le public ne comprit pas les inten-
tions ingénieuses et réellement dramatiques. Disons aussi
que l'exécution de cette partition avait été des plus défec-
tueuses. Le Chevalier Jean, le dernier opéra exécuté de
M. Joncières, a été couronné par l'Institut et a remporté
un réel succès à l'Opéra-Comique; on y retrouvait du reste
les qualités de l'auteur de Dimitri.
M. Joncières avait pris dans la critique une position mili-
tante; écrivant dans la Liberté sous le pseudonyme de
Jennius depuis 1871, il avait pris vigoureusement en main
la cause de la musique nouvelle et de ses théories et s'était
fait le partisan déclaré de Wagner. Ces éloges, bien dépassés
aujourd'hui, paraissaient alors exagérés, et ses critiques
alors acerbes et sévères lui firent bien des ennemis. M. Jon-
cières, depuis longtemps déjà, a cessé de lutter avec la
même ardeur, mais il combat toujours le bon combat et
on peut le compter au nombre de nos meilleurs critiques
musicaux. — Voici la liste de ses oeuvres principales :
OE^jvREs DBAMATiQUES ; Haïïikt^ ouverture^ entr'acte et
musique de scène sur la tragédie de Shakespeare (théâtre
de la Gaîté, 1862) ; Sardanapale, opéra en trois actes
et trois tableaux (Théâtre-Lyrique, 1867); le Dernier
Jour de Pompéi, opéra en quatre actes et six tableaux
(Théâtre-Lyrique, 1869) ; Dimitri, opéra en trois actes et
sept tableaux (Théâtre-Lyrique, 1876; Opéra-Comique,
1890); la Reine Berthe, opéra en deux actes (Opéra,
1878) ; le Chevalier Jean, opéra en quatre actes (Opéra-
Comique, 1886); Lancelot, opéra en cinq actes, inédit.
— OEuvRES SYMPHONiQUES I Ouverture de concert (\ 860) ;
Fantaisie-marche (1861); Concerto en ré mineur
pour le violon (1869) ; Symphonie romantique (1871) ;
Sérénade hongrcÀse (1880) ; Li-tsen, chœur (1881);
la Mer (concerts du Conservatoire, 1881). H. L.
JONCKBLOET (Guillaume- Joseph- André), littérateur
hollandais, né à La Haye le 6 juil. 1817, mort à Wies-
baden en oct, 188o. Il fut successivement professeur au
gymnase de Deventer et aux universités de Groningue et de
Leyde, et siégea à la deuxième Chambre des Etats-Généraux
de 1864 à 1877. Il a publié un grand nombre d'ouvrages
de philologie néerlandaise et de critique dans lesquels il fait
preuve d'une érudition très sûre et d'un jugement très
délicat. Les principaux sont, indépendamment d'un grand
nombre d'éditions savantes de textes néerlandais du moyen
âge : Histoire de la poésie médiévale (enholl. ; Deventer,
1851-55, 3 vol. in-8) ; Etude sur le roman de Renart
(Groningue, 1863, in-8); Histoire de la littérature
néerlandaise (en holl. ; Groningue, 1868-72, 2 vol. in-8,
rééd. en 1880) ; Correspondance et œuvres deC. Huy-
gens (Leyde, 1885, in-8). E. H.
JONCÔURT. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Saint-
Quentin, cant. du Catelet ; 667 hab.
JONCOURT (Pierre de), prédicateur protestant, né à
Clermont en Beauvoisis vers 1650, mort à La Haye en
1725. 11 quitta la France vers l'époque de la révocation de
l'édit de Nantes et devint pasteur de l'égHse wallonne de
Middelbourg. Ses prédications éloquentes le rendirent cé-
lèbre et lui valurent d'être appelé à l'église de La Haye. Il
composa un grand nombre d'ouvrages d'apologétique et de
controverse. En voici les principaux : Entretiens sur les
différentes méthodes d'expliquer VEcriiure de ceux
qu'on appelle Coccéiens et Voétiens dans les Provinces-
Unies (Amsterdam, 1707, in-12); Nouveaux Entre-
tiens, etc. (;{l'd^)', Entretiens sur V état présent de la
religion en France (La Haye, 1725, in-8). — Son fils,
Elias de Joncourt, né à La Haye en 1700, mort à La Haye
en 1770, devint aussi pasteur et traduisit en hollandais les
œuvres de Berkeley, de Newton, de Fordyce et d'autres
philosophes anglais.
BiBL. : Ypey et Dermont, Histoire de VEglise réformée
aux Pays-Bas; Breda, 1819-27, 5 vol. in-8.
JONCQUERETTES. Com. du dép. de Vaucluse, arr.
d'Avignon, cant. de L'Isle-sur-la-Sorgue; 253 hab.
JONCQUIÈRES. Com. du dép. de Vaucluse, arr. et
cant. d'Orange ; 1,900 hab.
JONCREU'lL. Com. du dép. de l'Aube, arr. d'Arcis-
sur-Aube, cant. de Chavanges; 199 hab.
JONCY {Junciacus). Com. du dép. de Saône-et-Loire,
cant. de La Guiche, arr. de Charolles, sur la Guye ;
1,103 hab. Moulin, huilerie, tuilerie et four à chaux ; car-
rières de pierre à bâtir. Joncy, l'une des quatre anciennes
baronnies du Charolais, a appartenu aux Clermont, aux Dyo,
aux Rochebaron, aux d'Aumont et aux Cottin de La Barre.
H devint le siège d'un canton sous la Révolution. En 1652,
de Saulx-Vantoux y battit un parti de huguenots. L-x.
JONES (Inigo), architecte anglais, né à Londres vers
1572, mort à Londres (Somerset House), le 5 juil. 1651.
Fils d'un drapier et mis en apprentissage chez un menui-
sier, Jones décela son goût pour les arts par quel-
ques essais de paysages qui lui valurent la protection du
comte W^illiam de Pembroke aux frais duquel il fit un
voyage en Italie. C'est pendant ce voyage (ju'il étudia l'ar-
chitecture dans les œuvres des maîtres italiens et surtout à
Venise oii il fut présenté au roi de Danemark Christian IV
qui se l'attacha comme architecte etpUis tard l'emmena en
Ecosse où Jones devint Farchilecte de la reine Anne et
du prince de Galles. C'est après un nouveau voyage à Venise
qu'il fut nommé en 1618 siuweyor gênerai ou conivùlenr,
ea même temps qu'architecte en chef des bâtiments royaux
d'Angleterre et qu'il fit élever soit seul, soit aidé de ses
élèves, Carter et Webb, les nombreux édifices qui lui sont
attribués et auquel il sut imprimer un double caractère de
noblesse et de richesse inspiré par les œuvres de Palladio
et (le Scamozzi. Parmi ces édifices, il faut citer les façades
N. et S, du quadrangle de Saint John's Collège, à Oxford;
une façade monumentale au-devant de l'ancienne église
Saint-Paul de Londres, façade démolie en même temps
que l'église, mais dont une vue a été reproduite dans la
monographie de Dugdale ; la fameuse salle des banquets de
Whitehall, faible partie du grandiose plan d'ensemble de ce
palais qui ne fut pas continué; la façade sur les jardins de
Somerset House, façade démolie lors de la reconstruction
totale de cette résidence; la somptueuse villa du comte
Philippe de Pembroke, à Wilton ; les palais de Gunnerbury
et d'Ambesbury; une partie, celle orientale, du palais royal
de Greenwich, partie englobée aujourd'hui dans l'hôpital des
Invalides de la marine anglaise ; l'église Saint- Paul, dans Co-
vent Garden, et les York Stairs, vaste emmarchement avec
porte monumentale construit au bord de la Tamise pour
l'amiral duc de Buckingham. Jones, qui avait dessiné, pour
Jacques!®^, des projets de divertissements avec machinerie
spéciale dont treize sont venus jusqu'à nous, releva, pour
ce même souverain, les enceintes circulaires mégaHthiques
de Stonehengeet laissa un portefeuille considérable d'études
dans le style de la Renaissance italienne, lesquelles, avec
ses œuvres exécutées, exercèrent une grande influence sur
l'art anglais pendant plus de deux siècles. Charles Lucas.
JBiBL. : CuNNiNGHAM, Life of J. J. ; Londres, 1<S48.
JONES (John), parlementaire anglais, mort lei7 oct.
MyiôO. Colonel dans l'armée parlementaire en 4646, il né-
gocia la reddition d'Anglesey. Un des juges du roi, il signa
l'arrêt de mort, fit partie du Long Parlement pour le Me-
rionetshire (1647) et siégea au conseil d'Etat. En 1650,
il fut membre de la commission adjointe au lord député
pour le gouvernement de l'Irlande. Lorsque Cromwell se fit
nommer protecteur, Jones, fort honnête homme et fort indé-
pendant, lui fit une tenace opposition. Mais le protecteur
lui fit épouser sa sœur Catherine, veuve de Roger Whit-
stone (1656). Il pouvait s'élever à une brillante fortune; il
ne voulut accepter qu'un siège à la Chambre des lords et
le gouvernement de l'ile d'Anglesey (1657). Le Parlement
lui confia de nouveau le gouvernement de l'Irlande (1659).
Jones se rangea du côté de Lambert. Arrêté par les officiers
de Monck (13 déc), il fut accusé de haute trahison, mais
remis bientôt en liberté sur sa simple promesse de ne rien
tenter contre le gouvernement. Comme parent de Cromwell
et adversaire de Monck, il ne devait attendre aucun ména-
gement de la Restauration. Il n'essaya même pas de se ca-
cher, fut arrêté le 2 juin 1660, condamné à mort le 12 oct.
et exécuté le 17. R. S.
JONES (William), mathématicien anglais, né à Llanfi-
hangel (lie d'Anglesey) en 1675, mort à Londres le 3 juil.
1749. Au retour d'un voyage aux Indes, où il s'était rendu
pour le compte d'une maison de commerce, il fonda à
Londres une école de mathématiques, puis fit successive-
ment paraître : A New Comvendium of the whole art
of Navigation {Londres, 1702, in-8); Synopsis P aima-
riorum Mathesos (Londres, 1706, in-8). Ce dernier ou-
vrage, qui est une sorte d'inventaire, tracé de main de
maître, de l'état des connaissances mathématiques au début
du xviii^ siècle, lui conquit tout de suite l'estime de Hal-
ley et celle de Newton, qui l'autorisa à extraire de ses notes
et à éditer son Analysis per quaniitalum séries (Londres,
1711, in-4). En 1711, W. Jones fut élu membre de la
Société royale de Londres, dont il devint par la suite vice-
président, et vers le même temps il fut pourvu, grâce à
- lÔ^ -- JONES
la protection de lord Macclesfield, dont il avait été pré-
cepteur, d'une sinécure assez rémunératrice pour lui per-
mettre de se consacrer exclusivement à ses recherches, qui
portèrent surtout sur les logarithmes et les sections coni-
ques. Il en a consigné les résultats dans de savants mé-
moires insérés dans les Philosophical Transactions, Il
avait réuni la plus riche bibliothèque mathématique de
l'Angleterre. Il la légua, ainsi que ses manuscrits, à lord
Macclesfield. L. S.
BiBL. : Lord Teignmouth, Life of sir William Jones.
— BaEwsTER, Li/"e ofslr J. lYewfon, t. I, p. 226, et t. II,
p. 421. ~ S.-J. RiGAUD, Correspondence of scientific men:
Oxford, 1841, t. I, pp. 256 et suiv.
JONES (Henry), auteur dramatique anglais, i;^ à Beau-
lieu, près de Drogheda, en 1721, mort à Londres en avr.
1770. Protégé par le lord chief-justice Singleton et par
lord Chesterfield, vice-roi d'Irlande, il débuta par un re-
cueil de poésie : Poems on several occasions (Londres,
1749, in-8) qui fut bien accueilli. Le 21 févr. 1753, il fai-
sait représenter à Covent Garden sa tragédie The Earl of
Essex qui obtint un succès éclatant, bien qu'elle fût aussi
mal écrite que possible. Ce succès perdit Jones. Ivrogne,
paresseux et insolent, il perdit la protection de Chesterfield,
vécut presque constamment dans des tavernes et mourut
dans un workhouse. Il laissait deux tragédies inachevées,
Harold et The Cave of Idra et beaucoup de poésies im-
primées entre 1746 et 1768. R. S.
JONES (Sir William), orientaliste anglais, né à
Londres en sept. 1746, mort à Calcutta en avr. 1794.
Il était le plus jeune fils de William Jones (V. ci-
dessus) et perdit son père à l'âge de trois ans. Bril-
lant élève de l'école de ïlarrow, puis étudiant à Oxford,
il s'adonna particulièrement à l'étude des langues anciennes
et modernes, européennes et asiatiques. Sur la fin de sa
vie, il passait pour en connaître treize à fond et vingt-huit
assez bien. Il est aisé de juger qu'il écrivait le français à
la perfection : c'est dans cette langue que parurent ses
premiers ouvrages: la Vie de Nadir Shah (1770, 2 vol.
in-4), suivie la même année d'un Traité sur la poésie
orientale et l'année suivante d'une Dissertation sur la
littérature orientale, sorte de petit pamphlet d'allure
toute voltairienne, où il attaquait la traduction du Zend-
Avesta d'Anquetil-Duperron avec plus d'esprit que de juge-
ment. La première édition de sa grammaire persane parut
également en 1771. En 1772, il donnait encore des Po^ms
traduits surtout des langues asiatiques, et quand, pour
vivre, il eut embrassé la carrière du droit, il continua de
mener de front ses études orientales, ses travaux juri-
diques, voire même ses visées politiques. Mais les dix ans
qu'il passa dans l'Inde (de déc. 1783 jusqu'à sa mort en
avr. 1794) furent de beaucoup les plus importants de sa
vie, et c'est comme « pionnier de la littérature sanscrite »
qu'il a gagné sa réputation. Depuis longtemps, il désirait
une place de juge à la cour suprême de Calcutta; en dépit
de ses opinions libérales et de son opposition à la guerre
d'Amérique, il finit par l'obtenir au printemps de 1783. Il
partait mieux préparé que personne par l'étendue de ses
études antérieures; d'humeur affable et modeste, il n'avait
rien de cette arrogance méprisante que les Anglais, de son
temps comme du nôtre, aflîchaient à l'égard des Hindous;
enfin, en dépit de ses trente-sept ans, il arrivait plein d'un
enthousiasme que le professeur M. Muller, dans la première
des conférences réunies sous le titre de: India, what
can îtteach us, propose encore comme exemple aux jeunes
« civilians » d'aujourd'hui. Son premier soin fut de fonder
la Société asiatique du Bengale, dont il resta le président.
Les pandits furent émerveillés de ses progrès et inconso-
lables de sa mort. Il fut le premier Anglais qui posséda le
sanscrit, mais il ne fit que pressentir l'immense dévelop-
pement philologique qui devait sortir delà connaissance de
cette langue. En revanche, il découvrit le théâtre indien,
et, pour apprécier le mérite de sa découverte, il faut en lire
le récit dans la préface de sa traduction de Sakountala
(terminée dès 1789). En même temps, n'oubliant pas sa
JONES
- m -
qualité de juriste, il se proposait d'être, selon ses propres
paroles, « le Justinien de l'Inde » ; il décida de publier,
avec l'aide de savants indigènes, un Digeste complet de la
loi hindoue et mahométane. Il eut le temps d'achever deux
traités sur la loi musulmane des héritages, et surtout les
Institutes of Hindu Law or The Ordinances of Mena
(Manou) (1794, in-8 ; 2^ éd., 1797), son plus beau titre de
gloire. C'est sur ce livre que s'appuie la statue que les
directeurs de l'East ludia Company lui firent élever dans
la cathédrale de Saint-Paul. Il a également un monument,
par Flaxman, dans la chapelle d'University Collège, à
Oxford {Œuvres complètes; Londres, 1799, 6 vol. in-4,
réimprifflés en 1807, 13 vol. in-8, avec les Mémoires
par lord Teignmouth). A. F.
JONES (John Paul, surnommé), marin écossais, né à
Kirkbean le 6 juil. 1747, mort à Paris le 18 juil. 1792.
Engagé à douze ans dans la marine marchande et sur des
navires de traite américains, il entra en déc. 1775 avec le
grade de lieutenant dans la marine de guerre américaine et
réalisa contre les Anglais des exploits d'une audace folle.
Il commanda V Alfred avec lequel il fit seize prises en six
semaines (1776), puis le Ranger (1777) avec lequel il
attaqua Whitehaven, essaya d'enlever lord Selkirk dans
sa résidence près de Kircudbright (1777), s'empara d'un
navire de force double du sien. La France, après de lon-
gues hésitations, lui confia le Bonhomme Richard, mais
en lui adjoignant V Alliance, capitaine Landais, qui, par
jalousie, non seulement ne l'aida pas, mais le canonna quand
il fut aux prises avec les Anglais. Jones, après avoir fait
vingt-six prises en un mois, s'empara du Serapis, navire
plus fort que le sien, après une lutte terrible, et n'eut que
le temps de passer sur sa prise avant que son propre
vaisseau coulât (23 sept. 1779). Louis XVI lui offrit
une épée d'honneur. A partir de 1784, il fut employé à
diverses missions en France et en Danemark relatives à des
règlements de prises. Puis il se rendit en Russie où Cathe-
rine II lui donna le grade de contre-amiral et l'envoya
rejoindre Potemkin dans la mer Noire. Il eut des difficultés
avec Potemkin et, mal accueilli par la haute société de
Saint-Pétersbourg, s'établit à Amsterdam. Il tenta sans
succès d'entrer au service de la Suède et mourut dans
l'indigence. Il a hissé des Mémoires (Paris, 1789, et Edim-
bourg, 1830) extrêmement intéressants, mais auxquels on
ne saurait toujours se fier. Fen. Cooper en a fait le héros
de son Pilote et Alexandre Dumas de son Capitaine Paul.
BiBL. : Robert Sands, Life and Correspondence ofJohn
Paul Jones ; New York, 1830. —Mémoires de PaulJones
écrits par lui-même et traduits sous ses yeux par le citoyen
André ; Paris, 1798. — Slidell-Magkenzie, Life of Paul
Jones.
■- JONES ou JOHN ES (Thomas), écrivain anglais, né à
Ludlow (Shropshire) en 1748, mort près de Dawlish le
23 avr. 1816. Membre du Parlement pour Cardigan
(1774), pour le Radnorshire (1780-90), pour le Cardi-
ganshire (1796-1812), il s'occupa avec grand succès
d'agriculture dans le comté de Cardigan qu'il métamor-
phosa. Il avait établi une presse dans sa propriété de Hafod
et il édita lui-même ses œuvres, entre autres sa traduction
bien connue des Chroniques de Froissart (1803-5,
nombr. édit.) ; celle des Mémoires de Joinville (1807,
in-4), des Chroniques de Monstrelet (1809, in-4).
JONES (Stephen), littérateur anglais, né à Londres en
1763, mort à Londres le 20 déc. 1827. Apprenti typo-
graphe, puis correcteur d'imprimerie, il prit en 1797 la
direction du Whitehall Evening Post, puis du General
Evening Post, du Saint-James Chronicle, de VEuro-
pean Magazine (1807), etc. Il a laissé beaucoup d'ou-
vrages, dont le plus connu est la Biographia dramatica
(1812, 3 vol. in-8) commencée par Baker et Reed, Citons
encore : The Spirit of the public Journals (1797-1814) ;
Monthly Beauties (1793, in-8); Masonic Miscellanies
(1797, in-12) ; Jhe Life and adventures ofaFly (1800,
in-16) ; A Vindication of Masonry (1847). Il était un
des grands dignitaires de la franc-maçonnerie anglaise.
JONES (Thomas), opticien anglais, né le 24 juin 1775,
mort le 29 juil. 1852. D'abord ouvrier du célèbre Rams-
den, il vint s'installer, à son compte, à Londres et fut
bientôt le principal fournisseur de tous les observatoires
anglais, surfout pour les grands instruments, dans la cons-
truction desquels il excellait. Il eut part en 1820 à la fon-
dation de la Société astronomique de Londres et fut élu en
1835 membre de la Société royale. On lui doit, outre des
perfectionnements à la lunette méridienne, à l'équatorial, à
l'hygromètre, etc., une nouvelle machine à diviser et une
boussole de réflexion. Il a publié des tables pour la mesure
barométrique des hauteurs : A Companion to the Moun-
tain barometer (Londres, 1817, in-8; 2<» éd., 1820).
Il ne doit pas être confondu avec les frères Jones (Wil-
liam et Samuel), qui eurent à Londres, à la même époque,
une maison d'instruments d'optique également très ré-
putée et dont l'aîné, William (1763-1831), auteur de
plusieurs inventions estimées, a laissé en outre de nom-
breux écrits : Geometrical and graphical Essays (Lon-
dres, 1789; 4« éd., 1813); Lectures on Electricily
(Londres, 1800), etc. L. S.
BiBL. : Monthly not. of the Aslron. Soc, XIII, 112. —
Annalen de Gilbert, LÏV, 197 et 308.
JONES (Sir John-Thomas), général du génie anglais,
né à Landguard Fort (Sutfolk) le 25 mars 1783, mort à
Cheltenhaui le 25 févr. 1843. Fils d'un général, il fut élevé
à l'Académie militaire de Woolwich, et envoyé à Gibraltar
en 1798 avec le grade de lieutenant du génie, il participa
à la construction des fameuses galeries.^Il servit à Malte,
suivit l'expédition de Naples, et s'empara après un siège
en règle et fort brillamment du fort Sylla qu'il hérissa de d"é-
fenses et où les Anglais purent se maintenir jusqu'en 1808.
Jones passa en Espagne où il servit d'aide de camp au gé-
néral Leith, prit part en 1809 à l'expédition de Walcheren,
servit en Portugal (1810) où il fortifia Lisbonne, puis en
Espagne où il dirigea toutes les opérations de sièges de
1810 à 1812. Il fut grièvement blessé au siège de Burgos
où il assistait Wellington. Il employa ses loisirs forcés de
dix-huit mois à composer un Journal of Sièges carried
on by the Allies in Spain in 1810, iSii and 1812
(Londres, 1813, nouv. éd. 1843, 3 vol. in-8) qui fit
grand bruit, car il n'y ménageait guère la direction de l'ar-
tillerie et critiquait assez vivement les procédés de Wel-
lington qui, d'ailleurs, ne lui en garda pas rancune, le
chargea en 1814 de faire un rapport sur le système de dé-
fenses des Pays-Bas et fut si satisfait de ce travail qu'il le
nomma inspecteur des travaux de fortification entrepris aux
Pays-Bas par suite de la convention de 1816 entre l'An-
gleterre et la Hollande. Jones fut encore chargé des plans
de défense de Corfou (1823). Il était à Gand en 1830 pour
traiter des arrangements militaires que pourrait nécessiter
la révolution française lorsque éclata la révolution de Bel-
gique. Il conseilla au roi de tenir à Bruxelles où il était
dans une forte situation. Mais aussitôt après son départ
pour l'Angleterre, ce prince revint à La Haye où il perdait
tous ses avantages. Jones fut créé baronnet (30 sept. 1831)
et nommé major général en 1837. Ses plans pour l'amé-
lioration des défenses de Gibraltar (1840-41) ont été exé-
cutés par la suite. Jones, un des plus remarquables ingé-
nieurs militaires de son temps, a laissé, outre son journal
cité ci-dessus : Account of the war in Spain., Portugal,
and the South of France from 1808 to 1814 (Londres,
1807, 2 vol. in-8) ; Memoranda relative to the Lines
thrown up to couer Lisbon in 1810 ; Reports relating
to the re-establishment of the fortresses in the Nether-
lands from 1814 to 1830, etc. On lui a élevé une sta-
tue dans la cathédrale de Saint-Paul. R. S.
JONES (Richard), économiste anglais, né à Tunbridge
Wells en 1790, mort à Haileybury le 26 janv. 1855. Curé
de Brasted, il fut nommé en 1833 professeur d'économie
politique au King's Collège de Londres et succéda en 1835
à Malthus dans la chaire d'économie politique et d'histoire
de l'East India Collège d'Haileybury. C'est un adversaire
— 491 -
JONES - JONGHÈ
de Ricardo. Son principal ouvrage est : An Essay on the
distribution of Wealth and on the Sources of Taxation
(Londres, 183i, m-8). Citons encore: An Introductoru
Lecture on political ^cowom^(4833, in-8), et Text Boolc
of lectures on the political economy of nations (Hert-
ford, 4862, in-8). Ses Œuvres complètes ont été publiées
par W. Whewell (Cambridge, 1850). R. S.
JONES (Sir Harry-David), ingénieur militaire anglais,
né à Landguard Fort le 14 mars 4791, mort à Sandîiurst
le 2 août*4866, frère de John-Thomas (V. ci-dessus).
Elève de Woolwich, il entra lui aussi dans le génie, tra-
vailla aux fortifications de Douvres, prit part à l'expédition
de Walcheren, servit dans la Péninsule où il se distingua
brillamment, notamment à la défense de Cadix, à la prise
de Badajoz et à la bataille de Vitloria où il fit des merveilles
de courage et od il fut grièvement blessé. Il reçut une se-
conde blessure sur la Nive. Il fit partie de l'expédition de
John Lambert à la Nouvelle-Orléans (4814) et rejoignit
après Waterloo l'armée de Wellington ; il entra avec elle
à Paris (4815) et commanda le génie à Montmartre. Il
suivit ensuite son frère aux Pays-Bas (1822), fut instruc-
teur à l'établissement de Ghatham (1824), servit à Malte,
fut chargé de deux missions à Constantinople et de retour
en Angleterre en 1 835 fut employé à d'importants travaux
(navigabilité de la rivière Shannon, chemins de fer et tra-
vaux publics d'Irlande, etc.). Directeur de l'établissement
deChathamen 4851, il accompagna lord Lucan chargé de
mission auprès de Napoléon III en 1853, et, promu brigadier
général en 1854 au début de la guerre avec la Russie, com-
manda les opérations à Bomarsund. En 1855, il obtint le
commandement du génie devant Sébastopol, oii il déploya
une énergie extraordinaire et fut blessé dans la tranchée
le 48 juin. Promu lieutenant général (30 juil.), il se distin-
gua lors de l'assaut du 8 sept. Il fut nommé gouverneur
du collège militaire de Sandhurst le 29 avr. 4856. Il est
l'auteur d'un certain nombre d'études techniques, d'un
intéressant récit de sa captivité à Saint-Sébastien en 4843
{hnited Service Journal^ 4841), du second volume de la
relation officielle du Siège de Sébastopol (1859, in-4) et
il a publié divers ouvrages de soa frère. R. S.
JONES (John-Winter), bibliographe anglais, né à Lam-
beth le 16 juin 1805, mort à Henley le 7 sept. 1881.
Très versé dans les langues et littératures de l'Europe, il
entra en 1837 au British Muséum, travailla au catalogue
de 1839 sous la direction de Panizzi qu'il remplaça comme
conservateur des imprimés en 1856. Il eut la plus grande
part à la création et à l'organisation de la nouvelle salle de
lecture (V. British Muséum) et devint bibliothécaire en chef
en 4866. Il dirigea en cette qualité la construction du
Muséum d'histoire naturelle, présida à l'acquisition de la
collection Castellani et fit exécuter des fouilles en Assyrie.
n se surmena tellement qu'il dut démissionner en 4878.
Collaborateur du grand Dictionnaire biographique de
la Société pour la propagation des connaissances utiles, il a
laissé des travaux d'archéologie et de bibliographie épars
dans la North British Reuiew, la Quarterly Review et les
Transactions de la Société des antiquaires. R. S.
JONES (Ernest-Charles), politicien anglais, né à Ber-
lin le 25 janv. 4849, mort à Manchester le 26 janv. 4868.
Fils d'un écuyer du duc Ernest de Curaberland, il fit ses
études en Allemagne. Esprit exalté, il voulut à onze ans
s'enfuir à Paris pour soutenir la cause des Polonais. En
4844 , il publia un roman, The Wood Spirit^ et débuta avec
succès dans le journalisme. En 4846, il se lança avec ar-
deur dans le mouvement chartiste. Orateur vibrant et co-
loré, il fut rapidement populaire. Zélé disciple de Feargus
O'Connor, il dirigea sa revue le Labourer (4847), rédigea
h Northern Star, Délégué d'Halifax à la convention char-
tiste de 4848, û prononça un discours à sensation au
meeting monstre de Kennington-Common. Il fut élu membre
de la commission executive des chartistes et inquiéta le
gouvernement par des discours d'une violence extrême.
Arrêté à Manehesiter, il fut condamné à deux ans de prison
en juil. 4848. Remis en liberté, il devint le chef de la frac-
tion dissidente des chartistes qui étaient pour l'action
tandis qu'O'Connor recommandait l'évolution pacifique. En
4854, il prêcha dans tout le pays en faveur de la commu-
nauté des propriétés et en 4852 il prit la direction du
People's Paper, Après la disparition du chartisme, Jones
se jeta dans le parti radical avancé. Il avait posé sans succès
sa candidature au Parlement à diverses reprises, à Halifax
et à Nottingham. Il a laissé de nombreux chants politiques
qui ont eu beaucoup de succès, entre autres : The Sang of
the poor, The Song of the Day-Labourers, The Song
of the poorer classes ; des poésies : Corayda and other
poems (4859); The Battis Day (4855), etc.; des nou-
velles : Lord Lindsay, Women's Wrongs, Beldagar
C/wiw/i (4853-57), surtout la sensationnelle: The Lass
and the Lady; une curieuse History of a démocratie
movement où O'Connor figure sous le nom de Simon de
Brassier ; des écrits politiques : Evenings with the People
(4856) ; The Revolt of Hindostan (4857), etc. R. S.
JONES (Horace), architecte anglais, né le 20 mai 4849,
mort à Londres le 24 mai 1887. Après avoir complété ses
études par un voyage en Italie, Horace Jones, déjà connu
par quelques intéressantes constructions privées, fit élever
à la suite d'un brillant concours l'hôtel de viUe et les cours
de loi de Cardiff et fut nommé en 1864 architecte de la
Cité de Londres. C'est en cette qualité que, pendant plus
de vingt années, il présida à d'importants travaux de voirie,
fit élever plusieurs marchés et apporta de considérables
agrandissements à Guild Hall (hôtel de ville de Londres),
tels qae bibliothèque, musée, salles de conseil et grande
salle décagonale du Conseil de la Cité, travaux à la suite
desquels Horace Jones, qui était président de l'Institut royal
des architectes britanniques, fut fait chevalier en 1886.
J ON G VAN RoDENBURGH (Comeillc de), marin hollandais,
né à Oudewaeter en 4762, mort à La Haye en 4838. En
4799, il venait d'obtenir le grade de capitaine de vaisseau
et commandait la flottille du Texel quand les Anglais l'at-
taquèrent inopinément. Mal secondé par des équipages sans
discipline, de Jong fut battu et fait prisonnier. Il revint se
justifier devant un conseil de guerre, mais, au grand éton-
neraentde tous, il fut condamné à la dégradation et au ban-
nissement. Il vécut dans la retraite à Clèves jusqu'à la
révolution de 4813 ; alors il rentra dans son pays, provoqua
l'annulation de l'arrêt qui l'avait frappé, et fut élevé par
Guillaume l^'' à la dignité de contre-amiral. De Jong avait
publié pendant son exil plusieurs relations de voyages
pleines de renseignements intéressants et d'une forme litté-
raire remarquable. Les plus importants parmi ces ouvrages
sont : Voyage au cap de Bonne-Espérance (en holl. ;
Haarlem,1802, 3 vol. in-8); Voyage aux îles Caraïbes
{id., 1807, in-8). E. H.
J0N6E (Jean-Corneille de), historien hollandais, né à
Zierikzee en 1793, mort à Zuidhoorn en 1853. H se con-
sacra de bonne heure aux études historiques et devint en
1831 archiviste du royaume des Pays-Bas. H écrivit un
grand nombre d'ouvrages très estimables, où il fait preuve
d'une érudition sûre et d'un esprit critique exercé. Les
principaux sont : Etudes sur les origines des luttes entre
Hoecks et Cabillauds (en holl.; Leyde, 4817, in-8) ; Vie
des amiraux L et J. Euertsen {id,, La Haye, 1820, in-8) ;
Description des monnaies et médailles néerlandaises
{id,, Amsterdam, 1821-48, 5 vol. in-fol.) ; De l'Influence
du tiers état en Brabant, en Flandre et en Hollande
du temps du pouvoir ducal et comtal (id,, Leyde, 1824,
in-8) ; r Union de Bruxelles de i577 (id., La Haye,
1825, in-8, rééd. à Delft en 1827, trad. en français par
Deleville, Rotterdam, 4829, in-8) ; Recueil de pièces
inédites concernant V histoire des Pays-Bas (en holl.;
Delft, 1825, 2 vol. in-8); Histoire de la marine néer--
landaise (id,, La Haye, 1833-48, 6 vol. in-8). E. H.
JONGHE (Jean- François de), chroniqueur belge, né à
Gand en 1674, mort en 1749. H étudia la théologie à Lou-
vain et entra, en 1693, dans l'ordre des dominicains. Atta*
JONGHE -- JONGLEUR
im
ché comme aumônier aux armées françaises, il parcourut
à leur suite la Hollande, la Belgique, le nord de la France
et les provinces rhénanes. Il visita, dans ces diverses
régions, les couvents de son ordre et y étudia leurs archives
et leurs bibliothèques. Il publia alors deux ouvrages très
importants pour l'histoire religieuse des Pays-Bas : Deso-
laia Batavia dominicana, sive descriptio brevis om-
nium conventuum et monasteriorum sacriordinisprce-
dicatorum^ quce olim exstiterunt in Belgio confœderato
(Gand, 1717, in-foL); Belgium dominicanum sivehis-
tora provinciœ Germanicœ inferions sacri ordinis
FF, prœdicatorum (Bruxelles, 1719, in-4). On lui doit
aussi une étude curieuse, écrite en flamand, sur les excès
commis par les calvinistes à Gand, de 1566 à 1585 ; avant
lui, aucun historien gantois n'avait publié le récit des évé-
nements de cette époque très intéressante au point de vue
local. Elle est intitulée Histoires gantoises (Gand, 1746,
in-12). Elle a été souvent rééditée. Nous citerons encore
de notre chroniqueur la Vie de Philippe le Hardi, de
Marguerite de Maie et de leur fils Jean sans Peur (en
flamand) ; demeurée manuscrite jusqu'en 1851, elle a été
imprimée à cette époque par la société des bibliophiles fla-
mands. De Jonghe était un homme très instruit et animé
d'un sincère patriotisme, mais il manque parfois d'équité
dans l'appréciation des querelles religieuses. E. H.
BrsL.: De Wind, les Historiens néerlandais (en hoU.) ;
Middelbourg, 1831, in-8. — Blommaert, les Ecrivains fia-
mands de Gand (en flam.); Gand, 1861, in-8.— De Busscher,
Notice sur J.-F. de Jonghe^ dans la Biogr. nat. belge.
JONGHE (Jean-Baptiste de), peintre belge, né à Cour-
trai en 1785, mort à Bruxelles en 1844. Il étudia d'abord
la sculpture, puis, élève d'Ommeganck, s'adonna vers
1812 à la peinture de paysage. En 1826, il devint profes-
seur à l'Académie de dessin et d'architecture de Courtrai
et, en 1840, professeur de peinture de paysage et d'ani-
maux à l'Académie d'Anvers. Il fit quelques voyages, en
Hollande, en Flandre, en Angleterre. On cite parmi ses
meilleurs tableaux : le Voyageur au repos, Une Ferme en
Hollande, Vue du château d'Auderme, Environs de
Tournai, — Il eut quelques élèves et, entre autres, son fils
Gustave, né à Courtrai le 24 févr. 1828. Elève de l'Aca-
démie de Kœnigsberg, il a peint des sujets d'histoire sainte,
d'histoire et de genre. Ses principales œuvres sont : Notre-
Dame-de- Bon- Secours (1854) ; Piété (4864); le Conva-
lescent (1869); Déclaration d'amour (1884).
JONGIEUX. Com. du dép. de la Savoie, arr. de Cham-
béry, cant. de Yenne ; 353 hab.
JONGKIND (Johan-Barthold), peintre hollandais, né en
1822, mort à La Côte-Saint-André le 12 févr. 1891.
Hollandais de naissance, il appartient à proprement parler
à l'Ecole française. Elève d'E. Isabey, il a exposé depuis
1845 au Salon de Paris. Gest en France également qu'il a
pris, surtout pendant la première partie de sa carrière, les
sujets de ses paysages et de ses marines : Port de mer
(1848); Port de Honfleur (1850); Le Tré^ort, Saint-
Valery-en-Caux {\%^i) ; Clair de lune (1853); Souve-
nir du Havre, Cours de la Seine (1854): le Quai
d'Orsay, Lever de lune près Paris (1855); Marine
(1857); Entrée du port de Honfleur (1864) ; Paysage
normand (1866). Quand il revint prendre ses motifs
dans sa patrie, il n'en continua pas moins de les exposer
en France: Paysage hollandais (1859); Souvenir de la
Vieille Tour démolie en 1860 à Ventrée du Port de
Rotterdam, Canal hollandais (1865); Patineurs sur
un canal de Hollande, Vue de la rivière d'Overschie
(1868); la Meuse à Dordrecht, hitérieur du Port,
la Bourse à Rotterdam (1869); Vues de Dordrecht
(1870-72). G. A.
JONGLEUR. HrsTOiRE. — Nom sous lequel on désigne
les chanteurs ambulants du moyen âge, compagnons attitrés
des trouvères et des troubadours. Jongleur est une altéra-
tion déjà ancienne (elle remonte au moins au xvi® siècle, et
Nicot remarque que ce sont les Picards qui appellent;(?n^ leurs
ceux qu'en bon français de France on appelle bateleurs)
de jogleur m jogleor (au cas sujet joglere), mot d'ancien
français qui correspond phonétiquement au htin joculator .
Le provençal se sert d'un mot analogue joglar, où l'on re-
connaît facilement le même radical avec un suffixe différent
(latin jocularis). Conformément à l'étymologie, le mot s'est
appliqué à l'origine à toutes les classes d'amuseurs publics,
histrions, baladins, saltimbanques, clowns, etc. Même en
plein moyen âge, au moment où le jongleur a surtout con-
quis la notoriété par les poèmes qu'il fait entendre, soit sur
la place publique, soit dans les châteaux, il ne dédaigne pas
les tours de force ou d'adresse. L'état social ayant 'changé
et la lecture ayant de plus en plus remplacé l'audition pour
les œuvres littéraires, le mot jongleur est retombé dans la
langue actuelle au sens restreint de « prestidigitateur».
Nous ne l'envisageons ici que comme un terme de l'histoire
littéraire du moyen âge : en ce sens il est surtout usité du
xi^ au xiii^ siècle. Le jongleur est essentiellement ambu-
lant, et par là il se distingue du ménestrel, attaché à un
seigneur ou à une communauté ; mais peu à peu le mot
ménestrel (plus récemment ménesérier, ménétrier) prend
le pas sur celui de jongleur, et c'est sous ce nom qu'il
convient de retracer les destinées des jongleurs depuis le
xiv^ siècle.
Le répertoire du jongleur est des plus variés : chansons
de geste, chansons d'amour, chansons de piété, il doit tout
savoir pour satisfaire les goûts de ses auditoires sans
cesse renouvelés. On s'est demandé s'il n'y avait pas des
jongleurs spéciaux pour les chansons de geste et l'on s'est
appuyé, pour rendre vraisemblable cette opinion, sur la
distinction établie par d'anciens pénitentiels entre les jon-
gleurs que l'Eglise condamnait et ceux qu'elle tolérait.
« Il y a, dit Thomas de Cabham à la fin du xin^ siècle, des
jongleurs qui chantent les vies des saints et les gestes des
princes... Ceux-là on peut les tolérer, et c'était l'avis du
pape Alexandre. » Il est évident que chaque jongleur était
maître d'organiser son répertoire comme il l'entendait, et
de cultiver telle ou telle spécialité ; mais c'était une ques-
tion de goût personnel qui ne correspondait pas à une dis-
tinction sociale de classe. Quoi qu'il chantât, le jongleur
s'accompagnait ordinairement de la vielle, instrument très
différent de la vielle actuelle et qui se rapproche beaucoup
du violon. Le jongleur chante ordinairement l'œuvre d'un
autre, du trouvère ou du troubadour : il sert d'intermé-
diaire entre l'auteur et le public et fait l'office de notre
éditeur moderne, mais rien ne l'empêche d'être auteur à
son tour et d'exploiter son propre fonds, s'il a de quoi.
Raimbert de Paris, l'auteur de la belle chanson de geste
à'Ogier le Danois, déclare qu'il est jongleur ; c'est à un
jongleur aussi, du nom d'Ambroise, que nous devons l'his-
toire en vers de la troisième croisade. C'est surtout dans
le midi de la France que les relations entre troubadours
et joglars sont très étroites. Ordinairement le troubadour a
son joglar attitré dont il insère souvent le nom dans
l'envoi de ses chansons : Bertran de Born a son Papiol,
Guiraud de Calanson son Fadet. Nous possédons plusieurs
pièces où les troubadours font la leçon à leurs jongleurs en
le prenant assez haut vis-à-vis d'eux ; mais c'est de la pa-
rade pour la galerie, rien de plus. Le plus souvent \e joglar
est un apprenti troubadour, et plusieurs troubadojrs cé-
lèbres ont commencé par être joglars : citons notamment
Pistoleta, Aimeric de Sarlat, Peirol, Guillem Ademar,
Gaucelm Faidit, etc. Chose curieuse : pendant que la jo-
glaria s'anoblissait ainsi dans ce qu'on peut appeler les
cercles lettrés du temps, le mot àe joglar continuait, comme
jongleur dans le Nord, à être appliqué indistinctement par
la foule à tous les faiseurs de tours. Nous possédons une
curieuse supplique envers adressée en 1274 au roi de Cas-
tille par Guiraud Riquier (de Narbonne) au nom àes> joglars,
où est vivement déplorée cette compromettante promiscuité;
Riquier supplie le roi de donner un nom aux vrais joglars,
pour les tirer de cette fâcheuse situation. Les jongleurs du
N. de la France auraient pu formuler les mêmes plaintes ;
- 193 -
JONGLEUR — JONQUERETS
c'est là sans doute la vraie raison pour laquelle ménestrel
s'est peu à peu substitué à jongleur, Ant. T.
Technologie. — On donne aujourd'hui le nom de jongleur
à un artiste qui rattrape adroitement des objets jetés en
l'air; il est forcément équilibriste. Chez les Chinois et plus
particulièrement chez les Japonais, la jonglerie est arrivée
à un assez haut perfectionnement. Ces derniers, qui sont
aussi d'habiles équilibristes, arrivent à des résultats remar-
quables : par exemple tout en maintenant sur le nez ou sur
le menton un véritable édifice formé d'objets les plus dis-
parates, règles de bois, boules, cylindres, éventails, plu-
sieurs d'entre eux arrivent à jongler avec des éventails et
des couteaux. D'autres jonglent à deux, l'un se tenant sur
le dos, les pieds en l'air, le second debout, accroché aux
jambes du premier et dans cette position se renvoient de
l'un à l'autre et au-dessus d'eux des boules, des bâtons, etc.
C'est un véritable morceau à quatre mains, hérissé de dif-
ficultés d'équilibre, joué par deux virtuoses de la jonglerie.
Certains Japonais font tenir en équilibre sur leur menton
une sorte de perchoir à plusieurs branches en éventail sur
lequel une cigogne apprivoisée se promène, dérangeant ainsi
continuellement la stabihté pendant qu'eux jonglent en
même temps. Nous avons dit que tout jongleur est forcément
équilibriste. Beaucoup de jongleurs japonais sont aussi acro-
bates : tout le monde a vu dans les cirques l'exercice du
bambou, dans lequel l'opérateur se tenant avec les jambes
et les pieds sur un bambou pendu verticalement' à une
grande hauteur, jongle des deux mains avec des éventails
et se laisse glisser d'un seul coup du haut en bas de la
perche longue de 4 à 5 m., s'arrêtant juste au bout par
une puissante contraction des jambes et des orteils.
Tous ces exercices dénotent une grande habileté ; mais,
sauf celui de la perche, ils sont dépassés en Europe. Disons
maintenant quelques mots du métier lui-même. Le jongleur
doit chercher la difficulté et la vaincre. C'est pour cela
qu'il entremêle aux objets ronds, comme des boules, des
objets longs qui peuvent heurter les premiers, des objets
qui doivent être saisis par une extrémité désignée, comme
des poignards, des objets fragiles, comme des assiettes, des
verres ou des bouteilles ou même des lampes allumées ou
des torches enflammées ; c'est aussi pour cela que non seu-
lement il arrive à jeter derrière lui les objets et les re-
prendre par devant ou inversement, mais encore qu'il
cherche à faire courir ces mêmes objets le long de ses bras,
autour de son cou, etc. Une des grandes difficultés de l'art
du jongleur est d'entremêler les objets lourds et légers, de
jongler par exemple avec un petit boulet de canon et une
boulette de papier ou encore avec un chapeau et une ciga-
rette. Tous ces résultats sont l'œuvre d'un travail constant
et suivi sans relâche. Ceux qui voudront s'en rendre compte
n'auront qu'à faire quelques essais préliminaires. Presque
tout le monde étant enfant s'est amusé à jongler des deux
mains avec deux oranges. Qu'on en prenne seulement trois,
ou bien encore qu'on essaye avec une seule main, on verra
que la réussite est bien plus difficile à obtenir. Maintenant
si au lieu d'oranges on emploie des objets de poids diffé-
rents tels qu'une orange et un journal chiffonné ou si, au
lieu d'objets ronds, on se sert d'une assiette et d'un objet
long qui doit être rattrapé par im bout fixé, on verra quelle
sûreté de main il faut avoir et qu'il semble presque impos-
sible d'arriver jamais à réussir. L'élève jongleur fait tous
ces exercices préliminaires pendant des mois entiers et plu-
sieurs heures par jour avec deux boules, trois boules, en
employant d'abord les deux mains, puis une seule. Il passe
ensuite aux objets longs tels que deux morceaux de bois,
ensuite aux objets ayant un poids plus lourd à l'une des
extrémités et c'est seulement lorsqu'il est absolument maître
de tous ces préliminaires qu'il entremêle les objets de forme
et de poids différents. Il doit ensuite augmenter le nombre
des objets et arriver au moins à huit. L'étude des objets fra-
giles vient seulement après et naturellement est commencée
avec des formes en bois représentant l'objet lui-même, car
sans cela les fabriques de verrerie et de porcelaine ne suf-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
firaient pas à remplacer la « casse ». L'art du jongleur,
parmi tous ceux qui dépendent exclusivement de l'adresse
et de l'agilité des doigts, est celui qui exige le plus de pra-
tique et d'exercices suivis sans interruption. Pour ne rien
omettre, il nous faut ajouter que certains exercices sont
aidés par les lois de l'équilibre : ainsi la rotation d'une as-
siette ou d'un saladier fait tenir la canne qui sert de sup-
port ; une plume de paon tient facilement en équilibre sur
le nez si on a soin de marcher du côté où elle penche et
de la redresser ainsi par la résistance de l'air ; un cornet de
papier qu'on enflamme par son ouverture tient assez faci-
lement sur sa pointe ; une pile de briques en bois reste in-
tacte par la force d'inertie si on chasse violemment de la
pile l'une de ces briques. Malgré ces petits moyens qui
peuvent aider l'artiste, il n'en est pas moins établi que le
jongleur présente le résultat d'un travail véritablement
sérieux et digne d'attirer l'attention. Alber.
BiBL. : Histoire. — Léon Gautier, les Epopées fran^
çaises, t. II, p. 1-225, 2° éd. — Freymond, Jongleurs und
Menes^refs; Halle, 1883.
JONKŒPING. Ville. — Ville de Suède, ch.-l. du lœn
de ce nom, au S. du lac Wetter; d9,902 hab. Réguliè-
rement bâtie (depuis l'incendie de 1790), elle est très
industrieuse, fabrique des toiles, des lainages, du cuir,
possède une des plus grandes manufactures d'allumettes
chimiques du monde. Auprès est Husquarna renfermant
de grands établissements métallurgiques alimentés par le
minerai du Taberg, fabriquant des machines, armes, etc.
Province. — La^n de Suède, au centre de la Gothie :
11,575 kil. q., 193,389 hab., soit 17 hab. par kil. q.
(au 31 déc. 1892). Compris entre ceux de Skaraborg et
Ostergœtland au N., Kalmar à FE., Kronoberg au S.,
Halland et Elfsborg à l'O., il occupe le N. de l'ancien
Smaland. Son plus haut sommet est le Taberg (336 m.)
formé de minerai de fer. Les lacs occupent 926 kil. q. Le
climat est tempéré; de vastes forêts de hêtres, sapins,
tilleuls alternent avec les champs. A. -M. B.
JONNART (Charles), homme politique français, né à
Fléchin (Pas-de-Calais) le 27 déc. 1857. Chef de cabinet
de M. Tirman, gouverneur général de l'Algérie, il devint en
1884 directeur des affaires algériennes 'au ministère de
l'intérieur, puis commissaire du gouvernement près le con-
seil de préfecture de la Seine. Après avoir échoué aux élec-
tions générales de 1885 dans le Pas-de-Calais, il fut élu dé-
puté en 1889 et réélu en 1893 par la 2« circonscription de
Saint-Omer. Le 3 déc. 1893, il entra, avec le portefeuille
des travaux publics, dans le cabinet Casimir-Perier. 11 se
distingua lors de la discussion de l'interpellation relative
aux grèves du Pas-de-Calais (12-14 déc.) par des discours
autoritaires qui faillirent faire mettre le ministère en mi-
norité. Il se retira le 22 mai 1894 avec le cabinet. Il est
gendre de M. Aynard, banquier lyonnais.
JONQUE (Mar.). Nom donné aux navires chinois qui
servent au cabotage. Les jonques sont d'assez grands na-
vires atteignant jusqu'à 300 et 400 tonneaux. Elles rap-
pellent beaucoup, par l'aspect de leurs coques vues de loin,
nos anciennes constructions navales du temps de Louis XIII
et de Louis XIV, avec un avant-haut et un château d'ar-
rière très élevé, lequel est en porte à faux et coupé en
deux par une grande rainure permettant le passage de la
mèche du gouvernail, le trou de jaunière étant inconnu.
Elles portent trois mâts plus ou moins inclinés avec des
voiles carrées, faites de nattes en paille, réunies par bande.
Elles sont de très lourd échantillon, marchent mal et sont
armées presque toutes d'artillerie pour se défendre soi-
disant contre les pirates. Un édit d'un empereur de Chine
remontant déjà à une haute antiquité, qui est pourtant
encore appliqué non seulement en Chme, mais en Annam,
prescrit au propriétaire de toute jonque de faire peindre
un œil ouvert à l'avant, de chaque bord, afin que le navire
puisse voir et éviter les dangers de la navigation,
JONQUERETS-DE-LivET (Les). Corn, du dép. de l'Eure,
arr. de Bernay, cant. de Beaumesnil ; 31 7 hab.
V6
JONQIJERY — JONSON
— 194 -
JONQUERY. Corn, du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Châtillon; 4d3 hab.
JONQUIÈRES. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Nar-
bonne, cant. de Durban; 403 hab.
JONQUIÈRES. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Lo-
dève, cant. de Gignac ; 238 hab.
JONQUIÈRES. Corn, du dép, de l'Oise, arr. de Com-
piègne, cant. d'Estrées-Saint-Denis ; 444 hab.
JONQUIÈRES ET Saint-Vincent. Corn, du dép. du
Gard, arr. de Nîmes, cant. de Beaucaire; 4,539 hab.
Fabriques d^'instruments aratoires.
JONQUIÈRES (Ernest de), mathématicien français
(V. Fâuqur de Jonquières).
JONQUILLE (Bot.). Nom vulgaire du Narcissus Jon-
quilla L. (V. Narcisse).
JONS. Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Vienne, cant.
de Meyzieux ; 495 hab.
JONSIUS (Johann), philosophe allemand, né dans le
Holstein en d644,mort à Francfort en 4659. Il fut recteur
de l'académie de Francfort et publia deux ouvrages d'une
grande importance pour le développement de l'histoire de
la philosophie : Dissertationum de historia peripatetica
partis primœ prima (Hambourg, 4652), et De Scripto-
ribus historiée philosophieœ (Francfort, 4659). Christian
Dorn a publié une deuxième édition de ce dernier ouvrage,
sous le titre : De Script or ibus historiée philosophieœ
libri quatuor, recogniti atque ad prœsentem œtatem
usque recogniti cura Joh. Chr. Dorn (léna, 4746).
JONSON (Benjamin), plus connu sous le nom de Ben
Jonson, célèbre auteur dramatique anglais, né à West-
minster le 44 juin 4573, mort à Londres le 6 août 4637.
D'humble origine, orphelin de père, il fut remarqué par
William Camden qui le fit élever à ses frais à l'école de
Westminster, puis à Cambridge. Mais il dut de bonne heure
interrompre ses études pour apprendre le métier de maçon
qu'exerçait son beau-père. Fort dégoûté de la truelle et du
mortier, il s'enfuit en Flandre où il combattit les Espa-
gnols. Il revint à Londres vers 4592, se maria et, dépourvu
de toutes ressources, s'engagea dans une troupe de comé-
diens. Il jouait et, en même temps, composait des pièces
comme c'était alors la coutume. A la suite d'un duel avec
un de ses compagnons, il fut emprisonné et manqua d'être
pendu, car il avait tué son adversaire. C'est en prison qu'il
se convertit au catholicisme, pour revenir d'ailleurs une
dizaine d'années plus tard au protestantisme. Jusqu'en 4598,
il avait arrangé de vieux drames pour la scène avec la col-
laboration d'écrivains connus. Son véritable début littéraire
fut la charmante comédie, Every Man in his humour
(1598, in-4), qui obtint un grand succès et tint l'affiche
plus longtemps qu'aucun autre de ses ouvrages. Shake-
speare, dit-on, y joua un rôle. Cette pièce était écrite dans le
goût de Plante et de Térence. Ben Johson s'y posait tout
de suite en classique, en représentant du passé au beau
milieu du triomphe de l'école nouvelle. Avec Every Man
out ofhis humour (4599), surtout avec Cynthia's Re-
vêts (4600), il se révéla comme un brillant satirique : fla-
gellant sans ménagement les vices et les ridicules de l'époque
avec une humeur caustiçjue et batailleuse qui recherchait
les personnalités. Des écrivains, Marstonet Decker, n'eurent
pas de peine à se reconnaître parmi ses personnages les
plus maltraités. Ils se vengèrent. « Trois ans, écrit Jon-
son, ils m'ont provoqué sur tous les théâtres, avec leur
style pétulant, et à la fin contraint dans ma volonté, mais
fatigué, je l'avoue, de tant d'attaques, j'ai voulu éprouver
si la honte aurait quelque effet sur eux », et il donna contre
eux son Poetaster (4604), auquel ils répliquèrent par la
Satiromastix, aussi injurieuse, mais fort inférieure sous
le rapport du talent. Ben Jonson se fit avec ces procédés
une légion d'ennemis qui le poursuivirent avec une haine
féroce. Avec sa nature violente, son corps athlétique, sa
face énorme, ses yeux profonds et durs, son cou de tau-
reau, il se plaisait à la lutte et ne recula jamais : « Je les
flagellerai, ces singes, et je leur étalerai devant leurs beaux
yeux un miroir aussi large que le théâtre sur lequel nous
voici. Ils y verront les difformités du temps disséquées jus-
qu'au dernier nerf et jusqu'au dernier muscle, avec un
courage ferme et le mépris de la crainte... Ma rigide main
a été faite pour saisir le vice d'une prise violente, pour le
tordre, pour exprimer la sottise de ces âmes d'épongé qui
vont léchant toutes les basses vanités ! » Il atteignait
l'apogée de sa gloire avec son Volpone (4605), « œuvre
sublime, la plus vive peinture des mœurs du siècle, où
s'étale la pleine beauté des convoitises méchantes, où la
luxure, la cruauté, l'amour de l'or, l'impudeur du vice, dé-
ploient une poésie sinistre et splendide, digne d'une bac-
chanale du Titien » (Taine). Au club de la Sirène, fondé par
Walter Baleigh, plus tard à la caverne de Saint-Dunstan,
il rencontrait les hommes les plus remarquables de l'époque :
Selden, Chapman, Bacon, Marston, Drayton, Shakespeare,
Fletcher, le comte de Rutland, le comte de Pembroke, lord
d'Aubigny, le duc de Newcastle ; il régnait sur une cour
de jeunes poètes qu'il appelait ses fils : Beaumont, Randolph,
Field, Cleveland, Cartwright, Howell, faisant assaut d'es-
prit avec Shakespeare, jouissant delà réputation de l'homme
le plus lettré d'Angleterre. « Que de choses nous avons
vues et faites au club de la Sirène ! Quel échange de pro-
pos vifs et pleins d'une flamme subtile ! Il semblait que cha-
cun des interlocuteurs prodiguât tous les trésors de son
esprit dans ces badinages. » (Beaumont.) L'avènement de
Jacques I^"* marqua la phase la plus brillante de sa car-
rière. Il fut pensionné, reçut le titre de poète lauréat, com-
posa la plupart de ces « masques » ou divertissements élé-
gants et gracieux qui égayèrent si souvent la cour et où il
excella. En 4648, il entreprit à pied un voyage en Ecosse,
s'arrêtant de château en château et notamment chez William
Drummond d'Hawthorden dont les Conversations sont la
principale source de sa biographie. Mais dès 4623, date de
l'incendie de sa bibliothèque, qui lui causa un grand
chagrin, commence la décadence. Charles P^ n'a plus les
goûts littéraires de Jacques et ne se pique pas comme lui
d'érudition. Il délaisse le poète que la paralysie cloue sur
son lit (4626). Trop généreux, trop prodigue, Ben Jonson
est presque misérable. Il obtient en 4628 la place de
chronologiste de la Cité de Londres qu'il perd en I63i.
La chute lamentable de sa pièce The New Inn (4629)
ajoute à ses tracas. Ses ennemis reparaissent avec une nou-
velle ardeur et il lui faut, vers la fin de sa vie, livrer de
nouveaux combats aux Butter, aux Gill, aux Inigo Jones et
retrouver des forces pour les ridiculiser dans The Magne-
tic Lacly (4632). Ben Jonson, une des gloires dramatiques
de l'Angleterre, fut enterré à Westminster. Les principaux
poètes du temps écrivirent en son honneur une trentaine
d'élégies publiées sous le titre de Jonsonius Virbius
(1638). Un bon portrait de lui par Gérard Honthorst ap-
partient à lord Sackville et figure en copie à la National
Portrait Gallery.
Outre les pièces mentionnées ci-dessus, Ben Jonson a
laissé : The Case is Altered (4598, in-4), comédie tirée
des Captifs et de VAululaire de Plante : Sejanus (1603,
in-4), Catilina (4644, in-4), tragédies tirées de Cicéron,
de Lucain et autres, qui furent assez mal accueillies du
grand public; The Alchemist (4610, in-4), la mieux
construite de ses pièces et l'une des plus remarquables par
sa prodigieuse érudition; Bartholomeiv Fayre (1644),
satire du puritanisme ; The Divell is an asse (4616, in4),
comédie ; The Staple of newes (4625), singulier mélange
de motifs tirés d'Aristophane et d'événements du jour ;
4 Taie of a Tub (4633), comédie; The Sad Shepherd
(impr. en 4644), déhcieuse pastorale tirée des aventures
de Robin Hoodet malheureusement inachevée ; Mortimer,
fragment de tragédie imprimé en 1 640 ; un grand nombre
de Maseiues dont on trouvera l'énumération dans la bio-
graphie de Leslie Stephen et Sidney Lee ; des poésies :
Epigrammes{i6n);TheForrestet Underîvoods('i6^0),
une traduction de V Art poétique d'Horace (4640); Leges
conviviales (4692), un recueil de pensées en prose d'un
- 495 -
JONSON - JORAT
style puissant, énergique et pittoresque : Timber or dis-
coveries made upon men and Matter (1644, in-fol.),
enfin The English Grammar (4640, in-foL). On a donné
plusieurs éditions de ses OEuvres complètes. La meilleure
est celle de Giflford (Londres, 4816, 9 vol.), mais elle est
encore loin d'être satisfaisante. R. S.
BiBL.: Notes ofBen Jonson conversation 'wiih W. Driim-
mond ; Londres, 1842. — Baudissin, Ben Jonson und seine
Schule; Leipzig, 1836, 2 vol. — Gifford, Memoir ofB.
Jonson; éd. Cunningham; Londres, 1875. — Symonds,
Life of fi. Jonson; Londres, 1886. — Swinburne, A Study
of B. Jonson; Londres, 1889. — C.-H. Herford, Vie, dans
D. of National Biography, 1892, t.XXX.— E. LAFOND,fîen
Jonson ; Paris, 1865, in-8. — Taine, Histoire de la Littéra-
ture anglaise, 1863, t. ]I, in-8. — Mézières, Prédécesseurs
et contemporains de Shakespeare ; Paris, 1863, in-12.
JONSSON (Arngrim) (Y. Vidalin).
JONSSON (Garl) (V. Car glus Jon^ us).
JONSSON (Finn) (V. Finn Jonsson).
JONSSON DE Skardsâ (V. Bjœrn).
JONSTON (Jean), polygraphe polonais d'origine écos-
saise, né en 4603, mort en 4675. Il voyagea beaucoup à
l'étranger, étudia les langues orientales et prit le titre de
docteur en médecine. Ses ouvrages écrits en latin sont
pour la plupart relatifs à cette science et ont joui d'une
autorité considérable. Les principaux sont : Thawmatur-
gia naturalis (kmstQïà^im, 4630); Hisloria universalis
{id., 4634, plusieurs éditions) ; Theatrum universale
historiœ naturalis (Francfort, 4650); Notitia regni
naluralis (Leipzig, 4661); Dendrographia (P'rancfort,
4662); Historia universalis (Amsterdam, 4634).
J 0 NTE. Rivière de France (V. LozÈRECt Aveyron [Dép.]).
JONVAL. Com. du dép. desArdennes, arr. de Vouziers,
cant. de Tourteron; 245 hab.
JONVELLE {Juncivilla), Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Vesoul, cant. de Jussey, sur la Saône ;
559 hab. Carrières de grès bigarré. Moulins, huilerie, fila-
tures et tissages. Voies antiques et débris de l'époque gallo-
romaine. Bourg fortifié au moyen âge, pris et dévasté par
le prince d'Orange en 4475, par Tremblecourt en 4595,
par Batilly en 4634, par le duc de Saxe-Weimar en 4637,
par Gallas et Piccolomini en 4638 et par du Rallier en
4641. A la suite de ce dernier siège le château fut démoli
et l'enceinte rasée, sauf deux portes. Eglise gothique, avec
des remaniements de la Renaissance ; porche du xiii® siècle.
Maisons anciennes. Jonvelle avait, avant la Révolution, un
prieuré de l'ordre de Cluny et un couvent de carmes dé-
chaussés. Les habitants avaient été aôranchisen 4354 par
Philippe de Jonvelle. La seigneurie comprenait vingt-deux
villages : elle a appartenu d'abord à des seigneurs qui por-
taient le nom de Jonvelle ; le duc de Bourgogne l'acquit
en 4374, la revendit en 4378 à Guy de La Trémoille, et
la confisqua en 4448; puis elle fut engagée aux de Ghé-
narraz et aux d'Andelot (4493-4570); Philippe III, roi
d'Espagne, la racheta en 4570, et elle ne sortit plus dès
lors du domaine souverain. Elle fut réunie à la France en
4674 avec la Comté, et Louis XIV en prit possession à titre
de comte de Bourgogne et du chef de sa femme, Marie-
Thérèse d'Autriche. Armes : de sinople au château d'or
terrassé de sable, Lex.
BiBL.: Abbés Coudriet et Châtelet, Histoire de la sei-
gneurie de Jonvelle et de ses environs; Besançon, 1864.
JONVILLE. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Com-
mercy, cant. de VigneuUes ; 405 hab.
JONVILLE (Baron de) (V. Câstelnâu [Michel de]).
JONZAC. Ch.-l. d'arr. du dép. delà Charente-Inférieure,
sur la Seugne ; 3,434 hab. Stat. du chem. de fer de Nantes
à Bordeaux, Jonzac se trouvait sur la voie romaine de Blaye
à Cognac. Pendant la guerre de Cent ans, Jonzac fut tour
à tour occupé par les Anglais et les Français. Les protes-
tants s'en emparèrent en 4570. L'église, qui a conservé
une façade du x^ au xi^ siècle, a été reconstruite de 4847
à 4854. Un ancien château qui domine la Seugne sert au-
jourd'hui d'hôtel de ville et de sous-préfecture. Commerce
de vins et d'eaux-de-vie. G, R.
BiBJu. : P.-D. Rainguet, Etudes littéraires et scientifîaues
sur Varr. de Jonzac^ 1864, in-8.
JONZIER. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr. et
cant. de Saint-Julien ; 503 hab.
JONZIEUX. Com. du dép. de la Loire, arr. de Saint-
Etienne, cant. de Saint-Genest-Malifaux ; 4,437 hab.
Mouhnage de sole.
JOPLIN (Thomas), économiste anglais, né à Newcastle-
upon-Tyne vers 4790, mort à Bœhmischdorf (Silésie) le
42 avr. 4847. Sa réputation date de son Essay on the
gênerai principles and présent practices of Banking
in England and Scotland (Newcastle, 4822) qui fit grand
bruit parmi les financiers et obtint plusieurs éditions. Jo-
plin proposait la création d'une joint-stock-bank. Il parti-
cipa, en 4824, à l'établissement de la Provincial Bank
d'Irlande, créa la National Provincial Bank d'Angleterre
(4833) et fonda dans les grandes villes de province des éta-
blissements analogues. Il a laissé un grand nombre d'autres
traités. Citons : Outlines of a System ofpolitical Econo-
my (Newcastle, 4823); Views on the Subject of Corn
and Curre7îcy (iSW); On Oiir Monetary System {\M^,
2° éd.) ; The Cause and cure of commercial embarras-
sements (4844). R, S.
JOPPE ou JAPHO, aujourd'hui Jaffa (V. ce mot). '
JOPPÉCOURT. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Briey, cant. d'Audun-le-Roman ; 264 hab.
JORAM. Ce nom est porté à la fois par un roi d'Israël
(Dix-Tribus) et par un roi de Juda, à peu près contempo-
rams l'un de l'autre. 4^ Joram d'Israël, fils d'Achab, frère
et successeur d'Ochosias, occupe le trône de Samarie pen-
dant douze ans (première moitié du ix« siècle avant notre
ère). Sous son règne se produit une rébellion du pays de
Moab. On assure que Josaphat, de Juda, se joignit à Joram
pour venir à bout des Moabites ; mais cette expédition est
rapportée avec des détails qui la rendent au plus haut point
suspecte. Après de grands succès, les rois alliés auraient
dû battre en retraite, on ne sait trop pourquoi. En revanche,
on a récemment mis au jour une inscription où Mésa, roi
de Moab, que le texte biblique désigne comme l'adversaire
des rois alliés, raconte ses luttes avec les roi d'Israël et
les conquêtes qu'il a faites sur eux ; il énumère notamment
les places qu'il a fortifiées contre ses dangereux voisins.
Moab semble donc bien avoir reconquis et sérieusement
défendu son indépendance. Joram entre, d'autre part, en
lutte avec les Syriens et, blessé devant Ramoth de Galaad,
retourne à Jezrahel pour se faire soigner ; c'est là qu'il
est assassiné par Jéhu, qui avait profité de son absence pour
soulever l'armée ; ainsi finit la dynastie des Omrides. —
2'> Joram de Juda, fils et successeur de Josaphat, s'allie
par mariage à la famille régnante d'Israël. De son temps
l'Edomie aurait résolu de secouer le joug de Juda et Joram
aurait vainement essayé de remettre îa main sur elle. Il
est question aussi dans'^ les Chroniques d'une invasion de
Philistins et d'Arabes qui auraient pillé Jérusalem; l'infor-
tuné roi meurt victime d'une affreuse maladie d'entrailles
et on lui refuse la sépulture royale . M. Vernes.
BiBL. : Vernes, Précis d'histoire juive, 1889, pp. 421 à 426.
JORAT. Chaîne de montagnes intermédiaire entre les
Alpes et le Jura, en Suisse. Elle s'étend entre le lac Lé-
man, au S., et les lacs de Neuchâtel et de Morat, au N.
Le versant méridional présente un escarpement assez élevé
qui diminue graduellement de l'E. à l'O. et qui est dominé
par les plus hautes sommités delà chaîne, le montPèlerin,
le mont Gourze, le Chalet à Gobet. Depuis le lac jusqu'à
une certaine hauteur, le versant est couvert de vignobles,
dont le plus renommé est celui de Lavaux. Du versant N.
se détachent plusieurs chaînes de collines ; les points les
plus élevés sont le Gibloux et la Tour de la Molière. La
ligne de chemin de fer Berne-Lausanne coupe ces collines.
Le Jorat est formé de couches de molasse entremêlées de
lignite et d'argile et couvertes de graviers calcaires qui,
sur certains points de la chaîne, ont une épaisseur de 30m.
Le versant N.-O., du côté d'Estavayer, présente des roches
JORAT — JORDAENS ;
dans lesquelles on trouve de grandes quantités d'empreintes
de coquilles bivalves et des débris de gros animaux verté-
brés, particulièrement des tortues. D^ Gobât.
JORDAENS (Jakob), peintre flamand, né à Anvers le
19 mai 1593, mort à Anvers le 18 oct. 1678. Il était le
fils aîné d'un marchand de grosses toiles, et, dès Fâge de
quatorze ans, il fut mis par son père en apprentissage chez
Adam Van Noort, pour y acquérir les connaissances^néces-
saires à un peintre sur toiles d'ameublement. Jordaens
resta huit ans chez son maître, et il épousa sa fille Cathe-
rine le 15 mai 1616. Quelques mois auparavant, il avait
été inscrit dans la gilde de Saint-Luc comme « peintre à
la détrempe », waterschilder. Plus tard, maître honoré
et déjà célèbre, il se rapprocha souvent de son ancien mé-
tier, et en 1644, par exemple, il peignit encore des car-
tons de tapisseries. Jordaens ne quitta que rarement An-
vers et ne put jamais faire ce voyage d'Italie qui était
alors le rêve de jeunesse de tous les artistes du Nord ;
Sandrart affirme seulement que, privé des modèles qu'il
aurait pu trouver au delà des Alpes, il étudia avec pas-
sion les œuvres italiennes qu'il put voir dans sa patrie, et
par exemple dans la collection de Rubens. Sa vie calme,
à son foyer égayé par trois enfants, fut troublée seulement
par les risques que lui fit courir son adhésion au protes-
tantisme. Alors, sous la dure domination des Espagnols,
les réformés étaient nombreux en Flandre, et, en 1635,
tout le quartier qu'habitait Jordaens fut en pleine chaire
accusé d'hérésie. Il semble que, dès 1632, Jordaens ait eu
des rapports avec les protestants de Hollande, car, en cette
année, il reçut un sauf- conduit pour aller à Amsterdam.
Vers 1655, il fut accusé d'avoir écrit un libelle contre
l'Eghse catholique et de ce chef condamné à une amende
de 200 livres. En 1660, il fit pour ainsi dire profession
publique de sa foi en jurant devant un tribunal par Dieu
seul et non pas par les saints. Enfin, son nom apparaît
en 1671 sur les registres de la communauté de la « mon-
tagne des Oliviers en Brabant » (Brabantsche Olijfberg) ;
il en fut un des membres actifs et ouvrit sa maison aux
réunions religieuses. D'ailleurs, il ne cessa jamais de tra-
vailler pour le clergé catholique : son tableau de l'église
Saint-Jean à Anvers, Saint Charles Borr ornée priant
pour les pestiférés, est daté de cette même année 1655
où il fut poursuivi comme hérétique. Jordaens acquit une
fortune assez considérable, pour se faire bâtir, à l'exemple
de Rubens, une maison magnifique, où l'on travaillait
en 1641, comme le prouve le millésime gravé sur une
pierre (dans la Hoogstraate) ; il en donna lui-même les
plans et en décora les plafonds de peintures où les douze
apôtres se voyaient à côté des douze signes du zodiaque.
Comme Rubens également, il possédait une bonne collection
de tableaux, qui fut vendue à La Haye en 1784. Jordaens
eut, à partir de 1620, de nombreux élèves, parmi lesquels
on connaît Arnold Jordaens, son parent, Charles du Val,
Pierre de Moulyn, Mathieu Peetersen, Roger de Cuypers,
Henri Rockso, Guillaume de Vryes^ Jean Guelynx, Roland
de Meyer, André Snyders, Conrad Hansens, Adrien de
Munckninck, Pauwells Goetvelt, Marcel Librechts. Il les
employait souvent comme aides, et c'est ainsi qu'il arrivait
à exécuter en un an des commandes de trente-cinq ta-
bleaux, comme celle qu'il reçut en 1648 de deux riches
habitants de La Haye. Charles P^ d'Angleterre lui paya
en 1640 un tableau 44 livres sterling. Charles-Gustave
de Suède lui commanda vers 1655 une suite de scènes de
la Passion. Quelques années auparavant (1652), la veuve
du stathouder Frédéric-Henri l'avait appelé pour peindre
des scènes de la vie de son époux, le plus grand général
de la Hollande, dans sa résidence de ia maison au Bois
{Huis in't Bosch), où n'avaient travaillé jusque-là que des
artistes hollandais. Ce palais isolé près de Schweningen
est encore aujourd'hui un vrai musée de Jordaens. Le peintre
a écrit lui-même une explication détaillée du morceau prin-
cipal de la série, le Grand Tableau triomphal de feu
très illustre prince Frédéric-Henri de Nassau, prince
196 —
d'Orange, de louable mémoire, pour Madame son al-
tesse la princesse douairière. Le manuscrit écrit et signé
de sa main, en français, a été acheté en 1889 par la di-
rection des archives de La Haye et vient d'être publié.
C'est un document curieux sur l'esprit du temps par l'abon-
dance des allégories et le sens profond que l'auteur prête
même aux « quatre chevaux blancs qui tirent le chariot
et qui dénotent la candeur et l'intégrité de cœur de cet
excellent prince ».
^ A la mort de Rubens (1640), Jordaens passait, aux yeux
d'un connaisseur comme Balthazar Gerbier, pour le pre-
mier peintre des Flandres (lettre à M. Murray, conserva-
teur des tableaux du roi Chartes P^). Il dut certainement
beaucoup à l'exemple du peintre de la Descente de Croix,
bien qu'il n'ait été ni son condisciple chez Adam Van Noort,
où il entra dix ans plus tard, ni son élève, comme on l'a
souvent répété. Comme lui, il travaillait avec rapidité et
avec emportement, en pleine pâte et en pleine lumière.
Comme lui aussi, il aimait les visages brillants de santé,
les formes rebondies, les draperies héroïques. Mais sa cou-
leur est d'ordinaire plus chaude et plus dorée que celle du
grand maître d'Anvers, l'harmonie des lumières et des
ombres est plus douce et plus grave et l'œil est rarement
ébloui parades rouges éclatants et criards. D'autre part,
Jordaens n'a jamais atteint, même dans ses compositions
épiques de la Maison au bois, l'ordonnance majestueuse
et la belle rhétorique de Rubens. Pour lui, la mythologie
n'est qu'un prétexte à nudités grasses et la Cène elle-même
qu'un joyeux repas. S'il peint le Christ chassant les ven-
deurs du Temple (musée du Louvre), il prodigue autour
de lui les têtes ignobles, les chutes risibîes, les accessoires
vulgaires. Les tableaux de cérémonie ne sont point faits
pour son génie plébéien ; les tableaux de sainteté répugnent
non seulement par leur sujet à ses convictions de réformé,
mais par leur gravité à son esprit moqueur. Ce qui con-
vient à Jordaens, ce sont les peintures de la grosse joie
populaire, l'épanouissement sensuel de l'homme primitif
ou du paysan rassasié : aussi a-t-il reproduit sans se lasser
la Fable du Satyre et du Passant (musées de Bruxelles,
d'Amsterdam, de Cassel, de l'Ermitage), le Jour des Rois
(musées du Louvre, de Brunswick, de Munich) et ces
assemblées de bons vivants chantant à tue-tête autour
d'une table couverte de victuailles, au-dessus desquelles il
a parfois écrit le vieux proverbe flamand : Soo d'oude
songen, soo papen dejongen, « comme les vieux chantent,
les jeunes sifflent » (coll. de Pret-Thuret, à Anvers, galerie
d'Arenberg, musée de Beriin). Enfin Jordaens, avec une
couleur aussi chantante et aussi riche que celle de Rubens,
a une verve de caricaturiste digne de Teniers et une puis-
sance de caractériser la laideur et la sottise qui fait presque
penser aux fantaisies de Durer et de Léonard : il a réuni
comme un musée monstrueux de toutes les variétés de bê-
tise suffisante et majestueuse dans les docteurs juifs qu'il
a groupés autour du Christ enfant (musée de Mayence),
ou dans cet étonnant dessin du musée de Grenoble où rois,
princes et prélats sont bafoués par la Vérité qu'ils négligent
pour une idole ridicule (accompagné d'un quatrain flamand,
signé et daté de 1658). Presque tous les musées d'Europe
possèdent des œuvres de ce maître fécond. En mettant à
part les sujets souvent répétés dont nous avons déjà donné
des exemples, voici les tableaux les plus importants : au
Louvre, le Christ chassant les vendeurs du Temple, le
Jugement dernier, les Quatre Evaiigélistes, le puissant
Portrait de V amiral Ruyter ; au musée de Lille, le
Christ et les Pharisiens, l'Enfant prodigue, Suzanne
et les vieillards; au musée de Lyon, la Visitation et la
Nativité; au musée de Marseille, la Pêche miraculeuse;
à Rouen, lUarie et Madeleine, un portrait de vieillard ;
au musée d'Anvers, la Cène, la Mise au tombeau, V Ado-
ration des bergers, le Commerce et Vîndustrie proté-
geant les arts, Pégase, la Loi divine protégeant la loi
humaine (trois tableaux peints pour la gilde de Saint-
Luc) ; dans l'église des Augustins d'Anvers, le Martyre
- 197
JORDAENS - JORDAN
de sainte Appollonie ; dans Téglise Saint- Jacques, Saint
Charles Borromée priant pour les pestiférés de Milan
et Saint Piéride trouvant dans la gueule d'un poisson
la pièce de monnaie du tribut; dans l'église Saint-Paul,
la Crucifixion ; dans la collection Boschaert, trois por-
traits datés de 1635 ; au musée de Bruxelles, Saint Martin
chassant un démon (1630), Allégorie sur la Fertilité,
Triomphe du prince Frédéric-Henri de Nassau (ré-
plique), Eléazar et Rébecca; au musée de Gand, le Christ
et la femme adultère; au musée de La Haye, Faune et
Nymphe; au musée de Brunswick, r Adoration des ber-
gers, Sainte Famille, les Pèlerins d'Emmails, Démo-
crite et Heraclite ; au musée de Cassel, Jordaens jouant
du luth devant sa fiancée et la famille Van Noort
(1624?), /^ Cortège de Bacchus, l'Education deBacchus;
au musée de Copenhague, la Métamorphose de la corne
d'Achéloûs (1642), Suzanne au bain (1653), Laissez
venir à moi les petits enfants; au musée du Prado, à
Madrid, le Jugement de Salomon, le Mariage de sainte
Catherine, avec un beau portrait de Catherine Van Noort,
le Christ et saint Jean, le Bai7i de Diane, Sacrifice
à Pomone, la Famille de Jordaens; au musée de Brera,
à Milan, l'Enfance de Jupiter; au musée de l'Ermitage,
à Saint-Pétersbourg, Saint Paul et saint Barnabe à
Lystre, Diane et ses nymphes surprises par des sa-
tyres, la Famille de Jordaens; au musée de New York,
le Triomphe de Bacchus. Un portrait de Jordaens par
lui-même, d'une énergie superbe, se trouve dans la galerie
des portraits de peintres, aux Uffizi de Florence ; un autre,
moins important, est au musée de l'Ermitage. Van Dyck
a peint, lui aussi, un portrait de Jordaens qui a été gravé
par Peter de Jode, Marinus et Bolswcrt. Le peintre lui-
même a reproduit à l'eau-forte le Christ chassant les
vendeurs du Temple, l'Enfance de Jupiter, etc. Ces
estampes sont d'une facture souple et colorée.
E. Bertâux.
BiBL.: A. HouBRAKEN,De Groote Schonbiirgh der Neder-
landsche Konstschilders ; Amsterdam, 1718, 1. 1, 3 vol. in-8.
— Campo Weyermann, De Levens Beschryvingen der
Nederlandsche Konstschilders; S 'Gravenhague, '1729-69,
t. 1, 4 vol. in-4. — Kramm et Immerzeel, De Levens
en Werken der HoUandsche en Vlaamsche Kunstschil-
ders ; Utrecht, 1857-64, 2 vol. in-8. — Van den Brandén,
Geschiedenis der Antwerpsche Schilder^school ; Anvers,
1883, in-8. — A. Michiels, Histoire de la peinture fla-
mande ; Paris, 1865-70, t. VII, 10 vol. in-8. — Du même,
l'Art flamand dans Vest et le midi de la France ; Paris,
1877, ch. XIII, in-8. — Charles Blanc, Histoire des peintres
de toutes les écoles, école flamande. — Genard, Notice
sur Jacob Jordaens ; Gand, 1852, in-8. — Wauters, la
Peinture flamande ; Paris, coll. Quantin, petit in-8. —
E. Montégut, les Paijs-Bas ; Paris, 1884, in-12. — L'Art,
1882, IV, 1883, I (articles de M. Van den Branden). — jRe-
pertorium fur Kunst-wissenschaft, 1894, t. XVII, 3« livr.
JORDAN. Rivière des Etats-Unis, Etat d'Utah, qui
conduit au Grand Lac Salé les eaux du lac Utah et passe au
pied de la Cité du Lac Salé (Sait Lake City. Sa vallée, très
fertile, est encaissée entre deux hautes chaînes de mon-
tagnes. Elle a 60 kil. de long.
JORDAN (Thomas), poète anglais, né vers 4612, mort
en 1685. Elevé pour le théâtre, il fut, comme beaucoup
d'acteurs du temps, auteur dramatique pour le compte de sa
compagnie. Mais sa veine littéraire n'était pas bornée là: on
a de lui des poésies légères : Poetical Varieties or Variety
of Fancies (1637), des facéties, comme A Pill to Purge
Melancholy (1 637), des pamphlets politiques, commet j¥^-
dicine for the Times, or an Antidote against Faction
(1641) ;des poésies dévotes. Divine Raptures(i 646), ete,^
sans compter l'amas de ses œuvres restées inédites.
JORDAN, dit de Colombier (Claude), publiciste fran-
çais du xviii^ siècle. Après avoir voyagé pendant une dou-
zaine d'années dans toute l'Europe, il s'établit vers 1686
comme libraire à Leyde, puis revint en France où il sé-
journa dans un village des environs de Verdun. Il publia
àes Voijages histojHques de V Europe (Paris, 1692-1703,
8 vol. in-12) qui eurent un grand succès. En juil. 1704,
il créait la Clef du cabinet des princes de V Europe, re-
cueil fort estimé et plus connu sous le nom de Journal de
Verdun, qui inaugurait dans la presse le genre nouveau
du journal historique et littéraire. Cette tentative eut un
succès considérable, dû aux considérations et jugements
qui accompagnaient les notices et à son impartialité. De
1707 à 1716, le titre fut Journal historique sur les ma-
tières du temps (Verdun, 20 vol.) ; de i717 à 1776,
Suite de la Clef (Var'is, 120 vol.), auxquels il faut ad-
joindre un Supplément de la Clef {\l\à, 2 vpl. in-8),
relatif aux événements survenus en Europe depuis la paix de
Ryswickjusqu'enl704. Après la mort de Jordan, son journal
futrédigé par de La Barre (1727), Monehaut d'Egly (1739),
Nicolas^Bonamy (1749) et Ameilhon. tl cessa de paraître en
1776, à la suite de l'interdiction faite par le gouvernement
de publier des nouvelles politiques. Dreux du Radier a donné
une Table du Journal de Verdun, 1697-1756 (9 vol.
in-8). On peut citer encore de Jordan : Choix de bons
mots ou Pensées des gens d'esprit sur toutes sortes de
sujets {Amsterdam, 1716, in-8).
JORDAN (Charles-Etienne), littérateur français, né à
Berlin le 27 août 1700, mort à Berlin le 24 mai 1745.
D'une famille de réfugiés français originaire du Dauphiné,
il lit ses études de théologie à Genève, Lausanne et Berlin,
fut consacré en 1725 et fut pasteur dans l'Uckermark. La
perte de sa femme, Suzanne Perrault, qu'il aimait tendre-
ment, et sa faiblesse de constitution le déterminèrent à quit-
ter le ministère. Ses frères le poussèrent à voyager et il fit
un tour en Europe dont il a laissé la relation : Histoii^e
d'un voyage littéraire fait en 11 SS en France, en
Angleterre et en Hollande (La Haye, 1735, in-12).
A Paris, il visita Voltaire, « un jeune homme maigre, qui
paraît attaqué de consomption et cœco car pitur igné», Fon-
tenelle, l'abbé de Saint-Pierre, Monfaucon, RoUin, l'abbé
Du Bos, etc. Le prince royal de Prusse (Frédéric le Grand)
l'appela auprès de lui au château de Rheinsberg et en fit
son secrétaire. Fort érudit et agréable causeur, Jordan
« était l'homme qu'il fallait pour servir de dictionnaire à
la curiosité de Frédéric. Le prince s'amusait à l'entendre
répéter de mémoire des passages d'auteurs célèbres que
personne n'avait l'honneur de connaître. Il feuilletait cette
érudition inépuisable et point pédantesque. » Il fut son
conseiller littéraire, son copiste, son critique et même son
ami. Aussi, après son avènement (1740), Frédéric fit-il
de Jordan un conseiller privé du directoire français, un
curateur de toutes les académies de son royaume et le
chargea-t-il de la réorganisation de l'Académie de Berlin,
et lorsqu'il mourut prématurément, lui consacra-t-il de sa
main un éloge dans les Mémoires de cette Académie. Ci-
tons encore de Jordan : Dissertatio de vita et scriptis
Jordani Bruni ; Recueil de littérature, de philosophie
et d'histoire (Amsterdam, 1730, in-12) ; Histoire de la
vie et des ouvrages de M. de La Croze (1741, 2 vol.
in-8). Sa Correspondance avec Frédéric le Grand forme
le t. X des OEuvr es posthumes de ce i^rince.
BiBL. : Lavisse, le Grand Frédéric avant l'avènement ;
Paris, 1893, in-8, pp. 72 et suiv.
JORDAN (Dorothea), célèbre actrice anglaise, née près
de AVaterford (Irlande) en 1762, morte à Saint-Cloud le
3 juil. 1816. Fille d'une actrice irlandaise. Grâce Phillips,
elle monta sur les planches dès sa quinzième année et, après
avoir joué sur diverses scènes de province, débuta à Drury
Lane le 18 oct. 1785. Elle eut bientôt conquis la faveur
du public. Sa création de Mathilde dans le Richard Cœur
de Lion de Burgoyne, celle d'A ura dans la Farm House
de Kemble, de miss Plinlimmon dans la Welsh Heiress
de Jerningham, de Sabina Rosny dans le Fii^st Love de
Cumberland et tant d'autres furent des triomphes. Elle était
sans rivale dans la comédie : ses admirateurs vantent le
charme de sa voix, sa vivacité, sa grâce. Mais elle est peut-
être plus célèbre par ses aventures romanesques que par
son talent. Après avoir eu de son premier directeur une
fille, miss Jordan, qui fut une bonne actrice, puis de sir
Richard Ford, quatre enfants, elle devint, vers 1790, la
JORDAN ~ 498
maîtresse du duc de Clarence (Guillaume IV) et lui donna
dix enfants qui portèrent le nom de Fitzclarence (V. ce
nom). Le duc la quitta en 4811, en lui laissant une pen-
sion de 4,400 livres qui devait être supprimée si elle re-
paraissait sur la scène. Un bizarre mystère plane sur ses
dernières années. Elle vint en France en 4845 sous le nom
de Mrs. James, cachant soigneusement le lieu de sa ré-
sidence. Elle séjourna d'abord à Boulogne-sur-Mer, s'éta-
blit ensuite à Versailles, puis à Saint-Cloud. Elle fut en-
terrée dans le cimetière de cette ville. Elle avait laissé une
légion de créanciers en Angleterre. Aussi sa mort fut-elle
suivie d'une infinité de procès. On crut longtemps qu'elle
n'était pas morte. On a de Mrs. Jordan un portrait par
Romney et deux par de Wilde qui sont au Garrick Club.
BiBL. : James Boaden, Life of Mrs. Jordan ; Londres,
1831, 2 vol. — The Great Illegitimates : a public and pri-
vate life of that celehrated actress^ miss Bland^ otherwise
Mrs. Ford or Mrs. Jordan ; Londres, s. d., in-12, — Jordan's
Flixir of Life and Cure for the Spleen., 1789, in-8. — Me-
moirs and amorous adventures by Sea and Land of King
William IV ; Londres, 1830.
JORDAN (Camille), écrivain et homme politique fran-
çais, né à Lyon le 44 janv. 4774, mort à Paris le 49 mai
4824. Il fut, en 4793, l'un des promoteurs de l'insurrec-
tion de Lyon ; il se fit remarquer alors par son éloquence
et son courage, mais il dut bientôt se réfugier en Suisse.
De là, il se rendit en Angleterre, d'où il ne revint qu'en
4796. Le dép. du Rhône l'envoya bientôt au conseil des
Cinq-Cents. Proscrit au 48 fructidor, il laissa de nouveau
la France jusqu'en 1800. Il attaqua vivement le gouverne-
ment consulaire dans un écrit intitulé le Vrai Sens du
vote national sur le consulat à vie (Paris, 4802). Jordan
resta en dehors de la politique jusqu'à la Restauration ; en
4846, il fut élu député par le dép. de l'Ain qu'il représenta
jusqu'à sa mort. Ses Discours ont été publiés (Paris, 4848).
JORDAN (Rudolph), peintre et graveur allemand, né à
Rerlin le 4 mai 4840, d'une famille d'émigrés français,
mort en 4887. Après avoir étudié d'abord d'après nature
à Rûgen, il entra à l'Académie de Dusseldorf, où il eut
pour maîtres Schadow et Solm, et acheva de se former par
des voyages en Hollande, en Belgique, en France et en
Italie. Parmi ses œuvres, inspirées surtout du train de vie
des populations côtières de la mer du Nord, nous citerons:
Famille de pêcheurs, Proposition de mariage à Bel--
go land (musée àe Berhn);- r Examen du pilote^ Femmes
priant leur saint pendant la tempête^ la Soupe du
malade (Dusseldorf) ; les Bottes oubliées^ Scène des
dunes après V orage. Noce à nie Marken, la Maison du
gardien a Scheveningen, le Soir, la Mort du vieux
marin, et sa composition saisissante, les Bateaux de
retour moins un (4876). On doit aussi à Jordan une
quantité d'aquarelles et de dessins très prisés, des gravures
pour les Reinicks Lieder,^ et des illustrations pour les
Contes de Musâus. Parmi ses élèves figurent Vautier,
Geertz et Albert Kindler. E. Gourdault.
JORDAN (Jean-Pierre), publiciste slave, né à Cizkovice,
dans la Ilaute-Lusace, en 4818.11 appartenait à la natio-
nalité wende ou serbe de Lusace. Comme beaucoup de ses
compatriotes, il fit ses études à Prague. Il publia en 4844
dans cette ville sa Grammatik der Wendischserbischen
Sprache in der Oberlausitz, Il s'établit ensuite à Leip-
zig où il fonda le recueil Slawische Jahrbiicher et une
revue wende, F Aube. Expulsé de cette ville en 4848 il
revint à Prague où il fonda un journal politique, Slawische
C entra Iblœtter (plus tard Union). Il passa ensuite à
Vienne où il publia de 4868,à 4873 un organe fédéraliste,
Die Zukunft. On lui doit encore un dictionnaire tchèque-
allemand et allemand- tchèque. L. L.
JORDAN (Wilhelm), homme politique et poète alle-
mand, né à Insterburg (Prusse orientale) le 8 févr. 4819.
Après avoir étudié la théologie et la philosophie, il s'éta-
blit à Leipzig, mais, accusé d'athéisme, il fut forcé de quitter
la Saxe et se réfugia à Brème (4846). Pendant la révo-
lution de Février en France, il fit un court séjour à Paris
comme correspondant de la Gazette de Brème; à son
retour à Berlin, il fut nommé député à l'Assemblée natio-
nale de Francfort, où il appartint d'abord à la gauche,
puis au centre ; plus tard, il fut conseiller de marine au
ministère de l'empire germanique et se retira enfin à
Francfort-sur-le-Main, où il vit encore, occupé de travaux
littéraires et poétiques. Jordan est surtout connu par son
adaptation desNibelungen : 4^*' chant, Sigfridssage (Franc-
fort, 4868 ; 42^ éd.,^ 4884) ; 2^ chant : Hildebrands
Heimkehr (4874; 7® éd., 4884), où il s'est efforcé de
rendre le texte dans toute sa pureté primitive, et que,
nouveau rapsode, il a récité lui-même, avec succès,
jusque dans les villes de l'Amérique du Nord. L'œuvre
de Jordan est du reste considérable ; on cite avant tout :
Demiurgos, une épopée dramatique (4852-54) qui fit
beaucoup de bruit lors de sa publication ; puis les volumes
devers, Glocke und Kanone (4844) ; Irdische Pliant asien
(4842) ; les tragédies, Die Witwe des xigis (4858) ;
Arthur Arden (4872) ; les comédies, Die Liebesleugner
(iSiy^); Durchs Ohr (4880); Sein Zwillingsbruder
(4884), etc. Ses traductions des poèmes de Shakespeare,
des tragédies de Sophocle, de VOdyssée et de VIliade
furent aussi très remarquées, et enfin récemment des ro-
mans empruntés à la vie moderne ont eu un très grand
succès: Die Seebald (4885) ; Zwee Wiegen (4887).
JORDAN (Samson), ingénieur et métallurgiste français,
né à Genève le 23 juin 4834. Ancien élève de l'Ecole cen-
trale (4854-54), il y professe depuis trente ans (4865-94)
le cours de métallurgie. Il a été dans l'intervalle ingénieur,
puis directeur de grandes usines. En 4874, la Société des
ingénieurs civils l'a choisi comme président. On lui doit, au
point de vue purement industriel, l'introduction en France
des minerais de fer et de manganèse de l'Espagne et du
littoral méditerranéen, celle de la fabrication des fontes
spéciales [Comptes rendus de VAcad. des se, 4869 et
4873). Il a, d'autre part, donné le premier une théorie
calorique du procédé Bessemer, qui se trouve exposée dans
un important mémoire traduit en plusieurs langues : Fa-
brication de V acier par V affinage de la fonte avec
chauffage par combustion intermoléciilaire (Bullet.
Soc. ingén. civ. 4869), et il a, dès 4878, signalé à l'Aca-
démie des sciences la volatilité du manganèse à la tem-
pérature des fourneaux métallurgiques, fait absolument
confirmé par les récentes recherches de MM. Richard-Lo-
renz et Fr. Ilensler, de Gœttingue {Comptes rendus,
4878 et 4893). Il a publié en librairie: Etat actuel de
la métallurgie dans le pays de Siegen (Paris, 4865,
in-8) ; Souvenirs du siège de Paris. Fabrication des
canons et des projectiles d'artillerie (Paris, 4874,
2 vol. in-8) ; Métallurgie du fer et de V acier (Paris,
4872, in-8 et atlas) ; Notes sur la fabrication de racler
Bessemer aux Etats-Unis (Paris, 4873, in-8) ; Album
du cours de métallurgie professé à VEcole centrale
(Paris, 4874-75, in-8, et atlas in-fol.), etc. L. S.
JORDAN (Marie-Ennemond- Camille), mathématicien
français, petit-fils de Camille Jordan (V. ci-dessus), né à
Lyon le 5 janv. 4838. Eutré à l'Ecole des mines en 4857,
reçu docteur es sciences en 4860 avec deux thèses très remar-
quées : Sur le Nombre de valeurs des foliotions et Sur
les Périodes des fonctions inverses des intégrales des
différentielles algébriques, nommé ingénieur ordinaire
des mines en 486i, promu ingénieur en chef en 1885, il
s'est consacré, dès 4872, à l'enseignement des mathéma-
tiques. Il est depuis 4876 professeur d'analyse à l'Ecole
polytechnique, où il a été d'abord examinateur (4873-76)
et il a succédé en 4883 à Liouville dans la chaire de ma-
thématiques du Collège de France, après y avoir suppléé
Serret, pendant huit ans, dans celle de mécanique. Il a été
élu membre de l'Académie des sciences en remplacement
de Michel Chasles le 4 avr. 4884. L'un de nos plus émi-
nents mathématiciens, M, Camille Jordan s'est principale-
ment préoccupé dans ses savantes recherches, d'approfondir,
au point de vue de la géométrie pure aussi bien que de
- 499 -
JORDAN -• JORIS
l'analyse, cette théorie de Tordre et des combinaisons que
Poinsot opposait à celle des rapports et des distances. Il a
été amené, dans cette voie, à de nombreuses et précieuses
découvertes qui lui ont valu une rapide réputation. En
géométrie, il a déterminé le nombre des périodes des inté-
grales abéliennes, ainsi que les diverses manières dont un
système de molécules peut être superposable à lui-même (il
a trouvé 174 groupes possibles) ; il a en même temps
étudié les lois de la symétrie des polyèdres et des assem-
blages de lignes et a donné des solutions nouvelles et très
ingénieuses de diverses questions y relatives. En analyse, il
s'est surtout attaché à la théorie des substitutions, dont il
a fait d'importantes applications à la théorie des équations
algébriques et à celle des équations différentielles linéaires.
La théorie des formes, qu'il a considérées au double point
de vue algébrique et arithmétique, le calcul des probabi-
lités et, en mécanique, les conditions de stabihté deTéqui-
libre des corps flottants, ont fait également l'objet de ses
recherches. Il est enfin le grand maître en France de la
nouvelle géométrie à n dimensions et il a heureusement
généralisé la loi des mouvements infiniment petits, la règle
de composition des rotations, la théorie de la courbure des
courbes, le théorème d'Euler sur la courbure des surfaces.
Il a consigné les résultats de tous ces travaux dans des
mémoires originaux au nombre d'une centaine, publiés par
les journaux et recueils spéciaux. Nous devons nous borner
à citer parmi les plus importants : Recherches sur les po-
lyèdres (Journal de Borchardt) ; Sur les Assemblages
de lignes (id.); Sur les Equations différentielles li-
néaires à intégrale algébrique (id.) ; Sur les Groupes
de mouvements (Annali di matematica) ; Sur la Sta-
bilité de réquilibre des corps flottants (id») ; Sur la
stabilité de l'équilibre dhm corps pesant posé sur un
appui courbe (Journal de Liouville) ; Théorèmes sur les
équations algébriques (id,) ; Théorèmes sur les groupes
primitifs (id.,iSli); Sur la Forme canonique des con-
gruences du second degré et le nombre de leurs solu-
tions (id.^ 487t3 et 4874) ; Sur les Polynômes bili-
néaires (id., 4874) ; Sur les Systèmes de formes
quadratiques (id., 4874); Sur les Covariants des formes
binaires (id., 4876 et 4879); Commenlaire sur Galois
(Mathem. Annaleny t. I) ; Sur la Limite de transivité
des groupes non alternés (Bullet. Soc. math., t. I);
Sur la Résolution algébrique des équations (Comptes
rendus Acad. se, 4867) ; Sur les Sommes de Gauss à
plusieurs variables (id., 4874); Sur V Equivalence des
formes (Journal de l'Ecole poly t., 4884). lia, en outre,
fait paraître à part deux ouvrages de très grande valeur :
Théorie des substitutions et des équations algébriques
(Paris, 4870, in-4), couronné par l'Institut (prix Ponce-
let) ; Cou7's d'analyse de l'Ecole polytechnique (Paris,
4882-87, 3 vol. in-8; 2^ édit., 4893-94). Léon Sagnet.
BiBL. : Notice sur les travaux de M. Camille Jordan;
Paris, 1881, in-4. — Catalogue of scientific papers, publié
parla Société royale de Londres, t. III, VIII et X.
JORDANÈS, évêque et historien goth du vi® siècle.
Il se pourrait que son nom primitif eût été Jornandès ;
mais il se donne celui de Jordanès, qu'il accepta peut-
être en entrant dans le clergé. Avant cela, il avait été
notaire d'un prince dont on ignore le nom. On ne connaît
pas davantage le siège épiscopal qu'il occupa ; c'est peut-
être celui de Crotone. On sait seulement que Jordanès a
été à Constantinople avec le pape Vigile en 554 . Il appar-
tenait à la tribu des Alains ; il se donne pour peu cultivé ;
pourtant il maniait la langue latine et entendait le grec. C'est
en latin qu'il a rédigé De Origine actibusque Getarum
(éd.princepsdePeutinger, Augsbourg, 4545, in-foL; der-
nière éd. deMommsen, dans les Monum. German, histor,;
Berhn, 4882, t. V, 4^® partie) ; mais c'est un latin barbare,
un style obscur, sententieux, recherché. Le tout est un ré-
sumé de l'Histoire des Goths de Cassiodore (V. ce nom) ,
et n'a de valeur que parce que l'œuvre de Cassiodore est
perdue. Jordanès présente les Goths comme identiques avec
les Gètes ; il veut ainsi faciliter l'union des Ostrogoths avec
les Romains de Byzance ; son grand espoir est donc de
voir régner sur les Goths le jeune Germanicus, fils de
Matasvinthe, la petite-fille de Théodoric, en même temps
que fils do Germanicus, le frère de Justinien P^'; comme
catholique, il travaillait, en outre et pour les mêmes rai-
sons, à la conversion de ses compatriotes ariens. L'empire
romain était pour lui le cadre de la vie qui devait durer
jusqu'à la consommation des temps. Son second ouvrage,
De Summa temporum vel origine actibusque gentis
Romanorum (éd. princeps de Beatus Rhenanus; Bâle,
4534, in-foL), souvent faussement intitulé De Regnorum
ac temporum successione ou encore De Breviatione chro-
nicorum, est une sèche et servile compilation de l'histoire
romaine. F.-H. K,
JORDANNE. Rivière de France (V. Cantal [Dép.l,
t. IX, p. 402).
JORDANUS Nemorarius, mathématicien du xiii® siè-
cle, mort le 42 févr. 4237. Il paraît devoir être identifié
avec Jordanus Saxo, second général de Tordre des domini-
cains, né à Borgentreick (diocèse de Paderborn). Il étudia
à Paris, où il se fit une grande réputation, y fut élu en
4220 pour remplacer saint Dominique, fonda soixante nou-
veaux couvents de son ordre et doubla le nombre des
membres. Il mourut en revenant de Palestine. Ses écrits ma-
thématiques servirent couramment à l'enseignement dans
les universités du moyen âge et de la Renaissance, On
imprima son Arithmetica demonstrata (4496 ; son
Algorithmus demonstratus (4534) ; son traité De Pon-
deribus (4533) et son Planispherium (4507), etc. On a
publié récemment ses quatre livres De Numéris datis
(4894) et les quatre De Triangulis (1837) sur lesquels
Chastes avait appelé l'attention. Nemorarius est, avec
Léonard de Pise, le seul savant de l'Occident latin, au
moyen âge, qui mérite réellement de porter le nom de
mathématicien. Son influence immédiate a été beaucoup plus
grande que celle de son contemporain italien ; son origi-
nalité, moins saillante, est surtout marquée dans ses tra-
vaux de géométrie ; mais il est difficile d'en apprécier le
degré, car il a dû s'inspirer de modèles arabes, qu'on n'a
pu jusqu'à présent déterminer exactement. T.
JORET (Charles), littérateur et philologue français, né
à Formigny le 44 oct. 4829, professeur de Httérature
étrangère à la faculté des lettres d'Aix. M. Ch. Joret est
docteur es lettres de la faculté de Paris depuis 4875 ; il a
présenté les deux thèses suivantes : Herder et la Renais-
sance littéraire en Allemagne au xvui® siècle, et De
Rhoiacismo in indoeuropœis ac potissimum in ger-
manicis linguis. Depuis lors de nombreuses publications
relatives à la philologie romane, à la philologie germanique
et au folklore lui ont conquis une notoriété étendue et
valu la place si enviée de correspondant de l'Académie
des inscsiptions (1887). Nous citerons seulement : Du C
dans les langues romanes (1 874) ; Essai sur le patois
normand du Dessin (4884); Mélanges de philologie
normande (4884) ; Rapports intellectuels de la France
avec l'Allemagne avant il 89 (1884); Jean-Baptiste
Tavernier, écuyer, baron d'Aubonne (4886) ; Flore po-
pulaire de la Normandie (iSSl) ; le P. Guevare et les
bureaux de charité au xvn® siècle (1889). M. Joret
prépare une histoire des plantes depuis les temps les plus
reculés, et il a donné une échantillon de son futur livre
dans une gracieuse publication intitulée la Rose dans
l'antiquité et au moyen âge, histoire, légendes et sym-
bolisme (4892). Il collabore à un grand nombre de re-
vues savantes telles que : la Revue critique, la Romania.
les Annales du Midi, etc. Ant. T.
JORGE (Juan don), mathématicien espagnol (V. Juan y
Santaciliâ).
JORIS (Jean), connu aussi sous le nom de David Joris
ou Georgii, anabaptiste belge, né à Bruxelles vers 4504,
mort à Bâle en 4556. Il exerçait le métier de peintre sur
Yerre à Delft, et se convertit de bonne heure à la réforme
JORIS — JOSE
— 200
de Luther. Plus tard, il adopta les idées des anabaptistes
et fut un des douze apôtres envoyés par /. Mathysens (V»
ce nom) en 4533, pour prêcher le nouvel Evangile. Joris se
proclamait investi d'une mission divine et recruta beaucoup
d'adeptes. Il eut la chance d'échapper à la persécution qui
éprouva durement ses coreligionnaires. Vers 1540, il réunit
à Strasbourg un synode dans le but de faire reconnaître
par tous les anabaptistes une même profession de foi ;
mais ses efforts demeurèrent vains, et l'anarchie régna plus
que jamais dans la secte. En même temps, il publiait son
Wonderhoek (c.-à~d. le livre des merveilles) où se trouve
exposée toute sa doctrine. Poursuivi comme hérésiarque,
Joris se réfugia à Bâle sous le nom de Jean de Bruges, et
s'y fit passer pour un marchand luthérien persécuté dans
son pays à cause de sa religion. Il y vécut dans une ortho-
doxie apparente, mais il conservait secrètement des rela-
tions avec ses adhérents. Après sa mort, des difficultés sur-
girent entre ses héritiers et révélèrent aux Bâlois la véritable
personnalité de l'émigré flamand. Une sentence du conseil
condamna ses doctrines; le cadavre de Joris fut exhumé et
brûlé sur la place publique avec ses livres et ses portraits.
Joris avait publié un grand nombre de brochures sur des
questions de controverse religieuse. Van der Linde en a
relevé 227. ' E. H.
r-:, BiLB. : Va?* Bleyswyck, Description de la ville de Delft
(en hoU.) ; Delft, 1667, in-fol. — Montanus, Histoire reli-
gieuse des Pays-Bas {id.); Amsterdam, 1775, 4 vol. in-4. —
NiPPOLD, D. Joris van Delft^ sein Leben^ seine Lehre und
seine Secte^ dans la Zeitschrift fur die historische Théolo-
gie, 1863. —Van der Linde, D. Joris bibliografie (en holl.);
La Haye, 1867, in-8.
JORISSEN (Théodore-Henri), historien hollandais, né à
Utrecht en 4833, mortà Amsterdam en 4889. Il fut profes-
seur au gymnase de Gouda, puis à l'athénée d'Amsterdam et
consacra les loisirs que lui laissait l'enseignement à écrire,
d'après les documents inédits des archives, des ouvrages très
remarqués. Il s'occupa surtout de la période de l'histoire des
Pays-Bas, qui s'étend del794àl813; nous citerons comme
particulièrement intéressants : la Révolution de iSiS
(en holl.; Groningue 4864, 2 vol. in-8) ; la Première Coa-
lition (id,, Amsterdam, 4873, in-8) ; les Patriotes à
Amsterdam en i794 {id.^ 4794, in-8) ; Napoléon et le
roi de Hollande (Paris, 4875, in-8) ; la Chute du royaume
de Hollande (en holl. ; Rotterdam, 4875, in-8). E. H.
JOBNANDÈSou JORNADÈS (V. Jordanès).
JORQUENAY. Corn. du dép. de la Haute-Marne, arr. et
cant. de Langres; 248 hab.
JORQUERA. Rivière du Chili, prov. d'Atacama, qui
s'unissant au Pulido et au rio de Manflas forme le rio de
Copiapo. Elle reçoit à gauche le Monardes, le Turbio et le
Cachito.
JORRAND (Louis), homme politique français, né au
Moutier d'Ahun le 9 août 4756, mort à Ahun le 42 juin
4845. Notaire dans sa ville natale, et membre du conseil
du district, il fut député de la Creuse à la Con'vention.
Il vota pour la détention de Louis XVI, et contre le sur-
sis. Il siégea ensuite, jusqu'en 4798, au conseil des Cinq-
Cents. Exilé en 4846, comme régicide, il rentra en France
en 4848. A. Kuscinski.
JORT. Corn, du dép. du Calvados, arr. de Falaise, cant.
de Morteaux-Coulibœuf ; 370 hab.
JORULLO. Volcan du Mexique, Etat de Michoacan; il
s'est formé à partir du 29 sept. 4759 et s'élève aujour-
d'hui à 4,222 m. d'alt., dominant la plaine de 470 m. en-
viron. Humboldt a décrit sa formation (Essai polit,, t. II,
p. 490).
JORXEY. Com. du dép. des Vosges, arr. de Mirecourt,
cant. de Dompaire ; 246 hab.
JORZou JOYCE (Thomas) ou Thom.as l'Anglais, car-
dinal, mort à Grenoble le 43 déc. 4340. Dominicain d'Ox-
ford, il fit des études à Paris sous Albert le Grand, y con-
nut saint Thomas d'Aquin et devint prieur des dominicains
d'Oxford. Provincial d'Angleterre en 4298, il fut en 4305
chargé par Edouard P^, dont il était confesseur, d'une
mission à Lyon auprès de Clément V. Créé par le pape car-
dinal-prêtre de Sainte-Sabine (45 déc. 4305), il demeura
à la cour du pape comme chargé d'affaires du roi d'Angle-
terre. Jorz a laissé en manuscrit d'assez nombreux traités,
entre autres : Commentarii saper Quatuor libros sen-
tentiarum ; Quodlibeta ; Liber de visione beata ; De
Paupertate Christi; Commentarii super logicam Aris-
totelis, super philosophiam naturalem et moralem,
JOSABETH, épouse du grand prêtre Joad. Elle arracha
le jeune Joas aux mains d'Athalie et l'éleva secrètement
(V. Joas).
J OSA P H AT, roi de Juda, fils et successeur d'Asa (pre-
mière moitié du ix^ siècle avant notre ère), occupe le trône
de Jérusalem pendant vingt-cinq ans. On vante sa piété et
l'on assure qu'il entretint d'excellentes relations avec le
royaume d'Israël. A deux reprises, on le voit s'associer aux
rois de Samarie, une première fois avec Achab dans une
expédition contre les Syriens, une seconde fois avec Joram
dans une expédition contre les Moabites. D'autre part, on
assure que, ayant échoué dans ses essais de navigation sur
la mer Rouge (il occupait en effet le port d'Aziongaber,
faisant partie de l'Edomie, soumise à la juridiction de Juda),
il refusa les offres d'Ochosias, qui lui proposait de partici-
per à l'entreprise. Le Hvre des Chroniques fait de ce roi
un éloge extraordinaire et décrit son règne sous des cou-
leurs et avec des détails qui nous renseignent mieux sur
le point de vue de l'écrivain que sur la réalité. Il y est
question d'une armée atteignant au chiffre de un million
cent soixante mille hommes; c'est plus que le pays de
Juda ne pouvait nourrir d'habitants (V. notre Précis
d'histoire juive, 4889, p. 420). — La prophétie de Joël
désigne sous le nom de « Vallée de Josaphat », c.-à-d.
Vallée du jugement de Dieu, le lieu où la divinité ras-
semblera les nations ennemies d'Israël afin de les confondre
et de les punir. La tradition a matérialisé ce détail de l'es-
chatologie juive en indiquant le ravin du Cédron (aujour-
d'hui Ouadi Sitti Maryam) comme étant la « Vallée de Jo-
saphat », où tous les morts se rassembleront pour participer
aux assises que présidera le Tout-Puissant. C'est le ravin
que l'on franchit quand on sort de Jérusalem pour se rendre
sur le mont des Oliviers. M. Vernes.
JOSAS (Josedum). Ancien pays de la France, qui a
formé un archidiaconé du diocèse de Paris. H correspondait
à la vallée supérieure de la Bièvre, de Versailles à Palai-
seau, et comprenait Jouy-en-Josas, LesLoges-en-Josas, Igny,
Bue, Vauhallan et Saclay.
JOSAT. Com. du dép, de la Haute-Loire; arr. de
Brioude, cant. de Paulhaguet ; 547 hab.
JOSE. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de Thiers,
cant. deMaringues; 4,343 hab. Stat. des chem. de fer
du Puy-de-Dôme, ligne de Gerzat à Maringues. Eaux mi-
nérales ferrugineuses bicarbonatées froides, employées dans
les affections des voies urinaires, la dyspepsie, la débilité
générale, etc.
JOSE ou JOSES. Forme grecque de l'hébreu Joseph,
c'est le nom porté par plusieurs personnages de l'Eglise
chrétienne primitive : 4° par un frère de Jésus de Nazareth,
dont la famille est ainsi énumérée (Marc, vi, 3) : Marie,
sa mère, Jacques, Joses, Jude et Simon, ses frères; 2° par
un disciple de Jésus, dit Barsabas (V. ce nom) ; 3*^ par
un lévite originaire de Chypre, plus connu sous le nom de
Barnabas (V. ce nom), qui joua un grand rôle dans la
primitive Eglise.
JOSÉ ou JOZÉ DA. SiLVA (Antonio), auteur comique
portugais, né à Rio de Janeiro le 8 mai 4705, brûlé vif à
Lisbonne le 48 oct. 4739. Issu d'une famille de juifs con-
vertis, qui vint se fixer en Portugal, il se mit de bonne
heure à écrire, pour les théâtres de la capitale, des comé-
dies mêlées de prose et de vers, avec des couplets, sortes
d'opéras-comiques à grand spectacle. Au service d'une
originalité réelle, d'une gaieté malicieuse et d'une imagina-
tion débordante, il ne sut mettre que des idées triviales et
une langue de bas étage. Aussi ses pièces étaient-elles très
goûtées du peuple et leur vogue remplit-elle le siècle en-
tier. Au nombre des meilleures appartiennent : Don Qui-
chottôy Esope^ les Enchantements de Médée. Il fut le
seul auteur dramatique que le Portugal possédât alors, et
il eut des imitateurs. Suspecté toujours de judaïsme, il eut
souvent maille à partir avec l'Inquisition et finit par être
envoyé sur le bûcher. Ses pièces forment les deux premiers
volumes du Theatro comico portuguez (Lisbonne, 1744 ;
4^ éd., 1787-92, 4 vol. in-8). Son Do7i Quichotte a été
traduit en français par Ferd. Denis, dans le Théâtre portu-
gais (Pms^ 1823). Le célèbre poète brésilien de Magalhaés
Ta pris pour sujet d'une tragédie : Antonio José ou o Poeta
e a Inquisicào (Rio de Janeiro, 1839). G. P-i.
BiBL. : F. WoLF, D. Antonio José da, Silva ; Vienne,
1860, in-8. — Th. Braga, Historia do theatro portuguez
no seculo XVIII; Porto, 1871, in-8.
JOSÉ-Maria, célèbre brigand espagnol (V. Brigandage,
t. VIII, p. 24).
JOSEPH, fils préféré du patriarche Jacob, le premier
que lui donna sa femme chérie Rachel, joue un rôle con-
sidérable dans la légende patriarcale des Hébreux. Il est le
héros d'une sorte de roman de famille, qui le représente
momentanément séparé des siens et parvenant dans un
pays étranger à de hautes destinées ; grâce à la situation
conquise par ses vertus et son inteUigence, il deviendra le
sauveur de ceux qui ont voulu le perdre dans un moment
de jalousie. — Joseph, âgé de dix-sept ans, gardait les trou-
peaux de son père avec ses frères aînés ; il rapportait à
celui-ci leurs mauvais propos ; favori de Jacob qui lui avait
fait cadeau d'une robe de prix, il était détesté de ses frères.
Sans souci de donner des aliments à leur mauvaise vo-
lonté, il leur racontait des songes, qui lui prédisaient un
glorieux avenir ; un jour sa gerbe se dressait dans un champ
moissonné au-dessus de celles de ses frères, lesquelles
s'incHnaient ; une autre fois, il recevait les hommages de
son père, de sa mère et de ses onze frères sous la figure du
soleil, de la lune et de onze étoiles qui se prosternaient
devant lui. Ses frères furieux profitèrent de leur éloigne-
ment de la maison paternelle, le soin des troupeaux les
ayant menés à plusieurs journées de marche, pour vendre
Joseph comme esclave à une caravane d'Ismaéhtes qui pre-
nait le chemin de l'Egypte ; puis ils expédièrent à Jacob la
robe de son fils, trempée dans le sang d'un bouc, avec ce
message : Voici ce que nous avons trouvé ! Reconnais si
c'est la robe de ton fils. — Jacob croit qu'une bête féroce a
dévoré son fils préféré et tombe dans un sombre désespoir.
— Joseph cependant, acheté par un haut fonctionnaire
égyptien, devient son homme de confiance ; mais, ayant
rejeté chastement les avances de la femme de son maître,
il éprouve les effets de l'animosité de celle-ci, qui intervertit
les rôles et fait jeter Joseph en prison sous le prétexte
d'avoir levé les yeux sur elle. En prison, Joseph, objet de
la protection divine, interprète les songes du chef des échan-
sons et du chef des panetiers qui avaient encouru le res-
sentiment du pharaon ; l'événement ne tarde pas à prouver
qu'il avait vu juste et c'est bientôt le roi lui-même qui l'invite
à lui donner l'explication d'un songe dont les devins égyp-
tiens se déclarent incapables de percer le mystère. C'est le
songe fameux des sept vaches grasses englouties par sept
vaches maigres et des sept épis bien nourris dévorés par
sept épis flétris. Joseph explique qu'il s'agit de sept années
d'abondance extraordinaire suivies de sept années de disette.
Le roi le charge aussitôt de prendre toutes les précautions
nécessaires pour répartir l'excédent de la période « grasse »
sur la période « maigre ». La mesure consiste à entasser
les récoltes dans les greniers royaux, la population restant
dans l'insouciance de la disette annoncée au pharaon.
Quand surviennent les années de disette, ce ne sont pas
seulement les Egyptiens, mais tous les peuples voisins,
éprouvés également par la famine, qui viennent frapper à
la porte des magasins, à l'administration desquels préside
Joseph. — C'est pressé par la disette que Jacob, à son tour,
envoie à plusieurs reprises ses fils chercher du blé en
- 201 - JOSÉ — JOSEPH
Egypte. A la suite de péripéties qui sont dans la mémoire
de chacun, la famille de Jacob vient s'installer en Egypte.
Moins favorisés que les descendants d'Abraham, auxquels
Joseph délivre largement les moyens de subsistance, les
malheureux Egyptiens sont contraints par le besoin de
vendre successivement au pharaon leur bétail, leurs terres
et leurs personnes, si bien que le pauvre esclave hébreu,
après avoir prédit la famine et en avoir détourné les effets
désastreux, se trouve avoir doté la puissante Egypte d'un
régime économique et foncier inconnu des générations pré-
cédentes. Joseph, qui avait épousé une Egyptienne de haute
naissance et en avait eu deux fils, Manassé et Ephraïm, a
la satisfaction de voir Jacob les mettre au rang de ses
propres fils (pères des tribus d'Israël), ferme les yeux à
celui-ci, continue d'exercer à l'égard des siens les fonctions
de chef de famille et meurt chargé de jours et de gloire. —
Ce conte exquis, où l'émotion s'élève par places à l'élo-
quence la plus haute, — l'épisode de la « reconnaissance »
de Joseph étant resté le type et le modèle dont se sont ins-
pirés tant d'ouvrages conçus sur une donnée analogue, —
appartient au moment le plus brillant de la littérature
hébraïque ; sûre d'elle-même, n'ayant point, d'autre part,
à subir le joug d'un cadre imposé", la plume de l'écrivain
se meut avec une maestria incomparable dans le cercle
des affections et des vertus de la famille. Ces caractères
nous reportent au iv^ siècle avant notre ère, que nous con-
sidérons comme l'époque où la littérature hébraïque a brillé
du plus vif éclat (V. Bible). — Il est fort curieux de penser
qu'une désignation territoriale ou géographique telle qu'était
à l'origine le nom de Joseph, embrassant le groupe central
Ephraïm -Manassé ou, d'une manière plus générale, le
royaume des Dix-Tribus, ait pu aboutir à une personnifi-
cation dont le talent de l'écrivain a su faire un être vivant.
C'est, au point de vue psychologique, le contraire du pro-
cessus que nous offrent les écrits bibliques, partant de la
figure fictive de Joseph pour aboutir aux populations réelles,
qu'ils donnent comme issues de lui. On trouvera ces diverses
questions traitées dans notre Précis d'histoire juive {iSS9^
pp. 57 à 77). M. Vernes.
JOSEPH, époux de Marie. L'évangile de Marc ne con-
naît pas le nom du père de Jésus de Nazareth; les évan-
giles de Luc et de Mathieu lui donnent pour père, mais
pour père putatif seulement, un personnage du nom de Jo-
seph, qu'ils rattachent à la famille de David au moyen de
généalogies d'un caractère artificiel, d'ailleurs inconciliables
entre elles. La tradition fait de Joseph un vieillard, qui
n'accepte le titre d'époux de Marie que pour veiller sur
elle. Le culte de saint Joseph a pris un développement ex-
traordmaire dans l'Eglise catholique des derniers siècles.
Frères de Saint-Joseph. — Congrégation fondée en
1835, à Oullins (Rhône), par l'abbé Rey (mort en 1874).
Vouée à l'éducation des enfants les plus abandonnés, elle
élève, dans des maisons spéciales, les enfants assistés et
les jeunes détenus. L'enseignement professionnel qu'elle
donne porte, suivant les dispositions des élèves, sur l'agri-
culture, le jardinage ou un métier industriel. Statistique
de 1861 : 55 maisons (maison mèreà Cîteaux), 263 frères.
Sœurs hospitalières de Saint-Joseph. — Congrégation
fondée en 1638 à Paris, par Marie Delpech de l'Estang,
pour l'éducation des orphelines. Elle possédait encore, en
1861, 7 maisons, 365 sœurs.
ScEURS hospitalières de Saint-Joseph, instituées en
16i3, à l'hôpital de La Flèche, par Marie de La Ferre. —
Elles étaient soumises à la règle de Saint-Augustin et pro-
nonçaient des vœux pour trois ans. Elles desservaient plu-
sieurs hospices en France et possédaient une maison à
Montréal (Canada).
Sœurs de Saint-Joseph, enseignantes et hospitalières.
— Statistique de 1861 : 1,090 maisons (32 maisons
mères), 6,405 sœurs.
Sœurs de Saint- Joseph, dites de Saint-Joseph de Cluny»
— Congrégation fondée en 1807, à Chalon-sur-Saône,
par Anne-Marie Javouhey. En ^1810, la maison mère fut
JOSEPH
— 202 —
établie à Cluny : elle est niaintenant à Paris. En 1816, le
gouvernement envoya ces sœurs aux colonies d'Afrique et
d'Amérique ; en 1819, aux Indes. Outre ses nombreux
établissements en France, leur congrégation en possède
dans la plupart des contrées du monde. Statistique pour la
France (1862) : 58 maisons, 922 sœurs.
Soeurs de Saint-Joseph, dites du Bon Pasteur. —
74 maisons, 495 sœurs.
JOSEPH (François Le Clerc du Tremblay, dit le Père),
homme d'Etat français, né à Paris le 4 nov. 1577, mort
le 18 déc. 1638. Confident et collaborateur de Richelieu,
le père Joseph est une des figures les plus énigmatiques de
l'histoire. Le pamphlet, le mélodrame, le roman avaient
fait de « l'Eminence grise », un « compère » du grand
cardinal, prêt à toutes les besognes, cachant sous l'humi-
lité du froc son orgueil et son ambition. Son historien,
M. Fagniez, nous a montré en lui un grand homme d'Etat,
alliant à toutes les vertus religieuses le patriotisme le plus
éclairé et l'habileté d'un diplomate consommé. Il faut ajou-
ter qu'il mettait au service de son œ.uvre religieuse comme
de ses projets politiques la décision et la hardiesse d'un
« homme d'entreprise et d'un grand aventurier », suivant
l'expression de M. Hanotaux, l'historien de Richelieu. Il
était fils de Jean, premier président des requêtes du Palais,
et de Marie Motier de La Fayette. Il perdit son père à onze
ans et se sentit attiré de bonne heure vers la vie religieuse.
Il faillit cependant rester dans le monde. Après avoir fait
des études classiques approfondies sous la direction d'hu-
manistes distingués, il s'était perfectionné à l'académie
d'Antoine de Pluvinel dans l'escrime, l'équitation, la danse
(1595). L'année suivante, il voyagea en Italie, accumulant
sans doute dans les cours de ce pays (alors la meilleure
école de la politique et de la diplomatie) des observations
dont il était loin de pressentir l'emploi. Il rentra en France
par Trente, Augsbourg, Nuremberg, Strasbourg. Il parut
à la cour sous le nom de baron de Maiïliers, servit avec dis-
tinction au siège d'Amiens sous les ordres du connétable
de Montmorency, son parent (1597), puis accompagna à
Londres l'ambassadeur Hurault de Maisse, chargé de justi-
fier près de la reine Elisabeth la conclusion prochaine de
la paix avec l'Espagne.
Le spectacle du monde ne fit qu'affermir sa vocation re-
ligieuse. Après deux ans de méditation, il entra en 1599
au noviciat des capucins d'Orléans, non sans avoir eu à
vaincre les dernières résistances de sa mère qui eût voulu
le marier. La vie à la fois contemplative et active des ca-
pucins le séduisait : la prière, la charité et la propagande
ne devaient pas absorber son temps. « Il aspirera, a dit
son historien, à fonder des œuvres générales, si supérieures
à la puissance d'un simple moine qu'elles feront douter de
son sens pratique et sourire de son apparente présomp-
tion ; il entrera avec ardeur dans le grand mouvement de
lutte et de rénovation religieuses qui sera l'un des honneurs
du xvïi® siècle. L'accès et le crédit que de pareilles entre-
prises lui donneront auprès des puissances du siècle en
feront quelquefois un conseiller oflîcieux et influent, même
avant que la confiance et l'amitié de Richelieu lui donnent
un rôle considérable et permanent dans la politique. »
Successivement professeur de philosophie, maître des
novices, prédicateur, il fut élu en 1613 provincial de Tou-
raine. Dès 1606 il avait, avec la collaboration d'une pieuse
religieuse de Fontevrault, née du sang de France, Antoi-
nette d'Orléans, fondé l'ordre des Filles du Calvaire qui
devait, dans sa pensée, servir de modèle aux autres ordres
de femmes, souffrant tous alors de la nécessité de réformes.
La direction spirituelle de son ordre fut une des princi-
pales préoccupations de sa vie ; partout, en tout temps, il
pensait à ses religieuses, pour qui il écrivit un Manuel de
r Oraison et avec qui il entretenait une active correspon-
dance. Il se préoccupa vivement, également, de la conver-
sion des protestants de l'Ouest et du Midi et dirigea chez
eux l'œuvre de la prédication.
La première occasion de prendre part aux affaires de
l'Etat lui fut offerte par les conférences de Loudun entre
les commissaires du roi et les princes révoltés : Condé,
Mayenne, Bouillon, Longueville. Parmi les demandes des
princes figurait l'adoption d'une déclaration qui, conforme
aux arrêts du Parlement et aux vœux émis par le tiers
état dans les Etats de 1612, et contraire aux doctrines du
saint-siège et du clergé français, repoussait explicitement
la prétention du pape de pouvoir délier les sujets du roi
de leurs devoirs d'obéissance et de fidélité. L'accord sem-
blait impossible entre la reine, endoctrinée par le nonce, et
les princes qui voulaient donner à leurs prises d'armes le
prétexte de la défense de la politique nationale. Le père
Joseph, confident du nonce et bien vu par la reine, réussit
(mars-mai 1616) à décider les princes à renoncer à leurs
prétentions en les menaçant de la responsabilité d'un
schisme. Il eut à cette époque de fréquentes conversations
avec Richelieu, qui résidait alors dans un de ses prieurés
près de Loudun.
Un grand projet l'agitait cependant ; il rêvait d'appliquer
les mérites acquis par les prières et les vertus des Filles
du Calvaire à l'œuvre de la conversion des infidèles et de
la délivrance des Lieux saints. Depuis 1612, une vaste
conspiration se nouait en Orient parmi les Grecs et les
Slaves, et notamment les Maïnotes, en vue d'une révolte
contre le Turc. Comme l'a montré particuUèrementM. Dra-
peyron, dans un article de la Revue des Deux Mondes
(1874), pendant deux siècles la croisade fut l'idéal loin-
tain des politiques français; les circonstances les contrai-
gnaient non seulement d'en ajourner la réalisation, mais de
s'allier à ces Turcs qu'ils se proposaient de renvoyer d'Eu-
rope. Le père Joseph consacra plusieurs années, non à prê-
cher, mais à préparer pratiquement, par des négociations,
la croisade qu'il projetait. Le chef en devait être Charles de
Gonzague, duc de Nevers. Le père Joseph ne rencontra à
Rome même et à Madrid qu'un scepticisme poli ; il se con-
tenta de fonder Tordre de la Milice chrétienne et d'écrire
le poème la Turciade (1617), mais il dut se convaincre
que les discussions des princes chrétiens ne leur laissaient
pas le loisir de consacrer leurs forces à la délivrance des
Lieux saints. Il n'abandonna pas son projet ; mais il l'ajourna,
comme avaient fait tous les autres rêveurs de croisade. Il
put, du moins, travailler sous une autre forme, à la con-
version de l'Orient. Nommé par le pape préfet des mis-
sions des capucins en 1625, il dirigea de nombreux mis-
sionnaires qui fondèrent des communautés catholiques dans
le Levant et au Canada. D'autres furent envoyés au Maroc,
dans les Etats barbaresques, en Abyssinie. Beaucoup tra-
vaillèrent à la fois dans l'intérêt de l'Eglise et dans celui de
la France. Parmi les missionnaires qui voyagaient, sous la
direction du père Joseph, en Europe et dans le Levant, il
y eut d'intelligents agents de la diplomatie française.
Le père Joseph était convaincu que l'ambition de la mai-
son d'Autriche, menaçant l'équilibre européen, perpétuait
seule l'état de trouble qui rendait impossible l'union des
princes chrétiens contre les infidèles. Ce fut l'une des rai-
sons qui l'amenèrent à changer la direction de ses entre-
prises. Peu à peu l'œuvre politique française prit le pre-
mier rang dans ses préoccupations, sans que son patriotisme
nuisît en rien à son zèle religieux. Il associait à un prosé-
lytisme peut-être indiscret la pratique d'une politique qui
cherchait parmi les protestants des alliés à la France. L'avè-
nement de Richelieu au pouvoir avait fait de lui le colla-
borateur indispensable du grand ministre, son confident,
parfois son inspirateur. D'autre part, il se servit avec sin-
cérité des révélations dont il se croyait favorisé ou dont
il croyait ses religieuses favorisées, pour se faire le guide
officieux de la conscience de Louis XIII ; et il intervenait,
en vue de les apaiser, dans les discussions de la famille
royale. A ce point de vue encore, il fut l'auxiliaire précieux
de Richelieu. Au siège de La Rochelle, il travadla à la
moralisation de l'armée. En 1625, il fut envoyé à Rome,
au moment des négociations relatives au mariage de Hen-
riette de France avec le prince de Galles.
mn —
JOSEPH
Ses vues politiques se modifièrent avec le temps. Jus-
qu'en 1632, il travailla surtout à modérer le cardinal; il
voulait éviter la guerre et se flattait d'y arriver en établis-
sant un équilibre des forces des adversaires de nature à
neutraliser les uns par les autres. Il croyait possible, en
4630, un arrangement avec l'empereur. Cette année-là, il
fut, avec Brûlart, prieur de Léon, ambassadeur en Suisse,
désigné pour se rendre à Ratisbonne, où devaient se réunir
les électeurs sur la convocation de l'empereur. Le but
ostensible de la négociation à poursuivre était la pacifica-
tion de l'Italie. Mais il s'agissait aussi de renverser les
plans de la maison d'Autriche au sujet de l'Allemagne.
Ferdinand II attendait des électeurs la survivance de la
dignité impériale pour son fils et un concours armé contre
les ennemis de sa maison. Nos négociateurs devaient en-
courager les électeurs à condamner les abus de pouvoir de
l'empereur et à défendre les libertés germaniques ; l'échec
ou le triomphe de la politique de famille dépendait des ré-
solutions de l'assemblée. Le père Joseph conduisit les né-
gociations; il jeta les bases d'une union permanente entre
électeurs et le roi pour tenir l'empereur en bride. Ce fut
là un résultat peu apparent, mais plus considérable que le
traité signé le 13 oct. avec les représentants de l'empereur
au sujet des afi'aires d'Italie . Malgré les avantages de ce
traité, par lequel l'empereur abandonnait l'Espagne à elle-
même, Richelieu critiqua vivement les concessions faites
par les négociateurs. Il n'osa pas cependant le désavouer ;
l'année suivante le traité fut avantageusement revisé. Ri-
chelieu était, à ce moment, plus sceptique que le père Joseph
sur la possibilité d'un arrangement avec l'empereur. Il con-
firma néanmoins son ami dans la direction des affaires d'Al-
lemagne.
Le père Joseph avait négocié à Ratisbonne avec l'électeur
de Bavière un traité qui ne fut signé que le 30 mai 1631
à Fontainebleau. L'idée d'une alliance avec la Bavière lui
était particulièrement chère. Mais la faiblesse de l'électeur
força le cardinal et son conseiller à faire un pas de plus
vers la guerre contre l'empereur et à lancer Gustave-
Adolphe contre l'Allemagne; ils le firent sans enthousiasme
et avec prudence : « Il faut, disait le père Joseph, se ser-
vir de ces choses ainsi que du venin dont un peu sert de
contrepoison, et le trop tue. » Ce n'est pas seulement qu'il
répugnât à une alliance protestante, c'est aussi qu'il était
vivement préoccupé de l'équilibre européen; il reprochait
au système des conquêtes de manquer de mesure ; il ne rê-
vait que des avantages restreints, mais sûrs, pour la France.
Mais il fut peu à peu entraîné ; il dut se convaincre qu'un
tiers parti catholique en Allemagne ne pourrait contre-ba-
lancer les deux adversaires ; quand il jugea utile que la
France entrât directement dans la lutte, il le conseilla har-
diment, au risque de servir la cause du protestantisme en
Allemagne ; il fut le principal artisan des résolutions qui
décidèrent de l'issue de la guerre de Trente ans. C'est lui
qui contribua le plus aux événements diplomatiques de 1633
et 1634. A partir de i 632, la mort de Schomberg et ded'Ef-
fiat, la disgrâce de Châteauneuf, la mauvaise santé de Riche-
lieu concentrèrent l'influence politique dans le petit groupe
où dominait le père Joseph. Intermédiaire principal entre
Richelieu et les représentants de la France à l'étranger, il
fournissait au cardinal des projets d'instruction qu'il était
sûr de voir approuvés. Son action diplomatique est insépa-
rable de celle de Richelieu. On pouvait lui reprocher ses
relations avec les hérétiques, railler ses allures martiales,
critiquer son langage, tantôt insinuant et tantôt franc jus-
qu'à la rudesse ; mais il fallait avouer l'austérité de la
vie qu'il menait au milieu de la cour. Ce que la postérité
connaît mieux que les contemporains, c'est l'ardeur de
son patriotisme, c'est la largeur de ses vues, l'esprit de
résolution qu'il montra. Bien qu'il dissimulât son influence,
on le soupçonnait de gouverner le cardinal ; une anecdote
apocryphe le montre réveillant le courage de Richelieu après
la prise de Corbie (1631) et traitant Te cardinal de « poule
mouillée », mais il est juste de dire de lui avec M. Fa-
gniez : « Chaque fois qu'on remarque dans la diplomatie
ou la guerre un acte de vigueur ou de hardiesse, c'est
comme une piste qu'on peut suivre avec l'espoir de le
trouver au bout. »
Son ascendant avait grandi au point qu'il était le suc-
cesseur désigné du premier ministre. Les longues négocia-
tions engagées pour obtenir en sa faveur le chapeau de
cardinal allaient aboutir quand il mourut après quelques
jours de maladie. On a raconté que Richelieu avait pu obte-
nir de ses yeux un dernier regard en lui dfsant : « Père
Joseph, Brisach est à nous. » C'est une erreur, car Brisach
n'avait été pris que la veille du jour où mourut ce bon ser-
viteur de la France, et la nouvelle n'en avait pu parvenir
à la cour. L. Delavaud.
BiBL. : Fagniez, le P. Joseph et Richelieu^ 1894. L'au-
teur a utilisé non seulement les documents conservés dans
les dépôts publics, mais encore des documents inédits
qui sont en sa possession: les Remarques des actions du
R. P. Joseph en son enfance et jeunesse, trouvés dans
les papiers de madame sa mère ; le Discours en forme
d'exclamation du P. Joseph sur la conduite de la divine
Providence en la disposition des divers événements de sa
vie depuis sa naissance jusqu'à son entrée en religion,
et deux biographies dues l'une à Lepré-Balain, prêtre an-
gevin, l'autre à dom Damien Lherminier, bénédictin de
Saint-Maur. — Il existe plusieurs autres biographies ma-
nuscrites du P. Joseph, notamment celle du sieur de
Hautebresc.;e. — L'Histoire de la vie du P. Joseph^ par
1 abbé Richard, 1702, est sans valeur.
JOSEPH l«% empereur d'Allemagne (1705-11), né le
26 juil. 1678, mort à Vienne le 17 avr. 1711. Fils aîné
de l'empereur Léopold l^^ et d'Eléonore de Palatinat-Neu-
bourg, il reçut une excellente éducation, sous la direction
du prince de Salm, fut élu en 1690 roi des Romains, épousa
(1690) la princesse Wilhel mine-Amélie de Brunswick,
convertie au catholicisme et docile aux conseils des jésuites.
Les deux filles nées de cette union furent, par la conven-
tion domestique de 1703, désignées comme héritières des
Habsbourg en cas d'extinction des descendants mâles.
Joseph fut, sous l'influence du prince Eugène, le chef du
parti de la guerre contre la France à la cour de Vienne.
En 1702, il commanda l'armée qui assiégeait Landau. Le
5 mai 1705, la mort de son père lui transmit l'Empire. Il
donna une vive impulsion à la guerre et conçut le plan de
l'annexion de la Bavière, idée qui fut poursuivie durant
tout le siècle par ses successeurs. L'opposition générale
des princes allemands l'empêcha de le réaliser, même au
prix d'un échange avec les Pays-Bas. Jusqu'à la fin de son
règne, il conserva l'avantage contre Louis XIV dans la
guerre de la succession d'Espagne. De 1706 à n09 s'en-
gagea un âpre conflit entre Joseph l^^ et le pape Clément XI
qui était francophile. Ce dernier céda aux menaces de l'em-
pereur. Dans ses Etats héréditaires, Joseph P'' fut moins
heureux. Le roi de Suède, Charles XII, l'obligea à faire
des concessions aux protestants de Silésie (traité d'Altran-
stadt, 1706); en Hong-rie, François Rakoczy le tint en
échec ; son général, Heister, fut battu et il dut subir les
clauses défavorables du traité de Szathmar, signé seule-
ment après sa mort. Il essaya vainement de régulariser la
juridiction du conseil aulique dans l'Empire. Il mourut
subitement de la petite vérole. A.-M. B.
BiBL. : Herchenhahn, Gesch. der Regierunq Josephsl;
Leipzig, 1786-89, 2 vol.
JOSEPH 11, empereur d'Allemagne (1765-90), né le
13 mars 1741, mort le 20 févr. 1790. Fils aîné de
François P^ et de Marie-Thérèse, il fut élevé par le comte
(puis prince) Batthyany, officier brutal et ignorant, et par
le père jésuite Veger ; on le confia ensuite au père Weikard
(1751), puis à un précepteur, Philippe de La Mine, aidé
de plusieurs professeurs, Bourgignon, Leporini, Rosenthal,
Freyssleben, Rajtaj, J. de Pœck, Bréguin, Bâillon, le père
Joseph Franz, Bartenstein, pédant diffus ; il subit l'in-
fluence de Ch.-A. Martini, professeur de droit naturel,
rationaliste qui lui inculqua les idées des philosophes fran-
çais. L'instruction du jeune prince avait été superficielle ;
il embrassa avec ardeur les théories du droit naturel. Il
était sentimental, idéaliste, d'esprit inquiet, agité, volon-
JOSEPH
204 —
taire; il excellait dans les exercices gymnastiques, était
très vif, incapable de rester en place ; il avait un besoin
d'activité continuelle et parfois désordonnée, sans grande
ténacité, reculant devant les obstacles sur lesquels il s'était
jeté; incapable d'obéir dans son enfance, il fut ensuite
incapable de se dominer et de s'assujettir à une règle. Sa
mère, pour lui donner l'expérience delà vie, le fit voyager.
Sous le nom de comte de Falkenstein, il parcourut presque
toute l'Europe, en particulier la France, l'Espagne, l'Italie,
l'Allemagne, excitant l'admiration des philosophes fran(,'ais
et de Frédéric ÏI avec lequel il eut deux entrevues (à
Neisse, août 1769 ; à Neustadt, en Moravie, sept. 1770).
Il épousa la charmante Isabelle de Parme, qui mourut
rapidement, puis Josepha de Bavière, qui hii déplut ; leur
fille mourut dans sa huitième année. Privé des affections
de famille, Joseph se dédommagea par l'amour de l'huma-
nité. Il conçut le plan de vastes réformes sans tenir compte
des antécédents historiques et des conditions, et lorsqu'il
eut le pouvoir se mit à l'œuvre pour réaliser ces imagi-
nations.
Il n'eut de pouvoir effectif qu'à la mort de sa mère. Sans
doute, il avait été élu roi des Romains dès 1764, et l'année
suivante la mort de son père l'appelait à l'Empire ; mais
Marie-Thérèse conserva le gouvernement. Son fils, bien
qu'associé officiellement à son autorité dans ses Etats héré-
ditaires, n'eut, en fait, que la direction des affaires mili-
taires, desquelles il se souciait peu. Sur les affaires inté-
rieures, il n'eut pas d'action, d'autant qu'il s'entendait mal
avec sa mère ; elle insistait vainement pour l'amener à
aller à l'église et à se confesser. En revanche, son in-
fluence fut prépondérante sur les affaires extérieures. Il
suivit une politique d'acquisitions territoriales, favorisa le
partage de la Pologne, se fit céder par la Turquie la Buko-
vine et le Banat avec Temesvar, mena la combinaison de
l'annexion de la Bavière et, dans l'espoir de l'obtenir, s'allia
à la Russie. Le 29 nov. 1780, la mort de Marie-Thérèse
laissa le champ libre à Joseph IL
Il se mit à l'œuvre sur-le-champ pour réorganiser ses
Etats conformément aux principes de la raison pure. Cette
tentative était particulièrement révolutionnaire dans les
pays de la couronne des Habsbourg ; les différences de
race, de constitution, de langues, de traditions étaient
extrêmes ; Joseph II n'en tint pas compte, voulant imposer
à ses sujets une administration identique, comportantl'usage
exclusif de la langue allemande ; pour y arriver, il fit
usage de son pouvoir absolu avec plus d'intransigeance
qu'on n'y était accoutumé. La préface de cette transforma-
tion était la rupture avec la papauté, l'administration au-
trichienne ne pouvant réaliser les réformes qu'après s'être
affranchie des liens multiples de la hiérarchie catholique.
L'empereur, auquel ce plan avait été suggéré par un mé-
moire que lui remit, en 1777, en Suisse, Joseph de Lan-
juinais, ancien moine converti au protestantisme, profes-
seur à Mondon, procéda radicalement. Il écrivit à son
ambassadeur à Rome, le cardinal Herzan : « Depuis que je
porte la première couronne du monde, j'ai fait la philoso-
phie législative de mon royaume. Pour se conformer à sa
logique, l'Autriche prendra une autre forme. Je méprise
les superstitieux elles saducéens, et j'en veux délivrer mon
peuple. Je renverrai les moines et supprimerai les cou-
vents. » A l'archevêque de Salzbourg, comte Colloredo, il
écrivait : « Un Etat que je gouverne doit être régi d'après
mes principes, et chacun de mes sujets doit être mis en
possession des hbertés naturelles. » Appliquant ce pro-
gramme, il subordonna complètement l'Eglise à l'Etat. Il
interdit à tous archevêques, évêqueset autorités religieuses
des pays autrichiens de recevoir les bulles ou brefs ponti-
ficaux et des ordres de supérieurs étrangers, sans autori-
sation du souverain. Les instructions et lettres pastorales
des évêques à leurs diocésains durent être, avant leur
publication, approuvées par le pouvoir temporel (26 mars
1781). Les évêques furent privés du droit d'absoudre et
de dispenser qu'ils tenaient du pape ; les bulles In Cœna
Domini et Unigenitus déclarées nulles, les évêques au-
torisés à délier des interdictions canoniques en fait de
mariage (4 oct. 1781). Les appels à Rome des consistoires
épiscopaux furent interdits et attribués aux tribunaux
laïques. Les évêques durent, avant confirmation, prêter ser-
ment de fidélité au souverain ; enfin Joseph II déclara que
le clergé devait s'en tenir à la prédication évangélique et
au service du culte et ne conserver nul autre droit ni pri-
vilège. Les couvents se virent interdire toute relation avec
l'étranger ; ils furent déclarés indépendants des supérieurs
et généraux résidant à l'étranger et placés sous les ordres
de provinciaux indigènes et sous la surveillance des évêques.
Les moines étrangers furent expulsés, l'acceptation de no-
vices prohibée pour dix années. Après ces mesures préli-
minaires, l'empereur abolit dans ses Etats héréditaires
tous les ordres et monastères menant une vie simplement
contemplative, ne conservant que ceux qui faisaient œuvre
d'enseignement, assistance publique ou prédication. Dé-
crétée le 30 oct. et le 20 déc. 178-1, cette abolition fut
effectuée le 12 janv. 1782. Les biens des couvents sup-
primés servirent à constituer un fonds religieux qui fut
affecté à soutenir les moines sécularisés, à créer des écoles
et étabhssements humanitaires. En huit ans, 700 couvents
furent abolis et 36,000 religieux et religieuses sécularisés.
Il resta 1 ,324 couvents et 27,000 religieux.
Joseph II fit davantage; il s'attaqua au culte lui-même;
il voulut réglementer la décoration des églises, interdire
les expositions de reliques et d'images, restreindre les pè-
lerinages et processions, faire enterrer les morts dans des
sacs, au lieu de cercueils, et dans des fours à chaux. Enfin
il proclama la tolérance religieuse pour les protestants des
deux confessions et les Grecs non-unis. Dès la fin de 1781,
elle fut appliquée à l'Autriche, à la Bohême, à la Hongrie,
à la Belgique. L'empereur n'osa pourtant pas établir l'ab-
solue égalité de toutes les confessions religieuses. Il ordonna
même contre quelques dissidents des mesures de violence,
en régimentant en Transylvanie et privant de leurs enfants
247 déistes tchèques qui refusaient d'entrer dans une des
Eglises reconnues. L'opposition cléricale fut naturellement
très vive. Le pape Pie VI adressa un bref auquel Kaunitz
répliqua dans un style que ne désavouerait pas Bismarck.
Le pape fit alors personnellement le voyage de Vienne
(fév.-avr. 1782). Les populations manifestèrent leur vé-
nération ; Joseph II l'accueillit avec respect, mais ne fit
aucune concession; Kaunitz traita Pie VI en visiteur ordi-
naire, se promenant avec lui bras dessus bras dessous.
Le 16 janv. 1783 fut promulguée la décision qui dépouilla
le mariage de tout caractère rehgieux, institua le mariage
civil et le divorce. L'empereur enleva aux évêchés étran-
gers les portions autrichiennes de leurs diocèses, créa de
nouveaux évêchés sans consulter le pape, nomma un ar-
chevêque de Milan en vertu de sa souveraineté territoriale,
fonda des séminaires généraux à Vienne, Pest, Pavie et
Louvain pour donner aux prêtres une éducation moderne.
Subitement, en déc. 1783, Joseph 11 se rendit à Rome. Ber-
nis et l'ambassadeur espagnol Azara le décidèrent à s'en-
tendre avec le pape, au moins sur la nomination des évêques
lombards. L'acuité de la crise ecclésiastique diminua, Jo-
seph II ayant d'autres soucis.
Il avait entrepris la réforme morale et sociale de ses
Etats et y portait ses tendances doctrinaires. De ce côté,
les résultats furent considérables et quelques-uns durables.
Adversaire des distinctions de classes, il restreignit et dé-
finit les droits des seigneurs (oct. 1780), abolit les fidéi-
commis et les majorais et prononça la suppression du ser-
vage. Le paysan acquit la hberté personnelle, le droit de se
marier, de contracter librement, de se déplacer ; le seigneur
dut lui vendre à prix équitable la terre qu'il cultivait ; la
condition des juifs fut améliorée. — Dans l'ordre finan-
cier, Joseph II s'inspira des théories des physiocrates fran-
çais ; il s'efforça de réaliser une équitable répartition des
charges, déclarant qu'il voulait supprimer les douanes in-
térieures, les impôts de consommation et gabelles, les droits
205 —
JOSEPH
corporatifs, faisant procéder à une évaluation des revenus
et à un cadastre pour asseoir de nouveaux impôts. Cette
enquête aboutit à la conclusion que le paysan conservait
70 % de sa production, en payait 12 °/o à l'Etat et 48 «/o
au propriétaire féodal ; le cadastre ne put être sérieusement
fait et la réforme financière ne fut pas exécutée. Il suivit
une politique résolument protectionniste : son tarif doua-
nier du 24 août 4784 prohiba l'importation de beaucoup
de denrées étrangères, imposa à d'autres des droits écra-
sants, fixa un délai pour l'écoulement total des marchandises
accumulées dans les entrepôts intérieurs. Pour développer
le commerce intérieur et extérieur, il construisit des routes,
des canaux, ouvrit un débouché aux produits hongrois, par
des traités de commerce avec la Russie et la Turquie, ac-
crut la marine autrichienne qui prit sa part du commerce
du Levant et parut dans les Indes orientales et occiden-
tales. La réforme judiciaire partit du principe d'une légis-
lation unique basée sur le droit naturel ; le nouveau code
pénal ne fit aucune distinction entre les ordres, les peines
étant les mêmes pour tous ; les tribunaux furent réorga-
nisés ; Joseph II en créa soixante-six de première instance,
des cours d'appel et trois cours supérieures. Il institua des
magistrats municipaux assistés de légistes, ce qui eut pour
effet de substituer des employés juristes aux municipahtés
bourgeoises. — Il attacha la plus grande importance aux
fondations humanitaires : un grand hospice à Vienne, une
école de médecine militaire, un institut de sourds-muets,
un asile pour les pauvres et les mendiants. Il multiplia les
écoles, au point qu'en Bohème le nombre des enfants qui
les fréquentaient dans les campagnes passa de 44,000 à
417,000 en dix ans. Il propagea l'instruction pratique,
spécialement agricole et industrielle, laïcisa les gymnases,
collèges et universités. Enfin, il proclama, dès le 41 juin
4784, la liberté de la presse, par l'abolition de la cen-
sure.
L'activité brouillonne de l'empereur bouleversant les
abus séculaires et toutes les habitudes de ses sujets suscita
partout de vives oppositions. En Hongrie et dans les Pays-
Bas, celles-ci provoquèrent des guerres civiles. Ces pays
résistèrent à la centralisation unitaire qu'on voulait imposer
et défendaient les droits que leur garantissaient leurs
constitutions. Joseph II avait évité de venir à Presbourg se
faire couronner roi de Hongrie et jurer fidélité à la consti-
tution ; il blessa le sentiment national en implantant des
colons allemands, en substituant au latin l'allemand comme
langue officielle ; le recensement, prélude de nouveaux im-
pôts et de la conscription militaire, porta l'opposition au
comble (aoiit 4784). Les assemblées de comitats protes-
tèrent. Le souverain renforça ses troupes en Hongrie, puis
abolit la vieille constitution et la division en comitats rem-
placée par une division en dix cercles (18 mars 4785).
Quand on voulut procéder au cadastre et à l'estimation des
biens fonciers, les paysans prirent parti pour leur roi contre
l'aristocratie ; les Roumains de Transylvanie se soule-
vèrent, 432 châteaux fur-ent brûlés, 62 villages détruits,
4,000 hommes périrent. Le mouvement gagnant la Hon-
grie, les ordres privilégiés acceptèrent les réformes, mais
ils profitèrent bientôt après des difficultés de la guerre de
Turquie pour refuser tout concours ; de toutes parts, on
réclama la convocation d'une diète, d'Etats généraux comme
en France. Malade, menacé par la Prusse, Joseph II céda
et rétablit la vieille constitution hongroise (28 janv. 4790).
Dans les Pays-Bas, le particularisme n'opposa pas de
moindres obstacles aux plans de l'empereur, faiblement
secondé par les administrateurs, sa sœur Marie-Christine
et son beau-frère le duc Albert de Saxe-Teschen. Il avait
débuté par un succès. Profitant de la faiblesse de la Hol-
lande il avait exigé la suppression du traité de la Barrière
(V. Utrecht [Traités d']) qui donnait aux Hollandais droit
de garnison dans des forteresses belges (4784). La mé-
diation de la France prévint une guerre; les Hollandais
payèrent 5 millions de thalers, rendirent quatre forts,
mais PEscaut resta fermé et la rectification des frontières
demandée par Joseph II n'eut pas lieu (nov. 4785). Les
réformes anticléricales furent très mal accueillies par les
Flamands et Brabançons ; une émeute d'étudiants eut lieu
à Bruxelles (dée. 4786) ; le souverain avait remplacé à la
tête des Pays-Bas le faible Starhemberg par l'énergique
Belgiojoso. Au début de l'an 4787, il promulga la nouvelle
constitution; les vieilles institutions provinciales étaient
supprimées, le pays divisé en neuf cercles, subdivisés en
districts gouvernés par des intendants et des commissaires ;
un conseil administratif, auquel on adjoignait quelques dé-
putés des provinces, concentrait tous les pouvoirs. Dans
l'ordre judiciaire, tous les tribunaux territoriaux, féodaux,
ecclésiastiques étaient abolis. Le mécontentement fut gé-
néral. Les Etats de Brabant refusèrent de reconnaître les
édits impériaux, invoquant le serment prêté par Joseph
(lors de sa « joyeuse entrée ») de maintenir les libertés
et^ coutumes antiques. Intimidés par les émeutes, les ad-
ministrateurs, l'archiduc Albert et Christine, sœur de Fem-
pereur, suspendirent l'exécution des réformes et promirent
d'en demander le rappel (30 mai 4787). Joseph II reçut
cette nouvelle au cours de son voyage en Russie ; il accou-
rut à Vienne et y convoqua des délégués des Etats des pro-
vinces belges afin de s'entendre pour l'application des ré-
formes (6 juil. 4787). Le conflit s'aggravait; le comte
Murray fut nommé gouverneur général des Pays-Bas et
exigea l'application des réformes (4788). Puis vinrent
l'énergique comte d'Alton et le comte Trautmannsdorf qui
intimidèrent les Etats provinciaux ; ceux-ci cédèrent. Mais
les chefs du mouvement Vonck et Van der Noot, avocats
brabançons, continuèrent de fomenter la résistance. Des
conflits se multiplièrent entre patriotes et en sept. 4789
un corps d'insurgés, commandé par Van der Mersch, s'em-
para de Breda, proclamant la déchéance de Joseph II. Un
sanglant combat eut lieu à Turnhout et les Autrichiens
furent repoussés (26 oct. 4789). L'insurrection devint gé-
nérale; il fallut évacuer Bruxelles (déc. 4789). L'armée
impériale se débanda, le trésor, les archives, tombèrent
aux mains des Belges qui proclamèrent leur indépendance.
L'empereur survécut à peine de quelques semaines à ces
désastreuses nouvelles.
La politique extérieure de Joseph II ne fut pas plus heu-
reuse que ses projets unitaires. H avait vainement essayé
de réformer la justice dans le Saint-Empire et de réorga-
niser la Chambre impériale (4767). Il avait, par ses pro-
jets sur la Bavière, déterminé la formation d'une « ligue des
princes » contre l'Autriche. Même l'antagonisme des élec-
teurs ecclésiastiques avec Rome et leurs revendications
autonomistes (nov. 4786) ne purent amener un rapproche-
ment entre eux et l'empereur. On trouvera dans l'art. Ma-
rie-Thérèse le récit des faits relatifs au partage de la
Pologne et à la succession bavaroise (V. aussi Pologne et
Bavière) ; Joseph II prit dans les deux une part active. H
commandait l'armée autrichienne dans la courte guerre de
4778-79, mais n'osa risquer de bataille. Il fut l'auteur du
rapprochement avec la Russie qui isola la Prusse, et se tint
à l'alliance de Catherine II qui en eut tous les bénéfices. H
l'accompagna dans son fameux voyage de Tauride, depuis
Kherson jusqu'en Crimée et à Pultava (4787). Il rêvait la
restauration de l'empire grec. Mais, quand il déclara la
guerre aux Turcs (9 févr. 1788), son feld-maréchal Lascy
dispersa ses 218,000 hommes tout le long de la frontière
depuis le Dniester jusqu'à l'Adriatique ; Joseph H vint au
quartier général de Fulak, en face de Belgrade. L'éparpille-
ment de ses forces et l'insubordination de la Hongrie em-
pêchèrent de frapper des coups décisifs ; tandis que Sou-
vorov remportait les plus brillants succès avec le concours
du prince de Cobourg, il fallut se contenter de la prise de
Belgrade (8 ocL 1789), suivie de celles de Semendria et
Passarovitz. Les fatigues de la campagne aggravèrent la
maladie de foie à laquelle Joseph II succomba bientôt après.
Il est malaisé de porter un jugement sur ce prince, qui
rêva de si grandes choses et n'eut ni le temps ni la force
de les réaliser. Jamais peut-être on ne vit de souverain
JOSEPH — 206
plus inconscient des conditions historiques. Sans eu tenir
compte, il voulut imposer à tous ses sujets son idéal hu-
manitaire. Beaucoup pourtant de ses réformes ont subsisté,
d'autant qu'il avait dirigé l'éducation de son neveu et héri-
tier qui devint François IL Son souvenir est resté très
populaire en Autriche, et son esprit anime encore les classes
moyennes. — Joseph II n'avait eu d'enfants ni de sa pre-
mière femme, Isabelle, fille du duc Philippe de Parme,
morte en 4763, ni de la seconde, Maria-Josepha, fille de
Tempereur Charles VII, morte en 4767. Son frère Léopold,
grand-duc de Toscane, lui succéda. A. -M. B.
BiBL. : Gross-HofI'Inger, Lebens und Regierungsge-
schichte Josephs II; Stuttgart, 1835-37. — Meynert,
Kaiser Joseph II ; Vienne, 1862. — D'Arnetpi, Maria The-
resia und Joseph 11^ ihre Correspondenz, samt Briefen
Josephs an seinen Bruder Leopold ; Vienne, 1867-68, 3 vol.
— Du même, Joseph II und Leopold II, 18'<2. — Du
même, Joseph II und Catharina II; ihr Briefwechsel^
1869. — Brunner, Die theologische Dienerschaft am Hof
Joseph II; Vienne, 1868. — Du même, Correspondances
intimes de Vempereur Joseph II avec Cobenzl et Kau-
nitz ; Mayence, 1871. — Du même, Joseph 11^ Charakte-
ristik seines Lebens^ seiner Regierung und seiner Kir-
chenreformen ; Fribourg, 1885. — J^ger, Joseph II und
Leopold II, Re for men und G egenre for men; Vienne, 1869.
— Béer, Joseph II, Leopold II und Kaunitz (correspon-
dance); Vienne, 1873. — Lustkandl, Die Josephinischen
Ideen und ihr Erfotg; Vienne, 1881. — Nosinicii et Wie-
ner, Kaiser Joseph als Staatsmann und Feldherr; Vienne,
1885. — LoRENz, Joseph II und die Belgische Révolution.
— Arendt, Die Brabantische Révolution^ dans Hist. Tas-
chenbuch de Raumer, année 1843. — Ad. Wolf, Marie-
Christine^ Erzherzogin von Œsterreich ; Vienne, 1863, 2 vol.
JOSEPH, roi de Naples (V. Bonaparte).
JOSEPH (L'archiduc), philologue hongrois, né en iSi^'S.
Ce parent de l'empereur d'Autriche, qui réside le plus sou-
vent à Fiume, s'est fait une spécialité de l'étude de la
langue tsigane. Non seulement il a encouragé diverses pu-
blications relatives à cette langue, mais il a composé lui-
même une Grammaire tsigane (Budapest. 1888).
JOSEPH Barsabas (V. Barsabas).
JOSEPH BekhorSchor, exégète juif de la seconde moi-
tié du XII® siècle. Il fut disciple de Rachbam et de Rabenou
lam et appartint comme eux à l'école de Raschi. Son nom
est souvent mentionné dans les loçafot. Il a composé un
commentaire sur le Pentateuque, plus apprécié que celui
de Raschi, car, contrairement à Raschi, il s'en tint toujours
à la grammaire et à la lexicographie et ne laisse que fort
peu de place aux interprétations aggaviques. La critique
moderne a une très haute opinion de sa méthode. Certains
savants identifient J. B. Schor avec Joseph d'Orléans dont
le nom se rencontre souvent dans les loçafot. Il s'appellerait
Bekhor Schor pour désigner le commentateur de la Bible,
et le nom de Joseph d'Orléans lui serait plus particuliè-
rement réservé comme ioçafiste. S. Debré.
BiBL. : Geiger, Parchandala. — Renan, les Rabbins
français, p. 434. •— Revue des études juives^ t. IJ, p. 5.
JOSEPH BEN GoRioN (V. Gorionides).
JOSEPH Bringas, un des plus grands hommes d'Etat
byzantins du x« siècle. Co]istantin y II fit la fortune de cet
eunuque en le créant patrice, grand préposite ou chef des
eunuques, drongaire (amiral) de la flotte, et en lui confiant
le gouvernement des affaires pendant les dernières années
de son règne. Son fils, Romain II (959-63), nomma Joseph
chef du Sénat et des cubiculaires, parakimomène ou grand
chambellan. Pendant les trois années du règne de Romain,
ce fut Joseph qui, en réalité, gouverna. Il fut peu popu-
laire, bien qu'au moment de la disette d'oct. 960, il eût
fait venir du blé à Constantinople et en eût réduit de moi-
tié le prix. Les historiens grecs n'ont pas été tendres pour
lui ; ils le représentent avare, rapace, dur et sans pitié.
Joseph eut toutefois de solides quahtés d'administrateur»
Il gouverna avec fermeté et prépara la glorieuse expédition
de Crète où se signala Nicéphore. Joseph n'aimait pas ce
général, qu'il ne trouvait pas assez souple et dont la gloire
militaire était trop éclatante. Si la régente Théophano (963)
l'eût écouté, Nicéphore aurait eu les yeux crevés. Aussi ce
dernier conspira-t-il contre Joseph. Le ministre, au su de
la conspiration, se hâta de le remplacer à la tète des troupes
par Jean Zimiscès. Mais il était trop tard. Nicéphore est
I)roclamé empereur par ses soldats, et Joseph est relégué
en Paphiagonie, puis dans un monastère. Beaulieu.
BiBL. : Histoires générales byzantines (V.Isaac P^' Com-
nène). — Schlumberger, Un Empereur byzantin au
x« siècle, 1891.
JOSEPH Calasanza(V. Arneth).
JOSEPH Caro, talmudiste éminent, né en Espagne en
1488, mort en 4575.11 étudia à l'école de Bérale, dont il
s'appropria les rêves messianiques, les fantaisies cabba-
listiques. Sa vie entière fut partagée entre l'ascétisme ex-
cessif et l'étude approfondie du Talmud. Il est célèbre, à
juste titre, par son Schoulkan arouch, sorte de manuel
talmudique en quatre forts volumes, où l'auteur range mé-
thodiquement sous différentes rubriques et par ordre de
matières les lois cultuelles, alimentaires, matrimoniales,
civiles, pénales, etc. C'est un véritable code de la législa-
tion talmudique, telle qu'elle résulte des discussions et des
conclusions des docteurs et de leurs commentateurs. C'est,
sans contredit, une œuvre de grand mérite. Mais on lui
reproche justement de rapporter avec trop de scrupule les
moindres opinions et les exagérations religieuses les moins
justifiables de certains rabbins. S. Debré.
BiBL. : Fr^nkel, Tai^ké hammischna.
JOSEPH d'Arimathie. L'évangile de Marc rapporte
qu'un personnage considérable de ce nom réclama auprès
de Pilate le corps de Jésus, et, après en avoir obtenu l'au-
torisation, lui rendit les derniers honneurs en le déposant
pieusement dans une grotte sépulcrale. Cet épisode est re-
produit avec quelques détails nouveaux dans les autres
évangiles. La tradition range Joseph parmi les soixante-
dix disciples de Jésus-Christ; il aurait religieusement re-
cueilli le plat dont Jésus se servit lors de la célébration de la
Cène, et ce plat, porté en Angleterre par son fils, a donné
naissance à un cycle de curieuses légendes (V. Graal).
JOSEPH de Calàsanzio, fondateur de la congrégation
des piaristes (V. Calasanz [José de], t. VIII). Les' pia-
ristes (pii operarii) forment une congrégation, non de
frères, mais de clercs réguliers. Leur institut, fondé dès
1597, fut expressément approuvé en 1617 par Paul Y,
qui leur permit de faire des vœux simples et de se donner
des règles. En 1621, Grégoire XV leur assigna le titre de
clercs réguliers des pauvres sous la protection de la
Mère de Dieu pour les écoles pies, — Leur maison mère
est à Rome. Ils sont dirigés par un préposé général, avec
un procureur général. E.-H. V.
JOSEPH de Naxos ou JOSEPH NAci,né en Portugal vers
1525, mort à Constantinople en 1574. Il avait pris, après
sa prétendue conversion, le nom de JoâoMiques. Elevé par
sa tante, la très belle, très riche et très bienfaisante mar-
rane dona Gracia Mendesia, il la suivit dans sa pérégri-
nation, lorsque, ne se sentant pas en sûreté dans le voisi-
nage de l'Inquisition, elle s'établit successivement à Anvers,
à Venise, à Ferrare, et finalement, pour pouvoir pratiquer
ouvertement le judaïsme, à Constantinople. Là, comme toute
sa famille, Joào jeta le masque du christianisme et reprit
le nom de Joseph Naci. Il épousa sa cousine Regina. Son
immense fortune et ses grandes capacités lui valurent
d'être reçu à la cour et il devint bientôt le conseiller, le
confident du sultan Soliman et l'âme de sa politique. Le
prince héritier Selim accorda aussi à Joseph la plus grande
considération, eut pour lui une amitié sincère et le com-
bla de litres et d'honneurs. A son avènement au trône, il
nomma Joseph duc de Naxos et de onze autres îles dont il
lui fit cadeau. Le nouveau duc de Naxos songea alors à
constituer ses îles en royauté juive, mais le projet fut bien-
tôt abandonné. — La grande faveur dont jouissait Joseph
lui attira de puissantes jalousies et de dangereuses in-
trigues ; mais il en sortit triomphant et grandi. Il fut, jus-
qu'à la fin de ses jours, un des plus influents et des plus
habiles diplomates. S. Debré.
BiBL. ; Carmobj, Don Joseph, duc de Naxos, 1855. —
Gr^tz, Werlheimers Wiener Jahrbuch^ 1856. — D^ M.-
A. LÉvY, Don Joseph Naci, 1859.
- 207
JOSEPH — JOSEPPON
JOSEPH d'Exeter(V. Iscanus).
JOSEPH EzoBi, poète hébreu de Perpignan, florissant
vers i235. L'épithète Ezobi indique que îe berceau de sa
famille est une localité appelée Ezob et que les uns iden-
tifient avec Avignon, d'autres avec Vaison, d'autres enfin,
à plus juste titre, avec Orgon (Bouches-du-Rhône). 11 est
l'auteur d'un grandpoème,Iiaara^/fé^6^/'(rEcuelle d'argent)
dont les uns parlent avec enthousiasme et les autres avec
dédain. La vérité est entre ces deux extrêmes. 11 est vrai
qu'il y a peu d'originalité dans l'œuvre d'Ezobi, mais il pos-
sède un style toujours clair et ses images sont souvent
heureuses. On a aussi, de Joseph Ezobi, trois pièces litur-
giques, une hymne sur les treize articles de foi et d'autres
ouvrages de ce genre. S. Debré.
BiBL. : Renan, les Rabbins français, pp, 552, 704, 705,
715. — Gr^tz, GeschicMe der Juden, IX, ch. vi.
JOSEPH l'Hymnogrâphe, poète grec du ix® siècle.
Chassé de Sicile par les Arabes, il erra en Orient. Il se
rendit d'abord dans le Péloponèse, puis, de là, à Thessalo-
nique. Mais la querelle des images y battait son plein, et
Joseph dut s'enfuir. Il se rendait à Rome quand il fut pris
par des pirates et conduit en Crète. De là il passa à Cons-
tantinople. Nous savons qu'il fut scévophylax, gardien des
vases sacrés, sous le patriarche Ignace, au temps de l'im-
pératrice Théodora (842-56). Nous avons de lui des poé-
sies religieuses qui ne sont point sans valeur.
BiBL. : Hippolyte Marracius, éd. des œuvres de Joseph;
Rome, 1662, in-8. — Karl Krumbaciier, Gesch. der byz.
LitL, 1891.
JOSEPH Naci (V. Joseph de Naxos).
JOSEPH E (Flavius), historien juif du i^'^ siècle de notre
ère (de 37 à 100 ?). Sa réputation, bien qu'entamée par de
récents travaux, reste considérable ; vantard, intrigant, rem-
plaçant volontiers les indications précises et les documents
authentiques par des développements oratoires, Josèphe reste
cependant précieux parce qu'il est seul, dans bien des cas,
à nous renseigner sur le judaïsme aux derniers temps de son
existence nationale. Nous connaissons la vie de Josèphe par
une autobiographie, qui a le caractère d'une apologie person-
nelle et où il vante sans mesure sa science, sa conduite, son
courage. Avocat, homme de lettres, ayant eu l'occasion de
visiter Rome, suffisamment frotté de grec et de latin pour
servir d'intermédiaire entre ses nationaux et les Romains,
il se préoccupe avant tout de ses intérêts particuliers ; ayant
reçu un commandement dans la grande insurrection juive,
il défendit la citadelle do Jotapata en GaHlée et tomba aux
mains des Romains ; le dévouement intéressé qu'il leur té-
moigna dès ce jour assura sa fortune. Du camp de Vespa-
sien et de Titus il assista aux péripéties du siège et de la
destruction de Jérusalem, qu'il devait relater par la suite
d'une manière emphatique sous laquelle on a beaucoup de
peine à retrouver la réalité. Fixé par la suite à Rome, il y
fut l'objet de la faveur des empereurs flaviens et s'occupa
à écrire pour la société occidentale des livres, qui exposent
l'histoire du judaïsme sous une forme agréable à ses vain-
queurs. Nous possédons de lui la Guerre juive (De Bello
judaico); V Archéologie juive ou Histoire ancienne des
Juifs, le plus important de ses ouvrages, où l'on remarque
malheureusement que des parties qui seraient pour nous
du plus haut intérêt, notamment la longue période qui
s'étend entre Néhémie et l'insurrection des Machabées,
sont traitées de la façon la plus insuffisante; son Auto-
biographie (Vita), où il se préoccupe particulièrement de
faire l'apologie de sa conduite lors de la défense de la Ga-
lilée contre les Romains ; le traité Contra Apionem ou
De la Haute Antiquité du peuple juif. On a également
attribué à Josèphe, mais sans preuves, le traité philoso-
phique: De V Empire de la raison, classé souvent comme
Quatrième Livre des Machabées, « Dans l'antiquité (chré-
tienne) et dans l'Eglise du moyen âge, dit M. Stapfer,
Josèphe jouit d'une réputation que peu d'historiens ont
possédée. Renié par les juifs, inconnu des talmudistes, il
avait été adopté par les chrétiens comme un des leurs. Ses
écrits complétaient pour eux l'histoire sainte et en confir-
maient la vérité. De plus, ses récits de l'Ancien Testament
étaient plus faciles à lire que l'Ancien Testament lui-même.
Il n'avait point de passages didactiques et de développe-
ments abstraits et se bornait à narrer les faits en les pei-
gnant sous de vives couleurs. Son histoire des Hérodes
était un commentaire excellent des Evangiles, et sa narra-
tion du siège de Jérusalem fut longtemps une des bases de
l'apologétique chrétienne, le Christ ayant prédit dans ses
discours eschatologiques les faits mêmes qu'il racontait. »
Il y avait surtout !e passage, de bonne heure intercalé, qui
désigne Jésus de Nazareth comme le Christ annoncé par
les prophètes; cet aveu d'un non-chrétien, d'un juif illustre
et savant, paraissait décisif à une théologie naïve qui n'y
voyait pas la fraude, trop évidente à nos yeux. « Le per-
sonnage lui-même, dit encore M. Stapfer, est certainement
peu intéressant; vaniteux et prétentieux, il a le tort de se
prendre sérieusement pour un grand écrivain. S'il n'a pas
été absolument traître à sa patrie, puisqu'il a cherché à
justifier les juifs des accusations qui pesaient sur eux, ce-
pendant il a accepté la faveur des Romains et, en particu-
lier, des empereurs qui avaient anéanti sa nation... Le
reproche le plus grave est d'avoir quelquefois falsifié l'his-
toire dans son intérêt personnel. » Il ne faut pas prendre
trop au sérieux la remarque, fréquemment faite, que Jo-
sèphe n'aurait pas osé demander à Titus et à Agrippa II
leur approbation officielle s'il avait dénaturé des faits con-
nus d'eux ; les gens au pouvoir ont toujours donné les
attestations les plus flatteuses à ceux qui ont représenté
leurs actions sous un beau jour et se sont fort peu préoc-
cupés, moins encore jadis qu'aujourd'hui, de passer au
crible de la critique des assertions dont l'intention est visi-
blement louangeuse. Ce qu'on peut dire de plus plausible
pour excuser chez Josèphe des exagérations qui dépassent
parfois toute mesure, c'est qu'il en trouvait maint exemple
dans la littérature hébraïque, notamment dans les Chro-
niques. — Pour toute étude relative à Josèphe, consulter
le résumé de la question, accompagné d'indications biblio-
graphiques, que donne E. Schurer dans sa Geschichte des
Judischen Volkes im Zeitalter Jesu Christi (189tJ, I,
pp. 56-81). L'édition des œuvres de Josèphe donnée par
Dindorf est d'un usage commode, mais n'est pas à la hau-
teur des exigences critiques. Ce desideratum vient d'être
comblé par l'édition de Niese, aujourd'hui achevée : Fla-
vii Josephi Opéra edidit et apparatu critico instruxit
Bened. iVz^5^ (RerHn, vol. I à VI, 188o-94) ; le même
donne une édition manuelle sans l'appareil critique.
M. Vernes.
BiBL. : Destinon, Die Quelîen des Flavius Josephus ;
Kiel,1882. — En fait d'études en langue française, signalons :
Reuss, Flavius Joseph, dans la Revue de théologie de
Strasbourg, 1859, et un bon travail d'Ed. Stapfer, Josép/ie,
dans f Encyclopédie des sciences Teliaieuses de Lichten-
berger,^1880, t. VII.
JOSÉPHINE, impératrice, femme de Napoléon pr (V.
Bonaparte, t. VII, p. 247).
JOSÉPHISME. Nom donné par les théologiens ultra-
montainsaux mesures gouvernementales prises par Joseph II,
appliquant la doctrine de Febronius (V. Hontheim, Jo-
seph II, empereur).
JOSÉPHITES (Frères) (V. Croix, t. XIII, p. 467).
JOSEPHSLŒHE(Mont) (V. Harz).
JOSEPHSTADT (en chèque Josefov), Ville de Bohême
(cercle de Kralovedvor), sur la ligne Pardubice-Reichen-
berg; 6,000 hab. y compris l'armée. Josephstadt doit son
nom à l'empereur Joseph II qui la construisit de 4781 à
1787. C'est une importante place de guerre et le siège du
commandement du IX® corps autrichien.
JOSEPH IN (Giuseppe Cesârï, dit le) (V. Cesari).
JOSÉPINS (Josepini et Josephistœ). Nom donné à des
hérétiques de tendance libertine, condamnés par le concile
de Vérone en 1184 (Mansi, Collect. Concile, t. XXII,
p. 493). On ne sait rien sur l'origine de leur nom.
JOSEPPON (V. GORIONIDES).
JOSERAND - JOSSELÏN
- 208 —
JOSERAND. Corn, du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Riom, cant. de Combronde ; 695 hab.
JOSES (V. José).
JOSIAS, l'un des derniers rois de Juda (641 à 610 av.
J.-C), fils et successeur d'Anion, qui n'avait régné que
deux ans, petit-fils de Manassès dont le long règne de cin-
quante-cinq ans passe pour avoir favorisé les progrès de
ridolâtrie étrangère. Josias est célébré, au contraire, pour
avoir restauré le culte national dans toute sa pureté, La dix-
huitième année de son règne, au cours des travaux entre-
pris pour remettre le Temple en état, on annonça au roi
la découverte du « Livre de la loi », disparu sans doute
du temps de ses impies prédécesseurs. En le lisant, le roi
et son entourage ressentent un légitime effroi à la pensée
des effroyables menaces suspendues sur la tête des trans-
gresseurs de la loi divine et Josias décide de procéder à
une sévère épuration du culte, qui détournera le courroux
céleste de Jérusalem et de Juda. Ainsi fut fait. Sur l'ordre
du roi le peuple assemblé déclare solennellement sa réso-
lution de se conformer aux prescriptions légales et toutes
les cérémonies, tous les lieux suspects d'hétérodoxie, sont
impitoyablement supprimés et détruits, à Jérusalem, en Juda
et même dans les villes de Samarie. Les « hauts-lieux »
ou sanctuaires locaux disparaissent par une mesure d'ordre
général et les cérémonies du culte se concentrent désor-
mais dans le seul temple de Jérusalem. En d'autres termes,
le programme de la réforme accomplie par le roi Josias
n'est autre que la thèse, éloquemment développée dans le
Deutéronome^ du monopole du sanctuaire jérusalémite ou
de la centralisation des actes du culte dans un temple
unique. En dehors de ce zèle religieux qui a recommandé
son nom à la postérité, la physionomie de Josias reste
assez effacée. En tout cas, il n'eut pas la fin heureuse que,
selon la théorie chère à l'historiographie juive, aurait mé-
ritée son empressement à épurer le culte national. S'étant,
en effet, proposé de fermer, dans les défilés du Carmel, la
route au roi d'Egypte, Nécho, qui marchait sur l'Euphrate
à la rencontre du roi d'Assyrie (ou plulôt de Babylone), il
succomba à Mageddo; on ramena son corps à Jérusalem,
où il trouva place dans la sépulture royale. — La réforme
de Josias, telle qu'on la rapporte aux livres bibliques, est
de nature à éveiller les soupçons ; ce roi a pu songer à
proscrire tant les cultes étrangers que les usages qu'on
leur aurait empruntés, mais nullement à détruire de nom-
breux sanctuaires locaux, consacrés en réalité à la divinité
nationale, pour le seul profit du temple de Jérusalem. On
a transporté sur son nom une révolution religieuse, qui lui
est postérieure de deux siècles environ et fut le résultat,
non d'une théorie arrêtée, mais d'une série d'événements
matériels indépendants de la volonté humaine. Du même
coup tombe l'ingénieuse hypothèse, d'après laquelle le Bou-
ter onome^ programme de la réforme de Josias, aurait été
composé par les contemporains dudit roi afin de le pous-
ser aux mesures assurant la centralisation du culte.
M. Vernes.
BiBL. : Vernes, Précis d'histoire juive, 1889, pp. 465-471.
JÔSIKA (Joseph, baron de), romancier hongrois, né à
Torda (Transylvanie) le 28 avr. 1796, mort à Dresde le
27 févr. 1865. Parvenu au grade de capitaine pendant les
dernières guerres contre Napoléon, il quitta le service en
4818, pour s'adonner d'abord à l'économie rurale, puis à
la vie politique telle qu'elle pouvait se manifester alors, dans
la Diète de Transylvanie. Patriote magyar très opposé au
gouvernement autrichien, il vit bientôt que la littérature
était le seul moyen qui lui fût offert d'exprimer la vie de
sa race telle qu'il la comprenait. Le roman historique était
une arme dans la lutte pour la renaissance de la vie na-
tionale ; il la saisit avec un tel bonheur qu'on le surnomma
bientôt le Walter Scott de la Hongrie. Son Abafi (1836),
son Dernier Bdtory (1838), son Zriniji le Poète (1840),
pour ne parler que des premiers chefs-d'œuvre, obtenaient
un succès sans précédent, d'abord en magyar, puis dans la
traduction allemande. Cependant le mouvement de 1847 le
faisait rentrer dans la Diète transylvaine où ses opinions
avancées avaient maintenant droit de cité. Membre l'an-
née suivante de la Table des Magnats, adhérant au gou-
vernement révolutionnaire, il dut\ivre à l'étranger depuis
la catastrophe de 1849. L'exil du patriote n'interrompit
pas longtemps l'activité du romancier, qui publia : Une
Famille hongroise pendant la Révolution, les Sorcières
de Szegedin , Rdkôczy, etc. Les œuvres complètes de
Jôsika forment plus d'une centaine de volumes. Il publia
d'mtéressants Mémoires (1865, 4 vol.). E. S.
BiBL. : ScHwicKER, GescMchte der ung. Litteratur. '
JOSNES. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. deBIois,
cant. de Marchenoir ; 1,525 hab. Le général Chanzy y
lutta héroïquement en 1870 contre le prince Frédéric-
Charles.
JOSQUIN, musicien du xv« siècle (V. Deprés [Josse]).
JOSSE. Com. du dép. des Landes, arr. de Dax, cant.
de Saint-Vincent ; 417 hab.
JOSSE DE Moravie (Jordocus, Jobst), empereur d'Alle-
magne (1410-1411), mort le 17 janv. 1411. Fils du
margrave J.-H. de Moravie (second fils de Jean de Luxem-
bourg et de Bohême), il hérita du margraviat de Moravie à
la mort de son père (1375). C'était un homme énergique,
instruit, ambitieux, sans scrupules. Son histoire se con-
fond avec celle de ses cousins -Venceslav et Sigismond
(V. ces noms). Le premier lui donna en gage le Luxembourg,
le second le Brandebourg (1388). Il visait à renverser Ven-
ceslav et fut en 1394 et 1397 à la tête des conjurations
contre l'empereur. Celui-ci fut obligé de lui céder la Lusace
et de l'investir du Brandebourg. Josse finit par réussir à se
faire élire empereur, par cinq électeurs, à Francfort, le
1^^ oct. 1410. Il mourut trois mois après.
JOSSEAU (François-Jean-Baptiste), homme politique
français, né à Mortcerf (Seine-et-Marne) le 21 janv. 1817.
Avocat du barreau de Paris, il fut chargé, par le ministre
du commerce Dumas, de la préparation du projet de loi
sur le Crédit foncier qui fut déposé le 8 août 1850 sur le
bureau de l'Assemblée législative. Nommé à cette occasion
commissaire du gouvernement, Josseau, après le 2 dé-
cembre 1851, rédigea le décret qui remplaça le projet non
venu en délibération par suite du changement de gouver-
nement. Le 21 juin 1857, il était élu député au Corps lé-
gislatif par le dép. de Seine-et-Marne, Réélu en 1863 et
1869, il se représenta vainement en 1876 et 1877. Son
nom reste attaché à la conception de l'Empire libéral, car
il fut le créateur delà réunion Josseau (nov. 1869), for-
mée parmi les membres du centre droit pour étudier les
moyens d'obtenir le régime parlementaire complet, la liberté
de la presse, la décentralisation administrative. On a de
lui : Traité du Crédit foncier (Paris, 1 853, in-8 ; 3« éd. ,
1884, 2 vol. in-8) ; le Crédit foncier de France, son
histoire, ses opérations, son avenir (1860, in-8).
JOSSELÏN. Ch.-l. de cant. du dép. du Morbihan, arr.
de Ploërmel, sur la rive droite de l'Oust et le canal de
Brest ; 2,448 hab. Collège communal. Pension et maison
de retraite des sœurs de la Sagesse, hospice. Corderies,
moulins, tanneries, fabriques de" noir animal. D'après la
légende, la ville remonte au commencement du xi^ siècle,
époque où Jossehn ¥\ comte de Porhoët, aurait élevé une
chapelle sur l'emplacement où l'on aurait trouvé une statue
miraculeuse de la Vierge. Des maisons se groupèrent au-
tour de la chapelle, et la nouvelle bourgade aurait été
bientôt ceinte de murailles et protégée par un château.
Elle devint par la suite la capitale du comté de Porhoët.
Sa forteresse arrêta en 1168 le roi d'Angleterre Henri II
et le contraignit à en faire un siège en règle, à la suite
duquel elle fut démantelée ; deux ans plus tard, la ville
subissait, de la part du même prince, le sort de son châ-
teau. Au xni^ siècle, la seigneurie de Porhoët passa de la
rnaison de Fougères dans celle de Lusignan ; au xiv^. Phi
lippe le Bel confisqua le comté sur Guy de Lusignan, et en
1370 Pierre d'Alençon le vendit au connétable de Clisson
dont la fille le porta en mariage aux Rohan qui l'ont con-
— ^09 -
JOSSELIN — JOST
serve jusqu'à la Révolution et possèdent encore le château.
Prise en 1589 par Mercœur, la ville fut reconquise par
Henri IV qui en fit raser les fortifications. — L'église
Notre-Dame du Roncier a succéda à l'ancienne chapelle
élevée sur remplacement où une ronce toujours verte dé-
signait l'endroit où était enfouie une statue de bois de la
Vierge. Elle est de diverses époques ; la chapelle Sainte-Ca-
therine est romane, la croisée du transept et le chœur de
1400 ou environ, la nef et les bas côtés de la seconde moitié
du xv« siècle. L'église renferme le tombeau (mon. hist.) du
connétable de Clisson et de sa femme, Marguerite de Rohan,
restauré en 1858, Leurs statues, de marbre blanc, sont
couchées sur une table de maibre noir surmontant un massif
de même couleur, entouré d'arcades ajourées oîi figurent des
statuettes de moines en marbre blanc. Elle conserve, en
outre, des débris informes do la statue miraculeuse brûlée
lors de la Révolution et qui sont l'objet chaque année, le
mardi de la Pentecôte, d'un étrange pèlerinage : on y amène
Château de Josseiin.
les « aboyeuses », femmes atteintes d'une étrange épidémie
nerveuse que guérit le contact de la relique. D'autres
pèlerins, pour se guérir de maux de tête, vont verser de
petits sacs de blé sur un prétendu crâne de saint Etienne
qui se trouve dans une niche gothique du bas côté E, An-
cienne église du prieuré de Saint-Martin (xii^ siècle), qui
a servi au xv!"" siècle de temple protestant ; maladroitement
restaurée. Ruines romanes de l'église du prieuré de Sainte-
Croix. Le château des Rohan (mon. hist.) appartient aujour-
d'hui au prince de Léon qui l'a fait restaurer. Situé sur un
rocher dominant i'Oust, il offre, du côté de la rivière, une
façade flanquée de trois tours rondes, couronnées de trois
pointes, dont la base est taillée dans le roc même, et réunies
par des courtines à mâchicoulis surmontées de hautes lu-
carnes; la façade opposée, donnant sur la cour d'honneur,
est un beau spécimen de la dernière période de l'architecture
gothique. Il ne subsiste rien du donjon élevé au xiv^ siècle
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
par le connétable de Clisson, qui, après avoir servi de
place d'armes aux ligueurs, fut complètement démoli par
ordre du roi en 16-29. C'est de ce château, dont il était
capjtaine pour la comtesse de Penthièvre, que partit, en
1351, Jean de Beaumanoir pour adresser au capitaine
anglais de Ploermel Bembra la provocation qui aboutit au
combat des Trente, qui eut pour théâtre la pelouse du chêne
de la Mi-Voie, sur le territoire de la commune voisine de
Guillac.
JOSSELIN DE CouRTENAY (V. Courtenay).
JOSSIGNY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Meaux, cant. de Lagny; 480 hab. Stat. du chem. de fer
de Lagny à Villeneuve-le-Comte,
JOST (Guillaume), inspecteur général de l'instruction
publique, né à Dorlisheim (Alsace) le ^ mai 1831. H débuta
à l'Ecole normale de Strasbourg en 1851, fut inspecteur
primaire à Wissembourg (1857), à Nancy (1871), à
14
JOST - JOSUE
- 210
Paris (i877)ctdeviQt inspecteur général en 188:2. Décoré
cette même année, il fut en 1889 élu représentant de l'en-
seignement primaire au conseil supérieur de l'instruction
publique. Jusqu'à la guerre de 1870, il fut dans TAca-
démie de Strasbourg un des organisateurs chargés de faire
du français la langue exclusive des écoles, tout en réser-
vant une place à l'enseignement de la langue allemande.
On sait qu'avant Tannexion les départements alsaciens
étaient au premier rang pour l'instruction populaire, grâce
à la propagation des meilleures méthodes par l'Ecole nor-
male de Strasbourg. Depuis, M. Jost, désigné par sa con-
naissance de l'allemand et de l'Allemagne, étudia surtout
les questions d'enseignement et d'éducation à l'étranger,
chargé de missions otlicielles, soit pour assister comme' dé-
légué du ministère aux congrès pédagogiques de Cassel,
Berlin, Breslau, Magdebourg, Bruxelles, Karlsruhe, la
Suisse, Darmstadt, Vienne, soit pour étudier l'organisation
scolaire, la préparation et la situation des instituteurs, les
programmes et les méthodes, les jardins d'enfants, l'ins-
truction professionnelle. Il eut notamment à mettre en
œuvre l'institution des bourses de séjour en Allemagne et
en Angleterre pour les jeunes professeurs destines a l'en-
seiguement des langues vivantes dans les écoles normales
d'instituteurs et les écoles primaires supérieures. Il a pu-
blié : Congrès des instituteurs a Uemands(\SSi)j'l'^ éd.);
Lectures pratiques (cours élémentaire, 14« éd., 1893;
cours moyens et cours supérieur, 7^ éd., 1893); Récits
patriotiques (1883, 2^ éd.). 11 dirige V Annuaire de
t' Enseignement primaire y qui, depuis 1885, donne dans
une première partie l'historique de cet enseignement au
jour le jour (personnel, examens, etc.) et dans une seconde
partie le tableau du progrès des idées et institutions péda-
gogiques. H. M.
JOSTEDALS Bbm, Glacier de Norvège, le plus vaste
d'Europe; il couvre 900 kil. q. et s'allonge sur près de
100 kil. depuis une akitude de 2,055 m. jusqu'à 50 m.
de la mer; il couvre le plateau qui borde le Nordtjord, le
Sœndfjord et le Sogneijord ; ses principales branches sont
les glaciers de Boja, Suphelle, Tunsbergdal, Austerdal,
Lodal et Brigsdal.
JOSUÉ ou plus exactement OSÉE, fils de Nun, de la
tribu d'Ephraim, est un des rares noms de la période la
plus ancienne de l'histoire d'Israël qui soient parvenus jus-
qu'à nous. On le donne tour à tour comme marchant en
tète de l'armée lorsque les Amalécites attaquent les Israé-
lites dans le désert aux environs du Sinai, puis comme
assistant de Moïse dans les affaires du culte ; on le désigne
comme un des explorateurs qui ont reconnu le pays de
Chanaan ; enfin Moïse, sur l'ordre divin, le désigne comme
son successeur, chargé de faire la conquête de la terre pro-
mise et d'y installer le peuple élu. Le livre de Josué expose
la manière dont il s'acquitta de sa mission. Il rapporte les
événements sous une forme qui ne peut, à aucun titre, pas-
ser pour de l'histoire et sous laquelle on hésite même à
chercher des souvenirs positifs de la réahté. Nous admet-
tons l'existence, dans les temps qui précèdent de peu Saul,
d'un chef éphraïmite du nom d'Osée, qui aura contribué à
assurer à ses nationaux la paisible possession de quelques
cantons de la région sichémite. Aller plus loin nous semble
imprudent. Le hvre de Josué^ dont nous allons donner l'ana-
lyse, est une épopée de la conquête du Chanaan vue au tra-
.vers du dogmatisme des théologiens juifs du vi® ou plutôt
du IV® siècle avant notre ère. — Le livre de Josué est
considéré par la critique comme formant la sixième et der-
nière partie de l'ouvrage qui racontait et célébrait les ori-
gines Israélites ; il est, en effet, le complément et forme
la conclusion nécessaire du Pentateuque ou Thorah^ qui
renferme les Cinq Livres de Moïse ; quand on le joint à
ceux-ci, on obtient ÏHexaleuque on livre à six tomes. Les
collecteurs du canon hébraïque l'ont séparé de la Tliorali
pour faire de lui le premier des livres historiques (pro-
phetœ priores). Il comprend deux parties : l'^ la conquête
proprement dite du pays de Chanaan (ch. i-xii) ; Tk par-
tage du pays de Chanaan entre les tribus (ch. xiii-xxiv).
Première partie. Aussitôt après la mort de Moïse, Yha-
véh donne à Josué l'ordre de se mettre à la tête du peuple
pour franchir le Jourdai/i et faire la conquête de la terre
promise aux patriarches, « depuis le désert et le Liban jus-
qu'au grand fleuve, le fleuve de l'Ëuphrate, et jusqu'à la
grande mer vers le soleil couchant (ia Méditerranée) ».
Josué dispose tout pour le départ, qui doit s'effectuer dans
trois jours ; il s'assure notamment le concours des deux tribus
de Ruben et de Gad et de la demi-tribu de Manassé, déjà
installées sur la rive orientale du Jourdain. Pour recon-
naître le pays, il envoie à Jéricho des espions, qui reçoi-
vent l'hospitalité d'une courtisane et échappent aux recher-
ches du roi de Jéricho, grâce au dévouement de cette femme.
A leur retour, ils rapportent à Josué que la terreur règne
dans le pays qu'il s'apprête à envahir. Le peuple se met
en marche, précédé de l'arche de l'alliance portée par les
prêtres. Le Jourdain s'entr'ouvre pour leur livrer passage
et le peuple passe à pied sec, l'arche ayant été installée au
milieu même du lit du fleuve. Après l'érection de deux mo-
numents de douze pierres, Tun sur la rive, l'autre au mi-
lieu du lit de la rivière, le peuple va dresser le camp à
Galgaia, prés de Jéricho. Miraculeusement transportés sur
le sol chananéen et protégés par la présence de l'arche, les
Israélites préludent à la conquête proprement dite en rece-
vant la circoncision, « parce que le peuple, né dans le dé-
sert pendant la route, après la sortie d'Egypte, n'avait
point été circoncis » ; l'opération faite, ils attendent paisi-
blement leur guérison avant de poursuivre leur marche.
Devant eux se dressait la ville de Jéricho avec ses impo-
santes murailles. La gloire de sa chute est attribuée à
l'arche de Dieu et aux prêtres, les guerriers Israélites se
bornant au rôle de spectateurs. Les murailles s'étant écrou-
lées au son des trompettes sacrées, le peuple n'a plus qu'à
égorger et à piller. « Ils s'emparèrent de la ville, dit le
texte, et la dévouèrent par interdit au fil de l'épée, tout ce
qui était dans la ville, hommes et femmes, enfants et vieil-
lards, jusqu'aux bœufs, aux brebis et aux ânes. » On ré-
serva seulement « pour le trésor de la maison de Yahvéh
l'argent, l'or et tous les objets d'airain et de fer ». Pour
bien marquer que la protection divine est étroitement su-
bordonnée à l'observation des formalités rituelles, l'écri-
vain rapporte un léger échec qu'attira sur les siens un
Israélite, coupable d'avoir gardé en sa possession quelques-
uns des objets de prix « dévoués » à la divinité ; après une
expiation solennelle, le peuple reprend sa marche victo-
rieuse, s'empare d'Aï (près de Béthel) et en égorge la popu-
lation. A signaler ici la présence malencontreuse d'un mor-
ceau (viii, 30-35) racontant l'érection parles soins de Josué,
sur le mont Ebal (Sichem), d'un autel devant lequel sont
proférées les bénédictions et malédictions prescrites par le
Deutéronome (xxvu) ; ce morceau devrait figurer plus loin.
Cependant toute résistance n'est pas vaincue. Tandis que les
Gabaonites (au S. de Béthel) parviennent à sauver leur vie
par une ruse très ingénieusement rapportée, une coalition
se noue entre « cinq rois amorrhéens » ; Josué est repré-
senté comme partant du camp de Galgaia (près de Jéricho)
pour marcher à leur rencontre; l'ennemi succombe à la fois
sous les coups des Israélites et sous une grêle de grosses
pierres, que « Yahvéh fit tomber du ciel » ; c'est la fameuse
journée où Josué arrête le soleil et la lune afin que les
heures ne lui manquent pas pour achever le massacre des
Chananéens. Là-dessus Josué, et tout Israël avec lui,
« retourne au camp de Galgaia ». Une nouvelle coalition
formée par les princes chananéens de la région septentrio-
nale est vaincue à son tour, et Josué est maître du pays
jusqu'au montHermon,au pied de l'Anti-Liban. «La guerre
que soutint Josué contre ces rois fut de longue durée, dit
le texte ; il n'y eut aucune ville qui fit la paix avec les
enfants d'Israël, excepté Gabaon ; ils les prirent toutes en
combattant, car Yahvéh permit que ces peuples s'obstinas-
sent à faire la guerre à Israël, afin qu'Israël les dévouât
par interdit, sans qu'il y eût pour eux de miséricorde, comme
^ 211 -
JOSUE - JOUARRE
Yahvéh l'avait commandé à Moïse. » L'auteur ajoute, en
guise de conclusion, que Josué, s'étant emparé de tout le
pays, « le donna en héritage à Israël, à chacun sa portion,
d'après leurs tribus. Puis le pays fut en repos et sans
guerre. »
Deuxième partie. L'auteur revient sur le partage,
indiqué tout à l'heure, afin d'établir par le détail com-
ment il y fut procédé ; on a déjà pu, même à travers
notre analyse sommaire, reconnaître les incohérences du
plan suivi, incohérences que la critique explique en ima-
ginant une combinaison mal exécutée de plusieurs docu-
ments, de date différente et indépendants à l'origine. —
Yahvéh donne à Josué, « vieux et avancé en âge »,
l'ordre de répartir le pays conquis entre les neuf tribus
et demie qui doivent trouver leur demeure sur la rive occi-
dentale du Jourdain ; en lui enjoignant de procéder à ce
partage, la divinité remarque, toutefois, contrairement aux
assertions précédentes, que la conquête est loin d'être
achevée. Après avoir rappelé la situation faite à l'E. du
Jourdain à deux tribus et demie, l'auteur donne une atten-
tion spéciale au règlement du sort de Kaleb, l'ancien com-
pagnon de Josué dans l'exploration du pa}^s de Chanaan.
Puis il indique, avec une précision très curieuse, les ter-
ritiires assignés successivement aux tribus de Juda et
d'Ephraïm, à la deuxième demi-tribu de Manassé, aux tri-
bus de Benjamin, de Siméon, de Zabulon, d'issachar,
d'Aser, de Nephtali et de Dan; Josué lui-mêtne obtient pour
sa part personnelle la ville de Timnat-Sérach dans la mon-
tagne d'Ephraïm. La situation des sept tribus nommées en
dernier avait été réglée par un procédé spécial. L'assemblée
des enfants d'Israël se serait trouvée réunie à Silo, où la
tente d'assignation avait été dressée. C'est de ce point que
Josué, saisi des réclamations de sept tribus encore non pour-
vues, envoie des sortes de répartiteurs pour procéder à la
délimitation de sept lots, qui seront ensuite distribués entre
les postulants par la voie du sort. Des villes de refuge sont
instituées et quarante-huit villes assignées aux lévites. Enfin
le départ des guerriers des tribus transjordaniques donne
lieu à un curieux incident ; le bruit s'étant répandu que
ces hommes, en s'en retournant, avaient érigé sur les bords
du Jourdain un autel semblable à celui de Silo, l'assemblée
d'Israël voit dans ce fait une insulte au dogme de l'unité de
sanctuaire ; on allait en venir aux armes, quand les trans-
jordanites parviennent à expliquer qu'ils n'ont voulu ériger
qu'un simulacre, dont l'objet était précisément de rappeler
aux tribus installées à l'E. de la rivière qu'elles ne doivent
pas oublier l'autel unique et seul légal de Silo. Ces expli-
cations ayant été jugées satisfaisantes, Josué n'a plus qu'à
mourir avec la satisfaction de la tâche accomplie ; sentant
sa fin venir, il convoque les Israélites à Sichem, récapitule
devant eux le passé et adresse au peuple un véhément appel
pour le détourner de l'idolâtrie. Les serments du peuple
sont consacrés par l'érection d'un monument. Josué meurt
à l'âge de cent dix ans. M. Vernes.
BiBL. : Pour les questions concernant la composition et
la date du livre de Josué^ V. Pentateuque. — A consulter
également les Introductions à VAncien Testament, no-
tamment: Reuss, la Bible, etc. {l'Histoire sainte et la Loi),
1879; — CoRNiLL, 1892, pp. 86-91, 2«éd. — Pour la critique
des faits, Vernes, Précis d'histoire juive, 1889, pp. 165-185.
JOSUÉ, fils de Josédec, collaborateur de Zorobabel
dans le travail de reconstruction du temple de Jérusa-
lem entrepris dans la seconde année de Darius, fils d'Hys-
taspe, en 521 avant notre ère. Dans la prophétie àWggée,
Josué est désigné comme le chef du sacerdoce jérusalémite;
il est également question de lui dans la prophétie de Za-
charie,
BiBL. : Vernes, Précis d'histoire jwiue, 1889, pp. 562
et suiv.
JOTA (V. Danse, t. XIII, p. 868).
JOTHAM, roi de Juda, filsd'Osias ou Azarias, lui suc-
céda et occupa le trône de Jérusalem pendant seize ans
(vers 750 avant notre ère) . Les Chroniques parlent à son
propos d'une guerre avec les Ammonites, c[ui auraient été
contraints à payer tribut à Juda. On attribue aussi à ce
prince des travaux de construction et d'embellissement. —
Le nom de Jotham est également porté par un fils de Gé-
déon, et l'on place dans sa bouche, à l'adresse d'Abimélech
et des habitants de Sichem, un élégant apologue qui ren-
ferme la critique de la royauté {Juges^ ix).
JOTTE (Bot.). Nom vulgaire du Beta cicla L. (V. Bette).
JOTTRAN D (Lucien-Léopold), jurisconsulte et publiciste
belge, né à Genappe le 30 juin 1804, mort à Bruxelles le
17 déc. 1877. Il se fit inscrire au barreau de Bruxelles et
se rangea parmi les ennemis les plus acharnés du gouver-
nement hollandais. Il prit une part active à la révolution
de 1830 et fut élu membre du Congrès national; il y sou-
tint la candidature au trône du duc de Lcuchtenberg. Il fut
aussi un des défenseurs les plus remuants des revendications
flamandes et combattit de toutes ses forces les projets d'union
douanière avec la France qui se produisirent sous le règne
de Louis-Philippe. La liste des nombreuses publications de
L. Jottrand se trouve dans la Bibliographie nationale de
de Koninck (t. II, 330-335) ; en voici les plus importantes :
Guillaume d'Orange-Nassau avant son avènement au
trône des Pays-Bas (Bruxelles, 1827, in-8); Des Rap-
ports politiques et commerciaux de la Belgique et de
la France {id., 1841, in-8); les Eglises d'Etat {id.,
1849, in-8) ; la Question flamande (io^., 1849). — Son
fils, Gustave^ né à Bruxelles le 24 oct. 1830, a contribué
à fonder en Belgique la Ligue de l'enseignement, et a siégé
de 1870 à 1884 à la Chambre des représentants, comme
député libéral de Bruxelles; il a traduit l'ouvrage de Motley
sur la Fondation de la République des Provinces-Unies
(Bruxelles, 1859-68, 4 vol. in-8) et publié plusieurs con-
férences politiques qu'il avait laites à la Ligue libérale de
Bruxelles. E. H.
JOTUN Fjeld. Massif montagneux de la Norvège occi-
dentale, entre les vallées de Gudbrands au N. et à l'E.,
de Yaldres au S., Sognefjord à l'O. Il couvre 2,500 kil. q.
C'est la région la plus haute et la plus sauvage de la Nor-
vège, très visitée des touristes pour ses monts, ses gla-
ciers, ses rochers, ses lacs, ses pittoresques vallées, dont
la plus profonde est encore à 970 m. d'alt. Elle renferme
les monts Galdhœpig (2,560 m.) point culminant de l'Eu-
rope septentrionale, Horung (2,500 m.), Skagestœlstinden
(2,350 m.).
JOU-sous-MoNTJou. Com. du dép. du Cantal, arr. d'Au-
rillac, cant. de Vic-sur-Cère ; 424 hab.
JOUAC. Com. du dép. de la Haute-Vienne, arr. de
Bellac, cant. de Saint- Sulpice-les- Feuilles ; 677 hab.
JOUAIGNES. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Sois-
sons, cant. de Braisnes; 262 hab.
JOUAN (Golfe de). L'un des plus beaux golfes de la
Méditerranée française. Compris entre le cap de la Croi-
sette et celui d'Antibes et dominé par les monts grani-
tiques de l'Esterel, il est fermé au S. par les îles Lérins.
Ce golfe est suffisamment profond pour les plus grands
vaisseaux (50 m. en certains points) ; il est bien abrité
et sert de point de ralliement à nos escadres (V. Golfe-
Jouan).
JOUANCY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Tonnerre,
cant. de Noyers; 101 hab.
JOUANGS. Tribu de l'Md^ (V.ce mot, t. XX,p.682).
JOUARRE {Jotrum), Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Meaux, cant. de La Ferté-sous-Jouarre, sur une
colline haute de 142 m., au pied de laquelle coule le Petit-
Morin ; 2,369 hab. Jouarre doit son origine à l'abbaye de
femmes fondée en 634 par les disciples de saint Colomban
et dont sainte Théodehilde fut la première abbesse. Cet
établissement monastique acquit promptement une grande
importance, due en partie à ce qu'il relevait directejnent
du saint-siège. De ses bâtiments détruits pendant la Bévo-
lution, il reste, dans l'ancien cimetière, une chapelle fort
remarquable du xiu'' siècle, classée comme monument his-
torique et que l'on appelle la crypte de Saint-Paul ou la
Sainte-Chapelle de Jouarre. C'était, probablement, à l'ori-
gine, le caveau funéraire de l'abbaye. La dernière abbesse de
JOUARRE — JOUBERT
— n'2
Jouarre, en 4790, fut Henriette de Montmorin de Saint-
Heram ; il est à peine utile de dire que, dans le drame cé-
lèbre d'E. Renan, CAhbesse de Jouarre (1886), la mar-
quise Julie de Saint-Florent est un personnage purement
fictif. F. B.
BiBL. : GaXlia. christiana^ t. VIII, col. 1708 et suiv. —
H. Thiercelin, le Momslère de Jouarre; son histoire
jusqu'à la Révolution ; Paris, 1861, in-12.
JOUARS-P0NÏCHA.RTRAIN. Corn, du dép. de Seine-et-
Oise, arr. de Rambouillet, cant. deChevreuse; i,407hab.
Château de Pontchartrain bâti par le chancelier de ce nom.
JOUASSAIN (Clémentine), actrice française, née le
3 déc. 18'29. Elève de Samson au Conservatoire, où elle
fut admise en 4 847, elle fut engagée à TOdéon en 1850
et y débuta, le 29 sept, de cette année, dans Hamlet,
puis entra à la Comédie-Française, où elle parut, le 17 déc.
4851, dans le rôle de Céj^ïmQ à'Andromaque. Dès ses
commencements, M^^*^ Jouassain, malgré sa jeunesse, prit
bravement l'emploi des duôgnes et des caractères, dans
lequel elle s'est fait une réputation méritée ; elle resta à
la Comédie et ne la quitta plus que pour prendre sa re-
traite en 1888. Pendant cette longue carrière, elle a joué,
tant dans le répertoire classique que dans les ouvrages
modernes, soixante-dix-huit rôles. A. P.
JOUAUST (Damase), imprimeur-éditeur et écrivain
français, né à Paris le 25 mai 1834, mort à Paris le
26 mars 1893. Fils d'un imprimeur, auquel il succéda en
1865, il donna une vive impulsion à son établissement, et
se mit à publier, dans une forme agréable ou artistique,
à l'usage des bibhophiles, diverses collections d'ouvrages
empruntés à la littérature française ancienne et moderne,
qui ont été très appréciées. Lui-même en pourvut un cer-
tain nombre de notes et d'introductions érudites. Il colla-
bora aussi à plusieurs publications périodiques. Il a cédé
son fonds à la fm de 1891. G. P-i.
JOUAVILLE. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
et cant. de Briey ; 370 hab.
JOUBARBE (Bot.). Nom vulgaire de plusieurs espèces
de Crassulacées, telles que Sempervirum^ Sediim^ etc.
(V. ces mots).
JOUBERT (Nicolas) (V. ANGom.EVENT).
JOUBERT (Pierre-Mathieu), prélat et homme politique
français, né à Angoulème (Charente) le 16 nov. 1748,
mort à Paris le 26 avr. 1815. Fils d'un médecin, il était
curé de Saint-Martin d'Angoulême quand il fut, le 28 mars
1789, élu député aux Etats généraux par le clergé de cette
ville. Il se rallia le 16 juin au tiers état, prêta le serment
civique le 27 déc. et fut élu, le 8 mars 1791, évêque
constitutionnel de la Charente. Sacré le 27 mars à Notre-
Dame, il fit son entrée à Angoulème le 3 avr. En 1793,
Joubert abandonna les ordres, se maria et entra dans l'ad-
ministration. Après le 18 brumaire il devint préfet du Nord
(2 mars 1800), et, le 27 févr. 1801 , il fut nommé membre
du conseil de préfecture de la Seine. Etienne Charavay.
JOUBERT (Joseph), moraliste français, né à Montignac
(Corrèze) le 6 mai 1754, mort à Villeneuve-sur- Yonne le
3 mai 1824. En 1778, il abandonna Tordre des Pères de la
doctrine chrétienne, où il avait professé, et vint à Paris où
il fréquenta, paraît-il, Diderot, d'Alembert, Marmontel et
surtout Fontanes dont il devint l'intime ami. Elu juge de
paix à Montignac en 1790, il se maria en 1793 et vint
habiter Villeneuve-sur- Yonne, d'où sa femme était origi-
naire, et où il passa la plus grande partie de sa vie. Néan-
moins, il résida souvent à Paris, autant à raison de ses fonc-
tions de conseiller de l'Université dont Fontanes l'avait
gratifié que par suite de sa liaison également intime avec
Chateaubriand. Joubert n'a rien publié de son vivant et il
dut sa célébrité à un choix de Pensées (1838, in-8), pra-
tiqué par Chateaubriand dans les manuscrits qu'il avait
laissés, et depuis augmenté par les soins du neveu de
l'auteur, M. Paul de Raynal, sous le titre de : Pensées,
Essais^ Maximes et Correspondance (1842, 2 vol., ¥ éd.
augm,, 1864, 2 vol. in-18). Un fils de ce même éditeur a
donné beaucoup plus tard les Correspondants de Joubert
(1883, in-18), choix de lettres à lui adressées par M'^^^ Pau-
line de Beaumont, de Chateaubriand, de Guitaut, M^^*' de
Chastenay, Fontanes, Mole, etc. M. Tx.
BiBL. : Sainte-Beuve, Portraits littéraires, t. II ; Cau-
series du lundis t. i ; Chateaubriand et son groupe. —
Paul DE Raynal, Notice en tôte de son édition.
J 0 U B ERT (Barthélémy-Catherine), général français, né à
Pont-de-Vaux (Ain) le 14 avr. 1769, tué à la bataille de
Novi (Italie) le 15 août 1799. Fils d'un avocat, il s'échappa,
en 1784, du collège pour aller s'engager dans un régiment
d'artillerie à La Fère ; mais son père, qui le destinait au
bareau, lui fit obtenir son congé et l'envoya terminer ses
études à Lyon. Joubert faisait son droit à Dijon en 1789 ;
lors de la formation des bataillons de volontaires, il fut
élu caporal dans le 3^ bataillon de l'Ain (4 sept. 1791).
Ses instincts guerriers ne l'avaient pas abandonné. Le
15 sept, il fut promu sergent et alla servir à l'armée du
Rhin. Nommé sous-lieutenant le 12 janv. 1792, il passa
à l'armée d'Italie, devint lieutenant (1«^ nov.) et se dis-
tingua le 19 mai 1793 à la prise d'Isola et, les 31 mai et
12 juin, aux affaires du camp des Fourches. Au mois de
sept, il franchit le Var sous les ordres du général Anselme;
le 8, il se défendit héroïquement au col de Tende dans la
redoute de la Condamine avec trente grenadiers contre
500 Austro-Sardes et fut blessé et fait prisonnier. Atteint
de la dysenterie, il fut renvoyé sur parole, grâce à l'inter-
vention du général Devins, et revint à Pont-de-Vaux réta-
blir sa santé. Le 17 déc. 1793 il reprit du service; attaché
à l'armée d'Italie sous les ordres de Kellermann, il se dis-
tingua au combat de Melogno (25 juin 1795) et le 22 nov.
suivant contribua activement à la victoire de Loano. Son
intrépidité et ses talents reçurent une juste récompense ;
Joubert fut nommé général de brigade le 24 déc. 1795, à
l'âge de vingt-cinq ans et demi. L'année suivante il com-
manda une des brigades de la division Augereau et fut un
des héros de l'immortellecampagne d'Italie'; le 6 déc. 1796,
il fut promu général de division. Le 12 janv. 1797, attaqué
par Alvintzy avec des forces supérieures, il se replia sur le
plateau de Rivoh où il résista pendant quarante-huit heures
et permit à Bonaparte de venir à son secours. Il reprit, le 14,
l'offensive et eut une grande part à la victoire de Rivoli.
Bonaparte écrivant au Directoire célébra son courage et ses
grandes qualités militaires. Il le chargea alors d'opérer
dans le Tirol. Cette campagne, que Carnot appela une
campagne de géants, plaça Joubert parmi les meilleurs
capitaines de la Révolution. Bonaparte accueillit le vain-
queur avec transport et le fit assister aux conférences de
Leoben (18 avr.). Joubert prit un congé pour rétablir sa
santé ; il se rendit à Pont-de-Vaux et de là eut le juste
honneur de venir à Paris présenter au Directoire les dra-
peaux conquis sur l'ennemi par l'armée d'Italie (10 déc.
1797). Le 23 déc, il fut placé à la tète de l'armée de
Batavie et il passa ensuite à l'armée de Mayence le 11 juil.
1798 et à celle d'Italie le 14 oct. suivant. Il occupa aus-
sitôt le Piémont. En janv. 1799 il donna sa démission, à
l'occasion de l'envoi de commissaires civils envoyés par le
Directoire pour réformer les abus commis par les généraux
dans les pays conquis. Il ne resta pas longtemps inactif :
le 18 juin 1799, il fut nommé commandant de la 17® divi-
sion militaire à Paris. Dans le même temps il se maria
avec M^^^ de Montholon. Le 5 juil., Joubert reçut le com-
mandement en chef de l'armée des Alpes et d'Italie, où il
allait remplacer l'illustre Moreau, qui avait été forcé de
battre en retraite. Il quitta sa jeune femme et arriva à
Gênes vers le 15 juil.; il se montra plein de déférence pour
son prédécesseur qui, de son côté, resta près de lui pour
l'aider de ses conseils. Son armée étant inférieure en nom-
bre à celle de l'ennemi, il résolut de se retirer dans les
gorges des Apennins, mais, le 15 août 1799, il fut attaqué
à Novi par Souvorov et dut accepter la bataille. Joubert,
dès le début de l'action, se mit à la tête de ses grenadiers
et tomba frappé d'une balle au cœur en criant : « Soldats,
- Î213 -
JOUBERT - JOUE
marchez à l'ennemi. » Exaspérés par la mort de leur géné-
ral, qui fut aussitôt remplacé par Moreau, les soldats se
battirent comme des lions, mais turent obligés de se retirer.
Cette fin prématurée d'un capitaine de trente ans, sur lequel
la France fondait tant d'espérances, eut un grand retentis-
sement dans le pays. Le 5 sept. 1799, les conseils des Cinq-
Cents et des Anciens résolurent de célébrer en l'honneur
de Joubert une fête funèbre, qui eut lieu à Paris le 46 sept.
Le corps du général fut rapporté à Toulon avec une grande
pompe et déposé dans le tort Lamalgue. Ses compatriotes
lui élevèrent à Bourg un monument, qui fut démoli sous
la Restauration ; plus tard ils lui érigèrent une statue à
Pont-de-Vaux. Etienne Charavay.
BiBL. : GuiLBERT, NoHce sur la vie de Barthélémy-Ca-
therine Jouber t.— Jacques Charavay, les Généraux morts
pour la patrie.
JOUBERT (Joseph-Antoine-René, vicomte), général
français, né à Angers le dd nov. i772, mort à Paris le
23 avr. 4843. Entré au service comme volontaire au d^'' ba-
taillon de Maine-et-Loire le 45 sept. 4794, mcorporé avec
son bataillon dans la 35^ demi-brigado le 49 juin 4796, il
passa au régiment de dromadaires le 4^'^ févr. 4798. Aide
de camp du général Lagrange, il fut nommé chef de batail-
lon au 64®' d'infanterie, puis colonel de ce régiment en
4806. Passé au commandement du 30® de ligne, il reçut
les étoiles de général de brigade en 4844. Depuis son en-
trée au service jusqu'en 4844, le général Joubert a fait les
campagnes suivantes : 4794, armée du Nord ; 4792, ar-
mée des Alpes ; 4793 à 4797, armée dltalie; 4798 à
4 804 , armée d'Orient en Egypte et en Syrie ; 4 80o à
4809, grande armée d'Allemagne ; 4842, Russie ; 4843,
Saxe; 4814, campagne de France. Il a assisté à toutes les
grandes batailles de l'épopée napoléonienne. A El-Arrisch,
il reçut deux coups de feu aux deux cuisses ; à Austerlitz
un boulet l'atteignit grièvement au pied gauche ; à Wa-
gram, il fut encore blessé à la jambe gauche. La Répu-
blique lui avait donné un sabre d'honneur; l'empereur
l'avait fait baron ; Louis XVÏII le nomma vicomte. D'abord
inspecteur général sous la Restauration, il commanda en-
suite le Morbihan, puis lllle-et- Vilaine. Il fut mis en dis-
ponibilité en 4830.
JOUBERT (Le P. Charles), mathématicien français, né
à Beaulieu (Maine-et-Loire) le 3 avr. 4825. Sorti en 4848
de l'Ecole normale, il a d'abord été professeur de lycées,
puis est entré dans l'ordre des jésuites (4854), et a en-
seigné pendant trente-deux ans les mathématiques spé-
ciales à la célèbre école Sainte-Geneviève (école de la
rue des Postes). Il a aussi fait un cours, de 4876 à
4888, à l'Institut cathoHque de Paris. Géomètre fort dis-
tingué, il a publié dans les Comptes rendus de r Aca-
démie des sciences de Paris (1859 à 4875) plusieurs
mémoires originaux sur les fonctions elliptiques, sur les
équations du 5^ et du 6^ degré, sur la théorie algé-
brique des formes homogènes du 4^ degré à trois indéter-
minées, etc. 11 a donné à part : Sur la Théorie des fonc-
tions elliptiques et son application à la théorie des
nombres (Paris, 4860. in-4); Sur les Equations qui se
rencontrent dans la théorie de la Ir ans formation des
fonctions elliptiques (Paris, 1876, in-4). L. S.
JOUBERT (Jules-François), physicien français, né à
Tours le 7 déc. 1834. Sorti de l'Ecole normale en 4860,
il a successivement professé la physique aux lycées de
Tours, de Niort, de Poitiers, de Montpellier, puis au col-
lège Rollin, à Paris (4874-88), et il a été nommé en
4888 inspecteur d'académie, en 4893 inspecteur général
de l'instruction publique. Il s'est livré avec M. Pasteur, de
4876 à 4878, à une série d'études physiologiques sur la
fermentation de l'urine, sur la théorie des germes, sur les
maladies charbonneuses. Mais il est surtout connu par ses
travaux sur Pélectricité, notamment par ses belles re-
cherches sur les courants alternatifs (V. Electricité, t. XV,
p. 769), dont il a donné une théorie générale dans un
savant mémoire intitulé Etudes sur les machines ma-
gnéto-électriques {Annales de V Ecole normale^ 4881).
Il a encore publié, outre une thèse de doctorat Sur la
Phosphorescence du phosphore (4874) et de nombreuses
notes insérées dans les Comptes rendus de l'Académie des
sciences : Leçons sur l'électricité et sur le magnétisme.,
en collaboration avec M. Mascart (Paris, 1882, t. I, in-8);
Traité élémentaire d'électricité (Paris, 4888, in-8;
2^ éd., 4894) ; Cours élémentaire d'électricité (Paris,
4894, in-8), — tous ouvrages classiques rangés parmi les
meilleurs sur la matière. L, S.
JOUBERT (André), httérateur français, uéàAngersen
4848, mort en 4894 . Avocat à Angers, il a laissé un grand
nombre d'études d'histoire locale tort intéressantes, entre
autres : Paysages et croquis (Angers, 4867, in-4 2) ; les
Invasions anglaises en Anjou aux xiv^ et xv^ siècles
(4872, in-42) ; Recherches épigraphiques (1883, in-8);
Etude sur la vie privée au xv® siècle en Anjou (1884,
in-8) ; Un Mignon de la cour de Henri lU. Louis de
Clermont (1885, gr. in-8) ; le Comte deF(illoux{iSH^.,
in-8) ; la Vie agricole dans le Haut-Maine au xv® siècle
(1885, in-8) ; Histoire de Saint-Denis d' Anjou (1886-
87, 2 vol. in-8) ; la Vie agricole dans le Haut-Maine
au xiv« siècle (4886, gr. in-8) ; Histoire de Mesnil et
de ses seigneurs (1887, in-8) ; Histoire de la baronnie
deCraon{\%^^, in-8), etc.
JOUBERT DE La Salette (Pierre- Jean), général fran-
çais, né à Grenoble en 4762, mort en 1832. Il était lieu-
tenant-colonel en 4792 et fut nommé général de brigade,
inspecteur de l'artillerie pendant les guerres de la Révo-
lution. Il quitta le service militaire pour la musique sur
laquelle il a publié d'importants ouvrages, notamment :
Considérations sur les divers systèmes de la musique
ancienne et moderne et sur le genre enharmonique
des Grecs (Paris, 4810, 2 vol. in-8). Il avait écrit avant
la Révolution en 4786 : Nouvelle Méthode d'accorder
les clavecins^ et il publia en 1824, De la Fixité et de
r invariabilité des sons musicaux. Paul Marin.
J OU CAS. Corn, du dép. de Vaucluse, arr. d'Apt, cant.
de Gordes; 265 hab.
JOUCOU. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. de Belcaire; 483 hab.
JOUDES. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Louhans, cant. de Cuiseaux ; ^48 hab.
JOUDREVILLE. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Briey, cant. d'Audun-le-Roman ; 492 hab.
JOUE. I. Anatomie (V, Face).
IL Construction. — Terme de charpente et de menui-
serie désignant l'épaisseur de bois qui, dans une mortaise,
forme une ou deux faces à l'intérieur de l'entaille ou l'épais-
seur de bois qui se voit tout le long et à l'intérieur d'une
rainure.
m. Marine. — Dans les anciennes constructions, l'avant
de chaque côté de la guibre, au-dessus de l'eau, était très
arrondi, pour que le navire pût bien s'élever à la lame. On
appelait joue cette partie arrondie, comprise entre la guibre
et le mât de misaine, qui, d'ailleurs, rappelait la joue d'une
figure humaine, en considérant les écubiers comme deux
yeux et l'étrave comme un nez. Dans les navires à vapeur
actuels, où tout est sacrifié à la vitesse, l'avant est exces-
sivement fin, même au-dessus de l'eau, et il ne reste de la
joue que le nom : c'est toujours la même partie du navire
qu'autrefois, mais qui n'évoque plus à la pensée l'idée d'une
figure bien pleine, bien rebondie.
IV. Art militaire. — Mouvement du maniement d'armes
qui précède le départ du coup de fusil. Ce mouvement
consiste à appuyer la partie postérieure de la crosse à
l'épaule droite, de façon que l'œil soit placé sur la ligne
du cran de la hausse et du guidon et puisse diriger par ces
deux points un rayon visuel dans le prolongement duquel
soit placé le but. Pour l'exécution de ce mouvement, le tireur
approche sa joue de la joue de la crosse, jusqu'au contact.
D'où l'expression « Mettez en joue » et par abréviation
En jouç ou Joue.
JOUE — JOUFFROY — 244
JOUÉ-DU-Bois. Corn, du dép. de l'Orne, arr. d'Alen-
çon, cant. de Carrouges; 4,001 hab. Carrières de granit.
Vannerie.
JOUÉ-du-Plain. Coni. du dép. de l'Orne, arr. d'Argen-
tan, cant. d'Ecouché; 464 hab.
JOUÉ-en-Charnie. Com. du dép. de la Sarthe, arr, du
Mans, cant. de Loué; 4,410 hab.
JOUÉ-Etiau. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr.
d'Ans^ers, cant. de Thouarcé ; 964 hab.
JÔUÉ-l'Abbé. Com. du dép. de la Sarthe, arr. du Mans,
cant. de Ballon ; 529 hab.
JOUE-LÈs-TouRS. Com. du dép. d'Indre-et-Loire, arr. et
cant. de Tours ; 2,538 hab. Stat. du chem. de fer de l'Etat,
ligne de Tours aux Sables-d'Olonne. Vins rouges renommés.
JOUÉ-suR-ERDRE.Com. du dép. delà Loire-Inférieure,
arr. d'Ancenis, cant. de Riaillé, sur l'Erdre ; 2,904 hab.
Forges. Grand étang du Vioreau, servant de réservoir au
canal de Nantes à Brest. Chapelle de Notre-Dame des
Langueurs (xvi^ s.), pèlerinage fréquenté. Châteaux de la
Chauvelière et de Lucinière.
JOUÉE (Constr.). En maçonnerie, la jouée est toute
l'épaisseur du mur comprenant le tableau, la feuillure et
l'embrasure d'une baie de porte, de croisée ou de soupi-
rail. En charpente, on donne ce nom à la face latérale
d'une mansarde formant un panneau triangulaire que l'on
remplit le plus souvent de brique et de plâtre et que, pour
préserver de l'action des saisons, on recouvre de zinc ou
d'ardoises. Enfin, on appelle jouée d' abat-jour les pare-
ments tant droits qu'inclinés d'une ouverture formant abat-
jour. Ch. L.
JULIENNE- LoNGCHAMP (Thomas - François - Ambroise) ,
homme politique français, né à Beuvron le 30 nov. 4764,
mort à Bruxelles le 4^^^ mars 4828. Médecin à Lisieux,
officier municipal de cette ville, en 4794, il fut député du
Calvados à la Convention. Il vota la mort de Louis XVI, fit
partie des comités d'instruction, des secours publics et
des finances. Député aux Cinq-Cents, il en sortit en 4797,
devint administrateur des hôpitaux de Paris et rentra au
même conseil en 4798; il en fut exclu au 49 brumaire et
reprit l'exercice de la médecine à Lisieux. Exilé en 4816,
il se fixa à Bruxelles. A. Kusginski.
J G U ET (V. Bimbeloterie) .
JOUET-sur-l'Aubois. Com. du dép. du Cher, arr. de
Saint-Amand, cant. de La Guerche-sur-l'Aubois ; 2,01 6 hab.
JOUEUR d'instrument (V. Ménétrier).
JOUEY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Beaune,
cant. d'Arnay-le-Duc; 614 hab.
JOUFFRAULT (Camille), homme politique français, né
à Argenton-Château (Deux-Sèvres) le 22 mars 4845. Avo-
cat au barreau de Paris, il prit en 4870 la direction du
Journal des précepteurs^ s'engagea dans les mobiles des
Deux-Sèvres pendant la guerre franco-allemande et, pri-
sonnier à Beaune-la-Rolande, fut interné à Leipzig. Après
avoir échoué dans l'arr. de Bressuire aux élections législa-
tives du 44 oct. 4877, il fut élu le 2 févr. 4879, le candi-
dat officiel, M. de La Rochejacquelein, ayant été invaUdé.
Non réélu en 1 881 , il rentra à la Chambre en 1885. Membre
de la gauche radicale, il se montra favorable au boulan-
gisme et devint sénateur des Deux-Sèvres le 16 août 1891,
en remplacement de M. Léo Aymé, décédé.
JOUFFRAY (Camille), homme politique français, né à
Vienne (Isère) le 22 févr. 1841. Elève de l'Ecole centrale,
ingénieur civil à Vienne, il fit la guerre franco-allemande
dans les mobiles de l'Isère, puis passa au Canada et devint
pharmacien-chimiste à Montréal. Rentré en France en \ 882,
il devint maire de Vienne en 1886 et fut élu député de
l'Isère aux élections générales de 1889 avec un programme
radical, lia <^té réélu le 20 août 1893 par la 1''^ circons-
cription de Vienne.
JOUFFROY (Jean de), prélat et homme d'Etat français,
né à Luxeuil vers 1412, mort le 24 nov. 1473. Il était le
second fils de Perrin Jouffroy, écuyer, seigneur de Balne, et
de Jeanne de Savigny. Après avoir étudié à Dole, à Cologne
et à Pavie, il entra dans l'ordre des bénédictins, revint à
Pavie, 0(1 il enseigna de 4435 à 4438, et fut remarqué au
concile de Ferrare par Eugène IV, qui lui donna le doyenné
de Saint-Vivent-sous-Vergy. Il devint ensuite aumônier et
conseiller du duc Philippe le Bon, qui le chargea de nom-
breuses missions en France, auprès de Charles VII, du dau-
phin Louis, de Charles d'Orléans, et en Bretagne (1441-44),
en Savoie, à Milan et à Naples (1446); à Rome, auprès de
Nicolas V (1448), en Portugal et en Castille (1449). Elu
abbé de Luxeuil (20 fév. 1450), il essaya vainement de se
faire nommer évêque de Tournai (1452), mais il obtint
l'évêché d'Arras(16 avr. 1453). Actif, intrigant, ambitieux,
diplomate consommé, il joua un rôle important en Bourgogne,
en France, en Italie (1454-59), soit comme conseiller de
Philippe le Bon, soit comme légat des papes Nicolas V, Ca-
lixte ni et Pie II, notamment dans la négociation et la prédi-
cation d'une croisade contre les Turcs, dans une querelle
entre l'université de Paris et les ordres mendiants, au con-
cile de Mantoue, et dans les Pays-Bas auprès du dauphin,
dont il sut conserver la faveur quand ce prince fût devenu le
roi Louis XI. Le pape Pie II, qui estimait plus les talents que
le caractère de Jouffroy, finit par lui accorder le chapeau de
cardinal (18 déc. 1461), parce qu'il avait besoin de lui
pour obtenir l'abofition de la Pragmatique. Jouffroy parvint
encore à se faire nommer évêque d'Albi (10 déc. 4462) et
abbé de Saint-Denis (40 juin 1464), grâce à Louis XI qui
l'envoya plusieurs fois à Rome, soit pour l'affaire de la
Pragmatique, soit pour soutenir les prétentions de la mai-
son d'Anjou au trône de Naples. Il alla aussi en Espagne,
où il ne put obtenir, pour Charles de France, frère de
Louis XI, la main dTsabelle, sœur du roi de Castille,
Henri IV (1469), ni celle de Juana, fille de ce prince (4470).
Adjoint à P. de Bourbon, dans son expédition contre Jean V
d'Armagnac, il assista au premier siège de Lectoure (juin
4472), mais il n'est pas certain qu'il ait eu la direction du
second (janv.-mars 4473) auquel il prit également part,
ni qu'il ait participé au meurtre du comte d'Armagnac. Il
allait se rendre au siège de Perpignan quand il tomba ma-
lade. Il vint mourir au prieuré de Reuilly, dépendant de
l'abbaye de Saint-Denis.
Jouffroy avait acquis d'immenses richesses, comme on le
voit par son testament. Il passait pour être cupide et peu
loyal. Il semble avoir montré peu d'humanité envers les
Vaudois d'Arras, persécutés odieusement, et avoir joué un
rôle peu honorable dans le « drame de Lectoure ». Il avait
beaucoup étudié les anciens, surtout Cicéron et Quintilien ;
il connaissait le grec ; il possédait de nombreux manuscrits.
Orateur remarquable, mais poète médiocre, il a écrit quel-
ques pièces en latin. On a conservé huit de ses discours.
Sa famille existe encore en Franche-Comté. C'est à elle
qu'appartient le marquis de Jouffroy d'Abbans, l'inventeur
de la navigation à vapeur. E. Cosneau.
BiBL. : Ch. FiERviLLE, J. Jouffroy ; Coutances, 1874, in-8.
— U. Martène, Thés. Anecd., I, 1841. — Pastor, Hist.
des papes^ trad. Furcy-Raynaud, 1892, t. III, pji. 126-27,
147-48, etc. — De Beaugourt, Hist. de Charles Vil, à la
table. — Dr Mandrot, le Drame de Lectoure^ dans la
Revue hist., t. XXXVIII, ir. — Vaesen, Lettres de Louis XL
JOUFFROY (Théodore-Simon), philosophe français, né
au hameau des Pontets, près de Pontariier (Doubs), le
7 juil. 4796, mort à Paris le 4^'^ mars 4842. Il est l'un
des plus illustres représentants de l'école dite éclectique. Il
entra, en 4813, à l'Ecole normale. C'est à cette époque de
sa vie que se rapporte le célèbre passage des Nouveaux
Mélanges pkilosophiques où il raconte la crise de ses
croyances religieuses. « Je n'oublierai jamais, dit-il, la soirée
de décembre où le voile qui me dérobait à moi-même ma
propre incrédulité fut déchiré... Les heures de la nuit
s'écoulaient et je ne m'en apercevais pas ; je suivais avec
anxiété ma pensée qui, de couche en couche, descendait vers
le fond de ma conscience et, dissipant l'une après l'autre
toutes les illusions qui m'en avaient jusque-là dérobé la
vue, m'en rendait de moment en moment les détours plus
visibles. En vain, je m'attachais à ces croyances dernières,
comme un naufragé aux débris de son navire;... l'inflexible
courant de ma pensée était plus fort... J'étais incrédule,
mais je détestais Tmcrédulilé; ce fut là ce qui décida de la
direction de ma vie. » De 1817 à 1822,Jouffroy enseigna
la philosophie au collège Bourbon et à l'Ecole normale.
Privé de ces deux places par le triomphe de la réaction, il
ouvrit des cours particuliers et envoya dos articles au G/oè^
{la Sor bonne et les Philosophes ; Comment les dogmes
finissent), au Courrier français et à V Encyclopédie mo-
derne. Il publia en même temps la traduction des Esquisses
de philosophie morale de Dugald-Stewart, et entreprit
celle des œuvres complètes de Reid. En 1828, il reprit
son enseignement public à l'Ecole normale et à la Sorbonne,
puis au Collège de France. Sa santé, toujours délicate, l'obli-
gea plusieurs fois d'interrompre ses cours. Un échec à la
Chambre des députés, dont il était membre depuis 4831,
lui porta un coup dont il ne se releva pas. Aux ouvrages
que nous avons déjà cités, il convient de joindre un Coiu's
d'esthétique (1826), rédigé par un des auditeurs ; un Cours
de droit naturel (1834-33) ; un ra[)port sur le concours
relatif aux écoles normales primaires et un très remarquable
discours prononcé à la distribution des prix du collège Char-
lemagne (4840).
Jouffroy, dans l'école éclectique, s'attacha principale-
ment à constituer la psychologie, qui lui paraissait seule
capable de donner la solution des grands problèmes philo-
sophiques et, en particulier, du problème de la destinée
humaine. H mit un soin jaloux à défendre son indépendance
soit à l'égard de la métaphysique, soit surtout à l'égard de
la physiologie. Il lui assigna comme méthode l'observation
et l'induction. Multipliant à l'exemple des Ecossais les fa-
cultés de l'âme, il admit dans l'homme : 4*^ les penchants
primitifs au nombre de trois : l'amour du pouvoir ou l'am-
bition, le désir de la connaissance ou la curiosité, l'amour
de nos semblables ou la sympathie ; 2^ la sensibilité ou la
capacité de jouir et de souffrir, essentiellement liée au dé-
veloppement des penchants ; 3° l'intelligence, comprenant,
d'une part, les facultés d'observation, conscience, percep-
tion des sens extérieurs et mémoire, d'autre part, la rai-
son ; 4° la faculté expressive ; e")^ la faculté motrice ou lo-
comotrice ; 6*> la volonté. En morale, Jouffroy invoque le
principe de finalité : « Chaque chose a sa fin, et l'ensemble
des choses, l'univers, a aussi sa fiu. » L'ordre universel
résulte du mouvement régulier par lequel les choses mar-
chent ainsi chacune à sa fin propre et toutes ensemble à la
fin universelle. Seulement, le propre de l'homme est qu'il
peut et doit s'y porter lui-même avec conscience et liberté.
Pour connaître notre destinée, il suffit de connaître notre
nature, caria constitution d'un être est nécessairement en
harmonie avec sa fin. Or la psychologie nous apprend que
l'homme est, avant tout, une personne, un être capable de
se gouverner, capable aussi de se perfectionner lui-même
par ses propres efforts. Créer, maintenir, développer en
nous la personnalité, voilà donc le principe de tous nos
devoirs. Toutefois, notre destinée ne peut s'achever sur
cette terre : la vie actuelle est une épreuve qui doit rece-
voir ailleurs sa sanction. E. Boirac.
BiBL, : Sainte-Beuve, Revue des Deux Mondes, 1®'' déc.
1833. — Damtron, Préface des Nouveaux Mélanges philo-
sophiques de Jouffroy et Essai sur l'histoire de la philo-
sophie en France au xix<" siècle. — Cli. de Rémurat, Rev.
des Deux Mondes, 1*"* août 1844. — MiGxprr, Notice du.
26 juin 1853, da,ns Acad. des sciences morales et politiques,
t. 'XXV, p. 197. — Gmzoi\ Mémoires pour servir à Vhis-
toire de mon teinps, t. II, pp. 119 et 375. — E. Caro, Romie
des Deux Mondes, 15 mars 1865, — X. Doudan, Lettres^
t. I;, juin et juil. 1841, mars et juin 1842 et passim.
JOUFFROY (François), sculpteur français, né à Dijon
le 1^^ févr. 1806, mort à Laval le 26 juin 1882. Elève de
Ramey fils et de l'Ecole des beaux-arts, il obtint le deuxième
prix de Rome en 1826, et le premier prix en 18H2, avec
son Capanée foudroyé sous les murs de Thèbes. Il suc-
céda, en 1857, à Simart, comme membre de l'Institut, et
devint professeur à l'Ecole des beaux-arts en 1863. Parmi
ses oeuvres, on remarque : Jeune Fille confiant son pre-
21 o - JOUFFROY
mier secret h Ff^'nw^, statue marbre acquise en 1839 pour
le musée du Luxembourg; Erigone, statue (1851, au
musée de Dijon) ; une série de bustes dans les galeries de
Versailles ; les deux groupes pierre : la Paix et la Guerre,
sur la façade du guichet du Carrousel, au Louvre; la
Poésie lyrique, groupe de la façade principale de l'Opéra,
Châtiment et Protection^ statues du Palais de Justice à
Paris, etc. G. P-i.
JOUFFROY d'Abbâns (Claude-François-Dorothée, mar-
quis de), mécanicien français, né à Roches-sur-Rognon
(Haute-Marne) en 1751, mort à Paris en 1832. Il entra
à vingt ans au régiment de Bourbon-Infanterie, eut en
1772 un duel qui le fit exiler en Provence, s'y occupa de
réunir les matériaux d'un ouvrage sur les galères à rames
et, de retour à Paris, conçut tout de suite le projet de son
fameux pyroscaphe. On, trouvera à l'art. Bateau (t. V,
p\), 706-707) le détail des circonstances qui ont entouré
cette invention. Après deux essais couronnés d'un plein suc-
cès, Jouffrov d'Abbans fit en 1783 une demande de privi-
lège, mais fut éconduit. Il émigra pendant la Révolution,
servit dans l'armée de Gondé, rentra en France sous le
Consulat, suivit, sans rien revendiquer, les expériences de
Fulton et, quinze ans durant, donna à peine signe de vie.
Le retour des Bourbons le décida à revenir à Paris. Il rap-
pela sa découverte dans un écrit intitulé les Bateaux à
vapeur (Paris, 1816, in-8), prit un brevet et construisît
à Bercy, pour le compte d'une compagnie, un nouveau ba-
teau, le Charles-Philippe, lancé sur^la Seine le 20 août
1816. L'affaire tomba. Le malheureux Jouffroy d'Abbans,
auquel revient la gloire, proclamée par Fulton lui-même et
à peu près incontestée aujourd'hui, d'avoir, le premier, réa-
lisé pratiquement le problème de la navigation à vapeur,
passa quinze nouvelles années loin de la scène du monde
et, admis vers la fin de 1830 aux Invalides, y mourut
bientôt du choléra. L. S.
BiRL. : Arago, Notice, dans V Annuaire du Bureau des
Longitudes, année 1837, p. 292. — Cauchy, Rapport à
l'Académie des se. de Paris, séance du 1"^ nov. 1840. —
F.-A.-X. MiGNET, Notice historique S7ir la vie et les tra-
vaux de Jouffroy; Paris, 1853, in-8. — AlP. Prost, ^e Mar-
quis de Jouffroii d'Abbans; Paris, 1889, in-8.
JOUFFROY d'Abbans (Achille-François-Eléonore, mar-
quis de), écrivain et mécanicien français, fils du précédent,
né à Ecully (Rhône) le 20 janv. 178a, mort à Turin (Italie)
le l^''déc. 1859. Il s'occupa longtemps de politique, dé-
fendit la monarchie de droit divin et l'ultramontanisme
dans le Drapeau blanc, dans V Etoile, dont il fut direc-
teur, dans VObservateur, alla fonder à Londres, après la
chute de Charles X, le Précurseur, et, de retour en
France (183-2), s'adonna à la mécanique. Il inventa d'abord,
pour les bateaux à vapeur, un appareil propulseur à char-
nières reproduisant approximativement les mouvements des
pieds palmés des oiseaux aquatiques et constituant une
étape intermédiaire entre la roue à aubes et l'hélice. Il
proposa plus tard (1843) de munir les chemins de fer, par
mesure de sécurité, d'un rail central à crémaillère destiné
à augmenter l'adhérence. La première de ces idées n'aboutit
pas pratiquement; la seconde, déjà émise en 1811 par
Blackinshop, devait être reprise vingt ans après (1866)
pour les chemins de fer de montagne (V. Chenon de fer,
t. X, p. 10 't8). Achille Jouffroy a laissé de nombreux
ouvrages, entre autres: les Fastes de Vanarchie (Paris,
18^20, 2 vol. in-8) ; les Siècles de la monarchie fran-
çaise, ouvrage inachevé (Paris, années 1823 et suiv., en
livr. in-fol.) ; Introduction à Vhistoirc de France, ou-
vrage couronné par l'Institut (Paris, 1838, in-fol.) ; Des
Bateaux à vapeur (Paris, 1841, in-8) ; Chemins de fer
Jouffroy (Paris, 1844, in-8) ; Dictionnaire des inven-
tions et découvertes (Paris, 1833, 2 vol. in-8). Il a aussi
écrit une douzaine de pièces de théâtre, la plupart en vers.
BiBL. : De Bausset-Roquefort, Notice sur Ach, de
Jouffroy d'Abbans; Lyon, 1864, in-8.
JOUFFROY d'Abbans (Joseph, comte de), homme poli-
tique français, né le 28 avr. 1820, petit-neveu de Claude
(V. ci-dessus). Garde général desiforêts en retraite, il fut
JOUFFROY — JOU-JOUEN
— 216
élu député du Doubs aux élections générales de 1889. Ré-
publicain fort modéré et catholique, il a été réélu en 1893
par la 2^ circonscription de Besançon.
JOUG (V. Attelage, t. IV, p. 503).
JOUGNE. Corn, du dép. du Doubs, arr, de Pontarlier,
cant. de Mouthe ; 1 ,844 hab. Bureau de douanes. Forges ;
affinerie et tréfilerie ; clouteries, coutelleries, horlogerie,
scierie mécanique, moulins. Ce village, complètement détruit
par un incendie le 11 juil. 1870, s'est rebâti depuis.
Ruines d'un château féodal. Vestiges du castrum romain
de Jmiia, qui a transmis son nom à la localité actuelle.
JOUGO-Slaves (V. Iougo-Slaves).
JOUHAUD (Auguste), auteur dramatique belge, né à
Bruxelles en 1806, mort à Paris en 1888. Il composa ses
premières pièces étant encore au collège, et dès lors il ma-
nifesta la verve et la facilité qui ^devaient rester ses qualités
maîtresses. Il aborda tous les genres, depuis le drame his-
torique jusqu'à la comédie de mœurs, mais il excella
surtout dans le vaudeville. Il donna au théâtre plus de cent
vingt pièces ; celles qui obtinrent le plus de succès sont :
Napoléon (1827, deux actes); Guillaume le Têtu, œuvre
aristophanesque dont le héros était Guillaume P^ de Hol-
lande (1830, trois actes); Charles X ou les Suites d'un
coup d'Etat (1830, trois actes) ; la Prise d' Anvers (iS30,
deux actes); Robert Macaire en Belgique (1837, cinq
actes); la Science du Diable (1832, trois actes); le
Diogène du faubourg Saint- Antoine {\S4^6) ; les Consul-
tations de Jocrisse (1834) ; Prenez mon ours (1855) ;
les Trois Habits (1878). E. H.
JOUHAUD (Auguste), auteur dramatique, fils du pré-
cédent, né à Bruxelles en 1836. 11 a produit de nom-
breuses opérettes, comédies et vaudevilles qui ont été bien
accueillis. Ses meilleures pièces sont : VOrgon de Tartufe^
comédie envers (1872, trois actes); V Amour au Village
(1873); Un Mari dans les Petites Affiches (1874); les
Cascades de Taupin (1881); Divorcez! (1882); les
Hussards de la République (1882).
JOUHE. Corn, du dép. du Jura, arr. de Dole, cant. de
Rochefort ; 421 hab. Source minérale froide non exploi-
tée. Au S. du village, sur le mont Roland (350 m. d'alt.),
on voit une chapelle bâtie par les jésuites en 1851 et les
ruines d'un ancien monastère. Lieu de pèlerinage.
JOUHET. Com. du dép. de la Vienne, arr. 'et cant. de
Montmorillon ; 724 hab. Eglise des xa® et xni^ s. Dans
une chapelle isolée, peinture murale du xv® siècle.
JOUILLAT (Juliacum). Com. du dép. delà Creuse,
arr. et cant. de Guéret; 1 ,313 hab. Ecrit autreMs Jouillac,
Joulhac. Ancienne province de la Marche, archiprêtré
d'Anzême. Eglise romaine du xn^ siècle, avec un Hon de
pierre devant la porte. Château de la fin du xiv^ siècle,
bâti par la famille de Chamborant dont une branche a long-
temps possédé la seigneurie de Jouillat. Anciens châteaux à
Boisfranc et à Brétouilly (autrefois Breiolie), Ant. T.
JOUIN (Nicolas), pamphlétaire français, né à Chartres en
1684, mort à Pans le 22 févr. 1757. Joaillier, puis ban-
quier à Paris, il publia contre les jésuites une masse de
pamphlets, entre autres : le Portefeuille du diable (1733,
in-12) ; Chanson d'un inconnu (Turin [Rouen], s. d.,
in-12) ; Nouveaux Dialogues des morts (1739, in-12) ;
le Philotanus moderne (1740, 3 vol. in-12), enfin les
Sarcellades, harangues rimées, adressées à l'archevêque
de Paris et à d'autres prélats, soi-disant par deux habitants
du village de Sarcelles dont les curés avaient été desthués
parce qu'ils étaient jansénistes. Elles avaient commencé de
paraître dès 1751. En 1753, Jouin fut dénoncé par son fils
qui voulait se venger de ce que son père et sa mère avaient
obtenu un ordre du roi pour faire mettre à l'hôpital la fille
Lange, sa maîtresse. Il fut emprisonné à la Bastille (8janv.)
et y resta jusqu'au 10 févr. 1754. Il fut remis en liberté
sur la demande même de Ch. de Beaumont.
JOUIN (Pierre), homme politique français, né à Rennes
le 17 féyr, 1818, mort ù Paris k 24 mars 1885, Avocat
rêttOïSOîé (lu barreau de limm^s il M élu l'eprésenîaîit
d'Ille-et-Vilaine à la Constituante le 23 avr. 1848 et se
distingua par ses brillantes qualités d'orateur. Adversaire
de la politique de Louis-Napoléon, il ne fut pas réélu à la
Législative et, pendant tout l'Empire, il se tint dans la vie
privée. Le 2 juil. 1874, il fut élu député d'Ille-et-Vilaine
à l'Assemblée nationale oti il vota généralement avec la
gauche. 11 devint sénateur de son département le 5 janv.
1879, et dans la haute assemblée prit assez souvent la
parole, soit pour combattre la loi sur les syndicats pro-
fessionnels, soit pour défendre la liberté de l'enseignement.
JOUIN (Henri), écrivain d'art français contemporain,
né à Angers en 1841. Archiviste de la commission de
l'Inventaire des richesses d'art de la France, puis secré-
taire de l'Ecole nationale des beaux-arts. En dehors de
plusieurs volumes de poésies, on lui doit un grand nombre
d'ouvrages d'art, dont plusieurs couronnés, entre autres :
David d'Angers, sa vie, son œuvre, etc. (Paris, 1877,
2 vol, in-4); la Sculpture en Europe (1879); A. Coy-
sevox, sa vie, son œuvre et ses contemporains, pré-
cédé d'une étude sur l'école française de sculpture
avant le xvu® siècle (1883) ; Maîtres contemporains
(1887); Esthétique du sculpteur (1888); Musée de
portraits d'artistes... nés en France ou y ayant vécu
(1888); l'Ancien Hôtel de Rohan, affecté à l'Impri-
merie nationale (1889, in-fol., avec 34 pi.) ; Charles
Le Brun et les arts sous Louis XIV (1890, in-4) ; David
d'Angers et ses relations littéraires (1890); les Hauts
Dossiers des stalles de la chapelle du grand séminaire
d'Orléans, sculptés par J. Du Goullon (Orléans, 1890,
in-4, avec 25 pL). G. P-i.
JOUISSANCE (Finances). Epoque à partir de laquelle
l'acheteur d'un titre a droit à tous les coupons d'intérêt ou
de dividende. C'est toujours la date du payement du dernier
coupon. La cote fournit toutes les indications nécessaires,
et quand un titre est indiqué Jouissance /*'* Janvier, cela
signifie qu'à partir du coupon payé le 1®^ janv. tous les
autres coupons appartiennent à l'acheteur. G. F.
Action de jouissance (V. Action, 1. 1, p. 502).
JOUJOU, nain célèbre (V. Borulâwski [Joseph]).
JOU-JOUEN. Nom d'une importante tribu de'ia race
des Sien-pi qui a régné dans le N. et le centre de l'Asie
pendant plus de deux siècles. Le nom de ce peuple a été
diversement écrit, vu l'incertitude elle-même de la pronon-
ciation chinoise ; en tous cas le mot étant écrit avec deux
fois le même caractère, la vraie transcription doit être une
mêmesyllaberedoublée, soit Jouen-jouen, soit Jeou-jeou, etc.
On a vu au mot Huns que, vers l'an 360 de notre ère, les
Jou-jouen, venus du N.-E. se précipitent vers le centre
de l'Asie et, après avoir chassé une autre branche des
Sien-pi, deviennent à leur tour maîtres de toute la Mongo-
lie et de la Tartarie actuelles avec Ho-lin sur l'Orkhon
(plus tard Karakorum) pour capitale. L'ancêtre des Jou-
jouen paraît avoir été Mokohu, qui, vers l'an 256 deJ.-C.
s'était rendu indépendant des Sien-pi et avait rassemblé
plusieurs hordes tartares sous sa domination. Son fils Tche-
lou-hoeï en 310 augmenta encore le nombre des tribus et
prit le titre de Teng-li-shen-yû on Tanjou qui était l'ex-
pression de la souveraineté chez les Hioung-nou et tous
les peuples tartares depuis de longs siècles et qui corres-
pondait au Tien-tzé, « fils du ciel », épithète dont les Chi-
nois se servaient depuis la dynastie des Chang (xv*^ siècle
av. J.-C). — Ce fut un de ses descendants, Tou-loun,
qui échangea ce titre de tanjou contre celui de kho-hdn
ou khaqan en l'an 39 du 52® cycle (vers 402 de J.-C).
A partir de cette époque commence la grande puissance
des Jou-jouen, mais ils eurent à lutter contre la Chine
et divers peuples tartares, notamment les Kao-kii (ancien
nom chinois des Ouïgours) qui devaient plus tard devenir
les maîtres de l'Asie. Les auteurs chinois (notamment l'his-
toire intitulée Nan-she et l'histoire des Weï, Weï-shu)
nous ont conservé l'histoire des Jou-jouen et les noms
de leurs khaqâna (au nombre de quinze) depuis Tou-loun
jusqu'à No^hoan ou 0-na«hoG\ et son fils N|an4o4chin qui
^17
JOU-JOUEN — JOUMROUTCHAL
furent détrônés par Mokan dit Sse-kin, chef des Tares
Tou-kioue, la 41*^ année du 55^- cycle (vers 554 de J.-C.)
un peu avant la défaite des Ephthalites. Après la destruc-
tion de leur empire, les débris des Jou-jouen s'enfuirent
versTO., pénétrèrent en Europe et ils apparaissent en 558
à Constantinoplesous le nom (ÏAvars (V. Huns). E. Drouin.
BiBL. : De Guignes, Hist. gén. des Huns^ 1756, t. I, pp. 188
et suiv., et t. II, p. 334. — Rai^lof, Introduction au Kudatku
Bilik, 1891. — A. CuNNiNGiiAM, The White Huns, 1893 :
la liste des khaqàns des Huns blancs donnée par cet auteur
est en réalité la liste des souverains Jou-jouen que Cun-
ningham confond avec les Ephthalites.
JOUKOVSKY (Vassili-Andreevitch), écrivain russe, né
à Michensk (gouvernement de Toula) en 1783, mort à
Baden-Baden en 18552. Fils d'un propriétaire et d'une ser-
vante turque, il fut adopté par son parrain, un pauvre
gentilhomme de Kiev, qui lui donna son nom. A douze ans
il écrivait déjà des tragédies et des poésies, et en 1797,
à la « Pension de l'Université de Moscou », un de ses dis-
cours attira l'attention de Karamzine ; Dmitriev le distin-
gua, lui donna des conseils et dirigea ses essais littéraires.
Ses classes terminées, Joukovsky se retira auprès de sa
mère. Il écrivit des nouvelles et des études sur l'histoire ;
il dirigea un moment (1808-10) le Messager de l'Europe
fondé par Karamzine, et y fit paraître un grand nombre de
poésies et surtout d'excellentes traductions des littératures
de l'Occident. Sa ballade Svietlana est une imitation delà
Lenora de Burger ; ses Rêves une traduction de la poésie
de Schiller, l'Idéal, etc. Etabli à Dorpat auprès d'une nièce
mariée à un professeur de l'université, il étudia profondé-
ment les poètes allemands, devint l'auji de Zeidlitz et tra-
duisit lihland. Au moment de la guerre de 1812, Joukovsky
devint lieutenant dans la milice, se distingua à Borodino
et fut nommé capitaine ; il écrivit alors des poésies pleines
d'un patriotique enthousiasme : le Chanteur au Kremlin et
le Chanteur dans le camp des guerriers russes , qui firent
le tour de la Russie. L'impératrice voulut connaître l'auteur
et le nomma son lecteur ; plus tard il enseigna la langue
russe à la grande-duchesse, future impératrice, Alexandra
Feodorovna, et traduisit pour elle de nombreux fragments
d'écrivains étrangers. A Tavènement de Nicolas, Joukovsky
devint précepteur du grand-duc héritier, le futur Alexan-
dre II, et se consacra tout entier à sa nouvelle tâche ; son
activité httéraire en souffrit; mais en 1814, l'éducation
du grand-duc achevée, il put partir pour l'étranger et re-
prendre ses travaux. En 1847-49, il publia sa traduction
de VOdyssée d'Homère, fort estimée de ses compatriotes,
et donna encore des nouvelles et des contes. Son dernier
ouvrage sérieux fut le Juif éternel ou Ahasvérus; une
année avant sa mort il écrivit ses Souvenirs de Tsarskoe
Selo où il raconte la mort d'un vieux cygne du temps de
Catherine (1852). Le nom de Joukovsky est lié à l'intro-
duction du romantisme en Russie; il l'a préparé par
d'excellentes traductions des poètes anglais et allemands ;
il a assoupli la langue poétique, élargi le goiît du public
et frayé la voie à Pouchkine et à Lermontov. Ses ballades
contribuèrent à éveiller la vocation du grand poète polonais
Mickiewicz, et quelques-unes sont restées populaires. Une
édition complète de ses poésies a paru à Pétersbourg (6 vol.,
1878). On a publié de lui en allemand : Briefe an den
Gross fûrsten Constantin JSikolajewitsch. M.
BiBL. : Pletnev, Vie et œuijves de Joukovsky ; Saint-Pé-
tersbourg, 1854. — BiELiNs^KY, t, VIII. — Zeidlitz, Ein Di-
chter Leben ; Milan, 1870 {résumé en français par l'abbé
Co:^i)AMns, Joukovsky ; Lyon, 1889). —ZAGARiwi^Jou/^ocs/iy
et ses œuvres, édition Poiivanov; Moscou, 1^8-3.
JOULE. La British Association en 1882, le congrès
international des électriciens en 1889 ont donné le nom
de joule à une nouvelle unité pratique d'énergie électrique
dans le système G. G. S., valant dix millions d'ergs (V. ce
mot), ou 10 megergs. Un kilogrammètre vaut donc 9,81
joules. L. S.
JOULE (James-Prescott), physicien anglais, né à Sal-
ford le 24 déc, 1818, mort à Sale, près de Manchester,
Je \i qqU i889, Fiisd'un hrasseur et hr^ssew lui-même,
il fit ses premières études dans sa famille et fut ensuite
l'élève de Dalton, qui l'associa à ses travaux sur les gaz
et les vapeurs. A vingt ans, il commença une série de re-
cherches personnelles sur le magnétisme, imagina en 1838
un moteur électrique et découvrit en 1840 le phénomène
delà saturation magnétique. En 1842, il formula lesdeux
lois thermiques bien connues qui portent son nom et qui
s'énoncent ainsi : 1** la quantité de chaleur dégagée pen-
dant l'unité de temps par le passage d'un courant électrique
dans un fil métallique est proportionnelle à la résistance de
ce fil ; 2** la quantité de chaleur est proportionnelle au carré
de l'intensité du courant (V. Courant, t. XIII, p. 93). L'an-
née suivante, il publia un mémoire, lu en août au con-
grès de la British Association et intitulé On the Calorific
Effects ofMagnetic Electricity and on the mechanical
value of Heat (Philos. Mag., sér. 3, t. XXIII), lequel
mémoire contient les résultats de ses premières expériences
sur l'équivalence entre la chaleur et le travail dont il éta-
blit nettement le principe (V. Equivalent, t. XVI, pp. 157-
lo8). Tandis qu'avant lui, Séguin et Mayer, dont il ignorait
du reste les travaux, avaient été conduits à la même con-
clusion par des considérations purement théoriques, il pro-
céda au contraire par mesurages directs et, à l'aide de
méthodes diverses, obtint, pour le rapport de l'équiva-
lence, des chiffres à peine différents de celui aujourd'hui
adopté. On doit encore à cet illustre physicien des obser-
vations sur les changements de température produits par la
condensation et par la raréfaction de l'air (1845); sur les
conditions de dilatation du fer et de l'acier par l'aimanta-
tion (1847), sur les effets caloriques des fluides en mou-
vement (ces dernières, en 1853, en collaboration avec sir
William Thomson). Il était depuis 1850 membre de la So-
ciété royale de Londres, qui lui décerna successivement la
Royal Medal et la médaille Copley, et il était en outre as-
socié à la plupart des académies étrangères, notamment à
l'Académie des sciences de Paris, qui Lavait élu correspon-
dant en 1870. Il présida en 18if3 la British Association.
Le gouvernement anglais lui alloua, en 1878, à titre de
récompense nationale, une pension viagère de 5,000 fr.
Ses écrits se composent de mémoires originaux, au nombre
de plus d'une centaine, parus surtout dans les Armais of
Electricity de Sturgeon, dans les recueils de la Société de
Manchester et de la Chemical Society, dans les Proceedings
et les Philosophical Transactions de la Société royale,
dans les Pieports de la British Association, dans le Philo-
sophical Magazine, dans les Comptes reridus de l'Aca-
démie des sciences de Paris ; On the Electric origine
of the Heat of Combustion (1842) ; On the Production
of Chemical Heat (1843); On the Heat disengaged in
Chemical Cornbinations (1852), etc. Ils ont été réunis
en grand nombre, par les soins de la Physical Society,
sous le titre : Scientific Papers (Londres, 1884-87, 2 vol.
in-8). Il a aussi donné à part : New Détermination of
the Mechanical Theory of Heat (Londres, 1879, in-4).
Une statue, due à A. Gilbert, lui a été érigée à Manches-
ter. Les peintres G. Patten et J. Collier, le sculpteur G.
Reynolds ont également reproduit ses traits. Léon Sagnet.
BiiJL, : An Acount of D'' Joule, dans The Nature, 1889,
XXVI, 617. — Article (I'Hoffmann dans la, Revue scienti-
fique de 1890.
JOULLIETTON (Joseph), médecin, administrateur et
historien français, né à Chavanas (Creuse) en 1768, mort
à Boussac en 1829. Médecin dans sa paroisse natale, il fut
président du directoire du district d'Aubusson et exerça la
médecine à Guéret à partir de 1794. Il fut député de Gué-
ret pendant les Cent-Jours et sous-préfet de Boussac sous
la Restauration. Il a écrit une Histoire de la Marche et
du Pays de Combraille en 2 vol. in-12 (1814-15). Cet
ouvrage est plein de faits, mais assez mal conçu et dépourvu
d'éléments de contrôle.
BiBL. : Cyprien PiiRATEiON, Joseph Joullietton, dans le
Bull, de la Soc. arch. du Limousin, XLII.
JOUMROUTCHAL. Mont des Balkans, entre la Bulgarie
et la RouméliQ orieiitale, à 13 kiU de Karjovo (24^00 m«)»
JOUPAN — JOURDAIN
~ îiS
JOUPAN. Ce mot vient de joupa, mot slave qui, en
Bohême, en Moravie, en Croate et en Serbie, désigne ou dé-
signait autrefois une division administrative du pays. Le
chef de cette division est le joupan. Des princes de Serbie
ont porté ce titre. La Croatie est divisée en joupanies ad-
ministrées par des joupans. C'esl de ce mot que vient le
hongrois ispan. Il a également passé en grec moderne et
en Roumanie. L. L.
BiBL. : MiKLOsicH, Etymologisches Wœrterbuch der
Slamschen Sprachen; Vienne, 1886.
JOUQUES. Corn, du dép. des Bouches-du-Rhône, arr.
d'Aix, cant. de Peyrolles, sur le Riaou, petit affluent de
gauche de la Durance ; i ,506 hab. Papeteries , fa-
brique de pipes, moulins à tan, fabriques de papier. Au
hameau de Traconade, belles sources d'eaux chaudes, ap-
pelées les Bouillidous, captées autrefois par un aqueduc
romain qui les menait à Aix et dont if reste de re-
marquables ruines. Ces eaux donnent 2,000 litres par
seconde en moyenne. J. M.
JOUQUEVIEIL. Corn, du dép. du Tarn, arr. d'Albi,
cant. de Pampelonne ; 570 hab.
JOUR. I. Astronomie.— -Temps employé par la terre
pour tourner sur elle-même. Ce nom désigne aussi l'inter-
valle de temps compris entre le lever et le coucher du
soleil.
Jour sidéral : intervalle de temps fixe qui sépare deux
passages consécutifs d'une même étoile à un méridien.
Jour solaire vrai : intervalle de temps légèrement va-
riable compris entre deux passages consécutifs du soleil au
même méridien (le jour solaire est environ do quatre
minutes plus long que le jour sidéral). Le jour solaire
moyen est la moyenne des jours solaires vrais.
jour lunaire : intervalle de temps compris entre deux
passages consécutifs de la Lune au même méridien, plus
long de cinquante-deux minutes environ que le jour so-
laire moyen. Comme les marées sont surtout dues à l'ac-
tion de la Lune sur les eaux de la mer, le retard de la
marée dans les ports est en moyenne de cinquante-deux
minutes par jour.
Le jour civil commence à minuit ; le jour astrono-
mique vers midi, au passage du soleil au méridien. L. B.
II. Droit civil. — Espace de vingt-quatre heures compris
entre deux minuit successifs. Dans un très grand nombre de
cas, la loi accorde un certain sombre de jours pour faire
un acte déterminé, et l'expiration de ce délai entraîne dé-
chéance. En principe, le jour imùdl(dies a quo)et le jour
final (diesadquem) sont exclus du délai qui s'appelle alors
délai franc; il en est ainsi, d'après l'art. 4033 du C. de
procéd. civ., pour tous les actes qui sont signifiés à per-
sonne ou à domicile. Pour tous les autres actes, le délai
n'est pas franc, c-à-d. qu'on y compte le dernier jour;
mais le jour initial est toujours exclu. Ainsi, un délai franc
de quatre jours en comprend en réalité six, et un délai non
franc de quatre jours en comprend cinq. Bien que le mot
jour comprenne vingt-quatre heures, ainsi que nous l'avons
dit, la loi a fixé une certaine heure qui varie suivant les
saisons et qui est le point de départ du jour utile pendant
lequel peuvent se faire les significations d'actes ou l'exé-
cution des jugements. Ce jour légal commence à six heures
du matin et se termine à six heures du soir, du l*'^' oct.
au 31 mars; il commence à quatre heures du matin et se
termine à neuf heures du soir du l^*" avr. au 30 sept.
— On appelle aussi jour une ouverture destinée à éclairer
une habitation au moyen d'un verre fixé dans un châssis
qui ne peut s'ouvrir. Dans un mur mitoyen, aucun des
deux voisins ne peut pratiquer de jow\ à moins qu'il n'ait
acquis ce droit par titre ou par prescription (C. civ.,
art. 675). Dans un mur non mitoyen, mais bordant Thé-
ritage d'autrui, le propriétaire peut ouvrir des jours dits
de souffrance : ils doivent être à verre dormant, c.-à-d.
ne s'ouvrant pas, et recouvert d'un treillis de fer ; de
plus, ces jours de tolérance doivent être pratiqués au
moins à 2°^60 au-dessus de la pièce qu'ils sont destinés à
éclairer, si elle est au rez-de-chaussée; au moins à 4^90,
si elle est aux étages supérieurs; le propriétaire voisin
a d'ailleurs toujours le droit de les boucher en construisant
sur son propre terrain. Enfin, si le mur se trouve éloigné
de l'héritage voisin des distances prescrites parles art. 678
et suiv. du C. civ., le propriétaire peut y pratiquer tels
jours qui lui conviennent, sans restriction. F. Girodon.
m. Droit commercial. — Jours de planche ou
JOURS DE STARiE. — Délai accordé pour amener un char-
gement à quai, ou pour décharger à l'arrivée à destina-
tion ; la fixation en est faite par la charte partie ou à défaut
suivant l'usage des lieux. Ce délai passé, il est dû une in-
demnité par chaque jour de retard. Généralement les jours
sont comptés tels qu'il se présentent, sans avoir égard aux
jours fériés qui peuvent être compris dans l'intervalle.
IV. Mœurs et coutumes. -— Jours gras (V. Car-
naval).
Jours fériés (V. Fête).
V. Histoire. — Jours fastes et néfastes (V. Fastes).
Grands Jours (V. Grands Jours).
VI. Architecture. — On donne ce nom à toutes les
ouvertures par lesquelles la lumière pénètre dans les inté-
rieurs, de quelque étendue qu'elles soient. Suivant la
disposition de ces ouvertures, elles prennent un nom dif-
férent. Ce sont des jours d'aplomb^ des jours droits, des
jours d'en haut^ des faux jours ou des jours de souf-
france^ auxquelles le décorateur et le tapissier sont obligés
de se conformer pour l'effet perspectif de leur ornemen-
tation. Les peintres et les artistes se servent de ces mêmes
termes pour indiquer que la lumière vient frapper leurs
tableaux ou leur œuvre dans le même sens ou dans un
sens contraire à celui qu'ils avaient indiqué.
JOURDAIN (en arabe Ech-Cherya). Le principal des
cours d'eau de la Palestine, prend sa source au pied de
l'Anti-Liban, traverse le lac Houle et la mer de Tibériade
(lac de Génésareth) et va se perdre dans la mer Morte (lac
Asphaltite), après avoir reçu des affluents considérables sur
sa rive orientale, tandis que, sur sa rive droite, côté de la
Palestine proprement dite, se trouvent à peine quelques
ruisseaux. Sa direction est presque exactement du N. au
S., mais son cours est singulièrement allongé par des
méandres, notamment dans la portion qui s'étend entre le
lac de Génésareth et la mer Morte. De sa source la plus
septentrionale jusqu'au lac Uoulé sa chute est de 518 m. ;
de ce point au lac de Génésareth, la différence de niveau
est de 210 m. ; de là à la mer Morte de 186 m., ce qui
fait en tout 914 m., dont o20 seulement se trouvent au-
dessus du niveau de la Méditerranée. On doit supposer
que la dépression où coule le Jourdain formait autnefois
un lac intérieur de grandes dimensions, mais il est nad-
missible que l'eau ait jamais pu avoir son issue du côté de
la mer Rouge, la vallée d'Akaba étant barrée dans cette
direction par un seuil qui domine de 250 m. environ le
niveau de la mer Rouge. Si les eaux fournies par l'Anti-
Liban et la montagne du Galaad, au lieu d'être absorbées
par l'évaporation entre les parois de la mer Morte, avaient
pris leur issue naturelle, le déversoir du lac, allongé en
boyau, qu'elles auraient constitué, se serait formé à l'O.
par le Nahr-Djaloud et la vallée du Kison. La vallée du
haut Jourdain est extrêmement pittoresque ; la vallée du
bas Jourdain, ou la chaleur est torride, pourrait redevenir
le centre d'une admirable production agricole. Dans son
ensemble, la vallée du Jourdain, profondément creusée,
aux bords abrupts, est un obstacle aux communications
entre le pays de Chanaan proprement dit et la région du
Galaad (Pérée). Il s'y trouve quelques ponts dans la partie
supérieure, où la rivière est très étroite; ailleurs il faut
traverser à gué. M. Vernes.
BiBL. : Fischer et Guthe, Neue Handkarte von Pa-
lœstina, ; Leipzig, 1890. — B^-î^derer, Palœstina und Sy-
rien; Leipzig, 1891, 3® éd.
JOURDAIN, comte de Toulouse (V. ce mot).
JOU RDAIN (Silvestre), voyageur anglais, mort à Londres
— 219 -
JOURDAIN - JÔURDAN
en 4650. Le 28 juil. 1609, il prit possession, an nom de
la couronne, des îles Bermudes, avec G. Summers, Ths.
Oates et le capitaine Newport. Il écrivit la relation de cette
découverte : A Discovery of the Bermudas otherwise
called the Me of Divels (Londres, 4610, in-^), d'oU
Shakespeare a tiré certains épisodes de sa Tempête. —
Son frère Ignatius (4564-1640), riche marchand d'Exeter,
représenta cette ville au Parlement de 4625 à 4628. Il
a laissé son nom à un bill contre l'adultère et au bill pour
Fobservance du dimanche.
JOURDAIN (Joseph), voyageur français, né à Saint-
Baussant (Meurthe) le 28 août 4761, mort à Murtin-Bogny
(Ardennes) le 34 janv. 4840. Enrôlé à Fâge de trente ans
dans l'expédition de l'amiral d'Entrecasteaux envoyée à la
recherche de La Pérouse, il fut embarqué sur la Re-
cherche. Après la mort de l'amiral, ce fut lui qui fut
chargé de rapporter en France les journaux, cartes, pa-
piers et collections représentant les résultats de l'expédition;
il prit à cet effet passage sur le vaisseau rHougly de la
Compagnie hollandaise. Fait prisonnier le 40 juin 1795, il
obtint du capitaine anglais Essington de conserver le dépôt
qui lui avait été confié. VHougly ayant fait naufrage
dans les parages de l'Espagne le 18 août suivant, Jour-
dain réussit au péril de sa vie à sauver le précieux dépôt
dont il s'était chargé. Après être resté plusieurs années
prisonnier en Angleterre, il rentra en France à la paix
d'Amiens. Au cours de son voyage autour du monde, il
avait fait avec le naturaliste La Billardière F une des pre-
mières ascensions du pic de Ténériffe.
JOURDAIN (Charles-Marie-Gabriel Bréchillet-), philo-
sophe et littérateur français, né à Paris le Si août 4817,
mort à Taverny (Seine-et-Oise) le 20 juil. 4886. Fils
à' Aimahle-Louis-Marie Michel (1788-1848), auteur de la
Perse (Paris, 4814, 5 vol.) et de Rech. sur les trad.
latines d' Aristote (Paris, 4819), il fut docteur es lettres
(4838), agrégé pour les classes de philosophie (4840),
professeur au collège Stanislas, en 1849 chef de cabinet
du ministère de l'instruction publique, inspecteur général
de Fenseignement supérieur (4869-79), secrétaire général
du ministère de l'instruction publique en 1875, membre
de F Académie des inscriptions en 4863. Ses principaux
ouvrages, qui se rapportent surtout à Fhistoire de la
philosophie religieuse, sont: Dissertation sur l'état de
la philosophie naturelle en Occident pendant la pre-
mière moitié du xn^ siècle; Doctrina Johannis Gersonii
de Theologia mystica (thèses, 4838); Questio7is de
'philosophie (1847, in-12); Notions de logique {iS^6 ^
in-42) ; Philosophie de saint Thomas d'Aquin (1858,
2 vol. in-8) ; Un Ouvrage inédit de Gilles de Rome^
précepteur de Philippe le Bel^ en faveur de la papauté
(br., 1858); Sextus Empiricus et la philosophie sco-
lastique (1858, in-8); éditions d'Arnault (1845, in-42),
de Nicole (1845, in-12); la Logique de Port-Royal
(4854, in-42) ; Mélanges et fragments d'Auguste de
Blignlères (4855, in-8) ; Histoire de l'Université de
Paris aux xvu^ et xvni« siècles (1862-64; nouv. édit.,
1888, 2 vol. gr. in-8) ; Documenta pertinentia ad his-
toriam, etc. (1862) ; Rapport sur V organisation et les
progrès de V instruction publique (1867, in-8); Excur-
sions historiques et philosophiques à travers le moyen
âge (4888, in-8, public, posthume). C-el.
JOUR DAN (Jean-Baptiste), littérateur français, né à
Marseille le 20 déc. 4744, mort à Paris le 7 janv. 4793.
Il a fait jouer au Théâtre-Italien un certain nombre de
pièces qui ont eu du succès, entre autres VEcole des
Prudes (1753, comédie en trois actes). Citons de lui : le
Guerrier philosophe (Paris, 4744, 2 vol. in-42), roman
historique assez intéressant.
JOURDAN (Mathieu Jouve), dit Coupe-tête, révolu-
tionnaire français, né à Saint-Just en 4749, mort à Paris
le 27 mars 1794. D'une condition infime (maréchal fer-
rant, contrebandier, cabaretier, charretier), il était à Paris
au début de la Révolution où il figura dans tous les troubles.
Il s'est vanté d'avoir coupé la tête du gouverneur de la
Bastille, de Launay, le 44 juil. 4789. Puis il s'établit à
Avignon où il entra dans la garde nationale. Il participa,
comme un des chefs de Farmée de Vaucluse, à Fexpédition
contre Carpentras, pilla et saccagea le Gomtat jusqu'au
licenciement de cette armée survenu après la paix d'Orange
(14 juin 4791). Rentré à Avignon, Jourdan ordonna les
massacres de la Glacière (46-47 oct.) auxquels il présida.
Arrêté à la suite de la réunion du Comtat à la France, il
fut délivré par l'amnistie de 4792. Il s'en fut à Marseille
(4793) où le parti fédéraliste le jeta en prison. Remis en
liberté parle général Carteaux, il se vengea en dénonçant
force suspects au tribunal d'Orange. Nommé commandant
de la gendarmerie, il commit tant d'excès qu'il fut à son
tour dénoncé par Agricol Moreau. Traduit devant le tribu-
nal révolutionnaire, il fut condamné à mort et exécuté le
même jour.
JOÙRDAN (Jean-Baptiste), homme politique français,
né à Formes (Nièvre) le 49 oct. 4757, mort à Saint-Aubin-
les-Chaumes. Administrateur de la Nièvre (1790), il fut
élu député à la Convention le 8 sept. 1792. Il vota le ban-
nissement de Louis XVI. Bien qu'il fût très modéré, il dé-
nonça en Fan II un complot des aristocrates contre la re-
présentation nationale et réclama « des mesures telles que
la famille capétienne ne puisse plus nous inquiéter », et en
Fan III demanda l'expulsion des restes de la famille des
Bourbons. Il fut envoyé en mission dans la Nièvre et dans
l'Yonne. Elu député au Conseil des Cinq-Cents à la fois par
le Loiret et la Nièvre (an ÏV), il opta pour ce dernier dépar-
tement qui le réélut en Fan V. Il fut encore député au Corps
législatif, sur la désignation du Sénat, de l'an VIII à l'an XII.
JOURDAN (Jean-Baptiste, comte), maréchal de France,
né à Limoges le 29 avr. 1762, mort à Paris le 23 nov.
4833. Il débuta dans le commerce, fut commis dans une
maison de soieries de Lyon. En 4776 il s'engage, fait la
campagne d'Amérique dans le régiment d'Auxerrois et, ré-
formé en 4784, ouvre à Limoges une maison de mercerie.
La Révolution le rend à son véritable élément. Lieutenant
des chasseurs de la garde nationale (4790), il rejoint Du-
mouriez à Farmée du Nord. Trois ans après il était géné-
ral de division. Blessé à Hondschoote, il succède à Bouchard
dans le commandement de Farmée, gagne la bataille de
Wattignies. Rappelé à Paris par le comité de Salut public,
il conseilla au comité de la guerre l'attitude défensive. Mais
d'opinion'S fort modérées, il ne tarda pas à devenir suspect.
Grâce à Carnot et à Barère, il évita une arrestation immi-
nente et revint à Limoges reprendre son commerce de mer-
cerie. Cette disgrâce dura peu. Rappelé au commencement
de 1794, il fut mis à la tête de Farmée de Sambre-et-
Meuse. Le 26 juin il battait Cobourg à Fleurus, prenait
Namur (16 juil.) et Liège, écrasait Cobourg à Aldenhoven
(ou Juliers) le 2 oct., passait le Rhin (7 sept. 4795), bat-
tait le duc de Wurttemberg à Altenkirohen (1796). Cette
brillante campagne fut brusquement interrompue par une
série d'insuccès dus à une manœuvre imprudente de Mo-
reau qui s'écarta trop de lui. Profitant de cette faute,
Clerfayt et l'archiduc Charles obUgèrent Jourdan à se retirer
sur le Rhin. Battu à Wurlzbourg, puis à Altenkirchen, il
fut de nouveau disgracié. Il se lança alors dans la po-
litique. Elu député de la Haute-Vienne au conseil des
Cinq-Cents le 23 germinal an VI, réélu le 44 germinal
an Vni, il fut à deux reprises président de cette assemblée,
où il s'occupa surtout de la fameuse loi de conscription mi-
litaire de 1798 qui est tout entière son œuvre. Le 14 oct.
1798, le Directoire lui donnait le commandement de Far-
mée du Danube. Après avoir passé le Rhin àKehl, Jourdan
franchit la Foret-Noire. Le 20 mars 1799, il se heurtait
aux forces supérieures de l'archiduc Charles et était battu
le 25; ilrétrograda sur Strasbourg et, malade et désespéré,
remit son commandement à Masséna. Réélu au conseil des
Cinq-Cents il y fit une vive opposition au Directoire et fut
un des rares adversaires du 48 brumaire. Exclu du conseil
le lendemain du coup d'Etat, il reçut l'ordre de se rendre
JOURDAN -^ JOURDE
— 220 — .
dans la Charente. Mais Lefebvre opéra un rapprochement
entre Napoléon et lui et le fit nommer inspecteur général
d'infanterie et de cavalerie (21 janv. 4800). Le 24 juil,,
Jourdan acceptait le poste d'ambassadeur près la Répu-
blique cisalpine. Il organisa habilement le Piémont, entra
au conseil d'Etat (4802), fut créé maréchal de l'Empire
(4804), reçut le commandement des troupes delaLombar-
die et assista au couronnement de l'empereur à Milan.
Mais Masséna ayant obtenu le commandement de l'armée
d'Italie (4805), il s'en plaignit assez vivement et fut tenu
un peu en dehors des affaires. En 4806, Joseph Ronaparte
placé sur le trône de Naples réclama Jourdan comme con-
seiller militaire et l'emmena avec lui en Espagne. Major
général de l'armée, il prépara la bataille deTalavera(4809),
mais, mal soutenu par les maréchaux de Napoléon qui ne
tenaient aucun compte de ses ordres, il démissionna et
rentra en France après avoir fait entendre de nouvelles ré-
criminations. En 4814, il revenait en Espagne avec le titre
de gouverneur de Madrid. Major général, chargé de lutter
contre Wellington, il se butte aux mêmes difficultés, au
mauvais vouloir évident de Marmont et de Soult. Le 24 juin
4843, il perd la bataille de Vittoria, et son bâton de ma-
réchal reste aux mains des Anglais. De nouveau il démis-
sionne. Nommé commandant supérieur de la 45® division
militaire (30 janv. 4844), il adhère à la déchéance de
l'empereur. Puis pendant les Cent-Jours il accepte le com-
mandement de Besançon et la pairie. Chef de l'armée du
Rhin après Waterloo, il se rallia de nouveau à la Restau-
ration. Mais il refusa de présider le conseil de guerre chargé
de juger le maréchal Ney. Créé comte, il fut nommé gou-
verneur de Grenoble (4846) et créé pair le 5 mars 4^19.
Membre de l'opposition, il vit avec plaisir la révolution de
4830 qui lui valut le portefeuille des affaires étrangères
(3 août-44 août), puis les fonctions de gouverneur des
Invalides (44 août) où il fut inhumé. Jourdan a écrit :
Opérations de l'armée du Danube (Paris, 4799), in-8);
Mémoires pour servir à Vhistoire sur la campagne de
ilBG (1849, in-8). Il a laissé des Mémoires demeurés
jusqu'ici en manuscrit.
JOURDAN (Louis), publiciste français, né à Toulon (Var)
en 4840, mort à Alger le 2 juin 4881. Après avoir débuté
de très bonne heure dans la presse locale, il devint l'un des
adeptes de la doctrine saint-simonienne, se rendit en Grèce
où il rédigea un journal français, le Sauveur^ et prit une
part active à la fondation du journal V Algérie (4835-47),
Louis Jourdan créa ensuite : le Spectateur républicain.
qui parut à Toulon du 29 juil. au 8 sept. 4848 ; le Crédit
(1848-50), avec Ch. Duveyrier; le Journal des action-
naires (4854) et le Causeur (4859), revue littéraire. De
4840 jusqu'à la chute de l'Empire, il fut l'un des princi-
paux rédacteurs politiques du Siècle, En dehors de ces
collaborations multiples, Louis Jourdan a publié en vo-
lumes : les Prières de Ludovic (1854, in-46); Contes
industriels (4859, in-i8), fantaisies scientifiques inspi-
rées par l'exposition universelle de 4855; les Mauvais
Ménages (4859, in-'18); tes Peintres français. Salon
de 1859 (4859, in-18); les Femmes devant Véchafaud
(4864, in-48); Un Philosophe au coin du feu (4864,
in-48) ; les Martyrs de l'amour (4862, in-48) ; Marthe
et Lucie (Alger, 1869, in-48). En 4861, Louis Jourdan
consentit à signer, pour obliger un inconnu, une sorte de
roman historique intitulé Un Hermaphrodite (in-18), et
qui n'était qu'un plagiat à peine déguisé des Mémoires sur
le chevalier d'Eon, de F, Gaillardet (V. ce nom). Celui-
ci réclama, et le véritable coupable, M. E. Debriges, fut
obligé de se dévoiler. -- L'un des fils du publiciste, Prosper
Jourdan, né en 4840, mort en 4866, avait laissé quelques
écrits en prose et en vers, réunis sous le titre de : Contes
et poésies (4866, in-4 8) parles soins de sa famille et non
mis dans le commerce. M. Tx.
JO U RDAN (Alfred), jurisconsulte et économiste français,
né à Fréjus en 4825, mort à La Motte (Yar) en 4894.
P' abord professeur de droit romain à h faculté d'Aix, puis
professeur d'économie politique à la faculté des sciences de
Marseille et à la faculté de droit d'Aix dont il devint le
doyen. Il a contribué, par son enseignement et ses ouvrages,
à faire revivre en France les études d'économie politique.
On cite, parmi ses travaux de droit romain : Etude sur
rétat et la capacité des femmes en droit romain (Aix,
4849) ; r Hypothèque en droit romain (VâriSj 4876). On
lui doit comme économiste : le Droit français, ses rap-
ports avec les principes de la înorale et de l'économie
politique (Paris, 1875) ; Epargne et capital (Paris,
4879); Du Rôle de l'Etat dans l'ordre économique
(Paris, 4882) ; Des Rapports entre le droit et l'écono-
mie politique (Paris, 4885) ; ces quatre volumes ont été
couronnés par ITnstitut. Son Cours d'économie politique
a été publié (Paris, 1882 ; 2*^édit. entièrement refondue,
4890). Il avait fondé, en 4887, avec MM. Gide, Villey et
Duguit, la Revue d'économie politique, G. R.
JOURDAN (Louis), homme politique français, né à
Uzès le 7 juil. 4843. Sous-préfet de Largentière, puis de
Chollet, révoqué par le gouvernement du 16 mai; devenu
préfet de la Lozère après la victoire des 363, il démis-
sionna, plaida au barreau de Mende et fut élu député de la
Lozère le 14 févr. 1886. Membre de la gauche radicale, il
se prononça contre le boulangisme et fut réélu en 1889 et
1893.
JOURDAN (Joseph), homme politique français, né à
Bastia le 29 juil. 1846. Avocat du barreau de Marseille,
adjoint au maire de cette ville, il fut élu en 1893 député
de l'arr. de Draguignan au second tour de scrutin, après
une lutte des plus vives contre M. Clemenceau, par 9,503
voix contre 8,610.
JOURDE (Gilbert-Amable), homme politique français,
né à Riom le 47 janv. 1757, mort à Paris le 45 févr.
4837. Avocat au parlement de Paris (4778), il fut élu en
4790 membre du Directoire du district de Riom, en 4794
accusateur public près le tribunal criminel du Puy-de-
Dôme et élu en 4792 suppléant à la Convention. Il siégea
le 4 vendémiaire an III en remplacement de Couthon. Il
représenta encore le Puy-de-Dôme au conseil des Cinq-Cents
(4795-98). Le 42 mai* 1798, il fut nommé substitut du
commissaire du gouvernement près le tribunal de cassation,
donna sa place à Abrial, la reprit en 4799 et devint
conseiller à la cour de cassation le 6 août 4824. En 4800,
il fut envoyé en mission dans le Piémont pour y réorga-
niser la magistrature. On a de lui : Bulletin de l'admi-
nistration de Piémont {{ 800-0 A') ; instruction sur
l'administration de la justice (4804).
JOURDE (François), homme poHtique français, né à
Chassagne (Puy-de-Dôme) le 4 juil. 4843, mort à Nice le
20 mars 1893. Employé de banque, comptable excellent,
il fonda en 4868 une maison de commerce qui périclita.
Très répandu au quartier latin, il y créa le journal la Pipe
en bois, qui succomba dès son premier numéro. Sergent
de la garde nationale après l'investissement de Paris, il
fut élu membre de la Commune par le V® arrondissement
le 26 mars 4874 et dut à ses aptitudes financières et à sa
probité d'être nommé le 30 mars membre de la commission
des finances et le 24 avr. délégué aux finances. Il eut les
plus grandes difficultés à remplir ses fonctions et à orga-
niser un peu d'ordre et un contrôle efficace pour arrêter
les détournements qui se commettaient dans les divers ser-
vices de la Commune et principalement dans celui si im-
portant de la solde de la garde nationale. Grâce à lui et à
Beslay, la Banque de France et ses 3 milliards de dépôts
purent être sauvés. Jourde vota contre la création du comité
de Salut pubUc et démissionna après qu'elle eut été
adoptée, mais il fut réélu à la presque unanimité. Arrêté
le 30 mai, il fut condamné le 3 sept, à la déportation.
Transporté à la Nouvelle-Calédonie, il réussit le 20 mars
4874 à s'évader en compagnie de Rochefort et de Paschal
Grousset, s'étabUt en Suisse, où ses anciens collègues,
entre autres Vermesch, le criblèrent d'injures et l'accusè-
rent de trahison, passa à Strasbourg, d'où il fut expulsé
m
JOURDE — JOURNAL
(1874), puis à Bruxelles, d'où il fut également expulsé
(1877) et rentra en France après l'amnistie. Il fit de vaines
tentatives pour se faire élire au conseil municipal de Paris,
puis à la députation (à Lyon) et dès lors se tint tout à
fait dans la vie privée. Il a laissé: les Condamnés poli-
tiques en Nouvelle-Calédonie^ Récit de deux évadés
(1876), en collaboration avecPasctialGrousset, et Souvenirs
d'un membre de la Commune (Bruxelles, 1877, in-8).
JOURDE (Antoine), homme politique français, né à
Saint-Merd (Corrèze) le 23 sept. 1848. 11 participa à la
guerre franco-allemande dans le corps du général Vinoy,
fut blessé à Viliejuif, et devint après la paix adjudant-com-
mandant de compagnie au Prytanée de La Flèche. Boulan-
giste ardent, il fut élu député par la troisième circonscrip-
tion de Bordeaux aux élections générales de 1889 et fut
réélu en 1893. 11 s'est occupé activement des questions
ouvrières et a fait voter l'impôt sur les opérations de Bourse.
JOURDY (Paul), peintre français, né à Dijon le 17 déc.
1805, mort à Paris le 28 oct. 1856. Elève de Lethière et
d'Ingres, il eut le deuxième prix de Rome en 1828, et le
premier prix en 1834 (Homère chantant ses poésies). On
lui doit des peintures religieuses dans plusieurs églises de
Paris (des Blancs-Manteaux, Samt-Roch, Sainte-Elisabeth),
quelques tableaux d'histoire : Saint Louis dictant ses Eta-
blissements (1846), etc., et de nombreux portraits. Plu-
sieurs de ses toiles furent acquises par l'Etat ; quelques-
unes sont aux musées de Versailles et de Dijon. G. P~i.
J0UR6NAC. Com. du dép. de la Haute-Vienne, arr. de
Limoges, cant. d'Aixe; 758 hab.
JOURGNIAC-Saint-Méard (Le chevalier François de),
publiciste français, né à Bordeaux en 1746, mort à Paris
le 3 févr. 1827. Capitaine au régiment d'infanterie du roi
où il servait depuis 1766, chevalier de Saint-Louis en 1786,
il vint à Paris vers 1791 et collabora au Petit Gautier
ou Journal général de la cour et de la ville^ journal
monarchiste, ce qui lui valut (1792) un emprisonnement
à l'Abbaye. Il put échapper aux massacres de Septembre,
ayant été jugé et acquitté le 4 sept. Il écrivit aussitôt :
Mon Agonie de trente-huit heures (Paris, 1792, in-8),
opuscule qui eut une quinzaine d'éditions et une trentaine
de contrefaçons, et qui a été inséré dans la Collection des
mémoires relatifs à la Révolution française (t. XXVIII).
Jourgniac n'obtint même pas de la Restauration sa pension
d'ancien soldat et dut se contenter de ses fonctions de
président de la société fantaisiste des Gobe-mouches, qui
siégeait chez le libraire Desenne au Palais-Royal. On a
encore de lui : Correspondance de Mesmer (Nancy, 1 785,
in-12), en collaboration avec Fortia de Piles et Boisgehn;
Ordre du jour ou Salmigondis ministériel et bureau-
cratique (Paris, 1822, in-8) ; Ainsi soit-il ou Nec plus
ultra du vieux royaliste Jourgniac de Saint-Méard
(1824, in-8) ; Mon Epitaphe (1824, in-8).
JOURNAL. I. Littérature. — Au point de vue litté-
raire, le terme de journal désigne non seulement les publi-
cations de la presse périodique quotidienne (V. Presse),
lesquelles sont presque forcément des œuvres collectives,
mais aussi les mémoires personnels rédigés au jour le jour
(réellement ou censément). On trouvera ce qui concerne
ces ouvrages dans l'art. Mémoire (Littérature).
Journal officiel. — Le Journal officiel, organe du
gouvernement, est chargé de l'insertion des actes officiels,
des promulgations de lois et décrets, des nominations de
fonctionnaires; des documents fournis par les ministères
de finances, du commerce, des travaux publics, des colo-
nies, de la guerre et de la marine; des communiqués du
gouvernement et de l'administration, des nouvelles offi-
cielles de l'étranger, des comptes rendus in extenso des
séances des Chambres et des documents parlementaires; des
comptes rendus des séances des Académies, du bulletin-
officiel de la Bourse, etc.
Historique. 11 a eu pour origine la Gazette natio-
nale ou Moniteur universel, journal fondé par Pan-
ckoucke et dont le premier numéro est daté du 5 mai 1789.
Il devait se consacrer spécialement à la publication des
débats, délibérations et décrets de l'Assemblée nationale,
des actes publics, diplômes, traités, et accessoirement aux
questions de politique extérieure et intérieure, à l'admi-
nistration, à la littérature, sciences et arts. Le Moniteur
prit toute suite et par la force même des choses un carac-
tère nettement officiel. « Jeté dans le mouvement de la
Révolution, le Moniteur, écrit Montlosier, a eu pour prin-
cipe de se laisser emporter dans toutes ses directions : il a
eu ainsi, selon qu'elles se sont succédé, les teintes monar-
chique, constitutionnelle, girondine, jacobine, impériale. »
Mais, en réalité, il n'est devenu l'organe officiel du gouver-
nement qu'à partir de nivôse an VIII. Du 8 juil. 1814 au
l^"" févr. 1815, la partie officielle lui fut momentanément
retirée et parut, à des époques indéterminées, sous le titre
de Gazette officielle. Le Moniteur continua à être géré
par les héritiers Panckoucke jusqu'au 31 déc. 1868. Il se
composait à cette date de 159 vol. in-fol. et de 3 vol.
in-fol. de tables analytiques. Depuis 1815, il existe une
table particulière pour chaque année. Une réimpression de
V Ancien Moniteur (1789-99) a été donnée par L. Gal-
lois (1840-45, 32 vol., gr. in-8).
En 1868,1e gouvernement mit en adjudication la feuille
officielle, qui, acquise par Wittersheim, dut, sur la récla-
mation du Moniteur, prendre le titre de Journal officieL
Il fut publié dans le format in-fol. jusqu'en 1871 (4 vol.,
plus 1 vol. pour la Commune) et à partir de 1871 dans
le format in-4.
En 1880 (loi du 28 déc.) le système de l'entreprise,
qui avait succédé au système des traités, fut à son tour
remplacé par l'exploitation en régie. Le ministère de l'in-
térieur acquit moyennant 1,700,000 fr. l'immeuble du
quai Voltaire, l'outillage, le matériel et le mobilier admi-
nistratif de la société W^ittersheim. On rattacha au budget
général de l'Etat le service de la composition, de l'im-
pression et de la publication du Journal offlciel, les frais
d'exploitation devant être classés parmi les dépenses du
ministère de l'intérieur, et les produits aux produits divers
du budget.
A partir de 1881 également, l'O/'^cî^/ fut divisé en cinq
parties paginées à part : 1° V Officiel proprement dit (lois,
décrets, nominations, etc.); 2<> compte rendu in extenso
des débats du Sénat ; 3« documents parlementaires du Sé-
nat ; ¥ compte rendu in extenso des débats de la Chambre
des députés ; 5*^ documents parlementaires de la Chambre.
Publications annexes de l' Officiel : !<" Petit Moniteur
du Soir (1864-69) qui comprenait une partie des docu-
ments insérés au Moniteur et se vendait 5 centimes. Il
fut remplacé par h Petit Officiel du Soir (1869-71) qui
devint le Bulletin français, journal officiel du Soir
(1874-80). 2« Moniteur des communes (1852-71), con-
tenant les lois, décrets et instructions du gouvernement ou
une analyse sommaire de ces divers actes. Servi d'ofiice à
toutes les communes, sauf les chefs-lieux de canton, il était
destiné à être affiché. Il fut remplacé par le Bulletin des
communes (1876-84) que M. de Fourtou fit servir si
efficacement aux nécessités de sa politique pendant le Seize-
Mai, et devint le 1^^ janv. 1885 le Journal officiel, édi-
tion des Communes, Cette feuille est distribuée tous les
huit jours aux communes par l'intermédiaire des rece-
veurs des postes. Les maires sont tenus de la faire afficher
dès sa réception.
Organisation actuelle. Le service des journaux officiels
est placé sous la direction politique et administrative
du ministère de l'intérieur. Il a à sa tête : un directeur,
au traitement fixe de 11,000 fr. (et le logement), assisté
d'un chef de service des abonnements, d'un caissier agent
comptable, d'un secrétaire de la rédaction, d'un secré-
taire adjoint et de plusieurs rédacteurs et employés.
Tous ces employés sont fonctionnaires et soumis comme
tels à la retenue pour pensions. D'autre part, une « So-
ciété anonyme à capital variable, de composition, impres-
sion, expédition et distribution du Journal offimel de U
JOURNAL — ^
République française »,avec laquelle l'administration passe
un traité annuel, assure le service^matériel. Cette Société,
dont les actionnaires ont souscrit un capital de 5,600 fr.,
divisé en 412 actions de 50 fr., rapportants % d'intérêt,
comprend, en dehors des 28 associés, des équipes perma-
nentes et des équipes volantes. Elle se recrute obliga-
toirement parmi les membres de la Chambre syndicale
typographique. L'Etat fournit l'outillage et la matière, la
Société fournit la main-d'œuvre qui représente 600,000 fr.
par an en moyenne, sur lesquels elle fait à peu près 5 ^o
de bénéfices. Les ouvriers reçoivent une paye hebdoma-
daire et sur les bénéfices une répartition proportionnelle
au travail qu'ils ont fourni* Les typographes laissent 5 %
de leur bénéfice à la caisse de retraite de la Société de se-
cours mutuels dont ils font partie. Un prélèvement de
40 °/o sur le bénéfice constitue en outre un fonds de pré-
voyance qui est réparti annuellement, de même pour le
fonds de réserve fixé au dixième du capital. Les membres
de l'association s'interdisent toute grève. Ils nomment en
assemblée générale un directeur pour trois ans et des admi-
îiistrateurs pour six ans, un président du conseil d'admi-
nistration pour un an.
Le prix de l'abonnement qui était jadis de 112 fr. (Mo-
niteur universel) est aujourd'hui de 40 fr. par an. Le
numéro, qui se vendait à raison de 0,20 la feuille de seize
pages et 0,05 par feuille de supplément, se vend depuis le
4«^ janv. 1891 au prix uniforme de 0,15 (décr. du 26 déc.
4890). L'abonnement à l'édition des communes est de
4 fr. par an. Le Journal officiel reçoit les annonces légales
et judiciaires, et depuis la loi de finances du 29 déc. 1888
les annonces commerciales, sauf « les annonces inconve-
nantes dans le fond ou dans la forme, les réclames finan-
cières, les annonces dont les termes supposeraient ou pa-
raîtraient supposer un patronage quelconque de l'Etat ».
Les recettes (abonnements, prix des annonces et autres
produits de l'exploitation) sont versées à la Recette centrale
de la Seine et figurent aux produits divers du budget ; les
dépenses de personnel et d'exploitation sont inscrites au
budget du ministère de l'intérieur.
De 1871 à 1879 le Journal officiel a coûté à l'Etat
4,281^826 fr., soit en moyenne 400,000 fr.par an. Depuis
il y a eu 462,736 fr. d'excédents de dépenses en 1883,
268,019 fr. en 1885, 265,018 fr. en 1887 ; au budget
de 4895 les dépenses sont évaluées à 4,042,100 fr., les
recettes à 875,760 fr., soit un excédent de dépenses de
466,340 fr.
Etranger. — Tous les grands pays ont un journal offi-
ciel. C'est en Allemagne le Deutscher Reichs-Anzeiger
(aux frais de l'Etat et en régie); en Autriche-Hongrie, la
Wiener Zeitung (publiée par l'imprimerie impériale); en
Belgique le Moniteur belge (publ. par l'Etat) ; en Chine,
la Gazette de Pékin; en Danemark, le Lov og Mineste-
rialtidende (lois et décrets) et le Rigsdagstidende (dé-
bats parlementaires); en Espagne, la Gaceta ufficale ; en
Angleterre, la London Gazette; en Grèce, rE'fy)(jL£pi; tt]ç
KuGspvTJaswç; en Hollande, le Nederlandsche Staats
Courant; en Italie, la Gazetta officiale; en Portugal, le
Diario do Gober no; en Russie, le Messager du gouver-
nement; en Suisse, la Feuille d'Avis^ etc.
II. Législation (V. Presse).
IIL Commerce. — Le livre journal est un de ceux dont
la tenue est obligatoire ; le code de commerce (art. 8) dit
en effet que tout commerçant est tenu d'avoir un livre journal
qui présente, jour par jour, ses dettes actives et passives,
les opérations de son commerce, ses négociations, accep-
tations ou endossements d'effets, et généralement tout ce
qu'il reçoit et paye, à quelque titre que ce soit, et qui
énonce, mois par mois, les sommes employées à la dépense
de sa maison; l'art. 10 porte que ce livre doit être coté et
parafé, et tenu par ordre de date, sans blancs, lacunes
ou transports en marge. Tout est ainsi établi de la façon
la plus complète, et le journal doit énoncer tout ce qui, à
un titre quelconque, concerne les affaires du commerçant
et peut avoir une influence sur sa situation. Dans sa forme
la plus simple, le journal consiste dans un registre, folioté
bien entendu, et portant sur chaque page une colonne de
dates (mois et quantième), une colonne beaucoup plus
large pour le libellé des articles, et avec une petite colonne
pour indiquer les folios du grand hvre, c.-à-d. la page à
laquelle sont ouverts les comptes auxquels se rapportent
les articles portés au journal, deux ou trois colonnes ré-
glées par francs et centimes, une ou deux, suivant la na-
ture des opérations, servant aux détails, la dernière rece-
vant les totaux des articles de même nature ou une somme
unique lorsqu'il n'y a pas lieu à réunion. Les sommes
portées dans cette dernière colonne sont additionnées et
reportées de page en page jusqu'à la fin du mois, du tri-
mestre, du semestre ou de l'année, suivant l'arrangement
étabU. Ce sont ces totaux qui servent au contrôle du grand
livre pour la balance (V. Ralànce et Grand Livre). Les
articles se présentent ainsi (V. Comptabilité) dans la partie
simple :
Il Mars 15 Doit /^at^, ma facture ce jour 142 1215 55 |
Le chiffre 142 indique que l'article est reporté au 1 J&an, Dans la partie double, le même article serait libellé
folio 14â du grand livre, oti se trouve ouvert le compte ' comme suit :
Mars
15
Doit Jean, à Marchandises générales.
Ma facture ce jour
15
142
4245
25
Leé chiffres 45 et 442 indiquent à quels folios du grand
livre l'article a été reporté, au crédit du compte « marchan-
dises générales » et au débit de Jean.
Le code ne parle que d'un seul livre journal, et en fait
toutes les opérations d'un commerce devraient figurer sur
un livre unique; mais, dans les maisons importantes, il
serait impossible de se conformer à une semblable prescrip-
tion. Très souvent on a deux livres journaux, employés
alternativement, afin que l'employé chargé du grand livre
puisse reporter les articles de la veille sans empêcher le
travail courant ; on emploie également des journaux spé-
ciaux aux achats, aux ventes, aux opérations de recouvre-
ment, etc., suivant la nature des affaires, les articles portés
sur ces livres spéciaux étant résumés sur un journal unique,
ou ces divers journaux servant concurremment pour établir
les balances et la situation à fin d'exercice, chaque maison
ayant sur ce point ses errements particuliers. Diverses
modifications ont été apportées au journal, en vue de lui
faire fournir des renseignements en plus des énonciations
habituelles. On peut citer tout d'abord h journal balance,
dans lequel les montants des articles sont respectivement
portés dans deux colonnes intitulées débit et crédit, les
totaux de ces deux colonnes devant naturellement être
égaux entre eux et avec le total général du journal. Plus
complet est h journal grand livré, dont l'invention paraît
due à Edouard Desgranges, et qui a pour but de présenter
— 2S3 -
JOOÎINAL
en un seul tableau l'état des affaires du négociant. Le verso 1 dinaire, mais ie recto est divisé en colonnes, de la manière
du journal grand livre est établi comme un journal or- | suivante :
CAISSE
Doit Avoir
MARCHANDISES
générales
Doit Avoir
PORTEFEUILLE
Doit Avoir
COMPTES GENERAUX
et
COMPTES d'ordre
Doit Avoir
CREANCES ET DETTES]
Doit Avoir
De plus, les colonnes dans lesquelles sont réunies divers
comptes portent une colonne plus petite pour les folios du
grand livre. Les sommes qui concernent chaque compte
sont portées dans les colonnes respectives, et, comme en
partie double, toute somme portée au débit ou au crédit a
un crédit ou un débit équivalent, il suit que le total de
tous les débits doit au bas de chaque page égaler le total de
tous les crédits, et en même temps le total général du
journal, ce qui prouve que toutes les sommes ont été exac-
tement reportées. Les diverses colonnes donnent la situation
de chaque compte, « caisse, marchandises, portefeuille » ; et
même si on veut scinder en traçant une autre colonne en
plus, les montants dus aux fournisseurs et créditeurs
divers, et ceux qui sont dus par les clients et débiteurs
divers, les détails étant fournis par le grand livre. Mais ce
système a moins de valeur pour les maisons d'une certaine
importance, car la situation ne peut souvent être obtenue
que par la réunion des chiffres fournis par les divers livres
journaux en usage, et il est alors plus simple d'avoir re-
cours au grand livre ; en outre les détails plus nombreux
obligeraient à subdiviser certains comptes, par suite à
grossir le nombre des colonnes, donnant alors aux livres
des dimensions exagérées et augmentant les chances d'er-
reur dans le placement des sommes aux comptes conve-
nables.
Logismographie. Le journal logismographique diffère
profondément de ceux employés dans les autres systèmes
de comptabilité ; c'est la résultante de la conception toute
particulière de la logismographie (V. Comptabilité). Le
journal logismographique présente les colonnes suivantes :
numérotage progressif des articles, dates, description des
opérations, nombre et montant des articles en partie double ;
sous le titre commun de balance essentielle, le doit et
l'avoir du compte du propriétaire, et de même pour les
agents et correspondants; enfin, pour les permutations et
compensations, une colonne de sommes et une autre inti-
tulée rappels. Les colonnes servant au numérotage pro-
gressif des articles, aux dates et à la description des opé-
rations se comprennent par elles-mêmes; dans les colonnes
de doit et avoir des comptes du propriétaire et des agents,
les sommes indiquées aux opérations qui les concernent se
trouvent portées, toute somme figurant au débit du pro-
priétaire se trouvant au crédit du compte agent et récipro-
quement. Mais, dans celle intitulée nombre et montant des
articles en partie double, les montants des opérations figu-
rent une ou plusieurs fois, suivant les cas. L'encaissement
de coupons, de fermages, donne un avoir au compte du
propriétaire et un débit au compte « caisse », figurant sous la
rubrique générale « agents »; il n'y a là qu'une opération
unique, partant la somme est portée dans la colonne « nom-
bre et montant » une seule fois. Mais un achat de mar-
chandises au comptant présente d'abord un débit du pro-
priétaire vis-à-vis de la caisse, puis un crédit du même
vis-à-vis du magasin. C'est ainsi une double opération, et
comme suite la somme se trouvera portée deux fois dans
la colonne « nombre et montant » qui indique également
par le chiffre (2) placé datts une colonne spéciale, qu'il y
a là deux articles en partie double. Mais comme une telle
opération ne change en rien la situation du propriétaire,
les sommes ne sont pas portées aux colonnes relatives à
ce compte ou à celui des agents, mais bien dans la der-
nière, intitulée «permutations», avec indication, au moyen
de lettres convenables, des comptes 0(1 ces sommes devront
figurer dans les développements ultérieurs ; c'est à l'ins-
cription de ces lettres qu'est destinée la colonne intitulée
« rappels ». En se basant sur les renseignements fournis
par le journal, et en tenant compte des indications rela-
tives au nombre des articles en partie double, puis aux
permutations et aux développements qu'elles concernent,
des développements successifs viennent répartir les données
relatives au compte du propriétaire dans les subdivisions,
espèces, marchandises, débits et crédits, etc.; pour les
agents, en opérant de même, on établit les comptes de
caisse, magasins, portefeuille, correspondants. Pour ces
derniers, comme il serait souvent impossible d'obtenir sur
une seule feuille leur liste complète, le développement se
fait à divers degrés, le compte primitif étant développé en
dix autres, chacun de ceux-ci en dix, et ainsi de suite
jusqu'au moment où chaque compte individuel se trouve
établi. Bien entendu chaque développement doit donner des
résultats en parfait accord avec ceux fournis par le compte
initial et, en dernière analyse, avec le journal. Dans la
logismographie, les divers développements dujournal rem-
placent le grand livre de la partie double. G. François.
IV. Art militaire. — Ce mot a diverses acceptions
au point de vue militaire; il s'applique soit à l'inscription
journalière des mouvements de fonds ou de matières opérés
par les comptables militaires, soit à la relation jour par
jour des faits concernant une opération militaire, soit à
l'nidication des mesures à prendre chaque jour dans un cas
déterminé. Les principaux documents de ce genre sont les
suivants.
Journal des entrée^ et ces sorties. — Tout comptable
militaire tient, pour chacun des services dont il est chargé,
un registre journal pour les entrées et un autre pour les
sorties. Ces registres sont destinés à l'inscription som-
maire, jour par jour, de tous les mouvements d'entrée, de
manipulation, de transformation, de sortie ou de consom-
mation, qui s'effectuent dans le magasin ou l'établissement
dont il est gestionnaire.
Journal des recettes et DÉt»ENSEs. — Ce registre, tenu
par les trésoriers des corps de IrOupe, reçoit l'inscription
successive par ordre de date de toutes les recettes et dé-
penses en argent faites par le corps. Ce registre présente
les colonnes nécessaires pour qu'une simple balance per-
mette de constater la somme devant rester dans la caisse
du trésorier et dans celle du conseil d'administration.
Journal des marches et opérations. — Une décision
ministérielle du 0 déc. 1874 prescrit la tenue, par les
états-majors et par les corps de troupe, d'un registre sur
lequel on consignera jour par jour, sans intervalles ni
grattages, le résumé des ordres reçus et donnés, les ren-
seignements recueillis et tous les détails relatifs aux mar-
ches, cantonnements où bivouacs, au service de sûreté,
aux reconnaissances, aux manœuvres et aux combats.
Journal de mobilisation. — Chaque corps de troupe et
JOURNAL — JOURNEE
chaque chef de service de l'armée tient un journal indi-
quant les dispositions prises dès le temps de paix ou à
prendre en temps utile pour assurer dans les meilleures
conditions possibles ce qui concerne la mobilisation. De
même, dans les corps de troupe, chaque commandant d'unité
tient un carnet de mobilisation prévoyant toutes les me-
sures à prendre pour opérer avec ordre et méthode, dans
les délais prescrits, la mobilisation de l'unité qu'il com-
mande ; il tient en outre constamment prêt et au courant
un dossier comprenant tous les états à fournir ou utiles
pour la période de mobihsation. Tous les documents con-
cernant la mobilisation sont tenus secrets.
Journal d'opérations. — Le règlement du 20 nov. 1889,
sur l'organisation et le fonctionnement du service des
étapes aux armées, prescrit à chaque commandant d'étapes
de tenir un journal d'opérations qui fait ressortir par jour-
née l'ensemble des mouvements d'arrivée et de départ, l'ef-
fectif et la composition des troupes faisant séjour ou affec-
tées à l'occupation du commandement.
Journal de route. — Journal spécial rédigé parles vété-
rinaires des troupes à cheval et destiné à faire connaître
l'état sanitaire des chevaux dans les marches qu'ils ont eu
à exécuter.
Journal de siège. — Dans une place assiégée, le gouver-
neur, les officiers généraux, les officiers supérieurs chefs
de corps ou de détachements, les commandants de l'artil-
lerie et du génie, les chefs du service de l'intendance et le
chef du service de santé tiennent chacun un journal, sur
lequel ils inscrivent chaque jour, par ordre de dates, sans
aucun blanc, ni interligne, ni grattage, ni surcharge, la
copie littérale des ordres qu'ils donnent et de ceux qu'ils
reçoivent, avec des renseignements sur le mode d'exécution
de ces ordres, sur leurs résultats, et enfin sur toutes les
circonstances propres à faire connaître la marche de la dé-
fense et éclairer le conseil d'enquête qui aura à donner un
avis sur la conduite du siège.
Journal militaire officiel. — Au début, en 1791, ce re-
cueil était purement privé et publiait les lois, décrets, rè-
glements, décisions, etc., concernant l'armée. Ce recueil
fut déclaré officiel en 1815 et. à partir de 1831, l'envoi
en fut prescrit aux principaux fonctionnaires du départe-
ment de la guerre, pour qui l'insertion d'une décision dans
ce journal devait tenir lieu de notification. A partir du
1^^ janv. 1887, le Journal militaire officiel, redevenu
une entreprise privée, a été remplacé par le Bulletin of-
ficiel du ministère de la guerre, dont il est envoyé deux
exemplaires à chaque corps de troupe formé d'un batail-
lon au moins. Ce bulletin comprend une partie réglemen-
taire, qui doit être conservée et reliée par semestre, et une
partie supplémentaire, qui n'est conservée que pendant
cinq ans et est simplement brochée.
V. Marine. — Journal de bord. — C'est la relation
minutieuse, quart par quart, c.-à-d. par espace de quatre
heures, de tout ce qui se passe sans exception, autour et à
bord d'un bâtiment, dans la machine, dans la voilure, comme
travaux ordonnés, comme exercices faits, comme ordres de
service, route suivie, vitesse, vent, mer, etc. Cette rela-
tion s'écrit sur deux livres qui se complètent l'un par
l'autre. Le premier est tenu par la timonerie du bord et
porte le nom de journal de la timonerie, le second est tenu
par l'officier de quart qui, en quittant son service, écrit et
signe son quart. Ce dernier s'appelle journal des officiers.
C'est sur celui-ci que le commandant donne par écrit ses
ordres pour la nuit, la route à suivre au compas de route,
l'allure de la machine, la voilure à porter, etc. Ces ordres
sont signés de sa main. Des colonnes spéciales permettant
d'inscrire tous les renseignements météorologiques, direc-
tion et force du vent, état de la mer, vitesse du navire à
l'heure, variation du compas, baromètre, thermomètre,
état hygrométrique, terres en vue, bateaux, relève-
ments, etc., position du navire à midi. C'est, avec le rôle
d'équipage, la pièce de comptabilité la plus importante à
sauver en cas de naufrage ou d'incendie. Elle fait foi et
224 —
établit les responsabilités de chacun. Un mot fera com-
prendre l'importance de ce document. C'est en compulsant
les journaux de bord de nombreux navires que des marins
éminents comme Maury et ses successeurs français et étran-
gers ont pu déterminer la probabilité presque certaine de
tels ou tels vents régnant à telle époque, dans tels pa-
rages, à telle époque de l'année et en ont déduit les meil-
leures routes à suivre. Les traversées en ont été abrégées
d'une économie de temps et d'argent. Aussi la mer a-t-elle
ses grands chemins comme à terre, en dehors desquels on
trouve peu ou point de navires.
JOURNALISME (HisL du) (V. Presse).
JOURNANS. Com. du dép, de l'Ain, arr. de Bours,
cant. de Pont-d'Ain; 322 hab.
JOURNAULT (Léon), homme politique français, né à
Pans le 24 févr. 1827, mort à Ville-d'Avray le 21 juil.
1892. Clerc de notaire, il se fit remarquer à la fin de l'Em-
pire par ses opinions libérales. Il collaborait à la Tribune de
Pelletan, au Libéral, etc. Maire de Sèvres en 1870, il fut
élu représentant de Seine-et-Oise à l'Assemblée nationale
le 8 févr. 1871 et fit partie de la gauche républicaine; il
prit une part active aux débats et rapporta notamment le
projet de l'exposition universelle de 1878. Elu député de
la deuxième circonscription de Versailles le 20 févr. 1876,
membre des 363, réélu avec eux en 1877, il démissionna
ayant été nommé le i6 nov. 1879 secrétaire général du
gouvernement de l'Algérie et conseiller d'Etat.' En 1881
(23 janv.), il revenait à la Chambre comme député de la
première circonscription de Versailles, était réélu le 21 août
et devenait président de l'Union répubhcaine. Il échoua aux
élections générales de 1885. Mais, dès le 18 avr. 1886, il
était élu sénateur de Seine-et-Oise, en remplacement de
M. de Tréville, décédé. Membre de l'association de propa-
gande républicaine, il combattit le boulangisrae et fut réélu
au renouvellement triennal de 1891. On a de lui : la Se-
conde Chambre (Paris, 1874, in-8).
JOURNÉE. I. Antiquité, — Chez les Romains, la
journée comprenait diverses parties : 1« celle qui com-
mençait au milieu de la nuit, de média nocte; 2» le cré-
puscule ou chant du coq, gallicinium; 3« le moment où le
coq cesse de chanter, canticinium; 4« le petit jour, dilu-
culum; 5« le matin, mane; 6Me midi, méridien; 7» la
dernière partie du jour, suprema; 8<^ le soir, du coucher
du soleil au lever des étoiles, vespera; 9^ le crépuscule du
soir, crepusculum; lO'' la première partie de la nuit, où
Ton allumait les lumières, luminibus accensis; 11^ le
coucher, concubium; puis 12« la nuit profonde, intem-
pesta nox. Lorsque l'on connut le cadran solaire, apporté
à Rome par Papirius Cursor, en 291 av. J.-C, et la clep-
sydre introduite en 159, on divisa la journée en deux par-
ties égales, de six heures du matin à six heures du soir
pour le jour, et de six heures du soir à six heures du ma-
tin pour la nuit. La nuit se partageait en quatre vigiliœ
de trois heures chacune. Ces heures étaient plus ou moins
longues, suivant le moment du coucher et du lever du so-
leil; mais la sixième heure tombait toujours à midi ou à
minuit. A.W.
II. Histoire. — Journée des Dupes (V. Dupes).
Journées ou guerre de Dahjs. — Cette guerre, cé-
lèbre dans les fastes légendaires de l'Arabie antéislamique,
naquit à l'occasion d'une course de chevaux, libres suivant
l'usage, et arma l'une contre l'autre, pendant quarante ans,
deux puissantes tribus de la péninsule, les Banou Abs
dont le chef était (ieïs, fils du poète fameux Zoheïr et les
Banou Dobyân qui avaient pour chef Hodeifa. Une trahison
des Dobyânides ayant empêché la victoire certaine de Da-
his, l'étalon engagé dans la course par Qeïs, celui-ci
résolut de se venger, et, dès lors, s'ouvrit entre les deux
tribus une ère de représailles, féconde en rapts de femmes
et d'enfants, en scènes de meurtres et de pillage, en atro-
cités de toutes sortes. L'Abside A7îtar (V. ce nom), le héros
de l'épopée arabe, rompit plus d'une lance dans la guerre
de Dahis, notamment à la journée d'El-Fouroùq. Le ca-
225 —
JOURNEE — JOUTE
price d'une jeune fille, Hanîsa, fille d*Ans, de la tribu des
Banou Tayyi, son mariage avec un chef renommé, Hâriç
ibn Auf, qui n*hésita pas à consacrer, par amour pour cette
femme, trois mille chameaux expiatoires, afin d'acheter la
paix entre deux tribus qui lui étaient pourtant étrangères,
mirent fin aux haines entretenues par quarante années de
combats. La guerre de Dahis avait failli amener la ruine
d*une nation chez qui le point d'honneur et les instincts
guerriers étaient développés au delà de toute expression.
Les embellissements n'ont pas manqué au récit des événe-
ments qui consacrèrent cette pacification générale ; elle a
été chantée par Zoheïr dans sa Moallaqa et ne fut que de peu
d'années antérieure à la proclamation de l'Islam. P. R.
Journées révolutionnaires (V. au nom du mois, Août,
Juillet, Juin, etc.).
m. Législation. —Journée de Travail (V. Travail).
IV. Art militaire. — La journée constitue la base des
allocations auxquelles ont droit les hommes et les chevaux.
Des situations administratives, établies chaque jour dans les
diverses unités permettent de constaterle nombre de journées
de présence qui sont reportées et totahsées sur les feuilles
de journées trimestrielles. Lorsque des journées d'absence
donnent des droits à une solde, comme pour les officiers et
les sous-officiers rengagés, ceux qui se trouvent dans ce
cas sont inscrits nominativement sur les feuilles de jour-
nées. Pour la mobilisation, on ne compte pas par quan-
tième de mois, mais par jour de mobihsation, dont le pre-
mier est fixé par l'ordre de mobilisation et dont chacun
commence à minuit une minute.
BiBL. : Journée de Dahis. ~ Caussin de Perceval,
Essai sur V histoire des Arabes avant l'islamisme; Paris,
1847-48, 3 vol.
JOUR NET. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Mont-
morillon, cant. de La Trimouille ; 4,303 hab. Stat. du
chem. de fer d'Orléans, ligne de Montmorillon au Blanc.
Sur la place, lanterne des morts du xii® s. (mon. hist.).
A Villesalem, très remarquable église romane à trois nefs.
JOURNIAC. Com. du dép. de la Dordogne, arr.de Sar-
lat, cant. du Bugue ; 732 hab.
JOURNY. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Saint-Oraer, cant. d'Ardres ; 263 hab. Stat. du chem.
de fer d'An vin à Calais.
JOURS. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Châ-
tillon-sur-Seine, cant. de Baigneux-les-Juifs; 187 hab.
JOURS-en-Vaux. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr.
de Beaune, cant. de Nolay; 333 hab.
JOURSAC. Com. du dép. du Cantal, arr. de Murât,
cant. d'Allanche; 781 hab.
JOUSLIN DE La Salle (Armand-François), auteur dra-
matique français, né à Vierzon le 15 sept. 1797, mort à
Paris le 1*"" juil. 1863. Avocat, pubiiciste, il devint régis-
seur général du théâtre de la Porte-Saint-Martin ; en 1832,
directeur du Théâtre-Français ; en 1839, directeur des Va-
riétés. Il a donné d'intéressantes critiques dramatiques et
de curieux souvenirs de théâtre au Figaro et à la Presse,
Il a fait représenter un grand nombre de pièces, comédies,
mélodrames, vaudevilles, presque toujours en collaboration
avec d'Allarde, Saint-Amand, Rougemont, Alhoy, Du-
peuty, Villeneuve, etc. Citons : le Caissier (Paris, 1826,
in-8), drame en trois actes ; la Famille du charlatan
(1824, in-8), vaudeville ; /^5 Frères féroces (l82D,in-8),
mélodrpe; les Dix Francs de Jeannette (1828, in-8),
vaudeville, et, en dehors de ces ouvrages dramatiques, Pe-
tit Cours de jurisprudence littéraire (1818, 2 vol. in-8);
Quelques Essais (1817, in-12); la Sentinelle deVJion-
neur(i%\%, in-8), revue dont il ne parut que huit numéros.
JOUSSÉ. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Civray,
cant. de Charroux ; 477 hab.
JOUSSE (Mathurin), architecte français, né à La Flèche
le 27 août 1607, mort après 1642. Auteur de plusieurs
édifices dans l'Orléanais, le Maine et l'Anjou, il est surtout
connu par les ouvrages suivants qui jouirent longtemps
d'une grande renommée : la Fidelle Ouverture de l'art
grande encyclopédie. — XXL
de serrurier, etc. (La Flèche, 1627, in-foL, 13o fig.);
le Théâtre de Vart du charpentier, etc. (1627, in-foL,
fig.); la Perspective positive de Viator, altine et fran-
çaise, revue, augmentée et réduite de grand en petit (1635,
in-8, 42 fig.) ; le Secret d'architecture, découvrant fidè-
lement les traits géométriques, coupes et dérobements
nécessaires dans les bâtiments, etc. (1642, in-foL, fig.).
JOUSSE (Daniel) , canoniste, né à Orléans en 1 704, mort
en 1 781 . Conseiller au présidial d'Orléans et ami de Pothier,
il a travaillé avec lui au commentaire de la Coutume d Or-
léans. Œuvres principales : Commentaire sur Védit du
mois d'avril 1695, concernant la juridiction ecclésias-
tique i^m^M^^,^ vol. in-12); Traité du gouvernement
spirituel et temporel des paroisses (Paris, 1769, in-12).
JOUSSELINIÈRE (Boudier de La) (V. Boudier).
JOUSSERANDOT (Louis-Etienne), juriste et adminis-
trateur français, né à Lons-le-Saunier en 1813, mort à
Genève le 26 avr. 1887. Il étudia le droit à Dijon et se
fixa comme avocat à Besançon. A la révolution de 1848, il
se montra chaud républicain, ce qui lui valut l'exil au coup
d'Etat. Il se réfugia à Amphion (Savoie), puis à Lausanne
et à Genève où il reçut une chaire de droit à l'académie.
Rentré en France après le 4 sept., son amitié avec Thiers
et Jules Simon lui valut la préfecture de la Marne, puis
celle des Pyrénées-Orientales. A la chute de Thiers, il
fut révoqué et retourna à Genève où il retrouva sa chaire
de droit à l'académie, devenue université. Il y resta jus-
qu'à sa mort. Outre des drames, Lord Surrey et d'autres,
des romans historiques franc-comtois, le Diamant de la
Vouivre, le Capitaine Lacuzon, on lui doit un volume
De la Civilisation moderne, un important livre de droit
romain, PEdit dupréteur (1883, 2 vol.), et un volume sur
l'organisation judiciaire française. E. Kuhne.
JOUSSET DE Bellesme (Georges-Louis-Marie- Féli-
cien), physiologiste français, né à Paris le 18 févr. 1839.
Reçu docteur en médecine en 1865, puis préparateur de
Claude Bernard, professeur à l'école Turgot (1871-75),
professeur de physiologie à l'Ecole de médecine de Nantes
(1875-82), il est depuis 1882 directeur de l'Aquarium
de la ville de Paris, au Trocadéro, et il s'est tout entier
consacré, pendant ces douze dernières années, à la piscicul-
ture. S'il ne l'a pas créée en tant que science, il l'a du
moins complètement transformée, en substituant à l'ancien
empirisme des méthodes basées sur la physiologie et en
démontrant, notamment, la nécessité de l'élevage préalable
des alevins. Il l'a en outre popularisée, tant par son en-
seignement et ses écrits que par ses expériences pratiques,
et il est parvenu à introduire et à acclimater dans les af-
fluents de la Seine le saumon de Californie et la truite
arc-en-ciel. Partisan du repeuplement des eaux de la
France par la seule initiative privée, il a eu la plus grande
part à la constitution des deux cents sociétés de piscicul-
ture et de pêche qui se sont fondées en France depuis
1889 et dont il dirige les opérations. Il a également col-
laboré à la confection de la législation nouvelle sur la pèche
et il a eu une mission en Orient en 1893 pour la réorga-
nisation des pêcheries de l'empire ottoman. Il a publié de
nombreux mémoires et articles de revues ayant trait à la
physiologie et à la pisciculture. Il a donné à part : Re-
cherches expérimentales sur la digestion des insectes
(Paris, 187o, in-8); Des Phénomènes physiologiques de
la métamorphose chez la libellule déprimée (Paris,
1878, in-8) ; Recherches expérimentales sur les fonc-
tions du balancier chez les insectes diptères (Paris, 1 878,
in-8) ; Acclimatation et multiplication du saumon de
Californie (Paris, 1891, in-8). L. S.
JOUTE (V. Tournoi).
Joute sur l'eau. — Jeu très populaire dans certaines
régions de la France, dans lequel deux hommes recouverts
d'un plastron et placés sur l'avant de deux bateaux cher-
chent à se renverser avec une lance en bois, au moment
où les deux bateaux, animés d'une grande vitesse, passent
l'un près de l'autre.
15
JOUVAL — JOUVENEL — i
JOUVAL (Olympe de) (V.Audouàrd).
JOUVANCY (Joseph de), jésuite et humaniste français,
né à Paris le 14 sept. 1643, mort à Rome le 29 mai 1719.
Il se fit recevoir à l*âge de seize ans dans la Compagnie de
Jésus, fut plus tard professeur de rhétorique à Caen, à La
Flèche et au collège Louis-le-Grand à Paris. On a de lui
un grand nombre d'ouvrages classiques latins très répandus
jusqu'au milieu du xix® siècle, et remarquables par la pu-
reté et l'élégance de leur style, entre autres De Ratione
docendi etaiscendi (Paris, 1692, in-8), sans cesse réé-
dité, encore en 1842, etVAppendix dediis et heroibus
(^Rome, 1704, in-12, réimprimé encore à Paris, 1869,
in-16) ; en outre, le P. Jouvancy a préparé de nombreuses
éditions expurgées de Térence, dlîorace, de Juvénal, de
Martial, d'Ovide, etc. A partir de 1699, il travailla à
Rome, sur l'ordre de ses supérieurs, au dernier tome de
la V® partie de la Historia Societatis Jesu, i59i-i6i6
(Rome, 1710, in-foL). Il y présenta les jésuites les plus
compromis sous la Ligue, par exemple, ou dans la conspi-
ration des poudres et dans les attentats contre Henri IV,
comme des martyrs et des saints ; il affirmait, de plus, ca-
tégoriquement le droit qu'a le pape de déposer les souve-
rains et le devoir qui incombe au peuple de se débarrasser
des tyrans. Le parlement de Paris condamna le livre (ar-
rêts du 22 févr. et du 24 mars 1713); mais le P. Tellier
obtint de Louis XIV que l'on ménageât les supérieurs de
Paris et qu'il n'y eût pas d'exécution publique. Il faut
relire les pages de Saint-Simon (t. IX, pp. 430-32) si l'on
veut avoir une idée de l'indignation produite par cette his-
toire dans les cercles des catholiques éclairés. F. -H. K.
BiBL.: A. DE Backer, Bibliothèque des écrivains de la
Compagnie de Jésus; Liège, 1862, t. II, col. 303-378 (Bi-
bliographie détaillée).
JOUVE (Mathieu) (V. Jourdàn Coupe-Tête).
JOUVE (Joseph), jésuite français, né à Embrun le
1®"^ nov. 1701, mort le 2 avr. 1758, auteur d'une Hist,
de la conquête de la Chine par les Mandchoux (Lyon,
1754, 2 vol.).
JOUVE (Esprit-Gustave), archéologue français, né au
Buis (Drôme) le l^"^ juin 1805, mort à Valence en 1872.
Avocat, puis prêtre, chanoine à Valence en 1839, il a
écrit des guides locaux, des ouvrages et dictionnaires sur
Fart, d'assez bons ouvrages sur le chant ecclésiastique :
Etude sur les écoles de composition musicale d'Europe
de iS50 à la première moitié du xvii® siècle (Rennes,
1855, in-8); Lettres sur le mouvement liturgique ro-
main en France au xix^ siècle (Paris, 1838) ; il a com-
posé plusieurs morceaux de musique religieuse, dont on
trouvera la liste dans l'ouvrage de Fétis.
JOU VEAUX. Com. du dép. de l'Eure, arr, de Pont-
Audemer, cant. de Cormeilles: 129 hab.
JOUVENCEL (Blaise-François-Aldegonde, chevalier de) ,
homme politique français, né à Lyon le 9 sept. 1762,
mort à Paris le 4 juin 1840. Sa famille appartenait depuis
longtemps au commerce. Il l'exerça lui-même à Nantes
jusqu'en 1796, époque où il fut nommé receveur des do-
maines à Versailles. Maire de cette ville depuis la fin de
1813, il montra vis-à-vis des troupes prussiennes qui l'oc-
cupèrent en juil. 1815 une grande fermeté et parvint à
la préserver de réquisitions qui l'eussent ruinée. Aussi,
l'envoya-t-elle quelques années après comme député au
Palais-Bourbon, où il siégea de 1821 à 1824 et de 1827
à 1830 et vota constamment avec le parti libéral. Il se
rallia avec empressement à la monarchie de Juillet, obtint
le renouvellement de son mandat sans interruption de
1830 à 1837, soutint la politique ministérielle et se retira
de la vie politique en 1839. — Ses fils Paul-Hippolyte
(né en 1798) et Ferdinand- Aldeg onde (1804-1873) se
signalèrent par leurs opinions démocratiques. Le second,
député du X*^ arr. de Paris (de 1842 à 1848), siégea au
centre gauche, se rallia à la République qui le nomma con-
seiller d'Etat, et perdit sa place pour avoir protesté contre
le coup d'Etat, fut élu à l'Assemblée nationale le 2 juil. 1 871 I
où il vota avec la gauche républicaine. — Hippolyte-Fé-
licien-Paul, né k y ersBxWes en 1817, fils de Paul-Hippo-
lyte, fut exilé après le 2 déc. 1851 ; élu député de
Seine-et-Marne en 1869, il vota avec l'opposition répu-
bUcaine. Après plusieurs candidatures infructueuses, il
fut élu député de Seine-et-Oise sur la hste radicale en
1885, non réélu en 1889.
JOUVENÇON. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Louhans, cant. de Cuisery; 706 hab.
JOUVENELdesUrsins (Famille). Le chroniqueur J. Jou-
venel des Ursins assure que sa famille était issue de la
grande maison italienne des Orsini, mais il est beaucoup
plus vraisemblable qu'elle était originaire de la Champagne.
Des documents authentiques prouvent que P. Jouvenel était
drapier à Troyes en 1360. Il épousa une fille de Thibaut
d'Assenay, vicomte de Troyes. Un de ses fils, Jean P''
Jouvenel, occupa de hautes fonctions et eut seize enfants,
parmi lesquels on remarque surtout : Jean II Jouvenel,
qui fut archevêque de Reims; Guillaume Jouvenel, qui
devint chancelier de France, et Jacques Jouvenel, qui fut
aussi archevêque de Reims. Parvenus à la fortune, les Jou-
venel crurent rehausser leur noblesse récente par une pré-
tendue parenté avec les Orsini et ajoutèrent à leur nom
celui de des Ursins. Il est à remarquer que, dans les
titres originaux, les formes ordinaires du nom sont Jou-
venel et surtout Juvenel, au lieu de JiwénaL
Jean P^ Jouvenel, prévôt des marchands de Paris, né
vers 1360, mort le i^' avr. 1431. Il était fils du drapier de
Troyes, Pierre Jouvenel. Après avoir étudié le droit civil à
Orléans et le droit canon à Paris, il fut conseiller au Châtelet
(janv. 1381) et avocat au parlement (1384). Son mariage
(juin 1386) avec Michelle de Vitry, nièce de J. Le Mer-
cier, sire de Noviant, ministre de Charles VI, lui procura
des protections puissantes. Nommé prévôt des marchands
(janv. 1389), il occupa ces fonctions jusqu'en 1400 et y
rendit de si grands services que la ville de Paris lui donna
l'hôtel des Ursins. Il fut ensuite avocat général au parle-
ment. Très attaché à la maison d'Orléans il s'attira ainsi
l'inimitié des ducs de Bourgogne. Après l'assassinat de
L. d'Orléans (nov. 1407), il prit parti pour les Armagnacs,
combattit les Cabochiens (1413) et fut quelque temps chan-
ceher du dauphin Louis, duc de Guyenne. Proscrit parles
Bourguignons quand ils redevinrent maîtres de Paris (mai
1418), il s'enfuit à Poitiers, avec le dauphin Charles, mais
ses biens furent confisqués. Le dauphin le nomma prési-
dent au parlement de Poitiers (sept. 1418) puis président
du parlement de Toulouse (1420). Revenu peu après à
Poitiers, il y resta jusqu'à sa mort. Après le recouvrement
de Paris (avr. 1436), Michelle de Vitry revint avec ses
enfants dans cette ville, où elle mourut en 1436. Elle fut
inhumée à Notre-Dame, dans la chapelle de Saint-Remy,
où avaient été transférés les restes de son mari. Les statues
de Jean Jouvenel et de sa femme qui ornaient le magni-
fique tombeau élevé par leurs enfants, sont aujourd'hui au
musée de Versailles. Un tableau que Jean II Jouvenel fit
peindre en 1445 et qui est au musée du Louvre (salle VI,
n^ 999) représente l'ancien prévôt et sa femme avec les
onze enfants qu'elle avait encore à cette époque.
Jean II Jouvenel des Ursins, prélat et chroniqueur, né
à Paris le 23 nov. 1388, mort le 14 juil. 1473. Il étudia le
droit et fut nommé maître des requêtes (1418), puis avocat
général au parlement de Poitiers (août 1425). Il devint cha-
pelain de Charles VII, archiprêtre de Carmaing, doyen
d'Avranches, conseiller du roi et fut envoyé en ambassade
à Rome auprès d'Eugène IV. Il succéda, comme évéque de
Beauvais, à P. Cauchon (24 avr. 1432), et fut sacré à Rome
par le cardinal J. Orsini (24 mars 1433). Il avait laissé sa
charge d'avocat général à son frère Jacques, pour mieux s'oc-
cuper de son éghse. Il prit part aux négociations du traité
d'Arras (1435). Après le recouvrement de Paris, il fut élu
conservateur des privilèges de l'Université. En 1444, il fut
nommé évéque de Laon, puis, en 1449, archevêque de
Reims, en place de son frère Jacques. Son savoir, ses ta-
— mi
JOUVENEL — JOUVENET
lents, sa grande autorité lui permirent de jouer un rôle
considérable, soit dans les affaires de l'Eglise, aux assem-
blées de Chartres (mai 1450) et de Soissons (juil. 1455),
soit dans beaucoup d'autres circonstances importantes, aux
Etats d'Orléans (1439), aux conférences de Meaux(1446)
et de Paris (1447), dans la capitulation de Rouen (1449),
dans des missions auprès du duc de Bourgogne en 1451 et
1452, dans le procès de J. Cœur (1451-53) et de Jean 11
d'Alençon (1458), dans la revision du procès de Jeanne
d'Arc (1456) et dans la querelle entre l'université de Paris
et les ordres mendiants (1457). La franchise et la har-
diesse de son langage déplurent à Louis XL Après avoir
sacré le nouveau roi à Reims (15 août 1461), il fut tenu
à l'écart. Il ne put ni empêcher la révolte dite de la Mi-
quemaquek Reims (1461), ni apaiser le courroux du roi.
Lors de la ligue du Bien public (1465), il fut l'un des
trente-six commissaires chargés de travailler à la réfor-
mation du royaume. 11 parut encore aux Etats de Tours
(1468) et de Poitiers (1469), mais ensuite il ne quitta
plus Reims, où il mourut. 11 fut inhumé, selon ses der-
nières volontés, devant le maître-autel de sa cathédrale. Il
avait beaucoup augmenté la splendeur de son église ; il lui
avait légué ses livres et ses tableaux. Jean II Jouvenel est
surtout connu comme historien de Charles VI. Sa Chronique
(1380-1422), rédigée à Poitiers, du vivant de son père,
est une des sources les plus précieuses pour l'histoire de
cette époque. Il a laissé beaucoup d'autres écrits (épîtres,
discours, sermons; Traité de V Office du chancelier ; Dis-
cours touchant les questions et différends entre les rois de
France et d'Angleterre, etc.) qui abondent en détails curieux
et utiles. En somme, il fut une des gloires de l'Eglise et
un des hommes les plus remarquables de son temps.
Guillaume Jouvenel, baron de Treignel, chancelier de
France, né à Paris le 15 mars 1401, mort le 23 juin 1472.
Comme ses frères Jean et Jacques, il étudia les lois et fut
conseiller au parlement de Poitiers, mais à la carrière ecclé-
siastique il préféra le métier des armes et fit ses preuves à la
guerre aussi bien que dans les conseils. Il fut armé chevalier
à Reims, au sacre de Charles VII (17 juil. 1429). Après
avoir été bailli de Sens (1437), puis de Troyes et lieute-
nant de R. de Gaucourt dans le Dauphiné, il succéda,
comme chancelier de France, à Regnault de Chartres (1 6 juin
1445). Dès lors, il joua un rôle important dans toutes les
grandes affaires du règne de Charles VU, notamment dans
l'assemblée du clergé à Chartres (1450), dans la conquête
de la Normandie (1449-50) et de la Guyenne (4451), dans
les procès de J. Cœur (1451-53) et de Jean II d'Alençon
(1458). Il assista aux derniers moments de Charles VII
(22 juil. 1461) et suivit son convoi funèbre jusqu'à Saint-
Denis. Louis XI lui ôta sa charge pour la donner à P. de
Morvilhers (3 sept. 1461), tout en lui octroj^ant une pen-
sion annuelle de 2,000 livres. Son attachement à ses devoirs
le rendit suspect aux seigneurs ligués contre Louis XL
Arrêté par ordre du duc de Bourbon, il fut détenu quelque
temps à Moulins (1465). La révolte finie, le roi lui rendit
l'office de chancelier (9 nov. 1465) qu'il conserva jusqu'à
sa mort. Son corps fut placé dans le tombeau de sa famille,
à Notre-Dame de Paris. Le célèbre artiste J. Foucquet avait
fait son portrait, qui est maintenant au Louvre (salle IV,
n° 288). G. Jouvenel avait épousé, en 1423, une fille de
Macé Héron, trésorier des guerres de Charles VII, Gene-
viève, dont il eut plusieurs enfants.
Jacques Jouvenel, archevêque de Reims, né à Paris le
14 oct. 1410, mort à Poitiers le 12 mars 1457. Après
avoir étudié le droit, il reçut les ordres sans renoncer aux
fonctions publiques. Il succéda, comme avocat général, à
son frère Jean, prit part aux Etats d'Orléans (1439), fut
ensuite archidiacre de Notre-Dame de Paris (1441), prési-
dent à la chambre des comptes (2 janv. 1444), archevêque
de Reims (24 juin 1444), conseiller de Charles VII, com-
missaire royal auprès des Etats de Languedoc. Après avoir
assisté aux conférences de Châlons (1445), il fut chargé
de diverses missions, en Angleterre (1445), à Lyon, à
Gênes, à Rome et en Savoie avec J. Cœur (1446-48). II
contribua beaucoup à la pacification de l'Eglise, en obtenant
l'abdication de l'antipape Féhx V (1449). Pour l'en récom-
penser, Nicolas V le nomma patriarche d'Antioche (1449).
C'est alors qu'il laissa l'archevêché de Reims à son frère
Jean, pour prendre l'administration des évêchés de Poi-
tiers et de Fréjus. Il échangea les revenus de celui de Fré-
jus contre le prieuré de Saint-Martin-des-Champs, à Paris.
En 1450, il fut chargé d'une information sur le financier
Xaincoings et présida l'assemblée du clergé de France à
Chartres. Il défendit J. Cœur pendant son procès (1453).
Il mourut à Poitiers et fut inhumé dans la cathédrale de
cette ville. Il avait fait exécuter un magnifique manuscrit
qui, acheté par A.-F. Didot, en 1861, et revendu à la
ville de Paris, a été brûlé, dit-on, en 1871.
Parmi les autres membres de la famille Jouvenel, on
remarque encore trois autres enfants de Jean P^, c.-à-d.
Louis Jouvenel, chevalier, qui s'illustra, en 1420, à la
défense de Melun, où il fut pris, et qui devint plus tard
bailli de Troyes; Michel Jouvenel, qui fut également bailli
de Troyes et eut de nombreux descendants"; enfin Maine
Jouvenel (1399-1479), qui fut religieuse et prieure de
ï^oissy. E. CosNEÂU.
BiBL. : Les chroniqueurs de l'époque, surtout Jean Jou-
venel et le Religieux de Saint-Denis. — U. Cheva-
lier, Rép. des sources hist. du moyen âge, col. 1327 et
2701. —Anselme, II, 45, 46, VI, 401 et suiv. — Gallia
Ctirist., I, II, IV, IX, X. — Vaesen, Lettres de Louis XL
— P.-L. Pechenard, Jean Juvénal des Ursins, historien
de Charles Vil, Paris, 1876, in-8. -~ De Beaucourt, Hist.
de Charles Vil, p. 557. — L. Batiffol, Jean Jouvenel,
prévôt des marchands de Paris; Paris, 1894, in-8. — Pièces
originales, vol. 1593, à la Bibl. nat.
JOUVENET (Jean), dit le Grand, célèbre peintre fran-
çais, né à Rouen en <*vr. 1644 (et non le 21 août 1647),
mort à Paris le ^ avr. 1717. Il appartenait à une famille
d'artistes re>nuntant à Jean Jouvenet, dit le Vieux, présumé
d'origino Italienne, du nom de Giovinetto, qui était venu
se fixer à Rouen vers le milieu du xvi« siècle et fut peintre
et sculpteur. Le fils de celui-ci, Laurent le Vieux (mort à
Rouen en 1616), aussi peintre et sculpteur, fut père de
Noël le Vieux (mort à Rouen en 1675), le premier maître,
dit-on, du Poussin, et qui eut trois fils : Laurentlehane,
Jean et Noël, tous maîtres peintres-sculpteurs. Laurent
(1609-81) fut le père et le premier maître du grand Jou-
venet, qui devint ensuite élève spirituel du puissant Cil. Le-
brun, avec lequel il travailla aux peintures de Versailles,
de 1661 à 1680. Il se dépouilla peu à peu des influences
de son entourage emphatique et, vers 1672, il commença
à donner la mesure de son originalité et de son style per-
sonnel, tout en imitant la manière du Poussin. Le tableau
de Mai, la Guérison du Paralytique (à Notre-Dame de
Paris), exécuté en 1673, pour la communauté des orfèvres
de Paris, assura la réputation du jeune artiste. Membre de
l'Académie le 29 mars 1675, adjoint à professeur le 3 juil.
1676, professeur le 29 nov. 1681, adjoint à recteur le
24 juil. 1702, directeur le 30 juin 1705, il devint recteur
le 31 déc. 1707. Son morceau de réception à l'Académie :
Esther tombant évanouie devant Assuérus, avait fait
une grande sensation à l'époque. Une rare fécondité et le
développement continuel de son talent le placèrent à la
tête de l'Ecole française après la mort de Lebrun. Peintre
d'histoire, il en traita tous les genres : sujets de mytholo-
gie, de l'Ancien et du Nouveau Testament, actes des^saints,
allégories, histoire ancienne et moderne, et portrait. La
vigueur, l'énergie, le mouvement, voilà ce qui caractérise
son talent ; c'est pourquoi il se plaisait dans les com-
positions vastes, dans les sujets grandioses et pathé-
tiques. Un heureux groupement de figures, une bonne en-
tente du clair-obscur rachètent le défaut de son coloris et
le manque de fraîcheur de carnation de ses personnages.
Sans avoir vu l'Italie, il off"re une étonnante parenté de
facture avec le Tintoret. Paralysé de la main droite en
1713, il finit par peindre non moins bien de la main gauche,
et ses derniers tableaux sont de 1716. Son œuvre est con*
JOUVENËT — JOUY
— 228
sid érable. Le musée du Louvre possède quatorze de ses \
toiles, parmi lesquelles les plus remarquables sont : la
Descente de croix, les Vendeurs chassés du Temple, le
Repas chez Simon, la RésuiTection de Lazare, la Pêche
miraculeuse. Il faut encore citer : la Visitation, à Notre-
Dame de Paris ; la Mort de saint François et le Triomphe
de la justice, à Rouen ; Jésus au jardin des Olivieis,
à la cathédrale d'Orléans. L'église des Invalides possède
de lui une fresque : les Douze Apôtres, Tous les grands
graveurs du temps se sont disputé l'honneur de reproduire
ses chefs-d'œuvre, mais celui qui rendit le mieux ses qua-
lités est Gaspard Duchange. Parmi ses meilleurs élèves
figurent son neveu Jean Restout (V. ce nom) et son propre
frère François Jouvenet (1664 ou 4665-1749) qui fut
peintre du roi, membre de l'Académie en 1701 et portrai-
tiste de valeur. G. Pawlowski.
BiBL. : F.-N. Leroy, Hist. de Jouvenet ; Caen, 1860, in-8.
JOUX (Fort de). Fort situé dans le dép. du Doubs sur le
territoire delà com. de Cluse-et-Mijoux, à 940m. au-des-
sus de la rive droite du Doubs ; il commande la cluse où
se réunissent les routes de Neuchâtel, d'Yverdon et de Lau-
sanne et les voies ferrées de Neuchâtel et de Lausanne,
c.~à-d. les communications de Pontarlier avec la Suisse.
Dès le X® siècle un château s'élevait sur ce point ; il appar-
tenait, en 1476, à Charles le Téméraire et fut livré parle
sire d'Arlon à Louis XI. En 1507, les Francs-Comtois
réussirent à le reprendre. En 1639, il fut pris après
quinze jours de tranchée ouverte par Bernard de Saxe-
Weimar; en 4668, il fut acquis à la France, grâce à l'ha-
bileté de Watteville, mais bientôt restitué au roi d'Espagne
et ne redevint français que dix ans plus tard, au traité de
Nimègue. Bombardé par les Autrichiens le 1^^ janv. 1814,
il capitula le 17 ; l'année suivante il fut glorieusement dé-
fendu par le commandant Hivel. En 1871, il servit à cou-
vrir la retraite en Suisse de la malheureuse armée de l'Est.
Inutile de dire que sans cesse accommodé aux nouvelles
exigences militaires, le fort n'a rien conservé de l'ancien
château ; il a été en particulier complètement transformé
depuis 1871. Le fort de Joux a souvent servi de prison
d'Etat ; parmi les prisonniers de marque qui y séjourné-
rent, il faut citer Mirabeau qui s'en évada en 1776,
Toussaint-Louverture qui y mourut, le marquis de Rivière,
le général Dupont, le cardinal Cavalchini, etc.
JOUX. Vallée du Jura franco-suisse qui s'étend de la
frontière française (dép. du Jura), dans la direction du
S.-O. au N.-E., sur une longueur de 30 kil. environ, entre
deux chaînons du Jura, dont les principales sommités sont
le Risoux, la Dent de Vaulion et le mont Tendre. L'Orbe,
qui sort du lac des Rousses, dans la partie française de la
vallée, arrose cette contrée. On y remarque trois lacs,
tous trois très poissonneux, dont le plus grand est le lac
de Joux. La population s'adonne à l'agriculture (fabrica-
tion de fromage) et à l'horlogerie fine et de précision. Le
Brassus, le Sentier, le Lieu sont les localités les plus
importantes de la vallée. D'^ Go bat,
JOUX.Com. du dép. du Rhône, arr. de Villefranche-sur-
Saône, cant. de Tarare ; 1 ,046 hab. Fabrique de mousselines.
JOUX-LA-ViLLE. Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'A val-
lon, cant. de L'Isle-sur-Serein ; 917 hab.
JOUY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Soissons, cant.
deVailly; 175 hab.
JOUY. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. et cant. de
Chartres ; 265 hab. Stat. du chem. de fer de Paris à Brest.
JOUY. Com. du dép. de la Marne, arr. de Reims, cant.
de Ville-en-Tardenois ; 174 hab.
JOUY. Com. du dép. de F Yonne, arr. de Sens, cant.
de Chéroy ; 386 hab.
JOUY-DEVANT-DoMBASLE. Com. du dép. de la Meuse,
arr. de Verdun-sur-Meuse, cant. de Clermont-en-Argonne ;
482 hab.
JOUY-EN-JosAS. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. et
cant. de Versailles; 4,358 hab. Stai. du chem. de fer de
la Grande-Ceinture. L'église a conservé, à l'entrée du
chœur, quelques fragments du xiii^ siècle, respectés lors
de la reconstruction qui eut lieu au commencement du
XVI® siècle. C'est à Jouy qu'Oberkampf avait fondé, en 4759,
une fabrique de toiles peintes qui eut alors une vogue
considérable.
BiBL.: L'abbé Lebeuf, Hist. de la ville et du diocèse de
Paris, t. III, p. 263-271 de Téd. de 1883. — De Guilhermy,
Inscriptions de l'ancien diocèse de Paris, t. III, p. 255-268.
JOUY-EN-PiTHivERAis. Com. du dép. du Loiret, arr. de
Pithiviers, cant. d'Outarville ; 370 hab.
JOUY-le-Châtel. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr.
de Provins, cant. deNangis ; 4,356 hab. Fabrique d'ins-
truments aratoires. Donjon du xiii® siècle, faisant partie
du château actuel de Vigneaux. — La forêt de Jouy, au
S.-E. de cette commune, tire son nom de Jouy-FAbbaye,
ancien monastère de cisterciens, aujourd'hui en ruine.
JOUY-le-Comte (V. Parmain).
JOUY-LE-MoûTiER. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
Église de Jouy-le-Moûtier, d'après une photographie.
et cant. de Pontoise, sur une colline dominant la rive
droite de FOise ; 669 hab. Eglise des xi^ et xii« siècles.
JOUY-LE-PoTiER. Com. du dép. du Loiret, arr. d'Or-
léans, cant. de Cléry; 823 hab.
JOUY-Mau VOISIN. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Mantes, cant. de Bonnières ; 80 hab.
JOUY-sous-LEs-CôTEs. Com. du dép. de la Meuse, arr.
et cant. de Commercy ; 712 hab.
JOUY-sous-Thelle. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. d'Auneuil ; 648 hab .
JOUY-sur-Eure. Com. du dép. de l'Eure, arr. et cant.
d'Evreux ; 390 hab. Stat. de chem. de fer, dite Jouy-
Cocherel, de Dreux à Elbeuf.
JOUY-suR-MoRiN. Com. du dép. de Seine-et-Marne,
arr. de Coulommiers, cant. de La Ferté- Gaucher ; 1,845
hab. Papeteries.
JOUY (Victor-Joseph Etienne, dit de), littérateur fran-
çais, né à Jouy-en-Josas (Seine-et-Oise) le 42 sept. 4764,
mort à Saint-Germain-en-Laye le 4 sept. 4846. Il achevait
à peine ses études dans un pensionnat de Versailles, qu'il
fut embarqué, dès l'âge de dix-sept ans, pour la Guyane
française, mais promptement rapatrié. En 4787, il repartit
comme sous-lieutenant d'artillerie pour les Indes orientales
et revint, en 4790, en France, où il collabora, selon Bar-
bier, au Paquebot ou Rencontre des courriers de Londres
et de Paris (4®^ janv.-34 août 4794, in-4), rentra au
service avec le grade de capitaine, reçut celui d'adjudant
général après la prise de Fumes ; mais, suspecté d'opinions
royalistes, passa en Suisse et ne reparut qu'après le 9 ther-
midor. Chef d'état-major de l'armée de Paris sous les
ordres du général Menou, il fut arrêté après le 43 vendé-
miaire, relâché au bout de quinze jours, emprisonné de
nouveau sous prétexte de relations avec lord Malmesbury,
et enfin mis à la retraite sur sa demande, en 4797. Chef
des bureaux de la préfecture de la Dyle sous l'administra-
tion de Pontécoulant, il accepta, en 4810, le poste et les
émoluments de censeur. Un moment maire de Paris après
les journées de 4830, il fut nommé conservateur de la
— mi -»
LIGNE
et symétriques. •— Ligne primitive (V. Embryon). —
Ligne semi-lunaire de Spigel : ligne cintrée correspon-
dant à Finsertion des fibres musculaires du transverse
de l'abdomen sur Taponéyrose de ce muscle. — Lignes
semi-lunaires de Douglas : rebord semi-circulaire par
lequel se termine, entre Fombilic et le pubis, ie feuillet
postérieur de la gaine du grand droit de Fabdomen. A ce
niveau, ce rebord adhère fortement au fascia transversa-
lis et au péritoine. Ch. Debierre^
VI . Marine. — Nous avons dit que tout cordage employé
dans la marine était confectionné avec du fil de caret
(V. ce mot) devant avoir 8 à 9 millim. de circonférence,
et 60 hélices par mètre. La ligne est le plus petit cordage
employé. Elle est confectionnée avec six fils, sert à faire
les amarrages fixes, empointures d'envergure, araignées
de hamac, et se subdivise en grosse, moyenne, fine.
Ligne de flottaison (V. Flottaison),
Ligne de foi. — C'est une ligne noire tracée verticale-
ment à l'intérieur de la cuvette du compas de route, devant
la tranche de la rose.^ Le rayon de la rose qui aboutit à
cette ligne doit être rigoureusement parallèle à Faxe lon-
gitudinal, c.-à~d. à la quille du navire. Pour maintenir le
cap d'un navire suivant nn air de vent déterminé, il sufîit
de maintenir constamment la ligne de foi elle-même dans
le prolongement du rayon de la rose correspondant à cet
air. -—On appelle mssi ligne de /b^, dans les instruments
circulaires de mathématiques et d'astronomie, une ligne ima-
ginaire qui passe par le centre de l'instrument et par le fil
de Falidade.
Ligne de loch (V. Loch).
VIL Art militaire. — C'est en général la disposition de
troupes placées sur le même alignement, la direcîion géné-
rale de leur position, mais le mot s'emploie plus particu-
lièrement dans ia sens de ligne de bataille ou ligne de
combat^ désignée actuellement sous le nom de ligne dé-
ployée. La phalange simple des Grecs était une ligne pleine
ou muraille. La légion romaine fut d'abord une ligne
pleine, avant d'en disposer les cohortes sur une ligne tant
pleine que vide. — Nous considérerons la ligne comme
l'ensemble d'une troupe dont les éléments sont disposés les
uns à côté des autres, soit déployés, soit en colonnes, avec
ou sans intervalles, d'où deux espèces de lignes : la ligne
déployée et la ligne de colonnes.
Infanterie. —- Dans la ligne déployée, toutes les frac-
tions sont placées Fune à côté de l'autre, les hommes
étant séparés par 0"^15 dans chaque file ; les compagnies
à six pas et les bataillons à trente pas les uns des autres.
Cette ligne, qui prend aussi le nom de ligne de combat,
est peu vulnérable à l'artillerie et donne le maximum des
feox lorsqu'elle est pleine. Mais elle ne se prête guère à la
marche, reste par conséquent exposée aux coups, ne peut
donner un choc sans être renforcée, et les hommes ne sont
pas bien en main. — La ligne de colonnes est formée par
un certain nombre de fractions ou colonnes placées sur un
môme alignement et séparées par un intervalle. Dans la
ligne de colonnes de compagnie, les compagnies, en co-
lonnes de compagnie et ayant leur section de tête sur le
même alignement, sont séparées l'une de Fautre, soit par
Fintervalie de déploiement (formation exceptionnelle de
manoeuvre), soit par un intervalle de vingt -quatre pas
(formation de manœuvre et de revue), soit par un inter-
valle de six pas (formation de rassemblement). Dans la
ligne de colonnes doubles^ les bataillons en colonnes
doubles sont séparés par un intervalle de trente pas et
dans la ligne de bataillons en masse^ les bataillons en
masse sont formés sur une seule ligne, séparés par des in-
tervalles de trente pas : ce sont des formations de rassem-
blement. La ligne de colonnes de compagnie, très mobile,
est plus difiicile à conduire et occupe plus de terrain que
la colonne double, qui est bien en main et contient en
germe la formation de combat. C'est la ligne de bataillons
en masse qui occupe le moins de place, mais elle est peu
mobile et elle exige le plus de temps pour passer à la for-
mation de combat. En résumé, si la ligne de colonnes est
plus vulnérable que la ligne déployée et si elle ne peut
fournir que peu de feux, elle se prête beaucoup mieux à
la marche et elle permet un déploiement rapide avec des
unités suffisamment petites dans chaque colonne. Les deux
espèces de lignes présentant des avantages et des inconvé-
nients, on a été amené logiquement à prendre une forma-
tion mixte entre la ligne et la colonne : la li|ne déployée a
été rendue mobile en laissant les hommes qui la composent
se mouvoir isolément (tirailleurs) tout en préparant l'at-
taque par leurs feux dans la marche en avant, tandis que
c'est une ligne de colonnes qui, constituant Forgane de
choc, est chargée de donner Fassaut et d'enlever la posi-
tion. Mais l'expérience des dernières guerres a condamné
cette formation. On a fait de la ligne de tirailleurs, de l'or-
gane de préparation, la ligne même de combat après que
la ligne des soutiens est venue s'y fondre. Dans l'échelon-
nement en profondeur, les échelons du régiment ou de la
brigade se nomment lignes, une ligne étant constituée par
l'ensemble des bataillons disposés l'un à côté de l'autre et
ayant un rôle commun. Les deux premières lignes sont
destinées à entamer et à poursuivre le combat, la troisième
à l'achever. Chaque ligne doit réglementairement être se-*
parée d'une autre par une distance de 300 à 600 m., pour
permettre aux troupes de se soutenir à temps et de ne pas
se confondre.
Cavalerie. — La ligne déployée, ou formation en ba-
taille, est la formation de combat de la cavalerie ; elle est
aussi employée pour stationner en terrain découvert sous
le feu de l'artillerie et pour bivouaquer. Le peloton en ba-
taille, sur 6 m. de profondeur, est sur deux rangs à ^^^0
de distance l'un de Fautre, avec un front de 4 m. par file.
Dans l'escadron en bataille, les pelotons sont accolés sans
intervalle. On laisse 12 m. d'intervalle entre les escadrons
d'un régiment, et 24 m. entre les régiments d'une bri-
gade. — La ligne de colonnes est formée d'escadrons en
colonnes de pelotons, séparés par des intervalles de dé-^
ploiement; en réduisant ces intervalles à 42 m., on obtient
la masse. Dans le combat de cavalerie contre cavalerie, la
division se forme sur trois lignes, en échelons se débor-^
dant : la première ou ligne d'attaque se forme en ligne de
masses ou, si l'ennemi est proche, en ligne de colonnes ;
la deuxième ou de manœuvre, à 200 ou 300 m. en arrière
de la première du côté oh il en est besoin, se forme le
plus souvent en ligne de masses et quelquefois en ligne de
colonnes ; la troisième constitue la réserve ; elle est à 300
ou 400 m. de la première, du côté opposé à la deuxième,
en se formant en colonne ou en ligne de masses.
Artillerie. — - Dans l'ordre en bataille, les trois sec-
tions sont placées sur une même ligne à 43 m. d'intervalle.
Dans l'ordre en batterie, les trois sections sont placées sur
le même alignement, en formation de batterie, ayant
entre elles les mêmes intervalles que pour la formation en
bataille. — Dans la formation de rassemblement avec ma-
tériel, la batterie se forme généralement sur quatre lignes :
la première comprend les pièces, la deuxième les six pre-
miers caissons, la troisième les trois derniers caissons, le
chariot de batterie et la forge, la quatrième ou train régi-
mentaire, les fourgons et la fourragère. Pour l'école de
groupe, les trois batteries sont déployées en bataille sur la
même ligne, séparées normalement par un intervalle de
26 m. ; elles peuvent être également formées en échelon,
c.-à-d. les batteries placées en retraite Fune par rapport à
Fautre. En ligne de colonnes, les trois batteries en colonnes
par sections sont séparées par un intervalle leur permettant
de se déployer (86 m.). L'ordre en masse est la ligne de
colonnes à intervalles de 26 m. L'ordre en bataille, rigide
et peu maniable, est une formation de revue, qui peut être
prise aussi lorsqu'il s'agit d'aborder ou de quitter une po-
sition sous le feu de Fennemi. La ligne de colonnes, plus
souple, permet de faire avancer ou reculer une ligne dé-
ployée dans les terrains coupés ou au milieu d'autres
troupes. La masse est la formation de manœuvre la plus
LIGNE
— 228
maniable du groupe et que l'on emploie en principe quand
il n'y a pas danger à accumuler les troupes sur un espace
restreint.
Lignes de défense. — Formées par les obstacles de
terrain derrière lesquels une armée organise sa résistance,
elles couvrent le pays contre une invasion ; elles servent à
protéger le front d'une position, à assurer une retraite, à
augmenter en un mot les chances favorables d'une armée.
D'après le général Derrécagaix, une bonne ligne de défense
doit avoir ses flancs assez couverts pour être à l'abri des
mouvements tournants ; elle doit aussi avoir son front
protégé par un obstacle d'un accès difficile, et sur ses der-
rières des routes de retraites défendues par des positions
de seconde ligne.
LiCxNE d'opérations. -— C'est la direction générale que
suit une armée pour se rendre de sa base à son objectif.
Une armée ne pouvant marcher sur une seule route, la
ligne d'opérations est en réalité une zone traversée par un
faisceau de voies sensiblement parallèles, assez rapprochées
pour que les colonnes qui les suivent puissent se prêter un
mutuel concours, assez éloignées pour que ces colonnes
puissent cantonner et vivre. Le choix d'Une ligne d'opéra-
tions a une grande importance, non seulement parce qu'elle
doit conduire l'armée à la rencontre de l'ennemi, mais en-
core parce que c'est par cette ligne que l'armée reçoit ses
renforts et ses ravitaillements de toute nature et qu'elle
reste en communication constante avec le pays, sur lequel
elle peut ainsi évacuer ses blessés, ses malades et ses pri-
sonniers. Une armée peut n'avoir qu'une seule ligne
d'opérations, ou en utiliser plusieurs. Dans ce dernier cas,
s'il est possible d'arriver à l'enveloppement tactique de
l'ennemi, on facilite à ce dernier l'usage d'une ligne inté-
rieure lui permettant d'écraser successivement les colonnes
divisées. Le général Derrécagaix résume comme il suit les
règles les plus importantes relatives aux lignes d'opérations :
1° le choix de ces lignes a pour but de diriger, sur les points
décisifs, une masse plus forte que l'ennemi ; 2** ce choix
dépend de la direction des bases, de la configuration du
terrain et des emplacements de l'ennemi ; 3^ les lignes
d'opérations simples et intérieures sont toujours les meil-
leures ; 4<* les plus avantageuses sont celles qui conduisent
une armée sur les communications de l'ennemi sans com-
promettre les siennes.
Lignes- MANŒUVRES. — Ces lignes, qui constituent l'en-
semble des directions qu'une armée projette de suivre
pour aborder l'objectif qu'elle a en vue, se confondent
avec les lignes d'opérations si l'on ne considère que leur
direction générale. Mais elles s'en distinguent si l'on tient
compte de l'action isolée de chacune des masses de l'ar-
mée, lesquelles, tout en conservant une ligne d'opérations
commune, conservent dans leurs mouvements des direc-
tions différentes pour aborder l'objectif. Ces lignes sont
simples, lorsque l'armée restant concentrée n'emploie
qu'une ligne d'opérations pour un même objectif de ma-
nœuvre. Elles sont doubles ou multiples lorsque, sur un
même théâtre d'opérations, une armée gagne l'objectif final
en poursuivant simultanément plusieurs objectifs de ma-
nœuvres éloignés l'un de l'autre, ou lorsqu'elle se frac-
tionne pour atteindre l'objectif suivant des directions dis-
tinctes. L'emploi des lignes simples est plus sûr que celui
des lignes multiples, auxquelles on n'a recours que con-
traint par les circonstances. Les lignes multiples sont
parallèles^ divergentes ou convergentes. Parallèles,
elles augmentent considérablement le front stratégique, de
sorte qu'elles sont rarement employées par une armée
unique, sauf le cas des nécessités de la subsistance. Diver-
gentes, elles présentent l'inconvénient grave de laisser
prise à la destruction complète d'une des colonnes, qui
peut n'être pas secourue à temps, lorsque les divers fronts
d'opérations sont trop éloignés du point de départ commun.
Mais elles sont souvent employées sans risque au début
d'une campagne ou après une victoire décisive. Les lignes
convergentes présentent de réels avantages dans l'offensive,
mais leur emploi est dangereux en principe ; pourtant ce
danger diminue avec les progrès des colonnes dont l'isole-
ment se restreint de jour en jour. Enfin, par rapport aux
lignes de l'ennemi, les lignes-manœuvres peuvent être in-
térieures ou extérieures. « Les lignes intérieures sont
celles qu'une armée forme pour s'opposer à plusieurs lignes
de l'ennemi, mais auxquelles on donne une direction telle
qu'on puisse rapprocher les différents corps et lier leurs
mouvements avant que l'ennemi ait la possibilité de leur
opposer une plus grande masse. Les lignes extérieures
sont celles qu'une armée formera en même temps sur les
deux extrémités d'une ou plusieurs lignes ennemies. »
(Jomini.) D'une manière générale, chacune des lignes présente
des avantages et des inconvénients qui lui sont propres, et
leur emploi dépend des circonstances, des effectifs, des com-
binaisons, des conditions générales et particulières, mais
c'est surtout par la manière de les concevoir et d'en assurer
l'exécution qu'on assurera le succès de leur emploi.
Ligne de FORTiFicATroN. — L'organisation défensive de
toute position comporte l'établissement d'une ou de plusieurs
lignes de retranchement. Une ligne de retranchement, ou
plus simplement une ligne, est constituée par l'ensemble des
obstacles naturels et des retranchements artificiels que l'on
a disposés de manière à renforcer une position d'une cer-
taine étendue, occupée par une ligne de troupes. Les lignes
sont généralement composées d'ouvrages, tels que redans,
lunettes ou redoutes, réunies par des crêtes droites ou
brisées qu'on nomme courtines, Une ligne de fortification
doit, en principe, satisfaire aux règles générales suivantes :
i^ son développement doit être proportionné à l'effectif
des défenseurs, en ayant soin également de n'entreprendre
que les travaux dont on peut venir à bout avec les res-
sources et le temps dont on dispose ; 2° le tracé est à
déterminer de telle sorte que les abords soient bien battus,
en faisant suivre aux lignes la crête militaire (V. ce
mot) et en dégageant le champ de tir en avant d'elles, de
manière à permettre aux défenseurs d'utiliser la puissance
du feu, au moins dans la limite de son action la plus effi-
cace; 3° les différentes parties doivent être disposées en
vue de leur soutien réciproque, c.-à-d. être reliées par de
bonnes communications et se flanquer mutuellement ;
'i^ leurs extrémités doivent être bien appuyées, au besoin
par de solides ouvrages fermés, afin qu'elles ne puissent
être tournées ; 5« les ouvrages, dissimulés, autant que
possible, aux vues ennemies, doivent être à l'abri d'une
attaque latérale ou de revers et avoir un profil tel que les
défenseurs soient à l'abri des projectiles ; 6» elle doit im-
poser à l'ennemi des points d'attaque, de façon à enlever
à celui-ci l'initiative et à le forcer à aborder les points
d'attaque que le défenseur aura choisis et renforcés, c.-à-d.
les saillants, établis aux points où l'accès est le plus difii-
cile et bien battu.
On distingue deux sortes de lignes : 1** les lignes con-^
tinues, ne présentant que de faibles intervalles qui ne se
prêtent qu'aux contre-attaques, de sorte qu'on n'emploie
ces lignes que lorsqu'on ne peut ou ne veut pas prendre
l'offensive ; 2<* les lignes à intervalles ou discontinues,
dont les intervalles sont assez considérables pour permettre
de prendre l'offensive. Pour un même front, elles sont
moins longues à organiser que les lignes continues.
Lignes continues. — Avec ces lignes, la position est
couverte sur tout son tracé soit par un obstacle, soit par
des feux de front ou de flanc de mousqueterie ; elles pré-
sentent ainsi en tous les points un obstacle permettant
d'arrêter l'ennemi. Mais elles ont l'inconvénient d'être éga-
leinent faibles partout et de tomber entièrement au pou-
voir de l'assaillant dès qu'elles ont été forcées en un point,
ce qui, joint aux inconvénients signalés plus haut, en
restreint l'emploi à des cas très particuliers, par exemple
l'investissement d'une place forte dont on est contraint de
faire le siège régulier, ou la protection du débarquement
ou de l'embarquement d'une armée arrivant ou battant en
retraite par voie de mer.
— n9
LIGNE
Les tracés de ce genre les plus employés sont : d <* la
ligne à redans (fig. 1), dans laquelle la faiblesse des
redans cause de l'indécision sur les points d'attaque pro-
V-V-
Sûû &Sûû^'^^.
Fis. 1.
bables; de plus, les secteurs correspondant aux angles
saillants des redans sont privés de feux ; 2° la ligne à
demi-redoutes (fig. 2), réduisant les secteurs privés de
_j i
j \_
Fig. 2.
feux; 3° la ligne tenaillée, qui supprime les angles
morts et permet de bien battre les abords, mais dont la
longueur des faces rend celles-ci enfilables et augmente la
profondeur de la ligne ; en outre, tous les saillants étant
égaux peuvent également servir de points d'attaque à l'en-
nemi ; 4° la ligne tenaillée à redans (fig. 3) supprime ce
Fig. 3.
dernier inconvénient, mais, par contre, les saillants dispa-
raissent presque complètement, et il en résuite de l'indéci-
sion sur les points d'attaque probables; on peut l'employer
pour franchir de profondes vallées, et alors les longues
faces doivent être refusées sur le tracé général ; 5*^ la
ligne à crémaillères (fig. 4), sorte de ligne tenaillée avec
"L
Fig. 4.
de grandes faces à peu près parallèles et de petits flancs ;
ce tracé, facilement enfilable, fait, en outre, disparaître
les saillants; pour atténuer ces inconvénients, on brise
quelques faces et Ton obtient le tracé tenaillé à cré-
maillères (fig. 5) ; il peut être employé utilement sur une
Fig. 5.
pente (fig. 6), en ayant soin de refuser le tracé général
vers la vallée et de tourner les flancs du côté de l'attaque ;
6^ la ligne hastionnée, indiquée ici seulement pour mé-
moire, car le grand travail qu'exige sa construction en
consistent en une série de bastions ou lunettes (fig. 7) y
occupés par l'infanterie, avec courtines brisées, suivant là
direction des faces des bastions et occupées |)ar l'artillerie.
Des passages de 10 m., laissés entre les flancs et l'extré-
mité de la courtine, étaient évidemment insufiîsants pour
-'li
^''^îirîî'f^^î^
Fig. .7.
Fig. 6.
rend l'emploi très rare ; 7° les lignes du général Rognât,
que l'on classe généralement à tort parmi les lignes dis-
continues, car les intervalles existant entre lesfdîvers ou-
vrages sont trop faibles pour permettre^J'offensive. Elles
sortir en ordre déployé. Elles ont les inconvénients des
lignes bastionnées.
Comme on a pu le voir, l'organisation des lignes conti-^
nues consiste essentiellement : i^ en ouvrages simples aux
saillants et distants de 300 à 600 m. au plus, afin de
pouvoir se prêter un appui efficace ; 2** en branches ou
courtines reliant ces saillants et pouvant présenter des
coupures pour les contre-attaques. Les parties des ouvrages
servant au flanquement des courtines et des ouvrages voi-
sins ne doivent pas dépasser 60 m. pour éviter l'enfilade;
en outre, elles ne doivent pas former avec les courtines des
angles supérieurs à 120°, pour rendre le flanquement
efficace.
Lignes nrscoNTrNOES. — Les lignes à intervalles peu-
vent être considérées comme des lignes continues dans les-
quelles on a conservé les saillants et supprimé tout ou partie
des courtines. Les^ ouvrages placés aux saillants doivent
être disposés non seulement de manière à se prêter un mu-
tuel appui, mais encore à bien battre le terrain situé en
avant d'eux et celui qui les sépare, en croisant leurs feux.
Ces lignes se divisent en deux groupes :1** les lignes d'ou-
vrages; 2<^ les lignes de groupes d'ouvrages.
Lignes d^ouvrages. Dans ces lignes, les saillants sont
formés par des ouvrages simples (ouverts, mi-fermés ou
fermés, suivant les cas), séparés par des distances né dé-
passant pas la bonne portée delà mousqueterie (500 m.),
ou par des intervalles ne dépassant pas la bonne portée de
l'artillerie (2,500 m.). Dans le premier cas, il suffit d'éta-
blir les ouvrages de façon qu'ils flanquent mutuellement.
Mais si le flanquement est très bien assuré, le nombre trop
considérable des saillants rendra Indécis sur les points
d'attaque probables, et les intervalles un peu restreints ne
se prêteront pas toujours bien à l'offensive. Aussi ne faut-
il employer des< lignes de ce genre que lorsque le terrain
exigera un grand nombre de saillants, ou quand les inter-
valles restreints seront suffisants pour l'effectif des troupes
prenant l'offensive.
Avec des intervalles supérieurs à la bonne portée de
mousqueterie, les ouvrages des saillants les plus voisins
ne pouvant plus se flanquer réciproquement devront être
organisés très solidement de manière à pouvoir se suffire a
eux-mêmes, c.-à-d. qu'ils seront en général fermés. Des
batteries d'artillerie sont disposées vers le flanc des ou-
vrages pour assurer le flanquement réciproque de ceux-ci,
en même temps que d'autres batteries sont établies vers le
milieu des intervalles et un peu en arrière pour bien battre
les intervalles. On peut aussi, pour supprimer les batte-
ries de flanquement, protéger les batteries du centre par
des soutiens d'infanterie S (fig. 8), en constituant ainsi
c:^^.
DiMance- stqieHewe à. 1000^
^_
j::^
sis
Fig. 8.
une sorte de courtine. Les lignes du général dePidolU
employées par les Autrichiens à Sadowa (ôg. .9), exigent
trop de travail et de défenseurs, 'et on y a renoiicé, ainsi
LIGNE
-.^30 ~
qu'aux lignes du général Brialmont^ dans lesquelles les
lunettes des saillants sont remplacées par des demi-re-
doutes. Avec ces lignes, le nombre des saillants est res-
treint et l'offensive est facilitée, mais les points d'appui
sont en généraUnsuffisants pour résister seuls, et ils cons-
Fig. 9.
tituent de vrais nids à projectiles, que Ton devra presque
toujours évacuer pendant le combat d'artillerie, sans être
sûr de pouvoir les réoccuper à temps pour la lutte rappro-
chée. Pourtant le temps disponible ou les conditions de ter-
rain pourront en imposer l'emploi, qui est également indi-?
que pour les positions de deuxième ligne.
Lignes de groupes d'ouvrages. Pour éviter les incon-
vénients qui viennent d'être indiqués, on a remplacé dans
les lignes ci-dessus les ouvrages par des groupes d'ou-
vrages, à défaut d'obstacles naturels (fig. 10). Les groupes
iruxccurvajrLi
cP:i \ c^
\
^
Fig. 10.
d'ouvrages, séparés par des distances ne dépassant pas
2,500 m., sont formés d'ouvrages espacés d'environ 300 m,
et reliés par des tranchées-abris. Des batteries placées vers
les flancs des groupes assurent leur flanquement réciproque.
De 200 à 400 m. en arrière du centre des intervalles, on
dispose de fortes batteries, protégées par des soutiens d'in-
fanterie, pour assurer des feux de front. Des tranchées,
établies dans les intervalles ou sur les flancs, permettent
à l'infanterie de soutenir les groupes d'ouvrages. L'ou-
vrage de bataillon peut constituer au besoin un groupe
d'ouvrages, comme l'indique la figure il, — Ces lignes
^..C^-n-^-^Î?^"
300':-
2^ Comjumme
e ibo ^
^_75^^
r
U^ CaTïLjtaffnjœ.
Fig. 11.
A
présentent une grande force de résistance et leurs points
d'appui peuvent se suffire à eux-mêmes* En outre, l'artil-
lerie de l'attaque sera obligée de répartir ses coups sur une
plus grande étendue de crête.
Emploi des lignes en terrain varié. Il est bien en-
tendu que les tracés théoriques indiqués plus haut s'ap-
pliquent à un terrain horizontal, mais que, dans la réalité,
il y aura lieu de les adapter aux différents terrains qui se
présentent. La condition essentielle est de faire encore aux
lignes une crête militaire, à moins qu'un obstacle naturel
n'oblige à modifier ieu^ tracé ; il faut donc, pour appro-
prier ces tracés à V organisation défensive (V. ce mot)
des divei^s accidents qu'on rencontre sur les champs de
bataille, bien titiliiser les formes du terrain et bien battre
fé terrain en avant.
Lignes de circonvallation et de contrevallation
(V. Blocus).
Ligne de défense. — Ligne d'un bastion dont la direc-
tion est déterminée par la face du bastion prolongée jus-
qu'à la courtine et va généralement aboutir au sommet de
l'angle rentrant du bastion voisin ; sa longueur est déter-
minée par la condition de réaliser le flanquement efiîcace
de l'autre extrémité par la bonne portée du fusil (500 à
600 m.).
On donne encore le nom de lignes de défense à l'en-
semble des forts ou ouvrages disposés pour l'organisation
défensive des forteresses (V. ce mot).
Ligne de moindre résistance (V. Fourneau de mine).
Ligne d'investissement (V. Investissement).
¥111. Pêche (V. Pêche).
BiBL. : Typographie.— Théotiste Lefèvre, Guide pra-
tique du compositeur et de l'imprimeur; Paris, 1883.
LIGNÉ. Com. du dép. de la Charente, arr. de Ruffec,
cant. d'Aigre; 431 hab.
LIGNÉ. Ch.-l. de cant. du dép. de la Loire-Inférieure,
arr. d'Ancenis; 2,719 hab. Stat. du chem. de fer de
l'Ouest, ligne de Segré à Nantes.
LIGNE. Famille princière de Belgique qui figure depuis
le XI® siècle dans la noblesse du Hainaut. Elle est origi-
naire du village de Ligne, situé sur la chaussée romaine
de Bavai à Gand. Héribrand et Walter de Ligne sont
cités dès 1073. On trouve des représentants de cette race
mêlés à tous les événements de l'histoire politique et mili-
taire de la Belgique depuis trente générations. En 1513,
les seigneurs de Ligne furent créés princes de Mortagne
par Charles-Quint, et, en 1532, comtes de Fauquemberghe.
En 1543, l'empereur érigea la seigneurie de Ligne en
comté. Les titres s'accumulèrent ensuite : en 1592, celui
de prince d'Epinoy; en 1601, celui de prince du Saint-
Empire; en 1602, la grandesse d'Espagne ; en 1608, celui
de prince d'Amblise, etc. Les armoiries des princes de
Ligne sont : d'or, a la bande de gueules; Vécu timbré
de la couronne de prince et posé sur un manteau semé
des émaux des armes, et doublé d'hermine. Devise :
Quo Tes cumque cadunt, semper stat linea recta. La
principale résidence des princes de Ligne est le château de
Belœil, près d'Ath. E. H.
LIGNE (Charles-Joseph, prince de), général et littéra-
teur belge, né à Bruxelles en 1735, mort à Vienne en
1814. Il se distinguai Breslau, à Leuthen et à Hœhkir-r
chen, oti il fut nommé colonel sur le champ de bataille,
et à Maxen. La valeur dont il fît preuve pendant la guerre
de Sept ans lui valut le grade de général. Après la paix,
il fut attaché à la cour de Vienne et y devint l'ami et le
conseiller de Joseph II. Il assista à la fameuse entrevue de
l'empereur avec le roi de Prusse en 1770, au camp de
Neustadt. Entré en possession d'une fortune immense, par
la mort de son père, il vécut avec une incroyable prodiga-
lité et donna des fêtes d'un faste inouï. En 1778, pendant
là guerre de succession de Bavière, il commanda l'avant-
garde de Laudon. La guerre terminée, le prince de Ligne
entreprit de grands voyages en Angleterre, en Allemagne,
en Italie, en Suisse, visita Ferney oti il fut reçu avec beau-
coup de distinction par Voltaire, en France où il vit la
cour et fréquenta tous les salons renommés du monde phi-
losophique. Son esprit brillant et son caractère aimable
lui valurent d'universelles sympathies. En 1782, il sut
conquérir les bonnes grâces de Catherine II qui lui conféra
le grade de feld-maréchal et le gratifia de terres en Crimée
quand il l'accompagna dans le célèbre voyage qu'elle y fit
avec sa cour. Il retourna à Saint-Pétersbourg en 1787
pour tâcher de contre-balancer auprès de la tsarine l'in-
fluence du marquis de Ségur, ambassadeur de France. En
1788, il partagea avec Laudon l'honneur de la prise de Bel-
grade. Pendant ce temps, les Belges s'étaient révoltés contre
la domination autrichienne et les chefs du mouvement pro-
posèrent au prince de Ligne de se mettre à leur tête. Il se
borna à les remercier en disant << qu'il ne se révoltait ja-
- 233 -
JUBAL — JUBILE
ments de musique, tandis qu'on rapporte à son frère Jabal
l'institution de la vie nomade et de l'élève des troupeaux et
à son autre frère Tubal-Caïn la découverte de l'art du for-
geron (Genèse, IV, 19-22). Il est intéressant qu'on fasse
naître les arts de la civilisation dans la descendance de
Caïn, meurtrier d'Abel ; mais un examen plus attentif fait
voir que l'on établissait la filiation de l'humanité primitive
d'Adam à Noé, tantôt par Caïn, tantôt par Seth, troisième
fils d'Adam. M. Vernes.
JUBAUDIÈRE. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr.
de Cholet, cant. de Beaupréau ; 684 hab.
JUBÉ. Clôture monumentale séparant le chœur et la nef
d'une église. Le jubé est une réunion et un développement
du chancel ou clôture du chœur, des ambons et de la
poutre de gloire {trabs doxalis) qui occupaient la limite
du chœur, réservé au clergé, et de la nef attribuée au
peuple. Le jubé se compose généralement d'un portique
dont les arcades laissent apercevoir le sanctuaire et sou-
tiennent une galerie ou tribune du haut des deux côtés
de laquelle l'Epître et l'Evangile se lisaient, comme au-
trefois dans les ambons. Sur le centre de la galerie
s'élève, comme sur la poutre, un crucifix souvent ac-
costé de statues (généralement la Vierge et saint Jean ;
parfois aussi les apôtres). Comme la poutre, également^ les
arcades du jubé ont servi à porter les draperies dont on
voilait le sanctuaire durant la semaine sainte. On accède
du chœur à la tribune par deux escaliers ménagés aux
extrémités du jubé. Le jubé devait toujours se relier à des
clôtures qui fermaient les arcades du chœur en l'isolant du
déambulatoire, et servaient d'appui aux stalles. Le jubé
ayant pour but d'isoler le clergé des fidèles et pour résultat
de priver plus ou moins ceux-ci de la vue de l'autel prin-
cipal, on adossa généralement aux parties latérales de cette
clôture deux autels pour l'usage du peuple, tandis qu'un
troisième se dressait souvent au-dessus de l'arcade prin-
cipale, aux pieds du crucifix.
Nous n'avons pas de jubés antérieurs au xm® siècle, bien
qu'on puisse en trouver des exemples de style roman dans
des pays où ce style a très longtemps persisté (église de
Sainte-Marie in valle^ près de Rosciolo, dans les Abruzzes).
Du xiii® siècle, on n'a plus en France que quelques très
beaux débris des bas-reliefs qui ornaient les jubés des ca-
thédrales de Reims et de Bourges ; l'égUse de Valère à Sion
en Valais garde un jubé du xni® ou du xiv® siècle. C'est à
la même date qu'il faut rapporter celui de Saint-NicoLs-de-
Girgenti (Sicile) et au xiv® siècle celui de la cathédrale de
Throndhjem (Norvège). Tous deux s'élèvent jusqu'à la
voûte de l'église.
D'autres jubés, au contraire, sont très simples : ils ne se
composent que d'une arcade portant une galerie ou d'une
sorte de pont jeté d'un triforium à l'autre : un exemple de
ce type datant de 4300 environ se voit à Saint-Martin-de-
Clamecy ; un autre, du xv« siècle, à Flavigny (Côte-d'Or).
Une petite chaire en encorbellement se détache de sa balus-
trade. Dans l'égUse de Champagne (Seine-et-Oise), une
simple arcade tient lieu de jubé. Le jubé de Saint-Etienne-
du Mont, construit sous Henri IV, est un dernier exemple
de ce type, commode en ce qu'il permet aux fidèles de
bien voirie chœur. Le plus souvent, les jubés avaient trois
arcades; tel était celui de la cathédrale d'Amiens (xiv^ siècle),
tels sont encore ceux de La Chaise-Dieu, de Notre-Dame
de l'Epine (Marne), de Saint-Seine (Côte-d'Or), de l'église
Notre-Dame, à Folgoët (Finistère, xv^ siècle) (V, fig.,
t. XVII, p. 689), de la cathédrale d'Albi, de l'église de
Brou (Ain) (V. fig., t. VII, p. 75i) et de la Madeleine de
Troyes, œuvres très riches du début du xvi® siècle, encore
presque gothiques ; ceux de la cathédrale de Limoges, de
l'église de Saint-Florentin (Yonne), beaux exemples de la
Renaissance ; ceux de la cathédrale de Tournai et de l'église
d'Appoigny (Yonne) (V. fig,, t. III, p. 431) du commen-
cement du xvii« siècle, etc.
Certains jubés du xvi® siècle sont en bois : celui de Lau-
court (Somme) forme un entablement orné des statues des
douze apôtres dans des niches très ornées, et surmonté d'un
calvaire monumental. Ce jubé n'est presque, à proprement
parler, qu'une poutre très large et très riche. Au Faoiiet
(Finistère), un jubé de bois, de quelques années antérieur,
présente, au contraire, trois riches arcades comme les jubés
de pierre. Au xvm® siècle, le clergé fit démolir la presque
totalité des jubés pour les remplacer par des grilles de fer.
La plupart de ces jubés étaient ornés de sculptures d'un
grand prix, dont la perteest à jamais regrettable. C. Enla.rt.
JUBÉ (Jacques), prêtre janséniste, né à Vanves le
27 mai 1674, mort à Paris le 30 déc, 1745. Il prit parti
dans l'affaire du Formulaire et publia une brochure inti-
tulée Pour et contre Jansenius^ touchant les matières
de grâce (Paris, 1703, in-12) qui fut saisie par la police.
Sa cure à Asnières était l'asile de tous les suspects. Jubé
avait, d'ailleurs, enlevé de son église toutes les images et
tous les ornements; il avait aussi modifié la liturgie et
exerçait une stricte discipline sur ses paroissiens qui lui
étaient très attachés. Il ne tarda pas à être persécuté et
dut fuir. On le trouva alors tantôt à Rome, tantôt en
Hollande et même en Russie, faisant partout de la propa-
gande janséniste. En 1740, il revint à Paris et finit par
mourir à l'Hôtel-Dieu. Il est inhumé à Saint-Sé vérin.
JUBÉ (Auguste), baron de LaPérelle, général et histo-
rien français,'né le 12 mai 1765, mort àDourdan (Eure-
et-Loir) le 1^^'juiL 1824. n entra dès 1786 dans l'admi-
nistration de la marine, devint inspecteur général des côtes
en 1794, servit comme chef d'état-major sous Hoche, en
1796, commanda ensuite la garde du Directoire, se rallia
le 18 brumaire à Bonaparte, fit partie du Tribunat de 1800
à 1807, administra le dép. de la Loire, puis celui du
Gers et fut, en 1814, attaché comme historiographe au
ministère de la guerre. Nous citerons parmi ses ouvrages :
Histoire des guerres des Gaulois et des Français en
Italie jusqu'à Louis XII (1805, in-8); Hommage des
Français à l'empereur Alexandre (1814, in-8); le
Temple de la gloire^ ou les Fastes militaires de la France
depuis le règne de Louis XIV jusqu'à nos jours (1819,
2 vol. in-8) ; Histoire générale militaire des guerres de
la France depuis le commencement du règne de
Louis XIV jusqu'à l'année i8i5 (2 vol. in-8).
JUBÉCÔURT. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Ver-
dun-sur-Meuse, cant. de Clermont-en-Argonne ; 174 hab.
JUBILATION (V. Ivresse).
JUBILÉ. Dans la bulle Antiquorum, Boniface VIII dé-
clare que, selon le rapport des anciens, des indulgences
étaient attribuées à ceux qui visitaient l'église du prince
des Apôtres. 11 les renouvelle et confirme toutes. Mais afin
que saint Pierre et saint Paul soient plus honorés, et leurs
églises plus fréj^uentées, il accorde une indulgence plénière
à ceux qui visiteront ces églises pendant l'année 1300,
commencée à Noël, et toutes les centièmes années suivantes.
Clément VI réduisit cet intervalle à cinquante années, à
l'instar du jubilé des Juifs (1349). Dès lors, on appela ju-
bilé l'indulgence solennelle ainsi instituée. Le 8 avr. 1389,
Urbain VI statua que le jubilé aurait lieu tous les trente-
trois ans, en souvenir de la durée de la vie terrestre de
Jésus-Christ. Enfin, Paul II (1468) fixa la période jubi-
laire à vingt-cinq années : quatre jubilés dans un siècle, de
même que quatre saisons dans une année. En outre et sui-
vant un usage plus récent, les papes donnent, au com-
mencement de leur pontificat et dans les grandes et pres-
santes nécessités de l'Eglise, des indulgences plénières en
forme de jubilé, -- Le jubilé de Tannée sainte dure à
Rome une année entière, après laquelle l'indulgence s'étend
à toute l'Eglise. L'ouverture se fait la veille de NoëL Le
pape se rend processionnellement de la chapelle de son
palais à la basilique de Saint-Pierre, dont toutes les portes
sont fermées. L'une d'elles, appelée Porte sainte, est
murée. Le pape la frappe trois fois avec un marteau d'ar-
gent, en disant : Aperite mihi portas justitiœ. On dé-
molit la maçonnerie qui mure la porte, et le cortège entre
au chant du Te Deum. Le lendemain, fête de Noël, le pape
JIJBÎLÊ - JUDA
234 —
donne la bénédiction dite du jubilé. L'année expirée,
on mure la Porte sainte, pour ne la rouvrir qu'au retour
de l'indulgence. — Principaux privilèges du jubilé : faculté
pour tous les fidèles de se choisir un confesseur parmi les
prêtres approuvés dans le diocèse où la confession doit se
faire; amples pouvoirs attribués à tous les confesseurs
pour absoudre de l'excommunication, delà suspense et des
autres censures ecclésiastiques, pour quelques causes que
ce soit, réservées aux ordinaires et au saint-siège, et de
toutes sortes de péché, même les plus énormes, réservés
ou non réservés. E.-H. Vollet.
Livre des Jubilés (V. Apocalypse).
J U Bl N AL (Achille), littérateur et homme politique fran-
çais, né à Paris, d'une famille originaire des Pyrénées, le
24 oct. 18iO, mort à Paris le 28 déc. 1875. Auditeur
libre des cours de l'Ecole des chartes, Jubinal se fit con-
naître de bonne heure par d'importantes publications sur
la littérature et l'archéologie du moyen âge : Jongleurs
et trouvères ou Choix de saluts, épîtres, rêveries et
autres pièces légères des xm^ et xiv^ siècles (4835,
in-8) ; Légende latine de S, Brandaines (4836) ; Mys-
tères du XV® siècle (4836-37, 2 vol. in-8) ; Anciennes
Tapisseries historiques (4837, 2 vol. in-fol. et pi.) ;
VArmeria Real de Madrid (4837, 2 vol. in-fol. et pi.
avec suppl. paru en 4846) ; Œuvres complètes de
Rutebeu f (iS39, 2 vol. in-42 ; réimpr. en 1874 dans la
Biblioth.elzévirienne) ; Nouveau Recueil de contes^ dits,
fabliaux et autres pièces inédites des xiii®, xiv® et
xv^ siècles (4839-42, 2 vol. in-8). Une chaire de littéra-
ture étrangère ayant été créée à la faculté des lettres de
Montpellier le 24 août 4838, Jubinal, qui ne s'était occupé
que de littérature française, fut chargé des fonctions de
professeur et enseigna dans cette ville la littérature ita-
lienne et la littérature espagnole de 4839 à 4845. Rentré
à Paris, il fut chargé par M. de Salvandy d'une mission à
La Haye pour étudier les manuscrits français de cette riche
bibliothèque. En 4849, il eut la fâcheuse inspiration de
prendre la défense de Libri, accusé justement d'avoir mis
au pillage les bibliothèques publiques qu'il était chargé
d'inspecter. Rallié à l'Empire, il se lança dans la politique,
fut constamment élu député de Bagnères de 4852 à 4869,
et dirigea quelque temps le journal l'Estafette (4S58).
En 4863, il fit don à la ville de Bagnères de sa bibliothèque
et de sa collection d'objets d'art dont il publia à cette occa-
sion le catalogue comprenant 47,000 volumes et 700 objets.
JUBLAINS. Corn, du dép. de la Mayenne, arr. de
Mayenne, cant. de Bais; 4,597 hab. Surtout le territoire
de la commune se rencontrent les vestiges de l'ancienne
cité des Diablintes, Naeodunum^ abandonnée progressi-
vement du v^ au IX® siècle. On a reconnu indépendamment
des voies de communication et des subslructions de mai-
sons, le théâtre, les thermes, un temple de la Fortune et
surtout un vaste castellum (mon. hist.), double enceinte
rectangulaire flanquée de tours rondes, au centre de la-
quelle est un réduit carré ou sorte de donjon.
JUBWEL (V. Ibmel).
JUBY (Cap). Promontoire du littoral du Sahara, dans
la partie comprise entre l'oued Draa (limite du Maroc) et
le Saguiet-el-Hamra, en face de l'archipel des Canaries.
Au S. de ce point, dans une petite île basse, tout près de
la côte, Donald Mackenzie fonda en 4878 un comptoir
appelé Victoria Port. L'établissement fut, à plusieurs re-
prises, incendié par les nomades du désert ; puis la mer,
mauvaise en ces parages, a détruit plusieurs navires qui
servaient au trafic de la station. Elle subsiste cependant et
en ces derniers temps il y a eu des transactions importantes
entre le comptoir et des caravanes sahariennes. Au point
de vue commercial, l'établissement est bien situé.
JUCAR ou XUCAR. Fleuve d'Espagne, qui a sa source
dans le Cerro de San Felipe, massif de 4,800 m. d'alt.,
sur les flancs duquel naissent aussi le Tage, le Guadala-
viar et le Cabriel. Los Ojuelos de Valdeminguete, ainsi
qu'on nomme ses sources, sont à 4,646 m. d'alt. ; la rivière
coule du N. au S., passe au pied du pittoresque rocher qui
porte Cuenca, puis traverse une partie du plateau de la
Manche. Après être entré dans la province de Murcie, le
Jucar se recourbe brusquement pour prendre la direction
de l'E., passe par une série de gorges ou de défilés dont
les murailles abruptes ont de 200 à 350 m. de hauteur,
reçoit le Cabriel qui a autant d'eau que lui-même, puis
arrive dans une plaine, partie méridionale de la huerta de
Valence. Il y est épuisé par de nombreuses saignées pour
l'irrigation des rizières et des autres cultures ; on ne
compte pas moins de 27 acequias ou canaux (seguias des
Arabes), arrosant 22,500 hect. et dont le plus important
est celui d'Alcira. C'est dans cette partie de son cours que
se trouvent les belles campagnes couvertes d'orangers et
les villes prospères d'Alberique, Carcagente, Alcira, Alge-
mesi, Sueca, Cullera; au-dessous de cette dernière ville,
le fleuve exténué finit dans la Méditerranée, après un cours
de 500 kil. environ ; la superficie de son bassin est évaluée
à 24,000 kil. q. Parmi ses affluents, il faut mentionner
sur la rive gauche le Euecar, le Cabriel (V. ce mot),
grossi à gauche du Moya et à droite du Guadazaon^ le
Magro ou rio de Juanes; sur la rive droite, le Jucar ne
reçoit que des ruisseaux dont le plus considérable est VAl-
baida, au-dessous de la prise d'eau d'Alcira. E. Cat.
JUCEWICZ (Ludwik) (V. Lithuanie [Littérature]).
JUGHART. Mesure agraire usitée en Allemagne, valant
57,554 ares à Vienne, 47,2770 ares à Stuttgart,
34,0726 ares à Munich, 33,3370 ares à Bâle.
JUCHER EAU DE Saint-Denis (Antoine), général fran-
çais, né à Bastia le 44 sept. 4778, mort en 1842. Son
père ayant été guillotiné pendant la Terreur, il alla termi-
ner ses études aux Etats-Unis, puis, de retour en Europe
(4802), entra comme ingénieur militaire au service du gou-
vernement ottoman. C'est lui qui en 4807 mit Constanti-
nople en état de défense contre la flotte anglaise. Nommé
colonel du génie par Napoléon, il fut envoyé en Espagne,
où il se distingua au siège de Cadix, au combat de Bornes
et à la bataille de Vittoria. Après avoir habilement secondé
le maréchal Soult dans la campagne de 4844, il passa dans
l'état-rnajor, prit part aux journées de Ligny et de Water-
loo (4815), accompagna le comte Molitor en Espagne
comme chef d'état-major du 2® corps, pendant l'expédition
de 1823, remplit en Angleterre une importante mission
d'études militaires (4826), fit la campagnede Grèce en 4828,
joua, deux ans plus tard, comme sous-chef de l'état-major
général, un rôle important dans la campagne d'Alger, et fut
enfin nommé maréchal de camp. On a de lui, entre autres
ouvrages : Révolution de Constantinople en iSOl et
1808 (Paris, 4849, 2 vol. in-8). A. Debidour.
JUDA. Une des tribus Israélites, occupant la portion la
plus méridionale du pays de Chanaan; sa limite au N.
était marquée par une ligne courant sensiblement de l'E.
à rO. à partir de la pointe N. de la mer Morte et passant
au S. de Jérusalem ; de ce côté, les gens de Juda ou Judéens
avaient pour voisins les gens de Benjamin. A l'E., la mer
Morte indiquait la frontière naturelle; au S., une ligne
frontière indécise marquait le point de contact des établis-
sements Israélites avec l'Idumée et donnait parfois passage
aux bandes pillardes des Amalécites et autres nomades du
désert; à l'O., les Philistins occupaient la plaine maritime.
Les gens de Juda ont volontiers vécu dans une sorte d'iso-
lement à l'égard du reste d'Israël avec leur capitale, Hébron,
dont ils vantaient l'antiquité. Même après que David, origi-
naire de Juda, eût obtenu la direction de l'ensemble de la
nation et transféré sa capitale à Jérusalem, les difficultés
de la vie commune se manifestèrent par des mouvements
populaires, tel que celui dont Absalon prit la tête. Enfin,
après Salomon, la famille de David fut réduite au gouver-
nement de la tribu de Juda, augmentée de quelques cantons
de Benjamin, mais possédant désormais dans Jérusalem une
capitale incomparable. C'est pourquoi on désigne couram-
ment le royaume du Sud par le nom de Juda en opposition
à Israël^ royaume du Nord, des Dix-Tribus ou encore
23H —
JUDA — JUDE
d'Ephraim. Le sol en était montagneux, mais propre à la
petite culture, favorable aux arbres fruitiers, à Folivier, à
la vigne et à l'élève des troupeaux. Les relations s'établis-
saient avec l'Egypte par Gaza. — Conformément à un pro-
cédé généalogique bien connu, on a transformé la tribu de
Juda en un héros éponyme, quatrième fils de Jacob, père
lui-même d'Israël en son entier. On fit même de ce per-
sonnage fictif le héros d'une aventure scabreuse que
rapporte la Genèse (xxxvm) ; c'est une combinaison
dans le goût de celle qui fait naître Moab et Ammon d'un
inceste. M. Vernes.
JUDA (Jules) (V. Colonne [Edouard]).
JUDA BEN Daud(V. Hayyoudj).
JUDA BEN Iabbâï, docteur juif qui florissait sous le
règne d'Alexandre Jannée et après la mort de ce prince,
aux années 79-60 av. J.-C. Il fut, à côté de son illustre
ami, Siméon ben Sétah, frère de la reine Salomé, la tête,
l'âme du parti pharisien. Lorsque Jannée, conseillé par
les sadducéens, sévit contre les pharisiens, il s'expatria à
Alexandrie. Après la mort de Jannée, sous Salomé, le
parti pharisien revint au pouvoir. Juda ben labbaï, rentré
à Jérusalem, dirigea la lutte contre les sadducéens, reçut
la présidence du sanhédrin qu'il abandonna à la suite d'une
erreur judiciaire.
BîBL. : JosÈPHE, Histoire ancienne des Juifs^ LXIII. —
Fr^nkel, Tarké Lammichna. — Gr^tz, Geschichte der
Juden, iîl, ch. vi.
JUDAHallévi(V. Hallévi).
JUDAÏSME (V. Hébreux [Hist. et religion des]).
JUDAS (Archit.). Petite ouverture, le plus souvent
semblable à une meutrière, mais pouvant se fermer à l'aide
d'un châssis plein ou d'une plaque, et ménagée dans une
porte ou dans un plancher, afin de permettre de voir sans
être vu. Les judas, qui doivent leur nom au disciple du
Christ dont ils rappellent la dissimulation, sont surtout
pratiqués dans les portes des cellules des prisons, des cou-
vents et des collèges. Ch. L.
JUDAS IscARiOTE, l'un des apôtres choisis par Jésus
pour ses enseignements et qui l'aurait trahi dans des cir-
constances odieuses (V. Jésus). Le Nouveau Testament
rapporte que, bourrelé de remords, il se pendit ; la litté-
rature populaire a renchéri sur cette circonstance.
JUDAS LE Galiléen ou le Gaulonite, originaire de Ga-
mala, se mit à la tête du mouvement insurrectionnel pro-
voqué par la répugnance que les Juifs éprouvaient à se
soumettre à l'opération du cens, en 759 do Rome (6 de
l'ère chrétienne) ; ce recensement était opéré par les soins
de P. Sulpicius Quirinius, proconsul de Syrie (Actes des
Apôtres, V, 37, et hsèphe ^passim).
BiBL. ; ScHÙRER, Geschichte der jûdischen Volkes ira
Zeitalter Jesu C/imii, 1890, t. I, 2» éd., aux mots Judas der
Galilœer et Sulpicius Quirinius.
J U DD (Sylvester), écrivain américain, né en \ 843, mort
en 1853. Elève de Yale Collège et de Harvard University,
il devint pasteur de l'église unitarienne et, non content de
ses prédications, s'efforça de faire passer ses principes reli-
gieux dans des œuvres d'imagination comme Margaret,
étude de mœurs aux Etats-Unis (1845) ; Richard Edney
and the Governof s Family (1850) et un poème didac-
tique en vers blancs intitulé Pliilo (1850). Sa vie a été
écrite par Mrs. A. Hall. B.-H. G.
JUDE. Ce nom, qui est le même que celui de Judas, est
porté par plusieurs personnages du siècle apostoHque, no-
tamment par un frère de Jésus et par un des apôtres, Jude,
fils de Jacques. Y a-t-il là, en réalité, deux individus dis-
tincts, et une confusion sur les personnes ne se serait-elle
pas produite? Nous n'osons trop nous prononcer sur ce
point.
Epître de Jude. — C'est à Judas, « frère du Seigneur et
frère de Jacques, le premier évêque de Jérusalem, que se
rattache, à tort ou à raison, l'épître du Nouveau Testament
qui porte ce nom. Elle est la septième et la dernière des
épîtres catholiques, dans le canon actuel, soit à cause de
sa brièveté, soit qu'on ne la tenait pas généralement pour
écrite par un apôtre ; elle a eu de la peine à se faire ad-
mettre et a été toujours plus ou moins contestée. Le second
siècle, à l'exception de la Seconde Epître de Pierre, qui
l'a presque tout entière reproduite, l'ignore entièrement. »
(Sabatier.) L'auteur déclare qu'il s'est décidé à prendre la
plume à l'occasion de l'apparition dans l'Eglise de « cer-
tains hommes impies et prédestinés à la condamnation, qui
changent la grâce de Dieu en principe de morale dissolue
et renient notre seul souverain et seigneur Jésus-Christ ».
Il semble qu'il ait visé des tendances gnostiques. L'écrivain
décrit ses adversaires dans un style imagé, mais incorrect
et chargé, et, en dehors des textes bibliques, fait allusion
à des textes pseudonymes, dont il admet naturellement
l'authenticité, tels que le Livre d'Hénoch et V Assomption
de Moïse, « Il est difficile, dit justement M. Sabatier, de
ne pas descendre jusqu'au commencement du second siècle
pour rencontrer le milieu historique auquel la lettre cor-
respond. D'autres indices d'une époque assez postérieure
peuvent être relevés. » Nous avons donc affaire à une pro-
duction pseudonyme et apocryphe elle-même. M. Vernes.
BiBL. : Reuss, la Bible, Epîtres catholiques, 1878. —
Sabatier, Jude (Epître de), dans Encyclopédie des
sciences religieuses de Lichtenberger, 1880, t. VII. —
JûLicHER, Einleitung in das Neue Testament, 1894,
pp. 145-147.
JUDE (Léo) ou plutôt JUD, latinisé en Judœ, colla-
borateur de Zwingle, né à Gémar (Alsace) en 14-80; mort
à Zurich le 19 juin 1542. Fils d'un prêtre très respecté,
il fit ses humanités à Schlettstadt, et passa en 1499 à
l'université de Bâle, où il se laissa détourner de la méde-
cine par le professeur de théologie Th. Wyttenbach, et par
son condisciple Zwingle. Maître es arts en 1506, il fut
d'abord diacre à Petit-Bâle, puis curé à Saint-Hippolyte
(Alsace). De là, une lettre de Zwingle l'appela, en 1518,
à Einsiedeln. Dès ce moment, il travailla avec Zwingle
à propager et à faire triompher la réforme rehgieuse dans
le cant. de Zurich. En 1522, il passa comme prédicateur
à Zurich ; son activité se confond alors avec celle de
Zwingle (V. ce nom). Après la mort de celui-ci, à Kappel
(1531), Jude dut se cacher pendant quelque temps devant
les menaces de la réaction ; puis il refusa la succession de
Zwingle, estimant qu'il était fait pour prêcher et écrire et
non pour gouverner. Il seconda désormais Bullinger
(V. ce nom, t. Vlïl, p. 424) qui fut nommé antistes.
Ce qui donne une physionomie à part à Jude, c'est, avec
son humilité, son grand et joyeux bon sens ; il avait, du
reste, des idées originales et nettes ; il était persuadé que
« la nature et la mission de l'Eglise sont et doivent de-
meurer essentiellement distinctes de celles de l'Etat », ce
qui est fort remarquable au xvi® siècle. Il eût désiré de
réaliser dans la constitution de l'Eglise réformée la pro-
fession individuelle de la foi comme condition d'entrée dans
TEglise et exercer une discipline stricte pour maintenir le
niveau moral et spirituel de l'association ainsi formée.
Mais il se laissa convaincre par ses amis zurichois, et
surtout par Capiton et Bucer que l'on manda tout exprès
de Strasbourg, de l'inopportunité de ces mesures réfor-
matrices. Cela contribua à lui faire refuser une part ac-
tive dans la direction d'une Eglise dont il ne pouvait
approuver la constitution. Il demeura le prédicateur favori
du peuple zurichois, qui ne le nommait pas autrement que
Meister Leu (maître Lion). Il n'a guère publié que des
brochures, trois catéchismes, un en latin et deux en alle-
mand, curieux par le fait que le catéchisé demande et que
le maître répond, enfin quelques traductions, parmi les-
quelles l'œuvre maîtresse de Jude, une traduction latine
de la Bible, dont la publication fut achevée par ses amis
(Zurich, 1543, in-foL, nouv. éd. chez Rob. Estienne,
Paris, 1545) ; il fut, d'ailleurs, le principal collaborateur
de la traduction allemande zurichoise de la Bible, publiée
dès 1529, revisée en 1540. F.-Herm. Kruger.
BiBL. : Haag, la France protestante ; Paris, 1856, t. VI
pp. 98 et suiv., donne une liste étendue des publications de
Jude. — C. PESTALozzr, Léo Judœ ; Elberfeld, 1860. —
JUDE — JUDITH ~ 236 —
Allgemeine Deutsche Biographie ; Leipzig, 1881, t. XIV,
pp. 651-654.
JUDÉE. Division géographique et politique de la Pales-
tine à l'époque romaine. Elle correspond au territoire occupé
dans les temps anciens par la tribu de Juda, auxquels
s'ajoutent plusieurs cantons au nord et la côte maritime.
Ses frontières varient sensiblement avec les époques. Elle
forme, aux environs du christianisme, une des quatre divi-
sions essentielles de la Palestine avec la Samarie, la Galilée
et la Pérée.
JUDENBURG. Ville d'Autriche, province de Styrie ;
5,000 hab. Château; tour de 1509 {Rœmerturm) avec
portail gothique. C'est un des centres d'établissements
métallurgiques. Cette ville, l'ancienne Idunum^ doit son
nom à une colonie juive qui en fut expulsée en 4496. Au
voisinage sont les mines de lignite de Fohnsdorf-Feeberg,
les usines de Zeltweg, les ruines du château de Liech-
tenstein,
JUDÉO-Chrétiens (V. Christianisme).
JUDEX(V. Juge).
J U DEX (Mathias Righter, enlat.), théologien et historien
allemand, né à Tippolswalde, en Misnie, en 1528, mort à
Rostock en 1564. Pasteur à Magdebourg, puis professeur
de théologie à léna, il fut un des principaux rédacteurs du
fameux ouvrage d'histoire ecclésiastique, les Centuries
de Magdebourg (V. Flacius).
JUDIC ( Anna-Marie-Louise Damiens, M^^), actrice
française, née à Semur le 17 juil. 1849. Nièce de Lemoine-
Montigny, d'abord employée dans un magasin de lingerie,
elle entra au Conservatoire, se maria, le 5 avr. 1867, avec
un homme qui ne fut que l'habile gérant de ses affaires.
Elle débuta au Gymnase, le 2 juin 1867, dans un rôle
secondaire des Grandes Demoiselles, eut de vifs succès
à l'Eldorado, puis en Belgique (1871), aux Folies-Ber-
gère, à la Gaîté, et enfin aux Bouffes -Parisiens (1872),
où la Timbale d'argent la fit passer au premier plan, et
depuis plusieurs pièces ont été écrites pour elle, surtout
aux Variétés oti elle entra en 1876; elle excelle dans la
chanson, disant avec un air d'ingénuité les couplets égril-
lards ou à double sens. Ses principaux rôles sont : Thé-
rèse, des Charbonniers ; la comtesse Corniska, dans Ni-
niche (1878); Anna, dans la Femme à Papa (1879);
Angelina, dans le Grand Casimir; Anna-Marie, dans la
Roussotte; Denize, dms Mam'ze lie Nitouche (ièsS), etc.
Après de lucratives tournées en Europe et en Amérique
(1885-86), elle rentra aux Variétés, se retira de nouveau
et reparut en 1893 au café-concert.
JUDICAËL l-ll, rois de Bretagne (V. ce mot).
JUDICHAER (Sôren Poulsen), grammairien danois, né
dans Pile de Gotland en 1599, mort en 1668. 11 avait
étudié la théologie et fut d'abord recteur à Vordingborg
en 1627, puis pasteur à Stangerup en 1637. Sous l'in-
fluence d'Opitz, il réforma la métrique danoise en ce sens
qu'on ne compta plus seulement, dans les vers, les syllabes
accentuées, mais aussi les syllabes atones. On a de lui
une Synopsis prosodiœ danicœ eller en kort Extract
af Rimkunsten (1550) et une Prosodia danica eller
danske Rimkunst, qui parut après sa mort (1 671 ). Il a laissé
aussi une autobiographie en latin et quelques psaumes.
JUDICIS DE Mirandol (Louis), littérateur français, né
à Saint-Brieuc le 24 nov. 1816, mort près de Fontaine-
bleau le 24 août 1893. Chef de division à la préfecture de
la Seine (1870), il collabora à des journaux et revues lit-
téraires et donna en 1860 une traduction en verset prose
de la Consolation de Boëce qui fut remarquée. Outre un
certain nombre de pièces de théâtre qui ont eu un fort
grand succès : les Pâques véronaises (1848), les Cosaques
(1855), en collaboration avec Arnault, les Aventures
de Mandrin (1855), la Peau de chagrin (1851), etc.,
il a donné des romans : Frère et Sœur (1852, in-8);
V Homme de minuit (1857, 4 vol.), en collaboration avec
Enault; la Folle d'Apremont (1881, in-16). Il a écrit
divers ouvrages sous le nom de Paul Lagarde.
JUDICIUM. Les Romains entendent par judicium la
phase de l'instance qui se déroule devant le juge, judex.
Dans ce sens, judicium est opposé à jus. On trouve cette
antithèse nettement marquée dans la lex Rubria de
Gallia Cisalpina, et les jurisconsultes ne manquent pas
d'observer cette distinction. Sous l'empire du système de
procédure ancien et aussi à l'époque où règne la procé-
dure formulaire, la première phase de l'instance, qui se
passe devant le magistrat, tend essentiellement à l'orga-
nisation du judicium. Lorsque le magistrat, ayant en-
tendu les parties, les renvoie à suivre l'instance devant
le juge, le judicium est organisé, ordinatum. Par une
sorte de convention, les parties ont accepté de soumettre
leur litige à la décision du juge, le judicium est accep-
tum. Le procès, res, qui jusque-là n'était qu'un exposé des
prétentions contradictoires des parties, devient un débat
véritable, lis. On dit que la res in litem ou in judicium
deducta est. Le judicium prend normalement fin par la
sentence; mais il est des cas où il s éteint : expirât^ sol-
vitur, moritur sans jugement, par exemple lorsqu'un cer-
tain délai s'est écoulé depuis qu'il est ordinatum. Le ma-
gistrat qui avait organisé le judicium conservait jusqu'à
la sentence finale un pouvoir de surveillance sur la procé-
dure in judicio, et aussi le droit d'apporter au judicium
réglé par lui toutes les modifications que commandaient les
circonstances. Tous ces changements rentrent dans ce qu'on
appelait iranslatio litis ou judicii.
Toute action pouvant donner lieu à un procès compor-
tant les deux phases successives : jus et judicium se suc-
cédant dans l'ordre habituel, on a été amené à se servir du
mot judicium pour désigner l'action elle-même. Ainsi ju-
dicium tutelœ veut dire l'action donnée contre le tuteur à
la fin de la tutelle, action que d'autres textes appellent ac-
tio tutelœ. C'est ainsi que les textes distinguent les judi-
cia légitima et imperio continentia, les judicia fa-
mosa, bonœ fidei^ duplicia, etc. — Au Bas-Empire, le
]us et le judicium sont confondus, depuis la disparition
de la procédure formulaire. Judicium perd désormais son
sens technique pour prendre une signification plus large.
Il veut dire alors l'ensemble de la procédure. Dès avant
cette époque, l'expression judicium avait ce sens lors-
qu'il s'agissait des procédures criminelles. Le; wd^awm est
dit alors publicum. Il avait lieu soit devant le peuple, soit
devant les quœstiones perpetuœ; il était destiné à termi-
ner les procès en matière de délits publics. G. May.
BiBL. : Keller, De la Procédure civile et des actions
(trad. Capmas); Paris, 1870, §§ 1, 59, 66, 70, 68, in-8. —
AccARiAs, Précis de droit romain ; Paris, 1886-91, t. II,
n°»731,764,783. — Mainz, Cours de droit romain ; Bruxelles,
1876, t. I, § 42, et Introduct,, n°« 97, 90.
JUDITH (Livre de). Cet ouvrage est un roman patrio-
tique juif, dont l'auteur s'est inspiré des sentiments qui ont
donné naissance au livre de Daniel et à d'autres composi-
tions analogues. Ecrit primitivement en hébreu (ou en
araméen), il nous a été conservé en une traduction grecque
dans la Bible des Septante et figure ainsi dans les livres
deutéro-canoniques de l'Ancien Testament. En voici l'ana-
lyse, que nous empruntons à Reuss : « Nabuchodonosor,
roi d'Assyrie, engagé dans une guerre contre Arphaxad,
roi des Mèdes, invite tous les peuples de l'Asie occidentale
à se joindre à lui pour cette expédition. Un grand nombre
d'entre eux refusent de lui rendre ce service. Irrité de ce
refus, il tourne ses armes contre eux, après avoir vaincu
son adversaire. Il envoie son farouche général Holopherne
avec une puissante armée contre les récalcitrants. En effet,
celui-ci dévaste tous les pays en deçà de l'Euphrate et, à
la fin, il ne reste plus à soumettre que les Juifs. Ceux-ci,
naguère libérés de la captivité, venaient de restaurer leur
ancien sanctuaire et se préparèrent à une vigoureuse résis-
tance sous la direction de leur grand prêtre Joachim.
L'armée assyrienne est arrêtée devant la forteresse de
Bétylona (Bèthulie), et son chef, étonné de la hardiesse
d'un si petit peuple, prend des informations sur son compte.
Un capitaine ammonite, Achior, qui sert sous lui, raconte
- 231 -
JUDITH - JUEL
au long l'histoire des Israélites et déclare qu'il sera impos-
sible de les vaincre tant qu'ils resteront fidèles à la loi de
leur Dieu. Holopherne, plein de dépit à cause des doutes
exprimés à l'égard de ses chances de victoire, chasse cet
homme de son camp et le fait remettre entre les mains
des Juifs assiégés, pour qu'il périsse avec eux. Cependant,
le siège est poussé sérieusement. On coupe à la ville, située
sur une hauteur, l'accès des eaux qui se trouvent en dehors
des murs et qui sont l'unique ressource des habitants, et
bientôt ceux-ci, réduits à l'extrémité par une affreuse
disette d'eau, demandent à grands cris de capituler. Les
chefs de la cité promettent d'acquiescer à cette demande
si, dans cinq jours, le ciel n'envoie quelque secours inat-
tendu. C'est à ce moment que Judith paraît sur la scène.
C'était une jeune veuve, belle, riche et pieuse et jouissant
d'une grande considération dans la ville. Elle fait appeler
les magistrats, leur adresse des reproches au sujet de leur
manque de confiance dans le Dieu d'Israël et promet de
sauver le peuple avant le cinquième jour. Elle se rend au
camp assyrien, accompagnée d'une suivante qui porte des
provisions de bouche pures, c.-à-d. choisies et préparées
conformément aux prescriptions de la loi. Elle est conduite
devant le général, qui est frappé de sa beauté et qui l'ac-
cueille avec bienveillance. Elle lui dit que les assiégés,
pressés par le manque de vivres, vont se décider à manger
des choses consacrées à Dieu, prémices et dîmes, et attire-
ront ainsi sur eux la colère du cid, de manière qu'on
pourra s'emparer de la ville sans coup férir. Elle demande
la permission de rester au camp et de pouvoir sortir chaque
matin avant le jour pour faire sa prière et ses ablutions
religieuses à l'une des sources dont il a été parlé. Holo-
pherne, fasciné par ses charmes, croit tout ce qu'elle lui
débite et, le quatrième jour, il donne un grand festin en
son honneur, avec l'arrière-pensée de profiter de cette
occasion pour satisfaire la passion qu'elle lui avait inspirée.
Mais, pendant le repas, il se gorge tellement de vin que,
lorsque les autres convives se sont retirés et cju'il est resté
seul avec Judith, il tombe ivre-mort sur son divan et Judith
lui coupe la tête avec son propre cimeterre. Vers le matin,
elle sort, comme de coutume, avec sa suivante, qui em-
porte la tête du général assyrien dans son sac à provisions.
Elle se rend à la ville, raconte ce qu'elle a fait et engage
ses concitoyens à faire immédiatement une sortie. Les
avant-postes alarmés mandent au camp ce qui se prépare ;
on court à la tente d'Holopherne, on le trouve assassiné ;
toute l'armée se débande et la ville est sauvée. »
Il n'est pas besoin d'un long examen pour voir que nous
n'avons point affaire à un récit historique, ni même à des
souvenirs de quelque fait réel, qu'on aurait transformés
pour les faire servir à une fin d'instruction morale et reli-
gieuse. L'affabulation du récit témoigne de connaissances
géographiques et historiques d'une singulière incohérence ;
c'est une composition littéraire libre, dont l'auteur a em-
prunté les matériaux indistinctement à des époques très
différentes. On peut signaler une série de passages bibliques
dont il s'est inspiré. On est moins heureux quand on
cherche à déterminer la ville forte que l'écrivain de Judith
a prétendu désigner et qu'il semble placer au S. de la
vallée du Kison, sur la route de Sichem. Serait-ce Béthel,
située passablement plus au S. ? Les vovageurs modernes
ne s'embarrassent pas pour si peu et identifient Béthulie
tantôt avec Sanour, tantôt avec quelque autre localité de
la même région. Les circonstances qui ont pu provoquer
le Livre de Judith se rencontrent lors de l'insurrection
des Machabées et jusqu'aux environs de l'ère chrétienne. Il
semble excessif de descendre plus bas. C'est, en somme,
une œuvre d'une véritable valeur et d'assez belle allure,
utile à consulter pour l'histoire des idées religieuses et
morales au temps des Asmonéens, M. VerxNes.
BiBL. : Fritzsche, art. Judith^ dans le Bibel-Lexicon
de ScHENKEL, 1871. — Reuss, Littérature politique et po-
lémique, 1879, pp. 319-362. -- Schûrer, Geschichte des
jûdischen Volkes, 1886, pp. 599-603, 2« éd.
JUDITH, impératrice, femme de Louis le Pieux, née
• vers 800, morte à Tours le 19 avr. 843. Fille de Guelphe,
comte de Bavière, elle épousa en 819, l'empereur Louis le
Pieux. Devenue mère en 823 dun fils qui fut plus tard
Charles le Chauve, elle mit tout en œuvre pour lui assurer
une part importante de l'héritage paternel au préjudice de
ses aînés Lothaireet Louis, fils d'un premier lit. Sa liaison
avec Bernard, comte de Barcelone, donna occasion à ses
beaux-fils de se soulever contre l'empereur (831). Arrêtée,
Judith fut enfermée dans un monastère, à Laon d'abord,
puis à Poitiers, mais recouvra la liberté l'année suivante.
De nouvelles intrigues provoquèrent une nouvelle révolte
(833) ; cette fois, l'empereur fut déposé et Judith dut re-
prendre le voile; mais Louis le Pieux ayant recouvré la
couronne, elle revint auprès de lui et réussit à obtenir un
nouveau partage de l'Empire, favorable à son fils Charles.
JUDITH, fille du roi de France Charles le Chauve, née
vers 843. Elle épousa d'abord, en 856, Ethehvulf, roi de
Wessex, puis, devenue veuve en 858, fut enlevée par
Baudouin I*'^', comte de Flandre, qui l'épousa en 862.
JUDITH, fille de Vladislav IV de Bohême et femme du
prince polonais Vladislav Hermann, fut la mère de Boles-
lav IV à la Bouche torse (1085).
JUDITH fille du roi Jean de Luxembourg, morte en
1349. Elle épousa Jean le Bon, roi de France, et fut la
mère de Charles V.
JUDSON (Adoniram), missionnaire américain, né à
Malden (Mass.) le 9 août 1788, mort en mer le 12 sept.
1850. Comme étudiant du séminaire théologique d'An-
dover, il fut l'un des promoteurs les plus actifs de la fon-
dation, en 1810, de Y American Board of commiss. for
foreign Mission» Il partit lui-même comme missionnaire
en 1812 pour Calcutta, passa au baptisme à Çirampour
(V. Carey, t. IX, p. 396), et devint ainsi l'occasion de
la fondation, en 1814, de l'Union baptiste américaine en
faveur des missions. Expulsé de Calcutta en 1813, il alla
par Maurice en Birmanie, et y créa, en dépit de rudes
persécutions et souffrances (1822-1826), une mission qui
se développa vers 1830 surtout chez les montagnards ca-
rianes et qui compte actuellement (1895) près de 32,000
convertis adultes. Judson termina en 1834 la traduction
de la Bible en birman. F.-H. K.
BiBL. : Fr. Wayland, Rev. A don. Judson, D. D.; Lon-
dres, 1853, 2 vol.
JUDSON (Fanny For ESTER, Mrs. Emily), femme de lettres
américaine, née eii 1817, morte en 1854. Miss Chubbuck
avait déjà publié deux ou trois volumes de vers et d'essais
en prose sous le pseudonyme de Fanny Forester, lors-
qu'elle devint, en 1846, la troisième femme du mission-
naire Adoniram Judson. Après la mort de son mari, elle
donna un grand nombre d'ouvrages, dont les plus connus
sont: The Kathayan Slave (1853); My Two Sisters
(1854) ; Allen Lucas, or the Self-Made Man ; How to
be Great^ Good and Happy, On lui reproche une grande
affectation de style. B.-H. G.
JUEL (Niels), amiral danois, né à Christiania le 8 mai
1629, mort à Copenhague le 18 avr. 1697. Issu d'une
famille connue dans l'histoire dès le xiii® siècle et qui a
fourni au Danemark des hommes d'Etat et des marins
illustres, il était à l'âge de quatorze ans attaché au service
du prince Frédéric, alors archevêque à Brème ; il suivit
en Danemark ce prince quand il devint roi sous le nom
de Frédéric IIl. Niels étudia ensuite à l'Académie de Sorœ,
puis voyagea, de 1649 à 1650, en France et en Hollande
pour compléter ses études navales. Il servit, sous Tromp
d'abord, dans la flotte hollandaise, puis, sous Ruyter,
contre les Anglais et contre les pirates qui infestaient la
Méditerranée (1652-55). Peu après son retour en Dane-
mark, il fut nommé amiral (1657). Il commanda en cette
qualité l'escadre danoise dans le combat naval de Falsterbo
les 13 et 14 sept. 1657 et défendit Copenhague du côté de
la mer peuplant le siège de 1658-59. A partir de 1662,
il remplit la charge de vice-président de l'amirauté. Lors
de la reprise de la guerre contre la Suède, en 1676, il prit
JUEL -. JUGE
238
le commandement suprême de la flotte danoise, s'empara
de Tîle de Gotland et vainquit à plusieurs reprises les Sué-
dois dans des combats terribles. Le i^^ juin 4676, de
concert avec l'amiral hollandais Tromp (le fils du marin
sous lequel il avait fait ses premières armes), il remporta
au S. de l'île d'OEland une éclatante victoire à la suite de
laquelle il occupa la ville d'Yotad, Un an plus tard, il
battit de nouveau la flotte suédoise à la hauteur de l'île de
Mœn (4®^ juin 4677), puis dans la baie deKjœge (4^^juil.).
Cette dernière victoire est la plus importante qu'ait jamais
remportée la flotte danoise ; la lutte fut acharnée et
l'amiral Juel dut, à deux reprises, quitter le vaisseau sur
lequel il combattait et transporter son pavillon sur un autre
navire. A la suite de ces brillants faits d'armes, le roi le
nomma lieutenant général-amiral et fit frapper une mé-
daille en son honneur. 11 fut, à partir de cette époque, le
véritable chef de la marine danoise. Nommé, en 4683,
président de l'amirauté, il passa les dernières années de sa
vie à apporter des améhorations importantes à l'organisa-
tion de la flotte et aux travaux de défense maritime du
Danemark. Son corps repose dans une des églises de Co-
penhague ; en 4884, on a élevé dans cette ville un monu-
ment en son honneur. Sa veuve fonda la maison des jeunes
filles nobles de Roskilde. — Son frère Jens fut un diplo-
mate de mérite. Th. Cart.
fîiBL. : Tycho Hoffmann, Portraits historiques des
hommes illustres du Danemark. — Garde, Niels Juel ;
Copenhague, 1842. — Guldberg, Niels Juel., Danmarks
store sôhelt : Copenhague, 1870. — Tuxen, Niels Juel og
Tordenskjold,
JUEL (Jens), peintre de portraits danois, né à Gamborg
le 42 mai 4745, mort le 23 déc. 4802. Un excellent por-
trait de la reine Caroline-Mathilde attira l'attention sur lui
et lui valut de puissantes protections dans la haute société.
De '1772 à 4780, il vécut à l'étranger et principalement à
Paris et à Rome. En 4777, il suivit le graveur Clemens à
Genève et y séjourna assez longtemps. 11 y peignit le portrait
du naturaliste Bonnet, A Hambourg, où il s'arrêta en
retournant à Copenhague, il fit le portrait du poète alle-
mand Klopstock. En \ 782, il fut élu membre de l'Académie
des beaux-arts de Copenhague et y devint professeur en
4784. A partir de cette époque, il peignit un nombre con-
sidérable de portraits qui se font remarquer par une élé-
gance recherchée. On a aussi de lui quelques paysages qui
ne sont pas sans valeur.
JUENGKEN (Johann-Christian, ophtalmologiste prus-
sien, né à Burg, près de Magdebourg, le 42 juin 4793, mort
à Hanovre le 8 sept. 4875. H servit dans les ambulances
en 4845, fut reçu privat-docent à ^%vXm en 4847, nommé
professeur extraordinaire en 4825 et chargé en 4828 de la
direction de la nouvelle clinique ophtalmologique de la
Charité, qu'il conserva pendant quarante ans ; enfin devint
en 4834 professeur ordinaire de chirurgie et d'ophtalmo-
logie. Peu original, il a cependant rendu de grands services
comme professeur et comme clinicien. Ouvrages principaux :
DieLehrevon den Âugenoperationen (Berlin, 4829); Die
Lehre von den Augenkrankheiten (Berlin, 4832 ; 3^ éd.,
4842); Die Augendidtetik, etc. (Berlin, 4890), etc.
JUÉNIN (Pierre), historien français, né à Bourg-en-
Bresse le 44 déc. 4668, mort à Tournus le 47 nov. 4747.
Chanoine, puis chantre et finalement doyen du chapitre de
Tournus, il consacra pour ainsi dire toute sa vie à la ré-
daction d'une Nouvelle Histoire de Vabbaïe royale et
collégiale et de la ville de Tournus [ï)ï\on., 4733, in4),
destinée à remplacer V Histoire de r abbaye royale et de
la ville de Tournus du P. Chifflet (Dijon, 4664, in-4).
JU6ATI0 TERRENA (V. Câpitation, t. IX, p. 499).
JUGAZÂN. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Branne ; 270 hab.
J U GE. I. Droit romain.— Dans les procès civils, le juge,
judex, est un simple particulier auquel le magistrat renvoie
l'affaire lorsqu'il ne veut ou ne peut la terminer lui-même,
ipse cognoscere. Telle fut la règle sous l'empire du système
des legis actiones et du système formulaire. Le juge désigné, !
datus., est investi par le magistrat du droit d'examiner l'af-
faire et de la trancher par une sentence. C'est, par consé-
quent, devant Inique se déroule la seconde phase de l'ins-
tance, onjudicium (V. ce mot). H y a deux catégories de
juges : ceux qui sont désignés par le magistrat pour une af-
faire déterminée et dont la mission cesse une fois la sentence
rendue. Dans cette catégorie sont compris : le judex ou
tenus judex qui statue seul sur les affaires ,p(i/m, où le
droit doit être appliqué d'une façon plus stricte ; Varbiter
qui agit seul ou avec d'autres, et auquel on confie les af-
faires qui comportent un assez large pouvoir d'appréciation,
arbitria (V. Arbiter) ; enfin les recuperatores, d'abord
juges internationaux des procès entre citoyens et étrangers,
puis juges, entre citoyens, de contestations ne comportant
que des vérifications de fait ou l'évaluation d'un dommage.
La seconde catégorie de juges est formée des tribunaux per-
manents, centumvirs et décemvirs, dont la compétence et
l'organisation ne sont pas connus dans tous leurs détails
avec précision. Que le juge soit spécialement nommé pour
une affaire ou que la cause soit du domaine d'un des tri-
bunaux permanents, le principe fondamental est que la dé-
signation du juge faite par le magistrat émane du libre
choix des parties. Dans la pure doctrine romaine primitive,
le règlement d'une contestation, particulièrement en ma-
tière civile, est une affaire qui n'intéresse pas l'Etat. Le
juge n'est pas imposé par l'Etat, il est choisi par les par-
ties. Le principe reçoit son application directe, lorsqu'il
s'agit d'un judex ou arbiter. Le juge, en effet, désigné
par le préteur parmi les personnes inscrites sur Valbum
judicmn, peut être récusé par Tune ou l'autre des par-
ties. Faute de récusation, le juge donné est donc l'homme
de leur choix. Il en est de même ou à peu près pour les
recuperatores. Enfin si l'affaire est de la compétence des
centumvirs ou décemvirs, ceux-ci étant nommés à l'élection,
on peut soutenir que, d'une façon indirecte en tout cas, les
plaideurs ont par avance souscrit à leur désignation comme
juges de leurs contestations futures.
A partir du moment où disparut la distinction du jus et
du judicium, les deux rôles jusque-là séparés de magis-
trat et de juge se confondirent. Les textes portent la trace
de cette transformation. La compilation justinienne, tant au
Digeste qu'au Code, désigne le préteur ou le gouverneur de
province sous le nom de judex. Cependant, au Bas-Empire,
on trouve des pedanei judices qui, selon l'opinion la plus
accréditée, seraient de simples particuliers auxquels le juge -
ordinaire peut déléguer la connaissance des causes les moins
importantes.
Dans la procédure criminelle, le magistrat chargé de pré-
sider les quœstiones porte de très bonne heure le nom de
judex, judex quœstionis. Ainsi, par exemple, dans la loi
Acilia repetundarum. Les juges particuliers, jurés char-
gés de statuer sur le fait criminel soumis à la quœstio,
sont aussi nommés judices. Ils sont choisis sur Valbum
judicum, dressé par le préteur. A partir d'Auguste, il y
eut quatre décuries de ces judices choisis, selecti, aussi
bien pour les affaires civiles, judicia privata, que pour
les procès criminels, judicia pùblica. Avant cette réforme
et sous la république, des lois nombreuses, leges judicia-
riœ, avaient été portées pour réglementer la composition de
Valbum, Les parties avaient ici également un droit de ré-
cusation, rejectio, et par là le principe du libre choix du
juge se trouvait aussi respecté. G. May.
II. Ancien droit (V. Organisation judiciaire).
III. Droit actuel. — Dans un sens large, on entend par
juge tout magistrat chargé d'instruire et de terminer un pro-
cès quelconque. Ainsi les conseillers delà cour de cassation,
ceux des cours d'appel, les membres des tribunaux de com-
merce, les prud'hommes, sont des juges. Mais, dans un sens
étroit, ce terme ne désigne que les magistrats des tribunaux
d'arrondissement et encore ne faut-iî pas comprendre les
officiers du ministère public. C'est de ces juges des tribunaux
d'arrondissement que nous allons nous occuper spéciale-
ment. Pour pouvoir être appelé à ces fonctions, il faut être
- 239
JUGE
citoyen français, avoir atteint l'âge de vingt-cinq ans, avoir
obtenu le diplôme de licencié en droit et avoir suivi le bar-
reau pendant deux ans au moins (loi du 20 avr. 1810,
art. 64). Dans le choix des magistrats, le gouvernement
n'est lié par aucune autre règle. Il n'existe notamment ni
concours ni examen quelconque. Ce système a souvent été
critiqué; on lui a reproché de permettre au gouvernement
d'arrêter ses choix par des considérations étrangères aux
véritables intérêts de la justice et on lui a imputé l'insuffi-
sance de certains magistrats. Dans le but de donner satisfac-
tion à ces critiques, un décret du 29 mai 1876 inspiré par
M. Dufaure, alors garde des sceaux, avait organisé un vé-
ritable concours pour les places d'attachés au parquet ou
à la chancellerie ; le gouvernement continuait d'ailleurs à
jouir de la liberté la plus complète pour le choix des ju^es
comme aussi pour celui des oificiers du ministère pubHc.
Mais ces attachés au parquet se recommandaient tout par-
ticulièrement par les succès qu'ils avaient obtenus dans les
concours. Néanmoins ce décret n'a pas été longtemps ob-
servé et il est aujourd'hui presque entièrement tombé dans
l'oubli.
Les fonctions de juge sont incompatibles avec un cer-
tain nombre d'autres fonctions ou professions, telles que
celles de préfet, sous-préfet, conseiller de préfecture, maire,
adjoint, officier ministériel, notaire, fonctionnaire adminis-
tratif, comptable, conseiller d'Etat, ecclésiastique, avocat
(loi des 2, 14 sept. 1790; loi du 24 vendémiaire an IIÏ,
tit. 1 ; ordonn. du 20 nov. 1822, art. 42). Mais rien ne
s'oppose à ce qu'un juge soit en même temps professeur ou
agrégé d'une faculté de droit. Les magistrats élus députés
sont remplacés dans leurs fonctions dans les huit jours qui
suivent la vérification de leurs pouvoirs s'ils n'ont pas fait
connaître, avant l'expiration de ce délai, qu'ils n'acceptent
pas le mandat législatif (loi du 30 nov. 187d, art. 1).
Seuls le premier président de la cour de cassation et le pre-
mier président de la cour d'appel de Paris peuvent cumuler
leurs fonctions avec le mandat de député. Les membres
titulaires des tribunaux d'arrondissement sont même iné-
ligibles dans leur ressort. En d'autres termes, ils peuvent
être élus députés partout ailleurs que dans leur ressort ;
mais alors ils doivent opter comme on l'a dit plus haut.
Les juges titulaires et les juges suppléants chargés de l'ins-
truction ne peuvent pas non plus être élus conseillers
généraux, conseillers d'arrondissement, conseillers muni-
cipaux, dans l'arrondissement où ils exercent leurs fonc-
tions ; mais partout ailleurs ils sont éligibles et peuvent
cumuler ces mandats avec leurs fonctions judiciaires. Enfin
les présidents, vice-présidents et juges d'instruction ne
peuvent pas être élus sénateurs par le département dont
leur tribunal fait partie, mais rien ne s'oppose à ce qu'ils
soient élus ailleurs et dans ce cas encore le cumul est per-
mis (loi du 10 août 1871, art. 8 et 92 ; loi du 24 févr.
1872, art. 7 ; loi du 2 août 1875, art. 20 et 21 ; loi du
20 nov. 1875, art. 12 ; loi du 5 avr. 1884, art. 33). On
n'admet pas non plus que les magistrats puissent être jurés
(loi du 21 nov. 1872). Pour assurer l'indépendance des
magistrats, la loi du 20 avr. 1810 (art. 63) décide que
les parents et alliés jusqu'au degré d'oncle et de neveu
inclusivement ne peuvent être simultanément membres
d'un même tribunal ou d'une même cour, soit comme juges,
soit comme officiers du ministère public, soit comme gref-
fiers. Mais cette disposition si sage est ensuite détruite par
une exception. La même loi permet en effet, au chef de
l'Etat d'accorder des lettres de dispense en vertu desquelles
des parents ou alliés au degré prohibé pourront appartenir
au même tribunal ou à la même cour, pourvu que ce tri-
bunal se compose de huit juges au moins. Toutefois, lorsque
deux juges, parents ou alliés à un degré rapproché siègent
ensemble en vertu de ces dispenses, s'ils sont du même
avis, leurs deux voix se confondent et ne comptent que pour
une (avis du conseil d'Etat du 23 avr. 1807). Cette dis-
position est la source, dans la pratique, de difficultés sou-
vent inextricables. Qu'on suppose, en effet, une audience
composée de trois juges, dont deux parents ou alliés. Si
ces deux juges sont d'avis différents, leurs voix comptent
séparément et le jugement est rendu à le majorité de deux
voix contre une. Mais il faut avoir bien soin de dire dans
le jugement que ces deux parents ont voté en sens con-
traire. Cette indication ne viole pas sans doute le principe
du secret de la délibération et du vote, car si l'on met
dans le jugement que les deux juges parents ou aUiés ont
été d'avis différents, cependant on n'indique pas dans quel
sens l'un et l'autre ont voté. Mais c'est pour le troisième
juge non parent que le secret des délibérations est violé :
par cela même qu'on dit que les deux juges parents ou
alliés ont voté en sens contraire, on montre que le troi-
sième juge a fait la majorité et a voté en faveur du gagnant.
C'est là un inconvénient sérieux, mais enfin le jugement n'en
est pas moins valablement rendu. La situation devient
beaucoup plus grave lorsque les deux juges, parents ou
aUiés, ont voté dans le même sens : il se trouve alors que,
leurs deux voix comptant seulement pour une, le tribunal
n'a été composé que de deux membres et le jugement ne peut
pas être rendu ou est nul pour cause d'insuffisance du
nombre des juges (loi du 20 avr. 1810, art. 7). Comment
sortir d'embarras ? Appellera-t-on un quatrième juge ? On
ne le pourra pas, car la loi du 30 août 1883 veut que les
tribunaux d'arrondissement siègent en nombre impair. Il
faudra donc faire venir deux juges, et le tribunal se compo-
sera maintenant de cinq magistrats dont deux parents ou
alliés. Il faut recommencer toute l'instruction ; puis ensuite,
au moment du vote, il pourra arriver que trois voix se
prononcent contre deux, en faveur de telle partie, et si,
dans ces trois voix se trouvent celles des deux juges pa-
rents ou alliés, comme elles se confondent, on est en réahté
en présence de deux voix contre deux, c.-à-d. d'un par-
tage. Tout est encore à recommencer et peut-être sans
chance de succès. Ea pratique, le seul moyen de sortir de
cette impasse est de prier un des juges parents ou alliés
de se retirer et de le remplacer par un autre. Mais ne voit-
on pas que toutes ces complications seraient évitées si les
dispenses n'étaient pas admises et s'il était absolument
interdit à deux parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle ou
de neveu inclusivement de faire partie d'un même tribunal,
quel que soit le nombre des membres de ce tribunal ?
On doit, au contraire, approuver sans réserve la dispo-
sition de la loi du 30 août 1883 (art. 10) qui interdit à
tout magistrat d'un tribunal ou d'une cour de siéger, s'il
est parent ou allié jusqu'au troisième degré inclusivement
de l'avocat ou de l'avoué de l'une des parties. Mais on peut
regretter que cette disposition ne s'applique pas à la cour
de cassation.
Tout juge est nommé par décret du président de la Ré-
publique (loi du 25 févr. 1875, art. 3). La nomination
est précédée d'une double présentation; l'une est faite par
le premier président, l'autre par le procureur général de
la cour dans le ressort de laquelle la vacance s'est produite ;
mais ces présentations ne sont pas obligatoires pour le chef
de l'Etat. Avant d'entrer en fonctions, le nouveau juge doit
prêter, devant la première chambre de la cour, le serment
professionnel suivant : « Je jure et promets de bien rem-
plir mes fonctions, de garder religieusement le secret des
délibérations et de me conduire en tout comme un digne
et loyal magistrat. » Ce serment est la condition indispen-
sable de' l'exercice des fonctions. Le refus de prestation de
serment serait considéré comme une démission ; le magis-
trat qui exercerait ses fonctions avant de l'avoir prêté
ferait des actes nuls, encourrait des mesures disciplinaires
et une amende (C. pén., art. 196). D'ailleurs, le traitement
du magistrat ne court que du jour où il a prêté serment
(décr. du 30 janv. 1811, art. 29). Une fois entrés en fonc-
tions, les juges, à la différence des officiers du ministère
public, sont inamovibles, c.-à-d. ne peuvent être privés
de leurs fonctions ou même changer de résidence si ce
n'est de leur libre consentement, à moins qu'on ne soit
dans un des cas où la loi permet de prendre contre eux des
JUGE — 240
mesures disciplinaires. Mais alors il faut observer les formes
prescrites par la loi. L'inamovibilité ne saurait en effet
avoir pour résultat de permettre aux magistrats de man-
quer à leurs devoirs et ceux-ci sont même tout particuliè-
rement étroits. Ainsi les juges doivent résider dans la ville
où siège le tribunal et ne peuvent pas s'absenter sans avoir
obtenu de congé. A l'effet de les obliger à l'assiduité aux
audiences, la loi veut qu'avant l'heure fixée pour l'ouver-
ture des audiences, ils se fassent inscrire sur le registre
de pointe (V. pour plus de détails, décret du 30 mars 1808,
art. 14 et suiv. et art. 100; loi du 20 avr. 1810, art. 29
et suiv.).
A raison même de la gravité de leur caractère, ils
doivent s'abstenir de certains actes qui sont cependant
parfaitement licites pour les autres citoyens : faire le com-
merce (a fortiori de l'ordonn. du 22 nov. 1822, art. 42,
qui défend le commerce aux avocats) ; se rendre cession-
naires de droits litigieux dans leur ressort ; se porter adju-
dicataires des biens dont la vente est poursuivie devant
leur tribunal ou des coupes de bois de l'Etat mises en vente
dans leur ressort (C. civ., art. 1596 et 1597 ; C. de pro-
céd., art. 711, 964, 973 et 988; C. for., art. 21) ; signer
aucun effet de commerce ou billet à ordre ; accepter aucune
fonction ou profession qui oblige à rendre compte, telle
que celle d'agent d'affaires (ordonn. du 24 sept. 1828,
art. 151); donner aucune consultation, même à titre gra-
tuit (G. de procéd., art. 378) ; se livrer à des démonstra-
tions ou manifestations politiques, hostiles au principe ou
à la forme du gouvernement (loi du 30 août 1883, art. 14).
Le juge qui manque à l'un de ces devoirs peut être frappé
d'une des quatre peines disciplinaires suivantes : censure
simple ; censure avec réprimande, laquelle emporte priva-
tion de traitement pendant un mois ; suspension, laquelle
implique aussi privation de traitement et pour toute sa du-
rée ; déchéance (loi du 20 avr. 1810, art. oO). Depuis la
loi du 30 août 1883 (art. 15 et suiv.), ces peines ne peu-
vent être prononcées que par la cour de cassation à laquelle
cette loi a donné les attributions de conseil supérieur de la
magistrature. La cour de cassation statue en chambre du
conseil et ne peut être saisie que par le ministre de la jus-
tice. Elle donne aussi son avis pour le cas où le garde des
sceaux veut déplacer un magistrat ou le mettre à la retraite
(V. Inamovibilité). En outre, le président de chaque tribu-
nal a le droit d'adresser d'office ou sur la réquisition du
ministère public, des avertissements aux juges de son tri-
bunal qui compromettent la dignité de leur caractère (loi
du 20 avr. 1810, art. 47).
En sens inverse, le juge jouit, dans l'exercice de ses
fonctions, de certaines prérogatives. Ainsi, il est dispensé
de la tutelle et des charges publiques qui s'en rapprochent
( C. civ. , art. 427 ) . S'il est inculpé d'un délit , il est
traduit devant la première chambre civile de la cour
d'appel (C. d'instr. crim., art. 479). Lorsqu'un magis-
trat a dignement rempli ses fonctions, il peut obtenir, en
sortant de charge, l'honorariat, en vertu duquel il continue
à figurer au tableau du tribunal ; dans les cérémonies pu-
bliques, il prend place immédiatement après les magistrats
en activité ; il a droit, comme par le passé, au privilège
attaché à sa qualité de juge, mais aussi il reste soumis'^à
l'action disciplinaire, et, s'il commet quelque faute grave, il
peut être privé de rhonorariat(décr. du 2 oct. 1807, art. 3).
Il y a près de chaque tribunal un certain nombre de
juges suppléants. Ces magistrats sont inamovibles comme
les autres et soumis aux mêmes conditions de capacité; ils
jouissent des mêmes prérogatives, mais ils ne touchent pas
de traitement et n'ont que voix consultative ; en outre, la
plupart des incompatibilités précédemment relevées n'exis-
tent pas pour eux, et c'est ainsi qu'un juge suppléant peut
être en même temps avocat ou avoué près le tribunal. Mais
il va sans dire (fue dans les affaires où il représente les par-
ties, il ne peut pas plaider pour elles. Toutefois, un juge
suppléant ne peut pas être en même temps huissier, et les
incompatibilités relatives à la parenté ou à l'alliance lui sont
applicables. Les juges suppléants n'ont pas de fonctions
habituelles, mais ils ont d'ailleurs toujours l'entrée du tri-
bunal et peuvent assister à toutes les audiences avec voix
consultative. Ils sont surtout destinés à remplacer les juges
titulaires empêchés et on leur donne alors voix délibérative.
Ils peuvent aussi, par décrets spéciaux, être chargés de la
confection des ordres et des distributions par contribution
et comme rapporteurs, ils ont encore voix délibérative (décr.
du 25 mai 4811 et du 19 mars 1852). Un décret du 4«^ mars
4852 a permis de leur conférer les fonctions de juge d'ins-
truction. De tout temps, il a été admis que les juges sup-
pléants peuvent remplacer les officiers du ministère public
empêchés, et la loi du 30 août 1883 (art. 6) a ajouté que
si les besoins du service l'exigent, le procureur général peut
déléguer un substitut ou un juge suppléant pour exercer
près d'un autre tribunal du même ressort les fonctions du
ministère public. Les juges suppléants reçoivent par excep-
tion un traitement lorsqu'ils sont attachés à une chambre
temporaire comme juges ou comme substituts ou qu'ils rem-
placent des juges titulaires suspendus pour plus d'un mois
(loi du 11 avr. 1838, art. 8 et 9). S'ils sont chargés de l'ins-
truction, ils touchent le supplément de traitement accordé aux
juges d'instruction (décr. du 2 juil. 1857). E. Glasson.
Juges administratifs (V. Administration).
Juge-Commissaire. — Magistrat chargé d'une mission
spéciale sur laquelle il présente un rapport. Certaines procé-
dures ne peuvent, en effet, s'accomplir devant le tribunal
tout entier dont elles absorberaient inutilement le temps,
au préjudice de la marche générale des affaires. Il en est
ainsi, par exemple, des enquêtes, des vérifications d'écri-
tures, des descentes sur lieux, des partages, des or-
dres, etc. Dans ces cas, la loi prescrit la nomination d'un
juge-commissaire. Elle est ordinairement faite par un ju-
gement rendu en audience publique ; exceptionnellement,
le juge-commissaire est nommé par ordonnance du prési-
dent, comme en matière d'autorisation de femme mariée,
lorsque le mari est présumé absent. Enfin, d'après l'art. 749
du C. de procéd. civ., un décret du président de la Répu-
blique commet un juge spécial pour le règlement des
ordres dans les tribunaux où les besoins du service l'exi-
gent; ce magistrat est habituellement nommé pour un an,
quelquefois pour trois. Les fonctions des juges-commis-
saires varient suivant les opérations auxquelles ils doivent
procéder. Elles sont particulièrement importantes en ma-
tière de faillite où elles consistent, d'une manière géné-
rale, à accélérer et à surveiller les opérations et la ges-
tion de la faillite (V. ce mot). — Les juges-commissaires
ne cessent pas de faire partie du tribunal, et, à part les
juges commis aux ordres dans certains grands tribunaux,
ils continuent à faire le service ordinaire des audiences.
F, Girodon.
Juge de paix. — Les juges de paix sont d'origine récente ;
ils ont été créés par l'Assemblée constituante de 1789 qui les
a empruntés à la Hollande plutôt qu'à l'Angleterre. A cette
époque d'illusion sur les institutions de la France nou-
velle, on se proposait, en créant cette juridiction, de rem-
placeras anciennes justices de village, si justement décriées,
par des magistrats populaires, mis à la portée des justi-
ciables, estimés et connus dans le pays, animés de senti-
ments pacifiques et destinés grâce à leur autorité paternelle
à prévenir les procès plutôt qu'à les juger. «Les justices
de paix, disait Thouret, le rapporteur de la loi qui les or-
ganisa, seront un bienfait pour les citoyens longtemps
dupes des praticiens. On ne verra plus les chemins condui-
sant des villages aux villes, couverts de plaideurs allant
consulter des juges plus faits pour embrouiller que pour
résoudre les difficultés. » Le rapporteur n'était pas loin de
croire que la sagesse du juge de paix peut remplacer les
lois et la procédure. «La justice de paix, disait encore
Thouret, ne doit pas être sujette aux rigueurs de la pro-
cédure ; un règlement très simple doit en faire tout le
code. » On alla jusqu'à comparer les juges de paix à M. de
Lamoignon, accommodant ses vassaux, et, comme avait dit
- 241 —
JUGE
Fléchier, « plus content en lui-même et plus grand aux yeux
de Dieu lorsque, dans le fond d'une allée sombre et sur un
tribunal de gazon, il avait assuré le repos d'une pauvre
famille, que lorsqu'il décidait des fortunes les plus écla-
tantes sur le premier trône de la justice ». On eut cepen-
dant une certaine peine à s'entendre sur la nature des fonc-
tions qui seraient confiées à ces magistrats. Les uns
voulaient leur refuser toute juridiction contentieuse et ne
leur accorder que le droit de passer ou de recevoir certains
actes de juridiction gracieuse, présidence des conseils de
famille, apposition de scellés, etc. Mais cette opinion fut
écartée et on décida que les juges de paix auraient aussi
le droit de juger les petits procès.
La loi des 16-24 août 1790 (art. 3) créa un juge de paix
par canton et elle établit, dans chaque commune du canton,
quatre notables qui devaient siéger comme assesseurs du juge
de paix. A cette époque, en effet, ce magistrat, au lieu de
juger seul, était assisté de deux assesseurs au moins et poU'
vait rendre la justice dans chaque commune de son canton. En
outre, chaque ville de plus de 2,000 âmes avait nécessaire-
ment son juge de paix et des prud'hommes particuliers. Pour
chaque ville de plus de 8,000 âmes, une loi spéciale fixait
le nombre des juges de paix ; c'est ainsi qu'une loi du
25 août 1890 établit quarante-huit juges de paix à Paris.
Tous ces magistrats étaient alors élus au scrutin individuel
et à la majorité absolue par les citoyens de leur ressort
réunis en assemblées primaires. Les prud'hommes étaient
élus dans chaque commune au scrutin de liste, et la majo-
rité relative suffisait. Juges de paix et prud'hommes asses-
seurs étaient élus pour deux ans et indéfiniment rééligibles.
Pour pouvoir être élu juge de paix, il fallait avoir atteint
l'âge de trente ans et payer une contribution directe égale
au moins à la valeur locale de dix journées de travail.
Chaque juge de paix jugeait assisté de deux prud'hommes
assesseurs et d'un greffier inamovible qu'il choisissait lui-
même parmi les citoyens âgés de vingt-cinq anpau moins.
En cas d'empêchement, le juge de paix se faisait remplacer
par un des prud'hommes assesseurs. Il n'avait à cette
époque aucun costume particulier, mais il pouvait porter,
dans l'exercice de ses fonctions, un médaillon de forme
ovale et en étoffe, bordé de rouge sur fond bleu oii on
lisait en lettres blanches les mots : la loi et la paix
(loi des 6-27 mars 1791, art. 1:2). En principe, le juge de
paix jugeait en premier et en dernier ressort les affaires
mobilières jusqu'à concurrence de 50 livres et il en con-
naissait encore, mais à charge d'appel seulement, depuis
50 jusqu'à 100 livres; dans ce dernier cas l'appel était
porté au tribunal de district, mais on ne l'admettait pas
contre les jugements par défaut (loi des 18-26 oct. 1790,
titre 3, art. 10) ; sur les exceptions que comportait le prin-
cipe général de la compétence du juge de paix (loi des
16-24 août 1790, titre 3, art. 10). Le juge de paix était
en outre établi conciliateur au bureau de paix (V. pour
les détails loi des 16-24 août 1790, titre 10, art. 1 à
1 0) et était chargé de certains actes de juridiction gracieuse,
apposition de scellés, présidence des délibérations du con-
seil de famille, etc. A peine cette nouvelle magistrature
ainsi organisée avait-elle commencé à fonctionner que des
plaintes très nombreuses s'élevèrent contre les juges de
paix. On leur reprochait surtout d'ignorer la loi, de ne pas
comprendre l'esprit de leur institution, d'user vis-à-vis des
plaideurs de plus d'autorité que de bienveillance. On n'au-
rait pas dû pourtant s'étonner de ces résultats. Il n'est pas
possible de donner sur-le-champ à une institution nouvelle
le dernier degré de la perfection, et cela est surtout vrai
lorsqu'il s'agit d'une magistrature qui exige le concours
d'un grand nombre de juges. Il a fallu, du jour au lende-
main, élire des milliers déjuges de paix et de prud'hommes
assesseurs. Il n'était pas possible d'exiger de ces nouveaux
venus des connaissances juridiques sérieuses et, de son
côté, le suffrage universel chargé de les élire manquait
complètement d'expérience. Aussi le législateur agit sage-
ment en ne tenant pas compte de ces réclamations ; il es-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
pérait que, dans cette circonstances comme dans les autres,
le temps ferait son œuvre. La Convention ne s'est pas oc-
cupée d'une manière directe et générale des juges de paix.
Mais à la suite de la constitution du 5 fructidor an III,
organique du Directoire, une loi nouvelle, du 19 vendé-
miaire an IV, réorganisa toute la justice et consacra aux
juges de paix d'importantes dispositions. Désormais, ils
sont élus pour deux ans dans les assemblées primaires et
sont indéfiniment rééligibles. Aucune condition de cens
ne leur est plus imposée, mais ils doivent être âgés de
trente ans au moins. Les assesseurs sont élus de la même
manière et sous les mêmes conditions. Auprès de chaque
juge de paix sont attachés un greffier que ce magistrat
nomme et révoque et un huissier. Tout juge de paix porte,
dans l'exercice de ses fonctions, une branche d'olivier en
métal, suspendue sur la poitrine par un ruban blanc, légè-
rement liséré de bleu et de rouge et il doit tenir à la main
un grand bâton blanc, surmonté d'une pomme d'ivoire avec
un œil noir; c'est l'œil de la justice. Le gouvernement du
Directoire croyait beaucoup, on le sait, au prestige du
costume, mais il n'était pas toujours heureux dans ses
choix et ces nouvelles marques distinctives des juges de
paix, au lieu de donner à ces magistrats plus de dignité,
firent plus d'une fois sourire les plaideurs. Les règles de
compétence ne furent pas modifiées et restèrent longtemps
encore, jusqu'à la loi du 25 mai 1838, fixées à 50 livres
sans appel, à 100 livres à charge d'appel. Mais les bureaux
de conciliation précédemment établis près de chaque tribu-
nal de district furent supprimés. Désormais la tentative
de conciliation fut toujours subie devant le juge de paix
assisté de deux assesseurs et on eut le soin d'en dispenser
les instances sur appel.
Sous la constitution du 22 frimaire an VIII, les juges de
paix continuèrent à être élus directement tous les trois ans par
les citoyens. Mais on leur refusa le bénéfice de l'inamovibilité
qu'on accordait aux autres magistrats. Ceux-ci ne tardèrent
d'ailleurs pas, sous l'Empire, à devenir à leur tour amovibles.
Un peu plus tard le sénatus-consulte du 16 thermidor an X
ôta aux citoyens l'élection directe des juges de paix, y subs-
titua une présentation des candidats et porta à dix ans la
durée de leurs fonctions. Déjà auparavant la loi du 29 ven-
tôse an IX avait supprimé les prud'hommes assesseurs des
juges de paix. Depuis cette époque chaque juge de paix
jugeait seul assisté de son greffier, mais il avait deux sup-
pléants pour le remplacer en cas d'empêchement, et le séna-
tus-consulte du 16 thermidor an X a soumis ces sup-
pléants au même mode de nomination que les titulaires.
A partir de l'Empire, les juges de paix ont été nommés et
révoqués par le chef de l'Etat, ainsi que leurs suppléants,
et tel est le système qui fonctionne encore aujourd'hui. De
nos jours aussi, pour être juge de paix, il suffit d'être ci-
toyen français, d'avoir la jouissance de ses droits civils et
politiques et d'avoir atteint l'âge de trente ans. Les incom-
patibilités entre les fonctions de juge et certaines
autres fonctions ou professions s'appliquent aussi aux
juges de paix (V. ci-dessus). Quant aux suppléants des juges
de paix, ils sont soumis aux mêmes conditions d'âge que
ces magistrats et, dans le silence de la loi, on admet
assez volontiers qu'ils sont régis quant aux incompatibi-
lités au même régime que les juges suppléants des tri-
bunaux d'arrondissement (V. ci-dessus). Avant d'entrer en
fonctions, tout juge de paix ou suppléant prête un serinent
professionel (un décret du 5 sept. 1870 a supprimé le ser-
ment politique) devant le tribunal d'arrondissement de son
ressort et ensuite il est procédé à son installation qui se
réduit à la lecture publique du procès- verbal de prestation
de serment. Le juge de paix est tenu de résider dans le
canton ; mais il n'est pas nécessaire qu'il demeure au
chef-lieu (loi du 28 floréal an VIII, art. 8). Il ne peut
pas s'absenter même momentanément de son canton sans
la permission du procureur de la République, et, si son
absence doit durer plus d'un mois, il lui faut même un
congé du ministre de la justice (loi du 28 floréal an X,
16
JUGE
- 242
art. 9). Lorsque le juge de paix et les suppléants d'un
canton sont tous empêchés, le tribunal d'arrondissement
peut, sur la demande des parties, mais non d'office, les
renvoyer devant un autre juge de paix de l'arrondissement.
Ce renvoi ne peut être prononcé que pour l'affaire en litige
et si un tribunal d'arrondissement déclarait en termes ab-
solus qu'à l'avenir, en cas d'empêchement de tel juge de
paix et de ses suppléants, ces magistrats seront toujours
remplacés par tel autre juge de paix de l'arrondissement,
il commettrait un excès de pouvoir en procédant par voie
de disposition générale et réglementaire (loi du 16 vendé-
miaire an XII).
Les juges de paix jouissent des prérogatives accordées
aux autres magistrats et, par exemple en cas de délit,
ils sont justiciables de la cour d'appel (C. d'instr. crim.,
art. 479) ; ils sont placés sous les ordres du procu-
reur de la République de leur arrondissement, sous la
surveillance du tribunal civil, sous celle de la cour d'appel,
et la cour de cassation peut exercer sur eux sa juridic-
tion disciplinaire (sénatus-consulte du iO thermidor an X,
art. 81 et 83; Ioidu20avr.l8l0, art. 49 et suiv.; loi du
30 août 4883). En outre, les juges de paix étant amo-
vibles, à la différence des autres juges, le gouvernement
a toujours le droit de les changer de résidence ou même
de les révoquer. On a souvent demandé, au profit des juges
de paix, le bénéfice de l'inamovibilité: mais pour repous-
ser cette innovation on a répondu que le nombre des juges
de paix est si considérable que le gouvernement n'a pas
toujours la preuve certaine de la capacité de ceux qu'il
nomme. Il serait en effet imprudent d'accorder à tout
juge de paix, dès le jour même de sa nomination, ce bé-
néfice de l'inamovibilité ; peut-être pourrait-on sans incon-
vénient le lui conférer toutes les fois qu'il aurait donné,
au bout d'un certain nombre d'années de service, des
preuves certaines de sa capacité. Il va sans dire que les
juges de paix ont les mêmes devoirs professionnels que les
autres juges. Quelques-uns de ces devoirs sont même plus
étroits pour eux. C'est ainsi que la loi ne leur accorde pas
de vacances judiciaires (décret du 10 févr. 1810), Tout
juge de paix doit tenir au moins deux audiences par se-
maine, davantage s'il le veut et même le dimanche (C. de
procéd., art. 8). Ces audiences peuvent avoir lieu au do-
micile du juge de paix, pourvu qu'elles soient publiques. Le
juge de paix peut aussi rendre la justice sur les lieux liti-
gieux ; mais il ne peut pas aller tenir audience de ville en ville
dans son canton, car les juges sont, en France, sédentaires.
On a demandé sur ce point aussi une réforme de la loi,
mais il n'a pas encore été fait droit à cette réclamation,
formulée surtout par des villes qui, depuis la création des
chemins de fer ou par le développement de l'industrie,
sont devenues des centres importants. Nous sommes toujours
sous l'empire de la loi du 5 pluviôse an IX (art. 8) qui
réserve au gouvernement le droit de fixer le siège de la
justice de paix dans chaque canton. A plus forte raison
un juge de paix n'a-t-il pas le droit de rendre la justice
hors de son canton. On peut toutefois relever, à titre d'ex-
ception curieuse à ce principe, un décret du gouvernement
de la Défense nationale qui autorisa, pendant la durée du
siège, les juges de paix des environs de Paris, réfugiés
dans la capitale, à rendre la justice à ceux de leurs justi-
ciables qui étaient également venus à Paris. Mais c'était
là une mesure transitoire et limitée à la durée du siège.
Les juges de paix ont un grand nombre de fonctions. La
loi les a d'abord établis conciliateurs pour les affaires de
la compétence des tribunaux d'arrondissement et pour
celles qui sont de leur propre compétence (V. Concilia-
tion, t. XII, p. 30^). En second lieu, ils sont juges des
petits procès civils en matière mobilière. Jusqu'à la loi du
25 mai 1838, ils connaissaient en premier lieu et dernier
ressort des actions mobilières dont la valeur ne dépassait
pas 50 Hvres et ils jugeaient à charge d'appel depuis
50 jusqu'à 100 Uvres inclusivement. La loi du 25 mai
1838 a doublé leur compétence; ils jugent donc aujour-
d'hui, en matière mobilière, sans appel jusqu'à 100 francs
et à charge d'appel depuis 100 francs jusqu'à 200 francs.
Mais ils ne connaissent jamais des questions relatives
à Tétat des personnes ; la loi ne veut pas qu'ils jugent
les affaires immobilières, sauf certaines exceptions, no-
tamment pour les actions possessoires ; elle leur interdit
aussi de connaître des affaires commerciales, même les
plus minimes. Dans les deux premiers cas, c'est toujours
le tribunal d'arrondissement qui est compétent ; dans
le troisième cas, c'est le tribunal de commerce, ou, s'il
n'en existe pas dans l'arrondissement, le tribunal civil.
A défaut de conseil de prud'hommes, le juge de paix est
compétent pour connaître des contestations entre patrons
et ouvriers, mais il ne les juge en dernier ressort que jus-
qu'à 1 00 fr. de principal, tandis qu'un conseil de prud'hommes
en connaîtrait sans appel jusqu'à 200 fr. de capital.
Enfin la loi du 25 mai 1838 a pour un assez grand
nombre d'affaires élargi la compétence, soit en dernier
ressort, soit en premier ressort, du juge de paix. Ces affaires
peuvent se ramener à trois groupes. La première classe
comprend certaines actions dont le juge de paix connaît sans
appel jusqu'à la valeur de 100 fr. et à charge d'appel jus-
qu'au taux de la compétence en dernier ressort des tribunaux
civils, c.'à-d. jusqu'à 1,500 fr. (loi du 25 mai 1838,
art. 2 et 4). Parmi ces affaires nous relevons les contes-
tations entre voyageurs et voituriers pour retard, frais de
route, perte, détériorations de bagages accompagnant les
voyageurs ; si Ton avait obligé les voyageurs à se soumettre
aux lenteurs des tribunaux ordinaires, on se serait exposé
à commettre un véritable déni de justice. Dans une seconde
classe, se placent un certain nombre d'affaires dont les
juges de paix connaissent en dernier ressort jusqu'à 100 fr.
et à charge d'appel depuis 100 fr. jusqu'à une somme
quelconque (loi du 25 mai 1838, art. 3 et 5). Enfin il y
a des affaires pour lesquelles les juges de paix sont tou-
jours compétents, mais toujours aussi à charge d'appel ;
elles forment la troisième classe ; nous y remarquerons
notamment les actions possessoires et l'action en bornage,
à condition que la propriété ne soit pas contestée. On a
pensé que les affaires de cette nature exigent le plus sou-
vent l'examen des lieux, la connaissance des usages et rè-
glements locaux. Mais comme ces questions, surtout celles
de possession, sont de nature à préjuger les intérêts les
plus graves, notamment au point de vue de la propriété,
les jugements des juges de paix sur ces matières sont tou-
jours sujets à appel. Les juges de paix sont aussi compétents
à charge d'appel pour les pensions alimentaires n'excédant
pas 150 fr. ; il y a avantage à soumettre ces affaires qui
naissent toujours entre proches parents ou scellées à une
juridiction simple et paternelle (loi du 25 mai 1838,
art. 6). Malgré le nombre élevé de ces affaires portées
devant le juge de paix, ce magistrat n'est cependant qu'un
juge d'exception. Il résulte de là qu'il n'est pas permis
d'étendre par argument d'analogie les dispositions de loi
concernant sa compétence. Ainsi l'art. 5 de la loi de 1838^
qui attribue au juge de paix les procès naissant des répa-
rations locatives mises à la charge du locataire ou fermier
ne saurait s'étendre au cas oti la même contestation s'élève
entre le nu propriétaire et l'usufruitier. De même le juge
de paix ne connaît pas des difficultés qui naissent de l'exé-
cution de ses jugements; elles sont portées au tribunal
d'arrondissement dans le ressort duquel se poursuit l'exé-
cution. C'est du moins ce que décide l'art. 553 du C. de
procéd. pour les jugements des tribunaux de commerce, et
dans le silence de la loi on étend cette disposition aux juge-
ments des juges de paix.
Les jugements des juges de paix rendus en dernier res-
sort ne peuvent pas être attaqués pour violation de la
loi devant la cour de cassation, si ce n'est en cas d'excès
de pouvoir (loi du 25 mai 1838, art. 15). C'est là une
remarquable dérogation au droit commun qui a pour ré-
sultat de donner un grande indépendance au juge de paix
en tant qu'il statue en dernier ressort. S'il viole la loi, il
243 -
JUGE^
le fait presque impunément puisqull échappe à la censure
de la cour de cassation. Mais il ne faut pas cependant
qu'il abuse de cette faculté, car autrement le gouvernement
pourrait lui rappeler qu'il n'est pas inamovible. La loi a
pensé que le pourvoi en cassation, s'il était admis contre
les jugements en dernier ressort des juges de paix, serait
plutôt nuisible que favorable aux plaideurs. Le moindre
pourvoi en cassation coûte, en effet, près d'un millier de
franc. Or il s'agit d'affaires dont l'intérêt pécuniaire ne
dépasse pas 100 fr. Par exception, cependant, la loi auto-
rise le pourvoi en cassation dans un cas, s'il y a eu excès
de pouvoir de la part du juge de paix. L'excès de pouvoir
est en effet une faute d'une gravité exceptionnelle, car elle
suppose qu'une juridiction a empiété sur l'autorité légis-
lative, sur le pouvoir exécutif ou sur l'administration ;
il est indispensable qu'elle soit toujours réprimée. La re-
quête civile est, comme le pourvoi en cassation, une voie
de recours ouverte contre les jugements en dernier ressort
de certains tribunaux, dans des cas énumérés par la loi
et qui supposent tous que ces tribunaux se sont trompés
ou ont été trompés. Doit-on l'admettre contre les jugements
en dernier ressort des juges de paix ? Les uns répondent
affirmativement en faisant remarquer que les raisons de
l'exclusion du pourvoi en cassation n'existent pas ; par
l'effet de la requête civile l'affaire reviendra devant le juge
de paix qui en a déjà connu et, si le magistrat reconnaît
son erreur, il pourra revenir sur son premier jugement
sans qu'il en résulte des frais considérables pour les plai-
deurs. Dans un second système, on refuse la requête civile
contre les jugements en dernier ressort des juges de paix
en faisant remarquer que cette voie de recours, étant excep-
tionnelle, ne peut être permise qu'en vertu d'un texte de loi.
Or l'art. 480 du C. de procéd. n'autorise la requête civile
que contre les jugements en dernier ressort des tribunaux
d'arrondissement et contre les arrêts des cours d'appel.
En principe, le juge de paix compétent pour connaître
d'une contestation est celui du domicile du défendeur ;
mais, si le procès concerne un immeuble, on préfère en général
le juge de paix du lieu où cet immeuble est situé (C. de
procéd., art. 2 et 3). Les plaideurs peuvent se présenter
devant le juge de paix compétent sans citation d'huissier
pour lui soumettre leur différend, tandis que, devant le tri-
bunal d'arrondissement, une assignation serait nécessaire ;
en justice de paix, le demandeur n'est obligé de citer par
huissier le défendeur qu'autant que celui-ci ne vient pas
volontairement en justice (C. de procéd., art. 1). Les
parties peuvent aussi, à la condition de s'entendre sur ce
point, saisir un juge de paix autre que celui désigné par la
loi et ce magistrat est obligé de juger leur différend sous
peine de commettre un déni de justice, bien qu'il ne soit
pas leur juge naturel (C. de procéd. , art. i ). Lorsqu'il s'agit
d'une affaire relevant des tribunaux d'arrondissement, les
parties peuvent aussi, d'un commun accord, saisir un tri-
l3unal civil autre que celui déterminé par la loi, mais ce
tribunal civil, n'étant pas leur juge naturel, a le droit de
se déclarer incompétent et par conséquent de refuser de
connaître du procès sans commettre aucun déni de justice.
Toutefois, les parties ne peuvent pas rendre le juge de paix
compétent lorsqu'il s'agit d'une affaire que la loi attribue
à une juridiction supérieure ou d'un autre ordre. Ainsi
tout juge de paix est incompétent d'une manière absolue
et doit même d'office déclarer cette incompétence en ma-
tière administrative, en matière commerciale, en matière
de question d'état ou de propriété immobilière. H y a tou-
tefois controverse dans un cas. On se demande si l'incom-
pétence du juge de paix est encore absolue ou n'est pas
plutôt relative lorsqu'il s'agit d'une action mobihère supé-
rieure à 200 fr.? L'intérêt de la question est considérable:
si l'incompétence est absolue comme en matière adminis-
trative, commerciale, immobilière, le juge de paix ne
pourra pas juger, même du consentement des parties et il
devra se déclarer incompétent même d'office; si, au con-
traire, l'incompétence est relative, elle pourra être couverte
par le consentement des plaideurs qui prorogeront ainsi la
juridiction du juge de paix.
La jurisprudence et nombre d'auteurs décident qu'un
juge de paix, avec le consentement des parties, peut
connaître d'une affaire mobilière supérieure à 200 fr.,
tout en reconnaissant cependant que, même avec ce consen-
tement, il ne pourrait jamais être saisi d'une action péti-
toire immobilière. On explique cette différence en faisant
remarquer que, d'après la loi, le juge de paix ne peut jamais
connaître des questions de propriété immobilière et que
lui soumettre une affaire de cette nature, ce serait déroger
à une règle de compétence ratione materiœ. Mais, au
contraire, la loi elle-même donne compétence au juge de
paix pour les affaires mobilières jusqu'à 200 fr.; dès lors
lui soumettre une action mobilière supérieure à 200 fr.,
ce n'est pas proroger sa compétence d'un genre d'affaires
à un autre genre d'affaires, mais d'une quantité moindre
à une quantité plus forte. On en conclut que l'incompé-
tence du juge de paix pour les actions mobihères supérieures
à 200 fr. est purement relative et peut être couverte
par l'accord des plaideurs. Cette solution est fort contes-
table. Le juge de paix est en effet un juge d'exception, et
la loi du 25 mai 1838 énuraère limitativement les affaires
de sa compétence. Soumettre à un juge d'exception une
affaire que la loi ne lui attribue pas, c'est manifestement
faire naître une incompétence absolue. D'un autre côté, ne
voit-on pas que si l'action mobilière est entre 200 et
1,500 fr. et si elle est portée devant le juge de paix, elle
va comporter deux degrés de juridiction, alors que la loi
du 11 avr. 1838 n'en admet qu'un, celui du tribunal d'ar-
rondissement. Remarquons que si le juge de paix est in-
compétent d'une manière absolue pour les affaires commer-
ciales, pour les actions pétitoires immobilières, pour les
actions mobilières supérieures à 200 fr., rien ne s'oppose
cependant à ce que les parties le prennent pour arbitre
dans ces diverses circonstances. Mais alors il deviendra
un simple particulier chargé de vider une contestation ; il
pourra refuser cette mission, car nul ne peut être con-
traint à la remplir, et enfin la décision qu'il rendra, au lieu
d'être exécutoire par elle-même, ce qui aurait lieu s'il
était juge, devra être revêtu d'une formule d'exequatur
par le président du tribunal civil.
Le juge de paix formant un tribunal d'exception n'est
pas non plus, en principe, compétent pour passer ou recevoir
les actes qui rentrent dans la juridiction gracieuse (V. Ju-
ridiction). Cependant la loi, par des raisons diverses, lui
a, à titre exceptionnel, attribué certains actes de cette
nature : il dresse les actes de notoriété de ceux qui,
voulant se marier, sont dans l'impossibilité, pour une
cause quelconque, de se procurer leur acte de naissance
(G. civ., art. 10) ; il reçoit les contrats d'adoption (C. civ.,
art. 353) ; il convoque et préside les conseils de famille
(C. civ., art. 406, 421 et suiv.); la déclaration par la-
quelle le survivant des époux nomme un tuteur testamen-
taire à ses enfants est également reçue par le juge de paix
(C. civ., art. 398 et suiv.). C'est aussi ce magistrat qui
reçoit la déclaration par laquelle le père attribue un
conseil à la mère survivante et tutrice à moins qu'il ne
préfère faire cette déclaration par acte testamentaire (C.
civ., art. 392). Le juge de paix reçoit aussi les actes
d'émancipation (C. civ., art. 477); l'acte instrumentaire
nécessaire pour établir une tutelle officieuse est dressé
devant lui (C. civ., art. 363); lorsqu'il siège au bureau
de conciliation ou préside un conseil de famille, il peut cons-
tater les reconnaissances d'enfant naturel ; il peut aussi
recevoir les testaments privilégiés faits en temps de peste
ou de maladie contagieuse (C. civ., art. 985 et 986).
Le juge de paix est, en matière répressive, officier de
police judiciaire et juge de simple police. En cette pre-
mière qualité, il est, comme le commissaire de police, le
maire et les officiers de gendarmerie, un auxiliaire du pro-
cureur de la République et il fait les actes de police judi-
ciaire de la compétence de ce magistrat, soit de son initia-
JUGE
— 244 —
tive personnelle en Tabsence du procureur de la République,
soit par délégation de celui-ci, toutes les fois qu'il s'agit
de crime ou de délit (C. d'inst. crim., art. 48 et 50). En
matière de contravention, la police judiciaire est exercée
par le commissaire de police ou à son défaut par le maire
ou par son adjoint. Quant au juge de paix, il est précisé-
ment le juge de ces contraventions et forme, avec le com-
missaire de police qui remplit les fonctions du ministère pu-
blic et avec le greffier, le tribunal de simple police. Avant
la loi du 27 janv. 1873, le juge de paix était juge desimpie
police dans le canton, et le maire de toute commune autre
que le chef-lieu du canton avait la même attribution dans
sa commune. Cette juridiction du maire avait le tort de le
faire juge précisément de ceux qui contrevenaient à ses
arrêtés municipaux, mais en fait elle n'était pas exercée
et, lorsque la loi du 27 janv. 4873 la supprima, elle donna
satisfaction à des critiques purement théoriques. Aujour-
d'hui le juge de paix est donc seul juge de simple police ;
il siège seul comme en matière civile et peut se faire
remplacer en cas d'empêchement par un de ses suppléants.
En outre, il a comme juge de police un ministère public,
tandis qu'il n'en existe pas devant lui en matière civile. Ces
fonctions sont remplies par le commissaire de police ou, à
son défaut, par le maire ou l'adjoint' (C. d'instr. crim.,
art 134). Le greffier des affaires civiles est aussi le greffier
de la simple police. Comme juge de répression le juge de
paix est compétent pour connaître de l'action publique et
même de l'action civile naissant de toute contravention. Il
connaît alors de l'action civile, quel que soit le montant des
dommages-intérêts réclamés, mais le demandeur peut, s'il le
préfère, porter celte affaire devant une juridiction civile et
d'après les règles de compétence propres à cette juridiction.
Comme juge de simple police, le juge de paix peut infliger des
amendes qui n'excèdent pas 15 fr. et la peine de l'empri-
sonnement pour cinq jours au plus. Par exception, les
contraventions forestières poursuivies à la requête de l'ad-
ministration, les contraventions à la police de la médecine
et de la chirurgie, les contraventions forestières concer-
nant les servitudes militaires sont enlevées à la compétence
du juge de paix ; dans les deux premiers cas, c'est le tri-
bunal correctionnel qui est compétent ; dans les deux der-
niers cas, c'est le conseil de préfecture (C. d'instr. crim.,
art. 139; C. forest., art. 171 etl90 ; loi du 9 floréal anX,
art. 1 ; loi du 19 ventôse an XI, art. 35 et 36; loi du
15 juil. 1845, art. 11; loi du 30 mai 1851, art. 47).
Le juge de paix compétent pour connaître d'une contra-
vention est toujours celui du canton dans lequel la contra-
vention a été commise. S'il s'agissait d'un délit correction-
nel on donnerait aussi compétence au tribunal du domicile
du prévenu et à celui du lieu où il a été saisi. Mais pour
les contraventions la compétence a été limitée au lieu de
l'infraction, parce que celle-ci contrevient, le plus souvent,
à des arrêtés locaux que ce juge connaît mieux que tout
autre (C. d'instr. crim., art. 138). Le juge de simple po-
lice est saisi par une citation d'huissier donnée à la re-
quête du ministère public de ce juge ou à celle de la par-
tie civile énonçant les faits. Cette citation est signifiée à
la partie et il lui en est laissé copie. Le délai de compa-
rution est de vingt-quatre heures au moins, mais il s'aug-
mente à raison des distances d'un jour par 3 myriamètres.
En sens inverse, le juge de paix peut l'abréger et permettre
d'assigner d'heure à heure s'il y a urgence (G. d'instr.
crim., art. 145 et 146). La citation d'huissier peut être
supprimée si le prévenu consent à comparaître volontai-
rement ou sur simple avertissement, par exemple par
lettre que lui remet le garde champêtre. Il n'est pas tenu
d'ailleurs de venir en personne et peut envoyer un manda-
taire. Mais la cour de cassation exige que ce représentant
soit muni d'un pouvoir spécial. Il n'y a ni détention pré-
ventive ni inspection préalable, et à l'audience tous les
moyens de preuve sont admis suivant le droit commun
(V. à cet égard C. d'instr. crim., art. 154 et 155). Si le
juge de paix estime que le fait n'est ni délit ni contraven-
tion ou que l'action publique est éteinte, il renvoie le pré-
venu de la poursuite et peut même lui accorder des
dommages-intérêts; mais il ne saurait en prononcer au
profit de la partie civile, car, en relaxant le prévenu, il a
reconnu que le fait n'est pas une contravention et par
conséquent qu'il a été saisi à tort ; la partie civile doit
même être condamnée aux frais, lesquels sont liquidés
par le jugement (G. d'instr. crim., art. 162, etdécr. du
18 juin 1811, art. 167). Si le prévenu est convaincu de
la contravention, le juge de paix le condamne à la peine
déterminée par la loi et statue sur l'action de la partie
civile en restitution ou en dommages-intérêts. Il va sans
dire que, dans le cas où le juge de paix serait incompétent,
il devrait d'oflice refuser de statuer, sans rechercher s'il
y a ou non contravention. Lorsque le prévenu ne s'est pas
présenté en personne ou par mandataire, ou que présent
il a refusé de se défendre, le jugement est rendu par défaut
contre lui et il a le droit de l'attaquer par la voie de l'oppo-
sition pendant trois jours à partir de la signification (C.
d'instr. crim., art. 111). Quant à la voie de l'appel, elle
n'est ouverte qu'autant que le jugement a prononcé la
peine de l'emprisonnement ou une amende, des dommages-
intérêts, des restitutions supérieures à 5 fr. Cet appel
peut être interjeté par le condamné ou par la personne ci-
vilement responsable. Il semble bien que le droit d'appel
doive aussi être reconnu à la partie civile lorsque les dom-
mages-intérêts mis à sa charge dépassent 5 fr. Mais la
question est contestée sous prétexte que l'art. 172 du C.
d'instr. crim. a seulement en vue le condamné. Le délai
d'appel est de dix jours à partir de la signification et sans
qu'il y ait lieu de rechercher si le jugement est contradic-
toire ou par défaut (C. d'instr. crim., art 174). Dans le
silence de la loi, on admet que, suivant le droit commun,
l'appel peut être fait par déclaration au greffe ou par cita-
tion d'huissier. L'appel interjeté et même le délai d'appel
sont suspensifs ; l'affaire arrive au tribunal correctionnel
qui est juge au second degré en matière de contravention.
Dans ces derniers temps on a maintes fois parlé
de l'extension de la compétence des juges de paix, soit
en matière civile, soit en matière pénale. Plusieurs projets
ont été déposés aux Chambres, surtout en matière ci-
vile , mais aucun d'eux n'a encore abouti . Ce n'est
pas ici le lieu d'étudier cette réforme. Observons seu-
lement qu'en faveur de l'extension de la compétence
des juges de paix on dit que cette extension aurait pour
résultat de rapprocher la justice des justiciables et de sim-
plifier la procédure pour les affaires qui seraient portées
devant ces magistrats. Mais, d'un autre côté, on peut
adresser aux projets de réforme les objections suivantes :
N'y a-t-il pas lieu de craindre que les juges de paix
n'aient pas toujours les connaissances juridiques néces-
saires pour juger certaines affaires et ne conviendrait-il
pas, avant d'étendre leur compétence, de les réorganiser
en exigeant d'eux des conditions de capacité qui ne sont
pas actuellement imposées ? Avec la faculté actuelle des
communications, la juridiction des tribunaux d'arrondisse-
ment n'est-elle pas aussi accessible que celle des juges de
paix? Si les affaires se multiplient en justice de paix, n'y
a-t-il pas lieu de craindre l'établissement dans chaque
canton d'un certain nombre de gens de loi de bas étage et
peu scrupuleux qui feront renaître les abus des anciennes
justices de village? Enfin les juges de paix jugeront, sans
aucun doute, à charge d'appel, au tribunal d'arrondisse-
ment, les nouvelles affaires qui leur sont attribuées. Or
ces mêmes afl*aires sont aujourd'hui directement déférées
aux tribunaux d'arrondissement qui les jugent en premier
et dernier ressort, par conséquent sans appel possible,
jusqu'à 1,500 fr. de principal ou 60 fr, de revenus, sui-
vant que l'action est mobilière ou immobilière. Y aura-t-il
vraiment économie de temps et de frais à établir deux
degrés de juridiction pour des affaires qui n'en comportent
actuellement qu'un seul? E. Glasson.
Juge d'instruction. — Le juge d'instruction est l'un des
— 245 —
JUGE
juges du tribunal d'arrondissement, qui, en dehors de ses
fonctions ordinaires de juge, est spécialement chargé des
fonctions de l'instruction en matière pénale. Pris parmi les
juges titulaires ou parmi les juges suppléants, il est nommé
pour trois ans, par décret du président de la République,
et peut être, sans décret nouveau, indéfiniment maintenu
dans ses fonctions (G. d'instr. crim., art. 55 et 56). En
principe, il n'y a qu'un juge d'instruction par arrondisse-
ment. Mais, d'une part, les nécessités d'une justice rapide
en peuvent faire établir plusieurs dans les centres impor-
tants (art. 55). D'autre part, un décret du président delà
République peut charger temporairement de l'instruction
un juge suppléant, concurremment avec le juge d'instruc-
tion titulaire (art. 56). Enfin, dans les villes où il n'y a
qu'un juge d'instruction, le tribunal a le droit de désigner
l'un de ses juges pour remplacer le juge d'instruction
absent, malade ou autrement empêché (art. 58),
Dans notre droit actuel, le juge d'instruction est investi
de deux titres distincts, remplit deux rôles successifs : il
est, d'abord, officier de police judiciaire instructeur; puis,
juge de l'instruction, c.-à-d. juridiction d'instruction. En
sa première qualité, le juge d'instruction exerce et dirige,
en matière criminelle et correctionnelle, la police judiciaire,
de concert avec le procureur de la République (G. d'instr.
crim., art. 9, 22, 59 et 60). L'objet de sa mission com-
prend la constatation et la vérification officielle du fait délic-
tueux, ainsi que de toutes les circonstances qui sont de
nature à en révéler l'auteur ou les auteurs. Dans ce but,
l'interrogatoire de l'inculpé ou des témoins, l'arrestation
et la détention préventive de l'inculpé, des visites domici-
liaires, la saisie des papiers ou autres objets utiles à la ma-
nifestation de la vérité, peuvent être nécessaires. Le juge
d'instruction procède aux divers actes de ses fonctions dans
une instruction, écrite et secrète, que l'on qualifie de « pré-
paratoire ou préalable », par opposition à l' « instruction
définitive », orale et publique, qui se fait à l'audience de
la juridiction de jugement. Le juge d'instruction est,
quant aux fonctions de police judiciaire, sous la surveil-
lance du procureur général près la cour d'appel (G. d'instr.
crim., art. 57 et 279). 11 est interdit au juge d'instruc-
tion de concourir au jugement dans les affaires instruites
par lui, mais en matière criminelle seulement (G. d'instr.
crim., art. 257). L'instruction préparatoire terminée, le
juge d'instruction se manifeste comme juridiction. A ce
titre, il est chargé d'apprécier l'œuvre et les résultats de
l'instruction, et, s'il y a lieu de suivre, de déterminer la
juridiction de jugement compétente pour connaître de l'af-
faire. Autrefois, sous le code d'instruction criminelle,
c'était la chambre du conseil, c.-à-d. la chambre même
du tribunal dont faisait partie le juge d'instruction, qui,
sur le rapport de celui-ci, avait mission de statuer sur
l'instruction. La loi du 17 juil. 4856, a supprimé la
chambre du conseil et en a transporté les fonctions au
juge d'instruction seul. Le projet de loi tendant à réfor-
mer le code d'instruction criminelle, actuellement .(1894)
soumis aux Gihambres, propose de réorganiser la chambre
du conseil comme juridiction d'mstruction, mais en faisant
de cette chambre une juridiction indépendante du juge
d'instruction (V. Détention préventive, Information,
Instruction criminelle, Interrogatoire). Louis André.
Juge suppléant. — Il y a des juges suppléants dans les
tribunaux d'arrondissement, auprès des juges de paix et
dans les tribunaux de commerce (V. ci-dessus et l'art.
Tribunal de commerce).
IV. Histoire. — Juges conservateurs du privilège
DES FOIRES (V. GoNSERVÂTEURS DES FOIRES, t. Xïl, p. 530).
Juge du camp. — Dans les combats judiciaires et les
tournois, il veillait au respect des usages et de la loyauté.
Son pouvoir était souverain. Il y avait généralement deux
juges du camp ; parfois même, leur nombre était plus élevé.
Juge-mage. — On appelait ainsi, en Languedoc et en Pro-
vence, le fonctionnaire chargé d'administrer la justice soit
en première instance, soit en premier appel, aux nom et
place du sénéchal. Ge dernier étant généralement un homme
d'épée, pour le suppléer dans ses fonctions judiciaires, on
lui adjoignit de bonne heure un juriste, qu'on appela tan-
tôt judex senescalli, tantôt judex major, d'où l'expres-
sion de juge-mage. Les pouvoirs de cet agent étaient très
étendus et, dans une certaine mesure, il s'occupait d'afiaires
administratives autant que d'affaires judiciaires. Le nom
servant à désigner la fonction parait être venu de Pro-
vence, où dès le temps des Bérenger, derniers comtes de
la maison d'Aragon, il y avait un seul juge. En première
instance, le juge-mage connaît de toutes les causes crimi-
nelles et civiles rentrant dans la compétence du tribunal
de la sénéchaussée ; en appel, il réforme les sentences ren-
dues par les juges inférieurs, bailes, viguiers, etc. Quand
l'affaire est portée devant lui en premier appel, les parties
peuvent demander la réforme du jugement rendu par ce
magistrat soit au conseil judiciaire du prince, s'ils habitent
une terre d'apanage, soit au parlement royal, s'ils vivent
sur le domaine de la couronne. L'institution des juges-
mages, qui apparaît au xiii^ siècle, a persisté jusqu'à la
Révolution. A. Molinier.
V. Histoire religieuse. — Livre des juges. — Get
écrit forme le premier des livres historiques proprement
dits de l'Ancien Testament, ou, plus exactement, la pre-
mière partie de l'ouvrage d'ensemble qui rapporte les des-
tinées du peuple d'Israël à partir du moment où il est
installé sur le sol du pays de Ghanaan jusqu'à la des-
truction de Jérusalem par les Ghaldéens. Le Livre des
Juges expose les événements survenus dans l'époque an-
térieure à l'établissement de la royauté, où l'autorité po-
litique n'avait aucun caractère régulier et s'exerçait par le
ministère intermittent de héros libérateurs d'Israël, qu'on
appelle juges. Malheureusement, les très rares souvenirs
de l'époque antérieure à Saùl nous sont ici présentés dans
un cadre visiblement artificiel : le peuple d'Israël abandon-
nant Yahvéh pour l'idolâtrie étrangère, Yahvéh laissant
peser sur lui le joug étranger, puis lui procurant un libé-
rateur quand le châtiment a donné naissance à un sincère
repentir ; les Israélites, après (quelques années de prospé-
rité, retombant dans l'idolâtrie, voilà le cercle que nous
parcourons ici une douzaine de fois. Ce point de vue dog-
matique, qui fait servir l'histoire à l'instruction religieuse
du peuple, est celui du v^ ou du iv^ siècle avant notre ère ;
cette date est confirmée par la présence de nombreux mor-
ceaux d'un caractère moderne (V. Bible). — Après une sorte
d'introduction (i, 4 à ii, 5), contenant de courtes notes sur
l'état de la conquête de la Palestine au moment de la mort
de Josué et exposant le cadre dogmatique où l'auteur se
propose de faire rentrer les faits de la période qu'il étudie,
nous abordons le corps du livre (ii, 6 à xvii, fin).
Premier juge: Othoniel. Les enfants d'Israël, ayant
abandonné Yahvéh pour les cultes chananéens, celui-ci les
livre à Gusan-Risathaïm, roi de Mésopotamie. Après huit
ans d'oppression, Yahvéh suscite Othoniel, de la famille de
Kaleb, qui bat le tyran et assure au pays quarante ans de
repos. Nous n'insisterons pas sur la double invraisemblance
d'un roi de Mésopotamie attaquant les Israélites et d'un
cheikh de l'extrême Sud du pays (Kaleb appartient à la ré-
gion d'Hébron) intervenant pour le repousser.
Deuxième juge : Aod. Les Israélites (lisez : les gens de
Benjamin) sont opprimés par une coalition de Moabites,
d'Ammonites et d'Amalécites, à la tête desquels se trouve
le roi moabite Eglon. Un vaillant benjaminite, Aod, pénètre
dans la demeure de l'oppresseur pour lui apporter le tri-
but annuel et profite de Toccasion pour l'égorger. Les Moa-
bites, privés de leur chef, sont vaincus, et Israël, après
« dix-huit ans d'asservissement », jouit du « repos pen-
dant quatre-vingts ans ».
Troisième juge : Samgar. Ce personnage a battu six
cents Philistins sans autre arme qu'un aiguillon à bœufs ;
simple épisode des querelles constantes éclatant à la fron-
tière des territoires israélite et philistin; Samgar n'est
sans doute qu'un doublet de Samson,
JUGE
246
Quatrième juge : Débora, Ici, c'est une femme qu'on
met en avant. Les Israélites étant opprimés par un certain
Jabin, « roi de Chanaan » à l'extrême Nord delà Palestine,
Débora, « prophétesse et juge en Israël », qui résidait en
Ephraïm, appelle le peuple à la révolte et place à la tète de
l'armée un nommé Barac, qui doit amener les contingents
de Zabulon et de Nephtali. Les troupes de Sisara, chef de
l'armée de Jabin, sont battues près du montThabor, et Si-
sara, qui avait pris la fuite, est assassiné dans des circons-
tances dramatiques par une femme, non-juive d'origine, du
nom de Jahel. Les mêmes circonstances ont donné lieu à
une composition poétique, le cantique de Débora, qui est
un morceau librement composé et en aucune façon l'écho de
souvenirs authentiques (V. Débora). A la suite de cette mer-
veilleuse victoire, le pays jouit d'un repos de quarante ans.
Cinquième juge : Gédéon. On consacre à ce person-
nage et à son fils, Abimélech, de longs développements.
Tout à l'heure nous étions transportés dans la région sep-
tentrionale du pays ; nous voici maintenant aux environs
de Sichem. Les Israélites (lisez : les Ephraïmites) avaient
à soullrir des incursions des Madianites, Amalécites et des
tribus pillardes du désert syrien, qui venaient enlever leurs
récoltes. Yahvéh apparaît à un certain Gédéon ou Jérobaal
et lui donne l'ordre de se mettre à la tête de ses compa-
triotes pour infliger à l'ennemi une sanglante défaite ; celui-
ci, après avoir renversé l'autel de Baal et obtenu de la
divinité un miracle fait pour lui donner pleine confiance,
rassemble les contingents de plusieurs tribus; mais Yah-
véh veut que la troupe israélite soit réduite à trois cents
hommes afin de montrer que la victoire dépend uniquement
de son appui. En efi'et, la petite troupe écrase l'ennemi et
le poursuit au delà du Jourdain. On ofi're la couronne à
Gédéon, qui la refuse en déclarant qu'Israël ne doit pas
connaître d'autre roi que Yahvéh. D'autre part, trait qu'on
s'explique assez mal, il érige une idole avec les bijoux pris
sur les Madianites. Gédéon assure quarante années de re-
pos au pays. — Tous ces longs récits ont un caractère
d'amplification banale et ne nous apprennent rien ; il en est
autrement en ce qui concerne Abimélech, bâtard de Gé-
déon, qui établit son gouvernement sur l'importante ville
de Sichem et réprime brutalement une révolte. C'est peut-
être la seule page du livre des Juges où l'on retrouve un
souvenir précis des événements antérieurs à Saùl.
Sixième et septième juges : Thola et Jaïr, l'un origi-
naire d'Issachar, l'autre du Galaad, délivrent successive-
ment Israël et exercent la judicature, le premier pendant
vingt-trois ans, le second pendant vingt-deux ans.
Huitième juge : Jephté. Les Ammonites faisaient pe-
samment sentir leur joug aux Israélites installés sur la
rive orientale du Jourdain ; ils franchissaient même la ri-
vière pour molester les gens de Benjamin, d'Ephraïm et de
Juda. Un aventurier du Galaad se mit à la tête de la révolte
et, après des négocictions où il fit valoir, au moyen d'ar-
guments juridiques qui trahissent une époque peu ancienne,
les droits d'Israël sur la rive orientale du Jourdain (terri-
toires de Ruben, Cad, demi-Manassé), remporta sur les
Ammonites une victoire complète; la joie du triomphe fut
quelque peu compromise par l'immolation de la fille de
Jephté devant l'autel de Yahvéh, en exécution d'un vœu
téméraire. Un conflit entre gens du Galaad et d'Ephraïm
aboutit au massacre d'un grand nombre de ces derniers.
Jephté assure dix ans de repos à Israël.
Neuvième, dixième et onzième juges : Abezan, de Beth-
léem, Elon, de Zabulon, Abdon, d'Ephraïm, sont tour à
tour juges en Israël pendant sept, dix et huit ans.
Douzième juge : Samson. De longs développements sont
consacrés à un guerrier de Dan, consacré à Dieu dès sa
naissance par le vœu de nazdr et dont la force merveilleuse
réside dans la chevelure. Samson est le héros d'une série
d'aventures où il malmène les Philistins, ses voisins (V. Sam-
son). L'esprit de Yahvéh, qui agite le héros de Dan, le
laisse trop souvent égarer en de galantes aventures, pour
qu'on prenne son action bien au sérieux, et les hauts faits
de Samson contre ses ennemis semblent plus souvent ins-
pirés par un esprit de vengeance personnel que par l'explo-
sion du sentiment patriotique et religieux. La tragique cir-
constance où Samson périt, ensevelissant l'aristocratie
philistine sous les ruines du temple de Dagon, est devenue
populaire comme la ruse de Dalila, qui avait réussi à lui
arracher le secret de sa force pour le livrer à ses ennemis.
L'écrivain attribue vingt ans de durée à la judicature de
Samson. — Appendice (chap. xvni à xxi). On nous rap-
porte, sous une forme un peu compliquée, la migration des
Danites qui, écrasés entre les tribus de Juda, Benjamin et
Ephraïm, d'une part, les Philistins de l'autre, transportent
leurs demeures à Laïs aux sources du Jourdain, où ils ins-
tallent une idole enlevée sur le territoire éphraïmite ; un
petit-fils de Moïse devient le chef du sacerdoce de la ville
de Dan-Laïs, dont le sanctuaire jouit pendant des siècles
d'une grande réputation. L'écrivain raconte enfin, avec de
longs et inutiles développements, comment les Israélites
tirèrent vengeance sur les gens de Benjamin d'un épouvan-
table attentat commis sur la concubine d'un lévite éphraï-
mite ; cette répression faillit entraîner la disparition de la
tribu de Benjamin. M. Vernes.
BiBL. : Droit romain. — DiRKSEN,M'anuaie latinitatis ;
Berlin, 1837, v° Judex. — Accarias, Précis de droit
romain ; Paris, 1886-91, t. II, n-^ 736-739. — G. May et H.
Becker, Précis des instit. du droit privé de Rome; Paris,
1892, n" 134. — Mainz, Cours de droit romain ; Bruxelles,
1876, t. I, Introduct, n°« 94, 99, 100, 101. - Willems, Droit
public romain ; Louvain, 1880, pp. 324 et suiv., pp. 333 et
suiv. — Keller, De la Procédure civile et des actions
(trad. Capmas) ; Paris, 1870, §§ 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 17. —
Baron, Institutionen ; Berlin, 1884, §§ 181-185.
Droit actuel. — Boitard, Colmet-DaAge et Glasson,
Leçons de procédure civile, 1. 1, p. 24, 15« éd. — Dalloz, Ju-
risprudence générale^ v Organisation judiciaire^ n°^ 227 et
suiv., et Supplément^ id., n"» 161 et suiv. — Krug-Basse,
De VOffice du juge en matière civile ; Paris, 1862, in-8. —
Garsonnet, Traité de procédure^ t. I, p. 176.
Juge de paix. — Boitard, Colmet-Daâge et Glasson,
Leçons de procédure civile, 1. 1, pp. 32 et 683, 15" éd. —Dal-
loz, Jurisprudence générale^ \° Organisation judiciaire,
nos 448 et suiv., et Supplément^ id., n"8 269 et suiv. —
Allain, Manuel encyclopédique^ théorique et pratique du
juge de paiœ; Paris, 1882,2 vol. in-8, 5« éd. — Augier, En-
cyclopédie des juges de paix; Paris, 1838, 6 vol. in-8. —
Bioghe, Dictionnaire des justices de paix ; Paris, 1867,
3 vol. in-8. — Bost, Exicyclopédie des justices de paix;
Paris, 1864, 2 vol. in-8. — Caron, De la Juridiction civile
du juge depaix^ 2« éd., par Bioche, 1843, 2 vol. in-8. —
Curasson, Traité de la compétence du juge de paix,
1879, 2 vol. in-8, 2« éd. — Duverger, Manuel criminel
des juges de paix ; Paris, 1876, in-8, 5« éd. — Gislain,
Code des justices de paix; Paris, 1876, in-S. — Guilbon,
Traité pratique de la compétence civile des juges de paix
en matière contentieuse, précédée d'une introduction de
M. Valette; Paris, 1864, in-8. — Henrion de Pansey,
Compétence des juges de paix; Paris, 1843, in-8. — Jay,
Traité de la compétence générale des juges de paix ; Paris,
1866, in-8. — Du même. Traité de la compétence géné-
rale des tribunaux de simple police ; Paris, 1864, in-8.
— Payenull, Essai sur la réforme des justices de paix
en France; Paris, 1882, in-8. — Salin, De l'Importance
sociale des juges de paix en France; Paris, 1864, in-8. —
Faure, De l'Extension de la compétence desjuqes depaix;
Paris, 1882, br. in-8.
Juge d'instruction.— Boullaire, Des Droits respectifsdu
juge dHnstr. et du ministère public au cours d'une informa-
tion crim., dans Gazette des tribunaux^ n° du 8 juin 1881. —
CASSASSOLES,Gwic/.eduji(gfe d'msir.— Delamorte-Félines,
Manuel du Juge d'instr. — Duverger, Manuel des Juges
d'instr. — H. Hugues, les Chambres du conseil et d'ac
cusation, dans la France judic.^ 1886, p. 309 à 327. — Sar-
RAUTE, Manuel théor. et prat. du juge d'instr. — De la Ju-
ridiction de la Chambre du conseil en mat. d'instr. crim.,
dans Rev. crit., 1876, p. 327.
Histoire religieuse.— Tous les faits rapportés par les
Juges sont exposés et discutés dans Vernes, Précis d'his-
toire juive, 1889, pp. 202 à 252 et 280 à 286. — Pour la com-
position du livre, V. Reuss, Histoire des Israélites, 1877,
pp. 92-112. — CoRNiLL, Einleitunq in das A. T., 1892»
pp. 91-105, 2« éd.
JUGE (Bofïïle de), aventurier et homme politique, mort
en août 150^2. Il appartenait à la famille del Giudice,
originaire d'Amalfi. On connaît mal les premières années
de sa vie. En 1458 il est au service de Jean de Galabre,
fds du roi René, le suit en France en 1462 et l'accom-
pagne en Catalogne en 1470. Après la mort de Jean, il
- 247
JUGE — JUGEMENT
sert pendant quelques années le père de son maître, René
d'Anjou, qui Tenvoie en 1471 solliciter Talliance de Galéas-
Marte, duc de Milan, contre les princes d'Aragon. Un peu
plus tard, il passe au service de Louis XI (dès 1473 il est
conseiller et chambellan du roi), et ce prince l'emploie à
diverses missions politiques et militaires; il le charge no-
tamment de négociations avec les princes italiens, puis avec
Jean, roi d'Aragon, lors de la guerre de Roussillon. Capi-
taine de cent lances en 1474, Boffile réside en Roussillon
pendant un an ou deux avec le seigneur du Lude, puis de-
vient lieutenant général du pays en mai 1475. En 1476-
77, il fait partie de la commission chargée de juger l'in-
fortuné duc de Nemours et, pour récompenser son zèle,
Louis XI lui donne le comté de Castres et la seigneurie de
Lézignan, confisqués sur le prince condamné (1477). Im-
médiatement après, Boffile est chargé de négocier un traité
de paix avec l'ambassadeur de Venise, Domenico Grade-
nigo, puis il va prendre possession de ses nouveaux Etats
du Midi, dont le parlement de Paris lui conteste la jouis-
sance. En 1478, il est chargé de s'entendre avec les am-
bassadeurs d'Angleterre, puis avec les gens de Flandre. Un
peu plus tard, on le retrouve dans son gouvernement de
Roussillon, puis négociant son mariage avec une sœur
d'Alain d'Albret, union qui est célébrée à Narbonne le
23 août 1480 ; il est un des commissaires chargés de ju-
ger l'inoffensif René d'Alençon, comte du Perche, office
dont il s'acquitte avec zèle et sans aucun scrupule. Pour
le récompenser, Louis XI lui fait, quelques jours avant sa
mort, un don magnifique, celui de toutes les sommes dues
au roi et restées en souffrance en Roussillon et en Cer-
dagne. Louis mort, Boffile a fort à faire pour échapper
à la proscription dont sont frappés les conseillers du
prince défunt. Jean d'Armagnac, évèque de Castres,
réclame le comté de ce nom ; Boffile finit par l'emporter et
reste en possession. Mais, en 1491, il perd sa vice-royauté
de Roussillon ; il essaye alors pour la troisième fois de se
faire agréer comme capitaine général par la république de
Venise et se retire dans son comté de Castres. Là de nou-
veaux ennuis l'attendent ; sa fille, Louise, se marie contre
sa volonté à un simple écuyer, Jean de Montferrand, puis
femme, fille et gendre font la guerre au vieil aventurier,
s'emparent de plusieurs places du comté et pillent le pays.
Indigné, Boffile en appelle au roi, déshérite sa fille (1494),
lègue son comté à son beau-frère, Alain d'Albret et fait
son testament en 1499. A. Molinier.
BiBL. : Hist. générale du Languedoc, nouv. édit., Xf,
passim. — Annuaire-Bulletin de la Société de l'Histoire de
France, 1890, pp. 26 et 110. — P.-M. Perret, dans An-
nales du Midi. avr. 1891.
JUGE DE Saint-Martin (Jacques-Joseph), publicisteet
naturaliste français, né à Limoges le 16 sept. 1743, mort à
Limoges en janv. 1824. D'abord conseiller au présidial de
Limoges, il étudia les sciences naturelles et fonda dans sa
ville natale une pépinière qu'il soignait lui-même. Il publia :
Observations météorologiques faites pendant V hiver de
il 89; Notice sur les arbres et arbustes qui croissent
naturellement ou qui peuvent être élevés en pleine terre
en Limousin (1790) ; Description pittoresque d'une
métairie du dép. de la Haute-Vienne (1806); une
curieuse notice sur les Changements survenus dans les
mœurs des habitants de Limoges depuis cinquante ans
(1808, 2^ éd., 1817, etc.). Juge de Saint-Martin fut un
des hommes les plus influents de Limoges pendant le pre-
mier quart de ce siècle. A. Leroux.
BiBL. : Alluaud, Eiogre de J.-J. Juge de Saint-Martin;
Limoges, 1827. — Alf. Leroux, Note sur J.-J. Juge de
Saint-Martin, dans le Bull, de la Soc. arch. du Lim.,
XXX, 41.
JUGEAIS. Com. du dép. de la Corrèze, arr. et cant.
deBrive; 400 hab.
JUGELET (Jean-Marie-Auguste), peintre français, né
à Brest le 28 août 1805, mort à Rouen le n oct. 1874.
Elève de Gudin, il se distingua comme peintre de marines.
On cite : Soleil levant en pleine mer (1831); le Port
du Havre, le Port du Conquet (18B6) ; Christ apaisant
les flots (1845); Combat de VAréthuse et de la Belle-*
Poule (au musée de Versailles); le Port de Gênes
(1850); Vue de Cannes (1868); Environs de Plou-
gastel (i869), etc.
JUGEMENT. I. Philosophie. —Le jugement est l'acte
propre de la pensée réfléchie. Toutes les fois (jue nous
pensons, nous avons le sentiment d'une dualité intérieure
que nous réduisons à l'unité. Quand je vois, par exemple,
un chien et que je réfléchis à cette vision, je dis : ce que
je vois est un chien. Un des éléments de cette dualité est
posé, c'est le sujet, dans l'exemple cité : ce que je vois ;
l'autre lui est apposé, c'est l'attribut, dans l'exemple cité:
un chien. L'acte synthétique pour lequel l'attribut est ap-
posé au sujet s'exprime dans le langage par le verbe. ^ La
proposition est ainsi l'énoncé d'un jugement. Toute idée
renfermant en elle une certaine somme de déterminations
contient un jugement implicite. Nous reconnaissons qu'un
certain état de conscience confus, exprimé par un mot,
peut et doit même se décomposer en plusieurs états de
conscience moins confus. Ainsi, quand nous nous repré-
sentons une rose, nous avons un certain état de conscience
dans lequel nous distinguons bien vite des éléments: forme,
couleur, parfum, etc. ; que nous exprimions ou que nous
n'exprimions pas les résultats de cette analyse, le discours
de notre pensée n'en constitue pas moins un jugement.
On peut distinguer plusieurs espèces de jugements, selon
qu'on se place au point de vue de leur formation ou de leur
constitution. Au point de vue de leur formation, les juge-
ments peuvent être intuitifs ou comparatifs. Le jugement
intuitif ^st le jugement premier, l'acte essentiel de l'esprit
qui pense ; il enveloppe toujours la conscience de soi ; le
moi en est le sujet constant et il reste inexprimable : je
pense, je vois, je jouis, je souffre. Mais ces propositions
elles-mêmes, par les mots qu'elles emploient, ne sont déjà
plus des jugements intuitifs dans toute la rigueur du terme.
Le jugement intuitif est l'acte par lequel l'esprit se sent
penser, voir, jouir, soufi'rir, s'attribue ses états, mais sans
nommer ses états. Dès qu'il nomme, il faut qu'il sorte de
son état pour aller au dehors chercher des mots afin d'ex-
primer cet état. C'est donc une marche, un discours et non
une intuition. Les jugements verbaux :jepense,jevois,etc.^
sont déjà des jugements comparatifs. Pour que l'esprit ait
le droit de nommer son état : pensée ou vision, jouis-
sance ou douletir, il faut qu'il compare cet état à une re-
présentation d'états analogues à laquelle est associé le mot;
si l'état qu'il éprouve est semblable à cette représentation,
il le nommera, sinon il sera forcé de chercher encore. Il y
a là, évidemment, une comparaison, un véritable discours.
On voit par là que tout jugement exprimé est comparatif,
et, si on se borne, comme Locke, à considérer les jugements
exprimés, on doit dire qu'il n'y a que des jugements com-
paratifs. Mais si, comme il le faut faire en psychologie, on
atteint par delà la parole l'acte intime de la pensée réflé-
chie, on découvre l'existence d'une synthèse intuitive qui est
un véritable jugement, la source et le type de tous les autres.
Quant aux jugements ordinairement appelés compara-
tifs, comme : cette rose est jaune, ce perroquet est ba-
vard, ce sont des conclusions de raisonnements inexprimés
et rapides, et les psychologues les expliquent d'ordinaire
inexactement. Ce n'est pas, en effet, l'idée ro5a qu'on com-
pare à l'idée jaune, ou l'idée perroquet à l'idée ba-
vard; l'opération est bien plus compliquée et se fait tout
autrement. Dans le premier exemple, nous avons d'abord
un état complexe où la forme et la couleur sont mêlées ;
dans le second exemple, c'est la forme, la couleur et les sons
qui se trouvent associés. Nous avons conscience de cette
complexité : c'est un premier jugement intuitif. Puis, dans
le premier exemple, l'abstraction sépare la forme de la
couleur : c'est un second jugement intuitif. La forme sépa-
rée rappelle une forme visuelle, à laquelle est associée la
forme sonore rose et nous disons : cette forme est une
rose. C'est là un premier jugement comparatif. La couleur
séparée rappelle une autre image à laquelle est associée la
JUGEMENT
248 —
forme sonore jaune et nous disons : cette couleur est
jaune. C'est là un second jugement comparatif. Dès que
les deux éléments sont ainsi nommés, la synthèse verbale :
cette rose est jaune, se constitue et reproduit exactement
la synthèse sensible primitive. On ne compare donc pas le
sujet à Tattribut, pour examiner si on doit ou ne doit pas
les unir; leur union n'est pas une conclusion, mais une
donnée. Ceci est vrai de tous les jugements dont les deux
termes sont immédiatement saisis dans l'intuition sensible.
Dans le cas où l'attribut n'est pas senti en même temps que
le sujet, l'attribution se fait par un intermédiaire, mais
alors nous ne sommes plus en face d'un jugement, mais
d'un raisonnement véritable.
On distingue encore des jugements analytiques et syn-
thétiques^ a priori et a posteriori^ contingents et néces-
saires» Les jugements analytiques, sont ceux dans lesquels
l'attribut se découvre par l'analyse du sujet, ex. : un
triangle a trois côtés; les jugements synthétiques sont
ceux dans lesquels l'attribut ajoute au sujet une idée que
par lui-même le sujet ne contenait pas, ex. : ce triangle
est peint en rouge, — Les jugements a priori sont ceux
dont la vérité s'impose à l'esprit dès que nous en enten-
dons les termes, ex.: le tout est plus grand que la
partie ; les jugements a posteriori sont ceux que l'es-
prit n'admet comme vrais qu'après avoir constaté dans une
expérience la liaison du sujet et l'attribut, ex. : ce vase
est brisé, — Les jugements nécessaires sont ceux dans
lesquels l'attribut ne peut être séparé du sujet, ex. : la
somme des trois angles d'un triangle égale deux
angles droits ; les jugements contingents sont ceux dans
lesquels l'attribut peut être séparé du sujet, ex. : Spinoza
est mort à La Haye, G, Fonsegrive.
IL Jurisprudence. — On appelle jugement, dans un
sens large, toute décision d'une juridiction quelconque ; mais,
dans un sens plus restreint et plus fréquemment employé,
le mot jugement désigne les décisions des tribunaux infé-
rieurs, c.-à-d. des tribunaux d'arrondissement, des tribu-
naux de commerce, des juges de paix et des conseils de
prud'hommes. Les décisions des cours d'appel et celles de la
cour de cassation portent le nom d'arrêts. Quant aux ar-
bitres, on dit qu'ils rendent des sentences, et cette expres-
sion est aussi parfois employée pour les décisions des conseils
de prud'hommes. Les décisions qui émanent, non plus d'un
tribunal tout entier, mais seulement d'un membre de cette
juridiction, s'appellent des ordonnances. Ainsi on dit que le
président du tribunal civil rend des ordonnances sur re-
quête et des ordonnances de référé. Les décisions du juge
de paix portent le nom de jugement et non celui d'ordon-
nance, quoique ce magistrat statue seul, parce qu'à lui
seul aussi il constitue tout le tribunal.
Les jugements, dans le sens large de ce mot, sont de
natures très diverses. A un premier point de vue, on dit
que les jugements sont contradictoires ou par défaut. Les
premiers sont ceux qui sont rendus sur les conclusions des
deux parties lues et posées à l'audience. En d'autres
termes, pour qu'un jugement soit contradictoire, il ne
suffit pas que les deux plaideurs aient échangé des conclu-
sions entre eux avant l'audience, que le demandeur ait fait
connaître ses conclusions dans l'ajournement par lequel il
appelle le défendeur en justice, que celui-ci ait de son côté
conclu dans sa requête en défense ; malgré ces conclusions
réciproques, l'affaire et le jugement ne seraient pourtant
pas contradictoires, si, au moment de l'appel de la cause à
l'audience du tribunal, l'un des deux plaideurs ne renou-
velait pas ses conclusions. En matière civile, comme en
tout autre matière, le demandeur ne peut faire défaut que
d'une manière, faute de conclure, tandis qu'il existe de la
part du défendeur deux défauts, l'un faute de comparaître,
l'autre faute de conclure. Le défendeur fait défaut faute
de comparaître, lorsqu'il ne répond pas à l'assignation par
une constitution d'avoué. Il y a, au contraire, défaut faute
de conclure, soit de la part du demandeur, soit de la part
du défendeur, toutes les fois qu'à l'appel de la cause
l'avoué de cette partie n'est pas présent, ou que, présent,
il déclare qu'il n'a pas ou qu'il n'a plus pouvoir à l'effet de
conclure. Lorsque le défendeur fait ainsi défaut, soit faute
de comparaître, soit faute de conclure, le tribunal est
chargé d'une double mission : il rend un jugement par
défaut dans lequel il constate d'abord le défaut du défen-
deur ; il accorde ensuite au demandeur le bénéfice de
ses conclusions, pourvu que celles-ci soient justes et bien
vérifiées (C. deprocéd., art. 150). Pour obtenir ainsi gain
de cause par défaut, le demandeur doit, bien entendu,
prouver son droit ; mais on lui tient compte de l'absence
du défendeur qui rend peut-être sa preuve plus difficile,
et, en pratique même, on le dispense le plus souvent de
toute preuve. Toutefois, il en est autrement lorsqu'il s'agit
d'une affaire où l'ordre public est intéressé, par exemple
d'un procès en divorce ou d'une demande en séparation
de corps ; dans ces circonstances, on oblige le demandeur
à faire sa preuve, comme si le défendeur avait comparu et
conclu. Autrement, deux personnes pourraient s'entendre
pour tourner, au moyen d'un défaut, l'application d'une
loi d'ordre public. Ainsi la loi civile n'autorise le divorce
(ou la séparation de corps) que pour trois causes détermi-
nées et défend le divorce par consentement mutuel. Rien
ne serait plus facile cependant à deux époux que de divorcer
de cette manière, si en cas de défaut on n'imposait pas la
preuve au demandeur ; l'un des époux demanderait le
divorce contre l'autre, sous prétexte d'une injure qui, en
réalité, n'existerait pas, et le défendeur faisant défaut, le
divorce serait prononcé, bien qu'on ne se trouvât pas dans
un cas où la loi l'autorise.
Parfois, le demandeur, au lieu d'assigner un seul défen-
deur, en appelle deux ou plusieurs en justice. En pareil
cas, le demandeur ne doit prendre défaut contre aucun
défendeur, tant que le délai le plus long donné au défen-
deur le plus éloigné pour comparaître n'est pas expiré, et
à ce moment si tous les défendeurs font défaut, il ne doit
pourtant prendre contre eux qu'un seul et même jugement.
En interdisant ainsi des jugements successifs et multiples,
la loi diminue considérablement les frais. Si le demandeur
ne tenait pourtant pas compte de ces prescriptions et pre-
nait successivement ou à la fois plusieurs jugements par
défaut, tous ces jugements seraient néanmoins valables,
mais les frais de ces décisions, sauf une, resterait à la
charge du demandeur (C. de procéd., art. 154 et 152).
La question devient plus compliquée, lorsque, parmi
les défendeurs, les uns comparaissent et les autres font
défaut. Si la loi n'avait pas soumis ce cas à des règles spé-
ciales, l'application du droit commun aurait conduit à la
solution suivante : l'affaire se serait terminée par un juge-
ment qui aurait été à la fois contradictoire vis-à-vis des
défendeurs comparants et par défaut vis-à-vis des défen-
deurs défaillants. Or cette situation aurait été pleine de
périls. Il est, en effet, de principe que les jugements par
défaut sont susceptibles d'une voie de recours spéciale que
ne comportent pas les jugements contradictoires ; cette
voie de recours, c'est ï opposition (V. ce mot). Il
aurait donc fallu refuser l'opposition aux défendeurs
comparants et l'accorder aux défendeurs défaillants ; sur
l'opposition de ces derniers, l'affaire serait revenue devant
le tribunal, et rien ne dit que celui-ci n'aurait pas alors
modifié à l'égard des défaillants sa première décision, par
exemple parce que les opposants auraient fait valoir des
moyens qu'avaient omis précédemment les défendeurs com-
parants. On arriverait ainsi à une contrariété de jugements
dans la même affaire. C'est ce que la loi a voulu éviter à
tout prix autant dans l'intérêt des plaideurs eux-mêmes
que dans celui de la considération due à la justice. Aussi
pour le cas où parmi les défendeurs les uns comparaissent
et les autres font défaut, faute de comparaître, la loi
(art. 153) veut que le tribunal rende un jugement spécial
appelé jugement par défaut profit joint. Dans ce juge-
ment, le tribunal se garde de statuer sur le fond et d'ac-
corder au demandeur le profit du défaut ; il réserve, au
JUGEMENT
contraire, ce profit et le joint à la cause contradictoire
des défendeurs qui ont comparu. Ce jugement se borne à
constater le défaut de comparution de certains défendeurs
et à ordonner qu'ils soient réassignés ; la loi craint en
effet que ces défendeurs n'aient fait défaut peut-être parce
qu'ils n'ont pas été touchés par la première assignation.
Aussi prend-on toutes les précautions nécessaires pour
éviter le renouvellement de ce danger ; la seconde assigna-
tion ne sera pas faite et signifiée comme la première par
un huissier du choix du demandeur, mais par un huissier
que désignera le tribunal lui-même, en un mot par un
huissier commis. A l'expiration des délais de réassigna-
tion, si les défendeurs défaillants continuent à faire défaut,
comme il est maintenant certain qu'ils ont connaissance
de l'affaire, on les considère fictivement comme comparants
et on les prive de la voie de l'opposition contre le juge-
ment qui sera rendu sur le fond ; de cette manière, on les
punit de leur mauvais vouloir et en même temps on rend
impossible les chances de contrariété de jugements dans la
même affaire.
Lorsqu'un défendeur a comparu, c.-à-d. a constitué
avoué, il ne peut plus être question de sa part de défaut
faute de comparaître, mais il peut encore faire défaut
faute de conclure, soit que son avoué ne se trouve pas
présent à l'appel de la cause, soit que cet avoué déclare
qu'il n'a pas pouvoir à l'effet de conclure à la barre du
tribunal. La loi est beaucoup moins favorable au défendeur
défaillant dans ce second cas. En effet, lorsque le défen-
deur fait défaut faute de comparaître, on peut craindre,
comme nous l'avons vu, qu'il n'ait pas été touché par
l'assignation et qu'il n'ait aucune faute à s'imputer. Bien
au contraire, le défendeur qui fait défaut à la barre du
tribunal, après avoir constitué avoué, a certainement connu
l'affaire, et son défaut, faute de conclure, peut n'être que
trop souvent un moyen de pure chicane destiné à faire
traîner l'afïaire en longueur et à augmenter les frais. Aussi
la loi a-t-elle établi des différences sensibles entre le juge-
ment par défaut faute de comparaître, et le jugement par
défaut faute de conclure : 1 ° le premier doit être exécuté
par le gagnant dans les six mois pour que le défendeur
ne puisse pas être, au bout d'un temps plus ou moins
long, surpris par une décision relative à une affaire qu'il
n'a jamais peut-être connue; au bout de six mois, à partir
de sa date, le jugement par défaut, faute de comparaître,
tombe de plein droit s'il n'a pas été exécuté, tandis que le
jugement par défaut, faute de conclure, peut être exécuté,
suivant le droit commun, pendant trente ans; 2*^ le défen-
deur défaillant peut faire opposition au jugement par dé-
faut, faute de comparaître, jusqu'au moment de l'exécution
de ce jugement, tandis que l'opposition au jugement par
défaut, faute de conclure, n'est permise que pendant huit
jours à partir de la signification du jugement à avoué ;
3** les formes de l'opposition sont différentes suivant qu'il
s'agit de l'un ou de l'autre de ces jugements (V. Opposition).
Nous ne nous sommes occupés jusqu'à présent que des
jugements par défaut rendus contre le défendeur, mais
parfois c'est le demandeur qui fait défaut. De sa part, il ne
saurait y avoir défaut, faute de comparaître : il comparaît
nécessairement puisqu'il lance l'assignation et que dans
cette assignation il constitue un avoué. Mais il peut arriver
ensuite qu'à l'appel de la cause à la barre du tribunal, il
ne conclue pas ; il y a alors défaut, faiite de conclure de
sa part. Le défendeur peut demander au tribunal qu'il lui
donne- acte du défaut de son adversaire et le renvoie de
l'instance en mettant les frais à la charge du défaillant .
C'est ce qu'on appelle le jugement par défaut congés
précisément parce que le défendeur s'est borné à réclamer
son congé, sans exiger que le fond du procès fût instruit
et jugé. Mais c'est une question, encore aujourd'hui très
controversée, que celle de savoir si le défendeur ne peut
pas se montrer plus exigeant et demander au tribunal qu'il
juge le fond. Certains auteurs le nient en faisant remar-
quer que l'art. 454 ne reconnaît pas ce droit au défendeur
contre le demandeur, alors que l'art. 150 le reconnaît au
demandeur contre le défendeur. Cette opinion est cependant
aujourd'hui très généralement repoussée par la majorité
des auteurs qui appliquent à cette question le système du
désistement (V. ce mot). Le désistement est l'offre
formelle faite par le demandeur au défendeur d'abandonner
le procès avant le jugement, et la loi déclare que ce désis-
tement ne peut pas être imposé au défendeur ; il faut que
celui-ci l'accepte (art. 402). Or le défaut du demandeur
n'est pas autre chose qu'une offre de désistement tacite;
en ne répondant pas à l'appel de la cause, le demandeur,
par son absence ou par son silence, propose au défendeur
d'abandonner l'affaire. Dès lors, il est très naturel aussi
que le défendeur ait, suivant les principes ordinaires du
désistement, le choix entre deux partis : accepter ce désis-
tement tacite et se borner à demander congé sans que
l'affaire soit jugée au fond ; refuser le désistement tacite
et exiger que l'affaire soit instruite et jugée. Dans le pre-
mier cas, le jugement par défaut contre le demandeur, se
bornant à donner acte du défaut et congé au défendeur, ne
jugeant rien, n'a pas autorité de chose jugée et n'est pas
susceptible d'opposition de la part du demandeur défaillant,
mais aussi rien ne s'oppose à ce que, plus tard, il renou-
velle son action. Dans le second cas, l'affaire ayant été
instruite et jugée, le jugement a autorité de chose jugée ;
aussi le demandeur défaillant peut-il l'attaquer par la voie
de l'opposition ; mais il est privé du droit de renouveler
son action, et, s'il voulait l'intenter une seconde fois, son
adversaire lui répondrait par l'exception de chose jugée.
Telles sont les règles fondamentales des jugements par
défaut des tribunaux d'arrondissement en matière civile.
Elles s'appliquent également aux arrêts par défaut des
cours d'appel. Pour les matières commerciales, il existe
quelques particularités et plusieurs difficultés. La question
controversée de savoir quelle est la nature du jugement par
défaut congé rendu contre le demandeur y reparaît et com-
porte la même solution. On discute aussi sur le point de
savoir s'il faut admettre ou repousser, en matière commer-
ciale, le jugement par défaut profit joint, pour le cas où,
parmi les défendeurs, les uns comparaissent et les autres
font défaut. On ne compte pas moins de trois solutions adop-
tées par les auteurs et par les arrêts : la première écarte
l'application du jugement par défaut profit joint aux matières
commerciales en se fondant sur le silence de la loi ; la
seconde, au contraire, étend ce jugement aux affaires com-
merciales, sous prétexte d'analogie et pour éviter les
chances de contrariété de jugements dans la même affaire ;
la troisième enfin laisse un pouvoir discrétionnaire aux
tribunaux de commerce. On se demande aussi s'il y a, en
matière commerciale, deux espèces de défauts, l'un faute
de comparaître, et l'autre faute de conclure? On a long-
temps soutenu qu'il n'y aurait qu'un seul défaut en matière
commerciale, le défaut faute de comparaître, réglé par
l'art. 643 du C. de commerce qui aurait abrogé l'art. 436
du C. de procéd. Mais cette opinion est aujourd'hui re-
poussée par presque tous les auteurs et parla jurisprudence.
On reconnaît que ces deux articles, loin de se contredire,
doivent se compléter l'un par l'autre et qu'il y a ainsi deux
sortes de défauts et deux sortes de jugements par défaut
en matière commerciale: le jugement par défaut faute de
comparaître qui devra être exécuté dans les six mois et qui
sera susceptible d'opposition jusqu'à l'exécution ; le juge-
ment par défaut faute de conclure, qui pourra être exécuté
pendant trente ans et contre lequel le défaillant ne pourra
faire opposition que pendant huit jours. Cette solution est
d'ailleurs conforme à la vérité des faits. Qu'on suppose,
par exemple, que le défendeur, actionné devant un tribunal
de commerce, soutienne que ce tribunal est incompétent et
refuse de conclure sur le fond ; le tribunal de commerce
lui donne tort, se déclare compétent et juge le procès, le
tout par un seul et même jugement. Dans ces circonstances,
la partie du jugement relative à la compétence est contra-
dictoire et la partie du jugement relative au fond est mani-
JUGEMENT
- 250 -
festement par défaut, faute de couclure, et on ne saurait
soutenir sérieusement qu'il y ait défaut, faute de compa-
raître, puisqu'au contraire le défendeur a nécessairement
comparu pour contester la compétence du tribunal. Si, au
contraire, il ne s'était pas présenté en personne ou par
mandataire, alors, mais alors seulement, il y aurait eu de
sa part défaut faute de comparaître.
Cette distinction des défauts en deux sortes étant con-
forme à la nature même des choses doit se rencontrer
devant toutes les juridictions ; mais, en justice de paix et
devant les conseils de prud'hommes, la procédure est si
simple qu'on soumet tous les jugements par défaut aux
mêmes règles, de sorte que la distinction des jugements
par défaut en deux classes n'offre plus aucun intérêt
pratique.
Au point de vue de l'appel, les jugements sont en pre-
mier ressort, en dernier ressort, en premier et dernier
ressort, selon qu'ils sont rendus à charge d'appel ou qu'ils
sont rendus sur appel ou qu'ils ne sont pas susceptibles
de cette voie de recours (V. Appel) .
Sous le rapport de leur objet les jugements sont avant
dire droit ou définitifs. Les premiers concernent llnstruc-
tion de l'affaire ou les mesures provisoires qu'il est néces-
saire de prendre au cours du procès. On distingue trois
espèces de jugements d'avant dire droit : préparatoires,
interlocutoires, provisoires. Le jugement préparatoire est
celui qui ordonne une mesure d'instruction sans préjuger
le fond du procès ; tel est le jugement qui prescrit l'ins-
truction par écrit (V. Instruction par écrit). Lorsque la
mesure d'instruction ordonnée par le jugement préjuge le
fond, c.-à-d. laisse entrevoir quelle sera probablement
(mais non pas nécessairement) la solution du procès, on
dit alors que ce jugement est interlocutoire. Ainsi, par
exemple, si une femme demande contre son mari la sépa-
ration de corps pour cause d'injures graves, conclut devant
le tribunal à l'audition des témoins pour établir l'existence
des injures et enfin si le tribunal rend un jugement qui
ordonne une enquête pour recevoir les dépositions des té-
moins, on dira que ce jugement est interlocutoire. En effet
il ordonne une mesure d'instruction qui laisse entrevoir la
solution définitive ; il est à peu près certain que si les té-
moins reconnaissent l'existence des injures, la femme ob-
tiendra la séparation de corps : si les juges avaient estimé
que les faits n'étaient pas assez graves pour constituer des
injures, ils n'auraient certainement pas ordonné l'enquête ;
il y a donc dès maintenant un préjugé en faveur de la
femme. Mais dans quelle mesure les juges sont-ils eux-
mêmes liés par le jugement interlocutoire qu'ils ont rendu?
Après avoir longtemps discuté cette question, on est au-
jourd'hui très généralement d'accord en doctrine et en ju-
risprudence pour admettre les solutions suivantes : 1° Si
les juges ont statué dans le jugement interlocutoire sur
une question de droit, par exemple sur celle de l'admis-
sion ou du rejet de la preuve testimoniale, sur ce premier
point l'interlocutoire lie les juges; ceux-ci ne peuvent donc
plus revenir sur ce qu'ils ont décidé, au risque de violer
le respect dû à la chose jugée et, par exemple, après avoir
décidé que la loi permet la preuve testimoniale dans l'af-
faire qui leur est soumise, ils ne pourraient pas par un
second jugement se rétracter en affirmant que la loi défend
cette preuve. 2° Mais en tant qu'il statue sur un point
de fait, le jugement interlocutoire ne lie pas les juges et
ceux-ci, après avoir laissé entrevoir que les faits invoqués
par une partie sont pertinents et concluants et de nature
à lui faire gagner le procès s'ils sont prouvés, peuvent
cependant se décider en sens contraire. Ainsi, pour re-
prendre l'exemple déjà donné, les juges qui ont ordonné
une enquête en faveur de la femme demanderesse en sépa-
ration de corps et qui ont montré qu'à leur avis les faits
invoqués par la femme constituaient bien des injures graves
autorisant une séparation de corps, peuvent revenir ensuite
sur cette impression, quoique les faits aient été prouvés
dans l'enquête tels que la femme les invoquait et décider
en définitive qu'il n'y a pas lieu à séparation de corps. On
exprime cette idée dans la pratique en disant que V inter-
locutoire ne lie pas le juge. C'est que, en effet, aucun
texte ne déclare le contraire et dans le silence de la loi
il faut appliquer ce principe fondamental de la justice mo-
derne, suivant lequel les juges ne relèvent que de leur
conscience et doivent se décider d'après leur intime con-
viction. Or il peut très bien arriver que cette conviction
change au cours des débats. 3** Par exception, il y a un
cas dans lequel le jugement interlocutoire lie le juge,
parce que la loi a eu soin de le dire, ce cas est celui où
le tribunal a, soit à la demande de l'une des parties, soit
d'ofiice, déféré le serment à l'un des plaideurs. La loi vou-
lant que la partie à laquelle le serment a été déféré gagne
ou perde le procès, suivant qu'elle prête ou refuse de prê-
ter le serment, il faut bien aussi que le tribunal, quelle
que soit sa conviction, rende le jugement à son profit dans
le premier cas et contre elle dans le second. Mais, sauf ce
cas, l'interlocutoire ne lie pas le juge sur le point de fait.
Cependant comme il permet d'entrevoir quelle sera proba-
blement l'issue du procès, par cela même il nuit déjà à l'un
des plaideurs, aussi la loi permet-elle à ce plaideur d'ap-
peller du jugement interlocutoire au cours même du procès
et avant que le jugement sur le fond soit rendu. Au con-
traire, le jugement préparatoire ne préjugeant pas le fond,
ne nuit, à vrai dire, à aucun des plaideurs et on ne peut
le critiquer que pour vice de forme, par exemple pour
omission des noms des juges ou de la date. Mais si la loi avait
permis d'en appeler pour une de ces raisons au cours même
du procès, elle aurait en réalité ouvert la porte aux mauvaises
chicanes. Aussi a-t-elle eu soin de décider qu'on ne pourra
jamais appeler d'un jugement préparatoire, tant que le ju-
gement sur le fond ne sera pas rendu et même après ce moment
il faut aussi attaquer le jugement sur le fond pour pou-
voir appeler du préparatoire. On voit par ces explications
combien il est important de savoir si un jugement est pré-
paratoire ou interlocutoire, et dans la pratique la question
sera parfois assez délicate à résoudre, car la même mesure
d'instruction peut, suivant les circonstances, préjuger ou ne
pas préjuger le fond ; dans le premier cas le jugement qui
ordonne cette mesure d'instruction sera interlocutoire ;
dans le second cas, il sera préparatoire. Qu'on suppose
par exemple un demandeur qui réclame des dommages-
intérêts pour un préjudice injustement souffert: si le défen-
deur soutient que le préjudice n'existe pas et si le tribunal
rend un jugement qui ordonne une expertise, ce jugement
sera manifestement interlocutoire. Mais, si le défendeur se
borne à plaider sur le montant des dommages-intérêts le
jugement d'expertise deviendra purement préparatoire (V.
G. de procéd., art. 451 et 452).
Le jugement provisoire est celui qui ordonne une mesure
pour la durée du procès et dans l'intérêt de l'un des plai-
deurs à l'effet de le mettre à l'abri d'un danger dont ce
procès la menace. Tel est le jugement qui alloue à la femme
une provision alimentaire que lui payera son mari pendant
le cours de l'instance en séparation de corps ou en divorce;
tel est encore le jugement qui ordonne la mise en séquestre
de l'immeuble litigieux pour empêcher le défendeur d'abu-
ser de sa possession pendant la durée du litige. Au point
de vue de l'appel, le jugement provisoire est soumis aux
mêmes règles que le jugement interlocutoire.
Aux jugements d'avant dire droit on oppose les juge-
ments définitifs. Cette dernière expression comprend d'abord
des jugements sur le fond du procès, ensuite et aussi tous
les jugements rendus au cours de l'instance qui ne sont
pas relatifs à une mesure d'instruction ou à une mesure pro-
visoire; tels sont les jugements rendus sur les exceptions,
sur les incidents relatifs au fond de Taffaire, sur les inci-
dents qui ont leur cause dans le tribunal, sur ceux qui se
rapportent à l'interruption ou à l'extinction de l'instance .
Sous le rapport de la juridiction exercée par les juges,
on dit que les jugements sont de juridiction gracieuse ou
de juridiction contentieuse (V. Juridiction).
— 254
JUGEMENT
Avant de rendre un jugement, les juges doivent délibérer
sur la question qu'ils sont appelés à trancher et procéder
au vote. La loi reconnaît quatre modes de délibération
(G. de procéd., art. 93, 94, 116). Si l'affaire est très
simple, les juges délibèrent à l'audience même, et rendent
le jugement sur-le-champ. Ils peuvent, s'ils préfèrent, sus-
pendre l'audience et se retirer dans la chambre du conseil
pour y recueillir les avis. Si l'affaire demande plus longue
réflexion, ils renverront à un autre jour pour le prononcé
du jugement. Enfin, si la délibération paraît de nature à
soulever des difficultés, le tribunal peut rendre un juge-
ment préparatoire qui ordonne un délibéré sur rapport ; ce
jugement nomme un rapporteur, et le travail de ce magis-
trat servira plus tard de base à la délibération. Ce rapport
est en général facultatif de la part du tribunal ; mais, ce-
pendant, dans certains cas, la loi le lui impose. Dans tous
les cas, la délibération du tribunal a lieu en secret, tandis
que les débats sont en général publics. On avait essayé
d'établir aussi la publicité des délibérations par le dé-
cret du ^16 juin 1793; mais cette innovation fut la
cause de tels scandales, qu'il fallut y renoncer. C'est le
président du tribunal qui dirige la délibération, détermine
les questions et les pose à ses collègues. Aucune surprise
n'est d'ailleurs à craindre, car les juges, comme nous le
verrons bientôt, sont tenus de motiver leur jugement. Les
juges votent d'après la date de leur nomination, en com-
mençant par le dernier nommé (décr. du 30 mars 1808,
art. 35). 11 faut la présence de trois juges au moins
pour qu'un jugement puisse être valablement rendu par
un tribunal d'arrondissement ou par un tribunal de com-
merce, de cinq conseillers au moins s'il s'agit d'un arrêt
d'une cour d'appel. Depuis la loi du 30 août 1883 les
juges doivent toujours siéger ou plus exactement délibérer
et voter en nombre impair. Grâce à cette précaution les
partages sont devenus sinon impossibles, du moins très
rares. On admet dans la pratique que malgré cette inno-
vation les juges ont encore le droit d'instruire l'affaire à
l'audience en nombre pair. Il peut être utile, en effet,
dans les affaires qui exigent un certain nombre d'audiences
de siéger à quatre, pour le cas où l'un des juges se trouve-
rait empêché au cours de l'instruction et serait obligé de
se retirer, par exemple pour cause de maladie ; le tribunal
n'en serait pas moins encore au complet et pourrait con-
tinuer l'instruction, tandis que s'il avait dès le début été com-
posé de trois juges seulement, il faudrait maintenant en
appeler un nouveau pour le compléter, et on serait obligé
de recommencer toute l'instruction, ce qui serait une cause
de retard et de frais considérables pour les plaideurs. Toutefois
lorsque les juges ont siégé en nombre pair jusqu'à la clôture
des débats, alors à ce moment le dernier nommé, au lieu de
prendre part à la délibération et au vote, se retire et ainsi
est observée la loi du 30 août 1883. Les juges suppléants
ne siègent avec voix délibératives et ne votent qu'autant
qu'ils remplacent des juges titulaires. Lorsque, en effet,
un juge est empêché de siéger, on appelle pour le remplacer
un autre juge; à son défaut, un juge suppléant; à son
défaut, un avocat; à son défaut, un avoué, tous dans
l'ordre du tableau et de leur ancienneté. La loi ne laisse
pas au tribunal la liberté du choix pour qu'il ne puisse
pas être accusé de partialité, et elle veut que le tribunal
dans le jugement constate son observation (décr. du
30 mars 1808, art. 49). Pour qu'un juge puisse prendre
part à la délibération et au vote, il faut qu'il ait assisté
à toutes les audiences consacrées à l'affaire ; c'est précisé-
ment pour ce motif qu'on a soin dans les procès d'une
certaine longueur de ne pas siéger au nombre minimum
de trois. Le procès est gagné par celui qui obtient l'una-
nimité des voix ou la majorité absolue, c.-à-d. la moitié
des voix plus une, par exemple deux contre une ou trois
contre deux. Dans des cas assez rares et bien que les juges
soient obligés de délibérer en nombre impair, on ne peut
pas obtenir la majorité absolue. Pour sortir les juges d'em-
barras, la loi distingue dem cas : d'une part celui oti deux
ou plusieurs opinions ont obtenu une majorité relative ;
d'autre part, celui oti il n'y a même pas deux opinions
avec majorité relative. Dans le premier cas les juges les
plus faibles en nombre sont tenus, après un second tour de
scrutin resté sans résultat, de se joindre à l'une des opi-
nions qui ont obtenu majorité relative. Exemple : trois
plaideurs, Primus, Secundus, Tertius se disputaient la
propriété d'un immeuble et le tribunal était composé de
cinq juges ; deux se sont prononcés en faveur de Primus,
deux ont voté pour Secundus, une voix a été obtenue par
Tertius ; dans ces circonstances Primus et Secundus ayant
obtenu chacun une majorité relative, le juge qui a été seul
de son avis et qui s'était prononcé pour Tertius est obligé
d'opter entre Primus et Secundus et par son adjonction il
donne la majorité absolue à ce plaideur qui gagne le pro-
cès (C. de procéd., art. 117). Pour que cette hypothèse
puisse se réaliser, il faut nécessairement que le tribunal se
compose de cinq juges au moins. S'il ne comprend que
trois juges on obtient ou bien l'unanimité ou bien la ma-
jorité absolue de deux voix contre une ou enfin trois voix
isolées. Dans les deux premiers cas le procès est terminé ;
dans le troisième cas il y a partage, et pour le vider il faut,
d'après l'art. 118 du C. de procéd., appeler un nouveau
juge pour le vider; à défaut déjuge disponible, un suppléant;
à défaut de suppléant, un avocat ; à défaut d'avocat, un
avoué, tous selon l'ordre du tableau. Cette disposition du
code de procédure a été modifiée sous un certain rapport
par la loi du 30 août 1883 qui défend aux tribunaux de
siéger en nombre pair; si l'on n'appelait pour vider le par-
tage qu'un juge, un suppléant, un avocat, un avoué qui
se joindrait aux trois juges ayant déjà siégé, le tribunal se
composerait de quatre juges. Il faut donc appeler depuis
1883 deux suppléants, etc. Le tribunal se trouve ainsi
composé d'un nombre impair de magistrats.
Une fois le jugement arrêté, il doit être prononcé en
audience publique et il sera toujours très prudent de se
hâter de remplir cette formalité, car la majorité absolue
doit exister, non pas seulement au moment du vote, mais
encore et aussi au moment du prononcé du jugement. Or
elle peut disparaître si un des juges vient à décéder entre
le vote et le prononcé à l'audience et tout est alors à re-
commencer. On évite ce danger en prononçant le jugement
immédiatement après le vote.
Tout jugement d'un tribunal d'arrondissement se com-
pose de deux parties, la minute et les qualités. La minute
contient : la désignation des parties, celle des avoués, les
noms des juges, celui du procureur de la République s'il a
été entendu, les motifs et le dispositif (C. de procéd.,
art. 141. On mentionne aussi la publicité des débats etdu
jugement (loi du 20 avr. 1810, art. 7). Il résulte de di-
verses dispositions que la minute doit être également datée.
Cette minute s'appelle aussi feuille d'audience, et la loi
veut qu'à l'issue de Taudience ou dans les vingt-quatre
heures qui suivent elle doit être signée par le président du
tribunal et par le greffier. Si le greffier se trouve par une
cause quelconque dans l'impossibilité de signer, il suffit
que le président en signant fasse mention de cette cir-
constance ; mais si c'est le président qui ne peut pas signer,
alors il faut que dans les vingt-quatre heures suivantes
cette formalité soit remplie par le plus ancien des juges
qui ont connu de l'afiaire. Si les feuilles d'une ou plusieurs
audiences n'avaient pas été signées dans les délais prescrits,
aucun membre du tribunal n'aurait plus le droit de rem-
plir cette formalité. La loi prend des précautions, car elle
craint qu'on ne prenne pour un jugement ce qui n'est
qu'un projet de jugement. Elle veut qu'on en réfère à la
première chambre civile de la cour d'appel, laquelle, sui-
vant les circonstances, et sur les conclusions du procureur
général, autorisera ou non un des juges de l'affaire à poser
sa signature (décr. du 30 mars 1808, art. 36, 37, 38).
Des différentes parties de la minute, les deux men-
tions les plus importantes sont sans contredit les mo-
tifs et le dispositif. Autrefois, les juges ne motiviiient pas
JUGEMENT
252 —
leur décision, c.-à-d. ne faisaient pas connaître les raisons
de droit ou de fait pour lesquelles ils avaient donné gain
de cause à l'un des plaideurs. On se plaignait amèrement
de cette insuffisance des jugements ; on disait, avec rai-
son, qu'il ne suffit pas que les juges soient justes, il faut
encore qu'ils le montrent. Aussi la loi des 16-24 août 1790
(titre 5, art. 5) a-t-elle obligé les juges à motiver leurs
jugements à peine de nullité, et cette disposition a passé
dans l'art. 7 de la loi du 20 avr. 1810. Pour que les juges
puissent se dispenser de motiver en jugement, il faut que
la loi les y autorise. C'est ce qui a lieu dans certains cas
et par des raisons particulières, notamment pour les ju-
gements d'adjudication qui sont plutôt des actes judicaires
que de véritables jugements, pour les jugements qui ho-
mologuent ou refusent d'homologuer une adoption. Il ne
suffit même pas que les motifs existent en apparence seu-
lement, il faut encore qu'ils soient sérieux. Ainsi on ne
considère pas comme motifs valables ceux qui constituent
une véritable pétition de principe, tels que les suivants :
attendu que la prétention de la partie n'est pas fondée,
attendu que la prescription n'est pas accomplie. Dans ces
circonstances et d'autres semblables les juges ne font que
répéter leur solution au lieu de la motiver. Il s'est intro-
duit dans les cours d'appel une pratique vicieuse qui est
la cause de fréquentes nullités, celle de dire, en confir-
mant la décision attaquée : adoptant les motifs des pre-
miers juges. Cette formule est inexacte si la décision
des premiers juges repose sur des faits qui ne se sont pas
reproduits en instance d'appel, par exemple sur des expli-
cations données à l'audience par les parties qui n'ont plus
été appelées devant les juges du second degré. De même
encore il se produit parfois en cause d'appel des demandes
nouvelles, c.-à-d. des prétentions qui n'ont pas été sou-
mises aux juges du premier degré (sur les cas dans les-
quels ces demandes nouvelles sont permises, V. Appel) et
dans ces circonstances la formule : adoptant les motifs
des premiers juges est encore insuffisante, puisqu'elle
ne peut pas s'appliquer à ces demandes nouvelles.
Le dispositif est la partie de la minute dans laquelle le
tribunal condamne ou absout le défendeur ; elle varie à
l'infini, suivant les circonstances du procès et la nature
du droit invoquée par le demandeur, droit réel, droit per-
sonnel, question d'état, etc. Indépendamment de la con-
damnation principale, le jugement contient aussi souvent
des dispositions accessoires; condamnations à des dommages-
intérêts ou à des restitutions de fruit (C. de procéd.,
art. 128 et 129); condamnation aux dépens (C. de procéd.,
art. 130 à 134); bénéfice de l'exécution provisoire, c.-à-d.
nonobstant opposition ou appel au profit du gagnant. Ce-
lui-ci obtiendra aussi le bénéfice de la contrainte par corps
dans les cas particuliers où elle est encore aujourd'hui
autorisée par la loi. Parfois le tribunal accordera au débi-
teur, s'il est malheureux et de bonne foi, soit d'office, soit
sur sa demande un terme de grâce (C. de procéd., art.
122 et suiv. — V. Contrainte par corps, Délai, Exécu-
tion, Frais et dépens).
Les qualités, seconde partie du jugement, ne sont plus
l'œuvre des juges, mais sont rédigées par les avoués. Elles
comprennent : la désignation des plaideurs, l'indication des
avoués, les conclusions sur lesquelles on a plaidé, le
point de fait et le point de droit (C. de procéd., art. 142).
La loi a pensé que, cette partie du jugement étant une
sorte de procès-verbal de constat destiné à faire connaître
l'ensemble de la procédure, les avoués la rédigeraient mieux
que les juges. C'est un point de vue très contestable. En
outre cette rédaction des avoués cause aux parties des
frais qui leur seraient évités si elle était faite par les juges.
La loi offre d'abord la rédaction des qualités à l'avoué du
gagnant, mais s'il néglige de la faire, l'avoué du perdant
peut prendre l'initiative. Dans tous les cas celui qui a pré-
paré le projet doit le communiquer à son confrère. Si celui-
ci ne l'accepte pas, il y, fait opposition entre les mains de
rjiuissier qui le lui a signifié, et il est statué sur cette
opposition par le magistrat qui a présidé l'affaire au moyen
d'une ordonnance qui règle définitivement les qualités
(V. pour les détails C. de procéd., art. J44 et 145; se-
cond décret du 16 févr. 1807 sur la hquidation des dépens,
art. 7 et 8). Les qualités ainsi définitivement arrêtées
vont rejoindre la minute au greffe et le jugement se trouve
alors complet. Lorsqu'on n'a pas observé pour la rédaction
d'un jugement, soit dans la minute, soit dans les qualités
une des formahtés prescrites par la loi le jugement est-il
nécessairement nul pour vice de forme ? Le législateur n'a
répondu à cette importante question que d'une manière in-
directe et pour quatre cas dans l'art. 7 du 20 avr. 1810.
D'après cet art. 7 le jugement sera nul : s'il n'a pas été
rendu par le nombre de juges que la loi prescrit ; si un ou
plusieurs des juges n'ont pas assisté à toutes les audiences
de la cause ; si le jugement n'a pas été rendu publiquement ;
s'il n'est pas motivé ou s'il ne l'est pas suffisamment. Mais
que décider dans les autres cas? Après d'assez longues
controverses on est arrivé à reconnaître, en doctrine et en
jurisprudence, qu'il faut distinguer entre les formalités
substantielles et les formalités accessoires ; les premières
donnent au jugement sa nature telle que la loi l'a organisée ;
les secondes ne font que compléter le jugement. En consé-
quence, l'omission d'une formalité substantielle entraî-
nera nullité du jugement, tandis que celle d'une formalité
accessoire ne produira pas cet effet. Mais de nouvelles dif-
ficultés surgissent lorsqu'il s'agit de savoir si telle forma-
lité est essentielle ou secondaire. On considère généralement
comme essentielles et prescrites à peine de nullité les
mentions suivantes: l'indication des juges ; celle du minis-
tère public si la loi veut qu'il donne ses conclusions ; celle
des avoués ; celle des parties ; les conclusions ; le point de
fait et le point de droit; le dispositif; la date. On met au
contraire parmi les mentions accessoires l'indication du
ministère public si la loi n'exige pas qu'il donne ses con-
clusions, celle du greffier, une des mentions relatives à
l'un des plaideurs si les autres indications contenues dans
le jugement ne laissent aucun doute sur son identité. Une
disposition spéciale du 2 thermidor an II veut que tous les
jugements soient écrits en langue française, sous peine
d'un emprisonnement de six mois pour les magistrats.
Mais cette loi n'ayant pas ajouté qu'en outre le jugement
serait nul, certains arrêts se sont prononcés pour la vali-
dité du jugement, tandis que d'autres ont admis cette
nullité, avec raison, selon nous, en faisant remarquer qu'il
s'agit là d'une disposition d'ordre public et que, pour ce
motif et suivant le droit commun, elle doit avoir pour
sanction la nullité. Quoi qu'il en soit, dans tous les cas où
un jugement est nul pour vice de forme, cette nullité est
obtenue au moyen des voies de recours que la loi met à
la disposition des plaideurs (V. Appel, Cassation, Re-
quête civile).
Une fois le jugement rendu, tout n'est pas encore fini pour
le gagnant, si le perdant ne veut pas exécuter spontanément.
Le gagnant est obligé en effet de recourir alors à l'exé-
cution forcée. Mais, avant de pouvoir exercer ce droit, il
faut qu'il lève le jugement et le signifie à son adversaire.
Il y a plus : fort souvent l'exécution sera arrêtée après la
signification par l'opposition que formera ou l'appel qu'in-
terjettera le perdant, car ces deux voies de recours, l'oppo-
sition et l'appel, à la différence de la requête civile et du
pourvoi en cassation, sont suspensives de l'exécution.
Lever le jugement, c'est s'en procurer une expédition.
Il y a deux sortes d'expéditions délivrées parles greffiers:
les expéditions simples que le greffier doit donner à tout
requérant, moyennant un droit modique, car les greffes
sont publics comme les bureaux des officiers de l'état civil
et à la différence des offices des notaires ; les grosses ou
expéditions revêtues de la formule exécutoire et qui ne
peuvent être délivrées qu'aux parties au procès. Chaque
partie n'a même droit qu'à une grosse, et, si elle vient à la
perdre, il lui faut, pour en obtenir une seconde, se sou-
mettre à une certaine procédure et obtenir la permission
253
JUGEMENT
du président du tribunal (G. deprocéd., art. 8o3 et 8d4).
La grosse est ainsi appelée, tout simplement parce qu'elle
est écrite en gros caractères. Ce qui la rend tout particu-
lièrement importante, c'est qu'elle est revêtue de la for-
mule exécutoire qui permet de recourir à la force armée
pour obtenir l'exécution (G. de procéd., art. 446, et décr.
du 2 sept. 1871, art. 2).
Une fois que le gagnant est en possession de sa grosse,
il faut encore, avant de recourir à l'exécution forcée, qu'il
signifie le jugement, c.-à-d. qu'il le porte officiellement,
et par ministère d'huissier, à la connaissance de son ad-
versaire ou de l'avoué de cet adversaire. S'il exécutait le
jugement avant cette signification, les actes d'exécution
seraient nuls. Mais le gagnant peut faire tous les actes
simplement conservatoires sans aucune signification préa-
lable. La signification est également exigée pour faire
courir les délais des voies de recours. Mais nous n'avons
pas à nous occuper ici de cette seconde signification (V. Ap-
pel, Cassation, Opposition, Requête civile), et nous ne
parlerons que de la signification qui est le préliminaire de
l'exécution. En principe, la signification à avoué suffit pour
les jugements préparatoires et pour les jugements interlocu-
toires. Quant aux jugements définitifs ou provisoires, la loi
fait une distinction : la signification à l'avoué suffitencore si ces
jugements ne contiennent pas de condamnation, mais, dans le
cas contraire, la loi impose deux significations, la première à
l'avoué, la seconde à la partie, et il faut même indiquer dans
la seconde que la première a eu lieu. Si le gagnant exécutait
le jugement sans avoir fait l'une ou l'autre de ces deux signifi-
cations, il y aurait nullité, non pas de jugement, mais des
actes d'exécution. Toutefois, la mention dans la signification
à la partie que le jugement a été précédemment signifié à
son avoué étant purement accessoire, il n'y aurait aucune
nullité si elle avait été omise (C. de procéd., art. 147).
Si l'avoué du perdant avait cessé ses fonctions au moment
de la signification, alors le j ugement ne pourrait être signifié
qu'à la partie; mais on ferait mention dans cette significa-
tion de la cessation des fonctions de l'avoué. La loi permet
d'exécuter, même sur minute, les ordonnances de référé et
les jugements des juges de paix, s'il y a péril en la de-
meure, de sorte que, dans ces circonstances, la loi supprime
à la fois la levée et la signification de la décision (G. de
procéd., art. 811, et loi du 25 mai 1838, art. 12).
Mais la loi n'ayant rien dit des jugements des tribunaux
civils d'arrondissement, il ne semble pas que ces jugements
puissent être exécutés sur minute, malgré l'opinion con-
traire de certains auteurs, car les dispositions exception-
nelles ne doivent jamais comporter extension.
Par cela même qu'il termine le procès, le jugement a
pour effet de dessaisir le juge; aussi celui-ci ne peut-il
plus, sous aucun prétexte, connaître de l'affaire, ni même
compléter son jugement par un second qui, par exemple,
pour réparer une omission, accorderait au débiteur un
terme de grâce ou au créancier le bénéfice de l'exécution
provisoire. Sans doute, si le jugement contient une clause
obscure, les parties peuvent s'adresser au tribunal pour
obtenir jugement interprétatif, mais le tribunal ne saurait,
sous prétexte d'interprétation, revenir, en totalité ou en
partie, sur la décision qu'il a rendue précédemment. Le
jugement, étant un acte authentique, fait foi de ce qu'il
contient jusqu'à inscription de faux et, par exemple, si le
perdant soutient devant la cour d'appel ou devant la cour
de cassation que le jugement écrit n'est pas semblable au
jugement prononcé verbalement à l'audience, que les juges
ont modifié le dispositif, qu'ils ont ajouté des motifs pour
couvrir une irrégularité, il devra faire cette preuve en
s'engageant dans la procédure difficile et compliquée de
l'inscription de faux. Tout jugement statuant sur un diffé-
rend a aussi autorité de chose jugée, dès le moment oîi il
est rendu; s'il n'est pas ou s'il n'est plus susceptible des
voies de recours ordinaires, l'opposition ou l'appel, on dit
qu'il passe en force de chose jugée; enfin il devient irré-
vocable à partir du moment oti il n'est plus susceptible
d'aucune voie de recours. L'autorité de la chose jugée
s'oppose à ce que le même procès renaisse entre les
mêmes parties ou ceux qu'elles ont représentés, soit devant
le tribunal qui a déjà statué, soit devant toute autre juridic-
tion.. Si l'une des parties voulait recommencer le procès,
l'autre la repousserait en invoquant l'exception de chose
jugée. Si une partie n'avait pas connaissance du juge-
ment précédemment rendu (c'est par exemple l'héritier du
défendeur originaire), il pourrait arriver qu'un second
procès identique au premier s'engageât de nouveau. Mais
dans le cas où le second jugement serait en sens contraire
du premier, la partie qui avait gagné la première fois et
et qui a succombé ensuite, pourrait attaquer le second juge-
ment: par la voie de l'appel, en supposant qu'il ait été rendu
en premier ressort ; s'il avait été rendu en dernier ressort ou
en [)remler et dernier ressort, par la voie de la requête civile
on par celle de pourvoi en cassation, selon que les deux juge-
ments en sens contraire émaneraient du même tribunal ou
de deux tribunaux différents. — En général, les jugements
sont simplement déclaratifs des droits antérieurs des parties ;
ils ne créent aucun droit nouveau, réel et personnel et ne
produisent aucune novation. Par exemple le créancier cou-
tin ue à avoir droit aux intérêts précédemment stipulés
et à jouir des garanties réelles établies en faveur de sa
créance. Par exception, cependant, l'action c[ui naît du
jugement ne se prescrit que par trente ans, bien qu'aupa-
ravant la créance ait été soumise à une prescription plus
courte. En outre, tout jugement constatant l'existence
d'une créance quelconque produit, au profit du créancier,
une hypothèque judiciaire générale sur tous les immeubles
du débiteur. Enfin les jugements relatifs à l'état des per-
sonnes peuvent très souvent modifier cet état, par exemple
frapper un aliéné d'interdiction judiciaire, prononcer la
séparation de corps ou le divorce entre deux époux. En
tant qu'ils créent ainsi des droits nouveaux, les jugements
ne produisent pas effet rétroactif; mais dans les autres
cas, c.-à-d. en règle générale, la loi leur attribue cet effet.
Si le jugement est rendu contre le demandeur, il anéantit
les effets de l'ajournement et par exemple les intérêts mo-
ratoires n'ont pas couru à son profit.
Cet exposé général ^es jugements s'applique aux déci-
sions de toutes les juridictions et en particulier aux juge-
ments des tribunaux d'arrondissement et aux arrêts des
cours d'appel. Mais pour les jugements des tribunaux de
commerce et pour ceux des juges de paix, il y a lieu de
relever quelques particularités. Ainsi il est évident qu'il ne
peut pas être question de mentionner dans les jugements
de ces juridictions le ministère public ni les avoués, car
le ministère public et ces officiers ministériels n'existent
pas devant elles. De même les qualités du jugement, au
lieu d'être l'œuvre des avoués, sont faites par le greffier.
De même encore, tout jugement est nécessairement signi-
fié à la partie et ne peut être signifié qu'à elle. En justice
de paix, il n'est même pas nécessaire de signifier les juge-
ments avant dire droit s'ils sont rendus contradictoirement
en présence des deux parties; on évite ainsi des frais (G. de
procéd., art. 28). Quant aux sentences arbitrales, elles se
rédigent comme les jugements des juges de paix.
Devant les juridictions de répression, comme en matière
civile, on réserve le terme de jugement aux décisions
des tribunaux inférieurs, c.-à-d. des tribunaux de police
correctionnelle et des tribunaux de simple police. On ap-
pelle arrêts les décisions des cours d'assises. De même
nous retrouvons les divisions des jugements en définitifs
ou avant dire droit et les avant dire droit sont eux-mêmes
préparatoires, interlocutoires ou provisoires. Comme exemple
de jugement provisoire, nous citerons la décision par la-
quelle le tribunal correctionnel ou la chambre des appels
correctionnels accorde la liberté provisoire au prévenu .
De même encore, au criminel comme au civil, les juge-
ments sont contradictoires ou par défaut, en premier ou
en dernier ressort. Pour que les décisions de répression
soient valables, il est nécessaire que la juridiction soit
JUGEMENT — 254 —
Constituée conformément à la loi. Celle-ci exige la présence
de trois juges au moins au tribunal correctionnel et celle
de cinq conseillers à la chambre correctionnelle de la cour
d'appel. Les juges peuvent d'ailleurs, dans ces deux juri-
dictions, siéger en plus grand nombre, mais il faut tou-
jours que ce nombre soit impair, comme en matière civile-
A la cour d'assises, le nombre de trois magistrats comme
celui de douze jurés est fixe et invariable (loi du 30 août
d883,^ art. 1 et 4; C. d'instr. crim., art. 252 et 384).
Au criminel comme au civil, un juge (ou un juré) ne peut
prendre part à la décision qu'autant qu'il a assisté à toutes
les audiences consacrées à l'affaire (loi du 20 avr. 1810,
art. 7). Les délibérations ont lieu en secret; c'est encore
la règle consacrée aussi pour les affaires civiles (G. d'instr.
crim., art. 369; décr. du 22 mars 1852, art. 8). En
cour d'assises, la loi veut que l'arrêt soit rendu sur-le-
champ ; les tribunaux de simple police et de police correc-
tionnelle ont, au contraire, le droit de ne rendre leur ju-
gement qu'à l'audience qui suit celle où l'instruction a été
terminée et on admet même, en doctrine et en jurispru-
dence, que ce principe, posé par les art. 153 et 193 du
C. d'instr. crim. n'étant pas établi à peine de nullité, le
jugement peut même être valablement prononcé à une
audience plus éloignée. On applique, en général pour la
rédaction des jugements, les mêmes principes qu'en ma-
tière civile, et notamment on exige que toutes les décisions
soient motivées (sauf exception pour le verdict du jury).
Mais en outre la loi veut que tous les jugements et arrêts
qui portent condamnation à une peine contiennent le texte
de la loi appliquée à peine de nullité du jugement, s'il
s'agit d'une décision de simple police ; à peine d'amende
contre le greffier, s'il s'agit d'un jugement de police correc-
tionnelle ou d'un arrêt de cour d'assises. En outre, la loi
impose au président du tribunal correctionnel et au prési-
dent de la cour d'assises (mais non au juge de simple
police) l'obligation de lire à l'audience le texte de la loi
appliquée, sans d'ailleurs donner aucune sanction à cette
formalité. Enfin tout jugement ou arrêt d'une juridiction
de répression doit être signé par tous les juges qui y ont
pris part, tandis qu'en matière civi]e la signature du pré-
sident et celle du greffier suffisent.* Le code d'instruction
criminelle n'exige pas expressément la signature du gref-
fier, mais il faut tout au moins mentionner sa présence
comme aussi celle du ministère public, dans le jugement
ou dans Tarrét, car autrement la juridiction ne serait pas
valablement constituée (V. sur ces divers points G. d'instr.
crim., art. 163, 164, 165, 195, 196, 369, 370). Les
jugements et arrêts sont, au criminel comme au civil, ré-
digés en minute et, lorsqu'il s'agit de les exécuter, le gref-
fier en délivre des expéditions revêtues de la formule exé-
cutoire. E. Glasson.
III. Fiscalité. — Droits sur les jugements (V. En-
registrement, t. XV, p. 1104).
IV. Egyptologie. — Jugement des Rois en Egypte.
— La vue du tableau du chap. cxxv du Livre des Morts
représentant le pèsement de l'âme dans la balance infer-
nale, en présence d'Osiris et de ses quarante-deux asses-
seurs, la vue de ce tableau dans quelque hypogée royal
de Thèbes aura suggéré à quelques voyageurs de l'antiquité
la pensée qu'après la mort d'un pharaon le peuple s'assem-
blait pour juger sa vie et lui refuser, au besoin, la sépul-
ture quand sa conduite l'en avait rendu indigne. C'est une
hypothèse antiégyptienne. Les rois étaient des dieux pen-
dant leur vie et après leur mort, et leurs actes échappaient
au contrôle humain.
V. Histoire. — Jugement de Dieu (V. Epreuves ju-
diciaires).
VI. Théologie. — Jugement dernier. — Sorte d'assises
qui, selon la doctrine chrétienne, seront tenues sous la
présidence de la divinité à la fin de l'économie actuelle et
où chacun comparaîtra, pour que son sort à venir soit ré-
glé suivant sa conduite passée. La théorie du jugement
universel est un emprunt fait à l'idée du « jugement de
Yahvéh » ou « jour de Yahvéh », tel que l'ont décrit les
livres bibliques. Cette conception a passé du judaïsme dans
le christianisme sans modification essentielle. Pour se rendre
compte de ses origines et des différents aspects qu'elle a
revêtus avant d'être adoptée par le christianisme, V. Messie
et Eschatologie.
VIL Archéologie. — Jugement dernier. — La repré-
sentation du Jugement dernier que l'on trouve figurée dans
de nombreuses tombes égyptiennes, même sous les anciennes
dynasties, fut aussi des plus fréquentes dans l'iconographie
chrétienne, surtout à l'époque du moyen âge. Des sculptures
sur pierre et sur bois, des peintures murales, des vitraux
et des miniatures reproduisirent à l'envi cette scène finale
assignée par ses croyances reHgieuses au rôle de l'humanité.
Mais si le Jugement dernier tint tout d'abord une place im-
portante sur les portails des églises abbatiales, c'est sur la
porte de la cathédrale d'Autun, porte construite en 1140,
que l'on en peut voir un exemple des plus anciens et des
plus complets, et c'est sur le tympan de la porte centrale de
Notre-Dame de Paris, tympan sculpté de 1210 à 1215 et
fort habilement restauré vers 1855, sous la direction de
Porte centrale de Notre-Dame de Paris.
VioUet-le-Duc, par les sculpteurs Toussaint et Geoffroy-
Dechaume, que l'on en peut admirer le type le plus achevé»
Au-dessus du linteau de cette porte centrale dite Porte du
Jugement^ le tympan se divise en trois zones : celle infé-
rieure consacrée à la résurrection des morts que l'on voit
sortir de leurs sépulcres entr'ouverts ; celle médiane dans
laquelle l'archange saint Michel pèse les mérites des âmes
qui se répartissent en deux groupes, les élus à droite et
les réprouvés à gauche ; et enfin la zone supérieure, qui
occupe la partie aiguë de l'ogive et dans laquelle le Christ
est représenté assis avec, à droite et à gauche, des anges
debout tenant les instruments de la Passion et, un peu en
arrière, à droite, la Vierge et, à gauche, saint Jean l'Ëvan-
géUste, ces deux derniers personnages agenouillés et in-
tercédant pour les hommes. Les proportions différentes des
figures, la sobriété de leur agencement et l'observation
des règles du symbolisme font de cette scène, qui était
autrefois peinte et dorée, un modèle d'iconographie chré-
tienne en même temps que de l'art sculptural au moyen
âge. Charles Lucas.
BiBL. : Philosophie. — Bradley, Principles of Logic
(anglais). — V. Egger, Jugement et ressemblance, dans
Revue philosophique^ 1893, t. II.
Jurisprudence. — Boitard, Colmet-Daage et Glas*
-255 —
JUGEMENT — JUIDA
SON, Leçons de j^rocédure civile, t. h pp. 252 et suiv., 15« éd.
— Dalloz, Jurisprudence générale et Supplément^ v° Ju-
gement, — Garsonnet, Traité de procédure, t. III, p. 91.
— PÔNCET, Traité des jugements ; Paris, 1822, 2 vol. in-8.
JUGERIE. On appelle ainsi les divisions judiciaires et
administratives créées au xiii® siècle par Alphonse de Poi-
tiers et par Philippe ÏII dans la sénéchaussée de Toulouse.
Au temps des comtes indépendants, les bailes, fermiers des
impôts du prince, exerçaient une certaine juridiction en
matière civile et criminelle, mais ce système entraînait de
graves abus. Pour y parer, Alphonse créa un certain nombre
de juges, présidant des tribunaux de première instance, dont
les appels durent être portés devant le sénéchal de Tou-
louse. Mais on manquait de sujets capables, et si, au temps
d'Alphonse, on trouve déjà des juges pour le territoire d'Al-
bigeois, un autre à Castelnaudary, pour l'ouest du Toulou-
sain, un troisième à Lavaur, l'organisation n'était pas en-
core définitive en 4270, date d'une ordonnance de réforme
du conseil du prince, rendue en l'absence de celui-ci. Dès
ce moment l'établissement des jugeries est arrêté en prin-
cipe, mais ce n'est que sous Philippe IlI qu'elles paraissent
définitivement instituées. En voici la liste, avec quelques
indications sommaires : jugerie dite de Villelongue, nom
rappelant celui d'un archidiaconé du diocèse religieux de
Toulouse, s'étendant de Montauban à Lavaur ; — jugerie
de Lauragais, ch.-l. Castelnaudary, érigée plus tard en
comté par Louis XI en faveur de Bertrand de La Tour, comte
de Boulogne; — jugerie de Verdun, partie nord de la sé-
néchaussée ; — jugerie de Rivière, existant dès le temps
d'Alphonse de Poitiers sous le titre de baylie de Gascogne;
elle prenait son nom du petit pays de Rivière, sur la Garonne,
entre Saint-Gaudens et Saint-Bertrand-de-Comminges, où
était situé le chef-lieu de la jugerie : Montréjeau, bastide
royale fondée en 1272; — jugerie de Rieux, existant dès
1272. En 1469, la jugerie de Rivière, une partie de celle
de Verdun et quelques localités de celle de Rieux furent dé-
tachées du Languedoc, unies à la Guyenne et formèrent ce
qu'on appela plus tard l'élection de Rivière- Verdun. —
Circonscriptions judiciaires et administratives, les jugeries
jouèrent aussi à plusieurs reprises au xiv® siècle le rôle de
divisions politiques, et les représentants des communautés
furent parfois convoqués par les commissaires royaux pour
consentir un nouvel impôt ou s'entendre avec les agents du
trésor. Les jugeries subsistèrent comme sièges judiciaires
jusqu'à la Révolution. A. Molinier.
BiBL. : Hist. de Languedoc, nouv. édit., VIL 520-521, et
XII, pp. 332 et suiv.
JU6ERUM. Mesure de superficie des Romains, ayant
240 pieds de long sur 120 de large, soit 2,518^^,88,
un peu plus de 25 ares. — On le divisait en 2 acti qua-
drati; ceux-ci en 4 climata; chaque clima en 36 decem-
pedœ quadratœ, 200 jugera formaient une centuria
^5Qhect^377j^ Le jugerum était l'unité de mesure agraire.
— Parfois ce mot est employé pour traduire le pléthron
grec, mesure de longueur de 104 pieds romains (100 pieds
srecs^ .
JUGLANDACÉES (V. Noyer).
JUGLANS (V. Noyer).
JUGON. Ch.-l. de cant. du dép. des Côtes-du-Nord,
arr. de Dinan, sur PArguenon; 556 hab. Tanneries;
moulins à blé et à tan; teinturerie. Le bourg s'est formé
autour d'une forteresse féodale, existant depuis 1035, qui
appartint longtemps à la maison de Penthièvre. Son im-
portance avait donné lieu à ce dicton : Qui a Bretagne
sans Jugon a chape sans chaperon. Démantelée en
1420, par ordre du duc Jean V, elle fut complètement
rasée en 1616 en conséquence d'un arrêt du Parlement.
L'église moderne a conservé des parties des xu^ et xvi® siè-
cles. Quelques maisons remontent au xiv® et au xv® siècle.
Vaste étang de 80 hect., très poissonneux, alimenté par la
RouUe, affluent de PArguenon.
JUGULAIRE. I. Anatomie. — Ganglion jugulaire
V. Pneumogastrique [Nerf]).
Veines jugulaires. — Nom donné à plusieurs veines
du cou qui sont : 1<» la veine jugulaire externe formée
par la convergence des veines temporale superficielle,
maxillaire interne et auriculaire postérieure; cette veine
descend en diagonale sur la partie latérale du cou, située
sous la peau, du col du condyle de la mâchoire vers Parti-
culation sterno-claviculaire, où elle se jette dans la veine
sous-clayière après avoir perforé l'aponévrose : c'est sur
cette veine qu'on pratiquait autrefois la saignée ; 2° la
veine jugulaire antérieure qui descend presque vertica-
lement sur la ligne médiane du cou (veine impaire), de la
région sus-hyoïdienne à la veine sous-clavière, dans la-
quelle elle se jette séparément ou bien par un tronc com-
mun avec la jugulaire externe ; cette veine court égale-
ment sous la peau, et dans certains cas il y a une veine
jugulaire antérieure profonde, qui chemine sous l'aponé-
vrose cervicale ; 3*^ la veine jugulaire interne ou veine
profonde du cou tire son origine d'une dilatation vascu-
laire nommée golfe de la veine jugulaire, et logée dans la
fosse jugulaire du temporal. Cette veine est satellite de
l'artère carotide et s'étend verticalement et latéralement de
la base du crâne dans le thorax où elle s'unit à la veine
sous-clavière pour constituer la veine innominée. Elle
est le fleuve dans lequel se déversent les rivières san-
guines appelées sinus de la dure-mère, tronc thyro-lin-
guo-facio-pharyngien, et la veine occipitale. Il y a trois
paires de veines jugulaires cheminant sur les côtés et en
avant du cou. On peut encore ajouter à celles-ci la jugu-
laire postérieure, tronc veineux plus ou moins développé,
qui circule entre les muscles de la nuque. Ch. Debierre.
II. Armée. — Courroie de cuir étroite et mince, qui
sert à maintenir sous le menton la coiffure militaire. Pour
les casques et les shakos, la jugulaire est généralement
plus large et recouverte de lames de cuir ou formées de
mailles constituant un ornement. Dans les képis d'officier,
la jugulaire en cuir bordée d'une soutache d'or et d'argent
recouvre une fausse jugulaire en or ou en argent, sui-
vant la couleur des boutons de l'uniforme, qui reste appa-
rente quand la jugulaire est sous le menton. Les képis
des *sous-officiers sont pourvus d'une fausse jugulaire
semblable.
JUGULANS (Astron.). Nom donné par des auteurs
anciens à la constellation à'Orion (V. ce mot) à cause des
petites étoiles cp et X qui sont à la partie supérieure ou sur
la tête d'Orion, et qui ressemblent assez à des noix pla-
cées les unes sur les autres.
JUGUM (V. Capitation).
JUGURTHA, roi de Numidie (V. Numidie).
JUGY (Jugiacus). Corn, du dép. de Saône-et-Loire,
cant. de Sennecey-le-Grand, arr. de Chalon-sur-Saône ;
434 hab. Distillerie. Découvertes de substructions et de
monnaies antiques. Ruines d'une église sur la montagne de
Saint-Germain-des-Buis. Jugy a été le siège d'une baronnie
dépendant du marquisat de Sennecey.
JUHASZ(V. Melius).
JUICQ. Corn, du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
de Saint-Jean-d'Angély, cant. de Saint-Hilaire ; 318 hab.
JUIDA (Ornith.). Le nom de Jui'da a été d'abord employé
parLesson(rrai^(^d;'orm^/i(?%z^, 1831, p. 407) pour desi-
gner un groupe de Passereaux comprenant le Merle vert à
longue queue du Sénégal, de Brisson et de Daubenton,
le Merle d'Angola, de Brisson, et le Merle violet du
royaume de Juida, de Buffon et de Daubenton; mais on a
reconnu plus tard que ce groupe se confondait avec les Lam-
protornis de Temminck {Manuel d'ornithologie, 1820,
t. I, p. Lv) et que, loin de constituer une subdivision du
genre Merle (V. ce mot),' comme le supposait Lesson, il
formait un genre de la grande famille des Etourneaux
(V. ce mot). On a quelquefois appelé Juida toutes les es-
pèces africaines d'Etourneaux à plumVge bronzé ou doré,
qu'on désigne vulgairement sous les noms de Merles
métalliques et de Merles bronzés (V.ces mots et Lampro-
TORNiTiDÉs) . Oust.
JUIF
JUIF. On appelle proprement Juifs les personnes qui
professent la religion juive, judaïque ou mosaïque. A Tori-
gine, ce terme (hébreu Yehoudim, arabe Yahoûd, grec
'louoaîoi, latin Judaei^ ancien français Juis, italien Giu-
dei, espagnol Judios, allemand Juden^ hollandais Joden,
anglais Jews, turc Tchifout, etc.) désignait uniquement
les membres de la tribu de Juda, l'une des principales tri-
bus israélites ou hébraïques, qui donna son nom à l'un des
deux royaumes nés du démembrement de l'empire de David
et de Salomon (vers 975 av. J.-C). Les « Judéens », dépor-
tés par Nabuchodonosor sur les bords de l'Euphrate (588 av.
J.-C.), profitèrent partiellement delà permission que leur
donna Cyrus de rentrer dans leur ancien pays (536) qui
prit bientôt le nom de Judée. Pendant la durée du second
Temple, la communauté, puis l'Etat groupé autour de Jé-
rusalem s'intitula officiellement « association des Juifs »
(Kheber ha-Yehoudim) ; par extension on appela aussi
Juifs les peuples voisins convertis de gré ou de force à la
religion mosaïque et les nombreux prosélytes, de races di-
verses, que le judaïsme fit dans tout le bassin de la Médi-
terranée. Après la chute définitive de Jérusalem (70 et
135 ap. J.-C.), le sens politique du mot Juifs disparut, le
mot n'eut plus qu'un double sens ethnique et religieux
qu'atteste au iii^ siècle Dion Cassius (/fî6'^. rom., XXXVIÏ,
17). En effet, les idées de nationalité et de religion étaient
si étroitement unies dans les habitudes d'esprit des anciens,
que les Juifs même dispersés, même mêlés de nombreux
éléments étrangers, continuèrent à se considérer comme
une nation et à être traités comme telle. Cette conception
et cette désignation ont prévalu pendant tout le moyen
âge et pendant une partie des temps modernes ; elle sub-
siste encore aujourd'hui dans les pays musulmans et dans
certaines contrées arriérées de l'Europe ; mais dans les
pays oii les Juifs ont été complètement émancipés et assi-
milés aux autres citoyens, le nom de Juifs ne désigne plus
qu'une confession religieuse, fortifiée par une communauté
d'origine réelle ou fictive. Volontiers les membres de cette
confession s'intitulent Israélites, terme qui n'a pas la si-
gnification fâcheuse attachée par les préjugés au nom de
Juifs : en France, le nom « Israélite » est même seul em-
ployé dans le langage officiel. Ailleurs (Roumanie, Russie,
Grèce, Italie), on se sert concurremment avec le nom Juifs
du terme Hébreux qui a le défaut d'éveiller une idée pu-
rement ethnique et linguistique, car il n'y a pas de « reli-
gion hébraïque ».
Par leur nombre, leur dispersion à travers les princi-
paux pays du globe, l'étrangelé tragique de leurs destinées,
la variété de leurs aptitudes, les préventions et les lois
d'exception dont ils ont été l'objet, les Juifs forment une
fraction de l'humanité digne de la plus sérieuse attention.
Pour comprendre leur situation actuelle et les divers aspects
de ce qu'on a appelé la « question juive », il est indispen-
sable de jeter d'abord un coup d'œil sur l'histoire du ju-
daïsme. Cette histoire, jusqu'à la destruction de Jérusalem
par Titus et Adrien, a été esquissée à l'art. Hébreu,
quoique, à la vérité, le terme Hébreux ait cessé d'être en
usage à partir du retour de la captivité. Nous prendrons
donc les Juifs au lendemain de ces terribles catastrophes
qui, en ruinant définitivement leur existence politique, lais-
saient subsister leur nationalité et leur religion dans des
conditions nouvelles et singulières.
A. Histoire des Juifs depuis la ruine de Jéru-
salem jusque vers le x® siècle. — Le judaïsme vers
l'an 100 AP. J.-C. — Au moment où nous reprenons le
fil de l'histoire juive, le judaïsme constituait déjà une secte
religieuse répandue à travers la plupart des pays méditer-
ranéens, l'Arabie et la Babylonie. Dès le i®'^ siècle de l'ère
chrétienne, Strabon et Sénèque déclarent avec quelque exa-
gération qu'il n'y a pas un pays de la terre où l'on ne
rencontre des Juifs. Dans l'empire romain, leur présence
est authentiquement attestée en Syrie, en Asie Mineure,
en Egypte, en Cyrénaïque, dans les îles de l'Archipel, en
Grèce, en Italie. La population juive s'était énormément
256 —
accrue pendant les six siècles de la durée du second Tem-
ple, d'un côté par la fécondité de la race et le soin apporté
à l'éducation des enfants, de l'autre par le prosélytisme
individuel, longtemps pratiqué avec passion, et les conver-
sions forcées de peuples entiers comme les Iduméens sous
Hyrcan P', les Ituréens sous Aristobule P% etc. Même
en admettant quelque hyperbole dans les données des his-
toriens, on peut évaluer à 3 miUions le chiffre de la popu-
lation juive au miheu du i«r siècle. Les effroyables saignées
sous Vespasien, Trajan et Adrien, diminuèrent sans doute
ce nombre de près de moitié, mais les vides furent en parti»
comblés par la propagande religieuse qui se continua après
la destruction de l'indépendance juive, et dut trouver des
agents efficaces dans les prisonniers de guerre juifs, réduits
en servitude et dispersés en Occident. Le polythéisme clas-
sique, avec ses mythes usés ou incompris, ne satisfaisait
plus les besoins religieux de l'époque ; entraîné à la fois
par le goût d'exotisme et de mystère et le besoin sincère
d'une croyance qui parlât au cœur, à la raison, à l'imagi-
tion, la société gréco-romaine se portait avec ardeur vers
le culte juif, comme elle se portait vers les rites égyptiens,
syriens, cappadociens, bientôt aussi vers le christianisme
et le culte de Mithra. Les convertisseurs juifs savaient
d'ailleurs procéder graduellement dans la conquête des
âmes ; on était d'abord simple judaïsant, sabbatisant, me-
tuens, a£6o|X£voç ; à la génération suivante on se faisait
complètement juif. A plusieurs reprises, le gouvernement
romain s'efforça de réprimer cette propagande, soit en
expulsant les Juifs de Rome et de l'Italie, soit en interdi-
sant leurs assemblées, soit en punissant de peines sévères
la circoncision de non-Juifs et la « vie judaïque. » Le
renouvellement fréquent de ces mesures prouve leur peu
d'efficacité.
Législation romaine. — Aux yeux de ceux qui ne parta-
geaient pas leurs croyances, les Juifs formaient dans l'Em-
pire une classe méprisée, souvent même ridiculisée ou haïe,
à cause de l'humilité de leur condition sociale (on comptait
parmi les Juifs beaucoup d'esclaves, d'ajfranchis, de men-
diants), de la bizarrerie de leurs pratiques religieuses, des
souvenirs de leur résistance acharnée à la conquête, et sur-
tout de leur particularisme rehgieux et moral. Leur condi-
tion légale était assez complexe. Les Juifs, considérés comme
pérégrins sine civitate, étaient exclus des droits poli-
tiques (;ws honorum) et des droits civils exclusivement
réservés aux citoyens romains; mais dans les villes grecques,
ils continuaient à jouir du droit de cité local qui leur
avait été accordé par les Ptolémées et les Séleucides.
Assujettis dans leur pays d'origine à des impôts très élevés
qui provoquèrent à diverses reprises des soulèvements ou
des réclamations, partout ailleurs ils payaient, outre les
taxes ordinaires, une capitation spéciale de 2 drachmes par
ièie {didrachme), perçue au profit du temple de Jupiter
Capitolin. Les employés du fiscus judaicus déployèrent
souvent dans la perception de cette taxe une sévérité in-
quisitoriale. Par compensation, les Juifs jouissaient, en
raison de leur religion, de certaines exemptions qui cons-
tituaient de véritables privilèges, notamment celle du ser-
vice militaire et des charges plus onéreuses qu'honorifiques
delà curie. Leurs communautés, constituées à l'imitation
des cités grecques, s'administraient librement, par l'organe
d'un conseil d'anciens (gérousia) et de magistrats élus
(archontes), entre autres l'archisynagogue, chargé des
soins du culte. Le patriarche, qui résidait à Tibériade, était
autorisé à percevoir par ses agents (apostoloi) une taxe qui
servait à son entretien et à celui du sanhédrin central. Enfin,
en leur qualité d'étrangers privilégiés, les Juifs jouissaient
de l'autonomie, c.-à-d. réglaient eux-mêmes leurs affaires
civiles — mais non pénales — d'après la loi mosaïque :
les rabbins faisaient fonctions de juges. Tous ces privi-
lèges étaient strictement réservés aux Juifs d'origine : de là
en partie la sévérité des lois interdisant la conversion au
judaïsme. Ainsi un rescrit d'Antonin le Pieux défendait
aux Juifs, sous les peines qui frappaient la castration (mort
— 257 —
JUIF
ou déportation), de circoncire tous autres que leurs propres
fils ; le circoncis était puni de la relégation et de la confis-
cation des biens, le médecin de mort (Digeste, 48, 8, 11;
Paul, V, 22), A mesure que le souvenir de l'Etat juif et
les différences entre les citoyens et pérégrins allèrent s'ef-
façant, les privilèges des Juifs et aussi leurs incapacités
spéciales disparurent à leur tour ; on s'habitua peu à peu
à les traiter comme des citoyens. Les constitutions impé-
riales les déclarèrent habiles à toutes les charges qui
n'étaient pas incompatibles avec leur religion, et notam-
ment à la tutelle (Modestin, Dig., 27, i, 45, 56) ; les em-
pereurs Sévère et Caracalla leur accordèrent le jus hono-
rum (Dig., 50,2, 5). Bientôt après, la constitution de
Caracalla, qui étendait le droit de cité à tous les sujets de
l'Empire, ne laissa plus subsister aucune différence légale
entre les Juifs et les autres citoyens romains ; ils gardèrent
toutefois certaines immunités justifiées par la nature de la
religion juive et au nombre desquels il faut sans doute con-
tinuer à compter l'exemption du service militaire : encore
Alexandre Sévère confirme les « privilèges » des Juifs ; il
leur montre d'ailleurs une estime particulière.
Lois des empereurs chrétiens. — Quand le christia-
nisme devint avec Constantin la religion officielle de l'em-
pire romain, la législation à l'égard des Juifs prit un nouveau
caractère, bien traduit par le langage injurieux et méprisant
que les empereurs empruntèrent aux Pères de l'Eglise. D'une
part, dans un intérêt unitaire et fiscal, on supprima peu à
peu les privilèges des Juifs : successivement, ils sont assujettis
aux charges de la curie (324); la juridiction rabbinique et
l'autonomie civile sont abolies ou mutilées, le patriarcat
même, d'abord admis dans les cadres de la hiérarchie offi-
cielle, finit par être supprimé (425). D'autre part, on frappa
les Juifs, en leur qualité de mécréants, de nombreuses
déchéances, et l'on multiplia les précautions pour réprimer
leur propagande et ruiner leur influence qui fut, long-
temps encore, très sensible dans beaucoup de communautés
chrétiennes (à Antioche, par exemple, les chrétiens pro-
nonçaient leurs serments dans les synagogues, célébraient
le sabbat et les fêtes juives; en Espagne, il fallut que le
concile d'Elvire [320] leur interdît de faire bénir par les
Juifs, réputés magiciens, les fruits de leurs champs, etc.).
En conséquence, les Juifs perdent le jus honormn; même
baptisés, ils sont exclus des fonctions supérieures et de la
carrière militaire ; il leur est défendu, sous peine de mort,
d'avoir commerce avec des chrétiennes, de posséder des
esclaves chrétiens, de circoncire des esclaves même païens ;
s'ils convertissent des chrétiens de condition libre, ils en-
courent la confiscation et l'exil. En revanche, les renégats
israéUtes obtiennent des avantages dans l'hérédité pater-
nelle. Défense aussi d'élever de nouvelles synagogues. Jus-
tinien va jusqu'à refuser toute force au témoignage des
Juifs contre les chrétiens devant les tribunaux, réglemente
la liturgie juive et interdit l'étude de la Mischna.
Ces dispositions, recueillies dans les codes de Théodose II
et de Justinien, n'ont pas été longtemps appliquées dans
toute l'étendue du monde romain, en raison de la disloca-
tion de l'Empire au v® siècle; elles n'en ont pas moins une
très grande importance historique parce qu elles ont ins-
piré le droit canon et par lui toutes les législations tem-
porelles du moyen âge. Elles conservèrent d'ailleurs toute
leur efficacité dans l'empire d'Orient, où elles furent encore
expressément renouvelées par les Basiliques au x® siècle.
Le zèle des fanatiques dépassa souvent l'intention du légis-
lateur. Sous Théodose P^, on brûle les synagogues ; en 41 5,
Cyrille chasse les Juifs d'Alexandrie. A plusieurs reprises
la Palestine, berceau du Christ, fut le théâtre de campagnes
violentes d'évangélisation qui provoquèrent des soulève-
ments cruellement réprimés (en 351 , sous Constance, ruine
de Sepphoris; en 521, sous Justinien; en 614, sous Héra-
clius, révolte de Benjamin de Tibériade de concert avec les
Perses). Au vu® siècle, le judaïsme agonise dans son pays
d'origine : la conquête arabe lui rendit la liberté, mais non
la prospérité. Dans l'empire byzantin, réduit au pourtour
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
de la mer Egée, et en particulier à Constantinople, les Juifs,
confinés dans des quartiers spéciaux, soumis à une régle-
mentation tracassière, traînèrent pendant mille ans une
existence obscure, humiliée, mais assez paisible, qui n'a
guère laissé de traces dans l'histoire politique ou littéraire.
Ils ne furent jamais entravés dans l'exercice des professions
et purent continuer à posséder des immeubles.
Les Juifs dans les royaumes barbares. — En Occident,
où l'empire romain s'effondra à la fin du v^ siècle, les con-
quérants germains n'apportèrent pas d'abord des sentiments
hostiles envers les Juifs, surtout ceux d'entre eux qui res-
tèrent attachés à l'hérésie arienne. En Italie, les Juifs,
quoique assez maltraités par Théodoric, aidèrent les Ostro-
goths à défendre Naples contre Bélisaire (526). En Gaule,
répandus sur tout le territoire, ils vécurent longtemps en
bons termes avec la population et même avec les ecclésias-
tiques. Il y eut bien çà et là quelques tentatives de con-
versions forcées de la part des rois mérovingiens (Chilpéric,
Dagobert) ou des évêques (Avitus de Clermont, 576) ; sur-
tout les conciles ne cessèrent de réclamer l'application inté-
grale des lois du code de Théodose ; mais leurs doléances
restèrent pour la plupart lettre morte ; les rois continuèrent
à prendre des médecins, des orfèvres, des fermiers d'im-
pôts Israélites.
Dans le royaume visigoth d'Espagne, qui comprenait
aussi la Septimanie (Narbonaise), les Juifs jouirent pen-
dant longtemps d'une situation élevée et eurent accès aux
emplois publics, tant que l'arianisme resta la rehgion offi-
cielle ; mais, à partir de la conversion des rois au catholi-
cisme (589), le clergé, très influent sur cette royauté
purement élective, inspira une législation tracassière et
tyrannique qui renchérit sur le code de Théodose et se
traduisit sous certains rois (Reccared, Sisebut, Sisenand,
Chintilla, Reccesuinthe, Egica) par de véritables persécu-
tions : non seulement il fut interdit aux Juifs de posséder
des esclaves chrétiens, mais on leur défendit l'acquisition
des immeubles, le commerce, la navigation; les conver-
sions forcées se multiplièrent, les nouveaux convertis
devinrent l'objet d'une surveillance étroite; à la fin, les
Juifs furent tous réduits en servage (694). Ils ne respi-
rèrent qu'avec la conquête arabe (711).
Au début de l'empire carolingien, les Juifs, enrichis
par leur industrie et le commerce d'esclaves, étaient encore
libres et influents : Charlemagne joint un juif, Isaac, à son
ambassade auprès du khalife Haroun (797) ; Louis le Pieux
les protège contre leurs ennemis et nomme un conser-
vateur de leurs privilèges. Les curieuses lettres d'Ago-
bard, évêque de Lyon, décrivent avec indignation la pros-
périté « scandaleuse » des Juifs de Gaule sous ce règne :
des chrétiens allaient entendre les sermons des rabbins,
prenaient part à leurs fêtes ; ils faisaient impunément des
prosélytes, élevaient de nouvelles synagogues, etc. Au con-
cile de Meaux (845), les archevêques Amolon et Hincmar
renouvellent ces doléances. C'est seulement sous les der-
niers Carolingiens que l'influence croissante du clergé et la
barbarie des temps amènent des faits isolés de persécution
(expulsion des Juifs de Sens, 883), des confiscations au
protit de l'Eglise (biens-fonds des Juifs de Narbonne, 899
et 914) et des usages infamants comme la lapidation du
dimanche des Rameaux à Béziers et la colaphisation du
Vendredi-Saint à Toulouse.
Juifs de Babylonie et d' Arabie. — A côté des Juifs de
l'empire romain et des nouveaux Etats barbares, il faut
mentionner au commencement du moyen âge les Juifs de
Babylonie et d'Arabie.
En Babylonie, les Juifs habitaient entre le Tigre et
l'Euphrate, dans les cantons qui avaient été assignés à
leurs ancêtres déportés par Nabuchodonosor. C'était un
territoire fertile, fécondé par des canaux ; ils s'adonnaient
à l'agriculture, aux métiers ; plusieurs villes étaient en-
tièrement peuplées de Juifs, et l'ensemble de leurs com-
munautés formait comme un Etat vassal, auquel pré-
sidait un exilarque (resch-galouta). Sous les Arsacides
il
JOIF
- âë8
(Parthes), puis sous les rois Sassanides (néo-Perses), qui
leur succédèrent au m® siècle, les Juifs de Babylonie joui-
rent longtemps d'une parfaite tolérance à la faveur de la-
quelle, renforcés par de nombreuses recrues venues de
Palestine, ils déployèrent du iii^ au v^ siècle, dans leurs
écoles ou académies de Sora, de Poumbadita, de Nahardea,
une prodigieuse activité théologique. Cependant les rapports
avec les mages, d'abord pacifiques, finirent par s'enveni-
mer ; au v^ et au vi^ siècle, des rois fanatiques, Kirouz,
Cobad, Yezdigerd III, entreprirent la conversion violente
des Juifs, fermèrent leurs écoles, tuèrent leurs rabbins ;
leur autonomie politique fut détruite.
En Arabie, les Juifs, nombreux depuis la ruine de Jéru-
salem, formèrent aussi des groupements politiques indé-
pendants, protégés par des lignes de forteresses ; il y en
avait surtout autour de Yathreb (Médine) et à Khaibar.
Agriculteurs, pasteurs et guerriers comme les indigènes,
souvent en lutte avec eux, ils imitèrent les mœurs cheva-
leresques des Arabes et leur communiquèrent en échange
leurs traditions, leur calendrier, les rudiments de leur civi-
lisation. Dans le Midi, ils réussirent même à convertir au
judaïsme le roi (Açad Aboucarib) et une fraction de la prin-
cipale tribu himyaritique : pendant quelques générations,
le Yémen eut des rois juifs, mais les persécutions dirigées
par l'un d'eux, Dhou No vas, contre les chrétiens du Nedj-
ran, amenèrent une invasion éthiopienne et la ruine du
royaume himyarite (530).
B. Période féodale et moderne (jusqu'en 1789).
— Répartition géographique du judaïsme aux diverses
ÉPOQUES. — La dispersion des Juifs à travers le monde est
un fait très complexe, auquel plusieurs causes ont con-
couru. L'abaissement de la mère patrie, dont le sol leur était
devenu inhospitalier et la capitale même interdite, les
expulsions, les mauvais traitements, les conversions forcées
ont amené leur diminution ou leur disparition dans cer-
tains pays ; des transplantations, la vente à l'encan de pri-
sonniers juifs, l'attraction exercée par des législations
humaines ou des conditions économiques favorables, la
fécondité de la misère, l'essaimage des communautés sur-
peuplées, le prosélytisme expliquent l'apparition ou l'aug-
mentation rapide de la population Israélite dans d'autres
régions à diverses époques. Avec sa fortune presque exclu-
sivement mobihère, sa religion plus attachée à un livre
qu'à un lieu déterminé, le Juif, au moyen âge, se défda-
çaitavec une grande facilité; par moments, il semble qu'il
soit même retourné à l'état nomade. Aussi la répartition
géographique de la population juive présente-t-elle dans
l'histoire les plus étonnantes vicissitudes. Dès l'époque
romaine, les guerres de Titus, de Trajan, d'Adrien, en
jetant sur les marchés de l'Occident des milliers de pri-
sonniers de guerre juifs, la proscription du judaïsjne à
Chypre, son extermination en Egypte, avaient amené un
déplacement partiel de la race juive vers l'Occident d'une
part, vers le Sud et le Nord de l'autre. On rencontre les
Juifs sur le Rhin et le Danube dès le m® siècle ; ils sont
nombreux en Espagne au iv^ et au v«, en Gaule au vi^ siècle,
en Arabie et peut être en Crimée à la même époque. En
Palestine, le judaïsme, déjà très diminué par les massacres
de 70 et de 435, disparut à peu près sous les empereurs
chrétiens ; il fut chassé du Yémen par la conquête éthio-
pienne, du reste de l'Arabie par Mohammed. La propagation
de l'islamisme et la tolérance des khalifes abbassides rou-
vrirent aux Juifs la Palestine, le N. de l'Afrique et donnèrent
un vigoureux essor aux communautés babyloniennes et espa-
gnoles ; de la même époque (vii^ siècle) date la conversion
au judaïsme d'une partie de la nation des Khazares, sur
la Volga et la Caspienne. Au ix^ siècle après l'ère chré-
tienne, le centre de gravité de la race juive était donc dans
le monde musulman (Irak, Egypte, Espagne). La déca-
dence du khalifat de Bagdad, l'intolérance croissante des
dynasties musulmanes, la ruine des Khazares (970) por-
tèrent au judaïsme oriental et africain un coup dont il ne
se releva pas ; au Maroc, presque tous les Juifs durent se i
convertir ; en Espagne, ils refluèrent vers les Etats chré-
tiens (xii« siècle). L'Espagne chrétienne, la France, l'Ita-
lie renfermèrent dès lors les plus grandes et les plus floris-
santes agglomérations juives ; de France, les Juifs avaient
passé en Angleterre avec Guillaume le Conquérant (4066);
de l'Italie et des bords du Rhin ils s'étaient répandus len-
tement (à partir du ix^ siècle) dans l'intérieur de l'Alle-
magne, les pays magyars et slaves, attirés au début par le
commerce d'esclaves. Les persécutions inaugurées par les
croisades, bientôt suivies d'expulsions en masse (Angle-
terre et Guyenne, 4290 ; France, 4306 et 4394; Espagne,
1492; Portugal, 1497), modifièrent de nouveau cet état de
choses. Le judaïsme occidental ne se maintient plus guère
qu'en Mie et en Allemagne, où le morcellement politique
s'oppose à une mesure générale d'expulsion. La grande
masse des Juifs est rejetée vers l'Europe orientale, particu-
lièrement la Hongrie, la Pologne et la Lithuanie, où les
attirent des statuts libéraux et Fétat économique des popu-
lations ; seule la Russie leur interdit son territoire dès
4440. La Turquie, les Etats barbaresques au xvi« siècle,
la Hollande au commencement du xvii% donnent asile à
une partie de la population juive expulsée de la péninsule
ibérique ; puis les sefardim hollandais essaiment à leur
tour en Angleterre, au Danemark, dans le nouveau monde
(Brésil, Surinam). A partir de la fin du xviii^ siècle, le
régime libéral inauguré par la Révolution française a per-
mis au judaïsme de se développer de nouveau dans FEu-
rope occidentale et centrale, mais ses plus grandes masses
restent concentrées dans les territoires dépendant de Fan-
cienne Pologne et aujourd'hui partagés entre la Prusse
(Posnanie), l'Autriche (Galicie) et la Russie (Pologne
propre, Lithuanie, etc.), d'où les Juifs ont débordé en Rou-
manie. Cependant, par l'effet de la législation restrictive
qui les étouffe dans ces deux derniers pays, un nouveau
courant d'émigration s'est prodi lit tout récemment en sens
contraire de celui du xiv® et du xv*^ siècle, courant qui se
dirige en majeure partie vers Fi^mérique du Nord : il n'est
pas impossible que le judaïsmo, après avoir été surtout
asiatique jusqu'au x« siècle, africain et européen jusqu'au
xix% soit particulièrement américain à la fin du xx^.
Politique de l'Eglise envers les Juifs. Droit canon.
— L'animosité contre les Juifs, peu sensible, en dehors
des théologiens de profession, au commencement du moyen
âge, a surtout été fortifiée par les eii'orts séculaires "^ du
clergé, des papes et des conciles. L'Eglise est l'âme de la
société médiévale : son attitude envers les Juifs a fini par
déterminer celle de la société tout entière. L'Eglise, fille,
héritière et ennemie née de la synagogue, ne tient pas à
exterminer les Juifs; il est bon qu'il subsiste quelques spé-
cimens de la race jadis élue, maintenant maudite, qui servent
de témoins de l'ancienne loi, attestent par leur humiliation
le châtiment du déicide et de l'incrédulité. Mais il est aussi
nécessaire de marquer bien nettement aux yeux des popu-
lations récemment converties la différence entre les deux
religions, qu'elles eurent longtemps une tendance à con-
fondre ; il faut par-dessus tout empêcher la propagande re-
ligieuse des Juifs. Ces principes règlent la politique de
l'Eglise à l'égard du judaïsme. D'une part, elle est oppo-
sée aux baptêmes forcés, comme les ont pratiqués les rois
mérovingiens et visigoths, au renversement des synagogues,
à la dévastation des cimetières, aux tueries et aux pillages :
le pape Calixte 11 accorde aux Juifs, dès 4449, pour les pro-
téger contre ces excès, une patente (co7istitutio Judœorum)^
qui a été plusieurs fois renouvelée par ses successeurs (bulle
d'Alexandre II; 9° concile de Latran). La conversion par
la persuasion est, au contraire, toujours à l'ordre du jour :
il semble que l'Eglise ne soit bien sûre de son triomphe que
lorsqu'elle conquiert à la nouvelle loi des gardiens de l'an-
cienne. Un des procédés par lesquels on se flatte d'y arri-
ver sont les colloques religieux, où d'ordinaire un Juif apos-
tat est chargé de confondre ses anciens coreligionnaires :
tel Nicolas Donin au colloque de Paris sous saint Louis
(4240), Pablo Christiani au colloque deRarcelone (4263),
— 259 -
JUIF
Geronimo de Santa Fé au colloque de Tortose (1413-4).
Ces controverses solennelles produisant peu de résultats,
on recourt aux campagnes de prédications, qui provoquent
souvent des explosions de fanatisme (Capistrano, Vincent
Ferrier, Bernardin de Feltre) ; on oblige les Juifs d'assister
à des sermons prêches à leur intention, puis on s'attaque
à leur arsenal, à leurs livres qu'on prétend remplis d'in-
sultes au christianisme : on biûle le Talmud et d'autres
livres hébraïques à Paris en 1243 et dans beaucoup d'autres
villes; les franciscains et les dominicains, nouvelle milice
de l'Eglise organisée par Innocent Ilï, dirigent ces perqui-
sitions et ces autodafés. Plus tard, on se contente de con-
fisquer les ouvrages scandaleux et de raturer les passages
malsonnants : des censeurs, payés par les Juifs, président
à celte besogne, qui se poursuit même après l'invention de
l'imprimerie. Les anciennes éditions du Tuhnud sont pleines
de blancs, de passages maculés ou corrigés, souvent d'une
manière ridicule. Si l'on empêche ainsi les Juifs de blas-
phémer contre la religion chrétienne, on ne se fait pas faute
de les malmener soi-même ; le langage des papes, des con-
ciles, des théologiens, reste toujours injurieux et violent.
L'autre face de l'activité de l'Eglise vise la remise en
vigueur et l'aggravation de toutes les mesures de précau-
tion, de toutes les incapacités humiliantes édictées par le
code de Théodose contre les Juifs et tombées en désuétude
pendant la première partie du moyen âge. Déjà les con-
ciles espagnols et français en avaient constamment réclamé
Fapplication ; les recueils de droit canon du x^' au xiii^ siècle
les renouvellent et les précisent; le iO^ concile de Latran
les érige formellement en lois de l'Eglise (121 5), et les papes
ne cessent d'en prescrire l'observation aux gouvernements
laïcs. Elles se résument en trois principes :
1° Les Juifs ne doivent avoir aucune autorité sur les
chrétiens : donc exclusion de toutes fonctions publiques,
défense aux Juifs de détenir des esclaves ou mémo des
domestiques, nourrices, sages-femmes, etc., chrétiens; l'es-
clave né chez le Juif, s'il embrasse le christianisme, devient
libre; si c'est un esclave acheté au marché, le Juif doit le
revendre dans les trois mois.
2° Le culte juif ne doit subir aucune extension : défense
d'avoir plus d'une synagogue par communauté, de cons-
truire de nouvelles synagogues ou d'embellir les anciennes ;
de circoncire les esclaves païens ; le Juif baptisé et relaps
est châtié sévèrement.
3^ Les chrétiens doivent éviter le contact social des Juifs :
interdiction des mariages mixtes, des relations familières avec
les Juifs ; défense de s'asseoira leur table ; défense d'avoir des
médecins juifs, etc. A ces prohibitions qui, pour la plupart,
remontent à la législation des empereurs chrétiens, l'Eglise
ou les législations nées sous son influence en ajoutent
d'autres, destinées à achever l'isolement et rabaissement
des Juifs. Déjà, d'après les lois de Justinien, leur témoignage,
leur serment, n'étaient pas, en princi|)e, admis contre les
chrétiens; en tout cas, on leur impose une formule de ser-
ment horrible, accompagnée de cérémonies burlesques ou
obscènes (serment more jiulaico). Piesque partout ils
doivent habiter des quartiers clos, sans jour sur les autres
rues, ouverts et fermés à des heures déterminées : c'est le
ghetto^ la carrière^ le Jiidcnvicrtel ou la Judoigasse,
Pendant toute la semaine sainte, ils doivent s'enfermer chez
eux. A l'imitation des musulmans, le concile de 1215, sous
prétexte d'empêcher les unions mixtes contractées par er-
reur, introduit l'usage d'une marque distinctive que les
Juifs doivent désormais porter sur leurs vêtements, à un
endroit apparent. C'est presque partout la fameuse rouelle^
rouge ou jaune, quelquefois remplacée par un chapeau ou
capuchon de forme et de couleur variables, mais généra-
lement grotesque.
Législations particulièbes.— Les lois canoniques contre
les Juifs n'ont pas été appliquées partout ni dans tous ks
siècles du moyen âge avec une égale rigueur : Umiùl atté-
nuées, tantôt exagérées, en général les gouvernements
n'en ont tenu compte que dans la mesure de leurs intérêts ;
c'est ainsi que dans beaucoup d'Etats les rois ont continué
à prendre des fonctionnaires, des trésoriers, des médecins
juifs malgré les objurgations des papes; à l'inverse, la
propriété foncière a été presque partout interdite aux Israé-
lites, en parlicuher dans les Etats pontificaux. Souvent la
condition légale des Juifs a été réglée par un acte législatif,
constituant une sorte de pacte entre le gouvernement et eux :
de ce nombre sont les Judenstœitigkeiten et les Juden-
ordnungen des Etats d'Allemagne, le règlement autri-
chien do 1244 copié en llongrie.'en Pologne et ailleurs, les
conventions des rois de France avec les Juifs au xiv^ siècle.
La grande préoccupation des gouvernements est d'exploi-
ter les Juifs au profit de leurs finances. Non content d'exi-
ger des Juifs, comme des chrétiens, la dîme du clergé, on
commence par poser en principe que le Juif est serf de
FEglise d'abord, des princes ensuite : partout les meubles
du Juif sont au roi — en France, au baron — tout ce qu'il
lui en laisse est bonté pure. De là non seulement des capita-
tions spéciales (en Castille, 30 deniers; en Allemagne, de-
puis 1342, 1 florin d'or par tête, etc.), mais des tributs
en nature de toute espèce (sel, épices, au Portugal une
ancre et un câble par vaisseau), des corvées bizarres (en-
tretien de la ménagerie royale, balayage des palais), des
sauf-conduits, des péages corporels", qui assimilent les
Juifs à un bétail. Dans certains pays, les tailles perçues sur
eux s'élèvent à un chifïi'e énorme", parfois égal au rende-
ment de tous les autres impôts : c'est la part du gouver-
nement dans les bénéfices de Fusure juive, et elle contribue
naturellement à élever le taux de l'intérêt. Le gouverne-
ment tra(i(|ue de ces revenus : il les donne en gage, les
ail'erme, jes vend ou en fait don à des églises, à des villes,
à des seigneurs. Ce système entraîne des conséquences sin-
gulières : d'une part le prince s'arroge le droit, soit de con-
fisquer en tout ou en partie les biens des Juifs, soit d'abo-
hr, quand il lui plaît, leurs créances ou les intérêts de leurs
créances, sauf une fraction qu'il s'attribue; d'autre part,
le Juif perd le droit d'émigrer d'une seigneurie dans l'autre,
il devient serf de la glèbe. fjiPm, quand le Juif se fait bap-
tiser, en compensation de la perle qui en résulte pour le
Trésor, ses biens sont confisqués; de même, quand une
ville allemande expulse ses Juifs, elle doit bonifier au Tré-
sor im[)érial le revenu qu'il en tirait.
Transformation éconojiioue nu .iudaïsme. — Parallèle-
ment à cette aggravation des conditions légales, en grande
partie par i'elFet même de cette aggravation, un profond
changement s'opère dans les conditions économiques et
sociales de la vie juive. Les anciens Hébreux, même les
Juifs de l'époque de la Restauration, étaient essentiellement
un peuple agricole et pastoral, sans aptitude spéciale, sans
goût pour le commerce. Us n'apprirent le négoce qu'à
l'école des Grecs; ils ne le pratiquèrent avec succès que
dans quelques établissements do la diaspora, comme
Alexandrie ; en Palestine, en Babylonie, ils continuèrent à
s'adonner presque exclusivement à la culture du sol et aux
métiers. Les Juifs amenés en Occident par les émigrations
volontaires ou forcées s'y trouvèrent dans des coiiditions
moins favorables pour pratiquer l'agriculture: l'acquisition
des immeubles était difficile dans des pays de grande pro-
priété; la population agricole réduite à une condition à peu
près servile n'ouvrait pas ses rangs aux nouveaux venus.
Partout cependant où cela leur fut possible, nous voyons
les Juifs s'attacher au sol et tâcher d'y prendre racine ; en
Champagne, beaucoup d'entre eux vivent du produit de
leurs champs et de leurs vignes ; dans la vicomte de Nar-
bonne, ils ont des terres ; il en est de même en Espagne,
en Itahe; au xii*'^ siècle, Benjamin de Tudèle rencontre en
Orient de nombreuses colonies de Juifs cultivateurs. Cepen-
dant en Occident, dès le commencement du moyen âge, les
Juils sont une population pi incipalement urbaine et mar-
chande ; groupes dans les villes, ils peuvent plus aisé-
ment s'y déièiidi-e ; beaucoup d'entre eux sont « argentiers »
(c.-à-d. san;i doute à la fois orfèvres, monnayeurs et ban-
quiers) et marchands d'esclaves ; ils exercent aussi les
JUIF
métiers. A partir de l'époque féodale, ils se spécialisent de
plus en plus dans le commerce d'argent. En effet, toutes
les autres carrières lucratives leur étaient alors pratique-
ment fermées : l'agriculture par le système des tenures
féodales et les nombreuses législations qui leur défendaient
de posséder des biens-fonds, l'industrie par le système des
corporations où dominait l'esprit religieux, — en Espagne,
au xiY^ siècle, on leur interdit formellement les métiers
manuels, — les carrières administratives et judiciaires par
l'application de plus en plus stricte du droit canon ; res-
taient la médecine, débouché très restreint, et le commerce.
En Italie, seul pays où le commerce maritime eût quelque
importance, les Juifs y prirent une part honorable ; en
Hongrie et en Pologne, ils furent intendants des seigneurs ;
partout ailleurs, ils se rejetèrent sur la friperie, le colpor-
tage et principalement la banque. Il y avait à cela une autre
raison : l'Eglise interdisait aux fidèles le prêt à intérêt
(alors appelé usure) ; cette prohibition était surtout fondée
sur un verset de l'Évangile selon saint Luc (vi, 33), d'ail-
leurs défiguré par une faute de copie (3avc{^£T£ arfilv
aTcsXTt'tovisç au lieu de âvxcXTui'J^ovTsç). D'autre part, le
prêt à intérêt est indispensable à toute société civilisée, car
sans lui l'argent ne circule pas, et sans argent point de
trafic. Pour concilier la nécessité économique avec la loi
religieuse, on essaya de divers expédients peu satisfaisants
(tels que le système des rentes constituées), mais surtout
on s'avisa que la défense canonique ne concernait pas les
Juifs, et que leur propre loi leur permettait de prêter à
intérêt aux non-Juifs. Le Juif devint ainsi le banquier
nécessaire, souvent unique, de la société chrétienne au
moyen âge ; on lui défendit à dessein les autres occupations
pour concentrer son activité vers celle-là; « dans beaucoup
de villes, on ne le recevait même qu'à la condition de tenir
une banque ouverte, avec des capitaux toujours dispo-
nibles » (I. Loeb). Les prêteurs juifs n'eurent d'autres
concurrents que les Lombards et les Caorsins; ils exer-
ceraient donc une sorte de monopole, et, comme tous les
monopoles, leur « usure » était onéreuse pour le public
et les rendait impopulaires. Le taux de l'intérêt, d'ailleurs
très variable, était nécessairement fort élevé, vu la rareté
des capitaux, la grandeur du risque, l'avidité des gou-
vernements qui prélevaient sous forme d'impôts une large
part dans les bénéfices ; il ne paraît pas que les prêteurs
juifs aient été particulièrement rapaces ni malhonnêtes.
Chassés, la clameur publique ne tardait pas à exiger leur
rappel. Il en fut ainsi taiît que le préjugé canonique resta
vivace ; quand il commença à s'affaiblir, au xiv^ siècle
(d'abord en Lombardie où les monts-de-piété firent aux
Juifs une concurrence victorieuse), on apprit à se passer
du Juif; la bourgeoisie commerçante, oublieuse de ses
services, fut au premier rang de ses ennemis ; la populace
et les gouvernements se partagèrent ses dépouilles. Là où
l'on toléra encore sa présence, le Juif n'en resta pas moins,
par la force des choses et par l'habitude prise, voué au
commerce d'argent; il y conserve encore aujourd'hui une
incontestable supériorité, qui lui a valu plus de maux que
de profits.
Sources des persécutions. — Les persécutions dont le
judaïsme a été l'objet au moyen âge, — lois tyranniques,
massacres et pillages populaires, expulsions collectives, —
ont une double origine : l'une juive, l'autre chrétienne.
Les Juifs, sous l'influence de plus en plus exclusive de
l'esprit talmudique, leur ont fourni un prétexte par la
persistance ou même le renforcement de leur sentiment
national, par leur éioignement ou leur mépris trop souvent
affiché des « gentils », par l'exagération des lois cérémo-
nielles qui, dans l'intention d'élever une haie autour de la
foi, enveloppaient la vie tout entière dans un réseau serré
d'observances rigoureuses, rendaient impossible la com-
munauté de vie, de table, entre les Juifs et les chrétiens,
perpétuaient chez les Juifs l'étroite solidarité, l'aspect
étranger, l'isolement farouche qui, aux heures de crise,
devaient fatalement les désigner à la méfiance et à la haine.
260 —
De leur côté, les chrétiens ont fortement travaillé à accen-
tuer ce particularisme de la race juive par une série de
mesures de séquestration matérielle et morale qui, dans la
pensée de leurs auteurs, étaient destinées d'abord et sur-
tout à défendre la foi chrétienne contre la propagande
Israélite, mais qui ont singulièrement dépassé le but.
Les mauvais sentiments si généralement répandus contre
les Juifs à la fin du moyen âge sont en grande partie
l'œuvre consciente ou inconsciente de cette législation res-
trictive qui a fait tomber la race juive du côté où elle
penchait naturellement. A l'époque où l'antijudaïsme bat
son plein, il a simultanément ou tour à tour trois aspects
différents :
i« Aspect religieux, La race mécréante, déicide, ré-
prouvée, flétrie tous les jours par les prédicateurs et les
écrivains ecclésiastiques, excite, par son obstination à re-
jeter la vérité évangélique, à faire des prosélytes ou à
reprendre les nouveaux convertis, une indignation d'au-
tant plus vive que le christianisme des peuples européens,
d'abord assez superficiel, gagne en profondeur et en
intensité.
2^ Aspect national. Le Juif est de plus en plus un
étranger, à qui ses habitations séparées, ses coutumes
bizarres, sa langue incompréhensible, son costume exotique
composent une physionomie inquiétante, sinistre ou gro-
tesque ; à mesure que le sentiment national se développe
chez les peuples chrétiens, ils se sentent gênés par cet
élément hétérogène, impossible à assimiler, et en réclament
ou en approuvent l'expulsion.
3« Aspect économique. Le Juif, devenu par l'efi'et des
lois canoniques le seul banquier du moyen âge, s'est fait
autant d'ennemis que de débiteurs ; les uns veulent se
débarrasser de créanciers incommodes, les autres convoi-
tent des trésors que l'imagination populaire exagère singu-
lièrement; d'autres enfin, quand l'esprit commercialse
réveille, poursuivent dans les Juifs des concurrents gênants,
détenteurs d'un monopole suranné.
Tels sont les trois motifs généraux dont Faction se fait
sentir à peu près partout; il faut y ajouter quantité de pré-
jugés populaires, nés de la calomnie ou de la superstition,
qui atteignent d'ailleurs tous les « maudits » du moyen âge
(sorciers, lépreux, cagots), mais qui se traduisent, en ce qui
concerne les Juifs, par des vengeances particulièrement fé-
roces. Les Juifs, dit-on, tuent'des enfants chrétiens pour
mêler leur sang aux pains azymes de Pâques ; ils volent et
percent des hosties pour en faire couler le sang du Christ ;
leurs médecins empoisonnent les rois; en temps d'épidémie,
ils ont infecté les puits ; en temps de guerre, ils font des
signaux à l'ennemi et lui livrent les forteresses. Ces crimes
imaginaires sont expiés trop souvent sur le bûcher, en
prison ou dans l'exil. En particulier, l'accusation du meurtre
rituel a fait des milliers de victimes innocentes depuis le
xn« siècle (affaire de l'enfant Richard à Pontoise, 4182)
jusqu'à nos jours (affaire du P. Thomas à Damas, d840).
Persécutions générales. — Si les spoliations, les vio-
lences isolées contre les Juifs remontent à une date très
ancienne, les grandes persécutions n'ont guère commencé
qu'à la fin du xi^ siècle, lorsque le christianisme des peuples
de l'Europe occidentale eut pris une profondeur et une in-
tensité allant jusqu'au fanatisme, qui se traduisent par le
prodigieux élan des croisades.
Plusieurs de ces persécutions ont un caractère en quel-
que sorte international et se rattachent à de grands mouve-
ments d'opinion ou à de grandes calamités répandues sur
toute l'Europe : les croisades, la peste, les invasions bar-
bares, l'inquisition. Lors de la première croisade (1096)
l'avant-garde de l'armée chrétienne se rua sur les Juiveries
de la Moselle, du Rhin et du Danube, et y sema le car-
nage ; les Juifs acceptèrent le martyre ou coururent au-
devant avec un véritable héroïsme. Des scènes analogues
se produisent, dans l'Allemagne du Sud, pendant la prédi-
cation de la deuxième croisade (1146), en Angleterre pen-
dant les préparatifs de la troisième (1189). Le pontificat
264 -
JUIF
d'Innocent III (1498-1216), Torganisation de l'inquisition
franciscaine et dominicaine, les sévères décisions du dixième
concile de Latran (4 24 5) marquent une nouvelle recrudes-
cence dans le martyrologe des Juifs. Dans la deuxième
moitié du xiii® siècle, les terreurs provoquées par les pro-
grès menaçants des Mongols, qu'on soupçonnait d'être fa-
vorisés par les Juifs, eurent leur contre-coup jusqu'en
Alsace. Plus effroyable encore fut la persécution dont la
peste noire (4348-50) donna le signal ; les Juifs, accusés
d'avoir empoisonné les puits par le moyen des lépreux ou
d'une horrible mixture, furent massacrés par milliers ; la
fureur de sang se promena depuis l'Espagne jusqu'au fond
de la Silésie et de la Hongrie, en passant par la Provence,
la Savoie, le Dauphiné, la Suisse, l'Allemagne et l'Au-
triche. Des excès semblables faillirent se reproduire encore
deux et trois siècles plus tard, à l'époque des invasions
turques ; les Juifs furent accusés d'avoir vendu Rhodes à
Soliman; on les exila de Vienne (1670) sous prétexte de
connivence avec les Turcs.
Histoire particulière des Juifs dans divers Etats. —
Espagne, Portugal. — Il faut maintenant résumer briève-
ment les destinées du judaïsme dans les différents pays
d'Europe au moyen âge et dans les temps modernes. « Celte
histoire, dit I. Loeb, est presque partout la même : situa-
tion satisfaisante à l'origine, puis plus tard vexations,
mauvais traitements, confiscations, pillages, expulsions. »
En Espagne, où les Juifs étaient déjà nombreux au
temps des Visigoths, ils se multiplièrent après la conquête
arabe (744), probablement par l'effet d'une immigration
venue d'Afrique à la suite des conquérants. Sous les émirs,
puis khalifes deCordoue (depuis 942), dans les royaumes
mauresques nés du démembrement du khalifat (1013), la
situation des Juifs fut longtemps florissante. Ils avaient
adopté la langue, le costume, les m(eurs arabes, rivali-
saient d'activité industrielle et littéraire avec leurs maîtres.
Intermédiaires diplomatiques entre les musulmans et les
chrétiens, ils combattirent vaillamment dans les armées
des deux partis : à la bataille de Zalaca (1086) la lutte
fut ajournée du samedi au dimanche pour leur permettre
d'y prendre part. L'administration des finances, la percep-
tion des impôts leur étaient confiées de préférence, sans
souci du « pacte d'Omar » et des prescriptions canoniques.
Plusieurs trésoriers {almoxarif) juifs furent renommés
par leurs talents ou leur munificence ; plusieurs aussi eu-
rent une fin tragique. Citons seulement à Cordoue, auprès
d'Abd er-Rahmân III, Hasdaï ibn Cliaprout, qui correspon-
dit avec le roi des Khazares (x^ siècle) ; à Grenade, Samuel
ibn Nagrela et son fils Joseph (xi® siècle) ; en Castille,
R. Juda sous Alphonse VI, Çag sous Alphonse X le Sage,
Joseph d'Ecija sous Alphonse XI, et le plus célèbre de tons,
Samuel ha Lévi, sous Pierre le Cruel (xiv<^ siècle) ; en Por-
tugal, Ferdinand P'' (4367-83) emploie Judas et David Ne-
gro; encore au xvi® siècle, Isaac Abravanel est successive-
ment le ministre d'Alphonse V de Portugal et de Ferdi-
nand d'Aragon. D'autres rois eurent des médecins, des
astronomes, des musiciens juifs. Le reste des lois cano-
niques et gothiques n'était pas mieux observé. Les Juifs
possédaient des terres, circulaient librement, exerçaient les
métiers, portaient les armes; ils n'étaient astreints à aucun
signe distinctif. Certains fueros les assimilaient, pour le
rang social, aux hidalgos ; dans les commissions d'experts,
juifs et chrétiens étaient en nombre égal.
Lorsque l'intolérance des Almoravides et surtout celle
des Almohades (milieu du xii^ siècle) eut à peu près chassé
les Juifs de l'Andalousie musulmane, leur nombre aug-
menta en Castille et en Aragon ; à Tolède seul ils étaient
12,000, dans toute la Castille peut-être un demi-milhon.
Les lois canoniques ne commencèrent à être remises en
vigueur en Aragon que sous Jacques P*" (121 3-1 276), en
Portugal sous Denys le Laboureur (1279-1325), en Cas-
tille après la victoire de Henri de Transtamarre (t369).
L'affaiblissement des Maures dans la Péninsule détourne
alors l'esprit de croisade vers de nouveaux objets; la pa-
pauté surveille activement les intérêts de la foi en Es-
pagne ; enfin, le réveil économique de la nation, la jalousie
de la bourgeoisie ne furent pas étrangers aux mesures res-
trictives, sans cesse réclamées par les conciles et les certes,
sans cesse retardées par la répugnance des rois et de la
noblesse. Les Juifs sont déclarés hommes ou plutôt choses
du roi, sans toutefois que l'exploitation fiscale ait jamais
atteint les proportions que l'on constate dans d'autres pays.
Successivement les rabbins sont dépouillés de leur juridic-
tion pénale, le port obligatoire de la barbe, la rouelle, le
ghetto sont introduits, les Juifs exclus peu à peu de tous
les emplois. On les envoie de force à des serments de
conversion, on organise des controverses solennelles, Be-
noît XIII leur interdit délire le Talmud (1444). Sur cette
pente on ne s'arrête pas ; la fureur de conversion s'unit à
la soif du pillage pour déchaîner des persécutions san-
glantes : celle de Navarre en 4329, celle de Castille en
1390, celle d'Aragon et de Catalogne (campagne de Fer-
nan Martinez) en 1391. Les efforts de Vincent Ferrier, le
« docteur angéhque » (4412), amenèrent des milliers de
baptêmes plus ou moins spontanés.
A .partir de cette crise, le judaïsme espagnol, diminué
de moitié, ne traîne plus qu'une existence languissante.
L'attention se concentre sur les nouveaux chrétiens {con-
versas^ anoîisim, marranes), très prospères et influents,
mais qui pratiquent en cachette les rites juifs et conser-
vent des relations occultes avec leurs anciens coreligion-
naires. En 4480, l'inquisition est introduite; sous l'im-
pulsion du dominicain Torquemada, ce tribunal exerce
d'effroyables rigueurs contre tous les convertis, juifs ou
maures, convaincus ou suspects de rechute ; des milliers
de ces malheureux sont Hvrés au bras sécuher, c.-à-d.
au bûcher. Pour couper le mal à sa racine, on se décida
à chasser les Juifs. Au lendemain de la conquête de Gre-
nade, qui couronnait l'unité de l'Espagne et le triomphe de
la croix, le sentiment national et catholique, exalté jus-
qu'au fanatisme, réclamait cette mesure barbare : Ferdi-
nand et Isabelle prononcèrent l'expulsion de tous les Juifs
d'Espagne (34 mars 4492) ; ils prirent le chemin de l'exil
au nombre de 2 ou 300,000, et cet exode fut accompagné
de souffiances et de ruines lamentables. Les marranes, res-
tés seuls, se christianisèrent peu à peu; d'après le Tizon
de la Nobleza de Mendoza, presque toutes les grandes
familles espagnoles ont du sang juif dans les veines.
Le Portugal avait jusqu'alors ménagé les Juifs et leur
laissait une véritable organisation politique en sept dis-
tricts, ayant à leur tête un chef suprême {Arrabi Moor) ;
mais l'exil des Juifs espagnols atteignit par contre-coup
ceux du royaume voisin. Les Juifs fugitifs d'Espagne y
furent d'abord réduits en servitude ; puis le roi Manuel,
sous la pression de Ferdinand le Catholique, interdit le
territoire portugais aux Juifs (déc. 4496). Il s'arrangea de
façon à empêcher l'embarquement de la plupart des [)ros-
crits et les contraignit au baptême sous la promesse, fidèle-
ment observée, d'une large tolérance. Mais après sa mort,
la foi toujours suspecte de ces néophytes amena l'introduc-
tion de l'inquisition avec son cortège habituel de vexations
et de supplices (4531) ; la conquête du Portugal par Phi-
lippe H (4580) exaspéra encore ses rigueurs. Aussi dans
le courant du xvi^ siècle des milliers de marranes portu-
gais s'échappèrent-ils secrètement aux Indes ou vers des
pays plus hospitaliers (Italie, Turquie, Bordeaux, Hol-
lande), où ils ne tardèrent pas à reprendre ouvertement
les rites de leurs ancêtres. Dans le Portugal même, beau-
coup continuèrent à les pratiquer secrètement jusqu'au ré-
tablissement de la liberté religieuse à notre époque. Le
sang juif est aussi abondant dans la noblesse portugaise
que dans celle d'Espagne ; on connaît le mot de Pombal à
Joseph l^'' qui voulait exclure de la cour tous les descendants
des nouveaux chrétiens : « Il ne nous reste donc plus, dit-il,
qu'à partir ensemble. »
France. — En France, au début de la dynastie capé-
tienne, les Juifs étaient partout répandus jusque dans les
JUIF
262 ™
villages; relativement bien vus des populations, ils ne
s'étaient point encore cantonnés dans le commerce d'ar-
gent : ils possédaient des terres, des maisons ; dans le Midi
on leur confiait des emplois publics. Leurs écoles talmu-
diques en Champagne, en Languedoc étaient florissantes ;
les rabbins parlaient partout le français, comme le prouvent
les gloses françaises éjiarses dans leurs commenlaires; ils
portaient des noms français, francisaient môme leurs noms
hébraïques (lïaquin pour Isaac, Josse pour Joseph, Vivant
pour liaïm).
Avec réveil de l'enthousiasme chrétien au xi« siècle,
quelques faits de persécution, quelques baptêmes forcés se
produisent à Orléans, à Limoges, à Rouen ; cependant la
fureur de sang déchaînée par les premières croisades n'at-
teignit guère les Juifs de France ; l'autodafé de Blois (i 171),
le massacre de Bray (1191) restent des faits isolés, lis eu-
rent surtout à souffrir de la cupidité et des caprices des
rois. Louis VII les avait protégés, malgré les exhortations
de Pierre de Cluny . Mais Philippe- Auguste, dès son avène-
ment, arrête tous les Juifs de son domaine et ne les relâche
que contre une rançon de 13,000 marcs d'argent ; deux ans
après, à la suite d'une accusation de sang (affaire de l'en-
fant Piichard, à Pontoise), il annule leurs créances, sauf
un cinquième qu'il s'approprie, et les chasse tous de son
territoire qui, à la vérité, ne comprenait encore qu'un quart
de la France actuelle (1182). Ils ne tardèrent pas à être
rappelés ; l'expulsion prononcée par saint Louis (vers
1250) ne fut également que temporaire.
Auxiu^ siècle, la situation légale des Juifs de France se
précise, c.-à-d. s'aggrave. Ils deviennent incapables de
posséder des immeubles ruraux; leurs meubles même, en
théorie, appartiennent « au baron » ; leurs contrats de prêt
sont l'objet d'une surveillance minutieuse et donnent lieu
à des droits fiscaux élevés. Chaque feudataire a ses Juifs
qu'il pressure, vend, donne, hypothèque à sa guise ; car
le Juif, devenu serf,ne peut plus quitter les terres de son
seigneur, et ceux-ci s'engagent entre eux et avec le roi à
s'extrader réciproquement leurs Juifs fugitifs; en revanche,
ils gardent le droit de les exiler en masse et jdusieurs
font usage de ce droit (Bretagne, 1240; Anjou, 1289).
Dans le Midi, la croisade des Albigeois met fin à la prospé-
rité des Juifs : au traité de 1229, comtes et barons s'enga-
gent à ne plus leur confier des fonctions de baillis. Saint
Louis, à la suite d'une controverse célèbre, fait brûler le
Talmud et des charretées de livres juifs (1243) ; plus tard,
il introduit la rouelle (1209). D'atroces accusations se ré-
pandent dans le peuple et provoquent des supplices (auto-
dafé de Troyes, 1288 ; miracle de la rue des Biilettes,
1290). Enfin, Phihppe le Bel exile tous les Juifs du do-
maine royal et confisque leurs biens (22 juil. 1306). Cette
mesure, qui atteignit 100,000 personnes, frappa à mort
lejudaïsme français.
Les Juifs furent rappelés cependant en France dès le
règne suivant (1315), « de commune clameur du pcu})le»;
mais ils ne revinrent qu'en petit nombre, pour un temps
limité, et en vertu d'un contrat formel. Désormais, ils ne
mènent plus qu'une existence précaire, sous l'incessante
menace d'un nouvel arrêt d'exil. Décimés par les massacres
qui accompagnèrent la croisade des Pastour'eaux et la peste
de Guyenne (1320-21), chassés en 1322, rappelés en
1360 grâce à Manecier de Vesoul, au milieu des misères
de la guerre de Cent ans, les Juifs furent rejivoyés défi-
nitivement par Charles VI le 17 sept. 1394; dès 1349 ils
avaient dû quitter le Dauphiné et la Franche-Comté.
Les bannis gagnèrent pour la plupart l'Italie, l'Al-
lemagne et les Etats français du pape, L'édit d'expulsion
fut étendu aux divers grands fiefs au fur et à mesui-e de
leur réunion à la couronne (Bretagne, 1491 ; Provence,
1498) ; il fut encore renouvelé formellement par Louis XIlï
en 1615. A cette époque, il y avait cependant de nouvelles
communautés juives en France : à Metz par Pannexion
de 1552, à Bordeaux et à Saint-Esprit (Bayonne) par l'éta-
blissement toléré, à la même époque, de « marranes
chrétiens » fugitifs d'Espagne et de Portugal ; à ces juive-
ries s'ajoutèrent bientôt celles, beaucoup plus nombreuses,
de l'Alsace, devenue française en 1648. Dans cette der-
nière province, le gouvernement royal laissa subsister
presque sans modification la législation allemande, avec le
péage corporel et des taxes exorbitantes ; à Metz, à la veille
de la Révolution, les Juifs payaient 22,000 livres par an au
roi, et 20,000 à la famille de Brancas ; on y compta même un
uiartyr, victime d'une accusation de meurtre rituel (Ra-
phaël Lévy, 1670). Au xviu^ siècle, il y avait encore quel-
ques centaines de Juifs tolérés à Paris, à Marseille et dans
les colonies. Le Coiiitat-Venaissin, possession du pape, en
comptait 3,000, presque tous à Carpentras.
vVngleterre. — L'Angleterre saxonne n'avait renfermé
qu'un petit nombre de Juifs ; le judaïsme anglais est venu
de France à la suite de Guillaume le Conquérant (1066) ;
sa situation légale a été réglée par une charte de Henri P**.
Les Juifs anglais jouirent pendant un siècle d'une brillante
prospérité, malgré l'élévation des impôts qu'ils payaient,
— la taille des Juifs égalait tout le reste des contributions
du royaume, — et la surveillance rigoureuse exercée sur
leurs opérations commerciales par un échiquier spécial. La
fameuse Chambre étoilée paraît devoir son nom aux contrats
juifs {schtar) qui s'y trouvaient déposés.
[^'opulence des Juifs anglais, leur propagande rehgieuse
attirèrent sur eux Pinimitié du clergé et préparèrent leur
perte. A lavènement de Richard Cœur de Lion (1189),
surtout après son départ pour la troisième croisade (1190),
ils subirent une sanglante persécution à Londres, Norwich,
Stanford, York, etc. Les rois suivants, chargés de dettes,
les exploitèrent sans pudeur, sous tous les prétextes imagi-
nables. Jean sans Terre fit arracher toutes les dents à un Juif
de Bristol jusqu'à ce qu'il eût livré ses trésors; Henri 111
extorqua 20,000 marcs d'argent à une sorte de parlement
juif, trafiqua des Juifs du royaume et leur interdit toute
propriété foncière. Quand les Juifs eurent été à peu près
ruinés par ces exactions et réduits par le désespoir à des
procédés frauduleux, comme la falsification des monnaies,
Edouard P^, après une série de lois restrictives, prononça
leur exil général (1290) ; ils quittèrent le royaume au
nombre d'environ 16,000; cette mesure atteignit égale-
ment les Juifs de Guyenne.
Les Juifs ne reparurent en Angleterre que sous Cromwell,
vers 1655, à la suite des actives démarches d'un rabbin
d'Amsterdam, Manassé ben Israël ; le statut d'Edouard V^^
ne fut pas expressément abrogé, mais on ferma les yeux
sur l'établissement des Juifs à Londres. La première colonie
fut originaire de Hollande et désignée officiellement sous le
no:n de nation portugaise ; plus tard arrivèrent des Juifs
allemands, que leurs coreligionnaires du rite portugais
tinrent longtemps à l'écart. Au xvni^ siècle, les Juifs an-
glais, quoique considérés comme étrangers, ne furent
inquiétés ni dans leur culte, ni dans leur commerce. Dès
1753, le ministère Pelham proposait une loi de naturahsa-
tioii en faveur des Juifs établis en Angleterre depuis trois
ans ; adoptée par les deux Chambres, cette loi fut abrogée
l'année suivante, sous l'influence d'un grand mouvement
de pétitions.
liALiE. — En Italie, grâce au morcellement politique
du pays, grâce aussi à la persistance des traditions ro-
maines et à une certaine douceur des mœurs, les Juifs
n'ont jamais éprouvé ni de grandes persécutions, ni d'expul-
sion générale ; celle qu'ordonna l'empereur Louis II (855)
resta sans effet. Chassés d'un Etat, les Juifs ne tardaient
pas à y être rappelés, dans l'intérêt du commerce (c'est
ce qui arriva plusieurs fois à Venise et à Gènes) ou trou-
vaient asile dans un Etat voisin. Outre la banque, dont ils
eurent longtemps le monopole, ils prirent une part active
au commerce d'outre-mer et s'associèrent même au mou-
vement intellectuel et littéraire des indigènes. Au moyen
âge, leurs principaux établissements étaient dans l'Apulie
(des cimetières juifs y remontent à Pépoque romaine), à
Naples, en Sicile, où les Normands et les Hohenstauffén lés
— 263
JUIF
protègent, à Ancône, Ferrare, Bologne, Mantoue (berceau
de l'imprimerie juive), Modène, Parme, Vérone. La situa-
tion légale des Juifs s'aggrava vers la fm du xv*^ siècle,
sous l'influence des Espagnols, désormais prépondérants
dans la péninsule, et à la suite des prédications fanatiques
de Bernardin de Feltre dans le N. de l'Italie (affaire de
l'enfant Simon de Trente, 4475). Les Juifs et marranes
fugitifs d'Espagne et de Portugal furent d'abord accueillis
par plusieurs Etats; mais l'inquisition y mit bientôt bon
ordre et la plupart de ces malheureux durent reprendre le
chemin de l'exil. La Sicile fut interdite aux Juifs dès
4192, le royaume de Naples en. 4o41 ; Paul IV ferma
Ancône aux marranes, au risque d'en ruiner le commerce,
Pie V expulsa môme les Juifs de tous les Etats pontificaux,
sauf Ancône et Rome (4568). En même temps, le système
du ghetto fermé fut introduit presque partout : à Venise
en 1516, à Rome sous Paul IV (1553-59), à Florence en
1570, à Padoue en 1603. L'existence des Juifs de Rome
devint particulièrement misérable, grâce au renforcement
de toutes les lois canoniques, à la confiscation de leurs
biens-fonds, à l'institution par Grégoire Xllï (1572-85)
des sermons de conversion auxquels ils étaient obligés
d'assister. Ce régime subsista dans les Etats romains, avec
de très graduels adoucissements, jusqu'à la Révolution; il
en fut de même au Piémont, où les Juifs étaient d'ailleurs
peu nombreux. Dans le reste de l'Italie, la législation
s'humanisa au xviii^ siècle. En 1740, les Juifs furent
rappelés en Sicile ; en Toscane, Findulgent despotisme des
grands-ducs mit à profit leurs talents et leurs capitaux
pour développer le commerce de Livourno, devenue l'une
de leurs principales communautés.
Allemagne, Suisse. — L'Allemagne, politiquement di-
visée, comme l'Italie, n'a jamais connu d'expulsion générale
des Juifs, mais leur situation y a été plus misérable
qu'ailleurs. L'esprit juif et l'esprit germanique ont peu de
sympathie l'un pour l'autre ; le pédantisme théologique,
administratif, scientifique des Allemands s'est allié avec
l'avidité des gouvernements et la brutalité populaire pour
faire aux Juifs une existence humiliée et précaire à laquelle
correspondaient, dans l'intérieur des communautés, un pié-
tisme étroit et sombre, des allures de bêtes eflarouchées,
un jargon et un costume disgracieux, la monotonie d'une
littérature presque exclusivement talmudique, midras-
chique et cabbalistique.
Les Juifs allemands {Askenazim) sont originaires les
uns de Gaule, les autres d'Italie. Dès l'époque romaine,
Cologne était un centre juif important. Au commencement
du moyen âge naquirent les communautés de Mayence, —
où se fixa une famille distinguée de Lucques, les Calo-
nymos, — de Worms, de Spire, de Ratisbonne, de Franc-
fort, etc. Au xiii^ et au xiv^ siècle, le judaïsme allemand
reçut un nouvel afflux d'immigrants français : le jargon
judéo-allemand a longtemps conservé des mots d'origine
française.
Dans l'empire carolingien, les Juifs n'avaient acquitté
que la dîme prélevée sur les marchands de toutes nations.
Avec les théories juridiques qui se développèrent au
xii^ siècle, leur situation changea. On prétendit que les
Juifs allemands descendaient des prisonniers Israélites dont
Titus avait fait don au trésor impérial ; ils furent déclarés
« serfs de la Chambre impériale ». L'empereur les reçut
sous sa garde et mainbournie ; en retour, il exigea d'eux
un droit de protection spécial, puis une capitation {Op fer-
pfennig) d'un denier d'or par tète, perçue sur chaque Israé-
lite âgé de plus de treize ans, en souvenir de l'ancien
fiscus judaicus. On alla plus loin : l'empereur, disait en-
core une proclamation de 1463, pouvait à son avènement
disposer des Juifs, corps et biens, en toute liberté ; ce qu'il
leur en laissait n'était qu'un effet de sa grâce. Comme
Vespasien n'avait épargné que le tiers de la nation juive,
plusieurs empereurs, en montant sur le trône, imaginèrent de
confisquer le tiers des biens des Juifs {Kronsteuer) ;
d'autres, comme Wenceslas, partagèrent leurs dépouilles
avec les villes ou les accablèrent,^ sous divers prétextes, de
contributions extraordinaires. L'excès des charges fiscales
provoqua, sous Rodolphe de Habsbourg, un commen-
cement d'émigration des Juifs ; on l'arrêta en emprison-
nant leur grand rabbin, Méir de Rothenbourg. Dans la
suite des temps, les droits fiscaux des empereurs furent
usurpés par les princes territoriaux ; Charles IV autorisa
formellement (bulle d'or, 1355) les électeurs à «avoir des
Juifs » en pleine propriété, et cette permission fut étendue
à tous les détenteurs de droits régaliens (1577), et, par
des concessions individuelles, à plusieurs villes libres;
ailleurs, la « possession » des Juifs fut Tobjet d'ignobles
marchandages et de discussions continuelles. La dernière
tentative de soumettre le judaïsme allemand à une organi-
sation unitaire date des empereurs Maximilien et Charles-
Uuint; un pieux rabbin alsacien, Joselmann de Rosheim,
eut alors le titre de gouverneur des juiveries de l'Empire et
exerça quelque temps une influence bienfaisante.
Le pouvoir impérial était plus jaloux de percevoir les
pi'ofits attachés à son protectorat que d'en remplir les de-
voirs. Quoique Henri III eût prononcé une peine sévère
(perte des yeux et delà main droite) contre l'homicide d'un
Juif, le gouvernement assista indifférent ou impuissant aux
innombrables persécutions dont ils furent les victimes de-
puis la fin du XI® siècle (l''® croisade, 1096) jusqu'au mi-
lieu du xiv^. Le sang coula à flots en 1146, lors de la
deuxième croisade, en'l270, quand les Judenbreter dévas-
tèrent les communautés d'Alsace, en 1298 quand Rind-
fleisch saccagea celles de Franconie, en 1336 avec Armleder
et ses Judenschlœger. La peste noire fut le signal d'un
épouvantable massacre (1348-50), où des communautés
entières (Fribourg, Spire, Strasbourg, Worms, Francfort,
Mayence, etc.), périrent par l'eau, le fer ou le feu. De
cette époque datent aussi une série d'accusations de meurtre
rituel et de profanation d'hosties, qui firent de nombreuses
victimes et servirent de prétexte à des séditions: encore en
1510, à la suite d'une affaire de ce genre, 40 Juifs mon-
tèrent sur le bûcher dans la Marche de Rrandebourg.
A partir de la fin du xiv® siècle, le fanatisme religieux
eut une moindre part dans la persécution que la jalousie
économique, l'insatiable besoin d'argent chez les princes et
les villes. La spoliation des Juifs ou la suppression de con-
currents gênants sont le but, sinon le prétexte avoué des
nombreuses expulsions locales qui se succèdent dans les Etats
particuliers (archevêché de Mayence, 1420 ; Saxe, 1432 ;
Bavière, 1450 et 1555 ; Wurzbourg, 1453 ; Wurttemberg,
1551; Brandebourg, 1573; Brunswick, 1590) et dans les
villes libres (Ulm, 1380; Magdebourg, 1384; Strasbourg,
1 388 ; Spire, 1434 ; Augsbou'rg, 1440 ; Nuremberg, 4499 ;
Ratisbonne, 1519). Une persécution générale faillit être
déchaînée contre les livres des Juifs et^ subsidiairement
contre leurs personnes par les dénonciations de l'apostat
Joseph Pfefferkorn ; cette tentative fut déjouée par la cou-
rageuse intervention de Reuchlin (1510-6). A la fin du
xvi^ siècle, il n'y avait plus guère en Allemagne que trois
communautés importantes : Fûrth (qui avait remplacé Nu-
retnlierg en 1528), Worms, où l'on comptait, dit-on,
14,000 Juifs ; et Francfort-sur-le-Main. Encore ces deux
dernières villes voulurent-elles chasser leurs Juifs en 1614
et 1615, à la suite de mouvements démagogiques (émeute
de Vincent Fettmilch) : il fallut l'intervention de troupes
impériales pour les ramener de force. De cette époque date
aussi la fondation de la communauté de Hambourg, colonie
de celle d'Amsterdam (1612),
Là même où les Juifs restaient tolérés, ils étaient enfer-
més dans leurs Judengassen, soumis au port d'un signe
distinctif, écrasés par des règlements tyranniques et des
contributions variées. Pour empêcher leur accroissement,
le nombre annuel des mariages était strictement limité
(1 5 par an à Francfort) ; mille entraves s'opposaient à leur
circulation et à leur trafic : à l'entrée de chaque souverai-
neté — et l'on sait combien le nombre s'en était multiplié en
Allemagne — on exigeait du Juif, vivant ou mort, un péage
JUIF
— 264- —
corporel {Leibzoll) ; pour voyager ou séjourner dans cer-
tains endroits, il leur fallait payer l'escorte d'un agent de
police ou un sauf-conduit (GeleitzoU). Le règlement gé-
néral des Juifs de la monarchie prussienne de 4750 — les
Juifs chassés de Brandebourg en 4573 y avaient été réadmis
vers 1670 — est encore un modèle de fiscalité ingénieuse
et oppressive : un des articles impose aux Juifs l'achat an-
nuel d'une quantité de porcelaine de la manufacture de Ber-
lin ! L'état intérieur des communautés reflète cette légis-
lation humiliante. Les fortunes considérables étaient rares ;
le commerce de banque des Juifs avait perdu de son
importance depuis que les chrétiens s'étaient mis de la par-
tie et qu'un arrêt de la Chambre impériale limitait à 5 ^/^
le taux légal de l'intérêt. Submergée par les rabbins polo-
nais, la synagogue allemande croupissait dans la supersti-
tion, dans l'ignorance du monde extérieur et des sciences
modernes : à Berlin, un Juif fut expulsé par les anciens pour
avoir été surpris lisant un livre allemand, un autre faillit
avoir le même sort pour s'être rasé. Le spectacle de ce ju-
daïsme pétrifié assurait le succès des volumineux pamphlets
antijudaiques qui se succèdent au xvii® et au xviii^ siècle
(Wagenseil, Schudt, Eisenmenger) et qui sont restés le
grand réservoir de l'antisémitisme moderne.
L'histoire des Juifs de Suisse se rattache étroitement à
celle des Juifs d'Allemagne : là aussi ils sont massacrés
pendant la peste noire, et les expulsions locales se succèdent
depuis la fin du xm^ siècle (Berne, 4288; Zurich, 4436;
Genève, 4490; Baie, d576; Schaifhouse au xvii® siècle).
Sous l'ancien régime, il n'y avait plus de Juifs en Suisse
que dans le comté de Baden (Argovie), spécialement à En-
dingen et à Lengnau.
Autriche-Hongrie. — Dans les divers pays qui forment
actuellement la monarchie austro-hongroise, l'histoire des
Juifs présente de nombreux points de rapprochement, même
avant la réunion de ces Etats sous une seule souveraineté.
Les ducs d'Autriche furent autorisés à posséder des Juifs
en propre dès l'an 4456. En Bohême, leur situation était
alors favorable ; il en était de même en Hongrie, où divers
édits (privilège de Bêla III, d490, etc.) leur assuraient une
pleine tolérance ; les rois magyars prenaient des Juits
comme percepteurs, comme administrateurs du trésor {Co-
mités camerœ), des monnaies et des salines. A diverses
reprises, la papauté intervint pour empêcher ces scan-
dales; le royaume fut même, de ce fait, mis en interdit
(1232); mais les rois, dès qu'ils n'avaient plus un pres-
sant besoin du saint-siège, retombaient dans leurs an-
ciens errements. En 4244, le duc d'Autriche, Frédéric le
Belliqueux, promulgua pour les Juifs de ses Etats une
charte qui est un véritable code : à côté de restrictions sé-
vères ou barbares, ce règlement renferme des garanties
sérieuses relatives au droit de circulation des Juifs, au
prêt sur gages, à l'autonomie juridique. Il fut adopté en
Hongrie, avec quelques adoucissements, en 4254, étendu à
la Bohême et à la Moravie en 4268 ; il fut également copié
dans le duché de Kalisz.
Le xiv^ et le xv® siècle furent une époque néfaste pour
le judaïsme de ces régions. Pendant la peste noire, les
Juifs furent expulsés de Hongrie (4350), pour être rappe-
lés dès le règne suivant, mais désormais exclus des emplois
publics et astreints à porter un capuchon distinctif. Ils fu-
rent massacrés à Prague en 4386, ensuite atrocement pres-
surés. Les prédications du moine italien Jean de Capistrano
(4452) déchaînèrent une sanglante persécution en Hon-
grie, en Bohême, en Moravie, en Silésie; les bûchers s'al-
lumèrent à Breslau, les Juifs furent chassés de Briinn et
d'Olmlitz. En Autriche, leur histoire offre une succession
d'exils (4420, 4496, 4556) et de rappels.
Au xvi« siècle, le groupement des Etats de la monarchie
de Habsbourg est achevé, mais la Hongrie tombe aux mains
des Turcs, et les Juifs, qui font souvent cause commune
avec eux, en sont punis lors du retour de la domination
autrichienne : sous Marie-Thérèse, les Juifs de Hongrie
payaient 80,000 florins d'impôt annuel. La situation ma-
térielle et morale des Juifs d'Autriche fut relevée par les
efforts de Mardochée Meisel, le premier millionnaire juif
d'Allemagne (mort conseiller aulique en 4604) et de Lip-
mann Heller, rabbin de Vienne. Quelques Juifs viennois
atteignirent une situation élevée sous le titre de Hofjuden
et le gouvernement battit monnaie avec les privilèges qu'il
leur accordait. Longtemps encore le judaïsme autrichien
eut à soufïrir des caprices d'une cour bigote et facile à cir-
convenir : en 4670, les Juifs sont expulsés de Vienne sous
prétexte d'intelligence avec les Turcs; en 4745, l'exil des
Juifs de Bohême et de Moravie est prononcé au cœur de
l'hiver ; ils n'obtinrent leur rappel qu'avec peine et le nombre
des familles fut désormais limité.
Pologne et Russie. — Le judaïsme fait son apparition
dans l'Europe du Nord-Est avec les Khazares, peuple fin-
nois établi entre la Volga et le Dnieper, dont le roi Boulan
fut converti au judaïsme avec une partie de sa nation au
vii« siècle, probablement par des rabbins juifs chassés de
l'empire byzantin. Les Khazares furent détruits en 970 par
les Russes de Kiev ; leurs débris, réfugiés en Crimée et au
Caucase, entrent certainement pour une part dans la po-
pulation juive actuelle de ces contrées, mais non pas dans
celle de la Russie occidentale. C'est au xi^ siècle que les
Juifs, arrivant d'Allemagne et de Bohême, pénètrent dans
cette dernière région. Quelque temps tolérés chez les Russes,
ils furent chassés de leur territoire vers 4443 et ne purent
jamais y remettre le pied ; la secte crypto-judéenne, per-
sécutée à la fin du xv® siècle, se composait d'orthodoxes
secrètement convertis au mosaïsme. Au contraire, la Po-
logne offrit aux Juifs une hospitalité libérale. Dès 4264,
Boleslas, duc de Kalisz et de Gnesen, introduisit dans ses
Etats le statut autrichien de 4244, en y joignant une liberté
de commerce illimitée et quelques sages précautions : par
exemple, une accusation de sang ne pouvait être accueillie
que sur la déposition de trois témoins juifs et de trois chré-
tiens. (Des accusations de ce genre se reproduisirent fré-
quemment en Pologne ; celle de 4407 ruina la communauté
de Cracovie.) En 1343, Casimir le Grand, véritable fon-
dateur de la monarchie polonaise, confirma solennellement
le code de Boleslas : mesure conforme à sa politique géné-
rale et qu'on a attribuée sans raison à l'influence de sa maî-
tresse juive, la belle Esterka, qu'il ne connut que bien plus
tard. Les Juifs furent placés sous la surveillance du comte
palatin.
Pendant les deux siècles suivants, le nombre des Juifs
de la Pologne et de ses annexes s'accrut considérablement
parune immigration constante d'Allemagne, de Bohême, etc.
Malgré les efforts des synodes et de quelques rois pour
donner force de loi aux dispositions du droit canon, la si-
tuation des Juifs, protégés par la noblesse, reste très favo-
rable. Dans ce pays de serfs et de magnats, ils suppléent en
quelque sorte à l'absence d'une classe bourgeoise. Ils exploi-
tent les terres des seigneurs, gèrent leurs biens, sont pré-
posés à la rentrée des impôts, possèdent même des terres.
La distillerie de l'alcool, le grand commerce, plusieurs mé-
tiers sont entre leurs mains; ils ne sont assujettis à aucun
costume particulier, beaucoup portent l'épée. L'autonomie
juridique est complète : les tribunaux rabbiniques forment
une hiérarchie couronnée par une cour suprême (synode
des quatre pays) qui se réunit deux fois l'an. L'étude du
Talmud, d'une nécessité journalière, n'a été pratiquée nulle
part avec plus d'excès : tout le monde était ou voulait être
un savant; on tenait de véritables marchés de talmudistes.
Cracovie, Brzesc, Lublin avaient des «académies» juives et
des imprimeries célèbres.
Les Juifs de Pologne, dont la civilisation et la moralité
ne s'élevaient pas au-dessus du niveau de la population envi-
ronnante, avaient pour ennemis le clergé, les négociants
allemands et surtout les cosaques de rite grec, opprimés
par les nobles polonais, dont ils étaient les intendants en
Ukraine et dans la Petite-Russie. Aussi lors de la révolte
triomphante de l'hetman Chmielnicki (1648-56), les Juifs
furent-ils enveloppés dans la ruine de leurs patrons catho-
— ^65 -
JUIF
liques : plus de 200,000 Juifs furent atrocement torturés,
massacrés ou vendus comme esclaves chez les Turcs.
Le judaïsme disparut de l'Ukraine ; ailleurs il souffrit
cruellement des guerres prolongées entre Russes, Suédois
et Polonais. Au xviii^ siècle, le judaïsme polonais appauvri
rejette vers l'Occident des milliers de rabbins mendiants;
des sectes mystiques prennent naissance et troublent les
communautés. L'histoire ultérieure des Juifs de Pologne,
partagés entre la Russie, la Prusse et l'Autriche, appartient
à l'époque contemporaine ; rappelons seulement que l'atta-
chement des Juifs à la cause polonaise s'est manifesté en
1795 et en 4830: le colonel juif Berek fut un des héros
de Kocziusko.
Pays-Bas. Etats Scandinaves. — Pour achever le tour
du judaïsme européen, il ne nous reste qu'à mentionner
les Juifs des Pays-Bas et leurs colonies. Au moyen âge les
Pays-Bas comptaient quelques communautés juives : celle
de Bruxelles fut massacrée pendant la peste noire. Sous
la domination espagnole, les Juifs furent exclus de ces con-
trées (1550): ils ne reparurent en Belgique que sous le
gouvernement autrichien (xvni^ siècle); mais la Hollande,
affranchie au xvi^ siècle du joug espagnol et devenue l'asile
de la liberté de conscience, offrit un refuge aux marranes
espagnols et portugais fuyant devant les rigueurs de Tin-
quisition : parvenus sur un sol libre, ils s'empressèrent de
jeter le masque et de reprendre leurs anciennes obser-
vances. En 1593, une communauté fut fondée à Amster-
dam ; elle progressa rapidement sous une législation tolé-
rante qui se bornait à défendre aux Juifs les mariages mixtes
et l'accès des emplois publics. En 1636 se forme une com-
munauté allemande; bientôt les Juifs se répandent sur tout
le territoire hollandais. Les Juifs de Hollande s'adonnèrent
au trafic d'outre-mer et contribuèrent au succès du com-
merce néerlandais, notamment par leurs relations avec les
marranes des deux Indes. Des écoles, des synagogues
magnifiques valurent à la communauté d'Amsterdam le
nom de Nouvelle Jérusalem; les études talmudiques y
furent peu cultivées, mais l'orthodoxie jalouse des rabbins
multiplia les excommunications et fit deux victimes célè-
bres : Uriel da Costa, qui se tua en 1640, et l'illustre
Spinoza, qui rompit avec la synagogue en 1656. Le ju-
daïsme hollandais fut bientôt assez fort pour essaimer au
dehors et fonder des colonies prospères à Hambourg (1 612),
à Londres (1664), en Danemark, à Surinam en Guyane,
au Brésil (notamment à Pernambouc). Cette dernière dis-
parut cependant après la reconquête du Brésil par les Por-
tugais. Quant aux Juifs danois, dont l'admission est due
aux efforts d'un riche Juif de Hambourg, Texeira, ils ne
purent obtenir l'accès des autres pays Scandinaves ; les
Juifs ne s'établirent à Stockholm et dans trois autres villes
de Suède qu'en 1776; la Norvège leur est restée interdite
jusqu'à nos jours.
Pays musulmans. — L'histoire des Juifs dans les pays
musulmans est monotone et imparfaitement connue. Moham-
med, après s'être instruit à l'école des Juifs, et avoir été
repoussé par eux, les combattit avec acharnement par la pa-
role {soura de la Vache) et l'épée. Il obligea la plupart
de leurs tribus à se retirer en Syrie et en Mésopotamie.
Omar acheva l'œuvre d'expulsion par l'exil des Juifs de
Khaïbar ; il renouvela également l'interdiction du séjour de
Jérusalem aux Israélites et éleva une mosquée sur l'empla-
cement du Temple. La situation légale des Juifs ou plutôt
de tous les infidèles dans les Etats musulmans fut réglée
par le fameux pacte d'Omar (Kanouni raya), avec les
Juifs et les chrétiens, qui est resté théoriquement en
vigueur dans tout l'islam et s'applique encore dans
certains pays (Perse, Maroc). D'après ce document, les infi-
dèles jouissent de la protection de la loi, dans leurs per-
sonnes, leurs biens et leurs croyances (le musulman qui
maltraite un infidèle est puni d'une amende), mais ils doi-
vent occuper une situation subordonnée, humiliée, et être
rigoureusement séparés des musulmans. De là une série de
dispositions dont plusieurs présentent une analogie frap-
pante avec celles du droit romain ou canonique. Les Juifs
ne doivent pas édifier de nouvelles synagogues^ ni même
réparer celles qui s'écroulent. Ils ne doivent pai accueillir
les espions étrangers, mais les dénoncer aux ai^torités mu-
sulmanes. Ils ne doivent pas s'opposer aux conversions à
l'islam. Ordre de se comporter toujours respectueusement
envers les musulmans (principe général, qui entraîne les
applications les plus variées). Les Juifs ne peuvent exercer
aucune fonction administrative ni judiciaire, ni même por-
ter témoignage contre les musulmans. Ils ne doivent pas
graver leurs noms sur des sceaux, ni apprendre l'arabe
littéraire, ni monter en public un cheval sellé, ni porter
un sabre ou d'autres armes, ni se vêtir d'une large cein-
ture. Leurs vêtements, leurs chaussures doivent les distin-
guer des musulmans : dans certains pays on leur interdit
les couleurs réservées à ceux-ci (blanc, rouge), dans d'autres
on leur impose pour leurs habits ou leurs turbans une
couleur spéciale (jaune en Egypte, noir en Afrique, bleu
au Yémen), ou un signe particulier : chiffon, breloque,
grelot. La rouelle du concile de Latran est d'origine mu-
sulmane. Enfin les Juifs ne doivent pas enfreindre pu-
bliquement les principes de la religion musulmane (par
exemple, ils ne doivent pas vendre du vin, ni laisser
croître leurs cheveux), ni pratiquer leur culte en dehors
des locaux consacrés : ainsi défense de porter leurs livres
religieux hors de leurs maisons, de prier pour les morts
ou de chanter leurs cantiques autrement qu'à mi-voix.
Ajoutons que, en principe, Juifs et chrétiens sont exclus ou
dispensés du service militaire à charge de payer un impôt
représentatif (kharadj).
Ces dispositions canoniques n'ont pas toujours été obser-
vées avec une égale rigueur. Les Juifs de l'Irak (Babylonie),
nombreux et florissants à l'époque de la conquête maho-
métane, ont été protégés d'abord par le gouverneur Khalid,
ensuite par les premiers khalifes abbassides, héritiers de la
brillante civilisation perse. L'exilarchat reprit son ancienne
autorité, les écoles refleurirent sous des chefs respectés
{gaonim). Les persécutions commencent avec le khalife
Mottawakkel (850) et s'aggravent avec la décadence du
khalifat : un gaon, Scherira, est emprisonné parle khalife;
avec son fils Haï (1038) disparaît le gaonat. L'exilarchat
subsiste, mais amoindri, encore au temps de Benjamin
de Tudèle (xii^ siècle). Les violences du khalife Nasser
(1225), les luttes des dynasties, les invasions mongoles
(1258) achèvent la ruine du judaïsme babylonien, qui
fournit encore un ministre des finances très influent, Saad
oud Daoulet de Bagdad, au grand khan mongol Argoun
(1288). Le judaïsme palestinien, très éprouvé pendant les
croisades, ne s'est un peu relevé qu'avec la domination
ottomane.
En Egypte, les Juifs ont joui longtemps d'une tolérance
relative. Isaac Israéli fut médecin du fondateur de la dynastie
des Fatimides (x® siècle); plus tard les communautés juives
ont à leur tête des « princes » ou nasi, dont l'un fut le célèbre
Maimonide. Dans les Etats barbaresques, malgré l'éclat
temporaire des écoles de Kairouan et de Fez, la situation
des Juifs a toujours été misérable, et ils y ont éprouvé
(sous Edriz, sous les Almohades) de terribles persécutions.
Le judaïsme, très diminué dans ces régions, y fut renforcé
par l'effet des expulsions espagnoles et portugaises. Au
xvii® siècle, Muley Archey se montra favorable aux Israé-
Htes. Quant aux deys d'Alger, ils opprimèrent les Juifs,
tout en les employant comme banquiers et diplomates.
L'empire ottoman, dès sa constitution, a laissé aux Juifs
une large autonomie, à la faveur de laquelle les commu-
nautés se sont rapidement développées. L'exil des Juifs
d'Espagne — mesure raillée, dit-on, par Bajazet — accrut
et" enrichit le judaïsme ottoman ; l'élément espagnol devint
prépondérant dans les juiveries de Constantinople, d*An-
drinople, de Salonique ; chacune de ces agglomérations se
divisait en plusieurs communautés distinctes d'après leur
origine et leur idiome. Au xvi® siècle, les Juifs de Turquie
s'adonnent avec succès à l'industrie, au commerce ; ils
JUIF
^65 ™
sont employés à la fabrication des monnaies ; ils fournis-
sent aux sultans des médecins, des agents diplomatiques et
financiers, des favorites (Esther Kiéra sous Mourad II] ).
Sous Sélim II deux Israélites atteignirent une haute situa-
tion : le médecin Salomon Askenazi et le marrane Juan
Miquez, qui, sous le nom de don Joseph Nasci, devint duc de
Naxos et des îles voisines et protégea activement ses core-
ligionnaires; il mourut en 4579.
Un dernier trait caractéristique de l'histoire des Juifs
en pays musulman est Tapparition assez fréquente de faux
messies; les plus célèbres sont David Alroï, en Perse, au
xii® siècle, et Sabbataï Zevi de Smyrne, anxvii^, qui, après
avoir soulevé dans tout le monde juif des espérances fantas-
tiques et une agitation profonde, finit par se convertir à
l'islamisme (1666).
Autres pays. Inde, Chine, Amérique. — Nous serons
encore plus bref sur l'histoire, très fragmentaire, du ju-
daïsme dans les pays non musulmans d'Asie et d'Afrique,
en Amérique et en Océanie.
Les Juifs de l'Inde paraissent être venus, pour la plu-
part, à l'époque de la grande expansion arabe : on les signale
à Ceylan dès leix® siècle, et c'est à la même époque que les
Boni Israël de Bombay font remonter leur ancêtre, David
Rebabia, de Bagdad. Il n'est pas impossible, toutefois, que
quelques Juifs soient déjà arrivés de Perse à la fm du v^ siè-
cle. Dans le Malabar et à Cocliin, on distingue rigoureuse-
ment les Juifs noirs, probablement d'origine indigène, et
les Juifs blancs, d'origine occidentale, renforcés, à partir
de 15id, par l'arrivée des marranes portugais.
L'existence des Juifs de Chine n'est signalée qu'au début
du xvii« siècle ; ils sont concentrés à Kalfoung, capitale du
Honan. La légende qui les fait arriver dès le i*^^ siècle de
l'ère chrétienne, sous l'empereur Ming-ti, ne mérite aucune
créance; leur établissement date probablement de l'époque
mongole. Les Chinois les confondent avec les mahométans.
Entre eux ils appellent leur religion Tiao-kin-kiao (ex-
tirpation des nerfs)^ et leur synagogue Li-pai-sé (lieu
des cérémonies). Ils possèdent d'anciens exemplaires de
quelques livres bibliques, mais ne savent pas l'hébreu.
L'origine des Juifs d'Abyssinie (Falacha) est profondé-
ment obscure ; on les fait venir ordinairement du Yémen.
Pendant longtemps, ils ont joui dans les parties monta-
gneuses du pays d'une demi-indépendance.
En Amérique, les Juifs sont venus à la suite ou en
compagnie des conquérants et des colons européens. On en
a signalé quelques-uns dans les équipages de Christophe
Colomb : quelques rêveurs s'imaginaient retrouver dans les
indigènes d'Amérique les descendants des Dix-Tribus!
Au xvi^ siècle, d'assez nombreux marranes portugais furent
déportés au Brésil. Au xvu^, sous la domination hollan-
daise (1624-54), ils jetèrent le masque et se grossirent de
nouveaux immigrants. Quand le Brésil fut retombé au pou-
voir des Portugais, les uns reprirent un catholicisme appa-
rent, d'autres émigrèrent à Cayenne et dans les Antilles
françaises ; expulsés de là, ils s'établissent à Curaçao,
dans la Guyane hollandaise (Surinam), où Paramaribo de-
vint une communauté importante, à la Jamaïque (1650),
enfin, dans l'Amérique du Nord, à la Nouvelle-Amsterdam
(New York) et à Newport, d'où ils essaimèrent dans les
autres Etats de la Nouvelle-Angleterre. Au xvni^ siècle, ils
})énétrèrent en Pennsylvanie (Philadelphie) et en Géorgie
(Savannah) ; ils prirent une part honorable à la guerre de
l'Indépendance comme soldats et comme banquiers (Aaron
Lopez, Ilaym Salomon). A partir du xix^ siècle, les im-
migrants allemands et polonais submergent aux Etats-
Unis l'élément espagnol.
L'Australie a été ouverte aux Juifs par la colonisation
anglaise. Dans quelques archipels océaniens leur présence
est plus ancienne et remonte à l'époque portugaise et hol-
landaise : déjà Jean II de Portugal déporta des Juifs dans
les îles des Larrons (Mariannes).
C. Histoire littéraire et religieuse. — Caractères
GÉNÉRAUX DE LA LITTÉRATURE JUIVE. — Le judaïSmC U'a
pas connu de véritable moyen âge dans le sens de stagna-
tion intellectuelle qu'on attache d'ordinaire à ce mot. Il
en a été préservé grâce au caractère particulier qu'avait
pris sa religion à la suite du retour de Babylone et plus
encore après la ruine du Temple de Jérusalem. L'ob-
servation et par conséquent l'étude de la loi divine fai-
saient le fond de cette religion ; le Credo^ le culte pubUc ne
venaient qu'en seconde ligne, et dès l'époque asmonéenne
les docteurs de la loi, les savants étaient plus considérés
que les prêtres. Avec la chute du Temple disparut le seul
endroit où légalement le culte divin pouvait être pratiqué :
le sentiment rehgieux se rejeta avec d'autant plus d'ardeur
vers la Loi, devenu le vrai sanctuaire du judaïsme déraciné,
le palladium de la nationalité errante, l'unique héritage
d'un cher et glorieux passé. La récitation, l'étude de la
Loi tinrent lieu de cérémonies religieuses : de là le nom
à' école (Se kiile) donné en Allemagne et en France aux lieux
de prière. On s'efforça de préciser, de développer la Loi
non seulement dans ses dispositions restées d'un usage pra-
tique, comme le droit civil et pénal, les fêtes, les obser-
vances privées, mais encore dans celles qui, liées au culte
du Temple, n'avaient plus qu'un intérêt rétrospectif. Cette
occupation , poursuivie avec ardeur pendant plusieurs siècles,
parlait à la fois à la raison et au sentiment ; on peut dire
que toute la race juive y a pris part, et que, entre les doc-
teurs ou rabbins et la masse des fidèles, il n'y a jamais
eu qu'une question de degré : tout Juif instruit étant plus
ou moins rabbin. L'étude approfondie de la Tora et de
la « loi orale », bientôt codifiée à son tour, conduisit
aux recherches de grammaire, de philosophie religieuse,
d'histoire, de sciences exactes et naturelles ; la poésie et
rhomilétique naquirent au service du culte transformé ;
ainsi fut reconstitué par et pour la religion tout le cycle
des genres littéraires.
Naturellement toutes ces branches de la littérature n'ont
pas été cultivées partout ni toujours avec la même ardeur
et le même succès ; le centre actif de la littérature des
Juifs s'est plusieurs fois déplacé, comme le foyer de leur
civilisation; on peuttlire, en gros, que là où les Juifs ont
été le plus libres et le plus heureux, leur httérature a eu
le plus d'éclat et de variété. Presque partout les persécu-
tions ont entramé la décadence des écoles, la migration des
rabbins célèbres, l'affaibhssement rapide de la production
scientifique. Jusqu'au x® siècle, le siège des études est
encore en Orient : d'abord en Palestine, puis, à partir du
ni^ siècle, en Babylonie. Là s'élaborent la Mischna, les
deux Talmuds, les commentaires et les consultations des
(jaonim. Puis la civilisation et la science juives émigrent
\ers l'Occident : en Egypte (école du Caire), dans l'Afrique
du Nord (école de Kairouan), en Espagne (écoles de Cor-
doue, Lucena, Tolède, Barcelone), en Italie, dans le midi de
la France (Narbonne, Lunel, Posquières, MontpeUier, etc.).
De là le goût des études rabbiniques se propage dans la
France du Nord et dans les pays rhénans : les écoles de
Mayence et de Champagne (Troyes, Bamerupt) jettent un
vif éclat au xi^ et au xn® siècle : le nom de Baschi (B. Sa-
lomon ben Isaac, de Troyes, 1040-1105), est justement
célèbre. Dans ces régions, la littérature rabbinique est pu-
rement juridique et exégétique ; en Espagne, au contraire,
et dans le Languedoc, à l'étude de la Bible et du droit ca-
nonique juif se joignent celles de la grammaire, de la
poésie, de la philosophie religieuse; la littérature juive est
ici étroitement associée à la littérature arabe, dont elle
imite tous les genres, s'approprie tous les progrès. Au reste,
la littérature rabbinique a toujours eu un caratère interna-
tional : les œuvres écrites en arabe ne tardent pas à être
traduites en hébreu, et plusieurs rabbins illustres mènent
une existence nomade, leur vie se partage entre divers pays,
diverses parties du monde ; l'hospitalité des mécènes a joué
un grand rôle dans la production littéraire des Juifs. Mai-
monide (B. Moïse ben Maimon, 1135-1204), né à Cordoue,
mort en Egypte, est le plus grand nom du judaïsme médiéval,
qu'il domine par son génie d'organisation scientifique, son
ÎQl -
JUIF
rationalisme à la fois hardi et sensé. La décadence commence
dans la France du Nord avec la condamnation du Talmud
(1240) et l'expulsion de 4306, dans la France du Midi avec
l'expulsion de 1394, en Espagne avec les persécutions de
4391 et 1412. A la fin du xv^ siècle, les rabbins espagnols
émigrent en Italie, en Crète, en Turquie, en Palestine (école
de Safed), où s'élaborent des œuvres importantes. En Alle-
magne, la littérature juive, comme le judaïsme lui-même,
a toujours eu quelque chose de sombre et d'étriqué. La
Pologne et les pays voisins deviennent, à partir de la fm
du xvi« siècle, le foyer de la race juive et des études juri-
diques qui y sont cultivées avec plus d'ardeur et de subtilité
que de bon sens jusqu'à nos jours.
Aperçu des différents genres et des principaux auteurs.
— Une histoire détaillée de la littérature rabbinique dé-
passerait le cadre de ce travail ; des articles spéciaux sont
ou seront d'ailleurs consacrés dans ce dictionnaire à ses
principales branches (Talmud, Midrascu, Carrale) et à ses
représentants les plus autorisés. Nous nous bornerons donc
à énumérer et à caractériser rapidement les différents
genres entre lesquels se divise cette littérature, en citant sous
chaque rubrique les noms et les ouvrages vraiment typiques.
1° Halaklm (droit canon juif). Si considérable que fût
le corps de lois civiles et religieuses contenues dans le
Pentateuque (on y comptait 613 prescriptions), il n'était
ni assez clair, ni assez complet pour satisfaire à tous les
besoins pratiques et à toutes les curiosités. La « loi orale »,
commentaire et complément de la loi écrite, se greffa donc
sur celle-ci, le plus souvent pour la préciser, quelquefois
pour en atténuer la rigueur par une interprétation subtile,
plus souvent pour l'aggraver et élever une nouvelle haie
de préceptes et d'observances autour de la foi juive. Ce
travail, tout à fait; analogue à celui des jurisconsultes et
préteurs romains, occupait déjà les soferim de l'époque
du second Temple; après la ruine du Temple, il fut pour-
suivi avec encore plus d'ardeur par les docteurs de Pales-
tine, et notamment de Galilée, les tannaïm (Yohanan
ben Zaccaï, Gamaliel, Akiba, Siméon ben Yokhaï, Meir).
Leurs travaux furent coordonnés et rédigés sous forme d'un
code très concis à la fin du ii® siècle par R. Juda le Saint :
ce fut la Mischna ou « Répétition », « deuxième loi »
(ôcurspœcnç), divisée en six ordres ou sedarim. La Tosefta
est un recueil du même genre, qui est comme le complément
de la Mischna. A son tour, la Mischna, revêtue d'un carac-
tère sacré, devint la base des études et des discussions juri-
diques dans les écoles de Palestine (Tibériade,etc.) et dans
celles de Babylonie (Sora, Poumbadita, Nahardea); celles-ci
furent fondées vers 220 par des docteu rs originaires de Pales-
tine, Rab (Abba Arekha) et Samuel. Les docteurs de cette nou-
velle période (les plus célèbres sont Rabba et ses élèves Abaï
et Râba) portent le nom à'amoraïm; leur œuvre collective
— ou plutôt le recueil des procès-verbaux de leurs discus-
sions — est la Guemara dont il existe deux rédactions :
l'une, celle de Jérusalem, arrêtée par R. Yohanan à la fin du
111*^ siècle ; l'autre, celle de Babylone, due à Aschi et Piabina
à la fin du vi«. La Guemara (complément ou tradition?) suit
pas à pas les paragraphes de la Mischna; réunis, texte et
commentaire forment le TahmuL Le Talmud de Babylone
est le plus considérable des deux et celui qui a eu la for-
tune la plus brillante : il est devenu le véritable code ou
plutôt le Digeste du judaïsme médiéval, le répertoire du
droit canonique juif. Après les obscurs et insignifiants se-
bouraïm (vi^-viii® siècle), les chefs des académies babylo-
niennes au n.^ et au x® siècle ou gaonim (Saadia, Sche-
rira, Haï) répandent la connaissance du Talmud par leurs
consultations, recherchées jusque dans les communautés les
plus éloignées. Le livre lui-même arrive, on ne sait trop
par quelles voies, en Occident, où il est étudié avec passion.
A Rome, R. Nathan en dresse un lexique, VAruch^ resté
classique (xi^ siècle). En France, après Gerschom de Mayence
(mort en 4028), Raschi compose sur le Talmud un com-
mentaire d'une science étonnante, devenu inséparable du
texte. D'autres docteurs s'efforcent de grouper sous une
forme commode et systématique les innombrables décisions,
souvent contradictoires, éparses dans la mer du Talmud;
de ce besoin sont nés des codes talmudiques, dont quatre
seulement ont survécu : les Halakkot d'isaac de Fez (Al-
fassi) au xi« siècle, h Mischné Tora de Maimonideauxii®,
les Tourim de Jacob ben Ascher, rabbin allemand du
xiv« siècle, enfin le Schulkhan Aruch de Joseph Caro,
rabbin espagnol fixé à Safed (1367) ; ce dernier code, très
chargé, qui a fini par supplanter tous les autres, est devenu
à son tour l'objet d'innombrables commentaires ; il a servi
de texte à la subtile casuistique des rabbins de Bohême et
do Pologne (Jacob Polak, Moïse Isserles, Salomon Louria),
créateurs de la méthode du Pilpoul (grains de poivre). A
côté de ces travaux d'ensemble sur le Talmud, le judaïsme
rabbinique a encore produit des commentaires spéciaux de
la Mischna (Maimonide, Obadia di Bertinoro) et de nom-
breux recueils de consultations légales (les gaonim, les
rabbins français, Nachmanide et Salomon ben Adret au
xiii^' siècle, nombreux rabbins allemands et polonais).
2<^ Haggada. La halaïcha ne représente qu'une face du
Talmud; l'autre est la haggada, terme intraduisible sous
lequel on comprend toutes les digressions philosophiques,
scientifiques, historiques, anecdotiques et surtout légen-
daires dont les discussions légales ont fourni l'occasion ou
le prétexte ; c'est, en somme, une littérature édifiante. Dans
le Talmud, halakha et haggada, casuistique et homilé-
tique, sont mêlées de la façon la plus intime : la contro-
verse soulevée par un cas juridique particulier conduit aux
développements les plus inattendus sur les sujets de morale,
de légende, d'astronomie, de médecine, de botanique ; c'est la
pensée juive du ii^au vi® siècle elle-même, fixée toute vivante
dans son mélange pittoresque de science et d'ignorance, de
bon sens et de superstition, de sagacité pratique et de sub-
tilité vaine, d'exquise morale et de fanatisme étroit. Les
mêmes caractères se retrouvent dans d'autres ouvrages
haggadiques portant le nom générique de Midraschirn,
qui forment toute une bibliothèque dont les dernières pro-
ductions touchent à l'époque contemporaine; le trop célèbre
Toledoth Yeschou (Vie légendaire de Jésus) n'est qu'un
Midrasch existant en plusieurs rédactions. On peut encore
rattacher à ce genre les ouvrages de morale populaire dont
les plus célèbres sont le Livre des pieux (Sefer Hassi-
dim) et le Grand Livre des préceptes {Sefer miçwot
gadol) de Moïse de Coucy (xm^ siècle) (V. Agada).
3° Exégèse biblique. Au moyen âge, la Bible est éclip-
sée chez les Juifs par le Talmud, mais elle n'est pas pour
cela négligée. Un minutieux travail de statistique verbale
(la Massora), terminé vers le ix^ siècle, préserve le texte
sacré de toute altération nouvelle. La série des glossateurs
s'ouvre par de très anciens commentaires sur les parties
législatives du Pentateuque (Mekhilta sur VExode, Si-
framvle Lévitiqiie^ Sifré sur le Deutéronome) , ouvrages
anonymes, d'un caractère midraschique. Le gaon Saadlia,
natif de Fayoum (892-942), traduit la Bible en arabe et
accompagne sa traduction d'un commentaire très hardi pour
l'époque, qui fait quelque usage de l'allégorie. Les gloses de
Raschi et de ses disciples les tossafisies (Joseph Kara, Sa-
muel ben Meïr, etc.) sur le Pentateuque sont restées ajuste
titre populaires ; par Nicolas de Lyra, elles ont exercé leur
influence jusque sur l'exégèse de Luther. L'école espagnole
eut au XI® siècle des exégètes remarquables, parfois d'une
hardiesse singuUère, comme Ibn Yaschousch (Yitshaki),
de Tolède (982-1057), Aboul-Walid et Moïse ibn Gika-
tilla, de Cordoue. Citons encore les commentaires sur di-
verses parties de la Bible par Abraham ibn Ezra, rabbin
nomade et cerveau encyclopédique (1089-1167), Nach-
manide (Moïse ben Nahman de Girone) (1195-1270),
l'Italien Menahem Recanate et Isaac Abravanel (mort en
1506). Tous ces commentaires, plus savants que critiques,
se meuvent encore dans les méthodes traditionnelles ; un
rabbin de Mantoue, Azaria de' Rossi (1514-1577), peut
être considéré comme le véritable fondateur de la critique
historique parmi les Juifs.
JUIF
268 —
4'' Controverse, apologétique, etc. Pendant tout le
moyen âge, le judaïsme a entretenu une polémique active,
souvent très libre, avec le christianisme et le mahométisme.
Cette polémique prenait la forme tantôt de colloques oraux,
parfois réunis par écrit (les Nizzacho7i, le- livre de Joseph
le Zélateur), tantôt de pamphlets ou de réponses, parmi
lesquels on peut signaler ceux de Jacob ben Ruben (1170)
et de Simon Duran (xiv^ s.). D'autres auteurs ont donné
à des ouvrages apologétiques la forme du dialogue (tel
le Cozari an Castillan Juda Pïalévi, 1086-4446) ou d'un
exposé des principes généraux de la reh'gion juive : tels
VOr Adonaï d'un penseur génial, Hasdaï Crescas (envi-
ron 4340-4440), et les Ikkarim (Principes) de Joseph
Albo (1380-4444). Le traité plus ancien de Bakhya ibn
Pakuda(vers 4050), intitulé Devoirs du cœur^ est sur-
tout un exposé transcendant de la morale juive, avec une
foi'te tendance ascétique. Le genre apologétique a en-
core trouvé des représentants éloquents en Hollande (Oro-
bio de Castro, Manassé ben Israël). On peut rattacher à
cette branche presque toute la littérature des Juifs karaïtes
qui, en rejetant le Talmud, ont dû préciser les pra-
tiques, le rituel, les croyances de leur secte, tant contre
les rabbanites que contre les chrétiens. Leurs princi-
paux écrivains. Benjamin de Néhavend, Josué Aboul-Faradj
(x« s.), Aron ben Josef (xm^ s.), Aron de Nicomédie
(xiv^ s.), Isaac Troki (xvi® s.) ont été appréciés ailleurs
(V. Caraïtes).
5*^ Philosophie religieuse. La philosophie juive au moyen
âge, comme la philosophie arabe dont elle est née et la sco-
lastique chrétienne qu'elle a influencée, se propose surtout
de concilier la vérité philosophique, c.-à-d. Aristote, avec
la vérité révélée : par là, elle se rattache à l'exégèse bi-
blique et doit forcément faire un large usage des explica-
tions allégoriques et rationalistes. Saadia peut être consi-
déré comme le père de la scolastique juive par son livre :
Emounôt ive deôt (Croyances et opinions). Celui de Salo-
mon ibn Gabirol de Malaga, plus connu sous le nom d'Avi-
cebron (4024-70), Forts Vitœ, a, de bonne heure, été
traduit en latin ; c'est une des sources de la scolastique
chrétienne. Au xii^ siècle, Abraham ibn Daoud, de Cor-
doue (mort en 4480), présente dans sa Foi supérieure
un classement rationnel des devoirs religieux ; Maimonide,
dans son fameux More Neboukhim (Guide des Egarés),
se montre disciple original d'Aristote et des Arabes, ratio-
naliste et allégoriste ingénieux, ennemi des fausses sciences
du moyen âge (magie, astrologie, etc.). Ce chef-d'œuvre,
écrit en arabe, mais bientôt traduit en hébreu, devint le
point de départ de toute une littérature rationaliste dont
les représentants les plus hardis, en Provence, retrouvaient
tout Aristote dans la Bible et inclinaient à en exclure le
surnaturel (Lévi de Villefranche). Ces tendances dange-
reuses jetèrent l'alarme parmi les orthodoxes et provo-
quèrent une réaction contre les études philosophiques ;
dès 4232, Salomon de Montpellier excommunie les au-
teurs du More et dénonce le livre à l'inquisition ; en
4305, le synode rabbinique de Barcelone, présidé par Sa-
lomon ben Adret, à la requête d'Abba Mari de Lunel, pro-
nonce l'excommunication (herem) contre l'étude prématu-
rée des ouvrages scientifiques et contre les commentaires
philosophiques de l'Ecriture. Le goiJt des études philoso-
phiques n'en persista pas moins parmi les rabbins de Pro-
vence, groupés autour de la famille des Ibn Tibbon ; au
xiv^ siècle. Moïse de Narbonne, Joseph Caspi commentent
le Moré^ Lévi ben Gerson de Bagnoles (Gersonide) écrit un
traité de métaphysique sous le titre Milkhamot Adonaï
(Combats du Seigneur). Plus tard, les études philosophi-
ques se transplantent en Crète et en Italie, où le judaïsme
subit l'influence des idées platoniciennes remises en hon-
neur à la Renaissance ; Elie del Medigo, l'un des maîtres
de Pic de la Mirandole, compose VEaamen de la loi ;
Léon l'Hébreu, fils d'Abravanel, les Dialogues d'amour,
traduits aussitôt en français. Quant à Spinoza et à Salomon
Maimon, le disciple original de Kant, quoique nés dans le
judaïsme, ils n'appartiennent pas proprement à l'histoire de
la philosophie juive.
6<* Cabbale. La Cabbala (tradition) est en quelque sorte
l'antithèse de la philosophie rationaliste : autant celle-ci
tend à diminuer la part du surnaturel, autant celle-là tend
à l'exagérer, à en scruter les profondeurs et à l'introduire
partout, même dans la pratique journalière. Les origines
lointaines de celte théosophie mystique se relient en philo-
sophie aux spéculations de l'école d'Alexandrie ; dans la
Bible elle a pour points d'attache le tableau de la création
et la vision d'Ezéchiel (Merkaba), Le livre de la création
(Sefer Yezira) existait déjà au temps de Saadia ; on con-
nut aussi de bonne heure la Cabbale notarique, fondée sur
la manipulation des caractères hébraïques et l'équivalence
de mots ayant la même valeur numérique (gematria). La
nouvelle Cabbale prend naissance au xiii^ siècle dans le
midi de la France (autour d'Abraham de Posquières) par
réaction contre les tendances ultra-rationalistes; de là elle
gagne l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, etc. Son bréviaire est
le Zohar, ouvrage faussement attribué à un ancien tana
(Siméon ben Yokhaï), et qui fut lancé dans le public rabbi-
nique par le charlatan Moïse de Léon. Le goût de la Cab-
bale se répand non seulement parmi les plus doctes rabbina,
mais parmi les savants chrétiens eux-mêmes (Pic de la Miran-
dole, Reuchlin). Au xvi^ siècle, les études cabbalistiques
ont leur siège principal en Palestine (école de Safed) où
Isaac Louria, Moïse Cordovero, Hayim Vital dépassent les
divagations du Zohar. Au xvii^, la Porte du ciel du mar-
rane Alonso de Herrera (mort en 4639) vulgarise « les
sottises de ces charlatans » suivant l'expression de Spi-
noza, et le mouvement messianique de Sabbataï Zevi est
imprégné d'idées cabbahstiques. Au xviii^ siècle, l'héré-
siarque Frank, en Pologne, veut substituer le Zohar au
Talmud comme code du judaïsme (vers 4756); les zoha-
ristes furent protégés par le clergé catholique, et un synode
de rabbins polonais dut interdire l'étude des livres cabba-
listiques avant l'âge de trente ans (pour plus de détails,
V. l'art. Cabbale).
7» Grammaire. L'origine des études grammaticales
parmi les Juifs se rattache aux traductions de la Bible en
diverses langues (targoum) et aux travaux des Massorètes
qui pourvoient le texte biblique de points-voyelles et d'ac-
cents destinés à fixer la prononciation et l'intonation. Ces
études se développèrent au contact des grammairiens
arabes, et la connaissance de l'arabe, très répandue parmi
les Juifs, donna naissance à des recherches de grammaire
comparée. Ici encore Saadia est un initiateur. Après les
travaux méritoires de Dounasch de Fez et de Ménahem ibn
Sarouk (x^ siècle), les études grammaticales sont portées à
un haut degré de perfection par Hayyoudj de Fez et surtout
par Aboul-Walid ou Ibn Djanah (mort vers 4050). Les dé-
couvertes des grammairiens espagnols furent vulgarisées
en Itahe et en France par les traductions et les paraphrases
d'Abraham ibn Ezra, David Kimhi, etc., dont les publi-
cations commodes ont longtemps éclipsé les écrits originaux
de leurs devanciers.
8° Poésie. Comme la grammaire et la philosophie, la
poésie néo-hébraïque se développe au contact de la littéra-
ture syriaque et arabe dont elle s'approprie les procédés
de versification (acrostiche, mètres, rime), et l'ingéniosité
souvent allectée. Dès le vi^ siècle, les Juifs de Médine ont un
poète, Samuel ben Addiya, l'ami d'Imroulqaïs. Parmi les
poètes ipaïtanim) dont les compositions liturgiques (piou-
tim) constituent le fond du rituel des prières (siddour), le
plus célèbre, et peut-être le plus ancien, est Eléazar Hakkahr,
qui parait avoir vécu au commencement du vui® siècle en
Italie (d'après M. Derenbourg, il s'appelait Celer et était
natif de Portus, près de Rome). En Espagne, la poésie jette
un vif éclat avec Salomon ibn Gabirol, Juda Halévi (les
Sionides), Moïse ibn Ezra. Le Languedoc peut nommer
Yedaia Penini de Béziers (xiv^ siècle). Les genres les plus
divers sont cultivés depuis l'hymne et Félégie religieuses
jusqu'aux simples jeux d'esprit. Al Harizi (xiii® siècle) imite
— 269
JUIF
dans son Tahkemoni les fameuses Séances de l'Arabe
Hariri; en Italie, Emmanuel Romi, Tami du Dante, poète
plein de verve, compose une sorte de Divine Comédie
juive. Parmi les auteurs plus récents, le plus remarquable
est ritalien M. H. Luzzatto (xviii® siècle). Plusieurs poètes
juifs s'essayèrent aussi, même au moyen âge, dans la langue
du pays qu'ils habitaient : tels furent, sans parler des nom-
breux poètes judéo-arabes, le Minnesinger allemand SUss-
kind de Trimberg (xiii^ siècle), le troubadour espagnol
Santob deCarion (vers 1330), et l'auteur anonyme de la
belle élégie romane sur les martyrs de Troyes (1288).
9° Sciences historiques^ voyages. Les Juifs n'ont guère
cultivé l'histoire au moyen âge ; le peu qu'en renferme le
Talmud est si bien enveloppé d'une pétrification de légende
qu'on a peine à l'en dégager. Citons cependant la courte
chronique du Seder Olam, l'intéressante consultation de
Scherira (vers 1000) sur l'histoire des écoles de Babylonie,
VOrdrede la tradition d'Abraham ibn Daoud(li61), puis
des Memorbilcher ou martyrologes des communautés alle-
mandes, le journal de Joseimann de Rosheim. A l'époque
de la Renaissance, Juda ibn Verga et Joseph Cohen traitent
l'histoire des persécutions sous forme de chroniques ; Sa-
muel Usque présente le même sujet sous forme d'une apo-
logie (Consolacion à las tribu laçoens^ 1553); Abraham
de Porteleone, Azaria de' Rossi, Abraham Farissol, Estor
Farhi cultivent l'histoire ancienne, la géographie et l'ar-
chéologie. Au XVII® siècle, Léon de Modène compose en ita-
lien sur les Cérémonies des Juifs un petit livre classique,
bientôt traduit en français par Richard Simon. Citons encore
les chroniqueurs David Gans, de Prague (xvii® siècle), et
Yekhiel Heilperin (xviii®), Polonais.
Plus intéressants que les travaux historiques des rab-
bins sont les récits des voyageurs; le moyen âge juif en
compte un grand nombre, grâce à la dispersion de la race
et à l'hospitalité des communautés : les plus célèbres sont
ceux de Benjamin deTudèle et de PétakhyadeRatisbonne,
tous deux de la fin du xif siècle. On ne doit pas confondre
ces relations, en somme véridiques, avec des romans char-
latanesques, comme le fameux Voyage d'Eldad le Damte
chez les descendants des Dix-Tribus (ix® siècle?).
10*^ Sciences exactes et naturelles. Parmi les sciences,
seules l'astronomie et la médecine ont été cultivées par les
Juifs avec un véritable succès. L'astronomie, née du besoin
de régler le calendrier, est en honneur dès l'époque tal-
mudique (Gamaliel, Samuel) ; la rédaction du calendrier
religieux par le patriarche Hillel II (330) atteste des ob-
servations et des calculs prolongés. Plus tard, le judaïsme
fournit aux rois chrétiens des astrologues, mais aussi des
astronomes sérieux, comme ïsaacibn Sid, qui travailla à la
rédaction des Tables alphonsines (1232-84), José de Viseu
et Abraham Zacuto, qui sont au service des rois de Por-
tugal Jean II et Emmanuel. Les ouvrages astronomiques et
mathématiques de Maimonide, d'Abraham ibn Ezra, et
surtout de Lévi ben Gerson ont joui d'une grande réputa-
tion : une partie de ces derniers a même été traduite en
latm par ordre du pape Clément VI.
La médecine fut au moyen âge une véritable spécialité
des Juifs, qui s'explique en partie par leur réputation de
magiciens; malgré les prohibitions canoniques, les rois
chrétiens et musulmans n'ont cessé de prendre des méde-
cins juifs, dont plusieurs étaient des rabbins célèbres ; les
Juifs ont contribué avec les Arabes à la fondation de l'école
de Montpellier, à la prospérité de celle de Salerne. La lit-
térature médicale juive, presque tout entière inédite, est
considérable : citons seulement les travaux dlsaac Israéli
(x® siècle), qui furent traduits de l'arabe en latin, et les
aphorismes médicaux de Maimonide.
11° Traducteurs juifs. A côté de ces productions ori-
ginales, il faut enfin faire une mention spéciale des tra-
ducteurs juifs, qui ont joué un rôle important, mais obscur,
comme intermédiaires intellectuels pendant tout le moyen
âge. Leur nombre est légion à partir du xm® siècle. Les
uns, comme les familles des Kimhi à Narbonne, et des Ibn
Tibbon à Lunel, se sont surtout attachés à traduire en hé-
breu les grandes œuvres des Juifs espagnols, presque toutes
composées en arabe, ou même les œuvres de la scolastique
chrétienne ; d'autres ont traduit en arabe des ouvrages
grecs (ainsi Hasdaï au x® siècle pour Dioscoride), ou en
hébreu des ouvrages arabes et syriaques qui eux-mêmes
reproduisaient sauvent des originaux grecs; les versions
hébraïques ont été ensuite traduites à leur tour en latin,
et c'est par cette voie qu'une partie des ouvrages d'Aris-
tote, d'Avicenne, d'Averroès, plusieurs auteurs tech-
niques de l'antiquité, paraissent être parvenus à la con-
naissance de l'Europe occidentale. Parmi les traducteurs
qui ont collaboré à ce travail, il faut citer Jacob Anatoli,
qui fut au service de l'empereur Frédéric II, et le Proven-
çal Calonymos, satiriste d'esprit, qu'employa Robert d'An-
jou, roi de Naples.
^ D. Emancipation des Juifs. — Préliminmres de
l'émancipation. Mendelssohn. — Le moyen âge et une
partie des temps modernes avaient vécu, en ce qui con-
cerne la situation légale des Juifs, sur deux principes uni-
versellementacceptés: 1° Les Juifs étaient considérés comme
une nation, non comme une secte; cette nation, quoique
arrachée de sa patrie, avait gardé ses lois, ses coutumes,
sa langue sacrée; ses membres devaient donc être traités,
dans les pays où on tolérait leur présence, comme des co-
lons étrangers, peregrini sine civitate, ou des serfs. 2° En
admettant même que les Juifs renonçassent à leur natio-
nalité, ils ne pouvaient pas, dans un Etat chrétien, pré-
tendre à l'exercice des droits politiques et à ceux des droits
civils qui leur étaient assimilés ; l'Etat médiéval était, en
effet, une association de personnes professant la même re-
ligion : seuls les chrétiens pouvaient participer activement
à la société chrétienne.
Le grand mouvement d'idées suscité par la Renaissance
et la Réforme ne modifia pas ces principes ; le second
reçut même une application nouvelle par l'effet de la scis-
sion de la chrétienté en protestants et catholiques : dans
les Etats catholiques, les protestants, sauf de rares et tem-
poraires exceptions, furent exclus de la « cité », et il en fut
de même des catholiques dans les Etats protestants ; bien
plus, dans certains Etats protestants morcelés en plusieurs
sectes, la confession dominante accapara au moins les droits
pohtiques pour elle seule, et réduisit les « non-confor-
mistes » à la situation de sujets tolérés. La Réforme ne
profita donc qu'indirectement à la condition des Juifs en ré-
veillant l'intérêt pour le passé biblique et en faisant couler
le fleuve de la persécution et des haines religieuses dans
un autre lit ; mais les sentiments des réformateurs n'étaient
pas favorables au judaïsme; Luthers'exprimasur son compte
aussi durement que les dominicains de Cologne.
Les véritables promoteurs de l'émancipation des Juifs
furent les écrivains rationahstes du xvin® siècle. A cette
époque, les philosophes propagent, avec le scepticisme reli-
gieux, les idées de tolérance, de justice et de large huma-
nité ; le sentiment national perd de son âpreté ; surtout on
substitue à la notion de l'Etat chrétien celle d'un Etat pu-
rement laïc, simple association d'intérêts, étrangère aux
querelles et aux différences de religion. Ces conceptions
nouvelles, qui se répandirent bientôt du haut en bas de la
société, devaient avoir pour conséquence naturelle l'éman-
cipation des Juifs, c.-à-d. leur assimilation pure et simple
aux autres habitants des pays où ils étaient fixés. Peu im-
portaient les sentiments personnels des philosophes à l'égard
de la race persécutée : si Montesquieu a un beau chapitre
contre l'inquisition portugaise [Esprit des lois, XXV, 13),
Voltaire n'a pour les Juifs que sarcasmes et rancunes. Mais
la conclusion était renfermée dans les principes ; tôt au tard
elle devait s'en dégager. Un obstacle sérieux résidait dans
les Juifs eux-mêmes, dans leur attachement à leur natio-
nalité, à certains « privilèges », achetés parla privation de
tant de droits essentiels, dans leur particularisme de mœurs
et d'idées qui les tenait à l'écart de la société environnante.
L'émancipation légale devait être précédée d'une réforma-
JUIF
~ â70 —
lion intérieure, ou tout au moins marcher de pair avec elle.
Le signal de cette réformation partit d'Allemagne, c.-à-d.
du pays où jusqu'alors le judaïsme avait vécu le plus ren-
fermé et jeté le moins d'éclat. Son principal initiateur fut
un grand homme de bien, Moïse Mendelssohn (1729-86),
Juif de Berhn, ami de Lessing, philosophe et écrivain dis-
tingué. Par ses conseils comme par son exemple, Mendels-
sohn s'efforça de répandre parmi ses coreligionnaires la
connaissance de la langue allemande, le goût des lettres et
des sciences modernes, de concilier, en un mot, les tradi-
tions religieuses du judaïsme avec les exigences nouvelles
de la civilisation. Sa traduction allemande du Pentateuque
(1779) marque une date dans l'évolution du judaïsme, et
donna l'impulsion à toute une jeune école de savants et de
littérateurs israélites dont l'organe fut la revue Meassef. Ce
fut sous l'inspiration de Mendelssohn qu'un écrivain chré-
tien, Dohm, rédigea un mémoire sur la réforme politique
des Juifs (1781) qui, destiné d'abord à Louis XVI, fit sen-
sation en Allemagne. C'est en Allemagne et en Autriche
que l'esprit nouveau porta aussi ses premiers fruits dans
la législation. Les premières traces en sont déjà sensibles
dans l'ordonnance de Frédéric II (1730). L'édit de tolérance
de Joseph II (1781) abolit le Leibzoll en Autriche, assujettit
les Juifs au service militaire, leur permet l'exercice de la
profession d'avocat, mais leur refuse encore la propriété
foncière et l'entrée des corporations ; en même temps l'em-
pereur ouvrait des écoles destinées à répandre parmi eux
l'instruction profane. Le Leibzoll fut également aboli en
Prusse en 1787. A la même époque, la constitution des
Etats-Unis d'Amérique, rédigée sous l'influence de la phi-
losophie nouvelle, n'admettait aucune distinction de droits
fondée sur la différence de religion ; à peine quelques Etats,
comme le Maryland, conservaient des restrictions particu-
lières destinées à bientôt disparaître.
L'émancipation en France. — La réforme de la condi-
tion des Juifs n'est pas née en France ; mais c'est là qu'elle
a marché le plus vite et qu'ont été réalisés les progrès dé-
cisifs. Dès les dernières années de l'ancien régime, la ques-
tion juive était à l'ordre du jour. En même temps qu'on
rendait un état civil aux protestants, le Leibzolléiait aboli
en Alsace (1784) et les Juifs autorisés à s'étabhr dans
toutes les parties du royaume. Maiesherbes réunit une com-
mission chargée d'étudier l'amélioration de leur sort ; Mira-
beau fit connaître au public français le mouvement de ré-
formatioÉ commencé en Allemagne; la mémoire de l'abbé
Grégoire, couronné par l'académie de Metz, fut un éloquent
plaidoyer en faveur de l'émancipation. A l'Assemblée cons-
tituante, Grégoire se fit le champion de la cause juive; éga-
lement soutenue par Robespierre, Mirabeau, de Sèze, elle
fut vivement combattue par Kewbell, l'abbé Maury, le prince
de Broglie. Elle triompha cependant, mais par degrés. Un pre-
mier décret (janv. 1790) accorda les droits de citoyen aux
Juifs de Bordeaux et du Comtat-Venaissin, qui venait d'être
réuni à la France. L'admission des Juifs d'Alsace fit plus de
difficultés : on prétendait que plus de la moitié des terres de
la province étaient frappées d'hypothèques au profit des Juifs,
que tous les biens des chrétiens allaient passer entre leurs
mains; ces craintes étaient fort exagérées; au lieu de
35 millions, les hypothèques inscrites ne s'élevaient qu'à
9 millions, et l'événement a prouvé qu'une bonne partie des
créanciers juifs n'étaient que les prête-noms de commerçants
chrétiens. Le 27 sept. 1791, la Constituante, à la veille de
sa séparation, décréta, sur la motion de Duport, que toutes
les lois d'exception relatives aux Juifs étaient abolies :
c'était, d'un seul coup, l'émancipation complète, et le bien-
fait en fut naturellement étendu aux Juifs des territoires
bientôt rattachés à la France (Belgique, rive gauche du
Rhin).
Un si grand changement, si peu préparé, ne pouvait man-
quer de soulever des résistances locales et temporaires.
En 1806, Napoléon, ému par les plaintes qu'il avait reçues
à Strasbourg, suspendit l'exécution des jugements en faveur
des prêteurs juifs des départements alsaciens et rhénans j
en même temps, il convoqua à Paris une réunion de notables
juifs « pour déhbérer sur les moyens d'améliorer la na-
tion juive et de répandre parmi ses membres le goût des
arts et des métiers utiles ». L'attitude de cette assemblée
et les efforts de Portalis et de Pasquier réussirent à dissiper
les préventions de l'empereur, d'abord encouragées par
Mole; le résultat des délibérations des notables juifs fut
ratifié et converti en décisions religieuses par une assemblée
plus solennelle, le grand sanhédrin, qui posa un principe fé-
cond : la distinction entre les dispositions religieuses de la
loi juive et les dispositions polhiques, de nature essentiel-
lement modifiable. Le respect de la loi française, Famour du
pays et du prochain, quelle que soit sa religion, sont érigés
en préceptes formels; un article spécial condamne l'usure,
entendue au sens d'intérêt excessif. A la suite de ces déci-
sions, Napoléon organisa le culte Israélite et obligea les Juifs
de prendre des noms de famille ; un décret arbitraire et peu
justifié (17 mars 1808) soumit pendant dix ans à des lois
restrictives les créances des Juifs et leur droit de commerce
et de domicile; des décrets successifs Kmilèrent l'applica-
tion de ce texte aux Juifs des départements alsaciens et
rhénans; il n'a pas été renouvelé à son expiration (1818).
Les gouvernements constitutionnels qui se sont succédé
en France depuis 1815 ont confirmé et complété l'assimi-
lation légale des Juifs aux autres citoyens. En 1831, le
culte juif a été admis au nombre des cultes privilégiés,
c.-à-d. salariés par l'Etat. Le serment 7nore judaico a
disparu en Alsace en 1839; enfin les Juifs d'Algérie ont
été naturalisés collectivement en 1870 par un décret signé
d'un garde des sceaux israéhte, Ad. Crémieux.
L'émancipation en Europe. — Dans les autres Etats
européens, l'assimilation légale des Juifs n'est pas allée du
même pas qu'en France ; elle a subi des arrêts et même
des reculs, liés aux vicissitudes du mouvement politique et
social, au conflit des doctrines philosophiques, économiques
et religieuses. En général, cependant, le progrès a été
constant, et, dans les deux tiers de l'Europe, il a abouti,
en moins d'un siècle (1789-1878), à l'émancipation com-
plète. Trois dates divisent cette histoire en époques bien
tranchées: 1792, commencement de l'expansion de la
France révolutionnaire au delà de ses frontières; 1814-15,
chute de l'Empire et réaction générale; 1848, avènement
de la démocratie en France et du régime constitutionnel
dans l'Europe centrale.
^ 1° i792-i8Ii, Sous la domination ou la tutelle de la
France, l'émancipation légale des Juifs avait été étendue à
la Belgique et à la rive gauche du Rhin, proclamée en
Hollande malgré l'opposition des chefs de la synagogue ou
parnassim (décret de l'Assemblée batave, 1796), en
Westphalie (1807), dans les villes libres de Hambourg,
Brème et Lubeck, à Francfort moyennant 400,000 florins
(181 1), dans toute l'Italie, dans le grand-duché de Varsovie
(avec la dispense du service militaire et l'interdiction du
commerce des spiritueux). Certains Etats allemands amé-
liorèrent également la condition des Juifs, soit sous l'in-
fluence française (Bade, 1808), soit, au contraire, pour
grouper en un faisceau toutes les forces nationales dans la
lutte d'affranchissement : en Prusse, l'édit du 11 mars
1812 reconnut les Juifs comme citoyens prussiens; le
Mecklenbourg-Schwerin en fit autant à la même époque ;
la Bavière, en 1813, leur accorda l'indigénat, mais con-
serva beaucoup de dispositions restrictives. Le Leibzolt
avait disparu partout (sauf à Meiningen) dès 1803.
2° 1814-1848, Dans la violente réaction qui suivit
presque partout la chute du régime impérial, les droits
nouvellement acquis des Juifs ne furent pas épargnés.
Presque seuls, les Pays-Bas, dans leur constiution de 1814,
conservèrent l'émancipation complète ; il en fut de même,
bien entendu, dans la Belgique, séparée en 1830. En Italie,
l'ancien régime fut restauré presque sans modifications ;
à Rome, les Juifs réintégrèrent le ghetto ; en Sardaigne
(Piémont), le droit canon tut remis en vigueur. La Prusse,
victorieuse et agrandie, oublia ses promesses de 1812: les
Juifs furent exclus des fonctions et des emplois académiques
(1822) ; le judaïsme prussien, régi par dix-huit législations
différentes, resta assujetti à des impositions encore plus
humiliantes que vexatoires ; la loi principale du 23 juil.
1847 établit l'uniformité, mais laissa subsister bien des
restrictions. Dans les autres Etats germaniques, Fart. 1 6 de
l'acte fédéral conférait provisoirement aux Juifs les droits
qui leur avaient été accordés « par ces Etats ». La Bavière
rhénane maintint la loi française avec le décret de 1808 ;
le grand-duché de Bade promulgua une loi hbérale(1817),
mais les villes libres profilèrent de l'ambiguïté du texte
de Vienne pour retirer aux Juifs les droits qu'ils avaient
reçus sous le régime français : Francfort les enferme de
nouveau dans la Judengasse (ils n'en sortirent qu'en
1824) ; Brème et Lubeck les chassent. La Saxe, le Wurt-
temberg, Mecklembourg-Schwerin (1817) revinrent à leur
ancienne législation. L'année 1819 vit môme en Allemagne
une véritable « chasse aux Juifs », aux cris odieux de:
hep! hep! De 1813 à 18i8, la question juive ne cessa
d'être à l'ordre du jour en Allemagne ; elle fut discutée
dans les journaux, les pamphlets, les Chambres des Etats
constitutionnels. Ces discussions aboutirent dans quelques
pays, surtout après 1830, à des améliorations législatives;
dans la Hesse électorale, les Juifs furent même complète-
ment émancipés (1833) ; ils le furent presque dans le
Hanovre (1845). En Hongrie et en Bohême, la taxe de
tolérance disparut en 1846, mais les autres inégalités
civiles et l'interdiction de posséder des terres subsistaient
dans toute la monarchie autrichienne ; à Vienne, les Juifs
ne pouvaient demeurer que quinze jours.
a^* i848 ai 878. L'année 1848 emporta dans la tour-
mente révolutionnaire beaucoup d'institutions surannées,
entre autres les lois d'exception contre les Juifs. En Alle-
magne, dans le courant de l'année 1848, l'émancipation
fut promise ou décrétée dans la plupart des Etats, le prin-
cipe de l'égaiité religieuse proclamé par le Parlement alle-
mand, qui avait un Juif (Gabriel Riesser) pour vice-prési-
dent. Même après la réaction de 1850, l'émancipation plus
ou moins complète prévalut dans vingt-neuf Etats, et
notamment dans les plus importants: Prusse (1830), Saxe,
Wurttemberg, Bavière (1835), etc., bien que dans la pra-
tique, en Prusse notamment, les Juifs restassent exclus
des principales fonctions publiques. Hambourg émancipa
ses Juifs en 1861, Francfort en 1861-. Après la guerre
de 1863, la Confédération du Nord, par la loi du 3 juil.
1869, al3olit toutes les restrictions civiles et politiques
encore subsistantes (par exemple dans le Mecklembourg),
fondées sur la différence de religion ; par la formation de
Fempire allemand (1871), ce principe fut étendu à la
Bavière et aux autres Etats du Sud; l'émancipation légale
était dès lors complète.
En Autriche, la révolution de 1848 eut des effets aussi
radicaux, mais moins durables qu'en Allemagne : l'ancienne
législation, momentanément abolie, fut rétablie en 1833.
Il fallut les secousses de 1839 et de 1866 pour abattre défi-
nitivement le vieux système de compression ; après une
série de lois de détail, la constitution autrichienne de 1867
proclama l'égalité de tous devant la loi, et les Chambres
hongroises votèrent la même année l'émancipation des Juifs.
Elle a été complétée plus tard par la loi qui autorise le
mariage civil, et par conséquent les unions mixtes ; mais
la Chandjre des magnats a refusé jusqu'à présent (1894)
d'inscrire le culte juif au budget de l'Etat.
L'Italie vit aussi, en 1848, ouvrir les derniers ghettos
et proclamer l'égalité religieuse : mais la réaction ramena
promptement l'ancien état de choses, sauf en Sardaigne,
oti la loi d'émancipation du 29 mars 1848 resta intacte.
L'annexion successive de tous les Etats italiens à la
Sardaigne a réalisé ensuite l'émancipation complète des
Juifs d'ItaHe (Toscane, Modène, Lombardie, Homagne,
1839 ; Ombrie et Marches, 1860 ; Sicile et Naples, 1861 ;
Vénétie, 1866; Rome, 1870). Le ghetto de Rome avait
subsisté jusqu'à cette date et la fameuse affaire du bap-
- m - juip
tème du « petit Mortara » avait attiré l'attention de
l'Europe sur le système suranné du gouvernement ponti-
fical.
Il serait fastidieux de poursuivre en détail l'histoire de
l'émancipation dans les autres pays. Rappelons seulement
que le Portugal a rouvert ses portes aux Juifs dès 1821,
l'Espagne en 1868 seulement, et sans autoriser encore
l'exercice public du culte Israélite ; la Grèce, dès sa cons-
titution (1829), a proclamé l'égalité religieuse la plus
complète. La cause de l'émancipation a également triomphé
en Suède dès 1848, en Danemark en l849 ; en Norvège,
Fétat de la législation est douteux. La Suisse a conservé
longtemps une législation très exclusive : les Juifs établis
sur son territoire étaient pour la plupart de nationalité
française ; sous Louis-Philippe, le gouvernement français
rompit les relations diplomatiques avec le canton de Bâle-
Campagne, qui refusait de ratifier l'acquisition de terres
par des Juifs français. Après des améliorations partielles,
la loi fédérale de 1874 a définitivement effacé toutes les
anciennes restrictions et admis les Juifs au rang de ci-
toyens; plus tard, un plébiscite, inspiré par des tendances
antisémitiques, a interdit le mode d'abatage israélite. En
1878, le traité de Berlin a imposé aux jeunes Etats danu-
biens, que l'Europe appelait à l'indépendance, l'égalité
complète de droits civils et politiques pour les sectateurs
de toutes les religions ; ce principe, appliqué loyalement
par la Serbie et la Bulgarie, a été éludé par la Roumanie,
qui est, avec la Russie, le seul Etat chrétien d'Europe où
les Juifs restent soumis à des lois restrictives. Même en
Turquie, les lois du tanzimat (1839) ont fort diminué les
incapacités édictées contre les raïas. Les Juifs tiennent une
place considérable dans l'administration civile, mais restent
« dispensés » du service militaire.
L'Angleterre n'a guère subi dans ce siècle le contre-
coup des guerres et des révolutions qui ont agité le conti-
nent : aussi l'émancipation des Juifs y a-t-elle suivi une
marche indépendante , sagement progressive. On sait
qu'après l'avortement de la loi de naturalisation de Pelham
(1753), les Juifs y restaient soumis, comme étrangers, à
Valien duUj, qui frappait leurs exportations ; après l'abo-
lition de cette taxe, les Juifs, considérés maintenant comme
indigènes, subissaient, avec tous les « non-conformistes »,
l'exclusion totale des fonctions publiques, en vertu des lois
du test; lorsque l'abrogation de Vactof test (1828) eut
rendu ces fonctions accessibles aux catholiques et aux sec-
taires, elles n'en demeurèrent pas moins fermées aux Juifs,
à cause des mots « foi de véritable chrétien » contenus
dans la nouvelle formule du serment politique. En 1830,
une première modification permit aux Juifs d'obtenir le
droit de bourgeoisie dans la cité de Londres ; puis, à la
suite d'un grand mouvement d'opinion, les Chambres, par
des lois successives, rendent les Juifs admissibles aux
fonctions de sheriffs (1835) et de magistrats municipaux
(1845) ; on les admet aussi à celles d'avocats et de magis-
trats judiciaires subalternes. Le Parlement leur restait
fermé, malgré les élections répétées de Lionel de Roth-
schild (depuis 1847) et de David Solomons, et les votes
favorables de la Chambre des communes. Enfin, en 1858,
les Lords cédèrent ; le retranchement facultatif des mots
« foi de véritable chrétien » fut autorisé pour les députés
au Parlement d'abord, puis en toute autre occasion ; cette
mesure, étendue en 1860 aux fonctions supérieures de la
magistrature, achevait l'émancipation légale des Juifs
anglais. Ceux de la Jamaïque étaient devenus citoyens en
1831, ceux du Canada en 1832.
Russie. — La situation légale des Juifs en Russie a
subi dans ce siècle de nombreuses vicissitudes qui s'ex-*
pliquent par les tendances différentes de ses autocrates.
En 1742, la Russie avait renouvelé l'ancienne loi qui inter-
disait son territoire aux Israélites revenus sous Pierre le
Grand, mais les partages successifs de la Pologne (depuis
1769), dont elle fut la principale bénéficiaire, tirent d'elle
la première « puissance juive » du monde. Au début, le des-^
JUIF
572
potisme philosophique de Catherine II parut vouloir accor-
der aux Juifs les mêmes droits qu'à ses autres sujets, mais
cet état de choses fut modifié, dès son règne, par les ukases
sénatoriaux « interprétatifs» de 4786,1791 et 1794, dont
le but principal fut d'assigner aux Juifs un territoire dé-
terminé avec défense d'en franchir les limites: ce territoire
comprenait la Pologne propre et ses anciennes annexes
(Lithuanie, Russie blanche, Petite-Russie, Nouvelle-Russie),
et quelques parties de la Courlande et de la Livonie. Les
limites de ce territoire ont d'ailleurs été plusieurs fois
remaniées , généralement pour les amoindrir.
Alexandre!*'' (1801-2o) se montra assez bienveillant
envers les Juifs et s'efforça de relever leur condition mo-
rale et matérielle. A cet effet, il les autorisa à fréquenter
les écoles, à acheter ou à louer des terres; ils purent
s'installer sur les domaines de la couronne, dans le gou-
vernement de Kherson, à condition d'y pratiquer l'agri-
culture; ces colonies juives, ainsi que celles fondées par
Nicolas dans le gouvernement d'Ekaterinoslav, ont prospéré
malgré des conditions très défavorables.
Sous Nicolas I«^ (1825-55) parut la loi fondamentale
de 1835, pleine de restrictions sévères. Le tsar, animé de
tendances unitaires, prescrivit aux Juifs l'adoption de
noms de famille, abolit la juridiction rabbinique et fit ou
laissa baptiser de force beaucoup de recrues Israélites;
d'autre part, il autorisa les Juifs à pratiquer tous les mé-
tiers, leur ouvrit l'accès des universités et attacha à la
possession des diplômes académiques le privilège de pou-
voir s'établir librement dans tout l'empire. En 1843, à la
suite d'accusations de contrebande, il fut défendu aux
Juifs de demeurer à moins de 50 verstes de la frontière.
Alexandre II (1855-81), sans abolir les anciennes lois,
les appliqua dans un esprit de tolérance et d'humanité.
Il autorisa l'établissement de trois Juifs dans chaque sta-
tion de chemin de fer, permit aux anciens soldats et aux
artisans habiles de se fixer dans tout l'empire ; à la faveur
de ces autorisations et de l'indulgence administrative, un
grand nombre de Juifs essaimèrent hors du «Territoire» sur-
peuplé où ils étouffaient. Sous ce règne, le service militaire
devint régulièrement obligatoire (1874).
Sous Alexandre III (1881-94), à la suite des mécomptes de
la guerre d'Orient et des progrès effrayants du nihilisme,
une violente réaction se produisit dans toute la marche du
gouvernement, réaction ultra-nationale, orthodoxe et au-
toritaire, dont le principal inspirateur fut le procureur
général du saint-synode, Pobedonotsef. Cette réaction at-
teignit, avec les autres dissidents, les Juifs, qui furent lit-
téralement jetés en pâture au peuple. Dès 1881-82 des
scènes de pillage se produisaient un peu partout aux cris de
« Notre père le tsar le veut » et lurent insuffisamment ré-
primées. Les lois de mai 1882 (lois Ignatiev) réglèrent
provisoirement la situation légale des Juifs de Russie (la
Pologne exceptée): elles sont encore en vigueur et seront ana-
lysées plus loin. Ces lois ne furent pas d'abord exécutées dans
toute leur dureté, et le rapport de la commission d'études,
présidée par le comte Pahlen (1883), laissa même espérer
une solution libérale. Mais ces espérances furent bientôt
trompées. Après une série de lois scolaires, de police, etc.,
qui aggravèrent les lois antérieures, a commencé en 1891
et 1892 l'application draconienne des « lois de mai » : les
Juifs étrangers ont été impitoyablement expulsés, les Juifs
sortis du « territoire » ou des villes du territoire y ont été
violemment refoulés ; ces opérations ont donné lieu à des
scènes navrantes. Au cœur de l'hiver, 20,000 Juifs ont été
chassés de Moscou, quelques-uns chargés de menottes; un
véritable exode a été la conséquence de ces brutalités. Le
« refoulement» a été provisoirement suspendu en 1893.
Un avenir prochain dira ce que le judaïsme russe doit
attendre du nouveau tsar Nicolas II (1894).
E. Etat présent du judaïsme. — Statistique du
JUDAÏSME. — La vieille formule théologique de la disper-
sion des Juifs à travers le monde est plus vraie aujour-
d'hui qu'elle ne l'était autrefois, sans être encore bien exacte.
En réalité les Juifs ne sont pas plus dispersés que les An-
glais, par exemple, si on les considère comme une race,
ou les protestants, si on les considère comme une religion.
A l'heure actuelle, ils sont surtout concentrés dans l'Europe
orientale, l'Asie antérieure, l'Afrique du Nord, les Etats-
Unis. Le tableau suivant donneune statistique résumée de la
population juive dans les principaux pays ; cette statistique,
très approximative, ne repose que dans un petit nombre
de cas sur des recensements officiels.
Europe. Espagne, Portugal, 3,000 (dont 2,000 à Gi-
braltar); France, 72,000 (ce chiffre est obtenu comme il
suit: à Paris il y a 800 enterrements Israélites par an,
ce qui indique une population d'environ 40,000 âmes :
chacun des 8 autres consistoires doit, légalement, repré-
senter 2,000 individus, mais plusieurs en ont de 3 à 4,000,
quelques-uns davantage; en prenant la moyenne de 4,000,
on obtient 32,000 Juifs pour la France hors Paris; le
dernier recensement officiel où l'on ait tenu compte de la
rehgion, celui de 1872, n'accusait que 44,000 Israélites;
mais depuis il y a eu une forte immigration alsacienne et
russe); Relgique, 3,000; Luxembourg, 1,000; Hollande
(1889), 97,000; Grande-Bretagne, 90,000; Suisse,
8,000; Italie, 50,000; Grèce, 6,000; Allemagne (1890),
568,000 (Prusse, 372,000); Autriche-Hongrie (1890),
1,860,000 (Galicie, 850,000; Hongrie, 725,000) ; Dane-
mark, 4,000; Suède et Norvège, 3,000 (Norvège, 200);
Russie, 4,000,000 (Pologne, 1,000,000, Territoire,
2,500,000); Roumanie, 300,000; Serbie, 4,000; Bul-
garie (1893), 28,000; Turquie, 120,000. Total:
7,217,000.
Asie. Russie d'Asie, 50,000 ; Turquie d'Asie, 200,000;
Perse, 20,000; Turkestan, Afghanistan, 15,000; Inde,
Chine, 20,000. Total, 305,000".
Afrique (d'après L Loeb). Egypte, 8,000; Tripolitaine,
6,000 ; Tunisie, 55,000 ; Algérie, Sahara, 43,500 ; Maroc,
100,000; Abyssinie, 200,000; Cap, etc., 1,500. Total,
414,000.
Amérique. Etats-Unis, 500,000 (New York, 200,000) ;
Canada, 3,000; Antilles et Guvane, 3,000; République
Argentine, etc., 10,000. Total,*^ 51 6,000.
Océanie, Australie, 10,000; Nouvelle-Zélande, 2,000.
Total, 12,000.
Total général : 8,464,000, ou en chiffres ronds :
8,500,000.
Anthropologie. — Les Juifs ne forment pas à proprement
parler une race ; le noyau hébraïque primitif, en se déve-
loppant, s'est mêlé à diverses reprises, et dans de grandes
proportions, d'éléments étrangers, sémitiques, aryens,
tatares, finnois, par l'effet du prosélytisme volontaire
ou forcé et des unions mixtes, toujours réprouvées, mais
sans cesse pratiquées. L'histoire atteste ces mélanges,
l'anthropologie les confirme. Il n'y a pas un type juif, mais
plusieurs types : le type « sémitique », plus fréquent chez
les Juifs espagnols, dont les femmes sont souvent d'une
grande beauté, caractérisé par les cheveux très bruns,
les yeux noirs et grands, le nez arqué, les sourcils épais
et se rejoignant; le type «polonais», souvent roux ou
blond, qui se distingue «par les cheveux roides,groset plats,
le front étroit dans le sens transversal, les yeux petits et
écartés, bleus ou gris, le nez empâté, souvent retroussé,
les pommettes saillantes, les doigts gros et courts, les in-
curvations de la colonne vertébrale peu prononcées»(I. Loeb) ;
il y a aussi des types intermédiaiies. Les données cranio-
logiques (on prétend que les Juifs sont en majorité brachy-
céphales) reposent sur des statistiques notoirement insuffi-
santes. Les caractères physiques et physiologiques les plus
saillants des Juifs sont l'effet d'habitudes, de conditions
d'existence séculaires, bien plutôt quede véritables particula-
rités ethniques : ainsi s'expliquent, par exemple, l'expression
inquiète, souvent douloureuse, de beaucoup de Juifs, leur
démarche timide et gauche, leurs gestes trop fréquents ou
vulgaires, leur peu de force musculaire, leur prédisposi-
tion aux maladies cutanées et nerveuses, à la démence
273 —
JUIF
au suicide. Ces caractères, produit des siècles, se défont
peu à peu par le changement de milieu et de mœurs ; le
Juif français, italien, anglais, se distingue fort peu au-
jourd'hui de ses compatriotes d'autre religion; le Juif po-
lonais ou russe, misérable, mal logé, mal nourri, porte
tous les signes de la dégénérescence physique. Les « im-
munités biostatiques» des Juifs, vraies ou prétendues (beau-
coup sont aussi imaginaires que le fameux fœtor judaicus
qu'on n'a jamais observé que chez les Juifs mal lavés),
doivent être également attribués à des causes économiques
et sociales, non à des phénomènes de race. La circoncision
des Juifs, leur sobriété, leurs lois alimentaires ont pu et
peuvent encore les préserver de certaines maladies. S'ils se
multiplient plus vite dans plusieurs pays que les autres
confessions, malgré une moindre proportion de mariages
et de naissances, cela tient à une faible mortalité, qui
s'explique elle-même par le petit nombre de naissances illé-
gitimes, les soins donnés aux enfants, l'absence presque
complète d'alcoolisme; mais là encore on constate des
différences énormes entre le judaïsme occidental et celui
de Galicie ou de Russie, oti les mariages, par exemple, se
contractent de bonne heure et où le typhus est endémique.
Linguistique. — Pas plus qu'ils n'appartiennent à une
race déterminée, les Juifs ne constituent actuellement une
unité linguistique. L'hébreu, langue des anciens Israélites,
était déjà fortement mêlé d'éléments araméens à l'époque
du second Temple, pendant que les communautés de la
Diaspora parlaient le grec. Après la chute du Temple,
Taraméen devint la langue littéraire : c'est dans cet idiome
qu'est rédigée la Guemara (la Mischna est encore dans un
hébreu abâtardi). Plus tard il céda la place, au moins
dans les pays musulmans, à l'arabe : Saadia, Maimonide,
les philosophes et les grammairiens juifs du moyen âge en
Asie, en Afrique, en Espagne, ont écrit en arabe, et leurs
ouvrages ont été ensuite traduits, quelquefois sous leur
direction, en hébreu. Dans les Etats chrétiens, les Juifs
parlaient la langue du pays ; l'hébreu servait de langue
religieuse et littéraire. Tel est encore, en principe, l'état
linguistique des Juifs : partout l'hébreu est la langue des
prières, des poésies liturgiques ; mais les Juifs ne le parlent
pas, beaucoup même, surtout en Occident, ne le com-
prennent pas ; ils parlent la langue du pays qu'ils habitent.
Cependant, par l'effet des migrations et de l'isolement pro-
longé des Juifs, un phénomène intéressant s'est produit :
les Juifs d'origine espagnole, émigrés en Turquie au xvi®
siècle, ont conservé la langue de leurs ancêtres, le vieux
castillan ; la même langue est parlée, concurremment avec
l'arabe, dans beaucoup de communautés juives de l'Afrique;
il n'y a pas très longtemps que les Juifs de Hollande et
d'Angleterre parlaient encore le portugais. De même, les
Juifs de Pologne, de Russie et de Roumanie, presque tous
d'origine allemande, emploient volontiers entre eux l'alle-
mand; cet allemand n'est pas, d'ailleurs, l'allemand clas-
sique, mais un dialecte spécial, qui a conservé des formes
archaïques et s'est mêlé de mots hébreux et même fran-
çais, beaucoup de Juifs allemands, au moyen âge, étant
venus de France : ce dialecte est le judéo-allemand {jûdisch
deutsch), prononcé d'une façon particuhèrement disgra-
cieuse, et qui a produit toute une littérature populaire. Il
faut ajouter que l'usage de cette langue hybride tend à
disparaître à mesure que l'instruction se répand : en Alle-
magne, les Juifs l'abandonnent pour l'allemand classique ;
les Juifs russes apprennent le russe (et l'apprendraient
davantage si l'accès des écoles leur était facilité), les Juifs
roumains le roumain. En Orient et en Afrique la connais-
sance et l'usage du français se répandent de plus en plus
parmi les Juifs grâce surtout aux efforts de l'Alliance israélite.
En Pologne et en Palestine, la littérature néo-hébraïque
est encore florissante et produit chaque année des revues
et journaux en grand nombre, des ouvrages scientifiques,
historiques, des œuvres d'imagination, des traductions va-
riées : c'est une langue artiticielle, analogue au latin des
clercs du moyen âge et au grec « épuré » des Hellènes d'au-
GRAADE TNCVCLOPÉDIE. — XXL
jourd'hui. Ajoutons que le jargon judéo-allemand, aussi
bien c|ueles langues indigènes parlées par les Juifs d'Orient,
s'écrit communément en caractères hébreux cursifs (ca-
ractères rabbiniques). Autrefois, le gouvernement turc
avait même interdit aux Juifs l'usage des lettres arabes.
Noms des Juifs. — Les Juifs des pays civilisés portent
les prénoms usités dans les pays qu'ils habitent ; les pré-
noms bibliques ne sont plus recherchés exclusivement,
mais souvent un enfant reçoit à la fois un prénom vulgaire
et un prénom hébreu. En Russie, les prénoms chrétiens
sont interdits aux Juifs. Quant aux noms de famille, qui
ne sont obligatoires pour les Juifs que depuis ce siècle, ils
présentent peu de variété. On peut les ramener aux caté-
gories suivantes : 1*^ noms de pays (Polonais, Deutsch,
Sachs) ou de villes (Bédarrides, Worms, Ratisbonne,
Fould — de Fulda — , Darmesteter — de Darmstadt — ,
Dreyfus — de Trêves, Troyes ou Trévoux) ; 2® noms
d'objets animés ou inanimés ayant servi d'enseigne à des
boutiques (Béer, l'ours; Blum, la fleur; Hirsch, le cerf;
Stern, l'étoile ; Rothschild, l'écu rouge) ; 3<* noms de
professions (Goldschmidt, orfèvre en allemand ; Halphen,
changeur en hébreu) ; 4^ noms rappelant une origine sacer-
dotale (Cohen, prêtre, et ses équivalents, Cahen, Cahn,
Kahn, etc., Lévi, dont Weil est l'anagramme); 5** pré-
noms hébraïques transcrits, traduits ou altérés (Moïse,
Aron, Meyer pour Meïr, Lion, Lœb, Lœw pour Juda) ;
6° noms de familles chrétiennes adoptés par des marranes
espagnols, leurs clients (Pereira, Lopez, Gomez) ; 7° noms
de fantaisie (Bréal, Rosenthal, etc.).
Psychologie des Juifs. — Les dispositions intellectuelles
et morales des Juifs, ce qu'on pourrait appeler la psycho-
logie des Juifs, ne sont pas plus caractéristiques d'une race
que leur physiologie : pour s'en assurer, il suffît de cons-
tater combien peu le Juif d'aujourd'hui ressemble aux Juifs
du temps d'Ezéchiel ou de Josèphe, tels que nous les font
connaître leurs propres écrits ou les témoignages des au-
teurs grecs et latins. L'âme du Juif actuel est le produit de
son histoire, et à côté d'analogies tenant à des destinées
longtemps communes, cette âme présente d'un pays à l'autre
de grandes différences qui justifient le mot de Metternich :
« Chaque pays a les Juifs qu'il mérite. » En résumé, le ca-
ractère et l'intelligence du Juif moderne sont le produit des
facteurs suivants : 4<* la Bible (Thora et prophètes); 2° l'édu-
cation talmudique (soit des générations actuelles, soit de
leurs ancêtres) ; 3*^ les persécutions prolongées ; 4° l'abs-
tention forcée, pendant de longs siècles, de certaines occu-
pations ; 5° la pratique exclusive , également imposée,
d'autres branches d'activité; 6° le passage souvent très
brusque de l'oppression à la pleine liberté, de la misère à
l'aisance ou à la richesse, de l'ignorance et de la foi docile
à l'émancipation complète de l'intelligence. Il n'y a presque
pas une des qualités ou un des défauts des Juifs actuels
qui ne puisse s'expliquer par une de ces six causes, sans
faire intervenir le moins du monde la notion de race,
c.-à-d. de fatalité.
A la première cause (éducation biblique), on rapportera
les vertus de famille des Juifs, leur sobriété, leur charité,
leur respect de la légalité, la rareté parmi eux des « crimes
de violence », comme aussi la persistance de l'esprit pro-
phétique et messianique (jui est une des formes de « l'esprit
révolutionnaire » des Juifs. A la deuxième (éducation tal-
mudique, appartient le remarquable développement des
facultés mnémoniques et dialectiques des Juifs, leur rare
puissance d'abstraction et de combinaison, avec ses appli-
cations heureuses (ils sont nés mathématiciens, lin-
guistes, jurisconsultes, philosophes, comédiens, musiciens,
joueurs d'échecs) et aussi ses abus : éristique, vaine subti-
lité, etc. La précoce intelligence des Juifs, leur vivacité
de conception, leur « esprit de mots », qui se peignent dans
la conversation, dans mille anecdotes, dans la saveur par-
ticulière de leur style ont aussi, en partie, leur source dans
l'école rafiînée de la casuistique talmudique.
Les persécutions, en prenant ce mot au sens le plus large,
48
JUIF — 274 -
ont marqué leur empreinte d'une part dans une souplesse,
un cosmopolitisme, qui se plie merveilleusement aux con-
ditions d'existence les plus variées, d'autre part, dans une
certaine humilité qui s'associe parfois au manque de cou-
rage et de point d'honneur, au penchant pour la ruse,
arme des faibles, et le mystère, refuge des opprimés. La
servilité apparente de certains Juifs est au reste parfaite-
ment compatible avec un grand fonds d'orgueil, à la fois
individuel et national, — le Juif, comme l'Espagnol, mendie
insolemment, — et avec une ambition ardente, qui ne se
tient jamais pour satisfaite tant qu'il lui reste un échelon
à gravir, et poursuit toutes les jouissances sans jamais
jouir complètement.
La quatrième cause (occupations interdites) explique le
peu d'aptitude ou de goût des Juifs pour certaines profes-
sions (agriculture, marine, métiers exigeant un grand effort
physique, etc.), l'absence ou l'insuffisance de certaines
qualités que ces professions contribuent à développer : il
est assez remarquable que les Juifs, qui ont produit dans
ce siècle tant de littérateurs, de musiciens et d'hommes
d'Etat supérieurs, ne comptent encore à leur actif aucun
peintre, sculpteur ou homme de guerre de premier ordre.
Inversement, la longue spéciahsation des Juifs dans le
commerce d'argent explique leur supériorité héréditaire
dans cette branche et dans toutes les occupations qui s'y
rattachent, comme aussi la fréquence des défauts qu'elle
engendre : âpreté, goût démesuré du lucre, finesse dégé-
nérant en duplicité, penchant à croire que tout est à vendre
et qu'il est légitime de tout acheter.
Enfin, les Juifs ont parfois les vices et les ridicules qui
ont été de tout temps ceux des parvenus et des affranchis :
vulgarité, ostentation, vanité, snobisme. Dans certaines
villes, la « société juive » est divisée en castes, ou plutôt en
couches, graduées suivant l'opulence de leurs membres, dont
chacune affecte de mépriser celle gui lui est immédiatement
inférieure, et recherche à tout prix les fréquentations bril-
lantes ou soi-disant telles, les aUiances nobles et coûteuses,
sans aucun égard à la vraie distinction et au vrai bonheur :
Jourdain et Poirier sont des types fréquents dans le monde
Israélite. La brusque émancipation intellectuelle et reli-
gieuse produit d'autres effets de déséquilibre : en rompant
les liens qui l'attachaient au judaïsme traditionnel, le Juif
ne trouve souvent plus dans sa conscience vidée ni frein,
ni guide moral qui l'arrête ; il s'abandonne, comme un che-
val échappé, à toute l'effervescence de son imagination et
de sa logique, à tous les excès de la pensée et de l'action.
La société berlinoise, dès la fin du siècle dernier, a offert
de remarquables exemples de ce radicalisme ou plutôt de
ce nihilisme moral, qui explique d'une part la brusque apo-
stasie de tant d'éminents représentants du judaïsme alle-
mand (Rachel Varnhagen, Heine, Bœrne), d'autre part, le
rôle important joué par des Juifs (Lassalle, Marx) dans le
mouvement sociahste et révolutionnaire.
Religion, culte. — La rehgion juive, pareille en cela à
la plupart des religions très anciennes, consiste bien plutôt
en un ensemble de pratiques qu'en un système de dogmes
bien définis. Sa grande originalité, son titre principal devant
l'histoire, consiste à avoir incorporé les lois morales au
code des pratiques cérémonielles sanctifiées et imposées par
la religion. Aujourd'hui on est tenté de sourire en voyant
ériger en devoirs rehgieux des coutumes insignifiantes au
point de vue moral ; il y a eu un temps oh c'est le contraire
qui a été nouveau, où ce fut une conquête et un progrès
immense de faire de la pureté morale une des conditions
de la pureté religieuse. En revanche, il n'y a jamais eu
de Credo juif. Les treize articles de foi, rédigés par Maimo-
nide et adoptés par la plupart des syaagogues, n'ont pas
de caractère officiel ; un philosophe, Grescas, les a réduits
à huit ; un autre, Albo, à trois (existence de Dieu, révéla-
tion divine, peines et récompenses de la vie future) ; un
penseur contemporain, James Darmesteter, n'en admettait
que deux : unité divine et messianisme, qui s'appellent dans
la hngm moderne unité de forces et croyance au progrès.
Au fond, le dogme de l'unité divine est seul irréductible ; la
doctrine de l'immortalité de l'âme et des peines et récom-
penses de l'autre vie est entièrement post-biblique, la
croyance au Messie a valu aux Juifs tant de déceptions et
d'avanies, tantôt pour l'avoir cru arrivé, tantôt au con-
traire pour avoir refusé de le reconnaître, qu'ils ont fini
par la reléguer au second plan ou lui substituer une
conception philosophique plus large.
Le Décalogue résume la morale juive. Les pratiques céré-
monielles ont les unes leur fondement direct dans la Bible,
d'autres sont d'introduction plus récente ou sont nées
d'une exégèse subtile des préceptes bibliques : telle est la
pratique des teflllin ou phylactères portatifs, de Idimezouza
appliquée aux portes des maisons, etc. Beaucoup de pra-
tiques bibliques semblent d'origine païenne ou sont de
simples conseils d'hygiène, d'une valeur toute relative,
convertis arbitrairement en préceptes religieux : telles sont
la plupart des lois alimentaires et des lois de pureté. Ces der-
nières, liées au culte du Temple, sont presque toutes tom-
bées en désuétude ; les premières sont encore observées par
un grand nombre de Juifs et entraînent une organisation
spéciale de l'abatage et du commerce de la boucherie (viande
Kascker). La plus importante des pratiques est la circon-
cision : c'est une erreur cependant de croire que son omis-
sion retranche un Juif de la communauté.
Le rituel des prières est abondant. Le Juif pieux prie
trois fois par jour. La prière principale est le Schéma,
composé de trois fragments du Pentateuque, Le Schemoné
Ezreh (18 bénédictions) est récité également tous les jours.
Certaines prières sont particuhères à certaines fêtes ou aux
néoménies ; d'autres se récitent avant et après les repas,
aux enterrements, en souvenir des morts (Raddisch)^ etc.
Pratiques et prières individuelles constituent le culte privé.
Le culte public, longtemps moins important, consiste essen-
tiellement dans la prière en commun et dans l'observation
des fêtes. Les synagogues sont les locaux où l'on se réunit
pour prier ensemble ; il faut dix personnes mâles pour que
la prière ait le caractère d'un office public. Outre les
prières proprement dites, cet office comprend des cantiques,
des psaumes dont le choix diffère d'un rite à l'autre. Dans
les synagogues, les deux sexes sont rigoureusement sépa-
rés et les hommes ont la tête couverte ; les dévots revêtent
le taled (manteau).
La principale fête est le Sabbat, qui revient tous les sa-
medis ; elle est surtout caractérisée par l'abstention com-
plète de tout travail et un service divin plus solennel à la
synagogue : à cette réunion, on lit publiquement, d'après le
« rouleau sacré », une des cinquante divisions hebdoma-
daires (paraschôt) établies dans le Pentateuque^ — cette
lecture est faite par sept fidèles appelés à tour de rôle ;
— on termine par un chapitre correspondant des prophètes
(aftara). Le Sabbat, comme les autres fêtes, commence et
finit le soir, au coucher du soleil, ou plutôt « à l'heure
de la nuit close ».
Les autres fêtes d'origine biblique, dont plusieurs ont
été adoptées par l'Eglise chrétienne, sont :
i^ Pàque (Pesakh), (jui dure huit jours et commence le
15 Nisan (septième mois) : c'est l'ancienne fête du prin-
temps, rattachée au souvenir de la sortie d'Egypte; pen-
dant toute sa durée, on mange du pain sans levain ;
2^ Pentecôte {Schebouoth^ c.-à-d. Semaines), cin-
quante jours après Pâques, l'ancienne fête des prémices ;
3^ Nouvel an [Rosch-ha-Schana)^ le premier Tisri,
annoncé par le son du cor {schofar) ;
4° Jour des Expiations (Yom Kippour)^ dix jours après
le nouvel an, consacré au jeûne, à l'inaction et aux péni-
tences ;
5<^ Fête des Cabanes ou tabernacles {Soukkoth)^ cinq
jours après Kippour ; elle dure sept jours ; c'est l'ancienne
fête de la récolte des fruits et des vendanges : de là, l'usage
des tentes dressées en plein air, l'offrande du cédrat et du
loulab (palme).
Des fêtes plus récentes sont Pourim (14 Adar, censé-
— ^Î5 --
JUIF
ment en souvenir du triomphe d'Esther sur Aman) et Ha-
noukka (25 Kislev, en souvenir des victoires des Machu-
bées). Il y a encore cinq jours de jeûne peu rigoureux qui
commémorent divers événements désastreux de l'histoire
Israélite. Pour le calendrier religieux israélite, V. plus
haut Calendrier juif.
Les ministres du culte ne sont plus, comme autrefois, les
prêtres et les lévites, mais les rabbins ou docteurs, assis-
tés par les officiants (chantres ou hazan, opérateurs, etc.).
Le mode de recrutement des rabbins varie suivant les pays.
En France, ils sortent du séminaire de Paris (jadis à Metz)
et sont nommés par le gouvernement sur la proposition du
Consistoire centraL Le territoire français est divisé en
12 circonscriptions dirigées chacune par un consistoire qui
se compose d'un « grand rabbin », de 2 rabbins et de
3 membres laïcs élus au suffrage universel des fidèles. A la
tête de la hiérarchie est le grand rabbin de France. Les
rabbins sont salariés par l'Etat ; les autres institutions reli-
gieuses (écoles, œuvres de charité et de patronage, etc.)
sont entretenues par des souscriptions privées ; dans cer-
tains pays, la taxe des funérailles et la taxe de la boucherie
fournissent d'importantes ressources. En Prusse, les Juifs
sont légalement contraints de contribuer aux dépenses des
communautés. En dehors des fêtes et des offices, les rabbins
assistent encore aux mariages, aux obsèques et y prononcent
des bénédictions ou des prières. Ils s'abstiennent de bénir
les mariages mixtes, mais ceux-ci n'entraînent aucune dé-
chéance, aucun anathème ; l'excommunication (herem) n'est
d'ailleurs plus guère usitée qu'en Palestine.
Au moyen âge, le culte juif avait surtout un caractère
domestique, qui ne manquait pas d'une certaine poésie
touchante; aujourd'hui que l'observance des pratiques a
perdu beaucoup de terrain, le judaïsme a éprouvé le besoin
de rehausser l'éclat et l'intérêt de son culte public. De là
l'introduction de l'orgue dans les synagogues, le dévelop-
pement de la prédication rabbinique, la cérémonie de la
confirmation ou initiation religieuse, etc. Certaines commu-
nautés dites réformées (à Berlin, Francfort, Xew York, etc.)
ont opéré des changements bien plus radicaux : les sexes
prient réunis, les hommes ont la tête découverte; la lec-
ture de la Bible, les principales prières se font dans la
langue du pays ; parfois même le service du Sabbat est
transféré au dimanche: ce judaïsme réformé diffère peu du
protestantisme libéral. A l'opposé des réformés sont les « or-
thodoxes » qui rejettent toutes les innovations dans le culte
et s'en tiennent strictement aux vieilles traditions. La lutte
a surtout été vive en Allemagne, ou les opinions radicales
étaient représentées par Geiger et Holdheim, le conserva-
tisme à outrance par S.-R, Ilirsch et Hildesheimer, le « juste
milieu » par Jacobsen, Frankel et Sachs, L'absence de toute
autorité centrale dans le judaïsme n'a pas permis de réa-
liser l'uniformité dans le culte. Les synodes rabbiniques
n'ont abouti à aucun résultat.
Outre les synagogues réformées, qui sont encore en petit
nombre, le judaïsme n'a guère produit qu'une hérésie im-
portante : le Karaïsme^ né en Babylonie au viii« siècle, et
qui rejette l'autorité du Talmud. Cette secte, sorte de pro-
testantisme juif, autrefois fort répandue, et qui a produit
une vaste littérature, ne compte plus que o ou 6,000 adhé-
rents, presque tous en Crimée, en Galicie (Halicz) et en
Lithuanie : ils ne se marient qu'entre eux (V. Caraïtes).
Les anciennes hérésies des Sabbatiens, Crypto-Sabbatiens,
Zoharistes n'existent plus ; quant aux hassidimou dévots,
assez répandus en Russie, ce sont des Juifs rabbanites qui
se distinguent par l'exaltation de leur piété, leur mysticisme
et la joie bruyante qu'ils apportent dans les cérémonies reli-
gieuses. Cette secte, qu'on peut comparer assez exactement
à l'Armée du Salut, a pris naissance à la fin du siècle der-
nier avec Israël Baal Schem et Dob Béer ; ses rebben
exercent encore une grande influence. Les Samaritains de
Naplouse (Palestine), réduits à quelques centaines, des-
cendent d'un mélange d'Hébreux et de colons assyriens
établis sur le territoire de Samarie. Le Pentateuque sama-
ritain, seule autorité religieuse qu'ils reconnaissent, diffère
par endroits du texte reçu. Le judaïsme des Falachas
d'Abyssinie, des Béni Israël de l'Inde, des Juifs de Chine,
est vague et rudimentaire plutôt que sectaire.
Il ne faut pas confondre les rites avec les sectes. Dans
les cadres mêmes du judaïsme rabbinique, il y a des va-
riantes dans l'interprétation de certaines pratiques, dans
les détails de l'office divin, etc. : ces variantes constituent
les rites. Les deux principaux sont le rite allemand ou
askenazi (Allemagne, Autriche, Russie, France du Nord)
et le rite portugais ou sefardi dont les rites italien et
levantin sont des variantes. On cite encore les rites com-
tadin, romain, grec, oranais. Les rites diffèrent aussi par
le rituel des prières et la manière de prononcer l'hébreu.
Etat social et économique. — L'état social et écono-
nomique du judaïsme dans les divers pays est déterminé
par divers facteurs : la législation qui le régit, la civilisa-
tion générale, le degré de lumière des Juifs eux-mêmes,
l'influence des traditions, des directions, des préventions
héréditaires.
Dans le groupe des Etats occidentaux (France, Hollande,
Allemagne, Autriche, Italie, Angleterre, Etats-Unis), les
Juifs, pleinement émancipés, ont dû, par compensation,
renoncer à tous leurs privilèges, à leur droit civil, à toutes
celles de leurs observances qui n'étaient pas compatibles
avec leurs nouvelles obligations de citoyen, par exemple,
quand ils sont sous les drapeaux, au repos du sabbat et
aux lois alimentaires. Le sanhédrin de 1807 a posé à ce
sujet des principes très sages qui ont prévalu sans difficulté
en France ; mais en Hollande, en Algérie, l'émancipation
n'a pas triomphé sans peine des résistances des Juifs eux-
mêmes; dans ce dernier pays notamment, ils ont sacrifié
à regret leur droit matrimonial qui tolérait le divorce alors
interdit par la loi française (la polygamie a été proscrite par
R. Gerschom dès l'an 1000). L'admission des Juifs au rang
de citoyens n'a pas tardé à produire son influence sur tout
leur genre de vie ; à Fheure actuelle, dans les pays où
cette admission remonte à un demi- siècle au moins, la plu-
part ne se distinguent guère par leurs occupations, leurs
sentiments, de leurs concitoyens d'autres cultes : le Juif
français se sent Français, le Juif anglais Anglais, etc. Na-
turellement en Hongrie, en Galicie, dans la Prusse orien-
tale, en Algérie où l'émancipation est de date récente et
la population fort arriérée, la fusion morale n'est pas en-
core aussi complète. En général, cependant, la « franc-ma-
çonnerie » juive, dont on a dit tant de fables, n'est, en dehors
des œuvres de charité et de religion, qu'un legs des per-
sécutions ; elle ne se réveille qu'en présence des retours
offensifs de l'ancien esprit de compression. Sauf l'agricul-
ture, occupation à peu près fermée aux tard venus dans les
pays très densement peuplés et dont les Juifs ont perdu la
tradition depuis huit siècles, les Juifs d'Occident exercent
les mêmes professions que les autres habitants. De louables
efforts, couronnés de succès, ont été faits pour répandre
parmi eux le goût du travail manuel, de l'industrie
(écoles professionnelles de Paris, Bordeaux, Bayonne, Stras-
bourg, etc.) ; s'ils évitent d'ordinaire les durs métiers qui
nécessitent un grand effort musculaire, ils excellent dans
ceux qui exigent de la finesse et du soin (graveurs, or-
fèvres, lapidaires, opticiens, tailleurs, etc.). Dans la pro-
vince de Posen, la moitié des Juifs exercent des professions
manuelles ; la proportion est aussi très forte en GaUcie.
Le commerce est resté l'occupation favorite des Juifs, pour
laquelle ils ont des aptitudes héréditaires; leur dispersion,
d'où résultent des relations souvent intimes entre Juifs de
pays divers, a contribué à les diriger de ce côté : ils sont
commissionnaires, négociants en gros, marchands de bes-
tiaux et de propriétés (en Alsace, etc.), courtiers; long-
temps ils ont été colporteurs et fripiers. Le commerce de
banque est pour eux une spéciaHté. Leur entrée dans la
société moderne a coïncidé avec un puissant essor de l'in-
dustrie manufacturière, des transports, des échanges, de
la fortune mobilière en général ; le xix® siècle est l'ère du
JUIF
276 —
crédit, de la spéculation, des grands emprunts publics, des
chemins de fer, des grandes compagnies par actions. Les
Juifs, commerçants et économes, souvent capitalistes, ont
pris naturellement une part considérable à ce mouvement,
avec ses bienfaits et ses excès ; quelques-uns y ont réalisé
des fortunes considérables (les Rothschild sont les Fugger
de notre époque) ; il ne faudrait pas croire cependant que,
pris dans leur ensemble, les Juifs, même en Occident, cons-
tituent une population aisée. En Galicie, en Posnanie, ils
sont très misérables et la proportion des mendiants est plus
forte parmi eux que dans les autres confessions. A Vienne,
60 °/o des Juifs sont indigents ; à Londres, à Amsterdam,
dans toutes les grandes capitales où affluent les fugitifs
pauvres, le quart de la communauté reçoit Faumône ou des
secours. Les émigrants juifs, poussés par la misère, ont
travaillé souvent à des prix dérisoires qui leur ont valu
Finimitié violente de leurs concurrents (sweating System).
L'instruction a de tout temps été en honneur chez les Juifs ;
autrefois elle s'enfermait dans le cercle des études bibliques
et talmudiques; actuellement, en Occident, les Juifs se sont
portés avec ardeur vers toutes les carrières libérales. Ils
fournissent aux établissements d'enseignement secondaire
et supérieur un contingent très élevé ; ils ont réussi dans
la littérature (particulièrement dans la presse, mais aussi
au théâtre et dans la poésie), le professorat, l'érudition,
notamment la philologie, dans la musique, le barreau, la
politique ; là oii les préjugés ne continuent pas à les écarter
(Allemagne, Autriche), ils prennent une place honorable
dans l'armée et dans l'administration ; l'Italie et l'Amé-
rique, plus hardies que la France, les emploient avec profit
dans le service diplomatique. Les faits sont trop connus pour
qu'il soit utile d'énumérer des noms ou des chiffres qu'on
trouve partout ; ces statistiques ont d'ailleurs l'inconvénient
'de perpétuer la vieille notion que les Juifs sont une classe à
part, dont les succès s'opposent à ceux des autres citoyens,
au lieu de compter dans l'ensemble du bilan national.
Tout autre est Fétat des Juifs dans les pays comme la
Russie, la Roumanie, la plupart des Etats musulmans, où
une législation restrictive continue à perpétuer pour eux
les conditions sociales du moyen âge.
En Russie, il faut distinguer entre la Pologne (les dix
gouvernements de la Vistule), le « territoire » et le reste de
l'empire. En Pologne, les Juifs, au nombre de 1 million
environ, sont frappés des mêmes incapacités que les autres
sujets non orthodoxes (qui composent la grande majorité
de la population), mais l'ancienne législation polonaise n'a
guère été aggravée. Cette législation, relativement indul-
gente, leur permet de s'étabHr où ils veulent, d'exercer
toutes les professions (sauf celle d'avocat) ; elle les exclut
des conseils communaux. Indispensables à la vie économique
d'une nation qui n'a pas de classe bourgeoise, les Juifs
de Pologne détiennent le commerce et la plupart des mé-
tiers ; ils sont artisans, colporteurs, fabricants et débitants
d'alcool, prêteurs d'argent. Leur costume, leur langage,
leur vie talmudique les distinguent des autres habitants,
dont ils partagent cependant le sentiment national. Les com-
munautés sont fortement organisées (système du Kahal) ;
la littérature et l'imprimerie hébraïques sont florissantes.
Le «territoire juif » est cette partie de la Russie propre
dont le séjour est permis aux Israélites par la loi de 4835,
plusieurs fois modifiée depuis. Ce territoire se compose de
quinze gouvernements, pour la plupart découpés dans les
anciennes annexes de la Pologne. Même dans ce territoire,
les Juifs ne peuvent pas habiter à moins de 50 verstes de
la frontière, ni hors des villes et « bourgades », expres-
sion élastique dont le sens officiel a souvent varié. En vertu
des lois de mai 4882 et de divers textes plus récents, les
Juifs ne peuvent ni acheter, ni louer, ni prendre à hypo-
thèque ou même gérer des immeubles ruraux ; il leur est
détendu de se livrer au commerce les dimanches et jours
de fêtes chrétiens. La proportion des élèves juifs admis
dans les écoles secondaires ou spéciales, dans les univer-
sités, est strictement limitée et varie de 3à 40 °/o. Aucun
barreau ne doit avoir plus de 40 <*/o d'avocats juifs; à
Odessa il ne doit y avoir que 25 % de courtiers juifs.
Certaines écoles, certaines professions leur sont complè-
tement interdites : les Juifs ont été exclus des fonctions pu-
bliques, (les compagnies de chemins de fer et de navigation,
de toutes les fonctions électives et du droit d'y élire ; le
service militaire est obligatoire, mais les Israélites ne peu-
vent aspirer à Fépaulette. Le culte, libre en théorie, est
soumis à des règlements vexatoires et à des impositions
variées : tant pour la viande Kascher, tant pour les bou-
gies du sabbat, tant pour la calotte de prière. Par l'effet de
cette législation digne du moyen âge, plus de 2 millions de
Juifs, peut être 3, vivent entassés dans un petit nombre
de villes où ils constituent parfois la majorité, ordinaire-
ment le tiers ou la moitié de la population. C'est un im-
mense ghetto où ils s'étiolent et succombent à la tâche
malgré des efforts surhumains, malgré les salaires infimes
dont ils se contentent (il y a 300,000 artisans juifs dans
le territoire). Dans les juiveries de Vilna, de Berditchev,
d'Odessa, la plupart des habitations sont des masures où
l'encombrement est effroyable, le dénuement profond, le
typhus endémique. Néanmoins cette malheureuse popula-
tion, pour qui le pain quotidien est un problème continuel,
ne cesse de s'accroître par la fécondité naturelle à la misère
et le refoulement des Juifs chassés des autres provinces de
l'empire : l'émigration en Roumanie, en Occident, en Tur-
quie, en Amérique (Etats-Unis; Répubhque Argentine,
colonies de Hirsch), quelques proportions qu'elle ait prises
depuis plusieurs années (50,000 têtes par an) est tout à
fait insuffisante pour faire de l'air dans cette vaste et mi-
sérable fourmilière.
En dehors du territoire, le séjour de l'empire russe n'est
permis qu'à un petit nombre de catégories de Juifs privi-
légiés ; ce sont notamment les diplômés académiques, les
citoyens héréditaires ou honoraires, les marchands de la
première gilde, les artisans « habiles » (autre terme élas-
tique, fécond en controverses), les colons des colonies agri-
coles, les sages-femmes, les filles publiques (!), lesCaraïtes.
A ces privilégiés légaux s'étaient ajoutées dans la suite du
temps et par l'effet de tolérances administratives quantité
de familles non autorisées, débordant hors du territoire
surpeuplé ; on évaluait le nombre total des Juifs habitant
hors du territoire à un demi-million. L'exécution rigoureuse
des lois de 1882 a fort diminué ce nombre ; en particulier
les villes saintes, Kiev, Moscou, ont été « purgées » de
leur population juive, mais l'application complète de ce
système de refoulement serait une entreprise aussi chimé-
rique que barbare.
En général, la situation légale des Juifs russes, régie
par une quantité de lois, d'ukases, de circulaires, etc., non
abrogés et contradictoires, est sur bien des points obscure
et mal définie ; cette incertitude de la législation favorise
l'arbitraire administratif, la vénalité des fonctionnaires de
tous ordres qui exploitent odieusement le Juif tout en exi-
geant de lui les marques extérieures de respect sous peine
d'amende ; le Juif est, comme on Fa dit, le serf de la po-
lice. Une population aussi misérable, aussi opprimée, ne
saurait être ni très éclairée, ni offrir une haute moralité ;
le Juif russe est cependant loin d'être aussi dégradé que le
fait croire au premier abord son aspect minable, son jar-
gon, son attachement aux vieux usages, aux vieilles modes.
Il n'est ni ivrogne, ni débauché, ni malfaiteur ; sa fidélité
héroïque à sa religion (même aux époques de persécution
aiguë le nombre des convertis ne dépasse pas 4,200 ou
4,300 par an) est son honneur et son soutien moral. Les
reproches si variés adressés aux Juifs par l'antisémitisme
officiel — usuriers, cabaretiers empoisonneurs, fripons,
accapareurs, mauvais soldats, parasites, inaptes à l'agri-
culture, révolutionnaires, particularistes, ignorants, mal-
propres, — sont pour la plupart mal fondés, exagérés ou
se retournent contre ceux qui les formulent et dont la lé-
gislation les engendre. Par exemple, il est prouvé que le
taux de l'intérêt est plus élevé, l'alcoolisme plus répandu
'âTT
JUIF
dans les provinces où il n'y a pas de Juifs que dans celle
où ils sont tolérés. Le goût de l'instruction est très vif
(efforts de la société pour la propagation de l'éducation parmi
les Juifs, apostolat du D^Lilienthal à Riga dès 1840, etc.)
et le serait davantage sans les règlements qui écartent les
Juifs des écoles. Les colonies agricoles juives subsistent et
sont assez prospères. Les Juifs ont développé ou créé plu-
sieurs branches de l'industrie ou du commerce ; dans plu-
sieurs localités d'où on les a chassés, la population a ré-
clamé leur rappel. L'isolement moral des Juifs est le fruit
d'un isolement légal qui va jusqu'à leur interdire les pré-
noms chrétiens ; ils aimeront la Russie comme une mère
quand elle aura cessé d'être pour eux une marâtre. Exter-
mination ou émancipation, c'est ainsi qu'on a formulé très
justement le dilemme qui se pose devant le gouvernement
russe.
C'est à peu près dans les mêmes termes que le problème
se présente en Roumanie. Les Juifs de ce pays sont les uns
d'origine espagnole, les autres, beaucoup plus nombreux
(surtout en Moldavie), d'origine russe et polonaise. Leur
situation légale était autrefois mal définie, mais tolérable ;
ils jouissaient même de certains droits municipaux. Peu à
peu, sous l'influence de théories ethniques exaspérées et de
la jalousie économique du tiers état roumain, on leur a in-
terdit d'acheter ou de louer des terres, d'habiter les cam-
pagnes ; on leur a fermé la plupart des carrières libérales
et même des métiers (cabaretiers, colporteurs). En même
temps se produisaient des violences populaires (émeute
de Galatz, 1864). En vain la presse, des hommes d'Etat
éclairés ont plaidé leur cause ; en vain les Juifs ont pris
une part honorable à la guerre de 1877; en vain l'Europe,
au traité de Berlin (1878), sur la motion de la France, a
prescrit à la Roumanie, comme aux autres Etats d^ubiens,
l'effacement de toutes les incapacités fondées sur la reli-
gion : le gouvernement roumain a su éluder cette disposi-
tion en déclarant étrangers tous les Juifs établis sur son
territoire, même depuis plusieurs générations ; comme leurs
pays d'origine les rejettent, ce sont des peregrini sine
civitate. Désormais les Juifs sont frappés, non comme mé-
créants, mais comme étrangers, de toutes les incapacités
imaginables, — la loi de 1893 leur a pratiquement fermé
les écoles ; — pourtant — bizarre contradiction — on les
assujettit au service militaire. Ils peuvent, d'après la nou-
velle rédaction de la constitution, obtenir la naturaUsation
individuelle, mais cette naturalisation exige un vote des
deux Chambres, et à peine cinquante Israélites en ont béné-
ficié jusqu'à présent.
En Turquie, les Juifs ont d'importantes communautés à
Constantinople, Andrinople, Salonique, Smyrne, Bagdad,
Alep, Damas, Beyrouth, Jérusalem. Cette dernière^ ville
compte aujourd'hui près de 80,000 Juifs venus de partout
et vivant pour la plupart d'aumônes [haUmkka) : on re-
trouve là toutes les langues, tous les rites, les vieilles modes,
— longue robe de soie, bonnet de fourrure, boucles ra-
menées en papillotes devant les oreilles; les garçons se
marient à quinze ans, les filles à treize. Il y a moins de pit-
toresque, mais plus de travail, à Jaffa qui possède une école
d'agriculture juive et, dans les environs, des colonies agri-
coles prospères, fondées par le baron Edmond de Rothschild.
Damas est célèbre par une des plus retentissantes accusa-
tions de meurtre rituel, l'affaire mystérieuse du P. Thomas
(1840). La situation légale des Juifs de l'empire ottoman
et de l'Egypte est satisfaisante ; ils sont commerçants, ar-
tisans, interprètes, etc. D'heureux efforts se font pour
relever leur niveau moral et les initier à la civilisation
occidentale : c'est parmi eux surtout que s'exerce l'activité
bienfaisante de V Alliance israélite universelle (fondée à
Paris en 1861), qui entretient des écoles dans les princi-
pales communautés. Elle aune tâche non moins importante
à remplir en Tunisie, où la nombreuse population juive ne
brille encore ni par les lumières, ni par la morahté.
Dans les autres pays musulmans la condition des Juifs
est humiliée et misérable : le pacte d'Omar y inspire encore
les lois et les mœurs ; la rouelle est obligatoire en Perse.
« Encore aujourd'hui, dit I. Loeb, les Juifs de Perse ne
peuvent faire leur marché qu'après les musulmans ; quand
il pleut, ils ne peuvent sortir, parce que l'eau est agent
conducteur de l'impureté religieuse ; tout objet de consom-
mation touché par un Juif est contaminé ; un Juif converti
à l'islamisme hérite des biens de toute sa famille. Dans
l'intérieur du Maroc, les Juifs sont obligés de marcher nu-
pieds dès qu'ils sortent de leur ghetto, surtout en passant
devant les mosquées : un musulman qui tue un Juif se
libère en payant une composition pécuniaire. » Seuls les
Juifs protégés européens jouissent de quelques garanties
(conférence de Madrid, 1880).
F. Antisémitisme. Avenir du judaïsme. — Anti-
judaïsme, Antisémitisme. — Après avoir esquissé dans les
pages précédentes le passé et le présent du judaïsme, il
nous faut dire un mot de Vantijudaïsme au réveil duquel
l'Europe assiste étonnée depuis vingt ans.
Vantijudaïsme est aussi ancien que le judaïsme : l'ob-
stination des Juifs à rester eux-mêmes, à ne pas sacrifier
aux croyances de la majorité, la singularité de leurs cou-
tumes religieuses, leur orgueil de « race élue » les ont
désignés de bonne heure à la curiosité, à l'irritation, puis
à la haine ; l'envie excitée par leurs succès ou le mépris
engendré par leur déchéance ont fait le reste; régulière-
ment on a fait un crime aux Juifs des vices qu'on leur avait
donnés, du particularisme qui était, en tout ou en par-
tie, l'effet d'une législation restrictive. On peut distinguer
plusieurs variétés de l'antijudaïsme suivant les motifs
dont il s'inspire de préférence (antijudaïsme théologique,
ethnique , économique , sentimental), ou les formes sous
lesquelles il se manifeste (antijudaisme légal, brutal,
httéraire, social); ce sont plusieurs courants qui se
mêlent et se grossissent mutuellement, mais qui, en der-
nière analyse, découlent de la même source : l'antagonisme
religieux.
Nous avons suffisamment parlé dans la partie historique
de cet article de l'antijudaïsme légal et de l'antijudaïsme
brutal (persécutions, pillages, massacres): ces deux formes
sont encore aujourd'hui amplement représentées en Rus-
sie, en Roumanie, dans certains pays musulmans. L'anti-
judaïsme littéraire a aussi de très anciennes origines : il
florissait déjà à l'époque gréco-romaine avec les pamphlé-
taires alexandrins (Posidonius, Molon, Lysimaque, Chéré-
mon, Apion), les satiristes et les historiens romains, qui
n'ont guère fait que répéter les moqueries, les accusations
exagérées ou les fables des Grecs: haine du genre humain,
mépris des dieux et des lois, immoralité, superstition,
culte de l'âne, tels sont les reproches principaux qu'on
adresse aux Juifs ; déjà même on voit poindre l'atroce lé-
gende du meurtre rituel. Beaucoup de ces accusations
furent également dirigées contre le christianisme nais-
sant. Cela n'empêcha pas les chrétiens de reprendre contre
le judaïsme la suite de la polémique païenne en y ajoutant
les griefs bien plus graves du déicide et du coupable aveu-
glement : la polémique des Pères de l'Eglise, d'abord dé-
fensive et apologétique (Justin le Philosophe, Ariston de
Pella, Tertullien), devient injurieuse avec saint Augustin,
saint Jean Chrysostome, etc. L'antijudaïsme théologique,
le plus inoffensif de tous, et qui n'est guère, chez les écri-
vains pondérés, qu'une forme de la controverse, a duré
pendant tout le moyen âge ; ses champions sont d'abord
presque tous ecclésiastiques (Cédrénus, Théophane, Pierre
de Blois, etc.); à partir du xiii^ siècle les écrits des polé-
mistes chrétiens, notamment des dominicains et des fran-
ciscains, trahissent une certaine érudition hébraïque et
même rabbinique : tels sont le Pugio fidei de Raymond
Martin, les Postillœ de Nicolas de Lyre, et, à plus forte
raison, les œuvres des Juifs convertis (Paul de Santa Ma-
ria, Alphonse de Valladolid, Jérôme de Santa Fé, Pfeffer-
korn) dont les attaques se dirigent surtout contre le Tal-
mud. D'autres polémistes s'élèvent particulièrement contre
la richesse, l'insolence, le prosélytisme des Juifs : tels Ago-
JUIF
278 —
bard et Amolon. Le reproche de l'usure apparaît avec
Pierre de Cluny et Simon Maiol. A partir de la fin du
XY^ siècle, les clercs abandonnent ce genre de littérature à
des pamphlétaires laïcs, fort peu instruits (Alonso de Spina,
Pierre de Lancre, Francesco de Torrejoncillo), qui accueil-
lent sur le compte des Juifs les fables les plus extraordi-
naires, les inventions les plus saugrenues. La littérature
antijudaïque pénètre dans le protestantisme avec le pam-
phlet de Luther. Au xvii^ et au xvin® siècle, elle aflecte un
caractère scientifique, érudit, et l'intérêt social prédomine
sur l'intérêt théologique : ses représentants s'appellent
alors Wagenseil {Tela ignea Satanœ, où le meurtre rituel
est cependant nié), FAsenmengev {Entdecktes Judenthum)^
Schudt {Jûdische Merkwûrdigkeiten), etc. De nos jours,
la controverse théologique n'est plus guère cultivée ; les
écrivains antijudaïques, alors même qu'ils obéissent (par-
fois inconsciemment) au préjugé religieux, se placent tous
au point de vue ethnique, national, économique, moral.
Ils dénoncent dans les Juifs des étrangers, de race infé-
rieure, incapables de s'assimiler, dont le patriotisme est
suspect, et qui visent en réalité à conquérir le monde, —
des accapareurs, qui s'emparent de la fortune publique,
des places, de l'opinion (par la presse), — des parasites
malfaisants qui, sans rien ajouter aux forces productives
de la société, s'enrichissent par le vol, la fraude, l'usure,
démoralisent et gangrènent tout par leur exemple et leur
propagande ; enfin des conspirateurs dont les ténébreuses
menées sont au fond de tous les complots et de toutes les
révolutions. A l'appui de ces accusations, on apporte d'abord
tout l'arsenal des vieilles légendes et des vieilles calomnies,
emprunté sans critique aux pamphlétaires allemands du
siècle passé ; on reproduit quelques textes choisis du Tal-
mud et du Zohar, volontairement dénaturés ou séparés du
contexte qui les atténue, et on fait de ces opinions isolées
et vieillies la doctrine courante du judaïsme; quant à
l'époque contemporaine, on invoque des statistiques men-
songères qui exagèrent dans des proportions souvent ridi-
cules la fortune, l'influence des Juifs, leur rôle dans le
mouvement financier et politique du siècle; au besoin, on
transforme en Juifs des gens qui ne l'ont jamais été; enfin
on accumule des anecdotes suspectes, on généralise abusi-
vement quelques faits exacts, et parce qu'un ou plusieurs
Juifs ont volé, trompé ou corrompu, on en conclut que
tous ou presque tous les Juifs sont voleurs, fripons, cor-
rupteurs. La conclusion pratique de ce réquisitoire, qui fait
appel tantôt aux sentiments élevés et chevaleresques, tantôt
aux plus bas instincts d'envie et de convoitise, c'est qu'il
faut « secouer le joug des Juifs », faire le vide autour
d'eux, les exclure de toutes les fonctions, entraver leurs
affaires, etc.; les plus logiques vont jusqu'à demander qu'on
les chasse et qu'on leur fasse rendre gorge comme au temps
de Philippe le Bel, ou tout au moins qu'on restreigne leurs
droits civiques.
Tel est l'esprit, le résumé, de tous les ouvrages antiju-
daïques publiés de nos jours : qui en a lu un les a lus tous.
Cette littérature, après avoir été assez féconde dans la pre-
mière moitié de ce siècle en France (Chiarini, Toussenel)
et surtout en Allemagne, oîi la question de l'émancipation
était vivement discutée, s'était un peu assoupie de 1848 à
1870; mais elle s'est réveillée bruyamment après cette
date, en Allemagne d'abord, où le sentiment national exalté
et le pédantisme de race, élaboré par les professeurs,
s'unissaient à l'esprit piétiste et aristocratique toujours très
puissants, aux ressentiments laissés par les krachs de
Berlin et de Vienne, pour déchaîner l'orage contre le Juif
exotique, mécréant, démocrate et spéculateur. La propa-
gande du pasteur Stœcker, les pamphlets de Marx, Trei-
tschke, Dùhring, Rohling ont signalé cette nouvelle cam-
pagne « antisémitique » : car l'antijudaïsme en faisant
peau neuve a changé aussi de nom; celui qu'il a pris
semble impliquer la double absurdité que tous les Juifs
sont sémites ou tous les sémites Juifs. D'Allemagne, l'anti-
sémitisme a gagné rAutriche, la Belgique, la Suisse, la
France, où son principal porte-parole n'a guère fait que
démarquer avec un talent déclamatoire et haineux les polé-
mistes allemands et quelques-uns de ses précurseurs fran-
çais (Barruel, Gougenot, dom Deschamps, Crétineau-Joly ;
V. les preuves chez B. Lazare, r Antisémitisme, p. 238).
L'antisémitisme s'étale non seulement dans de gros livres
et de petits pamphlets, mais dans des journaux quotidiens,
parfois illustrés, où la diffamation collective, la plus lâche
de toutes, est érigée en système. Puisant ses arguments
dans toutes les passions, il recrute des alliés dans divers
camps : cléricaux et athées, aristocrates et socialistes, pa-
triotes ardents et révolutionnaires internationahstes ; il y
a aussi des Juifs antisémites, ou qui, du moins, par leur
attitude, fournissent des arguments et des excuses à l'anti-
sémitisme. Jusqu'à présent ses succès dans Tordre législa-
tif ont été nuls (si l'on excepte le plébiscite suisse contre
l'abatage juif) quoi qu'il y ait des partis antisémitiques
fortement constitués dans les parlements allemand et au-
trichien ; mais il n'en est pas de même dans l'ordre social.
En Allemagne, par exemple, partout où le principe de la
cooptation entre en jeu, les Juifs sont systématiquement
écartés : aucun d'eux ne devient officier, très peu obtien-
nent des chaires de professeur ordinaire dans les univer-
sités; les corporations d'étudiants se ferment aux Israé-
lites. En France, malgré le scepticisme religieux si répandu
et la politesse générale des mœurs, l'antisémitisme s'est
glissé un peu partout, dans le barreau, dans les écoles,
dans l'armée, dans le monde qui ferme ses cercles aux Israé-
lites et ne s'incline que devant les fortunes colossales. Ce
n'est qu'exceptionnellement, et dans des pays peu avancés,
que les excitations systématiques aboutissent à des bagarres
sanglantes (comme parfois en Algérie) ou à de monstrueux
procès (i^mme celui de Tisza Ezlar en Hongrie (1883);
mais la situation morale des Israélites redevient presque
partout pénible et délicate; ils se sentent entourés d'une
atmosphère de préventions ; il leur faut plus de talents et
d'efforts qu'aux chrétiens pour parvenir à certaines situa-
tions ou s'y maintenir.
AvENm DU JUDAÏSME. — Lo judaïsmc, après avoir tra-
versé, non sans gloire, vingt-quatre siècles d'épreuves, sans
se laisser absorber ni par Thellénisme ni par les deux
grandes religions issues de lui-même, sans succomber ni aux
violences de l'oppression, ni à la dialectique des convertis-
seurs, ni aux tentations matérielles de l'apostasie, est-il
destiné à survivre encore longtemps, malgré le redouble-
ment de persécution qu'il subit dans certains pays, et les
taquineries, les humiliations, les attaques dont il est l'ob-
jet dans d'autres ? C'est une question à laquelle il serait
bien hardi de répondre d'une manière absolue; toutefois,
l'expérience du passé et même d'un passé tout récent au-
torise à dire que si le judaïsme doit disparaître, ce n'est
point par l'effet des moyens violents ou malveillants.
Le temps des conversions forcées et des expulsions en
masse est passé sans retour : d'ailleurs, les unes n'ont ja-
mais fait que de mauvais chrétiens, les autres ont déplacé
l'axe du judaïsme sans l'affaiblir sensiblement. En Russie,
en Roumanie, les persécutions des vingt dernières années
n'ont amené qu'un chiffre dérisoire de conversions, presque
toutes parmi la classe riche, la moins nombreuse et la moins
intéressante. Quant à l'antisémitisme httéraire et social, le
principal effet qu'il obtient, c'est d'obliger les Israélites,
menacés dans leurs intérêts communs, ou froissés dans leurs
sentiments, à se serrer davantage les uns contrôles autres :
en tâchant de replonger le judaïsme dans un ghetto moral,
on ne réussit qu'à faire revivre la solidarité, le particula-
risme juif, qui allaient peu à peu s'effaçant. Les déserteurs
ne sont jamais qu'une faible minorité, et leur désertion ne
les préserve même pas de la haine ou des préjugés : l'an-
tisémitisme ethnique, le plus répandu à l'heure actuelle,
poursuit les Juils convertis et leurs descendants jusqu'à la
troisième ou quatrième génération. Si quelque chose doit
ébranler et dissoudre un organisme qui a résisté à tant de
chocs et de transformations, ce sont bien plutôt ks séduc-
— 279 —
JUIF
tions de la tolérance* de l'égalité, et la largeur ou PindiSé-
rence religieuses qui sont la conséquence de l'évolution phi-
losophique et scientifique. Dans les pays où le judaïsme est
pleinement émancipé, il est certain que les liens qui unissaient
les Juifs entre eux se sont singulièrement relâchés, que les
barrières, la « haie » qui préservaient leur « loi » et leur
individualité se sont de plus en plus abaissées. Le sentiment
« national » juif n'existe plus guère là où le Juif est
citoyen de fait et de cœur. L'étude du Talmud est complè-
tement délaissée, celle même de Fhébreu négligée, la
croyance à !'« élection » d'Israël, modifiée ou atténuée.
Les pratiques qui enfermaient la vie dans un réseau d'habi-
tudes strictement réglées, qui empêchaient le contact trop
intime entre Juifs et gentils, vont disparaissant de jour en
jour : combien d'Israélites à Paris, à Londres, observent
sérieusement les lois alimentaires, le Sabbat? Beaucoup
savent à peine les dates des grandes fêtes, ne retrouvent
le chemin de la synagogue que les jours de mariage, et ne
font circoncire leurs fils que par hygiène. Même pour les
habitués du temple, pour les pratiquants, la religion juive
tend à se transformer en une sorte de déisme incolore qui
ne diffère pas beaucoup du protestantisme d'extrême gauche ;
le jour n'est pas éloigné peut-être où des tentatives de fusion
se produiront. On tient cependant au judaïsme, les uns par
une conviction généralement négative, les autres par un
vague orgueil de race ou par une sorte de piété littéraire,
d'autres par habitude, par routine, et parce qu'il faut tenir
à quelque chose ; mais le sentiment juif ne se réveille réel-
lement que sous le coup de l'antisémitisme, des injustices et
des persécutions ; c'est alors qu'on tient à honneur de ne
pas abandonner ses coreligionnaires malmenés pour leurs
croyances ou pour le sang qui coule dans leurs veines.
Que l'émancipation, l'égalité pénètrent partout, non seule-
ment dans les lois, mais dans les mœurs et dans les idées,
le sentiment juif perdra de plus en plus de son ûpreté et
finira sans doute par s'éteindre complètement. Les Juifs
s'absorberont peu à peu dans la masse de leurs concitoyens
de confession différente et y introduiront, avec leur sang,
quelques-unes de leurs fortes qualités héréditaires. Il ne
faut donc pas se le dissimuler : l'avenir du judaïsme est
entre les mains de la majorité chrétienne, des gouverne-
ments, de l'opinion, de ceux qui la font. Il disparaîtra dans
un avenir plus ou moins éloigné, mais à une époque où
probablement les autres religions positives auront disparu
à leur tour ou se seront profondément modifiées. D'ici là,
il poursuivra la transformation commencée depuis un siècle,
le passage laborieux, d'une part, de la nationalité à la con-
fession, d'autre part, de la religion d'observances indivi-
duelles à la religion de culte public. Si cette transformation
est dirigée avec intelligence, il pourra s'en dégager sans
peine une forme religieuse supérieure en pureté, en sim-
plicité, en grandeur morale, à toutes celles qui existent
aujourd'hui, affranchie de toutes pratiques superstitieuses,
comme de toute conception anthropomorphique, conciliant
la notion de la divinité, âme du monde et source du
bien, avec les données de la science, que la religion dé-
passe, mais ne saurait contredire, acceptant du chris-
tianisme son principe de fraternité universelle déjà pro-
clamé par les prophètes, mais corrigeant son pessimisme,
qui ne voit de salut que dans l'autre vie, par cette foi active
dans l'amélioration indéfinie de l'espèce humaine qui est
la forme moderne de la croyance messianique. Une pa-
reille religion serait encore, si l'on veut, la religion
juive, mais serait en même temps la religion de l'huma-
nité ; le jour où le judaïsme l'aurait enfantée, il pourrait
considérer sa « mission » comme accomplie, et mourir sans
regret, enseveli dans son triomphe. Théodore Reinach.
BiBL. : Pour réduire le plus {possible l'étendue de cette
bibliographie, nous ne donnons in extenso que le titre des
ouvrages les plus importants; les autres sont simplement
indiqués par le nom de Fauteur, le sujet exprime en un
mot, la date de la publication. Nous citons de préférence
les ouvrages français, et, pour les ouvrages étrangers
nous indiquons entre parenthèse la langue (ail. = alle-
mand, ang.= anglais, héb. = hébreu, etc.), à moins qu'elle
ne résulte de la transcription du titre. L'abréviation R. E.
J. désigne la Revue des Etudes juives.
Ouvrages généraux . — Gr^tz, Geschichte derJuden
(ail.); Leipzig, 1856, suiv., 11 vol., ouvrage capital, malgré
certains défauts de méthode et des partis pris. Une trad.
franc, abrégée est en cours de publication (4 vol. parus) . —
Les histoires plus anciennes de Basnage (Rotterdam, 1707,
6 vol.) et de Jost(10 + 3 vol., Berlin, 1820 et suiv., en ail.,
abrégé en 2 vol., 1832), sont encore utiles. ■— S. Cassel,
art. Juden^ dans VEncyclop. Ersch et Gruber (ail.), 1850.
— Is. LoEB, art. Juifs, dans le Dictionnaire de géographie de
Vivien de Saint-Martin (1884).— Th. Reinach, Histoire des
Israélites depuis l'époque de leur dispersion, 1884. — Les
histoires des Juifs d'Occident par Beugnot (1824), Dep-
ping (1834), Bédarrides (1867). — Les abrégés allemands
par D. Cassel (1879), Back, Brann (1894), anglais par lady
Magnus (Philadelphie, 1890). — James Darmesteter,
Coup d'œil sur Vhistoire du peuple juif, 1881. — Ab. Gei-
GER, Das Judentum u. seine Geschichte., 1865-71, 3 vol.
Epoque romaine. — Schûrer, Geschichte desjûd. Volkes
im Zeitalter J.-C. (ail.), 1886-90, 2 vol., 2« éd. ~ Th. Rei-
nach, Fondes rerumjMdaicarum. I. Textes d'auteurs grecs
et romains, 1895.
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Is, LoEB, Etudes historiques sur les Juifs de France (sous
presse, paraîtra en 1895). — Gross, Gallia judaica (sous
presse). — Etudes sur les Juifs de Paris, par L. Kahn
(1889), du Languedoc, par Saige (1881), de Bordeaux^ par
Malvezin (1875), de Bayonne, par H. Léon (1893), de Pro-
vence, par C. Arnaud (1879), du Dauphiné, parPRUonoMME
(1882), de Bourgogne, par M. A. Gerson (1893), duComtat-
Venaissin, par R. de Maulde (1886). — Nombreuses mo-
nographies dans là Revue orientale et R. È. J.
Autres pays. — Juifs d'Espagne, par Lindo (1884, ang.)
et Amador de LOS Rios(1875, esp.), de Navarre et dePor-
tugal,p8Lr Kavserling (1847-61, ail.) . ; Fernandez y Gonza-
lez, Instit. juridicas del pueblo de Israël, etc.; Madrid,
1881. Nombreux art. de Fidel Fita dans le Boletin de la
A Cad. de Madrid^ et de Is. Loeb dans R. E. J. — Juifs de
Rome par Berliner (1893, ail.) et Rodocanachi (1891), de
Sicile, par Di Giovanni (1748, ital.), de Mantoue, par Car-
nevali (1884, ital.). — Ulrich, Sammlung jûd. Geschichten
in der Sch'weiz ; Baie, 1768. —Juifs de Hollande, par Kœ-
NEN (1843, holl.), de Belgique, par Ouverleaux (R. E.J.,
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sulter Jacobs et WoLF, Bihliotheca anglo- judaica, dans
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III. — A.-D. Cohen, Juifs du Danemark, 1837 (danois),
— E. Scheid, Juifs d'Alsace, 1887. — Juifs d'Allemagne^
par Stobbe (1866, ail.), de Posen, par Perles (1865, ail.),
de Berlin, par L. Geiger (1871, ail.); Regesten (jusqu'en
1273), par Aronius (1887-82) ; Quellen, par Stern, Hœni-
GER, etc. (1890, suiv.), et un très grand nombre de mono-
graphies sur différents Etats ou communautés ; celles qui
ont paru dans des périodiques sont énumérées dans le t. II
de la Zietschr. f. die Gesch. der Juden in Deutschland,
de L. Geiger (II, 1887). —Juifs d'Autriche, par Werthei-
MER (1832, alL), Gerson Wolf (1883, ail.); de Hongrie, par
Beegl (1879, ail.). — Juifs de Pologne, par Sternberg
(1878, ail.); de Lithuanie, par Berchadski (1882-3, russe).
— Juifs de Médine, par Hirschfeld {R. E. J., VII, X), de
Chine, par Cordier (1891, avec bibl.), de l'Inde, dans Rev.
orientale et Anglo- Jewish Association,lH11.— Juifs dAbys-
sinie, par Flad (1869, ail.) et Halévy, dans Bull. ail. isr.
(1868, 1), de Tunisie, par Cazès {\8SH). — Juifs d'Amérique,
par S. Wiener, dans Israël. Monatschrift, 1892.
Archéologie, Epigraphie. —Calai, of the Anglo- Jewish
Exhibition, 1888. — ■ Chwolson, Corpus inscr.' hebraica-
rum; Pétersbourg, 1882. ~ U. Robert, Signes d'infamie,
1889.— B. PiCART, Scènes de la vie juive (au xviip siècle),
réimp. 1884.
Histoire intellectuelle et littéraire. — Gûdemann,
Geschichte des Erziehungsv^esens und der Kultur der
Abendleend. Juden (4 vol., 1873-88 : 1° Espagne; 2" Italie;
3° France ; 4° Allemagne).— STEiNSCHNEiDEk, art, Jûdische
Litteratur, dans Ersch et Gruber (1850, ail.), index à part,
1893. — Karpeles, Geschichte der Jûd. Lit., 1886. — Win-
ter et Wûnsche, Die Jûd. Literatur seit dem Abschluss
des Kanons (extraits méthodiques); Trêves, 1892 et suiv.— -
Les ouvrages de LuzzATT0,de Rappoport, de Krochmal,
presque tous en hébreu. — Zunz (fondateur de l'étude
scientifique de la litt. juive) : Gottesdienstliche Vortrœge
(2« éd., 1892), Synagogale Poésie, Zur Geschichte und Litte-
ratur, Gesam. Schriften (3 vol.). — J. Derenbourg, Essai
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Darmesteter, îeTafm itd, dans Actes de la Soc. Et. juives,
I. — La trad. fr. du Talmud de Jérusalem, par Schwab
(11 vol.). — Les études de Rabbinowicz sur la médecine
et la législation du Talmud, de Neubauer sur la géogra-
phie du Talmud, de Bâcher sur VAggada (3 vol., 1884 et
SUIV., ail.); — la. Realencyclopœdie fur Bibl. u. Talmud
de Hamburger (1886). — Weiss, Dor Dor (tradition, 5 vol.
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Arukh de Karo, par ijAUTAYRA et Charleville ; Alger,
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Kahn, Hist. de ta communauté de Paris, 1887 et suiv. —
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rera (1893) ; recueil de textes législatifs par Gradovski,
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1862-9. — Silvestre de Sacy, les Samaritains (Notices et
extraits des Mss., 1831).
Antisémitisme. — B. Lazare, l'Antisémitisme; son
histoire et ses causes, 1894.
Périodiques. — Anciens : Meassef, Kerem Chemed,
Bikkuré Haïtim, Revue orientale de Carmoly, Wissen-
schaft. Zeitschrift far jûd. Théologie de Geiger, Maga-
zin de Berliner et Hoffmann, Letterbode de Roest
(Amsterdam). — Actuels : Revue des études juives (fondée
en 1880) ; Jewish Quarterly Review ; Monatsschrift de Bres-
lau (1852; nouvelle série, 1893). — Journaux d'information :
Archives israélites (1840), Univers israélite (1844), Allge-
meine Zeitung des Judenthums (1837), Jewish Chronicle,
American H ebrew ; les Bulletins de l'Alliance israélite et
de l'Anglo-Jewish Association.
JUIF ERRANT (Le). La forme populaire de cette légende
raconte, en substance, qu'un cordonnier de Jérusalem,
nommé Ahasvérus, après avoir crié avec la foule : Cru-
cifie ! sans se rendre compte de ce qu'il faisait, rentra chez
lui. Lorsque Jésus, portant la croix, passa devant la
maison d'Ahasvérus, il voulut s'arrêter et s'y appuyer un
instant ; mais Ahasvérus l'apostropha rudement. Sur quoi
le Seigneur, le regardant fixement, lui dit : Je m'arrêterai
et me reposerai ; mais toi tu marcheras jusqu'au jugement
dernier. Depuis lors, Ahasvérus marche, marche encore et
ne trouve de repos nulle part. — Le premier document
que l'on ait de cette légende est une brochure allemande
de huit pages petit in-4 ; il en existe cinq impressions dis-
tinctes, mais toutes sont datées de 4602 ; le lieu dlmpres-
sion est Leyde, chez Christophe Creutzer, et il est prouvé
que ces noms sont des pseudonymes. Le récit se donne
pour un rapport de Paul d'Eitzen, évêque de Slesvig, qui
prétend avoir rencontré et vu Ahasvérus à Hambourg en
1542, avec beaucoup d'autres témoins. On sait la vogue
dont jouit, à partir du xvii® siècle et jusqu'à nos jours,
la légende du Juif errant. L'imprimerie et l'imagerie popu-
laires ne se lassent pas de reproduire ce type, non seule-
ment en Allemagne, où on le nomme der ewige Jude^
« le Juif éternel », mais en France (première traduction
du livret allemand de 1602, à Bordeaux, 1609), en Hol-
lande, en Danemark et en Suède. Par contraste avec cette
popularité, on est frappé du silence qui règne au sujet de
cette fable durant les siècles précédents. Dans la littéra-
ture allemande, il n'y a pas la moindre trace du Juif er-
rant avant le xvii® siècle ; et l'on est sans doute autorisé
à conclure que la légende n'avait pas cours parce qu'elle
n'existait pas ; il serait étrange, en effet, que des hommes
comme Luther ou Hans Sachs n'en eussent pas fait usage
s]ils l'avaient connue. De plus, on ne trouve aucune allu-
sion au Juif errant ni dans l'abondante collection des lé-
gendes du moyen âge latin, ni dans les traditions grecques
et slaves, ni dans la littérature du christianisme oriental,
— Par contre, Mathieu Paris, moine de Saint- Alban, mort
en 1259, raconte dans son Historia Major (éd. de Londres,
1640, in-fol., pp. 351 et suiv.; l'èd. princeps est de
Londres, 1571) qu'un archevêque arménien, arrivé à
Londres en 1228, parla d'un portier du prétoire de Pilate,
nommé Cartaphilus; il avait donné un coup de poing dans
le dos de Jésus, en s'écriant : Va donc, Jésus, va plus vite,
pourquoi es-tu si lent ? Et Jésus, le regardant d'un œil
sévère, lui avait répondu : Moi je vais ; mais toi tu atten-
dras jusqu'à ce que je revienne. Plus tard, Cartaphilus
avait été baptisé par Ananias et avait pris le nom de Joseph.
11 vivait en Arménie, en homme saint, respecté et silen-
cieux. Ce même archevêque raconta la même histoire à
Cologne, comme Phil. Mousquet, évêque de Tournai, mort
en 1283, le rapporte dans sa Chronique rimée (éd. de
Bruxelles, 1830, in-4, t. II, pp. 491 et suiv., aux vers
25,485 et suiv.). On ne saurait nier certains points de
ressemblance entre Cartaphilus et Ahasvérus ; mais les
différences sont bien plus caractéristiques. En tout cas,
celui qui aurait transformé Cartaphilus en Ahasvérus
aurait créé une figure singuUèrement plus originale ; aussi
bien sa création a vécu, tandis que Cartaphilus ne semble
pas être sorti des chroniques du xiu® siècle. — Il est oi-
seux, après cela, de faire des conjectures sans issue sur
l'archevêque arménien et la sincérité de son récit ; quant à
Paul d'Eitzen, qui fut prédicateur à Hambourg depuis 1555
et qui mourut en 1598, après avoir été évêque de Sles-
vig, il est probable qu'il a simplement servi, après sa mort,
de prête-nom respectable au rédacteur allemand et protes-
tant de la légende du Juif errant. Il ne saurait pas plus
être question ici de parler des innombrables tentatives,
plus ou moins heureuses, de faire de la légende du Juif er-
rant un développement poétique ou philosophique ; mais il
faut ajouter que cette légende est inconnue en Espagne,
en Italie et dans l'Europe orientale. F.-Herm. Rruger.
Bibl. : J.-G.-Th. Grosse, Der Tannhœuser und der
ewige Jude; Dresde, 1861, 2« éd. — Ch. Schœbel, la Lé-
gende du Juif errant; Paris, 1877. — G. Paris, le Juif er-
rant; Paris, 1880.
JUIF. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. de Louhans,
cant. de Montret ; 596 hab.
JUI6NAC. Com. du dép. de la Charente, arr. de Bar-
bezieux, cant. de Montmoreau ; 802 hab.
JUIGNÉ-Béné. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr.
et cant. d'Angers ; 513 hab.
JUIGNÉ-DES-MouTiERS. Com. du dép. de la Loire-In-
férieure, arr. de Châteaubriant, cant. de Saint- Julien-de^
Vou vantes ; 910 hab. Ardoisières. Verrerie établie dans
l'ancien prieuré de la Primaudière. Grotte des Fées auprès
de la source des Ermites.
JUIGNÉ-suR-LoiRE. Com. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. d'Angers, cant, des Ponts-de-Cé; 812 hab. Stat. du
chem. de fer (Etat et Ouest), ligne de Montreuil-Belley à
Angers.
JUIGNÉ-sur-Sarthe. Com. du dép. de la Sarthe, arr.
de La Flèche, cant. de Sablé ; 1,316 hab. Stat. du ch. de
fer de l'Ouest, ligne du Mans à Angers, embranchement
sur Sillé-le-Guillaume. Mines d'anthracite. Carrières de
marbre à Port-Etroit. Marbrerie. Château du xvii® siècle.
JUIGNE (Leclerc de). Famille française du Maine dont
281 -
JUÏGNE - JUILLET
les principaux représentants sont : Antoine-Eléonore-
Léon^ né à Paris en 1728, mort à Paris le 49 mars 48 M .
Son père avait été tué à Guastalla (4734) ; il entra dans
les ordres, fut grand vicaire de son parent l'évêque de Carcas-
sonne, puis évêque de Châlons (4764), où il sévit contre
les jansénistes et se fit remarquer par ses œuvres de bien-
faisance ; le roi lui imposa en 4781 rarchevêché de Paris.
Elu aux Etats généraux avec ses deux frères, il combattit
l'union avec le tiers, fut conspué par la foule le 24 juin,
puis acclamé quand il eut cédé deux jours après. Il proposa
de chanter un Te Deum après la nuit du 4 août. Les pro-
grès de la Révolution le décidèrent à quitter la France ;
son siège fut déclaré vacant et on y élut Gobel ; de Juigné
se retira à Chambéry, puis à Constance, puis à Augsbourg
(4799), rentra en France en 4802 et se démit de son ar-
chevêché, en exécution du Concordat. Il est Fauteur d'un
rituel republié sous le titre de Pastoral de Paris (1786,
3 vol. in-8). — Jacques-Marie- Anatole, né en 4788,
mort en 4845, auquel Charles X conféra la pairie en 4827.
— Charles-Etienne-Gustave, comte de Juigné, né à
Paris le 45 juin 4825. Grand propriétaire foncier en Bre-
tagne, possédant (avec le prince d'Arenberg) une impor-
tante écurie de courses (V. ce mot), il fut élu le 8 févr.
1874 représentant de la Loire-Inférieure à l'Assemblée
nationale, siégea parmi les légitimistes et élu député de
Paimbœuf en 4876, appuya le gouvernement du 46 Mai.
Réélu en 4877, en 4884, en 4885, en 4889, en 4893, il
a constamment combattu les cabinets républicains et a voté
en faveur du boulangisme.
JUI6NETTES. Corn, dudép. de l'Eure, arr. d'Evreux,
cant.de Rugles ; 200 hab.
JUILLAC. Gh.-l. decant. du dép. de la Corrèze, arr.
de Brive, à 5 kil. du chem. de fer de Limoges à Brive par
Saint- Yrieix ; 2,536 hab. Ruines d'un château et d'une
ancienne prison seigneuriale.
JUILLAC. Cora. du dép. du Gers, arr. de Mirande,
cant. de Marciac ; 343 hab.
JUILLAC. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Pujols ; 334 hab.
JUI LLAC-LE-CoQ. Com. du dép. de la Charente, arr. de
Cognac, cant. de Segonzac; 603 hab. Eaux-de-vie. Eglise
des w^ et xiii® siècles. D'un ancien monastère subsiste une
porte à mâchicoulis.
JUILLAGUET. Com. du dép. de la Charente, arr. d'An-
goulême, cant. de Villebois-la- Valette ; 495 hab.
JUILLAN. Com. dudép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant d'Ossun ; 4,602 hab. Stat. du chem. de fer
du Midi, ligne de Toulouse à Rayonne.
JUILLAN NE. Rivière du dép. de la Drôme (V. cet art.).
JUILLÉ. Com. du dép. de la Charente, arr. deRuffec,
cant. de Mansle ; 489 hab.
JUILLÉ. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de Mamers,
cant. de Beaumont-sur-Sarthe ; 420 hab.
JUILLÉ. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de Melle,
canl. de Brioux ; 200 hab.
JUILLENAY. Com. du dép. delà Côte-d'Or, arr. de
Semur, cant. de Saulieu; 446 hab.
JUILLERAT ( Henri-François- Jules-Paul] , littérateur
français, né à Nîmes le 48 avr. 4848. Ancien chef de la
division de l'imprimerie et de la librairie au ministère de
l'intérieur. On a de lui des poésies : Lueurs matinales
(4837, in-8) ; les Solitudes (4840, in-8); Soirs d'oc--
tobre (4864, in-I2); des nouvelles : les Deux Balcons,
les Manteaux blancs, etc. (4858, in-42); Mademoiselle
Reine, le Mariage mystique, Jupiter (4854, in-46) ;
Mademoiselle de Saulnes (4882, in-42); des pièces de
théâtre : la Reine de Lesbos (4854, in-42), drame antique
en vers, joué au Théâtre-Français, le Lièvre et la Tortue
(4856, in-42), comédie en un acte, envers, jouéeàl'Odéon,
puis aux Français, etc. — Sa femme, Clotilde, née Gé-
rard, née à Lyon en 4805, mariée en 4840, élève de De-
laroche, a exposé, de 4833 à 4855, de nombreux portraits
et plusieurs tableaux d'histoire ou de genre.
JUILLES. Com. du dép. du Gers, arr. d'Auch, cant. de
Gimont ; 672 hab.
JUILLET (Astron.). Nom du septième mois de l'année
appelé autrefois Quintilis chez les Romains parce que
l'année commençait alors au mois de mars. Marc-Antoine
ordonna que ce mois s'appellerait Julius en l'honneur de
Jules César (V. Calendrier).
Journées de Juillet 1830. — On trouvera dans l'art.
Chambre (t. X, pp. 334-36) le récit du contre-coup sur le
Parlement des fameuses ordonnances, et à Fart. Charles X
(t. X, p. 722) l'historique de ces ordonnances et leurs
conséquences fatales pour la Restauration. Il nous reste
à raconter brièvement ici l'effet qu'elles ont produit sur le
peuple et l'insurrection qui en résulta.
C'est le 26 juil. que les ordonnances furent publiées
dans le Moniteur. Aussitôt la Bourse baissa (près de 4 fr.
sur les rentes). Les journalistes atteints directement dans
leurs intérêts se réunirent dans les bureaux du National,
Thiers rédigea une protestation qui fut signée par plus
de 40 publicistes et insérée le 27 dans le National et dans
le Temps. Dès la première heure, les bureaux du Natio-
nal furent donc en quelque sorte désignés comme un centre
de ralliement pour l'opposition. Des paroles caractéris-
tiques furent prononcées. De Shonen déclara que «le mo-
ment de la discussion était passé, qu'il importait d'agir, de
traduire en actes les principes proclamés depuis longtemps,
d'opposer la violence à la violence et de repousser la force
par la force ». Des jeunes gens montèrent sur des chaises
au Palais-Royal et provoquèrent des attroupements en
lisant à haute voix les ordonnances. Mais comme une insur-
rection n'éclate pas tout d'un coup, ces attroupements se
dissipèrent d'eux-mêmes. Le soir une douzaine de députés
se réunirent chez Delaborde afin d'arrêter aussi les
termes d'une protestation. Ils décidèrent de provoquer le
lendemain une réunion plus nombreuse chez Casimir
Périer qui, tout à fait opposé à une résistance violente,
n'y consentit qu'à contre-cœur. Dans la soirée encore, des
attroupements populaires se formèrent au Palais-Royal, au
Carrousel ; on criait : «Vive la Charte î à bas les ministres î »,
on cassait les vitres du ministère des finances ; on lançait
des pavés sur la voiture de Polignac et d'Hausez. Le
gouvernement s'émut peu de ces manifestations. Le comte
de Wall, commandant de la place de Paris, s'écria : « Ce ne
sera rien, je vais faire faire des patrouilles; avant deux
heures elles seront en mouvement ! » Cependant les com-
merçants et les grands industriels avaient fermé leurs ate-
liers. La Révolution eut donc à sa disposition un nombre
considérable d'ouvriers. Le 27, au moment même où les
journaux royalistes publiaient des dithyrambes en l'hon-
neur des ordonnances qui « venaient d'écraser les ennemis
du trône et de l'autel », l'insurrection croissait et s'orga-
nisait. On dut à plusieurs reprises exécuter des charges
de cavalerie dans le Palais-Royal où étudiants et ouvriers
faisaient rage. Ils se défendirent à coup de moellons. Chas-
sés, ils se portèrent sur l'hôtel des Affaires étrangères,
pillant sur leur passage les boutiques d'armuriers. A peine
dégagé, le jardin du Palais-Royal était envahi de nouveau.
Un peloton de gendarmes tit usage de ses armes, blessant
trois personnes, en tuant une. Des cris de vengeance re-
tentirent, La foule arriva à un tel degré d'exaspération
qu'il fallut faire soutenir la gendarmerie par la garde royale
et par la ligne. Pendant ce temps, la réunion Casimir Pé-
rier n'aboutissait à aucune solution et s'ajournait encore
au lendemain. Marmont, duc de Raguse, nommé gouver-
neur de Paris le matin même, commença à faire agir les
troupes. Des bataillons occupèrent le Carrousel, la place
Louis XV, les boulevards, la Bastille, le Palais-Royal, la
place Vendôme, le Pont-Neuf. Des escadrons de cavalerie
furent chargés de détruire les barricades qui sortaient de
terre çà et là. L'une d'elles élevée rue de l'Echelle fut en-
levée, non sans nouvelles morts d'hommes ; d'autres furent
abattues ; mais, aussitôt la troupe passée, elles se relevaient.
Le 27 au soir Tinsurrection occupait l'Imprimerie natio-
JUILLET
J'ILLY
-- 282
nale, brûlait les corps de garde des gendarmes place de la
Bourse, et les obligeait à battre en retraite, et comme les
troupes reçurent l'ordre de rentrer dans les casernes vers
onze heures, elle resta en fait maîtresse de la ville. On profita
de la nuit pour accumuler des projectiles, rédiger et afficher
partout des proclamations aux armes et à la vengeance.
Le 28, au matin, on apprit que le gouvernement avait mis
Paris en état de siège et appelé de Versailles, de Courbe-
voie et de Saint-Denis, quelques régiments. Il se bornait à
ces mesures absolument dérisoires, pensant toujours que
« ce n'était qu'une émeute » et que « la monarchie n'était
pas en danger ». Dès six heures, le conseil des ministres
se réunit aux Tuileries et décida d'y siéger en permanence.
Il reçut des rapports alarmants. Marmont, dès sept heures,
écrivait au roi : « J'ai déjà eu l'honneur de rendre
compte à Votre Majesté de la dispersion des groupes qui ont
troublé la tranquillité de Paris. Ce matin ils se reforment plus
nombreux et plus menaçants. Ce n'est plus une émeute,
c'est une révolution. » En effet, cette révolution avait cons-
truit des barricades dans presque toutes les rues, occupait
l'Arsenal, l'Hôtel de Ville où flottait le drapeau tricolore,
Notre-Dame où flotta bientôt un second drapeau et où le
bourdon sonna le tocsin. Marmont lança quatre colonnes
sur Paris : la première dut partir de la place Vendôme et
gagner la place de la Bastille ; la seconde dut occuper le
marché des Innocents et aboutir à la place de Grève ; la
troisième fut chargée d'arriver aussi à la Bastille par la
rue Richelieu et les boulevards et de revenir par la rue
Saint- Antoine à l'Hôtel de Ville où elle rejoindrait la pre-
mière colonne; la quatrième, partant des Champs-Elysées,
devait suivre les boulevards jusqu'à la rue Richelieu, puis
retourner à son point de départ. Elles se mirent en mou-
vement vers midi. La quatrième seule put exécuter les
ordres reçus. La première occupa bien l'Hôtel de Ville, mais
elle y fut cernée et se trouva isolée des autres. La seconde
put à peine tenir sur le marché des Innocents et il fallut
pour la dégager et protéger sa retraite la faire appuyer par
un bataillon suisse. Elle perdit beaucoup de monde. La
troisième enfin parvint sans difficulté à la porte Saint-Denis,
mais pour arriver à la Bastille elle dut employer l'arme
blanche, les feux de peloton, le canon, et rentra épuisée
aux Tuileries sans avoir pu gagner l'Hôtel de Ville. L'in-
surrection demeurait partout victorieuse, car le général
Talon évacua par ordre l'Hôtel de Ville dans la nuit. Pen-
dant la bataille, la réunion Casimir Périer se tenait chez
Audry de Puyraveau. Deux parlementaires de race pre-
naient résolument la direction du mouvement : Laffitte et
La Fayette. Une députation fut envoyée à Marmont pour
le sommer « au nom de la loi et sous sa responsabilité per-
sonnelle de faire cesser le feu ». Naturellement, le maré-
chal répondit qu' « il n'avait pas qualité pour accepter
cette proposition ». Le prince de Polignac, auquel fut pré-
sentée la même requête, déclara qu'il en référerait au roi.
Un exprès fut envoyé à Charles X à Saint-Cloud. Le roi
le chargea de dire au duc de Raguse « de tenir ferme, de
réunir ses forces sur le Carrousel et sur la place Louis XV
et d'agir avec des masses ». Des troupes furent appelées,
de Beauvais, d'Orléans, de Caen, de Rouen, de Saint-Omer,
de Lunéville. Marmont assurait qu'il tiendrait au Louvre
et aux Tuileries pendant trois semaines. Il y concentra tous
les soldats dont il pouvait disposer. Pendant la nuit, les
élèves de l'Ecole polytechnique dirigèrent la construction
de barricades cernant le Carrousel sur trois faces. Mar-
mont dut se borner à prendre des mesures défensives. Il
protégea la Bourse par deux bataillons suisses, le Palais-
Royal par deux bataillons de la garde, la place Vendôme
et ses alentours par deux régiments de ligne et la gendar-
merie ; la Banque par cent hommes de la garde, le Carrou-
sel par un bataillon suisse, les Tuileries par trois batail-
lons de la garde et six escadrons de lanciers ; le boulevard
des Capucines, la rue Royale et les Champs-Elysées par deux
bataillons de la garde et un régiment de chasseurs à che-
val tirés de Versailles.
Le 29, dès cinq heures du matin, la bataille recom-
mença. L'insurrection s'empara des Invalides et de l'Ecole
militaire, attaqua le Louvre. La ligne qui occupait la
place Vendôme fit défection ; il fallut dégarnir le Louvre
pour y envoyer un bataillon suisse. Aussitôt les insurgés
escaladèrent la colonnade et occupèrent les galeries. Les
suisses durent se replier sur les Tuileries, furent pour-
suivis sur le Carrousel. Gendarmes et lanciers affolés bat-
tirent en retraite, suivis par l'infanterie. Les Tuileries
furent envahies. Marmont s'établit à la barrière de l'Etoile
qu'il ferma, reforma ses régiments et se porta sur Saint-
Cloud, Ces nouvelles furent portées à Charles X par le
général de Coëtlosquet. Paris était perdu pour la royauté.
« La manière dont les troupes en sont sorties, dit le gé-
néral, ne permet pas d'espérer que l'on puisse tenter de
les y faire rentrer. » C'est alors que le roi se décida à
changer le ministère et à rapporter ses ordonnances. Ce-
pendant le drapeau tricolore était hissé sur les Tuileries,
l'archevêché était pillé, ainsi que le couvent du mont Valé-
rien. La caserne de Babylone, toujours occupée par les
suisses, était enlevée par une colonne commandée par Char-
ras, Vaneau, Lacroix, Ouvrier. Vaneau, élève de l'Ecole
polytechnique, fut tué ; les suisses furent massacrés avec
leur commandant Dufay. Ce fut le dernier effort de la résis-
tance. Au soir du 29, la bataille était terminée et le gouver-
nement vaincu manifestement.
Louis-Philippe se montra reconnaissant pour les auteurs
de la Révolution qui lui valut un trône. La loi du 30 août
4830 décida que des récompenses seraient données « à
tous ceux qui ont été blessés en défendant la cause natio-
nale à Paris dans les glorieuses journées des 26-29 juil. »,
que les pères, mères, veuves et enfants de ceux qui ont suc-
combé ou succomberont par suite de leurs blessures, re-
cevraient des pensions ou secours ; que les personnes dont
les propriétés auraient souffert par suite des événements
seraient indemnisées aux frais de l'Etat ; qu'une médaille
serait frappée pour en consacrer le souvenir, La loi du
43 déc. 1830 accorda par suite une somme de 2,400,000 fr.
pour être répartie en pensions ou secours (cette somme fut
accrue par des lois successives); elle créa, en outre de la
médaille, une décoration spéciale pour les citoyens qui se
seraient distingués pendant les Glorieuses et qui eurent
droit aux honneurs militaires décernés à la Légion d'hon-
neur. Enfin la loi du 9 mars 4833 consacra 900,000 fr.
à l'érection d'un monument commémoratif sur la place de
la Bastille. C'est la colonne de Juillet qui s'élève sur
les tombes de 504 victimes des Glorieuses, et pour laquelle
la ville de Paris dépensa de son côté une somme considé-
rable.
JUILLET ou, plus exactement, JULIET, acteur et
chanteur français, né à Paris en 4755, mort d'apoplexie
foudroyante à Paris le 30 mai 4825. Après avoir été sol-
dat, puis restaurateur, il prit le parti du théâtre et joua
d'abord la comédie en province. Engagé, en 4790, au
Théâtre-Français comique et lyrique de la rue de Bondy,
il y obtint un succès éclatant dans Nicodème dans la lune,
pièce du Cousin-Jacques, à laquelle il attira la foule pen-
dant plus de cent représentations. Ce succès le fit appeler
aussitôt au théâtre Feydeau, rival du théâtre Favart, où il
débuta dès l'année suivante, et où il eut des succès conti-
nus. Doué d'une voix de basse sans grand caractère, il était
chanteur assez médiocre, mais dans son genre excellent
comédien, portant avec lui la gaieté et excitant irrésistible-
ment celle du public ; d'ailleurs, plein de naturel et d'ori-
ginalité. Devenu sociétaire de l'Opéra-Comique en 4804,
lors de la fusion sous ce titre des deux théâtres Favart et
Feydeau, Juliet y continua brillamment sa carrière jusqu'en
4824, époque où il prit sa retraite.
JUILLEY. Com. du dép. de la Manche, arr. d'Avran-
ches, cant. de Ducey ; 704 hab.
JUILLY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. et cant. de
Semur;403 hab.
JUILLY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
- §83
JUILLY — JUIN
Meaux, cant. de Dammartin; 1,073 hab. Stat. (à Dam-
martin) du chem. de fer du Nord. Une abbaye de chanoines
réguliers avait été fondée en ce lieu vers 1182 ; le pape
Urbain VIII la réunit en 1630 à la Congrégation de l'Ora-
toire qui y fonda l'année suivante le collège qui devait avoir
par la suite une si grande réputation sous le nom d'Aca-
démie de l'Oratoire. Cet établissement fut supprimé par la
Révolution, mais restauré depuis et il existe encore au-
jourd'hui. F. BOURNON.
BiBL.: Notice sur le collège de Juilly par un ancien élève
de cette Ao.adémie [le P. Adry] ; Paris, 1807, in-8. — Ch.
Hamel, Histoire de l'abbaye et du collège de Juilly ; Paris,
1867, in-8.
JUIN (Astron.). Nom du sixième mois de l'année pen-
dant lequel le soleil paraît décrire le signe du Cancer ou
de VEcrevisse tandis que la Terre décrit en réalité celui
du Capricorne, C'est vers le 20 juin que le Soleil atteint
sa plus grande déclinaison boréale : c'est l'époque du sol-
stice d'été (V. ce mot).
Journée du 20 Juin 1792.— La manifestation de juin
dont nous avons relaté ailleurs les causes (V. Assemblée,
t. IV, p. 213) fut le prologue de la journée du 10 août (Y. ce
mot) où périt la royauté. Elle fut organisée par Santerre,
commandant du bataillon des Enfants Trouvés, par Four-
nier l'Américain, par le fameux Legendre et autres révo-
lutionnaires qui avaient de l'influence sur les ouvriers du
faubourg Saint- Antoine. Robespierre, Petion, Manuel l'ont
sans doute inspirée.
Le 20 juin, dès onze heures du matin, Santerre se met-
tant à la tête d'un détachement d'Invalides, bientôt suivi
de Saint-IIuruge et d'une trentaine de mille hommes, se
dirigea sur les Tuileries, dans le but apparent de planter,
en commémoration du serment du jeu de Paume, un arbre
de la liberté et d'apporter en passant un hommage à l'Assem-
blée nationale ; en réalité, pour présenter, fût-ce par la
force, une adresse au roi. La garde nationale avait reçu
l'ordre de ne pas agir contre les manifestants : elle fit
mieux, elle participa en grande partie au mouvement. San-
terre et Saint-Huruge, précédés de quelques musiciens, dé-
filèrent dans la salle des séances de l'Assemblée nationale,
avec toute leur armée, et l'on remarque, dit le compte rendu
du Moniteur, que « plusieurs détachements de la garde
nationale armée sont confondus dans la foule ». A trois
heures et demie, ce défilé était terminé. La manifestation
se dirigea alors sur la rue Saint-Honoré, la suivit jusqu'à
la porte des Feuillants, força le passage et tourna par le
Carrousel où elle pénétra, malgré les grenadiers de garde
aux guichets. Les canonniers du Val-de-Grâce braquèrent
leurs pièces sur la porto du château qui fut aussitôt
ouverte. La foule encombre la cour ; une partie monte
aux appartements pendant que l'autre hurle. Le roi est
poussé dans une embrasure de fenêtre où Legendre le
harangue : « Monsieur, vous êtes fait pour nous écouter.
Vous êtes un perfide. Vous nous avez toujours trompés,
vous nous tvompez encore ; mais prenez garde, la mesure
est à son comble, le peuple est las de se voir votre jouet. »
Pendant près de trois heures, Louis XVI subit l'assaut de
la multitude. Des énergumènes, armés de piques, d'épées,
tentent de l'assassiner. Mais son calme finit par agir sur
les plus exaltés et lorsque enfin il a consenti à crier Vive
la Nation ! et à coiffer le bonnet rouge, on commence à
crier : Vive le Roi ! et on abandonne la place. Petion ha-
rangue le peuple, juché sur un fauteuil : « Citoyens, vous
venez de présenter légalement votrt vœu au représentant
héréditaire de la nation ; vous l'avez fait avec la dignité,
avec la majesté d'un peuple libre... Retirez- vous, et en
restant plus longtemps, ne donnez pas occasion d'incriminer
vos intentions respectables. » On obéit sans difficulté et
Santerre s'écrie : « Je réponds de la famille royale, qu'on
me laisse faire ! » Il place une haie de gardes nationaux
devant le roi, et à huit heures du soir le dernier manifestant
a quitté les Tuileries.
Insurrection des 5 et 6 Juin 1832. — Les obsèques
du général Lamarque (V. ce nom), le proscrit de la Res-
tauration, le député libéral de Mont-de-Marsan, Fardent
défenseur de la Pologne, donnèrent lieu, à Paris, à une
manifestation imposante, qui fut surtout organisée pour
protester contre la manifestation que le gouvernement avait
provoquée à l'occasion des obsèques de Casimir Périer.
Le 5 juin, le corps de Lamarque devait être transporté,
par les boulevards, de la Madeleine jusqu'au pont d'Aus-
terlitz : l'enterrement devait se faire à Mont-de-Marsan.
Une foule immense précédait et suivait le char, avec des
bannières, des insignes, des branches de feuillage. Jus-
qu'à la rue de la Paix, aucun incident ne se produisit. Mais
là, le duc de Fitz-James, qui se tenait au balcon d'un cercle,
ayant refusé de se découvrir, des pierres furent lancées
dans les vitres de l'immeuble et les cris séditieux com-
mencèrent à éclater : « A bas Louis-Philippe ! plus de
Bourbons! vive la République! » Agents et gardes na-
tionaux échangèrent des horions avec les manifestants.
Boulevard du Temple apparurent les élèves de FEcole poly-
technique qui, consignés dès le matin, avaientvoulu quand
même se joindre au cortège. Une acclamation formidable
les accueilht. Enfin, au pont d'Austerlitz les orateurs :
Lafayette, Clauzel, Mauguin, Saldanha, Surcognani, ve-
naient à peine de prononcer leurs discours, qu'un cavalier
parut tenant en main un drapeau rouge surmonté d'un
bonnet phrygien. Aux cris : Vive la République! poussés
par l'artillerie de la garde nationale qui abandonne le gou-
vernement, les manifestants tentent de s'emparer du corps
de Lamarque pour le mener au Panthéon. Les soldats de
l'escorte déjouent cette tentative. Dès ce moment, c'est une
insurrection qui éclate : les barricades surgissent, le peuple
occupe tout l'E. de Paris jusqu'à la place des Victoires, et
les quartiers compris entre la rue du Faubourg-Saint-Jac-
ques et le Jardin des Plantes. Mais la répression devait
être vigoureuse et ne rien présenter de ces incertitudes qui
avaient perdu Charles X. Dès les premières nouvelles de
troubles le roi était revenu de Saint-Cloud à Paris. Le ma-
réchal Lobau avait été mis à la tête de toutes les forces
militaires de Paris. Une batterie d'artillerie fut placée au
Carrousel, deux escadrons de carabiniers occupèrent la
porte Saint-Martin, quatre compagnies sous les ordres du
général Schramm s'installèrent à l'entrée de la rue de Cléry.
A six heures du soir, des dragons occupaient la place des
Victoires. A huit heures, l'insurrection était circonscrite
entre les boulevards, les quais, la Bastille et la pointe
Saint-Eustache. On se battit jusqu'à minuit. Le 6 juin,
dès quatre heures du matin, la lutte reprenait de plus belle.
Les insurgés s'étaient fortement établis dans les rues
étroites: Saint-Martin, Saint-Merry, Aubry-le-Boucher, des
Arcis. Pour occuper l'entrée du faubourg Saint-Antoine,
Schramm dut faire donner trois colonnes. A midi, Louis-
Philippe fit une démonstration personnelle qui produisit
grand effet : il parcourut à cheval la ligne des boulevards,
la place de la Bastille, le faubourg Saint-Antoine, revint
jusqu'aux quais. Mais l'église Saint-Merry tenait toujours.
On dut employer le canon pour battre en brèche les barri-
cades qui la protégeaient. Elles furent enlevées vers quatre
heures à la baïonnette, après un combat acharné et des
plus sanglants. Le gouvernement était vainqueur, mais
huit cents morts et blessés demeuraient sur le terrain. Voici
quelles furent les suites de sa victoire : un mandat d'arrêt
fut lancé contre Armand Carrel{Y, ce nom); de nom-
breuses arrestations furent opérées, des journaux de l'op-
position saisis; Paris mis en état de- siège (7 juin), mais,
la cour de cassation s'étant prononcée contre cette mesure,
elle fut rapportée et les accusés envoyés devant le jury qui
prononça 82 condamnations, dont 17 à mort, commuées en
déportation. Des ordonnances prononcèrent la dissolution
de l'Ecole polytechnique, de l'Ecole vétérinaire d'Alfort, de
l'artillerie de la garde nationale. D'autre part, les victimes
des journées de juin obtinrent des concessions de places
d'honneur dans les cimetières (ordonn. du 10 juii. 1832),
des pensions (ordonn. du 13 déc. 1833, lois du 21 avr.1833
JUIN
284
et du 20 juin i836), et un grand nombre de décorations
furent distribuées aux défenseurs de Tordre.
Journées de Juin 1848. — Cette insurrection est née
de la conception si fausse des ateliers nationaux (V. ce
mot) et de la proclamation du droit au travail. Le gouver-
nement provisoire, fort embarrassé de cette armée de
420,000 travailleurs qui ne produisaient guère de travail
effectif et dont l'entretien était très onéreux, se décida le
21 juin à prendre des mesures énergiques. Un arrêté de la
commission executive, inséré au Moniteur du 22, ordonna
purement et simplement le départ pour la province ou l'en-
rôlement militaire des ouvriers. « Le public — disait-elle
— et les ouvriers eux-mêmes verront avec plaisir que
par cette mesure on commence enfin la solution de cette
grave question. » Ce pouvait être en effet l'opinion du grand
public, mais non celle des ouvriers. Dès le 22 au soir, ils
firent une vaste manifestation qui, partie de la place de la
Bastille, parcourut les rues avec des torches. Le lendemain
23, à six heures du matin, ils se réunirent sur la place du
Panthéon. Le commissaire de police voulut dissiper ce ras-
semblement et manqua d'être tué. Des barricades surgirent
place du Panthéon à l'entrée de la rue Souiflot, rue Saint-
Etienne-du-Mont, rue Saint-Jacques ; l'insurrection gagna
bientôt tout Paris (barricades, faubourg Saint-Martin, tour
Saint-Jacques, Popincourt, porte Saint-Denis, faubourg
Poissonnière, La Villette). Le combat s'engage entre la
garde nationale et les insurgés qui s'emparent des mairies
des VIII® et IX*^ arrondissements, réduisent à l'inaction un
bataillon de ligne place des Vosges. Cavaignac, ministre de
la guerre, avait à peu près 50,000 hommes à sa disposi-
tion. Il organise trois colonnes : l'une, confiée à Lamori-
cière, est chargée de s'emparer de la porte Saint-Denis et
de marcher sur la Bastille ; la seconde, dirigée par Bedeau,
occupe l'Hôtel de Ville; la troisième, commandée par Da-
mesme, commandant de la garde mobile, doit opérer sur la
rive gauche. Une sorte de grand camp, établi entre les
quais, les Champs-Elysées, îa Concorde, l'Ecole militaire,
les Invalides, protège l'Assemblée nationale. A onze heures
la barricade de la porte Saint-Denis était enlevée, après un
combat acharné et des plus meurtriers, par la garde natio-
nale qui s'empara aussi de celle du faubourg Poissonnière.
A la même heure, Arago enlevait celle de la mairie du Pan-
théon. Le général Bedeau, parti de l'Hôtel de Ville, dut
employer le canon pour enlever la barricade du Petit-Pont
à l'entrée de la rue Saint-Jacques. Il y fut blessé ainsi que
Bixio. La rue Saint-Jacques était dégagée. Mais une forte
barricade entre la rue Saint-Jacques et la rue de La Harpe
ne put être prise qu'à trois heures. Cependant Lamoricière
arrivait difficilement jusqu'au Château-d'Eau et était forcé
de demander du renfort, car les barricades qu'il enlevait
retombaient presque aussitôt au pouvoir des insurgés. Ca-
vaignac marcha à son secours. La formidable barricade
élevée au croisement de la rue Saint-Maur et du faubourg
du Temple fut défendue avec une furieuse énergie. Le
combat cessa à la nuit : tout demeurait en suspens, les
insurgés n'avaient reculé que de quelques pas. Cavaignac
consacra toute la nuit à visiter les positions les plus im-
portantes: l'Hôtel de Ville oti il remplaça Bedeau, blessé,
par le général Duvivier, l'Ecole de médecine, etc., et à or-
ganiser un convoi pour ramener de Vincennes des munitions
qui commençaient à manquer.
Le 24, la lutte recommence dès trois heures du matin.
Tout d'abord l'insurrection s'empare de la caserne des
Minimes, pénètre dans la place Royale et menace l'Hôtel
de Ville. Cavaignac, ayant reçu de l'Assemblée les pouvoirs
les plus étendus, accorde une heure de trêve et lance des
proclamations pour sommer les insurgés de mettre bas les
armes. Ces proclamations sont portées par des représentants
du peuple aux quartiers généraux de Damesme, Duvivier et
Lamoricière. Mais elles ne produisirent aucun effet, et à onze
heures le combat était repris. Le général Duvivier, bloqué
dans l'Hôtel de Ville cherche à se dégager. Du côté du quai,
il n'obtint aucun succès malgré une^ canonnade et une fu-
sillade continues. Sur les autres faces il fut plus heureux,
s'empara des barricades Saint-Merry et Sainte-Avoye et
lança deux colonnes, l'une par la rue Saint-Martin, l'autre
parla rue du Temple qui purent opérer leur jonction avee
Lamoricière au Chàteau-d'Eau. Au faubourg- Poissonnière,
on passa toute la journée à enlever les barricades qui pro-
tégeaient la forte position du clos Saint-Lazare. Au Pan-
théon, Damesme obtenait des résultats plus décisifs : il s'em-
para vers midi de la place Maubert, et, après de nombreux
assauts et l'emploi réitéré de l'artillerie du Panthéon (midi
et demi), débarrassa les rues de la Montagne-Sainte-Gene-
viève, des Carmes, de l'Ecole-Polytechnique, etc. Il com-
mandait l'attaque des barricades de la rue de l'Estrapade,
lorsqu'il fut grièvement blessé (il mourut le 29 juiL). Il
fut remplacé par le général Bréa, qui le soir avait em-
porté la barricade de la rue Mouffetard et touchait au Jar-
din des Plantes. Cependant les gardes nationales des dépar-
tements arrivaient sans cesse au secours du gouvernement
et l'insurrection ne recevant aucun secours, on pouvait
prévoir dès le 24 que la victoire resterait au gouvernement.
Mais il dut chèrement l'acheter.
Le 25, Cavaignac lança une nouvelle proclamation aux
ouvriers : « Venez à nous, venez comme des frères repen-
tants et soumis à la loi, et les bras de la République sont
tout prêts à vous recevoir. » Comme les précédentes, elle
fut inutile. Lamoricière s'attacha à la prise du clos Saint-
Lazare. Il y réussit, gagna le faubourg du Temple, le bou-
levard des Filles-du-Calvaire, avançant pas à pas avec les
plus grandes difficultés. De son côté, Duvivier avançait avec
la même lenteur, occupait la caserne des Célestins qui était
sur le point de succomber, enlevait une à une toutes les
barricades élevées rue Saint-Antoine et arrivait presque à
la Bastille vers midi. Il fut blessé mortellement à l'une de
ces attaques. La Bastille était hérissée de formidables ou-
vrages de défenses, notamment une barricade colossale qui
barrait l'entrée du faubourg Saint-Antoine. Pendant huit
heures, l'artillerie vomit des projectiles contre cette bar-
ricade et les maisons avoisinantes sans résultats appré-
ciables. Le général Négrier, qui avait succédé à Duvivier,
était tué. On cessa le feu à huit heures du soir. Cependant,
sur la rive gauche, le général Bréa, ayant terminé de dé-
blayer la rue Mouffetard, avait remonté avec 2,000 hommes
la rue du Faubourg-Saint-Jacques, il avait obtenu sans
coup férir la reddition de la barrière Saint- Jacques, celle
de la barrière d'Enfer, celle de la barrière de la Glacière.
Mais il fut assassiné à la barrière de Fontainebleau où il
continuait son rôle de pacificateur. Vers six heures, le
colonel Thomson enlevait la barricade sans combat. A peu
près à la même heure, M»^ Afi're avait été mortellement
blessé au faubourg Saint- Antoine, dernier refuge de l'insur-
rection.
Pendant toute la nuit on essaya inutilement de négocier.
Des représentants se dévouèrent, se rendirent aux barri-
cades, courant les plus grands dangers. Ils réussirent à se
faire livrer sans combat la barricade de la place du Trône.
Mais, sur d'autres points, la lutte continuait avec un achar-
nement exaspéré. Lamoricière n'obtint la soumission du
quartier Popincourt qu'après avoir éprouvé des pertes sé-
rieuses et à une heure et demie de l'après-midi. Cavaignac
lança aussitôt cette proclamation : « Citoyens, soldats î La
cause sacrée de la République a triomphé. Votre dévouement,
votre courage inébranlable ont déjoué de coupables pro-
jets, fait justice de funestes erreurs. Au nom de la patrie,
au nom de l'humanité, soyez remerciés de vos efforts, soyez
bénis pour ce triomphe nécessaire. Ce matin encore, l'émo-
tion de la lutte était légitime, inévitable ; maintenant, soyez
aussi grands dans le calme que vous l'avez été dans le com-
bat. Dans Paris je vois des vainqueurs et des vaincus ; que
mon nom reste maudit si je consentais à y voir des vic-
times. La justice aura son cours. Qu'elle agisse ; c'est votre
pensée, c'est la mienne. » Cependant la lutte ne prit réel-
lement fin qu'à huit heures du soir, après la prise des bar-
ricades de La Villette par le général Lebreton.
En dépit des proclamations de Cavai^nac, la répression
fut atroce. Les prisonniers furent maltraités, entassés dans
des locaux trop étroits où beaucoup périrent étouffés. Une
horrible boucherie eut lieu le 26 à minuit sur la place du
Carrousel. Des 12,000 personnes arrêtées, la plupart fu-
rent emprisonnées dans les forts, examinées par des com-
missions militaires et jugées par des conseils de guerre.
Plusieurs milliers condamnées, contre tout droit, à la trans-
portation par les commissions militaires, furent entassées
sur les pontons. Les conseils de guerre appliquèrent la
peine des travaux forcés sans mesure et sans contrôle.
6,374 prisonniers avaient été relâchés. L'armée et la garde
comptaient plus de i,600 morts, Finsurrection plus de
2,000. Beaucoup de journaux furent suspendus; une loi
rétablit le cautionnement pour la presse politique. Emile de
Girardin fut arrêté. La garde nationale fut en partie dé-
sarmée. Enfin Cavaignac fut élevé à la présidence du con-
seil des ministres.
Le gouvernement adopta les veuves et les enfants de ceux
qui avaient succombé pour sa défense (24 juin 1848), or-
donna (3 juil. 1848) la célébration à Paris d'une cérémo-
nie funèbre, à laquelle assistèrent l'Assemblée nationale et
tous les corps constitués (6 juil.) et des services funèbres en
l'honneur des victimes dans toutes les communes de France.
75.000 fr. furent prévus pour cette cérémonie. Des secours
extraordinaires furent distribués aux pauvres (25 juin), aux
gardes nationaux blessés (29 juin), aux citoyens du dép.
de la Seine (10 août et 19 sept,), un crédit de 3 millions
ouvert aux associations ouvrières (5 juil.). En 1856 en-
core, on accordait 14,883 fr. 35 à titre de pension à des
blessés de juin. Mais même en additionnant tous ces chiffres
on n'obtiendrait pas la valeur approximative des pertes
causées par cette redoutable insurrection.
Nous avons négligé à dessein le récit du contre-coup des
événements sur 1 Assemblée nationale. On le trouvera au
mot Assemblée (t. IV, p. 217).
Journée du 13 Juin 1849. •— Nous avons indiqué
dans l'art. Assemblée législative (t. IV, pp. 219-220) les
causes entièrement politiques de cette insurrection et montré
comment les membres de la gauche socialiste avaient résolu
de faire appel au peuple contre les décisions de la majorité,
relatives à l'expédition de Rome. Le 12 juin au soir, qua-
rante membres de la Montagne, des délégués de la presse
et du comité des 25, se réunirent 6, rue du Hasard, et ré-
digèrent des proclamations, celle-ci entre autres. « Nous
disons au peuple de se tenir prêt à faire son devoir ; la
Montagne fera le sien jusqu'au bout, nous avons sa parole;
tous les républicains se lèveront comme un seul homme. »
Les journaux : la Vraie République^ la Révolutioîi dé-^
mocratique^ la Démocratie pacifique renchérirent encore.
On se décida pour une manifestation pacifique sur les
grands boulevards. Le 13, dès neuf heures et demie à midi,
un rassemblement immense se forma sur la place du Châ-
teau-d'Eau. Il s'organisa ensuite en colonne et marcha par
les boulevards sur le Palais-Bourbon.
Dès le 10, Changarnier avait rassemblé à Paris des
troupes venues d'Evreux, de Versailles et d'autres garni-
sons prochaines. Elles étaient massées à la barrièVe du
Trône. La Bastille, le Panthéon, le Palais-Bourbon furent
occupés. Le 13, vers une heure de l'après-midi, trois co-
lonnes, dragons, gendarmes et chasseurs à pied, furent
lancées à la'^rencontre de la manifestation et, la chargeant
à la hauteur de la rue de la Paix, la coupèrent en tron-
çons qui se rejettent affolés dans les rues adjacentes aux
boulevards. La troupe parvient sans difficultés jusqu'à la
porte Saint-Denis, après avoir enlevé des barricades sans
importance. Cependant les manifestants continuent à faire
du désordre dans les rues, pillant les armuriers, désarmant
les gardes nationaux, criant: Aux armes! vive la Constitu-
tion ! et parviennent à se réunir rue du Hasard où Ledru-
Rollin, se mettant à leur tête, marche sur le Conservatoire
des arts et métiers qui est bientôt envahi et où s'installe
une sorte de Convention. Quatre barricades sont élevées
- 285 - JUIN - JUJUBIER
pour protéger le Conservatoire. Des émissaires sont envoyés
dans tous les quartiers populeux pour recruter une armée
à la Convention. Mais rien ne bouge. Sur ces entrefaites,
une compagnie de la 6® légion s'empare sans grand'peine
de la barricade de la rue Saint-Martin, se fait soutenir par
le 62® de ligne et pénètre dans le Conservatoire vers
trois heures. Les représentants et les insurgés s'enfuient.
L'émeute était étouffée : elle n'avait pas fait beaucoup de
victimes. Il y eut des troubles à la même date en plusieurs
villes de province : à Reims, à Lille, à Dijon, à Amiens,
à Strasbourg, à Bordeaux, à Toulouse, à Perpignan, etc.,
mais ils n'eurent quelque gravité qu'à Lyon.
L'insurrection du 13 juin eut les mêmes conséquences
que les précédentes : poursuites contre des représentants et
des journalistes ; lois contre la presse et la liberté de réu-
nion ; dissolution des gardes nationales; état de siège et,
d'autre part, remerciements et pensions aux défenseurs de
l'ordre.
J U I N E. Rivière de France (V. Loiret et Seinë-et-Oise).
JUIST. Ile de la mer du Nord, province de Hanovre,
présidence d'Aurich, l'une des sept îles sablonneuses qui
bordent les côtes de la Frise orientale. Longueur, 12 kil.;
superficie, 6 kil. q.; population, 172 hab. Station de sau-
vetage pour les nauvragés .
JUJOLS. Com. du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
de Prades, cant. d'Olette ; 148 hab.
JUJUBE (Pâte de) (Pharm.). Voici la formule qui a
été adoptée par le codex de 1884 :
Jujubes incisés, privés de leurs noyaux. 500 gr.
Gomme arabique 2 . 000 —
Sucre blanc 2.000 —
Eau filtrée 3.500 —
Eau distillée de fleurs d'oranger 200 —
On fait infuser les fruits dans la quantité d'eau prescrite,
on passe avec expression et on fait fondre dans l'infusé
la gomme préalablement lavée à Peau froide. On passe
à travers une toile serrée ; on fait fondre le sucre au
bain-marie, on ajoute l'eau de fleur d'oranger et on en-
tretient le tout au bain-marie bouillant. Lorsque la con-
centration est suffisante, l'écume est enlevée et le liquide
visqueux est coulé dans des moules en fer-blanc, légè-
rement huilés ou passés au mercure. On achève l'évapo-
ration à l'étuve, en prenant soin de retourner la pâte de
temps en temps, afin d'éviter la présence des bulles d'air.
Pour obtenir une pâte transparente, il faut se servir de
gomme arabique de belle qualité et opérer l'évaporation à
une température modérée. Soubeiran supprime les jujubes,
ce qui donne une pâte de gomme transparente. Si on tient
à les conserver, comme le fait le codex, il faut préférer
l'infusé au décocté, recommandé autrefois, inciser les fruits
et les priver de leurs noyaux. En remplaçant le sucre blanc
par les sirops de mou de veau, de violettes, de thridace,
de coquelicot, d'orgeat, de guimauve, etc., on obtient les
pâtes de mou de veau, de violettes, etc. Il est bon de les
mettre au candi pour assurer leur conservation, car elles
sont toutes plus ou moins hygroscopiques. Toutes ces pâtes
sont béchiques, calmantes, adoucissantes. E. Bourgoin.
JUJUBIER. L Botanique. — (Zizyphus T.). Genre de
Rhamnacées, du groupe des Rhamnées, à périanthe penta-
mère avec ou plus rarement sans corolle. Les étamines, au
nombre de cinq, sont superposées aux pétales ; l'ovaire est
à 2-4 loges uniovulées ; le fruit est une drupe. Les Jujubiers
sont des arbres ou des arbustes répandus dans les régions
chaudes du globe. Leurs feuilles sont alternes, souvent co-
riaces, et accompagnées de deux stipules qui se modifient
en épines droites ou crochues. Les fleurs petites, souvent
jaunâtres, forment des cymes axillaires, parfois ombelli-
formes. On emploie en médecine, sous le nom de jujubes,
les fruits drupacés du Zizyphus vulgaris Lamk {Rham-
nus zizyphus L.), originaire de la Syrie, croit-on. Mûrs,
ils sont rouge sombre, ovoïdes, des dimensions d'une oUve;
le mésocarpe, pulpe sucrée et mucilagineuse, constitue la
JUJUBIER — JULES
286
seule partie active des Jujubes; le noyau est très résistant.
Le Z. lotos Desf., des côtes de Tunisie, a des fruits comes-
tibles presque sphériques. Le Z. jujuba Lamk est une
espèce indo-chinoise, assez souvent cultivée dans nos jar-
dins botaniques ; ses fruits oliviformes sont comestibles,
Fécorce est astringente. Le Z. chinensis Lamk possède
des fruits comestibles qu*on substitue souvent aux vrais
jujubes. Le Z. spina-ckristiW,, de l'Egypte et de la Pa-
lestine, a un fruit astringent employé par les Arabes comme
tonique et fébrifuge. Nous ne citerons pas les autres es-
pèces dont le fruit est généralement astringent, tonique,
dépuratif, etc. D^L. Hn.
IL Arborigultuîie. — Ce petit arbre est cultivé pour ses
fruits dans le midi de la France et en Algérie. Mais les
surfaces consacrées à sa culture sont restreintes et c'est
par pieds isolés qu'on le trouve le plus souvent dans les
jardins. Le jujubier vient dans les sols médiocres, mais il
y produit peu, et dans les bons terrains ce n'est guère que
vers trente ans qu'il donne des fruits abondants. On élève
le jujubier sur une seule tige et sa cime prend d'elle-même
une forme arrondie. La multiplication s'obtient à l'aide de
ses drageons. Hors de la région méditerranéenne le
jujubier n'est plus qu'un arbre d'ornement sans grand in-
térêt. G. B.
JUJURIEUX (Jusirlacum , Jusireiis , Juzu rieu) . Com .
du dép. de l'Ain, arr. de Nantaa, cant. de Poncin ; 2,737
hab. Il y a à Jujurieux une importante usine de moulinage
de soie. Ancienne paroisse sous le vocable de saint Etienne,
relevant de l'abbaye d'Ambronay qui y avait un prieuré.
JUJUY. Ville. — - San Salvador de Jujuy est la cap.
de l'Etat de Jujuy, située à dr. du rio Grande, à 1,240 m.
d'alt. ; 5,000 hab. C'est une ville bien bâtie avec de beaux
jardins, qu'un chemin de fer relie à Buenos Aires. Elle
fait beaucoup de commerce avec le Chili et la Bolivie aux-
quels elle vend ses bestiaux, ses bêtes de somme, son eau-
de-vie, des peaux, des fruits, du sel. — Elle fut fondée
en 1592 par Velazco.
Etat. — Etatde la République Argentine, 62,332 kil.q.;
66,000 hab. (en 1882). Situé au N.-O. de l'Argentine,
confinant au N. et à l'O. à la Bolivie, au S. et à l'E. à
l'Etat de Salta, il comprend deux parties très distinctes :
1° au N.-O. le plateau de la Puna de Jujuy qui prolonge
les hautes terres boliviennes et dont l'ait, est de 3,500 m. ;
cette région, au climat froid et sec, est presque déserte ; on
l'appelle despoblado; il y croit surtout des cactus; 2^ à
l'E. de belles vallées encaissées entre des chaînons monta-
gneux allongés du N. au S., ont un climat chaud et humide
et sont très fertiles ; les principales vallées sont celles du rio
Grande et la Quebrada de Himahuaca. — La population est
formée surtout de métis, de blancs et d'Indiens de la tribu
Calchaqui; ces derniers sont encore à peu près purs dans
les plateaux supérieurs, et beaucoup ne comprennent pas
l'espagnol. Dans la Puna, les Indiens très clairsemés élè-
vent des moutons et des lamas. Dans les vallées orien-
tales l'irrigation assure la prospérité des cultures (maïs,
blé, riz, canne à sucre, tabac, etc.). Les richesses minières
sont jusqu'à présent médiocres : un peu d'or et de sel, etc.
JULEP (Pharm.). Les potions transparentes destinées
à être prises par cuillerées à bouche prennent le nom de
julep. Les juleps sont constitués par de l'eau et des sirops.
Autrefois, chez les anciens, ils ne contenaient que de l'eau
et des mellites, notamment du miel rosat (en arabe, jelâb ;
gulj rose, àp, eau). Aujourd'hui, on ne donne guère le
nom de julep qu'aux deux préparations suivantes, qui ser-
vent de véhicules aux autres potions dans les hôpitaux de
Paris :
Julep gommeux
Gomme arabique pulvérisée 10 gr.
Sirop de gomme 30 —
Eau distillée de fleurs d'oranger 40 —
Eau filtrée.. . * 100 —
On triture la gomme avec le sirop et on y ajoute les deux
liquides. Dans les hôpitaux, où ce produit se prépare en
grande quantité chaque matin, on emploie la gomme en-
tière ; on la dissout dans l'eau froide, on passe, on ajoute
le sirop, puis l'eau aromatique.
Julep calmant
Sirop d'opium 10 gr.
Eau distillée de fleurs d'oranger. ... 20 —
Eau distillée de tilleul 120 —
Mélangez. — Les deux préparations qui précèdent ne dif-
fèrent pas en réalité des potions ordinaires, dans lesquelles
il n'entre pas de matières émulsives. E. Bourgoin.
JULES l«r (Saint), 36^ pape, élu le 6 févr. 337, mort
le 12 avr. 352. Fête le 12 avr. Il accueiUit avec bienveil-
lance Athanase qui s'était réfugié auprès de lui, vers 340.
A la fin de l'année suivante, un concile tenu à Rome, dé-
clara mal fondées les accusations portées contre cet évêque
et contre Marcel d'Ancyre. Aussitôt après, Jules adressa
aux éyèques d'Orient une lettre dans laquelle il défendait
énergiquement la légitimité de cette procédure et la valeur
de la sentence prononcée. Ce jugement fut confirmé par le
concile de Sardique (343) lequel décida, en outre, sur la
proposition de Hosius, afin d'honorer la mémoire du bien-
heureux apôtre Pierre et l'évêque Jules, qu'un évêque con-
damné et déposé par les évêques de sa province pourrait
faire appel à l'évêque de Rome. Si celui-ci estimait qu'il y
avait lieu de recevoir cet appel, il commettrait les évêques
d'une province voisine pour procéder à un nouvel examen
de la cause et rendre un jugement définitif; dans cette
instance, il pourrait déléguer des prêtres a suo latere
pour surveiller la procédure, et même adjoindre aux juges
des assesseurs désignés par lui. Lorsque Athanase fut au-
torisé à rentrer à Alexandrie, Jules écrivit aux Alexan-
drins pour les féliciter de leur fidélité et du retour de leur
évêque. E.-H. Vollet.
JULES II [Giuliano délia i^ou^r^),223® pape, élu le
1«^ nov. 1503, mort le 20 févr. 1513. R était né au bourg
d'Mbizale, près de Vérone, en une année diversement dé-
signée (1441 ou 1443), fils d'un frère de Sixte IV, de
pauvre famille de pêcheurs, suivant plusieurs historiens,
ou, suivant quelques autres, de l'illustre maison délia
Rover e. Il semble que cette dernière famille reconnut la
parenté, après l'élévation de Sixte IV. Son oncle le fit suc-
cessivement évêque de Carpentras, cardinal-prêtre au titre
de Saint-Pierre-aux-Liens, archevêque d'Avignon (1475)
et cardinal-évêque d'Ostie. En 1480, il fut envoyé comme
légat en France, où il demeura pendant quatre années. Son
influence ne paraît point avoir diminué sous Innocent VIII,
mais elle le mit en conflit avec Roderic Borgia. Lorsque
celui-ci devint le pape Alexandre VI, Julien se retira à
Ostie, et quelques mois après en France, oii il excita
Charles VIII à entreprendre la conquête du royaume de
Naples. Il l'accompagna dans son expédition et travailla à
la convocation d'un concile pour juger et déposer Alexandre.
A la mort de ce pape, il soutint la candidature d'Antoine
Todeschini (Pie III), pour écarter celle du cardinal d'Am-
boise, qu'il avait pourtant incitée précédemment. Pie III
était atteint d'une maladie incurable, dont il mourut
quelques mois après (15 oct. 1503). Julien fut élu pour le
remplacer et prit le nom de Jules, comme hommage à Jules
César dont il admirait le génie. Ses adversaires prétendi-
rent qu'il devait sa nomination à des moyens audacieuse-
ment simoniaques et à la faveur de César Borgia, à qui il
avait fait les plus séduisantes promesses. On dit même
qu'il avait réussi à lui persuader qu'il était son propre
père, ayant été l'amant de Vanozza en même temps que
Alexandre. D'où la haine de son rival. Pour faire face à
ces accusations ou pour mettre un frein à l'ambition des
autres, la sienne étant satisfaite, il publia une bulle
(14 janv. 1505) déclarant nulle toute élection obtenue par
simonie et ordonnant, dans ce cas, de poursuivre l'élu
comme hérétique et d'employer contre lui le bras séculier.
Dès son avènement, Jules se proposa de faire apparaître
- 287
JULES
magnifiquement la souveraineté spirituelle de Rome, en la
dotant du plus grand et du plus beau temple de la chré-
tienté. Il en confia la construction à Bramante, et la pre-
mière pierre de la nouvelle basilique de Saint-Pierre fut
solennellement posée le 48avr. 1506. Cependant les deux
pensées inspiratrices de ce règne furent la restauration de
la puissance temporelle du saint-siège et la conquête du
titre de libérateur de Tltalie. Jules en poursuivit la réali-
sation avec une habileté, une énergie, une vaillance et une
persévérance merveilleuses, mais aussi avec une audacieuse
impudence dans l'emploi des moyens, et un complet mépris
Jules II, médaille de Caradosso.
des réserves que le sacerdoce chrétien impose à ceux qui
en sont investis. Moins de deux mois après son couronne-
ment, il publiait une bulle déclarant que son devoir était
de reprendre, même par les armes, les domaines enlevés à
FEglise (Bjanv. 1504). En même temps, il traquait César
Borgia, à qui il devait son élection ; celui-ci dut s'en-
fermer dans le château Saint- Ange et acheter sa liberté en
rendant les forteresses qu'il occupait. En 1506, les Ba-
glioni furent chassés de Pérouse, et les Bentivoglio de
Bologne. Les Vénitiens tenaient Ravenne depuis près d'un
demi-siècle, Rimini, Faenza et d'autres villes, qu'ils avaient
prises après la chute de César Borgia, et ils se montraient
insensibles aux remontrances et aux menaces. Jules conclut
avec Louis XII, roi de France, l'empereur Maximilien,
Ferdinand d'Aragon et d'autres (1508) la ligue de Cam-
brai^ déjà préparée à Blois en 1504. Aux armes tempo-
relles, il ajouta les foudres de l'Eglise et lança contre ses
adversaires Texcommunication et l'interdit. Les Vénitiens
appelèrent au futur concile, mais, attaqués de toutes parts,
ils furent bientôt réduits à se soumettre à toutes les condi-
tions du pape. Il leur accorda l'absolution (24 févr. 1510)
et se fit leur allié contre son premier allié, Louis XII, dont
les conquêtes Talarmaient.
Pour justifier cette rupture, Jules prit prétexte du refus
que le roi faisait de rendre quelques villes sur lesquelles
le saint-siège prétendait avoir des droits. Il obtint d'abord
l'aUiance des Suisses, que Louis XII s'était aliénés en leur
refusant insolemment une augmentation de subsides, puis
celle de Ferdinand, à qui il donna l'investiture du royaume
de Naples. Un concile national, assemblé à Orléans, puis à.
Tours, aff'ranchit le royaume de l'obédience de Jules et
accorda des subsides au roi (sept. 1540). On y convint
avec l'évoque Matthieu Lang, représentant de Lempereur,
d'indiquer la convocation d'un concile général à Pise. Cette
convocation ne fut formellement décrétée que l'année sui-
vante par une assemblée générale du clergé de France.
L'ouverture se fit le 1^^ sept. 1511. Il s'y trouvait quatre
cardinaux chargés des procurations de trois autres, quinze
éyêques, quelques abbés français, les députés des univer-
sités de Toulouse et de Poitiers et quelques docteurs de
Paris. Le pape ayant mis l'interdit sur Pise, le peuple
s'insurgea et força le concile, après la III^ session, à se
retirera Milan. Il y tint sa IV® session, le 4 janv. 1512.
Les prélats étaient plus nombreux qu'à Pise, mais il ne
vint aucun Allemand. Le 19 avr., on publia une troisième
et dernière citation au pape Jules de comparaître ; le 21 ,
il fut déclaré suspens pour contumace. Bientôt après, les
Français, abandonnés par l'empereur, évacuèrent Milan;
les prélats les suivirent et se rendirent à Lyon, où ils
prétendirent continuer le concile, mais ce fut sans succès.
Le roi approuva leurs décisions par lettres patentes, et le
pape mit le royaume en interdit, — Menacé et condamné
par un concile schismatique, Jules avait trouvé expédient
de le faire excommunier par un autre concile ; après huit
années d'oubli ou de parjure, il s'était rappelé qu'au jour
de son élection il avait promis par serment de convoquer
un concile général. Cette assemblée, que les canonistes
ultramontains appellent le F* concile général de Latran,
se réunit le 3 mai 1512. On y comptait alors quinze car-
dinaux, les patriarches latins d'Alexandrie et d'Antioche,
dix archevêques, cinquante-six évêques, quelques abbés et
généraux d'ordre, les ambassadeurs du roi Ferdinand, de
Venise et de Florence. Dans la IIP session (3 déc. 1512),
Matthieu Lang, qui avait représenté Maximilien au concile
de Tours, vint lire un acte par lequel cet empereur répu-
diait tout ce qui s'était fait à Tours et à Pise. Dans la
IV® session (10 déc), l'avocat du concile demanda la révo-
cation de la pragmatique sanction de Bourges; le 16 févr.
1513, une nouvelle monition fut décernée contre l'Eglise
de France pour répondre de sa conduite à ce sujet.
Cependant, suivant un mot qu'on lui attribue et qu'il
n'a peut-être point prononcé, mais qui le caractérise bien,
Jules préférait l'épée de saint Paul aux clefs de saint
Pierre, qui n'ouvrent point les forteresses. Tandis que les
théologiens discutaient, il combattait, cuirassé et armé de
pied en cap, pointant les canons et stimulant les assauts,
étonnant les capitaines par son habileté et les soldats par
son audace, souvent vaincu, jamais abattu. A la sainte
ligue qu'il avait formée avec les Vénitiens, les Suisses et
le roi Ferdinand, il parvint à rallier Henri VIII d'Angleterre
et, enfin, l'empereur Maximilien. Les Français, chassés de
l'Italie, furent réduits à défendre péniblement leur propre
pays, assailli sur toutes ses frontières. Dans le partage des
conquêtes, le pape s'adjugea Parme et Plaisance, détachées
du Milanais. Les Etats de l'EgHse étaient reconquis et
agrandis, mais l'Italie n'était point délivrée de ceux que
Jules appelait des barbares; il mourut, regrettant de n'avoir
point encore vingt ans de vie pour achever son œuvre. —
Ses ennemis lui reprochaient le défaut et le mépris des
vertus que doit posséder un prêtre et particulièrement un
pape, la dupHcité, la violence, une haine cruelle, l'amour
des armes, un goût immodéré pour le vin, la passion des
femmes et même une autre passion. Il est avéré qu'il avait
une fille, qu'il maria à Jean Jourdain des Ursins. Néan-
moins, Guicharchin semble avoir bien jugé ce règne, en di-
sant que Jules mériterait une gloire immortelle s'il avait
porté une autre couronne que la tiare. Sa famille, sa fille
même, ne purent obtenir de lui aucune faveur préjudiciable
à la bonne administration de l'Etat. Mais il se montra le
protecteur généreux et intelligent des lettres et des arts ;
il donna à la ville de Rome un aspect nouveau et magni-
fique, et l'histoire associe son nom aux travaux de Bra-
mante, de Michel-Ange et de Raphaël, E.-H. Vollet.
iiiBL.: J.-B. DuBOs, Histoire de la ligue de Cambrai;
Paris, 1709, 2 vol. in-12. — Dumesnil, Histoire de Jules II ;
Paris, 1873, in-8. — Brosch, Papst Jidius II; Gotha, 1878,
in-8.
JULES 11! (Gian-Maria Giochi, dît del Monte), 228^
pape, élu le 8 févr. 1550, mort le 22 mars 1555. Il était
né à Rome en 1487. Sa famille, de basse condition, devait
son élévation à Jules II. Il fut nommé archevêque de Siponte,
en remplacement de son oncle, sous Jules II, gouverneur
de Rome sous Clément VII, créé cardinal-prêtre au titre de
Saint-Vital, puis cardinal-évêque de Prœneste, par Paul III.
A la mort de ce pape, il fut élu sur la recommandation de
l'empereur Charles V et de Cosme de Médicis, contraire-
ment à l'attente générale. 11 avait été un des présidents du
concile de Trente, pendant sa translation à Bologne. Dans
le conclave, il s'engagea à réunir de nouveau le concile gé-
néral à Trente. Cette convocation fut faite par bulle du
14 déc. 1550, pour le printemps suivant; et la reprise
des travaux fut effectuée le 1®' mai 1551, sous la pré-
JULES — JULÏA
-- 288
sidence du cardinal-légat, à qui le pape adjoignit deux
évêques, à cause des plaintes et des soupçons résultant de
ce que dans les précédentes sessions les trois présidents
étaient des cardinaux. Jules s'était uni à Charles V contre
Octave de Farnèse et Henri II, roi de France. Ceux-ci
s'allièrent aux luthériens d'Allemagne. Lorsque Maurice de
Saxe eut pris Augsbourg, le pape tira prétexte du danger
auquel il prétendait que le concile était exposé, pour le
suspendre, malgré les protestations des prélats espagnols
(28 avr. 4552). En réalité, ce qui Talarmait, c'était l'at-
titude de ces prélats réclamant la collation des bénéfices et,
par suite, la restriction des privilèges de la cour de Rome.
Profitant des embarras de l'empereur, il fit la paix avec
ses voisins; puis, se désintéressant des affaires de l'Eglise
et des affaires de l'Etat, il passa les deux dernières années
de sa vie dans une villa près des portes de Rome. Il y vi-
vait dans un mépris complet de ce que les profanes ap-
pellent décence, et faisait ses délices de la compagnie d'un
jeune homme nommé Innocent, pour lequel il s'était épris
d'affection étrange. Créé cardinal dès l'âge de dix-sept ans,
ce garçon était devenu le canal des grâces dont le pape
pouvait disposer. Jules III fut aussi un ardent ami des jé-
suites ; il accorda à leur ordre une nouvelle confirmation
et favorisa, par l'octroi de hauts privilèges, la fondation
de leur Collège romain et de leur Collège germanique.
E.-H. VOLLET.
JULES l'Africain (V. Julius Africanus).
JULG (Bernhard), orientaliste allemand, né à Ringel-
bach (Bade) le 20 août 4825, mort à Innsbruck le 14 août
4886. Il professa la philologie classique à Lemberg (4851),
à Cracovie (1858) et à Innsbruck (4863). Il a fait d'ex-
cellents travaux de philologie et de mythologie comparée
des peuples asiatiques. Il a réédité l'ouvrage de Vater, Litte-
raturdei grammatiken^ Lexikaurid W œr ter bûcher al-
ler Sprachen der Erde (Berlin, 1847) ; Die Mœrchen des
Siddhi-Kûr (texte kalmouk av. trad. et lexique; Leipzig,
4866); Mongolische Mœrchensammlung (av. trad.,
Innsbruck, 1868); Die griechische Heldensage im Wir-
derschein bei denMongolen (Leipzig, 1869) ; On the Pré-
sent State ofMongoiian researches (Londres, 1882), etc.
JULIA (Ile) (V. Ferdinandea).
JULIA (Gens). Une des principales ^^/z^^s de Rome.
Les Juin étaient patriciens et originaires d'Albe d'où ils
auraient été transférés à Rome après la destruction de leur
cité. On les rencontre aussi à Bovillae où Tibère dédia une
chapelle en leur nom. Lorsqu'on remania ou fabriqua les
légendes sur les origines romaines afin de les accommoder
à la mythologie grecque, on donna aux Julia une généa-
logie divine identifiant Iule, leur ancêtre mythique, à Asca-
nius, fils d'Enée, donc petit-fils d'Anchise et de Vénus
Aphrodite. César fit souvent allusion à l'origine divine de
sa race, et lorsque celle-ci occupa l'Empire, les écrivains
amplifièrent à l'envi la version ofiicielle ; elle forme, en par-
ticulier, le sujet de V Enéide. On mêla un Proculus Julius
à la légende de la disparition de Romulus ; c'est lui qui
aurait annoncé au peuple que le roi lui était apparu pour
inviter les Romains à lui rendre les honneurs divins sous le
nom de Quirinus.
Les membres connus de la gens Julia se rangent sous
quatre noms de famille : Cœsar^ Julus, Libo et Mento,
— Toutefois, il n'est pas prouvé que la famille Libo fût pa-
tricienne. Son personnage principal est Lucius Julius
Libo, consul en 267 av. J.-C, qui combattit les Sallen-
tins en Apulie avec son collègue M. Atilius Regulus; ils
obtinrent le triomphe. — Il n'y a aussi qu'un Mento qui
vaille d'être nommé, Caius Julius Mento, consul en 431,
qui fut battu par les Volsques et dédia un temple à Apol-
lon. — Les deux autres familles de la gens Julia sont plus
importantes. Celle des Iules joua un rôle aux v® etiv® siècles
av. J.-C. ; celle des Césars à la fin de la République.
La première comprend Caius Julius L. F. Julus, con-
sul en 489; Caius C. F., fils du précédent, consul en 482,
du parti populaire ; il fut ensuite décemvir la première an-
née (451) et l'un des négociateurs envoyés aux plébéiens
retirés sur le mont Aventm ; — Vopiscus, fils et frère des
précédents, consul en 473 ; — Caius C, F. C. iV., fils du
second Caius, consul en 447 et 435 et peut-être en 434
(d'après Licinius Macer) ; — Lucius, fils de Vopiscus, tri-
bun consulaire en 438, maître de la cavalerie en 431 ,
consul en 430, fit voter une loi remplaçant les amendes en
nature (bétail) par des amendes en argent ; — Sextus,
tribun consulaire en 424; — Caius L. F., fils de l'avant-
dernier, tribun consulaire en 408 et 405, où il commença
le siège de Veies, censeur en 393 ; — Lucius, frère du pré-
cédent, tribun consulaire en 401 et 397, vainqueur des
Tarquiniens ; — un autre Lucius, tribun consulaire en
403 ; un autre, en 388 et 379 ; — Caius, dictateur en 352.
L'origine du surnom de Csesar est inconnue : Spartien
{Vie d'^lius Verus, chap. ii) indique quatre hypothèses :
1® ce serait un mot maure signifiant « éléphant », surnom
donné à un JuHus qui aurait tué un de ces animaux ; 2° ce
surnom lui viendrait de ce que sa mère aurait subi l'opéra-
tion césarienne à sa naissance ; 3° de sa chevelure abondante
(cœsaries); 4<* de la nuance azurée de ses yeux (cœsii),
— On ignore également à quelle époque vécut le pre-
mier Jules appelé César. On trouvera dans l'ouvrage de
Drumann (Gesch. Roms, t. III, pp. 113 et suiv.) la
biographie de tous les membres de la famille. Le premier
qui nous soit connu est Sextus Julius Cœsar, préteur
en 208, gouverneur de Sicile. Il eut pour fils Lucius; de
celui-ci naquirent : 1° Lucius, préteur en 183, gouverneur
de la Gaule Cisalpine ; 2« Sextus, tribun militaire en 181.
La première lignée disparait avec un second Lucius, pro-
bablement fils du premier, préteur en 466. La seconde fut
continuée par Sextus, fils de Sextus, édile curule en 465,
consul en 457. Il eut pour fils : Sextus, préteur en 423,
et Lucius, père de Lwdws et de Cams Julius Csesar Strabo
Vopiscus qui fondèrent la gloire de la famille. Ils sont
l'objet d'articles spéciaux (V. C^sar). Lucius eut un fils,
Lucius, consul en 64, du parti des nobles, légat de Jules
César en Gaule (52) ; après la mort du dictateur, il resta
dans la retraite, puis se rallia au parti aristocratique et
fut mis le second sur la liste de proscription ; sa sœur Julia
le sauva. Cette Julia, fut femme de Marcus Antonius Creti-
cus, remariée après sa mort avec P. Lentulus Sura, complice
de Catilina. De sa première union naquirent trois fils, dont
le célèbre triumvir. Elle travailla à réconcilier son fils avec
Octave. — Lucius, fils du précédent Lucius, prit le parti
de Pompée en 49 ; il fut chargé par lui à deux reprises de
portera César ses propositions de paix. Envoyé en Afrique,
il persuada à Utique de capituler (46), et obtint son par-
don, mais fut assassiné peu après.
On ignore la parenté précise qui existe entre les per-
sonnages dont nous venons de parler et dont la descen-
dance disparaît, avec une autre branche qui les éclipsa. Le
chef de celle-ci fut un Caius, peut-être fils du premier
Sextus; il épousa Marcia qui prétendait descendre du roi
Ancus Marcius; c'est peut-être lui qui écrivit vers 443 une
liistoire romaine en langue grecque. — Son fils aîné Caius
fut préteur et mourut subitement à Pise en 84 ; c'est lui
qui fut le père du dictateur ; un fils plus jeune, Sextus, fut
consul en 91 ; leur sœur Juha épousa le fameux C. Marins
et fut mère de C. Marins le Jeune ; elle mourut en 68 et
son neveu Jules César prononça son oraison funèbre. La
descendance de ce Sextus s'éteignit avec son petit-fils Sextus,
partisan du grand César, qui fut assassiné en Syrie par
ses soldats révoltés (46). — Les enfants de Caius furent
Caius Julius Caesar, le dictateur, et deux filles du nom de
Julia; la première épousa L. Pinarius et Q. Pedius; la
seconde épousa Atius Balbus et devint mère d'Atia, la mère
d'Auguste ; elle mourut vers 52, et son petit-fils alors dans
sa douzième année prononça son oraison funèbre. Pour
compléter la nomenclature de la famille du grand César, .
nous rappellerons ses quatre femmes successives, Cossutia,
Cornéha, Pompeia et Calpurnia ; de la seconde naquit Julia
(83 ou 82), fiancée à Servilius Cœpio, mais mariée à
~ 289 -
JULÏA - muM
Pompée (59). Fort jolie et séduisante, elle eut pour son
mari un vif attachement. Lors des élections édilitaires
de 25, elle était enceinte; au cours d'une rixe la toge de
Pompée fut ensanglantée; quand on la rapporta, Julia
effrayée accoucha prématurément; elle mourut en couches
l'année suivante. Elle fut enterrée au Champ de Mars et
sa mort rompit un des plus forts liens entre son père et
son époux. — Caius Julius Ccesaraété l'objet d'un article
spécial (V. César), de même que son fils Cœsarion (V. ce
mot).
La gens Julia devenant famille impériale se confond avec
la famille d'Auguste. Celui-ci avait pour sœur aînée Octavie
(V. ce nom), femme d'Antoine. Il épousa successivement
Clodia, fille de Clodius et Fulvia, Scribonia et Livia Dru-
silla. Il n'eut qu'un enfant, de sa seconde femme ; mais il
adopta le fils de sa sœur Octavie, M. Marcellus^-^m ceux
de Livie, Tiberius Nero (Tibère) et Nero Claudius Dru-
sus (V. ce nom). Julie, fille unique d'Auguste et de Scribo-
nia, née en 39 av. J.-C, morte en 14 ap. J.-C, n'avait
que quelques jours lorsque ses parents divorcèrent. Elle re-
çut une éducation simple et austère, minutieusement sur-
veillée par son père. En 25, elle fut mariée à son cousin
Marcellus, héritier présomptif de l'Empire. Elle n'en eut
pas d'enfants et, devenue veuve en 23, elle fut mariée à
M. Vipsanius Agrippa (V. ce nom) dont elle eut cinq
enfants : Caius Caesar, Lucius Caesar, Julie, Agrippine,
Agrippa Posthume. Une seconde fois veuve en 12, il fut
question de la marier au chevalier M. Proculeius, à un
fils d'Antoine, à Cotiso, roi des Gètes ; finalement on l'unit
à Tibère. Cette union fut malheureuse ; après la mort du
fils qui en était né, la légèreté de conduite de Julie con-
tribua à décider son mari à un exil volontaire (6 av. J.-C).
La fille d'Auguste finit par exaspérer son père, par ses
orgies publiques et peut-être même un complot contre lui ;
l'empereur, d'ailleurs, aigri par Livie, révéla en plein Sénat
la honte de Julie, fit tuer ou exila ses complices et bannit
la coupable dans l'île de Pandalaria ; sa mère vint l'y
joindre ; mais elle fut durement traitée, en prisonnière de
droit commun ; cinq ans plus tard, on la transféra à Rhe-
gium et les rigueurs furent atténuées. Néanmoins Auguste
exclut ses cendres de son mausolée et ne lui laissa aucun
legs dans son testament. Tibère aggrava sa situation et
elle mourut peu après. C'était une personne fort jolie, à en
juger par les médailles, et spirituelle; Macrobe a conservé
plusieurs de ses bons mots (sat. VI, 5). — Les cinq en-
fants de Julie représentent la descendance directe d'Au-
guste. Les deux fils aînés moururent jeunes. Caius Cœsar,
né en 20 av. J.-C, mourut en 4 ap. J.-C; son frère
Lucius Cœsar, né en 47 av. J.-C, mourut en 2 ap. J.-C.
Ces deux princes, soigneusement élevés par leur grand-
père, furent gâtés dès l'enfance par les grandeurs, se mon-
trant arrogants et vaniteux ; ils furent nommés princes de
lajeunesseet consuls avant l'adolescence. Caius, envoyé en
Asie l'an I av. J.-C, occupa l'Arménie, fut blessé devant
Artagera et mourut à Limyra (Lycie) le 21 févr. 4; son
cadet l'avait précédé dans la tombe de dix-huit mois (à
Marseille, le 20 août 2). On attribua naturellement ces dé-
cès prématurés à leur belle-mère. Caius avait épousé Livie
ou Livilla, fille d'Antonia et du premier Drusus, sœur de
Germanicus ; Lucius était fiancé à ^milia Lepida. — La
seconde Julie, fille de la première, épousa L. Jilmilius
Paullus ; elle hérita des vices et des infortunes de sa mère ;
son adultère avec D. Silanus la fit bannir dans l'île de
Tremere sur la côte d'Apulie (9 ap. J.-C) ; l'enfant né de
ce commerce fut exposé comme bâtard ; elle mourut au
lieu de son exil en 28. On suppose que c'est elle qu'Ovide
célèbre sous le nom de Corinne. Elle avait eu un fils,
M. iEmiUus Lepidus, et une fille, JEmiHa Lepida, laquelle
épousa Ap. Junius Silanus et en eut trois enfants, L. Sila-
nus, M. Silanus et Junia Calvina, puis se remaria avec
Drusus, fils de Germanicus. — La seconde fille de la pre-
mière Juhe fut Agrippine (V. ce mot), la vertueuse épouse
de Germanicus dont elle eut six enfants : Nero, marié à
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
Julie, fille de Drusus, le fils de Tibère ; Drusus, marié à
iîlmilia Lepida; Caligula qui fut empereur; la seconde
Agrippine, mère de Néron; Drusilla, mariée à L. Cassius,
puis à M. ^milius Lepidus; Livia ou Livilla, mariée à
M. Vicenius, puis à Quintilius Varus. — Le dernier fils de
Julie fut Agrippa Posthume, né en 12 av. J.-C, adopté
par Auguste, en même temps que Tibère (4 ap. J.-C.) ;
d*un caractère intraitable et sauvage jusqu'à la folie, il fut
banni par son grand-père dans l'île de Planasia, sur la côte
de la Corse, assassiné aussitôt après l'avènement de Tibère,
probablement par ordre de Livie.
Les descendants d'Octavie, sœur d'Auguste, forment un
second groupe qui fusionna avec le premier. Elle avait eu
(avant son fils M. Marcellus), de son premier mariage avec
Antoine, deux filles appelées Antonia; l'aînée naquit en
39, épousa L. Domitius Ahenobarbus et en eut un fils. Cn.
Domitius, lequel se maria à Agrippine, fille de Germanicus
et en eut l'empereur Néron ; la seconde, née en 36, épousa
Drusus, frère de Tibère, et en eut trois enfants : Germa-
nicus (mari de la première Agrippine dont nous avons déjà
nommé les six enfants), Livia ou Livilla et l'empereur
Claude.
La famille de Jules César, continuée en descendance
féminine et par des adoptions successives, fusionnée avec
la gens Claudia s'éteignit à la mort de l'empereur Né-
ron (68).
A l'époque impériale on trouve une quantité de per-
sonnes du nom de Julius parfaitement étrangères à la gens
Julia. C'étaient soit des affranchis de celle-ci ou de la fa-
mille impériale, soit des gens qui prenaient son nom par
vanité ou par adulation. Voici la liste des Julius étrangers
à la gens et dont on trouvera la biographie à leur nom
lorsqu'elle le mérite : Africanus, Agricola, Aquila, Ate-
rianus, Ausonius, Bassus, Briganticus, Burdo, Calenus,
Calidus, CalHstus, Calvaster, Canus, Capitolinus, Carus,
Celsus, Cerealis, Civilis, Classicus, Claudius, Cottius, Cris-
pus, Densus, Diodes, Exsuperantius, Ferox, Firmicus, Flo-
rus, Frontinus, Fronto, Gabinianus, Gallienus, Graecinus,
Granianus, Gratus, Hyginus, Leonides, Marathus, Marlia-
lis, Maximinus, Modestus, Montanus, Naso, Obsequens,
Paris, Paullus, Pelignus, Philippus, Placidus, PoUux, Po-
lyaenus, Postumus, Priscus, Romanus, Rufinianus, Rufus,
Sabinus, Sacrovir, Secundus, Servianus, Severianus, Se-
verus, Solinus, Selon, Speratus, Titianus, Tutor, Vale-
rianus, Vestinus, Victor, Vindex. A.-M. B.
BiBL. : Drumann, Gesch. Roms, t. III, pp. 114 et suiv. —
Klausen, /Eneas und die Penaten^ t. II, pp. 1059 et suiv.
— V. aussi les art. Auguste et César.
JULI^ (Leges). Sous cette dénomination,'^on peut faire
figurer toutes les lois proposées par un magistrat appar-
tenant à la famille des Julii, Les plus importantes sans
contredit sont celles qui furent votées sur l'initiative de
Jules César {leges Juliœ Cœsaris) et celles votées plus
tard sur la proposition d'Auguste (leges Juliœ Augusti).
On en trouve cependant qui sont antérieures à cette époque ;
telle la loi Julia (an 90 av. J.-C), qui donne aux sociiet
aux latini la qualité de citoyens romains. Les leges Juliœ
de César forment un vaste ensemble de mesures législatives
destinées à établir les bases du nouvel ordre de choses
fondé par César sur les ruines du régime aristocratique.
Comme l'avaient déjà fait avant lui Sylla et Pompée, aux-
quels on doit une série de dispositions légales (leges Cor-
neliœ, Pompeiœ) visant le même but, César tenta de
consolider par des lois nombreuses son nouvel établisse-
ment politique. Ces lois, qui touchent à toutes les matières,
peuvent se répartir en trois groupes principaux. Dans cha-
cun de ces groupes, nous ne citerons que les dispositions
les plus importantes. Les ouvrages qui traitent de la légis-
lation romaine, envisagée dans son développement histo-
rique, donnent, sous la rubrique lex Julia ou leges
Juliœ, une complète énumération de ces lois. Quelques-
unes sont de date incertaine, et on ignore si on doit les
attribuer'^a César ou à Auguste. — Dans le droit politique
i9
JUL1.E — JULIEN - 290
et public, citons la loi agraire, lex Julia Campana (59 av.
J.-C), relative au partage des terres de Campanie ; la loi
sur les dettes, de mutuis pecuniis (an 49 av. J.-G.) ;
des tabulœ novœ, et, de la même année, la loi de modo
credendi^ possidendique intra Italiam ; unejoi somp-
tuaire de l'an 46, enfin la célèbre lex Julia municipalis
(an 45 ou 46), donnant une organisation municipale iden-
tique à toutes les villes d'Italie. — Dans le domaine ànjus
privatum, on n'a guère à signaler qu'une lex Julia
judiciorum relative à la confection des listes de judices.
Les autres leges judiciariœ paraissent plutôt être du temps
d'Auguste. — fiien plus nombreuses sont les lois ayant
trait au droit criminel. Citons une lex repetundarum^ une
lex de vi^ une lex de majestate, peculatus et de sacri-
legis. — Auguste devait reprendre et pousser encore plus
loin l'œuvre inaugurée par César. Mais son activité législa-
tive fut plus particulièrement consacrée à des réformes de
droit privé. En matière politique, on ne peut guère citer
qu'une loi somptuaire. Dans le jus privatum^ on doit
signaler en première ligne toutes les lois destinées à res-
taurer les anciennes mœurs en favorisant les mariages
légitimes et en encourageant la paternité. Tel fut le but de
la célèbre lex Julia de maritandis ordinibus, votée non
sans une vive résistance (an 4 ap. J.-C), et qui, com-
plétée plus tard par la loi Papia Poppœa, forme avec
elle le groupe connu sous le nom de lois caducaires(V. Ca-
ducum). Comme complément de ces lois, on doit men-
tionner la lex Julia vicesimaria ou de vicesima here-
ditalium. Viennent ensuite deux autres lois de droit
privé qui sont des chapitres détachés de lois de droit cri-
minel : la lex Julia relative à l'usucapion des immeubles
occupés par violence, dépendance de la loi Julia de vi^ et
la loi Julia de fundo dotali se rattachant à la loi Julia
de adulteriis et établissant l'inaliénabilité du fonds dotal.
A signaler aussi la loi Julia rapprochée par les sources de
la loi Titia, donnant aux magistrats la datio tuions.
Enfin peuvent figurer dans les lois ayant trait au jus pri-
vatum les importantes leges judiciariœ (publicorum et
privatorum judiciorum) réglant la confection des listes
de juges et qui, d'autre part, complétant la lex JEbutia,
firent de la procédure formulaire la procédure de droit
commun en matière civile, reléguant au second plan la
procédure de la legis actio. Il faut y joindre la lex Julia
de cessione bonorum sur la cession de biens. Dans le
droit criminel, on mentionnera une lex ambitus^ la loi de
vi publicata et privata, la loi Julia de adulteriis et de
pudicitia. De toutes ces leges Juliœ^ il n'est parvenu
jusqu'à nous que des fragments assez importants de la loi
Julia municipalis (table d'Héraclée) et de minimes débris
des lois Julia de w, de adulteriis, de maritandis ordi-
nibus, conservés dans les écrits des jurisconsultes. G. M.
BiBL. : RuDORFF, Rcemisc/ie Rechtsgesohichte ; Leipzig,
1857, t. 1, § 9, pp. 23-24. — Kuntze, Cursus des rœmischen
Rechts ; Leipzig, 1879, § 299. — Excurse uber rœmisches
Rechts ; Leipzig, 1888, pp. 219, 220, 221, 222 et passim. —
MoMMSEN et Marquardt, Manuel des antiquités ro-
maines. — Krueger, Histoire des sources du droit ro-
main (trad. Brissaud) ; Paris, 1891, passim, au mot Lex
Julia. — Bruns, Fouies iuris romani antiqui; Leipzig,
1893, noB 18, 20, 21, 23.
JULIAN, ILLAN ou JULIEN, comte visigoth et gouver-
neur de Ceuta. Il livra l'Espagne aux Arabes pour se ven-
ger, dit-on, du viol de sa fille, la Cava, déshonorée par le
roi Rodérik ou Rodrigo. Non content de pousser Mousa à
envahir la péninsule, il lui fournit encore des vaisseaux,
lui ouvrit ses villes et conclut un traité avantageux avec
les infidèles. Le comte Julian suivit Tarik en Espagne et
combattit à Jerez (711). C'est lui qui conseilla au chef
berbère de marcher sur Tolède, au lendemain de la vic-
toire, et qui aida les musulmans à s'emparer de Carmona.
On ignore comment il finit. Suivant une tradition fort
douteuse, rapportée par Mariana, les Arabes lapidèrent sa
femme, une sœur du roi goth Witiza, et précipitèrent un
de ses fils du sommet d'une tour, à Ceuta; lui-même
mourut en prison. Ce qui est beaucoup plus certain, c'est |
que son petit-fils se fit mahométan et prit le nom d'Abd-
Allah. Julian, type du traître, le Cranelon espagnol, doit
surtout sa célébrité aux romances et aux chroniques fabu-
leuses. (On le retrouve même dans le Romancero portu-
gais.) Son existence, niée par Masdeu, est indiscutable
aujourd'hui, grâce au témoignage des historiens arabes.
Dozy {Recherches, etc.) essaye de prouver que Julian
était byzantin et gouvernait Ceuta, non pour le roi Rodé-
rik, mais pour l'empereur grec. Cette assertion paraît en
partie confirmée par ces paroles du chroniqueur Pero Lopez
de Ayala : « Le comte don Illan n'appartenait point au li-
gnage des Goths, mais à celui des Césars, ce qui veut dire •
des Romains (Romains d'Orient ou Byzantins). » Nombre
de légendes postérieures à la conquête arabe obscurcissent
son histoire. Lucien Dollfus.
JU LIANE (Marie), reine danoise, princesse de Bruns-
wick-Wolfenbuttel, née le 4 sept. 1729, morte àFredens-
borg le 10 oct. 4796. Sœur du célèbre général prussien,
Ferdinand de Brunswick- Wolfenbuttel, et belle-sœar de
Frédéric II de Prusse, elle épousa en 1752 Frédéric V de
Danemark, et eut pour fils Frédéric, père de Christian VIII.
Elle ne gagna jamais la faveur populaire comme la reine
Louise, première femme de Frédéric V. Ambitieuse et vin-
dicative, elle fut à la tête de la conspiration qui renversa la
reine Caroline-Mathilde et Struensée, et fit passer le pou-
voir en ses propres mains et en celles de son fils. En 1784,
une révolution de palais la força à se retirer à Fredens-
borg où elle passa les dernières années de sa vie.
JULIANGES. Corn, du dép. delà Lozère, arr. de Mar-
vejols, cant. de Malzieu-Ville ; 240 hab.
JULIANUS (V. Julien),
J U L I A N U S (Didius) , empereur romain (V. Didia [Gens]),
JULIE, fille de Jules César, fille et petite-fille d'Auguste
(V. Juu [Ge7isli). ^
JULIEN (Salvius-Julianus), jurisconsulte romain qui a
vécu sous Adrien et Antonin le Pieux. Il atteignit aux
plus hautes dignités. Membre du consilium principis sous
Adrien, il fut successivement préteur, deux fois consul,
prœfectus urbi. Il est l'un des derniers représentants de
l'école sabinienne. Sa réputation comme jurisconsulte enga-
gea l'empereur Adrien à le charger de la coordination des
règles du droit honoraire proclamées par les édits du pré-
teur et des édiles : edicti ordinatio. Pour nous renseigner
sur ce ^travail de codification d'une si haute importance,
nous n'avons que les allusions que contiennent à ce sujet
les constitutions de Justinien [Tanta et Asôwxsv). L'œuvre
de Juhen fut transformée en un acte ayant force obb^^a-
toire générale par un sénatus-consulte. Comme écrivain
juridique, Julien n'est pas moins connu. Son ouvrage ca-
pital est un traité dogmatique et pratique en 90 livres, où
il suit le plan de l'Edit et qu'il a composé sous Adrien
et Antonin. Tout l'ensemble à\xjus civile et du jus hono-
rarium s'y trouve exposé, du livre I au livre LVIII.
Les livres LIX à XC semblent plus particulièrement ré-
servés au jus novum, œuvre des sénatus-consultes et aux
lois des débuts de l'Empire. L'influence de cet écrit a été
considérable. Elle persiste encore sous Justinien, dans le
Digeste duquel une partie notable de l'œuvre de Julien a
passé. Outre cet ouvrage, le juriste a laissé des libri ad
Urseium et ad Miniciujn et un liber singularis de
ambiguitatibusy auxquels le Digeste de Justinien a fait
des emprunts. G. May.
^ R^^k -, ^' J.i' ^h ^^^' Just., De Vet.jur. enucL, I, 17*: 3.
§ 18, Cod. ibid. ; 10, Cod. JusL ; De Gond, indeb., IV, 5. -1
Krueger, Histoire des sources du droit romain, Manuel
des antiq, rom. de Mommsen et Marquart, trad. Brissaud •
Pans, 1894, pp. 115 et suiv., 222 et suiv., in-8. — O. Lenel,
Pahngenesia; Leipzig, 1889, t. I, pp. 318 et suiv. — Kuntze,
Cursus des rœmischen Rechts; Leipzig, 1879, § 301, 317,
319, in-8, 2« éd.— Du môme, Excurse uber rœmisches
Rechts; Leipzig, 1880, p. 333, in-8, 2« éd.
JULIEN, dit l'Apostat (Flavius-Claudius-Julianus), em-
pereur romain (361-63), né à Constantinople le 47 nov.
331 ou (332), mort à Tummara, sur l'Euphrate, le 26 juin
363. Il était fils de Julius Constantius et de sa seconde
291
JULIEN
femme Basilina; son père, issu du second mariage de Cons-
tance Chlore (avec Théodora), fut égorgé en 337 par ordre
de Constance II, en même temps que ses deux frères Cons-
tantin et Daimatius Hannibalianus. Julien était le quatrième
enfant de Julius Constandus, les autres étant nés du pre-
mier mariage de celui-ci avec Galla ; son frère aine fut tué
en 341 par ordre de Constance, sa sœur avait épousé cet
empereur meurtrier des siens; le second fils Gallus, né
en 325, fut élevé avec Julien ; on les avait épargnés à cause
de leur jeunesse et parce qu'aucun de leurs cousins des
trois fils de Constantin n'avait d'héritier mâle. Les enfants
furent élevés en lonie et en Bithynie, puis à Macellum, en
Cappadoce, près de Césarée, entourés d'honneurs, mais sur-
veillés de près et espionnés. Les maîtres de Julien furent
le grammairien Nicocles Luco et le rhéteur Ecebolus, sous le
contrôle de l'eunuque Mardonius et d'Eusèbe de Nicomé-
die. Gallus reçut en 351 le titre de césar et le gouver-
nement de l'Orient; trois ans après, son indocilité Tui coûta
la vie. Julien, resté le seul héritier de la famille impériale,
faillit périr ; on le transféra à Milan auprès de l'empereur.
L'impératrice Eusebia le prit sous sa protection et lui mé-
nagea une entrevue avec Constance; il calma sa défiance
et obtint d'aller vivre à Athènes (355) en compagnie des
philosophes et artistes les plus célèbres de l'époque. L'em-
pereur ne tarda pas à avoir besoin de lui. Le 6 nov. 355,
il le fit proclamer césar, lui donna la main de sa sœur Hé-
lène, dernier enfant de Constantin, et lui confia la préfec-
ture des Gaules. Le timide philosophe avait voulu refuser.
Il dut afficher une vive affection pour son soupçonneux
cousin, fut entouré de ses créatures et dut lui rendre compte
de tous ses actes.
Julien, en qui Constance ne voyait qu'un « mannequin
impérial », se révéla grand général. Il se mit à l'école des
militaires de l'armée de Gaule et en quelques mois acheva
son éducation. La Gaule désorganisée par la révolte de
Sylvanus était livrée aux bandes germaniques qui cou-
raient jusqu'à Autun. Julien les refoula, les défit en Al-
sace, reprit Trêves et Cologne, puis se joignit à Constance
en Rhétie (356). L'hiver venu, il divisa ses troupes; les
Alamans vinrent à Fimproviste l'assiéger dans Sens ; aban-
donné par le général en chef Marcellus, le césar résista vic-
torieusement. Constance rappela alors Marcellus et laissa le
commandement complet à Julien, lequel témoigna sa re-
connaissance en rédigeant le panégyrique de Constance et
celui d' Eusebia. Son armée était réduite à 13,000 hommes,
mais de bonnes troupes. Barbation, envoyé d'Italie à Bâle,
en avait le double. Les Alamans passèrent entre eux et al-
lèrent jusqu'à Lyon; Julien les vainquit au retour, Barba-
tion se fit battre. Julien eut alors à combattre une levée en
masse des Alamans; 35,000 passèrent le Rhin sous le roi
Chnodomar; ils furent complètement défaits près de Stras-
bourg; 6,0U0 périrent; Chnodomar fait prisonnier fut en-
vo}^é à Constance. Le vainqueur franchit à son tour le fleuve,
délivra 20,000 captifs romains, releva un ancien fort au
confluent du Main et de la Nidda et imposa aux Alamans
une trêve de dix mois (357). Il marcha ensuite contre les
Francs, leur enleva leurs forts de la Meuse, confina les
Salions dans la Toxandrie, les Chamaves au delà du Rhin
(358). Il prévint la famine en faisant venir de la Grande-
Bretagne 600 bateaux chargés de blé. Il releva sept villes
destinées à garder la frontière : Bonn, Bingen, Andernach,
Neuss, etc. (359). Dans toutes ces opérations il fut assisté
par Salluste, général et administrateur expérimenté. La
capitation fut déduite de 25 à 7 aurei, mais exactement
payée. Autant que l'armée, le peuple aimait le jeune césar.
Julien fixait sa résidence, particulièrement en hiver, à Lu-
tèce (Paris) od existent encore les ruines de son palais. Il
consacrait une grande partie de son temps à écrire. Enfin
libre, il avait pu jeter le masque et affirmer sa prédilec-
tion pour les vieux cultes et la philosophie païenne. Sal-
luste et son médecin Oribase partageaient ces idées. Le pré-
fet du prétoire, Florentius, annihilé, se vengeait par des
dénonciations expédiées à Constance. Celui-ci rappela Sal-
luste qui fut confiné en Thrace. Puis il prit texte de la
guerre de Perse pour ordonner à Juhen de lui envoyer en
Orient la plus grande partie de ses auxiliaires. Ceux-ci
s'étaient enrôlés à la condition de ne point servir au delà
des Alpes. Ils se mutinèrent et proclamèrent Julien auguste.
Il s'était sincèrement efforcé de les faire obéir à l'ordre
impérial; l'événement accompli, il ne pouvait reculer sans
assurer sa perte. Il écrivit à Constance pour lui raconter
ce qui était arrivé et promettre sa fidélité s'il le rati-
fiait (360). L'empereur répondit d'abord avec modéra-
tion, mais prépara la guerre et finit par exiger une sou-
mission absolue. Julien qui, dans l'intervalle, avait battu de
nouveau les Francs et les Alamans, promulgua une am-
nistie pour les partisans de Magnence, proscrits depuis
sept ans, mit la frontière en état de défense et s'établit à
Vienne. En 361, il entra en campagne, laissant en Gaule
Salluste qui était accouru le joindre. Il divisa son armée
en trois corps qui par les Alpes italiennes (sous Jovius et
Jovinus), la Rhétie (sous Novitta), la Forêt-Noire et le Da-
nube (sous Julien), se rendirent à Sirmium. Sa vitesse avait
été foudroyante ; il occupa sans coup férir Naïssus et le
défilé de Succos entre l'IUyrie danubienne et la Thrace.
Constance, surpris par ces nouvelles à Edesse, se mit en
route, mais mourut à Mopsucrène (3 nov. 361). Tout le
monde reconnut Julien qui fit solennellement ensevelir son
prédécesseur dans l'église des Saints-Apôtres à Constanti-
nople.
^ L'œuvre capitale du court règne de Julien fut sa réac-
tion contre le christianisme et son effort pour instituer un
gouvernement de philosophes. Il avait été chrétien jusqu'à
sa vingtième année ; son précepteur Mardonius et le philo-
sophe Maxime lui inspirèrent l'amour de la vieille rehgion
hellénique. La répulsion que lui inspirèrent les querelles
sectaires des ariens et des orthodoxes, des novatiens, do-
natistes, etc., achevèrent de l'écarter du nouveau culte. 11
manifesta ses sentiments dès qu'il fut le maître, rouvrit
les temples le long de sa route, formula ses sentiments dans
une lettre aux Athéniens. Ce changement fut accueilli pai-
siblement, même par les chrétiens ; tous les exilés pour
cause rehgieuse furent rappelés, et la tolérance proclamée
par le nouveau souverain excita une satisfaction presque
générale. Le paganisme qu'entendait restaurer Julien, ce
fut, en réalité, un syncrétisme où, sous une théologie néo-
platonicienne, furent combinés les mythes solaires de l'Asie
occidentale et la vieille mythologie hellénique. Il constitua
une sorte de nouvelle Eglise pour laquelle il rédigea une
prière au Soleil, constitua un clergé avec un pontife su-
prême par province, essaya d'organiser près des temples
un enseignement moral et religieux et une assistance pu-
blique. Il avait épuré la cour de Constantinople, vendu les
eunuques, congédié la valetaille, de manière à réduire
d'énormes dépenses inutiles. Il fit mettre en jugement les
favoris de Constance, dont plusieurs furent exilés ou mis à
mort. Il supprima les privilèges de l'Eglise chrétienne :
juridiction volontaire des évèques, droit de recevoir des
legs. Il favorisa ouvertement les païens. Il autorisa ceux
qui avaient été spoliés par les chrétiens à revendiquer, c.-à-d.
que les temples purent reprendre les biens dont on les avait
dépouillés ; juste en principe, cette mesure était dangereuse
et provoqua des désordres. Julien fit plus : il interdit aux
chrétiens l'enseignement des belles-lettres, leur ferma l'ac-
cès des fonctions publiques ; en même temps, il rédigeait
des écrits de polémique. Il n'y eut cependant aucune per-
sécution, et Rendall et Naville sont d'accord pour déclarer
que ce règne est un de ceux sous lesquels la liberté reli-
gieuse a été le mieux respectée.
^ En juin 362, Julien partit de Constantinople pour orga-
niser une expédition contre les Perses. Le peuple d'An-
tioche le reçut froidement; l'incendie du temple d'Apollon
à Daphné détermina quelques rigueurs contre les chré-
tiens. La population frivole et démoralisée accabla de sar-
casmes l'empereur philosophe, lequel ne se vengea que
par une satire (le Misopogon). II autorisa les Juifs à re-
JULIEN
— 292 —
bâtir le temple de Jérusalem. Cependant il avait rassemblé
60,000 hommes et 4,000 bateaux escortés de 50 galères
et autant de pontons pour combattre les Perses, il mena
son armée à Garrhes, confia 16,000 hommes à son parent
Procope qui dut marcher sur l'Assyrie ; lui-même avec sa
flotte descendit PEuphrate, enleva successivement les for-
teresses riveraines, Zaitha, Dara, Anathan, Thilutha,
Archaiachala, Parascalmacha, Dacira, Ozogardna, Mace-
prachta, Pirisabora, Maogalmacha, et les rasa. Puis il en-
gagea sa flotte dans le canal (Nahr-Malcha) qui unit l'Eu-
phrate au Tigre; Pennemi l'avait mis à sec; il y fit recouler
l'eau et arriva devant Ctésiphon. Au lieu de s'attarder au
siège de la grande cité, il remonta le Tigre, après avoir
incendié ses navires ; il projetait probablement d'unir ses
forces à celles de Procope et d'envahir la Médie. Après
plusieurs combats heureux contre les soldats de Sapor,
l'empereur périt dans une escarmouche; se portant au
combat sans cuirasse, il fut percé d'un trait ; la blessure
était mortelle, ses derniers moments furent d'un sage. Ce
rêveur fut un des hommes les plus vertueux, des meilleurs
administrateurs et des plus habiles généraux de son siècle.
Le temps lui manqua pour rien faire de durable.
Julien a beaucoup écrit et à ce titre aussi mérite l'étude.
C'était un fin lettré, imbu de culture grecque et n'employant
guère la langue Jatine, bien qu'elle fût encore ofiScielle. Il
manque d'imagination et d'invention ; son style est pur,
mais gâté par des velléités poétiques ; il imite visiblement
les classiques; ses écrits ont un grand intérêt psycholo-
gique et historique. En première ligne, il faut citer les
Lettres; l'édition Heyler (Mayence, 1828, in-8) en con-
tient 83; un certain nombre semblent apocryphes; la plus
importante est la lettre aux Athéniens de 361. Ses discours
ou panégyriques (syxoSfjLiov) sont au nombre de 9 : 2 éloges
de Constance; l'éloge d'Eusébie; l'éloge du Soleil (361),
celui de la Mère des dieux ; le traité contre les cyniques,
les lettres à Salluste et Themistius sont les principaux.
Le Ka^aaps; iq Su(X7udaiov (les Césars ou le Banquet) est
une amusante satire des empereurs romains (362). Le
Misopogon (Avno^txo; rj Mtao::wyov) est une satire de
la vie efféminée des gens d'Antioche rédigée au début de
363. Nous avons encore conservé 4 épigranimes insigni-
fiantes. On a malheureusement perdu l'œuvre la plus inté-
ressante de Julien, sa réfutation du christianisme (Karà
XpiaTiavwy, en 7 livres), achevée peu avant sa mort; Théo-
dore II la fit détruire ; on ne la connaît que par quelques
extraits de Cyrille. Les œuvres complètes de Julien ont été
éditées par Martin et Chanteclair (Paris, 1583, in-8, avec
trad. latine, mais incomplet); parPetau (Paris, 1630, in-4,
avec trad. et notes) ; par Spanheim (Leipzig, 1696, in-fol.)
qui a amélioré le travail du précédent. Les meilleures édi-
tions partielles sont, pour le Misopogon, celle de Harless
(Erlangen,1785); pour les I^^^r^5, celle de Hertlein (Leip-
zig, 1875-76, 2 vol.); pour les écrits contre les chrétiens,
celle de Neumann (1880, av. trad. ail.). Talbot a donné
une traduction des œuvres de Julien. A. -M. B.
^; BiBL. : Les œuvres (I'Ammien Marcellin et de Liba-
Nius sont les sources principales avec le Panegyr. Vet.
de Mamertinus et les propres écrits de Julien. Parmi les
histoires générales, il faut consulter celles de Gibbon et
de DuRUY. Les principaux ouvrages spéciaux sont : de La
Bléterie, Vie de Julien. — Neander, Ueber den Kaiser
Julian; Leipzig, 1812; 2« éd., 1867. — Wiggers, De Ju-
lia.no Apostata; Rostock, ISIO (réimpr. dans Ielgen,
Zeiischr. fur Hist. TheoL, 1837). — Schulze, De Juliani
philosophia et moribus, 1839. — Teuffel, De Juliano;
Tubingue, 1844. — Strauss, Der Romantiker aiif dem
Throne der Cœsaren; Mannheim, 1847. — Semisgh, Julian
der Abtrûnnige ; Breslau, 1862. —Naville, Jwïie?2 TApos-
iat. — Rode, Gesch. der Reaktion Kaiser Julians gegen die
Christliche Kirche; léna, 1877. — Rendall, The Emperor
Julian; Londres, 1879. — Centerwall, Julianus affaellin-
gen; Stockholm, 1884. — On trouvera une bibliographie
complète dans l'ouvrage de Rendall, pp. 291 et suiv. —
V. aussi les art. de Boissier et Martha, dans Revue des
Deux Mondes.
JULIEN (Saint), métropolitain de Tolède, mort le
6 mars 690. D'origine juive, suivant une tradition sujette
à caution, il se distinguait depuis longtemps parmi le clergé
de Tolède, était lié avec le roi Wamba et avec son pala-
tinus Ervigh, quand il fut nommé archevêque, le 29 janv.
680. 11 est probable qu'il prit part à la révolution qui subs-
titua Ervigh à Wamba parce que celui-ci avait voulu en-
rôler même les serfs de l'Eglise. Dès lors, le métropolitain
fut le véritable maître du pays. Au 12« concile de Tolède,
il édicta des mesures d'une sévérité excessive contre les
juifs et fit décréter le fameuK 6® canon, principe d'une
centralisation exagérée du pouvoir ecclésiastique dans les
mains du métropolitain de Tolède. Aux 14® (684) et 15®
(688) conciles de Tolède, il se fit remarquer par ses ré-
serves d'allure très indépendante à l'égard du pape (Mansi,
Collect, Concil,^ t. Xll, p. 9). Parmi ses écrits (réunis
et édités par F. Lorenzano, Patrum Toletan,., Opéra;
Madrid, 1785, t. Il, pp. 3-385, réimprimés par Migne,
Patrol. lat., t. XGVl), VHistoria Wambœ^ un panégy-
rique (éd. crit. de Duchesne, dans Rerum Gatlic, et
Francic. Scriptores; Paris, 1739, t. II, pp. 707 et suiv.),
est seule importante. F. -H. K.
BiBL. : FÉLIX de Tolède, dans l'appendice du De Viris
illustribus d'Isidore de Séville. — A. Ebert, Altg. Ge-
schichte der Litlerat. des M. A. im Abendland; Leipzig,
1874, t. I, pp. 750 et suiv.
JULIEN (Le comte) (V. Jqltan).
JULIEN (Simon), peintre et graveur français, né à
Toulon le 28 oct. 1735, mort à Paris le 23 févr. 1800.
Elève de Carie Van Loo, il obtint le premier grand prix de
peinture en 1760 et fut agréé de l'Académie le 9 mars
1783. Etant à Rome, il changea complètement sa manière,
ce qui le fit surnommer Juhen l'Apostat. A Paris, il décora
la galerie du comte de Nivernais, fut ensuite protégé par
le prince de Ligne et mourut dans la misère. Il peignit des
tableaux d'histoire, de mythologie, des sujets religieux,
laissa un grand nombre de dessins et des eaux-fortes. Plu-
sieurs de ses œuvres sont au musée de Toulon. — On l'a
pendant longtemps confondu avec son homonyme Jean^
Antoine Julien, dit de Parme, né à Cavigliano (Suisse) le
23 avr. 1736, mort à Paris le 28 juil. 1799, aussi élève
de Carie Van Loo, et dont les œuvres ne sont pas bien
connues. G. P-i.
JULIEN (Jean), dit Julien de Toulouse, homme politique
français, né à Nîmes en 1750, mort à Embrun le 17 déc.
1828. Pasteur protestant à Cette, puis à Toulouse, il y
devint administrateur du dép. de la Haute-Garonne, et
présida l'assemblée électorale de ce département, lors de
l'élection des députés à la Convention. Elu lui-même le
4 sept. 1792. Il vota la mort de Louis XVI. Il fit partie
du comité de Sûreté générale, puis de la commission des
marchés, et comme tel prit la défense de Malus et de d'Es-
pagnac, fournisseurs de l'armée et accusés de dilapida-
tions. Complice de la falsification du décret du 17 vendé-
miaire an II, concernant la Compagnie des Indes, il fut
décrété d'accusation a\ec Delaunay, "Chabot et autres, le
26 ventôse an II ; il réussit à se sauver et fut mis hors la
loi. 11 resta aux environs de Constance jusqu'à la chute de
Robespierre, rentra alors, mais ne fut réadmis à la Con-
vention que le 20 germinal an III. Julien ne passa point
au Corps législatif, continua à résider à Paris, présida la
Société populaire de la rue du Rac, au nom de laquelle il
rédigea une adresse tendant à provoquer un décret pour
proclamer la patrie en danger. Emprisonné après le coup
d'Etat du 18 brumaire, il fut détenu quelque temps à la
Conciergerie. Après avoir obtenu sa mise en liberté, Julien
passa à Turin, où il exerça la profession d'avocat et se
retira à Embrun, après l'évacuation de l'Italie par les
troupes françaises. A. Kuscinski.
JULIEN (André), né à Chalon-sur-Saône en 1766, mort
à Paris en 1832. Négociant en vins, il est connu par un
ouvrage spécial : Topographie de tous les vignobles con-
nus (Paris, 1816, in-8) qui renferme une énorme quan-
tité de renseignements et qui a obtenu plusieurs éditions.
JULIEN (Stanislas), célèbre orientaliste français, mort
le 14 févr. 1873. On remarque une certaine obscurité au
sujet de la date de sa naissance; un mécanicien d'Orléans,
'293
JULIEN
qui s'appelait Julien, avait deux fils : run,Tîélel3a\T. 4797,
reçut le nom de Noël ; l'autre, né le 20 sept. 4799, celui de
Stanislas. Le cadet partit jeune pour l'Amérique et y mourut.
Son frère aîné prit son état civil et prétendit, sa vie durant,
être Stanislas Julien, né en 4799. Quelles que soient les rai-
sons qui l'aient poussé à faire cette substitution, c'est son
nom d'emprunt qu'il a illustré, c'est celui sous lequel il res-
tera connu. Stanislas Julien vint à Paris et suivit au Collège
de France le cours de grec, professé par Gail; en 4824, il
fut chargé de suppléer son maître; c'est alors qu'il édita
rEnlèvement d'Hélène de Coluthus, en traduisant ce
poème en français, en latin, en italien, en anglais, en
espagnol et en allemand. Ce n'était là qu'un tour de force;
il n'allait pas tarder à faire un usage plus profitable de
ses aptitudes merveilleuses de linguiste en se consacrant
à l'étude de la langue chinoise ; il se mit à l'école d'Abel
Rémusat, au Collège de France, et, dès la première année
(4824), se trouva assez avancé pour traduire en latin le
livre du philosophe Meng-tse ou Mencius. Son activité
scientifique fut dès lors infatigable. Lorsque Rémusat mou-
rut en 4832, il était tout désigné pour lui succéder. En
4833, il fut élu membre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres en remplacement de Saint-Martin. En 4 8d2,
il devint administrateur du Collège de France. Il eut une
vieillesse attristée par des deuils successifs qui lui enle-
vèrent coup sur coup ses deux filles, sa petite-fille et sa
femme.
Ses ouvrages, très nombreux, sont presque uniquement
des traductions. En philosophie, il nous a fait connaître
Mencius (4824), le traité taoïste des Récompenses et des
peines (iS'S^) et le Tao-té-king de Lao-tse (4842). Dans
le domaine de la littérature pure, il a traduit plusieurs
nouvelles et pièces de théâtre ; le Tehao chi kou eul ou
r Orphelin de la Chine (4834) ; les Deux Jeunes Filles
lettrées (4860) ; les Deux Cousines (4864), etc. Parmi
ces publications, il faut faire une place à part aux Ava-
dânas, ou apologues indiens qu'il a extraits d'une ency-
clopédie bouddhique (4859) ; ces petits contes fournissent
des renseignements précieux pour l'histoire de la migration
des fables. — Stanislas Julien a souvent porté son atten-
tion sur les industries et les sciences en Chine : son Ré-
sumé des principaux traités chinois sur la culture
des mûriers et V éducation des vers à soie (1837); son
Histoire et Fabrication de la porcelaine chinoise
(4856) ; ses Notices sur les industries anciennes et
modernes de l'empire chinois (4864), peuvent être re-
gardés comme ses meilleurs travaux en ce genre. Mais son
principal titre de gloire nous paraît être sa traduction de
la Vie et des Voyages du pèlerin Hiouen-tsang (4853,
4857-4858); cette œuvre considérable est une mine
inépuisable pour l'indianisme ; grâce à elle, on a pu re-
constituer en partie l'histoire et la géographie de l'Inde au
vu® siècle de notre ère ; l'intelligence de ce texte présen-
tait des difficultés considérables, car il fallait deviner, sous
les transcriptions chinoises fort imparfaites, les noms sans-
crits qu'elles travestissent souvent d'une manière mécon-
naissable ; pour proposer des identifications exactes, Sta-
nislas Julien se mit à l'étude du sanscrit et coilationna
pendant plusieurs années des dictionnaires bouddhiques
polyglottes ; il a consigné le résumé de ses recherches
dans sa Méthode pour déchiffrer et transcrire les noms
sanscrits qui se rencontrent dans les livres chinois
(4864); cette méthode est peut-être plus rigoureuse en
apparence qu'en réalité et ne rend pas superflus les voca-
bulaires sur lesquels elle se fonde ; elle est utile en suggé-
rant des hypothèses plutôt qu'en donnant des certitudes.
Outre les Mémoires de Hiouen-tsang ^ Stanislas Julien
étudia, dans le Journal asiatique^ plusieurs textes chi-
nois relatifs à l'Inde ; il a réimprimé une partie de ces
articles dans les Mélanges de géographie asiatique et
de philologie sinico-indienne (4864). Vers la fin de sa
vie, il consacra tout son temps à des travaux sur la langue ;
de 4868 à 1870, il publia les deux volumes de sa Syn-
taxe nouvelle de la langue chinoise, fondée sur la
position des mots.
L'œuvre de Stanislas Julien décèle, malgré sa grandeur,
certaines faiblesses qu'il n'est pas possible de passer sous
silence. Il avait l'esprit peu philosophique et semblait
étranger aux idées générales ; le sujet du texte qu'il tra-
duisait ne lui importait guère; il ne cherchait, dans ses
travaux, que le mérite de triompher de difficultés excep-
tionnelles. Il n'a jamais tenté de pénétrer au delà des mots
jusque dans l'âme chinoise; les préfaces de ses traduc-
tions ne sont le plus souvent que des apologies person-
nelles. Il ne comprenait pas d'autre méthode que la mé-
thode philologique et ne rendait point justice à la valeur
des résultats qu'on peut atteindre par d'autres voies ; de
là ses très regrettables polémiques avec Pauthier et Rei-
naud ; de là ses critiques assez déplacées de son ancien
maître Abel Rémusat (Rapport pour l'Exposition de
iS61 ; protestations de Mohl dans le Journal asiatique,
4868, t. XI, pp. 294-292, et de Barthélémy Saint-Hilaire
dans le Journal des savants, mars 4868).
Quels qu'aient été les défauts de Stanislas Julien, on ne
saurait, cependant, jamais trop louer la valeur éminente
de ses ouvrages. Il n'a écrit que des traductions ; mais,
dans une science à ses débuts comme la sinologie, c'est là
ce qui constitue la base première et indispensable ; la
marche régulière de l'esprit doit être de bien étudier les
faits avant de formuler les hypothèses hardies qui, lors-
qu'elles sont prématurées, retardent le progrès des con-
naissances au lieu de le hâter. D'ailleurs, par la méthode
qu'il a appliquée à l'étude du chinois, Stanislas Julien s'est
montré un véritable initiateur ; il a su le premier mettre
en pleine luniière les règles de position qui jouent dans la
langue chinoise le rôle des règles de morphologie dans nos
langues classiques. Il a toujours interprété les textes avec
une scrupuleuse exactitude, révélant ainsi aux sinologues
qui l'ignoraient avant lui et qui l'ont souvent oublié après
lui l'art de faire un mot à mot rigoureux. Ses traductions
sont et resteront des modèles à peu près parfaits. Si l'on
ajoute qu'il fut un acharné travailleur et que, grâce à lui,
une notable portion de la littérature chinoise nous. est
devenue accessible, on reconnaîtra que ce singulier génie
fut un des plus grands parmi ceux dont les études orien-
tales puissent s'honorer. Ed. Cha vannes.
BiBL. : On trouvera une bibliographie complète des
œuvres de Stanislas Julien dans Fexcellente notice que
M. Wallon a consacrée à ce sinologue dans les Mémoires
de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, 1884,
t. XXXI, pp. 409-458.
JULIEN l'Hospitalier (Saint), martyr. On le dit mort
vers 343. La fête de saint Julien r Hospitalier et de ses
compagnons est aujourd'hui fixée au 9 janv. ; mais elle
est inscrite dans les anciens martyrologes, en un grand
nombre de jours différents. Différents aussi, les lieux qui
furent le théâtre de leur sainteté et de leur martyre : An-
tioche, suivant les uns ; l'Egypte, suivant les autres ; Anti-
nopolis, suivant un ménologe grec. — Julien était d'illustre
et opulente famille. Comme il désirait garder le trésor de
toutes les vertus, il fit vœu de chasteté ; mais ses parents,
dont il était le fils unique, le pressèrent de se marier. Jé-
sus-Christ lui apparut en songe et lui ordonna de leur obéir.
Il épousa Basilisse, riche, belle et pareillement fille unique
de nobles parents. Dès qu'ils furent couchés dans leur lit
nuptial, ils sentirent en la chambre une suave odeur de
roses et d'œillets. Basilisse, émerveillée, demanda à son
mari d'où venait cette odeur, puisque ce n'était point la sai-
son des fleurs. Il répondit qu'elle venait, non de la saison,
mais de Jésus, amateur de la chasteté, et qui donne la vie
éternelle à ceux qui la gardent : « Je te la promets de sa
part, ajouta-t-il, si tu veux que nous lui off'rions ensemble
notre virginité, vivant comme frère et sœur, pour nous
rendre vaisseaux dignes de sa grâce. » Elle y consentit.
Aussitôt, la chambre trembla et resplendit d'une merveil-
leuse lumière. Deux chœurs apparurent : l'un d'une grande
multitude de saints, auxquels Jésus-Christ présidait ; l'autre
JULIEN — JULIS — 294 --
d'innombrables vierges, au milieu desquelles se tenait la
Vierge des vierges, Mère de Dieu. Le chœur des saints
chantait : Tu as vaincu^ Julien, tu as vaincu » Le chœur
des saintes répondait plus mélodieusement encore : Bénie
soit Basilisse qui a suivi les saints conseils. Ensuite,
sur l'ordre de Jésus-Christ, deux hommes, vêtus de blanc,
avec de larges ceintures dorées, serrèrent les époux l'un
sur l'autre et leur remirent deux couronnes d'or. — Ces
époux vierges consacrèrent leurs biens au soulagement des
pauvres et des malades ; ils firent de leur maison un hôpi-
tal, où Basilisse prenait soin des femmes; Julien, des
hommes. Six mois avant la grande persécution que Maxi-
mien infligea aux chrétiens d'Orient, une colombe de feu
apparut à Basilisse, portant, en lettres d'or, un message
qui annonçait sa mort prochaine et celle de ses compa-
gnes. Elles moururent bientôt de mort naturelle. Quand
la persécution commença, le gouverneur de la ville, Mar-
cien, homme jaloux du service des dieux et altéré du sang
des chrétiens, voulut contraindre Julien à adorer les idoles.
Comme le saint refusait, il fit brûler son hôpital et tous
ceux qui s'y trouvaient. Mais lorsqu'on passait en ce lieu,
aux heures où les offices divins se chantent, on entendait
une musique céleste, et les malades étaient guéris en Toyant.
Julien fut cruellement fouetté de verges et de bâtons
noueux ; l'officier qui présidait à ces tourments eut un œil
crevé, d'un coup mal dirigé. Julien le lui remit : ce qui
exaspéra furieusement le gouverneur. La constance du mar-
tyr et les miracles infiniment nombreux et prodigieux qu'il
opéra convertirent le jeune Celse, fils unique du gouver-
neur, et vingt soldats chargés delà garde de la prison. On
les jeta tous dans des chaudières remplies de poix bouil-
lante ; le Seigneur éteignit le feu et les retira plus frais et
plus brillants que For sortant de la fournaise. Alors Mar-
cioline, femme du gouverneur, se convertit elle-même. On
les exposa aux bêtes dans l'amphithéâtre ; les bêtes vin-
rent leur lécher les pieds. Finalement, le gouverneur fit
écorcher son fils et couper la tête aux autres, la décapita-
tion étant le dénouement habituel de tous les martyres,
lorsque les autres moyens d'exécution se sont montrés im-
puissants. — Le crâne de saint Julien fut apporté à Paris,
du temps de saint Grégoire le Grand. La reine Brunehaut
en fit présent aux religieuses qu'elle avait étabhes près
d'Etampes. Des églises et des hôpitaux ont été fondés en
beaucoup de heux, sous l'invocation de saint Julien et de
sainte Basihsse. E.-H. Vollet.
JULIENAS. Com. du dép. du Rhône, arr. de Ville-
franche, cant. de Beaujeu ; 4,145 hab. Juliénas relevait du
chapitre de Saint- Vincent de Mâcon, et était siège d'une
châtellenie gui fut vendue en 4537 par le cardinal de Tour-
non à Antoine du Lyon, conseiller au parlement de Paris.
J U Ll EN N E. I. Asmomum.— Année Julienne (V. Ca-
lendrier).
II. Botanique. — Nom vulgaire de Vllespeiis matro-
nalis L. (V. Hesperis).
m. Horticulture. — La julienne des dames (Hesperis
matronalis L.) se plaît dans les terres un peu argileuses,
substantielles. Elle comprend plusieurs variétés à fleurs
blanches, violettes, rouges, simples ou doubles, très re-
cherchées pour la décoration des plates-bandes. On la
multiplie de graines semées en automne ou au printemps
ou de boutures et d'éclats du pied, en pleine terre, après
la floraison et avant la reprise de la végétation. La ju-
lienne de Mahon {Malcolmia maritima R. Br.), char-
mante petite plante à cultiver en corbeille et en bordure,
se sème en place à l'automne ou au printemps. Floraison
^abondante, précoce, de courte durée. G. B.
IV. Art culinaire. — Potage fait avec des carottes,
des navets et du céleri, coupés en filets, que l'on fait passer
au feu dans du beurre jusqu'à ce que les légumes soient
légèrement colorés. On ajoute des poireaux, quelques feuilles
de laitue, de choux et d'oseille, coupés de la même façon,
très peu de cerfeuil sans les branches, et l'on mouille avec
quantité suffisante de bouillon, puis on laisse cuire douce-
ment pendant une heure. Peu de temps avant de servir,
on peut mêler au tout des petits pois verts et autant de
pointes d'asperges blanchies à l'eau bouillante.
JULIENNE. Com. du dép. de la Charente, arr. de Co-
gnac, cant. de Jarnac ; 340 hab.
JULIENNE, religieuse de Liège (V, Eucharistie, t. XVI,
p. 7^20, col. 2).
JULIENNE DE Belair (V. Belair TAlexandre-Pierrel).
JULIENNES (Alpes) (V. Alpes).
JULIER. Col de Suisse, cant. des Grisons, qui conduit
de la vallée de Oberhalbstein dans la Haute-Engadine.
Son point culminant est à 2,287 m. au-dessus de la mer.
La belle et bonne route qui traverse le col alimente les
stations principales de touristes de la vallée de l'Engadine.
JULIER (V.Juiller).
JULIERS. Ville de Prusse, district d'Aix-la-Chapelle ;
5,500 hab. Ses fortifications furent démantelées en 4860.
C'est l'ancienne Juliacmn, dont l'histoire se confond avec
celle du duché dont elle fut la capitale.
Duché de Juliers. — Le duché de Juliers, dont le ter-
ritoire actuel occupe 4,430 kil. q. peuplés de plus de
400,000 hab., est issu du pagus Juliacensis, administré
au début du moyen âge par un comte. Le premier que l'on
connaisse fut Gerhard, dans la première moitié du xi^ siècle.
Devenus héréditaires au xii^ siècle, les comtes de Juliers
se trouvèrent, quand disparut le duché de Basse-Lorraine,
acquérir l'immédiateté. Guillaume V reçut de Charles IV
le titre de duc (4356). Son fils, Guillaume VI (4362),
acquit par mariage le duché de Gueldre ; le frère de celui-
ci, Gerhard, acquit de même le comté de Berg. A la mort
de Rainald /F, Adolphe IX, duc de Berg, hérita des trois
quarts de Juliers ; Jean d'Heinsberg, né d'une fille de
Guillaume V, eut le dernier quart (4423). Le petit-fils du
premier, Guillaume VIII, mourut sans héritier mâle (4544).
Sa fille Marie avait épousé Jean le Pacifique, fils du duc de
Clèves, qui réunit les deux duchés en 4524. Contre celui-
ci, le duc Albert de Saxe invoquait des engagements des
empereurs Frédéric III (1485) et Maximilien (4489) qui
lui avaient promis l'expectative de Juliers et Berg ; ces
droits furent réservés. A l'extinction de la maison de Clèves
(1609), ils concoururent à compliquer le célèbre débat
pour la succession de Clèves et de Juliers. Il a été exposé
à l'art. Clèves. Juliers et Berg furent attribués au Pala-
tinat, qui les conserva jusqu'à la Révolution française ; ces
pays devinrent français en 4794, prussiens en 4844, sauf
une parcelle attribuée aux Pays-Bas (prov. de Limbourg).
BiBL. : V. Clèves.
JULIERS (Guillaume de) (V. Guillaume de Juliers).
JULIN (Johan), naturaliste suédois, né à Vesteras le
26 sept. 4752, mort à Abo le 29 mai 4820. Après un
court séjour en Finlande, il s'établit, en 4783, comme
pharmacien à Uléaborg, aux confins de la Laponie, oti il
passa presque toute son existence, contribuant, par une
active et intelligente propagande, à remplacer dans le trai-
tement des malades les pratiques superstitieuses par des
procédés plus scientifiques. Il remplissait les loisirs que lui
laissait sa profession par la publication de nombreux mé-
moires scientifiques parmi lesquels on remarque les sui-
vants : ^ Fôrsôk till upphysning om Uleaborgs klimat
et Berâttelse om den i Kemi solken ; Ôsterbotten gras-
serande pestsjukdom. En 4844, il vint s'établir à Abo,
où il mourut honoré et respecté de tous. Il était membre
de l'Académie des sciences de Stockholm depuis 4794. —
Ses fils, John (anobli en 4849) et Erik, suivirent ses
traces et contribuèrent beaucoup au développement de l'in-
dustrie et de l'agriculture en Finlande.
JULIS (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Téléos-
téens), de Tordre des Acanthoptérygiens Pharyngognates,
de la famille des Labrida^, ayant des écailles de dimensions
ordinaires, une ligne latérale non interrompue, la tête en-
tièrement nue, le museau médiocrement proéminent , mais non
protractile, pas de dents canines postérieures et dix épines
à la dorsale. Les formes de ce genre comprennent des
Poissons d'une magnifique coloration et de taille moyenne
propres aux mers de l'Inde et de l'océan Pacifique. Il suffit
de citer les Julis^ Cunaris, Triloba et Dorsalis.
BiBL. ; GuNTHER, Study of Fishes.
JULIUS (V. JuLiA [Gens], en particulier le § final).
JULLIAN (Pierre- Louis-Pascal), homme politique etpu-
bliciste français, né à Montpellier en 1769, mort vers 4836.
Il se destinait à la magistrature, quand les parlements
furent supprimés par l'Assemblée constituante (4790). Il
se signala peu après, à Paris, parmi les chevaliers du
poignard^ par un dévouement bruyant à la royauté, dut
se cacher après le 10 août 1792, fut arrêté à Meudon le
8 oct. 1793 et ne recouvra la liberté qu'après le 9 ther-
midor. Il prit ensuite, comme un des chefs de la jeunesse
dorée, une part active à la réaction thermidorienne, mais
se rallia à la Convention dans la journée du i 3 vendé-
miaire et fut adjoint peu après à Fréron, envoyé en mission
politique dans le Midi. Inquiété sous le Directoire, surtout
après le 18 fructidor, il parut toujours suspect à Napoléon,
qui l'exila plusieurs fois et, vers la fin de son règne, l'obh-
gea de passer en Italie. Là Jullian s'attacha, en 1814, au
roi Murât. Mais la chute de ce dernier le détermina (1815)
à rentrer en France. Persécuté par la Restauration, il finit
par se retirer à Bruxelles. Parmi ses nombreux ouvrages
nous citerons : Mémoire sur le Midi^ présenté au Direc-
toire exécutif (Paris, an ÏV, in-8) ; Fragments histo-
riques et politiques (zc^.,1804, in-8) ; Souvenirs de ma
vie, depuis 1114 jusqu'en i8I4 (id.,i 815, in-8) ; Consi-
dératioîis politiques sur les affaires de France et d'Italie
pendant les trois premières années du rétablissement
des Bourbons sur le trône de France (Bruxelles, 1817,
in-8); Précis historique des principaux événements
politiques et militaires qui ont amené la révolution
d'Espagne (Paris, 1821 , in-8) ; Histoire du ministère de
G, Canning (id,, 1828, 2 vol. in-8). A. Debidour.
JULLIAN (Camille), historien français, né à Marseille
le 15 mars 1859. Elève de l'Ecole normale supérieure,
membre de l'Ecole de Rome, il fut chargé d'une mission
en Allemagne, puis nummé professeur d'histoire romaine
et d'histoire de Bordeaux à la faculté des lettres de cette
ville. M. Jullian a publié : les Transformations de Vîtalie
sous les empereurs romains (1883); Inscriptions de
la vallée de l'Huveaune (1886) ; Inscriptions romaines
de Bordeaux (1887-90); Gallia (1892); Ausone et
Bordeaux (1893); Histoire de Bordeaux (1894), etc.
Il est l'un des collaborateurs de la Grande Encyclopédie,
JULLIAN 6 ES. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. de
Brioude, cant. de La Chaise-Dieu; 977 hab.
JULLIÉ. Com. du dép. du Rhône, arr. de Villefranche-
sur-Saône, cant. de Beaujeu ; 896 hab.
JULLIEN (Marc-Antoine), dit Jullien de la Brome,
homme politique français, né à Bourg-de-Péage (Drôme)
le 18 avr. 1744, mort à Pisançon (Drôme) le 27 sept.
1821. Professeur et httérateur, ami de Mably, il fut un
ardent partisan de la Révolution. Député suppléant de la
Drôme à l'Assemblée législative, où il ne siégea pas, il fut
élu par le même département à la Convention nationale,
où il vota avec les plus chauds montagnards. Il vota pour
la mort de Louis XVI sans appel ni sursis. Commissaire
du Directoire exécutif près l'administration départementale
de la Drôme, il rentra dans la vie privée après le 18 bru-
maire. Comme en 1815 il ne signa pas l'Acte additionnel,
il ne fut pas compris en 1816 dans la proscription des
conventionnels régicides. Sa femme, W^^ Jullien (de la
Drôme), a laissé une correspondance intéressante, dont
M. Edouard Lockroy, son arrière-petit-fils, a publié une
partie, sous ce titre : Journal dhine bourgeoise pendant
la Bévolution (Paris, 1881, in-12). F.-A. A.
BiBL.: Adolphe Rochas, Biographie du Dauphiné; Paris,
1856, 2 vol. in-8.
JULLIEN (Louis-Joseph- Victor, comte), général fran-
çais, né à La Palud (Vaucluse) en 1764, mort en 1839.
Il était lieutenant d'artillerie au régiment de La Fère en
295 - JULIS — JULLIEN
1789; il devint ensuite aide de camp de La Fayette, fit la
campagne du Rhin, sous Marceau, comme général de bri-
gade et prit part à la campagne d'Egypte. De retour en
France, il fut nommé préfet du Morbihan, puis conseiller
d'Etat, et créé comte de l'Empire en 1809. Il vécut dans
la retraite après 1815. Paul Marin.
JULLIEN (Marc- Antoine), dit Jullien de Paris, fils de
Marc-Antoine (V. ci-dessus), homme politique et publiciste
français, né à Paris le 10 mars 1775, mort à Paris le
4 nov. 1848. Très précoce, il se signala à la tribune des
Jacobins dès l'âge de dix-sept ans. Condorcet, qui présidait
le comité diplomatique de la Législative, le fit envoyer en
mission à Londres (1792) avec le titre d'élève-diplomate. Il
servit d'intermédiaire officieux entre les libéraux anglais et
les hommes d'Etat de la Gironde, Puis il s'attacha à Ro-
bespierre, futnommé aide-commissaire des guerres à l'armée
des Pyrénées (1792-1793) et, le 10 sept. 1793, il reçut du
comité de Salut public la mission de parcourir les dépar-
tements de l'Ouest et du Midi, avec pleins pouvoirs pour y
faire triompher la politique de la Montagne. Il vit Carrier
à Nantes, faillit être fusUlé par lui et le fit rappeler. C'est
son séjour à Bordeaux qui donna à son nom une célébrité
tragique ; il reçut la triste mission d'y capturer et d*y faire
juger à mort les Girondins fugitifs et cachés, et il s'en
acquitta avec un zèle impitoyable. Après le 9 thermidor,
il fut arrêté comme robespierriste et ne recouvra sa liberté
c[u'à l'amnistie du 3 brumaire an IV. Sous le Directoire,
il rédigea V Orateur plébéien, feuille ardemment républi-
caine, se vit impliquer dans la conspiration de Babeuf, se
déroba aux poursuites et réussit à se rendre à Milan, où
il devint capitaine à l'état-major de la légion lombarde.
Bonaparte le chargea de rédiger le Courrier de l'armée
d'Italie, et, après des alternatives de brouille et de récon-
ciliation, l'emmena avec lui en Egypte. Sous le Consulat et
l'Empire, il fut successivement commissaire des guerres à
l'armée d'Italie, chargé d'organiser l'école miUtaire de
Fontainebleau, sous-inspecteur aux revues. En 1813, il
fut arrêté à Milan pour avoir composé un mémoire contre
le despotisme de Bonaparte. Lors de la première Restau-
ration, employé d'abord pour l'organisation et l'inspection
des corps d'artillerie, il fut bientôt disgracié comme libérai.
Dès lors, il se consacra tout entier au journalisme et fut
un des fondateurs de l'Indépendant, à la rédaction duquel
son libéralisme le força bientôt à renoncer. Après un
séjour en Suisse (1816-18 17), il fonda la Bévue encyclo-
pédique, dont les rédacteurs formeront le personnel gou^
vernemenîal de la royauté de Louis-Philippe, sous laquelle
Jullien de Paris n'occupa aucune fonction publique. — Il
a publié de nombreux opuscules et laissé des mémoires
inédits, dont M. Sarrut a donné quelques extraits.
M. Edouard Lockroy a publié le journal de la mission de
Jullien de Paris, sous ce titre : Une Mission en Vendée
(1793) (Paris, 1893, in-12). F.-A. A.
HiBL. : Sarrut et Saint-Edme, Biographie des hommesi
du jour, t. VI.
JULLIEN (Pierre-Alexandre-Adolphe), ingénieur fran-
çais, fils du précédent, né à Amiens le 13 févr. 1803,
mort à Paris le 1«^ mars 1873. Entré en 1821 à l'Ecole
polytechnique et en 1823 à l'Ecole des ponts et chaussées,
il fut nommé ingénieur ordinaire en 1828, ingénieur en
chef en 1838, inspecteur divisionnaire en 1852, inspecteur
général en 1854 ; il prit sa retraite en 1858. Il avait bril-
lamment débuté dans la carrière d'ingénieur par la
construction des ponts-aqueducs du Guétin, sur l'Allier,
et de Digoin, sur la Loire (canal latéral à la Loire). En
1839, il fut chargé des travaux du chemin de fer de
Paris à Orléans et en 1844 de ceux du chemin de fer de
Paris à Lyon; il ne termina qu'en 1854 cette dernière
ligne, qui subit une crise financière. En 1857, il devint
directeur de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest.
Il a publié dans les Annales des ponts et chaussées
(1834 à 1845) une dizaine de mémoires sur les pouzzo-
lanes artificielles, sur la courbure des chaînes des ponts
JULLIEN — JUMELLE
296
suspendus, sur la construction et Texploitation des chemins
de fer, etc. L. S.
BiBL. : F,-P.-H. Tarbé de Saint-Hardouin, Notices
biographiques sur les ingén, des ponts et chaussées;
Paris, 1884, p. 226.
JULLIEN (Charles-Edouard), ingénieur français, né à
Paris en 4813. Ancien élève de l'Ecole centrale des arts
et manufactures, il fut successivement attaché à l'usine du
Creuset, au chemin de ferP.-L.-M., aux aciéries de Rive-
de-Gier. Il a écrit sur Fart de Tingénieur un très grand
nombre d'ouvrages, dont plusieurs sont assez estimés :
Manuel du chaudronnier^ avec 0. Valerio (Paris, 1846,
in-18; 2® éd., 1873); Manuel de Vingénieur civil, avec
Schmitz (Paris, 4845, 2 vol. in-18, et atlas); Traité
théorique et pratique de la construction des machines
àvapeur (Paris, 1847, in-18, et atlas in-4; 2« éd., 1859) ;
Traité classique et pratique de la métallurgie du fer
(Paris, 1861, in-4, et atlas) ; les Affinités capillaires et
les phénomènes de la trempe (Paris, 1866, in-12),etc.
Il est, en outre, Fauteur de mémoires sur Taciération in-
sérés dans les Comptes rendus de r Académie des sciences
de Paris et dans quelques autres recueils. L. S.
JULLIEN (Jean-Henri, ou John), historien genevois, né
à Genève le 3 nov. 1818, mort à Plainpalais (Genève) le
17 avr. 1887. Il fonda en 1838 une h brairie encore floris-
sante et qui a édité nombre d'ouvrages classiques, de pu-
blications scientifiques et historiques. Son Histoire de
Genève racontée aux jeunes Genevois^ en 3 vol., sans nom
d'auteur, fut commencée en 1843, mais la publication n'a
été achevée qu'en 1863. Une nouvelle édition a été faite
en 1889. E. K.
J U LLIEN (Le P. Michel-Marie), mathématicien français,
né à Lyon en 1827. Il a longtemps professé les mathéma-
tiques dans des étabHssements de la Société de Jésus, dont
il fait partie. On a de lui, outre plusieurs mémoires origi-
naux de géométrie et de physique mathématique publiés
par les journaux spéciaux, un recueil très connu et très
apprécié : Problèmes de mécanique rationnelle (Paris,
1853, 2 vol. in-8 ; 2« édit., 1866). L. S.
BiBL. : Catalogue ofscientific papers, publié par la Soc.
roy. de Londres, t. III et VIII.
JULLIEN (Philippe-Emile), homme politique français,
né à Mer (Loir-et-Cher) le 10 juil. 1845. Avocat au barreau
de Blois, collaborateur de la Lanterne, de la Nation
et autres journaux radicaux, il fut élu député de Romo-
rantin le 27 févr. 4881. Réélu le 21 août, puis aux élec-
tions générales de 1885, 1889 et 1893, il prit une part
active aux débats parlementaires, combattit la loi sur les
récidivistes, celle sur les manifestations séditieuses, l'ex-
pédition du Tonkin, défendit comme rapporteur la loi sur
le renouvellement partiel et combattit le boulangisme.
JULLIEN (J.-B. Pierre) (V. Courcelles).
JULLY. Corn, du dép. de l'Yonne, arr. de Tonnerre,
cant. d'Ancy-le-Franc ; 376 hab.
J U LLY-LÈs-BuxY (Julliacus). Com. du dép. de Saône-et-
Loire, cant. de Buxy, arr. de Chalon-sur-Saône ; 530 hab.
Halte du chemin de fer de la ligne de Ghalon à Roanne :
Tuilerie, briqueterie, fours à chaux. Découverte d'anti-
quités et de monnaies romaines au lieu dit les Houillères,
Ancien prieuré de l'ordre de Cluny. Ancienne commanderie
de Tordre de Malte.
JULLY-sur-Sarce. Com. du dép. de l'Aube, arr. et
cant. de Bar-sur-Seine ; 404 hab.
JULOS. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. d'Ar-
gelès, cant. de Lourdes; 272 hab.
JULVÉCOURT. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Verdun-sur-Meuse, cant. de Souilly ; 239 hab.
J U M ALA (Myth. finnoise). Ce nom signifie tout d'abord le
dieu du tonnerre (àejum, tonner, et du suffixe /a, demeure
= demeure du tonnerre). Plus tard, il désigne, dans la
mythologie finnoise, le dieu des orages, puis le dieu du
ciel et enfin un puissant dieu en général. On lui rendait
un culte célèbre dans le pays des Bjarma, sur la côte S.
de la mer Blanche, où s'élevait sa statue colossale avec,
sur les genoux, une coupe d'argent remplie de monnaies.
On lui attribuait, comme dieu supérieur, la création du
monde ; c'est à lui que nous devons les jours heureux du
printemps et c'est lui qui règle l'alternative du jour et de
la nuit. Les hommes sont souvent nommés les créatures
de Jumala^ et on l'invoque en cas de maladie. Encore
aujourd'hui, le paysan finnois exprime parfois sa reconnais-
sance par les mots : Kosf Jumala (que Jumala te le rende).
Il est souvent surnommé Ylijumala^ le dieu supérieur, ou
aussi Ukko^ le vieillard.
JUMART (Zool.). Mulet ou hybride imaginaire que les
anciens zoologistes supposaient pouvoir résulter de l'accou-
plement du cheval avec la vache ou du taureau avec la ju-
ment. C'est VOnotaurus des auteurs latins.
JUMEAU. I. Physiologie.— Enfants jumeaux. —
Enfants nés d'un même accouchement (V. ce mot, t. I,
p. 330), en général au nombre de deux, rarement de trois,
plus rarement de quatre. Ils ont presque toujours entre eux
une très grande ressemblance et un vif attachement mutuel ;
leurs goûts et leurs sentiments sont les mêmes ; ils éprouvent
les mêmes maladies et bien souvent leur existence est aussi
la même. — On a vu des jumeaux le corps attaché l'un à
l'autre et vivant d'une vie commune tels que les frères
Siamois, Millie-Christine.
IL Anatomie. — Muscles jumeaux. — Les jumeaux
ou gastrocnémiens constituent, avec le soléaire, les muscles
du mollet. Ils s'attachent, l'un à la partie supérieure du
condyle interne (jumeau interne) du fémur, l'autre (jumeau
externe) à la partie supérieure du condyle externe. De
chacun de ces chefs procède un corps charnu aplati qui
descend en convergeant vers son congénère du côté opposé
pour se jeter avec lui sur une aponévrose nacrée qui
s'unit, au-dessous du milieu delà jambe, à celle du muscle
soléaire pour constituer avec elle l'origine du tendon
d'Achille. Le tendon d'insertion du jumeau externe contient
assez souvent un os sésamoïde dans son épaisseur ; au-
dessous de celui du jumeau interne on trouve ordinairement
une bourse séreuse. Les deux jumeaux hmitent les deux
côtés inférieurs du losange poplité (creux poplité).
Nerfs jumeaux. — Nerfs qui viennent dusciatique po-
plité interne et innervent les muscles jumeaux.
III. Mathématiques.— Points jumeaux. — ABC étant
un triangle, et P un point du plan, les symétriques des
circonférences PAB, PBC, PC A par rapport aux côtés AB,
BC, CA, se coupent en un même point Q ; on dit que les
points P et Q sont des points jumeaux. On les appelle quel-
quefois aussi points isoptiques.
JUMEAUVILLE.Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
et cant. de Mantes; 381 hab.
JUMEAUX. Ch.-l. de cant. de l'arr. dlssoire, dép. du
Puy-de-Dôme; 1,179 hab. Fabriques de passementerie.
A Mailhat, église romane du xii® siècle avec une abside à
trois faces formant trois absidioles.
JUMEAUX (Les). Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr.
de Parthenay, cant. de Saint-Loup ; 434 hab.
JUMEAUX (V. Deux-Jumeaux).
JUMEL. Com. du dép. de la Somme, arr. de Montdi-
dier, cant. d'Ailly-sur-Noye ; 307 hab.
JUMEL (François Henri), homme politique français, né
à Mont-de-Marsan le 5 sept. 1847. Avocat au barreau de
Mont-de-Marsan, il fut élu député des Landes le 14 févr.
1886 et réélu aux élections générales de 1889 et 1893.
Membre de la gauche, il appuya la poHtique radicale et
combattit le boulangisme.
JUMEL de Berneville (V. Aulnoy [Comtesse d'J).
JUMELLE. I. Physique. — On nomme ainsi l'ensemble
de deux lunettes de Galilée, posées de façon à permettre la
vision binoculaire. Pour la théorie de cet appareil, V. Lu-
nette de Galilée.
II. Anatomie. — Artères jumelles. — Elles viennent
de l'artère poplitée et irriguent les muscles jumeaux.
— 297
JUMELLE - JUMIÈGES
Veines JUMELLES. — Elles correspondent aux artères du
même nom et se jettent dans la veine poplitée.
III. Marine. — Les jumelles sont des pièces de bois qui
s'appliquent, soit sur un bas mât craqué, soit sur une vergue,
afin de les consolider et de permettre de s'en servir, jusqu'à
l'arrivée dans un port, où l'on puisse remplacer la pièce ava-
riée. Les jumelles ont l'épaisseur voulue pour l'effort à sup-
porter ; elles sont entaillées de façon à se juxtaposer parfai-
tement à la pièce
que l'on veut
consolider. Leurs
extrémités doi-
vent dépasser la
craquelure de la
vergue ou du
mât.' Elles sont
maintenues exac-
te ment appli-
quées contre eux,
au moyen d'a-
marrages appe-
lés veltures (V.
ce mot) forte-
ment trésillon-
nées (V. ce mot)
dont le nombre
dépend de la lon-
gueur de la ju-
melle.
IV. Impri-
merie (V. Pres-
se).
V. Art hé-
raldique.—
Pièce héraldique
composée de
deux fasces très
amincies, c.-à-
d. au tiers de leur
largeur ordinaire
et posées l'une
sous l'autre.
Deux jumelles
sont donc quatre
petites fasces;
trois jumelles,
six. Les jumelles sont appelées jumelles en pal, en bande
ou en barre, lorsqu'elles sont formées par l'assemblage de
ces pièces, toujours amincies et posées deux par deux. On ne
les nomme simplement jumelles que lorsqu'elles sont com-
posées de fasces; alors on dit : d'azur, à trois jumelles
dor, G. de G.
JUMELLES. Com. du dép. de l'Eure, arr. d'Evreux,
cant de Saint-André ; 434 hab.
JUMELLES. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. de
Baugé, cant. de Longue; 1,514 hab. Stat. (Jumelles-
Brion) du chem. de fer d'Orléans, ligne de La Flèche à
Saumur.
JUMELLIÈRE (La). Com. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. deCholet, cant. de Chemillé ; 1,409 hab. Stat. du
chem. de l'Etat, ligne de Niort à La Possonière.
JUMENCOURT. Com. du dép. de l'Aisne, arr. deLaon,
cant. de Coucy-le-Château ; 200 hab.
JUM ENTÉS (ZooL). Ordre de la classe des Mammi-
fères créé par Storr (1780) qui n'y plaçait que le seul
genre cheval (Equus). P. Gervais (1854) a proposé de dis-
tinguer sous ce nom les Ongulés non ruminants (à l'excep-
tion des Eléphants et des Cochons), c.-à-d. hs Périssodac-
tyles (V. ce mot) des paléontologistes modernes. Dans la
nature actuelle, cet ordre ne comprend que les genres
Rhinocéros, Daman, Tapir et Cheval, ou les Pachy-
dermes ordinaires et les Solipèdes de Cuvier (V. Ongulés).
J U M ET. Com. de Belgique, prov. de Hainaut, arr. de
Abbaye de Jumiéges (façade Ouest).
Charleroi ; 24,000 hab. Stat. des chem. de fer de Luttre
à Charleroi et de Piéton à Fleurus. Exploitations de char-
bonnages et de carrières, importantes verreries, fonderies,
laminoirs , brasseries et distilleries.
JUMIÈGES (Gemeticum). Com. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. de Bouen, cant. de Duclair, sur la rive
droite et dans une boucle de la Seine de 22 kil. de cir-
cuit, occupée en partie par la forêt de Jumiéges ; 1 ,027 hab.
Stat. (Yainville-
Jumièges) du
chem. de fer de
l'Ouest, ligne de
Barentin à Cau-
debec. Commerce
important de
fruits, volailles,
légumes, expor-
tés pour la plu-
part en Angle-
terre. L'origine
de Jumiéges est
due à une célèbre
abbaye fondée en
ce lieu vers 665
par Saint-Phili-
bert. La légende
y place le tom-
beau des « éner-
vés de Jumié-
ges », qui au-
raient été deux
fils de Clovis II,
mutilés pour
s'être révoltés
contre leur mère
Bathilde, aban-
donnés sur une
barque au cou-
rant de la Seine
et recueillis dans
l'abbaye; ou en-
core les ducs de
Bavière, Tassilon
et Théodore, pri-
sonniers de Char-
lemagne et re-
légués à Jumiéges. Deux statues tombales, conservées jus-
qu'à nos jours , ont sans doute donné naissance à cette
légende. Détruite par les Normands au ix^ siècle, l'abbaye
fut restaurée en 928 par le duc de Normandie, Guillaume
Longue-Epée, et subsista jusqu'en 1790. De magnifiques
ruines, devenues propriété particulière, s'élèvent encore
sur l'emplacement de l'ancienne abbaye. De l'église, bâtie
de 1040 à 1067, il reste la nef effondrée, la façade sur-
montée de deux tours et des débris du chœur reconstruit
au xiii® siècle. Sur le flanc Sud de l'église abbatiale s'élève
l'église de Saint-Pierre, reconstruite au xiv^ siècle sur
l'emplacement de l'église carolingienne bâtie par Guillaume
Longue-Epée, dont il subsiste de précieux débris ; la cha-
pelle Saint-Martin, construite au xv« siècle, s'appuie à son
tour sur l'église Saint-Pierre. A côté de la tour du Sud
s'élève la salle des Hôtes du xii® siècle, remaniée au xv« siècle,
pour servir de salle des gardes aux appartements de
Charles VIÏ, qui y séjourna à plusieurs reprises. Il s'est
conservé également la salle capitulaire du xiii® siècle, qui
renferme des tombeaux d'abbés et de prieurs, le palais
abbatial du xvu® siècle, le logement du portier, des com-
muns, des ruines de la bibliothèque, des murs de clôture,
un puits et l'ancien pilori. Une communauté de moines
bénédictins a récemment acquis tous ces bâtiments pour
y rétablir une abbaye. Agnès Sorel, qui habita longtemps
un manoir du xm® siècle, au Mesnil-sous- Jumiéges, mourut
et fut enterrée dans l'abbaye, où la table de marbre noir
JUMIÈGES - JUNG
298 -
de son tombeau avec son épitaphe est encore conservée. —
L'église paroissiale (mon. hist.) est un intéressant édifice
roman, avec des remaniements postérieurs ; elle est sous le
vocable de saint Valentin, qui d'après la tradition délivra
au xu® siècle Jumièges d'une invasion de rats en les for-
çant à se précipiter dans la Seine. — Ruines de la cha-
pelle de la Mère-Dieu, lieu de pèlerinage dans la forêt,
fréquenté pour la guérison des fièvres intermittentes.
JUMIGNY. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. de Craonne; 467 hab.
JUMILHAC (Chapelle de) (V. Chapelle).
JUMILHAC-le-Grând. Ch.-l. de cant. du dép. de la
Dordogne, arr. de Nontron, sur la rive gauche de Flsle;
3,086 hab. Kaolin. Fabriques d'outils, de sabots et de
toiles de chanvre. A Vialette et aux Fénières, hauts four-
neaux, forges et feux d'affinerie. La seigneurie de Jumilhac,
possédée longtemps par la famille de Rochechouart , fut
érigée en marquisat, en 1655, pour François Chapelle,
baron d'Arfeuille. Eglise à clocher roman. Reau château
du XV® siècle, agrandi au xvii®.
JUWIPERS, c.-à-d. « sauteurs ». Nom donné à la fin du
siècle dernier à des méthodistes calvinistes du pays de
Galles. Dans les assemblées religieuses des méthodistes
(V. ce nom), les assistants ont coutume d'exprimer les sen-
timents qu'il éprouvent par des éjaculations (« Amen ! Allé-
luia! oui, Seigneur! », etc.); quelques-uns, vers 4760,
se mirent à sauter et à danser convulsivement sous l'action
de leur émotion religieuse. Cela se répandit comme une
épidémie. On excusait et on expliquait cette étrange mani-
festation en rappelant la danse de David devant l'arche
(II® Livre de Samuel^ chap. vi, v. 46) ou d'autres pas-
sages bibliques (Luc, chap. VI, V. 23; Actes des Apôtres,
chap. III, V. 8). Comme certains sujets poussaient aussi des
sortes d^aboiements, on leur donnait encore le nom de
barkers, « aboyeurs ». La plupart de ces agités finirent
par émigrer en Amérique, où cette coutume existe encore,
tandis que le méthodisme du pays de Galles s*est complè-
tement assagi. F.-H. K.
JUNAS. Com. du dép. du Gard, arr. de Nîmes, cant. de
Sommières; 450 hab.
JUNAY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. et cant. de
Tonnerre; 486 hab. Eglise du xiii® siècle.
JUNCALAS. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
d'Argelès, cant. de Lourdes ; 368 hab.
JÙNCKHER (Les). Nom de trois frères architectes,
sculpteurs et peut-être peintres allemands de la fin du xiv®
et du commencement du xv® siècle. C'est à ces artistes,
Jean, Wenceslas et Michel, originaires de Prague (Ro-
hême), et qui semblent avoir travaillé en commun, que sont
attribuées la construction et la décoration, exécutées de 4365
à 4383, de la base octogonale et des quatre tourelles ren-
fermant les escaliers intérieurs qui supportent la partie
supérieure de la flèche de la tourN. de la cathédrale de Stras-
bourg. Une médaille, frappée en l'honneur des frères Junc-
kher à Strasbourg en 4565, date du deuxième centenaire
du commencement des travaux de cette flèche, porte sur
l'avers ces mots : Turris Argentinensis (tour de Stras-
bourg), et sur la face, ces autres mots : Diedrei Junck-
herrn von Brag (les trois gentilshommes de Prague),
dernière légende qui semble rappeler à la fois le nom des
trois artistes et leur quahté nobiliaire. La cathédrale de
Strasbourg renfermait autrefois, le long d'un piher du bas
côté de gauche, une statue de la Mater dolorosa envoyée
de Prague en 4404 par les frères Junckher; mais, malgré
une tradition constante, on ne connaît aucune de leurs
oeuvres peintes. Charles Lucas.
BiBL. : Ch. GÉRARD, les Artistes de l'Alsace pendant le
moyen âge ; Paris, 1873, t. II.
JUNCUS (Paléont. végét.) (V. Jonc).
JUNDT (Gustave-Adolphe), peintre français, né à Stras-
bourg le 24 juin 1830, mort à Paris le 45 mai 4884.
Elève de DroUing et Biennoury, il s'adonna à la peinture
de genre traitant spécialement des scènes humoristiques de
la vie de campagne. Il a aussi dessiné beaucoup d'illustra-
tions et de caricatures. Parmi ses tableaux, on peut citer :
r Invitation à la Noce (1857); Un Dimanche au mii-
sèe du grand-duc (4864); Il pleut (4874); la Coupe
des cheveux à la foire de la Tour en Auvergne (4875)
et des compositions sentimentales : les Iles du Rhin (1869);
Libellules (iSlO), etc.
JUNDT (Auguste), historien français, né à Strasbourg
le 48 juil. 4848, mort à Versailles le 47 août 4890. Doc-
teur en théologie et professeur à la faculté de Paris, il a
publié entre autres une série d'études remarquables sur le
mysticisme au moyen âge : Essai sur le mysticisme spé-
culatif de maître Eckhardt (Strasbourg, 4874) ; Histoire
du panthéisme populaire au moyen âge et au \y\^ siècle
(Paris, 4875); les Amis de Dieu au xiv^ siècle (Paris,
4879); l'Apocalypse mystique du moyen âge (Paris,
4 886) ; Rulman Merswin (Paris, 1 890) . La Grande Ency-
clopédie le comptait parmi ses collaborateurs.
JUNDZILL (Stanislas-Roniface), naturaliste polonais,
né à Jasience, en Lithuanie, en 4764, mort en 4847. Il
acheva ses études à l'université de Vilna et entra dans
l'ordre des piaristes. Il enseigna l'histoire naturelle et pu-
blia en polonais divers ouvrages fort estimés, notamment
une Description des plantes de la Lithuanie (Vilna,
d881, 2« éd.) ; une Botanique (id,, 4799); une Zoo-
logie (id., 4807 ; 2« éd., 4827). On lui doit, en outre,
un certain nombre de mémoires scientifiques. Il organisa
les collections d'histoire naturelle de l'université de Vilna.
JUNG, JUNGEouJUNGlUS (Joachim), naturaliste,
mathématicien et philosophe allemand, né à Lubeck le
22 oct. 4587, mort à Hambourg le 47 sept. 4657. Il
s'adonna d'abord aux mathématiques, qu'il professa de
4609 à 4644 à l'université de Giessen, puis étudia This-
toire naturelle et la médecine, se fit recevoir docteur à Pa-
doue en 4648 et se rendit en 4649 à Rostock, où il fonda
en 4622 une société scientifique et où il fut de nouveau
professeur de mathématiques de 4624 à 4625. Accusé
d'intelligences avec les frères Rose-Croix, il dut quitter
Rostock à deux reprises et se retira définitivement à
Hambourg, où il passa ses vingt dernières années comme
recteur du gymnase et du Johanneum. Leibniz, qui ne
craint pas de le comparer à Gahlée et à Cope)*nic, l'estime
l'un des esprits les plus sagaces du xvii® siècle. Il sut, en
tout cas, s'affranchir, dans son enseignement et dans ses
écrits, des vieilles doctrines de la scolastique, auxquelles
il substitua, l'un des premiers, l'expérience scientifique. La
botanique lui est surtout redevable : il introduisit dans
l'étude des caractères des plantes une précision avant lui
inconnue ; il les classa en genres et en espèces ; il essaya
de comparer leurs organes et de rechercher leurs analogies ;
il créa enfin toute une terminologie, que Linné devait par
la suite perfectionner. Un petit nombre de ses ouvrages
virent le jour de son vivant : Geometria empirica (Ros-
tock, 4627, in-4; 6« éd., Hambourg, J688, in-4), tra-
duite en allemand par Jung lui-même {Die Reisse-Kunst,
très rare) ; Trias quœstionum physicarum (Hambourg,
1637, in-4); Logica Hamburgensis (Hambourg, 4638;
3^ éd., 4684); De Principiis corporum naturalium
(Hambourg, 4642, in-4), etc. La plupart ne furent publiés
qu'après sa mort, par M. Fogel, J, Vaget, J. Harmer :
Isagoge physica doxoscopia (Hambourg, 4662, in-4);
Harmonica theoretica (Hambourg, 4678, m-^i); Isagoge
phytoscopica (Hambourg, 4678, in-4) ; Mineralia (Ham-
bourg, 1689, in-4); Phoranomica (Hambourg, 4689,
in-4); Ilistoria Vermium (Hambourg, 4694, in-4), etc.
J.-S. Albrecht a donné en outre un recueil de ses disser-
tations : Opuscula botanico-physica (Cobourg, 4747,
in-4). L.S.
BiBL. : M. VoGEL, Historia vitae et mortis J. Jungii;
Hambourg, 1657, in-4. — Leibniz, Opéra, t. Vï, p. 39. —
Galmberg, Geschichte des Hamb. Johanneums ; Ham-
bourg, 1829. — E. GuHRAUER, Commentatio historico-
litteraria de J. Jungio; Breslau, 1846, m-8. — Du même,
J. Jungius und sein Zeitalter; Stuttgart, 1851, in-8. —
- 299
JUNG - JÛNGER
Avé-Lallemant, Des D^" J, Jungius ans Lûbeck Brief-
wechsel ; Lûbeck, 1863. — Du même, Das Leben des Dr.
med. J. Jungius ; Breslau, 1882.
JUNG (Johann-Heinrich), surnommé Stilling, né à
Grund, dans le Nassau, le d 2 sept. 4740, mort à Karlsruhe le
i2 avr. 18 17. A l'âge de quinze ans, il se vit obligé de gagner
sa vie comme tailleur et maître d'école. Cependant, grâce
à son énergie et à sa persévérance, il acquit bientôt des
connaissances qui lui permirent d'être précepteur, jusqu'au
jour où il commença, à l'âge de trente ans, des études de
médecine à Strasbourg. Il y rencontra Goethe, avec lequel
il eut des relations très amicales, comme le raconte celui-ci
dans ses mémoires (Dichtung u. Wahrheit, IX) ; Gœthe
fait un grand éloge de Stilling, vante son enthousiasme
pour le bien, le vrai et le juste, et montre comment son
énergie reposait sur une inaltérable confiance en Dieu, senti-
ment qui soutint, en effet, Stilling jusque dans les épreuves
les plus pénibles. Médecin à Elberfeld, il fit souvent et
avec bonheur l'opération de la cataracte et cela rendit son
nom célèbre en Allemagne ; mais, malgré ses succès, il
renonça à pratiquer la médecine pour s'occuper d'écono-
mie politique, et fut d'abord maître à Kai^erslautern (1778),
puis à Heidelberg (1 784) et enfin professeur à Marbourg
(1787). Il s'intéressait cependant surtout aux questions
religieuses et, dans son mysticisme exalté, croyait même
au commerce des esprits ; il a laissé à ce sujet des
Scènes du règne des esprits (1803); une Théorie de
la connaissance des esprits (1808); une Apoloqie de
la théorie des esprits (1809), etc. Nommé par Charles-
Frédéric, en 1803, professeur d'économie politique à Heidel-
berg, il avait avant tout pour mission « de faire avancer
par ses écrits la religion et le christianisme pratique » ;
en 1806, il alla s'établir à Karlsruhe, dans le château
même du duc, et il y resta jusqu'à sa mort. L'ouvrage
le plus populaire de Stilling ce sont ses mémoires (Vie
d'Henri Stilling^ 1806, 5 vol.), témoignage naïf et par-
fois touchant de la simplicité de cœur et de la foi chré-
tienne de leur auteur. Les romans : Histoire de M. de
Morgenthau (1779) et Theobald (1784-85) dans les-
quels Stilling parle aussi de ses expériences personnelles,
ont moins d'intérêt. L.-W. C.
BiBL. : Œuvres ; Stuttgart, 1835-39, 14 vol. — • Bodemann,
Zûge aus dem Leben von J.-H. Jung, genannt Stillinq ;
Bielefeld, 1868.
JUNG (André), théologien et historien alsacien, né à
Strasbourg le 20 juin 1793, mort à Strasbourg le 12 oct.
1863. Il devint docteur en théologie en 1832. Del821-35,
il fut supérieur du collège Saint-Guillaume; en 1826, pro-
fesseur suppléant au séminaire protestant; à partir de
1833, professeur d'histoire ecclésiastique; de 1843-63, il
fut bibliothécaire de la ville de Strasbourg. Jung a écrit,
en allemand, l'histoire de la réformatioa de Strasbourg
jusqu'en 1524, de celle de la diète de Spire de 1529; il a
aussi pubhé une série de notices sur les bibliothèques pu-
bliques de Strasbourg, et a été correspondant du ministère
de l'instruction publique pour les travaux historiques. Comme
bibliothécaire, il a rendu des services inappréciables.
BiBL. : Ch. ScHMiDT, Discours académique prononcé à
la mémoire de M. André Jung; Strasbourg, 1864.
JUNG (Henri-Féhx-Théodorè), général et écrivain fran-
çais, né à Paris le 22 mars 1833. Fils d'un ingénieur géo-
graphe (mort en 1 865) qui s'est fait connaître comme peintre
de batailles, et petit-fils d'un des officiers de l'état-major de
Desaix, il fit ses études au lycée Bonaparte et entra à l'Ecole
de Saint-Cyr le 8 oct. 1851. A sa sortie, il est classé dans
l'état-major et, à la fin des cours de l'Ecole d'application, il
part pour l'Algérie où il est stagiaire au 71^ de ligne à Sétif
et au 3*^ chasseurs d'Afrique. En cette qualité, il prend part
à toutes les expéditions qui ont lieu à cette époque : la
Kabylie en 1855 avec le général Deligny, les Babors en
1856 avec le général Maissiat, Ouargla en 1857 avec le
général Desvaux et la même année, la Grande-Kabylie avec
le maréchal Randon. Nommé capitaine entre temps, il éta-
blit le premier la carte saharienne du S. de la province de
Constantine et celle du massif montagneux des Portes de
Fer. Dès cette époque, le jeune officier d'état-major se fait
connaître dans la presse, mais c'est le crayon et non la
plume qu'il exerce en envoyant aux journaux illustrés des
croquis de ses campagnes. Au moment de la guerre d'Ita-
lie, Jung est à Sétif aide de camp du général Nesme-Des-
marest ; il obtient de rejoindre le 3® chasseurs d'Afrique,
prend part à tous les combats et est décoré sur le champ à
la bataille de Solférino. Après avoir été aide de camp des
généraux Decaen et Daumas, il est appelé au ministère de
la guerre en 1865 et c'est là que se dessine son aptitude
aux travaux historiques et philosophiques. En 1866, il
donne son Parallèle entre Michel le Tellier et le mar-
quis de Louvois, et About fait paraître sans l'en prévenir
son Voyage autour de la tente. Successivement on peut
lire de lui à cette époque, sous la signature de Gambetta,
dans la revue Politique et littéraire de Ghallemel-Lacour :
le Budget de la guerre, le Quadrilatère, Solférino-Sa-
doiua. 11 était au cabinet du ministre de la guerre quand éclata
le conflit franco-allemand. Dès le 16 juil., il part pour Stras-
bourg, assiste à la bataille de Wœrth et, après la défaite,
^concourt à organiser la retraite sur Châlons. Le 11 août,
il est à Metz où il fait arrêter le baron de Degenheim, dit
Schull, le chef des espions Allemands. Cité à l'ordre du
jour pendant le siège, il subit le sort commun et est envoyé
en captivité à Cassel, puis à Aix-la-Chapelle et enfin à Ulm
d'où il rentre en France le 17 mars 1871. Il est alors versé
dans l'artillerie à la suppression du corps d'état-major.
M. Thiers employa alors le capitaine Jung à des missions
à l'étranger. Il fut en Italie, puis à son retour au minis-
tère des affaires étrangères. Envoyé à Besançon comme en
exil lors du 24 mai, il y fit la connaissance du colonel Bou-
langer qui commandait dans cette garnison le 133® d'infan-
terie. Chargé d'études militaires en Suisse, puis en Hollande,
il occupe dans le Nord des fonctions d'état-major jusqu'en
1 880, où il est appelé de nouveau à Paris au cabinet du
ministre de la guerre, le général Farre. Jusque-là il a fait
paraître : la Vérité sur le Masque de fer ; France et
Rome ; le Dépôt de la guerre ; Principes de guerre :
r Académie de guerre de Berlin, etc. ; mais, voici le
moment où il se révèle : Bonaparte et son temps vient
après Michelet et Lanfrey démolir la légende napoléo-
nienne créée par Thiers et son école. L'impression pro-
duite par ce livre fut considérable ; non seulement le talent
et le travail de l'auteur s'y révélaient, mais aussi sa profonde
conviction. Il fallait en effet une énergie et un courage peu
communs pour oser venir saper ouvertement l'idole. En
1881 et 1882, il est envoyé en Espagne et à Andorre ;
puis, après quelques mois passés pour la seconde fois à
l'hôtel du quai d'Orsay, il est nommé à Brest directeur de
l'artillerie. C'est là que Boulanger vient le chercher comme
chef de cabinet, et, dans ce poste, il reçoit les étoiles de gé-
néral de brigade. A la chute du ministère, il prend pen-
dant quelques jours le commandement d'une brigade d'in-
fanterie, mais brusquement on lui confie, le 27 juin 1887,
le commandement supérieur du groupe : Dunkerque, Calais,
Bergues, Gravelines. C'est là qu'en 1891 il a quitté volon-
tairement l'armée et qu'il s'est fait placer dans le cadre de
réserve. Ses occupations ne l'avaient pas empêché de pu-
blier d'importants ouvrages : en 1884, Lucien Bonaparte;
en 1885, Dubois-Crancé ; en 1889, la Guerre et la
Société, qui eut un grand retentissement dans toute l'Eu-
rope et surtout en Allemagne; puis, en 1890, le corollaire
de ce dernier livre : Stratégie, tactique et politique.
Nommé membre de la Société des gens de lettres en
1891, il fit aussitôt paraître : la République et V armée,
puis, après avoir collaboré à V Eclair, il a fondé le journal
la Plume et VEpée, publication essentiellement militaire
qui a pour devise Glorifier le passé, honorer le présent,
préparer l'avenir. —- Le général Jung a été élu député
de Dunkerque en 1893.
JUNG BuNZLAu (Y. Mlada Boleslava).
JUNGE (V.Jung).
JUNGER (Johann-Friedrich), auteur comique allemand,
JONGER — JUNIN
— 300 —
né à Leipzig le ^15 févr. 4769, mort le Î25 févr. 4797. Il
dirigea le théâtre de la cour à Vienne de 4789 à 4794.
Imitateur des comiques français, ses œuvres ont été réu-
nies en trois séries : Lustspiele (Leipzig, 4785-90, 5 vol.);
Komisches Theater (4792-94, 3 vol.); Theatralischer
Nachlass (Ratisbonne, 4803-4, 2 vol.). Il a écrit des
poésies et des romans médiocres.
JUNGERMANNIA. L Botanique. — L. Genre de plantes
Cryptogames Acrogènes, de la famille des Hépatiques, Ses
représentants ressemblent à certaines espèces de Mousses
par leurs tiges et leurs feuillages. Elles ont une tige couchée,
stoloniforme, dressée à sa partie supérieure, simple ou
bifurquée ; les feuilles sont rapprochées et divisées en deux
lobes inégaux, oblongs, arrondis ou apiculés ; la capsule
est globuleuse, solitaire au sommet d'un pédicelle grêle.
On en connaît une quarantaine d'espèces ; les plus com-
munes, que l'on rencontre aux environs de Paris, sont :
Jungermannia albicans L., Jungermannia crenulaia
Sm., Jungermannia ventricosa Dicks. On les trouve sur
les rochers siliceux, la terre, les bois pourris, au milieu
des mousses, au bord des chemins creux, bois et bruyères,
humides. A. Vendryès.
IL Paléontologie. — On a rencontré des fragments de
Jungermannia et de genres voisins dans l'ambre du littoral
de la Baltique.
BiBL. : Lin., Sp. Plant., n° 1599. — Hooker, Brit. J.,
t. XXV, XXVIII et XXXVII.— Husnot, Hép. Gall, n°* 7,
31 et 33. — BouL, pp. 787 et 797.
JUNGERMANNIACÉES (Bot.). Famille de Végétaux
Cryptogames vasculaires, de la famille des Hépatiques. —
Plantes composées d'une tige garnie de feuilles plus rare-
ment formées d'une simple expansion membraneuse ou
thalle. Capsule solitaire, pédicellée, s'ouvrant en quatre
valves régulières ou très peu irrégulières. Périanthe libre.
Fructification (archégones) terminant la tige ou un rameau
latéral. On les divise d'après ce dernier caractère en deux
titres : 4° Anacrogynes, à archégones non terminaux,
presque toujours un thalle ; genres principaux : Metzgeria,
Aneura^ Blasia^ Blyttia, Fossombronia^ Haplomitrium ;
2° Acrogynes, à archégones terminaux, à tige feuillée;
genres principaux : Lejeunia, Frulliana, Radula, Mado-
theca^ Ptilidium, Lepidozia, Mastigobryum, Geocalyx,
Jungermannia, Gymnomitrium, A. Vendryès.
JUNGFERNSTIÉ6 (V. Hambourg).
JUN6FLEISCH (Emile-Clément), chimiste français, né à
Paris le 24 dée. 4839. Interne en pharmacie de 4864 à 4868,
reçu en 4868 docteur es sciences physiques avec une thèse
sur les Dérivés chlorés de la benzine et, en 4 869, agrégé de
chimie à l'Ecole supérieure de pharmacie de Paris avec une
thèse sur les Anilines chlorées, il a été chargé, à cette
école, en 4869, en 4874 et en 4876, de la suppléance du
cours de chimie organique et il y est depuis 4877 profes-
seur titulaire de cette chaire. Il est en outre, depuis ^1890,
professeur de chimie générale au Conservatoire national des
arts et métiers. Il a été élu en 4880 membre de l'Aca-
démie de médecine. Elève de M. Berthelot, M. Jungfleisch
est l'auteur d'importants travaux de chimie minérale et de
chimie organique. On lui doit notamment : une méthode
pour l'extraction du gallium en quantités relativement
considérables (avec M. Lecoq de Boisbaudran) ; une étude
complète de la lévulose pure et du sucre interverti (avec
M. Grimbert) ; de longues séries d'intéressantes recher-
ches sur les dérivés chlorés de la benzine, sur les trans-
formations réciproques des variétés optiques d'un même
corps (prix Jecker de l'Académie des sciences, 4872), sur
la production synthétique par les Eléments, — dont il a le
premier démontré la réalité par ses expériences, — des
substances douées du pouvoir rotatoire, sur les isoméries
optiques de la cinchonine (avec M. E. Léger) ; un procédé
nouveau de production industrielle de la gutta-percha par
le traitement des feuilles mêmes de Visohandra (4892).
Il a exposé les résultats de tous ces travaux dans une
soixantaine de mémoires originaux, qui ont paru dans les
Comptes rendus de l'Académie des sciences, dans le
Bulletin de la Société chimique et dans le Journal de
pharmacie, où il rédige, depuis 4869, la Revue des ira-
vaux de chimie publiés à l'étranger. Il a publié à part :
Traité de chimie organique (2® éd., Paris, 1884, 2 vol.
in-8 ; 4^ éd., 4894), en collab. avec M. Berthelot, qui avait
donné seul la première édition ; Manipulations de chi-
mie, excellent guide pour les travaux pratiques (Paris,
4886, in-8 ; 2« éd. ; trad. esp.) ; I^otice sur E. M. Peli-
got (Paris, 4894, in-8); la Production de la gutta-per-
cha (Paris, 4892, in--8) ; la Pharmacie et les marques
de fabrique (Paris, 4894, in-8), etc. L. S.
BiBL. -.Notice siirles travaux scientifiques de M, E. Jung-
fleisch; Paris, 1889, in-8.
JUNGFRAU. Montagne des Alpes bernoises; 4,467 m.
C'est une des plus belles des Alpes, cime pyramidale d'une
blancheur éblouissante, enveloppée de vastes glaciers, do-
minant les vallées de Trumleten au N., de La'uterbriinnen
au N. -0.; de ce côté s'élèvent deux avant-monts, le Silber-
horn (3,690) et le Schneehorn (3,445m.). La Jungfrau
fut escaladée dès le 3 août 4844 par les frères Rudolf et
H. Meyer. La forme du sommet change continuellement.
BiBL. : Studer, Ueber Eis und Schnee ; Berne, 1869 et
1883, t. I et IV.
JUNGIUS (V.Jung).
JUNGLE (V.Inde).
JUNGMANN (Joseph), littérateur tchèque, né à Hudlice
en 4773, mort à Prague en 4847. Il acheva ses études à
Prague et devint professeur au gymnase de Litomerïce, puis
à l'université de Prague dont il fut recteur en 4840. Il
débuta fort jeune encore par des poésies en langue tchèque,
et des traductions de Milton et de Chateaubriand. Après de
longues recherches il publia en 4825 une Histoire de la
littérature tchèque qui est encore aujourd'hui classique
(Prague, d849, 2® éd.). Il fut l'un des fondateurs de la
Matice de Prague (V. ce mot). En 4835, il fit paraître le
premier volume de son Dictionnaire de la langue tchèque
(4835-39, 4 vol. in-4). Cette œuvre capitale suffirait à
immortaliser le nom de Jungmann. On lui doit encore un
Traité de littérature (Wi^, 2® éd.); un volume dWEuvres
diverses (1842). La Revue du musée de Prague a publié
dans ces dernières années un grand nombre de lettres de
Jungmann. Bien qu'il n'ait joué aucun rôle politique, Jung-
mann occupe une place importante parmi les restaurateurs
de la nationalité tchèque. En dressant le répertoire de sa
langue et de sa littérature il lui a rendu le plus grand des
services. Sa mort fut considérée comme un deuil public.
Sa statue a été élevée à Prague en 1880. L. L.
BiBL. : Zeleny, Vie de Jungmann (en tch.); Prague, 1873.
JUNHAC. Com. du dép. du Cantal, arr. d'Aurillac,
cant. de Montsalvy ; 966 hab.
JUNIA (Gens). Famille de l'ancienne Rome dont tous
les membres furent plébéiens, à l'exception des Brutus du
commencement de la république. Elle comprenait les
familles suivantes : Brutus, Bubulcus, Gracchanus,
^orbanus, Paciœcus, Pennus, Pera, PulluseiSilanus.
On trouvera à ces noms les biographies de ceux de ses
membres qui ont une importance historique. — Parmi
les femmes du nom de Junia, il faut citer les deux filles
de D. Junius Silanus et de Servilia, demi-sœurs du fameux
Brutus ; la première mariée à Lépide le triumvir, la seconde
à Cassius, le meurtrier de César, morte en 22 ap. J.-C.
J UNIES (Les). Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Catus ; 603 hab.
JUNIN (Lac de) (V. Chinchaïcocha).
JUNIN. Ville du Pérou, dép. de ce nom; 2,000 hab.
Située sur le bord du lac de Chinchaicocha, à 4,063 m.
d'alt., elle s'appelait jadis Los Reyes. Elle doit sa célé-
brité à la grande victoire remportée par Bolivar sur les
Espagnols le 6 août 4824. Le département a 442,254 kil. q,
et 240,000 hab. (en 4876). H s'étend sur la région
la plus haute des Andes péruviennes ; entre leurs solitudes
301 —
JUNIN — JUNOT
sauvages sont de belles vallées, surtout celle du Huallaga
et Jaiya qui sort du lac Chinchaicocha (800 kil. q.). Les
richesses minières sont énormes, surtout autour du Cerro
de Pasco. La population est formée de pasteurs, d'agricul-
teurs et de mineurs. Le ch.-l. est Cerro de Pasco, Le dép.
de Junin est subdivisé en quatre provinces : Pasco, Tarma,
Jauja, Huancayo.
JUNIPÉRITES(V. Genévrier).
JUNIPERUS(V. Genévrier).
JUNIUS(V.JuNiA[GgMsJ).
J UNI US (Adrien de Jonghe, en latin), en français le
Jeune, médecin et poète hollandais, né à Hoorn en 4511,
mort à Armuyden en 1575. Il étudia la médecine à Paris
et à Bologne et parcourut ensuite FAUemagne et l'An-
gleterre pour se perfectionner dans l'art médical. Il fut
pendant quelque temps le premier médecin du roi de Da-
nemark, puis s'étabht à Haarlem et acquit une immense
réputation tant par son habileté de praticien que par ses
ouvrages. Les rois de Pologne et de Hongrie lui firent en
vain des propositions brillantes pour se l'attacher, et plu-
sieurs universités d'Allemagne lui offrirent une chaire.
Junius était aussi un poète distingué ; il publia des poésies
latines et des études littéraires remarquables. La liste
complète de ses nombreux travaux se trouve dans Schel-
tema ; les plus importants sont : Medicœ quœstiones
(Paris, 1541, in-4) ; Commentarii in Horatii carmina
(Bâle, 1566, in-8) ; Nomenclator omnium rerum pro-
pria nomina variis linguis explicata indicans (Anvers,
1567, in-8, rééd. 1577, 1583; Londres, 1585; Paris,
1606, in-tol. Francfort, 1590,1596, 1602, 1619,in-fol.).
On a publié après sa mort une vaste étude historique in-
titulée Batavia (Leyde, 1588, in-4), où le premier il
attribua à Laurent Coster l'invention de Vimprimerie
(V. ce mot). E. H.
BiBL. : ScHELTEMA, Diatribe in Hadriani Junii vitam;
Amsterdam, 1836, in-8.
JUNIUS (François), érudit hollandais, né à Heidelberg
en 1589, mort à Windsor le 19 nov. 1677. Beau-frère
de G, Vossius (V. ce nom), il fut élevé par lui, fut trente
ans précepteur en Angleterre où il mourut chez son neveu,
J. Vossius. Très versé dans les littératures germaniques, il
a formé une très précieuse collection de manuscrits qui
est conservée à la bibliothèque Bodléienne d'Oxford.
JUNIUS (V. Francis [Sir Phiiipp]).
JUNIVILLE. Gh.-l. de cant. du dép. des Ardennes,
arr. de Rethel, sur la Retourne; 1,105 hab. Filature de
laines peignées ; brasseries.
if JUNKER (Wilhelm), docteur en médecine et voyageur
russe, né à Moscou de parents allemands le 18 avr. 1840,
mort à Saint-Pétersbourg le 13 févr. 1892. Sa fortune
personnelle lui permit d'entreprendre des voyasçes scien-
tifiques : en Islande (1869), en Tunisie (1873-74), dans
le Soudan égyptien (1875-78), où il se lia avec Gordon
et Emin Pacha. Il revint au Soudan de 1880 à 1886, le
quitta après la révolte des mahdistes. Junker a recueilli et
rapporté un grand nombre de documents et objets d'eth-
nographie et d'histoire naturelle. Divers levers qu'il a
faits, durant ses voyages, des territoires et des cours d'eau
de l'intérieur de l'Afrique ont été reconnus très exacts et
d'un grand secours pour les explorateurs. W. Junker
laisse sur ses voyages un grand nombre d'études dans diffé-
rents recueils scientifiques russes, allemands et français.
Son principal ouvrage : Reisen in i/n/ca (Vienne, 1875-
91) forme trois volumes. P. Lem.
JUNOD (Victor-Théodore), médecin suisse, né à Bon-
villard (Vaud) le 5 août 1804. Il vint de bonne heure se
fixer à Paris et s'y fit connaître par l'invention des ven-
touses (V. ce mot) et d'autres appareils semblables, in-
vention qui entre autres récompenses lui valut un prix
Montyon en 1836, le grand prix de médecine et de chi-
rurgie en 1870, etc. Il a publié sur l'hémospasie une série
d'ouvrages, parmi lesquels: Traité théorique et pratique
de Vhémospasie (Paris, 1875, in-8). D"^ L. Hn.
J U NON. Divinité latine qui fut identifiée à i'Héra (V. ce
nom) des Grecs. Le nom paraît être la forme féminine (Jo-
vis, Jovino) de celui à^ Jupiter (V. ce nom). C'est dire qu'il
désignait non pas une déesse particulière, mais des êtres
divins fort divers caractérisés par les épithètes qui étaient
le vrai nom : Juno Lucina, Juno Sospita^ Juno Moneta,
Juno Caprotina, etc. Junon Lucine était une déesse lu-
naire dont le culte était général en Italie. A Rome, le pre-
mier jour du mois lui était consacré ; le rex sacrorum lui
sacrifiait au jour des calendes. Elle était déesse féminine
de la génération, présidant aux accouchements. Sa grande
fête était celle des Matronalia (au l®*" mars) à laquelle
prenaient part les mères de famille et les jeunes filles. On
représentait la déesse voilée, tenant un nouvau-né dans
la main gauche. — Juno Sospita était la grande déesse
de Lanuvium; son bois sacré et son temple étaient vé-
nérés dans tout le Latium ; les consuls romains y sacri-
fiaient tous les ans; Sospita avait d'ailleurs deux temples
à Rome. On la représentait vêtue en matrone, une peau
de chèvre jetée sur la tète et les épaules, portant un bou-
clier, brandissant la lance (V. la statue colossale du mu-
sée du Vatican). — Juno Moneta était la déesse des
avertissements ou suggestions et peut-être de la mémoire ;
elle avait un temple sur le Gapitole. — Juno Caprotina
était une divinité agricole, en l'honneur de laquelle les
femmes esclaves célébraient une fête annuelle, les Nonœ
Caprotinœ (7 juil.). — Le culte de la déesse céleste de
Garthage, qu'on identifie à l'Astarté phénicienne, fut intro-
duit à Rome vers le ii® siècle ; on l'honora sous le nom de
Juno Cœlestis,
La plus célèbre des Junons est la divinité politique qu'on
honorait dans chaque cité sous le vocable de Juno Regina,
protectrice de l'Etat et spécialement de la population fémi-
nine. A ce groupe se rattachent probablement la Junon de
Lanuvium, Juno Curitis ou Quiritis, c.-à-d. la Junon de
Cures ou du peuple des Quirites ; la Juno Regina de Veies,
dont le culte fut transplanté à Rome sur le mont Aventin,
A Rome, la déesse de l'Etat primitif paraît avoir été Juno
Quiritis, correspondant à Quirinus, le dieu des Quirites.Lors
de la révolution politique qui substitua à l'Etat patricien
l'Etat plébéio-patricien de Servius Tullius et des Tarquins,
les dieux officiels de la cité renouvelée furent Jupiter Opti-
mus Maximus, Junon et Minerve. Junon prit place dans la
trinité des dieux capitolins qui présidèrent à la fortune de
Rome. Son temple était annexé à celui de Jupiter Capitolin
(V. Capitole) . On y entretenait des oies, animal consacré à la
déesse et dont le cri opportun sauva la citadelle d'une sur-
prise des Gaulois. A titre de divinité protectrice des femmes
et aussi à titre de divinité politique présidant au mariage
religieux officiel, Junon jouait un grand rôle dans les ma-
riag'es. Les épithètes de Domiduca, Unxia, Cinxia, Pro-
nuba, Juga se rapportent aux différentes phases de cet
acte ; toutefois, on peut aussi considérer, conformément à
la notion animiste qui domine la religion romaine, qu'il
s'agit d'une série d'êtres divins, distincts et identifiés à leur
fonction. A mesure que l'hellénisme imprégna l'esprit ita-
lien, la Junon romaine se conïonàit avec l'Héra grecque,
et ce type absorba les autres Junons. C'est celui que figu-
rent à peu près tous les monuments de l'art antique.
JUNOT (Andoche), duc d'Abrantès, général français,
né à Bussy-le-Grand (Côte-d'Or) le 23 oct. 1771, mort à
Montbard (Côte-d'Or) le 29 juiL 1813. Etudiant en droit
à l'époque de la Révolution, il s'engagea dans un bataillon
de volontaires de son département en 1792, se fit bientôt
remarquer par son impétueuse bravoure, s'attacha, dès le
temps du siège de Toulon (1793), à Bonaparte, lui resta
fidèle dans sa disgrâce passagère après le 9 thermidor, le
suivit comme aide de camp en Italie (1796), où il gagna
le grade de colonel, puis en Egypte (1798), où il fut promu
à celui de général de brigade et où il se battit en duel
pour l'honneur de son chef avec le général Lanusse. Rentré
en France, il fut appelé (1800) au commandement de la
place de Paris par le premier consul, qui le maria avec
JUNOT — JUPITER
-30^ -
M^^^ Laure Permon (V. l'art, suivant), l'éleva au rang de
général de division et le mit à la tête du corps des grena-
diers de Tannée dite d'Angleterre (1803). Lors de l'éta-
blissement de l'Empire (d804), Junot fut nommé colonel-
général des hussards et peu après grand ofHcier de la Légion
d'honneur, mais ne reçut pas le bâton de maréchal, ce dont
il témoigna quelque mauvaise humeur. Ses prodigalités,
ses désordres et les allures frondeuses de sa femme déter-
minèrent Napoléon à l'éloigner de Paris. Envoyé comme
ambassadeur en Portugal, Junot s'y comporta en soldat
plutôt qu'en diplomate (4804-05), quitta son poste sans
autorisation (oct. 1805), rejoignit l'empereur en Allemagne,
prit part à la bataille d'Austerlitz, alla ensuite à Parme et
à Plaisance pour réprimer des troubles, obtint, en juil.
1806, le gouvernement militaire de Paris en même temps
que le commandement de la première division militaire, et,
à la suite de nouvelles frasques de conduite, fut envoyé dé
nouveau en Portugal, mais celte fois à la tête d'un corps
d'armée et pour occuper ce pays, dont il prit effectivement
possession et fut nommé gouverneur général (nov. 1807).
Le titre de duc d'Abrantès récompensa ses derniers services.
Junot qui n'était qu'un sabreur et qui ne s'entendait, en
somme, ni à l'administration d'un royaume, ni à la direction
d'une armée, ne se fit guère remarquer à Lisbonne que
par ses exactions, ses violences et sa dissipation. Attaqué
par Wellington, battu à Vimeiro, il dut signer la capitula-
tion de Cintra (30 août 1808) et fut ramené en France
par les Anglais. Napoléon, très mécontent de lui, l'envoya
peu après au siège de Saragosse, oti il le remplaça bientôt
parle maréchal Lannes, l'employa dans un commandement
de second ordre en Allemagne pendant la campagne de
1809, puis le mit, comme commandant du 8^ corps,
sous les ordres de Masséna qui, dans sa campagne de Por-
tugal (1810-11), n'eut pas beaucoup à se louer de lui.
Enfin Junot prit part, sans éclat, à l'expédition de Russie
(1812). L'empereur lui reprocha publiquement d'avoir
manqué de résolution et l'éloigna de lui en le nommant
gouverneur des provinces illyriennes. Le duc d'Abrantès,
dont la santé était depuis quelque temps altérée, se montra
fort sensible au mécontentement impérial. Il perdit bientôt
la raison, fut ramené chez son père à Montbard, se jeta
par une fenêtre dans un accès de fièvre chaude, se brisa
une cuisse et mourut des suites de l'amputation que cet ac-
cident avait rendue nécessaire. A. Debidour.
JUNOT (Laure Permon, M^^), duchesse d'Abrantès,
femme du précédent, née à Montpellier le 6 nov. 1784,
morte à Paris le 7 juin 1838. Sa mère prétendait des-
cendre des Comnène de Constantinople. Son père, qui avait
fait, grâce à la protection du ministre Vergennes, une
grande fortune dans les fournitures des vivres militaires,
fut ruiné par la Révolution et mourut en 1795. Bonaparte^
qui avait songé quelque temps à épouser W^^ Permon,
maria Laure, sous le Consulat, à Junot, le plus aimé de
ses aides de camp, la combla, elle et son mari, de dons et
de faveurs, mais eut souvent à se plaindre de sa prodiga-
lité, de sa médisance et de sa facilité à se lier avec ses
ennemis. Devenue ambassadrice, elle afficha un luxe inouï
à Lisbonne (1804-1805). Rentrée en France, elle mécon-
tenta de nouveau l'empereur par ses intrigues, ses folles
dépenses et son insouciance à l'égard de ses dettes. Plus
tard, elle alla rejoindre le duc d'Abrantès à l'armée de
Portugal (1810), puis à Venise (1843), revint à Paris
après la mort de son époux, malgré la défense qui lui en
avait été faite (17 sept. 1813), s'associa aux menées des
ennemis de l'Empire et, complètement ruinée, s'efforça,
pour refaire sa fortune, après la Restauration, d'obtenir
les bonnes grâces de Louis XVIIl et de l'empereur Alexandre.
Mais elle n'obtint guère que des paroles. Après avoir vendu
tout ce qui lui restait de son ancienne opulence, elle finit
par se retirer à l'Abbaye-aux-Bois, se mit aux gages des
libraires et fut réduite pour vivre à publier ses volumineux
Mémoires^ qui parurent, de 1831 à 1834, en dix-huit
volumes in-8 et qui eurent une grande vogue, non seule-
ment, parce qu'ils étaient écrits avec beaucoup d'esprit et
de vivacité, mais parce qu'ils révélaient une foule d'anec-
dotes curieuses et piquantes sur ce monde du Directoire, du
Consulat, de l'Empire, que l'auteur avait vu de si près et
si bien vu. — Le succès de ce livre entraîna la duchesse
d'Abrantès à écrire d'autres ouvrages semi-historiques, et
des romans qui, après un moment de célébrité, sont presque
entièrement tombés dans l'oubli. Parmi ces productions
hâtives, nous citerons : les Femmes célèbres dans tous
les pays (Paris, 1833, in-fol.); VOpale (1834, in-18);
Catherine II (1835, in-8); Histoires contemporaines
(1835, 2 vol. in-8); Mémoires sur la Restauration, la
révolution de iSSO et les premières années du règne
de Louis-Philippe (1836, 6 vol. in-8); Scènes delà vie
espagnole (1836, 2 vol. in-8); Histoire des salons de
Paris (1837-38, 6 vol. in-8); VExilé, une rose au
désert (1837, 2 vol. in-8); Souvenirs d'une ambassade
et d'un séjour en Espagne et en Portugal (1837, 2 vol.
in-8); la Duchesse de Valombray (1838, 2 vol. in-8);
Hedwige, reine de Pologne (1838, in-8); la Vallée des
Pyrénées (1838, in-8); Eglantine (1839, 2 vol. in-8);
Blanche, roman mtime (1840, 2 vol. in-8); les Deux
Sœurs, scènes de la vie d'intérieur {\M0, 2 vol. in-8);
Etienne Saulnier, roman historique (1841, 2 vol. in-8).
JUNOT (Napoléon-Andoche), duc d'Abrantès, fils du
général et de Laure Permon (V. ci-dessus), né à Paris en
4807, mort à Paris en 1851. Il fut tenu sur les fonts du
baptême par Napoléon et Joséphine. Héritier de la situation
embarrassée de son père, il fut impliqué dans maints procès
scandaleux qui l'oMigèrent à renoncer à la diplomatie où
il était entré. H a laissé quelques romans et études : Deux
Cœurs de femme (Paris, 1833, in-8) ; Une Soirée chez
i¥^^ Geoffrin (1837, in-8); Piaphaël (1839, 2 vol. in-8) ;
Alfred (1842, 2 vol. in-8) ; les Boudoirs de Paris
(1844-45, 6 vol. in-8), etc. Il a collaboré au Livre des
Cent et Un. — Son frère, Adolphe- Alfred-Michel, né en
1810, mort le 23 juil. 1859, fut aide de camp de Mac-
Mahon (1848) et du prince Jérôme-Napoléon (1854).
JUNOT d'Abrantès (V. Aubert [M^^]).
JUNTA ou JUNTE, famille d'imprimeurs italiens
(V. GlUNTl).
JUNTAS (Myth. finnoise). Esprit malin, dont le nom
est emprunté au christianisme et n'apparaît qu'assez tard
dans les chansons populaires. Il se confond presque tou-
jours avec Hiisi (V. ce nom).
JUPE (V. Costume).
JUPEL(V. Costume).
JU PILLE. Com. de Belgique, prov. et arr. de Liège,
sur la Meuse ; 5,000 hab. Stat. du chem. de fer de Liège
à Maastricht. Exploitations de charbonnages, fabrique de
chaudières à vapeur, clouteries. Une légende persistante
fait naître Charlemagne à Jupille; ce qui paraît certain,
c'est que le grand empereur fit dans cette localité de
fréquents séjours.
JUPILLES. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de Saint-
Calais, cant. de Château-du-Loir; 1,384 hab. Jupilles,
l'un des points les plus élevés de l'arrondissement, fut
l'un des trente-cinq sommets de triangulation adoptés pour
la confection de la carte de France de Cassini. Fabriques
de boîtes et de vases en bois.
JUPITER. I. Mythologie. — Personnification divine de
la lumière du jour, identique à la chaleur qui fait naître et
conserve tous les êtres de l'univers, devenue sous ce nom
et sous ceux de lovis, Diovis et autres formes analogues, le
dieu suprême des peuples de race italique et latine, comme
Zeusest celui des peuples de la race hellénique (V. Zeus).
C'est dans les phénomènes delà lumière céleste, de la pluie
fécondante, de la foudre et du tonnerre que Jupiter (plus
anciennement Juppiter) est tout d'abord censé manifester sa
divinité. Il est avant tout le dieu de la lumière : Lucetius,
vocable sous lequel il était particulièrement honoré au pays
des Osques. A ce titre les hauts sommets furent ses premiers
303
JUPITER
temples et la pleine lune amène les Ides (V. ce nom), jours
du mois qui, dans l'Italie latine, lui sont universellement
consacrés, parce que, durant cette période, la lumière luit
jour et nuit ; le langage vulgaire identifie même naïvement
l'idée de ciel libre et de Jupiter. Il est aussi le dieu de
la fécondation universelle, celui qui, sous la forme de la
pluie, descend dans le sein de la terre son épouse pour y
déposer le germe de tous les êtres. En temps de sécheresse,
c'est à lui que l'on demandait le remède ; c'est en son
honneur que se faisait la procession de la Pierre qui fait
pleuvoir^ lapis manalis, conservée au temple de Mars
devant la porte Capène. Le laboureur avant les semailles
présentait des offrandes et adressait des prières à Jupiter
Dapalis ; pour les marins son culte était mis en rapport
avec celui des Tempêtes,
Mais, parmi les phénomènes célestes, la foudre et le ton-
nerre évoquaient surtout sa pensée ; il est le dieu Fulgur,
Fulgurator ou Fulminator^ le Tonans ou Tonitrua-
lis ; l'éclair est une arme que brandit sa main ; cependant
la plupart de ces vocables et l'attribut du tonnerre sont
d'introduction relativement récente. Le temple de Jupiter
Tonnant au Capitole fut bâti sous Auguste. Les anciens con-
naissaient surtout Jupiter Elicius, ce qui signifie aussi
bien le dieu qui tire du nuage la pluie que celui qui en
tire le tonnerre. Les aruspices étrusques avaient introduit
à Rome et pratiquaient dans leurs pays tout un système de
conjurations rituelles, destinées à prévenir les ravages de
la foudre et à en régler les eiïets. La légende en rapportait
l'invention au roi Numa qui éleva sur l'Aventin un autel
à Jupiter Elicius, D'une façon générale, le dieu préside à
la fertilité champêtre ; il porte des noms comme frugifer,
almus^ Ruminus et même Pecunia qui rappellent son
action fécondante sur les plantes et sur les troupeaux.
Nous trouvons son nom mêlé à la culture des céréales par
la consécration de l'épeautre que lui font le mari et la
femme au premier jour de leur union ; à la culture de la
vigne dans les deux fêtes des Vinalia où on lui vouait le
vin de l'année et où on le priait pour la vendange future.
Sous le nom de Jupiter Liber ou Libertus il n'est pas
autre chose que le dieu de l'abondance et de la prospérité
universelle, qui par les biens de la terre procure la joie et
la sécurité de l'existence.
Le rôle moral de Jupiter dans la religion romaine dérive
naturellement de ses fonctions physiques. L'idée de la clarté
matérielle a suggéré celle de la bonne foi et de la droiture
dans les relations sociales ; c'est lui qui garantit les ser-
ments et les contrats sous le vocable de Fidius ; il est
même identifié avec le dieu qui protège la propriété indi-
viduelle, Terminus^ avec celui qui défend l'enclos cham-
pêtre, Herceus (V. Hercule) ; il préside au contrat par
excellence, au mariage religieux par confarreatio (V. ce
mot). Dans un autre ordre d'idées, il est un dieu guer-
rier qui décide du sort des batailles, remporte les dépouilles
et met les ennemis en fuite : Victor^ Feretrius, Stator.
Romulus lui avait, sous ce dernier vocable, élevé un temple
à la montée de la Voie Sacrée vers le Palatin, parce que, à
cet endroit, le dieu avait arrêté la marche des Sabins. Le
même roi lui voua un temple au Capitole avec le vocable
de Feretrius^ après avoir remporté les premières dépouilles
opimes, exploit renouvelé deux fois encore au cours de
l'histoire, par Cornélius Cossus en 437 av. J.-C. et par
M. Marcellus en 222. Quant à Jupiter Victor^ il avait à
Rome plusieurs temples, l'un entre autres sur le Palatin.
Il est probable que le vocable de Feretrius a été inter-
prété à tort dans un sens guerrier [feretrum, brancard
où l'on plaçait les dépouilles) ; il le faut rattacher au vieil
usage de prêter un serment solennel en faisant jaillir d'une
pierre, image ou symbole du dieu suprême, l'étincelle qui
figure son tonnerre (fcrire lapidem, per Jovem lapidem
juraré),
Jupiter, dieu suprême des Romains, ne pouvait manquer
de prendre une grande importance politique. Il incarne tout
d'abord l'union des trois tribus primitives qui, établies au-
tour du Capitole, ont formé le premier noyau de la nation
romaine ; il préside ensuite avec le titre de Latiaris à la
confédération latine formée sous l'hégémonie de Rome. On
célébrait sa fête et cela dès la plus haute antiquité sur le
montAlbain; après la retraite du peuple et le rétablisse-
ment de la concorde entre les ordres en 494 av. J.-C, la
fête prit une importance particulière. Elle resta en hon-
neur jusqu'au déclin de la République, sous le nom de
Fériés latines, et se célébrait d'ordinaire au printemps, à
des dates variables, avec la participation des magistrats de
Rome et des principales villes du Latium. Le sacrifice con-
sistait en un taureau blanc fourni aux frais communs des
confédérés, puis partagé entre eux après l'immolation ; mais
il y avait d'autres offrandes, incombant aux diverses cités
qui participaient à la fête. L'antiquité de toute la cérémo-
nie nous est garantie encore par l'usage des sacrifices hu-
mains qui s'y perpétua jusqu'aux temps historiques : en
dernier lieu, l'on y égorgeait un condamné à mort. Cepen-
dant l'absorption de l'Italie entière dans la république
romaine eut pour résultat de diminuer l'importance du culte
de Jupiter sur le mont Albain, en faveur du Jupiter sur le
Capitole de Rome. C'est là qu'il faut chercher, dès avant
les guerres puniques, la plus haute expression religieuse du
génie romain. Jupiter y était honoré de concert avec Junon
et Minerve, formant avec ces divinités la triade capitoHne
dont le culte s'est répandu sur le monde entier. Le vo-
cable caractéristique du dieu est : Optimus Maximus^
très bon et très grande qui lui appartient depuis les
temps reculés. Ce Jupiter du Capitole n'est autre chose que
la personnification même de la puissance romaine, l'expres-
sion divine des aspirations à la royauté universelle. C'est
sous son patronage que se célèbrent tous les ans les fêtes
du retour de l'armée, ou Jeux romains, après les cam-
pagnes de l'été ; c'est lui qui préside, le premier jour de l'an,
à l'installation des pouvoirs nouveaux; c'est à lui enfin
que se rattache l'importante cérémonie du Triomphe (V. ce
mot), accordée par le Sénat aux généraux victorieux.
Nous n'avons aucune donnée positive sur le plus ancien
type figuré du Jupiter romain. Il est probable que les sou-
venirs grecs influèrent, dès le temps des Tarquins, sur la
conception de son image, œuvre d'un artiste de Veies. Il
était représenté debout, vêtu d'un manteau, le visage barbu,
la foudre dans la main droite. La tête barbue et laurée des
monnaies de la République est une réminiscence évidente
du Zeus d'Olympie. Celles de l'Empire nous fournissent
deux types, l'un assis et l'autre debout ; tantôt le dieu est
seul, tantôt il est en groupe avec les deux déesses de la
triade capitoline. Aucune de ces représentations n'a une
valeur originale ; toutes rappellent des modèles grecs
(V. Zeus, Capitole, Triomphe). J.-A. Hild.
II. Astronomie. — La plus grosse planète du système
solaire, qui est 1.279 fois plus grosse que la Terre et dont
la masse est la 4.047® partie de celle du Soleil. Cette pla-
nète brille dans le ciel comme une étoile de première gran-
deur, blanche ou légèrement jaunâtre, un peu moins bril-
lante que Vénus. En examinant Jupiter dans une lunette
puissante ou même avec une simple lorgnette de spectacle,
on aperçoit tout près d'elle quatre petits corps brillants
qui sont ses satellites ou ses lunes. Le premier, le troi-
sième et le quatrième ont été découverts par Galilée, le
7 janv. 1610, le deuxième par Simon Marius, le 8 janv.
1610, la première fois qu'ils dirigèrent les lunettes, tout
récemment inventées, vers le ciel. Ces quatre corps jouent
pour la planète le même rôle que la Lune pour là Terre, car
ces astres tournent sur eux-mêmes dans le même temps qu'ils
effectuent leur mouvement de translation autour de Jupiter.
Un cinquième satellite, très faible et visible comme une
étoile de treizième grandeur dans les instruments très
puissants et lorsqu'il est à sa plus grande élongation
(V. ce mot), a été découvert le 9 sept. 1892 par if'astro-
nome américain E. Barnard, à l'observatoire Lick, au mont
Hamilton (Californie). En examinant le disque de Jupiter
avec une lunette astronomique, on y voit des bandes alter-
JUPITER — JURA
304 —
nativement sombres et brillantes, parallèles à l'équateur
de la planète, des taches brunes et une tache rouge, qui
ont permis de déterminer la durée de la rotation de cette
planète. Elle tourne sur elle-même en 9^S5"^37% et fait
sa révolution autour du Soleil en douze ans (dl ans 315
jours). Son diamètre est onze fois plus grand que celui de
la Terre, environ 140,000 kil. Sa densité est 0,242 par
rapport à la densité de la Terre et 1 ,33 par rapport à l'eau.
Sa pesanteur à Féquateur est 2,26 fois plus forte que sur
la Terre. Sa distance moyenne au Soleil est 5,2 fois plus
considérable que celle de la Terre, soit 780.000.000 de
kil. Son diamètre apparent ou l'angle sous lequel on voit
cette planète varie de 30'^ à W , L*aplatissement de cette
planète est considérable, 1/17 environ, car nous avons vu
qu'elle tourne sur elle-même en 9^55°^ 37^ Le jour et la
nuit n'ont donc qu'une durée dé cinq heures à peine. Comme
Jupiter tourne sur lui-même autour d'un axe presque per-
pendiculaire à l'écliptique et par suite à son orbite, dont
l'inclinaison est 1° 18^41^'', le Soleil s'écarte très peu de
son équateur, et la température y est à peu près constante
pendant toute l'année. Les saisons ne présentent donc pas
d'autres variations que celles qui résultent des différences de
ses distances au Soleil ; ladistante périhélie est 732.000.000
de kil.; sa distance aphélie 807.000.000. L'analyse spec-
trale de la lumière de cette planète a montré à MM. Hug-
gins et Miller qu'il existe autour de Jupiter une atmosphère
absorbante et des vapeurs semblables à celles de l'atmos-
phère terrestre. Suivant M. Vogel, une bande qui n'a pas
sa correspondante parmi les raies d'absorption de notre
hémisphère indique ou la présence d'un gaz ou. d'une vapeur
étrangers à la Terre ou bien provient d'un mélange gazeux
formé dans des proportions différentes de celles de l'air.
Cette différence provient peut-être aussi de la température
et de la pression, tout autres à la surface de Jupiter de ce
qu'elles sont sur notre planète. Le spectre des bandes som-
bres du disque de cette planète est caractérisé surtout par
une absorption uniforme, très marquée, que subissent les
rayons bleus et violets. On ne voit point apparaître à ces
places-là de nouvelles bandes d'absorption, mais les raies
y sont plus marquées et plus larges qu'ailleurs, ce qui
prouve que les portions obscures de la surface de Jupiter
sont plus profondes que les portions avoisinantes. La lu-
mière solaire pénètre plus profondément en ces régions dans
l'atmosphère de la planète, et y subit une altération plus
marquée. Cette remarque vient à l'appui de l'opinion géné-
ralement admise que les bandes brillantes sont des amas
opaques de nuages. Les orbites décrites par les satellites
de Jupiter sont à peu près circulaires et peu inclinées sur
l'équateur de la planète Jupiter. Le tableau suivant donne
les principales indications concernant ces astres.
DESIGNATION
l^r lo
2» Europa...
3« Ganyméde
4» Callisto...
5«
DUREE DES REVOLUTIONS
jours moyens jours de Jupiter
3.13.15
7. 3.43
16.16.32
0.11.57
8,58
17,29
40,43
1,22
DISTANCES AU CENTRE DE JUPITER
en rayons . ..
de la planète en kilomètres
5,93
9,44
15,06
26,49
2,56
430.000
682 000
1.088.000
1.914.000
181.400
VOLUME
par rapport
à la Terre
0,026
0,019
0,083
0,054
En observant les variations de temps qui s'écoulent entre
les entrées et les sorties (immersions et émersions) du
premier satellite dans le cône d'ombre projeté par cette
planète à l'opposé du Soleil, le Danois Rœmer a déterminé
le premier, en 4675, la vitesse de la lumière, qui est
environ 300.000 kil. par seconde. — En raison de sa
masse, qui est la plus considérable de celles des planètes,
Jupiter exerce des perturbations considérables sur les
mouvements des planètes et des comètes, et le calcul montre
qu'il a fait dévier un certain nombre de comètes de leur
route, qu'il les a capturées et entraînées dans l'orbite du
Soleil en les rendant périodiques. L. Barré.
m. Alchimie. — Les alchimistes gréco-égyptiens, hé-
ritiers des vieilles doctrines chaldéennes, regardaient les
métaux comme placés sous l'influence des astres et engen-
drés sous leur influence. C'est ainsi que la planète Jupiter
a été attribuée d'abord à Félectrum, alliage d'or et d'ar-
gent regardé comme un métal distinct jusqu'au temps des
Romains. Le signe astronomique de Jupiter (encore usité
aujourd'hui) devint ainsi le symbole de Félectrum. Mais
vers le vi® siècle de notre ère, Félectrum disparut défini-
tivement de la liste des métaux, et Jupiter et son signe
furent alors attribués à Fétain. M. Berthelot.
BiBL. : Mythologie. — Hartung, Die Religion der Rœ-
mer^ II, pp. 7 et suiv. — PRELLER,ficemisc/ie Mythologie^
I, pp. 184 et suiv., 3« édit. — Roscher, Ausfûhrliches
Lexikon der Griech.und Rœm.Mythol, II, pp. 618 et suiv.
Astronomie. — Guillemin, le Ciel; Paris, 1877. —
Annuaire du Bureau des Longitudes ; Paris, 1894.
JUPON (V. Costume).
JURA (Mont). Géographie. — Système de montagnes
de l'Europe centrale, qui s'étend sur la France, la Suisse et
l'Allemagne, vis-à-vis des Alpes centrales dont il est séparé
par la haute plaine de Suisse et de Souabe (Rhône, Aar,
Rhin, Danube). Le Jura a 680 kil. de long depuis le Rhône
jusqu'au Main ; ses formations dépassent d'ailleurs un peu
ces deux cours d'eau qui se sont frayé une route au tra-
vers. La largeur moyenne du Jura est d'une cinquantaine de
kilomètres. Sa direction est du S.-O. auN.-E. Il est nettement
divisé par le Rhin en deux régions, le Jwa français au
S., le Jura allemand au N. Ils diffèrent beaucoup, et c'est
seulement depuis qu'on a reconnu l'identité de constitution
géologique des deux chaînes qu'on a appliqué au système
allemand ce nom de Jura {mous Jurasus) qui d'abord n'ap-
partenait qu'au système français. L'unité n'existe qu'au
point de vue géologique : le Jura français est formé d'une
série de chaînes de montagnes, le Jura allemand est cons-
titué de vastes plateaux.
Jura français. — Le Jura français s'étend sur la France
et la Suisse entre le Rhône au S., le Rhin au N., la vallée
de Neuchâtel et de l'Aar à l'E., la plaine de la Saône à
FO. Il se développe sur une longueur de 310 kil. de long
depuis le coude du Rhône jusqu'au confluent du Rhin et
de l'Aar, décrivant une courbe légèrement concave vers
FE. C'est un massif montagneux plissé; cette constitution
a été étudiée avec grand détail par Thurmann : il dénombre
160 chaînons d'inégale longueur. Ils se présentent comme
une sorte de filet à mailles elliptiques très allongées. Les
chaînes les plus hautes sont les plus orientales, situées au
S.-E. du Jura ; à partir de celles-ci l'altitude décroît vers
le N. et vers FO.; Falignement oriental ne s'étend pas très
loin au N. ; ce sont les alignements parallèles suivants qui
prolongent le massif dans la région centrale. A l'extrémité
septentrionale un dernier chaînon s'oriente de FO. à FE.,
parallèlement à la direction des Alpes. Le Jura se présente,
vu de la Suisse, comme une haute muraille sur laquelle
se détachent à peine les cimes, lesquelles la dépassent seu-
lement de quelques dizaines de mètres. Du haut de ce rem-
part on voit le massif s'abaisser vers l'O.-N.-O., ses
chaînes successives formant comme les crêtes de vagues
décroissantes au-dessus desquelles culminent quelques
305
JURA
sommets dominant de peu le plan général. Le plissement
régulier est celui où les couches sédimentaires se bombent
en une voûte continue; elles s'élèvent d'un côté, se replient
et s'abaissent de l'autre côté de la ligne de faîte, se rele-
vant à la suivante, de manière à constituer des séries alter-
natives de chaînes et de vallées longitudinales ; souvent le
clos supérieur s'étale en un véritable plateau ; cette struc-
ture régulière se présente dans 30 des 160 chaînons,
d'après les observations deThurmann. Les autres sont plus
ou moins éventrés dans le sens de la longueur, de sorte
qu'il s'y creuse dans la partie supérieure des gorges ou
des vallées dont les parois sont formées par les roches des
sédiments sous-jacents. Ces murs sont d'altitude inégale
et s'abaissent en pente douce vers l'extérieur ; en plusieurs
lieux ils se réunissent enveloppant la partie supérieure de
la vallée dans un véritable cirque. D'autre part dans les
plis principaux, il s'est fait des plis secondaires, dont la
crête est parfois plus élevée que les rebords des vallées où
ils s'intercalent; cela se produit lorsque le plissement a
ramené au jour une couche sédimen taire inférieure formée
de matériaux plus résistants.
On donne le nom de combes aux vallées qui se forment
au point de contact des calcaires durs et des terrains argi-
leux ou analogues ; ceux-ci moins résistants sont entraînés
et les autres se dressent alors en muraille escarpée domi-
nant la dépression creusée dans le sol plus friable ; les
combes se rencontrent aussi bien dans les plaines sédi-
mentaires jurassiques que dans la montagne proprement
dite. — On donne le nom de ruz aux vallons ou gorges
qui descendent des lignes de faîte dans les grandes vallées
longitudinales ou les combes ; ils sont encombrés des débris
écroulés du haut des murailles rocheuses. — On donne le
nom de cluses à des vallées transversales généralement
étroites et prof(mdes qui traversent les chaînes et relient
les vallées longitudinales ; Thurmann a compté 90 cluses.
En revanche, plusieurs des vallées supérieures sont com-
plètement closes ; au fond se forment des lacs sans issue
visible comme ceux de Brévine et de Joux ; à moins que
le sol calcaire ne laisse fuir toutes les eaux par des enton-
noirs ; elles reparaissent alors plus bas en sources dont
quelques-unes sont fort belles. La plupart des rivières
suivent une vallée longitudinale du N.-E. au S.-O. ou du
S.-O. au N.-E., mais la principale du pays jurassique, le
Doubs, traverse par plusieurs cluses les alignements du
Jura septentrional.
La constitution géologique du Jura en détermine le relief
jusque dans le détail, selon la disposition relative et l'iné-
galité de résistance des diverses assises sédimentaires. Le
noyau est formé par les diverses formations jurassiques
(V. ce mot) à partir du lias. On ne trouve le trias qu'à
l'extrémité occidentale vers Besançon, Salins, Pontarlieret
dans la chaîne septentrionale ; le keuper et le rauschelkalk
s'y trouvent immédiatement au-dessous du jurassique. Au
S. et au S.-E. et dans la région de Neuchâtel, on trouve
en bordure des assises crétacées inférieures (néocomien et
gault) ; les assises supérieures manquent partout. On ren-
contre dans toute l'étendue du massif des terrains tertiaires
éocènes et miocènes de formation marine ou lacustre. Les
blocs erratiques venus des Alpes sont nombreux dans la
région orientale ; on y trouve des blocs granitiques de
iOO m. c. ; on les trouve jusque dans les vallées inté-
rieures. D'une manière générale, les grandes masses cal-
caires appartiennent au jurassique supérieur, lequel forme
les dos supérieurs et les arêtes rocheuses, tandis que les
sédiments plus anciens forment le sol des combes. Les pre-
miers sont dénudés faute d'eau et revêtus à peine de mai-
gres prairies ; les pentes sont boisées en sapins ; les combes
bien irriguées renferment de belles prairies. Les plateaux
et vallées sups^rieures sont parfois marécageux. Thurmann
classe les chaînons en plusieurs catégories : 'l ^ Les plisse-
ments intacts dont les sommetssont constitués de jurassique
supérieur; les assises inférieures n'apparaissent qu'au fond
des cluses et quelquefois sur les côtés, par suite de la dénuda-
GRANDE ENCYCLOPÉmE, — XXL
tion mettant à nu des rochers, par exemple aux environs de
Dole. A ce type appartiennent les chaînes méridionales et
celles des alignements extrêmes à i'E. et à l'O. 2° Les plis
ouverts de manière à mettre au jour le jurassique moyen ou
inférieur qui forme souvent l'arête centrale et culminante,
séparée par une combe des autres de niveau plus bas. Ce
type domine dans le Jura central (Chasserai, Chasseron) et
forme 80 chaînons. 3*^ La dénudation va jusqu'au keuper;
c'est le cas du mont Terrible, du Passwang, du Weissen-
stein. Â!° Dans quatre chaînons, le muschelkalk apparaît,
formant des collines basses ou de vastes dômes creusés en
cirques (à Meltingen, par exemple).
Le Jura français se subdivise en trois parties au point
de vue géographique : le Jura méridional, le Jura central
et le Jura septentrional. Le premier s'étend le long du
Rhône et au-dessus du lac de Genève, enfermant les plus
hautes montagnes : Crêt d'Eau, Reculet, Crêt de la Neige
(1,723 m.), Colomby de Gex, Dôle (1,680 m.), qui font
vis-à-vis au massif du mont Blanc ; là sont aussi les chaînes
les plus étendues et les plus longues vallées (Ain, vallée de
Joux, etc.). — Le Jura central, dont les sommets sont in-
férieurs d'une centaine de mètres aux autres, comprend le
mont Tendre, le Chasseron (1,611 m.), la Tête de Rang
(1,423 m.), le Chasserai (1,609 m.) ; le col des Loges,
entre Neuchâtel et les Loges, atteint encore 1^286 m. ; les
vallées de l'Orbe et du Doubs supérieur sont les plus im-
portantes, puis celles des Dappes, le val Travers, ceux de
Ruz, de Saint-Imier, de Moutiers, etc. ; les lacs sont nom-
breux. — Le Jura septentrional, qui est à peu près entiè-
rement compris en Suisse, est la partie la plus tourmentée
du massif; on y observe des terrains complètement retour-
nés, à tel point qu'en exploitant le sel gemme du muschel-
kalk, on retrouve au-dessous le jurassique et jusqu'aux
argiles oxfordiennes. Les principaux sommets sont le mont
Terrible, le Weissenstein (1,284 m.), le Hasenmatt
(1,449 m.), le Rœthifluh (1,398 m.), le Passwang, le
Hauenstein, le Lœgerberg, le Rhanden. Les principales
vallées sont celles de la Birse, de Delémont, de Laufen. On
trouvera de plus amples détails sur la géologie, le relief du
sol, les cours d'eau, la géographie économique, etc., dans
les art. Am, Doubs, Jura (Dép.), Jura bernois. Jurassique
et Suisse. Dans le § F/or^?, on trouvera des renseignements
sur le climat.
Le Jura, parla disposition parallèle de ses chaînes, forme
une frontière naturelle et crée un sérieux obstacle aux
communications. Les passages principaux sont : au S.,
route de Lyon à Genève, la vallée du Rhône, gardée par
le fort de l'Ecluse ; dans le centre, les routes suivent des
cluses faciles à défendre : les principales mènent de la
Bourgogne à la Suisse par le val de Joux, le col de Saint-
Cergues vers Nyon, et par le val des Dappes et le col de la
Faucille vers Genève ; elles sont barrées par le fort des
Rousses; au N., les routes qui, de l'Alsace et de la France
centrale, conduisent à la Suisse rhénane, passent par Po-
rentruy et les cluses de Pierre-Pertuis, Mouticr et la vallée
de la Birse. Plusieurs voies ferrées traversent le Jura par
le col de Jougne, le val Travers, les Loges, le mont Sagne,
Pierre-Pertuis, le défilé de la Croix, le Hauenstein et le
Bœzberg.
Jura allemand. — Le Jura allemand s'étend entre la
plaine danubienne, formée de terrains tertiaires, et les ter-
rasses triasiques de la Souabe adossées aux gneiss et aux
granités de la Forêt-Noire. Il forme un plateau de 435 kil.
de long depuis la région de Schaffhouse jusqu'à Lichtenfels.
Il est divisé par la dépression de Nordlingen (Ries) et le
val de la Wœrnitz en deux parties : Jura souabe m S.-O.,
Jura franconien au N.-E.
Le Jura souabe a 210 kil. de long, 15 à 20 de large entre
le Rhin et le Danube, 40 entre le Danube et le Neckar. Il
se subdivise en plusieurs parties: les monts du Kletigau,
entre Rhin et Danube, dont la chaîne principale est le llo-
hen Randen, dans le cant. de Schafthouse ; le sommet
principal est le Rubis (928 m.). — Los monts du lîegau,
20
JURA
306
à TE. des précédents, sont des cônes volcaniques situés
soit dans le terrain jurassique, soit dans la plaine tertiaire
du Hegau ; citons le Hohenœwen (849 m.), le Neuhœwen
(870 m.) le Hœwenegg(788m.), le Hohentwiel (692m.).
— VAlb, entre la vallée du Danube et celles du Filz et de
la Loue, est la partie la plus vaste et la plus caractéris-
tique du Jura allemand ; les vallées qui y sont creusées le
découpent en plusieurs segments : Baaralb, au S. de la
vallée de Tuttlingen, avec le Lupfen (978 m.) ; Heuberg^
dominé par TOberbohenberg (1,042 m.), point culminant
du Jura allemand, dominant le rebord occidental ; ce pla-
teau de 900 m. d'alt. est continué, à l'Ë., par le Hardt,
à peu près aussi élevé ; le Hohenzollernalb, entre les
vallées d'Ebingen et Binladingen, possède un village situé
à 912 m. d'alt. (Burgtelden) et la colline couronnée par le
château de Hohenzollern (855 m,) ; la Rauhe Alb, large
plateau creusé de magnifiques cavernes, atteint 905 m. au
Kornbiihl ; les plus célèbres cavernes sont celles de Nebel
(près d'Oberhausen) et de Karl (près d'Erpfinhen). Les val-
lées taillées presque à pic dans ces plateaux à une profondeur
de 200 à 300 m., y découpent, dans la région septentrionale,
des promontoires ou même des monts isolés, d'autant que, de
ce côté, reparaissent des formations volcaniques ; ces monts,
couronnés des ruines de vieux châteaux, sont très pitto-
resques : Achalm (701 m.), Hoheneufen (742 m.). Teck
(774 m.), Stuifen (756 m.), Hohenrechberg(706 m.), Ho-
henstaufen (683 m). On distingue dans la Rauhe Alb plu-
sieurs districts : Alb postérieure, de la Lauchart à la Lauter ;
Alb moyenne, de la Lauter à la Loue ; Alb antérieure ; Hardt
de Mûnsingen ; Hochstraess, au S., entre Ehingen et Ulm. —
Le Jura souabe se termine, au N., par VAalbuch^ entre la
Kocher supérieure et Geislingen, dominée parle Kocherberg
(750 m.), et le Hœrdtfeld^ entre les vallées de la Kocher, de
la Brenzet le Ries de Nordlingen; celui-ci atteint 697 m.
— Sur le plateau calcaire de l'Alb, les eaux de pluie sont
immédiatement absorbées pour ne rejaiUir qu'au bord. Les
habitants n'avaient d'eau que celle de leurs citernes ou des
mares artificielles, eau fort malsaine. A partir de 1870,
on a établi un réseau de conduites qui approvisionnent d'eau
potable, élevée par des pompes, 1,800 kil. q., peuplés de
50,000 personnes. La longueur de ces conduites y est de
350 kil. ; elles ont coûté 7 millions de fr.
Le Jura franconien a 225 kil. de long sur 35 à 50 kil.
de large ; il se dirige de l'O. à l'E. jusqu'à la hauteur de
Ratisbonne, puis du S. au N. Il est traversé par la pro-
fonde vallée de l'Altmiihl ; ses principaux sommets sont :
le Hesselberg (698 m.), près de la Wœrnitz ; Farête déserte
du Flahnenkamm (638 m.) d'où l'on extrait les pierres
lithographiques de Solenhofen ; le Friedelberg (677 m.)
près d'Amberg. Le canal Louis passe par une vallée lia-
sique. Le versant occidental est fort déchiqueté ; le versant
oriental est séparé des monts cristalUns du Bœhmerwald
et du Bayrischenwald par une dépression où se sont déposés
des sédiments crétacés et tertiaires. La partie septentrio-
nale de la chaîne est souvent appelée Suisse franconienne ;
elle est très pittoresque, enveloppée à TE. et à l'O. des
terrains triasiques (keuper) des plaines de Baireuth et de
la Regnitz ; ses principaux sommets sont le StafFelberg
(564m.), leKordigart(561 m.),leKalvarienberg(663m.);
elle est découpée par les vallées d'érosion de la Pegnitz et
de la Wiesent, le long desquelles on trouve beaucoup de
grottes fossilifères (grottes de Rosenmùller, Gailenreuther,
Sophie, etc.). Le Jura franconien se prolonge au delà du
Main dans les environs de Cobourg.
La constitution géologique du Jura allemand est fort
complexe : on y rencontre presque tous les étages juras-
siques (sauf le portlandien) , et plusieurs revêtent des faciès
très différents; des formations contemporaines se pré-
sentent tantôt sous Taspect de calcaires réguliers à ammo-
nites ou à brachiopodes, tantôt sous celui de calcaires à
spongiaires (scyphées), de calcaires coralliairos, ou encore
de dolomites. Les Allemands, pour simphfier, emploient le
terme de jurassique noir (lias), jurassique brun (du toar-
cien au callovien) et jurassique blanc (de l'oxfordien au
portlandien). Le dernier, plus compact, forme le plateau
supérieur bordé au S.-E. par le sol tertiaire et alluvial de
la plaine danubienne, au N. par les étages jurassiques
inférieurs, très mouvementés. Le Jura allemand ne forme
une ligne de partage des eaux que dans la Rauhe Alb ;
ailleurs il est traversé par une série de cours d'eau : Wœr-
nity, Altmùhl, Pegnitz, Wiesent. 11 ne présente pas grand
obstacle aux communications. A.-M. B.
Flore. — Caractères généraux. — La flore du Jura
est dans son ensemble la même que celle des montagnes
de nature calcaire qui forment la ceinture extérieure des
Alpes, autrement dit des Alpes antérieures ou Préalpes, dont
la chaîne qui nous occupe n'est séparée que parla plaine
suisse et la vallée du Rhône. Ceite végétation est aussi en
grande partie celle des autres régions montagneuses calcaires
de l'Europe moyenne. On peut d'ailleurs considérer le massif
de la Grande-Chartreuse, dont le Jura ne semble être qu'un
prolongement, comme le centre de dispersion des plantes
calcicoles jurassiennes et savoisiennes. En effet, on y retrouve
presque toutes les espèces du Jura, en même temps que ce
massif possède en propre quelques espèces telles que : Ane-
mone baldensis, Silène bryoides, Thlaspi rotundifolia,
Betonica hirsuta, etc., qui ne s'avancent pas dans le Jura.
Rien de plus contrastant que cette flore éminemment cal-
cicoie comparée à celle des Alpes cristallines du massif cen-
tral et en général à celle de tous les terrains granitiques,
schisteux ou siliceux arénacés ! On y voit parmi les espèces
les plus caractéristiques : Helleborus fœtidus, Lactuca
perennis, Digitalis lutea, AnthylUs ■montana, Cerasus
Makaleb, Erinus alpiniis, Daphne laureola, D. alpina,
Buxiis senipervirens, Gentiana ciliata et autres espèces,
Primula auricula, Cyclamen curopœum, des Globu-
ria, Cotoneaster tomentosa, Querciis pubescens, Po-
lypodinm calcareum, etc.
Il ne faudrait pas croire cependant que ces espèces for-
ment le fond exclusif de la végétation ; celle-ci est surtout
constituée par des plantes plus ou moins ubiquistes et d'autres
plus ou moins indifférentes à la nature chimique du sol, ou
préférant seulement le sol calcaire au sol siliceux. Telles
sont : Helianthemum vulgare, Polygala vulgaris, Bian-
thus Carthusia7iorum, Silène nutans, Melandrium
sîlvaticum, Hypericum hirsutum et autres espèces,
Genista tinctoria, Acer pseudo-platanus, Trifolium
pratense, Lotus corniculatiis, Prunus spinosa, Cera-
sus dulcis, Spirœa ulmaria, Geum urbanum, Rubus
saxalilis, Fragaria vesca, Potentilla verna et autres
espèces, Epilobium Gesneri, Sedum telephium, Carum
carvi, Heracleum sphondylium, Lonicera xylosteum^
Galium verumeiG.mollugo,Valeriana offtcinalis, Sa-
lidago virga aurea, Eupatorium cannabinum, Lithos-
permum officinale, Linaria vulgaris et autres espèces,
Mercurialis perennis, Paris quadrifolia, Convallaria
majalis, Polygonatum multiflorum, etc., etc. C'est au
milieu de ces formes plus communes que les espèces cal-
cicoles se montrent avec une fréquence croibsante; en
général elles deviennent de plus en plus prépondérantes à
mesure que l'altitude augmente; en même temps la flore
prend un caractère montagneux plus accentué. Par contre,
on y consiate l'absence à peu près complète des plantes
silicicoles par excellence comme : bigitalis purpurea,
Castanea vulgaris, Calluna vulgaris, Sarothamnus
scoparius, Vaccinium myrtillus, Pteris aquilina, Ly-
copodium selago et L. clavatum, etc.
Cependant, s'il se rencontre exceptionnellement dans le
Jura quelque plantes calcifuges telles que Sarothamnus
scoparius, Castanea vulgaris, Pteris aquilina, etc.,
cela tient à des influences particulières qui ont déterminé
la disparition ou du moins la raréfaction du calcaire sur
des espaces plus ou moins étendus. En effet, partout où le
travail des eaux a entraîné le calcaire en laissant à nu un
résidu siliceux, une végétation silicicole a pu s'établir,
comme cela se voit surtout dans les marnes de l'oxfordien
Crande Encyclopédie _. Tome XXI .
JURA
^'^JPoTttaiHer-s-SaÔj
., W^»
JS.aiatctt'd. iiclf
Gnetoé/ etylmp.parJhJT'TiaT-cbJF'^y^-^ISSi'.
iolfilam.
H.LAMIRAULT et C^.« Editei;irs .
- 307 -
JURA
et les dépôts néocomiens. Celle-ci a pu également prendre
naissance sur les amas siliceux qui accompagnent parfois
les dépôts de fersidérolilhique, assez abondants dans le Jura
et sur les matériaux de transport, dépôts diluviens ou gla-
ciers, tous de nature siliceuse ou granitique. Nous voyons
encore, dans les régions élevées, parmi les rocailles ou les
tourbières, une flore assez riche de plantes calcifuges, pré-
servées du contact du calcaire par une épaisse couche
d'humus. On y retrouve entre autres : Calhma vulgaris^
Vaccinium myrtillus^ V. vitis idœa et F. oxycoccos^
Pteris aquilina^ Andromeda polifolia, etc. Au Reculet
on constate même la présence du llhododendron ferru-
gineum, qui affectionne tant les terrains schisteux ou gra-
nitiques. Cependant quelques espèces manquent absolument
dans les monts du Jura, même dans les localités qui leur
seraient favorables ; telles sont : Diyitalis purpurea, Scie-
ranthus perennis, Corenophorus canescens. D'autres,
sans être nulles, sont rares ou disséminées, comme Quercus
sessiliflora, Hieracium boréale, etc. Enfin, dans les ré-
gions inférieures ou dans le voisinage des habitations,
parmi les espèces affectionnant les lieux vagues, on signale
la rareté relative de : Centaurea calcitrapa, Onopordon
acanthium, Solarium nigrum, Verbascum blattaria,
et, chose curieuse, celle de VUrtica dioica. Par contre, on
rencontre dans les vallées des plantes moins exclusivement
calcaires ou recherchant un sol plus meuble, comme Ra-
niinculus lingua, Bidens cernua, Cicuta virosa. Aimes
glutinosa, Geraniam palustre, OEnanthe peucedani-
folia, etc., toutes affectionnant l'humidité, puis Nigella
arvensis, Lycopsis arvensis, Ajuga chamœpitys et A.
genevensis, Latkyrus tiiberosus et L. aphaca^ Sedum
villosum^ Anthémis tinctoria, etc.
Dans la plaine, il y a une différence radicale entre les
terrains siHceux argileux d'alluvion ancienne de la Bresse,
qui ne nourrissent que des espèces hygrophiles et silici-
coles, et les terrains d'alluvion moderne du Doubs et de
la Loue, recouverts d'espèces calcicoles ; cette différence
est si profonde qu'elle se manifeste entre deux champs
contigus dont les mauvaises herbes silicoles et calcicoles
s'excluent réciproquement, bien que physiquement et mé-
caniquement la constitution des deux champs soit la même
(Michalet et Grenier).
Ici il importe de mentionner l'existence exceptionnelle
d'un îlot granitique, celui de la forêt de la Serre, près de
Dole, où se trouvent nombre de plantes qui redoutent le
calcaire : Cardamine silvatica, Stellaria uliginosa,
Herniaria hirsuta. Scier anthus perennis, Epilobium
collinum, Potentilla collina, Cytisus capitatus, Saro-
thamnus scoparius, Sedum elegans, Saxifraga granu-
lata, Chrysosplenium, Senecio sylvaticus, Orobanche
rapum, Luzula albida, Carex maxima, Osmimda
regalis, Asplenium. septentrionale et i. Breynii, Ly-
copodium davatum et L. inundatum, et bien d'autres.
Régions naturelles. — On pourrait, au point de vue
de la végétation, diviser le Jura proprement dit ou franco-
suisse en : Jura septentrional, J. central, J. occidental,
J. genevois et J. bugésien. D'une manière générale, cons-
tatons tout d'abord que le nombre des espèces monta-
gneuses et alpestres caractéristiques s'accroît en allant du
N. au S.-O. et au S. de la chaîne, en raison de l'élévation
progressive du relief. C'est, en effet, dans la partie mé-
ridionale du Jura, non loin de la coupure faite par le
Rhône vers Nantua et Genève, que se dressent les cimes
les plus élevées. Mais comme la température moyenne
augmente dans la même direction, il arrive que cette ré-
gion favorisée présente, à côté des formes éminemment
alpestres, d'autres formes à cachet plus méridional que dans
le reste du Jura. C'est ainsi que les types montagneux et
alpestres commencent à s'accentuer du Weissenstein au
Passwang et vers le Jura central par des plantes telles
que : Thlaspt alpestre, Trollius europœus, Beracleum
Jurinum, Androsace lactea, etc., et dans les parties
riches en humus, tourbières, etc., Ribes petrœum, Be-
tula nana, Carex hirculus et C. chordorhiza, Garda-
mine latifolia, etc. Au Chasserai on trouve Anémone fiar-
cisdjïora, etc. , du creux du Van à la DùkAlsine laricifoliaj
Potentilla caulescens et autres espèces, etc.
Le Jura occidental (Salins, Baume, etc.) possède déjà
des espèces sud-occidentales, comme Saxifraga moschata,
Telephium Imperati, etc. Au S. de la Dôle, l'altitude
augmente considérablement et la chaîne nous présente ses
cimes les plus élevées. (Reculet, Crêt des Neiges, etc.) et
nourrit des espèces alpestres de plus en plus 'nombreuses
auxquelles viennent aussi se joindre peu à peu, dans les
régions basses, des formes plus méridionales. C'est aussi
dans cette région méridionale, vers Nantua et auprès de
Genève, que nous voyons apparaître quelques espèces par-
ticulières et peu répandues, telles que : Atragena alpina
(Salève), Ligusticum ferruginewm, Arabis cenisia
(mont d'Or ou Reculet). Le relief s'abaisse brusquement en
face du Rhône et les espèces sud-occidentales continuent
à augmenter.
Mais c'est surtout dans la région du Jura bugésien que
les formes les plus chaudes viennent affluer. A des es-
pèces non exclusives à cette région, mais abondamment
représentées, comme : Helleborus fcetidus^LiliumMar-
tagon, Arabis auriculata, Heliailthemum canum,
Géranium sanguineiim, Lactuca perennis, Acer opu-
lijolium, etc., viennent s'ajouter des plantes spéciales
tf^lles que : Asperula taurina, Centaurea sensana, et
d'autres plus tranchemeut méridionales comme : Osyris
alba, des Lavandula, Clypeola et Jonthlaspi, Bhus
cotinus, etc. On peut du reste, pour observer l'appari-
tion successive de formes de plus en plus méridionales,
prendre comme point de repère, à l'exemple de Thurmann,
quelques espèces non alpestres, mais caractéristiques ou
prépondérantes : 1° Buxus sempervirens ; 2^ Acer
opulifolium; 3° Laser pitium gallicum; 4° Asperula
taurina; 5« Rkus cotinus. Mais il s'en faut que les
différences entre les régions admises pour le Jura soient
nettement tranchées à cet égard. Nous avons vu en effet
les formes les plus alpestres, partant, en général, les plus
septentrionales, augmenter de nombre vers le S., en rai-
son de l'altitude croissante de la chaîne dans cette direc-
tion. Il arrive de même que des espèces méridionales
s'avancent au N. et souvent loin de leur centre d'accu-
mulation ordinaire — nous ne disons pas centre de dis-
persion — si les conditions d'exposition et diverses cir-
constances météorologiques favorables leur permettent de
s'y perpétuer ; citons comme exemple les vallées ouvertes
au S.-O., où ces plantes peuvent parfois monter assez
haut pour donner la main en quelque sorte aux plantes
montagneuses. C'est l'inverse de ce qui arrive pour les
plantes alpestres qui, à la faveur des cours d'eau, des-
cendent des cluses et des hautes cotes dans les gorges
étroites et arrivent parfois jusqu'au niveau de la zone
moyenne. Il y a donc deux courants de sens contraire
qui se croisent constamment. En général, plus le terrain
est abrupt et accidenté, rebelle à la culture et à toute
exploitation, plus il offre, par la variété de l'exposition et
des autres conditions, de facilité à ces migrations de plantes.
Il en résulte une plus grande richesse dans la flore par la
juxtaposition d'espèces appartenant primitivement à des
niveaux et à des climats différents.
^ Le climat du Jura est en général, abstraction faite de
l'altitude et de la latitude, rude et variable. En toute saison,
les températures diurne et nocturne peuvent y différer par
de grands écarts. Il en est de même de la température de
l'été, assez chaude comparativement à celle de l'hiver, sou-
vent très rigoureux. La neige y tombe en abondance et
forme souvent, durant près de la moitié de l'année dans
les parties élevées, des couches de plusieurs mètres d'épais-
seur. Aussi, comme dans les Alpes, les plantes délicates se
trouvent-elles suffisamment abritées jusqu'au réveil brusque
du printemps. De plus, malgré la fréquence des orages et
des pluies durant l'été, ce climat n'est pas humide et les
JURA
308 —
eaux atmosphériques se bornent à alimenter les tourbières
et les ruisseaux des hauteurs. Ces cours d'eau, en se réu-
nissant, forment de préférence, en arrivant dans la région
moyenne, des torrents qui s'engouffrent à travers les blocs
calcaires imperméables pour ne reparaître au large que
dans les régions inférieures qu'ils fertilisent. De là la ra-
reté relative des cours d'eau apparents à la surface sur
de grandes étendues de la chaîne oii les plantes ne trou-
vent l'humidité nécessaire que grâce au grand développe-
ment de leurs racines qui pénètrent à travers les fissures
des rochers à des profondeurs plus ou moins grandes.
Zones d'altitude. — Voici un aperçu de la^distribution
des plantes de la flore jurassienne suivant les zones d'alti-
tude. Dans cette énumération, nous avons surtout choisi les
plantes les plus caractéristiques et marqué d'un astérisque*
quelques-unes des plantes franchement calcicoles les plus
répandues. Remarquons tout d'abord que les plantes de la
région alpine manquent presque totalement dans le Jura,
dont les sommets les plus élevés n'excèdent guère i ,700 m.
i^ Région de la plaine (i^O-SoO m.). Cette zone, in-
férieure à 3o0 m., se confond insensiblement avec la
plaine ; elle est très propre à la culture de la vigne, partout
du moins où cette plante ne rencontre pas un terrain trop
froid ou trop humide (Bresse) ; elle est favorable à la cul-
ture du mais, du noyer et de nos arbres fruitiers ; c'est
aussi la zone du chêne et du hêtre à l'exclusion du sapin.
On y trouve au milieu de beaucoup de plantes ubiquistes
quelques espèces plus jurassiennes telles que : *Acer opu~
lifolium^ *Cerasus Mahaleb, Epilobium Dodonei, *An-
thyllis vulneraria^ *Hippocrepis comosa, Cornus mas,
* Aster amellus, *Verbascum lychnitis, *Scrophularia
canina, *Euphorbia verrucosa, Orchis ustulata, Tu-
lipa syluestris, *Erythronium dens]canis, *To/îeldia ca-
lyculata^ etc. Nous pourrions y ajouter beaucoup d'autres,
plus ou moins spéciales aux régions inférieures et à la
plaine, telles que : Corydalis cava, Fumana procumbens^
Coronilla emerus, Centranthusangustifolius, Gentiana
cruciata, *G. ciliata, *G. germanica^ *Digitalis gran-
diflora, *Rumex scutatus, Aristolochia clematitis, etc.
Quelques-unes montent même plus haut, et appartiennent
tout aussi bien à la région suivante. Tout autre est, au
contraire, ainsi que nous l'avons vu ci-dessus, la flore
bressane, composée d'espèces hygrophiles et généralement
silicicoles, parmi lesquelles nous citerons seulement les
aquatiques suivantes : Trapa natans, Isnardia palus-
tris, Limnanthemum nymphoides, Rumex palustris
et R. maritimus, Euphorbia palustris, Epipactis pa-
lustris, Alisma arcuatum, Marsilea quadrifolia, Pilu-
laria globulifera, etc.
2° Région inférieure des montagnes (350-700 m.).
Dans la région inférieure ou moyenne du Jura, la vigne
n'est plus guère cultivée, sauf sur la falaise sud-occiden-
tale, où elle remonte jusqu'à 450 m. ; mais on y trouve
encore le maïs et les céréales, qui ne donnent plus cepen-
dant, le maïs surtout, de produits satisfaisants. Il en est
de même des arbres fruitiers ; le hêtre y domine dans les
forêts, tandis que le chêne devient disséminé et que le sa-
pin commence à apparaître çà et là. Parmi les plantes de
cette zone on remarque surtout : *Helleborus fœtidus,
* lîelianthemum fumana, Polygala calcarea, Géra-
nium sanguineum, * Coronilla emer us, Orobus vernus,
*Lactuca perennis, Genista ciliata, Physalis alke-
kengi, *Lithospermumpurpureo-cœruleum, Orobanche
cruenta, Lauandula verna, *Salvia glusinosa, Me-
littis melissophylla, Rrunella grandiflora et B. alba,
Primula acaulis, *Globularia vulgaris, *Plantago ser-
pentina, Asarum europœum, * Quercus pubescens,
Anacamptis pyramidalis, Loroglossum hircinum, Op-
phrys muscifera, 0. arachnoidea, Aceras anthropo-
phora, *Cypripedium calceolus, Ruscus aculeatus,
*Anthericum liliago,Tamus communis, Carex humilis,
C. digitata, C. gynobasis et C. pilosa, Phleum Bœh-
m£ri, Melica ciliata, etc. — La flore marécageuse est
pauvre en raison de la sécheresse de cette zone ; cepen-
dant on y voit : Cajrx Davalliana, Parnassia palus-
tris, Piîiguicula vulgaris, et quelques autres espèces.
3» Région des sapins (700 à 1,300 m.). Nous nous
trouvons là en pleine région montagneuse où le blé de-
vient à peu près nul, tandis que l'orge et l'avoine pros-
pèrent encore dans les parties les moins élevées. Les arbres
fruitiers ont à peu près disparu, le chêne de même, le noyer
est nul. Le hêtre cède le pas au sapin {Abies pectinata),
qui domine jusque vers 900 ou 1,000 m. ; l'épicéa {Abies
excelsa) l'emporte à partir de cette hauteur. Cette zone
est riche en pâturages et en tourbières. Nous citerons
parmi les plantes les plus remarquables qui la peuplent :
*Atragene alpina (au Salève seulement), Lunaria redi-
viva, *Helianthemum œlandicum, *Polygala chamœ-
buxus et *P. calcarea, *Saponaria ocymoides, Genista
prostrata, *Cytisus laburnum, *Coronilla vaginalis,
C, montana, Rosa pimpiîiellifolia, Saxifraga hircu-
lus, Ribespetrœum, Athamanta Cretensis, Chcerophyl-
lum aureum, Bellidiastrum Michelli, Carduus deflo-
ratus, Hieracium villosum et H. flexuosum, Carlina
acaulis, Phyteuma orbicularis, Arctostaphylos uva
ursi, Vaccinium oxycoccos (iourhières), Gentiana lutea,
Atropa belladona,*Pulmona7''ia anguslifolia, Scrophu-
laria Uoppii et S. jeutensis, Stachy s alpina, Teucrium
montanum, Primula farinosa. Cyclamen europœum,
Globularia cordifolia, *Rumex scutatus, *Daphne lau-
reola, *Buxus sempervirens, Taxus baccata, Anthe-
ricum ramosum, Carex montana, C. ornithopoda,
C, alba et C. heleonaster, Lasiagrostis calamagrostis,
Sesleria cœrulea, Kœleria cristata, *Polypodium cal-
careum. — On rencontre dans celte zone beaucoup d'au-
tres espèces qui lui sont plus ou moins communes avec la
région alpestre, telles que : *Thalictrum aquilegifolium,
Aconitum anthora, *Gentiana acaulis, etc. De nom-
breuses tourbières nous présentent à leur tour leurs plantes
spéciales et quelques autres plus terrestres, mais égale-
ment calcifuges, entre autres : Eriophorum alpinum,
Scirpus cœspitosus, Andromeda polifolia, Vaccinium
uliginosum et F. oxycoccos, Swertia perennis, Empe-
trum nigrum, Pinguicula leptoceras, Betula pubes-
cens, Pinus pumilio, etc.
4^ Région alpestre (1 ,300-1 ,720 m.). Cette région n'oc-
cupe, dans le Jura, qu'un espace assez limité, vu la faible
altitude des sommets dont les plus élevés ne dépassent pas
1,7!20 m. Elle commence plus haut que dans les Vosges,
où la végétation arborescente disparaît en partie vers l!2
ou 1,300 m., tandis que dans le Jura elle monte souvent
jusqu'à 15 et 1,600 m. Ici absence de cuhure de céréales;
quelques plantes potagères, le chou, la laitue, la pomme
de terre peuvent encore végéter autour de quelques cha-
lets. Les forêts alternent avec les pâturages et les tour-
bières sur toute la surface de ces hauteurs. L'épicéa, le
hêtre qui le plus souvent n'est que buissonnant et l'érable-
sycomore qui parfois devient énorme constituent la végé-
tation ligneuse, avec les sorbiers, le cytise des Alpes, le
tilleul, le saule à grandes feuilles, qui restent arborescents.
Parmi les nombreuses plantes alpestres jurassiennes, nous
signalerons : Anémone narcissiflora, Ranunculus al-
pestris, *R. thora, R. montanus et R, lanuginosus,
Aconitum lycoctonum, *Arabis alpina, *Dentaria pin-
nata, *Draba aizoides, Kernera saxatiHs,* Viola calca-
ratael*V. biflora, * Silène acaulis^ *Mœhringiamuscosa,
Alsine stricta, Hypericum nummularium, Rhamnus
alpinus, Anthyllis montana, Poleniilla aurea, Rosa
alpinea, *Alchemilla alpina,* Cotoneaster tomentosa,
Saxifraga rotundifolia, Astrantia major, Heracleum
alpinum, Laserpitium siler, *Lonicera alpigena, Va-
leriana montana, *Hom,ogyne alpina, Cirsium erisi-
thales. Crépis succisifolia , IHeracium Jacquini et
H. amplexicaule, Campanula pusilla et C. rhomboi-
dalis ,* Rhododend7vn hirsutum, Pyrola secunda, * Gen-
tiana acaulis, *G. vernalis et G campestris, Swertia
309
JURA
perennis, Cerinthe alpina^ Digitalis lutea et D. gran-
diflnra^ *Erimis alpinus, *Tozùa alpina^ Calamintha
alpina, Androsace lactea, Primula auricula, Solda-
nella alpina, *Daphne alpina, ^Àlnus viridis^ Betiila
nana, Picea excelsa, Pinus uncinata (au Reculet, iden-
tifié par quelques-uns avec P. pumilio), Orchis globosa,
Gymnadenia conopsea, * Crocus vernus^ *\eralrum
album, Narcissus pseudo-narcissus , Carex chordo-
rhiza^ Poa alpina, SeAaginella spimilosa. Enfin, parmi
les plantes signalées comme raretés relatives des hauts
sommets du Jura et se trouvant au Reculet, au Colombier,
à la Dôle, etc., on peut encore citer : Oxytropis mon-
tana^ Saxifraga oppositifolia^ Aconitum paniculatum,
Hutichinsia alpina, Epilobium anagallidifoliiim^ Sib-
baldia procumbens, Dryas octopetala, Hieracium au-
rantiacum, * Androsace villosa, Petasitesniveus, Ar-
butus alpina^ Rhododendron fernigineum (Reculet),
Gentiana nivalis, Veronica alpina, Pinguiciila gran-
diflora, Daphne cneorum^ *Paradisea liliasirum, Or-
chis sambucea, Carex tenuis^ Cystopteris alpina,
Lycopodium annotinum^ etc.
Végétation des lacs. — Les lacs jurassiens, au nombre
de 66, sont surtout situés dans la moitié méridionale de la
chaîne; ils sont peu étendus; leur profondeur, générale-
ment inférieure à 15 m., peut cependant atteindre 50 m.
dans quelques-uns; leur ait. varie de i,d52 à 374 m.
M. Magnin, qui a étudié récemment la flore de ces lacs, a
constaté que la majorité des plantes qu'on y rencontre ne
sont point particulières au Jura, mais de celles qui se trou-
vent d'ordinaire dans les rivières, au bord de l'eau en plaine
ou dans les marécages. Les unes, réellement aquatiques
ou lacustres, c.-à-d. croissant au sein de l'eau, sont au
nombre de 46, en négligeant les variétés; ce sont : lia-
vunculus aquatilis, Pi. fluitans, Nymphœa alba, Nu-
phar pumilum, N. juranum, Hippuris viilgaris, My-
riophyllum spicatum, Trapa natans, Phellandriiim
aguaticum, Villarsia nymphoides, Utricularia viilga-
ris, U. minor, Ceratophyllum demersum, Callitriche
hamulata^ quinze Potamogeton, Najas major, Scir-
pus lacustris, Phragmites vulgaris, Marsilea quadri-
folia, Hypnum giganteum^ Fontinalis antipyretica,
sept Char a, trois Nitella,
Les autres, plutôt marécageuses ou tourbeuses, habitent
seulement le bord des lacs ; ce sont Menyanthes trifoliata,
Typha latifolia, Cladium mariscus, Carex vesicaria,
Equisetum lùnosum, Pxanunculus lingiia, Veronica
anagallis, Sparganium ramosum., Hypnum scorpioides
et //. lycopodioides. — On remarquera parmi toutes ces
plantes, la plupartindifférentesà la nature chimique deseaux,
ou calcicoles comme les Charaaspera, hispida, fœtidaet
leNitilla tenuissima, Wbsence à peu près complète d'es-
pèces franchement silicicoles et en particulier de VIsoetes
lacustris^ caractéristique des fonds lacustres granitiques.
En effet, les lacs jurassiens reposent sur une assiette géo-
logique de nature calcaire, située généralement dans les
combes néocomiennes et oxfordiennes ou dans des dépres-
sions du jurassique supérieur, ou encore sur des vases
marneuses, des alluvions imperméables: il en est d'autres
qui ont une origine glacière évidente. Les eaux de tous ces
lacs sont donc calcaires à divers degrés, moins en général
que leurs affluents ; la richesse en calcaire peut varier d'un
point à un autre du lac soit par suite de précipitations,
soit par l'action d'une vie organique intense. Le fond, es-
sentiellement calcaire, contient cependant quelquefois un
apport assez considérable de sihce, jusqu'à 75 «/o, comme
pour le lac d'Aiguebelette, le seul des lacs jurassiques qui
possède le Trapa natans, plante réputée silicicole. De
même, on voit les C/zam incrustants affectionner les bords
des lacs, plus calcaires que le fond, tandis que les Nitella,
plus calcifuges, se plaisent plutôt dans la profondeur.
Les espèces sont très inégalement réparties dans la tota-
lité des lacs. Une vingtaine seulement se trouvent dans plu-
sieurs lacs à la fois et peuvent être considérés comme for-
mant le fond de la végétation. Citons particulièrement :
Nuphar luteum (57 lacs), Scirpus lacustris (53 lacs),
Nymphœa alba (49 lacs) , Phragmites communis (49 lacs) ,
Myriophyllum spicatum (39 lacs), etc., parmi les plus
répandus; Ceratophyllum demersum (11 lacs), Utricu-
laria vulgaris (11 lacs), etc., parmi les espèces qui le
sont moins. Les autres sont beaucoup plus disséminées :
Potamogeton Zizii (8 lacs), P. prœlongus (5 lacs), P.
pectinatus (4 lacs), etc. ; finalement parmi les espèces
qui ne se trouvent que dans un seul lac : Trapa natans
Villarsia nymphoides., Marsilea qiiadrifolia, Nitella
flabellata.
L'altitude ne paraît pas avoir une grande influence sur
la richesse de la flore des lacs ; mais il y a des plantes
qui croissent à des niveaux déterminés ; ainsi les Potamots
qui affectionnent les stations élevées manquent presque
entièrement dans les régions basses. Les Char a sont éga-
lement mieux représentés dans les zones hautes et moyennes.
De môme les Phellandrium, le Nuphar pumilum ne
descendent généralement pas au-dessous de 500 à 600 m.
Au contraire, les Scripus lacustris, Phragmites vul-
garis, Nymphœa alba, Typha latifolia, Cladium ma-
risciis, Ceratophyllum, préfèrent les altitudes inférieures,
ainsi que Villarsia nymphoides, Marsilea quadrifolia^
Nitella tenuissima.
Dans la répartition de la végétation des lacs par régions
ou zones botaniques du Jura, on remarque que les Phellan-
drium, Nuphar pumilum, N. juranum etiV. Spenneria-
num, Potamogeton cor iaceus, P. prœlongus, P. Zizii, P.
Friesii, P. obiusifolius, P. zosterifolius, Cha7ms trigosa,
C. jurensis, C. Magnini, sont particuliers aux lacs du Jura
oriental et central lies Typha, Cladium, Ceratophyllum,
Najas, appartiennent aux lacs du Jura méridional; les
Marsilea, Trapa, Villarsia, Chara, Ceratophyllum,
caractérisent à leur tour le Bugey méridional et le Jura
savoisien. Cette dernière flore méridionale a des rapports
avec celle de l'Europe centrale et occidentale ; le Jura cen-
tral et oriental doivent au contraire être rapprochés de l'Eu-
rope boréale par le fait de la présence du Nuphar pumi-
lum et des Potamogeton que nous venons de citer.
L'origine boréale ou glaciaire de ces plantes est d'ailleurs
rendue très plausible par la nature de la flore des tour-
bières caractérisée par les Saxifraga hirculus, Betula
nana, Carex chordorkiza, Chelionates.
Enfin , reste à citer quelques plantes spéciales, les unes nou-
velles pour la flore du Jura : Nuphar Spennerianum, Po-
tamogeton obtusifolius. Char a ceratophylla, C. curta,
C. contraria, Nitella tenuissima, N. flabellata, etc.
Les autres nouvelles pour la flore française : Nuphar seri-
ceum, Potamogeton prœlongus, P, coriaceus, P. Frie-
sii, P. undulaïus, et deux entièrement inédites etparais-
sant propres jusqu'à présent au Jura, quisoniNuphar jura-
num nov. spec. {pumilo var. gracilis Girardot et Jaeggi),
et Char a jurensis nov. spec. Hy (et var. Magnini Hy).
En résumé, la flore jurassienne se compose : \^ de nom-
breuses plantes alpestres calcicoles émanant de la ceinture
des Préalpes et d'autres plantes alpestres en plus petit
nombre non calcicoles ou indifférentes ; ces plantes al-
pestres se rencontrent en partie dans les régions septen-
trionales de l'Europe ; 2° de plantes montagneuses non
alpestres, plus ou moins indifférentes, mais avec prédomi-
nance de l'élément calcicole, et dont une grande partie se
retrouvent dans les régions montagneuses de l'Europe cen-
trale ; ^^ de plantes calcicoles ou plus ou moins indiffé-
rentes et ubiquistes, toutes propres aux régions inférieures
et dont le nombre va en augmentant à mesure que l'on se
rapproche de la plaine, avec la flore de laquelle la flore
jurassienne se confond insensiblement; 4° de plantes à
caractère méridional émanant des terrains calcaires de la
région rhodanienne ou méridionale et remontant plus ou
moins dans la chaîne du Jura à la faveur de conditions de
chmat appropriées. D^ L. Hahn et A. Jobin.
BiBi.. : GÉOGRAPHIE. — Thurmann, Esquisses orogra-
JURA
— 340 -
phiques de la chaîne du Jura; Berne, 1852. — Oppel, Die
Jura Englands, Frankreichs und des sudwestlichen
Deutschlands ; Stuttgart, 1856-58. — Brauns. Dermittlere^
untere, obère Jura ; Cassel, 1869; Brunswick, 1871 et 1874.
— G. S HWAB, Die Schwsebische Alb; 2« éd. par Paulus,
Stuttgart, 1878. — Vogt, Die Scliwœbische Alb, 1854.
— Frœhlich, Die Schwœbische Alb, 1871. — Ehmann
Die Versorgung der 'wasserarmen Alb ; Stuttgart, 1881.
— V aussi la bibl. de Fart. Jurassique, des dép. de
TAiN, du DouBS, du Jura, de Suisse, etc.
Flore. — Guyétant, Catalogue des plantes à fleurs vi-
sibles qui croissent dans la montagne du Jura, etc. ; Be-
sançon, 1808. — CoRDiENNE, Notice topo-phytographi-
que... du Jura, etc. ; Dole, 1822, in-8. — Babey, Flore ju-
rassienne ; Paris, 1845, 4 vol. in-8. — Thurmann, Essai
de Phytostatique appliquée à la chaîne du Jura, etc.;
Berne, 1849, 2 vol. in-8.— Godet, Flore du Jura, 1852. —
Kirschleger, Flore dAlsace ; Strasbourg, 1852-63, 3 vol.
in-12. — MiCHALET, Hist. naturelle du Jura..,, t. II, Bota-
nique ; Paris, 1864, in-8. — Grenier, Flore de la chaîne
jurassique; Besançon, 1864, in-8. — Falsan, les Alpes;
Paris, 1893, t. II, in-8. — A. Magnin, la Végétation des
lacs du Jura, dans Revue gén. de fîoL, 1893, et Rev. scient.,
10 nov. 1894. — V. lesbibl.de Frange et Europe (Flore).
JURA BERNOIS. Anciennement évêché de Bâle, partie du
cant. de Berne qui est limitée à l'O. par le cant. de Neu-
châtel, au N. par la France et l'Alsace, à TE. par les cant.
de Bâle et de Soleure, au S. par l'Aar et le lac de Bienne.
11 comprend la plaine d'Ajoie (pays de Porentruy), les
plateaux des Franches-Montagnes (V. ce mot) et de la
montagne de Diesse, les vallées principales de Saint-ïmier,
Tavannes, Moutier, Delémont, Laufon et quelques vallées
latérales. Les vallées sont situées entre les chaînes du
Jura, dont les principales sont le Chasserai, le Monto, le
Graitery, le Raimeux, le mont Terrible et le Blauen. La
Suze arrose le val de Saint-Imier, la Birse, les vallées de
Tavannes, Moutier, Delémont, Laufon, la Sorne, celle de
Delémont et l'Allaine le pays d'Ajoie. Le Doubs, après
avoir formé la limite entre le Jura bernois et la France,
entre dans le Jura, dont il enserre une portion nommée
Clos du Doubs et le quitte de nouveau pour continuer son
cours en France. Les terrains de plaines ainsi que les
vallées basses sont très fertiles; on cultive la vigne au
pied du versant S., le long du lac de Bienne; les hauteurs
sont couvertes de prés et de pâturages. La principale ri-
chesse naturelle du Jura bernois est le bois ; ses immenses
forêts sont peuplées de sapins et de hêtres. Le chêne croît
aussi dans quelques régions. On exploite les mines de fer
dans la vallée de Delémont ; haut fourneau et fonderie de
tuyaux de toute dimension à Choïndez ; aciérie aux Rondez,
près de Delémont. De nombreuses carrières de calcaire
sont ouvertes dans la plupart des vallées; elles forment de
très grandes exploitations, notamment dans la vallée de
Laufon, qui alimente de matériaux de construction la ville
de Bâle. La population parle la langue française, sauf dans
la vallée de Laufon, qui est d'origine allemande. Le Jura
bernois compte 103,498 hab., dont 60,000 environ ap-
partiennent à la confession catholique. La population, in-
telHgente et laborieuse, s'adonne à l'agriculture et à l'in-
dustrie. Les vallées sont bien cultivées ; le plateau des
Franches-Montagnes fournit une race de chevaux très
estimée. Les principales industries sont l'horlogerie, qui
s'y fabrique en manufacture et en chambre, les exploitations
métallurgiques, la verrerie, la fabrication du ciment, des
tuiles et briques ordinaires et réfractaires, la vannerie, la
parqueterie, la fabrication de la pâte de bois pour le pa-
pier, la soierie, les matériaux de construction en pierre et
bois^ la poterie, la fabrication de la bière. Les cours d'eau
fournissent à l'industrie une grande force hydraulique.
Le Jura bernois forma primitivement une partie de la
Rauracie, qui comprenait, en outre, les cant. de Bâle et
d'Argovie. Soumise aux Romains vers l'an 50 avant l'ère
chrétienne, elle fut occupée, à l'époque de l'invasion des
Barbares, en partie par les Allémanes, en partie par les
Burgondes ; puis, vers l'an 500, par les Francs. Le partage
de l'empire de Charlemagne eut pour conséquence qu'une
partie de l'ancienne Rauracie fut réunie à l'empire d'Al-
lemagne, une autre au royaume de Bourgogne. A partir de
1032, toute la Rauracie fut réunie à l'empire d'Alle-
magne, le roi de Bourgogne, Rodolphe III, ayant légué ce
pays à l'empereur. L'évêque de Bâle y possédait, déjà du
temps de Charlemagne, de nombreux fiefs qui furent aug-
mentés sous les rois de Bourgogne, par de grandes dona-
tions, de manière que ce prélat devint insensiblement le sou-
verain temporel du pays appelé aujourd'hui Jura bernois. Il
relevait, à ce titre, de l'empire germanique. La Révolution
française mit fin à son gouvernement. Les sujets catholiques
du prince-évêque s'étant révoltés, des troupes françaises
vinrent à leur secours, et la partie catholique fut incorporée
à la France en 4792. Le reste du pays subit le même sort
quelques années plus tard. Dès 4796, l'ancien évêché de
Bâle forme un département français, celui du Mont-Terrible,
qui est réuni, en 1800, à celui du Haut-Rhin. La chute de
Napoléon changea de nouveau les destinées du pays : le
congrès de Vienne le déclara réuni, en 1816, au cant. de
Berne, que les diplomates indemnisaient ainsi de la perte
de l'Argovie et du pays de Vaud, érigés en cantons. Le
Jura forme aujourd'hui sept districts du cant. de Berne ;
ceux de Porentruy, Laufon, Delémont, Moutier, Franches-
Montagnes, Courtelary et Neuveville. D^ Gobat.
JURA (Dép. du). Situation, limites, superficie.
— Le dép. du Jura doit son nom au massif de montagnes
qui en couvre la plus grande partie. Ce département est
situé dans la région orientale de la France. Son chef-lieu,
Lons-le-Saunier, est situé à 320 kil. de Paris à vol d'oi-
seau, à 442 kil. par le chemin de fer. Il est compris entre
les dép. de la Haute-Saône au N., de la Côte-d'Or au
N.-O., de Saône-et-Loire à l'O., de l'Ain au S., la Suisse
(cant. de Vaud) à l'E., le dép. du Doubs au N.-E. C'est
un département frontière, et, pendant une vingtaine de
kilomètres, sa frontière coïncide avec celle de la France.
Ses limites sont presque partout conventionnelles ; cepen-
dant, du côté de la Suisse, elles suivent quelque temps la
crête du Noirmont ; du côté du dép. de l'Ain, la Valserine
sert de limite durant 15 kil., et l'Ain durant 16 kil. Du
côté du dép. du Doubs, la séparation est marquée sur
quelques kilomètres par la Loue ; du côté de la Haute-
Saône, par l'Ognon ; du côté de la Côte-d'Or et de Saône-
et-Loire par la Sablonne et des bras du Doubs pendant
31 kil.
La superficie du Jura est de 499,401 hect., ce qui le
classe au 75^ rang des 86 départements français par ordre
de grandeur, avec une étendue inférieure d'environ
100,000 hect. à la moyenne. Sa plus grande longueur du
N. au S., entre Chassey, sur l'Ognon, et le confluent de
l'Ain avec la Valouse, est de 115 kil. ; sa plus grande lar-
geur de l'E. à l'O., entre la Combe-Noire (com. de Migno-
villard) et La Chapelle-Voland, est de 65 kil. Son pourtour,
en négligeant les petites sinuosités, est de 400 kil.
Relief du sol. ~ Au point de vue orographique, le
dép. du Jura se divise en trois régions: 1*^ la montagne
du Jura, qui occupe environ les deux tiers de la surface
totale, l'arr. de Saint-Claude, les trois quarts de ceux de
Lons-le-Saunier et de Poligny ; — 2^ les collines ou
région du vignoble., qui s'étendent au N.-O., sur l'E. de
l'arr. de Dole et le N.-O. de celui de Poligny ; on pourrait
rattacher à cette région les dernières pentes du Jura occu-
pant l'O. et le centre des arr. de Lons-le-Saunier et
Poligny ; — 3° la plaine de la Bresse, dont le dép. du
Jura ne possède que la bande orientale (50,000 hect. envi-
ron), sur le S.-O. de l'arr. de Dole et l'O. de celui de
Lons-le-Saunier.
La région du Jura, dont les caractères généraux ont été
indiqués dansl'art. Jura (Géographie) est formée d'une série
de chaînons et de vallées parallèles orientés du S. -S.-O.
au N.-N.-E. et dont l'altitude décroît du S.-E. vers le N.-O.
Le premier alignement est celui du Noirmont (1,550 m.),
point culminant du département ; au S. s'ouvre le col de
Saint-Cergues (1,263 m.), les hauteurs couvertes par la
forêt de Fraisse renferment la Crêt-Pela (1,498 m.);
elles dominent, à l'E., la vallée de la Valserine et le val
de Dappes, séparés par le faîte où s'élève le fort des
- 314
JUR4
Rousses de la vallée de TOrbe. — Le second alignement
comprend le mont Risoux, dominé par le Crêt de la Dame
(1,386 m.) ; plus au S. est le mont Fier (1,375 m.); à
rO. de celui-ci, les hauteurs de la côte de Bienne longent
la vallée de la Bienne qui commence sur le versant occi-
dental du Risoux. — De l'autre côté de celle-ci, le troi-
sième alignement comprend le mont Noir (1,227 m.), la
Joux-Devant (1,141 m.) au N. de laquelle s'ouvre le col
de la Savine (921 m.) ; vers le S., la forêt d'Avignon
(917 m.) s'élève au-dessus de Saint-Claude et de la cluse
par laquelle la Bienne s'enfonce vers l'O. Entre la Joux-
Devant et le chaînon suivant appelé la Joux-Derrière s'étend
le plat**au de Grandvaux, jadis boisé; il est semé de rochers
et de monticules entre lesquels sont de maigres prairies et
des taillis. La Joux-Derrière se continue au N. par le mont
Croz, un chaînon particuhèrement désigné sous le Rom de
mont Jura, le mont Sarrasin (1,178 m.) au-dessus de la
Combe-Noire. — L'aHgnement suivant renferme le mont
Saint-Christophe, près de Moirans, la forêt de la Joux (à
l'E. de Clairvaux) et, bien au N., celle de la lïaute-Joux ;
ces hauteurs ferment vers l'O. le plateau de Nozeroy et
le séparent de celui de Champagnole. Le plateau de Noze-
roy ou val de Mièges occupe environ 30,000 hect. ; il a
une ait. de 750 à 850 m. ; on appelle souvent val de
Sirod sa partie méridionale. A l'O. de la Haute-Joux est la
chaîne de la forêt de Fraisse, puis le mont Rivel (789 m.).
A l'O. de l'Ain s'allonge la côte de Leutte ou de THeute.
Tout le S.-O. du département est recouvert de chaînons
parallèles de 400 à 800 m. d'alt. : 812 m. entre Arinthod
et Vescles, 769 m. dans la forêt de Vaucluse ; vers la
frontière occidentale, on trouve le mont Février, la côte
Colson (652 m.), la côte de la Scie, etc. Le rebord occi-
dental du Jura a une ait. moyenne de 450 à 600 m. domi-
nant une plaine moitié moins élevée au-dessus du niveau
de la mer ; au N. de Salins, le mont Poupet atteint encore
853 m. Dans cette chaîne, les érosions et effondrements
ont creusé de beaux cirques ; citons ceux de Bevigny
où naît la Vallière, de Baume, de Pohgny, d'Arbois, de
SaUns.
La région des collines ou du vignoble, que l'on peut
faire commencer au chaînon de Lente, comprend surtout
leN. du département : elle est interrompue par les vallées
de la Loue et du Doubs entre lesquelles s'étend le plateau
couvert par la forêt de Chaux ; au N. du Doubs sont les
collines granitiques de la Serre qui atteignent 382 m.
La plaine de la Bresse^ à laquelle se rattachent les val-
lées de la Loue et du Doubs, a une ait. moyenne de
200 m. Ce fut un fond de lac; elle est parsemée d'étangs
qui la rendent insalubre; on donne le nom de Finage à
la partie comprise entre le Doubs et Poligny.
Géologie. — Le sol du dép. du Jura est formé essen-
tiellement de terrains jurassiques ; ceux-ci constituent la
montagne ; leurs étages successifs y affleurent en bandes
régulièrement orientées du S.-O. au N.-E. et même dans
la région méridionale du S.-S.-O au N.-N.-E. Les affleu-
rements des dépôts crétacés plus réduits restent le plus
souvent dans la région des hautes chaînes jurassiennes, où
ils constituent le sous-sol des grands vais longitudinaux.
Quelques lambeaux isolés sur le versant 0. de la chaîne
témoignent ensuite de leur ancienne extension qui est en-
core aujourd'hui très grande sur le plateau de Nozeroy.
A mesure qu'on se rapproche de la plaine affleurent des
sédiments plus anciens : dans le N. du département, à
l'O. de l'alignement de la Haute-Joux, on ne voit plus
guère que le jurassique inférieur (bathonien et bajocien),
sauf dans la longue et mince chaîne de Leutte; au S.
du coude de l'Ain (Champagnole) la limite est quelque
temps représentée par le chaînon qui borde sa vallée à l'O. ;
enfin les bassins de la Valouse et du Surand dans la zone
méridionale appartiennent au jurassique moyen au-dessus
duquel émerge à Lains un îlot crétacé. La bande occiden-
tale du jurassique inférieur a 20 kil. de large dans le N.,
10 kil. vers Lons-le~Saunier, 15 à 20 kil. vers Beaufort,
4 à 5 kil. vers Saint- Amour et Coligny. Dans la moitié mé-
ridionale, au S. des sources de la Vallière et de la Sorne,
elle borde directement la plaine pliocène de la Bresse ;
dans la moitié septentrionale, ses terrains ont été entraî-
nés par les eaux mettant à nu le lias et les marnes irrisées ;
depuis Salins jusqu'à Revigny, on trouve entre le plateau
jurassique et la plaine une bande liasique et triasique d'une
dizaine de kilomètres de large ; elle forme le sol des cirques
de Revigny, de Baume, de la Culée de Vaux, etc., enve-
loppés des roches de formation plus récente (V. Jura
[Géogr,]). Ces coteaux et ces fonds liasiques et marneux
où naissent la Furieuse, la Cuisance, l'Orain, la Seille, la
Vallière, constituent la région du vignoble ; là sont Salins,
Arbois, Poligny, Sellières, Lons-le-Saunier, à la limite
de la montagne et de la plaine. — La portion de la plaine
de la Saône ou de Bresse, comprise dans le dép. du Jura
commence au S. vers Cousance ; la route et le chemin de
fer de Bourg à Lons-le-Saunier en marquent à peu près la
limite jusqu'à Geving^y ; celle-ci passe ensuite à peu près
au Bois-d'Amont, à Aumont et au bas de la forêt de Mou-
chard. Le terrain phocène interrompu par la vallée allu-
viale de la Loue reparaît dans la forêt de Chaux, puis au
delà du Doubs dans la forêt d'Arne et à l'O. des collines
de la Serre. La vallée du Doubs est jurassique jusqu'à Dole ;
puis commence la plaine alluviale, surtout développée sur
la rive droite, qui atteint 16 kil. de large après le con-
fluent de la Loue. Au N. de l'arr. de Dole se trouvent les
terrains les plus anciens du département. Vers l'extrémité
occidentale des terrains jurassiques de la vallée du Doubs
un soulèvement a ramené au jour, avec des granulites, le
gneiss, le permien, les grès triasiques, le lias. C'est le petit
massif des collines de la Serre.
Au point de vue stratigraphique les terrains du Jura
dessinent des bandes orientées du S.-S.-O. au N.-N.-E.
La région des hautes chaînes et des plissements réguliers
est au S.-E.; les failles sont rares et seulement des exa-
gérations locales des plis ; sauf dans le plateau de Grand-
vaux qu'une faille divise en deux parties, l'une fortement
plissée (à l'E.), l'autre (à l'O.) inclinée régulièrement vers
la faille. Les vallées de la Saine et de la Laime corres-
pondent à deux surfaces de glissement entre lesquelles les
terrains ont été déplacés vers le N.-O. — La région des pla-
teaux, à l'O. de la précédente, ne comporte pas de plisse-
ments importants ; les affleurements sont de plus en plus
anciens et les altitudes moindres à mesure qu'on avance
vers l'O. Le plateau de Nozeroy, à peu près de 900 m., est
formé de jurassique supérieur et de crétacé; celui de Cham-
pagnole, à 750 m., l'est de jurassique moyen; celui qui
s'élend à l'O. de l'alignement de Leutte, à 500 ou 600 m.,
est formé de bathonien et de bajocien. A la limite de ce
plateau et du vignoble deux bandes étroites de bathonien
sont au milieu du bajocien et du lias isolées par des failles
courbes à contour fermé ; il faut supposer que les terrains
sous-jacents ont été dissous et entraînés créant un vide où
les terrains supérieurs se sont affaissés. Des phénomènes de
ce genre ont pu jouer un grand rôle dans la région des
plateaux dont les failles convergentes n'offrent pas, comme
dans la région des hautes chaînes, la trace de pressions
latérales. — La région du vignoble est profondément sil-
lonnée par les plissements et les failles qui font reparaître
à rO. quelques parties du jurassique supérieur. — Le mont
Poupet, qui représente le principal accident orographique
du N. du département, correspond à la convergence de
deux hgnes de failles. — La boutonnière granitique de la
Serre atteste trois séries de remaniements et de mouve-
ments : le premier entre le permien et le trias ; le second
entre le bathonien et l'oxfordien ; le dernier, postérieur au
crétacé, se serait produit vers la fin de l'éocène, détermi-
nant les grandes failles du versant oriental de ces collines.
Description des étages sédimentaires. Les terrains
les plus anciens sont ceux de l'îlot granitique et gneissique
de la Serre ; ils constituent une région en Franche-Comté,
entre l'Ognon et le Doubs, une région fort intéressante
JURA
— 312
attestant la jonction souterraine des Vosges avec le Massif
central et nettement délimitée par deux grandes failles qui,
se réunissant au N. d'Ougney, se rapprochent au S. avant
de s'enfoncer sous le terrain pliocène. Ce massif elliptique,
couronné par la belle forêt de la Serre, est essentiellement
constitué par une bande de granulite à mica blanc sur le flanc
oriental ; des gneiss granulitiques avec mica noir perpendi-
culaires à la bande précédente; sur le flanc occidental, des
gneiss gris avec bancs de micaschistes. L'arête principale,
orientée du S.-O. au N.-E. comme le Jura, est formée, outre
les terrains cristallins, de terrains permiens et de triasiques.
Le permien (dont la puissance est de 300 m.) comprend à
la base des argiles compactes noires, puis rouges, puis des
grès et argiles alternant, puis un conglomérat gneissique.
Le long des gneiss s'étend la bande des eurites, exploitées
pour pavés; ce sont des terrains métamorphiques, grès
avec pyrites et débris de feldspath.
Le tdas est représenté par ses principales assises : grès
vosgien, grossier, reposant sur le gneiss (60 à 80 m.
d'épaisseur) ou, en stratification discordante, sur le per-
mien ; au niveau supérieur, ce grès passe aux argiles mi-
cacées ; grès bigarré formé d'argiles micacées à Calamités
arenaceus ; muschelkalk {'^O m. à la Serre), comprenant
des argiles grises, des calcaires compacts et des dolomies;
on y trouve VEncrinites liliiformis ; on ne trouve ni
gypse, ni sel à la Serre ; les marnes irrisées inférieures
renferment des gisements de sel, notamment à Salins ; les
marues irrisées moyennes à lignites et dolomies paraissent
à Lons- le -Saunier, Baume, Grozon; l'étage supérieur
affleure presque seul; on trouve à sa base dolomies et
gypse. ^
Le lias, d'une puissance totale de 120 m., offre les étages
suivants: grès à Avicula contorta alternant avec des
marnes noires et bariolées constituant l'infralias ; — cal-
caires gréseux et calcaires bleus à plagiostomes ; calcaires
à gryphées et marnes bleues souvent cachées ; — calcaires
marneux, marnes à nodules et marnes à plicatules; —
schistes à posidonies, marnes à trochus et marnes gréseuses
ou à rognons calcaires. — Le bajocien débute par 50 m.
de calcaires oolithicjues ou spathiques (à Ammonites Mur-
chisonii), avec minces lits de marnes grises ou bleuâtres ;
puis viennent des calcaires siliceux, surmontés parfois d'îlots
de polypiers ef des calcaires à grandes dalles {Ammonites
Humphriesianus) ; enfin des calcaires roux spathiques, bien
connus dans la région sous le nom de dalle nacrée, — Le
bathonien, d'une puissance de 80 à 120 m., débute par
des bancs marneux à Ostrea acuminata, surmontés de
bancs à Rynchonella varians. Un niveau marneux à Uo-
momya gibbosa surmontant des calcaires à Terebratula
Philippsii divise la masse principale de l'étage formé de
calcaires foncés qui sont le type du jurassique brun des au-
teurs allemands; au N.-O. le faciès est encore celui du bas-
sin de Paris, calcaires blancs. — Le callovien est peu dé-
veloppé ; la zone à Ammonites anceps se rencontre presque
seule; elle renferme des minerais de fer. — Voxfordien^
d'une puissance de 60 à 130 m., renferme à la base des
marnes à ammonites pyriteuses et des calcaires compacts
riches en ammonites et spongiaires ; les calcaires marneux
du niveau supérieur ne sont développés qu'à l'E. de la
chaîne de Leutte ; réciproquement l'importance des courbes
intérieures diminue à mesure qu'on va vers le S.-E. — Le
rauracien (puissance, 40 à 60 m.) perd son faciès coral-
liaire dans le S. ; il est représenté par des bancs à grosses
oolithes rugueuses vers Clairvaux et Lons-le-Saunier, par
des calcaires marneux à CÂdaris florigemma et Ostrea
rastellans qu'on ne peut que malaisément séparer de ceux
de l'oxfordien, par des calcaires compacts dans le haut.
— Vastartien (puissance, 60 à 80 m.) se compose de
calcaires oolithiques ou spathiques avec, à la base, des bancs
marneux à Cidaris florigemma, Waldheimia Egena,
Ostrea bruntrutana. La partie supérieure se compose de
bancs coralligènes à oolithes blanches, avec nérinées, po-
lypiers, Rhynchonella pinguis; puis des calcaires com-
pacts sans fossiles. — Le ptérocérien est un puissant
étage (50 à 70 m.) de calcaires marneux à Pterocera
Oceani, Ceromya excentrica, etc., au-dessus duquel se
placent des calcaires blancs fragmentés ou compacts qui
représentent le virgulien, — Le kimméridgien est re-
présenté à Salins par des calcaires blancs compacts, de
teinte laiteuse, avec gryphées à la partie supérieure. —
Le portlandien (puissance, 80 à 100 m.), est formé de
calcau^es compacts alternant avec des dolomies sableuses ;
on y trouve des bancs à Nerinea trinodosa et plus haut
à moules de bivalves.
Les terrains crétacés ont été en grande partie entraînés.
A la base sont des sédiments lacustres calcaires peu cohé-
rents d'un blanc grisâtre à petits planorbes et gastéro-
podes et des marnes grises ou noirâtres. — Le néoco-
mien est représenté par un étage de calcaire jaune et de
marnes à spatangues (puissance, 25 à 30 m.), comprend
des marnes à Ostrea Couloni, Terebratula prœlonga, etc. ,
et un calcaire jaune spathique à taches chloriteuses. Son
faciès coralligène est très frappant. Un trait capital de la
géologie jurassienne est cette étendue des faciès coralli-
gènes qui, en se développant depuis le bathonien jusqu'au
néocomien, ont contribué à la formation des principales
zones calcaires. — Vurgonien (puissance, 30 à 40 m.)
est formé de calcaires blancs compacts à requienies et po-
lypiers. — Les grès verts à Ammonites Milletianus et
Beudanti se rencontrent quelquefois à la surface de l'ur-
gonien, par exemple sur le plateau de Nozeroy. Au pied
du mont Poupet et sur le N. des collines de la Serre, on
trouve les diverses assises du crétacé supérieurs, argiles
du gault, craie de Rouen, etc.
Véocène est représenté par la brèche de Narlay com-
prise dans un pli du néocomien et formée d'éléments port-
landiens et néocomiens avec ciment rougeâtre. — Le mio-
cène est représenté par un lambeau de calcaire lacustre
près de Vincelles et un lambeau de molasse marine au N.
de Foncine (cant. des Planches). — On rattache au plio-
cène les argiles grasses de Neublans, les sables micacés
(puissance, 12 à 20 m.) à Hélix Chaixi (faune d' Haute-
rive), les argiles bleues de Saint-Côme à Paludina bres-
sana. Sur les rives du Doubs et de la Loue sont des amas
stratifiés de galets quartzeux quelquefois agglomérés par
un ciment de sable micacé. Ces amas sont beaucoup plus
développés dans la forêt de Chaux ; ils correspondent aux
sables de Chagny et aux sables ferrugineux à Elephas
meridionalis qu'on rencontre plus au S. Le limon de la
Bresse (terre à pisé) forme le plan supérieur des dépôts
pliocènes; c'est un produit d'altération atmosphérique; on
le trouve dans toute la plaine tertiaire.
Les dépôts glaciaires, formés de boues calcaires avec
cailloux roulés et gros blocs à peine émoussés, souvent
striés, revêtent les plateaux de Champagnole et de Nozeroy ;
occupant une bande large de plusieurs kilomètres, jusqu'à
la moraine frontale de Clairvaux, ces glaciers se déver-
saient dans la vallée de l'Ain ; on retrouve leur trace jus-
qu'à 1,150 m. d'alt. près des Planches et ils ont été reliés
certainement à ceux des Alpes. Ces dépôts ont été entraînés
par l'Ain et ont fourni la matière de ses puissantes allu-
vions qui dépassent de 60 m. le niveau actuel de la rivière.
Dans la région du vignoble on trouve aussi des dépôts gla-
ciaires dont les matériaux proviennent du bas inférieur. —
Les alluvions anciennes bordent toutes les vallées pen-
dant la traversée de la zone des collines formant terrasse,
surtout dans la vallée de la Seille. Elles n'existent ni dans
la Bresse ni dans les hémicycles creusés dans la chaîne
frontale ; toutefois, on a trouvé dans la grotte de Baume
les fossiles de la faune quaternaire. — Les alluvions mo^
dernes, limons ou cailloux, occupent le fond des vallées ;
à leur âge se rattachent les tufs de la vallée de la Cousance
et les tourbes qui se forment dans les dépressions des
dépôts glaciaires. Enfin tout le long du Jura les eaux ont
déposé des argiles brunes ou jaunâtres à cailloux siliceux,
provenant de la décomposition du bajocien ; elles forment
- 313 --
JURA
une étroite traînée superposée aux autres terrains quater-
naires ou tertiaires.
Hydrologie et géologie agricole. Les grands niveaux
des sources sont le lias, Foxfordien et le néocomien ; les
marnes inférieures du bathonien, les marnes inférieures du
tertiaire et les marnes de Saint-Côme ne donnent lieu à
aucune source importante. Il n'y a de niveau d'eau constant
dans le tertiaire que dans les argiles inférieures du côté
d'Asnans. Les rivières ies plus abondantes, l'Ain, la Saime,
la Seille sont la continuation de cours d'eau souterrams
indépendants des failles. Leur eau vient des bassins fermés
ou des entonnoirs supérieurs. La plaine du marais de Saône
offre la même structure. Au point de vue agricole, les
alluvions modernes sont en prairies, sauf dans les vallées
du Doubs et de la Loue où elles sont caillouteuses et cul-
tivées en céréales. Les terrains tertiaires sont cultivés en
céréales ou boisés. Les vignes, le long de la zone monta-
gneuse, couvrent les premiers coteaux marneux triasiques
et liasiques. Le premier plateau montagneux est occupé
par des champs de céréales ou des bois, les terrains juras-
siques étant préférés pour les premiers. Les plateaux su-
périeurs sont surtout revêtus de prés. Dans les hautes
chaînes les prés correspondent aux affleurements marneux
glaciaires, crétacés ou oxfordiens, les bois de sapins et
les pâtis communaux aux sols calcaires.
Régime des eaux. — Le dép. du Jura appartient au
bassin du Rhône, sauf 2 à 3,000 hect. dont les eaux vont
au Rhin par l'intermédiaire de l'Orbe. Celle-ci naît au pied
du fort des Rousses, forme le lac des Rousses (83 hect.),
passe à Bois-d'Amont et entre en Suisse après avoir par-
couru en France i5 kil.; elle aboutit au lac de Neuchâtel,
dont la Thièle, puis l'Aar, portent les eaux au Rhin. —
Tout le reste du département est tributaire du Rhône par
l'intermédiaire de la Valserine, de l'Ain ou de la Saône. La
Valserine, née à TE. de la Crêt-Pela, coule entre les dép.
du Jura et de l'Ain pendant 13 kil., descendant la corribe
de Mijoux. En somme, au point de vue hydrographique, le
dép. du Jura se partage entre les bassins de l'Ain et de la
Saône ; le premier recueille les rivières qui descendent vers
le S. les vallées longitudinales de la montagne, c.-à-d.
celles de l'arr. de Saint-Claude presque entier, des deux
tiers de celui de Lons-le-Saunier et de la moitié de celui
de Poligny ; le bassin de la Saône recueille toutes les
rivières des régions de la plaine et des collines, soit celles
de l'arr. de Dole, de l'O. de celui de Lons-le-Saunier et du
N.-O. de celui de Poligny.
L'Ain (190 kil., dont 420 dans le dép. du Jura) sort
d'un réservoir naturel creusé au pied d'un rocher à 730 m.
d'alt. , près de Nozeroy, coule vers leS.-O., passe à Sirod,
Bourg-de-Sirod, tourne au N.-O. pour s'engager dans une
cluse qui n'a que quelques mètres de large, y forme des
cascades pittoresques, s'enfonce sous des rochers et après
une chute de 17 m. sort de ce défilé (perte de l'Ain) ; il
arrose Champagnole, tourne vers l'O., puis, ayant atteint
le pied de la chaîne de Leutte, reprend la direction du
S.-O., passe à Pont-du-Navoy, descend le saut de la Saisse
(18 m.), traverse les gorges du Pont-de-Pyle, de la Char-
treuse-de-Vaucluse, le saut du Mortier et, après le con-
fluent de la Bienne, arrive au dép. de l'Ain, auquel il ap-
partient complètement en aval du confluent de la Valouse.
Il est navigable depuis le confluent de la Bienne, flottable
depuis Champagnole. — Dans le dép. du Jura, il reçoit les
rivières suivantes : la Serpentine (r. dr.), sortie du lac du
Biel-du-Fourg (862 m. d'alt.), passe près de Mièges, à Noze-
roy et saute la cascade du Moulin-du-Saut et vient grossir
TAin, à 1 kil. de sa source; elle reçoit le ruisseau du
Gouffre-de-l' Houle et le Trébief. — L'abondante source de
Conte (r. g.). — La Laime ou Lemme (r. g.) naît au pied
du Montnoir, à 900 m. d'alt., près de' Saint-Laurent,
forme la cascade de Claude-Roy et s'unit à l'Ain, près des
forges de Syam : elle reçoit, à gauche, au Morillon, le Dom-
bief ; au Pont-de-Ia-Chaux, le Panessière, déversoir des
jolis lacs de Maclus ; à droite, la Saine, née au pied du
Coulion à Foncine-le-Haut, forme une série de belles cas-
cades, dont la plus connue est celle du Bout-du-Monde,
traverse le fond de Langouette; cluse de 40 m. de profon-
deur sur 2 à 3 m. de largeur au sommet, reçoit les tor-
rents du lac des Rouges-Truites, du Bief-du-Bouchon et
du Saut-de-la-Pisse. — L'Angillon (dr., 30 kil.) nait à
Nans, à 789 m. d'alt., descend au N. par une combe pro-
fonde de 230 m., contourne à Chappois le chaînon de la
forêt de Fresse, se dirige vers le S. par Vers, le Pasquier
et Ardon ; il reçoit, à droite, la Doye venue du N. — Le
Bief-d'CHuf (g.) apporte les eaux du beau lac de Châlin
(220 hect., 500 m. d'alt.). — Le Hérisson (g., 22 kil.)
sort du pittoresque lac de Bonlieu (900 m. sur 600 m.),
coule vers le N., puis vers l'O., tombe de 13 m. au saut
Girard, de 40 m. au saut de la Montagne, de 60 m. au
saut des Vaux, forme les lacs du Val (d kil. sur 400 m.)
et de Chambly, passe à Doucier ; il reçoit, à droite, par
l'Hay, les eaux du lac de la Motte (2 kil. de long) et peut-
être celles du lac de Norlay, placé au N. du précédent et
sans écoulement visible. — La Syrène descend du plateau
des Petites-Chiettes à PO. de Bonlieu, et reçoit le Ronay
et le Drouvenant ; celui-ci sort à Frasnée d'un beau cirque
de rochers, forme de belles cascades, actionne des scieries
et usines, recueille les eaux du double lac de Clairvaux ;
en hiver, les eaux du Drouvenant ne trouvant pas dans
l'orifice de la source un débit suflisant remontent par le
trou des Gangômes jusqu'au plateau supérieur et jaillissent
en haut du rocher du Grand-Dard, — La Frète ou Fraite
passe au pied de la forêt de la Joux et finit en amont du
Pont-de-Pyle. — La Bienne (g., 72 kil.) est le grand af-
fluent de l'Ain ; elle naît au pied du col de Saint'-Cergues,
sous le nom de Bief-de-la-Chaille, passe à Morez, où elle
change sa direction N.-O. pour le S.-O., franchit de beaux
défilés, passe à Saint-Claude, Prat, Molinges, Jeurre, et
finit à Chancia ; elle reçoit, près de Morez, à gauche, la
Doye-Magnin ; à droite, l'Evalude, torrent qu'alimente le
lac de Belle-Fontaine ; à gauche, la Doye-Gabet ; à gauche,
près d'Avignonnet, la rivière du Trou-de-l'Abîme ou de
Vaucluse; à gauche, à Saint-Claude, le Tacon, qui vient
du S., passe aux Bouchoux, se grossit, à droite, du Flu-
men, célèbre par ses belles cascades ; à droite, le Lison,
qui passe à Bavilloles; près de Molinges, à gauche, le
Longviry et, à droite, PEnragé, torrent sorti d'une grotte
où reparaissent, dit-on, les eaux du lac de l'Abbaye-de-
Grandvaux (93 hect., 2 kil. de long, 30 m. de profon-
deur) ; ces eaux se déversent par un canal qui s'engouffre
dans une caverne où elles disparaissent pour ressortir à
20 kil. au S. dans la grotte de l'Enragé ; le Heria est de
même alimenté par les eaux du lac d'Antre (824 m. d'alt.) ;
il se jette dans la Bienne à Jeurre. — La Valouse (dr.,
32 kil.) naît à Ecrilles, près d'Orgelet, arrose une vallée
pittoresque ; elle est grossie du ruisseau de l'Evêque-du-
Valouson (dr.) et du Sançon (dr.). — Le Surand, né à
Loisia, près delà forêt de Chaillot, passe à Gigny, Saint-
Julien et entre dans le dép. de l'Ain, après avoir reçu le
Noellan, le Ponson et le torrent de la Balme-d'Epy.
La Saône (bien qu'elle le longe assez longtemps et passe
à 3 kil. de sa limite occidentale) ne touche point le dép.
du Jura, mais celui-ci est baigné par cinq de ses affluents :
l'Ognon, la Brizotte, rAuxon,"le Doubs, la Seille. L'Ognon
passe entre le dép. du Jura et celui de la Haute-Saône. —
La Brizotte naît dans le Jura et passe dans la Côte-d'Or
après avoir reçu à gauche la Borne. — L'Auxon qui touche
le dép. du Jura en reçoit le Cleux qui passe à Saint-Aubin.
Le Doubs parcourt 80 kil. dans le dép. du Jura. Il y
entre au sortir du dép. du Doubs et traverse du N.-E. au
S.-O. l'arr. de Dole, passante Dampierre, Rans, Orchamps,
Rochefort, Dole, décrit de nombreuses sinuosités dans la
plaine alluviale située près du confluent de la Loue, passe
près de Chaussin et entre dans le dép. de Saône-et-Loire;
jusqu'à Dole son lit est canalisé parce qu'il est emprunté
par le canal du Rhône au Rhm ; en aval de Dole il n'est
pas navigable aux basses eaux. H reçoit dans le dép. du
JURA — 344 —
Jura les rivières suivantes : l'Arne (dr.) qui passe au N.
de la forêt d'Arne par Aux anges et Lavans. — La Vèze
(dr.) qui vient des collines de la Serre et finit à Roche-
fort. — ' La Ciauge (g.) qui traverse la forêt de Chaux et
reçoit à gauche la Tanche. — La Loue, née dans le dép.
du Doubs, pénètre dans le nôtre au Val-d'Amour, plaine qui
doit son nom aux Amaves (Amaous) peuplade burgonde;
elle forme quelque temps la limite des deux départements,
puis s'engage dans celui du Jura où elle arrose Chamblay,
Ounans, "Montbarrey, villages bâtis à quelque distance de
son lit ; elle s'unit au Doubs en aval de Parcey ; ses prin-
cipaux affluents sont dans le dép. du Jura : la Furieuse (g.)
qui naît à Pont-d'Héry et passe à Salins; la Lurine (g.)
qui passe à Mouchard; le Saron (g.) grossi du Froideau;
la Cuisance (40 kil.) qui naît aux Planches, près d'Arbois,
de deux belles sources dont l'une forme du tuf et Fautre
le dissout; la première sort d'une grotte par une cascade
de 45 m., la Cuisance passe au pied des beaux rochers de
la Châtelaine, actionne la papeterie de Mesnay, passe à
Arbois et Mont-sous-Vaudrey. — L'Orain (g., 54 kil.)
naît près de Poligny, reçoit la Glantine issue du beau cirque
de la Culée-de~Vaux, arrose Poligny, Tourment, le Vise-
ney, Colonne et s'engage dans la plaine du Finage, où il
baigne Rahon et Chaussin; il reçoit la Grosonne (dr.) qui
passe à Aumont et la Veuge. — La Sablonne (dr.) porte
d'abord le nom de Blaine, passe à Ta vaux. Saint- Loup et
forme la limite avec la Côte-d'Or et Saône-et- Loire.
La Seille, la rivière de la Bresse, naît dans la magnifique
vallée de Baume-les-Messieurs ; Fune de ses sources jaillit
au pied du rocher, l'autre sur le flanc en cascade; elle
passe entre deux murailles de 200 m., reçoit la belle source
du Dard, le torrent de Blois, passeàNevy, entre Château-
Chalon et Voiteur, à Domblans, reçoit le Serein, passe à
Arley, Ruffey, Bletterans, Nance et pénètre en Saône-et-
Loire ; elle reçoit dans ce département deux rivières nées
dans le Jura ; à droite la Brenne qui passe à Sellières, près
de Chaumergy, et se grossit du Bief-d'Aigle (dr.); à gauche
la Valllère, née dans le cirque de Révigny, qui passe à Con-
liège, Lons-le-Saunier, Montmorot, Courlans, Courlaoux,
se grossit de la Sorne (g.) qui passe à Macornay, puis en
Saône-et-Loire, de la Sonnette (g.) qui passe à Vincelles.
Climat. — La différence d'altitude entre le Noirmont
(i,550 m.) elle point où le Doubs quitte le département
(480 m. env.) est de 4,370 m., bien suffisante pour pro-
duire de grandes différences de climat. La Bresse et la ré-
gion du vignoble ont le climat rhodanien (V. France)
avec ses froids modérés, mais humides; l'hiver y commence
en décembre, la végétation à la mi-avril. La montagne a
un climat rude, froid et exposé à de brusques variations
fort dangereuses pour les cultures. Sur les hautes chaînes
Fhiver dure huit mois; la végétation n'éclôt que vers le
i^^ juin; à Septmoncel il tombe 44 m. de neige par an.
Les vents dominants sont ceuxduN.-E.et du S.-O., selon
l'orientation générale des hauteurs. La chute d'eau plu-
viale est de i"^0o à Lons-le-Saunier; 4 "^30 à Poligny,
4°^80 sur le plateau deNozeroy.
Flore et faune naturelles. — V. l'art. France et
l'article spécial consacré ci-dessus à la flore du Jura.
Histoire depuis 1789. — Le dép. du Jura fut formé,
en 4790, de la partie méridionale de la Franche-Comté
(pour la période antérieure, V. ce mot). La population, ani-
mée d'un esprit libéral et plus instruite que dans la
moyenne de la France, accueillit avec joie la Révolution
française. En 4844, elle arma des volontaires contre les
envahisseurs étrangers. En 4845, c'est à Lons-le-Saunier
que Ney lança la fameuse proclamation qui lui coûta la vie.
Dans la guerre franco-allemande (V. cet art.) de 4870-
74, le dép. du Jura ne vit l'ennemi qu'en nov. 4870 et ne
fut réellement envahi que le 24 janv. 4874, après la dé-
faite de l'armée de l'Est ; une poignée de gardes nationaux
et quelques soldats soutinrent à Dole une résistance achar-
née contre 5 à 6,000 Allemands.
Les personnages célèbres nés dans le dép. du Jura au
XIX® siècle (pour la période antérieure, V. Franche-Comté
sont : Janvier (Antide), horloger (4754-4835), né à Saint"
Claude; TouUier, jurisconsulte (4752-1835), né à Dole;
Rouget de l'Isle (Claude-Joseph), auteur de la Marseil-
laise [il 60-iH'd6), néàMontaigu; Travot (Jean-Pierre,
baron), général (4767-4836), né à Poligny ; Guyot (Claude-
Etienne, comte), général (4 768-4837), né à Villevieux ;
Delort (baron), général (4773-4846), né à Arbois; Ber-
nard (Simon), célèbre ingénieur et général (4779-4839),
né à Dole; Monnier (Désiré), archéologue (4788-4867),
né à Lons-le-Saunier; Dalloz (Victor-Alexis-Désiré), ju-
risconsulte (4795-4869), né à Septmoncel ; Bousson de
Mairet (Emmanuel), littérateur (4796-4874), né à Sahns ;
Gerbet, évêque et théologien (4798-1864), né à Pohgny;
Valette, jurisconsulte (4805-78), né à Salins ; Grévy
(Jules), président de la Répubhque française (4807-94),
né à Mont-sous-Vaudrey ; Considérant (Victor), né en
4808 à Salins ; Tamisier, artilleur (4809-80), né à Lons-
le-Saunier; Cler (Jean-Joseph-Gustave), général (4844-
59), néà Salins ; Perraud (Jean-Joseph), sculpteur (4824-
76), né à Monay ; Pasteur (Louis), célèbre chimiste et
physiologiste, né en 4822 à Dole.
Divisions administratives actuelles. — Arron-
dissements. — Le dép. du Jura comprend quatre arrondis-
sements: Lons-le-Saunier, Dole, Poligny, Saint-Claude.
Voici leurs superficies respectives (d'après la Statistique
de la France en 4886) : Lons-le-Saunier, 454,373 hect. ;
Dole, 447,932 hect.; Pohgny, 423,346 hect.; Saint-
Claude, 403,780 hect.
Cantons. — Les quatre arrondissements du Jura sont
subdivisés en 32 cantons et 584 communes. On compte
44 cantons et 343 communes pour l'arr. de Lons-le-Sau-
nier ; 9 cant. et 438 com. pour l'arr. de Dole ; 7 cant. et
452 com. pour l'arr. de Poligny; 5 cant. et 84 com. pour
l'arr. de Saint-Claude. En voici la liste : Arinthod, Beau-
fort, Bletterans, Clairvaux, Conliège, Lons-le-Saunier,
Orgelet, Saint-Amour, Saint-Julien, Sellières, Voiteur ; —
Chaumergy, Chaussin, Chemin, Dampierre, Dole, Gendrey,
Montbarrey, Montmirey-le-Château, Rochefort ; — Arbois,
Champagnole, Nozeroy, Les Planches-en-Montagne, Poli-
gny, Salins, Villers-Farlay ; — Les Bouchoux, Moirans,
Morez, Saint-Claude, Saint-Laurent.
Justice, police. — Le dép. du Jura ressortit à la cour
d'appel de Besançon. La ville de Lons-le-Saulnier est le
siège de la cour d'assises. Il y a quatre tribunaux de pre-
mière instance, à Lons-le-Saunier, Dole, Arbois, Saint-
Claude. Il y a 3 tribunaux de commerce (Lons-le-Saunier,
Dole, SaUns). Le nombre des justices de paix est de 32,
une par cheî-Iieu de canton. Le nombre d'agents chargés
de constater les crimes et délits était, en 4888, de 246
gendarmes, 7 commissaires de poHce, 23 agents de police,
594 gardes champêtres, 228 gardes particuliers asser-
mentés, 239 gardes-forestiers, 40 agents des ponts et
chaussées (police de la pêche), 279 douaniers. Il y eut
2,477 plaintes, dénonciations ou procès-verbaux. "
Finances. — Pour les contributions indirectes, il y
a 4 directeur et 2 inspecteurs à Lons-le-Saunier, 4 sous-
directeur et 4 receveur à Dole, 4 receveur principal
entreposeur à Arbois, 4 receveur principal à Saint-Claude.
Le service des contributions directes comporte 4 dire<;-
teur et 4 inspecteur à Lons-le-Saunier. 11 y a 4 tréso-
rier-payeur-général à Lons-le-Saunier, des receveurs
particuliers et des percepteurs dans chaque chef-lieu d'ar-
rondissement. L'enregistrement, les domaines et le timbre
ont 4 directeur à Lons-le-Saunier, 4 sous-inspecteur à
Dole. Il y a 4 conservateurs des hypothèques à Lons-le-
Saunier, Dole, Arbois, Saint-Claude, 4 inspecteur des
douanes à Saint-Claude.
Instruction publique. — Le département relève de
l'académie de Besançon. L'inspecteur d'académie réside à
Lons-le-Saunier. Il y a 5 inspecteurs de l'instruction pri-
maire, à Lons-le-Saunier (deux), Dole, Poligny, Saint-
Claude. L'instruction secondaire se donne, pour les garçons,
— 315 —
JURA
au lycée de Lons-le-Saunier, aux collèges communaux d'Ar-
bois, Dole, Poligny, Saint-Claude, Salins, et pour les filles
au collège de Lons-le-Saunier. Il existe à Lons-le-Saunier
une école normale d'instituteurs et une école normale
d'institutrices.
Cultes. — Saint-Claude est le siège d'un évêché sufira-
gant de l'archevêché de Lyon, et dont le diocèse corres-
pond au département. Il compte 2 vicaires généraux, 8 cha-
noines, 34 curés, 346 desservants, 20 vicaires de paroisses
et desservants de chapelles, 40 prêtres habitués, 16 aumô-
niers. On a ordonné, dans l'année 1890, 13 prêtres,
5 diacres et 14 sous-diacres. — Le culte réformé pos-
sède 1 église et 1 pasteur.
Armée. — Le Jura appartient au 7® corps d'armée
(Besançon) et en forme la subdivision de Lons-le-Saunier
et une partie de celle de Besançon. La compagnie de gen-
darmerie fait partie de la 7^ (bis) légion (Bourg).
Divers. — Le Jura fait partie de la 5« et de la 18® ins-
pection des ponts et chaussées, de la 13® conservation des
forêts (Lons-le-Saunier), de Tinspection des mines du
Nord-Est, de l'arr. minéralogique de Chalon-sur-Saône,
de la 6® région agricole (Est).
Démographie. — Mouvement de la population. —
Le recensement de 1891 a constaté dans le dép. du Jura
une population totale de 273,028 hab. Voici, depuis le
commencement du siècle, les chiffres donnés par les recen-
sements précédents :
1856 296,701
1861 298.053
1866 298.477
1872 287.634
1876 288.823
1881 285.263
1886 281.292
1891 273.028
1801 288.151
1806 300.050
1821 301.768
1826 310.282
1831 312.504
1836 315.555
1841 316.884
1846 316.150
1851 ;.. 313.299
Il résulte de ce tableau que la population a lentement
augmenté jusqu'en 1841, et diminué depuis, particulière-
ment de 1851 à 1856 (coup d'Etat et guerre de Crimée),
de 1866 à 1872 (guerre), et depuis 1881 (crise agricole)..
Le chiffre actuel est inférieur de 15,123 hab. à celui du
commencement du siècle.
Le mouvement de la population n'a pas été le même
dans les diverses parties du département. On le voit em
comparant par arrondissement les recensements de 1801
et de 1891.
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i
fi
o
C5
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oo
OO
o
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0
ARRONDISSEMENTS
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S
3
s
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Ï3
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o
O
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Q
p
<
CL.
0.
Lons-le-Saunier
105.736
64.376
68.911
49.128
92.711
69.278
60.487
50.552
4.902
1.424
13.025
»
8.424
»
67,8
54,7
55,9
47,3
60
58,8
49
48,7
»
4,1
»
1,4
7,8
»
6,9
»
Dole
Poligny
Saint'diaude
Total
288.151
273.028
6.326
21.449
57,7
54,7
))
3
La diminution porte sur les arrondissements de Lons-
le-Saunier et de Poligny, tandis que pour les deux autres
on constate une légère augmentation.
Voici quelle a été, de 1801 à 1891, dans chacun des
arrondissements et dans l'ensemble du département, la
variation proportionnelle de la population :
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3
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3
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en
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2"
o
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Q
1801
1.000
1.000
1.000
1.000
1.000
1806
1.049
1.037
1.062
1.020
1.031
1821
1.020
1.080
1 073
1.032
1.040
1826
1.031
1.123
1.100
1.078
1.059
1831
1.028
1.126
1.139
1.065
1.070
1836
1.017
l.to4
1.173
1 063
1.095
1841
1.034
1.180
1.175
1.038
1.099
1846
1.029
1.178
1.160
1.061
1.099
1851
1.023
1.174
1.137
1.044
1.091
1856
963
1.119
1.059
1.030
1.020
1861
951
1.124
1.072
1.036
1.023
1866
952
1.150
1.049
1.043
1.0 >3
1872
936
1.111
974
1.027
999
1876
941
1.128
959
1.029
1.001
1881
929
1.109
940
1.035
990
1886
908
1.089
917
1.060
975
1891
877
1.078
878
1.029
948
Voici les chiffres absolus pour la dernière période :
ARRORDISSBBESTS
1872
1876
1881
1886
1891
Lons-le-Sauni*"^.
Dole
99.233
71.520
66.841
50.040
99 536
73.104
65.901
50.282
98.239
71.438
64.779
50.807
285.263
95.931
70.067
63.213
52.081
92.711
69.278 i
60.487
50.552
Poliiiny
Saint-Claude...
Total
287.634
288.823
281.292
273.028
Il en résulte que l'arr. de Lons-le-Saunier a été à peu
près stationnaire de 1801 à 1851; après un fort déchet,
de 1851 à 1856, qui l'a fait retomber au-dessous du
chiffre de 1801, il en a subi un autre vers 1870-71 et est
très atteint par la crise agricole. L'an de Poligny a pro -
gressé réguhèrement jusqu'en t841, rétrogradé depuis;
l'influence des crises de 1851-56, 1870-71, y est très
marquée. C'est après la seconde qu'il s'est trouvé en dé-
ficit sur les chiffres de 1801. L'an de Dole a progressé
jusqu'en 1841 ; il a subi l'influence des mêmes crises que
ses voisins, mais dans l'intervalle sa population tendait à
remonter. L'an de Saint-Claude est à peu près stationnaire
depuis la Restauration, sauf de légères oscillations.
Si maintenant nous cherchons à voir comment se répar-
tissent les habitants du Jura entre chaque catégorie de
population, nous constatons, pour la population rurale (ît
urbaine, les chiffres suivants en 1881 et 1886 :
POPULATION
au 31 décembre 1881
Urbaine 61.870
Rurale 223.393
Total.
285.263
POPULATION
au 31 mai 1886
Urbaine 61.557
Rurale 219.735
Total 281.292
JURA
346
Le nombre des communes rurales du Jura était de 575
en 4886, leur superficie totale de 476,036 hect., leur po-
pulation totale de 219,735 hab., la superficie moyenne do
828 hect., la population moyenne de 384 hab. par com-
mune, et la densité moyenne de 46,3 hab. par kil. q. dans
les communes rurales. On comptait 9 communes urbaines
d'une superficie totale de 23,365 hect. peuplées de
6i,557 hab., soit 2,596 hect. et 7,350 hab. par com-
mune en moyenne et une densité urbaine de 264 hab. par
kil. q. La densité moyenne du département ressortait (à
cette même date) à 56,3 hab. par kil. q., la commune
ayant en moyenne 855 hect. et 482 hab.
En 4891, la densité s'abaisse à 54 hab. par kil. q.
Au point de vue de la population totale le dép. du Jura
était alors le 70°. Au point de vue de la densité, le 53°,
avec 48 hab. de moins par kil. q. que l'ensem^ble de la
France.
Voici quelle était l'importance respective des populations
urbaine et rurale aux recensements de 4856, 1872 et
4886:
1856 1872 1886
Population urbaine 47. i8 49.94 24.90
— rurale 82.82 80.09 78.40
La population rurale conserve toujours son énorme pré-
pondérance numérique, bien qu'elle subisse presque seule
la diminution.
Consultant les relevés de Fétat civil, nous voyons que
dans la population urbaine de 4884 à 4886, en quatre
ans et cinq mois, il y eut 4,922 naissances contre 6,502 dé-
cès. L'excédent des décès était do 4,580. Il a été en partie
compensé par une immigration de 4,267 personnes.
Dans la population rurale, il y eut 24,346 naissances et
24,520 décès, soit un excédent de 2,796 naissances; mais
l'excédent de l'émigration sur l'immigration enleva 6,454
personnes, soit un déchet de 3,658 personnes dans la po-
pulation rurale. Pour renscrable du département, il y a eu
29,238 naissances, 28,022 décès ; soit un excédent de
4,246 naissances. Le déficit résulte de l'émigration, qui
l'emportait de 5,487 têtes sur l'immigration. C'e^t donc
pour des raisons économiques plutôt que démographiques
que la population diminue. Elle a tendance à descendre
de ses rudes montagnes vers la plaine et les villes.
La répartition des communes, d'après l'importance delà
population, a donné, en 4886, pour les 584 communes du
département : 5 com. de 50 hab. et au-dessous; 31 corn,
de 51 à 400 hab. ; 136 com.de 404 à 200 hab. ; 429 com.
de 201 à 300 hab. ; 74 com. de 304 à 400 hab. ;
67com.de401à500hab.;404com.de504à4,000hab.;
20 com. de 4,004 à 4,500 hab. ; 7 com. de 4,501 à
2,000 hab.; 4 com. de 2,004 à 2,500 hab.; 2 com. de
2,501 à 3,000 hab.; 4 com. de 3,501 à 4,000 hab.;
2 com. de 4,001 à 5,000 hab.; 3 com. de 5,004 à
40,000 hab.; et 2 com. de 40,001 à 20,000 hab. (Dole,
Lons-le-Saunier).
Voici, par arrondissements et cantons, la liste des com-
munes dont la population totale, en 1894, dépassait
4,000 hab. :
Arrondissement DE Dole (9 cant., 438 com., 418,166
hect., 69,278 hab.). — Cant. de Chaumergy (46 com.,
8,905 hect., 4,905 hab.): Commenailles, 4,485 hab. —
Ca7it. de Chaussin{W com., 46,244 hect., 8,978 hab.) :
Chaussin, 4,498 hab. — Cant. de Chemin (44 com.,
44,697 hect., 7,346 hab.) : Petit-Noir, 4,045 hab. ; Saint-
Aubin, 4,457 hab. ; Tavaux, 4,284 hab. — Cant. de
Dampierre (15 com., 42,933 hect., 7,607 hab.): Frai-
sans, 2,553 hab.— Ca?2if.d^Z)o/^ (16 com., 12.443 hect.,
24,240 hab.): Champvans, 1,0^ihab.; Dole, 14,253 hab.
— Cant. de Gendrey{'\ A' com., 8,429 hect., 3,437 hab.):
pas de com. de plus de 4,000 hab. — Cant. de Mont-
barrey (13 com., 49,494 hect., 5,465 hab.) : pas de
com. de plus de 4,000 hab. — Cant. de Mont mire y- le-
Château (44 com. 44,580 hect., 5,487 hab.): pas de
com. de plus de 1,000 hab. — Cant. de Rochefort
(19 com., 44,104 hect., 5,143 hab.) : pas de com. do plus
de 4,000 hab.
Arrondissement de LoxNS- le -Saunier (44 cant.,
243 com., 456,763 hect., 92,744 hab,). — Cant.
d'Arinthod (26 com., 21,066 hect., 7,635 hab.) :
Arinthod, 4,047 hab. — Cant. de Beaufort (49 com.,
42,549 hect., 9,272 hab.) : Beaufort, 4,240 liab.; Cou-
sance, 4,194 hab. — Cant. de Bletterans (42 com.,
43,958 hecL, 8,986 hab.): Arlay, 1,413 hab.; Blette-
rans, 4,444 hab.; Chapellc-Voland, 1,750 hab. ; Buffey,
4, 120 hab. —Cant. de Clair vaux C^o com., 20,483 hect*!,
5,874 hab.): pas de com. de plus de 4,000 Mh. — Caiit.
de Conliège (17 com., 45,570 hect., 6,958 hab.) : pas de
com. de plus de 4,000 hab. — Cant. de Lons-le-Saiinier
(20 com., 40,293 hect., 21,457 hab.): Lons-le-Saunier,
12,640hab.; Montmorot, 1,757 hab. — Cant. d'Orgelet
(27 com., 20,904 hect., 7,230 hab.): Orgelet, 1,591 hab.
— Cant. de Saint-Amour (16 com., 9,646 hect., 6,444
hab.): Saint-Amour, 2,267 hab. — Cant. de Saint-
Julien (49 com., 42,375 hect., 4,735 hab.): pas de
com de plus de 1.000 hab. — Cant. de SelUères (43
com,, 7,782 hect., 6,564 hab.): Mantry, 4,056 hab.;
Sellières, 1,447 hab. — Cant. de Voiteur (49 com.,
42,497 hect., 7,559 hab.) : Voiteur, 4,120 hab.
Arrondissement de Poligny (7 cant., 452 com.,
425,135 hect., 60,487 hab.). — Cant. d'Arbois
(15 com., 14,029 hect., 8,654 hab.): Arbois, 4,355 hab.
— Cant. de Champagnole (34 com., 27,796 hect.,
11,611 hab.) : Champagnole, 3,588 hab. — Cant. de
Nozeroy (30 com., '20,997 hect., 6,866 hab.) : pas de
com. de plus de 4,000 hab. — Cant. des Planches-en-
Montagne (40 com., 9,766 hect., 3,529 hab.) : Foncine-
le-Haut, 1,142 hab. — Cant. de Poligny (30 com.,
26,564 hect., 13,876 hab.): Poligny, 4,433 hab. —
Cant. de Salins (24*com., 17,980 hect., 40,979 hab.) :
Salins, 6,068 hab. — Cant, de Villers-Farlay (42 com.,
8,006 hect., 4,973 hab.): pas de com. de plus de 4,000
hab.
Arrondissement de Saint-Claude (5 cant., 84 com.,
105,292 hect., 50,552 hab.). - Cant. des Bouclwux
(12 com., 44,020 hect., 4,607 hab.): pas de com. de
plus de 1 ,000 hab. — Ca7it. de Moirans (47 com., 47,560
hect., 5,124 hab.): Moirans, 4,283 hab. — Cant. de
Morez (40 com., 24,905 hect., 44,431 hab.):Bois-
d'Amont, 4,380 hab.; Longchaumois, 1,806 hab. ; Mor-
bier, 4,573 hab.; Morez, 5,424 hab.; Les Rousses,
2,476 hab. — Cant. de Saint- C laude {^^ com., 30,870
hect., 20,379 hab.) : Saint-Claude, 9,782 hab.; Sept-
moncel, 1,452 hab. — Cant. de Saint-Laurent {iS com.,
20,937 hect., 6,014 hab.): Saint-Laurent, 1,128 hab.
Nous rappelons que les chiifres relatifs à la superficie
des cantons ne coïncident pas rigoureusement avec ceux
indiqués pour le total des arrondissements, d'après le dé-
nombrement ; la nature de ces divergences a été indiquée
dans l'art. France.
Habitations. — Le nombre des maisons à habitations
était, en 4886, dans le Jura, de 57,738, dont 55,570 occu-
pées en tout ou en partie et 2,468 vacantes. Sur ce nombre
on en comptait 28,344 n'ayant qu'un rez-de-chaussée;
25,247 un seul étage; 3,328 deux étages; 786 trois
étages ; 66 quatre étages ou davantage. Elles comportaient
84,934 appartements ou logements distincts, dont 77,640
occupés et 4,294 vacants; en outre, 6,369 locaux servant
d'ateliers, de magasins ou de boutiques.
Etat des personnes. — D'après la résidence. — On
a recensé, en 4886, 42,345 individus isolés et 65,062 fa-
milles, plus 233 établissements comptés à part, soit un
total de 77,640 ménages. Il y a 42.345 ménages composés
d'une seule personne, 14,732 de deux personnes; 43,653
de trois personnes; 12,658 de quatre personnes ; 41,757
de cinq prsonnes; 42,262 de six personnes ou davantage.
La population résidente comportait 284,292 personnes.
317 —
JURA
dont 268,487 résidents présents ; 4,985 résidents absents ;
7,8i20 personnes comptées à part. La population présente
comportait 276,307 résidents et 3,565 personnes de pas-
sage ou de population accidentelle, soit un total de 279,872.
La population présente est donc un peu inférieure h la po-
pulation résidente, ce qui est le cas général en France.
D'après le lieu de naissance. — Classée d'après le
lieu de naissance, la population du Jura se divisait en : Fran-
çais et naturalisés nés dans la commune où ils habitent,
170,235 ; nés dans une autre commune du département,
72,697 ; nés dans un autre département ou dans une co-
lonie, 31,754; nés à l'étranger, 670, soit un total de
275,356. Il y faut ajouter: 871 étrangers nés dans la com-
mune où ils habitent; 165 nés dans une autre commune
du département ; 171 nés dans un autre département ou
une colonie; 3,309 nés à l'étranger, soit un total de
4,516 étrangers. La population présente, envisagée dans
son ensemble (279,872), comprend donc 171,106 nés
dans la commune où ils habitent; 72,862 nés dans une
autre commune du département; 31,925 dans un autre
département ou dans une colonie ; 3,979 hors du terri-
toire français. Classée par nationalité, la population du
Jura compte, en 1886, 275,356 Français, dont 274,916
nés de parents français et 440 naturalisés, et 4,516 étran-
gers se décomposant en 15 Anglais, Ecossais ou Irlandais;
4 Américains du Nord ou du Sud ; 357 Allemands ;
109 Austro-Hongrois; 54 Belges; 26 Hollandais ou Luxem-
bourgeois; 2,762 Italiens; 13 Espagnols; 1,126 Suisses;
25 Russes; 1 Chinois, 11 d'autres nationahtés et 13 de
nationalité inconnue.
Il y a 9,587 familles de gens mariés sans enfant vivant ;
11 ,012 avec un enfant ; 11 ,630 avec deux enfants ; 8,403
avec trois; 5,160 avec quatre; 3,024 avec cinq; 1,568
avec six; 1,478 avec sept enfants vivants ou davantage.
Si l'on ajoute les veufs, divorcés, etc., on arrive aux
chiffres suivants : 17,839 ^milles sans enfant vivant;
15,595 en ayant un ; 15,582 deux ; '10,999 trois ; 6,673
quatre; 3,904 cinq ; 2,033 six; 1,813 sept ou davantage.
D'après la profession. — La population du Jura se
décompose par professions de la manière suivante (en 1886).
On classe sous chaque rubrique non seulement ceux qui
exercent la profession, mais aussi la totahté des personnes
qui en tirent leur subsistance : agriculture, 163,809 ;
industries manufacturières, 53,714; transports, 4,850;
commerce, 21,231; représentants de la force publique,
3,313; administration publique, 5,421 ; professions libé-
rales, 7,668; personnes vivant exclusivement de leurs re-
venus, 11,495; enfin 938 gens sans profession; 4,843
individus non classés (enfants en nourrice, étudiants ou
élèves des pensionnats, vivant loin de leurs parents, per-
sonnel interné des asiles, hospices, etc.), et 2,790 de pro-
fessions inconnues. Voici le détail pour chaque catégorie
en distinguant pour les principales les deux sexes et les
divers groupes, patrons ou chefs d'exploitation, employés
ou ouvriers, familles, domestiques attachés à la personne.
Agriculture. Propriétaires cultivant exclusivement leurs
terres, 85,495 personnes, à savoir : patrons, 24,266
(5,136 femmes); employés et ouvriers, 6,368 (2,326
femmes); familles, 53,073; domestiques, 1,788. — Fer-
miers, métayers ou colons, 74,191 personnes, à savoir :
18,588 patrons (4,165 femmes) ; employés et ouvriers,
6,463(2,777 femmes); familles, 48,442 ; domestiques,
698. — Horticulteurs, pépiniéristes et maraîchers, 1,304
personnes, à savoir : patrons, 325 ; employés et ouvriers,
140; familles, 826; domestiques, 13. — Bûcherons,
charbonniers, 2,819 personnes, à savoir : patrons, 630;
employés et ouvriers, 512; familles, 1,674; domes-
tiques, 3.
Industrie, Industrie textile, 567 personnes, dont
183 patrons et 32 employés et ouvriers (7 femmes). —
Industrie extractive, 2,602 personnes, à savoir : patrons,
288 ; employés et ouvriers, 625 (7 femmes) ; familles,
1,677 ; domestiques, 12. — Industrie métallurgique (pro-
duction des métaux), 3,980 personnes, dont 42 patrons et
1,518 emp'Oyés et ouvriers. — Fabrication d'objets en
métal, 8,484 personnes, dont 1,157 patrons et 2,075 em-
ployés et ouvriers (583 femmes). — Industrie du cuir,
2,098 personnes, dont 568 patrons et 265 employés et
ouvriers. — Industrie du bois, 6,073 personnes, dont
1 ,404 patrons et 895 employés et ouvriers. — Céramique,
956 personnes, dont 72 patrons et 269 employés et ou-
vriers. — Produits chimiques, 324 personnes, dont 41
patrons et 73 employés et ouvriers. — Industrie du bâti-
ment, 7,330 personnes dont 1,046 patrons et 1,791 em-
ployés et ouvriers. — Industrie de l'éclairage, 247 per-
sonnes, dont 22 patrons et 21 employés et ouvriers. —
Industrie de l'ameublement, 1,235 personnes, dont 369
patrons et 187 employés et ouvriers. — Habillement et
toilette, 4 ,760 personnes, dont 1 ,412 patrons (847 femmes)
et 1,253 employés et ouvriers (945 femmes). — Alimen-
tation, 4,281 personnes, dont 742 patrons et 1,450 em-
ployés et ouvriers. — Industries relatives aux sciences,
arts et lettres (imprimerie, papeterie, etc.), 1,101 per-
sonnes dont 85 patrons et 433 employés et ouvriers. —
Industrie de luxe, 9,676 personnes, dont 792 patrons et
3,463 employés et ouvriers (1,501 femmes).
Transports. Transports par voie fluviale (canaux et
rivières), 375 personnes, dont 51 patrons et 63 employés
et ouvriers. — Transports par routes, 904 personnes, dont
145 patrons et 218 employés et ouvriers. — Chemins de
fer, 2,826 personnes, dont 18 patrons et 1,217 employés
et ouvriers. — Postes et télégraphes, 745 personnes, dont
17 patrons et 291 employés et ouvriers.
Commerce. Financiers, 340 personnes, dont 35 patrons,
93 employés et ouvriers. — Courtiers, commissionnaires,
négociants en gros, 4,597 personnes, dont 695 patrons,
774 employés et ouvriers. — Hôteliers, cabaretiers, 5,743
personnes, dont 1,498 patrons (342 femmes); 522 em-
ployés et ouvriers (265 femmes). — Alimentation (mar-
chands au détail), 5,430 personnes, dont 1,463 patrons
(434 femmes), 503 employés et ouvriers. — Ameuble-
ment (détail), 479 personnes, dont 103 patrons, 72 em-
ployés et ouvriers (447 femmes). — Divers marchands au
détail, 2,093 personnes, dont 667 patrons (204 femmes),
142 employés et ouvriers (47 femmes).
Force publique. Armée de terre, 2,189 personnes,
dont 2,029 militaires. — Gendarmerie et police, 924
personnes, dont 322 exerçant la profession ; soit 2,351
agents de la force publique, plus 762 personnes de leur
famille ou de leur domesticité.
Administration publique. Fonctionnaires de l'Etat,
3,093 personnes, dont 1,001 fonctionnaires (37 femmes).
— Fonctionnaires du département ou des communes,
2,328 personnes, dont 767 fonctionnaires (18 femmes).
Professions libérales. Clergé catholique séculier,
1,306 personnes, dont 562 prêtres. — Clergé catholique
régulier (communautés religieuses), 547 personnes, dont
40 moines et 423 religieuses. — Autres cultes, H per-
sonnes, dont 3 ministres du culte. — Tribunaux , 250
personnes, dont 67 du personnel judiciaire. — Avocats,
agréés, 111 personnes, dont 36 exerçant la profession.
— Officiers ministériels, 753 personnes, dont 179 exer-
çant la profession. — Agents d'affaires, 67 personnes,
dont 17 agents. — Médecins, 350 personnes, dont 103
professionnels. — Pharmaciens, herboristes, 196 per-
sonnes, dont 44 exerçant la profession. — Dentistes, ocu-
listes et pédicures, 28 personnes, dont 7 exercent. —
Sages-femmes, 265 personnes, dont 180 exerçant la pro-
fession. — Enseignement pubhc, 3,048 personnes, dont
i ,320 enseignent (583 femmes). — Enseignement privé,
314 personnes, dont 128 enseignent (76 femmes). — Mu-
sique, danse, escrime, etc., 101 personnes, dont 39 en-
seignent (17 femmes). — Sciences, lettres et arts, publi-
cistes, 14 personnes, dont 8 exercent la profession. —
Architectes, ingénieurs, 144 personnes, dont 38 exercent
la profession. — Artistes, 157 personnes, dont 52 exer-
JURA — 318 —
cent la profession (3 femmes). — Artistes lyriques et
dramatiques, 6 personnes, dont 3 exercent la profes-
sion.
Personnes vivant exclusivement de leurs revenus.
Propriétaires qui ne travaillent pas, 5,847 personnes,
dont 2,850 patrons (1,599 femmes) et 686 domestiques
(493 femmes). — Rentiers, pensionnaires et retraités,
5,648 personnes, dont 2,832 patrons (1,192 femmes) et
536 domestiques (441 femmes).
Sans profession (saltimbanques, filles publiques, gens
sans place, etc.), 938 personnes (619 femmes). — ISon
classés (enfants en nourrice, élèves pensionnaires, per-
sonnel interne des asiles, hôpitaux, etc.), 4,843. — Pro-
fession inconnue^ 2,790 (1,430 femmes).
Etat économique du département. — Propriété.
— L'enquête faite par Tadministration des contribi lions
directes en 1884 a relevé, dans le dép. du Jura, 161,952
propriétés imposables, savoir : 149,480 appartenant à la
petite propriété; 11,424 à la moyenne et 1,048 à la
grande propriété.
DÉSIGNATION
tf o
m o
Petite propriété :
Biens de moins de 10 ares
22.082
20.822
34.805
25.494
22.242
10.586
6.301
4.157
2.991
2.145
1.699
1.264
1.002
3.178
996
388
212
306
179
317
246
1.084
3.046
11.548
18.285
30.720
26.032
21.741
18 598
16.386
13.758
12.664
10.655
9.580
51.390
23.946
13.662
9.981
19.687
15.362
44.226
93.133
— de 10 à 20 ares
— de 20 à 50 —
— de 50 ares à 1 iiect
— de 1 à 2 iiect
— de 2à 3 —
— de 3à 4 —
~ de 4à 5 —
— de 5à 6 —
Moyenne propriété :
Biens de 6 à 7 hect
— de 7à 8 —
— de8à9 —
- de 9 à 10 —
— de 10 à 20 —
— de 20 à 30 —
de 30 à 40 —
— de 40 à 50 —
Grande propriété :
Biens de 50 à 75 hect
-. de 75 à 100 —
— de 100 à 200 —
Au-dessus de 200 —
Total
161.952
465.484
=====^^
La petite propriété occupe donc 147,440 hect., la
moyenne 145,636 hect., et la grande 172,408 hect.
Agriculture. — Le dép. du Jura est un département
agricole, puisque plus des 4/7 de sa population vivent de
l'agriculture. Les aptitudes particulières de chaque sol ont
été indiquées dans le § Géologie, Les terres labourées
n'occupent que le tiers de la superficie totale ; les bois
s'étendent sur près de 150,000 hect.; les prés en occupent
environ 50,000, les pâturages et pacages autant, les vignes
16 à 17,000. Les terres incultes, landes, rochers, lacs,
étangs, superficies bâties, sol des routes, etc., représen-
tent environ 70,000 hect.
Au point de vue agricole, nous retrouvons la division du
département en trois parties : la montagne, région des
bois, des pâturages et des céréales; les collines, région du
vignoble ; la plaine, région des prairies artificielles et des
cultures industrielles. Dans la montagne, il faut distinguer
les hautes chaînes orientales, qui n'ont guère que des bois
et des pâturages, où l'on récolte des plantes médicinales.
Le climat est trop rude pour les céréales ; à peine y voit-on
quelques champs d'orge, d'avoine, de pommes de terre, de
chanvre. Les seules richesses sont les bois et le bétail.
Dans les vallées de l'Ain et de ses affluents et sur le pla-
teau occidental, on cultive les céréales (froment, seigle et
même maïs), les légumes (petits pois, lentilles, haricots,
fèves), etc. — La région des collines a pour principale
richesse son vignoble ; elle cultive aussi le blé, l'avoine, le
maïs, l'orge, la betterave, la pomme de terre, la navette,
le chanvre, la fève, les haricots, le potiron, la courge. —
La plaine y ajoute un peu de sarrazin, le colza, le pavot,
le panais, le chou de Bruxelles ; les prairies artificielles,
où domine le sainfoin, sont très étendues, particulièrement
dans les cant. de Montbarrey (plaine de ^la Loue) et de
Bletterans (Bresse).
Le tableau suivant indique la superficie et le rendement
des diverses cultures en 1^89 :
CULTURES
SUPERFICIE
PRODUCTION
Froment ,
Hectares
47.931
374
1.934
6.762
486
16.749
11.004
11.951
1.173
6.198
2.364
13.014
48.613
224
340
246
11
))
»
18.061
' Hectolitres
\ 645.242
1 Quintaux
[ 483.624
Hectolitres
5.612
26.669
102.735
2.685
351.091
186.270
Quintaux
770.144
157.446
266.364
84.462
324.679
1.576.725
Hectolitres.
1.834
Quintaux
Graine 196
Filasse 2.304
30.880
154
928
192
77
Hectolitres
100.383
Méteil
Seigle
Orcre
barrasin
Avoine
Maïs
Pomm es de terre
Betteraves fourra^^ères. . .
Trèfle
Luzerne
Sainfoin
Prés naturels
Colza
Chanvre
Betteraves à sucre
Houblon
Noix
Prunes
Pommes à cidre
Vin
La production des céréales répond aux besoins de la con-
sommation ; la culture dominante est celle du froment,
répandue sur les deux tiers du pays ; le meilleur est celui
du cant. de Conliège sur le plateau jurassique ; la valeur
de la récolte de froment est de 10 à 12 millions de fr. ;
celle du vin, qui vient ensuite, est de 2 à 3 millions. Les
vins du Jura ont bonne réputation et plusieurs de leurs
crus sont connus ; malheureusement les procédés de fabri-
cation sont défectueux ; le vin est acide, se décolore et
s'affaiblit rapidement; il faut le mélanger avec les vins du
Midi pour l'exporter. Les crus les meilleurs proviennent
de la région des collines liasiques (cant. de Salins, Arbois,
Poligny, Voiteur). Les crus réputés sont : les vins rouges
des Arsures, entre Montigny et Aiglepierre, au N. d'Arbois;
d'Arbois, célébré par Henri IV; de Salins, précoce et peu
alcoolique ; Ménétru, Poligny ; les vins rosés de Foulenay
et Rousseau ; les vins blancs doux et mousseux de Salins.
Arbois, l'Etoile, Quintigny; les vins jaunes et secs deChâ-
teau-Çhalon, analogue aii Madère, de Ménétru, Poligny,
Pupillin. Les arbres fruitiers, abondants dans les coteaux
et la plaine, sont le pécher qu'on plante dans les vignes,
le cerisier, le prunier, le cognassier, le poirier, le pom-
mier, le groseiller, etc. Les ruisseaux et rivières sont
bordés de peupliers et de saules dont les branches four-
nissent des liens pour la vigne. Les bois ont une conte-
nance de 146,722 hect. Ils sont une des richesses du
département qui renferme plusieurs des plus belles forêts
de France : la forêt de Chaux (qui se prolonge dans le dép.
du Doubs) y occupe 19,561 hect. boisés en chênes, hêtres,
charmes, etc.). Ses coupes rapportent annuellement à PEtat
400,000 fr., outre 150,000 fr. de bois distribués aux
- 319 ~
JURA
communes limitrophes. La forêt de la Haute-Joux possède
les plus belles sapinières de France, précieuses pour les
fournitures de la marine. On peut encore citer les forêts
des Moidons (3,635 hect.), de la Joux (3,6^4 hect.), de
la Serre (2,800 hect.), de Fraisse (1,239 hect.), de
la Faye-de-Montrond (1,125 hect.), de Bois -d'Amont
(616 hect.), d'Arbois, de PoUgny, de Leutte, de Mou-
chard. Les essences dominantes sont, dans la montagne, le
sapin et l'épicéa ; dans la plaine et les collines, le chêne,
le hêtre, le charme, la charmille, le frêne, le tremble,
l'aulne, l'orme, l'érable, le bouleau, le merisier, etc.
Le nombre des animaux de ferme existant en 1891
était :
Espèce chevaline 12.720
— mulassière 283
— asine 327
— bovine 167 . 295
~ ovine 19.264
— porcine 46 . 704
— caprine 3.518
La production du lait est de plus de 800,000 hectol. ;
celle de la laine de 200 quintaux. Il ressort de ces chiftres
que les bêtes bovines sont la grande ressource des Juras-
siens. Leur lait sert à fabriquer du fromage. Il existe plus
de 500 fromageries (fruitières ou chalets), spécialement
dans les cantons orientaux (Morez, Saint-Claude, Les
Planches, Nozeroy) et à Sahns ; elles fabriquent du gruyère;
le fromage dit àe Septmoncel se fabrique surtout dans les
cant. de Saint-Claude et des Bouchoux ; on fait aussi des
chevrets, fromages de lait de chèvre. La production totale
des fromages est de 1,350,000 kilogr. par an, d'une va-
leur moyenne de 2 fr. le kilogr. Les chevaux, de race com-
toise, sont assez bons. Les mulets sont élevés dans les
cant. d'Arinthod et Saint-Julien en vue de l'exportation
vers les Alpes. Le cant. de Saint-Amour engraisse les cé-
lèbres poulardes de Bresse. Enfin il existait (en 1891)
14,548 ruches d'abeilles, en activité, ayantfourni 28, 616ki-
logr. de miel et 7,839 kilogr. de cire, d'une valeur totale
de près de 70,000 fr. Les nombreux lacs et les rivières sont
très poissonneux.
Industrie. — L'industrie fait vivre près du cinquième de
la population du dép. du Jura. Bien qu'il n'y existe pas de
grand centre manufacturier ou minier, l'industrie est très
répandue et très variée jusque dans les moindres hameaux
de la montagne.
Mines et carrières. Le dép. du Jura ne produit pas de
houille. Il en a consommé en 1892 environ 95,000 tonnes
d'une valeur moyenne de 26 fr. sur le lieu de consomma-
tion ; les deux tiers venaient du Creuset, le reste d'Epinac
et de Saint-Etienne. Les gisements de houille signalés à
Grozon, Arbois et Tourment ne sont pas exploités, non
plus que le lignite de Vercia, Orbagna et Beaufort. On
extrait 2,900 tonnes de tourbe, de 40 tourbières, dont
2,500 tonnes de 9 tourbières communales. La valeur
moyenne est de 6 fr. par tonne. — 11 y a six mines de
fer concédées (superficie, 1,579 hect.) ; elles s'étendent sur
les communes de Bersaillin, Malange, Monay, Ougney, Pa-
gney, Romange, Rouffange, Saligny, Sellières, faxennes,
Toulouse, Vitreux ; on a en outre signalé le minerai de fer
à Andelot, Augea, Authume, Auxange, La Barre, Beau-
fort, Bouchaud, Foucherans, Gendrey, Montigny, Peintre,
Ranchot, Salins, etc. Une seule mine est exploitée, occu-
pant six ouvriers et produisant 1,694 tonnes déminerai
hydroxydé oolithique, d'une valeur de moins de 4,000 fr. ;
il est exporté vers le dép. du Rhône. Il existe du cuivre à
Aiglepierre, du plomb à Barésia ; mais on ne les exploite
pas. Les quatre concessions de mines de sel s'étendent sur
5,021 hect.; 2 donnent lieu à une exploitation active, celles
de Montmorot et de Salins ; on en a retiré 26,701 tonnes
de sel d'une valeur de 935,000 fr. (en 1892). Le sel
gemme se trouve dans les marnes irrisées. Les mines de
Salins senties plus célèbres; chacun de leurs puits fournit
500 hectol. d'eau saline par jour ; la moitié sont écoulées
sur Arc (Doubs), le reste est traité sur place ; les salines
de Montmorot trouvent leur banc de sel gemme (épais de
30 m.) à 120 m. seulement (au Heu de 223 m. de profon-
deur à Salins) ; chacun des 5 puits donne 500 hectol. d'eau
saline par jour. Les salines de Grozon exploiiées depuis
l'époque gauloise, fermées par Marguerite de Bourgogne
pour suppruner la concurrence qu'elles faisaient à Salins,
ont été remises en exploitation en 1825. Récemment, de
nouvelles concessions ont été accordées dans les communes
de Poligny, Montaigu, Conliège, Perrigny, Lons-le-Sau-
nier, Chilles et Pannessières. Des bains sahns sont orga-
nisés à Salins depuis 1855, à Lons-le-Saunier depuis 1839.
— Le dép. du Jura possédait en 181^2, en activité, 7 car-
rières souterraines (de gypse) et 193 à ciel ouvert (pierre
de taille, moellon, sable, chaux, gypse, tuf, roche orne-
mentale) ; elles occupaient 443 ouvriers. Les carrières de
pierre existent à Sainte-Agnès, Andelot, Antorpe, Arin-
thod, Aromas, Arsure, Audelange, Aumont, Azans, Beffia,
Crançot, Dole, Frasne, Montmirey-le-Château, Saint-Maur,
Tourment, Villers-Farlay ; les "plus belles pierres sont
celles de Mantry qu'on exporte par eau et celles de Saint-
Ylie, semblables au marbre, qui sont exportées à Paris
pour faire des balustrades de ponts, piédestaux de candé-
labre, etc. On trouve du marbre à l'Abbaye-Damparis,
Aliénai, Audelange, Balanod, Chassai, Loisia, Moirans,
Moiinges, Montagua, Nanc, Nantey, Pratz, Quettans, Saint-
Amour; il est débité dans les scieries d'Audelange, Mo-
linge, Quettans et Saint-Amour. Le tuf est exploité à La
Doye et Marangea; la meulière à Moissey; la terre réfrac-
taire à Etrepigney, Orchamps, Plument; le plâtre àArlay,
Bans, Salins, etc.
Industries manufacturières. Il existait, dans le dép. de
Jura (en 1892), 313 établissements industriels faisant
usage de machines à vapeur. Ces appareils au nombre de
333 (non compris les machines des chemins de fer ni des
bateaux, ni les chaudières motrices ou calorifères) étaient
d'une force de 3,831 chevaux- vapeurs et se décomposaient
ainsi :
147 machines fixes d'une force de 2.827 chevaux- vapeur
68 — mi-fixes —■ 420 —
116 — locomobiles — 555 —
2 — locomotives — 29
Cette force se répartissait de la manière suivante entre
les principaux groupes industriels :
Mines et carrières 271 chevaux-vapeur
Usines métallurgiques. i . 560
Agriculture 555 _
Industries alimentaires 244
— chimiques et tanneries. 269
Tissus et vêtements 20 —
Papeterie, objets mobiliers et d'ha-
bitation, instruments 352 —
Bâtiments, entreprises et travaux
divers 560 —
Services publics de l'Etat » — -
Ce tableau montre que les industries métallurgiques sont
seules importantes et que l'agriculture n'emploie encore pas
beaucoup les machines, ce qui ne saurait surprendre dans
un pays montagneux. Les industries métallurgiques sont
organisées surtout par la Compagnie des forges de la
Franche-Comté à laquelle appartiennent les forges de Frai-
sans, Bourg-de-Sirod, La Serve (Champagnole), Pont-du-
Navoy et la Saisse (Pont-de-Poitte). Le Jura possédait, en
1 892, 5 usines à fer en activité, utilisant une force hydrau-
lique de 658 chevaux-vapeur et une force- vapeur de
708 chevaux. Il ne fabriquait pas de fonte, mais produisait
dans 11 usines (250 ouvriers) de la fonte moulée en
deuxième fusion (3,250 tonnes valant 845,000 fr.). La
production du fer ouvré représentait 12,478 tonnes valant
2,094,000 tr., à savoir : fers marchands, 8,438 tonnes;
tôles, 3,980 tonnes. Les matières élaborées étaient : la fonte
au coke importée de Meurthe-et-Moselle (42,800 tonnes),
JURA
des fontes et ferrailles qu'on affine au charbon de bois
(128 tonnes) et de vieux fers et riblons qu'on réchauffe
(1,060 tonnes). On produit en outre 13,280 tonnes d'acier
ouvre : savoir 9,900 d'acier marchand et 3,380 de tôle;
la valeur totale est de 2,700,000 fr. environ; la matière
première est de la fonte Thomas de Meurthe-et-Moselle
qu'on fond au four Siemens-Martin soit des lingots Tho-
mas qu'on réchautfe. Les forges de Fraisans font'des char-
pentes métalliques; celles de Bourg-de-Sirod, des fers
marchands et des tôles ; La Serve a une tréfilerie, des ate-
liers de clouterie et de chaînerie, des scieries, un moulin ;
Pont-du-Navoy a une tirerie, un cylindre, des scieries et
des mouHns. Saisse fabrique de la tôle ; Syam des fers.
Citons encore les fonderies de Foucherans, Baudin (près
Sellières), Lons-le-Saunier, Salins, Morez, Morbier: les
trèfileries de fer d'Arinthod, Morez, Revigny; les cloute-
ries de Morez, Vertamboz; la fabrication des limes à Mo-
rez, de poêles, fourneaux et pompes à incendie à Dole,
d'instruments aratoires et machines à vapeur de Glairvaux,
Dole, Poligny; les forges d'Aresches et Beaufort; les fon-
deries de cuivre de Dole et Morez, les fabriques de séca-
teurs de Dole, Aiglepierre, Lons-le-Saunier, etc.
Les industries alimentaires occupent environ 140 mou-
lins à blé, surtout dans l'arr. de Lons-le-Saunier ; ceux
de Champagnole sur l'Ain, Ounans sur la Loue, les Ma-
lades (Ranchot) sur le Doubs sont les plus considérables.
On fabrique beaucoup de vins mousseux, particulièrement
à Lons-le-Saunier; de l'eau-de-vie de gentiane aux Cha-
lesmes; du vinaigre à Cousance; de la colle-forte à
Mont-sous-Vaudrey et Orgelet; il y a des fabriques de
savon, de cierges, de bougies, de bleu à Dole ; de produits
chimiques à Dole, Lavans et au Moulin-Rouge; des tanne-
ries à Champagnole, Glairvaux, Lons-le-Saunier, Migno-
villard, Nozeroy, Poligny, Saint-Claude, Salins et surtout
à Orgelet. -— Les papeteries, qui produisent 3,000 quin-
taux par an, existent à l'Aberge, Aresches, Arlon, Clair-
vaux, Fonteny-sur-Salins, Macornay, Mesnay, Salins, Si-
rod; on fait du carton à Courbouzon, Ecrilles, Mesnay,
Nancuise. — Les scieries alimentées surtout par les sa-
pins fournissent la matière première à ces papeteries; elles
sont au nombre de plus de 50; après celles de Syam, aux
Planches, à Nozeroy, Pont-de-Poitte, Audelange, on peut
indiquer celles d'Arbois, Champagnole, la Chaux-des-Cro-
tenay, Clairvaux, Cousance, Doucier, Foncine-le-Bas,
Foncine-le-Haut, Fort-du~Plasne, Lézinet, Mathenay,
Moirans, Morez, Nozeroy, des Planches, Pont-de-la-Chaux,
Saint-Amour, Saint-Claude, Vadans, Vertamboy, etc. — On
fabrique des bouteilles à la Vieille Loye, des porcelaines à
Orchamps, des taïences à Salins ; des poteries à Etrepigney
et Tassenières; de la vannerie à Châtelay, Chissey, Mont-
barrey ; des caisses en bois à Bois-d'Amont; des martinets
à Saint-Laurent, Port-Lesney, Villers-Farlay. Saint-Claude
exporte jusqu'en Amérique ses produits en bois et en corne,
tabatières, pipes en racine de bruyère, tabletterie, etc. ;
ils sont confectionnés non seulement à Saint-Claude, mais
dans tous les environs : aux Bouchoux, à Moirans, La-
vans, Ravilloles, Saint-Lupicin, Arinlhod, Cernon, etc. —
L'horlogerie sans être aussi développée que dans le dép. du
Doubs où le Jura suisse occupe une centaine d'ateliers : à
Morez oii se fabriquent annuellement 100,000 horloges or-
dinaires, beaucoup d'autres pour édifices, des pendules, des
montres, etc. ; Bois d'Amont, Foncine-le-Haut, Morbier,
Saint-Laurent font aussi de l'horlogerie. La lunetterie oc-
cupe une soixantaine d'atehers à Morez (400,000 douzaines
de paires de lunettes par an), Longchaumois, Etival, aux
Rousses, à laRixouse,Prémanon, Saint-Laurent, etc. On fait
encore à Morez des tournebroches, des miroirs à alouettes, etc.
L'industrie lapidaire, introduite en 1735, s'est développée
autour de Septmoncel et occupe 500 personnes à la taille du
cristal de roche, du strass, des pierres fines et même du
diamant; elle s'est répandue aux BouchouK, à Lajoux, à la
Moura, aux Molunes, à Saint-Claude. On fabrique à Long-
chaumois et Saint- Claude des mesures linéaires. — Lesindus-
320 —
tries textiles sont représentées par les filatures de coton
(Moirans), de laine (Balanod, Clairvaux, Salins), par les
fabriques de ouate (Salins), de velours (Arinthod, Balanod,
Saint-Amour). On tait des chapeaux de paille dans la mon-
tagne. — Le dép. du Jura comptait en 1888, 5,093 bouil-
leurs décru et de 25 distillateurs de profession; les pre-
miers distillaient 1,026 hectol. de fruits, les autres 26 hect.
d^alcool de vin, 27 de fruits, 840 de betteraves, 9 de subs-
tances diverses, soit un total de 1,928 hectol. Cette
quantité est inférieure à la consommation qui atteint 2H
par habitant; la quantité soumise à l'entrepôt fut de
6,948 hectoL — La consommation du tabac fut de
107,166 kilogr. de tabac à fumer et de 40,164 de tabac
en poudre.
On constatait en 1890 l'existence de cinq syndicats ou-
vriers, quatre syndicats patronaux et cinq syndicats agri-
coles.
Commerce et circulation. — Le commerce du dép. du
Jura est assez actif ; il vend ses matières premières et les
produits assez spéciaux de son industrie, et achète, on
échange, des objets de consommation générale et les ma-
tières premières de son industrie. Il exporte des bois de
sapins pour la marine et les constructions, des planches,
des peaux brutes et préparées (dans les départements voi-
sins), du vin, des vins mousseux (pour l'Angleterre), de
l'eau-de-vie, du beurre, des fromages, des plantes médici-
nales, du sel, surtout en Suisse, des pierres, surtout à Pa-
ns, du marbre, des fers marchands, fils de fer, clous (bé-
chets et pointes de Paris), poêles en fonte, des tôles, des
lunettes, des horloges, des articles de Saint-Claude, sur-
tout en Espagne et en Italie, des pierres précieuses de Sept-
moncel, du papier, du carton, etc. — Il importe des cé-
réales, des bestiaux, des vins pour coupages, des houblons,
de Fépicerie, des denrées coloniales, des articles de mode,
nouveautés, confections de Paris et de Besançon, de la
houille, de la fonte (de Meurthe-et-Moselle), des pierreries
brutes (d'Allemagne), des cornes de buffle, de l'écaillé, de
l'ivoire, des cocos, du buis et des bois précieux, etc.
Voies DE COMMUNICATION. — Le dép. du Jura avait, en
1888, 355 1"^ 521 de routes nationales sur lesquelles la
circulation (196 colliers 6 par jour) représentait un ton-
nage brut kilométrique annuel de 31,573,356 tonnes;
en tonnage utile, 19,396,170 tonnes, soit un tonnage
utile quotidien de 52,995 tonnes kilométriques.— Il pos-
sédait 622î^ii566 de routes départementales, 836 ^^^^^63
de chemins vicinaux de grande communication, 493 ^'^^ 670
de chemins vicinaux d'intérêt commun, 4,733^^^1 216 de
chemins ordinaires.
Il était desservi en 1894 par onze voies ferrées, d'un
développement total de 380 kil. : i^ La grande ligne de
Paris à la Suisse (Lausanne ou Neuchâtel), par Pontar-
lier, parcourt 71 kil. dans le dép. du Jura ; elle y pénètre
à 7 kil. après Auxonne, dessert Champvans, Do/^, Grand-
contour, Montbarrey, Châtelay, passe dans le dép. du
Doubs, où elle dessert Arc-Senans, rentre au bout de
3 kil. dans celui du Jura en franchissant la Loue, dessert
Mouchard, Mesnay, Pont-d'lIéry,Andelot,]aJoux et rentre
définitivement dans le dép. du Doubs. — 2<^ La ligne de
Lyon à Vesoul parcourt 80 kil. dans le département (non
compris 6 kil. communs avec la précédente après Mou-
chard) ; elle y pénètre après Coligny, dessert Saint- Amour,
passe à Cuiseaux (Saône-et-Loire), rentre dans le Jura
pour desservir Cuisance, Beaufort, Sainte-Agnès, Gevin-
gey, LonS'le-Saimier, Montain-Lavigny, Domblans, Voi-
tcur, Passenans, Saint-Lothain, Poligny, Grozon, Ar-
bois et Mouchard ; on voit qu'elle longe le Jura au pied
de ses premières hauteurs. — 3» La ligne de Dole à Be-
sançon (26 kil. dans le dép.) remonte le Doubs et dessert
Rochefort, Moulin-Rouge, Orchamps, Labarre, Ranchot et
passe dans le dép. du Doubs avant Saint-Vit ; u-n raccor-
dement mène de Labarre à l'usine de Fraisans. — 4^ La
ligne de Dole à Chalon-sur-Saône (29 kil. dans le dép.)
descend la vallée du Doubs en desservant Foucherans,
Tavaux, Chaussin et Neublans avant d'entrer en Saône- |
et-Loire. — ^^ La ligne de Labarre à Gray (44 kil.
dans le dép.) dessert Gendrey et Ougney. — 6^ La ligne
de Dole à Poligny (41 kiL) dessert La Bedugue, Parcey,
Souvans, Mont-sous- Vaudrey, Aumont. — 7° La ligne de
Mouchard à Salins a 8 kil. — 8" La ligne d'Andelot à
Saint- Laurent (37 kil.) dessert Vers-en-Montagne, Cham-
pagnole, Syam-le-Vaudioux, La Chaux-des-Crotenay, La
Chaumusse-Fort-du-Plasne. — 9° La ligne de Lons-le-
Saunier à Champagnole (45 kil.) dessert Conliège, Pu-
bly-Vevy, Verges, Châtillon, Miribel, Pont-du-Navoy,
Crotenay. — 10^ La ligne de Lons~le-Saunier à Chalon-
sur-Saône parcourt 40 kil. dans le dép. du Jura, où elle
dessert Messia, Chilly-le-Yignoble, Courlaoux. — 44*^ La
ligne de La Cluse à Saint-Claude a 25 kil. dans le dép.
où elle dessert Dortan-Lavancia, Jeurre-Vaux, Vaulx-lès-
Saint-Claude, Molinges, Lavans-lès~Saint-Claude.
Les voies navigables ont une longueur totalede409kil.
savoir: 40 kil. du canal du Rhône au Rhin (tonnage
moyen. 430,000 tonnes), W kil. du Doubs en aval du
confluent de la Loue (tonnage moyen, 3,000 tonnes),
34 kil. de la Loue en aval de Cramans (tonnage moyen,
2,834 tonnes), 45 kil. de TAin en aval de Condes (ton-
nage moyen, 4,274 tonnes).
Les 47 bureaux de postes, 8 bureaux télégraphiques et
53 bureaux auxiliaires mixtes du dép. du Jura ont donné
lieu, en 4888, à un mouvement postal de 6,285,585
timbres-poste, 28,224 cartes-lettres, 254,240 cartes pos-
tales, 78,650 enveloppes timbrées et 57,900 bandes
timbrées représentant un produit net de 739,845 fr. 44;
à un mouvement télégraphique de 84,595 dépèches inté-
rieures, 4,874 dépèches internationales représentant un
produit net de 63,574 fr. 25.
l^iNANCES. — Le dép. du Jura a fourni, en 4888,
43,385,299 fr. 39 au budget ordinaire, et 2,489,549 fr. 36
au budget sur ressources spéciales, soit un total de
45,874^848 fr. 75.
Ces chifl'res se décomposent comme suit :
Impôts directs 2.652.252^^04
Enregistrement 2.277.752 94
Timbre 524 .430 03
Impôt de 3 % sur le revenu des valeurs
mobilières 42.332 64
Contributions indirectes 3 . 405 . 746 49
Sucres , 6 . 034 44
Monopoles et exploitations industrielles
de l'Etat 3.084.529 47
Domaines de l'Etat (y compris les forêts) 984 .402 46
Produits divers du budget, ressources
exceptionnelles 222 . 944 34
Recettes d'ordre 220.877 93
Les revenus départementaux ont été, en 4888, de
4,509,194 fr. 24, se décomposant comme suit :
Produit des centimes départementaux . . 4 . 442 . 263 43
Revenu du patrimoine départemental . . 4 . 994 80
Subventions de l'Etat, des communes,
des particuliers , 337 . 530 05
Revenus extraordinaires, produit des
emprunts, aliénation de propriétés. . 27.406 26
La dette se montait à 4,755,667 fr. 82. Il y a eu
30^80 portant sur les quatre contributions, dont 12 cent,
ordinaires et 48^80 extraordinaires. La valeur du cen-
time portant sur la contribution foncière, la contribution
personnelle-mobilière et sur les bois de l'Etat était de
17,661 fr. Le produit du centime départemental était de
22,751 fr.
Les 584 communes du département avaient, en 1889,
un revenu de 2,455,808 fr. ; le nombre de centimes
pour dépenses, tant ordinaires qu'extraordinaires, était de
21,582 (17,413 ordinaires et 4,469 extraordinaires) ; le
nombre moyen de centimes par commune atteignait 37 cent.
Il y avait 84 communes imposées de moins de 45 cent.,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
~~ 321 - JURA
204 de 45 à 30 cent., 474 de 34 à 50 cent., 448 de 54
à 400 cent., 40 au-dessus de 400 cent. Le nombre de
communes à octroi était de 42, le produit des octrois
montait à 536,500 fr. de taxes ordinaires et 30,400 fr.
de taxes extraordinaires et surtaxes. Le revenu ordinaire
du bureau de bienfaisance atteignait 472,356 fr.
Etat intellectuel du département. — Au point de
vue de l'instruction, le dép, du Jura est très au-dessus de la
moyenne et à la tête de la France. En 4890, 28 conscrits
ne savaient ni lire ni écrire. Cette proportion de 42 illet-
trés pour 4,000 place le dép. du Jura au 3^ rang parmi
les 90 départements français. Pour l'instruction des femmes,
il est au 7^ rang, avec un coefficient de 984 sur 4,000
(en 4888) ayant signé leur acte de mariage.
Le dép. du Jura comptait, dans l'année scolaire de
4890-91, 59 écoles maternelles, dont 38 publiques (24
laïques) et 24 privées (4 laïques), lesquelles avaient un
personnel enseignant de 84 maîtresses, dont 54 publiques
(36 laïques) et 27 privées (22 congréganistes). Elles rece-
vaient un total de 5,203 élèves, dont 2,604 garçons et
2,599 filles, 3,178 étaient inscrits dans les écoles laïques
et 2,025 dans les écoles congréganistes. Les écoles mater-
nelles pubhques avaient 2,430 garçons et 2,064 filles. —
A la même époque, il y avait dans ce département 944 écoles
primaires élémentaires publiques, dont 890 laïques et
54 congréganistes, à savoir : 274 écoles laïques de gar-
çons, 227 de filles et 389 mixtes contre 2 écoles congré-
ganistes de garçons, 48 de filles et 1 mixte; d'autre part :
70 écoles privées, dont 44 laïques et 56 congréganistes,
à savoir : 42 écoles laïques de garçons et 2 écoles laïques
de filles, contre 43 écoles congréganistes de garçons, 42
de filles et 4 mixte. Soit un total général de 4,044 écoles.
Le personnel enseignant comprenait dans les écoles pu-
bliques 629 instituteurs laïques, 3 instituteurs congréga-
nistes, 470 institutrices laïques et 74 institutrices congré-
ganistes; pour les écoles privées, 34 institutrices laïques,
56 instituteurs et 4 30 institutrices congréganistes, soit un
total de 4,390 maîtres dans les écoles primaires, publiques
et privées. Le nombre des classes était de 4 ,355. Le nombre
des élèves était : écoles publiques, 23,529 garçons et
20,748 filles; total, 44,277 ; écoles privées, 5,445, dont
4,755 garçons et 3,360 filles. Total général : 49,392 élèves.
Ces élèves se répartissaient comme suit entre l'enseigne-
ment laïque et l'enseignement congréganiste : écoles pu-
bliques laïques, garçons, 23,304; filles, 18,005; écoles
privées laïques, garçons, 27 ; filles, 62 ; écoles publiques
congréganistes, garçons, 228 ; filles, 2,743 ; écoles privées
congréganistes, garçons, 4,728 ; filles, 2,739; soit un
total de 23,328 garçons et 48,626 filles recevant l'ensei-
gnement laïque, contre 4,956 garçons et 5,482 filles re-
cevant l'enseignement congréganiste. — Le total des en-
fants de six à treize ans (âge scolaire) présents dans les
écoles maternelles et les écoles primaires était en 4890-94
de 37,841.
L'enseignement primaire supérieur public comptait 254
élèves, dont 74 filles ; un tiers de ces élèves appartenaient
aux cours complémentaires. L'école normale d'instituteurs
de Lons-le-Saunier, fondée en 4868, comptait, en 4894-
92, 29 élèves-maîtres; l'école normale d'institutrices de
Lons-le-Saunier, fondée en 4842, comptait 38 élèves-
maîtresses. Ces écoles dépensaient dans l'année 4890 une
somme de 87,506 fr.
11 y eut (en 4894) 4,462 garçons et 996 filles candidats
au certificat d'études primaires élémentaires ; sur ces
2,458, 4,598 l'obtinrent, 834 garçons et 764 filles. Le
certificat d'études primaires supérieures fut brigué par
5 garçons et 44 filles, obtenu par 5 garçons et 6 filles. Il
se présenta, pour le brevet de capacité élémentaire, 26 as-
pirants, dont 46 furent admis, et 89 aspirantes, dont 47
turent admises. Pour le brevet supérieur, il y eut 44 can-
didats et 40 admissions; 23 candidates et 45 admissions.
Il existait 449 caisses d'épargne scolaires avec 4,222 li-
vrets représentant une somme totale de 20,790 fr. Les
24
JURA — JURASSIQUE
— 322 —
399 caisses des écoles avaient, en 1891, fait 57,162 fr.
de recettes, 32,890 fr. de dépenses et possédaient une
encaisse de 24,272 fr. Les sociétés de secours mutuels des
instituteurs du département comprenaient 593 sociétaires
et possédaient un actif de 31,500 fr. ~ Le total des res-
sources de renseignement primaire étyit de 1 million
412,532 fr. 38 dont environ 250,000 fr. pour frais de
location des maisons d'école, indemnités de logement et
frais d'impression, entretien des locaux scolaires et four-
nitures scolaires; restaient 1,260,00 fr. environ pour les
traitements, allocations diverses et indemnités au personnel.
L'enseignement secondaire se donnait en 1888 dans
1 lycée (Lons-le-Saunier) et 5 collèges communaux (Ar-
bois, Dole, Poligny, Saint-Claude, Salins), comptant {en
1888-89) : le lycée, 284 élèves, dont 114 internes (26 bour-
siers), 48 demi-pensionnaires (5 boursiers) et 122 externes
(1 boursier); les collèges, 624 élèves, dont 125 internes
(36 boursiers) ; 24 demi-pensionnaires et 475 externes.
Sur ces 908 élèves, 214 suivaient renseignement primaire,
476 renseignement classique et 21 8 l'enseignement spé-
cial (ou moderne). Il y avait 1 collège de filles (Lons-le-
Saunier) qui comptait 68 élèves. Il existait 6 institutions
secondaires libres ayant environ 700 élèves.
Etat moral du département. — La statistique judi-
ciaire de 1888 accuse 26 condamnations en cour d'assises
dont 12 pour crimes contre les personnes ou l'ordre public.
Les 4 tribunaux correctionnels examinèrent 1 ,400 affaires
et 1,712 prévenus, dont 87 furen t'acquittes, 14 mineurs
remis à leurs parents, et 4 envoyés en correction, 1,051
prévenus condamnés seulement à des amendes, 12 à un
emprisonnement de plus d'un an. On a compté 15 récidi-
vistes en cour d'assises et 513 en correctionnelle; 5 furent
condamnés à la relégation; il y eut 2,366 contraventions
de simple police. Le nombre des suicides s'éleva à 60.
Les bureaux de bienfaisance, au nombre de 19 en 1888,
secoururent 6,117 personnes sur une population de 167,330
comprises dans leur ressort ; leurs recettes s'élevèrent à
la somme de 190,214 fr. dont 136,299 fr. provenaient
de leurs revenus propres, 9,422 fr. des subventions,
21,268 fr. de la charité privée et de 23,215 fr. des autres
recettes. Les dépenses se sont élevées à la somme de
169,208 fr. Les placements des bureaux en rentes re-
présentaient 297,559 fr. ; en immeubles, 32,900 fr. ;
les fonds libres reportés sur l'exercice courant, 116,899 fr.
On comptait 13 hospices et hôpitaux avec 665 lits, dont
325 affectés aux malades civils, 89 aux militaires, 124
aux vieillards, infirmes, etc., 10 aux enfants assistés, 127
au personnel des étabhssements, 314,349 fr. de recettes
et 310,439 fr. de dépenses, et un personnel composé de
26 médecins et chirurgiens, 79 religieuses, 26 employés
et 53 servants. Il y a eu un nombre total de 44,675 jour-
nées de présence pour 1,139 hommes; de 26,963 pour
556 femmes et 3,345 pour 402 enfants. Le service des
enfants assistés a secouru 460 enfants à l'hospice et 145
enfants à domicicile et dépensé 54,711 fr.
La caisse des retraites pour la vieillesse a reçu, en
1889, 1,989 versements se montant à 39,988 fr. Elle
avait reçu, depuis son origine (1851), 54,525 versements
se montant à 1,523,988 fr. 53. Il y avait 1,054 rentes
en cours, pour une somme de 118,595 fr.
Les 9 caisses d'épargne du Jura avaient, au 1^^ janv.
1888, 42,362 livrets et au 31 déc. 43,403 livrets
valant 20,176,138 fr. 04 (au 1^^ janv.). La valeur
moyenne du livret était de 497 fr. La caisse nationale
d'épargne avait reçu 10,471 dépôts. L'excédent des ver-
sements sur les remboursements était de 355,394 fr. 49. —
Les sociétés de secours mutuels étaient au nombre de 94
dont 83 approuvées et 11 autorisées, avec 4,770 membres
participants. Elles avaient un avoir disponible (au 31 déc.
1888) de 127,949 fr. pour les sociétés approuvées et de
25,037 fr. pour les sociétés autorisées. Ces chiffres
prouvent que l'assistance publique et les institutions de
prévoyance sont assez développées. — En 1888, les libé- |
ralités aux établissements publics ont atteint 152,352 fr.
Ce chiffre se décompose comme suit : 7 donations aux éta-
blissements religieux, représentant 26,760 fr. ; 8 dona-
tions aux établissements charitables et hospitaliers, repré-
sentant 112,792 fr. ; 1 donation de 10,000 fr. à un
établissement de prévoyance, 1 donation à une commune
représentant 3,000 fr. A.-M. B.
BiBL. ; Franche-Comté, Anniidire du Jura, in-12. —
Annusiire statistique de la Finance, particulièrement ceux
de 1885, 1886 et 1891. — Dénombrements, particulièrement
ceux de 1886 et 1891, avec les résultats développés. —
A. JoANNE, Géographie du Jura; Paris, 1893, in-16. —
A.RoussET, Dictioniiaire géographique, historique et sta-
tistique des communes de ta Franche-Comté : départe-
ment du Jura ; 1853-58, 6 vol. in-8. — Mém. de la Soc.
d'émulation du Jura (depuis 1818), une quarantaine de vo-
lumes. — Bulletins de la Soc. d'agriculture, sciences et
arts de Poligny (depuis 1860). — Carte géologique de la
France, feuilles de Besançon, Lons-le-Saunier et Saint-
Claude. V. aussi l'art. Jura (Géogr.).
JURA. Ile d'Ecosse, au S. des Hébrides; 378 kil. q.
Elle est profondément entaillée par le loch Tarbert ; son
plus haut sommet, le Paps of Jura, atteint 783 m. AuN.
est le tourbillon de Corryvrekan. Elle dépend du comté
d'Argyle et compte 800 hab. environ.
JURANÇON. Corn, du dép. des Basses-Pyrénées, arr. et
cant. (0.) de Pau, au confluent du Soust; 2,641 hab.
Vignobles produisant un vin renommé, corsé, alcoolique et
ayant beaucoup de bouquet, qui tourne au madère en
vieillissant. Lignite. Fabrique de treillages, scierie hydrau-
lique ; construction de chalets en bois.
Viticulture. — Le Jurançon est un cépage à raisins
blancs, très répandu dans les vignobles du Gers.'ll est fertile
et très rustique. Ses fruits sont de maturité relativement hâ-
tive. Il produit un vin blanc d'un goût agréable mais qui est
presque toujours utilisé pour la fabrication des eaux-de-vie.
JURANDE. Charge élective dans les anciennes corpo-
rations d'arts et métiers ; par extension, corps des jurés
de chaque métier (V. Apprentissage, Corporation).
JURAN VILLE. Com. du dép. du Loiret, arr. de Pithi-
viers, cant. de Beaune-la-Rolande ; 798 hab.
JURASSIQUE. Système jurassique, terrain jurassique,
époque jurassique. On désigne en géologie sous le nom de
système jurassique celui des terrains secondaires qui fait
suite au trias et précède le système crétacé. Il lire son nom,
qui lui a été donné en 1823 par Alexandre de Humboldt,
des montagnes du Jura, qui en sont presque entièrement
formées. Tel qu'on le comprend actuellement, il englobe le
lias, que les anciens auteurs séparaient des termes moyens
et supérieurs du système jurassique pour en faire le terrain
oolithique, ainsi nommé à cause des oolithes calcaires qui
y jouent un rôle considérable en Angleterre et dans le
bassin de Paris.
Faune et Flore. — La faune du système jurassique
n'est pas suffisamment distincte de celles du trias et du
crétacé pour que l'on puisse en indiquer les traits géné-
raux sans passer en revue successivement tous les grands
groupes du règne animal. Parmi les Protozoaires, les Fo-
raminifères et les Radiolaires ont seuls laissé des restes
fossiles ; les premiers sont surtout représentés dans le ju-
rassique par les familles des Lagénidés et des Lituolidés;
les squelettes siliceux des seconds se rencontrent en abon-
dance dans certains calcaires à nodules siliceux des Alpes.
Le jurassique est très riche en Spongiaires des groupes
des Hexactinellidés et des Lithistidés, qui caractérisent le
faciès des calcaires grumeleux à Spongiaires du jurassique
supérieur. Seul parmi les Hydrozoaires, le genre Ellipsac-
tinia joue un rôle important dans certains calcaires dits
tithoniques des régions méditerranéennes. Les Zoanthaires
sont représentés par les Apores, et surtout, parmi ceux-
ci, par la famille des Astréidés et par les Fungidés, dont le
genre le plus répandu est le genre Thamnastrœa. Les Per-
forés n'apparaîtront que dans le crétacé.
Les deux genres de Crinoïdes, Pentacrinus et Apio-
cnnus, sont particulièrement abondants dans le jurassique :
le premier, avec ses formes délicates, est surtout fréquent
dans les dépôts marneux de la partie inférieure du sys-
tème ; le second, avec ses formes massives, est plus par-
ticulièrement caractéristique des dépôts oolithiques du
jurassique moyen et supérieur. Parmi les Echinides, les
Gidaridés et les Diadématidés, qui existaient déjà dans le
trias, atteignent le maximum de leur développement. Les
Glyphostomes exocycles et les Atélostomes apparaissent
pour la première fois, et ce sont les familles des Dysasté-
ridés, des Clypéidés et des Nucléolitidés qui jouent surtout
un rôle considérable dans les mers jurassiques. Les Bryo-
zoaires sont très abondants à certains niveaux et forment
quelquefois de véritables récifs, comme dans la grande
oolitlie de Ranville, dans le Calvados.
La plupart des familles de Brachiopodes qui avaient
atteint un grand développement dans les temps paléozoïques
ont entièrement disparu ; les Spiriféridés n'existent plus
que dans le jurassique inférieur, et ce sont désormais les
Térébratulidés et les Rhynchonellidés qui pullulent dans
les mers. De même, parmi les Lamellibranches, la famille des
Aviculidés, qui était si abondamment représentée dans les
terrains primaires, est en voie de régression ; par contre,
les Ostréidés, et en particulier le genre Gryphœa^ jouent
pour la première fois un rôle important. Le genre Trigonia
remplace les Myophoria du trias. Le genre Cardinia ca-
ractérise les étages inférieurs, le genre Diceras abonde
dans les oolithes du bord des récifs et joue le rôle que les
Rudistes rempliront dans le crétacé. Les Lima^ hsPosido-
nomya^ les Pholadomya atteignent leur plus grand déve-
loppement. Dans les eaux douces apparaissent les premiers
Unio. Les Gastéropodes sont surtout représentés par les
Pleurotomariidés et les Trochidés, qui sont plus communs
que dans aucun autre terrain. Les Nérinées et les Gastéro-
podes ailés font leur apparition, mais caractériseront éga-
lement les mers crétacées. Dans les mers jurassiques, les
Siphonostomes et les Holostomes sont représentés à peu
près en proportion égale, mais beaucoup de familles de
Siphonostomes n'apparaîtront que dans le crétacé. Les pre-
miers Gastéropodes d'eau douce sont aussi à signaler.
Les Céphalopodes étaient surtout représentés à Tepoque
paléozoïque par les Nautilidés ; comme les derniers Ortho-
ceras se rencontrent dans le trias, cet ordre est réduit
dans le jurassique au seul genre Nautilus^ qui compte
toutefois de nombreuses espèces jurassiques. Les ammo-
nites, déjà si développées dans le trias alpin, atteignent
leur maximum, mais ce sont des types tout à fait nouveaux
qui apparaissent, et c'est à peine si l'on peut citer deux ou
trois genres qui sont communs aux couches les plus supé-
rieures du trias et aux couches les plus inférieures du
jurassique. Les principaux genres propres au jurassique
sont les suivants : Arietites^ Mgoceras^ Earpoceras,
Oppelia^ Cœloceras^ Perisphinctes^ Cosmoceras, Petto-
ceras, Aspidoceras, Reineckeia. Les genres Phylloceras,
Lytoceras^ Oxynoticeras, Hoplites, Holcostephanus
passent du jurassique dans les terrains crétacés.
Le genre Belemnites^ inconnu encore dans les terrains
triasiques, apparaît dès la base du jurassique et constitue
un des types les plus importants de l'époque; toutefois, il
s'élève dans le crétacé. Les Geoteuthis, les Beloteuthis,
les Plesioteuthis^^ dont la poche à encre est quelquefois
conservée, sont voisins des Seiches actuelles. Les Ostracodes
et les Décapodes macroures prédominent parmi les Crus-
tacés des mers jurassiques. Le genre Eryon^ des calcaires
lithographiques de Solenhofen, est un type qui se retrouve
sans grandes modifications dans le genre Willemœsia^ que
les dragages ont ramené des grandes profondeurs.
Sur terre vivaient de nombreux Insectes : les Ortho-
ptères, les Névroptères, les Hémiptères étaient plus abon-
damment représentés qu'aujourd'hui ; par contre, les Co-
léoptères, les Diptères, les Hyménoptères n'avaient pas
encore atteint tout leur développement. L'extrême rareté
des Lépidoptères est due certainement en partie à la déli-
catesse de leurs ailes, mais il y a lieu de croire néanmoins
que ce sont les derniers apparus parmi les Insectes. D'ail-
- 323 - JURASSIQUE
leurs, les Insectes fossiles ne se rencontrent que dans
quelques localités privilégiées : dans le jurassiç^ue inférieur
des Schambelen, en Argovie, du Gloucestershire, du Mec-
klembourg ; dans les ardoises bathoniennes de Stonesfield,
en Angleterre ; dans les schistes de Solenhofen et dans les
couches de Purbeck, dans le jurassique supérieur.
Le jurassique est peut-être le terrain dans lequel les
Poissons se présentent avec la plus grande variété de formes.
Parmi les Sélaciens, les familles de Squales des Hybodon-
tidés et des Cestraciontidés sont un héritage de la faune
triasique, les Raies sont représentées par les Rhinobatidés,
les Chimères, par plusieurs genres. Parmi les Dipneustes,
on rencontre encore des Ceratodus dans les étages infé-
rieurs du système, mais, dès le jurassique supérieur, le
groupe a entièrement disparu des mers européennes. Plu-
sieurs familles de Ganoïdes ont également survécu au
trias, mais les Paléoniscidés, qui prédominaient dans la
faune paléozoïque, sont devenus très rares. Les Amiadés
et les Pycnodontidés font leur première apparition et sont
surtout abondants dans le crétacé. Parmi les genres juras-
siques, le genre Lepitodiis est particulièrement à citer.
Les Téléostéens sont encore très rares et ne sont repré-
sentés que par les deux familles des Hoplopeuridés et des
Clupéidés.
On ne connaît pas de Batraciens dans le jurassique, car
les Stégocéphales se sont éteints avant la hn de Tépoque
triasique et les ordres actuels n'ont pas encore fait leur
apparition. Par contre, les Reptiles atteignent le maximum
de leur développement et la période jurassique a été appelée
avec raison le règne des Reptiles. Seul, l'ordre des Théro-
morphes, propre aux périodes permienne et triasique, n'est
pa« représenté. Les deux ordres des Ichthyosauriens et des
Plésiosauriens, essentiellement caractéristiques de la pé-
riode secondaire, atteignent leur apogée, le premier dans
le lias, le second dans le jurassique supérieur. Les repré-
sentants jurassiques de l'ordre des Dinosauriens, exclusi-
vement mésozoique, sont surtout connus dans les Atlan-
tosaurus - beds , formation continentale des montagnes
Rocheuses, dans lesquelles on a trouvé des restes 'très
complets appartenant au genre Ailantosaurus, dont les
individus atteignaient près de 40 m. de longueur; au genre
Brontosaurus, caractérisé par sa tète d'une petitesse ex-
cessive, ne dépassant pas la longueur d'une des vertèbres
dorsales ; au genre Stegosaurus, remarquable par une co-
lonne vertébrale surmontée d'énormes plaques osseuses,
placées verticalement.
Tous les ordres de Reptiles actuellement encore vivants
existaient déjà à la période jurassique. Les Chéloniens, qui
apparaissent dès le trias avec tous leurs caractères spé-
ciaux déjà nettement indiqués, sont représentés par des
Tortues marines, dont a trouvé les carapaces dans les dépôts
du jurassique supérieur de Soleure, de Boulogne, de So-
lenhofen, de Cirin. Les Rhynchocéphales, réduits dans la
faune actuelle à l'unique genre Sphenodoji (ou Hatterià)
de la Nouvelle-Zélande, sont assez fréquents dans les
terrains jurassiques (genres Homœosaurus, Saurano-
do7i, etc.). L'ordre des Lépidosauriens fait son apparition
avec les premiers Lacertiens dans les couches de Purbeck,
au sommet du jurassique. Les Crocodiliens jouent déjà un
rôle considérable; ce sont des Glavials marins, tels que les
Pelagosaurus, les Stencosaurus, les Teleosaurus ; des
Crocodiles marins (Brévirostres) de la famille des Atopo-
sauridés, dont des exemplaires complets, de très petite taille
ont été trouvés à Cirin, dans l'Ain. Les Crocodiles d'eau
douce ne sont connus encore qu'à partir du crétacé infé-
rieur.
^ L'un des êtres les plus remarquables de l'époque juras-
sique est certainement VArchœopteryx, le plus ancien
oiseau connu, dont deux exemplaires, l'un conservé au
British Muséum à Londres, l'autre au musée de Berlin, ont
été trouvés dans les calcaires lithographiques de Solen-
hofen.
On connaît en Amérique, dès le trias, quelques repré-
JURASSIQUE — :
sentants des Mammifères ; en Europe, les premiers appa-
raissent dans les couches les plus inférieures du jurassique,
dans les grès à Avicula contorta du Wurttemberg, ils ap-
partiennent aux genres Microlestes et Tritylodon, du
groupe des Aliothériens ou Multituberculés. Dans le juras-
sique moyen, on a trouvé dans les ardoises de Stonesfield
des règles d'Amphitherium, de Phascolotherium, repré-
sentants du groupe des Pantothériens. Enfin, dans les
couches de Purbeck et surtout dans les Atlantosmirus-
beds d'Amérique, on rencontre des Insectivores, des Car-
nassiers, des Herbivores, des Omnivores primitifs. Tous
ces Mammifères sont .généralement considérés comme des
Aplacentaires ; on en a fait l'ordre des Protothériens. On
ne connaîtrait donc pas encore dans le jurassique de vrais
Marsupiaux.
La flore jurassique ne diffère pas beaucoup par ses traits
généraux de celle du trias. Les groupes de Cryptogames
et de Gymnospermes caractéristiques des terrains paléo-
zoïques n'ont plus même de représentants isolés ; les Fou-
gères elles-mêmes ne jouent plus qu'un rôle tout à fait
secondaire : ce sont des genres appartenant aux familles
des Osraondées et des Schizéacées. Les Cycadées et les
Conifères constituent les éléments tout à fait prépondérants
de la flore ; les premiers sont représentés surtout par les
genres Podozamites^ Pterophyllum, Nilssonia, Zamites;
les seconds, par les familles des Salisburiées, des Cupres-
sinées, des Taxodinées, des Araucariées, des Abiétinées.
Les Angiospermes fout probablement leur apparition dès
la période jurassique, mais ils sont encore très imparfai-
tement connus. Les Dicotylédones font encore entièrement
défaut; quant aux Monocotylédones, ils seraient représen-
tés par des Graminées, si tant est qu'il faille attribuer à
cette famille, comme le fait M. de Saporta, le genre Rhi-
zocaulon, basé sur des feuilles à nervures parallèles qui
ont été trouvées dans le jurassique supérieur du Portugal.
Les caractères paléontologiques de la période jurassique
peuvent être résumés de la manière suivante : Première
apparition des Glyphostomes exocycles et des Atélostomes,
parmi les Echinides; des Trigonies, des Chamidés, des
Unies, parmi les Lamellibranches ; des Bélemnites, des
Poissons osseux, des Oiseaux, des Monocotylédones. Appa-
rition de nombreux genres nouveaux d'Ammonites, qui
manquent dans le trias. Apogée des Lithistidés, des Fun-
gidés, des genres Pentacnnus^ Apiocrinus, des Cidaridés,
des Rhynchonellidés, des Térébratulidés, des Pholadomyes,
du genre Pleur otomaria^ des Trochidés, des Nérinées, des
Ichthyosauriens, des Piésiosauriens, des Rhynchocéphales,
des Crocodiliens marins, des Protothériens, des Cycadées.
Caractères négatifs : absence des Tétracoralliaires , des
Spiriféridés (lias excepté), des Orthocères, des Stégocé-
phales, des Théromorphes, qui s'éteignent avec le trias ;
absence des véritables Rudistes, de nombreuses familles de
Gastropodes siphonostomes, des Crocodiliens d'eau douce,
des Dicotylédones, qui n'apparaissent qu'avec le crétacé.
Tous ces caractères ne se rapportent évidemment qu'aux
régions actuellement connues et il est probable que des
découvertes ultérieures viendront modifier l'énumération
ci- dessus.
Principaux faciès. — Le nom de terrain oolithique
donné souvent aux parties moyenne et supérieure du sys-
tème jurassique indique la fréquence des oolithes, c.-à-d.
d'un sédiment d'origine chimique; néanmoins, les sédi-
ments d'origine détritique y jouent, comme dans tous les
terrains sédimentaires, un rôle bien plus considérable.
Les détritus grossiers des littoraux et des hauts-fonds
sont représentés par des brèches^ dont les plus connues sont
la brèche du Télégraphe et la brèche du Chablais, dans les
Alpes occidentales, et par les arkoses, développées surtout
à la base du système jurassique, sur le pourtour du Massif
central de la France. Les grès constituent déjà une catégorie
de sédiments beaucoup plus fins, qui peuvent se former à
une certaine distance de la côte. Certains Mollusques se ren-
contrent de préférence dans les grès, comme les Cardinies,
dans le lias. On y trouve aussi et souvent en assez grande
abondance des débris végétaux. Quelquefois les grès sont
dépourvus de ciment et méritent alors le nom de sables ;
les fossiles y sont d'ordinaire admirablement conservés.
Nous citerons comme exemple les sables de Glos à Trigo-
nia Bronni et les sables portlandiens du Boulonnais. Cer-
tains grès très argileux, généralement schisteux, consti-
tuent un faciès très développé dans le crétacé et dans le
tertiaire, auquel on a donné le nom de flysch. Il existe
également des flyschs jurassiques.
Le flysch forme le passage aux sédiments vaseux, com-
posés d'éléments beaucoup plus finement triturés. Ce sont
rarement des argiles pures, le plus souvent des marnes,
passant graduellement aux calcaires marneux. Les argiles
et les marnes peuvent se déposer aussi bien sur le littoral
que dans les profondeurs. Parmi ceux de la deuxième caté-
gorie, il faut ranger les schistes noirs des Alpes, qui attei-
gnent souvent une épaisseur prodigieuse et qui ne contien-
nent guère d'autres fossiles que des Posidonomyes . Ces
dépôts sont souvent riches en matière organique et en pyrite
de fer. Ils se sont formés évidemment dans les mêmes con-
ditions que les boues remplies d'hydrogène sulfuré du fond
de la mer Noire actuelle. Dans le voisinage des rivages se
forment les argiles a huîtres^ dont les meilleurs types
sont les argiles calloviennes de Dives et les argiles à Ostrea
virgiila du Havre. Parmi les marno-calcaires, on peut citer
les calcaires grumeleux à spongiaires du jurassique supé-
rieur ; les calcaires à ciment, qui sont des boues cal-
caires consolidées, dans lesquelles ont vécu des Lamelli-
branches du groupe des Myaires. Les calcaires lithogra-
phiques sont également d'anciennes boues extrêmement
fines et à peu près dépourvues d'argile ; elles se sont for-
mées dans des lagunes tranquilles abritant de nombreux
organismes, tels que ceux dont on trouve les restes dans
les couches de Solenhofen et de Cirin.
Les boues calcaires résultent le plus souvent de la tritu-
ration par les vagues des parties solides calcaires qui cons-
tituent le squelette ou la coquille des Zoanthaires, des
Hydrozoaires, de certaines Algues, des Echinodermes, des
Mollusques, etc. Souvent, les débris de ces êtres sont sim-
plement charriés et agglomérés et l'on reconnaît encore
leur structure primitive ; parmi ces calcaires construits,
on peut citer les calcaires à entroques, composés de dé-
bris de Pentacrinus et d'Apiocriniis^ et surtout les cal-
caires coralliens, résultant de la destruction d'anciens
récifs. Les eaux très agitées qui entourent les récifs sont
souvent sursaturées de carbonate de chaux qui se dépose
alors par précipitation chimique sous forme d'oolithes.
C'est dans les oolithes — dont les plus connues dans les
terrains jurassiques sont l'oolithe blanche de Normandie,
l'oolithe miliaire, le great oolithe des Anglais, les oolithes
coralliennes ~ que l'on trouve surtout en abondance les
nombreux Gastropodes, Lamelhbranches, Brachiopodes,
Echinides, qui forment le principal ornement des collec-
tions de fossiles jurassiques. Dans les oolithes coralliennes
on rencontre principalement des Mollusques à test épais,
tels que les Diceras et les Nérinées.
A côté des oolithes calcaires, on rencontre très fré-
quemment dans les terrains jurassiques des oolithes fer-
rugineuses. Si les oolithes résultent de la précipitation du
calcaire ou de l'hydroxyde de fer dans des eaux sursatu-
rées, les concrétions résultent de la concentration au milieu
des argiles du calcaire ou de l'hydroxyde de fer qui s'y trou-
vaient mélangés. Il se forme ainsi des argiles à septaria^
des marnes à miches calcaires, dans lesquelles la con-
centration se fait le plus souvent autour des fossiles. Comme
on voit, aucun de tous ces faciès ne correspond aux dépôts
abyssaux des mers actuelles : c'est que les dépôts juras-
siques des régions qui sont accessibles à notre investigation
se sont formés dans des mers continentales très peu pro-
fondes, qui ne sont en rien comparables à nos océans ac-
tuels. Quelques auteurs font toutefois une exception pour
certains dépôts de la région alpine, en particulier pour les
— 325 —
JURASSIQUE
calcaires siliceux à Aptychus et à Radiolaires, et les con-
sidèrent comme des formations de mer profonde.
On s'est souvent basé sur Tabsence ou la présence des
Ammonites pour distinguer dans les terrains jurassiques
des formations littorales et des formations de haute mer ou
formations pélagiques. Rien n'est moins conforme à la réa-
lité que cette distinction. En effet, les Céphalopodes des mers
actuelles sont souvent poussés sur les côtes, et les coquilles
chambrées des Spirules et des Nautiles sont amenées au
rivage par les courants. Il devait en être de même pour les
Ammonites, car on trouve leurs coquilles dans des dépôts,
tels que l'oolithe ferrugineuse de Bayeux, dont la nature
franchement littorale est attestée par la présence de Pa-
telles et autres Mollusques qui vivent dans -les limites du
balancement des marées. Le terme de « faciès à Céphalo-
podes » n'a donc aucune signification précise, les Ammo-
nites se trouvant à peu près dans tous les dépôts juras-
siques, sauf dans les formations coralliennes, car la fragilité
de leurs coquilles ne résistait pas à la violence des vagues
qui déferlaient contre les récifs.
Subdivisions. — Bien que la chaîne du Jura ait donné
son nom au système jurassique, ce n'est pas dans cette
région qu'il faut aller chercher un type classique de ce
terrain, car le petit nombre des bons affleurements, pour les
termes inférieurs, la rareté des fossiles dans les puissantes
masses calcaires qui constituent les termes supérieurs en
compliquent singulièrement l'étude. Aussi n'est-ce pas dans
le Jura, mais bien en Angleterre, dans le bassin de Paris
et en Souabe que des travaux fondamentaux pour la con-
naissance du système jurassique virent le jour. Mais, tandis
qu'en Angleterre on se contenta pendant longtemps de
distinguer dans le lias et l'oolithe quelques groupes lo-
caux, basés sur les caractères lithologiques, en Souabe,
Quenstedt analysa dès 1843 les différents termes de la
série et y reconnut un très grand nombre de niveaux pa-
léontologiques, basés surtout sur la distribution verticale
des Ammonites. En Souabe, les couches jurassiques sont
très peu disloquées ; elles se succèdent aussi régulièrement
que les feuillets d'un livre ; de beaux affleurements per-
mettent d'en étudier la série; quelques changements dans
la nature minéralogique du terrain fournissent des points
de repère certains ; les fossiles sont abondants à tous les
niveaux et le plus souvent admirablement conservés, de
sorte que la Souabe est devenue de bonne heure, grâce
aux beaux travaux de Quenstedt, une terre classique pour
le stratigraphe. Oppel, un élève de Quenstedt, ne se con-
tenta pas de suivre son maître dans l'analyse minutieuse
des niveaux paléontologiques de son pays, mais s'efforça de
retrouver ces niveaux en Angleterre et en France. Il cons-
tata que les trente-trois zones qu'il pouvait distinguer en
Souabe et qu'il désignait chacune par le nom d'une Ammo-
nite caractéristique n'avaient pas une valeur purement locale,
mais s'étendaient sur de grandes surfaces, conservant, à
travers les plus grands changements lithologiques, les
mêmes caractères paléontologiques. Cette division du sys-
tème jurassique en trente-trois zones est devenue le point
de départ non seulement de l'étude détaillée du jurassique,
mais encore de tous les travaux analytiques rationnels re-
latifs aux autres terrains. L'importance des Ammonites
pour l'établissement du parallélisme des couches était re-
connue et en même temps se trouvait posé le principe que
les autres fossiles marins, tels que Gastropodes, Lamelli-
branches, Brachiopodes, Echinodermes, ne devaient inter-
venir qu'en seconde ligne dans les assimilations. Quant aux
caractères lithologiques, ils étaient naturellemant refoulés
tout à fait à l'arrière-plan.
Avec Waagen, Mojsisovics, Neumayr, l'école allemande
persévéra dans la voie inaugurée par Oppel, mais si elle
attacha une importance toujours croissante aux zones ca-
raciérisées par les Ammonites — et définies comme les
unités d'une classification universelle des couches — elle
négligea d'établir sur des bases scientifiques le groupement
des zones en unités stratigraphiques d'ordre supérieur, en
étages et en groupes. Pour une grande partie de l'école
allemande, les classifications de terrains sont chose arbi-
traire, conventionnelle; elles sont établies pour la commo-
dité de l'étude et ne correspondent pas à des coupures
naturelles. Telle n'est pas la manière de voir de l'école stra-
tigraphique française. D'Orbigny et, après lui, Hébert et
M. Munier-Chalmas ont montré que les étages doivent être
considérés comme l'expression des oscillations du niveau
des mers. Le début de chaque étage est marqué, en géné-
ral, par une marche progressive de la mer, par l'incursion
des eaux sur un domaine précédemment exondé ; la fin de
l'étage correspond à un retrait plus ou moins considérable
des eaux. Chaque étage débute donc par une transgression
et se termine par une régression, il équivaut à une onde
dans le mouvement oscillatoire du niveau des mers, mou-
vement dont les causes, cosmiques ou terrestres, nous
échappent encore. Les transgressions et les régressions ne
sont pas toutes de même intensité, les ondes successives
n'ont pas la même ampUtude; de plus, ces mouvements ont
une importance plus ou moins locale, mais quelques-uns
s'étendent à de si vastes surfaces qu'ils doivent être consi-
dérés comme des événements affectant, sinon la planète
tout entière, du moins tout l'hémisphère nord. Ces grandes
transgressions, dont la plus connue est celle du cénoma-
nien, correspondent à la base des groupes et des systèmes,
tandis que le début des étages n'est souvent indiqué que
par des transgressions d'importance minime.
La valeur stratigraphique des transgressions est encore
augmentée par le fait indiscutable que ces arrivées brusques
de la mer coïncident presque toujours avec des immigra-
tions de faunes nouvelles. Les Ammonites en particuher
sont représentées à chaque transgression nouvelle par des
genres ou par des groupes nouveaux apparaissant brusque-
ment dans les mers jurassiques de nos régions, sans que, la
plupart du temps, on puisse indiquer leur lieu d'origine ou
leur filiation. Le début d'un étage est donc marqué non
seulement par une transgression plus ou moins prononcée,
mais encore par un changement dans la faune pélagique,
la faune sédentaire (Gastéropodes, Lamellibranches, Bra-
chiopodes, etc.) persistant souvent sans subir de modifi-
cations appréciables.
Les divisions d'ordre supérieur, c.-à-d. les séries, sont
basées sur des transgressions d'une étendue bien plus con-
sidérable que celles qui correspondent au début des étages ;
c'est ainsi que l'on est amené à diviser le système juras-
sique en trois séries : la série jurassique inférieure ou
lias^ la série jurassique moyenne ou dogger et la série
jurassique supérieure ou malm. Chacune de ces trois sé-
ries débute par une transgression tout à fait générale,
dont les effets se font sentir sur une surface très étendue :
le lias, par la trangression de la zone à Avicula coniorta
ou transgression rhétienne; le jurassique moyen, parla
transgression aalénienne ; le jurassique supérieur, par la
transgression de la zone à Macrocephalites macrocepha-
lus ou transgression callovienne. Des transgressions de
moindre importance se font sentir au milieu de chacune
des trois séries : telles sont la transgression médioliasique,
la transgression du bathonien, celle de l'oxfordien, celle
du portlandien.
La transgression rhétienne correspond à l'établissement,
dans l'Europe occidentale, d'un régime franchement marin,
succédant au régime lagunaire de la fin de l'époque tria-
sique. La faune triasique a entièrement disparu ; c'est à
peine si, parnii les Ammonites, on peut citer un seul genre
commun au trias et au lias. Avec Vinfralias apparaissent
les genres Psiloceras et Schlotheimia, auxquels vient
bientôt s'ajouter Arietites, qui donne au sinémurien son
caractère propre.
La transgression du Mas moyen paraît commencer avec
la zone à Caloceras raricostatum, qui, en Provence, sur
le bord méridional et occidental du Massif central, ainsi
cjue dans quelques points des Alpes orientales, repose
immédiatement sur l'infralias, le sinémurien faisant dé-
JURASSIQUE
:i26 —
faut. Les genres Oxynoticeras, Cœloceras, puis Amal-
theus font leur apparition, mais c'est JEgoceras qui pré-
domine. Le lias supérieur ou toarcien est caractérisé par
la grande abondance des Ilarpoceras.
La transgression aalénienne marque une extension
brusque du domaine maritime en Europe. Si l'on fait abs-
traction des régions alpines et méditerranéennes, le lias
n'est pas connu àl'E. de Gammin, en Poméranie; en Saxe,
en Bohême, en Moravie, en Pologne, la série des couches
jurassiques commence par les dépôts de l'étage aalénien,
le plus inférieur des étages du jurassique moyen. Cet aalé-
nien est caractérisé par la présence de groupes de Har-
poceras^ différents de ceux du toarcien, par les genres
d'Ammonites Dumortieria, Tmetoceras^ Erycites, parla
première apparition des genres Sonniniaet Oppelia. Dans
le bcijocien prédominent les Cœloceras ; Perisphinctes,
ParJcinsonia et Cosmoceras font leur apparition et jouent
également un rôle considérable dans le bathonien.
La transgression du bathonien est surtout très nette
dans le Boulonnais, où cet étage repose immédiatement sur
le carbonifère.
La transgression callo vienne est une des plus impor-
tantes que l'on connaisse ; elle amène une extension brusque
de la mer sur des domaines immenses et n'est comparable
par son importance qu'avec la grande transgression céno-
manienne. Toute la Russie, précédemment émergée, est
envahie par les eaux ; en Inde, la série jurassique com-
mence également par le callovien. Cet étage est de tous les
termes du jurassique celui qui présente partout les carac-
tères les plus constants ; les trois zones dont il se compose
dans toute l'Europe se retrouvent avec les mêmes espèces
caractéristiques et dans le même ordre de superposition
dans le Caucase, en Inde et dans la Cordillière des Andes.
Cette nouvelle extension des mers coïncide avec l'appari-
tion brusque, dans l'Europe occidentale, des genres Macro-
cephaiites, Cadoceras, Cardioceras, Reineckeia^ etc.
Voxfordien^ caractérisé par la fréquence des Aspido-
ceraSj des Peltoceras, des Ochetoceras, par le Cardio-
ceras cordatum et par des Perisphinctes spéciaux, débute
par une transgression, en plusieurs points où la zone supé-
rieure du callovien manque par suite d'une régression de
la mer.
Le raiiracien et le séquanien^ que l'on devra sans
doute réunir en un étage unique, contiennent surtout les
Neu7nayria, les Oppelia du groupe de la tenuilobata, les
Aspidoceras du groupe des Cycloti et des groupes nou-
veaux de Perisphinctes.
Dans le kiméridgien apparaissent les Waagenia et les
Reineckeia du groupe de VEudoxus y jouent un rôle
important.
Le portlandien enfin, quoique en régression dans le
bassin de Paris, par suite de mouvements orogéniques, est
en transgression bien accusée en Russie et dans le N. de
l'Asie, ainsi que dans les régions méditerranéennes. On
peut même citer des points où il repose immédiatem<3nt
sur des terrains antérieurs au jurassique. La transgres-
sion dans les régions du Nord coïncide avec l'arrivée, dans
ces mêmes régions, d'une faune nouvelle, dans laquelle
prédominent les genres Virgatites^ Holcostephanus ,
Oxynoticeras. Dans le Midi, les premiers véritables Ho-
plites et les premières Bélemnites plates (genre Duvalia)
font leur apparition.
Le tableau ci-après résume les subdivisions que nous
avons essayé de motiver en établissant la concordance des
coupures stratigraphiques et de celles que l'on peut tirer
des faunes pélagiques. Nous indiquerons, en outre, pour
chacun des étages, les zones que l'un peut y distinguer,
dans l'Europe occidentale, en nous basant sur les travaux
d'Oppel et de M. Waagen, en Allemagne; de Wright, de
M. Buckman, en Angleterre ; de M. Munier-Chalmas, en
France, et de M. Pavlov, en Russie.
Europe occidentale. — Le tableau qui suit rend par-
faitement compte de la succession des couches dans une
grande partie de l'Europe ; il s'applique non seulement au
bassm de Paris, mais encore à l'Angleterre, à l'Allemagne
du Nord, au Jura, au bassin de l'Aquitaine et vraisembla-
blement aussi au N. de l'Espagne et au Portugal. Pour
l'adapter à l'Allemagne du Sud, à la Suisse, au bassin du
Subdivisions du système jurassique.
ETAGES
Portlandien..
ZONES PAlÉONTOLOGIQUES
Portlandien saumâtre ou pur-
beclden.
Zone à Perisphinctes Bono-
niensis.
Zone à VirgafAtes scythicus.
Zone à Stephanoceras portlan-
dicum.
l Zone à Aspidoceras Caletanum
\ et Reineckeia pseudomuta-
Kiméridgien... < bilis.
I Zone k Aspidoceras or ihocer as
\ et Perisphinctes Cymodoce.
Séquanien et
Rauracien....
Zone à Perisphinctes Achilles.
Zone à Peltoceras bimamma-
tum et Ochetoceras Marantia-
num.
Oxfordien \ ^^^® ^ Perisphinctes Martelli.
( Zone à Cardiocer as cordatum.
Zone à Peltoceras athleta et
Cardioceras Lamberti.
Zone à Reineckeia anceps et
Callovien < Stephanoceras coronatiim.
Zone k Macrocephalites macro-
cephalus etProplanulitesKœ-
nigi.
/ Zone à Oppelia aspidoides.
Bathonien j Zone à Oppelia fasca et Mor-
( phoceras polymorphum.
Zone à Cosmoceras subfurca-
tum et Oppelia subradiata.
RQÎnPiVn / Zone à Witchollia Romani.
rsdjouen < ^^^e à Sphœroceras Sauzei et
I Sphœroceras polyschides.
\ Zone à Witcheltia lœviuscula.
"~^ Aaiénien .
Zone à Harpoceras concavum.
Zone à Harpoceras Murchiso-
nœ.
Zone à Harpoceras opalinum.
Zone à Dumortieria pseudora-
divsa.
Toarcien.
Zone à Lytoceras jurense et
Grammoceras fallaciosum.
Zone â Dactylioceras commune.
Zone à Harpoceras falciferum.
Zone à Amaltheus spinatus.
Zone à Amaltheus margarita-
tus.
Zone à Deroceras Davœi et
/Egoceras capricornu.
mouthien) i Zone à Phylloceras ibex et Tro-
pidoceras Masseanum.
Zone à Deroceras armatum.
Zone à Caloceras raricostatum.
Pliensbachien
I (liasien ou char-
,\
Sinémurien
Zone à Arietites obtusus.
Zone k Arietites Turneri et De-
roceras Birchi.
Zone à Arnioceras semicosta-
tum.
Zone à Arietites Bucklandi.
Zone à Schlotheimia angulata.
Rhétien (infra-
lias).
Zone à Psiloceras planorbis.
Zone à Avicula contorta.
Rhône, il y aurait lieu d'y introduire quelques modifications
en ce qui concerne les termes supérieurs.
Pour l'Europe occidentale, il ne nous reste donc plus
qu'à étudier la répartition géographique de la série juras-
sique en insistant également sur les changements de faciès
Ml -
JURASSIQUE
que présentent, d'une région à l'autre, les différents termes
qui constituent cette série.
11 suffit de jeter un coup d'œil sur une carte géologique
de la France pour constater que les terrains jurassiques
forment autour du bassin de Paris une ceinture ouverte
seulement au N. et au N.-O. Conformément à la disposi-
tion générale des couches dans cette région naturelle, les
étages successifs forment autant de zones concentriques,
les couches les plus récentes occupant le centre et suppor-
tant les terrains crétacés, les couches les plus anciennes
se trouvant à l'extérieur, reposant sur le trias ou en dis-
cordance transgressive sur des terrains plus anciens. Au
N. E., les terrains jurassiques inférieurs s'appuient sur le
massif dévonien de l'Ardenne; à l'E., ils s'adossent contre
les Vosges triasiques; au S., ils sont en contact avec les
terrains cristalHns du Massif central; à l'O. avec les ter-
rains primaires du massif armoricain. Au N.-O. et au S.-
E. des affleurements presque continus mettent le juras-
sique du bassin de Paris en contact, par le détroit du
Poitou, avec le bassin de l'Aquitaine, par le détroit mor-
vano-vosgien ou détroit de la Côte-d'Or, avec le Jura. Vers
le N.-O., c'est la mer qui interrompt la continuité des dé-
pôts, car les affleurements jurassiques du Dorsetshire sont
la continuation de ceux de la Normandie.
Sur le bord du massif de l'Ardenne on se trouve en
présence du véritable rivage de la mer jurassique et il en
est de même sur le bord du massif armoricain ; mais, vers
le S., on ne connaît pas l'emplacement de l'ancien rivage,
car les dépôts jurassiques s'étendaient plus loin dans l'in-
térieur du Massif central que ne semble l'indiquer la limite
méridionale actuelle des affleurements, et ils recouvraient
tout le Morvan, dont ils ont été enlevés par l'action des
agents atmosphériques. De même, les Vosges et la Forêt-
Noire étaient recouvertes, au moins par les dépôts du lias
et du jurassique moyen, et pour trouver l'ancien littoral
il faudrait aller jusqu'au bord du massif de Bohême. Le
détroit du Poitou constituait donc un véritable détroit pen-
dant toute la durée de la période jurassique, tandis que le
détroit de la Côte-d'Or n'est qu'un détroit en apparence et
ne fonctionnait comme tel qu'à la fin de la période juras-
sique.
Sur le bord du massif ardennais et du massif armori-
cain les différents dépôts liasiques, jusqu'au toarcien ex-
clusivement, sont en transgression les uns par rapport aux
autres, de sorte que, en plusieurs points, c'est le lias
moyen qui repose sur les terrains anciens. Les dépôts ba-
jociens sont à leur tour en transgression sur les dépôts
aaléniens et toarciens, mais la mer bathonienne avait une
extension encore plus considérable, de sorte que dans le
Boulonnais elle repose immédiatement sur les dépôts car-
bonifères. Par suite du soulèvement des Vosges et de la
Forêt-Noire — non encore séparés par l'effondrement de
la vallée du Rhin — le portlandien est en régression, dans
l'E. du bassin de Paris, par rapport aux termes plus an-
ciens.
Les dépôts liasiques du bord du massif ardennais sont
essentiellement littoraux, ils sont en grande partie gré-
seux ou sableux. Partout ailleurs, dans le bassin de Paris,
tous les termes du lias sont représentés par des dépôts va-
seux, riches en restes de Céphalopodes. Dans le bajocien, le
bathonien et le callovien, c'est le faciès oolithique qui pré-
domine, soit sous forme d'oolithes calcaires, soit sous forme
d'oolithes ferrugineuses. A partir du bajocien, on observe
déjà localement, comme en Lorraine, des calcaires cons-
truits résultant de l'accumulation de débris de polypiers,
mais ce n'est qu'à partir de l'oxfordien que le faciès coral-
ligène commence à jouer un rôle important. Les récifs du
rauracien sont surtout développés en Normandie et dans
l'Est, ceux du séquanien sont limités à la partie méridio-
nale du bassin; enfin, pour trouver des récifs kiméridgiens
ou portlandiens, il faut aller jusque dans le Jura. A l'époque
kiméridgienne, le faciès vaseux prédomine de nouveau, au
moins dans le N. du bassin ; dans les environs de Bou-
logne, on voit apparaître le faciès sableux, qui, dans le
portlandien, alterne avec le faciès vaseux. A la fin de
l'époque ()ortlandienne, le régime lagunaire s'établit dans
tout le bassin de Paris : c'est l'épisode purbeckien.
En Angleterre, on retrouve en général les mêmes faciès
que dans le bassin de Paris, si bien que les dépôts bajo-
ciens et bathoniens peuvent être identifiés couche par couche
dans les deux pays. Cependant, dans les dépôts jurassiques
moyens du Yorkshire, viennent s'intercaler des formations
d'estuaires avec Mollusques saumâtres et d'eau douce et
nombreux débris de végétaux.
Dans l'Allemagne du Nord, les caractères paléontolo-
giques de tous les termes de la série jurassique sont les
mêmes que dans le bassin anglo-parisien et, en général,
les faciès minéralogiques y sont à peu près semblables, sauf
dans le jurassique moyen, où prédomine le faciès vaseux.
Les dépôts jurassiques du versant français du Jura sont
presque identiques avec ceux du bassin de Paris; quant à
ceux du versant suisse, ils forment avec ceux du Jura ar-
govien, du Randen, de la Souabe et de la Franconie, une
bande très uniforme, dans laquelle les termes inférieurs
et moyens de la série présentent les plus grandes analogies
avec les termes correspondants du bassin de Paris, tandis
que les termes supérieurs, à partir de l'oxfordien et sur-
tout du séquanien, se rapprochent davantage du type mé-
diterranéen du système jurassique. Il en est de même des
formations qui entourent le massif de Bohême et qui
s'étendent de là vers la Pologne. Dans ces régions, la série
jurassique débute par l'aalénien, à l'état de grès peu fos-
silifères; le bajocien, le bathonien et le callovien, le plus
souvent à l'état d'oolithes ferrugineuses, rappellent beau-
coup les dépôts synchroniques du bassin anglo-parisien;
quant aux étages supérieurs, ils sont représentés par des
calcaires jaunes ou blancs souvent très riches en Céphalo-
podes.
Dans le bassin de l'Aquitaine, les dépôts jurassiques
forment une bande continue, allant depuis la Vendée
jusque dans la Tarn, et limitée à l'O. par les dépôts cré-
tacés, à TE. par le bord du Massif central. Quoique ces
dépôts possèdent en général les mêmes caractères paléon-
tologiques que ceux du bassin de Paris, ils s'en distinguent
par leur faciès oolithique, sans parler de la dolomitisation
ultérieure que les couches ont souvent subie.
Le jurassique du type anglo-parisien se retrouve encore
dans le N. de l'Espagne et dans le Portugal. Le faciès es-
pagnol est caractérisé par la grande prédominance des Bra-
chiopodes.
Régions méditerranéennes. — Pans les régions méditer-
ranéennes et dans les Alpes orientales, le système juras-
sique est représenté par des terrains qui depuis longtemps
ont attiré l'attention des géologues par leurs caractères
aberrants. Ce sont des calcaires rouges remplis d'Ammo-
nites {Calcare ammonitico rosso), des calcaires roses
ou blancs quelquefois pétris de Brachiopodes ou de Posi-
donomyes, des calcaires siliceux bien stratifiés ne renfer-
mant pas d'autres fossiles que des Aptychus, des calcaires
gris à gros Lamellibranches, etc. Les caractères paléonto-
logiques ne sont pas moins particuliers: à tous les niveaux,
lorsque les Ammonites sont représentées, elles le sont en
forte proportion par des espèces appartenant aux genres
Phylloceras et Lytoceras qui, dans l'Europe septentrio-
nale et occidentale, sont des raretés. Les Brachiopodes ap-
partiennent presque toujours à des groupes spéciaux de
Rhynchonelles ou de Térébratules, qui n'existent pas dans
les régions du Nord. Dans le jurassique supérieur, les dif-
férences s'accentuent encore davantage ; aux genres Phyl-
loceras et Lytoceras viennent se joindre Simoceras,
Waagenia^ Lissoceras; parmi les Brachiopodes, les Téré-
bratules du sous-genre Pygope abondent. On a donné à
ces assises supérieures du jurassique des régions méditer-
ranéennes le nom d'étage tithonique et on les a souvent
considérées comme des couches de passage entre les sys-
tèmes jurassique et crétacé et, en effet, elles contiennent un
JURASSIQUE
328 —
certain nombre d'espèces qui passent dans le néocomien in-
férieur, représenté par le même faciès à Pygope. Mais,
quoique le parallélisme soit assez difficile à établir d'une
manière rigoureuse, on Yoit maintenant que les couches
tithoniques correspondent assez exactement à l'étage port-
landien du Nord.
Une autre particularité du système jurassique dans les
régions méditerranéennes, c'est la discontinuité que l'on
observe souvent dans la succession des couches qui le cons-
tituent dans une région déterminée. Souvent des termes en-
tiers manquent dans la série, sans que l'on ait des raisons
d'admettre une émersion temporaire du point oii se trouve
la lacune. Il y a eu sans doute simplement absence de sé-
dimentation. Certains niveaux paléontologiques se retrou-
vent de préférence à d'autres et fournissent alors des points
de repère précieux pour le classement d'assises puissantes
dans lesquelles les fossiles font souvent presque entière-
ment défaut.
Dans le bassin du Rhône et sur le versant atlantique
des Cévennes (Lozère, Aveyron), le système jurassique
possède les mêmes caractères paléontologiques que dans les
Alpes orientales, mais le faciès lithologique est en général
bien diiférent, La série est le plus souvent représentée par
une masse de couches vaseuses, schistes, marnes ou mar-
no-calcaires, dans laquelle on retrouve sans aucune lacune
paléontologique la succession complète des étages et même
des zones que nous avons établie pour le bassin de Paris.
La plupart des zones du lias se retrouvent dans les Cé-
vennes et l'on est frappé de la concordance des niveaux
pour le bajocien, le batlionien, le callovien, entre la série
du bassin anglo-parisien et celle que l'on peut étudier par
exemple aux environs de Digne. La seule différence paléon-
tologique consiste dans la prédominance numérique, dans
le Midi, des Phylloceras et des Lytoceras^ surtout en ce
qui concerne le nombre des individus.
Dans les termes supérieurs, la concordance avec le Nord
est plus difficile à établir. Nous trouvons bien encore dans
l'oxfordien supérieur des calcaires grumeleux à Spon-
giaires identiques à ceux de la Haute-Marne, mais, à par-
tir du séquanien, il n'est plus facile de paralléliser d'une
manière précise les assises du Nord et celles du Midi, et
les différences paléontologiques vont en s'accentuant à me-
sure que l'on s'élève dans la série. Les couches corres-
pondant au portlandien présentent le faciès tithonique et
passent insensiblement vers le haut aux couches néoco-
miennes inférieures. Dans le N. du bassin du Rhône, comme
par exemple à la montagne de Crussol, vis-à-vis de Va-
lence, les couches jurassiques supérieures contiennent déjà
beaucoup moins de Phylloceras, de Lytoceras, de Pygope
que dans les régions méridionales. Dans le Jura méridional,
en Argovie, en Souabe, en Franconie, les caractères litho-
logiques du jurassique supérieur sont sensiblement les
mêmes que dans le bassin du Rhône, et les caractères pa-
léontologiques des diâérentes assises sont identiques, sauf
que les genres précités sont devenus encore plus rares. Il
en est de même sur les bords du massif de Bohême et en
Pologne. Dans toute cette bande, qui longe le bord externe
des Alpes et des Karpates, depuis la Méditerranée jus-
qu'aux plaines de la Russie, la succession des couches du
jurassique supérieur reste sensiblement la même. Au-des-
sus des zones oxfordiennes et de la zone rauracienne à
Peltoceras bimammatum, qui présentent partout la plus
grande uniformité, on observe les niveaux paléontologiques
suivants : 1^ zone à Oppelia tenuilobata ; 2° zone à Rei-
neckeia pseudomutabilis ; 3^ zone à Oppelia lithogra-
phica ; ¥ zone à Perisphinctes contiguus ;cf° à Floplites
Calisto. Au-dessus s'observe, dans le bassin du Rhône, la
zone à Hoplites Boissieri, que l'on doit ranger déjà dans
le crétacé. Les deux niveaux supérieurs, qui correspondent
certainement au portlandien du Nord, ne sont pas repré-
sentés dans FAllemagne méridionale.
A partir du niveau de la zone à Oppelia lithographica
viennent s'intercaler, en de nombreux points de la zone qui
borde les Alpes, des calcaires coralligènes, caractérisés par
des Plesiodiceras ou par des Heterodiceras, qui se trou-
vent donc ici à un niveau sensiblement plus élevé que dans
le bassin de Paris et dans le Jura.
Le type méditerranéen du système jurassique possède
une extension géographique très considérable. En Andalou-
sie, dans les Baléares, en Algérie, en Tunisie, en Sicile,
dans l'Apennin, les étages supérieurs présentent le faciès
des calcaires compacts rouges ou blancs à Ammonites,
comme dans les Alpes orientales. Dans le Portugal méri-
dional, le lias et le jurassique moyen affectent des faciès
caractéristiques de la région des Alpes, tandis que, plus
au N., les dépôts jurassiques portugais se rapportent au
type anglo-parisien. Vers l'E., on rencontre le type mé-
diterranéen dans les Karpates, dans le Banat, dans les
Balkans, en Crimée.
En dehors de l'Europe, on connaît des formations ana-
logues près d'Angora, en Asie Mineure, en Syrie, dans
rinde. Dans ce pays, on retrouve dans la province deKutch
des dépôts calloviens et oxfordiens, présentant les mêmes
niveaux paléontologiques que dans l'Europe occidentale.
Les Macrocephalites, les Perisphinctes, les Harpoceras,
les Aspidoceras^ qui constituent la plus grande partie de
la faune, y sont associés à d'assez nombreux représentants
des genres Phylloceras et Lytoceras. Plus au N., dans
PHimalaya, les « Spiti-shales » contiennent une assez
forte proportion de types tithoniques. Dans l'Afrique orien-
tale, en particulier à Mombassa, à Tanga, à Mtaru et dans
d'autres localités de la côte de Mozambique, les auteurs
allemands ont signalé des dépôts calloviens et oxfordiens
presque identiques avec les dépôts du même âge de l'Inde
et des couches plus élevées contenant des types tithoniques,
tels que des Phylloceras et des Waagenia. A Madagascar
on connaît également des dépôts jurassiques, d'âge ba-
jocien ou bathonien, dans lesquels on a rencontré des P%^
loceras et des Lytoceras. En Abyssinie, enfin, affleurent
des calcaires que M. Douvillé rapporte au bathonien et au
séquanien. Tous ces dépôts de l'Afrique orientale sont ca-
ractérisés par la présence de Bélemnites des groupes des
Canaliculati et des Hastati, propres à la région médi-
terranéenne.
Dans l'île de Rotti, près de Timor, dans la Malaisie, on a
trouvé récemment dans des blocs projetés par un volcan,
deux Bélemnites du même groupe, dont l'une est identique
avec une espèce de l'Himalaya, ainsi que des fragments de
Phylloceras et de Lytoceras. De plus, d'autres blocs con-
tiennent des Ammonites du lias inférieur et du lias supé-
rieur, appartenant à des espèces de l'Europe méridio-
nale.
Traversant le Pacifique, nous retrouvons des Ammonites
liasiques très voisines au Pérou, en Californie et dans l'Etat
de Nevada. Au Chili, le lias supérieur contient plusieurs
espèces qui caractérisent les dépôts du même âge dans le
bassin du Rhône et en Italie. Sur les deux versants de la
Cordillière des Andes, au Chili, dans la Bolivie et dans la
République Argentine, le bajocien et le callovien présentent
les mêmes niveaux et les mêmes associations d'espèces
qu'en Europe ; la présence de quelques Phylloceras indique
des affinités avec le type méditerranéen. Enfin, M. Beh-
ren dsen a décrit récem ment , de la République Argentine, tout e
une faune tithonique, dont plusieurs espèces sont iden-
tiques avec des formes de l'Europe méridionale, et des cou-
ches de même âge sont connues également au Pérou. On
constate donc que, sur tout le tour de la terre, se trou-
vent des affleurements de dépôts jurassiques présentant
des caractères paléontologiques analogues à ceux du juras-
sique des régions méditerranéennes. Les affleurements des-
sinent une zone équatoriale, mais cependant, dans la ré-
gion alpine et dans la République Argentine, ils s'étendent
assez loin au N. et au S. de la région des tropiques. Dans
toute cette zone équatoriale, le jurassique est caractérisé
par la présence des Bélemnites à sillon ventral et des Am-
monites des genres Phylloceras et Lytoceras, Mais ces
deux genres paraissent n'avoir été nulle part aussi abon-
dants que dans l'Europe méridionale, et il existe même des
points dans l'Afrique orientale et dans l'Amérique du Sud
où ils tout entièrement défaut, sans que les faunes cessent
d'avoir des rapports intimes avec celles des régions médi-
terranéennes typiques.
Type boréal du système jurassique. — Grâce aux ré-
cents travaux des géologues russes, et en particulier de
MM. Nikitin et Pavlov, le jurassique de la Russie centrale
et des bords de la Volga est aujourd'hui aussi bien connu
que celui de l'Europe occidentale, et sa faune a fait l'objet
de belles monographies. Partout les termes inférieurs et
moyens font défaut, et la série commence par les dépôts cal-
loviens, qui s'étendent en transgression sur des terrains
émergés depuis la fin de l'époque carbonifère. En général,
les dépôts jurassiques russes sont représentés par des
sables ou par des argiles renfermant fréquemment des con-
crétions calcaires, ferrugineuses ou phosphatées, incrustées
de grains de glauconie et très riches en fossiles d'une ad-
mirable conservation, tels que Béleranites, Ammonites, La-
mellibranches, Brachiopodes. Les subdivisions que l'on a
établies dans les étages callovien et oxfordien concordent
parfaitement avec celles du bassin anglo-parisien ; la dis-
tribution des espèces est rigoureusement la même dans les
deux régions. Toutefois, il importe de noter la prédominance
en Russie de certains types qui sont beaucoup moins abon-
dants dans l'Europe occidentale; ce sont les Ammonites du
genre Cardioceras, les Bélemnites du groupe des Infra-
depressi et surtout, parmi les Lamellibranches, le genre
Aucella. Les étages rauracien et séquanien sont très ré-
duits et peu fossilifères, il en est de même du kiméridgien
aux environs de Moscou, mais cet étage est fort bien déve-
loppé aux environs de Simbirsk, sur la basse Volga, où
M. Pavlov a recueilli de nombreuses espèces de l'Europe
occidentale. Les zones les plus supérieures du jurassique
russe ont été réunies sous le nom d'étage volgien et attri-
buées quelquefois au néocomien, mais le volgien paraît cor-
respondre assez exactement au portlandien du bassin anglo-
parisien. En effet, M. Pavlov a retrouvé à Speeton, dans
le Yorkshire, et dans le Boulonnais, plusieurs niveaux
du volgien russe, avec des fossiles que l'on avait jus-
qu'à présent considérés comme essentiellement caractéris-
tiques du jurassique russe. Mais, dans tous les cas, ces
formes, parmi lesquelles il convient de citer les Bélemnites
infradepressiei les Ammonites des genres Oxynoticeras,
Virgatites, Craspedites et Simbirskites^ ne se rencon-
trent qu'exceptionnellement dans le portlandien du N. de
l'Angleterre et du Boulonnais et manquent entièrement
dans le S. du bassin de Paris, dans le Jura et dans toute
la région méditerranéenne. Il en est de même des Aucelles,
qui sont particulièrement abondantes dans le volgien.
Le type russe du jurassique supérieur, tel que nous venons
de le définir, s'étend aussi dans la Russie septentrionale,,
dans les bassins de la Petschora et de la Wytschegda. Sur
les côtes de Norvège, dans Tîle d'Andô, la plus septentrio-
nale des Lofoden, on rencontre des grès jurassiques avec
des Aucelles ; des formations analogues se retrouvent dans
les Hébrides. Plus au N., on connaît des couches jurassiques
avec Cardioceras, Bélemnites du groupe des Infradepressi
et des Aucelles dans le Spitzberg et dans la Nouvelle-
Zemble. Dans tout le N, de la Sibérie affleurent des dépôts
secondaires, dont une partie doit être rapportée au volgien
supérieur, qui est ici en transgression sur les couches tria-
siques ou paléozoïques,tous les autres termes du jurassique
faisant défaut. Quand on s'éloigne des côtes, on ne ren-
contre même plus de dépôts jurassiques marins, et des vé-
gétaux fossiles attestent un régime continental. Des couches
jurassiques à Aucelles ont été signalées encore sur la côte
orientale du Grœnland, dans la Nouvelle-Sibérie, dans
l'Alaska, dans les Etats de l'O. des Etats-Unis et, vers le
S., jusque dans le Mexique; on a trouvé quelquefois, dans
ces mêmes dépôts, des Ammonites appartenant à des types
kiffiéridgiens ou portlandiens, de sorte que, tout autour de
3-29 - JURASSIQUE
l'océan Arctique et sur les côtes du Pacifique septentrional,
le jurassique supérieur présente le même type que dans la
Russie centrale. Ce type, caractérisé par les Aucelles, les
Bélemnites infradepressi^ les Cardioceras^ les Virga-
tites, etc., a été appelé le type boréal. On peut l'opposer
au type méditerranéen, caractérisé par les Lytoceras, les
Phylloceras^ les Béleranites du groupe des Canaliculati,
les Pygope, etc.
Provinces zoologiques. — Les différences profondes qui
existent entre le type boréal et le type méditerranéen du
système jurassique avaient déjà frappé les anciens auteurs,
et Marcou les attribuait à des différences dans la température
des eaux, mais c'est à Neumayr qu'est due une théorie
complète établissant la concordance entre la répartition des
animaux marins à l'époque jurassique et les lignes iso-
thermes. Neumayr distinguait trois zones homœozoïques
dans l'hémisphère Nord : une zone arctique, une zone
tempérée et une zone équatoriale, au S. de laquelle aurait
existé une zone tempérée australe, voire même une zone
antarctique. La zone arctique comprend les dépôts que
nous avons rapportés au type boréal, la zone équatoriale,
ceux que nous avons rapportés au type méditerranéen ; la
zone tempérée correspond au type que nous avons défini
dans le bassin anglo-parisien. Dans chacune de ces zones
homœozoïques, Neumayr distinguait un certain nombre de
provinces zoologiques ; le bassin anglo-parisien, FAlle-
magne, le Jura, l'Aquitaine, le Nord de l'Espagne, 1-
Pologne constituaient la province de l'Europe centrale.
Tandis que la province russe et la province méditerraa
néenne sont caractérisées par la présence des genres indi-
qués plus haut, d'après Neumayr ces genres feraient dé-
faut dans la province de l'Europe centrale, qui serait carac-
térisée par la présence de genres propres, tels que Pelto-
ceras, Oppelia. Les travaux de MM. Nikitin et Pavlov
ont démontré que tous les genres considérés par Neumayr
comme caractéristiques de la province russe se rencontrent
également dans le N. de la province de l'Europe centrale.
D'autre part, l'absence ou la rareté des Phylloceras et des
Lytoceras dans cette dernière ne saurait constituer un ca-
ractère suffisant pour la distinguer de la province méditer-
ranéenne, ces genres décroissant insensiblement en nombre
à mesure ^ue l'on se dirige vers le S., et les régions
limites des deux provinces, telles que l'Allemagne du Sud,
l'Argovie, le Jura méridional, présentant une succession de
couches et des faciès en tous points comparables à ceux
d'une partie de la région alpine. Enfin, le genre Peltoceras
se rencontrant dans les trois provinces et le genre Oppelia
étant abondamment représenté dans la province méditerra-
néenne, il est impossible, dans l'état actuel de nos connais-
sances, d'indiquer un seul genre qui soit propre à la région
méditerranéenne. Dans ces conditions, si l'on admet que
les différences zoologiques entre la province russe et la
province méditerranéenne sont dues à des diô'érences dans
la température des eaux, la province de l'Europe centrale,
ou mieux de l'Europe occidentale, ne peut plus être envi-
sagée que comme une région où s'opère le mélange des
faunes russe et méditerranéenne, grâce au mélange des
eaux froides des mers boréales et des eaux chaudes des
mers équatoriales. Ce mélange s'explique aisément si l'on
admet, avec M. Munier-Chalmas, qu'il existait dans les
mers jurassiques, comme dans les mers actuelles, des cou-
rants chauds et des courants froids, amenant sur une même
latitude des faunes différentes. Les courants chauds per-
mettaient la formation de récifs coralliens dans le bassin de
Paris, tandis que, déjà en Angleterre, sous l'influence des
courants froids, les Zoanthaires ne trouvaient plus de con-
ditions favorables à l'édification de récifs, et que, dans la
province russe, ces mêmes êtres faisaient presque entière-
mefit défaut. D'autre part, les courants équatoriaux étaient
déjà trop refroidis dans le bassin de Paris pour que les
Phylloceras et les Lytoceras, genres essentiellement mé-
ridionaux, pussent s'y acclimater. Cependant, à certains
moments, les courants équatoriaux paraissent avoir été
JURASSIQUE ^ — 330
suffisamment chauds dans l'Europe occidentale, pour per-
mettre à ces genres d'y vivre temporairement. Ces con-
ditions se trouvèrent réalisées à l'époque du lias moyen,
du lias supérieur, de l'aalénien. A d'autres moments, ce
furent les courants boréaux qui prirent le dessus, amenant
jusque dans le bassin de Paris des genres complètement
étrangers aux régions méditerranéennes. Ainsi s'explique
la présence de formes russes de Bélemnites et l'abondance
des Cardioceras dans le callovien supérieur de Normandie;
ainsi s'expliquent également les relations paléontologiques
qui permettent de synchroniser le volgien avec le portlan-
dien du Boulonnais et du Yorkshire. La province de l'Eu-
rope centrale, dans les limites que lui assigne Neumayr,
comprend donc une zone septentrionale (Yorkshire, Bou-
lonnais, bords de la Baltique), ou prédominent les types
boréaux, puis vient une région plus méridionale (bassin de
Paris, Jura, Allemagne centrale), qui est tantôt sous l'in-
fluence des courants boéraux, tantôt sous celle des courants
équatoriaux ; enfin, sur la limite de la province méditer-
ranéenne proprement dite, se trouve une zone (Jura mé-
ridional, Argovie, Souabe, Franconie, Bohême, Moravie,
Pologne) dont la faune est presque entièrement composée
d'éléments méditerranéens, mais où les genres Phyllo-
ceras et Lytoceras sont rares ou font entièrement défaut.
Le bassin de Paris constitue la région où le mélange des
types boréaux et des types équatoriaux est le plus intime,
mais il n'est pas seul à réahser ces mêmes conditions : le
Caucase, ou en général prédominent les apports méditer-
ranéens, présente à l'époque callo vienne une faune où les
éléments des deux provinces sont intimement mélangés.
Si pendant toute la durée de l'époque jurassique supé-
rieure les mers de l'Europe occidentale ont reçu en grand
nombre des apports de faune venant de la province russe,
on ne peut en dire autant des mers liasiques et des mers
du jurassique moyen des mêmes régions, car on sait que
tout le centre et le nord de la Russie n'ont été envahis
par les eaux qu'à l'époque callovienne. Cependant les dé-
pôts jurassiques inférieurs et moyens de l'Europe occiden-
tale contiennent quelques genres de Céphalopodes dont
l'origine ne peut être cherchée dans la province méditer-
ranéenne ; tels sont : Amaltheus^ dans le lias, Dumor-
tieria^ Sonninia, dans l'aalénien, Oxynoticeras (groupe
du discus)^ dans le bathonien. Il faut donc admettre que
les mers de l'Europe occidentale recevaient des apports de
faune venant d'une province autre que la province méditerra-
néenne et cela par une autre voie que la Russie septentrio-
nale, voie dont l'existence est encore rendue probable par
l'arrivée brusque dans les mers portlandiennes du bassin
de Paris du groupe du Stephanoceras portlandicum,
dont l'origine n'est ni russe ni méditerranéenne. D'ailleurs,
la faune méditerranéenne est loin d'être constituée uni-
quement par des éléments autochtones; beaucoup de
types cryptogènes y apparaissent brusquement et généra-
lement en même temps que dans l'Europe occidentale ; il
suffit de citer les Arnioceras, les Deroceras, les Cœlo-
ceras, etc., dans le lias; les Cosmoceras, les Perî-
sphinctes^ dans le bajocien ; les Reineckeia^ dans le cal-
lovien. Avec la grande transgression callovienne, le genre
Macrocephalites apparaît simultanément dans l'Europe
occidentale, dans les régions méditerranéennes, en Russie,
en Inde, dans l'Afrique orientale et dans l'Amérique du
Sud, sans qu'il soit possible d'indiquer son lieu d'ori-
gine.
Les découvertes récentes relatives à l'extension des ter-
rains jurassiques en dehors de l'Europe ne jettent que peu
de lumière sur les centres de propagation des faunes. Le
lias boréal est entièrement inconnu ; tous les affleurements
dans les régions intertropicales, ceux de l'Amérique occi-
dentale et même ceux de l'Alaska ont fourni des faunules
qui se rapprochent beaucoup de la faune méditerranéenne.
Le jurassique moyen des deux Amériques présente des affi-
nités très étroites avec celui de l'Europe occidentale, ce
qui indiquerait peut-être le lieu d'origine des éléments non
méditerranéens dont on constate l'existence dans la faune
de cette région. Le callovien, par suite de sa transgressi-
vité générale, possède des caractères universels, mais les
Phylloceras ne sont réellement prédominants que dans les
régions méditerranéennes. Les faunes du tithonique de
l'Afrique orientale, de l'Himalaya, de l'Amérique méridio-
nale, ont des affinités étroites avec la faune tithonique des
334 —
JURASSIQUE — JURGENS
régions méditerranéennes, et néanmoins les Phylloceras et
les Lytoceras n'y sont souvent représentés que dans une
assez faible proportion. Une partie de la faune équatoriale
paraît donc avoir eu son centre de propagation dans les
régions méditerranéennes, mais rien n'indique l'existence
d'une zone tempérée australe, admise par Neumayr; rien
non plus n'indique dans les dépôts jurassiques de l'hémis-
phère Sud qu'il y ait eu un mélange de la faune méditer-
ranéenne avec des éléments d'une faune antarctique, si ce
n'est peut-être l'existence d'Aiicelles dans la Nouvelle-Zé-
lande, qui serait à rapprocher de la présence inattendue
des mêmes Bivalves au Mexique, en pleine zone équato-
riale. Il résulte des faits qui précèdent que l'hypothèse des
zones homœozoïques de Neumayr ne rend pas compte d'une
manière satisfaisante de la répartition des faunes jurassi-
ques à la surface du globe. Par contre, l'hypothèse de
courants chauds et de courants froids, professée depuis
quelques années par M. Munier-Chalmas, explique fort
bien les profondes diSérences de faune entre la province
russe et la province méditerranéenne, le caractère mixte
des dépôts jurassiques de l'Europe occidentale, ainsi que
les avancées vers l'Equateur de la faune boréale et les
avancées vers le Nord de la faune équatoriale. La réparti-
tion des faunes et en particuher celle des Ammonites pa-
raît avoir été déterminée en première ligne par les cou-
rants marins.
Distribution des terres et des mers. — Si les docu-
ments relatifs à la répartition des faunes marines juras-
siques à la surface du globe sont encore très insuffisants,
il en est de même pour ceux qui concernent la distribution
des terres et des mers ; aussi l'essai de reconstitution,
joint au présent article, n'a-t-il pas la prétention de rendre
l'exacte réalité, mais a-t-il simplement pour but de fixer
les idées et d'aider à l'intelligence de l'exposé qui suit.
L'étude des faciès des terrains jurassiques démontre que
ces derniers sont des dépôts de mers continentales, formés
par conséquent en dehors des grands océans, dont les
dépôts sont encore inconnus. L'Europe occidentale consti-
tuait, pendant toute la durée de la période jurassique, un
archipel constitué par des îles de terrains anciens, débris
des chaînes calédonienne et hercynienne. En France, la
presqu'île Armoricaine, l'Ardenne, le Plateau central, le
massif des Maures et de l'Estérel, relié peut-être aux Pyré-
nées, formaient des îles dont les rivages sont en partie
connus et sont indiqués quelquefois par des dépôts litto-
raux. Le massif central de l'Espagne, la Meseta, et l'arc
central des Alpes étaient également émergés. Les Vosges
et la Forêt-Noire, certainement recouvertes par les eaux
de la mer liasique, étaient très probablement exondées vers
la fin de l'époque jurassique. Les travaux de M. Suessont
rendu probable l'existence d'une île tyrrhénienne et d'une
île mauritanienne, dont la Cordillière bétique et les affleu-
rements de roches anciennes de la côte algérienne consti-
tuent aujourd'hui les débris. Enfin, plus à l'E., se trouvaient
plusieurs îles, parmi lesquelles le massif de Bohême seul
peut être assez exactement délimité.
Le plateau Scandinave est une terre émergée dès la plus
haute antiquité ; il en est de même du continent nord-
américain^ avec lequel, à l'origine, cette terre était pro-
bablement soudée.
L'absence complète des dépôts jurassiques marins dans
l'Asie centrale, dans la (ihine et dans l'Indo-Chine, indique
l'existence d'un grand continent asiatique^ qui vraisem-
blablement était déjà séparé du continent australien.
Comme au Brésil et sur les côtes de Guinée le cénomanien
repose immédiatement sur les terrains anciens, on est en
droit d'admettre que l'Afrique et la partie orientale de
l'Amérique du Sud étaient reliés et formaient un continent
africano-brésilien, dont les deux moitiés n'ont été entiè-
rement séparées qu'à une époque relativement récente.
Des considérations tirées de la flore permienne et triasique
et de la faune néocomienne indiquent que la péninsule
indienne et l'Afrique australe étaient réunies au début de
la période secondaire par une terre ferme dont l'île de
Madagascar est un dernier débris et qui correspond à la
Lémurie, que les zoologistes ont dû imaginer pour expli-
quer la répartition actuelle des Mammifères.
L'existence d'un océaii boréal est rendue très vraisem-
blable par l'existence des couches à Aucelles dans le N. de
l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique. Nous n'avons aucune
donnée sur un océan austral, mais le Pacifique présen-
tait déjà, à l'époque triasique, des contours peu différents
de ses contours actuels. Nous connaissons ses dépôts litto-
raux ou sublittoraux de l'époque jurassique sur toute la
côte occidentale de l'Amérique.
Le trait dominant de la distribution des terres et des
mers jurassiques, c'est l'existence d'une grande mer plus
ou moins parallèle à l'équateur, reliant l'Inde à l'Amérique
centrale en comprenant toute la région qu'affecteront à
l'époque tertiaire les plissements alpins (Atlas, Espagne,
Alpes, Karpates, Balkans, Crimée, Asie Mineure, Cau-
case, plateau Iranien, Himalaya), Neumayr a donné à cette
mer le nom de Méditerranée centrale. M. Suess a mon-
tré qu'elle devait encore exister à l'époque éocène, avant
l'effondrement plus récent de l'Atlantique. Le golfe éthio-
pique s'en détachait vers le S. et correspondait aux dépôts
jurassiques de Madagascar et de l'Afrique orientale.
Emile Haug.
BiBL. : L. VON BucH, Bev Jura. Deutschlands ; Berlin,
1837 {Denkschr. Akad. Wissensch.). — A. d'Orbigny,
Cours élémentaire de paléontologie stratigraphique ;
Paris, 1849-52, in-18. — A. Oppel, Die Jura formation En-
glands^ Frankreichs und des sûd-westlichen Deutschlands;
Stuttgart, 1856-58, in-8. — Ed. Hébert, les Mers ancienn.es
et leurs rivages dans le bassin de Paris, ou classification
des terrains par les oscillations du sol, 1*'« partie : Ter-
rain jurassique ; Paris, 1857, in-8. — J. Marcou, Lettres
sur les roches du Jura et leur distribution géographique
dans les deux hémisphères ; Paris, 1857-60, in-8. —
F. -A. QuENSTEDT, Dcr Jura ; Tubingue, 1858, in-8. —
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klimatische Zonen wœhrend der Jura-und Kreidezeit ;
Vienne, 1883 (Denkschu d. h. Akad. d. Wiss., t. XLVII).
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formation; Vienne, 1885 (id., t. L). — S. Nikitin, Ueber
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europœischen Jura formation ; Stuttgart, 1886 {Neues
Jahrb. f. Miner., Geol. u. PaldeouL, 1886, t. II). — Du
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des Himalaya und Mittelasiens, 1889 (id., 1889, t. II). —
A. Pavlov et W. Lamplugh, les Argiles de Speeton et
leurs équivalents, 1891 {Mém. Soc. Nnuralistes Moscou,
N. S.,t.V).— C.Fox-Strangways, Horace-B.WooDwARD,
The Jurassic Rocks of Britain, 1892-94 {Mem. of the Geo-
logical Survey of the United Kingdom), 4 vol. .
J U RATS. Nom par lequel on désignait, sous l'ancien ré-
gime, dans beaucoup de villes du S.-O. de la France, les
magistrats municipaux ; leur réunion formait la jurade.
Ce terme, qui est l'équivalent méridional du mot français
jurés, dérive comme lui du htm juratus et s'explique par
le serment qui était requis de ces magistrats.
JURÉ. I. Législation (V. Jury).
II. Droit civil (V. Excuse).
III. Histoire. — Un grand nombre de villes, de com-
munes ou de bourgeoisie, comptaient, dans leur corps mu-
nicipal, des corps désignés par le terme de jurés (jurais),
nom qu'ils tenaient du serment qu'ils prêtaient à leur
entrée en fonction. Tantôt les jurés formaient à eux seuls
le corps municipal et tantôt ils constituaient un collège
spécial à côté du collège des échevins. Dans ce cas, tandis
que les échevins étaient particulièrement chargés de la
justice, les jurés avaient plutôt des attributions admi-
nistratives et de police (V. Communes).
Jurés compteurs (V. Inspecteur des ports).
JURÉ. Com. du dép. de la Loire, arr. de Roanne, cant.
de Saint-Just -en-Chevalet; 631 hab.
JURGENS (Karl-Heinrich) , écrivain allemand, né à
Brunswick le 3 mai 1801, mort à Wiesbaden le 2 dèc.
1860. Auteur d'une grande biographie de Luther (Luther
von seiner Geburt bis %um Ablasstreit ; Leipzig, 1846-
47, 3 vol.), ce fut un champion du parti conservateur au
JURGENS — JURIDICTION
— 332
Parlement national de 4848-49, mais un adversaire résolu
de la Prusse.
JUR6ENSEN(Urban), horloger danois, né à Copenhague
le 5 août 1776, mort à Copenhague le 44 mai 4830. Il
étudia son art à Neuchâtel, Genève, Paris et Londres,
s'établit en 1809 à Copenhague, fut nommé en 4815
membre de l'Académie des sciences de cette ville et obtint,
en 4848, la place d'horloger de la marine royale. Il a
apporté de notables perfectionnements dans la fabrication
des montres et des chronomètres et a publié, outre des
mémoires insérés dans le recueil de l'Académie de Co-
penhague et dans les Astronomische ISachrichten^ les
trois ouvrages suivants : Principes généraux de V exacte
mesure du temps, en danois (Copenhague, 1804, in-4 ;
2« éd., 4839 ; trad. fr., Paris, 4805, in-4 ; 1'- éd., 4838) ;
Mémoires sur Vhorlogerie exacte (Paris, 4832, in-4);
V Horlogerie de précision, en danois (Copenhague, 4842,
in-4). — Ses deux fils, Louis-Urban, né en 4806, et
Jules-Frederik, né en 4808, et son neveu, Georg-Urban-
Frederik^ né en 4818, ont été également d'habiles horlo-
gers, auxquels on doit quelques inventions et perfectionne-
ments et plusieurs mémoires intéressants. L. S.
JURGENSEN (Christian), mathématicien danois, né à
Copenhague le 49 mai 1805. Professeur de mathématiques
à Copenhague et membre de l'Académie des sciences de
cette ville, il a écrit sur le calcul infinitésimal : 1° une
dizaine d'ouvrages en danois, parus à Copenhague ; 2* une
vingtaine de mémoires originaux, en danois et en français,
épars dans le Journal de Crelle et dans les recueils de
l'Académie danoise. L. S.
BiBL. : Catalogue o/'scien^i/icpapers de la Société royale;
Londres, 1869. t. III.
JURIDICTION. I. Jurisprudence. — La juridiction est
le pouvoir donné à un magistrat ou à un tribunal, soit
d'accomplir ou de recevoir certains actes, soit d'instruire ou
de juger les procès. La juridiction est, dans le premier cas
gracieuse, dans le second cas contentieuse. La première
s'exerce en dehors de toute contestation ; la loi impose l'in-
tervention de la justice pour certains actes à cause de leur
importance particulière. C'est ainsi que plusieurs actes du
tuteur doivent être homologués par le tribunal d'arrondisse-
ment; que l'absence doit être déclarée par jugement; qu'un
jugement est nécessaire pour toute rectification à un acte de
l'état civil ; qu'en cas d'absence ou d'incapacité du mari,
son autorisation est remplacée pour la femme par celle de
la justice; que tout acte d'adoption doit être homologué par
jugement du tribunal et par arrêt de la cour, etc. La juri-
diction contentieuse suppose au contraire une contestation
et elle consiste dans le droit de l'instruire et de la juger.
Pour mettre en mouvement la juridiction gracieuse d'un
tribunal, on s'adresse à lui par voie de requête ; une assi-
gnation faite à personne ou au domicile du défendeur est
au contraire nécessaire s'il s'agit d'un procès. Dans le pre-
mier cas le jugement n'a pas autorité de chose jugée par
la raison bien simple qu'il ne juge rien ; dans le second
cas on lui reconnaît cette autorité. Aussi le jugement gra-
cieux ne peut-il pas en principe être attaqué par les voies
de recours, tandis que la loi met ces voies de recours à la
disposition du perdant en cas de jugement contentieux.
La juridiction gracieuse appartient en général au tribunal
civil d'arrondissement qui l'exerce à huis clos, dans une
chambre spéciale appelée chambre du conseil; c'est pour
ce motif que, dans ces circonstances, on donne au tribunal
lui-même le nom de chambre du conseil (V. Chambre du
CONSEIL, t. X, p. 383). Pour qu'un autre tribunal puisse
exercer la juridiction gracieuse, il faut qu'un texte formel
de loi lui en donne le pouvoir; c'est ainsi, par exemple,
que le juge de paix préside les conseils de famille, reçoit
les actes d'émancipation, les contrats d'adoption, etc. Le
droit de juridiction est complété par celui de connaître des
difficultés qui se rattachent à l'exécution des jugements. Ce
dernier droit n'appartient qu'aux tribunaux d'arrondisse-
ment et aux cours d'appel ; aussi dit-on qu'ils ont pléni-
tude de juridiction Les cours d'appel connaissent des dif-
ficultés d'exécution naissant de leurs arrêts toutes les fois
que ceux-ci ont infirmé la décision des premiers juges,
mais elles peuvent, si elles veulent, charger de l'exécution
un tribunal d'arrondissement (C. de procéd., art. 472).
Lorsqu'un jugement d'un tribunal d'arrondissement n'a
pas été attaqué devant la cour ou a été confirmé en appel,
c'est ce tribunal lui-même qui connaît de l'exécution (C. de
procéd., art. 472). Quant aux difficultés qui peuvent
naître de l'exécution d'un jugement d'un tribunal de com-
merce, elles doivent être portées au tribunal civil dans le
ressort duquel se poursuit l'exécution. Supposons par
exemple qu'on exécute dans l'arrondissement de Versailles
un jugement du tribunal de commerce de la Seine : les
difficultés relatives à l'exécution de ce jugement seront
portées au tribunal civil de Versailles. Dans le silence de
la loi et par analogie on applique la même règle lorsqu'il
s'agit d'une difficulté d'exécution, d'un jugement d'un juge
de paix ou de la sentence d'un conseil de prud'hommes.
E. Glâsson.
IL Droit canonique. — L'Evangile rapporte qu'un
homme étant venu prier Jésus de dire à son frère de par-
tager avec lui leur héritage, Jésus lui répondit : 0 homme,
qui m'a établi pour être votre juge ou pour faire vos
partages ? Et il profita de cette occasion pour recomman-
der au peuple qui l'entourait de se garder avec soin de
l'avarice (Saint Luc, xii, 13-15). Il est peu probable
que le Christ ait jamais voulu attribuer à son Eglise l'au-
torité qu'il déclinait pour lui-même, de juger les différends
des hommes et de régler leurs intérêts en litige. Il avait
maintes fois conseillé à ses disciples d'éviter tout procès à
tout prix, soit en s'accordant avec la partie adverse, si la
réclamation était faite par celle-ci, soit en renonçant d'eux-
mêmes à la revendication de leurs propres droits ou au
redressement des torts dont ils auraient à souffrir. Cepen-
dant saint Matthieu (xvni, 45-17) semble indiquer un
mode de procédure institué par Jésus: « Si ton frère a pé-
ché contre toi, va et reprends-le entre toi et lui seul ; s'il
t' écoute, tu auras gagné ton frère. Mais s'il ne t'écoute
pas, prends avec toi une ou deux personnes, afin que tout
soit confirmé par la parole de deux ou de trois témoins.
S'il ne daigne pas les écouter, dis-le à l'Eglise, et, sHl
ne daigne pas écouter V Eglise, regarde-le comme un
païen et un péager. » Parmi les auteurs qui se sont oc-
cupés de ce texte, les uns ont voulu y trouver le principe
de la juridiction ecclésiastique et de V excommunica-
tion ; les autres en ont contesté l'authenticité, pour la par-
tie qui institue un recours à l'Eglise. Cette question d'au-
thenticité, intéressante peut-être pour les théologiens, n'a
aucune importance pour les jurisconsultes ; car il est clair
que l'office, assigné ici à l'EgUse, ne diffère nullement de
celui des témoins: C'est une simple fonction d'assistance
dans une procédure essentiellement amiable, destinée non
à terminer un procès par une sentence, mais à le prévenir
par une triple tentative de conciliation. Il y manque les
éléments essentiels d'une juridiction. Le chrétien offensé ou
lésé ne gagne en cette procédure que l'avantage, tout mo-
ral, de faire constater son bon droit et sa bonne volonté.
Nul jugement d'ailleurs, nulle sanction, sinon Tautorisa-
tion et la satisfaction intime de regarder son adversaire
comme un païen et un péager. Pour le fond, la cause reste
dans le domaine évangélique primitif de l'abandon du droit
légal et du pardon des injures.
La force des choses, le développement de l'Eglise et les
conditions dans lesquelles s'opéra ce développement, de-
vaient produire ce que son fondateur n'avait point estimé
devoir faire lui-même. Les différends, les contestations sont
inévitables parjni les hommes, même parmi les chrétiens.
De là des procès. L'apôtre Paul rappelle aux chrétiens
la pure doctrine évangélique ; et il leur reproche, comme
un premier défaut, d'avoir des procès les uns contre
les autres : Pourquoi, leur dit-il, ne souffrez-vous pas
plutôt qu'on vous fasse tort? Pourquoi n'endurez-vous
333 —
JURIDICTION
pas plutôt quelques pertes? Cependant il transige avec ce
défaut, réservant toute sa sévérité pour le fait, plus répré-
hensible encore, d'appeler des frères en jugement devant
des infidèles, plutôt que devant les saints : Prenez plutôt
pour juger ceux qui sont les moins considérés dans
l'Eglise, Je le dis pour vous faire honte. N'y a-t-il pas
de sages parmi vous, non pas même un seul, qui puisse
juger entre ses frères (i. Cor., vi, 1-7)? Voilà donc une
juridiction spéciale, instituée pour les chrétiens et impo-
sée à leur fidélité. Constatons que au commencement l'or-
ganisation de cette juridiction était absolument arbitrale.
L'apôtre Paul n'établit en l'Eglise de Corinthe aucune au-
torité pour rendre la justice. Ceux qui ont des contestations
à régler doivent choisir eux-mêmes leurs juges, comme on
fait pour les arbitres. Il serait honteux qu'ils ne trouvas-
sent point un seul sage capable de juger entre ses frères ;
mais, dans tous les cas, les chrétiens qui sont les moins con-
sidérés dans l'Eglise sont préférables aux magistrats des
infidèles. — Ce mode de procéder dut être adopté promp-
tement par tous les fidèles. La nécessité l'imposait à une
société isolée et persécutée comme l'était l'Eglise, au mi-
lieu du monde romain.
Quand la hiérarchie se développa, elle tendit naturelle-
ment à attribuer à ceux qui gouvernaient l'Eglise tout ce
qui constituait un acte d'autorité dans la société chrétienne.
Or, l'administration de la justice est essentiellement un acte
de ce genre. Enlevée à l'autorité civile, elle devait être re-
mise à l'autorité ecclésiastique. Dès lors, celle-ci non seu-
lement exerça sur tous les chrétiens la juridiction discipli-
naire qui appartient légitimement à une Eglise sur tous
ses membres, à raison de leur toi et de leur conduite en
matière religieuse ; mais, de plus, elle se trouva, par l'effet
de circonstances particulières de temps et de lieu, investie
d'une juridiction universelle embrassant tous les intérêts.
Cela se fit d'autant plus facilement, qu'au fond de la plu-
part des litiges il y a une question de morale, de péché,
sur laquelle la religion peut réclamer sa compétence. —
Lorsque Constantin, avec 1 aide de l'Eglise, se fut rendu maître
de tout FEmpire, il ne put songer à dépouiller son alliée
de ce qui lui appartenait avant leur commune victoire. Une
constitution attribuée à cet empereur et datée de Constan-
tinople, année 331, contient ceci: « Nous ordonnons,
comme le déclare d'ailleurs notre édit, que les sentences
des évêques, rendues sur quelque genre d'affaires que ce
soit, et sans avoir égard à l'âge des parties, demeurent tou-
jours inviolables et inattaquables. Que le jugement soit
rendu entre mineurs ou entre majeurs, nous voulons que
nos juges ordinaires en assurent l'exécution. — Quiconque
donc ayant un procès, soit défendeur, soit demandeur,
pendant les plaidoiries ou lorsque la sentence du juge est
prête à être prononcée, demandera le jugement deFévêque,
devra être renvoyé immédiatement sans hésitation devant
Févêque, quand même l'autre partie résisterait, pour juger
les dires des plaideurs. Car il y a bien des choses que les
liens des prescriptions en matière civile ne permettent pas
de scruter, et que l'autorité de la religion examine et dé-
cide. — Que toutes les causes qui sont régies par le droit
civil ou le droit prétorien, terminées par la sanction des
évêques, soient terminées d'une manière stable et perpé-
tuelle, et qu'il ne soit plus permis de revenir sur une affaire
sur laquelle ils auront prononcé. — Que tous les juges
reçoivent sans difficulté le témoignage rendu même par un
seul évêque, et qu'on n'entende point d'autres témoins,
lorsque une partie a invoqué le témoignage d'un évêque.. . »
Les pouvoirs et les privilèges ainsi attribués aux évêques
ont paru tellement exorbitants, qu'on a contesté l'exis-
tence de l'acte qui les leur confère. Notis n'entrerons point
dans les controverses très vives que cette question a susci-
tées parmi les savants et qui ne sont point encore terminées.
La constitution de Constantin nous paraît très vraisem-
blable, exactement adaptée aux réalités de la situation et
du temps pour lesquels elle a été faite. En 331 , beaucoup
de juges étaient encore des païens, et les chrétiens devaient
préférer aux tribunaux, où ces juges siégeaient, la juridic-
tion des évêques, consacrée pour eux par une coutume
ancienne et vénérée.
A mesure que les offices judiciaires furent tenus par des
chrétiens, les juges ordinaires cessèrent d'être suspects à
leurs coreligionnaires. Dès lors, la juridiction exception-
nelle que Constantin avait reconnue aux évêques, devenant
moins nécessaire, devint moins désirée. Des constitutions
postérieures la restreignirent, en matière civile, à une
juridiction arbitrale, adoptée par le libre choix des parties.
La décision rendue, more arbitri, n'était point suscep-
tible d'appel ; mais l'exécution devait être poursuivie
devant les juges ordinaires {Cod, Just., VII et VIII, De
Episcopali audientia). Pour toutes les causes relatives,
de quelque manière que ce fût, aux clercs et aux ques-
tions religieuses, la législation impériale tendait à assurer
aux juges ecclésiastiques la plénitude de la juridiction :
Quotiens de religione agitur, episcopos convertit agi-
tare {Cod, Théod,, I, De Religione). Cette prescription
d'Honorius et Arcadius fut confirmée par une déclaration
de Théodose et Valentinien : Fas non est, ut divini mu-
neris ^ninistri temporalium potestatum subdantur
arbilrio {Cad, Théod,, XLVII, De Episcopis). Une
constitution d'Honorius et Théodose porte que les clercs
ne peuvent être accusés que devant leurs évêques: Clericos
non nisi apud episcopos accusari convenit, Arcadius,
llonorius et Théodose ordonnèrent à la curie de revendi-
quer le clerc que son évêque jugerait indigne de son office
(Cod, Théod., XXXVIIl, De Episcopis); les évêques
reçurent aussi des empereurs Finspection sur la police des
mœurs et de l'honnêteté publique. Ils devaient protéger les
filles ou les esclaves que leurs pères ou leurs maîtres vou-
laient prostituer, la femme libre ou esclave qu'on voulait
forcer à monter sur le théâtre ; ils devaient assurer, con-
jointement avec le magistrat, la liberté aux enfants exposés;
ils intervenaient à la nomination et à la prestation de serment
des tuteurs et des curateurs, soit pour les insensés, soit
pour les mineurs; ils devaient visiter les prisons, une fois
la semaine, s'informer du sujet de la détention, pour
avertir les magistrats de faire leur devoir et, en cas de
négligence, les dénoncer à l'empereur. On leur confia aussi
une surveillance sur Fadministration et l'emploi des re-
venus et des deniers communs des villes, sur la construc-
tion ou réparation des ouvrages publics.
Des documents que nous avons mentionnés, il résulte
que, au v® siècle, l'Eglise était investie d'une juridiction
plénière : 1^ à raison de la personne, sur tous les clercs;
^i<^ à raison de la matière, sur toutes les causes relatives
à la religion. De plus, elle exerçait une judicature arbi-
trale dans tous les litiges qui lui étaient déférés volontai-
rement par les parties intéressées, et un office de pro-
tection en faveur des bonnes mœurs, des faibles, des
incapables, des prisonniers et des cités. Les causes qui
amenèrent les invasions, l'ignorance et la superstition des
barbares convertis, les principes de leurs coutumes, les
formes de leur procédure, le régime étrange que produisit
leur établissement dans FEmpire devaient 'étendre immen-
sément le domaine,, déjà si vaste, de la juridiction ecclésias-
tique. Les barbares gardent les coutumes de leur nation
ou de leur tribu et laissent au peuple conquis la loi ro-
maine, La population des cités se compose presque entiè-
rement des anciens sujets de l'Empire. Qui est mieux placé
que le clergé pour leur appliquer la loi romaine, qui con-
tinue à les régir et que les vainqueurs ignorent ? Le prin-
cipe fondamental de la juridiction germanique, c'est que
chacun soit jugé par ses pairs : nouvelle raison pour
attribuer à FEglise le jugement des clercs. Or le nombre
des personnes appartenant, sous ce titre, à l'Eglise, aug-
mente de jour en jour, par l'effet de causes propres à cette
époque : empressement des hommes à entrer dans les
ordres, engouement des deux sexes pour la vie monas-
tique, surtout connivence du clergé avec les laïques qui
veulent s'affranchir des charges séculières et profiter des
JURIDICTION
~ 334 -
immunités ecclésiastiques. L'Eglise les tonsure, sans les
admettre dans les ordres, et elle les réclame comme ses
sujets et ses justiciables. De plus, le régime établi à la
suite des invasions ayant constitué une sorte de juridiction
immobilière, l'Eglise se trouvait, en qualité de grande pro-
priétaire, investie du droit de justice sur toutes les per-
sonnes vivant dans ses domaines, — La dynastie des
Carolingiens devait élever à son apogée la puissance du
clergé et pousser au terme extrême son ingérence dans
l'administration de l'empire franc. Pour ce qui concerne
la juridiction, un capitulaire, dont la date n'est point exac-
tement connue, mais qu'on attribue à la fin du règne de
Charlemagne, reproduisit les dispositions exorbitantes de
la constitution de Constantin que nous avons citée précé-
demment.. Il éleva la juridiction épiscopale au-dessus de
toutes les juridictions séculières, autorisa tout plaideur, en
toute espèce de cause, à porter son procès au tribunal de
l'évêque, malgré l'opposition de la partie adverse, et défendit
d'appeler du jugement de l'évêque (Baluzii Capitularia,
t. I, p. 983). L'authenticité de ce capitulaire devait être
niée ; elle l'a été très énergiquement et elle l'est encore
aujourd'hui par des auteurs très respectables. Cependant,
cet acte est bien conforme à ce que devait produire la
vieillesse de Charlemagne. Quelle que soit d'ailleurs la
valeur du document, la question n'implique aucune consé-
quence pratique ; car jamais l'Eglise, en ses plus auda-
cieuses prétentions, n'a osé réclamer, dans sa plénitude,
l'exercice de la juridiction concédée dans ce capitulaire.
Au reste, l'autorité de la législation de Charlemagne lui
survécut encore moins que l'effet de ses autres œuvres.
Or, l'heure vint bientôt où, à la place de l'empire écroulé,
il ne resta plus que des débris de souveraineté, recueillis
par la féodalité. Parmi ces débris, le pouvoir judiciaire, le
droit de justice, altaché à la plupart des tiefs. Alors,
outre la juridiction ecclésiastique qu'elle possédait,
comme puissance spirituelle, l'Eglise, comme puissance
féodale, exerça dans ses àormims h justice seigneuriale.
Dès le xn^ siècle, la juridiction ecclésiastique, présidée
désormais par le pape, juge suprême, semblait avoir fait
ses dernières conquêtes : toutes les conquêtes possibles. On
vient de voir ce qu'elle avait déjà pris. Pour obtenir ces
résultats, une opiniâtre et habile persévérance s'était servie
de tous les moyens imaginables, utilisant tour à tour la
vérité et le mensonge, l'Evangile et les Fausses Décrétales,
les conciles et les complots, l'ignorance et même la science.
Il s'était formé à Bologne une école de canonistes, très
savants pour leur époque, très habiles surtout, combinant
avec une merveilleuse dextérité le droit romain avec les
sentences des Pères de l'Eglise, les décrets des conciles
avec les lettres des papes, la jurisprudence avec la scolas-
tique, pour étendre et servir la domination pontificale, et
agrandir l'apanage de la juridiction ecclésiastique, devenue
leur propre domaine. De Bologne, l'art canonique s'était
propagé rapidement dans les autres contrées, et il avait
fournî aux tribunaux ecclésiastiques, non seulement des
juges, mais même des praticiens laïques, fauteurs ardents
et habiles des privilèges cléricaux. Quand l'œuvre exté-
rieure d'envahissement fut terminée, et que la justice laïque
fut dépouillée de tout ce qu'il semblait possible de lui en-
lever au profit de l'Eglise, les canonistes trouvèrent encore
le moyen de glaner de riches gerbes dans ses champs dé-
vastés. Et ce, d'autant plus facilement, que, depuis le
vi^ siècle, l'Eglise avait prodigué les excommunications
contre ce qu'elle appelait les empiétements des laïques sur
sa juridiction, lesquels empiétements n'étaient d'ordinaire
que des résistances à ses propres usurpations.
La tonsure procurait à l'Eghse les laïques et leurs causes.
Les canonistes recrutèrent pour sa juridiction une clien-
tèle plus nombreuse encore parmi les miser ahiles fer-
sonœ, protégés naturels de l'Eglise. Les orphelins et les
veuves, les étrangers et les pauvres, les pèlerins et les
lépreux, les croises et même ceux qui avaient seulement
fait vœu de s'engager dans une croisade avaient droit à
une protection particulière. L'Eglise la leur accordait, en
réclamant toutes les causes qui les concernaient, et en dé-
fendant qu'elles fussent portées ailleurs que devant ses tri-
bunaux. — L'élasticité du mot religion se prêta à d'autres
empiétements. La juridiction ecclésiastique possédait une
compétence incontestée sur les matières spirituelles. On en
fit trois classes : l*^les causes bénéficiales ; 2° les causes
civiles qui dérivaient des sacrements et ainsi appelées, à
cause des conséquences civiles, alors attachées aux sacre-
ments; 3^* les causes criminelles, telles que l'hérésie,
l'apostasie, le schisme, la simonie, le blasphème, le sacri-
lège. Puis les canonistes remarquèrent judi(deusement que
la mission spirituelle de l'Eglise a essentiellement pour
objet de prévenir ou de punir les péchés. Or, comme il est
à peu près impossible de trouver un procès qui ne sup-
pose pas une injustice, un péché, de la part de l'une des
parties, il y a lieu d'admirer chez les juristes ecclésias-
tiques, à titre égal, et l'habileté qui sut tirer parti du
péché pour enlever tant de causes aux juges laïques, et la
modération qui leur en laissa quelques-unes. — • L'Eglise
naturellement réclamait juridiction sur tout ce qui touche
à un sacrement, à un serment, à un acte religieux quel-
conque. La naissance touchant au baptême, le mariage au
sacrement du même nom, la mort à l'extrême-onction ou
au moins aux funérailles religieuses, la justice cléricale
se saisit de toutes les questions relatives à l'état des per-
sonnes : paternité, filiation, légitimité, mariage, adultère,
séparation, validité des actes s'y rapportant, ainsi que des
causes infiniment nombreuses et variées, mais toutes im-
portantes, qui s'y rattachent. A l'occasion des legs pieux,
elle connaissait des testaments et incidemment de la pro-
cédure des successions et des partages, et elle sévissait
contre la mémoire de ceux que les menaces du purgatoire
n'avaient point décidés à lui laisser de pareils legs. Elle
réclamait également les affaires d'usure et de prêt, sous le
prétexte que le prêt à intérêt est interdit par l'Evangile.
— Dans l'mtérèt même de la conscience des juges et par
souci de leur salut, on miagina, pour suppléer à leurs
défaillances, certaines causes mixtes, qui pouvaient être
portées également devant l'une ou l'autre juridiction, mais
pour lesquelles la priorité déterminait, en cas de conflit, la
compétence, ce qu'on appelait alors la préf^<?'aw^^. — L'im-
munité, qui exemptait les clercs de toute poursuite devant
la justice criminelle des laïques, avait été plus ou moins
respectée pendant la première partie du moyen âge ; elle
fut proclamée et observée de la manière la plus absolue,
dès le milieu du xii° siècle. Innocent ÏII déclara même
qu'elle est pour l'Eglise un droit tellement inaliénable, que
celle-ci ne pourrait valablement en consentir l'abandon, et
que toute concession faite par elle, sur cet objet, est radi-
calement nulle. La négligence et l'indulgence dont les tri-
bunaux ecclésiastiques usaient dans la poursuite des méfaits
commis par les clercs leur procura une sorte d'impunité,
même pour les crimes les plus odieux. Les condamnations
elles-mêmes produisaient rarement les peines qu'elles pro-
nonçaient, l'Eglise pouvant toujours accorder l'absolution
à l'égard des effets de ses propres sentences.
Ces usurpations provoquèrent des plaintes, des résis-
tances et des revendications. En 1205, un établissement fut
concerté entre le roi Philippe- Auguste, le clergé et les ba-
rons, pour régler l'exercice de la juridiction ecclésiastique.
En 1235, une ordonnance de saint Louis statua que ses
vassaux et ceux des seigneurs ne seraient point tenus de
répondre aux ecclésiastiques ni à d'autres, en tribunal ec-
clésiastique (en matière profane). Si le juge ecclésiastique
les excommuniait pour ce sujet, il serait contraint, par sai-
sie de son temporel, à lever l'excommunication. Les prélats,
les autres ecclésiastiques et leurs vassaux seraient obligés,
en toutes causes civiles, de tenir le jugement du roi et des
seigneurs. Le pape se plaignit de cette ordonnance, mais
le roi ne la révoqua point. En 1246, les barons se liguè-
rent contre la justice ecclésiastique et s'engagèrent par
serment à ne lui laisser d'autre matière que le mariage,
335 ~
JURIDICTION
Vhérésie et Vusure. Un concile tenu à Montpellier, le
6 sept. 1259, permit une première atteinte à l'immunité des
clercs ; il autorisa le sénéchal de Beaucaire à arrêter ceux
qui seraient pris en flagrant délit de rapt, homicide, in-
cendie et autres crimes'semblables, à la charge de les re-
mettre à la cour de Tévêque. Une assemblée du clergé
réunie à Paris en 4*263 ayant demandé à saint Louis d'or-
donner aux officiers de justice de contraindre, par saisie
de leurs biens, ceux qui auraient été excommuniés à se
faire absoudre dans l'an et jour, sans que les juges pus-
sent prendre connaissance de la cause de r excommu-
nication, il répondit qu'il donnerait volontiers cet ordre
à regardée ceux que les juges trouveraient avoir fait
tort à r Eglise, mais norî autrement. En 1267, ce roi
prescrivit aux clercs, même mariés, de prendre la tonsure
et l'habit clérical, et de s'abstenir de tout négoce, sous
peine d'être privés des privilèges du clergé. En 1290, un
concile assemblé à Paris par le légat du pape déhbéra sur
les plaintes des prélats contre les baillis et les autres offi-
ciers du roi. Une ordonnance royale fut rendue sur cette
matière en la même année. Par ordre du roi Philippe VI
de Valois, des conférences eurent lieu àVincennes (1328-
29), sur les conflits des deux juridictions. Pierre Bertrand,
alors évêque d'Autun, et Pierre Roger, archevêque de Sens
(plus tard pape Clément VI), parlèrent pour les clercs;
Pierre de Cugnières, conseiller du roi et chevalier es lois,
exposa les griefs des laïques : il en énuméra soixante-dix.
Ses conclusions ne furent point formellement adoptées ou
du moins elles n'aboutirent alors qu'à des menaces. Mais
peu de temps après (1332), il fut nommé second président de
la grand'chambre, et dans cet office il attaqua, avec énergie,
habileté et succès, les abus qu'il avait dénoncés. Un édit
de 1371 fit défense aux officiaux de connaître des ques-
tions de propriété et généralement des actions réelles.
L'édit du mois d'août 1d39 indique le point auquel
étaient parvenues alors les reprises de la juridiction sécu-
lière. Loyseau dit que François P^' y réduisit en six
lignes la justice ecclésiastique au juste point de la rai-
son. Art. I. Défense à tous sujets du roi de faire citer les
laïques, par- devant les juges d'Eglise, es actions pures
personnelles, sur peine de perdition de cause et d'amende
arbitraire. Art. II. Défense à tous juges ecclésiastiques,
sur peine d'amende arbitraire, de bailler aucune citation
verbalement ou par écrit, pour appeler les sujets du roi,
purs laïques, èsdites actions pures personnelles. Art. IV.
Les juges ecclésiastiques pourront connaître contre les purs
laïques des matières du sacrement et autres pures spiri-
tuelles et ecclésiastiques. La juridiction ecclésiastique est
maintenue sur les clercs ; mais les clercs mariés et non
mariés, exerçant états ou négoces, seront contraints, comme
précédemment, de répondre en cour temporelle et séculière,
tant en matières civiles que criminelles. L'art. 40 de l'or-
donnance de Moulins (1566) réduisit le privilège de clé-
ricature, par rapport à la juridiction, à ceux qui étaient
dans les ordres sacrés (sous-diacres au moins) et aux clercs
résidant et servant aux offices, ministères et bénéfif^es
qu'ils tenaient en l'Eglise. — Un édit du mois d'avr. 1693
contient un règlement complet de la juridiction ecclésias-
tique ; mais la plupart de ses dispositions ne concernent
que les matières bénéficiales, la hiérarchie, la discipline,
les afl'aires purement spirituelles. L'article XXXIV réserve
aux juges l'Eghse les causes concernant les sacrements, les
vœux de religion, l'office divin, la discipline ecclésiastique,
et autres purement spirituelles. Il enjoint aux officiers
royaux et même aux cours de parlements de leur en
laisser et même de leur en renvoyer la connaissance, sans
prendre aucune juridiction des affaires de cette nature. Ce-
pendant même, pour ces causes, il fait expressément ex-
ception, lorsqu'il y a eu appel comme d^abus contre les
jugements, ordonnances ou procédures des juges d'Eghse
sur ce sujet, ou lorsqu'il s'agit d'une succession ou autres
effets civils, à l'occasion desquels on traiterait de rétat
des personnes décédées ou de celui de leurs enfants. —
Art. XXXVIII. Les procès criminels qu'il sera nécessaire de
faire à tous prêtres, diacres, sous-diacres ou clercs vivant
cléricalement, résidant et servant aux offices ou aux minis-
tères et bénéfices qu'ils tiennent en l'Eglise, et qui seront
accusés des cas qu'on appelle privilégiés (V. Cas privilé-
giés), seront instruits conjointement par les juges d'Eglise
et par les baillis et sénéchaux ou leurs lieutenants, en la
forme prescrite par les ordonnances royales.
Notre ancien droit reposant sur une base essentielle-
ment coutumière, les changements qui y étaient introduits
se produisaient rarement sous forme d'initiative législative.
Les ordonnances des rois ne font ordinairement que con-
firmer les précédents établis par la pratique judiciaire. On
ne procéda pas autrement pour la réduction de la juridic-
tion ecclésiastique. Ce fut dans la procédure et la jurispru-
dence de la justice royale que se trouva le principal instru-
ment de cette réforme. L'entreprise était vraiment difficile,
à cause de la puissance et de l'habileté de l'adversaire qu'il
s'agissait de dépouiller : elle fut conduite avec lenteur,
mais aussi avec une implacable patience, employant avec
persévérance toutes les subtilités et, au besoin, toutes les
impudences que pouvait fournir l'esprit des anciens légistes.
La première difficulté à surmonter était d'attirer et de
retenir devant la justice royale les causes attribuées anté-
rieurement à la justice ecclésiastique : difficulté grande,
puisque les principes admis par tous en cette matière dé-
fendaient d'appeler d'un juge spirituel à un juge temporel.
Pierre de Cugnières, lui-même, disait dans son XIV^ grief:
Nullus a curia prœlatorumappellat ad curiam regiam.
Cependant les sentences ecclésiastiques devaient être pré-
sentées au juge séculier, pour que celui-ci y ajoutât le
mandement qui ordonne aux officiers judiciaires et aux
agents de la force publique de procéder aux actes néces-
saires à l'entier effet du jugement. Cette obligation n'avait,
au commencement, rien de commun avec ïappel d'une
juridiction inférieure à une juridiction supérieure : elle
n'impliquait nullement dévolution au juge royal de la cause
en laquelle avait été rendue la sentence pour laquelle la
formule exécutoire était réclamée de lui ; elle ne lui per-
mettait pas d'en apprécier le bien ou le mal jugé et, par
suite, de la réformer; mais elle lui fournissait l'occasion,
et, en réalité, elle lui imposait le devoir d'examiner atten-
tivement et de décider si le tribunal qui avait prononcé la
sentence était compétent pour statuer sur une pareille
matière, ou s'il n'avait pas, au contraire, usurpé les attri-
butions^ d'une autre juridiction. Dans ce dernier cas, on
déclarait qu'il avait abusé de son autorité, et on refusait
l'exécution à son jugement, lequel se trouvait ainsi, sinon
réformé, au moins infirmé. Dès lors, il ne restait plus au
demandeur d'autre ressource que de porter sa cause devant
un tribunal capable d'assurer l'exécution de ses jugements.
On devine facilement dans quel esprit et avec quelle sévé-
rité la justice royale procédait à l'examen de la compétence
de la juridiction ecclésiastique ; et, tout naturellement, elle
était fort encouragée en cette tendance par les parties qui
avaient perdu leur procès devant les juges d'Eglise.
La déclaration d'abus, incidente à l'exécution d'une
sentence ecclésiastique, paraît contemporaine du réveil de
la justice royale, très ancienne par conséquent. Elle était
restreinte aux questions de compétence ; et il est vraisem-
blable qu'elle pouvait être employée par tous les juges
.devant lesquels on poursuivait l'exécution. Elle amena V ap-
pel comme d'abus, action directe, principale, so\enne\\e,
appliquée seulement à des cas notoires, mais dont le nom,
le moyen et la forme de procéder ne paraissent point,
d'une manière bien certaine, avoir été usités avant Louis XII
et François P^ — Les usurpations et les excès de la juri-
diction ecclésiastique avaient été le sujet premier des dé-
clarations d'abus. Les griefs provenant de cette cause
devaient diminuer, à mesure que le clergé était contraint
et se résignait à restreindre ses prétentions dans l'ordre
judiciaire. Cependant les appels comme d'abus devinrent
de plus en plus fréquents vers la fin de l'ancien régime.
JURIDICTION — JURIEU
— 336
Par suite de ce revers des choses, que l'histoire enregistre
comme la conséquence d'une loi fatale, les abus du clergé
furent remplacés par les abus des magistrats séculiers.
Après avoir restitué à l'Etat la meilleure part de la juri-
diction usurpée par l'Eglise, les parlements envahirent à
leur tour le domaine légitime de l'Eglise, et ils s'immis-
cèrent même dans l'examen de la doctrine et l'administra-
tion des sacrements : favorisés, en ces représailles, par les
conditions d'un régime où le spirituel et le temporel se
trouvaient périlleusement confondus, et où les actes reli-
gieux produisaient des effets affectant, d'une manière très
positive, les intérêts privés et l'intérêt public. La royauté
essaya plusieurs fois d'arrêter les parlements dans cette
voie ; mais elle obtint peu de succès. Aux usurpations des
laïques, le clergé aurait pu, lui aussi, opposer l'appel comme
d'abus ; car le droit à cet appel était réciproque ; mais
l'Eglise ne paraît guère en avoir usé, peu soucieuse d'user
d'un moyen dont l'effet le plus prochain était de porter sa
cause devant ses propres adversaires.
La Révolution française termina ces débats par des
moyens pareillement fâcheux pour les deux parties : elle
supprima les parlements et les officialités. La constitution
civile du clergé (12 juil.-24 août 1790, tit. I) abolit les
ofïiciaux par omission, en ne les mentionnant parmi les
titres et oflices qu'elle déclarait être seuls conservés (art. 20).
Elle statua, en outre, que Tévêque ne pourrait faire acte
définitif de juridiction, ({u' après avoir délibéré avec les
vicaires des églises cathédrales, les vicaires supérieurs et
vicaires directeurs du séminaire, lesquels formaient en-
semble son conseil habituel et permanent (art. 14').
Lorsque l'évèque diocésain aurait prononcé dans son synode
sur la matière de sa compétence, il y aurait heu à recours
au métropolitain, lequel prononcerait dans le synode mé-
tropolitain (art. 3). Ces mesures provoquèrent une vive
opposition de la part des évêques députés à l'Assemblée
nationale. — La loi organique du 10 germinal an X
(8 avr. 1802) affranchit l'autorité qu'elle reconnaît aux
évêques de l'ingérence du conseil institué par la constitu-
tion civile du clergé ; mais, dans sa disposition fondamen-
tale, elle évite à dessein de donner à cette autorité le nom
de juridiction (art. 9) : « Le culte catholique sera exercé
sous la direction des archevêques et des évêques dans leurs
diocèses, et des curés dans leurs paroisses. » Portails, qui
a pris une part si importante à la confection de cette loi, a
exposé lui-même la conception et l'intention du législateur :
« L'Eglise a une autorité innée, une autorité propre, qu'elle
tient de la main de Dieu et qui est purement spirituelle. »
{Discours etrapports^ 196-98.) Il appelle lui-même cette
autorité juridiction ; mais il explique pour quelle raison
la loi organique ne la désigne pas sous ce nom : « La juri-
diction épiscopale est purement spirituelle, elle n'est point
coactive ; elle ne doit avoir aucun caractère de domination,
puisque la domination, même dans les choses spirituelles,
est formellement interdite par l'Evangile aux ministres de
l'Eglise... Donc, on ne peut s'offenser de ce que, au lieu
d'employer le mot de juridiction^ inconnu aux premiers
siècles, on se soit servi d'expressions plus convenables à un
ministère de charité et de persuasion, et qui, par elles-mêmes,
n'excluent aucun des moyens canoniques^ dont V usage
est nécessaire à l'exercice de la sollicitude pastorale et
au gouvernement des âmes. C'est contribuer à taire res-
pecter et à faire aimer l'autorité des évêques, que de la pré-
senter sous un point de vue qui, en écartant toute idée de
coaction proprement dite, ne désigne cette autorité que par
sa douce et heureuse influence sur les esprits et sur les cœurs
(p. 215). » Au reste, la loi organique n'hésite point à em-
ployer le mot juridiction^ quand il s'agit de protéger l'au-
torité des évêques de France contre les entreprises ou les
influences du dehors ou contre les revendications du passé
(art. 10). — Cette loi déclare que « les archevêques et
évêques pourront, avec rautorisation du gouvernement,
étabhr dans leurs diocèses des chapitres cathédraux et
des séminaires. Tous autres établissements ecclésias-
tiques sont supprimés (art. il) » : suppression qui corn
prend évidemment les officialités. — Cette notice ne con-
cerne que la compétence ; pour ce qui se rapporte à l'orga-
nisation et à la procédure de la justice ecclésiastique,
V. Appel comme d'abus. Appellations ecclésiastiques,
Archidiacre, Officialité. E.-H. Vollet.
JURIEN (Charles-Marie, vicomte), administrateur fran-
çais, né à Paris en 1763, mort à Fontainebleau le 16 août
1836. Employé dans les bureaux de la marine avant la
Révolution, il appartint quelque temps, à partir de 1793, au
service des transports mihtaires, rentra dans son ancienne
administration, prit, sous Truguet, une part importante à
l'organisation de la flottille de Boulogne, fut chargé en
1814 de l'intérim du ministère de la marine, devint, sous
la Restauration (qui le nomma vicomte), conseiller d'Etat,
intendant des armées navales, directeur des ports, membre
du conseil d'amirauté, et rentra dans la vie privée après la
révolution de 1830. A. Debidour.
JURIEN DE La Gravière (Pierre-Roch), amiral français,
né à Gannat (Allier) le 5 nov. 1772, mort à Paris le
15 janv. 1849. Simple pilotin en 1786, il conquit rapide-
ment ses premiers grades grâce aux guerres de la Révolu-
tion, devint capitaine de vaisseau en 1803 et, à la tète
d'une division de trois frégates, battit, le 24 févr. 1809,
à la hauteur des Sables-d'Olonne, une escadre anglaise de
six bâtiments. Contre-amiral en 1817, vice-amiral en 1831,
il fut appelé à la Chambre des pairs le 15 nov. 1832 et
rentra dans la vie privée en 1848. A. Debidour.
JURIEN DE La Graviére (Jean-Baptiste-Edraond), ami-
ral français, fils du précédent, né à Brest le 19 nov. 1812,
mort à Paris le 5 mars 1892. Entré au service en 1828,
il devint capitaine de corvette en 1841, capitaine de vais-
seau en 1850, servit avec distinction dans la mer Noire
pendant la guerre de Crimée, après laquelle il fut nommé
contre -amiral (déc. 1855), commanda l'expédition du
Mexique (oct. 1861), ce qui lui valut d'être élevé au grade
de vice-amiral (15 janv. 1862), mais revint en France
après la convention de la Soledad (19 févr. 1862) désa-
vouée par Napoléon ïll. Il n'en demeura pas moins en haute
faveur auprès de ce souverain, qui le prit pour aide de
camp (1864) et lui confia le commandement de l'escadre de
la Méditerranée. Au 4 septembre 1870, l'amiral Jurien
protégea la fuite de l'impératrice. Nommé, le 1*^'' juin 1871,
directeur du dépôt des cartes et plans de la marine, il fut
aussi appelé au tonseil d'amirauté. A la fois très savant
et très lettré, il fut admis à l'Académie des sciences en
1866 et à l'Académie française en 1888. On a de lui
d'importants ouvrages consacrés principalement à l'his-
toire de la marine française : Voyage en Chine pen-
da7it les années -184-1, i848, 1849 et 1850 (1854,
2 vol. in-18); Souvenirs d'un amiral (1860, 2 vol.
in-18), qui oflrent la biographie de son père ; la Marine
d'autrefois (1865, in-i8;; la Marine d'aujourd'hui
(1872, in-18); la Station du Levant (1876, 2 vol.);
les Marins du xv® et du xvi^ siècle (1879, in-8) ; la
Marine des anciens (1880, 2 vol. in-18); les Cam-
pagnes d'Alexandre (1883-84, 5 vol. in-18); la Ma-
rine des Ptolémees et la marine des Romains (1884,
2 vol. in-18); les Derniers Jours de la marine à
rames (1885, in-18); Doria et Barberousse (1886,
in-18); les Chevaliers de Malte et la marine de
Philippe H (1887, 2 vol. in-18) ; les Corsaires bar-
bar esques et la marine de Soliman le Grand (1887,
in-18) ; la Guerre de Chypre et la bataille de Lépante
(1888, 2 vol. in-18) ; les Gloires maritimes de la
France {i^^%^ 2 vol. in-18); les Ouvriers de la onzième
heure (1890, 2 vol. in-18); les Origines de la marine
et la tactique naturelle (1891, in-18). A. Debidour.
JURIEU (Pierre), pasteur protestant, né à Mer le 24 déc.
1637, mort à Rotterdam le 11 janv. 1713. Le nom de
Jurieu est inséparable de l'histoire du protestantisme fran-
çais pendant le règne de Louis XIV. Après de fortes études
à l'académie de Saumur et un séjour en Angleterre, Jurieu
— 837 —
JUHIEU — JURIN
fut successivement pasteur à Mer, à Vitry-le-François et
professeur à Tacadémie de Sedan, qu'il dut quitter pour se
retirer à Rotterdam, où il devint Tun des pasteurs de l'église
des réfugiés français. Il avait compris, l'un des premiers,
les dangers qui menaçaient la Réforme et, pour les préve-
nir, il devint le controversiste ardent, l'écrivain habile, dont
Bossuet devait dire plus tard qu'il était « le tenant du
parti ». Il n'est que peu d'exemples d'une aussi rare puis-
sance de travail et d'un zèle aussi ardent pour la défense
d'une cause vaincue. Au lendemain des longues contro-
verses théologiques qui avaient mis aux prises les calvi-
nistes et les jansénistes, Jurieu comprit que ces questions
abstruses se limitaient à l'école et que la politique en
tiendrait peu de compte. Il avait suivi de trop près les
menées cléricales pour ne pas douter qu'elles ne tendaient
à rien moins qu'à la révocation de l'édit de Nantes et à la
ruine des libertés des réformés. La controverse devait se
transformer et descendre de la discussion érudite à l'expo-
sition rapide et concluante. La publication de la Politique
duclergé de France (1681 ) révéla un écrivain de race, d'une
rare souplesse d'esprit, prompt à l'attaque, nerveux, mor-
dant. Jurieu dévoilait, par des preuves décisives, que le
véritable auteur des maux dont souffraient les protestants
était le clergé, qui demandait au pouvoir de servir ses des-
seins afin d'arriver à la destruction de l'hérésie et à réta-
blir, même au prix de la persécution la plus cruelle, l'unité
de la foi. Bossuet ne devait pas avoir d'adversaire plus
implacable que Jurieu, qui ne lui pardonnait pas de com-
battre des adversaires sans défense, et, de la terre d'exil où
la parole était libre, il ne cessa de le poursuivre dans une
polémique où revivent les passions de ces temps malheu-
reux. L'écrivain protestant ne se laissait pas éblouir par
les affirmations superbes de Bossuet, dont il ne méconnut
jamais la gloire, mais dont il perça à jour les sophismes.
Dans son Préservatif contre le changement de reli-
gion (1680) comme dans ses Lettres pastorales aux
fidèles qui gémissent sous la captivité de Babylone
(1686-89), Jurieu ruine l'argumentation de Bossuet en
montrant avec dédain le néant de son affirmation, base
de l'édifice catholique, que « la vérité est venue d'abord
dans sa perfection ». Il n'était pas difficile à Bossuet de
vaincre en un temps où la nécessité d'être de la religion du
roi était la loi même du royaume ; mais après deux siècles,
si la beauté littéraire a sauvé V Histoire des variations de
l'oubh, il n'en est pas moins vrai que son œuvre de pen-
seur ne lui a pas survécu.
Jurieu, dans sa lutte avec Bossuet, est un précurseur des
libertés modernes, car à sa politique d'intolérance il oppose
ces fières paroles : « Le catholique romain en France, le pro-
testant en Hollande et en Angleterre ne devrait jamais dire :
votre religion est un obstacle invincible à votre fortune. »I1
est remarquable qu'un théologien d'une stricte orthodoxie,
toujours en lutte, même sur la terre d'exil, avec ses col-
lègues, instituant sans cesse des procès en hérésie, ait été
le^défenseur le plus ardent des libertés politiques. On ne
peut s'expliquer que Jurieu soit devenu, pendant le règne
de Louis XIV, le théoricien de la souveraineté du peuple
qu'en mesurant exactement toute la portée de la révoca-
tion de l'édit de Nantes, non se plaçant au point de vue
des pertes si considérables qui en résultèrent pour la France,
qu'en y voyant un acte révolutionnaire qui devait frapper
à mort le principe monarchique et par la main même de
Louis XIV. L'édit de Nantes, enregistré par les parlements,
juré par les rois, était la loi même du royaume, et les pro-
testants ne crurent à la possibilité de sa révocation qu'à la
veille même du jour où l'inique mesure fut prise, à la prière
répétée du clergé. Ce fut alors que Jurieu attaqua avec
puissance le principe de la souveraineté absolue, en mon-
trant que Louis XIV avait perdu ses droits à la royauté en
violant la loi qu'il devait observer. Dès 1685, dans ses
Réflexions sur la cruelle persécution, il se déclare dé-
gagé du lien de fidélité en dédiant ces pages véhémentes
à Dieu, au roi des rois. Les années qui suivirent et qui
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
amenèrent la chute des Stuarts comme la révolution d'An-
gleterre précisèrent ses vues politiques, et il en arriva à
des formules d'une admirable netteté. On ne saurait assez
s'étonner d'entendre un contemporain de Bossuet déclarer,
dans la langue nerveuse du xvii^ siècle, « que le peuple
fait les souverains et donne la souveraineté, donc le peuple
possède la souveraineté dans un degré éminent, car elle
est en lui dans sa source et même dans son premier sujet ».
Ce n'est rien exagérer que de dire qu'il fut un précurseur
du suffrage universel alors qu'il écrivit ces paroles : « Il
faut qu'il y ait dans les sociétés une certaine autorité qui
ne soit pas obligée d'avoir raison pour valider ses actes;
or, cette autorité n'est que dans les peuples. »
Jurieu poursuivait d'une haine violente Louis XIV, et,
s'il eût été en son pouvoir de provoquer une révolution
semblable à celle qui rendit la hberté aux Anglais, elle se
fût produite. Il n'est pas de livre plus révolutionnaire sous
l'ancien régime que les Soupirs de la France esclave qui
aspire après sa liberté (1689), où passent toutes les
nobles indignations de l'exilé contre la tyrannie odieuse
sous laquelle gémit sa patrie. Il y avait dans ce noble livre
une vue si vraie de l'avenir qu'un siècle plus tard, à la
veille de la Révolution française, il fut réimprimé sous ce
titre : les Vœux d'un patriote (1788). Une étude appro-
fondie de la politique de Jurieu montrerait la supériorité
de sa pensée sur celle de Bossuet, qui tenta, mais en vain,
de réfuter son adversaire en l'accablant de ses dédains. Il
est certain que si le protestantisme français ne succomba
pas sous la persécution, la polémique admirable de Jurieu
en fut une des causes les plus déterminantes. Pendant vingt
ans, il fut sans cesse sur la brèche, luttant contre les per-
sécuteurs, sans en redouter aucun, ironique, véhément, et
mettant au service des vaincus une langue admirable de
force et de précision, une érudition peu commune, une dia-
lectique puissante. Ses Lettres pastorales surtout, feuilles
volantes, se répandirent dans toute la France et vinrent
relever le courage des persécutés.
Mais ce n'était pas seulement contre les persécuteurs qu'il
dirigeait ses coups ; ses adversaires théologiques n'étaient
pas mieux traités. Ses différends avec Bayle sont restés
fameux comme ses luttes dans les synodes wallons. Il serait
inutile autant que fastidieux de citer les nombreux ou-
vrages nés de ces déplorables controverses aujourd'hui ou-
bliées. Et cependant, cet écrivain si ardent, ce polémiste
redoutable, s'il eût suivi ses penchants, serait devenu un
mystique. On lui doit un Traité de la dévotion qui fut
classique dans les églises du refuge ; et il avait écrit l'Ac-
complissement des prophéties, explication étrange de
l'Apocalypse. Mais, si l'on peut reprocher à Jurieu ses
haines et ses emportements, la dureté de son orthodoxie,
on ne pourra jamais oublier qu'il fut l'adversaire redoutable
de la persécution religieuse et le précurseur des libertés po-
litiques qui ont fait la France moderne. Frank Puaux.
BiBL. : La France protestante, article Jurieu dans
VEncyclopédie des sciences religieuses.
JURIGNAC. Corn, du dép. de la Charente, arr. d'An-
gouléme, cant. de Blanzac ; 6'2d hab. Eaux-de-vie.
JURIN (James), médecin et physicien anglais, né à
Londres en 1684, mort à Londres le 29 mars 1750. Il
fit d'abord des cours de physique à Newcastle, commença
ses études de médecine en 1709 et fut reçu docteur à Cam-
bridge en 1716. Dès 1717 (ou 1718), il était membre de
la Société royale de Londres, dont il devint par la suite
secrétaire (1721-27). Possédant des connaissances aussi
profondes que variées, il jouit d'une très grande réputa-
tion comme praticien et comme savant. Il s'ingénia à appli-
quer aux recherches physiologiques les ressources du cal-
cul mathématique, et il eut, à l'occasion de quelques-uns
des résultats ainsi obtenus, de vives discussions avec plu-
sieurs de ses confrères. Il fut l'un des plus ardents pro-
pagateurs de l'inoculation de la variole. Il s'occupa aussi
avec succès de météorologie. Ses écrits comprennent :
1° des mémoires parus dans les Philosophical Transac-
22
JURIN — JURISPRUDENCE
338 —
tions (années 1718 et suiv.) et partiellement réunis sous
le titre: Dissertatiojiesphysico-mathematiccB (Londres,
1732); 2^ une douzaine d'opuscules sur des sujets divers
et une édition de la Geograp/iia generalis de Varenius
(Londres, 1712, 2 vol. in-8). L. S.
JUfilPEBA (Bot.). Nom au Brésil du Solanum pani-
culatumL, (V. Solanum).
JURISCONSULTE. Personne versée dans la science du
droit. En général, ce mot s'emploie pour désigner celui
dont les connaissances en cette matière sont particulière-
ment remarquables : c'est en ce sens qu'on dit « tel avo-
cat, tel magistrat est un jurisconsulte ». Par exception,
certains textes de lois prennent le mot jurisconsulte comme
synonyme d'avocat consultant, c.-à-d. donnant son avis
sur une affaire litigieuse. Ainsi, l'art. 467 du C. civ. dé-
clare que le tuteur ne peut transiger au nom du mineur
que sur l'avis de trois jurisconsultes. De même l'art. 468
du C. de procéd. civ. prescrit que, en cas de partage dans
une cour d'appel, on appelle pour le vider trois anciens
jurisconsultes, c.-à-d. trois avocats ayant au moins dix
ans d'exercice à un barreau, car on décide habituellement
que le titre de jurisconsulte n'appartient qu'aux avocats
qui remplissent cette dernière condition, conformément à
l'art. 495 du C. de procéd.
JURISPRUDENCE. Généralités. — Science du droit.
Ce mot s'emploie aussi dans deux autres acceptions moins
générales : 1^ pour désigner l'ensemble des décisions de
justice : ainsi un recueil de jurisprudence est une collection
de jugements ou d'arrêts ; 2^ pour désigner la solution
constante qu'un certain tribunal donne à une question con-
troversée ; dans ce dernier sens, chaque ordre de juridiction
a sa jurisprudence : on dira, par exemple, après avoir indi-
qué la solution de la difficulté, « telle est la jurisprudence
de la cour de cassation ; telle est la jurisprudence des cours
d'appel, ou même : telle est la jurisprudence de la cour de
Bordeaux ». Il est à remarquer, et cette observation a déjà
été faite à propos de l'interprétation des lois, que la juris-
prudence la mieux établie n'a jamais qu'une autorité morale
et doctrinale ; elle est un guide et une lumière pour le
juge, mais elle ne le he pas ; l'art. 4 du C. civ. défend,
en effet, aux tribunaux de statuer par voie de disposition
générale et réglementaire. C'est ce qu'on exprime quel-
quefois en disant que les arrêts sont bons pour ceux qui
les obtiennent, c.-à-d. que ceux qui ne sont pas parties
au procès peuvent toujours espérer une décision contraire.
Mais en fait la jurisprudence a une importance considé-
rable, les tribunaux évitant, par un juste soin de leur
dignité, de se contredire dans leurs décisions sur une même
question. Il n'y a qu'un cas oii la solution donnée par une
juridiction engage une autre juridiction : c'est lorsque la
cour de cassation s'est prononcée deux fois dans un même
sens sur une difficulté entre mêmes parties. Dans ce cas,
en vertu de Tart. 2 de la loi du 1^^ avr. 1837, la seconde
cour de renvoi doit se ranger à son avis. — A la juris-
prudence^ c.-à-d. au droit mis en pratique, on oppose la
doctrine, c.-à-d. le droit théorique expliqué par les
auteurs. F. Girodon.
Enseignement dij droit romain. — L'enseigne-
ment du droit a varié à Rome suivant les époques et, pen-
dant un temps assez long, les Romains ne connurent pas
les écoles de droit. Au début, les pontifes, c.-à-d. certains
patriciens, furent les seuls jurisconsultes; seuls, ils étaient
initiés aux mystères du droit et de la procédure comme à
ceux de la religion, et les préceptes religieux ou juridiques
se transmettaient en secret dans le sein des familles patri-
ciennes chargées de la garde de ces mystères. La publica-
tion de la loi des Douze Tables n'apporta pas à cet état de
choses un changement aussi complet qu'on pourrait le
croire au premier abord. Sans doute, la loi fut désormais
connue de tous; mais la procédure des legis actiones, les
pratiques judiciaires, les dies fasti et nefasti restèrent
connus des seuls patriciens, qui conservèrent ce monopole
avec un soin jaloux pour placer les plébéiens sous leur
dépendance et les obHger à s'adresser à eux toutes les fois
qu'ils devaient ester en justice. C'est seulement en 450 de
Rome que le jus flavianum et en 532 de Rome que le
jus œlianum, contenant tous ces secrets, furent publiés,
et alors, la procédure étant connue de tous, les patriciens
perdirent les derniers restes de leur monopole ; le droit
rompit les attaches qui le liaient à la religion, et on vit ap-
paraître, sous les noms de jurisconsulti, consulti, pru-
dentes^ jure prudentes, des hommes, patriciens ou plé-
béiens, qui s'adonnèrent tout spécialement à l'étude et à la
pratique du droit. Cicéron nous apprend (Pro Murena, 9)
que l'office de jurisconsulte se ramène à quatre points prin-
cipaux : respondere, donner son avis sur les questions
de droit ou de fait qui lui sont soumises ; cavere, faire
connaître les procédures à employer pour sauvegarder son
droit en justice ; agere, assister le client devant le magis-
trat ou devant le juge; seribere, donner des consultations
écrites ou composer des ouvrages de droit. Cicéron ne parle
pas de l'enseignement, et cependant il est certain qu'à par-
tir du moment où la profession de jurisconsulte avait été
ouverte aux plébéiens par la divulgation des actions de la
loi, ceux-ci s'étaient empressés do donner un enseignement
moins secret et plus libéral que celui des patriciens. Le
plébéien Tiberius Coruncanius, ayant été élevé à la dignité
de grand pontife, admit tous les jeunes gens qui voulaient
le suivre et assister à ses consultations, à écouter ses ré-
ponses, à l'accompagner en justice. C'était là un enseigne-
ment exclusivement pratique, comme on le voit, et qui
n'avait aucun caractère officiel ; ceux qui le recevaient s'ap-
pelaient auditores, précisément parce que leur principal
rôle consistait à recevoir les avis donnés par le maître à
ceux qui le consultaient. Toutefois, dès les derniers temps
de la République, on vit certains jurisconsultes accorder
une plus grande place à l'enseignement du droit. Ils s'occu-
pèrent aussi de instituer e, c.-à-d. de donner une ins-
truction méthodique et de instruere, d'habituer leurs au-
diteurs à la rédaction des actes et des formules. Mais il ne
semble pas qu'il ait déjà existé à cette époque des écoles
de jurisconsultes comme il y avait des écoles de rhéteurs.
Toutefois, dès les premiers temps de l'Empire, sous
Auguste, l'enseignement du droit subit une importante
révolution. On vit alors paraître de véritables professeurs
de droit, c.-à-d. des jurisconsultes qui firent de l'ensei-
gnement leur principale occupation. On les appela juris
civilis prof essor es, legum doctores. Il y eut probable-
ment tout de suite des écoles de droit ; toutefois, leur exis-
tence ne nous est attestée par les textes que pour l'époque
des Antonins. Dès cette époque aussi, l'enseignement du
droit était en grand honneur, et les plus illustres juriscon-
sultes s'y adonnaient volontiers. On a soutenu, sans preuves
à l'appui, que pendant les premiers temps de l'Empire, les
professeurs de droit étaient aussi mal vus que les rhéteurs.
La fausseté de cette opinion paraît démontrée par deux
faits : d'une part, comme on vient de le dire, les hommes
les plus éminents s'adonnaient à cette jnfofession ; d'autre
part, il était interdit aux professeurs de droit de réclamer
en justice des honoraires à leurs élèves, à cause de la
dignité de la science du droit. Nous savons par Aulu-Gelle
(Nuits attiques, Xill, 13) qu'il existait, au temps de sa
jeunesse, sous Antonin le Pieux, ou peut-être même déjà
sous Adrien, deux espèces d'écoles de droit, stationes; les
unes, jus publiée docebant, donnaient un enseignement
méthodique, théorique et abstrait ; les autres, jus publiée
respondebant, résolvaient les questions de droit soulevées
par la pratique. D'ailleurs, l'enseignement était partout
public. On a prétendu que les professeurs de droit, dési-
reux de donner à leurs leçons une forme à la fois littéraire
et précise, ne s'abandonnaient pas à l'improvisation; à
l'exemple des rhéteurs, ils auraient rédigé à l'avance leurs
cours et en auraient ensuite donné lecture à leurs audi-
teurs ; les Commentaires de Gains ne seraient autre chose
que les leçons écrites de ce grand maître. C'est toutefois
là une pure conjecture qui a pour tout fondement l'imagi-
339
JURISPRUDENCE
nation de son auteur. Les écoles de droit établies à Rome
paraissent avoir été placées à proximité des bibliothèques
publiques. D'ailleurs, à l'époque classique et jusqu'au Bas-
Empire, la liberté de l'enseignement du droit fut complète :
chacun pouvait fonder une école ou s'y faire attacher comme
professeur. Le jus responderidi avait, au contraire, été
l'objet de réglementations impériales. Toutefois, tout pro-
fesseur de droit devait faire une déclaration à l'autorité
publique de sa profession, s'il voulait jouir des privilèges
qui y étaient attachés. A Rome, les professeurs de droit
étaient dispensés d'être tuteurs ou curateurs ; mais cet avan-
tage était refusé aux professeurs des provinces. Partout les
professeurs de droit étaient exempts des charges imposées
aux municipes et aux incolœ, c.-à-d. des charges qu'on
subissait à raison du lieu de son origine ou de son domi-
cile. Les professeurs étaient rémunérés, non pas par l'Etat,
mais par leurs élèves ; il leur était toutefois interdit, on
s'en souvient, de réclamer leurs honoraires en justice. A
partir des Antonins, les étudiants jouirent des mêmes im-
munités que les professeurs, à la condition de se déclarer,
eux aussi, à l'autorité compétente, c.-à-d., d'après certains
auteurs, à un employé à\i prœfectus Urbi à Rome, d'après
d'autres, mprœtor tutelaris. Ces étudiants suivaient les
cours théoriques, prenaient part aux exercices pratiques,
assistaient leurs patrons dans la préparation des affaires,
siégeaient même, dès qu'ils avaient acquis une certaine ex-
périence, comme assesseurs des magistrats et des juges.
Un grand nombre de professeurs nous sont connus, et il en
est même dont les écrits sont, en partie, parvenus jusqu'à
nous : Labéon, Sabinus, Cassius, dans les premiers temps
de l'Empire; Javolenus, Julien, Pomponius, Mœcianus,
Scœvola, Gains, qui enseignèrent le droit entre les règnes
de Vespasien et d'Antonin le Pieux; Papinien, Saturninus,
Tryphoninus, Paul, Marcien, Florentin, Ulpien, Modestin,
à l'époque de Septime Sévère. Au point de vue des doc--
trines et des tendances, ces jurisconsultes se divisaient en
deux classes : les Proculiens et les Sabiniens (V. ces
mots). Sous cette période classique, les écoles de droit
étaient sans doute publiques, mais elles n'avaient aucun
caractère officiel.
Au Bas-Empire, l'enseignement du droit subit une der-
nière transformation ; à une époc[ue difificilo à préciser, il
y eut des écoles officielles de droit dont les maîtres furent
nommés et payés par l'Etat et sur lesquels l'empereur
exerçait une active surveillance. Il est probable qu'il y eut
à Rome une école publique impériale destinée aux studia
liberalia avant que cet enseignement fût créé à Constan-
tinople ; mais nous ne connaissons pas son organisation,
tandis que la constitution de l'an 425, due aux empereurs
Théodose II et Valentinien III et qui créa cette école à
Constantinople, est parvenue jusqu'à nous (const. 3. C. Th.,
De Studiis liberalibus^ XIV, 9). Cette constitution défend
à tous autres qu'aux professeurs de l'Etat d'enseigner dans
les écoles impériales ; les professeurs privés ne peuvent don-
ner des leçons qu'à leur domicile, sous peine d'être notés
d'infamie et expulsés de la ville. Les empereurs veulent que
la nouvelle école de Constantinople comprenne dix grammai-
riens et trois rhéteurs pour l'enseignement de l'éloquence
romaine, dix grammairiens et cinq sophistes pour la litté-
rature grecque, un professeur de philosophie et deux profes-
seurs de droit. Il est interdit à ces professeurs de l'Etat de
donner un enseignement privé sous peine d'être déchus de
leurs privilèges. Ces privilèges continuent à consister dans la
dispense des charges publiques ; en outre, à l'avenir, les pro-
fesseurs officiels pourront obtenir la dignité purement honori-
fique de comte au bout de vingt ans d'exercice. La constitution
précitée charge le Sénat de la nomination des professeurs,
mais cette nomination doit être confirmée par l'empereur.
Les noms des professeurs de ces écoles de Rome et de Cons-
tantinople ne sont pas parvenus jusqu'à nous. C'est qu'en
effet, à cette époque, l'enseignement et la science du droit
étaient tombés dans un complet état de décadence. Dans la
constitution Omnem (on a l'habitude de la placer en tête
des éditions du Digeste), destinée à réorganiser renseigne-
ment du droit, Justinien nous apprend comment cet ensei-
gnement a été donné auparavant dans les écoles officielles
du Bas-Empire. Il était réparti en quatre années. On en-
seignait aux étudiants de première année les Institutes de
Gains, les quatre livres de l'édit prétorien, ceux qui con-
cernaient la dot, la tutelle, les testaments et les legs et qui
avaient fait la matière du célèbre ouvrage de Massurius Sa-
binus sur l'édit prétorien intitulé Libri très de jure ci-
vili. La seconde année était entièrement consacrée à l'étude
du droit prétorien. Pendant la troisième année, les étudiants
complétaient cette étude en reprenant la théorie des choses
et la procédure dans les parties qui avaient été négligées ;
ils abordaient ensuite l'étude des Réponses de Papinien.
Pendant la quatrième année, il n'y avait aucun cours ; les
jeunes gens étudiaient seuls les livres des jurisconsultes
les plus illustres. Les étudiants de première année s'appe-
laient Diipondii^ expression triviale destinée à désigner
des objets de peu de valeur ; ceux de seconde année, Edic-
taies; ceux de troisième année, Papinianistœ^ parce qu'ils
étudiaient les réponses de Papinien ; ceux de quatrième an-
née, Lytœ^ précisément parce qu'ils étaient dispensés de
suivre les cours (soluti). Tous étaient soumis à une disci-
pline assez sévère. Avant d'entrer à l'école, l'étudiant de-
vait produire, devant les magistrats du cens, gardiens de
la police et des mœurs, un certificat des juges de sa pro-
vince, faisant connaître ses noms, son heu de naissance,
les noms, profession et domicile de ses parents; en même
temps, il indiquait la personne chez laquelle il allait de-
meurer pendant la durée de ses études.
Pour donner une nouvelle impulsion aux études juri-
diques et un certain éclat aux écoles de droit, Justinien,
par la constitution Omnem, ne maintint que trois grandes
écoles, celles de Constantinople, de Béryte et de Rome;
toutes les autres furent supprimées, notamment celles
d'Alexandrie et de Césarée. La constitution de Justinien
n'organise d'ailleurs que les deux écoles de Constantinople
et de Béryte; il n'est parlé de celle de Rome que pour
affirmer les prétentions de l'empereur contre les Barbares.
La constitution Omnem est adressée à huit professeurs de
droit, quatre de Constantinople et quatre de Béryte. Le
nombre des chaires de droit, autrefois fixé à deux, on s'en
souvient, avait donc été augmenté. Presque tous ces pro-
fesseurs de Constantinople et de Béryte, auxquels Justinien
adresse sa constitution, sont restés célèbres, surtout par
la part qu'ils ont prise à la confection des œuvres législa-
tives de cet empereur : Dorothée, professeur à Béryte, un
des rédacteurs du Digeste et des Institutes ; Cratinus, autre
compilateur du Digeste, professeur à Constantinople; Ana-
tole, professeur à Béryte et compilateur du Digeste ; Théo-
phile, qui a pris part aux travaux préparatoires du Codex
vêtus, du Digeste, des Institutes, et qui a laissé sur les
Institutes un commentaire fameux, en langue grecque.
Justinien se vante d'introduire dans l'enseignement du droit
de grands perfectionnements; mais, en réalité, les change-
ments qu'il y apporte se ramènent à peu de chose. Ainsi,
en première année, au lieu d'étudier les Commentaires de
Gains, on s'adonnera à la lecture des Institutes de Justi-
nien; elles ont sans doute l'avantage d'être au courant des
changements de la législation ; mais, au point de vue de la
science juridique ou historique, elles sont bien inférieures
à l'œuvre de Gains. Justinien veut qu'en outre les étu-
diants de première année prennent connaissance des quatre
premiers hvres des Pandectes. En seconde année, le pro-
fesseur a le choix entre deux matières : les instances ju-
diciaires (liv. V à XI du Digeste) ou la théorie des choses
(liv. XII à XIX du Digeste). H doit ensuite aborder quatre
livres à choisir parmi les matières spéciales, libri singu-
lares, et de telle sorte qu'un de ces livres soit pris sur la
dot, un autre sur les tutelles et curatelles, le troisième
sur les testaments, le quatrième sur les legs et les fidéi-
commis. La troisième année comprend celle^des deux pre-
mières matières de la seconde année qui n'y a pas été
JURISPRUDENCE
— 3/iO
expliquée, le livre XX du Digeste sur les hypothèques, le
livre XXII sur les intérêts, les fruits et autres accessoires,
le livre XXI sur l'édit des édiles, les évictions et la stipu-
lation du double. Les matières de ces livres XX, XXt, XXÏI
du Digeste n'étaient pas enseignées avant Justinien. En
outre, l'étudiant de troisième année doit connaître toute
l'œuvre de Papinien telle qu'elle est insérée et distribuée
dans le Digeste. En quatrième année, l'étudiant travaille
directement les matières spéciales des dix livres du Digeste
qu'il n'a pas encore rencontrées. On ne lui donne pas de
leçons sur ces matières ; mais un professeur lui enseigne
les quatorze derniers livres du Digeste ; de sorte qu'à la fin
de cette quatrième année, l'étudiant connaît l'ensemble de
cette immense compilation. La cinquième année est consa-
crée à l'étude des constitutions impériales ; mais l'élève est
assez fort pour travailler seul; aussi n'est-il plus astreint
à suivre aucun cours.
L'étude du droit romain n'a jamais été complètement
suspendue en Italie. Dès les premiers temps qui ont suivi
l'apparition des Barbares, entre les années 438 et 455,
c.-à-d. sous le règne de Valentinien III, on a rédigé les
Sommaires du Code théodosien, aujourd'hui connus sous le
nom de Sommaires du Vatican. L'Interpretatio du Bré-
viaire d'Alaric a été empruntée à des travaux antérieurs qui
ne sont pas parvenus jusqu'à nous et qui témoignent de la
persistance de l'étude du droit romain. On a même soutenu
que la rédaction des Commentaires de Gaius en deux livres
ne serait pas l'œuvre des commissaires chargés par le roi
Alaric de rédiger un code à l'usage de ses sujets gallo-ro-
mains et qu'elle aurait été faite avant eux à l'usage des étu-
diants en droit. Ce qui est certain, c'est que l'école de droit
de Rome existait encore au vi^ siècle, car un édit d'Atha-
laric fixe les honoraires de ses professeurs, et nous possé-
dons de cette école un monument très important, connu
sous le nom de Glose de Turin, écrit probablement entre
les années 543 et 546. L'excellence des définitions et la
précision du langage prouvent que l'école de Rome avait
conservé une méthode pure et une forme élégante, tandis
que celle de Constantinople pratiquait le style byzantin.
Aussi cette vieille glose a-t-elle obtenu un grand succès ;
on s'en est servi jusqu'au xii® siècle pour l'étude du droit
romain. Au xi® siècle, appartiennent les scolies et Para-
titla sur Julien, un Dictatum et la Collectio de tutoribus.
Enfin le Tractatus de actionum varietate se rattache peut-
être aussi à l'école de Rome ; mais on est loin de s'en-
tendre sur l'époque de sa rédaction, car certains juriscon-
sultes la font remonter au vi^ siècle, tandis que d'autres
la placent au xi*'. A partir du vii^ siècle et jusqu'au xi®, on
entre dans une période très obscure. Qu'est devenue la
science du droit romain en Occident, notamment en Italie
et en France? Dans un ouvrage qui restera à jamais célèbre,
l'illustre Savigny a soutenu qu'en Occident, sans tomber
dans un oubli complet, et tout en continuant d'être cité dans
la pratique, le droit romain avait cessé d'être l'objet d'études
vraiment scientifiques. Mais, de nos jours, cette doctrine a
été vivement attaquée ; d'après certains savants, l'étude du
droit romain a persisté en Italie et même en France pen-
dant cette première partie du moyen âge, et il existait même
dans ces pays des écoles où se donnait un enseignement
doctrinal sérieux. On a même fait des gloses avant les glo-
sateurs, et quelques-unes, a-t-on dit, seraient même dignes
de l'école de Bologne. Il y a là, à notre avis, une évidente
exagération. Les écrits de cette époque reculée, parvenus
jusqu'à nous, sont souvent de dates incertaines ; mais il
n'en est pas un seul qui présente un caractère scientifique
sérieux. Ce sont, en général, des gloses purement gram-
maticales, souvent inintelligibles, parfois même ridicules.
Enfin, ces travaux écrits portent toujours sur les Institutes
ou sur le Code ; pas un ne concerne le Digeste. Il est fort
possible que les praticiens aient connu le Digeste et ne s'en
soient pourtant pas servi précisément parce qu'il contient
souvent des principes purement théoriques et an 'il entre
dans de minutieux détails.
Mais, malgré la nullité de tous ces travaux écrits, il exis-
tait dans certaines écoles un enseignement de droit romain
d'une valeur incontestable ; il n'était pas donné spéciale-
ment en vue des besoins de la pratique, mais avait encore
un objet plus élevé et purement théorique. On en a la preuve
par les écrits de certains canonistes. Le droit romain était
sérieusement enseigné à l'abbaye du Bec en Normandie ; il
avait probablement pour base le Bréviaire d'Alaric auquel
enjoignait quelques autres sources. Yves de Chartres, qui
étudia dans celte célèbre abbaye, cite volontiers dans ses
écrits les Institutes, le Code et certaines parties du Digeste,
celles qui^ appartiennent au Digestum vêtus. L'école de
Rome avait sans doute perdu tout son éclat au xi^ siècle ;
mais elle avait été remplacée par celle de Ravenne, qui oc-
cupa le premier rang jusqu'au xii« siècle. A la même époque,
prospérait aussi une école lombarde à Pavie. Les juriscon-
sultes de cette école se sont attachés à réunir des collec-
tions d'édits des rois lombards et des capitulaires ; quel-
ques-uns se sont consacrés aux formules. D'ailleurs, les
jurisconsultes de cette école ne nous sont connus que par
leurs prénoms, Guillaume, Hugue, Bonfils, etc. H s'est aussi
formé, vers le dernier tiers du xi^ siècle, une école lom-
barde, non loin de Bologne, près de la frontière de la Ro-
magne, dans les Etats de la comtesse Mathilde, assez proba-
blement dans l'illustre abbaye de Nantola. Les jurisconsultes
de ce temps connaissaient et étudiaient le droit romain avec
un certain soin, mais ils avaient le double tort de ne pas se
reporter aux sources mêmes de ce droit et de mêler ses dis-
positions à celles du droit canonique, aux capitulaires, aux
lois lombardes ou autres. En France, l'état de la science
est le même. Les travaux écrits sur le droit romain sont
presque nuls jusqu'à la veille de la formation de l'école de
Bologne. On ne peut même pas considérer comme de véri-
tables études sur le droit romain les emprunts, d'ailleurs
très fréquents, qui lui ont été faits par les canonistes et par
les rédacteurs de formules. Mais ces emprunts prouvent tout
au moins qu'il a toujours existé, dans les écoles desévê-
chés ou des monastères, un enseignement relativement sé-
rieux du droit romain. Pendant la première partie du moyen
âge, l'étude de ce droit avait été rattachée à la grammaire
ou à la rhétorique; mais, aux xp et xn« siècles, il s'opéra
une véritable rénovation. Le droit prit une existence à part
à côté de la théologie, et les clercs s'y adonnèrent même
avec une telle ardeur que le saint-siège dut intervenir et
leur interdire cette étude pour qu'ils ne fussent pas distraits
de la théologie. La question de l'origine des anciennes uni-
versités de notre pays n'est pas sortie de toutes les obs-
curités qui l'entourent. Ainsi on a affirmé qu'il aurait existé
dès les temps les plus reculés, à Orléans, une école de droit
où l'on aurait enseigné la législation romaine; d'autres
prétendent, au contraire, que cette école daterait seulement
de l'époque à laquelle une bulle du pape Honorius III dé-
fendit l'étude du droit romam à l'université de Paris. La
première opinion paraît préférable, car dans un procès en-
gagé au ix'^ siècle entre l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire
et celle de Saint-Denis, il est déjà parlé de la présence aux
plaids de docteurs en droit d'Orléans et de la province de
Gascogne. L'importance des études juridiques consacrées
au droit romain à cette époque est attestée par des écrits
tels que le Brachylogus, le Livre de Tabingue, le Petrus.
En Normandie et en Angleterre, l'étude du droit romain
n'était pas non plus négligée, et elle jeta même un certain
éclat sous les règnes de Henri I^^ et d'Etienne. Mais sou-
vent il est impossible de savoir si les jurisconsultes dont
les travaux datent de ce temps écrivaient en Normandie ou
en Angleterre; le problème est d'autant plus insoluble,
que parfois on ignore jusqu'aux noms de ces légistes. Aussi,
pour se tirer d'embarras, dit-on que les écrits de ces juris-
consultes, tels que VUlpiamis de edendo, un traité De
Actionum varietate, la Summa decreti lipiensis, la
Practica legum et actionum de Guillaume deLongchamp
appartiennent à l'école anglo-normande.
On remarquera qu'en Normandie, comme dans le reste
de la France, en France comme en Italie, le droit romain
s'était en partie conservé pendant la première période du
moyen âge sous l'influence de TEglise. On le cultivait dans
les monastères et on l'appliquait dans les juridictions ecclé-
siastiques. Il ne faut pas non plus oublier que le droit ro-
main était resté la loi commune en Italie et dans le midi
de la France. Mais, si le droit romain vivait, il ne prospé-
rait pas. C'est seulement au y,n^ siècle que son étude prit
tout à coup en Italie un nouvel essor. Ce fut la conséquence
naturelle de l'état florissant où se trouvait alors ce beau
pays. Pendant des siècles, l'Italie avait été courbée sous le
joug de la domination étrangère. A partir du x® siècle, elle
avait commencé à respirer librement ; ses villes jouissaient
d'une sérieuse indépendance et même d'une véritable sou-
veraineté, grâce à un régime municipal fortement organisé ;
la papauté était devenue le centre d'attraction de l'Europe
occidentale ; le commerce et l'industrie avaient pris un dé-
veloppement inconnu depuis des siècles et faisaient, de toutes
parts, affluer la richesse dans les villes. Il est tout naturel
qu'au milieu de ce mouvement général la science du droit
ait pu se réveiller sans effort. Les écoles de droit, qui
n'avaient jamais complètement disparu, soutenues par de
puissants protecteurs, entrèrent dans une vie nouvelle. La
célèbre comtesse de Toscane, la princesse Mathilde, la
femme la plus distinguée de son temps, voulant imprimer
une nouvelle activité à l'enseignement du droit romain,
choisit un homme déjà parvenu à une certaine répitation,
Irnérius, et lui donna une chaire à l'université de Bologne.
Irnérius professa avec un éclat extraordinaire et composa
des ouvrages importants qui ouvraient une voie nouvelle.
Sa renommée ne tarda pas à se propager dans toute l'Eu-
rope, et des jeunes gens avides de science vinrent de tous
les pays écouter les leçons du maître qui faisait la gloire
de Bologne. Les Français arrivaient par les Alpes Pennines,
les Allemands traversaient les Alpes Rhétiques et les Es-
pagnols débarquaient à Gènes ou à Livourne. Irnérius devint
ainsi le fondateur de la grande école des glossateurs. Ce
n'est pas à dire que sa méthode d'enseignement fût tout à
fait nouvelle ; elle consistait à écrire des résumés ou à
expliquer brièvement un texte au moyen d'une simple an-
notation. Ce système, déjà pratiqué depuis plusieurs siècles,
n'avait toutefois jamais été soumis à une méthode rigou-
reuse. Irnérius, le premier, et ses successeurs immédiats
lui donnèrent un caractère vraiment scientifique. Parmi
eux, il en est quatre qui sont restés célèbres sous le nom
des quatre docteurs : Bulgarus, Martinius, Jacobus, Hugo.
On peut encore citer Azon, Hugolinus, Rogérius, Cypria-
nus, Placintinus et surtout le célèbre Accurse, qui com-
posa une glose générale au moyen d'un choix fait parmi
celles de ses prédécesseurs. Mais à partir d'Accurse com-
mence la décadence pour l'école des glossateurs, bien qu'on
puisse encore citer un grand nombre d'autres noms que
Savigny a soigneusement relevés dans son Histoire du
droit romain au moyen âge.
A la méthode des glossateurs et par esprit de réaction
contre elle, on ne tarda pas à opposer celle des bartolistes
ainsi appelée du nom de son inventeur Bartole. Son école, au
lieu de suivre, comme celle des glossateurs, dans ses expli-
cations exégétiques ou même dans ses traités, les textes
du droit romain, s'en affranchissait facilement, les perdait
volontiers de vue, construisait des doctrines souvent ori-
ginales, mais par cela même étrangères au droit romain.
En réalité, l'école de Bartole en était revenue, avec plus
de science et d'habileté d'ailleurs, et en outre, sous la
forme de la scolastique, à une méthode assez semblable à
celle qui était pratiquée avant les glossateurs. On s'éprit,
en France comme en Italie, de la méthode de Bartole, qui
laissait plus de liberté à l'intelligence en la dégageant de
l'attache servile au texte. Mais le succès de Bartole ne
devait, lui aussi, avoir qu'un temps. L'occasion se présenta
de combattre cette méthode à la renaissance des lettres. Le
xvi<^ siècle a été celui des révolutions dans l'ordre juri-
dique et judiciaire, comme dans l'ordre religieux, philoso-
— 341 — JURISPRUDENCE
phique, littéraire et artistique. Les jurisconsultes français
ont pris une large part à ce grand mouvement intellectuel
du xvi^ siècle, qui a donné à la France le premier rang
dans la science du droit comme dans les lettres et dans les
arts. Pendant le moyen âge, la première place avait appar-
tenu, sans aucune contestation possible, aux deux grandes
écoles italiennes d'Accurse et de Bartole. Au xvi® siècle,
l'Italie passa au second rang ; mais d'ailleurs l'école de
Bartole, avec ses procédés scolastiques et ses systèmes
souvent aventureux, fut attaquée en Italie comme en France.
Alciat y fit comprendre la nécessité des études littéraires
et historiques. Comme tout innovateur, il rencontra une
vive opposition; mais soutenu par des philologues, tels que
Policien, Laurent Valla et leurs émules, Alciat attira à
son école un certain nombre de disciples qui ne tardèrent
pas à devenir des maîtres, Ferretus, Marianus, Socinus,
Torelli, Muretus, Pancirole. En France aussi, on ne vou-
lait plus de ces subtilités de la scolastique ; on avait re-
connu les dangers qu'il y avait à fondre le droit romain
dans la législation féodale et les coutumes : on voulait re-
venir au classique dans le droit comme dans la littérature.
A cet effet, il fallait dégager les œuvres des jurisconsultes
romains de tout ce que le moyen âge y avait ajouté et ré-
tablir les textes dans leur pureté primitive. On avait re-
connu aussi que l'étude de la littérature, de l'histoire, de
la philosophie antique, jetait un jour tout nouveau sur des
institutions ou des lois jusqu'alors mal comprises. L'en-
seignement d'Alciat à Bourges eut un grand retentissement;
il prépara la fondation de l'école exégétique et historique
dont Cujas a été le plus illustre représentant. Ce fut l'uni-
versité de Bourges qui devint la capitale et le centre de
cette activité scientifique, grâce à la duchesse de Berry,
Marguerite, fille de François P"^, qui avait hérité de son
père de l'amour des lettres et des sciences. Les autres uni-
versités de France suivirent le même exemple, mais sans
jamais parvenir à grouper autour d'elles autant de noms
célèbres que celle de Bourges. Il arrive assez souvent qu'un
même nom appartient à plusieurs centres scientifiques;
cela tient à ce qu'au xvi® les professeurs passaient facile-
ment d'une université dans une autre; tantôt ils étaient
appelés par la munificence d'un prince ami des sciences,
tantôt ils venaient demander un refuge contre les dangers
que leur faisaient courir les guerres civiles. 11 leur arrivait
même d'aller enseigner à l'étranger, et plus d'un de nos
grands jurisconsultes du xvi^ siècle est resté célèbre par
l'enseignement qu'il a donné en Allemagne. A Bourges, le
nom de Cujas domine tous les autres. Ce n'est pas ici le
heu de faire connaître sa vie et ses travaux (V. Cujas).
Retenons seulement que Cujas a été et est resté, pour la
France comme pour l'étranger, le modèle de l'exégèse. Il
possède au suprême degré l'art d'expliquer un texte, de
le rendre clair, d'en faire sortir toutes les conséquences
qu'il comporte, de le rapprocher d'autres dispositions sem-
blables ou différentes, le tout sous une forme toujours très
nette, facile à lire, parfois même élégante. Il ne s'agit plus
d'écrire de simples gloses ; ce sont de véritables traités
exégétiques qui remplacent les annotations d'Accurse et de
ses disciples. Il importe surtout de se débarrasser de la
forme scolastique et de reconstituer le droit romain dans
toute sa pureté.
Aussi Cujas et son école sont-ils les ennemis acharnés
de tout ce qui touche par un côté quelconque à la méthode
synthétique appliquée à l'étude du droit romain. Ils n'ac-
cusent pas les bartolistes d'avoir écrit des traités didac-
tiques, car les glossateurs, eux aussi, avaient composé
des ouvrages de cette nature, mais ils n'avaient recouru
à cette forme que pour des matières sur lesquelles le
plus souvent le droit romain faisait à peu près défaut,
notamment pour la procédure civile ou criminelle. Les bar-
tolistes, au contraire, avaient étendu la sphère d'applica-
tion des traités didactiques et avaient eu surtout le tort de
mêler le droit romain aux autres branches de la législation,
au droit féodal et aux coutumes. C'est ce second fait que
JURISPRUDENCE
- 342
Cujas reprochait aux bartolistes. Ceux qui restèrent de
son temps fidèles à la méthode synthétique, Doneau et Dua-
ren, tous deux jurisconsultes d'un grand mérite, ont échappé
à ce reproche ; ils ont composé des traités synthétiques de
pur droit romain. A côté de Cujas, représentant de la
méthode exégétique, de Doneau et Duaren, représentants
de l'autre méthode, l'université de Bourges peut encore
citer, mais en les plaçant au second rang, Baron, qui a laissé
de nombreux travaux exégétiques et que Cujas appelait le
Varron de la France; Baudoin, non moins célèbre par ses
écrits que par son refus à Henri III, alors duc d'Anjou,
d'écrire l'apologie de la Saint-Barthélémy ; Boyer, le pre-
mier éditeur de YEpitome des Novelles de Julien et qui,
malgré sa prédilection pour le droit romain, a aussi beau-
coup étudié le droit canonique, la législation des Barbares
et les coutumes du Berry; Leconte, d'une érudition telle,
qu'au dire de Cujas on ne le quittait jamais sans avoir
appris ; Rebuffy et Roussard, ce dernier connu par son
édition du Corpus juris avilis. Tous ces jurisconsultes
sont loin d'être d'une égale valeur, mais ils n'en ont pas
moins formé au xvi^ siècle un groupe vraiment remarquable
à l'université de Bourges; les autres universités ne vien-
nent qu'à une grande distance ; quelques-unes peuvent ce-
pendant citer des noms de jurisconsultes restés célèbres.
L'université de Paris était demeurée étrangère au droit
romain jusqu'au xvi^ siècle et depuis le xiii«. Une bulle
du pape Honorius III avait défendu l'étude du droit ro-
main pour protéger celle de la théologie. Au xvi^ siècle,
on réclama contre cette exclusion. Ramus reprochait à la
faculté des décrets d'être trop scolastique et d'avoir un
enseignement trop limité, et les professeurs eux-mêmes
se joignirent au mouvement général qui se produisit
pour démander l'introduction du droit romain. Un arrêt
du parlement de 1568 fit droit à cette requête. Mais quel-
ques années plus tard l'art. 69 de l'ordonnance de Blois,
rendue en mai 1579, reproduisit de nouveau la défense
d'enseigner le droit romain à Paris et cette prohibition ne
fut levée qu'en 1679. Le droit romain ne fit donc au
xvi^ siècle qu'une courte apparition à Paris. Après l'uni-
versité de Bourges, c'est sans contredit celle de Toulouse
qui se distingue le plus à cette époque, avec les noms de
Coras, très renommé dans son temps pour sa science ; de
Forcadel, qui a eu le tort, d'après certains historiens, de
battre Cujas dans un concours, fait qui lui a valu la répu-
tation de bartoliste contre laquelle protestent ses écrits;
de Grégoire, connu par son Syntagma juris universi;
de Janus a Costa, dont le commentaire sur les Institutes
est resté célèbre et a eu l'honneur d'être édité par Cujas;
enfin de Maran qui a fait en français une réponse à VAnti-
tribonien et d'Hotman qui a écrit des Paratitla sur qua-
rante-deux livres du Digeste. A la différence de Bourges
et de Toulouse, les autres universités de France, malgré
l'éclat incontestable de leur enseignement, n'arrivent pas
à grouper plusieurs noms célèbres ; tout au plus parvien-
nent-elles à en citer un ou deux, et encore sont-ils parfois
d'origine étrangère : à Valence, Bonnefoi, que Cujas tenait
en haute estime; à Grenoble, Govea, d'origine portugaise,
connu par sa controverse avec Ramus pour la défense
d'Aristote; à Pont-à-Mousson, dont l'université avait été
fondée le 5 déc. 1572 par bulle pontificale et confiée aux
jésuites, Pierre Grégoire et surtout Guillaume Barclay,
jurisconsulte écossais qui enseigna aussi à l'université
d'Angers; à Dole, Barthélemi Cinus; à Montpellier, Jacques
Rebuffe et Pierre Rebuffe; à Orléans, Robert, surtout
connu par ses vives et injustes attaques contre Cujas.
Cette belle renaissance de la science du droit au xvi^ siècle
ne s'est pas produite seulement au sein des universités qui
venaient d'être créées ou reconstituées ; elle a été beau-
coup plus générale et s'est manifestée avec un aussi vif
éclat au palais. Les hommes de la loi de la pratique, ma-
gistrats et avocats, se sont adonnés, à cette époque, à
l'étude du droit romain et même à la reconstitution de ses
textes avec la même passion que les savants des univer-
sités. Ce fait ne s'est pas reproduit dans la suite, et le droit
romain n'a plus été cultivé que dans les écoles. Au
xvi^ siècle, François de Conan, seigneur de Coulan et de
Rabestan, maître des requêtes, écrit un ouvrage systéma-
tique sur le droit romain [Commentarii juris civilis);
Barnabe Brisson, d'abord avocat au parlement de Paris,
puis président à mortier, du Faure de Saint-Jory, premier
président du parlement de Toulouse, Mornac, avocat au
parlement de Paris, Denis Godefroy,les deux Pithou,Jean
Dutillet, évêque de Meaux, se sont illustrés par des tra-
vaux scientifiques ou par des publications de textes.
Après ce magnifique épanouissement de la science du
droit au xvi^ siècle, nous tombons en pleine décadence dès
le siècle suivant. On peut citer encore les noms de Jacques
Godefroy, même celui de Domat, bien que les travaux de
ce dernier jurisconsulte se rattachent plutôt à la philoso-
phie du droit. Les autres ne sont que des élèves de Cujas
et ils restent à une grande distance de leur maître, en
s'écartant de la rigueur de sa méthode classique. Le code
du président Favre est une œuvre de pratique plutôt que
de science; le droit romain y est sacrifié et ne sert qu'à
expliquer les besoins de la pratique. D'Espeisses s'attache
aussi dans ses œuvres à accommoder le droit romain au
droit français, et ce tort s'accentue encore davantage dans
les œuvres de Claude Henrys. On reprenait donc les défauts
que Cujas avait si amèrement reprochés aux bartolistes.
Les travaux purement scientifiques sur le droit romain
deviennent de plus en plus rares et n'ont qu'une valeur
secondaire; on s'en tient le plus souvent au commentaire
des Institutes; on n'ose plus s'attaquer au Digeste ni
aux sujets qui exigent une vaste érudition. Hauteserre
n'écrit le plus souvent que des résumés. Dans les univer-
sités françaises, l'enseignement du droit romain est éga-
lement en pleine décadence. Nous en donnerons un seul
exemple : l'enseignement du droit romain étant encore
interdit à Paris, les jeunes gens des familles parisiennes,
qui voulaient être avocats ou magistrats, se rendaient dans
une des universités les plus voisines de la capitale, le plus
souvent à Reims ou à Orléans. On y trouvait des docteurs
régents qui, moyennant de beaux deniers comptants, fai-
saient connaître à l'avance les questions de l'examen;
l'épreuve devenait ainsi inutile et ridicule à la fois. On
attribuait à ces examinateurs cette parole cynique : Suma-
mus pecuniam et mittemiis asinum in patriam. La
partie de l'examen la plus difficile, c'était le voyage, dans
un temps où les communications n'étaient pas faciles, ni les
routes sûres. D'énergiques réclamations finirent par s'éle-
ver de tous côtés, même de la part des universités qui déli-
vraient ces diplômes sans valeur. On pensa que les examens
deviendraient plus sérieux et que les études du droit ro-
main prendraient plus de vie si l'université de Paris avait
le droit d'enseigner la législation romaine. Un édit du
mois d'avril ordonna qu'à l'avenir les leçons publiques du
droit romain fussent rétablies dans l'université de Paris.
Le roi voulait même que le droit français contenu dans les
ordonnances et dans les coutumes y fût publiquement
enseigné. Le professeur de droit français, M. de Launay,
ne fut pourtant nommé qu'en 1680. Sa première leçon fut
une révolution : il enseigna en français, tandis que les
autres cours se faisaient, comme parle passé, en latin, et,
pour justifier cette innovation, il fit remarquer que notre
langue valait bien celle des Romains. Ce qu'il avait dit de
la langue, il le répéta pour le droit. Dans la même leçon
il s'attacha à élever au premier rang le droit coutumier,
législation vraiment nationale et à abaisser le droit romain,
législation étrangère et d'un autre âge qui a besoin d'être
soutenue par le droit français.
La cause du droit romain était définitivement perdue en
France. Désormais on ne le servira plus par désintéresse-
ment scientifique, mais on se servira de lui pour étudier
le droit français. Magistrats et avocats ont abandonné le
droit romain ou ne s'en occupent plus que par accident,
comme par exemple Bretonnier dans son Recueil alpha-
341 —
LITHU^l^IE
Ghi Sâppuhiï, publiée par Schultz (1673); ies diction-
naiFes de Szyrxvid (0i3l), de Ruhig (174-7), de Mielcke
(1800) ; pour le lette, lès ouvrages d'Adolphi (1685) et
surtout dé Stendèr |(1761 et 1783), les vocabulaires ou
dictionnaires de Màncel us (1638), d'Elger (1683), de
Lange (1772-77), 4e Stënder (1789). Pott, le premier,
avait marqué la place dulithuanien dans la famille indo-
européenne ; Fv* Kîi^rschfit (Y. ce mot), étudiant le lithua-
nien en lui-même, donna avec ses Beitrcege %ur Kûnde
der littaûischen Spraéhe (1843-49) le premier ouvrage
scientifique consacré à cette langue. Puis vinrent les tra-
taiïx de Sôhleicher q,bi a|Jerçut, exagéra même riniport|iûce
linguistique du lithlisinién ; son Litauisches haridbuch
(1-887) contient une; rgr^mmaii?e qui, avec celle de Eurs-
chat (1877)^ devront toujours être consultées. Gomme dic-
tionnaires, on a celiïi de^ Nesselmann {lith.'aïh) où les
mj;>l& §ont rangés djans il*o|"d|!)5 éjtyç^Qlogique, et c|lui d(|
Eurschat {ali/4ith.\Qi Hih,-'aïL) ; dans ce dernier, la-
partie allemande-litHuanibnne est supérieure à l'autre. J. e|
k.Juszkewicz en avkientl entrepris un en lithuanien-russe-
polonaiS que la morlj ne Ijeur a pas permis d'achever. *
: Les progrès de la Ijingufstique et de ï'histoirê, la curiosité
toujours croissante pour 'tout ce qui intéresse l'ethnologie
ont suscité de nombi*eux| travaux parmi lesquels il faut
Mgnaler, pour le lithuanien, ceux de MM. Leskienet Bez-
ken berger, qui a édité eti étudié les anciens textes, et les
articles très intéressants ^ très variés que la Société litté-
raire lithuanienne dé Tifsit à insérés depuis 1880 dans
son buUetib. ÏSfous lious icontenterons de renvoyer pour le
prussien a^x ouvragés de| Nesselmann : Die Sprache der
alten Preussen (18te) et Thésaurus linguœ Prussicœ
(1873), pdur le lettej auxl nombreux mémoires publiés par
la Société littéraire jette fondée en 1824 et atïx impor-
tants ouvrages de Eielenktéin, Die lettische Sprache et
Me lettische GrarkmatiL Un dictionnaire lette-alle-
mand et allemand-letfe a été donné par Ulmann et Brasche
(187Ï.80). il. M. Roger.
M tïHotoGiE. — Les inoications de la liîiguistiqtie venant
toujours eii aide aux recherches mythologiques, nèus pou-
vons présumer — etj les 'faits justifient ces hypothèses —
1<* què la mythologie dés Lithuaniens est congénère de
celle des aryens ; 2<l qu'elle apparaît encore aujourd'hui
dans les ct'oyances |iopulaires sOus des formes très an-
ciennes, cbmme la langu(î ; et 3^ qu'elle a uhe affinité
très grande avec la mythologie slave. Toute mythologie
ne faisant cjue répond|re awx questions qu'on peut se poser
sur J'origiûe, lés causes, les relations et la destination
des êtres et des choses, il est clair que dans la mythologie
îithuànieniïé nous retrouVerons ces réponses se présentant
soUs la forme d'idées! prirjaitives, souvent naïves ou enfan-
tines, mais néanmoink noiis donnant l'ensemble des notions
primitives de la scienice ei de la philosophie préhistorique
chez ce peuple. Ges idées élémentaires ressemblent à celles
de toutes les races primitives, spécialement à celles de la
grande souche aryeiine. |Ce qu'on appelle l'animisme,
c-à-d. la personnification de toutes les forces et de tous les
phénomène^ de la nalture ianimée ou inerte, caractérise la
mythologie lithuanieiine a|ussi bien que les autres. Ainsi,
par exemple, nous trouvions dans les chants du peuple
lithuanien dés strophes qiji parlent du mariage de la Lune
(Menuo^ du genre inasCfilih) avec le Soleil {Sauluze,
du genre féminin), dé l'akour de la Lune pour l'Aurore
(Auszrine) et du coulrrouk du Tonnerre (Perkuns) qui, de
son glaive, fend la Li^ne en lui disant : « Pourquoi te sé-
pares-tu du Soleil et âimefe-tu l'Aurore ! » Un autre chant
des Lithuaniens modèles demande au Soleil, en l'appelant
« fille de Dieu » {De\vo d>ukryte)^ pourquoi il se montre
si tard et à quoi il répond! : « J'enterrais les orphelins et
je réchauffais les pajuvres bergers. » Nous trouvons là
quelques personnifications ou, si l'on veut, quelques divi-
nités adorées ou du liaoins connues des Lithuaniens : un
Dieu, probablement lé niêtne Perkuns qui punit le Soleil ;
le Soleil, sous une foiribe féWnine; la Luae, sous une forme
masculine, et l'Aurore. Nous y voyons aussi une explica-
tion toute mythologique et vraiment primitive de la dimi-
nution du disque de la lune. Il y en a beaucoup de sem-
blables dans lés croyances des Lithuaniens modernes^ pour
l'origine, la forme, la couleur de tout ce que présente îé
monde visible. Ainsi les petits silex qu'on trouve dans le
sable, ce sont les mamelles de Latîma, sorte d'esprit mali-
cieux puni autrefois par Dieu pour ses aîoiours avec «n
beau jeune homme. L'arc-en-ciel n'est que la ceinture de
cette même Lmmai(Laumes juosta). Si une mère étouffe
en dormant son nourrisson, c'est la faute dès esprits noô?
tiirnes (féminin naktineia), La mort n'est pas un phé-
nomène naturel et nécessaire": c^est le méfait d'Un eâprit
malicieux (Gi/iW(l, pron. Çw#iÇm^ riçliesse n'est pa^
toujours le fruit d'une ;vie laborieuse et économe, niais elle
est due souvent à l'aide d'un esprit domestique qui a la
forme d'un serpent volant (ifMam^, 'probabléflaèhj dii
polonais Ocwiara) et apporte du blé, de Targent, etc., à
celui qui sait se le rendre favorable. L'étonnante vitalité
du saule est expliquée par lénjytlie suivant : il y avait au-
trefois une femme appelée èimHa (le saule) qui avait des
milliers d' enfants nés de ses mains, de ses jambes, de sa
tête ; une fois, 4âhs un marécagé,,ses pieds s'ettlôhcèrè^^^^
si profondément qu'elle mourut et fut changée en saule^
Ces traits du folklore lithuânieji donnent une idée de la
manière dont; lés phenornènes? de là nâtbrè; sput expliqués
par la mythologie. L'animisme fondamental conduisit le
peuple à prêter aiix forcés naturelles des formes plus pré-
cises et il arriva à les persoiinifier et à se créer des figurés
mythiques ayant un nom et un caractère propre. A éelles
que nous connaissons déjà, ajoutons eh d'autres qui vivent
encore aujourd'hui dans l'esprit désLithuanièns. Ils parlent
de petits esprits domestiques habitant sOiiS' tét'i'e, sortes
de nains qu'ils appeilént Eaukai (pronvcaùUééï); et qui
ressemblent tout àiMtB.nx^Efdmœnnchefi des Allémainds
et aux KfàsnolvÉek polonais. Ils cohnaisseht lé diable
sous des formes diverses {vélnias, Mpszàs, et(i4 » iï ©^1
sans cesse perséciité par PeHîuns qui s'efforce de le trou-
ver et de le foudroyer. Ils parlent d'une céirtaittéZîâ^i'wt^
(ce mot signifie âusSi 'bonheur, chance) qui, pendant le
déluge, sauVa lés deiix aïeux du géliré humuin, nageant
dîiitis une coquille et chassant la souris qui voulait la ron-
ger. Ils parlent encore de iS%^ (mot qui sigûïfie aussi
fardeau et rhume) qui tâqhe de suffoquer les gens pendant
leur sommeil (c'est le cauchemar, le night-mare des
Anglais).
Les annalistes et les historiens nous ont légué une mul-
titude de noms de '« divinités » lithuaniennes ; mais le
plus grand nombre en est mal noté ou controuvé, et les
anciennes sources de la mythologie lithuanienne n'ont pas
encore été suffisamment épurées p^ar la critique. Voici les
plus importances de ces sources : Vûffstan* les vies de saint
Adalbert, Adam de Brème, Kadlubék, Heùri le Lette, la
Ghronique lette, Jean Malala, Dlugosz et autres historiens
polonais,Lasicki (De Dits Samagiûrum), Hartknoch, Prae-
torius, Michalon, etc. Quelques écrivains modernes ont
consacré à ce sujet d'assez grands travaux, comme Narbutt
(en polonais), Veckenstedt (en allemand), Téobald von Roth-
kirch (en russe), etc. ; mais ces ouvrages pèchent ou parla
critique, ou par une connaissance insuffisante du sujet, ou
même par celle de la langue lithuanienne. Les meilleures
recherches sont dues à Mierzynski, à Jucewicz et Dowojna,
Sylvestrowicz (en polonais), à Mannhardt,, Schleicher,
Brugmann et Bruckner (en allemand). Mais on peut dire
en général qu'une étude d'ensemble de la mythologie lithua-
nienne est encore à faire. Jean Earlowicz.
BiBL. : Ethnographie et Histoire. — Watson, Ueber
den lettischen Volsksstamm.:; Mitau, 1822. -r- Voigt, Grâi"-
scfiichte Preussens; Kœnigsberg, 1827.-7-Kœppen, Origine,
langue et littérature des populatiôfis lithuaniennes (russe);
Saint-Pétersbourg, 1827. -—Du même, le Peuple lithuanien
(russe); id., 1851. — Jucewicz, la Lithuanie (polonais);
Vilna, 1846. — Schafarik, Antiquités slaves (tchèque);
Prague, 1836, et allemand ; Leipzig, 1843-44 (contient une
bibliographie des ouvrages antérieurs). — Kraszevskï,
BITHUMIE -- LITIÈRE
sn —
lai^l^ithuanie (polonais) ; Varsovie, 1847-50. — Lelewell,
HUioire de ta, tithuanie^ trad. franc. : Paris, 1861. — Gla-
GAt ^I^îtàUen ùixd die LitàUêr ; Tilsit, 1869. — Weber,.
Preussen mf 500 Jâhrert. -^ De Tbeitsghke, Das Ordens-
land Preus$en^ 1871^ r— E^ald, DieEroberung Preussens
durèfï aie Deutschen, Ï872-75. — Antonovic^, Esquisse
d'une histoire de (a gfa,nde-prîncipauté de Lithuânie
(russe) ; Kiev, 1878. *~ Waeber, Beitrsege zur Anthro-^
pôlogie derjLeiien; Dorpat, 1879. — Érennsohn, Zur
4-ntliropùlogieder trimer; Dorpat, 1883^~Dob:neth, Die
Letten uniéf 4i& DëutéMàn^> 1886, ^ Riohter, Gesehichte
dèr Bdltisohefi Prohinzeiké ^ Lohmeyer, Geêchichte von
Ost ufid Westpreussen ; Gotha. — Rïttioh, les Provinces
ha^ltiques (russe). -^ Pour les ouvrages de Rœpell et
CÀro', Schiemânn, etc., V. la bibl aux articles Pologne,
1745; ~ Pott^ BeLingusùfufnletticâtU'tù. cUW%iGiniB heyiû
c(>rm%enta,U(ii ^dfll^., IHl- -r: Cablp:Wigz,, la. La^ngue H-
thu^éiénne,ipQlpna>iB^^_l^%,---' Geitler,, Litauisohe Stu-
diefi; Pi^%ùè; 1875. --^ yàiLKEt, Die letiiéèHen Sp'ràchrêéié
uuf dèr kUffëchen ; Isehfiiiag^ 1875. — LESKïë#, JDié De^
àlin^tion tm slàvisch^litauischeri, . und germanispUen ,i
I^eipzig, .1876. -7 Der Ahlap.t der WjUfz.elsUben in M^uir
scnen;td:i 1884. — DiéBMûHg'deffiofriirïa iik Ltihui-
schêtii id.f 1892; «^ ÈKèdkNfeR; ij^iM-slaviche Studiën;
Weimari;J,877, -r- Bi^^izen^erger, Beitrsege z!Ur Gesehichte
der, litmiscnenBprache^ Qœttingue, 1877. --- Litauische
PbYschiikgbn, ISpBi 4- PrèîÎlwWiz, J^ieidéUtscHen Béstafid-
thèileiii déû lUMcMn Bprmhm; Géèttlngùe, 1891.^ Weî-
demann,^ Das liba^i^cUe prà?ierî'^îi{m,*r!S;tt*a6boHrg| 1891i -^
Bieltçin^tei.!?, JDi^ Gr^^n^e des leitischenyoikstaYnmes un-
dët léttischén^êjitâche in der Gëàènwârt unà irri iS Jahr-
hundertl Sairit4-Pétèi'sbèu%, 1892. — SfANKiËwioz^ Bi-
bliographie Uth^aniennfi f,lH% à. MOI (polonais) ; Cracoyie^
1889. -r-, pé, nombreux articles dans VArchiv. filr slavi-
schè Philologie' (à partir de t881)j Ëeitfœge zur Kundè der
lit. 8prachei% (à partii* de 1877), etc. ; les Mémoire$ de la
Société, historique 4© MosQqu (russe) ; de rAcadém|e de
3aint-Pétersbour^. (russe), etc.
LlTHÙANips;(Y.]LiTHUAFra^^^
LITlIpET^^If Arcpéolociii;> -^ Lit portatif qpe l'on cou^
vrait opi que l'on décpiiyrait à yolonté. Son usage était
très iréquent au moyen âge dans les nombreux déplace-
?nents que s'imposaient les seîgneprs jles ds^me^ et les per-
sonnes :âgées o.i;f, maWes ;s'en servaient pour éviter les
fetigu^s dp.<^heyal alors que les jpoutes étaient à peine tra-
cées,, Quelquefois les. litières étaient à dçux places en face
l'une de l'anti'e. Elles étaiient le plus sonyent portées par
deux jBheym^? qne Foin attelait au milieu des bâtons ^e t^ar
verse ; d'autres foiâ elles étaient souleyées sur les épaules
de porteurs^ De inêwe que les impératrices romaines yepo-
Litière de voyage.
saient dans les litières, les reines de France s'y asseyaient
quand elles faisaient leur entrée solennelle dans la capitale.
Les litières qui figuraient dans ces cérénionies étaient lar-
gement ouyertes ; celles au contraire qui étaient destinées au
voyage étaient défendues par des rideaux ou par des fenêtres
mobiles» Les peintres^ les fourreurs, les tapissiers et les do-
reurs décoraient à l'envi ces meubles de luxe. La carrosserie
moderne a fait de si grands progrès concernant le confor-
table que les litières sont aujourd'hui délaissées et qu'on ne
les retrouve guère que dans les brancards qui servent à
trat\sporter les pauvres malades à l'hôpital. A. de Ch.
IL Agriculture. — Les litières sont des substances
végétales ou minérales qu'on place sous les animaux^ dans
le double but de leur procurer un couchage hygiénigue et
pour recueillir léui*s excréments en vue de la confection du
fumier (Y. ce Jnot). Les pailles de céréales constituent
les litières les pins employées ; on les préfère en. raison
delenr texture tubuleuse et de leur nature spongieuse qui
fait qu'elles procurent Un couchage moelleux et élastique
et qu'elles absorbent bien les liquides; en ou tre^, elles ren-
ferment une certaine proportion d'azote et d'acide phtas-
phorique, qui ajoute encore à la valeur fertilisante, des
excréments. D'après Boussingault, 100 parties des pailles
de céi-éalesles plus employées renferment:. > -\ ^
Azote, . .........
Acide phosphoîfique.
EROIÈNT
0,M,
0,23
AVOINE
0,^8
421
OfeGE
0,23
0,20
SEIGLE
0,17
045
Voici maintenant, le^ propriétés absorbantes des diffét
rentesf pailles, comparéesrà quelques autres litières assez
fréquemment employées : ) ; j ;
_iaa....i.v,-^
, .désignation'' ,'
NbMBRE
de ïifres d'èau
, ab^o:çbés par
100 kilogr. en
NOI^BRE : .
de kilogr. pou-
vant absqr^er,
la même quan-
tité d'èau
que 100 kilogr.
de, ^^ ,,,^
paille de pie
24 heuïes ;.
Paille dé blé....
220 kilogr.
285 ^: , .
228 .-r
200 --
280 —
212 ^
111 ^ .
2d0 —
600 ^
100 -
. 25 — .
50 -
77 kilogr. ^
: 110 -
80 - ^~i
100 —
2,00 ~- .
110 —
^40 ' ^<^ •
220 *- ^
880 -^ ' ,„
440 -
d'orge* ....,.,,.
— d'avoine
— de colza
— de pois
Fougères ; .
Genêts ,.
Feuilles mortes
Tourbe. : .
Bruyère
^able..
Terre végétale légère.
Les quantités de litière qu'on; doit n|ettre soùs les ani-
maux spift nécessairement très variabies, non. seulement
avec les litières elles-niêmes,, mais encore avec les espèces
de bétail; c'est ainsi qu'il en faudra davantage po.nr les
bêtes bovines, dont les. eîcçrénrents sont très aqueux, que
pour les chevaux et les moutons, dont les déjections sont
plus sèches. La quantité de litière variera également avec
l'alimentation et avec Ja saison. Toutefois, dans les condi-
tions les plus ordinaires, on peut dire qu'il faut donner,
pour vingt-quatre heures: 2 à 4 ^i^logr. de paiUeppur un
cheval ; 8 à 5 kilogr. pour un bopnf ou une vache; 1^8^ à
3 kilogr, pour un porc ; 0^^s5 à 0^'§'6 pour un mouton.
Depuis quelques années, on a appliqué, dan^ certaines
fermes, le hachage de la paille-litière, pratique basée spr ce
f^it que la trop grande longueur des brins entraîne, à uh gas-
pillage souvent onéreux*. Des expériences comparatives,
fp^ites en Allemagne, ont permis de constater qu'au lieu de
4 kilogr. de litière en paille longue pour une bête^bovine
on pouvait suffire à toutes les exigences d'un bon couchage
avec %Hf>^^ de paille hachée. Au point de vue de la pro-
preté également ,1a paille courte présente, sur la paille longue,
une réelle supériorité. Enfin la paille courte absorbe mieux
les déjections. Les fanes des plantes, autres que les cé-
réales, sont assez souvent employées, surtout lorsque les
pailles sont d'un prix élevé; ces litières absorbent moins et
procurent un couchage inférieur; par contre, leur richesse
en principes fertilisants est plus considérable que celle des
pailles, comme le montrent les chiffres suivants :
' - Azote -Ac.phosiiîioriçi. Potasse
Fanes de colza 0,50 0,27 0,97
--- d'œillette...... 0,85 0,23 2,00
— de pommes de terre sèches. 0,50 0,40 0,30
— devesce 1,05 2,28 »
— deféveroles 4,63 0,44 2,00
Pour ces litières, les propriétés absorbantes . étant
d'opinion et de presse, présente de plus larges garanties
d'impartialité et d'indépendance. Enfin", rattribulion aux
citoyens d'une des fonctions importantes de l'Etat est bien
conforme aux principes qui régissent les Etats constitu-
tionnels.
Mais si le jury, après une expérience qui a duré un
siècle, doit être maintenu dans nos institutions, des réformes
pourraient être introduites dans son fonctionnement. On a
proposé de l'associer à l'application de la peine, en fondant
ensemble, pour la délibération, les deux éléments, magis-
trats et jurés, qui composent la cour d'assises, La réforme
préférable consisterait à abolir l'absurde disposition de
l'art. 342 (dernier alinéa), du C. d'instr. crimin. Des
hommes sensés ne peuvent pas se désintéresser des suites
que leur déclaration aura pour l'accusé. Cela est d'autant
plus vrai que les rédacteurs de la loi du 28 avr. 1832
n'ayant pas le temps de reviser, article par article, le
code pénal de 1810, d'une sévérité outrée, s'en sont remis
aux jurés du soin de corriger, dans chaque espèce, par
une déclaration de circonstances atténuantes, la rigueur
excessive du code pénal, tel qu'il existe encore. Il faut
donc que les jurés connaissent la loi pénale. Aujourd'hui,
c'est tantôt le président des assises, tantôt le ministère public,
tantôt la défense, qui indiquent au juré la peine : mais ces
indications sont presque toujours incomplètes, souvent
inexactes. Il faudrait que le président remît au chef du
jury, en même temps que la feuille des questions, une note
indiquant la peine légale et toutes les conséquences qu'en-
traînerait, soit l'addition des circonstances aggravantes,
soit l'admission de l'excuse ou des circonstances atténuan-
tes. Le jury statuerait ainsi en pleine connaissance de
cause et ne serait pas exposé aux surprises regrettables
dont il est parfois victime.
Comment se constitue le jury ? Pour être juré, il faut
une capacité suffisante, une existence considérée et respec-
table et enfin une indépendance complète. Dès lors, on ne
peut pas s'en remettre au tirage au sort, c.-à-d. au hasard
pur et simple, du soin de composer les listes des jurés. Il
faut un choix raisonné : des catégories, outre qu'elles sont
antidémocratiques, amèneraient des exclusions regrettables
et seraient, d'autre part, impuissantes à écarter les indi-
gnes. Qui fera ce choix ? Le gouvernement ne peut s'en
désintéresser, et, d'autre part, si ce sont des agents du
pouvoir qui dressent les listes, il est à craindre que les
noms choisis ne présentent pas toujours des garanties suffi-
santes d'impartialité et d'indépendance. Cette nécessité de
concilier des idées, en apparence contradictoires, est la
raison pour laquelle notre législation a si souvent changé,
depuis un siècle, en cette matière. Chacun des régimes qui
se sont succédé en France a promulgué une loi nouvelle
sur la constitution du jury.
D'après la loi de 1791, tout citoyen pouvait être juré :
les listes étaient dressées par le procureur-syndic du dépar-
tement. Sur la liste, on tirait au sort le jury de douze
membres, chargé de chaque affaire. La constitution de
l'an III exigea, pour être juré, l'âge de trente ans. La
constitution de frimaire an VIII et la loi du 6 germinal
an VIII, modifiant l'organisation politique, modifièrent aussi
celle du jury : les jurés ne peuvent être pris que sur les
listes départementales d'éligibles. Le code pénal, aux mem-
bres des collèges électoraux, adjoignit différentes catégo-
ries d'éligibles : les trois cents plus imposés domiciliés
dans le département ; les fonctionnaires administratifs à
la nomination du roi; les docteurs et licenciés de l'une
des quatre facultés ; les membres et correspondants de
l'Institut, etc. (C. pén., art. 382). Sur la liste générale
ainsi composée, le préfet, quinze jours avant l'ouverture
de la session d'assises, choisissait soixante noms seule-
ment : sur cette liste de soixante noms, on tirait au sort
douze jurés pour chaque affaire. Le choix du jury était, en
somme, aux mains du préfet.
Les lois du 2 mai 1827 et 2 juil. 1828 maintenaient
la liste générale et permanente du jury, comprenant les
345 — JURY
collèges électoraux et les catégories. Dans cette liste, le
préfet choisissait les noms appelés à composer la liste
annuelle, sur laquelle on tirait au sort, chaque trimestre,
quarante membres destinés à former la liste de la session.
La révolution de 1830, en abaissant le cens électoral,
augmenta la liste générale. Le décret du 7 août 1848
décida que la liste générale comprendrait tous les citoyens,
âgés de trente ans, jouissant de leurs droits, sauf les illet-
trés et les serviteurs à gage. La liste annuelle de chaque
département doit comprendre un juré par deux cents habi-
tants. Elle est formée au moyen de listes cantonales. Dans
chaque canton les jurés sont désignés par une commission
composée de: 1° le conseiller général du canton, prési-
dent ; 2® le juge de paix, vice-président ; 3° deux membres
de chacun des conseils municipaux du canton, choisis par
leurs collègues. L'élément électif avait donc une part pré-
pondérante dans le choix des jurés.
Aussi l'Empire s'empressa-t-il de changer cette orga-
nisation du jury. La liste générale permanente est suppri-
mée par la loi des 4-10 juin 1853 ; mais, en principe,
tout citoyen âgé de trente ans et jouissant de ses droits
civils et politiques, est capable d'être juré. La commission
cantonale ne fait plus qu'un travail préparatoire : elle se
compose du juge de paix, président, et des maires du can-
ton ; toutes personnes à la nomination du gouvernement.
Les listes dressées par elle, et comprenant trois fois plus
de noms que le contingent de jurés afférent au canton,
sont centralisées au chef-lieu d'arrondissement. Là, une
commission, composée du préfet et du sous-préfet et des
juges de paix de l'arrondissement, tous agents du gouver-
nement, établit la liste de l'arrondissement, qu'elle prend
par voie d'élimination sur les listes cantonales. L'élément
électif a donc entièrement disparu dans la formation des
listes du jury : elles sont dressées par des fonctionnaires
de l'ordre administratif. Ce système dura autant que
l'Empire.
Le gouvernement de la Défense nationale, par un décret
du 14 oct. 1870, remit en vigueur le décret de 1848. La
loi qui régit actuellement le jury est celle du 21 nov. 1872;
elle a emprunté à la loi de 1853 la formation des listes à
deux degrés ; elle a diminné la part faite, par le décret de
1848, à l'élément électif, dans les commissions cantonales.
Elle a donné la prépondérance à la magistrature dans la
commission d'arrondissement.
Tout citoyen âgé de trente ans peut, en principe, être
juré, à moins qu'il ne se trouve dans un des cas d'incapa-
cité ou d'incompatibilité établis par la loi. La liste annuelle
du département est formée par la réunion des listes d'ar-
rondissement, qui, elles-mêmes, s'établissent par voie
d'élimination sur les listes cantonales. Un arrêté du préfet
fixe, chaque année, pour chaque canton et chaque arron-
dissement, le contingent de jurés qu'ils doivent fournir
(loi du 21 nov. 1872, art. 7). Il y a un juré par
500 hâb., avec minimum de 400 et maximum de 600 par
département, sauf pour la Seine, oîi le nombre des jurés
est de 3,000 (art. 6). La commission cantonale se com-
pose, sauf pour les communes divisées en plusieurs can-
tons et pour Paris, où des règles spéciales s'imposaient
(art. 8 et 9), du juge de paix, président, de ses suppléants
et des maires du canton, tous élus par leurs conseils mu-
nicipaux (art. 8). Elle dresse, pour le canton, une liste
contenant deux fois plus de noms que ne le comporte le
contingent du canton : cette liste peut être consultée par
le public (art. 10). Les listes cantonales sont réunies au
chef-lieu d'arrondissement où le travail définitif est fait
par une commission composée : du président du tribunal
civil, président; des juges de paix et des conseillers géné-
raux de l'arrondissement, ceux-ci devant en cas de besoin
être remplacés par les conseillers d'arrondissement (art.l 1 ).
Outre qu'elle éliminera nécessairement un sur deux des
noms inscrits sur les listes de canton, la commission d'ar-
rondissement a le droit de porter des noms nouveaux jus-
qu'à concurrence d'un quart, sur chaque liste cantonale ;
JUKY
346 —
elle peut même diminuer d'un quart le contingent d'un
canton et augmenter d'autant celui d'un autre canton
(art. 13). Il est de plus formé au chef-lieu des assises du
département une liste spéciale de jurés supplémentaires,
qui est dressée directement par la commission de l'arron-
dissement et qui ne doit comprendre que des habitants de
la ville. Elle comprend 300 jurés à Paris, 50 dans les
autres départements (art. 45). Les listes d'arrondissement
se centralisent au greffe de la cour ou du tribunal chargé
de la tenue des assises et ce avant le i®^ déc. : leur réu-
nion forme la liste du département pour l'année suivante
(art. 14). C'est de cette liste que sera extraite, tous les trois
mois, la liste de session. Dix jours au moins avant l'ouver-
ture des assises, trente-six noms sur la liste du départe-
ment et quatre noms sur la liste supplémentaire sont tirés
au sort par le président de la cour d'appel ou du tribunal
(loi du 24 nov. 4872, art. 48). Si à ce moment il sort
de l'urne les noms d'un ou plusieurs jurés ayant déjà
siégé pendant l'année courante ou l'année précédente, ils
sont immédiatement remplacés sur la liste de session par
les noms d'un ou de plusieurs jurés tirés au sort (loi du
34juil. 1875).
Ce qui caractérise la loi de 4872 sur le jury et la dis-
tingue de toutes celles qui l'ont précédée, c'est, dans la
composition des commissions cantonales et d'arrondisse-
ment, le mélange de l'élément électif (maires, conseillers
généraux) avec l'élément judiciaire (président du tribunal,
juge de paix) et la prépondérance qui, en définitive, y est
donnée à ce second élément. Elle fut l'objet de vives atta-
ques, lors de la discussion de la loi. Du moment, disait-on,
que le jury avait été institué parce que la magistrature ne
paraissait pas propre à juger un grand criminel, il y avait
contradiction à faire choisir les membres du jury par des
magistrats. Il y avait à craindre que la rigueur de la
répression ne fût excessive, les choix se portant sur les
jurés les plus enclins à la sévérité. Il y avait théorique-
ment du vrai dans cette critique: en fait, les craintes
exprimées ne se sont pas réalisées. La rigueur de la répres-
sion n'a pas augmenté ; on a pu faire au jury plutôt le
reproche contraire. Mais, dans son ensemble, l'organisa-
tion créée par la loi de 4872 a donné de bons résultats.
Bien que tout citoyen âgé de trente ans soit apte à faire
partie du jury, la loi en élimine un certain nombre pour
des raisons diverses : incapacité, incompatibihté, causes
d'exclusion ou de dispense. Les incapacités sont énumérées
dans l'art. 2 de la loi de 4872: condamnation à une peine
criminelle ou à une peine correctionnelle pour faits quali-
fiés crimes par la loi ; condamnation aux travaux pubhcs
pour un militaire, condamnation correctionnelle quelconque
(amende ou prison) pour certains délits entachant sa pro-
bité ou contre les mœurs (loi de 4872, art. 2, § 5), con-
damnation à plus de trois mois de prison pour un délit
quel qu'il soit. Sont également incapables : les officiers
ministériels destitués, les faillis non réhabilités, les indi-
vidus en état d'accusation ou de contumace, les individus
sous mandat d'arrêt ou de dépôt, les interdits, etc. Les
incapacités sont perpétuelles. De plus, les individus con-
damnés à moins de trois mois d'emprisonnement pour un
délit n'entachant pas l'honneur et la probité, et les con-
damnés à l'emprisonnement, quel qu'il soit, pour délits de
presse ou politique, sont incapables d'être jurés pendant
cinq ans. — L'art. 3 porte que les fonctions de juré sont
incompatibles avec un certain nombre de fonctions poli-
tiques, administratives ou judiciaires, telles que : député,
ministre, conseiller d'Etat, préfet, sous-préfet, secrétaire
général, conseiller de préfecture, conseiller à la cour de
cassation ou des cours d'appel, juge ou suppléant de tri-
bunaux civil et de commerce, officier du ministère public,
commissaires de police, ministres des cultes reconnus, mi-
litaires de tous grades en activité de service, etc. L'art. 4
exclut des listes les domestiques et serviteurs à gage, ceux
qui ne savent pas lire et écrire en français. Enfin l'art. 5
déclare dispenser des fonctions de jurés les septuagénaires.
ceux qui ont besoin pour vivre de leur travail manuel et
journalier, ceux qui ont rempli les fonctions de juré pen-
dant l'année courante ou l'année précédente. La présence
d'un juré frappé d'incapacité dans un jury est une cause
de nuUité du verdict et de toute la procédure devant la
cour d'assises ; il en est autrement pour les exclus et les
dispensés des art. 4 et 5 de la loi de 4872.
Tous les trois mois, dix jours au moins avant l'ouverture
des assises, le premier président de la cour d'appel ou le
président du tribunal où doivent siéger les assises tire au
sort, sur la liste annuelle du département, les noms des
quarante jurés (36 sur la liste ordinaire et 4 sur la liste
des jurés supplémentaires). La notification est faite à chaque
juré par les soins du préfet, huit jours au moins avant
l'ouverture de la session. Au jour fixé, les jurés doivent se
transporter dans la salle des assises, et la cour procède
alors à la formation définitive de la liste de session. La
sanction de l'obligation de se présenter est, pour la pre-
mière fois, une aniende de 500 fr., pour la deuxième fois
de 4,000 fr., et la troisième fois de 1,500 fr.,plus l'inca-
pacité d'être désormais juré (C. d'instr. crim., art. 396).
La cour, à ce moment, raye de la liste les noms des décé-
dés, des incapables ou de ceux qui rempliraient actuelle-
ment des fonctions incompatibles avec celles de juré. Elle
statue sur les excuses qui seraient présentées (C. d'instr.
crim., art. 397). Si les radiations opérées avaient pour
effet de réduire la liste à moins de trente noms, il y aurait
lieu de la compléter de suite à ce nombre par l'adjonction
de jurés pris sur la liste des jurés de la ville, dans l'ordre
de leur inscription (loi du 24 nov. 1872, art. 19). La liste
de service doit comprendre au minimum trente noms. C'est
sur cette liste qu'est tiré au sort le jury de chaque affaire,
composé de douze jurés. C'est cette liste qui doit être com-
muniquée à chaque accusé la veille du jour où il doit être
procédé à la formation du jury appelé à le juger (C. d'instr.
crim., art. 395). Le tirage au sort du jury de chaque
affaire a lieu, dans la chambre du conseil, en présence de
l'accusé et du ministère public (C. d'instr. crim., art. 399).
A mesure que les noms des jurés sortent de l'urne, ils sont
inscrits sur la Mste du jury de l'affaire, à moins qu'ils ne
soient récusés par l'accusation ou par la défense. Les récu-
sations ne sont pas motivées. L'accusation et la défense
ont droit à un nombre égal de récusations. Si l'affaire
paraît devoir durer plusieurs jours, la cour peut ordonner
l'adjonction de un ou deux jurés suppléants, qui siégeront,
mais ne prendront part à la délibération et au verdict que
si le nombre des jurés titulaires est à ce moment des-
cendu au-dessous de douze (C. d'instr. crim., art. 394, 399
et suiv.). Le premier juré désigné par le sort est le chef
du jury : il peut être remplacé par un juré nommé par la
majorité de ses collègues. L'affaire commence dès qu'est
arrêtée la liste du jury. La cour prend séance et les jurés
se placent dans l'ordre désigné par le sort.
Le rôle du jury se borne à répondre aux questions qui
lui sont posées par le président de la cour d'assises et dont
la liste lui est remise par lui, au moment d'entrer dans la
salle des délibérations. Ces questions sont rédigées de telle
façon que le jury n'ait pas, autant que possible, à résoudre
des questions de droit qui ne seraient pas de sa compé-
tence, mais seulement des questions de fait. C'est ainsi que
dans les questions au jury, le terme juridique est toujours
remplacé par sa définition légale. Il n'est pas dit: « Un
tel est-il coupable d'avoir volé ? d'avoir assassiné ? » mais :
« Un tel est-il coupable d'avoir soustrait frauduleusement?
d'avoir volontairement donné la mort à un tel ?» Il y a, pour
chaque accusé, une question sur le fait principal, sur cha-
cune des circonstances aggravantes, sur chacune des excuses
légales. Quant aux circonstances atténuantes, elles ne font
pas l'objet d'une question spéciale aux jurés, mais ils sont
obligés d'en délibérer et d'indiquer à la suite des questions
le résultat de leur délibération sur ce point. La loi du
13 mai 1836, sur le mode du vote du jury au scrutin
secret, lequel a lieu dans leur salle des délibérations, après
847
JURY — JUSSERAND
la clôture des débats, prescrit aux jurés de voter par bul-
letins écrits et par scrutins distincts et successifs sur cha-
cune des questions posées. Le chef du jury consigne les
réponses sur la feuille des questions, en marge, en regard
des questions. Il signe ensuite. Il lui est interdit de jamais
indiquer le chiffre de la majorité. Les réponses du jury
doivent, en effet, être votées à la majorité (C.dinstr. crim.,
art. 347). Le partage des voix doit être interprété, en
général, en faveur de l'accusé : ainsi en est-il sur les ques-
tions de culpabilité, d'excuse, de circonstances aggravantes.
Par exception, quant aux circonstances atténuantes, le par-
tage des voix serait défavorable à l'accusé ; il faut qu'elles
soient accordées par sept voix au moins (C.d'instr. crim.,
art. 347). Quand la délibération est terminée, les jurés
rentrent dans l'auditoire, et le chef du jury lit à haute
voix, l'accusé non présent, la déclaration du jury. Le rôle
du jury est alors terminé : c'est la cour qui a la mission
d'apphquer la loi pénale aux faits tels qu'ils résultent du
verdict du jury. E. Gardeil.
JURY d'examen (V. Examen).
JUS DE VIANDE (V. V[ANDE).
JUSCORPS. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Niort, cant. de Prahec ; 255 hab.
JUSIX. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. de Meilhan ; 366 hab.
JUSLENIUS (Daniel), évêque en Finlande et en Suède,
né à Vorino (Finlande) le iO juil. d676, mort à Brunbo le
47 juil. 1752. En 1707, il était secrétaire d'académie à
Âbo et en 1712 il fut nommé à cette même université
linguarum professor. Dans son discours d'inauguration,
il traita: De Convenientia linguœ fennicœ cum hebrœa
et grœca. Il s'enfuit de Finlande peu d'années après avec
de nombreux fonctionnaires finlandais et fut nommé, en
1715, eloquentiœ et poeseos lector à Vesterâs, où il inau-
gura son entrée en fonctions par un discours sur les mi-
sères des Finlandais, De Miseriis fennorum. En 1722,
il retourna à Âbo, où il fut nommé professeur de théo-
logie. En 1734, il est appelé comme évêque à la fois à
Abo et à Borgâ et choisit Borgâ. En 1742, à la suite de
nouveaux troubles, il se réfugie une seconde fois à Stock-
holm et ne retourne plus en Finlande. En 1744, il est
appelé comme évêque à Skara, où il passa les dernières
années de sa vie. Juslenius était attaché aux principes de
l'orthodoxie la plus rigoureuse; comme théologien, il n'a
qu'une médiocre valeur. Ses travaux d'histoire, de géogra-
phie et de linguistique finnoises ont, en revanche, une
véritable importance. Les plus connus sont Aboa vêtus et
nova{M^^); Vindiciœ fennorum (1703), et surtout
Finska Ordaboks fôrsôk Siiomalaisen sananlugiim
cœtus (Stockholm, 1745), dont la majeure partie consiste
en un vocabulaire finnois, traduit en latin et en suédois.
JUSQUIAIVIE.I. Botanique. — {Hyoscyamus T.). Genre
de Solanées, à fleurs hermaphrodites, plus ou moins irrégu-
lières; le calice gamosépale, pentamère, persiste autour
du fruit ; la corolle est irrégulièrement campanulée. Cinq
étamines alternent avec les lobes de la corolle sur laquelle
elles s'insèrent ; les anthères sont biloculaires, introrses.
L'ovaire, à deux loges multiovulées, devient une pyxide ;
les graines renferment un embryon courbe et un albumen
charnu. Les feuilles sont alternes, molles, sinuées, les fleurs
solitaires ou plus souvent disposées en cymes unipares-scor-
pioïdes. L'espèce-type, 1'//. niger L., est commun dans
toute l'Europe, sauf dans la région polaire ; elle abonde
dans la région méditerranéenne, en Orient, et elle a été in-
troduite en Amérique. On la cultive pour l'usage médical.
On lui substitue quelquefois des variétés telles que //.
agrestis Kit. et H. f)allidus Kit., ou des espèces telles
que H, albus L., petite espèce annuelle, H. aureus L.,
espèce bisannuelle. Dans l'Inde on fait usage de 1'//. insa-
nus Stocks, très vénéneux, employé comme antiasthma-
tique. D^ L. Hn.
II. Thérapeutique. — Schroff et Dullenberg ont décrit
chez l'homme les résultats de l'ingestion de jusquiame ;
ils ont signalé la sécheresse de la gorge et de la bouche,
la diminution du pouls, suivi d'une série de troubles dif-
férents: dilatation pupillaire, faiblesse musculaire, irré-
gularité respiratoire , etc. Les expériences de Schroff, de
Laurent montrent que la jusquiame est un excellent hypno-
tique, supérieur à la belladone ; toutefois, Harley signale
quelques cas singuliers dans lesquels la jusquiame a déter-
miné de l'insomnie ; la chute de la pression artérielle est
plus marquée avec la jusquiame qu'avec la belladone. Lau-
rent affirme que le délire déterminé par la jusquiame est
en général beaucoup plus calme, moins persistant, s'accom-
pagnant de troubles beaucoup moins inquiétants que celui
observé dans les intoxications par l'atropine. Les deux alca-
loïdes que l'on a extraits de la jusquiame, l'hyosciamine et
l'hyoscine, ont été étudiés avec soin dans ces dernières
années. C'est à l'hyoscine que la jusquiame doit ses pro-
priétés mydriatiques. Il suffit d'instiller dans l'œil une
goutte d'une solution d'hyoscine au centième pour obtenir
une dilatation très marquée en sept à huit minutes. Son
action est d'ailleurs comparable à celle de l'atropine en ce
qui concerne les nerfs d'arrêt du cœur, les glandes sécré-
toires, etc.
Toutes les parties de la plante sont actives, mais ce sont
les semences qui renferment surtout les principes actifs.
La jusquiame a été ordonnée comme succédané de la bella-
done. C'est ainsi que, chez les asthmatiques, on a préconisé
beaucoup l'emploi de cet agent, plus maniable et fatiguant
moins le cœur que la belladone. Hufeland a déjà affirmé
que la jusquiame était le plus doux des narcotiques, pré-
sentant cet avantage sur l'opium de ne pas constiper. Dans
les névralgies rebelles, notamment dans les névralgies de
la face, on a pu observer des guérisons là où l'aconit et
l'aconitine avaient échoué. (Juant à l'emploi de cette subs-
tance dans le traitement des maladies mentales, malgré les
observations assez nombreuses recueillies surtout en An-
gleterre et en Amérique, il faut réserver son appréciation.
Michea, qui l'a administré à dix aliénés, dont neuf atteints
de folie circonscrite avec ou sans hallucination et un seul
de délire général, a obtenu six succès ! Nous croyons que
l'opinion plus modeste de Brocone est aussi la plus juste :
la jusquiame peut déterminer un apaisement passager des
accès, mais elle ne les guérit pas. On donne les feuilles de
jusquiame en poudre à la dose de 5 à 40 centigr. et plus
en augmentant peu à peu.
Les feuilles de jusquiame entrent dans la préparation du
baume tranquille, si souvent employé comme Uniment cal-
mant dans les familles ; on les utilise encore dans l'onguent
populeum très utilisé en médecine vétérinaire et qui n'est
guère prescrit en médecine humaine que dans le traitement
des hémorrhoïdes. L'extrait de jusquiame et la teinture
sont employés à la dose de 2 à 10 centigr. L'extrait entre
dans la préparation des pilules calmantes de Méglin, qui
ont eu jadis un grand succès. Aujourd'hui, on tend de plus
en plus à substituer à ces préparations peu sûres les alca-
loïdes cristaHisés (V. Hyosciamïne). D"^ p. Langlois.
JUSSAC. Com. du dép. du Cantal, arr. et cant. d'Au-
rillac; 1,455 hab.
JUSSARUPT. Com. du dép. des Vosges, arr. de Saint-
Dié, cant. de Corcieux ; 476 hab.
J U SSAS. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr. de
Jonzac, cant. de Montendre ; 211 hab. Grottes celtiques.
JUSSECOURT-Minecourt. Com. du dép. de la Marne,
arr. de Vitry-le-François, cant. de Heiltz-le-Maurupt :
371 hab.
JUSSERAND (Jean-Adrien-Antoine-Jules), diplomate et
littérateur français, né à Lyon le 18 févr. 1855. Entré en
1876 dans la diplomatie, il occupa divers emplois à la di-
rection des consulats, fut en 1880 sous-chef de cabinet du
ministère des affaires étrangères et, après avoir rempH une
mission en Tunisie (1 881-82), devint chef du bureau des af-
faires tunisiennes. Conseiller d'ambassade à Londres (1887-
90), il fut nommé sous-directeur à la direction politique
(2 juin -1890) pour les affaires du Nord et de l'Extrême-
JUSSERAND — JUSSIEU — 348 —
Orient. Outre ses thèses de doctorat es lettres : De José-
pho Exoniensi vel Iscano (4877, in-8); et le Théâtre
en Angleterre depuis la conquête jusqu'aux prédéces-
seurs immédiats de Shakespeare (1877, in-8), M. Jiis-
serand a écrit : les Anglais au moyen âge (1884, in-8) ;
le Roman anglais (4886, in-42); le Roman au temps
de Shakespeare (1888, in-12) ; V Epopée mystique de
William Langland (1893, in-12); Histoire littéraire
du peuple anglais des origines à la Renaissance (1894,
gr. in-8, t. I), etc.
JUSSEY (Jussiacus), Ch.-l. de cant. du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Vesoul, sur l'Aniance; 2,760 hab.
Stat. de chem. de fer de la ligne de Paris à Belfort et
tête de Tembranchement de Jiissey à Darnieulles; Mines
de fer; carrières de calcaire et degrés. Moulins, hui-
leries, brasserie, tissages, filatures, tannerie, tuilerie.
Voie antique. Bourg fortifié au moyen âge, défendu par
un château à donjon, il fut assiégé, pris et dévasté par les
Anglais en 1360, par les écorcheurs en 1437, par les Lor-
rains en 1475, parles Français en 1436, 1595 et 1636.
Charles-Quint accorda en 1548 des franchises munici-
pales aux habitants. La peste décima une grande partie de
la population en 1635. Jussey a donné son nom à une im-
portante maison de chevalerie
comtoise qui s'est éteinte au
xvi^ siècle. Sous l'ancien ré-
gime il y avait dans cette petite
ville un prieuré de l'ordre de
Saint-Benoît, un couvent de
capucins et un hôpital (uni à
celui de Vesoul en 1696, puis
rétabU en 1855). Eglise du
xvm® siècle; chœur ancien.
Jussey a été le siège d'un dis-
Armes de Jussey. trict pendant toutela durée de
la période révolutionnaire.
Armes : coupé, au premier^ de Bourgogne-Comté, qui est
d'azur billeté d'or au lion couronné de même, armé
et lampassé de gueules ; au second, d'or au sautoir
écoté de gueules, alias d'azur à la tour d'argent accos-
tée de deux fleurs de lis d'or, Lex.
BiBL. : Abbés Coudriet et Châtelet, Histoire de Jus-
sey ; Besançon, 1876, in 8.
JUSSIE (Jeanne de), religieuse du xvi® siècle. Elle était
religieuse à Genève au couvent de Sainte-Claire lorsque la
Béforme fut établie. Refusant de se convertir à la nouvelle
foi, elle quitta la ville le 30 avr. 1535 avec plusieurs de
ses compagnes. Elle fonda à Annecy un nouveau couvent
dont elle fut la supérieure. Son récit des premiers temps
de la Réforme à Genève écrit à Chambéry en 1535 sous le
nom de : le Levain du calvinisme ou Commencement
de l'hérésie dans Genève, parut en 1611 avec le titre
suivant : Relation de l'apostasie de Genève, Gustave
Revilliod en a réédité luxueusement le texte primitif (Ge-
nève, 1853). E. K.
JUSSIEU (Antoine de), médecin et naturaliste français,
né à Lyon le 6 juil. 1686, mort à Paris le 12 avr. 1758.
Il était le fils de Christophe de Jussieu, pharmacien dis-
tingué, auteur du Nouveau Traité de la thériaque (Tré-
voux, 1708). Il succéda à Tournefort à Paris en 1708 et
trouva le moyen de suffire aux exigences d'une grande
clientèle et à celles que lui imposait la direction du Jardin
des Plantes, il fut admis avant l'âge de trente ans à l'Aca-
démie des sciences, A. de Jussieu publia une nouvelle édi-
tion des Institutions de Tournefort, un éloge de Fagon
(1718), l'ouvrage posthume de Barrelier sur les plantes de
la France, de l'Espagne et de l'Italie (1714) et un grand
nombre de mémoires sur l'anatomie, la zoologie et surtout
la botanique. D^ L. Hn.
JUSSIEU (Bernard de), botaniste et médecin français,
frère du précédent, né à Lyon le 17 aoiit 1699, mort à Paris
le6nov. 1777. Reçu docteur à Montpellier en 1720, puisa
Paris en 1726, il succéda à S. Vaillant dans les fonctions de
démonstrateur de botanique au Jardin du Roi en 1722,
publia en 1725 une nouvelle édition de l'Histoire des
plantes des environs de Paris, de Tournefort, et entra à
l'Académie des sciences la même année. Il publia dans les
mémoires de celte compagnie des travaux remarquables
sur la botanique, en particulier sur les Pilularia et Mar-
silea, qu'il classa à côté des Fougères, et sur le Littorella
lacustris; ses travaux sur la zoologie sont non moins re-
marquables ; citons ceux sur les polypiers d'eau douce,
qu'après Peyssonel il rangea définitivement parmi les ani-
maux, tandis que le premier il reconnut la nature végétale
des Corallines. Dans un petit manuscrit, qu'il communiqua
du reste à Linné, il posa les premiers fondements de la
Méthode naturelle de classification des plantes, établie
plus tard par son neveu, k.-h, de Jussieu. Il laissa en
outre en manuscrit un Traité des vertus des plantes.
C'est Bernard de Jussieu qui a planté le fameux cèdre du
Liban qui orne le Jardin des Plantes, qui a signalé l'un
des premiers les empreintes végétales des houillères de
Saint-Etienne et a le premier décrit la fleur et le fruit
du caféier, envoyé à Louis XIV et qui servit de souche à
tous les caféiers des Antilles. D"* L. Hn.
JUSSIEU (Joseph de), naturaliste français, frère des
précédents, né à Lyon le 3 sept. 1704, mort à Paris le
11 avr. 1779. Médecin habile, savant botaniste, ingénieur
distingué, il fut désigné pour accompagner La Condamine
(1735) dans le voyage entrepris pour déterminer la valeur
d'un arc de méridien au Pérou; il parcourut l'Amérique mé-
ridionale pendant trente-cinq ans et ne revint en France
qu'en 1771, après avoir perdu la plus grande partie de
ses collections. Il était membre de l'Académie depuis 1743.
C'est lui qui a introduit en France l'héliotrope. Les ma-
nuscrits qu'il a laissés font partie de la bibliothèque du
Muséum. D'' L. Hn.
JUSSIEU (Antoine-Laurent de), botaniste français,
neveu de Bernard (V. ci-dessus), né à Lyon le 12 avr.
1748, mort à Paris le 17 sept. 1836. H fut appelé en 1770
à professer au Jardin du Roi en qualité de démonstrateur de
botanique. Dès l'année 1773, à l'occasion d'un mémoire sur
les Renoncules, il exposait à l'Académie des sciences les prin-
cipes de la méthode naturelle; cette lecture détermina son
admission à l'Académie. Il publia plus tard l'exposé com-
plet de la méthode : Gênera plantarum secundum or-
dines naturales disposita, juxta methodum in Horto
Regio parisiensi exaratam, anno i774 (Paris, 1789,
in-8). Au moment de la Révolution, de Jussieu fut chargé de
l'administration des hôpitaux de Paris, puis, en 1793, chargé
de choisir dans les bibliothèques des communautés reli-
gieuses les livres scientifiques au moyen desquels on fonda
nos établissements publics. En 1808, il devint membre du
conseil de l'Université. Un des titres de gloire de Jussieu,
c'est l'organisation du Muséum eff'ectuée par lui en 1790,
avec le concours de Desfontaines, de Thouin, de Dauben-
ton, de Lemonnier, etc. ; en 1800, il défendit opiniâtre-
ment l'indépendance de cet établissement, dont il refusa du
reste la direction qui lui était offerte par le ministre de
l'intérieur. Lucien Bonaparte. De 1789 à 1824, de Jussieu
ne cessa de travailler au perfectionnement des familles qu'il
avait créées, mais son état de santé ne lui permit pas de
publier une deuxième édition de son Gênera; du moins
trouve-t-on dans les Annales du Muséum d'assez nom-
breux articles relatifs au remaniement de familles ou de
groupes plus importants. Ces Annales et les Mémoires du
Muséum renferment du reste la plupart de ses travaux de
botanique, qui sont fort nombreux. D^ L. Hn.
JUSSIEU (Laurent-Pierre de), homme politique fran-
çais, neveu du précédent, né à Villeurbanne (Rhône) le
7 févr. 1792, mort à Passy le 23 févr. 1866. Secrétaire
général de la préfecture de la Seine, maître des requêtes
au conseil d'Etat, il fut élu député du V^ arrond. de Paris
le 4 nov. 1837, et réélu en 1839 et 1842. H prit peu de
part aux débats de la Chambre, et il est beaucoup plus
connu par ses publications : Simon de Nantua ou le
— 349
JUSSIEU — JUSTE
Marchand forain (Paris, 1818, m-8, nombr. éditions)
qui fut traduit en sept langues ; Antoine et Maurice
(1821, in-12); Histoire de Pierre Giberne, sergent
de grenadiers français (1825, in-42); Notices nécro-
logiques (4819, in-8) ; Fables et contes en vers (1829,
in-i2); le Village de Valdoré (1829, in- 12); les Petits
Livres du Père Lami (1853, 6 vol. in-12); Histoires et
Causeries morales {iS^Q, 2 vol, in-12), et plusieurs traités
de pédagogie ou de vulgarisation scientifique. — Son frère,
Chistophe-Alexis-Adrie?!^ né en 1802, mort en 1865,
préfetdel'Ain (1830), directeurde la police générale(l 837),
député de Bourbon- Vendée de 1837 à 1839, archiviste de
la Charente, a laissé divers ouvrages, entre autres : Com-
ment on fait les révolutions {Vd.v\s, 1827, in-8). R. S.
JUSSIEU (Adrien de), botaniste français, fils d'Antoine-
Laurent, né à Paris le 23 déc. 1797, mort à Paris le 29 juin
1853. Ses goûts le portaient vers la littérature, mais par
tradition de famille il se livra à Tétude de la médecine et
des sciences naturelles ; il soutint en 1 824 une thèse re-
marquable sur les Euphorbiacées, et deux ans après fut
nommé, sur la proposition de son père admis à la retraite,
professeur de botanique rurale. Il se livra alors à des her-
borisations qui furent suivies par des hommes éminents
dans la science, les lettres et les arts. Il commença en même
temps la publication d'une série de mémoires qui sont
restés des modèles et l'ont placé au premier rang parmi
les botanistes de l'Europe. Signalons, entre autres, ses
monographies sur les Rutacées (1825), les Méliacées
(1830), les Malpighiacêes (1843), son œuvre capitale et
à laquelle il travailla pendant treize ans; ses mémoires sur
les Embryons monocotylédonés (1844), sur les Tiges des
Lianes (1845). Son Cours élémentaire de botanique
(Paris, 1842-44, in-12) a été traduit dans toutes les
langues de l'Europe et a été souvent réédité et réimprimé.
A. de Jussieu fut appelé en 184o à professer à la Sorbonne
Porganographie végétale. Il fut nommé trois fois directeur
du Muséum par le suffrage unanime de ses collègues. —
Adrien de Jussien a collaboré aux principaux dictionnaires
et recueils d'histoire naturelle de son temps : Dictionnaire
universel d'histoire naturelle^ dirigé par d'Orbigny ;
Revue botanique, de Duchartre ; Dictionnaire classique
d'histoire naturelle, publié par Bory de Saint-Vincent ;
Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, Annales
des sciences naturelles, Mémoires de la Société d'his-
toire naturelle ; mentionnons enfin la part qu'il a prise à
Flora Brasiliae meridionalis, etc. (Paris, 1824-1833,
3 vol. in--4, av. 192 pL). D»' L. Hn.
JUSSION (Lettres de). On désignait ainsi, sous l'ancien
régime, les lettres patentes par lesquelles le roi, sur le
refus d'une cour souveraine d'enregistrer des ordonnances,
édits, déclarations ou d'autres lettres patentes, lui enjoi-
gnait d'avoir à y procéder. Si la cour n'obtempérai' pas à
ces lettres, il était expédié des lettres itératives de jus-
sion, et en cas de non-obéissance le roi faisait procéder
directement à l'enregistrement dans un lit de justice.
JUSSOW (Heinrich-Christoph), architecte allemand, né
à Cassel en 1754, mort en 1825. Après avoir étudié le
droit à Marbourg et à Gœttingue, il se tourna vers l'art,
vint à Paris travailler sous de Wailly, puis, en 1790, de
retour d'une série de voyages en Italie, à Vienne, à Ham-
bourg et à Londres, il se vit chargé d'importantes com-
mandes qui lui permirent de déployer son talent. Il bâtit
notamment la seconde aile du château électoral de Wil-
helmshœhe, l'église de Neustadt, la porte de Wilhelmshœhe
à Cassel, et commença la Kattenburg, qu'il ne put achever.
JUSSY. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Saint-Quen-
tin, cant. de Saint-Simon; 1,243 hab.
JUSSY. Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre, cant.
de Coulange-la-Vineuse; 407 hab.
JUSSY. Village de Suisse, cant. de Genève; 673 hab. Là
se trouvait anciennement le château des évêques de Genève.
JUSSY-EN-CiiAM PAGNE. Com. du dép. du Cher, arr. de
Bourges, cant. de Baugy ; 544 hab.
JUSSY-le-Châudrier. Com. du dép. du Cher, arr. de
Sancerre, cant. de Sancergues ; 1,228 hab.
JUSTAUCORPS(V. Costume, t. X[n,pp. 1166 et suiv.).
JUSTE (Livre du) ou LIVRE de Yashar. D'après
quelques passages des livres bibliques, on a supposé sous
ce nom l'existence d'un recueil de poésies antiques, auquel
la littérature ultérieure aurait fait des emprunts. Il est
aussi question d'un livre des Guerres de Yahvéh, qui
pourrait n'être qu'ime variante du premier nom. D'après
l'examen des morceaux empruntés à ces recueils, il y a
lieu de rabattre beaucoup de l'ancienneté que quelques
personnes sont portées à leur attribuer (V. Bible).
JUSTE CAUSE (V. Prescription).
JUSTE TITRE (V. Prescription).
JUSTE. Nom substitué en France à celui deBetti, que
portait une famille de sculpteurs, originaire de San Mar-
tino a Mensola, près de Florence. Les plus anciennement
connus dans le métier sont Giusto et André qui ne quit-
tèrent pas l'Italie. Trois fils du dernier, au contraire,
Antoine (1479-1519), André (né vers 1483) et Jean
(1485-1549), franchirent de bonne heure les Alpes. On
les trouve à la fin de 1504 à Dol, en Bretagne, où, jus-
qu'en 1507, ils travaillent, dans la cathédrale, au tombeau
de l'évèque Thomas James. Cet ouvrage achevé, Antoine
va passer quelques années à Gaillon, tandis que Jean vient
s'installer à Tours, attiré sans doute par la réputation de
Michel Colombe. Le célèbre sculpteur étant mort en 1512,
les deux frères recueillent son héritage, et François P^,
peu après, leur commande le tombeau de Louis XII, dont
l'exécution devait durer quinze années, de 1516 à 1531.
Jean Juste a certainement la meilleure part dans ce mo-
nument, le plus grand et le plus beau élevé jusqu'alors à
un roi de France. C'est à lui que sont dus, non seulement
les gisants et les priants, mais encore les longs bas-reliefs
du soubassement. Antoine, décédé en 1519, n'a guère
fait que surveiller l'achat des marbres et sculpter les ara-
besques des pilastres. Quant aux statues des apôtres et à
celles des vertus cardinales, elles sont l'œuvre de son fils,
Just de Just (1505-1555).
Le tombeau de Louis Xïl est une œuvre de premier
ordre, qui seule suffirait à la gloire de son auteur. Cepen-
dant, il ne faut pas oublier que de l'atelier de Jean Juste
sont également sortis grand nombre d'autres monuments
funéraires, tels que ceux de Philippe de Montmorency et
d'Artus Gouffier, encore existants à Oiron (Deux-Sèvres),
ceux de Jean de Rieux, à Ancenis, de Thomas Bohier, à
l'église Saint-Saturnin de Tours, de l'abbé Louis de Crè-
vent, à la Trinité de Vendôme, tous détruits depuis long-
temps. Quant au tombeau des enfants de Charles VIII, jadis
à l'abbaye de Saint-Martin de Tours, aujourd'hui à la ca-
thédrale de la même ville, il était déjà en place avant l'arrivée
de Jean Juste et, par conséquent, ne saurait lui être attri-
bué. — Un fils du précédent, Jean II, est le dernier
sculpteur de la famille. Sa vie se prolongea jusqu'en 1577,
et l'on connaît de lui le tombeau de Claude Gouffier, à
Oiron, et celui de Guy d'Espinay, à Champeaux (Ille-et-
Vilaine). L'un et l'autre sont fort mutilés. Léon Palustre.
BiDL. : Deville, Comptes de Gaillon, 1850. — Nouvelles
Arcliives de l'art français, 1872 et 1876. — A. de Montai-
GLON, la Famille des Juste, 1876. — De Laborde, les
Comptes des bâtiments du roi, 1880. — Palustre la Re-
naissance en France, t. II, pp. 84-98, t. III, pp. 86-91.
JUSTE (Théodore), historien belge, né à Bruxelles le
11 janv. 1818, mort à Bruxelles en 1888. Il devinten 1859
conservateur du musée royal d'armures et d'antiquités, et
fut en même temps chargé du cours d'histoire générale à
l'Ecole militaire et à l'Ecole de guerre. Il fut certainement
l'historien le plus fécond de son pays; toutefois son œuvre
est très inégale, tant pour le fond que pour la forme. Dès
l'apparition de ses premiers livres, on constate que son
style est clair, facile et pur, vigoureux même par instants,
mais, à côté de pages pleines de verve, brillantes, on en
trouve qui sont ternes au delà de toute expression. Juste
utilise les sources avec une habileté très irrégulière ; il
Juste - justice
- 880 —
sait fondre les documents en un récit simple et intéressant,
mais il a souvent le tort de trop généraliser, tandis qu'ail-
leurs il se perd dans d'infimes détails. Au lieu de se
borner à analyser les documents inédits qui lui paraissent
importants, il les introduit dans son texte, suspendant
ainsi d'une manière fâcheuse la marche du récit. Il fait
d'ailleurs de louables efforts pour être impartial, mais il
n'aboutit d'habitude qu'à l'impassibilité ; de plus, les larges
horizons lui font défaut, et ses personnages ne vivent pas.
C'est ainsi que, dans la plupart des biographies de sa Ga-
lerie des fondateurs de la monarchie belge^ il se borne
à caractériser ses modèles par le récit de leur action pu-
blique ; on ne sait d'eux que ce que les pièces diploma-
tiques ou les correspondances peuvent apprendre. Il faut
cependant rendre à T. Juste cette justice que personne plus
que lui, en Belgique, n'a contribué à donner à ses contem-
porains le goût de l'histoire nationale. La liste complète
de ses nombreux ouvrages a été dressée par Henrard. En
voici les plus importants : Histoire de Belgique (Bruxelles,
d840, 3 vol. in-8, souvent rééd.) ; Histoire de la révo-
lution belge {id.^ 4846, in-8) ; Histoire du Congrès
national de Belgique (id,, 4850, 2 vol. in-8, souv.
rééd.) ; Histoire de la révolution des Pays-Bas sous
Philippe H (id,, 4835, 5 vol. in-8, rééd. 4882) ; Vie
de Marnix de Sainte- Aldeg onde (id,^ 4855, in-8) ; le
comte d'Eg mont et le comte de Homes (id., 4862,
in-8) ; Histoire des Etats généraux des Pays-Bas (id.,
4864, 2 vol. in-8) ; le Soulèvement de la Hollande en
ISiS (id., 4870, in-8) ; la Révolution belge de 1BS0
(id.^ 4872, 2 vol. in-8) ; la Pacification de Gandet le
sac d'Anvers (id., 4876, in-8) ; les Fondateurs de la
monarchie belge (id,, 4862-4884, 27 vol. in-8). E. H.
BiBL. : P. Henrard, Biogr. de T. Juste ; Bruxelles, 1890.
JUSTE DE TiBÉRiADE (ben Pistos), historieu juif, flo-
rissant de 60 à 80 de l'ère actuelle. Il a écrit une histoire
juive depuis Moïse jusqu'à Agrippa. Il s'efforça de prouver
que Josèphe, dont il était l'implacable adversaire, avait
toujours été l'ennemi des Romains. Il lui contesta égale-
ment son origine asmonéenne. Cette histoire resta pen-
dant vingt ans inédite, et Juste ne se décida à la publier
que lorsqu'il vit Josèphe, en faveur, comme un ancien
ami, auprès de Domitien. Juste a été en Galilée l'âme de
la révolte. Il était très éloquent, et sa parole exerça une
puissante influence sur le peuple. Il passa plus tard du
côté d' Agrippa qui le combla de présents et le prit pour
secrétaire particulier. S. Debré.
BiBL. : Gr/etz, Geschichte der Juden, III, cli. xiv.
JUSTE LiPSE (V. Lipse).
JUSTEL (Christophe), canoniste français, né à Paris en
4580,morten 4649. Il était protestant; sous Henri IV, il tint
la charge de conseiller et secrétaire du roi. Après la mort
de ce prince, Henri de La Tour, duc de Bouillon, l'attacha
à sa personne, en qualité de secrétaire intime, et le char-
gea de former la bibliothèque qu'il fondait pour son uni-
versité de Sedan. Par les soins de Justel, elle devint une
des plus riches du xvii® siècle. OEuvres principales : Codex
canonum Ecclesiœ universœ, avec traduction et notes
(Paris, 4640, in-8) ; on a contesté le caractère officiel que
Justel lui attribuait; JSomocano7i Photii cum commen-
tariis Theodori Balsamonis (Paris, 4645, in-8); Justel
y a joint des traités de Photius , de Nilus et d'un auteur
anonyme sur les synodes; Codex canonum Ecclesiœ
AfricanfB (Paris, 4645, in-8) ; ce sont les canons du
concile tenu à Carthage en 41 9 ; Codex canonum eccle-
siasticorum Dionysii Exlgui (Paris, 4628, in-8) ; les
frères Ballerini ont démontré que cette édition ne repro-
duit pas exactement le texte du recueil de Denys le Petit ;
Discours du duché de Bouillon et du rang des ducs de
Bouillon en France (Paris, 4633, in-4); Stemma Ar-
vernicum seu Genealogia comitum Arverniœ^ ducum-
que Aquitaniœ primœ et comitum Claromontensium
(Paris, 4644, in-fol.); Histoire généalogique de la mai-
son d'Auvergne (Paris, 4645, in-fol.) ; Histoire généa-
logique delà maison de Turenne (Paris, 4645, in-fol.);
Histoire généalogique de la maison de Vergy (Paris,
4645, in-fol.). E.-H. Vollet.
Son fils Henri, né à Paris en 4620, mort à Londres le
24 sept. 4693, se retira en 4684 en Angleterre, où il fut
nommé gardien de la bibliothèque de Saint-James. Il a
publié une Bibliotheca juris canonici (Paris, 4664,
2voLin-foL).
JUSTI (Karl-Wilhelm), théologien et historien alle-
mand, né à Marbourg le 44 janv. 4767, mort à Mar-
bourg le 7 août 4846. Disciple d'Eichhorn et de Herder,
il enseigna la théologie biblique à l'université de sa ville
natale à partir de 4822, après avoir été prédicateur à Mar-
bourg depuis 4790. Ses ouvrages théologiques sont à peu
près oubhés; mais il a publié d'intéressantes recherches
archéologiques et historiques sur la Hesse, dans les Hes-
sischen Denkwilrdigkeiten (Marbourg, 4798-4805,
5 vol) et dans le Voruit (Marbourg, 4820-4828 et 4838,
9 vol.). Son livre sur Elisabeth die Heilige (Zurich, 4797,
et Marbourg, 4835) est également estimé. F. -H. K.
JUSTI (Karl), critique d'art allemand, né à Marbourg
le 2 août 4832, professeur aux universités de Marbourg
(4867), Kiel (4874), Bonn (4873), auteur d'une magis-
trale biographie de Winckelmann (Leipzig, 4866-72,
2 vol.). — Son frère, Ferdinand, né à Marbourg le 2 juin
4837, professeur de langues orientales à l'université de
Marbourg, a publié : Ueber die Zusammensetzung der
Nomiîia in den indogermanischen Sprachen et plu-
sieurs ouvrages sur le zend, dont un bon Handbuch der
Zendsprache(;{W^) et une édition critique du Bundehesch
(1 868) ; il a donné une grammaire kurde (Saint-Péters-
bourg, 4880) et rédigé l'histoire de l'Orient dans l'ouvrage
de Grote (4884) et l'histoire de la Perse antique dans la
collection Oncken (4879).
JUSTIAN. Com. du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. de Valence ; 248 hab.
JUSTICE. Sociologie (V.Etat).
Morale. — La justice était rangée, par les anciens,
parmi les quatre vertus cardinales. Elle consiste essen-
tiellement à rendre à chacun ce qui lui est dû et règle
d'une façon rigoureuse une partie des relations sociales, en
déterminant directement le minimum auquel tout homme
est tenu vis-à-vis de ses semblables. Elle est corrélative au
droit (V. ce mot). La transgresser c'est violer le droit des
autres. C'est pour cela que les devoirs de justice se pré-
sentent d'ordinaire sous une forme négative. Ils prononcent
des interdictions et des défenses plutôt que des comman-
dements positifs. La justice, par les limites strictes où elle
est tenue, s'oppose à la charité (V. ce mot), plus libre,
moins précisément déterminée. La charité nous oblige à
faire du bien à autrui, la justice à ne pas lui faire du mal.
Les principaux devoirs de justice : ne pas tuer, ne pas bles-
ser, ne pas voler, ne pas enlever la liberté ou la réputa-
tion, se ramènent à l'obligation générale où nous sommes
de respecter les droits de la personne morale dans les
autres hommes et par conséquent de ne leur enlever au-
cune de leurs puissances naturelles.
Droit romain (V. Juge).
Ancien droit. — Haute et basse justice (V. Féo-
dalité) .
Justice féodale et seigneuriale (V. Féodalité).
Droit actuel (V. Organisation judiciaire).
Chambre de justice (V. Chambre).
Justice de paix (V. Juge de paix).
Justice militaire. — La justice militaire est chargée de
la répression des crimes et délits mihtaires. Elle est exercée
uniquement par des militaires (officiers et sous-officiers),
qui, seuls gardiens de la discipline, peuvent être juges
éclairés et compétents des conditions dans lesquelles la jus-
tice peut compléter les moyens de répression disciplinaires.
En outre, les armées ne peuvent répondre au but de leur ins-
titution qu'à la condition de ne dépendre que d'une seule
volonté et de n'obéir qu'à un commandement unique. Durant
- 351 -
JUSTICE
de longs siècles, la justice militaire et la justice civile ont
été confondus pour diverses causes, notamment parce que
les seigneurs réunissaient tous les pouvoirs, ou que la jus-
tice exercée par des militaires pouvait être suspectée d'as-
surer l'impunité à leurs complices. D'ailleurs on peut dire
que, en fait, jusqu'à 1665, les officiers avaient droit de
vie et de mort sur leurs hommes pour quelque cause que
ce fût. Cette confusion des pouvoirs dura jusqu'en 1768,
où l'on voit apparaître une organisation de la justice mili-
taire. Jusqu'alors les juridictions dont relevaient les mili-
taires étaient nombreuses, et la justice militaire était rendue
d'une manière sommaire, presque toujours arbitraire, en
frappant de châtiments barbares les fautes souvent légères
et des crimes non prouvés. Mais, à partir de 1768, divers
lois ou règlements ont nettement défini la question, qui
est actuellement régie par le code de justice militaire du
9 juin 1857, modifié en un certain nombre d'articles par
la loi du 18 mars 1875. Ce code donne l'organisation des
tribunaux militaires, indique leur compétence, détermine
le mode de procédure, spécifie les crimes et délits mili-
taires et fixe les peines à appliquer. Une nomenclature des
crimes et délits militaires et des peines y attachées est
d'ailleurs insérée dans le livret individuel de chaque homme
de troupe, et lecture doit en être donnée le premier samedi
de chaque mois. La justice militaire est rendue : i° par
des conseils de guerre ; 2° par des conseils de revision ;
3^ par des prévôtés, mais seulement aux armées sur le
territoire étranger.
Les conseils de guerre, qui sont chargés de juger les
affaires qui leur sont renvoyées, sont composés de sept
juges, dont un colonel au moins président, choisis parmi
les officiers ou sous-officiers en activité. La composition
des conseils est variable suivant le grade des accusés, mais
elle doit, sauf le cas d'impossibilité, être telle que tous les
membres soient supérieurs en grade à l'accusé, sauf un de
grade égal, en ne descendant toutefois pas au-dessous du
grade de sous-officier pour les caporaux ou hommes de
troupe. Indépendamment des juges, nommés par le comman-
dant de corps d'armée et renouvelés au moins tous les six
mois, chaque conseil de guerre comprend un commissaire du
gouvernement remplissant les fonctions de ministère pu-
blic, un rapporteur chargé de l'instruction et un greffier
pour faire les écritures : ces trois derniers sont nommés
par le ministre. Il peut être adjoint un ou plusieurs subs-
tituts du commissaire du gouvernement, un ou plusieurs
commis greffiers et des huissiers ou appariteurs. Il y a un
conseil de guerre permanent au chef-lieu de chaque corps
d'armée ou de chaque gouvernement milhaire et, en Algé-
rie, de chaque division. Aux armées, les conseils de guerre
se composent de cinq juges seulement, et un ou deux con-
seils sont établis dans chaque division active, ainsi qu'au
quartier général de l'armée.
Les conseils de revision revisent les jugements rendus
par les conseils de guerre, les confirment ou les annulent.
Ils se composent d'un général de brigade, président, de
deux colonels ou lieutenants-colonels et de deux chefs de
bataillon, d'escadrons, ou majors en activité de service,
d'un commissaire du gouvernement et d'un greffier; l'un
des juges remplit les fonctions de rapporteur. Il n'y a que
deux conseils de revision : l'un à Paris, pour toute la
France, l'autre à Alger pour toute l'Algérie.
Les prévôtés ne fonctionnent qu'aux armées sur le ter-
ritoire étranger. Une prévôté se compose d'un officier de
gendarmerie, nommé prévôt, assisté d'un greffier choisi
parmi les sous-officiers ou brigadiers de gendarmerie ; ce
sont des tribunaux de simple police, dont les jugements ne
sont susceptibles d'aucun recours.
Compétence des tribunaux militaires. Les tribunaux
militaires ne statuent que sur l'action publique, sauf les
prévôts qui peuvent prononcer sur les demandes en dom-
mages-intérêts ne dépassant pas 150 fr. L'action civile ne
peut être poursuivie que devant les tribunaux civils, mais
les tribunaux militaires peuvent ordonner la restitution à
leurs propriétaires des objets saisis ou des pièces à convic-
tion ne donnant pas lieu à confiscation. Leur compétence
s'étend indistinctement à tous les crimes et délits commis
par des militaires, aussi bien ceux qui sont prévus par le
code civil que par le code militaire, sauf les infractions
aux lois sur la pêche, les douanes, les contributions indi-
rectes, les forêts, les octrois et la grande voirie.
Sont justiciables des conseils de guerre : 1^ tout indi-
vidu placé directement sous les ordres de l'autorité mili-
taire; 2*^ les prisonniers de guerre; 3° les insoumis; 4^ les
militaires en congé ou en permission, mais seulement pour
les crimes et délits prévus par le code de justice militaire.
Aux armées, il faut ajouter les catégories suivantes :
1° tous les individus employés, à quelque titre que ce soit,
dans les états-majors, administrations et services qui dé-
pendent de l'armée ; 2° les cantiniers et les cantinières,
les blanchisseuses, les marchands, les domestiques et tous
autres individus suivant l'armée en vertu d'une permission,
d'un brevet ou d'une commission ; 3° en territoire ennemi,
tout individu prévenu d'un crime ou délit prévu par le code
pénal militaire ; 4° les complices des militaires prévenus de
crimes ou délits commis aux armées, soit en pays étran-
ger, soit à l'intérieur en présence de l'ennemi ; 5^ tous les
français ou étrangers qui, dans le cercle des opérations sur
le territoire national, se sont rendus coupables d'espion-
nage, d'embauchage, de pillage, d'incendie ou destruction
d'ouvrages ou objets utiles à la défense. Lorsque la pour-
suite^ d'une infraction concernant des militaires comprend
des individus non justiciables des tribunaux militaires,
tous les prévenus, sans distinction, sont renvoyés devant
les tribunaux ordinaires.
Procédure. La procédure des conseils de guerre com-
prend : 1<* l'action de la police judiciaire ; 2<» l'informa-
tion; 3° le jugement. C'est à la police judiciaire qu'est
réservé le soin de constater les crimes et les délits, d'en
rassembler les preuves et d'en livrer les auteurs à l'auto-
rité militaire. Cette police est exercée par tous les chefs de
corps, de service ou de détachement, par les officiers et
les commandants de brigade de gendarmerie, etc. Un chef
de corps peut déléguer ses pouvoirs à un officier du grade
de capitaine au moins. L'officier de police judiciaire re-
cueille les déclarations des témoins, les renseignements de
toute nature, fait toutes les pièces ou constatations pouvant
servir à la manifestation de la vérité, et transmet le dos-
sier à son chef de corps ou de service. Celui-ci, s'il y a
lieu de poursuivre, établit une plainte qu'il joint au dos-
sier et transmet le tout au commandant de corps d'armée
par la voie hiérarchique. Ce dernier, s'il juge qu'il n'y a
pas lieu d'informer, en prévient le chef de corps par un
refus motivé et rend compte au ministre. Dans le cas con-
traire, il envoie au chef de corps un récépissé de la plainte
et un ordre d'écrou concernant le ou les prévenus. Ceux-ci
sont alors remis à la gendarmerie, qui les transfère au siège
du conseil de guerre. Le rapporteur et le commissaire du
gouvernement procèdent alors à l'information ou instruc-
tion, dont le résultat, avec toutes les pièces à l'appui, est
transmis au commandant du corps d'armée, lequel peut
alors prononcer la mise en jugement ou rendre une ordon-
donnance de non-lieu. En cas de mise en jugement, le
conseil de guerre se réunit en séance publique au jour fixé.
Après avoir constaté l'identité de l'accusé, le président fait
donner lecture de la liste des témoins et de l'acte d'accu-
sation ou autres pièces utiles, puis il procède à l'interro-
gatoire de l'accusé et ensuite à l'audition des témoins. Le
commissaire du gouvernement prononce son réquisitoire,
dans lequel il développe l'accusation et requiert l'applica-
tion de la loi; ce réquisitoire est suivi de la plaidoirie
du défenseur, auquel le commissaire du gouvernement peut
répliquer, mais le défenseur doit toujours avoir la parole
le dernier. Après avoir demandé à l'accusé s'il n'a rien à
ajouter pour sa défense, le tribunal se retire pour déhbérer.
Le président pose à chacun des membres du conseil, en
commençant par le moins élevé en grade, diverses questions
JUSTICE
— 352 —
portant sur la culpabilité, s'il y a lieu, sur les circons-
tances aggravantes ou atténuantes, et sur l'application de
la peine. La culpabilité et l'application de la peine doivent
être prononcées par cinq voix sur sept, sinon l'avis le plus
favorable est appliqué à l'accusé. Le condamné est pré-
venu qu'il a vingt-quatre heures pour se pourvoir en revi-
sion. De même, le ministère public peut avoir recours au
conseil de revision, mais seulement pour fausse application
de la peine.
Le conseil de revision, saisi par les conseils de guerre,
met pendant vingt-quatre heures, au greffe, les pièces du
dossier à la disposition du défenseur et doit statuer ensuite
dans un délai de trois jours. Au jour fixé, le conseil se
réunit en audience publique. Le rapporteur expose les moyens
de recours et présente ses observations. Le défenseur est
entendu ensuite, mais il ne peut plaider sur le fond. Le
commissaire du gouvernement discute les moyens présentés
et donne ses conclusions, sur lesquelles le défenseur a la
parole. Les juges se retirent alors pour délibérer et pronon-
cent à la majorité des voix. Le jugement, motivé, est lu en
séance publique par le président. Si le recours est rejeté,
le dossier est transmis au commissaire du gouvernement
près le conseil de guerre, qui requiert alors l'exécution du
jugement. Si celui-ci est annulé pour cause d'incompé-
tence, le conseil de revision renvoie l'affaire devant la juri-
diction compétente ou devant un autre conseil de guerre.
Un deuxième jugement peut également être annulé, mais
le troisième ne peut être attaqué que par voie de cassa-
tion, et seulement dans l'intérêt de la loi. Un accusé absent
est jugé par défaut, lorsqu'il s'agit d'un délit, et par con-
tumace s'il s'agit d'un crime; dans ce dernier cas, il est
sursis au jugement pendant dix jours. L'accusé peut former
opposition dans les cinq jours qui suivent la signification
du jugement.
Les prévôtés sont saisies des affaires qui les concernent
par l'autorité militaire ou par la plainte de la partie lésée;
dans le cas de flagrant délit ou d'urgence, elles peuvent
procéder d'office. Les prévenus sont amenés devant la pré-
vôté, qui juge publiquement. La partie plaignante expose
sa demande ; les témoins sont ensuite entendus, après avoir
prêté serment. Les prévenus présentent eux-mêmes leur
défense. Le jugement, motivé, est exécutoire sur minute.
Ministère de la justice. — Notions historiques. —
Sous l'ancien régime, l'organisation et l'administration de
la justice étaient dans les attributions du chancelier
(V. Chancellerie, t. X, p. 473). Créé par la loi du 25 mai
1791, le ministère de la justice fut supprimé avec les
autres ministères le 1^^ avr. 1794 et rétabli avec eux le
5 déc. 1795. Sous le Consulat et sous l'Empire, le ministre
porta le litre de grand juge. La dignité de garde des
sceaux (V. ce mot, t. XVltï, p. 509) fut rétablie par la
Restauration et lui fut conférée. Depuis l'ordonnance orga-
nique du 24 déc. 1844, l'administration centrale a subi
de fréquents remaniements dont les plus importants ont
été promulgués par les décrets du 30 déc. 1884, du
29 déc. 1888, du 13 févr. 1892, du 24 déc. 1893.
Organisation actuelle. — L'administration centrale du
ministère de la justice comprend, outre le cabinet du mi-
nistre, deux directions et le service du personnel qui est
rattaché au cabinet. Le cabinet du ministre se subdivise
en : bureau du cabinet et de l'enregistrement chargé de
l'ouverture des dépèches, de la distribution de la corres-
pondance, des demandes d'audience, des rapports avec les
Chambres, le conseil d'Etat, la Légion d'honneur, l'Impri-
merie nationale, les insertions au Journal officiel^ etc.; —
bibliothèque et archives, d'où dépendent le service du
Bulletin des lois^ le service des timbres et cachets, l'ap-
position du sceau ; — matériel, avec le service intérieur
de l'hôtel, son personnel, son mobilier, les adjudications
et marchés, le règlement des mémoires, etc. ; — compta-
bilité, avec deux bureaux: l*' comptabilité, préparant les
budgets et comptes définitifs, ordonnançant les dépenses et
les contrôlant ; 2^ pensions et secours aux anciens magis-
trats, à leurs veuves et enfants ; — personnel, avec deux
bureaux: 1« cours et tribunaux de première instance de
France; personnel des justices de paix de France, greffiers
de toutes les juridictions du continent; 2^ cours, tribu-
naux, justices de paix, officiers publics et ministériels de
l'Algérie, de la Tunisie et des colonies.
La direction des affaires criminelles et des grâces com-
prend quatre bureaux : 1° affaires criminelles s'occupant
de la poursuite des crimes, délits et contraventions, de la
surveillance de l'instruction des procédures et de l'exécu-
tion des condamnations, des pourvois en cassation dans
l'intérêt de la loi ; de la nomination des présidents d'as-
sises, de l'examen des listes du jury, de la tenue de re-
gistres des demandes en revision, etc. ; 2*^ grâces, s'occu-
pant de l'examen ou instruction des recours en matière
criminelle, correctionnelle et de police, des rapports sur
condamnations capitales, des grâces collectives accordées
annuellement, de l'examen des demandes en remise de la
surveillance de la haute police; 3'' statistique, ayant dans
ses attributions les mercuriales, les comptes généraux de
l'administration de la justice criminelle, civile et commer-
ciale, de la réunion des statistiques judiciaires publiées à
l'étranger, le casier central, les casiers judiciaires ; 4« bu-
reau des frais de justice.
La direction des affaires civiles et du sceau comprend
trois bureaux: 1° administration et législation dont les
attributions comportent: la correspondance relative à l'ad-
ministration de la justice civile ; les commissions roga-
toires, les conflits, la publication des jugements en matière
d'absence et autres, les roulements des cours et tribunaux,
le tableau des avocats, l'exercice de la plaidoirie, l'état
civil, les questions d'organisation judiciaire en France, dans
les colonies et protectorats, la création et translation des
tribunaux et justices de paix, la création de Chambres tem-
poraires, la rédaction du Bulletin officiel du ministère
de la justice; 2« officiers ministériels, s'occupant du ré-
gime, de l'organisation et de la discipline du notariat, du
personnel des avocats à la cour de cassation, des avoués
près les cours d'appel et les tribunaux, des commissaires
priseurs et huissiers, de la création et suppression des
offices ministériels ; 3<^ sceau ; ce bureau a dans ses attri-
butions les naturahsations, l'admission des étrangers à
domicile, la réintégration dans la qualité de Français, l'au-
torisation de servir à l'étranger, les dispenses d'âge, de
parenté et d'alliance pour mariage ; les titres nobiliaires,
majorats, dotations ; changements et additions de noms,
réduction et remise des droits de sceau ; personnel et dis-
cipline des référendaires au sceau.
Au ministère de la justice se rattachent: le comité de
législation étra7ig ère, créé, par arrêté du 27 mars 1876,
et chargé de former une collection de lois étrangères, d'en
traduire les principales, etc. ; ce comité publie un An-
nuaire, un bulletin, des catalogues de sa bibliothèque ; —
les référendaires au sceau de France (V. ce mot) ; -—ï Im-
primerie nationale (Y. ce mot) ;— h grande chancellerie
de la Légion d'honneur (V. ce mot). Le ministre de la
justice a des attributions particulières sur lesquelles il
importe d'insister. Il prépare et propose au Parlement les
projets de loi qui ne se rattachent pas par leur objet aux
attributions des autres départements ministériels. Déposi-
taire des sceaux de l'Etat, il les appose sur les lois, les
traités, les actes de chancellerie ; il est chargé de la pro-
mulgation des lois. Il est président de droit du conseil
d'Etat (V. ce mot) ; il a le droit de présider le tribunal
des conflits. L'administration des cultes a été très souvent
rattachée au ministère de la justice (V. Cultes).
Liste cHRONOLOGiauE des ministres de la justice et
GARDES DES sceaux. — Duport-Dutcrtrc (21 nov. 1790);
Duranthon (13 avr.); de Joly (3 juiL); Danton (10 août);
Garât (10 oct.) ; Gohier (20^nars 1793-1«'' avr. 1794) ;
Commission des administrations civiles, pohce et tribunaux
(1^^ avr. 1794-2 oct. 1795). Ministres de la justice:
Merlin de Douai (3 nov. 1795) ; Génissieu (5 janv. 1796);
- 353 —
JUSTICE — JUSTIN
Merlin de Douai (3 avr.) ; Lambrechts (24 sept. 4797) ;
Cambacérès (20 juil. 1799); Abrial (25 déc); Régnier,
duc de Massa (14s€pt. 4802) ; comte Mole (20 nov.1843);
Henrion de Pansey (3 avr. 4814); vicomte Dambray
(13 mai 4814) ; Cambacérès (20 mars 4815) ; Boulay de
la Mourthe (24 juin); baron Pasquier (9 juil.) ; Barbé-
Marbois (26 sept.) ; Pasquier (49 janv. 4817) ; de Serre
(29 déc. 1818); de Peyronnet (14 déc. 1824); Portalis
(4 janv. 1828); Bourdeau (14 mai 1829); Courvoisier
(8 août); de Chantelauze (19 mai 1830); Dupont de
l'Eure (31 juil.); Merilhou (27 déc); Barlbe (13 mars
1831) ; Persil (4 avr. 1834); Sauzet (22 févr. 1836) ;
Persil (6 sept. 1836) ; Barthe (5 avr. 1837) ; Girod de
l'Ain (31 mars (1839) ; Teste (12 mai) ; Vivien (1'^'^ mars
1840) ; Martin du Nord (29 oct.) ; Hébert (14 mars 1847) ;
Crémieux (24 févr. 1848) ; Bethmont (7 juin) ; Marie
(17 juil.) ; OdilonBarrot (20 déc.) ; Rouher (31 oct. 1849) ;
de Royer (24 janv. 1851) ; Rouher (10 avr.) ; Corbin
(26 oct.); Daviel (1*^^ nov.); Rouher (3 déc); Abbatucci
(22 janv. 1852); de Royer (16 nov. 1857); Delangle
(5 mai 1859); Baroche (23 juin 1863); Duvergier (17 juil.
1869) ;Emile01livier(2janv.l870) ; Grandperret (9 août) ;
Crémieux (4 sept.) ; Dufaure (19 févr. 1871) ; Ernoul
(25 mai 1873) ; Depeyre (26 nov.) ; Tailhand (22 mai
1874) ; Dufaure (10 mars 1875) ; Martel (12 déc. 1876) ;
de Broglie (17 mai 1877) ; Lepelletier (23 nov.) ; Dufaure
(13 déc); Le Royer (4 févr. 1879); Cazot (28 déc) ;
Humbert (30 janv. 1882) ; Devès (7 août) ; Martin-Feuil-
lée (21 févr. 1883); Brisson (6 avr. 1885); Demôle
(7 janv. 1886); Sarrien (11 déc); Mazeau (30 mai
1887); Fallières (12 déc); Ferrouillat (3 avr. 1888);
Guyot-Dessaigne (5 févr. 1889); Thévenet (22 fevr.);
Fallières (17 mars 1890) ; Ricard (27 févr. 1892) ; Léon
Bourgeois (6 déc 1892) ; Guérin (4 avr. 1893) ; A. Du-
bost (3 déc. 1893) ; Guérin (30 mai 1894).
Sous-secrétaires cV Etat. De Trinqueîague (9 mai 1816);
Ravez (16 avr. 1847); comte Siméon (24 janv. 1820);
Portalis (24 févr. 1820); Bourdeau (24 janv. 1829);
Parant (21 mai 1837) ; Vente (27 nov. 1873); Baragnon
(23 mai 1874); Bardoux (15 mars 4875) ; Méline (24''"déc.
1876); Savary (48 déc 1877); Goblet (5 févr. 1879);
Martin-Feuillée (29 déc. 1879-23 sept. 1880-14 nov.
1881); Varambon (30 janv. 1882-10 août 1882); Noirot
(27 févr. 1883).
JUSTICIA (Justicia L.) (Bot.). Genre de plantes de la
famille des Acanthacées, qui a donné son nom au groupe des
Justiciées. Ce sont des herbes ou rarement des arbustes à
feuilles opposées et entières, à fleurs solitaires, disposées
en épis simples ou composés . Le calice est tétramère ou
pentamère, la corolle a un tube court, dilaté supérieure-
ment, et deux étamines à anthères biloculaires. Le fruit
est une capsule contenant une à quatre graines aplaties,
sans aigrettes. Les Justicia sont répandus dans les régions
tropicales des deux mondes. Le J. pectoralis Jacq., ou
Herbe aux charpentiers, croît aux Antilles, où on emploie
ses feuilles pilées comme vulnéraires. Ces mêmes feuilles
entrent dans l'Elixir américain et dans un sirop pectoral.
On a détaché des Justicia un grand nombre d'espèces pour
les distribuer dans des genres nouveaux.
JUSTIFICATION. L Théologie. — D'après la définition
du concile de Trente (sess. VI, ch. vu), la justification
n'est pas seulement la rémission des péchés, elle est aussi
la sanctification et le renouvellement de l'homme intérieur,
par la réception volontaire de la grâce et des dons qui l'ac-
compagnent. Par elle, l'homme devient juste, d'injuste qu'il
était, et d'ennemi, ami ; pour être, selon l'espérance qui
lui en est donnée, héritier de la vie éternelle. Elle a pour
cause finale la gloire de Dieu et de Jésus-Christ, et la vie
éternelle; pour cause efficiente, Dieu lui-même, qui dans
sa miséricorde lave et sanctifie gratuitement, par le sceau
et par l'onction du Saint-Esprit ; pour cause méritoire,
Jésus-Christ, qui nous a aimés d'un amour extrême et nous
a mérité la justification, en satisfaisant pour nous à Dieu
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
son Père, par sa très sainte passion, alors que nous étions
encore ses ennemis ; pour cause instrumentelle^ le bap-
tême qui est le sacrement de la foi, sans laquelle personne
ne peut être justifié. Enfin, son unique cause formelle
est la justice de Dieu, non la justice par laquelle il est
juste, mais celle par laquelle il nous fait justes. Etant
gratifiés par lui de cette justice, nous sommes renouvelés
dans l'intérieur de notre âme : non seulement nous sommes
réputés justes, mais nous sommes nommés tels avec vérité,
et nous le sommes en effet, recevant en nous la justice,
chacun selon sa mesure, et selon le partage qu'en fait le
Saint-Esprit, comme il lui plaît, et suivant la disposition
propre et la coopération de chacun... La charité de Dieu
est aussi répandue par le Saint-Esprit dans le cœur de ceux
qui sont justifiés, et elle y est inhérente. C'est pourquoi,
en cette justification, l'homme, par Jésus-Christ, auquel il
est enté, reçoit ensemble, avec la rémission des péchés,
tous ces dons infus : foi, espérance et charité ; car si l'es-
pérance et la charité ne se joignent à la foi, celle-ci n'unit
point parfaitement avec Jésus-Christ, et elle ne rend point
l'homme un membre vivant de son corps. E.-H. V.
II. Typographie (V. Composition, t. XII, p. 212).
JUSTIN (Saint), martyr, apologiste chrétien, né àFlavia
Neapolis (Palestine) vers l'an 100, mort à Rome vers 165.
Fête le 13 avr. Bien que né en Samarie, sur l'emplacement
de l'antique cité Israélite de Sichem, Justin était d'origine
païenne et probablement grecque ; son père se nommait
Priscus, son grand-père Bacchios. Lui-même acquit une
instruction philosophique assez étendue. Il recherchait ar-
demment le bonheur ; il fréquenta les stoïciens, les péripa-
téticiens, les pythagoriciens, sans trouver ce qu'il désirait;
un maître platonicien le satisfit davantage ; la « contempla-
tion des idées donna des ailes à son esprit » (DiaL, ch. i);
il espérait enfin contempler Dieu. Alors, il rencontra un
vieillard qui était chrétien et qui lui montra combien l'in-
tellectualisme des philosophes était insuffisant et comment,
par la révélation du christianisme, « Dieu devient sensible
au cœur ». Sans plus tarder, Justin se mit à l'étude de la
révélation prophétique contenue dans l'Ancien Testament
et reconnut bientôt dans l'enseignement du Christ « la vraie
philosophie, seule éprouvée et pratique », celle qui découvre
« les principes et les fins de toutes choses ». Il garda néan-
moins le manteau de philosophe et s'en alla à travers le
monde, enseignant ce qu'il avait trouvé. A Rome, il ouvrit
une école de philosophie et disputa vaillamment avec ses
contradicteurs païens et hérétiques ; car Justin, avec son
esprit de portée moyenne et son grand bon sens, évita les
écarts nombreux qui faisaient dévier, à cette époque cri-
tique du développement du christianisme, tant de penseurs
chrétiens (V. l'art. Gnosticisme, t. XVIII, pp. 1 129 et suiv.);
il sentait l'importance de l'unité et l'autorité de la tradi-
tion. Il veut être « orthodoxe » (opÔoyvoSpLwv) ; il est, de
fait, le premier écrivain chrétien qui parle de dogmes et de
théologie, au sens que ces mots ont conservé depuis. Cres-
cens, un philosophe cynique, que Justin avait combattu,
finit par le dénoncer aux autorités, et, soit aussitôt, soit
quelques années plus tard, le philosophe chrétien fut con-
damné à mort. On peut hésiter, en effet, entre 160 et 167
pour dater le martyre de Justin ; l'an 165 a une certaine
probabilité. — Divers écrits ont été faussement attribués à
Justin ; tels le Discours aux Grecs, qui pourrait être con-
temporain de Justin ; VExhortatio7i aux Grecs, qui est
probablement du m® siècle, et un De Monarchia, qui a
toutes les marques de l'apocryphe. Par contre, le Tî'aité
polémique contre toutes les hérésies, qu'Irénée a employé
et qu'il attribue à Justin (Adv. hcer., iv) est perdu ; il
n'existe plus que deux fragments d'un autre écrit de Justin
sur la résurrection. Les ouvrages de Justin qui subsistent
sont les deux Apologies et le Dialogue avec Tryphon
(éd. princeps de R. Estienne, Paris, 1551, in-fol. ; parmi
les éditions postérieures, celle de dom Prud. Maran,àParis,
1742, in-fol., se distingue par ses excellentes introduc-
tions et notes; la dernière édition de Justin est la troisième
23
JUSTIN
— 354 —
de J.-G. d'Otto, à léna, 1876-81, 3 vol. in-8 ; t. I :
Opéra indubitata; t. Il : Op, addubitata; t. III : Op.
subditicia; la Patrologie de Migne, série grecque, Pans,
1857, t. VI, est une compilation du texte de Maran et de
la seconde édition d'Otto). La première Apologie., de beau-
coup la plus longue, est adressée à l'empereur Antonin le
Pieux avec ses corégents L. Verus et Marc Aurèle ; elle
peut donc dater de 147-60 ; on la place ordinairement vers
150. Justin commence par réfuter les fausses accusations
formulées contre les chrétiens (ch. iii-xxiii) ; puis il expose
la doctrine chrétienne (ch. xxiii-lxi) ; enfin, il décrit le
culte et la vie des chrétiens (ch. lxi-lxviii) ; mais l'ou-
vrage est loin d'être bien ordonné et clairement divisé ;
Técrivain se laisse aller ; il a confiance en la cause qu'il
défend ; il estime qu'elle n'a pas besoin de beaucoup d'art
ni de science de la part de son défenseur. Tous les écrits
de Justin font ainsi l'eftet d'improvisations d'un homme qui
improvisait médiocrement. Cela n'exclut pas quelques éclairs
de génie. Le style est aussi lâche que la pensée ; souvent
il est incorrect. La seconde Apologie débute abruptement
par le récit d'une condamnation à mort de plusieurs chré-
tiens à Rome, à propos d'une femme qui demandait le di-
vorce contre un mari débauché. La suite semble devoir être
une sorte d'appendice à la première apologie. Le Dialogue
avec Tryphon est, sans doute, postérieur aux deux autres
oeuvres. Tryphon est un rabbin avec lequel Justin discute
contre les juifs. Il veut démontrer d'abord que la loi de
Moïse est abrogée (ch. xi-xlvii) ; ensuite, il prouve la di-
vinité du Christ et de son enseignement (ch. XLvni-cvni) ;
finalement, il déduit de ces faits la nécessité pour les juifs
de se mettre avec les païens au bénéfice de la nouvelle al-
liance. — Les œuvres de Justin sont d'un intérêt très grand
pour l'histoire du christianisme : c'est la première fois qu'un
homme, armé d'une culture hellénique suflîsante, expose le
christianisme tel qu'il le comprend ; c'est même le premier
exposé du christianisme, car toute la littérature chrétienne
antérieure est édifiante ou épistolaire. De là le succès des
écrits de Justin dans l'Eglise chrétienne, bien qu'ils fussent
destinés aux païens ; aussi bien leur action sur les chré-
tiens a été plus considérable que leur influence sur les au-
torités romaines. Il importe de noter les points saillants de
la pensée de Justin ; on caractérise ainsi l'enseignement
chrétien dans le monde gréco-romain vers le milieu du
second siècle ; cependant il ne faut pas oublier que les écrits
de Justin sont adressés à des adversaires, auxquels, tout
en restant sincère, il pouvait ne présenter qu'un côté de sa
pensée. L'argument principal que Justin invoque en faveur
du christianisme est celui de la prophétie : puisque les
prédictions de l'Ancien Testament se sont réalisées en Jésus-
Christ, elles sont de Dieu ; il faut les croire et par consé-
quent accepter l'enseignement de celui qui a été annoncé
par ces prophéties. Cela est d'autant plus évident que l'en-
seignement du Christ, c'est la loi nouvelle et universelle :
tout homme peut et doit obéir à cette loi ; il n'y a pour
cela qu'à suivre la raison (ô Xdyoç) que les démons tiennent
asservie, il est vrai, mais que la lumière répandue par
Jésus-Christ éclaire et affranchit. La raison existe, en effet,
à l'état de semence divine (Xoyoç aTUEpfxaxixd;) dans chaque
humain ; Socrate, par exemple, a suivi sa raison ; aussi
Justin le considère-t-il comme un chrétien avant la lettre.
La mort du Christ avec ses effets salutaires ne tient par
aucun lien organique à ces principes (V., en particulier,
Bial.^ ch. XLiv). Justin conserve ce point capital de la tra-
dition chrétienne ainsi que la plupart des autres ; mais, dans
le courant général de sa pensée, cela ne forme que des îlots
isolés; ce grand courant est hellénique, et Justin en a
conscience; il s'en vante (^ApoL, I, ch. xx ; ApoL, II,
ch. xin et passim). Mais, ici surtout, il faut se rappeler
qu'il plaide la cause du christianisme devant des philoso-
phes. Il ne mangue pas, d'ailleurs, de relever ce qui dis-
tingue le christianisme : c'est que la raison tout entière
(to loyiY.ov To oXov, ApoL, II, ch. x) a résidé en Jésus ;
il est le logos personnifié (i/?o/., I, ch. xiv, fin). On voit
que le mot de logos sert ainsi de moyen terme entre la
pensée chrétienne de Justin et la philosophie alexandrine ;
le sens du terme devient chatoyant : il signifie alternative-
ment ou simultanément « verbe » et « raison ». Pourtant
le logos personnifié est, pour Justin, le fils unique, engen-
dré avant la création et pour devenir l'instrument de la créa-
tion, par le Dieu de l'univers ; c'est une sorte de « second
Dieu », distinct comme personnalité, subordonné, mais animé
du même esprit (Dial., ch. lvi). Avec cela, Justin, qui est
loin de saisir la vraie portée de l'Ancien Testament ni de
la pensée réelle des apôtres, surtout de Paul, conserve Ves-
chatologie (V. ce mot, t. XVI, p. 242) chrétienne primi-
tive comme un élément dramatique et qu'il fait souvent
intervenir. En somme, il essaye d'animer d'un principe ra-
tionnel la tradition historique du christianisme primitif ;
en réalité, sans le savoir et sans le vouloir, il risque de
dénaturer le christianisme et de le réduire à une morale
générale. Par contre, les renseignements que Justin four-
nit sur le culte et l'organisation des chrétiens (V. surtout
ApoL, I, ch. Lïv et suiv.) sont inappréciables. C'est la seule
description détaillée et faite par un témoin oculaire, que
possède l'archéologie chrétienne. De même, Justin parle de
livres qu'il nomme les « mémoires des apôtres » et dont le
contenu ressemble de très près à celui des évangiles dits
synoptiques. Il cite encore l'Apocalypse de Jean, mais il ne
mentionne jamais l'évangile de Jean, ni les épîtres, quoi
qu'il dénote une connaissance de ces écrits ; d'où l'on tire
la conclusion que les diverses parties du Nouveau Testa-
ment ne formaient pas encore un recueil fermé au milieu
du n® siècle. F.-Herm. Krûger.
BiBL. : K. Semisch, Justin der Mœrtyrer; Breslau, 1840.
— Ch.-E. Freppel, les Apologistes chrétiens au ii» siècle;
Paris, 1860. — B. Aube, De l'Apologétique chrétienne au
II" siècle^ Saint Justin philosophe et martyr; Paris, 1861.
— M. von Engeluardt, Das Christenthum Justins des
Mœrtyrers ; Erlangen, 1878. — E. Renan, VEqlise chré-
tienne ; Paris, 1879, pp. 365-389 et 484-492. — A. St^hlin',
Justin der Mœrtyrer; Leipzig, 1880. — H.-S. Holland,
St Justinus martyr^ dans le Dictionary of Christian Bio-
graphy de Smith et Wace ; Londres, 1882, t. II, pp. 560-
587. — A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichte ;
Fribourg, 1889, 2^ éd., t. I, pp. 413-464.
JUSTIN, historien romain, qui vivait probablement du
temps des Antonins. Il abrégea la grande histoire de
Trogue Pompée (V. ce nom), ou plutôt il en fit des ex-
traits qui eurent grand succès au moyen âge. Les nom-
breux manuscrits que nous en avons sont des ix-xii® siècles ;
rédition^rmc^;?s est de 1470 ; ils ont été souvent publiés
et traduits.
BiBL. : Editions de Johanneau et Dubner ; Paris, 1838,
2 vol. — J. Jeeps, avec commentaire critique ; Leipzig,
1859 ; editio minor, 1862. ~ Traduction franc, de J. Pierrot
et E. BoiTARD, revue par Pessonneaux ; Paris, 1866. —
Cf. Teuffel, Hist. de la littérature romaine, §258.
JUSTIN l^ï", empereur d'Orient, né en 452, mort le
4®^ août 527. Justin était originaire d'Illyrie et de race
slave. Venu en 498 à Constantinople pour chercher for-
tune, il s'enrôla dans la garde, où sa haute stature, sa
bravoure et son esprit pratique le firent remarquer. Il
s'éleva peu à peu aux dignités de tribun, de comte des
gardes et de sénateur. A la mort d'Anastase (518), le
premier ministre Amnatius voulut mettre sur le trône une
de ses créatures, Théodat.Le comte des gardes, Justin, fut
chargé par Amantius de favoriser l'avènement du nouvel
empereur au moyen de largesses habilement distribuées.
Justin en profita pour se créer des partisans ; la garde et
le peuple le proclamèrent empereur (40 juil. 548). Aman-
tius fut mis à mort. Le règne de Justin P^ fut une prépa-
ration à celui de Justinien, associé au gouvernement dès
520, adopté en 527. Dans les actes du règne de Justin, il
est dès lors difficile de démêler ce qui est la part de l'em-
pereur et la part de Justinien. D'autant que Justin, plus
brave que savant, vieux déjà, s'occupa toujours peu des
affaires, qu'il abandonna à Proclus d'abord, à Justinien
ensuite. A l'intérieur, Justin eut à réprimer les excès de la
faction des verts, que l'assassinat du Goth Vitalien, maître
de la milice, avait provoqués. Très orthodoxe, il combat les
_ 353 -
LIVIJN - LIVIN6ST0NE
nistère et rOpposition en Suède^ qui fit beaucoup de
bmit. Ses OÉuvres complètes ont été publiées en 1850
par A.-J. Arwidsson. th. Cart.
LIVILLIEBS. Gom.' du dép. de Seine-et-Ôise, arr. de
Ponioise, cant. de L'Isle-Adam ; 201 hab.
LIVSN Menus, peintre hollandais, né à Amsterdam en
1630, mort à Florence en 1691. Il eut une vie agitée;
venu très jeune encore en Italie avec sa famille, il la suivit
ensuite à Vienne : là le prince Mathias de Toscane s'inté-
ressa à lui et renvoya à Florence étudier dans l'atelier de
Pietro da Cortona. Livin le quitta pour s'enrôler dans
l'armée du duc de Savoie, Charles-Emmanuel II ; il y resta
trois ans, puis il revint à Florence, et se remit à la pein-
ture. Avec l'aide de Stefano délia Bella, il peignit la cou-
pole de Santa Maria délia Pace, à Florence. Son œuvre la
plus connue est le Sacrifice d'Abraham du palais Pitti.
BiBL. : Bulletin de TAcadémie royale de Belgique, 1856,
art* de Fétis.
LIVINEN (V. Levantine).
LIVINGSTON. Ville maritime du Guatemala, sur le golfe
de Honduras, à l'embouchure du rio Dolce; 2,000 hab.,
Caraïbes originaires de l'île Saint-Vincent, parlant espa-
gnol et anglais, bons pêcheurs et pilotes. Exportation de
café, caoutchouc, cornes, sucre, salsepareille, bananes, etc.
LIVINGSTON (V^rilliato), littérateur américain, né àAl-
bany en tiov. 1723, mort à Elizabethtôwn le 25 juill. 1790.
Arrière-petit-fils du théologien écossais John Livingston
(1603-72), il forma la première collection des lois colo-
niales, se distingua comme journaMste, fut gouverneur du
New Jersey de 1776 à 1790. Il a écrit de nombreuses
poésies.
LIVINGSTON (Ptobert), homme politique américain, né
à New York le 27 nov. 1746, nlort le 26 mars 1813.
Né d'une famille d'origine écossaise réftigiée en Amérique
au XVII® siècle, il avait dix frères et sœurs. Avocat, il fut
membre du Congrès de Philadelphie et l'un des cinq
membres chargés de rédiger la déclaration d'indépendance,
devint ministre des affaires étrangères en 1780, puis
chancelier de l'Etat de New York, En 1801, Jefferson
renvoya à Paris oti il négocia la cession de la Louisiane.
Il se lia à Paris avec Fulton ; il fit beaucoup pour les pro-
grès de l'agriculture aux Etats-Unis où il fut sénateur fé-
déral à partir de 1805. Il a écrit : Examen du gouver-
nement d'Angleterre comparé aux institutions des
Etats-Unis, traduit en français avec notes de Dupont de
Nemours, Condorcet et Gallois (Paris et Londres, 1789,
in-8). A.-M.B.
LIVINGSTON (Edward), célèbre juriste américain, né à
Clermont (New York) le 23 mai 1764, mort à Mogntomery
le 23 mai 1836. Avocat à New York (1785), il fut élu
au congrès de 1794, devint l'un des plus ardents parti-
sans de Jefferson, fut maire de New York (1801). Il s'éta-
blit à la Nouvelle-Orléans, rédigea le code civil de la
Louisiane et y acquit une grande réputation d'avocat. Il
seconda efficacement Jackson dans la défense de la Loui-
siane (1814-15), rédigea le code pénal de cet Etat et le
fit précéder d'un magistral exposé de principes. Son Sys-
tem of pénal law for ihe State of lomsmwa (Philadel-
phie, 1833, trad. fr. par Davezac) est très remarquable.
Il comprend quatre parties : délits et peines ; procédure ;
discipline des prisons ; preuves. Livingston fut chargé de
rappliquer au district fédéral de Columbia. Elu séiiateur
des Etats-Unis (1829), il devint secrétaire d'Etat pour
les affaires étrangères (1831), puis ministre plénipoten-
tiaire en France (1833) où il négocia l'indemnité demandée
par les citoyens américains qui avaient souffert des guerres
de la Révolution et de FEmpire.. A.-l. B.
BiBL. : MiGNET, Notice à VAc. des Se. mor.. le 30 juin
1838.
LIVINGSTON E (David), explorateur anglais, néàBlan-
tyre,dans le Lanarkshire (Ecosse), le 19 mars 1813, mort
à Tchitambo, dans l'Ilala (Afrique centrale), le 1®"" mai 1873.
Placé dans une filature de coton pour se préparer au com-
merce, il commença seul le latin et put enfin faire ses études
GRAÎÎDE ENCYCLOPÉDIE. *— XXII.
de médecine et de théologie à l'université de Glasgow, Il
entra alors dànslila Société des missions de Londres et, en
1840, ijl partit pjiiir l'Afrique australe. Il épousa la fille d'un
autre n^issionnaii'e, le docteur Moffat, et se consacra d'abord
tout ènitiei" à i'offuvfe dés missions. Quelques années plus
tard, il conçut lé projet d'entreprendre un voyage d'explo-
ration. Il se mit en route le 1^^ juin 1849 et découvrit le
lac Ngami. En avr. 1850, il tenta, avec sa femme et ses
enfants, une seconde expédition dans les naêmes régions,
mais la mouche tsétsè l'obligea à rebrousser chemin, En
1851, il décoiivïîit le Zambèze. Ce fut en 1852 qu'il entre-
prit son quatrième voyage qui fut le plus fécond en résul-
tats et dura quatre années ; cette fois, il traversa l'Afrique,
de Saint-Paul de Loanda, à l'O., à (iuilimane, à TE. Les
doux sociétés de géographie d0 Londres et de Paris lui dé-
cernèrent chacune une médaille d'or. Livingstone retourna
en Afrique en 1858, et, dans un nouveau voyage, il recon-
nut d'une façon plus précisé le Zambèze iiiférieur, explora
complètement le Chirô et retrouva le lac Nyassa ?iuquel le
Chiré sert de déversoir. Enfin, en 1865, Livingstone se
remettait en route, se proposant d'achever la reconnais-
sance du Tanganyika et dé porter ses explorations aussi
loin que possible au N. et à l'O. Arrivé à la côte orientale
d'Afrique ^n mars 1866, Livingstone remonta la Rovouma
et passa au N. du lac Nyassa. En mars 1867, le bruit de
sa mort se répandit> Pendant ce temps, Livingstone explo-
rait la partie S, du Tanganyika auquel il rattachait l'ori-
gine du Nil, et il atteignait les lacs Bangouélo et Moéro.
La nouvelle de sa mort courut encore, mais les lettres de
son coiopagnon, le docteur Kirk, en 1871, apprirent que
Livingstone venait de visitef Oudjidji et Manyéma. C'est à
ce moment |[ue l'Américain Stanley s'était mis à sa recherche ;
il le rencontra en nov, 1871, près du lac Tanganyika.
Après le départ de Stanley, Livingstone continua ses explo-
rations vers les sources du Loualaba et dans la région située
au S.-O. du Tapganyika. Il Se dirigeait vers le lac Ban-
gouélo,! quand il succomba à là dysenterie, non loin de ^.e
lac. Après le retoiir (Je Stanley, diverses expéditions avaient
été organisées pour porter secours à Livingstone. Deux
furent envoyées par la Société de géographie de Londres,
l'une sous la conduite de Cameron (V. ce nom), l'autre
commandée par lé lieptenant Grpdy ; cette dernière échoua.
Livingstone a laissé d'intéressantes relations. Sa traversée
du continent africain est racontée sous ce titre : Missionary
Travels and, Resec^rches in South Africa (Londres,
1857, in-8; 2^ éd., 1875, 3 vol. ; traduit en français par
M^« H. Lor^àu, Paris, 1858, gr. in-8; 2« éd., 1873,
in-8). Nous avons ensuite de lui: Narrative of an Expé-
dition to thà Zambezi and Us tributaries and of the
Dîscovery of ihe Lakes Schirwa and Nyassa (Londres,
1865, in~8 ; traduit en français par M.^^ Loreau, Paris,
1866, gr. in-8). Enfin le dernier journal de Livingstone a
été recueiUi et publié : The hast Journals of David Li-
vingstone in central Africa, from 1(865 to his death,
published byBorace Waller (Londres, 1874, 2vol.;
traduit en français par M*^^ Loreau, Paris, 1876, 2 vol.
in-8). Gustave Regelsperger.
BiBL.: Stanley, Ho^^ I found Livingstone ; Londres,
1872. — Royal Geographical Society Proceedings, Obituary
Notice par sirBartle Frère, 1874, vol. XVIII. — Roberts,
Life and exploration of David Livingstone ; Londres,
1874. — Vivien de Saint-Martin, l'Année géographique,
année 1874, Paris, 1875, p. 66. -7 Petermanns Mittheilun-
qen. 1875, art. de Behm. ~ Jabez Marrât, David Living-
stone; Londres, 1877, in~12. — D'^W. G. Blaikie, The Per-
sonal Life of Dapid Livingstone; Londres, 1880, in-8. —
Samuel Mocsman, Livingstone; Londres, 1882, în-8» --
H.~H. JoHNSTON, Livingstone, and the exploration of
central Africa,; Londres, 1891, in-8. — Thomas Hugues,
David Livingstone; Londres, 1891, in-8.
LIViNGSTON^ (Charles), voyageur anglais, né à Blan-
tyre, dans le Lanarkshire (Ecosse), le 28 févr. 1821, mort
à Lagosle $8 oct. 1873, frère du précédent. Il fut employé
dans la mémo fil&ture de coton que son frère et, comme
lui, consacra ses loisirs à Fétude. En 1840, il se rendit
aux Etats-Unis et quelques années après il avait pris ses
23
yviNG-STONE -- HVÔNIE -™- â84
grades en théologie. Eu avf. 4857, il èe trotiva en Angle-
terre avec son frère qui le détermina, non sans peine, à
se joindre à son expédition au Zambèze. Il aèbompagna son
frère jusqu'en 1863. Enoct. 1864, il fut nommé consul à
Fernando-Po. Il a visité le pays des Obriaks, tribu sauvage
et cannibale. G. R.
BiBL. : Proceedings of the Royal Geographical Society.
1874, t.^XXXIIL
L 1 V 1 N 0 STO NIA, Ancienne statiM de missionnaires an-
glais^ sur une presqu'île, au S. du lac Nyassa, fondée en
1875, abandonnée à cause de son insalubrité pour Ban-
daoué (1883), à rO. du lac.
BiBL. : YouNG, Nyassa,'; Londres, 1877, m-8, av. cartes.
LÎÏINHAG-le-Hâut. Com. du dép. de FAveyron, arr,
de Villefranclie-de-Rouergue 5 cant. de Decazeville ;
1,140 hak
LIVimÈRH (La). Com, du dép. de l'Hérault, arr. de
Saint-Pons, cant. d'Olonzac; 1,0S28 hab.
LiVISTOWÂ. L Botanique, ---^(LivistonaVi. Br.). Genre
de Palriiiers-Coryphinées, ayant jpour caractères : plusieurs
spathes incomplètes ; fleurs hermaphrodites, presque ses™
siles; calice trifide, corolle tripartite, valvaire ; 6 étamines
à filets plus ou moins unis ; ovaire tricarpellé, surmonté de
styles filiformes et de stigmates bapités plus ou moins
adhérents; ovules solitaires et dressés ; fruit bacciforme,
ordinairement formé d'un seul carpelle mûr et contenant
une seule graine à albumen corné et à embryon dorsal ou
sub-basïlaire ; tige peu élevée, à feuilles terminales, engai-
nantes, flabellif ormes. On en connaît une douzaine d'es-
pèces propres à l'Australie, à Flndb, à la Cochinchine, etc.
Les bourgeons du L, inermis R. Br. ou Cabbage-palm^
de F Australie, sont comestibles, et l'on se sert des jeunes
feuilles pour tresser des chapeaux. D"^ L. Hn.
ÏL Horticulture. — Les Livistona réclament la serre
chaude ou la serre tempérée. On les cultive en pots ou en
caisses, biens drainés, remplis d'un mélange de terre
franche et de terre de l)ruyère. Ces magnifiques Palmiers
viennent en pleine terre, à Fair libre, en Basse- Provence
et en Algérie, G. B«
LIVUY. Yille de Russie, ch.-l. de district du gouv.
d'Orel, au confluent delaLivinka et de la Sosna; 25,000
hab. Grand marché agricole (grains, farine, bétail,
chanvre). Fondée en 1586, elle eut une grïinde importance
dans les luttes contre les Tatares.
LSVOl^ ou LÉON. Nom de plusieurs rois d'Arménie»
LivoN P^, de la dynastie des Rhoupéniens, petit-fils de
Rhoupen ou Rupin, régna de 1123 à 1135, fut Fennemi de
Bohémond II d'Antioche, contre lequel il appela les Turcs ;
Jean Comnène le délivra ; il mourut prisonnier à Gonstan-
tinople.
LivoN ïï, 9® roi de la dynastie des Rhoupénieiis, régna de
1185 à 1219, succédant à son frère Rhoupen 11; il favo-
risa la troisième croisade, s'empara delà personne de Bohé-
mond d'Antioche et s'affranchit de la suzeraineté de ce
prince qui devint son vassal ; le pape et l'empereur lui oc-
troyèrent la couronne royale (1198). H guerroya contre
Antioche et les templiers.
LivoN ni, 13® de la dynastie des Rhoupéniens, régna de
1269 à 1289, fils et successeur d'Aitoun (Otton), il com-
battit les Egyptiens eî fut l'allié des Mongols. Son fils
Aïtoun II lui succéda.
LïvoN ï¥, 20® de la dynastie des Rhoupéniens, 'régna
de 1305 à 1308. Il succéda à son père Théodose lîl, sous
la régence de son oncle Aïtoun et fut tué par les Mongols,
d'autres disent par les schism a tiques.
LivoN V, dernier de la dynastie des Rhoupéniens, régna
de 1320^ à 1342, luttant contre les musulmans et implo-
rant Faide du pape et des rois occidentaux (croisade de
1333).
LivoN TI ouLioNNET, dc la famille des Lusignan, fut le
dernier roi d'Arménie (1365-75). Successeur de Constan-
tin IV, battu en 1371, il fut pris par les musulmans en
1375, relâché en 1381 et s'établit près de la cour de
France, à Saint-Ouen. Il négocia la paix entre Charles fl
et Richard II (1385). A.-M. B.
LIVPNEGÂ (ZooL). Genre de Crustacés Isopodes, peu
difl'érents des Cymothoa (Y. ce mot).
LlïOf^lE. déograpîii© (lat. Livonia, ail. Livlan^ ou
Liefland). —-Province de Russie, Fune des trois provinces
baltiques^ comprise entre le golfe de Riga à FO.,FEhsto-
nie au N., les gouvernements de Saint-Pétersbourg (dont
la sépare le lac Peïpous) et de Pskov à FE., de Vitebsk au
S.-E., la Courlande (dont la sépare la Duna) au S* Elle a
une superficie de 47,028 kil. q. (dont 2,876 pour les îles
d'OEsel, Moon, etc.); une population de 1,260,653 hab.
(en 1891) soit 27 hab. par lui. q. C'est une vaste plaîïie,
qui se relève un peu au N., vers le plateau d'Ehstonie ; elle
y atteint 120 m. Cette ligne de faîte se divise vers le S.
autour du lac de Wirzjserw en d^ux lignes de collines ;
celle de FO., variant de 80 à 134 m., s'étend le long de
FAa et jusqu'à Lemsal ; celle de FE. s'élève à plus de
200 m. et atteint 323 m. au Munna Mœggi, ^88 au Wella
Mseggi, 257 au Teufelsborg ; elle rejoint près du lac de Ma-
rienburg (182 m.) le plateau qui sépare l'Aa de FEv^st,
oti culminent le Nessaule-Kalns (284 m.) et le Gaising-
Kalns (302 m.). Le N. de la Livpnie et les îles sont de for-
mation silurienne; le reste appartient au terrain dévonien,
mais par endroits les érosions oîlt fait reparaître des bandes
de silurien. La zone orientale est recouverte d'alluvions
anciennes (diluvium) jusqu'à Fsf.U. de 120 m. Le silurien
est représenté par ses assises moyennes et supérieures et
constitué par de la dolomite, des calcaires, des grès. On
distingue trois couches dévoniennes ; la dernière est creu-
sée de nombreuses grottes. Des blocs erratiques sont dis-
séminés partout, jusque sur les plus hauts sommets. Le sol
est peu fertile, généralement argileux, sablonneux vers les
rivages. La région des coUines est parfois pittoresque; la
région maritime, les vallées laoystres et fluviales consti-
tuent de vastes dépressions mai'écageuses couvertes de fo-
rêts, de tourbières. •—• On compte plus de 1,000 lacs, dont
540 dans le seul cercle de Wenden (au centre) et 325 cours
d'eau. Les plus grands sont : au S. la Duna grossie de
FEwst, de FOger, du Grand et du Petit- Jegel; VAa qui
draine le centre de la province ; le Swent, le Salis^ déver-
soir du lac Burtnek, la Pernov grossie diï Nawast, du Sil-
lavalla, du Hallista ; F Emte/i, tributaire du lac Peïpous,
auquel elle porte les eaux du lac Wirzjserw; ceux que nous
avons mis en italique sont navigables. —La côte, longue de
300 kil., n'a de ports qu'aux embouchures de la Pernov
et de la Duna ; des deux côtés de celle-ci sont des lagunes ;
citons à FO. les lacs Babit et langer. — Le climat est
rude, souvent nébuleux, les vents sont très variables ; la
température moyenne annuelle, est de + 4^ à Dorpat,
4- 6<> à Riga. Les forêts couvrent d'immenses espaces, no-
tamment sur le rivage et dansia vallée de l'Evrst, Les
conifères dominent, puis les aunes, les bouleaux, les chênes.
Les ours, loups, renards, lièvres, chiens de mer, daims,
abondent ; les élans et les lynx sont assez rares ; le gibier
à plumes, terrestre et aquatique, pullule.
Au point de vue ethnographique on comptait en 1882
sur 1,000 hab.:
Juifs............. 21
Polonais 5
Divers (Tsiganes, etc.) 10
Cette statistique affirme de la manière la plus nette
l'originalité des provinces baltiques ; mais leurs populations
de race finnoise ou lithuanienne n'ont pas d'autonomie et
sont disputées depuis des siècles entre la domination ger-
manique et la domination russe. Les liî^^s, dont le nom est
resté au pays, étaient un peuple finnois qui n'a plus de re-
présentants distincts en Livonie. H n'en reste que 2,400
dispersés en 12 villages du N. de la Courlande autour du
cap Domesnaes. Ils vivent de pêche. Eux-mêmes se nomment
Randalist, gens du rivage. Ce sont des hommes de haute
Lettes. ........
Ehstes
... 427
. . . 412
Allemands . . , = .
Russes. ......
... 78
... 47
taille, élancés, à cheveul généralement bruns, yeux gris ou
bruns, tête large. Leur ilaîigue appartient à la famille ou-
gro-finnoise et est pareïite de Fehste. Sjœgren en a donné
une grammaire (Saint-Mersbourg, 1861). Les coutlitties
de l'époque païenne subsistent encore ien partie. LeUt an-
thropologie a été étudiée par Waldhauer (Dorpat, 1879),
■— Au point de Yue religieux, la Livonie compte 816 ^/oo
de protestants, 134 gï^écs, M juifs, 10 catholique^ ro-
mains, 16 arméniens on adhérents de diverses sectes,
Âti point de Yue de la géographie économique, les champs
labourés occupent 18 1/2 **/o de la superficie; les forêts
214 1/2, les prés et pâturages 41 1/2, les terrains incultes
16 1/2 ^Iq, Les richesses minérales sont médiocres: de l'ar-
gile, du plâtre, de la chaox, de la. tourbe, du fer, une
source sulfureuse (à Kemmeru): L'agriculture produit en
moyenne 2,200,000 heéîoL de seigle, 2 millions d'hectol.
d'avoine, 1,600,000 hectoL d'orge, 4 millions d'hectoL de
pommes de terre. La Livonie possède 160,000 chevaux,
S00,000 bœufs, 220,000 porcs, 450,000 moutons. La
pêche est une ressource considérable, pêche maritime et
pèche fluviale ou lacustre ; la première fournit surtout des
sardines {Clupea sprottus)^ des turbots ; la seconde l'able
ou Sniiky (*Sa/m(? eperlanus)^ très goûte des Russes, Féper-
lan (Eorjuchky) é le làvaret (Rœpuschky), le saumon. —
L'industrie est florissante ; on compte près de 1800 fabriques
avec |)lus de 20,000 otitriet's et une production de plus de
100 aillions de fr. Au premier rang sont la distillerie,
puis la brasserie, la scierie de bois, la fonte du fer, l'hui-
lerie, le tissage de la laine et de la toile, la papeterie, etc.
»— Le commerce est également actif surtout k Miga, et en
seconde ligne à Pernov, Arensburg (dans Fîle d'OEsel) et
Dorpat. On exporte du pétrole, du crin^ des tourteaux, des
textiles, de la graine de lin, des céréales, & bois, etc. ;
on importe du sel, des harengs, delà houille, du vin, des
denrées coloniales^, des machines, etc. Le cciimtïierce avec
l'intérieur se fait par la Duna et par le chemin de fer do
Riga à Dunaboerg qui remonte ce fleuve et par celui de
Riga à Dorpat et Pskov, relié aux lignes qui aboutissent à
Saint-Pétersbourg. Riga est un grand centre financier. Le
centre intellectuel est Dorpat dont l'université est considé-
rable; Riga possède utie grande école polytechnique» La
Livonie forme un gouvernement dépendant du ministère de
l'intérieur ; elle a^ une cour d'appel déjpendani du Sénat de
Saint-Pétersbourg. L'église luthérienne est divisée en trois
consistoires (Livonie, Riga, OËsel). Les armoiHeSsont for-
mées d'un griffon ailé sur champ rouge tenant nn glaive
nu dans sa griffe droite. Au point de vue administratif, le
chef-lieu est Riga; la Livonie se divise en 9 cercles: Dor-
pat, Fellin, OEsel, Pernov, Riga, Walk,, Wenden, Werro,
Wolniar.
Histoire. — La Livonie a conservé le nom de ses'pre-
miers occupants de race finnoise, les Lives. Dès le ix** siè-
cle, les Lettes envahirent l'Ë., les ;Scandihaveâ prirenf;
pied sur la côte. Au xii^ siècle, des négociants de Brème
jetés par un naufrage à l'embouchure de la Duna (li59)
nouèrent des relations avec les indigènes, remoïitèreïit le
fleuve; en 1186 s'éleva réglise d'Ykestola, bientôt flan-
quée d'un château ; le pape nomma le moine conslrudeur
Meinhard évêque de Livonie (1188). L'évêque Albert
(i 199-1229) réussit à convertir les Lives et fonda Riga
(1201). Les croisades amenaient des immigrants allemands
que l'évêque groupa en 1202 dans l'ordre des frère^ de
la chevalerie du Christ, plus tard appelés porte-glaîve ;
il lui céda le tiers de la Livonie (1207); mais, en même
temps, l'ordre se faisait investir de la Livonie par l'em-
pereur Philippe de Souabe (1206), la rattachant ainsi au
Saint-Empire. En 1224, après de sanglantes guerres contre
les indigènes et les Danois, les porte-glaive sont maîtres
de rEhstonie. En 1237, ils fusionnent sivec le puissant ordre
teutonique ; on se contente de nommer un maître projs^in-
cial pour la Livonie : le premier fut! Hermann Balk. En
d232, l'ordre avait obtenu i'immédiatbté. Il continuait ses
conquêtes aux dépens des Coures, des Lithuaniens, des
355 -^ LIVONIE - LIVOU|HE
Russes ; en i 545 il est maître de la Courlande et du tiers
d0 la SémigaHe que Frédéric II lui donne en fief, attri-
buant fe reste à l'évêque de liiga; il avait aussi octroyé
la Lithuanie aux chevaliers, mais ils ne purent s'en em-
parer; au contraire, ils furent menacés par les Lithuaniens
quand vint la décadence de l'ordre teutonique. La Ré-
forme introduite à Riga dès 1523 fut combattue parie
grand maître Walter de Plettenberg (1494-11)35). Cepen-
dant la diète de Wolmar accorda la liberté du culte pro-
testant (1554). Yers cette époque, le tsar Jean lï Vasilié-
vitch infligea à l'ordre des défaites décisives ; la Pologne
' et la Suède intervinrent à la demande de l'évêque de Riga.
En ^ 561 , Gotthard Ke^teler, le dernier grand maître, n'avait
plus qm la Courlande ! et la Sémigafle qu'il sécularisa à
titre ' de duc vassal de i la Pologne. L'Ehstonie devint sué-
doise, la Livonie llolôniaise, mais celle-ci fut disputée entre
la Suède, la Russfe et la Pologne, La paix d'Oliva (1660)
la donna à la J)re|iièi*e ;' ce fut une époque de prospérité ;
avec l'Eglise prot^fetaote furent organisées des écoles, une
justice et tine adjmihlstration régulières. En 1694, la
vieille constitutioî^l locale fut abolie. Mais la Suède ne put
garder que la LivOMe» La Russie, qui voulait des débouchés
sur la Baltique, la feoncjuit ; la paix de Nystadt la lui assura.
Cependant Fautoètlmie; provinciale fut garantie, spéciale-
ment i celle de FE|;li!|e luthérienne. Jusqu'à l'époque contem-
poraine elle subsisila; tnais, sous l'influence des idées pan-
slavistes et du zèle ifeli^ietix, ces privilèges ont été entamés,
d'alitant qu'ifs e^stàifent au profit d'une faible minorité
d'Allemands, È» 1819, Me servage fut aboli ; en 1849,
la coriditiori des plysahs fut améliorée. En 1835, la loi
russe fut iîîtrodàilè et 'la langue russe déclarée oflîcielle à
côté de Fallerèandi En 1845-48 on persuada à 140,000
paysans de paSSer à FÉglise grecque, et on voulut les em-
pêcher d'en ressortir. iCèpendant, en 1856, Alexandre II
confirma les privilèges dé la npblesse. La slavisation fut
reprise à la fin de If on règne et sous celui d'Alexandre III.
Il poursuivit la fifision complète des provinces baltiques
avec les autres, ^'appuyant contre l'aristocratie allemande
sur la population Ibtte et ehste. Le sénateur Manassein fit
de grands efforts flans ee sens (1884), On nomma des
fonctionnaires russes, imposant le russe comme seule
langue ofîicielle jusque dans les communes et dans toutes
les écoles. Enfin en reprit là politique de conversion en
masse, bannissant les pasteurs luthériens qui acceptaient
les convertis reveiius à leur ancienne foi; les biens de
FEgliSe luthérienne furent placés sous la main du gouver*
nement. Lés résistées des nobles et du clergé allemand
n'ont pas arrêté cejite transformation, A. -M. R,
BiBL. : AnnV'ài^&J statisiique die la Livonie (en russe, à
Dorpat depuis 1836). r- |CofïL, Die deutsch-russischen
OsteeepraOTïik;(în r!!Dregde, t84l-42, g vol. — Kienitz,
2^ BûGhet dev QeécH, Litildinds ; Dorpat, 1847-49,2 vol.
— Liv.-'Usth,-^ unâ Kiiflmidïnches Urkundenbuch ; Riga,
1852-84, B Yqt — "^J^ïil^dKfeLiWANN, Bibliothea Livoniœ his-
toria; Bbrlili^ 1879; 2^ ted» — V, aussi les publications de
VEstlwndis0hè Liti^n Gresellschaft de Reval et du Bureau
statistique de Rjig^.
LIV'OMNI^I^E (f. PkauHT^DE LiVOMlÊRE).
LlVOymiE (iMl Ltvorrio). I. Ville. — Port de Tos-
cane (Italie centrale), sur la mer Tyrrhénienne, à 75 kil,
O.-S.r-Oi de Floreïice; 104,000 hab. Ville artificielle et
relativement moder|ie, elle n'avait que 749 hab, en 1551*
Elle a été cénstrdté sur desVterrkins marécageux où l'on a
créé des ilot$ desséchés au milieu des lagunes, .ce qui explique
le nom de «'^otit^ f enise » dui Idi a été quelquefois donné*
Son port est, de lïi^me, créé de main d'homme. Le vieux
port, abrité par nnf jetée dirigée Vers le N.-E,, était parfai-
tement abrite, daisil était de vehuinsufîisaht. On a creusé en
avant un nouveau pcirt d'une profondeur de^ 8^50 à 9"^50 qui
peut donner accès ailx plus gros navires, avec un brise-lames
de forme circulairdi La! ppî^lilation de Lîvourne est d'ori-
gine cosmo|)olitéi: des juifs espagnols et portugais et des
maures fchaésés delà péninéul^ 'ibérique^ des cathoMques
anglais perëécutêS, ides nég<i;ciatiis de Marseille fuyant les
guerres religieuses y sont ivôflus chercher un inviolable
LIVODRNÈ - LIVRE
asile. Livourne est donc bien, comme l'a dit Montesquieu,
« le chef-d'œuvre de la dynastie des Médicis ». Elle a dé-
trôné Pise ; elle est l'entrepôt naturel de la Toscane et de
l'Arno. Un chemin de fer et un canai relient à Pise le port
de Livourne qui était, jusqu'à ces dernières années, le
second port de l'Italie occidentale après Gènes. Naples oc-
cupe maintenant la seconde place et Livourne la troisième
seulement. Le mouvement de son port (arrivées et départs
réunis) a été pour l'année 1893 de 4,467 navires à voiles,
jaugeant 232,442 tonnes ; de 3,332 vapeurs jaugeant
3,044,589 tonnes. Le commerce avec Tétranger tend à
augmenter. Il est très actif avec Marseille, avec les ports
anglais de Gardiff et de Newcastle, d'oti arrivent les houilles
consommées en Italie, et avec les Etats-Unis. Les princi-
paux articles d'importation, outre le charbon, sont: le fôr
et les métaux, le sucre, les grains et farines, les peaux, les
tissus de coton et de laine : on exporte surtout les huiles,
les chapeaux et les tresses de paille, le chanvre et les tis-t
sus de chanvre, l'acide borique, le marbre, Falbâtrè, le
corail. Livourne est ch.-l. de prov., siège d'un évêché,
possède une académie navale ouverte en 1881, une chambre
de commerce datant de 1801, une bibliothèque de plus de
40,000 volumes, une synagogue, la plus importante de
toute l'Italie, un phare et la Torre del Marzocco), qui sert
de signal aux navires. Au large de son port est la tour de
laMeloria, qui rappelle la terrible bataille navale gagnée
par les Pisans sur les Génois (1241). Le nom de Livourne
est mentionné pour la première fois en 807 ; c'est au
xiv^ siècle que les Pisans cherchèrent à y attirer la popu-
lation. Le port fut créé par Ferdinand!®^ de Médicis (1887-
1609). En 1691, Livourne fut déclarée ville libre et neutre
et le resta jusqu'à la création du royaume d'Italie. Elle est
entourée d'un mur d'enceinte qui date de 1835^
IL Province. ■— La prov. de Livourne comprend deux
circondari qui ont pour capitale Livourne et Portoferraïo
de l'île d'Elbe, Elle comprend une superficie de 344 Ml. q.
et une population très condensée, calculée au 31 déc. 1893,
de 125,202 hab., soit 364 hab. au Idl. q. H. Vast.
LIVRADOIS (Monts du) (V. Forez).
LIVRAISON. L Librairie. <— On appelle ainsi les dif-
férents numéros d'une publication périodique, ou les divi-
sions d'un ouvrage mis en vente par portions séparées.
L'idée de fragmenter un même ouvrage et d'en offrir au
public les parties une à une et successivement, pour aug-
menter la vente en facilitant l'achat, date des premiers temps
de l'imprimerie. Dès le xv*^ siècle, des œuvres de l'antiquité
classique furent publiées de cette façon. Aujourd'hui les
grands travaux de science ou d'érudition, les encyclopédies,
les dictionnaires, les atlas, les longues descriptions artis-
tiques ou topographiques, se présentent, le plus souvent,
sous la forme de livraisons. Les romans qui ont eu de la
popularité, ou ceux que l'éditeur veut rendre populaires à
force de bon marché, sont mis en vente par livraisons ornées
de gravures sur bois, à 10 ou 15 cent, dont la première
est généralement distribuée gratis à titre de réclame et de
spécimen. — - Pour les livres de science, d'art ou d'érudi-
tion , les mots fascicule , et partie sont souvent pris
comme synonymes de livraison» B.-H. G.
II. Bourse. — Lorsqu'il s'agit d'opérations au comp-
tant, sur des valeurs au porteur ou transmissibles par
endossement, la livraison par l'agent vendeur doit être
faite au plus tard avant la cinquième bourse qui Suit celle
de la négociation ; à son tour l'agent acheteur doit les tenir
à la disposition du donneur d'ordre le jour de la huitième^
bourse. Pour les valeurs transmissibles par voie de trans-
fert, les noms, prénoms ou acceptation doivent êfre dépo-
sés à l'agent vendeur avant la cinquième bourse, le dépôt
pour transfert opéré au plus tard le surlendemain, et les
titres livrés le lendemain de la consommation du trans-
fert ; les délais sont prorogés de huit jours pour les actions
des compagnies d'assurance. Pour les opérations à terme,
la remise des titres se fait entre agents par l'entremise de
la chambre syndicale, le dernier jour de la liquidation ;
356 -
le lendemain, les agents remettent à leur tour les titres aux
donneurs d'ordre. Si les titres sont nominatifs, la livraison
a lieu à la quatrième bourse qui suit la clôture de la liqui-
dation (V. Opérations de bourse). G. François, i
LIVRE. Historique. — Origines. — L'histoire du
livre est celle de la marche même de la civilisation. Dès
qu'on fut parvenu à concevoir Fidée de fixer l'expression
de la pensée au moyen d'une écriture (V. ce mot), on se
trouva en mesure de le produire; mais cette incubation
fut longue, et on ne saurait déterminer même approxi-
mativement l'époque de la naissance du livre véritable.
Sans aller jusqu'à la définition moderne, envisageant le livre
conime un « assemblage de plusieurs feuilles de papier, de
vélin, etc., manuscrits ou imprimés, formant un volume »,
on ne peut désigner, en effet, sous ce vocable que la repro-
duction d'un texte, d'un ensemble d'idées en un mot, des*-
tiné à la divulgation sous une forme portative. L'écriture,
comme moyen de la propagation de la pensée, dut d'abord
logiquement recevoir deux applications distinctes: dans
l'ordre public, elle fut employée à la fixation des textes des
lois ou des préceptes religieux ; dans l'ordre privé, qui
n'apparut qu'en second lieu, à la rédaction des actes, dés
messages et autres besoins analogues de la vie journalière.
Les textes d'intérêt public, social, furent d'abord portés à
la connaissance générale par voie d'inscriptions (V. Epi-
graphie), et, afin d'en assurer la durée, on les exprimait au
moyen de h gravure (V. ce mot), sur des matières dures,
pierres et métaux surtout. Les Assyriens et les Babyloniens
employaient à cet effet la terre cuite et émaillée, sous
forme de plaques ou de cylindres. Les Grecs et les Etrusques
se servaient aussi parfois de la même matière. Plus porta-
tives, les tablettes de bois étaient, dès la plus haute anti-
quité, en usage chez les Egyptiens, les Hébreux et les divers
peuples de l'Occident, notamment pour des besoins privés.
Ce sont surtout les Romains qui en propagèrent l'emploi.
Ces tablettes de bois, et parfois même d'ivoire, étaient cou-
vertes d'un enduit mou, généralement de cire, et on y
écrivait, ou plutôt on y gravait en creux, au moyen d'une
pointe dure, d'un stylet (V. ce mot), non seulement des
lettres, des comptes, des notes, etc., mais aussi des mi-
nutes des contrats, des testaments et autres documents
semblables. On les disposait en diptyque ou en polyptyque,
de sorte que leur réunion avait déjà la forme du livre, sans
en avoir encore le caractère. Notons que les Chinois écri-
vaient au pinceau sur des tablettes de bois.
On se servit également pour les mêmes usages de feuilles
de palmier, d'olivier, etc., et aussi de l'écorce des divers
arbres, et la signification de « livre » donnée au mot latin
liber (pellicule entre l'arbre et l'écorce) vient de cet usage
d'une antiquité reculée. La pratique engendra d'autres idées.
Les Egyptiens, qui écrivaient aussi sur de la toile, inven-
tèrent enfin, il y a de cela plus de trente-cinq siècles, « le
papier d'Egypte », le papyrus (V. ce mot), dont l'emploi
devint général, bien longtemps avant l'ère actuelle. Paral-
lèlement et depuis un temps immémorial, on écrivait dans
les pays méditerranéens sur des peaux d'animaux préparées
à cet effet. Lorsque les rois d'Egypte s'avisèrent de défendre
l'exportation du papyrus, ceux de Pergame, leurs rivaux
intellectuels, durent recourir exclusivement à la matière
première animale pour constituer leur bibliothèque qu'ils
voulaient former à l'imitation de celle des Ptolémées (iv®-
iii® siècles av. J.-C). La manière de préparer ces peaux,
de chèvre ou de mouton, ayant été perfectionnée à Pergame,
cette substance reçut le nom de cette ville et fut appelée
par les Romains charta Pergamena, d'où le nom français
parchemin. La peau de veau a fourni le vélin (V. ces
mots). L'emploi du papyrus se prolongea en France jusjju'au
IX® siècle, et à la cour papale jusqu'au milieu du xi® siècle.
De même que la disette du papyrus amena l'usage fré-
quent du parchemin, la rareté de plus en plus grande de
celui-ci conduisît à la généralisation de l'emploi du papier
(V. ce mot), d'origine orientale, connu en Europe dès le
XI® siècle. Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, qui florissait
357
LIVRE
vers 1120, nous renseigne en ces termes sur le sujet qui
nous occupe : « Les livres que nous lisons tous les jours
sont faits de peaux de bélier, ou de bouc, ou de veau, ou de
plantes orientales, enfin de chiiFons de drap, de linge. »
Le livre véritable ne naquit qu'avec l'invention du pa-
pyrus. Il se présenta cous deux formes : d'abord sous celle
du rouleau, écrit d'un seul côté, et appelé volumen par
les Latins (du yerhevolvere^ rouler) ; puis sous celle d'un
recueil de feuillets, rectangulaires, réunis ensemble, et
surnommé codex., dont la signification première est « tronc
d'arbre, souche », ce qui rappelle l'origine végétale de la
matière employée. Tout indique que cette forme de livre
a été suggérée par l'aspect des tablettes de bois ou d'ivoire.
Au temps de Cicéron et de Catulle, les codices étaient
exclusivement réservés aux livres des comptes et d'adminis-
tration, et leur emploi pour des ouvrages; littéraires n'était
pas encore très répandu à l'époque de Martial. L'intro-
duction du mot liber est plus tardive. Au n® siècle, il dé-
signait un volumen^ et ce n'est qu'au iv® qu'il fut égale-
ment appliqué au codex^ forme défiïiitive du livre, le
rouleau ayant fini par n'être employé que pour les actes
publics ou judiciaires.
Industrie du livre. — ' Le livre manuscrit. Nous ren-
voyons au mot Manuscrit pour l'histoire des différentes
étapes du livre écrit à la main et les détails de sa confec-
tion, nous bornant à. quelques indications générales. Les
volumes avaient les dimensions les plus variées. D'habitude,
les poésies et les lettres se publiaient en petits volumes,
les ouvrages historiques ou scientifiques, en grand format.
Les pages étaient souvent divisées en deux ou même en
trois colonnes'; elles n'étaient point numérotées à l'origine ;
en tout cas, on n'a pas trouvé à citer d'exemple de la pa-
gination chez les anciens. Au moyen âge, on numérotait
les feuillets, et non les pages. Pour aider le relieur dans
Fasseftiblage des cahiers d'un livre, on inscrivait au bas
de chaque cahier un ou plusieurs mots par lesquels com-
mençait le suivant; c'est ce qu'on appelle les réclames.
Les ouvrages étaient dépourvus d'un titre spécial, et rare-
ment ils portaient l'indication du lieu oU de la date de leur
exécution. En raison de la cherté du parchemin^ le texte
en était généralement criblé d'abréviatibns, saufdans les
livres de : luxe. Le papier ne commença à être employé,
concurremment avec le parchemin ou le yélin, qu'à partir du
XIII® siècle. Les caractères de l'écriture ont varié considé-
rablement selon les temps et les pays. Les volumes étaient
plus ou moins enjolivés ou décorés, en raison de leur na-
ture ou de leur destination. En tout cî^s, ils étaient tou-
jours fort chers. C'est le monde religieux qui fut le pre-
mier fabricateur de livres ; les laïques :n'y ont guère pris
part avant le xiii*^ siècle. Pour constituer un manuscrit, il
fallut le concours des industriels suivants : le parchemi-
nier ou le fabricant de papier, le scribe, souvent le rubri-
cateur ou l'enlumineur, enfin le lieeur, de livres ou bro-
cheur. Le livre une fois terminé passait entre les mains du
libraire, qui en opérait la vente, et enverra plus loin de
combien de précautions, d'entraves même, était entouré
l'exercice de ce commerce, surtout en France, et cela pen-
dant une longue série de siècles.
Le livre imprimé. Une nouvelle civilisation déterminée
par la renaissance des lettres apparaît au xv® siècle. Il lui
faut un moyen d'expansion nouveau et rapide, et juste à
point surgit l'invention de Pimprimerie que tous les con-
temporains ne peuvent s'empêcher de qualifier de divine.
L'histoire de ses origines et de ses destinées immédiates a
été esquissée ailleurs (V. Imprimerie). Si, comme on Ta
dit, elle sépare le monde ancien du monde moderne, par
une poussée extraordinaire qu'elle imprima au progrès,
elle unit aussi ces deux mondes, en faisant mieux connaître
au second la vie intellectuelle du premier. Ce que l'ordre
des bénédictins avait fait pour la civilisation du moyen
âge, les imprimeurs le continuèrent depiiis la Renaissance.
L'imprimerie, c.-à-d. la reproduction mécanique d'un
texte à un grand nombre d'exemplaires i|dentiques, débuta
par l'impres$ion tabellîfire, au moyen des planches entières
gravées en relief sur )bois. C'est ce qu'on appelle la xylo-
graphie (V, ce mot). (|e procédé, qui appartient plutôt au
domaine de la gravure! ne produisait que des livres im-
primés d'un seul côté d'un feuillet. De cette idée primor-
diale découla Pimprin^lerie proprement dite, ayant pour
principe Isi niobilisatioil des caractères.
Le premier objectif «Je la xylographie et de la typogra-
phie a été l'imitation d'u livre manuscrit, au point de don-
ner le change à Pacqupréur. On en copia successivement
les différents! caractères, et on fit passer dans les types
mobiles les slbréviatîonfe usitées par les scribes. En raison
de la résistance opposée par ceux-ci et par les enlumi-
neurs à l'invasion de part nouveau, et aussi de l'opinion
ameutée du public, en(|hn à y voir un acte de sorcellerie,
cette préocciipation de If aire passer uja livre imprimé pour
un manuscrit persiste^ pendant quelque temps, avec un
caractère évident de supercherie, même après la procla-
mation officielle de la ijiouvelle invention. Cette proclama-
tion eut lieu en iêM, dans la so^iscription finale du
Psautier latin, imprifl[|é à Mayence par Fust et Schoiffer,
qui déclarent que ce l|vre (codex) fut exécuté «sans le
secours de la plume, par, uû procédé ingénieux, au moyen des
caractères et de l'inipréssîon » (adinveàtione artificiosa
imprimendi ac catkcierizandl \ absque calami ulla
exaratione sic efftgiatus.,,). Elle ;a été renouvelée, sous
une autre forme, dans la souscription âuCatholicon^de
1460, dont l'exécution ^st attribuée à Gutenberg lui-même :
«... ce Mvre (liber) a été imprimé, et e?:éculé, non point
à l'aide du roseau, dq stylet ou de là plume, mais par
l'accord merveilleux dans lés rapports et le module des
lettres au moyen de poifiçons et de matrices » (non calami,
stili aut penne suffrù^gio, sed mira patronarum for-
marumque concordiez ptoporcione et modulo^ impres-
sus atque confecius 4^.
La diffusion de Part nouveau fut rapide, grâce surtout
aux troubles survenus k Mayence en 1462 et 1463, à la
suite desquels les nonjbréux initiés avèrent se réfugier
dans les villes les plus importantes de l'Europe. Bamberg
fut la seconde cité où l'imprimerie ava^t été établie avant
cet événement mémorable. Elle pénétra ensuite immédiate-
ment en Italie, d'abord à l'abbaye bénédictine de Subiaco
(1465), puis à Rome (1467), qiii cependant fut devancée
par Strasbourg (v. 1465) et Cologn0 (1465-66). Viennent
après : Eltvil (1467), Âugsbourg et le souvent de Marien-
thal (1468), Nuremberg (y. 1469), JBeromunster, en
Suisse (1470); et en ïtalie : Venise et Foligno (1469),
Plaisance (1470). La France ne l'introduisit qu'à cette
dernière date à Paris, et seulement eh 147|3 à Lyon. Cette
même année elle s'introïiisa à AloSt et à Utrecht, dans
les Pays-Bas, et à Bud^, en Hongrie. Et dans l'intervalle,
rien qu'en 1471, elle prit ipied dans six nouvelles villes de
l'Italie : Milan, Bôlognd, Pavie, F'errare, Florence, Naples,
ainsi qu'à Spire en Allbmagn0, On ne la vit s'établir en
Espagne qu'en, 1474, à Valence, et siinultanément dans la
capitale de la Pologrie, à Çracovie, ainsi qu'à Louvain et
à Bruges. L'Angleterre ne l'a cotmueqh'enl475, à W^est-
minster, en même temps que Saragosse et Séville. La typo-
graphie rayonnait depr<?cheen pï|ochej et, avant l'an 1500,
plus de cent villes en Europe, 4ont (ju&rante en France, la
pratiquaient déjà. Ses destinées et ses fjrogrès ont varié plus
ou moins selon les paya oh elle fat implantée*
En ce qui conéerne les tj|pes employés, ce furent les
caractères anguleux dits gothiques, eh usage alors en Alle-
magne, qui servirent de premfer^ modèles, et qui persis-
tèrent longtemps dans; les difféi^enteà contrées avec plus
ou moins de variations. Le caractère rond, dit romain,
usité en Italie dès le xiv® siècle, y fdt a,dopté dans Pim-
primerie dès le début, d'abord avec une certaine teinte de
gothicisme, à Subiaco et à Rome par S^eynheim et Pan-
nartz, puis avec pureté par Jean de Spire à Venise. Il fut
amené à la perfection par Nicolas Jénson, établi dans
cette dernière ville. Sa vogue fut grande, mais il mit du
mm -- 358
temps à supplanter coiïiplètèment le gothique, même dans
Textrême Occident. Cependant les premières productions dé
l'imprimerie parisienne sont en caractères romains, mais
d'une forme un peu germanique.
Les réclafnes et les chiffres de la pagination passèrent
des manuscrits dans les imprimés. Le premier livre où
Ton rencontre des réclamés est le Tacite imprimé à Venise
par Vindelin de Spire, probablement en 4470. A ces
points de repère destinés à guider le brocheur, on a subs-
titué ensuite les signatures , placées au bas d'un ou de
plusieurs feuillets de chaque cahier, et le premier livre
ainsi fait est le Preceptorium divinœ legis^ de J. Ny~
der (Cologne, Jean Koelhoff, 14721). Un autre imprimeur
de Cologne, Arnold Ther Hoernen, passe pour avoir le
premier pagiîié les feuillets en Chiffres arabes, en 1470.
Fendant longtemps, à l'exemple des manuscrits, les vo-
lumes sont dépourvus d'un titre spécial ; ils commencent
directement par le texte de l'ouvrage. Loïi^sque le lieu
d'impression et le nom du typographe soni indiqués, ce
qui n'est point général au xv® siècle, cette mention fait
l'objet d*une souscription finale, appelée holophon en bi-
bliographie. Très souvent cette mention est accompagnée
de la marque (V. ce mot) de l'imprimeup. Le premier
livre avec un titre complet, à la moderne, esth Cdl^n-
dario àe Jean de Monteregio, imprimé en 1476, à Venise
(V. art. Bibliographie). Deux formats furent d'abord en
usage : l'in-folio^ divisé jgénéralemeht en deux colonnes, et
l'in-quarto. L'in-octavo hé vint que beaucoup plus tard.
Ce qui est vraiment merveilleux, et unique dans l'espèce,
c'est que l'imprimerie atteignit dit premier cdup à une haute
perfection. Les matièreâ premières qu'elle employait (le
parchemin, le papier, l'encre) étaient d'une qualité excel-
lente, le tirage était parfait, la disposition typographique
était harmonieuse, les marges avaient une belle largeur, en
un mot l'œil était satisfaif;. Il n'y a guère que la régularité,
la beauté et la lisibilité des caractères qui laissaient sou-
vent à désirer, mais ils allaient en ^e perfectionnant.
On estime à 13,000 lé nombre d'ouvrages ou d'éditions
publiées au xv® siècle, sur lesquels î^s ouvragés de reli-
gion et (le scola^ticjtie fcjrWent les 6/7, et les productions
de littérature ahcienhe et moderne et de sciences seulement
1/7. Le premier livi^-e en: français esf le Recueil des his-
toires deTroyés^ par Raoul Lé Fèvrfe, imprimé à Cologne
par UlribhZell, en 146^ ou 1467, par ordre du dUc de
Bourgogne . Colard Mansion , imprimeur à Bruges , en
édita une Série iiepùis 4476. fin, Finance, le plus ancien
livre connu en langue nationale fut imprimé à Lyon, par
Barthélémy Buyek", égalejment en 1476 (la légende dQrée)
tandis que Paris ne produisit ses êrdndés Chroniques
de France, exécutées par Pasqtiieïf Bonhomme, que neuf
mois plus tard (16 janv. 4476 [147i?, noiiv. style]).
Bien que Paris se lai^t dêvànceî' par douze villes pour
l'introduction dé Fihiprîmerie, il lés! distança rapidement
toutes par le nombre, là qualité et Fihtérêt de ses produc-
tions. Dès le début, il se mit à propager les œuvres de la
littérature nationale, poésies où romàps de chevalerie, et
durant tout le xi« siècM, d bien au delà ^ il brilla dans
le domaine du livre illustré (V. plus loin).
Pendant ce temps, l'ItaHei là te)Cre classique, sans né-
gliger les œuvres de sk propre li;ttoture, ne cessa de
livrer au public celles dès Rpmàlnsj et la plupart des au-
teurs latins de l'antiquité qn'oh cërihaissàit alors furent
publiés avant la fin du siècle. Ces éditions laissaieiit, il
est vrai, beaucoup à désirer au! point; de vue de la correc-
tion des textes, car on n'était pas éi^dore arrivé à là pér-
riode de l'érudition et de critique philblôgï(![ue.
' Le XVI® siècle est la plàs belle ép^ue de la typogra-
phie avant le nôtre. Ce ne sont pMs; seulement d'habiles
praticiens qui exercent alors cet art y mais des lettrés et
des savants dé marque. Le livré est soigné avec passion,
tant au point de rm intrinsèque que piatérieL
L'homme qui îrendit à cet é^arddés services inappré-
ciables, surtout comme initiateur dii progrès, fut Aide
Manuce (V. ce nom), le plus grand imprimeur qtie l'Italie
ait enfanté, et, en même temps, un htiimaniste èminent.
L'un des plus ardents promoteurs des études grecqiïes, il
voua son existence à leur vulgarisation. Avant son entrée
en scène (1494) à Venise, on n'avait publié qu'une dizaine
de Hvres grecs^ tous en Italie. Le premier fut la Gram-^
maire de Lascaris, imprimée à Milan, en 1476, par Para-
visini, avec les caractères gravés et fondus sous la direction
de Démétrius de Crète. Venise prit ratig en 1485, Flo-
rence et Vicence en 1488. Aide Manuce ^donna à ce cou-
rant initial une poussée formidable, et l'helléniste allait
chez lui de pair avec le typographe. Il créa de nouveaux
types grecs, veilla à la correction des textes et apporta
aussi tous ses soins à la condition matérielle des vo-
lumes. Il ne négligea pas non plus la littérature latinej^et^
pour en faciliter la diffusion, il adopta le format petit in-
octavo qu'on n'avait employé avant lui que pour des livres
de^ messe. Cette innovation fut d'abord appliquée à son
édition de Virgile de 1501, où apparut aussi pour la pre-
mière fois le caractère italique, dit aussi aldin, du nom
de son inventeur, qui en avait emprunté le modèle à la
belle écriture de Pétrarque. L'œuvre d'Aide fut continuée
avec zèle d'abord par son beau-père, André d'Asola, puis
par son fils, Paul Manuce.
L'hellénisme typographique fut lent à se propager; De
l'ItaHe, il pénétra d'abord en Allemagne, à Erfurt (1501),
puis à Wittenberg (1511), à Strasbourg (1512), à Leip-
zig (1515), à Cologne (1517). Thierry Martens d'Alost
l'introduisit à Louvain en 1513, et dès l'année suivante,
on le vit s'installer en Espagne, à Alcalà. L'illustre im-
primeur bâiois Froben s'y voua depuis 1516, avec la col-
laboration d'Erasme, En France, Gilles de Gourmont, de
Paris, fut le premier à imprimer des livres en grec à par-
tir de 1507. Sur ces traces marchèrent ensuite Pierre
Vidoue, Wechel, Vascosan, Tiletan, Néobar, Guillaume
Morel, tous excellents imprimeurs, enfin les Estienne
(V. ce nom). Dans la dynastie de ces derniers, c'est à
Robert qu'on est le plus redevable sous ce rapport. Emule
d'Aide, il imprima, depuis 1544, de fort beaux livres
avec les admirables caractères grecs gravés par Garamond
d'après l'écriture du célèbre càlligraphe Ange Vergèce,
par ordre même de François ï®^. Les ouvrages latins et
français, sortis de ses presses, ne sont pas moins remar-
quables, et, à tout prendre, c'est peut-être à lui qu'il fau-
drait décerner le titre du plus grand typographe du monde.
Avant ou à cété de Robert Estienne, il ne manquait pas
en France d'hommes habiles dans cet art, en dehors des
imprimeurs pour le grec cités plus haut. Il suffira de men-
tionner, pour Paris : Josse Bade, Galiiot du Pré, Geoffroy
Tory, Simon de Colines, Gilles Corrozet, Adrien Turnèbe ;
et, pour Lyon, Etienne Dolet, Jean de Tournes, Guillaume
Moville, les Gryphe. Sous le règne de -François I®^, pro-
tecteur éclairé des lettres et des arts, la Ubrairie et l'im-
primerie prirent un développement immense. La forme
agréable des types, la qualité du papier et de l'encre, le
goût dans l'arrangement typographique, l'élégance et la
richesse des ornements accessoires, assurèrent aux édi-
tions de Paris une supériorité incontestable sur celles des
autres villes.
L'ascendant du goût français régna dorénavant sur
l'étranger. C'est le Tourangeau Christophe Plantin{\, ce
nom) qui l'implanta dans les Flandres, en créant, en
1555, à Anvers, une imprimerie et une librairie qui, vers
la fin du siècle, fut la plus importante du monde, et lorsque
au siècle suivant cette prééminence passa à la Hollande,
grâce aux Elzevier (V. ce nom), c'est encore parce que
ces grands négociants en livres se servaient des caractères
gravés et fondus en France, puis imités des types français,
et aussi de nos papiers d'Angoulême. Les Elzevier n'ont
rien apporté de nouveau à Fart typographique, mais l'un
d'eux, Abraham, fit une véritable révolution en librairie
en introduisant le format in-douze, si agréable et si com-
mode, et aussi en offrant les livres à bon marché.
- 361 -
JUTE
elles sont encore repoussées par leurs coreligionnaires et
n'ont plus aujourd'hui d'autres ressources que de tisser de
la toile de jute. Ce sont elles qui fabriquent les toiles dites
baggins, sackings, hessians, destinées à l'emballage de
la houille et des denrées coloniales ; les gunnybags, qui
servent à renfermer le sucre et le riz d'exportation, et ces
tissus à bordures rouges et noires qui servent à faire des
habits à la population pauvre du pays et que l'on appelle
tat^ megila, choote^ etc. 11 est facile de remarquer les
maisons où l'on tisse le jute, car une poignée delà matière
brute est suspendue au toit de chaume de chacune d'elles.
Si nous ajoutons à ceci que, dans les moments perdus, les
bateliers, les laboureurs, les porteurs de palanquins, les
domestiques imitent l'exemple des veuves hindoues et s'ins-
tallent au métier à tisser, on comprendra facilement com-
ment, au Bengale, on trouve des sacs de jute à des prix
excessivement bas et pourquoi on en expédie dans le monde
entier : à poids égal, il y a une différence des plus minimes
entre le prix de la matière première et celui des sacs.
C'est à la Compagnie anglaise des Indes occidentales que
l'on doit la découverte du jute. Les qualités de cette fibre
et les avantages qu'on en retirait ne furent signalés, en
effet, qu'en 1792 par le docteur Roxburg, envoyé par la
Compagnie à Calcutta afin de connaître quels étaient les
filaments utilisables qu'il était possible de monopoliser pour
l'Angleterre. Roxburg cultiva le jute dans le jardin bota-
nique de Sibpur, fit de nombreux essais sur la fibre qu'il
retira de ses plantes et consigna dans un rapport le résumé
de ses expériences. Les filaments qu'il envoya en Europe,
et qui étaient, alors comme aujourd'hui, connus dans l'Inde
sous le nom de pat ou koshta, furent alors désignés en
Angleterre sous le nom de jute, corruption vraisemblable
du moi jhont ou jhot, sous lequel la plante était connue
par les jardiniers du jardin d'essai, originaires d'Orissa.
De 1791 à 1796, la Compagnie employa tous les moyens
pour faire connaître le jute en Europe ; elle ne réussit qu'à
en faire expédier sur le continent une certaine quantité
sous diverses formes. En 1796, elle cessa ses frais et les
exportations cessèrent jusqu'en 1800. En 1803, le docteur
Buchanan fut envoyé à Calcutta pour prendre la direction
d'une ferme et faire des essais pour la propagation de la
culture du chanvre. Il ne se borna pas à l'essai d'un seul
textile, et il cultiva différentes sortes de jute, qu'il arriva
à faire apprécier. La Compagnie des Indes reprit alors
l'exportation du jute d'une manière intermittente, faisant
en même temps filer ce textile à façon dans les manufac-
tures anglaises. L'importation du jute en Europe reçut une
impulsion considérable à deux époques différentes : en
1855, à l'époque de la guerre de Crimée, et en 1863 au
moment de la guerre américaine de sécession. En 1866-67,
il sortait de l'Inde anglaise 93,804,810 kilogr. de jute et
en 1872-73, il en sortait 370,040,139 kilogr. Actuelle-
ment, la quantité moyenne de jute récolté chaque année
est évaluée à 500 millions de kilogr., soit la moitié du
poids du coton produit sur toute la surface de la terre. A
Calcutta, ainsi que nous l'avons dit, le jute est le plus
souvent acheté aux cultivateurs par des courtiers qui, de
leur côté, livrent directement aux spéculateurs qui font
l'exportation. A l'arrivée dans les magasins de ces der-
niers, le jute est classé en sortes distinctes, puis les balles
sont marquées, suivant les maisons, de signes différents
qui servent à en désigner la qualité. Quelle que soit la
provenance du jute, on en fait ordinairement trois catégo-
ries différentes : une première, qui comprend les jutes dont
les filaments sont d'un beau blanc perle, longs et résis-
tants ; une seconde, formée de ceux dont la teinte est plus
fauve et qui sont moins forts et mal nettoyés du pied ;
enfin, une troisième composée des jutes dont la couleur
est presque brune et qui sont en même temps courts et
faibles. Les importations du jute en France, qui n'étaient
que de 27 millions de kilogr. en 1876, s'élèvent, en 1892,
à 45 millions de kilogr. En Angleterre, le commerce du
jute se pratique par Tintermédiaire de courtiers qui ven-
dent pour leur propre compte ou pour le compte des mai-
sons de Calcutta. Dans la Grande-Bretagne, c'est surtout
Dundee qui absorbe le jute ; en France, c'est Dunkerque.
Filature de jute. — Le jute, avant d'être travaillé, doit
être graissé d'une manièie toute spéciale afin d'acquérir une
certaine souplesse. Pour cela, on forme, avec les fibres, des
litières de 3 à 4 m. q., par couches de 8 à 10 centim. et on
arrose le tout d'un liquide lubrifiant, au moyen d'un arro-
soir. La quantité de ce liquide varie de 25 à 30 ^j^ du poids
du jute, mais elle est plus forte en été qu'en hiver, à cause
de l'évaporation. La composition du lubrifiant n'est pas par-
tout la même : quelques filateurs emploient de l'huile de
phoque, de baleine ou de veau marin, et y ajoutent de l'eau
de savon ou de la potasse chauffée à 50° ; d'autres font usage
d'une mixture d'huiles lourdes, tenant en dissolution de la
résine ou de la gomme, avec une émulsion alcaline à base de
soude, de potasse ou d'ammoniaque. Deux méthodes sont
alors en usage : ou bien le jute est peigné après avoir été
coupé et passe ensuite par les métiers ordinaires de la fila-
ture de lin ; ou bien il est directement cardé. Nous allons
examiner rapidement ces deux méthodes. Si l'on veut obte-
nir du cardé, le jute est présenté à une machine appelée
teazer ou à une autre dite shellbreaker, vulgairement dé-
signées l'une et l'autre sous le nom de loup ou tibre, qui
réduit la matière en étoupes ou en filaments de 20 à
30 centim. de longueur. Le teazer consiste en un tambour
de bois de 1 m. de diamètre sur 0,60 de largeur, entouré
de fortes aiguilles longues de 4 à 5 centim. et tournant
avec une vitesse de 1,200 à 1,500 révolutions à la minute.
Au-dessus de ce tambour sont agencées, à de courtes dis-
tances les unes des autres, trois paires de rouleaux munis
d'aiguilles, comportant chacune un débourreur et un tra-
vailleur. Le jute est amené à l'aide de toiles sans fin,
entre deux paires de cylindres cannelés, qui le font avancer
peu à peu, tout en le retenant de façon à le laisser arracher
petit à petit dans toute sa longueur par les dents du tam-
bour. Il est alors réduit en tronçons de quelques centimètres,
passe successivement parles trois paires de rouleaux et fina-
lement est enlevé sur le derrière du métier par un doffer
qui le transmet à des rouleaux cannelés, d'où il est reçu
sur des toiles sans fin. Dans le shellbreaker, il n'y a que
deux paires de rouleaux travailleurs et débourreurs, situés,
contrairement à la machine précédente, au-dessous du
tambour. Les cylindres cannelés de l'entrée sont supprimés
et remplacés par un rouleau muni de dents de cardes. Le
jute est arraché en menus morceaux par le tambour et les
rouleaux, et lorsqu'il revient au sommet du tambour, il en
est enlevé par un doffer qui le transmet à deux paires de
rouleaux cannelés, séparés par une table en fonte polie,
qui le débitent sous forme de ruban dans un pot. Après
avoir été réduit en morceaux, par l'une ou l'autre de ces
deux machines, le jute passe par la carde à jute assez sem-
blable à la carde employée pour l'étoupe. Dans cette carde,
le jute subit un véritable étirage, tandis que l'une ou l'autre
des machines précédentes n'a servi qu'à le briser en mor-
ceaux et à l'assouplir, remplissant un rôle à peu près ana-
logue à celui de la brisure pour étoupes. Le jute passe en-
suite successivement par les étirages, le banc à broches et
le métier à filer, machines qui sont identiquement les
mêmes que celles employées pour le lin, mais construites
d'une façon plus forte et plus solide, puisqu'elles doivent
travailler une matière plus élastique et préalablement
mouillée. Les bancs d'étirage n'y réunissent jamais que
deux et parfois quatre rubans, les barrettes y sont souvent
remplacées par des hérissons. Le fil de jute cardé est plus
cotonneux, plus pelucheux, que le fil de jute peigné, et la
valeur en est moindre.
Pour obtenir le jute peigné, il faut couper ou casser le
jute graissé par longueurs de 60 à 80 centim. au moyen
d'une machine à couper. Ces cordons sont portés à la pei-
gneuse à lin, qui les rend sous forme de longs brins et
d'étoupes. Les étoupes sont cardées et filées, comme lejute
cardé, mais les brins peignés sont par allélisés et échelonnés
JUTE — JUVE[GNERIE
362
sur la table à étaler, ensuite sur les étirages, puis ras-
semblés et laminés sur le banc à broches et finalement
tordus sur le métier à filer, toutes machines identiques à
celles qui servent pour le lin. Le fil, dans ces conditions,
possède plus de force que le cardé. Quelquefois, avant de
couper le jute à une longueur déterminée, on le fait passer
par une sorte de machine à assouplir dite softener^ dont
on connaît plusieurs types. Dans les unes, le jute étalé sur
une toile sans fin, passe entre deux séries de dix rouleaux
cannelés, superposés parallèlement; la machine comprend
donc quarante rouleaux ; le jute passe d'abord entre la
première et la seconde rangée de rouleaux, revient ensuite
entre la seconde et la troisième et finalement passe entre
la troisième et la quatrième pour sortir sur le derrière du
métier. Dans les autres, la série n'est que de cinqrouleaux,
mais ceux-ci sont placés sur un demi-cercle en fonte, les
uns à la suite des autres et munis chacun d'une forte vis
de pression ; le jute est établi sur une toile sans fin sur le
devant et sort entraîné sur une autre toile sans fin derrière
le métier. Les mélanges du jute et d'un autre textile, lin
ou chanvre, se font à l'étaleuse ou aux étirages, mais
l'étalage à l'étaleuse donne les meilleurs résultats. Le
système préférable est alors, non pas d'étaler successive-
ment des poignées différentes des textiles mélangés, mais
de réserver, sur la table de la machine, un coin pour le fin
ou le chanvre et un coin pour le jute ; les deux rubans se
doublant près du pot, se mélangent plus intimement.
Nous venons de voir qu'on est obhgé, pour filer le jute,
de l'ensimer à l'aide d'huile de poisson, ce qui commu-
nique dans la suite à ces fils une odeur désagréable et per-
sistante. Ses tissus ne peuvent donc servir à aucun usage
de corps. En outre, le jute ne peut fournir que de gros
numéros en filature et, tout en donnant un fil peu solide
par lui-même, peut à peine, à l'état de tissu, supporter
l'humidité ou encore moins les lessives alcalines. De tout
ceci, il résulte encore que ce textile ne s'emploie qu'à la
fabrication de tissus craignant peu l'humidité ou à la
confection de toiles grossières. Il entre, par exemple, dans
la composition des toiles cirées pour parquets ; il sert aussi
à faire des tapis- moquettes ayant presque l'apparence des
tapis de laine, que l'on teint en couleurs très vives, mal-
heureusement peu résistantes ; on l'emploie encore beaucoup
pour la fabrication de tentures d'appartement à bon marché,
soit seul, soit en mélange avec le coton, ou encore pour la
confection de certaines toiles à matelas pour paillasses.
On l'utilise, uni à la bourre de coco ou à diverses espèces
de fibres exotiques, pour la confection de nattes d'escalier,
tapis communs, etc. Enfin, dans ces derniers temps, il a
été utilisé, dans la région du Nord, en mélange avec le
lin, pour la fabrication des velours de couleur. Mais on se
sert surtout du jute en France comme dans l'Inde pour la
confection de toiles d'emballage et de sacs. Nous renver-
rons pour les procédés employés dans l'impression sur jute
à l'article Impression des tissus. L. Knâb.
J UT EAU (Augustin), évêque français, né à Poitiers le
4 mai 4839, mort à Poitiers le 25 nov. 4893. Curé de
Saint-Julien de Tours, il fut nommé évêque de Poitiers le
5 juin 4888 et ne fut préconisé que le 44 févr. 4889, le
Journal d'Indre-et-Loire l'ayant accusé de doctrines
pernicieuses, parce qu'il s'était à plusieurs reprises pro-
clamé républicain. Léon XIII, après enquête sur son ortho-
doxie, lui donna toute sa confiance. A. Juteau a écrit en
collaboration avec l'abbé Cruchet une Histoire populaire
de saint Martin (4885, in-i2).
JUTERB0R6. Ville de Prusse, district de Potsdam
(Brandebourg), sur la Nuthe; 7,000 hab. Belle église du
xiv^ et du XV® siècle. Elle conserve le nom d'un dieu slave
(wende) de l'Aurore. Conquise par Albert l'Ours, elle fut
donnée à l'archevêché de Magdebourg (4470). Le 23 nov.
4644, Torstenson y vainquit Gallas. Auprès se trouve le
champ de bataille de Dennewitz.
JUTHUN6ES. Peuplade germanique que l'on rattache
tantôt aux Alamans, tantôt aux Goths. Ils habitaient au
bord du Danube et figurent dans les guerres du m® et du
iv^ siècle. Sous Auréllen, ils envahirent l'Italie, mais furent
repoussés.
JUTIGNY. Com. du dép. de Seine-et-Marne, arr. de
Provins, cant. de Donnemarie ; 352 hab.
JUTLAND (V.Danemark).
JUTURNA, appelée aussi DIUTURNA, est le nom d'une
ancienne divinité des sources, originaire de Lavinium, la
métropole religieuse des Latins et de bonne heure trans-
portée à Rome, où une source située au bas du Forum,
près du temple de Vesta, lui était consacrée. Lutatius Ca-
tulus lui voua un temple sur le Champ de Mars, après la
première guerre Punique ; ce temple fut, avec beaucoup
d'autres, restauré par Auguste. Juturna avait une fête spé-
ciale, les Juturnalia, qui tombait le 44 janv. et était célé-
brée surtout par les corps de métier qui avaient un besoin
particuher de l'eau de source. Elle avait part aussi avec
les Nymphes aux Volcanalia, fêtes en l'honneur de Vul-
cain qui tombait le 23 août. Les poètes en ont fait une
amante de Jupiter, lequel, par reconnaissance, la pré-
posa à l'empire des sources ; d'autres l'unissaient à Janus
avec lequel elle aurait procréé le dieu Fontus ; àsinsV Enéide
elle est la sœur de Turnus qu'elle assiste contre Enée.
JUUSTEN (Paul), théologien et érudit finlandais, né
vers 4546, mort évêque d'Abo en 4576. Il a publié en fin-
nois un catéchisme et un livre de messe. Sa Chronicum
episcoporum finlandensium est d'une très grande im-
portance pour l'histoire de la Finlande, bien que la com-
position en soit défectueuse.
JUVAIN COURT. Com. du dép. des Vosges, arr. et cant.
de Mirecourt; 403 hab.
JUVANCOURT. Com. du dép. de l'Aube, arr. et cant.
de Bar-sur- Aube ; 224 hab.
JUVANZÉ. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Aube, cant. de Vendeuvre ; 64 hab.
JUVARA ou IVARA (Philippe), architecte italien, né à
Messine en 4685, mort à Madrid le 4^^ févr. 4736. Venu
jeune à Rome, où il prit l'habit ecclésiastique et étudia
l'architecture sous la direction de Fontana, Juvara fit quel-
ques travaux à Lucques et à Messine où il acheva le
Palais royal et vint ensuite à Turin comme premier archi-
tecte du roi de Sardaigne, Victor-Amédée P^, qui le com-
bla de bénéfices et d'honneurs. Il fit achever dans cette
ville l'église de Superga dont on lui doit la coupole monu-
mentale, puis il fit construire les palais Madama, de Stu-
pigni et Biragho di Borghe, les églises del Carminé et de
San Filippo, le presbytère de la chapelle délia Conso-
lata, etc. Appelé à Lisbonne par le roi Jean P"^, Juvara y
donna les dessins de l'église du Patriarche et ceux du
Palais royal, puis, après un court séjour à Londres, à
Paris et à Turin, cet architecte fut demandé à la cour de
Philippe V, roi d'Espagne, pour la reconstruction des par-
ties incendiées du Palais royal ; mais la mort l'empêcha de
faire exécuter les plans qu'il avait préparés dans ce but.
On conserve en outre, dans une salle supérieure de l'église
Saint-Pierre de Rome, un remarquable projet avec modèle
d'une sacristie et d'une salle du chapitre préparé par
Juvara pour cette basilique pendant un des nombreux
voyages qu'il faisait presque chaque hiver à Rome. Ch. L.
JUVARDEIL. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr. de
Segré, cant. de Châteauneuf-sur-Sarthe, sur la rive droite
de la Sarthe ; 908 hab. Mines de fer de la concession de
Champigné. Construction de bateaux ; commerce de bestiaux.
Manoir du xvi^ siècle. Château de Celtières (xvi^ siècle) et
de la Buronnière (xviii® siècle). Patrie du Vendéen Bon-
champ.
JUVAVUM (V. Salzbourg).
JUVEIGNERIE (Ane. dr.). Sous le nom de droit de
juveignerie, on désignait, dans certains pays, les avan-
tages faits par la loi aux enfants puînés au détriment de
l'aîné. C'était donc l'inverse ou la contre-partie du droit
d'aînesse. L'origine de ce droit est tout simplement, dit
M. Viollet., la consolidation d'un usage que la nécessité a
^ 364 -
LIVRE
d'après les dessins de Cofnelk'i^. ce nom) de La Haye.
Aveé ÏÏolbein et Tory, là gravure sur bois avait atteint
son point cUlminaiit; désormais elle ne fera que déchoir
pour disparaître presque complètement {Pendant plus de
deux siècles. A sa place vient s'introniser partout la gra-
vure eii taille-doùce, burin ou eau-forte. En France, elle
s'infiltre dans le Mre vers 456() par la voie du portrait.
Le graveur lorrain Woeiriot et d'autres se mettent à la
propager. Mais c'est Anvers qui devint le grand centre de
production d'illustrations en creux, sous les auspices du
grand éditeur Plântin (iS55-8Ô). Thomas de Leu et sur--
tout l'infatigable Léonard Gaultier eii généralisent l'emploi
chez nous. Le régné des lourds frontispices allégoriques
ou architectoniques commence (V. les gravures de l'art.
Bïbliogramie). L'immortel Callot réagit contre le courant
par ses spirituelles petites eaux^fortes. Abraham Bosse se
montre eûcore plus apte au rôle d'illustrateur. Puis on
retombe dans une longue période d'affaissement.
Le livre devient solennel et ennuyeux comme tout l'art
du règne de Louis XIV, bien que ce règne soit précisériient
celui de l'apogée dé la gravure au burin. Il ne s'allège que
grâce à Sébastien Le Clerc (V. ce nom), un nouveau Cal-
lot, qui montra un véritable tempérament de vignettiste.
Il eut pour disciples ou imitateurs de talent Franc.
Ghauveaif en France et Bernard Picart dans les Pays-Bas.
La Régence, pimpante et frivole, mais spirituelle et lais-
sant un plus libre essor au génie de la ï*ace, exerça une
influence bienfaisante sur l'art français. Ce fut une nou-
velle renaissance, aussi gaie que la première, mais moins
naïve et plus mièvre à force d'afféterie. Dans Fillustration
du livre elle est déjà bien représentée par le peintre-aqua-
fortiste Gillot, le maître de Watteau et l'auteur des meil-
leures vignettes des Fahles de HoUdart de La Motte [ili 9). Il
procède de Calot et de Le Clerc, et on le regarde à son tour
comme le père intellectuel des illustrateurs du'xviu^ siècle.
Ceux-ci se dédoublent généralenient : les dessinateurs d'un
côté, les graveurs de l'autre. L. Cars interprète les dessins
de Boucher, alors tout triomphant, dans le Molière de 4734.
Cochin le fils, un véritable vignettiste, très fécond et déco-
rateur brillant, donna le ton au livre illustré. Les gracieux
frontispices ou titres gravés, les fleurons, les culs-de-
lampe, les lettres tonées se multiplient. Le goût s'épure.
Une dose inouïe d'imagination se dé|)ense à créer une dé-
coration originale et charmante, et, si la typographie avait
été à la hauteur de l'illustration, ces ravissants volumes
du XVIII® siècle seraient sous tous les rapports des chefs-
d'œuvre incomparables. Il suffit de citer le Décaméron
illustré par Graveldt (4757), les Contes de La Fontaine,
dits des Fermiers généraux^ illustrés par Eisen et Chof-
fard (4762), les Baisers de Dorât, illustrés par Eisén et
Marinier (1770), les Grâces (1769), les Chansons de
Laborde (1773), k Molière de Bret (4773), Monument
du costume physique et moral (4774-78), etc., avec
les figures de Moreau le Jeune. Tout cet art charmant a
sombré pendant la tourmente révolutionnaire, et les sur-
vivants de la belle époqtie, même Moreau, perdirent leurs
anciennes inspirations. Le livre illustré fut au xvni^ siècle
l'apanage exclusif de la France. On peut cependant citer
pour mémoire les productions de Chodowiecki en Allemagne
et celles de Bartolozzi en Angleterre.
L'école néo-grecque de David enfanta les illustrateurs
tels que Prud'hon, Gérard, Girodet-Trioson, qui se mani-
festèrent dans la célèbre édition de Racine, de Pierre Di-
dot. Puis la gravure au burin, comme moyen dlllustration,
descend lentement dans la tombe, et à sa place la gravure
sur bois renaît de ses cendres (V. Gravure). Elle se met
au service de la littérature romantique et autre, pour in-
terpréter les compositions des frères Johannot, de Devéria,
de Jean Gigoux, de Daumier, de Gavarni, de Grandville,
puis de Meissonier et de Gustave Doré. Arrive ensuite la
période contemporaine, qu'on connaît, où l'eau-forte se
pose en rivale redoutable, et oti tous les procédés méca-
niques de la gravure, en noir et en couleurs, se font suc-
cessivement une place dans l'illustration du livre, qui
envahit tôiit, même les dictionnaires de la langue.
Commerce des lïvres et réglementation. -™i/^%^^^^^.
Dès qu'il y eut dès livres d'intérêt public, il devait y
avdir des Vendeurs de livres, qu'ils fussent eh boutique
oii non; mais oii înanique de renseignements à cet égard.
Dans l'antiqmtéj le jllus souvent le copiste des manus-
crife en bpérait Idi-hiême le placement; le libraire pro»
pi^éméût dit h'ap^^l'utl que plus tard. Il y en eut à Athènes
au' moins cinq iiè'i^leà avant notre ère, et ce eommerce
s'établit ensuite k Koibe, avec la culture helléniijue. Très
florissant dès les dei^niers temps de la Républitjue, il se
développa prbdi^ieuséhient sous l'Empire et rayonna sur
ruûivers. Le mt librarîus ne désignait d'abord que le
copiste, puis il fut ahpliqué au libraire, qu'on appelait
aussi Hbliopolai à la grecque. Les libraires affichaient dans
ledi* boutiques le èâtàlogue des livres qu'ils avaient fait
confectionner et djui étaient à vendre; comme moyen de pu-
blicité, ils faisaient faire des lectures publiques de toutes
les nouveautés'. Lés éiîrivains latins nous ont transmis les
noms de pluëiéuh négociants en livres ou libraires fameux^
tels que : Pobipônins Atticus, bibliophile et commerçant,
ami de Cîcéron; leè deux frères Sosii, au temps d'Horace;
Atrectus et Tryj)hbn, immortalisés par Martial. Il y eut
aussi des bouquîni^es, revendeurs de seconde main, et
on louait égalédeni; des livres pour en prendre lecture ou
copie. Les auteurs Hches éditaient souvent eux-mêmes
leurs œuvres, par Tiïïterinédiaire de leurs esclaves lettrés
chargés des fonciiotis de scribes et de vendeurs. Les grands
centres du conimercb de livres furent, après Rome"
Alexandrie, Lyt)ia (où il y eut des libraires dès le i®^' siècle
de notre ère), Caï^thage, Antioche, Smyriie, Athènes, Mi-
lan, Marseille, etc.
Moyen âge* L'invasion des Barbares ayant été suivie
de la disf)arîtioii générale delà culture, le commerce des
livres disparut également. L'instruction se confina pendant
longtemps dsïns les couvents qui s'en firent un monopole.
Les moines copiaièïit les manuscrits et en opéraient les
échanges entre edX. Les laïques ne s'en occupèrent qu'au
fur et à mesure dé la création des grands centres d'ensei-
gnement, qiii devinrent des universités. Celle de Paris, la
plus ancienne, retnénte au début du xin® siècle. Dès l'ori-
gine, elle soumit à Son autorité et les auteurs et tous les
participants à la Confection matérielle du livre. Elle se
constitua la gardienne de la moralité littéraire et de l'or-
thodoxie religieuse et deviht ainsi en quelque sorte éditeur
responsable devant la conscieheepublique. Comme il fallait
des livres podr Ife étudiants, il se créa des clercs en
librairie qiii de ëùite se Réunirent en une corporation
comprenant tous les métiers de l'industrie du livre: les
écrivains, lek pàrcliémihiers, les rubricateurs et enlumi-
neurs, les reheurs et brocheurs, les coiirtiers en livres
(stationarii) &t ^m libraires proprement dits. Ils se
mirent sous le patronage de Saint Jean-Porte-Latine. Ces
clercs en librairie fbrent ainsi les fonctionnaires, les sup-
pôts de runivérsité. Ils dépendaient d'elle exclusivement,
et ils jouissaient déS mêmes privilèges, franchises et exemp-
tions que les professeurs et les étudiaiits. Ils ont été soumis
à une régleniehtatidn minijtieiise et sévèrel La haute police
de l'université ^ur la librairie, réeohnue par les rois de
France, s'exérçaït de deux manières : par h censure (V. ce
mot) préalable des textes et par la surveillance de la vente
des livres. Le plds ancien statut connu en la matière est
celui du 6 déc.[4275. Il concernait plus particulièrement
les vendeurs de livres, qui étaient tenus de prêter tous
les ans ou tous les deux ans le serment deise conduire fidè-
lement et honnêtement dans l'exercice de leurs fonctions.
Ils ne pouvaient |)rendre plus de 4 deniers de commission
par livre de moiihàie aiix maîtres et écoliers, et plus de 6
aux étrangei^S. Lès prix dé vente des volumes étaient fixés
alors par l'université. Cette taxation ne s'appliquait pas
aux volume^ de luxe, qdi atteignaient de hauts prix, maïs
seulement aux ouvrages d'études. En 4303, les livres sco-
LIVP
3621
laires ne coiitaient que de 7 déniera à 10 sous. Ea 1292, il
y avait à Paris 24 copistes, 8 libraires et 47 relieurs. Un
statut plus complût fut édicté en 432â. Lq^ librairçs
clercs-jurés devaient fournir une caution de j 00 livres
chacun. Ils subissaient préalablement un examen pour foire
constater leur aptitude, La location des livres fut autorisée
mo;yennant rétribution. La corporation comptait s^lors 29 li-
braires, dont % fenimes. 4; d'entre eux, surnommés les
grands libraires, étaient chargés de veiller à l'exécution
des règlements et fournissaient une caution de ^00 livres
chacun. Les libraires non assermentés ne pouvaient vendre
en boutique et seulement des volumes ne coûtant pas plus
de 40 sous; c'étaient des étalagistes en plein vent. Il se
trouve même dans ce statut un article singulier : tout libraire
ou stationnaire était tenu de dénoncer à l'université qui-
conque avait violé ses règlements ou celui dont les affaires
étaient en mauvais état. Les nombreuses fraudes commises
à l'égard des maîtres et des écoliers déterminèrent l'autorité
universitaire à édicter, en 4342, un règlement encore plus
sévère. Les 4 grands libraires furent seuls autorisés à taxer
les livres. Les autres avaient la faculté d'estimer la valeur
de ceux que des particuliers voudraient revendi^e, et ceux-ci
devaient en recevoir l'autorisation du recteur. Ils étaient te-
nus d'avoir des livres scolaires et d'alTicher à la fenêtre de
leur boutique le catalogue de tous les volunîes qu'ils possé-
daient avec l'indication des prix de vente conformes à la taxe.
En 4368, il se trouvait, dans le ressort de l'université de
Paris, 44 libraires jurés, 44 écrivains, 44 parcheminiers,
et 6 relieurs. La profession n'étant pas alors bien lucrative,
les libraires en cumulaient parfois les différentes s|)écia--
lités; le plus souvent ils étaient en même temps relieurs.
D'autres y joignaient des métiers d'ordre inférieur ; ils se
faisaient épiciers, ferrons, merciers, etc., et ils en furent,
à plusieurs reprises, sévèrement admonestés. Au surplus,
ils n'avaient pas le droit d'aliéner leur fonds sans l'autori-
sation de l'université. En échange de ces liens tyranniques,
ils jouissaient de certains privilèges : ils avaient pour seul
juffe le prévôt de Paris; ils étaient exempts de t^us péages,
aides et impositions; ils furent dispensés du service du
guet (garde nationale du temps) par ordonnance de Charles V
de 4368, et, aux grandes fêtes de V4lw(i mater, ils figu-
raient dans la procession générale avetj tous les autres
ordres du corps universitairpt Et, par une singulière asso-
ciatioïi d'idées, ce sont eux qui étaient chargés d'allumer
pour la nuit les chandelles des lanternes publiques, appa-
remment parce qu'ils contribuaient déjà à la diffusion des
lumièipes dans l'ordre intellectuel.
On comprend qu'avec toutes ces entraves la situation
de la librairie ne pouvait être bien prospère eu France, et
il en fut de même partout a l'étranger, oti elle ne s'orga-
nisait tout d'abord qu'avec l'apparition des universités et
sous leur autorité immédiate.
Enfin, il ne faut pas oublier qu'au moyen âge le terme
librairie s'appliquait spécialement aux bibliothèques (V. ce
mot) qui ne reçurent cette dénomination grecque qu'à l'époque
de la Renaissance.
Depuis Vinvention de V imprimerie. L'introduction de
cet art ne changea d'abord rien à la réglementation de la
librairie. Mais bientôt, les souverains, se rendant compte
de cette force nouvelle, la prirent davantage sous leur pro-
tection, et plus tard aussi sous leur surveillance. Tous les
premiers imprimeurs furent libraires en même temps : ils
vendaient leurs livres directement ou par commissionnaires.
Le chiffre habituel de tirage à cette époque était de 275
à 4,400 exemplaires. Paris, important centre intellectuel,
fut ayssi un grand centre commercial pour les livres, sur-
tout en raison de raffl|ience d'étudiants à son université.
Jean Fust y vint en 4463 placer sa fameuse Bible de
4462, qu'il vendait 40 couronnes (environ 375 fr.) et au-
dessus. Son associé Schoiffer continua à exploiter ce riche
march^é et y avait même un représentait attitré. D'autres
imprimeurs de Venise, de Rome, etc», firent de même.
Mais l'Allemagne ne resta pas inactive. Les célèbres foires
de Francfort (v, 1470), puis celles de Leipzig (v. 4493)
attirèrent les négociants en livres de tous les pays, Nu-
remberg devint plus tard le centre du commerce allemand
grâce aux éditeurs Koburger qui installèrent des succur-
sales dans les principales villes de FEurope. Il se forma à
Leipzig, puis à Baie, des associations d'irpprimei]|rs en vue
de certaines publications plus coûteuses. La librairie ne
fut pendant longtemps que la vassale de l'imprimerie, pour
la subordonner à elle plus tard.
Une activité prodigieuse se développa partout, notam-
ment en France. Les imprimeurs furent réunis à l'univer-
sité, et Charles YIÏÏ confirma leurs privilèges en 4488.11s
jouissaient d'une liberté complète pour la publication des
livres, mais la faveur quils trouvèrent auprès du public
engendra vite la contrefaçon. Ppur y obvier, ils recou-
rurent de bonne heure à la protecjtion de l'autorité souve-
raine et sollicitèrent des privilèges protégeant leurs droits
de propriété pendant un laps de temps qui fut variable de-
puis deux jusqu'à dix ans et plus. En France, ces privilèges
de librairie furent institués en 4$07, mais ils ne s'éten-
daient pas à la protection des livres publiés à l'étranger.
Les .rois de France pensèrent que l'imprimerie était
destinée avant tout à rendre des services à la foi catho-
lique et à la propagation des bonnes et saines doctrines.
C'est dans ce sens que parle Louis XII dans son édit de
4513, par lequel il exempte les livres de tout impôt.
François l^^ affranchit la corporation des libraires (com--
posée alors de 30 membres) de la contribution de l'octroi
et impôt de 30,000 livres, ainsi que de tout service mili-
taire dans Paris, hors le cas de péril imminent (4545).
La propagation des doctrines de Luther amena une sur-
veillance rigoureuse de l'irnpression et du commerce des
livres. L'ordonnance de 4524 les soumit à l'examen préa-
lable de l'université et de la faculté de théologie, et en plus
à l'approbation du prévôt de Paris. Les sévérités redou-
blèrent encore. Par lettres patentes du 43 janv. 4534,
François P^ frappa d'ipitei^diction toute imprimerie : il dé-
fendit, sous peine de mort {sur peine de la hart), d'im^
primer aucun livre en France. Le parlement ayant refuse
d'enregistrer ces lettres et ayant même fait des remon-
trances au souverain, elles furent remplacées par d'autres
(24 févr,) en vertu desquelles 42 imprimeurs choisis par
le roi sur la liste de 24 présentée par le parlement auraient
seuls le droit d'imprimer à Paris, et non ailleurs, livres
approuvés et nécessaires pour le bfen de la chose pu-
blique. Les censeurs royaux furent créés en 4537. D'autre
part, un édit réglementant la police de l'imprimerie fut
rendu en 4539. Henri ïï confirma toutes les rigueurs de son
père en 4547 et 4554. Elles s'étendirent aux libraires, aux
distributeurs de livres et aux particuliers. L'édit de 4554
les aggrava encore. Celui de 4553 accorda des e^icourage-
ments au commerce de la librairie licite, mais ^ les livres
contre la rehgion ou les placards séditieux continuèrent à
être poursuivis avec rigueur, cette fois avec approbation du
parlement. Les successeurs de Henri II confirmèrent tous les
édits antérieurs en les complétant par ceux de 4 560, 456|i,
4563, Ce dernier imposa pour la publication de tout livre,
non seulement l'approbation de l'université, mais encore la
permission du roi et lettres de privilège. L'ordonnance de
4566 adoucit les pénalités et supprima la peine de mort.
L'édit de 4574, portant la« réformation de l'imprimerie »,
fut encore plus bienveillant. Les rigueurs contre la presse
commencèrent à, s'apaiser dès 4591.
Ce qui prouve l'énorme vitalité de la librairie française,
c'est qu'en pleine guerre civile encore, en 4586, il se forma
parmi les principaux libraires de Paris une association dite
Compagnie de la Grand'Navire (à cause de la marque
qu'elle employa), pour la publication des Pères de l'Eglise,
association qui dura environ soixante ans. Des associations
de ce genre furent assez fréquentes.
La communauté des imprimeurs et des libraires fit un
coup d'Etat en 4648 : elle demanda et obtint la réforme
de ses statuts sur de nouvelles bs^ses. L'ancienne confrérie
365 —
JUVENALES — JUZANVIGNY
l'empereur admit tous les citoyens ; on y vit des vieillards
consulaires et des matrones romaines, des hommes et des
femmes de haute naissance. Néron put ainsi, avant de se
déshonorer sur un théâtre public, descendre daoa Farène
ou sur la scène, au milieu de spectateurs et d'acteurs com-
posés de ses compagnons de plaisir. Déjà, avant Néron,
Caligula avait ajouté un jour aux Saturnales, eyt l'avait
appelé le Jour de la Jeunesse. De nobles Romains, tels que
Thraséas, s'attirèrent la haine de l'empereur pour avoir
paru mépriser ces amusements de la cour. D'autres s'abais-
sèrent jusqu'à les partager, dans l'unique désir de flatter
Néron et de s'attirer ses faveurs, comme Fabrius Valons.
BiBL. : Suétone, Caligula^ 17; Néron, II. — Tacite,
Annales, XIV, 15; XV, 33' ; XVI, 21; Histoires, III, 6-2.
JUVENCUS (Cajus-Vettius-Aquilius ou Aquilinus),
poète chrétien du iv® siècle. Il paraît avoir été prêtre et
d'origine espagnole. 11 a mis l'histoire évangélique en
3,233 hexamètres, Versus de quatuor evangeliis ou His-
toria evangelica^ 4 livres {i^^ éd. à Deventer, s. 1. n. d.
[env. de 1490], in-4; souvent réimprimé; éd. critique de
F. Arevalo; Rome, 1792, in-4, réimprimé par Migne,
Patrol. lat.^ t. XIX). C'est le premier essai d'une épopée
chrétienne. Le moyen âge a surnommé Juvencus le Virgile
chrétien ; sa langue est relativement pure, mais la versifi-
cation est bien lâche. Comme l'auteur s'est tenu servile-
ment au texte biblique, l'histoire ne trouve là aucune
lumière sur le siècle de l'auteur. Plusieurs autres poèmes
ont été attribués à Juvencus (Migne, tcL, et D. Pitra,
Spicileghim Soksmense; Paris, 1832, t.I), à tort, sui-
vant toutes les apparences. F.-H. K.
BiBL. : A.-R. Gebser, De C.-A.-V. Jiivenci vita et
scriptis...; léna, 1827. — Korn, Die Handschriften der
Historia evangelica; Breslau, 1870. — A. Ebert, Allg.
Geschichte der Litieratur des M. A . imAbendland ; Leipzig,
1874, t. I, pp. 109 et suiv.
JUVENEL DE Carlencas (Félix de) (V. Cârlencas).
JUVENIS (Raymond), annaliste français, né à Gap
vers 1630, mort à Gap le 7 janv. 1705. Procureur du roi
au bailliage de Gap et subdélégué de l'intendant du Dau-
phiné, il consacra ses loisirs à Thistoire. Il continua V His-
toire des Alpes du P. Fornier, récemment publiée par
M. l'abbé P. Guillaume. On lui doit encore une Histoire
séculière et ecclésiastique du Dauphiné et de ses dépen-
dances^ dont le manuscrit est à la bibliothèque de Carpen-
tras, et des Mémoires (inédits) sur les conciles, les saints
pères et quelques évêques de Gap.
BiBL. : Rochas, Biogr. du Dauphiné, I, 463. — Gautier,
Précis de l'hist. de la ville de Gap; Gap, 1844, in-8, pp.
153-155. — P. Guillaume, Hist. générale des Alpes-Mari-
times ou Cottiennes. Continuation par Raymond Juvenis
et Antoine Albert; Paris-Gap, 1892, in-8.
JUVIGNAC. Com. du dép. de l'Hérault, arr. etcant. de
Montpellier; 92 hab.
JUViGNÉ. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de Laval,
cant. de Chailland ; 2,728 hab.
JUVIGNIES. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais,
cant. de Nivillers; 277 hab.
JUVIGNY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de
Soi-sons; 337 hab. Vestiges romains parmi lesquels il faut
signaler cinq bornes milliaires.
JUVIGNY. Com. du dép. du Calvados, arr. de Caen,
cant . de Tilly-sur-Seulles ; 96 hab.
JUVIGNY (Juveniacum). Com. du dép. de la Marne,
arr. et cant. de Châlons; 49 hab. Catherine de Médicis y
coucha, le 15 mai 1585, lors des conférences d'Epernay
pour la conclusion de la paix avec les Guises. Remarquable
église des xii^ et xni^ siècles, remaniée au xvi®, restaurée
en 1853; le portail, de style néo-grec, date de 1784. On
admire, à l'intérieur de l'édifice, une chaire en bois sculpté
de l'époque de Louis XI, provenant de l'abbatiale de Saint-
Remy de Reims, et des orgues ayant appartenu à l'ancien
couvent des cordeliers de Châlons. Dans le château, cons-
truction du xvii^ siècle, avec chapelle, se voit une belle
suite de tapisseries. A. T.-R.
JUVIGNY. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr. de
Saint-Julien, cant. d'Annemasse; 264 hab.
JUVIGNY-en-Perthois. Com. du dép. de la Meuse, arr.
de Bar-le-Duc, cant. d'Ancerville; 323 hab.
JUVIGNY-le-Tertre. Ch.-l. de cant. du dép. de la
Manche, arr. de Mortain ; 8 J 9 hab.
JUVIGNY-sous-Andaine. Ch.-L de cant. du dép. de
l'Orne; 1,266 hab. Stat. du ch. de fer de l'Ouest, ligne
d'Alençon à Domfront. Dolmen. Phare de Bonvouloir, tour
de la fin du xv^ siècle, reste d'un château élevé par Guyon
Essirard, seigneur de laPallu, maître d'hôtel du duc d'Alen-
çon.
JUVIGNY-suR-LorsoN. Com. du dép. de la Meuse, arr.
et cant. deMontmédy; 686 hab.
JUVIGN Y-sur-Orne. Com. du dép. de l'Orne, arr. et
cant. d'Argentan; 72 hab.
JUVINAS. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Privas,
cant. d'Antraigues ; 627 hab.
JUVINCOURT-et-Damary. Com. du dép.dePAisne, arr.
de Laon, cant. de Neufchâtel; 640 hab.
JUVISY-sur-Orge (Geuesi), Com. du dép. de Seine-et-
Oise, arr. de Corbeil, cant. de Longjumeau, sur la colline
qui domine la rive gauche de la Seine et dans la vallée
commune à ce fleuve et à la riv. d'Orge, non loin de leur
confluent ; point de croisement des lignes d'Orléans, de
Lyon (par Corbeil) et de la Grande-Ceinture ; 2,095 hab. Il
n'y a pas de mention connue de Juvisy avant le xu^ siècle,
quoiqu'on ait voulu, mais sans preuves encore péremptoires,
l'idenlifier avec l'antique Metiosedum, Son église est sans
intérêt quoique datant du xm^ siècle; le château que Von y
voit est moderne et sans histoire ; ce qu'il y a de plus re-
marquable à Juvisy est sans contredit le beau pont des
Belles- Fontaines jeté sur la route de Paris à Fontaine-
bleau, au-dessus de l'Orge, et dont la construction en séries
d'arches parallèles au cours d'eau est des plus ingénieuses.
Il fut achevé en 1728; deux fontaines monumentales,
œuvres de Coustou, le décorent. C'est à Juvisy que Napo-
léon P'^ apprit, en 1814, la capitulation de Paris et sa
chute du pouvoir. Un pont sur la Seine a été construit en
1893 qui relie Juvisy à Draveil. F. Bournon.
BiBL. : L'abbé Lebeuf, HisL du diocèse de Paris, t. IV,
pp. 407-413 de Pédit. de 1883. — Millin, Antiquités natio-
nales, t. II, notice xvi, le Pont des Belles-Fontaines. —
Guilfiermy, Inscript, de l'ancien diocèse de Paris, t. IV,
pp. 145-148.
JUVRECOURT. Com. du dép. de la Meurthe-et-Moselle,
arr. de Lunéville, cant. d'Arracourt; 198 hab.
JUXUE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Mauléon, cant. d'Iholdy; 359 hab.
JUYNBOLL (Théodore-Guillaume-Jean), célèbre orien-
taliste hollandais, né à Rotterdam en 1802, mort en 1861.
Destiné à la théologie, il exerça les fonctions de pasteur à
Voochout (près de Leyde), puis il devint professeur de lan-
gues orientales à l'Athénée de Franeker. En 1841, il en-
seigna à Groningue, et, quatre ans après, à Leyde. Il fut
nommé membre de l'Académie royale des sciences d'Ams-
terdam en 1854. Parmi ses nombreuses publications, citons :
Letterkundige Bydragen (Leyde, 1838-40, 3 fasc.) ;
Orientalia, qu'il publia avec Roorda, Weijers et J. Miil -
1er. Dans le t. 1, il a donné le texte et la traduction latine
d'extraits du divan de Moutanabbi (1840) ; Commentarii
in historiam gentis samaritanœ (Leyde, 1846, in-4) ;
Chronicon samaritanum^ eut titulus est : Liber Josue
(Leyde, 1848, in-4) ; Lexicon geographicum cui titulus
est : Merâcid el-lttila 1850 (5 vol. in-8) : c'est l'abrégé
du grand dictionnaire géographique de Yâqoût, publié par
Wiistenfeld ; AhiVl-Mahâsin Annales quitus titulus est:
Ennodjoum ez-Zâhira (Leyde, 1852-61, 2 vol.) ; Spé-
cimen litt. or. exhibens Az-Zamakchsarii Lexicon geo-
graphicum, cui titulus est : Kitâb el-Djibâl (Leyde,
1856, in-8), en collaboration avec Salverda de Grave ;
Jakûbî Liber regionum (Leyde, 1861).
JUZAN COURT. Com. du dép. des Ardennes, arr. de
Rethel, cant. d'Asfeld; 188 hab.
JUZANVIGNY. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-
sur-Aube, cant. deSoulaines; 157 hab.
JUZENNECOURT — JVLLAND
— 366 -
JUZENNECOURT. Ch.-l. decant. du dép. de la Haute-
Marne, arr. de Chaumont ; 303 hab.
JUZES. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Villefranche-de-Lauragais, cant. de Rethel; 476 hab.
JUZET-DE-LucHON. Corn, du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Saint-Gaudens , cant. de Bagnères-de-Luchon ;
362 hab.
JUZIERS-d'Isaut. Com. du dép. delà Haute-Garonne,
arr. de Saint-Gaudens, cant. d'Aspet; 600 hab.
JUZIERS-LA.-V1LLE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr.
de Mantes, cant. de Limay; 723 hab. Stat. du chem. de
fer de l'Ouest, ligne d'Argenteuil à Mantes.
JYDSKE Lov. Lois provinciales danoises. C'est un recueil
de coutumes composé par Févêque Gunner, à Viborg, et
sanctionné par le roi Valdemar II Seier en 1241, peu de
jours avant sa mort. La préface est un extrait du Decre-
tum Gratiani (V. Gratien). Ces coutumes furent en
vigueur dans tout le Jutland et dans Tîle de Fionie jusqu'à
leur remplacement par le Danske lov, sous Christian V.
Elles se maintinrent cependant, au moins en partie, dans
le Sônderjylland jusqu'en 1864. Ces lois ont été imprimées
en 1590 avec des modifications dans la langue et traduites
en bas allemand en 1592 par Blasius Ekenberger. Elles ont
été éditées en 1853 par Thorsen, d'après les plus anciens
manuscrits (celui de Flensborg est d'environ 1290). C'est
le monument le plus important de la langue danoise du
moyen âge.
BiBL. : Dareste, les Anciennes Lois au Danemark;
Paris, 1881, in-4.
JYLLAND ou JUTLAND (V. Danemark).
- 365 -
LIVRE
maîtres d'adopter ceux qui leur paraissent le mieux adaptés
à leur enseignement. Depuis 1880, en effet, les instituteurs
et institutri()es de chaque canton, réunis en conférence spé-
ciale, établissent la liste des livres qui peuvent être em-
ployés dans les écoles : cette liste, toujours ouverte, est
ensuite visée par une commission spéciale que préside
l'inspecteur d'académie. Dans l'enseignement secondaire,
les professeurs désignent les livres dont il sera fait usage
dans leurs classes ; ils ont été seulement invités à coor-
donner leurs choix, afin d'éviter aux familles ou aux éta-
blissements les dépenses excessives que causeraient des
changements trop fréquents. On a par ces mesurés libérales
supprimé toutes les difficultés suscitées par la nécessité de
l'approbation universitaire imposée jadis, sous diverses
formes, aux ouvrages classiques. Le conseil supérieur con-
serve du reste son droit d'examen et son droit de veto sur
tous les livres qui seraient contraires à la nioràle, à la
constitution ou aux lois. — Il existe au ministère ^le l'ins-
truction publique diverses commissions consultatives qui
sont chargées d'examiner les livres, autres que les livres
proprement classiques, dont les éditeurs sollicitent l'ins-
cription sur divers catalogues établis à titre d'indibation ;
telles sont : la commission des bibliothèques scolaires et
pédagogiques, la commission des bibliothèques populaires,
la commission d'examen des livres pour les bibliothèques
de professeurs et les bibliothèques des lycées et col-
lèges, etc. Jules CrAUTrER.
^Egyptoïogie. — Livre des morts. — Foifmulsiire de
prières dont un exemplaire plus ou moins complet accoinpa-
gnait la mô)mie. Cette composition fut primitivéiinejat Rési-
gnée par Cbampollion, puis par E. de Rougé soiiS l6 fiom de
Rituel fU^i^r aire ^ mais Lepsius l'a plus exacteniént dénom-
mée If w^towor^s, Todtenbmh, expression qui si F wn-
tage de là distinguer des véritables rituels oii recueils de
préceptes liturgiques relatifs à Tensevelissement;, dc^pt quel-
ques spécimens nous sont parvenus. Le Livré dés rrifris
est une collection de prières en 465 chapitres : ces prières
devaient êtjre récitées par le mort pour sauvegarder son
âme dans les épreuves d'ouîre-tombe et la purifier en vue
du jugemept final; c'était pour secourir sa mémoire
qu'un exeniplaire était déposé daïis^ son cercueil ; sous la
XII® dynastie, il était en partie écrit sur le sarcophage.
L'exemplaire-type qu'en a publié Lepsius est la repro-
duction d'un manuscrit de Turin de la derrière époq"®
pharaonique, mais la rédaction de quelqùes-unâ (les cha-
pitres remonte aux plus anciens temps ; ail rest^^ ilsne sont
rangés ni dans l'ordre chronologique de leur composition ni
dans leur ordre rationnel, mais (l 'après un canon iJont on
ne comprend pas bien l'esprit. Lepsius a rec^iieilli en un
volume spécial (Mteste Texte desTodtenbûdis) quelques-
uns des anciens textes du Livre des morts ^ et M. E. Naville
a publié récemment une édition critique des manuscrits
thébains de la XVIIP à la XX^ dynastie. M. P. Pièrret a
donné une traduction complète de cet important recueil, et
M. Le Page-Renouf en fait actuellement paràîtï*é une inter-
prétation en anglais dans les bulletins de la Société d'ar-
chéologie biblique de Londres.
Chaque chapitre débute par un titre à l'encre rouge,
qui, illustré d'une vignette, en annonce l'objet, et se ter-
mine généralement par une rubrique, comme par exemple
le chapitre xxx : « A dire sur un scarabée en pierre dure que
l'on placera dans la poitrine de l'homme (le défunt). » On
peut voir au Louvre, salle funéraire, vitrine G, quelques-
uns de ces scarabées funéraires que l'on trouve en effet
dans l'intérieur de la momie. — Le texte àk Liwe des
morts étant condamné à l'ombre éternelle des hypogées
était tracé avec une extrême négligence, ce qui explique les
fautes innombrables relevées dans les exemplaires que nous
possédons. Paul Pierret.
Histoire. — Livre de la conquête. — Chronique fran-
çaise en prose, écrite entre 1333 et 4341, et racontant,
après une courte introduction consacrée à la première et à
la quatrième croisade, la conquête du Pélopohèse par les
Francs et l'histoire de ce pays depuis 1205 jusqu'à 1304.
Buchon, qui publia ce document en i84t) (Rechef éhes histo-
riques sur la prinGÎpauté française de Mptée, t. I),
d'après Punique manuscrit de Bruxelles, a essayé !de démon-
trer que ce teïte français représentait la forme éi^iginale de
l'ouvrage, ayant servi de base à toutes les âutréé yèrsions,
grecque, esp4^nole et italienne, (jue l'oïi possède cfe la Chro-
nique de Moirée, Il semble pbuvé aujourd'hui qhb ce rapport
doit être renyersé. Vers le commencement du; x|ïv® siècle,
un écrivain 4hoûywie, fort au courant des choste du Pélo-
ponèse, cojmppsa en grec et en vers politiques une Chro-
nique de^Mprée, dointle; réôit s'arrête en 4202. Cet
original, Imréîïient traiiuitèn finançais et continïié jusqu'en
1304, devint le Livre d^e la conquête, A la fin du
XIV® siècle, une traduction aragonaise fut faite, égale-
ment sur lé grec, dan^ laqiielle le récit fut poussé jusqti'eni
1377; il existe aussi une vei^sion italienne. E^fin, dans
plusieurs mahuscrits, l'original grec a été t-etouçhé et re-
manié dans lin sens moins hostile à la nationaHté grecque.
L'auteur de la Chronique de Morée, quoiqu'il ait écrit en
grec, est en effet de sentiments absolhmeut favorables aux
Francs, et tres prôbàjilemént il est de leur race ; pour les
vaincus, il; nîa que haine et mépris, et ces tendances nui-
sent parfois un peu à son impartialité. Mais il est assez
proche des événements pour les bien connaître ; son style,
rude et iriaia|roit, est incapable, d'aulre part, d^ travestir
sérieusement Paëpect des faits ; àussi^ bieti quel son récit
doive être utilement complété et éritiqué par ceui de Ramon
Muntaner, dé Bernard d'Ësclot et de Marino $anudo, il
eât fort curieux pour Phisioire des établissèihents francs
de Morée ; il offre en outre un témoignage reniai-quable de
la fusion qui, assez promptemetit, ra|)procha lès Grecs et
les Francs et de;|'iufluènc^ qu'kercèrept Puné ^uï^ Paîitre
les deux langues; et lés deux civilisations. Le té^te grec de
la Chronique dé ilf^iir*^^, dontle meilleur mB^fmsèrit est ,
celui de Copenhague, a été publié par Bu6hon:Éti?*owp^5
étrangères relatives auoù expéditions francises pen-
dant le inf siècle (Paris,^ 18îl), d'api-ès uh manuscrit
de Paris, et Recherches h^tston^iques sur la pmcipanté
de Moréé {P2itn^ 1«47, tl Iï|, d'aprèâ Ip manuscrit de
Copenhagi^e ; le texte ardgonais a été piiiblié par Mbrel
¥^ûo i Chronique dèMor^ (Gfenève, 4885). Ch. Diehl.
Livre^ rouges. — ' ïiegistres pcrets déi penèîôns payées
sans brevet èî sans titre pubhc; par le tréjsor ï^oyal, sous
l'âncieiî régime. Il eâ fut i|Uestiori; d'àb^râ dàiis diverses
remontraiibes du pariémcnt et des notables, phis dans les
journaiix ï^éVolutîoniiaires,, enfin dans la séance de l'As-
semblée nationale dii 28 iiov. 4789, à! propob d'un état
financier Si^né p^r Dufresne au nom dii ministère des
finances, ^t produit |)ar Anson. Cet état renfermait déjà
beaucoup ii'ârticlés non jifstifiés, comnie les mensualités
destinées ^upàyépient dés}!; dettes du corpte dMoig. lais
Camus, Gouttes^ Pi^on diiGaland firent observer qu'il
existait «"aux fipàncfe uni livre rouge», sans la connais-
sance duqiiel lalhatioh ne* pouî'rait'savbir exactement le
chiffre de Ses déjiehses, lii surtout eh appreciet' la nature.
Il y avait en réalité tm livre dii même genre pour chaque
département min|i$térie!, et, cela, concuWenjtm^ht avbc les
ordonnances du èémpjtant, è.-^à-d. les raàpd^ts 'touchés par
un simple ;^d^ dh roi. Le 5 m|irs, l'Assemblée; 'sur lé rap-
port de Càbus, demahdà nettejîlient au rôi de lui commu-
niquer toutes pièces justificatives dçs penéions octroyées,
et notamment le Hyré roiîg^. SiK xÀ%vâ)t&^ M Comité des
pensions 'eh prîfént lécttîre Jo 4^ maï^si et firent leiir
rapport lé 48 : ils Ibuèfent, l'économie personhfelle du
roi, et s'indignèrent cohtre les « déprédatîoins de ses mi-
nistres». Le 4®' avr. parut un premier rapport pour les
années 4779 et 4784 à 4Ï8T: d'après ce éompte, la
moyenne annuelle des birdbnnances de coinpiapt ressor-
tissait à une centaine de îhilliôns. Quant au livre rouge
proprement dit, le total ^es sbmmes qui y étaient ins-
crites du 40 mai 4774 ^u 16 août 478$ ^'élevait à
227,985,746 livres 40 Sous 4 denier, dont plus du
mm ™- 366
dixième ppàr les deux fjjères flu roi. Le tiire rouge coiii-
prenâit aussi les dépensas de Sa police iié sûreté, de Fés-
piomiage nîîjiitairé ou difllomatique, du cai^inet noir (Y ^ ce
mot), etc. beaucoup de ces dépenses, pour être secrètes,
n'eu étaient pas moins jiistifiâbies, ainsi que le fit observer
le comte de jVIontiîtorin; à propos duch. yiii (4âaVr. ItOt)).
Il faut également teiiir compte, pour jjester juste, des
Observations de Necker sur les ordonnai|ces de compts^nt.
— Servan ^énonça à 1^ Législative un autre livre rouge
trouvé au ministère de la guerre et doni l'impression fut
ordonnée. Elle décida aiissi, sps tenir compte des ménagé-
ments de la Constituante poui^ l'aïeul de Éouis ^VI, la pu-
blication de la premièî^e partie du premier livre rbu^e,
relative au. règne de Louis XV. •— Entin un troisième
livre rouge trouvé à Versailles dans un secrétaiÉ'e de
Louis XVÏ, fut signalé ^ la Convention le 28 févr. 4793
et imprimé à la suite des autres pièces du procès. H. Bîonin.
Histoire religieuse,.— Livre de la création (V.Cab-
BALE juive).
Livres pontificaux (V . Liber poi^tieicXlis) .
LivïiES saints (V. feïBLE et (P^ouvEAu Testament),
AEoi,eîi; <iroit. -— Livre', de jostïce'Et de plet. —
Bien que le livre de jostice et de plet Soit depuis long-
temps connu des érudits , qu'il ait été consulté par nos
anciens jurisconsultes tels que La Thauniassîère etLaurière,
qu'il ait ét^ mis à protlt par lès glosgographes français tels
que ï)u Caiige et Lacurije de $ainte~Paiaye^ il li'a cepen-
dant été publié qu'en 4850 par MM. Eapetti et Chabaille
dans la Collection des documents inédits sur Thistpire
de France (Paris, in-4). Cet ouvrage est divisé en vingt
livres, et se compose d'extraits des Pandectes, des Dé-
crétales et 4u droit coutumier. C'est visiblement Je droit
romain qui domine pour la méthode comme pour Je fond.
Ainsi l'auteur a suivi dans son exposé l'brdre du Digeste
*et, sur B42î titres, epi ^ emprunté 495 au droit ronlain.
Quelques-uns sont littéralement traduits, des Pandectes;
d'autïi'es son^ altérés par des contresens ou autrement, afin
d'êti[e niïs eii rapport ayee les coutumes. Le mèiine système
a étéiemployé pour le droit canonique qui formé le second
éléiîiént dd i^(w^ dé josticé et d>e plet. Lé droit coutu-
mier !èt le droit téodsil ne viennent qu'au troisième rang ;
ma^s ils sont éncire dans leur pléii^e pureté. L'auteur les
a juxtaposés au (Jroit romain et au droit cgnoii^quej mais
nç le^ a pas altérés .\ L^ coutume qu'il expose est celle
d'Orléans. Tel qu'il s0 présente, lé Livre dejoétice et de
^f^i^" paraît bien être, l'œuvre d'un théoricien i^lutf^t que
celle (d'un praticien. C'pst peui-être un recueil de. notes
faitesipar uni professeur pour son cours ou prises par un
étudiant à un cours de Funi vers! lé d'Orléans. Comme le
Livre de jpstice et de plet rapporte l'ordonnance sur les
baillis et sjir les sénécbaiix 4^4 254^ et celle q^ii f# faite
contf^e le duel judiciaire ^n 4260^ ilsemible bien qu'il ait
le (Jjféi^ rô^nain éii finançais e); avec une gr^jindt) hardiesse
dans j lintepprétatfon .des textes. Le Livrç de jostice, ep de
plet, n'en offre pas m(|ins un intérêt corisidëifabie ; il ^ous
fait connaître le dij-pit civil de ce temps et nous dpnne aussi
d^sjP^n^eigjleEpents sU|' ra4mii|listratipBi deècom|ïiunes|, ainsi
quej sjar liô^ijlfoît criminel, fenfn il néus|nioîit]|^e ile pjéemier
proééd^ ^U/jon a employé pour rapproche^ lé droit! roijiain
et fe dî|oit coptumîer, procédé tout à fait grossier et, qui
consistait, pomm^ on T'a dit ijïusi haut, noni pa^ diins!uûe
véritahie if sjon, fîiais dans une simî)le juxtaposition njalé-
riell^'.des ; textes. ', '' ' \ ' É. 'Glasson.
Livre D^ 1^4 'Roine (V. Fontaines [Pierre de]).
Livre 'De^ droiz et des gommândemens, d'office de
JUSTICE, -ri Sous PC titre, pn praticien du Poitou a com-
posé pn recueil 4e décisions d^s cours de ce pays et de
quelques contrées environnantes, rendues pendant la se-
conde i moitié du ;siv® siècle. Ces décisions portent sur
toutes les branches du droit et sont rapportées par Fauteur
sans ordre ni méthpde, ïi est probable qu'il les a enregis-
trées à mesure qu'elles étaient rendues. Aussi ne faut-il
s'étonner ni des lacunes ni des contradictions de ce recueil.
Il est cependant fort utile,i car il nous fait connslître fes
coutumes du Poitou à cette époque ; en outre, il est de
toutes parts pénétré par lé droit romain et nous voyous
ainsi quel était dès ce temps l'influence de ce droit. L'auteur
s'est aussi inspiré des Etablissements dé saint Louis et
de certaines coutumes de l'Anjou. l\ a même parfois trans-
crit pour le Poitou des textes angevins qui se rapportaient
à des usages différents de ceux du Poitou. Aussi ne doit-on
consulter le Livre des droiz et d^s comfnandémens qu'avec
beaucoup de prudence. Il a été publié par M. Beaùtemps-
Beaupré (Paris, 4865, 2 vol.Jn-8). ' E. Glasson.
Droit canoB (V. Approbàtiopï et Index).
^ Droit civil.' ~- Livres domestiques. — Expression
générale par laquelle on désigne, en droit, toutes écritures
dans lesquelles une personne consigne le souvenir des faits
ou actes qui se rattachent à sa vie privée et l'intéressent ou
intéressent les sieiis. Les libres, registres ou papiers domes-
tiques n'ont, en principe, de valeur que pour celui qui les a
écrits. Cependant, dans certains cas^ et fauté de mieux, la
loi leur reconnaît une force probante, même à l'égard des
tiers, Ainsi, par exemple, l'art, %^'k duC. civ. les rangé
parmi les écrits qui peuvent être considérés comme commen-
cement de preuve par écrit autorisant la preuve testimo-
niale de la filiation. De même, l'art, 46, prévoyant le cas oîi
il n'y a pas eu de registres de l'état civil, ou le cas dans lequel
ces registres ont été perdus, permet de faire la preuve des
naissances, mariages op décès, à l'aide des livres et papiers
émanés des pères et mères décédés. — - De même encore la
preîive des obligations peut résulter des livres domestiques.
« Les registres et papiers domestiques, dit Fart. 4BB4,
ne font point un titre pour celui ^ui les a écrits. îls font
foi contre lui : 4** dans tous les cas où ils énoncent formel-
lement un payement reçu ; 2<> lors4u'ils contiennent Ja men-
tion expresse que la note a été faite pour suppléer le défaut
du titre en faveur de celui au profit duquel ils énoncent
une obligation. » — Enfin, eU cas de succession échue
aux époux pendant la coniimunauté, la femme peut, si aucun
inventaire n'a été dressé, faire preuve, par titres ou papiers
domestiques, delà consistance et de la valeur du mobilier
non inventorié, mais ce genre de preuve est interdit au
mari (art. 144 S).
^ Droit commeroiaL — Livres de commerce. — On
désigné sous l'acception générale de livres de commerce
tous les livres sur lesquels le commerçant relate les diverses
opérations de son commerce. Indépendamment de l'intérêt
propre et personnel que les commerçants ont à tenir des
livres, ils y sont astreints par la loi, quelque peu important
d'ailleurs que soit leur commerce. En matière de société com-
merciale et en dehors des livres sociaux, chaque associé tenu
indéfiniment des dettes sociales est obligé d'avoir dés livres
persjonnels. Par contrcï les non-commerçants faisant acciden-
tellement i\m opération commerciale ne sont pas tenus
d'avoir des livres. Lès livres que la loi déclare obligatoires
sont: le livre journal^ le copie de lettres et le livre d'in-
ventaire. Le livre journal présente jour par jour les dettes
actives et passives du commerçant, les opérations de son
commerce, les négociations, acceptations ou endossements
d^effets, et généralement tout ce qu'il reçoit et paye à
quelque titre que ce soit ; il énonce en outre mois par mois
les dépenses de sa mpon. Lé livre journal des marchands
au détail ne mentionne pas toutes leurs ventes, mais seu-
lement le total de leurs recettes journalières. Le livre
journal est donc la base de touto comptabilité. Non seule-
ment le négociant doit garder copie des lettres qu'il expédie,
mais il doit encore conserver en liasse celles qu'il reçoit.
Les contrats commerciaux se formant fréquemment par
correspondance, l'utilité de cette prescription est évidente.
Tous les ans, le comi)oierçant doit faire un inventaire de
ses effets mobiliers et immobiliers, de ses dettes actives et
passives et le copier sur un registre spécial : c'est le livre
.^ '367 -^
ti^m
dlnventâirei ïiidépendsi»ai)îent de ces livres, les commer™
çants eîi tiennent d'stuti^es qu'on nomme facultatifs oh
auxiliaires^ Les plus usités sont ; le brouillard, le grand-
livre, le livfe de caisse, le livre d'achats et ventes, le livre '
des traites et billets . Afin d'assurer leur sincérité et
d'éviter les fraudes, les livres de commerce sont soumis à
certaines formalités. Ils doivent être constitués par des
feuillets reliés ensemble et non par des feuillets volants.
Ils doivent être cotés, c.-à-d. que les pages sont numéro-
tées; et pai'afés, c.-à-d. qu'ils sont revêtus de la signa-
ture d'un officier public: juge au tribunal de commerce,
maire ou adjoint. Cette formalité a lieu sans frais. Dans
les livres, les écritures doivent être en langue française,
sans qu'il soit nécessaire qu'elles soient de la main du
marchand. Elles sont tenues par ordre de date, sans blancs, :
lacunes iii transports en marge ; les erreurs et les omis-
sions doivent être réparées par des écritures spéciales à la
date oii elles sont découvertes. Le livre journal et le livre
des inventaires sont parafés et yisés une fois par année. ;
Ce visa constate oti, en sont les écritures à sa date et a
pour but d'empêcher la confection après coup d'uîi re|istre ;
s'appliquant à plusieurs années. Il n'a donc rien de commun
avec le visa exigé avant que le livre ait été employé. Le |
commerçant est obligé de conserver ses livres pendant !
dix ans à /îompter de la date de la dernière édriture du
livre. ;Si en fait il les conserve pendant plus longtemps^ il
peut demander ou être contraint de les produire en justice.
L'exécution des prescriptions légales en ce qui concerne la
tenue des livres est garantie par une double sanction.
D'une part, les livres non tenus régulièrement Hô peuvent
être réprê^ntés ni faire foi en justice au profit des com-
merçants, mais les tiers peuvent toujours se prévaloir des
mentions qui s'y trouvent; d'autre part, le commerçant
failli qui n'a pas tenu de livres peut être déclaré banque-
routier simple. La première de ces sanctions serait sérieuse
si les tribunaux o}3:serva]ent strictement les diéfiositions
légales, mais la latitude qui leur est donnée dan$ l'appré-
ciation des preuves en matière commerciale leur permet
de considérer comme présomption de fait les meïitjons in-
sérées sur des livides irrégulièrement tenus . adssi les
prescriptions légales en matière de tenue des livresl tendent
à tomber eii désuétude. L'altération des Uvres de ct^mnierce
est un^ des formes du faux en matière 4© commprcej qne
cette altération s'applique à des livres réguliers ou irrégu-
liers. On pmt consulter les livres de commerce par deux
moyens, la communication et là représentation. La
communication s'entend de la remise du registre avec fa-
culté de le bômpulser en entier. Li représentation consiste
dans l'exhibition des registres, à dès endroits déterminés,
sans dessaisissement. La communication peut être exigée
pour les Uvres de tous les commerçants, même des agents de
change. Mesure extrêmement dangereuse, elle n'est duto-
risée que {Jàns des cas exceptionnels : affaires de succes-
sion, çomkunauté, partage de sociétés, faillite. Bans ces
hypothèses, il n'y a pas d'indiscrétion a craindfo, |?arce
que, ou bien le commerce est terminé, ou bien la cortimu-
nication est faîte à des personnes qui n'ont pas dfihtéirêt à
divulgiier les secrets de la comptabilité. En matière de| suc-
cession la communication peut être requise non seulepent
par les suctjesseurs universels ab intestat ou téstÊ^niéntaires,
mais encore par les légataires particuliers ou p^Y les
donataires.! Ceux-ci ont intérêt à établir la consistance du
patrimoine^ quand on demande par exemple la i'éduction
de leur legs ou dé leur donation sous prétexta qu'elle
excède la quotité disponible. La communication d^s livres
en matière^ de communauté s'explique facilement; dans
l'hypothèse même où le fonds de commerce reste profire à
l'époux commerçant, les bénéfices tombent en commun|iuté.
Il est donc de toute nécessité pour la hquidationqueleséjpoux
ou leurs héritiers puissent avoir communication des liyres.
En matièreide société, le droit pour les associés de deiîian-
der commufiication des livres ne s'applique, en i^rin^ipe,
que dans les sociétés en nom collectif et en commandite
simple. Dans lès sociétés anonymes et en commandite par
actions, ce dMt !est exercé par les conseils d'administra-
tion ou dé sut'véillance. Les actionnaires ont, seulement
le droit, de se fkiré communiquer, à certaines époques,
diverses p^écé^ leui' permettant de se renseigner sur 1^ si-
tuation de^affàirp^ sociales. Cependaiit ils pourraient faire
ordonner l^îcolèmjafeation parles tribunaux s'ilè justifiaient
d'un infe^l;. In i/ffSjde faillite, le droit à la éommunica-
tion' ai)|)ai'lient non seulement aux syndics, cela va de
soi-, maîs encore ^Ux créanciers et autres intéressés. Indé-
pendattitent dés cas fixés par le code de cokmerce, le
droit 4^éx||eri la communication appartient à; ceux qui y
sont àùtAèsîen ^éfhx d'une convention, soit expresse, soit
më^e ta!bî|d. Ainsi H'èst en vertu d'une convention tacite que
le droit d^^iigér cjoiumuniçation des libres est reconnu aux
emplojrés aUx(j[Uëls leur patron a promis Une part dans
ses bén|fi<^ïc}s et àdx assurés sur la vie avec participation
aux bénéflèésj On j^eut évidemment renoncer à ce droit, et
il y a içre^qué toujours une clause tendant à ce but dans
les poli5pe| d'^sWance sur la vie. p'est aux juges qu'il
appartient de i'égleic la forme de la Communication ; elle
s'opère i^n géiiéruLpar le dépôt du livre sur récépissé au
greffe pu <fhezî un tieirs. Dés lois spéciales prescrivent aussi
la cénpininnïcalioi]^ des livres |t)our la perception de certains
imp<)ts|.' & vertu dés lois des 29 juin l87â! et 21 juin
487S,Î fàdiniîiistï'alipn de l'enregistrement se considère
cdmlne Ifondéé à exiger la cèmmunicâtion à ses agents de
tous lè^ lïvre^ dés commei^çants, pour la perception des
drëi(;s {le !tïmJ3re |et d' enregistrement et de l'impôt sur le
revênpl ^ps v^bufe naobiliérés, sur les lots et primes atta-
ché^ adx obliktiLdns^ La représentation des livres de com-
met'ce penï^ jêt|*'3 faite s|)ontanément pèr la partie qui les a
tenus, pji l|cir(|(|nïiée pa!r le juge, soit sur la demande do
l'autre paltîe!,
soît d'office. Lorsque les livres à représen-
ter sont iians! uni ïleu éloigné du tribunal saisi de l'affaire
les ju^eà!|éuyéni donner ,eoîttmission rogatoiré aii tribunal
du lléu, M Idéifeguer tm juge de paix fiour en prendre con-
naissance.: |Lé ima^isirat désigné dresse de son opération
un prodès|ye#al!dans letjuel il constate l'état mitéjpiel du
regiStfe et fci|t fifeurér p^jr extrait ce c[ui a trait au, diffé-
rencj. On if {jeut demander en principe que la représenta-
tion des livres j obligatoires. Cependant le cbralnerçaht qui
a des', |liyr|s {|iUxilîaii['es,peut être at^torisé ou tend à les
représente!?! ifàn^ fusagé|,' les tribunaux de^çoinmerpe or-
donnent gfiivent en dehofe hs (îas prévus par: Ja loi le dé-
pôt dè| liyres;! :ai^- greffe'! pour que les ma|istrats puissent
en pre|ndr^'!co|nimju]ilif3ation»' C'est là une viol4|on dé la loi
qui: présente de graves ;ii|içonvénients. t'obligatîon détenir
des, livres JîilicOinbb;|£i.i toU^, cedx ^'qni exercen^t^^'ïe conimerce
en 'Prfiné^^::a|cïr^l'j,méme'||g^^^ pas; leur ^principal
établisSémé|it^| !'C'est'|la liciî,(!u pays' ,0rJt'1ejcnn#erçaî^t a le
siè^e de s^é' apf^ires. qui 'ijdïti être sippïi(jué0!qi|and H s'agit
d'ordonner ïg. éon^mupicàtîonl ou la repijésentatitin ,des livres *
et la loi '||i l}eu 'dpi; litige pour;' la •fcfrmel '(|at{f laqt^elle il
doit , y: fetrej ; pr|>cédél ^ \ ' ' ; , ': Lyonnel ' Dïjoierjejan .
âdïiaîiîi^|t|^tiop. --r' Livres 3ro!femRS.' •— ''Ee|istres
pubM s,iji^!ié^quélS|Sontjhscrits les'it^imeubles aveé J'in™
dicatiofi ëi|et^ de Wr étendue etde'leu^'s limite^;, et la
mention d;é'toijs'les|droit$';qui les:;al^^en|;:deî:la psjrt des
tier^, 'ta valeur (1^'S; hypothèques,! et "l*ordre '{|e leur ins-
cription. ;t:Wi^itdîîon des, 'livres fonciers; ^ pUUr o|jet de
rendre': la :|robri^tè loniïère plus :faellement tknsmissible
que ps^Heàmwei^s; ordinaires, en siui^lifiaut lés foriUalités
de ' tranâml^siw e|t'en i^ràîitissapt.leè 46rrii;eij$' acqi^éreurs
contre !';les'irisqUe^ d'eviétitj^n» 'En, droit i^frajoiçsi^s, la! trans-
cription ei' !rij|soripiion : .feurnissent ' uiie ^ ^uplcifé:' tout à
fait' insufti^pife ; la transicpptioiiiest exigée eîi nfatîère de
vente, maïs e|e n'a pas ijeii en cas de transUiission hérédi-
taire ; de mêrlé, beaiucoiiii d'hypothèqiles pe ^^ont p^s su-
jettes! à inscription, inoîapnent celle de la f^Jun^ie fnariée
et des;mineur^. Dan^ l'ét^f; actuel de toutes lé^législiitions,
disait;Sir, |î^ob|rt Torréns^:|[»egistrar^generalî àd^^^ EAUstralîe
méridionale, tout homme peut vendre uncheval sans l'inter-
LIVRE
368 —
médiaire d'un Ijomme d'affaires, et même un nawe valant
40 et même 30,000 livres sterling ; mais, dès qu'il s'agit
d'un morceau de terre, il ne peut se passer de 1 assistance
d'un homme d'affaires, et souvent même la propriété qu'il
a payée est tellement incertaine et grevée de charges qu'il
ne peut pas savoir au juste s'il a acheté un acre de terre
ou un procès. Torrens se demanda alors s'il n'était pas
possible d'appliquer à la terre les procédés en usage pour
la vente des navires et il imagina la réforme qui porte son
nom (V. Acte Torrens).
De l'Australie méridionale, l'institution des livres fon-
ciers est passée en 1861 dansleQueensland, en 1862 dans
l'Etat de Victoria et de la Nouvelle-Galles du Sud, en 1874
dans l'Australie occidentale, la Colombie britannique, l'Etat
d'Iowa et d'autres pays de colonisation anglaise, L'Angle-
terre même et l'Irlande les adoptèrent pour une certaine
catégorie de propriétaires ; mais la réforme ne s'y est pas
généralisée; la propriété foncière, chez les Anglais, est en-
core un privilège que Taristocratie ne veut pas abandon-
ner; tout en faisant le sacrifice des avantages réels, au
moyen d'hypothèques ou autrement, elle tient à conserver
le domaine éminent. D'autres pays ont ouvert des livres
fonciers comme en Australie, avec toutefois des différences
d'application : la Russie, l'Autriche, la Dalmatie, le grand-
duché dé Bade, plusieurs cantons suisses, l'Espagne, la
Suède, presque tous les Etats d'Allemagne, notamment la
Prusse en 1872. A Brème, la mobilisation de la propriété
terrienne au moyen des livres fonciers existe depuis plu-
sieurs siècles ; les propriétaires peuvent prendre hypothèque
sur tout ou partie de leurs propres imn)eUbles, pour une
valeur déterminée, et engager ensuite c^tte hypothèque à
des tiers; la dette payée, l'hypothèque, sans autres droits
fiscaux, peut faire l'objet d'une nouvelle négociation.
La Franbe n'a pas encore de livres fonciers, bien que de
nombreux jurisconsultes, depuis plus de cent ans, en aient
constamment préconisé l'usage ; une loi de messidor an III
avait ibaginé la çédule hypothécaire, mais elle disparut
avec les autres institutio|is révolutionnaires. Dans la pensée
des partisans de la mobifeatibn des immeubles, l'avantage
des livres fonciers serait de faire cesser l'incertitude des
droits réels, de rendre les propriétés immobilières liquides
et sûres, d'augmenter pai^ suite lebr valeur en diminuapt les
risques d*éviction et en donnant aux détenteurs la faculté
d'en disposer plus librement. Jîaîs il faut, pour obtenir ce
résultat, trancher définitivement la questîbu de propriété
dans le passé ; c'est facile en Australie, dans les pays de
colonisation récente, où lé propriétaire actuel peut presque
toujouîfs justifier -£on droit de possession; dangereux au
contraire chez les" peuples modernes, où la multiplicité des
droits réels superposés, croisés, enchevêtrés de plus longue
date, rend leur départ très diflflcile. Cette circonstance,
autant que la routine, à jusqu'ici mis obstacle à l'intro-
duction de l'Act Tprrensi dans la législation française. Ses
dispositions principales ont cependant été appli(|uées par
une loi du 5 juiL 1885,à la Tunisie, où il existait déjà
des usages analogues. Comme en Australie, les propriétaires
tunisiens peuvent requérir l'imnïatriculation de leurs im-
meubles sur un registre tenu par le conservateur des hy-
pothèques ; mais l'inscription n'a d'effet que pour l'avenir :
au lieu que l'Act torrens rend non receyable après les dé-
lais d'enquête et de publicité toute réclaniation des tiers,
la loi tunisienne interdit à l'agent de l'enregistrement de
faire porter sa vérification « sur le fond même des con-
trats », de sorte que lie droit antérieur de celui qui a
demandé l'inscriptiion pourrait donner lieu, le cas échéant,
à des contestations. Le livre foncier tunisien contient « la
description de l'immeuble avec ses tenants et aboutissants,
sa contenance, le^ plantations et constructions qui s'y
trouvent et l'inscription des droites réels immobiliers exis-
tant sur l'immeuble et des chargea qui lé gravent » (art.-i^).
Ces indications sont reproduites bur le titre remis au pro-
priétaire; mais il! n'y a pas coiiformité absolue entre les
deux documents : le droit de propriété né figure que sur
le titre, tandis que les autres droits réels d'usufruit,
d'habitation et les servitudes sont portées en même temps
sur le titre et le livre foncier. M. Charnây.
BiBL. : HiSTORiauE. —En dehors des travaux cités aux
articles : Bibliographie, Bibliomanie, Bibliophilie,
Gravure, Heures, Iconographie, Imprimerie, on doit
consulter les ouvrages spéciaux suivants : Géraud, Essai
sur les livres dans Vantiquité^ particulièrement chez les
Romains; Paris, 1840, in-8. -^ H. Gcell, Ueher den Buch-
handel bei Griechen und Rœmern; Schleiz, 1865, in-8. —
W. SoHMiTz, Schriftsleller und Buchhmndler in Athen ;
Heidelberg, 1876, in-8. — Th. Birt, Bas antike Buchwe-
s en ; Berlin, 1882, gr. in~8. ~ L. Haenny, Sc/irî/ïsfeifer
und Buchhmndler in Rom ; Halle, 1884, in-8. — A. Kirch-
HOFF, Die Handschriftenhœndler des Mittelalters ; Leip-
zig, 1853, in-8, 2" éd. — Du même, Weitere Bèilrœge zur
Geschichie der Handschriftenhsendler des Mittelalters;
Halle, 1855, in-8. — Metz, Geschichte des Buchhandels ;
Darnistadt, 1834-36, 8 vol. in-8. — E. Werdet, Histoire
du livre en France depuis les temps les plus reculés
jusqu'en 1860 ; Paris, 1861-64, 5 vol. in-12 (ouvrage non
terminé). — Ch. Nisard, Histoire des livres populaires
ou de la littérature du colportage depuis le xv^ siècle;
Paris, 1854, 2 vol. in-8. — E. Egger, Histoire du livre
depuis ses origines jusqu'à nos jours ; Paris, 1880, in-12.
— H.. Bouchot, le Livre; Paris, s. d. (1886), in-18 (princi-
palement sur le livre illustré). — Baron R. ! Poutalis,
les Dessinateurs d'illustrations au xviii« siècle ; Paris,
1877, 2 vol. in-8. — H. Côhen, Guide de Vamateur de
livres à gravures du xviip siècle ; Pari^, 1887,j in-8, 5« éd.
■— J. Brivois, Bibliographie des ouvrages illustrés du
xix" siècle ; Paris, 1883, in-8. -— Champfleury, les Vi-
gnettes romantiques ; Paris, 1883, in-4, fig. — G. Giiuver,
les Illustrations des écrits de J. Savonarole , publiés en
Italie au xv et au xvp siècle ; Paris, 1879, in-4, flg. —
F. LiPPMANN, Der ilalienische Holzschnitt imXV, Jahrh,;
Berlin, 1885, in-foL, fig. (éd. anglaise, Londres, 1888,). —
Duc DE Rivoli, Bibliographie des livres à figures véni-
tiens^ de la fin du xv*» et du commencement du xvi« siècle ;
Paris, 1892, gr. in-8, lig.— Muther, Die dei^tsche Bûcher-
illustration der Gotik und Frûhrenaissance; Munich, 1884,
2 vol. in-4. — A. Kirghoff, Beitrœge zur Geschichte des
deutschen Bu,chhandels ; Leipzig, 1851-53, 2 vol. in-8.— Du
même et F. Hermann-Meyer, Geschichte des deutschen
Buchhandels; Leipzig, 1886, 1. 1, in-8,
Direction de l'imprimerie et de la , librairie. —
V. Collection des anciennes lois françaises. — Archives
de la Chambre syndicale de la librairie (Bibl, nat.). —
Article de M. Ferdinand Brunetiêre {Revue des Deux
Mondes du 1«^ févr. 1852) sur la Direction de la librairie
sous M. de Malesherbes.— Dalloz, Répertoire^ art. Presse^
ch. I et ii.-~ Discussions sur ?a liberté de la Presse [pro-
cès-verbaux du conseil d'Etat (1809 à 1815}^ réunis par
LocRÊ], 1819, in-8. — Eugène Hatin, Manuel théorique
et pratique de la liberté de la Presse^ 18^8/^ Vol. in-8. —
Henri Welschinger, la Censure sous le premier Empire^
1882, in-8, et, dans le Livre du mois de juin* 1887, une étude
sur la Direction généi aie de l'imprimerie et de la librairie^
1810-15. — Paul Dupont, Histoire de l'imprimerie, 1814,
2 vol. in-8. — Fabreguettes, Traité des infractions de la
garole, de Vécrit et de la presse, passim. — Bories et
ONAssiES, Diction, prat. de la presse, v° Librairie. —
Dutrug, Explication prat. de la loi sur la presse, passim.
— Faivre et Benoît-Lbvy, Code manuel de la presse.
pp. 31 et 32.
Livre de la conquête. — Bibliographie très complète
dans Krumbacher, Gesch. d. byz. Litt.^ 422-423.
Livres rouges. — Réimpression du Moniteur, t. 11,
pp. 255, 519; III, 200, 530, 641 ; IV, 53, 59, 81, 107, 130, 147,
162, 178, 209, 214, 222, 224 ; XIII, 543,565, 738 ; XV, 584. — Le
Livre rouge ou Liste des pensions secrètes; Paris, 1790,
in-8.— Comte de Montmorin, Observ. sur le chap. viii d'un
imprimé ayant pour titre a Livre rouge »; Paris, 1798, in-8.
«- V. Louis XVÎ et Ordonnance de comptant.
Ancien droit. — Anschaûtz, dans la Kritische Zeit-
schriftfûrRechtsmssenschaftundGesetzegebung^ t. XXIII,
p. 331. — Du même, Observations à la fin du t. VI dé VHis-
toi7'e du droit français deLAFERRiÈRE.— Viollet, Précis
de l'histoire du droit français^ éd. de 1884, p. 152. — Glas-
son, Histoire du droit et des institutions de la France,
t. ÏV, p. 131.
Livres de commerce. — Bédarride, Des Commerçants,
des livres de commerce; Paris, 1872, in-8, 2° éd. — Bes-
LAY et Lauras, Commentaire théorique, jf)ratique et cri-
tique du code de commerce; Paris, 1867, t. L in-8. —
BoisTEL, Précis de droit commercial; Paris, 1890, gr.,in~8,
4« éd. — Demasure, Traité du régime fiscal des sociétés;
Paris, 1884, in-8. — Lyon-Caen et Renault, Traité de
droit commercial; Paris-, 1889, t. I, in-8. — Nouguier,
Traité des actes de commerce; Paris, 1884, 2 vol, in-8.
Livres fonciers. — Fr. Troisfontaines, les Livres
fonciers d'après VAct Torrens et les lois allemandes ;
Bruxelles, 1889.— G. Gunzert, les Livres fonciers, d'après
les projets de loi soumis à la délégation d'Alsace-Lorraine ;
Strasbourg, 1885. — Dain, le Système Torrens et son ap-
plication en Algérie et en Tunisie. — Ch. Gide, Etude
_ 369 —
LIVRE -- l
suif VAct torr^nSy Bulletin de la Société de législàtiùn
cqmpafée, avr4886.— L^^qn Say, Dictionnaire des jinaneen .
L l Y B E. L Poïps.— p0|ds en usage dans un grand nombre
de pay^, mais que l'adoption du système métrique a fait à
peu pHs disparaître. Ch^Z; les Roînains, la livre étant divisée
d'abord en 40, puis ensuite en 12 onces, Fonce en 24 scru-
pules {!^criptula) t, la lîvr0 valait donc 288 scrupules; elle
équivalbiit à un peu plus de 320 gr. (pour les détails, V, l'art.
Poids Ièt mesures, § Antiquité), Charlemagne imposa dans
tout soîj empire Pusage de la livre poids de marc; mais, tout
en conservant le même nom et les mêmes subdivisions en
46 onces à 42 deniers, la livre variait suivant les loca-
lités; iOO livres de Paris égalaient 416^3 de I^yon, 406^6
de Lyon pour la soie, 448 livres deToulouse, 423^5 de Mar-
seille, 96^3 de Rouen. L'ancienne livre poids de marc équi-
valait à 4898^^06. La livre est communément prise en France
pour un demî-kilogr. Comme unité de poids, la livre existe
encore en Angleterre, livfe avoirdupois = 453ê'^o9 (sub-
divisée en 16 onces de 46 drachmes, chacune de celles-ci
valant 3 scrupules de 42 grains chacun), et pour les métaux
précieux et la pharmacie, la livre troy =:373sï'24 (elle se
subdivise en 42 onces de 20 pennywerghts de 24 grains
chacun) ; en Russie, la livre rr: Wd^^'M (à 96 solotnik de
96 doli chacun), la livre médicale 3588*^\32, la livre d'ar-
tillerie 489gi'44 ; en Suède, la livre (Skalpmd) =4258^^07 ;
en Danemark, 469^^'94. La livre métrique alieiîiande et
autrichienne est égale à un demi-kilogr. Anciennement
OB aVait encore, comme valeurs diverses de la livre en
grammes : Aix-la-Chapelle, 467 ; Amsterdam, 494,4 ;
livre troy, 492,46; à Augsbourg, 560; à Bade, 500;
à Bahia, 459; à Bâle, 493',2 (livre forte), 486,45 (com-
merce de détail), 480,2 (épiceries), 467,7 (argent); à
Barcelone, 416; en Bavière, 560; à Berlin, 4|}7,7; à
Berne, 520 ; en Bohême, 544 ; à Boston, 453,55 ; h Brème,
498 ; au Brésil, 459 ; à Brunswick, 467,5 ; à Bruxelles,
467,7, pour matières précieuses, 492,46 ; à Buenos Aires,
460; à Cadix, 460; à Christiania, 499,4; à Cologne,
467,7; à Copenhague, 499,4; à Dantzig, 467,7 ; à Darm-
stadt, 500 ; à Dresde, 467,5, pour les mines, 451 ,4, poids
d'acier, 435,8, pour la boucherie, 504,2 ; à Drontheim,
499.4 ; en Espagne, 460 ; aux Etats-Unis, 453^55, pour
For et l'argent, 373,2 ; en Algérie, 339,4 ; à Perhambouc,
457 ; à Florence, 339,55 ; à Francfort-sur-le-Main, 505,3
(livre forte), 467,9 (livre légère) ; en Gallicie, 420,4 ; à
Saint-Gall, 577,55 (livre lourde), 465 (livre légère) ; à
Gênes, 348,45 (livre lourde), 347 (livre légère, p'our l'or
et l'argent) ; à Genève, 550,7 (livre gros poids), 458,9
(livre petit poids) ; à Grenade, 499,75 (livre forf|e), 444,2
(livre faible) ; à Haïtii, 489,5 ; à Hambourg, 484,4; à Ha-
novre, 489,6; à Heidelberg, 467 (poids léger), 504,3
(poids fort) ; aux îles Ioniennes, la livre anglaise^ 453,55,
ou la livre lourde dé Venise, 477,05, pour les métaux
précieux (livre légère), 348,05 ; à Kiel, 470,6 ; i Leipzig,
467.5 (livres ordinaires), 451,4 (pour les mineé), 435,"8
(pour les métaux), 5()4,2 (pour la boucherie) ; à Léopol,
420.4 ; à Liban, 417,85 ; à Lima, 460; à Lisbonne,
459; à Livourne, 339,55; à Lubeck, 48^,6 ; à Lucerne,
499,4;à Lucques, 335 (livre délia grascia)^ 344 (livre
de commission); à Madère, 458,5 ; à Madrid, 460; à Ma-
jorque, 400; à MaltQ, 794,5(rotolo),316 (livre pour l'or
et l'argent) ; à Mannheim, 467,95 (livre légère), 505,4 (livre
forte) ; à Mantoue, 345,6 ; au Maroc, 538,2 ; danfe le Meck-
lembourg-Schwerin, 484,4; à Messine, 320,76 ;,k Milan,
326,8 ; à Modène, 340,2 ; à Mogador, 538,2 ; à Moscou,
409,4; à Munich, 560; à Naples, 894 (rotolo), 320,76
(marchandises précieuses) ; à la Nouvelle-Orléans, 453,55 ;
à Nuremberg, 540,4, 477,4 (or et argent) ; à Palerme,
320,76; à Palraa, 408; à Parme, 326,4; à Pérouse,
348,8; à Pise, 325,8; à Plaisance, 348; en Pologne,
405.5 ; à Presbourg, 558,25 ; à Ratisbonne, 566,9 ; à
Riga, 448,05 ; à Rio de Janeiro, 459 ; à Rome, 339,4 ;
à Rostock, 484,4 ; à Saragosse, 350 ; en Saxe, 467,5 ; à
Saiat-Sébastien, 488; en Sicile, 320,76 (livre légale),
GRANDE^ ENCYCLOPÉDIE. ■— XXIL
347,55 (livre locale); à Stockholm, 423,54; à Stuttgart,
467^8; éM Siiède,; 423,54 (livre orcfi^aire), 338 :,8 (livre
d'ewtrep^t), ^U,4(lme deiidinej, 3S6,6(poids dé vge),
486 J (peids (|efe^), 375,9 (poids de cuivre) ; à trieste,
5^0 ; à tlihis, 'Mm ; à Turin, M,^ ; en tirol, Mfi ;
en Valachie, M0,7 ; à Venise, 4Î7,05 (livre ordiiiaire),
304,5 (inarchan<ifees précieuses) 5 à Vera Cruz, 460,5;
à Zurich, 528,6 (livre locale). •— Datos les pays alle-
mands la livre se divisait eii 30 ou 32 ïot^ ceux-ci en
qiimtchen.
IL Monnaie. — Le nom de livre vient du rapport des pre-
mières monnaies avec le poids du même nom. Les as de
Numa, ceux plus perfectionnés de Serviuà Tullius, furent
appelés livres. On les divisa ensuite en autant de parties qu'il
y avait d'onces à la livre. Plus tard, la taille des monnaies
d'or fut établie d'après la livre; les premiers sous dV, qui
datent de Constantin, turent febrîqués à la taille de 72 par
livre. Le3 premiers rois de France firent de même, et fabri-
quèrent aussi des livres dl'argent à la taille de 28^ à la livre.
Pépin le Biî'ef y fit tailler 22 ;sous, ms^is Char}emagne n'en
fit plus tailler que 20* Cette taleur fut conservée jusqu'à
Louis VI ; niais, à partii* de cf^ite époque, la taille se piodifia
suivant les besoins des Miona^imes; la livre arriva a n'être
plus que l'équivalent de 20 sous de cuivre (subdivisés en
42 deniers). Jusc(i;i'eU i667, on distingua la livre tournois
(livre de compte) jet la livre pariais qui valait un quart en
plus; la livre tournois demet(ra la sèlile livre de coïïipte à
partir de 4667 ; sa valeuHtaiî; de 0j^987. L'adoption liu sys-
tème métri(jue a fait remjplacet la livre par le franc. La livre
sterling existe ehcôre en ^ïigl^terr^ comme monnaie de
compte et monnaie réelle l ellelsô SUbilivise en 20 shillings
ou 240 deniers (pencè) et vau|i au pair ^5^^22. La livre était
en usage dans plusieurs <iontr|és de l'Europe ; veps ieïmilieu
de ce siècle on trouvait |encoM en circulation : en Italie i^
livre d'Autriche, •vfiîl^ntiO^'^S^, et la livre italienne, valant
4 fr. ; on trouvait aussi eu Lonibai*die et en Sardaîgne la livre
vieille de Milan, {)f^7t, ta livr^ vieille de Venise, 0^^'55, et
la livre de 20 sous (Je G^nes, ^^83 ; à Modène et à Parme,
on employait quelquefois ran(|îkne Mvre de Modène, 0^^38,
et la livre de Relgît), à 0^^25 J en Toscane, la livré j&oren-
tine, 0^^82 ; danp! leS Etats de l^E^lise, la livre {pçcpeto),
4^^40, En Suisse, îa liVre, r|ïïiplaeée depuis par le franc,
valait 4 ^^50. La livre de (Pologne (d'argent fin) valait
54 livres tournois. En Espagne, lès monnaies du Uom de
livre étaient extretpemer^t nortibrèuses ; on peut mentionner
parmi les principales : la livide d^Ara^on, 5^''07; la livre
de Catalogne, 2f»'87; lUivreidWça, OHÙ; la livre de
Majorque, 3^^57 ; la livre de jS(avarre, 0^^84; la livre de
Valence, 4f^05, iÇ jHambour|;et à Amsterdaïn, on cotait
quelquefois le chfe^nge de quelques places et le prix des
sucres en livres fl^Uiandès valant epviron 42^'*60. Aujour-
d'hui le nom de livre (lira) esi conservé à la monnaie ita-
lienne qui correspond à notre franc. G. François.
LIVRÉ. Com. d|i dép. d'Ille^et- Vilaine, arr. de Rennes,
cant. de^Lifîré; 4,699 hab.
LIVRÉ. Corn, du dép. de la Mayenne, arr. de Château-
Goothier , cant. de Craon ; 4,246 hab.
LIVRÉE (ArchéoL). L'usage de faire porter des vête-
ments de même teinte par tous les gens faisant partie de
la maison d'un niaître est fort ancienne, et l'origine doit
en être recherchée, au ijnoyen âge, dans les couleuYs que
portaient les che\faliers aux tournois et aux joutes. Ces
couleurs étaient souvent celles des dames que servaient les
tenants ; et compie ils faisaient aussi porter ces couleurs
à leurs quadrillfîS, cette mode demeura dans la domesti-
cité. C'est de là qiie vinijent l^s couleurs des blasons ; puis
celles-ci ne s'étendirent plus aux livrées dont la disposi-
tion et la nuance demeurèrefit au goût des maîtres, sans
que ces dispositions et ces nàances rappelassent en quoi
que ce fût les figut'es, les émaux ou les métaux de l'écu.
Aux xvi^ et XVII® siècles on eh|;end^it par ^<^?25 de couleurs
les laquais; porter Us couleUrs signifiait porter la livrée
de valet. A ces époques on tepd§iit de pUis en plus à dif-
LIVREE — LIVRET ^^ 3Î0 --
férencieir la domesticité roturière de la domesticité noble,
et la livrée de Funifortoe militaire. Mais toutes ces dis-
tinctionS n'exiètaient pas au moyen âge oii la livrée pri-
mitive était aux couleurs de la bannière, puis de la cotte
ou sayo d'armes du chevalier, et était portée par tous
les gènfe de guei're qui combattaient autour d'un même
maître. En temps de paix, tous, nobles ou roturiers, vi-
vaient avec ce maître et portaient une robe, une dalma-
tique, un vêtement aux mêmes couleurs. Ainsi se transmit
cette mode qui dure encore aujourd'hui.
Ces livrées eurent anciennement des couleurs vives et
tranchées pour qu'on pût reconnaître de loin les gens, sur-
tout dans la bataille. Et ces couleurs allaient de plus en
plus en se différenciant de celles de l'écu, car celui-ci était
la marque de la famille, la livrée pouvant avoir, au con-
traire, des couleurs différentes suivant chaque membre de
cette famille. Ainsi les couleurs de la livrée demeuraient
dans la tradition des tournois oti chacun portait une écharpe,
une manche ou une huque aUx couleurs de sa dame. Cette
mode persista dans l'armée jusqu'à l'apparition de l'uni-
forme réglementaire, car tous les soldais d'une même com-
pagnie portaient habituellement une manche aux couleurs
de leur capitaine, sans comj3ter V écharpe (V. ce mot).
Le vocable lui-même de la livrée a une origine parti-
culière. Il se rapporte à ces déhVrances de vivres et d'ob-
jets que les grands seigneurs faisaient jadis à époques fixes
aux gens de leurs maisons. Et les livrées de vêtements se
faisant deux fois l'année, le mot de livrée s'appliqua bien-
tôt aux bardes elles-mêmes portées par les bénéficiaires de
ces dons dits livrées de Noël et livrées de V Assomption,
(7est ainsi que Louis IX faisait à ces époques des distri-
butions de vêtements aux seigneurs de sa cour ; c'était une
habitiide qu'aux cours dites plénières le roi devait habiller
tous les officiers qui y assistaient, qu'ils fussent de sa mai-
son, de celle de la reine ou de celle des princes ; dès cette
époque ces vêtements se nommaient livrées.
On remarquera que la livrée des gens de service garda
toujours un caractère archaïque, une forme toujours plus
ancieijfue que celle du costume civil en \^igueur. Les pages
notanïment gardèrent jusqu'au xvm® siècle une livrée qui
était l'accoutrement du xvi® siècle. Aujourd'hui encore les
grandes livrées sont restées les costumes du xvni® avec la
culotte courte et la poudre ; celles des suisses d'église et
de loge ont un caractère aussi ancien. Mais avec le temps
les' couleurs vives et tranchées sont allées en^ diminuant de
plus en plus, tirant vers les teintes sombres, et les couleurs
des armoiries ne s'y retrouvent plus que dans les livrées
des grandes maisons oti oh les voit encore brodées dans la
trame même des galons. — On entendait par grisons tous
les gens de livrée qui ne la portaient point quand ils allaient
remplir quelque mission délicate, compromettante et qui
demandait le mystère. Maurice Maindron.
BÎBL. : GoDEFROY, Cérémonial français^ xvn« siècle ~
P. MÉNÉTRIER, Traité des tournois, xViF siècle. — Du
Cange, Dissertation sur les tournois.
LIVRET. L Littérature et Beaux-Arts. — Liyret
B^opÉRA (V. Poème).
Livret de Salon (V. Exposition et Salon),
II. Enseignement. — Livret scolaire. — Innova-
tion introduite par la réforme de 4890 dans le régime du
baccalauréat. Jusque-là on se plaignait que la part de Valea
fût trop grande pour les bons élèves dans cet examen, rien,
en cas de défaillance accidentelle, ne mettant les juges à
même de tenir compte du passé scolaire et de la qualité des
études. Il fut alors décidé que tout candidat, à la condition
de se présenter dans l'académie où il achève ses études,
pourrait déposer au secrétariat de la faculté, en se faisant
inscrire, un livret retraçant, année par année, sa vie d'éco-
lier, portant le relevé de ses notes, de ses places, de ses
succès, avec le témoignage, explicite au besoin, de ses
divers maîtres. Naturellement, la faculté, en cas d'épreuves
douteuses ou légèrement insuffisantes, n'hésite pas à faire
état d'un bon livret, surtout signé de maîtres non suspects
de complaisance et provenant d'étabHssemeiUts où les études
sont d'une valeur notoire. Par exemple, dans la pratique,
la faculté des lettres de Paris accoMe facilement le béné-
fice de l'admissibilité aux candidats munis d'un bon ou d'un
très bon livret, qui n'atteignent que la note 19 ou 18 au
lieu de la moyenne 20 exigée pour la composition de philo-
sophie, le maximum étant 40. On se réservé de les presser à
l'oral. Mais les bons élèves auraient tort de s'y trop fier
et de ne pas faire effort pour donner toute leur mesure. Car
les professeurs de la faculté n'ont pas à juger sur dossiers
ni à enregistrer simplement un jugement valable par lui
seul : tant qu'on leur fera corriger des compositions, ils
voudront qu'on traite convenablement le sujet donné, et ils
ne pourront trouver suffisant ce qui serait trop loin de
rêtre. H. M.
IIL Armée. — Le mot livret, ou petit livre, a d'abord
servi à désigner les cahiers, contrôle, feuilles d'appel actuels*
Ses principales acceptions militaires sont les suivantes.
Livret de comptes courants avec le Trésor» — Les
fonds que les corps ont en excédent de leurs besoins sont
déposés au Trésor, et les opérations qui résultent du dépôt
ou du retrait de Ces fonds sont inscrites sur ce livret, qui
doit toujours rester dans la caisse du conseil d'adminis-
tration, ainsi qae les récépissés qui l'appuient.
Livrets ou carnets de section, de peloton, etc. — Les
livrets ou carnets des divers grades sont du même modèle;
chacun d'eux comporte le nombre de feuillets nécessaire
pour étabhr le contrôle du pied de paix et du pied de guerre
de la fraction à laquelle il correspond. Chaque feuillet
comporte des colonnes où sont indiqués, pour chaque
homme, le numéro matricule, le nom, le grade, la profes-
sion, l'aptitude à la marche, au tir, à la nage, l'emploi de
mobilisation, le chargement, le numéro de l'arme, et enfin,
dans la colonne d'observations, des notes sur la conduite,
les mutations, positions diverses, etc.
Livret de solde. — Livret sur lequel le payeur inscrit,
sous sa responsabilité personnelle, toutes les sommes qu'il
paye aux corps de troupes, aux officiers sans troupes ou
employés militaires, ainsi qu'aux personnes autorisées à
toucher une partie de la solde d'un officier. Ces livrets sont
collectifs pour les corps ou établissements, et individuels
pour les parties prenantes isolées.
Livret d'ordinaire. ■— Ce registre annuel de la comp-
tabilité de l'ordinaire est tenu par le sergent-major dans
chaque unité administrative. Il est arrêté à la fin de chaque
prêt (V. ce mot) qui comprend une page à gauche pour
l'inscription des recettes et la balance de ces dernières
avec les dépenses, et une page à droite pour l'inscription
des dépenses. Le livret d'ordinaire est à la fois un bon de
distribution des denrées, un compte préparatoire, un moyen
de vérification et de comparaison, et, au besoin, un cahier
de quittance des fournisseurs. En campagne, ce livret est
remplacé par un carnet renouvelé chaque trimestre et con-
tenant également un feuillet pour chaque période de prêt.
Livret individuel. -— Petit carnet établi au nom de chaque
homme porté sur les listes de recrutement cantonal et
adressé par le commandant de recrutement au corps chargé
de recevoir le jeune soldat : le livret porte l'état civil du
soldat, son signalement, sa profession, la classe à laquelle
il appartient ; le sergent-major, sous la direction du com^
mandant de compagnie, le tient à jour en ce qui concerne
les nominations et les mutations, à l'exception toutefois
des punitions et des condamnations. On y inscrit, autant
que possible en présence du titulaire, les numéros des
armes et des effets qui lui ont été délivrés, les récompeiises
obtenues dans les concours de tir, de gymnastique, etc.
Le livret individuel doit toujours être dans les mains du
soldat : quand il change de corps, il emporte son livret
qu'il remet au sergent-major dès son arrivée, afin de per-
mettre à ce sous-officier d'y inscrire son nouveau numéro
matricule et son changement de position. Le livret rem-
ferme enfin les extraits des lois et règlements que le mili-
taire doit avoir toujours sous les yeux, tels que les obli-»
_ B7i
mmi
gâtions de rhoiîime rentré danâ seë foyers et quelques
extraits du code de justice militaire. Au riioment de la libé-
ration dti titiilaiire, on ajoute au livret Un fascicule corn-
ptèïiant Ui\ oi^llré de i»outé et exécuter en cas demobilisatifin.
LiYBET kAîkiGuLE. ■*— C'èst la copie du livret individuel,
mais il inéntiénnë, en plàs; les condamnations et les puni-
lions encourues pai' le soldat ; il reste 'toujours dans les
archives dfe la' compagnie, et, au départ du titulaire, il est
ren^ojé, après avoir été toutefois arrêté et signé par le
capitaine de éompagnie, au cototoandant de recrutement
duquel dépendra l'homme Hbéré. Les officiers ont tous
égaiemerit un livret matricule tenu par le major de leur
corps : on y porte, comme sur celui des Soldats, l'état civil,
signalement, etc., ainsi que toutes les nominations et mu-
tations lès concernant. — Bans la cavalerie, chaque che-
val possède un livret matricule.
IV. Marine. — ■ Petit livre relié en parchemin jaune^
délivré gratuitement au marin à son entrée au service et
FaccompagnaUt partout. Il contient de la page 2 à la
page 04 une notice dont la connaissance est nécessaire
au matelot, le renseignant sur les règlements divers le
concernant au point de vue : engagement, inscription ma-
ritime, avaUcement, solde, retraite, etc. De la page 6S à
90, un extrait du registi-e matricule du rôle de le vée^ filia-
tion, services antérieurs, instruction élémentaire. De la
page 91 à 143, le cohipte courant de la solde et de Tha-
billemeùt, établissant la situation de l'homme dans tous
les cas. Enfin qoand il quitte le service et entre dans la
réserve, il est ajouté au livret un fascicule particulier.
¥. Droit. — Livret d'ouvrier. — Le livret obligatoire
des ouvï'iers atait été établi par les lettres patentes du
12 sept; 1781, art. 4. Oublié pendant la Révolution^ il fut
restauré sous le Consulat par la loi du 22 germinal an XI
(art. 13 et 13), mais cette loi se borna à posei* le principe;
les détails furent réglés par un arrêté consulaire du 9 i'rimaire
an XiL Le livret était délivré à Paris par le préfet de police,
à Lyon par le préfet du Rhône, ailleurs par les maires. En
tête du livret on inscrivait les noms, âge, profession, lieu
de naissance et signalement de l'ouvrier. Chaque patron
successif y mentionnait ensuite les dates d'entrée et de
sortie dàUs son atelier, avec quelques autres mentions ac-
cessoires, telles que les avances de salaires. Aucune anno-
tation, favorable ou défavorable à l'ouvrier, ne pouvait y
être insbritô.
Le livret avait un double caractère, à la fois politique
et civiL D'une part, il permettait à la police d'exercer une
sorveillince sur les ouvriers; les lettres patentes de 1781
l'avaient imaginé comme un moyen «d'entretenir la subor-
dination parmi les ouvriers manufacturiers ». Le patron
devait le faire viser dans les vingt-quatre heures par le
commissaire de police après avoir embauché un ouvrier, et
l'ouvriei' qui voyageait sans livret pouvait être arrêté
comme vagabond (arrêté de frimaire, art. 3). Ce fut sur-
tout ce côté policier du livret qui le rendit impopulaire et
qui devint la cause la plus active de sa ruine.
D'autre part, le livret avait un rôle à jouer dans îe
contrat de travail entre patrons et ouvriers. D'abord, il
pouvait servir de preuve de l'engagement de l'ouvrier. A
vrai dire, il ne constatait aucune des clauses particulières
du contrat, comme le taux du salaire ou les conditions du
travail : patrons et ouvriers ont d'excellentes raisons pour
ne pas faire connaître aux tiers ces détails. Cependant,
malgré son laconisme, le livret apparaissait comme un
écrit d'une forme extraordinaire, utilisable comme preuve
d*un contrat.
Cette première utilité 6n livret n'était que secondaire.
Son effet principal dans les relations entre patrons et ou-
vriers était dû au système des congés d'acquit. D'après
la loi de germinal, qui n'avait fait que renouveler sur ce
point les prescriptions de 1781, aucun patron ne pouvait
embaucher un nouvel ouvrier si celui-ci n'était pas porteur
d'un certificat constatant qu'il avait rempli ses engagements
ehèz son précédent patron ; ce certificat devait être inscrit
sur le livret. Il y avait là un moyeu de contrainte très
énergique contre l'ouvrier ; on le prenait par la famine ;
tous les ateliers devaient lui être fermés. Toutefois le
congé d'acquit ti'aurait pas été efficace à lui seul, à cause
de la brève durée des engagements, l'ouvrier étant libre
de rompre le contrat en quelques jours (V. Louage m ser-
vices). En combinant le congé d'acquit avec àe^ avances
sur le salaire, on réussissait à retenir l'ouvrier indéfini-
ment. Souvent à court d'argent, l'ouvrier se faisait re-^
mettre des acomptes ; or, d'après l'art. 7 de Parrêté de
frimaire, il devait al(jrs acquitter sa dette « par son tra-
vail». C'était une dérogation extrêmement remarquable
aux principes générau|: du droit, d'ap^-ès lesquels le débi-
teur tenu d'une obligation de faire i^e peut jamais être
obligéàexécutersonobjiigationen nature (G. civ. art. 1142) ;
il doit être condamné seulement à des dommages-intérêts
en argent. Ajoutez à cela que le liVret était déposé entre
les mains du patron fû avait ainsi toute facilité pour y
inscrire les avances faites et pour i^efusér la restitution du
livret, tant que l'ouvrier îi*était pas pbéré. C'était le
droit de détention d^ livret, t)ans certaines villes indus-
trielles, les patroSfîs abusaient systématiquement de ce pro-
cédé. En iW^ ÇMoniiçur du 22 maL p. 1379), le
comte Beugnot signalait à la Chambre des pairs 1q cas
d'ouvrières en dentelles <{m gagïiiÊiiént 0 ifr. 40 par Jour
et qui avaient reçu des avances de 300 %
La loi du 8 mai l§5f , relativement libérale, mit fin
aux abus par une double mesure s 1** elle limita à 30 fr.
le montant des avances qui pourraient être inscrites sur
le livret ; 2<* elle décida que le livret ne pourrait plus être
retenu par le patron et^ devkit être toujours restitué à
l'ouvrier qui voulait partir «
Malheureusement l'excès du mal avait produit ses effets
ordinaires. Les ouvriers fee dispensaient du livret et beaU"
coup de patrons ne l'exigeaient plus. Le livret tombait peu
à peu en désuétude. Il y avait bien une sanction dans la
loi de germinal : l'ancien patron avait le droit de deman-
der des ddmmages-intérêtS k celui qui avait embauché
l'ouvrier non pourvu de son certificat 4^acquit; mais de
très bonne hçure lés patrons avi^ient renoncé à se pour-
suivre l'un l'autre pour fiette cause.
La loi du 22 juin 1854 essaya de rendre la vie à cette
institution mourante» Les contraventions à la loi, notam-
ment de la part de l'ouvrier qui se laissait embaucher sans
livret, étaient punies de peines de simple fiolice, amende et
prison. On s'aperçut bientôt: qu'on blessait par là le senti-
ment général^ et les parquets reçurent l'ordre de s'abstenir
de toute poursuite J Par certains côtés, (^étte même loi était
cependant favorable^ à l'Ouvrier; ainsi elle ordonnait que le
livret ne serait plus déposé entre les mains du patron; il
devait toujours rester m% maiiis de son titulaire.
Un peu plus tard^ l'Empire accomplissant son évolution
libérale fit préparer un projet de loi pour F abolition du
livret en 1868. Ce projet, approuvé en 1869 dans une
séance du conseil d'Etat que présida l'empereur en per-
sonne, n'eut pas le temjis d'aboutir ; mais la question fut
reprise en 1881 par 1* Dautresme, et la loi du 2 juil.
1890 supprima le livret obligatoire des ouvriers, ne lais-
sant subsister que certains livrets spéciaux en usage dans
l'industrie lyonnaise. Les patrons ont vu disparaître sans
trop de regrets leurs anciennes garanties; l'expérience leur
avait appris qu'il y_ a souvent plus d'inconvénients que
d'avantages à retenir uii ouvrier malgré M à l'atelier.
Les ouvrier^ ont été ravis de se voir omdollement déchar-
gés d'une obligation dont la loi de 1884, loi de défiance,
avait de nouveau accentiié le caractère policier. Cependant
l'institution du livret avait du bon :- ce petit carnet per-
manent, où étaient inscrits les noms des patrons successifs
et les dates' des engagements, devenait un titre et une
recommanda^tion ponr les ouvriers sérieux, qui restent
longtemps dàhs la n|ême maison. En 186^ et en 1890, il
fut questioÉ d'orgabisèr uii livret facultatifs ayant un
caractère purement privé et ne pouvant pas servir de
LIVRET -- LIXIVIATION
^ 372
contrôle à la police. Cette idée n'a pas été adoptée, mais rien
n'empêche les particuliers de créer d'eux-mêmes c^ genre
de livret, la loi de 1890 disant que le contrat de louage
de travail se constate « dans les formes qu'il convient aux
parties d'adopter». Marcel Plmiol.
VL Finances. — Livret de caisse d'épargne (V. Caisse
d'épargne).
VIL Chemins de fer. — Livret kilométrique (Y. Bil-
let).
BiBL. : Droit. — Gomel, De la. Supj^ression des livrets
d'ouvriers^ dans Journal des Economistes, 1882. — Marc
Sauzet, le Livret obligatoire des ouvriers^ dans Remie
critique de législation^ 1890.
LIVRON. Com. du dép. de la Drômc, arr. de Valence,
cant. deLoriol; 4,070 hab. Stat. du chem. de fer P.-L.-M.,
ligne de Lyon à Avignon, embranchements sur La Voulte-
sur-Rhône et sur Veynes. Vins estimés de Brezen et de
La Rolière. Moulinages de soie et fileries de cocons. Fa-
brique d'instruments agricoles ; scierie de marbre ; tanne-
ries ; tuileries et briqueteries. Ruines de l'ancien château
féodal et restes de fortifications. En déc, 4574, l'armée
royale commandée par le maréchal de Bellegarde, vint
assiéger dans Livron les protestants qui s'y étaient enfer-
més ; Henri Ilî vint l'y rejoindre et fut contraint de lever le
siège après avoir deux fois tenté l'assaut,
LlVROI^. Com, du dép. des Bassès-Py rénées, arr* de
Pau, cant. de Pontacq ; 371 hab.
LIVRY. Com. du dép. du Calvados, arr, de Bayeux,
cant. de Caumont ; 4,440 hab.
Lî VRY« Com. du dép. de la Marne, arr. de Châlons-sur-
Marae, cant. de Suippes; 244 hab.
Lf VRY. Com. du dép. de la Nièvre, arr, de Nevers, cant.
de Saint-Pierre-le-Moutier ; 4,609 hab.
LIVRY. Com, du dép. de Seine-et-Marne, arr. et cant.
de Melon ; 234 hab.
LIVRY {Liberiacum), Com. du dép. de Seine~et-Oise,
arr. de Pontoise, cant. du Raincy. Stat. du chem. de fer
de l'Est (ligne de Bondy à Sevran) ; 3,238 hab. Lieu connu
surtout par son abbaye fondée en 4486, et où vint sou-
vent M^^ de Sévigné, lorsque son ami Fabbé de Coulanges
en était abbé commendataire. C'est aussi sur le territoire
de cette paroisse qu'avait été construit au xvi® siècle le
célèbre château du Raincy (V. ce nom).
BiBL. : Lebeuf, Hist. du diocèse de Paris, t. IL pp. 584-
98 de redit, de 1888.
LÎVRY (Charles, marquis de), auteur dramatique fran-
çais, né en 4802, mort en 4867. Il servit dans la garde
royale. Il s'est fait un nom au théâtre par dçs comédies et
des vaudevilles pleins de verve qu'il donna presque tous
sous son prénom de « Charles », en collaboration avec Ga-
briel, Villeneuve, Rochefort, Massoïi, de Leuven et autres.
Citons : aux Variétés, les Osâmes (4827) ; l'Ecole de nata-
tion (4828); r Audience du juge de paix (4829), etc. ;
au Palais-Royal, Rabelais ou le Curé de Meudon (4834) ;
Scaramouche (4834); le Bateau de blanchisseuses
(4832); la Fille de Dominique (4833), oii Déjazet obtint
un de ses plus brillants succès dans le rôle de Catherine
Biancolelli; Mademoiselle Dangeville (4838), etc.
LIVRY (Emma), danseuse française, née vers 4840,
morte à Neuilly (Seine) le 26 Juil. 4863. Fille d'une dan-
seuse distinguée, M^^^ Emarot, qui avait appartenu à l'Opéra,
elle reçut des leçons de Petipa et débuta elle-même à ce
théâtre de la façon la plus brillante, en nov. 1858, dans
la Sylphide, Bientôt elle créait avec beaucoup de succès
le rôle principal d'un ballet nouveau, le Papillon^ et tout
faisait présager en elle un sujet de premier ordre, destiné
à une carrière exceptionnelle, lorsqu'un accident terrible,
qui émut tout Paris, vint terminer cette carrière de la
façon la plus dramatique. Un soir, à une répétition géné-
rale de la Muette de Portici, dont on préparait une
reprise, M^^^ Emma Livry s'étant, en dansant, trop appro-
chée de la rampe, vit le feu prendre à ses jupes ; elle fut
horriblement brûlée avant que Ton pût la secourir et mourut
après une agonie de huit mois. A. P.
LIWARCH-HEN (V. Lywarch-hen).
LIX (Antoinette), écrivain français, née à Golmar le
34 mai 1839. Fille d'un ancien grenadier à cheval, elle
fut élevée sous des habits masculins et exercée à tous les
exercices dés jeunes gens. Elle entra comme lieutenant dans
une compagnie franche pendant la guerre de 4870 et prit
part aux combats de l'armée de la Loire (6 oct.). Elle fut ré-
compensée de sa valeur par une médaille d'or (janv. 4872)
et ua bureau de poste. Elle a depuis cette époque traduit
divers ouvrages, en particulier Johany Ludlow (1879).
M^^® Lix a publié encore un volume de souvenirs alsaciens
sous le titre de Tout pour la patrie, Ph. B.
LIX/C. Valets de l'armée jouant le rôle de cantiniers et
de soldats du train à la suite des logions romaines. On ap-
pellerait plutôt calones les soldats du train et lixœ les can-
tiniers (Festus, au mot Calones; Caesar, BelL GalL, VI,
35; Liv., XXI, 63; XXIII, 46 et XXVII, 48; Nonius,aux
mots Elixum et Lixarum; Végèce, III, 6 etpassim).
LIXE (Lixus) (Entom.). Genre d'Insectes Coléoptères,
famille des Gurculionidès, fondé par Fabricius pour des
Charançons de la tribu des Cléoniués, remarquables par
leur corps très allongé, cylindrique, recouvert d'une prui-
nosité fauve ou rougeâtre. Les Lixus se caractérisent par :
rostre très long avec sillons antennaires prolongés en des-
sous ; yeux ovalaires ; pas d'écusson ; hanches des pattes
antérieures très courtes. Les nombreuses espèces connues,
distribuées par tout le globe, sont abondantes surtout dans
la région circamédiîerranéenne oix on en compte plus de
cent. Elles se développent dans diverses plantes dont les
tiges abritent et nourrissent leurs larves. On accusait jadis
une espèce commune, remarquable par ses élytres diver-
gentes à V extrémité (Lixus paraplecticus Linu,), de para-
lyser les chevaux qui l'avalaient en broutant VOEnanihe
aquatica^ plante des marais sur laquelle ce Charançon vit
à tous ses états. M. M.
LIXHEIM {Linkesheim, 4473). Com. de la Lorraine
allemande, arr. de Sarrebourg, cant. de Phalsbourg ;
735 hab. Brasserie; fabrique de gants. Originairement
Lixheim était un prieuré de bénédictins fondé en 1442 et
transformé en abbaye au xiv® siècle, que les religieux aban-
donnèrent vers le milieu du xvi^ siècle et que le pape
Clément III céda en 4602 à Frédéric V, prince palatin.
Celui-ci, en 1608, y fit construire une ville fortifiée, desti-
née à servir de refuge aux protestants expulsés des pays
voisins. Mais déjà en 4627, Frédéric, dépouillé de ses Etats,
dut vendre la ville au duc Henri II de Lorraine qui la donna
en apanage à la princesse Henriette, épouse de Louis de
Guise, prince de Phalsbourg. Pour combattre le protestan-
tisme, Henriette appela des pères de l'Oratoire et des tier-
celins; mais ils ne réussirent pas à l'extirper complètement.
Les fortifications furent rasées pendant la guerre de Trente
ans. Lixheim porte : d'or au lion de gueules, couro7iné
de même, la queue passée en sautoir, et tenant entre
ses pattes trois roses feuillées, tigées au naturel.
BiBL. : D. FiscHEE, Die ehemalige Abtei und die Stadt
Lixheim ; Mulhouse, 1866. — Herm. Kuhn, l'Ancienne
Abbaye de Lixheim; Nancy, 1868.
LIXIÈRES. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Nancy, cant. de Nomeny ; 284 hab.
LIXIVIATION (Techn.). Lavage à froid ou à chaud, soit
des cendres, soit d'autres substances en poudre, pour en
extraire les sels alcalins ou généralement les principes so-
lubles. Les liquides dissolvants employés généralement
sont l'eau, l'alcool, l'éther, les carbures d'hydrogène. La
lixiviation se fait par filtration du liquide à travers la sub-
stance réduite en poudre plus ou moins grossière et dis-
posée sur une claie en couche plus ou moins épaisse, dans
un baquet ou dans des vases spéciaux percés d'une ouver-
ture à la partie inférieure, à demi obstruée par quelques
fragments de la substance, ou fermée par un bouchon de
paille. On verse dessus le liquide qui filtre à travers la
substance et s'écoule au dehors. On le remplace au fur et
à mesure par du liquide nouveau, jusqu'à épaissisement de
^ 373
LmVIATION - LIZÏO
la matière. Où opère à chaud lorsqu'on veut extraire tous
les principes isolubl es avec le dissolvant employé. On opère
à froid si l'oti ne veut dissoudre que certains prinéipes peu
solublès et laisser les autres. Lorsque les principes à dis-
soudï^e né cèdent que très lentement à l'action du dissol-
vant, oîiltieit fermée Touverture inférieure du vase, et on
laisse lé tiquMô séjourner un certain temps en contact avec
la substaïice avant de la faire écouler. Dans Tinduslde, on
pratique en ^rand la lixiviation pour enlever à des cendres
les sels alcalins qu'elles contiennent et faire servir les
eaux mères à la préparation de la soude artificielle, de la
potasse, du salpêtre, de l'alun, du sulfate de fer, etc. En
pharmacie, la lixiviation est employée dans la préparation
des extraits, des teintures, des vins médicinaux, etc. L'opé-
ration du déplacemient est une véritable lixiviation. La pré-
paration du café à Faide de filtres appropriés est une sorte
de lixiviation par déplacement. Quand le dissolvant est vo-
latil et d'Un prix assez élevé, comme l'alcool et Téther, la
lixiviation se fait en vase clos, pour éviter la déperdition
du liquide par évaporation. Les lavages méthodiques, em-
ployés d2|ns le but d'épuiser complètement la matière de
ses principes splubles, sont des lixiviations et des déplace-
ments successif, s*opérant dans des vases placés à la suite
les uns Ides autres et où un liquide non saturé, en sortant
d'un premier vase, se sature en passant dans un deuxième,
dans un troisième, etc. L. Knab.
LIXNAW (Baron) (V. Fitzmaurice).
Lïl{ii${Lixos colonia). Ancienne ville de la Maurétanie
Tingitaiie dont les ruinés couvrent de nos jours la colline
boisée de Tchemmich, à environ 4 kil. à l'E. de la ville de
Larache. Ce fut d'abord un simple comptoir phénicien des-
tiné au commerce avec les naturels de cette partie de
l'Afrique, les ancêtres des Berbères qui forment encore de
nos jours le fond de la population marocaine, puis l'éta-
blissement dont la prospérité reposait sur l'admirable si-
tuation stratégique devint une des plus riches colonies pu-
niques, ne le cédant ensuite qu'à Garthage et à Gadès. La
ville était assise sur la colline située en face d'une des
bouches que forme le Loukkos dans ses méandres avant
son embouchure dans l'Océan. Les navires antiques trou-
vèrent en tout temps un abri dans cet estuaire; ils venaient
mouiller jusqu'au bas de la colline, en même temps que
les détours du fleuve couvraient la place et l'empêchaient
d'être aisément accessible par terre ; en sonmio elle occu-
pait une sorte de presqu'île dont deux des côtés étaient
protégés par les courbes que ce cours d'eau dessinait dans
la plaine. Lixos se divisait en deux parties distinctes : la
ville haute, située sur le plateau très élevé que forme le
massif septentrional de la eolline, et la ville proprement
dite dont on retrouve les vestiges sur les penîes qui font
face au N.-E. et au S. ; il exista aussi au N. de la colline
et sur les bords du fleuve un faubourg assez considérable.
La plus grande partie de Taire de la cité antique offre un
épais fourré de caroubiers, de myrtes, de lentisques et
d'oliviers sauvages centenaires, qu'un lacis de ronces et
de lianes achève de rendre impénétrable. Burllms est le
premier Européen qui nous ait laissé une description de
Tchemmich, puis Tissot de 4 87 1 à 1 876 y vint à plusieurs
reprises et en établit une esquisse topograpbique; enfin,
en 1888 et en 4889, des fouilles étendues et importantes
ainsi qu'un lever à grande échelle y furent entrepris par
M. de La Marlinière. Les objets et inscrij)Uons recueillies
sont à Paris an musée du Louvre. Une partie des antiques
murailles de l'acropole subsistent encore, conservant le ca-
ractère de la construction cyclopéenne des enceintes de
Barrias, d'Eryx et de Motya. A l'époque romaine, la
ville s étendit davantage; ce fut sous le règne de Claude
qu'elle parut atteindre sa plus grande prospérité, puis
enfin, à l'époque byzantine, elle fut évidemment, à en juger
par les remaniements considérables observés dans les sub~
structions mises à jour, un des points où la domination du
Bas-Empire subsista le plus longtemps. On appliquera à
Tchemmich ce que Renan disait de Tyr : « C'est la ruine
d'une ville bâtie sur des ruines . » Quant à l'occupation
arabe, elle y fut restreinte et de courte durée^ car la ville
fut Saccagée et brûlée par les chrétiens simultanément avec
Larache en 1291; Lés monnaies de Lixùs et aussi celles de
Lemès dans lesquelles il est facile de retrouver celles de
Tchemmich, ont été étudiées par MùUer dans sa Numis-
matique de r ancienne Afrique; Tissot a fait une remar-
quable étude descriptive de l'ensemble des ruines dans les
Mémoires de l'Académie des inscriptions et belles-lettres
(1878), enfin, M. de La Martinière a publié le résultat de
ses recherches dans le Bulletin archéologique du Comité
des travaux historiques du ministère de l'instruction pu-
blique (1890). H.~P. deLaM.
LIXY. Corn, du dép. de l'Yonne, arr. de Sens, cant. de
Pont-sur- Yonne ; 426 hab.
LIZAC. Com. du dép. du Tarn-et-Garonne, arr. et cant.
de Moissao; 577 hab.
LIZARD (Gap) (V. Grande-Bretagne).
LIZAR6ARATE (Pedro de), architecte espagnol, origi-
naire des provinces basques, mort à Tolède en 1629. Il
exerça en 1609 l'emploi d'aparejador à l'Alcazar de Ma-
drid, au Pardo et à Aranjuez. En 1613, il était à Tolède
où, sous la direction de Monegro, il surveillait les travaux
de construction de l'Alcazar, En 1620, il passa à FEscurial
sous les ordres de Juan-Baptista Oescencio, surintendant
général ; il dirigeait alors l'extraction des marbres et l'ap-
pareil des matériaux destinés à la construction du Panthéon
des rois. P. L.
LIZERAY. Com. du dép. de l'Indre, arr. et cant. (N.)
d'Issoudun ; 325 hab.
LIZET (Pierre), premier président au parlement de Pa-
ris, né à Salers (Cantal), mort le 7 juin 1554, Il était avocat
au parlement de Paris en 1509 et fut nommé successivement
conseiller, puis avocat général à la même cour. Ce fut comme
avocat général qu'il défendit avec beaucoup d'éloquence les
droits du roi et de la couronne dans le procès que Louise de
Savoie intenta en 1521 à Charles de Bourbon, connétable
de France. François I®^' le choisit en 1529 pour remplir
la charge de premier président, qu'il conserva durant vingt
ans. Comme tel il s'attira la haine de Théodore de Bèze,
contre lequel il avait prononcé une condamnation. Bèze le
ridiculisa sous le nom de Benoît Passavant dans un libelle
intitulé Epistola m^gistri Éenedicti Passavanti{i^ot^).
Le cardinal de Lorraine, irrité de ce que Lizet avait fait
refuser dans le parlement le titre de prince à ceux de sa
maison, l'obhgea à ëe démettre de ses fonctions en 1550.
Le roi nonima l'ancien président abbé de Saint- Victor, pour
lui donner de quoi vivre. En 1532, Lizet avait fondé l'hôtel-
Dieu de Salers, auquel il avait constitué de son vivant une
rente importante, P. be Vaissière.
BiBL. : De Larféuil, Etudes sur Pierre Lizet, 1845. —
Blanchaï^d, Eloges de tous les premiers présidents da
Parlement, de Puris^ 1645, in-fol. — ■ Cpiabrol, Coutume
d'Auvergrie. -- De Thou, Histoires. — Dèuibier'-du-Châ-
TELET, Dictionnaire historique et statistique du Canirii,
au mot Salers.
LlZIEfi (Agric). Le lizier, très employé eu Suisse,
surtout pour la fertilisation des prairies et pâturages, n'est
autre chose qu'un mélange d'urines diverses qui s'écoule
des fumiers, et que l'on recueille dans des citernes conve-
nablement disposées. On lui donne le nom de purin (V. ce
mot) dans les parties de la France qui en font usage.
LiZI ÈRES {Eglisières). Com. du dép. de la Creuse, arr.
de Guéret, cant. du Grand-Bourg-de-Salagnat ; 742 hab.
L'église a été bâtie ^n 1493 par le chapitre de Limoges et
érigée en paroisse distincte. Lizières dépendait aupara-
vant de la paroisse du Grand-Bourg-de-Salagnat. Château
du XV® siècle. Ant. T..
LIZINE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. d'Amancey ; 205 hab.
LIZINES. Com. du dép, de Seine-et-Marne, arr. de Pro-
vins, canti de Donùemarie ; 125 hab.
LlZlO. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Ploërmel,
cànt. de Malestroit | 1,078 hab.
Li2l6-^&RMO |LeMmo), f©ète ^t littérateur sMlien, né
à Mesàne le iâ aw. dêST. 1 «e fit remarquer lée h&iim
heure pai? Fêlégance de ses preiHiers écrits. Oa eite sur^-
toutdeiuiî Armalena^ Rimembran%e{iS$5); Carmi
(4864'); Canti seelii delpopolo sicilmno posti in versi
iîaliani (4867) ; Tocehi d^arpa (4878) ; des traductions
de la Bible, les discours et des conférences. Il a été suc-
cessivement proviseur provincial des études à Catane, à
Caltanisetta et à Catanzaro. Pii. B,
LIZOLLE (La). Com. du dép. de FÂUier, arr. de Gan-
nat, cant. d'Ebreuii; 4,020 hab.
L1Z08. Gora. du dép. des Hautes^Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. dePouyastruc; 140 bab.
LIZY. Com. du dép. de FAisne, arr. de Laon, cant.
d'Anizy-Ie-Château; 242 hab.
LIZY-suR-OuRca. Ch,-L de cant. du dép. de Seine-et-
Marne, arr. de Meaux ; 4,749 hab. Stat. du ch. de fer de
l'Est, ligne de Paris à Reims. Fonderies de nickel. Sucreries.
LiZZABO (Guido), sculpteur italien du xvi® siècle. Sa
seule oeuvre connue est la Décollation de saint Içan-Bap-
tiste, bas-relief de bronze au Baptistère de Padoue. On a
voulu, sans preuves, en faire le père du sculpteur padouan
Tizianodel Minio, un des bons élèves de Jacopo Sansovino.
LIZZIA {Lizzia Forb.) (ZooL). Genre d'Hydroméduses
Tubulaires, de la famille des Eudendridse, caractérisé par
des colonies ramifiées, rampantes, dont les polypes n'offrent
qu'un cycle de tentacules autour d'une trompe saillante.
Les Méduses libres présentent des tentacules interradiaux
ou touffes de tentacules entre les groupes de tentacules
radiaux. — ■ Espèces principales : L, octopunctata Forb.,
de Norvège, et L. grata Ag., de la baie de Massachusetts.
LJODÂHATT (V. Forhybdalag).
LJÔSVETNINGA-Sagâ ou HiSTOBlA ^svainënstom.
Récit des hauts faits de Thorgeir entre autres et de ses
fils. Thorgeir était godé (V. ce mot) du pays de Ljésvattn,
territoire et lac d'Islande ; il fut chargé vers Fan 4000 par
l'assemblée populaire (allting) de juger entre les chrétiens
et les païens, et décida que les Islandais devaient adopter
le christianisme. Th. C.
LJUN6GREN (Gustaf-Hâkan-Jordan), historien et cri-
tique suédois, né à Lund le 0 mars 1823. Il fit ses études
dans sa ville natale et y fut reçu docteur en 4844. Trois
ans plus tard, il fut appelé à l'université comme professeur
agrégé d'esthétique à la suite d'une dissertation sur la
Èédée d'Euripide comparée à V Othello de Shakespeare,
Il fit ensuite un assez long voyage d'étude en France et en
Allemagne et, à son retour, fut nommé professepr d'alle-
mand à l'université (4850); il le resta jusqu'en 4B59, date
de sa nomination à la chaire d'esthétique et d'histoire
littéraire qu'il occupa pendant trente ans (4889). H a été
recteur de l'université de 4875 à 4885 et fait depuis
4885 partie de Facadémie suédoise, qui, en l$56 déjà,
avait honoré du grand prix sa Comparaison entré Ehrens-
vœrd et Winckelmann, comme esthéticiens, S!on œuvre
principale est V Histoire des lettres en Suède après la
mort de Gustave UI (Svenska vitterhetens hâfder efter
Gustaf III : s dôd), encore inachevée et qui a coi;nmencé à
paraître dès 4873 ; c'est là un travail d'une haijite valeur
qui, dépassant de beaucoup tout ce qui a été éèrit anté-
rieurement sur la matière même par Atterbom ou Malm-
strœm, place JLjunggren à la tête des historiens (ie la litté-
rature de son pays. Les autres et très nombreux travaux
du savant professeur de Lund ont jeté un jour nouveau
sur bien des périodes ou des points encore obsciïrs de
l'histoire littéraire de Suède ; tels sont : le Drame suédois
jusqu'à la fin du xvii® siècle (4864); tes Ebîtres de
Bellman et de Fredman (1867); Opuscule^ (Smârre
skrifter, 4872-84); Histoire de r Académie 'suédoise,
il^e-iSSe (1886, 2 vol.), etc. Il faut ajouter jaux écrits
publiés en volumes des articles divers (sur Sjœherg,
Frese, etc.), qui ont paru dans les Comptes rendus de
V' Académie suédoise (Handlingar), dans des programmes
universitaires ou dans des vmm. En dehors dtt domaine
374 --
de l'histoire littéraire proprement dite, l,junggren a kê
imprimer un Exposé des principaux systèmes d'esthér
tique (4856-60; 2^ éd., 4869-83) et a écrit le texte âm
SIX volumes des Châteaux de Scanie (4852-63), Th, Q.
LJUN60 Thomasson, écrivain finnois, né à Limingo à
une date inconnue, mort à Nykoeping en 4644. Pasteur à
PyhaejoM en 4576, à Salo en 4584 et à KalajoW en 459^,
il est connu surtout par sa traduction en finnois des loi$
suédoises ; cette traduction, approuvée par Charles 1%. de
Suède, ne fut cependant publiée (sauf une feuille imprimée
déjà en 4610) qu'en 4852 par les soins de la Société scien^
tifique de Finlande. Pendant la guerre des maillotins en
Finlande (Klubbe-Kriget), Ljungo Thomasson prit parti
pour les paysans; il a laissé de cette guerre un récit publié
dans les Urkunder de Grœnblad. Th. C.
LJUNG8TEDT (Aurora-Lovisa, née Hjort)^ roman-
cière suédoise, connue sous le nom de Claude Gérard,
née à Karlskrona le 2 sept. 4821. Elle passa son enfance
et sa jeunesse en Ostrogothie, dans une belle propriété, au
milieu d'une nature sauvage et romantique, oti son imagir
nation se développa librement. En 4846, elle épousa un
chef de bureau de l'administration des prisons et, dès les
années qui suivirent son mariage, publia dans les journaux
le Soir et Bore, sous divers pseudonymes, des nouvelles
et récits qui eurent du succès. A partir de 4857, elle
écrivit sous le nom d'un personnage de roman d'Eugène
Sue (Claude Gérard dans Martin) et réussit assez bien jus-
qu'en 4870 à tenir caché son nom véritable, ceiqui con-
tribua sans doute à augmenter la vogue de ses romans, ofi
l'on rencontre à côté d'une observation souvent très exacte
les aventures les plus invraisemblables : rapt d'enfants,
enlèvements, etc. Voici les titres de ses œuvres les plus
connues, dont plusieurs ont paru en feuilletons dans divers
journaux de Stockholm : Flâneries et Rêveries (1857) ;
Histoires d'un chasseur (4864) ; Enigmes psycholo-
giques (4869) ; V Album de l'oncle Benjamin (4870);
l'ypes modernes (4872); la Vie de tous les jours
(1877), etc. Les OEuvres de Claude Gérard ont été publiées
en 9 vol. (4872-82). Th. C. '
LJUSNE-Elf. Fleuve du N. de la Suède qui naît au S.
du Helagsfjell sur la frontière de Norvège, traverse le Her-
jeâdal et le Helsingland. Sa vallée est extrêmement pitto-
resque ; il forme de nombreux lacs séparés par des rapides
et des cascades. Il finit près de Sœderhamn dans le golfe
de Botnie son cours de 400 kîL Son bassin mesure
20,000 kil.q.
LLAGONNE(La). Com. du dép. des Pyrénées-^Orien-
taies, arr. de Prades, cant, deMontlouis; 444 hab^
L LA MAS (Francisco), peintre espagnol. Il fut chargé
au commencement du xviii® siècle de décorer à fresque la
voûte du passage qui relie, à FEscuriàl, les cloîtres du
rez-de-chaussée. Comme Luca Giordano qu'il a }a préoc--
cupation d'imiter, LIamas s'est abandonné dans cette déco-
ration à un goût excessif pour le mouvement, la manière
et le fracas. Autour de la Sainte Trinité, motif principal
de la fresque, il a entassé les saints docteurs, les philor^
sophes célèbres de l'antiquité et tout un monde d'allégories
figurant les sciences, les éléments, les vices, les vertus, etc.
La médiocrité de cet ouvrage n'a d'égale que celle des
peintiïres exécutées par le même artiste dans un ermitage
situé près de Talavera et à la chapelle de saint Segundo
dans la cathédrale d'Avila. P. L.
LLANBERRIS. Ville d'Angleterre, comté de Caernarvon
(pays de Galles), au pied septentrional du Snowdon, sur
l'Ogwen; 3,000 hab. Mines de cuivre; à 6 kil. S.-^E. est
le col de Llanberris au N. de la montagne dans un site très
pittoresque avec les lacs ou Uyn Péris et Padarn, etc.
LLANBRYNMAIR. Village d'Angleterre, comté de Mont-
gomery (pays de Galles), sur le chem. de fer de Shrewsbury
à Machynnlleth. Mines de plomb, nombreux monuments
mégalithiques.
LLANDAFF» Ville d'Angleterre, comté de Glamorgan
(pays/le Galles), sur le Taff, h 3 ML de Gardiff ; 2,000 hab.
^375 -
LLÂNDAFF «^ LLORENfE
Atidea évèehé foïidé au ^^ sièole. Belle jatWdrala gatWque
du xm^ siècle, restaurée en 486i»
LUNDILO-PAwn. Ville d'Angleterre, comté de Caer-
marthen (pays de Galles), sur le Towy; 6,000 hab. Mines
de houille et de fer ; tanneries^ flanelles. Beaux paysages,
belles ruines.
LLANDOVERY. Ville d'Ana^leterre, comté de Caermar»
then (pays de Galles), sur le Brane, afïl. du Towy; beaux
paysages, château ruiné.
LIAUDUDNO. Ville d'Angleterre, comté de Caernarvon
(pays de Galles) à Tembouchure du Conway, sur îa langue
de terre reliant à la terre le promontoire d'Ormes head
(230 m.) ; 5,000 hab. Station balnéaire très fréquentée.
Cromlech ; mines de cuivre d'Ormes head. Elle a été fondée
en '1848.
L,LâNDWROG. Ville d'Angleterre, comté de Caernarvon
(pays de Galles), sur le détroit de Menai. Cuivre, ardoises.
LLANELLY, Nom de deux villes anglaises du pays de
Galles : 4» Comté de Brecknort, sur l'Usk; 7,000 hab.
Houille, fer. — 2*> Comté de Caermarthen, sur la baie de
Burry ; 20,000 hab. Port de cabotage assez prospère
(commerce, 4 millions de fr.). Mines de houille; fonderies
de fer et de cuivre.
LLANES. Ville maritime d'Espagne, prov. des Asturies;
1,500 hab. Cabotage.
LLANGOLLEN-Trajan. Ville d'Angleterre, comté de
Denbigh (pays de Galles), sur la Dee; 6,000 hab. Houille,
fer, forges, draps, flanelle. Vieille église de Saint-Gollen,
vieux pont de quatre arches ogivales sur la Dee, ruines
du Castell Binas Bra (camp celtique) et de l'abbaye de
Valle Crucis^ sécularisée en 1538. Curieux monument
dit Pilier d'Eliseg.
LLANIDL.0E8. Ville d'Angleterre, comté de Montgomery
(pays de Galles), sur le haut Severn; 5,000 hab. Très
vieille église. Plomb, laines, flanelle.
LLANOS. Ce nom désigne, dans les pays de langue espa-
gnole, de vastes savanes ou plaines sans arbres. Les plus
importantes sont celles du N. de l'Amérique du Sud, parti-
culièrement du bassin de FOrénoque (V. Amérique du
Sud, Brésil, Colombie, Guyane, Venezuela).
Lîano estacado {Staked plain). —Vaste désert pier-
reux de rO. du Texas (V. ce mot et Etats-Unïs), d'une ait.
de 1,000 à 1,400 m. ïl s'abaisse en [)ente douce à l'E. et
au S., à pic sur le rio Pecos et la rivière Canadienne à
rO. 'et au N. Son nom lui vient des poteaux (stakes) qui
signalent les quelques trous où se trouve de l'eau.
tlanps de Manzo. — Bégion centrale du Gran Chaco
(V. Ce mot), entre le Vermejo et le Pilcomayo, affl. dr.
du Paraguay. Le nom de ces llanos vient de celui du capi-
taine Manzo : les chapitres de Santa-Cruz et de Chuqui-
saca lui avaient concédé ces terres pour la colonisation.
LLANOS (Los). Ville de la côte 0. de l'île Palma (des
Canaries); 6,000 hab. Soieries, poteries.
LLANOS Y Valdés (Sébastian de), peintre espagnol.
Elève de Herrera le Vieux , il travailla à Séville durant
la majeure partie du xvii® siècle. Il fut blessé à la suite
d'un duel qu'il eut avec Alonso Cano. Ayant pris une
grande part en 1660 à la création de l'Académie de pein-
ture dont Murillo était président, Llanos occupa dans
l'administration de cet établissement les fonctions de vice-
président, puis de président à la suite de la démission de
Valdés LeaL II déploya beaucoup de zèle et d'intelligence
dans ces diverses charges et contribua largement de ses
deniers à soutenir l'Académie. Ses principaux ouvrages sont :
à Séville, une Vierge du rosaire, entourée d'un chœur
d'anges, avec, à ses genoux, déjeunes étudiants, qui se trouve
dans l'église Saint-Thomas et à Madrid, aux Récollets, une
Madeleine repentante^ Ses tableaux de chevalet étaient
recherchés des connaisseurs, et les collections particulières
à Séville en conservaient encore des spécimens remar-
quables au commencement du siècle. P. L,
LL AN QUI HUE. Province maritime du Chili méridional;
20,260 IdL q,; 78,820 hab. Comprise entre Fîle de Ghi-
loé au S., la prov. de Valdivia ou N., elle s'étend de la
mer |i la Cordillère • Elle doit son nom. au beau lac
Llanqnihue (585 Idl. q,), au pied du volcan d'Osorno
(2,2S7 m.). On y trouve une dizaine d'autres grands lacs
allongés dans les vallées des Andes. Le S. est découpé par
des fjprds. Dans le golfe de Reloncavi est l'excellent havre
de Puerto Montt. Les forêts vierges sont magnifiques, le
sol fertile en céréales, le climat sain quoique humide. Le
chof-ileu est Puerto Montt. La province se divise en trois
départements : Llanquihue, Carelmapu, Osornp. Les gens de
Chiloé et les immigrants allemands sont assez nombreux.
L LAN RWST, Ville d'Angleterre, comté de Denblgh (pays
de Galles), à 28 kil O.-S.-O. de Denbigh, sur le Convsray;
5,247 hab. Stat. du chemin de fer de Holyhead à Caer-
narvop. Bonneterie. Eglise du xv® siècle. A quelque dis-
tance de la ville s'élève le superbe château de Carreg-y-
Gwaloh.
LLANSAMLET. Ville d'Angleterre, comté de Glamorgan
(pays de Galles), sur le Tarve; 9,000 hab. Houille, cuivre,
onderies de zinc et d'étain.
LLATA. Ville du Pérou, dép. et à 80 kil. N.-O. de Hua»
naco, près du Marafion, à 3,428 m. d'alt.; 2,400 hab.
Ruines de fortifications élevées par les Incas pour comman»
der la vallée du fleuve. Mines d'or.
LLAURO. Com. dp dép„ des Pyrénées-Orientales, arr. de
Perpignan, cant. deThuir; 350 hab.
LLERA Zembrano (Alonso de), peintre espagnol du
xvii*' siècle. Son nom se trouve sur un reçu daté de 1639
et conservé aux archives des Indes, mentionnant que la
somme de 4 ,400 ré2(.ux lui a été payée pour la peinture de
bannières destinées aux vaisseaux de la flotte, ainsi que
pour l'exécution de figures religieuses pour les oratoires de
ces mêmes vaisseaux, P. L»
LLERENA. Ville d'Espagne, ch.-L de district de la
prov. de Badajoz (Estrémadure), dans une vallée de la
sierra Morena; 6,000 hab. Un chem. de fer la relie à
Mérida. Elle exporte des grains, de la lame^ de la soie.
C'est Vméetim ÏÏegina Turdulorum.
LLIVIÂ. Bourgade espagnole de la prov. de Girone (Ca-
talogne), enclavée dans le territoire français. Cette enclave
de i 2 kil. q, fut copservée par l'Espagne après le traité
des Pyrénées, sous prétexte que celui-ci stipulait seulement
la cession de trente-trois villages de la Cerdagne, alors
que Llivja avait rang de ville. Ruines d'un château démoli
par Louis XL Llivisi est l'ancienne ville romaine de Julia
Livia et ftit capitale de la Ceretana Juliana (Cerdagne).
LLO. (5om. du ciép. des Pyrénées-Orientales, arr, de
Prades, cant. de SaijlagoUse; 431 hab. Amiante. Filons de
cuivre. Sources therûiales. Fontaine intermittente deCayella.
Ruines d'to donjon! féodal stir le rocher de Saint-Félice.
LLOBï^EGAT (ancien Rubricatus). Fleuve côtier d'Es-
pagne, pî^ov. de B^rcelone^ qui descend du col de Tosa
dans la sierra de C^di, éoule vers le S., longe le Mont-
serrât, reçoit à droite le Cardoner et le Noya, à gauche le
Mariés, leGavarresâetle Calder, et se jette dans la Médi-
terranée ai 6 IdL S.li de Barcelone. Il a 150 kil. de long;
il n'est pas navigable; ses eaux assez abondantes sont uti-
lisées pour l'irrigation. ■— Un autre Llobregat, au N. de
la prov. de Gironé, est affluent du Muga.
LLORÉNS (Cristobal), peintre espagnol, que l'on croit
avoir été élève de Jfuan de Joanès. Des peintures de lui,
datées de 1597, d'dn bon dessin et d'un excellent coloris,
subsistaient encore au commencement du siècle. Elles for-
maient les deux retables des chapelles de Saint-Sébaslien
et de Saittte-Marie-HIadeleiriie dans l'église du couvent de
Saint-Miéhel-des-Rojs-hors-des-Murs de Valence. P. L.
LLO RENTE (Bernard German de) (V. Germân).
LLORI^NTÊ ou LOBINTE (Félix), peintre espagnol,
né à Valehce ien 1712,, moï't à Valence en 1787. Il eut
pour maître Evaristb Muilozi^ D'abord peintre de portraits,
il s'adonhà eiisuite à la peinture d'histoire. En 1754, il se
présentait dotant l'Académie établie à Valence, avec une
compositibn empruntée à là. fable de Télémaque, Il fut
LLORENTE — LLOYD
mè
nommé en i 777 membre de TAcadémie de San Carlos, et
l'Inquisition le choisissait comme censeur des ouvrages de
peinture. Quelques-uns de ses tableaux subsistent dans
réglise de Saint-Augustin où ils forment les retables des
chapelles de Notre-Dame de la Soledàd et de Saint-I^icoias
Tolentino. On voit aussi une Pieta, copiée d'après un ori-
ginal de Ribalta, dans l'église de Saïi Juan del Mercado.
LLORENTE (Juan-Antonio), historien espagnol, né à
Rincon del Soto, près de Calahorra (Aragon), le 30 mars
4756, mort à Madrid le 5 févr. 1823. Elève de l'univer-
sité de Saragosse, il fut ordonné prêtre en 1779, devint
en 1752 vicaire général à Calahorra, et secrétaire général
du tribunal de l'Inquisition en 1789. Un projet de réforme
à introduire dans cette institution, qu'il élabora en i 794
et qui n'aboutit pas par suite de la chute du ministère
libéral de Jovellanos (1798), lui valut plus tard d'être ré-
voqué de ses fonctions. Sa disgrâce ne prit fin qu'en 1806,
où il fut nommé chanoine de l'église de Tolède, puis chan-
celier de l'université de cette ville. En 1808, il se rendit à
Baronne par ordre de Murât pour prendre part à l'élabo-
ration d'une nouvelle constitution pour l'Espagne. Après
l'abolition du Saint-Office en 1809, il fut chargé d'en exa-
miner les archives et aussi d'assurer l'exécution du décret
supprimant les ordres monastiques ; enfin, il devint direc-
teur général des biens nationaux, puis dispensateur des
aumônes royales. Il suivit le roi Joseph en France et ^e
fixa à Paris, d'où il fut expulsé en 1822, après la publi-
cation de ses Portraits politiques des papes (2 vol.).
Son ouvrage principal est sa Historia critica de la in-
quisicion de Espana (Madrid [Paris] , 1822, i 0 vol; in-1 2 ;
trad. en franc, par A. Pelher; Paris, 1817-18, 4 vol.
in-8), précieux au point de vue documentaire. Parmi ses
autres écrits, nous citerons : Noticias historicas de las
très provincias -vascongadas (Madrid, 1806-8, 5 vol.
in-4); Memorias para la historia de la revolucion
espanola (Paris, 1814-16, 3 vol. in-8; trad. franc., 1815-
19), sous l'anagramme de Nellerto ; son autobiographie :
Noticia biograflca (Paris, 1818, in-1 2); enfin ses Obser-
vations critiques sur le Gil Blas de Lcsage, où il soutint
que ce roman avait été tiré du Bachelier de Salamanque
d'Ant. de Solis, alors inédit. Ce travail a été publié en ré-
ponse au comte de Neufchâteau, dans deux rédactions dif-
férentes : d'abord en espagnol (Madrid, 1822, pet. in-8),
puis en français (Paris, 1822, in-8). Il était membre de
l'Académie de l'histoire. Sa biographie complète a été don-
née parR. Buron, dans son Ûompendio dé la Historia
critica de la inquisicion de Espana (Paris, 1823, 2 vol.
in-12; en franc., 1823). G. Pawlowskj.
LLOYD. Edward Lloyd, propriétaire d'un café de
la Cité de Londres à la fin du xvn® siècle, fohda pour Fusage
de ses clients un journal hebdomadaire dit commerce,
Lloyd's News (1696). Ses tendances politiques le firent
supprimer. Il reparut en 1726 sous le titré de luloyd's
List, Il était consacré surtout à la navigation et plus par-
ticulièrement aux assurances maritimes. On sait que les
cafés étaient alors le lieu de réunion des gens d'affaires;
celles des assurances maritimes se co;n(^enirèrent dans le
café Lloyd, si bien qu'il se forma une société qui prit le
nom de New Lloyd; en 1771 elle ^'établit sur le côté
oriental de la Bourse. Elle a reçu en 1871 dés droits cor-
poratifs : elle publie un journal, Shipping àhd mercantile
Gazette and Lloyd's List, qui renferme des nouvelles de
tous les ports du monde. Chaque semaine paraît un index
qui mentionne les dates de voyage et dés renseignements
concernant les navires engagés dans les vojrages trans-
atlantiques. En 1834, la société a créé uni institut nau-
tique : Lloyd'' s Register of british anà forêiên shipping.
-r- A l'image de celui-ci, s'est fondé àlRostocIi^ en 1868,
le Germanische Lloyd, transféré depuis à Berlin. Il
existe encore un Lloyd français à Pari^, russe à Saint-
Pétersbourg, américain, rhénan et v^esipfi^lîen à Mùnchen-
Gladbach. Ce nom a été adopté également pSii* des copipagnies
de navigation : le Norddeutsche lloydM^is^èm (1857)
qui dessert la mer du Nord, l'Angleterre, l'Amérique du Nord
et du Sud ; VOEsterreichisch^Ungarische Lloyd de Trieste
(1836), d'abord simple compagnie d'assurances (1833), qui
dessert l'Adriatique, la Méditerranée orientale et l'océan
Indien, et va jusqu'à Hong-Kong. A.-M. B.
LLOYD (David), écrivain anglais, né à Berthhvyd (Mont-
gomeryshire) en 1597, mort à Ruthin (Denbighshire) le
7 sept. 1 663. Il était entré dans les ordres ; emprisonné par le
Long Parlement, il recouvra ses biens à la Restauration. Son
livre, Legend of Captain Jones (Londres, 1631, in4), eut
de nombreuses éditions ; c'est une histoire fantastique et bur-
lesque qui jouit encore d'une grande popularité. R. S.
LLOYD (William), prélat anglais, né à Tilehurst le
18 août 1627, mort à Hartlebury ( Worcestershire ) le
30 août 1717, Ordonné prêtre en 1656, il devint aumônier
du roi en 1666. Il fut nommé grand aumônier de la prin-
cesse Marie lors de son mariage avec Guillaume d'Orange
(1677). Le 3 oct. 1680, il reçut l'évêché de Saint-Asaph.
Le roi ayant ordonné le 4 mai 1688 que la seconde décla-
ration d'Indulgence fût envoyée dans tous les diocèses,
Lloyd, dont les tendances étaient fortement puritaines, se
réunit à plusieurs évêques et signa une pétition pour le
rappel de cet ordre ; emprisonnés, ils furent acquittés le
29 juin. Partisan dévoué de la Révolution, il assista au
couronnement de Guillaume d'Orange et de Marie et devint
leur grand aumônier. Il fut promu au siège épiscopal de Lich-
field et Coventry en 1695 et à celui de Worcesteren 1700.
Il aida Burnet dans : The History of^ the Reformation
of the Church of England, et Wilkins dans An Essay
towards a Real Character and a Philosophical Lan-
guage (Londres, 1688, in-foL). Il traduisit du grec The
Life, Martyr dom and Miracles of Saint-George^ et pu-
bha anonymement A Seasonable Discourse, shewing the
necessiiy of maintaining the Established Religion in
opposition to Popery (LonàvQS, 1673, in-4) et Papists
no Catholiks^ and Popery no Christianity (Londres,
1677); An Historical Account of Church Government,
as it was in Great Britain and Ireland, when they jirst
received the Christian Religion (Londres, 1684, in-8).
LLOYD (David), écrivain anglais, né à Pant Mawr (Me-
rionethshire) le 28 sept. 1635, mort à Pant Mawr le
16 févr. 1692. Il était entré dans les ordres en 1658 ; à
sa mort, il était curé de Llanddulas (Denbighshire). Ses
principaux ouvrages sont : The Statesmen and Favourites
of England since the Reformation (Londres, 1665 et
1670, in-8); Modem Policy (Londres, 1660, in-8);
True Portraicture of his Sacred Majesty Charles the H
(Londres, 1 660, 3 vol. in-8) ; The Worthies of the World,
abrégé de Plutarque (Londres, 1665, in-8);i Treatise of
Modération (1674). R. S.
LLOYD (Henri-Humphrey-Evans), écrivain anglais, né
vers 1720, mort àlluy (Belgique) le 19 juin 1783. Il prit
part à la bataille de Fontenoy (11 mai 1745) dans l'armée
écossaise. En 1747, il était dans l'armée française et se
distinguait au siège de Berg-op-Zoom ; il devint lieutenant-
colonel et servit ensuite en Autriche et en Russie. Il a
écrit : History ofthe war betweenthe Empress ofGer-
many and her Allies, qui fut traduite en allemand (Lon-
dres, 1782, 2 vol.) et A Political and Military Rhap-
sody on the Defence of Great Britain (Londres, 1779)
qui eut de nombreuses éditions et traductions. R. S.
LLOYD (Robert), poète anglais, né à Westminster en
1733, mort le 15 déc. 1764. Grand ami de Churchill, il
publia : The Actor (Londres, 1760, in-4), anonyme; The
Tears and Triumphs of Parnassus (1760, in-4); An
Epistle to Charles Churchill, author of the Rosciad
(Londres, 1761, in-4); Arcadia, or the Shepherd's Wed-
ding, pastorale dramatique qui fut représentée à Drury
Lane en 1761; The Death of Adam, tragédie tirée de
Klopstock (Londres, 1763, in-12), anonyme; The Capri-
cious Lovers, opéra-comique (Londres, 1764); sa traduc-
tion des contes moraux de Marmontel (Londres, 1764,
3 vol. in-12) obtint plusieurs éditions* R. S*
377 —
LLOYD »=^ LOANGÔ
LLOYD (Bartholomew), savant anglais, né à New Ross
(comté de Wexford) le 5 févr. 1772, mort à Dublin le
24 nov. 1837. Il fit ses études et prit ses degrés au Tri-
nity Collège de Dublin, entra dans les ordres, professa les
mathématiques (1813), puis la physique (1822) au Tri-
nity Collège, et devint, proviseur de ce célèbre établis-
sement, qu'il pourvut d'un observatoire magnétique. Il fut
président de la Royal Irish Academy et de la British Asso-
ciation, dont il avkit été l'un des fondateurs. Il a publié,
outre beaucoup de mémoires et de notes : Treatise on
Anaiykc Geomet) y (Londres, 1 81 9) ; Discourses (Londres,
1822); Treatise on Mechanical Philosophy (Dublin,
1826), etc. L. S.
BiBL. : Dublin Univers. Magaz., t. XI, pp. 111-121.
I LOYD (Charles), poète anglais, né à Birmingham le
12 févr. 1775, mort à ChaîUot, près de Paris, le 16 janv.
1839. Ami de Coleridge et de Lamb avec qui il collabora. On
l'a comparé à Rousseau pour son talent descriptif et son grand
amour de la nature, mais son style est souvent très îaible
et ses vers dénués de toute harmonie. Il traduisit les Mé-"
tamovphoses d'Ovide, les œuvres d'Alfieri, et écrivit de
nombreux poèmes : ï!^ugœ Canorœ (1821); Desuliory
Thoughts in London, and other Poems (1 822); Poe^
iicalEssays on the Charader of Pope (1822). R. S.
LLOYD (Humphrey), physicien anglais, né à Dublin le
16 avr. 1800, mort à Dublin le 17 janv. 1 881 , fils de Bar-
tholomew Lloyd . II succéda à son père en 1831 comme pro-
fesseur de physique au ïrinity Collège et en 1838 comme
directeur de l'observatoire de cet établissement, dont il
do\int proviseur en 1867. Comme son père également, il
fut président de la Royal Irish Academy et de la British
Association. Il était membre, en outre, de la Société royale
de Londres. Il est l'auteur de remarquables travaux sur le
magnétisme terrestre et sur l'optique. On lui doit notam-
ment une méthode, fondée sur l'emploi d'un phénomène
d'influence, pour la mesure de l'inclinaison à l'aide du
théodolite magnétique, et un ingénieux appareil pour l'étude
expérimentale de la double réfraction conique. Outre des
mémoires insérés dans les recueils de diverses académies,
il a publié : A Treatise op Light and vision (Londres,
1831, in-8); Eléments ofOptics (Londres^ 1850, in-8;
2« éd., 1.869); Elementary Treatise on thé Wave Theory
of Light (Londres, 1857, in-8; 3« éd., 1873) ; Magne-
ticaland Meteorological Observations (Lphdres, 1865-
69, 2 vol. in-4) ; A Treatise on Magnetîèm (Londres,
1874, in-8); Miscellaneous Papers (Londres, 1878,
in-8), etc. L. S.
LLOYD (Charles-Dalton-Clifibrd), homme politique an-
glais, né à Portsmouth le 13 janv. 18i4,mort à Erzeroum
S Arménie) le 7 juin 1891. D'abord inspecteur général
e la police en Birmanie, il fut nommé, en 1874, magis-
trat résident du comté de Down en Irlande, et gouverna
avec une graiide énergie. En 1883, Lloyd entra au ser-
vice du khédive d'Egypte et devint sous-secrétaire d'Etat
à l'intérieur; mais, ayant mécontenté par ses réformes
les autorités égyptiennes et même anglaises, il dut dé-
missionner en mai 1884. Il fut nommé consul au Kour-
distan le 15 sept. 1889. lia écrit : Ireland under the Land
League; a narrative ofpersonal Expériences (Londres,
1892, in-8).
LLOYD (Marie Jolly, dite), actrice française. Elle fit
ses études aii Conservatoire et débuta à la Comédie-Fran-
çaise le 23 févr. 1863, dans le rôle de Célimène du Mi-
santhrope, oti tout d'abord sa beauté fit sensation.
M^^^ Lloyd tint avec une certaine distinction l'emploi des
grandes coquettes, qu'elle échangea peu à peu plus tard
pour celui des rôles marqués et des mères nobles. On la vit
alors dans Philaminte des Femmes savantes, dans la Reine
à'Hamlet^ dans la marquise de Villemer, dans Jocaste
à'Œdipe roi, etc. Cette artiste estimable, qui avait été
reçue sociétaire le 1^^ janv. 1881, a pris sa retraite en
1892. M^^® Lloyd a épousé un peintre, M. Vibert.
LLUCH. Célèbre pèlerinage (de la Vierge) de l'île de
Majorque (Baléares), à 525 m. dialt. au N. d'Inca. Hos-
pice. Magnifiques gorges du Pareis.
LLUCHMAYOR. Ville de l'île de Majorque (Baléares), à
24 kil. S.rE. de Palma; 9,000 hab. Tissage de laine. Au-
dessus s'élève le puig de Runda couronné par trois cha-
pelles très fréquentées des pèlerins.
L L U G l A (François-Xavier de) , homme politique français,
né à Perpignan (Pyrénées-Orientales) le 2 déc. 1752, mort
à Paris le 25 mai 1794. Procureur syndic du tiers état à
l'assemblée provinciale du Roussillon, il fut élu, le 23 mai
1790, procureur général syndic du dép. des Pyrénées-
Orientales, et, le 30 août 1791, député de ce même dépar-
tement à l'Assemblée législative. Il s'affilia aux Girondins,
devint maire de Perpignan en 179^ et montra la plus ferme
attitude envers les Espagnols qui menaçaient nos frontières.
LLULLAILLÂCO. Volcan des Andes (6,173 m.), à la
frontière du Chili et de Bolivie, par 24^32' lat. S., domi-
nant la saline de Punta Negra.
LLUPIA. Corn, du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
de Perpignan, cant. de Thuir ; 308 hab.
LLYWELYN, prince de Galles (V. cet art., t. XVIII,
pp. 397 et suiv.).
LOA. Fleuve du Chili qui formait jadis la frontière entre
le Pérou et la Bolivie ; il coule au N. du désert d'Atacama
et n'a presque pas d'eau.
LOANDA. YiWe capitale du pays d'Angola et des pro-
vinces de la Guinée méridionale portugaise, située au fond
d'une baie que couvil'e une île sablonneuse; 20,000 hab.
environ. Trois forts, d'origine très ancienne, la défendent
du côté de la mer. La ville se divise en deux parties, la
ville haute et la ville basse ; elle a une cour d'appel et est
le si^ge d'un évêché. Le port est bien abrité, mais ne cesse
de s'envaser. On ne trouve aujourd'hui dans le fond de la
baie que des profondeurs de 1 ou 2 m. et le mouillage n'a
plus lieu qu'à 2 kil. de la terre. Le climat a une grande
réputation d'insalubrité. B* RomRE.
LOANGO. Pays de la côte occidentale de l'Afrique équa-
toriale. Oh désigne sôus ce nom la partie basse du versant
maritime de la chaîne appelée par les Portugais serra do
Cristal dont les contreforts sont distants de 50 à 65 kil.
de la côte. Le Loàngo est compris entre l'embouchure du
Congo et les anciennes limites du Gabon. La région litto-
rale est formée c|e dépôts d'alluvions, derrière lesquels ap-
paraissent des terrains tertiaires, des masses de latérite,
quartjzite, de grfe quartzeux, etc.; la ligne dés côtes est
échatlcrée par jîtaces et présente les baies' de Càbinda et de
Loango. Au delk de la côte le pays s'élève leStitement en
longties terrasses que traversent de nombreuses rivières,
dont |[a principale est le Quillou. Les monts schisteux de
l'E; s^intrévêtus defoi'êts vierges. La végétation est des plus
variées : parni^ ces végétaux les plus remarquables on peut
citer le baobab, le palmier à vin, le palmier à huile, le
palniîer éventail, le cotonnier, le papyrus, le manguier, le
papsijrer, l'oranger et le citronnier. Les indigènes cultivent
l'ara^hidei le tàb^c, le manioc, la canne à smfe. La faune
est rèpi^ésentée par l'hipiiopotame, le chimpanzé, le gorille,
le crocodille ; lés serpents sont communs et dangereux.
Les ^Mîg^nes de Loahgo so^t bien faits, assez grands » ont
la pé^u |d'un bt'un vailîable et le crâne fort épais, très doli-
chocéphales, Souvent' bat*btis. Ils s'appellent eux-mêmes
Bafi!pte\ Ils cr<^ient aux fétiches, n'obéissent pas à un pou-
voir ceiitral et sont dispersés dans de petits villages. Par
suite jiès traitas dé 1885' entre la France, le Portugal et
l'Association internationale africaine, le Loango a été par-
tagé entre le Portugal, la France et l'Etat du Congo. Il
est combrîs dàî^s la zone de liberté commerciale du bas-
sin du Congo. —■ L'ancien royaume de Loango dépendait
du grand empiré dii Congo; il s'en affranchit au xvi^ siècle
et tomba é^ iiîfebldtiOh après 1750. La ville de Loango,
qui élit jadis iSjOOO hab., ^st réduite aux factoreries eu-
ropéehûes; | D^' Rouire.
BiBL. : GûsbpeLdt, Falkenstein, etc.. Die deutsche
Loango expédition iSlS-lô; Leipzig, 1879-82, 'à voL
LOANGO »-" LOBATTO
378
LO A N fîO-LucE (V. TcHiLOÂNGo) .
LOANGO A. Rivière de la région centrale de l'Afrique
australe, affluent gauche du moyen Zambèze. Sa source est
sur le versant méridional des montagnes qui forment le
partage des eaux du Zambèze et du haut Congo, au mont
Ichitané, entre le lac Nyassa et le lac Bangouélo.
LOANO. Port d'Italie, sur le golfe de Gènes, à8 kil. N.-
E. d'Alhenga, port de cabotage, climat insalubre à cause
des marécages voisins; 3,97T hab. Un couvent (mont Car-'
mel) et une église à coupole dodéoagonale, tous deux bâtis
par les Doria, sont les deux seules curiosités de la ville.
Enceinte bastionnée. Victoire des Français sur les Austro-
Sardes le 23 nov. 4795.
LOARTE (Alexandre), peintre espagnol, élève du Greco,
et qui travaillait à Tolède au commencement du xvii® siècle.
A la date de 4622, il exécutait pour le réfectoire du cou-
vent des Minime^ une grande toit^ : le Miracle des pains
et des poissons, dont 'on s'accordait à louer le beau colo-
ris vénitien. Loarte peignait excellemment la nature morte,
et Cean Bermudez signale de lui deux peintures existant de
son temps dans les collections Yargas et Marte et repré-
sentant l'une du gibier, l'autre des poules et des poussins,
LOASA {Loasa Adans.) (Bot,). Genre de Loasacées, ca-
ractérisé par le réceptacle tubuleux, logeant l'ovaire infère
et portant sur les bords 5 sépales, 5 pétales, cucullés ou
sacciformes, imbriqués, parfois connivents en corolle cam-
panuliforme. Il y a 3-5 placentas pariétaux, multiovulés. Le
fruit s'ouvre par 5-10 valves. Les fleurs sont axillaires ou
latérales, souvent disposées en grappes ou en cymes plus
ou moins composées. On cultive dans nos jardins botaniques
les Loasa, tous originaires des régions chaudes de l'Amé-
rique. D^ L. Hn.
LOASACÉES {Loosacece LindL, Loaseœ Juss,) (Bot.).
Famille de plantes Dicotylédones, assez voisine des Cucur-
bitacées, composée d'herbes dressées ou volubiles, souvent
couvertes de soies brûlantes, à feuilles simples opposées
ou alternes, sans stipules. Les fleurs sont hermaphrodites,
régulières; la corolle en général est dialypétale, penta-
mère ou tétramère, à préfloraison valvaire; les étamipes,
très nombreuses, sont superposées aux pétales par groupes
alternant avec des groupes de staminodes. L'ovaire est
infère, uniloculaire, h, placentation pariétale; les ovules
sont nombreux, pendants, anatropes. Le fruit, tantôt cap-
sulaire, droit (Loasa), ou tordu en hélice (Ca;op/wni),
tantôt bacciforme (Klapvothia), renferme dés graines
nombreuses, à embryon droit occupant l'axe d'un albumen
charnu. Les genres principaux sont :ioas<z Adans,, Cajo-
phora Presl., Blumenbackia ^QhTSià.^Mentzelia L^, Bar-
tonia Sm>, eto, D'' L. ÎIn.
LOAYSA (Garcia de), homme d'Etat et cardinail espa-
gnol, né à Talavera (Gastille) vers 1479, mort à Madrid
le 24 avr. 1546. Religieux dominicain en 1495, il fut succes-
sivement professeur^ régent des études, recteur, prieur
des couvents d'Avila et de Valladolid, provincial d'EJspagne
et général de son ordre. Deventi confesseur de Charles-
Quint, puis évoque d'Osma, il fut membre du conseil privé
puis président du conseildes Indes, pieyé au carditialat on
1530, il reçut la même année d'abord l'évêchéde Siguenza,
puis Farchevêché de Séville. Politiçiù^ avisé, ij avait con-
seillé la mise en liberté sans condition; de François p^'. Son
importante correspondance avec fiharles-Quint, trouvée aux
archives d'Etat à Simancas par G. Heine, a été pblié par fui
avec une traduction (Briéfe; Berlin, 1848, in-8), puis réé-
ditée dans le t. XIV (1849) de la Colecçioti de dpcumenlos
ineditos para la histor\a de Espafia. G, P-i.
LO B A N 0 V-RosTO vsKY (Dmitri-Ivanpvitch, prince) , gé-
néral russe, né en 1758, mort en 1838. Il accompagna
Potemkine dans la campagne de Grimée et fut blessé au
siège d'Otchakov (1738). Il servit ensuite sous les ordres
de Souvorov et fut de nouveau blessé au siège d'îsmaïl. Il
gagna le titre de brigadier dans la campagne de Pologne.
Il reçut en 1806 le commandement d'une division et fut
chargé de négocier la paix de Tilsit avec Napoléon, U devint
en 1868 gouverneur militaire de S^int-rPéteribojiyg et
en 1810 gouverneur général des provinces de Livpnie»
Ehstonie et Courlande. Il prit part à l'organisation de la
défense nationale en 1813, De 1817 à 1827, il h% mimiv^
de la justice,
LOBANOV-RosTovsKY ou LABANOFF de Rostov
(Alexandre-ïakovlevitch, prince), bibliophile russe, né en
1788, mort à Saint-Pétersbourg en 1866. Il servit d'abord
dans l'armée et se retira avec le grade de général-major.
Il avait rassemblé une admirable collection^ de livres et de
portraits et fut membre delà Société des bibliophiles fran-
çais. Passionné pour la mémoire de Marie Stuart, il lui a
consacré un certain nombre d'ouvrages écrits en français
et qui sont encore aujourd'hui consultés avec intérêt :
Notice sur la collection des portraits de Marie Stuart,
précédée d'un résumé chronologique (Paris, 1860,
2® éd.) ; Lettres inédites de Marie Stuart (Paris, 1839);
Lettres, Instructions et Mémoires de Marie Stuart
(Paris^ 1844). On doit encore au prince Lobanov : Recueil
de pièces historiques sur la reine Anne, épouse de
Henri I^ (Paris, 1825); Lettre à M. le Rédacteur du
Globe au sujet de la prétendue ambassade en Russie
de Charles de Talleyrand (id,, 1827) et un catalogue
des Cartes de sa bibliothèque (î(i., 1833),
LOBANOV-RosTOvsEY (Alexis-Borisovitch, prince), di-
plomate russe, né le 30 déc, 1825. D'une des plus vieilles
familles princières de Russie, il fit ses éludes à Saint-
Pétersbourg et entra au ministère des affaires étrangères
(1844). Secrétaire à Berlin (1850), il devint en 1856 con-
seiller d'ambassade à Constantinople, puis de 1859 à 1863
ambassadeur de Russie dans cette ville. Il quitta le service
diplomatique en 1863, après avoir enleyé la femme d'un
secrétaire d'ambassade français qu'il ne pouvait épouser,
vécut à Nice jusqu'à la mort de sa maîtresse (1866), rentra
en Russie, devint gouverneur de la province d'Orel (1866),
puis fut adjoint au ministre de l'intérieur; il rentra dans
la diplomatie en 1877, et représenta tour à tour la Russie
à Constantinople (1878), à Londres (1879) et à Vienne
(1882). En 1895, il prit îa succession de Mt de Giers an
mmistère des affaires étrangères.
LOBATCHEFSKY (Nico(ai-Ivanovitch), mathématicien
russe,! né à Nijnl-Novgorod en 1793, mort a Kasan le
24 févr. 1856. Fils d'un paysan, il fut élevé à Kasan oti
dès 1811 il donnait des répétitions de mathématiques, Pro-
fesseur adjoint à l'université en 1814, il devint titulaire
en 1816 et occupa la chaire de mathématiques pendant
quarante ans, tout en faisant parfois des cours de physique
et d'astronomie. Pendant dix-neuf ans, il f«t recteur de
l'université* Il a publié en russe divers articles dans les Mé-
moires de Kasan, notamment sur l'éclipsé du soleil du 8 juin
1842 ; en allemand : Leber die Principien der Géométrie
(Kasan, 1829-30); Untersuchungen %ur Théorie der
Parallelinien (Berlin, 1840). Son ouvrage capital et le
plus célèbre est sa Pangéométrie ou Précis de géométrie
fondée sur une théorie générale et rigoureuse des pa-
rallèles (Kasan, 1855). Il a enfin fourni au Journal de
Crelle des mémoires sur la géométrie imaginaire (1837)
et sur là probabilité des résultats àoyens d'observations
répétées. Lobatchefsky doit être considéré comme l'un des
plus grands génies mathématiques qu'ait produits la Russie.
Un monument lui a été élevé, grâce à une souscription
provoquée par M. Vassiliev, président! de la Société physico-
mathématique de Kasan, Souscription à laquelle ont pris
part les mathématiciens du monde entier.
LOBATTO (Rehuel), mathématicien hollandais, né à
Amsterdam le 6 juin 1797. Il fut d'abord attaché au ser-
vice des poids et mesures (1827-42), puis professa les
mathématiques transcendantes à l'Académie des ingénieurs
de Delft. Il était membre de l'Institut néerlandais et de
l'Académie des sciences d'Amsterdam. Outre d'importants
et nombreux mémoires d'analyse et de géométrie, parus
dans les recueils de ces sociétés, dans le Journal de Crelle
et de ïiouville, il a publié % Recherches sur la somma--
,.^ 379 -
LôBATTo ^^- mmm
Mon de, quelques séries irigonométriqueSf en frànç.
(Amsterdam, 4827, in4); Recherches sur la disfdnction
des racines réelles et imaginaires dans les équations
Unémres^ en. franc. (Amsterdam, 4843, iîi-4) ; Leçons
d'algèbre supérieure^ m holi, (Amsterdam, 1845, in-8) ;
Leçons de calcul différentiel et intégral^ en holl.
(Amsterdam, i85Sl, 2 vol in-8), etc. L. S.
L08AU. Ile du Danube, à 12 kil. en aval de Vienne.
El!e a Joué un rôle considérable dans les opérations mili-
taires de Napoléon au mois de mai 1809, notamment lors
de la bataille d'Essling. C'est à cette occasion que le général
Georges Mouton fut fait comte de Lobau.
LOBAU (Georges Mouton, comte de) (V. Mouton).
LOBAWA(alL Lœbau). Ville de Prusse, district de Ma-
rienwerder (Prusse occidentale), sur la Sandella ; 5,000 hab.
Château; couvent de bernardins (sécularisé en 1820). Elle
reçu une charte urbaine en 1270.
LOB B ES. Ville de Belgique, prov. de ïïainaut, arr. de
Thuin, sur la Sambre ; 3^000 hab. Stat. du chem. de fer
de Cologne à Paris. Exploitations de carrières; savonneries,
clouteries. On y voit les ruines de l'ancienne et célèbre
abbaye de Lobbes, fondée au vii^ siècle par saint Lande-
lin, et qui devint une des plus opulentes de la Belgique.
Elle fut incendiée par les Français en 1794, E. H.
BiBL, : J. Vos, Lobbes, son abbaye et son chapitre;
Louvain, 1865, 2 vol. in-8.
LOBE. L Anatomie (V. Encéphale, Cerveau, Oreille).
11. Architecture. — Fragments d'arcs curvilignes fai-
sant comme une découpure souvent ornée de fleurons le
long de l'encadrement d'une baie ou formant des compar-
timents enchevêtrés les uns dans les autres à l'intérieur
de cette baie. Ce mode de décoration a été très employé au
moyen âge aussi bien en Occident pendant les diverses
périodes du style gothique qu'en Oriebt dans lés divers
styles musulmans. Dans les églises, le fenestrage des
grandes baies offre souvent des meneaux s'élançant verti-
calement jusqu'à la naissance de l'Ogive fermant la baie
et, à partir de cette naissance, ces meneaux se terminent
en courbes formant des rosaces composées dô lobes et ana-
logues à celles qui décorent la pahie siipérieure des por-
tails de ces églises. Charles Lucas.
LOBE (Johann-Christian), écrivain musical allemand,
né à Weimar le 30 mai 1797, mort à Leipzig le 27 juil.
1881. Médiocre compositetir, il est répute pour ses ou-
vrages théoriques : Lehrbuch der musifcdisehen Éom-
position (Leipzig, 1850-67, 4 vol. ; 5^ édi par Kret|:sch"
mar, 1884 et suiv.); Katechismus der Musik (^2®' éd.,
1883), etc.
LOBECK (Christian-Âugust), philologue allemand, né à
Naumbourg le 5 juin 1781, mort à Kœnigsberg le 25 août
1860. Il professa à Wittenberg (1802) et à l'université de
Kœnigsberg (1814). Parmi ses écrits qui ont fait progres-
ser l'étude de la grammaire gi*ecque, nous citerons : Pfiry-
nichi sophistœ ecldg(Ë nominum et verborum attico-
rum (Leipzig, 1820) ; Paralipomena grammaiicœ
grœcce (1837, 2 vol.); Pathologice sermonis grœci
prolegomena (1843); Rhematicon sive verborum grœ-
corum et nominum, vefbalimn technologia (Kœnigsberg,
1840); Pathologiœ linguœ grœcœ elementa (1858-62,
2 vol.), une excellente édition de VAjax de Sopllocle
(1810; 3^ éd., Berlin, 1866); ènân son Aglaophamus
seude theologioemysticoe Grœcorumcausis (Kœnigstierg,
1829, 2 vol.), encore précieux pour l'étude des Mystères
(V. ce mot) et de l'orphisme. A,41. B.
BiBL. : FRïEDL^NDEBt, MUteîlutig&n âU8 Lobeùks BHef-
wec/ise?,* Leipzig, 1861.
L08ESRA (Vasco de)^ romancier portugais, né à Porto
vers i365, mort à 140S. Il s'attacha à la fortune du futur
Jean P^ et fut armé chevalier par ce souverain peu de
temps avant la célèbre bataille d'Aljubarotta (J383). Il est
certainement l'auteur cl^une rédaction en portugais, ou
plutôt en dialecte galicien, du célèbre roman de chevajerie
Amadisde Gaule (V. ce mot)^ dont la vogue fut si grande.
L'original de cette rédaction^ qui n'a jamais été publiée^
se trouvait à la fin du xvi® siècle dans îa bibliothèque des
ducs d'Aveiro à Lisbonne, où l'on croit qu'il périt dans
l'incendie de 1753. A Son défaut, une discussion passionnée
s'engagea sur la question de savoir si l'œuvre de Lobeira
constituait le prototype de ce roman, ou s'il n'y a pas eu
une rédaction antérieure, en espagnol, imitée des trouvères
français et dont celle de Garcia Oraonez deMontalvo (V. ce
nom), écrite vers 1465, ne serait qu^un remaniement litté-
raire. La plus ancienne édition imprimée de celle-ci, décou-
verte seulement en 1871 , est celle de Saragosse (1508) 4 Les
arguments en faveur de l'origine espagnole du roman à'Ama-
dis ne sont pas absolument convaincants, de sorte que la
question reste encoie quverte " G. Pawlowskï.
^ lQBtl\I^CÈES(LobeliaceœL) (Bot.). Groupe de plantes
Dicotylédones, dont on a fait longtemps une famille distincte,
quoique très voisine des Càmpanulacées. Bâillon {Hist.
des PI, t. VIII, 328, US) les rattache à cette dernière
famille dont elles ne forment plus (ju'une série, celle des
Lobéliées, caractérisée comme il suit : « Fleurs irrégu-
lières, parfois résupinéeé. Corolle val vaire, gamopétale ou
dialybétale. Etaînines insérées sur le réceptacle ou Sur la
corolle,^ a anthèipes souvent tmies en tube par les bords.
Ovaire infèrô ou en partie sdpère, à deux loges multiovu-
lées ou uniloculaires, à deux |)lacentas pariétaux. Fruit sec
ou charnui Feuilles pUs souvent alternes, fleurs solitaires,
axillaires ou à grappes terminales. » B"" L. Hn.
LOBÉLIE. l. Botanique. -— (Lobelia L.). Genre de
plantes Dicotylédones,! tyf)e du groupe des Lobéliées, carac-
térisé par JeS fleurs irregulières, hermaphrodites et résu-
pinées; le réceptacle concave portant nn gynécée en partie
infère^ un calice gamosépale à 5 divisions presque égales
et une corolle gamopétale pentamère, ordinairement allon-
gée é tubulèuse, irré^ulière | le tube est d'ordinaire fendu
jusqu'à la base du côtéi antérieur ; le limbe forme 2 lèvres,
l'antérieure composée de 2 lobés^ la postérieure de 3 lobes ;
5 étamines alternent avied les lobes de la corolle sur laquelle
elles ne s'insèrent pas ,* iesartthères biloculaires, introrses,
sont très souvent réunies en ufle sorte de tube qui entoure
le stylci L'ovaire est surmonté d'un style à extrémité stig-
matiqùe plus où moins bilobée ou déprimée en forme de
sàc; il se compose d'oi^dinair0 dé 2 loges renfermant cha-
cune dans son angle in-
terne un grés placenta
chargé d'^tin tiotiibre in-
défini d'ovules anatro*-
pes. Le fruit est une
capsule loculicî4e â dé-
Mscence souvent incom-
plète. Les grftineè, nom-
breuses, renferment un
albumen charnu . dont
Taxe est occupé par un
embryon à cotylédons
courts. — Les Lobélies
sont des herbes àn^
nuellés ou vivaces, à
feuilles siniples, à in-
florescence en grappe
ou en épi, gorgées d'un
sUc laiteux, acre et caus-
tique ; elles sont répiin-
dues surtout dans les
régions chaudes du
globe, particulièrement
dans r4Hîérique éqùinoxîale. --^ Le L, urens L., espèce
européehne> assëx commune dans les marais tourbeux du
centre et de l'O. de U France, est réputée toxique. Le L. car-
dïndlisl hfy répàiïdu dans les contrées méridionales de
rAméridue du MM, est fréquemment cultivé en Europe
cémnie plarlte d'ornement. Le L. syphilitica L., qu'on
trouve dans les forêts marécageuses de l'Amérique septen-
trionale, ^0|)uîs la Nouvellô-Orléans et la Caroline jusqu'au
Ganadajdoit son ï^om à ses prétendues propriétés anti^
Lobélie.
LOBÉLÏË -^ LOBKOWIÏZ
^ 380
syphilitiques. Enfin, le L inflata L., commun aux Etats-
Unis, dans les champs et sur les bords des roules, est le
plus usité en médecine; c'est Vindian tobacco des Amé-
ricains et Vasthmawood ou emetic wood des Anglais. Les
espèces de FAmérique équinoxiale jouissent de propriétés
analogues. D"^ L. Hn.
IL Thérapeutique. — La Lohélie enflée {Lobelia
inflata) a seule pénétré dans la thérapeutique européenne
au détriment peut-être du Lobelia urens de nos cam-
pagnes. Elle est très active, vénéneuse à petite do^e, vomi-
tive et cathartique aux doses moyennes, et ses propriétés
se rapprochent de celles du tabac. Aux doses de 08*'25
à 2 gr., les feuilles donnent de la sécheresse au pharynx,
de l'irrégularité des battements du cœur, de la céphalée
avec tendance au sommeil, de la dilatation pupillaire, des
nausées avec hypersécrétion bronchique et crises sudorales.
La lobélie paralyse les nerfs moteurs en respectant le
muscle ainsi que les nerfs sensitifs. Sa principale indica-
tion est la dyspnée, en particulier celle des asthmatiques.
Dans l'asthme cardiaque, elle calme les crises de suffo-
cation et en prévient momentanément le retour. Barra-
lier l'a employée contre la dyspnée des phtisiques. On la
prescrit sous forme de teinture, à la dose de % gr. par
jour, chez les asthmatiques, seule ou associée, comme l'a
recommandé Dujardin-Beaumetz, à l'iodure de potassium. Le
sulfate de lobéhne, pris en injection hypodermique, excite
comme l'apomorphine et provoque le vomissement. — Le
Lobelia syphilitica a été surnommé au Canada le mercure
végétal : il n'a d'autre propriété sur la syphilis que celle de
tous les purgatifs et dépuratifs. — Le Lobelia Deiisseana
est employé au Mexique comme expectorant. Crescentio a
récemment recommandé sa racine contre la pneumonie, la
bronchite, la toux et la dyspnée. . D^ R. Blondel.
LOBÉLINE (Ghira.). La lobéhne a été découverte par
W. Bastick dans les îmilies an lobelia inflata; son étude
a été reprise depuis par Lewis. Elle forme une substance
jaune présentant la consistance du miel; l'eau, l'alcool,
l'éther et la plupart des principaux dissolvants organiques
la dissolvent en quantité considérable. Les alcalis et les
acides décomposent la lobéline et donnent des sucres à la
suite d'une ébuUition prolongée. La lobéhne forme dés sels
bien cristallisés. C. M.
LOBENIBA. Pays de l'Afrique équatoriale compris entre
les lacs Tanganyika, Nyassa, Moéro et Bangouélo,
LOBERA ouIlOBÉBA deAyilâ (Luis), médecin espa-
gnol du XVI** siècle. Il pratiqua d'abord son art à Ariza ,
puis devint le premier médecin de Charlest-Quint^ qu'il
suivit dans tous ses voyages. Il a publié entre autres :
Remedios de cuerpos humanos,,, (Alcalâ de Henarès,
1542, in-fol. ; dans le premier livre est intercalé un cha-
pitre de Guy de GhauUac) : Libro de las çuatro infer-
medades cortesanas,., (Tolède, 4544, in-fol.; trad.ital.,
Venise, d558, in-8), ouvrage renfermant un chapitre re-
marquable sur la syphilis. D'' L. Hn.
LOB IN (Jules-Léopold) , peintre verrier français, né à
Tours en 4837. Son père, Lucien-Léopold Lobin, élève d'Hip-
polyte Flandrin et de Steuben (i 844-64) , avait; fondé à Tours
une manufacture de vitraux d'où sont sortis de nombreux
travaux destinés aux églises et des sujets représentant des
scènes historiques ou épisodiques. Il fut remplacé à sa mort
par son fils, Jules-Léopold, qui donna une plus grande exten-
sion à la manufacture de la rue des Ursulines, à Tours. Pen-
dant une période de près de trente années, il n'a cessé de pro-
duire des verrières nombreuses pour les églises de La Flèche,
du Sacré-Cœur àlssoudun, deMontargis, de Saint-Servan
à Saint-Malo, d'Angoulême, de Châteaurenault, de Sens-
Beaujeu(Cher), de Saint-Sauveur de Renneg, delà cathé-
drale de Bourges, de Saint-Etienne de Chinon, de Saint-
Aignan à Orléans, de Notre-Dame à Châteauronx. La plupart
de ses compositions ont figuré aux expositions annuelles des
beaux-arts (4859-84)- La clientèle de M. Lobin se recrute
principalement dans les églises et dans les maisons reli-
gieuses du centre de la France qui a voisinent Tours a
LOBIN EAU (Guy-Alexis, dom), émdit et historien fran-
çais, reHgieux de la congrégation de Saint-Maur, né à
Rennes en 4666, mort à l'abbaye de Saint-Jacut, près de
Saint-Malo, le 3 juin 4727. Bénédictin à dix-sept ans, il
séjourna longtemps à Paris et ne passa dans sa province
que la fin de sa laborieuse existence. Outre divers mé-
moires, il a publié : Histoire de Bretagne composée sur
les titres et les auteurs originaux depuis Vannée 458
^jusqu'en Vannée i532... (Paris [Rennes], 4707, 2 vol.
in-fol. ; cette histoire avait été commencée parle P. Legal-
lois) ; Histoire des saints de la province de Bretagne.,,
(Paris [Rennes], 4723, 2 vol. in-fol. et 4724, in-fol.) ; les
trois derniers volumes (preuves) de VHistoire de la ville
de Paris, composée par D. Michel Félibien,,, (Paris,
4725, 5 vol. in-fol.). Du grec, il a traduit le théâtre
d'Aristophane (inédit) et les Ruses de guerre de Polyen
(Paris, 4739-43,2 vol. in-42); et de l'espagnol, l'Histoire
des deux conquêtes de T Espagne par les Maures, etc.,
de Miguel de Luna (Paris, 4708, in-42). H. Monin.
LO BIPÈDE (Ornith.) (V. Phalàrope).
LOBITES (Paléont.) (V. Arcestes).
LOBITO. Baie de la côte 0. d'Afrique, par 42o20nat.
S., dans la colonie portugaise. Presque invisible au large,
elle fut découverte en 4840. C'est un excellent mouillage,
mais totalement privé d'eau douce.
LOBKOWIÏZ (en {chèque Lob kovice). Grande famille
de Bohême. D'abord dénommée Ujezd, elle prit auxv^ siècle
le nom du village de Lobkovice. Elle se divisa en branches
de Popel et de Hassenstein (éteinte en 1789); de la pre-
mière sont issues les branches de Bilin (éteinte en 4722)
et Chlumetz, qui reçut de Maximihen II la dignité prin-
cière. Ses membres les plus remarquables ont été :
Nicolas qui acheta en 4409 le château de Lobkovice et
fut grand greffier du royaume de Bohême*
Jean de Hasistein de Lobkowitz, né en 4450, mort en
4517. Il joua un certain rôle politique et fit un pèlerinage
en Terre sainte. Il a laissé deux ouvrages : Voyage à Jé-
rusalem en i49S (publié en 4834 par Gelakovsky); Note
sur r éducation pour mon fils Jaroslav (publié à Prague,
4796 et 4854).
BohuslaV'Hasnleinski, frère du précédent, né en 4462,
mort en 4540, fut un humaniste fort distingué. Il fonda
dans son château de Hasistein une bibliothèque considé--
rable et pubHa de remarquables poésies.
Georges-Popel, grand juge du royaume et grand maître
de la cour, conspira contre l'empereur qui le fit décapiter
en 4606.
Zdenek'VotjechM^ de 4599 à 1648, grand chancelier
du royaume de Bohême. Il mourut en 4626.
Vasclav-Eusebe, prince de Lobkovitz (branche de Chlu-
metz), né le 20 juin 1609, mort à Roudnia (Kaudwitz) le
22 avr. 4677, servit dans la guerre de Trente ans, devint
feld-maréchal en 4647, négocia l'élection impériale deLéo-
pold P^ (4658) dont il devint ministre à la chute d'Auer-
sperg (4669). Il prit modèle sur Louis XIV, étouffa dans le
sang l'insurrection hongroise de 4670 et voulut abohr la
constitution hongroise. Ses sympathies pour la France le
firent accuser de haute trahison (43 oct. 4673) et interner
à Roudnia.
Jean-Georges-Christian, né le 40 août 4686, mort à
Vienne le 4 oct. 4755, fut gouverneur de Sicile (4732) où
il signa la capitulation de Messine (1733), puis de Tran-
sylvanie (4739). Il commandait en 4742, en Bohême, un
corps qui fut battu par de Broglie et Belle-ïsle. Renforcé
par le prince Charles, il rejeta les Français au delà de la
Mohlava et assiégea Belle-Isle dans Prague; mais il ne put
empêcher sa retraite sur Eger. Il passa en Itahe et reprit
Rimini aux Espagnols (4743).
Auguste-Longm, né le 45 mars 4797, mort à Vienne
le 47 mars 4842, fut gouverneur de Galicie (4826-32)
organisa la Monnaie de Vienne.
BiBi- : Cor NOVA, Der Grosse Bœhme Bohuslaw Lob-
homiz; Pragae^l808,
383 -
KALB — KALERGÏS
BiBL. : Kapp, Lehen des amerika.nischen Gênerais von
Kalb ; Stuttgart, 1862 ; trad. angl., New York, 1884.
KALB (M"^), actrice française. Elève de Monrose au
Conservatoire, elle quitta Técole pour entrer au Vaudeville,
où elle débuta le 21 nov. 1876, dans les Mariages riches.
Après cinq années passées à ce théâtre, elle fut engagée à
la Comédie-Française, où elle parut pour la première fois
le 21 jànv. 1882, dans le Demi-Monde. Active et intel-
ligente, W^^ Kalb eut bientôt pris pied dans le réper-
toire et se distingua dans l'emploi des soubrettes alertes et
délurées. Après douze années passées comme pension-
naire à la Comédie-Française, M^^^ Kalb a été nommée
sociétaire à partir du 1^^ janv, 1894.
KALBARGAou GOULBOURGA. Ville de Hnde, Etat du
Nizam, près du Bhiraa, sur le chemin de fer de Bombay à
Madras. Ancienne capitale du royaume musulman du Dekhan
(1347-1435), elle renferme quelques-uns des chefs-d'(euvre
de Tarchitecture musulmane de l'Inde ; une superbe mos-
quée, des mausolées, des tombeaux, une citadelle.
KALBE-an-der-Saale. Ville de Prusse, district de Mag-
debourg, sur la Saale; 12,000 hab. (avec les faubourgs).
Filature de laine, toiles, papeterie, etc.
KALCKREUTH (Friedrich-Adolf, comte de), généralprus-
sien, né à Sotterhausen, près de Sangerhausen, le 21 févr.
4737, mortà Berlin le^O juin 1818. Entré dans les gardes
du corps en 1752, élevé à la française, il devint aide de
camp du prince Henri (1758) et l'amant de sa femme. Il se
distingua à la bataille de Freiberg (1762), et Frédéric II
le nomma major. En 1786, il fut créé comte et, en 1787,
nommé lieutenant général. Il prit part aux campagnes
contre la France (1792-94), commanda les troupes de
Poméranie (1795) et fut promu général de cavalerie. Dans
la campagne d'ïéna, il commandait la réserve qui ne fut
pas engagée et dirigea la retraite ; il commandait à Dantzig
et obtint une capitulation honorable (26 mai 4807), ce
qui lui valut le grade de feld-maréchal. Il signa l'amnistie
de Tilsit avec Berthier (25 juin) et la convention du
12 juil. 1807. Il finit sa vie comme gouverneur de Berlin
(1810-18). Très brave et habile, il était orgueilleux et
malveillant dans ses jugements. — Son fils Friedrich^ né
le 15 mars 1790, a publié des poésies dramatiques (4824,
2 vol.) etles Dictées du feld-maréchal Kalckreuth (Pa-
ris, 4844).
KALCKREUTH (Stanislas, comte de), peintre allemand,
né à Kosmin (Posnanie) le 24 déc. 4824, mort à Munich
en 4894. Il s'était senti tout d'abord attiré par le métier
militaire. Cinq ans durant il servit comme lieutenant dans
le i^^ régiment de la garde; mais, dès qu'il put se libérer,
il le fit et se donna tout entier à l'art. Entré dans l'atelier
de Krause, à Berlin, il le quitta bientôt pour suivre, à l'Aca-
démie de Dusseldorf, les leçons du paysagiste Schirmer,
connu pour ses vues d'Italie et de Palestine. Ses années
d'apprentissage terminées, il revint se fixer à Berlin, où il
établit assez rapidement sa réputation par une brillante série
de tableaux dont il avait emprunté les sujets aux paysages
du Tirol et de la Suisse, de la Styrie, des Pyrénées, de la
Savoie. Il traita les grands aspects de la montagne, et tout
particulièrement les effets de lumière qui s'y remarquent
avec une virtuosité qui le fit distinguer et combler de faveurs
par Frédéric-Guillaume IV. Ses principaux travaux repré-
sentent des vues de Suisse, des Pyrénées, des bords du Rhin.
Quelques-unes figurent à la galerie nationale de Berlin. Vers
4860, on lui offrit à Weimar la direction de l'Ecole des
beaux-arts qui venait d'être fondée. Il accepta et resta
jusqu'en 4876 à la tête de cet établissement. — Son fils, le
comte Léopold de Kalckreuth, qui est peintre aussi, mais
dans une note essentiellement moderne, s'exerce avec un
égal succès dans le paysage, le genre et le portrait.
' KALCKSTEIN. Famille de Prusse qui fut à la tête de
l'opposition contre la maison de Brandebourg. Cette lutte
et la fin tragique de Christian- Ludivig (4672) sont racon-
tées dans l'article consacré au grand électeur Frédéric-
Guillaume,
KALÉ. Village du Soudan français, sur la rive gauche
duBakhoy, à 24 kil. E. de Bafoulabé ; c'est le chef-lieu
du Makadougou.
KALEB, fils de Jéphunné, de la tribu de Juda, Fun
des explorateurs envoyés de Kadès en Chanaan avec Josué
(Osée), est le seul, avec ce dernier, des Israélites sortis
d'Egypte qui ait le privilège d'entrer dans la terre pro-
mise. Il se distingue par ses exploits et reçoit en récom-
pense la possession de la ville de Hébron. (iuand on y
regarde de plus près, on voit que Kaleb désigne tout sim-
plement un clan d'origine édomite ou iduméenne fixé en
Judée. Ce fait, quand on y réfléchit, n'a rien d'extraordi-
naire, car il est visible que le S. de la Palestine conte-
nait un mélange de populations Israélites, édomites, ama-
lécites, etc. Kaleb est expressément donné par plusieurs
textes comme un Cenézéen ou Qenizzite^ et les Cenézéens
étaient une branche des Edomites. En d'autres termes, les
écrivains bibliques accordent que le chef-lieu de la tribu
de Juda et sa banlieue étaient occupés par une population
non israélite, par le clan des Qenizzites et, comme dans
tous les cas où la règle de la dévolution exclusive du pays
de Chanaan aux descendants de Jacob se trouve violée, ils
cherchent à justifier cette dérogation par des circonstances
d'une nature exceptionnelle (V. dans nos Essais bibliques,
4891, pp. 254 à 257). M. Vernes.
KALEH SouLTANiEH. Ville de la Turquie d'Asie, ch.-l.
d'un sandjak des villages de Constantinople, sur les Dar-
danelles, à 32 kil S.-S.-O. de Gallipoli; 8,000 hab. On
l'appelle d'ordinaire Château des Dardanelles. Les navires y
attendent l'autorisation d'entrer dans la mer de Marmara.
KALÉIDOPOLARISCOPE (Phys.). Appareil imaginé
par Pétrina pour reconnaître de petites quantités de lumière
polarisée dans la lumière naturelle. Il se compose d'un
kaléidoscope (V. ce mot) muni, du côté où l'on regarde,
d'un analyseur. Les objets colorés qui se trouvent d'ordi-
naire dans un kaléidoscope sont remplacés par des lames
minces de mica. Si l'appareil reçoit de la lumière même
très faiblement polarisée, cette lumière va traverser ces
lamelles et donner après le passage dans l'analyseur des
colorations faibles que l'on apercevra d'autant plus facile-
ment qu'elles seront différentes pour les diverses lames,
qu'elles pourront par conséquent se faire opposition et
qu'enfin elles changeront rapidement quand on tournera
l'appareil sur lui-même. A. Joannis.
KALÉI DOSCOPE (Phys.). Appareil composé de deux mi-
roirs plans faisant entre eux un angle de 60°. Ces deux
miroirs ont la forme de rectangles allongés ; ils se touchent
par un de leurs plus longs bords. Ces deux miroirs sont
enfermés dans un tube cylindrique parallèlement à son
axe. A une des extrémités de ce tube se trouvent placés
entre deux lames de verre divers objets colorés, fragments
de verre, plumes, etc. A l'autre extrémité se trouve un
œilleton où l'on place l'œil. Cet appareil utilise les réflexions
multiples que produisent ces deux miroirs. Entre eux l'œil
aperçoit un secteur de 60<* où sont les objets que l'on re-
garde ; de part et d'autre de ce secteur l'œil aperçoit des
images de ce secteur produite par l'un, par l'autre ou par
le concours simultané des deux images ; ces images sont
au nombre de cinq qui occupent avec le secteur ou directe-
ment toute la surface d'un cercle. On sait que l'image
d'un objet donnée par un miroir plan est symétrique de
l'objet par rapport au miroir. On apercevra donc une
image présentant trois axes de symétrie inclinés à 60*^. Si
pendant que l'œil regarde dans l'instrument, on fait tour-
ner lentement le cylindre autour de son axe, les petits
objets placés entre les deux lames changeront de place ;
l'ensemble vu par l'œil changera aussi tout en restant sy-
métrique par rapport à trois axes. On peut projeter sur
un écran le phénomène du kaléidoscope. A. Joannis.
KALENDES (V. Calendes).
KALERGÏS (Dimitri), général et homme d'Etat grec, né
dans l'île de Candie en 1803, mort à Athènes le M avr.
4867. Après avoir étudié la médecine à Vienne, il prit une
KALERGIS — KALEVALA
— 384 —
part brillante à la guerre de l'indépendance hellénique, de-
vint aide de camp de Fabvier, puis de Capo d'Istria, fut,
en 4843, un des principaux chefs de l'insurrection qui
obligea le roi Othon à renvoyer ses conseillers allemands,
fut nommé gouverneur d'Athènes, mais dut quitter la Grèce
après la chute du ministère Mavrocordato (1845) et alla
passer plusieurs années à Londres, oii il se lia d'amitié
avec le prince Louis-Napoléon Bonaparte. En mars 1848,
il tenta sur les côtes de Grèce une descente qui ne réussit
pas, fut arrêté, relâché peu après et se tint tranquille jus-
qu'au moment oii Mavrocordato, rappelé aux affaires, lui
confia le portefeuille de la guerre (1854). Peu aimé du roi
Otton et surtout de la reine Amélie, il ne tarda pas à être
écarté du pouvoir (1855), mais il eut encore assez d'in-
fluence pour se faire nommer ministre plénipotentiaire à
Paris (1861) et à ce titre il eut une part assez importante
aux négociations qui suivirent la chute de la dynastie bava-
roise et amenèrent l'avènement de Georges de Danemarck
(1862-1863). A. Debidour.
KALEROUN (V. Coleroun).
KALERVO (Mythol. finnoise). Dans les vieux chants
finnois, on donne le nom de Kalervo à Kaleva, quand ce-
lui-ci est envisagé comme père de KuUervo.
KALEVA (Mythol. finnoise). Géant, père des héros
qui habitent le Kalevala. Son nom, d'après Donner
{Suomi, 1866), vient de la racine Kal, qui signifie tonner,
briller. Kaleva serait donc : le « brillant », le « tonnant »,
un « dieu de lumière », comme Jumala, dont cependant il
n'a pas l'importance. Comparetti pense que Kaleva signifie
plutôt : la terre des rochers , le pays des montagnes
pierreuses. Le sol des contrées du Nord, sol de cailloux
et de bruyères, serait personnifié en Kaleva, ce qui ex-
plique que souvent ce nom désigne le pays lui-même. On
appelle Kaleva aussi Osmo ou Osmovi, c.-à-d. pas petit ou
très grand, géant. Th. C.
BiBL. ; Comparetti, Der Kalewala ; Halle, 1892, p. 189,
in-8.
KALEVALA (Epopée finnoise). Au commencement de ce
siècle, quelques savants et littérateurs finlandais prirent
plaisir à rassembler un grand nombre de poésies populaires
finnoises. Le plus ardent de ces collectionneurs fut Lônnrot,
fils d'humbles paysans et médecin de son état. En 1834,
il présenta à la Société de littérature finnoise un recueil
qui contenait seize runes (runo) ou poèmes finnois, for-
mant un total de cinq à six mille vers. L'année suivante,
il ajouta seize nouvelles runes à sa première collection et
publia aux frais de la Société cette épopée qui comptait
maintenant plus de douze mille vers, sous le titre de :
Kalevala ou les Runes caréliennes de l'antiquité fin-
noise, La première édition (500 exemplaires), malgré un
succès très vif, mit des années à s'écouler, mais Lônnrot
ne se découragea pas et, dès 1847, il prépara une seconde
édition, publiée en 1849, plus complète encore que la pre-
mière et qui comptait cinquante runes, c.-à-d. huit à dix
mille vers nouveaux. Depuis lors, les éditions finnoises du
Kalevala se sont multipliées ; on en a fait des extraits à
l'usage des écoles ; on l'a traduit en suédois, en allemand,
en hongrois, en russe, en anglais et en français (par Léou-
zon-Leduc dès 1845, sur la première édition, puis, en
1866, sur la deuxième).
L'œuvre de Lônnrot était digne de ce succès, et le méde-
cin finlandais avait bien mérité de ses compatriotes. Pen-
dant de longues années, au milieu de difficultés sans
nombre, il avait parcouru toute la Finlande jusqu'aux pro-
vinces russes, vivant avec les paysans, triomphant, à force
de bienveillance et de simphcité de manières, de leur ré-
serve et parfois de leur hostiUté, notant avec soin les
poèmes récités à la veillée, par des chanteurs (laulaja,
runoja) qui, à cheval sur un banc, en face l'un de l'autre,
se tenant aux poignets et se balançant en avant et en
arrière, récitaient alternativement leurs strophes, toutes
d'un mètre unique et de contenu souvent analogue, le
dernier chanteur reprenant en d'autres termes ce qu'a dit
le premier et y ajoutant quelque trait nouveau, repris à
son tour par son compagnon. Ce que disaient les poèmes
de ces paysans ? C'étaient la formation du ciel et de la terre
et la naissance de Vâinâmôinen, le chantre éternel, ou les
incantations et les formules par lesquelles l'homme supé-
rieur (le Schamane) dompte les éléments, triomphe de ses
ennemis, guérit les maux et ferme les plaies (malédiction
contre le fer, cause de la blessure), ou encore des préceptes
sur les devoirs des époux (conseils à la fille de Pohjola),
des idylles tristes (la mort d' A ino), des événements tra-
giques (les amours et la mort de Kullervo) ou enfin les
luttes de héros qui combattent plutôt par des moyens ma-
giques que les armes à la main.
Tous ces poèmes, si divers de provenance et d'âge sur-
tout, les uns remontant à la plus haute antiquité, d'autres
datant de l'introduction du christianisme en Finlande,
Lônnrot les médita avec amour et, grâce à la forme du
vers (vers de huit syllabes, alhtérés) commune à tous, —
qui en faisait déjà l'unité extérieure, — grâce au retour
fréquent des mêmes héros, — qui en faisait comme l'unité
intérieure, — il réussit à les grouper de telle façon qu'ils
fussent liés les uns aux autres et que le rapport entre eux
(forcé parfois) parût assez clair et fît illusion au lecteur
sur l'unité du poème. Aède lui-même et diascévaste, il se
permit, et à meilleur droit, ce que se permettaient les aèdes
rustiques qui lui avaient livré ces chants, et il les modifia
à l'occasion, non en y introduisant des éléments étrangers,
mais par des combinaisons nouvelles et par l'intercalation
de tel ou tel fragment cpisodique, tiré d'une autre rune.
Trop poète et trop amoureux de son sujet pour se résoudre
à ne donner à ses compatriotes que des documents d'une
lecture fatigante, il était, d'autre part, trop savant et trop
consciencieux pour altérer les récits populaires de façon à
en diminuer l'authenticité et la valeur mythologique. Il
n'était pas et, venu trop tard, il ne pouvait être un Homère ;
il n'a pas voulu être un Macpherson, et ne s'est pas sou-
cié de donner un recueil analogue à l'Edda, par exemple,
qui jamais (la langue en fût-elle moderne) ne sera pour
les Scandinaves une épopée nationale, comme l'est le Kale-
vala pour les habitants de la Finlande.
Le contenu du Kalevala est déjà indiqué par ce qui pré-
cède; aussi bien il est dilficile de donner une analyse
exacte d'une épopée oti abondent les épisodes et les mor-
ceaux purement lyriques ou didactiques. On y reconnaît
cependant assez bien deux parties. La première a pour
sujet la conquête de la jolie fille de Pohjola (le Nord, la
Laponie), « gloire de la terre, parure de l'onde... resplen-
dissante dans ses vêtements blancs », par trois héros du
pays de Kaleva (la Finlande ?). Ces héros sont : le vieux
Wdinâmôinen^ le chantre divin qui personnifie la poésie
finnoise, llmarinen, l'habile forgeron du Sampo, sorte
de palladium convoité de tous, et Lemminkàinen, le
joyeux séducteur, auquel ne résistent ni femmes ni jeunes
filles. Ilmarinen, grâce à l'aide magique de la fille de Poh-
jola, l'emporte sur ses rivaux et l'on célèbre des noces
magnifiques, où Wâinâmôinen chante pour la première fois
l'origine de la bière, « l'illustre boisson née du houblon,
venue au monde avec le concours de l'eau et de la flamme
ardente ». La seconde partie est consacrée à la recherche
du Sampo, resté à Pohjola après le mariage d'Ilmarinen.
Les trois anciens rivaux s'unissent en cette expédition.
Après bien des luttes, où triomphe Wâinâmôinen, grâce à
sa puissance magique et au charme des chants qu'il dit en
s'accompagnant du mélodieux Kantele, les héros du Kale-
vala s'emparent du Sampo et s'enfuient sur la mer ; mais
la « mère de famille » de Pohjola, transformée en aigle,
les rejoint et le Sampo se brise, tandis qu'elle veut s'en
emparer. Elle ne peut en rapporter qu'un fragment à
Pohjola ; de là, la pauvreté de son pays.
La dernière rune (arrangée complètement par Lônnrot)
nous raconte lu très poétique histoire de la vierge Marjetta
(Marie) dont l'enfant miraculeux doit effacer tous les hé-
ros qui l'ont précédé. Devant lui se retire le vieux VVâi-
nâmôinen : il s'en va au loin sur la haute mer « à travers
les flots orageux, mais il laisse son beau kantele, son ins-
trument mélodieux, à la Finlande, il laisse à son peuple
ses runes sublimes pour sa joie éternelle».
Les mérites littéraires de cette poésie toute populaire,
toute de paysans, où Ton ne rencontre ni reines ni cheva-
liers, sont très réels malgré la bizarrerie des détails et
l'incohérence que révèle une lecture attentive. Certes, il
ne faut pas chercher là, la beauté, pour ainsi dire plastique,
des poèmes de l'antiquité. Ces peuples du Nord n'ont pas
su voir comme ceux du Midi, mais leur imagination, pour
singulière, grotesque même qu'elle puisse être, est riche,
et l'expression des sentiments est , chez eux , souvent
exquise. On trouve dans le Kalevala, et de façon à attirer
l'attention de ceux qui aiment la poésie, de touchants
épisodes, comme celui de la charmante Aïno qui ne peut
se résoudre à épouser le vieux Wâinâmôinen (runes 3 et
4), des épisodes tragiques, comme celui de Kullervo, qui
se tue à l'endroit où s'est suicidée la sœur qu'il a aimée
sans la connaître (runes 31 à 36), des chansons pleines de
charme en leur mélancolie et dignes d'inspirer des musi-
ciens autres que les Finlandais. Au point de vue de la
mythologie finnoise et comparée la valeur de ce poème est
indiscutable. Th. Cart.
BiBL. : Editions : Kalevala^ laikha Wanhoja Karjalan
Riinoja. ; Helsingissâ, 1835, 2 vol. in-12; Kalevala^ etc.,
1849, 1866, etc.
Traductions : en suédois par Lônnrot (Helsingfors,
1835-36) ; par Gastrén (Helsingfors, 1841) ; par Collan
(Helsingfors, 1864-68) ; en allemand par Schiefner (Hel-
singfors, 1852) ; par H. Paul (Helsingfors, 1885) ; en an-
Ëlais par Crawford (New York, 1889) ; en français par
eouzon-Leduc, dans la Finlande (Paris, 1815, 2 vol.) ;
puis sous le titre : le Kalevala^ en 1867 et en 1879 (Paris,
in-8 de 508 p.
Etudes critiques : Geffroy, la Finlande et le Kale-
vala, dans Revue des Deux Mondes, 15 janv. 1871. —
Palmén, l'Œuvre demi- séculaire de la Société de littéra-
ture finnoise ; Paris, 1882.— C.*:sAR,Das finnische Volks
Epos Kalevala ; Stuttgart, 1862. — Grimm, Kleinere Schrif-
ien; Berlin, 1866, vol. IL— Tettau, Ueber die epischen
Dichtungen der finn. Vœlker besonders die Kalevala ;
Erfurt, 1873. — Gook, The Kalevala, dans Contemporary
Review, 1885. — Clodd, The Kalevala; Knowledge, Lon-
dres, 1885. — Lang, Kalevala: Kustom andmyth; Londres,
1885. — J. Krohn, Kalevala Sludier^ Finsk Tidshrift,
1886, etc. — Enfin le très important ouvraj^çe de Domenico
CoMPARETTi, Der Kalewala oder die traditionelle Poésie
der Finnen ; Halle, 1892, in-8 de 337 pp.), et de nombreux
travaux en finnois publiés séparément ou dans des revues.
KALEVI POEG, filsdeKalev ou Kaleva, et principal héros
des poèmes de TEhstonie . Ces poèmes ont été publiés par
Kreuzwald, avec une très médiocre traduction allemande de
Reinthal, à Dorpat (4857 à 1861). Kreuzwald a détruit
tous les papiers qui lui avaient servi à établir Tépopée de
Kalevi Poeg et, comme il en avait usé très librement avec les
matériaux qu'il avait à sa disposition, il est impossible de
mettre le Kalevi Poeg au même rang que le Kalevala et de le
considérer comme un produit national. Le Kalevi Poeg compte
vingt chants et environ vingt mille vers, semblables à ceux
du Kalevala, octosyllabes et allitérés. Le fils de Kalev est
un bon géant qui délivre sa mère des prétendants qui l'en-
tourent. Mais celle-ci, frappée de la foudre, est changée en
rocher. Son fils se met à sa recherche et, après de nom-
breuses aventures, arrive sur une île, où il rencontre une
jeune fille qu'il aime, mais qui se jette à la mer en appre-
nant qui il est. De retour en son pays, il succède à son
père. Il descend plus tard aux enfers, s'en va en Laponie,
retourne aux enfers, vainc le diable, mais se retire devant
des hommes de fer qui viennent de la Scandinavie. Il meurt,
mais il reviendra un jour. Th. Cart.
BiBL. ; Kalevi Poeg... ; Kuopio, 1862. — Verhandl., der
gelehrt. ehstn. Gese'Uschaft; Dorpat, 1857-61. — Schief-
ner et WiEDErjANN, Bericht ûber Kreuz'walds Kalevi Poeg
dans Bullel. de l'Acad, de Saint-Pétersbourg, 1860, II. —
Schiefner, Ueber die ehstn. Sage v. Kalevi Poeg, dans Mé-
langes russes, IV. — Schott, Die ehstn. Sage v. Kalevi
Poeg, dans Abhandl. d. Acad. d. Wissensch. ; Berlin, 1862.
KALFF (Willem), peintre hollandais, né à Amsterdam
probablement en 1622, mort à Amsterdam le 1^^ août 1693.
Elève d'Hendrick Pot, Kalff vécut à Amsterdam et peignit
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
'>^S - KALEVALA - KÂLÎ
des tableaux d'histoire jusqu'à la mort de son maître
(1656); mais, à partir de ce moment, il ne peignit plus
que des fleurs, des fruits et des natures mortes, et il y
trouva sa réputation ; on l'a appelé le peintre des cuisines.
Il fit une grande étude des fruits et des coquillages, et il
s'appliqua beaucoup à la peinture des métaux. Il était
recherché de son temps et comme homme et comme artiste.
Son morceau le plus célèbre se trouve dans une collection
particulière à Leyde : Vases de marbre et melon coupé
en deux; Natures mortes, à Dresde (1661), à Francfort
(1613), à Weimar(1680), à l'Ermitage de Saint-Péters-
bourg, à Darmstadt, à Gotha, à Stuttgart, à Karlsruhe,
au Metropolitan Muséum et à l'Historical Society de New
York; une Cuisine, à Lyon (1659); un Intérieur de
cuisine rustique, à Montpellier; une Nature morte, à
Amsterdam, achetée 25 florins en 1821 ; au Louvre, Inté-
rieur d'une chaumière, provenant de la collection de
Boucher et acquis à sa vente en 1771 pour 600 livres.
Plusieurs tableaux de Kalff" ont été gravés par F. Basan :
Bénédicité hollandais. Batteuse de beurre.
KALGAN. Nom mongol de la ville qui s'appelle en chi-
nois Tchang-kia-keou. Kalgan se rattache administrative-
ment à la préfecture de Siuen-hoa-fou, dans la province de
Pe-tche-li ; elle est située au pied de la Grande Muraille
extérieure qui la séjpare des vastes plaines mongoles ; la
grande route de Péking à Ourga et à Kiakta y passe. On
lui donne de 70,000 à 200,000 hab. en partie musulmans,
mais presque tous Chinois. L'art. 13 du traité de Saint-
Pétersbourg (24 févr. 1881) autorise, à titre exceptionnel,
les marchands russes à s'établir à Kalgan, quoiqu'il n'y
ait pas de consulat de leur nationalité dans la cité; les
négociants qui ont profité de cette permission s'occupent
principalement du commerce du thé qu'on exporte en Si-
bérie sous la forme de briques comprimées. Ed. C.
KALGOUIEV (Kolguev). Ile de l'océan Glacial, dépen-
dant de la Russie, gouv. d'Arkhangelsk; à 120 kil. N.-E.
de la presqu'île de Kanin; elle mesure 3,496 kil. q. Ses
rochers couverts de toundras sont peu accidentés. Le sol
ne dégèle en été qu'à une profondeur de 60 centim. La
flore compte 110 espèces dont les principales sont le Coch-
learia oblongifolia, des airelles, des ronces dont les fruits
ne peuvent mûrir, des saules rampants, etc. La population
se compose d'une centaine de Samoyèdes. En 1767, on y
établit 70 raskolniks qui moururent de froid. On y chasse
en été les oiseaux et les animaux à fourrures ; on exploite
le guano sur la côte.
KALI (Chim.) (V. Soude).
KÂLI (proprement Kâlî, la Noire). Ce mot, qui désigne
dans les Védas l'une des sept langues d'Agni, est devenu
dans le système brahmanique l'un des noms de Devl (V. ce
nom), l'épouse de Siva, sous sa forme farouche. Comme
telle, Kâli se confond souvent avecDourgâ, autre forme ter-
rible de la même déesse. Elle est ordinairement représentée
sous la forme d'une femme noire, à l'aspect hideux, aux
seins pendants, à la langue tirée, dégouttante de sang, en-
cerclée de serpents, enguirlandée de crânes : de ses deux
mains gauches elle tient un cimeterre et une tête coupée,
des deux autres elle fait le geste qui rassure et celui qui
exauce. C'est la figure la plus extraordinaire du Panthéon
hindou et en même temps une des plus populaires, sur-
tout au Bengale. D'après certains étymologistes , c'est
elle qui aurait donné son nom à Calcutta (en bengali Kâli-
katta). Elle a également un temple près de Nasik, réputé
dans le pays mahratte. Mais son sanctuaire le plus célèbre
est dans les Vindhyas (d'où son nom de Vindhyavâsinî,
l'habitante des Vindhyas) , à l'endroit où ces montagnes
se rapprochent du Gange, aux environs de Mirzapour.
Le sang y coule toujours devant l'image de la déesse.
Jadis on lui faisait des sacrifices humains. Un poème prâ-
crit du vni^ siècle, le Gaiklavaho, nous décrit ce même
temple : entouré d'essaims d'abeilles, hanté de chacals,
surmonté de rouges bannières, sa porte ornée de clo-
chettes et ses cours intérieures étaient journellement inon-
25
KALI — KALINA
— 386 —
dées de sang humain ; autour se tenait un marché de
chair humaine pour servir d'offrande à la déesse : on lui
offrait aussi des chevaux. Si jamais culte indien semble
d'origine aborigène, c'est bien celui-là. Le temple se trou-
vait dans le pays des Savaras, sauvages à peine vêtus de
quelques feuilles, et le poème nous montre les femmes des
tribus environnantes s'empressant autour des victimes qu'on
sacrifie. Les contes insistent sur les dangers autant que
sur les mérites du pèlerinage et sont pleins de récits de
caravanes pillées par les Savaras ou les Bhils et de prison-
niers gardés pour être offerts en sacrifice à Kâli. Les pèle-
rins chinois nous racontent des histoires du même genre :
rappelons par exemple l'histoire de ces pirates du Gange
qui voulaient sacrifier ainsi Hiouen-tsang et qu'il aurait
convertis (trad. Stan. Julien, I, p. 447). De nos jours,
c'est encore au nom de Kâli que la sanglaufe confrérie des
Thags prétendait immoler ses victimes. Son culte est tou-
jours répandu dans les basses classes, particulièrement au
Bengale, et c'est lui qui sert de prétexte aux rites tan-
triques les plus extravagants et les plus licencieux. Sa fête
principale s'appelle au Bengale le Dourga-Pouja : ce sont
les saturnales de l'équinoxe d'automne : on y célèbre par-
ticuhèrement sa victoire, sous la forme de Dourgâ, sur le
démon Nahicha, moitié homme et moitié buffle. Une autre
fête se tient le jour de la nouvelle lune du mois de Sra-
vana (juil.-aoïît) pour propitier les huit (ou soixante-quatre)
yoginis (magiciennes ou sorcières) qui servent de cortège
à KâH. A. FoucHÉ.
KALIAZIN ou KALJASIN. Ville de Russie, gouv. de
Tver, ch.-l. de district, au confluent de la Jabnia^et de la
Volga; 5,500 hab. Grande foire au 8 sept, (laines). —
Le djstrict a 3,000 kil. q. et près de 420,000 hab.
KÂLI DA8A (proprement Kdli-dâsa, serviteur de Kàli), le
plus célèbre des poètes hindous de l'époque classique. La
tradition le fait vivre à la cour de Vikramâditya d'Oujjayinî
au i*^*" siècle avant notre ère : il ne saurait être en tout cas
postérieur au début du vii^ siècle ap. J.-G. : on incline généra-
lement à le placer dans la première moitié du vi®. Des légendes
se sont chargées d'expliquer son nom : d'abord bouvier, de-
venu parla vengeance d'un ministre l'époux d'une orgueil-
leuse princesse, il aurait dû l'éveil soudain de son génie à
la déesse Kâli. Il serait mort, tué par l'une de ses maîtresses
qui voulait s'assurer la récompense promise par le roi à
quiconque terminerait une stance commencée par lui, ce
qui n'avait été qu'un jeu pour le poète. Il doit sa réputa-
tion en Europe à son drame de Sakountalâ, révélé par
W. Jones à la fin du siècle dernier et qui excita à si haut
point l'admiration de Gœthe (traduit par M. Bergaigne en
coUab. avec M. P. Lehugeur, Paris, 4884). On a encore de
lui deux autres pièces de théâtre : une comédie de harem,
Mâlavikâ et Agnimitra^ et Vikramorvasî (titre qu'on
a traduit par « le Héros et le Nymphe ») qui met en scène
une des plus anciennes légendes de l'Inde, l'histoire des
amours du roi Pouroûravas et de l'Apsaras Ourvasî. On
attribue encore à Kàlidasa deux poèmes épiqies, l'un en
49 chants sur la race de Raghou (Raghu-vamça), l'autre
en 46 chants sur la naissance du dieu de la guerre [Ku-
mara-sambhava), et une élégie amoureuse, le Megha-
diita ou le Nuage messager, où un génie exilé confie à un
nuage un message d'amour pour sa bien-aimée. L'attri-
bution du Ritusamhâra (la Ronde des saisons) et du
Nalodaya (la Restauration du roi Nala) est plus douteuse.
Citons enfin un ouvrage de prosodie, le Çrutabodha. Les
critiques européens s'accordent à reconnaître dans Kàli-
dasa la grâce des images et la délicatesse des sentiments ;
surtout ils le louent d'avoir su, mieux qu'aucun poète
indien de l'époque classique, se préserver de l'affectation
et du mauvais goût. D'après un dicton courant parmi
les pandits, la qualité pour laquelle il est le plus prisé
dans l'Inde serait le bonheur extraordinaire de ses com-
paraisons. Ses œuvres ont été traduites en français par
fauche. A. Foucué.
BiBL. : S. Lévi, le Théâtre indien; Paris, 1890,
KALI DE (Theodor), sculpteur allemand, né à Kœnigs-
hûtte (Haute-Silésie) le 8 févr. 4804, mort le 26 août
4863. Fils d'un inspecteur de forges, il commença par
travailler à la fonderie de fer de Gleiwilz, puis il entra
dans l'atelier de Schadow, à Berlin, et acheva de se for-
mer dans celui de Rauch. Il s'est attaché de préférence à
la reproduction de la nature animale, témoin son Lion
mourant, du monument de Scharnhornst (église des Inva-
lides, à Berlin), ses deux Cerfs au repos, et son groupe
de bronze de l'Enfant au Cygne, à Charlottenbourg.
Après un voyage en Italie, où Michel-Ange et la Benais-
sance le soUicitèrent plus que les antiques, il exécuta, en
marbre de Carrare, sa fameuse Bacchante sur une pan-
thère (Galerie nationale de Berlin), puis la statue colos-
sale du ministre von Reden, à Kœnigshûtte, V Enfant
aux prises avec un bouc, et la Madone à l'Enfant, sa
dernière œuvre. Il avait fait également, pour Frédéric-
Guillaume III, un grand soubassement où étaient repré-
sentées en relief les huit Provinces de la Prusse.
KALÎLA ET DiMNA. Recueil de fables d'origine hindoue,
s'emboîtant les unes dans les autres. Le narrateur est le
philosophe Pidpay ; il donne à un roi des préceptes moraux
qu'il appuie par des exemples. Les personnages des fables
sont des animaux, mais ces animaux ont une vie tout hu-
maine. Bentey remarque là l'influence de la croyance en la
métempsycose. Il est certain, en effet, que ce Hvre nous
vient des Indes. On retrouve des traces de son origine dans
la Pantchatantra et le Mahâbhârata, Les auteurs orien-
taux racontent que le roi de Perse Nouchirèvân, sur les in-
dications de son fameux vizir Bouzourdjmêhir, envoya le
médecin Barzoûyeh dans l'Inde pour se procurer un exem-
plaire de cet ouvrage. Barzoûyeh réussit et le traduisit en
pehlevi vers l'année 570 de J.-C. Deux siècles plus tard à
peine, Abd Allah ibn Al-Mouqaffâ, musulman, fils d'un
sectateur de Zoroastre, traduisit en arabe la version pehle-
vie, non sans y faire entrer beaucoup d'éléments arabes.
Le livre de Kalîla et Dimna eut dès lors un succès gran-
dissant. Il passa en plusieurs langues. Les versions persanes
les plus célèbres sont VEnuâri-Souhaylî de Hoseïn Vaïz
Kàchéfi, Vlydri Ddnich d'Aboû'l-Fazl. Une version grecque
de Simon ben Seth, datant de 4 080 à peu près, fut traduite
en italien cinq cents ans plus tard. Jean de Capoue, juif
converti au christianisme, fit passer en latin une vieille
version hébraïque vers 4270, sous le titre de Directo-
rium humanœ vitœ. Raymond de Béziers fit une tra-
duction latine d'une version espagnole et la dédia à la reine
Jeanne de Navarre en 4313. Dès lors, le livre de Kalîla
et Dimna passa dans toutes les langues de l'Occident.
BiBL. : Silvestre de Sacy, Cailla et Dimna ou Fables
de Bidpai en arabe, précédées d'un mémoire sur Vorigine
de ce livre et sur les diverses traductions qui en ont été
faites dans IVrient ; Paris, 1816, in-4. — Le Rév. Wyn-
DHAM Knatchbull, Kalîla and Dimna, or ihe Fables of
Bidpai, translated from the arable; Oxford, 1819. — Holm-
BOE, Calila itnd Dimna, eine Reihe moralischer und poli-
tischer Fabeln des Philosophen Bidpai ; Christiania, 1882.
— GuiDi, Sludii sul testo arabo del libro di Calila e Dimna,
— Keith-Falconer, Kalilah and Dimnah, or the Fa-
bles of Bidpai, being an account of their literary history,
-with an Englisfi translation of the Inter Syriac version of
the same, and notes ; Cambridge, 1885.
KALINA (Mathias), chevalier de Jœthenstein, savant
tchèque, né à Budejovice en 477^2, mort en 4848. Il fut
avocat et secrétaire de la Société royale des sciences de
Prague, et rédigea de 4838 à 4846 un journal d'agricul-
ture. On lui doit en outre un important travail sur les
Lieux de sacrifices et les Cimetières des tchèques païens
(Prague, 4838) et des Notices sur les écrivains et sa-
vants tchèques (Prague, 4818-27, 3 vol.). L. L.
KALINA (Jaroslav), poète tchèque, né à Hajda en 4846,
mort à Prague en 4847. Après avoir étudié le droit, il se
consacra entièrement à la httérature. Il mena une vie mi-
sérable et mourut à l'hôpital. Certaines de ses poésies eurent
un grand succès. L'une d'entre elles, Ksaft, « le Testa-
ment », fut vendue à 40,000 exemplaires. Dispersées dans
divers recueils, elles furent réunies après la mort de Pau-
— 387 -
KALINA - KÂLKBRENNER
teur (Prague, 1852, V^ éd. ; ^"^ dans h Bibliothèijue
nationale de Kober, Prague, 4874). Elles sont d'un style
fort inégal ; mais elles attestent un réel talent. Ses ballades
sont particulièrement remarquables. L. L.
KALINADI. Rivière de rM(l^(V. ce mot, t. XX, p. 672).
KALINCAK (Janko), littérateur slovaque, né dans leN.
de la Hongrie en 4822, mort en 487 1 . Il débuta fort jeune
dans la littérature slovaque, et termina ses études à Halle.
Après avoir enseigné quelque temps la philosophie, il devint
directeur du gymnase évangélique de Teschen. Il a écrit
des poésies, des nouvelles historiques inspirées par celles
de Czajkowski (V. ce nom), dirigé un recueil, ràigle^eic.
BiBL. : J. Vlcek, Histoire de la littérature slovaque (en
slovaque) ; Saint-Martin, 1890.
KALINKA (Valérien), historien et publiciste polonais,
né en 4826, mort en 4886. Il rédigea avec M. Julian
Klaczko les Ephëmërides polonaises (Wiadomosei Polskie)
(Paris, 4857-60, en poL, depuis traduites en français).
Ce journal propageait les opinions modérées du parti con-
servateur de l'émigration polonaise (hôtel Lambert). En
4868, Kalinka publia : les Dernières Années de Stanislas
Auguste (en pol. ; 4787). Cet ouvrage a été couronné
par la Société historique et littéraire polonaise à Paris. En
1868, il entra dans Tordre des FF. résurrectionistes.
Envoyé en Galicie, il commença en 1877 son grand ou-
vrage, la Grande Diète (Sejm Czteroletni), dont il publia
un Volume en 4880. C'est une étude magistrale des graves
événements politiques dont la Pologne fut le théâtre (1 788-
92). Elle ne fut pas terminée. Kalinka consacra les der-
nières années de sa vie à une œuvre religieuse et politique :
il fonda à Lemberg l'internat pour les jeunes Ruthènes
uniates. On lui doit encore : la Galicie et Cracovie sous
la domiîiation d'Autriche (Paris, 4833; en pol.); Vie
du général Chlapowski (Cracovie, 4884; en pol.).
BiBL. : Comte Stanislas Tarnowski, rA65éy.KaU?i/ea;
Cracovie, 1887.
KALINOWSKI (Martin), général polonais du xvii^ siècle.
Après avoir fait ses études à Louvain, il entra dans l'ar-
mée, combattit les Moscovites, les Tatares, les Cosaques, et
se distingua notamment à la bataille de Berestetchko. Il fut
tué en combattant contre les Cosaques à Batog (4652).
KALIO ou BEHOSY. Peuplade sauvage du centre de
Madagascar, dans les monts Baliama, à l'E. du plateau cen-
tral. Ce sont des noirs qui vivent dans les bois et semblent
descendre des aborigènes de l'île.
KALI0U8 ou KELIOUB. Ville d'Egypte, ch.-l. de pro-
vince, à 4 kil. rive droite du Nil, 47 kil. N. du Caire;
c'est l'ancienne Héliopolis (V. ce mot).
KALIR ou KALIRl (Eléazar ben), poète hébreu du
vm^ siècle, né à Kiriat-Séfer. On ne connaît exactement ni
la date de sa naissance ni celle de sa mort. Il fut un des
premiers et un des plus remarquables de cette série de
poètes juifs appelés païtanim (de Tcoirixriç) qui, familia-
risés avec la versification arabe, en ont introduit, dans la
poésie hébraïque, les principales règles, notamment la di-
vision en vers de longueur fixe, la rime et l'acrostiche. Cetie
poésie hébraïque est devenue avec Kalir ce qu'on a appelé
la poésie synagogale ou néo-hébraïque et dont les chants
désignés sous le nom de Piyyoutim ont pris, dans les
offices religieux, la place des prédications haggadiques.
Kalir a été un des plus féconds de son école. Il a laissé
cent cinquante chants liturgiques. Au point de vue lit-
téraire, son œuvre n'a qu'une médiocre valeur. Le style
en est obscur et les images forcées. Mais ces défauts n'em-
pêchèrent pas les poésies de Kalir de pénétrer dans la litur-
gie de toutes les communautés de France, d'Allemagne et
d'Italie, ni sa réputation de grandir démesurément. Son
nom devint l'objet d'une vénération enthousiaste, et la lé-
gende, se donnant à son sujet libre carrière, alla jusqu'à
attribuer à son inspiration poétique une origine surnatu-
relle. S. Debré.
BiBL. : Frankel, Monatsschriff, année 1859, p. 437. —
Gr/etz, Geschichle des Juden, V, cii. vi.
KALI-SINDH (V. Sindhnoir).
KALfSZ. Ville delà Pologne russe, ch.-l. du gouverne-
ment de ce nom, sur la Prosna, affluent gauche de la
Wartha; 20,000 hab. Vieilles églises, belles proiï^^nades;
cuirs, draps; foires importantes. C'est une des plus an-
ciennes villes de Pologne, qu'on identifie avec Kalésia,
ville suève citée par Ptolémée ; on a trouvé beaucoup d'an-
tiquités aux environs (un beau bronze grec) ; le long de
la PrOsnasont de nombreux tumuli. Le 29 oct. 4706, le
roi Auguste y défit le général suédois Mardefeld, ce qui lui
rendit ses Etats. Le 43 févr. 4843, Alexandre 1^^ y con-
clut un traité d'aUiance avec le roi de Prusse, et c'est de
Kalisz qu'ils lancèrent leur manifeste aux Allemands
(25 mars 4843).
Le gouvernement de Kalisz a 44,374 kil. q. et 884,798
hab., soit 78 par kil. q. (en 4894). Il s'étend entre la Prusse
au N. et à rO., les gouvernements de Varsovie au N.-E. et au
S., dePiotrkov au S.-E. C'est une plaine parcourue parla
Wartha et ses affluents Vida vka, Ner, Prosna, celle-ci for-
mant frontière. Le sol, tantôt sablonneux, tantôt alluvial,
(au N.), est fertile et bien cultivé. Les catholiques repré-
sentent les 4/5 de la population, les protestants, juifs, or-
thodoxes et musulmans, forment le reste. Sa population
est essentiellement agricole. Elle possède 70,000 chevaux,
430,000 bœufs, 240,000 moutons, 480,000 pores. On
compte environ 600 fabriques occupant 7,000 ouvriers.
Le commerce est aux mains des juiîs et se fait en grande
partie dans les 260 foires annuelles. Le gouvernement se
divise en huit districts : Kalisz, Kolo, Konin, Leczyca, Sje-
radz, Slupzy, Turek, Wielun. A.-M. B.
KALIX-Elf. Fleuve de Suède, prov, de Norbotten,
400 kil. ; bassin de 20,300 kil. q. Il sort au pied de l'Ivars-
ienex, des lacs de Pajtasjaur et Kalasjorvi, reçoit le Koï-
tom-elf, un bras du Torneâ-elf le toranto-elf, l'Angesâ
et finit dans le golfe de Botnie.
KÂLI-YOUGA {Age de Kdlï), du nom du démon Kàli
en qui se personnifie l'esprit du mal et de la mauvaise
chance au jeu : âge de fer de la mythologie hindoue, c'est
celui que nous traversons en ce moment. Il a commencé
en l'an 3404 de notre ère, quand Krichna est remonté au
ciel : il doit durer 432,000 années humaines (V. Youga).
KALK. Ville de Prusse, district de Cologne, à TE. de
Deutz; 42,000 hab. C'est une cité industrielle fondée en
4845; fonderies, forges, hauts fourneaux, fabriques de ma-
chines, de produits chimiques, de dynamite, de poteries, etc.
KALKAR (Johann-Stephan von) (V. Calcar).
KALKBRENNER (Christian), musicien allemand, né à
Minden (Hanovre) le 22 sept. 4755, mort à Paris le
40 août 1806. Attaché successivement à la musique du
landgrave de Hesse, à celle de la reine de Prusse, à Ber-
lin, puis du prince Henri de Prusse, à Rheinsberg, il vint
se fixer à Paris vers 4796 et fut nommé chef du chant à
l'Opéra. Avec Lachnith il attacha son nom au détestable
arrangement du Don Juan de Mozart, joué à l'Opéra en
dSOo, et aux pastiches intitulés Saill et la Prise de Jé-
richo, jouées au même théâtre et fabriquées avec des
morceaux de plusieurs auteurs. Ses propres compositions,
sonates, romances, opéras allemands et français, eurent
peu de succès et n'en méritaient point. Comme littérateur,
il a publié : Théorie der Tonsetzkunst (Berlin, 4789);
Kurzer Abriss der Geschichte der Tonkunst (Berlin,
4792); Histoire de la musique (Paris, 4802, 2 vol.), ou-
vrage plus que médiocre ; et enfin une mauvaise et incom-
plète traduction du Traité d'harmonie de Fr.-X. Richter
(Paris, 4084). M. Br.
KALKBRENNER (Friedrich- Wilhelm-Michael), pianiste
et compositeur allemand, fils du précédent, né à Cassel en
4784, mort à Enghien-les-Bains le 40 juin 4849. 11 com-
mença son éducation musicale en Italie, entra en 4798 au
Conservatoire de Paris, y obtint en 4801 deux premiers
prix de piano et d'harmonie, et se perfectionna à Vienne
en étudiant le style d'exécution de Clementi. Revenu à
Paris en 1806, il s'y fit une situation brillante par son
talent de virtuose et de professeur, et trouva les mêmes
KALKBRENNER — KALMA
— 388 -
succès à Londres, où il vécut de J814 à 1823. Il s'y as-
socia à Logier pour l'établissement de cours de musique
selon la méthode du « chiroplaste » . Après un long voyage
de concerts en Allemagne, il se fixa à Paris, et s'associa
à Camille Pleyel pour l'exploitation de la célèbre fabrique
de pianos qui porte ce nom. Ses compositions, au nombre
d'environ 420, consistent en concertos, sonates, études,
fantaisies et morceaux d'ensemble pour le piano, plus un
Traité d'harmonie du pianiste (Paris, 1849, in-fol.).
BiBL. : L. BoiviN, Kalkbrenner^ s. 1. n. d., in-8, extr. de
la Revue générale biographique^ politique et littéraire^ 1842.
KÂLKI. Avatar (V. ce mot) à venir de Vichnou : on
peut l'appeler le Messie du brahmanisme. A la fin du
kali-youga (V. ce mot), il apparaîtra tel qu'il est repré-
senté, blanc, sur un cheval blanc, et l'épée à la main pour
mettre un terme aux maux et aux vices de cet âge et inau-
gurer un nouveau cycle de quatre yougas .
KALL (Abraham), historien danois, né à Copenhague
en 1743, mort en 1821. Son père, orientaliste de valeur,
lui fit donner une excellente instruction. Bibliothécaire de
l'université dès 1765, il remplit ces fonctions jusqu'en 1780.
Il fut nommé alors professeur d'histoire. En 1811, il était
conseiller d'Etat. Son Histoire universelle (Verdens his-
toria), publiée en 1776, est restée pendant longtemps en
usage dans les écoles du Danemark.
KALLANDSÔ ou OVALDINGSO. Ile méridionale du lac
Wener (Suède); 64 kil. q.; 2,000 hab. (com. d'Otter-
stad) ; château de Lâckô.
KALLAY (Benjamin de), homme d'Etat hongrois, né dans
le comitat de Szabolcs le 22 déc. 1839. Membre de la Diète
hongroise en 1867, il prit rang dans la fraction conserva-
trice du parti Deak. En 1869, M. de Beust le nomma consul
général de Belgrade. Ces fonctions, qu'il conserva pendant
six ans, le mirent à même d'étudier à fond, par de fré-
quentes explorations, non seulement la Serbie, mais la
Bosnie. De retour à Budapest en 1875, il occupa de nou-
veau un siège de député et fonda le journal conservateur,
Kelet népe (Peuple de l'Orient). En même temps il impri-
mait son ouvrage capital, fruit de ses recherches, l'His-
toire des Serbes (1876), que M. Schwicker traduisit du
magyar en allemand l'année suivante. En 1878, M. de
Kallay fut ministre plénipotentiaire, membre, pour l'Autri-
che, de la commission internationale de la Roumélie orien-
tale. Chef de section au ministère des affaires étrangères
(1879), il fit en 1881 l'intérim de ce ministère à la
mort du comte Haymerle. En 1882, il devint ministre
des finances dans le ministère commun aux deux moitiés de
la monarchie, et administrateur de la Bosnie et de l'Her-
zégovine, provinces oti il fit beaucoup de réformes. Outre
son ouvrage essentiel cité plus haut, on doit à M . de Kal-
lay : la Politique orientale de la Russie (1877); la
Situation de la Hongrie relativement à rOrient, et
une traduction de Essay on Liberty de Stuart Mill.
KALLENBACH (Georg-Gottfried), architecte et dessina-
teur allemand, né à Gaudenz en 1805, mort à Bamberg en
1865. Après avoir d'abord étudié le droit, il se tourna
vers l'art et parcourut toute l'Allemagne, eu quête de ma-
tériaux pour son grand ouvrage, Recueil de modèles
d'architecture^ qui occupa sa vie entière et qui fut acheté
par le nouveau musée de Berlin. On lui doit, en outre,
une suite de planches chronologiques sur V Ancienne
Architecture allemande (1847); un Album de l'art au
moyen âge, et, en collaboration avec Jacq. Schmitt, V Ar-
chitecture chrétienne en Occident.
KALLENBACH (Joseph), savant polonais, né à Kamie-
niec Podolski (Russie méridionale) le 24 nov. 1861. Il fit
ses études universitaires à Cracovie, Leipzig, Munich et
Paris. Il débuta par les traductions de Lucrèce et de Pro-
perce (1881) et, après avoir obtenu le grade de docteur
en philosophie à l'université de Cracovie, en 1884, il se
voua à l'étude de l'histoire de la littérature polonaise. En
1887, il fut reçu par l'université de Cracovie comme pro-
fesseur agrégé (privat-docent) de littérature polonaise.
En 1889, ilfutnommé, parle gouvernement du canton de
Fribourg (Suisse), professeur ordinaire de littérature slave
à l'université de Fribourg. L'Académie des sciences de
Cracovie l'a élu membre correspondant le 9 mai 1893. Il
a pubHé : Etude sur les élégies latines de Jean Kocha-
nowski (en pol., Comptes rendus de VAcad, des sciences
de Cracovie; Cracovie, i882, vol. X); le Congé des am-
bassadeurs grecs de J, Kochanowski {id., 18^3) ; la
Quatrième Partie des Dziady de A . Mickiewicz (Cra-
covie, 1887, en prose) ; V Improvisation de Konrad
(3® partie des Dziady; Lemberg, 189 1 ) ; les Humanistes
polonais (Fribourg, 1892); Castus Joseph de Simon
Simonides et ses modèles (Cracovie, Acad. des sciences,
1893) et une édition critique ne varietur des Dziady
de A. Mickiewicz (Lemberg, 1895). L. L.
KALLENBERG. Château d'Allemagne, au haut d'une
colline de 475 m. d'alt., auN.-E. de Cobourg ; c'est la ré-
sidence préférée des ducs de Cobourg, depuis qu'Ernest I^^
l'a fait restaurer par Herdelofl'.
KALLENBERG (Anders-Hanssen), paysagiste et peintre
d'animaux, né en Scanie en 1834. Il n'étudia que tard à
Stockholm et séjourna pendant des années à Dusseldorf et
à Berlin. Le musée national de Stockholm possède un grand
nombre de ses peintures : Maison de paysans en Skanie,
Chaumière en Bleding^ etc.
KALLIWODA (Jean-Venceslas), compositeur tchèque,
né à Prague le 21 mars 1800, mort à Karlsruhe le 3 déc.
1866. Elève de Pixis au Conservatoire de Prague, il passa
presque toute sa vie à Donaueschingen, où il dirigeait la
musique particulière du prince de Furstenberg. ifa écrit
7 symphonies, 13 ouvertures et de nombreux concertos,
qui ont été publiés à Leipzig. Le total de son œuvre dépasse
150 compositions, tant instrumentales que vocales, qui
ont eu de la réputation en Allemagne. Kalliwoda n'a écrit
qu'un seul opéra, Blanda, joué à Prague en 1847. —
Son fils, Wilhelm, né à Donaueschingen le 19 juil. 1827,
mort à Karlsruhe le 8 sept. 1893, se fixa à Karlsruhe en
1853 comme maître de chapelle et chef d'orchestre et
prit sa retraite de ces fonctions en 1875. Il a publié des
œuvres de piano, des lieder et une symphonie.
KALM (Per), naturaUste suédois, né à Angermanie en
mars 1716, mort le 16 nov. 1779. Kalm étudia tout d'abord
la théologie à Abo, mais son penchant pour les sciences
naturelles était si marqué que ses maîtres eux-mêmes l'en-
gagèrent à abandonner la théologie pour la botanique. Il
fut recommandé au baron Sten Cari Bjelke qui le prit chez
lui, et aux frais duquel il fit ses premiers voyages scienti-
fiques dans le S. de la Finlande d'abord (1740), puis,
l'année suivante, dans diverses provinces de la Suède. C'est
alors qu'il rencontra Linné et qu'il s'inscrivit à Upsal par-
mi ses auditeurs. En 1745, avant qu'il eiît conquis ses der-
niers titres académiques, il fut nommé membre de l'Acadé-
mie des sciences et en 1747 on l'appela/omme professeur
d'histoire naturelle à l'université d'Abo. Cependant le
baron Bjelke ayant proposé à l'Académie des sciences, d'ac-
cord avec Linné, d'envoyer dans l'Amérique du Nord un
savant suédois pour recueillir dans ce pays les plantes non
encore connues ou qui pourraient être utilement transplan-
tées en Suède, on chargea Kalm de cette mission. Il partit
en automne 1747 et prolongea son séjour en Amérique jus-
qu'en 1751, réunissant un nombre considérable d'obser-
vations consignées dans son ouvrage intitulé Un Voyage
dans l'Amérique du Nord {En resa till JSorra Ame-
rika). De cet ouvrage, les trois premiers volumes seuls
ont paru ; les quatre autres volumes, restés à l'état de
manuscrits et légués par le savant à son successeur à Abo,
brûlèrent dans l'incendie de l'université. Une lettre de Kalm
à Franklin sur les chutes du Niagara, rendue publique et
traduite en plusieurs langues, avait fait connaître le nom
du savant suédois dans toute l'Europe. Kalm fonda le jar-
din botanique d'Âbo ; il y cultivait un grand nombre de
plantes rapportées d'Amérique. Th. Cart.
KALM A (Mythol. finnoise). Ce mot signifie proprement
389 -
KALMA
KÂLNOKY
la « pâleur de la mort ». Kalma est un esprit malin (sy-
nonyme de Hiisi et de Tuoni), qui règne sur les habitants
des tombeaux. Ceux-ci, en effet, selon certaines traditions
finnoises, revivent d'une autre vie, errent dans les cam-
pagnes, visitent les vivants et, trop souvent, leur font du
mal. Ils sont tous soumis à Kalma.
KALMAR (Union de) (V. Calmar).
KALMIA, I. Botanique. — (Kalmia L.). Genre d'Erica-
cées, du groupe des Rhodorées, de la série des Kalmiées
(Bâillon). Les fleurs sont régulières, pentamères, la corolle
hypocratérimorphe ou campanulée à dix étamineshypogynes
pourvues d'une anthère introrse à deux loges. L'ovaire est
libre, à cinq loges opposées aux pétales. Le fruit est une
capsule septicide, les graines sont albuminées. Les Kalmia
sont des arbustes à fleurs axillaires ou à grappes terminales,
originaires de l'Amérique du Nord et de Cuba. Les quatre ou
cinq espèces connues, K. latifolia L., K, angustifolia
L. et K, glauca Ait., etc., sont cultivées comme plantes
d'ornement. — Les étamines des Kalmia présentent cette
particularité curieuse qu'au moment de la pollinisation
elles se détachent par un mouvement brusque de la co-
rolle, à laquelle elles adhèrent par leurs anthères, pour
lancer le pollen et se rassembler autour du gynécée. Les
Kalmia paraissent doués de propriétés vénéneuses.
II. Horticulture. — Les jolis buissons de ce genre se
cultivent en pot ou en pleine terre de bruyère fraîche, à mi-
ombre. On les multiplie de boutures et mieux de graines.
Le semis, fait en terre de bruyère sableuse, est très légè-
rement recouvert de terre fine.
KALMOUKS (on dit aussi Kalmyks), Peuple de race
mongole, habitant par groupes isolés dans la Dzoungarie,
dans certaines régions de la Mongolie et du Tibet, ainsi
que dans le S.-E. de la Russie. Par leur type physique et
par leur langue, les Kalmouks se distinguent si peu des
Mongols proprement dits, qu'on les appelle aussi Mongols
occidentaux. Mais eux-mêmes se donnent le nom à'Euleut
ou Eleuthes et se divisent eu quatre grandes tribus: Tor-
gotes, Khochotes, Dzoungars ou Tchoross et Derbètes.
Les fragments de ces tribus sont dispersés un peu au hasard
des guerres et des migration s sur l'immense espace qui s'étend
de la Sibérie à Lhassa et du lac Koukou-nor aux bords de la
Yolga et du Don. Trois groupes compacts se dessinent ce-
pendant : les Kalmouks de la Volga (dans le gouvernement
d'Astrakhan) et du Don (dans le gouvernement de Stavro-
pol) ; les « Torgotes » de la Dzoungarie et leurs voisins les
Derbètes de la Mongolie occidentale, entre l'Altaï et le Tian-
chan ; enfin les « Euleuts » du pays de l'Alachan (Mon-
golie méridionale) et de la province du Koukou-nor, ainsi
que des régions avoisinantesdu Tibet. On trouve aussi des
groupes isolés de Kalmouks dans le Turkestan oriental, dans
la province de Semirietchensk (du Turkestan russe), dans
le Zaïdam (premier gradin du plateau du Tibet) et même
au voisinage de Lhassa. Le nombre total des Kalmouks
doit s'élever à 1 million d'individus environ.
Le type mongol est bien prononcé chez les Kalmouks,
qui n'ont pas subi de trop nombreux mélanges avec les
tribus turques, iraniennes ou ariennes. Ils sont en géné-
ral d'une taille au-dessous de la moyenne (d'^GS); leur
tête est légèrement arrondie, sous-brachycéphale (indice
céphalique 83 en moyenne chez le vivant) ; les cheveux
sont noirs et droits ; la barbe et les moustaches peu four-
nies ; la peau d'un jaune pâle ou brunâtre ; les pommettes
saillantes, les yeux peu fendus, bridés à l'angle interne,
parfois obliques, la paupière supérieure retournée en de-
dans ; le nez fin, petit, saillant ou écrasé ; la bouche petite,
La poitrine est large ; les jambes sont courtes par rapport au
tronc et un peu recourbées par suite de l'habitude de pla-
cer les enfants, dès leur naissance, à califourchon sur une
sorte de selle située au fond du berceau.
La plupart des Kalmouks sont des nomades-pasteurs
typiques. Le bétail, chameaux, moutons, chèvres, chevaux,
leur fournit non seulement la nourriture (lait et viande),
la matière première pour la préparation de vêtements et
la construction de demeures (laine et feutre), mais encore
les moyens de transport et le chauffage (bouses ou fumier
séché). Les Kalmouks habitent des tentes en feutre que l'on
peut construire ou démonter en une heure ; chaque tente est
occupée par une famille et sert d'unité pour la percep-
tion de l'impôt en Chine comme en Russie. Plusieurs tentes
constituent un aïmak et plusieurs aïmaks forment un oulous
ou khochoun (bannière), administré par un prince (van
ou noïon), sous la surveillance des employés russes ou chi-
nois, suivant les localités. La vie nomade a fait des Kal-
mouks un peuple insouciant, gai, honnête, indolent et pa-
resseux. La condition de la femme est meilleure chez eux
que dans d'autres tribus demi-civilisées ; le mariage se
conclut moyennant une petite redevance (kalym) chez les
Kalmouks volgaïques, sans cette redevance chez les Tor-
gotes de la Dzoungarie.
La langue kalmouk appartient à la famille des idiomes
agglutinatifs ; c'est une branche du mongol ; elle s'écrit avec
des caractères particuliers, semblables à l'écriture mongole
et dérivés du syriaque.
Les Kalmouks sont bouddhistes-lamaïtes de la secte des
« bonnets jaunes », fondée en 1537 parTsonkhavaou Tsoung-
ka-pa. Le lamaïsme leur fut prêché vers le commence-
ment du XVII® siècle (V. Bouddhisme). Mais à côté du boud-
dhisme, les Kalmouks ont gardé encore la plupart de leurs
anciennes pratiques chamanistes. En dehors de leurs voyages
annuels à travers les territoires délimités que possède
chaque tribu ou bannière (khochoun ou oulous), les Kal-
mouks ont exécuté de nombreuses migrations en masse,
dont l'histoire n'a enregistré que quelques-unes postérieures
au xv« siècle. La tribu des Khochotes émigra de sa patrie
primitive, l'Ala-chon et le Koukou-nor, vers la Dzounga-
rie au milieu du xv® siècle et s'avança jusque dans la haute
vallée de l'Irtych ; puis une partie de cette tribu entra au ser-
vice de Dalaï-Lama et s'établit dans le Tibet méridional. Les
Torgotes ont quitté leur pays, la Dzoungarie, en 1 6i 6, se por-
tèrent vers les steppes kirghiz et le Turkestan occidental et
arrivèrenten 1656 surlesbordsdela Volga. Au sièclesuivant,
en 1771, ils s'enfuirent de la Russie et ayant accompli le
fameux exode^ tant de fois décrit par les auteurs euro-
péens et chinois, revinrent dans leur pays d'origine, la
Dzoungarie. Les Tchoross ou Dzoungars n'ont occupé le
pays auquel ils donnèrent leur nom qu'après mainte péré-
grination à travers la Mongolie occidentale. Seuls parmi
les tribus kalmouks ils ont réussi à fonder un Etat plus ou
moins puissant, qui dura près d'un siècle et qui avait atteint
l'apogée de sa gloire sous le khan Goldan ; celui-ci con-
quit même le Turkestan oriental en 1678, mais sa puis-
sance se brisa dans le choc avec les armées chinoises quelques
années plus tard. J. Deniker.
BiBL. : Pallas, Sammlungen hîstorischer Nachrichten
uherdie MongolischeVœlkerschaften; Saint-Pétersbourg,
1776-1801, 2 vol. in4. ~ Bergmann, Nomadische Streife-
reienunterdenKalmeuken;R\g&^ 1804,4vol. in-16. — Kos-
TENKov, Renseignements sur les Kalm,ouks... dan s le gou-
vernement d Astrakhan ; Saint-Pétersbourg, 1870, in-è (en
russe). — HowoRTH, TheHistory ofthe Mongols; Londres,
1877, t. I, in-8. — Deniker, Etude sur les Kalmouks, dans
Revue d'anthropologie, 2« sér., t. VI, 1883 et t. VII, 1884. —
A. IvANOvsKY, les Mongols Torgosutes ; Izviestia ou Bul-
letin de la Soc. des amis des se. nat, de Moscou^ 1893,
LXXI, in-4 (en russe). — Pour plus de détails, V. l'art.
Mongols.
KALN 0 KY (Gustave, comte de), homme d'Etat autrichien,
né à Lettowitz (Moravie) le 29 déc. 1832. Après d'impor-
tants services diplomatiques à Munich, à Berlin et à Londres,
il fut nommé en 1871 ministre plénipotentiaire à Rome, d'où
il passa au même titre à Copenhague en 1874. Ambassa-
deur à Saint-Pétersbourg le 17 févr. 1880, il fut, l'année
suivante, par suite de la mort de Hay merle, appelé au
poste de ministre des affaires étrangères de l'empire austro^
hongrois. Il commença par resserrer Talliance que le comte
Andrassy et M. de Bismarck avaient établie en 1879 entre
les cours de Vienne et de Berlin. Il répondit d'autre part
favorablement aux avances du gouvernement russe, qui,
menacé par le nihilisme, croyait devoir se rapprocher de
KÂLNOKY
KAIAVARYA
390
rAUemagne et de rAutriche-Hongrie. De là l'entrevue des
trois empereurs à Skierniewice et l'entente qui s'ensuivit
(sept. d884). Mais l'hostilité latente qui existait depuis
longtemps et surtout depuis le congrès de Berlin entre les
cabinets de Vienne et de Saint-Pétersbourg ne tarda pas
à éclater, par l'effet des événements de Bulgarie (4885).
Après le renversement d'Alexandre de Battenberg, qui fut
l'œuvre de la Russie (août-sept. 1886), l'Autriche favorisa
de toutes ses forces le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg
qui, malgré l'opposition du tsar et du sultan, monta sur le
trône à Sofia (août 1887), et elle est parvenue jusqu'à
présent à l'y maintenir. Par contre, en Serbie, oii le roi
Milan, après sa défaite de Slivnitza, avait été soutenu par
la cour de Vienne (nov. 1885), Tinfluence russe prit le
dessus en mars 4889, époque où Milan dut abdiquer et
fut remplacé par son fils Alexandre. — D'un autre côté,
le comte de Kalnoky fut un des principaux auteurs de la
triple alliance conclue en 4883 entre l'Allemagne, l'Au-
triche-Hongrie et l'Italie, pacte qui, après avoir été renou-
velé pour quatre ans en 1887, le fut encore pour six ans
le 28 juin 1894. A. Debidour.
KÂLOCSÂ. Ville de Hongrie, comitat de Pest, près du
Danube; 16,000 hab. Archevêché (évcché fondé en 1000
et transformé en 1135 par Bêla II). Belle cathédrale du
xvïii® siècle ; palais archiépiscopal. Plusieurs couvents.
BiBL. : SiMONYï, la Ville deKulocsa et ses environs^ dans
Bull. Soc. hongr. de gfeogf?'., 1882,
KALOFER. Ville de Bulgarie, située sur la Toundja, au
pied des Balkans ; 4,000 hab. Elle fut détruite par les
Turcs en 1877. Fabrication d'étoffes de laine.
KALOUGA. Ville de la Russie, ch.-l. du gouvernement
de ce nom, sur la rive gauche de l'Oka, au confluent de la
ïatchenka; 40,640 hab. Elle a une trentaine d'éghses. C'est
un centre industriel, surtout pour la préparation des cuirs
et des fourrures ; librairies et imprimeries; gâteaux célèbres
dont la vente dépasse 1 miUion de roubles. Nombreux éta-
blissements d'instruction. Manufacture publique de poudre.
Kalouga existait en 4389, mais a trois fois changé de place
le long de ses rivières.
Le gouvernement de Kalouga a 30,929 kil. q. et
1 ,244,018 hab., soit40hab. par kil. q. (en 1891). 11 appar-
tient à la Grande-Russie et est compris entre le gouverne-
ment de Moscou auN. etN.-E., ToulaàTE., Orel au S. et
Smolenskàl'O. C'est une plaine fertile et bien cultivée, d'un
sol sablonneux ou argilo-sableux. Les terres labourées oc-
cupent 44 <^/o, les prairies et pâturages 18 ^/o, les bois
32 ^/o, les surfaces incultes 6 °/o de la surface totale. Au
N., on trouve le terrain jurassique; le reste appartient à
la formation carbonifère. Les mines de houille rendent peu.
On extrait beaucoup de fer qui est traité à Perm, du soufre,
de l'argile, de la pierre a bâtir; il y a des eaux sulfureuses
à Kramsk et Likhvin. La température moyenne est de+ 1 7°,
mais il gèle de fin novembre à mars. Dans la faune on cite
le rossignol de Kalouga. On cultive surtout le seigle,
l'avoine et les pommes de terre. Le bétail se monte à en-
viron 300.000chevaux, 320,000bœufs, 350,000 moutons,
plus de 200,000 porcs. L'industrie occupe 12, 000 ouvriers
dans 350 fabriques: papeteries, corroiries, distilleries, hui-
leries, fabriques d'allumettes, de machines. — Le gouver-
nement se divise en onze cercles : Kalouga, Malo-Iaros-
lavetz, Borovsk, Médyn, Mossalsk, Mechtchovsk, Jisdra,
Kozelsk, Likhvin, Peremouichl, Taroussa. A.-M. B.
KALOUSEK (Joseph), historien et publiciste tchèque,
né à Vamberk (Bohême) en 1838. Il fit ses études à Prague,
prit le titre de docteur en philosophie et collabora à divers
journaux. Il étudia particulièrement le droit politique de
la Bohême et pubha, en 1870, un essai intitulé Einige
Grûndlagen des bœhmischen Staatsrechtes (Prague).
II remania et compléta ce travail dans un ouvrage en langue
tchèque : le Droit politique du royaume de Bohême
(Prague, 1871 ; 2^ éd., 1872). Il est devenu professeur
d'histoire à l'université de Prague. On lui doit encore di-
vers ouvrages historiques; notamment : De Hegni Bohe-v
miœ mappa historica commeyitatio (Prague, 4876), des
Cartes historiques du royaume de Bohême^ une His-
toire de la Société royale des sciences de Prague (en
allemand et en tchèque), le septième et huitième volume
de VArchiv Cesky, commencé par Palacky (1887-89) et
de nombreux mémoires dans les recueils historiques. L. L.
KALPA. Terme de la chronologie hindoue. Pour les
Brahmanes, un kalpa est égal à un jour et une nuit de
Brahmâ et ne contient pas moins de deux mille cycles de
quatre yougas (V. ce mot), soit 8,640,000,000 années
humaines. A la fin de la première moitié de cette période
a lieu une destruction du monde : Brahmâ s'endort pour
ne se réveiller et créer à nouveau le monde qu'au bout de
la seconde moitié. Les bouddhistes donnent du kalpa un
compte un peu différent (V. les notes de Burnouf à la
suite de sa traduction du Lotus de la Bonne Loi).
KALPAS (V. BouDDmsME).
KALPL Ville de l'Inde anglaise, prov. du N.-O., sur la
Djemna ; 15,000 hab. ; fabrique desucre candi, papier re-
nommé dans l'Inde entière ; commerce de coton. Les vastes
ruines de l'ancienne cité fondée vers le iv^ siècle renfer-
ment de beaux monuments. Le 23 mai 1858, le général
Rose défit à Kalpi les armées de la Rani de Djansi et du
nabab de Banda.
KALRAAT (Abraham Van), peintre de fleurs hollandais,
né à Dordrecht le 7 oct. 1643, mort en 1699. Fils d'un
sculpteur, il fit de la sculpture tant que son père vécut.
Mais, à la mort de celui-ci, il quitta ébauchoirs et mar-
teaux et peignit avec succès des fleurs et des fruits.
KALRAAT (Barend Van), paysagiste hollandais, frère du
précédent, né à Dordrecht le 28 août 1650, mort en 1724.
II étudia le dessin avec son frère et la peinture avec Albert
Cuyp, qu'il imita d'abord. Puis il vécut sur les bords du
Rhin et travailla avec le maître paysagiste du Rhin, Her-
man Saft-Leven ; il peignit là la plupart de ses œuvres,
des paysages avec des animaux. La galerie Liechtenstein,
à Vienne, a de lui un Paysage de montagne.
KALSADl (Aboul-Hassan Ali ben Mohammed A1-), ma-
thématicien de Grenade, mort en 1477 ou en 1486. II a
composé sur le Talkhys (V. ce mot) dlbn Albannâ un com-
njentaire dont Wœpecke a donné un court extrait (Journal
asiatique^ 1863). Le même orientaliste a traduit égale-
ment [Atti de' nuovi Lincei^ 1859) un Traité d'arith-
métique d'Alkalsadi, qui comprend quatre livres, sur les
nombres entiers, sur les fractions, sur l'extraction des
racines, sur l'invention des inconnues. On y trouve quelques
symboles algébriques, ce qu^ est une exception dans les
écrits mathématiques arabes ; des procédés d'approximation
des racines qui paraissent originaux ; enfin, on y voit ma-
nier des algorilhmes particuliers pour les fractions; ainsi :
5 13 14 5X3X4 5 3 4
pour ^ — ir—z-, ou encore ^ — -= — ^ pour
8|7|5
8 7
8X7X5'
1 L 1
ce qui correspond à nos fractions continues ascendantes.
Au reste, ces algorithmes particuliers, que connaissait Léo-
nard de Pise, sont beaucoup plus anciens qu'Aïkalsadi. T.
KALTBAD(V. RiGi).
KALUSZ. Ville de Galicie, chef-lieu de cercle; 8,000
hab. Cette ville était le siège d'une starostie. Elle possède
des sources salines.
KALW ou CALW, Ville du Wurttemberg, cercle de la
Forêt-Noire, sur le Nagold ; 5,000 hab. Cotonnades, lai-
nages, toiles ; commerce actif. Sur un pont, chapelle Saint-
Nicolas, bâtie vers 1400 (restaurée). — Les comtes de Kalw
(éteints en 1262), étaient une des principales familles de
Souabe. La ville fut brûlée par J. de Werth en 1634 e,t
par Mêlas en 1692. A 2 kil. sont les ruines de l'abbaye de
Hirschau.
KALWARYA. Villede la Pologne russe, gouvernement de
Suwalki, sur la Szezupa, affluent gauche du Niémen î
391 -
KALWARYA — KAMENETS
12,000 hab., aux deux tiers juifs; épingles, toiles, fla-
nelles, cuirs, chapeaux, peignes.
KALYAN (V. Calliân).
KALYMNO. Ile de l'Archipel (Turquie d'Asie) entre
Lero et Ko; 48,000 hab. Sol montagneux. Le sommet le
plus élevé a 686 m. Le littoral est très découpé. Les terres
basses sont fertiles, mais les montagnes absolument arides.
Ports de Kalymno, Vathy, Katzouni, Linari. Pèche des
éponges.
KAM A. Rivière de Russie, affluent de gauche de la Volga
(V. Russie et Volga).
KÂMâ. Le dieu hindou du désir : première manifestation
de l'être dans le liig Veda (X, 129), il est devenu dans
les pourânas le dieu de l'amour sensuel, le Manmatha, le
« tourmenteur » des âmes. D'ordinaire on le donne comme
fils de Lakchtmî et de Vichnou. Son épouse est Ratî, la
déesse de la volupté. Une légende célèbre le fait réduire en
cendres par un regard de l'œil frontal de Siva, qu'il cher-
chait à troubler au milieu de ses austérités : de là lui se-
rait venu son nom à'Ananga (celui qui n'a pas de corps).
Jeune et beau, il est le seigneur des Apsaras ou nymphes
célestes. « Armé de fleurs », il porte un arc et des flèches
fleuries. Jeté à la mer, étant enfant, par un démon ja-
loux, il fut avalé par un monstre marin (makara) ; c'est
pour cela qu'il porte un makara comme emblème sur sa
bannière rouge. Sa monture est un perroquet. Les boud-
dhistes l'identifient souvent avec Màra, leur Satan : c'est
ainsi que dans une fresque d'Ajantâ qui représente la
« Tentation » du Bouddha, on aperçoit Mâra, jeune et
beau, l'arc à la main, justement sous les traits que nous
venons d'attribuer à Kâma. Le Kâma-dhâtou ou monde
des désirs, l'un des trois mondes des bouddhistes, est le
monde inférieur sur lequel règne Mâra. A. FoucnÉ.
KAMACITE (V. Fer météorique).
KAMAKOURA. Ville maritime du Japon, ken de Kana-
gava, prov. de Sagami, sur la baie do ce nom, à 17 kil.
S. de Yokohama ; 6,500 hab. Ce fut la capitale du sho-
goun Yoritomo et de ses successeurs ; en 1333, elle fut
détruite et remplacée par Yeddo. Les ruines de ses palais,
de ses cent temples, de ses tombeaux attestent son ancienne
splendeur. Au N. est la statue colossale de Daïbouts, grand
bouddha en bronze de 13 m. de haut.
KAIVIALA. Poudre rouge légère fournie par l'enveloppe
des fruits du Mallotus philippinensis J. MulL, Rottlera
tinctoria Roxb.). On l'obtient dans l'Inde en secouant ou
râpant ces fruits, et elle est mélangée de morceaux d'écorce
et de feuilles. Le kamala est formé essentiellement de
résine et de rottlérine (C'-^^H^^O^). On l'emploie à teindre
la soie en orange foncé. On l'a préconisé comme vermi-
fuge, de préférence au kousso parce qu'il s'absorbe plus
aisément. Le ivaras ou faux safran des Arabes (poudre
violet foncé) a des propriétés analogues.
KAMARAN. Ilot de la mer Rouge (V. Camaran).
KAMARYT (Joseph- Vlastimil) , écrivain tchèque, né à
Velesin, près de Budejovice, en 1797, mort à Tabor en
1833. Il se consacra à la carrière ecclésiastique. Il publia
des Poésies diverses (Prague, 1822) ; un recueil de Can-
tiques populaires (Prague, 1831-32, 2 vol.), de Para-
boles en vers (Prague, 1834 ; 2^ éd., 1845). Très lié avec
Celakovsky, il entretint avec lui une correspondance fort
intéressante pour l'histoire de la renaissance littéraire et
du mouvement slave en Bohême. Elle a été publiée dans la
Correspondance de Celakovsky (Sebranei Listy ; Prague,
1865). L. L.
KAMASSIN ou KAMÂTCHINZL Peuplade de la Sibérie
méridionale, parlant un dialecte spécial de la langue turque
orientale et faisant partie, avec les Koïbales, les Sagaïs, les
Beltires, etc., du groupe des « Tatars d'Abakan ».Mais
leur habitat n'est pas, comme l'indiquerait ce dernier nom,
la vallée de la rivière Abakan. Ils sont disséminés au con-
traire dans les régions arrosées par les affluents de droite
du léniséi, le Kan et la Biia. Leur type physique rappelle
les léniséiens et, à côté du dialecte turc, beaucoup de Ka-
massins parlaient jusqu'à ces derniers temps une langue
d'origine samoyède. On peut les regarder comme des léni-
séiens, peut-être les descendants des Arines et des Kottes,
turquisés ou russifiés. Quelques familles kamassin ont em-
brassé la religion gréco-russe et sont devenus agricul-
teurs. Mais la plupart sont des nomades chasseurs et gar-
dent leurs croyances chamanistes. J. Deniker.
KAIVlBANGAN.Ile de la côte S. de Java, près de Band-
joumas ; 20 kil. de long, 4 kil. de large. De formation vol-
canique, elle possède de magnifiques fleurs, dont le Raffle-
sia qui manque à Java, et un rongeur, Pteromys elegans,
qui manque aussi à la grande ile.
KAMBL! (Melchior), fondeur et ciseleur suisse, né à
Zurich en 1713, mort en 1787. Successivement menuisier,
orfèvre et ornemaniste, il s'étaWità Berlin en 1745 et entra
au service du roi Frédéric le Grand, qui lui fit exécuter les
mosaïques de ses châteaux. Comme orfèvre, on cite de lui
des pièces en argent massif envoyées en 1762 au sultan de
Constantinople par la cour de Prusse. Elles passent pour ses
chefs-d'œuvre.
KAM B II (Léonard-Guillaume), écrivain suisse, né à Zu-
rich le 25 janv. 1829. Il étudia la théologie à Zurich et
Berlin, fut consacré en 1850, et exerça le ministère pasto-
ral à Wetzikon, Illnar, Horgen et Saint-Gall (1885). Il est
un des chefs du libéralisme protestant et un de ses écrivains
les plus distingués. La question ouvrière l'a particulièrement
préoccupé et il a été un des initiateurs de la loi suisse
sur les fabriques. Les Idées sociales du christianisme,
la Propriété et l'Evangile, la Mission des femmes dans
les luttes sociales et religieuses; Liberté et Piété ; le
Christianisme libéral, tels sont les titres de ses écrits les
plus connus.
KAMECKE (Otto-Werner-Henning von), peintre alle-
mand, né à Stolp (Poméranie) le 2 févr. 1829. D'abord
capitaine au service de Prusse, il alla étudier la nature
à Rome et entra à l'Ecole d'art de Weimar, oti il eut pour
maîtres Bœcklin, Michaelis et Kalckreuth. De nouveaux
voyages en Tirol, en Suisse et dans l'Italie du Nord ache-
vèrent de former son talent de paysagiste, qui s'affirma dès
lors par des œuvres aussi remarquables au point de vue
de la composition que du coloris : Site près de Berchtes-
gaden, le Kœnigssee, le Lac des Quatre-Cantons, le
Wetterhorn, Site de Thuringe, la Wengernalp, Cam-'
pagne romaine. Paysage de glacier, Glacier des Bois.,
Du Haut du Bernina-Pass, VUrirothstock, Site du lac
de Garde, Route du Gothard* Il a peint et gravé aussi
des natures mortes pleines de caractère et de sève.
KAM EH AMENA l^'-'V, rois des îles Sandwich (V. Sand-
wich).
Ordre de Kamehameha. — Créé au royaume d'Havaï le
4 août 1865, par le roi Kamehameha V; il le destina â
récompenser les belles actions
et tous les genres de mérite. Les
membres sont divisés en trois
classes; leur nombre, hmité,
est de 10 grands-croix, 30 com-
mandeurs, 50 chevaliers. Les
étrangers, en nombre illimité,
peuvent recevoir l'ordre. Ruban
rouge liséré de blanc pour les
grands-croix; formé de quatre
raies rouges alternées de trois
blanches pour les commandeurs
et les chevaliers.
KAMENETS-PoDOLSK ou
KAMINIEC. Ville de Russie,
ch.-l. du gouvernement de Po-
dolie, dans une presqu'île rocheuse, enveloppée par le
Smotrich, affluent gauche du Dniestr; 40,000 hab., dont
moitié de juifs. Cathédrale du xiv^ siècle. A côté de la ville
est l'ancienne forteresse (démantelée en 1813), avec ses
murailles et ses tours. Evéchés catholique et catholique-
Ordre de Kamehameha.
KAMENETS - KAMINISTIQUIA
-- 39^2
grec. Les juifs de la ville font la contrebande. Les Armé-
niens, jadis nombreux, ont presque disparu. Détruite en
4240 par les Mongols de Batou, elle fut occupée par les
Turcs de d672 à 1699, annexée à la Russie en 1795. Le
22 oct. 1633, les Polonais y vainquirent les Turcs; le
17 déc. 1653 y fut signé un traité entre la Pologne et la
Turquie.
KAMENGRAD. Ville de Bosnie, cercle deBihacs, sur la
Sanna, au confluent avec la Dubrava ; mines de fer et d'ar-
gent ; fonderies de fer, usines métallurgiques.
KAMENICA. Ville de Croatie, sur la rive droite du Da-
nube, près de Petervarad ; 4,000 hab. (Serbes) ; château.
KAM ENKA. Nom de plusieurs rivières de Russie ; 1<* af-
fluent du Dniestr ; 2° affluent droit du Dniepr ; 3° affluent
gauche de la Voltchia (affluent de la Samara qui tombe dans
le Dniepr) ; 4° affluent de Tlngoul, tributaire du Boug
(affluent du Dniepr) ; 5** affluent gauche de l'Aïdar, tribu-
taire du Donetz ; 6° affluent du Sok (tributaire de la Volga).
— Sur chacune on trouve une petite ville du même nom ;
citons encore deux autres villes qui le portent : dans le
gouvernement de Kiev, sur le Tiasmin, 5,000 hab.,
sucreries, distillerie; et dans le gouvernement delaketeri-
noslav, surla rive gauche du Dniepr; 7,000 hab.
KAMENSKY (Fedor-Fedovitch), sculpteur russe, né
près de Saint-Pétersbourg en 1838. Il entra, en 1852, à
FAcadémie des beaux-arts de Saint-Pétersbourg où ses pre-
miers essais le firent remarquer. 11 alla se perfectionner à
Fétranger et reçut le titre d'artiste académique. Ses œuvres
sont remarquables par Fintensité de la vie et le réalisme.
On signale particulièrement : l(f. Veuve et f Enfant^ le
Premier Pas (appartient à l'empereur de Russie), une
Tête de Vénus^ la Jeune Fille aux champignons^ etc.
KA M ES (Henri Home, lord) , écrivain écossais, né à Kames
(Berwickshire) en 1696, mort à Edimbourg le 27 déc. 1782.
Entré dans le barreau, il exerça la profession d'avocat à Edim-
bourg et devint par la suite lord du suprême tribunal
d'Ecosse. D'un caractère indépendant, il prit une part ac-
tive au mouvement philosophique qui passionnait alors tous
les esprits élevés, et, par la renommée et le respect dont il
jouissait, groupa autour de lui les plus grands penseurs de
son temps. Son œuvre philosophique est considérable. Je
me bornerai à citer : Essays on the Principles ofMora-
lity and Natural Religion (4751), où il nie le libre ar-
bitre dans les actions humaines et admet la doctrine de la
fatalité; Introduction to the art of Thinking (1764).
Dans Eléments of criticism (1762), il recommande la
psychologie dans les œuvres d'imagination, système suivi
de nos jours par les écrivains dignes de ce nom, mais il ne
fait nulle dilférence entre le beau et Futile. « Ce qui est
utile, affirme-t-il, est toujours beau, et ce qui est beau est
naturellement utile. » Dans Fart dramatique, il attaque,
comme Fa fait depuis l'école romantique, la règle des trois
unités, se contentant de celle d'action. Lord Kames, on le
voit, est un précurseur. Outre des esquisses sur V Histoire
de l'homme, sur V Education^ sur V Agronomie, il écrivit
un grand nombre d'ouvrages de jurisprudence. H. France.
KAMI (V. Japon, § Religion).
KAMICH I (Ornith.). Les Kamichis (Pakm^c^^a L.) sont
des oiseaux de forte taille et de formes massives qui vivent
au Brésil, à la Guyane et en Colombie. Avec leur petite tête,
leur bec court, un peu crochu et recouvert à la base par une
membrane, leur corps épais, leurs ailes arrondies et leurs
pattes robustes, ils ressemblent plutôt aux Gallinacés
qu'aux Echassiers parmi lesquels on les rangeait naguère,
et cependant ils offrent dans leur organisation intérieure
certames affinités avec les Agamis, les Râles et les Poules
d'eau, tout en se distinguant par certaines particularités
qu'on retrouve aussi chez les Chaunas(V. ce mot). Aussi
quelques naturalistes ont-ils proposé récemment de placer
les Kamichis et les Chaunas non pas seulement dans une
famille de l'ordre des Echassiers (Palamedeidœ), mais
dans un ordre distinct.
Kamichi cornu.
On ne connaît qu'une seule espèce de Kamichi, le Ka-
michi cornu (Palamedea cornuta L.), ainsi nommé parce
qu'il porte sur le devant de la tête, en arrière du bec, un
appendice corné qui paraît représenter la plaque frontale
des Poules d'eau et des Poules sultanes. C'est un oiseau de
la grosseur d'un Dindon, mais plus haut sur pattes et re-
vêtu, à l'âge
adulte, d'une li-
vrée grise, tirant
au brun noirâtre
sur la poitrine,
le dos et la queue,
passant au blanc
pur sur le ven-
tre et rehaussée
par du vert mé-
tallique sur les
couvertures des
ailes. Les plu-
mes de la tête
et du cou ont
un aspect ve-
louté, très agréa-
ble à Fœil, les
pattes sont gri-
ses, les yeux
d'un jaune oran-
gé, le bec bru-
nâtre, et la corne frontale d'un gris blanchâtre. A leur partie
antérieure, au niveau du poignet, les ailes sont armées d'un
double éperon corné constituant une arme dangereuse dont
les mâles font usage dans les combats qu'ils se livrent
pendant la saison des amours. En d'autres temps les Ka-
michis sont des oiseaux d'humeur paisible, qui s'appri-
voisent aisément et qui, mis dans une basse-cour ou dans
une volière avec d'autres volatiles, ne cherchent nullement
à les inquiéter. Ce n'est guère qu'à l'égard des chiens
qu'ils manifestent des dispositions hostiles. Ils courent ra-
pidement et volent à la façon des Cathartes ou Urubus,
Dans leur pays natal ils se trouvent exclusivement dans
les forêts humides, au bord des cours d'eau, et, d'après
le prince de Wied, se nourrissent surtout de feuilles et de
graines de plantes aquatiques. Ils aiment à se percher sur
les arbres élevés, au feuillage touffu, où leur présence est
révélée par un cri singulier que l'on a essayé de traduire
par les syllabes vi-hou plusieurs fois répétées. E. Oust.
BiBL. : G.-H. Gray et Mitchell, Gênera of Birds,
1839-44, t. III, pi. IGO. — Brehm, Vie des animaux, éd.
franc., Oiseaux, par Z. Gerbe.
KAM ! CM KIR. Ville de Russie, gouvernement de Saratov,
sur une rivière de ce nom (affl. g. de la Kodada) ; 5,000 hab.
KAMI EN S Kl (Mathias), compositeur polonais, né à
OEdenbourg (Hongrie) le 13 oct. 1734, mort à Varsovie
le 25 janv. 1821. Après avoir été attaché pendant plusieurs
années à la musique d'un seigneur autrichien, il se fixa à
Varsovie comme professeur de musique. A la demande du
roi Stanislas-Auguste, qui désirait voir se fonder une
école nationale d'opéra, Fabbé Bohomolec avait écrit un
livret en langue polonaise, la Misère consolée. Kamienski
le mit en musique, et il fut représenté en 1778 à Varsovie
par des chanteurs nationaux. L'exemple de Kamienski fut
imité par d'autres compositeurs, et lui-même écrivit dans
les années suivantes cinq autre opéras polonais, tous joués
à Varsovie avec un très vif succès. Kamienski a composé
en outre deux opéras allemands non représentés, quelques
messes et morceaux religieux, des polonaises pour le piano
et une cantate pour l'inauguration de la statue de Sobieski
exécutée dans le palais de Lazienski, en 1792. M. Br.
BiBL.: SowiNSKi, les Musiciens polonais, pp. 289-292.
KA M I ES B E RG. Mont de la colonie du Cap, sur la côte 0. ,
dans le pays des Namaquas ; son plus haut pic est le Wel-
come (1,564 m.), au N. duquel est la colonie wesleyenne
de Kamiesberg ou Lilyfontein.
KAMINISTIQUIA. Bivière du Canada, affluent du lac
Supérieur ; elle sort du lac du Chien (500 kil. q.), ali-
menté par la rivière du Chien, se précipite par six cascades
dans le Petit-Lac du Chien, reçoit la Matawin et le Pois-
son-Blanc (White Fish river) et se jette dans le lac par
un delta bourbeux, près de Fort William, après un cours
de 110 kil. Sa vallée est suivie par le chemin de fer trans-
continental canadien.
KAMINSKl (Jean-Népomucène), écrivain et acteur polo-
nais, né à Kutkorz (Galicie) en 4777, mort à Lwôw (Lem-
berg) en 485o. Il créa le théâtre polonais de Lwôw,
écrivit et traduisit environ 80 pièces. Parmi ses pièces
originales, on cite : Cracoviens et Montagnards, les
Hobereaux^ Twardowski^ les Princes de Mawvie, No-
vembre, la Grande Inquisition. On lui doit aussi des
poésies : Sonnets (Lwow, 4827) ; la Galicienne (id.,
4835). Il rédigea la Gazeta Livowska,
KAMMANE. Ville du Soudan, dans le Sokoto, prov. de
Zanfara ; tissage et teinture de coton.
KAMMAVÂTCHÂ (on dit aussi Kammouva). Livre pâli
renfermant le formulaire employé pour la réception des
moines bouddhistes du Sud (Ceylan et Indo-Chine). Les
Birmans ont coutume de le copier sur des feuilles de palmier
ou des lamelles de bois (mesurant de 0'^54 à 0'^\^>8 sur
0"*40 à 0'^43) couvertes d'un vernis, en grands et larges
caractères, qui sont une variété de l'écriture birmane dite
carrée, tracés avec de la laque sur un fond doré et orne-
menté. Ces copies de luxe sont toujours incomplètes et ne
renferment que le commencement de l'ouvrage. On en
trouve des spécimens dans plusieurs grandes bibliothèques
publiques, comme la Bibliothèque nationale à Paris, le
British Muséum à Londres, etc. L. Feer.
BiBL. : Symes, Embassy to Ava (trad. franc, par Cas-
tera, Paris, 1803).— Burnouf et Lassen, Essai sur le Pâli.
KAMMECKER (Martin), érudit et bibliophile suédois,
né dans la paroisse de Simtuna en 4698, mort à Visby
en 4757. En 4722 il prit le grade de filosofie magister
et fit en 4724, pour compléter ses études théologiques, un
voyage à travers le Danemark, l'Allemagne, la France,
l'Angleterre et la Hollande. A son retour, en d729, il fut
appelé comme professeur adjoint à l'université d'Upsal et
fit, sur la constitution de la Suède, un cours remarquable
qui attirait de nombreux étrangers. De 4734 à 1745, il
enseigna principalement la théologie, puis fut nommé su-
rintendant à Gotland. Sa bibliothèque considérable avait
contribué à étendre sa renommée.
KAMMERSEE. Lac d'Autriche (V. Attersee).
KAMMIN. Ville d'Allemagne (V. Cammin).
KAMOLONDO. Cours d'eau du bassin supérieur du
Congo, formé d'un chapelet de lacs qui se déversent dans
le Loualaba, vers 6« lat. S. (V. Congo).
KAMOS (V. Chamos).
KAMP. Rivière d'Autriche, affluent gauche du Danube;
435 kil. de long. Formée par la jonction de la Grande et
de la Petite-Kamp, elle arrose, dans la Basse-Autriche,
une vallée très pittoresque.
KAM PEU K (François-Cyrille), écrivain tchèque, né à
Sirenoven 4805. Il devint médecin et publia un certain
nombre d'écrits où il s'efforçait d'établir l'unité linguistique
du tchèque et du slovaque, notamment : la Beauté de la
langue tchèque-slovaque (Prague, 4846) ; r Orthographe
tchèque, etc.
KAMP EN. Ville des Pays-Bas, prov. d'Over-Yssel, sur
la rive gauche de FYssel; 20,000 hab. Située dans une
contrée très basse, près du Zuyderzée, elle est entourée de
fossés et de jardins. Son port fluvial est très fréquenté ;
depuis qu'on a amélioré l'embouchure del'Yssel, qui s'était
ensablée, il a repris l'importance qu'il eut au temps de la
Hanse, à laquelle appartenait Kampen. Elle a de beaux
monuments ; vieilles portes, deux églises du xiv® siècle,
hôtel de ville de style Renaissance, etc. Elle fut prise en
1578 par les Hollandais ; en 4672 par les Français.
KAMPEN (Jacob Van), anabaptiste hollandais, né à
Ysselmonde vers 4490, mort à Amsterdam en 4535. Il
393 - KAMINISTIQUIA ^ KAMTCHATKA
s'attacha à la fortune de Jean de Leyde (V. ce nom) et
fut nommé par le prophète évéque d'Amsterdam. Arrivé
dans cette ville, il recruta de nombreux prosélytes dans les
classes populaires, mais les magistrats le firent arrêter et
mettre à mort.
BiBL. : De Hoop-Scheffer, Histoire de la R(^ forme dans
les Pays-Bas du Nord jusqu'en 1531 (en holl.) : Amster-
dam, 1873, 2 vol. in-8.
KAMPEN (Jacob Van), architecte hollandais (V. Cam-
pen).
KAM P EN (Nicolas-Godefroid Van), historien et littérateur
hollandais, né à Haarlem le 45 mai 4776, mort à Leyde le
45 mars 4839. Fils d'un jardinier, il exerça d'abord le métier
paternel, devint ensuite commis dans une librairie et acquit
seul une instruction étendue. Il entra alors à la rédaction
du Leidsche Courant et fut appelé en 4815 à occuper à
l'université de Leyde la chaire des langues anglaise et alle-
mande; il enseigna ensuite à Amsterdam la Uttérature
néerlandaise et l'histoire nationale. En même temps, il
publiait de nombreux ouvrages d'histoire et de littérature,
où il faisait preuve d'une vaste érudition et d'un amour
sincère de la vérité ; on les consulte encore utilement
aujourd'hui. En voici les principaux : Histoire de la litté-
rature néerlandaise (dans le t. III de la Literœrge-
schichte d'Eichhorn, 4812) ; Essai sur les faits prin-
cipaux de rhistoire de VEurope, depuis la paix
d'Amiens jusqu'au traité de Paris (en holl.; Leyde,
4844, 2 vol. in-8) ; Histoire de la domination fran-
çaise en Europe {id., Delft, 4815-23, 8 vol. in-8);
Description géographique et mlitique du royaume des
Pays-Bas (id., Haarlem, 4846, in-8); Histoire des
sciences et des lettres néerlaridaises, depuis les ori-
gines jusqu'au xïx^ siècle (id., La Haye, 4821-26, 3 vol,
in-8) ; Histoire de V influence néerlandaise hors de
l'Europe (id., Haarlem, 4834-33, 3 vol. in-8); Histoire
de l'Europe de i8i5 à i830 {id., 4832, in-8). E. H.
BiBL. : MûLLER, Biographie de N.-G. Van Kampen ;
Haarlem, 1840, in-8.
KAM PERDU IN. Village maritime des Pays-Bas, prov.
de Hollande septentrionale, dans les dunes, entre Alkmar
et le Helder ; en face, l'amiral anglais Duncan défit la
flotte franco-hollandaise le 41 oct. 4797, ce qui lui valut
le titre de vicomte de Camper doivn,
KAMPTZ (Karl-Albert-Christoph-Heinrich de), homme
d'Etat prussien, né à Schwerin le 46 sept. 4769, mort à
Berlin le 3 nov. 4849. H commença sa carrière à la chan-
cellerie de Mecklembourg-Strelitz (4790), passa au service
de la Prusse (4804) ; ifeut à partir de 4842 la direction
de la police, en 4824 celle de l'instruction publique; à
partir de 4830 et officiellement de 4832 jusqu'à 4842, il
fut ministre de la justice. Ce fut un travailleur acharné,
animé de l'esprit réactionnaire et passionné pour la com-
pression du libéralisme dans les universités. On peut citer
son Kodex der Gendarmerie (Berlin, 4845), plusieurs
ouvrages sur la législation mecklembourgeoise, ses Jahr-
bilcher fur die preussische Gesetzebung (1844-40,
54 vol.) ; Annalen der preussischen innern Staatswer-
ivaltung (4847-39, 23 vol.) ; Die Provinxdal und Staais-
rechtein der preussischen Monarchie (4826-28,3 vol.).
KAMTCHADALES (V. Kamtchatka).
KAMTCHATKA. Presqu'île de Sibérie, dans la province
du littoral (Primorskaïa), située entre la mer de Behring
et celle d'Okhotsk. Sa superficie, 270,500 kil. q., égale
presque celle de la moitié de la France ; mais sur ce vaste
espace on ne trouve que 6,509 hab.
C'est un pays montagneux. La vaste vallée longitudi-
nale du fleuve Kamtchatka, prolongée au N. par celle de
son affluent la Yélovka, communiquant au S. par un seuil
peu élevé (400 m.) avec la vallée de la Bystraya, coupe
la presqu'île en deux portions montagneuses. A i'O., c'est
la chaîne dite principale, formée de roches cristallines
avec quelques volcans éteints ; à l'E., au contraire, c'est un
chapelet de volcans, pour la plupart actifs, qui suit la cour-
bure des côtes. Ces volcans sont le prolongement de la
KAMTCHATKA — KANAGAVA
39 î
chaîne insulaire des Kouriles. Le plus élevé, appelé Kliout-
chevskaya Sopka^ dépasse 4,800 m. de hauteur, c.-à-d.
est presque aussi élevé que le mont Blanc. Fréquemment,
il vomit de la lave ; la plus terrible éruption eut lieu en 1 848.
Parmi les autres volcans actifs, le Ckevilioutch est un des
plus actifs. La chaîne principale ou occidentale ne contient
que quelques volcans éteints; elle est formée de schistes,
de granité et de lignite dans le Sud, de grès tertiaires (mio-
cène) et de roches éruptives dans le Nord. La limite entre
ces deux formations est marquée par le yolcau Itchinskaya
Sopka, point culminant de toute la péninsule (5,160 m.
d'alt. d'après Erman), Les rivières sont nombreuses; leur
volume s'accroît démesurément au printemps, mais en été
plusieurs sont presque à sec. Toutes sont très poissonneuses.
Outre celles que nous avons déjà mentionnées, il faut noter
VApatcha. Il y a plusieurs sources chaudes dans le pays.
La côte orientale est très découpée ; on y trouve plu-
sieurs baies et havres naturels, parmi lesquels la baie de
l'Avatcha ne le cède en rien à Rio de Janeiro et à San
Francisco par la beauté de son site ; son havre, au fond du-
quel se trouve Petropavlovsk, chef-lieu du pays, pourrait
abriter la flotte russe entière. La côte 0. est plutôt plate
et uniforme. Le chmat du pays est moins rude que celui de
la Sibérie orientale; en hiver, la température moyenne est
de — 45<* et s'abaisse rarement jusqu'à — & ou 35° ;
en été, le thermomètre marque 12^ en moyenne et monte
parfois jusqu'à 22^. L'hiver est long et le sol est souvent
couvert de neige, depuis la fin de septembre jusqu'au com-
mencement de juin.
Le Kamtchatka est un pays de forêts ; le bouleau {Betula
Ermani) et l'aune sont les espèces prédominantes ; les
essences résineuses sont plus rares. Ces forêts alternent
avec des broussailles formées par la Filipendula Kam-
tchatka^ où le voyageur rencontre des myriades de mou-
cherons. La plante caractéristique de la côte 0. est l'an-
gélique. Le monde animal qui fournit ici la nourriture
principale à l'homme est bien représenté : les moutons (Oî'25
Argalï)^ les rennes, les martres, les renards remplissent
les forêts. Ces animaux deviennent de plus en plus rares
et aujourd'hui on ne chasse plus dans le pays que les lem-
mingues, les lièvres et les ours; ces derniers sont particu-
lièrement nombreux. Les chiens de mer, les otaries, les
baleines se montrent au voisinage des côtes. Les rivières
abondent en poissons (surtout du genre Salmo) ; les rep-
tiles ne sont guère représentés au Kamtchatka.
Au point de vue administratif, le Kamtchatka constitue
jusqu'au 59^ 30' de lat. N. « le district de Petropavlovsk »,
gouverné par un fonctionnaire (Ispravnik), qui réside à
Petropavlovsk, unique ville de la région, si l'on peut don-
ner le nom de « ville » à une agglomération de 66 mai-
sons, et dont la population s'élève à peine à 350 hab.
La population du district et par conséquent de toute
la péninsule s'élevait en 4885 à 6,509 individus, dont
2,269 Russes, 3,559 Kamtchadales, 405 Koriaks, 271 Toun-
gouz-Lamoutes et 65 Aléoutes. Les Russes et les Kam-
tchadales sont sédentaires, le reste de la population est
nomade. Les Russes habitent la ville de Petropavlovsk,
ses quatre faubourgs et une dizaine de villages, répartis le
long des principaux cours d'eau ; les Kamtchadales vivent
dans quarante-sept villages, surtout sur la côteE. Les La-
moutes et les Koriaks nomadisent en été dans les monta-
gnes de la partie septentrionale de la presqu'île et ne des-
cendent vers les côtes qu'en été. Les Aléoutes sont groupés
aux environs du cap hime {Jeltyi Mys), près de l'extré-
mité méridionale du Kamtchatka. Il y 2i aussi quelques
Kouriles au cap Lopatka. La population indigène a diminué
en nombre ; du moins, c'est ce qui ressort delà comparaison
du recensement de 1879 et de celui de 1885 : la diminution
annuelle moyenne est de 0,2 <^/o. D'autre part, en 1771,
on comptait 8,200 indigènes au Kamtchatka, tandis qu'au-
jourd'hui ils ne sont plus que 4,235; la diminution an-
nuelle ressort à 0,3 °lo.
Les Kamtchadales, dont le type rappelle la race mongole,
sont plus ou moins russifiés aujourd'hui. Ils s'habillent à
la russe, construisent leurs « izba » à la manière des pay-
sans russes, etc. Ils ont aussi complètement abandonné
leur langue primitive, que l'on ne peut rattacher à aucune
des familles linguistiques actuellement connues, et parlent
un russe fort corrrompu ; comme, d'autre part, les colons
russes n'hésitent point à estropier leur idiome slave pour
se faire comprendre des indigènes, il en résulte qu'au Kam-
tchatka on entend un parler tout à fait spécial dans lequel
on aurait de la peine à découvrir des analogies avec le russe
littéraire. Cependant il existe dans le pays 5 écoles primaires
comptant en tout une centaine d'élèves. Tous les Kamtcha-
dales appartiennent nominalement à la religion grecque or-
thodoxe, mais, au fond, ils restent chamanistes comme ils
l'étaient avant la conquête russe. Ils croient encore aux
esprits dont le Koutka est le principal, et racontent volon-
tiers les vieilles légendes se rapportant à la création du
monde à leurs ancêtres, etc. La plupart de ces légendes
portent le même caractère obscène que l'on remarquait ja-
dis aussi dans les danses et les chants des Kamtchadales.
La plupart des habitants du Kamtchatka vivent de la chasse
et de la pêche ; aussi la nourriture principale est-elle d'ori-
gine animale : poisson, phoque et différent gibier, surtout
l'ours; mais les animaux deviennent de plus en plus rares
et les habitants ne font aucun effort pour s'occuper d'agri-
culture. Il est vrai aussi que le climat, tout en n'étant pas
trop rigoureux, n'est pas cependant propice à la culture
des céréales. Ce qui réussit le mieux, c'est l'avoine et le
chanvre ; ce dernier tend à remplacer l'ortie, employée en-
core généralement pour fabriquer les filets de pèche.
Les aventuriers russes ont découvert le Kamtchatka vers
1648, mais ce n'est qu'en 1697 que le cosaque Atlassov
reconnut et soumit le pays. Le Kamtchatka fut définitivement
incorporé à l'empire des tsars en 1706. La première explo-
ration de la péninsule fut faite par Kracheninnikov et Stel-
1er (1736-70) et la relation de leur voyage peut être con-
sultée avec fruit encore aujourd'hui. Après la fermeture
du port de Petropovlovsk (en 1856), le Kamtchatka a perdu
le peu d'importance qu'il avait et aujourd'hui c'est peut-être
l'un des coins les plus oubliés du globe. J. Deniker.
BiBL. : Kracheninnikov, Description du Kamtchatka^
trad. du russe; Paris, 1767, 2 vol. in-12. — E. de Lesseps,
Journal duvov^gc du Kamtchatka en France ; Paris, 1790,
2 voI.in-8. — K.-V. Dittmar, Reisen und Aufenthalt in
Kamtschatka in denJahren 1851-55; Saint-Pétersbourg,
1890, t. I, in-8. — Guillemart, The Cruise of the « Mar-
chesa » to Kamtshaika^ etc. ; Londres, 1886, in-8. — Res-
siNE, les Indigènes du littoral russe du Pacificiue, dans
Bulletin de la Société russe de géographie ; Saint-Péters-
bourg, 1888, p. 121.
KAMTCHIK. Fleuve de Bulgarie (l'ancien Panysos),
formé par l'union de la Deli-Karatchik (Kamtchik sauvage)
et de l'Akili-Kamtchik (Kamtchik douce), qui descendent
la première du S., la seconde du N. du Balkan ; il finit au
S. de Varna.
KAMYCH (Baie). Baie de la pointe du S.-O. de la
Crimée où s'abrita la flotte française durant le siège de
Sébastopol ; elle a 3,200 m. de long, 850 m. de large à
l'entrée et 21 m. de profondeur.
KAIVIYCHIN ou KAMOUICHIN. Ville de Russie, gouver-
nement de Saratov, ch.-l. de cercle, au confluent de la
Kamychenka et de la Volga ; 14,000 hab. Commerce de
blé et de sel. Le cercle de Kamychin est très fertile ; il
mesure 11,223 kil. q. et compte 220,000 hab., dont
80,000 Allemands, descendants d'une cinquantaine de co-
lonies établies à la fin du xviii® siècle.
K AN. Mesure hollandaise de liquides qui équivaut au
litre.
KAN. Rivière de Sibérie, affluent droit du léniséi, gou-
vernement de léniséisk ; 530 kil. de long ; elle est navi-
gable.
KAN A. Système d'écriture usité au Japon (V. ce mot,
t. XXI, p. 38).
KANAGAVA. Ville maritime du Japon, ch.~L de ken,
sur la côte S.-E. de Nippon; 11,000 hab. C'est là que fut
39o
KANAGAVA -. KANEM
signé entre le commodore Perry et le taïkonn le traité du
34 mars 4854 qui ouvrit le Japon aux Européens. En
4838, ce fut un port ouvert aux Européens ; bientôt on y
substitua Yokohama, qui est de Fautre côté de la même
baie.
KANA-HARA. Colonie japonaise de Corée, à côté du
port de Fousan ; fondée en vertu du traité du 26 févr.
4876, elle est très prospère et fait un commerce actif avec
Nagasaki; exportation de riz, importation d'objets fabri-
qués.
KANAKAMOUNI (le Solitaire dV), deuxième Bouddha
du Bhadra-Kalpa. Sa résidence ordinaire était SobhavatI
où régnait le roi Sobha, son protecteur. De son temps, la
vie avait une durée de 30,000 ans ; la durée de sa période
fut de 40,000 ans. Il succéda à Krakoutchanda et céda la
place à Kâsyapa.
BiBL. : CsoMA de Kôros, Analyse du Kandjour. — Abel
Rèmusat, Foe Koue ki. — Spence Hardy, A Manual of
Budhîsm.
KANAKS (V. Can\ûues).
KANARA (V. Drayidiennes [Langues]).
KANARIS (Constantin) (V. Canaris).
KANAVAT. Localité de Syrie, dans le Haouran, oii sont
d'importantes ruines romaines.
KANAVELIG (Pierre, en italien Canavelli)^ poètecroate,
né dans Tîle de Korcula au xvii® siècle, mort au commen-
cement du xviii®. Il vécut à Raguse et y devint sénateur.
Il a écrit des poésies lyriques et satiriques, des épopées
sur la Vie de saint Juan Ursin^ évêque de Trogir (Trau),
sur la Délivrance de Vienne^ un drame sur la Passion.
Ces œuvres sont restées inédites, sauf le poème sur Saint
Jmti, publié à Osiek (Essek) en 4848, et un poème sur le
Tremblement de terre de Raguse y qui a eu plusieurs édi-
tions. L. L.
KANAWHA. Rivière des Etats-Unis, affluent gauche de
rOhio. Elle est forinée par le New river et le Greenbrier^
qui viennent de points diamétralement opposés et adopte
une direction perpendiculaire à celle de ces deux rivières.
On admet que la branche mère est la New river, née dans
les Iron mountains de la Caroline du Nord ; elle passe en
Virginie, franchissant les chaînons parallèles des AUe-
ghannys par une étroite vallée où se succèdent les cascades,
les rapides, et mène un canon de îoO kil. de long, 4,000 m.
de large et 400 à 500 m. de haut, au bout'duquel elle
s'unit au Greenbrier. Le Kanawha et le New river parcou-
rent un bassin houiller magnifique (V. Etats-Unis). Le
Kanawha mesure (à partir de la source du New river)
650 kil. dont 450 sont navigables. Son bassin n'a que
20,000 kil. q. — On lui donne le nom de Grande Ka-
nawha pour la distinguer de la Petite Kanawha^ autre
affluent gauche de l'Ohio, qui naît à l'O. des Alleghannys,
parcourt î280 kil. dans des gorges étroites au milieu du
bassin houiller. A.-M.B.
KANAZAWA. Ville du Japon, ch.-l. du ken d'Isikava, au
centre de Nippon, dans la prov. de Kaga, entre le Sai-
gawa et l'Asano-gawa, à 8 kil. de la mer ; 93,534 hab.
Célèbres bronzes ciselés, porcelaines peintes et soieries.
KAN DAH AR. Ville d'Afghanistan, par 34^ 37' de lat. N.
et 63^ 8' de long. E.,au milieu d'un pays très fertile, ar-
rosé par le Tarnaq et l'Erghand Ab; 50,000 hab. Elle
présente l'aspect d'un parallélogramme, et ses maisons de
briques rouges, aux toits en terrasse et surmontés de dômes,
sont distribuées en quatre grandes artères qui se partagent
au centre, où sont quatre superbes bazars. Munie d'un
rempart en terre garni de tours et d'un fossé, la ville oc-
cupe une forte position stratégique à l'entrée de toutes les
routes qui pénètrent dans le Pendjab et le Sind. Elle fut
fondée par Ahmed Chah (dont on peut voir le tombeau) en
4 747 à côté de deux villes dont l'une, élevée par Hosein
Chah, occupait sans doute l'emplacementd'Alexandria, bâtie
par Alexandre en 330 av. J.-C, et l'autre, Nâdirabâd,
était l'œuvre de Nôdir Chah. Les Anglais ont occupé Kan-
dahar de 4839 à 4842, et en 4878 . Capitale de la province
de Kandahar, elle relève de l'émir de Caboul. Arthur Guy.
KANDALAKCHA. Golfe de la mer Blanche (V. ce mot).
KANDAVOU. Une des îles Viti ou Fidji; 535 kil. q.
(V. Vm).
KANDECH. District de Tlnda anglaise, présidence de
Bombay, au S. des monts Satpoura, entre le Berar à l'E.
et le Guzerate à l'O., dans la vallée moyenne de la Tapti ;
26, 319 kil. q., 4,300,000 hab. environ ; ch-l. Dhoulian.
La plaine, bien cultivée, est habitée par les Mahrattes, les
forêts de la montagne par les Bhils et d'autres demi-sau-
vages. Le Kandech forma un royaume indépendant conquis
par les Mongols.
KANDELIA (Kandelia W^. et Arn.) (Bot.). Genre de
Rhizophoracées, très voisin des Rhizophora (V. ce mot).
Les fleurs sont 5, 6-mères, les étamines en nombre indéfini,
l'ovaire 6-ovulé. On rencontre dans l'Inde orientale le K.
Rheedii W. et Arn. (Rhizophora Kayidel L.), petit arbre
à feuilles opposées et à cymes axillaires paueiflores.
KANDER. Rivière de Suisse, cant. de Berne. Elle sort
d'un glacier des Alpes bernoises, traverse les vallées de
Gasteren et de Frutigen, et se jette dans le lac de Thoune.
Elle formait précédemment un affluent de FAar au-dessous
de la ville de Thoune. Mais comme elle l'encombrait des
dépôts qu'elle amène des Alpes et causait de grandes inon-
dations, on la dirigea dans le lac au moyen d'une galerie
artificielle.
KANDERSTEG. Hameau de Suisse, cant. de Berne, sur la
rive droite de la Kander ; là commence le passage de 1^
Gemmi (V. ce mol).
KANOY. Poids usité dan? l'Inde anglaise; il vaut à Pon-
dichéry 234^^963 ; à Ceylan, il ne pèse que S^ô'^sS ou
237^^82, On le divise en 20 maunds ou tolam. Comme me-
sure de grains à Bombay, il ne vaut que 462'^âo68.
KANDY. Ville de l'île de Ceylan, au bord d'un petit lac,
à 4i6 m. d'alt., reliée par un chemin de fer à Colombo
(à 445 kil. au S.-O.). Quartier européen. Célèbre temple
où l'on gardait la dent du Bouddha, détruite par les Por-
tugais; ancien palais des rois cinghalais ; à 6 kil., jardin
botanique de Peradénia. Fondée vers le xiv^ siècle, Kandy
devint la capitale de File en 4592. Les Portugais la pri-»
rent en 4796, mais la reperdirent neuf mois après. Les
Anglais s'en emparèrent le 20 févr. 4803, en furent
chassés le 23 juin et n'en furent maîtres que le 49 févr.
4845, après la capture du roi.
KANE (Elisha-Kent), explorateur américain, né à Phila-
delphie le 3 févr. 4 820, mort à La Havane le 4 6 févr. 4 857 .
Après avoir fait des études d'ingénieur, il s'occupa de mé-
decine et en 4840 fut nommé à Fhôpital de Philadelphie.
En 4843, il devint médecin de la frégate Brandywine et
visita l'Inde, Bornéo, Sumatra, les Phihppines, etc. En
48i6, il fit un voyage sur les côtes N. et 0. d'Afrique et
visita le Dahomey. En 4850-52, il accompagna comme
médecin l'expédition au pôle Nord organisée à la recherche
de Franklin. Une seconde expédition au pôle sur le navire
VAdvanee partit de New York le 30 mai 4853, et après
un long et dangereux voyage revint à New York en oct.
1855. Kane pubha le récit de ces deux expéditions dans
Narrative of the Expédition in Search of Sir John
Franklin (4854) et Second Grinnell Expédition in
Search of Sir John Franklin (4856). Ces voyages si
pénibles avaient complètement ruiné sa santé et il n'y sur-
vécut que peu de temps. Ph. B.
BiBL.: Elder, Life of D^ Elisha-Kent Kane; Philadel-
phie, 1857.
KÂN EM, Pays du Soudan centrai, au N. et au N.-E. du
lac Tchad; 70 à 80,000 kil. q.; 400,000 hab. Au N.-E.,
c'est une plaine sablonneuse dont les fonds sont revêtus de
bois épais ; au S.-E. s'étendent des vallées très fertiles.
La capitale est Mao. Le Kânem, qui dépend aujourd'hui du
Bornon (V. ce mot) eut jadis une grande importance poli-
tique. Ses sultans, propagateurs de l'islamisme, à partir du
jci® siècle, étendirent leur domination jusq.u*au Fezzan et h
KANEM — KANG-Hl
— 396
la Nubie. Au xiv® siècle, le Bornou s'affranchit, et au xvi®
il subordonna le Kânem que lui disputa le Ouadaï.
Bibl: Nachtigal, Sahara, et Soudan; Paris, 1881.
KANER (V. Canner).
KANEV. Ville de Russie, gouvernement de Kiev, ch.-l.
de district, sur la rive droite du Dniepr, au confluent de la
Kanevka ; 9,000 hab. Elle a joué un grand rôle dans
rhistoire des Cosaques. Le cercle, qui enferme de vastes
sucreries et distilleries, fournit beaucoup de bois de cons-
truction ; il a 3,020 kil. q.
KANGERTHIALUSTOK ou GEORGE. Fleuve du La-
brador (V. ce mot), long de 580 kil., qui se jette dans
la baie du Sud ou d'Oungava (mer d'Hudson).
KANG-Hl, le second des empereurs de la dynastie
mandchoue Tsing actuellement régnante en Chine. Kang-
hi signifie « inaltérable prospérité » et n'est proprement
que le nom de la période d'années (1662-1722) pendant
laquelle régna ce souverain dont le nom de temple {miao-
hao) est Cheng-tsou (le saint aïeul) et dont le nom pos-
thume (che-hao) est Jen-hoang-ti (l'excellent empereur);
mais les Européens ont pris l'habitude de désigner ce
prince lui-même par le nom de Kang-hi; la même re-
marque s'applique à tous les empereurs de la dynastie
Tsing qu'on appelle communément du nom des années où
ils occupèrent le trône (V. Kien-long, Kia-king, etc.).
Le père de Kang-hi, Choen-tche, est le premier conqué-
rant mandchou qui ait pu pénétrer àPéking(1644); aussi,
bien que ses prédécesseurs soient les vrais auteurs de son
élévation et qu'ils aient été considérés comme des empe-
reurs après leur mort, il est légitime de s'arrêter à lui
comme au chef de la dynastie, et de tenir par conséquent
Kang-hi pour le second des empereurs Tsing (et non le
huitième, ainsi que le disent les hstes chinoises).
A son avènement, Kang-hi n'avait que huit ans; le
pouvoir fut donc remis à quatre régents qui gouvernèrent
en son nom. Un de leurs premiers actes fut d'expulser les
eunuques dont l'autorité était devenue trop grande au pa-
lais. Dès l'âge de treize ans, le jeune empereur profita de
la mort de Soei, le plus âgé des régents, pour prendre en
main les rênes du gouvernement; afin de bien montrer
qu'il entendait être dorénavant maître absolu, il fit peu
après mettre en accusation un des régents qui s'était rendu
coupable de quelques abus et le condamna à mort lui et
huit de ses fils. Au moment où Kang-hi fut investi du pou-
voir suprême, la Chine tout entière lui était soumise en appa-
rence ; mais, dans les provinces du Sud, l'obéissance n'était
que nominale. En effet, pour récompenser les services de trois
généraux chinois qui avaient favorisé leur triomphe, les
Mandchous leur avaient laissé prendre une situation presque
indépendante : Keng Ki-meou était roi du Fou-kien;
Chang Ko-hi, avec le titre de prince pacificateur du Sud,
résidait à Canton ; enfin le plus puissant de tous. Ou San-
koei, surnommé le prince pacificateur de l'Ouest, résidait
dans le Yun-nan. D'autre part, grâce aux troubles qui
avaient accompagné la chute de la dynastie Ming, un aven-
turier surnommé Koxinga (son nom véritable était Tcheng
Tcheng-kong; Koxinga est la prononciation en dialecte
d*Amoy de Kouo-sing-yé = celui qui a pour nom de famille
le nom de famille du souverain) s'était fait le roi des mers
sur toute la côte du Fou-kien; il s'était d'abord établi à
Amoy, puis avait jeté ses vues sur l'île de Formose d'où
il avait délogé les Hollandais en févr. 1662; il mourut cette
même année, mais il laissait tout son pouvoir à son fils,
Tcheng-king, qui se trouva ainsi maître de Formose.
L'empereur sentait que son autorité avait besoin d'être
raffermie dans le S. de ses Etats. Pour la mieux marquer,
il invita en 1672 Ou San-koei à venir lui rendre hommage;
ce puissant vassal refusa d'obéir; bien plus, son fils, qui
résidait à Péking où il se trouvait retenu comme otage,
fomenta un complot pour s'emparer de la ville et pour en
chasser les Mandchous ; mais son projet fut découvert et
lui-même mis à mort (1672). Ou San-koei se révolta ou-
vertement : il commença par remporter quelques avantages;
cependant la patience des armées impériales vint à bout
de son impétuosité et, lorsqu'il mourut, en 1677, la partie
était perdue pour lui. Ou Che-fan, son petit-fils, se vit
assiéger dans Yun-nan-fou pendant deux mois et se pen-
dit de désespoir. Ainsi finit une rébellion qui avait d'abord
semblé pouvoir ébranler les bases mêmes de la dynastie
mandchoue.
Le roi de Canton, Chang Ko-hi, n'avait pas fait cause
commune avec Ou San-koei ; mais, à sa mort survenue en
1676, son fils, Chang Tche-sin, profita de la situation
troublée pour se déclarer indépendant ; toutefois, il se sou-
mit dès l'année 1677. En 1680, il commit quelque nou-
velle faute pour laquelle il fut dégradé et condamné à se
donner la mort.
Quant à Keng Tsing-tchong, qui avait succédé en 1671
à son père Keng Ki-meou comme roi du Fou-kien, il s'unit
en 1674 à Ou San-koei et appela en outre à son aide le
roi de Formose, Tcheng-king; mais celui-ci, dès son arri-
vée dans le Fou-kien, entra en lutte avec son allié, et, au
lieu de le secourir, le combattit. Les impériaux profitèrent
de ces désunions pour envahir le Fou-kien et pour gagner
le roi qui devint dès lors leur plus fidèle partisan. Tcheng-
king perdit graduellement toutes les possessions qu'il avait
sur le continent et se réfugia à Formose où il mourut en
1681. Son fils, Tcheng Ko-choang, dut en 1683 se sou-
mettre aux Mandchous qui l'internèrent à Péking et reprirent
pied dans l'île. Kang-hi n'eut plus alors aucun ennemi à
redouter dans toutes les provinces du Sud.
C'est l'Occident qui devait maintenant lui donner des
inquiétudes. Galdan-Bokochtou, qui avait succédé en 1665
à son père, Erdeni Baatur-kong-taichi et était devenu chef
des Eleuthes, n'avait pas tardé à étendre son autorité sur
toutes les régions qu'arrosent l'Irtych Noir et l'Ili; il se
donna le titre de roi des Dzoungars et son empire fut connu
sous le nom de Dzoungarie; en 1678, il envahit la Kach-
garie et réunit cette contrée à ses Etats. Lorsque Galdan
voulut porter ses armes vers l'Ouest, les Mongols Kalkhas
implorèrent l'appui de la Chine; en outre, son neveu,
Tsevan Rabdan, se révolta contre lui et se réclama de
Kang-hi ; les armées impériales marchèrent contre Galdan
et, après de longues campagnes où le pays fut mis à feu et
à sang, le chef dzoungar, traqué comme une bête fauve,
finit par s'empoisonner (1696). Tsevan Rabdan remplaça
son oncle et régna à la fois sur tout le Turkestan oriental
et sur Samarkande; il fut un voisin très turbulent pour
les Chinois, mais Kang-hi ne jugea pas opportun d'entrer
en guerre ouverte avec lui.
Les violentes secousses qui avaient ébranlé toute la
Dzoungarie amenèrent peu de temps après une scission
dans sa population. Les Toiirgouts, qui étaient une des
quatre «ligues » (oirat)des Eleuthes, quittèrent en 1703
leur patrie et émigrèrent vers l'Ouest; ils obtinrent du
tsar Pierre le Grand l'autorisation de s'établir entre l'Emba
et la Volga. En 1712, Kang-hi leur envoya une ambas-
sade ; le récit de cette mission a été fait par un certain
Tou-li-chen, dans un ouvrage intitulé lyeou lou qui a été
traduit en 1821 par sir G.'Staunton (V. Cordier, Biblio-
graphie^ col. 263). Les Tourgouts ne rentrèrent en Dzoun-
garie que soixante ans plus tard, sous le règne de l'empe-
reur Kien-long (V. ce mot).
En 1719 et 1720, Kang-hi envoya son quatorzième fils
à la tête d'une armée pour faire reconnaître son autorité
aux peuplades de la région du Koukou-nor et du Tibet.
Relations avec les Européens. — La Compagnie des
Indes néerlandaises envoya à deux reprises des ambassades
à Kang-hi; l'une (1663-64) fut celle de Jean van Cam-
pen et Constantin Nobel; l'autre (1666) fut celle de Peter
von Hoorn. En 1667, le vice-roi de Goa fit partir de même
un ambassadeur pour Péking au nom d'Alphonse VI, roi
de Portugal. Aucune de ces missions n'eut le succès qu'on
en espérait; l'empereur accepta les présents qu'elles appor-
taient comme un tribut qui lui était dû et ne voulut en-
tendre à aucune de leurs demandes. — La Russie eut
-- 397 —
KANG-HI — KANGOUROU
avec la Chine des relations diplomatiques suivies de plus
d'effet : elle n'envoya pas moins de quatre ambassades à
Kang-hi : Nicolas Spatar Miloscu en 167o-76 (V. étude
de M. Emile Picot dans les Mélanges orientaux publiés
par l'Ecole des langues orientales en 1883, pp. 433-492),
Golovin en 1688, Isbrandides en 1693-9o, enfin Ismaïlov
et Lange en 1720-22. Les questions que le tsar avait à
débattre avec le Fils du Ciel étaient complexes et nom-
breuses; la frontière entre leurs deux pays était mal dé-
finie et cette incertitude donnait lieu à des conflits à main
armée qui nuisaient aux rapports commerciaux. Sans tran-
cher entièrement la question de délimitation qui ne fut
résolue que par le traité de Kiachta (20 août 1727), Kang-
hi envoya du moins en 1688-89 des plénipotentiaires,
accompagnés des pères jésuites Gerbillon et Pereira qui leur
servaient d'interprètes, conclure à Nertchinsk ou Niptchou
(i.1 août 1689) avec les représentants du tsar Pierre le
Grand un traité aux termes duquel la petite rivière Kerbi-
chi, les monts Hing-ngan et la rivière Ergon, affluent du
fleuve Amour, traceraient la démarcation entre les deux
empires : la citadelle de Yaksa (Ya-k'o-sa^ Albazin), sur
l'Amour, serait livrée aux Chinois qui la détruiraient, —
Les Anglais n'entretinrent pas de rapports officiels avec
Kang-hi ; la Compagnie des Indes orientales se contenta
de fonder des comptoirs à Amoy et à Fou-tcheou, et, en
1684, de s'établir à Canton, malgré riiostiUté des Portu-
gais. — Louis XtV de même ne se fit représenter par au-
cun ministre auprès de Kang-hi ; il se borna à lui écrire
une lettre dans le style qui était alors d'usage entre les
souverains européens ; il préparait cependant déjà l'action
de la France en Chine par les missionnaires catholiques
qu'il y envoyait ; c'est ici le Ueu d'indiquer quel fut leur
rôle.
Kang-hi appréciait fort, à cause de leur connaissance en
mathématiques, les pères jésuites dont l'établissement à
Péking datait de la fin de la dynastie précédente. Il aimait
à les avoir auprès de lui. En 1682 et 1683, il emmena
avec lui le P. Verbiest a de grandes chasses qu'il fit dans la
Tartarie orientale et dans la Tartarie occidentale (les très
curieuses lettres que le P. Verbiest écrivit en latin pour
raconter ces expéditions se trouvent reproduites en fran-
çais dans l'Histoire des deux conquérants tartares, du
P. Joseph d'Orléans, pp. 208-273). Puis, considérant que
le P. Verbiest était déjà vieux et qu'il n'aurait plus après
sa mort que deux « mathématiciens », les PP. Pereira et
Grimaldi, il envoya ce dernier lui en chercher d'autres en
Europe; le P. Grimaldi ramena du Siam, où ils avaient
accompagné l'ambassadeur de Louis XIV, M. de Chaumont,
les cinq jésuites français : Bouvet, Gerbillon, Le Comte,
Visdelou et de Fontaney ; ils arrivèrent à Péking le 8 févr.
1688. Le P. Gerbillon sut gagner tout particulièrement
les bonnes grâces de l'empereur ; peu de mois après son
installation à Péking, lui et le P. Pereira furent, comme
on Fa vu plus haut, envoyés à Nertchinsk pour négocier
avec les Russes ; dans cinq autres occasions, le P. Gerbillon
accompagna l'empereur aux grandes chasses ou expéditions
militaires qu'il faisait en Tartarie. C'est au crédit de ce
religieux qu'on doit le fameux édit de tolérance (22 mars
1692) par lequel Kang-hi autorisa l'exercice public de la
religion chrétienne.
Vers la fin du règne de Fempereur et sur son ordre, les
jésuites menèrent à bien l'entreprise immense de dresser
des cartes de tout l'empire. Ce travail fut confié aux pères
Bouvet, Régis, Jartoux, Fridelli, Cardoso, Bonjour, de
Tartre, Mailla et Henderer ; ils entrèrent en campagne en
1708, et les pères FrideUi et Régis ne revinrent du Koei-
tcheou et du Hou-koang que le 1®^ janv. 1717. L'œuvre
terminée fut présentée à l'empereur en 1718. Ce sont les
cartes des jésuites qui ont servi de base à l'atlas de d'An-
ville et dont les indications sont encore aujourd'hui sui-
vies par les géographes européens pour la plupart des loca-
lités de l'intérieur de la Chine.
Le crédit que s'étaient acquis les jésuites par leur
science était considérable et autorisait les plus grandes
espérances, lorsque la malheureuse question des rites vint
singulièrement amoindrir leur situation. Sans entrer dans
les détails de cette question très compliquée, il nous suf-
fira dédire que les jésuites de Péking avaient cru pouvoir
identifier Dieu avec le Tien (ciel) ou Chang-ti (empereur
d'en haut) adoré par l'empereur, et accepter certaines céré-
monies reUgieuses chinoises. C'était là, dirent leurs enne-
mis, une compromission fâcheuse avec le paganisme. L'af-
faire fut portée à la cour de Rome et une commission
spéciale fut chargée de l'examiner. Sur le rapport de cette
commission, le pape Clément XI donna tort aux jésuites
et, par un décret du 20 nov. 1704, il décida que les mots
Tien et Chang-ti devraient être dorénavant prohibés et
que la seule appellation par laquelle on traduirait le nom
de Dieu serait celle de Tien-tchoUj maître du ciel. Le
pape envoya à Péking en 1705 M^^ de Conon et en 1720
Mê^ Mezzabarba pour exposer ses vues à Kang-hi ; mais
les deux légats furent l'un et l'autre fort mal reçus par
l'empereur qui méprisait ces subtilités théologiques. Lin-
transigeance de la cour de Rome fit perdre aux mission-
naires le terrain qu'ils avaient gagné en un siècle d'efforts
et prépara les persécutions qui devaient se déchaîner
contre le christianisme sous le règne de Yong-tcheng, suc-
cesseur de Kang-hi.
Kang-hi mourut le 20 déc. 1722 des suites d'un refroi-
dissement qu'il avait pris à la chasse. Son règne de soixante
et un ans coïncida presque avec celui de Louis XIV et fut
également glorieux ; aussi les écrivains du xviii® siècle se
sont-ils souvent plu à les mettre en parallèle et ont-ils
appelé Kang-hi le Louis XIV de la Chine. Ed. Chavannes.
BiBL. : Le P. Bouvet, Portrait historique de l'empereur
de la Chine, 1697. — Le P. Joseph d'Orléams, Histoire
des deux conquérants tartares^ 1688. — Du Halde, Des-
cription de la Chine. — De Mailla, Histoire de la Chine^
t. aL — Abel RÉMUSAT, article Khang-hiy dans la Bio-
graphie universelle. — Kang-hi est l'auteur des seize
maximes qui furent commentées par son successeur Yong-
tchent^ et qui sont connues sous le nom de Saint Edit (cf.
la traduction anglaise de Milne, la traduction française
de M. PiRY et l'étude de M. Legge, intitulée Impérial
Confucianism, dans la China Review, vol. VI, pp. 147, 223,
299, 363). — On trouvera dans les Mémoires concernant
les Chinois (t. IV) la traduction des Observations de phy-
sique et d'histoire naturelle de l'empereur Kang-hi., et
(t. IK) la traduction des Instructions sublimes de Cheng
Tzu Quogen Hoang-ti {Kang-hi). Kang-hi a encouragé
ou ordonné la publication de plusieurs ouvrages considé-
rables : le Pei wen yun fou, le Kang-hi tse tien, etc., sur
lesquels W.-F. Mayers a écrit une excellente étude sous
le titre de : Bibliography o( the Chinese Impérial collec-
tions of literature., dans China Review. vol. VI, pp. 213 et
285.
KANGLA Nama(CoI) (V. Himalaya).
KANGOUROU. I. Zoologie. — (Macr(?/?W5). Genre de
Mammifères Marsupiaux (V. Didelphes) créé par Shaw
(4790) et devenu le type de la famille des Macropodidœ
qui présente les caractères suivants. — Formule dentaire :
. 8 i (ouO) _.. 2 4
X2
V 0
__d8oul6
~" 46
pm
m. 7
= 32 ou 34 dents.
Les incisives sont pointues et coupantes, celles de la mâ-
choire inférieure proclives, comme chez les Rongeurs, et
en forme de ciseau; l'avant-dernière prémolaire tombe avec
les quatre molaires de lait qui ont la forme d'arrière-mo-
laires et persistent longtemps ; les arrière-molaires sont
larges, présentant des sillons transverses ou des tubercules
émoussés ; la canine supérieure, quand elle existe, est ru-
dimen taire et caduque. Les prémolaires et les molaires
éprouvent un mouvement d'arrière en avant dans la mâ-
choire (rappelant ce qui se passe chez les éléphants), à
mesure que Fanimal avance en âge : ce fait est surtout
marqué sur les grandes espèces. La plupart des représen-
tants de cette famille ont les pattes postérieures beaucoup
plus développées que les antérieures et propres au saut.
Les pattes antérieures ont cinq doigts ; les pattes posté-
rieures sont du type syndactyle, c.-à-d. à quatrième doigt
KANGOUROU
- 398
très développé, tandis que le pouce manque ; le cinquième
doigt (ou doigt externe) est le plus développé après le qua-
trième, les deuxième et troisième (internes) sont atrophiés,
ne montrant au dehors que deux petites griffes qui servent
Macropus ruficollis (crâne).
à l'animal pour se gratter ou peigner son pelage, mais dont
les doigts, cachés sous la peau, ne portent plus sur le sol.
La (|ueue est longue, forte, poilue, rarement préhensile;
l'estomac est multiple. La poche marsupiale est grande et
s'ouvre en avant.
Les Kangourous, tous propres à la région australienne,
sont des Marsupiaux herbivores qui remplacent dans cette
région les Ruminants et les autres Ongulés. La dispropor-
tion existant entre leurs pattes antérieures et postérieures
et qui leur impose une progression bipède^ est appropriée
à la structure du désert australien qui présente une suite
ininterrompue de plis de terrain et de collines qu'il faut
sans cesse monter ou descendre : le saut, qui remplace la
course chez ces animaux, est favorable à la montée comme
à la descente et leur assure l'avantage sur un cheval lancé au
galop. Ils font ainsi des bonds énormes en s'aidant de leur
forte queue qu'ils tiennent dirigée horizontalement comme
un gouvernail. Au repos, il s'appuient dessus comme sur
un troisième pied, redressant la partie antérieure du corps,
ce qui leur permet de veiller à leur sûreté au milieu des
plaines ondulées et couvertes d'herbes et de buissons qu'ils
habitent. La tète est allongée, munie de longues oreilles,
rappelant celle d'une biche ou d'une antilope.
L'estomac est grand, muni de nombreuses poches reliées
entre elles par une bande longitudinale de tissu musculaire,
disposition qui rappelle celle du caecum de l'homme : l'in-
testin est long et le caecum lui-môme bien développé. Les
glandes mammaires, au nombre de quatre, sont cachées
dans la poche qui donne asile aux petits dès leur naissance :
à ce moment, ceux du Kangourou géant ont à peine un
pouce de long : ils s'attachent fortement aux mamelles
dont la tétine pénètre jusque dans leur arrière-gorge, et le
lait leur est injecté directement dans l'estomac par la con-
traction des muscles des parois de l'abdomen. Ils croissent
rapidement et sortent bientôt de la poche, mais pour y ren-
trer au moindre danger et se faire transporter par leur mère :
on voit de jeunes Kangourous, déjà gros comme un che-
vreau, rechercher encore cet asile pour dormir, et laissant
dehors, faute de place, leur tête et leurs longues pattes
postérieures : on les voit même brouter dans cette position
en même temps que la mère.
Tous les Kangourous sont exclusivement phytophages, se
nourrissant d'herbes ou d'autres végétaux : les petites
espèces se nourrissent aussi de racines. Ce sont des ani-
maux très timides, ne cherchant leur salut que dans la
fuite ; mais, lorsqu'ils sont forcés et acculés, ils se défendent
fort bien contre les chiens, les étreignant avec leurs pattes
antérieures armées d'ongles recourbés et leur ouvrant le
ventre avec l'ongle pointu de leurs pattes postérieures, pen-
dant qu'ils s'appuient sur leur robuste queue ; l'homme
lui-même doit se méfier de ces blessures. Les Kangourous
forment parfois des bandes nombreuses qui émigrent
comme les antilopes de l'Afrique australe. Ils constituaient
autrefois le principal gibier et la principale nourriture des
aborigènes de la Nouvelle-Hollande et des colons de ce
pays; ceux-ci leur ont toujours fait une chasse active
comme sport plein d'attrait et dans l'intention de leur subs-
tituer les bœufs et les moutons domestiques importés de la
métropole. Malgré cette destruction systématique, il semble
que leur nombre, loin de diminuer, ait augmenté, au moins
dans certains districts, ce que l'on attribue à la disparition
de leurs principaux ennemis, les indigènes et le Dingo ou
Chien sauvage, que l'on tue partout sans pitié à cause du
tort qu'il fait aux troupeaux.
Il existe de nombreuses espèces de Kangourous dont la
taille varie de celle d'un fort mouton à celle d'un jeune
lapin. Quelques espèces habitent la Nouvelle-Guinée et les
îles voisines (Arou) qui appartiennent à la région austra-
lienne. La famille se subdivise en trois sous-familles qui sont :
1^ les Mapropodinœ ou vrais Kangourous, comprenant
quarante-cinq espèces réparties dans les genres Macropus,
Petrogale, Onychogale, Lagorchestes,^ Dorcopsis, Den-
drolagus et Lagostrophus ; 2« les Potoroïnœ ou Kan-
gourous-Rats, et 30 les Hypsiprymnodontinœ.
Les Kangourous proprement dits (genre Macropus) com-
prennent les plus grandes espèces du groupe et présentent
les caractères dentaires que nous avons indiqués. Leur
Kangourou-Rat (crâne).
muffle est nu^ leurs oreilles grandes, les poils du dos ordi-
nairement couchés en arrière ; l'ongle du quatrième doigt
des pattes de derrière est très long; la queue est épaisse,
conique, uniformément poilue. Ce sont les vrais Kanga-
vous on Wallabies des colons australiens, dont quelques-
uns atteignent la taille d'un homme lorsqu'ils se dressent
sur leur train de derrière. On en connaît vingt-trois
espèces réparties en trois groupes et répandues sur
le continent australien et la Nouvelle-Guinée jusqu'aux
Moluques. Le premier groupe comprend le Kangourou
GÉANT {Macropus gigas), type du genre et la plus grande
espèce vivante ; il habite les plaines découvertes de l'Aus-
tralie orientale et de la Tasmanie : il est d'un gris brun
assez foncé : c'est l'espèce que l'on voit le plus communé-
ment en Europe et que l'on a exhibée dans des cirques
sous le nom de « Kangourou boxeur ». Ce que nous avons
dit des mœurs des Kangourous se rapporte plus particuliè-
rement à cette espèce. Les Macropus rufus, M. antilopi-
nus et M. robustus en sont voisins et habitent les mon-
tagnes rocheuses de l'Australie. Le second groupe comprend
des espèces un peu moins grandes et de couleur plus claire :
elles habitent les forêts et les taillis et on leur applique
plus particulièrement le nom de Wallabies {M. rufi-
collis, M. ualabatus, M, Parryi, M, agilis, etc.). Le
troisième groupe comprend des espèces plus petites, com-
parables aux Lièvres et aux Lapins, et dont quelques-unes
s'étendent au N. jusqu'aux îles Arou, à la Nouvelle-Guinée
et à la Nouvelle-Bretagne : tel est le M. brachyurus
remarquable par sa queue et ses oreilles courtes, et le Mi
thelidis dont le pelage est élégamment zébré sur le dos.
Le genre Pétrogale comprend des espèces de taille
moyenne, à ongle des pieds de derrière très court, à queue
plus grêle que les vrais Kangourous et terminée par un pin-
ceau de poils. On en connaît six espèces qui habitent les
régions rocheuses et se cachent dans les cavernes : elles
sautent avec Pagilité de nos chamois (P. penicillata, P.
xanthopus^ P, lateralis^ P. concinna^ P. hrachyotis^
P. inornata), — Les Onychogales ont le muffle poilu,
Tongle du quatrième doigt des pieds de derrière long,
comprimé, pointu, la queue terminée par un tubercule
corné en forme d'éperon. On en connaît trois espèces iO>
lanata, 0. frenata^ etc.). — Les Lagorghestes ouKan-
gourous-Lièvres sont plus petits, à queue courte et dépour-
vue d'éperon. Comme les précédents, ils habitent les collines
rocheuses et couvertes d'herbes, sautant et courant avec
une grande agilité et se creusant un gîte semblable à celui
du Lièvre (L. leporoïdes^ L. hirsutus et L. consmcilla-
tus). On ne les trouve c[\iQ sur le continent australien. —
Les DoRcopsis ont les pattes postérieures moins dispropor-
tionnées que les précédents, le muffle nu, les oreilles petites,
la queue nue à son extrémité, les poils du dos en partie
— 399 -- KANGOUROU
dirigés en avant : leurs canines sont bien développées. On
en connaît trois espèces de la Nouvelle-Guinée : le type (D .
Mulleri) forme le passage au genre Dendrotague^ tandis
que le D. Macleayi rattache le genre aux vrais Kangourous.
— Les Dendrolagues ont les pattes antérieures sensible-
ment aussi fortes que les postérieures, le museau gros, les
poils du dos dirigés en avant. Aux pattes postérieures, les
ongles des quatrième et cinquième doigts sont recourbés
comme aux pattes antérieures et non droits ; les deuxième
et troisième sont relativement bien développés ; la
queue est longue et touffue. Il y a une petite canine. L'or-
ganisation indique des mœurs différentes de celles des autres
kangourous, et, en effet, les quatre espèces qui habitent
la Nouvelle-Guinée et le N. du Queensland vivent sur les
arbres des forêts subtropicales, grimpant aux branches et
ne sautant pas sur le sol : elles se nourrissent d'écorces, de
Kangourou géant.
feuilles et de fruits. Ces mœurs les rapprochent des Pha-
langers (D. ursinus^ D, inustus de Nouvelle-Guinée et
D. Lumholtzi du Queensland). — Un dernier genre {La-
gostrophus Thomas) ne comprend qu'une espèce (L.
fasciatus) ou Kangourou a bandes de l'Australie occiden-
tale, qui est de petite taille avec les pattes postérieures
couvertes de longs poils épineux qui cachent les ongles, et
une dentition assez différente de celle des vrais Kangou-
rous.
Les Kangourous-Raîs ou Potorous^ Potoroïnœ ou
Hypsipryminœ^ sont des petites espèces à forme de Ron-
geurs et dont la dentition est très particulière. Les inci-
sives supérieures sont d'inégale longueur, la première paire
étant longue, étroite, recourbée et dépassant les suivantes;
la canine supérieure est persistante; l'unique paire de pré-
molaires aux deux mâchoires est d'une forme tout à fait
caractéristique ; ces dents sont grandes, allongées, à
couronne comprimée, coupante, sillonnée en dehors et en
dedans de stries verticales simulant les dents d'un peigne;
les molaires ont une couronne carrée à quatre tubercules,
la quatrième est plus petite que les autres et souvent rudi-
mentaire. Les pattes antérieures sont grêles avec les trois
doigts médians plus développés que les autres et terminés
par des ongles longs, comprimés et un peu recourbés : les
pattes postérieures comme chez Macropus, La taille ne
dépasse pas celle d'un lapin. Ces animaux habitent l'Aus-
tralie et la Tasmanie, se nourrissant d'herbes, de feuilles
et de racines qu'ils déterrent à l'aide de leurs pattes anté-
rieures. Ils sont nocturnes. On en connaît neuf espèces
réparties en quatre genres : Potorous (ou Hypsiprymnus)^
à tête longue, à tarses courts et à muffle nu (P. tridac-
tylus^ P. Gilberti et P. platyops). — Bettongia à tête
grosse et courte, à tarses allongés, à queue plus ou moins
préhensible, les poils du dessus formant une espèce de
crête : celte queue leur sert à porter des touffes d'herbes
dans leur terrier (6. penicillata, B. cuniculus, B, Gai-
mardi, B. Lesueuri), — Caloprymnus (Thomas), sem-
blable au genre précédent, mais à museau court et conique,
à queue grêle, couverte de poils courts et sans crête {C,
campestris du S, de l'Australie). — /Epyprymnus (Gar-
rod), à museau en partie poilu, à tarses longs (J?. ruf es-
cens) .
KANGOUROU — KANITZ
— 400 —
Les Hypsiprymnodoniinœ, représentés par le seul genre
HypsiPRYMNODOîii (Ramsay), sont des animaux de très petite
taille formant la transition des Kangourous aux Phalangers.
Les pattes postérieures sont munies d'un pouce opposable ;
les ongles sont petits, faibles et subégaux. La queue est
nue et écailleuse. Les quatre prémolaires sont tordues obli-
quement comme celles des Phalangers : les autres dents
ressemblent à celles des Potorous. L'unique espèce (H.
moschatus ou Pleopus nuclicaudatus d'Owen) est de
l'Australie Nord-Est.
II. Paléontologie. — On trouve dans les couches qua-
ternaires de l'Australie des restes de Kangourous indiquant
des animaux d'une taille supérieure à celle du Macropus
giganteus. Tels sont les M. titan^ M, robustus^ M. altus,
et M. Cooperi qui appartiennent au même groupe; le M.
brehiis^ du groupe des Wallabies, avait un crâne de
30 centim. de long : M, rœchus et M. anak étaient plus
petits. On a formé des genres à part (Pachysiagon, Ste-
nomerus, etc.), pour d'autres espèces dont plusieurs sont
de forte taille, comme Sthenurus atlas, Procoptodon
goliath et Palorchestes azael (Owen). Ce dernier, dont
le crâne a plus de 40 centim. de long, devait atteindre la
taille des plus forts chevaux. Le genre Trielis (De Vis)
est voisin d' Hypsiprymnodon, dont il diffère par la pré-
sence d'une petite canine à la mâchoire inférieure, et qui
le rapproche, encore plus que ce dernier genre, des Pha-
langers (V. DlDELPHES). E. TrOUESSART.
BiBL. : J. GouLD, Mammaîs of Australia, 1863. — O.
Thomas, Catalogue of Marsupiala and Monotremata in
the BritisJi Muséum, 1888. — H. Owen, On Extinct Mam-
mals of Australia, dans Philos. Transactions^ 1874-77.
KANGOUROU (île). Ile de la côte S. de l'Australie, à
l'entrée du golfe de Saint-Vincent ; séparée delà péninsule
d'ilindmarsh par le passage Rackstairs et de celle d'York
par le détroit de l'Investigator, elle est longue de 140 kil.
de l'E. à rO., avec une largeur maxima de 55 kil., la su-
perficie étant de 4,350 kil. q. Découverte en 4802 par
Flinders, qui lui donna son nom à cause de son abondance
en troupeaux de kangourous, elle forme le comté de Car-
narvon ; ses côtes sont rectilignes, à l'exception près de la
péninsule Macdonneil à l'E. L'île a moins de 400 hab. ;
sol aride et sablonneux ; collines de grès comprenant le
mont Torrens. La capitale est Kingscote, au N., avec un
bon ancrage.
KANGRA. Ville de l'Inde anglaise, prov. de Djalandar
(Pendjab), sur la Rânganga, affluent du Rias ; 7,000 hab.
Dominée par un roc qui porte sa citadelle, elle fut à peu
près imprenable avant les progrès de l'artillerie ; c'était la
capitale d'une principauté hindoue. Elle est en décadence,
remplacée par Dharmsala. — Le district deKangra s'étend
sur les vallées méridionales de l'Himalaya jusqu'à la fron-
tière, comprenant les pays de Koulou,Lahoul et Spiti, soit
3i3,278 kil. q. On y cultive le thé.
KAN H ERl. Endroit célèbre par ses grottes, situé dans l'île
de Salsette, près de Rombay (Inde). Ces grottes contiennent
des monuments de diverses époques et notamment des ins-
criptions en pehlvi écrit en lignes verticales. Anquetil-Du-
perron est le premier qui ait visité ces grottes en 4760, mais
il prenait les inscriptions pour du mongol. Elles ont été
déchiffrées depuis par E.-W.West qui les a publiées en
4866 et en 4880. Ces inscriptions sont datées et portent
les noms des Parsis qui visitaient les grottes entre 356 et
390 de l'ère de Yezdegerd (988 à 4022 de J.-C.) ; elles
doivent être lues de haut en bas et de droite à gauche. Les
caractères, quoique antérieurs de trois siècles au plus an-
cien manuscrit connu en Europe (de 4323), sont à peu
près les mêmes. Il existe aussi à Cottayam, sur la côte de
Malabar, d'autres inscriptions pehlvies qui sont à la suite
d'une charte octroyée au ix® siècle par les souverains de
rinde à la colonie chrétienne, et qui renferment les noms
des témoins qui ont signé en pehlvi. Les inscriptions de
Kanheri et celles de Cottayam sont les seuls spécimens con-
nus du pehlvi des ix*^ et x® siècles. E. Dr.
BiBL. : E.-W. West, dans le Journ. of Asiatic Soc. Bom-
Monnaie d'or de Kanichka.
bay, 1865, et dans le journal imprimé en gouzerati intitulé
Zavloshii Abhias.—IndianAntiquaruMm.— WKUG, Essay
on the Pahlavi, 1870.
KANH-HOA. Ville de l'Annam, ch.-l. delà prov. de ce
nom, à 500 kil. S. de Hué et 45 kil. de la mer. — La
province comprise entre celle de Fouyen au N. et Binh-
thuan au S. est une bande côtière très étroite : il y a à
peine 45 kil. de la crête montagneuse à la mer. Elle a
430 kil. de long du cap Varéla au N. à la baie de Kang
au S. C'est un pays pauvre (V. Annam).
KANICHKA (il faut lire sur les monnaies Kanechki
et non Kanerki, comme l'a prouvé M. A. Stein), roi
indo-scythe de
la Bactriane et
de l'Inde du
Nord (V. Bac-
triane, t. IV,
p. 4J9, col. 2)
et protecteur
du Bouddhisme
(V. ce mot,
t. VH, p. 589,
col. 2). Il faut d'ailleurs signaler l'éclectisme de ses opinions
rehgieuses si nous devons en croire le revers de ses médailles
où apparaît non seulement le Bouddha (Boudo), mais des
divinités grecques comme Hélios, iraniennes comme Milhra,
brahmaniques comme Okcho qu'on identifie avec Si va, et
d'autres encore que leurs noms barbares font croire scy-
thiques. Notons enfin que la fixation de son sacre à l'an 78-9
ap. J.-C. (début de l'ère Çaka) n'est qu'une brillante con-
jecture et qu'il semble avoir plutôt vécu dans la première
moitié du i®"^ siècle.
BiBL. : P. Gardner, The Coins of the ç/reek and Scythic
hinqs ofBactria and India in the British Muséum; Londres,
1886, pi. XXVI.
KANIEWSKI (Jean-Xavier), peintre polonais, né en Vo-
lynie en 4809^ mort en 4869. Il étudia à l'Académie des
beaux-arts de Pétersbourg et fut envoyé en Italie. Il devint
membre de l'Académie des beaux-arts de Pétersbourg et en
4845 directeur de l'Ecole des beaux-arts de Varsovie. On
cite parmi ses principaux tableaux : le Pape disant sa
messe à Saint-Pierre, le Christ ressuscitant le fils de
la veuve de Naïm, un portrait de Grégoire XIII, Sam-
son et Dalila, des copies de Raphaël, etc.
KAN IN. Presqu'île de la Russie, sur l'océan Glacial
arctique, entre la mer Blanche à l'O. et le golfe Tcheskaia
à TE., continuant les hauteurs de Timan. De structure
rocheuse, elle est formée au N. par des schistes cristal-
lins, au S. par des sédiments jurassiques, et recouverte de
toundras séparés par des collines sablonneuses et de petits
lacs. Son extrémité septentrionale est le cap Kanin ou Ton-
koi-nos. Ce fut une île et récemment encore le lac Parous-
noie à la racine s'épanchait par la Tchija et la Tioucha
dans les deux mers, l'isolant du continent par un canal
navigable, aujourd'hui obstrué. La presqu'île Kanin a
40,430 kil. q. et compte environ 2,000 hab., presque tous
Sanioyèdes; l'été ils vivent au N., l'hiver dans trois vil-
lages au S. L'été on chasse le phoque (Phoca cristata), le
veau marin, etc. La presqu'île Kanin fait partie du gouver-
nement d'Arkhangelsk, district de Mezen. A.-M. B.
KANITZ (Moravie) (V. Konice).
KANITZ (Philippe-Félix), ethnographe et archéologue
hongrois, né à Budapest le 2 août 1 8i29. Il fit des études
approfondies sur l'histoire de l'art et la géographie à Vienne,
à Munich, à Dresde, à Leipzig, les compléta par des voyages
en Allemagne, en Belgique, en France, en Italie. Des excur-
sions en Dalmatie, en Herzégovine, en Monténégro (4858),
furent le point de départ des travaux auxquels il consacra
toute sa vie et qui établirent sa réputation. Il refit, avec
des difficultés inouïes et en courant de sérieux dangers
parmi les Tcherkesses et les seigneurs de la montagne, la
carte de presque toute la Bulgarie actuelle, qui n'était jus-
qu'à lui qu'un tissu d'erreurs. Mais il est surtout célèbre
par l'exploration géographique et ethnographique des Bal-
— 401 —
KÂNITZ - KANOLD
kans dont iPdonna les résultats dans son remarquable ou-
vrage : Donau-Bulgarien und der Balkan (Leipzig, i 875-
79, 3 Yol. ; nouv. éd., '1882), traduit en français (Paris,
1881, gr. in-8), accompagné d'une carte qui fut reproduite
par Tétat-major russe, servit de base aux opérations de
l'armée du tsar et qui fut employée au congrès de Berlin
de 1878 pour la délimitation des frontières serbo-turco-
bulgares. Kanitz reprit ses tournées dans les Ballvans en
1887-89, mais en les consacrant, cette fois, à la recherche
des monuments antiques. L'Académie de Vienne a publié en
1892 les premiers résultats de ces nouveaux voyages :
Etudes romaines en Serbie. Entre temps, Kanitz avait
fondé la Société anthropologique de Vienne (1871),
avait rempli les fonctions de curateur du musée oriental de
Vienne (1874), avait organisé la section anthropologique
autrichienne de l'Exposition universelle de Paris (1878),
avait présidé le congrès anthropologique de Moscou (1879),
avait reçu le titre de conseiller royal et avait refusé, pour
se livrer tout entier à ses études de prédilection, plusieurs
hauts emplois otiiciels. Citons encore de lui : Ser biens
byzantinische Monumente (Vienne, 1862) ; Beise in
Sûdserbien und Nordbulgarien (1868); Serbien, his-
torisch-ethnographische Reisestudien (Leipzig, 1868) ;
Katechismus der Ornamentik (1877, 2^ éd.). R. S.
KANIZSA-Nagy, c.-à-d. la Grande Kanizsâ. VilledeHon-
grie, située dans le comitat de Zala. C'est aussi le nom du
cours d'eau sur lequel elle est bâtie, petit affluent de la
Zala, et par suite tributaire du lac Balaton. Depuis 1880,
Nagy-Kanizsa foruie une seule et même commune avec Kis-
Kanizsa (la petite), village très inférieur que l'on en distin-
guait autrefois. C'est une des places de commerce agricole
les plus importantes de cette contrée marécageuse. La po-
pulation est de 21,234 hab. (en 1890). Les 'Magyars sont
en grande majorité ; la minorité allemande ou juive est
cependant notable. E. S.
Il existe deux autres villes du même nom : la Vieille
Kanisza, sur la rive droite de la Tisza, comitat de Bacs-
Bodrog ; 14,000 hab., Magyars et Serbes; grand marché
agricole. — Kanisza-Tœrœk ou la Turque^ comitat de
Torontal, 3,300 hab., séparée de la précédente par la Tisza.
BiBL.: HoRVATH, Histotre de Kanisza (en hongrois), 1862.
KANKAKEE. Rivière des Etats-Unis, affluent de l'Illinois,
160 kil., par moitié dans les Etats à'Indiana et à' Illinois
(V. ces mots). Elle donne son nom à une ville de l'Illinois;
6,000 hab., en partie Canadiens français. Grandes carrières.
KANKAN. Ville du Soudan français, sur le Milo, affluent
droit du Niger, par 10*^ lat. N., ville principale du Baté-
dougou (V. Soudan français). Les Anglais de Sierra Leone
s'y approvisionnaient d'esclaves.
KANKAR (Mines) (V. Inde, t. XX, p. 684).
KAN KARE. Village du Soudan français, sur le Sangarani,
affluent droit du Niger, à 100 kil. de Bamakou ; marché
principal du Baya (V. Soudan français).
KANKER. Petite principauté de l'Inde centrale, entre le
Raïpour au N. et le Bastar au S. ; 2,600 kil. q. ; 40,000
hab. environ, en majorité de race gond.
KAN KH AL Ville de l'Inde anglaise, prov. du N.-O.,
district de Meerut (Mirât), sur la rive droite du Gange ;
5,000 hab. tous brahmanes. Elle fait partie du groupe de
Ilardvar et renferme le temple de Dakchivara.
KANKREDJ ou TARA. Principauté de l'Inde, région du
Guzerate, comprise entre celles de Pâlanpour au N., Râ-
danpour au S. et du Gaikovar à TE.; 1,213 kil. q. ;
40,000 hab. environ. Le prince est un radjpoute, vassal du
Gaikovar, et réside à Tara. La population est formée sur-
tout de Mes.
KANKRIN (Georg) (V. Cancrjne).
KANNADA (V. Dravidiennes [Langues]).
KANO. Ville du Japon, ken de Ghifou, prov. de Mino,
au centre de Nippon, près de la baie d'Ovari ; 5,000 hab.
KANO. Ville du Soudan central, dans le Sokoto; c'est le
centre commercial du Soudan. Elle fabrique et teint des
cotonnades et des vêtements de luxe (tuniques noires, san-
grande encyclopédie. — XXI.
dales), des cuirs (sacoches appelées djebaïr), de la quin-
caillerie, articles très appréciés dans toute l'Afrique centrale ;
les esclaves, les noix de gouro, le sarrasin, le cuivre, le sel, le
natrou provenant des contrées voisines s'y échangent. Le
trafic se fait surtout avec le Bornou et le Fezzan, d'oti on
réexporte les cotonnades de Kano jusqu'à Tombouctou. Les
produits européens y pénètrent également. — La ville s'est
formée au xvii® siècle, au pied du rocher Data. Conquise
par les Foulah musulmans, elle hérita de la prospérité de
Katsena, après qu'ils eurent soumis le Haoussa. Elle est
enveloppée d'une enceinte en terre de 30 kil. de tour, per-
cée de quatorze portes ; mais le S.-O. seulement de cet en-
clos est habité. On estime la population à 30,000 âmes.
— La prov. de Kano compte environ 300,000 hab. sur
28,000 kil. q.; elle est riche et fertile.
KANOBINouKANNÔBiN.Nom d'un couvent de la vallée
du Kadicha, à 25 kil. S.-E. de Tripoli de Syrie, sur les hau-
teurs du Liban. Il fut, dit-on, fondé par Théodose le Grand
(379-395) et construit en partie dans le roc vif. Au
Vil*' siècle, Jean Maroun, devenu patriarche, y établit sa
résidence et, organisant la résistance de ses ouailles contre
l'invasion arabe, il constitua ainsi une sorte de petite na-
tion qui prit le nom de Maronites. Depuis le xv^ siècle,
Kanobin a toujours été le siège d'un patriarcat dont les titu-
laires portent invariablement les noms de Pierre ou de Paul.
KANODJ,KANOUJ,KANUJ,KUNAUJ,etc. Une des plus
anciennes villes de l'Inde, située sur la rive occidentale du
Kàli-nadi, petit affluent du Gange, autrefois sur le Gange
lui-même, dont le cours s'est détourné de 16 kil. vers
le N.-E. Elle est mentionnée dans Ptolémée sous la forme
Kavoyt^rj. Le nom indigène est Kanyakoubdja, en chinois
Ki-jao-i et Kie-jo-kio-che chez les voyageurs Fa-hien et
Hiouen-tsang qui la visitèrent en 405 et en 640. Elle
eut une grande importance pendant les six premiers
siècles de notre ère, et différentes dynasties y ont régné
successivement, dont la principale est celle des Gouptas
qui y avaient fixé une de leurs résidences royales. Au
vii^ siècle elle faisait partie du domaine de Sri Harsha.
En 733, Yaçovarman, roi de Kanodj, est défait par Lalitâ-
ditya, roi du Cachemire, qui s'empare de tout le pays de
Kanodj. Cette ville est mentionnée dans tous les anciens
poèmes de l'Inde et elle joue un grand rôle dans toutes les
histoires et les épopées. Son étendue devait être considérable
(près de 48 kil. q.), si on en juge par les ruines de son
mur d'enceinte. En 1018 la ville fut prise et pillée par
Mahmoud le Ghaznévide et en 1194 par Mohammed Ghouri.
— C'est là que Houmayoun fut battu par Sher Chah en 1540
et obligé de s'enfuir de l'Inde. A partir de cette époque la
ville de Kanodj disparaît de l'histoire; il ne reste plus au-
jourd'hui que des ruines de l'ancienne cité : elles sont sur-
tout de l'époque musulmane. La ville moderne fondée au
xii® siècle sous le nom de Bari, mais qui a repris plus tard
son nom ancien, est élevée sur des monticules et au bord
des ravins ; elle a une apparence misérable. La population
s'élevait à 17,000 âmes en 1881, dont 10,000 Hindous et
7,000 musulmans ou bouddhistes. Elle est le chef-lieu
d'un district ou tashil de Faroukhabad (prov . du N.-O.),
lequel contient lui-même une population de 117,000 hab.',
dont 97,700 Hindous et près de 20,000 mahométans!
— • Kanodj a été un centre fécond en antiquités in-
diennes. Lors des premières fouilles qui furent faites en
1826 par Tod, Masson, Prinsep et autres, Kanodj et Ma-
nikyala furent les villes où l'on trouva le plus de monnaies
de rinde ancienne, d'où le nom de kanauj coins que
Prinsep donnait à diverses séries de monnaies non encore
déchiffrées, telles que celle des Indo-Scythes et des Gouptas
auxquellesondonnaitalorsune très haute antiquité. E. Dr.
BnîL.: W. IIUiNTER, Imp. Gazetteer of India, 1886, t.VII.
KANOLD (Johann), médecin allemand, né à Breslau le
15 déc. 1679, mort à Breslau le 15 nov. 1729. Il fut
élève de Stahl et s'occupa avec distinction d'épidèmiolot^ie .
Outre divers ouvrages sur les épizooties, l'épidémiolo-
gie, etc., il a publié : Einige medicor, Sendschreiben
26
KANOLD — KANSAS
402 —
von (1er in Preussen 1708... grassirten Pest (Biosba.
4711, 1715).
KANORl (V. BoRNou [Ethnogr.]).
KANOUJ (V. Kânodj).
KANOUiVl ((iàiiori). instrument de musique oriental,
analogue à la cithare. 11 dérive du canon monocorde des
anciens, auquel on a ajouté d'autres cordes.
KANOURH. Village tibétain, situé dans la vallée supé-
rieure du Sutledj. On y fabrique des étoffes de Nankin, li
doit sa notoriété à un monastère iamaïque où Csoma de
Koros trouva une si riche bibliothèque et tant d'excel-
lents matériaux pour ses études qu'il s'y enferma d'août
18^27 à octobre 1830. il y reçut en août 1830 la visite de
Victor Jacquemont que ses explorations de naturaliste
avaient amené dans ces parages. L. Feer.
BiBL. : Tbéod. Duka, Life and works of Csoma de K6-
rôs; Londres, lb85, in-8. — Victor Jacquemont, Corresp.
KANOUN. Tiré du grec xavo^y, ce mot a passé dans la
langue arabe et, en Algérie, il sert surtout à désigner une
sorte de laiii mdiquanl les amendes que doivent {^ayer les
Kabyles quand ils contreviennent à leur loi pénale, a leur
loi civile ou même simplement aux prescriptions de la cou-
tume ou de l'usage local. En pays kabyle, chaque fraction
de tribu, chaque village souvent a son kanoun particuher
qui diffère plus ou moins de celui du village voisin. Quel-
quelois le kanoun contient certaines prescriptions qui for-
ment dérogation à la coutume générale et qui cependant ne
sont point susceptibles de provoquer le payement d'une
amende. En l'absence d'écriture nationale, les Kabyles
n'ont pas toujours tixé par écrit le texte de leurs kanouns;
bien souvent ils les ont laissés conliés à la mémoire des
aqal ou notables, et c'estce qui explique pourquoi ils sont,
dans bien des cas, devenus incomplets ou se sont altérés
profondément à peu d'années de distance. Les principaux
kanouns kabyles ont été publiés par MM. llanoteau et Le-
tourneux dans leur ouvrage intitulé la Kabylie (Paris,
1873, 3 vol. in-8, 1''^ éd.). 0. IJoudas.
KANÛURI. Peuple du Bornou (V. ce mot).
KANPOUR ou CAWNPORE (V. Khanpour).
KANSAS. Rivière des Etats-Unis, afll. dr. du Missouri;
elle est formée par l'union du Kepubhcan Fork au N. et
du Smoky llill Fork au S. ; le premier (800 kil.) naît
dans l'Etat de Colorado, passe dans le S, de celui de Ne-
braska et entre dans celui de Kansas où il s'unit à Fort
iiiiey au Smoky IhU Fork (000 kiL); celui-ci, né dans le
Colorado, passe aux forts Wallace, iiuys et ilarkei', à Junc-
t:on City et reçoit à gauche le Salomon (4o0kil.) et le Sa-
liiie nver (^50 kil.). Le Kansas proprement dit a ^00 kil.
ci arrose Topcka, Lawrence et ivansas city avant de se
jc;cr dans le Missouri à 'il"i m. d'ait. après avoir reçu à
gauche le Big blue (300 kiL). Le bassin du Kansas à
1 10,000 kil. q. ; mais ce sont des steppes qui donnent peu
d'eau aux rivières; elles sont presque à sec en été
(V, Etats-Unis et Kansas [EtatJ).
KANSAS. Etat de la région centrale des Etats-Unis de
l'Amérique du Nord ; i21^2,378 kil. q.; 1,4:27,096 hab.
Sauf au N.-E. où la frontière suit le Missouri, elle est
marquée par des lignes géométriques ; 37*^ et 40^ lat. N.,
9(i*^ 20^ et 104« 20 long. 0., formant un parallélogramme
qui mesure à peu près 334 kil. du S. au N. et 030 kil. de
LE. à l'O. Le Kansas, compris entre le Territoire indien au
S. , le Colorado à l'O. , le Nebraska au N. , le Missouri à l'E. ,
est au centre des Etats-Unis. C'est pour l'étendue le 11®
Etat, pour la population le 19^, pour la date d'admission
dans l'Union le 21«.
Le territoire de i'Eiât appartient entièrement à la Prairie
(V. Etats-Unis); il est ondulé et en pente sensible (1 "^50
par kil. à l'O., 0,60 à l'E.), ayant 1,100 m. d ait. à la
irontière du Colorado, 200 le long du Missouri. La région
orientale, où se groupe presque toute la population, est
couverte de vastes champs de froment, mais ou sorgho, et on
a planté beaucoup d'arbres dans les vallées. — Les cours
d'eau so partagent entre le bassin à\i Kansas au N. (V. ci-
dessus) et celui de VArkansas (V. ce mot) au S. ; ce der-
nier n'a même pas de lit bien défini et encombre une im-
mense dépression de ses eaux et de ses bancs de sable,
surtout en été après la fonte des neiges. — Le sol appartient
au terrain carbonifère à l'E., secondaire au centre, ter-
tiaire aux angles N.-O. et S.-O. Le climat est continental,
de plus en plus sec à mesure qu'on avance vers l'O. ; la
chute d'eau est de 0,823 à l'E., 0,623 au centre, 0,400 à
l'O.; elle atteint 1,200 à Leavenworth. Les vents domi-
nants sont ceux du S.-O. et du S. L'hiver est très froid,
mais court, l'été très chaud.
L'agriculture est l'occupation essentielle; en 1880, les
champs occupaient 4,246,000 hect. On cultive surtout le
mais, puis le froment (en 1885, ces cultures occupaient
2,705,000 hect. produisant 72 millions d'hectol.), puis
l'avoine, les pommes de terre, légumineuses, le tabac. Les
forêts n'occupent que 5 "/o de la superiicie totale. La ri-
chesse en bétail est énorme. En 1880, le Kansas avait
431,000 chevaux, 65,000 mulets et ânes, 1,450,000
bètes à cornes, 500,000 moutons, 1,800,000 porcs. Ces
chiffres ont doublé. Les principales industries sont la meu-
nerie et les conserves de viande. Oe 1860 a 1880, la valeur
du bétail et des récoltes a vingtuplé. Les richesses minières
sont assez grandes : houille, plomb et zinc.
Le Kansas se divise en 104 comtés, dont plusieurs
n'existent que sur le papier. La capitale est Topeka ; les
principales villes sont ensuite Leavenworth, Atchison,
Lawrence, Wyandotte, Emporia, Wychita, Fort Scott,
Ottawa, Parsons, etc. Sur la population totale, on compte
environ 50,000 gens de couleur et une proportion de 10 ^/^
d'immigrants étrangers, chiffre relativement faible ; en
outre, quelques centaines d'Indiens dans la Prairie. L'ins-
truction publique est très développée. La population scolaire
atteignait en 1883-84 le chiffre de 303,600 enfants sur
une population de 1,200,000 âmes. Il existe à Lawrence
une université d'Etat. — La constitution actuelle remonte
pour ses dispositions essentielles à 1859 ; elle comporte un
bénat de 40 membres élus pour quatre ans, et une
Ciiambre de 125, élus pour deux ans. Le gouverneur et
les fonctionnaires sont élus par le peuple pour deux ans ;
les juges le sont pour quatre et les juges supérieurs pour
SIX. La devise de l'Etat, justifiée par son histoire, es\.:Ad
asiraper aspera,
Bien que récemment entré dans l'Union, le Kansas a
déjà joue un rôle historique considérable, il faisait partie
de la Louisiane, cédée par la France aux Etats-Unis en
1803. La convention de Missouri en 1820 édita que dans
ce territoire lesclavage ne pourrait être introduit au N.
du 36" 30 lat. N. Lorsqu'on organisa en territoires le
Kansas et le Nebraska (mai 1854), on déclara que cette
loi n'y serait pas imposée. On laissait aux habitants le
choix. Le Kansas devint aloi's le champ de bataille des
esclavagistes et abolitionnistes. Les Etats du Nord installè-
rent à leurs irais des milliers d'immigrants dans le Kansas ;
les Missouriens en expédièrent de leur coté, amenant leurs
esclaves. Aux premières élections de 1854 et 1855, des
bandes armées, venues du Missouri, remplirent les urnes
de leurs bulletins ; la guerre civile lut déchaînée, les villes
naissantes saccagées et brûlées ; les bandes abohtionnistes
de John Brown furent battues ; à la constitution dite de
Topeka (1855), les esclavagistes opposèrent celle de Le-
compton (1857). Cependant les électeurs la rejetèrent plu-
sieurs fois. Le gouvernement fédéral intervint successive-
ment contre les deux partis. Finalement, en 1859, la
législature vota une constitution prohibant l'esclavage, et
le peuple la ratitia le 4 oct. 1859 par 10,421 voix contre
5,530. Le Congrès fédéral admit alors le Kansas au rang
d'Etat, mais le Sénat le refusa d'abord, et l'admission n'eut
lieu qu'à la session suivante, le 30 janv. 1861. Dans la
guerre de la Sécession, le Kansas prêta le plus actif concours
aux abolitionnistes, fournit plus de 20,000 soldats, 17 ré-
giments blancs, 2 de noirs, 2 d'Indiens, li eut la première
i03
KANSAS — KANT
compagnie de nègres et le premier officier noir ; le premier
député noir dans sa législature.
KANSAS City. Ville des Etats-Unis, Etatde Missouri, en
aval du confluent du Kansas; 132,7 16 hab. Elle comprend
la ville basse, bâtie d'abord, avec ses rues tortueuses et
boueuses, ses maisons de bois et ses immenses marchés aux
bestiaux et abattoirs; la ville haute, au S., avec ses larges
rues rectilignes, ses maisons bourgeoises, ses hôtels,
églises, écoles. Kansas City ne fut qu'un village jusqu'au
jour où le chemin de fer du Pacifique y passa (1865).
Aussitôt ce devint l'entrepôt du commerce entre les an-
ciens Etats et le Far West. Ses chemins de fer rayonnent
dans tous les sens. De 4,000 hab. en 1860, la population
monta à 32,000 en 1870, 55,000 en 1880, 132,716
en 1890.
KAN-SOU. Une des dix-huit provinces de la Chine
propre; 325,000 kil.q.; 9,300,000 hab. (d'ap. VAlm. de
Gotha de 1894. LeKan-sou est borné au N. par la Grande
Muraille qui le sépare de la Mongolie intérieure, puis parle
Dzassaktou-khanat et par le district de Kour-kara-ousou : à
ro. par les districts de îlarachar et de Koukou-nor ; au
S. par le district de Koukou-nor et la province de 5^-
tch*oan\ à l'E. par la province de Chen-siet la Mongohe.
Le désert de Gobi, qui s'étend à l'O. de la passe de Kia-
yu-koan, divise le Kan-sou en deux parties entièrement
différentes, l'une où la population est chinoise et séden-
taire, l'autre oii elle est mongole et nomade. Le Kan-sou
n'a été détaché du Chcn-si et érigé en province distincte
que sous le règne de Kieu-long (1736-1795) ; il a con-
servé même de nos jours quelques liens administratifs avec
le Chen-si, car il forme avec lui la vice-royauté de Ghen-
kan. Le nom de Kan-sou a été tiré des noms réunis des
deux villes de Kan-tcheou et de Sou-tcheou ; aucune de
ces deux cités cependant n'est la capitale de la province ;
ce rang appartient à la ville de Lan-tcheou (V, ce mot).
Le Kan-sou comprend quinze préfectures de première et
de seconde classe ; ce sont celles de Lan-tcheou, Ping-
leang, Kong-tchang, King-yang, Ning-hia, Si-ning,
Leang-tcheou, Kan-tcheou, Tchen-si {Uarkoul)^ King-
tcheou, Kié-tcheou, Tsin-tcheou, Sou-tcheou, Ngan-si-
tcheou et Té-hoa-tclieou. E. Chavannes.
BiisL. : S. Wells Williams, Topography of ihe pro-
vince of Kansuli^ dans Ctiin. Repository, vol. XIX, pp. 551
et siiiv. — RiCHTHOFEN, China, vol. II, ch. xiii.
KANSK. Ville de Sibérie, gouvernement do léniséisk,
ch.-l. de cercle, sur la rive gauche du Kan ; 4,000 hab.
Salines, commerce de pelleteries. Elle est sur la grande
route de la Sibérie du S. — Le cercle a 83^063 kil. q.
KANT (Immanuel), philosophe allemand, né à Kœnig-
sbergle 22avr. 1724, mort à Kœnigsbergle 12 févr. 1804.
La philosophie de Kant est l'un des faits les plus consi-
dérables de l'histoire de l'esprit humain. Selon le célèbre
historien de la philosophie moderne, Kuno Fischer, elle
ne représente rien moins qu'une révolution analogue à
celle qu'accomplit Socrate, quand il rappela l'homme de
l'étude du monde à l'étude de soi : elle donne en effet pour
tâche à l'esprit humain, non plus de trouver les principes
de l'être et de se former une conception de l'univers, mais
de rechercher les conditions de la connaissance, l'origine
et la valeur des éléments de nos représentations. Tout ré-
cemment encore Windelband écrivait que le rationalisme
de Kant est la concentration en une unité vivante de tous
les principes moteurs de la pensée moderne. Et il est cer-
tain tout d'abord que la philosophie de Kant préside au
développement de la philosophie allemande. De Fichte ou
de Schelling à Wundt ou à kiehl, il n'est point de philo-
sophe allemand qui ne continue ou n'élabore les idées
kantiennes. En dehors de l'Allemagne, le kantisme exerce
une intluencede plus en plus forte, à mesure qu'il est mieux
connu. Réfuté par les uns, accueilli par les autres, il est
un des facteurs essentiels de la pensée philosophique. Chez
nous, en particulier, au vif intérêt historique dont il est l'objet
se joint plus que jamais un intérêt théorique : non seulement
il existe un néo-criticisme français qui est très prospère,
mais il ne paraît guère de dissertation philosophique où ne
soit discuté le point de vue de Kant ; et son influence se
fait sentir jusque dans les domaines de la littérature et de
la vie sociale. Exposer le véritable caractère d'une doctrine
ainsi mêlée aux spéculations présentes est chose difficile ; le
plus sûr sera de faire abstraction des divers développements
qu'elle a pu recevoir, et de s'en tenir à une scrupuleuse
analyse des propres écrits du philosophe.
L Biographie. — (Sources : la correspondance de Kant ;
la '2^ partie du t. XI de l'édit. Rosenkranz et Schubert des
œuvres de Kant, Kuno Fischer, Gesch.d. n. PhiL, t. 111.)
Kant est un contemporain de Frédéric 11 et de la Révolu-
tion française. Ses principaux ouvrages parurent de 1770
à 1797. Il goûta plus les triomphes du droit que ceux de
la force, mais il ne consentit jamais à séparer la liberté de
Tordre et de la disci{)line. Le milieu moral où sa pensée
s'est développée consista, d'une part dans le piétisme, de
l'autre dans la philosophie du xvni® siècle. Le piétisme,
opposé au protestantisme théologique et abstrait, mettait
la pratique au-dessus du dogme, exaltait le sentiment, la
dévotion, la piété intérieure, l'interprétation individuelle
des Ecritures. La philosophie du xviii® siècle, la philosophie
des lumières, selon le nom qu'elle porte en Allemagne, en-
seigne que tous les maux dont souffre rhumanité résultent
de l'ignorance et de l'asservissement qui en résulte, et que
le progrès des lumières procure nécessairement le bonheur
avec l'affranchissement.
La vie de Kant se divise assez naturellement en trois pé-
riodes, qui correspondent aux phases de son développement
philosophique: 1" la jeunesse, de 17^24 à 1755, époque des
études et des premiers essais; 2^ le stage comme privat-
docent, de 1755 à 1770, époque dos travaux antécritiques ;
3« le professorat, de 1770 à 1797, époque des travaux cri-
tiques et du développement doctrinal.
1. Immanuel Kant naquît à Kœnigsbergle 22 avr. 1724.
Cette ville, où devait presque sans interruption s'écouler
toute sa vie, était le centre d'un commerce considérable ;
Juifs, Polonais, Anglais, Hollandais y affluaient : le philo-
sophe y trouva matière à observations psychologiques et
morales. Kœnigsberg, ville d'université, était, en outre,
le centre de la vie intellectuelle et politique du duché de
Prusse. La famille de Kant était d'origine écossaise. Son
nom s'écrivait Cant, et c'est lui-môme qui en changea l'or-
thographe, parce qu'en allemand Cant se prononce tsant.
Le père de Kant était sellier. C'était un homme de mœurs
rigides, qui resta pauvre. Sa mère, Anna-Regina Reuter,
était, nous dit-il, très intelligente, avait le cœur haut place
et, foncièrement piétiste, entendait la religion d'une ma-
nière sérieuse et intime, sans mélange de inysticisme ou de
fanatisme. Kant fut le quatrième enfant de cette famille,
qui en compta onze. La gravité, le respect des choses mo-
rales et religieuses présidèrent à son éducation. Il reçut
docilement cette influence et en conserva le plus vif et le
plus reconnaissant souvenir.
A l'âge de neuf ans il entra au collège Frédéric, dirigé par
Schulz, professeur ordinaire de théologie à l'université de
Kœnigsberg. Schulz fut le premier maître de Kant . Ardent
piétiste, il imprégnait tout l'enseignement de son esprit. Kant
apprit, auprès de lui, à mettre la piété intime de l'âme au-
dessus du raisonnement, la pratique au-dessus du dogme. On
remarque qu'il a toujours parlé avec respect et reconnaissance
de ses maîtres piétistes. Est-ce le philosophe, est-ce l'an-
cien piétiste qui écrit en 1782, dans l'épitaphe du pasteur
Lilienthal qui avait marié ses parents : Was uns zu thun
gebûhrt, des sind ivir nur gewiss (ce que nous devons
faire, voilà la seule chose dont nous soyons certains) ?
Kant passa sept années au collège Frédéric. Il s'y pas-
sionna notamment pour le latin et pour le stoïcisme romain,
en qui il trouvait la religion de la discipline. Jusqu'à la fin
de sa vie il répéta, comme une devise, les vers do Juvénal :
Summum crede nefas animam prœferre pudori
Etproptervitam vivendi perdere causas.
KANT
404 —
En 1740, âgé de dix-sept ans, il entra à l'université de
Kœnigsberg, dans le dessein d'y étudier la théologie. Il
songeait alors à devenir pasteur, mais ne persista pas dans
cette pensée. Il commença par suivre le cours de Martin
Knutzen, professeur de mathématiques et de philosophie :
Knulzen fut son deuxième maître. Lui aussi était piétiste.
En philosophie, quoique disciple de Wolf, il combattait le
dualisme, et revenait à la pure doctrine de Leibniz, sui-
vant laquelle la force représentative et la force motrice
participent l'une de l'autre et se supposent réciproque-
ment. A Knutzen, Kant dut de connaître les œuvres de New-
ton, que l'on peut appeler son troisième et peut-être son
principal maître. Le newtonisme fut pour Kant la preuve
expérimentale de la possibilité d'une science à priori de la
nature. 11 se proposera d'expliquer cette possibilité, et, par
là, d'être lui-même le Newton de la métaphysique. Knutzen
contribue à tourner Kant de la théologie vers la philoso-
phie. Et peu à peu du piétisme Kant écarte l'orthodoxie
rigoureuse pour n'en retenir que la rigidité morale.
Ne pouvant vivre du produit de ses leçons, Kant se fit
précepteur (1746). Il le demeura neuf ans. Cette fonction
le mit en rapport avec les étrangers et la noblesse. Il prit
un goût très vif pour la politique et les littératures étran-
gères. Il fréquenta le monde et tint à y faire figure d'hon-
nête homme. Cette première période de son existence se
termine par la publication anonyme de sa Physique univer-
selle et théorie du ciel (1755), ouvrage qui prélude à la
théorie de Laplace sur la formation des astres.
2. Ayant obtenu la « promotion» grâce à une dissertation
sur le feu, et 1' « habilitation » par une dissertation sur
les principes premiers de la connaissance métaphysique, il
fut nommé privat-docent. Il professa les mathématiques,
la physique, la théorie des fortifications, la pyrotechnie, la
logique, la morale et l'encyclopédie philosophique. Son en-
seignement était très vivant. Sur chaque matière il parlait
comme un homme spécial. Il eut un grand succès. Entre
1760 et 1769 il étendit encore le cercle de ses cours et y
comprit la théologie naturelle, l'anthropolof^ie, la critique
des preuves de l'existence de Dieu, la doctrine du beau et
du sublime. Ici se place l'influence de Rousseau, dont les
principaux ouvrages paraissaient alors et faisaient grand
bruit. Kant lut Rousseau avidement, et, dans son com-
merce, se passionna pour les questions morales, pour la
lutte contre les préjugés, pour le retour à la nature et à la
raison. Il apprit de Rousseau, nous dit-il, à ne pas mépriser
les inclinations naturelles de l'homme. La science physique
à priori comme fait, voilà ce qu'il avait trouvé chez New-
ton ; la moralité comme fait, voilà ce que Rousseau lui fit
voir. Et il se proposa d'analyser ces faits.
Pour approfondir les questions morales il lut les mora-
listes anglais : Shaftesbury, Hutcheson, Hume. Rientôt,
vers 1762, il connut, de ce dernier, non plus seulement
les théories morales, mais les théories métaphysiques. Cette
initiation fut un moment décisif dans le développement de
sa pensée. « Ce fut Hume, dit-il, qui le premier inter-
rompit mon assoupissement dogmatique et donna à mes
recherches, dans le champ de la philosophie spéculative,
une direction toute nouvelle. » H est vrai qu'il ajoute
aussitôt : « Je n'avais garde, sans doute, d'accepter ses
conclusions. » Le scepticisme de Hume était à ses yeux
suflisamment réfuté par la réalité de la détermination mo-
rale. Il s'agissait pour lui de faire droit aux critiques de
Hume sans aboutir à ses co^aclusions, de se frayer un pas-
sage entre le scepticisme et le dogmatisme, comme entre
Charybde et Scylla. Une faible indication qu'il trouve
dans Locke (liv. IV, ch. m, §§ 9 et suiv.) fut le point de
départ de sa théorie. Ainsi l'influence de Hume, qui fut,
certes, très importante, consista surtout pour Kant dans
un avertissement, dans une excitation à réfléchir. Rien ne
prouve que Kant ait eu sa phase de scepticisme; en re-
vanche, c'est pour pouvoir échapper au scepticisme qu'il
chercha une position en dehors du dogmatisme tradition-
nel. Peut-être son idéalisme transcendantal s'inspira-t-il de
la doctrine de Leibniz, enfin révélée dans sa pureté par la
publication des Nouveaux Essais (1765). Leibniz en-
seigne, en eff'et, comment on peut maintenir l'innéité, tout
en considérant l'expérience coanne indispensable à la for-
mation de la connaissance. Mais les formes et les caté-
gories de Kant sont tout autre chose que les virtualités
leibnitiennes.
3. Pour devenir professeur ordinaire, Kant écrivit et sou-
tint une dissertation sur la forme et les principes du monde
sensible et du monde intelligible. Il fut nommé à l'univer-
sité de Kœnigsberg par Frédéric II, avec un traitement de
400 thalers (1,500 fr.). H refusa dans la suite toutes les
propositions qui lui furent faites. Il n'enseigna plus désor-
mais que la logique et la métaphysique, dans son cours pu-
blic, et le droit naturel, la morale, la théologie naturelle,
l'anthropologie et la géographie physique dans ses cours
privés. Il fut un remarquable professeur : il n'apprenait
pas à ses élèves la philosophie, il leur apprenait à philo-
sopher. Son enseignement était simple, lucide et atta-
chant; il réservait la terminologie spéciale et les déductions
abstruses pour les livres, destinés aux savants. Sur les
sujets moraux, il parlait avec chaleur et conviction, il avait
une éloquence mâle, qui subjuguait les âmes.
Le problème de la critique ne tarde pas à l'absorber.
Comment peut s'expliquer l'accord d'idées à priori avec des
choses existant en dehors de nous? Il crut d'abord que
quelques mois lui suffiraient pour résoudre cette question : il
y employa douze ans. Encore ne donna-t-il que quatre ou
cinq mois à la rédaction, de peur d'être entraîné à de trop
longs délais. Ce fut au commencement de 1781, à Riga,
que parut la Critique de la raison pure, V m des chefs-
d'œuvre de l'esprit humain. Kant avait cinquante-sept
ans. L'originalité et la portée de son ouvrage ne turent pas
comprises dès l'abord. On ne voulut voir en lui qu'un rê-
veur platonicien, ou un idéaliste cartésien ; Hamann l'ap-
pelle un Hume prussien. Kant s'explique avec insistance
dans un opuscule intitulé Prolégomènes à toute méta-
physique future visant à se présenter comme science
(1783), ainsi que dans la préface à la seconde édition de
la Critique (1787). Et sûr, quant à lui, de son principe,
il s'applique de plus en plus exclusivement à en développer
les conséquences, à achever son œuvre critique et à éta-
blir sur cette base une doctrine complète de philosophie
spéculative et morale. De 1785 à 1797 paraissent les ou-
vrages consacrés à cette tâche. L'opinion, cependant, lui
devenait de plus en plus favorable. En 1790, le jeune
Fichte lui adresse ses Aphorismes sur la religion et le
déisme, avec une lettre enthousiaste. Schiller étudie l'es-
thétique de Kant et la fait étudier à Gœthe. J.-P. Richter
écrit que Kant n'est pas une lumière du monde, mais tout
un système de soleils éclatants. Kant est commenté aux
Pays-Ras et en Angleterre. En France on traduit sa disser-
tation sur la paix éternelle, parue en 1795.
De la part du gouvernement, Kant rencontra estime et
protection. Une seule fois il faillit être empêché dans l'ex-
position de ses doctrines. Ce fut lorsqu'il écrivit sur les
matières religieuses. H envoya à la Bévue mensuelle de
Berlin, en 1792, un article sur le mal radical dans la
nature humaine. Le conseil de censure en autorisa l'im-
pression. Mais un second article, sur la lutte du bon et du
mauvais principe, ne fut pas admis. Or, Kant devait encore
en publier deux. Condamné par le conseil, il s'adressa à la
faculté de théologie, laquelle accorda l'imprimatur. Les
quatre dissertations parurent sous le titre : la Beligion
daîis les limites de la pure raison (1793). L'ouvrage
eut un succès qui alarma le gouvernement; et, le 1«^ oct.
1794, le ministre adressa à Kant une lettre où il lui deman-
dait des explications et lui enjoignait de s'abstenir désor-
mais d'écrire sur la religion. Kant se soumit, extérieure-
ment du moins. Il s'engagea par écrit à ne plus enseigner
ou écrire sur la religion « en tant que fidèle sujet de Sa
Majesté royale ». Le roi mort (1797), il se tint pour dé-
gagé de sa parole.
iOo -
KANT
D'ailleurs, il ne fut plus inquiété par le gouvernement,
malgré sa sympathie pour la Révolution française. Cette
sympathie est un trait de sa physionomie morale. Il voyait
dans la Révolution Teffort pour fonder sur la raison l'or-
ganisation des sociétés humaines. Même après 4794, il
persévéra dans ses convictions politiques, tout en déses-
pérant de voir les choses tourner à bien en France. Jus-
qu'à la fin il crut à la justice, à la valeur pratique de la
théorie, au droit comme principe, à la paix éternelle comme
fin de la politique. Derrière les disputes des personnes,
îl voyait le conflit de l'histoire et de la philosophie, du
positif et du rationnel, et il comptait sur le triomphe de
la raison.
Dès l'année 1790, sa puissance intellectuelle s'était affai-
blie. En 1797, il quitta sa chaire. Il travaillait pourtant
encore; il travailla jusqu'à la fin à un ouvrage dont il es-
pérait faire son chef-d'œuvre, et où il voulait exposer le
passage de la métaphysique de la science de la nature à
la physique. Cet ouvrage, resté inachevé, était perdu : il a
été retrouvé récemment. La dernière année de Kant fut
marquée par une décadence croissante. Il mourut le 12 févr.
1804. Son dernier mot fut : Es ist giit (c'est bien). Ses
obsèques eurent heu au milieu des hommages d'une admi-
ration universelle. Son corps fut enterré sous les arcades
de la cathédrale de Kœnigsberg. Plusieurs statues lui
furent élevées, dont la plus célèbre est celle de Rauch, à
Kœnigsberg. — C'était un homme de petite taille, haut de
5 pieds à peine, les os et les muscles peu développés,
la poitrine plate et presque concave, l'articulation de
l'épaule et du bras droit légèrement déboîtée; le front
haut, avec de beaux yeux bleus. Sa tête fut moulée par
Rnorr; ses restes ont été exhumés en 1880 (V. Bes-
seîhagen, Die Grabstœtte Kants, Kœnigsberg, 1880).
Kant n'a vécu que pour la philosophie. Il ne remplit
aucune fonction politique, il ne se maria point. Mais il ne
croyait pas pouvoir être philosophe sans être en même
temps homme. Il voulait être en contact avec les réalités
avant de chercher à les comprendre et à les régler. Et
dans ses plus hautes aspirations il se gardait de franchir les
limites de notre monde. Son objet est d'y vivre par prin-
cipes. Il se fait lui-même ses principes, mais il les fait
absolus, et il y obéit. Le fonds où se concilient pour lui
la loi et l'indépendance, c'est la raison. Il veut juger et se
conduire par elle. En politique, il professe le libéralisme,
mais il ne saurait séparer la liberté del'onire, et respecte en
conscience le pouvoir établi. En religion, il est rationaliste,
mais il maintient l'esprit du christianisme et apprécie les
services des religions positives. En philosophie, il attaque
le dogmatisme, mais il repousse le scepticisme. En morale,
il écarte toute loi extérieure, mais pour se soumettre à
un commandement interne plus sévère que ce qu'il re-
jette. Hardiesse en matière de spéculation, respect dans
l'ordre des faits et de la pratique : telle est la marque de
son esprit.
Kant fut un penseur plus qu'un écrivain. Quelques-uns
de ses premiers ouvrages comme les Observations sur le
beau et le sublime ou encore la méthodologie de la Cri-
tique de la raison pure^ d'une manière générale les par -
ties où il exprime ses convictions morales, ont de l'aisance,
de l'agrément ou de la vigueur. Mais dans l'analyse méta-
physique son style est compliqué, laborieux, redondant, et
souvent d'autant plus obscur que l'auteur s'est plus tra-
vaillé pour être clair. L'œuvre de Kant est une pensée qui
cherche sa forme. Plus achevée, eût-elle autant excité les
intelligences ?
Voici la liste chronologique des principaux ouvrages de
Kant, lesquels sont, pour la plupart, écrits en allemand :
Pensées sur la véritable estimation des forces vives,
et examen des démonstrations de Leibniz et autres
mécaniciens relatives à cette question (1747). Kant y
concilie les doctrines de Descartes et de Leibniz sur la
mesure do la force d'un corps en mouvement. — La Terre
a-t-elle subi quelques modifications dans son mouvement
de rotation depuis son origine? (article de revue, 1754).
Kant établit, en s'appuyant sur les principes de Newton,
que la vitesse a dû diminuer. — La Terre vieillit-elle? Re-
cherche faite au point de vue physique (article, 1 754). —
Histoire universelle de la nature et théorie du ciel, oii
il est traité du système et de l'origine mécanique de
l'Univers d'après les principes de Newton (1755), cé-
lèbre ouvrage qui parut anonyme, avec une dédicace à Fré-
déric II, et qui prélude à l'Exposition du système du
monde, publiée par Laplace en 1796. — Résumé des mé-
ditations sur lefeu^ 1 755 (en latin). La chaleur, comme la
lumière, est un mouvement vibratoire de l'éther. — Nouvelle
Explication des premiers principes de la connaissance
métaphysique (1755), thèse en latin pour obtenir le droit
d'être privat-docent. Il y est traité des principes de con-
tradiction et de raison déterminante. — Trois dissertations
Sur les Tremblements de terre survenus en i755 à
Quito et à Lisbonne. — Monadologie physique (1756),
thèse latine ; Kant la soutint en vue d'une présentation
pour un professorat extraordinaire, présentation qui n'eut
pas lieu. La monade leibnitienne y est transformée en atome
physique. — Sur la Théorie des vents (1756),expHcation
exacte des vents périodiques. — Conception nouvelle du
mouvement et du repos (1758). — Quelques Considéra-
tions sur V optimisme (1759). Kant y professe que tout
est bon, rapporté à l'ensemble des choses. Dans la fin de
sa vie il renia cet ouvrage leibnitien. — La Fausse Subtilité
des quatre figures sy [logistiques (1762). Seule la pre-
mière figure est pure et primitive. — Tentative d'intro-
duire dans la philosophie le coîicept des quantités né-
gatives (1768). L'opposition réelle, dans laquelle les deux
termes sont en eux-mêmes également positifs, est irréduc-
tible à l'opposition logique, où l'un des deux termes est le
contradictoire de l'autre. — L'Unique Fondement possible
d'une démonstration de l'existence de Dieu (1763).
Le possible, considéré, non dans sa forme, mais dans sa
matière ou ses data^ suppose l'existence et, finalement,
l'existence d'un être nécessaire. — Etude sur l'évidence
des principes de la théologie naturelle et de la mo-
rale (1764), ouvrage composé en vue d'un concours qu'a-
vait ouvert l'Académie de Berlin. Kant n'obtint que l'ac-
cessit : le prix fut donné à Mendelssohn. Kant oppose,
comme Mendelssohn d'ailleurs, la philosophie aux mathé-
matiques, et conclut que la méthode de celles-ci ne convient
pas à celle-là. — Observations sur le sentiment du beau et
du sublime (1764), œuvre de critique et de moraliste. —
Programme des cours pour le semestre d'hiver 1765-
66. L'éducation des facultés de l'esprit doit précéder l'ac-
quisition de la science. Dans cet opuscule se manifestent des
préoccupations critiques. — Les Rêves d'un visionnaire
éclaircis par les rêves de la métaphysique (1766, ano-
nyme). Cet ouvrage fut composé à propos des visions de
Swedenborg. Kant y veut être léger et sceptique, à la ma-
nière de Voltaire. La seule différence entre l'illuminisme et
la métaphysique, c'est que le premier est le rêve du senti-
ment, tandis que la seconde est le rêve de la raison : ceci
ne vaut guère plus que cela. Ne prétendons pas à con-
naître l'inconnaissable. — Du Fondement de la différence
des régions dans l'espace (1768). C'est la réfutation de
la théorie leibnitienne de l'espace. Il est nécessaire, selon
Kant, d'admettre un espace absolu universel. — De la Forme
des principes du monde sensible et du monde intelli-
gible (1770), dissertation en latin écrite par Kant pour
acquérir le droit d'être nommé professeur ordinaire de lo-
gique et de métaphysique. Kant rompt avec le dogmatisme
en ce qui concerne la connaissance sensible, non encore en
ce qui concerne la connaissance intelligible. — Lettres à
Marcus Berx,, de 1770 à 1781. Kant cherche une situation
intermédiaire entre l'idéalisme et le réalisme. — Des Dif-
férentes Races humaines. Les races sont des variétés de-
venues stables. Une véritable histoire des êtres naturels
ramènerait sans doute beaucoup de prétendues espèces à
de simples races issues d'une espèce commune. — Critique
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406 —
de la raison pure (4781). Une connaissance théorique
suppose à la fois intuition et liaison nécessaire. La pre-
mière condition n'étant réalisable pour nous qu'à propos
des choses sensibles, celles-ci sont les seules que nous
puissions connaître théoriquement. Seconde édition de la
Critique (1787). C'est une question très controversée de
savoir si les changements que présente cette seconde édi-
tion portent sur le fond ou seulement sur la forme. Rosen-
kranz, Schopenhauer, Kuno Fischer tiennent pour une
modification profonde, tendant à rétabhr la chose en soi,
qu'avait abolie, selon eux, la première édition. Selon le
témoignage de Kant, la seconde édition fait simplement
ressortir le côté réaliste de la doctrine, méconnu par cer-
tains lecteurs. L'affirmation de Kant se soutient très bien.
La première édition n'aboHssait pas la chose en soi, mais
la connaissance théorique de la chose en soi, ce qui est
très différent. — Prolégomènes à toute métaphysique
future visant à se présenter comme science (1783). Ce
court ouvrage donne une exposition analytique de la doc-
trine, et dissipe les méprises qui s'étaient produites au sujet
de la première édition delà Critique. — Conception d'une
histoire universelle au point de vue cosmopolitique
(article de revue, 1 784). — Réponse à la question : Qu'est-
ce que les lumières? (article de revue, 1784). Les lu-
mières, dit Kant, c'est l'émancipation de l'intelligence. —
Compte rendu de l'ouvrage de llerder intitulé : Idées
concernant la philosophie de l'histoire de rhumanité
(article de revue, 1785). Kant y repousse la doctrine de
l'unité essentielle de la nature et de la liberté. — Etablis-
semejit de la métaphysique des mœurs (1785; 4^^ éd.,
1797). Kant y détermine et y assure le principe fonda-
mental de la moralité. — Principes métaphysiques de la
science de la nature (1786; 3'' éd., 1800). C'est l'éta-
blissement des axiomes de la physique pure. — Conjectures
sur le commencement de lliistoire de rhumanité
(1 786). — De la Médecine corporelle en tant qu'elle res-
sortit à la philosophie, discours en latin (1786 ou 1788).
— De l'Emploi des principes théologiques en philosophie
(article, 1788). — Critique de la raison pratique (\ 788 ;
6^ éd., 1827). C'est la détermination de la nature de la loi
morale et du genre d'adhésion qui convient aux principes
praùqaes.— Critique de la faculté déjuger (1790 ; 3^ éd.,
1799). Kant y traite du fondement et de la valeur des no-
tions du beau et de la finalité. — Sur Vllluminisme et les
remèdes à y opposer (ildO), dissertation écrite à propos
deCagliostro. — Sur l'Echec de toutes les tentatives des
philosophes en matière dethéodicée (1791). — La Reli-
gion dans les limites de ta pure raison (1793; 2^ éd.,
1791). C'est la déduction ou légitimation de la religion.
Cela seul y est fondé, qui se rapporte à la morale. Il faut
tendre à rendre la religion purement rationnelle. — Sur le
Lieu commun ; cela est bon en théorie, mais ne vaut
rien dans la pratique (article de revue, 1793). Kant y
rejette cet aphorisme, non seulement en ce qui concerne la
moralité, mais encore en ce qui concerne le droit politique
et le droit des gens. — De l'Influence de la lune sur le
temps (article, 1794). — De la Paix éternelle. Essai
philosophique (1795). Kant place dans la paix éternelle
le but du développement historique de l'humanité, et cela,
non en vertu du sentiment, mais en vertu de l'idée de jus-
tice. — Principes métaphysiques de la théorie du droit
(1797; 2^ éd., 1798). C'est la théorie du droit ou de
la légalité, telle qu'elle se déduit de la critique de la rai-
son pratique. Principes métaphysiques de la tliéorie
de la vertu (1797; 2^ éd., 1803). C'est la théorie de la
moralité, telle également qu'elle suit de la critique. Ces
deux écrits ensemble portent le titre de Métaphysique des
7nœurs. — La Dispute des facultés (ouvrage auquel est
joint un article de 1797 : Sur la Puissance qu'a l'esprit
de se rendre maître de ses sentiments maladijs par sa
seule volonté (1798). C'est le conflit de la faculté de phi-
losophie, représentant la vérité rationnelle, avec les trois
autres, théolo^^ie, droit et médecine, qui représentent les dis- i
oiplines positives. — A^ithropologie traitée au point de
vue pragmatique (1798; 2« éd., 1800). L'anthropologie
pi agmati(|ue est l'art de tirer parti des hommes en vue de ses
propres fins. — Logique, ouvrage de Kant publié par Jâsche
(1800);— Géographie physique, ouvrage de Kant publié
par Rink (1802-3). — Sur la Pédagogie, ouvrage publié
par Link (1803). Ce sont des observations tirées d'un cours
fait plusieurs fois par Kant sur ce sujet. — Passage des
principes métaphysiques de la science de la nature à la
physique, ouvrage resté inachevé, écrit entre 1783 et
1803, publié d'abord par Reicke de 1882 à 1884, dans les
Altpreussische Monatschriften, puis, plus complètement,
par Albrecht Krause (1888). C'est le progrès de la déduc-
tion allant de la métaphysique de la nature matérielle à la
physique expérimentale considérée comme science, c.-à-d.
comme système.— Réflexions de Kant sur la philosophie
critique, publiées par Benno Erdmann (1882-8i). — ■
Lettres. Elles ne sont guère qu'au nombre de 100, dont
19 adressées à Marcus Herz.
IL La période ANiÉcRrriQUE. — (Sources : les ouvrages
compris entre 1747 et 1770 inclusivement.) Kant écrit le
20 août 1777 que ses recherches, jadis spéciales et frag-
mentaires, ont pris enfin une forme systématique et l'ont
conduit à l'idée du tout. Le développement de la pensée
kantienne présente donc en premier lieu une longue pé-
riode de formation, pendant laquelle des travaux de na-
ture diverse sont d'abord entrepris pour eux-mêmes sans
préoccupation de vue d'ensemble, puis confrontés les uns
avec les autres à un point de vue philosophique. Ainsi
Kant, dans le progrès de sa réflexion, va des parties au
tout. Son idée maîtresse se forme [)ar synthèse. Cette pre-
mière période s'étend jusqu'à l'époque de l'élaboration de
la critique, c.-à-d. jusqu'à l'année 1770 inclusivement.
Le point de départ de la pensée kantienne, c'est, d'une
part, un fonds de croyances chrétiennes et plus spéciale-
ment piétistes, la foi au devoir, le culte de l'intention mo-
rale, la conviction de la supériorité de la pratique sur la
dogmatique ; de l'autre, un sens très v'iî et très pur de la
science, la résolution de ne se régler, en ce qui concerne
la connaissance de la nature, que sur l'évidence de l'ex-
périence et des raisonnements mathématiques. Dès lors,
c'est la question des rapports de la science et de la religion
qui va s'agiter dans l'esprit de Kant, et cela, après que reli-
gion et science s'y seront développées indépendamment F une
de l'autre, chacune selon la méthode qui lui est propre.
Pendant la période antécritîque, Kant médite tour à tour
sur les différents objets que lui présentent ses études ou
les circonstances.
Il est d'abord leibnitio-wolfien (1747-55), mais avec
une tendance à accentuer la différence du mathématique et
du réel.
Bientôt, avec Newton, il spécule sur le mécanisme cé-
leste (1751-63). Comme lui, il ne fera usage que de
l'expérience alliée aux mathématiques. Mais Newton n'a
pas posé le problème de l'origine. Kant croit que la mé-
thode qui a pu établir le système peut de ce système même
remonter à la genèse : les forces qui conservent doivent
être aussi celles qui ont créé. Et il entreprend de tracer
l'histoire, non seulement possible, mais effective, de la for-
mation du monde. A l'origine était une matière élémentaire
hoinogène, mue par des forces d'attraction et de répulsion,
un chaos gazeux. Cette matière était maintenue à l'état de
ténuité extrême par une température très élevée. Sous l'in-
fluence des forces qu'il renferme, ce chaos est animé, dans
son ensemble, d'un mouvement rotatoire. Par le seul effet
de ces conditions physiques, l'homogène va se différencier.
La rotation détermine la formation de nébuleuses, animées
elles-mêmes d'un mouvement de rotation. A leur tour, ces
nébuleuses, par l'effet de la force centrifuge, donnent nais-
sance à des anneaux, lesquels représentent les orbites des
planètes à venir. Puis les anneaux se brisent et se ras-
semblent en planètes. De la même manière se forment les
satellites. La valeur scientifique de cette théorie est recon-
m -
KANT
nue aujourd'hui même par des hommes tels que Ilehnholtz
{Mémoire sur la eomcrvatlon de la foixe, d847) et
Faye (Ueviw scientifique, 1881). Elle est née de consi-
dérations purement scientifiques. Mais tout de suite Kant la
confronte avec la religion. La religion, dit-il, n'a rien à
craindre d'une doctrine qui, si elle écarte la finalité extrin-
sèque et accidentelle, telle qu'on la rencontre dans les oeuvres
des hommes, implique une finalité essentielle et féconde,
seule vraiment digne de Dieu. D'ailleurs, qui pourra jamais
dire : « Donnez-moi de la matière et du mouvement, et je
ferai une chenille » ? La vie, à tout le moins, surpasse in-
vinciblement le mécanisme, et atteste Dieu.
A la suite de Wolff, Kant étudie les rapports du possible
et de l'existence (1755). Le premier se détermine d'après
le principe de contradiction, le second d'après le principe
de raison déterminante, irréductible au précédent. La rai-
son déterminante est, ou antérieuremeut déterminante et
raison d'existence, ou conséquemment déterminante et
raison de connaissance. Seule, la raison antérieurement
déterminante fournit la science complète. De ces principes
Kant déduit l'impossibilité d'expliquer, soit le changement,
soit la connexion actuelle des substances, par la seule ana-
lyse de leur essence propre. Tout rapport entre les subs-
tances doit survenir du dehors. La succession a ainsi son
fondement dans une action externe qui constitue la réalité
du monde, et la coexistence dans une connexion extrin-
sèque, qui implique l'existence de Dibu. C'est ainsi qu'en
spéculant sur la métaphysique de Wolff, Kant aboutit à une
déduction du newtonisme. Son système, en ce moment, est
un mécanisme réaliste suspendu à une théologie naturelle.
Traitant avec ses contemporains des rapports delà phi-
losophie et des mathématiques (1756-64), Kant n'admet,
ni que les concepts des mathématiciens, divisibilité à l'in-
fini, plein absolu, mécanisme exclusif de toute notion de
force, soient intelligibles pour l'entendement, ni que ces
concepts soient vides et sans valeur réelle. Sujet de scan-
dale pour la logique, la mathématique n'en est pas moins la
clef de la science de la nature. Newton en a fourni la
preuve. Il faut concilier les mathématiques et la philoso-
phie traîiscendantale, non les sacrifier l'une à l'autre. Or, si
l'on analyse les conditions de la spéculation mathématique
et de la spéculation philosophique, on trouve que des deux
côtés l'objet est une synthèse, mais que là il est construit
par l'esprit, tandis qu'ici il lui est donné. Dès lors la mé-
thode qui convient à l'une ne peut réussir dans l'autre.
On traitera mathématiquement de tout ce qui est gran-
deur; mais, pour connaître les qualités et les existences,
on emploiera, avec Newton, l'expérience et la systémati-
sation métaphysique. Il y a deux certitudes, deux vues sur
la nature : celle de la démonstration mathématique et
celle de rexpérience. Parties de points opposés, ces deux
connaissances ne peuvent se rejoindre.
A l'instigation de l'esthéticien Baumgarten, des Anglais
et de Rousseau, Kant s'essaye sur les questions de goût et
de morale (1763-1766). Sa méthode consiste à prendre
pour point de départ l'observation impartiale de la nature
humaine. Nous devons, dit-il, aller de ce qui est à ce qui
doit être. Mais son observation, malgré qu'il en ait, se
mélange d'analvse métaphysique. Dans le donné il décou-
vrira de l'absolu. Ce qu'il pense devoir observer, ce sont
moins les idées et les choses que les mouvements internes
de la sensibilité. A ce point de vue il est conduit à distin-
guer profondément le beau et le sublime. Cette distinction
introduira la lumière et la précision dans les choses de la
littérature et de Fart. Ainsi, il appartient à la tragédie
d'être sublime, à la comédie d'être belle. La distinction
s'apphque aussi aux choses morales. La vraie vertu est
sublime; les bonnes qualités : bon cœur, sens de l'hon-
neur, pudeur, ne sont que bellos. La source de la vertu,
c'est le sentiment de la beauté et de la dignité de la na-
ture humaine, pris comme motif d'action. Ce principe doit
être entendu en un sens formel : il consis!e esseutielle-
nient en une règle obh'gatoire. Ce principe, en outre, est
indémontrable, et il est bon qu'il en soit ainsi. La Provi-
dence n'a pas voulu que les connaissances indispensables
à notre félicité dépendissent de raisonnements subi ils : elle
les a confiés au bon sens naturel.
La prétention qu'affichait Swedenborg de communiquer
directement avec les esprits est pour Kant l'occasion d'exa-
miner ce que vaut la métaphysique, en tant qu'elle aussi
affirme la possibilité d'existences suprasensibles (1763-
1766), La métaphysique semble trouver dans les faits affir-
més par l'illuminisme une confirmation inattendue. Elle se
justifie, peut-on dire, par la théorie qu'elle en fournit,
comme le newtonisme par sa systématisation des lois expé-
rimentales du mouvement. Le malheur, c'est que l'illumi-
nisme s'expli(|ue d'une manière bien plus simple et satisfai-
sante, comme une hallucination causée par certains troubles
de l'organisme. Ne se pourrait-il pas, dès lors, que la
métaphysique eût une origine analogue? Ne serait-elle pas
une simple hallucination de l'entendement, doublant d'une
apparente existence logique les fantômes de l'hallucination
sensible? Gardons-nous, toutefois, de conclure à Fentière
vanité de la métaphysique. Elle met dans la balance l'es-
poir d'une vie future, et nous ne saurions vouloir que ce
poids restât sans action sur notre esprit. Ce que nous
savons, c'est que nous ne pouvons rien attendre de Fexpé-
rience qui soit de nature à confirmer nos croyances mo-
rales et religieuses. Mais ces croyances n'ont nul besoin
de confirmation expérimentale : elles veulent et doivent
être libres. Ce qui suit de notre examen, c'est la néces-
sité de donner de la métaphysique une définition nouvelle,
laquelle, certes, favorise la pratique autant qu'elle s'im-
pose à la théorie : la métaphysique est la science des limites
de la raison humaine.
A la suite de Leibniz, Kant étudie la nature de l'espace
et du temps (1768-70). Plusieurs faits d'expérience,
parmi lesquels l'existence réelle de figures symétriques,
prouvent que Fespace des géomètres n'est pas une simple
conséquence des rapports de situation des choses, mais le
fondement même de la possibilité de ces rapports. La réa-
lité de l'espace absolu étant ainsi étabhe, Kant se demande
comment Fespace est possible, c.-à-d. concevable sans con-
tradiction. L'espace et le temps sont connus à priori, et en
môme temps sont des intuitions. Comment accorder ces
deux caractères? Le seul moyen, c'est de voir dans l'espace
et dans le temps les conditions imposées à Fesprit humain
par sa nature même, pour la perception des objets sensi-
bles. L'espace et le temps ne concernent pas les choses
telles qu'elles sont en soi, mais telles seulement qu'elles
apparaissent à notre sensibilité. L'idée critique est éclose;
Kant toutefois ne l'applique encore qu'à la connaissance
sensible ou mathématique.
C'est sous l'influence de Hume que devait enfin se con-
centrer et se fixer une réflexion, jusqu'ici distribuée sur
tant d'objets divers (1762-80). La dialectique de Hume
fit sur l'esprit de Kant une telle impression, qu'il ne son-
gea bientôt plus qu'à résoudre les difficultés soulevées par
Fillustre empiriste ; et dans cet effort se dégagea sa véri-
table originalité, s'épanouit l'idée qui devait être l'âme de
sa philosophie. Kant a de bonne heure spéculé sur la re-
lation de causalité : il a promptement vu ce qu'il y avait
d'étrange dans une liaison qui ne saurait être analytique,
et qui pourtant est nécessaire. Mais il ne songeait pas à en
critiquer la légitimité. Hume vint l'éveiller de sa quiétude
dogmatique, en lui criant qu'étranger à la raison, formé
par la seule imagination à l'occasion d'une simple habitude
sous l'influence d'un instinct obscur, le concept de cau-
salité ne saurait avoir d'objet en dehors de nous. Kant refuse
de suivre Hume dans les déductions que celui-ci prétendait
fonder sur son analvse. Que deviendrait, en effet, la liberté
de la.volonté, condition de la détermination morale, s'il n'exis-
tait pour nous que des phénomènes; et que deviendrait la
science elle-même, recherche de liaisons nécessaires, si la
causalité n'était qu'une liaison contingente? Pour Kant, la
science et la morale nous sont données, avecles caractères
KANT
— ^08
qui leur sont propres : à la philosophie il appartient d'en
expliquer la possibilité ou les conditions, non d'en discuter
la légitimité. La thèse de Hume fut ainsi, pour Kant, non
une doctrine, mais un problème et un point de départ.
Comment se iait-il qu'un rapport dont les termes sont hé-
térogènes soit en même temps nécessaire, valable pour les
choses ? Telle se posait la question à étudier. Il s'agissait
d'abord de s'assurer que le principe de causalité ne procé-
dait pas de l'expérience, car alors la nécessité en eût été
radicalement inintelligible. Mais ayant remarqué que beau-
coup d'autres concepts, tels que ceux de substance, d'ac-
tion réciproque, etc., sont dans le même cas que celui de
Hume, et ayant réussi à déterminer exactement le nombre
de ces concepts au moyen d'un seul principe, chose im-
possible pour des concepts d'expérience, Kant tint désor-
mais pour établi que le concept de cause peut être formé à
priori. Est-il concevable, cependant, qu'il existe des concepts
à la fois à priori et synthétiques? Ne sont-ce pas là deux ca-
ractères incompatibles? Hume l'a cru, et il a quitté la partie
là-dessus, renvoyant la causalité à l'expérience. Mais c'est
qu'il partageait une erreur de son temps sur un point ca-
pital lié à la question, sur la nature des jugements mathé-
matiques. Il tenait ces jugements pour analytiques et les
mettait hors de cause. Le vrai, c'est qu'ils sont synthé-
tiques ; et, comme leur caractère de nécessité et d'aprio-
risme est incontestable et incontesté, ils offrent un exemple
de la réunion effective, dans notre connaissance, de l'aprio-
risme et de la liaison synthétique. Rien donc n'empêche que
le jugement de causalité ne soit à la fois synthétique et
nécessaire. Toutefois ce n'est pas assez qu'il soit nécessaire
au sens oti le sont les jugements mathématiques. Néces-
saire, ici, veut dire : applicable à priori aux choses réelles.
Comment cela est-il possible? Si les objets étaient produits
par l'entendement, ou les idées par les objets, l'accord des
concepts et des choses ne présenterait pas de difficulté;
mais il n'en est pas ainsi : l'esprit et les choses sont deux
mondes distincts. D'où pourra donc venir, pour l'esprit,
le droit de dicter des lois aux choses ? Ce droit lui vient,
répond Kant, des conditions mêmes de l'expérience, tant
interne qu'externe : il n'est pas d'autre explication pos-
sible. Cette vue, d'où naîtra la déduction transcendantale,
est le terme de la marche régressive qu'a provoquée la cri-
tique de Hume. Avec elle est donnée la formule de la
critique de Kant et l'idée maîtresse du système qu'il va
maintenant construire.
III. La Critique. — (Sources : Critique de la raison
pure; Prolégomènes ; Etablissement de la métaphy-
sique des mœurs; Critique de la raison pratique; Cri-
tique de la faculté de juger,)
A. La critique kantienne de la raison pure est propre-
ment une théorie de la science. Comme Newton a cherché
le principe du système des corps célestes, ainsi Kant cherche
\ le principe du système de nos connaissances. La science
est donnée, comme l'univers est donné : la philosophie ne
se demande pas si elle est possible, mais comment elle est
possible, c.-à-d. concevable sans contradiction. La science
consiste dans deux disciplines, les mathématiques et la
physique, et dans l'union de ces deux disciplines : il s'agit
de rendre compte de ces faits. Les mathématiques se com-
posent de jugements synthétiques à priori, c.-à-d. de ju-
gements où le sujet est lié à priori à un prédicat qui n'y
est pas contenu. Il en est de même de la physique ; et,
depuis Newton, la certitude de cette dernière, qui traite
des choses elles-mêmes, ne le cède en rien à celle des ma-
thématiques, qui ne traitent que des rapports de grandeur.
Comment ces caractères sont-ils intelligibles, d'où pro-
cèdent-ils, et qu'est-ce que la science, considérée dans ses
principes générateurs ? Résoudre ces questions, tel est le
mobile des recherches de Kant. C'est à la philosophie qu'il
appartient d'instituer ces recherches. Or le principe invio-
lable qu'elle fournit en cette matière est le suivant : toutes
nos connaissantes ont leur point de départ dans l'expé-
rience. Il s'agit de savoir si de ce principe se peut déduire
la théorie de la science, telle qu'elle nous est donnée ? Le
problème se ramène à la question suivante : Qu'est-ce que
l'expérience ? Est-elle une unité irréductible, ou l'analyse
y peut-elle discerner des éléments divers ? Parmi ces élé-
ments, en est-il d'à priori? Ces éléments à priori rendront-
ils compte, et en quel sens, de la nécessité propre aux
jugements de la science?
Dans l'expérience, un objet nous est premièrement donné,
secondement pensé. Comment cela est-il possible ? Pour
qu'un objet nous soit donné, il faut qu'il se présente à
nous dans l'espace et dans le temps. Les notions d'espace
et de temps nous sont-elles fournies par l'expérience? Non,
car, avant toute expérience, nous savons que les objets qui
nous seront donnés le seront dans l'espace et dans le temps.
Ce sont donc des éléments à priori. De quelle nature?
Sont-ce des concepts? Non, car l'espace et le temps sont
des objets unS, homogènes et infinis, caractères opposés à
ceux que présentent les objets des concepts. L'espace et le
temps sont des substrats des choses et des objets d'intui-
tion. Sont-ils donc des réalités suprasensibles situées en
dehors de nous? Non, car la conception de deux non-êtres
infinis comme substances est impossible. La représentation
de l'espace et du temps ne peut être, en définitive, qu'une
intuition portant sur la forme de notre sensibilité même.
L'espace et le temps sont notre manière de voir les choses.
Mais, s'il en est ainsi, nos idées de lieu et de durée ne
sont-elles pas purement subjectives ?Que va devenir, dans
une telle doctrine, la vérité des mathématiques. L'objec-
tion est mal fondée, car, en réalité, c'est dans les théo-
ries dogmatiques, isolant le sensible du mathématique, que
l'accord de l'un avec l'antre est indémontrable? Entendue
selon sa vraie nature, comme un système de jugements
synthétiques à priori, la mathématique est justifiée, du mo-
ment où les objets ne peuvent nous aftécter qu'en se sou-
mettant aux lois de l'espace et du temps. Sans doute nous
ne pouvons dire que les choses possèdent, en elles-mêmes,
des manières d'être que nous ne nous expliquons que comme
formes de notre facultés de sentir. Mais nous savons que
tout objet de notre sensibilité sera conforme à la mathé-
matique, ce qui suffit à assurer l'objectivité de cette science.
Idéalité transcendentale, réalité empirique, tels sont les
deux caractères de l'espace et du temps. Ils expliquent et
déterminent la possibilité des mathématiques.
Mais il ne suffit pas qu'un objet soit donné, il faut en
outre qu'il soit pensé. La pensée suppose-t-elle des élé-
ments à priori ? Elle consiste à établir entre deux termes
un rapport objectif de sujet à prédicat, c.-à-d. à affirmer
l'un de l'autre comme lui appartenant réellement et néces-
sairement. C'est ce qui a lieu, par exemple, quand nous
disons qu'une chose est la cause ou la substance d'une
autre. Une telle liaison ne peut être fournie par l'expé-
rience, qui ne donne rien de nécessaire. Quant à la logique
telle qu'elle est conçue depuis Aristote, elle fournit bien
des liaisons nécessaires, mais elle est impuissante à déter-
miner un terme vis-à-vis de l'autre comme sujet réel. Il
y a dans toute déclaration relative à l'existence quelque
chose qui dépasse la logique. Affirmer d'un objet qu'il est
cause, c'est franchir les limites de son concept. D'autre
part, nous n'avons pas cette intuition intellectuelle du tout,
qui permettrait d'en découvrir les parties par analyse. Nous
allons des parties au tout par voie discursive. De quel prin-
cipe dépendent donc les difiérents rapports qui constituent
la pensée ? En dehors de ceux que nous avons dû rejeter il
ne reste que l'entendement lui-même ou faculté de juger.
De même que les relations de grandeur ne sont, au fond,
que les formes de notre sensibilité, de même les relations
qualitatives des choses ne peuvent être que les catégories
de notre entendement. S'il en est ainsi, la fonction logique
de l'entendement nous permet de découvrir et de systéma-
tiser tous les concepts qui président aux jugements d'exis-
tence . Car des deux côtés il s'agit pour l'entendement d'uni-
fier. Seule la portée de l'unification diffère. La table des
modes de l'unification logique fournit ainsi le modèle de la
409 -
KANT
table des catégories. Voici la première : i^ Quantité : pro-
positions universelles, particulières, individuelles ; 2* Qua-
lité : propositions affirmatives, négatives, indéterminées ;
3*^ Relation : propositions catégoriques, hypothétiques,
disjonctives ; 4° Modalité : propositions problématiques ,
assertoriques, apodictiques. — Voici la seconde : i^ Quan-
tité : unité, multiplicité, universalité; 2® Qualité : réa-
lité, négation, limitation; 3<* Relation : inhérence et sub-
sistance , causalité et dépendance , action réciproque ;
4° Modalité : possibilité ou impossibilité, existence ou non-
existence, nécessité ou contingence. Tel est le système des
concepts à Taide desquels nous unissons nos représenta-
tions des choses. Ces concepts n'étant que les modes d'ac-
tion de notre entendement sont, en eux-mêmes, vides de
tout contenu. Ils ne peuvent trouver leur emploi que si une
matière leur est fournie ; et la seule matière dont nous dis-
posions est l'intuition sensible. Les concepts n'ont-ils donc
qu'une valeur subjective ; et, tandis que l'esthétique trans-
cendentale ou analyse de la sensibilité a pu conclure à un
réalisme mathématique, l'analyse de l'entendement ou lo-
gique trancendantale devra-t-elle s'en tenir à cet idéalisme
logique qui résout les choses en modes de la pensée? Ici se
place la fameuse déduction transcendantaîe, dont l'objet est
d'établir la valeur objective des catégories, c.-à-d. la possi-
bilité d'obtenir, au moyen des catégories telles qu'elles ont
été définies, la connaissance, non seulement de notre ma-
nière de penser, mais des choses elles-mêmes. Cette possibi-
lité sera démontrée, si l'on peut prouver que les catégories
sont elles-mêmes la condition de l'existence de réalités à
notre point de vue. Les catégories s'appliquent aux choses,
si les choses, pour nous, ne sont possibles que par elles.
Or, selon notre condition, pour qu'il y ait connaissance
d'une chose, il faut qu'il y ait distinction d'un sujet et
d'un objet. Le « je pense » doit pouvoir accompagner toutes
nos représentations. Mais, pour qu'une telle distinction
soit possible, il faut qu'il existe entre les deux termes un
rapport analogue à celui des quantités positives et néga-
tives des mathématiciens, un rapport d'opposition sur un
terrain commun. Le sujet étant une action unifiante, il faut
que l'objet soit un multiple unifié. C'est donc par le fait
d'être unifiées, et d'être unifiées pour le sujet, que des
choses peuvent être données comme objet. Or, comment cette
condition pourrait-elle être remplie, si le multiple n'était
pas unifié par le sujet lui-môme? Sans doute la conscience
empirique ne perçoit pas cette formation de l'objet. L'opé-
ration a lieu dans la région profonde del'aperceplion trans-
cendentale; et quand se pose le moi particulier, il trouve de-
vant lui l'objet tout formé etle prend pour une chose brute.
Mais cette chose est l'œuvre de la pensée, et c'est pourquoi
la pensée, en chacun de nous, y retrouve ses lois. Les
catégories s'appliquent donc nécessairement aux choses
elles-mêmes en tant qu'il en existe pour nous, et ainsi
elles ont une valeur objective. D'autre part, comme les
seules intuitions dont notre entendement dispose pour en
former des objets sont nos intuitions sensibles, et comme
celles-ci ne représentent pas les choses en soi, mais seule-
ment les exigences de notre sensibilité, c'est une suite de
notre condition que notre connaissance, même intellec-
tuelle, ne puisse atteindre à l'absolu, mais reste enfermée
dans le monde de l'expérience. Réalisme empirique, idéa-
lisme transcendantal demeurent termes associés et corréla-
tifs. Par là même, en revanche, une place se trouve réser-
vée pour le suprasensible lui-même. En efl'et, le concept de
chose en soi, en même temps qu'il est hmitatif des préten-
tions de notre science, nous permet de concevoir un monde
autre que celui que nous connaissons, susceptible, par
suite, d'être affranchi des conditions de notre connaissance,
notamment de la liaison nécessaire qui s'oppose à la hberté.
Au phénomène, il nous est permis de superposer le noumène.
En cette doctrine consiste essentiellement la révolution
philosophique opérée par Kant. Au lieu d'admettre, con-
formément aux apparences, que la pensée gravite autour
des choses, Kant, nouveau Copernic, fait graviter les choses
autour de la pensée. De ce point de vue, dit-il, le désordre
et l'inexplicable font place à l'ordre et à l'intelligible. L'ac-
cord des lois de la nature avec les lois de notre esprit n'est
plus un problème ou un objet de foi : c'est une vérité scien-
tifiquement démontrée. Et cette révolution, qui garantit la
valeur objective de la science, n'est pas moins propice à la
morale, laquelle, dans le champ ouvert par la critique, peut
se développer sans entraves, suivant les lois qui lui sont
propres. « Ce n'était qu'en abolissant le savoir, dit Kant à
propos de la prétendue science du suprasensible, que je
pouvais faire une place à la croyance. »
Cependant il ne suffit pas d'établir que, pour être pensés
et devenir objets, les éléments divers de l'intuition doivent
être rangés sous les concepts de l'entendement. Comment
le concept, qui est l'un et l'universel, s'unira-t-il au phé-
nomène, qui est le divers et le particulier ? Comment se-
rons-nous déterminés à appliquer à l'intuition telle catégorie
plutôt que telle autre ? Un moyen terme est nécessaire. Ce
moyen terme est fourni par une faculté intermédiaire entre
l'entendement et la sensibilité : l'imagination. Dans la
forme du sens interne, c.-à-d. dans l'intuition temporelle,
l'imagination trace à priori des cadres où peuvent entrer
les phénomènes et qui indiquent la catégorie sous laquelle
ils doivent être rangés. Kant appelle ces cadres schèmes
des concepts de l'entendement pur. Chaque catégorie a son
schème. Ainsi celui de la quantité est le nombre, celui de
la substance est la permanence du réel dans le temps, celui
de la causalité est la succession régulière des phénomènes.
La vue d'une telle succession, par exemple, est pour nous
le signal de l'emploi de la catégorie de cause.
Les schèmes, toutefois, ne suffisent pas encore à objec-
tiver les phénomènes, parce qu'ils ne font que provoquer
l'emploi d'une catégorie donnée, sans en donner la justifica-
tion. Mais ils rendent possibles des jugements synthétiques à
priori qui achèveront l'élimination du subjectif. Ces juge-
ments sont les principes de l'entendement pur. L'entende-
ment les forme à priori en déterminant les conditions d'un
emploi objectif des schèmes. Tels sont : le principe de la
quantité : « Toutes les intuitions sont des grandeurs exten-
sives » ; le principe de la qualité : « Dans tous les phéno-
mènes la sensation, ainsi que le réel qui y correspond dans
Tobjet, a une grandeur intensive, un degré. » Le principe
de la relation est le suivant : « Tous les phénomènes ont une
liaison nécessaire dans le temps » ; le principe delà moda-
lité indique en quel sens une chose doit s'accorder avec les
conditions de l'expérience pour être possible, réelle ou
nécessaire. La démonstration de ces principes consiste à
montrer que, sans eux, la signification des scbèmes reste
indéterminée, et que le sensible ne peut être fixé, objecli\é
que par l'intellectuel. C'est ainsi que la succession, par
exemple, loin qu'elle fonde la causalité, ne peut elle-même
être considérée comme objective que si elle repose sur la
causalité.
Arrivé à ce point, Kant est en mesure d'accompHr la
seconde des deux tâches qu'il s'était imposées et qui était
de justifier la physique et son alliance avec les mathéma-
tiques. Les deux premiers principes, dits mathématiques,
fondent l'application de la mathématique à la science de la
nature. Les deux autres, appelés dynamiques, fondent les
lois physiques proprement dites. Dans leur ensemble, les
principes de l'entendement pur constituent les premiers
linéaments de la philosophie naturelle. Cette théorie, en
même temps qu'elle était la justification métaphysique de la
science newtonienne, fut le point de départ de la spécula-
tion qui, sous le nom de philosophie de la nature, brilla,
avec Schelling, d'un éclat dangereux.
Kant a jusqu'ici analysé la sensibilité et l'entendement.
Reste la raison proprement dite. L'objet de cette faculté
est l'unification complète de la connaissance. Ses syllo-
gismes supposent un inconditionné comme point de départ,
La raison est ainsi la faculté des idées, ou concepts de la
synthèse totale des conditions. Il est certain, d'après ce qui
i précède, que les idées de la raison n'ont pas d'objet. Dépas-
KANT
— 410 —
sant l'expérience possible, elles ne peuvent être que des
principes régulateurs, non constitutifs, de la connaissance.
Mais l'illusion qui nous fait croire à leur objectivité est natu-
relle, comme celle de l'homme qui croit la lune plus grosse
à son lever qu'à son passage au méridien. Il ne suffit pas,
pour la faire cesser, de démontrer la fausseté de notre opi-
nion, il faut en découvrir la source : il faut démontrer
qu'en ce domaine, contrairement à ce qui a lieu quand il
s'agit d'objets d'expérience possible, il est entièrement illé-
gitime de passer du logique au réel ; il faut dénoncer la dia-
lectique qui se cache au fond de la métaphysique. La raison
croit pouvoir édifier : 4« une psychologie rationnelle, sur l'idée
de l'âme-substance; 2^ une cosmologie rationnelle, sur
l'idée du monde comme réalité absolue ; 3<* une théologie
rationnelle, sur l'idée de Dieu comme fondement absolu de
la possibilité de l'être en général. Mais dans chacun de ces
domaines, elle s'abuse sur sa puissance. Quand elle conclut
de la réalité de l'être pensant à l'existence d'un sujet
absolu, elle passe illégitimement d'une unité de forme à
une unité substantielle, et commet un paralogisme. Lors-
qu'elle essaye de déterminer l'existence absolue qu'elle attri-
bue au monde, elle s'engage dans des antinomies insurmon-
tables. Elle prouve, en eifet, avec une égale rigueur, par
l'absurdité de la contradictoire, que le monde a des limites,
et qu'il n'en a pas; qu'il est composé de parties simples, et
qu'il est divisé à l'infini ; que la liberté existe * et qu'il n'est
rien de libre; qu'il y a un être nécessaire, et qu'il n'existe
que des êtres contingents. Le fait même de ces antinomies
prouve l'illégitimité du point de vue qui leur donne nais-
sance, c.-à-d. de la supposition d'un monde existant en
SOI. Dans les deux premières antinomies, thèse et anti-
thèse sont également fausses. Dans les deux dernières,
elles deviennent vraies l'une et l'autre, si l'on recourt à
cette distinction du phénomène et du noumène, qu'a pro-
voquée l'analyse de l'entendement. Le libre et l'absolu
sont possibles dans le monde des noumènes, tandis que la
causalité naturelle et la contingence se rapportent à l'ordre
des phénomènes. Quand enfin la raison spécule sur l'être
parfait, elle ne fait qu'ériger gratuitement en réalité, en
substance, en personne, l'idéal en qui elle rassemble
toutes les manières d'être des choses finies. Aussi les
raisonnements qu'elle forme pour démontrer l'existence
de cette personne suprême ne se soutiennent-ils pas.
L'argument ontologique, sur lequel reposent tous les autres,
suppose à tort que l'existence est un prédicat que l'analyse
peut tirer d'un concept : l'existence est la position d'une
chose hors de la pensée, et demeure invinciblement inac-
cessible à l'analyse. L'argument cosmologique ajoute à
cette erreur l'alïirmation d'une cause première au nom du
principe de causalité, lequel précisément, dans la mesure
où il est garanti, exclut la possibilité d'une première cause.
Enfin l'argument physico-théologique ou des causes finales
ajoute aux vices des deux premiers la fausse assimilation
du monde à une œuvre humaine et le passage arbitraire
d'un Dieu architecte à un Dieu créateur et parfait. La cause
générale de cette dialectique de notre raison, c'est la dis-
position naturelle à croire que les conditions de notre pen-
sée sont aussi les conditions de l'être, que les lois de notre
connaissance sont les lois de la réalité. Seule, la critique
peut dissiper cette illusion; or la nécessité de la cri-
tique ne ressort que des conséquences de cette illusion
même. Les idées ne correspondent à rien de réel : elles
n'en sont pas moins utiles, comme principes excitateurs et
régulateurs. Elles nous défendent de nous reposer dans la
recherche des causes. Nous ne pouvons commencer par
Dieu, nous devons y tendre.
Ainsi se trouve constituée la critique, oii Kant voit le
terme de l'éducation de la raison. L'esprit humain a dé-
buté et a dû débuter par le dogmatisme, ou croyance
aveugle à l'existence absolue des objets de nos pensées :
le leibnitio-wolffianisme en est l'expression achevée. Puis
est venu le scepticisme, excellemment représenté par
îlume^ qui, des vices du dogmatisme, conclut à l'impossi-
bilité de connaître la réalité, à la subjectivité pure de la
connaissance. Mais le scepticisme n'est qu'un avertissement
de se défier du dogmatisme. La critique, ou science de notre
ignorance, nous interdit de spéculer sur la nature des choses
telles qu'elles sont en elles-mêmes ; mais, par contre, elle
soustrait l'expérience à l'imagination et au sens individuel,
pour en faire un objet commun à toutes les intelligences
humaines, réel par conséquent et substantiel pour nous. Et
en même temps la critique affranchit l'être en soi du fatum
que la présomption de l'entendement faisait peser sur lui :
elle rend concevable un monde oii régneraient sans partage
la liberté et les lois morales : double utilité, tant pratique
que spéculative, qui atteste l'accord providentiel de nos
besoins avec nos moyens de connaître.
B. La critique de la raison pure a expliqué la possibilité
de la science : il s'agit maintenant d'expliquer dans le
même esprit la possibilité de la morale. Nous ne cherchons
pas si la morale est possible, puisqu'elle est, mais sur
quoi elle repose, et quelle en est la signification. Ici encore
une saine philosophie ne peut admettre d'autre point de
départ de la connaissance que l'expérience, mais il est
nécessaire d'analyser l'expérience.
L'idée générale fournie à cet égard par la raison com-
mune est le concept de bonne volonté. Ce concept est-il
tout empirique? Quand on l'examine, on y trouve impli-
quée l'idée d'une loi qui doit être observée pour elle-même,
sans nul égard aux conséquences que pourront entraîner
les actions qu'elle commande. Cette loi n'est pas un impé-
ratif hypothétique dépendant de telle ou telle fin à atteindre :
c'est un impératif catégorique. Elle ne se peut formuler
qu'en ces termes : agis de telle sorte que tu puisses vou-
loir que la maxime de ton action soit érigée en loi univer-
selle. Or un tel principe ne procède pas de l'expérience,
mais est connu à priori. Pouvons-nous en découvrir la
source? Si l'on cherche à quelles conditions un principe
pratique peut être pour nous universellement obligatoire,
on trouvera qu'il ne doit supposer aucun objet ou matière
comme mobile de la volonté. En effet, étant donné nos
facultés, il n'y a d'autres objets pour nous que les objets
empiriques : la seule matière dont nous disposions dans
l'ordre pratique est le plaisir ou satisfaction de l'amour de
soi ; et le plaisir ne peut fournir un principe universel et
obligatoire. Seule, l'intention de notre volonté dépend en-
tièrement de nous et remplit les conditions requises. La
loi est donc un principe purement formel, qui ne suppose
autre chose qu'elle-même et une volonté libre pour l'ac-
complir. Elle a sa racine dans l'autonomie de la volonté.
Mais par là même n'est-elle pas illusoire ? Détachée des
choses et ramenée au sujet, n'est-elle pas purement subjec-
tive? Pourrons-nous échapper à l'idéalisme dans l'ordre pra-
tique, comme nous y avons échappé dans l'ordre théorique?
Déduire la loi morale des conditions de l'expérience est chose
impossible, puisque tout objet de l'expérience doit être
écarté de la détermination morale ; mais, par contre, la loi
morale fonde elle-même une déduction de la liberté. Si je
dois, c'est que je puis. Or la raison spéculative, si elle a
dû s'interdire de connaître la liberté, ne l'en a pas moins
admise comme possible, même théoriquement ; et ainsi la
loi morale a un point d'attache dans la réalité des choses
telle qu'elle est théoriquement connue, à savoir dans cette
région de l'existence qui ne peut être qu'universelle et
absolue. Si la loi morale est la ratio cognoscendi de la
liberté, celle-ci fournit à celle-là sa ratio essendi.
Mais jusqu'ici nous n'avons atteint qu'un principe, une
loi formelle. Or la morale nous offre en outre des con-
cepts, dont les deux principaux sont ceux du bien et du
mal. Pourrons-nous arriver à nous rendre compte de ces
concepts? Il s'agit, après avoir éliminé toute matière em-
])irique, de tirer une matière nouvelle d'un principe posé
comme purement formel. La marche qu'il nous faut suivre
est en apparence paradoxale. N'est-ce pas le devoir qui se
déduit du bien, et non le bien qui se détermine par le de-
voir? Les anciens, dans leur recherche du souverain bien,
Ui
KANT
ont suivi la promièrc niclhodc, la mélliotle dogmatique :
mais, bon gré mal gré, ils en sont venus à foncier la mo-
rale sur des données empiriques. Du bien l'on ne peut
tirer le devoir, si déjà ce bien n'est le bien moral, et il
n'est tel que si déjà on y a mis le devoir qu'on en veut
déduire. Au contraire, l'on peut, par le devoir, déterminer
le bien ; on peut, pour la loi, trouver un objet dans le
monde sensible lui-même, le seul dont nous disposions ; car
le monde sensible, loin de répugner à l'universalité qui
caractérise la loi morale, est lui-même soumis à des lois
universelles. Le bien, c'est la réalisation, dans le monde
sensible, d'une forme d'universalité qui puisse être le
symbole de la raison pratique. Kant, par cette doctrine,
repousse le mysticisme autant que l'empirisme. Si le prin-
cipe de la détermination doit être puisé dans le monde
des noumènes, c'est dans le monde des phénomènes que se
réalisera et s'exercera la moralité. Et le principe même de
la détermination ne restera pas sans rapport avec la na-
ture. Il existe un sentiment qui est dans la nature et qui
en même temps la dépasse, c'est le respect, affection que
suscite ridée de la loi dans une aine douée de penchants
sensibles en même temps que de raison. Le respect est le
mobile moral. L'inclination qu'il enveloppe, et qui vient de
la volonté, ne fait nul tort à la pratique désintéressée du
devoir.
Ainsi se trouve expliquée et définie la morale donnée,
dans tous les éléments qu'elle renferme : mobiles, con-
cepts, principes. Ici encore il a suifi de remonter de
l'expérience à ses conditions, pour expliquer ce qu'il y a
d'absolu dans nos connaissances sans déroger au principe
de la philosophie moderne.
Et non seulement la critique assure ainsi les fondements
de la morale ; mais, du point même où l'a menée cette re-
cherche, elle découvre la source et la raison des croyances
religieuses. La raison commande l'entier accomplissement
du devoir, et exige l'union de la vertu et du bonheur.
Comment la réalisation d'un tel objet est-elle possible? La
nécessité de répondre à cette question nous conduit à des
propositions théoriques non démontrables comme telles,
mais liées inséparablement à des vérités pratiques d'un ca-
ractère absolu. Kant appelle ces propositions des postulats.
Il en établit trois : 1" La liberté : elle est nécessaire pour que
l'iiomme puisse se déterminer, en dehors de tout attrait
sensible, d'après les lois d'un monde purement intelligible.
Sans doute elle n'intervient pas dans le cours des phéno-
mènes, lesquels cesseraient d'être objets d'expérience si la
causalité y était violée. Mais elle est pleine et entière dans le
monde des noumènes, où elle fonde la personnalité, où elle
crée en chacun de nous un caractère intelligible, dont notre
caractère empirique est le symbole. '^'^ L'immortalité : elle
est nécessaire pour que puisse se réaliser le progrès indé-
fini, sans lequel la parlait e adaptation de notre volonté à
la loi morale demeure inconcevable, 'à^ Dieu : il est né-
cessaire pour établir, entre la moralité et le bonheur, cet
accord que la raison exige, et dont ni l'une ni l'autre ne
contient le principe. La morale conduit de la sorte à la re-
ligion, non comme à une science théorique expliquant la
nature des choses, mais comme à la connaissance de nos
devoirs en tant que commandements divins.
C'est ainsi que la critique, en poursuivant sa marche, ré-
tablit peu à peu toutes les existences suprasensibles qu'elle
avait renversées. En cela se contredit-elle? En aucune
façon ; car elle ne les prend plus dans le même sens. La cri-
tique de la raison pure a montré que de tels objets ne sont
pas connaissables théoriquement, c.-à-d. à l'aide d'intuitions
qui les déterminent. Ce résultat subsiste. Mais la critique
de la raison pure ne nous interdisait pas, elle nous per-
mettait au contraire de coikevoir des objets supérieurs à
l'expérience. D'autre part, la critique de la raison pratique
ne nous dévoile en aucune façon le monde que nous fer-
mait la critique de la raison pure, mais elle nous présente
comme liés au devoir les objets sur lesquels ne pouvait se
prononcer la raison théorique. Elle nous amène à dire, non '
pas : il est certain qu'il y a un Dieu et une immortalité,
mais bien : je veux qu'il y ait un Dieu, je veux que mon
être soit, par un cAté, libre et immortel. C'est là, non une
science, mais une croyance rationnelle, pure, pratique.
Nous ne pouvons ni voir l'objet, ni le déduire de ce que
nous voyons, nous ne pouvons que le concevoir. Heureuse
impuissance ! Car si nous étions en possession de la faculté
qui nous manque, au lieu du devoir qui trempe et ennoblit
notre volonté. Dieu et Téternité, avec leur majesté redou-
table, seraient constamment devant nos yeux, et, par la
crainte dont ils nous frapperaient, nous réduiraient à
l'état de marionnetes, gesticulant à propos, mais privées de
vie et de valeur morale. La sagesse mystérieuse par laquelle
nous existons n'est pas moins admirable dans les dons
qu'elle nous a refusés que dans ceux qu'elle nous a faits.
C. La critique a pu rendre compte de l'existence de la
science et de la morale. Pour épuiser les divers ordres de
nos connaissances, il reste à exarniner les notions de goût
et de finalité. L'expérience pourra-t-elle en fournir le
principe et la mesure ? La donnée expérimentale qui est
ici on jeu est le jugement, non plus le jugement déter-
minant, qui va du général au particulier, mais le juge-
ment réfléchissant, qui va du particulier au général. Ce
jugement est celui qui affirme, dans la nature, l'existence,
non plus seulement de lois en général, mais de telles lois
en particulier. ïl requiert un principe spécial, qui ne peut
être que le suivant : de même que les lois universelles de
la nature ont leur fondement dans notre entendement, qui
les prescrit à la nature, de même, en ce qui concerne les
lois empiriques et particulières, tout se passe comme si ces
lois avaient été également dictées par un entendement, se
proposant de rendre intelligible et objectif le détail même
des phénomènes. Cette raison des lois particulières peut
être cherchée, soit dans l'accord des choses avec notre fa-
culté de connaître, c.-à-d. dans le beau, soit dans l'ac-
cord des choses avec elles-mêmes, c.-à-d. dans la finalité.
L'appréciation du beau ne saurait s'expHquer par la
seule sensation, comme le veut l'Anglais Burke. Le beau
n'est pas l'agréable : il est désintéressé, il est l'objet d'un
véritable jugement. Mais elle ne s'explique pas non plus
par la seule raison, comme le veut le wollïien Baumgarten.
Le beau n'est pas le parfait : il ne réside que dans la forme
de l'objet, non dans sa matière ; et, s'il plaît, c'est sans
y viser, par une sorte de finalité sans fin : en un mot, il
participe du sentiment. Formé à priori et en même temps
subjectif, où le jugement de goût peut-il prendre sa source?
Il n'est ex{)licable'que comme opération d'un sens commun
esthétique, ou faculté de percevoir un accord entre notre
kmliè sensible de connaître et noire faculté intellectuelle.
Sont beaux les objets en présence desquels notre imagina-
tion se trouve d'elle-même satisfaire notre entendement. Le
beau est le sentiment d'un jeu de nos facultés, analogue au
jeu visible, où l'observation spontanée d'une règle libre-
ment posée n'entrave en rien le libre essor de l'activité. Le
beau, par suite, ne réside qu'en nous ; il n'a d'autre source
et d'autre règle que le sens spécial en qui se rencontrent
la sensibilité et l'entendement. Du beau proprement dit,
que nous venons d'analyser, il faut distinguer le sublime,
comme une autre espèce du même genre. Tandis que l'ob-
jet beau est la réalisation sensible adéquate de l'idée,
l'objet sublime est la défaite de l'imagination, s'épuisant
en vains efforts pour représenter une idée qui la surpasse.
De rinfini il n'y a point d'images, mais seulement des sym-
boles. Le fonds du sublime comme du beau ne peut donc être
que notre nature suprasensible, en même temps que le be-
soin d'un accord entre cette nature et notre nature sen-
sible. Mais le résultat de cette analyse n'est-il pas de dé-
nier au jugement de goût toute valeur objective? Il en serait
ainsi, si l'objectivité du beau devait consister pour nous
en une propriété des choses en soi ; mais une telle objec-
tivité est une chimère. Le sens du goût que nous avons
dégagé a une portée objective, en tant que lui seul rend
intelligible le caractère de beauté que nous attribuons
KANT
— 412
aux objets, et en tant que ce sens même doit être consi-
déré comme identique en tous les êtres formés d'une sen-
sibilité et d'un entendement discursif. L'universalité de la
faculté suffit à fonder l'objectivité de l'opération.
Que si maintenant nous considérons les choses de goût
et spécialement l'art, dont l'existence nous est donnée,
notre doctrine en fournira la théorie. L'art est un produit
de l'intelligence, et doit paraître un produit de la nature ;
il a un but et doit sembler n'en pas avoir; il observe les
règles ponctuellement, et il les observe sans marquer d'ef-
fort. Tous ces caractères s'expliquent, du moment qu'il y
a en l'homme une faculté oii l'entendement, qui pense et
qui règle, coïncide avec l'imagination, qui voit, sent et
invente. La source du génie est découverte dans l'essence
générale de l'homme. Et l'on voit en même temps com-
ment les arts sont d'autant plus élevés que leur objet est
plus humain.
L'idéalité du beau est d'ailleurs le seul point de vue qui
permettre de résoudre l'antinomie à laquelle donne lieu le
jugement de goût. On discute sur le beau, et pourtant l'on
ne peut en i-endre compte par démonstration. Cela serait
incompréhensible, si le beau appartenait aux choses en soi.
Mais d'autre part le beau ne saurait être, comme l'espace
et le temps, enfermé dans le monde sensible. On discute,
parce que dans le beau est impliqué un concept, à vrai dire
indéterminé : le concept du fonds suprasensible des phé-
nomènes. Le beau est le symbole du bien moral, et c'est
vers ce bien qu'obscurément nous dirige le goût.
Le second principe des lois naturelles particulières
se tire de la finalité. Existe-t-il véritablement des har-
monies que ne puisse expliquer le mécanisme, ou sys-
tème des causes et des eftets? Partout où la finalité n'est
qu'extérieure et ne consiste que dans l'utilité d'un être
à l'égard d'un autre, l'explication mécanique suffît, car il
s'en faut de beaucoup que cette harmonie àes différents
êtres soit la règle dans la nature. Mais il existe un cas où la
finalité, étant interne, ne peut plus èire expliquée par les
hasards du mécanisme : c'est celui des êtres organisés.
Le vivant se produit lui-même, et comme espèce et comme
individu; elles parties y sont conditionnées par l'ensemble
même qui doit en résulter. L'effet y est cause de sa cause,
la cause y est effet de son effet. Une telle relation dépasse
le mécanisme, un tel être est fin en même temps que pro-
duit de la nature. Mais comment cela est-il concevable?
En vain le dogmatisme essaye- t-il de répondre, soit par
l'hylozoïsme qui fait la nature intelligente, soit par le
théisme, qui insère l'action de l'intelligence dans le cours
des phénomènes : le premier prête à la matière des qua-
lités qui répugnent à son essence, le second prétend vaine-
ment pénétrer les desseins de Dieu. L'organisation, finalité
interne, n'est pas connaissable dans sa cause. La finalité,
pour nous, ne peut être qu'idéale : c'est notre manière de
considérer une certaine classe de phénomènes. Une telle
doctrine est-elle un résultat purement négatif? En aucune
façon. C'est déjà savoir quelque chose de la nature que de
connaître qu'en certains de ses produits elle nous est incon-
naissable. Soit dans sa portée restrictive, soit dans sa
portée positive, ce principe nous instruit. Il n'est pas cons-
titutif, mais il est régulateur. A ce titre il sert la science.
S'il ne rend pas plus intelligible la production des choses,
il fournit des anticipations qui aident à trouver les lois par-
ticulières de la nature. Il allume des phares dans l'infini.
En ce qui concerne la métaphysique, une telle conception
de la finalité permet seule d'échapper à l'antinomie tradi-
tionnelle du mécanisme et de la téléologie. Sur le terrain
de l'être en soi où les deux systèmes sont placés, ni le
premier ne peut expliquer ce qu'il appelle l'illusion de la
finalité, ni le second ne peut prouver que son explication
transcendante est nécessaire. Le principe des causes finales,
au contraire, devient inattaquable, du moment où il n'est
qu'un point de vue sur les choses. Et il ouvre à notre con-
ception, sinon à notre connaissance, une perspective sur
l'absolu lui-même. Comment en effet arrivons-nous à poser
l'idée d'une fin comme cause d'un phénomène? L'impossi-
bilité où nous sommes de déduire le particulier de l'uni-
versel vient de ce qu'en nous l'entendement et l'intuition
sont séparés : nos concepts sont vides, et nos intuitions
sont impuissantes à se lier en lois. Comment donc affirmer
l'existence de lois particulières? Le problème se résout de
la manière suivante. Nous concevons que la difficulté qui
nous arrête n'existerait pas pour un esprit en qui l'enten-
dement ne ferait qu'un avec la sensibilité, pour un enten-
dement intuitif. Un tel esprit, au lieu d'aller des parties
au tout, comme notre entendement discursif, et de voir,
par suite, dans le tout, un résultat contingent, irait du
tout aux parties et, d'emblée, verrait celles-ci dans leur
connexion nécessaire. Pour lui mécanisme et finalité coïn-
cideraient. Or, l'idée d'une telle intelligence une fois conçue,
notre entendement, pour s'en rapprocher à sa manière,
substitue au tout l'idée du tout, et pose cette idée avant
ses intuitions, comme cause des rapports spéciaux qui les
unissent. A l'emploi de la notion de fin est ainsi liée la
conception d'un entendement intuitif, comme fondement
possible dans l'absolu de l'ensemble des harmonies de la
nature.
Cette déduction dujugementtéléologique détermine l'usage
que nous en devons faire. 4^ En ce qui concerne l'explication
des phénomènes de la nature, nous avons le droit de nous
placer le plus possible au point de vue mécanique, mais nous
ne pouvons le faire partout avec un égal succès. Le fait delà
vie nous oppose un obstacle invmcible. Nous ne saurions
nous représenter que de la matière inorganique puissent
sortir des corps vivants. Sans doute, il n'est pas inconce-
vable que d'une commune matière primitivement organisée
tous les corps vivants soient issus par des changements
purement mécaniques. Au mécanisme, en ce sens, appar-
tiendrait l'explication des choses, à la téléologie l'origine.
Et, de fait, la comparaison des formes organiques permet
de conjecturer la parenté de tous les vivants et laisse espérer,
si faiblement que ce soit, qu'il sera possible de les ramener
à une origine commune. On pourrait alors se représenter la
matrice de la terre comme engendrant d'abord des créatures
mal appropriées à leurs conditions d'existence, puis ces
créatures comme se perfectionnant de génération en géné-
ration, jusqu'à ce qu'enfin la créatrice,"figée, ossifiée,' bor-
nât ses productions à un certain nombre d'espèces nette-
ment définies, désormais immuables. C'est là une hardie et
brillante hypothèse de la raison ; mais outre que, jusqu'ici,
l'expérience ne semble guère l'autoriser, elle n'exclurait
nullement, elle réclamerait la vie primordiale de la matrice
universelle. ^"^ En ce qui concerne la conception générale du
monde, nous avons le droit d'achever par la pensée l'uni-
fication à laquelle tendent les concepts téléologiques, pourvu
que nous placions cette fin suprême en dehors des phéno-
mènes sensibles. Et comme cette fin ne peut être qu'un
être ayant en lui-même l'objet de son activité, par consé-
quent capable de poser des fins et de se servir de la nature
comme d'un moyen, l'homme seul, non sans doute en tant
que partie de la^nature, mais en tant qu'intelligence et vo-
lonté, peut être la fin de l'univers. Il ne faut pas, avec Rous-
seau, demandera la nature la satisfaction de nos penchants,
le bonheur : elle n'est point faite pour nous le procurer et nous
trahira. Mais elle ne trompera pas l'attente de celui qui, par
elle, s'efforce de réaliser le bien moral. 3^ Enfin, pour ce qui
est de la conception de Dieu comme principe de la finalité,
ce n'est pas en vain que, de tout temps, les hommes ont
été touchés de l'argument des causes finales. Cet argument
exprime excellemment l'impression de l'homme à la vue de
l'ordre de la nature : l'aspiration vers quelque chose qui la
dépasse. Il n'en faut parler qu'avec respect, car il est l'ar-
gument le plus persuasif, le plus populaire, le plus efficace
de tous. Mais, pour qu'il soit vraiment solide et salutaire,
il faut qu'il soit entendu dans son véritable sens. Ce n'est
pas comme architecte que Dieu nous est révélé par le monde,
mais comme condition d'un accord de la nature avec la
moralité. En cherchant quels attributs il doit posséder pour
— 413 —
KANT
pouvoir remplir ce rôle, nous nous formons une théologie
morale qui nous conduit à une religion morale elle-même.
IV. La. Doctrine. — La critique n'est pas l'abolition de
la métaphysique, c'est Tintroduction à la métaphysique
comme science. Dans la réalisation du plan qu'elle trace,
la méthode à suivre est celle qu'a inaugurée l'illustre Wolff.
On sait que la logique transcendantale ne brise pas les
cadres de la logique générale : elle les remplit. La raison
humaine est législatrice de deux manières : par son enten-
dement dans le domaine de la nature, par sa volonté dans
le domaine de la liberté. D'où l'idée d'une double méta-
physique : celle de la nature et celle des mœurs. Il n'y en
a pas d'autre.
A. Métaphysique de la science de la nature. (Sources:
Principes métaphysiques de la science de la nature ;
Passage des principes métaphysiques de la science
de la nature à la physique,) Seule durable, la matière
corporelle peut seule donner lieu à une métaphysique.
Celle-ci cherche tout d'abord, parmi les données sen-
sibles ou propriétés de la matière, un objet auquel soient
applicables les lois synthétiques de l'entendement. Elle le
trouve dans le mouvement. Cet unique emprunt une fois
fait à l'expérience, la métaphysique poursuit sa marche en
procédant a priori. Déterminé selon la seule notion de
quantité, le mouvement n'est qu'une grandeur dans le temps
et l'espace : il n'implique pas encore de cause de produc-
tion ou de modification. Il donne lieu en ce sens à la pho-
ronomie, que nous appelons aujourd'hui cinématique. Déter-
miné, en outre, suivant la notion de qualité, il enveloppe une
grandeur intensive ou force, comme cause de son existence
et de nos affections sensibles. La théorie de la force est la
dynamique : c'est la pièce essentielle de cette partie de la
métaphysique kantienne. 11 faut admettre autant de forces
simples qu'il est nécessaire pour distinguer les mouvements
sur une ligne droite, par conséquent une force de répul-
sion et une force d'attraction. De la première résulte la
divisibilité à l'infini, de la seconde une limitation de la pre-
mière. Ces deux forces sont solidaires : la solidité, que les
newtoniens se sont vus obligés d'ajouter à l'attraction, à
moins d'être une qualité occulte, suppose une force répul-
sive. La matière résulte de leur équilibre. Déterminée par
la notion de relation, la matière se revêt des propriétés
qu'étudie la mécanique proprement dite. A ce point de vue,
Kant étabht la loi de la persistance de la substance maté-
rielle, la loi de l'inertie, la loi de l'action et de la réaction.
Enfin, en ce qui concerne la modalité, il s'agit de savoir
quelles sont les règles que suit notre esprit quand il dis-
tingue le mouvement possible, réel ou nécessaire : c'est
la phénoménologie. Le mouvement rectiligne n'est que pos-
sible, et appartient à la phoronomie ; le mouvement curvi-
ligne est réel et appartient à la dynamique ; le mouvement
conçu comme communiqué par un moteur à un mobile est
déterminé nécessairement quant à l'existence et à la vitesse,
et appartient à la mécanique.
De ces principes métaphysiques Kant a tenté de passer
à la physique elle-même, La physique serait constituée
comme science, si l'on parvenait à déterminer a priori
les forces qui produisent la sensation. Or, il résulte de la
critique que ces forces, étant liées à la vie de l'esprit,
doivent être, en définitive, de la nature de l'esprit. Elles
ne peuvent être que l'action exercée sur notre moi empirique
par notre spontanéité, c.-à-d. par notre entendement. Et
c'est parce que cette action est transcendantale que, cher-
chant à nous représenter la cause de nos sensations,
nous imaginons des choses situées dans l'espace. Dès
lors, le principe de la déduction des espèces matérielles est
entre no s mains : il n'est autre que le principe des fonc-
tions du sujet. C'est en ce sens que Kant entreprend, à la
lumière des catégories, la déduction des différentes espèces
de forces, de la matière première ou éther, des bases ou
matières spécifiques. Et vraisemblablement, il en serait venu
à une déduction rationnelle du système du monde lui-même,
tel que l'avait constitué Newton.
B. Métaphysique des mœurs. (Sources : Principes mé-
taphysiques de la théorie du droit ; De la paix perpé-
tuelle; Principes métaphysiques de la théorie de la
vertu.) Dans l'ordre moral comme dans l'ordre physique,
la méthode a pour tâche de ranger les conditions empiriques
données sous les lois de la raison, et de déduire par là le
système complet des lois fondamentales. La législation
morale a un double objet : l'action et son mobile. L'accord
de l'action avec la loi est la légalité, l'accord du mobile la
moralité. De cette distinction résulte la division de la mé-
taphysique des mœurs en théorie du droit et théorie de
la vertu.
Le droit est l'ensemble des conditions universellement
requises pour que le libre arbitre de chacun se concilie
avec celui des autres. Le libre arbitre extérieur est respec-
table, parce qu'il est la forme de la liberté morale, celle-
ci ne se réalisant que par l'action et l'action impliquant
un rapport à quelque chose d'extérieur. Ainsi, le droit
est distinct, mais dépendant de la morale. Au déve-
loppement de la théorie du droit président deux principes
essentiels : i** le droit repose exclusivement sur la nature
suprasensible de l'homme en tant qu'elle est manifestée
dans le temps, c.-à-d. sur la dignité personnelle ; 2^* la
contrainte légale est légitime, en tant qu'elle est nécessaire
pour supprimer les obstacles qu'une volonté peut opposer
arbitrairement au développement des autres. Les consé-
quences de ces principes sont les suivantes.
En ce qui concerne le droit privé, il appartient nécessai-
rement à tout homme de disposer de la part de liberté com-
patible avec la Uberté des autres hommes. Mais il ne peut
s'agir ici que de la liberté considérée dans son existence
extérieure. Cette existence est ce qu'on appelle la posses-
sion. Il y a donc autant d'espèces de droits qu'il y a d'es-
[)èces de possessions, La première porte sur les choses, et
donne lieu au droit réel. Ce droit n'est pas un rapport entre
le propriétaire et la chose, mais un rapport entre des per-
sonnes. Comment la réalisation en peut-elle être légitime?
D'une part, la possession en commun est le droit primitif ;
d'autre part, le fait donné est la propriété individuelle.
11 y aurait là une antinomie insoluble, si l'on tenait la pos-
session en commun pour un fait qui a existé historique-
ment. Mais ce n'est pas un fait, c'est le commandement de
la raison. Le fait actuel ne va donc pas contre une réali-
sation préalable de la justice. Il est, jusqu'à nouvel ordre,
la seule réalisation effective du principe qui attribue les
choses aux personnes. Il n'en doit pas moins être sanc-
tionné par un contrat entre les volontés, pour devenir juri-
dique : toute appropriation, dans l'état de nature, n'est
que provisoire. La seconde espèce de possession porte sur
les actions des personnes, et donne lieu au droit person-
nel. Ce droit se réalise par le contrat, dont la valeur ré-
side dans la stabilité et la simultanéité des volontés supra-
sensibles. La troisième espèce de possession porte sur les
personnes elles-mêmes, et donne lieu au droit personnel
réel. Le domaine en est la famille. Comment une personne
peut--elle devenir une chose ? 11 y aurait là une contradic-
tion intolérable, si le possesseur de la personne ne resti-
tuait à celle-ci sa dignité en se donnant de son côté, en
rétablissant par un acte de liberté l'ordre moral menacé
par la nature. C'est ainsi que le mariage est le seul rapport
légitime des sexes, parce que, seul, il sauve la dignité de
la femme.
En ce qui concerne le droit public ou civil, Kant pose en
principe que, l'état de nature des hommes étant la guerre,
il est nécessaire de constituer une société civile pour rendre
possible un régime de droit. Les lois qui créent un tel ré-
gime se divisent en droit politique, droit des gens et droit
cosmopolitique. Le droit politique repose exclusivement sur
l'idée de justice. La souveraineté appartient primitivement
au peuple, et l'Etat ne peut résulter que d'un contrat par
lequel les hommes abandonnent leur liberté naturelle pour
la retrouver intacte dans un régime légal. Mais ce contrat
n'est pas un fait historique, c'est une idée de la raison :
KANT
— 414 —
c'est le point de vue auquel doivent se placer, pour l'ac-
complissement de leurs4âches respectives, le législateur et
les citoyens. Par suite, on doit obéir au pouvoir sans en
scruter l'origine. Si vicieuse que soit une forme sociale,
elle n'est pas une déchéance d'un primordial état de jus-
tice : elle est le degré de réalité qu'a pu atteindre dans le
temps l'idée du droit. Il est légitime de raméliorer par voie
de réforme, non de la bouleverser par voie de révo-
lution. Si tel est son principe, l'Etat a pour mission de
garantir les droits naturels de l'homme. Il ne s'occupera
des mœurs qu'en tant qu'elles intéressent l'ordre public. Il
respectera les croyances religieuses, njais s'opposera à une
influence politique des églises. 11 a le droit d'abolir les pri-
vilèges qui ne sont que des faits sans fondement rationnel.
La réalisation de l'idée de l'Etat exige la division du pou-
voir en législatif, exécutif et judiciaire. Le législatif est le
principal. Il doit être la pleine et entière expression de la
volonté collective. Le gouvernement est plus ou moins des-
potique, selon la mesure où il s'écarte du système repré-
sentatif. La république, forme rationnelle idéale, est un
gouvernement représentatif dans ses trois pouvoirs. Dans
la pratique, liant, en dévoué sujet de Frédéric il, admet
une autocratie se conformant, grâce à la générosité du prince,
aux principes philosophiques du droit. Toujours appuyé sur
l'idée de justice, Kant fonde le droit pénal, non surl'ulihté,
mais sur la rémunération ; et il défend la peine de mort
contre la sensiblerie de Beccaria. — Le droit des gens
étend aux Etats, sauf certaines modiiications, les relations
que le droit public établit entre les individus. Leur con-
dition primitive n'est pas un régime de droit, c'est la guerre.
Pour qu'il se crée entre eux des rapports juridiques, il faut
qu'ils forment et entretiennent, d'après l'idée d'un contrat
originaire, une aUiance ou fédération, par laquelle ils s'en-
gagent à ne pas s'immiscer dans les discordes intérieures
les uns des autres, et à se protéger mutuellement contre les
attaques extérieures. — Enfin, le droit cosmopolitique
assure à chaque homme la faculté d'entrer en communica-
tion avec tous. Les nations doivent laisser accès aux étran-
gers. La colonisation est un droit ; toutefois, elle ne doit
violer aucun droit acquis : il n'est pas permis d'être injuste,
fût-ce pour étendre le domaine de la justice.
Le droit s'approche indétiniment de la morale, il n'y
peut atteindre. 11 exige que la règle de nos actions exté-
rieures puisse être érigée en loi universelle : la morale pro-
fesse la même exigence en ce qui concerne la maxime même,
le principe interne de nos actions. Les devoirs de vertu dif-
fèrent ainsi des devoirs de droit, et par l'objet, en ce qu'ils
déterminent l'intention et non l'acte, tandis que les devoirs
de droit déterminent l'acte et non l'intention, ce qu'on
exprime en disant que ceux-ci sont stricts et les autres
larges ; et par le motif, en ce que le sujet se les impose
lui-même, tandis que les devoirs de droit sont imposés par
une contrainte extérieure. Quelles sont les fins qui sont en
même temps des devoirs? Il n'en peut exister que deux : la
perfection propre et le bonheur des autres. Vis-à-vis de moi,
je dois avoir en vue la perfection, non le bonheur ; vis-à-
vis d'autrui, je dois me proposer le bonheur, non la per-
fection. En ellèt, ni je ne puis me rendre heureux, ni je ne
puis faire l'œuvre de la volonté des autres. En revanche, la
détermination de ma volonté me concerne, et, de même, la
condition des autres hommes. Le détail des devoirs ne com-
prendra rien qui se rapporte à la famille ou à l'Etat. Kant
ne voit dans ces communautés que des relations juridiques :
il a donc épuisé ce qui les concerne, dans la théorie du droit.
La morale sera essentiellement individuelle et sociale. Nous
n'avons de devoirs qu'envers nous-mêmes et envers les autres
hommes. Car nous ne pouvons être obligés qu'envers des
personnes qui soient pour nous objets d'expérience ; et l'une
ou l'autre de ces deux conditions fait défaut chez les êtres
supérieurs ou inférieurs à nous. Le respect de la dignité hu-
maine, en soi et dans les autres, tel est le devoir par excel-
lence. Ce devoir n'admet ni conditions ni tempérament : il est
absolu et immuable. Quant à l'amour du prochain et aux sen-
timents bienveillants en général, ils ne peuvent être l'objot
d'un devoir qu'en tant qu'il s'agit de la bienveillance active
et non de la sympathie de complaisance ou amour patholo-
gique. De ces principes découlent des maximes telles que les
suivantes : Ne laissez personne fouler aux pieds votre droit
impunément. Ne faites point de dette sans fournir caution.
Le mensonge, soit extérieur, soit surtout intérieur, est un
suicide moral. La bassesse est indigne de l'homme ; celui
qui rampe comme un ver ne peut se plaindre si on l'écrase.
La violation du devoir d'amour n'est qu'un péché, celle des
devoirs de respect est un vice, car ici l'homme est offensé,
là il ne l'est pas. La gymnastique morale n'est pas une
mortitication, c'est la volonté s' exerçant à maîtriser les pen-
chants, de manière à n'en être pas gênée, et goûtant, joyeuse,
sa liberté reconquise.
C. Religion. (Sources : La religion dans les limiles
de la pure raison,) k. la suite de la métaphysique des
mœurs vient naturellement la religion, non connue sup-
posée, mais comme appelée par la morale. La religion
consiste à envisager les lois morales comme si elles étaient
des commandements divins. Elle ne peut augmenter notre
connaissance, soit de Dieu, sou de la nature; iiïh n'y doit
pas viser : son seul objet est d'accroître l'ascendant de la
loi morale sur la volonté.
Ainsi entendue, elle est sanctionnée par la raison. Mais
les religions positives ajoutent à la loi et aux postulats mo-
raux des éléments traditionnels et statutaires : il nous im-
porte de savoir dans quelle mesure cette partie additionnelle
peut être légitimée parla raison. Si nous considérons la reli-
gion chrétienne, forme excellente delà religion, nous y ren-
controns quatre idées essentielles: celle du péché originel,
celle du Christ, celle de LEghse et celle du culte. Quelle
est la valeur de ces idées ? P Le dogme du péché originel
recèle une vérité philosophique, il y a en nous deux carac-
tères : le caractère empirique et le caractère intelligible.
Les vices de Fun, en attestant une pente innée vers le mal,
dénotent une faute radicale de l'autre. Cette faute consiste
à renverser l'ordre qui doit régler les rapports de la sen-
sibihté et de la raison, et à mettre celle-ci au service de
celle-là. La moralité, pour la personne qui a commis cette
faute, ne peut plus être qu'une conversion, une nouvelle
naissance, ainsi que l'indique la théologie chrétienne. En
ce sens, le dogme est justihe. ^i« L'idée du Christ, elle aussi,
est reçue par la critique, si par le Christ nous entendons
l'idéal de la personne humaine. Cet idéal descend du ciel
sur la terre, non sans doute historiquement, mais en ce sens
qu'appartenant au monde intelligible, il se manifeste dans
le monde sensible. Cet idéal nous rachète, car, tandis que
le châtiment concernaii l'homme coupable, c'est l'homme
converti par la conception de l'idéal, le nouvel homme, qui
lutte et souffre pour détacher l'ancien du mal. Le bon se
charge des péchés du méchant et le représente devant le
juge. ii'^L'Eghse, elle aussi, est reconnue par la raison, en
tant qu'elle est une association dont les membres se forti-
fient mutuellement dans la pratique du devoir, et par
l'exemple, et par la déclaration d'une commune conviction
morale. En elle-même , elle est une, comme la foi ration-
nelle ; mais la faiblesse humaine veut qu'à la foi ration-
nelle s'ajoutent, pour la rendre sensible, des dogmes his-
toriques, prétendant à une origine divine. De là une
multiplicité d'églises et l'antagonisme des orthodoxes et des
hérétiques. L'histoire de FEgiise n'a d'autre matière que la
lutte de la foi rationnelle et de la foi positive ; et le terme
où elle marche est l'effacement de celle-ci devant celle-là.
40 Enfin, le culte lui-même est chose rationnelle, pourvu
qu'on le place dans l'intention morale et dans la réalisation
de cette intention. Tout ce que l'homme croit pouvoir ajouter
à la vertu pour honorer Dieu n'est que faux culte et pra-
tique vaine. La valeur illusoire attribuée à ce faux culte a
pour conséquence la déj)endance du laïque à l'égard de
FEglise et tous les maux qui naissent de cette dépendance,
tels que l'hypocrisie et le fanatisme. La foi que commande
l'Eglise a pour objet véritable de se rendre elle-même su-
— 415
perflue. Cette foi a été nécessaire comme véhicule et demeure
utile tant que l'iiumanité est mineure. Mais, quand sonne
pour les hommes riieure de la majorité, la lisière des tra-
ditions n'est plus qu'une chaîne. L'ecclésiastique lui-même
qui, comme ministre de la religion, est lié aux symboles,
a, comme savant, le droit d'examiner les dogmes : décréter
l'immutabilité de la foi statutaire serait un attentât contre
la nature humaine.
D. Applications. (Sources : 1° Ouvrages relatifs aux
races humaines, à la géographie physique, etc., de 1775,
1885, 1788, 1802-03; ouvrages relatifs au progrès mo-
ral, de 1784, 1785, 1786, 1793, 1795, 1798. 2^> Sur la
Pédagogie ; la Dispule des facultés.) Le souci constant
de liant est d'arriver à rejoindre la réalité concrète et la
pratique. Puisés par l'analyse métaphysique dans le donné
lui-même, ses principes doivent, rationnellement, recons-
tituer et gouverner le donné. Dans l'ordre matériel, il a
cherché le passage de la métaphysique à la physique ; de
même, dans l'ordre moral, il redescend de l'idée à l'action.
1. L'histoire de riiumanité est à cet égard son prin-
cipal thème, 11 se propose, non d'en décrire, mais d'eu
déduire les principales phases. 11 distingue l'histoire natu-
relle et l'histoire morale de l'homme. Ceile-ci a son com-
mencement dans celle-là.
En ce qui concerne l'histoire naturelle, Kant traite de la
question des races. Y a-t-il entre les races humaines une
séparation telle que l'une d'entre elles ait le droit de reven-
diquer pour elle seule la dignité d'homme et de réduire les
autres en esclavage ? La question se résout par la considé-
ration de l'origine. Entre les hommes de toutes les races
la fécondation est possible, donc ils ont une môme origine
et ne forment qu'une espèce. Les races sont des variétés
stables, inaltérables au mélange et à la transplantation-
Elles se sont différenciées par voie d'adaptation aux condi.
lions climatériques ; comme il y a quatre climats, ainsi il
y a quatre races : la blanche, la jaune, la noire et la
rouge. Les causes extérieures ont joué dans la formation de
ces races un rôle indispensable, mais elles n'eussent pu, à
elles seules, produire des changements stables ; elles n'ont
fait que développer les dispositions internes de l'espèce. La
vraie cause des races, c'est l'aptitude de l'homme à s'adap-
ter aux conditions extérieures. Contre les attaques de G.
Forster, qui veut expliquer la vie par les seules causes
géologiques, Kant soutient, dès 17:^8, la nécessité d'un
principe spécial immatériel, comme seul conforme aux exi-
gences de la critique. C'est abandonner le lil conducteur de
Lexpérience que d'attribuer à la matière une faculté d'or-
ganisation que l'observation n'y saurait découvrir. Sans
doute, l'explication de Forster n'est ni absurde ni impos-
siblcj mais elle dépasse nos moyens de connaître. Nous ne
saisissons de tinalité (|u'en nous, dans notre production
consciente : rien ne nous autorise à admettre dans une
chose inconsciente la faculté d'agir en vue d'une fin. Nous
ne savons ce qui cause la vie, mais nous l'expliquons, nous,
par la iinalite : tel est le point de vue de la critique.
Tandis que l'histoire naturelle de l'homme remonte à son
origine, l'histoire morale considère sa lin. Dans l'idée de
celte iln la philosophie de l'histoire trouve son principe,
comme la philosophie naturelle dans l'idée d'attraction. Or
le développement de la raison, qui estl'essence de l'homme,
ne peut tendre qu'à l'établissemeut d'un régime de liberté,
c.-à-d. à la réalisation de la justice. Ce sont donc les
phases de la réahsation de la justice que l'historien doit
retrouver dans les faits.
L'histoire commence à l'heure où. l'homme devient un
être moral, c.-à-d. à l'heure où, au heu d'agir par instinct,
il agit par volonté. Son état primitif était i'mnocence, sou
séjour le paradis. Il ne faisait qu'un avec la nature, où sa
volonté était ensevelie. L'éveil de cette volonté se mani-
feste par un désir de domination, par un acte d'orgueil,
par une rébellion contre la nature qui l'enserre. Le péché
originel est la première démarche de la liberté. Dès lors
commence pour l'homme une vie nouvelle. Pour dominer
KANT
la nature, il lui faut travailler. Du travail naissent la dis-
corde, la société, la propriété, l'inégahté civile» A l'état de
nature a succédé la civilisation. Que vaut cette condition
nouvelle? Si l'activité humaine n'avait d'autre fui que le
bonheur individuel, Rousseau aurait raison de rêver le re-
tour au paradis de l'innocence. Mais ce que veut l'homme,
c'est être libre, et la liberté ne se trouve que dans l'accord
désintéressé des volontés sur le terrain de la raison. Or la
civilisation, conflit des volontés, est l'aniécédent nécessaire
de leur réunion. Le règne de la justice, où se crée l'har-
monie morale, est la troisième phase de l'histoire uni-
verselle.
Pour réaliser ce progrès de la liberté, la volonté n'est
pas abandonnée à elle-même. Elle est aidée par la nature ;
et, pour cette raison, le progrès est constant et a le carac-
tère d'une loi naturelle. Loi bienfaisante, loi nécessaire :
car si l'homme devait croire que ses oeuvres périssent tout
entières avec lui, comment pourrait-il nourrir un sérieux
désir de travailler au bien de l'humanité ? La nature excite
l'homme à sortir de la nature, et aiguillonne sa liberté.
C'est une artiste, c'est une providence, qui, du mal, sait
tirer le bien. Elle fait les hommes égoïstes et violents, et
la violence engendre la guerre : mais la guerre provoque
la création d'un régime juridique. Elle sépare les hommes
par des différences de constitution, de langue, de religion :
mais ces différences rendent impossible une domination
universelle. Pendant que le mal succombe, tôt ou tard, à
la contradiction qu'il recèle, le bien qu'y substitue la rai-
son, une fois pose, se maintient et s'accroît, grâce à son
accord avec lui-même. Car la logique est la suprême force.
L'homme veut l'union d'abord, et il se croit sage ; mais la
nature sait mieux que lui ce qui lui convient : elle veut la
guerre.
Le premier objet de cette collaboration de la nature et
de la volonté, c'est l'établissement de l'Etat rationnel,
combinaison de la hberté et de la légalité. Le second objet,
c'est l'établissement d'un conseil amphictyonique des peu-
ples, assurant le maintien de la paix. Sans une telle insti-
tution, l'humanité ne peut marcher à sa fin. La guerre est
un retour à l'état de nature. Dans l'idéal de la raison est
enveloppée l'idée de la paix éternelle. Si cet objet n'est
pas réalisable, Rousseau n'a pas tort de prêcher le retour
à l'état sauvage. Mieux vaut la barbarie que la culture
sans la morahté.
Mais n'est-ce pas là une conception purement théo-
rique ? L'homme réel entrera-t-il dans ces vues / Hobbes
n'a-t-il pas démontré que l'homme réel n'est mû que par
des intérêts, non par des idées ? 11 faut repousser bien loin
une telle doctrine, il ne faut pas laisser croire que ce qui est
bon en théorie puisse jamais être impossible ou mauvais
dans la pratique. Ce qui, effectivement, n'est pas pratique,
c'est le despotisme que Hobbes confère aux souverains, et
la rébellion qu'il admet chez les sujets. Certes, les inté-
rêts, dans l'Etat, doivent avoir leur place, mais s'ensuit-il
que les principes doivent être exclus ? Ne peut-on être à la
lois prudent comme le serpent et simple comme la colombe?
Pour qui se garde de l'idéahsme aussi bien que de l'empi-
risme, le réel et l'idéal, loin de s'exclure, s'appellent, et la
pohtique cesse d'être incompatible avec la morale. Il existe
un moyen pratique de mettre la première en accord avec
la seconde, c'est la publicité. Quiconque croit être utile à
son pays doit la chercher : or cela seul la supporte, qui est
conforme à la justice. L'universalité, ici comme partout, est
le point de contact du réel et du rationnel, la forme de la
vérité.
Quelle est, d'après cette théorie, la phase de son histoire
où se trouve actuellement l'espèce humaine ? Cette phase
est celle des lumières. Ce qui la caractérise, c'est l'éman-
cipation de l'intelligence. L'homme, réfléchissant sur lui-
même, a constaté une contradiction entre sa nature raison-
n ible et sa situation de mineur : il fait effort pour affran-
chir sa raison. Sapere aude, telle est la devise. Quant au
moyen de réaliser le progrès des lumières, ce ne saurait
KANT
— 446
être le bouleversement des institutions politiques, la révo-
lution, laquelle ne fait guère que substituer de nouveaux
préjugés aux anciens. Il n'appartient qu'à la réflexion per-
sonnelle de faire un homme vraiment éclairé. La condition
du progrès des lumières est ainsi la liberté de penser et
de publier sa pensée. Comment cette liberté se conciliera-
t-elle avec les droits de l'Etat ? Il faut à cet égard distin-
guer en chaque homme le citoyen d'une communauté res-
treinte et le citoyen du monde. Dans ses rapports avec les
membresde sa communauté, l'homme est tenu de se soumettre
aux statuts qui la régissent; mais, comme citoyen du monde,
il reste libre. A ce titre, en effet, il parle du haut de la raison,
pour l'universalité des êtres raisonnables, tandis que, comme
citoyen d'un Etat, il borne son action à un espace et à un
temps particuliers. Ce n'est qu'en s'identifiant avec l'uni-
versel que la volonté conquiert la liberté. Chaque citoyen
donc sans résister payera l'impôt, mais conservera le droit
de le discuter. Le professeur respectera, comme fonction-
naire, les symboles reçus dans son pays ; mais, comme
savant, il aura droit de critique sur toute doctrine. Par ces
principes sont nettement définis les droits des législateurs
comme des citoyens.
C'est ainsi que, tout en maintenant d'un bout à l'autre
l'accord de la nature et de la hberté dans Thistoiie morale
de l'homme, Kant n'a garde de faire résulter le progrès
d'un simple développement des puissances naturelles. La
théorie leibnitienne de Herder est, selon lui, radicalement
fausse. Dans la nature réside le moyen ; mais la fin, source
du progrès, ne peut venir que de la raison morale supé-
rieure à la nature. C'est pourquoi l'idéal moral ne pourra
jamais être exprimé par l'individu comme tel. Il ne saurait
trouver sa représentation que dans le tout de l'humanité.
L'histoire vraie est nécessairement universelle. Certes l'in-
dividu est une réahté, mais il y a dans le tout quelque
chose qui le dépasse, et ce n'est que dans son union avec
le tout qu'il peut atteindre à la hberté.
2. Non content d'exposer ses vues générales sur les fins
de l'activité humaine, Kant arrive, sur certains points, à
rejoindre la pratique proprement dite. Telles sont ses idées
sur l'éducation et sur l'enseignement universitaire.
L'éducation, telle qu'elle existe, ne saurait le satisfaire.
Elle néglige la volonté, et elle dresse et surcharge l'intel-
ligence, au lieu de la former à la réflexion. Une réforme
radicale est ici nécessaire. Les théories pédagogiques de
Rousseau, les tentatives pratiques de Basedow viennent à
point pour nourrir sa critique. Il se passionne pour les
idées de ces novateurs, et réclame, comme condition indis-
pensable de la réforme, l'organisation d'écoles normales.
Mais, sur ce terrain encore, il reste lui-même, subor-
donnant toute prescription aux fins morales. !<> Le corps,
enseigne-t-il, doit être exercé et endurci, soumis à une dis-
cipline qui en fasse l'auxiUaire puissant et docile de l'esprit.
Que l'enfant se développe en liberté, mais qu'il apprenne
à mesurer ses mouvements : on ne saurait de trop bonne
heure s'habituer à vivre selon des règles. 2** En ce qui
concerne l'inteHigence, une saine éducation éveille et dirige
les facultés, plus qu'elle ne meuble la mémoire. Il y a deux
exercices des facultés: l'un qui est libre, c'est le jeu;
l'autre qui est imposé, c'est le travail. Ce dernier est obh-
gatoire en lui-même et ne saurait, dans l'enseignement,
être remplacé par le premier. La faculté d'intuition doit
être formée avant l'entendement. Tout enseignement sera
donc, d'abord intuitif, représentatif, technique. On com-
mencera par la géographie. En tant qu'il visera à cultiver
l'entendement, l'enseignement sera socratique et catéché-
tique. Il ira au fond des choses et rendra l'élève vraiment
maître de ses connaissances. Une intelligence ferme est la
condition d'une volonté libre. S^ La formation de la person-
nalité morale est la fin de la pédagogie. L'éducation y est
nécessaire, car la vertu n'est pas innée. Cette éducation
comprend l'enseignement et la pratique morale. L'ensei-
gnement moral est catéchétique. Démonstration de lois
obligatoires, il procède par principes, non par exemples : si
ceux-ci interviennent, ce n'est que pour faire voir que les
principes sont applicables. Kant a écrit un fragment de
catéchisme moral : Télève, solhcité par des questions, y
trouve par lui-même les concepts moraux. La pratique'ou
ascétique morale ne peut créer la moralité, laquelle doit
venir de nous, mais elle produit dans l'homme les disposi-
tions qui la favorisent. Elle tend à l'endurcissement, caria
mollesse est contraire à la vertu. Loin d'abolir la volonté
elle la fortifie. Elle nous rend maîtres de nous-même, con-
tents et joyeux. L'éducation morale tend à développer
l'aversion intérieure pour le mal, l'estime de soi et la di-
gnité, l'empire de la raison sur les sens. Elle ne récom-
pense pas, mais elle punit. Elle n'humilie point, de peur
de donner à l'enfant le mépris de soi-même, sauf toutefois
lorsque l'enfant a commis la faute qui effectivement dégrade
rhomme, à savoir le mensonge. Elle met en avant, en
toutes choses, le mobile moral, la loi même du devoir
sûre que ce mobile, présenté dans sa pureté, sera plus fort
que toutes les excitations matérielles, toutes les assurances
de profit ou de détriment.
De la pédagogie on peut rapprocher la question de l'en-
seignement universitaire. Sur ce point encore la critique
apporte des lumières nouvelles. Une Université se compose
de quatre Facultés: Théologie, Droit, Médecine, dites Facultés
supérieures, et Philosophie, dite Faculté inférieure. Entre
les trois premières et la quatrième un conflit s'élève natu-
rellement. L'objet de celle-ci, en effet, ne diffère pas des
objets de celles-là, mais l'une étudie à un point de vue
universel et théorique ce que les autres étudient à un point
de vue spécial et immédiatement pratique. De là une jalousie
et une rivalité. Chacune des deux parties, ayant droit sur
l'ensemble des choses, repousse l'autre comme usurpatrice.
Le titre de supérieures que portent les trois premières
Facultés n'est rien moins que la supériorité attiibuée par la
tradition au positif sur le rationnel. Cette hiérarchie est-elle
justitiée?l° Entre théologiens et philosophes, le conflit porte
sur l'usage à faire de l'Ecriture sainte. La critique ne nie
pas la légitimité et l'utilité du véhicule sensible de la vérité
religieuse, mais elle revendique pour la raison le droit de
distinguer, dans l'Ecriture, le fonds moral et éternel, et
l'enveloppe sensible faite de récits et de circonstances contin-
gentes. Comprendre les Ecritures, c'est les interpréter en un
sens moral. La théologie ne saurait condamner ce mode d'in-
terprétation, car elle le suppose. Comment distingue-t-elle,
en effet, la vraie révélation de la fausse, sinon par l'idée de
Dieu? Comment peut-elle, dans le détail, maintenir le carac-
tère divin des textes consacrés, sinon en faisant fréquemment
usage de l'interprétation morale allégorique? 2° Entre philo-
sophes et jurisconsultes, le conflit porte sur le respect des
lois: la critique démontre que la légalité est bien fondée, et
par suite elle condamne l'esprit révolutionnaire. Mais elle
revendique aussi le droit d'examiner les lois existantes. Ce
droit, qui peut le lui refuser? Les jurisconsultes, pour
atteindre à leurs fins pratiques, ont besoin de savoir si
l'humanhé rétrograde, avance, ou demeure stationnaire.
Or cette question ne peut être résolue empiriquement : elle
concerne la raison. Et la raison y répond, en postulant le
progrès indéfini au nom de la loi morale. Mais peut-être le
commandement n'est-il qu'une idée irréahsable ? Guidée
par la raison, l'expérience lève le doute. Il existe, sous
nos yeux mêmes, un point de coïncidence de la raison et
de l'histoire. Il y a un fait qui est une idée. Ce fait, c'est
la Révolution française. Quoi qu'il advienne de cette entre-
prise, écrit Kant en 1798, qu'elle réussisse ou qu'elle
échoue, elle excite chez tous les .-j éclateurs, par l'objet
qu'elle poursuit, une sympathie voisine de l'enthousiasme:
or le pur idéal moral est seul capable d'affecter ainsi l'âme
de l'homme. La Révolution est l'effort pour créer l'Etat
rationnel, c'est l'éternel descendu dans le temps. Un tel
phénomène, quand une fois il s'est produit, ne s'oublie
plus. 8^ Entre philosophes et médecins, la question est de
savoir si l'art de guérir ne repose que sur l'expérience, et
si la raison n'y a aucune part. Or la critique démontre que
417 —
KANT
la raison peut être volonté et que la volonté a un rapport
avec les phénomènes. La raison doit donc, elle aussi, pos-
séder une vertu curative. Et en effet l'homme peut beau-
coup, par la seule énergie de sa volonté, pour modifier son
état physique. Kant allègue ici son expérience personnelle.
Il sait, au moyen de la force morale, se garder de l'hypo-
cliondrie, maîtriser même des états spasmodiques. Si, le
mal venu, la volonté est insuffisante, elle peut beaucoup
pour le prévenir et pour entretenir la santé. Elle en est la
condition première. Loin donc que la raison soit jamais la
servante de Texpérionce, c'est celle-ci qui partout emprunte
à la raison sa vérité et sa possibilité.
V. Influence de Kant. — Dans le champ occupé par
les philosophies leibnitio-wolffîennes, anglaise, Irançaise,
populaire, ainsi que par les sciences positives de jour en
jour plus florissantes, la philosophie kantienne eut peine à
se frayer une place : Kant ne s'était pas exagéré l'étrange
nouveauté de son œuvre. Elle fut accueillie d'abord à ïéna,
pour de là se répandre en Allemagne et dans le monde
entier. Or ce n'est pas seulement la spéculation métaphy-
sique qui en fut comme renouvelée : la plupart des bran-
ches de l'activité intellectuelle en ressentirent l'influence.
En Allemagne, l'histoire du kantisme est une pièce capi-
tale de l'histoire générale des idées et des sciences. Parmi
les adversaires qu'il rencontre tout d'abord, il y a Heu de
citer : Selle et Weishaupt , disciples de Locke ; Feder ,
Garve, Tiedemann, éclectiques ; Platner, Mendelssohn, Ni-
colai, Meiners, représentants de la philosophie populaire;
Ernst Schulze, sceptique; Jacobi, philosophe delà croyance,
et, près de lui, Hamann ; lïerder, concihateur de la nature
et de l'histoire. Le principal reproche adressé à Kant, c'est
que l'affection ou action des choses sur la sensibilité, sup-
posée par son système, y est rendue impossible par Faboli-
îion de tout lien causal entre les choses en soi et le sujet
sentant. Entre les disciples immédiats de Kant, on remarque
Schultz, K.-L. Reinhold, W.~T. Krug, Pries, qui essaye
de fonder la critique psychologiquement, Salomon Maimon,
qui déduit de la conscience la matière ainsi que la forme
de nos représentations et supprime ainsi la chose en soi,
J,-S. Beck, BardiU.
Soit par développement, soit par combinaison avec des
éléments étrangers, le kantisme a donné naissance à tout
un ensemble de grands systèmes. Les philosophies de
Fichte, Schelling et Hegel sont comme les étapes d'une ré-
flexion suivie sur les problèmes qu'il suscite. L'idéalisme
subjectif de Fichte déduit le moi théorique du moi pratique
considéré comme primitivement inconscient, et rend ainsi
inutile le concept de chose en soi. Schelling se refuse à
appeler moi ce principe premier de Fichte, qui en réalité
n'est ni sujet ni objet : le principe est pour lui l'absolue
identité, non moins supérieure au moi qu'au non-moi, iden-
tité c[ui se réalise d'abord comme nature, ensuite comme
esprit : son système est l'idéalisme objectif. Hegel fonde,
définit et développe méthodiquement le principe de ce
nouvel idéalisme. L'absolu ne peut être absolue identité ;
autrement il serait immobile. Il faut qu'il soit esprit. Son
mouvement est son effort méthodique pour lever les con-
tradictions sans cesse renaissantes que la réflexion découvre
au sein de sa nature. La dialectique du philosophe s'aban-
donne au mouvement objectif du concept, et engendre
ainsi successivement la logique, la philosophie de la na-
ture et la philosophie de l'esprit. L'idéalisme est devenu
absolu.
En dehors de ce développement en quelque sorte orga-
nique, plusieurs systèmes allemands sont nés d'une fusion
du kantisme avec d'autres doctrines. Schleiermacher, alliant
à Kant Spinoza, Platon et le christianisme, rapproche l'être
de la pensée, et fait de l'espace, du temps et de la causa-
lité les formes des choses comme de la connaissance. Dieu
devient l'unité de l'univers. Le bien suprême, unité du
réel et de l'idéal, est substitué, en morale, au principe pu-
rement formel de Kant. Herbart dépend, et de Kant, et
des Eléates, de Platon et de Leibniz. Avec Kant il voit
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
dans la philosophie la critique de l'expérience. Mais la
chose en soi, selon lui, n'est pas inaccessible. Elle se dégage,
si des données de l'expérience on élimine tous les éléments
contradictoires, par conséquent subjectifs, qui s'y ren-
contrent. Elle consiste en une pluralité d'êtres simples sans
relation entre eux : c'est de nous que viennent les rapports
et le devenir. Avec Kant, Scliopenhauer restreint aux phé-
nomènes l'espace, le temps et la causalité. Mais au lieu de
tenir pour inconnaissable la réalité indépendante de notre
représentation, il la place dans la volonté, comme donnée
par la perception interne.
Cependant les difficultés inhérentes à ces différents sys-
tèmes, en particulier la prétention folle, affichée par l'idéa-
lisme absolu, de construire dans le détail les lois de la
nature, discréditaient bientôt tous ces développements
et transformations du kantisme. On estima que la pensée
de Kant avait été faussée par ses continuateurs et qu'il y
avait lieu de reprendre les choses au point où le maître
lui-même les avait laissées. Revenir à Kant : tel est,
notamment depuis une célèbre leçon d'Ed. Zeller sur la
théorie de la connaissance, publiée en 1862, le mot
d'ordre d'une école importante de philosophes dits néo-
kantiens. Ils se proposent, soit de défendre les propres
principes de Kant, soit de les développer, sans égard aux
grands systèmes métaphysiques qui en sont issus, d'une
manière rigoureusement conforme à l'esprit de notre
temps. Les principaux sont: A Lange, H. Cohen, 0.
Liebmann, Bonna Meyer, Fr. Paulsen, Albr. Krause,
Aug. Stadler, Aloys Riehi, Windelband, Fritz Schultze.
La plupart d'entre eux, avec Lange, s'attachent surtout à la
distinction de la connaissance et de la croyance, corespon-
dant à celle des phénomènes et des choses en soi, en tant
que cette distinction garantit, en la limitant, la possibilité
de la science. La philosophie doit être une théorie de la
connaissance, non une conception du monde. Les choses
morales peuvent être objet de foi, non de science. Sauf de
rares exceptions, parmi lesquelles on peut citer Paulsen,
ces philosophes relèguent au second plan ou mê?ne laissent
de côté la partie morale et religieuse de l'œuvre de Kant,
pour en faire ressortir la partie critique et antimétaphy-
sique.
En dehors de la philosophie, le kantisme a longtemps
en Allemagne marqué de son empreinte la plupart des dis-
ciplines intellectuelles. C'est à la suite de Kant que Schiller
spécule philosophiquement sur l'esthétique, cherchant à
définir les rapports de la beauté avec la nature et la mo-
ralité. En théologie, Kant est l'initiateur d'un rationa-
lisme moral qui fut longtemps prédominant. De nos jours
même le théologien Ritschl revient à Kant en s'élevant
contre la fantaisie métaphysique qui prétend connaître le
suprasensible. En jurisprudence, les théories kantiennes
de droit naturel se retrouvent, comme idées directrices
chez Hufeland, Schmalz, K. H. Gros, Anselme Feuerbach,
Rehberg, Zachariœ. Dans les sciences, le kantisme a exercé
des influences diverses, selon la manière dont il a été
compris. D'une interprétation radicalement idéahste, à
vrai dire répudiée par Kant, est issue la célèbre philoso-
phie delà nature, laquelle, ramenant entièrement la matière
à la pensée inconsciente, ose déduire les phases de son dé-
veloppement des lois de formation de la conscience elle-même.
En revanche, la théorie kantienne de l'expérience, comme
source unique de la connaissance, est accueillie par nombre
de savants modernes, en quête d'une justification ration-
nelle de leur méthode. Dans les mathématiques, le point
de vue kantien est caractérisé par l'admission de principes
synthétiques à priori, ou principes rationnels extralo-
giques, et en particulier par la négation de l'espace méta-
géométrique des leibniliens comme objet d'intuition possible.
Dans la psycho-physiologie des sens, le nativisme de Joh.
Mailer, qui maintient, contre l'empirisme, le caractère
primitif de la représentation d'espace, se réclame de l'es-
thétique transcendantale. Enfin, jusque dans la vie politique
'^'^ ''Allemagne, le kantisme occupe une place importante.
27
de
KANT
- 418 -
Il représente cette idée, que la raison, sur ce terrain même,
demeure la norme véritable, et qu'elle commande à l'homme
d'agir sous l'idée universelle de devoir et d'humanité :
doctrine hautement philosophique, qui devait bientôt, sous
l'influence des circonstances, reculer devant celle du droit
historique et de l'idéal exclusivement national.
Dans les pays autres que l'Allemagne, l'influence de la
philosophie de Kant, plus tardive et moins profonde, est
encore considérable. Dès 4773, Kant est apprécié à Stras-
bourg. En 4796 on commence à traduire ses ouvrages en
français; en 1799 Degérando expose son système. M^° de
Staël parle avec enthousiasme de celui qu'elle considère
comme un apôtre du spiritualisme de sentiment. En 1818,
V. Cousin professe sur la morale de Kant ; en 1820, il
expose la critique de la raison pure. Sa propre théorie de la
raison doit plus d'un trait à l'influence de Kant. Après avoir
été ainsi utilisée en vue de doctrines fondées sur d'autres
principes, telles que l'éclectisme, le positivisme, la morale
indépendante, le kantisme a été étudié et développé pour
lui-même, notamment par MM. Renouvier, P. Janet, La-
chelier, Pillon. MM. Renouvier et Pillon, auxquels s'est
joint M. Dauriac, soutiennent, sous le nom de criticisme
(V. ce mot), une doctrine qui, à l'inverse du néo-kantisme
allemand, fait ressortir l'excellence de la morale kantienne.
Ils subordonnent directement la raison théorique à la raison
pratique en considérant la volonté comme le principe pre-
mier de toute certitude ; de plus, abolissant le noumène,
ils érigent les lois naturelles en réalité dernière et mé-
nagent, dans la suite même des phénomènes, une place à
l'initiative de la liberté. C'est encore en s'inspirant de Kant
que M. Secrétan, de Lausanne, limite les droits de la science
et élève au-dessus d'elle la croyance à la liberté. Sous des
formes et à des degrés divers, le kantisme se retrouve,
aujourd'hui même, dans la plupart des doctrines qui s'ef-
forcent à concilier, sans compromission, la science et la
morale.
En Angleterre, l'influence de Kant s'est fait sentir no-
tamment sur Hamilton et les agnostiques. C'est en combi-
nant la doctrine de Kant avec celle de Reid que Hamilton
établit rimpossibiUté d'une représentation de l'absolu pour
un esprit borné à la connaissance expérimentale, et, par
suite, la relativité de toute connaissance humaine. De
même l'agnosticisme de Spencer, s'il dépend du positi-
visme, doit beaucoup aux antinomies kantiennes. Dans le
domaine de la psychologie, l'école évolutioniste se donne
pour la conciliatrice de i'apriorisme kantien avec l'empi-
risme de Locke. De nos jours, Kant est scrupuleusement
étudié pour lui-même. Max Millier, dans la traduction de
la Critique de la raison pure qu'il a publiée en 1881,
déclare que cette œuvre est un monument arien aussi pré-
cieux que les Védas, et qu'en tout temps il pourra être
permis de la critiquer, non de l'ignorer.
En Italie, la Critique de la raison pure a été traduite
en 1821-22 ; aujourd'hui même la critique kantienne y
est savamment représentée ou étudiée par Carlo Cantoni
et Feîice Jocco ; en Espagne, José del Perojo a récemment
(1883) traduit la Critique de la raison pure.
Quel fut, à regarder les choses d'un point de vue gé-
néral, le rôle historique de Kant, et quel est le rapport de
sa philosophie avec les spéculations actuelles ? Le dessein
de Kant fut analogue à celui de Socrate et à celui de Des-
cartes. Socrate s'est proposé de montrer que la pratique,
même prise pour fin de l'activité humaine, ne saurait exclure
la science, parce qu'en réahté elle la suppose. Descartes con-
sent que l'on débute par le doute universel : ce doute
n'abolit pas la certitude, il la fonde. Kant, à son tour,
proclame que l'expérience est le point de départ de toutes
nos connaissances. S'ensuit-il que la raison ne soit qu'un
mot? Nullement, car l'expérienee repose sur la raison. Et
dans le développement même de la doctrine, l'analogie se
poursuit. Déduite de la pratique, la science de Socrate est
bornée à la morale et aux objets qui y sont liés. La certi-
tude cartésienne ne va tout d'abord qu'à la pensée, condi-
tion du doute ; et, si elle rétablit les objets qu'avait ren-
versés le doute, c'est en tant seulement qu'ils peuvent
se relier à la pensée. De même, la critique kantienne ne
laisse subsister, des notions à priori, que ce qui est re-
quis pour l'expérience, et fait, de la possibilité de cette
dernière, la norme de l'usage entier de la raison pure.
Et, comme ses prédécesseurs, Kant estime que, par sa
méthode, il fonde, loin de détruire. La science, bornée
du côté des choses en soi, possède la certitude dans son
domaine. Devant le réalisme empirique l'idéalisme s'éva-
nouit. Ce n'est pas tout, et un résultat plus précieux en-
core va jaillir de la critique. La même déduction qui fonde
la science permet à la morale de se constituer à côté d'elle,
sans risquer de lui porter ombrage. Il est vrai que la mo-
rale devra, elle aussi, accepter une limitation. Elle devra
reposer sur un principe exclusivement formel, sur la pure
notion du devoir. Mais, ici encore, la critique ne restreint
que pour garantir. La morale peut être absolue et demeu-
rer pratique, si elle n'a d'autre objet que les détermina-
tions de la volonté libre. L'antinomie insoluble du mys-
ticisme et de l'eudémonisme disparait dans le système de
l'autonomie rationnelle. Et ainsi c'est la raison, qui, d'un
bout à l'autre de la philosophie de Kant, crée comme elle
détruit, fournit des principes pour remplacer ceux qu'elle a
dissous. Déjà chez Descartes elle a fourni l'évidence intel-
lectuelle comme substitut interne des marques extérieures
de vérité. Avec Kant elle fait l'inventaire de son contenu,
et trouve, dans sa constitution même, tous les principes
nécessaires à la science et à la morale. Sans doute elle ne
se suffit pas, et l'absolu la dépasse. Sa science, par suite,
est relative, et sa morale bornée à un progrès sans fin.
Elle n'en offre pas moins à l'homme toutes les ressources
dont il a besoin pour réafiser l'idéal de l'homme. Elle est
l'indépendance, et elle est la loi. Si telles sont les parties
essentielles du kantisme, cette philosophie se place au terme
du développement rationahste qui a commencé avec Des-
cartes. La raison, chez Kant, pousse aussi loin que possible,
et son renoncement à saisir l'être absolu, et son effort pour
suppléer, par les principes qu'elle trouve en soi, à l'intui-
tion qui lui manque. Un pas de plus, soit dans^un sens,
soit dans l'autre, et le rationalisme va se perdre, soit dans
le scepticisme, soit dans l'idéalisme. Kant a prétemiu, tout
en s'enfermant dans le monde du temps, trouver au sein
de la raison, qui en fait partie, le moyen d'ériger ce monde
en symbole de l'éternité.
Telle est la signification historique de son œuvre ; envi-
sagée au point de vue théorique, elle présente, actuellement
encore, un intérêt capital. 1** Sous l'influence des sciences
positives autant que de la philosophie, l'esprit humain se
demande plus que jamais dans quel rapport nous nous trou-
vons avec la réalité des choses, et s'il nous est possible
de la connaître. Or, c'est à cette question que répond
l'idéalisme transcendental. Au delà des phénomènes, selon
le kantisme, nous pouvons encore saisir les lois de la pen-
sée qui les conditionnent, et constituer la philosophie
comme théorie de la connaissance ; mais, quant à nous
former une théorie ontologique de l'univers, ainsi que
faisaient les anciens, c'est une ambition à laquelle il nous
faut renoncer : solution nette et de grave conséquence,
qui trouve plus d'un point d'appui dans la science actuelle.
2° D'autre part, le progrès des sciences positives, en étendue
comme en certitude, nous amène à nous demander si du moins
tout ce qui intéresse l'homme ne peut pas être traité suivant
la méthode de ces sciences, et si la morale elle-même n'y
peut pas être assimilée. A cette question Kant répond par
son rigoureux dualisme, limitant la science pour la fonder,
et établissant la morale dans le domaine ouvert par cette
limitation même. Or ni la souveraineté de la science dans
l'ordre pratique, ni l'impossibilité théorique de la liberté
no sont, aujourd'hui même, assez clairement démontrées
pour qu'on puisse rejeter dans le passé la solution kan-
tienne. 3^ En ce qui concerne la philosophie de la science, le
kantisme s'attache précisément aux problèmes qui de plus
en plus obsèdent l'esprit moderne. Comment l'expérience,
à elle seule, peut-elle fournir la certitude, comment la
connaissance d'une loi peut-elle être expérimentale ? Aris-
tote enseignait que le général, en tant qu'il est connu par
la seule expérience, comporte nécessairement des excep-
tions, et qu'une connaissance purement intellectuelle peut
seule posséder une valeur universelle. Et cette doctrine est
demeurée jusqu'à nos jours la doctrine classique. Déjà pour-
tant Descartes avait déclaré qu'il existe une science des
phénomènes, que ce qui passe peut être réduit en essence
immuable ; et la science, dans son progrès, a de plus en plus
ignoré l'objection d'Aristote. De quel droit, pourtant, re-
poussons-nous une doctrine qui semblait l'évidence même ?
Comment, en quel sens, un fait peut-il être une loi? Cette
question, Kant l'a acceptée telle que la pose la science mo-
derne ; et sa doctrine des formes et des catégories a pour
objet de la résoudre. Solution profonde, que ne saurait
éluder quiconque persiste à vouloir uuir, sans contradic-
tion, l'expérience avec la certitude. 4^ Enfin la morale
kantienne est loin de nous être devenue étrangère. iNous
sommes aujourd'hui, vis-à-vis de l'action, dans une situa-
tion analogue à celle où nous place la science vis-à-vis de
l'être. Nous n'admettons que les faits, et nous ne pou-
vons renoncer à la certitude, à la loi, à la croyance au devoir.
Nous voulons écarter tout motif d'agir qui serait tiré de
l'idée d'un monde suprasensible, et néanmoins nous vou-
lons maintenir une morale absolue, une doctrine d'obligation.
Ne sommes-nous pas, dès lors, comme pré|)arés à appré-
cier une philosophie qui précisément fait sortir le devoir des
entrailles de l'expérience, et se garde du mysticisme aussi
bien que de l'utilitarisme? Et si, dans les questions so-
ciales, religieuses et politiques, nous sommes troublés par
le conflit de l'histoire et de la raison, de ce qui est et de
ce qui doit être, de la forme et de l'idée, du fait et du
droit, de l'idéal national et de l'idéal humain, ne nous
retrouvons- no us point en cela sur le terrain même où
était situé Kant, lorsqu"il étudiait les rapports delà théo-
rie et de la pratique et conciliait la nécessité de la nature
avec la souveraineté de la raison dans sa doctrine du pro-
grès moral? Ce n'est donc pas en vain que Kant a fait
effort pour se placer, tant dans l'ordre de l'action que
dans l'ordre de la connaissance, à ce point de vue de l'uni-
versel à la fois réel et idéal, qui est le point de vue de la
raison : sa doctrine en a reçu un caractère à la fois élevé
et positif, qui ne saurait se rencontrer, ni dans les simples
généralisations de l'expérience, ni dans les rêves de l'ima-
gination. Elle n'est pas le reflet d'une époque, ni même
l'expression de la pensée d'un peuple : elle appartient à
l'humanité. Emile Boutroux.
BiBL.: Les œuvres de Kant. — Editions récentes, com-
mentaires et traductions : /. Kants ssemmtliche Werke^ pu-
bliés par Karl Rosenkranz et Friedr.-Wilh. Schubert;
Leipzig, 1838-42, 12 voL — /. Kants sasmmtliche Werke,
in chronolog. Reihenfolge, publiés par G, Hartenstein ;
Leipzig, 1867-69, B'^oL— Les diverses catégories d'ouvrages,
publiées séparément par J.-H. von Kircii'mann, dans la Phi-
los. Bihliotheh^ 1868-78. -— Les ouvrages les plus impor-
tants, publiés par Kehrbach, dans VUniversal-Blbliottiek;
Leipzig (excellentes éditions). — Kants Krit. d. re'inen
Vernunft. Nachtrœge. Aus Kants Nachlass tirsg. von
B. Erdmann ; Kiel, 1881. -— Hans V aihi^gkk^ Kommentar
zu Kanis Krit. d. r. V.; Stuttgart, 1881, 1«'' vol.^— Kants
Prolegomena., publiés par B. Erdmann avec une impor-
tante introduction -, Leipzig, 1878. —Ecrits d'Emil Arnoldt,
H. Vaihinger, sur les Proleg.., 1879 et suiv. — G. Dumesnil,
De Tractatu Kantii pmdagogico ; Paris, 1892. — Traduc-
tions françaises: Cint. de la raison pure: Tissot, 1861,
3« édit. ; Barni, ISm.—Prolég. : Tissot, 1865 ; Brunschvieg,
Chambert, etc. ; Paris, 1891. — Fondements de la met.
des mœurs et critique de la raison prat.: Barni, 1848. —
Crit. de la raison prat. : Picavet, 1888 (avec un avant-
propos sur la philosophie de Kant en France, de 1773 à
1814). — Elém. met. de la se. de la nat.: Andler et Cha-
vannes, 1891. — Met. des mœurs et écrits connexes :
Tissot, 1830, 1837; Barni, 1853, 1855. — Observ. sur le
sentiment du beau et du stiblim,e : Payer Imhoff ; Paris,
1796 ; Barni, 1846. — La Religion dans les limites de la
raison: Trullard, 1841; Lortet, 1842. — Logique: Tis-
sot, 1840. — Pédagogie : trad. Barni, avec commentaire
par Thamin, 1886. — Traductions anglaises: Crit. of pure
reason: Max Mûlleu ; Londres, 1881, 2 vol.— Crït. of
~ 419 - RANf
practical reason, etc. : Abbott ; Londres, 1883, 3« éd --
Proleg and. met. foundations of nat. science : Ern. Bel-
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49. — Erdmann, Grundr. d. Gesch. d. Philos., 1818, 3'^ éd.
7^ ^^Vfnr^^K^^^'^-' ^^ Scepticisme: JEnésidème, Pascal,
Kant, 1865. — Ueberweg, Grundriss der Gesch, d. Philos.]
39 part. — Kuno Fischer, Gesch. d. n. Philos., t. IlL -^
Kenouvier et Pillon, passim. — Desdouits, la Philoso-
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ft;a^^^-iV^M?^W^^ ^^^ Pfiilosophy of Kant; Edimbourg,
lV?—7i!}Ky^^^^^^^^ ^^a^^' ISS'-^- - C. Cantonne. Kant;
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JER, Gesch. d. chrisll. Religionsphil. seit d. Re formation ;
KANT — KAO-TSONG
— 420 ~
Braunschweig, 1883. — 4° Arth. Richter, Kanis Ansich-
tenûb. ErziehungsL; Halberst., 1865.— W. Hollenbach,
Darstell. ii. BeurtheiL d. Piidag. Kant's ; léna, 1881.
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l'édit, Rosenkr. et Scimb. — Kuno Fischer, Akademische
Reden; Stuttgart, 1862. ~ Riehl, op. c. — Windelhand,
op. c. — Paulsen, Was uns Kant sein kann ? dans la Vier-
teljahreschr. f. wissenschaftl. Phil.^ 1881.— Ducros, Scho-
penhauer, 1883. — Lévy-Bruiil, V Allemagne depuis Leib-
niz, 1890.
KANTARA (El-) (V. El-Kantara)»
KANTARA (El-). Village de Tunisie, au S. de Hlede
Djerba ; belles ruines de Fancienne Meninx.
KAN-TCHEOU-Fou. Ville de la province chinoise de
Kan-sou, située par 39° OV de lat. et 98« 36^ de long. E.
Marco Polo a séjourné un an à Kan-tcheou, qu'il appelle
Canipicion et qui est, dit-il, la capitale de toute la province
de Tangout.
KANTCHINDSHANGA (V. Himalaya).
KANTECKI (Clément), essayiste polonais, né en 1851,
mort eu 1885. On lui doit plusieurs monographies histo-
riques : Vie de Charles Szajnocha (en pol. ; Varsovie,
4878) ; Vie de Joseph Korzeniowski (en pol.; Lemberg,
1879); Stanislas Poniatowski, père de Stanislas Au-
guste, roi de Pologne (en pol. ; Posen, 1880, 2 vol.) ;
Emprunt 7iapolitain (Varsovie, 1881) : c'est l'histoire
des sommes énormes prêtées par Bona Sforza, femme de
Sigismond P^, à Philippe II d'Espagne. J. K.
KANTELE. Sorte de harpe ou zither, en usage chez les
Finnois ; il avait primitivement 5 cordes, mais en a aujour-
d'hui de 8 à 16. On le pose à plat sur la table ou les ge-
noux et on le fait vibrer des deux mains. Les premiers kan-
iele consistaient en une planche épaisse de bouleau, creusée
du côté opposé aux cordes, la table sur laquelle on la pla-
çait servant de fond. L'origine merveilleuse du kantele est
contée dans le Kalevala : Wainamôinen le fabrique avec
les os d'un monstre marin ; lui seul était capable d'en jouer.
L'ayant perdu, il en fit un nouveau avec du bois de bou-
leau et prit pour cordes les cheveux « d'une belle vierge
qui attendait son fiancé ». Dès qu'il en joue, toute la na-
ture est émue : « Les bocages s'éveillent à la joie, les champs
s'ouvrent à l'allégresse, les fleurs sont transportées d'amour
et leurs jeunes tiges s'inclinent gracieusement. » Th. C.
BiBL. : Porthan, De Poes. fennica, op. sélect. III. —
Retzius, Finnland, Schilderungen, etc.
KANTELETAR. Recueil de poésies finnoises, publié par
Lonnrot en 1840. Le Kanteletar contient environ six cents
poésies (20,000 vers). Il est divisé en trois parties: la
première contient des chants de noces, des berceuses, des
pastorales, des fables ; la deuxième, des chansons de jeunes
filles, des chants d'amour, des chants patriotiques ; la troi-
sième, des chants de nature épique qui n'ont pas trouvé
place dans le Kalevala et quelques chants historiques.
Lonnrot a intercalé dans sa préface quelques chants mo-
dernes. Le caractère de la plupart de ces poésies est une
mélancolie douce : ce sont le souci et la solitude qui inspi-
rent le poète finnois. Th. C.
BiBL. : Kanteletar, taikka Soumen Kansan vanhoja lau-
lujaja virsiâ; Helsinglbrs, 1840, 1864, 1887. — Lonnrot,
Finsha folhstingens Karaktnr, Fosierlfindskt Album III;
Helsinglbrs, 1847. — H. Paul, Kantelatar,dieVolhslyrik
der Finnen in's Deulscfw ùbertragen; Helsincfors, 1882.
KANTEMIR (V. Cantemir).
KANTISME (V. Kant et Criticisme).
KANTORA. Canton du N. du Fouta-Djalon, le long de
la Gambie ; ancien Etat nègre dévasté en 1879, annexé à
la France en juil. 1881.
KANTOUR (El-) (V. El-Kantour).
KANUM (V. Kanoum).
KANZLER (Hermann), général allemand au service du
saint-siège, né à Bade en 1822, mort à Rome le 5 janv.
1888. Ancien élève de l'école militaire de Bade, il entra
dès 1845 dans l'armée du pape, se fit remarquer au siège
de Vienne pendant la campagne de 1848 et à Bologne pen-
dant celle de 1849, devint colonel en 1859 et seconda
énergiquement l'année suivante Lamoricière, qui le fit nom-
mer général de brigade. Appelé au poste de pro-ministre
des armes et de commandant en chef des troupes pontifi-
cales, il ne put empêcher l'occupation de Rome par l'armée
italienne (20 sept. 1870). Dès lors il n'eut plus de fonc-
tions réelles à remplir. Mais il demeura au Vatican jusqu'à
la mort do Pie IX (4878). Léon Xïll lui conféra en 1886
le titre de baron. A. Debidour.
KAO, empereur chinois (V. Hia).
KAO-BANG. Ville du Tonkin septentrional, ch.,-l. de
prov., près de la frontière chinoise. La province monta-
gneuse et boisée formait jadis, avec celle de Lang-son, le
royaume de Chou-khang ou Cincanghe (V. Tonkin).
KAO KO. District du pays des Damaras (V. ce mot), le
long de l'océan Atlantique, du cap Frio à la baie Walfish.
KAOLIN (V, Argile et Céramioue).
KAO-TAO (lies des Pirates). Archipel d'îlots calcaires
du golfe du Tonkin, qui sert de repaire aux pirates.
BiBL.: Excursions et reconnaissances, publiées par le
gouv. de Cochinchine, t. III.
KAO TONG-KIA, dont l'appellation est Tse-tcheng,
auteur dramatique chinois qui vivait à la fin du xiv® siècle,
sous la dynastie Ming. La pièce de théâtre qui a rendu
son nom célèbre est le P'i pa ki ou « histoire d'un luth ».
Elle a été traduite en français par M. Bazin en 1841. Kao
Tong-kia est le huitième des dix écrivains célèbres {ts'ai
tse) de la Chine moderne.
KAO-TSONG, c.-à-d. l'aïeul élevé. Nom de temple (mzao
hao) décerné après leur mort à plusieurs empereurs de la
Chine :
1^ Tang Kao-tsong, troisième empereur de la dynastie
T'ang, succéda, en l'an 650 ap. J.-C, à son père Tai-
tsong, dont il était le neuvième fils. Sa pohtique extérieure
fut très glorieuse ; il dirigea de nombreuses campagnes
contre les Turcs, et, en 657, son général Sou Ting-fang
remporta une grande victoire sur Cha-po-lo, khan des
Turcs occidentaux. En 660, ce même général attaqua le
royaume coréen de Pe-tsi contre lequel le royaume égale-
ment coréen de Sin-lo avait demandé l'appui des Chinois ;
le royaume de Pe-tsi fut entièrement soumis et on y établit
des fonctionnaires impériaux. En 662, Kao-tsong chercha
à faire reconnaître Firouz, fils de Yzdigerd lïl,. comme roi
de la Perse, mais il vit ses propositions repoussées par les
Arabes. En 668, les troupes impériales assiégèrent et pri-
rent Ping-jang, capitale du Kao-li, le seul des trois Etats
coréens qui n'eût pas encore reconnu la suprématie de la
Chine. Il n'y eut guère qu'un Etat qui tint tête avec succès
aux armes de Kao-tsong, ce fut celui des Tou-fan ou Tibé-
tains ; en 662, ce peuple guerrier envahit toute la région
du Koukou-nor qui avait été jusque-là le siège de la domi-
nation des Tou-yu-hoen et en 671 le roi des Tou-yu-
hoen dut se réfugier en Chine avec les débris de sa tribu,
qui n'eut plus dès lors d'existence indépendante. Sous le
règne de Kao-tsong, il y eut de fréquents rapports entre
la Chine et l'Inde, grâce aux religieux bouddhiques dont
le plus célèbre est I-tsing ; il semble même que la politique
chinoise se soit ingérée dans les affaires de l'Inde à cette
époque, puisque nous savons qu'après la mort (vers 655)
da roi du Magadha, Ctlâditya, Fambassadeur chinois, Wang
ïliuen-tse, appuyé par une armée de Tibétains et de
Népalais, combattit et fit prisonnier l'usurpateur Arjouna.
Autant le règne de Kao-tsong est brillant au dehors, au-
tant il est sombre au dedans ; dès l'année 654, l'empereur
avait pris au nombre de ses femmes une concubine de son
père, la reine Ou ; cette femme ambitieuse ne recula de-
vant aucun crime pour supplanter l'impératrice légitime,
faire dégrader l'héritier présomptif et donner le trône à
son propre fils ; tous les grands fonctionnaires qui blâmè-
rent sa conduite furent mis à mort. L'empereur Kao-tsong
mourut en l'an 683.
2*^ Song Kao-tsong, premier empereur de la dynastie
des Song méridionaux. Kao-tsong monta sur le trône en
1127 ap. J.-G. La capitale des" Song, Pien-leang (auj.
Kai-fong-fou), avait été prise l'année précédente par les
Tartares Kin (V. ce mot), et le frère de Kao-tsong, Kin-
421 —
KAO-TSONG
K A PELLE
tsong, neuvième empereur de Ja dynastie Song, avait été
emmené prisonnier. Kao-tsong se réfugia sur les bords
du Yang-tse-kiang, à Kiang ning, et sa dynastie prit
dès lors le nom de Song méridionaux. En 1038, il
transféra sa capitale à Lin-ngan (auj. sous-préfecture de
Lin-ngan, préfecture do llang-tcheou, prov. de Tche-
kiang). Le règne de Kao-tsong se passa à batailler contre
les Kin, et la lutte se soutint avec des avantages à peu près
égaux jusqu'au jour où un certain Tsin-koei conseilla à
l'empereur de renvoyer son meilleur général Yo Fei et de
traiter avec les Kin ; le résultat des négociations avec les
Tartares fut désastreux, car Kao-tsong dut se reconnaître
vassal des Kin et leur concéder tout le territoire situé au
N. du Yang-tse, à l'exception de deux petits districts. En
1162, âgé de quatre-vingt-un ans, il abdiqua en faveur de
son fils, l'empereur Hiao-tsong.
3^ Kao4sou est aussi le nom de l'empereur Kien-long
(V. ce mot), de la dynastie Tsing. Ed. Cuavaîjnes.
KAO-TSOU, c.-à-d. V ancêtre élevé Nom de temple
{^miao hao) décerné après leur mort à plusieurs empereurs
chinois qui tous sont des fondateurs de dynastie :
\^HmiKao-tsou(-\\%^îiv.L-{^,),m Kao-tsou, le fonda-
teur de la dynastie des premiers Han (206 av. J.-C.-24 ap.
J.-C); son nom de famille était Lieou fit son nom personnel
Pang; il était originaire du village doPei (aujourd'hui sous-
préfecture dePei, dépendant de la préfecture de Siu-tcheou,
province de Kiaiig-sou), et, lorsque, en 209 av. J.-C, la
révolte éclata sur plusieurs points de l'empire contre le
second souverain de la dynastie Tsin, Eul Che hoangti, il
se mit lui-même à la tête d'une bande de mécontents et
s'arrogea le titre de due dePei; il reconnut l'autorité du
roi Hoai,dupaysdeTchou(Tc/iou/foaz ivaîig) et c'est en
son nom qu'il pénétra le premier (206 av. J.-C.) à Hien-
yang (auj. Si-ngan-fou^ prov. de Chen-si), caoitale des
Tsin ; il fut récompensé de cet exploit par le titre de roi
de Han. Peu de temps après, un autre aventurier, Hiang-
Yu, fit assassiner le roi de Tchou afin de s'emparer lui-
même du titre impérial qui avait été décerné à ce roi après
l'extinction des Tsin ; Lieou Pang reprit alors les armes et
disputa à Hiang Yu le pouvoir suprême; il n'avait pas les
talents militaires de son rival et fut battu en plus de cin-
quante rencontres; mais il sut profiter de toutes les fautes
que lui faisait commettre son caractère eoiporté ; il déta-
cha peu à peu de lui ses partisans, et, après cinq années
d'une lutte acharnée, il parvint à cerner et à tuer Iliang
Yu qui mourut après avoir fait des prodiges de valeur
(201 av.J.-G.).LieouPangdevint, à la suite de ce triomphe,
le maître de toute la Chine et donna à la dynastie qu'il
fondait le nom de son ancien royaume de Han ; il eut en-
core à lutter contre plusieurs rebelles qui ne voulaient pas
se soumettre à lui, et c'est à la suite d'une blessure reçue
en combattant contre eux qu'il mourut en lOo av. J.-C.
La dynastie dont il est le premier souverain est une des
plus glorieuses qui aient jamais régné en Chine (V. Han).
2<^ Song Kao-tsou (f 422 ap. J.-C), ou Kao-tsou, le
fondateur de la dynastie des premiers Song (420-477 ap.
J.-C); son nom de famille était Lieou et son nom person-
nel Yu; à l'origine il était un simple fabricant de sandales
en paille; mais, étant entré dans l'armée, il ne tarda pas
à atteindre des grades élevés qu'il justifia par sa brillante
campagne (401 ap. J.-C) contre le rebelle Soen Ngen. En
446, il fut nommé premier ministre, et son influence devint
toute-puissante à la cour de l'empereur Ngan, de la dynastie
Tsin; en 418, il fit mettre à mort ce souverain dont la
présence gênait encore son ambition, et le remplaça par
l'empereur Kong; ce fantôme de maître lui étant bientôt
importun, il força l'empereur Kong à abdiquer en 420 et
prit pour lui le titre de Fils du Ciel. Il mourut en 422,
âgé de soixante-sept ans. Outre son nom de temple {miao
hao) de Kao-tsou, le premier empereur de la dynastie
Song porte aussi le nom posthume (che hao) de Ou-H,
c.-à-d. l'empereur guerrier.
3° Tang Kao-tsou (vit de 564 à 635 ap. J.-C), ou
Kao-tsou, le fondateur delà dynastie Tang (618-905 ap.
J.-C). Son nom de farnille était Li et son nom personnel
Yîieîi, Il était duc du royaume de Tang ( Tang kouo
kong) au temps de l'empereur Yang, de la dynastie Soei.
Ce souverain s'étant fait détester par ses débauches, plu-
sieurs de ses sujets se révoltèrent contre lui et le détrô-
nèrent (616 ap. J.-C); le principal chef des rebelles était
Li Che-min, second fils de Li Yuen ; Li Che-min maintint
encore deux ans sur le trône des descendants de la dy-
nastie Soei, mais, en 618, il proclama son père empereur.
Li Yuen régna de 618 jusqu'en 626, époque à laquelle il
abdiqua en faveur de ce fils auquel il devait son élévation,
Li Yuen ne mourut qu'en 635, âgé de soixante-deux ans ;
il put ainsi assister aux premières années du règne glo-
rieux de Li Che-min, qui est plus connu sous son nom de
temple de Tai-tsong.
¥ Hcou Tsin Kao-tsou (f 942 ap. J.-C), ou Kao-tsou,
fondateur de la dynastie des Tsin postérieurs (936-45).
Son nom de famille était Che et son nom personnel King-
Tang, H était gendre de l'empereur Hing-tsong, de la
dynastie des Tang postérieurs, et gouverneur de la province
de Ho-tong; en 933, Ming-tsong mourut et son fils, l'em-
pereur Min, lui succéda; mais il fut assassiné dès l'an-
née suivante par son frère, le roi de Lou. Che King-tang
alors se révolta contre l'usurpateur ; grâce à l'appui des
Khitans (V. ce mot), il remporta la victoire et substitua
à la dynastie des Tang postérieurs une dynastie nouvelle,
celle des Tsin postérieurs; elle ne fut pas d'ailleurs de
longue durée, car, après la mort de Kao-tsou, son neveu, le
roi de Tsi qui lui succéda, ne jouit que pendant trois ans
à peine d'un pouvoir éphémère et contesté.
S*' Eeou Han Kao-tsou (f 948) ou Kao-tsou, fonda-
teur de la dynastie des Han postérieurs. Son nom de fa-
mille était Lieou; aussi se prétendait-il descendant de
Lieou Pang. le premier souverain de la première dynastie
Han (V. plus haut); son nom personnel était Tche-yuen.
Il avait été général au temps de Kao-tsou, de la dynastie
des Tsin postérieurs ; lorsque cette dynastie eut péri sous
les attaques des Ki-tan, il se déclara lui-même empereur,
en 947,11 remporta de grands succès sur les Ki-tan, mais
mourut dès l'année 948. Son fils, l'empereur Yn, n'eut
pas sa valeur et fut détrôné après trois ans de règne. Cette
dynastie n'a donc duré que quatre ans (947-50), quoique
l'empereur Kao-tsou eût coutume de compter les années de
son règne en commençant dès l'année 936. Ed. Chavânnes.
KAÔUAÏ. L'une des îles Sandwich (V. ce mot).
KAOUAR. Grande oasis toubou, sur la route du Fezzan
au Bornou,à environ un mois de marche deMourzouk. Elle
forme une vallée dirigée du N. au S. et séparée du désert
par une chaîne de montagnes à pic du côté de TE., tandis
qu'à l'O. elle a pour limite un bourrelet à peine sensible.
La présence de l'eau à 1 m. au-dessous du sol permettrait
de retirer des produits réguliers de la culture, mais la
population, exposée aux attaques des pillards, se borne à
entretenir quelques palmiers dont les dattes forment avec
le sel, que l'on retire de lacs salés, la principale ressource
du pays. L'oasis de Kaouar a une longueur d'environ
80 kil. sur 8 ou 10 kil. de largeur; elle renferme onze
villages ou bourgs dont les principaux sont : Dirki, rési-
dence du souverain ; Anaï, Anikoumma, Digomani,Schim-
medrou, etc. Les habitants, au nombre d'environ 6,000,
appartiennent en partie à la race des Tedâ et en partie à
la race bornouane. Ils sont gouvernés par un prince indé-
pendant ; mais, au point de vue religieux, ils sont dans
une dépendance très étroite des Senousis qui ont un éta-
blissement fort important à Schimmedrou. 0. Houdas.
KAOUCHIT-KALA. Capitale de l'oasis de Merv (V. ce
mot).
KAOULI-M EU N. Village de Chine, prov. de Liao-toung,
sur un tributaire du Yalou, près de la poj'te de Corée
(douane frontière).
KAPELA (Monts) (V. Karst).
KAPELLE (Jan Van) (V. Capelle).
KAPELLER — KAPP
4>22 —
Ordre de Kapiolani
le Grand.
KAPELLER (Joseph- Auton) , peintre et graveur autri-
chien, né à Imst (Tirol) en 1760, mort en 4806. Elève de
Zeiler, à Fieiite, puis de Fiiger, à Vienne, il séjourna
d'abord à Imst et à Innsbruck, puis, de retour à Vienne,
il y fonda, avec D. Holer, un comptoir d'art et d'industrie.
On a de lui : le Faune dormant, des portraits du Gé^ié-
ral Loudon et de Kosciusko, des Costumes tiroliens
(aquarelle), gravés par Warnberger.
KAPILA, célèbre sage mythique hindou, fondateur de la
philosophie Sânkhya (V. ce mot). D'après une légende très
répandue dans l'Inde et rapportée
par le Piâmayâna, c'est lui qui,
dérangé dans sa méditation par les
mille fils du roi Sagara, d'un re-
gard les aurait réduits en cendres.
KAPIOLANI LE Grand (Ordre
de). Fondé au royaume d'Havai le
30 août 1880, par leroiKalakaua,
en l'honneur de son ancêtre Kapio-
lani le Grand. Il le destina à la
récompense du mérite exceptionnel,
du talent et du génie dans les
sciences et lesarts, et des services
rendus à l'Etat et au roi. Six classes
de membres : grands-croix, hauts
grands officiers, grands officiers,
commandeurs, officiers et cheva-
liers, et deux classes de médaillés ; il est accessible aux
étrangers. Ruban jaune bordé de blanc, rouge et bleu
(sans l'insigne, ruban à quatre bandes rouges alternées de
quatre bandes jaunes).
KAPLINSKi' (Léon), peintre polonais, né à Lisow en
4826, mort à Miloslaw en 1873. Après avoir étudié
d'abord le droit à Varsovie, puis la philosophie à Rreslau,
il participa, en 1846, au mouvement insurrectionnel dans le
grand-duché de Posen. Il vint se fixer en 1830 à Paris,
où il s'adonna exclusivement à la peinture, sous la di-
rection d'Ary Scheffer. Tout en s'inspirant de la manière
un peu froide de son maître, Kaplinski choisissait de préfé-
rence des sujets polonais pour ses tableaux. Il exposa
successivement pendant plusieurs années au Salon, oii
ses œuvres ne passèrent jamais inaperçues. Sa Défense de
Czenstochowa^ son Wernyhora, son Wojski (d'après
Messire Thadée, de Mickiewicz) , enfin la Noblesse et le
Peuple sont des œuvres de haute inspiration. Kaplinski a
fait aussi d'excellents portraits, parmi lesquels ceux du
comte Jean Dzialynski et du poète Bohdan Zaleski,
méritent une mention à part. Il a, en outre, donné d'assez
nombreux articles dans des revues périodiques et publié
quelques poésies qui ne sont pas sans mérite. F. Trawinski.
KAPN I K-Bànya. Bourg de Hongrie, comitat de Szathmâr.
C'est un centre minier pour l'extraction du minerai d'or,
d'argent et de plomb. Ses 2,600 hab., Magyars ou Alle-
mands, sont pour la plupart occupés au travail des mines.
KAPNIST (Vasili-Vasiliévitch) , écrivain russe, né à
Oboukhovka en 1743, mort à Oboukhovka en 1823. Il ap-
partenait à une famille d'origine italienne. Il entra fort
jeune dans l'armée et devint officier dès 1775. 11 se lia
avec Derjavine et Khemnitzer qui l'encouragèrent dans ses
essais littéraires. En 1777, il quitta le service militaire et
se retira à la campagne. 0 se fit connaître de bonne heure
par des poésies légères, des odes, des satires qui obtinrent
du succès. Son œuvre principale est une comédie en vers,
la Chicane, qui fut jouée et imprimée en 1798. L'auteur
y met en scène des magistrats prévaricateurs. La Chicane
obtint un grand succès ; quelques-uns de ses vers sont
passés en proverbes. Elle a été fréquemment réimprimée
(dern. éd., Pétersbourg [1888], s. d.). Elle avait été
d'abord interdite et ne fut jouée que sur l'autorisation
formelle de Pierre P^. Elle a été traduite en français par
M. Legrelle (Gand, 1886). Cette traduction est précédée
d'une notice fort détaillée sur l'auteur. Une édition com-
plète des œuvres de Kapnist a paru à Saint-Pétersbourg
(1849). Ses poésies ont été réimprimées par M. Vengerov
dans le recueil Pwusskaïa Poesia {id., 1894). L. L.
KAPODISTRIAS (V. Capo d'Istria).
KÂPOLNA. Village de Hongrie, comitat de Ileves. Le
général autrichien SchUck y livra bataille à l'armée révo-
lutionnaire de Dembinsky et de Gœrgei, les 26 et 27 févr.
1849.
KAPOS. Rivière de Hongrie, qui se jette dans le Sârviz,
au S. du lac Balaton. Redoutable par ses inondations, ce
cours d'eau a rendu nécessaire le canal Kapos, qui fut
entrepris en 1813 et qui atteignit une longueur de 109 kil.
Au point de départ de ce canal s'élève le gros bourg rural
de Kaposvâr, qui a près de 10,000 hab., occupés pour la
plupart à la culture de la vigne et du tabac.
KAPOSI (Moriz-Kohn), dermatologiste hongrois con-
temporain, né à Kaposvâr le 23 oct. 1837. Nommé pro-
fesseur à Vienne en 1875, il prit en 1879 la direction
de la clinique dermatologique de cette capitale. Il est
l'auteur d'ouvrages remarquables sur la syphilis, les ma-
ladies de la peau, etc. Citons: Traité des maladies de la
peau, comprenant les exanthèmes aigus, trad. de l'ail,
par Doyon (Paris, 1869-78, 2 vol. in-8, tiré du Handbuch
de Virchow) ; Leçons sur le mal de la peau, trad. par
Besnier et Doyon (Paris, 1881, 2 vol. in-8) ; Pathol. et
iraitem. des maladies de la peau, trad. par Besnier et
Doyon (2^ éd. fr. ; Paris, 1891, 2 vol. gr. in-8; paru en
ail. pour la première fois en 1879). D^ L. Hn.
KAPOSVÂR (V. Kapos).
KAPOUAS. Fleuve de l'O. de Bornéo,long de 600 kil.,
grossi du Melavi; il passe à Tayang et finit par un large
delta. — Un autre fleuve du même nom, le Kapouax Moii-
rong, long de 400 kil., arrose le S. de l'île.
KAPOUDAGH. Péninsule située sur la côte méridionale
de la mer de Marmara, province de Khodavendikiar (Tur-
quie d'Asie). Elle est rattachée au continent par un isthme
sablonneux, large de 1 kil. et qui sépare la baie du Pa-
normo de celle d'Artaki. Les ruines de Cyzique sont à la
racine de l'isthme. Carrières de marbre.
KAPOURTALA. Ville de l'Inde, capitale d'une princi-
pauté sikh du Pendjab, sur la rive gauche du Bias ;
1,605 kil. q. ; 300,000 hab. ; le radjah possède, en outre,
deux fiefs dans l'Aoudh, le Baondi et le Bithaoli
(2,200 kil. q.), que les Anglais lui donnèrent en récom-
pense de ses services dans la guerre des Cipayes.
KAPOUSTINE (Michel-Nicolaévitch) , jurisconsulte et
administrateur russe, né en 1830. Il fit ses études à l'uni-
versité de Moscou où il devint ensuite professeur. 11 fut
ensuite directeur du lycée juridique de laroslavl, puis cura-
teur du cercle universitaire de Dorpat et plus tard de Pé-
tersbourg. Il a publié, entre autres écrits : Rapports diplo-
matiques avec l'Occident jusqu'au xvii^ siècle (Moscou,
1852); Revue des matières du Droit international
{id,, 1856); Dogmatique juridique (Moscou, 1868);
Coup d'œil sur Vétat de la science politique en Europe
(id,, 1859); Histoire du droit (laroslavl, 1872); le
droit international {id,, 1873), etc.
KAPP (Christian), philosophe allemand, né à Baireuth
en 1798, mort à Heidelberg en 1874. Il fut, à Berfin,
l'élève des théologiens de Wette, Néander, Schleiermacher,
des philosophes Bœckh, Solger, Hegel. Privat-docent en
1823, il fut, l'année suivante, nommé professeur extraor-
dinaire à Erlangen. Il voyagea en Italie en 1825, en France
en 1829 et abandonna l'enseignement pour fonder une
revue de vulgarisation, VAthene (18 £2). En 1833, un
riche mariage lui permit de se retirer à Heidelberg où il
fut nommé professeur honoraire en 1839, ordinaire en
18i0, et où il enseigna avec un grand succès. Suspect de
radicalisme et envié par ses collègues, il se retira après
avoir lancé contre Schelling, « le Cagliostro du xix^ siècle »,
un pamphlet anonyme, mais qui laissait transparaître l'au-
teur. Député à la Chambre de Bade (1845-49) et au Par-
lement de Francfort (1848), il resta ensuite dans sa belle
résidence de Heidelberg. Sa philosophie consistait à conci-
— 4^23
KAPP — KARABE
lier Fichte et Hegel. En 1839, son ami Feuerbach disait
de lui dans les Hallische Jahrbûcher : « Entre tous les
jeunes penseurs, Kapp a le mérite d'avoir montré la haute
destination de la science, conçue comme une puissance
réformatrice du monde, et d'avoir voulu trouver en elle le
vrai remède aux maux du présent. » Ses principaux ou-
vrages sont : Christus und die Weltgeschichte^ oder
SokraUs und die Wissenschaft (iS^S ; anonyme); Ei7î-
leitung in die Philosophie (4825) ; Bas concrète Allge-
meine der Weltgeschichte (1826) ; la revue VAthene
et surtout son livre moitié scientifique, moitié littéraire sur
V Italie. C-EL.
KAPP (Friedrich), historien allemand, né à Hamm le
13 avr. 4824, mort à Berlin le 27 oct. 4884. Il prit part
à l'insurrection de sept. 4848 a Francfort, s'enfuit à Paris
et à New York, oii il fut avocat de 4850 à 4870, revint
à Berlin, fut élu député au Reichstag et à la Chambre
prussienne, appartint aux groupes national-libéral, séces-
sionniste et progressiste. Il a écrit de nombreux ouvrages
sur les Allemands aux Etats-Unis; biographies de Steuben
(Berhn, 4858); J. Kalb (4862) ; Vollmann (1880) ; Der
Soldatenhandel der deutschen Filrsten nach Amerika
(4864) ; Gesch. der deutschen Einwanderung in Ame-
rica (4868) ; Die Deutschen im Staat New York wœh-
rend des i8*^^ Jahrh. (New York, d884), etc.; ce sont
des ouvrages d'une érudition solide. Il a laissé inachevée
une Gesch. des deutschen Buchhandels (Leipzisj, 4886,
1. 1). A.-M. B.
BiBL. : Bunsen, F. Kapp ; Berlin, 1885.
KAPP El NE Van de Copello (Jean), homme politique
hollandais, né à La Haye en 4822. Il fut élu, en 4862,
membre de la seconde Chambre des Etats généraux et y
devint bientôt, grâce à son éloquence et à son activité, un
des principaux chefs du parti libéral. A la chute du minis-
tère Heemskerk, en 4876, Kappeine fut chargé par Guil-
laume III (V. ce nom) de constituer un nouveau cabinet,
et il prit pour lui le portefeuille de l'intérieur ; toutefois,
il succomba au bout de trois ans sur la question scolaire.
Il a acquis une grande réputation comme juriste et a publié
des dissertations très remarquables dans les revues Themis
et Bydragen voor Vaderlandsche Geschiedenis en
oudheidkunde. E. H.
KAPPEL Village suisse (V. Cappel).
KAPPER (Siegfried), poète et écrivain tchèque et alle-
mand, d'origine Israélite, né à Smichov (Bohême) le 48 mars
4824, mort àPise le 7 juin 4879. Il embrassa d'abord la
carrière médicale et pratiqua notamment à Karlovac (Croa-
tie). Mais ses goûts le portaient vers la littérature. Pendant
la diète de Kromézise (Kremsier) et la campagne de Hongrie,
il fut correspondant d'un journal de Prague. Il voyagea dans
la péninsule balkanique, en Italie, en Allemagne, exerça la
médecine en Bohême et finit par s'établir en Italie. Il a
publié en allemand plusieurs ouvrages relatifs aux littéra-
tures slaves: Slawische Melodien (4844); Filrsi Lazar
(4854, 2^ éd.; Leipzig, 4853); Die Serbische Bewe-
gung in Sild-Ungarn^ Christen und Tûrken (Leipzig,
4854) ; Die Gesœnge der Serben (Leipzig, 4852, 2 vol.) ;
Die Handschriften von Grûnberg und Kœniginhof
(Prague, 4859) ; Das Bœhmerland {id.^ 4864). Il a aussi
publié en langue tchèque des traductions ou des imitations
de chants et contes serbes et des poésies originales. L. L.
KAPPIS (Albert), peintre allemand contemporain, né
dans le Wurttemberg. Auteur de paysages et de scènes de
genre estimés, tels que l'Eté^ Scène de village en Souabe,
Souvenir de la Forêt-Noire^ la Moisson, Vendange
dans la vallée du Neckar^ Marché au poisson. Depuis
4880, il a quitté Munich pour se fixer à Stuttgart comme
professeur à l'Ecole des beaux-arts.
KAPSALI. Village de Grèce, ch.-l. de l'île de Cerigo,
sur un roc escarpé ; mauvais mouillage ; vieux château du
moyen âge.
KA PS BERGER (Jean-Jérôme von), musicien allemand,
mort vers 4650. Originaire d'une famille noble, il vécut
en Italie, et surtout à Rome, où il trouva un protecteur
en la personne du pape Urbain VIII. Virtuose habile sur
le luth, le théorbe et le chitarrone, Kapsberger ne man--
quait pas de talent comme compositeur, mais il était en
même temps un véritable charlatan, vaniteux à l'excès,
saisissant tous les moyens de se faire valoir, imprimant
en tête de chacun de ses ouvrages, avec d'immenses ar-
moiries, des recueils de vers hyperboliques à sa propre
louange, et allant jusqu'à prétendre remplacer par ses
morceaux religieux le répertoire palestrinien à la chapelle
pontificale. Il a publié de 4604 à 4633 plusieurs livres
de pièces en tablature de luth ou de chitarrone, des ma-
drigaux, villanelles, arie passeggiate, cantates, messes,
motets et litanies, à une ou plusieurs voix, des danses,
caprices et symphonies instrumentales, un oratorio de la
Nativité et un autre intitulé Apotheosis seu consecratio
SS. Ignatii et Francisci-Xaveri^ composé pour les jé-
suites, à l'occasion de la canonisation de ces deux saints
par Grégoire XV en 4622. M. Br.
KAPTCHAK ou KIPTCHAK. Nom de tribu et de nation
qui se rencontre très fréquemment dans l'histoire des peu-
ples turcs. On le retrouve encore aujourd'hui dans la déno-
mination de certains clans ou tribus, parmi les Kirghiz, les
Euzbegs de Boukhara et du Ferghana, ainsi que parmi les
Turkomans de la Transcaspienne . Autant que l'on puisse
en juger d'après la terminologie embrouillée et l'histoire
confuse des tribus turques, les Kaptchaks furent une des
tribus de la nation des Ogouz-Ouïgours qui fondèrent vers le
v^ siècle ap. J.-C. l'Etat de Kao-Kiu, dont l'emplacement doit
être cherché dans le pays actuel des Soyotes au S. des monts
Sayans. De là les Kaptchaks se portèrent vers les steppes si-
tués au N. du lac Balkhach oii ils ont constitué le noyau de
la nation de Kankli ou Kankali. S'avançant ensuite plus à
rO., ils pénétrèrent en Europe vers le ix® siècle et occupèrent
les steppes qui s'étendent à l'E. et à l'O. de la Volga. Il est fort
probable qu'ils se mêlèrent ensuite avec les Komanes ou
Comanes (les Polovtsi des annalistes russes), peuplade appa-
rentée aux Petchénègues. Quoi qu'il en soit, une portion
des Kaptchaks, restée en Asie, fit partie au xii® siècle de la
grande armée de Djengis Khan et c'est le petit-neveu du
grand conquérant, appelé Baty Khan, qui fonda le royaume
du « Grand Kaptchak » plus connu sous le nom de Horde
d'Or (V. ce mot).
KAPUNDA. Ville d'Australie méridionale, à 77 kil. N.-
N.-E. d'Adélaïde à laquelle un chemin de fer la relie; on
a découvert en 4843 dans son voisinage des mines de cuivres
fructueusement exploitées jusqu'en 4879. Actuellement im-
portantes carrières de marbre.
KARA. I. Fleuve. — Fleuve de la Russie, tributaire de
l'océan Glacial arctique; long de 266 kil., il naît au N.
des monts Oural, du côté asiatique, et forme la limite
conventionnelle entre l'Europe et l'Asie. Grossi de la
Silova, il devient navigable et tombe dans la mer de Kara,
II. Mer (V. Asie, t. IV, p. 94).
KARA-Amid (V. Diârbékir).
KARABACEK (V. Karâbatchek).
KARABAGH. Province du Caucase russe, canton méri-
dional du gouvernement de lélisavetpol, riverain de l'Aras.
C'est une région montagneuse (V. Caucase) qui forma une
principauté arménienne, puis turque ; les khans résidaient
à Choucha. Le dernier Mechti Kouli fut chassé en 4822 et
les Russes annexèrent le Karabagh.
KARABATCHEK (Joseph), orientaliste autrichien, né en
4846. Professeur d'histoire des pays d'Orient à l'univer-
sité de Vienne (Autriche), il est l'auteur de : Beitrœge zur
Geschichte der Mazjoditen (Leipzig, 4874); Die per-
sische Nadelmalerei Susandschird^ ein Beitrag zur
Entwickelungsgeschichte der Tapisserie de haute lisse
{id.^ 4881) ; Der Papyrus fund von Elfaijiim (Vienne,
4882) ; Die Theodor Grafschen Funde in JEgypten {id.,
4883) ; Katalog der Theodor Grafschen Funde in
JEgypten {id., 4883).
KARABÉ (Sirop de) (Pharm.), Sirop opiacé très employé
KARABE — KARAGASS — 4^24 ~
autrefois, contenant de l'esprit de succin (Karabé), Voici
sa composition :
Sirop d'opium 400
Esprit de succin 0 gr. 50
D'après les idées médicales du temps, l'esprit de succin
rendait ce sirop ccphalique et antispasmodique . On n'em-
ploie plus guère aujourd'hui, comme calmant, que le sirop
diacode ou de pavot blanc. E. Bourgoin.
KARA-BOGDAN (V. Bogdanie et Moldavie).
KARA-BOGAZ. Golfe de la mer Caspienne (V. ce mot
et Asie).
KARA-BOGHAZ, Ancien lac desséché de Bulgarie, à l'O.
du confluent du Vid et du Danube. Quelques petits étangs
en marquent la place.
KARABOUSSAR. Ville de Turquie d'Asie, à 94 kil. E.-
S.-E de Konieh, au pied du Karadja-dagh. Un petit lac
salé du même nom a au centre une butte circulaire très
curieuse, d'origine volcanique.
KARACHAR-KOUL ou BAGRATCH. Lac du Turkestan
chinois, à 100 kil. N. du Tarim, entre les monts Kouroug-
tag et Khaïdou-tag ; 65 kil. de long, 25 kil. de large ; il
est alimenté par le Khaïdou-gol et se déverse par l'inter-
médiaire de marécages et de'petits lacs dans le Khaïdin-
koua, affluent du Tarim. Sur le Khaïdou-gol est la ville de
Karachar^ ruinée par l'insurrection des Dounganes.
KARA-DARIA. Rivière du Turkestan russe, aftluent de
gauche du Syr-Daria, qu'elle rejoint près de la ville de
Namangan; en amont de ce confluent, le Syr-Daria porte
le nom deNarya. Elle prend sa source sous le nom de Var
dans les avant-monts de Thian-chan, situés dans le S.-E.
du Ferghana, reçoit à droite le Kara-Kouldja et le Yang et
se trouve réunie par de nombreux canaux artificiels aux
autres affluents de gauche du Syr-Daria qui se trouvent
plus à l'O. On donne aussi le nom de Kara-Daria à un
des bras du cours inférieur du fleuve Zaravchan (V. ce
mot). J. Deniker.
KARADJA-Dagh. Chaîne de montagnes du Kurdistan,
entre le Tigre occidental et la rive gauche de l'Euphrate.
Un col de 800 m. la sépare du Mehra-Dagh, contrefort
avancé du Taurus. C'est un massif de basalte noir coupé
par des cluses profondes.
KAR^DJA-Dagh (Bulgarie) (V. Tchernagora).
KARADJA FoKiA. Ville de Turquie d'Asie, vilayet d'Aï-
din, à 45 kil. N.-N.-O. de Smyrne; 7,000 hab. Vastes
marais salants. Ruines antiques de Phocée (V. ce mot).
KARADJITCH (Stéfanovitch Vouk), littérateur serbe, né
à Trchitch (Serbie) le 7 nov. 1787, mort à Vienne le
7 févr. 1864. Ses parents, quoique pauvres, l'envoyèrent
étudier aux monastères de Loznitsa et de Tronoch. Au
bout de quelques mois, Karadjitch, faute d'argent, dut re-
gagner son village natal et se fit berger. Il s'efforçait de
ne pas oublier ce qu'il avait déjà appris, lisant les livres
qui lui tombaient sous la main, fabriquant de l'encre avec
de la poudre délayée dans l'eau. En 1804, il prit part à
l'insurrection contre les Turcs en qualité de secrétaire d'un
des voiévodes de Karageorges. En 1806, son protecteur
ayant été tué, il se rendit à Karlovic (Karlowitz) et y reprit
ses études. En 4807, il rentra en Serbie et servit de nou-
veau l'insurrection. En 4808, il suivit pendant quelque
temps les cours de la grande Ecole de Belgrade, qui
venait d'être fondée. Ensuite des fatigues qu'il avait
éprouvées pendant la guerre et des privations qu'il s'im-
posait pour s'instruire, il tomba gravement malade et se
rendit en Autriche pour se faire soigner. Les médecins ne
purent le guérir complètement; il resta boiteux. En 4810,
on le retrouve à Belgrade, maître à l'école primaire. De
484â à 4843, il devint successivement secrétaire du Sé-
nat serbe, chef du district de Brza Palanka et fut chargé
de plusieurs missions politiques par Karageorges. En 4843,
après la répression de l'insurrection, il se réfugia à
Vienne. Soutenu et conseillé par Kopitar (V. ce nom), il
entreprit les deux grandes œuvres de sa vie : la réforme
de la langue serbe, la publication des Poésies populaires
serbes. En 4844, il imprima un petit Piecueil de chants
populaires slavo-serbes et une Grammaire de la langue
serbe. En 4845, il se rendit en Syrmie, au monastère do
Chichatovats, où il commença la rédaclion de son diction-
naire de la langue serbe, tout en recueillant des lèvres des
goiizlars (V. Guzla) les chants célébrant la gloire de
l'ancienne Serbie. A la fin de la mémo année, il fit paraître
un second recueil de ces Chants populaires. En 4818, il
impvimdi son Serbischdeutsch lateinisches Wœrterbuch,
qui est resté classique. En 4819, il visita la Russie ; en
4820, il séjourna quelque temps en Serbie, à Kragouïévats.
Rentré à Vienne, il prépara une deuxième édition, considé-
rablement augmentée, de ses Chants nationaux; mais la
censure autrichienne, hostile au mouvement littéraire et
politique des Slaves méridionaux, refusa de laisser paraître
cette nouvelle édition. Karadjitch se rendit à Leipziç^, ou
il la publia (4823-24, 4 vol.). En 4826, 4827 et 4828, il
édita à Vienne une revue littéraire serbe, VEtoiie du ma-
tin. En 4828, le prince Miloch le rappela en Serbie pour
prendre part aux travaux de la commission chargée d'éla-
borer un code. En 4830, il fut nommé président du cercle
'de Belgrade. En 4834, il donna sa démission et quitta la
principauté pour se fixer définitivement à Vienne où il
s'était marié. En 4833, il fit un nouveau voyage en Rus-
sie ; en 4834, il visita la Dalmatie et séjourna quelque temps
au Monténégro.
Outre les ouvrages déjà cités les principales publications
de Karadjitch sont : Récits nationaux serbes (Vienne,
4821); Miloch Obrénovitch, prince de Serbie (Pest,
4828); Chants nationaux serbes (Pest, 1833); Pro-
verbes nationaux serbes (Tsétinié, 4836); Traduction
serbe du Nouveau Testament (Vienne, 4847); Trésor
pour Vhistoire, la langue et les mœurs des Serbes des
trois rites (Vienne, 4849); Lexicon serbico-germanico-
latinum, 2« éd., considérablement augmentée (Vienne,
1852) ; Récits nationaux serbes (Vienne, 4853) ; le Sénat
serbe sous Karageorges (Vienne, 4860); Chants natio-
naux serbes de l'Herzégovine (Vienne, 4866) ; Vie et
mœurs du peuple serbe (Vienne, 4867); Dictionnaire
allemand-serbe (Vienne, 4872), etc. Jusqu'à l'époque où
parut Karadjitch, les Serbes écrivaient soit en slavon, soit
dans une langue hybride, mélangée de serbe et de slavon.
Il affranchit définitivement l'idiome national et appela sur
lui l'attention des littérateurs plus illustres, notamment de
Jacob Grimm qui traduisit sa grammaire serbe, de Vater,
de Gœthe. Les chants qu'il avait recueillis furent traduits
dans toutes les langues de l'Europe (en allemand par Talvj ,
Gehrard, Kapper, en italien par Carrara, en anglais par
Bowring, en français par M"^® Elisa Voïart, d'après l'édi-
tion allemande et plus tard par Dozon). — En 4888, on a
célébré à Belgrade le centenaire de Karadjitch. Depuis
quelques années une réimpression de ses œuvres princi-
pales a été entreprise à Belgrade, aux frais du gouverne-
ment serbe. Le premier volume des Chants populaires a
paru en 4891. Karadjitch est quelquefois désigné sous le
nom de Vouk. L. Léger.
BiBL. : PYPi?iE, Histoire des littératures slaves, traduit
par M. Denis; Paris, 1878, t. I. — Jovan Bochkovitch,
L'Anniversaire de Vouk {en serbe); Belgrade. 1888. — Kou-
LAKovsKY, Vouk Karadjitch (en russe) ; Moscou, 1882.
KARAGASS. Peuplade de la Sibérie méridionale, parlant
un dialecte turc-oriental très rapproché de l'ancienne
langue ouïgoure. Ils habitent au S. de la portion de la
grande route sibérienne ou « trakt » qui est située entre
Kansk à l'O. et Balagansk à l'E., dans les vallées des
fleuves Tagoul, Birioussa, Ouda et Oka. Ils ne diffèrent en
rien, ni comme costume ni comme mœurs, des autres
« Tatars » de la Sibérie méridionale. Ils sont en partie
agriculteurs, en partie nomades chasseurs ou éleveurs de
rennes. En 4851, ils étaient au nombre de 540; actuelle-
ment ce chiffre a dû plutôt diminuer, car le nombre de
Karagass qui se russifient tous les ans dépasse celui des
naissances. Carsten a publié un dictionnaire et une gram-
maire de leur langue (Saint-Pétersbourg, 4858). J. Deniker.
— 425 —
KARAGEA — KARAGEORGÉVITCH
KARAGEA (Jean), prince de Valachie (1812-19). Il fut
pendant son règne le partisan de la Sainte-Alliance : il
demandait des conseils sur les affaires politiques au che-
valier de Gentz que lui avait recommandé Metternich. La
peste, des impôts excessifs, les dévastations des Turcs ré-
voltés à Ostrov ruinèrent le pays. Il s'enfuit pour sauver
sa personne et ses trésors à la veille de la prise d'armes
de métairie, dans laquelle il s'était compromis (V. Rou-
manie). Il mourut en Italie. — Sa fdle, Ralou, se distingua
en fondant un théâtre (grec). N. J.
BiBL. : Dépêches inédites du chevalier de Gentz. —
Mac-Mighael, Travels. — Xénopol, Hist. des Roumains
(en roumain), V.
KARAGEORGES ou TSERNI Georges (Georges le Noir)
Pétrovitch, fondateur de l'indépendance serbe, né à Vit-
chevtsi (Serbie) en 1732, assassiné à lasénitsa (Serbie) le
24 juil. 1817. Il fut berger dans son enfance. Déjà marié,
il tua un Turc qui avait malmené son troupeau et s'enfuit
en Syrmie, emmenant sa femme, son père et sa mère. Son
père ayant refusé de le suivre jusqu'au bout dans sa fuite,
il le tua, craignant d'être dénoncé aux Turcs. Il installa
les siens au monastère de Krouchévo, où il occupa lui-
même un emploi de garde-forestier. Deux ans plus tard, il
s'enrôla dans l'armée autrichienne, ne tarda pas à déserter
et repassa furtivement en Serbie. Il y devint haïdouk. En-
rôlé de force dans l'armée autrichienne durant la guerre
de l'Autriche contre la Porte (1788-91), il prit part à plu-
sieurs campagnes en qualité de sous-officiev. Après la paix
de Sistov, il s'établit à Topol (Serbie). En 1796, il fit pu-
bliquement amende honorable, dans une église, pour le
meurtre de son père. La Porte ayant voulu à cette époque
mettre fin aux désordres commis par ses janissaires rebelles
de Serbie, Karageorges servit, avec nombre de ses compa-
triotes, dans l'armée du sultan commandée par le pacha de
Belgrade. En 1803, ce dernier fut saisi et étranglé parles
^'anissaires. Karageorges redevint alors haïdouk.
Le l®"* févr. 1804, il fut proclamé chef des insurgés
serbes à Orachats. La même année, il assiégea Belgrade,
secondé, sur l'ordre de la Porte, par Békir, pacha de Bos-
nie. Les chefs des janissaires rebelles, serrés de près, s'en-
fuirent de la forteresse, mais ils furent rejoints près d'Or-
sova et décapités. Ce succès ne suffit pas aux Serbes qui
sollicitèrent l'appui de la Russie et demandèrent en même
temps à la Porte de reconnaître leur autonomie (contre paye-
ment d'un tribut, et de consentir à l'occupation simultanée
des forteresses par des troupes turques et des soldats serbes.
Tout en négociant, Karageorges ne resta pas inactif: en
1805, les Serbes étaient devenus maîtres de tout le pays,
sauf Belgrade. La Porte, irritée, ordonna au pacha deNÎch
d'entrer en Serbie et de désarmer les indigènes. Le pacha
obéit ; il fut battu près de lagodina. (Quelques mois plus
tard la Skoupchtina, réunie à Semendria, proclama défini-
tivement Karageorges comme chef de la nation serbe, en
lui adjoignant un conseil (Sénat) pour Tadministration des
affaires. En 1806, la Serbie fut envahie à l'O. par Bé-
kir, pacha de Bosnie, et au Sud par Ibrahim, pacha do Scu-
tari. Karageorges battit à plusieurs reprises ses deux adver-
saires et renoua, sans succès d'ailleurs, ses négociations avec
Constantinople. En 1807, il s'empara de' Belgrade. Au
mois d'août de la même année, la Turquie conclut avec les
Russes un armistice dont bénéficièrent les Serbes. Les
hostilités reprirent en 1809. Traversant la Vieille -Serbie
pour rejoindre les Monténégrins, Karageorges assiégea
Novibazar et tenta une diversion en Herzégovine ; mais il
fut rappelé par les défaites que les Turcs infligèrent à ses
lieutenants divisés entre eux. L'intervention d'un corps
d'armée russe en Bulgarie sauva la situation. En 1810,
Karageorges remporta de nouveaux succès qui le mirent
en mesure d'affermir son autorité contestée par plusieurs
voiévodes. En 1811, la Porte lui fit des ouvertures paci-
fiques qu'il rejeta, refusant de traiter sans les Russes. Mais
ces derniers, menacés par Napoléon P^, conclurent le
traité de Bucarest (1812), en stipulant en faveur des Serbes
certaines clauses que les Turcs laissèrent à l'état de lettre
morte.
Abandonnés à eux-mêmes, les Serbes proposèrent à
Constantinople des conditions fort modérées (conservation
de leurs armes, défense aux Turcs, sauf ceux chargés de
la garde des forteresses, de rentrer en Serbie). La Porte
refusa. En ^1813, la Serbie fut envahie à TE., au S. et
à rO., par des forces écrasantes auxquelles Karageorges,
que paralysaient l'opposition d'un certain nombre de voié-
vodes et la désunion de l'armée serbe, ne parvint pas à
opposer une résistance suffisante. Il s'enfuit de Belgrade à
Semlin le l®'' oct. 1813, sans avoir hasardé une seule ba-
taille pour la défense des conquêtes faites depuis 1804.
(Quelques jours après, les armées envahissantes, malgré
l'héroïsme de quelques corps isolés de troupes serbes, occu
paient toute la Serbie. Contraint par les autorités autri-
chiennes de s'éloigner de la frontière, Karageorges s'étabht
enfin dans la ville de Khotine (Bessarabie), où il s'affilia à
métairie grecque. En juil. 1817, il rentra furtivement en
Serbie pour soulever ses compatriotes contre la Turquie et
se présenta au chef serbe de Semendria, Vouïtsa Voulitché-
vitch, un de ses anciens lieutenants. Ce dernier le fit se
cacher dans une métairie du voisinage, à lasénitsa, et signala
son arrivée aux autorités turques et serbes de Belgrade.
Obéissant à un ordre venu de Belgrade, Vouïtsa fit assas-
siner son hôte dans la nuit du 24 au 2t^ juil. 1817. Dans
sa lutte contre les Turcs et dans la réorganisation de son
pays, Karageorges, sans égard même pour ses proches,
déploya une énergie extrême, allant jusqu'à la cruauté.
C'est ainsi qu'il fit pendre sous ses yeux, et sans juge-
ment, son frère unique Marinko, coupable du viol d'une
jeune fille. Dans sa vie privée, il conserva toujours les ha-
bitudes du paysan serbe, consacrant aux travaux agricoles
les loisirs que lui laissaient les afi'aires de l'Etat. A. Giron.
BiBL. : Karadjitch, le Sénat serbe sous Karageorges ;
Vienne, 1860. — Ranke^ Histoire de la Serbie et de la révo-
lution serbe; Berlin, 1829. — Saint-René Taillandier,
la Serbie, Karageorges et Milosch ; Paris, 1871. -- Milit-
CHF.viTCH, Biographie des Serbes célèbres des temps mo-
dernes ; Belgrade, 1888.
KARAGEORGÉVITCH (Alexandre), prince de Serbie, né
à Topol (Serbie) le 29 sept. 1806, mort à Temesvar (Hon-
grie) le 22 avr. 1883, fils du précédent. Il quitta la Serbie
en 1813. Après la mort de son père, il entra dans Tannée
russe, oùil parvint jusqu'au gradede capitaine d'état-major.
Il revint en Serbie en 1839, avec l'autorisation du prince
Michel. En 1840, il fut nommé membre du tribunal de
Belgrade; en 1841, il devint lieutenant dans l'armée serbe
et aide de camp du prince régnant. A la suite des troubles
de Voutchitch, il fut proclamé prince de Serbie (11 sept.
1842) et reconnu par la Porte le 15 juin 1843, malgré
l'opposition de la Russie.
Pour se dérober aux influences russes et autrichiennes,
le nouveau prince prit son point d'appui à Constantinople
et s'appliqua à améliorer la situation économique de la
principauté, en encourageant l'industrie et le commerce,
en organisant l'instruction publique. En 1848, il laissa
recruter en Serbie des corps de volontaires qui partici-
pèrent à la répression de l'insurrection hongroise. En
1853, lors delà guerre russo-turque, il observa une stricte
neutralité, malgré les efforts du parti nationaliste qui ré-
clamait une prise d'armes contre la Porte. En 1854, il fit
promulguer le code civil de la principauté. En 1856, le
traité de Paris enleva aux Russes le protectorat de la
Serbie. Cependant Karageorgévitch s'était aliéné les sym-
pathies du parti nationaliste par son attitude passive envers
la Porte. En 1857, il parvint à déjouer une vaste conspi-
ration dirigée contre lui ; mais ses adversaires ne désar-
mèrent pas malgré des mesures sévères qu'il sut tempérer
par des concessions. Il fut déposé le 21 déc. 1858. A
partir de cette époque, il vécut dans ses terres de Hongrie
et de Roumanie. Accusé d'avoir trempé dans l'assassinat du
prince Michel Obrénovitch (1868), il fut condamné par le
tribunal de Belgrade, comme instigateur de ce crime, à vingt
KARAGEORGEVITCH — KARAMAN
426 --
années d'emprisonnement. L'Autriche refusa son extradi-
tion, mais le fit passer en jugement à Pest. Il fut acquitté,
pour manque de preuves, par les tribunaux hongrois (1 870).
Il laissa en mourant de nombreuses et importantes dona-
tions pour l'avancement des sciences dans les pays de
langue serbe. A. Giron.
KARAGEORGEVITCH (Pierre), fils du précédent, né en
1846. En 1883, il a épousé une fille du prince du Mon-
ténégro, la princesse Zorka.
KARAGHINSK. Ville maritime de Sibérie, prov. du
Littoral, sur l'isthme du Kamtchatka. En face sont les
deux îles Karaghiinski^ dont la principale, au S., a
117 kil. de long sur 35 de large et 1,582 kil. q.
KARAGŒZouGHIAL. Jeu scénique très goûté des Turcs
Osmanlis, leur amusement favori durant le mois du Ra-
madan. Derrière une toile transparente, on fait mouvoir
des marionnettes en leur prêtant des gestes et des paroles
plaisantes et obscènes,
KARAGOLA. Ville de l'Inde, prov. de Baghalpour (Bé-
rar), sur la rive gauche du Gange, au débouché d'une
ancienne route vers Dardjiling ; foire considérable.
KARAGOUÉ. Pays de l'Afrique centrale, à l'O. du lac
Kéroué (Victoria) ; au pied du Mfoumbiro se déroulent de
magnifiques prairies et des bois giboyeux ; on y trouve des
eaux thermales, du cuivre et du sel. Les habitants sont au
nombre d'environ 15,000 ; la race dominante semble pa-
rente des Gallas. La ville principale est Kafouro. Le prince
est vassal de l'empereur d'Ouganda.
KARA-HISSAR. Villes turques (V. Afioum et Chaein).
KARAÏSKAKIS (Georges), capitaine grec, né à Agrapha
(Grèce) en 1782, mort près d'Athènes le 5 mai 1827.
Très lié depuis sa jeunesse avec Capo d'Istria, il se fit
remarquer dès le commencement de la guerre de l'indé-
pendance hellénique par sa bravoure, son énergie, son ha-
bileté stratégique, mais aussi par son ambition et sa tur-
bulence. Après avoir préservé une fois Missolonghi (1823),
il ne put l'empêcher de tomber au pouvoir des Turcs en
avr. 1826. Chargé du commandement de la Roumélie, il
contraria les opérations de Fabvier (V. ce nom), ce qui
amena la défaite de Chaïdari. Au congrès de Trézène, il
fut un des plus chauds partisans de Capo d'Istria, qu'il
réussit à faire nommer président de la Grèce (avr. 1827).
Peu après, il fut blessé à mort près du Pirée (4 mai) en
attaquant l'armée turque qui bloquait depuis longtemps
l'Acropole d'Athènes. A. Debidour.
KARAÏTES. Secte juive (V. Câraïtes).
KARAJAN (Theodor-Georg von), savant autrichien, né à
Vienne le 22 janv.1810, mort à Vienne le 28 avr. 1873. Il
était d'origine grecque. Il étudia à Vienne et entra aux ar-
chives du département des finances et plus tard à la Biblio-
thèque impériale. Il s'intéressa de bonne heure aux antiquités
germaniques et collabora à diversrecueils scientifiques. En
1839, il publia à Heidelberg le poème Von den sibenSlâ-
fœren et donna un recueil fort curieux Friihlingsgabe
fur Freunde œlterer Literatur (Vienne, 1839), réim-
primé à Leipzig en 1842, sous ce titre: Der Schatzgrœ-
ter, Beitrœge fur œliere deutsche Literatur. Il fut l'un
des premiers membres de l'Académie de Vienne fondée
en 1847 et devint, en 1850, professeur de littérature ger-
manique à l'université de cette ville ; mais, n'étant pas ca-
tholique, il dut donner sa démission l'année suivante. En
1854, il- rentra à la Bibliothèque impériale dont il devint
conservateur et sous-directeur. En 1866, il fut président
de l'Académie. En dehors des ouvrages ci-dessus indiqués,
Karajan a publié : Michael Behaims Buch von den Wie-
nern (Vienne, 1843) et Zehn Gedichte zur GeschicMe
OEsterreichs und Ungarns {id., 1849); Seifried Hel-
bling (Leipzig, 1843); Deutsche Sprachde7ikmale des
i2 Jahrhunderts (Vienne, 1846) ; Wolfgang Schmehls
Lobspruch der Stad Wien (id., 1849); Mittelhoch-
deutsche Grammatik (id., 1850); Abraham a sancta
Clara (id,, 1867), etc. — Son fils Marc-Theodor^ né à
Vienne en 1833, est devenu professeur à l'université de
Graz. Il apublié notamment un mémoire: Uber die Hand-
schriften der Scholien zur Odyssée (Vienne, 1857).
KARAKou KÉRAK. Bourg de Syrie, autrefois ville im-
portante et capitale des Moabites {Khâraka), construit sur
un rocher au pied duquel coule le ouadî Karak, tributaire
de la mer Morte. Deux constructions massives occupent les
coins du N.-O. et du S.-O. : le château de Bîbars et une
citadelle construite vers 1130 par le roi Foulques d'An-
jou. Karak fait partie du vilayet de Damas. Elle compte
8,000 hab. (1,800 chrétiens) à l'état nomade. A. Guy.
KARAKACH. Rivière du Turkestan chinois, affluent
gauche du Khotan-daria ; née au N. du col de Dehra-kom
(monts Karakoroum), il se précipite par des gorges sinueuses
et des défilés profondément encaissés, longe le S. des monts
Kouen-loun, par la belle vallée de Sariki (sources ther-
males) et franchissant le défilé de Chah-i-doula (3,640 m.),
entre dans la plaine de Khotan où il arrose Karakach^
ville de 5,000 hab., et finit en aval de Khotan.
KARAKAL ou KASKAL. Ville de l'Inde, présidence de
Madras, à 40 kil. N. de Mangalore; 3,500 hab. Beaux
monuments élevés par les Djaïnas, dont c'est une ville sa-
crée.
KARAKAL Ville de Roumanie, ch.-l. du district de Ro-
manatzi; 9,000 hab. Le 30 mai 1854, les Turcs y défi-
rent les Russes.
KARA-KALPAKS. Peuplade du Turkestan russe, canton-
née en groupe compact dans la province de Syr-Daria et
disséminée aussi dans d'autres portions de ce pays, le long
des rives du bas Amou-Daria, par exemple, dans le
Ferghana et la vallée du Zerafchan. Leur nombre est di-
versement évalué de 4,000 à 100,000 suivant que les sta-
tistiques officielles les confondent ou non avec les Kirghiz
dont ils parlent la langue. D'ailleurs, même comme type
physique, ils tiennent le milieu entre les Kirghiz et les Tur-
comans. Ce sont des hommes grands, à face large et plate.
Leur nom signifie « bonnet noir », par allusion à leur
haute coiffure en peau de mouton. Les Kara-Kalpaks sont
doux et paisibles; ils s'occupent presque exclusivement
de l'élève du bétail et vivent dans les tentes. J.Deniker.
KARAKOROUM (Monts) (V. Aste).
KARAKOROUM ou KARA-KHEEM. Ancienne capitale de
l'empire mongol de Djengis Khan (V. ce nom et Mon-
gols). Fondée par lui dans la période d'assimilation avec
les Turcs, elle fut abandonnée par ses successeurs, quand
la Chine devint le centre de leur empire. Ses ruines exis-
tent dans le pays des Khalkas à 8 kil. de l'Orkhou, par
45« lat. N.
KARA-KOUL.Nom de plusieurs lacs saumâtres de l'Asie.
Le plus grand de ces lacs se trouve dans le Turkestan russe,
sur le plateau de Pamir, au S. de la chaîne de Transalaï,
par 39° lat. N., à 3,920 m. d'alt. Il occupe une superfi-
cie de 300 kil. q. Une grande île, située jadis au milieu du
lac, est rattachée aujourd'hui à sa rive septentrionale par
une langue de sable. — Un autre lac, moins important, appelé
petit Kara-Koul se trouve au N.-O. du pic de Moustagh,
sur le rebord oriental du Pamir, faisant partie du Turkes-
tan chinois. — Enfin, un troisième lac Kara-Koul se trouve
dans la province de Syr-Daria, au milieu du steppe de
Mouyoun-Koum. C'est le reste d'un vaste marécage qui
couvrait jadis plus d'un millier de kil. q. J. Deniker.
KARA-KOUM (V.Asie, t. IV, p. 102, et Turkestan).
KARAKOYOULOU. Dynastie de Perse (V. ce mot).
KARAMAN. Ville de Turquie d'Asie, vilayet de Konieh,
à 57 kil. S.-E. de cette ville, sur le Gounderer-Sou,
affluent de la Ak-Gheul, à 1,261 m. d'alt.; 8,000 hab.
Fabriques d'étoffes de coton. Belles mosquées (V. Kara-
manie).
KARAMAN (Mathieu), théologien dalmate, né au com-
mencement au xiii^ siècle, mort en 1771. En 1732, il fut
j envoyé en Russie comme missionnaire apostolique et fut
' chargé par la cour de Rome de reviser les missels slavons ;
— 427
KARAMAN — KARASOU
il y introduisit de nombreux russismes et sa revision fut en
général assez mal accueillie par le clergé. L. L.
KARAMANIE. Contrée de l'Asie Mineure, correspondant
auli\'adeKoma et aux anciennes provinces de Lycaoniejsaii-
rie, Cataonie et à une partie de la Cappadoce. Ce nom peut
d'ailleurs être étendu atout levilayet deKonieh. Ilestdû,
comme celui de la ville de Karaman, l'ancienne Laranda,
à une dynastie turque qui y forma au xiv*' et au xv® siècle
un Etat considérable. Son origine est contemporaine de
celle des Osmanlis, et Karaman se disait descendant des
Seldjoucides ; c'est vers 4300 qu'il fonda son empire. La
dynastie fondée par lui eut six autres monarques. Elle fut
en rivalité avec celle des Osmanlis pendant trois quarts
de siècle. Ala-ad-din fut défait à Konieh (1386) par
Mourad P'', Beau-frère de Bayézid, il fut dépouillé par lui
d'une partie, puis de la totalité de ses Etats, après la
bataille d'Aadjaï (1390). Lui-même ou ses fils firent appel
à Timour-leng. L'abaissement des Osmanlis les releva.
Méhémet combattit Mohammed P*" et brûla Brousse (1413);
il fut, vaincu. Karaman-oglou enleva Tarse aux sultans
d'Egypte, mais la reperdit ainsi que sa capitale (1419) et
périt en combattant les Osmanlis (1429). Entre leurs re-
doutables voisins du Nord et du Sud les Karamaniens se
maintinrent par une alternative de soumissions, de rébel-
lions, d'alliances avec les chrétiens. Ibrahim, fils de Méhé-
met, lutta contre Mourad II, son beau-frère, qui lui par-
donna, en 1431 et en 1441. Mohammed II fit de même
en 1451. Après la mort d'Ibrahim, deux de ses six fils se
disputèrent la Karamanie.Pir-hamed l'emporta, avec l'appui
de Mohammed II, sur son aîné Ichak appuyé par la Perse.
Mais, en 1467, son protecteur annexa ses Etats et y plaça
son fils Moustafa comme vice-roi. Le prince dépossédé fut
interné à Constantinople et y mourut en 1482.
KARA MUSTA FA, grand vizir ottoman, mort à Belgrade
le 25 déc. 1683. Fils d'un spahi, il fut élevé par Moham-
med Kœprili dont il devint le gendre. Il se distingua en
Crète (1667-69), succéda comme grand vizir à son beau-
frère Ahmed Kœprili. Fastueux et cruel, il était peu
capable. Il fit la guerre à la Pologne, cerna Sobieski sur
le Dniestr, mais lui accorda la paix (1680). Marié à une
fille de Mohammed IV, il fut chargé de soutenir en Hon-
grie Tœkœly, le roi vassal des Turcs (1682). 11 vint
mettre le siège devant Vienne avec une armée considé-
rable. Le siège dura de juil. à sept, i 683 ; Kara Mustafa
retarda l'assaut pour ne pas partager le butin avec ses
soldats. Il laissa le temps à l'armée de secours d'arriver
et fut complètement défait au Kahlenberg le 12 sept. Il
s'enfuit en Hongrie, rejeta la responsabilité du désastre
sur Ibrahim pacha, de Bude, qu'il fit décapiter. Mais une
nouvelle défaite à Parkany (9 oct. 1683) et la perte de
Gran décidèrent sa perte. Le sultan le fit étrangler.
KARAiVIZINE (Nicolas-Mikhaïlovitch), célèbre historien
russe, né à Mikhaïlovka (gouvernement de Kazan) le
1^"^ sept. 1766, mort à Pétersbourg le 22 mai 1826. Ses
ancêtres étaient des princes tatares ; son père, comman-
dant en retraite, l'éleva avec le plus grand soin. La lec-
ture de romans français développa en lui une imagination
ardente et une grande sensibilité. Il acheva ses études à la
pension Schaden, à Moscou. A quinze ans, ses classes ter-
minées, il entra dans l'armée ; il la quitta après la mort de
son père pour s'adonner entièrement à la littérature. H dé-
buta par des traductions de l'allemand et du français : la
Jambe de bois de Gessner, Emilia Galotti de Lessing,
Jules César^ d'après la traduction française de Letour-
neur, etc. En 1789, il entreprit un voyage à l'étranger afin
« de compléter son éducation et de se rendre compte de la
position et de l'influence des écrivains en Europe » ; il par-
courut l'Allemagne, la Suisse, la France et l'Angleterre et
publia ses impressions dans les Lettres d'un voyageur
riisse^ livre qui eut un succès considérable, ruina à jamais
l'école pseudo-classique et fut bientôt accepté par tout le
monde, comme le modèle de la langue et du style. De re-
tour en Russie en 1791, Karamzine avait fondé le Journal
de Moscou, où il pubha une foule de nouvelles et de tra-
ductions : la Pauvre Lise^ Nathalie, la Fille de Boyar,
la Henriade de Voltaire, le Roland furieux de l'Arioste,
le Voyage d'Anacharsis de Barthélémy, Clarisse de Ri-
chardson, etc., puis il édita divers recueils de poésies,
nouvelles et traductions : Aglaé, le Panthéon des écri-
vains étrangers, le Panthéon des écrivains russes, etc.
En 1802, il fonda une revue, le Messager de r Europe,
puis s'adonna aux questions historiques ; il publia l'Eloge
historique de Catherine et des biographies de person-
nages célèbres. Nommé historiographe de la cour en 1803,
il se mit à étudier les manuscrits des monastères et les
archives; présenté au tsar Alexandre en 1810, il lui lut
son Mémoire sur Vancienne et la nouvelle Russie, En
1812, sa bibhothèque brûla dans l'incendie de Moscou et
c'est à peine s'il put sauver les manuscrits de sa grande
histoire de l'empire russe. En 1815, huit volumes étaient
achevés et le tsar donna 60,000 roubles pour l'impression
(1816-1818). En vingt-cinq jours 3,000 exemplaires furent
écoulés. « L'impression fui grande, écrit Pouchkine, et toute
la société, même les femmes du monde, se mit à lire
l'histoire de la patrie, jusque-là inconnue ; Karamzine pa-
raissait avoir découvert la vieille Russie, comme Colomb
avait découvert l'Amérique. » L'ouvrage strictement con-
servateur, véritable glorification et justification de lauto-
cratie, plut beaucoup à Alexandre qui fit de Karamzine son
conseiller et son ami ; ce fut l'historien qui dissuada le tsar
de restaurer le royaume de Pologne, dans son Opinion d'un
citoyen russe (1819). La mort du souverain frappa beau-
coup Karamzine, dont la santé était déjà chancelante ; les
médecins l'engageaient à partir pour l'Italie ; Nicolas avait mis
à sa disposition une frégate et l'avait doté de 50,000 roubles
de pension, lorsque la mort Patteignit subitement (1826).
Karamzine est avec Lomonosov le créateur de la prose russe ;
il ouvre la voie aux écrivains du xix^ siècle. Ses oeuvres
principales furent traduites dans toutes les langues de
l'Europe ; la meilleure traduction de son histoire est celle
de Saint-Thomas, Jauffretet Divoff (Paris, 1818-26). Ont
été encore traduits en français : Marpha ou Novgorod
conquise, traduction de J.-B.-P. (Moscou, 1804, réim-
primée à Genève, 1885); le Sensible et rindijférent,
trad. Arsène Khvostov (Pétersbourg, 1866) ; la Pauvre
Lise (Paris, 1808, et Kazan, 1818) ; Lettres d'un voya-
geur russe, par Legrelle (Paris, 1886). M. M.
BiBL. : PoGODiNE, Biographie de Karamzine; Moscou,
1865. — PoLEvoï, Histoire de la littérature 7'usse, 2^ éd.
— L. Léger, la Littérature russe, Paris, 1893.
KARANGOTAK. Ville du Turkestan chinois, sur le Kho-
tan-daria, au N. du col de Naïa-khan (monts Kouen-Ioun,
5,672 m.) ; elle est à 2,662 m. d'alt. et compte 10,000
hab. dispersés en plusieurs groupes.
KARANGOULI ou CARANGOULl. Ville de Plnde, prési-
dence de Madras, sur le chem. de fer de Madras à Pondi-
chéry ; 3,000 hab. Ce fut une des places fortes principales
du Carnatic au xviii^ siècle ; occupée par les Anglais de
1755 à 1757, conquise par les Français, qui la reper-
dirent en 1759, peu avant le désastr^e de Vandivach.
KARANSEBES (V. Carânsebes).
KARAS. Rivière de Hongrie, appelée quelquefois Krass(5.
Elle prend sa source au mont Szevenik, traverse les hau-
teurs du Banat et se jette dans le Danube près de Uj Pa-
lanka, après un cours de 113 kil. La pente est trop
rapide pour permettre la navigation.
KARASOU. Nom moderne donné par les Turcs au Nes~
tus, au Strymon et au Mêlas des anciens (V. ces noms).
KARASOU-Bazar. Ville de Russie, gouvernement de
Tauride, au pied d'une falaise, le long du Karasou, petit
fleuve côtier; 11,000 hab. Entourée' de beaux jardins,
pittoresque avec ses vingt-quatre mosquées et minarets et
son Tach-khan, sorte de' château entouré d'une muraille de
13 m. de haut, elle est en pleine décadence. Son com-
merce, fait surtout par des Arméniens, porte sur la laine,
le cuir, les manteaux en poil de chameau {bourkas), le
KARASOU — KARAVANKAS
— 428
vin, les fruits, le tabac, etc. C'est une ville très ancienne
qui eut, sous les Génois, une grande prospérité. Conquise
par les Tataresau xy® siècle, parles Russes auxYin®, elle
fut de 1779 à 1784 la capitale de la Crimée russe.
KARASOUK. Rivière de Sibérie, qui se perd dans le
steppe avant d'atteindre l'Irtych; elle a 480 kil. de long
dans le gouvernement de Tomsk.
KARASOUTZAS (Jean), poète néo-grec, né à Smyrne le
9 juil. 1824, suicidé le 3 avr. 1873. Professeur aux
lycées de Nauplie, puis d'Athènes, il a publié des poésies
de style châtié et de sentiment très patriotique, dont
l'énergie n'exclut pas la grâce. Les premières parurent dès
1839 et 1840 : Lyra et Musa thelaluza; puis vinrent :
Eothinai melodiai {Chants du matins en 1846) ; Poie-
tikon apaithioma (Anthologie métique^ 1849); Bar-
bitos (1860) ; Kleonike (1868).
KARAT (V. Carat).
KARA-TAB. Rivière du Turkestan russe, affluent du lac
Balkach ; 320 kil., elle vient de l'Alataou dzoungare
(V. Asie).
KARA-TAOU. Chaîne de montagnes du Turkestan russe,
ramification extrême vers FO. duThian-chan. Elle est di-
rigée du S.-E. au N.-O. entre le bassin du Syr-Daria et
celui de la rivière Tchou. Son point culminant dépasse à
peine 2,100 m. de hauteur. On y trouve quelques gise-
ments de houille, de plomb argentifère et de minerai de fer.
KARATAS [Karatas Adans.) (Bot.). Genre de Bromélia-
cées, voisin des xAcacias,dontil se distingue parles sépales
longs et étroits et l'inflorescence en sorte de capitule ter-
minal et serré, sessile entre les Feuilles supérieures, sou-
vent rouges {nidularium) qui font involucre ; les fruits
sont oblongs et charnus. Le K. Plumieri Ed. Morr. (Bro-
melia Pinguin) est cultivé en Europe. Les Karatas four-
nissent des fibres textiles et la moelle des tiges s'emploie
sous le nom de toi en guise d'amadou. Ils sont encore
doués de propriétés purgatives. D'' L. Hn.
KARATASSOS, patriote grec, né à Dobra (Macédoine)
en 1766, mort à Naupacte le 21 janv. 1830. Armatole
dans la Macédoine méridionale (1790-1821), il s'insurgea
ouvertement en 1822 contre les Turcs, soutint dans Nausa
un siège où périt son fils aîné, se fit jour avec deux autres
vers Missolonghi, et se distingua les années suivantes à
Peta, en Eubée, à Skiathos, à Schomolaka, aux Thermo-
pyles. — Son fils, Demetrius Tsiamis^ né en 1798,
mort à Belgrade en 1861, partagea ses épreuves et ses
exploits, fut à la tète des insurrections macédoniennes de
1841 et 1834, puis gouverneur d'ArgoHde (1836).
BiBL. : Philippides, Biogr. {des deux Karatassos) ;
Athènes, 1879.
KARATCHEV. Ville deRussie, gouvernement d'Orel, sur
le Snejet, affluent gauche de la Desna; 12,000 hab. Hui-
leries, cordages; marché agricole (chanvre, céréales, etc.).
KARATÉGHIN. Principauté vassale du khanat de Bou-
kharie, sous le protectorat russe. Elle est située au N.-O.
du plateau de Pamir, entre la province russe de Ferghana
au N., la principauté de Darvaz au S. et celle de Hissar à
l'O. Elle occupe une superficie de 21,300 kil. q. environ,
et l'on y comptait, en 1884, à peu près 600,000 hab., ré-
partis en 312 « kichlaks » ou villages. La capitale est la
petite ville à'Obi-Harm, sur le Sourghab. Le Karatéghin est
un pays montagneux de 2,000 m. d'élévation moyenne, tra-
versée dans toute sa longueur par la vallée du Sourghab ou
Ouakch, aftïuent de droite de l'Amou-Daria. C'est dans cette
vallée, région la moins élevée du pays, que se presse la po-
pulation formée en grande partie de Galtchas ou Iraniens
restés assez purs comme race à cause de leur isolement.
En effet, les montagnes qui entourent le Karatéghin, et
sur les pentes desquelles nomadisent quelques Kirghiz
(13,000 en tout), ont une telle hauteur que les passes les
moins élevées se trouvent à 3,600 ou 4,000 m. au-dessus
du niveau de l'Océan. Aussi toutes les coirununications
avec les pays voisins sont-elles interrompues pendant l'hi-
ver (qui dure du 13 sept, au 1^^ mai), quand la neige, très
abondante, obstrue tous les cols. L'été est court, mais assez
chaud (température moyenne, 16 à 20°), tandis qu'en hiver
le froid dépasse souvent 33*^ au-dessous de 0.
La végétation forestière est assez pauvre ; le bouleau,
l'érable, V « artcha » (sorte de genévrier), le pommier
sauvage se rencontrent, dispersés de-ci de-là, sans jamais
former de bois ni même de bosquets. Par contre, les
pentes des montagnes sont couvertes de riches prairies
et de pâturages qui suffisent non seulement aux animaux
domestiques du pays, mais attirent encore les pâtres des
pays voisins (Darvaz, Hissar), qui y amènent leurs troupeaux
de moutons, de chèvres, de bœufs, de chevaux. Aussi le Ka-
ratéghin est-il un marché important de bestiaux où viennent
s'approvisionner les marchands de Boukharaet de Samar-
kand. Parmi les animaux sauvages, le tigre. Tours, le
loup, le renard, l'argali (sorte de mouflon), les marmottes,
les sanghers et les lièvres sont très nombreux. Isolé
par ses montagnes, le Karatéghin n'a pour ainsi dire pas
participé à l'histoire politique des nations de l'Asie cen-
trale. Aucun des grands conquérants n'a pénétré dans ses
défilés à travers lesquels les tribus iraniennes ont peuplé
dans les temps préhistoriques la haute vallée, apportant
avec eux la religion de Zoroastre. iVussi les Karatéghinois
sont-ils les représentants les plus purs du type iranien ; ils
sont d'une taille au-dessus de la moyenne, bien pris, élancés
et gracieux ; ils ont le teint basané. Une chevelure abon-
dante, noire ou châtain, encadre leur visage expressif au
nez busqué. Les femmes sont parfois très belles. La langue
des indigènes du Karatéghin se rapproche de l'ancien per-
san beaucoup plus que les autres idiomes iraniens actuels.
Depuis des temps immémoriaux ces montagnards, gouver-
nés par des chefs élus (chah), étaient indépendants. Mais
des querelles intestines ont tellement affaibli la cohésion
politique dans le pays que l'émir de Boukhara n'a eu au-
cune peine à y établir sa domination. Depuis 1868, le
Karatéghin fut déclaré vassal de l'émir et par cela même
rentra plus tard dans la sphère de l'influence russe en
Asie centrale.
L'occupation principale des habitants est l'agriculture ;
on cultive surtout le blé, l'orge, les arbres fruitiers, etc.
Les Kirghiz, récemment immigrés dans le pays, élèvent le
bétail. Dans certains endroits on exploite les gisements
aurifères. Le tribut annuel payé à l'émir de Boukhara est
de 300,000 roubles (environ 730,000 fr.). Le prince de
Karatéghin est un souverain presque absolu; le pays est
divisé, au point de vue administratif, en neuf districts
(amlakdar) gouvernés par des favoris du susdit prince.
J. Deniker.
BiBL. : KossiAKOF, Notes of a Journey in Karatéghin
and Darwaz (trad. du russe), dans Proceedings de la Soc.
géogr. de Londres, 1880, p. 32.
KARATHEODORY (Alexandre) ou ISKENDER Pacha,
homme d'Etat ottoman, né à Constantinople le 20 juil. 1833.
Il fit à Constantinople et à Paris des études brillantes et entra
dans la diplomatie. Après avoir occupé divers postes dans
les principales capitales d'Europe, il fut appelé au minis-
tère des affaires étrangères par AoH Pacha. Sous-secrétaire
d'Etat en 1876, élevé au titre de pacha en 1878, il fut
plénipotentiaire de la Turquie au Congrès de Berlin. 11
traita ensuite avec l'Autriche la question de l'occupation de
la Bosnie, devint gouverneur de Crête et (4 déc. 1878)
ministre des affaires étrangères. Il fut créé, en 1883,
prince de Samos.
KARATY6INE (Vasili-Andreevitch), célèbre acteur russe,
né en 1802, mort en 1853. Il excellait dans les rôles tra-
giques et a traduit un certain nombre de pièces étrangères.
— Son frère, Pierre- Andreevitch, né en 1803, mort en
1879, fut un comique de premier ordre. Il a fait jouer
plusieurs vaudevilles. — A lexandra-Michaïlovîia li^àra-
tygina, femme de l'acteur tragique, joua à Pétersbours:, de
1823 à 1843 : elle interpréta surtout les rôles de Molière.
f!- KARAVANKAS ou KARAWANKEN. Montagnes de l'Au-
triche, rameau oriental des Alpes Carniques (V. Alpes), qui
- 429 -
KARAVANKAS — KARGER
s'étendent de l'O.à l'E., entre la Drave et la Save, du val
du Gailitzbach (route ducoldeTarvis) à celui du Mirsling,
formant un massif ininterrompu de dOO kil. de long; le
plus haut pic est le Grintonz (2,558 m,) ; au centre du
Karavankas passe par le col de Loibl (i,27o m.) la route
de Laibach à Klagenfurt. Ce massif calcaire rosé, profon-
dément déchiqueté et très escarpé au N., a un aspect im-
posant.
BiBL. : Jaune, Fûhrer durch die Karawanken; Vienne,
1882.
KARAVASSARAS. Bourg de Grèce, nome d'Acarnanie et
Etolie, ch.-l. de l'éparchie du Valtos, sur une baie au
S.-E. du golfe d'Arka ; il fut fondé par Ali Pacha qui y
transplanta la population d'Ambracie.
KARAVELOV (Liouben), écrivain et patriote bulgare, né à
Koprivchtitsa (Bulgarie du Sud, ancienne Roumélie orien-
tale) en 1834, mort à Rouslchouk le H févr. 4879. Il fit ses
études à Philippopoli et à Moscou. Ilpubh'a dans cette ville,
en 4861, un Recueil des coutumes populaires bulgares^
puis il se rendit en Serbie où il collabora à divers recueils,
et à Bucarest où il publia le journal la Liberté, Après
l'affranchissement de sa patrie, Karavelov s'établit en Bul-
garie. C'était un écrivain pittoresque et l'un des créateurs
de la prose bulgare. Ses œuvres complètes ont été réunies
par sa veuve (Roustchouk, 4887, 8 vol.). Elles com-
prennent des nouvelles, des récits et un volume de poésies.
Pierre (Petko) Karavelov, frère du précédent, homme
d'Etat bulgare, né à Kalofer en 4840. Il fit ses études en
Russie et y vécut longtemps comme professeurlibre. Revenu
en Bulgarie après l'affranchissement de sapatrie, il fut nommé
en 1879 vice-président de l'assemblée nationale de Trnovo.
Il devint ensuite président du premier Sobranié, puis en
4880 ministre des finances et le 28 nov. de la même année
président du conseil. Le 47 avr. 4881, il céda la place au
général russe Ehrenroth.Il entra alors dans l'opposition où
il joua un rôle considérable. Il reprit en 4884 la présidence
du conseil ; c'est sous son ministère que s'opéra l'union
de la Roumélie orientale avec la Bulgarie (V. Bulgarie,
t.VIfl, p.405).Quand le prince Alexandre fut enlevé par un
groupe de conspirateurs, Karavelov exerça provisoirement
la régence, et quand le prince quitta définitivement la Bul-
garie il nomma trois régents : Karavelov, Stamboulov et
Moutkourov. Il quitta le pouvoir lors de l'avènement du
prince Ferdinand et rentra dans l'opposition. A la suite du
complot du major Panitsa, il fut compris dans un procès
pohtique et condamné à cinq ans de prison. Il fut amnistié
en 4895. L. Léger.
KARAZINE (Nicûlas-Nicolaévitch), écrivain et artiste
russe, né dans le gouvernement de Khapkov en 4842. Il
servit dans l'armée jusqu'en 4874 et prit part aux expé-
ditions des Russes dans l'Asie centrale. Rentré dans la
vie civile, il se consacra à la littérature et à l'art. Il exé-
cuta par l'ordre de l'empereur des tableaux représentant
des épisodes des guerres d'Asie. L'un des fondateurs de la
Société des aquarellistes de Péiersbourg, il a pris une part
importante aux expositions de cette société. lia illustré un
certain nombre d'ouvrages, notamment le Voyage du tsa-
révitch en Orient (éd. franc. Paris, 4893). Comme
écrivain il a publié des récits de voyages, des romans : les
Pays lointains (Saint-Pétersbourg, 4875); la Course
après la fortune [id,, 4876); Andron Golouan (id.,
4882); la Tigresse (Moscou, 4882); l^Ours à deux
pattes (Saint-Pétersbourg, 4886); D'Orenbourg à Tach-
kend (id., 4886), etc.
KARCHI ou NACKCHEB. Ville de la Boukharie, chef-lieu
de district, à 150 kil. S.-E. de Boukhara, sur la rivière
Kachka ou Karchi ; 25,000 hab. C'est la deuxième ville du
khanat, aussi bien par le nombre des habitants que par son
commerce. Elle possède de nombreuses fabriques d'armes,
de couteaux, d'ustensiles en métal, etc. Bien bâtie,
avec des rues pavées, elle a 9 kil. de tour. Une citadelle
la domine. La campagne environnante est bien cultivée,
surtout en tabac. C'est à une dizaine de kilomètres à l'O.
de Karchi que se trouvait Zendji-Saraï, résidence favorite
de Tamerlan. A une époque plus rapprochée de nous, un
des khans euzbegs fit construire près de cette cité un
palais autour duquel se forma la ville actuelle de Karchi.
KARCH I (Abou Bekr Mohammed ibn Al-Hoçein A1-), ma-
thématicien arabe du xi« siècle. Il dédia, entre 4040et 4045,
au vizir de Bagdad, Abou-Ghàhb, deux ouvrages : leKâfi-
fil-hisab (V. ce mot) sur l'arithmétique, et le Fakhri sur
l'algèbre. Wœpcke (Paris, 4853) a donné des extraits im-
portants de ce dernier ouvrage. Al-Karchi appartient à une
école qui se rattache à la tradition grecque et s'oppose à
une école rivale, celle de son contemporain Al-Nasavi, la-
quelle, au contraire, adopte de préférence les méthodes de
l'Inde. — Le Fakhri contient deux parties : la première
enseigne, d'après les principes de Diophante, les règles pour
la solution des équations déterminées et indéterminées du
premier et du second degré ; la seconde renferme un choix
de problèmes. Il donne la sommation des carrés et cubes
des nombres entiers, et présente les démonstrations sous
forme géométrique. Enfin, on n'y trouve pas de symboles
algébriques. T.
KARDEC (RivAiL, dit Allan-) (V. Rivail).
KARDITZA. Ville de Grèce, nome de Thessalie, ch.-l.
d'une éparchie, rive gauche du Kalendji ; 5,000 hab. (le
double pour la commune entière). L'éparchie compte plus
de 60,000 hab. répartis en treize dèmes.
KARDORFF (Wilhehm de), homme politique allemand,
né à Neustrelitz le 8 janv. 1828. Un des chefs du parti
de l'empire (conservateurs libres) au Reichstag ; promoteur
du système protectionniste, il le réclama dans son livre :
Gegen den Strom (4875) et créa pour le soutenir
r « Union centrale des industriels allemands ».
KARÉLIENS (V. Caréliens et Finnois).
KAREMA. Station de l'Etat du Congo, à l'E. du lac Tan-
ganika, par 6° 49' lat. S. et 28° 44' long. E.
KAREN. Peuple montagnard de l'Indo-Chine occidentale,
dont les différentes tribus sont répandues dans le Tenasse-
rim, le N.-O. du Siam et dans la Birmanie. D'une façon géné-
rale, ce peuple est divisé en trois grandes tribus : les Sgaous,
les Pghos et les Bghaï ce qui veut dire « blancs », « noirs »
et « rouges », sobriquets tirés probablement de la cou-
leur des vêtements. Ces tribus, à leur tour, se subdivisent
en un grand nombre de clans. Les Kyengs ou Chins des
montagnes de l'Arrakan ne sont autre chose que des Ka-
rens mélangés aux Birmans. Pris en masse, les Karens
sont d'une taille au-dessous de la moyenne (4^64,
d'après Mason) et offrent des traits intermédiaires entre
ceux des Malais et des Laotiens Ils prétendent être venus
du Yun-nan dans la région qu'ils habitent, vers le v® siècle
de l'ère vulgaire. Depuis la conquête de la Birmanie parles
Anglais, les Karens quittent de plus en plus la région
montagneuse, leur habitat primitif, et vont s'établir dans
la plaine en agriculteurs. Néanmoins ils évitent, comme
par le passé, le contact avec les Européens, tout en se
comportant comme de loyaux sujets britanniques. Sur
4 million de Karens, il y en a environ 400,000 qui pro-
fessent le bouddhisme et à peu près autant qui ont embrassé
soit le catholicisme, soit le protestantisme. Le reste se con-
tente de ses anciennes croyances animistes. J.Deniker.
BiBL.: MrsMASOîi, Civihzing Mountain Menor... Mission
among the Karens ; Londres, 1862; et autres ouvrages de
cet auteur, ainsi que Sméaton, The Loyal Karen of Bur-
ma ; Londres, 1886.
KAREU (Xavier) (V. Brzozowski [Thaddée]).
KARGALIK. Villedu Turkestan chinois, à 60 kil. S. de
Yarkand, au croisement des routes de Khotan, Leh et Tach-
kourgan, 4,470 m. d'alt. ; 40,000 hab. Fabrication de
vêtements (kham). Ancienne forteresse.
KAHGER (Karl), peintre autrichien, né à Vienne le
30 janv. 4848. Elève d'Engerth, ses premiers tableaux,
Bahnhofscene (4873, musée du Belvédère), Der Graben
in Wien, eurent un vif succès et lui valurent de nom-
breuses commandes de la cour impériale. Karger a aussi
donné beaucoup de dessins, d'aquarelles, etc. On admire
KARGER — KARLSBAD
— m
surtout son sentiment de la vie moderne et l'expression vi-
^^ante et caractéristique qu'il sait donner aux nombreuses
figures de ses tableaux.
KARGOPOL. Ville de Russie, gouvernement d'Olonetz,
ch,-l. de district sur l'Ouéga, au N. du lac Latcha ;
2,500 hab. Dix-neuf églises, préparation et commerce de
fourrures, surtout de peaux d'écureuils. Ville très ancienne,
jadis capitale d'une principauté. — Le district a 23,000
kil. q. ; très boisé et semé de lacs, il n'a que 3 hab. par
kil. q.
KARI (Art cul.). Condiment employé en guise de mou-
tarde (V. Condiment). C'est un mélange de piment (125 gr.),
racine de curcuma (100 gr.), poivre blanc (15 gr.), mus-
cade (4 gr.), girofle (2 gr.) finement pulvérisé. On conserve
cette poudre dans des flacons bien bouchés ou incorporée
à du vinaigre.
KARIBCHEBoRNOU. Cap du Bosphore, sur la côte d'Eu-
rope, à 25 kil. N.-N.-E. de Constantinople. A ce point
le Bosphore s'élargit considérablement. Courants violents.
KARIEEV (Nicolas-Ivanovitch) , historien russe, né à
Moscou en 1850. Il est devenu en 1879 professeur d'his-
toire à l'université russe de Varsovie ; en 1 889 il a été
nommé à celle de Saint-Pétersbourg. Ses principaux tra-
vaux sont : les Paysans français et la question agraire
en France àia fin du xv® siècle (Moscou, 1879); Ques-
tions fondamentales de la philosophie de l'histoire
(Moscou, 1883; 2° éd., 1887); l'Evolution littéraire
en Occident (Voronèje, 1886); la Chute de la Po-
logne dans la littérature historique (Saint-Pétersbourg,
1888); et divers ouvrages sur la Pologne ; le Rôle deja
personnalité dans r histoire (Moscou, 188î^), etc. Il a
contribué à la fondation de la Société historique de Saint-
Pétersbourg et publie (en russe) une revue historique.
KARIKAL. Ville de l'Inde française, sur la côte de Co-
romandel, à l'embouchure du Caveri. Ce fut une place forte
importante, aujourd'hui démantelée. Elle est peu peuplée,
mais ch.-l. d'un établissement français de 135 kil. q.,
comptant 70,526 hab. (en 1891). Le sol est très fertile et
le commerce assez actif (7 à 8 millions de fr.) ; on fabrique
et exporte des cotonnades et des mousselines.
BiBL. : D-* GoDiiNEAu, Etude de L'établissement de Kari-
kal; Paris, 1857, in-8, avec cartes.
KARIIVIATA (Iles) (V. Carimata).
KARI MON (Iles) (V. Carimon).
KARIN Mansdotter, reine de Suède (V. Catherine).
KARITH ou KERITH. Sans doute l'un des torrents de
la rive gauche (orientale du Jourdain), qui est mentionné
dans la légende du prophète Ehe. L'on ne saurait déter-
miner duquel des affluents du Jourdain il s'agit. L'auteur,
pour faire ressortir l'intensité de la sécheresse, aurait-il
voulu désigner un gros cours d'eau, tel que le Yarmouk? —
On a assimilé aussi le Karith, sur les bords duquel séjourna
Elie, au ouadi El-Kilt qui arrose Jéricho.
KARJALAISET. Nom propre finnois, synonyme de Caré-
lien (V. ce mot).
KARKENNAH (V. Kerkennah).
KARKHI (Al-) (V. KARcm).
KARLA (Lac de). Lac de Thessalie, au pied du Mavro-
Vouai, entre l'Ossa, le Pélion et le Karadagh; 78 kil. q.
Il se déverse dans le Salamvryas. Il est renommé comme
très poissonneux ; c'est l'ancien lac Bœbeis.
KARLL Localité de l'Inde anglaise, présidence de Bom-
bay, district de Ponana, près de Khandala. Colline de grès
où est creusé à 771 m. d'alt. un magnifique temple boud-
dhiste (V. Inde).
KARLIN (en allemand Karolinenthaï) ,T\\\q de Bohême;
18,000 hab. Cette ville est en réahté un faubourg de Prague
auquel elle est rattachée par un tramvy^ay. C'est un chef-
lieu de cercle. Karlin est une ville industrielle fort impor-
tante. Elle possède de nombreuses usines (machines, pro-
duits chimiques, sucres, tissus, etc.).
KARLIN S Kl (François), astronome polonais, né à Cra-
covie en 1830. Élève de l'université de cette ville, il a été
attaché aux observatoires de Cracovie et de Prague et est
devenu professeur à l'université jagellone, directeur de
l'observatoire de Cracovie et membre de l'Académie de cette
ville. Il a écrit en allemand, en polonais et en latin de nom-
breux essais sur la science astronomique.
KARLOUG-Tag. Extrémité orientale des monts Thian-
chan (V.Asie), dans la Mongolie occidentale.
KARLOUKOVO. Village de Bulgarie, au-dessus d'un dé-
filé creusé par l'Isker ; ruines d'anciens camps ou châteaux
romains, byzantins, etc.
KARLOVAC (Croatie) (V. Kârlstadt).
KARLOVASSL Ville de l'île de Samos (Turquie d'Asie),
sur la côte septentrionale ; 4, 430 hab. Ch.-l. d'un sandjak.
Vin muscat,
KARLOVIC (V. Karlowitz).
KARLOVO. Ville de Bulgarie, située au pied des Bal-
kans, sur la Stura Ruka; 8^000 hab. Fabriques d'essence
d€ rose et de passementerie.
KARLOWICZ (Jean), savant polonais, né à Suborto-
vitcha (Lithuanie) en 1836. Il fit ses études à Wilna et
à Moscou et les acheva en Allemagne. Il prit à Berlin le
titre de docteur en philosophie. Il avait étudié la musique
au conservatoire de Bruxelles. Ses principaux travaux
sont : De Boleslaï primo bello Kioviensi (Berlin, 1866),
la Légende du Juif errant (Varsovie, 1873); Mélusme
et la reine Wanda (id., 1876); Mémoire sur f influence
des langues orientales sur la langue polonaise {Lewde,
1884); la Chaumière polonaise (étude de linguistique et
d'archéologie; Varsovie, 188i).Ila fondé en 1887 à Var-
sovie la revue Wisla (la Vistule), particulièrement con-
sacrée à l'étude de la géographie et du folklore de la Po-
logne et des pays slaves. Il est l'un des directeurs de la
grande Encyclopédie polonaise illustrée. Il a collaboré en
outre à un grand nombre de recueils scientifiques polonais,
à VArchiv filr Slavische Philologie, etc. L. L.
KARLOWITZ (en crod^iQ Karlouic). Ville de Croatie,
comitat de Syrmie, sur la rive droite du Danube, siège du
patriarche serbe; 5,000 hab. Ses vins sont renommés.
Karlowitz est surtout célèbre par le traité qui porte son
nom et qui y fut conclu le 26 janv. 1699 entre l'Autriche,
la Pologne, la Russie et Venise d'une part et la Porte de
l'autre. Par ce traité la Porte renonçait à ses prétentions
sur la Transylvanie et évacuait la Hongrie où elle ne gar-
dait plus qu'un petit terroire entre le Tisza et la Maros.
La Russie gardait Azov ; la Pologne rentrait en possession
de la Podohe et de l'Ukraine, Venise gardait la Morée jus-
qu'à l'isthme; Leucade et Egine, six places fortes de
Dalmatie, et les îles de l'Archipel qu'elle possédait avant
la guerre, mais rendait Lépante et Preveza.
KARLSBAD. Ville d'Autriche, au N.-O, de la Bohème,
sur la Tepl, près de son confluent avec l'Eger, à 374 m.
d'alt. ; 11,000 hab. Une des principales stations balnéaires
de l'Europe. Elle est située dans une profonde vallée très
pittoresque entre des monts boisés auxquels s'accrochent
les maisons auxquelles ne suffisent pas les trois étroits val-
lons du fond. La rue élégante est VAlte Wiese^ à gauche
de la Tepl, bordée par un bazar et séparée par la rivière de
la 'Neue Wiese, La ville et les environs fabriquent beau-
coup de porcelaine, de verrerie, broderies et dentelles. Les
thermes sont fréquentés depuis le xiv^ siècle. Il y vient
annuellement 30,000 personnes. La ville remonte à l'em-
pereur Charles IV qui y guérit les blessures reçues à Crécy
et bâtit un château; en 1370 fut délivrée une charte ur-
baine. Joseph I®'' déclara Karlsbad ville libre. Le premier
hospice fut édifié en 1531 ; celui de Miihlbrunn, en 1762,
par Marie-Thérèse. Lord Ogiivie, comte de Findlater, at-
tira à Karlsbad ses compatriotes et embellit la ville.
Conférences de Karlsbad. — Une conférence ou con-
grès tenu à Karlsbad par les ministres allemands, du 6 au
31 août 1819, prépara des résolutions votées par la Diète
fédérale le 20 sept. Leur objet était de réprimer le mouve-
ment libéral dans les universités par une surveillance des
professeurs et des élèves, de restreindre la liberté de la
presse en soumettant à la censure tout écrit de moins de
vingt feuilles d^impression, d'annuler l'art. 13 de la cons-
titution fédérale, lequel promettait aux peuples des consti-
tutions locales. L'effet de ces décisions fut considérable sur
la politique allemande. Le 2 avr. 1848, la Diète fédérale
les abolit (V. Allemagne [Histoire]). A. -M. B.
Eaux minérales. — Hyperthermales , polymétallites ,
carboniques fortes (Rotureau), leur composition varie se-
lon les sources qui sont très nombreuses ; citons le Spru-
del, le Schlossbrunnen, le Marktbrunnen, le Mùhlbrunnen,
le Theresienbrunnen, le Kaiserbrunnen, tous riches en sul-
fate de soude (2,3 à 2,4 p. 4,000), Les eaux se prennent
à l'intérieur ainsi qu'en bains, bains de vapeur, douches,
bains de boue, etc. Elles sont utiles surtout dans les ma-
ladies des voies digestives et de leurs annexes, des voies
urinaires, des organes génitaux de la femme, des organes
de la respiration et de la circulation dans le rhumatisme,
la goutte, l'obésité, le diabète sucré, les fièvres intermit-
tentes, la maladie d'Addison, les névralgies, les empoi-
sonnements métalliques, etc. D^ L. Hn.
BiBL. : Alavacek, Kartsbad in geschichtlicher medi-
zinisctier und topographischer Beziehung. — Prœkl,
Gesch. der Stadt Kàrlsbad, 1883. — Javorski, Wirkun-
gen des Karlsbader Thermahvassers ; Leipzig, 1885. —
^GiDi, Ausdem Jahr 1819 ; 2° éd., Hambourg, 1861,
KARLSBURG (V. Karoly-Fejérvar) .
KARLSHAMN (V. Carlshamn).
KARLSKRONA (Suède) (V. Carlscrona).
KARLSRUHE. Capitale du grand-duché de Bade et du
cercle du même nom, à 8 kil. du Rhin, 418 m. d'alt, ;
73,684 hab. C'est la plus jeune ville d'Allemagne. Elle doit
son origine à un caprice du margrave Karl-Wilhelm ; mé-
content de sa" capitale Durlach et épris de solitude, il se
fit bâtir un pavillon de chasse dans le Hardtwald (4745) ;
sur un plan géométrique furent tracées trente-deux allées
rayonnant autour. Quatre ans après, on comptait 2,000 hab.
le long de ces avenues ; le margrave n'autorisait que des
maisons en bois. En 1751, son successeur, Karl-Friedrich,
bâtit le château actuel. La ville comptait 43,727 hab. en
4843. Elle eut l'initiative de l'insurrection de 4848 et de
la contre-révolution de 4849, — Karlsruhe a conservé l'as-
pect artificiel de son origine. La vieille ville forme un éven-
tail dont les rues, représentant les branches, convergent
vers la place du Château. Les chalets en bois à un étage
ont disparu pour la plupart. Dans la ville neuve, on a
renoncé à la disposition en éventail ; mais ce quartier aussi
est très régulier ; son élégance moderne est due à l'archi-
tecte Weinbrenner et à ses élèves. Le château, bâti de 4154
à 4756 en style français, est monumental ; on y remarque
le Bleiturm et la salle de Marbre. Derrière s'étend un beau
parc avec jets d'eau et statues. On peut encore citer dans
la ville le palais du margrave, œuvre de Weinbrenner, le
palais législatif, le théâtre et le musée bâtis par Hubsch,
l'hôtel de ville, le vaste palais des expositions, etc. —
Karlsruhe est le chef-lieu du XIV^ corps d'armée. Les ca-
tholiques forment les 2/5 de la population. L'industrie est
assez développée : bronze, argenterie, machines, cuirs et
meubles de luxe, tapis, parfumerie, cigares, etc.
KARLSTADT. Ville d'AUemaune, royaume de Bavière,
cercle de Franconie inférieure, à droite du Main ; 2,400 hab.
Eglise gothique.
KARLSTAD (Suède) (V. Carlstad).
KARLSTADT (en croate Karlovac, en magyare Kdro-
lyvdros). Ville de Croatie (comitat d'Agram) ; 6,000 hab.
Elle est située sur la Kulpa et le chemin de fer d'Agram à
Fiume, et est le siège d'un évêché orthodoxe. Ce fut jadis
le centre commercial de ces régions.
KARLSTADT (Andréas (V. Carlstâdt).
KARLSTADT (Johann) (V. Draconités).
KARLSTEIN. Château de Bohême, situé à quelques kilo-
mètres du S.-O. de Prague, près de Beroun,surlalignede
Prague à Furth. Il a été fondé par Charles IV en 4348 et
construit par Mathias d'Arras. Il devait servir à garder
les joyaux de la couronne, les archives les plus précieuses
— -431 ~ KARLSBAD — KARNAK
et des reliques. Il renfermait deux églises et deux chapelles.
La garde en était confiée à un burgrave spécial. Par respect
pour les reliques l'empereur avait défendu qu'aucune femme
passât la nuit dans le château, et construisit aux environs
pour l'impératrice un château moins important appelé Kar-
îik. Pendant les guerres des hussites, les Pragois assié-
gèrent vainement Karlstein en 4422. En 4541, après l'in-
cendie qui détruisit les tabulée regni^ le château reçut un
exemplaire des tabules nouvelles ; l'autre exemplaire était
déposé à Prague. Rodolphe II fit restaurer Karlstein avec
magnificence. Son importance déclina à partir du règne de
Ferdinand II qui fit transporter à Prague les insignes et
les documents dont le château était dépositaire. Il souf-
frit beaucoup pendant la guerre de Trente ans ; les églises
furent dépouillées de leurs ornements. Charles IV avait
étabh auprès du château un chapitre qui fut dissous. Il y
a cependant encore aujourd'hui un doyen de Karlstein.
Malgré Fabandon où il est resté depuis deux siècles, le châ-
teau est encore un des monuments les plus remarquables
de la Bohême. L. L.
BiBL. : MiKOVEC, Die hœnigllche Burg Karlstein; Ve-
nise, 1858.
KARLSTEN (Arvid), graveur en médailles, né dans le
Vermland en 4647, mort à Stockholm en 4718. Il mon-
tra dès son enfance un goût très vif pour les arts plas-
tiques. Grâce à des amis influents, il vint bientôt à Stoc-
kholm où il entra à la Monnaie comme graveur. En 4868,
ses protecteurs l'envoyèrent à l'étranger. Il séjourna long-
temps en France, puis passa en Angleterre, où il fut l'élève
du Français Rœthier. Rappelé en Suède lors du couronne-
ment* de Charles XI, en 4672, il attira rapidement Fatten-
tion sur lui par la beauté de ses médailles et, bientôt, grâce
à son talent, mais aussi, semble-t-il, grâce aux intrigues
de quelques amis tels que l'assesseur Cronstrôm et autres,
il remplaça comme graveur du roi l'Allemand Meybush, qui
dut quitter le pays. En 4692, il fut anobh, mais ne modifia
pas son nom. — On loue chez lui la douceur du trait qui
ne va pas sans une certaine mollesse et la ressemblance des
figures. Après sa mort, sa riche collection de médailles fut
mise en loterie, en mai 4749. Th. C.
BiBL. : Gahms Samlingar, Om Konstnarei\ vol. I.
KARIVIAKOULI. Village samoyède delà Nouvelle-Zemble,
sur la baie Moller (à l'O. de Fîle du Sud), à l'embouchure
de la Karmakoulka ; bon port.
KÂRMARSCH (Karl), savant allemand, né à Vienne le
47 oct. 4803, mort à Hanovre le 24 mars 4879. Directeur
de l'Ecole polytechnique de Hanovre (4830-75), il a publié
un célèbre manuel de technologie : Haridbuch der mecha-
nischen Technologie (Hanovre, 4837-44, 2 vol. ; 5^ éd. par
Hartig, 4875-76) ; parmi ses autres ouvrages, on peut
citer : Technisches Wœrterbuch (avec Heeren, Prague,
4843-44, 3 vol. ; 3^ éd. par Kick et Gintl, 4875 etsuiv.);
Gewerbliches Fragenbuch (Stuttgart, 4867-72, 5 fasc);
Gesch. de?' Technologie (Munich, 4872), 5 vol. de sup-
plément à rencyclopéctie technologique de Prechtl, etc.
BiBL. : K. Karmarsch, ein Lebensbild ; Hanovre, 1880.
KARMATES (V. Carmath).
KARNABÂD ou KARIN-Abad. Ville de Bulgarie (district
de Roustchouk), à 45 kil. O.-N.-O.de Bourgas, à 220 m.
d'alt., sur un plateau qui s'appuie aux contreforts des Bal-
kans ; 5,000 hab. Fabriques de drap brun et de mou-
choirs à fleurs bigarrées. Capitale d'une principauté bul-
gare au xiii® siècle.
KARNâC (Morbihan) (V. Carnac).
KARNAK. Les noms arabes Karnak et Louqsor dési-
gnent l'ensemble des ruines de Thèbes, disséminées sur la
rive droite du iNil. Karnak embrasse dans ses quatre en-
ceintes de briques jusqu'à onze temples de différentes
grandeurs consacrés pour la plupart à la triade thébaine,
c.-k-d.à Ammon, Maut et Khons ; c'est une immense réu-
nion de constructions auxquelles à peu près tous les pha-
raons, depuis la XIÏ® dynastie jusqu'aux Ptolémées, soit
pendant une période de près de trois mille ans, ont apporté
chacun, je ne dirai pas sa pierre, mais son monument.
KARNAK — KAROUiN
Aussi est-ce un étonnant ensemble d'édifices qui rayonnent
de tous les côtés, entassement inouï de constructions, énor-
mités architecturales sans analogues au monde et qui deman-
dent une demi-journée pour être parcourues à cheval. Un
temple se compose d'ordinaire d'un sanctuaire précédé d'une
salle à colonnes, devant laquelle s'ouvre une cour à laquelle
on accède par le pylône d'entrée. A ce noyau primitif et
482 -.
normal les rois de la XVIIl^ dynastie ajoutèrent deux py-
lônes, puis ceux de la XIX« un pylône plus imposant encore
et cette prodigieuse salle hypostyle aux 134 colonnes,
grosses chacune comme la colonne Vendôme. Au pylône
qui donnait accès dans cette salle, les rois de la XXIP dy-
nastie annexèrent une grande cour englobant un temple
complet précédemment édifié par Ramsès IH et un autre
Ruines de Karnak.
plus petit de Séti IL Enfin cette grande cour, œuvre de la
XXÏI« dynastie, fut fermée par un pylône dû aux Ptolé-
mées. Tous ces édifices se développaient dans l'axe du
sanctuaire primitif, c.-à-d. de l'E. vers rO.,mais à l'époque
de la XVÏII*^ dynastie on eut l'idée de relier Karnak à
Louqsor au moyen d'une succession de cours et de pylônes
se dirigeant vers le S., soit perpendiculairement à^ l'axe
du plan primitif, et partant à peu près entre le pylône de
Thoutmès I^** et celui d'Aménophis III. Le dernier des py-
lônes versle S. était précédé d'une allée d'un millier de sphinx
à tête de bélier sur un espace d'une demi-lieue, allée qui
conduisait à l'entrée du temple de Louqsor. Parallèlement
au dernier des pylônes que je viens de mentionner, mais
plus loin dans la direction de TO., s'élevait un autre py-
lône donnant accès au temple de Khons. Paul Pierret.
BiBL. ; V. Egypte. — Mariette, Karnak; Paris^ 1875,
avec 56 pi.
KARNAOULou KARNAL. Ville de l'Inde anglaise, prov.
de Delhi, rive droite de la Djemna ; 30,000 hab. Belle
mosquée. C'est une des plus vieilles cités de l'Inde arienne.
Chef-lieu d'un district de 6,091 kil. q.
KARNATIK. Ancien pays de l'Inde (V. Carnatic).
KARNOUL ou KURNOUL. Ville de l'Inde anglaise, ré-
sidence de Madras, rive droite du Toungabhadi-a, affluent
droit du Krichna; 26,000 hab. Beaux mausolées musul-
mans. Chef-lieu d'un district de 18,000 kil. q.
KARNOVITCH (Eugène-Petrovitch), écrivain russe, né
en 1822. Apres avoir servi dans l'enseignement et l'admi-
nistration, il s'établit à Pétersbourg en 1859 et se consa-
cra entièrement à la littérature. Il a collaboré à un grand
nombre de journaux et de revues et publié notamment la
Question juive en Russie (Saint-Pétersbourg, 1864);
Personnages remarquables ou énigmatiques du xviii®
et du xix^ siècle (id., 1864); les Grandes Fortimesen
Russie [id, , 1 b85) ; /<? Tsarévitch Constantin Pavlov itch.
Récits historiques (zc^.,1884); les Noms de famille en
Russie {id,,ii%^)', Nouvelles historiques (id,, 1887);
la Dentelle de la cour (id., 1887).
KARNS-Cny. Bourg des Etats-Unis, Pennsylvanie, aux
sources de l'Alleghanny , dans le centre des mines de pétrole.
KARO. Ile de Grèce, l'une des Cyclades, entre Naxos et
Amorgos; 16 kil. q.; à 3 kil. au S. est Anlikaro.
KAROK. Tribu indienne de la Californie, aux limites de
rOregon, dans la vallée du Klamath.
BiBL.: Po\\ERS, TribesofCalifornia; Washington, 1877
KAROLATH-Beuthen (V. Carolath).
KÂROLY (Nagy). Bourg de Hongrie, ch.-l. du comitat
de Szathmâr ; 12,500 hab. partagés entre les nationalités
magyare, allemande, roumaine, ruthène, entre les églises
catholique, grecque, luthérienne, réformée. Il y a aussi
beaucoup de juifs. Le commerce du blé et du bétail y
donne lieu à des foires renommées. La grandefamille des
Kârolyi a son château patrimonial dans le voisinage.
KAROLY-'Fejérvâr (en allemand Karlsburg,\n latin
Alba Julia, nom d'où proviennent et l'autre désignation
magyare de Gyula-Fejérvdr, et l'autre traduction allemande
de Weisse7ikirg).Yi[[e6e Transylvanie, sur la rive droite
du Maros. On distingue la ville même et la forteresse qui
la domine. La ville a 7,500 hab.. Roumains, Magyars ou
Allemands, occupés surtout à l'élève du bétail ou à la cul-
ture du blé et de la vigne. Elle est la résidence del'évêque
catholique-romain de Transylvanie. La cathédrale renferme
des tombeaux de la famille des Hunyade et de princes du
pays. La forteresse doit son nom à l'empereur Charles VI,
qui la fit construire en 1715, sur les plans du prince Eu-
gène de Savoie. E. S.
KÂROLYI (Aloys, comte), diplomate austro-hongrois, né
à Vienne le 8 ooût 1825. Issu d'une noble famille magyare
élevée en 1712 à la dignité comtale, descendant de deux feld-
maréchaux qui avaient combattu, l'un, le comte Alexandre,
dans la guerre de la succession d'Espagne , l'autre, le
comte Antoine, dans la guerre de Sept ans, le jeune Aloys
Karolyi débuta comme attaché d'ambassade à Berlin dès
1845. Chargé d'affaires à Athènes en 1851, puis secrétaire
d'ambassade à Londres, il reçut, vers la fin de l'année
1858, une mission auprès du tsar pour lui demander son
appui contre Napoléon III et Victor-Emmanuel. Ambassa-
deur à Berlin, il eut à discuter avec la Prusse victorieuse
les préliminaires de la paix de Prague (1866). Pendant sa
seconde ambassade en Prusse (1871-78), il figura au con-
grès de Berlin. Sa carrière active se termina par une longue
ambassade à Londres (1878-88). L. L.
KARON. Tribu du N.-O. de la Nouvelle-Guinée (V. ce
mot), que Raffray rattache aux Négritos.
BioL. : Raffray, Voy. en Nouvelle -Guinée, dans le Tour
dwMoncfe, XXXVII, 1879.
KAROND ou KALÂHANDI. Principauté de l'Inde cen-
trale ; 9,700 kil. q.; 150,000 hab. Au S.-E. du plat, de
Tchattigarch, à l'O. des Ghates orientales, aux sources de
rindravati. La capitale est Djounagada où réside le radjah,
Radjpout tributaire de l'Angleterre ; près de la moitié des
habitants sont des Khonds.
KAROO ou KARROU (V. Cap).
KAROUN. Fleuve de la Perse qui prend sa source dans
les monts Zarda (Zarda Kouh), chez les Laris et les Bakh-
tiaris, traverse toute la Susiane ou Khouzistan, d'abord
de TE. à TO. sur un parcours de près de 200 kil.,
puis du N. au S., et se déverse sur la rive gauche du
Chatt-el-Arab, en aval de Bassora, près de la ville de Mo-
hammeta, après un nouveau parcours d'environ 250 kil.
— D'après les traditions et aussi d'après l'état géolo-
gique des bouches du Chatt-el-Arab, il est probable que
le Karoun, comme le Tigre etl'Euphrate et peut-être aussi
comme la Kerkha, se jetait autrefois séparément dans le
golfe Persique. Son ancien lit s'est encore conservé sous le
nom de Bahm-é-chir. Le Bahm-é-chir se subdivisait lui-
même en deux branches qui subsistaient encore au siècle
dernier; l'une d'elles s'appelait Kobban et était à 25 kil.
de la première. Depuis environ une cinquantaine d'années,
il n'y a plus que le Bahm-é-chir proprement dit. Actuelle-
ment le Karoun est rattaché au Chatt-el-Arab par un canal
artificiel, le Haffar, de 5 kil., conduisant à Mohammera.
— Karoun est une appellation moderne ; les Bakhtiaris
l'appellent Kouran. Il correspond à VEulaeus des Grecs
et des Romains, au Nahar Û-laï des tables d'Assourba-
nipal, au Ubel ulaï de Daniel, qui plaçait à tort la ville
de Suse sur le Karoun, tandis que cette ville est en réalité
sur le Chaour (V. Suse). Les deux principaux affluents du
Karoun sont la rivière de Dizfoul et le Chaour. Ce dernier
a été confondu par les géographes grecs avec l'Euteus.
Pline mentionne plusieurs cours d'eau comme le Brixias,
PAsylus, TAdunas, qui auraient été des affluents de FEu-
laeus, mais ces rivières ont sans doute disparu dans les
sables ou changé de cours, et leurs noms •modernes sont
inconnus.
Un autre fleuve que Ton a confondu aussi quelquefois
avec l'Eulseus est l'Hadypnus (de Pline), dont ie nom mo-
derne est Djerrahi, qui prend sa source aussi en Elymée,
mais qui se jette directement dans le golfe Persique à l'E.
du Bham-é-chir et à FO. du Zohreh (ancien Oroatis)
qui forme aujourd'hui, comme au temps de Pline, la sépa-
ration entre le Fars et le Khouzistan. — Au dire de Strabon
l'eau de FEulaeus passait pour plus légère que l'eau des
autres fleuves, et les rois de Perse n'en buvaient pas d'autre ;
elle est en tout cas beaucoup plus froide que celle du Tigre
et de l'Euphrate ; les voyageurs modernes ont constaté
qu'il y avait une différence de près de 10°, — Dans ces
dernières années le fleuve a été ouvert à la navigation et
au commerce britannique, grâce à la diplomatie persévé-
rante de l'Angleterre. E. Diiouin.
BiB).. : C.-A. DK BoDE, Traaels in Lurlstan and Arabis-
tan; Londres, 1845, 2 vol. in-8. — La yard, Description of
Khuzistan^ 1846. — K. Loftus, Travels and researches in
Ctialdaea and Susia?ia, 1857. — Houtum Sgiilinder, A
Journey in South-Western Persia, 1877-78. — W.-F. Ains-
woRTH, The River Karun, 1889, in-8.
KARPATES. Grand massif montagneux de l'Europe cen-
trale, qui se développe en arc de cercle entre le bassin
moyen du Danube et la plaine de l'Europe orientale (bas-
sins de FOder, de la Vistule, du Dniestr et du Bas-Da-
nube). Cet arc de cercle de 1,200 kil. enveloppe la plaine
de Hongrie et le plateau de Transylvanie, les séparant de
l'Autriche propre, de la Moravie, de la Galicie, de la Rou-
manie. Il s'étend depuis la région de Presbourg sur le Da-
nube, jusqu'à celle d'Orsova sur le même fleuve.
Les Karpates sont le plus important système montagneux
de l'Europe centrale après celui des Alpes. Ils égalent
presque Fétendue de ce dernier. Selon qu'on y comprend
seulement la haute montagne proprement dite, ou qu'on
tient compte des dépendances (plateau transylvain, p. ex.),
on évalue leur superficie de 93,000 à 245,000 kil. q. La
largeur du massif varie de 70 à 370 kil., mais se réduit à
une douzaine aux premiers contreforts voisins de Presbourg.
Les plus grandes largeurs et les plus grandes altitudes se
trouvent dans les parties occidentale (massif du Tatra) et
orientale (hautes terres de Transylvanie). Les Karpates
sont très isolés, plongeant à peu près partout sur des
plaines. Vers Presbourg et vers Gran, ils font vis-à-vis aux
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
— 433 — KAROUN — KARPATES
dernières ramifications des Alpes (monts de la Leitha et
Bakonywald). Au S., ils rejoignent celles des Balkans;
en chacun de ces points, le Danube s'est creusé un défilé.
Enfin, au N.-O., ils confinent aux monts Sudètes, dont les
sépare seulement la dépression où naît FOder. Ils forment
entre les bassins du Danube au S., de FOder et de la Vis-
tule au N., une partie de la grande ligne de partage des
eaux de l'Europe entre la Méditerranée et la mer Noire
d'une part, la mer Baltique et l'Atlantique de l'autre. Ce-
pendant la plus grande partie du massif appartient au pre-
mier de ces bassins.
L'unité des Karpates n'existe qu'au point de vue de la
géographie ; elle est un peu factice, car en réalité on
groupe sous ce nom des régions géologiques et orogra-
phiques fort distinctes et qui ont bien des points communs
avec celles des Alpes (V. Autriche, § Géologie). On peut
diviser les Karpates en trois parties; deux puissants mas-
sifsauN.-O. et au S.-E., reliés par une chaîne intermé-
diaire : d** le Karpate occidental; 2° le Karpate oriental ou
Karpate boisé ( Waldgebirge) ; 3° le massif de Transylvanie.
Le Karpate occidental s'étend depuis le Danube jus-
qu'aux vallées de la Poprad et de la Tofda ; le Karpate
boisé ou oriental de cette dépression aux vallées de la
Bystrica (Bistritz) et du Visso (affluent de la Tisza supé-
rieure) ; le massif de la Transylvanie, de cette double
vallée jusqu'au Danube.
Le Karpate occidental forme un vaste massif essentiel-
lement formé par le massif du Tatra ou Karpate central,
duquel beaucoup de géographes distinguent le Karpate oc-
cidental proprement dit, alignement extérieur qui entoure
l'autre. Leur constitution géologique diffère. Le plus simple
est d'indiquer les différentes chaînes qu'on groupe sous cette
appellation de massif occidental. — En premier lieu le Pe-
tit Karpate, dominant le défilé du Danube qu'on appelle
Porte de Hongrie, entre Hainburg, Theben et Presbourg ;
ses plus hauts sommets sont le Rachsturm (740 m.) et le
Bradlo (815 m.). — II se continue au N. de laMiava entre
le Vag (Waag) qui les sépare du Karpate central et la
March (Morava) par le Belagora ou montagne Blanche,
qui doit ce nom à la blancheur de ses rocs dolomitiques ;
là sont la Javorina (967 m.), le col de Lisza (ch. de fer),
la Wysoka (1,020 m.), le Javornik (857 m.).AuN.-0. de
cette chaîne, au N. du Waag, est celle des Bieskides ou
Beskides, que le col de Jablunka (601 m.) divise en Bies-
kides occidentales et orientales. Les premières renferment
le Bieskid (947 m.), le Magurka (1,153 m.), le Smerk
(1,339 m.), leKnicin (1,253m.), le Radhost(l,135 m.),
la Lissa Gora (1,320 m.) et la Barania. A l'E. du col de
Jablunka, par où passe le chemin de fer d'Oderbergà Kos-
chau, qui relie la Silésie et la Hongrie, les Bieskides orien-
tales forment le rebord extérieur enveloppant le grand
massif du Tatra dont les séparent les vallées de FArva et
du Dunajec ; elles s'étendent du col de Jablunka à la vallée
de la Poprad (affluent du Dunajec) ; on y remarque le Pilsko
(1,557 m.), le Babia Gora (1,725 m.), le Lubjenberg
(1,264 m.). On peut regarder comme leur limite le dé-
filé de Leluchov par lequel passe de Tarnov à Eperies le
chemin de fer qui joint les vallées de la Poprad et du Her-
nad ; on y comprend la montagne située à l'E. du Hernad
entre cette rivière et la Topla (Tapola) au-dessus de Bart-
feld. — A l'intérieur du demi-cercle décrit par la rangée
extérieure du Karpate occidental est le puissant massif
du Karpate central qui couvre le N,-0. de la Hongrie de-
puis le Vag (Waag) jusqu'à la Topla, du Danube jusqu'au
Dunajec, sur une longueur de 250 kil. et une largeur de
190 kil. (non compris la chaîne que nous venons de dé-
crire) .
La masse principale est au N., dominant la vallée du
Vag supérieur de ses chaînons parallèles ou rayonnant en
éventail. On y distingue, au centre de chaînons secondaires,
le Haut-Tatra, qui dresse ses murailles de gneiss et de
granit à 1,900 m. au-dessus des vallées environnantes;
long de 60 kil., large de 15 à 25 kil., à peine entaillé par
28
KARPATES
»- 434 —
de profondes gorges, il a un aspect imposant, bien que
ses dômes ou ses arêtes ne soient revêtues d'aucun glacier.
Leur beauté sauvage est due en partie à cinquante-huit
petits lacs, qu'on appelle les « yeux de la mer » (Morske
Oka); leurs eaux, bleu foncé ou vertes, sont souvent ge-
lées jusqu'en juillet, car ils sont à des ait. de 4,400 à
2,025 m. Ces lacs offrent un aspect romantique, dormant
au milieu de chaos pierreux, sans arbres ni végétation, au
pied de falaises rocheuses ou au fond d'entonnoirs. Les
sources sont rares. Les principaux sommets du Tatra sont :
le Rohacz (2,225 m.), dolomitique à l'O. ; au centre, le
Grand-Krivan (2,500 m.), granitique comme le Gerlach-
falva ou Gerlsdorf (2,659 m.), à l'E., le point culminant
du massif et de tous les Karpates ; au N.-E. de celui-ci
est le Lomnicz (2,639 m.), qui l'égale presque; on peut
encore citer la Tour de l'Eisthal (2,628 m.), le Visoka
(2,535 m.) ou Tatra proprement dit, les pics de Schla-
gendorf (2,478 m.) et Ksesmark (2,534 m.), etc. Parmi
les lacs les plus célèbres sont : les cinq lacs au pied de
l'Eisthal, le lac Vert, à 1,558 m., ou pied du mont Lom-
nicz et le lac des Poissons, le plus grand (35 hect., 60 m.
de profondeur), d'où sort la Bialka (affluent du Dunajec).
Le Tatra qui est le plus central des grands massifs monta-
gneux de l'Europe, joue un assez grand rôle dans son cli-
mat et son hydrographie ; au N., il arrête les vents glacés
de la plaine et de l'Océan polaire ; au S., les vents tempérés
du midi. Le contraste est saisissant entre ses deux versants.
A rO. du Haut-Tatra sont les monts calcaires de la
Magura de l'Arva ; à l'E. la Magura de Szepes, granitique
et calcaire, formant une « Suisse hongroise ».
Dans les premiers on remarque les dômes boisés du Pe-
tit-Fatra, où culmine le Petit Krivan (4,667 m.). — Au
S. du Haut-Tatra s'étend un alignement parallèle, celui
du Tatra inférieur ou Petit-Tatra (Nizna Tatra), séparé du
premier par la vallée du Vag et borné au S. par celle du
Gran. Le calcaire y recouvre un noyau cristallin; les
principaux sommets sont le Djumbirou Gyomber (2,043 m.)
et le Kralova hola ou Kœnigsalm (4,940 m.), revêtu de
forêts et de belles prairies. A l'O., il est séparé par le col
de Sturec (ch. de fer) du Grand-Fatra (4,776 m.) et du
Krizna (4,572 m.). Ceux-ci se rattachent par delà la val-
lée du Turocz aux montagnes comprises entre le cours
inférieur du Gran et du Vag, des deux côtés du val de la
Nyitra : au N. de celle-ci sont le Velkaluka, le Klak ou
Nahenstein (4,333 m.), entre le Gran et le Nyitra les monts
de Nyitra avec le Ptacnik (4,343 m.), le Zabor (4,344 m.) ;
entre la Nyitra et le Vag, les monts d'inovce ou Innovecz
et de Freistadl: avec le Vapec, l'inovce (4,054 m.), le Ja-
vorina, le Rokos, etc. Au S. du Petit-Tatra, entre le Gran
et ripoly, s'élèvent les monts de Zolajom ou Sohl avec la
Polana (4,445 m.), puis une vaste région volcanique ;
parmi ces monts formés surtout de trachyte et de tuf tra~
chytique, on remarque le mont Osztroski ou Ostrovsky
(4,445 m.) et le Sitno (4,030 m,). Cette région est très
riche en gisements métalliques, particulièrement autour de
Selmecz (Schemnitz), et les Allemands lui ont donné le
nom d'Erzgebirge (Monts Métalliques) de Hongrie, que
l'on étend quelquefois, à tort, à tout l'ensemble du massif
du Karpate occidental. — Au S.-E. et à l'E. des Tatra
sont les hauteurs de Gœmœr et de Szepes, principalement
calcaires, remarquables par leurs richesses métalliques et
leurs grottes glaciaires ou à stalactites de Szadelœ, Szilicze,
Aggtelek, etc.). Leurs monts principaux sont le Fabova
hola (4,444 m.) et le Revacka hola (4,394 m.), le Volo-
vec, le Bicres, et au N.-O. d'Eperies le Visoka hola; le
plus septentrional est le Repizko (4,250 m.). Ils se pro-
longent vers l'E., par les monts de Torna (Tegarn, I{ac-
sik, etc.). Le Karpate occidental dépasse la vallée du
Hernad, car au delà de celle-ci la région jusqu'au Tapoly
et à la Tisza est encore très accidentée par les soulève-
ments trachytiques de l'Regyalja ; au N. de ceux-ci, vers
Eperies, sont les monts Sovar (1,083 m.); au S. l'He-
gyalja proprement dit (508 m.) porte les fameux vignobles
de Tokai. — La partie méridionale du massif du Karpate
occidental forme entre l'Ipoly et la Zagyva les monts de
Nograd ou Neograd, en majeure partie"^ trachytiques ; le
principal sommet est le Hideg-Hegy, mais il faut citer aussi
ceux qui dominent le défilé du Danube autour de Visegrad.
A l'E. de la Zagyva, à l'O. d'Eger (Erlau) s'élèvent les pit-
toresques monts Matra (4,009 m.) dont les cônes trachy-
tiques dominent la plaine hongroise ; on y remarque le
montDasko. Au N.-E. d'Eger, entre cette ville elle Sajo,
se trouvent les monts Bikk, formés de grauwacke et re-
vêtus d'épaisses forêts.
Le Karpate boisé ou oriental est un prolongement
sud-oriental des Bieskides, adossé aux hautes terres de la
Galicie et de la Bukovine, qui relie le massif du Karpate
occidental à celui du Karpate méridional ou quadrilatère
de Transylvanie. On désigne parfois cette chaîne sous le
nom de Matra. Elle est relativement basse, ayant à peine
le caractère montagneux ; elle est constituée par une série
de courts chaînons parallèles formés de flysch et de ter-
rains crétacés. On y remarque le Strib (4,044 m.), le
Rawka (1,303 m.),' le Halicz (4,335 m.) ; en avant, se
trouve, au-dessus d'Ungvar, le Dyil (4,074 m.) ; du côté
de la Galicie est le mont Szymaniec (4,432 m.); à l'O.
de ces sommets la vallée de la Leborcza ouvre un premier
passage (ch. de fer) donnant accès par le col de Duklava
dans la vallée du San (au N.). Mais le principal passage
s'ouvre par le col de Vereczke, vers les sources de la
Stryi, entre sa vallée et celle de la Latorcza au S. En ce
point, la route de Stryi (Galicie, 565 m. d'alt.) à Munkacs
(Hongrie, 452 m.) franchit le faîte à l'ait, de 670 m.
Cette dépression a été la grande route d'invasion par la-
quelle ont pénétré dans la plaine danubienne les conqué-
rants de la plaine septentrionale et orientale. Elle a privé
les occupants successifs des fertiles districts de la Tisza et
du Danube de la sécurité que semblait leur assurer le rem-
part des Karpates. Au S.-E. des sources de la Stryi, les
hauteurs se relèvent rapidement et reprennent le caractère
montagneux ; aux chaînons crétacés se mêlent quelques
monts volcaniques. Les sommets majeurs sont le Popa-
dia (1,742 m.), le Sewola (4,848 m.), le Duboczanka
(4,757 m.). Aux sources de la Tisza noire, le col de
Kœrœsmezœ ne s'abaisse qu'à 4,037 m. Il est dominé par
le Czernahora (2,042 m. et 2,058 m. du mont Howerla);
citons encore le Rusky, la Bistra (4,814 m.), le Pop Ivan
(4 ,925 m.),le Dzumalau (4 ,853 m.), le Farcheu (4 ,964 m.).
Au S. de la chaîne principale s'élèvent, au-dessus de la
vallée de la Tisza, des avant-monts trachytiques qui attei-
gnent 4,058 m. au mont Varlo.
Le massif de Transylvanie forme un quadrilatère
assez régulier enveloppant une haute plaine ou plateau
tertiaire de ses roches cristallines, paîéozoïques, volca-
niques, jurassiques et crétacées. A FE. s'étend la plaine
alluviale de la Moldavie; au S., la plaine alluviale de
laValachie; à FO., la plaine alluviale de la Hongrie;
à l'angle septentrional, les terrains crétacés et volca-
niques des Karpates ; à l'angle S.-O., les contreforts des
massifs balkaniques. En somme, la Transylvanie se pré-
sente comme une sorte de citadelle qui, sur les neuf
dixièmes de son pourtour, domine de vastes plaines.
—■ La chaîne septentrionale, entre les vallées du Szamos
et de la Tisza, comprend les monts Rodna à partir du
col de Borgo-Prund (4,496 m.); leurs pics majeurs
sont le Pietrosu (2,305 m.) et l'Ineu ou Kuhhorn
(2,284 m.), formé de micaschistes. A l'O., ils se conti-
nuent par les monts Lapos avec le Cziblesiu (4,842 m.) et
le Gutin (4,434 m.). — Le rempart occidental est médio-
crement élevé et rompu en plusieurs endroits par les ri-
vières qui emportent les eaux de la haute plaine transyl-
vaine : le Szamos, les trois Kœrœs, le Maros. Nous trouvons
donc là une série de petits massifs ou de chaînons distincts :
monts de Bukk ou Kraszna (794 m. au Varatyek) ; monts
de Rez au N. du Kœrœs rapide avec le Desunoiului
(986 m.) ; entre le Kœrœs rapide et le Kœrœs noir sont
le Vlegyasza (1,847 m.), les monts Bihar, dont les cal-
caires, creusés de grottes nombreuses, sont dominés par
le granitique Kukurbeta (1,850 m.) ; à l'O. de ceux-ci,
entre le Kœrœs noir et blanc, sont les monts calcaires de
Kodru (1,120 m. au mont Piesu) ; à FE., le Balamireasa
mesure 1,630 m. ; dans les monts Aramyos, le Muntzele
Mare a 1,838 m. ; les monts Métallifères doivent leur
célébrité à leurs filons aurifères ; on y remarque le Vulkan
(934 m.), le Dimboj (1,368 m.); près de Zalatbna, les
merveilleuses colonnades basaltiques à 4, 6 ou 8 pans
du mont Detunata (1,186 m.); le long de la Maros, le
Harto atteint 1,046 m., et plus à FO., î'Hegyes (806 m.)
domine la plaine historique de Vilagos. Au S. de la Maros,
nous trouvons les monts Ruschi ou Ruszka (1 ,360 m.) qui
se rattachent à la chaîne méridionale par le Burda Piatra,
près de la Porte de Fer ; à FO. sont les hauteurs du Banat.
Les principales routes, desservies aujourd'hui par des voies
ferrées, entre la Hongrie et la Transylvanie, remontent
les vallées du Kœrœs rapide (de Nagyvarad ou Groswar-
dein à Koloszvar ou Klausenburg) et de la Maros (d'Arad
à De va et Gyula Fehervar ou Karlsburg) ; une autre re-
monte la vallée de la Ternes par Lugos et gagne la Porte
de Fer ; à FO. de celle-ci sont les monts Stretinye
(1,226 m.) qui complètent la rangée occidentale des monts
de Transylvanie et dominent le coude méridional du Da-
nube (gorges de Kazan), près de Milanovac. — Les deux
chaînes que nous venons de décrire isolent de la Hongrie
le plateau de Transylvanie dont l'altitude varie de 300 à
500 m. ; elles n'appartiennent pas à la ligne de faîte à
laquelle les géographes réservent le nom de Karpates.
Celle-ci comprend les côtés oriental et méridional du qua-
drilatère. Au S. du val de la Bystrica (Bistritz), nous ren-
controns les monts Gyœrgyœ avec lePietrosul(2,407 m.),
les monts Csik avec le volcan de Budœs ; les monts
Bereczek avec le Lakocz (1,764 m.). Les principaux cols
sont ceux de Tœlgyes, Gyimes, Uz et Oitoz. A FO. de ce
rempart oriental courent parallèlement les chaînons des
monts Gœrgeny (avec le Mezœhavas, 1,777 m.), Hargita
('1,796 m.) et Barot (avec le Kukukhegy (540 m.). C'est
la continuation de ces avant-monts volcaniques que nous
avons signalés depuis la vallée du Hernad.
Le côté méridional du quadrilatère transylvain est formé
par les Alpes de Transylvanie, la partie la plus sauvage et
la plus escarpée, mais aussi la plus étroite de ces mon-
tagnes. Elles égalent à peu près l'altitude du Tatra et
comme lui sont formées de schistes cristallins parfois sur-
montés de granité. Les monts Burza atteignent 1,985 m.
au Czukas; à l'O. du défilé (ch. de fer) qui relie Brasso
(Kronstadt) à Ploiesti par la vallée de la Jalomitsa, com-
mence le socle des roches cristallines dont Fait, dépasse
i ,500 m. et que les pics domin ;nt de 600 à 900 m. ; les
Allemands l'appellent Burzenland; les principaux som-
mets sont Fàpre Kœnigstein (2,243 m.), le Bucsecs
(2,519 m.) ; puis viennent les monts de Fogaras avec le
Verfu-Urli (2,471 m.), le Vune.ara (2,515 m.) etleNegvi
(2,530 m.), point culminant lu massif de Transylvanie.
A FO., FOltu ou Aluta a creasé le profond défilé de la
Tour Rouge (352 m.) qui aboutit à Nagy Szeben (Her-
mannstadt). Puis viennent le Cibin, le Mandra (2,520 m.),
leSklavoi,le col de Vulkan (944m),leReticzat(2,506m.),
le Gugu (2,294 m.), FIsvorut (1,994 m.), bastion sûd-
occidental de la Transylvanie ; des chaînons de gneiss, de
calcaires jurassiques et crétacés se prolongent vers le S.
jusqu'au Danube, qui s'est frayé une route au travers par
la Porte de Fer.
La géologie des Karpates indique clairement les carac-
tères essentiels de ce curieux système de montagnes. Les
deux grands massifs de FO. et du S.-E. sont formés de
noyaux cristallms constituant les plus hautes parties ; les
gneiss et schistes y sont associés au granité. Au-dessus se
sont déposés, dans le Karpate occidental, des sédiments
mésozoïques, à partir du verrucano, couche inférieure des
grès bigarrés, avec leurs conglomérats, leurs grès et
— 435 — KARPATES
schistes rosés, le muschelkalk et toutes les couches du
keuper alpin, jusqu'au lias. Au-dessus, une puissante assise
de jurassique supérieur, puis les terrains crétacés repré-
sentés soit parleurs couches inférieures (grèsnéocomiens,
calcaire, gault argileux et sableux), soit par leurs couches
supérieures (calcaires à hippurites et terrains de Gosau).
Au-dessus s'étendent les bancs nummulitiques, puis le
flysch représenté surtout par le grès des Karpates (V. Au-
triche, § Géologie^ etFLYSCH). — Dans le Karpate boisé,
nous ne trouvons plus de terrains cristallins ni de sédi-
ments anciens. La montagne est formée de sédiments cré-
tacés, grès et dépôts nummulitiques très uniformes, surtout
dans le rempart extérieur, mais surmonté parfois de ro-
chers corail iaires. Vers les sources de la Tisza et le Czer-
nahora reparaissent les schistes cristallins qu'on voit
jusqu'aux sources de FAluta ; ils constituent ensuite les
Alpes de Transylvanie à partir de Brasso (Kronstadt) et,
associés au granité et aux roches paléozoïques, méso-
zoïques, jurassiques et volcaniques, les chaînons occiden-
taux de la Transylvanie. Les terrains éruptifs ont un grand
développement dans toutes les régions des Karpates. Ils se
rencontrent à l'intérieur du cercle. Les formations les plus
étendues sont le granité associé aux schistes cristallins, le
gabbro et la serpentine associé aux terrains paléozoïques
ou de transition ; la mélaphyre, associée au verrucano, et
surtout les trachytes (andésite, quartz trachytique, obsi-
dienne, etc.), enfin les basaltes. Les sources minérales
ont déposé dans l'époque tertiaire de puissants lits de tuf
et de silex.
En résumé, la formation caractéristique des Karpates
est le fiysch ; la courbe si prononcée décrite parle système
depuis Presbourg jusqu'à la Porte de Fer est, dans toute
son étendue (sauf quelques kil. aux deux extrémités), dessi-
née par le flysch et par des sédiments crétacés; ce sont eux
qui font l'unité des Karpates. Ils enveloppent, à FO. et au
S.-E., deux puissants massifs où se rencontrent des roches
de tout âge. A l'intérieur de l'arc de cercle décrit par le
flysch, de vastes cantons sont recouverts de terrains érup-
tifs. Les deux grands massifs du Karpate occidental ou du
Tatra et du quadrilatère de Transylvanie sont indépendants
l'un de l'autre, malgré des analogies considérables ; mais
ils sont l'un et Fautre compris à l'intérieur d'une enceinte
constituée par les chaînes crétacées et le flysch. Ce ruban
dont la largeur varie de 130 kil. au N. du Tatra, à une
dizaine de kil. au S. du défilé de Vulkan, s'étend sur les
hautes terres de la Galicie, de la Bukovine, de la Rouma-
nie. C'est à lui que convient spécialement le nom de Kar-
pates étendu aux massifs de roches plus anciennes et aux
avant-monts volcaniques qu'il entoure et réunit en un vaste
système orographique. Il nous reste à compléter ce bref
exposé géologique par quelques indications sur les carac-
téristiques extérieures et les productions des diff'érents sols.
Les grès sont généralement boisés, les calcaires creusés de
belles cavernes glaciaires ou à stalactites dans les monts de
Gœmœr, de Bihar, de Szepes ; citons encore la grotte de
Veterani, dans le Banat, et la grotte sulfureuse du mont
Budœs. Les roches éruptives sont accompagnées de filons
métalliques qui sont une des richesses de la Hongrie, en
particulier dans le massif occidental et en Transylvanie ;
les Karpates sont le massif montagneux d'Europe qui recèle
le plus de richesses métalliques (V. Autriche et Hongrie).
Les filons de toute nature abondent dans les terrains cristal-
lins. L'or et l'argent se trouvent dans les trachytes verts ; le
pétrole dans les grès crétacés de Galicie et les sédiments ter-
tiaires néogènes de Transylvanie, riches aussi en sel gemme.
L'opale, Falun se trouvent au voisinage des tufs et silex
tertiaires, de même que de nombreuses sources minérales.
La disposition concentrique des chaînons des Karpates
ne laisse pas de place à de grandes vallées longitudinales
comme celles des Alpes. La plupart des vallées^sont donc
transversales. Sur le versant extérieur (septentrional et
oriental), elles sont courtes, débouchant vite dans la plaine;
sur le versant intérieur (Hongrie), elles s'élargissent entre
KARPATES ~ KARR
— 436 —
les chaînons intérieurs avant d'arriver à la vaste plaine
alluviale. La ligne de partage des eaux coïncide avec le
faîte des grès crétacés, sauf au Tatra, où le Dunajec et la
Poprad ont rompu cet alignement. Les eaux des Karpates
vont en majorité au Danube, qui recueille celles de tout le
versant intérieur et aussi celles du versant extérieur occi-
dental par la Morava et oriental par le Pruth, le Sereth et
les divers affluents de son bassin inférieur. Les eaux de la
zone centrale du versant extérieur vont un peu à l'Oder,
mais surtout à la Vistule et au Dniestr, les fleuves de la
Galicie. Nous avons cité les vallées de leurs principaux af~
fïuents : Dunajec, San, Stryi. Les Alpes de Transylvanie
ne forment pas une ligne de partage des eaux, et celles de
la cuvette transylvaine se partagent entre l'Aluta et le Si!
au S., la Maros, les Kœrœs, le Szanios auN. et à l'O. Le
massif occidental est découpé par six vallées importantes,
celles du Vag, de la Nyitra, du Gran, de Plpoly, du Sajo et
du Hernad ; au N. du massif transylvain est celle de la Tisza,
qui côtoie le pied oriental du Karpate boisé.— Les principaux
passages ont été signalés dans la description de la chaîne.
Même dans le Tatra et les Alpes de Transylvanie, les
Karpates n'ont pas la physionomie de grande montagne.
Nulle part les neiges ne persistent toute l'année et n'ont
créé de glaciers. La chute d'eau n'atteint au pied des plus
hautes chaînes que 850 à 900 millim. par an; au S.-O.,
elle est de 617 millim. La température moyenne est de
4-6** sur le versant septentrional, +9<*,6 dans les vallées
occidentales, +9<*et +10° en Transylvanie; ces chiffres
se rapportent à une ait. de 350 à 400 m.
La région des Karpates est essentiellement forestière,
mais on y trouve des flores très variées, depuis les coteaux
revêtus de vignes jusqu'aux cimes où croissent les plantes
alpestres, notamment l'edelweiss. L'arbre le plus répandu
est le hêtre qui s'élève à 900 m. sur le versant septentrio-
nal, à 1,400 m. au S.-E.; il y est associé à beaucoup de
représentants de la flore orientale. Au-dessus s'étendent les
forêts de sapins ; puis (entre 4 ,450 et i ,770 m. au N.) les
taillis de pins nains, de genévriers et d'aulnes ; le rhodo-
dendron manque. Les prés montent jusqu'à 2,085 m. sur
le Tatra; au delà, le rocher n'est plus revêtu que de
mousses, de lichens, auxquels se joignent la renoncule ar-
gentée et la Gentiana frigida. Les grandes forêts du Kar-
pate boisé et du Tatra abritent encore beaucoup d'ours, de
loups et de loups-cerviers. Le chamois est rare.
La population des Karpates appartient principalement
aux races slave et roumaine ; au second rang viennent les
Magyars, puis les Allemands. Les Roumains dominent dans
le massif transylvain où se sont intercalés, au S.-E., des
Szeklers et des Saxons. Le Karpate occidental est occupé
par les Slovaques, Hornyaks, Polaks, Gorales ; le Karpate
boisé par des Ruthènes. Les Magyars se sont établis au
bas des vallées intérieures. Les Allemands ont leurs co-
lonies surtout dans les districts miniers des comitats de
Hont, Szepes et de Transylvanie (V. Autriche et Hongrie).
— Pour la géographie économique, V. aussi les art. Au-
triche et Hongrie. A. -M. B.
BiBL. : Hekscii, Illustnerter Fûhrer diirch die Karpa-
then ; Vienne, 1881. — Scherner, Tatrafûhrer ; Breslau,
1875-76, 2 vol. ; éd. abrégée, 1881. — Kolbenheyer, Die
Hoiie Tatra ; Teschen, 1884, 6« éd. — Siegmeth, Kasohaii
und die ungarischen Ostkarpathen ; Kassa (Kaschau),
1886. — Wahlenberg, Flora Carpatfiica. — Les publica-
tions des sociétés des Karpates de Kassa et Nagy-Szeben
(Hermannstadt), di la Société galicienne du Tatrajj et la
Carte orohydrographique au 750,000* en six feuilles ;
Vienne, 1886. — V. aussi labibl. des art. Autriche, Hon-
grie, Roumanie, etc.
KARPATHO (Ile) (V. Carpathos).
KARPÉNISL Ville de Grèce, ch.-l. de l'éparchie d'Eu-
rytanie, nome d'Akarnanie-et-Etolie, à 64 kil. N.-N.-E. de
Missolonghi, au pied du Velouki (2,319 m.), sur une ri-
vière du même nom qui est tributaire de l'Aspropotamo ;
2,000 hab. C'est là que fut tué Marco Botzari (1823) en
enlevant, avec 350 Souliotes, un camp turc défendu par
4,500 hommes.
KARPINSKI (François), poète polonais, né àHoloskow,
près de Stanislawow (Galicie actuelle), le 4 oct. 1741, mort à
Chorowszczyzna (Lithuanie) le 4 sept. 1825. Il fit ses études
à Stanislawow et à Lwow, commença la théologie, mais n'eut
pas le courage de l'achever. Il essaya ensuite la carrière
d'avocat et l'abandonna pour aller étudier les sciences na-
turelles à Vienne. Il servit comme secrétaire ou gouverneur
dans les familles Czartoryski, Sanguszko et Radziwill.
Après avoir vécu quelque temps à Varsovie, il finit par
s'établir en Lithuanie où il mena la vie d'un gentilhomme
forestier. Il avait débuté dans la littérature en 1781 par
un volume de Divertissements en vers et en prose. La
première édition complète de ses œuvres parut en 1866 à
Varsovie, la dernière à Cracovie en 1882. Elles sont remar-
quables par la simplicité et le sentiment religieux ; quelques-
unes sont devenues populaires. On estime surtout ses idylles,
les chants religieux, les poésies politiques, notamment les
Plaintes du Sarmate où l'auteur déplore la triste desti-
née de son pays. «Karpinski, a ditMickiewicz, estle dernier
poète de la vieille Pologne, » Outre ses œuvres poétiques,
Karpinski a écrit quelques essais en prose, notamment des
Souvenirs (publiés à Poznan en 1844 et réimprimés dans
l'édition de 1862). L. L.
BiBL. : Notice de Prochnicki; Lwôw, 1876. — Zlota
Przedza poetov^i prosaikow; Varsovie, 1887. — Mickie-
Avicz, les Slaves, t. III.
KARPOWICZ (Michel), prédicateur polonais, né dans le
palatinat de Brest-Litovsk en 1744, mort à Vilnaen 1804.
11 se fit remarquer par son éloquence à la Diète dite de
Quatre ans. Ses Sermons ont été publiés après sa mort (Var-
sovie, 1807 et suiv., 11 vol.).
KARR (Jean-Baptiste-Alphonse), littérateur français, né
à Paris le 24 nov. 1808, mort à Saint-Raphaél (Var) le
29 sept. 1890. Fils d'un pianiste distingué et petit-fils d'un
humaniste qui avait pris une part active à la préparation
des éditions classiques des Deux-Ponts, il fit de brillantes
études au collège Bourbon, mais dut y accepter, pour vivre,
une place de répétiteur avant d'y être chargé d'une classe
de cinquième. Son premier roman, Sous les Tilleuls (1822,
2 vol, in-6), où il est facile de reconnaître des réminis-
cences toutes personnelles, fut d'abord écrit en vers et
même, lorsque sur les conseils de Bohain, directeur du
Figaro, il l'eut mis en prose, il garda quelques traces de sa
première forme. Encouragé par le succès, Alphonse Karr
donna toute une série de romans et de nouvelles empreints
à la fois de sentimentalisme et d'humour et très goiîtés du
public : Une Heure trop lard (1833, in-8) ; Fa dièze
(1834, in-8) ; Vendredi soir (1835, in-8); le Chemin le
plus court (1836, 2 vol. in-8); Ei?ierley (1838); Ge-
neviève (1838, 2 vol. in-8) ; Clotilde (1839) ; Am Rau-
chen (1842, in-8), etc. Vers la même époque, il passa
plusieurs saisons sur les côtes normandes, surtout à Etretat
et à Sainte-Adresse, et contribua pour une large part à ré-
pandre parmi les artistes et les gens de lettres le goût de
ces sortes de villégiatures jusqu'alors à peu près ignorées.
Au mois de nov. 1839, il fonda les Guêpes, petites bro-
chures mensuelles dont il fut, ou peu s'en faut, l'unique
rédacteur et où il put librement donner carrière à sa verve
satirique comme aux confidences variées dont, en tout
temps, il se montra prodigue : l'un de ses « bourdonne-
m(?nts » lui attira de la part de W^^ Louise Colet une
tentative de représailles à main armée. C'est encore dans
les Guêpes qu'il mit en circulation quelques-uns des pa-
radoxes ou, pour parler exactement, quelques-uns des
« truismes » qui ont le plus contribué à sa réputation
d'homme d'esprit, tels que : « La propriété littéraire est
une propriété », ou bien encore : 1^ La peine de mort est
abolie ; 2"* Que messieurs les assassins commencent . »
La révolution de 1848 interrompit les Guêpes. Can-
didat malheureux pour la Constituante, dans la Seine-
Inférieure, Alphonse Karr publia le Livre des cent vérités
(1848, in-8), et fonda le Journal, feuille politique des-
tinée à soutenir la politique de Cavaignac et qui ne sur-
— 437
KARR - KARST
vécut pas à la dictature provisoire de son inspirateur.
En 4 852, il reprit au Siècle sqs« bourdonnements » avant
de les réunir sous le titre collectif de Mélanges philoso-
phiques que portent les volumes suivants : Une Poignée
de vérités; Trois Cents Pages et Menus Propos. Un peu
après l'annexion de Nice, Alphonse Karr était venu s'y fixer
et y entreprendre un commerce de fleurs dont il essaya
de tirer un parti plus ou moins lucratif. Sa production
littéraire ne s'était point ralentie, mais l'attention publique
s'était portée ailleurs. Deux incursions dramatiques, la
Pénélope normande (Comédie-Française, 1860), pièce en
cinq actes, tirée d'un de ses romans et les Roses jaunes
{id., 1866), comédie en un acte, ne tinrent pas longtemps
non plus l'affiche. De cette seconde période datent de nou-
velles séries de Guêpes, publiées, soit isolément, soit dans
V Opinion nationale et le Figaro, ainsi que de très nom-
breux recueils de même nature : les Dents du Dragon
(1869, in-18) ; la Promenade des A7iglais('\SlA', in-18);
Plus ça change... (1875, in-18) ; Plus c'est la même
chose (1 875, in-'l 8) ; le Credo du jardinier (1 875, in- 18) ;
Notes de voyage d'un casaniei^' {iSll , in-18) ; Grains
de bon sens (1880, in-18) ; Pendant la pluie (1880,
in-i8) ; A VEncre verte (1881, in-18) ; Au Soleil (1883,
in-18) ; la Soupe aux cailloux (1884, in-18) ; le Règne
des champignons (1885, in-18) ; le Pot aux roses
(1887, in-18). Citons à part l'Esprit d'Alphonse Karr
(1877, in-18), extrait par lui-même de ses propres œuvres
et le Livre de bord (1879, 4 vol. in-18), souvenirs per-
sonnels où il épancha une dernière fois ses rancunes et ses
désillusions. — L'une de ses filles, W^^ Thérèse-Alphonse
Karr, née à Paris en 1835, a publié un certain nombre de
traductions de l'allemand, de romans moraux et de petits
livres de propagande catholique. M, Tx.
KARREE Berge. Montagnes de l'Afrique australe, colonie
du Cap, 970 nf. d'alt. C'est une partie de la chaîne qui
sépare le bassin du fleuve Orange des bassins côtiers. Elle
est traversée, au N. de Beaufort, par le chemin de fer de
Capetown à Kimberley.
KARS. Ville de l'empire russe, ch.-l. d'un gouvernement
formé dans l'Arménie russe, sur l'Arpa-lchaï ou Kars-
tchaï, affluent gauche de l'Aras, dans la haute plaine où
naît cette grande rivière, à l'E. du Soghanly-dagh ; 7 à
8,000 hab., non compris la garnison de 5,000 hab. C'est
une place forte d'une grande importance stratégique, parce
qu'elle barre la route d'Alexandropol à Erzeroum et com-
mande les plateaux entre le Kour, le Tchorouk, l'Aras et
l'Euphrate supérieurs. La ville est bâtie dans une boucle
de TArpa-tchaï, au pied d'un rocher basaltique également
entouré par la rivière, et que couronne la citadelle. La
ville et le château crénelé sont bâtis en lave. Les collines
environnantes ont été couvertes de onze forts, d'un péri-
mètre total de 18 kil. — Kars est citée par Ptolémée sous
le nom de Khorsa (arménien Garouts, puis Ghars) ; ce
fut de 928 à 961 la résidence des rois Bagratides d'Ar-
ménie, puis d'une principauté appartenant à une branche
de cette famille ; les Grecs la conquirent, mais aussitôt
elle leur fut enlevée par les Turcs Seldjoucides. Les Mongols
la prirent au xni*^ siècle, Timour-leng la détruisit en 1387;
les Turcs en restèrent maîtres, malgré les efforts des Per-
sans, à partir du règne de Mourad III (1546). Ils la for-
tifièrent vers 1580. ^Le 31 mai 1744, ils y furent vaincus
par les Persans, le l*^*" juil. 1828 par les Russes de Pas-
kievitch, qui emportèrent la ville le 5 juil. et la citadelle
le 10 juil. En 1855, Kars subit un siège mémorable;
l'Anglais Williams et le Hongrois Kmety (Ismaël Pacha) en
avaient accru les fortifications. Après un long siège, Mou-
raviev donna l'assaut et fut repoussé avec pertes ; toute-
fois, la famine et les épidémies forcèrent Willianisà rendre
la ville le 27 nov. En 1877, les Russes mirent le siège
devant Kars en mai, furent obligés de le lever en juillet,
revinrent en novembre, et, dans la nuit du 17 au 18, un
assaut favorisé par des trahisons leur livra la place. Le
traité de Berlin la leur laissa ainsi que le district. — Le
gouvernement de Kars, au S.-O. du Caucase russe, com-
prend les territoires cédés par la Turquie à la Russie en
1878, soit les anciens sandjaks de Tchaldyr et Kars. Il
comprend 18,647 kil. q. et 237,114 hab. Il se divise en
districts ou cercles de Tachta, Ardahan, 01 ti (avec Kars),
Kaghisman, Churaghel et Saruchad (avec Tchaldyr). C'est
un pays montagneux parcouru par des chaînes parallèles ;
les défilés de l'E. ont 2,400 m. d'alt. Il y a beaucoup de
forêts et de pâturages (200,000 bœufs, 300,000 moutons
et chèvres). La flore est méridionale ; la vigne croît jus-
qu'à 1,000 m. L'agriculture est paralysée, malgré la fer-
lité du sol, par le manque de routes. La population paraît
être en majorité de race géorgienne ; mais la langue turque
avait beaucoup gagné jusqu'à l'époque de la conquête russe.
On trouve aussi d'autres races : kurde, grecque, russe,
turcomane, etc. Les musulmans forment la moitié de la
population. «Les antiques capitales arméniennes Ani et Ero-
vantchad étaient dans ce territoire. A.-M. B.
KARSGH (Anna-Luise), dite la Karschin, femme de let-
tres allemande, née à Meierhof Hammer, près de Schwiebus
(Brandebourg), le 1^^ déc. 1722, morte le 12 oct. 1791.
Fille d'un aubergiste, elle fut bergère, épousa un tisseur
de Schwiebus du nom d'Hirsekorn et divorça au bout de
onze années pour se remarier avec Karsch, un tailleur
ivrogne. Ses poésies improvisées la firent remarquer du
baron de Kottwitz, qui l'amena à Berlin (1761) et la pré-
senta à la société littéraire. Elle vécut dès lors à Berlin,
Halberstadt et Magdebourg, des subsides de ses protecteurs
qu'elle ne cessait d'importuner de ses demandes pécu-
' niaires. Ses premières poésies ont de la fantaisie et révè-
lent une vive imagination ; les dernières sont de fades
platitudes de courtisan. — Sa fille, Karoline-Luise de
Klencke (1754-1812), édita les poésies de sa mère avec
biographie (Berlin, 1796, 2^ éd.) et fut poète elle-même.
La petite-fille de celle-ci, Helmina de Chézy, se fit éga-
lement un nom dans les lettres.
BiBL. : KoHVT^ Die deutsche Sappho, A.-L. Karschin;
Dresde, 1887.
KARSOUN ou KORSOUN. Ville de Russie, gouverne-
ment de Simbirsk, ch.-l. de district, sur le Barych, au
confluent de la Karsounka ; 4,000 hab. — Le distinct a
7,835 kil. q. et plus de 200,000 hab. L'industrie y est
répandue dans presque tous les villages.
KARST (croate Kras, ital. Carso, lat. Carusavius).
Région naturelle du S. de l'Autriche, au N.-E. de la mer
Adriatique, Le nom désigne spécialement un massif cal-
caire qui domine le golfe de Trieste ; mais il a été étendu
à toute la région voisine, à cause de la similitude de la
constitution géologique et des caractères orographiques.
Nous décrirons sommairement les plateaux et montagnes
auxquels on applique ce nom de Karst ; puis nous indique-
rons la nature du sol et les phénomènes géologiques dont
ils fournissent un type particulier, bien étudié et très inté-
ressant.
Le Karst proprement dit s'étend du N.-O. au S.-E.
depuis l'Isongo jusqu'au golfe de Fiume ou de Quarnero,
bordant le golfe de Trieste et la racine de la péninsule
de l'Istrie; c'est un plateau calcaire de 82 kil. de long,
d'environ 24 kil. de large, d'une ait. de 400 à 500 m.
Sa terrasse domine de 350 m. environ le golfe de Trieste;
l'altitude s'élève vers le S.-E,, et le point culminant, le Sia,
à l'angle dn golfe de Fiume, mesure 1,270 m.; au centre,
le Slounik en a 1,024 (à l'E. duch. de fer qui desserties
ports d'Istrie). Au S. du Karst se rattache le plateau de
Tchitchen qui occupe la partie septentrionale de ITstrie et
atteint 1,394 m. au monte Maggiore ; ce plateau se conti-
nue dans les îles Veglia (540 m. d'alt.), Cherso (mont
Syss, 637 m.), etc.; l'orientation des chaînons crétacés
reste sensiblement la même dans l'archipel dalmate. — Le
Karst est séparé des Alpes Juliennes par le val du Wippach
(Wipbach), des plateaux de l'intérieur par ceux de laPoik
(Piuka) et de la Reka. Mais ces plateaux, de structure et
de physionomie analogue, quoique les terrains plus anciens
KARST — KARSTEN
438
(jurassique, trias) y soient plus souvent à jour et que la
surface soit encore partiellement boisée, ont été rattachés
au groupe géographique du Karst ; beaucoup d'écrivains les
regardent comme représentant le Karst septentrional. Ils
comprennent trois parties : le Tarnovanenvald à l'O.,
entre Flsonzo, l'idria et le Wippach ; le point culminant est
le Mrsavez (4,406 m.); h Birnbaiimerwald, au S-E. du
précédent, entre l'idria et laPoik,avecleNanos (\ ,299m.);
la Puika Planifia, entre la Poik, la Reka et le lac de Zirk-
nitz avec le Javornik (1,260 m.). Un peu à l'E. s'élève le
Schneeberg (4,796 m.). — Une nouvelle extension du
terme de Karst l'a fait appliquer aux hauteurs de la Marche
Wende ou Carniole orientale, entre la Koulpa et la Save ;
les principales sontleGutenfeld, le Hornwald (montHorn-
bulh, 4,099 m.) et plus au N.-E., entre la Koulpa et la
Gurk, les monts des Uskoks (Uscoques) oii le Saint-Gera
atteint i ,481 m. — D'autre part, le nom de 'Karst libur-
nien a été proposé pour désigner le plateau de la Croatie
méridionale, entre la Koulpa, l'Una et la mer Adriatique.
Ce plateau, formé de trias, de calcaires jurassiques et cré-
tacés, est très accidenté ; on y remarque au N., le long du
ch. de fer de Fiume à Karlovça et Agram, le mont Bilto-
ray (4,378 m.); plus au S., le Risnjak (4,526 m.). De
la Koulpa à l'Una s'allonge la chaîne des monts Kapela
ou Capella ; Grande-Kapela au N., Petite-Kapela au S., au
N. de la Grande s'élève le Bielolasitza (4,532 m.); à l'E.,
le chaînon du Klek (4,482 m.) ; la Petite-Kapela a pour
sommets le Seliskiv Urn (4,280 m.), le Mala Goritza
(4,482 m.) et le Pacenovac (J ,207 m.). Les monts Kapela
sont continués dans la même direction (du N.-O. au S.-E.)
par le chaînon de Plisevica (4,649 m.), le Kuk (1,609 m.),
le Kremen (4,592 m.), le Bukoviv (4,400 m.), jusqu'aux
sources de l'Una, au delà desquelles commencent les Alpes
Dinariques dont il a été parlé ailleurs (V. Balkans [Pénin-
sule des] et Dinariques). En ce point d'ailleurs convergent
la ligne de faîte intérieure de la Liburnie et son arête exté-
rieure. Celle-ci forme le long du rivage dalmate un mince
bourrelet crétacé, de même nature que le liarst istriote et
qu'on appelle Velehit ou Vellcbic; les sommets principaux
sont de ce côté le Plisevica (4,651 m.),leRainac(4,699m.)
et plus au S., vers la presqu'île de Zara ou des Morlaques,
le Yakanslav (1,756 m.), le Sveto Brdo (4,750 m.) et le
Crnopac (1,403 m.). La grande route de Dalmatie vers
Obrovac franchit le faîte à 4,000 m. Entre ces deux chaînes
calcaires sont les dépressions d'Ogulm, Ottochatz, Gospitz
et Korenitza ; la dernière est la plus haute (658 m.) . A l'E.
dul^apela, entre l'Una et la Koulpa, est un dédale de collines
boisées dont une seule dépasse 600 m.
Le Karst offre le type des plateaux calcaires où domi-
nent les formations crétacées et nummulitiques. Il se pré-
sente sous l'aspect d'un désert pierreux, gris blanchâtre,
destitué de végétation. Il n'a cet aspect que depuis le dé-
boisement commencé par les Romains et consommé par les
Vénitiens. Le plateau n'a pas une surface unie ; il est sur-
monté de hauteurs isolées ou de chaînons, profondément
déchiré et troué, offrant à l'œil des arêtes rocheuses, sau-
vages, des chaos de pierres, des cavités plus ou moins
larges qui le perforent comme un crible. On a comparé ces
trous aux alvéoles d'un gâteau d'abeilles. Celles du plateau
supérieur sont tantôt comblées par des alluvions, tantôt
béantes. Les terrasses successives sont séparées par des
collines de sables éocènes. Les vallons sont profonds, en-
caissés entre des rochers qui les dominent souvent de 300
à 500 m. Les eaux courantes qui les arrosent sortent d'une
grotte et bientôt s'enfoncent dans une autre, à moins que
l'issue étant obstruée, ils ne s'épanchent en marais ou lacs.
En effet, ces vallons sont clos de toutes parts, sans écou-
lement visible vers la mer. Les ruisseaux et rivières ont un
cours en grande partie souterrain. Les plus célèbres sont
la Poik (V. ce mot) ou Pinka, qui reparaît sous les noms
d'Unz, puis de Laibach ; la Ïemenitz-Pretclma et la Reka
qui rejailht à 37 kil. de sa disparition sous le nom de Ti-
mave (V. ce mot). Le plus célèbre lac est celui de Zzr-
knitz (V. ce mot), duquel on peut rapprocher les treize lacs
de Plitvica (Croatie). Les grottes sont innombrables ; beau-
coup sont peuplées de pigeons et en reçoivent leur nom. La
plus fameuse est celle à'Adelsberg (V. ce mot) ; citons
encore celles de la Poik, de la Reka, les cinq grottes de
Lueg, celles de Corgnale, de Planina, etc.
Les phénomènes du Karst, qui est le type le plus carac-
téristique des plateaux calcaires, ont donné lieu à des études
remarquables. Mojsisovics en fait remonter l'origine à des
plissements qui auraient troublé le travail de creusement
des vallées. Les vallons clos du Karst seraient des vallées
d'érosion dont le débouché a été barré. Les eaux accumu-
lées en lacs ont dissous les calcaires et se sont frayé une
route à travers les fonds. Elles ont creusé des lits souter-
rains ; les assises superjacentes étant minées se sont effon-
drées. La surface du plateau a été également attaquée par
Faction chimique des eaux, et, partout où celles-ci séjour-
naient, elles ont creusé un trou, une sorte de puisard na-
turel, où elles s'enfonçaient. Ces trous sont dus à des ac-
tions indépendantes de celles qui ont produit les grandes
cavernes et les grands affaissements, bien qu'elles'^y aient
concouru. Les résidus de la dissolution du calcaire donnent
la « terre rouge » (terra rossa) argileuse ferrugineuse
qui se dépose au fond des trous et des concavités et y per-
met des cultures et même la croissance de forêts, quand
elle est suffisamment humide. On donne le nom de dolines
aux cavités résultant de l'affaissement du sol miné par-
dessous ; celui de poljes aux fonds tapissés de terre rouge
et dont les champs {dolac ou ogradas) sont abrités par
les parois qui les encaissent.
Les phénomènes du Karst se reproduisent dans tous les
terrains analogues de la bande crétncée et nummulitique
qui longe, à l'E., la mer Adriatique, Karst liburnien, Alpes
Dinariques, Monténégro, Albanie, Grèce (V. les art. Bal-
kans [Péninsule des] et Grèce).
Dans les régions auxquelles on étend le nom de Karst,
jusqu'à risonzo, la Save et l'Una, cette physionomie est
moins prononcée que dans le véritable Karst (istriote) ;
car dans ces régions le calcaire jurassique et le trias sont
largement représentés. Le Velebit, qui, vu de la mer,
semble un amas de cendres, est boisé sur le versant inté-
rieur. Le Kapela conserve une partie de ses bois ; nous
avons parlé de ceux du Karst septentrional. Le climat du
Karst est rude, en raison de son altitude ; le vent domi-
nant est le bora, vent froid du N.-E.; les pluies tombent
au printemps et à l'automne. sA.-M. B.
BiBL. : ScHMiEDL, Zicv Hxhlenkunde der Karstes;
Vienne, 1854, av. atlas, — Wessely, Das Karslgebiet;
Agram, 1877. — Mojsisovics, Zur Géologie der Karsters-
chernungen, dans Zeitschrift des Deulschen und Œster.
Alpenvereins, 1880. — Reyer, Studien ûber das Karstre-
lief, dans Mitt. der Geogr. Gesellschaft ; Vienne, 1881. —
Martel, les Abîmes; Paris, 1894.
KARSTEN (Wenceslaus-Johann-Gustav), mathématicien
allemand, né à Neu-Branden bourg (Mecklembourg-Strelitz)
le 15 déc. i732, mort à Halle 'le -17 avr. 4787. Privat-
docent (t 755), puis professeur de logique (4758) à l'uni-
versité de Bostock, il passa, en 4760, comme professeur
de mathématiques et de physique à l'université de Butzow,
puis, en 4778, à celle de Halle. Sa réputation fut très
grande de son temps. Il a laissé une vingtaine d'ouvrages
dont la plupart ne sont que d'exposition, et une demi-
douzaine de mémoires dans les recueils de Munich et de
Haarlem.
KA RSTEN (Franz-Christian-Lorenz), agronomeallemand,
né à Pohnsdorf (Mecklembourg) le 3 avr. 4754, mort à
Neueuwerden, près Bostock, le 28 févr. 4829, frère du
précédent. Il fut professeur à Butzow (4773) et Bostock
(4789). L'un des premiers en Allemagne, il chercha à
donner à l'économie rurale des bases vraiment scientifiques;
en 1798, il fonda avec Schlitz et autres la Société agro-
nomique de Rostock, dont l'influence lut énorme dans
son pays. Karsten a publié un grand nombre d'ouvrages
sur l'économie rurale. D^ L. Hn.
-439
KARSTEN - KASBAH
KARSTEN (Karl-Johann-Bernhard), géologue allemand,
né à Biitzow le 26 nov. 1768, mort à Schœneberg, près
de Berlin, le 22 août 18o3, neveu de Wenceslaus (V. ci-
dessus). Il fut administrateur des mines de Silésie, fit des
cours à Breslau et, en 1849, devint conseiller intime au
ministère de Tintérieurà Berlin. Karsten fit faire des pro-
grès immenses à la métallurgie en Allemagne. Il a publié
de 4816 à 4847, de nombreux ouvrages sur cette matière :
Handbuch der Eisenhûttenkunde (Berlin, 4834-32,
5 vol.); System der Métallurgie (4841, o vol., 3^- éd.) ;
Handbuch der Salinenkunde (4846, 2 vol.), etc., et
fondé un recueil spécial {Arcfiiv fi'ir Minéralogie, etc.,
1818-54, 46 vol.).
KARSTEN (Hermann), mathématicien et astronome
allemand, fils du précédent, né à Breslau le 3 sept. 4809,
mort à Reinerz (Silésie) le 26 août 4877. Il fut, à partir
de 4832, professeur de mathématiques et de minéralogie à
l'université de Rostock et à partir de 4854 directeur de
l'Ecole navale. Savant distingué et très populaire, il a
laissé, outre de nombreuses observations astronomiques
insérées dans les Astronomische Nachrichten : Beitrag
%ur Berichtigimg der Sterblichkeitstafeln (Rostock,
4845, in-8) ; Lehrbuch der Kr y stallo graphie (Leipzig,
4864). Il a, d'autre part, publié chaque année, de 4840
à 4854, un Kleiner astronomischer Almanach très
apprécié des marins. L. S.
KARSTEN (Hermann), naturaliste et voyageur allemand,
né à Stralsund le 6 nov. 4817. Après avoir été reçu privat-
docent de botanique à Berlin, il fit de 4848 à 1856 un
voyage au Venezuela, à la Nouvelle-Grenade et à l'Equa-
teur et, à son retour, fonda à Berlin un laboratoire phy-
siologique, passa en 4868 à Vienne comme professeur de
botanique, puis, en 1872, se retira en Suisse. Il s'est beau-
coup occupé de la physiologie de la cellule végétale. Ses
ouvrages sont nombreux et remarquables. Citons seule-
ment : Florœ Cohimbice.,. specimina selecta (Berlin,
4857-69, 2 vol., avec 200 pi. coloriées) ; Deutsche Flora,
pharmazeutisch-medicinische-Botanik (Berlin, 4883).
KARSTEN (Gustav), physicien et homme politique alle-
mand, frère du précédent, né à Berlin le 24 nov. 4820.
Reçu agrégé à Berlin en 1845 et nommé en 4848 profes-
seur de physique et de minéralogie à l'université de Kiel,
il s'est beaucoup occupé depuis 4859 de la question des
poids et mesures, et il a proposé, en vue de leur unifica-
tion, d'importantes réformes, qui, élaborées pour le Hols-
tein, ont été ensuite appliquées dans tout l'Empire. En
4867, il a été élu membre de la Chambre des députés
prussienne, et il est depuis 4877 membre du Reichstag,
où il siège parmi les progressistes. Outre quelques opus-
cules relatifs à la réforme des poids et mesures et de nom-
breux mémoires, notes et articles parus dans divers recueils
spéciaux, il a publié: Untersuchungen ilber des Ver-
halten der Auflœsungen des reinen Kochsalzes in
Wasseï'' (Berlin, 4846); Lehrgang der mechan. Na-
tiirlehre (Kiel, 4854-53, 3 vol.) ; Denkschrift ilber deii
grossen norddeiUschen Kanal (Kiel, 4 864-65, 2 vol.);
Beitrcege zur Landeskunde der Herzogtûmer Schlesioig
und Holstein (Berlin, 4869-72, 2 vol.) ; Bemerkungen
ilber die Elektricitœt des Gewitters, etc. (Kiel, 1879;
3« éd., 4880), etc. Il a édité avec W. Beetz, de 4847 à
4853, une revue intitulée Fortschrilte der Physik. Il a
été directeur et collaborateur de VAllgemeine Encyklo-
pœdie der Physik (Leipzig, 4856 et suiv.). Il a pris part
enfin à la rédaction des rapports et procès-verbaux de la
commission d'études de la mer du Nord. L. S.
KARSTEN (Peter-Adolf),botanistefinlandais, né en 1834.
Après d'excellentes études à llelsingfors, il fut nommé en
1864 professeur à ITnstitut agronomique de Mustiala. Il
a publié une série d'études très appréciées sur les cham-
pignons de la Finlande, de la Scandinavie et de la Russie :
Monographiapezicarum Fenniœ(\S6S) ; Mycologiafen-
nica (1874-79) ; Fungi Fenniœ exsiccati, etc.
KARSTÉNÎTE(V. Anhydrite).
KARTALIE, KARTVEL ou KARTHLL Nom national de
la Géorgie (V. ce mot et Caucase).
KARtHÉVÉLIENS(V. Caucase).
KARTSEV (Alexandre-Petrovitch), général russe, né vers
4845, mort en 4875. Il se distingua au Caucase et fut pro-
fesseur de tactique à l'Académie militaire. Il a laissé un
certain nombre d'ouvrages fort estimés : Tactique (Saint-
Pétersbourg, 4855) ; la Campagne de 1812, (id., 4855) ;
la Guerre du Nord en 1812 (id., 4854, etc..
KARYÈS. Ville de Turquie d'Europe, dans la péninsule
du Otagion Oros (mont Athos) ; 2,050 hab. (V. Athos).
KARYOKl N ESE, Phénomènes morphologiques qui accom-
pagnent la division indirecte des cellules, dont nous ratta-
cherons l'étude à celle du protoplasma (V. ce mot).
KARYSTO. Ville de Grèce, à l'extrémité méridionale de
l'île d'Eubée, à 75 kil. S.-S.-E. de Koumi ou Kymi, au
pied du mont Ocha (4.475 m.), ch.-l. d'une éparchie;
4,278 hab. Evêché orthodoxe. La vieille ville occupe une
roche escarpée ; elle a été abandonnée pour les faubourgs.
Quelques ruines antiques. Plaine bien cultivée. Miel re-
nommé. Près de là, carrières de marbre cipolin vert. C'est
l'ancienne Carystos, célèbre dès le temps d'Homère : c'est
sur le mont Ocha qu'on trouve les plus belles ruines de
l'Eubée, un temple (cyclopéen) remontant à la plus haute
antiquité; de là, on découvre un magnifique panorama
sur l'Eubée, l'Attique et les Cyclades.
BiBL. : Girard, Mémoire sur l'Eubée. — Hhangabé,
Mémoire sur les jparties méridionales de l'Eubée, dans
Mémoires de l'Académie des inscriptions, 1853.
KARYTŒNA (autrefois Brenthé, pms Gorty7îœ). Ville
de Grèce, ch.-l. de l'éparchie de Gortynia (nome d'Ar-
cadie), à 30 kil. 0. de Tripolitza, près de la rive droite de
l'Alphée ; 4,405 hab. Imposant château féodal qui a appar-
tenu aux Brienne, puis aux Colocotroni. C'est de là que par-
tent les voyageurs pour faire l'excursion du mont Lycée.
Du château, la vue s'étend sur un vaste panorama. A 40 kil.,
ruines de Gortys (temple d'Asklepios) et acropole.
BiBL. : Beulé, Etudes sur le Peloponèse. — Delacou-
LONCHE, Mémoire sur VArcadie. •— Haussoullier, Grèce
continentale^ 304.
KARZAZ ou KERZAZ. Oasis du Sahara, au S. du Maroc,
sur l'oued Saoura, à environ 240 m. d'alt. C*est une sorte
de ville neutre sur le passage du Touat aux oasis maro-
caines et algériennes, une ville ouverte, protégée seulement
par l'influence de ses marabouts. Les rehgieux, appelés
Kerzazia ou Ahmammedin, appartiennent à un ordre fondé
au xvi® siècle par Si Ahmed ou Moussa, et s'occupent sur-
tout de protéger les ksouriens ou habitants des villages
contre les nomades. Bien qu'ils aient donné asile aux Sidi-
Cheikh révoltés contre nous, leur attitude à notre égard a
toujours été correcte. Bs ont une grande influence au Ma-
roc méridional, au Sahara et dans le Sud oranais. La ville,
avec une importante zaouïa et 2,000 hab., a été visitée par
G. Bohlfs en 4864. E. Cat.
KASBAH. Mot arabe qui signifie citadelle et sert à dési-
gner les parties fortes et élevées des villes ; il entre aussi
dans la composition du nom d'un grand nombre de locali-
tés des pays berbères. Citons : en Tunisie, El Kasbah ou
Henchir Kasbah, site de ruines romaines, sur l'oued Melian,
à 50 kil. S.-S.-O. de Tunis, l'ancienne Thuburbo majus ;
en Algérie, Kasba Mazouna (V. Mazouna) ; au Maroc,
Kasba, non loin de l'Océan, entre R'bat et Casablanca ;
Kasba Cherki, dans la province de R'arb, à 40 kil. E.-S.-E.
de Casablanca ; Kasba béni Miskin, dans la tribu du
même nom, sur la route de R'bat à Maroc; Kasba béni
Mellal, ville importante de la tribu du même nom, chef-
lieu de la province du Tedla ; Kasba des AU Bba, à 50 kil.
au N.-E. de la précédente ; Kasba Oudaïa, à 25 kil. àl'O.
de Maroc ; Kasba el M'zoudi, sur une des routes de Maroc
à Mogador. Cette dénomination est surtout répandue dans
les régions du Gourara, du Touat et du Tidikelt (Sahara
algérien) ; Kasbet Baba-Ali (Touat, district de Timmi) ;
Kasbet Sid el Madhi bou Chenouf, Kasbet Mouleî Ah-
med, Kasbet Oiild Sidi Ahmed, Kasbet Abazou, Kasbe
KASBAH ~ KASTAMOUNI
~ 440 —
el Merabtin, groupe de cinq ksours du district de Timmi,
avec 200 à 300 hab. ; Kasba Djedida, au même district,
avec oOO hab. et 12,000 palmiers ; Kasba Ouled el Hadj
el Mamoun (Touat, district de Tamentit), 300 hab.,
15,000 palmiers ; Kasba el Atsamena (Touat, district de
Bou-Taddi), 300 hab., 7,000 palmiers; Kasbetel Harrar
(Touat, district de Tasfaout Fenorhin), 3o0 hab., 16,000
palmiers; Kasbet Djedida (Touat, district d'inzegmir),
600 hab., 2o,000 palmiers ; 9 ksours du district de Sah,
ou Touat, avec 3,000 hab. et 200,000 palmiers ; un grand
nombre dans le Tidikelt, parmi lesquelles il faut mention-
ner Kasbet Oulad bou Gouda, où réside le chef du district
d'In-Salah, notre ennemi acharné et le représentant de
Tordre des Senoussi, dans le Sahara occidental. E. Cat.
KASBAÏT. Site de ruines de l'Algérie, dép. de Cons-
tantine, à mi-chemin (18 kil.) entre Sétif et Djemila, l'an-
cienne Cuicul. Lorsque les Romains occupèrent dans ce
pays âpre et montagneux les deux villes indigènes de Sitifi
et de Cuicul, ils fondèrent à mi-chemin, sur un mamelon, la
station de Mons. C'est celle dont on voit les ruines assez
importantes à Kasbaït. La ville dut être un marché agri-
cole, car six inscriptions, trouvées dans les ruines, mon-
trent que le culte le plus répandu était celui de Saturne,
le dieu de l'agriculture. E. Cât.
KASBIN. Ville de Perse (V. Kazvîn).
KASGHAU (en magyar Kasso)» Ville importante de la
Haute-Hongrie et ch.-l. du comitat d'Abauj-Torna. Ses
32,203 hab. (1890) ont une industrie florissante consis-
tant principalement en raflineries, en papeteries, en fa-
briques de draps, en tabacs, en cuir, en vinaigre. C'est la
principale place pour le commerce entre la Hongrie et la
Galicie. Les étabhssements d'instruction publique, à tous
les degrés, sont nombreux. La cathédrale catholique de
Kaschau, belle église gothique de la fin du xiii^ siècle, est
l'œuvre de l'architecte français Villard de Honnecour.
KASCHMANN (Joseph), chanteur dramatique autrichien,
né dans l'Istrie vers 1848. Il étudia d'abord le droit, puis
la musique ; en possession d'une superbe voix de baryton
il travailla pour le théâtre et se rendit à Milan pour y
parfaire son éducation vocale. H aborda la scène en 1876
en chantant, au théâtre royal de Turin, la Traviata, qui
lui valut aussitôt un brillant succès. Rengagé l'année sui-
vante au même théâtre, il s'y montra dans Ruy Blas,
Lohengrin, I Puritani, passa de Turin à Milan, à Naples,
à Madrid, à Lisbonne, puis alla faire une grande tournée
aux Etats-Unis d'Amérique, où il excita un véritable enthou-
siasme. Doué d'un physique superbe, d'une voix puissante et
généreuse, avec cela chanteur remarquable et comédien in-
telligent, se distinguant par un rare sentiment drama-
tique, M. Kaschmann abordait avec succès tous les grands
rôles du répertoire, et se faisait applaudir tour à tour dans
Bon Carlos, Hamlet, V Africaine, Rigoletto, I Lituani,
Otello, aussi bien que dans les grands drames wagnériens.
Il est justement considéré aujourd'hui comme l'un des
plus grands chanteurs scéniques de ce temps et comme
un artiste accompli sous tous les rapports. A. P.
KASELOWSKY (August-Theodor), peintre allemand, né
à Potsdam le 26 avr. 1810. Elève de W. Hensel, à l'Aca-
démie de Berlin, il obtint en 1836 le grand prix pour ses
Deux Bergers jouant de la flûte, alla ensuite à Paris
étudier sous Léon Cogniet, puis, après une série de voyages
en Italie, en Espagne, en Grèce, en Turquie, en Angle-
terre, il fut nommé professeur à l'Ecole des beaux-arts de
Berlin. Outre sa toile précitée et sa Suzanne, faite à
Rome sur commande pour le roi de Prusse Frédéric-Guil-
laume IV, nous citerons de lui : Mise au tombeau (1 860, à
Sans-Souci) ; le Christ au mont des Oliviers (église Saint-
André, à Berlin) ; Baptême et Résurrection du Christ
(église Saint-Etienne, à Gartz-sur-Oder); des fresques (E/i>
et Ezéchiel) dans la chapelle du Château, et, dans la salle
de Niobé, au nouveau musée de Berlin, le Christ bé-
nissant les petits enfants, et divers tableaux d'autel et
mythologiques, peints par lui dans ces derniers temps.
KASIMIR, rois de Pologne (V. Kazimir).
KASIMIR (Saint) (V. Kazimir).
KASKASKIA. Rivière de l'Etat d'Illinois (V. ce mot).
— Ville sur la rive droite de cette rivière, faubourg de
Chester; c'est la plus ancienne cité de l'Ouest américain,
fondée par les Français en 1673, capitale de l'Etat jus-
qu'en 1818.
KASO (en turc Tchoban adassi)A\e de la Turquie d'Asie,
près de Carpathos; 20 kil. du S,-0. au N.-E. sur 5 kil. de
large; 8,500 hab. (Grecs orthodoxes). Elle forme un caza
du sandjak de Rhodes. Les habitants (d'origine albanaise)
sont des marins renommés,
KASONGO, Royaume africain (V. Ouroua).
KASR. Nom arabe qui veut dire ville fortifiée ou châ-
teau ; la forme usitée en Algérie est ksar. Parmi les loca-
lités égyptiennes ainsi dénommées, on peut citer : El Kasr,
ville de la Petite-Oasis; 3,500 hab. Ruines romaines. —
El Kasr-es-Saiad, village de la Haute-Egypte, dans une
île du Nil, à 55 kil. 0. de Keneh; grottes sépulcrales. —
Kasr-Kéroun, localité du Fayoum, au S. du lac Birket-el-
Keroun ; ruines d'un temple égyptien et d'un temple
romain.
KASSABA. Ville de Turquie d'Asie, chef-lieu d'un caza
du sandjak de Saroukhan ou Magnésie (dans le vilayet de
Smyrne), à 93 kil. N.-E. de Smyrne, dans la vallée du
Guediz-Tchaï (Hermus); 13,000 hab. Culture du tabac et du
coton. La compagnie Smyrna and Cassaba a obtenu, en
1863, la concession d'un chemin de fer reliant Smyrne à
Kassaba. Le gouvernement ottoman a cédé, en outre, en
1878, à cette compagnie l'exploitation du chemin de fer de
Kassaba à Alacheir qu'il avait fait construire de 1873 à
1878. Ces deux lignes, dont la situation est prospère,
doiventêtre prochainement vendues, au prix de 1 ,410,000 1.
st., à la compagnie qui va se constituer pour utiliser les
concessions faites en 1891 parle gouvernement ottoman à
M. Nagelmacker, des lignes : Alacheir-Karahissar etPan-
derma-Konieh-Karahissar. L. Del.
KASSABA. Ville de Turquie d'Asie, sandjak d'Adalia, à
30 kil. de Castelloryzo. Ruines lyciennes importantes.
KASSABA. Ville de Turquie d'Asie, sandjak de Konieh,
à 25 kil. de Karaman. Hautes murailles et belles portes
d'architecture sarrazine.
KASSAÏ. Rivière du Congo (V. ce mot).
KASSALA. Ville de Nubie, ancien ch.-l. de la province
égyptienne de Tara ou Taka, sur le Khor-el-Gach, afiluent
de l'Atbara. C'est une importante place forte et un entre-
pôt commercial entre les pays du Nil et l'Abyssinie ; à côté
est Hatime, également fortifiée. La population était de
8,000 âmes en 1880; elle a été fort réduite par les guerres
mahdistes. En 1894, les Italiens l'ont occupée.
KASSALl ou KIKONDJA. Lac de l'Afrique centrale,
Etat du Congo, par 8'' lat. S., sur le cours du Loualaba
(V. Congo). Au N.-E. est le bourg de Kikondja.
KASSAN. Ville duTurkestan, province de Ferghana, sur
le Kassan-sour, affluent du Sir-Daria ; 10,000 hab. Très
ancienne, elle a un bazar très fréquenté, un vieux château,
une belle mosquée; auprès est le cimetière de Sadpir avec
tombes à ex-voto arabes.
KASSAN DRA (V. Chalcidique) .
KASSEL. Ville d'Allemagne (V. Cassel).
KASSIMABAD. Ville de Perse, prov. de Khorassan, au
N.-O. de Méched, près de la source du Kachaf-roud, affl .
g. de l'Héri-roud. Population kurde; élevage de chameaux
renommés. Au N. sont les ruines de Tous (V. ce mot).
— Une autre Kassimabad se trouve au bord de la Cas-
pienne dans le Mazanderan, à la limite du Ghilan.
KASSI POUR. Ville de l'Inde, prov. du N.-O., ch.-l.
du district de Téraï, dans le Rohilkand ; 15,000 hab. Co-
tonnades ; entrepôt commercial ; lieu de pèlerinage brahma-
nique.
KASSO (V. Kaschau).
KASSONGO (Afrique) (V. Ouroua).
KASTAMOUNI. Ville de la Turquie d'Asie, ch.-l. du
444 —
KASTAMOUNI — KASYAPA
vilayet de ce nom, sur le Gheuk-Irmak, affl. g. du Kizil-
Irmak, à 850 m. d'alt.; 40,000 hab.,en majorité Turcs.
Elle est bâtie dans un fond de vallée comme son faubourg
à'Hissar Ardi, Les principaux monuments sont le château
byzantin, de l'époque des Comnènes, et les mosquées. Les
rues sont tortueuses et malpropres. La ville est malsaine ;
l'industrie du cuivre, jadis très considérable, a décru, mais
Kastamouni garde de grandes tanneries et des teintureries;
elle fait des cotonnades et des lainages. — Ce fut après
les Comnènes la capitale d'une principauté turque que les
Osmanlis ne purent supprimer qu'après la chute de l'em-
pire byzantin.
Le vilayet de Kastamouni a 53,659 kil. q. et
900,000 hab. environ, presque tous Turcs et musulmans.
Il correspond à l'ancienne Paphlagonie, entre les vilayets
d'Angora au S., de Sivas et de Trébizonde à FE., s'éfen-
dant le long de la mer Noire, du Sakaria au Kizil-ïrmak.
Il se divise en quatre sandjaks : Boli, Kastamouni, Kian-
kari, Sinope.
KASTEL (Caslellum Trajani). Ville d'Allemagne,
grand-duché de Hesse, prov. de Hesse rhénane ; rive droite
du Rhin ; 8,000 hab. C'est un faubourg de Mayence, sa
tête de pont sur la rive droite du Rhin (V. Mayence).
KASTIR. Ville de Grèce (V. Hermtone).
KASTNER (Abraham-Gotthelf), poète et mathématicien
allemand, né à Leipzig le 27 sept. 1719, mort à Gœttingue
le 20 juin 1800. Professeur aux universités de Leipzig
(1789) et Gœttingue (1756), il a laissé de bons ouvrages
de mathématiques parmi lesquels nous citerons: Anfangs-
grunde der Mathematik (Gœttingue, 1758-69, 4 vol. ;
6^ éd., 4800) ; Gesch. der Mathematik (Gœttingue, 1796-
1800, 4 vol.). Il doit sa réputation à ses poésies épigram-
matiques {Sinngedichte) publiées sans son aveu à Gies-
sen en 1781, placées ensuite dans ses Vermischte Schrif-
ten (Altenburg, 1783). On a publié une édition complète
de ses œuvres littéraires (Berlin, 1841, 4 vol.).
KASTNER (Karl-Wilhelm-Gottlob), chimiste et physi-
cien allemand, né à Greifenberg (Poméranie) le 31 oct.
1783, mort à Erlangen le 13 juil. 1857. D'abord élève en
pharmacie, il se fit recevoir en 1805 docteur en médecine
et professa la chimie aux universités de Heidelberg (1805-
12), de Halle (1812-18), de Bonn (1818-21) et d'Erlan-
gen (1821-57). Il a beaucoup contribué par ses travaux et
par ses écrits aux progrès de la chimie et des arts indus-
triels. Les principaux de ses ouvrages ont pour titres :
Grundriss der Chemie (Heidelberg, 1807, in-8) ; Griiri-
driss der Experimentalphysik (Heidelberg, 1809-10,
2 vol. in-8 ; 2^ éd., 1820-22) ; Chemisches Handwœr-
terbuch (Halle, 1813, 2 vol. in-8); Grundzilge der
Physik und Chemie (Bonn, 1821, in-8; 2® éd., Nurem-
berg, 1832-33); Handbuch der Météorologie {Évhngen,
1823-30, 3 vol. in-8); Théorie der Polytechnochemie
(Eisenach, 1827-29, 2 vol. in-8); Handbuch der an-
gewandten Natur lehre ' (Sintigain, 1835-49, in-8). Il a
en outre fondé et dirigé trois excellents recueils : Deutsche
Gewerbsfreuîid (Halle, 1815-24); Archiv fur die ge-
sammte Naturlehre (Nuremberg, 1824-29) ; Archiv filr
Chemie und Météorologie (Heidelberg, 1830-35). Il y a
publié, ainsi que dans le Journal de Trommsdorff, dans
celui de Schweigger, dans le Magazin de Voigt et dans
ÏEncyklopœdie d'Ersch et Gruber, un nombre considé-
rable de mémoires et d'articles de chimie, de physique et
de minéralogie. L. S.
KASTNER (Jean-Georges), compositeur et écrivain mu-
sical français, né à Strasbourg le 9 mars 1810, mort à
Paris le 19 déc. 1867. Destine par sa famille à la théo-
logie, il suivit les cours du séminaire protestant de Stras-
bourg, tout en poursuivant l'étude de la musique, vers la-
quelle le portaient son inclination et ses facultés. En 1832,
il abandonna la théologie pour se consacrer à l'art. Le
succès d'un opéra allemand qu'il fit représenter en i 835
à Strasbourg détermina le conseil de cette ville à lui ac-
corder une subvention pour se rendre à Paris. Il s'y pro-
duisit avec plus d'avantage comme théoricien que comme
compositeur. Tandis que ses opéras la Maschera (1841),
le Derîiier Roi deJuda (1844), ses romances, ses chœurs,
ses compositions instrumentales, ne le plaçaient point à
un rang élevé parmi les maîtres de l'école française, ses
ouvrages de théorie et de littérature musicales lui acqué-
raient une renommée aussi brillante que solide. Voici ses
principaux ouvrages : Traité d'instrumentation (Paris,
1837; 2® éd., s.d.; suppL, 1844), le premier ouvrage de
ce genre paru en France ; Grammaire musicale (1840) ;
Théorie abrégée du contrepoint et de la fugue (1841) ;
Méthode élémentaire d'harmonie appliquée au piano
(1842); des Méthodes pour un grand nombre d'instru-
ments, notamment pour le saxophone et pour les timbales
(1845); Manuel général de musique militaire (1848) ;
les Danses des morts (1852), un de ses plus intéressants
et plus savants ouvrages ; les Chants de la vie (1854) ;
les Chants de l'armée française, précédés d'un Essai
historique sur les chan ts militaires des Français (1 855) ;
les Voix de Paris, essai d'une histoire littéraire et
musicale des cris populaires (1857) ; Parémiologie mu-
sicale de la langue française, suivie de la Saint-Julien
des ménétriers, symphonie (1866). Comme les titres
l'indiquent, Kastner joignait à chacun de ses derniers ou-
vrages une grande composition musicale ; ces partitions
souvent considérables n'ont pas été exécutées. — Kastner
fut élu académicien libre en 1859 (Académie des beaux-
arts). Sa bibliothèque musicale a passé au Conservatoire de
Paris. M"^® V^e Kastner a légué, en mémoire de son mari,
à l'Institut de France, une somme destinée à la fondation
d'un prix pour des ouvrages de littérature musicale. M. Br.
BiBL. : H. Ltjdwig, J.-G. Kastner; Leipzig, 1886, 3 vol.
KASTNER (Georges -Frédéric-Eugène), physicien et
musicien français, né à Strasbourg le 10 août 1852, mort
à Bonn le 6 avr. 1882, fils du précédent. Il s'est dis-
tingué par la construction du pyrophone, petit orgue dont
les tuyaux étaient mis en vibration par des jets de gaz
enflammé. C'était la réalisation des principes émis par di-
vers physiciens, depuis Ghladni et Faraday jusqu'à Ter-
quem. Kastner présenta son instrument à l'Académie des
sciences et le fit entendre dans des concerts à Paris, à
Londres et en Allemagne. Il a publié : Théorie des vibra-
lions et coyisidérations sur l'électricité (?ms, 1873);
lePyrophone, flammes chantantes (Paris, 1876, 4® éd.).
KASTORIA. Ville de la Turquie d'Asie (Macédoine),
dans le sandjak de Monastir, sur une presqu'île qui s'avance
sur la rive occidentale du lac du même nom ; 8,000 hab.
Autrefois Celetron. Ruines d'une enceinte byzantine. Le
lac, vaste de 5,080 hect., est presque circulaire; il a envi-
ron 9 kil. de diamètre; Use déverse dans un affluent de
l'Indje-Karasou. Il est séparé par une plaine de 15 kil. de
la base des monts Grammos (1462 m.), vers l'O. ; à TE.,
il baigne le pied d'une prolongation méridionale du Sou-
kha-Gora, Ses rives sont bordées de villages qui offrent un
coup d'œil pittoresque.
KASTRITZA. Village d'Albanie, sur la rive méridionale
du lac de Janina. Ruines de Dodone. Les gouffres ou Ka-
tavothra de Kaslritza servent de décharge à la partie
méridionale du lac de Janina. Du moulin du Katavothra,
on a une très belle vue sur Janina, ses dômes, ses minarets
et son château, et sur le Mitzékeli.
KÂSYAPA (pâli Kassapa). Nom indien de plusieurs per-
sonnages, dont quelques-uns sont purement mythiques.
1° lUsYAPA, fils deMarîtehi, le premier des Pradjàpatis
(seigneurs des créatures), considéré comme le créateur des
dieux et des démons leurs ennemis, et de tous les êtres.
Il eut pour épouses treize des filles de Dakcha et deux
filles de Brahmâ, Vinatâ qu'il rendit mère de Arouna (co-
cher du Soleil, Aurore) et de Garouda (roi des oiseaux,
monture de Vichnou), — et Kadroii dont naquirent mille
serpents adversaires de Garouda.
2« Kâsyapa (Bouddha), le troisième du Bhadra-Khalpa,
successeur de Kanakamouni et prédécesseur du Bouddha
KASYAPA ~ KATGHIN
actuel Sâkyamouni. De son temps la durée de la vie était
de 20,000 ans, il résidait habituellement à Bénarès, sous
la protection du roi Krïkt (imaginaire comme lui). La durée
de sa doctrine a été de 70,000 ans.
3*^ KAsYÂPA (Atchala), « Tlnébranlable », brahmane con-
verti par le Bouddha Sâkyamouni, et qui devint Arhat.
4^ Kâsyapa (Mahâ), «le Grand», autre brahmane, de-
venu disciple de Sâkvamouni, et le premier de ceux qui
lui survécurent. Il enseignait de préférence les Dhoutas ou
exercices pratiques pour la répression des passions. Le
Bouddha l'avait désigné comme son successeur ; aussi,
après la mort du maître, il fut mis à la tète de la confrérie
et présida les réunions qui se tinrent dans la grotte de
Sattapani, près de Râdjagrïha, et qu'on appelle le « pre-
mier concile » bouddhique. Il dirigea, par ses interroga-
tions, la récitation de la Discipline (Vinaya) et de la doc-
trine ou loi (Dharma), Oupali répondant pour la première,
Ananda pour la seconde. Il contribua à l'affermissement
de l'œuvre de Sâkyamouni en engageant le roi Ajâtasatron
à prendre la date de la mort du Bouddha, le Nirvana, pour
point de départ d'une ère nouvelle. Après avoir été pendant
quarante-cinq ans le chef de la confrérie ou son premier
patriarche, il mourut dans son ermitage de Roukkouta-
pâda, près de Râdjagrïha, laissant à Ananda la direction
de l'œuvre. — Lors du premier schisme, l'école des Mahâ-
sanghikas le prit pour patron et s'intitula Kasyapiya (qui
tient pour Kâsyapa ou dérive de lui). On lui attribue le
recueil de VAbhidharma qui est d'un temps bien posté-
rieur.
5*^ KAsYAPA, un des docteurs envoyés par Asoka pour la
conversion des pays voisins de l'Inde, accompagna Ma-
dhyama dans la région de l'Himalaya.
6°KAsYAPA(Pourana), « l'AccompU». Un des adversaires
du Bouddha ; toujours cité le premier des six Tirthikas qui
combattirent Gautama. Celui-ci lui reprochait de nier la
cause de la souillure et de la purification des êtres. Tou-
jours vaincu, il se noya, de rage, dans le Gange, parce
qu'il n'avait pas réussi à faire des prodiges tels que ceux
du Bouddha. L. Feer.
BiBL. : CsoMA de Kôrôs, Analyse du Kandjour. —
Sp. Hardy, A Manual of Budhism, — Eug. Burnouf, In-
trod. à VHist. du Bouddhisme indien.
KASZEWSKI (Casimir), littérateur polonais, né à Var-
sovie en 1825. Il a rempli diverses fonctions administra-
tives, collaboré à la Bibliothèque de Varsovie, au Recueil
Klosy et pubUé des traductions fort estimées des auteurs
classiques ou des écrivains français contemporains (Hugo,
Coppée, Au2[ier, etc.). ^
KÂTANCSICH ou KATANCIC (Mathieu-Pierre), archéo-
logue croate, né àValpovo (Slavonie) en 4750, mortàBude
en 4825. Il entra dans l'ordre des franciscains, fut or-
donné prêtre en 47T5 et enseigna dans les gymnases d'Esik
(Essek) et d'Agram. En 4796, il devint professeur et bi-
bliothécaire. Ses travaux ont surtout pour objet l'archéo-
logie et la géographie des pays hongrois. Les principaux
sont : Dissertaiio de columnamilliariaad Eszekumre'
perta (Osék, 4784 et 4792); Friwtus autumnales in
jiigis Parnassi Pannonici lecti (Agram, 4791) ; Spéci-
men philologiœ et geographiœ Pannoniorum (id,,
4795) ; Tentamen publicum de numismatica (Pesth,
4797); De Istro ejusque adcolis commentatio (Bude,
4798) ; Jos, Ekkel elementa numismatica (id., 4799);
Orbis antiquus e tabula itineraria Theodosii (id., 4824-
4825, 2 vol.) ; Istri adcolarum Illyrici nominis Geo-
graphia epigraphica (id., 4825). L, L.
KATAR. Province de l'Arabie orientale occupant la grande
presqu'île terminée par le cap Reken qui s'avance vers le
milieu du golfe Persique. Le sol est formé d'une série de
chaînes de montagnes de peu d'élévation ; il est sec et aride
sans cependant être aussi infertile que celui des parties qui
avoisinent le Katar au S. et à l'O. (Quelques jardms arrosés
artificiellement à l'aide de l'eau des puits entourent les
villes et les villages qui tirent leurs principales ressources
de la pêche des perles. C'est en effet au milieu des îles ou
îlots qui couvrent en cet endroit la mer de tous côtés que
l'on trouve les perles les plus belles et les plus abondantes.
La plus grande de ces îles est celle de Zabara à l'extrémité
N. de la presqu'île. Très exposés aux incursions des no-
mades, les habitants de Katar ont dû pour s'en défendre
entourer leurs villes et villages de hautes murailles derrière
lesquelles ils trouvent un abri assuré. Quoique très sec, le
climat est néanmoins malsain à cause sans doute du mé-
lange des eaux marines avec celles de sources d'eau douce
qui jaillissent du milieu delà mer et forment des marécages
dans les parties basses du rivage. Nominalement le Katar
relève du sultan de l'Oman ; en réalité il est à peu près
indépendant. Les villes principales sont Bedaa (6,000 hab.),
chef-Heu de la province, Wokrah (5,000 hab.), Douhah et
Zabara.
KATAVOTHRA. 4« Géologie (V. Grèce); 2° Ancien
mont OEta (V. Grèce).
KATCH. Etat de l'Inde (V. Guzerate).
KATCHÂYANA (V. KatyAyâna).
KATCHENOVSKY(Michel-Trofimovitch), historien russe,
né en 4775, mort en 4842. Après avoir fait ses études à
Kharkov, il devint professeur à l'université de Moscou où
il enseigna successivement l'esthétique, l'histoire russe et
l'histoire des Slaves. Il rédigea pendant de langues années
le Messager d'Europe, C'est l'un des chefs de l'école scep-
tique en matière d'histoire russe ; il s'attaqua vivement à
l'école de Karamzine ; ses conclusions n'ont pas été confir-
mées par les progrès de la science historique ; elles furent
vivement combattues par Pogodine. Outre de nombreux ar-
ticles dans sa revue, Katchenovsky a publi-é à part deux
dissertations; l'une Sur les Monnaies de cow\ l'autre
sur la Rouskaïa Pravida ^Moscou, 4849).
KATCHI-Gandava. Province du Béloutchistân, confinant
au district hindou de Chikarpour. C'est une plaine d'envi-
ron 23,000 kil. q., formée d'alluvions abondantes, mais
qui n'est arrosée que par des torrents à sec pendant de longs
mois. La rivière la plus importante est la Nâri, issue du
plateau afghan et débouchant sur le territoire de Gatchi
Gandava par une gorge immense que traverse un chemin
de fer stratégique anglais. A l'O. de là s'ouvre la fameuse
nasse de Bolan, où coule la rivière de Bolan, et que défend
la ville de Kwatah, occupée par les Anglais depuis 4870.
Il règne dans le Katchi-Gandava une chaleur torride, due
surtout au djoulo, vent d'été aux effluves brûlantes. La po-
pulation est d'environ 400,000 âmes ; ce sont des Djât
musulmans (V. ée mot) qui sont en majorité et des tribus
de Rind et de Brahoui (V. Béloutchistân). La ville princi-
pale est Gandava, qui a 5,000 hab. ; on peut encore citer
Dadar, qui est à l'entrée du défilé de Bolan. A. Guy.
KATCH IN ou KATC H INTSI. Peuplade de la Sibérie mé-
ridionale, d'origine samoyède ou éniséienne, parlant un
des dialectes de la langue turque. Elle habite dans le
district de Minoussinsk (gouv. d'Eniseï), surtout dans
la vallée d'Abakan, affluent gauche du Eniseï. Aussi les
Russes confondent-ils cette peuplade avec d'autres, sous le
nom commun de Tatars d'Abakan* Vers l'année 4849 on
estimait leur nombre à 9,436 individus, mais les derniers
recensements n'en accusent que 7,000. Les Katchins sont
des chasseurs nomades et habitent des « yourtes » en
écorce, en feutre, et paifois en bois (alors la yourte a la
forme octogonale). Il y a encore quelques agriculteurs
parmi eux. Très sales, ils s'habillent d'une chemise de toile
et d'un pantalon de drap ; ils ne quittent ces vêtements
que lorsqu'ils sont complètement usés. Les coutumes de
mariage comportent le rapt de la fiancée, la rançon ou
Kalym, la lutte entre les camarades du fiancé et les parents
de la future, etc. L'usage veut aussi qu'après le mariage le
père du marié et son frère aîné ne voient plus la jeune
femme et ne se mettent pas dans certaines parties de la
yourte des nouveaux mariés ; de son coté, la jeune femme
évite de rencontrer ou de servir ses parents. Convertis
nominalement au christianisme, les Katchins continuent à
— 443
K4TCHIN - K4T0NA
pratiquer leurs anciennes croyances chamanistes. Ils enter-
rent leurs morts sur des collines élevées et immolent par-
fois un cheval sur leur tombe, qui est marquée ensuite
par une butte de pierres. Les Chamans ne sont pas enter-
rés, mais exposés sur une haute plate-forme, soutenue par
quatre arbres (coutume répandue depuis les Sayanes jus-
qu'à Tembouchure de la Lena), ou bien ils sont attachés à
un arbre. J. Deniker.
BiBL. : Strumpell, Ueher die Katschinzen in Sud-
Sibérien, dans Mittheilungen de la Soc. Géogr. de Leip-
zig, 1875. — Karatanov et Popov, les Tatars Katchins,
dans Bull. Soc. russe de géogr. ; Saint-Pétersbourg, 1884,
p. 589 (en russe).
KATE (Lambert Ten), philologue hollandais, né à Ams-
terdam en 1674, mort à Amsterdam en 4731. Il fut de
bonne heure un polyglotte distingué et publia des travaux
importants sur la langue néerlandaise dont il fixa, peut-on
dire, la grammaire et la syntaxe. Ses principaux ouvrages
sont : Etudes S2ir les affinités de la langue néerlan-
daise avec les dialectes gothiques (en holL, Amsterdam,
1710, in-4) ; Introduction à la connaissance de la
langue hollandaise {id,, 1723, 2 vol. in-4). E. H.
BiBL. : Van Kampen, Histoire de la littérature néerlan-
daise (en holl.); Haarlem, 1821-26, 3 vol. in-8.
KATE (Jean-Jacques-Louis Ten), poète hollandais, né à
La Haye en 1819. Il étudia la théologie à Utrecht et devint
pasteur, d'abord aux iles Marquises et ensuite à Amster-
dam. Dès Fâge de dix ans, il avait publié un premier
recueil de poésies pleines de naïveté et de grâce, Plus tard,
il composa des poésies légères qui brillent à la fois par
l'inspiration, l'élégance et l'harmonie. Parmi ses œuvres
les plus populaires, nous citerons : Feuilles et flenrs
(Botterdam, 1839, in-8), et la Création (id., 1866,
in-8). Ses œuvres complètes ont été publiées à Leyde en
1867-72, en 8 vol. in-8. E. H.
KATE (Herman-Frederik-Carel Ten), peintre de genre
hollandais, né à La Haye le 16 févr. 1822, mort à la fin
de mars 1891. Il fut, à Amsterdam, élève de Cornelis
Krusemann, puis il vint passer un an à Paris et retourna
dans son pays (1849). Après un premier tableau histo-
rique, les Prisonniers calvinistes sous Louis Xf F, il se
consacra à la peinture de genre et peignit des toiles bien
observées et habilement composées. Membre honoraire de
l'Académie de Rotterdam en 18o6, Kate a quelquefois exposé
à nos Salons : la Discussion politique et les Fêtes cham-
pêtres à l'Exposition de 1855; au Salon de 1857, les
Pêcheurs de Marken^ qui sont au musée de Bordeaux; à
l'Exposition de 1878, la Pointe de l'épée et la Pointe
du pinceau, et des aquarelles. Le musée d'Amsterdam a
de lui r Antichambre^ qui a été achetée 1,300 florins en
1867.
KATER (Henry), mathématicien anglais, né à Bristol le
16 avr. 1777, mort à Londres le 26 avr. 1835. Il com-
mença l'étude du droit, puis s'engagea (1 794y et partit pour
les Indes, où stationnait alors son régiment et où il effec-
tua de nombreux relevés trigonométriques. Il en revint en
1808 avec le grade do lieutenant. Bientôt promu capitaine,
il démissionna en 1814 et ne s'occupa plus dès lors que de
recherches scientifiques. En 1815, il fut élu membre de la
Société royale de Londres et, en 1819, correspondant de
l'Académie des sciences de Paris. Ses plus remarquables
travaux ont porté sur la comparaison des télescopes de
Cassegrain et de Gregory (Philosophical Transactions,
1813-14), sur le meilleur acier à employer pour les ai-
guilles des boussoles et sur la meilleure forme à leur donner
(id.^ 1821), sur la détermination de la longueur du pen-
dule qui bat la seconde à Londres (id., 1818-19), sur
l'évaluation en mètre des mesures anglaises {id., 1818-
21). Il trouva que le mètre est égal à 39,37079 pouces
du yard anglais (un yard = 36 pouces) et qu'un pouce cube
d'eau distillée pèse 252,^58 grains troy (une livre =r:
5,760 grains). A la suite de ces expériences, il fut chargé
par le gouvernement russe de la construction de ses éta-
lons. On doit encore au capitaine Kater une méthode pour
la détermination des longitudes au moyen des échpses de
lune et un instrument qui a rendu de grands services à
l'astronomie pratique, le Floating collimator. Il a publié
à part: A Treatise on Mechanics, en collaboration avec
Lardner (Londres, 1830, 2'' éd., in-8), excellent ouvrage,
qui forme un des volumes de la Cyclopœdia de Lardner et
qui a été traduit en français par A. Cournot (Paris, 1834),
en allemand par Kossman; An Account of the construc-
tion and vérification of certain standards of linear
measures (Londres, 1832, in-4), etc. L. S.
KATHAY ou CATHAY. Nom par lequel les voyageurs et
les historiens du moyen âge désignent la Chine. Cette dé-
nomination est une corruption du mot Khitan (V. ce mot).
Les Russes appellent aujourd'hui encore Kitaï le Céleste
Empire.
KATHÉNOTHÉISME (V. Inde, t. XX, p. 697).
KATHIAWAR ou KATTIVAR (V. Guzerate).
KATIB-TcHÉLÉBi (V. Hadji-Khâlfah et Inde, t. XX,
pp. 671-672).
KATIF (El-). Ville d'Arabie, sur le golfe Persique, au
fond d'une petite baie, au N.-O. des îles Bahreïn, chef-heu
d'un sandjak du vilayet de Bagdad ; 6,000 hab. Grands
jardins de dattiers. Le port, qui fut autrefois célèbre, a
été envahi par la vase et n'est plus accessible qu'à de pe-
tites barques. El-Katif, qui fut, au ix® et au x^ siècle, la
capitale des Karmathes, a été enlevée en 1871 par les
Turcs aux Ouahabites. Pêcheries de perles.
KATKOV (Michel Nikiforovitch), publiciste russe, né à
Moscou en 1818, mort à Znamenskoe le 20juiL 1887.
Il fit ses études à Moscou et les acheva en Allemagne. En
1843, il prit le titre de magister (licencié) à l'université de
Moscou avec une thèse de philologie slave et fut chargé
d'enseigner la philosophie. En 1850, il fut mis à la tête de
la Gazette de Moscou qui était alors publiée par l'univer-
sité. En 1853, il fit paraître un ouvrage sur V Ancienne
Philosophie grecque. En 1856, il fonda la Revue russe
qui existe encore aujourd'hui. Il continua à s'occuper de
questions pédagogiques et créa avec son ami et collabora-
teur Leontiev le lycée classique du Tsarévitch Nicolas. Sous
sa direction la Gazette de Moscou devint l'un des organes
les plus importants de la presse européenne ; elle incarna
les idées du parti vieux russe et fit une guerre acharnée
au libéralisme ; elle prêcha l'éducation classique, la russi-
fication des anciennes provinces polonaises et des provinces
baitiques, combattit les écrivains suspects de sympathie
pour ridée occidentale. Elle exerça une incontestable in-
fluence sur l'opinion pubhque et la représenta dans cer-
taines circonstances. L'ordre de Saint-Vladimir récom-
pensa vers la fin de sa vie les services de celui qui était
devenu en quelque sorte le publiciste national, qui « pendant
de longues années avait consacré toutes ses forces à faire
pénétrer dans les esprits la notion claire des vrais principes
de la vie poHtique en Russie ». L. L.
BiBL. : Neviedensky, Kaikov et son temps; Saint-Pé-
tersbourf?, 1888. — Leroy-Beaulieu, la France, la Rus-
sie et l'Europe; Paris, 1888.
KATONA (Etienne), historien hongrois, né en 1732,
mort en 1811. Entré dans l'ordre des jésuites, il enseigna
dans plusieurs écoles, notamment à l'université de Tyrnau.
Lorsque Joseph II exigea l'emploi de la langue allemande
dans l'enseignement, Katona se démit de sa chaire, et de-
vint bibliothécaire de l'archevêché de Kalocsa. Ses travaux
diplomatiques, continués lorsqu'il fut devenu abbé du mo-
nastère de Bodrog, aboutirent à un immense monument,
ÏHistoria critica regum Hungariœ{^^ ^'oL), collection
dont l'impression dura près de quarante ans (1778-1817) .
KATONA (Joseph), dramaturge hongrois, né à Kecske
met en 1792, mort à Kecskemét en 1830. D'abord juriste,
il se consacra de bonne heure au "théâtre national, qu'il
devait enrichir de sa tragédie la plus célèbre. Après quel-
ques essais mspirés des poètes allemands et sans grande
originalité, il eut l'heureuse inspiration de composer son
Bdnk Ban, dont le succès ultérieur n'a jamais été dépassé
KATONA — KATZENELNBOGEN
^ 444
sur la scène hongroise. Composée dès 1815, mais mo-
mentanément interdite par la censure théâtrale autri-
chienne, la pièce fut imprimée à Pest en 18^21. Katona
est aussi l'auteur de poésies et d'un essai historique sur
sa ville natale. Parmi les nombreux critiques qui se sont
occupés de Bd7îk Bdn^ citons MM. Gyulai et Heinrich.
Les œuvres de Katona ont été réunies en 3 vol. par
M. Abati {Budapest, 4880).
KATONA (Louis), philologue hongrois, né à Vâcz en
iS6^, professeur à Budapest. Il a publié en allemand :
Finnische Mœrchen et Zur Litteratur und Charakte-
ristik des magyarischen Folk-lore (Berlin, 1887), et
collaboré aux Ethnologische Mittheilungen aus Ungarn.
Il a fait aussi des études en langue magyare sur Voland
le Forgeron et sur Molière. Enfin il a composé un essai
sur les patois créoles français, et traduit en français la
grammaire tsigane de l'archiduc Joseph.
KATOUN (V. Monténégro).
KATRINE. Lac d'Ecosse (comté de Perth), à 8 kil. E.
du lochLomond, de 3 kil. de longueur sur 3 kil. de lar-
geur, avec une superficie de 1,200 hect. (plus grande pro-
fondeur : 146 m.). Un aqueduc amène à Glasgow une partie
de ses eaux, depuis 1859 (V. Glasgow). Il est question du
loch Katrine dans la Dame du lac de Walter Scott.
KATS (Jacob) (V. Cats).
KATSCHER. Ville de Prusse, district d'Oppeln (Silésie),
sur la Troja ; 4,000 hab. Tissage. Elle dépend de Tévèché
autrichien d'Olmutz.
KATSENA. Ville du Soudan central, capitale d'une pro-
vince du même nom, aujourd'hui annexée au Sokoto ;
8,000 hab. Elle en a compté 100,000 et fut une des
grandes cités des Haoussas ; depuis sa conquête par les
Foulbé, ©lie a déchu. On y fabrique des cotonnades et des
cuirs. — La province de Katsena a environ 30,000 kiL q.
et 300,000 hab. ; c'est la province septentrionale du Sokoto,
plaine ondulée, bien arrosée et très fertile. Ce fut jadis un
Etat indépendant, et les incursions des Haoussas, restés
libres, l'ont en grande partie ruinée ; cependant Barth y
comptait encore cinquante bourgs de plus de 4,000 âmes.
KATTAK ou CUTTAK. Ville de l'Inde anglaise, prési-
dence du Bengale, ch.-l. d'un district de la province
d'Orissa, sur le Mahanadi ; 45,000 hab. Fondée en 953
par un roi hindou, elle fut prise par les Anglais le 8 oct.
1803 ; sa citadelle (fort Barabati) est en ruine. — Le
district a 9,109 kil. q. et environ 200 hab. par kil. q.
Kattak mehals. — Un groupe de dix-huit princi-
pautés hindoues, situées au S.-O. et à l'O. de Kattak, ont
passé sous la suzeraineté britannique après la prise de la
ville; elles occupent 39-,333 kil. q., peuplés d'environ
1,500,000 hab., dans les montagnes qui dominent la
plaine (mont Malayaghiri, 1,187 m.). Leurs rajahs con-
servèrent jusqu'au milieu du xix® siècle une quasi-indépen-
dance; quelques-uns continuèrent les sacrifices humains
jusqu'en 1836. Aujourd'hui, ces rajahs ne sont que des
fonctionnaires anglais.
BiBL. : Dalton, Descriptive Ethnology of Bengale ; Cal-
cutta, 1872.
KATTE (Hans-Hermann de), né le 28 févr. 1708, dé-
capité à Custrin le 6 nov. 1730. Cet ami infortuné de
Frédéric II était fils du général (ensuite feld-maréchal)
Katte et d'une fille du comte de Wartensleben, ministre
de la guerre de Frédéric l^^. Son grand-père l'éleva à la
française. Après avoir voyagé, Katte revint à Berlin comme
lieutenant des gendarmes de la garde ; ses dissipations et
son insubordination étaient notoires et exaspéraient d'au-
tant plus le roi Frédéric-Guillaume que le prince royal se
liait d'une amitié intime avec lui. Katte complota avec
Frédéric la fuite du prince ; une lettre de celui-ci fut
interceptée, le lieutenant arrêté le 2 nov. 1730, condamné
à mort par le roi et exécuté. Frédéric II, devenu roi,
donna le titre de comte au père de son ami.
BiBL. : Lavisse, la Jeunesse du grand Frédéric; Paris,
1893.
KATTE6AT (V. Cattégat).
KATTOWITZ. Ville de Prusse, district d'Oppeln (Silé-
sie), sur le Rawabach; 16,000 hab. Fonderies de bronze
et de fer, scieries, etc. Cité industrielle qui se développe
rapidement.
KATTY (Métr.) (V. Catty).
KATWYK. Village des Pays-Bas, province de Hollande
méridionale, sur la mer du Nord, à l'embouchure du canal
qui y conduit les eaux du Vieux-Rhin à travers les dunes ;
7,000 hab. Trois rangées d'écluses avec 4, 8 et 10 portes
préservent le canal de l'invasion de la marée et retiennent
les eaux dans de vastes bassins de chasse. Ces travaux furent
exécutés par Conrad, sous la domination française, à partir
de 1807, complétés en 1841. — Katwyk est un bain de
mer assez fréquenté. Auprès se voient sous l'eau les ruines
d'un camp romain {Huis te Britten) pour la dernière fois
émergé en 1696.
KATYÂYANA (forme pâlie Katchâyana). I. Disciple du
Bouddha, exalté pour l'intrépidité avec laquelle il enseignait
la loi. Envoyé par son maître pour convertir le roi et le
peuple de Oudyayana (Oudjéin), il réussit dans cette mis-
sion. Lors du schisme (bien postérieur à sa mort), l'école
des Sthaviras se réclama de lui et le prit pour patron.
IL Katchâyana est le nom donné à l'auteur des Soûlras
ou aphorismes qui, avec le commentaire, constituent la
grammaire de la langue pâlie la plus réputée, grammaire
dont M. E. Senart a pubUé le texte pâli avec traduction
française dans h Journal asiatique en 1872. L. Feer.
KATZBACH. Rivière de Prusse, affluent gauche de l'Oder,
en Silésie. Elle descend 360 m. durant un cours de 98 kil. ;
c'est donc presque un torrent, avec peu d'eau en été. Elle
reçoit à gauche la Schnelle Deichsel^ à droite la Wutende
Neisse,
Bataille de la Katzbach. — La bataille de la Katzbach
fut gagnée le 26 août 1813 par Bliicher sur Macdonald.
L'armée de Silésie formée du 1^"* corps d'armée prussien
(York) et de deux corps russes (Langeron et Sacken) avait
reculé derrière la Katzbach pour éviter la bataille contre
les forces supérieures de Napoléon. Apprenant son retour
à Dresde, Blùcher résolut d'attaquer Macdonald qui s'avan-
çait imprudemment pour passer la rivière ; Sacken forma
son aile droite vers Liegnitz, York le centre à droite de la
Wutende Neisse, Langeron la gauche à gauche de cette ri-
vière. Bliicher laissa les Français commencer le passage de
la Katzbach et l'occupation du plateau, puis attaqua avec
toutes ses forces la fraction de leur armée qui était en haut,
la jetant dans le vallon de la Wutende Neisse . Une pluie
diluvienne tombait, qui gonfla les torrents et acheva la
déroute des Français dont beaucoup se noyèrent. La pour-
suite ne commença que le lendemain. Le 29 août, la divi-
sion Puthod fut battue à Plagwitz, et le l^'' sept, les avant-
gardes prusso-russes arrivaient à la Neisse de Lusace. La
Silésie était entièrement perdue pour Napoléon. Les alliés
accusèrent une perte de 3,400 hommes ; les Français en
auraient perdu près de 30,000 dont 18,000 prisonniers,
avec 103 canons, 2 aigles, 3 généraux. — Dans les mêmes
parages, près de Liegnitz, à Wahistadt, avait été livrée, en
1241, la bataille gagnée par les Mongols. Le titre donné à
Bliicher en 1414 fut celui de prince de Wahistadt.
KATZENELNBOGEN (Cattimelibocus, Melibocus des
Cattes ou Chattes). Ancien comté allemand, situé sur le Rhin
et le Main. Ony distingue le comté supérieur (1,1 00 kil. q.),
appartenant à la Hesse et cojnprenant Darmstadt, et le
comté inférieur (468 kil. q.), qui appartient à la Prusse
et dont le ch.-l. est Saint-Goar. Le village de Katzeneln-
bogen (1,200 hab.) appartient au district de Wiesbaden;
il a un vieux château. Celui de JSeukatzenelbogen fut
édifié à la fin du xiv^ siècle sur un rocher qui domine
Saint-Goar, et détruit en 1806. — Les comtes de Kat-
zenelnbogen descendent de Henri P^ (1096-02); de 1245
à 1403, ils se scindèrent en branche ancienne et nouvelle ;
la seconde hérita de la première, mais s'éteignit en 1479;
ses biens furent portés à la Hesse par le mariage d'Anne
de Katzenelnbogen avec le landgrave Henri III de Hesse.
— 445
KATZENELNBOGEN - KÂULBACH
Dans les partages ultérieurs, le comté supérieur fut attri-
bué à la Hesse-Darmstadt, le comté inférieur à la Hesse-
Nassau et annexé à la Prusse en 1866 (V. Hesse).
KAUFBEUREN. Ville de Bavière, prov.de Souabe, sur la
Wertach ; 7,000 hab. Filature et tissage du coton, litho-
graphie, fabrication de machines agricoles, etc. Pèlerinage
célèbre. Ancienne ville libre de 1286 à 1803.
BiBL. : DieReichstadt Kaufbeuren; Munich, 1870.
KAUFFMANN (Hugo), peintre allemand, né à Hambourg
le 7 août 1844. Il étudia d'abord à l'Institut de Stîfidel, à
Francfort, sous Joseph Becker, puis à Dusseldorf. Obligé
en 1870 de quitter Paris, oii il se trouvait depuis un an
et demi, il alla s'établir à Munich. Parmi ses scènes de
la vie humaine et du monde animal, très individualisées,
et d'un coloris harmonieux, nous citerons : Chevaux à
V abreuvoir^ Chargement de bois à la forât, le Maître
vient! Scène d'auberge^ Vente à l'encan (1873, une de
ses œuvres principales), Départ pour la chasse^ Trafic
de chevaux, la Pluie et le beau temps, Altercation au
sortir de l'école, le Chevau-léger jaloux, Musiciens
ambulants (1876), Etudes de têtes du peuple, Men-
diants italiens, et, entre autres bons dessins a la plume,
Petits Bourgeois et Vagabonds,
KAUFMANN (Mont). Lepic le plus élevé du Trans Alaï.
Fedtchenko, qui lui a donné le nom du gouverneur du Tur-
kestan, en a évalué la hauteur à 7,500 m. C'est une pyra-
mide d'une blancheur sans tache.
KAUFIVIANN (Nicolas), mathématicien du xvii® siècle
(V. Mercâtor).
KAUFMANN (Angelika), femme peintre allemande, née
à Schwarzenberg, près de Bregenz, le 30 oct. i 741 , morte à
Rome le 5 nov. 1807. Elève de son père, le ^ûvàvÇ) Johann-
Joseph Kaut'mann, elle fut envoyée par lui à Côme, puis
à Milan où elle fit le portrait du duc et de la duchesse de
Modène, revint en Allemagne décorer l'église de son vil-
lage et le château du comte de Montfort, retourna à Flo-
rence (1763), puis à Rome où elle fut l'élève de Winckel-
mann, se rendit en Angleterre (1765) et s'établit à Londres.
Elle peignit alors la Mère des Gracques, le Sacrifice de
Messaline, VEritrevue d'Edgar et Elfried, donna à
Klopstock un tableau sentimental, Samma an Benonnis
Grab, qui fut très goûté, de même que son Amour et
Psyché. Elle était très à la mode à Londres ; mais son
mariage secret avec le faux comte de Horn (cassé quand
l'imposteur fut démasqué) la ruina et la déconsidéra. Elle
épousa ensuite le peintre Antonio Zuchi et retourna en
Italie (1781). Elle fit à Venise la conquête du futur tsar
Paul l^'^, se rendit à Naples et finit sa vie à Rome où elle
tint un salon dont Gœthe a beaucoup parlé. Elle peignit
alors le Retour d'Arminius vainqueur, les Funérailles
de Pallas par Enée. Le musée de Berlin possède son por-
trait par elle-même en costume carnavalesque, mi-Flore,
mi-Bacchante, mi-Muse ; on cite aussi sa Vestale (musée
de Dresde). Elle a gravé plusieurs de ses tableaux. Cette
peinture douceâtre, dont le dessin et le coloris laissent fort
à désirer, a tout à fait perdu sa vogue.
BiBL. : Wessely, dans Kanst und Kûnstler de Dohme.
KAUFIVIANN. Famille de mécaniciens et facteurs d'ins-
truments de musique allemands. Le chef de la famille fut
Johann-Gottfried, né à Siegmar (Saxe) Je 14avr. 1751,
mort à Francfort-sur-le-Main le 10 avr. 1818. Seul,
puis assisté de son fils Friedrich Kaufmann (né à Dresde
le 5 févr. 1785, mort à Dresde le 1^^ déc. 1866), il in-
venta des horloges avec jeux de flûte et de harpe, et de
nouveaux instruments appelés bellonéon, chordaulodion et
harmonicorde. Ce dernier surtout fut remarqué. Kaufmann
fils construisit seul une trompette automate qui excita en
son temps une vive admiration. — Friedrich-Theodor,
fils de Friedrich, né à Dresde en 1812, mort à Dresde en
1872, fut l'inventeur de l'orchestrion, dont il construisit
les premiers modèles en 1851, et qui se répandit en Alle-
magne dans les brasseries et jardins pubhcs pour remplacer
tant bien que mal un petit orchestre.
KAUFMANN (Christoph), médecin allemand, né à Win-
terthur le 14 août 1753, mort à Besthelsdorf le 21 mars
1795. Apôtre de la pédagogie de Basedow, il excita l'ad-
miration de Lavater, qui en fit un de ses grands hommes, et
eut un moment de grande vogue en Allemagne ; il disait
ne pas dormir, vivait de lait et de végétaux, faisait des
cures miraculeuses, racontait ses exploits dans un autre
monde, etc. Gœthe l'a persiflé, le prenant pour modèle de
son Satyros.
BiBL. : DuNTZER, Ctivistoph Kaufmann; Leipzig, 1882.
KAUFMANN (Constantin-Petrovitch), général russe, né à
Mordani en 1818, mortàTachkentenl882. H débuta dans
la carrière militaire au Caucase, se fit remarquer en 1855
au siège de Kars, devint général-major en 1857, en 1865
gouverneur général de Vilna et en 1867 gouverneur géné-
ral du Turkestan. Il dirigea l'expédition contre l'émir de
Bokhara, et s'empara de Samarkande (20 juin 1868). Il
conçut le plan d'assurer à la Russie la possession de l'Asie
centrale et il le réalisa. En 1873 il s'empara de Khiva et
obUgea le khan à se reconnaître vassal de l'empereur. Deux
ans après, il occupa lekhanat de Khokand, reçut le titre de
gouverneur général du Turkestan et organisa l'administra-
tion des provinces qu'il avait soumises à l'empire russe.
KAUFMANN (Alexander), poète allemand, né à Bonn le
15 mai 1821, archiviste des princes de Lœwensteinà Wer-
theim. Ses poésies sont gracieuses et gaies, très goûtées
des Rhénans : Gedichte (Dusseldorf, 1852) ; Mainsagen
(Ascliaffenburg, 1 853 ; les sources ont été pubhées
en 4862) ; Unter denBeben (Berlin, 1871). — Sa femme
Mathilde, née Binder, à Nuremberg le 5 déc. 1835, est
également poète. Elle publia, sous le pseudonyme d'ima?'a
George, Blilten der Nacht (Leipzig, 1856), puis Mytho-
^^r;;^ (1858), recueil de légendes, en commun avec son
maître Daumer et Kaufmann qu'elle avait épousé en 1857 ;
citons encore ses romans : Clara i)laitland(Cologno,\S60);
Auf deutschem Boden (Wurzbourg, 1877), etc.
KAUFMANN (Richard de), économiste allemand, né à
Cologne le 29 mars 1850. Professeur à l'Ecole agronomique
de Berlin (1879), à l'Ecole technique d'Aix-la-Chapelle
(1879), puis à l'Université de Berlin (1883). Il a écrit :
Die Zacker industrie (Berlin, iSlS);Die Vertretung der
wirtschaft lichen Interessen Europas in den Staaten
(1879) ; l'Association douanière de l'Europe centrale
(Paris, 1 880) ; Die Fina7izen Frankreichs (Leipziff , 1 882 :
trad.fr., 1884), etc.
KAULBACH (Wilhelm), peintre allemand, né à Arol-
sen, dans la principauté de Waldeck, le 15 oct. 1805,
mort à Munich le 7 avr. 1874. Son père, qui était or-
fèvre, lui donna les premières leçons de dessin et l'envoya
dès l'âge de seize ans à l'Académie de Dusseldorf, où il
travailla sous la direction de Mosler et du fameux Corné-
lius. En 1825 Kaulbach suivit ce dernier à Munich, et dès
son arrivée fut chargé par le roi Louis de travaux im-
portants : il peignit sur le plafond de l'Odéon une fresque
représentant Apollon et les Muses, sous les arcades du
jardin royal [Hofgarten), dilférentes compositions allégo-
riques, entre autres les figures colossales des Dieux ma-
rins et la Bavaria, enfin dans la salle de danse du palais
Maximilien (Maximilianeum), seize compositions tirées
du Mythe d'Eros et de Psyché, Quand le roi Louis
entreprit de décorer la nouvelle résidence qu'il s'était fait
construire d'un vaste cycle de peintures empruntées aux
poètes de tous les temps, depuis la Grèce antique jus-
qu'à l'Allemagne contemporaime, il chargea Kaulbach d'il-
lustrer Klopstock, Gœthe et Wieland : le peintre exécuta
dans la salle du trône 12 tableaux empruntés à la lé-
gende d'Hermann telle que l'a racontée Klopstock, dans la
chambre voisine 18 compositions tirées de Wieland, et
dans la chambre à coucher du roi 42 petits panneaux
dont les sujets sont pris aux poésies lyriques de Goethe.
Deux tableaux qu'il entreprit en même temps étendirent
tout à coup sa célébrité et le firent proclamer partout le
premier peintre d'Allemagne. L'un est le Combat des Huns
KÂULBAGH ~- KAULBARS
— 446
et des Romains fantômes, que le conseiller yon Klenze
lui commanda : il fut longtemps admiré par les artistes
allemands à l'état de carton, et ce n'est qu^en 4837 que
Kaulbach le peignit à Fhuile pour le comte Raczinsky : ce
tableau a beaucoup poussé au noir et est aujourd'hui^ peu
près ruiné. L'autre est la Maison des fous (18:29 ; gale-
rie Raczinsky à Berlin), dont il avait eu la première idée à
Dusseldorf, en visitant l'asile d'aliénés, où on l'avait prié
de peindre quelques anges dans la chapelle. Les critiques
comme Goerres y saluèrent l'œuvre d'un penseur et d'un
chercheur qui avait pris à tâche de réunir sur sa toile toutes
les variétés de folie ; la gravure de Henri Merz répandit
l'œuvre dans l'Europe entière, où elle fut alors universelle-
ment admirée. Enl 845, Kaulbach fut chargé d'une entreprise
colossale : il s'agissait de peindre pour l'escalier du nouveau
musée de Berlin six grandes fresques, résumant l'histoire de
la civilisation, cette Kulturg esc liichte j^our h([iie\lii depuis
Hegel l'Allemagne se passionnait ; le peintre se mit à l'œuvre
avec ardeur, et, en 1853, tous les cartons furent prêts et
aussitôt gravés. C'est un ensemble puissant et bizarre, où
un peuple de figures est rassemblé et un vaste système de
symboles et d'allusions mis en œuvre pour synthétiser les
grandes époques de l'histoire humaine : la Tour de Babel,
Homère amenant aux Grecs les dieux dlonie, la Des-
truction de Jérusalem (répétition d'un carton exécuté en
d838, et conservé à la Neuere Pinacothek de Munich),
la Bataille des Huns (variante de la composition peinte
vingt-cinq ans auparavant), V Arrivée de Godefroi de
Bouillon devant Jérusalem^ l'Age de la Réforme, Les
collections et les palais allemands contiennent encore
d'autres grandes œuvres historiques et symboliques de ce
travailleur infatigable ; on peut citer dans la galerie Rac-
zinsky un carton delà Bataille des Saxons (4834), la
Saga (1852) ; à la villa Rosenstem, près de Stuttgart, la
Délivrance du Saint-Sépulcre par les Croisés, le Christ
aux Limbes; au Maximilianeum, à Munich, Charle-
magne et Witikind, la Mort de César et la Bataille
de Salamine, dont une esquisse se trouve au musée de
Stuttgart : au musée germanique de Nuremberg, l'Empe-
reur Otton U entrant dans le tombeau de Charle-
magne.
L'œuvre de Kaulbach est plutôt celle d'un philosophe
que celle d'un peintre. Se souvenant toujours des fameux
conseils de Cornélius aux élèves de l'Académie de Mu-
nich : « Lisez-moi de bons poètes, Homère, Shakespeare,
Gœthe, sans oublier la Bible », il s'est moins appliqué à
trouver l'harmonie des compositions et la beauté des formes
que la complexité des sujets à traiter et la profondeur des
idées à traduire. Aussi ses œuvres, nées des livres, sont-
elles obscures et déconcertantes pour le spectateur ; il leur
faut des exphcations et des scolies comme pour un texte
trop plein de choses, et Kaulbach le comprenait si bien que
lui-même faisait distribuer aux curieux qui venaient voir
sa Destruction de Jérusalem un commentaire qu'il avait
écrit et fait imprimer. A mesure qu'il vieiUit, il s'attacha
de plus en plus à faire des théories plutôt que des tableaux,
et des cartons plutôt que des peintures. H en vint même, de
l'aveu de ses plus fidèles admirateurs d'Allemagne, à sa-
crifier complètement la pureté du dessin et à incarner des
symboles obscurs dans des formes abstraites et sans vie.
La peinture à thèse, si curieusement appelée Tendenzma-
lerei, finit par n'être plus que la traduction en langage
figuré d'une brochure {Programmalerei), Aussi est-il na-
turel que Kaulbach ait fait beaucoup de dessins pour illus-
trer des poètes : il en est de fort beaux dans Faust, les
pièces de Schiller, de Shakespeare ; beaucoup ont été
soit gravés, soit photographiés pour des éditions.
En cherchant à exprimer par le pinceau ou le crayon les
idées de sa génération, Kaulbach fut naturellement con-
duit à attaquer les idées opposées. Aussi, à côté de ses
œuvres épiques et philosophiques, faut-il faire une place à
ses œuvres satiriques. Pour des peintures comme le Peter
Arbues (collection Stewart, à New York) et le Saint Mi-
chel allemand, échos des querelles religieuses, pour des
dessins comme ceux de Reinecke Fuchsde Gœthe, les Al-
lemands ont voulu en faire un rival d'Hogarth dont il n'a
été que l'imitateur assez lourd. On pourrait aussi trouver,
dans son Renard et les animaux qui l'entourent un sou-
venir des Scènes de la vie des animaux, que Granville
avait l'ait paraître dès 1842. Il en vint, par une consé-
quence aussi logique que singulière, à composer de grandes
fresques satiriques. Ainsi il fournit pour la décoration de
la Neuere Pinacothek de Munich dix-neuf esquisses qui
furent exécutées en grand par ses élèves Nelson et Barth
sur les murs extérieurs du monument. Les fresques elles-
mêmes sont déjà ruinées et à peu près invisibles, mais les
esquisses à l'huile sont conservées dans le musée même;
elles chaulent la victoire du Romantisme sur la Perruque
{Zopfj, et rien n'est plus curieux pour l'histoire des idées
au temps de Louis L^^, que de voir les champions de l'art
nouveau, Kaulbach en tète, s'avancer vers l'ennemi, mon-
tés sur Pégase et guidés par Minerve, pour délivrer les
trois Grâces... Kaulbach a laissé quelques portraits, d'une
tenue sévère et noble, entre autres son propre portrait, en
costume de bal masqué, conservé au Musée germanique de
Nuremberg. Il fut comblé d'honneurs : en 1837, il fut
nommé peintre de la cour par Louis P^ ; en 1849, il de-
vint directeur de l'Académie de Munich et peu de temps
après il fut anobli. E. Bertaux.
Son ^h Hermann, né à Munich le 26 juil. 1846, élève
de Karl Piloty, s'est fait connaître à la fois par des toiles
de genre et des scènes historiques, où le principal est parfois
sacrifié à l'accessoire, et parmi lesquelles nous citerons :
LudwigXIin Péronne (1869); Mozarfs lelzte Tage
(4873), œuvre d'un effet saisissant, qui se trouve à Lon-
dres, chez M. Duncan ; Hansel und Greiel bei der Hexe^
d'après les contes de Grimm ; Sébastian Bach bei Frie-
drich Il (4875); Lucrezia Borgia tanzt vor ihrem
Vater (4882), etc. — Un second fils de W. Kaulbach,
Friedrich-August, né à Hanovre le 2 juin 1850, élève de
Diez, a succédé à Piloty à la tête de l'Académie de Munich. Co-
loriste remarquable, il a surtout peint des portraits et des
tableaux de genre, imitant la Renaissance allemande, puis
les Hollandais : Matterf rende; Die Lautars pielerin; Der
Spazieryang ; Irœumerei; Maitag (4880, musée de
Lresde); portraits de sa sœur (4884); de \^ Princesse
Gis^/^ (4886), etc.
BiBL. : Comte Raczinsky, Histoire de l'art moderne en
Allemagne; Paris, 1839-41, 3 vol. in-4 et atlas in fol. —
R. MuTHER, Geschichte der Malerei im XIX Jahrhun-
dert;2^ livr., iMunich, 1892-94, 6 livr. in-4. — Kunstblatt,
1834. — Kunsthronlk, t. VII. — Zeitscfirift fur hildende
Kunst, 1. 1, V, XL— The Art Journal, 1856.
KÂU LBACH (Friedrich), peintre allemand, né à Arolsen
le 8 juil. 4822, cousin du précédent. Il se destina d'abord
à la sculpture, puis l'exemple de son illustre cousin l'en-
gagea à apprendre la peinture : Wilhelm lui-même fut son
maître. La composition la plus connue de Friedrich Kaul-
bach représente Adamet Eve devant le corps d'AbeL
11 s'est surtout d'ailleurs consacré au portrait ; il est établi
à Munich.
KAU LBÂRS (Alexandre, baron de), général russe, né à
Saint-Pétersbourg en 4814. Il débuta dans la carrière mi-
litaire comme officier d'état-major et fut envoyé en Asie.
Il explora les monts Tian-chan, et découvrit les sources du
Naryn. En 4872, il fut envoyé à Kachgar pour négocier
avec ïakoub Beg ; en 4873, il visita le delta duDaria. De-
venu colonel, il fut envoyé en Bulgarie ; le prince xilexandre
le prit comme ministre de la guerre en 4882 ; il dut quitter
ce poste en 4883 à la suite des protestations du parti na-
tional et retourna en Russie où il fut promu général. Il a
collaboré aux Mémoires de la Société de géographie de
Saint-Pétersbourg. — Son frère, Nicolas, né en 4842, sui-
vit également la carrière militaire, servit pendant la guerre
contre les Russes, reçut le grade de colonel et fut nommé
attaché mihtaire à Vienne (4884). En 4886, il fut envoyé
en Bulgarie pour rétablir dans ce pays l'influence russe qui
447
KAULBARS - KàVANAGH
périclitait, mais il ne put y réussir. Rappelé de Vienne en
4887, il fut nommé gouverneur de la Finlande. On lui doit
d'excellents travaux géographiques,
KAUNITZ (Wenzel- Anton), prince de Kaunitz-Riet-
berg, homme d'Etat autrichien, né à Vienne le 2 févr. 1711,
mort le 27 juin 1 794. Issu d'une illustre et riche famille
de Moravie, fils du comte Maximilien--Ulri<îh Kaunitz et de
la comtesse Maria-Ernestine|Rietberg, dont il ajouta le
nom au sien, il fut destiné à l'Eglise étant le plus jeune de
cinq enfants ; la mort de ses frères aînés changea sa car-
rière ; il fit dans sa jeunesse de longs voyages pour son
instruction à travers l'Europe, fut nommé conseiller aulique
par l'empereur Charles VI, remplit avec succès d'impor-
tantes missions diplomatiques auprès du pape ^1741)
et auprès du roi de Sardaigne (1742), fut quelque temps
par intérim gouverneur des Pays-Bas autrichiens (1744),
prit une part considérable aux négociations d'Aix-la-Cha-
pelle (1747-1748) et prépara fort habilement pendant
son ambassade en France (1750-1752) l'alliance des
deux cours de Vienne et de Versailles, qui fut rendue pu-
blique en 1756 et qui dura jusqu'à la Révolution. Nommé
par Marie-Thérèse, qui avait en lui une confiance illimitée,
chancelier de cour et d'Etat (1752), il fut pendant qua-
rante années le principal moteur de la monarchie autri-
chienne, dont l'histoire, pendant cette période, se confond
presque entièrement avec la sienne. Son crédit baissa, il
est vrai, quelque peu après la mort de sa protectrice (17 80),
sous le règne de Joseph II aux réformes duquel il participa,
et fut moindre encore sous le règne de Léopold II. L'âge
et la maladie obligèrent le prince de Kaunitz à rentrer dans
la vie privée à l'avènement de François II (1792). Il avait
été créé prince d'Empire en 1764. Il affectait pour toutes
les modes françaises une prédilection qui agaçait les Vien-
nois. Il était admirateur déclaré des littérateurs et philo-
sophes français. C'était un homme très actif et laborieux,
fidèle, loyal, affable avec les inférieurs, ami déclaré des arts.
La branche morave des Kaunitz, à laquelle il appartenait,
s'éteignit en 1848; la branche bohème qui remonte à 1617
et porte le titre de comte, existe encore.
BiBL. : HoR.MAYR, dâïis Œstevr-Plutarch^t. VI. — V.bibl.
des art. Joseph II et Marie-Thérèse.
KAUPERT (Gustav), sculpteur allemand, né à Cassel
le 4 ayr. 1819. Il étudia d'abord dans sa ville natale, puis
à Munich sous Schwanthaler. Après avoir débuté par un
Tueur de lions, il alla à Rome, où il exécuta son groupe
de Faune et Bacchante, un Massacre des bmocents,
couronné par l'Académie de Saint-Luc, et fit pour l'Amé-
ricain Grawford le monument de Washington. Parmi ses
œuvres ultérieures, citons la statue colossale de f Amé-
rique, le frontispice du Gapitole de Washmgton, une Pé-
nélope, Amour maternel (villa Cornélius, à Bade),
Suzanne au bain, une Lorélei, pleine de caractère, le
monument funéraire Ange consolant une jeune femme
(Cassel), une Victoire pour l'arc de triomphe de Franc-
tort (1871); un buste colossal de Bœrne (id.), la liesse
(lion endormi) terrassée par Napoléon (Cassel, 1874);
le buste de Karl Gutzkow (1879); Christ et Apôtres
pour la basilique de Trêves. Kaupert est, depuis 1887,
professeur à l'Institut de Stsedel, à Francfort-sur-le-Main.
KAURI(V.CAum).
KAIIRIN (Jens-Mathias-Pram), théologien norvégien, né
en 1804, mort en 1863. Professeur d'homilétique à l'uni-
versité de Christiania, il abandonna bientôt le professorat
pour la carrière pastorale. En 1858, il fut nommé évêque
du diocèse de Bergen. Il travailla activement à une nou-
velle version de la Bible en norvégien, et a laissé un ou-
vrage intitulé : les Livres symboliques de l'Eglise nor-^
végienne publiés dans leur texte original (1854).
BiBL. : M.-B. Landstadt, série d'articles dans Luth.
Kirketid,, I, II et III.
KAUSLER (Franz de), écrivain militaire allemand, né à
Stuttgart le 28 févr. 1794, mort à Karlsruhe le 10 déc.
1848. Officier d'artillerie wurttembergeois (1811-42), pro-
fesseur à l'Ecole militaire de Stuttgart, retraité au grade
de colonel, il a écrit : Versuch einer Kriegsgeschichte aller
Vœlker und Zeiten (Ulm, 1826-30, 4 vol.), composé un
bon Atlas der merkwUrdigen Schlachten, Treffen mid
Belagerungen (210 planches (1831-38); Napoléons
Grundsœtze (1828); Die Kriege von il 92 bis i8i5
(avec Wœrl, Fribourg, 1840-42, 28 livr.) ; Das Lebender
Prinzen Eugen von Savoyen (Friboarg, 1838-39,2 vol.).
KAUTZ (Jules), économiste nongrois, né àRaab en 1829.
Etudiant de Pest, puis de Leipzig, il est devenu en 1 863
professeur d'économie pohtique à l'université de Budapest.
Député de 1865 à 1882, il a été appelé en 1882 à la sous-
direction de la Banque austro-hongroise. A part les ser-
vices qu'il a rendus, sur les questions de finances, lors de
l'établissement du dualisme, M. Kautz occupe une place
importante dans la littérature des sciences économiques,
avec les travaux suivants, publiés en langue magyare :
Manuel d'économie politique (Pest, 1861); [développe-
ment des idées économiques en Hongrie (Pest, 1868,
trad. allem. de Schiller, 1876); Système d'économie
nationale et de finances (1875); Traité de la scieiice
politique (1879).
KAUTZCH (Emil-Friedrich), théologien protestant alle-
mand, né à Plauen le 4 sept. 1841. Professeur aux uni-
versités de Leipzig (1869), Bâle (1872), Tubingue (1880),
il a publié : De Veteris Testamenti locis a Paulo apostolo
allegatis (1869) ; J. Buxtorfderœltere(iS19) ; Gramm,
der Biblisch-Aramœischen (1884), etc.
KAVA. Boisson enivrante en usage dans toute la Poly-
nésie et dans une partie de la Mélanèsie où elle a été impor-
tée tout récemment. Voici comment on prépare cette bois-
son : une vingtaine de jeunes femmes et de jeunes filles se
placent autour d'une grande tasse en bois et partagent
entre elles l'énorme racine d' une pipéracée appelée kava ou
ava (Piper methysticum) (V. Poivre). Chacune des
femmes prend alors des petits morceaux de cette racine,
les mâche plus ou moins longtemps et crache l'espèce de
bouilHe ainsi obtenue dans Pécuelle. On y ajoute ensuite
de l'eau et on laisse le liquide en repos. La fermentation
ne tarde pas à se produire (par suite probablement de
l'action du ferment de la saHve sur le jus) et alors les
hommes viennent boire la liqueur ainsi obtenue en se ser-
vant de verres en bambou ou de sortes de cruches formées
en feuille de pisang pliée d'une certaine façon. L'ivresse
produite par le kava n'est pas très forte et ne peut être
comparée à celle qui se manifeste à la suite des excès
alcooliques. L'usage de kava tend à disparaître de plus en
plus, à mesure que les Polynésiens s'adonnent à la con-
sommation de l'alcool et du tabac. J. Deniker.
BiBL. : Lewin, Ueber Piper methysticum ; Berlin, 1886.
KAVAJE (V. CâvojA).
KAVAL.A. Ville de Turquie d'Europe (Macédoine), à
24 kil. S.-S.-E. de Drama, sur une baie de la mer Egée,
sandjak de Salonique, en face de Thasos et au pied du Pan-
gei ; 5,000 hab. Plage de sable ; la rade est mal protégée ;
néanmoins c'est une échelle très fréquentée. Grand com-
merce de céréales, de tabac, de soie brute et de sésame.
Autrefois Neapolis, à 13 kil. des ruines de Philippes, dont
c'était le port. Le nom de Kavala rappelle un important
relai de poste. Au moyen âge, elle reçut ce nom des Latins ;
son nom byzantin était Christopolis. Abandonnée au
XIV® siècle, elle reçut au xvi^ une colonie de juifs. Patrie
de Méhémet-Ali. Ruines d'un aqueduc génois.
BiBL. : Heuzey, Mission de Macédoine.
KAVANAGH (Julia), femme auteur anglaise, née à
Thurles en 1824, morte àiNice le 28 oct. 1877. Elle vécut
une dizaine d'années à Paris et, de retour à Londres en
1844, débuta dans la littérature en donnant des nouvelles
aux revues. Elle a laissé un grand nombre de contes et de
romans bien écrits, qui ont eu du succès et dont les plus
connus sont: The Three Paths (1847); Madeleine [iS^S) ;
Woman in France during the eighteenth Century
(1850, 2 vol. in-S) ; Nathalie (1850, 3 vol.); Daisy
Burns (1853, 3 vol. in-8), trad. en français, sous le titre
KAVANAGH — KAYSER — 448 —
de Tuteur et Pupille (Paris, d860) ; Queen Mab (1863,
3 vol.); Z)om(l858, 3 vol.); Two Lilies (1877, 3 vol.);
Forget-me-7iots (1878, 3 vol, in-8), etc. Citons encore
dans un autre genre, French Women ofLetters (1862),
esquisses biographiques, et A Summer and Winter in the
two Sicilies (1858, 2 vol.). R. S.
KAVARDA. Ville de l'Inde centrale, capitale d'une prin-
cipauté du Gondvana; 7,000 hab. Le grand prêtre des
Kabir Panthi y réside. La principauté occupe dans le
bassin de la Mahanadi 2,297 kil. q. peuplés d'environ
80,000 hab.
KAVATSL Province du Japon, au S. de Nippon, région
du Go-Kinaï, dans le fou d'Osaka. Elle correspond à la
plaine de la banlieue d'Osaka et a environ 300,000 hab.
KAVELINE (Constantin- Dm itrievitch), publiciste russe,
né à Saint-Pétersbourg en 1808, mort en 1885. Il fit ses
études à l'université de Moscou et occupa la chaire de droit
civil à l'université de cette ville et plus tard à celle de
Saint-Pétersbourg. Il fut chargé d'enseigner la législation au
grand-duc Nicolas Alexandrovitch et fut conseiller légiste
du ministère des finances. Il fut envoyé en mission en France
et en Allemagne pour étudier l'organisation de l'enseigne-
ment supérieur. Il a pubhé un grand nombre de travaux
relatifs aux sciences juridiques. Un certain nombre d'entre
eux ont été réunis : OEuvres de M. Kaveline (Moscou,
1859, 4 vol.). On lui doit encore. Problèmes dQ psycho-
logie (vSaint-Pétersbourg, 1872); la Philosophie de Va
priori (id., 1875); la Question des paysans {id.,
1882); etc.
KAVERI. Fleuve ôeVInde (V. ce mot, t. XX, p. 672).
KAVIAR (V. Caviar).
KAW. Coonnune de la Guyane française, sur la rivière
de ce nom, à 20 kil. de la mer; son territoire s'étend des
plaines noyées du rivage jusqu'aux collines ou monts de
Kaw, sur 589 kil. q. peuplés de 500 colons environ et de
150 à 200 coolies indiens ou noirs.
KAWL Mont de Java (V. ce mot, t. XXÏ, p. 67).
KAWI (V. Java [Langue]).
KAY. Village de Prusse, près de Zullichau (Brandebourg).
Le 23 juil. 1759, le général Soltikovy battit les Prussiens
deWedell et leur fit perdre 8,000 hommes.
KAY (John), poète anglais connu sous le nom latinisé de
Caius (dit Senior ou l'Ancien) pour le distinguer du sui-
vant; poète lauréat d'Edouard IV, il traduisit V Histoire
du siège de Rhodes.
KAY, KAYE ou KEY (John), connu sous le nom de Caius
Junior, médecin et philologue anglais, né à Norwich le
6 oct. 1510, mort à Londres le 29 juil. 1573. Il étudia
à Padoue et à Bologne et fut appelé par Henri VIII à une
chaire d'anatomie à Londres. Il fut le médecin des reines
Marie et Elisabeth et présida le collège dés médecins. On
lui doit d'avoir provoqué la publication de divers classiques
grecs et latins, Galien, Celse, Scribonius Largus, etc. Il
reconstitua à ses frais, à l'université de Cambridge, l'an-
cien collège Gonville, qui prit le nom de collège Caius
(1557). D^ L. Hn.
KAY (Adrien-Thomas), peintre flamand (V. Cay).
KAY (John), artiste écossais, né en 1742, mort en 1830.
Fils d'un maçon, ayant pris l'état de barbier, il s'adonna
sans maître au dessin et fit d'abord de la miniature. Ses
oeuvres en ce genre sont d'un art naïf et fort, d'une indi-
vidualité prononcée, avec le fini minutieux des primitifs,
et un sentiment réaliste versant dans l'accentuation du
trait trivial ou grotesque. Aussi tourna-t-il à la carica-
ture, et il y réussit si bien qu'il s'attira la bastonnade et
des désagréments avec la justice. Il a aussi gravé à la
pointe sèche plus de 900 planches, représentant des types
populaires, qu'il exposait et vendait dans sa boutique.
KAY (Joseph), économiste anglais, né à Salford (Lan-
cashire) le 27 févr. 1821, mort près deDorking (Surrey)
le 9 oct. 18/8. Avocat à Londres (1848), juge à la cour
des ïlundred de Salford (1862), conseiller de la reine (1869),
il est connu par une série d'ouvrages sur la condition des
pauvres, pour laquelle il avait recueilli des documents en
France, en Suisse, en Allemagne, en Autriche, en Hollande.
Citons : The Education of the Poor in England and
Eiirope (Londres, 1846) ; The Social Condition of the
People in England and Europe (1850, 2 vol.) ; The
Condition and éducation of Poor Children in English
and in German Jowns (Manchester, 1853) ; Free Trade
in Land (1879) et un traité de jurisprudence : The Law
relating to Shipmasters and Seamen (Londres, 1875,
2 vol.). R. S.
KAY (James-Taylor), littérateur anglais, né à Man-
chester en 1840. Il est actuellement (1895) bibliothécaire
d'un des collèges de cette ville. On lui doit un grand nombre
d'ouvrages d'érudition.
KAY-Shuttleworth (Sir James-Philipps), pédagogue
anglais, né à Rochdale (Lancashire) le 20 juil. 1804-, mort
à Londres le 26 mai 1877. D'abord employé de banque,
il se décida à vingt et un ans à étudier la médecine, fit
des études extrêmement brillantes à l'université d'Edim-
bourg et, reçu docteur en 1827, devint rapidement un des
praticiens les plus renommés de Manchester. Les questions
sociales avaient pour lui un vif attrait. 11 écrivit: The Mo-
ral and Physical Condition of the working classes
(Manchester, 1882), qui amena des réformes importantes
dans les manufactures de coton ; Thoughts and Sugges-
tions on certain social problems (Londres, 1873), etc.,
mais il est surtout connu comme le fondateur du système
d'éducation populaire encore en vigueur en Angleterre. Il
fonda, en 1839, à Battersea, la première école normale
d'instituteurs qu'il dirigea lui-même au début, écrivant sur
la matière un grand nombre de traités parmi lesquels nous
citerons: Public Education (Londres, 1853, in-8) et
Four Periods of public Education (1862, in-8). Parmi
ses autres ouvrages mentionnons : The Physiology, pa-
thology and treatment of asphyxia (Londres, 1834) ;
desjiouvelles : [Scarsdale (1860, 3 vol.); Ribblesdale
(1874, 3 vol.), etc. En récompense des services qu'il avait
rendus à l'enseignement, il fut créé baronnet le 22 déc.
1849. R. S,
KAYANS (V. RoRNÉo [Anthrop.])
KAYE (Sir John- William), historien militaire anglais,
né à Londres en 1814, mort à Forest Hill en 1876. Il fit
ses études au collège miUtaire d'Addiscombe et fut envoyé
aux Indes en 1832 comme cadet dans l'artillerie du Ben-
gale. En 1841, il donna sa démission, fonda, trois ans plus
tard, la Revue de Calcutta, publia un roman. Long En-
gagements, et revint en Angleterre en 1856, pour entrer
dans l'administration de la Compagnie des Indes, puis suc-
céder à John Stuart Mill comme secrétaire politique du
même département, poste qu'il occupa jusqu'en 1874.
L'œuvre de Kaye est des plus volumineuses. Voici le titre
de ses principaux ouvrages : History of the War in
Afghanistan (2 vol.); Memoirs of the services of the
Bengal artillery, etc. Mais son livre le plus important est
The History of the Sepoy War (3 vol.), continué par le
colonel G.-R. Malleson, qui compléta l'ouvrage en 6 vol.,
sous le titre : Kaye and Malleson' s History ofthe Indian
mutiny (1890). En 1867, Kaye avait publié : Lives of
Indian officers, réédité en 1 889, et paru d'abord dans une
revue sous le titre de Indian Heroes. H. F.
KAY ELI. Ville de l'île Bourou, archipel des Moluques,
sur une baie du rivage oriental. Fort néerlandais, résidence
du contrôleur de l'île. Port franc, mais peu commerçant.
KAY ES. Poste français du Sénégal (V. Cayes).
KAYSER (Ludwig), philologue allemand, né à lleidel-
berg le 3 févr. 1808, mort à Heidelberg le 5 mai 1872. Il
étudia, puis professa (1833-72) à l'université de Heidel-
berg. Ses travaux ont surtout porté sur Philostrate dont
il a donné une édition (Zurich, 1844-46, 3 vol. ; 2^ éd.,
1853), complétée ultérieurement (P/izïcsitra^f opéra auc-
tiora,^ 1870-71, 2 vol.), et sur Cicéron, dont il donna
une édition d'ensemble en 5 vol., avec Baiter (Leipzig,
1860 et suiv.).
— 449 -
KAYSER - KÂZAN
KAYSER (Karl- Johan-Henrik), statisticien et économiste
danois, né à Copenhague en 1811, mort en 1870. Kayser
avait fait des études de médecine et exerçait son art à l'hô-
pital de Frédéric depuis 18421, lorsque, à la suite de tra-
vaux remarqués, il fut nommé, en 1848, professeur de
statistique à l'université de Copenhague. Membre du Par-
lement, il fut plusieurs fois rapporteur du budget. Il a pu-
blié un ouvrage important sur V Organisation du travail^
exposé des principes de l'économie politique.
KAYSERSBERG (Keisersperg , 1226; Cœsarismons,
i6i0; Mont-Libre sous la première République). Ch.-l.
de cant, de la Haute-Alsace, arr. de Ribeauvillé, sur la
Weiss et la ligne de tramway de Colmar à Lapoutroie ;
2,738 hab. Filatures et tissages de coton, moulins, scie-
ries, brasseries ; vignobles ; vins de paille ; hospice ; église
paroissiale du xv^ siècle, avec portail et le transept du
xu^ siècle ; hôtel de ville de la dernière période de l'art
gothique avec portail en style Renaissance ; restes impor-
tants des anciennes fortifications. La ville est dominée par
un château, mentionné dès 1226, construit par VVoelfelin,
préfet impérial. Ce château, qui souvent servait de rési-
dence aux empereurs d'Allemagne, fut fortement endom-
magé en 1525 parles paysans révoltés, et abandonné après
la guerre de Trente ans. Il en subsiste encore un puissant
donjon du xii^ siècle ainsi qu'une imposante enceinte de
murs crénelés de la même époque. La ville de Kaysersberg
fut réunie à la France par le traité de Westphalie. A 2 kil.
au N.-O. de Kaysersberg, Alspach (Alwisbach, 1130;
Alospach^ 1184), où existait autrefois une célèbre abbaye
de bénédictins, dont il ne reste que des ruines. L. W.
BiBt. : Straub, S/a^is^ÎQue monum.des cant. deRibeaii'
ville et de Kayssrsherg ; Strasbourg, 1860. — A. Erich-
soN, le Protestantisme à Kaysersberg ; Strasbourg, 1871.
KAZAN. Ville de Bulgarie (V. Kotel).
KAZAN. L Ville. — Ville de Russie, chef-lieu du gou-
vernement de même nom, située sur la Kazanka, afffuent
gauche de la Volga, à 5 kil. de ce dernier fleuve;
135,577 hab. (1889). La plus belle partie de la ville est
bâtie sur une colline dont la pente descend rapidement vers
la plaine de la Volga, où se trouve le monument élevé à
la gloire des guerriers russes tués à la prise de la cita-
delle de Kazan, en 1552. Un tramway réunit la ville, à
travers cette plaine, aux embarcadères des bateaux à va-
peur de la Volga. C'est là aussi, près du lac Koban, que
se trouve le quartier des Tatars avec ses minarets pointus
et ses mosquées qui lui donnent un aspect oriental. Les
Tatars forment encore le quart de la population de la
cité, dont ils ont été jadis les maîtres. Un seul monu-
ment, rappelant leur ancienne gloire, reste dans la ville :
c'est la tour de Sounbieka. Kazan possède une univer-
sité avec bibliothèque, laboratoires, cliniques, etc. ; une
académie ecclésiastique; deux lycées de garçons, deux
lycées de jeunes filles, une imprimerie pour les langues
orientales, un théâtre, etc. Il y a aussi un grand nombre
d'établissements industriels : tanneries, savonneries, dis-
tilleries, teintureries, fabriques d'armes, de tissus, etc.
Mais c'est surtout par son commerce que Kazan tient une
des premières places parmi les grandes villes de la Russie.
Sa position entre la Sibérie, la Russie centrale et le bassin
de la Caspienne lui assurait un rôle commercial de pre-
mier ordre jusqu'à ces derniers temps. Mais ce rôle est
aujourd'hui amoindri par suite de la construction du che-
min de fer Petrovsk-Vladikavkaz ; celui-ci va drainer une
partie du trafic asiatique qui se faisait jadis par la Volga.
L'importance commerciale de Kazan diminuera encore da-
vantage avec l'achèvement du grand Transsibérien. Néan-
moins le mouvement commercial annuel de la ville se chiffre
encore aujourd'hui par 200 millions de fr. environ.
Kazan fut fondée en 1257 par Sayan, fils de Baty, khan
du Kaptchak, à une quinzaine ou à une trentaine de kilo-
mètres au N.~E. do l'emplacement actuel de la ville. Ce
premier établissement fut détrait en 1391 par le grand-
duc de Russie, Vasih Dmitrievitch, et les habitants se ré-
GRÂNDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
fugièrent dans la direction de la Volga. C'est sur les bords
de ce fleuve que fut fondée en 1437 la capitale du khan
de la Horde d'Or, noyau de la ville actuelle. La nouvelle
cité devint prospère et florissante ; elle avait alors la même
situation qu'occupe aujourd'hui Nijni-Novgorod, comme
marché intermédiaire entre la Russie et l'Asie. Emportée
d'assaut en 1552, par les Russes, la ville fut peuplée
d'abord par les déportés, puis par des immigrants libres.
Elle a eu beaucoup à souffrir de plusieurs incendies dans
la période de 1842 à 1859.
IL Province. — La province ou gouvernement de Kazan
est bornée au N. par le gouvernement de Viatka, à l'E. par
celui d'Oufa, au S. par ceux de Samara et de Simbirsk, à
rO. par le gouvernement deNijegorod; superficie, 63,716
kil.q.; population, 2,162,339 hab. (recensement de 1887).
Le pays est assez plat, sauf dans l'Ouest, sur la rive droite
de la Volga, où l'on aperçoit des falaises s'élevant à plus
de 100 m. au-dessus du niveau du fleuve. Il est traversé
du N.-O. au S.-E par la Volga et de l'E. à l'O. par son
affluent de gauche, le Kama. Le premier de ces fleuves re-
çoit dans les limites delà province le Kazanka, le Sviaga, le
Soura, et plusieurs autres affluents navigables. Sauf les dé-
pôts alluvionnaires quaternaires de la rive gauche de la Volga
et de la rive droite du Kama, sauf aussi un point à l'extré-
mité occidentale de la province, constitué par les dépôts
du jurassique supérieur, la totalité du territoire de Kazan
appartient aux terrains permiens, recouverts sur une
grande étendue par les marnes bigarrées, les argiles et les
calcaires que les géologues russes rapportent au terrain
permo-triassique. Au S. de la ville de Kazan et de la vallée
du Kama, on voit ces couches recouvertes à leur tour par les
dépôts quaternaires maritimes de la transgression Caspienne.
C'est la dernière limite vers le N. de ces dépôts. Le sol est
argilo-sableux, recouvert d'une couche épaisse d'humus noir
{tchernoziom). Les forêts couvrent plus de la moitié du
gouvernement ; elles sont surtout épaisses dans la région
marécageuse du Nord où une exploitation effrénée à la-
quelle on se livre depuis quelques années ne tardera pas à les
exterminer. Le reste des terres est pris presque en entier
par les cultures : seigle, orge, froment, sarrasin, lin, chan-
vre. Il y a peu de prairies, mais on élève néanmoins beau-
coup d'animaux domestiques : moutons, bœufs, chèvres,
chevaux. Le climat est assez rigoureux ; la moyenne an-
nuelle de température de la ville de Kazan est de 4- 2<'5;
celle de l'hiver est de — 1° et celle de l'été + 18*'. Les
industries principales sont : l'abatage des arbres, la récolte
du goudron et des résines, la fabrication des ustensiles en
bois, la préparation du charbon de bois, la filature et le
tissage du lin, du chanvre, etc. On compte par centaines
les distilleries, les brasseries, les savonneries, les tanne-
ries, etc. ; il existe aussi dans la province plusieurs fila-
tures, fabriques de draps et cotonnades, de machines à
vapeur et de produits chimiques, ainsi que des verreries,
des fonderies, des hauts fourneaux, etc. Le commerce
est très actif, surtout à Kazan et le long de la Volga où le
mouvement des ports occupe plus de 15,000 hommes. On
exporte principalement l'alcool, les graines, les cuirs, le
miel, la cire, le bois de chauffage et de construction ; l'im-
portation consiste surtout en sel, vin, sucre, étoffes, etc.
La population se compose pour une moitié de Russes,
et pour une autre moitié de Tatares, de Tchouvaches, de
Meehteheriak, de Tcheremisses, Mordva et Votiaks. Le gou-
vernement est partagé en douze districts : Kazan, Tsarevo-
kokchaïsk, Kozmodémiansk, Tchéboksary, ladrin, Tsivilsk,
Sviajsk, Tétiouchi, Laïchev, Mamadych, Tchistopol et Spassk.
Le pays qui forme aujourd'hui le gouvernement de Ka-
zan s'appelait jadis Rulgarie et fut peuplé par les Rulgares,
dont une partie émigra au v^ et au vi^ siècle vers le bas
Danube, à peu près dans la région constituant aujour-
d'hui l'Etat bulgare. Les Rulgares volgaïques étaient pro-
bablement une population turque apparentée aux Kapt-
chaks ou aux Khazares. Vers le x® siècle , ils se sont
convertis à l'islamisme ; leurs chefs prirent le nom d'émirs;
29
K4ZAN - KAZIMIR
-450-
Tun d'eux fit construire la ville de Bolgary, dont on voit
encore les ruines sur la rive gauche de la Volga, un peu en
aval du confluent du Kama. Cette ville fut détruite par les
hordes mongoles de Djengis-khan (1232) et bientôt
tout le royaume bulgare fit partie de l'Etat kaptchak (V. ce
mot) ou la Horde d'Or, dont un des khans fonda la ville
de Kazan. A l'époque du démembrement de l'Etat kapt-
chak (xiv® et xv^ siècles), cette ville devint la capitale du
khanat de Kazan qui exista près d'un siècle, de 1441 à
1552, date à laquelle il fut conquis par le tsar Ivan le
Terrible. La région fut organisée en province en 1714 par
Pierre le Grand et transformée en gouvernement avec ses
limites actuelles, en 1 781 , par Catherine IL J. Deniker .
BiBL. : Bajénov, Histoire de Kazan; Kazan, 1847, en
3 parties, in-8 (en russe).— Bulletin de la Société d'archéo-
logie^ d'histoire et d'ethnographie auprès de l'université
de Kazan, 1879-94, t. I. à X.
KAZAN LYK. Ville de Bulgarie, située à 3 kil. au N. de
la Tomedja, dans un pays fort riche et fort pittoresque;
10,000 hab. (dont environ 1,500 Turcs). Grand com-
merce d'huile de roses.
KAZEM Beg (Mirza-Alexandre), orientaliste contempo-
rain, né àRecht (Perse) le 22 juil. 1802. Il étudia à fond
les sciences musulmanes. Il se convertit au christianisme
en 1821 . Six ans après, il fut nommé professeur de langues
orientales à Kazan, puis en 1849, il reçut la chaire de lit-
térature persane à l'université de Saint-Pétersbourg. La
liste de ses ouvrages est considérable. Parmi les princi-
paux, il faut citer : l'Histoire des Khans de Crimée de
i466 à il 87, en turc (Kazan, 1832) ; Grammaire de
langue turc-tatare (Ks(ZB.n, 1839; Leipzig, 1848); Con-
cordance du Coran (Saint-Pétersbourg, 1859); Aperçu
de la mythologie des Persans, en russe (1848) ; Bâb et
les Bâbis, en russe (Saint-Pétersbourg, 1865), traduit en
français [Journal asiatique, 1866), etc. A. Guy.
KAZEROUN. Ville de Perse, province du Fârs, par
29° 30Mat. N. et 49° 19Mong. E., dans les montagnes
du Tengsîr; 8,000 hab. Elle est arrosée par un affluent
de droite du Sefid Roùd. Le sol produit le tabac, 1 orange,
le citron, le limon, une sorte de datte appelée djîlân. La
ville a déchu de son importance. Elle est très ancienne,
fondée par Firoûz, fils de Yezdedjird et agrandie parQobad,
fils de Firoûz. On trouve au N., à environ 30 kil., les
ruines de la ville dn roi Châpour (Sapor) où l'on admire
de gigantesques bas-reliefs racontant les prouesses du roi.
KAZIKOUMOUKH ou LAK. Tribudes te^/iz^/îs dansle
Daghestan central. (V. Caucase, t. IX, p. 833).
KAZIWIIERZ. Ville de la Pologne russe, gouvernement
de Lublin; 2,600 hab. Cette ville était autrefois fort
importante au point de vue du commerce des grains. On
l'appelait le petit Danzig. Elle conserve encore quelques
monuments intéressants.
KAZIMIR (Saint), saint polonais, né en 1458, mort en
1484, fils du roi Kazimir Jagellon. En 1471, il fut élu au
trône de Hongrie par un certain nombre de magnats, mais
la majorité lui préféra Mathias Corvin. Il se retira à Vilna
où il s'adonna aux pratiques ascétiques. Il fut canonisé en
1520. On célèbre sa fête le 4 mars. L. L.
KAZIMIR l'^'' (en polonais Kazimierz), prince de Po-
logne, mort en 1058, fils de Mieszko II et de Ryxa. Son
histoire est assez obscure. On ignore la date de sa nais-
sance ; il fut d'abord exilé, rentra en Pologne en l'an 1040,
restaura le christianisme menacé, épousa une princesse
russe, Maria Dobrognieva, fille de Vladimir le Grand, vain-
quit le prince de Mazovie Maslav et incorpora ses Etats à
la Pologne (1047). En 1057 il enleva aux Tchèques la
ville de Breslau. On l'a surnommé Kazimir le Restau-
rateur, D'après certaines traditions, pendant son exil, il
aurait été moine à Cluny. L. L.
BiBL. : V. les ouvrages cités par Bobrzynski, Hist. de
Pologne (en pol.); Varsovie, 1887, t. I, ch. iv, 2^ éd.
KAZIMIR 11, dit le Juste, prince de Cracovie, né en
1131, mort en 1194. Il était fils de Boleslav III à la Bouche
torse et fut d'abord prince de Mazovie, de Sandomir et de
Cujavie. Il lutta contre Mieszko III. Kazimir lui enleva Cra-
covie et Gniezno et fut reconnu comme chef de la dynastie
des Piasts par la diète de Lenczyca (1177). Il passa presque
tout son règne à combattre Mieszko qui en 1191 faillit lui
reprendre Cracovie. L. L,
KAZIMIR III, dit le Grand, roi de Pologne, fils de
Wladyslaw Lokietek, né à Kowel (Cujavie) en 1310,
mort à Cracovie en 1370. Il succéda à son père. Il avait
passé une partie de sa jeunesse à la cour de son beau-
trère, le roi de Hongrie, Charles-Robert d'Anjou, et avait
été en contact avec une civilisation supérieure à celle
de son pays. La situation de la Pologne était difficile ;
elle était menacée par les chevaliers teutoniques qui déte-
naient une partie des terres polonaises; les rois de Bohême
revendiquaient la couronne de Pologne. Kazimir conclut en
1336 le traité de Plock avec Jean de Luxembourg, et en
échange de sa renonciation il lui abandonna la suzeraineté
de la Silésie et de la principauté de Plock. Il s'assura
l'amitié de la Hongrie et céda la Poméranie aux chevaliers
teutoniques qui, en revanche, renoncèrent à la Cujavie et
au pays de Dobrzyn. C'étaient là de pénibles sacrifices. En
revanche, Kazimir entra en possession de la Russie Rouge
(1341) qui fut unie à la Pologne par l'Union personnelle.
Il détacha cette province de la suprématie spirituelle de la
Russie en faisant donner à l'évêque de Galicie le titre de
métropolitain, institua un archevêque catholique à Galitch
(Halicz) et des évêques à Premysl, Vladimir et Chelm.
A rmtérieur, Kazimir développa le commerce. Il proté-
gea les juifs et les Allemands qui fondèrent de nombreuses
colonies. Il améliora la condition des classes agricoles et
mérita d'être surnommé hroides Paysans, De nombreuses
écoles furent ouvertes par les soins du clergé. En 1364,
Kazimir fonda à Cracovie une université constituée sur le
modèle de celle de Bologne, et qui fut après celle de Prague
la seconde en date de l'Europe centrale. La Pologne prit
en Europe une situation considérable. En 1356, le duc de
Mazovie, Ziemowit, consentit à rendre hommage à Kazimir.
En 1363, l'empereur Charles IV vint à Cracovie, s'y ren-
contra avec les rois de Danemark et de Chypre, le duc de
Bavière, les princes de Silésie et de Mazovie et le prince
poméranien de Stettin, Bogislav, dont l'empereur épousa la
fille. Des fêtes splendides furent données à cette occasion.
Kazimir réforma l'administration, créa des postes de
trésorier, de chancelier et de maréchal du roi pour sur-
veiller les finances, la chancellerie et la police, établit des
starostes dépendant du souverain et chargés de commander
la force armée. 11 réprima sévèrement toute tentative de
résistance à son autorité. En 1349, il fit noyer dans la
Vistule le chanoine Baryka qui avait osé lui résister. En
1360, il condamna à mourir de faim le palatin de Poznanie,
Mathieu Borkowicz, qui s'était insurgé contre lui et avait
organisé la première confédération connue dans l'histoire
de Pologne; tout en respectant l'autonomie des villes, il
surveilla les colonies allemandes, interdit les appels trop
fréquents au tribunal de Magdebourg et établit un tribunal
spécial à Cracovie. Il pubha des statuts spéciaux pour la
Grande-Pologne et la Petite-Pologne, Il augmenta les forces
militaires en obligeant tous les Etats nobles, clergé, bour-
geoisie à fournir des soldats. Jusqu'alors le clergé et les
villes étaient dispensés de cette charge. La Pologne dut à
cette heureuse réforme les succès qu'elle remporta au siècle
suivant. Kazimir avait été marié trois fois : 1° à Aldona,
fille de Gedymin ; 2° à Adélaïde, fille de Henri H, landgrave
de Hesse; 3^ à Hedwige-Elisabeth, fille d'un prince silé-
sien. Parmi ses maîtresses qui furent nombreuses, on cite
la Tchèque Rokycana et la Juive Esterka. Les historiens
polonais lui ont décerné le surnom de Grand. La dvnastie
des Piasts s'éteignit avec lui. L. L.
BiBL. : FiNKEL, Bibliographie de l'histoire de Pologne,
et les auteurs cités par Bobrzynski, Histoire de Poloqne
(en pol.); Cracovie, 1887, t. I. ^
KAZIMIR Jagellon ou KAZIMIR IV, roi de Pologne, fils
de Wladyslaw Jagellon et de Sofie de Kiev, né en 1427,
481
KAZIMIR - KAZVÎPÎ
mort à Crodno en 4492. Il avait été appelé du vivant de
son père au trône grand-ducal de Lithuanie. A la mort de
Wladyslaw (4444), la diète réunie à Sieradz lui conféra
la couronne en Pologne. Il fut couronné en 1447; les
Polonais voulaient l'obliger à détacher de la Lithuanie la
Podolie et la Voljnie pour annexer ces provinces à la cou-
ronne. Le nouveau roi se refusa énergiquement à cette
concession et tint en échec le vieux cardinal Zbigniew
Obresnicki qui s'efforçait de restreindre l'autorité royale.
Son règne fut d'ailleurs une longue lutte contre les pré-
tentions des magnats, un long effort pour affranchir le
clergé polonais de la suprématie de la cour de Rome, s*as-
surer la collation des bénéfices et la nomination des évoques,
concilier les intérêts opposés de la Pologne et de la Li-
thuanie. Il fut néanmoins marqué par des succès éclatants.
Après une guerre assez longue contre les chevaliers teuto-
niques, il leur enleva Marienbourg et Chojnica et les obli-
gea à demander la paix. Un traité, signé en 4 461 àThorn,
mit la Pologne en possession de la Poméranie, des pro-
vinces de Chelm et de Michalow, de Marienbourg, d'Eb-
bling, de Sztum, de la Warmie, et l'ordre resté en posses-
sion de la Prusse occidentale reconnut la suzeraineté de la
Pologne. La Pologne acquit l'embouchure de la Vistule et
l'accès de la Baltique qui lui assura d'importants débouchés
pour son commerce. Malheureusement, Kazimir Jagellon
ne sut pas s'opposer aux progrès de Ja puissance mosco-
vite. A l'intérieur, il fit œuvre de législateur ; il publia le
statut dit de Nieszawa qui confirma les privilèges de la
petite noblesse, restreignit les libertés des villes et des
juifs et reconnut la compétence des diétines. Il acquit par
suite de négociations ou grâce à l'extinction de dynasties
provinciales la principauté d'Osviecira et celle de Rawa,
Gostynin et Sochaczew.
Il réussit à faire reconnaître son fils Wladyslaw comme
héritier du trône de Bohème, nnposa à Etienne, hospodar
de Moldavie, la suzeraineté de la Pologne et fit accepter
cette suzeraineté par le sultan. Sous son règne, la civili-
sation occidentale se développa en Pologne ; il appela à Cra-
covie l'humaniste Konrad Celtes et fit élever ses fils par
l'Italien Callimaque Buonacorsi (V. ce nom). Dlugosz
écrivit les Annales polonaises; l'imprimerie fut introduite
à Cracovie. Kazimir Jagellon laissa cinq fils : Wladyslaw,
qui fut roi de Bohême et de Hongrie ; Jean- Albert,
Alexandre et Sigismond, qui, tous trois, lui succédèrent,
et Frédéric, qui fut primat du royaume. L. L.
BiBL. : Consulter BoBRZYNSKi et P'inkel.
KAZI M I R V ou J EAN-Kasimir Vasâ, roi de Pologne, né en
4609, mort à Nevers en 4672, fils de Sigismond lïl et
de Constance d'Autriche. Il eut une jeunesse assez aven-
tureuse : pendant un voyage en France, il avait été arrêté
par Richelieu et gardé deux ans prisonnier. Après avoir
été rendu à la liberté, il s'était retiré à Rome, était entré
dans l'ordre des jésuites et avait reçu le chapeau de car-
dinal. Il fut brusquement rappelé en Pologne par la mort
de Wladyslaw IV. La République ne pouvant être gouver-
née par un prêtre, Jean-Kazimir se fit relever de ses vœux
et épousa sa belle-sœur Marie-Louise. Son règne com-
mençait sous les plus fâcheux auspices. Bohdan Chmiel-
nicki avait déchaîné contre les Cosaques une révolution tout
ensemble religieuse et sociale. En 4649, les Polonais furent
vaincus à Zbaraj et Zborov. En 4654, Jean-Kazimir en
personne défit les Cosaques à Berestetchko, reprit Kiev ; mais
l'année suivante les Polonais se laissèrent battre devant
Batog, et le roi assiégé dans le camp de Jvanets dut négo-
cier avec les Tatares pour se dégager. Les Cosaques deman-
daient une autonomie à peu près absolue. Ils n'acceptèrent
point les compromis que la Pologne leur offrait et en 4654
ils se mirent sous la protection de la Russie. Les Mosco-
vites s'emparèrent de Smolensk (1654) et même deVilna.
Ce fut dans ces circonstances difficiles que fut introduit en
Pologne le principe du liberum veto (1652). C'était l'anar-
chie organisée. Mîdheureux dans sa lutte contre les Co-
saques, Jean-Kazimir vit bientôt la Pologne envahie par les
Suédois. Héritier d'un Vasa, il revendiquait la couronne
de Suède et protesta en 4564 contre l'avènement de
Charles-Gustave. Ce prince pénétra en Pologne, en décla-
rant qu'il faisait uniquement la guerre à Jean-Kazimir :
beaucoup de magnats se déclarèrent pour Charles-Gustave!
Il s'empara de Varsovie et de Cracovie. Jean-Kazimir dut
quitter le royaume et se retirer à Glogau en Silésie. Sa.
cause semblait perdue ; mais les excès des Suédois luthé-
riens finirent par provoquer une réaction tout ensemble
rehgieuse et patriotique. Le couvent de Czenstochowa re-
poussa les assauts des Suédois ; une confédération se forma
à Tyszowce. Jean Kazimir rentra enGalicie. Le 4®'*mai, à
Lwéw, il mit solennellement la Pologne sous la protection
de la Vierge et fit vœu d'améliorer la condition des pay-
sans dont les misères attiraient la colère de Dieu sur le
pays. L'Autriche s'allia au roi de Pologne, obligea les Sué-
dois à évacuer Cracovie. La Pologne était en outre attaquée
par le Brandebourg, la Russie, la" Transylvanie. L'Autriche
négocia avec le grand électeur le traité de Wehlau
(24 sept. 4657) qui l'obhgeait à évacuer la Warmie. En
retour, le roi de Pologne lui concédait la pleine souverai-
neté de la Prusse ducale. Libre de ce côté, Jean-Kazimir
put agir plus énergiquement contre la Suède. Czarniecki
poursuivit l'ennemi jusqu'en Danemark. Par la paix d'Oliva,
signée en 1860, Jean-Kazimir renonça à la couronne de
Suède; les Suédois évacuaient la Pologne et lui restituaient
la Courlande. Après la mort de Chmielnicki, la Pologne né-
gocia avec les Cosaques. Mais elle ne put reconquérir la rive
gauche du Dniepr qui resta rattachée à la Moscovie. Jean-
Kazimir, qui n'avait pu prévenir cette funeste défection, es-
saya en vain d'améliorer la condition des paysans et de
réformer la constitution. A la diète de 4664, il fit entendre
des paroles douloureusement prophétiques et annonça le
partage qui devait avoir heu un siècle plus tard. Une
guerre civile éclata, un magnat ambitieux, Georges Lubo-
mirski, faillit jouer auprès du roi le rôle d'un Cromwell. La
Russie profita de ces misères intérieures. Le traité d'An-
drousovo conclu en 4667 lui laissa Smolensk, la Séverie,
Tchernigov, l'Ukraine sur la rive droite du Dniepr et Kiev.
En somme, malgré des succès partiels, malgré les exploits
et la vaillance d'un Czarniecki, d'unKordecki, d'unSapieha.
le règne de Jean-Kazimir ne fut qu'une longue série de
calamités. Il ne trouvait d'appui nulle part. On le tournait
en dérision; les initiales de son nom I.-C. R. (Johannes-
Cazimirus Rex) étaient ainsi interprétées : Initium Cala-
mitatum RegnL En 4667, il perdit son épouse Marie-
Louise. Le dégoût du pouvoir le prit ; il abdiqua la couronne
et se retira en Flandre. Louis XIV lui assigna l'abbaye de
Saint-Germain-des-Prés et de Saint-Martin de Nevers. Il
mourut à Nevers. Un monument lui a été élevé dans l'église
Saint-Germain-des-Prés. L. L.
KAZINC2Y (François), écrivain hongrois, né à Er-Sem-
lyén (comitat de Bihar) le 27oct. n59, mort àSzéphalom
le 25 août 4831. Déjà, sous le règne de Joseph II, il tra-
duisait en magyar les poètes allemands, pendant qu'il exer-
çait une charge d'inspecteur des écoles. Privé de cette place
en 4795 parce qu'il était protestant, il prit quelque part à la
conspiration mal définie de Martinovics, fut arrêté, condamné
à mort, peine commuée en celle du carcere dura, enfin gracié
en \ 804 . Son activité fut dès lors purement littéraire, mais
non moins utile à la vie nationale, car c'est Kazinczy qui,
par ses hardis néologismes créa vraiment la langue ma-
gyare moderne, et qui soutint cette cause dans ses écrits
et sa vaste correspondance. Ses poésies, qui par elles-
mêmes ne sont pas de premier ordre, ont été réunies ré--
cemment (Budapest, 4879). — Son neveu, Gabriel Ka-
zinczy, né en 4848, mort en 4864, a dignement continué
la gloire de son nom, comme patriote, comme publiciste
politique et comme traducteur de Molière. E. S.
BiBL. : SciiwiCKER, Gesch. der ungar. Literatur.
KAZVÎN ou QAZVÎN (var./te/?m). Ville de Perse, chef-
Heu de district de la prov. de l'Iraq Adjemî, au pied de la
chaîne du Khamseh (monts de l'Elbourz), sur la route
KAZVIN — KEATS — 452
de Téhéran à Tebrîz ; 40,000 hab. Quelques monuments
sont remarquables : on cite une mosquée carrée, revêtue
d'émaux bleus à ramages et à arabesques blancs, orangés
et noirs, l'ancien palais desSoûlîs, dont Kazvîn était la ca-
pitale, de vastes cimetières témoignant de l'étendue consi-
dérable occupée jadis par la ville. Le commerce est actif;
il a surtout pour objet les étoffes de soie, brocarts, velours,
les cotonnades, les tapis fabriqués dans le pays même, le
riz des bords de la Caspienne. Les auteurs orientaux disent
que Kazvîn fut fondée par Châpour P^' ; mais oïi a cru l'iden-
tifier avec la Scabina de Ptolémée. Embellie par Haroun-
er-Rechid, qui construisit la grande mosquée, elle fut dé-
mantelée par les Mongols (1223). Elle repoussa les Afghans
en 4723 et détermina leur expulsion de la Perse (V. ce
mot). Sa population de Turcs, Kurdes et llliats est très
beUiqueuse.
KAZYM. Revière de Silésie, affl. dr. de l'Ob, gouv. de
Tobolsk; sortie du lac Tormlor, elle traverse 300 kil. de
toundras et finit en amont de Bérézov.
KAZYR. Rivière de Sibérie, qui forme le Touba, aftl.
dr. du Eniséi, gouv. d'Eniséisk; elle naît dans les monts
Sayansk et parcourt 215 kil. dans une plaine fertile.
KEAN (Edmund), célèbre acteur anglais, né à Londres
le 4 nov. 1787, mortà Richmondle 15 mai 1833. Fils de
miss Carey et d'Aaron Kean, il fut mousse. Il s'engagea
ensuite dans des troupes de comédiens ambulants. En 1814,
il entra au théâtre de Drury Lane et remporta d'éclatants
succès dans les pièces de Shakespeare. Ses tournées en
Ecosse, en Irlande, aux Etats-Unis (1820-21, moins la se-
conde fois, 1825-26), à Paris (1 818 et 1828), furent triom-
phales. Usé par les excès, il mourut à peu près fou. Ses
principaux rôles furent Shylock, Richard IIÏ, Othello, Mac-
beth, Hamlet, lago ; c'était le tragédien selon le goût des
romantiques, poussant à l'excès les caractères et en mettant
surtout en relief les violences. Alex. Dumas en a fait le
héros d'un drame.
BiBL. : Hawkins, Li/e of Ed. Kean; Londres, 1869,2 vol.
KEAN (Charles), acteur anglais, né à Waterford (Ir-
lande) le 18 janv. 1811, mort à Liverpool le 22 janv.
1868, fils du précédent. Il fit ses études à Eton, débuta
sans succès à Drury Lane ( 1 827), joua obscurément en pro-
vince. Sa renommée commença aux Etats-Unis (1830-33),
où il retourna plusieurs fois (1839, 1846, 1861, 1866).
En 1833, il fut engagé à Covent Garden et succéda à la
gloire paternelle dans les rôles de Shakespeare, surtout dans
celui d'Hamlet. Il dirigea le théâtre Princess de 1850 à
1859, et fit une grande tournée en Australie (1863-66).
Sa femme, née Ellen Tree (1805-80), avait eu aussi de
grands succès scéniques, surtout à Covent Garden où elle dé-
buta en 1823 et à Drury Lane. Elle épousa Kean en 1842
et quitta le théâtre après sa mort. Ses principaux rôles
étaient Béatrice, Rosalinde, Portia, Viola.
BiBL. : J.-W. CoLE, Life of Ch. Kean; Londres, 1859.
KEAN E (Lord John) , général anglais, né le 6 févr. 1781,
mort à Rurton Lodge (Hampshire) le 26 août 1844. Après
avoir servi notamment en Egypte comme aide de camp de
lord Cavan, en Espagne dans l'armée de Wellington, en
Amérique sous Cochrane où il se distingua et fut blessé à
l'attaque de la Nouvelle-Orléans (8 janv. 1815), à la Ja-
maïque (1823-30), il fut promu lieutenant général (22juil.
1830) et nommé commandant en chef à Rombay en 1833.
Il commanda avec Henry Fane l'armée de l'Indus (1838),
fit seul campagne dans l'Afghanistan en 1839 et s'empara
le 23 juil. de la fameuse forteresse de Ghuznee, dont l'oc-
cupation amena à bref délai celle de Caboul (7 août). Ré-
compensé par la pairie (19 déc.) et une pension de
2,000 livres, il n'exerça plus à partir de cette date de
commandement actif. R. S.
KEARNY (Stephan-Watts), officier américain, né à Ne-
wark (New Jersey) le 30 août 1794, mort à Saint-Louis
le 31 oct. 1848. Entré au service en 1812, il était géné-
ral de brigade en 1846, commanda dans la guerre du
Mexique l'armée de l'Ouest qui partit du fort Rent et con-
quit le Nouveau-Mexique, puis la Californie ; il se distin-
gua dans les batailles de San Pascual, San Gabriel et Mesa.
vSon neveu, Philips né à New York le 2 juin 1815, tué
à Chantilly (Virginie) le 1®^ sept. 1862, entra au service en
1837, fut envoyé en France à l'Ecole de cavalerie de Sau-
mur et servit dans les chasseurs en Algérie. Rentré aux
Etats-Unis, il devint aide de camp du général Scott qu'il con-
duisit à la Vera Cruz, et perdit son bras gauche à l'attaque
de Mexico, Il revint 'en France, servit comme volontaire
dans la guerre d'Italie. (Juand éclata la guerre de la Séces-
sion, il entra dans l'armée fédérale, reçut le commande-
ment d'une brigade, puis d'une division, se distingua aux
batailles de William sburgh, Seven Pines, Fraziers Farm et
surtout à la seconde bataille de RuU's Run et fut tué dans
une reconnaissance auprès de Chantilly.
KEARSLEY. Ville d'Angleterre, comté de Lancastre, à
côté de Farnworth, sur l'irwell et la Tonge; 8,000 hab.
Papeteries, cotonnades.
KEARY (Annie), femme auteur anglaise, née près de
Wetherby (Yorkshire) le 3 mars 1825, morte à East-
bourne le 3 mars 1879. Douée d'une brillante imagina-
tion et de remarquables facultés d'observation, elle a laissé
un grand nombre de romans, dont les plus connus sont :
Janets' Home (1863) ; Clemency Franklyn (1866) ;
Castle Daly (1875), nouvelle irlandaise considérée comme
son chef-d'œuvre ; A York and a Lancaster Rose (1876) ;
A DouHing Heart {\S19), roman remarquable qui fut ter-
miné par Mrs. Macquoid. R. S.
KEAS (V. Céos).
KEATE (George), écrivain anglais, né en 1729, mort en
1797. Il étudia le droit, résida à Genève, où il connut
Voltaire, et voyagea en Italie. Artiste, archéologue, natu-
raliste et poète, il exposait à la Société des Artistes et à
l'Académie royale, et il a laissé des essais en prose, des
relations de voyage et de nombreuses poésies dont la plu-
part ont été réunies en deux volumes, sous le titre de
Poetical Works (1781).
KEATING (Geoifrey), écrivain irlandais, né vers 1570,
mort vers 1644. Prêtre catholique, les détails de sa vie
sont peu connus ; mais il a laissé des poésies et des traités
religieux en langue irlandaise, et surtout une histoire de
l'Irlande depuis les premiers temps jusqu'à l'invasion an-
glaise : Foras Feasa ar Eirinn.
KEATIN G (Maurice-Ragenal-Saint-Leger), colonel et écri-
vain anglais, mort en 1835. iVyant accompagné, en 1784,
le consul général George Payne en France et au Maroc, il
publia Travels in Europe and Africa (1816). On lui
doit aussi un ouvrage sur l'optique et The True History
of the Conquest of Mexico, traduite de l'espagnol de
Bernai Diaz del Castillo (1800).
KEATS (John), poète anglais, né à Moorfield, près de
Londres, le 29 oct. 1795, mort à Rome le 23 févr. 1821 .
Après s'être essayé en un poème, Lines in Imitation
of Spencer, qui passa inaperçu, il attira sur lui l'atten-
tion publique par jê/^^(l^m^■ow( 18 18), roman poétique d'une
imagination aussi riche que déréglée. La Quarterly Heview
et le Blackwoods Magazine critiquèrent acerbement
le jeune poète qui, tenant compte des critiques, donna
bientôt un troisième volume, Taies andPoems (1820), qui
le mit au premier rang des poètes anglais. C'est dans ce
volume qu'est contenu cet admirable Hyperion dont Byron
a dit qu'il avait été inspiré par les Titans et qu'il était
d'un subhme égal à celui d'Eschyle. C'est surtout dans les
sujets mythologiques ou du moyen âge que le talent de
Keats brille de son plus vif éclat. Rien n'égale dans la lit-
térature de la Grande-Bretagne, en couleur et en mélodie,
VOde au Rossignol, VOde à Pan et VUrne grecque. The
Eve of S. Agnes est un modèle du genre romantique. Les
ravages d'une maladie héréditaire, la phtisie, aggravés par
une passion malheureuse, l'emportèrent à vingt-six ans,
à Rome, où il repose à côté du poète Shelley. R. Moncktar
Milnes a publié ses œuvres inédites : Life, Letters and
Literary Remams of Keais (1848). On a dit de Keats qu'il
était l'André Ghénier de l'Angleterre. Hector Frange.
KE8AB. Plat turc; c'est un rôti d'agneau assaisonné
d'oignons, de poivre et de riz. Une variante consiste à
découper la viande en petits morceaux qu'on frotte de
sel et de poivre et qu'on rôtit ensuite sur des charbons
ardents.
KEBABO. Oasis du Sahara oriental, dans la partie
appelée désert Libyque, la plus méridionale du groupe de
Koufra, à 900 kil. au S. de Benghazi, à i ,350 kil. au S.-E.
de Tripoli. C'est la plus étendue du groupe, la plus fertile,
la seule qui ait des villages occupés d'une façon perma-
nente, tels que El Djof, de fondation récente, avec
300 hab., et Zaouyet el Istat, où se trouve une impor-
tante zaouïa de Senoussi (V. Koufra). E. Cat.
KEBBL Ville du Soudan, dans le royaume et à 47 kil.
0. de Gando; 9,000 hab. Elle a été rebâtie à quelqu3
distance de l'ancienne cité fondée au xvi® siècle par la
dynastie Kanta et qui fut alors capitale d'un grand Etat ;
les Foulah la ruinèrent en 1806. Laprov. de Kebbi a été
enlevée au Sokoto par le Gando ; elle est très fertile.
KEBDANA. Grande tribu du Maroc, d'origine berbère,
et qui a conservé la langue berbère et berbérise les noms
arabes. Elle occupe toute la région comprise entre la mer
Méditerranée au N., la plaine de Bou Areg à l'O. et
le cours de la Moulouïa à TE. et au S. La plus grande
partie du territoire du Kebdana est couverte par un massif
montagneux. Dans la partie Nord-Est, seulement entre la
mer et la Moulouïa, la montagne s'abaisse et forme une
plaine basse où se trouve le point dit Bordj el Bachir, en face
des îles Zaffarines. Les Kebdana ne comptent pas dans le
Rif ; ils sont rangés dans le Garet. Ils se divisent en six
grandes fractions ou seulement en quatre suivant Duvey-
rier. Toute la tribu est placée sous le commandement d'un
caïd investi par le sultan, mais qui n'y jouit pas d'une
grande autorité. La population totale des Kebdana est éva-
luée à 41,000 âmes; on estime qu'ils peuvent réunir 2,500
fusils à tir rapide et 150 cavaliers. Les Kebdana sont une
des tribus que les Espagnols de Melila ont le plus fréquem-
ment à combattre. H.-M.-P. de La Mârtinière.
KEBHSENNOOF (Archéol. égypt.). L'un des quatre
génies funéraires chargés de la garde des viscères que l'on
embaumait séparément dans les vases appelés canapés.
Kebhsennouf, à tête d'épervier, veillait sur le foie et la vé-
sicule biliaire.
KEBILLI ou KBILLL Petite ville de la Tunisie méridio-
nale, à 1 11 kil. S. de Gafsa, dans le district du Nefzaoua
(contrôle civil de Tozeur) ; 1 ,200 hab. Située près du chott
Djerid, elle a une belle forêt de dattiers, arrosée parles cinq
sources de Ras-el-Aïn. Elle est entourée d'une enceinte
percée de cinq portes et était jadis la ville la plus impor-
tante du Nefzaoua ; mais, il y a une vingtaine d'années,
s' étant révoltée contre le bey de Tunis, elle fut en partie
détruite et ne s'est pas encore complètement relevée.
KEBLE (John), poète et écrivain religieux anglais, né à
Fairford (Gloucestershire) le 25 avr. 1792, mort à Bour-
nemouth le 24 mars 1866. Fils d'un pasteur, il entra dans
les ordres à sa sortie de l'université d'Oxford, puis, après
quelques années passées dans l'enseignement, fut nommé
recteur en 1827. The Christian War, recueil de pensées
en vers pour les dimanches et fêtes, obtint un grand succès
dans le monde où l'on chante des hymnes et lui valut la
chaire de poésie dans un des collèges d'Oxford (1831). Il
fut un des collaborateurs de Pusey et de Newman dans la
publication de leur Library of Fathers of the holy Ca-
tholic Church et, par conséquent, un des fondateurs du
mouvement puseyste. Il publia, en outre, Lyra înnocen ■
tium (1846), des Sermons et une Fi<?derévêqueWilson,
prélat de Sodor et Man. Keble est, en Angleterre, mis au
premier rang des poètes religieux. Hector France.
KEBTÔ (Haute-Egypte) (V. Coptos).
KÉCHAB Chander Sen (V. Brahmoïsme).
KECHIN. Ville et havre de l'Arabie méridionale, pro-
453 — KEATS -- KEENE
vince du Hadramaut, situé par 15« 26'' de lat. N., un peu
à rO. du cap Fartak. A l'époque où le chef de cette localité
possédait l'île de Socotora, Kechin avait une certaine im-
portance commerciale qu'elle a perdue depuis. Son port
peu profond est abrité des vents d'O.
KECHMISH (Vitic). Le kechmish est un cépage origi-
naire d'Orient où il est cultivé pour la fabrication des vins
fameux de Schiras dans la Perse et de l'Erivan. En Eu-
rope, il est uniquement cultivé comme raisin de table.
C'est un excellent cépage à fruits relativement précoces,
de couleur ambrée, à chair ferme, sucrée et relevée par une
saveur agréable.
KECSKEMÉT. Ville de Hongrie, comitat de Pest ;
49,600 hab. (1890), presque tous Magyars, vivant pour
la plupart de la culture des céréales, de la vigne, des
fruits, surtout de l'élève du bétail. Les foires périodiques
de Kecskemét sont très fréquentées. Malgré le caractère
rural de cette agglomération, l'enseignement y est très
soigné dans de nombreuses écoles de tout ordre
KEDAH ou MOUANG-Saï. Principauté de la presqu'île
de Malacca, vassale du Siam ; elle s'étend au S. du Sijor,
au N. du Pérak, à l'E. de la prov. de Wellesley, à FO. du
Kalantan, du Patani et du Taloung, entre 5° et 7° lat. N.
On y compte environ 60,000 hab.. Malais et Siamois. C'est
un pays bien arrosé et couvert de forêts. La capitale est
Kedah (8,000 hab.), sur la côte 0. de la presqu'île.
KEDARNATH (V. Himalaya).
KEDER (Nicolas), antiquaire suédois, né à Stockholm,
en 1659, mort en 1735. Après avoir voyagé dans divers
pays de l'Europe, il fut chargé par le roi' Charles XI de
classer les médailles de la collection royale, de composer
des devises et des inscriptions pour les médailles et les je-
tons que le roi faisait frapper. Il fut anobli en 1719. Ami
intime d'Elias Brenner, il se chargea, à la mort de ce der-
nier, de donner une nouvelle édition de son excellent Thé-
saurus numorum sueo-gothicorum (Stockholm, 1731,
in-4) ; dans une autre de ses publications intitulée JSum-
mus aureus Othinum exhibens (1722) Keder prétendit
attribuer une monnaie à Odin lui-même. Son autobiogra-
phie fut insérée dans les Acta litteraria Sueciœ (1747).
KÉDÈS (Palestine) (V. Kkms).
KEDIRI. Ville de Java, ch.-l. de résidence à TE. de l'île,
rive droite du Kali Brantas; belles ruines de palais,
temples, etc. — La résidence s'étend sur le rivage septen-
trional; elle a 6,762 kil. q. et environ 900,000 hab.
KEDJ. Oasis du Béloutchistan, capitale du Mekran, dans
la vallée supérieure du Decht-Kohr, à 120 kil. du Goua-
dar. C'est un groupe de villages avec plusieurs forts, dont
le principal sert de résidence au naïb, délégué du khan de
Kelat. *
KEDOU. Résidence du centre de Java, la seule qui ne
touche pas à la mer; 2,048 kil. q. ; 800,000 hab. environ.
Elle est située entre les résidences de Samarang au N.,
Sourakarta à E., Djojokarta au S., Baguelen à FO., dans
le bassin supérieur du Progo. C'est, entre de hautes mon-
tagnes, une des plus belles parties de l'île et des plus fer-
tiles. Le ch.-l. estMagelang. Dans le Kedou sont les ruines
de Bourou-Boudor.
KEEL. Mesure anglaise employée pour la houille; elle
vaut à peu près 2 i tonnes et se divise en 8 chaldrons.
KEELING (lies) ou des Cocos. Archipel coralliaire de
l'Océan Indien, au S.-O. du détroit de la Sonde, par 12°
lat. S. et 94° long. E. Ce sont des atolls dont l'ensemble
n'a pas plus de 22 kil. q. La population est de 400 hab.
Malais, Javanais, etc. L'Angleterre a annexé ces îlots.
KEENE. Ville des Etats-Unis, New Hampshire, sur
l'Ashuelet ; 7,000 hab.
KEENE (Sir Benjamin), diplomate anglais, né à King's
Linn (Norfolk) en 1697, mort à Madrid le 15 déc. 175'7.
Consul (1724), puis (1727) ministre plénipotentiaire à
Madrid, il y conclut le traité de Séville (nov. 1729) créant
une ligue défensive entre l'Angleterre, la France et l'Es-
pagne. Mais dix ans après, la guerre ayant éclaté entre
KEENE — KEEPSÂKE
— 454 --
l'Angleterre et l'Espagne, il fut rappelé. Très appuyé par
Horace Walpole qui prisait fort ses talents diplomatiques,
il représenta Maldon au Parlement (1739-40), puis
Westloe (1741-47). Envoyé extraordinaire en Portugal
(1746) pour traiter la paix avec l'Espagne, il reprit son
poste de Madrid en 1748. En 1750, il conclut un traité de
commerce avec l'Espagne. Fort malade, il réclama son
rappel en 1757; mais, sur les instances pressantes dePitt,
il demeura en fonctions pour essayer d'obtenir l'alliance de
l'Espagne contre la France, fût-ce au prix de la rétro-
cession de Gibraltar et des établissements de la baie de
Mexico ; il mourut au cours des négociations. R. S.
KEEPSAKE. Ce mot anglais, qui signifie proprement
chose donnée pour être gardée en soitvenir^ s'applique
d'une façon spéciale à ces livres-albums où de fines gra-
vures sur acier illustrent tantôt des morceaux (prose ou
poésie) de tons et d'auteurs variés, tantôt des descriptions
topographiques entremêlées d'anecdotes, et qui furent si à la .
mode, comme cadeaux de Noël et de jour de l'an, entre
1822 et 1850. On en va chercher l'origine, d'ordinaire,
dans les Taschenbûcher allemands. Il est certain qu'il y
a eu, en fait de Taschenbuch et de Taschen-Kalender,
des volumes curieusement illustrés par Chodowiecki dès la
fin du siècle dernier. Mais ce n'était, après tout, que des al-
manachs, et les almanachs illustrés, étrennes poétiques ou
chantantes, ne sont pas rares en France à cette époque-là.
Quoi qu'il en soit, les livres de présent, recueils annuels
et illustrés de miscellanées littéraires, que les éditeurs an-
glais se mirent à publier après 1820, présentèrent, dès le
début, une exécution bien supérieure et un caractère dif-
férent. Ce n'est vraiment qu'après que la vogue pour ces
livres se fût répandue en France et en Amérique que les
Taschenbûcher se transformèrent et prirent, assez lour-
dement d'ailleurs, l'allure des keepsakes. Comparez, par
exemple, le Vergissmeinnicht de 1818 (Leipzig), ou le
Leipxdger Taschenbuch pour 1812, ou encore le Ta-
schenbuch fur edle Weiberund Mœdchen de 1804 (Karls-
ruhe), avec le Helena de 1839 (Bunzlau) et le Cyanen de
18i0 (Vienne et Leipzig) ; comparez même VUrania des
premières années — cette publication remonte à 1805 —
avec VUrania de 1836 (Leipzig), et vous comprendrez l'in-
fluence exercée par les publications anglaises sur les « livres
de poche » allemands, sans que ceux-ci cessent, néanmoins,
d'être inférieurs à celles-là.
Le keepsake est un volume dont le format varie de rin-4
au petit in-16, doré sur tranches, imprimé avec soin en
beaux caractères sur un bon papier qui n'est que rarement
atteint des piqûres et taches de rousseur dont tant de livres
de luxe imprimés à cette époque sont lamentablement se-
més ; il est généralement pourvu, avant le frontispice et le
titre gravé, d'un feuillet orné d'une guirlande de fleurs
ou d'attributs divers, au milieu duquel un espace est ré-
servé pour que le donateur y inscrive le nom de la per-
sonne à qui le souvenir est offert : c'est le présentation
plate ^ ou cartouche de dédicace. Enfin, et surtout, il est
illustré d'un nombre variable de fines gravures sur acier,
où, malgré le conventionnel et le léché de la facture et le
sentimentalisme de l'inspiration, éclate souvent un très vif
sentiment d'art, et qui ont encore un singulier charme de
fraîcheur et d'élégance pour nos yeux blasés par toutes les
sauces de l'eau-forte et par les prestigieux effets des pro-
cédés photographiques.
Extérieurement, le keepsake est protégé par un carton-
nage qu'habille d'ordinaire une moire ou un satin de cou-
leur éclatante, rouge ou verte, plus rarement bleue. La
percaline, la basane avec gaufrures et ornements à froid ou
dorés, les peaux chagrinées, ou maroquinées même, et le
velours estampé partagent, avec la soie, le privilège de
recouvrir ces aimables recueils, suivant la fantaisie et
le goût de l'éditeur, suivant aussi les habitudes de dépense
de la clientèle à laquelle tel ou tel keepsake s'adresse
plus particulièrement. Quelques-uns se vendaient dans des
étuis fort dorés eux-mêmes, tout comme VAlmanach de
la Cour et de la Ville, ou VAlmanach dédié aux
dames. C'étaient vraiment des publications de grand luxe.
La seconde année de The Keepsake, qu'on peut prendre
pour type du genre, et qui, fondé en 1828 par Frederic-
Mansel Reynolds, durait encore en 1819, coûta 11 ,000 gui-
nées à son éditeur. The Amulet, que dirigeait S.-C. Hall,
avertit les acheteurs de son cinquième volume (1830) que
la gravure d'une des illustrations qu'il contient, le Ménes-
trel deChamouni, a coûté 145 guinées, et celle du Cruci-
fiement 180. Les artistes dont on gravait les œuvres étaient,
en outre, des maîtres anciens : J. Stephanoff, E. Goodall,
A. etCh.Heath, Corbould, Th. Lawrence, Stothard, Smirke,
Westall, Turner, Landseer, Chalon, Bonnington, Cater-
mole, Redgrave, Devéria, Eugène Lami, Louis David,
W. Daniell, Th. Allom, R. Seymour, J. Leech, G. Cruik-
shank, pour ne citer que les plus connus. Les graveurs
s'appelaient Goodyear Engleheart, Freebairn, Rolls, les
Finden, les Heath, Thomson, Wilmore, Westwood, J.-
H. Watt, J. Redway, J. Fisher, J. Cousen, W. Rad-
clyffe, J. Carter, J.-C^. Armytage, W.-H. Mote, etc. Toute
une phalange d'écrivains s'étaient fait une spécialité de la
littérature de keepsake : nouvelles sentimentales, vers
de société, élégies, odes, récits poétiques, anecdotes histo-
riques, fragments de biographie, portraits, physiologies,
courts essays littéraires et moraux. Les author esses y
étaient en grand nombre, et les noms de quelques-unes ne
sont pas encore oubliés, telles : Lœtitia-Elizabeth Landon,
dont les trois initiales apparurent longtemps à la page de
titre du plus luxueux de ces livres-albums, le Fisher's
Drawing-Room Scrap Book, qu'elle dirigea jusqu'en i 846,
pour le passer à Mrs. Norton, la gloire des salons d'alors;
Mrs. Hemans, poète distingué, qui affirmait virilement le pou-
voir des énergies de Fâme dans la lutte contre l'adversité ;
lady Emmeline-Stuart Wortley, élégante, élégiaque et mo-
notone; Mrs. S.-C. Hall, qui, pendant que son mari pu-
bliait The Amulet et The Book of Gems, dirigeait elle-
même un Juvénile Forget me not, auquel le Juvénile
Forget me not du grand éditeur d'art Ackermann faisait
une rude concurrence ; Agnes Strickland, Mary Howitt,
miss Mitford, Mrs. Opie,Mrs. Barbauld, dojit un livre d'édu-
cation qu'elle fit avec le D'' Aikin, Evenings at Home, a
gardé le nom populaire; la célèbre comtesse de Blessington,
directrice à la fois du Keepsake et du Book of Beauty de
l'éditeur C. Heath, et une des premières révélatrices de
Byron intime. Enfin Elizabeth Browning elle-même, lors-
qu'elle était encore miss Barrett, laissa dans plusieurs de
ces recueils sa marque de grand poète, tendre et élevé.
Parmi les hommes, les écrivains de valeur et de réputa-
tion ne manquent pas : Alaric Watts, J.-K. Hervey, l'au-
teur du Coîivict Ship, poème resté célèbre; E.-L. Bulwer,
romancier illustre, qui fut le premier lord Lytton ; Bryan-
Waller Procter, plus connu sous le nom de Barry Corn-
wall ; des hommes d'Etat comme lord Russell, lord Mor-
peth, Disraeli, Savage Landor, « poète à l'usage des poètes
et moraliste à l'usage des philosophes », comme le dit un
critique anglais ; lord Houghton, James Hogg, le berger d'Et-
trick, qui put un instant se croire un nouveau Burns ; Robert
Southey, poète lauréat ; Leitch Ritchie, Horace Smith, Dou-
glas Jerrold, Sheridan Knowles, Praed, T. Roscoe, J. Mont-
gomery, lord Holland qui, dans le Keepsake de 1836, fit
ce tour de force d'écrire un morceau de trois pages, pré-
cédé de quatre vers latins en guise d'épigraphe, et dont
tous les mots ne contiennent que la voyelle e à l'exclusion
de toute autre. On trouve même, dans ces pages oubliées, des
noms comme ceux de Dickens, de Shelley,de Ruskin.Tout
se réunissait pour donner du prix à ces livres de présent, et
pour justifier la mode qui les avait si chaudement adoptés.
De là, chez les éditeurs et rédacteurs ordinaires, un en-
thousiasme et un orgueil, assez légitimes après tout, mais
dont l'expression naïve ne laisse pas d'être amusante C'est
ainsi que l'humoriste Th. Hood, devenu directeur de The
G5m(1829), disait crânement dans sa préface : « Accou-
tumé à ne faire de sélection que dans mon portefeuiHe, je
ne puis deviner ce que je serai comme compilateur des
écrits des autres ; mais j'ai fait de mon mieux pour m'as-
surer une bonne parade à la foire de la publicité, en enga-
geant autour de moi autant de géants littéraires que j'ai pu,
et en prenant soin de n'enrôler personne qui ne dépasse, au
moins d'une tête, la médiocrité.» « Si les publications de
cette nature continuent comme elles ont commencé, écrit un
anonyme dans l'article de début ànKeepsake, dès 18"28,
nous atteindrons bientôt le millénium des souvenirs. Au
lieu de gravures, il nous faudra des tableaux par les plus
grands maîtres ; pour papier, nous aurons du vélin ; nos
reliures seront en opale et en améthyste, et personne ne
pourra nous lire qu'en une salle luxueuse ou sous un ber-
ceau de roses. »
Quoique Th. Roscoe déclare, dans le Winter Wreath
de 4830, que « l'imagination se refuse à se figurer rien
au delà de leur actuelle perfection », les keepsakes n'at-
teignirent pas tout à fait cet idéal; mais certains livres de
luxe ne le réalisent-ils pas aujourd'hui?
L'échange des modes est trop constant d'une rive de la
Manche à l'autre pour que les libraires de France n'aient
pas, de bonne heure, offert à leur clientèle fashionable
des volumes d'étrennes à l'instar des « Souvenirs » anglais.
La première publication périodique française qu'on puisse
faire rentrer dans la catégorie des Keepsakes ou Annuals
ne fut pas, cependant, directement inspirée par eux. C'est
une Miscellanée annuelle purement française, aussi bien
pour le texte que pour l'illustration, laquelle se réduit, dans
les premiers volumes du moins, à une seule figure mise en
frontispice. Les Annales romantiques^ recueil de mor-
ceaux choisis de littérature contemporaine, remontent
à 18^25. Elles étaient publiées par Urbain Canel en petits
volumes in~12. Presque tous les noms du monde littéraire
d'alors y défilent. Cependant, en 1834, les Annales ro-
mantiques qui, depuis d829, étaient aux mains de Louis
Janet, étaient devenues un véritable keepsake, illustré de
huit « gravures anglaises » empruntées aux publications
d'Ackermann.
Nos littérateurs fournissaient aux keepsakes anglais de
nombreux sujets d'adaptation et, parfois, des articles com-
plets tantôt traduits, tantôt insérés en français. Un « Mons.
Frédéric Degeorge » donnait, au sixième volume du Friend-
ship's Offehng (1829), une sorte de nouvelle intitulée
la Fiancée de Marques ;\q Literary Souvenir, de 1825,
a un article sur le cimetière du Père-Lachaise, et une
étude, On Autographs, à propos d'un livre français récem-
ment paru : rArt de juger du caractère des hommes
sur leur écriture ; sous le titre : The Deserted Château,
Front the French, sans nom d'auteur ni de traducteur, le
Keepsake de 4835 reproduit quelques pages de la Grande
Bretêche de Balzac; le même recueil publie en 4845 une
étude d'Eugène Sue sur Un Ouvrier poète, Savinien La-
pointe, et les Deux Jumelles, du vicomte d'Arlincourt ;
l'année 4846 contient U7i Mariage, par E. Sue; le Heath's
Picturesque Annual for 1839 consiste tout entier en une
traduction du Versailles il y a cent ans, de Jules Janin,
par Leitch Ritchie ; il est dédié par l'éditeur à Bis Majesty
Louis-Philippe, King of the French; ceux de 4843 et
de 4844 ne sont aussi que des adaptations de : Un Hiver à
Paris et de l'Eté à Paris, du même Jules Janin; enfin les
Fisher publiaient (4834-36) en anglais et en français le
Gage d'amitié ou Northern Tourist (3 vol. in-4).
Pour consommer l'alliance, les éditeurs français emprun-
taient à leurs confrères anglais presque toutes leurs gra-
vures, que Louis Janet et d'autres ne craignaient pas de
donner pour inédites, et qui servaient parfois à illustrer
trois ou quatre keepsakes différents.
Ces publications, plus oubliées qu'elles ne le méritent,
contiennent, avec des productions de presque tous les auteurs
illustres de notre siècle, une quantité de portraits, de vues
pittoresques, de scènes d'intérieur qui intéressent Thisto-
rien, le topographe, le moraliste, et qui sont un véritable
trésor pour l'iconophile. Aujourd'hui, les keepsakes, ces
— 455 — KEEPSAKE - KEHL
livres-albums romantiques, ont fait leur temps, comme le
romantisme même. On en trouverait pourtant le souvenir
dans plus d'une publication contemporaine de natures fort
diverses. C'est ainsi que le poète normand Gustave Leva-
yasseur a fait paraître à Amiens, en 4870, un recueil
intitulé Scrap-Book, et que des livres libertins, clandes-
tinement mis en vente à Londres, prennent encore de nos
jours des titres de keepsakes, comme The Pearl Christ-
mas Annual for iSSi et The Erotic Casket Gift Book
for i8S2. B.-H. Gausseron.
BiBL. : Outre les keepsakes eux-mêmes, on peut con-
sulter sur ce sujet; un article de Westland Marston,
dans le Livre du 10 mai 1884, 2« partie, p. 802 ,• les Books
of Beauty,pa.T le comte G. de Contades, et les Keepsakes
et Annuaires illustrés de Vépoque romantique en Angle-
terre et en France, par B.-H. Gausseron, dans les An-
nales littéraires des Bibliophiles contemporains pour 1890 ;
By-Waifs in Book-Land, par W. Davenport Adams ;
Londres, Elliot Stock, 1888.
KEEWATIN. Territoire situé au N.-O. du Canada, dans
les bassins de la Severn, du Nelson, du Churchill, à PO. de
la mer d'Hudson, à l'E. du lac Winnipeg, au N. du Mani-
toba (V. Canada). — Une localité de ce nom est située sur
le lac des Bois au point où le Winnipeg en sort.
KEF. Ville maritime de Nubie, sur la mer Rouge, en
face de l'île de Souakim (V. ce mot).
KEF (Le). Ville de Tunisie, ch.-l. de cercle, dans le bas-
sin de la Medjerda, sur le chemin de fer de Tunis en Algé-
rie. Enceinte bastionnée; belle source; beaux jardins;
fabrique de burnous. C'est l'ancienne Sicca Veneria.
KEF-el-Akdar ou le Rocher Vert. Montagne d'Algé-
rie, au S.-E. de Médéa et au S,-0, d'Aumale, d'une ait.
de 4,464 m.; elle a souvent servi de refuge aux tribus
berbères qui se refusaient à subir la domination étrangère ;
au X® siècle, il s'y était formé un petit Etat sanhadja indé-
pendant, dont la capitale, Achir, a laissé quelques ruines.
KEFERSTEIN (Christian), géologue allemand, né à
Halle le 20 janv. 4784, mort le 26 août 4866. Il s'occupa
de droit, d'archéologie et surtout de géologie. Ouvrages
principaux : Teutschland, geognostich-geologisch dar-
gestellt (Weimar, 4824-34, 7 vol.), avec une carte géo-
logique de toute l'Allemagne (4821), la première qui ait
été pubhée; Naturgeschichte des Erdkœrpers (Leipzig,
4834, 2 vol.); Ansichten ûber die Keltischen Aller-
thûmer (Halle, 4846-54, 3 vol.). D^ L. Hn.
KEFFI* Noms de plusieurs villes du Soudan : Keffi-abd-
es-Senga, dans le vSokoto, province de Zariya (Saria), sur
un affluent de la Bénoué ; 30,000 hab. C'est un grand
marché qui remplace Yakoba. La ville est entourée d'un
mur de pierre, formée de huttes rondes ou carrées, habitées
par des musulmans Foulbés ou Haoussas et des Afos païens.
Le commerce de l'ivoire y est prospère. La ville est gou-
vernée par un prince tributaire du gouverneur du Zariya.
— Keffl-n'' Raouta, Ville du Sokoto, camp fortifié qui
couvre Yakoba au N. et est distant de 48 kil. de cette
capitale.
KEFFING. Ilots de l'archipel des Moluques, à la pointe
S.-E. de Céram.
KEFT (Haute-Egvpte) (V. Coptos).
KEGEN ou TCHARYN. Rivière du Turkestan russe,
province de Semirétchensk, affluent gauche de l'Ili, qui des-
cend de l'Ak-Bourtach vers FO., sous le nom de Tchal-
kody-sou, reçoit le Karkara et traverse les monts Kouou-
louk-taou par les profonds et sinistres défilés d'Aktagoï
où le rejoignent les trois Merkes. Il arrose ensuite la
plaine et finit près du fort de Telek.
KÉGON. Secte religieuse du Japon (V. ce mot, t. XXÏ,
p. 27).
KEHL, Ville d'Allemagne, grand-duché de Bade, cercle
d'Offenbourg, sur la rive droite du Rhin et sur la Kinzig;
5,000 hab. (avec le bourg voisin). Kehl fait vis-à-vis à
Strasbourg et se trouve au débouché du pont de bateaux
et du pont du chemin de fer (303 m. de long). Cette situa-
tion fait son importance. En 4 678, le général Mongelas s'en
empara; en 4683, Vauban le fortifia; mais, à la paix de
KEHL - KEILHAU
— 456
Ryswyk, on le rendit à l'empire d'Allemagne en l'attribuant
au margrave de Bade. Les Français s'en emparèrent en
1703, 1733, 1793 et 1796, rétablirent en 1808 des for-
tifications qui furent rasées à la paix. Actuellement Kehl
Pont de Kehi.
est compris dans le périmètre des fortifications de Stras-
bourg dont trois forts sont sur le sol badois.
KEHREN (Joseph), peintre allemand, né à Hiilchrath
le 30 mai 4817, mort à Dusseldorf le 24 mai 1880. Elève
de l'Académie de Dusseldorf, il peignit d'abord des ban-
nières d'église, puis, en collaboration avec Stilke, il tra-
vailla aux fresques de la chapelle de Stolzenfels; avec
Mûller, à celles de l'église Apollinaris, à Remagen ; avec
Alfred Rethel, aux Scènes de la vie de Charlemagne à
l'hôtel de ville d'Aix-la-Chapelle, ouvrage qu'il acheva après
la mort de Rethel, sur les plans de celui-ci. Il peignit éga-
lement d'après Rethel la Justice de la Salle des assises
de Marienwerder et, avec Commans, dans le séminaire de
Mœrs, une vaste frise représentant à fresque toute l'histoire
jusqu'au couronnement de Guillaume P^ à Versailles. Parmi
ses tableaux d'autel, nous citerons : Sainte Agnès (chapelle
du château du comte Trips), le Christ enseignant Pierre
à Emmaûs (église de Glottan), le Bon Berger, la
Mère de douleurs^ etc. Son atelier a été brûlé, avec toutes
les études qu'il contenait, lors de l'incendie de l'Académie
de Dusseldorf, le 19 mars 4872.
KEHRER (Ferdinand-Adolph), accoucheur allemand, né
à Guntersblum (Hesse) le 46 févr. 1837. D'abord profes-
seur d'accouchements à Giessen, il passa en 1881 à Hei-
delberg avec le même titre. Il publia, entre autres : Lehr-
buch der Geburtshilfe (Giessen, 1880).
KEl ou KAI et GREAT KEl. Fleuve de l'Afrique aus-
trale. Il prend naissance, avec ses branches mères, sur le
versant S. des Stormberge, à 2,000 m. d'alt. environ. Les
plus importants des coursd'eau qui le forment sont : le Black
Kei, le White Kei, l'Indwe. le Tsoma. La Kei et l'Indwe
séparaient de la colonie du Cap, à l'E., la Cafrerie propre
ou les districts transkéiens. Un ^rand pont, mi-partie en
fer, sur la Kei, a favorisé l'annexion. Les hautes vallées du
bassin de ce fleuve sont riches et pittoresques, les régions
inférieures sont rocheuses et arides. Il se jette dans l'océan
Indien, un peu au N. du cap Morgan, par une embou-
chure ensablée ; son cours est d'environ 200 kil.
KEl. Archipel de la Malaisie qu'on rattache aux Mo-
luques; il comprend quatre îles à l'O. des îles Arou :
Grande-Kei (682 kil. q.), Petite-Kei (328 kil. q.), Kei
Doulan (4 25 kil. q.), ï)oulan Laout (25 kil. q.), plus les
quatre Kei Tenimber au S. et une vingtaine de petits îlots
autour et à l'O. des précédents ; en tout 1,214 kil. q. La
population (Malais et Alfourous) compte 24,000 hab., dont
45,000 dans la Grande-Kei; dans celle-ci un tiers sont mu-
sulmans. Le rajah réside à Doulan, à l'O. de Kei Doulan
et dépend du résident néerlandais d'Amboine. Les habi-
tants sont excellents marins et constructeurs de barques.
KEI6HLEY. Ville d'Angleterre, comté d'York, dans la
vallée de l'Air; 30,000 hab. Filatures et tissage de coton;
fabrication de machines.
KEIGHTLEY (Thomas), écrivain anglais, né en 1789,
mort à Erith (Kent) le 4 nov. 4 872. Il est surtout connu
par sa Fairy Mythology (1828, 2 vol.) et ses Taies and
popular Fictions, their resemblancesandtransmissions
from country to country (4834), qui sont des contribu-
tions de valeur à l'histoire des traditions populaires. II
donna aussi un certain nombre de manuels d'histoire, des
éditions classiques et quelques études littéraires estimées :
Notes on ihe Bucolics and Georgics of Virgil (Londres,
4846, in-8) ; Account of the Life, opinions and writ-
ings of John Mitton (4855); Shakespeare Expositor
(1867), etc. R. S.
KEIL (Ernst), libraire allemand, né à Langensalza le
6 déc. 4846, mort à Leipzig le 23 mars 4878. Il créa la
revue libérale D^r Leuchtturm (iS^6) qui fut supprimée
lors de la réaction et lui valut neuf mois de prison (4854).
Il fonda ensuite la Gartenlaube (1853) dont le succès fut
colossal.
KEIL (Heinrich), philologue allemand, né à Gressow,
près de Wismar, le 25 mai 1 822, professeur aux universités
d'Erlangen (1859) et de Halle (1869). Il a publié de re-
marquables éditions critiques des Grammatici latini
(Leipzig, 1856-80, 7 vol.) et des lettres de Pline le Jeune
(4870), et un Corpus scriptorum rei rusticœ (Caton,
Varron, etc., 1822 et suiv.).
KEILHAU (Baltazar-Mathias), géologue norvégien, né à
Birid, près de Christiania, le 2 nov. 1797, mort à Chris-
tiania le l^Manv. 4858. 11 fut lecteur (1826-34), puis
professeur (1834-57) de minéralogie à l'université de Chris-
tiania. Il a exploré au point de vue géognostique les ré-
gions les moins connues de la Norvège et a rapporté de ces
voyages de précieuses observations qu'il a consignées dans :
Reise i Ost-og Vest-Finmarken samt til Beeren-Eiland
og Spitzbergen (Christiania, 4831) et Gaea Norvegica
(en ail., Christiania, 1838-44-50, 3 p. in-foL). On lui doit
encore : Darstellung der Vber gangs formation in Norwe-
gen (Leipzig, 1826, in-8) et une trentaine de mémoires
originaux épars dans le Magazin for Naturvidenskaberne
(1823-48) et dans les Anfialende Poggendorff (4 825-28).
BiBL. : B.-M. Keilhau, Selbstbiographie ; Christiania,
— 457 —
KEJLHAU — KEITH
1857. — Catalogue of scientific papers de la Société royale ;
Londres, 1869, t. III.
KEILL(John), mathématicien et astronome anglais, né
à Edimbourg le 1®' déc. 1671, mort à Oxford le 34 août
1721. Professeur de physique (1700), puis d'astronomie
(1712) à l'université d'Oxford, membre delà Société royale
de Londres (1701), déchiffreur (decipkerer) de la reine
Anne et du roi Georges (1712-16), il s'employa l'un des
premiers à défendre et à propager les théories de Newton,
donna sous le titre : Introductio ad veram physicam
(Oxford, 1701, in-8, nombr. édit. ; trad. angl., Londres,
1736), une excellente introduction aux Principia de l'il-
lustre mathématicien et prit vivement son parti dans plu-
sieurs controverses, notamment dans la dispute qu'il eut
avec Leibniz au sujet de la priorité de l'invention du cal-
cul intlnitésimal. Outre le livre déjà signalé et des mémoires
parus dans les Philosophical Transactions, L Keill a pu-
blié: Examen in theoriam telluris a Burnetio editam
(Oxford, 1698, in-B); Introductio ad veram Astrono-
miam (Londres, 1718, in-8; trad. angl., 1742), etc. Ses
principaux écrits ont été réunis dans une édition posthume
(Milan, 1742). — Son frère, iames (1673-1719), mé-
decin à Northampton, a laissé quelques ouvrages d'anato-
mie fort curieux. L. S.
KEILOSTOMA (Paléont.) (V. Rissoa).
KEIM (Théodore), théologien allemand, né à Stuttgart
le 17 déc. 1825, mort à Giessenle 17 nov. 1878. Il devint
professeur de théologie à Zurich en 1860, et à Giessen en
1873, et se voua tout spécialement à l'étude des origines
du christianisme. Il appartient à l'école critique, mais avec
une nuance religieuse assez accentuée. Sa Vie de Jésus eut
un grand retentissement et fut fort discutée. Il publia deux
volumes de sermons, des monographies sur l'histoire de
son pays ; mais ses principaux ouvrages sont : Der Ge-
schichtliche Christus (1866, 3« éd.) ; Geschichte Jesu
von Nazara (1867-72, 3 vol.) ; Geschichte Jesu nach
den Ergebnissen heutiger Wissenschaft filr weitere
Kreise ûbersichtlich erzhlt (1875, 2« éd.).
KEIRINCX ou KERRINCK ou KIERINGS (Alexander),
paysagiste hollandais, né à Utrechten 1590, mort à Ams-
terdam en 1646, ou d'après d'autres auteurs né à Anvers
le 22 janv. 1600, mort à Amsterdam en 1652. Cette
discordance provient sans doute de l'existence de deux Kei-
rincx; celui qu'on trouve en 1619 inscrit à la gilde de
Saint-Luc, et qui entra en 1625 au service de Charles P'",
serait le second ; le premier resterait bien un paysagiste
hollandais de qui le nom serait réellement Keirinck qu'on
peut voir signé sur un tableau de Munich, Bois de chênes,
daté de 1631. On trouve encore des paysages de Keirincx
à Rotterdam (1630), à Darmstadt, à Brunswick, à Stock-
holm, à Copenhague, à l'Ermitage de Saint-Pétersbourg,
à la galerie Liechtenstein à Vienne ; un Paysage avec une
Fuite en Egypte à Bâle, une Forêt (1629) à La Haye, un
Paysage de montagne et un Paysage de vallée k Cologne,
les Ruines d'un temple à Leipzig, la Création du Monde
au musée de Rennes. Pœlenburg peignait les figures de ses
tableaux. Etienne Bricon.
KEISAR (Guillaume de), peintre flamand, né à Anvers
vers 1647, mort vers 1693. Keisar était joaillier, et il
quitta son métier pour peindre : il a peint surtout des su-
jets religieux. Appelé en Angleterre, il y fit une Sainte
Catherine pour la chapelle de Somerset House ; mais la
révolution de 1688 troubla toutes ses espérances : il
s'adonna alors à l'alchimie et aux recherches obsédantes
de la pierre philosophale. Une fille de Keisar a été peintre
de portraits. E. Br.
KEISER (Reinhard), compositeur allemand, né à Teu-
cherne, près de Weissenfels (Saxe), le 10 janv. 1674, mort
à Hambourg le 12 sept. 1739. Il écrivit en 1692 un opéra
allemand, Basilius, et en 1695 une pastorale, IsmènCy
qui furent représentés à la cour de Brunswick- Wolfen-
biittel, et marquèrent la naissance de l'opéra national alle-
mand. Keiser alla faire jouer son Basilius à Hambourg
en 1694. Le succès de cet ouvrage le détermina à se fixer
peu de temps après à Hambourg, oti il donna de nombreux
opéras allemands. Keiser quitta Hambourg pour aller habi-
ter Stuttgart, puis Copenhague. Revenu à Hambourg, il
y fut nommé en 1728 cantor de la cathédrale, seul poste
officiel qu'il ait occupé. D'après Mattheson, Keiser donna en
quarante ans à Hambourg 116 opéras; la plupart de ces
ouvrages sont perdus. Outre ses opéras, Keiser a composé
de nombreux airs et morceaux détachés dont très peu
furent imprimés de son vivant ; la bibliothèque de Berlin en
possède un nombre important en manuscrit. M. Lindner a
publié neuf fragments d'opéras de Keiser dans son livre
intitulé Die erste stehende deutsche Oper (Berlin, 1855) ;
la partition de Topera Der Lœcherliche Prinz Jodelet
a été publiée en 1892-94 par la Gesellschaft fur Mu-
sikforschung . Keiser est regardé comme le créateur de
l'opéra allemand. Avec le mérite d'une facilité extraordi-
naire, il avait d'heureux dons mélodiques, et fut avec
Haîndel le plus remarquable compositeur de l'Opéra de
Hambourg, à une époque oti ce théâtre tenait le premier
rang dans l'art allemand.
BiBL. : F.-A. VoiGT, Reinhard Keiser; Leipzig, 1890, in-8.
KEISKAIVIMA. Fleuve côtier de la colonie du Cap qui
descend des monts Amatola, reçoit la rivière d'Alice et finit
àHamburg; il arrose une vallée fertile (V. Cap).
KEITH. Ville d'Ecosse, comté de Banfl", sur la rive
gauche de Flsla, à 144 m. d'alt. Stat. du chem. de fer
d'Aberdeen à Elgin ; 8,245 hab. Fabriques de toile.
KEITH. Famille de la noblesse écossaise connue à partir
de la seconde moitié du xu® siècle ; elle prit son nom du
fief de Keith (Lothian oriental) auquel était attaché l'of-
fice de maréchal du roi. En 1305, Robert Keith était un
des principaux partisans d'Edouard I^*" d'Angleterre, puis
se ralliait à Bruce et s'illustrait à la bataille de Barmock-
burn. Il acquit ainsi de vastes terres dans le comté d'Aber-
deen. La famille Keith acquit ensuite des domaines dans
le comté de Kincardine par un mariage avec l'héritière des
Fraser; elle y fixa sa résidence dans un château bâti sur
le roc insulaire de Dunnottar. En 1458, sir William Keith
fut créé comte Marischal. On trouvera à ce mot l'histoire
ultérieure de la famille. Parmi les cadets, qui sont connus
sous le nom de Keith, il faut citer le maréchal Keith
(V. ci-après), frère du dixième etdernier comte Marischal.
La descendance mâle de leur famille s'éteignit avec ce der-
nier en 1778. Le titre fut alors transféré aux Elphin-
stone (V. ce mot); la sœur du dernier comte, Mar?/, avait
épousé en 1711 le comte de Wigton, et la fille issue de ce
mariage, Clémentine, épousa le comte Charles Elphin-
stone, dixième du nom ; en 1797, un des fils de celui-ci,
George, fut créé lord Keith de Stonehaven Marischal, dans
la pairie irlandaise, puis lord Keith de Banteath (1803)
dans la pairie du Royaume-Uni.
KEITH (James-Francis-Edward, le maréchal), né près
de Peterhead le 11 juin 1696, mort à Hochkirch le 14 oct.
1758. Fils de William, neuvième comte Marischal, et de
lady Maria Drummond, comtesse de Perth, il reçut une
très forte et très brillante instruction sous la direction de
Robert Keith, évêque de Fife, puis du poète jacobite Wil-
liam Meston. Inféodé de naissance à la cause des Stuarts,
il entra avec ardeur en 1715 dans l'insurrection du comte
de Mar et proclama Jacques VIII à Edimbourg. Il combattit
bravement à Sheriffmuir et après la déroute finale des Ja-
cobitcs put gagner le continent. Il poursuivit à Paris ses
études et les abandonna de nouveau en 1719 pour partici-
per à l'expédition d'Alberonidans les Highlands. La défaite
de Glenshiel(lO juin) le contraignit à passer en Hollande.
Il entra au service de l'Espagne qui lui conféra le grade de
colond, prit part au siège de Gibraltar (1726-27), puis
s'en fut en Russie. Fort bien accueilli par l'impératrice
Anne qui le nomma lieutenant-colonel de ses gardes du
corps (1730), il devint inspecteur de l'armée de la Volga et
Don (1732), et, lors de la guerre de la succession de Po-
logne (1733-35), commanda en second sous Lascy et amena
KE[TH — KEKULE — ^
l'armée russe jusqu'au Rhin. Avec le grade de général
d'infanterie, il prit une part tout aussi importante à la
guerre contre la Turquie (1736). Blessé très grièvement
à Otchakov, Keith pour rétablir sa santé suivit son frère le
comte Marischal à Berlin, à Paris, à Londres, partout ac-
cueilli avec empressement par les souverains. De retour en
Russie en 1740, il fut nommé gouverneur général de
l'Ukraine où il se distingua par une administration des plus
habiles. La guerre avec la Suède (1741-43) lui fournit de
nouvelles occasions de déployer ses incomparables talents
militaires. Il s'empara de Willmannstrand (3 sept.), con-
traignit toute une armée à se rendre à Helsingfors, prit
possession des îles Aland. C'est alors qu'il tomba éperdu-
ment amoureux d'une de ses prisonnières suédoises, Eva
Merthens, dont il fit sa maîtresse et dont il eut plusieurs
enfants. En 1744, il fut ambassadeur à Stockholm. Elisa-
beth lui témoigna d'abord beaucoup de confiance, le nom-
ma maréchal. Mais circonvenue par les intrigues de Bes-
tuchev et de l'ambassadeur anglais lord Hyndford, elle finit
par lui retirer peu à peu tous ses emplois. Dégoûté des
procédés de la cour de Russie, menacé même d'un exil en
Sibérie, Keith vint offrir ses services à Frédéric II. Le roi
de Prusse se connaissait en hommes. Keith fut nommé
d'emblée feld-maréchal (18 sept. 1747), puis gouverneur
de Berlin (1749). Il eut au début de la guerre de Sept ans
(1756) une part considérable : la victoire de Lobositz est son
œuvre ; il dirigea les opérations devant Prague, la défense
de Leipzig, remporta la victoire de Rossbach, dirigea le
siège d'Olmutz (1758), couvrit la retraite de l'armée prus-
sienne et périt sur le champ de bataille d 'Hochkirch après avoir
repoussé trois fois les Autrichiens. Frédéric fit transporter
son corps à Berlin : une statue en marbre fut élevée au
maréchal Keith sur la Wilhelmplatz (1786) ; elle a été trans-
férée en 1857 à l'Académie des cadets, tandis qu'une re-
production en bronze prenait sa place. Depuis 1889, un
régiment de Silésie porte le nom de Keith. Il a laissé un
fragment d'autobiographie, publié à Berlin en 1789, d'où
on a tiré probablement : A Succint Account of the per-
son^ the way of liuing and of the Court of the King of
Prussia translated from a curious mss, of the late
field-marshal Keith (Londres, 1759, in-4). R. S.
BiBL. : Henderson, Memoirs of the life and actions of
J. Keith; Londres, 1759, in-8. — Formey, Eloge de Keith ;
Berlin, -1760, in-8. — Buchan, Historical Account of the fa-
mily of Keith; Peterhead, 1820. — Varnhagen von Ense,
Leben des Feldsmarschalls Keith ; Berlin, 1844, in-8. —
Memoir of marshal Keith by a Peterheadian; Peterhead,
1869. — Pagzynski-Tenczyn, Leben des Feldsmarschalls
Keith ; Berlin, 1889. — Hindes Groome, Vie, dans D. of
national Biography ; Londres, 1892, t. XXX.
KEITH (Sir Robert-Murray), général et diplomate an-
glais, né le 20 sept. 47;-}0, mort à Hammersmith le 21 juin
1795. Entré dans l'armée en 1746, il servit dans le régi-
ment écossais à la solde de la Hollande, puis combattit en
Allemagne, notamment à Minden (1759), où il fut remar-
qué par le prince Ferdinand de Brunswick. De retour en
Angleterre en 1763, il fut nommé ministre à la cour de
Saxe en 1769, envoyé extraordinaire à Copenhague en
1771, ministre plénipotentiaire à Vienne de 1772 à 1792.
Il a laissé un recueil de poésies : The Caledoniad (Lon-
dres, 1773, 3 vol. in-12).
KEITH (George Keith Elphinstone, vicomte), célèbre
amiral anglais, né à Elphinstone le 7 janv. 1746, mort
à Tulliallan le 10 mars 1823. Entré dans la marine en 1761 ,
il servit brillamment dans la guerre d'Amérique et dans
la Méditerranée. Membre du Parlement pour le Dumbar-
tonshire dès 1780, pour le Stirlingshire dès 1790, il ne
reprit du service actif qu'au début de la guerre contre la
France en 1793. Il commanda le fort de Lamalgue après
la prise de possession de Toulon et n'y put tenir contre
Bonaparte. Promu contre-amiral en 1794, il fut chargé du
commandement de l'expédition du Cap (1795). Il s'empara
de cette colonie hollandaise (capitulation de Cape Town,
17 sept. 1795), pendant que l'amiral Rainier prenait Cey-
lan. Les Hollandais essayèrent de revenir au Cap, mais
Keith déjoua facilement toutes leurs tentatives (1796). A
son retour en Angleterre (1797), il fut accueilli avec en-
thousiasme et créé baron Keith de Stonehaven Marischal
(7 mars). Après avoir réprimé la rébellion de Sheerness,
il croisa dans la Manche, puis fut envoyé avec lord Saint-
Vincent à Cadix. Il s'empara de Minorque. En 1 800, il
fut chargé d'appuyer par mer les Autrichiens en Italie. Il
bombarda Gênes où Masséna dut capituler (5 juin), mais
d'où la victoire de Marengo le chassa bientôt. Il eut de
vives difficultés dans le règlement des affaires d'Egypte,
ayant refusé d'abord de reconnaître la convention d'El-
Arish, signée entre Kleber et Sidney Smith, ce qui fit ac-
cuser de mauvaise foi le gouvernement anglais. Avec Aber-
cromby, il concerta une descente à Cadix, à laquelle s'opposa
énergiquement le gouverneur de cette place (oct. 1800) ;
il put du moins empêcher la jonction des flottes française
et espagnole. Le 2 sept. 1801, il signait la capitulation
d'Alexandrie qui mettait fin à l'occupation française en
Egypte. Il reçut les remerciements solennels du Parlement,
la pairie, toutes sortes de faveurs et de présents. Il reprit
la mer en 1803 et éprouva en 1807 un grave échec à la
défense de Kœnigsberg. Le 12 déc. 1808, il épousa Hester-
Maria Thrale, fille de l'amie de Samuel Johnson (V. ce
nom). Commandant en chef delà flotte delaManche en 1812.
Après Waterloo, c'est lui qui fut chargé de notifier à Na-
poléon l'accord des puissances (Angleterre, Prusse, Au-
triche, Russie), relatif à son internement à Sainte-Hélène
(4 août 1815) et contre lequel l'empereur protesta vio-
lemment. Keith demeura ensuite dans la vie privée. D'un
premier mariage il avait eu une fille, Marguerite, qui
épousa en 1817, contre sa volonté, le comte de Flahaut
(V. ce nom), aide de camp de Napoléon. R. S.
BiBL. : Allardyce, Life of admirai lord Keith; Londres,
1882.
KEITH (Alexander), théologien écossais, né à Keit Hall
en 1791, mort en 1880. Après avoir fait ses études à Ma-
rischal Collège, à Aberdeen, il entra dans la carrière ecclé-
siastique en 1816. Il se mit au service de l'Eglise natio-
nale dont il resta pasteur jusqu'en 1843. Il suivit alors le
mouvement séparatiste provoqué par le docteur Chalmers,
sous la dénomination d'Eglise libre (V. Chalmers). Keith
est un écrivain très fécond auquel on doit de nombreux
traités théologiques, dont quelques-uns, traduits en plusieurs
langues, sont devenus classiques en Angleterre, notamment:
Evidences of the truth ofthe Christian religion derived
from the literal fulfilment of prophecy(i8^'^). Il con-
vient de citer encore : The Harmony of prophecy (1851);
The History and destiny ofthe world and of the church
according to Scripture (1861). A la suite d'un voyage
en Orient, il pubha un de ses meilleurs ouvrages : A Nar-
rative of the mission to the Jews. Sa manière d'inter-
préter les écritures lui permettait de voir dans les pro-
phètes d'Israël maint passage se rapportant à l'histoire
contemporaine. Aussi publia-t-il, vers 1878, des articles
remarqués sur les prophètes concernant l'empire russe et
l'empire turc.
KEJSTUT, prince Uthuanien (V. Kieistoutt).
KEKRI (Mythol. finnoise). Divinité sylvestre qui veille
sur les troupeaux. A la fin de l'été on célébrait une grande
fête en son honneur et, aujourd'hui encore, dans toute la
Finlande, la Toussaint porte le nom de Kekri et est fêtée
pendant plusieurs jours.
KÉKULÉ (Friedrich-August), chimiste allemand, né à
Darmstadt le 7 sept. 1829. lia fait ses études à Heidel-
berg, où il a été de 1856 à 1858 privat-docent de chimie,
puis a professé pendant huit ans la chimie à l'université de
G and. En 1865, il a été nommé professeur de chimie à
l'université de Bonn et directeur de l'institut chimique de
cette ville. Savant très distingué, M. Kékulé est surtout
connu par ses hypothèses de la tétratomicité du car-
bone et de la saturation réciproque des éléments, qui ont
fait faire à la nouvelle théorie atomique le pas décisif
(V. Atomicité, Atomique [Théorie], Chimie, t. XI, pp. 75
et 76). On lui doit aussi les formules à chaîne ouverte et
à chaîne fermée employées dans la notation atomique pour
représenter les composés organiques, notamment la formule
hexagonale de la benzine, qu'il a proposée en 4866. Outre
de nombreux mémoires parus dans les Annalen de Liebig
et autres recueils spéciaux, il a publié : Lehrbiwh des orga-
nischenC hernie oder der Chemie der Kohlenstoffverbin-
dungen, en collaboration avec A nschiitz et Schultz(Erlangen,
4859-67, 3 vol. in-8) ; Chemie der Benzolderivate oder
der ar orna tischen Substanzen, en collaboration avec Wal-
lach (Stuttgart, 4867-87, 3 vol. in-8); Die Principien
des hœheren Unterrichts und die Reform der Gymna-
sien (Bonn, 4878, in-8); Tableaux servant à l'analyse
chimique^ en collaboration avec Wallach (trad. français
par J. Krutwig, Paris, 2^ éd., 4888, 2 vol. in-8), etc. lia
été avec Cantor, Eisenlohr et Lewinstein, l'un des rédac-
teurs de la Kritische Zeitschrift fur Chemie^ Physik
und Mathematik (Erlangen, 4858 et suiv.). L. S.
KÉKULÉ (Reinhard), archéologue allemand, néà Darm-
stadt le 6 mars 4839, professeur à l'université de Bonn
(4870). Parmi ses publications, nous citerons : Eebe
(4867) ; die Balustrade des Tempels der Athena Nike
(4869 ; éd. avec pi. , 4881) ; Dz^ antiken Bildiuerke im
Theseion (4869) ; Ûeber die Enstehung der Gœtter-
ideale der Griechischen Kunst (Stuttgart, 4877); Zur
Deutung und Zeitbestimmung des Laokoon (1883) et
de grandes collections de monuments figurés; Griechische
Thonfiguren aus Tanagra (1878) ; Die antiken Terra-
kotten^ 1. 1, Ponipéi {ai\ecRohàen, 4880), t. Il, Sizilien
(4884).
KEL Mot touareg qui signifie « les gens de ». Il entre
dans la composition d'un grand nombre de noms de tribus
(V. Touareg).
K ELAN G. Ile de l'archipel des Moluques, entre Ceram
et Manipa ; 12 kil. de long sur 8 de large.
KELAT. Ville du Béloutchistân, bâtie par 29o de lat. N.
et 64*^ 20' de long. E., à 2,057 m. d'alt., sur un plateau
formé par le Koùhi-Moùrân, dans la vallée supérieure du
Gandava. Elle domine les routes de l'Inde, de la Perse, de
TAfghanistân et de la mer. Le climat est très rude et les
vents du N. y soufflent avec violence. La ville compte
15,000 hab. environ, Balouches, Persans, Djâts, agricul-
teurs et commerçants hindous; ils sont sunnites. Kelat
est la capitale officielle du Béloutchistân (V. ce mot).
KELâT-Atok. Oasis du Turkestan russe, à l'E. du pays
des Turcomans Akhal-Tekke, sur le chemin de fer de la
Caspienne à Samarcande.
KELAT-1-Ghildji (ou Ghilzâï). Forteresse de l'Afgha-
nistan central, sur le Tarnak, sous-affluent du Helmend, à
4,762 m. d'alt. Elle a une grande importance stratégique.
KELAT-i-Nâdir (La forteresse de Nâdir-Châh). Petite
ville du Khorasân j^Perse), bâtie sur le plateau du même
nom, dans les derniers contreforts du Damen-i-Koûh, aux
confins du plateau de l'Iran et du désert de Kara-Qoum.
Ce fort, solidement assis sur un roc long d'une trentaine
de kil, et large de 40, est muni d'une garnison persane
pour maintenir les Turcs; on compte, en outre, 25,000hab.
La ville est un chef-lieu de district.
KELBIAH. Lac de la Tunisie centrale, auN.-O. deKai-
rouan, que M. Rouire identifie avec le lac Triton (V. ce
mot et Tunisie).
KELDERMANN ou KELDERMANS (Les). Famille d'ar-
chitectes des Pays-Bas aux xv® et xvi® siècles. Les plus
anciennement connus. Bombant 1®^ et son fils Andries,
vivaient au commencement du xv® siècle, mais le plus
célèbre fut Anthonis qui fit élever, en 4454, la tour
de l'église de Lievensmonster, à Zieriksee, les hôtels de
ville de Middlebourg et de Veere et qui travailla à Téglise
de cette ville. C'est aussi Anthonis qui est cité, avec ses
frères Dominique ou Mathé et Rombaut 11, au nombre
des premiers constructeurs du Broodhuys ou maison du
Pain, aujourd'hui la maison du Roi, transformée en musée
459 - KÉKULÉ - KELHEIM
communal, sur la grande place, en face de l'hôtel de ville,
à Bruxelles. Dominique Keldermans fut architecte de la
ville de Louvain et Rombaut II se distingua surtout comme
ingénieur militaire au service de l'empereur Charles-Quint,
lequel le charojea de construire le fort de Vredenburg, près
d'Utrecht, en 4529. Charles Lucas.
KELEK. Sorte de radeau dont se sont servis de toute an-
tiquité les habitants des bords du Tigre et de l'Euphrate
pour naviguer sur ces deux grands fleuves. Les bas-reliefs
assyriens représentent des soldats à cheval sur une outre
de peau de bouc flottant sur l'eau et traversant ainsi les
rivières. Encore aujourd'hui, l'instrument de naviga-
tion usité en Orient est le kelek, composé d'un carré de
perches auxquelles sont attachées des outres gonflées d'air,
et surmonté de traverses formant plancher. A l'arrière,
une petite hutte couverte en feutre sert d'abri ; à l'avant,
des bateliers munis de grandes et fortes rames dirigent ce
radeau. On dit « un kelek de tant d'outrés » pour désigner
le tonnage. Les radeaux se forment dans le haut du fleuve
qui descendent jusqu'à ce qu'il ne soit plus navigable. A son
point d'arrêt, le kelek est défait et les outres dégonflées
remontent à dos de mulets jusqu'à leur lieu d'origine dans
le haut Tigre ou le haut Euphrate. Le kelek est également
employé par les Tartares sur les fleuves de l'Asie centrale.
L'origine de ce mot est arabe ; le mot assyrien était dou-
chou, E. Drouin.
KELETI (Charles), statisticien et économiste hongrois,
néà Presbourgle48juil. 4833, mort à Budapest le 29 juin
4892. Il combattit, à quinze ans, dans les rangs des honvéds,
pour l'indépendance de son pays (4848-49), puis s'occupa
d'agriculture et entra en 1 867 dans l'administration hon-
groise. Devenu en 4872 chef du bureau de statistique de
Bude, qu'il venait d'organiser lui-même, il se plaça tout de
suite au premier rang des statisticiens, tant par ses publi-
cations que par la part considérable qu'il prit aux travaux
des grands congrès internationaux. Il était membre de
l'Académie des sciences et professeur libre de l'université
de Budapest. Les principaux de ses ouvrages, presque tous
en langue magyare, ont pour titres : Impôt foncier et
cadastre (Pest, 4868); Notre Patrie et salangrie (id.,
4871); la ifow^m (Budapest, 4873; trad. franc.); Ma-
nuel de statistique pratique (id.^ 4875) ; Rapport sur
Vétat de V agriculture en Hongrie^ en franc, {id., 4878) ;
le Recensement deISSO en Hongrie (id., 4882, 2 vol.) ;
Etat de la Hongrie en Europe {id., 4885) ; Etat éco-
nomique de la péninsule des Balkans (id,, 4885) ;
Rapport officiel de V exposition de Budapest (id,, 4886,
4 vol.). L. S.
KELETI (Gustave), paysagiste et critique d'art hongrois,
né à Presbourg en 4834. Il a étudié le droit à Pest et à
Vienne, puis la peinture à Munich. Ses paysages les plus
importants se voient au musée national de Budapest. A la
suite d'une mission dont il fut chargé par son gouverne-
ment en 4869, il fit un rapport sur l'enseignement des
beaux-arts et des arts industriels à l'étranger. Mettant ses
observations en pratique, il a fondé en 4874 l'école natio-
nale de dessin, et en 1880 l'école des arts industriels,
qu'il dirige.
KELEYA. Ville du Soudan français, rive droite du Fan-
doubé, à 400 kil. S. de Bamakou.
KELH EIM. Ville de Bavière, province de Basse-Bavière,
au confluent du Danube et de l'Altmuhl ; 3,200 hab. Châ-
teau; belle église gothique. Carrières de pierre et de grès.
~ Kelheim fut, dès 843, le chef -lieu d'un district, le
Kelsgau. Les ducs de Bavière y résidèrent au xii® siècle
et au xiii® jusqu'en 4231. Le roi Louis P^ a fait élever à
l'O., sur le Michselsberg, un édifice commémoratif de la
guerre de 4813-45, rotonde de 66 m. de haut sur une
terrasse à trois étages, somptueusement décorée de mar-
bres et de bronzes.
BiBL. : Stoll, Gesch. der Stadt Kelheim ; Landshut,
1867. — Du même, Die Befreihungshalle ; Ratisbonne, 1884,
6» éd.
KELLBERG — KELLER
— 460 —
KELLBERG. Village de Bavière, province de Basse-Ba-
vière, à 6 kil. N.-E. de Passau ; vieille église. Source mi-
nérale acidulée ferrugineuse (température + 10°).
KELLEN (Jean-Philippe Vander), graveur et écrivain
hollandais, né à Utrecht le 9 juil. 483i . Elève de son père,
le graveur David Van der Kellen, graveur de la Monnaie
d'Utrecht (1852), il a publié : le Peintre-graveur hol-
landais et flamand (Utrecht, 1866); Catalogue d'es-
tampes de la collection deRidder (1874), etc.
KELLER (Martin) (V. Cellarius).
KELLER (Les), fondeurs suisses du xvii® siècle, dont le
plus connu est Jean-Balthasar^ né à Zurich en 1638,
mort en 1702. Très habile orfèvre et ciseleur, il fut appelé
à Paris par son frère, Jean- Jacques, qui lui communiqua les
secrets de la fonderie des métaux. Jean-Balthasar devint
inspecteur de la fonderie de TArsenal, et dirigea la fonte de
la plupart des statues en bronze des jardins de Versailles.
Avec son frère il fit en 1674 la statue équestre de Louis XIV
qui fut érigée en 1715 à Lyon sur la place Bellecour. Il
coula ensuite d'un seul jet, ce qui ne s'était jamais fait
jusqu'alors dans de telles dimensions, la statue de Louis XIV
de Girardon qui fut érigée en 1699 sur la place Vendôme,
et que la Révolution renversa. On doit aux deux frères un
Mé^mozr^ justificatif paru en 1694 etrelatif à leurs travaux
de fonderie de canons.
KELLER (Anton-Leodegar), homme d'Etat suisse, né à
Lucerne en 1673, mort en 1752. Devenu chancelier de
Lucerne, il fut envoyé en 1715 en France pour traiter de
l'alliance entre ce royaume et la Suisse. En 1725, il eut
une grande part dans la rupture entre la république de Lu-
cerne et le saint-siège, rupture provoquée par l'autorité
civile qui revendiquait le droit de déposer et de nommer les
curés sans le préavis de l'autorité ecclésiastique. Une tran-
saction termina le conflit en 1727. Deux ans avant sa mort,
Relier avait abandonné toutes ses fonctions officielles.
KELLER (Ferdinand), archéologue suisse, né au château
de Marthalen (cant. de Zurich) le 24 déc. 1800, mort à
Zurich le 21 juil. 1881. Il étudia à Paris (1826), fut pré-
cepteur en Angleterre, professa à l'Institut technique de
Zurich et se fit un nom dans l'archéologie préhistorique en
découvrant les premières palafittes sur le lac de Zurich
(1853) et en expliquant l'importance de ces habitations
lacustres préhistoriques. Il a fondé la Société des anti-
quaires de Zurich.
BiBL. : Meyer de Knonau, Lebensabriss von F. Keller :
Zurich, 1882.
KELLER (François -Antoine- Edouard), hydrographe
français, né à Wissembourg (Alsace) le 30oct. 1803, mort
en avr. 1874. A sa sortie de l'Ecole polytechnique (1823),
il entra dans le corps des ingénieurs hydrographes et de-
vint ingénieur de première classe en 1848. On lui doit,
outre des mémoires parus dans les Annales hydrogra-
phiques, quelques bons ouvrages : Exposé du régime des
courants observés depuis le x\i^ siècle jusqu'à nos jours
dans la Manche et la mer d'Allemagne (Paris, 1855,
in-8); Canal de Nicaragua (Paris, 1859, in-8) ; Des Ou-
ragans, tornados, typhons et tempêtes (Paris, 1861,
in-8), etc. L. S.
KELLER (Augustin^, homme d'Etat suisse, néà Sarmens-
torf (Argovie) le lO'nov. 1805, mort le 8 janv. 1883.
Fils de paysans, l'aîné de onze enfants, il eut une jeunesse
assez difficile. Elève de Zschokke et de Girard, il devint
un pédagogue distingué. Radical convaincu et militant,
membre du grand conseil d'Argovie depuis 1835, ce fut
lui qui demanda la suppression de tous les couvents argo-
viens. « Les couvents », disait-il, et cette parole eut une
grande influence politique, « sont le foyer de l'agitation,
la cause de tout le mal; où les moines pullulent, il ne croît
pas d'herbe. » C'est de cette question que devait naître la
guerre du Sonderbund et la Suisse moderne. Keller fit partie
de l'Assemblée fédérale dès 1848. Pendant quarante et un
ans il a été de toutes les luttes politiques fédérales. Lan-
dammann de son canton, chef du Kulturkampf de 1873, il
a exercé une immense influence. Un monument lui a été
élevé en 1889 sur une des promenades d'Aarau. E. Kuhne.
KELLER (Joseph von), graveur allemand, né à Linz-
sur-Rhin le 31 mars 1811, mort à Dusseldorf le 30 mai
1873. Après avoir débuté dans cette dernière ville, sous
la direction de Hûbner, par Roland délivrant la prin-
cesse Isabelle, et Théologie et Philosophie, d'après les
fresques peintes par Hermann et Gœtzenberger dans l'aula
de l'université, il alla, en 1838, à Paris, étudier sous Des-
noyer et Forster, et devint en 1839 professeur de gravure
à l'Académie de Dusseldorf. Nous citerons de lui : la Sainte-
Trinité et surtout la Dispute, d'après Raphaël ; Mater
dolorosa, d'après Deger, le Christ au tombeau, d'après
Ary Scheffer, et, en 1870-71, la Madone de la chapelle
Sixtine, son deuxième chef-d'œuvre. Appelé en Angleterre
pour y faire le portrait du prince Albert, il entreprit, à son
retour, de reproduire pour le musée de Kensington les
seize dessins originaux de Raphaël qui se trouvent aux
Gobelins d'Arras ; mais il ne put achever que la première
feuille de ce travail.
KELLER (Heinrich-Adelbert de), philologue allemand,
né à Pleidelsheim le 5 juil. 1812, mort le 13 mars 1883.
Elève d'Uhland, il compléta ses études à Paris et enseigna
les littératures romane et germanique k l'université de Tu-
bingue (1835) dont il fut bibliothécaire jusqu'en 1850. Il
a publié : Li Romans des sept sages (Tubin^^ue, 1836) ;
Altfranzœsische sagen (1876, 3® éd.), "une édition
complète des romans de Cervantes (avec Notter, Stutt-
gart, 1838-42, 12 vol.); Gesta Romanorum (1842); Li
Romans ^ dou Chevalier au leon (1841) ; Romvart
(Mannheim, 1844) produit de ses recherches dans les
bibliothèques de Rome et de Venise ; une traduction de
Shakespeare (avec Rapp, Stuttgart, 1 843-46) ; Altdeutsche
Gedichte (Tubingue, 1846) ; Altegute Schwœnke (Reïl-
bronnJ876,2®éd.); Italienischer Novellenschatz (Leip-
z'g, 1851-52, 6 vol.), etc. Il a publié dans la collection du
Literarischer Verein qu'il présidait depuis 1849 : Sim-
p/icmimws (1854-62, 4 vol.) ; Ayrers Z)ram^^^ (1864-65,
5 vol.); Hans Sachs (1870-81, 13 vol.).
Son fils, Otto, né à Tubingue le 20 mai 1838, profes-
seur aux universités de Fribourg (i 872) et de Graz (1 876),
a publié: Untersuchungen ûber die Gesch. der griech.
Fabel (1862) ; Epilegomenazu Horaz (1879-80, 3 livr.),
Der saturnische Vers als rhythmisch erwiesen (Prague,
1883-86), une édition critique d'Horace (avec Volder,
1864-70, 2 vol.), une édition des Rerum naturalium
scriptores grœci minores (1877 et suiv.), etc.
KELLER (Gottfried), poète et romancier de la Suisse
allemande, né à Zurich le 19 juil. 1819, mort à Zurich le
15 juil. 1890. Son père, modeste maître tourneur, étant
mort dès 1824, l'éducation de Keller fut assez décousue,
malgré les sacrifices que s'imposa sa mère ; et lorsqu'en
1834, il fut renvoyé, comme le meneur supposé d'une
rébellion, de l'école industrielle qu'il fréquentait, il dut
travailler tout seul à compléter ses connaissances, « non sans
jeter des regards attristés, à travers les grilles closes, dans
le riche jardin oti mûrissent les jeunes intelligences». Use
destinait à la peinture, se prépara par un apprentissage de
hasard à Tart du paysage, puis se rendit à Munich, où il
passa deux ans (1840-42), menant une existence précaire,
et sans faire beaucoup de progrès. De retour à Zurich, il
délaissa peu à peu la peinture pour les haras . et les évé-
nements de 1843 (lutte de Sonderbund) éveillèrent décidé-
ment sa verve poétique. Lié avec plusieurs réfugiés poli-
tiques, Freiligrath entre autres, il dut à l'un d'eux, Follen,
la publication de ses premières poésies (dans le Deutsches
Taschenbuch, 1845; plus tard Gedichte, 1846), qui dé-
fendent les droits de la liberté et de la libre pensée, où
chantent, sur un ton très personnel, la Nature et l'Amour.
En 1848, une bourse de la ville de Zurich devait permettre
à Keller un voyage en Orient ; pour s'y préparer, il alla
étudier à l'université de Heidelberg ; mais il renonça bien
vite aux voyages et se décida à parfaire son instruction en
Allemagne, où il resta jusqu'en 4855. C'est durant ce
séjour qu'il écrivit son roman autobiographique, Der grûne
Eeinrich^ qui trouva à son apparition (1855) l'estime
de quelques délicats, mais dont la composition bizarre lui
attira de vives critiques. Keller voulait clore par cet ouvrage
une période de production subjective dont il était las, et à
laquelle appartiennent encore des poésies (iV^w^r^ Gedichte,
4851). Le théâtre surtout l'attirait, et à Berlin, oii il passa
cinq ans (1850-55), il étudia la littérature dramatique avec
une pénétration et une finesse de jugement dont témoignent
ses lettres à son ami Hettner. Toutefois, sa production dra-
matique se borne à quelques scénarios et à un fragment
de drame, Thérèse, publié avec ses œuvres posthumes. Ce
fut néanmoins une époque décisive dans la vie de Keller
que ces années d'indigence et de labeur: plusieurs nou-
velles et le plan primitif de quelques œuvres postérieures
datent de ce temps (Leute von Seldwyla, 4856, i^^ re-
cueil). Keller, de retour à Zurich, où nous trouvons
parmi ses relations Herwegh, Wagner, Lassalle, Vischer,
fut nommé en 4861 chancelier cantonal de Zurich ; et
ces fonctions, qu'il remplit consciencieusement jusqu'en
4876, si elles rendirent peut-être plus intermittentes
les productions d'un talent peu prodigue, assurèrent du
moins au poète une certaine aisance et donnèrent à sa
vie un élément de stabilité et de dignité qui lui manquait à
ce moment. Il publia successivement; Sieben Legen-
den (18T2); deuxième recueil des Leute von Seklwyla
(1874) ; Zûrieher Novellen (1878), remaniement de
Der grûne Heinrich{\S19-S0); Das Sinngedicht (1881);
Martin Salander (188b), et un certain nombre de poésies
de circonstance. En 1889 paraissait la première édition
de ses Œuvres complètes (Berhn, 10 vol.). Y ajouter un
vol. de Nachgelassene Aufsœtze und Dichtungen (1893)
et un choix de lettres et d'opuscules inédits, reliés par une
très complète biographie de Keller en cours de publication
(Jakob Baechtold, G. IVs Leben, seine Briefe und Tage-
bûcher, 2 vol. parus en 1894).
Le domaine où Keller excelle, c'est la nouvelle, avec
une intrigue peu compliquée et un petit nombre de person-
nages pris, le plus souvent, à la vie de tous les jours. Son
originalité consiste en une alliance très particulière de ro-
mantisme dans certains motifs, certains procédés et certains
caractères, et d'un réalisme intense dans l'exécution, dans
le détail, dans la manière d'animer ses personnages et
d'évoquer le milieu où ils se meuvent. Jamais il ne quitte
tout à fait le sol de la réalité, comme Jean-Paul, à qui on
l'a souvent comparé et dont l'humour n'est pas sans ana-
logie avec le sien. Sa conception vigoureuse et saine de la
vie et des hommes, la sûreté de son talent de narration et
de description, et sa langue admirablement franche, colorée
et primesautière lui assurent une place parmi les premiers
conteurs de la littérature. F. Baldensperger.
BiBL. -.Brenning, G.K. nach seinem Leben und Dichten,
1892. — 0. Braiim, g. iC., 1883. - Fr. Manthner, Von
Keller zu Zola, 1887.— Ad. Frey, Erinnerungen an G. K.,
1892.— Saitschik, Meisier dei^ sckweizerischen Dicfitung,
1894. — J. Baechtold, cité plus haut; et de nombreux ar-
ticles de revues de Vischer, W. Scherer, Auerbach,
Spielhagen, etc. —V. aussi un art. de Bourdeau, dans la
Revue des Deux Mondes (15 févr. 1885), et quelques tra-
ductions de Nouvelles de Keller dans la Revue suisse, la
Revue germanique, la Revue des Deux Mondes.
KELLER (Emile, comte), homme politique français, né
à Belfort le 8 oct. 1828. Reçu élève de l'Ecole polytech-
nique en 1846, il démissionna pour se livrer à l'étude de
l'histoire et de la philosophie religieuse. Patronné par l'Em-
pire, il se présenta sans succès à une élection législative
partielle dans le Haut-Rhin en 1858. Plus heureux le
26 mars 1859, il siégea d'abord dans la majorité, mais ses
convictions catholiques le portèrent à combattre le gouver-
nement dont la politique italienne n'était pas de nature à
le satisfaire. Aussi ne fut-il pas réélu le 1^^ juin 1863.
Candidat de l'Union libérale, il prit sa revanche le 24 mai
1869. Il participa à la guerre franco-allemande comme
461 — KELLER
commandant de volontaires. Elu représentant du Haut-
Rhin à l'Assemblée nationale le 8 févr. 1871, il prononça
contre l'annexion de l'Alsace-Lorraine, le i^^ mars, un
discours qui fit sensation, et après la signature de la paix,
se retira avec toute la représentation d'Alsace-Lorraine.
Représentant de Belfort le 2 juil. 1871, il siégea à droite,
appuya ardemment la politique du cabinet de Broglie et
prit une part importante aux débats. Le 20 févr. 1876, il
il était élu député de Belfort, après avoir renoncé à siéger
au Sénat. Partisan du Seize-Mai, il fut réélu comme can-
didat officiel le 14 oct. 1877. Il combattit avec énergie les
lois scolaires et échoua aux élections de 1881. Réélu en
1885, il continua à attaquer les cabinets républicains avec
une éloquence passionnée. Il ne se représenta pas en 4889.
On a de lui : Influence pacifique de la charité chré-
tienne sur la Société moderne (Paris, 1856, in-8) ; His-
toire de France (1858, 2 vol. in-12); V Encyclique et
les libertés de r Eglise gallicane (1860, in-8) ; les Bud-
gets (1864, in-8); V Encyclique et les principes de 1189
(1865, in-8) ; Dix Années de déficit (1869, in-8) ; le
Général de Lamoricière (1873, 2 vol. in-8) ; les Con-
grégations religieuses en France (1880, gr. in-8).
KELLER (Gérard), écrivain néerlandais, né à Gouda
en 1829. Keller a publié des réeits de voyages et des nou-
velles, dont quelques-unes ont été traduites en allemand.
Il a rédigé la Kunstkronik pendant plusieurs années; il
s'est fait connaître aussi par des œuvres dramatiques, la
Fille de Barbier, et par des ouvrages pour la jeunesse.
Citons : Un Eté dans le Nord (1861); Un Eté dans le
Sud (1861); le Siège de Paris (1871); la Famille du
Précepteur, etc.
KELLER (Johan-Kristofer-Erik), philanthrope danois, né
à Copenhague en 1830, mort en 1884. H s'occupa tout
particulièrement de l'éducation et de l'instruction des
sourds-muets; il a publié plusieurs livres à leur usage et
a dirigé divers journaux pour sourds-muets, aveugles et
idiots (Nordisk blade for dôfstumme, Nordisk tidskrift
for blinde- dôustumme- og idiotskoler).
KELLER (Franz), plus connu sous le nom de K, Leu-
zinger, ingénieur et céramiste allemand, néàMannheim le
30 août 1835, mort à Munich le 19 juil. 1890. Il fit ses
études à l'Ecole polytechnique de Karlsruhe, puis partit
avec son père pour le Brésil, oii ils construisirent des
routes et dont ils visitèrent plusieurs régions encore mal
connues. A son retour en Allemagne (1870), il écrivit la re-
lation de la dernière de ces explorations sous le titre : Vom
Amazonas und Madeira (Stuttgart, 1874). Il ne s'oc-
cupa plus guère ensuite que d'applications des beaux-arts
à l'industrie et dirigea successivement les écoles de travaux
manuels pour jeunes filles de Karlsruhe et de Hambourg.
Puis il vint se fixer à Stuttgart (1879). Ses travaux céra-
miques lui valurent plusieurs médailles aux expositions de
Paris (1878), de Stuttgart (1881), et contribuèrent pour
une grande part au relèvement de l'industrie de la po-
terie artistique dans plusieurs localités de la Suisse et du
Wurttemberg : à Heimberg, près de Thun, à Villingen, etc.
KELLER (Ferdinand), peintre allemand, né à Karlsruhe
le 5 août 1842. Après avoir fait, à seize ans, avec son père
un voyage au Brésil, il entra en 1862 à l'Ecole des beaux-
arts de sa ville natale, où il eut pour maître Canon. Ses
œuvres de début, deux paysages inspirés de la nature tropi-
cale et de ses premières pérégrinations. Forêt vierge. Baie
de Bio de Janeiro, furent suivies de tableaux de genre et
d'histoire : P^^^o?^ messager, C Alchimiste, Mort de Phi-
lippe II, Néron et Vincendie de Rome, Mise au tom-
beau, Victoire du margrave Louis-Guillaume de Bade à
Salankemen en 1691 (Karlsruhe), Héro et Léandre
1 880, Dusseldorf). Keller s'est aussi essayé dans la fresque :
Annonciation (1870, église des Jésuites à Heidelberg), et
dans le portrait : Grand-Duc de Bade, Gustav zu Put-
litz. Il est depuis 1880 directeur de l'école d'art de Karls-
ruhe.
KELLER VON Steinbock (Frédéric-Louis), jurisconsulte
KELLER - KELLERMANN —
et homme politique suisse, né à Zurich le 17 oct. 4799,
mort à Berlin en 1860. Il étudia le droit à Berlin et Gœt-
tingue où il fut reçu docteur en 18t^2. Professeur de droit
civil à Zurich dès 1825, membre et président du grand
conseil de ce canton, député à la Diète fédérale, la révolu-
tion de 1839 le priva si bien de son influence qu'il accepta
bientôt une chaire de droit aux universités de Halle, puis
de Berlin (1847). Il y remplaça Puchta, le successeur de
Savigny. En Allemagne, il exerça aussi un rôle politique,
député à la seconde Chambre de Prusse, comme au Parle-
ment d'Erfert (1850). Son ouvrage capital paru à Leipzig
en 1 852 concerne la Procédure civile des Romains.
KELLERHOVEN (Moritz), peintre et aquafortiste alle-
mand, né à Altenrath (Berg) en 1758, mort à Munich en
1830. Après avoir étudié à Dusseldorf sous Krahe, puis à
Anvers, il alla à Vienne et en Itahe, devint en 1784 peintre
de la cour de Bavière, et en 1808 professeur à l'Académie
des arts plastiques de Munich. On a de lui quelques tableaux
de genre dans le goût néerlandais, et surtout des portraits
à Thuile, tels que ceux de Maximilien I^^ de Bavière,
de Gustave- Adolphe et de sa femme la Reine de Suède^
du grand-duc Charles d'Autriche, de l'archevêque de Mu-
nich von GebsatteL Parmi ses gravures à l'eau-forte nous
citerons : les portraits des acteurs Marchand et Lam-
brecht, du peintre Dillis, son propre portrait, et les Quatre
Apôtres, d'après Albert Durer.
KELLERMANN (François-Christophe de), ducde Valmy,
maréchal de France, né à Strasbourg le 28 mai 1735,
mort à Paris le 23 sept. 1820. Sa famille, dont le nom
s'écrivait primitivement Keltermann, était originaire de
la Saxe. Etablie à Strasbourg au commencement du xvij®
siècle, elle s'y était enrichie dans le commerce et avait
obtenu la noblesse. En 1750 le futur maréchal, alors âgé
de quinze ans, fut admis comme cadet dans le régiment de
Lowendhal. De là il passa en qualité d'enseigne au Royal-
Bavière (1753), puis devint successivement lieutenant aux
Volontaires d'Alsace (1756), capitaine en second aux dra-
gons (1758), capitaine aux Volontaires de Dauphiné (1759).
Il servit en Allemagne dans ces trois derniers emplois du-
rant la guerre de Sept ans et s'y distingua aux affaires
de Bergen, d'Orsten, de Mer, de Friedberg. Après la paix
de 1763 il fut versé avec son grade dans la légion de
Conflans. Louis XV en 1765 l'envoya en Pologne remplir
une mission secrète ; il l'y envoya de nouveau en 1 770
avec M. de Vioménil, qui, suivi de quelques volontaires,
allait seconder la résistance des Polonais aux tentatives de
partage de leur pays. A son retour en France en 1772
Kellermann fut nommé lieutenant-colonel. Major aux hus-
sards de Conflans en 1779, commandant en second du
colonel-général de la même arme en 1780, brigadier en
1784, il ne tarda pas à être promu maréchal de camp
(1788). La Révolution éclata sur ces entrefaites. Il se
montra chaud partisan des idées nouvelles. Aussi s'empressa-
t-on de lui confier le commandement de l'Alsace, dès que
les émigrés commencèrent à former dans la vallée du Rhin
des rassemblements menaçants pour la sécurité de la fron-
tière. Il y était à portée de prévenir leurs entreprises.
Après deux ans passés dans ce pays il reçut en mars 1792
le brevet de lieutenant général. Un mois plus tard la
France déclarait la guerre à l'Empire. Les circonstances
allaient faire de Kellermann, obscur jusque-là, un général
célèbre dans le monde entier.
Dès le début des hostilités on le chargea de couvrir l'Alsace
avec un petit corps pompeusement dénommé armée de la
Sarre, Dans les premiers jours du mois d'août il réunit
à ce commandement celui de Varmée du Rhin, puis le
28 du même mois celui de Varmée du Centre : en tout
22,000 hommes. A ce moment la situation de la France
était devenue des plus critiques. Le roi venait d'être mis
au Temple, La Fayette avait abandonné ses troupes, et
l'armée de la coalition conduite par le duc de Brunswick
arrivait sur la Meuse, où pas un soldat ne se trouvait pour
lui barrer la route de Paris. C'est alors que Dumouriez,
quittant la frontière du Nord, se porta en toute hâte sur
l'Argonne dans l'espérance de pouvoir encore y arrêter les
ennemis. Kellermann reçut aussitôt l'ordre de le rejoindre.
Parti de Metz le 4 sept., il descendit vers Châlons par un
long détour, en traversant Bar et Vitry. Enfin le 19 au soir
il rallia Dumouriez aux environs de Sainte-Menehould. 11
arrivait à point nommé : une bataille était imminente. Effec-
tivement le lendemain matin il était attaqué en avant de
Valmy par toute l'armée prussienne. On sait comment il lui
tint tète et quelles furent les conséquences de ce premier
succès des armes de la Révolution. Les épisodes du com-
bat, pas plus que les événements du reste de la campagne,
ne sauraient être retracés ici. On en trouvera d'ailleurs le
récit à une autre place (V. Argonne [Campagne de 1'], Du-
mouriez, Valmy). Kellermann n'était pour rien dans la
conception stratégique qui aboutit à la journée de Valmy.
Tout le mérite en revenait à Dumouriez, à Servan, à Thou-
venot. Mais il avait contribué à la faire réussir, et à l'heure
décisive il s'était montré digne de conduire les troupes
dont la ferme attitude avait sauvé la France et la liberté.
C'était assez pour sa gloire. Son nom dès lors devenait in-
séparable du grand événement dont Gœthe disait le soir
même, qu'il ouvrait « une nouvelle ère dans l'histoire du
monde».
La suite de la carrière de Kellermann offre peu d'intérêt.
Après avoir reconduit les coaHsés en retraite jusqu'au delà
de la frontière, il fut appelé en déc. 1792 au commande-
ment de l'armée des Alpes. Là il eut à garantir la Savoie
récemment conquise contre les attaques des Piémontais et
à organiser le sièje de Lyon. Cette ville se rendit le 8 oct.
1793. Quelques jours plus tard Kellermann était destitué
sans motif plausible (18 oct.), puis incarcéré. Au bout de
treize mois de détention, il obtint non sans peine de passer
en jugement. Il fut acquitté (nov. 1794). On le renvoya im-
médiatement à l'armée des Alpes (févr. 1795), oti ses
qualités de chef paternel et consciencieux l'avaient fait
aimer des troupes ainsi que des populations de la Savoie.
Il y resta jusqu'au printemps de 1797. A ce moment son
armée fondue avec celle d'Italie passa sous les ordres de
Bonaparte, Ce fut la fin de sa carrière active. Il n'avait
encore à cette date que soixante-deux ans ; mais d'autres
généraux s'étaient formés qui laissaient loin derrière eux
les militaires de son âge instruits à la vieille école. Ce-
pendant on honorait toujours en lui le premier soldat
victorieux de la Révolution, et jusqu'à la fin de sa vie le
souvenir de Valmy le protégea.
Après le 18 brumaire Bonaparte lui réserva un siège
au Sénat conservateur. Après l'établissement de l'Empire
il le choisit pour l'un des quatre maréchaux honoraires ;
plus tard il lui donna le titre de duc de Valmy, la séna-
torie de Colmar et la terre de Johannesberg dans le Rhin-
gau. Il l'employa même aux armées, mais seulement dans
les formations de seconde ligne : corps de réserve du Rhin
(1805-1807), d'Espagne (1808), de l'Elbe (1809), delà
Meuse inférieure ( 18 10), du Rhin pour la seconde fois (1812-
1813). Après les événements de 181 4 Kellermann fut nommé
à la Chambre des pairs, où il siégea jusqu'à sa mort parmi
les membres libéraux. Ch. Grandjean.
BiBL, : J ,-G.-P. DE Salve, Fragments historiques sur
M. le maréchal de Kellermann; Paris, 1807. — De Boti-
Doux, Esquisse de la carrière militaire de F.-C. de Kel-
lermann, duc de Valmy... rédigée sur les notes de M. le
maréchal; Paris, 1817, in-8.
KELLERMANN (François-Etienne de), duc de Valmy,
fils du précédent, général français, né à Metz en 1770,
mort le 2 juin 1835. Après avoir servi un moment
aux hussards colonel-général, il quitta l'armée pour la
diplomatie en 1791 et passa aux Etats-Unis comme se-
crétaire de légation. Les événements l'ayant rappelé en
France au début de 1793, il reprit aussitôt l'uniforme et
rejoignit l'armée des Alpes. Là, en dépit de quelques mé-
saventures que lui valut la destitution de son père, il avança
rapidement. Au commencement de 1796 il était chef de
brigade. Il prit part en cette qualité à la campagne d'Ita-
- 463 -
KELLERMANN - KëLLOREN
lie. Bonaparte le remarqua et le fit nommer général de
brigade pour sa conduite à la bataille du Tagliamento
(1797).Keilermann à cette époque n'avait pas encore vingt-
sept ans. Dans les années qui suivirent, on l'employa à
l'armée de Rome sous Macdonald (1798), puis à celle de
Naples sous Championnet (1798-99). En 1800 le premier
consul l'appela à l'armée de réserve pour y commander une
brigade de dragons. La journée de Marengo lui fournit
Foccasion d'un triomphe : ce fut lui qui vers le soir, au
moment où Desaix entrait en ligne, dirigea la charge fa-
meuse dont le succès détermina la déroute des Autrichiens.
Trois semaines après il était promu divisionnaire (5 juil.
1800). Il demeura à l'armée d'Italie jusqu'en 1801, passa
ensuite à celle de Hanovre en 1803, à la grande armée en
1805, enfin à l'armée de Portugal en 1807. Il y comman-
dait l'une des divisions de Junot. Chargé, après l'insuccès
de l'expédition, de négocier la capitulation de Cintra, il fut
assez habile pour tromper Welhngton et obtenir de lui des
conditions inespérées (23 août 18U8). Un mois plus tard,
il reparaissait à l'armée d'Espagne dans les rangs de la-
quelle il servit jusqu'en 1810, livrant entre temps le fabu-
leux combat de Termes, l'un des plus extraordinaires
exploits de cavalerie dont l'histoire fasse mention (28 nov.
1809). Une maladie grave Tempècha de rejoindre la grande
armée en 1812, au moment où elle pénétrait en Russie.
Mais il prit sa revanche en 1813 à Lutzen, à Bautzen, à
Wachau,et en 1814 à Mormant et à Saint-Dizier. La pre-
mière Restauration le traita avec faveur. Il n'en adhéra pas
moins à Napoléon lors du retour de l'ile d'Elbe et accepta
le commandement du 3^ corps de cavalerie dans l'armée
que l'empereur conduisit en Belgique. Ce fut sa dernière
campagne. Le 16 juin 1815, aux Quatre-Bras, ses cuiras-
siers fournirent contre l'armée anglaise une charge restée
légendaire, qui eût déterminé la retraite de Wellington, si
Ney avait eu assez de forces pour la soutenir. Kellermann
faillit y perdre la vie: renversé, piétiné, il eut la présence
d'esprit de s'accrocher aux chevaux de deux de ses soldats
qui l'emportèrent ainsi suspendu hors de la mêlée. Le sur-
lendemain, il était blessé à Waterloo à la tête de ses esca-
drons. Au retour de Louis XVllI il fut disgracié. Il recueillit
néanmoins en 1820 le siège que la mort de son père laissait
vacant à la Chambre haute. Mais il se montra toujours fort
animé contre la Restauration et en 1830 il acclama l'un
des premiers la chute de Charles X. Kellermann a été l'un
des plus grands généraux de cavalerie des armées de l'Em-
pire. Il était comme homme de guerre infiniment supérieur
à son père, dont la renommée, loin d'aider à la sienne, l'a
au contraire éclipsée. Napoléon l'aimait peu, mais il lui a tou-
jours rendu justice. Il y avait eu entre eux des froissements
d'amour-propre. Kellermann revendiquait à tout propos
l'honneur d'avoir décidé la victoire de Marengo ; il s'en at-
tribuait tout le mérite, prétention un peu excessive et qui
devait forcément déplaire au maître. Cette prétention donna
lieu, lors de la publication des mémoires du duc de Rovigo,
à une polémique retentissante. Kellermann y prit part en
publiant deux opuscules qu'on peut encore aujourd'hui con-
sulter avec intérêt : Réfutation de M. le duc de Rouigo
ou Vérité sur la bataille de Marengo (Paris, 1828,
in-8) ; Deuxième et dernière Réplique dhm ami de la
vérité à M, le duc de Rouigo (Paris, 1828, in-8). Ch. G.
KELLERMANN (François-Christophe -Edmond de), duc
de Yalmy, fils du précédent, homme politique français, né
à Paris le 21 avr. 1802, mort le 2 oct. 1868. Admis dans
la carrière diplomatique en 1824, en qualité d'attaché
d'ambassade, il fut employé successivement à Constan-
tinople (1825), en Grèce (1828-30), au ministère des
affaires étrangères (1830-31), enfin en Suisse comme
chargé d'affaires (1831-33). S'étant fait mettre ensuite
en disponibilité il s'occupa de politique ; mais, à la diffé-
rence de son père qui professait des opinions libérales très
accentuées, il inclina vers les doctrines légitimistes. Après
avoir collaboré quelque temps au Rénovateur et à la Quo-
tidienne^ organes des royahstes purs, il entra à la Chambre
en 1838 comme député de la Haute-Garonne et y prit
place à l'extrême droite. Ses électeurs le réélirenten 1839,
puis en 1842. Il se posa dès lors en champion du légiti-
misme intransigeant, attaquant à outrance le ministère
Guizot et s'en prennant au besoin au roi lui-même. En
1843 il fut l'un des députés qui se rendirent à Londres
pour saluer le comte de Chambord. La Chambre ayant voté
à la suite de cette manifestation la fameuse adresse à^ flé-
trissure du 26 janv. 1844, le duc de Valmy démissionna
avec tapage, se fit réélire et recommença de plus belle sa
guerre contre le gouvernement de Juillet. Mais lors des
élections générales de 1 846 ses électeurs ayant paru peu
disposés à lui confier un nouveau mandat, il renonça à la
vie parlementaire pour se consacrer à des travaux de po-
litique et d'histoire. On a de lui : la Question d'Orient
(1840, in-8) ; Coup d'œil sur les rapports de la France
avec l'Europe (iSU.'m-^) ; Pie IX (1848, ïn-S); Etude
sur la législation de la Russie et de la France en ma-
tière de religion (Paris, 1848, in-8) ; De la Force et du
droit de la force (1850, in-8); Réponse à des questions
que chacun se fait (1851, in-8); Histoire de la cam-
pagne de iSOO (1854, in-8) ; l'Eglise et VEtat au
xix® siècle (1861, in-8) ; le Génie des peuples dans les
arts (1867, in-8); la Turquie et l'Europe en i867
(1867, in-8). Ch. Grandjean.
KELLERMANN (Christian-Laurids), violoncelliste da-
nois, né en 1817, mort à Copenhague en 1866. Il fit ses
études au conservatoire de Vienne et obtint, tout jeune,
d'éclatants succès en Allemagne, en Suède, en Russie et
en Italie. Ses compositions pour violoncelle n*ont pas une
très grande importance.
KELLETT (Sir Henry), amiral anglais, né à Clonabody
(Irlande) le 2 nov. 1806, mort à Clonabody le 1«^ mars
1875. Entré dans la marine en 1822, il servit dans l'Inde,
sur la côte d'Afrique, et lors de la guerre de Chine prit
une part importante aux opérations de la rivière de Canton
et du Yang-tse-kiang. Mais il est plus connu pour sa
participation aux expéditions dans le détroit de Bering
à la recherche de Franklin (1848-50 et 1852). Com-
modore à la Jamaïque (1855-59), il fut promu vice-amiral
en 1868. R. S.
KELLEY (Edward), alchimiste anglais, né en 1555,
mort en 1595. Apprenti pharmacien, il tenta différents
métiers plus ou moins avouables, et fut essorillé à Lan-
castre comme faussaire ou comme faux monnayeur. Il de-
vint ensuite le disciple du D^ Dee, avec lequel il parcourut
l'Europe, muant le mercure en or pour les personnes
crédules auxquelles ils soutiraient de l'argent. L'irrégula-
rité de sa conduite amena une rupture entre le D'^ Dee et
lui, mais il n'en continua pas moins à exploiter la pierre
philosophale et l'élixir de longue vie. Il mourut assez jeune,
en tentant de s'évader de la prison où l'empereur d'Alle-
magne Rodolphe l'avait fait enfermer. Le Theatrum Che-
micum Britannicum d'Ashmole contient deux poèmes
de Kelley. On a aussi de lui des Fragmenta (Geismar,
1647), des Epîtres, et deux traités De Lapide Philoso-
phorum (Hambourg, 1676). B.-H. G.
KELLGREN (Johan-Henrik), poète suédois, né à Floby
(Vestergothie) en 1751, mort le 19 avr. 1795. Kellgren
est, avec Leopold, le plus important des écrivains de l'époque
de Gustave HI; il occupe, dans l'ensemble de la littérature
de son pays, une grande place par l'élégance, plutôt que
par la fertilité de son imagination, par le charme et la
netteté de son style, par la grande variété de sa production.
Il a, comme Gustave HI, comme Leopold, subi l'influence
du xviu® siècle français ; mais, plus qu'eux, peut-être, il a
su rester original, et une partie au moins de ses œuvres n'a
pas vieilli. — Kellgren était le fils d'un pasteur ; il étudia
d'abord à Skara, puis fut envoyé à l'université d'Âbo à
l'âge de dix-sept ans; en 1771 déjà, il fut nommé ma-
gister docens à l'université. Mais la minutie de la science
d'alors et la pédanterie des études académiques ne conve-
naient guère à un jeune homme qui s'était bientôt fait un
KELLGREN — KKLLOWIEN
— 464 —
renom de bel esprit. Aussi, lassé de la vie qu'il menait, il
se rendit en Suède pour y chercher une existence, un
milieu qui lui convînt davantage. On lui offrit à Stockholm,
dans la famille du comte Meijerfelt, une place de précep
teur qu'il accepta avec empressement : c'était l'entrée dans
un monde plein d'attrait pour lui. Il eut l'occasion de ren-
contrer, dans le salon de cette maison, les beautés les plus
fêtées, les hommes les plus célèbres de la société de Stock-
holm ; il y entendit discuter, en des conversations où une
liberté extrême s'unissait à une frivoHté élégante et à un
scepticisme railleur, les questions graves ou légères qui
préoccupaient, à la fin du siècle passé, l'aristocratie intel-
lectuelle et l'aristocratie de naissance. Les nombreuses
poésies de Kellgren qui datent de ce temps sont sur le ton
d'une causerie aimable et enjouée, très spirituelle, en un
style légèrement rococo, et font naturellement songer à
certaines toiles de Watteau (i Baechus et à l'Amour,
Mes Rires, A Rosalie, etc.). En 1778, Kellgren devenait
un correspondant remarqué et bientôt populaire du Stock-
holmsposten, où il combattait en faveur de la raison et
de la liberté de la pensée contre la superstition et l'into-
lérance. Deux ans plus tard, Gustave III, qui s'intéressait
au jeune poète et au spirituel critique, le nomma son
bibliothécaire, puis son secrétaire particulier. C'est sous
les auspices de ce prince, ami des lettres, que Kellgren
fonda, en 4782, la Société pour l'améhoration de la
langue suédoise. Il écrivait en ce même temps et les années
suivantes, soit seul, soit en collaboration avec le roi, — qui
fournissait volontiers le plan de la pièce ou les scènes à
mettre en vers, — des drames et des opéras qui le pla-
cèrent aussitôt au rang des auteurs dramatiques les plus
distingués {Enée à Carthage, en 1782; Christine^
en 4785 ; Gustave Vasa, en 1786; Gustave- Adolphe et
Ebba Brahe, en 1788; Olympie, traduite de Voltaire,
en 1792). Nommé en 1786 membre de l'Académie sué-
doise, fondée par le roi, le sort le désigna comme premier
président de cette assemblée. — Avec les années, son génie
devenait de plus en plus noble et sérieux : sans avoir rien
perdu de son esprit, Kellgren était plus profond et, malgré
tout le charme de ses premières poésies, ce sont ses der-
nières, telles que les Ennemis de la lumière^ la Nou-
velle Création, Christine, etc., qui, surtout, lui ont
conservé la faveur de la postérité. Une de ses poésies co-
miques, la Vie de Dumbom (le Sot), imitée de la chanson
de La Palice, est restée très populaire en Suède. On relit
encore ses nombreux articles de critique avec profit et
intérêt. Kellgren mourut à quarante-quatre ans après une
longue maladie : en lui la Suède perdait un vrai poète et
un noble citoyen. Th. Cart.
BiBL. : NiLS V. RosENSTEiiV, biogr. en tête des Œuvres.
— Stenhammar, discours prononcé à TAcad. suéd., le
14 mars 1798. — Bôttiger, Kellgren, dans Annales de
l'Acad. suéd., vol. 45. — Fryxell, Kellgren, dans Lilte-
rârt Album IL — Svenska Parnassen III ; Stockholm,
1890. — Geffroy, Revue des Deux Mondes, l»-- janv. 1852.
— Marmier, LUtérature Scandinave.
KELLGREN (Abraham-Herman-August), professeur fin-
landais, né à Kuopio en 1822, mort à Helsingfors en
1856. Il prit une part active au mouvement en faveur de
la littérature finnoise, vers le milieu de ce siècle, (^lollabo-
rateur à l'Anthologie finnoise et à plusieurs publications
analogues, secrétaire de la Société de littérature finnoise,
de 1845 à 1846, il abandonna cependant ces études spé-
ciales pour de plus vastes recherches dans le domaine de
la philologie comparée. En 1847, il publia à Berlin une
dissertation importante sous le titre de : Die Grundzûge
der finnischen Sprache mit besonderer Rûcksicht auf
den ural-altaïschen Sprachstamm. Il enseigna le sans-
crit et la philologie comparée à Helsingfors à partir de 1849
et fit paraître à de courts intervalles de nombreux tra-
vaux sur la mythologie, la littérature et les langues orien-
tales : Mythus de ovo mundano Indorungue de eo no-
titia (1849); Nal et Damayanti (tvaid, suéd., 1851-53);
Om affix-pronomen i arabiskan, persiskan, etc.;
Grammatik der osmanischen Sprache von Fuad Efendi
und Gâvdât Efendi (1855), etc. Th. Cart.
KELLIA (Malac.) (V. Kellya).
KELLIE (Thomas Erskfne, comte de) (V. Erskine).
KELLNER (V. Cellarius).
KELLNER (Les). Famille de musiciens allemands, dont
le chef fut Johann-Peter, né à Grafenroda (Thuringe) le
24 sept. 1705, mort vers 1785. Il fut un très bon orga-
niste et publia des préludes, fugues et chorals pour
le clavecin et l'orgue. — Son fils, Johann-Christof, né
à Grafenroda le 15 août 1736, mort à Cassel en 1803,
fut organiste de la cour à Cassel et pubha sept concertos
de piano, des sonates, fugues et trios pour le clavecin
et l'orgue, ainsi qu'un traité : Grundriss des Général-
basses, plusieurs fois réimprimé depuis 1783. — Ernst-
August, descendant de Johann-Peter, et fils d'un violo-
niste au service de la reine d'Angleterre, était né à Wind-
sor le26janv. 1792, et mourut à Londres le 18juil.
1839. Il se fit entendre en public comme pianiste depuis
l'âge de cinq ans, passa pour un enfant prodige, devint
par la suite un bon chanteur et organiste, et après de
nombreux succès en Europe se fixa à Londres comme or-
ganiste de la chapelle bavaroise. M. Br.
BiBL. : R. CuLL, Case of preciosus musical talent,
being a notice ofthe laie Ern. Aua. Kellner, etc. ; Londres,
1839, in-8.
KELLNER (Johann-Jacob), peintre sur verre allemand,
né à Nuremberg le 19 déc. 1788, mort le 20 déc. 1873.
Après avoir eu pour maîtres Gabier et Klinger, il entra à
la fabrique de porcelaine de Bruckberg, puis, de retour à
Nuremberg, il peignit d'abord des armoiries, une Madone
d'après un dessin d'Heidelofif, et un Tournoi de chevaliers.
Il fit ensuite trois des vitraux de l'église Saint-Laurent de
Nuremberg, un vitrail de l'église de Rothweil, nn autre
destiné à Belem (Portugal). — Ses quatre fils ont été égale-
ment des peintres verriers. Georg-Konrad,nëen 1811, a
exécuté des décorations de fenêtres à l'hôpital de Rothen-
burg, à réglise de Viersen (district de Dusseldorf), sans
campter d'autres ouvrages du même genre pour Paris,
Vienne et l'Angleterre. Johann-Stephan, né en 1842, a
fait des vitraux pour Neustrelitz ; Gustav-Hermann, né
en 1814, et Gurz-Michael, né en 1825, ont collaboré aux
travaux de leur père.
KELLNER (Lorenz), pédagogue allemand, né à Heili-
genstadt le 28 févr. 1811. Professeur au séminaire catho-
lique de cette ville, puis à Marienwerder (1848) et Trêves.
Ses ouvrages scolaires ont fait époque par leur retour à la
simplicité du langage usuel ; le plus répandu fut Prak-
tischer Lehrgang fur den deutschen Sprachunterricht
(Erfurt, 1837-40, 4 parties) ; citons encore Zur Pedagogik
der Schuleunddes iîaws^^ (Essen, 1 850 ; 1883, ll^éd.),
et Kurze Gesch. der Erziehung und der Unterrichts
(Fribourg, 1885, 8« éd.).
KELLOG (Clara-Louise), cantatrice scénique améri-
caine, née à Sumter (Caroline du Sud) en 1848, morte en
1888. Les premières tentatives de cette artiste furent loin
d'être heureuses. Par deux fois, en 1860, elle débuta à
TAcadémie de musique de New York sans aucun succès ;
enfin, en 1864, elle reparut à ce théâtre dans Marguerite
de Faust, et cette fois avec un tel succès que ses compa-
triotes la proclamèrent aussitôt l'une des plus grandes
cantatrices de son temps. Elle voulut alors se faire
connaître en Europe, partit pour Londres et fut engagée
au théâtre de la Reine, où elle débuta en 4867, d'abord
dans Martha, puis dans Zerline de Don Juan. Douée
d'une voix charmante, claire, pure, étendue et flexible,
vocalisant avec agilité, avec cela comédienne aimable, in-
telligente et pleine d'agrément, miss Kellog vit se conti-
nuer, en Angleterre, les succès qu'elle avait obtenus dans
sa patrie. En 1869 elle retourna en Amérique et continua
de se faire applaudir dans la plupart des villes importantes
de la grande république.
KELLOWIEN (Géol.) (V. Callovien).
KELLS. Ville d'Irlande, comté de Meath, sur le Black-
water ; 2,800 hab. C'est une vieille ville. A côté s'élève sur
le Lloyd hill (129 m.), une tour ronde de 32 m. de haut
qu'on appelait Kenlis.
KELLY (John), littérateur anglais, né vers 1680, mort
à Hornsey le 16 juil. 1751. Il débuta dans le journalisme,
puis obtint du succès au théâtre avec : Tke Married Philo-
sopher (i 732, in-8), comédie jouée à Lincoln's-inn-Fields ;
Timon in Love (1733, in-8), comédie représentée à Drury
Lane; The Fall of Bob (1736, in-12); The Levée (1741,
in-8), etc. Il a laissé encore quelques traductions du fran-
çais, entre autres celle des Aventures de Télémaque de
Fénelon(1743). R. S.
KELLY (George), jacobite anglais, né dans le Gonnaught
en 1688, mort à une date inconnue. Ordonné diacre en
1706, il fut contraint de se réfugier en France en 1708
pour avoir prononcé un sermon en faveur du prétendant.
Il fit fortune dans les affaires du Mississippi, et fut employé
activement par Atterbury dans sa correspondance avec le
prétendant. Arrêté au cours d'un de ses voyages à Lon-
dres (1722), il fut jugé et condamné à un emprisonnement
perpétuel. Il fut enfermé à la Tour d'où il réussit à s'éva-
der le 26 oct. 1736. On ignore ce qu'il devint ensuite. Il
a laissé une traduction des Mémoires de Castelnau (1724)
et d'autres traductions du français. R. S.
KELLY (Hugh), littérateur anglais, né à Killarney en
1739, mort à Londres le 3 févr. ^77. Fils d'un cabare-
tier de Dublin, qui avait une clientèle de comédiens, il prit
de bonne heure du goût aux choses du théâtre, vint à
Londres où il vécut de copies dans l'étude d'un attorney.
Bientôt il collabora à quelques journaux, écrivit des pam-
phlets politiques dont l'un, A Vindication of Mr, PiWs
administration (1761), fut remarqué par Ghesterfield, pu-
blia un roman, Memoirs of a Magdalen (Londres, 1767,
2 vol. in-8), qui eut du succès et fut traduit en français
par Colleville sous le titre de les Dangers d'un tête à tête
(Paris, 1800). Rédacteur en chef du Public Ledger, il se
fit une réputation de critique dramatique, et dans un
pamphlet qui fit beaucoup de bruit, Thespis (Londres,
1766), attaqua plus que vivement les acteurs de Drury Lane.
Garrick, qu'il avait ménagé, l'engagea à écrire pour la
scène. False Delicacy, sa première comédie, jouée à Drury
Lane en 1768, fut accueillie avec un véritable enthou-
siasme. Dix mille exemplaires de la brochure s'enlevèrent
en quelques mois. Traduite en allemand, en portugais,
en français (par M™® Riccoboni), elle obtint partout le
même succès. La seconde, A Word to the wise (1770) ne
put être jouée à Londres à cause d'une cabale montée
contre Kelly, mais elle fut bien accueillie en province. Une
tragédie, Clementina (1771), ne tint pas longtemps l'af-
fiche à Lovent Garden. Mais A School for wives (1773)
retrouva presque le succès de False Delicacg. Kelly re-
nonça au théâtre et en 1774 s'inscrivit au barreau. Il
n'y réussit pas, se mit à boire et mourut misérable. Citons
encore de lui : The Piomance of an Hour{\llA'), comé-
die; 'The Man of lieason (1776), comédie; on a donné
un recueil de ses Œuvres (Londres, 1778, in-4) avec
sa biographie et son portrait par Ilugh Hamilton. R. S.
KELLY (John), philologue anglais,' né à Douglas (lie de
Man) le l^'^ nov. 1750, mort à'Copford le 12 nov. 1809.
Entré dans les ordres en 1776, il devint recteur de Cop-
ford en 1807. Il est connu par ses travaux sur les langues
gaélique et celtique. Citons : A Practical Grammar of the
ancient Gaelic (Londres, 1840) ; A Triglot Dictio7iary
of the Celtic language (1807-08). R. S.
KELLYA (Malac). Genre de Mollusques Lamellibranches,
créé par Turton en 1822. Coquille petite, subéquilatérale,
plus ou moins orbiculaire ; charnière sur la valve droite ;
une dent cardinale antérieure, une postérieure divergente,
et une latérale postérieure, éloignée, sur la valve gauche ;
deux cardinales rapprochées, une postérieure divergente et
une latérale postérieure. Type : /{. siiborbicularis Mon-
taigu ; habitat : les mers du Nord.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
- ^6^ - KELLS - KELTMA
KÉLOÏDE (Méd.). Les kéloïdes ou chéloïdes sont des
néoplasmes cutanés qui se développent soit sur des cica-
trices récentes ou anciennes, kéloïdes cicatricielles ou
fausses kéloïdes, soit sans lésion préexistante, kéloïdes dites
spontanées, kéloïdes vraies. Elles représentent des tumeurs
dures, saillantes, de couleur rosée ou rougeâtre, généra-
lement peu volumineuses et de forme extrêmement variable.
Parfois ce sont des bosselures arrondies et lisses, bien limi-
tées ; plus souvent on observe des tractus s'irradiant irré-
gulièrement autour du point d'origine et offrant ainsi u?!
aspect qu'on a comparé à celui de certaines productions
cancéreuses. Au point de vue histologique, il s'agit d'une
hyperplasie conjonctive, dont les parties anciennes ont la
structure du tissu de cicatrice, tandis que les portions plus
jeunes et les points d'accroissement placés à la périphérie
sont constitués par un tissu embryoplastique ou fibro-plas-
tique, avec un réseaw vasculaire assez riche, tant sanguin
que lymphatique. Les caractères anatomiques sur lesquels
on s'est fondé pour établir une distinction entre les vraies
et les fausses kéloïdes, et même entre ces dernières et les
cicatrices hypertrophiques, sont assez peu concluants.
L'intégrité relative du corps papillaire et des formations
épidermiques dans la kéloïde spontanée tient plutôt à l'ab-
sence d'altérations cicatricielles antérieures à l'affection qui
nous occupe. La spontanéité vraisemblablement n'est qu'ap-
parente, et il est à supposer qu'on pourrait relever dans la
majorité des cas quelque lésion souvent insignifiante, une
piqûre, une irritation locale mécanique ou chimique, une
pustule d'acné, etc.
Les kéloïdes sont fréquemment le siège de picotements,
de douleurs spontanées ou provoquées. Leur évolution est
lente et, sous le rapport du pronostic, la distinction entre
les kéloïdes nettement cicatricielles et les autres demeure
justifiée. Les premières, en effet, rétrogradent volontiers et
disparaissent au bout d'un temps plus ou moins long. Cette
terminaison est rare au contraire pour les kéloïdes sponta-
nées qui envahissent peu à peu la peau saine, récidivent
après ablation et se montrent sur différents points du corps
à la suite des irritations les plus légères. Tel est parfois
le cas chez les scrofuleux, les syphilitiques et surtout chez
certains sujets particulièrement prédisposés (diathèse fibro-
plastique, Bazin).
Parmi les nombreux traitements mis en usage, l'électro-
lyse répétée durant des mois, les scarifications, les appli-
cations d'emplâtre de Vigo paraissent avoir donné les ré-
sultats les moins défavorables. G. Herrmann
KÉLOTOMIE (V. Hernie).
KÉ-L0UN6 (V. Kélung).
KELSIEV (Vasili-Ivanovitch), publiciste russe, né à
Saint-Pétersbourg en 1833, mort à Saint-Pétersbourg en
1872. Après avoir fait ses études à Moscou, il prit part à
des agitations politiques et émigra. Il vécut tour à tour en
Angleterre, en Autriche, en Turquie. A Londres, il colla-
bora au Kolokol et fit paraître un recueil de documents
relatifs aux sectes russes. En 1867, il obtint l'autorisation
de rentrer en Russie et publia Choses vécues et pensées
(Saint-Pétersbourg, 1868); la Galicie et la Moldavie
(id., 1868), Moscou et Tver (te?., 1871); Sous Pierre
leGra7id(id.,iSn).
KELSO. Ville d'Ecosse, comté de Roxburgh, à 17 kil.
N.-N.-E. de Jedburgh, sur la rive gauche du Tweed;
6,347 hab. Stat. du chem. de fer de Berwick à Glasgow.
Ruines d'une célèbre abbaye du xii« siècle et de l'ancien
château de Roxburgh.
KELTERBORN (Rodolphe), écrivain suisse, né à Bâie
le 7 juin 1843. Il étudia les lettres et les sciences natu-
relles et devint professeur dans une école technique. En
même temps il est un poète, un nouvelliste et un drama-
turge considéré. Citons de lui de nombreuses nouvelles hu-
moristiques, des drames : Hans Holbein, Sur l'Alpe, Elias
Ewigmeier, Fleurs de Lotus; une idylle, Joseph et
Gretchen, etc.
KELTMA. Nom de deux rivières de Russie qui prennent
30
KELTMA - KEMBLE
466
leurs sources dans des marais voisins, au N." du gouv. de
Perm : la Keltma septentrionale (160 kil., bassin de
5,750 kil. q.) arrose le gouv. de Vologda et se jette dans
la Vytchegda, une des branches de la Dvina du Nord ; la
Keltma méridionale (185 kil., bassin de 4,560 kil. q.),
commence sous le nom de Djouritja et se jette dans la
Kama. Les deux Keltma sont reliées par le canal Cathe-
rine ou Sievéro lekatérinskii, creusé en 1786-1807, qui
unit les bassins de la Dvina et de la Volga.
KELTY (Mary-Ann), femme auteur anglaise, née à Cam-
bridge en 1789, morte à Peckham le 8' janv. ^873. Elle
débuta par une nouvelle, The Favourite of Nature (Lon-
dres, 1821^ in-8), qui obtint du succès et fut traduite en
français sous le nom à'Eliza Rivers (1803). Musicienne
accomplie, miss Kelty eut à Cambridge un salon littéraire
et artistique renommé. A la mort de ses parents survenue
en 1852, elle quitta le monde et se confina dans les exer-
cices d'une rigide piété. Citons encore d'elle : The Cata-
combs (1822, in-8); Time of Trial (iSAO, in-8); Early
Days in the Society of Friends (1830, in-12); Ma^nma
and Mary (1840, in--12); Memoirs ofthe lives and pro-
secutions of primitive Quakers (1844, in-42); Visil-
ing my relations (1851, in-8); The Real and the Reau
Idéal (1860, in-8); The Solace of a Solitaire (1869,
in-8). R. S.
KÉLUNG.PortàrextrêmeN. de Fîle de Formose(Y.ce
mot) ; 10,000 hab. ; important par la proximité de gise-
ments houillers.
BiBL.: Imbault-Huard, vile Formose ; Paris, 1893. —
Garnot, Expéd. française de Formose ; Paris, 1894, in-8.
KELVIN. Rivière d'Ecosse, affl. de la Clyde à Glasgow
(V. ce mot).
KELVIN (Lord) (V. Thomson [W.]).
KEM. Ancien nom de V Egypte (y. ce mot et Alchimie).
KEM. Fleuve de Russie, gouv. d'Arkhangelsk; il naît
à la frontière de Finlande sous le nom de Pichto, dans des
marais, traverse le lac Koutno, reçoit le Tchirkakoum,
passe à Kem et se jette dans la mer Blanche, au fond du
golfe Onega, après un cours de 430 kil., dont 15 navi-
gables. Le bassin a plus de 19,000 kil. q.
KEM. Rivière de Sibérie, affl. g. de l'Eniséi, gouv. d'Eni-
seisk, finit à 12 kil. en aval de la ville de ce'^nom ; elle
a plus de 200 kil.
KEM. Ville de Russie, gouv. d'Arkhangelsk, sur le Kem ;
2,000 hab. Ancienne colonie de Novgorod, entrepôt com-
mercial de la contrée. C'est le ch.-L d'un vaste district
presque désert.
KEMA ou KIEHNA. Rivière de Russie, qui finit au lac
Bielo-Ozero ou Blanc (gouv. de Novgorod); elle a un cours
de 170 kil., sort du lac Soundo et forme le lac Kémo
(48 kil. q.) ; elle est navigable sur 20 kil.
KEMAK. Ville de Turquie d'Asie, vilayet et sandjak
d'I'lrzeroum, sur un promontoire dominant la rive gauche
de l'Euphrate occidental ou Kara~sou ; 4,000 hab. C'est
dans cette ville, jadis imprenable par l'escalade, que les
rois arméniens du commencement de l'ère chrétienne avaient
leurs plus beaux temples, leurs trésors, leur prison d'Etat,
leurs tombeaux. Le contraste des jardins verdoyants et de
la roche^nue donne un aspect saisissant à Kemak.
KEMÂL Bey, écrivain turc, né en 1842, mort en 1890.
Il aborda tous les genres de littérature: poésie, roman,
drame, journalisme. D'une culture intellectuelle très grande,
surtout instruit des choses européennes, il dut à l'exagéra-
tion de ses idées d'être envoyé en exil par le sultan Abd
ul Azîz. Il séjourna particulièrement à Londres où il pu-
bliait un journal turc intitulé Eourriet (la Liberté). Son
exil fut levé plus tard ; il rentra complètement en grâce et
mourut gouverneur de l'île de Chio. Il faut citer parmi ses
romans : Djazmî, Ali Rey ; parmi ses drames : Djelâl ed
Dîn Kharezm Chah, Vatan yahod Silistria (la Patrie
ou Silistroa). Ses articles du journal Ibret et ses lettres
sont très goûtés en Turquie à l'heure actuelle.
KEMAL ED DîN Abou'l-Kâsim Omar ibn Ahmed, surnommé
Ibn el Adim, né en 1192, mort au Caire en 1262. Il fut
qâdî 'l-qoudât (cadî des cadîs) de la ville d'Alep. Il fut
l'auteur de deux ouvrages d'une grande valeur : un dic-
tionnaire biographique des grands hommes qui vécurent à
Alep, et une histoire de cette ville intitulée Zoubdat el
Halab fî târikh Halab. L'histoire commence à la con-
quête d'Alep par les troupes musulmanes et se termine à
lannée 641 de l'hégire (1243). En 1260, les Tatares
s'emparèrent de la ville et forcèrent Kemal ed Dîn à émi-
grer au Caire. Le manuscrit de son histoire d'Alep n'a pas
été jusqu'ici publié complètement. M. Freytag a donné des
Selecta ex historia Halebi (Paris, 1819). A. Guy.
KEMAL Pâchâ Zadeh (Chams ed Dîn Ahmed), polygraphe
et poète turc, né à Andrinople vers la fin du xv^ siècle. Il
eut une courte carrière militaire pendant laquelle il fit la
campagne de Lépante avec le sultan Bayézid. A son retour,
il suivit les leçons du « Collège des traditions » (Dâr el
hadîs) d'Andrinople. Il fut ensuite professeur dans difië-
rents collèges de cette ville et reçut plus tard le titre de
Kazi askier (juge d'armée) d'Anatolie. Comme tel il ac-
compagna le sultan Sélim dans sa conquête de l'Egypte.
Puis il subit une disgrâce, mais il fut nommé cheikh ul
islam par le sultan Soliman. Ses ouvrages sont très nom-
breux. On cite des annales ottomanes en langue turque,
une imitation du Gulistân de Sâdi : le Nigaristân, en
langue persane, et surtout le fameux poème de Yoûsoufu
Zuléikha (Joseph et Zouléikha, la femme de Putiphar). Il
écrivit plusieurs traités juridiques, des commentaires de
différents auteurs, et l'ouvrage intitulé Mohâdj Namé, re-
lation de la campagne de Mohacz faite par le sultan Soli-
man contre les Hongrois. Le texte turc et une traduction
française ont été publiés par M. Pavet de Courteille (Paris,
4859). A. Guy.
KEMARAT ou KEMMERAT. Ville du Siam, ch.-I. de
province du Laos, rive droite du Mékong, dans une plaine
marécageuse et saline.
KEM'ÀS (Zool.) (V. Chèvre).
KEMBLE (John-Philip), acteur anglais, né en 1757,
mort à Lausanne en 1823. R était le second enfant et l'aîné
des fils de Roger Kembie, le chef de cette famille qui a occupé
une si grande place sur la scène et dans la littérature anglaises.
Encore enfant, il débuta dans la troupe de son père, étu-
dia un instant pour être prêtre et finit son éducation au
collège anglais de Douai, où se développa au plus haut
point chez lui la mémoire, cet instrument merveilleux grâce
auquel tant d'hommes de talent ont pu donner l'illusion du
génie. Reçu dans la troupe de Chamberlain, il débuta à
Wolyerhampton le 8 janv. 1776, et dès lors poursuivit sa
carrière d'acteur tragique, mêlée de succès et de revers, et,
dans les commencements, plus souvent sifflé qu'applaudi.
Mais son application au travail et la persistance de sa vo-
lonté triomphèrent, et, à sa première apparition à Londres,
sur le théâtre de Drury Lane (sept. 1783), dans le rôle de
lîamlet, l'ardeur avec laquelle il fut discuté prouva bien
qu'on n'avait point aifaire à une médiocrité. A partir de ce
moment, sa réputation ne fit que croître, en dépit des
cabales montées par des rivaux ou des inimitiés que la
nature agressive de son tempérament entier lui attiraient.
En 1788, il prit la direction du théâtre de Drury Lane, et
se fit l'initiateur d'une réforme dans les costumes analogue
à celle que Talma introduisait en France. Les deux grands
acteurs se connurent en 1802, pendant un voyage que
Kembie f.t en France, et Talma fut de ceux qui l'applaudirent
le plus chaleureusement lors de sa représentation d'adieu
dans Coriolan.k CoventGarden,le23 juin 1817. Kembie,
amoureux de son art, qu'il étudiait assidûment dans toutes
ses branches, ne dédaignait pas les rôles comiques, et
Charles Lamb le trouvait incomparable dans les pièces de
Congreve et de Wycherley. On compte que, pendant les dix-
neuf ans qu'il resta à Drury Lane, il créa plus de 120 per-
sonnages. On lui reprochait une certaine affectation et un
débit trop pompeux. Comme écrivain, il produisit des pro-
logues, des pièces de théâtre qui n'ont pas été imprimées,
-» 407 —
KEMBi.E -- KEiMEUN
et un recueil de Fugitive Pièces (York, 1780); mais tout
son mérite est ailleurs. Il passa ses dernières années tantôt
à Toulouse, tantôt à Rome, tantôt à Lausanne. B.-H. G.
KEMBLE (Maria-Theresa) , actrice anglaise, née à
Vienne en 1774, morte à Chertsey (Surrey) en 1838. Elle
était à peine âgée de six ans que son père, George de
Camp, alias de Fleury, Femmena en Angleterre, où elle
parut en Cupidon, dans un ballet de Novcrre, à l'Opéra.
Elle remporta ses véritables premiers succès au théâtre de
Haymarket, en 1792. En 1806, elle épousa Charles Kemble,
dont le frère, John-Phihp, l'avait peu auparavant pour-
suivie de proposilions outrageantes, s'emportant même à
des violences qu'elle dut repousser et pour lesquelles il fit
des excuses publiques. Ce mariage l'altacha pour le reste
de sa carrière au théâtre de Covent Garden. Elle excellait
dans les rôles de soubrette ; mais elle eut le tort de ne pas
savoir vieillir et de vouloir jusqu'au bout jouer des per-
sonnages dont la jeunesse ne convenait plus à sa figure.
Elle est l'auteur de quelques comédies qui ne manquent pas
d'esprit, comme Smiles and Tears et The Day after the
Wedding. B.-H. G.
KEMBLE (Charles), acteur anglais, né en 1775, mort
en 1854. Le plus jeune des quatre fils de Roger Kemble,
il fut élevé, comme son frère John-Phdip, au collège anglais
de Douai, et entra d'abord dans l'administration des postes.
Mais, malgré les conseils de son aîné, il s'engagea bientôt
dans la carrière dramatique, et après un an ou deux de
pérégrinations en province, où il apprit péniblement le mé-
tier, il débuta à Drury Lane en 179 i. Travailleur acharné,
toujours en quête du mieux, il vit sa réputation grandir, et
après un repos que le soin de sa santé lui imposa et pen-
dant lequel il visita Vienne et Saint-Pétersbourg, son frère
fut heureux de le prendre avec lui à Covent Garden, où il
rencontra Marie-Thérèse de Camp^ qu'il épousa peu après
(V. ci-dessus). Devenu directeur du théâtre en 182^2, il eut
à lutter contre les plus grandes difficultés d'argent, et il
ne dut d'éviter une catastrophe qu'au succès de sa fille,
miss Fanny Kemble, plus tard Mrs. Butler. En 1832, il fit
avec elle une tournée en Amérique, où ils furent accueillis
avec enthousiasme, et au cours de laquelle miss Kemble se
maria. Il parut pour la dernière fois sur la scène en I8i0.
En 1844, il fit une série de conférences publiques sur Shake-
speare. La surdité dont il était affecté depuis longtemps
devint complète vers la fin de sa vie. Charles Kemble jouait
avec une égale conscience les rôles tragiques et les rôles
comiques, déployait dans les uns comme dans les autres
des qualités de premier ordre. Lui et son frère ont créé
une école d'artistes qui n'est pas encore éteinte et qui porte
leur nom. Il est un de ceux qui, par l'honorabilité de leur
caractère et par leur talent, se sont fait une place à part
dans l'histoire du théâtre anglais. B.-H. G.
KEM BLE (John-Mitchel), philologue et historien anglais,
né à Londres le 2 avr. 1807, mort à Dublin le 27 mars
1857, fils aîné du précédent. Après avoir étudié le droit,
il se consacra à des recherches sur la littérature anglo-
saxonne, voyagea en Allemagne, puis en Espagne, et enfin
ouvrit un cours de philologie anglo-saxonne à Cambridge.
Sa réputation date du jour où il publia une chronique
rimée du x® siècle, intitulée Poem of Beawulf (Londres,
1832, in-8; 2^ éd., 1837) ; on lui doit en outre de nom-
breux écrits, notamment : First llistory of the En-
glish language or Anglo-saxon period (Cambridge,
1834, in-8); Ueber die Stamintafel der Westsachsen
(Munich, 1830, in-8), ouvrage dédié à Jacob (irimm; .1
Fe)o Hisiorical Picmarks upon thr siipposed, ÀnUqv.iljj
of Church Pâtes [i^'àQ^ in-8); Codex diploniaticus œvi
Saxe» md (1839-48, 6 vol. in-8), ouvrage important ren-
fermant plus de 1,400 documents nouveaux, publié aux
frais de l'English Historical Society; The Saxons in
England (1849, 2 vol. in-8; nouv. éd. par G Birch en
1876); State Papers a?id correspondence illustrative
of the State of Ëuîvpe, from the Révolution to the
accessioyi of the house of Hanover (1857, in-8) ; llom'-
Ferales, description d'antiquités préhistoriques, ouvrage
posthume publié par les soins de R.-G. Latham et A.-W.
Franks, en 1863.
KEMBLE (Francesca-Anne, dite Fanny), actrice an-
glaise, née en 1809. Fille de Charles Kemble et nièce de
Mrs. Siddons,cUe embrassa la carrière théâtrale de sa famille
et, en 1829, débuta à Londres dans Pioméo et Juliette
avec grand succès. Au cours d'une tournée en Amérique,
elle abandonna le théâtre pour épouser un riche Philadel-
phien, M. Butler, dont elle se sépara dans la suite. Elle
n'est pas remontée sur les planches et a donné des conté-
rences à Londres, à Paris et aux Etats-Unis, où elle est
fixée. Elle écrit aussi en vers et en prose.
KEMELL (Klas-Johan), écrivain finnois, né en 1805,
mort en 1833. H a donné, dans sa langue maternelle, plu-
sieurs traductions remarquables, entre autres celle de
V Imitation de Jésus-Christ, Ce travail exerça une grande
influence dans le pays, tant à cause de la pureté du style
finnois, qu'à cause du sujet religieux, le mysticisme étant
alors très en faveur en Finlande.
KEIVIÉNY (Jean), prince de Transylvanie et écrivain hon-
grois, né en 1607 à Bùkœs, mort en 1662 sur le champ
de bataille de Nagy-Szœllœs. Bethlen Gabor l'admit au
nombre de ses pages dès 1622, et l'emplova tout jeune
encore à des missions diplomatiques. Partisan de Georges 1^=^'
Râkéczy, il Faida à obtenir la paix de Linz. Sous Georges H
il fit de brillantes campagnes, mais en 1657 il tomba au
pouvoir des Tatars de Crimée. En 1661 il succéda à
Georges II comme prince de Transylvanie, mais les Turcs
alliés d'Abafi le battirent et le tuèrent. L'historien Szalay
a publié en 1856 l'intéressante Autobiographie àQ Ke-
mény.
KEMÉNY (Sigismond, baron), romancier et publiciste
hongrois, né à Magyar-Kapud en J816, mort à Puszta-
Kamarâs en 1875, Son activité comme journaliste s'exerça
d'abord en Transylvanie (1840-1842), où il rédigea le
Magyar Hiradôen même temps qu'il dirigeait l'opposition
dans la Diète provinciale. Retiré dans ses' terres en 1842,
il fonda sa réputation de romancier par son Paul Gyulai
(1846), forte étude du caractère de l'homme politique.
Bientôt il se rendit à Pest pour collaborer au Pesti lîir-
lap. Membre de l'Assemblée de I8L8, il composa après
la catastrophe deux petits ouvrages intitulés : Après la
Révolution, Encore un Mot après la Révolution (Pest,
1850 et 1851), ainsi que deux études sur Vesselényi et
Széchenyi. Rédacteur depuis 1861 du Pesti Naplô, organe
du parti Deâk, il mérita par sa vigueur dans'la modéra-
tion le titre de « roi des journalistes magyars ». Les romans
qu'il écrivit depuis 1850 sont de deux sortes : la Veuve
et sa fille, les Fanatiques, les Temps sauvages sont,
comme Paul Gyulai, des pages vraiment historiques, puisées
dans de sérieuses recherches comme dans une riche ima-
gination ; les Abîmes du cœur, Homme et femme,
Amour et Vanité, sont de profonds romans psychologiques.
M. Oecethy, entre autres critiques, a bien étudié le talent
de Kemény, E. S.
BiBi.. : SciîwiGKER, Geschichie derungar. Litleratur.
KEIVII. Fleuve de Finlande, dans la Laponie, naît au S.
du lac Enaré, dans les collines de Suola Selka, reçoit le
Luirojoki, forme le lac Kemitrœsk (144 kil. q.), où se
jettent le ILT.smœ et le K()yk()nen, contourne les collines
de Kivalo, reçoit le Raudan et l'Ounas et se jette dans le
golfe de Botnie. Il parcourt 408 kil. et draine un bussin
de 53,000 kil. q.
KEPs/ÎMEL (Mont). Colline située en Heîoiquo, à 6 kiL
O^-N.-O. de Messines (Flandre occidentale). Elle n'a que
154 m. d'alt., mais comme elle se trouve complètement
isolée au milieu de la plaine flamande, elle paraît beaucoup
plus élevée. Au sommet du Kemmel on découvre un pano-
rama grandiose qui s'étend sur les deux Flandres etledép.
du Nord.
KEWMERN. Ville do Russie, gouvernement de Livonie,
à 6 kil, du golfe de Riga. Station balnéaire très fréquentée
KEMMERN — KEMPTEN
468
à cause de ses eaux sulfureuses (+ 6°) employées contre
les rhumatismes, la scrolule, la syphilis, les hémorroïdes.
BiBL. : HoLST, Das Schwefelbad Kemmern ; Riga, 1880.
KEMP (Terre de). Région antarctique, à l'E. de la
Terre d'Enderby, sous le cercle polaire, vers 58° long. E. ;
elle fut découverte en 1863.
KEMP (George-Meekle), architecte écossais, né àMoor-
foot (Mid-Lothian) le 25 mai 1795, mort à Edimbourg le
6 mars 1844. D'abord berger comme son père, puis habile
ouvrier charpentier, Kemp fut mis à même de développer
ses dispositions naturelles pour le dessin par des leçons de
perspective et par l'étude des monuments gothiques dont il
fit de nombreux relevés, tant en Ecosse et en Angleterre
qu'en France et dans les Pays-Bas. Un remarquable mo-
dèle en beis encore existant et qu'il fit pour compléter les
dessins d'un palais projeté par W. Burn pour le duc de
Buccleuch, commença la réputation de cet artiste qui con-
tribua brillamment à la publication intitulée Old Glasgow
dans laquelle il donna de nombreux dessins d'anciens édi-
fices religieux. Il étudia ensuite une restauration d'ensemble
de la cathédrale d'Edimbourg, étude qui n'eut pas de suite ;
mais il obtint successivement le 3®, puis le 1^^ prix dans
les concours ouverts en 1836 et 1838 pour l'édification
d'un monument commémoratif de Walter Scott et de ses
œuvres dans Prince's Street à Edimbourg, monument de
plus de 60 m. de hauteur, décoré de nombreuses statues
et dont Kemp dirigea la construction jusqu'en 1844, époque
à laquelle il se noya accidentellement dans le canal d'Edim-
bourg. Charles Lucas,
KEMPE (Anders), alchimiste et médecin suédois, né en
Vestergothie en 1622, mort à Altona en 1688 ou 1689.
D'abord officier d'artillerie, il quitta le service en 1664
et s'établit à Trondhjem, où — ayant étudié l'alchimie au
régiment — il se mit à exercer la médecine. Ses divers
ouvrages et, sans doute aussi, les médicaments qu'il inven-
tait et confectionnait, lui valurent bientôt une grande re-
nommée et quelques persécutions. Déjà célèbre, il alla s'éta-
blir à Hambourg (1675), où il espérait être moins inquiété
qu'en son pays. Il y vécut plusieurs années tranquille,
publiant beaucoup en suédois et surtout en allemand,
lorsque, en 1688, un ouvrage intitulé hraëls erfreuliche
Botschaft, dédié à un riche juif, fut jugé contenir des pro-
positions hérétiques et le fît exiler de la ville. Il se retira
à Altona où il mourut bientôt. Ses principaux ouvrages
sont : Probalorium Theologiciim (Amsterdam, 1664);
Harmonia Fidei etReligionis (Amsterdam, 1671); Die
Sprachen des Paradieses (1688), où il cherche à prou-
ver que le suédois était la langue du Paradis. — Son fils,
Johan, né en 1655, mort à une date inconnue, s'acquit
une grande réputation en Suède comme médecin. Th. G.
KÈMPE (Axel), professeur et érudit finlandais, né en
1623, mort à Âbo le 4 janv. 1682. En 1650, après avoir
pris ses grades à l'universjté d'Âbo, il fut nommé biblio-
thécaire de l'Académie d'Abo, puis, quelques années plus
tard, professeur adjoint de politique et d'histoire à Funi-
vorsité de cette même ville. Sa Philosophia moralis siue
ethica, qui parut en 1656, obtint un grand succès, ainsi
que les dissertations qu'il pubha pour y faire suite. L'évêque
GezeUus reprocha à Kempe de « divulguer» la constitution
du gouvernement. Traduit en jugement, Kempe fut acquitté,
mais le chancelier décida que de pareils travaux ne seraient
plus publiés sans autorisation royale. Th. G.
KEIVIPE (Anna-Elisa) (V. Bray [Mrs.]).
KEMPELEN (Wolfgang de), mécanicien autrichien, né
à Presbourg le 23 janv. 1734, mort à Vienne le 26 mars
1804. il inventa en 1769 un automate joueur d'échecs
(derrière lequel se cachait un homme) qui eut le plus vif
succès dans toute l'Europe ; il est décrit dans le Leipziger
Magaxdn fur Naturkunde de 1784, et fut brûlé à Phila-
delphie en 1854. Kempelen fabriqua ensuite une machine
à parler (1788) et publia : Mechanismus der mensch-
licheii Sprache (Vienne, 1791, av. 27 pi.).
KEMPEN. Ville de Prusse, district de Dusseldorf (Prov.
rhénane), nœud de plusieurs voies ferrées ; 6,000 hab.
Patrie de Thomas a Kempis, Le 17 janv. 1642, les
Franco-Hessois de Guébriant y défirent les Impériaux de
Lamboy.
KEMPEN ou KEMPNO. Ville de Prusse, province et
district de Poznan, sur le Niesjob, affluent de la Prosna ;
6,000 hab. Elle fut fondée en 1661 par des protestants
allemands.
KEMPEN EER (Pieter de) (V. Gampana [Pedro]).
KEMPEN FELT (Richard), amiral anglais, né à West-
minster en 1718, mort en mer le 29 août 1782. Entré
jeune dans la marine, il servit surtout aux Indes et parti-
cipa à la prise de Portobello. En 1780, il était contre-ami-
ral. Chargé en 1781 d'attaquer une escadre française com-
mandée par de Guiches, il la rencontra dans les parages
d'Ouessant, s empara, grâce à unemanœuvre des plus habiles,
d'une vingtaine de vaisseaux et contraignit le reste à se
réfugier à Brest (12 déc). Ce fut le plus brillant fait de
guerre de toute la campagne. Kempenfelt reprit la mer en
avr. 1782 et reçut l'ordre de ravitailler Gibraltar. Le
Royal-George sur lequel il avait arboré son pavillon som-
bra corps et biens avec huit cents hommes d'équipage et de
passagers. Kempenfelt a laissé tout un code de signaux en
grand progrès sur l'ancien système et un recueil de poésies :
Original Hymns and poems publié en 1777 sous le pseu-
donyme de Philotheorus. R. S.
KEM PENSKŒLD (Samuel), érudit suédois, né à OErebro
en 1599, mort en 1670. Après avoir rempli plusieurs
charges dans l'enseignement public, il fut anobli en 1647
et changea alors son nom de Kempe en celui de Kempens-
kold. Il fut nommé deux ans plus tard secrétaire de la
maison de la noblesse. Il doit sa réputation principalement
à un ouvrage sur Gustave P^, intitulé Historiée serenis-
simi et potentissimi Principis ac domini Gustavi
Primi... libri F, dialogistica forma in usum studiosœ
juventutis (Strengnesiae, 1648, petit in-32; 1^^ éd. en
1629). Th. G.
KEMPER (Jean-Melchior), jurisconsulte hollandais, né
à Amsterdam en 1776, mort à Amsterdam en 1824. Il
professa le droit naturel, le droit civil et le droit des gens
successivement aux universités de Harderwyck, d'Amster-
dam et de Leyde. Ennemi déterminé de la France, il fut un
des promoteurs du soulèvement de 1813. Après l'avène-
ment de Guillaume P^, Kemper fut anobli, appelé au con-
seil d'Etat, nommé recteur de l'université de Leyde, et
chargé d'organiserl es établissements d'instruction publique
du nouveau royaume. En même temps il était envoyé aux
Etats généraux par les électeurs de la Hollande septen-
trionale. Il joua un rôle brillant dans cette assemblée, pré-
para et fit voter les principalesl ois organiques, et obtint à
diverses reprises des succès oratoires retentissants. Il avait
publié un gi and nombre d'ouvrages remarquables dont voici
les principaux : le Code criminel du royaume de Hol-
lande comparé au droit romain et à Vanciendroit néer-
landais (en holL, Amsterdam, 1809, in-8) ; Etudes sur
le temps présent (id., La Haye, 1816, in-8) ; Histoire
du nouveau code civil hollaridais (id., La Haye, 1820-
21, 3 vol. in-8). Ses Discours ont été réunis et publiés
par J. de Bosch-Kemper (Amsterdam, 1835, 3 vol. in-8).
BiBL. : SiEGENBEEiv, Memovia Kemperi; Leyde, 1824,
in-8. — Du même. Histoire de l'université de Leyde [en
hoU.] ; Leyde, 1829-32, 3 voL in-8.
KEM PIS (Thomas a) (V. Thomas).
KEIVIPT. Lac du Canada, province de Québec, entre 47
et 48^ lat. N. H porte le nom d'un gouverneur du Canada
(1828-30).
KEMPTEN. Ville d'Allemagne, royaume de Bavière,
province de Souabe, sur Villei; 15,000 hab. Cotonnades,
bonneterie, papeterie, commerce de denrées agricoles. Cette
ville, qui existait à l'époque romaine sous le nom de Cam-
hodumwi, fut le siège d'une célèbre abbaye bénédictine,
fondée par Hiidegarde, troisième femme de Charlemagne,
en 773. Les abbés devinrent princes d'Empire en 1360.
469 —
KEMPTEN — KENIENS
Ils possédaient les districts actuels d'Obergiinzburg et Grse-
nenbach. Autour de Tabbaye se forma sur la hauteur une
ville, dite « ville neuve », qui entra en conflit avec la
« vieille ville » de la vallée. Celle-ci, reconnue ville libre
en 1289, aâTiiiée à la ligue souabe, embrassa la Réforme
en 4527. Dans la guerre de Trente ans, les Impériaux
s'emparèrent de Kempten en 1633 et 1634, la reperdirent
en 1646. Les Français la prirent en 4703; le 47 sept.
4796, ils y combattirent les Autrichiens. En 4803, la ville
et l'abbaye furent annexées à la Bavière.
KEMTCHIK. Rivière de l'empire chinois, à l'O. de la
Mongolie, affluent gauche de l'Oulou-Kem, qui prend en
aval de son confluent le nom d'Eniséi. Son bassin est
presque désert.
KEN, KAYAN ou KARNAVATI {Karnas des Grecs).
Rivière de l'Inde, affluent droit de la Djemna, nait au N.
des monts Vindhyas, traverse les monts Bander par un
pittoresque défilé, les longe jusqu'au confluent du Sonar,
descend les Ghats de Panna et arrose le BundelKhand. Elle
a 370 kil. de long ; son débit varie de 84 à 44,000 m. c.
par seconde.
KEN (Thomas), prélat anglais, né dans le Hertfordshire
en juil. 4637, mort à Longleal le 49 mars 4744. Entré
dans les ordres en 4664 ou 4662, il fut attaché à la mai-
son de la princesse d'Orange, mais déplut à Guillaume et
accompagna lord Darmouth à Tanger. Revenu en Angle-
terre, il se fit une grande réputation de prédicateur et de-
vint, en 1684, évêque de Bath et Wells. Il assista Charles II
à son lit de mort et lui conseilla d'éloigner la duchesse de
Portsmoulh. Jacques II lui témoigna un grand respect.
Ken n'était pas pourtant un évêque de cour. Très rigide et
très bienfaisant, il dépensait en aumônes les maigres revenus
de son siège. En 4687, un sermon qu'il prononça devant
la princesse Anne contribua au renversement du parti pa-
piste. Il fit une opposition tenace aux déclarations d'indul-
gence (4688), s'associa à la campagne des « Sept Evêques »,
et fut envoyé à la Tour. Délivré par la révolution, il ne
voulut pourtant pas reconnaître Guillaume d'Orange, et
fut privé de son siège épiscopal en avr. 4691. Malgré les
instances de la reine Anne, il refusa de le reprendre en
4702. Il a laissé de nombreux ouvrages de théologie, des
sermons, etc., recueillis en partie par Hawkins en 4713,
par Round en 4838, par Benham en 4889, et 4 volumes
de poésies publiés par Hawkins en 1724. Macaulay écrit
de lui : « C'était un homme de talent et de grande science,
d'une vive sensibilité et d'une vertu sans tache. Ses ou-
vrages de longue haleine sont oubhés, mais ses hymnes du
matin et du soir sont encore récitées chaque jour dans
des milliers de familles ». R. S.
BiBL. : Hawkins, Short Account of Ken's life^ 1713. —
BowLES, Life of Ken^ 1830, 2 vol. — Anderdon, Life of
Ken, 1851-51, 2 vol.— Plumptre, Life of Ken, 1888, 2 vol.
KEN AÏ. Presqu'île de l'Alaska, entre les bras de mer
de Cook et Prince- William. Il y existe un fort.
KEN AÏ ou THNAINA. Peuple de Peaux -Rouges de
l'Alaska; ils se rapprochent des A thabascas formant la
transition avec les Hyperboréens (Esquimaux et autres).
Leur langue se rattache au groupe athabasca. Ils vivent
de chasse. On en compte de 40 à 20,000. Ils pratiquent
l'exogamie, la crémation ou la dessiccation des cadavres,
se tatouent. Leurs tribus les plus importantes sont : les
Kai-Youkhotana ou Ingalik, riverains du Youkou et du
Kuskowin supérieur ; les Natchekoutchin ou Gens de
Large; elles Atna ou Yellow-Knifes^ riverains de l'Atna
ou Rivière du Cuivre (V. Alaska).
BiBL. : Radlow, dans Bulletin de l'Académie de Saint-
Pétersbourg. — Petrov, Report on the population of
Alaska, 1880.
KENAMOU. Fleuve de Labrador parsemé de rapides et
de lacs qui coule vers le N. et finit dans le golfe Harailton.
KENATSA. Petite ville du Maroc, entre le territoire des
Oulad Djeriret celui des Douï Menia, non loin des sources
du même nom dans la région qui sépare le Sud oranais des
oasis du Tafilalet. Kenatsa est bâtie au milieu d'une petite
mer de sables et à la base d'un plateau isolé ; on y voit une
zaouïa de l'ordre de Sidi Mohammet bou Zian qui date du
XI® siècle et qui est célèbre au loin.
KENDAL ou Kl RKBY-in-Kendal. Ville d'Angleterre,
comté de Westmoreland, sur la rive droite du Ken, stat. du
chem. de fer de Lancaster à Windermere ; 23,832 hab.
Bonneterie ; draps. — C'est une ville ancienne, avec une
belle église du xiii*^ siècle, dans une contrée charmante.
KENDALL (George- Wilkins), journahste américain, né
en 4807, mort en 1867. Il a publié sur les conflits entre
les Etats-Unis et le Mexique d'intéressants récits : JSarra-
tive of the Texan Santa-Fe expédition (4844, 2 vol.
in-I2); et The War between the United States and
Mexico {\^f>i, in-foL).
KEN D RICK (Joseph), statuaire anglais du xix° siècle.
Elève de l'Académie royale, il a exposé jusqu'en 4829. On
connaît de lui des monuments à Saint-Paul, des bustes et
des groupes en marbre, notamment Adam et Eve pleu-
rant sur le corps d'àhel.
KEN D RICK (Émma-Eléonore), miniaturiste anglaise, née
en 1788, morte en 1874, fille du précédent. De 4844 à
4840, elle exposa régulièrement à l'Académie royale, et en
4834 fut nommée miniaturiste ordinaire du roi. Elle a aussi
fait de l'aquarelle et écrit un livre technique.
KENEALY (Edward-Vaughan-lIyde), politicien et écri-
vain anglais,- né à Cork le 2 juil. 4849, mort à Londres
le 46 avr. 4880. Membre du barreau irlandais dès 4840,
du barreau anglais en 4847, il devint conseiller de la reine
en 1868, et acquit une grande réputation en plaidant les
causes politiques, celle entre autres à^^ fenians. Il s'em-
porta à de telles violences de langage qu'en 4874 il se fit
rayer de la liste des avocats. Il fonda alors la Magna
Ckarta Association et réussit à se faire élire au Parlement
par Stoke en 4875. Il a laissé un grand nombre d'ou-
vrages parmi lesquels : Brallaghan or the Deipnoso-
phists (4845) ; Gœthe (4850); trois volumes de vers (4875-
79), etc. R. S.
KENEGHEZ. Tribu de la Boukharie, de la race des
Uzbegs, soumise par les Russes en 1 868 ; elle habite le
pays de Chehri-Sebz et se divise en cinq clans : Abakhly,
Atchamaïly, Kaïrasaly, Tarakli, Tchekhout.
KEN EH ou KINNEH. Ville de la Haute-Egypte, ch.-l.
de district, à droite du Nil, au N. des ruines de Thèbes;
46,000 hab., en grande partie Coptes et Grecs. Ses dattes,
ses poteries, ses danseuses sont renommées. Elle commerce
par Kosseir avec l'Arabie et l'Inde.
KENIA (Mont). Mont isolé de l'Afrique orientale, à 0*^40'
lat. S. et 400 kil. de la côte; 5,500 m. d'alt. environ.
Découvert par Krapf (4849), il fut exploré par Thomson
(1883).
KENIEKA. Pays du Soudan français, au N. du Niger, à
FE. du Kaarta ; compris dans l'empire de Sego, il se plaça
sous le protectorat français en 4882. Le centre principal
est Mourdia.
KÉNIENS, KÉNITES, CINÉENS. On signale la pré-
sence, en plusieurs points de la Palestine ancienne, de
groupes de populations dénommés Kéniens, et l'on asstire
que c'étaient les descendants de la famille madianite, oîi
Moïse avait pris femme. Un de ces groupes résidait dans
la partie méridionale du territoire de Juda, un autre à l'ex-
trême Nord du pays. On justifie leur présence sur le terri-
toire dévolu à Israël par des services exceptionnels que les
Kéniens auraient rendus à Israël lors de la traversée au
désert. Le groupe méridional est mentionné à plusieurs
reprises dans les livres historiques ; Saiil donne des ordres
spéciaux pour qu'ils soient épargnés lors d'une expédition
dirigée contre les Amalécites, leurs voisins ; David gagne
la faveur de leurs chefs en leur distribuant une partie du
butin fait sur ces mêmes Amalécites. C'est à une femme
appartenant aux Kéniens du Nord que revient l'honneur de
mettre à mort le redoutable Sisara. — Les Kénites ou
membres de la tribu de Kain sont donc un groupe de po-
pulation non-israélite, probablement madianite, originaire
KÉNÏENS - KENNEDY
- 470 —
du désert syro-arabe ou de la péninsule sinaïtique, qui se
fit sa place au milieu des Hébreux. M, Vernes,
BiBL. : Vernes, Essais bibliques, 1891, pp. 252-254 et
261-262.
RENIERA. Ville du Soudan français, sur le Soussa,
affl. de dr. du Dioliba(Niger),à d30 kil. S. de Baraakou.
En févr, 4883, elle fut brûlée par Samory que le colonel
Borgnis-Desbordes défit ensuite.
KEN IG (Joseph), publiciste polonais, né à Plock en i 822.
Après avoir débuté dans l'enseignement, il devint collabo-
rateur à la Gazette de Varsovie et se fit surtout remar-
quer par des articles de critique et d'esthétique. Il devint,
en 1873, directeur de la Gazette de Varsovie. — Sa femme,
Salomée Kenig, née Palinska (1831--73), fut une actrice
distinguée et tint pendant une vingtaine d'années les pre-
miers rôles du théâtre de Varsovie.
KENILWORTH. Village d'Angleterre, comté de War-
wick, à 7 kil. du chef-lieu. ; 6,092 Iiab. Stat. du chem. de
fer d'Oxford à Coventry. Tanneries, produits chimiques.
— Ruines d'un château célèbre, fondé sous Henri l^^ par
son trésorier G. de Clinton, possédé par Simon de Mont-
fort dont les adhérents y résistèrent six mois après sa mort ;
Edouard II y fut quelque temps prisonnier; Edouard 111
le donna à Jean de Gand, Elisabeth au comte de Leicester
qui lui ofTrit dans ce château des fêtes magnifiques (1575);
il fut démoli par les soldats de Cromwell. Walter Scott l'a
popularisé.
KEN MARE, Baie de l'extrémité S.-O. de VIrlande
(V. ce mot, t. XX, p. 946).
KEN IVIO RE. Village d'Ecosse, comté de Perth, à 40 kil.
du chef-lieu, avec un territoire de plus de 26,000 hcct.,
en grande partie boisés; 1,710 hab. Château de Tay-
mouth.
KENNAWAY-DouGLAS (V. Douglas [Robert]).
KEN NEBEC. Fleuve des Etats-Unis (Maine), qui se jette
dans la baie du même nom ; il sort du lac Moosehead et
parcourt 260 kil., dont 120 navigables. La glace la ferme
du 15 déc. au 1®^ avr.
KENNEDY, comtes de Cassillis. Ancienne famille écos-
saise qui descend de Duncan, comte de Carrick (1228). Le
premier comte fut David Kennedy (1510), qui mourut à
Flodden (9 sept. 1513). — Le second, Gilbert,^ ambas-
sadeur en Angleterre en 1516, fut tour à tour allié et ad-
versaire d'Arran et d'Angus ; il fut un des quatre nobles
qui eurent la garde de Jacques V, enfant. — Le quatrième,
Gilbert (1541-76), qu'on appelait communément « le roi
de Carrick », fut un chaud partisan de Marie Stuart. Il
est célèbre par ses exactions et ses cruautés dont W. Scott
a tiré parti dans luaniioe. — Le sixième, John (1595-
1668), presbytérien rigide, prit une part prépondérante à
l'opposition contre la politique religieuse de Charles P^
(1638). Pourtant il refusa de s'entendre avec Cromwell
qui confisqua ses biens. Charles II le nomma lord justice
gênerai en 1649. On a faussement identifié sa l'emme
Jeanne Hamilton avec la Gypsy Laddie, dont les aventures
foat l'objet de tant de ballades (Finlay, Kirkpatrick, Sharpe,
R. Chambers, etc.). — Le septième comte John (1646-
1701), membre du parti patriote qui combattit le gouver-
nement de Lauderdale, devint en 1689 conseiller privé
de Guillaume d'Orange et lord de la Trésorerie. R. S.
BiBJL. : Historical Account of the noble family of Ken-
nedy ; Edimbourg, 1849.
KEN N EQY (John), numismatiste anglais du xvm^ siècle,
mort en 1760. Il habita Smyrne la plus grande partie de
sa vie, recueillant avec passion les monnaies grecques et
romaines- Sa riche collection fut vendue à Londres le 8 et
9 mai 1760 et achetée en grande partie par le Musée bri-
tannique; 256 monnaies de Carausius et 89 d'AUectus,
acquises par Webb, sont maintenant dans le musée Hunter,
à (:i^lasgow. Kennedy a publié les ouvrages suivants : A
Dissertation upon Oriuna (1751 , in -4) ; Further
Observations on Carausius and Oriuna (1756, in-4);
A Letter toD^ Stukeley^ sur le même sujet (1759, in-4) ;
Numismata selectiora, dans les Litt, Anecdota (t. Il
283). E. Bâbelon. '
KENNEDY (Grâce), femme auteur anglaise, née à Pin-
more (Ayrshire) en 1782, morte à Edimbourg le 28 févr.
1825. Elle est connue surtout par un roman, Father Clé-
ment (1823), qui atteignit rapidement sa douzième édition
et fut traduit dans presque toutes les langues européennes.
Citons encore '.Profession is notprinciple{;{%^^\ 8^ éd.,
1855) ; Jessy Allan (J853, 12^ éd.) ; Aima Ross the or-
phan of Waterloo (1852, 10^ éd.). Ses OEuvres com-
plètes ont été données à Edimbourg (1827, 6 vol. in-12)
et réimprimées en 1 836 à Bruxelles. Une traduction alle-
mande de ses OJ^uvres choisies parut à Bielefeld en 1 844
(2 vol. in-8). R. S.
KENNEDY (Sir James Shâw-) (V. Shaw-Kennedy).
KENNEDY (John-Pendleton), écrivain américain, né à
Baltimore le 25 oct. 1795, mort à Newport (Rhode Island)
le 18 août 1870. Avocat à Baltimore (1816), il pubhaavec
son ami P. Hoffmann Cruse une revue de prose et vers,
The Jled Book (1818-20), Trois de ses romans eurent de
vifs succès : Swallow Barn (1832), description de la vie
de planteur en Virginie; Horseshoe Robinson (1835) ; R^ob
of theBoivl (1838), légende du Maryîand. 11 s'attacha au
parti whig, fut élu au Congrès de 1838 à 1845 ; choisi par
Fdlmore comme secrétaire d'Etat pour la marine (1852),
il seconda l'expédition de Perry au Japon, se retira l'année
suivante pour se consacrer aux affaires. Il publia une bio-
graphie de ^. Wirt (1849, 2 vol.). On a réuni ses Poli-
tical and officiai Paper s (1872).
BiBL. : Inkermann, Life of J. Pendleton; New York,
1871.
KENNEDY (John-Pitt), ingénieur mihtaire anglais, né
à Donagh le 8 mai 1796, mort à Londres le 28 juin 1879.
Après avoir passé par l'Académie militaire de Woolwich,
il entra en 1815 dans le corps du génie. Lorsque Charles
Napier devint résident de Céphalonie (1822), Kennedy fut
nommé directeur des travaux publics et dota l'Ile de routes,
de quais, de marchés. En 1831, il se dévoua tout entier à la
réforme des détestables systèmes de culture en usage en
Irlande, fonda une ferme modèle, des écoles profession-
nelles pour les fermiers et nommé en 1837 inspecteur gé-
néral du département de l'instruction pubhque d'Irlande,
imagina un plan d'enseignement agricole, qui devait com-
prendre une école nationale, des écoles du second degré
dans chaque province, des écoles du 3^ degré dans chaque
comté, des écoles du 4<^ degré dans chaque baronnie et des
écoles du 5<^ degré annexées à toutes les écoles primaires.
Ce plan fut fort mal accueilli par l'administration et Ken-
nedy démissionna. Napier défendit ses vues dans son Essay
addressed to irish absentées in thè State of Jreland,
En 1843, Kennedy fut nommé secrétaire de la « commis-
sion du Devon », qui fit une vaste enquête sur la situation
foncière de l'Irlande et pubha cinq énormes in-folios pleins
de renseignements précieux. Au printemps de 1848, il fut
chargé, sur sa demande, de la défense de Dublin où se pro-
duisait un commencement de révolution qui avorta, grâce
aux sages mesures qu'il sut prendre à temps. Napier, de-
venu commandant en chef de l'Inde, le réclama pour se-
crétaire mihtaire (1849). Kennedy construisit la grande
route stratégique de Simla au Tibet, qui porte encore son
nom. Il dut, en 1852, revenir en Angleterre pour raison
de santé. Il fut promu lieulenant-colonel en 1853. Il a
laissé de nombreux ouvrages parmi lesquels nous citerons :
ïreland iranquilized without soldiers and enrichcd
tvithout English Capital (l.oudres, 1835, in-8); Régu-
lations for promoting agricultural instruction and
agricultural employement (1835, in-8) ; Road making
in the Hills (Agra, 1850, in-8); Finances, military
occupation^ governement and industrial develop-
ment 0/1/1^^(1853-58, 2 vol. in-8) ; National Défen-
sive Measnres (Londres, 1860, in-8); British Home and
colonial Empire (1865-69, 2 vol. in-foL). R. S.
KENNEDY (Patrick), écrivain irlandais^ né dans le
471 - KENNEDY — KENNICOTT
comté de Wexford en 1801, mort à Dublin le 28 mars
1873. Libraire à Dublin, il est connu par ses études
approfondies sur les traditions populaires et l'archéologie
irlandaises. Son principal ouvrage est Legendary Fictions
of the irish Celts (1866, nouv. éd., 1892), qu'il recueillit
lui-même de la bouche des conteurs populaires. Citons en-
core : The Banks of the Boro (1867), chronique du comté
de Wexford; Evenings in the Diijfrey (1869); The
Bar die Stories of Ireland (1871) elLegends of mount
Leimier (1835), publié sous le pseudonyme d'Harrv
Whitney. R. S. *'
KENNEDY (William-Denholm), peintre écossais, né en
1813, mort en 1865. 11 étudia d'abord à Edimbourg, puis
à Londres, et obtint de l'iVcadémie royale utie bourse de
voyage. Après un séjour de deux années en Italie, d'où il
rapporta beaucoup de copies et d'études, il s'établit à Lon-
dres, où jusqu'à sa mort il exposa assidûment dans tous les
genres, il a surtout réussi le paysage italien classique. Avec
une palette riche, une facture large, une belle ordonnance,
il manque d'originalité et de caractère. Il ne tint pas ses
promesses de jeunesse et finit dans la pauvreté et l'oubli.
KENNEDYA. l. BoiANiauE. — Genre de Légumineuses,
du groupe des Phaséolées, comprenant une douzaine d'herbes
vivaces ou sulFrutescentes, dressées ou grimpantes, toutes
originaires de l'Australie. Elles sont caractérisées par les
lobesN calicinaux séparés jusqu'à la base, sauf les deux su-
périeurs ; par la carène en général égale aux ailes ou plus
longue, et l'étendard dépourvu d'appendices ou seulement
légèrement infléchi sur ses bords à la base ; enfin, par les
graines arillées. D"^ L. Hn.
IL Horticulture. — Les Kennedyase cultivent comme
plantes grimpantes dans les serres froides ou tempérées en
pleine terre et aussi en pots, mais avec moins de succès.
Sous le climat de l'oranger ils viennent en plein air. On
les multiplie de graines et de boutures. G. B,
KEN NET. Rivière d'Angleterre, affl. de la Tamise (V.
Grande-Bretagne).
KENNETT (White), prélat anglais, né à Douvres le
10 août 1660, mort à Westminster le 19 déc. 1728. Il
étudiait encore à Oxford lorsqu'il publia un pamphlet ano-
nyme A Le t ter from a Student at Oxford to a friend
in the country, concerning the approaching Partia-
ment (1681) qui excita l'indignation des whigs et faiUit
lui attirer des poursuites. La dissolution de ce même Par-
lement lui inspira une seconde satire qui fit grand bruit :
A Poem on his majesty's dissolving the late Partia-
ment (1681). Kennett entra dans les ordres en 1684, se
distingua parla violence de ses prédications contre le papisme
et appuya avec ardeur la révolution de 1688. Puis aban-
donnant la politique pour l'érudition, il donna ses Par.o-
chial Antiquities (Oxford, 1695, in4) qui établirent sa
réputation. En 1701, il prit une grande part à la fameube
controverse avec Atterbury sur les droits de convocation,
publia une vive attaque contre le règne de Charles P^ :
A Compassionate Enquiry into the causes of the Civil
War (Londres, 1704, in-4) qui fit sensation, écrivit
contre les moines et le clergé catholique The Case of Im-
propriations (1704) qui lui valut plus tard le poste de
chapelain ordinaire du roi. Avec sa bouillante intransi-
geance, il s'attaqua en 1709 à Sa^heverell, puis refusa de
signer une adresse de congratulation du clergé à la reine en
1710, ce qui lui créa nombre d'ennemis. On le représenta
sous les traits de Judas. Rien ne le troublait; il demeurait
bien en cour, malgré toutes les intrigues et il fut nommé
évoque de Peterborough en 1718. Outre une infinité de ser-
mons, il a laissé : Compleat Ilistory of England (Londres,
1706, in-foL) ; Register and Chroîiicle ecclesiastical
and civil (1728, in-fol.), important recueil de documents,
qui sont les plus connus de ses ouvrages. Citons encore :
Remarks on the life of Henry Cornish (1699, in- 4) ;
Ecclesiastical Synods (1701, in-8) ; The Christian
Scholar (1708; 21« éd., 1836, in-12); The Wisdom of
looking Backwards (1715, in-8), etc. De nombreux ma-
nuscrits de Kennett figurent au British Muséum (Lansdowne
Collection, 935-1041). R. S.
BiBL. : W. Newton, Life of Kennett ; Londres , 1730 »
in-8. — J. Sharpe, Short Remarhs on some passages in
the life of Dr. Kennett; Londres, 1730, in-8.
KENNETT (Basil), littérateur anglais, né à Postling
(Kent) en 1674, mort à O]?ford en 1714. Frère du pré-
cédent, qui prit soin de son éducation, il entra dans les
ordres et fut nommé, en 1706, chapelain d'une facto-
rerie anglaise à Leqhovn. Sa mauvaise santé et les tra-
cas que lui suscitait l'Inquisition l'obligèrent à retourner
en Angleterre, s'arrétant en Italie et en France, où il so
fit une riche collection de curiosités artistiques et litté*
raires. Revenu à Oxford, il y mourut. Oti doit à Kennett
un savant ouvrage sur les antiquités romaines : Romœ
antiquœ notitia (1696), précédé de deux Essays sur l'édu-
cation chez les Romains ; de plus, The Lives and charac-
ter s of the ancient Grœcian Poets (1697), et nombre de
livres et d'opuscules religieux, outre plusieurs traductions
du français.
KENNEY (James), auteur dramatique anglais, né en
Irlande en 1780, mort le 25 juil. 1849. Commis de banque,
il manifesta de bonne heure du goût pour le théâtre en
écrivant une farce, Raisingùithe Wind^ représentée avec
succès à Go vent Garden en 1803, et reprise souvent de-
puis. Il eut une carrière brillante, et nombre de ses pièces
sont demeurées au répertoire, notamment : Sweethearts
and Wives (iS'i'd) ; Spring and Autumn (1827) ; The
Illustrious Stranger(iHi>,l). Mentionnons encore : False
Alarms (1807), opéra-comique, musique de Broham et
M. P. King; Etlen Rosenberg (1807), mélodrame; The
World (1808), comédie ; Love, Law and Physic (1812),
farce; The Sicilian Vespers (1840), tragédie. R. S.
KENNEY (Charles-Lamb), publiciste anglais, né à Bel-
levue (Seine-et-Oise) le 29 avr. 1821, mort à Kensington
le 25 août 1881, fils du précédent. D'abord employé des
postes, il débuta à dix-neuf ans dans le journalisme comme
reporter du Times. Inscrit au barreau en 1856, il deve-
nait à la même époque secrétaire de M. de Lesseps et con-
tribuait au succès du canal de Suez, combattu par lord
Palmerston, en écrivant The Gates of the East (1857), qui
retourna complètement l'opinion publique. Puis il se brouilla
avec M. de Lesseps et entra au Standard (1858). Très
répandu dans le monde littéraire, ami de Thackeray et de
Dickens, Ivenney fut un des hommes les plus en vue de son
temps. Il acclimata à Londres l'opéra bouffe et écrivit le
livret de la Grande-Duchesse de Gerolstein^ de la Prin-
cesse de Trébizonde^ de la Belle Hélène^ etc. Citons
()armi ses nombreux ouvrages : Mr. Phelps and the cri-
tics of his Correspondence {iS64f) ; Wanted Husbands
(1867) ; Valeritine and Orson, (1867), pantomime; Our
Autumn Manœuvres (1871), farce; Maid of honour
(1876), comédie; une traduction de la Correspondance
de H. de Balzac (1878) ; plusieurs livrets d'opéras, des
chansons dont beaucoup sont populaires, entre autres,
The Vagabond (1871) ; Ever my Queen (1866), etc.
KENNGOTT (Gustav-Adolf), minéralogiste allemand,
né à Breslaule6 janv. 1818. Après avoir enseigné à Pres-
bourg et à Vienne, il passa en 1856 à Zurich comme pro-
fesseur au Polytechnikum et l'année suivante à l'université.
Il a pubhé d'excellents traités de cristallographie, de
minéralogie et de pétrographie, notamment Lehrbuch der
Minéralogie (1851; éd. abrégée, 1857, souv. rééd.);
1^0 Kristallformennetze (Prague, 1884; souv. rééd.),
et avec Lasaulx un Dictionnaire de minéralogie, géo-
logie, etc. (Breslau, 1882-86, 2 vol.). D»* L. Un.
KENNICOTT (Benjamin), hébraïsant anglais, né à Tot-
nes (Devonshire) le 4 avr. 1718, mort à Oxford le 18 sept.
1783. Fellow de l'université d'Oxford dès 1747, il fut
nommé conservateur de la bibliothèque de Radliffe en
1767 et chanoine de Christ Church en 1770. Dans son
Velus Testam. hebr.cum var. lectionibus (Oxford, 1776-
1780, 2 t. in-fol.) il a collationné 615 manuscrits,,
KENNICOTT -. KENT
- 472
52 éditions de la Bible ainsi que le Talmud pour établir
un texte critique de l'Ancien Testament.
KENNINGTON (V. Londres).
KÉNOMÉRIE (Chim.). M. Berthelot a donné le nom de
kénomérie à Visomérie (V. ce mot) particulière présentée par
des composés de même fonction chimique lorsqu'ils pro-
viennent de générateurs idenjjques et possèdent en même
temps des capacités de saturation diiférentes. Le camphène,
VPE^^, eîle terpilène, C^^ lï^^, présentent un exemple frap-
pant de ce genre d'isomérie. Le térébenthène, C"^^H^*^, peut
se combiner avec l'acide chlorhydrique et donner, suivant
les conditions, deux chlorhydrates distincts, un monochlo-
rhydrate, C^OH^^ HGl, etun dichlorhydrate, C^^HiG 2HC1. Le
monochlorhydrate se décompose dans des conditions conve-
nables avec perte de l'acide chlorhydrique et production d'un
carbure cristallisé, le camphène, Ç}^ H^^, susceptible de régé-
nérer le monochlorhydrate, C^^ H^® (HCl), par l'action directe
de l'acide ; ce même carbure peut engendrer toute une série
de composés par l'addition d'une molécule d'eau, de divers
acides, etc., un bromhvdrate, C^^H^^(HBr), un hvdratc,
le bornéol, C^^ ^iQ (h^ O^), un acétate, C^o H^^' (C^ H'^ 0^).
Le dichlorhydrate de térébenthène fournit, dans les mêmes
conditions, un autre carbure, C^^H^®, le terpilène, auquel
répond une autre série formée par addition de deux molé-
cules d'eau, d'acides, le dichlorhydrate primitif avec l'acide
chlorhydrique, C^o H*^ (2HCI), un hydrate, G^o H^« (^H^ 0'^) ,
undiacétate, C20H^/5(2C4H4 04).
L'étude termochimique comparée du camphène et du ci-
trène, carbure analogue au terpilène, a montré que ces
deux isomères possèdent sensiblement la même chaleur de
combustion et qu'ils mettent en jeu la même quantité
d'énergie pour s'unir aune molécule d'acide chlorhydrique :
C^^^H^^crist. + BClgaz = C^OH*^ HCl crist. + "Li^^^l,
Camphène.
C^o H^e liq, _|. 2HC1 gaz zz: C*o H^^ 2HCI crist. + 40«^i2 =
Citrène. 20°^^ ^ X 2.
On doit donc considérer les deux carbures, camphène et ter-
pilène, comme deux systèmes également stables puisque leur
formation à partir de leur générateur commun, le térében-
thène, correspond au même travail accompli. M. Berthelot
a étendu la notion de kénomérie aux corps simples ; il en.
visage certains états allotropiques du soufre, du sili-
cium, etc., comme rentrant dans la classe des kénomères.
BiBL. : Berthelot, Leçons sur Visomérie ; Paris, 1866*_
KENOSHA. Ville des Etats-Unis, Wisconsin, sur le'lac
Michigan, à 50 kil. S. de Milwaukee ; 6,000 hab. Bon
port; exportation de céréales. Fonderies, tanneries, bras-
series, etc.
KEN 0 US. Nom des indigènes de Nubie septentrionale,
plus connus sous celui de Barabras (V. ce mot).
KENOZERO. Lac de Bussie, gouv. d'Olonetz, 100 kil.
q., 21 kil. de long, 12 de large ; alimenté par l'Ôundouja
qui vient du lac Oundo, il se déverse par la Kéna (37 kil.)
dans le lac Onega.
KENRICK (William), littérateur anglais, né vers 1725,
mort à Londres le 10 juin 1779. Vrai type de l'homme
de lettres de la pire espèce, avide de notoriété et envieux
de toute supériorité, il a beaucoup écrit et attaqué la plu-
part de ses contemporains, entre autres Johnson, Fielding,
Garrick, John Hill. Citons : The Town (Londres, 1748,
in-4); Epistles to Lorenzo (1756, in-8); des traductions
de la Nouvelle Héloïse (1761) et de VEmile (1763) do
Rousseau ; des comédies comme Jhe Widowed Wife(il61),
et The Duellist (1773); Poems (1768, in-8); Free
Thoughts on séduction, adultery and divorce (1775).
Il fonda en 1775 la London Heview. R. S.
KENRICK (Francis-Patrick), prélat américain, né à
Dublin le 3 déc. 1797, mort à Baltimore le 8 juil. 1863.
Il fit ses études à Rome (1815), fut envoyé en Amérique
pour diriger le sémmaire de Baltimore (1821-30), devint
administrateur (1830), puis titulaire (1842) de l'évêché de
Philadelphie, archevêque de Baltimore (1851) ; le pape le
délégua pour présider le premier concile desj Etats-Unis
(Baltimore, mai 1852), lui conféra la primatie dans ce
pays, n avait une grande autorité morale dont il usa pour
essayer d'empêcher la guerre de la Sécession et d'assurer
l'obéissance au pouvoir fédéral. Ses principaux écrits sont :
Theologia dogmatica (Philadelphie, 1839-40, 4 vol. in-8;
2^ éd. revisée, '1858, 3 vol.) ; Theologia moralisiVMdL-
delphie, 184i-43, 3 vol.). -— Son frère, Peter -Richard,
né à Dublin en 1806, fut son coadjuteur et devint évêque
de Saint-Louis (1843) ; son siège fut promu au rang d'ar-
chevêché en 1847. Il combattit au concile du Vatican la
déclaration d'infaillibihté du pape, mais l'accepta ensuite.
Son principal ouvrage est Anglican ordinations,
KENSAL Green. Faubourg du N.-O. de Londres {S, ce
mot).
KENSETT* (John-Frederick), peintre américain, né en
1818, mort en 1872. D'abord graveur, il étudia la pein-
ture à Londres, Rome et Naples, s'adonna au paysage et
voyagea au pays du Rhin, en Suisse, dans la région des
lacs d'Italie, puis s'établit à New York. Il a contribué à la
décoration du Capitole de Washington.
KENSINGTON (V. Londres).
KENT (Iles). Ilots de TE. du détroit de Bass, entre l'Aus-
tralie et l'île Flinders; le principal est Deal, long de 8 kil.
KENT. Comté maritime d'Angleterre, à l'angle S.-E.
de la Grande-Bretagne; 4,028 kil. q. ; 1,142,281 hab.
(en 1891). Il confine, à l'E., au Pas-de-Calais et à la mer
du Nord ; au N., à l'estuaire de la Tamise et à ce fleuve
qui le séparent de l'Essex; à l'O., au comté de Surrey ; au
S., à celui de Sussex. C'est un pays ondulé, fertile, avec
deux rangs de collines crétacées (Downs, Ragstone), sé-
parées par la plaine de Ilolmsdale ; au S. est le Weald
(V. Grande-Bretagne). Les côtes sont marécageuses. Les
cours d'eau sont : la Tamise et ses affluents le Darent et
le Ravensbourne, la Medway, la Stour. L'angle oriental
forme l'île de Thanet. Maigre les bancs de sable du large,
les côtes du Kent abritent plusieurs ports qui furent jadis
les plus importants de l'île : Douvres, Folkestone, Rams-
gate, Margate, Gravesend, etc. Ce comté est essentielle-
ment agricole. Il approvisionne Londres de légumes, pro-
duit aussi des céréales, des fruits (cerises, pommes, etc.),
du houblon. De la superficie, 36 % sont labourés, 36 %
en prairies, 8 7o ^n bois. On élève beaucoup de moutons
sur les collines, de gros bétail dans les marais de la côte :
25,000 chevaux, 80,000 bœufs, un million de moutons,
65,000 porcs. Les principales villes sont Canterbury, Ro-
chester, Greenwich, Maidstone, Chatham. Le ch^f-lieu est
Maidstone. Le comté conserve son antique division en cinq
districts (lathes) ; plusieurs parties ont leur autonomie et
sont indépendantes des autorités du comté ; ce sont Can-
terbury, Rochester, Maidstone, les Cinque Ports (V. cet
art.) et le marais de Romney.
Le Kent a joué un rôle considérable aux origines de l'his-
toire anglaise ; c'est là que débarquèrent les Romains, puis
les Saxons. Il forma un royaume séparé au temps de l'hep-
tarchie. Les gens du Kent opposèrent une énergique résis-
tance aux Normands. Ils se soulevèrent plus tard avec Wat
Tyler, avec John Cade et sir Thomas Wyatt (V. ces noms).
Le titre de comte de Kent fut porté par un fils d'E-
douard P^, Edmond, qui concourut à détrôner son frère
Edouard II (1325), mais fut exécuté pour haute trahison
(21 mars 1330), pour avoir, avec son frère, le comte de
Norfolk, tenté de renverser Isabelle et Mortimer. — La
famille Grey (V. ce nom) reçut en 1465 le titre du comté
de Kent, transformé en marquisat (1706), puis en duché
(1710). Il redevint vacant en 1740. — Il fut attribué en-
suite au quatrième fils de Georges III (V. ci-après). Le titre
de duc de Kent appartient depuis 1866 au prince Alfred,
duc d'Edimbourg. A. -M. B.
BiBL. : Vevan, Handbook to the country ofKent ; Lon-
dres, 1882, 4e éd.
KENT (Thomas de), écrivain duxiii® siècle, appartenant
plutôt à la littérature franco-normande qu'à la littérature
anglaise. Tous les poètes de cette époque puisent, en effet,
— 473
KENT — KENTUCKY
leurs inspirations dans nos romans de chevalerie, nos fa-
bliaux et les chants de nos troubadours et de nos trouvères.
C'est, sans nul doute, à cette source que Thomas de Kent
tira son Roman (T Alexandre et aussi The Geste of
Kyng Hovn, fatras oublié aujourd'hui. Hector France.
KENT (Elisabeth, comtesse de) (V. Grey).
KENT (William), architecte et peintre anglais, né dans
le comté d'York en 1685, mort à Burhngton le i2avr. 1748.
Apprenti peintre en voitures, illit ensuite des études artis-
tiques qu'il alla compléter à Rome. Fort médiocre dans le
portrait et l'histoire, il réussit mieux dans la peinture dé-
corative et exécuta beaucoup de plafonds ingénieusement
composés, mais d'un sentiment banal et d'une facture
lâchée. Ses illustrations des fables de Gay, des poèmes de
Spenser et de Pope sont faibles. Plus heureux comme archi-
tecte, il a donné les plans de nombreux édifices pubUcs et
hôtels particuliers de Londres, notamment les Horse Guards
et Devonshire House. Son plus grand mérite est d'avoir créé
le jardin anglais. Ses plus fameuses créations furent les
jardins de Kensington (pour la reine Caroline) et de Cla-
remont. Sorte de Le Brun au petit pied, il était l'arbitre
du goût de son temps, dessinant des mobiliers, des costumes,
à quoi il acquit une fortune considérable; il fut aussi
investi des fonctions de « maître peintre, architecte, char-
pentier et conservateur des tableaux de la couronne ».
On voit de lui, à Hampton Court, le Mariage de Henry V.
KENT (James), célèbre jurisconsulte américain, né à Phi-
lippi (New York) le 31 juil. 1763, mort à New-York le
12 déc. 1847. Ami d'Hamilton et de Jay, il fut nommé
juge a la cour suprême de l'Etat de New York (1798) et
en devint chancelier en 1814. Sa science juridique fait en-
core autorité, et ses Commentaries . on American laiv
(New York, 1826-30, 4 vol. ; 13« éd. parC.-M. Barnes,
Boston, 1884) sont la base de la jurisprudence. Le style
et l'érudition historique en sont aussi admirés que l'am-
pleur du plan et la précision du détail.
BiBL. : J. DuER, Life of J. Kent; New York, 1848.
KENT (Edward-Augustus, duc de), fils de Georges III et
de la reine Charlotte, née à Buckingham House le 2 nov.
1767, mort à Sidmouth le 23 janv. 1820. Encore sous
la tutelle du baron Wangenheim qui dirigeait son éduca-
tion à Luxembourg, Hanovre et Genève (1785-89), il fit
des dettes énormes. Son père l'envoya à Gibraltar où il
prit le commandement du 7^ de ligne. Il se fit tellement
détester qu'on dut le déplacer au Canada (1791). Il se
battit bravement à la Martinique en 1784. De retour en
Angleterre en 1798, il fut créé duc de Kent etStrathern,
comte de Dublin et promu général (1799). Nommé en
1882 gouverneur de Gibraltar, il y fut accueilli par une
révolte et bientôt rappelé. Il s'occupa dès lors de politique,
appuya l'émancipation des catholiques, mais dut en 1815
se retirer à Bruxelles pour échapper à ses créanciers. En
1818, il épousa Victoire-Marie- Louise, fille du prince hé-
réditaire de Saxe-Cobourg (née le 17 août 1786, morte le
16 mars 1861) et veuve du prince Charles de Leiningen-
Dachsburg-Hardenburg, dont il eut, le 24 mai 1819,
Alexandnna- Victoria, reine actuelle d'Angleterre. La
duchesse de Kent se voua à l'éducation de sa fille, renon-
çant à la tutelle de son fils. En 1825, on lui décerna le
titre éventuel de régente de Grande-Bretagne. R. S.
BiBL. : Neal, Life of E. duhe of Kent; Londres, 1850.
KENT (William-Charles-Mark), poète et écrivain anglais,
né à Londres en 1823. Il collabora à un grand nombre de
journaux et revues, entre autres : Encyclopœdia Britan-
nica, Westminster Beview, Athenœum, Dublin Beview,
Blackwood's Magazine, Household Words. Il dirigea, en
outre, le Weekly Begister, le Catholic Standard, le
Sun; publia en poésie : Aletheia or the Doom ofMytho-
logy (1850) ; Dreamland, or Poets in their Haunts
(1862); Longfellow in England, etc. ; en prose : The
Vision of Cagliostro (1863); Catholicity in the Dark
Ages; Footprints on the Boad (1864) ; Charles Dickens
as a Beader (1872); un Dictionnaire mythologique;
sous le pseudonyme de Mark Rochester, The Derby Mi-
nistry, et sous celui de A Templar, The Gladstone Go-
vernment. H. France.
KENTÉL Massif montagneux de l'empire chinois, au N.
de la Mongolie, d'où rayonnent : vers le N.-E. les monts Ja-
blonovyi, vers le N.-O.le Mangataï, vers l'O. le Gountou,
vers le S. l'Altan Oulougoui, vers TE. le Doutouloun. Le
massif central est couvert de forêts de pins. Au S. d'Ourga
est le mont Khan-Oula, où la tradition place le tombeau
de Djengis Khan. A l'O. de cette ville sont des plateaux
de 900 à 1,300 m. d'alt. avec des lacs salés. Du Kentéi
descendent l'Onou, branche-mère de l'Amour, et la Tola,
affl. de l'Orkhon.
KENTROPHYLLUM (Kentrophyllum Neck.) (Bot.).
Genre déplantes de la famille des Composées et du groupe
des Carduacées. L'espèce type, /{. lanatum DC. {Carthamus
lanatusL.), est une herbe annuelle, dont la tige raide,
dressée, très feuillue, rameuse au sommet, porte des feuilles
coriaces, visqueuses, pennatipartites, à segments lancéolés,
épineux. Les calathides très grosses, ovoïdes, oblongues,
solitaires au sommet de la tige et des rameaux, à fleurs
jaunes, ont leur involucre formé de folioles imbriquées, les
extérieures pennatilobées-épineuses, les intérieures lan-
céolées, terminées par un appendice scarieux ; le réceptacle
est hérissé de paillettes courtes, sétacées; les achaines
obovés, rugueux au sommet, sont jaunâtres, tachés de noir.
Cette espèce est assez commune dans les lieux incultes et
sur le bord des chemins dans les régions tempérées.
KENT'S HoLE. Grotte d'Angleterre, comté de Devon,
à 1 kil. E. de Torquay. Station célèbre d'objets et d'osse-
ments préhistoriques ; la faune fossile de cette grotte ne
comprend pas moins de quarante-cinq espèces ; on y a
trouvé dès 1825 des silex travaillés.
KENTS IsLANDs. Presqu'île des Etats-Unis, dans le Ma-
ryland, sur la baie Chesapeake ; c'est là que débarquèrent
les premiers colons du Maryland en 1631.
KENTUCKY. L'un des Etats-Unis de l'Amérique du Nord,
situé entre 36« 30' et 39« 6' lat. N., 84° 22' et 92^
long. 0.; 104,632 kil. q., 1,858,635 hab. (en 1891).
C'est le 33^ pour l'étendue, le 11® pour la population, le
15® pour la date d'admission dans PUnion. Il confine au N.
à rillinois, Plndiana et l'Ohio dont le sépare le cours de
l'Ohio ; à l'E. à la Virginie occidentale et à la Virginie dont
le séparent le Big Sandy et les monts Cumberland; au S.
le Tennessee ; à l'O. le Missouri dont le sépare le cours du
Mississippi. Le relief et l'aspect du sol sont très variés.
A l'E., les contreforts des Alleghanys s'élèvent à 800 m. ;
au centre sont des collines de calcaire bleu revêtues de blue
grass;3i\i pied, du côté de l'Ohio, est une plaine alluviale
extrêmement riche; à l'O., entre les rivières Cumberland
et Green, s'étendent les barrens, steppes qui ressemblent
à la prairie du N. de l'Ohio, mais sont parsemées de col-
lines rondes boisées de chênes; elles forment de bons
pâturages qui sont de plus en plus mis en valeur. Les
couches des terrains sédimentaires sont presque absolu-
ment horizontales ; au centre sont les calcaires siluriens et
dévoniens, à TE. le bassin carbonifère des Alleghanys
avec ses magnifiques calcaires coralliaires creusés de vastes
grottes dont celle du Mammouth {Mammoths cave) est la
plus grande du monde ; à l'O. le bassin carbonifère do
rniinois et de l'Indiana (V. Etats-Unis). On trouve dans
les dépressions du calcaire des marais salins (licks) où
vivaient les élans, les cerfs, les buffles et jadis les masto-
dontes, mammouths, mégalonyx, dont on retrouve là les
ossements fossiles. Il existe aussi des sources salines. Les
minerais ferrugineux abondent au N.-E. de l'Etat, dans un
bassin qui a 24 kil. de large et 50 kil. de long au S. de
FOhio (80 au N. de la rivière) ; il fournit surtout de l'hé-
matite brune. Le Kentucky est bien irrigué; le Mississippi
le longe pendant 128 kil., l'Ohio pendant 960; presque
toutes les eaux aboutissent à FOhio : deux de ses affluents
appartiennent entièrement à FEtat, le Kentucky qui descend
des monts Cumberland, formé par trois bras qui s'unissent
KENTUCKY - KENYON
474 —
à Proctor et coule vers le N.-O., sauf un coude de 30 kil.
vers le S.-O. ; il parcourt 420 kil. et est navigable pour
les steamers pendant dOO kil., pour les bateaux pen-
dant 260. Il passe à Frankfort. Sa vallée est d'une beauté
romantique ; la rivière coule entre deux murailles perpen-
diculaires de calcaire. Le Green river appartient aussi
complètement à l'Etat; il coule vers l'O., le N.-O. et le N.,
reçoit le Big Barren ; il parcourt près de 500 kil. et est
navigable sur presque toute son étendue, malgré des ra-
pides à 80 kil. de l'embouchure. A FE. de ces cours d'eau
sont le Licking et le Big Sandy qui vient de Virginie ; à
rO. le Cumberland qui passe à Burkesville et Nashvilie, le
Tennessee qui parcourt 110 kil. dans l'Etat; tous deux
traversent l'O. du Kentuckycty sont navigables dans tout
leur parcours.
Le climat est tempéré et sain ; la moyenne est -4-12*^,5,
les extrêmes sont -4- 38^ et — 10*^. L'hiver dure de la fin
de novembre aux premiers jours d'avril ; il est doux et plu-
vieux ; l'été et l'automne ont généralement un ciel serein ;
c'est une saison sèche, où prévaut le vent du S.-O.
La population est assez dense et s'accroît rapidement.
En 1790, elle était de 73,077 personnes dont G 1 ,1 33 blancs ;
en 1820 de 564,317 dont 434,644 blancs; en 1830 de
982,405 dont 761,413 blancs: en 1880 de 1,648,690
dont 1,377,239 blancs ; en 1890 de 1,858,635.
La proportion des immigrants européens est faible,
moins de 4 %. Le Kentucky a été peuplé surtout par des
Virginiens. Ses habitants sont des fermiers énergiques et
loyaux, très hospitaliers, chasseurs passionnés. Les gens
de couleur sont tenus à l'écart et fort ignorants. Même
parmi les blancs un cinquième ne savent pas lire.
Le Kentucky est essentiellement agricole. Les forêts
occupent encore le tiers de la superficie : l'orme, le chêne.
le hiekory, le tulipier, le châtaignier, l'érable à sucre sont
les principales essences; il n'y a presque pas d'arbres
verts. Les cultures les plus développées sont le maïs et le
blé ; le tabac est une des grandes richesses du pays ; le
Kentucky produit 45 ^/o de la récolte des Etats-Unis ; il a
produit longtemps plus de la moitié du chanvre et du lin.
Il possède beaucoup de bétail : 450,000 chevaux,
140,000 ânes ou mulets, 1 milhon de bœufs, 2 millions
et demi de porcs, 1 million de moutons. L'entraînement
du trotteur y a été porté à la perfection. On produit beau-
coup de miel et de cire, de mélasse de sorgho, de sucre
d'érable. L'étendue d'une ferme dépasse rarement 200 hect.
et est rarement inférieure à une dizaine d'hect. — Les
richesses minières sont la houille, le fer, le plomb, un peu
de pétrole et de sel. — L'industrie est en progrès rapide :
fers, aciers, machines, cigares, eau-de-vie. Elle n'est con-
sidérable qu'à Louisville, la grande ville de l'Etat. Le ré-
seau très étendu des voies navigables complète celui des
voies ferrées (4,000 kil. env.); la flotte locale comporte
environ 20, 000 tonnes. — Après Louisville (161, i 29 hab.),
les principales villes sont : Frankfort, la capitale Lexing-
ton, dans l'intérieur, Covington et Newport sur l'Ohio,
des deux côtes du Licking, en face de Cincinnati, Henderson
et Paducah sur l'Ohio, Maysville, Paris, Ovvensbaro, etc.
Le Kentucky est divisé en 116 comtés. La constitution
date de juin 1850. Elle donne le droit de vote à tout
citoyen mâle de vingt et un ans, qui habite l'Etat depuis
deux ans, le comté depuis un an, le district depuis soixante
jours. Le vote a lieu le premier lundi d'août, de vive voix
(sauf pour le Congrès). La législature comprend un Sénat
de 38 membres (âgés de trente ans au moins) élus pour
quatre ans et renouvelés par moitié, et une Chambre de
100 députés (âgés de vingt-quatre ans) élus pour deux
ans. La durée normale des sessions (biennales) est de
60 jours à partir du premier lundi de décembre. Le pou-
voir exécutif appartient à un gouverneur élu pour quatre
ans, résidant dans l'Etat depuis six ans et âgé d'au moins
trente-cinq ans. Son veto est annulé par la simple majo-
rité des deux Chambres. Les juges sont élus par le peuple,
Les finances ont été bien gérées. Le budget de l'Etat est
de 20 millions de fr. environ, sa dette de 8 millions et
demi (en 1890). — 11 existe une université d'Etat avec
plus de 2,000 étudiants.
Histoire. — L'origine du nom de Kentucky est obscure ;
les uns l'attribuent au nom indien (Ksen-tuch-kee) d'un
grand roseau (Arundinaria macrosperma) qui couvre
de vastes espaces ; les autres à un nom qui signifierait
«fleuve sanglant » par allusion aux combats entre Indiens et
blancs sur les rives de la rivière Kentucky. Celle-ci ne fut
relevée qu'en 1754. En 1767, le métis Finley explora le
pays. Il y amena de la Carohne du Nord, en 1769,
Daniel Boon; mais l'expédition fut massacrée par les Peaux
Rouges, et Boone échappa seul. En 1770, le colonel J. Knox
de la Virginie explora les rives du Cumberland et du Green
river. En 1774, J. Harrods s'étabht à Harrodsburg ; en
1775, Boone bâtit le fort de Boonesborough. Les Indiens,
dont on envahissait les territoires de chasse, résistèrent.
Par l'entremise de Boone, le colonel Henderson acheta aux
Cherokies le territoire du Kentucky (1775). La colonie de
Virginie refusa de reconnaître ce pacte et ne lui concéda
que 80,000 hect. à l'embouchure du Green river. Le Ken-
tucky fut alors organisé en comté virginien (1776), puis
en district (1783). Les colons, perpétuellement menacés
par les Indiens, qui leur infligèrent un désastre en 1781,
n'étant pas défendus par l'Etat de Virginie, décidèrent de
se constituer à part. Leurs assemblées, tenues à Banville
en 1784, 1785 et 1786, le demandèrent, et la chose fut
votée par les Virginiens. La réalisation traîna en longueur,
et l'Espagne négocia avec les gens du Kentucky pour les
décider à se proclamer indépendants, spéculant sur leur
crainte de perdre la libre navigation du Mississippi. En
1790, le congrès fédéral les reconnut territoire distinct
et le l^'* juin 1792 le Kentucky fut admis dans l'Union. Il
avait alors 75,000 hab. La guerre contre les Peaux-Rouges
continua et finit vers 1830, après que presque tous eurent
été exterminés, refoulés au S. ou au delà du Mississippi.
En 1812, le Kentucky fournit 7,000 soldats contre les
Anglais. Au moment de la guerre de la Sécession, il décida
de rester neutre. Ses opinions étaient esclavagistes (Lin-
coln n'avait eu que 1,364 voix sur 146,216 votants),
mais il était opposé à la rupture de l'Union. Les fédéra-
listes armèrent. Les confédérés envahirent alors l'Etat et
s'y fortifièrent; ils firent élire un gouverneur. L'ar-
mée fédérale vainquit à Millsprings en janv. 1862; mais
Bragg s'empara de Louisville en oct. ; le Kentucky fut
troublé par des incursions des belligérants jusqu'en 1865.
Il se prononça énergiquement contre le vote des noirs. Le
kiiklux-clan (V. ce mot) y eut une action considérable.
Mais l'ordre se rétablit, les troubles n'ayant pas enrayé
les progrès économiques. A.-M. B.
KENYON (Lord Lloyd), célèbre magistrat anglais, né à
Gredington le 5 oct. 1732, mort à Bath le 4 avr. 1802.
Membre du Parlement pour Hindou (1780), chief justice
du Banc du Roi (1788), maître des rôles (1784), il fut
un ami de Georges III, un conseiller de Pitt et de Thur-
low. Les causes les plus importantes de l'époque pas-
sèrent entre ses mains ( Warren Hastings, Impey, Frost, etc.).
Hautain et cassant, il ne fut rien moins que populaire. La
commission des manuscrits historiques a récemment (1894)
publié les Papiers de la famille Kenyon qui renferment
des documents et une correspondance des plus curieux.
BiBL. : G. -T. Kenyon, Life of L. Kenyon; Londres, 1873.
KENYON (John), poète anglais, né à la Jamaïque en
1784, mort à Cowes en 1856. La mort de ses parents,
survenue pendant qu'il achevait son éducation en Angle-
terre, le laissa de bonne heure maître d'une grande for-
tune, dont il fit toujours le plus noble usage. Il était lié
avec les écrivains les plus distingués de son temps : Barry
Cornwall, Savage Landor, Robert Southey, etc. Mrs, Elisa-
beth Browning lui dédia son poème à'Aurora Leigh^ et
il légua 10,000 livres sterling au grand poète qu'elle avait
épousé. H a laissé des productions médiocres : A Rhyned
Plea^for Tolérance (1833) ; Poems (1838); A Day at
Tivoli (4849); mais son goût pour les lettres et sa libé-
ralité intelligente suffisent à sauver son nom de l'oubli.
KENZINGEN. Ville d'Allemagne, grand-duché de Bade,
cercle de Fribourg, sur i'Enz ; 2,500 hab. Carrières de
grès ; fabrication de parapluies, de cigares, etc. Auprès
est la station thermale de Kirnhalden.
KEOGH (William-Nicholas), magistrat irlandais, né en
4817, mort à Bingen-sur-le-Khin en 4878. Après s'être
distingué comme avocat, et avoir publié, avec M. J. Barry,
A Treatise of the High Court of Chancery in Jreland
('1840),il fut envoyé au Parlement, comme conservateur et
catholique, parles électeurs d'Athlone. Il prit une part ac-
tive à la fondation, à Dublin, de la « Catholic Défense As-
sociation», en 4854. Tour à tour soliciter gênerai, attor-
ney gênerai, et juge à la cour des « Gommons Pleas »
d'Irlande, il acquit une grande réputation d'éloquence et
de justice; mais il fut en butte aux attaques du parti du
Home Rule auquel il ne s'était point rallié. B.-H. G.
KEOKUK. Ville des Etats-Unis, lowa; 45,000 hab. Sa
situation, au pied des derniers rapides du Mississippi, où
s'arrête la navigation des grands vapeurs, et à l'embou-
chure de la rivière Des Moines, lui vaut une certaine impor-
tance commerciale ; elle est bâtie au pied et sur le sommet
d'une falaise de 50 m. de haut. Minoteries, fonderies,
machines. Ecole de médecine fondée en 4849.
KEON (Miles-Gerald), littérateur anglais, né en Irlande
le 20 févr. 4824, mort àBermude le 3 juin 4875. Secré-
taire colonial à Bermude à partir de 4859. Après de bril-
lantes études, il débuta par un pamphet, The Irish Révolu-
tion (Dublin, 4843), et une apologie des jésuites (4845)
qui firent quelque bruit et déchaînèrent toute une contro-
verse. Brillant journaliste, Keon a laissé des romans et des
études littéraires et historiques qui ont de la valeur. Citons :
The Late Struggles of Abd-el-Kader and the campaign
oflsly (4845); The Life of St Alexis {iWl) ', Harding
the money-spinner (iS19, 3 vol.); Dion and theSybÙs
(4866,2 vol. in-8). R. S.
KÉPHAS ou CÉPHAS.Nom araméen de l'un des apôtres
de Jésus, auquel l'usage substitua le nom grec de Pétros,
l^ierre; Képhas en araméen veut dire Pierre (V. ce nom).
KEPHIR (V. Fermentation, t. XVII, p. 284).
KÉPI ou KÉPY. Le shako ayant été jugé trop lourd
pour les troupes opérant en Algérie, on a été amené à leur
en distribuer un diminutif, complété par un couvre-nuque.
C'est une sorte de casquette en drap, avec visière en cuir,
dont la forme a subi de nombreuses modifications. D'abord
uniquement destiné aux troupes de nos colonies, ce genre
de coiffure n'a pas tardé à être adopté comme coiffure de
petite tenue. Mais, après la campagne de 4870-74, le
shako, supprime en principe pour les troupes' à pied, a été
remplacé par le képi. Chaque homme en reçoit deux :
4° pour la glande tenue et la tenue du jour, un képi
pourvu d'une coiffe rigide et disposé de manière à pouvoir
recevoir une plaque et un pompon, permettant de donner
à cet effet un aspect plus coquet et plus mihtaire ; 2^ pour
la petite tenue et les manœuvres, un képi dépourvu de
la coiffe rigide et de tout accessoire, pouvant par suite
être placé sous la patelette du sac. Les képis des officiers
reçoivent un nombre de galons d'or ou d'argent permet-
tant de distinguer les grades, puis, pour la grande tenue
et la tenue de service, une plaque, un pompon et une ai-
grette. — Le képi est une coiffure légère, commode,
s'adaptant bien à la tête; mais il ne donne pas satisfaction
à tous les desiderata ; on lui reproche do ne pas être assez
martial, de no pas protéger la nuque contre les intempéries
et les coups de sabre.
KEPLER oii KÊPPLER(Johannes), astronome allemand,
né à Weil (Wurttemberg) le 27 déc. 4574, mort à Ratis-
bonne le 45 nov. (nouv. st.) 4630. On connaît aujour-
d'hui d'une façon à peu près certaine le lieu de sa nais-
sance, dont trois localités voisines, Weil, Leonberg et
Magstatt, se sont longtemps disputé l'honneur, mais que
— 475 — KEiNYON — KEPLER
les travaux récents d'érudits allemands placent presque
incontestablement à Weil. On sait aussi qu'il fut l'aîné de
trois garçons et d'une fille et qu'il vint au monde avant terme
(seplemmestris sum^ écrit-il dans une de ses lettres), cir-
constance à laquelle il dut une constitution chétive et une
vue faible, peu appropriée aux observations astronomiques.
Il est enfin hors de doute qu'il eut une enfance peu heu-
reuse et très négligée entre une mère de caractère violent
et d'éducation grossière, Katharina Guldenmann, laquelle
lui préférait ses jeunes frères, et un père d'humeur vaga-
bonde, Heinrich Kepler, qui, fils d'un bourgmestre de Weil
et successivement soldat (4 572-75), puis aubergiste (4579-
83), abandonna finalement femme etenfanls pour s'enrôler
de nouveau et ne plus reparaître. Mais il est faux qu'il
ait alors été recueilli et ensuite guidé dans ses études,
comme le racontent la plupart de ses biographes, par le
pasteur J. Bender, son beau-frère : il n'avait qu'une
sœur, Marghareta, née en 4584, et elle se maria seule-
ment en 4608. En réalité, il fut mis à six ans à l'école de
Leonberg, en fut retiré à huit ans, aida ses parents de
4580 à 4582 dans leur auberge et aux champs, puis re-
tourna à l'école et fut admis gratuitement, en 4584, au
séminaire d'ildelberg, d'où il passa en 4586 à celui de
Maulbronn. Reçu bachelier en 4588, il alla, l'année sui-
vante, étudier la théologie à Tubingue et y prit en 4594
le degré de maître es arts. Mais éloigné de la carrière
pastorale par ses opinions indépendantes, il se mit à fré-
quenter les cours de mathématiques de Msestlin, qui l'ini-
tia aux sciences exactes et qui lui inculqua les doctrines
de Copernic. En 4594. il fut nommé professeur de mathé-
matiques à Gratz, en Styrie. Il était en même temps chargé
de la rédaction de Talmanach et il publia en 4595 un pre-
mier calendrier d'après la réforme grégorienne. Bientôt
chassé de Styrie, ainsi que tous ses collègues de religion
prolestante, il accepta l'offre de Tycho Brahe, qui, inté-
ressé parla lecture de son Prodromus{\. ci-dessous), paru
en 4596, lui avait proposé à plusieurs reprises de l'asso-
cier, avec de bons appointements, à la confection de ses
Tables rudolphines^ et, en 4 600, ayant hâtivement vendu
les biens de sa femme, il se rendit auprès de lui, à Prague.
L'accord ne régna pas longtemps entre les deux illustres
astronomes. Tycho Brahe était hautain et arrogant, quoique
bienveillant au fond, Kepler irascible et surtout aigri. De
plus, il fallait que la femme du second tirât au premier
les florins un à un. La mort de Tycho Brahe, survenue en
4604, prévint une rupture complète et Kepler lui succéda
comme astronome de l'empereur Rodolphe II. Il conserva
la môme fonction, d'abord auprès de l'empereur Mathias
(4 642-49), qui le nomma en outre mathématicien de la
lîaute-Autriche, avec résidence à Linz, et qui l'emmena en
461 3 à la diète de Ratisbonne pour y défendre le calendrier
grégorien, puis auprès de Ferdinand II, qui remplaça Ma-
thias, en 4649, sur le trône impérial. Mais les trois sou-
verains le payèrent plus mal encore que Tycho Brahe et,
en 4628, le duc de Wallenstein s'étant engagé à prendre
à sa charge, s'il entrait à son service, les 42,000 florins
qui lui étaient dus, il quitta Linz, où il était d'ailleurs en
butte aux persécutions des jésuites, et il vint résider à
Sagan, en Silésie. Lorsqu'il fut installé, le duc de Wal-
lenstein lui proposa, au lieu de la somme promise, une
place de professeur à Rostock. Il refusa et, à bout de res-
sources et de patience, à peu près réduit qu'il était, depuis
un quart de siècle, en dépit de ses hautes situations offi-
cielles, à vivre du produit de petits almanachs composés
pour des libraires ou d'horoscopes tirés à des gens de cour,
il résolut d'aller présenter lui-môme ses doléances à la
diète de Ratisbonne. Epuisé par la fatigue et la misère, il
fut pris de fièvre en arrivant et mourut six jours après
(4630).
D'autres chagrins que les embarras pécuniaires et que
les persécutions religieuses avaient torturé son existence.
En 4597, il s'était marié avec une jeune veuve de famille
noble, Barbara Muller von Mùhleck, qui, fière et acrimo-
KEPLER
- 476 —
nieuse, avait exigé que lui-même produisît, coûte que coûte,
des parchemins, et qui lui donna cinq enfants, mais non
le bonheur. Elle devint folle et elle mourut en 4641, sui-
vie de près dons la tombe par trois des enfants. D'une se-
conde femme, Susanna Reutlinger, épousée à Linz en 4643,
il en eut sept autres, qui vécurent peu. Il eut enfin la
douleur de voir jeter en prison, comme sorcière, sa mère,
Katharina Guldenmahn, qui s'était fait à Leonberg de nom-
breux ennemis. Oubliant combien elle avait été dure pour
lui, il accourut de Linz, en 4620, pour la défendre, mais
il ne réussit qu'à lui éviter la torture et elle mourut dans
un cachot en 4622. Quant à ses deux frères, Christoph
et Heinrichf l'un ouvrier fondeur et l'autre soldat, ils ne
valaient guère mieux au moral que leur mère et ils s'étaient
désintéressés de son procès. La seule consolation qui restât,
parmi tant d'amertumes, à Johannes Kepler, fut de con-
server quelques amis dévoués, entre autres Msestlin, son
ancien maître, et surtout Bernegger, professeur d'histoire
à l'université de Strasbourg, auprès duquel il avait l'in-
tention d'aller s'établir s'il réussissait dans sa suprême
démarche et qui reporta sur ses deux enfants, Ludwig
(V. le suivant) et Susanna, mariée en 4630 au professeur
de mathématiques J. Bartsch, l'affection profonde qu'il
avait pour le père. Leur correspondance a été publiée, et
elle est des plus intéressantes pour l'appréciation de
l'œuvre de Kepler aussi bien que pour la reconstitution de
sa vie.
L'auteur des trois lois immortelles qui résument si
admirablement l'harmonie des mondes occupe, dans l'his-
toire de la science, une place tout exceptionnelle. Avide de
vérité et doué d'un riche génie, il avait résolu, dès ses
premières recherches, de déchiffrer l'énigme de la nature.
Avec une sagacité merveilleuse, avec une opiniâtre persé-
vérance et, en même temps, avec une modestie qui n'avait
d'égale que sa sincérité, il fit, défit et refit sans relâche
hypothèses et démonstrations, jusqu'à ce qu'il eût atteint
la perfection, ne se laissant en aucune occasion aveugler
par l'orgueil et n'hésitant jamais à sacrifier l'idée de la
veille, quelque peine qu'elle lui eût coûtée. La genèse de
ses prodigieuses découvertes, bases de l'astronomie mo-
derne, offre à cet égard un exemple édifiant de bonne foi
et de désintéressement scientifiques. Malheureusement, à
côté de conceptions grandioses, d'idées sublimes, de déduc-
tions qui étonnent par leur originalité et par leur profon-
deur, ses écrits, du reste mal ordonnés et diffus, con-
tiennent des élucubrations puériles, constituant souvent
d'impardonnables erreurs, voire même de grossières aber-
rations de l'esprit. Ainsi, il vient de formuler une des lois
fondamentales de la physique céleste, il la soumet au rai-
sonnement et aux calculs les plus rigoureux, et, quelques
lignes plus loin, il se contente des motifs les moins plau-
sibles pour justifier sa croyance absolue à une opinion
fausse, entremêlant le tout de divagations astrologiques,
de prédictions baroques, à peine dignes de Mathieu Laens-
berg, et de considérations sur les rapports de la musique
avec l'harmonie des cieux. On a prétendu que cet assem-
blage de vérités et d'erreurs était voulu, que celles-ci
étaient destinées, dans la pensée de Kepler, à faire passer
plus aisément celles-là et qu'il avait tout simplement sa-
crifié aux préjugés de son temps dans l'intérêt même de la
science. Il s'en serait même expliqué dans un passage assez
ambigu d'un de ses Hvres. On a aussi essayé d'imputer les
vices de son œuvre à son éducation première, à l'influence
de ses études théologiques et des doctrines encore commu-
nément enseignées dans les écoles, à sa situation misérable,
qui le contraignait à composer à la hâte de nombreux
ouvrages pour les vendre ensuite et à faire profession de
lire dans les astres et de tirer des horoscopes, enfin au
trouble qu'apportaient dans son travail ses chagrins do-
mestiques et les persécutions dont il était victime. Quoi
qu'il en soit, jamais découvertes ne furent plus exclusive-
ment personnelles ni plus fécondes que les siennes.^A cause
même du flot d'extravagances dans lequel elles se trouvent
noyées, elles passèrent, il est vrai, à peu près inaperçues
de ses contemporains, et Galilée lui-même n'y fait nulle
part allusion. Mais Newton en comprit toute la valeur et
elles lui fournirent la base de la découverte du principe
de la gravitation universelle, que Kepler avait du reste
entrevu.
Le premier ouvrage astronomique de J. Kepler fut écrit
à vingt-quatre ans et imprimé par les soins de Msestlin,
sous le titre : Proclromus dissertationum cosmographi-
canim, continens mysterium cosmographicum de ad-
mirabiliproportione cœlestium orhium, etc. (Tubingue,
1596, in-8). L'auteur, partisan déclaré du système de
Copernic, s'y propose d'établir qu'il existe une relation
entre les distances des planètes au soleil et les cinq polyè-
dres réguliers. Et voici comme il y parvient. A une sphère
de rayon égal à celui de l'orbite de Mercure, il circonscrit
un octaèdre et à cet octaèdre une sphère. Elle se trouve
avoir un rayon égal à celui de l'orbite de Vénus. A cette
seconde sphère, il circonscrit un icosaèdre et à cet icosaèdre
une troisième sphère. Elle a, à son tour, un rayon égal à
celui de la Terre. Puis viennent un dodécaèdre pour Mars,
un tétraèdre pour Jupiter et enfin un carré, auquel il cir-
conscrit une sixième sphère, qui est justement de même
rayon que celui de l'orbite de Saturne. A côté de cette
conception chimérique, qu'excuse son ignorance du nombre
et des distances réelles des planètes, Kepler a émis, dans
le même hvre, plusieurs idées excellentes, dont quelques-
unes semblent des prophéties. Ainsi il raconte qu'il a un
instant supposé l'existence de deux planètes invisibles,
l'une entre Mercure et Vénus, l'autre entre Mars et Ju-
piter. Il fait aussi connaître qu'il a cherché, mais sans
pouvoir la découvrir, une loi niathémathique qui reliât la
durée des révolutions des planètes à la grandeur de leurs
orbes. Il se livre enfin à d'intéressantes critiques sur le
système de Copernic, qu'il appuie, dans sa généralité, par
de bonnes raisons, mais dont il signale quelques erreurs
de détail révélées par ses calculs. Il envoya un exemplaire
de son Prodromus à Tycho Brahe, qui le complimenta
tout en lui conseillant de renoncer aux vaines spéculations
pour s'en tenir aux observations. Le jeune astronome tint
heureusement peu de compte de ce conseil (il avait,
d'ailleurs, nous l'avons dit, une très mauvaise vue) et, pas
la suite, il se servit même presque exclusivement pour ses
travaux des propres observations de l'astronome danois.
Les premières années de son séjour à Prague furent surtout
consacrées aux Tables rudolphines (V. Brahe). C'est néan-
moins de cette époque que date la découverte de ses deux
premières lois. Les circonstances qui ont précédé et entouré
cet événement sont longuement relatées dans son Astro-
nomia nova àiitoXdy7]To;, seu physica cœlestis tradita
commentariis de motibus slellœ Martis, etc. (Heidel-
berg, 4609, in-foL). Mars avait tout de suite captivé son
attention comme la planète la plus propre à lui révéler les
secrets de l'astronomie. Il en possédait du reste de nom-
breuses observations recueillies par Tycho Brahe. Il s'atta-
cha à bien déterminer ses positions successives, constata
que, sauf erreurs d'observations inadmissibles (il existait
des différences en longitude de 8 et 9 minutes), son orbite
ne pouvait être circulaire et trouva tout d'abord, après de
longs et pénibles détours, que « le rayon vecteur héfiocen-
trique de la planète décrit autour du soleil des aires pro-
portionnelles aux unités du temps ». C'était la loi des
aires, qui est souvent désignée sous le nom de seconde
loi de Kepler, bien qu'elle soit la première dans l'ordre
chronologique, et que l'on énonce généralement ainsi:
Chaque planète se meut autour du soleil dans une
orbite plane et le rayon vecteur mené du soleil à la
planète décrit des aires égales en des temps égaux.
Quant à la forme exacte de l'orbite, il crut primitivement
que c'était un ovale aplati dans le sens latéral au diamètre
qui va de l'apogée au périgée, puis il acquit la conviction
que c'était une ellipse, et il formula sa première loi, — la
seconde dans l'ordre chronologique, — la loi des ellipses:
477 —
KEPLER
La courbe décrite par chaque planète est une ellipse
dont le soleil occupe un des foyers. C'est dans cette
même Astronomia nova., son ouvrage capital, que Kepler
nous fait entrevoir la loi de la gravitation universelle. Il y
explique, en effet, à propos de la pesanteur et de l'attrac-
tion terrestre, que deux corps voisins et hors de la sphère
d'attraction d'un troisième corps de même nature s'attire-
raient en raison directe de leurs masses et que, si la
Lune et la Terre n'étaient pas retenues dans leurs orbites
respectives par « quelque force vitale ou autre », elles se
précipiteraient l'une sur l'autre. Il s'efforce, un peu plus
loin, d'établir un rapprochement entre la pesanteur ter-
restre et la force d'attraction que le soleil exerce sur les
planètes. Mais il se laisse égarer par une analogie supposée
entre l'attraction universelle et l'attraction magnétique et
il ne fait que toucher la vérité sans la saisir. Il établit, par
contre, en principe, que le mouvement d'un corps est na-
turellement rectiligne et ne dévie que sous l'influence d'une
cause étrangère. Il attribue enfin les marées à l'attraction
lunaire et il parle le premier de la rotation du soleil au-
tour de son axe.
Sa troisième loi, celle de la proportionnalité des carrés
des révolutions aux cubes des distances, ne fut définitive-
ment découverte que le 15 mai 1648, vingt-deux ans après
qu'il s'était posé le problème dans son Prodvomus disser-
tatiomim (V. ci-dessus). Ainsi que pour les deux pre-
mières, il a conté lui-même ses laborieuses recherches, ses
nombreux déboires et son enthousiasme final. Le livre, que
gâte, comme toujours, un fatras de divagations de toute
soj'te, est intitulé Harmonices mundi lihri V (Linz,
1619, in-foL). La loi des révolutions^ est nettement
définie : « Proportio quae est inter binorum quorumcumque
planetarum tempera periodica est praicise sesquialtera pro-
portionis mediarum distantiarum, id est orbium cœles-
tium. » On l'énonce communément en ces termes: Les
carrés des révolutions des planètes autour du soleil
sont entre eux comme les cubes de leurs moyennes
distances à cet astre.
Les autres travaux de Kepler ont trait notamment à
l'optique, à la pesanteur de l'air, aux éclipses, aux co-
mètes. Son premier ouvrage sur la lumière a pour titre :
Ad Vitellionem paralipomena , quibus astronomiœ
parsoptica traditur, etc. (Francfort, 1604, in-4). Il con-
tient une très bonne table des réfractions astronomiques,
une théorie toute neuve et fort exacte de la vision, une
théorie de l'irradiation. Kepler y affirme en outre, le pre-
mier, la pesanteur de l'air. Dans son Diopirice (Augs-
bourg, 1611, in-4), il propose, le premier également, de
composer des lunettes au moyen de l'accouplement de deux
lentilles convexes et il crée ainsi la lunette astronomique.
Une mention spéciale est due aussi à son Epitome astro-
nomiœ copernicance (Linz, 1618-22, 2 vol. in-4). Il y
attribue les taches du soleil à des nuages qui s'élèvent de
son sein et il donne à cet astre une photosphère, qui, du-
rant ses éclipses totales, forme le cercle lumineux qui borde
la Lune. Quant à son traité sur les comètes : De Conielis
libelli très (Augsbourg, 1619, in-4), tout en renfermant
d'excellentes choses, il fourmille d'erreurs. C'est ainsi qu'il
fait mouvoir ces astres en ligne directe et qu'il attribue
leur queue à des parcelles de leur noyau entraînées par les
rayons du soleil. Par contre, il proclame la possibilité de la
séparation d'une comète en deux fragments suivant désor-
mais des routes différentes.
L'illustre astronome s'est enfin assuré une place parmi
les grands géomètres par deux ouvrages de mathématiques
fort remarquables, l'un : Chilias logarithmorum adtoti-
dem numéros rotundos (Marbourg, 1624-25, 2 vol.
in~4), qui est le premier essai de vulgarisation des loga-
rithmes, l'autre : Nova stereometria doliorum vinario-
rvm (Linz, 1615, in-4), dans lequel il se propose de
résoudre complètement le problème, déjà abordé par Archi-
mède, an jaugeage des tonneaux, c.-à-d. de la cubature
des solides engendrés par les coniques tournant autour
d'axes contenus dans leurs plans, et qui prépare Tavène-
ment du calcul infinitésimal, en même temps qu'il pose les
jalons de la méthode de Maximis et minimis. Ses Har-
monices mundi (V. ci-dessus) marquent également dans
l'histoire de la géométrie. « On y trouve, dit M. Chastes,
la notion analytique unissant la théorie des polygones étoi-
les, qui du reste y est traitée à fond, à celle des polygones
des anciens. »
Outre les ouvrages déjà cités, Johannes Kepler a publié :
Kalender nach der Gregorianischen Rechnung (Gratz,
1595); Nova dissertatiuhcula de fundamentisastrolo-
giœ certioribiis (Prague, 1602, in-4); Stella nova in
pede Serpentarii (Prague, 1606, in-4); Phœnomenon
singulare seu Mercurius in Sole visus (Leipzig, 1609,
in-4) ; Narralio de observatis a se quatuor Jovis satel-
litibus erronibus {¥r'àgm, 1610, in-4) ; Slrena seu de
nive sexangula (Francfort, 4611, in-4) ; De Vero Anno,
quœ Dei jilius in utero virginis Mariœ assumsit
(Francfort, 4612, in-4); Ëphemerides novœ motuum
cœlcstium (Linz, 4616, in-4) ; Apologia pro suo opère
Harmonices Mundi (Francfort, 4624, in-fol.) ; Tabulœ
Hudolphinçe totius astronomicœ scientiœ a -Tychone
Braheo primum conceptœ continuatœ et absolutœ a
J. Kepplero (Ulm, 4627, in-fol); De Raris Mirisque
anni I6Si, phœnomenis Veneriset Mercurii in Solem,
éditépar son gendre, J.Bartsch (Leipzig, 4629, in-4); Som-
nium seu opus posthumum de astronomia sublunari,
éditépar son fils, L. Kepler (Francfort, 1634, in-4); J. Kep-
pleri et J. Bai^tsckii Tabulœ manuales (Sagan, 1631).
Quant à ses manuscrits, dont beaucoup étaient inédits, ils
avaient été achetés pour 100 florins dans la succession
d'Hevelius, qui les tenait de son ïihLudwig(\. l'art, sui-
vant), par le mathématicien M. -G. Hansch. Celui-ci en
publia un premier volume (Francfort, 1718), mais, réduit
à la misère, il les donna en nantissement d'une dette. Ils
furent plus tard rachetés par les soins de Murr (1770),
puis de Catherine II (4774). De nos jours, une édition com-
plète des œuvres de Kepler, comprenant sa correspondance
et accompagnée d'une consciencieuse biographie, a été don-
née par le docteur Ch. Frisch sous le titre : Joannis
Kepleri opéra om'nia (Francfort, 4858-74, 8 vol. in-8).
Kepler fut enterré dans le cimetière protestant de
Saint-Pierre, à Ratisbonne, non loin de l'emplacement ac-
tuel de la gare centrale. Il ne reste aucun vestige de son
tombeau et l'on ignore si l'épitaphe qu'il s'était lui-même
composée y était gravée :
Mensus eram cœlos, nunc terrœ metior umbras ;
Mens cœlestis erat, corporis umbra jacet.
En 4808, un monument en marbre lui a été élevé par
les soins du prince Charles de Dalberg dans le jardin bota-
nique de Ratisbonne. Depuis 4870, sa statue en bronze,
due à Kreling, se dresse sur une place de Weil. Son por-
trait original, que son ami Bernegger avait donné à la
bibliothèque de Strasbourg, y a été brûlé pendant le bom-
bardement de 1870. " Léon Sacnet.
Lois de Kepler (V. ci-dessus et l'art. Astronomie,
t. IV, pp. 378-379).
Problème de Kepler (V. Anomalie, t. II, p. 402).
BiBL. : J. Keppleri et M. Berneggeri epistolse mutuœ;
Strasbourg, 1672, in-lE. — Ulr. Junius, De Joh. Kepplero;
Leipzig, 1710, in-4. —M.-G. Hansch, Epistolœ mutuœ J.
Kepleri aliorumque; Leipzig, 1717. — C.-F. Stœndlin,
Narralio de Joh. Keppleri theologia, et religione ; Gœt-
tingue, 1794. in-4.— Kâstner, Geschichte der Malhematik^
IV, pp. 276-387; Gœttingue, 1800. — T.alande, Bibliogra-
phie astronomique, p. 368 ; Paris, 1803, in-4. — Breits-
CHWERT, Joh. Kepp le f s Leben und Wirken ; Stuttgart,
1831. —- M. CiiASLES, Aperçu historique sur l'origine des
méthodes en géométrie, p. 484; Bruxelles, 1837, in-4. —
Brewster, Life of Galileo, Tycho de Brahe and Kepler ;
Londres, 1841. - J.-B. Biox, Traité d'astronomie, 3« éd.;
Paris, 1844-47, t. IV et V.— G. Libri, art. du Journal des
Savants, 1847, pp. 367, 433 et 466. — Apelt, J. Kepler's
aslronomische Weltansicht ; Leipzig, 1849. — Arago,
Notices biographiques ; Paris, 1855, t. 111 (éd. Barralj. —
0. Struve, Beitrag zur Feststellung des Verhœltnisses
von Kepler zu Wallenstein ; Saint-Pétersbourg, 1860. —
W. FoRSTER, J. Kepler und die Harmonie der Spharen;
KEPLER — KERAÏTES
— 478
Berlin, 1862. — J. Bertrand, Notice sur la vie et les tra-
vaux de Kepler, lue à l'Académie des Sciences le 28 déc.
1863 (t. XXXV, 2« série, pp. 849-886).— Du même, les Fon-
dateurs de l'astronomie moderne ; Paris, 1865, in-8. —
Gruner, Keplefs wahrer Gebui^tsort; Stuttgard, 1866. —-
Rkitlinger, îneumann et Grunder, Johannes Kepler ;
Stuttgard, 1868. — K^eusciile, Kepler und die Astronomie ;
Francfort-sur-M., 1871. — Gôbel, Ueber Kepler's astron.
Anschauungen und Forschungen ; Halle, 1871. — il.
WoLF, Johannes Kepler und Jobst Bûrgi; Zurich, 1872.—
HafneR, Tycho Brahe und J . Kepler in Prag ; Prague,
1872. — W. Fœrster, J. Kepler, eine Festrede ; Beiîin,
1872. —F. Hœfer, Histoire de V astronomie; Paris, 1873,
in-12, pp. 341-369, — H. Wolf, Geschichte der Astrono-
mie ; Munich, 1877, pp. 281-310. — Billwieler, Kepler
als Reformator der Astronomie ; Zurich, 1877. — F. Hœ-
fer, Histoire des mathématiques; Paris, 1879^ pp. 369-
371, 2« éd., in-12. — Poggendorff, Geschichte der Phy-
sik; Leipzig, 1879, pp. 153-178.— Brocard, la Météorologie
de Kepler ; Grenoble, 1879-81. — V. aussi l'introduction
des Opéra omnia (édit. Frisch).
KEPLER (Ludwig), médecin allemand, fils du précédent,
né à Prague le 21 déc. 1607, mort à Kœnigsberg le
23 sept. 4663. Il étudia d'abord la philosophie à Vienne,
puis la médecine à Strasbourg, et exerça à Kœnigsberg de
1635 jusqu'à sa mort. Il a laissé plusieurs ouvrages de
médecine : Liber Galeni de symptomalum Caussis se-
cundis (Strasbourg, 4631, in-4); De Incuba (Kœnigs-
berg, 1643, in-4), etc. Il a en outre édité le Somnmm
de son père. L. S,
KEPPEL (Arnold-Josse Van), comte d'Albemarle, mar-
quis de Bury, général hollandais, né en Gueldre en 1669,
mort à La Haye en 1718. Il contrioua à la défaite des
Français à Malplaquet. Pendant la guerre de la succession
d'Espagne, il s'empara de Mortagne, mais fut fait prisonnier
à la bataille deDenain.ll suivit Guillaume IIÏ en Angleterre
et reçut la pairie et la Jarretière avec les titres de comte
d'Albemarle et de marquis de Bury. Il rentra en Hollande
comme lieutenant-gouverneur et y reçut Pierre le Grand à
son deuxième voyage.
KEPPEL (William-Anne), comte d'Albemarle, général
anglais, né à Whitehall le 5 juin 1702, mort à Paris le
22 déc. 1754. Aide de camp du roi (1727), gouverneur
de Virginie (1737), il fit partie avec le grade de général
de l'état-major de l'armée de Flandre (1742), combattit
brillamment à Dettingen et à Fontenoy, puis à Culloden où
il commandait la première ligne de l'armée de Gumberland.
En 1748, il fut nommé ambassadeur extraordinaire à Paris
où il remplit une autre mission en 1754. R. S.
KEPPEL (George), comte d'Albemarle, général anglais,
né le 8 avr. 1724, mort le 13 oct. 1772. Aide de camp et
favori du duc de Gumberland, il l'accompagna en Flandre
et faillit être tué à Culloden. Il portait alors le nom de lord
Bury. Aide de camp du roi, il représenta longtemps Chi-
chester au Parlement. En 1762, il fut chargé de la con-
quête de la Havane qui était chose accomplie le 30 juil. Il
y commit des exactions et des abus de pouvoir qui le firent
rappeler (4763). R. S.
KEPPEL (Augustus), célèbre amiral anglais, né le
25 avr. 1725, mort le 2 oct. 1786. Entré dans la marine
en 1735, il participa à la fameuse expédition du commo-
dore Anson (V. ce nom). Commodore en 4752, il fit une
campagne contre les corsaires barbaresques, commanda
Pexpédition contre les établissements de Corée en 1758, prit
une part importante à la bataille de Quiberou (1759) où
il coula le 7/i^'.5é^^, s'empara de Belle-Isle en 1761 , assista
efficacement son frère George (V. ci- dessus) dans la con-
quête de La Havane, ce qui lui valut le grade de contre-
amiral (1762). A partir de 1765, il s'occupa passionnément
de politique et prit dans l'opposition une attitude qui nuisit
fort à son avancement. Pourtant, en 1778, il fut promu
amiral et chargé du commandement en chef de la grande
flotte réunie contre la France. Le 47 juin, il soutint un
combat acharné contre La Clocheterie qu'il força à retour-
ner à Brest; les 23-27 juiL, il livrait au comte d'Orvil-
liers une grande bataille dans les parages d'Ouessant qui
demeura indécise. Keppel fut traduit devant une cour mar-
tiale à Portsmouth et acquitté (41 févr. 1779). Il en garda
unj haine farouche à l'amirauté et, représentant de Wind-
sor au Parlement, il ne manqua plus une occasion de cri-
tiquer la mauvaise gestion de la marine. A la chute du
cabinet North (1782), il fut nommé premier lord de l'ami-
rauté et créé vicomte Keppel et baron Elden. 11 garda ces
fonctions dans le ministère de coalition jusqu'à l'avènement
de Pitt (18 oct. 1783). II demeura depuis lors dans ia vie
privée. On a plusieurs portraits de lui par Reynolds. R. S.
BiBL.iThs. K¥.VY'\ih,Lifeof A.viscomd Keppel; Londres,
1842, 2 vol. in-8. — Procès de Vamiral Keppel; Amster-
dam, 1769, in-8.
KEPPEL (George -Thomas), homme politique anglais
(V. Albemârle [Comte d'J).
KEPPEL(Sir Henry), marin anglais, né le 14 juin 1809,
frère du sixième comte d'Albemarle (V. ce nom). Entré au
service en 1832, il participa à l'expédition de Chine (i 842),
fit campagne contre les pirates de Bornéo, et fut promu
amiral en 1877. Il a écrit: The Expédition to Bor?ieo
(Londres, 1846, 2 vol. in-8, 2«éd.); A Visit to theîn-
dian Archipelago (1853, 2 vol. in-8). R. S.
KER, comte de Roxburgh (V. ce nom).
KER DE Kerslând (John), agent secret anglais, né le
8 août 1673, mort à Londres le 8 juil. 1726. D'une an-
cienne famille noble d'Ecosse, mais criblé de dettes, il entra
au service de la police politique et créa toute une agence
secrète en Ecosse pour surveiller les Jacobites. Il remplit
aussi plusieurs missions à l'étranger, notamment à Vienne
(1713) et à Hanovre (1714) et se trouva en relations avec
Leibniz. H mourut à la prison pour dettes. Il a laissé des
Mémoires (Londres, 1726, 3 vol. in-8) fort intéressants
qui ont été traduits en français (Amsterdam, 1726-28,
3 vol.) et en allemand (Hambourg, 1734, in-4). R. S.
KÉRAITES. Peuplade de race mongole qui habitait à
l'origine près des sources de l'Amour; les Khitans (V. ce
mot) les refoulèrent à PO. et ils occupèrent la région com-
prise entre le haut cours de FOrkhon et le sommet de la
grande boucle que fait vers le N. le Hoang-ho; la région
qui se trouve en dehors et en dedans de cette boucle est
le pays des Ordos ; c'est le Tendue de Marco Polo, le Tozan
d'Odoric de Pordenone. A la fin du xii'^ siècle, le roi des
Kéraïtes s'appelait Touli, d'après les historiens chinois, et
Togroul, d'après les Persans. Marco Polo lui donne le nom
de Une Cham et l'identifie avec le célèbre prêtre Jean qui
joue un si grand rôle dans les récits des voyageurs du
moyen âge en Asie. Une Cham est une déformation ortho-
graphique de Wang khan (luang est le mot chinois qui
signifie roi). Touli,s'étant vu déposséder par son oncle Gour-
khan, vint chercher refuge auprès du khan mongol Yissou-
gai; grâce à son appui, il reprit le pouvoir dans son pays ;
plusieurs années plus tard, il dut fuir de nouveau devant
une rébellion et comme Yissougai était mort, c'est à son fils,
Témoutchin (qui devait être plus tard Djengis Khan), qu'il
demanda secours ; c'est par lui qu'il fut restauré une se-
conde fois sur son trône (1196 ap. J.-C). Témoutchin et
TouU furent pendant quelque temps de fidèles alliés et di-
rigèrent des expéditions victorieuses contre la tribu des
Naimans. En 1202, cependant, le fils de Touli projeta de
tuer Témoutchin ; ses intentions furent découvertes et la
guerre éclata entre les Kéraïtes et les Mongols. En 1203,
Touli fut battu près des monts Tchetcher-Ondour, entre
les rivières Toula et Keroulen ; il s'enfuit et fut assassiné
sur le territoire des Naïmans; à partir de ce moment, la
tribu kéraïte tomba sous le joug mongol et perdit toute im-
portance.
Par une singularité très digne de remarque, les Kéraïtes
étaient chrétiens. Assemani, citant l'historien chrétien
Aboulfaradje, dit qu'en l'an 1007, le patriarche de Bag-
dad reçut une lettre d'Ebed-Yechou, métropolitain de Merv,
dans le Khorassan,qui racontait la conversion miraculeuse
du roi des Chériths (Kéraïtes) ; ce roi, disait-il, l'avait in-
vité à se rendre auprès de lui ou à lui envoyer un prêtre
qui pût lui conférer le baptême et assurait que 200,000
individus étaient prêts à suivre son exemple. C'est le
christianisme des Kéraïtes qui a donné naissance aux lé-
gendes relatives au prêtre Jean, le grand souverain chré-
tien qui règne dans l'Asie orientale. La nièce du khan,
khéraïte Touli, Sorhahtani, qui épousa le fils de Djengis
Khan et fut la mère de Koubilaï Khan, était certainement
chrétienne, car nous apprenons par les historiens chinois
que son image fut placée après sa mort dans le « temple
de la croix » {che Ue se), dans le Kan-sou (Palladius,
Traces of christ, in Mongolia and China in the iS ^^
century, Chinese Recorder, vol. Vî, p. 104). Ed. Ch.
. BiBL. : D'Ohsson, Histoire des Mongols, t. I, pp, 47-83. —
Klaproth, Journal asiatique, sér. 1, t. IX, pp. 299-306. —
PauthieR; le Pays de Tanduc elles descendants duprôtre
Jean. — Col. Y v le, Cathay and the way thither^pp.xGYiu,
147, 175, 179, 200, 317.
KÉRAK (V. Karâk).
KERALIO (Louis-Félix Guynement de), littérateur fran-
çais, né à Rennes le 17 sept. 1731, mort à Grosley le
10 déc. 1793. Major au régiment d'Aquitaine, il devint eu
1769 professeur de tactique à l'Ecole militaire et fut élu
en 1780 membre de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres. Citons de lui : les Penchants de la nature (Paris,
1769, in-12); Recherches sur les principes généraux
de la tactique (1 769, in-i2) ; Histoire de la guerre entre
la Russie et la Turquie (Amsterdam, 1773, in-4; trad.
en allemand, 1777-78, in-8) ; Histoire de la guerre des
Ricsses et des Impériaux contre les Turcs {Mil, 2 vol;
in-12; traduit en allemand, Leipzig, 1778, 2 vol. in-8).
— Sa femme, Marie-Françoise Abeille, a laissé une tra-
duction estimée des Fables de Gay (1759, in~12) et des
romans, comme les Succès d'un fat (1762, 2 vol. in-12).
— Son frère, Agathon de Keralio (1734-88), inspecteur
des écoles royales militaires, maréchal de camp (1780), lit
l'éducation militaire de Maxirailien-Joseph de Bavière et
distingua Bonaparte à Brienne. — Sa fille, Louise- Félicité,
née à 'Paris le 25 août 1758, morte à Bruxelles en 1821,
épousa en 1791 Robert, rédacteur au Mercure national
(où elle écrivait elle-même), qui fut député de Paris à la
Convention. Elle est l'auteur d'un grand nombre de romans,
de mémoires, de poésies, parmi lesquels nous citerons : His-
toire d'Elisabeth (Pau, 1787-88, 5 vol. in-8) ; Collection
des meilleurs envisages français composés par les
femmes (1186-89, 14 vol. in-8) ; les Crimes desreines
de Fra7ice (1793, in-8) ; Amélie et Caroline (1808,
5 vol. in-12), etc. M™° Roland a beaucoup parlé d'elle dans
ses Mémoires, R. S.
KERAMA. Ilots de l'archipel japonais des îles Riou-kiou,
àl'O. de la pointe S. d'Okinava.
KERANIOU (Olivier-Alexis-René-Marie Le Roy de),
publiciste français, né en 1828. Capitaine au long cours,
puis attaché aux travaux du port de Brest. Citons de lui :
les Potins, poèmes (1842, in-8); Avenir du commerce
et des ports français (1857, in-8) ; Avertir de Vadmi-
nistralio7i des Postes en France et en Espagne (1863,
in-8); Libération du territoire (1872, in-8); la Dé-
fense de Brest et de ses abords (1873, in-8), etc. Il a
posé plusieurs fois, sans succès, sa candidature à l'Acadé-
mie française.
KERANIOU (Ange-Bon-Marie Le Roy de), littérateur
français, né le 4 mai 1829, mort en 1872, frère du pré-
cédent. Clerc de notaire. Il est l'auteur de plusieurs pièces
de théâtre qui ont eu du succès, entre autres : Noblesse
oblige (Odéon, 1859), comédie en cinq actes ; Jmnnt? qui
pleure et Jeanne qui rit (Gymnase, 1860), comédie en
quatre actes ; de nombreux romans, comme les Valets de
grandes maisons (1860, in-12); les Maris garçons (1862,
in-12) ; Un Secret de jeune fille (1865, in-12), etc.
KÉRÂOLL Ville de l'Inde centrale, capitale d'une princi-
pauté du Radjpoutana, sur le Pantchna, sous-affl. de la
Djemna ; 30,000 hab. La ville qui remonte au xiv^^ siècle
est enveloppée d'une enceinte à tours et portes monumen-
tales ; elle renferme un beon palais du xv^ siècle et des
temples et maisons d'une béue architecture. — La princi-
479 — KÉRAÏTES ~ KÉRATRY
paulé (3,260 kil. q., 160,000 hab.) esta l'E. du Radjpou-
tana, touchant au S, au Scindia, à PO. au Djeipour.
KERARMA. Tribu de l'E. du Maroc qui habite sur l'ouad
Za et sur la route d'Oudjda à Fez. Cette partie de la vallée
de Pouad Za porte le nom de Blad Kerarma. La tribu est
soumise au sultan et son cheikh réside près de l'ancienne
kasba de Taourirt. Le territoire de Kerarma est compris
entre le confluent de la Moulouïa et Pouad Za. Les Kerarma
parlent l'arabe. H.-M.-P. de La Mârtinière.
KERAS (V. Coiffure, t. XI, p. 855).
KERASOUNT (var. Kerassunde, Kirésunde). Petit port
du vilâyet et sandjak de Trébizohde (Turquie d'Asie). Le
Tchal-dâgh envoie mourir ses dernières pentes derrière la
ville et contribue ainsi à lui donner un climat tempéré. La
population s'élève à 8,400 hab., dont 4,000 Grecs et un
millier d'Arméniens. Les noisettes font la richesse de Ke-
rasount, qui a pourtant donné son nom à la cerise. L'an-
cienne colonie grecque de Kerasos {située à vrai dire dans
la vallée de Kérasoun-Déré) est la ville d'où Lucullus apporta
à Rome les premiers plants de cerisiers. Il reste des ruines
de l'ancien quai.
KÉRATINE. Substance organique renfermée dans la
corne, l'épiderme, les ongles et les poils ; elle est inso-
luble dans la potasse, à l'inverse de toutes les substances
organiques.
KERATOCÈLE (Ophtalra.). A la suite d'ulcères chro-
niques, d'abcès ou de sphacèles de la cornée, ayant entamé
les couches superficielles de la membrane, il se produit une
poussée de l'humeur aqueuse qui fait saillir à travers la perte
do substance, sous forme de hernie, une petite portion des
couches profondes. C'est la kératocele, accident des plus
graves qui annonce que la perforation est imminente. Atten-
dre que celle-ci se produise spontanément, c'est risquer la
perte totale de l'œil. La mince pellicule qui sert de barrière
à l'humeur aqueuse venant, en eifet, à céder sous la pous-
sée continue, se déchire, en se rompant, s'ouvre très lar-
gement et laisse échapper un flot de liquide qui entraine
l'iris et quelquefois le cristallin. Dans les ophtalmies puru-
lentes des nouveau-nés, il est indispensable de prendre
les précautions les plus minutieuses, si on a des raisons
de croire à l'imminence de la perforation, La pks petite
pression sur le globe de Pœil dans le mouvement d'écartc-
ment des paupières, un éternuement, un accès de toux,
un effort peuvent amener une brusque déchirure et l'issue
du cristallin. Pour éviter le désastre, on perfore doucement
avec un bistouri étroit ou un stylet aigu la petite vésicule
saillante ; et l'humeur aqueuse "s 'étant écoulée lentement,
on applique un bandeau compressif, de façon à maintenir
et solidifier la plaie qui ne tarde pas à se cicatriser, à
moins de nouvelles complications. D'^ Ad. Pjéchaud.
KÉRATOCONE (Ophtalm.) (V. Staphylome).
KÉRATOÏOE (Géom.) (V. Cératoïde).
KÉRATOTOME (Ophtalm.). Couteau de forme triangu-
laire usité dans l'opération dite kératotomie ou incision de
la cornée. La kératotomie est pratiquée surtout dans la
méthode de Daviel : extraction à lambeau du cristallin
(V. Cataracte). Elle est supérieure ou inférieure, sui-
vant qu'on veuille enlever le cristallin par le haut ou par
le bas, et dans l'un et l'autre cas elle embrasse à peu de
chose près la moitié du segment de la cornée.
KÉRATRY (Auguste-Hilarion, comte de), écrivain et
homme politique français, né à Rennes le 28 déc. 1769,
mort à Port-Marly (Seine-et-Oise) le 7 nov. 1859. Issu
d'une famille noble, qui le destinait à la magistrature, il
adopta les principes de la Révolution, mais fut incarcéré
deux fois pendant la Terreur et, jusqu'aux premières années
de la Restauration^ vécut retiré dans une terre qu'il possé-
dait près de Quimper. Il paraissait alors préoccupé surtout
de travaux littéraires et philosophiques. C'est ainsi qu'il
publia successivement : Contes et Idylles (1791, in-12) ;
le Voyage de vingt-qiialre heures (1800, in-12) ; Lusus
et Cydippe, ou les Voisins d'Arcadie, poème (1801,
kérâtry
— 480 —
2 vol. in-48); Mon Habit mordoré, ou Joseph et son
maître (1802, 2 vol. in-42); Ruth et Noémi, ou les
Deux Veuves, poème (1811, in-18) ; De V Existence de
Dieu et de V immortalité de Vârne (1815, m-12) ; Induc-
tions morales et physiologiques (1817, m-12); Lettres
sur le Salon de i8i9 (1820, m-8). A l'époque où il
écrivait ces derniers ouvrages, Kératry était déjà entré
dans la vie politique. Nommé en 1815 conseiller de préfec-
ture à Quimper, il venait d'être envoyé, le 26 oct. 1818,
par le dép. du Finistère à la Chambre des députés, où,
après s'être associé par de vigoureux discours à la poli-
tique des doctrinaires, il se rapprocha bientôt des libé-
raux, dont il devint un des chefs les plus populaires. Il
combattit très vivement en 1820 les lois d'exception, la loi
du double vote et publia coup sur coup plusieurs brochures
d'opposition qui eurent un grand retentissement : De l'As-
sociation de bienfaisance formée par cinquante-quatre
députés des départements en faveur des prévenus et de
leurs familles, en réponse aux journaux de Vultra-
cisme (d820, in-8) ; Réflexions soumises au roi et aux
Chambres sur le moment présent (4 820, in~8) ; De la
Séance du i5janv, i820 et de Vinfluence que peuvent
avoir les projets du ministère sur les destinées de
l'Etat (1820, in-S); Documents pour servir à V histoire
de France en 1820 (1820 in-8) ; Lettres à M, le baron
Mounier sur la censure; Lettre de J.-J, Rousseau à
M. le comte de Girardin sur la destitution de ce der-
nier ; Réflexions sur l'état du christianisme en
France (1820, in-8): la France telle qu'on Va faite
(1821, in-8); De l'Organisation municipale en France
et du projet présenté aux Chambres (1821, in-8).
Réélu en 1822, le comte de Kératry se signala encore
par ses attaques contre l'expédition d'Espagne, contre
l'impôt du sel, contre le privilège des jeux et de la lote-
rie, etc. Il n'obtint pas, en 1824, le renouvellement de
son mandat. Mais en 1827, peu après le procès qui lui fut
intenté pour un article très vif publié dans le Courrier
français contre le ministère Vilièle, il fut envoyé au Pa-
lais-Bourbon à la fois par les deux collèges de Brest et des
Sabies-d'OIonne. Il opta pour ce dernier, qui le réélut dès
lors fidèlement jusqu'en 1837. Il reprit, naturellement, sa
place dans l'opposition, vota l'adresse des 221 et signa, le
27 juil. 4830, une protestation contre les ordonnances
inconstitutionnelles de Charles X. Il mX une bonne part à
l'établissement de la monarchie de Juillet. Aussi Louis-Phi-
lippe le nomma-t-il conseiller d'Etat dès 4 830. A partir de
cette époque, Kératry, sans renier la doctrine constitu-
tionnelle, s'attacha résolument à combattre par ses discours
et par ses votes le parti avancé. Les services qu'il rendit à
la nouvelle royauté lui valurent d'être appelé le 3 oct. 1837
à la Chambre des pairs, où il soutint de toutes ses forces,
jusqu'en 1848, la politique dite de la résistance.
Les préoccupations parlementaires ne lui firent négliger
ni avant ni après 4830 les travaux littéraires pour les-
quels il avait montré de tout temps une si vive prédilection.
Critique d'art, romancier, poète, ])hilosophe, poiémiste, il
touchait à tout, mais, il faut le dire, n'excellait en rien.
Citons parmi les ouvrages qu'il composa pendant cette par-
tie de sa vie : Du Beau dans les arts d'imitation (1822,
3 vol. in-18) ; Examen philosophique des considéra-
lions sur le sentiment du sublime et du beau, d'Eni.
Kant (1823, in-8) ; le Guide de V artiste et de l' ama-
teur {iS^^, in-12); le Dernier des Beaumanoir ou la
Tour d'Helven (1824, 4 vol. in-12) ; Du Culte en géné-
ral et de son état particulièrement en France (1825,
in-8); Frédéric Styndall ou la Fatale Année (1827-
1828, 5 vol. in-12) ; Quelques Pensées; mon ami Less-
mann (1832, in-18); Du Mariage des prêtres catho-
liques suivant la proposition de M. Portalis (4833,
in-8) ; Saphir a ou Paris et Rome sous l'Empire (1835,
3 vol. in-8) ; la Baronne de Kerleya ou une Famille
bretonne à Paris (1836, 2 vol. in~8) ; Questions à
l'ordre du jour (1837, in-8) ; Opinion de M. de Kératry
et de la commission spéciale de surveillance près des
théâtres royaux sur les subventions théâtrales (1837,
in-4) ; Une Fin de siècle ou huit ans (4 840, 2 vol. in-8).
— M. de Kératry protesta contre la révolution de Février
en se démettant avec éclat de sa place au conseil d'Etat.
Envoyé en 1849 par le Finistère à l'Assemblée légis-
lative, _ qu'il présida quelques jours comme doyen d'âge,
il se signala par son animosité contre la République, vota
d'ordinaire avec la droite, combattit la politique de l'Ely-
sée et rentra dans la vie privée après le coup d'Etat du
2 déc. 1854. Sa verte vieillesse lui permit encore d'écrire
à quatre-vingt-cinq ans un dernier roman, Clarisse, qui
parut en 1854. a. Debidour.
KERATRY (Emile, comte de), homme politique etpubli-
ciste français, né à Paris le 20 mars 1832, fils du précé-
dent. A vingt-deux ans, il s'engagea dans un régiment de
cavalerie, fit la campagne de Crimée et fut nommé sous-
lieutenant en 1859. Le service mihtaire ne l'empêcha pas
de rechercher les succès littéraires. Il avait déjà publié
plusieurs pièces de théâtre (A bon chat bon rat, comé-
die en un acte, 1856; la Toile de Pénélope, proverbe en
un acte, 1856; la Guerre des blasons, comédie en trois
actes, 1860; la Vie de club, drame en cinq actes, 1862),
lorsqu'il fut envoyé au Mexique, où il fit partie comme
capitaine de la contre-guérilla du colonel Dupin et fut at-
taché comme officier d'ordonnance au maréchal Bazaine.
Démissionnaire en janv. 1865, il rentra en France et se
donna pour tâche de dévoiler dans la Revue contempo-
raine, puis dans la Revue moderne, dont il devint le di-
recteur, les dessous d'une expédition désastreuse, dont l'in-
succès couvrait à ce moment l'Empire de confusion. Ses
hardies révélations, contenues dans trois volumes qui pa-
rurent en 1867 {la Contre-guérilla; la Créance Jecker;
l'Elévation et la chute de Maximilien) attirèrent sur lui
l'attention publique. Aussi, malgré les efforts de l'admi-
nistration, fut-il envoyé au Corps législatif par la deuxième
circonscription du Finistère lors des élections générales de
1869.Commedéputé, M. de Kératry s'associa d'abordà l'in-
terpellation des 116, menaça le gouvernement, s'il ne réu-
nissait pas le Corps législatif (alors prorogé) dans les délais
légaux, d'une manifestation à laquelle il finit par renoncer
et, au cours de la session de 1870, combattit très vive-
ment le ministère Ollivier. Il se montra pourtant partisan
résolu de la guerre en juillet de la même année. Mais après
Reichshoffen, il demanda (11 août) que le maréchal Lebœuf
comparût devant la Chambre et que neuf députés fussent
adjoints au comité de défense. Appelé à la préfecture de
police par le gouvernement de la Défense nationale (4 sept.),
il en demanda peu après la suppression, démissionna, par-
tit en ballon pour la province (44 oct.), remplit sans suc-
cès une mission diplomatique en Espagne et fut à son re-
tour nommé général de division à litre auxiliaire. Chargé
d'organiser le camp de Conlie, il ne tarda pas à renoncer à
cette tâche et se sépara bruyamment de Gambetta (27 nov.).
Après la guerre, Thiers l'appela à la préfecture de la Baute-
(iaronne (20 mars 1874), ou il étouffa le mouvement com-
munyliste, puis àcelle des Bouclies-du-Rhône (15 nov. 1 871 ).
Dans ces. deux postes, M. de Kératry fit preuve de beaucoup
d'énergie sans doute, mais ne montra ni le sang-froid, ni
le tact, ni la modération de langage qui sont toujours né-
cessaires à un préfet, mais qui l'étaient particuhèrement à
cette époque, vu les circonstances et l'état des esprits. Très
vivement attaqué par les journaux républicains et ne se
trouvant pas assez soutenu par le gouvernement, il résigna
son emploi le 4 août 1872. Entré peu après dans la rédac-
tion du journal le Soir, il brigua sans succès, comme ré-
publicain conservateur, en févr. 1875, un mandat législa-
tif dans le dép. de Seine-et-Oise. Il ne fut pas plus heu-
reux dans le IX^ arrondissement de Paris lors des élections
générales du 20 août 1884. Depuis, il a fondé (en 4883)
le journal la Monarchie constitutionnelle, qui a peu vécu.
— Les derniers ouvrages de M. de Kératrv sont : le Quatre
Septembre (4872, in-8); l'Armée de Bretagne, 1810-
li (4874, in-8) ; Mourad F, prince^ sultan.^ prisonnier
d'Etat (1878, in-8) ; Bas-fonds et sommets (4878, m-8);
A Travers le passée souvenirs militaires (iSSl^in-S),
KERBELA. Ville de la Turquie d'Asie, vilayet de Bagdad,
ch.-L de liva, àl'O.de FEuphrate; 45,000 hab. Elle doit
son importance au tombeau d'Hoseïn et à son caractère
de cité sainte des musulmans chiites ; le pèlerinage annuel,
comparable à celui de La Mecque, y amène 420,000 visi-
teurs. On apporte des corps de la Perse et de l'Inde pour
les ensevelir à Kerbela.
KERBOGA, prince turc de Mossoul; il s'établit en ren-
versant les fils de Muslim l'Oukellide, Ali et Mohammed.
Il est connu par son intervention contre la première croi-
sade ; sur l'appel du sultan seldjoucide Barkijarok, il vint
secourir Antioche ; s'étant attardé au siège d'Edesse, il
arriva après la prise de la ville de FOronte, y bloqua les
croisés, mais fut défait par eux (28 juin 4098). 11 mourut
peu après.
KERBORS. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Lannion, cant. de Lézardrieux ; 912 hab.
KERBOUGHART (Bouchard de) (V. Bouchard).
KERCADO (V. Carcado).
KERCHOVE Van der Varent (Joseph, vicomte de), mé-
decin belge, né à Nuth en 1789, mort à Malines en 4867.
Il suivit comme chirurgien les armées de l'Empire en Rus-
sie, en Allemagne et en France. Il entra ensuite au service
des Pays-Bas et devint chef du service de santé militaire
de la place d'Anvers. Il publia de nombreux ouvrages très
remarqués des spécialistes. En voici les principaux : His-
toire des maladies observées à la grande armée fran-
çaise pendant la campagne de Russie et d'Allemagne
(Maastricht, 4844, in-8) ; ce travail fut souvent réédité et
traduit en hollandais, en allemand et en italien. — Son fils
Eugène, né à Anvers en 4847, mort à Malines en 4890,
entra dans la diplomatie, et, après avoir été chargé d'af-
faires de Belgique à Constantinople, devint ministre de
Turquie à Bruxelles. Il fut un des principaux organisateurs
des congrès catholiques de Malines (V. Ducpétiaux) et dé-
fendit les principes du catholicisme libéral avec un réel
talent. Il devint ensuite membre de la Chambre des repré-
sentants et bourgmestre de Malines. E. H.
KERCHOVEN (Jean Van den), plus connu sous le
nom de Polyander, théologien protestant, né à Metz en
4568, mort à Leyde en 4646. Il fut à Genève l'élève pré-
féré de Th. de Bèze et de Chandieu. Il devint ensuite pas-
teur à Dordrecht, et, à la mort d'Arminius, il lui succéda
dans sa chaire de théologie à Leyde. Il acquit une réputa-
tion universelle de profonde science et d'extrême droiture.
C'est lui qui rédigea les canons du fameux synode de Dor-
drecht de 4618-49 et fut chargé par les Etats généraux de
Hollande de revoir la traduction néerlandaise de la Bible.
Il publia un grand nombre d'ouvrages de théologie qui font
autorité dans l'Eglise calviniste. En voici les principaux :
Harmonia locorum S. Scripturœ (Dordrecht, 4599,
in-8) ; Contre Vinvocation des saints (id., 4807, in-5);
Contre l'adoration des reliques (id.^ 4644, in-8); Res-
ponsio ad sophismata i. Cocheletii dodoris surbon-
nistœ {id.^ 4640, in-8) (le P. Cochelct répondit parle Cœ-
meteriumCalvini); Explicatio somœ prophetce (Leyàe,
4625, in-4). E. H.
BiBL. : Spanheim, Oratio funehris in excessum Pot. a
Kerchoven; Leyde, 1646, in-foL — Paquot, Mémoires pour
servii' à l'histoire littéraire des Paijs-Bas ; Louvain, 1765,
3 vol. in-fol.
KERCKHOVE (Josef Van den), peintre flamand, né à
Bruges vers 4667, mort à Bruges le 8 août 4724. Elève
d'Erasme Quellynle père, il peignit des sujets religieux, des
scènes d'histoire et des portraits, voyagea en France et
travailla assez longtemps à Paris, puis rentra à Bruges où il
fonda en 4749 l'Académie des beaux-arts avec Marc Du-
venede, J.-B. Erregouts et Josse Aerschoot. On voit de
lui, à Ostende: le Martyre de saint Laurent, à l'église
des Sœurs noires, et le plafond de la maison de ville repré-
sentant l'Assemblée des dieux ;k Bruges: lesOEuvresde
GRANDE ENCYCLOPEDIE.
XXL
^B4 — KÉRATRY — KÈRES
miséricorde, à l'église cathédrale de Saint-Sauveur, Sainte
Catherine de Sienne (4746) à FAcadémie, la Circonci-
sion, à l'église des Carmes, la Résurrection, à la chapelle
de la Boucherie. Kerckhove a peint encore quinze tableaux
de la Vie de Notre- Seigneur, qui sont à l'église des Jaco-
bins. Il affectionnait dans ses tableaux les fonds d'archi-
tecture. E. Bricon.
KERCKHOVE (Fritz Van), enfant prodige, né à Bruges
en 4862, mort à Bruges le 42 avr. 4873. A l'âge de sept
ans, il peignait déjà des paysages. Plus de trois cents de ces
compositions ont circulé en Europe sous son nom. Il con-
vient sans doute de faire des réserves sur l'authenticité plus
encore que sur la valeur d'une telle production.
KERCKHOVEN (Pierre-François Van) , poète belge, né à
iinvers le 40 nov. 4848, mort à Anvers le 4^^ août 4857.
Il étudia d'abord la médecine à Bologne, puis revint
Anvers occuper les modestes fonctions de chef de bureau
à l'hôtel de ville. Il consacra ses loisirs au culte des
lettres flamandes et, de 4840 à 4857, il publia soixante-
quatorze ouvrages, récits, nouvelles, romans, poèmes,
drames et vaudevilles. Il appartient à Fécole réaliste, et la
plupart de ses œuvres sont empreintes d'un caractère vrai-
ment populaire, à la manière de Cats et de Maerlant ;
ses pièces ont une haute portée morale et plusieurs d'entre
elles figurent encore aujourd'hui avec succès au répertoire.
Nous citerons comme particulièrement remarquables :
l'Ivrogne (1854), àrmie; ISoble et Paysan (4867), comé-
die; le Commis(iH3) etDaniel (4845), romans ; Charles
le Téméraire (4845) et Jacques Va7i Artevelde (1845),
poèmes lyriques. Les œuvres complètes de Van Kerckhoven
ont été publiées à Anvers de 4869 à 4873 en 43 vol. in-42.
KERCKRIN6 (Theodorus), médecin allemand, né à Ham-
bourg en 4640, mort à Hambourg en 4693. Il exerça la
médecine à Amsterdam et dans sa ville natale. Kerckring a
bien décrit, sinon découvert, les valvules conniventes de
l'intestin, les vasa vasorum (des chevaux), les valvules
des veines et Fostéogenèse chez l'embryon humain. Il a
publié : Spicileqium anatomicum (Amsterdam, 4670-
.73), etc. Ses Opéra omnia parurent à Leyde en 4747 et
4729 (2«et 3«éd.). D^ L. Hn.
KERDÂSEH. Bourg de Haute-Egypte, prov. d'Esneh,
à 50 kil. S. d'Assouan, r. g. du Nil ; ruines d'un joli
temple.
KERDREL,(Audren de) (V. Audren).
KEREK6YÂRT0 (Arpâd), historien hongrois, néen4848
à Jâszberény. Employé, puis avocat, il est devenu en 4864
professeur d'histoire nationale à l'université de Budapest.
On a de lui une Histoire de la civilisation en Hongrie
(Pest, 4859-65) ; un Manuel d'histoire de Hongrie (Pest,
4866-74) ; les Jours mémorables de la Hongrie (4882),
et une étude sur le Comte Etienne Széchenyi (4883), le
tout en langue magyare.
KERELI ou BEÎCHER-Gheul (Lac de). Lac de Turquie
d'Asie, prov. de Konieh, à 4,451 m. d'alt. Long de 60 kil.
et large de 45, il a pour déversoir le Kisadj, qui se perd
dans le gouffre autrefois occupé par le lac Soghlou et qui
a disparu presque soudainement.
KEREN. Ville d'Abyssinie, pays des Bogos, dans la vallée
de FAïnsaba, à 4,250 m. d'alt. Située à 425 kil. 0. de
Massaoua, elle fut occupée par les Egyptiens, les Abyssins,
puis les Italiens.
KERENSK. Ville de Russie, gouvernement de Penza, sur
la Kerenka; 44,000 hab.
KÈRES (Myth. gr.). Démons de la mythologie grecque,
qui présidaient à la mort violente ; on se les figurait comme
des divinités féminines parcourant les champs de bataille
pour s'emparer des morts, souvent aussi comme des vam-
pires buvant le sang. Dans les poèmes homériques, la Ker
est à peine peisonnifiée ; c'est un génie de la mort attaché
à chaque humain. Dans les poèmes hésiodiques (Théogonie,
Aspis, etc.), les Kères, filles de la Nuit et sœurs du dieu
de la Mort, sont associées aux Mœres (ou Parques). En
Attique, elles ont tenu une grande place dans la religion
34
KÈRES - KERGORLAY
~ 482
populaire ; les poètes tragiques en ont fait les exécuteurs
de la justice vengeresse des dieux, les confondant avec les
Erinyes. Leur personnalité fut toujours peu accusée et,
chez les écrivains, généralement symbolique.
KERÉTHlENSetPELÉTHlENS.Désignationdes troupes
qui formaient la garde du corps de David. Il s'agit sans
doute de mercenaires d'origine philistine, le premier de ces
noms désignant un canton de la Philistie voisin du désert
(plutôt que des Cretois, comme on l'admet trop aisément
d'après une combinaison risquée), le second n'étant qu'une
variante de celui des Philistins. M. Vernes.
KERETJ. Lac de Russie, gouvernement d'Arkhangelsk,
district de Kern ; il mesure 404 kil. q. et se déverse dans
la mer Blanche, par le fleuve Kéretj (52 kil.) ; on y trouve
de belles perles.
KERFEUNTEUN. Com. du dép. du Finistère, arr. et
cant. de Quimper; 3,087 hab.
KERFOT. Com. du dèp. des Côtes-du-Nord, arr. de
Saint-Brieuc, cant. de Paimpol ; 738 hab.
KERFOURN. Com. du dép. du Morbihan, arr. et cant.
de Pontivy ; 942 hab.
KERGARADEC (Jean-Alexandre Le Jumeau de), médecin
accoucheur français, né à Quimperle 41 sept. 1788, mort
à Paris le 6 févr. 1877. Il a fait ses études médicales à
Paris. Docteur en médecine en 1809, il est surtout connu
par son Mémoire sur r auscultation appliquée à l'étude
de la grossesse (1822) ; et celui Du Devoir de pratiquer
V opération césarienne après la mort de la mère (1861).
Il a collaboré d'une manière active au Dictionnaire des
sciences médicales^ aux Transactions médicales ^kV En-
cyclopédie méthodique. Il jouissait d'une grande noto-
riété due à l'honorabilité de son caractère, et il fut quelques
années recteur de l'académie du Morbihan. Nommé membre
de l'Académie de médecine dès 1823. D'^ A. Dureau.
KERGARIOU DE La Grandville (Joseph-François-René-
Marie- Pierre, comte de), homme politique français, né à
Lannion le 25 févr. 1779, mort à Portrieux le 45 juin
1849. Comte de l'Empire (14 févr. 1810), sous préfet du
Havre (24 juil. 1811), préfet d'Indre-et-Loire {% déc.
1811), puis préfet du Bas-Rhin (1814), de Seine-Inférieure
(1815), il entra ensuite au conseil d'Etat. Le 13 nov, 1820
il fut élu député des Côtes-du-Nord, et créé pair de France
le 5 nov. 1827, Cette création fut annulée par le gouver-
nement de Juillet. — Un comte de Kergariou, de la même
famille, Henri-Bertrand-Marie, né le 26 déc. 1807,
mort à Versailles le 9 oct. 1878, fut représentant d'Ille-
et- Vilaine à l'Assemblée nationale de 1871 à J876 et fut
élu sénateur du même département le 30 janv. 1876. Il
était légitimiste. — Charles- Marie de Kergariou, né à
Ploubezre le 8 août 1846, élu député des Côtes-du-Nord
le 4 oct. 1885, s'inscrivit à l'union des droites, appuya le
boulangisme et fut réélu en 1889 et 1893.
KËRGLOFF. Com. du dép. du Finistère, arr. de Châ-
teaulin, cant. de Carhaix; 1,267 hab.
KERGOMARD (Pauline Reclus, dame Duplessis-), née
en 1838 à Bordeaux, où son père était venu se fixer comme
instituteur, puis inspecteur primaire, après avoir achevé
ses études de théologie à la faculté de Montauban. De douze
à quinze ans, elle l'ut en pension à Orthez chez sa tante,
la mère des Reclus célèbres. C'était, dit-elle, « une insti-
tution à la Pestalozzi, sans emploi du temps, sans pro-
gramme, mais où l'on recevait, par-ci par-là, des leçons
inoubliables ». De quinze à dix-huit ans,. elle fut élève de
l'école normale de Bordeaux, qui était en tout l'opposé de
l'institution d'Orthez. Il n'y avait de vie que dans Fécole
annexe (une école de 300 enfants), où la jeune institutrice
passa le meilleur de son temps, remplaçant volontiers ses
compagnes, qui n'étaient pas éloignées — déjà à cette
époque — de regarder comme perdues les heures passées
au milieu des enfants. Rentrée chez son père, elle donna
des leçons particulières durant quatre années, tout en con-
tinuant à étudier sous la direction du pasteur Pellissier,
ami de sa famille. Elle vint à Paris en 1860, s'y maria
en 1863, donna des leçons, fit des cours, eut des pension-
naires, jusqu'au jour où Jules Ferry, ministre, la nomma
inspectrice générale des écoles maternelles (1879). Elue
en 1886 membre du conseil supérieur de l'instruction pu-
blique par les délégués de l'enseignement primaire, elle
donna sa démission en 1890 pour taire ses électeurs juges
entre elle et ceux qui lui reprochaient d'avoir critiqué dans
la presse le corps des inspecteurs primaires; réélue, elle
conserva jusqu'en 1892 cette fonction, la plus haute à la-
quelle une femme ait encore été appelée par le suffrage.
Son échec en 1892 fut dû au mécontentement qu'elle avait
soulevé parmi les hommes en revendiquant pour les femmes
l'inspection des écoles de filles. L'égalité intellectuelle et
morale des deux sexes, telle est, en effet, la croyance do-
minante qui a inspiré les écrits et l'activité pratique de
jjlme Kergomard. De concert avec son amie M"^® de Bar-
rau, elle a fondé en 1886 l'Union pour le sauvetage de
l'enfance, œuvre d'initiative privée, d'initiative féminine,
devenue en peu d'années une des plus considérables du
temps. Outre un grand nombre d'articles sur l'éducation
et la condition des femmes, dans les journaux quotidiens,
elle a écrit : les Biens de la Terre (1879, in-8); Un
Sauvetage (iHl 9^ in-18) ; Galerie enfantine des hommes
illustres (1879, in-18) ; V Amiral Coligny (1881, in-32) ;
Histoire de France pour les petits enfants (1 883, in-18) ;
r Education maternelle dans V école (1886, in-18) ;
Cinq Images expliquées (1890, in-16) ; la Rédaction au
certificat d'études primaires., en collaboration avec
M. R. Leblanc (1893, in-t8). Elle collabore activement à
Mon Journal; elle a fondé et rédige V Ami de V Enfance.,
où elle donne d'intéressants préceptes ponr l'éducation et
l'enseignement dans les écoles maternelles. H. M.
KERGORLAY (GabrieLLouis-Marie, comte de), homme
politique français, né à Paris le 11 déc. 1766, mort à Pa-
ris le 24 mars 1830. Issu d'une vieille famille de Bretagne
qui était alliée à la maison de Bourbon, il servit comme
officier de cavalerie avant 1789, resta fidèle à la cause
royaliste pendant la Révolution et l'Empire, fut député de
la Manche de 1820 à 1827 et, appelé à la Chambre des
pairs à cette dernière date, vota constamment avec la droite
au Luxembourg, comme il avait fait au Palais-Bourbon.
KERGORLAY (Louis-Florian-Paul, comte de), homme
politique français, né le 26 avr. 1769, mort à Paris le
13 juin 1856, frère du précédent. Officier de cavalerie avant
1789, il émigra pendant la Révolution, servit quelque
temps dans l'armée de Condé, rentra en France sous le
Consulat, refusa de servir l'Empire et pendant les Cent-
Jours lança contre Napoléon une brochure retentissante,
qui lui attira des poursuites. Après la seconde Restaura-
tion, il siégea comme député de l'Oise à la Chambre in-
trouvable où il se fit remarquer par l'ardeur de ses re-
vendications ultra-royalistes. Non réélu en 1816, il reparut
au Palais-Bourbon en 1820, grâce à la loi du double vote.
Son zèle légitimiste lui valut d'être appelé en 1823 à la
Chambre des pairs, où il ne cessa de se signaler par son
dévouement à la dynastie. Condamné à six mois de prison
après la révolution de 1830 pour la violente protestation
qu'il avait publiée dans la Quotidienne et dans la Gazette
de France contre la royauté de Louis-Philippe, il prit part
à divers complots contre la monarchie de Juillet, qu'il com-
battit énergiquement dans les journaux de son parti, com-
parut plusieurs fois en cour d'assises et fut encore frappé
en 1836 de quatre mois de prison et de 2,000 fr. d'amende.
On a de cet ardent polémiste : Des Lois existantes et du
décret du 9 mai 1815 (Paris, 1815, in-8); Dw Droit de
pétition (Paris, 1819, in-8); Réponse à un libelle ca-
lomnieux inséré contre M. de Kergorlay au Moniteur
du 9 mai 1882 (1832, in-8); Lettres à M. le ministre
de la guerre, président du conseil des ministres ([S'63,
in- 8) ; Discours prononcé devant la cour d'assises de la
Seine, le 13 février 1834 (1834, in-8); Fragment his-
torique (1842, in-8), etc. A. Debidour.
KERGORLAY (Jean-Florian-Hervé, comte de), homme
— 483 —
KERGORLAY - KERGUÉLEN
politique français, fils du comte Gabriel-Louis-Marie, né à
Paris le 23 mai 1803, mort à Paris le 29 déc. 4873. Il se
fit connaître sous la monarchie de Juillet comme agronome
dans le dép. de la Manche, entra dans la vie politique comme
membre du conseil général de ce département après la ré-
volution de Février, se rallia au parti impériahste après le
coup d'Etat du 2 décembre, fut, à titre de candidat of-
ficiel, élu deux fois député par la circonscription de Saint-
Lô (1852-57) et siégea jusqu'en 4863 au Corps législatif
dans les rangs dociles de la majorité. On a de lui, outre un
certain nombre de publications agronomiques, une Etude
littéraire sur Alexis de Tocqueville, publiée en 4861.
KERGORLAY (Louis-Gabriel-Gésar, comte de), homme
politique français, né à Paris le 28 août 4804, mort à I^os-
seuse(Oise) le 4®^ mars 4 880, frère du précédent. Après avoir
passé par l'Ecole polytechnique (4824), il servit quelque
temps dans l'artillerie, fit Texpèdition d'Alger (1830), donna
sa démission après la révolution de Juillet, contribua, en
4832, au débarquejnent de la duchesse de Berry en Pro-
vence, s'occupa ensuite, tant sous la nouvelle royauté que
sous la seconde République et sous le second Empire, d'af-
faires industrielles, et fut envoyé, le 8 févr. 4874, par le
dép. de l'Oise, à l'Assemblée nationale, où il s'associa cons-
tamment aux votes du parti légitimiste. A. Debidour.
KERGORLAY (Henri-Ernest-Marie-Pierre, comte de),
homme politique français, néà Paris le 44 sept. 4847. Au-
diteur au conseil d'Etat en 4869, il fitla campagne de 4870-
74 comme lieutenant dans un bataillon de mobiles du Cal-
vados, rentra au conseil d'Etat après la guerre, et se fixa,
par suite de son mariage (1873), dans la Haute-Loire, où il
acquit bientôt une certaine influence politique. Meinbre du
conseil général de ce département depuis 4875, il fut, en
4884, élu député par la seconde circonscription du Puy,
prit personnellement part aux débats relatifs aux monls-de-
piété, aux chemins de fer, etc., et vota d'ordinaire avec la
minorité antirépublicaine de la Chambre. Le scrutin de
liste ne lui fut pas favorable en 4885. Mais les électeurs
du Puy le renvoyèrent au Palais-Bourbon en 4888 et il y
siégea^ dans les rangs du même parti, jusqu'en 4893.
KERGRIST. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Pon-
tivy, cant. de Cléguérec; 4,246 hab.
KERGRIST-MoËLou. Com. du dép. des Côtes-du-Nord,
arr, de Guingamp, cant. de Rostrcnen ; 2,564 hab.
KERGUÉLEN (Terre de) ou ÎLE de la Désolation.
Océan Indien. Le premier nom est celui du marin français,
le lieutenant de vaisseau de Kerguélen, qui la découvrit
le 43 févr. 4772 et en prit virtuellement possession pour
la France; le second lui fut donné par Cook, qui la visita
en déc. 4776; cette dernière dénomination avait déjà été
appliquée à une île magellaaique : elle est, ici, bien justifiée
par l'aspect du pays, rocheux, aride, en partie couvert de
neige, inhabité. La terre de Kerguélen est en réalité un
archipel, formé d'une grande île autour de laquelle se
groupent 430 îlots et 460 roches émergées, ay^nt à cet
égard de Fanalogie avec la Terre de Feu. Cet archipel est
compris entre lat. S. 48^^ 25' et 490 50' et long. E. 65^^ 58'
et 67"* 58'. L'île principale a la forme d'une équerre, le
côté occidental, du mont Table (au N.) au cap Bourbon
(au S.), ayant 120 kil., et le côté méridional ayant,
avec une direction O.-S.-O. à E.-N.-E., 440 kil., du
cap Bourbon au cap Digby. Elle est extrêmement décou-
pée, et des presqu'îles et îles retnplissent surtout son
angle, ouvert au N.-E. On lui attribue une superficie de
3,700 kil. q. et un développement du littoral énorme,
1,426 kil. Sur la côte orientale se trouvent une grande
quantité d'échancrures sous forme de fiords et des havres
bien abrités. Si on la parcourt en partant du N., on
trouve d'abord le port Christmas, le mieux connu, s'ou-
vrant entre le cap Français et la pointe Arche; puis la
profonde baie de Cumberland, mouillage bien plus sûr que
le port Christmas ; la baie Blanche, au fond de laquelle est
celle du Centre ; la rivière London, sorte de canal entre
deux îles allongées, dont la seconde ou du prince Adalbert
se continue par l'île Howe; la baie Rhodes; la péninsule
Bismarck, elle-même très déchiquetée et où est le port Pal-
liser; la baie Whale; le port Winter ; l'île du Port; la baie
Hdlsborough; la baie Accessible. Sur la côte S., on voit,
après le cap Digby, la baie Shoal Water; la presqu'île
Prince de Galles, le Royal Sound, portion orientale d'un
golfe parsemé d'une multitude d'îles et fermé en partie par
une longue presqu'île recourbée en arc, où l'on voit le port
Greenland, les caps George et Challenger ; la baie Swains;
un golfe avec les baies Table et Sprightly, au fond. La côte
occidentale, plus unie, montre au-dessus du cap Bourbon
une large échancrure, au fond de laquelle est la baie Young-
Williams, et que ferme au N. l'île de l'Ouest, séparée par
le détroit Marianne et terminée par le cap Louis, le plus
occidental. Au N.-O. de la grande terre se trouvent les îles
Cloudy, qui en sont séparées par le large chenal Dangereux.
Les îles Kerguélen sont formées de chaînes de mon-
tagnes enchevêtrées, laissant entre elles d'étroits ravins
aux parois accores ; les unes consistant en terrasses super-
posées, les autres offrant des sommets escarpés, ou coniques,
ou plus rarement arrondis. Au N. le mont Table a 410 m.;
à l'Ë., le mont Richard, 1,220 m. ; vers l'extrémité E. de
la branche méridionale sont groupés plusieurs monts éle-
vés : mont Crozier, de 990 m. ; mont Castle, de 670 m. , etc.
Sur la côte S., le mont Wiville-Thomson, 963 m.; Cros-
bie, 610 m.; Tizard, 879 m.; Evans, 793 m.; Maclean,
640 m. ; et le plus haut de tous, le mont Ross, 1,865 m.
Les plus élevés sont constamment revêtus de neige; il est
aussi des névés et des glaciers, ceux de la côte 0. sont
considérables et descendent jusqu'à la mer. — Les îles
Kerguélen reposent sur un banc sous-marin ; elles sont de
form.ation volcanique, des cratères éteints terminent les
sommets de forme conique, des foyers actifs paraissent exis-
ter encore. La roche dominante est le basalte, le plus sou-
vent prismatique. On trouve du bois fossilisé, des combus-
tibles peut-être utilisables, anthracite, charbon, intercalé
dans les roches ignées, lignites, et aussi de la tourbe, des
sources de pétrole. Il y a des gîtes métallifères, de cuivre
notamment. On n'a pas signalé dans l'île de cours d'eau
importants, mais seulement de nombreux torrents au fond
des étroites vallées et des lacs d'eau douce peu étendus
même au bord du rivage.
La température est modérément basse, la moyenne an-
nuelle est de 4**; l'hiver et l'été diffèrent très peu sous ce
rapport. La pluie, la neige sont presque continuelles. Les
vents régnants sont de la partie 0., ce qui explique l'avan-
tage des havres de la côte orientale, dirigés à l'opposé; ils
soufflent fréquemment en tempête. La flore est très pauvre
(150 espèces), de caractère antarctique; les phanérogames
ne se montrent que sur le littoral, consistant, entre autres
(18 phanérogames, Hooker), en des plaques de graminées et
dans une crucifère précieuse comme aliment, le chou de
Kerguélen (Pringlea mitiscorbutica). La faune terrestre
est pauvre aussi ; ni batraciens, ni mammifères, ni reptiles ;
les quelques espèces d'insectes qu'on y a vus sont dépour-
vus d'ailes; les oiseaux de mer sont nombreux. Sur le rivage
se rassemblent des multitudes de pingouins ; on remarque
l'espèce pingouin royal. Dans la mer, qui est poissonneuse,
il existe nombre d'amphibies, mais les phoques à fourrure
sont devenus rares, et les baleines, poursuivies, se sont
retirées plus au S.
Malgré le tableau désavantageux que tous les naviga-
teurs en ces régions ont présenté des îles Kerguélen, il y a
lieu de se demander si l'on peut en tirer parti. Or, tel est
l'avis du contre-amiral français Layrle, qui, les comparant
aux Maloumes, pense qu'elles permettraient l'élève des mou-
tons et qu'elles pourraient devenir habitables. Récemment
(34 juil. 4893), l'Etat a concédé à un particulier, M. Bos-
sière, le droit d'exploiter ce territoire durant cinquante ans ;
la chasse spéciale des loups marins et des éléphants de mer
lui est réservée. On ne mentionne pas l'élève des moutons.
Depuis les navigateurs Kerguélen et Cook, d'autres ma-
rms ont visité cet archipel : Robert Rhodes, commandant
KERGUÉLEN - KERJÉGU
— 484 —
le Hillsboroug^ en 1799; sir James Clark Ross, comman-
dant des navires Erebus et Terror^ et accompagné du bo-
taniste Hooker, en 4840; des pécheurs de phoques et des
baleiniers, notamment le capitaine de la Favorite ;\e Chal-
lenger^ commandé par sir Nares, de 4873 à 4876 ; la mis-
sion scientifique allemande pour l'observation du passage
de Vénus du 9 déc. 4874, avec le navire la Gazelle, com-
mandant baron von Schleinitz. La prise de possession offi-
cielle de Kerguélen a été faite le 2 janv. 4892 par les
officiers français de VEure, commandée par le capitaine
de frégate Lieutard. Ch. Delavaud.
BiBL. : Ajouter aux relations des explorateurs ci-des-
sus : STVDKR^Geographische Gesselschaft in Bern, 27 cet.
1881. — Amiral Layrle, Kerguélen^ dans Notices colon, à
l'occasion de VExposit. d'Anvers, 1885, et dans Atlas co-
lonial de Mager ; Paris. — Lieutard, Mission aux îles
Kerguélen^ Saint-Paul et Amsterdam; dans Ann. hydro-
graphe^ année 1893, t. XV, p. 246. — Vélain, Communica-
tion faite à la Société de Géogr., assemblée générale du
21 avr. 1893. — A. Petit, Produci. natiir. des îles Ker-
guélen, dans Rev. géogr., juin 1894.
KERGUÉLEN-TRÉMAREcCïves-Joseph de), marin fran-
çais, né à Quimper en 4734, mort en mars 4797. Bien que
Kerguélen ait appartenu à la marine militaire et pris une
part honorable aux grandes luttes maritimes de la seconde
moitié du xvui^ siècle, ce n'est guère que comme explorateur
qu'il est connu. En 4774, étant alors lieutenant de vaisseau
et s'étânt déjà signalé au cours de plusieurs voyages de dé-
couvertes, il fut chargé par l'administration de la marine
de se rendre dans la mer des Indes avec la corvette le Ber-
ner, pour reconnaître un vaste continent qu'on supposait
exister aux environs du pôle austral, à quelques centaines
de lieues au S.-E. de l'Afrique. Arrivé à l'île de France,
Kerguélen y laissa son bâtiment, mauvais marcheur, équipa
les deux flûtes la Fortune et le Gros-Ventre et se dirigea
vers les parages qu'on lui avait désignés. Le 4 8 févr. 4772
il découvrit en effet, dans le voisinage du 50® degré de lat. S.
et du 67^ degré de longit. E. de Paris, des terres inconnues
des navigateurs, auxquelles il donna son nom. Après les
avoir relevées sommairement, il en prit possession au nom
du roi. Lorsqu'il revint en France, il annonça avec tapage
qu'il avait trouvé le continent cherché, et Louis XV s'em-
pressa de l'en récompenser en le nommant capitaine de
vaisseau (4773). Mais sa découverte fut contestée.
Dans un second voyage, accompli de 4773 à 4774 avec
V Oiseau et le Dauphin, il compléta ses premières recher-
ches, relevant environ 80 lieues de côtes, mais sans par-
venir à déterminer si les terres découvertes formaient un
groupe d'îles ou au contraire se prolongeaient jusqu'au
pôle. Cette nouvelle mission lui valut, au retour, des dé-
boires plus graves encore que la première. Non seulement
on mit en doute pour la seconde fois les résultats qu'il ap-
portait, mais on l'accusa de divers méfaits, entre autres
d'avoir abandonné en mer un canot avec son équipage. Cette
dernière accusation était probablement fondée, car il fut
condamné par un conseil de guerre et emprisonné au châ-
teau de Saumur (4774). Louis XVI l'en fit sortir, lui donna
des commandements et même le chargea de publier le récit
de ses deux explorations. L'ouvrage parut sous le titre : Re-
lation de deux voyages dans les mers australes faits de
illO à niA (Paris, 4782, in-8). Dans l'intervalle on
avait fini par se convaincre que les terres aperçues par
Kerguélen n'étaient qu'un archipel. Cook, en effet, après y
avoir atterri en déc. 4776, avait réussi à les contourner par
le Sud . La réalité de la découverte accompHe par le navi-
gateur français n'était donc plus douteuse. Néanmoins on
continua à la discuter, si bien que le gouvernement crut
devoir faire détruire la publication qui la racontait : il n'en
subsiste plus que quelques exemplaires. Pendant la Révo-
lution, Kerguélen devint contre-amiral. Mais il fut peu em-
ployé à la mer et se consacra à des travaux sur la marine.
Outre l'ouvrage précité, on a de lui : Relation d'un
voyage dans la mer du Nord, aux côtes dis lande, de
Groenland,., fait en il 61 et i768 (Amsterdam, Leipzig
et Bouillon, 4772, in-4) ; Relation des combats et des
événements de la guerre maritime de il! S entre la
France et V Angleterre (Paris, 4796, in-8), suivi de Pré-
cis de la guerre présente et des causes de la destruc-
tion de la marine et des moyens d'y remédier, publié
à part (Paris, an IX, in-8) (V. Kerguélen [lies]). Ch. G.
KERHALLET (Charles-Marie PmuppES de), marin et
savant français, né à Rennes le 47 sept. 4809, mort à
Paris en 4863. Admis à l'Ecole navale en 4825, aspirant
en 4827, enseigne en 4832, il fit dans la marine une ho-
norable carrière qui le conduisit au grade de capitaine de
vaisseau (8 mars 4854). Mais c'est surtout par ses travaux
scientifiques qu'il est connu. D'importantes études sur l'hy-
drographie et la géographie maritimes ayant appelé de bonne
heure l'attention sur lui, on l'attacha au Dépôt des cartes
de la marine, où pendant de longues années il travailla à
la rédaction des instructions nautiques publiées pour le
service de la flotte. Ses principaux ouvrages sont : Des-
cription nautique de la côte occidentale d'Afrique
(4849, in-8) ; Considérations générales sur l'océan At-
lantique (4851, in-8); Description de V archipel des
Açores (4851, in-8); Manuel de la navigation à la
côte occidentale d'Afrique (4854-52, 3 vol. in-8); Con-
sidérations générales sur V océan Indien (4852, in-8);
Considérations générales sur V océan Pacifique (4852,
in-8) ; Manuel de la navigation dans le détroit de Gi-
braltar (4858, in-8); Description nautique de Madère
et des Canaries (4858, in-8) ; Description nautique des
îles du Cap-Vert (4858, in-8) ; Manuel de la navigation
dans la mer des Antilles et le golfe du Mexique (4863,
2 vol. in-8; 2«éd., iS69) ; Guide du marin (4863, 2vol.
in-8). Ch. G.
BiBL. : Notice sur les ouvrages et les services de M. de
Kerhallet, capitaine de vaisseau; Paris, 1861, in-4.
KÉRIBINA (V. RoRNOu).
KERINIBA, QUÉRlMBÀou ASOUÉTADA. Ilots de la
côte E. d'Afrique, entre le cap Delgado et la baie dePomba.
C'est une chaîne d'une trentaine d'îlots coralliaires se dé-
veloppant sur une longueur de 250 kil.
KERINIA. Petit port de l'île de Chypre, situé à l'E. du
cap Kormatcliiti et qui dessert la ville de Lefkosia. Il donne
son nom à un district de peu d'étendue qui occupe la partie
septentrionale de File.
KERISOUET (Ernest-Louis-Marie Carré-) (V. Carré-
Kerisouet).
KERITY. Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Saint-Rrieuc, cant. de Paimpol, près de la Manche ; 2,370
hab. Minoterie. Sur le territoire de la commune, ruines
de l'abbaye de Beauport (V. ce mot).
KERIVOULA (Zool.) (V. Vespertilion).
KERJEGU (François-Félix-Aimé MoNjARET de), homme
politique français, né à Moncontour le 22 juil. 4784, mort
à Saint-Rrieuc le 12 janv. 4863. Commerçant en toiles, il
fut élu député des Côtes-du-Nord le 25 févr. 4824 contre
Royer-Collard. Réélu en 4827, il rentra dans la vie privée
à Favènement du gouvernement de Juillet. — Son fils,
François-Marie-Jacques, né à Moncontour le 4®^ mars
4809, mort à Paris le 4 2 févr. 4882, fut député du Finistère
au Corps législatif de 1869 à 4870 et siégea dans le tiers-
parti. Représentant du même département à l'Assemblée
nationale (4 874), il fut élu par elle sénateur le 30 janv. 4876.
Membre de la droite, il appuya le gouvernement du 46 mai.
— Son frère, Jules-Marie- Auguste, né à Moncontour le
6 oct. 4846, mort à Paris le 23 mars 4880, élève de
l'Ecole navale, fit les campagnes de la Raltique, de Chine, de
Cochinchine et fut promu contre-amiral le 9 sept. 4872.
Elu représentant des Côtes-du-Nord à l'Assemblée natio-
nale (4875), grâce à une pression administrative qui donna
lieu à des débats animés dans l'Assemblée, il siégea à l'ex-
trême droite et devint sénateur des Côtes du Nord le
30 janv. \%1Q. —- Louis-Marie-Constant, frère dec pré-
cédents, né à Moncontour le 25 juin 4842, mort à Rrest
le 44 avr. 4880, s'occupa avec succès d'agriculture. Dé-
puté de Rrest le 20 févr. 4876, il siégea à droite, appuya
— 485
KEHJEGU — KERLÉREC
vivement le gouvernement du 46 mai et fut réélu le
14 oct. 1877 comme candidat officiel. Il fut remplacé le
6 juin 1880 par Mgr Freppel. — James-Marie- Antoine,
né à Trevarez-Saint-Goazec le 27 févr. 1846, fils de Fran-
çois-Marie, entra dans la diplomatie. Secrétaire d'ambas-
sade, attaché à la mission de M. de Saint-Vallier au quartier
général allemand (1873), chargé d'affaires en Serbie (1875),
secrétaire à Berne (1877), il fut mis en disponibilité sur sa
demande en 1878. Il fut élu député de Quimperléen 1889
et réélu en 1893. Républicain modéré, il s'est surtout oc-
cupé des questions relatives à la marine et aux finances,
sur lesquelles il a donné des rapports importants.
KERK (en italien Veglia, anciennement Curicta). Ile
de l'Adriatique, dans le golfe de Quarnero. Au point de vue
administratif, elle appartient à la province d'Istrie et
compte 18,000 hab. Le chef-lieu est le bourg de Veglia;
1,500 hab.
BiBL. : CuBioH, Notizie sull'isola di Veglia..
KERKA ou KRKA. Fleuve côtier de Dalmatie qui sort
des Alpes Dinariques, descend à la mer Adriatique par im
lit profondément creusé dans le calcaire en formant plu-
sieurs cascades ; il reçoit la Cikola, arrose Kistanje, Scar-
dona et finit à Sebenico.
KERKAPOLY (Charles), homme d'Etat et écrivain hon-
grois, né à Szent-Gal en 1824. Après ses études de droit,
il prit part à la révolution de 1848, et devint ensuite pro-
fesseur à l'école de droit de Papa. En 1868 ii fut appelé
à l'université de Pest comme professeur de sciences poli-
tiques. Depuis 1863 il siégeait à la Diète, et il continua
jusqu'en 1878 à mener de front sa carrière politique et sa
carrière professorale. Il occupa le ministère des finances
de 1870 à 1873. C'est pendant la période précédente qu'il
publia ses ouvrages en langue magyare : Histoire univer-
selle spéculative (1860)) ; Constitution ecclésiastique
protestante (1860); Mes Travaux de pub liciste (1869).
KERKENNAH.lles de Tunisie (V. Cercinâ).
KERKHA (turc Karasoa, l'ancien Choaspes). Rivière
du S.-O. de la Perse, affl. g. du Chatt-el-Arab ; 600 kil.
de long. Elle naît sous le nom de Gamas au S. du massif
de l'Elvend (prov. de l'Irak- Ad jémi), coule vers le N.-O.
(par Bouroudjird) jusqu'aux environs de Nehavend, puis
vers rO. par Firouzabad (prov. de Kurdistan), s'infléchit
vers le S.-E. entre les monts du Louristan et Pouchti-Koh
(Zagros), après avoir reçu près des ruines de Roudbar
un gros affluent du Kurdistan turc, reçoit à gauche le
Kechgan, rivière de Khoremmabad, passe du Louristan
dans le Khouzistan où elle entre en plaine, laisse à l'E.
les ruines de Suse et va finir son cours en Turquie (Irak-
Arabi), à quelques kilomètres en aval du confluent de
l'Euphrate et du Tigre.
KERKHERDERE' (Gérard-Jean), historien et littérateur
belge, né à Hulsberg en 1677, mort à Louvain en 1738.
11 devint professeur au collège des Trois-Langues de Lou-
vain, et historiographe de l'empereur Joseph P^. Ker-
kherdere se livra à de vastes études sur les rapports de
l'histoire sacrée et de l'histoire profane; il fit preuve dans
ses nombreux livres de plus d'érudition que de jugement
critique. Ses traités de philologie ont une valeur plus
grande. Il composa aussi des poésies latines très agréables
dans la manière d'Ovide. Les principaux ouvrages de Ker-
kherdere sont : Grammatica latina (Louvain, 1706, in-
12); Prodromus Danielicus, sive novi conatus histo-
rici critici (id., 1708, in-12) ; Monarchia Romœ pa-
ganœ (id., 1747, in-8) ; De Situ Paradisi terrestri {id,,
1731,in-12). E.H.
BiBL. : F. NÈvE, Mémoire historique et littéraire sur le
collège des Trois-Langues à l'université de Louvain^ dans
Ménî. de TA cad. roy. de Be^fyiqiie, coll. in-4;XXVÏlI, 1856.
KERKOUK. Ville de Turquie d'Asie (Kurdistan), ch.-l.
du sandjak de Chehrizor (vilayet de Mossoul), à 90 kil. 0.
de Souleïmanieh ; 15,000 hab. C'est la cité la plus consi-
dérable du Bas -Kurdistan. Beaux jardins. Bazars bien
fournis. Commerce de noix de galle, de sel et de naphte.
Cultures de céréales. On y montre le tombeau des « en-
fants de la fournaise ». Archevêque chaldéen. Eglise du
temps de Constantin. C'est l'antique Corcura. — Le sand-
jak, qui comprend 6 cazas^ a 89,000 hab. L. Del.
BiBL. : ViTAL-CuiNET, II, 847-865.
KERKYRA (V, Corfou).
KERL ou KERLL(Johann-Gaspar),or:Janiste et compo-
siteur allemand, né à Gaimersheim (Bavière) en 1628.,
mort à Munich le 13 févr. 1693. Elève de Valentini à
Vienne, il fut envoyé à Rome par l'empereur Ferdinand IM
et y étudia sous Carissimi et Frescobaldi. De 1656 à 1673,,
il occupa le poste de maître de chapelle de la cour à Mu-
nich. Kerl était un excellent organiste. Il a publié pour
son instrument un livre de Modulatio organica super
Magnificat (1686), et pour les voix un recueil de Sacra',
cantiones (1669), et deux livres de messes (1669). On
connaît de lui en manuscrit des pièces de clavecin, un He-
quiem à cinq voix, des fragments de messes et une Missa
nigra, ainsi dénommée parce que dans sa notation n'en-
trent que des notes noires. M. Br.
KERL (Georg-Heinrich-Bruno), métallurgiste allemand,
né à Andreasberg, dans le llarz supérieur, le ^4 mars 1824.
Elève de l'Ecole des mines de Klausthal, il est devenu pro-
fesseur de chimie et de métallurgie de cet établissement
(1846), puis de l'Académie des mines de Berlin (1867).
11 a occupé en outre de hautes fonctions dans radministra-
tion des mines. Il est l'auteur de nombreux et iraportantiî
ouvrages relatifs à la métallurgie et à l'art des mines ; nou!5
citerons seulement : dieoberharzer Eûttenprozess (Klaus-
thaj, 1852; 1^ éd., 1860) ; Der Oberharz (Klausthal,
1852); Die Rammelshergschen HUttenprozess (lihns-
thaï, 1854 ; 2^ éd., 1861) ; Der Communion-Unterharz
(Freiberg, 1853) ; Handbuch der metallurgischen Eilt-
tenkunde (Freiberg, 1855-56, 4 vol. ; 2^ éd., 1861-65) ;
Anleitunq zum Studium der harzer Uiittenprozesse
(Klausthal, 1857); Metallurgische Probierkunst (Leip-
zig,_1882, 2« éd.); Handbuch der Eisenhiittenkunde
(Leipzig, \ 875) ; Grundriss der Eisenpr obier kunst (Leip-
zig, 1875) ; Probierbuch (Leipzig, 1880). Il a été en outre
l'un des principaux collaborateurs de V Encyclopédie chi-
mique de Muspratt et de la Berg-und Huttenmœnnis-
chen Zeitung (années 1859 et suiv.). L. S.
KERLE (Jacques de), prêtre et compositeur néerlandais,
né à Ypres, mort vers 1583. Après avoir été en 1565
maître de musique de l'église Saint-Martin à Ypres, puis
maître de chœur et chanoine à Cambrai, il entra au ser-
vice du cardinal prince-évèque d'Augsbourg, l'accompagna
à Rome où il séjourna plusieurs années, et revint avec lui
à Augsbourg. Ses oeuvres consistent en trois livres de
messes (1562, 1576 et 1583), cinq livres de motets, un
livre de madrigaux tirés du Trionfo <i'/lmor^ de Pétrarque
(1570), une prière pour l'heureuse issue du concile de
Trente (1569), etc. M. Br.
KERLÉREC (Louis Billouârt, chevalier de), marin et
administrateur français, né à Quimper en 1704, mort en
1770. Entré fort jeune dans la marine, il se signala contre
les Anglais pendant la guerre maritime de 1745-48 et de-
vint capitaine de vaisseau en 1751. L'année suivante il
était nommé gouverneur général de la Louisiane. Cette
colonie en était encore à ses débuts : depuis soixante ans
qu'elle existait, la métropole n'avait presque rien fait pour
en tirer parti. Kerlérec, le premier, entreprit de la déve-
lopper. Il y attira des habitants, encouragea des cultures
nouvelles, canne, indigo, mûrier, coton. Surtout il la mit à
l'abri, au moyen d'une ligne de postes et de forts, des con-
tinuelles attaques des colons anglais qui cherchaient sans
cesse à pénétrer dans la vallée du Mississippi, afin de cou-
per aux établissements français toute communication avec le
Canada. Il avait même conçu le projet de former une marine
de guerre pour protéger le commerce de la Louisiane avec
les Antilles, et, dans ce but il commençait à construire uia
vaisseau de 74, lorsque le renouvellement de la guerre ma-
ritime avec les Anglais vint compromettre toute son oeuvre.
Pendant cinq années (1757-62), la colonie fut comme en'
KERLÉREG — KERMÈS
— 486 —
état de blocus, ne pouvant communiquer ni avec les Antilles
ni avec la France. En même temps elle était assaillie sur
vingt points différents par les colons anglais de Tlllinois, de
rOhio, du Tennesse. Kerlérec fit face à tout. Mais en 4762,
quand les hostilités prirent fin, le pays était ruiné. Pour se
soutenir au milieu de cette crise, le gouverneur avait dû
recourir à des expédients financiers parfois regrettables. Les
habitants s'en plaignirent à Louis XV. Celui-ci, que la Loui-
siane n'intéressait plus, puisqu'il venait de la céder à l'Es-
pagne par une convention annexe au traité de Paris, sacrifia
Kerlérec sans égard pour ses services. Rentré en France en
4763, le malheureux officier se vit disgracié et exilé.
KERLOUAN.Com. du dép. du Finistère, arr. de Brest,
cant. de Lesneven; 2,772 hab.
KERM ADEC.Ilots volcaniques du Grand Océan, à 740 kil.
N.-E. de la Nouvelle-Zélande, entre 29M6'et 34^28Mat.
S., par 479^ long. E. Ils ont 55 kil. q. ; les principaux
sont Raoul ou Sunday, Macaulay et Gurtis. La végétation
est néo-zélandaise ; il n'y a d'autres animaux que le rat et
quelques oiseaux. Ils paraissent avoir été autrefois une
étape des migrations entre la Nouvelle-Zélande et les îles
Tonga. Actuellement, ils sont inhabités; depuis 4886, ils
sont anglais et dépendent de la Nouvelle-Zélande.
KERMAINGANT (Mathurin-François), ingénieur fran-
çais, inspecteur général des ponts et chaussées, né à Tré-
guier le 29 janv. 4779, mort à Paris le 47 juilL 4856,
Il a été attaché au canal du Midi et plus tard a construit
des ponts dans la région de Lyon. En 4822-23, il a étu-
dié pour une compagnie un projet de canal latéral au
Rhône; rentré à l'Etat, il fit exécuter le quai d'Albret et
la digue des Brotteaux, à Lyon. Appelé au conseil général
des ponts et chaussées, il y rendit de grands services à
l'époque des études relatives au réseau des chemins de
fer. On a de lui, dans les Annales de son corps : Comp-
teur de ponts à bascule (4833, 1. 1); Machines à diva-
guer (4836, t. ï); Courbes des chemins de fer (4840,
1. 1) ; un mémoire publié en 4837 sur le projet du chemin
de fer de Lyon à Marseille; en 4 842, avec Fèvre, un rap-
port sur l'emploi des rails dans les terrassements de che-
mins de fer. — Son neveu, inspecteur général des ponts
et chaussées, est mort en 1867. M. -G. L.
KERMAN. Seigneurie de Bretagne (V. Garman).
KERMAN. Province perse (V. Kirman).
KERMANCHACH ou KARMASIN (V. Kirmanchah).
KERMARIA-SuLARD. Gom. du dép. des Gôtes-du-Nord,
arr. de Lannion, cant. de Perros-Guirec; 797 hab.
, KERMENGUY (Emile Gillart, vicomte de) , homme po-
litique français, né à Saint-Pol-de-Léon le 4®^ déc. 4840
Grand propriétaire breton, il fut élu député du Finistère à
l'Assemblée nationale le 8 févr. 4874. Légitimiste ardent,
il fit partie des « chevau-légers » et combattit les lois
constitutionnelles. Réélu député le 20 févr. 4876, il ap-
puya le gouvernement du 4 6 mai. Réélu en 4877, en 4884,
en 4889, en 4893, il combattit tous les cabinets républi-
cains et fut partisan du boulangisme.
KERWIÈS.I. Technologie. — On donne ce nom au corps
desséché de plusieurs insectes du genre Coccus qui comme le
Coccus cacti ou la cochenille, sont ou ont été autrefois em-
ployés comme matières tinctoriales rouges (V. Gochenille,
t. XI, p. 763). Le kermès du chêne, désigné aussi sous les
noms de kermès animal ou végétal, de graine d'écarlate, de
cochenille de chêne, est le corps desséché de la femelle du
Coccus ilicis, insecte qui vit sur les tiges et les feuilles d'une
variété de chêne vert à feuilles piquantes, Quercus cocci-
fera, n'atteignant jamais plus de 4 m. à 4 "^50 de hauteur
et croissant abondamment dans le midi de la France, en
Espagne, en Italie et dans l'archipel grec, principalement à
Candie, au Maroc, ainsi que dans les provinces d'Oran et
d'Alger. Le Coccus ilicis vit et se développe comme la co-
chenille : au printemps, la femelle fécondée se fixe sur les
branches et les feuilles du Quercus coccifera ; elle se
gonfle bientôt, se couvre d un duvet blanc et dépose ses
œufs sur lesquels elle meurt ; au mois d'avril, elle a acquis
le volume d'un pois, son corps s'est arrondi, le duvet a dis-
paru et a été remplacé par une poussière blanchâtre. On
fait la récolte avant l'éclosion des œufs, du milieu de mai
au miheu de juin ; cette opération est effectuée le matin,
avant que le soleil ait chassé la rosée, par des femmes et
des enfants qui détachent l'insecte avec leurs ongles. Dans
l'ile de Gandie, où le kermès prend le nom de Coccus ba-
phia, la récolte est faite par les pâtres et l^^s enfants qui,
à cet effet, repoussent les feuilles à l'aide d une fourchette
qu'ils tiennent de la main gauche, et coupent avec une fau-
cille les jeunes pousses sur lesquelles le kermès est fixé.
Aussitôt après la récolte, on expose les insectes à la vapeur
du vinaigre pendant une demi-heure et on les fait sécher
au soleil sur des toiles. Le produit ainsi obtenu se présente
sous forme de grains brunâtres et d'une saveur acre et
piquante ; ils sont arrondis, lisses et luisants et à peu près
de la grosseur d'un pois.
Le principe colorant du kermès serait, d'après Lassaigne,
identique avec l'acide carminique de la cochenille ; son
extrait aqueux est coloré en brun jaunâtre par les acides,
en violet ou rouge cramoisi par les alcalis, en noir par le
sulfate de fer, en rouge de sang par l'alun, en vert olive
par le sulfate de cuivre et la crème de tartre, en jaune
cannelle par le sel d'étain, et la crème de tartre. Le ker-
mès qui, avant l'introduction de la cochenille en Europe,
était l'objet d'un commerce très important, n'est plus au-
jourd'hui que très peu employé ; actuellement, on ne s'en
sert que pour obtenir sur laine ou sur soie certaines nuances
pour lesquelles il est indispensable : ainsi, par exemple,
les calottes turques de couleur rouge pourpre, nommées
fez ou tarbouchs, sont presque toutes teintes avec le ker-
mès. En Italie, on prépare avec le kermès une liqueur de
table très renommée, sous le nom d'alkermès. Le kermès
était aussi très employé autrefois en pharmacie ; aujour-
d'hui, il est inusité. Suivant Girardin, on distingue sur-
tout deux variétés de kermès : celui de Provence et celui
d'Espagne. Le kermès de Provence donne, lorsqu'on l'écrase,
une poussière rouge ; il fait pâte dans le mortier et ne peut
être facilement tamisé ; le kermès d'Espagne, en grains secs
et plats, ne donne que peu de poussière et se tamise aisé-
ment. Le premier est plus riche en couleur et d'un prix
plus élevé ; on le mélange souvent avec le second. Le ker-
mès de Pologne offre les mêmes propriétés que le kermès
du chêne; c'est le corps desséché du Coccus polonicas qui
était récolté autrefois en Pologne et en Allemagne sur les
racines des Scier anthus perennis et annuus. Ge kermès,
d'un rouge pourpre violacé et de la grosseur d'un grain de
poivre, n'est plus employé. Au kermès proprement dit se
rattachent encore les espèces suivantes de Coccus : le Coc-
cus fragariœ^ qui vit sur les racines du fraisier de Sibé-
rie; le Coccus uva ursi^ recueilli en Russie sur \Wrctos-
taphylos uva ursi ; sa grosseur est double de celle du
kermès de Pologne ; le Coccus fabœ^ découvert par Guérin-
Menne ville en 4834 dans le S. de la France, sur les fèves
( Vicia faba) et plus tard sur diverses espèces de chardons
et autres plantes sauvages et cultivées. Enfin, suivant A. Vée,
on trouve au Ganada, sur VAbies nigra, un insecte dont
les ailes renferment une grande quantité d'un pigment rouge
écarlate, analogue à celui de la cochenille. L. K.
IL Ghimie. — Le kermès minéral est du sulfure d'an-
timoine amorphe, retenant une petite quantité de sulfure
alcaUn, et contenant à l'état de mélange des proportions
variables de protoxyde d'antimoine libre ou combiné à un
alcali, notamment de l'antimonite de sodium. Il a été dé-
couvert au xvii^ siècle par Glauber et son mode de pré-
paration a été livré à La Ligerie, chirurgien de Paris. Ge
dernier vendit son secret au gouvernement, en 4720.
Pour le préparer, on suit le procédé de Gluzel :
Sulfure d'antimoine finement pulv. 40 gr.
Garbonate de soude cristallisé... 225 —
Eau de rivière 2 . oOO —
L'eau étant portée à l'ébullition pour chasser l'air, on
ajoute les deux sels et on continue l'ébullition pendant un
_ 487 -
KERMES — KERN
quart d'heure (Mehu). On filtre bouillant et on reçoit le
liquide dans des terrines en grès entourées d'eau chaude.
Par le refroidissement, la liqueur se trouble et laisse dé-
poser un précipité brun qu'on lave à l'eau froide et qu'on
fait sécher dans une étuve modérément chauffée. On passe
au tamis de soie n° 160 et on conserve le produit dans des
flacons très secs, à l'abri de l'air et de la lumière. Poudre
d'un rouge brun, veloutée, inodore, insipide, insoluble
dans l'eau. Les kermès obtenus avec les alcalis caustiques,
par ébullition ou par fusion, comme dans les procédés de
Piderit et de Berzelius, doivent être rejetés de l'usage mé-
dical. Le kermès de Cluzel entre dans la confection des
tablettes de kermès. E. Bourgoin.
IlL Thérapeutique. — Le kermès est d'un usage jour-
nalier en médecine comme stimulant, émétique, diaphoré-
tique, altérant, béchique et expectorant, à la dose de 5 à
30 centigr. A dose plus élevée, il est vomitif; à dose
encore plus forte, il est employé avec succès comme contre-
stimulant dans le traitement de la pneumonie aiguë. Mal-
heureusement, la composition du kermès est variable, par-
tant ses effets ne sont pas toujours identiques. Aussi
préfère-t-on quelquefois donner à sa place de l'émétique
à dose convenable, parce que c'est un composé chimique
bien défini. — Le kermès se prescrit en loochs, en po-
tions ou juleps, où il est tenu en suspension par la gomme,
ou sous forme de pastilles à 4 centigr. D'^ L. Hn.
KERMESSE. Nom donné en Belgique, en Hollande et
dans la Flandre française à des fêtes qui se célèbrent dans
chaque commune une fois par an avec de grandes réjouis-
sances. A l'origine, les kermesses avaient un caractère
exclusivement religieux; c'était la fête patronale du saint
de la paroisse, ou l'anniversaire de la consécration de
l'éghse (en pays wallon on dit encore aujourd'hui, au lieu
de kermesse, ducasse^ corruption de dédicace). Cependant
les réjouissances profanes ne tardèrent pas à dominer, et,
dès le moyen âge, on constate que les kermesses donnent
lieu à toutes sortes d'excès de table et de cabaret. Au
XVI® siècle la licence était extrême, à tel point que Charles-
Quint interdit, sous des peines sévères, de faire durer les fêtes
plus d'un jour; mais l'édit de 1581 ne tarda pas à tomber
en désuétude. En 1786, Joseph II, constatant que les ker-
messes étaient pour la classe ouvrière une source de dé-
penses considérables, fixa la célébration de toutes les fêtes
paroissiales au même jour. De cette manière, pensait-il, la
dépense ne se ferait qu'une fois et l'on ne verrait plus les
ouvriers se rendre à toutes les kermesses des localités en-
vironnantes, commettant des désordres et gaspillant leur
salaire. Cette mesure, plus que tous les autres décrets de
réforme, valut à l'empereur une impopularité extrême; le
peuple tenait bien plus à ses plaisirs qu'à ses anciennes ins-
titutions. Le clergé sut habilement profiter de ce mécon-
tentement, et bientôt la révolution brabançonne éclata. De
nos jours les kermesses sont encore célébrées avec beau-
coup de faste ; on organise des festivals de musi que, des
concours de tirs et jeux, et, durant plusieurs jours, la
commune est en liesse. Dans certaines villes, il y a des
processions fameuses, à Mons, à Anvers, à Tournai, etc.
KERMOROCH. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Guingamp, caïft. de Bégard; 5"29 hab.
KERMOYSAN (Tugdual de), dit Le Bourgeois, ingénieur
militaire français, mort en août 1430. Né en Bretagne,
il s'attacha au connétable de Richement et le suivit dans
presque toutes ses expéditions. II se distingua surtout à la
défense d'Orléans et à la prise de Jargeau (1429), à Saint-
Denis (1435), aux sièges deMontereau (1437), de Meaux
(1439), de Pontoise (1441), à la délivrance de Dieppe
(1443) et dans la campagne de Normandie (1449-nO). Il
fut capitaine de Saint-Germain-en-Laye, de Janville, de
Pierrefonds, écuyer d'écurie du roi. En 1447, il accom-
pagna Dunois dans son ambassade en Angleterre. Habile à
diriger les travaux d'attaque, il fut plusieurs fois le colla-
borateur des frères Bureau, par exemple aux sièges de
Montereau (1437), de Caen (1450) et de Cherbourg. Il
fut tué devant cette place. Il avait épousé Marie de Ga-
rancière qui lui avait apporté de grands biens. Il signait
Le Bourgeois de Kermoysan, tout au long. E. C.
BiBL. : Les chroniqueurs du temps surtout, Gruel (éd.
A. Le Vavasseur, pp. 70, 99) et M. d'EscoucHY (éd. de
Beaucourt, II, 522, lîl, 260. — D. Morice, Hist. de Bre*
iagne. — De Beaucourt, Hist. de Charles Vil, VI, 558.—
E. CosNEAu, le Connét. de Richemont, p. 685. — Pièces
orig., voL 1608, dossier 37,149 à la BibL nat.
KERN. Rivière des Etats-Unis (V. Californie).
KERN (Jacques-Conrad), homme d'Etat et diplomate
suisse, né à Berligen (Thurgovie) le 11 juin 1808, mort à
Zurich le 14 avr. 1888. Il fit ses études au gymnase de
Zurich, aux universités de Bâle, Heidelberg et Paris. Docteur
en droit à Heidelberg en 1830, il revint' en Suisse où ses
concitoyens de Thurgovie l'envoyèrent bientôt les représen-
ter à la Diète fédérale. En même temps il présidait le con-
seil de l'instruction publique de son canton et coopérait à la
rédaction des lois civiles et pénales. Kern représentait le
cant. de Thurgovie à la Diète, lorsqu'en 1838 la France
demanda l'expulsion de Louis-Napoléon, citoyen thurgo-
vien de la com. de Salenstein depuis le 18 avr. 1832.
On sait que la Suisse refusa cette expulsion malgré les
troupes massées sur sa frontière et que Louis-Napoléon pré-
féra s'éloigner pour ne pas attirer la guerre sur sa nouvelle
patrie. Kern joua un grand rôle à la Diète dans l'affaire du
Sonderbund en 1847. Il fut chargé des dernières tenta-
tives de conciliation auprès de la Ligue et, après la chute
de Lucerne, de représenter la Confédération dans ce canton
jusqu'à ce qu'un nouveau gouvernement fût établi. Kern
prit une large part à l'élaboration de la constitution
fédérale de 1848. Envoyé en mission provisoire à Vienne,
comme chargé d'affaires en 1848, il y assista à l'émeute du
7 oct. et à l'assassinat du ministre de la guerre, M. de
Latour. Lorsque furent nommés les fonctionnaires créés par
la constitution de 1848, Kern devint président du tribunal
fédéral, puis en 1 854 président du conseil de l'Ecole poly-
technique fédérale, à la création de cette école, qui devint
rapidement florissante. Lors de l'insurrection royaliste de
Neuchâtel, en 1856, il fut envoyé en mission extraordi-
naire à Paris lors de la médiation de Napoléon III. Ce con-
flit amena l'indépendance complète de la principauté de
Neuchâtel et la renonciation totale de la Prusse. Kern avait
fait preuve de beaucoup d'habileté diplomatique dans la
solution de la question de Neuchâtel ; aussi les autorités
fédérales l'appelèrent-elles dès 4857 à représenter la Suisse
à Paris. Il y resta vingt-cinq ans et ne démissionna le 20 nov,
1882 que lorsque ses forces lui interdirent de continuer
ses fonctions. Le conflit relatif à la vallée des Dappes, ré-
glé après un demi-siècle; la question de la Savoie neutra-
lisée, les démarches faites pour éviter la guerre de 1870,
son intervention pendant le bombardement de Paris comme
doyen du corps diplomatique, les négociations relatives
aux traités franco-suisses, sont les principaux faits de sa
carrière diplomatique. Après sa retraite, il reçut de nom-
breuses marques de sympathie du gouvernement français.
Ses dernières années se sont passées à Zurich. E. Kuhne.
KERN (lïermann), pédagogue allemand, né à Juterbogk
le 12 sept. 1823. Professeur, puis directeur de divers
gymnases et écoles réelles, à Halle, Cobourg, Midheim,
Berlin, disciple de Herbart, il a publié Die Realschule und
die Konzentration des Unterrickts (Miilheira, 1863) ;
Grundriss der Pœdagogik (Berlin, 1873; 4® éd.,
1887), etc.
KERN (Jean-Henri- Gaspard), orientahste hollandais, né
à Java le 6 avr. 1833. Elève de Weber à BerUn (1855-57),
il devint professeur de sanscrit au collège de Bénarès en
1863, puis en 1865 à l'université de Leyde. II collabora
au grand dictionnaire sanscrit de Saint-Pétersbourg. Son
activité s'est surtout exercée dans le domaine du sanscrit
et des langues malaises, ce qui ne l'a pas empêché de
donner des travaux sur la loi salique et le dialecte des
Francs Saliens. Il a publié de très nombreux mémoires
sur des inscriptions et des ouvrages Javanais ou Kawis,
KERN
KEMILIS
parus surtout dans la Tijdschrift voor Indische taal-
land-en volkenkunde. Parmi ses travaux d'indianiste,
citons surtout : la Brihat- Samhitâ^ de Varâhamihira
(Calcutta, 1865; trad. angl. dans le Journ. of the R. As.
Soc), divers mémoires sur les inscriptions d'Asoka et
V Histoire du Bouddhisme indien (Haarlem, 1881-83,
2 vol.), l'ouvrage le plus complet sur la matière et qui fait
autorité (trad. en ail. par Jacobi; Leipzig, i 882-84, 2 vol.).
Esprit surtout mathématique, il a appliqué ses connais-
sances astronomiques à l'étude des faits historiques et re-
ligieux ; on peut l'accuser d'être trop porté aux systèmes,
sans que d'ailleurs ce penchant nuise à la largeur et à la
sûreté de son information. A. Foucher.
KERN (Theodor-Gotthart, chevalier de), historien alle-
mand, né à Bruneck (Pustherthab) le 5 mai 1836, mort à
Veytaux, sur le lac de Genève, le 18 nov. 1873. Profes-
seur à l'université de Fribourg (1866), il est connu par une
excellente édition des Chroniques de Nuremberg (5 vol.).
KERN BAH (Georges), poète roumain, né à Botuschani
en 1863. 11 publia des vers d'une belle tournure anacréon-
tique dans le Contemporain, la Nouvelle Revue ^ etc. Il
les a réunis en volume (1894). On y trouve quelquefois
des morceaux dignes non seulement d'Anacréon, mais de
Heine, par leur finesse satirique, ainsi que de bonnes pièces
descriptives. N. J.
BiBL. : Le Combat, journal roumain, août 1890.
KERNELL (Per-Ulrik), écrivain suédois, né à Linkô-
ping en 1797, mort à Erlangen en 1824. Sa beauté, son
caractère aimable, l'art avec lequel il disait les chansons
de Bellman lui valurent dans la société suédoise la répu-
tation d'un homme de grand avenir, réputation méritée,
si l'on en juge par les lettres qu'il écrivit à ses amis, pen-
dant un long voyage qu'il fit, inutilement, dans le S. de
l'Europe, pour rétablir sa santé. Ces lettres, recueillies
par ses amis, parurent sous le titre de : Anteckningar
(notes) under en resa i det Sydliga Europa et eurent
promptement plusieurs éditions. Th. C.
KERNER (Georg), né à Ludwigsburg le 9 avr. 1770,
mort à Hambourg le 7 avr. 1812, une des curieuses
figures de l'époque révolutionnaire. Libéral fervent, ce
Wurttembergeois vint à Paris à la fin de 1791, y vécut
jusqu'en sept. 1795, accompagna K,-F. Reinhard (Y. ce
nom) en qualité de secrétaire à Hambourg, Florence, Paris,
Berne, faisant une incessante propagande en faveur de la
République française. H refusa de se rallier à Bonaparte,
se retira en 1801 et vécut comme médecin à Hambourg,
où il mourut, désespéré de la banqueroute de son idéal.
Son frère a retracé sa biographie dans Bilderbuch aus
meiner Knahenzeit.
BiBL. : WoHLWiLL, Geovg Kerner; Hambourg, 1886.
KERNER (Andreas-Justinus), poète allemand, né à Lud-
wigsburg le 18 sept. 1786, mort à Weinsberg le 21 fév.
1862, frère du précédent. Etudiant en médecine à Tubingue
(1804), il s'y lia avec Uhland et Schwab, voyagea à par-
tir de 1809, puis exerça la médecine à Wildbad. Ses poé-
tiques récits de voyage, Reiseschatten von dem Schat-
tenspieler Lux (Heidelberg, 1811), sont son œuvre la
plus originale, d'une fantaisie et d'un humour extraordi-
naires ; il a inséré de délicieuses chansons et poésies di-
verses dans le Poetisches Almanach (1812) et h Deutsche
Dichterwald (1813), auxquels collaboraient Uhland,
Schwab, Eichendorff, K. Mayer, etc. H pubha ensuite Ro-
mantische Dichtungen (Karlsruhe, 1817). Transféré
comme médecin à Weinsberg (1818), il s'adonna à l'étude
du magnétisme animal et finit par croire à l'intervention
des esprits dans les affaires humaines. Ses ouvrages, dans
cet ordre d'idées, sont : Gesch. zweier Somnambulen
(1824) ; Die Seherin von Prevorst (Stuttgart, 1829,
2 vol. ; 5^ éd., 1877) ; Blœttern aus Prevorst (avec Es-
chenmayer, 1831-39, 12 livr,, continué sous le titre de
Magikon, 1842-53, 5 vol.) ; Gesch, Besessener neuerer
Zeit (Karlsruhe, 1834 ; 2® éd., 1835) ; Eine Erscheinung
aus dem Nachtsgebiet der Natur (1836); Nachricht
von dem Vorkommen des Besessenseins (1836). Par
moments, Kerner se ressaisissait et raillait lui-même avec
une verve extrême ces superstitions dans son drame, Der
Bœrenhœuter im Salzhade (Stuttgart/! 837) .Devenu à peu
près aveugle, il renonça à la médecine et vécut de petites
pensions que lui servirent les rois de Bavière et de Wurt-
temberg. Les dernières œuvres littéraires de Kerner sont :
Gedichte von /. Lœmmerer (Gmund, 1820), la collec-
tion de ses Lyrische Gedichte (1854, 5^ éd.) ; Dichtun-
gen (1834 ; 3« éd., 1841 , 2 vol.) ; Bilderbuch aus meiner
Knabenzeit (Brunswick, 1849); Letzter Blumenstrauss
(1852); Wmterbliiten (1859). Kerner se mit, comme
Uhland, à l'école de la poésie populaire, et ses pastiches
sont souvent impossibles à distinguer des vrais lieds. Ce-
pendant, d'une manière générale, sa poésie est plus mélan-
cohque et sérieuse que ses modèles. H a un goût très mar-
qué pour le fantastique et la sentimentalité nuageuse. La
forme est brève, condensée, avec des images saisissantes,
du trait et souvent de l'esprit. On a publié deux volumes
de poésies choisies de Kerner (Stuttgart, 1878).
Son fils, Theobald, néà Gaildorf le 14 juin 1817, exerça
la médecine à Weinsberg, s'adonna au magnétisme animal
et publia, outre son Galvanismus und Magnetismus als
Heilskraft (Cannstadt, 1858, 4^ éd.), plusieurs volumes
de poésies et de nouvelles. A. -M. B.
BiBL. : Marie Niethammer (sa fille), J. Kerners Jugend-
fie5e;Stuttgart, 1877. —Reinhard, J. Kerner; Tubihgue,
1886, 2o éd. — K. Mayer, Uhland, seine Freunde, etc. :
Stuttgart, 1867. — Du Prel, J. Kerner und die Seherin
von Prevorst ; Leipzig, 1886.
KERNER (Anton), chevalier de Marilaun, botaniste au-
trichien, né au château de Mautern (Basse-Autriche) le
12 nov. 1831 . Professeur à l'université d'Innsbruck (1 860),
puis directeur du jardin botanique de Vienne (1878), il
s'est fait connaître par l'exploration botanique de la Hon-
grie dont il consigna les résultats dans Pflanzenleben der
Donaulœnde (Innsbruck, 1863) et Vegetationsverhcelt-
nisse des mittlern und œstlichen Ungarns und Sie-
benburgen (1875 et suiv.) ; il mit à la mode la culture
des plantes alpestres {Die Kultur der Alpenpflanzen,
1864), détermina la limite de végétation de plus d'un mil-
lier de plantes {Die obern Grœnzen der Holzpflanzen
in den OEsterreichischen Alpen, dans OEster Revue,
1863-67), traça le modèle d'un jardin botanique {Die
botanischen Gœrten, 1874). Citons encore parmi ses nom-
breuses publications : Das Pflanzenleben (Leipzig, 1887,
2 vol.). Il a été anobli en 1877.
KERN EVE L. Corn, du dép. du Finistère, arr. de Quim-
perlé, cant. de Bannalec ; 2,476 hab.
KERNEVENOY ou KERNOVONOY. Ancienne famille de
Bretagne, dont le nom s'est, au xvi« siècle, altéré par la
prononciation en celui de Carnavalet. Il existe une repré-
sentation du sceau de cette famille, daté de 1372, dans
l'Histoire de Bretagne de dom Morice (t. II, p. 579). Le
personnage qui illustra le plus son nom est François de
Carnavalet, qui fut gouverneur du duc d'Anjou, ■— depuis
Henri III, — chevalier de l'ordre du roi, et enfin gou-
verneur du Bourbonnais et du Forez. H avait épousé,
en 1566, Françoise de La Baume, et mourut à Paris le
29 juin 1571 ; on voyait encore, au commencement de ce
siècle, dans l'église Saint-Germain-l'Auxerrois, son épi-
taphe rédigée en termes très élogieux par son ami PhiHppe
Huraultde Cheverny. François de Carnavalet avait souvent
manifesté l'intention d'acquérir l'hôtel que le président des
Ligneris s'était fait construire par Pierre Lescot et Jean
Goujon. Sa veuve réaHsa son désir en 1578, et depuis
lors cet hôtel prit le nom, qu'il n'a pas perdu, d'hôtel
Carnavalet (V. ce raot). F. Bournon.
BiBL. : Le P. Anselme, t. VI, p. 509; t. VII, p. 49, et
les ouvrages sur l'hôtel Carnavalet indiqués à la biblio-
graphie de ce mot. La Bibliothèque de la Ville de Paris
possède un dossier manuscrit sur les différents posses-
seurs de riiôtel et notamment les Keriievenoy.
KERN I LIS. Com. du dép. du Finistère, arr. de Brest,
cant. de Plabennec ; 850 hab.
489
KERNOUÈS ~ KERRIA
KERNOUÈS. Corn, du dép. du Finistère, arr. de Brest,
cant. de Lesneven ; 3,284 hab.
KERNS.ViUagedeSuisse,cant.d'Unterwald; 2,364 hab.
Contrée fertile et pittoresque. L'église offre quelques curio-
sités artistiques.
KERODON (Zool.) (V. Cobaye).
KÉROLD (V. Céron).
KÉ ROT A Kl S (Alchimie). La kérotakis a été empruntée
par les alchimistes aux peintres anciens, qui peignaient à
rencaustique, et y mélangeaient leurs couleurs, avec le
concours d'une douce chaleur. Les appareils à kérotakis
jouent un grand rôle chez les alchimistes grecs et sont
figurés avec des variantes de formes diverses dans les ma-
nuscrits. L'opération qui s'y exécutait porte le nom de cero-
sis ou ceratio : elle consistait à tâcher d'imprégner de
certains principes colorants les métaux, en les ramollissant,
soit directement, soit avec le concours du mercure, ou du
soufre, ou du sulfure d'arsenic.
Aux débuts, on opérait simplement sur la palette des
peintres ; mais il fallut bientôt la pourvoir de deux appa-
reils accessoires : l'un destiné à réchauffer les mixtures
(bain-marie, bains de sal)le, de cendre ou analogues);
l'autre, à condenser les vapeurs que l'on voulait retenir.
C'était d'abord une coupe ou tasse renversée servant de
couvercle, et dont la forme, modifiée graduellement, est
devenue le ballon ou fiole actuelle : le mot grec lui-même
a pris peu à peu ce sens nouveau dans les textes alchi-
miques. D'après certaines descriptions, il semble que la
lame métallique n'ait pas seulement servi de support aux
produits que l'on faisait réagir entre eux et sur les va-
peurs sublimées d'en bas; mais cette lame éprouvait, dans
sa propre matière, la transformation produite par les fon-
dants et par les vapeurs. On plaça ensuite au-dessous
un récipient pour recevoir les matières liquéfiées, parfois
même avec interposition d'un crible. Les matières fondues
tombant dans ce récipient, échauffé lui-même, se subli-
maient en partie et retournaient attaquer de nouveau la
matière placée sur la palette : de là le nom à'écrevisse
(appareil rétrograde) donné à quelques-uns de ces engins.
Mais on finit par supprimer la palette dans ces appareils et
il resta l'aludel, instrument de digestion et sublimation, qui
figure seul chez les alchimistes latins. M. Berthelot.
^BiBL. : Berthelot, Introduction à la chimie des an-
ciens et du moyen âge, pp. 142 et suiv.
KÉROUAL ou KÉROUALLE (Louise-Renée de), du-
chesse de Portsmouth et d'Aubigny, née près de Brest en
1649, morte à Paris le 14 nov. 1734. Fille de Guillaume
de Penancoet, elle fut demoiselle d'honneur d'Henriette d'An-
gleterre, qu'elle accompagna en Angleterre lors de la négo-
ciation pour l'alliance de Douvres. La beauté de W^^ de
Kérouai fit impression sur Charles II, qui la nomma dame
d'honneur de la reine Catherine. Ce fut à Euston, chez
lady Arlington, qu'elle devint la maîtresse en titre ; peu
après (oct. 1671), Charles II déclarait la guerre à la
Hollande ; M^^^ de Kérouai n'oubliait pas ce qu'elle devait
au roi de France. Le 29 juil. de la même année, elle
donna le jour à un fils, Charles de Lennox, créé duc de
Richmond en 1673. Créée duchesse de Portsmouth par
Charles II, la favorite reçut de Louis XIV, en 1674, le fief
d'Aubigny en Berry. L'influence de la duchesse s'exerça
tout d'abord contre Buckingham, dont elle obtint la dis-
grâce ; malgré quelques infidélités du roi, Kérouai restait
toute-puissante. La duchesse était, d'ailleurs, fort mal vue
par la nation britannique ; au moment des troubles contre
les papistes, elle fut violemment prise à partie dans les deux
Chambres; en 1679, le Parlement demanda son renvoi. On
lui reprochait de représenter l'influence française ; on repro-
chait au roi les prodigalités qu'il faisait pour sa maîtresse-
Sa pension avait été portée à 1 million de fr. et les cadeaux
qu'elle recevait représentaient bien davantage. Après la
mort du roi, elle resta à Whitehall jusqu'en 1688, puis
vint en France et se fixa dans sa terre d'Aubigny, où elle
connut les embarras pécuniaires. En 1718, le régent porta
sa pension à 20,000 livres en souvenir des services rendus
à la France. Le duc de Richmond, son fils, était mort
en 1728.
BiBL. : FoRNERON, Louise de Kéroualle^ 1886.
KEROULEN. Rivière de l'empire chinois, en Mongolie,
qui naît au S. des monts Kentei, coule vers le S., puis à
partir du lac Khasilim vers leN.-E., au N. du plateau de
Gobi et aboutit après 1 ,000 kil. au lac Dalaï ou Kouloun ;
celui-ci est réuni par un canal naturel au Khaïlar, lequel
en aval de ce confluent prend le nom d'Argoun et va former
le fleuve Amour (V. ce mot). On a longtemps regardé la
Keroulen comme une des sources de l'Amour.
BiBL. : Radde, Berichte ûber Reisoi im Sûden von
Ostsibirien ; Saint-Pétersbourg, 1861, au t. XXIII des Bei-
trœge zur Kenntniss des Russischen Reiches.
KERPERT. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Guingamp, cant. de Saint-Nicolas-du-Pelem ; 1,165 hab.
KERR (Phénomène de) (Phys.). Quand on soumet un corps
isolant solide ou liquide à l'électrisation, il devient biré-
fringent d'une manière lente s'il est solide, immédiatement
s'il est liquide. Pour observer ce phénomène avec le verre
par exemple, on prend une lame de verre épaisse que l'on
perce dans son axe, parallèlement aux grandes faces de la
lame, de deux trous cylindriques situés sur le prolonge-
ment l'un de l'autre et de façon que leurs extrémités lais-
sent entre elles une épaisseur de quelques millimètres de
verre. Dans ces trous on introduit deux tiges métalliques
que l'on met en communication avec les deux bornes d'une
bobine de Ruhmkorft* par l'intermédiaire d'un excitateur entre
les branches duquel jaillissent des étincelles (de 15 centim.
dans les expériences de Kerr). Ces dispositions prises on
place la lame entre un polarisateur et un analyseur, de
façon que la ligne des tiges métalliques fasse un angle de
45^ avec le plan de polarisation du polariseur ; on met en-
suite l'analyseur à l'extinction. Si l'on fait alors fonctionner
la bobine Ruhmkortf on constate après deux secondes que
la lumière reparaît dans le champ de l'analyseur faible
d'abord et arrive en 30''^ environ à son éclat maximum qu'elle
garde ensuite. On ne peut faire disparaître cette lumière en
tournant l'analyseur, ce n'est donc pas un phénomène de
polarisation rotatoire. Mais si l'on place une lame de verre
entre le polariseur et l'analyseur et qu'on exerce dessus
une traction dans une direction faisant un angle de 45»
avec l'analyseur, on amène l'extinction. L'action électrique
produite sur le verre est donc analogue à une compression
exercée dans la direction des tiges métalliques. Quand on
fait cesser l'action de la bobine, la lumière disparaît rapi-
dement d'abord, puis lentement. Avec les liquides on opère
d'une façon analogue en les plaçant dans une auge et en
y plongeant deux fils conducteurs. On observe que la lu-
mière reparaît par intermittences ; elle disparaît à chaque
étincelle de l'interrupteur. Kerr a trouvé que la différence
de marche des deux rayons ordinaire et extraordinaire va-
riait proportionnellement au carré de l'intensité du champ
électrique ou, ce qui revient au même, proportionnellement
à l'attraction qui s'exerce entre les conducteurs qui limitent
le champ. Pour certains liquides on fait disparaître la lu-
mière par une compression au lieu d'une traction effectuée
sur la lame de verre dont nous avons parlé. Certains liquides
ne produisent pas ce phénomène. A. Joannis.
KERR, comtes et marquis de Lothian (V. ce mot).
KERRATA. Village d'Algérie, dép. de Constantine, arr.
de Bougie, créé sur le territoire de la tribu des Kerrata
ou Beni-Felkaï. Les habitants sont au nombre de 250 Eu-
ropéens et quelques indigènes ; ils cultivent l'olivier, un
peu de céréales et élèvent des bestiaux. C'est le ch.-l. de
la commune mixte des Amouchas qui a 36,096 hab. dont
576 Français. Le village de Kerrata se trouve à l'entrée du
merveilleux défilé du Châbet-el-Akhra (V. ce mot).
KERRIA (^<?maDG.) (Bot.). Genre de Rosacées-Spirées,
à fleurs pentamères, à étamines en nombre indéfini. Les car-
pelles, généralement au nombre de cinq, sont libres et ren-
ferment un ovule descendant, à micropyle extérieur. Le
KERRIA — KERSAINT
— 490 —
K, japonica, delà Chine et du Japon, est cultivé dans nos
jardins sous le nom impropre de Corchorus.
KERRICK (Le révérend Thomas), né en 1747, mort en
1828 à Cambridge, où il était bibliothécaire de l'Université.
Faisant de l'art en amateur, il a dessiné de nombreux
portraits au fusain et à la sanguine, et aussi gravé à Feau-
tbrte des vues de monuments.
KERRICX (Guillaume), sculpteur flamand, né à Ter-
monde en 1652, mort en 1719. Elève d'Artus Quellyn le
Jeune. Le musée d'Anvers a de lui un buste en marbre de
Maximilien- Emmanuel de Bavière, gouverneur des Pays-
Bas espagnols.
KERRICX (Guillaume-Ignace), peintre flamand, fils du
précédent, né à Anvers, baptisé le 22 avr. 1682, mort en
1745. Kerricx a peint des sujets religieux. On voit de lui
au musée d'Anvers : Saint Luc, la Pdque en Egypte,
r Agneau de Dieu adoré par les vieillards de P Apoca-
lypse,
KERRY. Comté d'Irlande, prov. de Munster, à l'angle
S.-O. de Tile, entre l'estuaire du Shannon au N., les comtés
de Limericketde Corkàl'E.; 4,799 kiL q., 179,136 hab.
C'est la région la plus pittoresque de l'île (V. Irlande).
Les champs occupent 14 «/o, les prés 48 °/o, les bois
11/2 7o de la sur face totale. Il y existe environ 15, 000 che-
vaux, 200,000 bœufs, 80,000 moutons, 50,000 porcs.
La population est presque exclusivement catholique; la
moitié parle encore la langue celtique. Elle vit de pêche et
d'agriculture. Le ch.-l. est Tralee.
Cap Kerry (V. Irlande).
Monts Kerry (V. Irlande).
KERRY (Lord) (V. Fitzmaurice).
KERSAINT (Gui-François DE Coetnempren, comte de),
marin fi'ançais, né au manoir de Kersaint, dans le pays de
Léon, en Bretagne, en 1707, mort en mer le 21 nov. 1 759.
Il appartenait à une ancienne famille qui avait compté des
croisés parmi ses membres. Il était entré dans la marine
en 1722. Le 21 oct. 1757, il se défendit avec succès près
des Caïques contre des navires anglais de force supérieure
aux siens. Il fut moins heureux lors du désastreux combat
de Quiberon, le 21 nov. 1759; le Thésée qu'il comman-
dait fut englouti, et Kersaint y trouva la mort ainsi que
presque tout son équipage.
BiBL. : Levot, Biographie bretonne, 1852-57, 2 vol. in-8.
KERSAINT (Armand-Guy-Simon de Coetnempren, comte
de), marin et homme politique français, né à Paris le 29 juil.
1742, décapité à Paris le 4déc. 1793. Fils du précédent,
il entra dans la marine comme garde en 1755 et fut promu
enseigne de vaisseau en 1757 pour la valeur qu'il déploya
aux côtés de son père sur V Intrépide le 21 oct. Capitaine de
vaisseau et chevalier de Saint-Louis en 1778, Kersaint com-
manda, en 1782, une expédition en Guyane et s'empara
de Démérary, Esséquibo et Berbice. Doué d'un esprit très
vif, il embrassa avec ardeur les idées nouvelles et publia,
en 1789, un opuscule intitulé le Bon Sens, où il attaqua
les privilèges et l'existence des ordres de la noblesse et du
clergé. Consulté par le comité de marine de l'Assemblée
constituante, Kersaint présenta, en nov. 1789, un plan de
reconstitution de la marine, qui ne fut pas accepté. Il fit
partie de rassemblée électorale de 1790, qui le nomma
administrateur du département de Paris le 4 janv. 1791,
et de celle de 1791, qui le nomma quatrième député sup-
pléant de Paris à l'Assemblée législative le 4 oct. 1791. Il
entra dans cette Assemblée le 2 avr. 1792 en remplacement
d'Augustin Monneron, démissionnaire. Dès lors Kersaint,
soit par la plume, soit par la parole, s'efforça de faire in-
troduire dans la marine les réformes qu'il avait proposées
en vain à l'Assemblée constituante. L'activité déployée par
Kersaint au service des idées nouvelles était considérable ;
bientôt il fit remonter au roi la responsabilité des dangers
de la patrie et, le 23 juil., il dénonça la trahison du pou-
voir exécutif et prononça le mot de déchéance. Le 10 août
1792, il vota la déchéance de Louis XVI, et après avoir
été chargé par ses collègues d'aller inviter les citoyens à
l'ordre et à la paix, il fut désigné par l'un des douze com-
missaires envoyés aux armées par l'Assemblée. Il partit
avec Antonelle et Peraldy pour l'armée du Centre, com-
mandée par La Fayette et, après avoir visité le camp de
Soissons et Reims et reçu un accueil enthousiaste, il fut
arrêté avec ses collègues à Sedan le 14 au soir par la mu-
nicipalité de cette ville. Remis en Hberté le 20, il continua
sa tournée dans les Ardennes, puis rentra à Paris et, le
27 août, rendit compte à l'Assemblée de sa mission. Le
3 sept., Kersaint fit voter la création d'un Bulletin offi-
ciel, qui fut, sous le nom de Bulletin de la Convention
nationale, pubhé jusqu'en janv. 1795. Réélu député à la
Convention nationale par le dép. de Seine-et-Oise le
14 sept. 1792, il entra dans le comité diplomatique ; le 18,
il fut élu secrétaire avec Danton, Gensonné et Barbaroux.
Toujours préoccupé de la défense nationale, Kersaint pré-
senta, le 20 oct. 1792, un projet pour décerner des
récompenses aux soldats et à l'armée ; le 26, il dénonça
l'anarchie de l'administration parisienne; le 3 déc, on lut
à la tribune des lettres trouvées dans l'armoire de fer et
où se trouvait le nom de Kersaint ; celui-ci se disculpa,
dans la séance du lendemain. Le 19 déc, il réclama l'ar-
mement de vaisseaux de guerre et il fit ajourner jusqu'après
le jugement de Louis Capet l'exécution du décret rendu
contre les Bourbons. Le 1®^ janv. 1793, Kersaint, qui
venait d'être nommé vice-amiral, présenta, au nom du co-
mité diplomatique, un important rapport sur la conduite
du gouvernement anglais et sur les mesures à prendre
pour augmenter nos forces navales. Il proposa, en termi-
nant, l'établissement d'un comité de défense générale.
L'assemblée décréta aussitôt la création de ce comité, qui
devait devenir si fameux sous le nom de comité de Salut
public. Kersaint fut désigné par le comité diplomatique
pour faire partie du nouveau comité qui, dans sa première
séance du 4 janv., lui décerna la présidence. Le 11 janv.,
il présenta et fit adopter son projet de décret sur la ma-
rine. Adversaire de la Commune de Paris, ami des Giron-
dins, Kersaint se prononça, dans le procès de Louis ATI,
pour l'appel au peuple (15 janv.) et pour la réclusion jus-
qu'à la paix (16 janv.) Le 18 janv., au moment où on
allait proclamer le résultat du scrutin sur la peine à infliger
au roi, il renouvela son vote et ajouta : « Je veux épargner
un crime aux assassins, en me dépouillant moi-même de mon
inviolabilité ; je donne ma démission et je dépose les motifs
de cette résolution entre les mains du président. » Il ne
prit pas part au vote sur le sursis. Le 20 janv., on lut à la
tribune de la Convention sa lettre de démission, où il décla-
rait qu'il ne pouvait supporter la honte de s'asseoir à côté des
hommes de sang et d'être le collègue des panégyristes et
des promoteurs des massacres de Septembre. La Convention
manda Kersaint à sa barre pour entendre ses explications.
Le 22 janv., celui-ci se présenta devant l'assemblée et, loin
de se rétracter, renouvela ses attaques spécialement contre
Marat et se retira, en alléguant l'état de sa santé. (Juoique
désormais étranger à la vie publique, ses amis le portèrent
comme candidat au ministère de la marine, le 18 févr.,
contre Monge, qui fut élu. Kersaint était, depuis le 31 janv.,
établi à Ville-d'Avray. Le 9 mai, il demanda un passeport
pour se rendre à Romilly (Eure) où l'appelaient les intérêts
qu'il avait dans les fonderies de cette ville. De retour à
Yille-d'Avray le 30 juin, il écrivit au ministre de la marine
pour demander s'il était porté sur les états de la marine.
Le conseil exécutif lui fit répondre, le 5 juil. 1793, que,
par sa démission de représentant, il s'était lui-même exclu
de tout emploi et qu'il ne pouvait pas être admis à Phon-
neur de servir la République. Le 23 sept., le comité de
Sèvres, apprenant la présence de Kersaint à Ville-d'Avray,
fit procéder à son arrestation. Le 2 oct., il fut enfermé à
r Abbaye et le 1^^ déc. transféré à la Conciergerie. Tra-
duit devant le tribunal révolutionnaire le lendemain, il fut
interrogé. Après avoir entendu comme témoins les députés
Laurent Le Cointre, Danton, Léonard Bourdon et Fabre
d'Eglantine, Fouquier-Tinville prononça un réquisitoire
— 491 -
KERSAINT - KERSANTON
contre Kersaint, qui fut condamné à mort le 4 déc. pour
avoir sciemment et méchamment avili la représentation
nationale et provoqué le rétablissement de la royauté en
France. Il fut exécuté le même jour.
Kersaint a publié quelques ouvrages dont voici les prin-
cipaux : le Bon Sens (1789) ; le Rubicon (1789) ; Con-
sidérations sur la foire publique et IHnstituiion des
gardes nationales (1789) ; Institutions navales (1789) ;
Lettres à Mirabeau ci l'occasion de l'élection du direc-
toire du département de Paris (1791); Moyens pré-
sentés à l'Assemblée nationale pour rétablir la paix et
V ordre dans les colonies (1792). Etienne Charavay.
BiBL. : Archives nationales, W 300, n" 297. — Moni-
teur. —■ P. Levot, Biographie bretonne. — Aulard,
Actes du Comité de Salut public. — Uu même, la Société
des Jacobins. ~ Etienne Charavay, Assemblée électorale
de Paris en 1190 et en 1191.
KERSAINT (Guy-Pierre de Coetnempren, comte de),
marin français, frère du précédent, né à Brest en 1747,
mort à Suresnes en 1822. Admis dans la marine à
l'âge de quinze ans (1763), il prit part à la guerre
d'Amérique comme lieutenant de vaisseau, puis comme ca-
pitaine de frégate, et devint capitaine de vaisseau en 1786.
L'année suivante Louis XVI l'envoya en Cochimhine rem-
plir une mission politique et militaire, qui se rattachait
aux projets d'occupation de ce pays et à l'application du
traité récemment conclu avec l'empereur Gia-Long. Ker-
saint revint en France au moment oti la Révolution com-
mençait. Il ne partageait aucunement les opinions de son
frère ; aussi se prononça-t-il avec force contre les idées
nouvelles. Peu après il émigra (1790). Son exil dura
treize ans. Enfin en 1803, ayant été autorisé à rentrer en
France, il put se faire rayer de la liste des émigrés. Le
premier consul, qui cherchait alors à reconstituer la ma-
rine, lui rendit même son ancien grade, le nomma officier
de la Légion d'honneur et l'employa pendant plusieurs an-
nées à la direction des travaux de défense de l'Escaut.
Kersaint y rendit de tels services qu'en 1811 on lui confia
la préfecture maritime d'Anvers. Après avoir occupé ce
poste jusqu'à la fin de l'Empire, il devint en 1815 préfet
de la Meurthe. L'année suivante il prit sa retraite. Ch. G.
KERSANTITE. L'association granitique de l'oligoclase
avec le mica noir donne naissance à des roches d'épanche-
ment très tenaces qui ont reçu le nom de kersantites, de
ce fait que leur meilleur type s'observe en Bretagne, dans
la rade de Brest, à Kersanton (V. ci-après). Le pyroxène
Distribution de la iiersantite aux environs de Kersanton
(d'après Ch. Barrois). --***, kersantite ; - - -, porphyrite
micacée; ////, porphyre quartzifère ; j [ | i i, failles. —
Dévonien : d^ grès de Gahard; d^, grauwacke de Néhou;
d^, schistesde Porsguen.H. Hôpital-Camfrout. — Echelle
1/80000.
(augite), l'amphibole (hornblende), l'orthose, un spinelle
avec du fer oxydulé y apparaissent à l'état d'éléments
accessoires ; il en est de même pour du quartz granulitique
ou pegmatoïde qui ne s'observe guère que sur les salbandes
des épais filons, par suite de modifications endomorphes
subies, par la roche, dans la zone de contact. La calcite,
très fréquente dans la roche même et surtout dans les
vacuoles des salbandes araygdalaires où elle prend une
forme perlée en s'accompagnant de calcédoine et de chlo-
rite, apparaît ensuite comme un produit franchement secon-
daire résultant d'une circulation postérieure d'eaux ther-
males minéralisées. Normalement, la kersantite peut être
ensuite C(insidérée comme une des roches les plus riches
en apatite. Quant à la façon dont se distribuent tous ces
éléments, elle est ainsi réglée :
I. Magnétite, spinelle, apatite, orthose, oligoclase domi-
nant, mica noir, hornblende ou augite.
II. Quartz récent souvent pegmatoïde, calcite, mica blanc,
épidote, chlorite.
Les variétés présentées par la kersantite sont basées sur
la prédominance marquée, en certains points, de l'un ou
l'autre des éléments accessoires. L'amphibole, par exemple,
apparaît très abondante dans le filon historique de Ker-
santon, et, dans l'ensemble des kersantites bretonnes, le
pyroxène est toujours rare, tandis que l'inverse se produit
dans les Vosges oîi ces roches, très répandues et figurant
au nombre des émissions carbonifères, sont le plus souvent
remarquablement riches en pyroxène et très appauvries en
apatite. Dans la même région, les kersantites, qui s'élèvent
au travers du granité à amphibole, à Sainte-Marie-aux-
Mines, représentent des types francs dépourvus de quartz
aussi bien que de calcite. Enfin, en Saxe, à Plauen, des
variétés fort intéressantes, plus basiques, renferment avec
beaucoup d'augite de l'olivine et du fer chromé. Les ker-
santites sont également fréquentes dans le Nassau, le
Harz, la Haute-Autriche, les Asturies. Ch. Vélain.
BiBL. : ZicKKNDRATH, Dcr Kcrsantit in Langenschwal-
bach in Nassau; Wurzboutg, 1875. — Michel Levy et
DouviLLÉ, Sur le Kersanton., dans Bull. Soc. géologique
de France, 1876, t. V, p. 51,3» sér. — Zirkel, Die Zusam-
mensetzung des Kersantons, Ber. d. Kgl. Sœchs. Ges.
Wiss., 21 juil. 1875. — Ch. Barrois, Sur le Kersanton de
Bretagne, dans Ann.de la Société géologique du Nord^
1887, t. XIV, p. 36; Bull, de la Soc. qéol. de France, 1887,
t. XIV, p. 702. — H. RosENBuscii, Mik. Physiog, der
Gesteine, 1889, p. 242.
KERSANTON. Dans le N.-O. du Finistère et spéciale-
ment autour de la rade de Brest, on exploite, depuis des
siècles, sous le nom de kersanton, une pierre très tenace,
d'un vert sombre ou grisâtre, que son grand degré de
résistance aux altérations exercées par les agents atmos-
phériques a, de tout temps, fait rechercher pour la sta-
tuaire. C'est, en particulier, dans la commune de Loperhet,
sur la rade de Brest, un puissant filon traversant oblique-
mont la rivière de Daoulas à son embouchure, du hameau
de Kersanton à la pointe de Rosmelec, qui a valu à cette
roche tout à la fois son nom et sa grande renommée. Des
carrières aujourd'hui abandonnées de Kersanton, sont
sorties, en effet, la plupart des vieilles sculptures des
calvaires bretons. Actuellement, les principales exploita-
tions sont transportées plus au N., dans de grands fais-
ceaux de filons constitués par cette roche au travers des
schistes et quartzites dévoniens du Faou, de Logonna et
surtout de l'Hôpital-Camfrout.
Les recherches pour fixer la composition minéralogique
de cette pierre qui compte, en Bretagne, parmi les plus esti-
mées, sont multiples et remontent à une date éloignée. Dès
i 798, Cambry ( Voyage dans le Finistère; Paris, an VII,
p. 247) y a signalé la présence du quartz, de l'amphibole,
du mica noir et de la calcite se traduisant par une légère
effervescence avec les acides ; plus récemment, M. Zirkel
{Die Zusammensetzung des Kersantons, Ber, d. KgL
Sœchs. Ges. Wiss., 21 juil. 4875), puis MM. Michel Lévy
et Douvillé (Sur le Kersanton, Bull. Soc. géoL de
France, 4876, t. V, p. 54, 3® série) l'ont décrite comme
essentiellement constituée par une association granitoïde de
feldspath Iriclinique et de mica noir. M. Ch. Barrois est
ensuite le premier qui ait montré (Annales de la Société
géolog. du Nord, 4887, t. XIV, p. 34) que les roches
de la rade de Brest, exploitées sous ce nom de kersan-
ton, se répartissaient en deux groupes : l'un à structure
grenue auquel revient le nom de kersantite, l'autre à
KERSANTON - KERVELEGAN
492
texture trachytoïde et devant se ranger parmi les por-
phyrites micacés (V. Kersantite). Ch. Vélain.
KERSAUSIE (Joachim-René-Théophile Gutllârd de),
politicien français, né à Guingamp le 13 nov. 4798, mort
le 24 août 4874. Entré dans l'armée en 4815, il fit la
campaone d'Espagne. Il commandait à Pontivy avec le grade
de capitaine au moment de la publication des fameuses or-
donnances du 26 juil. 1830. Il souleva son régiment et
marcha sur Paris ; mais, d'opinions par trop radicales pour
l'époque, il fut destitué à la fin de Tannée. Dès 1823, Ker-
sausie avait été affilié au carbonarisme ; de 1830 à 1834,
la propagande libérale qu'il fait l'entraîne dans tous les
procès politiques et il est tour à tour emprisonné et acquitté
par le jury. Condamné enfin à la déportation, comme
membre du comité de la Société des droits de l'homme, il
subit une détention de trois ans à Doullens et à Brest. Dé-
livré par l'amnistie du 8 mai 1837, il crut prudent de pas-
ser deux ans à l'étranger. De retour à Paris après la
révolution de 1848, il figura dans les journées du 15 mai
1848 (V. Mai) et du 13 juin 1849 (V. Juin). Condamné
à la déportation par contumace par la haute cour de Ver-
sailles (15 nov.), il passa à l'étranger.
KERSSEBOOM (Wilhelm), statisticien hollandais, né à
Oudewater (Sud-Hollande) en 1691, mort à La Haye le
1®^ sept. 1771. Il occupa diverses fonctions dans l'admi-
nistration des finances et fut secrétaire du service des postes.
Les nombreux documents statistiques qu'il a réunis et les
calculs de toutes sortes auxquels il s'est livré ont été long-
temps utilisés par les auteurs ayant à traiter des questions
de vitalité, de survie, etc., notamment par Voltaire, pour
l'art, il^^ du Dictionnaire philosophique^ par les rédac-
teurs de V Encyclopédie, pour l'art. Vie^ par Duvillard,
par Euler, etc. Il a lui-même pubhé à La Haye, sur les
rentes viagères et sur la statistique démographique, une
dizaine d'intéressantes dissertations ; l'une d'elles, Tweede
verhandeling bevestigende de proeve om te weeten de
probable meenigte desvolks, etc. (La Haye, 1742, in-4),
contient sa fameuse table de survie. Il a laissé en outre,
en manuscrits, de nombreuses notes et une volumineuse
correspondance conservées avec soin dans les archives de
La Haye. L. S.
BiBL. : P.-F.-X.-T. Heuschling, Notice sur la vie et les
ouvrages de GuilL Kerssehoom ; Bruxelles, 1857, in-8.
KERSTEN (Pierre), publiciste belge, ne à Maastricht en
1789, mort à Liège en 1865. Il fut d'abord professeur à
l'Athénée de Maastricht, puis, en 1821, il fut appelé à
diriger le Courrier de la Meuse, un des organes les plus
importants du parti catholique. Il contribua pour une forte
part à la conclusion de l'union entre les catholiques et les
libéraux qui fut le point de départ de la révolution de 1830.
Il ne désirait cependant qu'une séparation administrative
des deux pays. Après la révolution, il déclara que, s'il avait
pu en prévoir le résultat, il aurait brisé sa plume. En
1834, il fonda le Journal historique et litéraire, revue
mensuelle où parurent de remarquables études de philo-
sophie, de littérature, d'histoire et de politique. Kersten y
combattit vigoureusement les idées de de Bonald et de La-
mennais et réunit ses principaux articles dans un ouvrage
intitulé Essai sur V activité du principe pensant con-
sidérée dans Vinstitution du langage (Paris, 1851-63,
3 vol. in-8). Il y défend la théorie des idées innées avec
beaucoup d'érudition, de logique et de clarté. E. H.
KERT ou KOURT. Petite dynastie qui a régné à Hérat
de 1245 à 1389, et qui était vassale des Mongols du
Djagataï. Les princes étaient d'origine ghouride. Voici leur
liste: Shems eddin, 1245; Rokn eddin, 1278; Fakhr
eddin, 1285; Ghaïats eddin, 1308; Shems eddinH, 1328;
Hâfiz, 1329; Muïz eddin Housseïn, 1331 ; Ghaïats eddin
Pir Ali, 1370, renversé par Timour, 1389. E. Dr.
BiBL. : Barbier de Meynard, Chronique d'Hérat, 1861.
— S. Lane^PooLE, Mohammedan Dynasties, 1894.
KERTBENY (Claude-Marie Benkert, dit), écrivain alle-
mand voué à la littérature hongroise, né en 1824, mort à
Budapest en 1882. Il a beaucoup voyagé et a composé quel-
ques études personnelles ; mais ce qui recommande son nom,
c'est qu'il a fait passer les auteurs magyars, Petœfi, Arany,
Jékai, etc., dans la langue allemande, et par conséquent les
a rendus accessibles à tout lecteur instruit.
KERTCH. Ville de Russie, gouvernement de Tauride, à
l'angle oriental de la Crimée, sur le détroit de Kerch ou
d'ïénikalé; 25,000 hab., avec îénikalé, sa voisine. Elle
doit son importance à sa situation. Le détroit de Rertch,
ancien Bosphore cimmérien, unit la mer d'Azov à la mer
Noire. H a 42 kil. de long, une largeur de 4 à 40 kil. ;
mais sa profondeur est réduite par endroits à 4"^20, ce qui
gêne la navigation. Au point le plus étroit, le détroit res-
serré entre la pointe de Joujnaia Kassa et des îlots et bancs
de sable ne laisse qu'un étroit chenal le long duquel on a
élevé des fortifications formidables. Elles dominent la mer
de 85 m. et, sur une longueur de 3 kil., des batteries sont
accumulées, croisant leurs feux sur tous les points ; les
casemates sont à l'épreuve du bombardement ; du côté de
la terre, une haute muraille les abrite. Les principaux ou-
vrages sont les forts de Pavlovskoï et Alexandrovskoï. A
4 kil. au N. est la ville de Kertch, autour d'une petite
baie fermée par un barrage que défendent des batteries
flottantes. La vieille citadelle turque de forme circulaire a
été conservée et améliorée. La ville est neuve, entièrement
en pierre, avec des rues rayonnant autour d'une place
polygonale ; elle a été entièrement rebâtie après la guerre
de Crimée, au cours de laquelle les alliés l'avaient prise et
complètement rasée (11-14 juin 1855). EHe a 11 églises
grecques, 6 mosquées ou synagogues, de nombreuses écoles,
un musée où se conservent une partie des résultats des
fouilles opérées au voisinage, etc. Son commerce ne s'est
pas relevé depuis 1855. Auparavant, il était considérable
à cause de l'entrepôt de douanes et de la quarantaine ren-
due obligatoire pour tous les navires entrant dans la mer
d'Azov par une ordonnnance de 1833 qui ruina le port de
Taganrog. Actuellement, l'importation est insignifiante,
l'exportation s'élève à 7 ou 8 millions de fr. Kertch occupe
l'emplacement de l'antique cité de Panticapée ou Bosporos
(plus tard Pandico, Vospro, Vespero). colonie milésienne
qui fut la capitale du royaume du Bosphore (V. ce mot) .
Au moyen âge, elle perdit son importance. Les Génois la
possédèrent jusqu'en 1475 ; elle fut alors occupée par les
Turcs et devint l'entrepôt du commerce de la Crimée orien-
tale entre les Tatars et les Grecs et Arméniens. En 1771,
les Russes la conquirent, et le traité de Koutchouk-Kai-
nardji la leur céda. Catherine II s'efforça d'en faire un
grand port de commerce et de guerre. Les environs sont
très riches en objets archéologiques : catacombes, tumuli
funéraires (kourgans) ; les principaux sont ceux de Koul-
Oba et Altoun-Oba. Les principales trouvailles ont été trans-
portées au musée de l'Ermitage. Au voisinage de Kertch
sont des sources de naphte et des solfatares. A. -M. B.
BiBL. : Antiquités du Bosphore cimmérien; Saint-Pé-
tersbourg, 1844, 2 gr. vol. in-8 et 1 vol. de pi. — Macpher-
SON, Antiquities of Kertch ; Londres, 1857. — L. Ste-
PHANi, Die Alterlhûmer von Kertch ; Saint-Pétersbourg,
1880.
KERVÉGUEN (Marie-Aimé-Philippe-Auguste Le Coat
de), homme politique français, né à Toulon le 17 nov. 1811,
mort à Madrid le 8 août 1868. Négociant à Toulon où il se
distingua avant le coup d'Etat du 2 décembre par ses opi-
nions bonapartistes, il fut élu député du Var le 29 févr.
1852 avec l'appui du gouvernement et successivement réélu
en 1857 et 1863. Il est célèbre parla campagne acharnée
qu'il fit dans l'Assemblée contre la presse, réclamant pour
elle une législation draconienne et dénonçant en 1867 les
principaux journaux de Paris comme ayant reçu des sub-
sides du prince de Bismarck. Ces allégations apportées à la
tribune le 10 déc. furent soumises à un jury d'honneur
(MM. d'Andelarre, Jules Favre, Martel et Marie) qui les
déclara sans fondement.
KERVELEGAN (Augustin-Bernard-François Le Goazre
de), homme politique français, né à Quimper le 17 sept.
1748, mort à Toulgoetle24 févr. 1825. Docteur en droit
493 -~
KERVELEGAN — KESSELS
de la faculté de Rennes, il devint avocat au présidial de
Quimper, puis sénéchal et maire de Quimper. Député de la
sénéchaussée de sa ville natale aux Etats généraux, il y fit
partie du comité d'aliénation des biens nationaux. Après
la séparation de l'Assemblée constituante, il devint prési-
dent du tribunal de Quimper, fut élu, par le dép. du Finis-
tère, représentant à la Convention, et y vota pour la déten-
tion de Louis XVI. Membre de la commission des Douze,
il se vit décréter d'arrestation le 2 juin 1793, parvint à
se sauver et fut mis hors la loi. Rentré à la Convention en
Tan m, il fit partie du comité de sûreté générale et fut
blessé lors de l'insurrection de prairial. Après la session,
il passa au conseil des Anciens, siégea ensuite au conseil
des Cinq-Cents, entra après le coup d'Etat de brumaire au
Corps législatif, où il resta jusqu'au 20 mars 1815. Il se
retira alors à Toulgoet, dont il fut le maire jusqu'à sa
mort. A. KusciNSKi.
KERVIGNAC.Com. du dép. du Morbihan, arr. de Lo-
rient, cant. de Port-Louis ; 2,650 hab.
KERVILLE (Cadeau de) (V. Gadeau de Kerville).
KERVYN de Lettenhove (Constantin-Bruno, baron),
homme politique et historien belge, né à Saint-Michel-lez-
Bruges en 1817, mort à Saint-Michel en 1891. Il entra
de bonne heure dans la vie politique, et prit rang parmi
les catholiques constitutionnels. Il fut élu en 1861 membre
de la Chambre des représentants par l'arr. d'Eecloo, et
intervint fréquemment dans les débats parlementaires, sur-
tout dans les discussions relatives aux relations extérieures
et aux questions d'enseignement. Lorsque les catholiques
eurent conquis le pouvoir en 1870, Kervyn reçut le por-
tefeuille de Fintérieur dans le cabinet d'Anethan. Mais il
commit la faute de nommer gouverneur du Limbourg P.
de Decker (V. ce nom) qui s'était compromis dans les
affaires du banqueroutier Langmnd-Dumonceau (V. ce
nom). Des troubles éclatèrent à Bruxelles, et le cabinet
dut se retirer. Depuis ce moment, Kervyn, tout en restant
membre de la Chambre, abandonna peu à peu la politique
active pour se consacrer tout entier aux études historiques.
Il s'était depuis longtemps acquis dans ce domaine une
grande notoriété et, dés 1856, l'Académie française avait
couronné son Etude sur les chroniques de Froissart.
Possédant une érudition prodigieuse, fouillant avec une té-
nacité rare les bibliothèques et les archives des principaux
pays de l'Europe, Kervyn produisit un nombre vraiment
extraordinaire d'ouvrages originaux, modifiant sur bien
des points les opinions reçues, écrits dans un style grave
et châtié, mais péchant par l'emphase. Il faut dire cepen-
dant que ces livres, remarquables à tant de titres, pré-
sentent de graves défauts. Ses deux œuvres capitales, les
Huguenots Qi les Gw<?w^ (Bruges, 1883-85, 6 vol. in-8)
et Marie Stuart (Paris, 1889, 2 vol. in-8) semblent
écrites non par un historien de nos jours, jugeant avec une
critique précise les faits et les hommes d'une époque déjà
lointaine, mais par un contemporain du xvi^ siècle, lancé
au plus fort de la mêlée politique et religieuse. Ce sont des
livres passionnés, des plaidoyers partiaux au delà de toute
expression. L'auteur accueille avec une joie peu dissimulée
et une confiance excessive tous les témoignages, toutes les
rumeurs, tous les rapports suspects des diplomates de
bas étage et des espions les plus infimes, pourvu qu'ils
noircissent Guillaume d'Orange, Marnix de Sainte-Alde-
gonde et Elisabeth d'Angleterre, ou qu'ils glorifient Phi-
lippe II et Marie-Stuart. C'est à tel point que l'hibtorien
hollandais Robert Fruin, dont l'impartialité sereine est bien
connue, reconnaissant la valeur des documents découverts
par Kervyn, regrette qu'il ne se soit pas borné à les publier
sans commentaires. La liste complète des écrits de Kervyn
se trouve dans les Notices biographiques et bibliogra-
phiques de l'Académie de Belgique (Bruxelles, 1887,
in-12);elle compte plus de cent numéros. En voici les plus
importants en dehors de ceux cités plus haut : Histoire de
Flandre (Bruxelles, 1847-50, 6 vol. in-8, rééd. Bruges,
1853, 4 vol. in-8; ibid., 1874, 4 vol. in-8); OEuvres
de G. Chastellain (Bruxelles, 4863-66, 8 vol. in-8);
Lettres et négociations de Ph, de Commines (id., 1 867,
2 vol. in-8) ; OEuvres de Jean Froissart avec les va-
riantes des divers manuscrits {id., 1867-77, 25 vol.
in-8) ; Chroniques relatives à l'histoire de la Belgique
sous la domiîiation des ducs de Bourgogne (id., 1870-
77, 3 vol. in-4); Relations de la Belgique et de l'An-
gleterre sous le règne de Philippe II {id,, 1882-91,
10 vol. in-4). E. Hubert.
KÉRYM Khan, roi de Perse (1750-79), né en 1699,
mort le 2 mars 1779. 11 se distingua sous les ordres de
Nadir Chah, et dans l'anarchie qui suivit sa mort se fit
reconnaître administrateur de la Perse occidentale avec Chi-
raz pour capitale (V. Perse, § Histoire).
KERZAZ. Petit ksar du Sahara, situé dans la vallée de
Touad Saoura, siège d'une confrérie religieuse dont l'in-
fluence est considérable dans tout le Sahara orano-maro-
cain. Les marabouts de Kerzaz s'occupent de protéger le
mouvement dei caravanes du Maroc, du Tafilalet vers le
Gourara et le Te mt, car leur résidence est un lieu d'étape
nécessaire pour It , voyageurs.
KESCH. Mont des Alpes, dans le massif de TAlbula
(cant. des Grisons), haut de 3,417 m. ; il est situé entre
les cols d'Albula et de Scaletta. L'ascension se fait de
Madulein en cinq heures.
KESMARK. Vieille ville libre royale de Hongrie, dans le
comitat de Szepes (Zips). Un peu déchue de son ancienne
grandeur, elle ne compte plus que 4,500 hab., Allemands
ou Slovaques, qui vivent d'industries textiles assez floris-
santes. Plusieurs monuments importants ont été conservés :
l'église catholique en style gothique, l'église protestante
construite en bois au xvii® siècle, l'hôtel de ville et la for-
teresse de Tœkœli.
KESSEL-Loo. Corn, de Belgique, prov. de Brabant,
arr. de Louvain, surlaDyle; 6,500 hab. Exploitations
agricoles, fabriques de matériel de chemin de fer. On y
voit l'église de l'ancienne abbaye bénédictine de Vlierbeek
fondée en 1125.
KESSEL (Hieronymus Van), portraitiste et peintre de
natures mortes flamand, né à Anvers vers 1580, mort vers
1635. Elève de Cornelis Floris, il a beaucoup travaillé
en Allemagne, à Francfort en 1606, puis à Augsbourg;
en 1609, il est à Strasbourg où il fait le portrait de l'ar-
chiduc Léopold d'Autriche; il arrive à Cologne en 1615 et
il y reste jusqu'après 1620. En 1622, il est reçu membre de
la gilde de Saint-Luc. Le Germanisches Muséum de Nurem-
berg a de lui un Groupe de famille, et le musée de Co-
logne six portraits. H. Van Kessel a peint des animaux dans
les tableaux de Breughel de Velours.
KESSEL (Jan Van), l'Aîné, peintre flamand, né à An-
vers en 1626, mort à Anvers entre 1678 et 1679, fils du
précédent. Elève de Simon de Vos et de Jan Breughel le
Jeune. Il peignit surtout des fleurs, des plantes, des oi-
seaux, etc., avec une rare finesse et un brillant coloris.
KESSEL (Jan Van), le Jeune ^ peintre flamand, né à
Anvers en 1644, mort à Madrid en 1708. Il se fixa en Es-
pagne 011 il devint peintre de la cour, grâce à son talent
de portraitiste.
KESSEL (Ferdinand Van), peintre flamand, né à Anvers
en 1648, mort à Breda en 1710. Fils de Jan l'Aîné, il
imita avec succès sa manière. Devenu peintre attitré de
Jean Sobieski, roi de Pologne, il exécuta pour lui les
Quatre Eléments et les Quatre Parties du monde, toiles
fort appréciées, mais qui périrent dans un incendie. Il les
refit sur une plus grande échelle. Il travailla aussi pour
Guillaume III, prince d'Orange et roi d'Angleterre. G. P-i.
KESSELS (Matthias), sculpteur néerlandais, né à Maas-
tricht le 20 mai 1784, mort à Rome le 3 mars 1836.
D'abord apprenti orfèvre, il vint apprendre le dessin à
Paris, et resta ensuite à Saint-Pétersbourg de 1806 à
1814, se livrant à sculpter et à modeler en argent et en
cire. De retour à Paris, il fréquenta l'atelier de Girodet,
puis celui de Thorvaldsen à Rome, oii il exécuta deux bustes :
KESSELS — KETMIE
— 494 —
le Jour et la Nuit^ qui fixèrent l'attention sur lui. Lau-
réat et prix de sculpture au concours Canova avec un Saint
Sébastien, il eut une vogue durable. On lui doit plusieurs
excellentes statues de Discoboles, et surtout de beaux
bustes, bas-reliefs ou groupes de sujets religieux. G. P-i.
KESSELSDORF. Village d'Allemagne, royaume de Saxe,
district de Dresde. Le 45 déc. 1745, les Prussiens, com-
mandés par le prince Léopold de Dessau, y défirent les
Austro-Saxons commandés par le feld-maréchal Rutowski
(V. Frédéric II).
KESSERA. Ville de la Tunisie centrale, sur la route
stratégique du Kef à Kairouan, à 90 kil. de la première
de ces villes et à 85 kil. de la seconde. La petite ville a
des sources excellentes, des jardins d'oliviers et une po-
pulation de 2,500 hab. environ. Elle est située sur la cor-
niche d'un plateau pierreux ou hamada, auquel elle a donné
son nom. La hamada de Kessera est une des régions les plus
curieuses de la Tunisie. Son assise supérieure est une
énorme dalle de 25 kil. , limitée de tous côtés par de véri-
tables falaises et porte dans une dépression une sebkhra.
Des points les plus élevés on a une vue très étendue,
notamment sur toute la plaine de Kairouan. E. Cat.
KESSLER (Johann), réformateur suisse et chroniqueur,
né vers 1502, mort en 1574. Originaire du cant. deSairit-
Gall, il alla à Wittenberg étudier la théologie avec Luther
et Melanchthon, dont il répandit les doctrmes à son retour
en Suisse. Sa Chronique de Saint-Gall donne des détails
sur la vie privée des réformateurs de cette ville. On lui
doit la Bibliotheca Sangallensis, publiée dans les Scrip-
tores Rerum allemannicarum de Goldast.
KESTER6AT (Jean de) (V. Enghien [Jean d']).
KESTNER (Georges-Marie-Joseph-(^harles), industriel el
homme pohtique français, né à Thann le 30 juin 180.H,
mort à Thann le 12. août 4870. Petit-fils de Kestner, ami
de Gœthe et de Charlotte Kestner, née Buff' (Y. ce nom),
il continua la direction de l'usine de produits chimiques
fondée à Thann en 4846 par son père (mort en 4846) et
lui donna un grand développement, fournissant toutes les
teintureries de l'Alsace. Très aimé de ses ouvriers, pour
lesquels il fonda une série d'institutions, et fort populaire
dans la région du Haut-Rhin, il fut élu représentant de ce
département à l'Assemblée constituante le 23 avr. 4848. Il
s'y occupa beaucoup des questions commerciales et ouvrières
et réélu à la Législative le 40 mars 4850, il vota contre
les menées bonapartistes et protesta contre le coup d'Etat
du 2 décembre. Arrêté et bientôt remis en liberté, il se pré-
senta sans succès contre le candidat officiel aux élections
du 29 févr. 1852 pour le Corps législatif. On lui doit,
entre autres découvertes, celle de l'acide paratartrique. —
Son gendre, M. Scheurer-Kestner (V. ce nom), lui succéda
à la tête de l'établissement industriel de Thann.
KESTRE (Antiq.) (V. Fronde).
KESWICK. Ville d'Angleterre, comté de Cumberland,
sur le lac Derwentwater, au pied duSkiddaw; 3,500 hab.
KESZTHELY. Ville de Hongrie, comitat de Zala, sur le
lac Balaton ; 5,500 hab. Château, trois couvents, école
agronomique ; pêcheries importantes ; vins réputés.
KET. Rivière de Sibérie, affluent droit de l'Ob, qui naît
au S. d'Eniséisk, coule vers l'O. et finit près deNarym. Il
a 4,400 kil. de long dont 4,020 navigables. Un canal le
relie à l'Eniséi. Il reçoit, à droite, la PaïdouL,hina, la Li-
sitsa, la Tchourbigha, la Lomovskaïa, émissaire du lac
Bolchoié. Sa vallée servit de voie de pénétration aux con-
quérants cosaques de la Sibérie.
KETA ou QUETTA. Comptoir d'Afrique, sur la Côte
des Esclaves (V. cet art.) ; 5,000 hab. Il remplace le fort
danois de Prindseussteen et dépend de la colonie anglaise
de la Côte d'Or.
KETCH (Mar.) (V. Caiche).
KETE6HYAZA. Ville de Hongrie, comitat de Békés;
3,500 hab. Nœud des voies ferrées de Csaba à Arad, de
Kis-Jenœ et de Mezœhegyes.
KET EL (Cornelis), peintre et architecte hollandais, né
à Gouda le 48 mars 4548, enterré à Amsterdam dans l'an-
cienne église le 8 août 4646. Pendant un an (4565), il fut
à^Delft élève d'Antoine de Montfort, dit Blocklandt. En
4566, il vint en France travailler à Pans et à Fontaine-
bleau. En 4573, il va en Angleterre et il y peint beaucoup
de portraits de cour; en 4578, celui de la Reine Elisabeth,
Il revient en 4584 à Amsterdam, où il peint avec grand
succès des portraits et des groupes d'arquebusiers,' Vers
4599, Ketel se mit à peindre sans pinceaux, avec les doigts ;
plus tard même il peignit avec les pieds. Ses tableaux sont
rares ; on voit au musée d'Amsterdam : le portrait de Jacob
Bas Claesz, bourgmestre d'Amsterdam, et le portrait de
GrietjCodde, son épouse; la Compagnie d'arbalétriers
du capitaine Dirk Rosecrans (4588) et une Réunion
de gardes civiques (4596). H y a dans la collection de
M. Gevers à Amsterdam deux très beaux portraits de Ketel.
Celui-ci avait peint aussi pour la Confrérie de l'Arc Jésus-
Christ et les Douze Apôtres, où il avait représenté les
artistes célèbres de son temps. E. Bricon.
KETHULLE (François de L\), seie^neur de Rijhove, agi-
tateur belge, né à Wondelgem-lez-Gand vers 4534, mort à
Utrecht en 4585. Etant grand bailli de Termonde, il entra
dans la pohtique en 4576, et, avec Hembyze(N, ce nom),
il se mit à la tète de la faction anticatholique et se jeta
dans la lutte avec une extrême violence. Il ne possédait ni
les qualités de l'homme d'Etat ni celles de général d'armée ;
au début de sa carrière, il était avide, peu scrupuleux, bru-
tal jusqu'à la cruauté. Il fit arrêter et jeter en prison un
grand nombre de seigneurs catholiques en dépit de l'in-
violabihlé que leur assurait leur qualité de membres des
Etats généraux, puis il fit pendre sans jugement le con-
seiller Hessels et le bailli de Visch. Quelques mois après
cette odieuse exécution, de La Kethulle, qui avait com-
mis tant d'excès contre les catholiques, changea brus-
quement d'attitude, se rangea parmi les hommes modérés
qui reconnaissaient pour chef le Taciturne, contribua à
faire admettre à Gand la Paix de Religion, en déc. 4578,
et combattit avec un admirable dévouement et une rare
constance pour l'indépendance nationale et la liberté reli-
gieuse, luttant à la fois contre l'intransigeance des ultra-
calymistes et la trahison des Malcontents (V. ce nom). Il
résista énergiquement jusqu'au dernier jour de sa vie,
malgré les succès de Farnèse, et mourut ruiné par sa fidé-
lité à la cause nationale. E. H.
BiBL. : Les historiens des troubles du xvp siècle aux
Pays-Bas. — Fredericq et Van der Linden, Biographie
.^^Jf^l-^'^^^l^^ dans la Biographie nationale de Bêlgi((ue.
KETl ou KHETTl. Ville maritime de l'Inde anglaise,
présidence de Bombay, province de Sindh, sur une branche
orientale du delta de ITndus ; 2,500 hab. ; c'est le prin-
cipal port de la région après Karatchi.
KETIB. Terme de grammaire hébraïque, très fréquem-
ment employé dans l'explication des textes bibliques. Ketib,
c.-à-d. ce qui est écrit, désigne le mot tel qu'il est donné
par le texte traditionnel, et Keri ce qu'on doit lire (plus
exactement Qeré) indique les leçons ou corrections pro-
posées par les Masorèthes et auxquelles l'officiant est in-
vité à se conformer dans la lecture sacrée.
KETMIE. I. Botanique. — (Hibiscus L.). Genre de Mal-
vacées, type de la série des Hibiscées (Bâillon), et dont les
fleurs rappellent celles des Mauves, quant au périanthe et
à l'androcée ; il y a un calicule, un calice valvaire, une
corolle gamopétale à la base, des étamines monadelphes;
l'ovaire est à 5 loges alternipétales, multiovulées, sur-
monté d'un style à 5 branches stigmatifères ; le fruit est
une capsule loculicide ; les graines renferment un embryon
épais, replié sur lui-même, avec un peu d'albumen muqueux
dans les replis. Les Ketmies sont des arbres, des arbris-
sejiux ou des herbes, à feuilles alternes ; on en connaît
d 50 espèces répandues dans les régions chaudes du globe.
Elles sont presque toutes mucilagineuses. — Mention-
nons VH. Syriacus L. ou Mauve en arbre, dont le liber
sert à faire du papier; 1'^. trionum, cultivé comme
plante d'ornement et servant à préparer un sirop émoi-
495 -
KETMIE — KETUPA
lient et pectoral ; VH. ficulneus (Abelmoschus flcul-
neus W. et Arn.), dont les graines sont comestibles ;
VH. Rosa sinensis L., riche en tanin, usité à Tahiti contre
les ophtalmies et en Chine pour teindre les sourcils ; 17/.
tiliaceus L., dont les fleurs sont apéritiveset le liber sert
à faire des liens; VIL suratensis dont les feuilles sont
toniques et servent à teindre en rouge. Un grand nombre
d'autres espèces sont employées comme textiles (V. Hibis-
cus [Techn.]) ou comme mucilagineuses. D*" L. Hn.
II. Horticulture. — Oncultiveen plein air, sur les plates-
bandes, une ketmie annuelle (Hibiscus irionum L.) que
l'on sème en place au printemps ou encore sur couche et
que l'on plante en mai. Les ketmies en arbre comme
H.roseus Thor., H. militaris Cav., H.palustris L.,
conviennent aux jardins paysagers. Elles aiment une terre
douce, profonde. Une autre espèce, arbuste de quelques
mètres de hauteur, à rameaux dressés, H. syriacus L.,
se cultive en caisse ou en pleine terre, foutes ces plantes,
remarquables par la beauté et l'abondance de leurs fleurs,
sont d'une culture facile. On les multiplie de graines se-
mées en terrines au printemps. Les jeunes plants sont
abrités durant les premiers hivers. Citons encore H, Rosa
siîiensis L. et H. esculentus L. Le premier est un ar-
buste très ornemental, fleurissant presque toute l'année,
de serre tempérée pendant l'hiver, rustique dans le Midi.
On le cultive en pleine terre ou bien en pot et en terre de
bruyère. La multiplication se tait de boutures herbacées
sur couche chaude. Le second, recherché pour ses fruits
comestibles dans les pays chauds, connus sous le nom de
Gombo^ se sème sur couche vers la fin de l'hiver. On le
met en place en mai. G. Boyer.
m. Economie domestique. — On cultive la ketmie aux
Antilles, en Algérie, etc., pour ses fruits que l'on mange
verts coupés par tranches et assaisonnés comme les petits
pois nouveaux. On l'a proposé en France comme un succé-
dané du café. C'est un ahment sain, léger, qui convient
surtout aux convalescents.
KÉTONE (V. Acétone).
KETOUBIWI, c.-à-d. Ecrits, d'après le grec, Hagio-
graj)hes, terme hébreu qui désigne la troisième et dernière
partie du recueil des livres sacrés du judaïsme, autrement
dit de la Bible hébraïque (V. Bible),
KETRZYNSKI (Adalbert), historien polonais, né dans
le duché de Posen en d838. Directeur du musée national
d'Ossohnski à Léopol (Galicie), il se consacra de bonne
heure à l'histoire de Pologne. Ses recherches se portèrent
d'abord sur le passé de la Prusse occidentale (royale). Il
publia une étude historique : Sur la Nationalité polo-
naise dans la Prusse occidentale sous l'ordre teuto-
nique (Cracovie, 1874; en pol.) ; la Population polo-
naise dans la Prusse autrefois teutonique (Léopol,
4882). Il prit part aux travaux historiques de l'Académie
des sciences depuis sa fondation (1873). C'est à lui qu'on
doit l'édition de la plus grande partie des documents histo-
riques polonais publiés dans les Monumenta Poloniœ
Historica (vol. III, Léopol, 1878; vol. IV, Léopol, 1884,
pp. 1-142, 206-500, 662-796; vol. V, Léopol, 1888,
pp. 419-443, 585-840, 861-1012, in-4). On lui doit
encore: Catalogus codicum manuscriptorum Biblio-
thecce Ossolianœ Leopoliensis (Léopol, 1881-90,3 vol.),
et des Etudes sur les documents du xn^ siècle (Cra-
covie, Acad. des se, 1891). Joseph Kâllenbach.
KETTELER (Gotthard de), grand maître de l'ordre des
Porte-Glaives, mort le 17 mai 1587. Entré dans l'ordre
en 1540, il le sécularisa, profitant de sa conversion au
protestantisme. Menacé par les Russes, il se plaça sous le
protectorat polonais (1559), céda la Livonie au roi Sigis-
mond II Auguste et conserva à titre d'archiduché vassal
de la Pologne la Courlande et le Semigalle (1561). Il
épousa Anne de Mecklembourg (1566) ; leurs descendants
conservèrent la Courlande jusqu'en 1737. Cette lignée
s'éteignit au début du xix® siècle, mais il subsiste en
Westphalie deux autres branches des Ketteler, l'une pro-
testante et l'autre catholique à laquelle appartient le fa-
meux évêque (V. ci-dessous).
KETTELER (Wilhelm-Emmanuel, baron de), évêque de
Mayence, né à Harkoiten (Westphalie) le 25 déc. i8ll
mort à Burghausen (Bavière) le 13 juil. 1877. H a été le
prélat allemand le plus militant de la seconde moitié du
XIX® siècle. 11 était référendaire à Munster, quand le con-
flit autour de l'archevêché de Cologne (1837) le fit entrer
dans le clergé : il résolut de se consacrer entièrement à la
cause de l'autonomie de l'Eglise en face de l'Etat. En 1848,
il commença de se faire remarquer, au Parlement de Franc-
tort, parmi les ultramontains, par la rapidité et la netteté de
son jugement autant que par son talent oratoire. Un bref du
7 déc. 1849 le nomma évêque de Mayence au mépris du
droit canonique suivant lequel le professeur Léop. Schmid
de Giessen avait été régulièrement élu. Aussitôt M^^ de
Ketteler défendit la fréquentation de la faculté de Giessen
aux théologiens de son diocèse et, en 1851, il créa le sémi-
naire de Mayence pour y dresser son clergé. La ville épis-
copale devint ainsi la métropole du jésuittsme en Allema-
gne ; dans son diocèse dominait, selon l'expression de ses
administrés, « un régime à la cosaque » ; le ministère
Dalwigk,où il avait la haute main, l'aidait au besoin. Après
1860, il se mit à la question sociale. La brochure Die Ar^
beiterfrage und das Christenthum (Mayence, 1863),
dans laquelle l'évèque paraphrase Lassalle, eut tout le reten-
tissement d'un manifeste venant de haut et fut le point de
départ de l'organisation du socialisme catholique, dont
Ms^ de Ketteler ne céda la direction à son chanoine Mou-
fang que quand les conflits avec le nouvel Empire absor-
bèrent tous ses efforts. Avant cela, la question de l'infail-
libilité papale avait mis sa dextérité diplomatique à une rude
épreuve. Favorable au concile, suivant une brochure de
1869, il entra dans l'opposition à la conférence desévê-
ques allemands à Fulda — où, du reste, il fit accepter aux
evéques réunis le patronage du parti socialiste ultramon-
tain (christlich'Sozial) — et y demeura jusqu'au moment
du vote final, avant lequel il quitta Home ; ses manœuvres
ambiguës avaient fait naître dès longtemps des soupçons
dans l'esprit de ses collègues antiinfailhbihstes. Nul ne fut
ensuite plus dur aux vieux-catholiques. L'issue de la guerre
de 1866 avait déjoué les plans de l'évèque de Mayence;
l'Empire de 1871 trouva en lui un adversaire décidé et
redoutable. Pour le combattre, Mgr de Ketteler enrôla les
paysans westphaliens, poussés déjà par lui dans l'agitation
sociale. H ne \it pas la fin du Kullurkampf qui avait
affaibli son action officielle dans son diocèse par un chan-
gement de ministère. Il mourut au retour d'un de ses nom*
breux voyages à Rome, où il était allé s'entendre avec les
évêques prussiens destitués, en vue d'une nouvelle cam-
pagne. H n'a publié qu'une quarantaine de brochures de
circonstance. F.-II. K.
BiBL. : F.-W.-F. NiPPOLD, CharakterbilddesFrhn W.-E
von Ketteler und seiner Wirksamkeit, dans les Deutsch-
Evang. nlœttern; Halle, 1878, t. III, pp. 145 et suiv., 839 et
suiv. et 385 et suiv. (on y trouvera une bibliographie com-
plète des écrits de Ketteler). ~ E. de Laveleye, ie Socia-
lisme contemporain; Paris, 1888, pp. 136 à 167, 4<' éd.
KETUPA (Ornith.). Parmi les Rapaces nocturnes, les
Keliipa (iQsson, Traité d'ornithologie, 1831, p. 114),
tout en ressemblant aux Grands-Ducs par leurs formes gé-
nérales, parleur plumage et par leur tète ornée d'aigrettes,
se distinguent facilement par leurs tarses généralement dé-
nudés et par leurs doigts garnis en dessous de spicules ana-
logues à celles qu'on observe chez les Balbuzards (V. ce
mot). Hs se trouvent dans l'Asie continentale et insulaire,
en Palestine, dans l'Inde, à Ceylan, dans l'Indo-Chine, à
Malacca, dans les îles de la Sonde et dans la Chine méri-
dionale. On en connaît trois espèces : Ketupa ceylo-^
nensis Gm., F, flavipes et F, javanensis Less. Les Ke-
tupas vivent dans les forêts, dans les jongles, dans les
jardins des contrées boisées et se tiennent cachés au milieu
de fourrés durant toute la journée. Après le coucher du so-
leil, ils sortent de leurs retraites et se rapprochent des cours
KETUPA — KEY
— 496 —
d'eau et des étangs pour chercher leur nourriture qui con-
siste surtout en poissons et en crustacés. Les spicules dont
leurs doigts sont munis leur servent sans doute, comme
aux Balbuzards, à maintenir entre leurs serres des proies
dont le corps est couvert d'une carapace lisse ou d'écaillés
glissantes. Ces Rapaces déposent leurs œufs dans des troncs
d'arbres creux ou dans des anfractuosités de rochers.
Leur cri est une sorte de gémissement ou d'aboiement
sourd. E. OUSTALET.
BiBL. : Sharpe, Cat B.Brit. Mus.^ 1875, t. II, p. 4.
KEUCHENIUS (Robert), philologue hollandais, né à
Arnhem en 1636, mort à Arnhem en 4673. Après avoir
été pendant plusieurs années professeur d'éloquence et
d'histoire à \ Ecole illustre d'Amsterdam, il quitta la Hol-
lande, et habita successivement le Palatinat et la France ;
Louis XIV lui donna une gratification de 300 livres pour
son poème Gallia triumphans (Amsterdam, 1663, in-8,
rééd. à Paris en 1670, in-4). Keuchenius avait publié de
nombreux et savants commentaires des auteurs latins clas-
siques; son édition de Cornélius Nepos (Leyde, 1658,
in-8; est surtout remarquable. E. H.
KEUIC. Localité du Yucatan à 34 kil. 0. de Tekax, où
sont des ruines avec des peintures bien conservées.
BiBL. : Stephen, Incidents of travel in Yucatan ; New
York, 1848, 2 vol.
KEULEN (V. Ceulen).
KEULEN (Jean Van), géographe hollandais, né vers
16o0, mort en 1705. Il est l'auteur d'un atlas maritime
de très haute valeur, qui comprend 160 cartes in-fol. :
Atlas des mers (en holl. ; Amsterdam, 1687, rééd. 1728,
4 vol. in-fol.).
KEUPER ou Marnes irisées. Nom donné en géologie
aux couches supérieures du système triasique de l'Europe
centrale (V. Trias).
KEURUSELKA. Lac de Finlande, gouv. de Wasa et
Tavastéhus; 160 kil. q. ; il s'écoule par le Kumo.
KEVELAER. Ville de Prusse, district de Dusseldorf,
près de Niers ; 4,000 hab. Une image miraculeuse de la
Vierge, exposée depuis i642, y attire de nombreux pèle-
rins ; l'année du jubilé (1842), il en vint 180,000.
KEVERBER6 de Kessel (Charles-Joseph, baron de),
administrateur belge, né à Halen en 1768, mort à La
Haye en 1 841 . Sous l'Empire, il fut successivement préfet
de plusieurs départements, et, sous le roi Guillaume, gou-
verneur de province et conseiller d'Etat. La révolution de
1830 mit fin à sa vie publique. Il s'occupa surtout d'études
d'économie politique, de statistique et de législation et pu-
blia des ouvrages importants dont plusieurs sont encore
utilement consultés aujourd'hui. En voici les principaux :
Réflexions sur la loi fondamentale du royaume des
Pays-Bas (Glèves, 1815, in-4); Du Royaume des Pays-
Bas (La Haye, 1834, 2 vol. in-8).
KEW. Village d'Angleterre, comté de Surrey, à 1 1 kil. 0.
de Londres, sur la rive droite de la Tamise ; 1 ,850 hab.
S'tat. (Kew gardons, Kew bridge) du chem. de fer de Lon-
dres à Reading. — Château royal, résidence favorite de
Georges III. Jardin botanique de 30 hect. (avec pépinière
de llO hect.), avec des collections et des serres uniques
au monde ; fondé au xviii® siècle par le prince de Galles,
acquis par l'Etat en 1840, il a été organisé par Hooker.
BiBL. : Hooker, Guide to the Royal Botanic Gardens at
Ke-w; Londres, 1847. —Du même. Guide to the Musemn
of'Kew, 1855.
KEWEENAVIEN. Nom donné par les géologues améri-
cains à l'étage supérieur du système précambrien (V. ce
mot).
KEWEENAW. Presqu'île du lac Supérieur, Etat de Mi-
chigan ; formée de roches siluriennes et dévoniennes, elle
a 150 kil. de long et renferme le lac Portage de 30 kil.
de tour qui isole son extrémité. La chaîne centrale {Mine-
rai Ranges), qui ne dépasse pas ce lac, a 500 m. de haut et
est très riche en cuivre. — A l'E. de la presqu'île s'étend
la baie du même nom limitée de l'autre côté par la pres-
qu'île de Point Abbay,
KEXÉL (Olof), écrivain suédois, né à Kalmar en 1748,
mort à Stockholm en 1796. Ses débuts dans la littérature
furent une excellente traduction en suédois de : l'Eloge
de Daguesseau par Thomas (1768) ; mais quelques bro-
chures et les premiers numéros d'une petite revue hebdo-
madaire (Hatlen, « le Chapeau ») qu'il publia ensuite,
lui attirèrent des difficultés avec la justice et il jugea bon
de s'éloigner du pays pendant quelques années (1770-73).
A son retour, il fut nommé régisseur au théâtre royal,
puis, en 1779, secrétaire delà direction des spectacles
royaux et enfin, l'année de sa mort, secrétaire de la loterie
royale. C'était un joyeux compagnon de l'école de Bellman
dont il était, avec Eallman (Karl-Israel), le meilleur ami
et un fidèle camarade. Ses œuvres très nombreuses con-
sistent, outre la publication de VAlmanach du théâtre
royal (1781-89), en écrits satiriques, en poèmes légers,
en chansons, en un grand roman historique, Zalameski,
qu'il donne comme une traduction de plusieurs langues,
enfin en comédies dont la plupart ne sont que des imitations
ou même des traductions, du français principalement, ar-
rangées au goût et aux mœurs des Suédois {Kapten Puff
ou le Fanfaron^ d'après Boissy : le Babillard), Il est
resté célèbre comme fondateur de la société «Par Bricole»,
qui vit encore aujourd'hui et dont il fut, jusqu'à sa mort,
le maître général des cérémonies. Th. C.
BiBL. : Svenska Parnassen; Stockholm, 1891, vol. IV.
KEXLER (Simon), mathématicien suédois, né à Kexle
(OErebro) le 29 déc. 1602, mort à Abo le 29 mars 1669.
Il visita les principales universités de la Hollande et de
l'Allemagne, en rapporta de profondes connaissances et pro-
fessa successivement au gymnase de Strengnœs (1634), aux
universités d'Upsal (1635) et d'Âbo (1640). Il a grande-
ment contribué au développement que prirent en Suède, au
milieu du xvii^ siècle, les études mathématiques. Il a écrit
de nombreux traités, longtemps classiques: De Planorum
et sphœricorum triangulorum solutione (Abo, 1649,
2 vol. in-12) ; Arithmetica^ triplex (Abo, 1658) ; Trac-
tatus brevis de tempore (Abo, 1661, in-4), etc. L. S.
. BiBL. : M. MiLTOPJius, Oralio funebris in Kexlerum ;
Abo, 1669, in-4.
KEXHOLM. Place forte de Finlande, dans une île du
lac Ladoga, à l'embouchure du Wuoxen ; 1,200 hab. Elle
fut fondée en 1295. La famille de Pougatchev y a été em-
prisonnée.
KEY (Willem), peintre flamand, né à Breda en 1520,
mort à Anvers le 5 juin 1568. Il fut à Liège l'élève de
Lambert Lombard et le camarade de Frans FÎoris. Peintre
d'histoire et surtout peintre de portraits, Key habita An-
vers et fit partie en 1542 de la gilde de Saint-Luc. Il pei-
gnit à Bruxelles le portrait du Cardinal Granvelle qui est
au musée d'Anvers; il peignit aussi celui du Duc d'Albe,
mais il mourut de le peindre : on raconte, en effet, que le duc
d'Albe, tandis qu'il posait devant lui, s'entretint avec ses
conseillers de la perte d'Egmont et que le peintre en fut
tellement impressionné qu'il en tomba malade et qu'il mou-
rut le jour même de l'exécution d'Egmont et de de Horn;
on dit aussi qu'il mourut de la seule frayeur que lui causa
la vue du duc d'Albe. Key avait peint pour la maison de
ville d'Anvers un grand tableau (qui périt dans l'incendie
de 1576) représentant les magistrats de la ville. Il reste
peu de tableaux de cet artiste. On voit de lui une Mise au
tombeau à la galerie Six à Amsterdam ; un portrait de
Gilles Mostaert à Vienne, et à Anvers les portraits des
Fondateurs de la chapelle des maîtres selliers d'Anvers,
KEY (Adrien-Thomas), peintre flamand, neveu et élève
du précédent, né vers 1544, mort vers 1590. Sa vie n'est
pas connue. Le musée d'Anvers possède de lui le portrait
de Gilles de Smidt et de sept de ses enfants et le portrait
de Marie de Deckere et d'une de ses filles. Sur le revers
de ces deux portraits est peinte une Cène; le musée de
Berlin, deux volets de triptyque représentant les Dona-
teurs priant avec leurs patrons,
KEY (Lieven de), architecte des Pays-Bas espagnols, né
497 -
KEY - KEYSER
à Gand vers 1560, mort à Haarlem le 27 juil. 1627. Cet
architecte passa une partie de sa jeunesse à Londres oU il
épousa une de ses compatriotes en 1585 et revint se fixer
en 1592 à Haarlem où il construisit la Jorisdocle et fut
nommé lapicide ou architecte de la ville. On lui doit à
Haarlem de nombreux édifices dont le Stadtwaag, la mai-
son Oudemann et quelques autres habitations privées,
l'abattoir, la Marethor et enfin le clocher de l'église
Sainte- Anne. Key donna aussi de 1594 à 1596 les plans
de l'hôtel de ville et du palais de la Diète, à Leyde.
KEY (Charles-Aston), chirurgien anglais, né à Londres
vers 1795, mort à Londres le 23 août 1849. Elève d'Ast-
ley Cooper, il fit avec lui un cours d'anatomie à l'hôpital
Saint-Thomas, puis avec Morgan un cours de chirurgie à
Guy's Hospital. Son principal ouvrage est : A Sfwrt Treatise
on the Section ofthe prostate gland in lithotomy {Lon-
dres, 1824, in-4, 4 pi.). D'' L. Hn.
KEY (Karl-Fredrik-Edvin-Emil), homme politique sué-
dois, né en 1822, mort en 1892. Soit par ses nom-
breuses publications, soit par ses travaux à la Chambre
des députés, Key a joué un rôle important comme un des
chefs du parti agraire. En 1883, il fut nommé directeur
des postes de Helsingborg et renonça à son mandat de
député. Plusieurs de ses écrits très populaires ont paru
sous le pseudonyme de Broder Svensk (Frère suédois).
— Sa fille, Ellen, a publié des études très remarquées
sur les femmes illustres et sur les écrivains contemporains.
Elle s'est fait connaître aussi comme conférencière à l'Ins-
titut des ouvriers, à Stockholm. Th. C.
KEY (Ernst-Axel-Henrik), professeur de médecine et
homme politique suédois, né à Flisby le 25 oct. 1832, cou-
sin du précédent. Les recherches de ce savant sur le sys-
tème nerveux lui ont valu une réputation européenne, et
l'Académie des sciences de France lui a décerné le prix
Monthyon, pour un important ouvrage, publié en alle-
mand, en collaboration avec G. Retzius, sous le titre de :
Studien in der Anatomie des Nervensystems und des
Bindegewebes (1875). Les travaux de Key dans les divers
domaines de la médecine sont extrêmement nombreux et
ont été publiés en grande partie, soit dans les Archives
de Virchow, dont il a été l'élève, soit surtout dans les
archives de la médecine (Mediciniskt Archiv) et dans les
archives de médecine du Nord {Nordiskt mediciniskt Ar-
kiv), dont il est le principal rédacteur. L'activité de Key
ne se borne pas à son professorat à Stockholm et à sa col-
laboration aux travaux des diverses sociétés scientifi(jues
Scandinaves ou étrangères, il occupe dans la vie publique
de son pays une place importante par son influence à la
Chambre des députés où il s'est distingué par ses opinions
libérales et par l'intérêt qu'il a toujours porté aux ques-
tions d'enseignement. — Son fils Helmer Key, professeur
agrégé à l'université d'Upsal, a publié en suédois des tra-
ductions d'ouvrages dramatiques étrangers : un drame
romantique en vers, Francesca da Rimini (1893), et une
étude très complète et remarquable sur Alessandro Man-
zoni (Stockholm, 1894). Th. C.
KEYLHAU (Eberhart), peintre danois, né à Helsingôr
en 1624, mort à Rome en 1687. Elève de Rembrandt à
Amsterdam, il quitta son maître au bout de quelques an-
nées pour se rendre en Italie. En route, il s'arrêta trois
mois à Mayence et peignit pour l'église des Capucins une
Assomption, A Venise, il entra en relations avec le comte
Savorgnano, qui lui confia des travaux importants. C'est
alors qu'il reçut le surnom de Monsu Beruardo, sous le-
quel il est surtout connu. A Ravenne, il exécuta un por-
trait de la reine Christine de Suède. Arrivé à Rome,
il tomba gravement malade et, de luthérien qu'il était, se
fit catholique. Il a composé un nombre considérable de
tableaux de genre ou d'histoire : Servante allumant une
chandelle; Servante épluchant de la salade; Saint
Dominique en extase ; les Douze Apôtres, pour des
missionnaires aux Indes, etc. Th. C.
KEYS ou CAYESde Floride. Archipel coralliaire qui
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
s'étend à l'E. et au S. de la presqu'île de Floride, formant
un arc de cercle parfaitement régulier de 350 kil. de loni^,
entre 24° 38' et 25« 45' lat. N., 82° 30' et 85M6aong.
0., au N. du détroit de Floride, fermé au S. par les îles
Bahamas et Cuba. Cet alignement forme une sorte de mu-
raille longée par le gulf stream et au-devant de laquelle se
développe une chaîne parallèle de riffs ou écueils sous-
marins, numérotés de A à 0 en allant de l'O. à l'E. ;
entre les deux est un chenal navigable de 8 à 10 kil. de
large, de 9 à 12 m. de fond. Au cap de Floride se ratta-
chent les deux alignements des riffs et des keys. Les prin-
cipaux de ceux-ci sont Virginia, qui touche au continent;
Biscayne, dont la pointe méridionale est le cap de Floride ;
Elliot, Long Key ou Key Largo, long de 25 kil.; les Vac-
cas à 45 kil. du continent (cap Sable); les Fine islands
(Sugar loaf, Kreg West, etc.), les Marquesas, et à 50 kil.
plus à rO . les Tortugas (Garden avec le fort Jefferson,
Loggerhead, etc.). Ces îles sont les fragments d'une sorte
de muraille ; elles sont longues, basses et très étroites ;
leur largeur varie de 300 à 3,000 m., leur hauteur ne
dépasse guère 4 m. ; elles sont séparées par des bras de
mer sans profondeur. Elles sont couvertes de palétuviers,
lauriers, cocotiers, palmites, pins, chênes verts ; dans
leurs eaux pullulent les tortues vertes, les éponges, etc.
Les riffs rendent ces parages très dangereux pour les na-
vires, surtout vers l'E. Les cayes ont été formés par le
gulf stream qui rejette à l'intérieur tous les débris et
finira par combler l'intervalle entre eux et la Floride ; la
chaîne des riffs se transformera en cayes par la même
cause. La température moyenne est à Key West de-h 24**,5
pour l'année (hiver -h 21°, été -h 28°) ; la chute d'eau est
de 1 m. par an. A.-M. B.
KEYSER (Hendrik de), architecte et sculpteur hollandais,
né à Utrecht le 15 mai 1567, mort à Amsterdam le 15 mai
1621. Elève de Cornelis Bloemart d'Utrecht et ayant com-
plété ses études à Paris, Keyser se fixa, en 1591, à Ams-
terdam o(i il fit restaurer, construire et décorer de nombreux
édifices, le plus souvent avec le concours de Dankerts de
Ry ; les principaux d'entre eux sont les suivants : la Cour
et la Bourse des Indes orientales, l'Arsenal, la maison
Voorburgwal, la porte de Haarlem, le palais de Nicolaas
Sohier (aujourd'hui l'Ecole du commerce) et de nom-
breuses tours datant pour la plupart du moyen âge. On
doit aussi à cet architecte qui, d'abord fidèle au vieux
style hollandais, s'inspira par la suite de l'architecture dite
classique jusque dans certaines de ses exagérations, la
façade de l'église de Hoorn, l'hôtel de ville de Delft et le
monument national des princes d'Orange dans l'église de
cette ville, la porte du Port, à Dordrecht, etc., tous édi-
fice publiés ainsi que ceux d'Amsterdam dans VArchitec-
tura moderna de Bray (Amsterdam, 1631, in-fol.). —
Son fils, Pierre, fut architecte et sculpteur de la ville
d'Amsterdam. Il est l'auteur présumé du monument de
l'amiral Tromp dans la vieille église de Delft et de celui de
Guillaume-Louis de Nassau à Leeuwarden. Ch. L.
KEYSER (Théodore ou Thomas de), peintre hollandais,
né à Amsterdam vers 1596, enterré à Amsterdam le 7 juin
1667. On ne sait rien de l'existence de ce grand peintre :
il précéda sans doute de quelques années Rembrandt dans
son œuvre, et exerça peut-être une influence sur lui. Il
était le fils ou le neveu d'Hendrik de Keyser, et on croit
qu'il fut l'élève de Cornelis Van der Voort. Il peignait à
Amsterdam de 1619 à 1667, et ses quelques tableaux
connus font de lui un des meilleurs maîtres de la Hollande.
Son chef-d'œuvre, V Assemblée des bourgmestres d* Ams-
terdam à l'arrivée de Marie de Médias en i638, dont
Suyderhoef a fait une gravure célèbre, est au musée de La
Haye, ainsi qu'un Portrait de magistrat (1631). Le musée
d'Amsterdam possède de lui la Leçon d'anatomie du doc-
teur Sebastiaen de Vrij (1619), son premier tableau
connu ; une Réunion de gardes civiques et plusieurs por-
traits, entre autres celui deV Amiral Hein et celui de Picher
Schout ; le musée de Berlin : Une Peinture de famille ;
32
KEYSER — KHABAROVKA — 498
la Pinacothèque de Munich : Une Vieille Femme assise
et un jeune homme debout qui lui rend des comptes
(1650); le musée Stœdel de Francfort : un portrait de
Cavalier avec deux lévriers ; les musées de Gotha, de
Darm3tadt,de Copenhague, de TErmitage, la galerie Liech-
tenstein à V^ienne et la collection Steingracht à Amsterdam
ont des portraits du maître. E. Bricon.
KEYSER (Henrik), imprimeur suédois, lieu et date de
naissance inconnus, mort à Stockholm en 4663 (?). En
4625, Gustave-Adolphe, dans l'armée duquel le jeune im-
primeur était soldat, lui fit, dit-on, présent d'une imprimerie
prise en Livonie ou en Courlande, en lui imposant la con-
dition de s'établir à Stockholm. Dès 4635, il prend le titre
d'imprimeur du roi et publie entre autres une traduction
de la Bible (dite de la reine Christine^ 4646) et un dx-
morïsil {Vapenboken^ 4658), dont les planches et l'exécu-
tion typographique sont remarquables. — Son fils Henri
lui succéda et fut également un imprimeur de mérite.
BiBL. : Klemming, Svensk Boktryckerihist^ 1883.
KEYSER (Jakob-Rudolf), historien norvégien, né à
Christiania le 4®^ janv. 4803, mort le 8 oct. 4864. Pro-
fesseur à l'université de Christiania, il publia un très
grand nombre d'ouvrages d'une importance capitale sur
l'histoire de son pays et fonda le musée d'antiquités Scan-
dinaves de l'université. Ses œuvres, qui se distinguent
par la somme des recherches et la sûreté des informations,
ont été publiées en partie par son successeur et ami
0. Rygh. Voici les principales : Histoire de V Eglise nor-
végienne sous le catholicisme ; Histoire de la Norvège
jusqu'en i687 ; Ecrits posthumes (contenant des études
sur l'origine et la religion des Normands, Om Nordmœn-
denes Herkomst). Th. C.
KEYSER (Nicaise de), peintre belge, né à Santvliet, près
d'Anvers, le 26 août 4843, mort à Anvers le 46 juil. 4887.
Fils d'un paysan, avant d'être peintre il fut berger. Il
vint à Anvers faire ses études à l'Académie, dont il devait
plus tard devenir directeur (4855). Il suivit les leçons de
Van Bree et de Jacob Jacobs. 11 voyagea en France, en
Italie, en Allemagne et en Angleterre. Il a peint des sujets
religieux, des scènes d'histoire et des portraits. Sa pre-
mière œuvre (1 834) fut un Chiist en croix pour l'église
catholique de Manchester ; plus tard, il peignit la Bataille
de Worringen (4839) pour le palais de la Nation, à
Bruxelles. Plusieurs de ses tableaux appartiennent au roi
des Belges, tels : Sainte Elisabeth faisant l'aumône
(4854) et les Derniers Moments de Weber (4858). N.
de Keyser a peint pour le vestibule du musée d'Anvers
une série de toiles représentant l'Histoire des arts à
Anvers, et on voit de lui, à l'intérieur du musée, outre
son portrait, Charles-Quint après la prise de Tunis
délivrant les esclaves chrétiens j et le portrait de la Ba-
ronne Baut de Rasmon. Au musée de Cologne, une réduc-
tion de la Bataille de Worringen achetée 4,605 marks
en 1884; au musée de Courtrai, la Bataille de Courtrai
(4836).
BiBL. : HymanS; Vie et travaux de N. de Keyser ;
Bruxelles, 1889.
KEYSER (Karl-Johan-Jakob)^ chimiste suédois, né en
Ostergothie en 4824. De 4854 à 4857, professeur de chi-
mie, de physique et de géognosie à l'Institut agronomique
d'Ultuna ; depuis 4857, professeur à Norrkôping. Il a pu-
blié de nombreux ouvrages sur la chimie, entre autres un
Cours de chimie organique et un Cours sur les tra-
vaux de laboratoire.
KEYSER (E.), sculpteur américain contemporain, né en
4850. Elève de l'Académie de Munich, puis de Wolff à
Berlin, où il a remporté un prix pour une Psyché. Il a eu
un atelier à Rome. On cite de lui un Page jouant, en
bronze.
KEYSERE (Arend m) (V, De Keysere).
KEYSERLIN6 (Hermann-Karl, baron de), diplomate
russe, né en Courlande en 4696, mort à Varsovie en 4764.
11 entra au service de la Russie en 4730; nommé ambas-
sadeur à Varsovie, il contribua à l'élection d'Auguste III
et à la formation d'un parti russe en Pologne. Il fut en-
suite envoyé à Francfort et à Vienne et négocia l'al-
liance de l'Autriche et de la Russie. Il revint à Var-
sovie en 4763, soutint le parti des Czartoryski et l'élection
de Poniatowski. Il prononça à cette occasion devant la diète
un discours latin qui a été imprimé (Oratio ad rempubli-
cam... in comitiis electionis, 4764). — Son fils, Henri-
Christian, né à Lesten en 4727, mort à Kœnigsberg en
4787, servit successivement la Saxe, la Pologne et la Rus-
sie. On lui doit quelques opuscules politiques.
KEYSERLING (Alexandre, comte), explorateur russe,
né à Kabillen (Courlande) le 28 août 4845, mort à Dor-
pat le 25 mai 4894. Il prit part aux explorations de
Meyendorff, Murchison et Verneuil dans la Russie d'Eu-
rope, en publia les résultats {Russia and the Ural, Lon-
dres, 4845), de même que ceux de son voyage avec Krii-
senstern en 4843 (Wissenschaftliche Beobachtungen
auf einer Reise in das Petchoraland (Saint-Pétersbourg,
4846).
KEY WEST. Ville maritime des Etats-Unis (Floride),
dans un îlot du détroit de Floride; J 5,000 hab. Port de
guerre important, fondé en 4822 et protégé par les 200 ca-
nons du fortTaylor. Pêcheries d'épongés, de tortues vertes ;
nombreuses fabriques de cigares et de cigarettes ; confise-
ries. Le commerce atteint 5 à 6 millions de fr. L'industrie
des sauveteurs est très lucrative dans ces parages où se
perdent 50 navires par an.- On fait aussi la contrebande
avec Cuba.
KEZDI-Vasarhely. Ville de Hongrie, comitat de Ha-
romszék (Transylvanie). Ses 5,000 hab. sont pour la plu-
part des Szeklers calvinistes, qui vivent de petites indus-
tries (distillerie, tissage, cordonnerie, etc.) ou de l'élève
du bétail. Les cloches de Kezdi-Vasârhely ont été fondues
en 4848 pour fournir des canons aux armées de l'Indé-
pendance. Cette ville fut un des boulevards des magyars
contre les troupes impériales et les volontaires roumains
durant la guerre de 4848-49.
KHABAROV (Erofeï-Pavlovitch), l'un des conquérants
de la Sibérie, né à Oustioug. En 1636, il s'établit à Eni-
séisk et créa des salines. En 4649, il demanda au voié-
vode ou gouverneur d'Irkoutsk la permission d'aller, à ses
risques et périls, conquérir les pays du bassin du fleuve
Amour. En 4654, il s'empara d'Albasine et de quelques
autres localités et construisit la forteresse d'Atchir. Mais,
n'ayant à sa disposition que des forces insuffisantes, il dut
réclamer du secours à Moscou et céder la place à l'en-
voyé du tsar, Zinoviev. A son retour, le tsar lui conféra le
titre de fils de boïar et le chargea d'une mission officielle
en Sibérie.
KHABAROVKA. Ville de Sibérie, chef-lieu de la prov.
du Littoral (Primorskaïa), au confluent du fleuve Amour et
de l'Oussouri; 2,500 hab. (en 4888). Elle se dresse sur une
triple colline, à 65 m. au-dessus du niveau du fleuve Amour
qui a près de 3 kil. de largeur, et occupe une position stra-
tégique et commerciale importante à la rencontre des fron-
tières de Sibérie, de Mongolie et de Mandchourie. On y
trouve des chantiers de la Compagnie de navigation sur
l'Amour, plusieurs écoles et un jardin botanique. Ce der-
nier est situé sur une falaise du haut de laquelle on découvre
un superbe panorama du fleuve Amour, et où se trouve le
monument du général Mouraviev, fondateur de la puissance
russe dans ces parages. Le commerce a surtout pour objet
les fourrures, qui sont expédiées en Russie par les mar-
chands chinois établis dans la ville. Khabarovka est mis
en communication tous les quinze jours pendant la belle
saison (avril-octobre) par des bateaux à vapeur avec
Strétensk et Nikolaevsk, et toutes les semaines avec le lac
Hanka par l'Oussouri. La ligne ferrée de Vladivostok au
lac Hanka rejoindra Khabarovka en 4896. — La ville a
été fondée en 4648 par le cosaque Khabarov (V. ci-des-
sus). Elle n'a le rang officiel de chef- lieu que depuis
499 —
KHABAROYKA — KHAÏRPOUR
1880; on y transféra alors les bureaux qui se trouvaient
à Nikolaevsk, J. Deniker.
KHABIS. Ville de Perse, prov. de Kirman, au N. du
Sir Koh; 4,000 hab.
KHACHNA. Grande tribu arabe d'Algérie qui habite la
Mitidja orientale et les collines qui la bordent au S.-E.
(Bou-Zegza, Bou-Sima), sur les deux rives de la Hamise
et sur celles du Boudouaou supérieur. Cette tribu occupait
un territoire de 60,000 hect. et comptait plus de 25,000
individus. Elle est aujourd'hui démembrée et répartie
entre diverses communes de plein exercice. C'est sur son
territoire qu'ont été créés les centres européens d'Arba-
tache, de Saint-Pierre, Saint-Paul, de l'Arba, de Rivet, etc.
KHADJITCH (lovan), littérateur serbe, connu égale-
ment sous le pseudonyme de Svétitch Miloch, né à Zom-
bor (Hongrie) le 20 sept. 1799, mort à Neusatz (Hongrie)
le 5 mai 1869. Après s'être fait recevoir docteur en droit
à Pest en 1826, il remplit diverses fonctions officielles en
Hongrie. Appelé en Serbie en 1837 par le prince Miloch,
il y collabora à la rédaction du code civil serbe, qui fut pro-
mulgué en 1845. De 1847 à 1854, il reprit du service au-
près du gouvernement autrichien. Ses principales œuvres
littéraires sont : une collection de chants originaux serbes
publiée en 1855 et un second recueil des mêmes chants
parus en 1858, sans parler de traductions du latin et de
l'allemand. H dirigea en outre, de 1839 à 1861,1a publi-
cation de plusieurs revues. En 1826, il avait fondé à Pest
la Srpska Matitsa (Ruche serbe), association littéraire
encore prospère aujourd'hui, qui a rendu d'importants
services à la cause de la nationalité serbe. Khadjitch est
encore connu par l'opposition qu'il fit, sans succès d'ailleurs,
aux réformes rationnelles de la langue serbe qu'avait pro-
posées Karadjitch.
KH^RON I A. Village de Grèce, nome d'Attique et Béotie,
à 6 kil. de Livadia, dans la vallée de Mavronero (Céphise);
2,500 hab. Ruines de l'antique Chéronée (V. ce mot).
KHAFRA ou CHEPHREN, le Souphis lï de Manéthon,
pharaon de la IV® dynastie, dont les monuments ne nous
apprennent rien, sinon qu'il est l'auteur de l'une des trois
grandes pyramides de Gizeh. Le musée du Louvre possède
le moulage de sa statue découverte par Mariette au fond
d'un puits du temple du Grand Sphinx. C'est un morceau
de sculpture d'un grand caractère.
KHAGAN ou NÂÏNSOUKH. Vallée de l'Himalaya occi-
dental, province de Péchaver, au pied du pic de Khagan
(5,172 m.). Elle a 95 kil. du N. au S. et 25 kil. de large;
le Kounhar qui l'arrose en sort par un défilé profondément
encaissé pour se jeter dans le Djilam. Cette vallée est la
plus septentrionale des possessions directes de l'Inde an-
glaise.
KHAÏBARou KH El BAR. Ville de l'Arabie centrale, pro-
vince de Chômer, à l'O. du djebel Adja, à 170 kil. N. de
Médine; 3,000 hab. Elle occupe une oasis riche en dattiers
autour d'un roc basaltique qui porte la citadelle. Ce fut
au temps de Mohammed le centre d'une principauté juive
qui eut alors un rôle considérable.
KHAÏBER ou KHAÏBAR. Célèbre défilé qui relie l'Afgha-
nistan à l'Inde (Caboul au Pendjab); l'ait, n'est que de
1,011 m. Le défilé suit les lits de deux torrents qui en
descendent l'un vers le N., l'autre vers le S.-E.; il a
53 kil. de long depuis Dakha à l'O. (421 m. d'alt.), jus-
qu'à Djamroud à l'E. (501 m. d'alt.); très étroit du côté
oriental (100 à 200 m. de large), il n'a au centre que 10
à 12 m. de large entre deux murs rocheux de 400 m.; il
s'élargit aux approches du débouché oriental. Inondé dans
la saison des pluies (aux deux solstices), il est impraticable
à l'artillerie; les Anglais suivent une route à 15 kil. au
N. — • Le défilé de Khaïber a une importance historique ;
c'est la route classique des invasions de l'Iran dans l'Inde;
en particulier celle des conquérants musulmans : Mahmoud
le Gaznévide, Baber, Akbar, Nadir Chah, Ahmed. Les An-
glais le franchirent en 1839 et y éprouvèrent de terribles
pertes durant leur retraite de 1842. Ils se le firent céder
par le traité de 1879 et l'ont abandonné aux tribus voi-
sines des Afridis.
KHAICHAN, khan mongol qui régna sur la Chine de
1308 à 1311 ap .J.-C. Son titre posthume est, en chinois,
Ou-tsong; il fut proclamé khan sous le nom mongol de
Koulouk Khan. Son prédécesseur, Temour ((EldjaïtouKhan,
ou Tcheng tsong), était mort sans enfants : Khaïchan était
le fils aîné de Tarma-bala, lequel était lui-même frère ca-
det de Temour, fils de Tchingkim et petit-fils de Kou-
bilaï Khan ; il parvint à monter sur le trône malgré les in-
trigues de Boulougan, veuve de Temour, qui aurait voulu
faire nommer Ananda, petit-fils de Koubilaï Khan, et mal-
gré sa propre mère qui aurait préféré que le pouvoir re-
vînt à son second fils, Ayour-bali-batra. Il se fit proclamer
à Karakoroum, vainquit et fit périr Ananda, proclamé
d'abord à Péking. Le règne de Khaïchan n'offre rien de
remarquable; il était fort attaché au bouddhisme, et c'est
sur son ordre que le lama Tchoigji Odszer traduisit en
mongol plusieurs ouvrages bouddhiques. Khaïchan fit aussi
traduire du chinois le hiao king ou livre de la piété
filiale. Il mourut à trente et un ans et eut pour successeur
son frère cadet, Ayour-bali-batra, qui prit le titre de
Bouyantou Khan. Ed. Ghavannes.
BiBL. : D'Ohsson, Histoire des Mongols, livre III,
chap. VI.
KHAÏDOU-GoL. Rivière du Turkestan chinois, affluent
gauche du Tarim, qui naît dans le Thian-chan, à 3,250 m.
d'alt., coule vers l'O. dans la montagne, en sort pour
tourner au S.-E. et former le lac Karachar-koul ou Ba-
gratch, franchir les monts Kousouk-tagh par un défilé
d'une grande importance stratégique, passer à Kourla et
s'unir au Tarim par deux bras, à 762 m. d'alt. Il porte
successivement les noms de Baga-Jouldous, Khaïdou-gol
et Koutché-daria ou Khaïchin-koua,
KHAÏFA (V. Caïffa).
KHAILAR. Rivière de Mongolie, qui représente le cours
supérieur de VArgoun et prend ce nom après son confluent
avec le Dalai-goL Dans son cours supérieur, près du
Grand Khingan d'où il sort, il porte le nom de Kouldour*
KHAÏR-Addin (V. Barberousse).
KHAÏR Bey, premier pacha turc de l'Egypte (1517-22),
mort le 9 oct. 1522. Ce mamelouk circassïen, né à Sam-
soun, devint le favori des sultans d'Egypte qui l'envoyè-
rent comme ambassadeur auprès de Bayézid (1497-98), le
firent gouverneur d'Alep, puis vice-roi de Syrie (1504-05).
Sa trahison décida la défaite de son maître Qansouh et la
victoire de Sélim P'' à la bataille d'Alep. Il en fut récom-
pensé par le pachalik d'Egypte, mais le sultan lui interdit
de sortir de la citadelle du Caire. Il exerça une tyrannie
impitoyable.
KHÀÏRABAD ou KHYRABAD. Ville de l'Inde anglaise,
province du N.-O., à 8 kil. S.-E. de Sitapour, dans l'an-
cien royaume d'Aoudh ; 16,000 hab., 40 mosquées,
30 temples hindous. — Une autre ville du même nom
existe sur la rive droite de l'Indus, en face d'Attok (Pend-
jab). — Une troisième, dans le Turkestan afghan, à 45 kil.
N. de Maïmené, sur le Nari.
KHAÏRAGARH. Principauté de l'Inde centrale, dans le
Gondvana, sur le plateau de Tchattigarsh, bassin du Seou
(affl. de la Mahanadi); 2,435 kil. q.; 140,000 hab. en-
viron.
KHAÏRPOUR ou KHYRPOOR. Principauté musulmane
de rinde anglaise, dans le Sindh, sur la rive gauche de
l'Indus, entre le fleuve et le désert de Thurr (Thar) ;
15,822 kil. q.; 140,000 hab. environ. Entre l'Indus et
la Narra, plaine bien cultivée ; le reste est un désert par-
semé de collines de sable. L'E. est peuplé de Radjpoutes,
rO. de Djats musulmans ou hindouistes. Le prince ou mir
est vassal, mais non tributaire de l'Angleterre. Il appar-
tient au clan baloutche des Talpour.
11 existe dans l'Inde plusieurs petites villes de ce nom.
La principale est la capitale de la principauté, à 24 kil.
rive gauche de l'Indus, dans une plaine marécageuse ;
KHAÏRPOUR — KHALIFAT -^ 500 —
7,000 hab. Etoffes brodées, bijoux d'or, armes de luxe.
— Une autre est dans le Pendjab, province de Moultan,
rive droite du Pandjnab; 4,000 hab. Commerce de laine,
coton, grains; tête de ligne de caravanes qui traversent
le désert de Thurr. — Citons encore trois autres bourgs
du Sindh, district de Chikarpour.
KHAÏV4N ou KHEIVAN. Ville d'Arabie, province du
Yémen, sur la route de La Mecque à Sana, à 150 kil. de
la dernière ville ; ancienne capitale des rois himyarites ;
ruines de leurs palais (V. Yémen).
KHÂKÂNI, poète persan, né à Gendjeh (moderne Elisa-
bethpol, Caucase) en 4106, mort à Tebriz vers H 90. Ses
noms étaient Afzal eddin Hakaïkï, et il fut surnommé
Khâkâni par son maître en poésie. Son père, Ali, était un
simple menuisier et sa mère une esclave d'origine grecque.
Abandonné par ses parents, il fut recueilli par son oncle
Mirza Kafi qui resta son bienfaiteur. Après la mort de ce
dernier, en 1130, il épousa la fille du poète Aboul-Oula qui
fut d'abord son maître et contre lequel il écrivit plus tard
des satires. Khâkâni a vécu à la cour des rois chervanides du
Caucase; il fit néanmoins plusieurs voyages et visita succes-
sivement la Perse, le Khorassan et l'Arabie. Rentré dans sa
patrie vers 1160, il tomba en disgrâce, et le sultan Akhistan
le fit enfermer dans le château fort de Chabran, près de
Bakou, où il resta plusieurs années. Plus tard, ayant perdu
sa femme et son unique fils, il écrivit des élégies où il ra-
conte ses malheurs. Comme l'a dit son historien, « Khâkâni
est une des figures les plus brillantes du Parnasse iranien.
Contemporain des héros des premières croisades, il nous a
laissé une peinture exacte de plusieurs scènes de la vie
intime de son époque, dont on chercherait en vain la trace
dans les chroniques contemporaines. » E. Drouin.
BiBL. : Khanikof, Mém. sur Khâcânî, dans le Journal
asiatique^ 1864.
KHALED ou KHALLAD (Oued). Rivière de Tunisie, née
au S,-E. d'El Kef, dans le pays montueux des Ouled Ayar;
elle traverse ensuite la plaine de Sers, passe dans une vallée
pittoresque, resserrée souvent en gorges, coule du S. au
N., passe près de Dougga et va se jeter dans la Medjerdah,
à rO. de Testeur. Son cours est d'environ 120 kil. et
dans son bassin il y a de nombreuses ruines de cités ro-
maines. E. Cat.
KHALED, célèbre disciple de Mohammed, né en 582,
mort à Emèseen 641. C'est un des héros de l'islamisme.
Du clan des Koraïchites, il prit d'abord parti contre le
Prophète et décida sa défaite à Ohod. Il se convertit en
629 avec Amr et fut envoyé par Mohammed en Syrie ; il y
vainquit les Grecs à Monta et gagna le surnom d'Epée de
Dieu, Il commanda l'aile droite dans la marche sur La
Mecque. Abou-Bekr le chargea de conquérir l'Irak (633),
puis l'appela en Syrie. Général en chef, Khaled enleva
Bostra, Palmyre, assiégea Damas qu'il prit, après avoir
dispersé l'armée grecque. Il ne laissa aux vaincus que trois
jours pour leur retraite, puis se mit à leur poursuite et
les massacra (634). Le khalife Omar le destitua. Il con-
tinua cependant de combattre en Syrie sous les ordres
de son successeur, et cette magnanimité mit le comble à
sa gloire.
KHALED BEN Yezîd ben Moâouïa ou CALID, prince
koraïchite, de la famille des Omeyyades, mort en 708.
Il prétendit au khalifat, sans succès, et devint un des
premiers promoteurs de la culture scientifique chez les
Arabes. Il fit traduire des livres de médecine, d'astrologie et
d'alchimie, et son nom est prononcé à ce titre à la fin du livre
arabe de Cratès, publié dans le troisième volume de ma
Chimie au moyen âge* Mohammed ben Ishaq, dans le
Kitab al Fihrist^ lui attribue divers ouvrages d'alchimie.
Deux de ces ouvrages auraient été traduits en latin vers le
xii<^ siècle : du moins il existe deux traités alchimiques la-
tins qui portent son nom, le Liber trium verborum et le
Liber secretorum artis. Calid y est donné comme disciple
de Marianos (Morienus des Latins), moine syrien qui aurait
vécu au temps d'Héraclius. Les ouvrages réels ou préten-
dus de Calid et de Morienus sont souvent cités au moyen
âge. M. Berthelot.
KHALFALLA ou KRALFALLA. Localité de l'Algérie, sur
les Hauts-Plateaux de la prov. d'Oran, près du point cul-
minant delà voie ferrée qui de Saïda va vers le S. (1 , 150 m.);
de là on descend vers les Chotts. Il n'y a que quelques
masures à côté de la gare, mais lors de la récolte de l'alfa
c'est le point de concentration des ballots qu'on envoie de
là à Arzeu et il y a alors une grande animation. E. Cat.
KHALFOUN (V. Beni-Khalfoun).
KHALIFAT. On distingue dans l'histoire des peuples
musulmans trois monarchies spirituelles connues sous le
nom de khalifat et ayant régné simultanément à partir du
X® siècle de notre ère : 1« le khalifat d'Orient ou de Mé-
dine, Damas et Bagdad (632-1258); 2Me khalifat d' Oc-
cident ou de Cordoue (755-1031) (V. Espagne); 3^ le
khalifat fâtimite (909-1171) (V. Egypte). Le premier,
dont l'historique fait l'objet du présent article, comprend
trois périodes politiques complètement distinctes : 1^ celle
des khalifes orthodoxes^ dits aussi parfaits ou légi-
times ; 2<» celle des khalifes omeyyades ; S*' celle des kha-
lifes abhâsides,
l. Khalifes orthodoxes (El-Khoulafâ er-Rachîdoûn)
(632-661 ). --La mort du prophète Mohammed (8 juin 632),
qui ne laissait pas de postérité mâle et n'avait pas solen-
nellement désigné son successeur, faillit renverser tout
l'édifice social péniblement élevé au prix de vingt années
d'efforts. Le choix des Ashâb ou compagnons du'Prophète
se porta sur son beau-père Aboù Bekr (632-634) qui prit
le titre de « vicaire de l'envoyé de Dieu », khalifat rasoûl
Allah. La guerre sainte fut aussitôt proclamée, et les Arabes
se ruèrent à la conquête du monde. L'Orient, du reste,
présentait une proie facile : les deux empires rivaux des
Grecs et des Perses, épuisés par une lutte séculaire, affaiblis
par les factions politiques, étaient en outre divisés par des
sectes religieuses dont l'esprit était favorable à l'islamisme.
Khâlid, Amrou ibn El-As, Aboù Obeïda, etc., généraux du
khalife, firent des conquêtes rapides dans la Chaldée et la
Syrie. Sous Omar ibn El-Khattàb (634-644), la triple
bataille de Qâdisîya et celle de Néhâvend amenèrent la
chute de l'empire des Perses ; la prise de Memphis et
d'Alexandrie rendit les Arabes maîtres de l'Egypte, de la
Nubie et de la Cyrénaïque. Le règne du faible Olhmân ibn
Affân (644-656), qui vit l'empire arabe reculer ses fron-
tières jusqu'à la Caspienne et Flndus, vit aussi éclore la pre-
mière guerre civile. La lutte entre Hâchimites et Omeyyades,
les deux familles rivales qui constituaient à La Mecque et à
Médine l'aristocratie de naissance et l'aristocratie de for-
tune, partagea le monde musulman en plusieurs camps ré-
clamant la déchéance d'Othmân devenu impopulaire et se
mettant sous la bannière, qui d*Ali, gendre et fils adoptif du
Prophète, trois fois évincé d'un pouvoir qu'il considérait
comme son héritage, qui de Zobeïr, qui de Talha. Ali ibn
Abi Tâlib, après l'assassinat d'Othmân, parvint enfin au
khalifat (656-661). De son côté se groupèrent ceux qui
avaient conservé l'enthousiasme reUgieux et le désintéres-
sement des premiers temps. Du côté de Moâwiya, son
rival, qui était arrière-petit-nls d'Omeyya, accoururent les
Qoreïchites, ivres d'une ambition que le Prophète avait long-
temps comprimée et dont l'orthodoxie était fort sujette à
caution. Moâwiya souleva la Syrie et se fit élire khalife
à Danias. Ce fut le signal d'une lutte épique et sauvage
qui prit fin le jour où Ali tomba sous le poignard d'un sec-
taire khâridjite.
II. Khalifes Omeyyades (661-750). — La mort de celui
que les Arabes surnommèrent « le lion d'AUâh » consacra le
triomphe du parti omeyyade. Dès lors, l'Eglise musulmane
se partagea par un schisme éclatant en deux grandes sectes :
chiites, partisans d'Ali, et sunnites orthodoxes, dont le
temps n'a pas éteint la haine réciproque. Moâwiya (661 -680),
homme de génie et d'intrigue, dépouilla Médine de son
titre de métropole au bénéfice de Damas, s'appuya sur les
Bédouins et les Syriens, rendit le khalifat héréditaire dans
™ 490
LOLME — LOMBAIRE
entra au coBseil des Deux-Cents. Son principal ouvrage, qui
a eu cinq éditions françaises à Amsterdam, Genève et Pa-
ris et un grand nombre d'éditions anglaises, est intitulé
la Constitution de f Angleterre, ou l'Etat du gouver-
nement anglais, comparé à la fois avec la forme ré-
publicaine et avec les autres monarchies de VÈùrppe
(Amsterdam, \ 774). Citons encore parmi sek œuvres écrites
en anglais ; The History of the Flagellants (Londres,
1777). E. K.
LOLR/IO (Giovanni-Paolo), peintre italien, né à Bër-
game, mort après 1595. Oh connaît de liîi un tableau
d'autel de 1587, représentant Saint Roch et saint Sé-
bastien^ dans l'église Santa Maria Maggiore, à Bergatoe,
et une Madone signée au musée de Berlin. .
LOLO. Groupe de peuplades du S.-O. delà Chine, prov.
du Sse-lchouen, du Kouei-tchéou et du Yunnan ; ils n'y
subsistent plus qu'à l'état de tribus isolées dans les mon-
tagnes, notamment dans celles du taliang-chan et au N,~E.
de la ville de Yunman-fou. On a indiqué aux art. Asie
(t. IV, p. 121) et Chine (t. Xï, p. 90) leur position eth^
nographique. Eux-mêmes se qualifient d'autochtones (tou-
kia). On les divise en Hei (noirs) et Pei (blancs), ce qui
est une division politique, mais non ethnique, les premiers
étant plus civilisés et disposés à se soumettra aux Chinois.
Les Lolo sont grands, vigoureux, à teinte tbncée, larges
épaules, muscles en relief, visage ovale, à profil droit, oez
droit, parfois busqué, yeux horiz()ntaux proibhdéipent en-
foncés dans l'orbite, fronlj droit à bosses acçuséeé, barbe
noire frisée, assez abondante, menton assez large et proé-
minent; les femmes sont; grandes et fortes, avec la tàîllè
très marquée, le teint plus clair que les hommes ; elles
travaillent aux champs, sont gaies, coquettes, nullement
timides; la coiffure varie selon 'qu'^H^s sont filles, épouses,
mères. JEUes ont une grande place dans la société ; sauif les
chefs, les Lolo sont monogames. Ils ont uiie écifiture spéciale.
BiBL. : Voyages de Fr. Garnier, Duppis, RqChbr,
CoLBORNE, Baber, Colqhoun, etc. — V. la bibl. des art.
Asie, Chine et Miao-tse.
LOM« Nom de deux affluents 4e droite du Danube, en
Bulgarie. — Le Lom oriental est formé par la réunion
du Lom blanc (Ak Lom ou Bie^i lom) et (lu Lom noir
(Kara Lom ou Tser7îi Lom) qui descendent dii versant
N. du Balkan. ïl se jette dans le Danube après lih cpiirs
de 25 kil. dans la direction du S.tÈ.au N.-O. •— LeXow
occidental^ VAlmeus des anciens, descend du massif du
Sveti Nikolas et tombe dans le panube près de Lom Pa-
lanka, au-dessous de Widdin.
LOi Pâlanka. Ville de JOiulgarie, ch.-l. de district, sur
la rive droite du Danube, au confluent du Lom occidental;
7,000 hab. Station imporknte de bateaux à vapeur, en-
trepôt du commerce de iaciilgarie du Ni-d.
LOi A (Monts). Chaîne de hauteui's de l'Afrique occi-
dentale qui sépare, d'après les derniers traités (40 août
4889), la colonie de Sierra-Leone de nos possessions fran-
çaises du Soudan. Une de ces hauteurs, à Tembi-Counda,
donne naissance aux sources do Niger,
LO MAGNE (Leomania). Ancien pays de France, ayant
titre de vicomte, qui forme une partie des dép. actuels
du Gers, de la Haute-Garonne et de Tarn-et-Garonne.
Le chef-lieu était Lectoure, qui devint la capitale des
comtes d'Armagnac, lorsque ces, princes furent maîtres
du pays. Dès le xii® siècle, la Lomagne fut unie à la vi-
comte d'Auvillar. Au siècle dernier, le pays formait une
élection dépendant de la généralité d'Auch, et, au point de
vue judiciaire, était dans le ressort du parlement de Tou-
louse. Au point de vue ecclésiastique, Farchiprètr^ de Lo-
magne était un des quatre archiprêtrés du diocèse de
Lectoure ; il comprenait dans son ressort 52 églises ps^-
roissiales ou annexes, dontMauroux était le chef-lieu. Une
faible partie de la Lomagne, dont Lavit était la vi|le prin-
cipale, dépendait du diocèse de Montauban.
Histoire. — Au temps de César, la Lomagne était habi-
tée par les Lactorates ; sous Ètonorius, elle fit partie de la
Novempopiildhie ; de là doriiination roinaine, elle passa sous
celle dbs Visigoths et finit par dépendre du duché de Gas-
cogne. Yei^s 1960, là; Lomagne eut des vicomtes particuliers;
Odoat ^,st le kemifer dont on ait mention ; il fut père de
RaynicJtidj-Arnaud, vicomte de Lomagne éti 990, qui eut
pour fils Arnaud, vicomte en 4044, Celui-ci eut pour fils et
successeur Aéiâud II, qui ne laissa qd'une fille. Après lui,
ontroUN'é pdiir vicomtes Odon P^ oii Eudes Vers 4065,
Vesiaiï (44(1$) et Eudes H (443748). Ce dernier ne laissa
que dedx Aies de' sa femme Adélaïde; l'ainée, nomniéë
Azejiri^, ^oi% la vièomté de Lomàgné daris la maison d'Ar-
mâ^nâc, jlai^ èOti hiariâge vers 4435 avec Géraud, comte
d'At'mijgîîiic^' et edt de ce det'nier deux fils : le Second,
Othbtti fiit yièomte| de Lomagne après son aïéill maternel.
Othbii W, Vjiddmté ile Lojtïiâghe eh 4448, se déthit dé sa
vico:thté éii m^iir dé son fils aîné, Vesian, en 4480. Ve-
siah 14 (44é0-4^â|) eut pour sùëbéssedrs Othoil II, puis
Arhaud-Othbîi^ que sa seconde femme, Marié ilë Sauve,
rendît '0rQ clé YéSiân, trbisièîne du noni, hïOrt sans posté-
rité éd p8i), et dé Philippe, devenue par la itibrt de son
frère viccimte^se de Lomagne et d'Auvillar ; elle étdît
fen^ilne d'IIè}ié:Tale|rrarid, comte de Périgord, auqiiél eUe
fit donatitih dé ses terres en 4^86. Celui-ci céda la vicomte
de tomsigile: à Philippe le Bel qiii en fit don eîi 4305 à
Arriaud-GÉifcië de Goth; la petite- iille dé ce déMer, Ré-
gine dé Gé^li, la laissa jiar testament en lâ^i5 à hàh 11,
cdfiTO :d*Alm^^rîâc, son iiiari, qui M ibéuriit, avec là vicomte
d'AiiVill^rJ a ses démàinès. Depuis, la Lomàgrîè fit pàkie
ihtégràhtëjld comté rd'Arihagnàc ; les aîîiés de la ifàmille pv~
iètêfit le titfe de yfcomiés d^ Lomagne. H. Courtèàujlt.
Ë^L. : èiiAzôT db Nàktigny, Abrégé de la génêaiogie
desvi0omtè&de Lf^magne; Paris, 1757, in-12. — D. V^ts-
SEîTB, '•■Bi&'.l^àfrë de jLangf^èctoc, passira.. — Da;ux, Mûtes
hîstorlqu&,i> sur Vafchiprêtré de Lomagne. dans la Revue
de Gfi^co^M l Auch, 188Ô, t. XXVIJ, in-8. '
liQIfllf 1^ JElivièifé du ^on^o (V. ce mot).
LOWaS Êajas. f*etit village dti Chili septentrional qui
ne {doit s^|n îriaportanc^ qu'à Ses mines; êOO hab. Il se
trouve daïis l^ prtivince d'Ataeamà, daris des montâmes
de t252 in, <^'alt. ; il ék à, 5$ kil. S.-E. de Go|^iapo et
fait partie de e^e départeiiient. Onze ihiiiës d'argent l'én-
toujfent (CJamien, l)iana, Jàrellbn, èt(c.), produisaiit près
de 2,000 tonilés de; minçai. |
lOmktZÙ (Giovanni-Paolo)^ peintre et littérateur ita-
lien; ne là Milan en 4538, mért en 4588. Elève de Gari-
den:^i|0 Peii-ràri (dont iletait petit-èlréle neveu) et de J.-B.
délia Cérva, il! a i^ànt ttfiètp^re de Melchisédech dans
l'église de§ Roi^chetfpi (à l'huile^ sur raiir), une Piété dans
Fégiise dçs Capucîhs, ^ MilaïKj une fresque burlesque
(Nourriture dfi caf'ême) daiis le réfectoire de Saint-Au-
gustin, à ïflaisatnce, etc. On io^^ là hardiesse du dessin, là
vivacité dii éolbris. Devenu ayeligle à trente-trois ans, il
rédigea des traifés théoriques doiit la vogue fut considérable:
îrattap deltarte dellà pilt^ra (Milan, d584); îdea
del tempio delta pittura (4^^p), etc.
BïBL. : èuALANDij Éefnorië, \originali di belle arti, —
FioRiLLo, BiéL de h peinturé italienne.
LOMBAIRE (Région) (Anat,). La région lombaire ou
région des Idnibes èdrrésppïiid ^ur le s(}uëlette mx cinq ver-
tèbres lombaires. Elle est întei-Médiairé aux régions dorsale
et sacrée âsdis^ Je sens longltudipal, lîitet'médiaire aux ré-
gions latérales de l'àbdonjién dâijs le sens trarisversàl. Cooime
limites, oh |lëiit llli àccoï^dèi»i éh haut, là douzième côte;
en bâSi la nioi^ié Jd^terieure de la crête iliaque ; latérale-
ment, soit, avec Bl^ndiii, lé béi^d externe dd muscle sacro-
lombaire, soit, avec Tilljidx, lé bord postérieur du muscle
graiid bblifîi(e de f'ilibdoïïliën. tés deux réglons, dboite et
gauche^ réuâîés sù:r!|lali|iië médlaîie, pedvènt être envisa-
gées c(|mïne,drie réiiëh impàiï'l, médiane et symétrique,
étendue eiiijmohdéur de, là |)ë|u au péritoine.
La ferme de ceit'ô ,ré|ioti m la suivante: sur la ligne
médiarie, uné^ goût tf ère étroite |d fond de laquelle on sent
la crête formée par les àpophysfë épiiieuses des vertèbres
LOMBAltlE — LOMBARD
des lombes ; sur les côtés, deux saillies arrondies formées
par la masse commune des muscles spinaux ; en dehors de
ces saillies, un méplat correspondant au bord externe du
muscle carré des lombes. Comme forme générale, elle est
concave de haut en bas, convexe de dehors en dedans. La
concavité forme la cambrure des reins; elle est en relation
directe avec la courbure lombaire de la èolonne vertébrale
et varie avec les races, les individus et le sexe. La région
lombaire a une structure complexe. Elle comprend' les
couches suivantes, de la superficie k la profondeur : 4*^ la
peau, épaisse et peu mobile, douée d'une sensibilité relati-
vement restreinte ; 21^ le tissu cellulo-graisseux sous-culahé,
dense et peu chargé de graisse ; 3« f aponévrose lombaire,
lame fibreuse nacrée et très épaisse, de fori^ie losahgique,
s'attachant sur la crête des vertèbres lombaires, et donnant
insertion par ses bords supérieurs aux fibres du muscle
grand dorsal, par ses bords inférieurs aux fibres du grand
fessier, et de plus aux aponévroses du petit dentelp infé-
rieur, du petit oblique et du feuillet superficiel du trans-
verse de l'abdomen; entre cette apon^vro^e, le bord pos-
térieur du muscle grand dorsal, et la crête iliaque est un
petit espace triangulaire, où la pfiroi abdoniinale est affai-
blie ; c'est le triangle de J.~L. Petit, par lequel se fait la
hernie lombaire ; 4^ la masse musculaire sacro-lombaire,
origine des muscles spinaux, insérée à ra|)onévrose lom-
baire et au squelette environnant; 5*^ les apophyses trans-
verses des vertèbres lombaires, réunies entre elles par les
muscles intertransversaires et prolongées en dehors par une
lame fibreuse qui s'attache à leur somrnet et proVient du
feuillet superficiel ou postérieur de Tapcihévfose démuselé
Iransverse de Fabdomen; 6** le muscle carré des lombes,
inséré en haut à la douziènje côte et en bas à la crête
iliaque, et le ligament ilio-lombaire étendu de l'apophyse
transverse de la cinquième vertébré lombaire au tiers pos-
térieur de la crête iliaque ; 7^ un mince feuillet iibreux,
l'aponévrose profonde ou antérieure du miiscle transverse,
qui s'attache au corps des vertèbres, au niveau de }a base
des apophyses transverses; 8^ le rein daUsla rmïtik supé-
rieure de la région, le côlon lombaire dans la moitié infé-
rieure ; le rein est entouré d'une atmosphère graisseuse
(capsule cellulo-adipeuse du rein) ; 9^ le péritoine.
Vaisseaux et nerfs lombaires. -— Les artères lom-
baires^ au nombre de quatre à cinq de chaque côté, nais-
sent des parties latérales de Faorté abdominale et continuent
la série des intercostales. Elles ont un rameau dom-spinal
et un rameau ventral qui irrigue les paroi^ abdominales
en s'anastomosant avec lépigastrique, la mammaire interne,
l'ilio-lombaire et la sous-cutanée abdominale.
Les veines lombaires correspondent aux artères lom-
baires et se jettent dans la veine cave inférieure, en com-
muniquant d'ordinaire par un canal avec la veine azygos
en haut, la veine ilio-lombaîre en bas. A gauche, elles
passent derrière l'aorte.
Les vaisseaux lymphatiques de la région lombaire sont
superficiels et profonds ; les premiers se rendent aux gan-
glions de Faine, les seconds aux ganglions lombaires. Ces
derniers constituent une chaîne qui avoisihe l'aorte et la
veine cave inférieure.
Les nerfs lombaires^ au nombre de cinq, continuent
la série métamérique des nerfs spinaux. Le premier passe
entre les deux premières vertèbres lombaires, le dernier
entre la dernière vertèbre lombaire et le sacrum.
Le plexus lombaire^ plexus nerveux situé dans l'épais-
seur même du muscle psoas, est formé par l'anastomose
des branches antérieures des quatre premiers nerfs lom-
baires. Le premier nerf reçoit une anastoniose du dernier
nerf dorsal, tandis que le dernier, réuni ^ une partie du
quatrième, se jette dans le plexus sacré sous le nom de
nerf lombo-sacré. Chaque nerf lombaire reçoit enfin une
branche des deux ganglions àyk grand sympathique les plus
voisins. Le plexus lombaire fournit quatre branches colla-
térales destinées aux téguments et aux muscles de Fabdo-
men, à la peau des organes génitaux, de la fesse et de la j
500 ~-
région antéro-éxterne de la cuisse {nerf grand abdù-
mino-génital, nerf petit abdomino-génital, nerf fé-
morO'-cutané,nerfgénilO'Crural)y et trois branches
terminales destinées aux muscles psoas-iliaque et obtura-
teur externe, à tous les muscles des régions antérieure et
interne de la cuisse et à la peau des^régions interne et
antérieure de la cuisse, antérieure du genou, interne delà
jambe et du pied {nerf crural, nerf obturateur).
Carré lombaire. îfîuscle de la paroi postérieure de Fab-
domen [ilio-costal de Chaussier) ; il est expirateur. —
Citerne lombaire ou de Pecquet (V. Lymphatique). —
Côlon lombaire (V. Côlon). — Vertèbres lombaires
(V. Vertèbre). — Renflement lombaire (V. Moelle épi-
niére). — Névralgie lombaire. Névralgie occupant le
trajet des nerfs du plexus lombaire. Ch. Debierre.
LOMBARD. Gom. dudép. du Doubs,arr. de Besançon,
cant. de Quingey ; 209 hab.
LOMBARD. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. de Sellières; 2'70 hab.
LOMBARD (Lambert), peintre et architecte flamand,
né à Liège en 1506, mort à Liège en avr. 1566. Elève
d'Arnould de Beér et à Middelbourg de Jan Gossaert, il fut
protégé par Févêque de Liège, Erard de La larck, qui l'en-
voya à Rome d'où il revint en \ 539. D'une famille de
banquiers itahens, il paraît cependant n avoir jamais été
riche, bien qu'il se soit formé une très belle collection
d'antiques qui à sa mort fut achetée par Feinpèreur Ro-
dolphe pour le cabinet de Vienne. Lambert Lombard était
très versé dans les sciences mathématiques et il avait une
grande réputation comme poète latin. Il voyagea en France
où il dessina avec un grand goût du pittoresque beaucoup
de croquis de châteaux en ruine, et en Italie où il subit
l'influence nouvelle. Il rapporta à Liège le goût de la
Renaissance et il forma à son école Hubert Goltzius, Franz
Floris, Willem Key. Aujourd'hui ses tableaux sont rares.
On voit de lui : à Liège, les Israélites s'apprêtant à
sacrifier V agneau pascal; à Bruxelles, les Calamités
humaines, deux volets avec un fond de Rome ; à Vienne,
r Adoration des Bergers; à Berlin, une Madone; à
Hanovre, Résurrection de Lazare ; à Florence, Descente
de croix; et, dans une collection particulière à Bruxelles,
la Pêche miraculeuse, et de nombreux dessins. Balthasar
Bos a gravé plusieurs de ses œuvres : la Gène (155i);
Moïse frappant le rocher, Esther et Âssuérùs, Comme
architecte, Lambert Lombard avait aussi grandement pro-
fité de son séjour en Italie, et il construisit en Flandre
d'importants monuments dans le style de la Renaissance,
tels le portail de Saint- Jacques (1558) à Liège. — Ha
été confondu par Sandrart avec Lambert Suavius, qui fut
son beau-frère, qui a gravé une Charité de lui et de
qui Fon voit au musée de Naples un Jésus au calvaire.
On l'a quelquefois confondu aussi avec Lambert Suter-
înan. Etienne Bricon.
BiBL. : Dominique Lampsonius, Lamberti Lombardi
apud Eburones pictoris celeherrimivita; Bruges, 1565. — •
C. Van Mander, le Livre des peintres, trad. Hymans,
l.l. — Etude sur Lambert Lombard, peintre liégeois; Liège,
1858. — Isaac Bullart^ A cadémie des sciences et des arts,
t. IL — Aug. ScHOY, les Grands Architectes de la Renais-
sance aux Pays-Bas : Lambert Lombard; Bruxelles, 1876.
LOMBARD (Claude-Antoine), chirurgien militaire fran-
çais, né à Dole en d741, mort à Paris le d5 avr. 1841.
Il se fit conférer la maîtrise à'Besançon, puis revint à Dole
comme chirurgien en chef des hôpitaux civils et militaires
et, après avoir servi dans les armées, vint à Strasbourg
comme médecin en chef de Fhépital militaire. Parmi ses
nombreuses publications, citons: Cours de chirurgie
pratique sur les maladies vénériennes (Strasbourg,
1790, 2 vol. in~8); Clinique chirurgicale des plaies
faites par armes à feu, etc. (Lyon, Strasbourg et Paris,
1804, in-8), etc. D-* L. Hn.
LOMBARD (Charles-Pierre), apiculteur français, né en
1 743, mort en 1 824. Ancien procureur au parlement de Pa-
ris, il collabora de 1790 à 1792 à des journaux royalistes,
503 —
KHALIFAT
sur lui et sur sa descendance toutes les responsabilités du
pouvoir temporel. Reconnu par le khalife comme sultan
suprême, proclamé souverain de FOrient et de l'Occident,
roi des Persans et des Arabes, Toghrul se trouve dès lors
investi de l'omnipotence absolue. Ce qui avait constitué à
l'origine l'empire abbâside est devenu l'empire seldjoucide,
dont l'unique chef, le souverain temporel, est le Turc Togh-
rul (f 4063). El~Qâïm jouit paisiblement du khalifat sous
la tutelle des glorieux successeurs de ce conquérant, Alp
Arslân et Malik Chah qui se firent les continuateurs éclai-
rés de la civilisation arabe en leurs capitales de Merv et
Nichabour.
El-Moqtadi (1075-1094) dut à la puissance de Malik
Chah l'honneur de recouvrer sur les villes saintes la supré-
matie spirituelle dont les Abbâsides avaient été dépouillés
un siècle auparavant par les Fâtimites. El-Mostadhir
(1094-1118) régnait sous Bakiaroq (f 1104), quand
Jérusalem tomba aux mains de Godefroi de Bouillon. Bag-
dad fut plongée dans la consternation. Mais, pour répondre
à un événement aussi grave, que pouvait faire le pontife
impuissant dont la misssion consistait à officier à la mos-
quée dans le plus humble appareil? On peut dire que, à
partir de la première croisade, le khalifat d'Orient n'a
plus d'histoire, la métropole de l'Islam étant trop éloignée
du vaste champ de bataille où se déroule le duel entre
musulmans et Francs. Les princes syriens et égyptiens
resteront seuls en contact avec les infidèles dont les pro-
grès seront singulièrement favorisés par le schisme qui
divise Abbâsides et Fâtimites et la lutte fratricide engagée
entre les princes de la famille de Seldjouq et bientôt après
entre les sultans Ayyoûbites (1171-1250). Dans Tannée
où meurt El-Mostadhir, Mohammed l^'*, successeur de
Barkiaroq, s'empare de Bagdad par trahison. El-Mostar-
chid (1118-35), prince brave et intelligent, eût pu, en
des temps plus prospères, faire revivre la gloire de ses
ancêtres; mais il était trop tard. Ayant voulu s'affranchir
de la tutelle seldjoucide, il fut vaincu et détrôné. Er-
Râchid (1135-36) eut la même ambition et le même
sort.
El-Moktafi (1136-60) profita cependant des courageuses
tentatives de ses prédécesseurs pour rendre au khalifat
son ancienne indépendance. A la faveur des dissensions
qui désolaient le vaste empire seldjoucide, il se posa ou-
vertement comme prince souverain au temporel et au spi-
rituel, triompha des attaques dirigées contre Bagdad, et
réussit à se faire reconnaître au delà des murs de Bagdad, en
Irâq-Arabi. C'est tout ce qu'il pouvait faire. Il en fut
ainsi, grâce à ce prince, jusqu'à la chute du khaUfat, et les
six derniers khalifes n'eurent pas la honte de laisser à
d'autres le soin du gouvernement. Ils purent par eux-mêmes,
et suivant leur caractère, protéger dans leur petit Etat le
commerce et l'industrie, les lettres et les sciences, s'inspi-
rant des grands noms d'El-Mansoûr, de Hâroûn et d'El-Mâ-
moûn, sans que nul n'entreprît de censurer leur conduite.
Bagdad resta de la sorte la muette spectatrice des révo-
lutions qui agitèrent les grands Etats musulmans fondés
sur son ancien domaine. En 1171, la dynastie rivale des
Fâtimites, renversée par le Kurde Saladin, fit place en
Egypte à la dynastie des Ayyoûbites. Cette révolution eut
un heureux résultat pour El-Mostadi (1170-80), succes-
seur d'El-Mostandjid (1160-70), dont l'orthodoxe Saladin
s'empressa de faire proclamer le nom dans toutes les mos-
quées de son empire.
Le long règne d'En-Nâsir (1180-1225) vit enfin le
démembrement et la ruine de l'empire élevé par Toghrul
Beg : ce fut l'œuvre des Ayyoûbites, des chahs du Khâ-
rizm, puis des Tatars-Mongols. Pressé dans sa capitale par
le châhduKhârizm, Mohammed ibn Takach, le khalife ne
dut son salut qu'à la terreur qu'inspira tout à coup l'ap-
proche d'un nouveau conquérant, plus terrible que les
premiers. Djengis Khân, déjà maître de la Chine septen-
trionale et de la Tatarie, lançait ses hordes sauvages à la
conquête du monde civilisé. Bagdad, menacée par ses lieu-
tenants à deux reprises, sous Ed-Dhâhir (4225-26) et
El-Mostansir (1226-42), succomba à la troisième. Son
petit' fils Houlagou, khân des Mongols de Perse, avait ré-
solu l'anéantissement du pontificat abbâside et depuis quel-
que temps déjà entretenait des intelligences dans Bagdad
avec le propre vizir du khalife El-Mostasim (1242-58).
Grâce à ce traître nommé Alqamî, le khalife, dont il avait
su capter la confiance, ne songea même pas à résister. Il
voulut négocier, ce fut en vain. Le 5 févr. 1258, Bagdad
fut emportée d'assaut et saccagée sept jours durant par
150,000 Mongols ivres de sang et de carnage. Le malheu-
reux khalife fut chargé de fer et étranglé. En lui s'étei-
gnit le khalifat d'Orient qui avait duré, depuis la mort du
Prophète, 626 ans et était demeuré 508 ans aux mains
des fils d'Abbâs.
La dynastie abbâside, cependant, devait se perpétuer
pendant encore 280 ans. Un fils du khalife Ed-Dhâhir,
échappé au fer des Mongols, alla chercher un asile à la
cour des sultans mamlouks d'Egypte. Soultân-Bibars (1260-
77) l'accueillit et le fit proclamer khaUfe sous le nom d'El-
Mostansir. Ses successeurs, au nombre de seize, héritèrent
de ce titre illusoire et, comme lui, restèrent en Egypte
sans influence. Cette ombre de souveraineté subsista jus-
qu'à la conquête de l'Egypte par les Turcs, en 1517. Sé-
lim l^^ s'empara de la puissance sacerdotale des khalifes
et la légua à sa descendance entre les mains de laquelle elle
s'est conservée jusqu'à nos jours.
Institutions du khalifat. — Pendant la première pé-
riode du khalifat, la plus courte et la plus glorieuse, les
musulmans, se montrant dignes de la cause qu'ils avaient
à soutenir, mirent au service du Dieu de Mohammed les
plus mâles vertus, une activité et un courage guerrier
indomptables. Ce fut le beau temps de l'islamisme. L'auto-
rité souveraine, transmise par voie d'élection et non par
droit de succession, appartenait en principe au peuple, et
le khalife, porté par les suffrages de ses concitoyens à un
rang qui lui concédait le pouvoir temporel et spirituel,
n'était en réalité que primus inter pares. Abou Bekr,
Omar, Othmân et Ali, soumis à la loi commune, n'ayant
d'autorité que celle qu'ils tiraient du Coran ou de la Sounna
(coutume, tradition), nous apparaissent comme les pa-
triarches des temps bibliques ou les magistrats populaires
de l'ancienne Rome. Dès cette époque, toutefois, le titre
de khalife impliquait ceux de pontife {imam), de roi
(malik) et de juge (qâdî). Mais l'empire étant venu à
s'étendre dans les proportions que l'on sait, le khalife se
vit forcé de déléguer certains de ses pouvoirs à des agents
{oummâl, sing. âmîl) chargés de le représenter dans les
provinces. Quant aux revenus de l'Etat qui entraient dans
le trésor public (beït el-rnâl), ils se composaient : 1<* de
la dîme ou taxe des pauvres (zakat) que redevait tout
musulman ; 2^ du quint (khoums) prélevé sur le butin de
guerre; 3^ de l'impôt foncier (kharadj), dont seuls étaient
frappés les raïya ou sujets non musulmans ; 4° de la
contribution personnelle ou capitation (djizya)» La contri-
bution personnelle des rayas juifs ou chrétiens était an-
nuellement de 4 dinars pour les riches et de 2 pour les
pauvres. Mais, outre cette contribution en numéraire, les
peuples conquis avaient à opérer des prestations en nature
destinées à l'entretien des troupes musulmanes. L'impôt
foncier était calculé d'après la nature et la fertilité des
terres possédées parles vaincus. Enfin le zakât s'appliquait
à trois sortes de biens-fonds : 1° les terres vagues mises
en culture par les musulmans ; 2** les terres dont les pos-
sesseurs étaient convertis à l'islamisme sans y avoir été
contraints par la force des armes ; 3° les terres prises sur
les infidèles et possédées à titre de butin.
La comptabilité des sommes parfois considérables qui
résultaient des impôts nécessita dès le règne d'Omar la
création d'un bureau spécial dont ce khalife emprunta l'or-
ganisation aux Persans et qui conserva son nom persan de
dîwân, terme qui s'étendit ensuite à tous les services
administratifs et passa de l'arabe dans les langues néo-
KHALIFAT
- 504 -
latines {dogana, aduana, douane)» Les Arabes d'alors,
qui se contentaient d'être de brillants improvisateurs et
d'intrépides guerriers, étaient si inexpérimentés en matière
d'administration qu'ils confièrent le soin de tenir les re-
sistres du dîwân à des Persans, à des Grecs et à des
Coptes. — Le khalife administrait comme il l'entendait les
deniers de l'Etat et les affectait aux besoins de la guerre,
aux travaux publics, au soutien des pauvres, enfin à la
répartition d'une dotation annuelle à laquelle avait droit
dans le principe tout vrai croyant et dont la fixation pro-
portionnelle remonte à Omar. C'est ainsi que l'épouse favo-
rite du Prophète, Aïcha, reçut un douaire annuel, sorte de
liste civile, de 12,000 dirhems ; les autres veuves de
Mohammed n'en touchèrent que 10,000. Les Hâckimites,
c.-à-d. les membres de la famille du Prophète, furent
inscrits pour la même somme. Les Mohâdjir et les Ansâr
ou premiers Mecquois et Médinois qui avaient embrassé
rislâm obtinrent 5,000 dirhems. Pour tout le reste des
musulmans majeurs, la dotation variait de 4,000 à 300 di-
rhems. Il est curieux de constater que, dès l'origine, dans
cette république toute démocratique, il y eut une classe de
privilégiés. Ces premières institutions politiques par les-
quelles fut régie la communauté musulmane, œuvre en très
grande partie d'Omar, restèrent, en somme, à l'état rudi-
mentaire. Elles s'appuyaient sur les premières dispositions
prises par le Prophète et consignées dans l'imparfait code
religieux, civil et militaire qu'il avait légué à son peuple,
c.-à-d. le Coran.
Avec l'avènement de la dynastie qui succède au khalifat
« partait», le mécanisme de l'Etat se modifie et ira toujours
se compliquant. Les gouverneurs de province, à mesure que
l'empire arabe recule ses limites, sont investis de pouvoirs
plus étendus ; ils s'adjoignent des lieutenants (naqib) qu'ils
ont le droit de nommer eux-mêmes. Par contre, le khalife
distrait de leurs attributions les fonctions de qâdî etd'mam
pour les confier à des titulaires spéciaux directement
nommés par lui. Les innovations les plus importantes sont
l'œuvre de Moâwiya et d'Abd el-Malik. Et, d'abord, le
système du pouvoir est complètement transformé : d'électif
et populaire qu'il était auparavant, il est changé, dès 661 ,
en héréditaire et absolu. Moâwiya copie l'étiquette des
souverains étrangers, et surtout des rois sassanides. Il se
fait construire un riche palais à Damas ; il a des chambel-
lans (hâdjib) ; il donne audience sur un trône, mais, pour
ceci, il s'est cru obligé d'en demander l'autorisation au
peuple en prétextant de son excessive obésité, A la mos-
quée, c'est au fond d'une maqsoûra, espèce de loge grillée,
qu'il assiste aux offices, l'attentat khâridjite dont il fut
victime lui ayant inspiré certaines mesures de prudence,
comme de se faire escorter, quand il sort, d'une garde du
corps {chorta) qui veille constamment sur sa personne.
Ses successeurs n'ont pas moins que lui le goût du luxe
et du cérémonial ; ils ont une cour brillante somptueuse-
ment vêtue à la syrienne, composée de la nombreuse chen-
tèle qoreïchite que la politique et l'attrait du nouveau a
poussée hors du Hidjaz: émirs de tout rang, rudes hommes
de guerre que gagnent les douceurs inaccoutumées de la
civilisation naissante, rapsodes et bardes bédouins accourus
du désert et étonnés de se retrouver dans un milieu vrai-
ment arabe rappelant les cours des princes de Hira et de
Ghassan...
Moâwiya fut le premier à créer une chancellerie où tous
les actes émanant du pouvoir central furent enregistrés,
de façon qu'une fois expédiés ils ne pussent être falsifiés
ni contestés dans leur authenticité ; ce fut le dîwan el-
akhtâm ou « bureau des sceaux ». Il s'occupa également
d'assurer la rapidité des communications en instituant la
poste par courriers, telle qu'elle existait chez les Persans;
des relais de chevaux ou de chameaux furent établis entre
les chefs-lieux des différents gouvernements et la capitale
de l'empire. Cette poste reçut le nom de barîd, mot d'ori-
gine persane (comp. : syr. pered^ lat. veredus, ail. pferd).
Cette institution fut améliorée et développée par Abd el-
Malik qui ne la réserva plus seulement aux courriers de
l'Etat, mais en étendit l'usage au transport des voyageurs.
C'est ce khalife qui est le fondateur du système monétaire
musulman ; le premier il fit frapper des monnaies d'or et
d'argent à légendes exclusivement arabes où il est grossiè-
rement représenté coiffé d'une tiare et ceint d'un glaive
(696). Jusque-là on s'était servi de monnaies bilingues, où
le grec, le pehlvi, l'himyarite même se mêlaient à l'arabe,
monnaies frappées au coin d'Omar, du général Khâlid (?)
et de Moâwiya, bien qu'à l'effigie d'un Khosroès ou d'un
César, avec au revers Vatechgâh (pyrée) ou le symbole
chrétien, byzantines pour l'or et le cuivre, sassanides pour
l'argent. Par une mesure politique qui n'est pas sans ana-
logie avec la précédente, Abd el-Malik décréta l'emploi
exclusif de la langue arabe dans la rédaction des actes
administratifs au lieu du persan, du copte et du grec.
L'Etat fut enfin redevable au cinquième khalife omeyyade
de l'institution d'une cour de cassation (nadhar el-madhâ-
lim) pour connaître des jugements rendus par le qâdî et
contre lesquels les intéressés portaient plainte. Les séances
de cette cour furent présidées par le khalife en personne
jusqu'en 870, époque à laquelle celui-ci céda sa place à un
juge spécial.
Sous Hâroùn er-Rachîd, l'organisation de l'Etat est
achevée, les bases de l'administration se trouvent consoli-
dées pour plusieurs siècles. Le siège de l'empire est trans-
féré dans les plaines qui ont vu les grands empires de
l'antiquité ; les khalifes ne résident plus à Médine ou à
Damas, mais en plein Iraq, à quelques lieues de Ctésiphon,
l'ancienne capitale perse, car la domination passe aux
peuples du Khorasân, de la Perse et de la Chaldée, dont la
révolution de 750 est l'œuvre tout entière et qui sauront
en profiter. Bagdad, la « ville du Salut », peuplée de
800,000 âmes, devient la maîtresse du monde. Les kha-
lifes deviennent des souverains absolus, despotiques, craints
et vénérés jusqu'à l'adoration. Ils s'entourent d'étrangers,
principalement de Persans, et tiennent les Arabes en mince
estime. A l'imitation des anciens rois de Perse, les Abbâ-
sides se déchargent du poids des affaires sur des premiers
ministres appelés vizirs (vézirs) (d'après la rac. wazara,
« porter un fardeau »). Ces hauts fonctionnaires sont dépen-
dants ou absolus. Dépendants, ils exécutent simplement les
ordres du souverain. Absolus, ils se substituent à lui et
exercent tout le pouvoir d'un khalife, sauf qu'ils ne peuvent,
en théorie du moins, désigner de successeur au souverain
régnant. Ils ne sont donc responsables que vis-à-vis du kha-
life. Cette nouvelle institution du vizirat ne fut pas la
moindre cause de la décadence du khalifat d'Orient ; car,
peu à peu, les Abbâsides se déshabituèrent de l'exercice du
pouvoir et perdirent toute influence directe sur leurs sujets.
— Le khalife est censé tenir ses pouvoirs du choix libre
de la majorité des musulmans ; mais, une fois qu'il a reçu
leur serment de fidélité (beïa)^ il devient leur maître ab-
solu, jouissant sur tous du droit de vie et de mort. Les
devoirs du prince à l'égard de l'Etat sont analogues à ceux
du bon père de famille ; les sujets lui doivent en retour
obéissance et assistance; que s'il manque à ses devoirs,
la rébellion devient légitime. Voilà pour le temporel. En
tant que chef spirituel, le khalife est juge suprême dans
les questions du dogme. Sa décision est sans appel au tri-
bunal d'inquisition établi sous El-Mâmoûn contre les pro-
grès croissants de la libre pensée, du communisme et du
déisme personnifié.
Les préfets sont nommés par le khalife ou le vizir aux-
quels ils doivent juridiquement et exclusivement compte de
leurs actes ; ils gouvernent leurs provinces en rois vassaux.
Les généraux sont nommés de la même façon. En temps
de guerre, ceux-ci sont investis de pouvoirs très étendus,
comme de conclure des traités, de rendre la justice et de
partager le butin ; les grades sont conférés par eux-mêmes.
Un arîf commande dix hommes, un khalîfa en commande
cinquante, un naqib cent, un qâïd^ mille, un émîr dix
mille. L'armée se compose de volontaires irréguliers et de
- 505 -
KHALIFAT — KHALIFE
troupes régulières à la solde de l'Etat. Lorsqu'il s'agit d'une
guerre locale, les généraux sont nommés par les préfets.
En réalité, ceux-ci disposent de la force militaire, de même
yu'ils disposent des finances; ils appliquent le produit des
impositions d'abord aux besoins locaux et n'en envoient
que le surcroît au chef du gouvernement. Cet arrange-
ment, il est vrai, n'est pas sans porter ombrage à l'auto-
rité centrale ; mais il est trop favorable aux administrés
pour qu'on y puisse toucher sans danger. On se contente
de changer fréquemment de préfets, pour les empêcher de
se rendre indépendants. — La justice est rendue par des
qâdi relevant de juges principaux ou qâdî l-^qoudât. Des
officiers ministériels leur sont adjoints : notaires (c/iaMrf),
clercs {amîn) et substituts (nâïb).
Afin de surveiller les agissements non seulement des
Alides, qui sont les ennemis du régime actuel, mais les
membres de la famille régnante, le khalife ou ses repré-
sentants nomment dans les différentes provinces des agents
de police secrète qui sont chargés, en outre, de tenir un
registre des naissances et des morts au fur et à mesure
qu'elles se produisent parmi les descendants du Prophète,
Ceux-ci, Alides et Abbâsides, constituent la noblesse mu-
sulmane. — L'instruction supérieure est donnée dans les
mosquées-cathédrales {djâmi) par les oulamâ^ en atten-
dant la fondation par Nizâm el-Moulk, vizir du Seldjoucide
Malik Chah, des deux universités (madrasa) de Nicha pour
et de Bagdad en 1009 et 1019; l'enseignement secondaire
près des mosquées (masdjid) et l'enseignement primaire
dans les kouttâb.
Sous les Abbâsides, les services administratifs sont très
compliqués ; on peut les réduire à ceux-ci : 1° dîwan
el'ihtisâb, administration des poids et mesures comprenant
en outre l'inspection des marchés et de la voirie et la po-
lice des mœurs; 2^ diivân el-barîd^ administration des
postes et relais; 3° dîwân er-rasâïl^ bureau de la cor-
respondance; 4'' dîwân el-akhlûm^ ministère des sceaux,
où se concentrent l'expédition et la réception des pièces
officielles ; 5° dîwân et4auqî, bureau de l'enregistrement
desdites pièces et du sceau impérial ; 6° dîwân el-
kharadj, ministère des finances; 7° diwân zimâm en-
nafaqât, bureau des dépenses; 8<» dîwân ez-zimâm^
cour des comptes ; 9° dîwân ed-deïa, administration des
domaines de l'Etat, bureau du cadastre; 10<* diwân el-
d/'ound, ministère de la guerre; 11** diwân el-mawâlî
wal-ghilmân, administration des affranchis et des esclaves
du khalife.
Vie économique. — Hommes à l'esprit aventureux,
aux gotîts peu sédentaires, pèlerins ne transigeant pas
avec le devoir, commerçants âpres au gain, tels sont
et tels furent de tous temps les Arabes. C'est parce qu'ils
furent de grands voyageurs qu'ils furent de grands géo-
graphes. A une époque où rExtréme-Orient était à peine
soupçonné de l'Europe, où l'Afrique, en dehors de quelques
côtes, était inconnue, les musulmans et particulièrement
les Arabes étaient en relation commerciale avec l'Inde,
Java, la Chine, l'intérieur de l'Afrique et les parties les
moins explorées de l'Europe, comme la Russie, la Suède et
le Danemark. C'est qu'en effet l'étendue de l'empire des
khalifes, les richesses de son sol, la variété des climats, la
population, l'état policé des provinces, ont dû nécessaire-
ment exciter la spéculation mercantile. Un simple coup
d'œil sur la carte fait juger des points éloignés mis en con-
tact par un centre commun de religion, de politique et d'af-
faires. On trouvera exposé à l'art. Commerce (t. XII, p. 61)
la nomenclature des produits manufacturés ou naturels qui
faisaient, au moyen âge, l'objet du trafic musulman, les
principales routes suivies, etc. Les raisons qui mirent fin
aux grandes pérégrinations des musulmans à travers le
monde sont d'ordre purement politique. La découverte du
cap de Bonne-Espérance porta un coup fatal au commerce
maritime que les Arabes entretenaient avec l'Inde, la Chine
et la côte orientale de l'Afrique. Puis vinrent les grandes
invasions mongoles sous Djengis Khan et Timour, qui rui-
nèrent le commerce qui se faisait par les routes de l'Asie
centrale. La conquête de l'Egypte par SeHm P^ (1517) fit,
en outre, passer tout la commerce de la Méditerranée entre
les mains des armateurs génois, pisans et vénitiens. D'autre
part, les relations de l'Orient musulman avec le N. de
l'Europe furent complètement suspendues dès le xi® siècle,
à la suite du déplacement des Bulgares et des troubles po-
litiques de la Russie.
Littérature (V. Arabe).
Religion, Droit, Famille (V. Islamisme).
Sciences (V. Alchimie, Algèbre, Astrologie, Mathéma-
tiques, Médecine et Philosophie).
Arts (V. Architecture, Arabesque, Peinture, Mu-
sique). P. Ravaisse.
BiBL. : Les sources de Thistoire du khalifat sont les
chroniques arabes d'ÏBN el-Athîr, de Tabari, d'ABOU l-
FlDA, (ilBN KhALDOUN, de DlYARBEKRI, CtC. — A. BeBEL,
Die Mohammedanische-Arabische KuUurperiode ; Stutt-
gart, 1844. ■— N. Desvergers, l'Arabie, dans Univ. pilt. ;
Paris, 1847. — G. Diercks, Die Araber im Mittelalter, und
ihr Einfluss auf die Cullur Europa's ; Leipzig, 1882. —
A. DuNN, The Rise and decay of ihe rule of Islam ; Lon-
dres, 1877. — P. Vattier, l'Histoire mahométane ou les
Quarante-Neuf Chalifes du Macme; Paris, 1657.— Flugel,
Die Geschichte der Araber bis aufden Sturz des Chalifats
von Bagdad; Dresde, 1832, 3 vol.; Leipzig, 1838-40.—
W.Irving, Mahomet and his successors; New York, 1849,
2 vol. -— Kazimirski, Civilisation musulmane; observa-
tions historiques et critiques sur le mahométisme, dans les
Livres sacrés de l'Orient dePAUTHiER; Paris, 1840, pp. 463-
538. — Von Kremer, Culturgeschichte des Orients unter
den Chalifen; Vienne, 1875-77, 2 vol. — Du même, Ge-
schichte des herrschenden Ideen des Islams ; Leipzig, 1868.
— G. Le Bon, la Civilisation des Arabes ; Paris, 1884. —
De Marigny, Histoire des Arabes sous te gouvernement
des khalifes; Paris, 1750, 4 voî. ~ Du même, Histoire des
révolutions de l'empire des Arabes; Paris, 1750. — Mills,
A History of Mohammedanism ; Londres, 1818. — A. Mûl-
LER, Der Islam im Morgen-und Abend land; Berlin, 1885.
— MuiR, The Early C alip hâte ; Londres, 1883. — Oelsner,
Des Effets de la religion de Mohammed, pendant les trois
premiers siècles de sa fondation, sur Vesprit^ les m.œurs
et le gouvernement des peuples chez lesquels cette religion
s'est établie; Paris, 1810. — Osborn, Islam under the Kha-
lifs of Bagdad ; Londres, 1878, 2 vol. — Pocock, Historia
compendiosH dynastiarum orientalium ; Oxford, 1663. —
Du même. Spécimen historiœ Arabum ; Oxford, 1650. —
Price, Chronologicat Retrospect, or Memoirs of the prin-
cipal events of Mohammedan History ; Londres, 1811,
3 vol. — Sedillot, Histoire des Arabes; Paris, 1877, 2 vol.
— Zotenberg, Chronique de Tabari; Nogent-le-Rotrou,
1874, 4 vol. — G. Weil, Geschichte der Chalifen ; Mann-
heim, 1846, 1848, 1851, 3 vol. — Du môme, Geschichte des
Abbassidenchalifals in Egypten; Stuttgart, 1860-62, 2 vol.
— Du même, Geschichte der islamitischen Vœlher von
Mohammed bis zur Zeit des Sultan Selim; Stuttgart, 1866.
— A. GiLMAN, The Saracens from theearliest times to the
fall of Bagdad; Londres, 1887. — Barrau, Histoire poli-
tique des peuples musulmans ; Paris, 1842, 2 vol. — St.
GuYARD, la Civilisationmusulmane ; Paris, ISSi. — D'HER-
BELOT, Bibliothèque orientale ; Paris, 1697.
KHALIFE ou CALIFE. Titre des souverains qui exer-
cèrent, après la mort du prophète Mohammed, le pouvoir
spirituel et temporel. En arabe, khalîfa, a le sens de
« successeur, remplaçant, lieutenant ». Le nom de la
dignité est khilâfa, « Les lois émanées de Dieu, dit Ib..
Khaldoun, imposent au souverain l'obligation de porter les
hommes à observer ce qu'elles prescrivent relativement à
leurs intérêts dans ce monde et dans l'autre ; pour faire
exécuter cette prescription, il faut un prophète, ou un
homme qui tienne la place d'un prophète, c.-à-d. un kha-
life. » (Prolégomènes, I, p. 386.) Le khalife, chef su-
prême de la communauté musulmane, porte également le
titre dHmâm (V. ce mot) et celui d'émir el-Moûminin^
c.-à-d. commandeur des croyants. Les qualités requises
pour pouvoir exercer le khalifat sont : le savoir, la pro-
bité, la pleine possession de ses qualités intellectuelles et
physiques. Avant tout, une des premières conditions d'éli-
gibilité est d'appartenir à la tribu de Qoreïch, d'où était
issu le Prophète. Cette dernière condition fut exactement
remplie dans le khalifat d'Orient pendant toute sa durée,
de 632 à 4517. Les devoirs du khalife consistent à main-
tenir dans leur intégrité les principes religieux, à rendre
fidèlement la justice, à défendre le territoire musulman et
KHALIFE - KHAN
- 506 -
à y assurer la sécurité, à reculer les bornes de l'empire, à
dépenser les revenus de l'impôt conformément à la loi. Le
titre de souverain pontife de l'islamisme est aujourd'hui
l'apanage des sultans ottomans qui. Turcs de race, ne des-
cendent pas de l'Arabe Qoreïch. P. Ravaisse.
KHALIL (Sidi), le plus célèbre jurisconsulte musulman
de la doctrine malékite. On n'a que d'assez vagues rensei-
gnements sur sa personne ; tout ce que l'on sait, c'est qu'il
était fils d'Ishaq ben Mousa, qu'il portait le surnom d'El-
Djondi, parce qu'il appartenait à l'armée et qu'il vécut au
Caire où il partagea son temps entre l'enseignement du
droit et l'accomplissement de ses devoirs militaires. La date
de sa mort n'est pas bien certaine; on la fixe généralement
à l'année 4374. Sidi Khalil a publié un excellent commen-
taire d'Ibn El-Hadjeb, mais l'ouvrage qui a rendu son nom
immortel parmi les populations musulmanes de l'Afrique,
c'est le Mokfitaçar, Sous ce titre, qui signifie Abrégé,
l'auteur a réuni avec une concision extraordinaire toutes
les prescriptions législatives propres au rite malékite. Ce
code serait à peu près incompréhensible s'il n'avait été
développé et expliqué par de nombreux commentateurs, et
ce qui a fait sa réputation, c'est, d'une part, qu'il contient
toutes les dispositions relatives à la jurisprudence religieuse
et à la jurisprudence civile, et, d'autre part, qu'il peut être
aisément appris par cœur. On assure que Sidi Khalil n'avait
pas achevé, avant sa mort, la rédaction de son Mokhtaçar
et que l'ouvrage fut complété par ses disciples à l'aide des
notes laissées par le maître. La Société asiatique de Paris a
publié le texte arabe du Mokhtaçar sous ce titre : Précis
de jurisprudence musulmane suivant le rite malékite
(Paris, 4855). Une traduction complète de cet ouvrage a
été donnée par le D** Perron dans VExploration scienti-
fique de r Algérie (Paris, 4848-5!2, t. X à XV et 4 vol. de
tables). Une nouvelle traduction de la jurisprudence civile
a été publiée avec le texte arabe par N. Seignette : Code
musulman par Khalil (Constantine, 4878). 0. H.
KHALIL Ben Chalin, écrivain arabe du xv*^ siècle ; gou-
verneur d'Alexandrie, puis vizir, il rédigea sur l'Egypte un
livre intitulé Zobdad Kaschef al memalek (4424).
KHALIL Pacha, grand vizir de Mourad II et de Mo-
hammed U (V. ces noms), exécuté en 4453. Il décida le
premier à reprendre le pouvoir en 4442 ; corrompu par les
Byzantins, il retarda et contraria le siège de Constanti-
nople ; Mohammed II le fit exécuter après la prise de la
ville
KHALKAS(V. Mongolie).
KHALLAD ou KHALED. Rivière de Tunisie (V. ce
mot).
KHAM. Province orientale du Tibet (V. ce mot).
KHAMA ou RA1VIAN60UATA. Royaume de l'Afrique,
entre la rive droite du Zambèze et la rive gauche du Lim-
popo ; le chef résidait à Chochong, sur un affluent gauche
du Limpopo. La population était formée de Betchouanas
Bakalaharis.
KHAM>C Dâbàn. Montsdela Sibérie, province de Trans-
baïkalie, entre le S. du lac Baïkal et la Selenga; 4,800 à
2,000 m.
KHAM BAS. Peuplade tibétaine, à l'E. du plateau de
Khatchi, où dominent les moines mendiants (V. Tibet).
KHAMGAON ou KAMGAON. Ville de l'Inde centrale,
province de Bérar, au N. desmontsd'Adjanta; 40,000 hab.
Marché des cotons du Bérar.
KHAMI, Peuplade de l'Inde anglaise, province d'Arakan,
dans la vallée supérieure de l'Akyab. Ils sont de race bir-
mane ; bons agriculteurs (tabac, sésame, coton) ; ils ont
gardé leur religion indigène.
KHAM IL (V. Hami).
KHAM PAS. Tribu tibétaine de la province de Guari-
Khorsoum, originaire de la province de Kham ; ils ne por-
tent point de barbe et seulement une tresse de cheveux ;
leur langue est tibétaine, mais se rapproche du turc. Ils
sont bouddhistes; ils pratiquent le brigandage.
KHAMSIN, C'est le nom que l'on donne en Egypte au
vent sec et chaud qui souffle du S., par intermittences, mais
durant une période de cinquante jours (en arabe, khamsin
signifie cinquante) qui commence vers Pâques et finit à la
Pentecôte. L'air surchauffé sur les parties désertiques du
sol arrive chargé de parcelles de sable dont la poussière
impalpable remplit l'atmosphère et lui donne des reflets
rougeâtres d'une apparence sinistre. En général, le kham-
sin souffle par période de trois jours, la seconde journée
étant toujours la plus pénible. Les hommes, les animaux
et les plantes ressentent un effet analogue à celui que pro-
duit le voisinage d'un incendie, mais cependant ce vent n'est
point malsain et les plantes seules perdent pour quelque
temps une partie de leur vigueur. Le khamsin ne règne
pas seulement en Egypte ; il existe aussi en Arabie et en
Syrie où il porte le nom de simoun (altération de l'arabe
semoum, empoisonné) tandis qu'en Algérie on l'appelle
sirocco, guebli et chili. 0. Houdas.
KHAMTI ou KAMPTI. Tribu de la vallée moyenne du
Brahmapoutra et de la vallée supérieure de l'iravadi,
branche septentrionale de la race des Chân ou Thaï
(V. Asie, t. IV, p. 422, et Birmanie, t. VI, p. 946),
croisée avec les Birmans et les gens de l'Assam. Ils ont le
teint foncé et ressemblent aux Chinois. Très pacifiques,
habiles industriels et commerçants, ils sont les mieux
doués des Châns ; ils professent la religion bouddhiste.
BiBL. : Lepper, T/ie Sm(7po and Kampti coûntry^ dans
Proceed. Asiat. Soc. of Bengal, 1882-83. ~ V. Proceed.
Roy. Geogr. Soc, 1869-70, t. XIV; 1876-77, t. XXI. — Dal-
TON, Ethnology of Bengal; Calcutta, 1872.
KHAN (V. Caravansérail).
KHÂN, KHAQÂN. Mots qui servent à désigner les sou-
verains d'origine tatare chez les Orientaux. Le mot de
khaqân (khakan, chagan, qagan, etc.) est le plus ancien.
On a vu à l'art. Jou-Jouen que ce fut Touloun, chef de ce
peuple, qui, le premier, vers 402 de J.-C, échangea le titre
de shen-yu porté jusqu'à lors par ses prédécesseurs,
contre celui de khaqân (en Chine kho-han, « premier
han»?) qui avait le sens d'« empereur ». Le titre de
khaqân fut successivement adopté par tous les souverains
et dominateurs de l'Asie centrale et déjà très probablement
par les Ephthalites, de 425 à 555. La plus ancienne men-
tion qu'on en trouve chez les historiens occidentaux date
du vi^ siècle. Elle se trouve dans Grégoire de Tours, sous
la forme Chaganus appliquée au chef des Huns, lors de
ses rapports avec Sigebert, roi d'Austrasie, en 560. Ce Cha-
ganus était Baïan, chef des Avares. On sait en effet que les
Avares étaient des débris des Jou-Jouen ou des Ephthalites
et qu'ils apparaissent en Europe, et d'abord à Constanti-
nople, en 557. Les historiens byzantins en parlant du roi
des Avares le désignent toujours par l'expression ^ayavoç
et x^ayav (ce qui nous donne, comme le latin chaganus, la
vraie prononciation du vi^ siècle, khagan et non khakan).
Lorsque les Turcs entrent à leur tour en scène après la
destruction des Ephthalites, ils envoient des ambassades à
la cour de Byzance. Dans une lettre adressée à Maurice
Tibère, en 598, le souverain turc prend le titre de
« khagan, grand chef des sept nations, seigneur des sept
climats du monde » (Theophylacte Simocatta, éd. de Bonn,
p. 282), Le même souverain (Moho Chapolo d'après les
Chinois), en 585, avait envoyé à l'empereur de la Chine
un message dans lequel il prenait le titre de « khohan de
l'empire des grands Tou-kioué, institué par le ciel ». L'his-
torien arménien Moïse de Khorène emploie l'expression
grand khakân (vezourk khakan), à propos d'un prince
des barbares de l'Orient (Yue-tchi), contemporain d'Ar-
déchir Babekan, vers 230 de J.-C, ce qui a pu faire croire
à saint Martin que le titre de khaqân était usité en Ta-
tarie bien avant l'an 402. Mais l'expression dont s'est servi
Moïse est un anachronisme, en admettant même que, en
470, à l'époque où vivait cet historien, le titre de khaqân,
fût déjà connu, car il ne pouvait pas s'appliquer aux Yue-
tchi. Les historiens et poètes musulmans se servent
toujours du mot khaqân (jamais khân) pour désigner les
souverains des peuples tatares (Ephthalites et Turcs) qui
— 507
KHAN — KHANEDANl
ont été en rapport avec les Sassanides. Firdousi l'applique
même à l'empereur de la Chine qu'il appelle tantôt le
khaqan de la Chine, le khaqân du Tibet, tantôt le Fag-
four (V. ce mot). Lorsque les Khazares entrent en rapport
avec Constantinople et les Russes, leurs chefs ont aussi le
titre de khagàn (V. Constantin Porphyrogénète qui écrivait
vers 945).
En Asie, en dehors de l'historien chinois du vi® siècle,
qui a relaté le fait de Touloun, nous n'avons pas de mention
certaine de l'existence du titre de khaqàn, avant la décou-
verte toute récente (1889) des stèles des années 733, 735
et 784 mentionnant le kho-han des Turcs Tou-kioue.
La stèle bilingue (runique et chinoise) de 733 a été érigée
en l'honneur du prince turc Gheuk-teghin, fils du kho-han
(khaqân) Koutlouk et frère du kho-han Pit-kia Me-ki-lien.
La stèle de 735 (runique et chinoise) a été dédiée à la mé-
moire de Me-ki-lien lui-même, et la stèle de 784 en l'hon-
neur du kho-kan des Ouigours, Toun Moko Tarkan Pek.
Après la destruction de l'empire des Tou-kioue par les
Ouïgours en 744, les souverains ouïgours prennent le
titre de tengri khaqân, « khaqân céleste », que l'on trouve
également chez les empereurs de la Chine d'origine turque
{tien kho-han). Nous possédons la liste des khaqâns des
Jou-Jouen depuis 402, et celle des Turcs depuis Tou-men,
le premier de leurs rois, en 545. C'est à tort que Sta-
nislas Julien, dans des documents sur les Tou-kioue (1864),
a traduit le mot chinois kho-han par khan au lieu de
khaqân ; ce dernier titre convient mieux au chef suprême
de toute la nation turque qui s'étendait de la Sibérie au
Turkestan. Le mot de khân était le titre des chefs subal-
ternes soumis au khaqân ; mais, en fait, plus d'un prince
vassal, pour peu qu'il commandât lui-même à plusieurs
tribus, dut se parer du titre de khaqân. En tout cas, c'est
cette dernière expression seule que l'on trouve toujours
employée avant le xii® siècle, pour désigner dans toute
l'Asie tatare le souverain suprême des Turcs Tou-kioue,
des Ouïgours, des Mongols, des Chinois eux-mêmes et des
Mandchous. Sur leurs monnaies les Mongols se servent de
la forme kâân (dont l'étymologie est inconnue) et qui a
aussi le sens de khaqân, par opposition à khân, égale-
ment employé dans leurs légendes. Le « grand khan » de
Marco-Polo est le « grand khaqân et non le « grand
khân ». Cela prouve que l'expression (ou la prononciation)
kâân était usitée chez les Mongols du temps d'Oktai, de
Mangou, de Koubilaï et des autres successeurs de Djengis
Khan. Cependant l'ancienne forme khaqân est encore em-
ployée sur les monnaies dans les légendes en mongol, et par
Arghoun dans sa lettre à Philippe le Bel. Dans Tinscrip-
tion pa-sse-pa de 1314, le mot est transcrit kha-han; il
est d'ailleurs resté dans la langue mongole, comme en
turc, sous la forme khaqân.
L'expression de khân (en chinois han), qui signifie
simplement « seigneur » ne se rencontre dans l'histoire qu'à
partir du xi® siècle, mais ce titre, d'origine tatare comme
celui de khaqân, est mentionné par les historiens chinois
qui nous apprennent que c'était le titre royal que prenaient
les Tobat depuis une très haute antiquité. Lin-Han, un de
ces souverains qui régnait dans le N. de la Mongolie au
m® siècle, était le 67^ roi avec l'épithète de han. Un autre
chef de la même nation, Ili-Han régnait en 312. Quelques
chefs des Jou-Jouen, par exemple Hoto-Han, tué en 385,
portaient également ce titre. On en trouve encore la trace
dans l'expression chinoise ma-ha-han, « le grand han », et
par abréviation ma-ha, mo-ho, « le grand », devenu chez
les Turcs et Ouïgours Mo-ho (d'après Visdelou). Ainsi le
mot de khân a dû exister dans les protocoles turcs et
ouïgours en même temps que khaqân, dont il n'est ni
l'équivalent ni le dérivé comme on l'a cru. Si l'on excepte
les noms propres Zamergan, Bou Khan transmis par les
Byzantins et qui contiennent peut-être le mol khân, on peut
dire que ce mot n'est connu des historiens européens que
par l'arrivée des Turcs Seljoucides en 1037, et il est sur-
tout employé par les Mongols sur leurs monnaies : Ileks,
Djoudjides, khâns de la Horde d'or, khâns du Kaptchak,
khâns de Crimée, khâns du Djagataï, etc. Chez un certain:
nombre des princes mongols dont le plus célèbre est Djengis
Khan, ce titre faisait partie du nom propre.
Les sultans de Constantinople ont adopté les deux titres
impériaux khân et khaqân, dès leurs premières monnaies.
Bayezid I^% Mohammed I^"^ ont déjà le titre de khân, outre
celui de sultan (ce dernier a aussi le titre de khagân, d'après
la prononciation ancienne) ; la formule « khaqân des deux
mers», encore usitée aujourd'hui chez les Ottomans, date de
Mourad III (1575). Les rois Pathans de l'Inde et les grands
Mongols ont sur leurs monnaies « khân illustre, khaqân
sublime ». Djehan Gir avait pris le titre de khân khanân,
« khân des khâns ».
Les dérivés de khân sont : ilkhân (seigneur des pays ou
des peuples), titre adopté par les Mongols delà Perse; tar-
khân dont le sens est inconnu, mais qui désignait un prince
subalterne (on trouve déjà le mot mentionné dans l'écrivain
byzantin Menander (vi^ siècle), et sur quelques monnaies
indo-sassanides); gourkan (en chinois go-han), dont le sens
d'après Rashid eddin serait « seigneur universel », titre
pris par Tamerlan et quelques-uns de ses successeurs,
comme Ouloug Beg ; on rencontre aussi irkhân chez les
géographes arabes, comme nom du chef de certaines tribus
turques ; ilekhan pour ilek-khân, « seigneur souverain »,
titre de certains princes turcs et ouïgours qui a donné son
nom à une dynastie (V. ïlf.k).
Les chroniqueurs du moyen âge emploient aussi le mot
carchan qui pourrait signifier le « khân noir » ; dans les
chroniques slaves on trouve aussi l'expression oulou-chan,
« le noble khân », appliquée aux chefs mongols.
Les épouses des khâns portaient le titre de khatoun que
l'on trouve souvent dans l'histoire. Les femmes tatares
régnaient quelquefois après la mort de leurs maris ; « elles
jouissent chez les Turcs et les Tatars, dit Ibn Batoutah,
d'un sort très heureux ; lorsqu'ils écrivent un ordre, ils y
insèrent ces mots : par ordre du sultan et de la khatoun ».
L'antiquité nous a conservé les noms de quelques reines
Scythes, comme Tomyris, Sparethra, Zarina, Amagé ; nous
avons au moyen âge la reine Boarex, la khatoun Toura-
kina (1241-46), 1a reine houlagide Satibeg en 1331,
la Baghdad Khatoun, femme d'Abou-Saïd, des Houlagides
(1335). On rencontre quelquefois, mais rarement, la forme
khakatoun qui est plus proche de khaqân. En turc osmanli,
khatoun a le sens de « princesse, femme distinguée » ou
simplement « dame », E. Drouin.
BiBL. : CoLEBRooKE, Ou Impérial Tilles, 1877. — T. de
Lacouperie, Khan, khakan and olher lilles, 1888. — Kla-
PROTH, Sur le Titre de Gourkhan, 1828.
KHAN AT. Division territoriale (V. Khan).
KHAN DALA. Ville de l'Inde anglaise, présid. de Bombay,
sur le ch. de fer de Bombay, à Pouna, à 540 m. d'alt.;
villégiature des négociants de Bombay. Auprès sont les
temples de Karli(y. ce mot).
KHANDOUA. Ville de l'Inde centrale, prov. de Nerbada,
sur le ch. de fer de Bombay à Allahabad ; 45,000 hab.
Belles ruines d'édifices djainas.
KHANDPARA ou KHANDAPADA. Principauté de l'Inde,
prov. d'Orissa, dans le groupe d'Etats du Kattak, au S. de
la Mahanadi; 632 kil. q.; plus de 60,000 hab. La ville de
Kantilo (6,000 hab.) est plus importante que la capitale
Khandpara.
KH AN ÉDANI-AL-OsMAN (Ordre de). Fondé en Turquie,
en 1893, par le sultan qui le destina à lui-même, aux mem-
bres de la famille impériale, aux souverains étrangers, aux
membres de leurs familles et aux hauts dignitaires otto-
mans. L'insigne est porté au cou, suspendu à une chaîne
en or dont chaque anneau émaillé de blanc porte une cou-
ronne avec l'étoile et le croissant. — Un ordre analogue, du
même nom, avec insigne plus petit et plusieurs classes,
est destiné aux fonctionnaires et aux personnes ayant prouvé
leur dévouement au sultan. La décoration se porte au cou
par un ruban à deux couleurs. G. de G.
KHANFOUSSA — KHARKOV
508 —
KHANFOUSSA. Montagne du Sahara algérien, à 50 kil.
environ au S.-E. de Temassinine, sur la route qui mène
de ce point à ïdeles, dans le Hoggar, à une ait. de
583 m. Elle domine la plaine sablonneuse d*environ 220 m.
et est la première roche qui annonce Tentrée dans la vallée
de righarghar. Le grès dévonien qui la compose est à
grain très fin : noirci par l'action du soleil à la surface, il
fait paraître la montagne très noire, vue de loin : à l'inté-
rieur il est gris, teinté de rouge. Dans les ravins qui sil-
lonnent les flancs du Khanfoussa, il y a des gommiers et
des mouflons. E. Càt.
KHANG-Hi(V.Kang-Hi).
KHANGA(V. Kheneg).
KHANGA Sidi-Nadji ou Gorge de Sidi-Nadji. Village
d'Algérie, prov. de Constantine, dans la com. indigène de
Biskra, à 85 kil. E.-S.-E. de cette ville, au pied du djebel
Chechar, près d'un défilé par où l'oued El-Arab débouche
des montagnes dans la plaine saharienne, à 254 m. d'alt.
Cette bourgade exclusivement arabe, qui compte 700 hab.
et possède de beaux jardins de dattiers, a été fondée par
Sidi-Embarek au commencement du xvii^ siècle. Elle est
assez bien construite et prospère. Il y a une mosquée re-
marquable avec une koubba sous laquelle repose Sidi-Em-
barek mort en 4614 et une zaouïa dont le chef est vénéré
dans une bonne partie du Sahara, dans les Ziban et chez
les Nemenchas. E. Cat.
KHANOU. Ville de Perse, prov. de Laristan, à 150 kil.
N.-E. de Bender Abbas ; 5,000 hab.; elle est peuplée de
serfs du gouverneur héréditaire.
KHANPOUR ou CAWNPORE. Grande ville de l'Inde
anglaise, prov. du N.-O., r. dr. du Gange; 488,712 hab.
C'est un grand marché de céréales, une ville industrielle
(cotonnades, cuirs, etc.). Elle fut, lors de l'insurrection
des Cipayes (4857), le théâtre du massacre des prisonniers
anglais par Nana-Sahib (V. Inde). C'est une des princi-
pales places fortes de l'Inde avec une forte garnison.
BiBL. : Trevelyan, Cawnpore ; Londres, 1886, 4« éd.
KHAPOUR. Ville de la Turquie d'Asie, sandjak de
Diarbékir, à 36 kil. de Kharpout, dans le bassin supé-
rieur du Tigre occidental, à 4,039 m. d'alt., sur une col-
line qui domine la vallée de 250 m. Aux environs, mines
de cuivre du Magharat. Des ouvriers grecs, arméniens et
turcs fondent en partie le minerai sur place. Naguère,
presque tous les Orientaux s'approvisionnaient d'ustensiles
en cuivre battu de Khapour.
KHARACÈNE(V. Mésène).
KHARADJ (V. Capitation et Impôts arabes, t. XX,
p.6l0).
KHARAN.Prov. du Béloulchistan (Y . ce mot).
KHARDJEH (Ouah el-). Oasis égyptienne du désert de
Libye appelée aussi Grande Oasis ou Oasis de Tkèbes, Elle
occupe une dépression qui s'étend entre 24<* 35'' et 25°o5'
lat. N., de 460 à 480 kil. 0. du Nil. Elle a 420 kil. de
long du N. au S., est à une ait. de 50 à 75 m., inférieure
de près de 400 m. au niveau du plateau. Les groupes de
dattiers y sont très clairsemés autour des puijts. L'oasis
compte 6 à 7,000 hab. dont 3,500 à Khardjeh (l'antique
Ibis, beau temple d'Ammon construit sous Darius ; à 7 kil.
N.-O., nécropole) et 4,400 à Béris au S.
BiBL. : RoHLF, Erforschung der Libyschen Wùste et
Drei Monale in der Libyschen Wûste; Cassel, 1875. —
ScHWEiNFURT, NoHce SUT laGvande Oasis, dans Bull. Soc.
de Qéogr. de Paris, iuin 1874.
KHAREDJ, KHARAG ou KARAK. Ile coralliaire du golfe
Persique, prov. du Farsistan, à 55 kil. N.-O. de Bou-
chir ; 5 kil. q.. 4,000 hab. Les Hollandais l'occupèrent
de 4748 à 4765, puis les Anglais l'occupèrent à deux
reprises (4765, 4840) pour chasser les pirates du golfe.
KHAREDJ ITES (V. Kharidjites).
KHAREZM (V. Khiva).
KHARIDJITES (en arabe Ehawâridj, c.-à-d. les sor-
tants, les hérétiques). Secte musulmane parue parmi les
populations du Bas-Irâk, entre Côufa et Bassora, à la suite
de la contestation entre Ali et Moâv\rïa, au sujet du khalifat,
qui se termina à l'avantage du dernier. (îuelques-uns des
partisans d'Ali se séparèrent de leur chef et se révoltèrent
contre lui lorsqu'ils apprirent le résultat défavorable de
l'arbitrage qu'ils avaient été les plus ardents à lui imposer
à cette occasion. Les excès de tout genre qu'ils ne tardèrent
pas à commettre envers ceux qui ne partageaient pas leurs
opinions obligèrent Ali à les réduire par les armes après
de vaines tentatives de conciliation. Ils furent battus et
exterminés, sauf un petit nombre qui échappa, à Nahra-
wan, au S. de Bagdad, où ils s'étaient réunis autour
d'Abd Allah ibnWahb (658 ap. J.-C). Opposés aux Chiites,
les Kharidjites déclaraient qu'il était préférable qu'il n'y eût
pas de souverain (imam) ; que si cependant il en fallait un,
il était indifférent qu'il fût koreïchite ou nabatéen, homme
libre ou esclave, pourvu qu'il fût juste et observât les lois
religieuses. Ils admettaient la prédestination d'une façon
si absolue que Dieu devenait le seul auteur de tout mal
comme de tout bien. Leur morale était très sévère, leur
orthodoxie très rigide et très attachée à la lettre du Coran
et de la Sounna ; ils mettaient le péché grave sur la même
ligne que l'infidélité, enseignant que le pécheur n'est plus
moumin (croyant) ; si le souverain offense par une faute
grave la loi religieuse, il devient infidèle, déchoit, doit être
déposé et mis à mort.
Bien que comptant des personnages de marque tels que
le poète Imrân ibn Hittàn, ce mouvement fut surtout une
sorte de protestation des peuples de l'Irak contre la no-
blesse arabe du Hidjâz dont l'hypocrisie, l'avidité et l'ambi-
tion étaient peu conformes à l'esprit de renoncement de
l'islamisme ; les Kharidjites prêchaient l'égalité et la fra-
ternité et voulaient un gouvernement démocratique avec un
chef électif. Malgré la sanglante défaite de Nahrawân, la
secte continua à se propager ; Ali périt assassiné par le
Khâridjite Ibn Moldjam (664 ap. J.-C). Pendant quelques
années, ils se tinrent tranquilles ; mais les persécutions
exercées contre eux les amenèrent à se révolter de nouveau
dans la province d'El-Ahwâz, sous la conduite de Nâfi ibn
Al-Azrak. Mohalleb ibn Abî Sofra, envoyé contre eux, ne
put les soumettre ei les disperser qu'après une guerre
acharnée de dix-neuf ans, sous les derniers Omeyyades.
A partir de ce moment, leur histoire ne présente aucun
fait saillant. Les Kharidjites formèrent plusieurs fractions :
les Hârôurites, originaires de la ville de Hârôura ; les Azra-
kites, compagnons de Nâfi ibn Al-Azrak ; les Ibâdites, ainsi
appelés d'Abd Allah ibn Ibâd qui, sous le règne de Merwân
(744-749), propagea la doctrine dans l'Oman; elle y
domine encore aujourd'hui, ainsi que dans le S. de la Tu-
nisie et de l'Algérie (Djerîd, Mzâb) qui reçut à cette époque
des émissaires. La secte des Ouahâbites, parue en Arabie,
vers 4750 ap. J.-C, semble n'être sur beaucoup de points
qu'une renaissance des Kharidjites. L. Leriche.
BiBL. : Brunnow, Die Charidschiten; Leyde, 1884.
KHARKI ou KHALKIA. Groupe d'îlots de la Turquie
d'Asie, à rO. de Rhodes; 20 kil. q. Les principaux sont
Kharki et Limn^iona,
KHARKOV. Ville de la Russie d'Europe, chef-lieu du
gouvernement du même nom, sur les rivières Kharkov,
Lopan, Netetcha et Gnilopiat, et les chemins de fer Odessa-
Moscou et Libau-Azov,à 4 ,400 kil. S.-S.-E. de Saint-Péters-
bourg; 488,500 hab. Archevêché, tribunaux, université
depuis 4805, comptant plus de 90 professeurs et environ
i ,800 étudiants, institut polytechnique, école vétérinaire,
lycées, écoles de jeunes filles, plusieurs étabUssements scien-
tifiques et sociétés savantes. Grâce à sa situation géogra-
phique entre le bassin de Dniepr et celui du Don et à
l'intersection des grandes routes, elle présente un centre
commercial très important non seulement pour les produits
locaux, mais comme lieu d'échange des marchandises du
N. et du S. de la Russie. Elle a quatre grandes foires
annuellement, dont la principale est Krechtchenskata, au
mois de janvier, où le mouvement des affaires s'élève jus-
qu'à 40Ô millions de fr. L'industrie locale produit beau-
coup de toiles, de savons, de bougies, de feutres, d'alcools,
— 509 -
KHARKOV — KHAZARES
de sucres et de tabacs. Située d'une manière assez pitto-
resque, cette ville n'a pas de monuments et d'édifices
remarquables ; l'architecture de ses églises et l'aspect de
ses nombreux magasins rappellent un peu Moscou, tandis
que le reste ne se distingue pas d'autres villes de la Petite-
Russie. L'inconvénient le plus sensible de cette ville, c'est
le manque d'eau potable. Fondée en 1650 par les Cosaques
Zaporogues comme un simple hameau, Kharkov fut trans-
formé ensuite en forteresse contre les invasions tatares ;
en 1765, elle devint le chef-lieu du gouvernement des Slo-
bodes d'Ukraine (Slobodsko-oukraïnskaïa).L3i fondation
du Collegium^ transformé plus tard en université, la mit
pour plusieurs dizaines d'années à la tète du mouvement
intellectuel de l'Ukraine et contribua beaucoup au réveil
des études slaves en Russie.
Le gouvernement de Kharkov (anc. gouv. des Slobodes
d'Ukraine) est situé entre ceux de Koursk et de Voronèje
au N., du pays des Cosaques du Don à l'E., d'Ekateri-
noslav au S. et de Poltava à TO.; il occupe 54,495 kil. q.,
2,465,668 hab. (en 1891). Un long plateau assez élevé le
divise en deux parties : celle du N.-O. et celle du S.-E.; la
première appartient au bassin du Dniepr et la seconde à celui
du Don. Toutes les deux présentent chacune une plaine on-
dulée s'élevant graduellement vers le plateau transversal et
interrompue par les vallées des rivières. Par conséquent,
toute la surface du gouvernement de Kharkov est ouverte
aux vents et a le climat très sec et chaud pendant l'été, ce
qui lui donne déjà, dans une certaine mesure, le caractère
de steppes. Le sol, très fertile dans les districts du Nord,
devient sablonneux et même riche en sel dans ceux du Sud.
La production des blés, l'élevage du bétail, l'apiculture, la
fabrication des tabacs, des sucres et d'alcools sont très im-
portants, ainsi que les manufactures de draps et de tapis. La
plus grande partie de la propriété foncière (85 ^/o) appar-
tient à la noblesse qui forme 25 ^/o de toute la population,
tandis que les paysans formant la moitié de celle-ci (50°/o)
ne possèdent que 6,6 °/o du soi. Le gouvernement de Khar-
kov se divise en onze districts : Kharkov, Soumy, Lebedine,
Akhtyrka, Bohodoukhov, Valky, Zmiév, Izioum, Voltchansk,
KoupiansketStarobielsk. Th. Volkov.
BiBL. : Bagaleï, Matériaux pour l'histoire de la coloni-
sation, etc., des limites de la Moscovie ; Kharkov, 1886. —
Du même. Histoire de la colonisation^ etc. ; Moscou, 1887.
— Lebedev, Histoire du Collegium de Kharkov ; Moscou,
1885.. — Danilevskv, Oukraïnskaïa starina (Antiquité de
rUkraine); Kharkov, 18%.-- Matériaux pour la statistique
du gouvernement de Kharkov (publ. par le Conseil de
Zemstvo), 1881-86. ~ Oustinov, la Littérature sur le gouv,
de Kharkov ; Kharkov, 1852. — Tchirikov, Indicateur des
livres et brochures publiés à Kharkov de 1805 à 1819;
Kharkovsky Sbornik {Recueil de Kharkov {lSSl-9i, 8 vol.);
Mémoires de la Société d'hisloii^e et de philologie de
Kharkov, 1890-94, 6 vol.
KHARPOUT ou MAMOURATel-Aziz. Ville de Turquie
d'Asie, ch.-l, d'un sandjak du vilayet de Mamourat-el-Aziz,
à 95 kil. de Diarbekir, à 1,450 m. d'alt., sur une colline
escarpée, dominant la rive gauche du Mourad-Tchaï (branche
orientale de l'Euphrate); 20,000 hab. (dont 12,000 mu-
sulmans). Plaine très fertile et bien cultivée. Fruits. « Col-
lège d'Arménie », dirigé par des missionnaires américains.
— C'a été, jusqu'en 1876, le ch.4. du vilayet qui a pris
son nom actuel à cette époque, en même temps que le chef-
lieu en a été transféré à Mezré, résidence préférée du gou-
verneur depuis 1834. — Le sandjak a 295,000 hab., dont
139,000 musulmans, 20,000 Kurdes, 45,000 Armé-
niens, etc. Le caza a 109,000 hab. Tapis renommés.
KHARTOUM. Ville d'Afrique, ancien ch.-l. du Soudan
égyptien, dans l'angle formé par le confluent du Nil blanc
et du Nil bleu. Fondée en 1821 par les Egyptiens, elle
avait environ 50,000 hab. lorsqu'elle tomba au pouvoir
des mahdistes après un siège soutenu par Gordon (V. ce
nom). Sa position paraît lui assurer un grand avenir.
Actuellement elle paraît supplantée par son faubourg
d^Omdurman (V. ce mot).
KHAS. Nom sous lequel les Siamois désignent des tri-
bus sauvages fort diverses qui sont éparpillées en Indo-
Chine et paraissent les débris d'habitants primitifs du S.-E.
de l'Asie; les uns sont dolichocéphales, d'autres brachycé-
phales.
BiBL. : Harmand, les Races indo-chinoises, dans Mé-
moire de la Société d'anthropologie, 1882.
KHASSIA au COSSYAH. Région montagneuse de l'As-
sam, entre le Brahmapoutra et la Sourma. Elle forme avec
le Djaïntia un district de 16,000 kil. q. et 180,000 hab.
Le ch.--l. est Sylhet (V. Assam).
Les indigènes sont divisés entre vingt-cinq petits Etats
gouvernés par des chefs électifs. Leur langue n'a pu être
rapprochée d'aucune autre. Ils n'ont pas d'écriture ni de
littérature. Ils brûlent les morts et enterrent les cendres
sous des dolmens. Ils observent la parenté en ligne fémi-
nine (V. Famille).
KHASSO. Ancien Etat des rives du haut Sénégal, autour
de Médine, entre le Kaarta au N., le Bambouk au S. Jadis
puissant, il fut démembré par les Bambaras et accepta de
bonne heure le protectorat français. Les Khassonkés pas-
sent pour une branche des Soninkés croisés avec les Maures
et les Foulahs. On les subdivise en Guidimakas^ sur la
rive droite du Sénégal, et Gadiagas sur la rive gauche.
KHATAK. Tribu de l'Afghanistan, aux limites des dis-
tricts indiens de Pécha ver et Kohat. Elle compte 100,000 per-
sonnes environ et est à peu près autonome sous le protec-
torat britannique. Les monts Khatak, qui forment l'E.
du Sefid-koh, sont très riches en mines de sel dont le gou-
vernement anglais a le monopole.
KHATAN6A. Fleuve de Sibérie, gouvernement d'Eni-
séisk, qui se jette dans l'océan Glacial arctique après un
cours de 750 kil. Il est formé par le kotono et le Moniero,
reçoit à gauche la Khéta et se jette dans une baie qui reçoit
son nom. Il sert de limite entre les Tongouses et les
Iakoutes.
KHATAULL Ville de l'Inde anglaise,province du N.-O.,
sur le chemin de fer de Delhi à Lahore; 6,000 hab. Mar-
che de fpppiles
KHATCHl. Province du Tibet (V. ce nom).
KHATMANDOU, KATHMANDOU ou CATMANDOU.
Ville de l'Inde, capitale du Népal, à gauche du Vichnou-
mati, à 1,340 m. d'alt.; 50,000 hab. dont 12,000 sol-
dats. Palais du maharadjah, formé d'édifices d'époque et
de style différents ; nombreux temples à toits de bronze
ou de cuivre doré. La ville remonterait au viii® siècle.
KHAYA (Khaya A. Juss.) (Bot.). Genre de plantes de la
famille des Méliacées, tribu des Swiéténiées. L'unique espèce,
K. senegalensis A, Juss, (Swietenia senegalensis Desrx)
est un'grand arbre à feuilles paripinnées, à fleurs tétramères
avec un androcée formé de huit étamines et un ovaire qua-
driloculaire qui devient à la maturité une capsule renfer-
mant des graines comprimées et albuminées. Cet arbre est
originaire de la Sénégambie ; son bois, importé en Europe
sous le nom à' Acajou du Sénégal, est employé pour la
fabrication de meubles de luxe. Son écorce, fébrifuge, est
connue sous le nom de Quinquina du Sénégal ou de Caïl-
cedra (V. ce mot). D»" L. Hn.
KHAZARES. Ancien peuple de race turque établi aux
premiers siècles de l'ère chrétienne entre la mer Caspienne
et de la mer Noire. Au vii®siècle, les Khazares s'avancèrent
à l'O., soumirent les Bulgares orientaux, occupèrent la
Crimée et Kiev. Ils fondèrent un empire qui s'étendait du
Boug et du Dniepr jusqu'au fleuve Oural, et au N. jusqu'à
la moyenne Volga, à l'Oka et aux sources du Donetz ; les
peuples slaves de ces contrées reconnurent leur suprématie
(V. Russie). Au vin® siècle, les Khazares se convertirent
au judaïsme (V. Juif, t. XXI, p. 264). Leurs capitales
étaient Itil (Astrakhan) et Semender ; la forteresse de Sar-
tel les couvrait du côté des Petchénègues. Leur souverain
portait le titre de khagân (V. Khân) et était assisté d'un
beg, général en chef; le noyau de l'armée permanente des
12,000 Larssiei se composait de mercenaires, la plupart
musulmans. Les Khazares faisaient le commerce avec l'Eu-
rope centrale^ l'empire byzantin, l'Asie centrale, la Perse
KHAZARES — KBERBA
— 510 —
et même l'Inde (V. Commerce). Leur empire fut détruit
par les Russes; Sviatoslav les écrasa en 965, prit Sarkel,
pilla Itil et Semender. En 4016, les Khazares réduits à la
Crimée furent achevés par la coalition des Grecs et des
Russes sous Motislav (fils de Vladimir). A.-M. B.
BiBL. : Frjîihn, Excerpta, de Chasaris; Saint-Péters-
bourg, 1821. — Du même, Ibn-Fozlan^ 1823. — Harkavv,
dans Russ. Revue^ 1875 et 1877.
KHAZNADAR ou KHAZNADJl. Ces deux mots, l'un à
terminaison persane, l'autre à terminaison turque, sisjnifient
également trésorier, et proviennent du mot arabe : khazna,
« trésor ». Le fonctionnaire qui portait ce titre en Tunisie,
et en Algérie avant la conquête, était une sorte de ministre
des finances. Il avait pour mission de centraliser dans ses
caisses les divers revenus du gouvernement et d'assurer le
service des dépenses en fournissant toutes les sommes
nécessaires. Ce rôle, très important et tout de confiance,
assurait au titulaire de cette charge une grande influence
dans la direction des afi'aires. La forme Khaznadji était
employée en Algérie, celle de Khaznadar en Tunisie.
KHEDIVE (V. Egypte).
KHEIDER ou KHREIDER (Le). Village d'Algérie,
dép. d'Oran, arr. de Mascara, commune mixte de Saïda,
sur le bord septentrional du chott Gharbi, à 100 kil. au S.
de Saïda, sur le chemin de fer qui ira bientôt de la côte à
Figuig et qui s'arrête en ce moment ( 1 895) très loin au S., à
Aïn-Sefra. En 4881, ce n'était qu'un point d'eau que le
passage des caravanes transformait souvent en cloaque nau-
séabond. Le 29 juil. de cette année, le Parlement ayant
autorisé le ministre de la guerre à prolonger vers le S. le
chemin de fer des Hauts-Plateaux qui s'arrêtait alors à
Modzbah, Le Kheider prit une grande importance ; on y
établit un camp permanent pour le 4^' bataillon d'Afrique,
une redoute, un poste de télégraphie optique, une gare.
Le premier train y arrivait le 27 sept. 4881. En même
temps la localité s'est transformée ; par le travail des
zéphirs, les sources ont été soigneusement aménagées,
réunies dans un bassin entouré de murs et ombragé de
saules, le sol irrigué, planté d'acacias, d'ormes, de peu-
pliers et une véritable oasis y a été créée. On y projette
une colonie de 54 feux et quelques industriels et marchands
européens s'y sont établis. E. Cat.
KHELMOS (Mont) (V. Grèce, t. XIX, p. 275).
KHEMISSA ou KHREMISSA. Localité de l'Algérie,
dép. de Constantine, à 26 kil. S.-O. de Soukh-Ahras,
dans une région montagneuse, boisée, riche en eau et
non loin des sources de la Medjerda. Sur une série de
collines formant amphithéâtre, on trouve les ruines éten-
dues et curieuses d'une importante ville romaine, Thubiir-
sicum Numidarum ; ruines d'un théâtre, d'un forum, de
thermes, d'un palais du procurateur, d'un arc de triomphe,
d'une basilique chrétienne, de murs d'enceinte, statues et
inscriptions. E. Cat.
KHEWINITZER ou CHEMNITZER (Ivan-Ivanovitch),
fabuliste russe, né dans le gouvernement d'Astrakhan en
4745, mort à Smyrne en 4784. Il était fils d'un médecin
allemand de Chemnitz (Saxe) qui avait pris du service
dans l'armée russe sous Pierre le Grand ; il étudia d'abord
la médecine, mais il ne put surmonter son aversion pour
l'anatomie et entra dans l'armée dont il sortit en 4767,
après plusieurs campagnes, avec le grade de lieutenant. Il
passa ensuite au service des mines, puis partit bientôt à
l'étranger avec son protecteur Soïmonov et son ami Lvov ;
ils visitèrent l'Allemagne, la Hollande et la France. A son
retour, son protecteur ayant quitté le service, il fut obligé
d'accepter le poste de consul à Smyrne, où une sombre
mélancolie hâta sa mort. Soumarokov et les autres
fabulistes ses devanciers n'avaient guère écrit que des sa-
tires, Khemnitzer fut le premier qui créa le genre véritable
de la fable russe. Il traduisit et imita La Fontaine et sur-
tout Gellert, mais sut aussi rester original et composa
soixante fables empreintes d'une bonhomie, d'une simplicité
et d'un caractère national qui les font aimer du peuple
russe. Sa langue n'est pas indigne de celle de Krylov et il
peut être appelé le Florian de la Russie. Le meilleure édi-
tion de ses œuvres est celle de Ponomarev (Moscou, 4836).
Ses fables sont constamment réimprimées. Les Fables et
Contes de Khemnitzer ont été traduits par Masclet (Moscou,
1830). L. L.
KHENCHELA. Village d'Algérie, dép. de Constantine,
arr. de Batna, à 450 kil. S.-S.-E. de Constantine, au
point de convergence de plusieurs vallées fertiles, qui com-
mande la partie N.-E. de l'Aurès. C'est le centre de deux
circonscriptions administratives, d'une commune mixte de
l'arr. de Batna (499,000 hect. avec 47,226 hab., dont
480 Français et 448 Européens), et d'une commune indi-
gène de la subdivision militaire de Batna (433,000 hect.,
s'étendant jusqu'à la frontière tunisienne et comprenant les
tribus du djebel Chechar avec 4 9, 4 04 hab., tous indigènes).
Grâce à son heureuse position, le petit centre français
qu'on y a établi a rapidement prospéré et serait déjà une
ville s'il était relié au reste du département par une voie
ferrée; il y a d'importants marchés pour les bestiaux, le
blé, Forge, le maïs. H y avait là une ville assez grande à
l'époque romaine, Mascula, et, aux environs, tout le pays
est couvert de ruines dont quelques-unes sont très im-
portantes. E. Cat.
KHENEG. Ce mot, qui signifie gorge ou défilé, se ren-
contre fréquemment dans la 'toponymie arabe : quelquefois
il est employé sous la forme du nom d'unité Khanga. Citons
parmi les localités appelées Kheneg, outre celle qui est do-
minée par les ruines de Tiddis (V. ce mot), près de Constan-
tine : le Kheneg Azir, lieu d'étape sur la r. g. de Foued
Abiod, à 50 kil. au N. de Géryville (prov. d'Ôran), avec
un caravansérail et un puits: Kheneg-es-Souk, à 90 kil.
au S. de Frenda, sur l'oued Sidi-Nasseur: Kheneg-el-
Melh, au N. de Tadjrouna, sur la route d'Oran à Ouargla,
défilé long de 46 kil. et qui n'est autre que le lit d'une rivière
desséchée : c'est un des rares passages qui conduisent de
la province d'Oran dans le grand Sahara ; il est fréquente
par les tribus nomades qui y viennent en outre chercher
du sel. Il est célébré par des légendes sahariennes et passe
pour la demeure de djenoun ou esprits. E. Cat.
KHENENSOU (V. Héracléopolis) .
KHÉOPS (V. Khoufou).
KHEPHREN(V. Khâfra).
KHERASKOV (Mikhaïl-Matviéiévitch), poète russe, né
dans le gouvernement de Poltava en 4733, mort à Moscou
en 1806. Il descendait d'une famille de boïars de Vala-
chie. Il fut élevé dans le corps des cadets de l'armée et,
après avoir servi quelque temps, fut nommé assesseur à
l'université de Moscou au moment de sa fondation (4755).
C'est là qu'il passa la plus grande partie de sa vie, tour à
tour directeur de la typographie, directeur de Funiversité
et enfin curateur, s'adonnant à la littérature et surtout à la
poésie. Il fonda un cercle littéraire, édita des journaux,
s'occupa de pédagogie; en 4783, il fut nommé membre de
l'Académie russe qui couronna sa tragédie Zoreïda et Ros-
tislav. Son autorité littéraire était très grande ; on l'avait
surnommé le « staroste » de la littérature russe. H mou-
rut entouré de la considération universelle, laissant une ré-
putation d'écrivain de talent et d'excellent critique. Son
œuvre la plus connue est son épopée sur la prise de Kazan,
la Rossiade, qui célèbre la délivrance de la Russie du joug
des Tatares de la Horde d'Or. Il faut citer encore son
poème Vladimir où il chante le baptême de saint Vladimir
de Kiev. Kheraskov avait écrit des tragédies, des fables,
des nouvelles, des poésies diverses, aujourd'hui à peu près
oubliées. Ses œuvres réunies à Moscou (4796) forment
42 volumes ; quelques poésies oût été traduites en français,
entre autres la Bataille de Tschesmé, M. M.
BiBL. : LoNGiNOv et Bartenev, dans Russky Arkivi
1873 et 1879.
KHERBA ou KHERBET. Ce mot arabe, qui signifie
ruine, se rencontre fréquemment dans les noms de lieux
algériens ; la forme berbère est akhérib. On peut citer,
5ê9 -™-
LONDE - LoNbjaKs
ses idées dans : Nouveaux Eléments d'hygiène.., (Paris,
4827, 1837, 1847, 2 vol. in-8). En 1831, il alla étudier
le choléra en Pologne, comme président d'une commission
spéciale. Peu après, il publia : De rMthrite et de ses
principales variétés (Paris, 1833, iiii-S). D'^ L. Hn.
LONDERSEEL ou LONDERZEEL CU. de Belgique,
proY. de Brabant, arr. de Bruxelles; 4,t00 hab. Stat. du
chem. de fer d'Ostende à Cologne. Distilleries, fabriques
d^huile, grand commerce agricole.
LONDERSEEL (Assuérus Van), peiiatreet graveur hol-
landais, né à Amsterdam vers 1550, mort après 1599.
On lui doit de bons paysages, mais il est surtout conûu
comme un excellent graveur sur bois, ce dont témoignent
les illustrations, d'après les dessins de P. Van der Borcht,
du Nouveau Testament (Anvers, 1^73, in-16), des
Voyages en Turquie de Nie. de Nicolay (Anvers, 1577,
pet. in-i), et une série d'estampes.
LONDERèEEL (Jans Van), graveur flamand, né à
Bruges en 4582. Elève de Nie. de Brùyn, il burina avec
talent une centaine d'estampes, sujets bibliques et paysages,
d'après H. Arts, Winckenboons et G. de Conincxloo, ainsi
que le portrait du célèbre Birck Coornhert^ d'après C. Cor-
nelisz. G. P-i.
LONDESBOROUGH (V. Denison [Albert]).
LONDISNY. Com. du dép. de la Charente, arr. de
Ruffec, cant. de Villefagnan; 517 hab.
L0NDIN1ÈRE8. Ch.4. de cant. du dép. de la Seine-
Inférieure, arr. de Neufchâtel, sur l'Elaulne; 1,125 hab.
Moulins, Eglise des xvi® et xvji® siècles. Au hameau de
Boissay, église de la Renaissance dans le portail de laquelle
figurent le huste de François P'" et deux salamandres.
LONDONl(V, Londres).
LONDON. Ville diï Cansfda, prov. d'Ontario, au con-
fluent de FEastern et du Northern Thames; 25,000 hab.
Belles rues et maisons, Western Université. Raffineries de
pétrole ; minoteries, etc. Source sulfureuse.
LONDONdERRY. Ville. -^ Ville d'Irlande, ch.-l. du
comté de ce nom, dans une situation pittoresque, sur le
Foyle qui la sépare de son faubourg de Waterside et lui
sert de port ; 29,000 hab. Elle est enveloppée d'une en-
ceinte bastionnée. Cathédrale protestante d'aspect imposant.
Evéchés protestant et catholique. Tannerie, tissage du lin,
chemiserie, distillerie, brasserie, constructions navales.
L'exportation est insignifiante ; Fimpoi'tation se monte à
nne douzaine de millions de francs. Fondée en 1612 par
les douze corporations de la Cité de Londres auxquelles
Jacques P^ avait donné ce terrain, elle fut lé boulevard
de la domination anglaise. En 1689, eUe soijitint contre
Jacques II un siège de 407 jours, que rappelle une co-
lonne commémorative.
Comté. — - Le comté de Derry, devenu Londonderry, est
situé au N. de l'Irlande, dans la prov. d'Ulster, sur l'Océan,
entre le lough Foyle et le Bann ; il mesure 2,114 kil. q.
et compte 152,009 hab. (en 1891); les catholiques repré-
sentent environ 44 **/o du total. Le comté eSt divisé par
les collines de Carntogher (541 m. au White mountain),
prolongées à l'O. par le Sperrin (583 m. au Sawel). A
FE. de ces hauteurs coule le Bann, à l'O., le Roe, le Fau-
ghan, le Foyle. Les collines sont sauvages, lés Vallées fer-
tiles. Les champs occupent 3i ^/q, les pâturages 49 ^jo^ les
bois 1 **/<), les bruyères et tourbières 16 "/o de l'étendue
totale. On n'exploite pas le fer assez abondant. A.-M. B.
LONDONDERRY (Marquis de) (V. Stewarï).
LONDONDERRY (Comtes de) (V. Ridgeway).
LONDONDERRY (Henry-Robert Stewart, marquis de)
(V. Castleraegh).
LO N DO N 1 0 (Francesco) , peintre et graveur italien, né à
Milan en 1723, mort en 1783. Il apprit la peinture dans sa
ville natale avec Ferdinando Porta ; ses tableaux sont des
paysages avec personnages et animaux. Ce ne fut qu'enl 769,
lors d'un voyage à Naples, qu'il apprit la gravure à l'eau-
forte, avec Benigno Bdssi. Ses estampes, qui représentent
comme ses tableaux des scènes champêtres, souvent sur
papier bleu avec des rehauts blancs au pinceau, sont exé-
cutées av^c finesse et avec esprit et fort recherchées. Elles
ont été publiées par suites de 6, 10, 12 ou 16 feuilles, ou
séparémeiit ; oia en^ connaît en tout quatre-vingt-quatorze.
LONDÔS (Andjfé), général grec, né à Vostizza, suicidé
à Athènes en oct.j 1846. Il se distingua dans la g^ierrede
l'indépendance à partir de 1821, combattit Condouriotis
en ^824, fut ministre de la guerre en 1843 dans jte cabi-
net Metaxtis et de Fintérieur en 1844 dans le cabinet
Mavrocoii'dfito. '
LONDrttS (anglais London). Généralités. — Capitale
de l'Angl^téi*re et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d'Irlande i i'ésîdénce de la reine, siège du Parleinent, des
ministèï'és et des; grands corps de l'Etat, située sur les
deul rives de la Tamise à environ 90 kil. de la mer du
Nord. Le poitit central, la cathédrale Saint-Paul, est situé
par W*0W IM. N. et 2«25' long. 0. de Paris. Elle
s'étend sUr j^Uatre comtés, Middlesex, Essex, Surrey et
Kent. Cette ■ville! colossale, qui est de beaucoup la plus
grande kggldméràtion humaine de la terre, n a pas de
limites précises; celles-ci varient selon les administrations
qu'on erivisagé : j^olièe^ état citil, travaux publicd, circohs-
criptionS éleqtèi'ales, etc. Nous les examinerions |)ltis loin.
On admet coteiïiunément les limites du registre général
des listes dé décès définies par les Bills of Mortality ,
Ceci donne à; Londres 305 kil. q. (un peu plus du qua-
druple delà bj)ei:'ficie de Paris) dont 127 dans le çonito
de Middl0§ex', 91 dans le Surrey, 87 dans le Kent. La
ville a 26 kill de FE. à FO., 19 kil. du N. au S.
Elle est bâtie ides deux côtés de la Tamise au centre
d'un bassin t^rtiafire, mt le terrain appelé ai'gile de Loîi-
dres (Londok cM|/)' ^^^^ celui-ci a été recouvert par les
sables et les gra^^^ers du fleuve (jadis plus considérable) ;
ceux-ci s' èténdenï à environ 3 kil. sur chacune des rives ;
mais en pîiiSietirg endroits se trouvent sur les rivages des
dépôts alluvlaiix àvoisinant des terrasses ou digues artifi-
cielles où iiàlurelle^. Les alluvîons forment au S. du fleuve
le sol des mtais Idesséchés où est construit le quartier de
Southwarki; au É, celui; du quartier de Westminster, les
rives d0 là Léa, depuis Stèke Newington (faubourgs de Strat-
ford,Bô\v,|W|e^tham, Pkistow; e(c.)etFîle des Chiens (/5/<?
of Pogs) dlessinéei par des travaux: d'art en face de Green-
wiqh. Leslsîibles et graviers s'étendent ensuite jus<ju'au
parc de Battra au S.-J-O.; Regénts park au N.-O., Vic-
toria park au N.-jE. ; la terre à briques occupe de vastes
surfaces etttrb Viètoria park et Stôke Newington, à Cheap-
sidè (dans là Cité), Fareham et Battersea; Fargile de
Londres s 'étend ftu N. du fleùvé à partir des jardins de
Kensingtôn, jUSqd'à Irlington, puis au N. de Highbury et
Stoke Ne'W^inllion; au S. du fleuve, au delà d'une ligne
irrégulîèré passant par Wandsworth, Clapham, Camber-
vv'^ell, Deptford. Les assises tertiaires inférieures émergent
un peu au delà, à'Creeùwich, Dulwich, Lewisham, Black-
heath (sablés de Ihanet, couches de Wolwich, Reading et
Blackh^ath) ; enfipi le sous-sol calcaire qui forme le fond
du bassin géologique d^ Londres et le principal niveau
d'eàu sdutérréine n'est visible qu'à Grcenwich . On s'explique
ainsi que, bâtie sur le sable et l'argile, Londres soit cons-
truite eh bHques.
Climat. ^ Le climat est humide^ mais sain, surtout
depuis que l'établissement d'une vaste canalisation sou-
terraine a nettoyé le sol; la mortalité a beaucoup décru
depuis Fachètement de ce réseau d'égouts. La tempéra-
ture moyenne annuelle est de + 10^,25, équivalente à
celle de Paris; en hiver la moyenne est de 4- 3^,6; en
été de + 16°,6, On ne voit que bien rarement de la
glace sur la Tamise; la neige même est peu commune. La
pluie se répartit à peu près également entre les quatre
saisons; la chute d'eau totale est de 634 millim. par an.
Mais le climat est gâté par les fameux brouillards de
Londres, brotiillards jaunes qui, s'élevant de la Tamise,
absorbent les! fumées de la ville qui les colorent et em-
pruntent aux gaz une odeur particulièrement désagréable.
Topographie.-— 'RiELiEF bu sol.— Le relief primitif du
soi iofiidoïiien a été fort altéré au cours des siècles par les
travaux humains ; cependant on peut le retrouver. La ville
occupe la vallée de la Tamise qui serpente à travers une
plaiïie marécageuse et i^eçoit du N. la Lea. Jadis le fleuve
s'ép^ndait sur les bas-fonds entre Lambeth et Limeliouse,
errant à travers les marécages où s'élève le quartier actdel
de.Southwark: ceux-ci s'étendaient au Si jusqu'au pied des
collines du Surrey qui se développent de Clapham à
Greenwich; les principales sont Brixton hill, Tuise Ml,
Herne hill, Champion hill, Denmark hill, Biackheâth; en
arrière de cette première rangée, la colline de ëydenh^ni
atteint 412 m. — Au N. de la Tamise le sol est pi fis acci-
denté, et Ton ne retrouve de vastes marais qu'à i% de |a
Lea et dans la région de l'île des Chiens où se cpnfpiidpient
autrefois les eaux du fleuve et de son aifflueni Une ligrie
de collines se développe au N.-O,, atteignant îm n}. à
Haiîfipstead, 129 à Highgate, 46 à Highbdry. . Eritr^ ces
hauteurs et la Tamise, on discerne encore î'erjipîace--
ment de plusieurs monticules. La ville primitive, la Cité
actuelle, fut édifiée sur un de ces monticules, donil'ègljse
Saint Paul occupe le sommet et que coupait jadis le rkm
de Walbrook; au N. et à l'E. de ce renflement était une
fondrière dont le nom du quartier actuel de Finsbury
évoque le souvenir. A l'Ë., le ruisseau dît Fleet river des-
cendait des bruyères de Hampstead vers le S.»E. par
Kings cross et Clerkeuwetl, prenant dans sa partie iiifé- i
rieure le nom de Holebourne ou Hollowburn, à cause (Je |
l'escarpement de ses bords. A l'O. de ce ruisseau utie
auirè élévation un peu plus accusée comprend les districts
des inns of Court, de Bloomsbury et Sol^o, se prolongeant
par Marylebone jusqu'à, la colline de tyburn à|'0. (presae
U6
S v^iss cottage) que bornait le bas-lbi^d de Westbourne; au
S. et à rO. de ces hauteurs s'étendait jusqu'au, fleuvieja
dépression marécageuse où se sont çoUstifuits les (juar^iefs
de Westminster, Pimlico, Çbelsea et Kénsijîgtoîi. A |i'(). d0 ces
fonds, le terrain Se relève fermant lesçollfees fie iNoijiiig! h|il
(à l'O. de Eensïngton), Primrose liill (au fN. de,liôgbn^s
park), autrefois occupée^ i par une forêt, qui étaient mteriné~
diaires entre les monticules des bords 4® IsjTamïse ^tl^s l^ap^
teurs les plus considérables du N. (iïampsie4d et ttig^ngate).
Les différents quartiers. — ta ville de LpndréSî a polir
noyau la Cité qui feu occupe encore aujourd'hui le centre.
Elle est située au N. de la Tamise, le long de son Coucie
septentrional; elle a une superfléie de 2l09 hect.i auiojir
se développeîit les autres quartiers, enveloppés eux-meUi^e^
par une ceinture de faubourgs mêlés <l'«ne quantité, de
jardins publics et privés. La Cité est je coeur du vaste Lojfi'-
dres, le centre du grand Commercé qui y rfévelop^é pen^
dant la journée une activité ineomparsible. Les quartiers, ^
l'Est, qu'on réunit sous rappellationd'E^st eod, s(j)iït éeax
du travail, le port, le loï^g du flé(|f e et lés usines, "t^^x de
rOue|t, du West end, sputijceux dél'anstbcratie, dunionde
politique et de l'éiéganée.i Au §., de> la;Taaiisé ^ont dps
quartiers ouvriers et niaujifacturiers. |)^s anciens bourgs
parlementaires, |ept étaient au N. dii flejiye et tr(^is,^u 1.
Nous décrironis la ville en i suivant l'ordilé de ces, dix ré-
gions, et en indiquant tous les quartiers et fajubourgs^ ta
première est la Cité sur laquelle npdsr^vieridronèpltis en
détail tout à l'heure. — A l'E. de la Git^, le long deia Ta-
mise, s'étendent, à partir de la Toiir, le^ rues de ; ïpwef
Hamlets; on y distingue, sur le ÏÏedvevdans une sQïfte de
boucle, le quartier du Wapping^ 0elui des mariti-s par
excellence, et, du côté de Tintérieur, les {bouges de White
chapel^ le quartier de la misère et de la prostitution, en
grande partie peuplé d'AUemands, travaillant dans les raf-
fineries de sucre de Gooimans fie^d au?: limités de la
Cité. Dans Whitechapel s'entasseni 8,000 iliàisôns, enfile
lesquelles serpentent des allées tortueuses, d(?s coui^s sans
jour, où croupissent des mares fétides; les ppintSi les pllis
saillants sont, de ce côté, la riie des Boucheys, auski sap-
glante et malpropre qu'au moyen âge, eij, datts le Hounds-
ditch, la partie contiguë delà Cité iquartiôr juif), la foire
aux ciillïons (Rag fair). En se rapprochant de la Led, on
trouve les quartiers de Stephey, Mile end, Old town,
BoWyBromley, Umekouse, Poptar et Blackwall, au S.
desquels se dével6p{)ent les bassiqs et les dbcks de Tile des
Chiens (îsfe of Dogs), -- Au N. de la région de Tower
Hamlets est celle dGftackney (jui en a été séparée en 1867 ;
elle rayonne à parMr de la Cité jusqu'à la Lea ; ses principaux
quartiers sont : côntigu à, la Cité, Spîtalftelds oii les émi-
grés français protestants installèrent l'industrie de la soie ;
m^ Shoreditcfi, Èethnal green^ peuple de tisserands
irlandais et renfermàjit encore bien des maisons en planches,
et Globe town, (t^'egayë lé voisinage dé Victoria park, qui
sépare le quartier ^'Oldfôrd de ceux de Bachwy et
mokneywick; au i^.^0. de ceux-ci sont ceux de Uornerton,
Ckptonet ShacMèmll; plus loin encore, Stanford hill
et Tottenham ; à l'D; de Bethnàl green et de lïackney, ceux
de Baguer ^tone et àe Dalsïone, — A l'E. de là Lea, les
laubourgs de Plaistçw, West hàm, Stratford, Leijton,
Waltkapis tôwn rie ^oht pas encore confondus avec l'a^-
gloméràtion centrale, — La région à^ Finsbury Qémmmce
au N. de la itioitiè ipécidentale dé la Cité; on y trouve les
quartiers dé Boxton, Clerkemvell, peuplé de iiîjoutiers,
d'horlogers, de mécaniciens, mais dont les ruelles 'ignd blés
sont eneore îin dès repaires de la misère et du vice; Kings
cross, PentohviUey]fslingto?i, CahonHry, ad pied de la
colline à'Higkbury ; à TÈ, de celle-ci, ÏUngslmd et Stoke
Newingto^i, contigu à Clapton ; ad N.-Ô. d'Highbury s'étend
Holloway^ dominé à l'O. par là Hauteur de Éighgate. ~~
La région de Marylebone est celle de Régents ,j)ark, qu'éii-
tourentjes .maisons )n on umen taies d'York, Cuiiiberlarîd et
Cornwàll térràce. Les résidëncesi prihcières de ce quartier
bâties au début du x^f siècle, diit été abandonnées dépuis
à la petite boiir|eo^s|e. Cèpendàiit les environs de Caven-
disb square Gontmii8i|it de loger les célébrités médicales,
quelques légistes . et ^tos uégdciants. tetie région de Ma-
rylebone empriihte son nom a là gradde rue qui longe le
S. d^ parc; oh y rattaché à l'E. decélui-ci Saint Paneras;
auN.-E., Camden tçm, Kentish fown; m^.,Saversiock
hill ad pipà h h colline de Hainpâtead ;i au N.-O. , N'imrose
hill, Pqrtland tôwn^ Behi^e parle, Éilburn; k\%.Sf(int
Joknswqod, à ve<^ sçs villas dé petits négociants, auxquelles
le monde galant dispute l^i place, et Je vaàe quartier de
PaddingUn, pr0lon|é à TO. p^r Westpourne àkmsal
gr^en; au S.-O. ^ipBaysmU^ et Éotting KM; m S. du
parc est le quartier proprement c^it de Marylebone, séparé
de la Cité par celui de BlôQ:msI)îiry éi de Ëyde park par
rélégant quartier neuf de Typiimial Ce coin de Soho et
Leicester square est le quartieij étràiîger, peuplé de Fran-
çais, dé Belges, d'Mliens, de Polonais, 4'AUeKpands. ~
La tkgmxiÀQ Westminster, qui est la partie la plus élé-
gante de LondAs, e^t séparée de la précédeiite par Oxford
Street e| ses pt'olonielnents jusqu'aux jardins dé Kèiisingtoh
et s'étend à l'O. jusqu'à Sloane stréet et ^^ VMiVé. de
Chelseâ; elle entouré d'admirables parcs dont les pelouses
otles pièces d'eau s'étendeiit presque du fleuve à la ban»
lieue : Saint Jatoes park, Green park, Buckingham' palace,
iiyde park, Kensin^tori gardens. Le long de la Cité se
trouve d'abord le quartier judiciaire {Uns ofCourï); puis,
au voisinage de ChàHng cross et de.Trafalgar sqiiare qui
constituent lé centre dp West end, le quahier des clubs,
Saint lameè; les affaires, et la misère ont envahi celui de
Saint Giles auprès d^ Leiées ter square ; il contraste avec
l'élégance de cejix de May fair, ;des environs de Grosvenor
square et de Belgravia ^u S.deHyde park. Les riches
habitants de Belgravia, quartier sileiicieux aux larges rues
et aux, maisons splennelles, donnent du travail et sont
nouï^ris par une ceinture de qjiartiers commerçants. Au
S. de Green park est celui de Pmlico qui va jusqu'à
la Tamise, -r La région de Chels^a est au S. de la
précédente^ embrassant, outre Ùlielseft, riverain du fleuve,
Brùmpton au S. i&Ey àepB.rk, Kemïngtoh au vS.-O. des
jardins, dé ce itorn; au S. de ceux-ci, WciUiam gfeen ;
plus lom, dans un coude méridional ie la Tamise, Fulham;
513 —
KHITANS — KHIVA
1218 par les Mongols dont Tenvahissante suprématie sup-
prima définitivement l'empire khitan.
i^..4.Pour suivre jusqu'au bout les destinées des Khitans, il
faut rappeler que, même après la conquête mongole, on les
voit reparaître une fois encore. Un officier du dernier khan
du Kara Khitai, un nommé Borac iïadjib, tenta la fortune à
main armée ; il s'empara de la ville de Kévachir (ou Bar-
dasir) et se fit reconnaître sultan de toute la province perse
deKirman. Ses descendants héritèrent de son trône pendant
quatre-vingt-six ans ; ils furent nommés Kara Khitaïens,
comme la race d'où ils étaient issus. Ils s'éteignirent en
l'an 1309. Ed. Chavannes.
BiBL. : ViSDELou, Supplément à la Bibliothèque orientale
de d'Herbelot. — Le P. Hyacinthe, Description de la
Mongolie {en russe), S*» partie. — H.-C. Gabelentz, Ge-
schichie der grossen Liao (cette traduction de la l""» partie
du Leao c/ie n'a été publiée qu'en 1877 par Gabelentz).
— W. ScuoTT,Kitai und Karakitai^ Abhand. der Kœnig.
Akad. d. Wiss.; Berlin, 1879. — John Ross, Corea,
pp. 197-229. — Bretschneider, Mediaeval Researches^
vol. I, pp. 208-235. — H. -H. Howorth, The Khitai or Khi-
tans, dans Journal of the Roy. As. Soc. N. S., vol. Xlll,
pp. 121-182 ; The Kara Khitai (id., vol. VIII, pp. 262-'290).
KHITROVO ou HITROVO (Bogdan-Matviéiévitch),
homme d'Etat russe, mort en 1680. Il prit part aux
expéditions contre la Pologne et aux négociations diploma-
tiques et fut nommé boïar en 1668. — Un autre Khitrovo,
appelé Jakob-Timo/ieevitch^ apparaît à la même époque :
il fut voiévode de Kazan, combattit les Polonais et les Ta-
tares de Crimée et mourut en 1676.
KHIVA. Ville du Turkestan russe, capitale du khanat
protégé du même nom, à 750 kil. 0. de Tachkent, sur
le Polvan-Abad, canal dérivé de l'Amou-daria, à 30 kil.
de la rive gauche du fleuve; 41 « 23^ lat. N.,58<»4'' long. E.
de Paris, à 84 m. d'alt.; 6,000 à 10,000 hab. La ville
est entourée d'une muraille ovale en pisé et renferme
encore à l'intérieur une citadelle, oti réside le khan de
Khiva, dans un palais en briques vernies, et oti se trou-
vent également les principales mosquées et les plus riches
caravansérails, bâtis en briques et non en pisé comme
le reste de la ville. La plus belle mosquée abrite la tombe
de saint Polvan ou Pehlivan, patron' de Khiva. La partie
occidentale de la ville n'est qu'un immense jardin. Les
habitants, Euzbegs et Sartes, font un peu de commerce,
surtout de coton que l'on cultive aux environs et que l'on
expédie par bateau à vapeur jusqu'à Tchardjoui, station
de chemin de fer transcaspien. L'industrie locale comprend
la fabrication de soieries assez médiocres et de beaux tapis
très estimés dans tout le Turkestan. La ville a été prise
presque sans coup férir par les Russes en 1873. J, D.
Khanat de Khiva. — Géographie. — Le khanat de
Khiva, appelé aussi Kharezm ou Ourgendj, est un Etat
du Turkestan, vassal de la Russie, qui occupe une oasis
sur le cours inférieur de l'Amou-daria, au S. de la mer
d'Aral. Il est compris entre les provinces russes de TAmou-
daria au N., de Transcaspie au S. et à l'O. ; vers le S.-E.,
il confine au khanat de Bokhara. La frontière suit la rive
gauche de l'Amou-daria depuis Mechekli jusqu'à la pointe
du delta, puis la branche occidentale de ce delta, dénom-
mée Taldik, le rivage de la mer d'Aral jusqu'au mont Our-
gon, le bord du golfe desséché d'Aïboughir, les lacs Sara-
Kamich, puis une ligne idéale tirée de ces lacs au S. du
bourg de Pitniak, à peu près selon le 42° 20' lat. N. En
réalité, les frontières occidentale et méridionale, à tra-
vers le désert de Kara-koum, ne sont pas définies. La su-
perficie du khanat est d'environ 60,000 kil. q. L'oasis
proprement dite de Khiva en couvre 13,500 ; le reste est
formé de déserts ou de steppes ; avant la conquête russe,
on y rattachait le district de l'Amou-daria au N. du fleuve,
et le Kara-koum, ce qui faisait un total d'environ
150,000 kil. q. Le Kharezm, dont le nom est synonyme
de Pays-Bas, est une création de l'Amou-daria, une sorte
de petite Egypte. Les terres cultivables sont irriguées par
une multitude de canaux qui distribuent les eaux du fleuve
jusqu'à 100 et même 150 kil. de son lit. (^e système d'ir-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
rigations, assez primitif, sera peut-être régularisé par un
ou plusieurs barrages à établir sur le fleuve; en quelques
points, on a creusé des étangs artificiels qui servent de
réservoirs. Mais la vallée n'est pas encaissée comme celle
du Nil entre des hauteurs cfui limitent l'inondation; elle
peut donc être tantôt excessive et dévastatrice, tantôt in-
suflisante ; selon les pluies tombées dans la montagne (Hin-
dou-kouh et Pamir), elle agrandit ou restreint d'un quart
la surface des cultures. Le delta est trop souvent noyé et
trop marécageux ; d'ailleurs, il n'appartient plus au kha-
nat. Celui-ci a ses bonnes terres en amont du delta, dans
la zone irriguée. Les principales dérivations de l'Amou-
daria sont : le Palvanabad qui arrose les oasis de Khiva,
Bagat, Khazarasp ; le Khazabad; le Chakabad et son dé-
rivé le Daoudan, qui arrosent les oasis de Chahabad, Am-
bar, Tachaous, Iliali ; le larmich, le Kilichniasbaï, le
Laoudan qui arrose l'oasis de Kounia-Ourgendj. — L'an-
cien lit de l Amou-daria (Oxus), l'Ouzboï, n'a plus d'eau
que par intermittence ; le Kounia-daria en roule parfois
pendant quelques semaines, mais ne dépasse pas les lacs
Sari-Kamich. Cependant même au delà l'eau se trouve sous
terre, dans cet ancien fleuve desséché, mais elle est sau-
mâtre; d'une manière générale, l'eau des puits du khanat
n'est guère potable. — Le désert est sablonneux et stérile,
sauf quelques îlots de verdure. On y remarque des collines
Taïghyr et Monghyr au S.-O. de Kounia-Ourgendj, le pla-
teau de Tousglup, etc. La végétation est représentée par des
buissons de Robinia pygmea. On trouve des débris de
forêts, qui témoignent d'un état de choses jadis plus favo-
rable. — Le climat est continental, été chaud, hiver rigou-
reux, mais bref ; pluies rares, même en automne. Les vents
de l'E. et du S.-E. rafraîchissent l'air en été ; ceux du
S.-O. apportent du sable du désert en automne et en hiver.
Il gèle de novembre à février ; l'Amou-daria est obstrué
durant près de deux mois.
On cultive surtout le blé, l'orge, le millet (tchighin), le
riz, les pois, les lentilles, les melons, la pastèque, le tabac,
le sésame, le coton, le chanvre, le pavot, la vigne et de
nombreux arbres fruitiers. Les principaux animaux sau-
vages sont le loup, le renard, le chacal, le cerf, l'antilope
(djeiran), l'aigle et l'épervier qu'on dresse à la chasse.
Les chevaux sont de deux races principales : l'argamak des
Turcomans, très apprécié, et le petit cheval khirgiz, ce
dernier chétif ; le dromadaire est l'animal le plus répandu
comme bête de charge ; on distingue deux variétés, le nar
et l'irkek ; l'âne est assez rare, le bœuf petit, les moutons
(à queue grasse) sont très nombreux.
La population est évaluée à environ 700,000 âmes, dont
350,000 pour l'oasis, qui aurait 22 hab. par kil. q., et à peu
près autant pour le reste du territoire qui aurait 7 hab. par
kil. q. Ces chiffres sont approximatifs ; certains auteurs rédui-
sent le total à 500,000 âmes; d'autres l'élèventà 1 million,
mais en y comprenant les territoires cédés aux Russes en
1873. La population se divise en deux groupes nettement
tranchés, les nomades et les sédentaires, les Touraniens ou
Turcs et les Iraniens. L'élément sédentaire comprend les
Tadjiks^ d'origine iranienne, parlant un dialecte persan ;
on les désigne sous le nom de Sartes ou Tat ; ils forment
la majorité de la classe agricole et commerçante ; depuis
la fin du siècle dernier, ils ont repris le dessus sur les
conquérants et ils occupent les places les plus importantes.
Certains ont adopté la langue turque. Les P^r5^5, esclaves
ou descendants d'esclaves enlevés dans des razzias, étaient
nombreux avant la conquête ; les Russes en ont libéré des
milliers. — Les Euzbegs^ d'origine turque, sont mélangés
aux Iraniens ; ils forment l'élément dominant, la classe
guerrière ; le khan est de leur race. On les rattache aux
Ouïgours et on les fait arriver vers la fin du xv® siècle; ils
sont presque complètement sédentaires, cultivant la terre ;
cependant en été ils vivent sous la tente au milieu de leurs
troupeaux. Des quatre tribus euzbegs, celle de Koungrad,
à laquelle appartient la famille du khan, est demeurée à
peu près pastorale et nomade ; celle des Ouïgours a été
33
KHI VA ~ 514
à peu près exterminée. — Les Turcomans ou Turk-
mènes forment la grande majorité de'ila population nomade.
Ils ne reconnaissaient quenominalemenila souveraineté du
khan de Khiva avant la conquête russe. On évalue leur
nombre dans les limites actuelles du khanat à 200,000.
En été, ils errent dans les steppes de l'Oust-oust ; en
hiver, ils se cantonnent dans des habitats déterminés selon
les tribus : les lomoudes (Bairam-Ali) entre le Khazabad
et le Laoudan ; les Alilis, de même ; les Tchoiidors entre
Kounia-Ourgendj et Khodjeili'; les Emralis à Ihali ; les
Aias sur la rive droite (russe) de FAmou-daria. Ce sont
les cinq principaux clans ; ajoutez quelques milliers de
Goklans, qui habitent auprès des lomoudes ; ceux-ci sont
les plus nombreux. Les Turcomans vivaient jadis non seu-
lement des produits de leurs troupeaux, mais aussi de
brigandage. Les Russes ont mis un terme à leurs rapines.
Leurs femmes fabriquent des tapis renommés. Leur régime
est patriarcal; l'autorité appartient aux « anciens » {aksa-
kal). — Les Karakalpaks^ au nombre d'environ 5,000,
vivent aux environs de la mer d'Aral, vers Koungrad,
Khodjeili, Kiptchak ; beaucoup sont devenus à demi séden-
taires comme les Euzbegs ; ils sont moins belliqueux que
ceux-ci, qui les opprimèrent souvent. Aux environs du lac
Sari-Kamich vivent quelques milliers de Kirghiz.
Le gouvernement est un despotisme héréditaire ; mais le
khan, contrôlé par le résident russe, ne peut plus en abuser
cruellement comme autrefois. Il a dû se reconnaître
« l'humble serviteur de l'empereur de toutes les Russies »,
concéder aux Russes la libre navigation du fleuve, des
terrains pour leurs entrepôts, s'engager à leur payer
2,200,000 roubles, pour lesquelles ils ont hypothèque sur
son pays. En principe, il est maître du sol. Il gouverne
avec l'aide de conseillers euzbegs, les ataliks; d'un ministre
sarte, le mehter; d'un chef spirituel, le nakib^ etc. Le
revenu annuel est d'environ 400,000 roubles. Les Turco-
mans ne payent aucune taxe. Les impôts sont pour un tiers;
l'impôt foncier payé en nature ; une capitation payée par
famille et des taxes sur le commerce. -— La monnaie locale
a pour base le tilla d'or qui vaut un peu plus de 49 fr. 50 ;
il se divise en 44 abasside 2 tianie (tenga), en argent; le
tenga (démonétisé en 4895) se divise en 40 puis de cuivre.
On emploie aussi les monnaies russes, persanes et bokha-
riennes et les ducats hollandais. — L'unité de poids est le
hatman de 40 sihr; il vaut 48 livres russes, soit W^^%.
— Nous avons indiqué les principaux produits agricoles.
L'industrie est faible : poterie, tapis, cotonnades, soieries.
Le commerce a pour principaux objets les grains, les
peaux de mouton, la soie, le coton. Le khanat n'a pas de
routes entretenues, mais de simples pistes, -r- Les princi-
pales localités sont la capitale Khiva et lani-Ourgendj
(3,000 hab.) qui a éclipsé Kounia-Ourgendj^ capitale du
Kharezm avant l'invasion des Eugbegs ; citons ensuite Kha-
zasp, Khanki, Gourlen, Koungrad, KhodjeiU, liiali, Chaha-
bad, Khazabad, etc.
Histoire. — Le Kharezm, Kharizm, Khowareszm ou
Choarism porte ce nom depuis l'antiquité. Au iv^ siècle
av. J.-C, Hérodote cite les Ghoarismiens dans la 46« sa-
trapie de l'empire des Perses, avec les Sogdiens, les
Parthes et les Ariens. Ils figuraient dans l'armée de Xerxès
sous les ordres de leur prince. Quand Alexandre conquit
la Sogdiane, Pharasmane, roi des Chovarismiens, vint à
Zariaspa lui faire hommage. On cite ce peuple, classé parmi
les Scythes (V. ce mot), avec les Sogdiens, les Dahes, les
Massagètes ; il semble que ce fussent déjà des cavaliers
nomades, dominant l'oasis riveraine de l'Oxus (Amou-
daria). Hécatée avait parlé de leur cité de Chorasmia. La
région comprise entre l'Oxus ou Djihon (Gihon), la mer
Caspienne et le N. de la Perse eut d'ailleurs une histoire
commune, disputée entre Iraniens et Touraniens, agricul-
teurs sédentaires et pasteurs nomades. Les Parthes, les
Perses, les occupants successifs de la Bactriane se la
disputèrent, perpétuellement menacés par les peuples du
Turkestan (V. ces mots). Au vi^ siècle, le khagan des
Turcs était maître du Kharezm. Les Arabes le conquirent
à la fin du vu« siècle. Merv, Meched, Nichapour furent
alors de brillants centres de civilisation. Le Kharezm se
constitua en unité pohtique au xi^ siècle, lors de l'afiaisse-
ment du khalifat (V. ce mot). Il avait été conquis dans
la première moitié du siècle par les Turcs Seldjoucides. A
la fin, Anouchtekin, esclave d'un échanson de la cour, lui
succéda et reçut le gouvernement du Kharezm. Son fils,
Mohammed Kothbeddin, lui succéda; il profita des troubles
du règne de Barkijarok pour s'implanter solidement avec
le titre de chah ; il s'attacha la population et tint une cour
brillante. Son fils Aziz se détacha tout à fait des Seldjt)u-
cides et se rendit indépendant du sultan Sandjar, dont la
ruine acheva d'assurer son indépendance.
Les guerres civiles des Seldjoucides permirent à Aziz et
à son fils Il-Arslan (mort en 4472) de s'agrandir et de
s'emparer de presque tout l'Iran. Les guerres civiles des
deux fils d'Il-Arslan, Alaeddin Takach et Mohammed Sul-
lanchah enrayèrent ces progrès. Au bout de vingt ans, le
premier l'emporta et reprit les conquêtes. Il vainquit les
atabecks (administrateurs) qui supplantaient les Seldjou-
cides, s'empara des prov. de Rei, Aderbaïdjan, Hamadan,
Ispahan et mit fin à la domination des Seldjoucides en Perse.
Le fils de Takach, Mohammed Kothbeddin (1206-4220), fut
le dernier et le plus grand des princes kharezmiens, amis
éclairés des lettres et des arts. Son empire s'étendait du
Sir-daria au golfe Persique, sur presque toute la Perse et
la moitié de l'Afghanistan. Habile et brave, il pourchassa
les Assassins (V. ce mot) qui avaient poignardé son vizir,
puis se tourna contre les Ghourides (V. ce nom) qui
appuyaient son neveu révolté. H mit fin à cette dynastie et
se trouva maître du pays jusqu'à l'Indus et du centre de
l'ancien empire des Ghaznévides. H invita alors le khalife
de Bagdad à lui octroyer les mêmes titres et droits qu'aux
Bouydes et aux Seldjoucides. Alnasir refusa de confier sa
personne et sa capitale au protecteur des chiites de Perse.
Mohammed réunit alors une assemblée d'ulémas qui pro-
clamèrent commandeur des croyants un descendant d'Ali,
l'imam Ala Almoulk de Tirmed et le fit reconnaître dans
ses Etats. Mohammed s'avança vers l'O., vainquit l'atabek
de Fars et l'Euzbeg d'Aderbaïdjan, défenseurs d'Alnasir
(4247). Vainement ce dernier voulut le fléchir. H ne fut
sauvé que par un hiver précoce qui fit périr dans les mon-
tagnes l'armée kharezmienne harcelée par les Kurdes et
les Turcs. Mohammed rassembla une autre armée dans la
Transoxiane; mais, à ce moment, il entra en conflit avec un
autre fondateur d'empire, Djengis Khan. H eut l'impru-
dence de refuser satisfaction pour le meurtre de quelques
marchands tatares. Quandl'armée mongole parut sur l'Iaxarte
(Sir-daria), le Kharezmien n'osa risquer son empire en une
bataille. 11 mit de fortes garnisons dans ses places fortes,
Tachkend, Bokhara, Khodjend, Otras, Samarcande, etc.,
espérant user l'élan des nomades de l'Asie centrale. Mais les
généraux de Djengis prirent les villes une à une. Le chah,
qui concentrait ses forces à l'E. de son empire, y fut bientôt
traqué ; Balkh, Merv, Hérat, Nichapour furent emportées
et saccagées. Suivi à la piste, il s'enfuit dans le Mazendé-
ran, puis dans un îlot de la mer Caspienne (Abeskoun) où
il mourut, après avoir appris la capture de sa famille, le
massacre de ses fils dont deux seulement survécurent, Dje-
laleddin Mankberni et Tatar Chah. Le premier était un héros
qui opposa aux Mongols une résistance désespérée. La Perse
avait été dévastée comme la Transoxiane et la férocité des
vainqueurs y ruina la brillante civilisation du khalifat. Djelal-
eddin sortit des déserts du Mekran, rassembla à Ispahan
ses partisans et s'établit dans les montagnes du Caucase
et de la Perse septentrionale (Géorgie et A'clerbaïdjan) d'où
il guerroya contre les hordes mongoles et les princes seld-
joucides . Son centre était la forteresse d'ichlat. Après une
vie d'aventures glorieuses, il fut vaincu et assassiné dans
sa fuite par un Kurde (août 4234). Les débris des troupes
kharezmiennes passèrent en Syrie où elles se rendirent
redoutables aux chrétiens.
815
KHIVA ~ KHODJA
Le Kharezm suivit, avec la Perse, la destinée de l'em-
pire des Mongols (V. ces mots). Définitivement conquises
par Houlagou, ces régions furent soumises jusqu'en 1346
à ses descendants (V. Houlagides). Ces Mongols furent
bientôt absorbés par l'élément persan» Mais, en 4372, Ho-
sein Sofi entra en lutte avec Timour ; ce fut une terrible
revanche des races turques. Timour, parti de Bokhara,
prit Ket, capitale de son adversaire, et imposa la paix à
son frère et successeur ïousouf dans Ourgendj (4372). Ce
ne fut qu'à la cinquième campagne (4388) que le Kharezm
fut définitivement soumis ; le vainqueur procéda alors à la
reconstruction des cités détruites. Sous ses successeurs, le
Kharezm eut un siècle de bien-être tranquille. En 4484,
la Perse l'annexa. Mais les Khiviens étaient maintenant de
fidèles sunnites (orthodoxes), réfractaires à la domination
des chiites. Ils appelèrent contre eux un Turc, Ilban, qui
chassa les Persans ; ce fut le premier khan du peuple des
Euzbegs qui depuis est demeuré maître du pays (4542).
Au XVII® siècle, les I^harezmiens entrent en relations
avec les Russes, les successeurs des Khazares et des Mon-
gols, au N. de la mer Noire. Les relations s'établirent par
l'intermédiaire des Cosaques et de leurs atamans, Netchaï
et Chemaï. Plus tard, le khan de Khiva Chanias pria Pierre
le Grand de l'accepter pour vassal. Un ukase du 30 juin
(ancien style) 1700 fit droit à ce désir. L'investiture fut
donnée à Arab Mohammed, son successeur (4703). Une
ambassade khivienne se rendit à Pétersbourg (1744); le
prince Bekovitch Tcherkaski se rendit à Khiva, mais un
revirement avait eu lieu et son expédition échoua. Son es-
corte fut massacrée et il fut écorché vif (4747). Au miheu
du XVIII® siècle, des Kirghiz de la Petite Horde se rendirent
maîtres de Khiva et le restèrent jusqu'en 4792, où ils
furent expulsés par un Euzbeg, Mehemed Emin Inag, fon-
dateur delà dynastie actuelle. Ses successeurs, Isakar-Khan
(4800-04), Mehemed Rehim (4804-26), Aliahkouli Khan
(4826-41), guerroyèrent contre les khans de Bokhara, les
Turcomans lamoudes et les Karakalpaks. Le dernier rem-
porta un grand succès contre les Russes. En 4839, l'expé-
dition du général Pérovski, motivée par les querelles des
Kirghiz (sujets russes) et des Euzbegs, ne put franchir le
désert; de ses 4,443 hommes (accompagnés de 40,000 cha-
meaux), le quart périrent, et il ne ramena guère que le
tiers de ses forces à Orenbourg. Une nouvelle tentative de
Pérovsky en 4853-54 échoua également, bien qu'il eût pu
pénétrer jusqu'à l'oasis de Khiva. Rehimkouli Khan (4841-
43), Mehemed Emin Khan (1843-55), Abdullah Khan
(4855-56), Kautlory Mourad Khan (4856), Seid Mehe-
med Khan (4856-68), régnèrent ensuite, sans que nul in-
cident se détache dans leurs guerres contre Bokhara, la
Perse et les Turcomans. Rehim Khan, fils de Seid Mehemed,
accentua encore l'hostilité envers la Russie, ne cessant
d'exciter contre elle les Kirghiz, refusant de mettre un
terme aux razzias de ses nomades en territoire russe et de
rendre les sujets du tsar faits prisonniers.
Une expédition décisive fut alors entreprise. Le général
Kaufmann, gouverneur du Turkestan, la fit avec 42,000
hommes par trois routes à la fois, venant de Tachkend,
d'Orenbourg et des bords delà Caspienne. Les Khiviens fu-
rent battus à Blandyk le 20 mai, le khan s'enfuit et sa
capitale fut occupée. Il dut se soumettre à la merci du tsar.
Celui-ci le rétablit, mais en lui adjoignant un conseil de
trois Russes et trois Khiviens et en soumettant à la rati-
fication du général Kaufmann les décisions Importantes.
L'esclavage fut aboli, 3,000 Persans renvoyés dans leurs
foyers. Les Turkmènes continuèrent la résistance, refusant
de payer la contribution de guerre de 300,000 roubles qui
leur avait été imposée. Le général Golovatchev les réduisit. Le
traité définitif de protectorat a été signé le 42 août entre
la Russie et le khan de Khiva. Celui-ci dut céder toutes
ses possessions de la rive droite de l'Amou-daria et du
delta jusqu'au Taldik ; la frontière occidentale fut fixée au
lit de rOuzboï. Le khan s'engagea à payer en vingt an-
nuités une indemnité de guerre de 2,200,000 roubles.
Les sujets russes peuvent commercer dans le khanat sans
être assujettis à d'autres taxes que les indigènes. A. --M. B.
BiBL. : L'état-major russe a publié en 1873 une carte du
Jdianat de Khiva au 550,000". — Mouraviev, Voyage en
Turcomame et à Khiva ; Paris, 1873. — Danilevski, Des-
cription du khanat de Khiva; Saint-Pétersbourg, 1843,
en russe. — Khanikov, les Documents sur le khanat de
Khiva (avec bibliographie), dans BulL Soc. géogr., 1878.—
V AMBERY.Reise in Mittelasien ; Leipzig, 1873.— E. Schmidt,
Die Expédition gegen Chiva im Jahre 1813 ; Saint-Péters-
bourg, 1874. — J.-A. Mac Gahan, The Campaigmng on
the Oxus and the fait a f Khiva; Londres, 1874. — Stumm,
Aus Chiva Berichte, 1873. — Du même, Der russische
Feldzug iiach Chiva; Berlin, 1875, t. I. — Delaire, Notes
sur le Khiva, 1876-77. — X. Marmier, les Russes à Khiva,
1879. — Lansdell, Russian Central Asia ; Londres,
1885, 2 vol. — MosER, A travers VAsie centrale ; Paris,
1886.
KHIZR (V. Barberousse).
KHLESL (Melchior) ou KLESEL, homme d'Etat autri-
chien, né à Vienne en iDo2, mort à Vienne le i8 sept.
4630. Fils d'un pâtissier, converti au catholicisme par les
jésuites, il fut leur élève, entra dans les ordres, devint
chancelier de l'université de Vienne, prédicateur de la
cour ('lo82), évêque de Vienne (1598). Il déploya un grand
zèle contre les protestants et releva le catholicisme en Au-
triche. Chancelier de l'archiduc Mathias (i 599), il gouverna
en son nom. En 1606, il provoqua la ligue des archiducs
contre l'empereur Rodolphe. En 1615, il reçut le chapeau
de cardinal. En 161 8, il s'opposait à la guerre de Bohême ;
l'archiduc Ferdinand le fit enlever le 20 juin et enfermer
au château d'Ambras (Tirol) ; le pape le réclama et le fit
relâcher en 1622 ; il rentra en Autriche en 1629. Hammer-
Purgstall a publié sa correspondance (Vienne, 1847-51,
4 vol.).
BiBL. : Kerschbaumer, Kardinal Klesel ; Vienne, 1865.
KHIVIELNITZKY(V. Chmielnicki).
KHMER(Archéol.)(V. Cambodge).
KHfVlOU. Peuplade sauvage du Laos septentrional, pro-
bablement antérieure aux Laotiens, analogue aux Khas
(V. ce mot et Laos).
KHNOUM. Divinité égyptienne (appelée oar les Grecs
Cneph, Chnoumis, Chnouphis) adorée dans l'île d'Eléphan-
tine, dans le S. de la Thébaïde et dans les villes d'Ethiopie.
A Esné (Latopolis), Khnoum, représenté sous la forme d'un
bélier entre les cornes duquel se dresse l'urœus, est appelé
Khnoum-Ra, et quelques-unes de ses légendes l'associent à
des dieux solaires. 11 est en effet une des personnifications
du dieu primordial se manifestant dans le soleil. L'antiquité
de son culte est prouvée par l'association de son nom avec
celui de Chéops dans les cartouches de ce pharaon de la
IV^ dynastie. Sous la Xll« dynastie on le voit uni à la déesse
lleka ; plus tard, il est accompagné des déesses Sati et
Anouké. — Khnoum représente l'Esprit divin, inséparable
de l'Eau primordiale et créateur du monde. Il figure sous la
forme du bélier, parce que le bélier est l'hiéroglyphe du
mot Esprit, et il est souvent identifié avec le dieu Noun qui
personnifie Feau primordiale. Les monuments nous le mon-
trent façonnant sur un tour à potier une figure d'homme
ou l'œuf mystérieux d'où la légende faisait sortir le genre
humain et la nature entière. La toute-puissance de l'esprit
divin s'étant incorporée dans le soleil, Khnoum est en
même temps un dieu solaire ainsi que l'attestent les insi-
gnes qui ornent ses statues. P. Pierret.
KHOBAR ou TCHÂOBÂR. Ville maritime du Bélout-
chistan, sur une baie qui est un excellent port; elle dépend
du sultan de Mascate. Station du télégraphe anglo-indien.
KHODAVENDIDJAR. Vilayet de la Turquie d'Asie, au
N.-O. de l'Asie Mineure, entre la mer Egée à l'O., la mer
de Marmara au N., les vilayets de Kastamouni au N.-E. ,
Angora à TE., Konieh au S.-E., Àïdin au S.-O. ;
74,880 kil. q. et environ un million d'habitants dont 4/5
Turcs, Musulmans, le reste Grecs et Arméniens. Le ch.-l.
est Brousse. Le vilayet se divise en quatre sandjaks : Ka-
rassi, Brousse, Kutahieh, Karahissar.
KHODJA. Ce mot persan, qui signifie maître, notable,
KHODJA — KHOMIAKOV
— 516 —
s'emploie en Algérie pour désigner tout secrétaire arabe
d'un personnage ou d'une administration. Avant la con-
quête française, la plupart des fonctionnaires, en dehors
de ceux du clergé et de la magistrature, étaient complète-
ment illettrés ; aussi avaient-ils besoin d'un khodja pour lire
ou rédiger leur correspondance. Depuis la conquête, cet
office a dû être créé également auprès de toutes les admi-
nistrations qui étaient en rapports directs avec les indi-
gènes; c'est ainsi qu'il y eut des khodjas dans tous les
bureaux arabes civils ou militaires, dans les commissariats
civils, etc. Aujourd'hui on n'en rencontre plus que dans
les communes mixtes et dans les bureaux arabes militaires,
où ils sont chargés de rédiger tous les documents qui doi-
vent être libellés en langue arabe. Dans nos consulats du
Maroc on appelle ces modestes auxiliaires des thaleb. En
Orient, le mot khodja est le titre que donnent les musulmans
aux négociants chrétiens et remplace alors notre mot « mon-
sieur ». 0. HOUDAS.
KHODJA-Saleh. Village du khanat de Bokhara, r. g.
de l'Amou-daria, sur la route de Balkh ; c'est là que siégea
en 1886 la commission anglo-russe pour la délimitation
de la frontière afghane.
KHODJA-TcHAi (autrefois Graniqué), Fleuve de Tur-
quie d'Asie, tributaire de la mer de Marmara. Il est formé
par plusieurs branches, coule d'abord vers le N.-E., puis
tourne au N.-O. et forme un petit delta avant de gagner
la mer. Il grossit considérablement après de fortes pluies
ou lors de la fonte des neiges.
KHODJEND. Ville du Turkestan russe, sur la r. g. du
Sir-daria, au confluent du Khodja-Bakargan, à 256 m. d'ait.,
ch.-l. d'un cercle de la prov. du Sir-daria; 34,800 hab.
La ville se divise en deux quartiers ; le quartier indigène
au S., des deux côtés du Khodja-Bakargan ; le quartier
russe au N., entre le premier et le fleuve. Elle est entourée
d'une double muraille percée de huit portes et d'un déve-
loppement de 12 kil. La citadelle s'élève sur une butte
artificielle de 30 m. de haut. La population se compose sur-
tout de Tadjiks musulmans, puis d'Euzbegs et de Russes.
Elle est entourée de jardins, mais manque d'eau en été
quand le Khodja-Bakargan se dessèche, l'escarpement des
berges du Sir-daria en rendant l'usage difficile. Le climat
estival est malsain pour les Européens. Khodjend renferme
plus de 200 mosquées, 25 médrésés, 40 écoles, un vaste
bazar. La plus belle mosquée est celle d'Hazret-Raba, édi-
fiée au début du xviii^ siècle. L'Industrie dominante est
celle des soieries.
Khodjend passe pour être la plus vieille ville de l'Asie
centrale. Elle forma généralement une principauté à demi
autonome, comprenant Djisak et Oura Tjoubé ; ses begs
reprenaient leur indépendance quand s'affaiblissaient les
empires voisins (V. Turkestan). Au xviii® siècle, le beg
euzbeg Ak-bouta fortifia à nouveau et embellit la ville. Son
successeur Chadman bâtit le Goulbak, palais des princes.
Au commencement duxix® siècle, le khan de Khokand, Alim,
s'empara de Khodjend. La ville fut ensuite disputée entre
ses successeurs et les Bokhariens. Le 5 juin 1865, les
Russes en prirent possession.
Le district de Khodjend a 22,800 kil. q. et plus de
250,000 hab. ' * A.-M. B.
KHOl (V. Choi).
KHOI-Sandjak. Ville de la Turquie d'Asie, vilayet de
ilossoul, r. dr. du petit Zab ; 10,000 hab.
KHOKAND ou KOKAN. Ville du Turkestan russe, prov,
du Ferghana, sur le Karasou, afïl. du Sir-daria, à 400 m.
d'alt. ; 54,043 hab. C'est la cité la mieux aménagée de
l'Asie centrale: belles et larges rues, vastes places, le bazar
le plus riche du Turkestan, entrepôt commercial le plus
important du Touran (V. Asie). Le château bâti pour Khou-
daiar, le dernier khan de Khokand, est beau et bien décoré
de peintures sur bois, bois sculptés, briques émaillées. La
ville produit des soieries, des bijoux, des cuivres repous-
sés, etc.
Khokand a été jusqu'en 1876 la capitale d'un khanat.
Le Ferghana (V. ce mot) avait suivi les destinées du Tur-
kestan, soumis aux Mongols, incorporé à l'empire de
Timour; en 1511, la défaite de Baber par Obeidullah le
fit passer sous la domination des souverains de Bokhara
(V. ce mot). Khokand recouvra son indépendance après la
chute des Cheibanides, la conserva au temps des Achtar-
chanides, mais fut attaquée par la dynastie de Mangit.
L'émir Naasoum et son petit-fils Masrullah essayèrent de
conquérir Khokand où Mehemed Ali se défendit vigoureu-
sement. A partir de 1841, la guerre fut continuelle et ne
finit que par l'intervention des Russes. Khoudaïar, qui avait
transféré sa résidence à Samarcande, sévit enlever par les
Russes Turkestan, Tchemkend, Tachkend (1864). L'émir
de Bokhara vint à la rescousse et installa Khoudaïar dans
l'E. du Ferghana. Mais il fut battu par les Russes à Jird-
char (20 mai 1866) et contraint de leur céder la vallée du
Sir-daria à partir de Mehrem et de leur payer une indem-
nité de guerre. Vassal du tsar, il ne conserva que l'admi-
nistration intérieure du khanat. Ses exactions provoquèrent
une révolte et il s'enfuit sur le territoire russe (4875).
Son fils Nasreddin, élevé à sa place, attaqua les Russes ;
ceux-ci le battirent à Telian, prirent Machram et Khokand ;
il fut obligé de leur céder la rive droite du Sir-daria
jusqu'au Naryn. La population continua de résister ; Abd-
ur-Rahman, qui avait élevé Nasreddin, fit proclamer khan
Poulat Beg ; mais tous deux furent pris à Andidjan (20 janv.
1876) et Nasreddin restauré par les Russes. Mais il
redevint le jouet du parti national et le 3 mars le tsar en
finit en décrétant l'annexion du khanat de Khokand au
gouvernement général du Turkestan, dont il forma la prov.
de Ferghana. A.-M. B.
BiBL. : Vambéry, Geschichte Bohharas ; Stuttgart,
1872. — Du même, Relse nach Mittelasien, 1873. — Krah-
MER, Die Eroherungen der Russen in Mittelasien^ dans
Grenzboten, 1877. — Nalivkin, Histoire du khanat de
Khokand ; trad. franc, par Dozon ; Paris, 1889. — V. aussi
Ferghana et Turkestan.
KHOLIVl (V. Chelm).
KHOLMOGORY. Bourg de Russie, gouv. d'Arkhangelsk,
ch.-l. de district de la r. g. de la Dvina du Nord, en aval
du confluent de la Pinega; d, 200 hab. Elle eut ses jours de
splendeur au temps où, sous le nom à'Holmgrad, elle
était l'entrepôt du commerce de l'Orient et de l'Occident
par la Biarmie (V. ce mot et Russie). Elle a été ruinée
par la fondation delà Nouvelle-Kholmohory, aujourd'hui
Arkhangelsk (V. ce nom).
KHOLIVl S KY (Daniel-Dmitriévitch), général russe, mort
en 1493. Il battit les Tatares en 1468 et prit part en
1469 à l'expédition contre Kazan. En 1471, il battit les
Novgorodiens. En 1473, il obligea le grand maître des
chevaliers teutoniques à conclure la paix avec les habi-
tants de Pskov. Il se distingua encore dans des expédi-
tions contre les Tatares de Crimée et de Kazan. Il avait
épousé une fille d'Ivan III.
KHOWIER ou HOIVIER. Mesure de capacité usitée chez
les Hébreux. Elle se divisait en dix éphas, et Vépha, à son
tour, en dix ^omers ou orner s. Pour donner une idée ap-
proximative de ces mesures, nous rappellerons que la
quantité de manne attribuée journellement à chaque Israé-
lite lors de la traversée du désert était de un ^omer et que, pour
exprimer avec quelle avidité les Hébreux se jetèrent sur les
cailles que la divinité accorda à leurs murmures, on pré-
tend que celui qui en avait ramassé le moins en avait dix
khomers, soit mille fois plus que la ration régulière et
suffisante de manne. L'évaluation exacte de ces mesures
reste très incertaine. Pour asseoir les idées davantage, on
peut rapprocher Vépha de notre boisseau (12 litres V2)
ou du décalitre, le ^omer du litre et le khomer de l'hecto-
litre. Dix khomers de cailles auraient fait environ \ m. c.
KHOMIAKOV (Alexis-Stépanovitch), écrivain russe, né
à Moscou en 1804, mort en 1866. Il servit d'abord dans
l'armée et prit part à la campagne contrôles Turcs (1828-
40). Il se retira à Moscou et écrivit un certain nombre
déparent cet ensemble : le grotesque bronze qu'on appelle
Achille^ m piteux Byrdn, une vilaine flèche gothique de
55 m* de haut abritant la statue dorée du Prince Albert.
Aux Tsif et 3fyiu^ siècles, Hyde park fut le rendez-vous
favori des duellistes; au xix% les meetings populaires en ont
forcé la porte et y déroulent de temps à autre leurs for-
midable^ processions. A FO. s'étendent les jardins de Ken-
sington, séparés du .parc par une grille et un fossé. Ils
occupent l|4 hect., le jardin propre du palais ayant été
agïjandi sous Georges II de près de 420 hect. enlevés à
Hy^e park ; leurs plantations sont plus drues que celles du
parc, et les arbres sont de toute beauté.
Au N. de Marylebone,^ Relents park s*étend sur
191 hect. empruntés à l'ancien parc deMarylebone où l'on
chassait au temps d'Elisabeth; il fut aménagé sous Georges llï
parle prince régent qui voulait s'y bâtir un palais, et des-
siné par Nash. Il renferme le Jardin botanique, la ménage-
rie delà Société zoologique et quelques villas particulières.
Au S.~E. est un beau lac en Y, entouré de beaux bois.
Délaissé par la haute société, Régents park est abandonné
aux prédicateurs en plein vent. Au N., il touche à la col-
line de 70. m, couronnée par le Joli parc de Primrose hili
(28 hect.). — Les autres parcs de Londres sont : au S.,
ceux de Battersea (72 hect.) aménagé de 1852 à 1858,
au bord de la Tamise, avec de vastes pelouses pour les jeux
(cricket, etc.), un jardin tropical ; de Kennington (10 hect.),
de Southwark (25 hect.), de Greenwich (70 hect.) ren-
fermant le célèbre Observatoire ; — à FE. de la yille, on
a créé en 1842, agrandi en 1872, le Victoria park
(120 hect.) ; aux limites de la ville est celui de West ham
(32 hect.) ; une propriété privée a fourni le terrain du
Finsbury park (41 hect.) du côté septentrional. — On
peut encore ajouter à cette liste les jardins des quais de la
Tamise et ceux du Temple, et sur la lisière de Londres un
certain nombre d'anciens pâturages communaux qui ont
été sauvegardés : Hampstead heath au N.-O., Clapham
common au S.-E., Black heath au S. de Greenwich, etc.
On a aussi transformé en jardins plusieurs anciens cime-
tières . Tous lés parcs renferment des emplacements réser-
vés aux jeux athlétiques ; plusieurs des bains.
Monuments. — ■ Malgré son antiquité et sa prodigieuse
richesse, Londres ne renferme pas beaucoup de monuments
d'une réelle valeur artistique. Les souvenirs du passé ont
été effacés, à mesure qu'ils gênaient la vie du présent, ou
dévorés par les incendies. La Cité avait été sept fois brûlée
avant la catastrophe de 1666 qui consuma 89 églises et
13,000 maisons. De l'époque romaine, il ne reste que des
vestiges insignifiants. L'enceinte bâtie en 306 est visible
dans la rue London Wall près de Saint Alphage, à Biom-
field Street, Saint Martin's court et au S. de Ludgate Mil;
on a encastré en face de la station de Cannon street, dans
le mur de Saint Swithin, une pierre miliaire, dite London
stone ; une piscine romaine subsiste dans le Strand. De
la cité anglo-saxonne brûlée en 851 et 886, rien ne reste.
Les principaux monuments du moyen âge sont la Tour et
l'abbaye de Westminster.
La Tour de Londres est située sur une butte au bord
de la Tamise, au S.-E. de la Cité. Elle fut construite par
Guillaume le Conquérant pour servir de citadelle et de
palais royal ; ce fut ensuite une prison d'Etat ; actuelle-
ment, elle sert de caserne et d'arsenal. Le dernier roi qui
l'habita fui Jacques I^' dont la ménagerie de lions fut con-
servée jusqu'en 1834. Les gardiens de la Tour portent
encore la casaque et le chapeau des yeomen de la garde
de Henri VU! et des pantalons bleu foncé à liséré rouge ;
leur surnom de beefeaters est une corruption du mot buf-
fletier. Parmi les plus fameux prisonniers politiques de la
Tour, il faut citer le premier Févêque de Durham en 1100,
le dernier, sir F, Burdett en 1820, et dans Fintervalle les
enfants d'Edouard IV, le roi de France Jean, Charles d'Or-
léans, Thomas Morus,^ Anne de Boleyn, Catherine Howard,
reines d'Angleterre, Jane Grey, la grande Elisabeth, Raleigh,
Bacon, Straffôrd^ Jeffreys, les jacbbiîes écossais, etc.
=- 515 -^ LONDEES
La tour Blanche fut construite par Guillaume le Con-
quérant à la place d'une partie dès murs de la Cité empor-
tés par une inondation de la Tamise ; commencée en 1()78,
Vieox plan de la Tour.
elle fut achevée en 1098 sous Guillaume le Roux qui y
ajouta la tour c|e Saint Thomas et la porte du Traître. Elle
fut agrandie d'autres édifices, notamment par Henri lII
qui y résida souvent j elle decupe actuellement un peu plus
de 5 hect., entjourés d'une déuble ligne de fortifications et
d'un fossé creusé en 1190. Derrière cette double enceinte
sont plusieurs t|)urs que doiin|ne l'énorme masse carrée de
la tour BlàncheU'vec ses art?^ et ses fenêtres de style nor-
mand et les (|uatré tourelles à clochetons pointus qui
flanquent ses a|igles. La ch!a|)elle Saint John à l'intérieur
est un délifcat spécimen d'àr(^l|itectiire normande. C'est dans
la grande cour,! sur Ta b;Utt|e dite Tower hill, qu'avaient
lieu les esécutitiïis capitales^ on ensevelissait les corps dans
la chapelle de Saint Pièrr^ in Y(ncula. Aujourd'hui on
conserve à la Tour lefe joj^aux de la couronne, les trophées
de Waterloo, de belles collections d'armes et d'instruments
de torture.
Parmi les autres tours, celles qui évoquent des souve-
nirs historiques sont : la tour Beauchamp, du xiii® siècle,
où furent enfermés les deux Warwick; la tour Sanglanle
où furent étouffés les enfants d'Edouard lY; la Brick
tower, prison de Jane Grey ; la Record tow^er où furent
les archives. Les appartements royaux qu'habita Anne de
Boleyn ont été démolis en 1688. La nouvelle caserne a
remplacé la prison.
V abbaye de Westminster^ où l'on couronne les sou-
verains d'Angleterre depuis le roi Harold, occupe l'empla-
cement d'une chapelle bâtie par Siebert en l'honneur de
saint Pierre sur une butte émergeant d'un marais rive-
rain du fleuve. Le roi Edouard y bâtit vers 980 une grande
église que les Danois démolirent et qu'Edouard le Confes-
seur remplaça par une abbaye et une église en style nor-
mand achevées en 106S et dont il ne reste que le côté mé-
ridional du cloître, les substructions du réfectoire et le
ciborium au S. de l'abbaye. Le nom de Westminster, mo-
nastère occidental,; la distingue de Saint Paul quelquefois
appelé Eastminster. I^a reconstruction fut entreprise sous
Henri 111 en 1220; il fit te chœur et les transepts, et une
chapelle de la Vierge jdémolie depuis. Edouard I®^ acheva
l'édifice (1307), mai^ Henri Vît le remania; une grande
partie de la nef et de spn extrémité occidentale, le doyenué,
la chambre de Jérusalem, une partie du cloître datent de
ce roi; les deux tour^ inachevées de la façade occideutaic
furent refaites par WNn au xvm^ siècle. La forme géné-
rale est celle d'une croix latine,, longue de 161°*5, large
de 61^^86 aux transepts, haute de 31 "^08 dans la nef cen-
trale; la tour qui d^^^ait s'élever au centre des transepts
n'a pas été continuée.! Saiif les tours (hautes de Q%^&) de
Wren qui sont une fâcheuse combinaison des style gothique
et grec et qiii jurent !^vec: l'élégance et la finesse du reste
de l'édifice, celui-ci e^t magnifique, surtout à Fintérieur;
les proportipns sont, ^oigneusen^ent calculées; la hauteur
LONDRES
•^ 510 —
des vaisseaux, des fenêtres et des diverses parties est tou-
jours triple de hiiv largeur ; ainsi la nef centrale a lO'^âô
de large et 31^^08 de haut; cependant les deux branches
de la croix sont de largeur inégale, et l'abside est prolongée
par la chapelle de Henri VII, dont l'addition donne aux deux
parties de la nef la même longueur. La nef, dont les pro-
portions accusent la hauteur, est soutenue par des faisceaux
de colonnes, au-dessus desquelles sont le triforium et une
rangée de fenêtres. L'édifice est encombré de statiies et de
monuments de styles variés dont l'effet est peu esthétique,
Abbaye de Westminster.
en raison de la médiocrité de la plupart. Les boiseries du
chœur, l'autel, l'orgue sont modernes. Derrière l'autel est
la chapelle d'Edouard le Confesseur avec son tombeau et
ceux des rois Henri III, Edouard P^, Eléonore, Philippa,
Richard II et sa femme, Henri V, etc. Une vieille mosaïque
de 4269 forme le pavé. On y voit aussi le trône du cou-
ronnement des rois d'Angleterre, et la pierre de Scone sur
laquelle on couronnait ceux d'Ecosse. Le chœur où se cé-
lèbre la cérémonie du couronnement royal est un beau
modèle de la primitive architecture gothique avec des déco-
rations ajoutées au xiv^ siècle. L'abside est entourée d'une
couronne de chapelles, parmi lesquelles celle de Henri Vlï
forme comme une petite église; c'est un chef-d'œuvre du
gothique de transition (1503-22), véritable orfèvrerie ou
dentelle de pierre; la nef est portée par une double ran-
gée de colonnes dont les bases sont masquées par les stalles
des Chevaliers de l'ordre du Bain ; le toit est fouillé avec
un art extrême ; trente-trois fenêtres éclairant cette cha-
pelle. Dans sa nef centrale est le tombeau de Henri VII en-
touré d'un merveilleux grillage; dans lés bas côtés, ceux
de Marie Stuart et d'Elisabeth. Parmi les autres, il faut
ciler cel)[es de Saint Benoît, Saint Edmond, Saint Nicolas,
Saint Jean, Saint Michel, Saint André. La célébrité de
l'abbayé de W^estminster tient en grande partie à l'usage
qui y accumule les sépultures des grands hommes britan-
niques; la quantité en est énorme, et nous n'en pouvons
donner ici la liste ; malheureusement la plupart des tom-
beaux sont de mince valeur artistique; on peut noter à
divers titres, dans le chœur ceux de Siebertj roi d'Essex;
d'Anne de Clèves, d'Edmond Crouchback, comté de Lei-
cester; dans le transept septentrional reposent les hommes
d'Etat et les généraux, Pitt et Fox, côte à côte ; leS acteurs
Kemble et M"*® Siddons, ïe éhimiste Davy, Canning, Castle-
reagh, Grattan, Palmerston, Peel, Warren Hastings, lord
Mansfield (dônl Flaxman a sculpté le beau monument) ;
dans la nef, Herschel, Nevi^ton, Livingstone, Lyéll, Con-
greve, Wordsworth, Ben Jonson, lord Holland, etc. ; dans
le transept méridional est le coin des poètes où dorment
Ghaucer, Spenser, Gray, Dryden, Shadwell, Hsendel, Uslc-
pherson, Goldsmith, Sheridan, S. Johnson, Addison, Ma-
eaulay, Garrjck, Thackeray, Dickens, Gay, Thomson, Sou-
they; un cénotaphe a été élevé à Shakespeare; un buste à
Mifton; dans les chapelles sont les tombeaux de nobles
seigneurs, moins connus, mais souvent mieux sculptés;
ceux de sir Francis Vere et de lady Nightingale, œuvres de
Roubiliac, de la duchesse de Somerset, fenînie du Protec-
teur, de Guillaume de Valence, etc. Les cloîtres attenant
à l'église ont été restaurés soigneusement; ott y trouve la
vieille chambre du Pyx (ciborium) où dans une cassette
figurent les exemplaires de toutes les monnaies frappées en
Angleterre. De la nef oii accède par un passage au Cha-
pitre, construction octogone dont un pilori central en
marbre supporte le toit; il date de 1250 et a été restauré
en 1866. On y célèbre l'office divin le dimanche. West-
minster qui fut un évêché n'est plus qu'un doyenné, mais
le doyen, nommé par la couronne, est autonome. C'est dans
cet édifice du doyenné ou chapitre que siégea d*abord la
Chambre des communes, transférée ultérieurement dans la
chapelle Saint Etienne. La chambre de Jérusalem, bâtie de
1370 à 1386, vit naître Edouard V et mourir Henri IV.
L'abbaye était jadis lieu d'asile et offrit deux fois un re-
fuge à la femme d'Edouard IV. Les autres épisodes de son
histoire sont la mêlée sanglante qui marqua le couronne-
ment de Guillaume le Conquérant, le massacre des juifs à
celui de Richard Cœur de Lion (1189), la fondation du
doyenné par Elisabeth, l'expulsion de la reine Caroline au
sacre de Georges IV (1821). Au xvii« et au xviii^ siècle,
l'abbaye de Westminster était tombée dans un grand dé-
labrement qui motiva de nombreuses restaurations au
xix*^ siècle.
L'église de Saint Paul, cathédrale de Londres, est le
troisième des grands monuments de la capitale, chef-d'œuvre
de sir Christopher Wren. De nulle part on n'en peut avoir
une vue d'ensemble, à cause des maisons qui l'enveloppent
Cathédrale de Saint Paul.
et de l'étroitesse des rues. La cathédrale remplace une
église bâtie par Etheibert en 610, brûlée en 1087, rebâtie
en style normand en quarante ans ; on y ajouta un chœur
gothique (1240), une tour (achevée en 1315) ; elle avait
alors 720 pieds de long, 130 de large, un clocher de
320 pieds. En 1561, elle fut foudroyée et incendiée; res-
taurée par Inigo Jones ^ elle brûla en 1666. La croix de
Saint Paul, située à l'angle N.-E., disparut en 1643 et fut
remplacée par une fontaine ; en cet endroit eurent lieu de
grandes controverses religieuses, furent prêches des ser-
mons devant la cour et promulguées des bulles pontificales.
L'église actuelle de Saint Paul fut construite de 1675 à
- 549
KHORSABAD - KHOSREV
ornée de belles rosaces bleues et blanches sur tout le pour-
tour du cintre. Huit lions gigantesques en bronze ornaient
ces portes, mais on n'a pas trouvé trace de ces monuments.
Des tours s'élevaient à certaines distances dans le pourtour
du mur de 6,790 m. de longueur, qui est conservé dans
toute son étendue dans une circonvallation continue, s'éle-
vant encore à plusieurs mètres.
Cette grande enceinte n'eut jamais le temps de se rem-
plir, ainsi que l'avait désiré son fondateur. Le palais
superbe qu'il édifia s'élevait au milieu du côté N.-O. du
mur, et dépassait le pourtour en saillie. Il est possible que
la façade principale fut garantie par un mur, aujourd'hui
disparu. La superficie du palais de Sargon était de 9 hect.
60 ares, ou 40 grandes mesures; il formait un octogone
irrégulier, à angles droits rentrants, composé de deux rec-
tangles superposés.
A la partie supérieure près du mur et saillant en dehors de
l'enceinte était la porte sculpturale, formée d'une vingtaine
de salles ornées de sculptures et de bas-reliefs qui tapis-
saient les murs. Les murs très épais étaient bâtis de pisé;
des taureaux en marbre s'élevaient aux portes des salles
destinées aux grandes cérémonies royales. Les frises au-
dessus des bas-reliefs étaient couvertes de textes cunéi-
formes très développés qui racontent les exploits de Sar-
gon et nous font connaître l'histoire du règne de ce grand
monarque. Ces documents s'étalaient sur toute la longueur
des salles, et étaient partagés en colonnes d'une largeur
inégale, au nombre de lignes toujours constant pour la
même salle. Le spectateur entrait par une porte, tournait
à gauche, commençait à lire le récit qu'il devait suivre par
tous les recoins de la salle, toujours avançant vers la
droite, jusqu'à ce qu'il ait fait le tour de la salle, et trouvait
la fin du texte à la porte même où il était entré, vis-à-vis
du commencement.
Les bas-reliefs qui ornaient ces salles représentent le
roi dans toute son activité, comme juge, guerrier et con-
quérant; ils représentent les batailles avec leurs péripéties,
les combats dans les fleuves, les assauts des forteresses,
la prise des villes et le partage du butin, la punition,
souvent cruelle, des rebelles et des ennemis. Le style de
cette sculpture est celle d'un art simple, sévère et châtié :
l'exécution représente celle de la meilleure période de l'art
assyrien. Les statues comme celles des lions et taureaux
à face humaine; des héros, Gilgamès, sont imposants et
d'un caractère vrai : les détails sont soignés, sans exagé-
ration, comme on le voit dans la sculpture des succes-
seurs de Sargon.
Derrière cette partie du palais monumental s'étalait,
sur un espace bien plus considérable la vraie demeure du
monarque, de ses femmes, enfants et serviteurs. Cette
partie contenait plus de deux cents chambres que Place
a pu déblayer. Ce palais contenait aussi le harem et c'était
probablement là où cet explorateur trouva une peinture
de fresque longue de 5 m., bien conservée alors, mais
mallieureuseni^nt non transportable. Dans une des cham-
bres qui peut-être contenaient des archives, on trouva
une caisse en marbre dont le couvercle portait une
inscription : à l'intérieur on trouva six tablettes, en or,
en argent, en bronze, magnésite (carbonate de magnésie,
selon M. Berthelot), plomb et basalte, qui contenaient des
inscriptions relatant la fondation de la ville, du palais et
des temples. L'architecture de cette partie du palais est
des plus simples; tout au plus des pihers à angles ren-
trants adoucissent l'uniformité des parois. Quelques grandes
cours réunissaient à l'intérieur la population de ces lieux.
Des jardins encouraient de plusieurs côtés les bâtiments.
A l'O. du palais se trouvait une grande tour à étages
superposés, probablement construite pour l'observation des
astres. La base carrée du massif inférieur compte 43 m.
ou 80 coudées assyriennes. Beaucoup de temples étaient,
au dire de Sargon, édifiés par ce monarque en honneur des
dieux principaux ; on n'en a pas trouvé trace, à moins que
quelques parties du palais n'aient été consacrées à des usages
religieux. En tout cas, Place trouva des statues de dieux,
et ce sont peut-être les emplacements des trouvailles qui,
autrefois, formaient les réduits sacrés. On le voit, le sen-
timent religieux dominait tout ; les cérémonies célébrées
étaient très nombreuses. L'une d'elles, effectuée lors de la
fondation, consistait en ce que le peuple jetât, pour conju-
rer le mauvais œil, des bijoux de toute sorte dans le sable
fin sur lequel les statues colossales des taureaux étaient
placées. On a trouvé ces couches de sable très fin seule-
ment après l'enlèvement des colosses de marbre ; on y a
découvert des cylindres, des cachets, des bijoux en or et
en argent, et surtout une cornaline élégamment polie avec
un nom phénicien, Abd-Baal, qui fournit un indice précieux
pour la fixation des époques de l'épigraphie phénicienne.
On n'a pas encore fouillé le vaste emplacement que ren-
fermait la circonvallation de la ville dans laquelle on éleva
peu de tumulus.
Telle est, en résumé, la configuration de cette ville et
celle d'un palais d'un nouveau modèle de Sargon. Il est
curieux d'entendre, comme conclusion, les considérations
qu'il dépose dans ces textes, surtout sur les barils en ar-
gile, dont dix-sept furent trouvées par Place dans un recoin
de son habitation privée, mais dont la plupart a sombré
dans le Tigre lors du désastre qui a englouti une grande
partie des fouilles françaises en août 4855.
Voici la traduction du texte sur or, conservé au Louvre :
« Palais de Sargon, mandataire de Bel, lieutenant
d'Assour, le roi puissant, roi des légions, roi d'Assyrie,
qui régna depuis le lever jusqu'au coucher dans les quatre
régions célestes. Il constitua des satrapes dans les pays.
« En un temps, je bâtis d'après mon bon plaisir, dans
le pays qui avoisine les montagnes, près de Ninive, une
ville que j'ai nommée Dour Sarkin. J'ai distribué, dans
son intérieur, des temples à Ea, Ninip, Janus, Anu et Sa-
mas ; quant aux sculptures dédiées à leurs grandes divi-
nités, Ea, qui surveille tous les édifices, les fit faire et le
peuple éleva des autels.
« Je construisis des salles ea ivoire, en santal, enébène,
en cèdre, en tamaris, en pin, en cyprès et en pista-
chier.
« Je fis un escalier tournant dans l'intérieur des portes
et je posai, dans sa partie supérieure, des soUves de pin
et de cyprès.
« Sur des tablettes en or, en argent, en bronze, en
plomb, en magnésite, en marbre et en basalte, j'ai écrit
la gloire de mon nom et je les ai mises dans les fondations.
« Celui qui altère les œuvres de ma main, qui dépouille
mon trésor, qu'Assur, le grand seigneur, détruise en ce
pays son nom et sa race. »
L'invocation qui se trouve très succinctement exprimée
ici est plus largement développée dans d'autres documents.
Cette invocation à la terreur contre ceux qui détruisirent
l'œuvre de Sargon n'a pas eu d'application. Le fils de Sen-
nachérib s'installa à Ninive et l'œuvre du roi fut abandonnée.
Elle méritait un meilleur sort : la ville du Castel de Sar-
gon est le premier exemple d'une création personnelle et
individuelle exécutée d'après des principes réformateurs et
nouveaux, comme l'avait été à la même époque Ecbatane,
et comme plusieurs furent fondées, Constantinople et Saint-
Pétersbourg. Cet ensemble uniforme, fait d'une seule pièce,
est digne de notre admiration et de notre reconnaissance,
car la découverte de ce palais et de cette ville délaissées a
été l'origine de la science de l'assyriologie, et c'est de la
découverte de la fondation de Sargon que date la fondation
de la science nouvelle, si féconde en résultats et si grosse
en révélations futures. J. Oppert.
BiRL. : Botta, Monument de Ninive, 3 vol. in-fol. —
Plage, Ninioe et l'Assyrie, 3 vol. in-fol. ~ Oppert, les
Inscriptions de Dour-Sarkayan ; Paris, 1870. — V. aussi
la bibl. de Fart. Assyrie.
KHOS (V. KHAsetLAos).
KHOSREV, Une des formes arméniennes de Khosroès
(V. ce nom).
KHOSREV, homme d'Etat turc, mort le 26 févr, 4855.
KHOSREV — KHOSROÈS
— 520
Fils d'un esclave abkhose de Tamiral Koutchouk-Hosein, il
fut affranchi et devint pacha d'Egypte (1804). Il nomma
Mehemet Ali kaïmakan et fut bientôt expulsé par lui. En
1822, il était grand amiral ; c'est lui qui s'empara d'Jpsara
(1824), mais fut battu à Andros (1825). Il appuya Mah-
moud n dans ses réformes, fit noyer tous les janissaires
de la flotte. Il devint le personnage dirigeant de l'empire
ottoman. Nommé séraskier (ministre de la guerre), il réor-
ganisa l'armée avec Taide d'instructeurs prussiens. En
4838, il devint grand vizir, mais Abd-ul-Medjid le desti-
tua (1840), l'accusant de complicité dans des mouvements
insurrectionnels. Exilé à Rodosto, il redevint ministre sans
portefeuille en 1846 et mourut dans sa villa du Bosphore.
KHOSROÈS, KHOSROU,CHOSROÈS.Noffide plusieurs
souverains de la Perse et de l'Arménie. Les formes perses
données par es monnaies sont Khosrou, Khosrouï, Khos-
roud; le sens est incertain. Les Arméniens ont transcrit ce
mot par Osroe et Khosrov, suivant les époques, les Grecs
par Xo<jpor|Ç ; mais on trouve chez certains auteurs des
formes très altérées, comme Osroès, Osdroès,0sthroès, Kou-
saros, Cosdroôs, Oxyroès (Lucien). En arabe ce nom propre
est rendu par Kesra qui a été porté par plusieurs princes
musulmans du moyen âge ; mais on trouve plus souvent la
forme perse, comme : Khosrou Melek, Khosrou Chah chez
les Ghaznévides, Kai Khosrou chez les Seldjoucides, etc.
Nous ne nous occuperons dans les articles suivants que
des souverains qui sont connus dans nos histoires sous le
nom de Khosroès. E. Drouin.
KHOSROÈS l'Arsagide, roi parthe de la dynastie ar-
sacide (107-131 ap. J.-C). Son vrai nom paraît être Osroes;
c'est ainsi que le désignent Dion et les divers auteurs clas-
siques. On a vu au mot Edesse que le nom asiatique de cette
ville, Osroë, et de la contrée, Osroène^ provenait vraisembla-
blement du nom du satrape Osroès. Cette forme a donc existé
à côté de Khosroès et il est possible que celle-ci soit plus mo-
derne et ne remonte qu'à la fin des Sassanides. Khosroès
ou Osroès était frère de Pacore II et il lui succéda. Sa chro-
nologie est difficile à établir, attendu que ses monnaies,
quoique datées, ne portent que le nom d'Arsace, D'après
P. Gardner il régna de 107 (110 suiv. Gotschmid) à 131.
Il employa une grande partie de son règne à lutter contre
ses compétiteurs au trône et à défendre ses Etats contre
les prétentions de l'empire romain. La guerre éclata avec
Rome à propos de l'Arménie : Khosroès ayant dépos-
sédé Exedarès, roi de ce pays, soutenu par les Romains
pour donner la couronne à son propre frère Parthamasirus,
envoya des ambassadeurs à Trajan pour obtenir l'investi-
ture en faveur de ce dernier. Trajan qui était à Athènes re-
fusa de les recevoir et déclara la guerre aux Parthes. Il
traversa l'Asie Mineure et pénétra en Arménie (en 114);
le pays fut conquis et déclaré province romaine. Parthama-
sirus fut lue. Trajan s'empara ensuite d'Edesse dont il dé-
trôna le roi Abgar VII, et de la Mésopotamie. Ctésiphon,
la capitale des Arsacides, fut prise après un siège. Khosroès
s'enfuit, laissant sa fille et toutes ses richesses aux mains
de l'ennemi. Trajan réunit son armée et des députations
des divers peuples parthes dans une grande plaine voisine
de la ville, et, en leur présence, il proclama Parthamaspatès,
fils d'Exedarès, roi des Parthes. Cet événement est consa-
cré par une médaille de Trajan avec la légende REX PAR-
THIS DATUS. On sait que l'empereur romain s'empara
ensuite de tout le cours de l'Euphrate et du Tigre jusqu'à
la mer; mais Khosroès put ressaisir ses Etats. Les Parthes
se soulevèrent, et l'armée romaine, après avoir échoué
devant Hatra, dut se replier en déroute. Après la mort
de Trajan (117) Khosroès fit la paix avec Adrien qui du
reste abandonna toutes les conquêtes faites par Trajan au
delà de l'Euphrate, fleuve qui devint la limite entre les
deux empires. Plus tard, en 130, Khosroès obtint de l'em-
pereur romain la mise en liberté de sa fille et la restitution
du trône d'or des Parthes qui avaient été pris lors du siège
de Ctésiphon. Khosroès eut pendant son règne deux compé-
titeurs : un Meherdates (peut-être le Mithridate dont on a
des monnaies à légendes araméennes), frère d'Orodès,et Vo-
logèse. Ce dernier qui ne régna d'abord que dans les pro-
vinces de FE. de l'Iran, réunit toutes les provinces parthes
sous son sceptre à la mort de Khosroès (131); il régna ensuite
sous le nom de Vologèse lïl jusqu'en 158. E. Drouin.
BiBL. : LoNGPÉRiER, Mém. sur la Chronol. des rois
parthes arsacides, 1853, in-4. — P. Gardner, Parthian
Coinage^ 1877, in-4. — Gutschmid, Geschichte Irans^ 1888.
— S piEGK'L.Er anische Alterthumsk.^ 1878, t. III, p. 171.
KHOSROÈS l^"^ LE Grand, roi de Perse (531-579), de
la dynastie des Sassanides, fils de Kobad et d'une princesse
ephthalite, né vers 498-99, mort en 579. Quoique plus
jeune que ses frères, il fut associé à l'empire et désigné
comme successeur par Kobad dès l'an 513 (ainsi qu'en
fait foi une médaille d'or frappée à cette occasion et ré-
cemment découverte), mais il ne succéda en réalité qu'à
la mort de ce dernier en 531. Les mages ayant fait
quelques difficultés pour le reconnaître, il fit périr ses
frères et un certain nombre de nobles (Procope). Les
auteurs orientaux, pehlvis, arabes, persans et syriaques
le citent comme le modèle des rois et le comparent à
Salomon et à Alexandre. Il prit de son vivant le titre de
Anoushirvan, ISouchirvan^ nom sous lequel il est surtout
connu (en pehlvi, Anuchirubân, « à l'âme immortelle »).
Au moment de son accession au trône, la Perse était depuis
longtemps engagée dans une guerre contre l'empire byzantin,
« l'ennemi héréditaire », et en même temps contre les Huns
ephthalites qui ravageaient l'Iran oriental ; mais le pays
était épuisé par ces guerres et l'entretien d'une nombreuse
armée sur les frontières. Nouchirvan fit la paix avec Justi-
nien et profita de cette trêve pour faiï?e des réformes inté-
rieures ; il réorganisa les finances, fit refaire le cadastre
afin d'arriver à une meilleure répartition des impôts (Ta-
bari) et rétablit la discipline dans l'armée. Il s'attaqua en-
suite à la doctrine de Mazdak, hérésiarque qui avait été sou-
tenu par Kobad, et il poursuivit ses sectateurs ; le plus
grand nombre fut mis à mort et leurs biens confisqués. Les
frontières du N.-E. et du N.-O. de la Perse étaient ou-
vertes aux irruptions des Ephthalites d'un côté et des Huns
du Caucase de l'autre ; Khosroès visita lui -même les fron-
tières et fit construire des forteresses dans les défilés de
Derbend, le long de la mer Caspienne, à Sari, à Gourgan
et à Amol, sur le fleuve Oxus, dont le cours formait la
limite avec les Tatares. C'est à cette époque qu'il facilita
la fondation du petit royaume des Chervanides (V. ce mot)
pour protéger la frontière du Caucase.
En l'an 539, Khosroès reçut des ambassadeurs de la part
de Vitigès, roi des Goths, qui l'engageaient à déclarer la
guerre à Justinien ; les Arméniens, de leur côté, deman-
daient à être affranchis du joug des Ryzantins. Khosroès,
cédant à ces sollicitations, entra sur le territoire de l'Em-
pire avec une puissante armée et s'empara de la Syrie. An-
tioche fut pris et pillé, les habitants furent transf)ortés en
Babylonie et établis dans une ville qui fut fondée sous le
nom d'Antioche de Khosroès ( Weh Antiokh Khosrou, Rou-
miah des Arabes, dont l'emplacement est inconnu) en 540.
L'année suivante, il pénétra dans la Lazique et en chassa
les Romains ; la guerre continua ainsi pendant dix ans avec
Justinien, dans le Caucase, l'Arménie et la Mésopotamie.
Les sièges de Petra d'Ibérie et d'Edesse sont célèbres. Des
préliminaires de paix furent entamés entre les deux em-
pires et le traité ne fut signé qu'en 563, tout à l'avantage
des Perses. Dans cet intervalle, Khosroès avait tourné ses
armes vers l'Iran oriental et s'était rendu maître du Kabou-
listan, du Segistan et du Tokharistan (Afghanistan actuel)
jusqu'à riaxarte; mais il rencontra les Turcs qui venaient
d'apparaître sur le bord de ce fleuve. Grâce à leur concours,
il détruisit la puissance des Ephthalites (V. ce mot) qui
régnaient dans la Transoxiane depuis plus de cent ans (555);
à la suite de cet événement, il épousa la fille de Zingibou
Mokan, le khaqân des Turcs (V. dans Tabari et Firdousi
le récit très curieux de ce mariage dont naquit Hormis-
das IV). Le nom de cette princesse était Fakem ou Falegh
d'après Masoudi, Kaiem d'après les historiens arméniens.
- 521 —
KHOSRÔÈS
Mais cette amitié ne fut pas de longue durée : les Turcs
recherchèrent l'alliance des Byzantins. En 558, Askel(Yse-
, kikolo des Chinois) , un des khaqâns des Turcs Tou Kioue,
envoya une ambassade à Constantinople pour détourner
l'empereur de faire alliance avec les Avares. En 569, Zin-
gibou (que les auteurs byzantins appellent Dizaboul) envoie
de son côté, auprès de Justin II, une mission dont le chef
était Maniakh. Les historiens contemporains nous ont laissé
le souvenir de ces relations diplomatiques qui ont existé
entre Constantinople et les Turcs et notamment du voyage
de Zémarque en Asie centrale, tant au point de \ue du com-
merce de la soie dont les Perses voulaient conserver le mo-
nopole que contre Khosroès (574), mais celui-ci triompha
de ses ennemis : les Turcs furent battus sur les bords de
l'Oxus par le prince héritier Hormisdas, qui leur imposa
un traité; en même temps, l'armée coalisée des Byzantins,
des Arméniens, des Ibériens, des Mosches, des Alains et
des Lazes fut défaite en plusieurs campagnes successives
par Bahrani Tchoubin, général des armées perses (568-74).
Une trêve de trois ans fut alors conclue ; mais, dès 576,
Justin ayant refusé de payer le tribut, les hostilités recom-
mencèrent, cet tefois à l'avantage des Byzantins qui rem-
portèrent une grande victoire près de Mélitène sur les Perses ;
ils les poursuivirent jusqu'au delà du Tigre et sur les bords
de la mer Caspienne, et pénétrèrent même en Hyrcanie.
Khosroès proposa la paix à l'empereur Tibère II qui avait
succédé en 578 à Justin II, mais après une courte suspen-
sion d'armes, les hostilités recommencèrent en Mésopota-
mie et ne cessèrent que l'année suivante, par la mort de
Khosroès (579).
En dehors des guerres avec Byzance, il faut citer parmi
les principaux événements du règne de Khosroès : la révolte
de l'un de ses fils, Anôshazâd (« le fils de l'Immortel »,
Avaaco^aSoç deProcope), qui avait tenté de s'emparer du
trône et qui fut tué dans une bataille (560) ; la guerre
contre les Homérites ou Himyarites du "Yémen, qui étaient
les alliés des Byzantins et avec lesquels Justinien avait créé
des relations au point de vue du commerce de la mer Rouge
et de l'océan Indien. Les historiens (grecs, syriaques,
arabes) sont très peu précis et souvent contradictoires sur
ces événements. Il est certain toutefois que Khosroès se
rendit maître du S. de l'Arabie vers 576 et que le Yémen
tomba sous la dépendance de la Perse et resta gouverné par
des princes persans jusqu'à 640. D'après les auteurs mu-
sulmans, Khosroès alla jusque dans l'Inde où il fut accueilli
triomphalement à Moultân ; il revint en Perse par le Mekrân
et le pays des Beloutchi. C'est à la suite de ce voyage qu'il
reçut d'un raja (que le Modjmel appelle Dâbshelin) de nom-
breux présents, parmi lesquels de la soie, du satin et un jeu
d'échecs (tchatrandj) sur l'origine duquel Firdousi donne
de curieux détails ; en même temps, Bouzourdjmir, con-
seiller intime du Nouchirvân, inventa en Perse le jeu de
trictrac (nard). De son côté, Nouchirvân envoya dans
l'Inde un mobed nommé Barzouï qui rapporta de cette con-
trée le fameux livre de contes, Kalila et Dimna^ qui fut
de suite traduit du sanscrit en pehlvi et plus tard en arabe
et dans plusieurs autres langues. Dans de nombreuses ver-
sions que l'on possède de ce livre célèbre, le nom de Anou-
chirvân a été altéré en Xirben, Nixhuen, Anastres Kasri, etc.
(V. l'éd. latine de J. Derenbourg). Les auteurs orientaux
prêtent à Nouchirvân une série de discours, de lettres et de
sentences sur la morale et la politique. La littérature pehl-
vie a même conservé le texte d'un prétendu testament reli-
gieux de ce roi (l'original pehlvi a été publié avec une tra-
duction anglaise en 1887 par M. Casartelli). Enfin, dans un
discours attribué à Khosroès, Barhebrœus fait de ce sou-
verain un chrétien attirant les chrétiens à sa cour et pro-
tégeant à la fois le christianisme et le zoroastrisme. Il est
intéressant de mentionner aussi les lettres que le faghfour
de la Chine et le roi de l'Inde ont adressées à Nouchirvân
ainsi que les présents merveilleux qu'ils lui envoyaient
(Masoudi, Mirkhond, Firdousi).
Numismatique. — On possède une série complète des mon-
naies d'argent de Khosroès P"* avec mention des années de
règne depuis l'an I jusqu'à l'an XLVIII ; elles portent sim-
plement pour légende Khusrui afzu, « que K, vive ! »
Monnaie d'argent de Khosroès I*"", Anouchirvân, frappée
Tan 43 du règne.
avec, au revers, le nom de l'atelier monétaire et la date. Il
existe au musée de l'Ermitage une très belle médaille en or
où le souverain est représenté de face, le nom est écrit
Khusrudi et la date est de l'an XXXIV du règne. D'après
M. de Longpérier, la belle coupe en cristal gravé et orné
de pierres précieuses qui est au Cabinet de France, est de
l'époque de Khosroès P"*. E. Drouin.
BiBL. : Lebeau, Hist. du Bas-Empire, éd. Saint-Martin,
t. VIII, IX et X. — Les auteurs byzantins et orientaux,
notamment Firdousi, Liure des JRois,Strad. Mohl,t. VI, et
Tabari, trad. Noeldeke et Zotenberg. — Spiegel, Eran,
Aller thumshunde^ t. III, 1878. — Les historiens armé-
niens, dans les Recueils de V, Langlois et de Brosset.—
Rehatsek, Chrislianily in Ihe Persian Dominion^ 1877.
KHOSROÈS II Parviz, «\e?msmt » (Khosroii Aber-
viz des Arabes), roi de Perse (590-728), fils d'Hor-
misdas IV qu'il fit périr et auquel il succéda en 590 à
la suite d'une révolution; mais il eut à compter, dès
son arrivée au trône, avec le rebelle Bahram Tchoubin
(V. ce mot), général des armées devenu puissant à la
suite de ses victoires et qui s'était fait proclamer roi de
Perse. Khosroès lui adressa un ultimatum dont le texte
curieux nous a été conservé par l'historien Simocatta,
mais il fut obligé de s'enfuir en Mésopotamie, poursuivi
par les troupes de Bahram et il ne fut sauvé que par le
dévouement de son oncle Bindoïé. Il se retira sur le terri-
toire byzantin, à Edesse, puis à Circésium sur l'Eu-
phrate et demanda sa protection à l'empereur Maurice
Tibère, promettant de lui céder l'Arménie et les fameuses
citadelles, objet de tant de luttes sous Nouchirvân et sous
Hormisdas : Dara et Martyropolis. Ses propositions furent
acceptées malgré les efforts des envoyés de Bahram. Mau-
rice lui donna (Masoudi, II, 220) deux millions de pièces
d'or et une armée de cent mille cavaliers commandée par
l'Arménien Narsès. Khosroès put de son côté rassembler
des troupes à Nisibe et en Arménie sous le commandement
de Mebodès ; il se porta à la rencontre de Bahram et lui
infligea une sanglante défaite à Ganzak. Bahram put
s'échapper le long du S. de la mer Caspienne et se réfugia
chez les Turcs où il commença sa vie d'aventures roma-
nesques qui ont défrayé les légendes persanes (594).
A peine débarrassé de ce rival, Khosroès eut encore à se
défendre contre les prétentions de son oncle Bestam(\. ce
mot) qui chercha à le détrôner et qui parvint à se faire
reconnaître et à se maintenir roi dans le Khorassan jus-
qu'en 597.
Du côté de l'empire byzantin, Khosroès resta le fidèle allié
de son protecteur, dont il épousa la fille, la princesse Ma-
rie ; mais, en 602, Phocas ayant usurpé le trône de Byzance
après avoir fait massacrer Maurice et toute la famille impé-
riale, Khosroès fut obhgé de reprendre les armes. La guerre
éclata et, pendant plus de vingt ans, ne fut plus qu'une
longue suite de dévastations et de pillage dont l'Arménie
et les villes de Dara, Edesse, Hiérapolis furent les vic-
times. Après la mort de Phocas, en 610, la guerre continua
en Syrie et jusqu'en Egypte. Le général Chahrbaràz, gendre
de Khosroès, se rendit maître de Jérusalem dont il emmena
les habitants en captivité ; le bois de la vraie croix fut en-
KHÛSROÈS
522
levé (644). 11 pénétra ensuite en Egypte, prit Alexandrie,
et son armée se répandit jusqu'en Nubie. L'occupation perse
dura près de trois ans (615-618) (c'est à cette période qu'ap-
partiennent les papyrus pehlvis trouvés au Fayoum en
4882). Chahrbarâz repassa en Asie, fit le siège de Chalcé-
doine et, pendant quatre ans, parcourut toutes les provinces
orientales de l'empire byzantin sans rencontrer de résis-
tance. Mais en 622 Héraclius prit sa revanche, et, après
avoir battu les Perses sur les frontières de la Petite- Armé-
nie, il ravagea l'Atropatène, la Médie et l'Albanie. Chahr-
barâz fut de nouveau défait en 625. Khosroès forma alors
trois nouvelles armées dont l'une devait faire sa jonction
par mer à Byzance avec les Avares et les Bulgares, mais
ces armées furent successivement détruites par Héraclius
qui franchit le Tigre et arriva jusqu'à Dastagerd, une des
résidences royales qui fut prise et pillée. Khosroès se
réfugia en Susiane avec ses femmes, sa famille et ses tré-
sors et il envoya à son général qui était resté en Asie Mi-
neure l'ordre de venir à son secours. Le message fut inter-
cepté par Héraclius, et Chahrbarâz ne put venir en temps
utile. Khosroès fit alors une nouvelle levée de troupes dont
il confia le commandement àGournadaspe (628) ; mais l'un
des fils du roi, Kobad Cliiroïé, se révolta, et les deux chefs
d'armée, Gournadaspe et Chahrbarâz, se joignirent à lui.
Khosroès fut déposé et jeté en prison. D'après Tabari,
cette fin lui avait été prédite par le Prophète. Ayant reçu
une lettre de Mohammed qui l'engageait à embrasser l'isla-
misme, Khosroès déchira cette lettre et traita avec mépris
le messager Abdallah ben Hodafah. En apprenant ce fait,
Mohammed s'écria : « H a déchiré son royaume. » Khosroès
écrivit alors au gouverneur persan du Yémen pour lui don-
ner l'ordre de s'emparer du Prophète, mais c'est sur ces
entrefaites qu'il fut détrôné.
La fin de Khosroès H est racontée en détails par les
historiens orientaux. D'après Tabari, que la plupart des
auteurs ont copié, Chiroïé envoya à son père, en prison
dans le château de Makhourch (Masoudi, VH, 298), une
série de messagers lui demandant compte de ses actions, et
le vieux roi répondait chaque fois en repassant les princi-
paux événements de son règne et en cherchant à justifier
ses actes comme les meurtres dont on l'accusait, ce qui
nous donne l'occasion de connaître bien des détails d'ad-
ministration intérieure qui, sans cela, seraient restés igno-
rés. Finalement, après tous ces interrogatoires, il fut assas-
siné sur l'ordre de son fils (févr. 628) par un nommé
Mir-Hormuzd que Chiroïé fit ensuite périr à son tour.
Khosroès laissait plusieurs femmes, entre autres la fameuse
Chirin et Gourd ieh, la sœur de Bahram, toutes deux célè-
bres dans la poésie orientale, et de nombreux enfants (17
ou 19 suivant les auteurs) que Chiroïé fit tous massacrer
afin d'éviter toute compétition au trône ; deux de ses sœurs,
Borân et Azermidokht, nées comme lui de la princesse
Marie, furent seules respectées. De même que Khosroès F"*
est resté célèbre par son amour pour les sciences et sa sa-
gesse, de même son petit-fils le fut pour son luxe, ses ri-
chesses et ses nombreux trésors situés dans plusieurs villes
et qui consistaient dans l'amoncellement de pièces de mon-
naie, de lingots et de pierres précieuses; il possédait aussi
plus de mille éléphants blancs de haute taille. Les auteurs
persans se complaisent dans la description de tous ces
objets éblouissants.
Khosroès Parviz est-il allé dans l'Inde? Les auteurs sont
muets sur ce point. Firdousi seul dit qu'il recevait des tri-
buts de la Chine et de l'Inde ; d'après les annales chinoises
il envoya une ambassade au Fils du Ciel en 617. La ques-
tion du voyage dans l'Inde a été posée et résolue dans le
sens affirmatif par Fergusson dans sa description des fres-
ques de la grotte d'Ajanta, près de Bombay (Journ. asiat.
du Bengale, 4879). Une de ces fresques représente le roi
assis, revêtu du cosiumesassanide, ayant à sa droite Chirin,
son épouse préférée ; sur une autre fresque est un roi de
l'Inde, peut être Pulukesha-Parameça, roi du Maharastra,
contemporain de Parviz, recevant des ambassadeurs per-
sans. Il existe en outre au musée de Vienne (Autriche) une
monnaie d'argent à deux bustes représentant à l'avers Khos-
roès Parviz de face et au revers une divinité indienne, peut-
être le dieu soleil (Aditya) qui avait un temple très cé-
lèbre à Moultàn. Cette pièce datée de l'an XXXVI du règne
a été très vraisemblablement frappée dans l'Inde à la suite
d'un voyage de Parviz au temple d' Aditya (V. fig. ci-
dessous). Enfin les premiers historiens musulmans, comme
le Tchatch-nâmeh, Masoudi, Ferishta, qui ont raconté la
conquête des provinces de l'indus et du Sindh par les Arabes,
mentionnent un roi Nimrouz qui aurait été vainqueur du
râi de Kaboul, Sahasi, vers l'an 595. Ces diverses considé-
rations militent en faveur de l'hypothèse d'un ou de plu-
sieurs voyages ou expéditions de Khosroès II de l'autre côté
de rindus.
Comme pour Nouchirvân, on possède la série monétaire
de toutes les années du règne de Parviz de l'an I à
l'an XXXVIII. Le type de ces monnaies, avec le mot Khos-
Médaille d'argent de Khosroès II Parviz, avec le dieu so-
laire Aditya au i^, frappée dans l'Inde, Fan 36 du règne.
roui, a été adopté par les gouverneurs arabes pour les mon-
naies qu'ils ont fait frapper en Perse, jusqu'à la fin du
vii^ siècle. E. Drouin.
BiBL. : V. Khosroès I«»*,
KHOSROÈS \^'' (Khorov), dit le Grand {vezerg), roi
d'Arménie, fils de Varghash ou Vagharsh auquel il succéda
en 498 ap. J.-C. (214 d'après l'historien Te amitch). Va-
gharsh avait été tué au delà du Caucase, dans une bataille
contre les Huns et les Alains ; Khosroès soumit ces barbares
et fortifia les défilés de Djor et de Derbend pour protéger
l'Arménie contre leurs invasions. En 225, Ardéchir Babe-
kân fonde en Perse la dynastie sassanide ; tous les malkâ
ou rois parthes sont successivement battus et tués par Ar-
déchir qui prit alors le titre de « roi des rois » {malkân
malkâ), Khosroès donna asile aux princes arsacides,
leva même des troupes pour venger le dernier souverain,
Ardevân le Pehlvi (Artaban VI) ; il essaya en même temps
de soulever la Bactriane dont les gouverneurs étaient de la
famille arsacide (V. dans Agathange le récit de son am-
bassade), mais ce fut sans succès. Aidé des Romains qui,
sous Alexandre Sévère, s'avançaient sur les bords de l'Eu-
phrate, il espérait renverser Ardéchir, mais les deux ar-
mées romaine et arménienne furent détruites, et Khosroès
fut assassiné peu après en 239, à Khalkhal, au N. de
l'Araxe, par un de ses parents, Anag, qu'il avait recueilli
et qui était vendu au roi de Perse. Les Arméniens,
irrités de cette trahison, massacrèrent Anag et toute sa
famille sauf deux de ses fils dont l'un devint plus tard
Grégoire l'Illuminateur. L'armée perse entra en Arménie ;
Tiridate, fils de Khosroès, encore enfant, fut envoyé à Rome.
L'Arménie resta sans roi légitime de 239 à 259, date de
l'avènement de Tiridate ou Dertad.
KHOSROÈS II (Kotac), dit le Petit, roi d'Arménie
(314-325), fils de Tiridate H le Grand. Ce règne tut em-
ployé à repousser les invasions des Huns, des Massagètes,
des Alanis qui, à plusieurs reprises, et à l'instigation du roi
des Perses, avaient envahi l'Arménie. Sanesan, chef des
Huns, que Moïse de Khorène appelle Sanadrug, fut vaincu
et tué, et les Barbares repassèrent le Caucase. Khosroès II
eut pour successeur son fils Diran II.
523 -
KHOSROÈS - KHOVANSKY
KHOSROES III, roi d'Arménie (387-415). Lors du
partage qui eut lieu en 387 entre les Romains et les
Perses, Arshag IV, qui était roi d'Arménie depuis 383,
fut conservé comme souverain de la partie occidentale du
royaume sous la suzeraineté de Constantinople, et Sapor III
confia la partie du royaume qui lui était échue à Khosroès,
issu d'une branche collatérale des Arsacides, et lui donna
.en mariage sa sœur Zervandokht. Peu de temps après,
Khosroès ayant manifesté des idées d'indépendance, Sapor
le fit déposer et l'envoya prisonnier dans le château de
l'Oubli, enSusiane, où il resta vingt-deux ans (392-414).
Après cette longue captivité, il fut rendu à la liberté et
rentra en Arménie où il succéda à Vramshapouh, mis à sa
place en 392. Il mourut en 415 et eut pour successeur Sha-
pouh,filsde tesdegard I^'', des Sassanides. E.Drouin.
BiBL. : Agathange, Moïse dp: Khoren, Zenob de Glag,
Faustus DE Byzance, La/are de Pharbe, dans la Collec-
tion des Histor. d'Arménie de V. Langlois (V. Arménie).
KHOSROU. Nom des deux derniers sn\i2im ghazné vides
(V. ce mot).
KHOSROU Melik, sultan d'Egypte (V. ce mot).
KHOTAN ou KHOTEN. Province du Tiirkestan chinois
(V. ce mot), qui emprunte le nom de la ville cV litchi ou Kho~
tan. Celle-ci est une ville de 40,000 âmes, située sur le
Khotanclaria^ affluent droit du Tarim, à la limite du désert
de Takla makan, à l'E. de la grande route de caravanes de
Kachgar à l'Inde (V. Asie). Fabrication et commerce de
soieries, de lainages, de feutres, de tapis, etc. ; exportation
de jade. Ce fut la capitale d'un khanat indépendant (V. Tur-
kestan).
BiBL. : RÉMUSAT, Histoire de la ville de Khoten. —
Klaproth, Histoire de la ville de Khoten, dane Mél. rela-
tifs à l'Asie, t. II, pp. 281-301. — J.-H. Wathen, Notices
of Chinese Tartary and Khoten^ dans Chinese Repository^
vol. XII, pp. 236-237. — W.-H. Johnson, Report on his
journey to llchi the capital of Khotan, in Chinese Tartary^
dans Journ. Roy. Geog. Soc, 1866, vol. XXXVII, pp. 1-7.
KHOTBA. Sorte de prône qui se dit dans chaque grande
mosquée à l'issue de la grande prière du vendredi. A
l'origine, c'était le khalife lui-même qui, dans une courte
invocation, appelait les bénédictions du ciel sur sa propre
personne et sur celle du Prophète. Cet usage s'est main-
tenu, mais en se modifiant légèrement : le souverain, qui
était d'abord de plain-pied avec les fidèles, s'est placé au
haut d'une chaire pour prononcer son invocation, puis il a
souvent renoncé à la faire lui-même, laissant ce soin à un
délégué appelé khâtib. Il est admis que l'on ne doit pro-
noncer dans la khotba d'autre nom que celui du souverain
spirituel de l'Islam, et le plus souvent cette règle a été
suivie. Cependant, à diverses reprises, on a contrevenu à
ce principe : tout prince musulman indépendant s'est cru
autorisé à ne mentionner que son propre nom dans la
khotba, et c'est même à ce signe qu'on a pu reconnaître
qu'il se déclarait libre de tout lien de vassalité. Parfois,
encore, le monarque ajoute son nom à celui du chef spiri-
tuel, dont il admet ainsi la suzeraineté nominale, tout en
lui déniant une autorité réelle. Le droit de frapper monnaie
et celui de se nommer dans la khotba ont toujours été con-
sidérés, en pays musulman, comme les attributs essentiels
de l'autorité souveraine. 0. Houdas.
KHOTIN, CHOCIIVI ou CHOTYN. Ville de Russie, pro-
vince de Bessarabie, ch.-l. de district, rive droite du
Dniestr, sur la frontière de Galicie ; 20,000 hab. Ce fut
la plus septentrionale des colonies génoises, puis la place
forte des Turcs, en face de Kamenetz-Podolski. La citadelle
génoise, bâtie au xiii« siècle, subsiste à côté de la ville.
Khotin a joué un grand rôle dans les guerres entre Turcs,
Polonais, Russes, Autrichiens. Les rois polonais, Vladys-
lav IV et Jean Sobieski, y défirent les Russes en i62f et
4673 ; le général autrichien Munnich les y vainquit aussi
le 28 août 1739 ; les Russes y furent battus le 30 oct.
1768, mais prirent la ville l'année suivante. En 4788, elle
fut prise par les Autrichiens, en 4806 par les Russes,
auxquels la paix de Bucharest la laissa (1842).
KHOUANS (V. Confréries musulmanes).
KHOUFOU, le Chéops d'Hérodote et le Souphis de Ma-
néthon, pharaon de la IV^ dynastie. C'est en son hon;ieur
que fut élevée la plus grande des pyramides de Gizeh.
L'histoire de son régne nous est inconnue.
KHOULM ou TACHKOURGAN. Ville du Turkestan
afghan, sur la rivière de ce nom et la route de Balkh à
Koundouz ; 10,000 hab. La ville moderne est à 8 kil. des
ruines de l'ancienne, au milieu de vastes jardins. Com-
merce de peaux. Ce fut la capitale d'une principauté con-
quise par les Afghans vers 4860 ; cette province a environ
300,000 hab.
KHOUNZAK. Ville du Caucase russe, province de Da-
ghestan, sur un promontoire rocheux, à 440 kil. N.-E.
de Derbent ; ancienne capitale du khan des Avars ; fort
russe.
KHOURDJA. Ville de l'Inde anglaise, prov. du Nord-
Ouest, sur lechemin de fer d'Allahabadà Delhi ; 30,000 Iiab.
Grand marché agricole. Beau temple djaina.
KHOURIAN MouRiAN. Iles delà côte S. d'Arabie, entre
les caps Hassik et Chirbédat. On compte trois îles et quatre
îlots, mesurant ensemble 55 kil. q. Ces îles sont rocheuses,
très élevées, peuplées par les Béni Ghabah qui parlent un
dialecte particulier. Les anciens les appelaient îles Zéno-
bieïmes .
KHOURKHA ou MOUTANHO. Rivière de l'empire chi-
nois (Mandchourie), affluent droit de la Soungari ; né près
des monts Chan-Alin, sous le nom de Lefoiitchi, il prend
ensuite celui de Tjouldoud-khoun, puis de Moutanho, après
avoir formé le lac Birtin, arrose Ningouta et finit près de
Sansing.
KHOURKHOU. Montagnes de l'empire chinois, au S. de
la Mongolie, formant le prolongement oriental du maiisif
de l'Altaï qui le relie aux monts In-chan; elles dominent
de 300 m. le désert de Gobi, ont à peine 40 kil. de large.
Elles sont formées de schistes, de syénite et de porphvre.
KHOUTOU. Pays de l'Afrique orientale, à 400 kif. 0.
de la côte de Zanzibar, au N. de la Kingani.
KHOUWAL (V. Ghawazi).
KHOUZOU ou HAZOU. Ville de Turquie d'Asie, vilayet
de Diarbékir, sur le Yézidjana, affluent gauche du Tigre.
Château ; pèlerinage arménien.
KHOUZISTAN ou ARABISTAN. Géographie, — Pro-
vince du S.-O. de la Perse, sur le golfe Persique, corres-
pondant à l'ancienne Susiane ; 100,000 kil. q. Le
Khouzistan est compris entre le Farsistan et l'Irak-
Adjémi à l'E., le Louristan au N., l'Irak-Arabi (Turquie)
à i'O., la mer au S. Le N.~E. est montagneux, le S.-O.
occupé par la plaine basse du Chatt-el-Arab ; entre les
deux est une zone de collines, admirablement arrosée et
très fertile. Les principaux cours d'eau sont la Kerkha et
le Karoun, affluent du Chatt-el-Arab, puis le Djerahi et le
Tab Hindiyan ou Zobreh. La population est formée de
Leurs dans la montagne, d'Arabes dans la plaine ; les
premiers se divisent en quatre tribus (Feili, Bakhlyari,
Kouhghélu, Mammasenni) ; les seconds en deux (Beni-
Lam, Tchab). Les principales villes sont le ch.-l. Chouster,
puis Dizfoul, Ahouaz, Babahan, Mohammera. A. -M. B.
Histoire (V. Elam, Susiane et Perse).
BiBL. : Layard, Description of the prov. of Khuzists.n^
dans Bull. Soc. géogr. de Londres, 1846, t. XVI. — A. j^e
BoDE, Travels in Luristan and Arabisian: Londres, 1845,
2 vol.
KHOVANSKY (Ivan-Andréevitch), prince russe qui vivait
aux XVI® et xvii® siècles. Il prit part aux guerres de la pé-
riode dite des troubles, commanda la ville de Riazan et
lutta contre les Polonais. — Un autre Ivan-Andréevitch
vivait dans la seconde moitié du xvii® siècle. Il dirigeait le
service des mousquetaires (Strieltsy). Sa popularité le ren-
dit suspect à la tsarine Sofie. On l'accusa d'aspirer au
trône pour son fils André. Tous deux furent décapités le
47 sept. 4582.
KHOVANSKY ( Alexis- Andréevitch), savant russe con-
temporain. Il a fondé en 4864 une revue intitulée Mé-
moires philologiques. Ce recueil publié à Voronèje a
KHOVANSKI — KIA-KING
— 524
rendu de grands services. En 1888 a paru un index gé-
néral des articles parus depuis la fondation. M. Khovansky
a collaboré assidûment à ce recueil.
KHOVARISWII (Abou-Djafar Mohammed ibnMousa Al-),
mathématicien arabe du ix® siècle, dont le nom ethnique
(du Khovarcsm) est l'origine du mot algorithme, parce
que ce sont ses ouvrages qui, traduits au xi^ siècle par
Adelhard de Bath et Gérard de Crémone, ont fait connaître
les procédés de calcul avec les chiffres modernes. La tra-
duction latine de l'arithmétique de Mohammed forme le
premier des Trattati d'aritmetica, publiés par le prince
Boncompagni. L'algèbre, rédigée auparavant, a été publiée
en arabe avec une traduction anglaise par Bosen (Londres,
4831). Mohammed, qui vivaitàlacourdukhalifeAlmamoun,
a également traduit vers 720 le Siddkanta de Brahma-
goupta, ouvrage astronomique {Sindhind des Arabes), et
composé des tables astronomiques qui ont été célèbres en
Orient, et qu'Adelhard de Bath fit connaître en Occident.
Les écrits d'Alkhovarismi ont ainsi exercé une grande in-
fluence ; ils méritent, par leur clarté et leur méthode, la
réputation dont ils ont joui. La tradition de la science
grecque s'y trouve, au reste, mélangée avec les emprunts
aux ouvrages hindous, de même qu'en astronomie, en dehors
de VAlmageste et du Sindhind, Mohammed paraît avoir
utilisé des travaux dus aux Perses. T.
KHOZARS (V. Khazares).
KHOZDAR. Ville du Beloutchistan, province de Djela-
van, à 1,150 m. d'alt., dans une vallée des monts Brahoui ;
2,500 hab. Ancien ch.-l. de la province, à un carrefour
de routes (Soumiani à Kelat et de l'Inde au Mekran) ; cita-
delle avec garnison anglaise. A l'O., anciennes mines de
plomb et d'antimoine de Sékran.
KHRISTITCH (Philippe) (V. Chrisïitch).
KHROUB ou KHROUBS (Le). Village d'Algérie, dép.
et arr. de Constantine, à 16 kil. S. de Constantine, sur
une colline dominant le Bou-Merzoug, une des branches
duRummel, à 625 m. d'alt. ; chef-lieu d'une com. de plein
exercice de 9,340 hab. dont 436 Français et 200 Euro-
péens. Village annexe de El-Haria. Il doit son nom, à ce
qu'il semble et qui paraît être en réalité Khouroub, c.-à-d.
masures , décombres , à quelques ruines romaines sur
l'emplacement desquelles il a été élevé. Le pays alentour
est riche en bestiaux, en cultures maraîchères et de céréales.
Le village a surtout prospéré parce qu'il est le point de
raccordement des lignes ferrées de l'Est-Algérien et de
Bône-Guelma ; il s'y tient chaque vendredi un marché aux
bestiaux qui est un des plus importants de l'Algérie.
KHROUMIRS. Tribu tunisienne (V. KroumÎrs).
KHSOOU (V. Xoïs).
KHVALINSK. Ville de Russie, gouvernement de Sara-
tov, rive droite de la Volga; 20,000 hab. Port fluvial;
marché agricole.
KH VA LIS ES. Ancien peuple de la Russie, habitant
du côté de la mer Caspienne, que les chroniques appellent
mer Khvalisienne. Les Khvalises sont considérés comme un
peuple impur, c.-à-d. de race touranienne. Ils ont disparu
de bonne heure. Leur nom paraît se retrouver dans celui
de la ville de Khvalynsk (gouvernement de Saratov).
K H VOLS ON (Daniel), orientaliste russe, né à Vilna le
10 déc. 1820. D'originejuive, il étudia à Breslau (1820),
Vienne (1847), Saint-Pétersbourg (1850), se convertit au
christianisme (1855), devint professeur à l'université et à
l'académie religieuse (1858). Il a publié : Die Ssabier und
das Ssabismus (Saint-Pétersbourg, 1856, 2 vol.); Die
Ueberreste der altbabylonischen Litteratur in ara-
bischen Uebersetzungen (1859) ; Accusations portées
au moyen âge contre les Juifs (en russe, 1861) ; Die se-
mitischen Vœlker (Berlin, 1872) ; la Cène et la Mort
du Christ {en russe, k'^éà., 1880) ; Corpus inscriptionum
hebraicarum (de Crimée, 1882); les inscriptions funé-
raires syriennes de Ssemiretchié (1886), etc.
KHVOSTCHlNSKAlA(Nadechda-Dmitrisevna)(V.KRES-
KHVOSTOV (Dmitri-Nicolaiévitch, comte), poète russe,
né en 1757, mort à Saint-Pétersbourg en 1835. Il servit
dans l'armée de Souvorov et reçut du roi de Sardaigne le
titre de comte. De 1804 à 1806, il dirigea un recueil, l'Ami
de f instruction. Outre des traductions de Racine et Boi-
leau, il a publié des Impressions de voyage et des Poé-
sies (Saint-Pétersbourg, 1817-18, V^ éd. ; 1821-27,
4 vol., 2*^ éd.). Quelques-unes d'entre elles, qui célèbrent
les triomphes des armées russes, furent traduites en fran-
çais, en anglais et en allemand (V. catalogue des Russica
de la Bibliothèque impériale de Saint-Pétersbourg ; Saint-
Pétersbourg, 1873).
KHYENG, KAKYEN ou TCHING. Peuplade sauvage de la
Birmanieiy . ce mot, t. VI, p. 916, et Asie, t. IV, p. 122).
Kl, empereur chinois (V. Hia).
KIACHTA. Bourgade de Russie, située à la frontière du
Céleste-Empire, non loin de la rive droite de laSelenga.
Kiachta est contiguë à la ville chinoise de Mai-mai-tchen ;
elle tire son importance du fait qu'elle est le point où pé-
nètre dans le territoire russe la grande route qui, venant
de Péking, traverse la Mongolie en passant par Kalgan et
Ourga ; la majeure partie du commerce entre la Russie et
la Chine suit cette voie. Au mois d'août 1892, une conven-
tion conclue entre le comte Cassini, ministre de Russie à
Péking, et le Tao-tai Cheng, directeur des télégraphes
chinois, a stipulé que la Chine et la Russie devraient être
réunies télégraphiquement sur trois points de la frontière;
de ces trois jonctions, celle de Kiachta sera la dernière,
mais elle devra être faite au plus tard dans un délai de cinq
ans à dater de la signature de la convention. Ed. Cii.
Kl A~H I N 6-Fou. Ville de Chine, prov. de Tché-kiang, sur
un canal à 45 kil. S.-E. du lac Taï-hou. Belle ville sillon-
née de canaux et ornée de galeries couvertes, portiques, arcs
de triomphe. Un des centres de la fabrication et du com-
merce de la soie.
KlAl'-TcHÉou. Ville de Chine, au S. de la prov. de Chan-
si, à 25 kil. du dernier coude du Hoang-ho, près du lac
Sou-tsou ou Sao-tchi. Importante place de commerce.
KIAJNA (Despina), princesse roumaine, fille du prince
de Moldavie, Pierre Rarech, et de sa femme Hélène. Elle
épousa le prince de Valachie, Mircea Ciobanul et con-
duisit les affaires de ce pays pendant les règnes de ses
fils, Pierre le Boiteux et Alexandre, et de son petit-fils,
Mihnea. Elle mourut vers l'année 1580. Femme d'une
extraordinaire énergie, elle prit part à des combats et
n'égala que par sa corruption sa persévérance et son dis-
cernement politique. M. A.-J. Odobescu a écrit une nou-
velle historique : la Princesse Kiajna, N. J.
BiBL. : A.-D. Xenopcil, Hist. des Roumains, en rou-
main, II et III.
KIAKHTA (V. Kiachta).
K1A-KIAN6 ou TCHAN6. Rivière de Chine qui traverse
du S. au N. la prov. de Kiang-si et se jette dans le lac
Poyang ; elle passe à Kan-tchéou, Ki-ngan et Nan-tchang,
reçoit à gauche le Tchang, le Loui-choui, le Tcho-kiang,
le Sieou-ho ; à droite, le Mei-kiang et le Tonng-kiang.
Navigable dans toute sa longueur, elle fournit la grande
voie transversale N.-E. du bassin du Yang-tse-kiang.
KIA-KING, cinquième empereur (1796-1 820) de la dynas-
tie mandchoue des Tsing actuellement régnante en Chine.
Il était fils de l'empereur Kien-longqui abdiqua en sa faveur
le 8 févr. i796 et continua à lui donner ses conseils jus-
qu'à sa mort en 1799. Le règne de Kia-king est fort peu
glorieux ; ce souverain, adonné à la boisson, ne fit rien
pour augmenter le prestige de la Chine à l'extérieur ; au
dedans, il ne sut ni établir fermement son autorité, ni ga-
gner le cœur de ses sujets. De 1802 à 1809, les côtes du
Fou-kien, du Koang-tong et du Tche-kiang furent désolées
par des pirates dont les principaux étaient le fameux Tsai
Kien, qui se donnait le titre de roi au prestige guerrier
{Wei ou 2vang), et Tchou Pen, qui s'appelait le roi du
Sud des mers (Hai nan wang) ; ce ne fut qu'à grand'peine
que les autorités chinoises parvinrent à mettre fin à leurs
déprédations. En i 8 14, un complot se trama contre l'em-
pereur dans les trois provinces deTche-li, Ho-nan et Chan.
long ; la société secrète du Nénufar blanc (pe lien kiao)
en était, dit-on, l'instigatrice; le seizième jour du neuvième
mois, les conjurés s'introduisirent par ruse dans l'intérieur
même du palais ; l'empereur se trouvait absent, car il était
allé à Moukden visiter les tombes de ses ancêtres. Son second
fils, Mien-ning, qui devait être plus tard l'empereur Tao-
koang, se mit à la tête des eunuques et des gardes restés
fidèles à son père, et, par son énergie, réussit à repousser
les assaillants. Dans les provinces, la répression fut longue
et ce ne fut que l'année suivante, en 4845, que le général
Yang Fang soumit les derniers rebelles. En 1816, le gou-
vernement anglais envoya auprès de Kia-king lord Amherst
pour le complimenter sur la fin de l'insurrection et pour
lui expliquer les motifs de l'intervention britannique dans le
Népal ; l'ambassadeur étranger quitta Péking sans avoir
été reçu par l'empereur parce qu'il avait refusé de se sou-
mettre au cérémonial humiliant qu'on voulait lui imposer.
Kia-king mourut le 2 sept. 1820. Ed. Ch.
KIA-LING. Rivière de Chine, affluent gauche du Yang-
tse-kiang, qui sort des monts Tsing-ling, traverse le S.-U.
du Chen-si et l'O. du Sse-tchouen, où il reçoit le Hé-choui
et finitàTchoung-king. Navigable dans tout le Sse-tchouen,
il crée une route entre les bassins du Yang-tse-kiang et
du Hoang-ho.
KlAMA. Ville maritime d'Australie (Nouvelle-Galles du
Sud), comté de Camden, 3,000 hab. (8,100 pour tout le
district) ; à 146 kil. de Sydney, où conduit le chemin de
fer. Production de lait et de beurre.
KIAWIA. Ville du Soudan (Borgou), au confluent de la
Bénoué et du Kouara; 30,000 hab. Etablissement an-
glais.
KIANG-KA ou MERKAM. Ville du Tibet oriental, prov.
deKham, bassin du Yang-tse-kiang. Résident chinois.
KIANG-NAN. Une des quinze provinces de la Chine
propre au temps des Ming. Sous le règne de l'empereur
Kang-hi (1662-1722), elle a été divisée en deux et a formé
les provinces de Ngan-hoei et de Kiang-sou. De nos jours,
on donne aussi le nom de Kiang-nan à la vice-royauté
constituée par la réunion des trois provinces de Kiang-si,
Kiang-sou et Ngan-hoei.
KIANG-NAN ou KAO-KANG-MIAO. Ville de Chine, prov.
de Kiang-sou, à 5 kil. en amont de Chang-hai, rive gauche
du Hoang. Arsenal créé en 1867 ; grand chantier de cons-
tructions navales, fonderie de projectiles, manufactures
d'armes.
KIANG-NING ou NANKING. Ville chinoise située sur la
rive S. du Yang-tse-kiang et à 210 kil. de son embou-
chure. Kiang-ning a été la résidence des empereurs de
plusieurs petites dynasties qui régnèrent sur une partie de
la Chine ; c'est ainsi qu'elle fut la capitale du royaume d'Où
(222-277), puis celle des Tsin orientaux (317-419), des Tsi
(479-301) et des Leang (502-536). L'empereur Hong-ou
(1368-98), fondateur de la dynastie Ming, était originaire de
cette ville, et c'est pourquoi il en fit sa capitale. C'était alors
la ville la pkis peuplée du monde. Elle resta le siège du gou-
vernement des Ming jusqu'en 1409, époque à laquelle l'em-
pereur Yong-lo alla s'établir à Péking; Kiang-ning conserva
cependant son nom de Nanking qui signifie capitale du Sud.
Cette ville fut assiégée par les troupes britanniques en
1842 ; c'est sous ses murs que le plénipotentiaire anglais,
sir Henry Pottinger, conclut avec le commissaire impérial
M Yng (V. ce mot) le traité de Nanking signé le 29 août
1842. Le 19 mars 1853, Nanking fut pris par les rebelles
Tai ping et leur chef y établit sa cour ; cette cité resta
un des derniers boulevards de l'insurrection; mais enfin, le
19 juil. 1864, les troupes impériales, commandées par
Tseng Kouo-fan, s'en emparèrent. Les horreurs de la guerre
civile ont porté une grave atteinte à la prospérité de Nan-
king ; elles ont aussi détruit quelques-uns de ses plus beaux
monuments, entre autres la célèbre tour de porcelaine que
nous avons reproduite à l'art. Céramique (t. IX, p. 1192) et
525 — KIA-KING — KIANG-SOU
dont la construction, commencée par l'empereur^Yong- le en
1411 , ne fut terminée qu'en 1430 (V. la description de cette
tour dans les Mémoires sur l'état présent de la Chine par
le P. Louis le Comte, 3® lettre : Cf. Chinese Repository,
vol. I, p. 257, et XllI, p. 261). Le plus intéressant peut-
être des monuments qui aient subsisté à Nanking, ou pour
parler plus exactement, dans ses environs immédiats, est
la sépulture de l'empereur Hong-ou (1398) ; cette sépul-
ture est fort semblable à celles où sont enterrés les autres
empereurs Ming, au N. de Péking. Nanking ou, comme
disent les Chinois, la préfecture de Kiang-ning, est la capi-
tale de la province de Kiang-sou. La ville se relève raiDi-
dement parce qu'elle est demeurée le centre intellectuel et
artistique de la Chine. Chaque année, 12,000 candidats
y viennent subir les examens. Il s'y trouve de grandes
bibliothèques et des imprimeries à la chinoise et à l'eu-
ropéenne. On y fabrique de beaux satins et les cotonnades
connues sous le nom de Nankin. Ed. Ch.
KlANG-SL L'une des dix-huit provinces de la Chine
propre. Elle est limitée au N. par le Hou-pe et le Ngan-
hoei dont on peut dire qu'elle est séparée par le Yang-tse-
kiang, quoiqu'une bande du territoire sur la rive gauche
du fleuve soit rattachée au Kiang-si; à l'E., cette province
touche au Ngan-hoei, au Tche-kiang et surtout au Fou-
kien ; la limite entre le Fou-kien et le Kiang-si est mar-
quée par une rangée de hauteurs dont la partie la plus
connue porte le nom de montagnes Ou-i ou Bohea ; au S.,
le Kiang-si est isolé du Koang-tong par la chaîne élevée des
Mei-ling ; à l'O., il est limitrophe du Hou-nan et du Houpe.
Superficie, 180,000 kil. q. ; population, 24 millions d'hab.
environ. Son principal cours d'eau est la rivière Kan ; elle se
jette dans le vaste lac Po-yang, qui est compris tout entier
dans cette province. Au point de vue administratif, le Kiang-si
est divisé en quatre circuits (tao) qui comprennent 14 pré-
fectures et 79 sous-préfectures. Dans le premier circuit se
trouvent les préfectures de Koang-sin, Jao-tcheou, Kieoj-
kiang et Nan-kang ; dans le second circuit, les préfec-
tures de Nan-tchang, Fou-tcheou et Kien-tchang; dans
le troisième circuit, les préfectures de Joei-tcheou, Yuen-
tclieou et Lin-kiang ; dans le quatrième circuit, les préfec-
tures de Kan-tcheou, Nan-ngan, Ki-ngan et la préfecture
secondaire de Ning-tou. La préfecture de Nan-tchang est
la capitale de la province. La préfecture de Kieou-kiang
est un port du Yang-tse ouvert au commerce étranger depuis
1861. Le Kiang-si est rattaché aux provinces de Kiang-
sou et de Ngan-hoei pour former la vice-royauté des deiix
Kiang ou de Kiang-nan .
Les routes qui traversent cette province ont été parcou-
rues et décrites par Marco Polo, par les envoyés hollan-
dais (Petrusde Goyer et Jacobus de Keyser) en 1656, par
l'ambassade anglaise (lord Macartney) en 1792, et, dans
notre siècle, par le P. Hue, Davis, M il ne, etc. Les habi-
tants du Kiang-si sont très portés vers l'étude des lettres :
aux examens du second degré, 104 places leur sont réser-
vées ; cette province est ainsi la plus favorisée de toutes,
après celle de Tche-h, pour laquelle il existe 229 places
de licenciés. La culture intellectuelle est, d'ailleurs, fort
ancienne dans le Kiang-si, qui peut se vanter d'avoir
donné le jour à plusieurs lettrés illustres ; les plus
célèbres sont le critique et homme d'Etat Wang ngan-clie
(1021-86), le poète Hoang Ting-kien (1045-1105), l'en-
cyclopédiste Ma Toan-Iin (mort vers 1325) et surtout le
philosophe Tchou Hi (1130-1200). —Le Kiang-si ne compte
pas moins de huit manufactures officielles de porcelaine
dont la plus renommée est celle de King-té tchen (V. (3e
mot). Ed. Cha VANNES.
BiBL. : E.-C. Bridgmann, Topography of and Kiang-si^
dans Chinese Repository, vol, XI, pp. 375 et suiv. —
H. KopscH, Geogmphical Notes on the province of Kiang-
si, dans China Review, vol. VI, pp. 115-120, 191-195, 259-
264, 316-322 et vol. VII, pp. 47-51, 98-103.
KIANG-SOU. L'une des dix-huit provinces delà Chine
propre. Elle est bornée au N. par le Chan-tong ; à l'E.
par la mer, au S. par le Tche-kiang, à l'O. par leNgan-
K[ANG-SOU — KICHM
M6 —
hoei et le Ho-nan. Son nom est formé de la réunion des
deux premiers mots qui constituent les noms des deux pré-
fecturesde Kiang-ning et de Sou-tcheou. kiang-ning{\, ce
mot) est la capitale de cette province qui a 400,000 kil. q.
et comptait 21,408,930 hab. en 4887. Le Kiang-sou a
deux de ses ports ouverts au commerce étranger ; ce sont
ceux de Chang-haï, sur le Wang-pou, à peu de distance
de Tembouchure du Yang-tse, et Tchen-kiang sur le Yang-
tse. Le Kian^-sou est une des provinces les plus riches et
les plus fertiles de la Chine ; ses principales productions
sont la soie, le coton et le chanvre d'ortie.
KIANG-TCHÉOU (V. Kioungtchéou).
KlANG-TCHOUEN. Ville de Chine, prov. de Yunnan,
entre les lacs Hin-you et Fou-hien. Le premier, qui reçoit
souvent le nom de la ville, a 36 kil. de tour et se déverse
dans le second, beaucoup plus vaste, qui confine à la ville
de Tchin-kiang (V. ce mot).
KIÂNKARI ou KANGHERL Ville de Turquie d'Asie, chef-
lieu d'un sandjak du vilayet de Kastamouni, sur un
affluent du Kizil-Irmak, a 895 m. d'alt. 49,000 hab. ;
Commerce de laine. Mines de sel gemme. Le sandjak est
une région montagneuse, dont la partie orientale est oc-
cupée par la vallée du Kizil-Irmak. Il confine aux sand-
jaks de Kastamouni et de Bolon et au viiayet d'Angora.
KlANTOJŒRVIouKlANDO.LacdeFinlande,surrUlea,
463 kil. q.
KIAO-Ho. Rivière de Chine, prov. de Chan-toung, à la
racine de la presqu'île formant avec un canal et le Kou-ho
une voie navigable entre la mer Jaune et le Petchili, voie
connue sous le nom de Kiao-laï-ho^ unissant les cités de
Kiao-tchéou et Laï-tchéou ; il n'y passe que des barques ;
l'empereur Kang-si avait entrepris de l'approfondir.
Kl AO-TcHÉou. Ville de Chine, prov. de Chaii-toung, entre
le lac Pene-hou et le golfe du Petchili; "200,000 hab. A
8 kil. est son port Ta-poh-fou, ensablé. L'ouverture de Tclié-
fou au commerce européen a diminué celui de Kiao-tchéou.
Kl A SE-TAO, général chinois exécré par l'histoire pour
sa conduite lâche et trompeuse, mort en 4276 ap. J.-C.
Battu par les Mongols, il conclut avec eux de son autorité
privée un traité {\ 2o9) par lequel il engageait sa patrie
à leur payer un tribut annuel et à s'avouer leur vassale ;
il fit croire à l'empereur Li-tsong, de la dynastie Song,
qu'il avait remporté les plus grands succès. Il continua à
tenir ainsi dans l'ignorance des vrais événements l'empe-
reur Tou-tsong (4265-75) et l'empereur Kong-tsong (1 275-
76) jusqu'au jour où la grande défaite que les Mongols lui
firent essuyer près de Ou-hou en 4275, rendit irrémé-
diable la perte de la dynastie Song.
KlA-SIEN. Ville de Chine, prov. de Ho-nan, à 430 kil.
S. de Haï-foung. Monuments antiques.
KIATA. Ville de Chine, prov. de Sse-tchouen, sur le
Mékong (Lan-tsan-kiang), jadis tibétaine. Riches salines.
KIA-TING-Fou. Ville de Chine, prov. du Sse-tchouen,
sur le Min, au confluent du Fou, du Ya et du Toung ;
25,000 bal). Entrepôt central de la cire blanche (peïîa)
produite par la cochenille dans les campagnes de Ning-
yuen. Commerce de bois et de soie.
KIA-YING. Ville de Chine, prov. de Kouang-toung, sur
le Meï-kiang, affl. dr. du Han-kiang. Mines de cuivre,
d'argent, de fer, d'étain.
KIA-YOU-KCHOUAN. Ville de Chine, prov. deKansou,
près du défilé de ce nom [Porte de jade) et de l'extré-
mité 0. de la Grande Muraille. Importante place militaire
Isur la grande voie de Lan-tchéou à Hami et Khotan reliant
la Chine au Turkestan (V. ce mot).
KIBITKA. Ce mot dérivé du turc klbit^ désigne en russe
tantôt une voiture longue et couverte, tantôt les tentes en
feutre des peuples nomades.
KIBLA. C'est sous ce nom que les musulmans désignent
le point de l'horizon vers lequel ils doivent tourner leur
visage quand ils font la prière. Durant les premiers temps
de llslamisme, le temple de Jérusalem servait de kibla,
mais bientôt Mohammed décida qu'il fallait prendre dan<î ce
but le temple de la Kâaba de La Mecque. Dans toutes les mos-
quées, la kibla est indiquée par le mihrab, sorte de niche
devant laquelle se tient l'imàm qui dirige l'office. A mesure
que l'on s'éloigne de La Mecque, la kibla devient de plus en
plus difficile à déterminer et, pour y arriver, les Arabes
doivent faire appel à la science de leurs plus habiles astro-
nomes qui marquent assez souvent sa direction sur les ca-
drans solaires horizontaux destinés à régler les moments
canoniques des prières. Le changement apporté à l'orien-
tation des fidèles durant la prière a eu une telle impor-
tance que le Coran lui a consacré les versets 438-445 du
chap. 11. ^ 0. HouDAs.
KIBOKOUÉ. Pays de l'Afrique centrale, dans les bas-
sins supérieurs du Kassaï (affl. du Congo) et de la Liba
(affl. du Zambèze) ; on lui attribue 27,500 kil. q. et
750,000 hab.
Kl CHAN, homme d'Etat chinois. Avant d'avoir quarante
ans, il fut nommé vice-roi du Se-tchouen, et, peu après,
en 4830 ou 4834, vice-roi du Tche-li. Ce fut en cette qua-
lité qu'il eut en 4844 une entrevue à l'embouchure du
Pei-ho avec l'amiral G. EUiot et le capitaine Eiliot, qui
venaient demander réparation pour les dommages causés
aux marchands anglais par les autorités de Canton. Afin
que Ki Chan pût continuer plus facilement les négociations
avec les plénipotentiaires étrangers, l'empereur le nomma
vice-roi des deux Kouang, en remplacement de Lin Tso-Siu ;
au conimencement de l'année 4842, Ki Chan conclut avec
le capitaine EUiot une convention aux termes de laquelle
l'île de Hong-Kong serait cédée à l'Angleterre, une indem-
nité de 6 millions de dollars lui serait payée et le com-
merce recommencerait immédiatement à Canton. Ces con-
cessions parurent trop considérables à la cour de Péking
qui ne prévoyait pas qu'elle serait obligée quelques mois
plus tard d'accepter des conditions plus dures encore ; Ki
Chan fut dégradé et en\oyé, chargé de chaînes, à la capi-
tale. En 4843, il rentra en grâce et fut nommé comman-
dant des troupes en garnison à Jehol ; mais cette place était
loin d'avoir l'importance des postes qu'il avait occupés au-
paravant, et, à partir de ce moment, il ne joua plus aucun
rôle dans l'histoire contemporaine de la Chine. Ed. Ch.
BiBL. : Ghinese Repository, voL X, p. 235 \ vol. XII, p. 331.
KIGHENEV (V. Kichinev).
KICHEN-GANGA (V. Krichnà-Ga.nga).
KiGHENGARH. Ville de Plnde, capitale d'une princi-
pauté du Radjpoutana, sur la route d'Ajmir à Agra ;
45,000 hab. Elevée sur une haute colline, sa double en-
ceinte et sa citadelle en firent jadis une importante place
forte. Elle renferme de belles ruines, vestiges de sa gran-
deur passée, hd. principauté (4,875 kil. 5,, 440,000 hab.) .
fut détachée du Marvar par le roi Oudei Singh, qui la donna
en apanage à son fils Kichen (4744),
KICHINEV ou KIGHENEV (roumain /fmmf^î^, autre-
fois Rossovlachie), Ville de la Russie, ch.-l. de la pro-
vince de Bessarabie, sur le Byk, affluent droit du Dniestr;
447,408 hab. Elle comprend une ville haute sur une colline
dominant de 440 m. la ville basse sur la rive droite de la
rivière (ait. 82 m.) et sept faubourgs. Elle renferme
48 églises orthodoxes, 32 synagogues ou chapelles juives,
4 prison monumentale. C'est une grande cité industrielle
et un entrepôt commercial important (blés, cuirs, laines,
eaux-de-vie, etc.). Elle est entourée de jardins cultivés par
des Bulgares.
KIGHM, KISSINI, DJICHIVI ou TAVI LA H. Ile de la côte
S. de Perse, province du Laristan, au N. du détroit d'Or-
muz ; longue de 440 kil., large de 20, elle a 4,333 kil. q. ;
à l'E. est Fîle de Larch ; au N.-E., l'île d'Ormuz ; le dé-
troit, qui la sépare du continent, a une largeur de 2 à
40 kil. C'est un rocher salin sans eau ni végétation, sauf
quelques petits jardins. Beaucoup de ses 45,000 hab., de
race arabe, passent l'été sur le continent. A l'E. est la
ville de Kichm (5,000 hab.); à l'O., Bassidor où les
Anglais avaient tenté de s'établir; au N., Lafit; au S.
Salouk ources de naphte).
- r>27
KICHTAVAR — ÈIEL
KICHTAVAR, KIGHTWAR ou KISTAVAR. Ville de
rinde, ch.-l. d'une province du Cachemire, sur la rive
gauche du Tchinab (affl. g. de l'Indus). Ce fut la capitale
d'une principauté vassale du Ladak, conquise par les Sikhs
au début du siècle, au pied du 7}i07it Kiclitavar (5,065 m.).
KIGINSKI (Pie), homme d'Etat polonais, né àSlawkow
en ^75*2, mort à Varsovie en 4828. Il fut secrétaire du roi
Stanislas-Auguste et chef de sa chancellerie. Il joua un rôle
considérable à la diète dite diète de quatre ans. Il a pubhé
divers ouvrages, notamment un recueil de ses Discours. —
Bruno Kicinski, fils du précédent, né en 4796, mort
en 4844, rédigea plusieurs journaux polonais et publia de
nombreuses traductions et un recueil de poésies (Varso-
vie, 4840).
KICK (Jan), peintre de genre hollandais du xvu*^ siècle.
Sa biographie n'est pas connue. Il peignit entre 4640 et
4650 des tableaux dans la manière de Dirk Hais et de Jacob
Duck. On voit de lui au musée de Berlin des Soldats.
L'ancienne collection Hope à Londres renfermait des Tra-
vailleurs attaqués par des bandits.
KICK (Cornelis), frère du précédent, peintre de fleurs
hollandais, né à Amsterdam en 4635, mort à Amsterdam
en 4675. 11 fut d'abord un peintre habile de portraits,
puis tout à coup il voulut rivaliser avec David de Heem et
il peignit des fleurs d'une facture très finie et qui se ven-
daient fort cher. CorneHs Kick était d'un naturel paresseux,
et ayant épousé la fille d'un riche administrateur, M^^® Spa-
roog, qui lui apportait entre autres dots un jardin de fleurs
rares, il se prit de passion pour Thorticulture et cessa de
les peindre. Ses tableaux sont assez recherchés en Hollande ;
ils sont inconnus en France.
KICKAPOO. Peuplade de Peaux-Rouges des Etats-Unis,
jadis établis sur le Mississippi avec les Foxes^ entre 40" et
45<* lat. N., confinés (avec les Oiitganis) depuis 4849 dans
le Kansas et devenus bons agriculteurs. — Ce nom est
conservé par un affluent droit de l'Illinois et une rivière de
400 kil., affluent droit du Wisconsin, par des bourgs du
Kansas (r. dr. du Missouri, à 70 kil. N.-O. de Topeka;
3,000 hab.), du Territoire Indien (r. dr. de la rivière
Canadienne, à 200 kil. 0. de Talilequah), du Wisconsin
(sur la rivière du même nom, à 412 kil. N.-O. de Madison).
KIGKHAM (Charles-Joseph), publiciste irlandais, né à
Mullinahone en 4826, mort près de Dublin le 24 août
4882. Fenian actif et déterminé, membre du conseil exé-
cutif suprême, collaborateur de Vlrish People, il fut
arrêté à Dubhn le 44 nov. 4865 et condamné à quatorze
ans de travaux forcés. Ses amis politiques le firent passer
pour un martyr. On a de lui : Poems Sketches and nar-
ratives illustrative of Irish life (4870); Sally Cava-
nagh (4869), nouvelle qu'il écrivit en prison ; The Homes
of Tipperary (4879); For the Old Land (4886), etc.
KIGKIj général polonais, né en 4789, mort en 4834. Il
entra dans l'armée en 4809 et se distingua dans la cam-
pagne de Russie ; il fut blessé à Leipzig. Après la consti-
tution du royaume de Pologne, il fut aide de camp du grand-
duc Constantin. Il prit part à la révolution de 4830, devint
général et fut tué à la bataille d'Ostrolenka (6 mai 4834).
KIGKX (Jean), naturaliste belge, né à Bruxelles en 4775,
mort à Bruxefles en 4834. Membre de l'Académie et pro-
fesseur de botanique à l'école de Bruxelles, il publia de
nombreux travaux dont le principal est la Flora Briixel-
lensis (Bruxelles, 4842, in-8) qui fait encore autorité au-
jourd'hui. — Son fils, appelé comme lui Jean, né à Bruxelles
en 4803, mort à Bruxelles en 4864, occupa une chaire de
botanique, d'abord à Bruxelles, puis à Gand. C'était un pro-
fesseur remarquable et un observateur poussant l'exacti-
tude jusqu'au scrupule. Il s'occupa surtout de la cryptoga-
mie. Ses deux œuvres principales sont : Recherches pour
servir à la flore cryptogamique des Flandres (Bruxelles,
4844-55, 5 vol. in-4) ; Flore cryptogamique des Flandres
(Gand, 4867, 2 vol. in-8). — Le fils de ce dernier, Jean-
Jacques, né à Gand en 4842, mort à Gand en 4 887, avait
succédé à son père dans la chaire de botanique en 4 864 . E. H .
KIGKXELLA (Bot.). Genre de Mucédinées parasites, à
filaments durcis, issus d'un mycélium régulièrement cloi-
sonné et portant à leur sommet une couronne d'appendices
sporophores, fusiformes, à légère courbure et un peu inflé-
chie en dedans. Ces appendices sporophores ont l'aspect
de baguettes appuyées les unes sur les autres dans les ra-
meaux jeunes. A maturité, ils se rabattent au dehors et
portent alors les spores à leur face inférieure. Ces spores
sont hyalines, elliptiques. Au lieu d'appendices sporophores,
l'extrémité des rameaux mycéliens peut porter des chlamy-
dospores sphériques, à enveloppe épaisse et incolore. Cer-
tains auteurs semblent admettre des périthèces en continuité
avec le mycélium de la forme mucédinienne. Leur présence
a déterminé MM. Van Tieghem et Le Monnier à rapprocher
le genre des Ascomycètes, et Saccardo en fait très nette-
ment l'état conidial d'une Sphériacée. Ces périthèces, blancs,
globuleux et sans astioles, se voient dans l'espèce la plus
connue du genre, sur la vase des égouts, les crottes de rats
et autres excréments. Henri Fournier.
KIDARA, KIDARITES (V. Huns).
KIDARNATH ou KEDARNATH. Localité de l'Inde sep-
tentrionale, à 3,600 m. d'alt., sur un affluent de l'Alak-
nanda, branche mère du Gange, au pied du mont Kidar-
nath (6,943 m.). Un temple brahmanique y attire chaque
année une foule de pèlerins.
KlDARPOURouKIDDERPOUR.FaubourgsdeCalcutta,
rive gauche de l'Hougli. Bassins de rado-ub, ancien chan-
tier de constructions navales de la Compagnie des Indes.
KIDDERMINSTER. Ville d'Angleterre, comté de Wor-
cester, à 22 kil. N. du chef-lieu, sur le Stour, aftluentdu
Severn, 35,205 hab. Stat. du chem. de fer de Worcester
à Dudley. En communication, par canal, avec Liverpool,
Hull et Bristol. Grandes fabriques de tapis.
KlDDERIVlINSTERou KEDERMYSTER (Richard), his-
torien et théologien anglais, né vers 4460, dans le comté de
Gloucester, mort vers 4531. Il entra dans l'ordre des bé-
nédictins et fut professeur au Gloucester Collège, à Oxford,
puis abbé du monastère de Winchcombe. en 4487. En 454 2,
Henri VIH l'envoya, à cause de son talent d'orateur, au con-
cile de Latran convoqué par le pape Jules H ; il prit part
ensuite aux troubles religieux de PAngleterre, prononça
en 4545, à Saint-Paul de Londres, un discours qui eut un
grand retentissement et publia divers écrits catholiques
notamment : Tractatus contra doctrinam M, Lutheri
(4524); on lui doit aussi : A Compendiim of the Rule
ofSt Benedict. La bibliothèque Bodléienne, à Oxford, pos-
sède un important manuscrit de ce savant, qui renferme
une Vie de saint Patrick et V Histoire du monastère de
Winchcombe.
K!É, empereur chinois (V. Hia).
KiEDERICH (Paul- Joseph), peintre allemand, né à Co-
logne le 45 sept. 4809 (ou 4810), mort à Dusseldorf le
4 avr. 4850. Après avoir étudié d'abord dans sa ville na-
tale, il vint en 4832 à l'Académie de Dusseldorf. H s'est
adonné au genre historique et au portrait. Nous citerons
parmi ses œuvres : Mort du grand maître de Malte La
Valette (musée de Berlin), V Empereur Frédéric II et son
chancelierPeter de Vincis (Stuttgart), la Reine Margue-
rite pleurant devant la tête du duc de Suffolk, le Peintre
mort (où l'artiste s'est représenté lui-même), Charles-Quint
à Saint-Yust, portraits des ducs de Bourgogne Philippe
le Bon et Charles le Téméraire, et de l'empereur Maxi-
'^ilien. E. Gourdaulï.
KIEISTOUT, prince lithuanien, né en 4297, mort
en 4382. Il était fils de Gedymin et païen comme lui, il
hérita d'une partie de la Lithuanie, guerroya contre les
Polonais et les chevaliers teutoniques et contre son neveu
Jagellon. Fait prisonnier par lui, il fut étranglé à Vilna.
Kl EL (autrefois Thom Kyle). Ville de Prusse, prov. de
Slesvig-Holstein, dans le Holstein oriental, au fond et du
côté 0. d'un golfe de la mer Baltique ; 70,455 hab. (en
4894). C'est le grand port de guerre de l'Allemagne ; il
KIEL — KlElN-LONG
— 528 —
s'est rapidement développé, puisque la population n'était en
1864 que de 18,693 hab. La ville a annexé successivement
les faubourgs de Brunswick, Gaarden et Ellerbeck. Lâvieille
ville (Aitstadt), entourée d'une lagune, est d'aspect assez
triste ; au S., au N. et à i'O., sont les quartiers neufs avec
de larges rues et de grands édifices publics, écoles, uni-
versité, musées, etc. ; Brunswick est au N.-E., Eller-
beck de l'autre côté du golfe, ainsi que Gaarden où se trouve
le grand établissement de Hornheim ; plus au N., sont les
stations balnéaires de Diisternbrook et Bellevue.
Le golfe de Kiel, profond de 15 kil., forme le meilleur
abri de la flotte allemande ; au N.-O. aboutit à Holtenau
le canal de l'Eider, le reliant à la mer du Nord ; l'entrée
est défendue par la forteresse de Friedrichsort et le fort
de Falckenstein qui croisent leurs feux avec les forts de
Labœ et Mœltenort, sur la rive orientale du golfe. Les
grands chantiers de la marine sont entre Ellerbeck et Gaar-
den. Il existe à Kiel une école et une académie navale, des
écoles de mécaniciens, de pilotes, de torpilleurs.
Kiel reçut en 1 242 le privilège de ville sur le modèle
de Lubeck, sous le nom de Civitas ïïolsatiœ, et entra dans
la Hanse en 1284. Il s'y tenait une grande foire du 6 janv.
au 2 févr. (réduite aujourd'hui à douze jours), qui fut le
grand marché du Slesvig-Holstein. En 1665, le duc Chris-
tian-Albert fonda l'université. Kiel fut, de 1721 à 1773, la
capitale du grand-duché de Holstein-Gottorp. Le 14 janv.
1814, la paix de Kiel fit perdre au roi de Danemark la
Norvège et Helgoland. Le 24 mars 1848 commença à Kiel
l'insurrection des duchés. La Prusse ayant acquis la ville
définitivement en 1866, en fit son grand port militaire.
BiBL. : PRAHL, Chronik der Stadt Kiel; Kiel, 1855. —
Seelig et Ohnmann, Ostholstein ; Hambourg, 1884, 8'' éd.
KIEL (Corneille) Van Kiel, ou Kiltâan, ou Ktlianus,
philologue belge, né à Dulfel en 1528, mort à Anvers en
1607. Il fut, pendant plus d'un demi-siècle, correcteur
chez Plantin à Anvers ; lui-même composa des traités de
philologie, de géographie et d'histoire, qui lui acquirent
une réputation européenne. Voici le titre de ses œuvres les
plus importantes : Etymologicum teutonicœ linguœ, sive
Dictionarium teutonico-latinum (Anvers, 1574, in-8 ;
souvent rééd. ; la meilleure éd. est celle de G. Van Hasselt;
Anvers, 1777, 2 vol.in-4) ; Description de tous les Pays-
Bas (îrad. en tlam. de l'ouvrage de Guicciardini ; Anvers,
1578, in-fol. ; rééd., Amsterdam, 1612, in-foL). E. H.
BiBL. : Halbertsma, Kilianus (en flara.) ; Bruges, 1863,
in-8. -- Genard, Esquisse biographique de C. Kiliaan (en
flam.); Anvers, 1874, in-8.
KIELCE (V. Kjelzy).
KIELDRECHT. Com. de Belgique, prov. de la Flandre-
Orientale, arr. de Saint-Nicolas, près de l'Escaut, X^{q de
ligne d'un chemin de fer vers Saint-Nicolas ; 4,000 hab.
Grandes exploitations agricoles.
Kl ELER (Laura), romancière norvégienne, née àTromsô
en 1849. Après avoir séjourné à Christiania, à Copenhague,
à Stockholm et à Dresde, où elle vécut dans la maison d'Ib-
sen, elle vint s'étabUr à Copenhague et épousa, en 1873,
un }»rofesseur à l'école de Hillerôd, M. V. Kieler. Son
premier roman, qui porte le titre : les Filles de Brand
[Brands dôttre)^ est inspiré par le drame d'Ibsen. Ses
derniers ouvrages dépeignent la vie des frontières de la
Scandinavie et de la Laponie,et empruntent à l'originahté
du sujet un intérêt tout particulier : André fra Kauto-
keino (1879); Laurekas Korhoinen (1881), etc.
KIELHORN (François), indianiste allemand, né à Osna-
bruck en 1840. Elève de Benfey, de Stenzler et de VS^e-
ber, collaborateur de Monier Williams à Oxford, ancien
professeur de sanscrit au collège dePouna, il professe ac-
tuellement (1895) àl'université de Gœttingue. On lui doit un
excellent manuel pour l'étude du sanscrit. Il s'est longtemps
spécialisé dans les études grammaticales et a publié plu-
sieurs textes dont le plus important est le Mahâbhâshya
de PatafijaU (Bombay, 1880-85). Il s'est tourné depuis
vers les études chronologiques et a fait paraître sur ces
questions divers mémoires, surtout dans Vlndian Anti-
quary. A. Foucher.
KIELLAND (V. Kjelland).
KIELLERUP (Theodor-Julius), peintre danois, né à
Copenhague en 1818, mort à Munich en 1850. Il a passé
la plus grande partie de sa vie dans cette ville et s'est fait
une réputation surtout comme animalier. On cite de lui
entre autres : Un Sanglier attaqué par des chiens,
KIELLMAN-GoRANSON (Julius-Axel), romancier suédois,
né au château de Gripsholm en 1811, mort à Upsala en
1869. Pasteur à Stockholm, puis à la campagne, il se fit
connaître d'abord par des poésies (^marr^ âzfcr, 1839),
puis par des nouvelles et des romans, qui bientôt devinren t
très populaires quoique leur mérite, comme œuvres d'ob-
servation OU' comme œuvres littéraires, soit assez médiocre.
Plusieurs de ses livres ont paru sous le pseudonyme de
Nepornuk ou de Norna Gdst. Parmi les meilleurs on
peut citer les Chants de Gethsemané (poésies) ; Noir
sur BlanCj Petites Aventures suédoises et un recueil
àe Nouvelles. Th. C.
KIELMEYER (Karl-Friedrich), naturaliste allemand, né
à Bebenhausen, près de Tubingue, le 22 oct. 1765, mort
à Stuttgart le 24 sept. 1844. Il fut professeur d'anatomie
comparée et de physiologie à Gœttingue, puis professeur
de chimie et de botanique à Tubingue, enfin en 1816
devint directeur des collections artistiques et scientifiques
de Stuttgart. Il a publié des ouvrages estimés sur l'histoire
naturelle ; ses biographes lui attribuent une grande in-
fluence sur les théories de Cuvier, dont il était l'ami.
KIENER (Christian-Henry), homme politique français,
né à Hunawihr (Haut-Rhin) le i6 nov. i 807. Filateur, maire
d'Epinal (1867), il fut élu sénateur des Vosges, où il s'était
fixé après l'annexion de l'Alsace-Lorraine, le 8 janv. 1882.
Il appuya la pohtique opportuniste, combattit le boulan-
gisme et fut réélu le 4 janv. 1891.
KlENG-KEl-To.Prov. de Corée, ayant pour ch-l. Séoul;
700,000 hab. (V. Corée et la carte du Japon).
KIENG-SANG-To. Prov. de Corée, au S. du royaume ;
ch.-l. Taï-kou; 2,100,000 hab. (V. Corée et la carte du
Japon).
Kl EN -LONG, quatrième des empereurs de la dynastie
mandchoue Tsing, actuellement régnante en Chine, né en
1709, mort le 7 févr. 1799. H succéda en 1735 à son père
Yong-tcheng dont il était le fils aîné. Les premiers temps de
son règne furent paisibles, mais vers 1753 les événements
qui se passaient dans l'Asie centrale l'obligèrent à mettre
en mouvement ses armées. En 1745, le khan des Eleuthes,
(territoire d'Ili), Kaldan, était mort en laissant le trône à
son fils, Atchan ; celui-ci commit faute sur faute ; une ré-
bellion éclata contre lui : il fut attaqué et tué parle lama
Torgui, qui prétendit s'arroger le pouvoir ; l'usurpateur
ne jouit pas longtemps de son triomphe ; le troisième fils
de Kaldan, Tsevan Ta-che, marcha contre lui et le fit périr,
mais il trouva lui-même la mort dans la bataille. Deux
nouveaux prétendants, Davadji (Ta-wa-tsi) et Amoursana,
se disputèrent le trône. Amoursana vint en 1754 implorer
le secours de Kien-long ; grâce à l'appui des troupes im-
périales, il battit son rival, qui fut emmené prisonnier à
Péking ; mais, au lieu de mettre à mort Davadji, Kien-
long le reçut en le comblant d'honneurs ; son intention était
de se servir de lui contre Amoursana lui-même au cas où
celui-ci deviendrait trop puissant. Amoursana prévint les
projets de l'empereur en se révoltant ; pendant toute l'an-
née 1756, il ne remporta guère que des succès; mais, en
1757, les généraux Tchao-hoei et Fou-té le poursuivirent
sans relâche et le forcèrent à se retirer chez les Ilassacks,
puis en Russie, à Tobolsk, où il mourut de la petite vérole.
Les Chinois réclamèrent son corps ; le tsar refusa de le leur
livrer et se contenta de le faire montrer aux envoyés im
périaux. Les troubles de l'Ili eurent leur contre-coup dans
le Turkestan ; à Yarkand régnait Boronitou ; à Kachgar,
c'était son frère Kodzidchan ; ils étaient connus sous le
nom de grand et de petit Kodja (ou Hotchom). En 1756,
— 529 -
K[EN-LONG — KIEPERT
lorsque Amoursana paraissait victorieux, ils embrassèrent
sa cause et coururent sus aux soldats chinois; mais, après
la destruction du royaume des Eleuthes, les généraux de
Kien-long envahirent le Turkestan ; le grand Kodja périt
en combattant ; quant au petit Kodja, il fut livré aux Chi-
nois par le sultan du Badakchan auprès duquel il s'était
réfugié (iTo9). Toutes les cités mahométanes du Turkes-
tan tombèrent ainsi sous le joug chinois. (Ces campagnes
ont été célébrées par Kien-long lui-même, et le P. Amiot a
traduit les vers impériaux : Mém. concernant les Chi-
nois^ 1. 1, pp. 525 et suiv.)
En 1764, Yong-tsi-ya, chef d'une tribu qui se trouvait
aux confins de la Birmanie et de la Chine, attaqua le roi de
Birmanie et le détrôna ; le vice-roi du Yun-nan et du Kouei-
tcheou soutint les chefs locaux qui voulurent résister à
cette usurpation ; mais, comme il n'essuyait que des revers,
Kien-long envoya en i 767 le général Ming Joei diriger les
opérations de guerre ; Ming Joei fut battu et tué en 1767 ;
Fou Heng, qui le remplaça, remporta en 1768, sur les bords
de la Salouen, une victoire à la suite de laquelle les Bir-
mans se reconnurent tributaires de la Chine. En 1771, la
nation des Tourgouths qui, du temps de Ka7ig-hi (V. ce
nom), avait émigré en Russie, revint dans le district d'Ili
et demanda à l'empereur de la prendre sous sa protec-
tion ; 50,000 familles, soit 300,000 personnes, arrivèrent
ainsi en 1771 ; elles furent suivies de 30,000 autres
familles en 1772. Kien-long accueillit avec joie ces en-
fants prodigues qui lui donnaient la preuve éclatante du
prestige qu'il exerçait au dehors et il composa lui-même à
cette occasion un récit destiné à commémorer l'événement
(V. la traduction de ce récit par le P. Amiot, Mém. con-
cernant les Chinois, t. I, pp. 401 et suiv.).
En 1775, eut lieu la réduction des Miao-tse ; s'il fallait
en croire la relation du P. Amiot {Mém, concernant les
Chinois, t. III, p. 387), qui reflète les sentiments de la
cour chinoise, cette expédition aurait été une des plus glo-
rieuses du règne de Kien-long. Mais les Miao-tse n'étaient
que quelques centaines de malheureux montagnards abori-
gènes ; ils n'occupaient pas des provinces entières, car ils
étaient confinés dans deux petits cantons du Se-tchouen,
appelés le Ta kin tchoan, et le Siao kin tchoan ; le Ta
kin tchoan ou Grande rivière d'Or se trouvait sur le cours
supérieur de la rivière Ta-tou. La ville principale, Le-ou-
wei, était située à environ 31^ de lat. N. et 100*^ 25' de
long. E. ; le Siao Kin tchoan ou Petite rivière d'Or était
un peu plus à l'E., sur un affluent de gauche de la rivière
Ta-tou. C'est là que le général A-koei traqua sans relâche
les infortunés Miao-tse, qui finirent par être exterminés ;
leurs chefs, transportés à Péking, périrent dans d'affreux
supplices.
En 1787, des troubles éclatèrent en Indo-Chine; le roi
d'Annam, Le Chiên-tong, fut chassé par son ministre Ngu-
yèn Hué et vint se réfugier en Chine. Sur l'ordre deKieng-
long, le vice-roi du Kouang-toung,SoenChe-i, pénétra à la
tête d'une armée dans le Tonkin et réintégra Le Chiên-tong
à Hanoï ; il projetait une expédition contre Hué ; Nguyèn
ne lui en laissa pas le temps ; au moment du jour de l'an
(fin janv. 1789), il arriva devant Hanoï avec des forces
considérables et en chassa les Chinois après leur avoir in-
fligé de grandes pertes. L'empereur dissimula sa déconfi-
ture ; il reconnut que le ciel avait résolu la perte des Le
et conféra solennellement l'investiture au fondateur de la
nouvelle dynastie annamite des Nguyên. Au mois de sept.
1793, l'empereur reçut à Jéhol la fameuse ambassade de
lord Macartney : la relation de cette ambassade a été écrite
par sir George Staunton.
Kien-long avait fait le serment que, s'il avait le bonheur
de régner comme son aïeul Kang-hi pendant un cycle en-
tier de soixante ans, il abdiquerait aussitôt après ; c'est ce
qu'il fit le 8 févr. 1796 ; il laissa le pouvoir à son filsKia-
king qu'il aida de ses conseils jusqu'à sa mort. Kien-long
a eu la réputation, non seulement d'un grand politique,
mais aussi d'un excellent lettré : outre les pièces litté-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
raires qu'il écrivit pour rappeler ses exploits contre les
Eleuthes et les Miao-tse et pour commémorer le retour des
Tourgouths dans son empire, il composa un grand nombre
de poésies ; le P. Amiot a traduit ses vers sur le thé et so;i
éloge de la ville de Moukden qui fut imprimé en trente-
deux sortes de caractères chinois et trente -deux de
caractères mandchous ; la traduction de cet éloge fut
publiée à Paris en 1770, et c'est après l'avoir lue que
Voltaire adressa à Kien-long une de ses épîtres. Cet em-
pereur ne se contenta pas de cultiver les lettres par délas-
sement ; il encouragea plusieurs grandes publications tellei?
que l'édition des vingt-quatre historiens canoniques, celhî
du Tong kien kang mou, le grand catalogue de la biblio-
thèque du palais {se kou tsiiien chou tsong mou), etc.
En tête du premier volume des Mémoires concernant les
Chinois par les missionnaires de Péking, on trouvera un
beau portrait de Kien-long. Ed. Cha vannes.
BiBL. : De Mailla, Hist. de la Chine, t. XI. ~ A. Ré-
MUSAT, Nouv. Mél. as., t. lî, pp. 45-60.— Imbault-IIuart.,
Journ. as., 7« série, t. XI, pp. 131-178; 8« série, t. XIV.
pp. 494 et suiv. — E.-H. Parker, Campaigns ofKanghi.
Yung-cheng and Kien-lung, dans China Review, vol. XVI.
pp. 105-118, 276-285, 321-336, 340-348.
KIEN-TCHANG. Rivière de Chine, province de Ssé-
tchouen, affluent gauche du Yaloung (une des branches
mères du Yang-tse-kiang) ; elle coule vers le S., passe à
Ning-youen-fou.
KIÉNTHAL.Valléedela Suisse, cant. de Berne, entre
la vallée de Lauterbrunnen et celle de la Kander; elle
s'ouvre au village de Kien et aboutit à un glacier des Alpes
bernoises.
KIENZHEIIVI {Coneshaim, 785). Corn, de la Haute-
Alsace, arr. de Ribeau ville, cant. de Kaysersberg, sur la
Weiss ; 841 hab. Vins blancs estimés ; hospice ; église
paroissiale gothique du xv^ avec des parties du xni® siècle;
église de Sainte-Régule, lieu de pèlerinage ; anciennes for-
tifications avec une tour ronde et une porte du xiii« siècle ;
château, autrefois résidence des comtes de Lupfen.
BiBL. : ScHOEPFLiN. A/s. HL, II, passim. — B. Buchin-
GER, De Ecclesia S. Regulae Kiensheim ; Porrentruy,
1662. — Rev. d'Als., 1859, i91.— BulL de la Soc. des mon
hist. 'd'Als., l'« sér., t. III, p. 107; 2« sér., t. III, p. 130.
KlEOU-TciiANG (Les neuf sections). Titre du plus ancien
ouvrage arithmétique qui aurait été écrit en chinois; il
remonterait à Cheou-li, inventeur du svan-pan (V. ce mot)
et ministre de l'empereur Houang-ti, inventeur de l'écri-
ture (vers 2637 av. J.-C). Ce titre est resté traditionnel
pour désigner l'arithmétique, et est, par suite, porté par
un grand nombre d'ouvrages de diverses époques, dont le
plus ancien paraît avoir été rédigé un siècle avant notre
ère. L'auteur, Tchang-tsang, se donne toutefois comme
rééditant, avec corrections, un ancien livre, souvent com-
menté, mais devenu très rare. L'ensemble comprend 246 pro-
blèmes numériques, dont un grand nombre concernent les
mesures géométriques. Les règles indiquées (par exemple
pour la mesure du cercle) sont souvent très différentes, évi-
demment de provenances et de dates diverses.
BiRL. : BiERNATSKi, Jouvnal de Crelle, 1859. -— Mat-
THiESEN, Algebra.
KIEPERÎ (Heinrich), célèbre géographe allemand, né
à Berlin le 31 juil. 1818. Sa réputation date de son Atlas
von Hellas (Berlin, 1840-46, 24 feuilles ; nouv. éd.,
1871) et de ses cartes pour la Palestine de Robinson et
Smith (Halle, 1841). De 1837 à 1842, il prépara sur place
une admirable carte d'Asie Mineure en 6 feuilles (Berlin,
1843-45) ; de 1845 à 1852, il eut la direction technique
de l'Institut géographique de Weimar; il professa à l'uni-
versité de Berlin à partir de 1854. Parmi les centaines de
cartes dressées par Kiepert, il faut citer son Atlas univer-
sel (40 feuilles, 1857-61; 2« éd. augm., 1881 et suiv.)
et son Atlas antiquus (1885, lO^ éd.). H a de plus pu-
blié un Lehj'buch der alten Géographie (1878). Ses
œuvres sont remarquables par l'exactitude des transcrip-
tions, et, pour Farchéologie classique, elles n'ont guère été
approchées.
Son fils Richard Kiepert, né à Weimar le 13 sept. 1846,
34
KIEPERT — KIEV
— BBO -
a collaboré avec son père et succédé à Andrée en 1873 à
la direction àaGlobus (revue géogr. et ethn.).
Triangles, angle, hyperbole, parabole de Kiepert.
— Les triangles de Kiepert ont pour sommets les trois
triangles isoscèles semblables BGA^ CAB^, ABC' construits
sur les côtés d'un triangle de référence ABC. L'angle à la
base 6 de ces triangles isoscèles est l'angle de Kiepert. Les
trois droites AA', BB', CC concourent en un même point M
dont le lieu, quand G varie, est Fhyperbole de Kiepert;
cette hyperbole équilatère est circonscrite au triangle ABC
et passe par le centre de gravité. Son équation en coordon-
nées normales est S (b'^ — e^) bc xy=: 0. La parabole de
Kiepert est l'enveloppe des axes d'homologie du triangle de
référence avec les triangles de Kiepert ; elle a pour équa-
tion en coordonnées barycentriques S sf(b^ — c^) a r= 0.
KIERKEGAARD (Peter-Kristian), théologien danois, né
à Hillerôd en 4805, mort en 4888. Il fut pendant plusieurs
années professeur de théologie à l'université de Copenhague,
puis pasteur dans l'île de Seejand et enfin, en 1856, il fut
nommé évêque du diocèse d'Alborg. Kierkegaard était un
orateur de premier ordre et a laissé de nombreux écrits
théoiogiques, dans lesquels il défend en général les opi-
nions de Nicolai Grundtvig (V. ce nom). Th. C.
KIERKEGAARD (Sœren-Aabye), philosophe danois, né
à Copenhague en 4813, mort le 44 nov. 4855. Théologien
peu orthodoxe, penseur et écrivain original jusqu'à être
bizarre, mais d'un incontestable génie, il a exercé une in-
fluence considérable sur les philosophes et sur les écrivains
de son pays. Il déclarait qu'il existait un infranchissable
abîme entre la science et la foi et, en une langue imagée
et paradoxale, mais d'une vigueur de dialectique singulière,
il prêchait le renoncement au monde : une conception pure-
ment esthétique de la vie, d'après lui, conduit fatalement
à une égoïste recherche de la jouissance ; une conception
purement morale (ethiske) est sans base ni sanction ; seule
îa conception religieuse et chrétienne^ c.-à-d. l'individu
isolé en face de Dieu, peut se défendre; et c'est avec ar-
deur qu'il l'a défendue dans ses nombreux écrits, dont il
publia le plus grand nombre sous divers pseudonymes : Victor
Eremita, Hilarius Bokbinder, Frater Taciturnus^ etc.
Parmi ses ouvrages les plus marquants il faut citer : Ou
bien — ou bien? (Enten-Eller?), Station ssur le chemin
de la vie. Coupable? non Coupable? (Skyldig? Me skyl-
dig?) l'Apprentissage du christianisme^ etc. Th. C.
BiBL. : A, BAiRTiiOLï), s. Kierkegaard, eine Verfasser
Existenz. 1873. — Du même, Noten z%i S. Kierkegaard Le-
bensqeschichte^ 1876. — G. Brandes, S. Kierkegaard (en
danois), 1877. — V. Rudin, S. Kierkegaards person och
^ôrfattereskap^ 1883. — B. Jeanîsine, S. Kierkegaard, dans
Nouvelle Revue, 1893.
KlERSouKlESER (Pieter), peintre de genre hollandais,
né à Graeneveld, près de Meppel, dans la Drenthe, le 5 janv.
4807. Il s'est fixé à Amsterdam. Comme son maître Douwe
de Hoop, il a peint des intérieurs et il les a peints avec
une recherche constante d'effets de lumière à la manière
de quelques peintres hollandais de la fin du xvn^ siècle.
Il a envoyé aux expositions universelles de 4855 et de
1867 divers tableaux parmi lesquels : Dame sortant le
soir de chez elle avec une lanterne, Intérieur de mai-
son^ Dame lisant une lettre. M. Kiers est membre de
l'Académie des beaux-arts d'Amsterdam. — Son fils, Geor-
ges-Laurent, est peintre de marine.
KIERULF (Otto-Richard), homme politique norvégien,
né à Christiania en 4825. Jusqu'en 4874, il consacra tout
son temps à l'armée, où il était arrivé au grade de lieute-
nant-colonel. A cette époque, il fut nommé ministre d'Etat
pour la Norvège à Stockholm ; mais il se retira, en 4884,
à la suite de conflits entre le gouvernement norvégien et la
majorité de la Chambre et accepta les fonctions d'intendant
de l'arsenal d'artillerie. H a été longtemps l'un des princi-
paux rédacteurs du Journal militaire.
Kl ES (Johann), astronome allemand, né à Tubingue le
44 sept. 4743, mort à Tubingue le 29 juil. 4784. A Ber-
Mn, où il prit part, en 4751, aux observations faites par
Lalande (V. ce nom) en vue de la détermination de la pa-
rallaxe de la lune, il fut, de 4742 à 4754, professeur de
mathématiques à l'université et astronome de l'Observatoire.
Il occupa ensuite une chaire à l'université et au Collegium
illustre de Tubingue. il a, l'un des premiers, propagé en
Allemagne les découvertes de Newton, auxquelles ila'con-
sacré deux de ses meilleurs ouvrages : De Viribus cen-
tralibus (Tubingue, 4758, in-4) ; De Lege gravitatis (Tu-
bingue, 4773, in-4). Il est aussi l'auteur d'un intéressant
travail sur les influences lunaires : De Influxu Lunœ in
partes terrœ mobiles (Tubingue, 4769, in-4). Ses autres
écrits, très nombreux, et tous en latin ou en français, ont
également trait à l'astronomie. L. S.
BiBL. : M^DLER, Geschichte der Himmelskunde, t. 11,
pp. 418 et 551.
KIESER (Dietrich-Georg), médecin philosophe allemand,
né à Harburg (Hanovre) le 24 août 4799, mort à léna le
44 oct. 4862. Il fut professeur de médecine à léna, puis
(4814-45) servit dans l'armée, dirigea une clinique mé-
dico-chirurgicale et ophtalmologique de 4834 à 4847, puis
une cUnique psychiatrique. Il acquit une grande réputation
comme médecin aliéniste ; mais, en sa quahté de fervent
adhérent de la philosophie naturelle, versa dans mainte
erreur. Ses ouvrages les plus importants sont : System
der Medizin (Halle, 4847-49, 2 vol.); Elemente der
Psychiatrik (Breslau, 1855). D^ L. Hn.
KIÉSÉRITE (Miner.). Sulfate de magnésie naturel et
hydraté, qui se présente sous forme de'masses blanches
peu solubles dans l'eau. La formule est MgO, SO^, H^O^.
On le trouve à Stassfurt et il sert à préparer les sels de
magnésie.
KIESËWETTER (Johann-Gottfried-Karl-Christian), phi-
losophe allemand, né en 4766, mort à Berlin en 4819. Il
fut, depuis 4792, professeur de logique et de philosophie
au Medicinisch-chirurgisches Collegium de cette ville. On
doit le compter parmi les plus zélés disciples et défenseurs
de la philosophie de Kant. Il est vrai qu'il la comprend
d'une manière particulière, comme une doctrine éminem-
ment raisonnable et morale. B fut le philosophe à la mode
de Berlin, et se donna lui-même le titre de « docteur pour
tout le monde » et de « professeur de sagesse mondaine ».
Ses principaux écrits sont: Ueber den ersten Grundsatz
der Moralphilosophie (1788-90, 2 part.) ; Grundriss
der reinen allgemeinen Logik, nach Kanfschen
Grundsœtzen (4894, 2 part.); Prûfung der Herder-
schen Metakritik zur Kritik der reinen Vernimft (1 799-
4800, 3 part.) ; Fassliche Darstellung der Erfah-
rungsseelenlehre (4806). L'ouvrage le plus important
est : Versuch einer fasslichen Darstellung der wich-
tigsten Wahrheiten der neuen Philosophie fur Unan-
geiveihte (4795). C-el.
BiBL. : RosENKRANz, Œuvves de Kant, XII, 294-296. —
C.-G. Flittner, Vie de Kiesewetter, dans la 2^ éd. de
Darstellung der wichtigsten, etc., 1824.
K1ESSLIN6 (Johann-Adolf-Paul), peintre allemand, né
à Breslau en 4 836. Elève de Schnorrà l'Académie de Dresde,
où il fut remarqué en 4856 pour son Ulysse reconnu par
sa nourrice, il acheva de se former en Italie, à Anvers et
à Paris. Parmi ses œuvres, mythologiques ou allégoriques,
que rend parfois singulières le mélange voulu de l'antique
et du moderne, nous citerons : Vénus et Adonis, Enlè -
vement d'Hylas, Rapt d'Europe, Dithyrambe, Triomphe
de V Amour. On lui doit aussi quelques portraits pleins
de vie. Ses derniers travaux, des peintures murales au châ-
teau Albert à Meissen, représentent divers épisodes de la
vie de Bœttclier.
KIEV {Kijow en polonais ; Riovia en latin ; Kioaba de
Const. Porphyrogénète; Kouyaba des Arabes; Man-Ker-
maîî des Tatares). Ville et place forte de la Bussie d'Europe,
chef-lieu du gouvernement de Kiev, sur le Dniepr, à
4,060 kil. S. de Saint-Pétersbourg; 480,324 hab. Siège
du métropolitain; résidence du gouverneur général; tribu-
naux civils et militaires ; administrations des chemins de
^ 834 -
KIEV
fer occidentaux, de la navigation du Dniepr, etc. Située
d'une manière très pittoresque sur les collines de la rive
droite du Dniepr, Kiev est divisée par de profonds ravins
en quatre parties qui forment comme quatre villes séparées,
ayant chacune son histoire et sa physionomie particu-
lière : le Podol (la ville basse), sur la plaine avoisinant
le fleuve et le port de Kiev, est la ville du commerce et
de l'industrie, cité d'autrefois, ancien siège de la muni-
cipahté, des écoles, etc. ; le Vieux-Kiev est la ville admi-
nistrative, ancien bourg, demeure des princes dans l'an-
tiquité et centre principal des bureaux du gouvernement
et des tribunaux à présent ; Petchersk (la ville des
cryptes), au sommet de la colline dominant les autres et
entourée des fortifications avec la célèbre Lavra au miheu,
est la ville religieuse et militaire ; la partie septentrionale
de la colline de Petchersk, séparée du Vieux-Kiev par la
rue principale de la ville Krechtchatik et toute noyée dans
les vastes jardins, porte le nom de Lipki (les tilleuls) ;
elle est peuplée exclusivement par l'aristocratie et la haute
bureaucratie; Novoïé Stroïénié (Bâtiments nouveaux), sur
la coihne, au sommet de laquelle s'élève l'édifice rouge de
l'Université, représente une ville moderne, cité de la science,
quartier latin de Kiev, où sont concentrées presque toutes
les écoles, Kiev occupe un espace d'environ 50 kd. q.
Les principales églises sont : la cathédrale Sainte-So-
phie construite par le grand-duc Jaroslav P^ au xii^ siècle,
sur le modèle de Sainte-Sophie de Constantinople. Sur les
Mosaïque de Péglise Sainte-Sophie, à Kiev.
parties conservées de ses murs, on peut voir encore les
mosaïques, représentant la sainte Vierge et les apôtres et
des fresques très intéressantes ; l'église de la Dîme érigée
sur les anciens fondements de temple du même nom, cons-
truit par saint Vladimir; l'église Saint-André, en beau
style de la Renaissance, dressée d'après le plan de Rastrelli
sur une hauteur d'oii se développe une vue splendide sur
la ville basse et le pays au delà de Dniepr ; la cathédrale
Saint-Vladimir, non loin de l'Université, a été achevée
tout récemment et décorée par les meilleurs artistes russes.
Parmi les nombreux couvents la première place appartient
à la Lavra, le plus ancien monastère de la Russie, célèbre
par ses catacombes (ou cryptes), où reposent les reliques
de plus de trois cents saints. Ces petchéry sont pour la
plupart d'anciennes cavernes, creusées par la population
préhistorique des bords du Dniepr dans le gisement de grès
kaoliné tertiaire et utilisées plus tard par les moines du
xi^ et du xn^ siècle. Ce sont ces catacombes qui ont donné
à Kiev la réputation de ville sainte par excellence et qui
attirent chaque année plus de trois cent mille pèlerins des
contrées les plus lointaines de toute la Russie ; le couvent
de la Confrérie à Podol, dont une partie du bâtiment et
l'église furent construits par l'hetman Mazeppa, abrite
depuis plusieurs siècles l'académie théologique de Kiev
(V. MoGiLà), la plus ancienne école supérieure de la Russie ;
le couvent de Saint-Michel renfermant les reliques de
sainte Barbe ; le monastère de Vydoubetzky, au-dessous de
la Lavra, construit, dit-on, sur la même place où l'idole de
Peroun (V. ce mot), jetée dans l'eau par ordre de saint
Vladimir, accosta la berge du Dniepr, etc. L'un des monu-
ments les plus anciens de la Russie est la ruine de h Porte
d'or, en briques carrées et très plates ; elle était surmontée
jadis d'une chapelle à coupole dorée et présentait l'entrée
principale de l'enceinte du bourg kiévien, dont les derniers
vestiges n'ont disparu que tout récemment. La place devant
la cathédrale Sainte-Sophie est ornée d'une belle statue
équestre de Bogdan Chmielnicky, hetman de l'Ukraine; la
ville possède encore quelques statues moins remarquables :
celles de l'empereur Nicolas et de saint Vladimir, et une
colonne érigée en mémoire du baptême des Russes en 988.
Deux ponts magnifiques franchissent le Dniepr près de
Kiev : chacun a plus d'un kil. de longueur. Les pro-
menades principales sont le jardin botanique, le jardin de
ville, le square de l'Université, celui d'Alexandre, etc.
Parmi les édifices publics, les plus remarquables sont : le
Palais impérial, FHôtelde ville, l'Université, etc. L'Univer-
sité de Saint-Vladimir, fondée en d835, pour remplacer
l'Académie de Vilna et le lycée de Kreménetz, possède des
laboratoires, des cliniques, des collections (musée des mé-
dailles, des antiquités préhistoriques, de zoologie, de mi-
néralogie, etc.), une très riche bibliothèque et compte plus
de iOO professeurs et environ 2,000 étudiants. Dans le
même quartier se trouvent les observatoires météorolo-
gique et astronomique, l'amphithéâtre d'anatomie, l'école
de chimie, etc. L'Académie de théologie a aussi un grand
musée des antiquités chrétiennes et profanes. Kiev possède
encore 7 lycées de jeunes gens, plusieurs écoles militaires,
3 lycées de jeunes filles, l'Institut de jeunes filles nobles,
écoles ecclésiastiques, école de peinture, conservatoire de
musique, plusieurs sociétés savantes. Au point de vue du
commerce et de l'industrie, Kiev n'a pas beaucoup d'impor-
tance, quoiqu'elle ait une Bourse, plusieurs banques et
qu'elle soit le centre de l'industrie sucrière développée sur-
tout dans la Russie du S. Sa foire annuelle {kontrakty),
SI célèbre jadis, n'attire plus beaucoup de commerçants.
^ Située au miheu du bassin du Dniepr et des pays slaves,
Kiev, « la mère des villes russes » selon les chroniques,
fut prédestinée, pour ainsi dire, pour devenir un grand
centre politique et intellectuel. Suivant la légende, elle fut
fondée par trois frères légendaires, Kii, Schtchek et Kho-
riv, et leur sœur Lybed. Elle existait déjà dès le v« siècle,
et payait le tribut aux Khazares; plus tard, elle devint le
chef-heu d'un pays indépendant et fut en relations avec
la Dyzance. Oleg qui s'en empara au xi« siècle, en fit, dit-on
la capitale de toute la Russie; Sviatoslav et saint Vladimir,
ayant soumis les peuples voisins slaves, donnèrent à Kiev
la prépondérance politique et militaire. Saint Vladimir y
introduisit officiellement le christianisme, qui y avait péné-
tré depuis longtemps déjà de Constantinople; le grand
prince laroslav publia le premier code (1028), y fonda des
écoles et une bibliothèque. En 1086 fut établie à Kiev une
école de jeunes filles, la première en Europe. Depuis la
mort de ce souverain et le congrès des princes à Lioubetch
(1077), Kiev resta pendant plusieurs siècles le centre de
la confédération des principautés slavo-russes. Mais plus
tard, quand la colonisation slave vers le N.-E. se développa
et que le centre de gravité du monde russe se reporta
vers l'Orient, les princes de Souzdal commencèrent à traiter
KIEV
— 532 —
Kiev comme un pays étranger : Georges de Souzdal devint
grand-duc de Kiev, non par élection, comme c'était l'usage,
mais par la force (1149). Son fils André, après avoir
détruit la ville en 1171, transporta la capitale à Vladimir,
en conservant le titre de grand-duc, qui appartenait jadis
aux princes de Kiev. Réduite au rang d'une ville secon-
daire et détruite par Batou Khan en 1240, Kiev appar-
tint à la principauté de Galicie ; en 1362, elle fut prise par
Olgerd de Lithuanie. Soumise à la Pologne depuis la diète
de Lublin (1569) et ruinée encore une fois par les Ta-
tares de Crimée en 1584, Kiev fut privée de sa prépon-
dérance politique. En 1615, Halchka Loztchina y fonda une
confrérie religieuse et des écoles; en 1633, Pierre Mogila
y créa l'Académie théologique. En 1649, l'Académie de
Kiev envoya ses savants en Moscovie pour y fonder une
école supérieure. Par le traité de Pereïaslav (1654), Kiev
avec toute la Petite-Russie se mit sous le protectorat des
tsars de Moscovie ; en 1701, Pierre P*" confirma les privi-
lèges de l'Académie de Kiev, et, en 1706, il fonda la for-
teresse de cette ville. Après la chute définitive de l'indé-
pendance politique delà Petite-Russie en 1775-82, Kiev
devint le chef-lieu de la province du même nom, trans-
formée en 1796 en simple gouvernement. La fondation de
l'Université en 1834 ranima cette ancienne capitale de la
Russie et lui rendit son importance de centre intellectuel
et littéraire de l'Ukraine.
Le gouvernement de Kiev est situé entre ceux de Minsk
au N. , de Tchernigov et de Poltava à l'E. , de Kherson au S. ,
de Podolie et de Volynie à UO., surla rive droite du Dniepr. Il
occupe 50,999 kil. q. Les contreforts des Karpates, connus
Cathédrale Sainte-Sophie, à Kiev.
sous le nom de monts d'Avratyne, entrent dans le gouverne-
ment de Kiev non loin de Berdy tchev, passent dans la partie
S.-O. jusqu'à la rivière Tiasmyn, et sortent pour se perdre
dans le gouvernement de Kherson. Ces collines, qui ne dépas-
sent pas 300 m. de hauteur, séparent le bassin de Boug de
celui de Dniepr. La surface du gouvernement de Kiev est peu
ondulée, quelquefois plate et inclinée vers l'E., de sorte que
toutes les rivières (les plus remarquables sont Flrpen, la
Stougna, la Ros, le Tiasmyn, la Rastavilza, etc.), coulent
de ro. à l'E. et affluent dans le Dniepr. Les lacs et les ma-
rais sont peu nombreux. Le sol, composé de terre noire
au S. et d'argile et de sable au N., est très fertile. La partie
septentrionale du gouvernement de Kiev a conservé jusqu'à
présent une quantité assez considérable de forêts, de sapins
et de chênes, et porte le nom de Poliésié (c.-à-d. « pays
boisé ») ; dans la partie centrale abondent de vastes prairies
qui se transforment dans la partie méridionale en vrais
steppes. Le climat est continental et assez tempéré : la tem-
pérature moyenne est — 4,12° en hiver et + 15,03o en
été. Parmi les produits agricoles, les plus importants sont :
le seigle, le blé, la betterave, le bétail. Les fabriques de
sucres très nombreuses dominent dans l'industrie ; elles
appartiennent pour la plupart à des sociétés d'actionnaires et
produisent annuellement plus de 200 millions de kilogr. La
production des alcools est aussi très importante. Les pro-
duits minéraux les plus remarquables sont le labrador dont
les gisements très riches se trouvent près de Kamennyi-
Brod, la terre de faïence dans le distr. de Kiev, le fer, les
lignites, les phosphorites, etc. La plupart des propriétés fon-
cières appartient aux seigneurs polonais; le commerce et le
crédit sont presque exclusivement dans les mains des juifs.
Le gouvernement de Kiev compte 3,139,937 hab., dont
83 «/o de Petits-Russiens, 13 «/o de Juifs, 1,57 % de Polo-
nais, 0,86 % de Grands-Russiens, 0,55 7o d'Allemands, etc.
533
KIEV -- KILIDJ
Il se divise en 42 districts : Kiev, Berdytchev, Vassiikov,
Kanev, Zvenigorodka, Lipovetz, Radomysl, Skvira, Tara-
chtcha, Ouman, Tcherkassy et T*îhigirine. Th. Volkov.
BiBL. : Chronique dite de Nestor, trad. par L. Léger.
— Synopsis de Giesel, Paterikon, ou les vies des saints
de Kiev (en slav.). — Tiethmar, Chronique. — Kalno-
FOÏSKi, Description de Kiev. — Zakrevsky, Description
de Kiev. — Foundoukley, Aperçu de Kiev au point de
vue archéologique; Kiev, 1847 (en russe). — Hultkowsky,
Slov^nik geograficzny (en pol.). — Eugène (le métropol.),
Description historique de la Lavra de Kiev ; — Antono-
viTCH, Kiev aux xrv-xve siècles (en russe). — Mémoires de
la section de S. 0. de la Soc. imp. russe de géographie,
2 vol. {iS1i-15).— Recensement de lapopulation de Kiev, 1874.
— Plusieurs articles dans les revues historiques : Kievskaïa
Starina (Antiquités de Kiev), 1883-1894, et Lectures dans
la Société historique du Nestor l'Annaliste., 1879-1891. —
Zakhartchenko, Kiev autrefois et aujourd'hui:, Kiev,
1890, etc. — FouN doukle y, Descriptions des gouvernements
de la circonscription scolaire de Kiev. — uu môme, Des-
cription statistique et nnilitaire du gouvernement de Kiev.,
1848. — TcHOUBiNSKY, Almanach des Provinces de Sud-
Ouest., 1872. — Mœller, Relse von Volynien nach Cher-
son^ 1802. — Blasius, Reise im europ. Russland. — Se-
menov, Diction, géogr. de la Russie. — BALiiNSKi et Li-
piNSKi, Starozytna Polska, etc. — Léger, Etudes slaves,
1875. Mémoires de la Soc. des Naturalistes de Kiev, 1871-94.
— Carte géologique du gouv. de Kiev., 1879.
KM. Province maritime du Japon, à la pointe S. de
Nippon, ken de Vakayama ; 700,000 hab. Les principales
villes sont Vakayama, Youasa, Tanabé, Singou ; à l'É. de
la première est la montagne sacrée de Koyasan, avec
370 temples ou couvents bouddhiques, des monuments
commémoratifs de toutes les familles princières, de mer-
veilleux objets d'art ; cette montagne est boisée de koya-
makis; ce magnifique conifère {Skiadopitys verticillata)
est le plus bel arbre du Japon.
Kll, personnage légendaire de l'histoire de Russie ; les
chroniques racontent qu'il régnait — à une époque indé-
terminée — sur les Polianes païens et qu'il fonda la ville
de Kiev. Elles mentionnent les noms de ses deux frères
Stchek et Khoriv et de sa sœur Lybed.
KlKlMORAou MORA, personnage du folklore slave ; il
symbolise le cauchemar qui tourmente les dormeurs ; les
Moras sont l'objet dans les pays slaves d'une foule de su-
perstitions.
BiBL. : Mahal, Esquisse de la mythologie slave (en
tchèque) ; Prague, 1891.
Kl KKERT (Albert), amiral hollandais, né à Vlieland en
1762, mort à Curaçao en 1819. Il entra de bonne heure
dans la marine et se distingua en 1779 à la bataille de
Doggersbank. Il réprima ensuite l'insurrection des nègres
à Curaçao. Devenu vice-amiral en 1808, il embrassa avec
ardeur la cause nationale en 1813 et contraignit les Fran-
çais à évacuer Dordrecht. Guillaume ï®^ le récompensa en
lui donnant le gouvernement de Curaçao.
BiBL : H. BosscHA, Histoire du soulèvement de i8î3
(en holl.); Amsterdam, 1814-17, 2 vol. in-8.
Kl LA-BAR. Ville de l'Afghanistan, capitale de la prin-
cipauté du, Chougnan, à l'O. du Pamir, rive gauche de
l'Amou-daria, en face le confluent du Soutchan ; 10,000hab.
Citadelle. Importante position stratégique.
Kl LA-OU AMAR. Ville de l'Afghanistan, capitale de la
principauté de Rochau, vassale du Chougnan, sur TAmou-
daria, à 10 kil. en aval du confluent du Mourghab. Cita-
delle où réside Tété le prince de Chougnan.
KILAOUEAou KILAUEA. Volcan deHle Hawaï (V. Sand-
wich [Iles]).
Kl LA-PAN DJ A. Ville de l'Afghanistan, capitale du
Ouakhan. Deux forts et trois tours sur le Pandj (Amou-
daria supérieur).
KILBARRY. Localité d'Irlande, province de Leinster,
comté de Longford, près du lac Forbes (Shannon), Ruines
de trois églises.
KILDARE. Ville. — Ville d'Irlande, ch.-l. du comté
de ce nom (prov. de Leinster), sur le chemin de fer de
Dublin à Galway ; i ,200 hab. Tour ronde de 40 m. Ruines
de plusieurs églises et d'un château du xvi® siècle, ancien
couvent de Sainte-Bridget.
Comté. — Comté de la province de Leinster, entre ceux
de Carlow au S., Wicklow et Dublin à l'E., Meath auN.,
Queen et King à FO. ; 1,693 kil. q. ; 70,206 hab. Plaine
ondulée dont les collines de vieux grès rouge dépassent
à peine 200 m. et sont entourées de vastes tourbières au
N. et au centre. La Boyne y naît, le Barrow et le LifFey
le traversent. Les champs occupent le quart du sol, les
pâturages les deux tiers.
KILDARE (Comtes de) (V. Fitzgerald).
KILDARE (John Fitzhthomâs) (V. Fitzthomas).
Kl LOIN (Comtes de) (V. Douglas).
KILGEEVER. Com. d'Irlande, comté de Mayo, province
de Connaught, sur la baie de Clew; 5,920 hab.
Kl LIA ou cm LIE. Ville de Russie, province de Bessa-
rabie, au N. de la branche N. du delta du Danube, qui en
prend le nom (V. Danube) ; 6,000 hab. C'est l'ancienne
colonie grecque à'AchUlea.
KILIAN (Monts). Montagnes du Kouen-loun occidental,
séparées de la chaîne principale par la vallée du Karakach
et le col de Koulik. Elle a de 5,500 à 6,000 m. avec deux
cols, Kilian (5,250 m.) et Sandehou (5,067 m.). — Le
Kilian-daria en descend au N. et se perd dans le désert
de Gobi dans la direction du lac léchil-koul ; il arrose la
ville de Kilian (à 125kil.S.-E.d'Yarkand ; 5,000 hab.).
KILIAN (Saint), missionnaire en Thuringe, mort vers la
fin du vn® siècle. Des diverses légendes rédigées du ix^ au
XII® siècle sur cet apôtre celtique, on peut retenir ceci :
Kilian ou Kyllena avait quitté l'Irlande avec une troupe
apostolique, vers le dernier tiers du vu® siècle ; il s'était
arrêté dans la Franconie orientale, y avait développé quel-
ques germes de christianisme et périt à Wurzbourg parce
qu'il blâmait le mariage (incestueux?) du duc Gozbert.
KILIAN. Famille augsbourgeoise, qui a fourni toute une
série de graveurs au burin pendant deux siècles. Lukas,
né en 1579, mort en 1637, fils d'un orfèvre et élève du
graveur D. Custos, travailla longtemps à Venise et grava
dans la manière de Goltzius et de Sadler. On a de lui de
nombreuses estampes d'après des maîtres italiens et une
série de bons portraits. — Wolfgang^ né en 1581, mort
en 1662, frère du précédent, le suivit en Italie et s'adonna
plus spécialement à l'interprétation des œuvres des maîtres
vénitiens. Il grava aussi des portraits. — Philipp, né en
1628, mort en 1693, fils et élève du 'précédent, burina
des portraits très estimés. — Bartholomœus, né en 1630,
mort en 1696, frère du précédent, d'abord élève de son
père, puis de Mérian à Francfort, enfin de Poilly à Paris,
fut le plus habile graveur de cette famille. On lui doit
plusieurs centaines d'estampes, surtout des portraits de
ses compatriotes, parmi lesquels on cite celui de l'empe-
reur Joseph i*^ à cheval, formant seize planches gr. in-fol.
— Georg, né en 1683, mort en 1 755, petit-fils de Philipp
et élève de Fischer, fut un très bon peintre de portraits,
excellent pastelliste et graveur en manière noire et au burin,
— Georg-Christoph, né en 1709, mort en 1781, fils et
élève du précédent, exécuta à l'eau-forte, au burin et en
manière noire plus de cent de portraits de savants et
d'artistes, ainsi que des sujets d'histoire. Grand iconophile,
il laissa en manuscrit des biographies d'artistes célèbres.
— Philipp -Andréas, né en 1714, mort en 1759, frère du
précédent, élève de Friedrich et de Preisler, étudia ensuite
son arfc dans les Pays-Bas et devint graveur de la cour de
Saxe. Parmi ses estampes, sujets de sainteté ou portraits,
on cite un recueil de 130 pi. : Picturce Veteris et Novi
Testamenti., d'après les maîtres les plus célèbres, ainsi
que V Histoire des Médicis^ d'après les fresques de Fran-
ceschini(10 pL). G. P-i.
KILIAN (Hermann-Friedrich), accoucheur allemand, né
à Leipzig le 5 févr. 1800, mort à Liebenstein le 7 août
1863. Il fut nommé en 1821 professeur de physiologie et
de pathologie à l'Académie de médecine de Pétersbourg, et
en 1 828 passa à Bonn comme professeur d'accouchements.
Il a publié de 1826 à 1856 un grand nombre d'ouvrages
sur l'obstétrique, la gynécologie, etc. D^ L. Hn.
KILIDJ-Arslân (V. Turcs Seldjoucides).
KILIF — KILMAÏNE
534 ^
KILIF ou KÉLIF. Ville du Turkestan, khanat de Bo-
khara, à 300 kil. S.-E. de cette ville, rive droite de
l'Amou-daria ; c'est une place forte gardant un défilé du
fleuve sur la frontière afghane et la route de Bokhara à
Maïniéné ; la navigation à vapeur du fleuve s'y arrête,
KILIWIA-NDJARO.Mont volcanique de FAfrique orien-
tale, par B^e' lat. S., 35^3' long. E., au S. du mont
Kénia ; il a deux sommets atteignant, celui de FO. 5,746 m. ,
celui de TE. 4,944 m.
BiBL. : Thomson, Through the Masai Country^ dans
Proceed. Roy. Geogr.Soc. de Londres, 1884, t. VI.
KILINSKI (Jean), patriote polonais, né à Trzemeszno
(duché de Posen) en i 760, mort à Varsovie le 28 janv.
4819. Il s'établit à Varsovie comme cordonnier en 4780
et devint bientôt très populaire à la cour et dans la ville.
Il joua un rôle important dans les événements de l'année
1794 qui ont décidé du sort de la Pologne. En apprenant
la victoire des Polonais sur les Russes à Raclawice, il
excita la bourgeoisie de Varsovie gui commença une lutte
terrible avec les Russes dans la capitale (jeudi saint, 17 avr.
4794). Ce combat héroïque dura trois jours et trois nuits.
Les Russes perdirent environ 7,000 hommes, et le général en
chef Igelstrom, ministre plénipotentiaire de l'impératrice
Catherine, dut s'enfuir dans le camp prussien établi près
de Varsovie. Kilinski, nommé colonel du 20® régiment, se
distingua ensuite pendant le siège de Varsovie, et mit les
Prussiens en déroute. Après la prise de Varsovie, il fut
prisonnier des Russes, qui l'emmenèrent à Saint-Péters-
bourg. Gracié, il rentra à Varsovie et reprit son métier de
cordonnier. Jean Kilinski écrivit ses Mémoires qu'il dédia
à J.-U. Niemcewicz. Il mourut aimé et vénéré par ses
compatriotes. — Son fils François fut nommé officier
dans la garde de Napoléon P^ (chevau-légers).
BiBL.: K.-Wl. WoYciCKi, Biographie de J. Kilinski^
dans la Collection des Mémoires dit xviii» siècle ; Po-
sen, 1860. —■ Le Cimetière de Powazki, près de Varsovie
(en polonais); Varsovie, 1856-60, t. II et III. — Wo-
LowsKi, Etudes sur la Pologne; Paris, 1864.
KILJANDER (Karl-Mârten), écrivain finnois, né dans
le district deKuopio en 1817. D'un pays où l'on parle pu-
rement le finnois, il fut un des premiers à se servir avec
élégance de sa langue maternelle. Il a traduit un très grand
nombre de poésies suédoises de Stagnelius, de Nicander
et surtout de Runeberg. En 4877, il fut nommé docteur
honoraire de l'université d'Upsal.
KILKENNY. Ville. — Ville d'Irlande, ch.-l. du comté
de ce nom, sur le Nore, affluent droit du Barrow ;
42,000 hab. Château sur un rocher ; cathédrale Sainte-
Kenny (du xn® siècle, mais restaurée). Ruines d'un grand
nombre d'églises et couvents ; collège où furent élevés
Berkeley et Swift, collège Saint-Kyan en style gothique ;
ruines de l'abbaye d'ir /s Mo wti. La population était double
au xviii® siècle de ce qu'elle est maintenant. La ruine des
manufactures de laine a entraîné la déchéance de Kilkenny,
Comté. — Comté d'Irlande, province de Leinster. Com-
pris entre ceux de Queen au N., Tipperary à l'O., Water-
ford au S., Wexford et Carlow à l'E. ; 2,063 kil. q. ;
99,534 hab. Dans le S.-O., on parle encore la langue
erse ; au N. et au S. sont des collines, au centre une
plaine ondulée. Les champs occupent moins du tiers, les
pâturages les deux tiers de la superficie totale. Carrières
de beau marbre noir,
KILKERRAN (Charles Dalrymple) (V. Fergusson).
Kl LLALA. Ville et port de mer d'Irlande, comté de Mayo,
province de Connaught ; 4,830 hab. Eglise ancienne. C'est
là que les Français débarquèrent en 4798.
KILLARNEY. Ville d'Irlande, comté de Kerry, province
de Munster ; 9,655 hab. Stat. du chem. de fer de Cork à
Tralee. Près de cette ville, en partie composée d'hôtels
à l'usage des touristes, se trouvent trois petits lacs qui
communiquent entre eux, les célèbres lacs de Killarney
(V. Irlande, t. XX, p. 949). Belle végétation alentour,
notamment sur les pentes des montagnes qui bordent les
lacs à l'E. et à l'O.
KILLEM. Com. du dép. du Nord, arr. de Dunkerque,
cant. de Hondschotte ; 4,446 hab.
KILLERY. Golfe de la côte 0. d'Irlande (V. ce mot,
t. XX, p. 945).
KILLIGREW (Sir Henry), diplomate anglais, mort en
4603. Membre du Parlement pour Launceston (4553), il
favorisa la fuite de P. Carew et fut lui-même exilé. Rap-
pelé à Londres à l'avènement d'Elisabeth, il fut chargé
par elle de nombreuses missions diplomatiques, notamment
auprès de Marie Stuart. Il fut ambassadeur en Allemagne,
en France, aux Pays-Bas. Sa correspondance diplomatique,
très volumineuse, est au British Muséum et au Record
Office. On a imprimé de lui dans la collection de L. Howard :
A Remembrance of H. Killigreiv Mirnies in H, 31,
Service. R. s.
KILLIGREW (Sir William), auteur dramatique anglais,
né à Hanworthen 4606, mort en 4695. Membre du Par-
lement pour Penryn (46<28), il occupa plusieurs emplois à
la cour, notamment celui de vice-chambellan de la reine.
H a laissé de nombreuses pièces de théâtre qui ont eu du
succès en leur temps, entre autres la comédie de Pandora
(1664, in-8) ; les tragi-comédies de Selindra (4665,
in-8), d'Ormasdes (4665, in-8); The Siège of Urbin
(4666, in-foL). R. s.
KILLIGREW (Thomas), auteur dramatique anglais, né
à Londres le 7 févr.,1642, mort à Whitehall le 19 mars
1683, frère du précédent. Page et favori de Charles P' de-
puis 4633 jusqu'à la mort de ce prince, il fut en égale fa-
veur auprès de Charles IL C'était un causeur très brillant
et très spirituel. Résident à Venise en 4651, il y commit
tant de scandaleuses débauches qu'on dut le rappeler en
1652. H voyagea en Italie, en Espagne, en France, et de
retour à Londres, à la Restauration, devint chambellan de
la reine. Il obtint le privilège de former deux compagnies
d'acteurs qui passèrent par la suite au service du roi, et
fonda le théâtre qui devint Drury Lane et qui porta primi-
tivement le nom de Théâtre royal. Il eut d'âpres démêlés
avec Davenant, directeur d'une autre troupe. H fut enterré
à Westminster. Ses œuvres ont été publiées sous le titre
de Comédies and Tragédies (Londres, 1664, in-fol.).
Elles comprennent onze pièces de théâtre dont les plus con-
nues sont: TheParson's wedding, comédie jouée en 1664
à Drury Lane ; Cicilia and Clorinda, Claracilla, The
Prisoners, Bellamira, tragi-comédies. — Son fils, Thomas
(1657-1719), gentilhomme delà chambre de Georges II,
prince de Galles, a laissé aussi quelques comédies,^ entre
autres Chit-Chat (1719, in-8), qui obtint un grand succès
à Drury Lane. R. S,
KILLIGREW (Anne), célèbre femme auteur anglaise,
née à Londres en 1660, morte le 16 juin 1685. Fille du
chapelain du duc d'York, elle devint fille d'honneur de
Marie de Modène. « Grâce pour la beauté. Muse pour
l'esprit >> (Wood), elle a laissé des poésies, des peintures,
des dessins qui firent regretter sa mort prématurée. Citons :
Po^m5 (Londres, 1686, in-4). R. S.
KILLINITE (Miner.). Silicate d'alumine lithinifère, très
voisin du triphane ou spodumène, en cristaux prismatiques,
rhomboïdaux, obliques^ d'unedensité de 3,13,d'unedureté
de 6,5 à 7. Elle s'emploie comme tous les feldspaths et peut
servir pour la fabrication de la porcelaine et des émaux.
KILMAÏNE (Charles-Edouard), général français, né à
Dublin (Irlande) le] 19 oct. 1751, mort à Paris le 11 déc,
1799, n entra au régiment Royal-Dragons en 1774 et
devint adjudant dans les volontaires étrangers de la ma-
rine en sept. 1778. L'année suivante, il fit en cette qua-
lité la campagne du Sénégal, fut promu sous-lieutenant et
de 4 780 à 4 783 guerroya en Amérique ; lieutenant en 4 786,
capitaine en 4788,1a Révolution le fit lieutenant-colonel
le 23 nov. 4792, colonel le 26 janv. 4793 et général de
brigade le 8 mars suivant. Attaché à l'armée du Nord et
des Ardennes, il y déploya la plus grande valeur et rem-
plaça Dampierre qm avait été blessé à mort (8 mai). Kil-
maine, promu général de division le 45 mai 4793, servit
535 -
KÏLMAINE — KIMBERLEIY
sous les ordres de Gustine, nommé général en chef, et
lorsque celui-ci, suspect, fut mandé à Paris, c'est encore
à Kilmaine qu'on confia le commandement provisoire des
armées du Nord et des Ardennes, le 4 juil. Mais il devint
à son tour suspect aux commissaires de la Convention, à
cause de son origine et de ses relations anglaises, et il fut
suspendu de ses fonctions le 4 août. Rappelé à l'activité,
il fut, le 13 juin 1795, chargé du commandement de l'ar-
mée des Alpes et d'Italie. L'année suivante, il se couvrit de
gloire en Italie sous les ordres de Bonaparte devant Peschiera
(30 mai 1796), à Castiglione (5 août) et à Mantoue (2 févr.
1797). Kilmaine, nommé commandant de la Lombardie,
fut appelé, le 23 déc. 1797, au commandement de la ca-
valerie de l'armée d'Angleterre et devint, le 25 mars 1798,
général en chef par intérim de celte armée. Il était en
congé à Paris quand il mourut prématurément, laissant la
réputation d'un des meilleurs généraux de cavalerie de la
République. Etienne Cha.ravay,
BiBL. : Archives de la guerre. — Etienne Ciiaravay,
Correspondance de Garnot, t. II.
KILMARNOCK. Ville d'Ecosse, comté d'Ayr, à 18kil.
N.-N.-E. du chef-lieu; 25,865 hab. Stat. du chem. de
her d'Ayr à Glasgow. Fabriques d'étoffes de laine et de
aussures. Fromages renommés
KILOGRAMME (V. Système métrique) >
KIL06RAMMÈTRE. C'est l'unité pratique de travail
adoptée. C'est le travail qui correspond à l'élévation d'un
kilogramme à 1 m. de hauteur. L'unité de travail dans le
système C. G. S. est l'erg qui est le travail d'une force
égale à un dyne déplaçant le corps d'un centimètre dans
la direction de la force. Or la dyne valant 1/981 gr., le
gramme vaut 981 dynes et le kilogramme 981,000 dynes.
Par conséquent le travail correspondant à 1 kilogr. élevé à
1 centim. de haut vaudra 981 ,000 ergs et si on élève à
1 m. le travail correspondant au kilogrammètre vaudra
100 fois plus, c.-à-d. 98,100,000 ergs ou 98,1 megergs,
le megerg valant un million d'ergs. A. Joannis.
KILOMÈTRE (V. Système métrique).
Kl LOUA (V. Chirva).
KILOUARON ou KILWAREE. Ilot de l'archipel des Mo-
luques (V. ce mot), banc de sable au centre de récifs
coralliaires formant un excellent mouillage ; belles sources.
Les maisons sont bâties sur pilotis. Marché commercial où
s'échangent les produits de la Nouvelle-Guinée, de Bali,
Célèbes, Singapour, etc. (écaille, perles, trépang, muscade,
opium, riz, sagou, toiles anglaises, etc).
KILOWATT (Electr.). Le kilowatt vaut 1,000 wats;
c'est le multiple 10^ de l'unité électrique de puissance qui
est le watt. Nous rappellerons que la puissance est le taux
d'accomplissement du travail. L'unité mécanique pratique
de puissance qui n'a pas de nom est de 1 kilogrammètre
par seconde, mais il y a une unité industrielle, le cheval-
vapeur qui vaut 75 kilogrammètres par seconde, et une
autre, le poncelet, qui vaut 1 00 kilogrammètres par seconde.
Le watt, unité des électriciens, est aussi un volt-ampère.
Les relations entre ces quantités sont celles-ci : 1 watt =:
1/9,81 kilogrammètre par seconde ; 1 kilowatt =: 1,36
cheval-vapeur ; 1 cheval-vapeur = 736 watts. L. K.
KILPATRICK. Nom de deux villes d'Ecosse, comté de
Dumbarton, sur le canal du Forth, distants de 6 kil. : Old
ofi West Kilpatrick; 6,000 hab. Chantiers de construc-
tions navales ; New ou East Kilpatrick ; 5,000 hab.
Cotonnades, teintureries, impressions sur étoffes.
KILRUSH. Ville d'Irlande, province de Munster, comté
de Clare, sur une baie de l'estuaire du Shannon ; 4,000 hab.
Plage balnéaire de Kilkee, Toiles, flanelles.
KILSYTH. Ville d'Ecosse, comté de Stirling, sur le canal
du Forth; 6,000 hab. Mines de houille et de fer; coton-
nades. PJn 1645, Montrosey vainquit les presbytériens.
KILTCHIPOUR. Principauté radjpoute de l'Inde, dans
le Mal va, au N. du Kali-Sindh (affluent du Tchambal, qui
va à la Djemna) ; 528 kil. q. ; 40,000 hab.
KILWARDEBY (Robert ou Robertus de Valle-Verbi),
philosophe scolastique anglais, mortà Viterbe en 1279. Il
fit ses études à Oxford, vint à Paris se faire recevoir maître
es arts et entra dans l'ordre des dominicains. En 1272,
il fut fait archevêque de Canterbury et en 1277 cardinal-
archevêque de Porto. Ses ouvrages sont tous restés manus-
crits. Ils lui avaient acquis de son vivant une grande répu-
tation de logicien. Les principaux sont : Tractatus de
ortu seientiarum (bibl. Bodléienne) ; De Divisione phi-
losophice (ancienne Sorbonne, Oxford, Bruges) ; Com-
mentaires des Topiques, de VOrganon (bibl. National?,
Paris) ; Libri vigenti quatuor pertinentes ad logicam
et philosophiam (bibl. de Cambridge). C-el.
KILWINNING. Ville d'Ecosse, sur le Lugton, à 3 kiL
de l'estuaire de la Clyde; 3,500 hab. Stat. du chemin
de fer ae Glasgow à Ayr. Mines de houille ; forges ;
mousselines brodées. Château d'Eglinton, Ruines d'une
abbaye consacrée à saint Winning, qui fut une des plus
riches d'Ecosse, mais a été détruite à la Réforme. Une
tradition y rattache les origines de la franc-maçonnerie
(V. cet art., t. XVII, p. 1184). Sa loge est regardée comme
la première du rite écossais.
KIMAK. Ville de Perse, province duSéistan, sur le Hil-
mend. Ruines d'un temple guèbre ; citadelle.
KIMBALL (Richard-Burleigh), romancier et publicisie
américain, né à Plainfield (New Hampshire) en 1816. Après
avoir voyagé en Europe, il s'établit avocat à Waterforcl,
puis à New York. Il a donné beaucoup d'articles au
Knickerbocker et à d'autres périodiques. 11 a aussi publié
plusieurs ouvrages, parmi lesquels on peut citer : Cuba
and the Cubans (1850); Romance of Student Life
abroad (1853); în the Tropics (1863); Henry Power ^\
Ranker (1868) ; To-day^ a Romance (1870) et Emilie
(1872). B.-II. G.
KIMBER (Isaae), littérateur anglais, né à W^antage
(Berkshire) le 1^^" déc. 1692, mort en 1755. Ministre bap-
tiste. Il fonda en 1728 le Morning Chronicle qui parut
jusqu'en 1732. Il est l'auteur d'un grand nombre d'ou-
vrages, entre autres The Life of Oliver Cromwell (Londres,
1724, in-8), qui eut six éditions successives et fut tra-
duit en français en 1725. — Son fils Edivard (1719-69)
est l'auteur d'un roman, The Life and adventures of Joe
Thompson (1750, 2 vol. in-12) qui a eu un grand succèiï
et a été traduit en français en 1762, et de divers travaux
généalogiques, entre autres : The Peerage of England
(1766, m-12); The Peerage of Scotland(il61, in-8):;
The Peerage of Ireland (1768, in-8) ; The Extinct Pee-
rage of England (1769, in-12). R. S.
KIMBERLEY, Ville de la colonie du Cap, chef-lieu de
la division de même nom, province du Griqualand-Wesù
(V. ce mot), à 850 kil. N.-E. de Capetown et près de la
frontière de l'Etat libre d'Orange, à une trentaine de kil,
au S.-E. du Vaal, qui entoure, sur sa rive gauche, le
district au N. et à l'O. et par son affluent le Modder, au
S.; ait. 1,235 m.; population 28,643 hab., dont la
moitié environ est de race blanche, et en grande par-
tie flottante. Kimberley n'était, il y a vingt-trois ans, en
1871, qu'une ferme, de l'Etat libre d'Orange, nommée
Vooruitzig, appartenant à un Boër du nom de De Béer,
quand on y découvrit, au commencement de l'année, puis
en juillet, les deux plus riches gisements de diamants (V.
Diamant, t. XIV, p. 430), parmi les fouilles sèches (dry
diggings), d'où les dénominations de « Old De Beers »,
puis de « De Beer's New Rush » ou « Colesberg Kopje »,
celle-ci étant due à l'auteur de cette dernière découverte,
M. Rawstorne, de Colesberg. Peu après, la ville naissante
reçut le nom de Kimberley. Bâtie à la hâte, en quelques
semaines, Kimberley, au commencement, put être surnom-
mée une « ville de fer-blanc » (tin town), mais elle ne
tarda pas à devenir une grande cité, qui rivalise aujour-
d'hui avec Capetown et Port Elizabeth. C'est qu'elle est le
centre de l'exploitation actuelle des diamants. Elle est en
relation par voie ferrée : 1° avec Capetown (1,041 kil.) ;
la ligne se prolonge jusqu'à Vriburg (Bechuanaland) et
KIMBERLEY — KIMERÏDGIEN
- 536 -
bientôt ira par Mafeking jusqu'à Fort Salisbury (Machona-
land) ; 2° avec Port Elizabeth et avec Pretoria ; 3^ avec
East-London. La ville, placée sur un plateau jadis aride,
est actuellement pourvue d'une eau abondante, par une
dérivation du Vaal. Elle est éclairée à la lumière électrique.
Kimberley possède un outillage de machines considérable et
des ressources industrielles propres : biscuits, conserves,
fer-blanc, wagons, chariots. Air sec et salubre ; aux en-
virons, pâturages de bœufs. Ch. Del.
BiBL. : Noble, Cape of Good Hope ; Capetown, 1886. —
The Colonial Year Book ; Londres. — Ed. Foa, Notes sur
l'Afrique du Sud, dans Revue de V Afrique du 15 nov.
1891 ; Emigrant's Information Office Handbooks ; Londres.
— Combes, le Mouvement africain en 1892; Paris, 1893. —
L'Afrique explorée et civilisée^ févr. et juin 1893; Genève.
— Journal la Politique coloniale, n° du 25 nov.;1893.
KIMBERLEY (John Wodehouse, comte de), homme po-
litique anglais, né à Londres le 7 janv. 4826. Député lieu-
tenant de Norfolk (1847), il fut sous-secrétaire d'Etat aux
affaires étrangères de 4852 à 4856, ministre plénipotentaire
à Saint-Pétersbourg de 1856 à 4858, lord lieutenant d'Ir-
lande de 4864 à 4866 et fut créé comte en 4866. Lord
du sceau privé en 4868, il devint secrétaire d'Etal pour
les colonies dans le ministère Gladstone de 4870 à 4874 et
de nouveau en 4880, 4886 et 4892. Il occupa en même
temps les charges de secrétaire d'Etat pour l'Inde et de
président du conseil. Il a pris le portefeuille des affaires
étrangères dans le cabinet Rosebery du 5 mars 1894.
Kl M BER LITE (Miner.). Dans le groupe despéridotites,
c.-à-d. des roches granitoïdes basiques, sans feldspath, où
domine le péridot, de nombreuses variétés sont basées sur la
nature des bisilicates ferro-magnésiens ou des minerais
associés à Tolivinë. C'est ainsi que la kimberlite, signalée
pour la première fois dans les gîtes diamantifères du Cap, où
cette roche se trouve en relation avec les brèches ophitiques
serpentineuses qui renferment le minéral précieux, n'est
autre qu'une péridotite augitique grenue, elle-même en
partie serpentinisée, et par suite une forme granitoide de
la roche mère du diamant au Cap (V. Péridotite).
Kl M cm. Famille de savants juifs de Narbonne. Joseph
est l'auteur de la première grammaire hébraïque publiée
dans les pays chrétiens (entre 4450 et H 70) et de plu-
sieurs traductions. — Son fils Mois^ publia également une
grammaire, Liber viarum. linguœ sanctœ (Paris, 4520;
trad. par Seb. Munster; Bâle, 1534, avec commentaire
d'Elie Levita et note de Lempereur ; Paris, 4634) et des
poésies religieuses. — David, dit Rdak, né à Narbonne
vers 4460, mort à Narbonne en 4240, autre fils de Joseph,
est le plus célèbre; il a écrit des commentaires de la Ge-
nèse, des Chroniques, des Prophètes, des Psaumes, une
grammaire (Mzc/t/o/; Venise, 4545; Furth, 4793); un
dictionnaire hébraïque (Sefer haschoraschim ; Naples,
4490; Venise, 4529 et 4552; rééd. par Lebrecht et
Biesenthal; Berlin, 4838-48), etc.
BiBL. : Renan, les Rabbins juifs^ dans Hist. litt. de la
France.— Bâcher, J. Kimchi et Aboulmalid ; Paris,
883. — Tauber, David Kimchi als Grammatiher; Bres-
iau, 1867.
KIMÉRIDGIEN ou KIMMÉRIDGIEN ou KIMMÉRI-
DIEN. Nom donné par les géologues à l'un des étages du
système jurassique. Le nom de kimméridgien a été donné
par d'Orbigny en 4849 à un étage dont le type était le
« kimeridge clay », argile qui affleure dans la baie de
Kimeridge, dans le Dorsetshire. L'orthographe de kimé-
ridgien doit être préférée à l'orthographe habituelle, qui
écrit kimméridgien ou kimméridien. Certains auteurs ont
donné à l'étage kiméridgien une extension plus considé-
rable que celle qui correspond à la définition de d'Orbigny,
en y comprenant les couches qui constituent aujourd'hui le
séquanien. On distinguait alors dans le kiméridgien les
sous-étages astartien, ptérocérien et virgulien. On y
a même quelquefois fait rentrer l'étage portlandien. Tel
qu'il est actuellement compris, le kiméridgien est Pavant-
dernier étage jurassique ; il fait suite au séquanien et pré-
cède le portlandien. Il correspond aux assises que l'on a
désignées sous les noms de ptérocérien et de virgulien,
d'après deux fossiles qui se rencontrent très fréquemment
à deux niveaux successifs dans le bassin anglo-parisien et
dans le Jura, le Pterocera Oceanl, un Gastropode, et
VOstrea virgiUa, un Lamellibranche. Mais, en général,
la distribution de ces deux espèces n'a rien de constant et
il vaut mieux se servir, pour établir des niveaux paléon-
tologiques dans le kiméridgien, des Ammonites, dont la
distribution dans le temps est beaucoup plus régulière.
Si l'on prend comme point de départ de l'étude du kimé-
ridgien le bassin de Paris où, grâce aux travaux de
MM. Pellat, Tombeck, de Loriol, l'étage est mieux connu
que partout ailleurs, on obtient les subdivisions suivantes,
qui paraissent pouvoir s'appliquer également au Jura, à
l'Angleterre, au N. de l'Allemagne :
4° Zone à Perisphinctes Cymodoce;
2° Zone supérieure :
a. Sous-zone à Aspidoceras orthoceras ;
b. Sous-zone à Aspidoceras Caletanum;
c. Sous-zone à Pieinecheia pseudomutabilis, à Aspi-
doceras Lallierianum, et à Perisphinctes Erinus.
La sous-zone a pourrait être avec autant de raison
rangée dans la zone inférieure.
Les falaises de la Hève, au N. du Havre, constituent
une locahté classique pour l'étude du kiméridgien. On y
observe des calcaires marneux gris extrêmement riches en
fossiles d'une admirable conservation, parmi lesquels il faut
citer : Perisphinctes decipiens., Per. Cymodoce^ Ptero-
cera Ponti, Pter. Oceani, Ostrea solitaria^ Trigonia
papillata, Tr. muricata^ Pholadomya Protei^ Ceromya
excentrica^ Zeilleria humeralis, Pygurus Royeri. Au-
dessus viennent des argiles à Aspidoceras orthoceras,
A. Lallierianum, A. longispinum^ couronnées par des
lumachelles à' Ostrea virgula. — Des faciès identiques se
trouvent en Angleterre, surtout bien développés dans le
Dorsetshire, dans l'Oxfordshire, dans le Lincolnshire. Les
ossements de reptiles y sont particulièrement abondants.
Dans le Boulonnais s'intercalent à plusieurs niveaux des
couches sableuses, attestant le voisinage d'un rivage.
Dans l'E. du bassin de Paris et dans le Jura septen-
trional, le kiméridgien est surtout représenté par des cal-
caires plus ou moins marneux, contenant les mêmes faunes
qu'en Normandie. Dans le Jura méridional, le kiméridgien
prend souvent le faciès oolithique et présente même des
intercalations de calcaires coralligènes. Les célèbres récifs
de Valfin se trouvent dans la partie inférieure de l'étage et
correspondent à l'ancien ptérocérien ; à Montépile et à
Oyonnax (Ain), on connaît également des intercalations de
dépôts coralligènes dans le virgulien. — A La Rochelle,
une formation corallienne correspond à la base du ptéro-
cérien, par conséquent au même niveau qu'à Valfin.
Ces intercalations, dans le kiméridgien du Jura méri-
dional et de la Charente, indiquent déjà l'influence de
courants chauds venant des régions équatoriales (V. Juras-
sique) ; elles manquent entièrement dans le bassin anglo-
parisien, où pourtant il existait des formations coralHgènes
à l'époque rauracienne et, dans le S. du bassin, à l'époque
séquanienne. Le bassin anglo-parisien, le Jura septen-
trional, le N. de l'Allemagne étaient incontestablement, à
l'époque kiméridgienne, sous l'influence de courants froids;
la faune de ces régions a des rapports très intimes avec
celle du kiméridgien de la Russie centrale.
Dans les environs de Moscou, des argiles schisteuses
micacées contiennent des fossiles caractéristiques du kimé-
ridgien, entre autres Reineckeia pseudomutabilis, mais
il est difficile de séparer ici le rauracien, le séquanien et le
kiméridgien. A Simbirsk, sur la basse Volga, par contre, on
distingue parfaitement les deux zones du kiméridgien, et
M. Pavlow y a trouvé un grand nombre d'espèces de l'Eu-
rope occidentale, parmi lesquelles prédominent plusieurs
formes d'Ammonites du genre Reineckeia,
537 -
KÏMEMDGIEN - KÏN
Dans les régions de l'Europe qui présentent le type
méditerranéen du système jurassique, il est extrêmement
difficile de délimiter l'étage kiméridgien et, dans l'état
actuel de nos connaissances, il est à peu près impossible
d'établir un parallélisme rigoureux entre les zones kimé-
ridgiennes du Nord et les couches qui paraissent leur cor-
respondre dans le Midi. Ces couches, souvent désignées
sous le nom de « couches à Aspidoceras acanthicum »,
sont d'ordinaire divisées, depuis les travaux classiques de
Neumayr, en deux zones : 1 « la zone à Oppelia tenuilo-
bata ; 2** la zone à Reineckeia pseudomutabilis^ mais il
est possible que la zone inférieure, qui repose sur des
couches à Perispfiinctes Achilles, corresponde en partie
au séquanien des régions septentrionales, comme l'indique-
rait la présence, dans le séquanien du Boulonnais, du
Perisphinctes Lothari et d'autres Ammonites caractéris-
tiques de la zone à Oppelia tenuilobata du Midi. D'autre
part, il est possible que la base de la zone à Oppelia
lithographica^ qui fait suite à la zone supérieure et que
l'on range déjà dans le tithonique, doive être considérée
comme synchronique d'une partie du virgulien du Nord.
Dans ce cas, le changement de faune correspondant à la
limite du kiméridgien et du porlandien ne se serait pas
produit en même temps dans les mers du N. et de l'O. de
l'Europe et dans celles des régions méditerranéennes. Ce-
pendant, dans le bassin du Rhône, Reineckeia pseudo-
mutabilis^ R. Eudoxus et d'autres formes du virgulien
du Nord se rencontrent à un niveau inférieur aux couches
qui contiennent les premiers représentants du groupe de
V Oppelia lithographica et dans lesquelles M. Paquier a
trouvé, près de Grenoble, un échantillon à'Holcostepha-
nus Mus d'Orb., espèce caractéristique du portlandien
inférieur du bassin anglo-parisien.
Dans toute la région qui s'étend du Languedoc à la Ga-
licie, en passant par les chaînes subalpines, le versant
suisse du Jura, le Randen, la Souabe, la Franconie, le bord
méridional du massif de Bohême, la zone à Oppelia tenui-
lobata^ le Jura blanc y de Quenstedt, est représentée, en
général, par des calcaires marneux bien stratifiés, tandis
que la zone à Reineckeia pseudomutabilis^ le Jura blanc
8 de Quenstedt, est à l'état de calcaires massifs souvent
siliceux, riches en spongiaires.
Parmi les nombreuses Ammonites caractéristiques de la
zone à Oppelia tenuilobata^ on peut citer les suivantes :
Oppelia tenuilobata^ 0. Weinlandi^Neumayiiacompsa^
Perisphinctes Lothari, P. Gûntheri, Sutneria Galar,
Aspidoceras iphicerum ; dans la zone à Reineckeia pseu-
domutabilis, on doit signaler, outre cette espèce : Rei-
neckeia Eudoxus, Perisphinctes Eumelus, Waagenia
Beckeri. Quand s'introduit le faciès à spongiaires, les
Rynchonelles et les Térébratules deviennent extrêmement
abondantes.
Dans les Alpes orientales, dans les Karpates, en Sicile,
le kiméridgien est le plus souvent représenté par des cal-
caires rouges à Ammonites, qui sont intimement liés par
leur faune aux calcaires de même nature caractérisés par
Pygope diphya, qui constituent le tithonique inférieur.
Dans les régions méditerranéennes, les Phylloceras et les
Simoceras, très rares dans l'Allemagne du Sud, plus
communs dans la bassin du Rhône, deviennent prépondé-
rants parmi les Ammonites.
Le kiméridgien est encore fort mal connu en dehors de
l'Europe. Emile Haug.
KI-MIN6. Ville de Chine, province de Petchili, sur le
Yang-ho, affl. gauche du San-kan-ho, sur la route de
Péking à Kalgan; station centrale de la poste pour la
Chine septentrionale. Mines de houille; bon vin blanc.
KIMOLOS. Ile de l'Archipel, au N.-E. de Milo, dans
l'éparchie grecque de Milo ; 42 kil. q., 2,300 hab.
Mines de soufre. Les mines d'argent, célèbres au moyen
âge, sont aujourd'hui épuisées. Sol rocheux ; on recueille
une argile blanche et grasse, la terre cimolée^ employée
par les foulons. Tombeaux phéniciens. Capitale : Kimolos,
au S.-O. de l'île (1,125 hab.). L'île était connue au moyen
âge sous le nom de VArgentière,
KIMP0LUN6 (V. Câmpulung).
KIMRA. Ville de Russie, gouvernement de Tver;
3,000 hab. Cordonnerie. En 1807 et 1812, elle équipa de
chaussures une grande partie de l'armée russe.
KIM-TOU-Ho ou RIVIÈRE Noire. Rivière du Tonkin,
affl. droit du fleuve Rouge (V. Tonkin).
KIN. Nom d'une dynastie de race tongouse qui régna sur
le N. de la Chine pendant un siècle environ, de 1115 à 1234
ap. J.-C. Le peuple d'où sortit cette dynastie est appelé les
Jou-tchen (ou Niu-tchen) par les écrivains chinois, les
Tchourtchés par les auteurs persans et arabes; les lieux qui
furent son berceau se trouvent en Mandchourie, au N. de la
Longue Montagne Bhnche (Tchang pé chan), on prennent
leur source la rivière Yalou à l'O., la rivière Tiumen à l'E.
et la Soungari au N. Au temps de la dynastie Leao (V. Khi-
tan), les Jou-tchen étaient distingués en deux catégories,
les sauvages et les soumis. Les Jou-tchen soumis étaient
ceux qui occupaient le royaume de Po-hai {Leao-tong) ;
les Jou-tchen sauvages vaguaient dans la Mandchourie
orientale, depuis lesTrontières de la Corée jusqu'à l'Amour.
Ce sont ces derniers qui, au commencement du xii® siècle,
s'élancèrent, conduits par un chef habile, Agouta, à l'as-
saut de l'empire des Leao.
Agouta était né en 1068; dès son avènement, en l'an
1113, il refusa de rendre hommage comme l'avaient fait
tous ses prédécesseurs, à l'empereur khitan ; le premier
jour de l'année 1115, il prit lui-même le titre d'empereur
et donna à la dynastie qu'il fondait ainsi le nom d'Aisin
ou, en chinois, Kin, qui signifie « or »; il justifia cette
appellation en disant : « Les Khitans ont attribué à leur
dynastie le nom de Leao, ce qui signifie de l'acier de très
fine trempe ; ils pensaient, en agissant ainsi, affirmer que
leur dynastie serait aussi durable que l'acier ; mais quelque
durable qu'il soit, Tacier est sujet à se rouiller. R n'y a
que l'or, parmi les métaux, qui soit impérissable. » La
guerre ouverte ne tarda pas à éclater entre Agouta et les
Khitans ; le nouvel empereur, Kin, fut vainqueur en plus
d'une rencontre ; mais il ne parvint pas à déposséder com-
plètement ses rivaux et mourut en 4123 en chargeant son
fils Ukimai de terminer son œuvre. Il fut canonisé sous
le nom de Tai-tsou.
Ukimai soumit l'empire Hia ou Tangout, puis acheva
la ruine de la dynastie Leao en faisant prisonnier, en 1124,
le dernier empereur Yelu Yen-hi. Il déclara ensuite la guerre
à l'empire proprement chinois des Song dont la capitale
était Pien-leang (auj. Kai fong fou, au'S. du Koang ho) ;
il s'empara de cette ville et emmena captif l'empereur Kin
tsong en déc. 1126. A la suite de cette victoire, les Kin
refoulèrent les Song dans le Sud, et les rivières Han et Hoai
furent la limite des deux empires.
Les Kin possédaient le Tche-li, le Chan-si, la partie N.
du Chen-si, le Chan-tong et le Honan ; ils avaient leur
capitale à Péking qui était pour eux la capitale du centre,
Tchong tou ou Tchong king. Leurs quatre autres résidences
impériales étaient : Si-king, c.-à-d. la capitale de l'Ouest,
ou Ta-tong fou, dans le Chan-si; Ton king, c.-à-d. la ca-
pitale de l'Est, ou Leao-yang tcheou, dans le Leao-tong ;
Nan-king, c.-à-d. la capitale du Sud, ou Pien-leang (auj.
Kai- fong fou dans le Ho-nan) ; enfin Pe-king, c.-à-d. la
capitale du Nord, ou Ta-ting fou (cette ville était située
dans la partie nord du Tche-li, sur la rivière Loha, au S.
de l'aile droite des Mongols Kartchins). On voit que l'empire
des Kin occupait en Chine une étendue beaucoup plus con-
sidérable que celle qu'avait eue l'empire khitan ; en revanche
il était enfermé dans des limites bien plus restreintes en
dehors de la Chine propre, car il ne possédait guère que le
Leao-tong et la Mandchourie. Les Naïmans et les Kara Khi-
tans étaient tout-puissants dans l'Ouest, et, en Mongolie,
commençait à s'élever la nation mongole qui devait, dans
un avenir rapproché, faire table rase de toutes les domi-
nations rivales. Ce fut dès le commencement du xia^ siècle
KÏN — KINDA
538
que les Kin commencèrent à souffrir des atlaques mongoles;
ils luttèrent jusqu'en d234, époque à laquelle ils dispa-
rurent écrasés par les forces réunies de l'empereur Song et
du khan mongol Ogotai.
La liste des empereurs de la dynastie Kin est la suivante :
Tai-tsou (lid 5-2^2) ; Tai-tsong (11 23-34); Hitsong (113o-
48); Hai-ling wang (1149-60); Che tsong (1161-89);
Tchang-tsong (1190-1208); Wei-chao wang (1209-12);
Siuen tsong' (1213-23) ; Ngai tsong (1224-33); Mo-ti
(1234).
La langue et l'écriture jou-tchen ont donné lieu à un
certain nombre de recherches intéressantes. Langlès (Al-
phabet mandchou^ pp. 38-39, 3® éd.) a dressé une liste
des mots jou-tchen avec les mots mandchous correspon-
dants et a prouvé l'identité de ces deux langages ; cette dé-
monstration a été faite aussi par A. Wylie dans sa préface
à la traduction du Tsing xven ki mong. Les Mandchous
actuels se déclarent d'ailleurs eux-mêmes les descendants
des Kin. M. de Harlez a, il est vrai, combattu cette ma-
nière de voir, mais ses arguments ne paraissent pas irré-
futables. Quant à l'écriture, les Jou-tchen n'en avaient aucune
avant que leurs chefs eussent pris le titre d'empereur.
Agouta, en 11 4 9, nomma une commission composée de Ouyé,
Moulianho et Kouchen pour inventer une écriture tirée du
chinois, sur le même principe que l'écriture khitane. En
1138, l'empereur Hi tsong proposa un système simplifié
qui fut appelé les petits caractères jou-tchen, par opposi-
tion aux grands caractères jou-tchen qui étaient ceux
d'Agouta ; les petits caractères jou-tchen furent mis offi-
ciellement en usage à partir de 4145. On possède une ins-
cription en petits caractères jou-tchen, c'est celle dite de
Yentai (Devéria : Examen de la stèle de Yen-tai, dans
Revue de V Extrême Orient, 1. 1, pp. 173-185) ; il est à
espérer qu'on pourra prochainement la déchiffrer en partie,
grâce au vocabulaire jou-tchen qui se trouve dans le lîoa
i i yu de la Bibliothèque de Berhn et qui sera publié par
M. le D^ Grube. Deux autres textes lapidaires sont désignés
par les épigraphistes chinois comme étant écrits en jou-
tchen. Ce sont l'inscription de Salican (Wylie, On an
Ancient Inscription in the jSeu-chih language, dans
Journal of the Royal Asiatic Society, N. 5., vol. XVII,
p. 331) et une partie de l'inscription hexalingue de Kiu
yong koan (Wylie, On an Ancient Ruddhist Inscrip-
tion at Keu-yung kwan, dans Journal of the Royal Asia-
tic Society, N. S,, vol. V, part. 1,1870); mais ces deux
textes n'ont rien de commun ni entre eux, ni avec l'ins-
cription de Yen-tai, et c'est pourquoi on ne saurait accepter
sans réserves l'affirmation des savants chinois. Ed. Ch.
BiBL. : C. d'Ohsson, Histoire des Mongols, vol. I, chap.
IV. — Wylie, préface à la traduction du Tsing wen ki
mong. — De Harlez, Histoire de Vempire d'or (Aisin
gurun) ; suduri bithei, traduit du manuscrit 1122 de Paris ;
Maisonneuve, 1886. — De Harlez, Niu-tchis et Mand-
chous; rapports d'origine et de langage: Maisonneuve,
1888. ~ J. Ross, History ofCorea, pp. 231-260.— H.-H. Ho-
woRTH, The Kin or Golden Tatars, dans Journal of the
Royal Asiatic Society, N, S., vol. IX, pp. 243-290.
KINAÏ (Alaska) (V. Kenaï).
KIN B ERG (Johan-Gustav-Hjalmar), zoologiste suédois,
né en 1820. Professeur à l'institut vétérinaire de Stock-
holm, il a publié un important ouvrage : Animalia annu-
lata (1857-73), de nombreuses monographies: Linné et
la science vétérinaire (en suédois, 1892) ; Eddas Natur
historia (1880), et a collaboré aux principaux journaux
vétérinaires de la Suède.
KINBURN. Village de Russie, province de Tauride, sur
la flèche sablonneuse qui sépare de la mer Noire le liman
du Dniepr; c'est une ancienne forteresse turque (Kili-Bour-
nou) acquise par les Russes en 1774, prise par les Anglo-
Français en 1855, rasée en 1860. Elle avait peut-être rem-
placé la colonie grecque de Cereinite,
KINCARDINE. Ville. — Ville d'Ecosse, comté de ce
nom, au N. de l'estuaire du Forth; 1,400 hab. Ruines du
château de Tullialan,
Comté. — Comté maritime du N.-E. de l'Ecosse, entre
ceux d'Aberdeen au N., Forfar à l'O. et au S. ; 993 kil.
q. ; 35,465 hab. On l'appelait autrefois TheMearns, nom
réservé aujourd'hui à sa plaine du S.-E., qui prolonge la
dépression du Strathmore. Les champs occupaient un peu
moins de la moitié de la surface totale. La pêche est une
ressource considérable. Le ch.-l. du comté est Stonehaven.
Le comté s'étend de la mer du Nord à l'arête des monts Gram-
pians ; la bande côtière infertile est séparée par une rangée
de collines de la plaine de Mearns (vieux grès rouge) auN,-0.
de laquelle s'élèvent les roches siluriennes et granitiques des
Grampians ; le mont Battock à l'angle 0. s'élève à 748 m.
— Les champs occupent 46 *^/o; les bois 11 %. On compte
environ 26,000 bœufs et 30,000 moutons.
KIN-CHA-KiÂNG, c.-à-d. le fleuve au sable d'or, est le
nom que les Chinois donnent au cours supérieur du Yang-
tse, à partir de Siut-cheou fou, dans le Se-tchouen. A par-
ler strictement cependant, ce nom ne doit s'appliquer qu'à
la partie tibétaine du cours de ce fleuve.
KIND (Johann-Friedrich), littérateur allemand, né à
Leipzig le 4 mars 1768, mort à Dresde le 25 juin 1843.
Romantique, il eut de grands succès qu'on ne s'explique
plus aujourd'hui. Ses principaux romans sont : Natalia
(ZuUichau, 1802-04, 3 vol.); Leben und Liebe Rynos
und seiner Schwester Minona (1805, 2 vol.); Malven
(1805, 2 vol.); Tulpen (1806-10, 7 vol.); Die Harfe
{iSUA{),Syoiy, Llndenblûten(i8i9,4!\oL),etc.De ses
œuvres dramatiques réunies en 4 vol. (Leipzig, 1821-27),
il faut citer : Wilhelm der Eroberer, Van Dycks Landle-
ben, et surtout ses livrets d'opéra : Das Nachtlager von
Granada (musique de Kreutzner), Der Holzdieb (mus. de
Marschner), Freischûtz (mus. de Weber). Ses poésies
ont été publiées en 1805 (5 vol.) et rééditées de 1817 à
1825.
KIND (Karl-Theodor), philologue allemand, né à Leip-
zig le 7 oct. 1799, mort à Leipzig le 7 déc. 1868. Il a
beaucoup fait pour l'étude du néo-grec en publiant; Neu-
griechische Volkslieder, avec trad. (1827 et 1849); le
Panorama de Sutsos (avec notes, 1835); une chrestoma-
thie (1835), des anthologies (1844 et 1861), un diction-
naire grec-allemand (1841), une Gesch. der Griech, Ré-
volution (1833, 2 vol.), etc.
KINDA. La tribu arabe qui portait ce nom était origi-
naire du Hadramaut et exerça son influence sur une partie
de cette contrée. Au v^ siècle de notre ère une fraction du
Kinda alla s'établir à Haumat-Djandel, sur les confins du
désert de Syrie, et l'un de ses chefs, Hodjr, surnommé Akil
el-Morâr, y fonda une petite dynastie. Pendant les vingt
années qu'il régna (460-480), Hodjr soumit à son auto-
rité les tribus maaddiques qui l'entouraient et sut se faire
aimer de ses nouveaux sujets. Son fils, Amr el-Maksour
(480-495), ayant mécontenté les tribus tpaaddiques, celles-
ci se soulevèrent contre lui et se rendirent indépendantes
pendant une quinzaine d'années. Ce fut sous son règne que
commença la lutte célèbre connue chez les Arabes sous le
nom de guerre de Rasous et à laquelle se livrèrent durant
quarante\ns les tribus de Bakr et de Taghlib. Après la
mort d'Amr, tué dans un combat contre le prince Ghas-
sanide, Harits Abou-Chammir, ce fut son fils Harits qui lui
succéda (495-524). Harits ramena sous son obéissance les
tribus maaddiques qui s'étaient révoltées contre son père et
fit de nombreuses incursions sur les territoires appartenant
alors aux Romains et aux Perses. L'empereur Anastase
dut conclure un traité avec lui pour se mettre à l'abri de
ses attaques, et le roi de Perse, Cobâd, ne réussit à faire
respecter ses frontières qu'en lui cédant le royaume de
Hira. Mais, en 523, Harits fut contraint d'abandonner cette
nouvelle possession et peu après il mourait, tué dans un
combat, suivant les uns, étouffé par une indigestion, suivant
d'autres. De son vivant, il avait partagé ses Etats entre ses
fils Hodjr, Chourahbil, Selama, Madikarib et Abdallah, qui
perdirent successivement leurs provinces (524-530). C'est
à la tribu de Kinda qu'appartenait le célèbre poète Imroul-
qaïs ; à la mort de son père, Hodjr, fils de Harits, tué par les
539 —
KINDA - KING
Benou Asad, Imroulqaïs essaya de conserveries Etats de son
père et de venger sa mort ; mais, abandonné de ses troupes,
il erra de tribu en tribu sans réussir à obtenir les secours
dont il avait besoin et Ton sait qu'il mourut à Ancyre (An-
gora) d'une maladie provoquée, dit-on, par le port d'un
manteau empoisonné dont l'empereur Justinien l'aurait re-
vêtu pour venger le déshonneur de sa fille. Une branche
cadette des Kinda a également régné, mais sur une partie du
Hadramaut. Les princes qui l'ont représentée sont : Djabala,
Moaw^ia, Madikarib, Kaïs et El-Achaats qui se convertit à
l'islamisme avec tous ses sujets en 634 . 0. Houdas.
BiBL. : Caussin de Perceval, Essai sur l'histoire des
Arabes; Paris; 1847.
KINDERMANN (Johann-Erasmus), organiste allemand,
né à Nuremberg le 29 mars 4616, mort à Nuremberg le
44 avr. 4655. Il tint l'orgue de l'église Saint -Egide dans
sa ville natale, s'y fit une grande réputation de virtuose,
et publia de 4643 à 4652 plusieurs importants recueils
de musique religieuse vocale et instrumentale.
KINDERMANN (Jean-Chrétien), littérateur et historien
hollandais, né à Amsterdam en 4804, mort à Utrecht en
4876. Il devint pasteur et composa des ouvrages d'apo-
logétique religieuse et des livres d'histoire pleins d'éru-
dition et de sens critique. Ses travaux les plus importants
sont : Histoire de la chute delà Rochelle en i627 (en
holl., Bois-le-Duc, 4853; rééd. Arnhem, 4864, 2 vol. in-8) ;
les Démêlés d' Utrecht avec Borne au temps de Pierre
Codde (id., Utrecht, 4873, 2 vol. in-8).
BiBL. : J.-P. DE Keyser, Etude sur la vie et les travaux
de J.-C. Kindermann (en holl.) ; Utrecht, 1878.
KINDERMANS (Jean-Baptiste), peintre belge contem-
porain, né vers 4805. Paysagiste distingué, il s'est attaché
principalement à reproduire les sites de son pays natal,
dans leur poésie un peu froide et brumeuse. On cite comme
ses meilleures toiles : l'Ermitage de la Tour du Pré^
Sur la Meuse, une Vue des environs de Bruxelles et
une Vue de la vallée de VEmblève,
Kl NEC H MA. Ville de Russie, gouvernement de Kostroma,
rive droite de la Volga, au confluent de la Kinechmka ;
5,000 hab. Bon port fluvial où aboutit un ch, de fer de
Moscou. Toiles, cotonnades, produits chimiques, imageries.
KINEL. Rivière de Russie, gouvernement de Samara,
aflluent droit de la Samara ; 320 kil. de long. Elle reçoit le
Kineltchik (450 kil.). Au confluent est Kinel-tcherskaia ;
7,000 hab.
KINÉSITHÉRAPIE (V. Cinésithérâpie).
KING (Ile). Ile située au S. de TAustralie, au milieu
du détroit de Bass ; 60 kil. de long du N. au S., 25 kil.
de large, 4,423 kil. q. Elle est entourée de récifs dange-
reux. Elle dépend de la Tasmanie.
KING. Ile de la Colombie britannique, par 52° lat. N.;
60 kil. de long sur 45 kil. de large.
KING {Kings County). Comté d'Irlande, province de
Leinster, entre ceux de Kildare à TE., Queen au S., Tip-
perary au S.-O., Galway et Roscommon à l'O., West
Meath au N. ; 4,999 kil. q., 72,852 hab. Une grande
partie est couverte de tourbières ; la moitié du sol appar-
tient aux pâturages, moins du quart aux champs. Le chef-
lieu est Tullamore ; la principale ^ville Parsonstown. C'est
en 4557 que la reine Marie donna son nom actuel à ce
comté qui s'appelait auparavant Western Glenmalery,
KING. Livres classiques de la Chine (V. Chine, t. XI,
pp. 94,444,446).
KING (Henry), théologien et prélat anglais, né en 4592,
mort en 4669. Il se fit de bonne heure une réputation de
prédicateur éloquent, fut un instant soupçonné de s'être
converti au catholicisme et réfuta la calomnie en un re-
tentissant sermon prononcé à Saint-Paul (4624). En 4644,
il se vit appelé au siège épiscopal de Chichester. Outre
ses sermons et ses écrits purement théologiques, King com-
posa plusieurs élégies, non sans mérite, éparses dans les
recueils du temps, et réunies en 4657 en un volume
Po^ws, in-8). Une éàitionmoàerae des Poems and Psalms
de King a été donnée en 4843, avec une remarquahle
étude biographique par Hannah. B.-H. G.
KING (Edward), littérateur anglais, né en Irlande en
4612, mort en mer le 40 août 4637. Ami deMilton, qui
lui a consacré une belle élégie, Lycidas, il périt dans un
naufrage au cours d'une traversée de Chester en Irlande.
Il a laissé des poésies (publiées par Nichols dans Collection
of Poems) qui font regretter sa mort prématurée.
KING (Gregory), dessinateur et enlumineur anglais, né
en 4648, mort en 4742. Assistant du héraut d'armes de
la couronne, il exécuta de nombreux travaux héraldiques,
transcrivant et reproduisant des armoiries découvertes
dans les vieux châteaux, composant des arbres généalo-
giques, copiant et enluminant sur vélin des chartes et
autres documents de famille. Il collabora, pour la partie
graphique, à divers ouvrages de blason et de géographie,
et dessma un jeu de cartes avec les armes de la haute
noblesse anglaise.
KING (William), prélat anglican, théologien et contro-
versiste, né en Irlande en 4650, mort en 4729. Après
avoir fait de bonnes études à Trinity Collège, à Dublin, il
entra dans la carrièue ecclésiastique. Successivement mi-
nistre dans la capitale de KIrlande, puis doyen, il fut élevé
au siège épiscopal de Derry (4690) et finalement nommé
archevêque de Dublin. Il se signala dans toute sa carrière
par un zèle protestant très ardent dans un pays très catho-
lique et à une époque oti les passions religieuses étaient
très vives. Il n'est pas étonnant qu'il ait obtenu les faveurs
du gouvernement anglais. On lui doit quelques ouvrages
de controverse et de théologie philosophique. Parmi les
premiers citons : The State ofthe Protestants inlreland
under the late King James (4694), et Discourse con-
cerning the inventions of men in the worship of God.
Des seconds, le plus remarquable est son traité De Origine
mali, tentative de réconcilier l'existence du mal avec l'idée
d'un Dieu bon et tout-puissant, sujet abordé plus tard par
Leibniz et Bayle. On lui doit aussi un sermon sur la pre-
science divine et la liberté de l'homme. Divine Prédesti-
nation and foreknowledge consistent vnth the free-
dom ofman's will (4709),
KING (William), littérateur anglais, né en 4663, mort
e 25 déc. 4742. Avocat à Londres, il devint en 4704
juge à la cour de l'amirauté d'Irlande. Ami de Swift et
Gay, parent de Clarendon et de Rochester, il était très ré-
pandu dans le monde. Il eut une polémique retentissante
avec Bentley. Un des premiers collaborateurs de la feuille
conservatrice The Examiîier (4 71i)), King a beaucoup écrit
et souvent avec humour et une pointe de sarcasme. Citons
de lui: yl Journey to London in the year 1698 (4698) ;
Dialogues of the Dead (4695) ; Mully of Mountown
(4704); Miscellanies (4705), un fort piquant Art of
Cookery (4708) ; The Art of Love (4709) ; ses amusants :
Useful Transactions in Philosophy and other sort
of Learning (4709) ; Historical Account of the hea-
then Gods and Heroes (4740) ; Buflnus or the favou-
n^^ (4741), violent pamphlet contre Marlborough, etc.
J. Nichols a donné une excellente édition de ses œuvres :
Original Works of W. King (Londres, 4776, 3 vol.).
KING (Peter), baron d'Ockham, chancelier anglais, né à
Exeter en 4669, mort à Ockham le 22 juil. 4734, fils de
Jérôme King et d'Anne Locke, cousine du philosophe. En
4694, il publiait un traité : AnEnquiry into the consti-
tution ofthe primitive Church (Londres, in-42), qui at-
tira l'attention de Locke qui conseilla à son père de l'en-
voyer à l'université de Leyde où il passa trois ans. Avocat
au barreau de Londres en 4698, il acquit une réputation
considérable et fut élu comme Hbéral à la Chambre des
communes en 4704 par Beeralston. Il eut bientôt une in-
fluence très grande sur l'assemblée. En même temps il fai-
sait dans la magistrature une carrière brillante, était créé
pair avec le titre de baron d'Ockham le 28 mai 4725 et
était nommé lord chancelier. Son portrait, par Daniel de
Coning, figure à la National Gallery. King a laissé quelques
KlNG — KING GEORGE
540
ouvrages, entre autres: History of the Apostles'Creed
(1702), plusieurs fois réimprimé et traduit en latin. —
Un de ses descendants, Peter King, septième baron, né le
31 août 1776, mort le 4 juin 1833, publia des Thoughts
on the Restriction ofpayments in specie at the Banks
ofEngland and Ireland (Londres, 1803, in-8), qui est
un traité d'économie politique demeuré classique et qui
produisit à son apparition une véritable sensation. Le gou-
vernement, pour réagir contre son influence, dut demander
au Parlement le vote de loi imposant le cours légal des bil-
lets de banque. King, libérai avancé, attaqua vivement
les lois sur les céréales et réclama l'émancipation des ca-
tholiques. Citons encore de lui : The Life of John Locke
(Londres, 1829, in-4, nombr. éd., entre autres 1838,
in-8) et A Short History of the Job of Jobs (Londres,
1866, in-8). — Son fils, Peter-John- Locke, néàOckham
le 25 janv. 1811, mort le 12 nov. 1885, membre libéral
de la Chambre des communes de 4847 à 1874, causa la
chute du cabinet Russell (20 févr. 1851), en présentant
son County Franchise Bill, H a laissé deux écrits, entre
autres : Injustice of the law of succession (Londres,
1855, 3« éd.). R.S.
KING (William), écrivain anglais, néàStepney (Middle-
sex) le 16 mars 1685, mort le 30 déc. 1763. Principal de
Sainte-Mary flall (Oxford), secrétaire du comte d'Arran,
il a laissé un grand nombre de savants écrits en latin et
de pamphlets jacobites. Il est plus connu par une satire qui
frappa Swift d'admiration, The Toast (Dublin, 1732 ;
Londres, 1736), dans laquelle il attaqua avec une violence
passionnée plusieurs personnes de l'aristocratie, entre
autres la comtesse de Newburgh, et par ses intéressants
mémoires : Political and Literary Anecdotes ofhis own
iimes (Londres, 1818, in-8). R. S.
KING (Thomas), acteur anglais, né à Londres le 28 août
1730, mort à Londres le 11 déc. 1805. Il débuta en 1748
à Drury Lane dans le Boi Lear et acquit bientôt une re-
nommée considérable. Il fit près de quatre-vingts créations
sur cette scène où il remporta des triomphes. Après avoir
dirigé quelques théâtres, il succéda à Garrick à Drury
Lane. Il a laissé plusieurs pièces, entre autres : Love at
first Sight (1763) ; Wifs Last Stake (1769), adaptation
du Légataire de Regnard, etc. Il abandonna la direction
de Drury Lane en 1 785 et reparut sur la scène. R. S.
KING (Le Révére^nd John-Glen), archéologue anglais, né
en 1731, mort en 1787. Chapelain d'une factorerie bri-
tannique à Saint-Pétersbourg, il s'adonna à des travaux
d'archéologie et d'érudition sur l'EgHse orthodoxe. Pendant
un certain temps conservateur des médailles de l'impéra-
trice Catherine, il quitta la Russie pour revenir dans son
pays natal où on le pourvut d'un bénéfice, et où il publia
divers ouvrages estimés.
KING (Rufus), homme d'Etat américain, né à Scarbo-
rough (Maine) en 1755, mort à Jamaica (Long Island) le
29 avr. 1827. Il proposa au Congrès, en 1784, l'aboHtion
totale et immédiate de l'esclavage, devint sénateur pour
l'Etat de New York (1786) et l'un des chefs du parti fédé-
raliste, puis ministre plénipotentiaire auprès de la Grande-
Rretagne (1796-1804); sa correspondance diplomatique
atteste une perspicacité extraordinaire. Rappelé à la chute
de son parti, il rentra au Sénat en 1813 et y fit régler
l'aliénation des terres publiques, selon le procédé de vente
à bas prix qui a beaucoup contribué à la fortune des Etats-
Unis. Il combattit avec acharnement le compromis du Mis-
souri, fut encore quelques mois ministre en Angleterre
(sous J.-Q. Adams), et acheva sa vie dans la retraite
(V. Etats-Unis, § Histoire),
KING (Sir Richard), amiral anglais, né en 1774, mort
le 5 août 1834. Fils de Richard King (1730-1806), ami-
ral qui servit avec distinction pendant les campagnes de
1762 à 1782 et fut gouverneur de Terre-Neuve (1793-
94), il entra fort jeune dans la marine et accomplit de nom-
breux exploits dans la Manche de 1797 à 1802 ; il s'em-
para notamment (7 janv. 1797) de la Ville de Lorient,
de la Dédaigneuse (26 janv. 1801) et participa à la bataille
de Trafalgar (1805), où il contraignit les vaisseaux FA
Argonauta et le Berwick à amener pavillon. Commandant
en chef aux Indes (1816-20), il fut promu vice-amiral en
1821. — Son fils, George-Saint- Vincent-Duckworth
King, servit dans la mer Noire, pendant la guerre de Rus-
sie (1854-55) et commanda en second la brigade navale
au siège de Sébastopol. Il fut ensuite commandant en chef
en Chine (1863-67) et fut promu amiral en 1875. Il mou-
rut le 18 août 1891. R. S.
KING (William-Rufus), homme d'Etat américain, né à
Sampson (Caroline du Nord) le 6 avr. 1786, mort à Dallas
(Alabama) le 18 avr. 1853. Elu au Congrès en 1810, il
suivit Cîay et Calhoun, fut secrétaire de légation à Naples
et Saint-Pétersbourg (1816-18), sénateur pour l'Alabama
(1819-44) du parti démocrate, ministre plénipotentiaire en
France (1844-46), où il empêcha une protestation contre
l'annexion du Texas, réélu sénateur en 1848, puis prési-
dent du Sénat (1850) et vice-président des Etats-Unis (1 852)
sous la présidence de Pierce.
KING (Phihp-Parker), amiral anglais, né dans l'île de
Norfolk le 13 déc. 1793, mort à Sidney en févr. 1856.
Entré dans la marine en 1807, il fut employé, à partir de
1817, au relevé de la côte d'Australie, auquel il travailla
pendant cinq ans. Nommé membre de la Royal Society
(1824), il entreprit en 1825 le relevé de la côte S. de
l'Amérique du Sud, du rio de la Plata à la Terre de Feu.
Ce travail lui valut une grande renommée. Promu contre-
amiral en 1855, il avait depuis longtemps quitté le service
actif et s'était établi à Sidney où il s'occupait passionné-
ment d'agriculture et de colonisation. Citons de lui : Nar-
rative ofthe Survey ofthe intertropical and western
Coastsof Australia (Londres, 1727, 2 vol. in-8) ; Voyages
of the Adventure and Beagle (1839, in-8, t. I). R, S.
KING (Edward), vicomte Kingsborough (V. ce nom).
KING (Richard), explorateur anglais, né vers 1811,
mort à Londres le 4 févr. 1876. Médecin attaché à l'ex-
pédition de G. Back, à la recherche du capitaine Ross
(1833-35), d'où il rapporta d'importantes observations de
botanique et de météorologie, il fut un des premiers fon-
dateurs de l'Ethnological Society (1842). Il fit encore par-
tie, en 1850, de l'expédition àla recherche de Franklin. Ci-
tons de lui : Narrative of Journey to the shore of the
Arctic Océan (LonàvQ^, 1836, 2 vol. in-8) ; The Franklin
Expédition from first to last (1855) ; The Physical and
Intellectual Character and industrial arts of the Es-
quimaux (1844); The Natives of Vancouver' s Island
and British Columbia (1869) ; The Manx of the Isle
ofUan (1870) ; The Laplanders (1871). R. S.
KING (Charles-William), archéologue anglais, né à
Newport le 5 sept. 1818, mort à Londres le 25 mars
1888. Il avait réuni une importante collection de gemmes
et de camées antiques qu'il vendit en 1878 et qui appar-
tient aujourd'hui au Metropolitan Muséum of Art de New
York. Il est l'auteur d'ouvrages spéciaux dont les principaux
sont : Antique Gems (Londres, 1860, in-8); The Natu-
ral History of precious stones and gems (1865, in-8) ;
Antique Gems and Rings (1872, 2 vol. in-8). R. S.
KINGA ou CUNÉGONDE, reine de Pologne, née en
1224, morte en 1292. Elle était fille de Bêla IV, roi de
Hongrie. Elle épousa en 1239 Boleslav le Chaste. Après sa
mort (1279), elle fonda un monastère de clarisses où
elle passa les dernières années de sa vie. Elle fut canonisée
par l'Eglise romaine qui célèbre sa fête le24juil.
KIN6ANI. Fleuve de l'Afrique orientale, qui débouche
en face de Zanzibar, à 5 kil. N, de Bagamoyo. il descend
des monts Mkambakou.
KING-CHARLES (Zool.). (V. Chien, t. XI, p. 13).
KINGENA (Paléont.) (V. Térébratule) .
KING GEORGE(Baie). Baie duS.-0.de l'Australie, colo-
nie d'Australie occidentale, par 35^ 6'; c'est un magnifique
havre naturel ouvert vers TE., et au N.-O. duquel se trouve
Albany; elle fut découverte par Flinders (1801).
— 541 —
KING GEORGE — KINGSTON
KING^GEORGE River. Nom donné par les Anglais à la
Manissa ou Komati, dans la baie de Delagoa.
KINGLAKE (Alexander-William), homme politique et
écrivain anglais, né à Wilton House, près de Taunton,
en 1812, mort à Londres le 2 janv. 1891. Fils d'un
banquier qui était en même temps soliciter, il fit ses études
à Eton, et, à sa sortie de l'université de Cambridge,
se fit recevoir avocat. Ayant entrepris un voyage en
Orient, il en rapporta, sous le titre à'Eothen, un volume
d'impressions écrites d'un style vif et pittoresque dans la
manière humoristique du Voyage sentimental de Sterne,
qui obtint la faveur du public et fut presque aussitôt tra-
duit dans toutes les langues de l'Europe. Il reprit néan-
moins sa profession au barreau de Londres, collaborant
entre temps à la Quarterly Revieiv et à VEncyclopœdia
Britannica. S'intéressant surtout à l'histoire militaire, il
accompagna à Alger, en 1845, dans ses expéditions, Saint-
Arnaud qu'il devait retrouver plus tard en Crimée, où il
fit la campagne en qualité de correspondant. Après la guerre
d'Orient, il écrivit, à l'aide des papiers et des documents
que lui avait laissés lord Raglan, ce livre qui lui donna tous
les titres à la renommée, Invasion of the Crimea (\ 863-
87, 8 vol.). Il était entré au Parlement en 1857, et fit une
virulente campagne contre l'empire français et l'annexion
de la Savoie et du comté de Nice. Dans son histoire de la
guerre de Crimée, les portraits qu'il trace des généraux sont
admirablement dépeints. Napoléon III n'y est pas ménagé ;
aussi la traduction française qu'en donna à Bruxelles M. Kar-
cher fut-elle interdite pendant la durée de l'Empire. Un cha-
pitre même, intitulé Histoire du deux-Décembre^ en fut
extrait et tiré à part. Citons, comme autres ouvrages de Kin-
glake, The Mediterranean a French Lake (1845) et Ma-
dame de Lafayette (1872). Hector France.
KINGO (Thomas), poète religieux danois, né dans l'île
de Seeland en 1634, mort en 1703. Son père, d'origine
écossaise, lui fit étudier la théologie : à vingt-huit ans Tho-
mas Kingo était chapelain ; quelques années plus tard, il
était pasteur à Slangerup, son village natal, et à quarante-
trois ans, il était évêque de Fionie. Le roi Christian V,
frappé de la beauté de ses poésies religieuses et de ses
cantiques, lui accorda, en 1683, des lettres de noblesse.
Les œuvres poétiques de Kingo sont très diverses, mais sa
poésie profane a tous les défauts de l'époque : lourdeur,
affectation et emphase ; ses psaumes, en revanche, sont fort
beaux et d'une élévation de pensées, d'une ampleur de style
que le Danemark ne connaissait point encore et, dans ce
domaine du moins, n'a guère retrouvée. Les plus remar-
quables de ses cantiques et ceux qui sont encore les plus
populaires se trouvent dans le Recueil de cantiques (Aan-
deligtSjungekor, 1689). " Th. C.
KlNGSIsLAND (V. Ktng [Ile]).
KINGSBOROUGH (Edward King, vicomte), érudit an-
glais, né en 1795, mort à Dublin en 1837. Membre du Parle-
ment pour le comté de Cork de 1820 à 1826, il laissa son
siège à son frère cadet Robert et se voua à l'étude des anti-
quités américaines. Le résultat de ces études fut la publica-
tion de 9 vol. in-fol. et de 60 pages d'un 10^ volume resté
à l'état de projet, sous le titre général de Antiquiiies of
Mexico^ SiMec de nombreuses reproductions des monuments
de la civilisation mexicaine, que l'auteur attribue à des
colons juifs (1830-48). Il dépensa dans ce somptueux ou-
vrage plus de 32,000 livres sterling, et, comme il ne pou-
vait plus payer son marchand de papier, celui-ci le fit
mettre à la prison pour dettes de Dublin, où il mourut.
KINGSLEY (Charles), écrivain anglais, né à Holne, près
de Dartmoor(Devonshire), le 12 juin 1819, mort à Eversley
le 23 janv. 1875. Fils d'un pasteur, il montra la plus éton-
nante précocité, écrivant, assure-t-on, des sermons et des
poésies à l'âge de quatre ans. Après avoir achevé ses études
universitaires, il entra dans les ordres malgré les doutes
religieux qui le tourmentaient, et fut nommé cwra^^d'Evers-
ley, dans le Hampshire (1842). En 1844, il épousa miss
Grenfell, qu'il aimait depuis plusieurs années, et dontl'in-
fiuence bienfaisante s'était plus d'une fois exercée sur son
esprit inquiet. Intimement lié avec Maurice, Froude, Lud-
low, Thomas Hughes, il professa pendant un an la litté-
rature anglaise à Queen's Collège, qui venait d'être fondé
avec Maurice pour président, et fut, comme celui-ci, un des
plus ardents champions du « socialisme chrétien ». Un grand
nombrede brochures, des romans hardis comme Yeast, Alton
Locke, Hypatia, WestwardHo!, des poésies remarquables,
des livres à la fois scientifiques et littéraires, comme Glau-
eus, Town Tkeology, des sermons, des conférences et des
discours retentissants, d'innombrables articles sur les su-
jets les plus variés dans les magazines et les revues, fini-
rent, malgré les inimitiés et les persécutions, par mettre
le grand talent et le noble esprit de Kingsley au-dessus de
toute atteinte, et par lui conquérir de haute lutte la place
qu'il méritait. Nommé professeur d'histoire moderne à Cam-
bridge (1859), il ne réussit que médiocrement dans un en-
seignement auquel ses études ordinaires ne le préparaient
peut-être pas suffisamment. Sa veuve lui consacra une pu-
blication posthume : Ch, Kingsley, his letters and me-
moirs of his life (1876, 2 vol.). B.-H. G.
KINGSLEY (George-Henry), littérateur anglais, né à
Rarnack le 14 févr. 1827, mort à Cambridge le 5 févr.
1892. Médecin renommé, il avait inauguré comme moyen
de traitement pour toutes sortes de maladies les voyages à
l'étranger, et, pratiquant lui-même sa méthode, il parcou-
rut le monde entier. Très brillant causeur, écrivain humo-
ristique, il a laissé des récits de voyages qui ont eu grand
succès, entre autres : South Sea Bubhles (Londres, 1872,
in-8, 5^ éd., 1873j; A Gossip on a Sutherland Ilill-
side (1861, in-8). R. s.
KINGSLEY (Henry), Uttérateur anglais, né:à Rarnack
le 2 janv. 1830, mort lo 24 mai 1876, frère "du précé-
dent. Après un séjour infructueux aux champs d'or d'Aus-
trahe, il publia sur les mœurs des mineurs un>oman qui
eut un succès énorme, The Recollections of Geojfrey
Hamlyn (Londres, 1859, 3 vol.). Persistant dans cette
voie, il donna Ravenshoe (1862, 3 vol.) ; The Hillyars
and Burtons (1865, 3 vol.) ; Mademoiselle Mathilde
(1868); Valentin (1872); The Grange Garden (1876,
3 vol.), qui furent également remarqués. Correspondant
de VEdinburgh Daily Review, il assista à la bataille de
Sedan (1«^ sept. 1870), dont il a parlé dans son roman de
Valentin. r §
KING'S LYNN (V. Lynn Régis). ' '
KINGSMILL (lies) (V. Gilbert [Iles]).
KING'S NORTON. Ville d'Angleterre, comté de Wor-
cester, à 32 kil. N.-E. du chef-lieu; 34,070 hab. Stat.
du chem. de Rirmingham à Worcester. Fabrique d'armes
KINGSTON ou PORT-CAROLINE. Ville d'Australie!
colonie de l'Australie méridionale, au S.-E. de la baie En-
counler ; excellent port au N.-^S. du cap Bernouilli ou
Jaffa ; un chemin de fer la relie à la colonie de Victoria.
KINGSTON. Ville d'Australie, colonie du Queensland,
jadis nommée Oakey creek; elle est dans la presqu'île
d'York, sur la rivière Palmer, affluent dr. du Mitchell.
Elle compte 6,200 hab. dont 5,000 Chinois. C'est le centre
d'exploitations d'à llu viens aurifères.
KINGSTON. Ville d'Australie, colonie de Victoria, comté
de Talbot, sur le chemin de fer de Balïaarat, à 148 kil.
N.-O. de Melbourne ; très salubre, à 510 m. d'alt., sur le
versant N. de Forest-Hill ; région riche et favorable aux
cultures. Mines d'or exploitées depuis 1877.
KINGSTON. Ville du Canada, prov. d'Ontario, sur la
rive N. du Saint-Laurent, à sa sortie du lac Ontario et au
confluent du Cataraqui; 14,091 hab. Evêchés catholique
et anglican; université fondée en 1847, collège catholique
(Regiopolis), académie militaire ; fabriques de machines,
de pianos, constructions navales, distilleries, brasseries!
Grand port fluvial possédant une flotte d'un déplacement
de 30,000 tonnes ; mouvement de la navigation, 1,500,000
tonnes. Le canal Rideau (200 kil.) la relie à Ottawa.
C'est une place forte importante, avec ses forts Frontenac
KINGSTON — KlNKEL
- S42 -
(ancien fort Cataraqui) et Henry. Fortifiée par Frontenac
(1673), elle fut la capitale du Canada jusqu'en 1843.
KINGSTON. Ville des Etats-Unis (New York), rive
droite de FHudson, au débouché du canal de la Delaware
à riludson ; 20,000 hab. Le faubourg de Rondojitlm sert
de port. C'est un grand marché agricole et centre d'expé-
dition de pierres de taille et de ciment hydraulique. Fondée
en 1663 par les Hollandais, la première constitution de
New York y fut adoptée.
Kl N GSTO N . Ville des Etats-Unis (Rhode Island) ; i 0,000
hab. Comprend Nortli et South Kingston. Lainages, co-
tonnades, métallurgie.
KINGSTON. Ville de la Jamaïque, capitale de cette co-
lonie anglaise, au S. de l'île, sur la baie Hunt; 38,568
hab. C'est le grand port de la Jamaïque (V. ce mot), au
tond d'une lagune que sépare de la mer la langue de terre
des Palissades (16 kil. de long) et dont les forts de Port-
Royal gardent l'entrée. Fondée en 1693, après le trem-
blement de terre qui détruisit Port-Royal, elle aune grande
importance commerciale. La ville s'étage le long d'une col-
line ; sauf quelques édifices publics, les maisons n'ont qu'un
étage. Evèché anglican.
KINGSTON. Ville de File Saint-Vincent, capitale de
cette colonie anglaise, sur la côte S.-O. ; 6,000 hab. Beau
port. Elle fut rasée par le cyclone du 10 ocl. 1780.
KINGSTON-on-Thames. Ville d'Angleterre, comté de
Surrey, à 16 kil. S.-O. de Londres (Charing-Cross), sur la
r. dr. de la Tamise, au confluent de l'Ewel ; 20,000 hab.,
50,000 avec Surbiton et New Kingston, Stat. du chem.
de fer de Londres à Southampton. On y montre la pierre
qui servait, dit-on, de trône aux anciens rois du Wessex.
KINGSTON-upon-Hull (V. Hull).
KINGSTON (Richard), pamphlétaire anglais du xviii^
siècle. Ministre de Saint-James (1665), chapelain ordinaire
de Charles H (1682), il est connu par les controverses
virulentes qu'il soutint contre M. Smith (V. ce nom), contre
J. Freind et autres et qui lui valurent en 1708 d'être
arrêté par ordre de la Chambre des lords. On ne saurait
citer ici tous ses pamphlets politiques. Mentionnons les plus
connus : Pilulœ pestilentiales (1665), sermon prêché à
Saint-Paul de Londres ; A True Ris tory of the several
designs and conspirâmes against H. M. sacred person
from 1668 to 1691 (Londres, 1 698) ; Tyranny detected
and the late révolution justified (1699); Impudence,
lying and forger y detected andchastized (1700) ; Apo-
phtegma curiosa (1708). R. S.
KINGSTON (Duchesse de) (V. Chudleîgh [Elizabeth]).
KINGSTON (William-Henry-Giles), littérateur anglais,
né à Londres le 28 févr. 1814, mort près de Londres le
2 août 1880. Fils d'un commerçant établi à Porto, il
écrivit sur le Portugal des articles qui amenèrent la con-
clusion du traité de commerce entre ce pays et l'Angle-
terre en 1842. 11 est l'auteur de très nombreux romans
dont les plus connus sont : Peter the Whaler (1851) ;
The Cruise of the Frolic (1860) ; The Three Midship-
men (1873) ; My Travels in many Lands (1862) ; Jovi-
man ^1877), etc. R. S.
KINGSTOWN. Ville d'Irlande, comté de Dublin, sur la
rive S.-O. de la baie ; 18,585 hab. Stat. du chem. de fer
de Dublin à Wicklow. Port d'attache des bateaux à vapeur
qui vont à Liverpool et à Holyhead.
KING-TCHtOU. Nom de plusieurs villes de Chine ; les
principales sont : 1^ Prov. de Hou-pe, r. g. du Yang-tse-
kiang, place forte. — 2° Prov. de Kan-sou, à dr. duïing-
ho, affl. g. du Hoei-ho (affl. du Hoang-ho), au N. des
monts Lung-tchan. — 3<» Prov. de Liao-toung (Mand-
chourie), au N. du golfe de Liao-toung, au milieu de dunes.
Mauvais port ; entrepôt du commerce de la Mandchourie
avec le Petchili.
KING-TE TCHEN. Ville de Chine, province de Kiang-
si, sur le Tchang-kiang, affl. dr. du Yo-ngan, tribu-
taire du lac Po-yang. King-té tchen s'appelait autrefois
Nan-tchang ; mais, sous la dynastie Song, pendant la pé-
riode kmg-té (1004-07), on y fonda une manufacture
pour fabriquer des objets en porcelaine destinés à l'empe-
reur ; de là vint le nom de King-té tchen, qui signifie « bourg
de la période king-té ». Cette manufacture a gardé jusqu'à
nos jours une grande réputation. Une histoire des porce-
laines de King-té tchen, publiée en 1815 par Tcheng Tino--
koej, a été traduite en français par Stanislas Julien, e^n
'1856, sous le titre: Histoire et fabrication de la por-
celaine chinoise.he P. d'Entrecolles a visité King-té tchen
en 1717 et en a laissé une intéressante description [Lettres
édifiantes, recueil Xiï, pp. 261 et suiv.). Ce district eut,
dit-on, au xyui^ siècle, plus de 500 fabriques et d'un million
d'habitants. Son importance a beaucoup diminué. Ed. Ch.
BiBL. : Scott, Com,mercial Report, 1879, et l'art. Por-
celaine.
KIN6-TI. Nom posthume décerné à plusieurs empereurs
chinois: 1^ Han-hing-ti (i^6-Ui av. J.-C.) (V. Han).
— 2« Kvng-ti, roi du pays d'Où, à l'époque des trois
royaumes ; il régna de 258 à 263 ap. J.-C. — 3<> King-ti,
empereur de la dynastie Ming. Son nom de temple (m.iao
hao) est Tai tsong. H était monté sur le trône à la fin
de l'année 1449, au moment où son frère aîné, l'empereur
Yng-tsong, avait été fait prisonnier par les Mongols Wa-la
ou Oirats ; l'année 1450 fut donc la première de son règne.
Yng4song fut relâché par les Mongols le huitième mois de
1 année 1450, mais Kmg-ti refusa de lui rendre ses Etats.
Cependant, en 1457, Yng-tsong profita d'une grave ma-
ladie de son frère pour reprendre le pouvoir. King-ti mou-
rut dès le second mois de l'année 1457.
Kl N G-WI LLI AM'S Land (V. Guillaume [Terre du Roi-l).
KING-WILLIAM'S Town. Ville de la colonie du Cap,
prov. de l'Est, sur la r. g. deBuffalo River; 7,193 hab.
(en 1891). Centre commercial, intermédiaire du trafic avec
les districts de l'intérieur et avec les régions orientales.
m !^[^""^^- ^^^^® ^e Chine, prov. de Tche-kiang, sur le
Mekhi. Jambons renommés, pruneaux, eau-de-vie de riz.
KINKAJOU (Zool.) (V. Coati).
KINKEL (Gottfried), littérateur allemand, né à Ober-
kassel, près de Bonn, le 11 août 1815, mort à Zurich le
13 nov. 1882. Fils d'un pasteur, il fit des études théolo-
giques; l'influence de Geibel et de sa femme (V. ci-après)
développa son talent poétique. Ses vers (Gedichte, Stutt-
gart, 1843 ; 7« éd., 1872) et surtout son poème Otto der
oc/ife eurent un grand succès (Stuttgart, 1843 ; 56^ éd.,
1881). Son mariage provoqua sa destitution de sa place de
prédicateur à Cologne. Il écrivit alors de délicieux récits
poétiques, Der Grobschmied von Antwerpen et Margret,
puis se jeta dans l'agitation pohtique. Républicain militant,
il prit une part active aux combats de mai et juin 1849,
fut condamné à la prison perpétuelle; détenu à Naugard'
puis à Spandau, son admirateur Karl Schurz le fit évader
(nov. 1850). Réfugié à Londres, il y vécut de leçons et
conterences, s'y remaria; en avr. 1866, il fut nommé
professeur d'archéologie au Polytechnicum de Zurich, publia
les versions complètes de ses poèmes (1868 et 1872) Ta-
nagra, idylle (Brunswick, 1883) et plusieurs ouvraoes sur
1 histoire de l'art.
Sa première femme, Johanna, née Mockel, née à Bonn
le 8 juil. 1810, morte à Londres le 15 nov. 1858, catho-
lique séparée de son premier mari le libraire Mathieux,
puis divorcée après sa conversion au protestantisme, l'épousa
le 22 mai d843. Elle avait un grand talent musical, une
imagination très vive et une psychologie très affinée qui
se reflètent dans les Erzœhlungen (1849; 3« éd., 1883)
écrites avec son mari, dans son roman Hans Ibeles in
London (Stuttgart, 1860, 2 vol.) et dans ses composi-
tions musicales {Vogelkantate, etc.).
Leur fils Gottfried, né à Poppelsdorf le 11 juil. 1844
conservateur du musée des estampes à Zurich, a pubhé :
Euripides und die bildende Kunst (Berhn, 1872) ; Kunst
und Kultur im alten Italien vorder Herrschaft der
Rœmer (Bâle, 1878) ; Die Kulturzustœnde der Restau-
rationsepoche in England (Heidelberg, 1882), etc.
KINKÊLIN (Georges-David-Hermann), pédagogue et sta-
tisticien suisse, né à Berne le 14 nov. 4832. Il étudia les
mathématiques et les sciences naturelles à Zurich et Mu-
nich, les enseigna à Aarbourg, à Berne, ) uis à Bâle où il
est, depuis 4860, professeur à TEcole technique supérieure.
Il est en même temps professeur de mathématiques à l'Uni-
versité. Il fait partie depuis longtemps du grand conseil de
Bâle dont il a été président, et, depuis 1890, il siège au
conseil national comme député radical de Bâle-Yille. Il a
été réélu en 4893. Ses publications statistiques — M. Kin-
kelin a présidé la Société suisse de statistique — concernent
surtout les sociétés de secours mutuels et l'enseignement.
On lui doit aussi un Précis de géométrie. E. K.
KINKER (Jean), philosophe et poète hollandais, né à
Meisliist en 4764, mort à Amsterdam en 4845. Grand ad-
mirateur de Napoléon, il fut cruellement désillusionné par
l'annexion de la Hollande à la France, et, en 1814, il sa-
lua avec enthousiasme la création du nouveau royaume des
Pays-Bas. A cette époque, indépendamment de ses travaux
sur Kant et sur la morale, il avait déjà composé des drames
allégoriques, traduit en vers hollandais plusieurs poèmes de
Schiller et la Création de Haydn, et publié sur la musique
des anciens Grecs des études très originales. Appelé à oc-
cuper une chaire à l'université de Liège en 1817, Kinker
y professa avec éclat le cours de littérature, et mit tous
ses efforts à cimenter l'union des provinces wallonnes avec
la Hollande en propageant la connaissance de la langue
néerlandaise dans les provinces méridionales des Pays-Bas.
La révolution de 1830 brisa sa carrière académique. Il re-
tourna en Hollande et y passa ses dernières années dans
la retraite. C'était un esprit supérieur, un penseur cons-
ciencieux et sincère, un poète enthousiaste et charmant. La
liste complète des nombreux ouvrages de Kinker se trouve
dans Le Roy (Liber Memoralis de l'université de Liège ^
pp. 384-390). En voici les principaux : Ckani séculaire
en Vhonneur du xix*^ siècle (en holL, Utrecht, 1801,
in-8) ; Essai sur la critique de la Raison pure de Kant
(Amsterdam, 1801, in-8); la Création de Haydn tra-
duite en vers hollandais {id., 1803, in-8) ; les Tem-
pliers, tragédie (en holl. ; Utrecht, 1805, in-8); Théorie
philosophique générale du langage (id., 1820, in-8);
Etudes philosophiques sur le Beau (id., 1824, in-4).
On a pubhé après sa mort : le Dualisme de la raison
humaine ou le criticisme de Kant^ amélioré sous le
rapport de la raison pure et rendu complet sous celui
de la raison pratique (Amsterdam, I8o2, 2 vol. in-8).
BiBj.. : Van Hall, Biographie de Kinker (en holl.);
Amsterdam, 1850, in-8.
KIN-KI-PAO. Ville de Chine, prov. de Kan-sou, sur la
r. dr. du Hoang-ho, près de la Grande Muraille, à 46 kil.
S. de Ning-hia ; place forte des musulmans qui résista
longtemps lors de leur insurrection.
BiBL.: RicuTHOFEN,The Rébellion in Shensi ând Kansu.
KINNAIRD (Carnegie de) (V. Carnegie).
KINNAIRD (Barons). Ancienne famille écossaise, origi-
naire du comté de Perth et qui prétend descendre de Guil-
laume le Lion. Ses membres les plus remarquables sont :
George-Patrick, mort le 29 déc. 1089, ami intime de
Monck et l'un des agents les plus actifs de la Bestauration
de Charles IL II reçut le titre de baron en 1682.
Douglas-James-William, né le 26 févr. 1788, mort
à Londres le 12 mars 1830, ami de Byron, fut avec lui
un des directeurs du théâtre de Drury Lane. Il fut un des
conseillers d'affaires du grand poète et à sa mort insista
pour la destruction de ses Mémoires.
George~William-Fox, né le 14 avr. 1807, mort le
8 janv. 1878, s'occupa fort d'entreprises philanthropiques
et, lié avec Bicardo, Cobden, Bright, prit une part considé-
rable à l'agitation contre les lois sur les céréales. Il se
plaisait à recueillir et à assister les réfugiés polonais ; Maz-
zini et Garibaldi furent en excellents termes avec lui.
Arthur-Fitzgerald, né le 8 juil. 1814, mort à Londres
le 26 avr. 4887, entra d'abord dans la diplomatie, puis
- ^^3 - KINKELIN -- KINOGAMI
s'associa dans une importante maison de banque. Membre
libéral de la Chambre des communes, il fut lui aussi un
philanthrope très populaire. Il a laissé quelques écrits :
Bengal (1857) ; Nine Months in the United States
(1863), etc. — Sa femme, Mary-Jane Hoare (1816-88), a
fondé une infinité d'institutions charitables pour les femmes
et les jeunes filles. R s.
KINNEDER (William Erskine, lord) (V. Erskine). '
^ KINNESRIN (ancienne Chalets). Ville de Syrie, aujour-
d'hui ruinée, dans la plaine marécageuse où vient se
perdre le Koueïk, après avoir arrosé Alep, à environ 15 kil.
au S. de cette ville. Jusqu'au ix*' siècle de notre ère, pros-
père et bien peuplée, elle fut une des cinq principales
villes (djond) de la Syrie. Mais le voisinage d'Alep et les
guerres incessantes avec les Grecs ne tardèrent pas à amener
sa décadence, et à l'époque d'Ibn Batouta elle n'était déjà
plus qu'un amas de ruines. Dans ses environs se trouvait
le couvent de Saint-Simon (Deir Siraaân) où mourut le
khalife Omar ibn Abd el Azîz (729 ap. J.-C). L. Leriche.
KINNOULL (Comtes de). Ancienne famille anglaise d'où
est sortie la branche des comtes d'Errol. Ses membres les
plus importants sont :
Sir George Hay, premier comte de Kinnoull, né en 1572,
mort à Londres le 16 déc. 1634. Il fut lord haut chance-
lier d'Ecosse (1622) et créé comte le 25 mai 1633. —
GeorgCy septième comte, mort le 28 juil. 1758. Arrêté
à Londres en 1715 pour avoir favorisé la rébellion jaco-
bite, il fut encore compromis en 1722 dans la conspiration
de Richard Layer (V. ce nom). l\ fut ambassadeur à
Constantmople de 1729 à 1737. — Thomas, fils du pré-
cédent, né en 1710, mort le 27 déc. 1787; membre
de la Chambre des communes depuis 1741, il y jouit
d'une certaine influence quoiqu'il fût un détestable ora-
teur. Lord de la trésorerie (1754), il négocia d'impor-
tantes affaires financières. Très répandu dans le monde
littéraire,,ami de Gray et de Pope, il fit partie en 1758 du
cabinet NWcastle comme chancelier du duché de Lan-
castre. En 1759, il fut ambassadeur à Lisbonne où il
arrangea le différend survenu à la suite de la violation par
l'amiral Boscawen de la neutndité du Portugal. R. S.
Kl NO. I. HiSTomE naturelle. — Le kino est un suc
desséché provenant de plusieurs plantes de la tribu
des Ptérocarpées : le Pterocarpus crinaceus donne le
kino d'Afrique ou de Gambie, le Pterocarpus Draco
fournissait autrefois le kino de la terre ferme et de la
Guadeloupe; le Pterocarpus indiens donnait le kino
de Moulmein; le Pterocarpus marsupium, le plus
exploité actuellement, fournit le kino de Malabar. H faut
ajouter qu'un certain nombre de résines sont importées sous
le nom de kino. Le kino dans le Pterocarpus se présente
sous forme d'une substance colorée en rouge brun dans les
diverses parties du rameau, feuilles, écorces, bois. C'est une
substance rougeàtre, de saveur astringente, légèrement
amère. Sa composition chimique est analogue à celle du
cachou; par distillation sèche, il donne de la'pyrocatéchine
et, quand on la fait fondre avec des alcalis énergiques, po-
tasse ou soude, de l'acide pyrocatéchique et de la
phloroglucine. Le kino est en partie soluble dans Peau,
presque entièrement soluble dans l'alcool. Il renferme
surtout du tanin et son emploi en thérapeutique repose
sur les propriétés du tanin. C'est un astringent qui, pris
à la dose de 1 gr. en trois à quatre fois dans les vingt-quatre
heures, a été recommandé dans la dysenterie. Comme usage
externe, il a été préconisé comme succédané, mais plus actif,
du ratanhia (4 à 8 gr. par litre). Sa valeur spécifique
contre la blennorragie n'existe évidemment pas. D^ P. L.
IL CîHMiE L\DUSTRIELLE (V. BrUN, t. VIII, p. 234).
KIN06AML Lac du Canada, province de Québec, paral-
lèle au Saguenay, long de 40 kil., large de 800 à 3,500 m.,
profond de 300 m. ; il est formé par le Chicontimi et se
déverse par trois rivières ; le Kinogamichich, qui rejaillit
après un bref cours souterrain pour former le lac du même
nom (14 kil. de long, 400 m. de large), le Chicontimi, et la
KINOGAMÏ - KIOËRBOË
rivière des Sables, affluent du Saguenay. Les bords du lac
Kinogami sont des plus pittoresques.
Un autre lac du même nom se trouve au N. du lac Su-
périeur ; il a 88 kil. de long sur 2 kil. de large, et se dé-
verse par la rivière Anglaise dans l'Albany, tributaire de la
mer d'Hudson (baie James).
Kl NON (Paul-Eugène-Ma rie), jurisconsulte français, né
à Paris le 20 févr. 4854. Il fit ses études de droit et
s'inscrivit au barreau de Paris en 1879; depuis cette
époque, il a partagé son temps entre la plaidoirie et la
consultation. Il a publié une thèse sur r Action en nul-
lité, un Essai sur Berryer et une Logique universelle
(1893), outre un grand nombre d'articles de journaux et
de revues. Ph. B.
Kl N ROSS. Ville. — Ville d'Ecosse, chef-lieu du comté
de ce nom, sur le looch Leven, à l'embouchure du Queich ;
2,000 hab.
Comté. — Comté d'Ecosse, entre ceux de Perth et de
Fife; 188 kil, q. ; 7,330 hab. Jolies collines autour du
loch Leven ; riches pâturages à bœufs et moutons.
KINSALE (Geantail), Ville maritime d'Irlande, comté
de Cork, à l'embouchure du Bandon ; 5,500 hab. Vieilles
maisons espagnoles, attestant l'importance du commerce
fait avec l'Espagne de 1381 à 1601. Ruines du château
des Courcy.
KINSBER6EN (Jean-Henri Van), comte de Doggers-
bank, amiral hollandais, né à Doesburg le i^^ mai 1735,
mort à Apeldoorn le 22 mai 1819. Après avoir fait son ap-
prentissage dans la marine hollandaise, il passa en 1770 au
service de la Russie comme chef d'escadre. En 1773, il força
les Dardanelles, battit complètement la flotte turque dans la
mer Noire et coula le vaisseau amiral. Bien que comblé d'hon-
neurs par Catherine, Kinsbergen rentra dans sa patrie, et
fut chargé par le prince d'Orange de plusieurs missions di-
plomatiques importantes; il négocia notamment la paix avec
le sultan du Maroc et le dey d'Alger. Il prit ensuite une
part active à la guerre contre l'Angleterre, et conquit à la
bataille navale de Doggersbank le grade de contre-amiral.
Peu de temps après, il repoussa les premières attaques de
Dumouriez et fut appelé au commandement en chef de la
marine. Destitué par le gouvernement républicain, Kins-
bergen entra au service du Danemark, mais, en 1806, il
se retira à Apeldoorn. Le roi Louis chercha à se l'attacher
et lui conféra les titres de maréchal et de comte de Dog-
gersbank, mais l'amiral ne consentit pas à quitter sa re-
traite. En 1811, Napoléon le nomma sénateur de l'Empire
et grand-croix de la Légion d'honneur. Lorsque la dynas-
tie des Nassau eut été restaurée, Kinsberger reçut le grade
d'amiral et la grand'croix de Tordre mih taire de Guillaume.
Les ouvrages publiés par l'éminent amiral sont nombreux
et importants. En voici les principaux : la Tactique na-
vale (en holL; Amsterdam, 1784, in-8); Description de
r Archipel au point de vue militaire et maritime (id.^
1794, in-8); le Livre des signaux {id., 1797, in-fol.,
rééd., 1808); Introduction à la science de la guerre
navale (id., 1798, in-8). E. Hubert.
KINSKY. Grande famille de Bohême; ses membres por-
tent les uns le titre de prince, les autres celui de comte.
Elle s'appelait primitivement Vchynsky (d'un village de
Vchynice). Ses origines remontent authentiquement jusqu'à
Jean Dlask de Vchynice, un des chefs du parti utraquiàte
au début du xvi*^ siècle. Sa famille conserva la même atti-
tude. Au XVII® siècle, Vacslav Kinsky fut chambellan du
grand-duc Mathias et grand veneur du royaume de Bohême.
— Guillaume, marié à la fille de Terzka, confident de
Wailenstein, qui lui fit donner le titre de comte (1628), fut
tué avec son chef à Eger le 25 févr. 1634 ; il avait conduit
les négociations avec Feuquières (V. Wallenstein). La
plus grande partie des biens de Kinsky furent confisqués.
— François- Ulrich Kinsky, né en 1634, mort en d699,
joua un rôle considérable comme diplomate, en Pologne, au |
congrès de Nimègue, etc., et il fut chancelier du royaume j
de Bohème. — Vacslc^H'-Norbert, né en 1642, mort en
544 —
1719, fut aussi chancelier du royaume. C'est de lui que
descendent les deux branches de la famille ; son fils aîné,
François-Ferdinand (1678-1741), est l'ancêtre de la
branche comtale; le prince Etienne- Guillaume (f 1749)
reçut le titre de prince; ses descendants héritèrent de
ceux de son frère cadet, Philippe-Joseph (1700-1749),
chancelier du royaume (1 738), autonomiste obstiné, quoique
dévoué à Marie-Thérèse, habile financier. — François-
Joseph, comte Kinsky, né à Prague en 1739, mort à Vienne
le 9 juin 1805, fut directeur de l'Académie militaire de
Neustadt et servit dans les guerres contre la Prusse, la Tur-
quie et la France. Ami des lettres, il publia un certain
nombre d'ouvrages militaires (Vienne, 1806-25.6 vol,) et
légua sa riche bibliothèque à l'université de Prague. On lui
doit un curieux ouvrage, Erinnerungen eines Bœhmen
iiher einen wichtigen Gegenstand (Prague, 1774), où il
plaide en faveur de la langue tchèque. Un monument lui a
été élevé en 1829 à l'Académie de Neustadt. — Rodolphe,
né en 1802, mort en 1836, fut un des promoteurs de la
Renaissance tchèque et fut le premier créateur de la Ma-
tice ceska,
BiBL. ; FoLKMANN, Die gefarslele Linie des Geschlechtes
Kinsky; l^rague, IS%1. — Grœftiches Taschenbuch, éd. de
1872.
KINSOEN (François), peintre belge, né à Bruges en
1771, mort à Bruges en 1839. Il vint faire ses études à
Paris, fort jeune encore, et y passa la plus grande partie
de sa vie. On lui doit quelques tableaux d'histoire et sur-
tout des portraits, estimés pour leur coloris vigoureux et
juste.
Kl NIA. Ville de la presqu'île de Malacca, principauté de
Pérak, sur la rive droite d'une rivière du même nom, af-
fluent gauche du Sounghi-Pérak, dans la région des mines
d'étain.
Kl NTC H I N D J I N 6 A. Cime de l'Himalaya méridional entre
le Népal et le Sikkim ; 8,581 m. (V. Asie et Himalaya).
KINTYRE (V. Cantyre et Ecosse).
KINZIG. Rivière du grand-duché de Bade, affluent droit
du Rhin ; née dans la Forêt-Noire, près de Lossburg, elle
reçoit à gauche la Schiltach et la Gutach, à droite le Wol-
fach, passe à Haslach, à OfFenburg où elle entre en plaine,
reçoit à gauche la Schutter et termine à Hehl son cours de
112 kil.
KINZIG. Rivière de Prusse, province de Hesse-Nassau,
affluent droit du Main, coule vers le S.-E., entre en plaine
à Gelnhausen et finit à Hanau ; elle a 82 kil. de long.
KINZIGITE (Miner.). Roche grenatifère régulièrement
interstratifiée dans les schistes cristallins primitifs, en par-
ticuher dans la zone des micaschistes à minéraux de l'étage
supérieur où on l'observe disposée en amas lenticulaires
résultant de la concentration sur place de grenats bruns
manganésifères associés au mica magnésien,'^ à l'oligoclase
et à la fibrolite,
KINZUA. Rivière des Etats-Unis (Pennsylvanie), affluent
gauche de l'Alleghanny, que le chem. de fer New York-
Erié franchit par un viaduc de 92 m. de haut et 626 de
long.
KIŒRBŒ (Karl-Fredrik), peintre animalier danois, né
à Kristiansfeld le l^'' juin 1799, mort à Dijon le 2 janv.
1876. Destiné d'abord au commerce, il renonça, après di-
vers séjours en Hollande, à Altona et à Hambourg, à une
carrière qui ne lui plaisait point et revint à Stockholm où
un oncle dirigea ses études de dessin et lui fit apprendre
l'anatomie animale. 11 entra ensuite comme trompette dans
la cavalerie où il obtint, en 1837, le grade de capitaine.
Mais bientôt il donna sa démission pour se vouer tout
entier à un art qu'il avait continué à cultiver avec passion
au régiment. En 1840, il vint s'établir définitivement à Pa-
ris où il ne tarda pas à obtenir des succès au Salon annuel.
Son Hallali de cerf (1844), son Renard pris au piège
(1846) et surtout son Inondation qui représente un chien
de Terre-Neuve sur le toit de sa niche emportée par les
flots (1850, musée de Lille), furent immédiatement très
— r>45 —
KI(EHB(E — KIPPIS
populaires et ont été reproduits nombre de fois par la litho-
graphie. En 4854, Kiœrbœ fut chargé du portrait équestre
de Napoléon IIL Pendant plusieurs années, sa production
fut régulière et presque toujours remarquable. Il s'était
établi à Monlretout près de Paris où il menait une vie tran-
quille et retirée, tout entier à son art. La guerre de 4870-
74 , pendant laquelle son atelier fut détruit, bouleversa sa
vie, il se retira à Dijon chez sa belle-fille, et y vécut les
dernières années de sa vie. Th. C.
KIOKO. Peuplade nègre de l'Afrique centrale, Etat de
Monata Yamvo (V. Congo). Ils sont venus des sources du
Couango, sur les bords du Kassaï. Ils bâtissent leurs villages
dans les forêts, sont laborieux, mais pillards, bons forge-
rons et bons chasseurs, éleveurs d'abeilles, de chèvres et
de poules, récoltent la gomme, et s'avancent vers le N. à
mesure qu'ils ont dévasté les forêts de gommiers. Ils sont
répartis en village, chacun sous un chef ; les chefs de vil-
lages sont subordonnés à des chefs de districts ou mouas,
tributaires du Mouata-Yamvo.
KIOS, GIO ou GEMLIK. Ville maritime de Turquie
d'Asie, vilayet de Khodaven-didjar, sur la mer de Marmara,
à Pembouchure de l'Indjir-liman ; 7,000 hab. Chantiers de
la marine officielle; commerce de soie, coton, olives ; rési-
dence de l'archevêque de Nicée. Ce fut une colonie milé-
sienne dont on attribuait la fondation à HérakIès qui s'y
serait attardé après l'enlèvement d'Hylas par les Nymphes ;
elle porta plus tard le nom de Prusias,
KIOSQUE. I. Architecture. — Mot d'origine orientale
désignant un petit édifice, polygonal ou circulaire, de cons-
truction légère, élevé en bois ou en fer sur un soubassement
de pierre ou de brique, et le plus souvent isolé dans un jar-
din ou une promenade publique dans lesquels les kiosques
servent de pavillons de plaisance ou d'estrade couverte re-
cevant un orchestre. On donne aussi ce nom de kiosque
aux petits abris où se tiennent les marchands de journaux
et de menus objets sur la voie publique et dans les expo-
sitions. Ch. L.
II. Marine. — Petites constructions légères, élevées
sur le pont des bâtiments, sur les passerelles principale-
ment, affectant en général la forme de petits pavillons, qui
servent d'abri, pour les cartes marines, pour la timone-
rie, pour les hommes de barre et pour le commandant
quand il veut séjourner longtemps sur la passerelle. A bord
des cuirassés, on appelle, par extension, kiosque du com-
mandant, le petit réduit blindé où il se tient pendant le
combat. C'est là qu'est concentrée la vie du navire etqu'abou-
tissent porte-voix, téléphones, fils éleciriques d'inflamma-
tion de la batterie, transmetteur d'ordres pour la machine,
que se trouve la roue du Farcotdu gouvernail à vapeur, etc.,
en un mot, tout ce qui sert à faire connaître la volonté et
les ordres du chef dans toutes les parties du bâtiment.
KIOTO ou MIAKO. Ville du Japon, province de Yama-
shiro, chef-lieu du fou de Sa\kio,rive droite du Kamo-gava
(affluent du Yado-gava), à 46 kil. 0. du lac Biva, au pied
du Hiyé-san (825 m.), à 42 m. d'alt. ; 308,266 hab. C'est
l'ancienne capitale du Japon, abandonnée par le mikado en
4868, dont le nom officiel est Saïkio, capitale de l'Ouest,
C'est une jolie ville bâtie en parallélogramme entre le Kamo-
gava et le Katsoura-gava ; les rivières sont de larges lits
de galets, entre lesquels serpentent de minces filets d'eau ;
à 6 kil. au S. se trouve sur le Yodo-gava le port fluvial
de Fousimi^ relié à Osaka par des services réguliers. Les
rues de Kioto sont régulières, orientées du N. au S. et de
l'E. à rO., se croisant à angle droit, les maisons basses ;
on y compte 945 temples (en 4690, on en comptait plus
de 6,000), dont quelques-uns fort beaux et vénérés. Au
N.-E. est le Gozi^ Daïri ou Ktnri, ancien palais des mi-
kados, fort simple; à l'O. le Nizien ou Siro, château des
shogouns, entouré de fossés, reconstruit et admirablement
décoré par Taïko-sama. A l'E. (rive gauche du Kamo-gava),
le quartier de Ohion avec ses maisons de thé. La beauté des
femmes de Kioto est célèbre au Japon. La ville n'a plus
guère que le tiers de la population qu'elle comptait à la fin
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
du xvii« siècle ; sa déchéance politique lui a porté un coup
terrible ; cependant elle conserve une grande importance
industrielle et commerciale, grâce à ses tissus de soie, à ses
brocarts, à ses broderies, à ses laques, à ses émaux, à ses
bronzes, à ses faïences du faubourg d'Avata, de. la famille
Rakon, des manufactures GoyoetKiyomidzon, aux porce-
laines Eirakou (or sur fond rouge), à l'excellent thé (Oudzi)
de ses environs. C'est une des cités saintes des Shintos, quoi-
qu'ils n'y comptent plus que 93 sanctuaires (au lieu de
2,127 en 1690, d'après Ksempfer). Son dialecte est le plus
pur, la langue httéraire du Japon. A. -M. B.
BiBL. : V. Japon.
KIOTOME (Chir.). Canule d'argent aplatie, de 43 à
45 cent., terminée à son extrémité par une échancrure
latérale dans laquelle est reçue la partie à sectionner
(amygdales, brides accidentelles de la vessie et du rectum).
Tenant l'instrument avec le pouce, on n'a qu'à pousser
uue lame mobile, logée dans la canule, pour faire aller
l'instrument et obtenir le résultat désiré. D*" Car.
KIOU-Fou ou KU-Fao. Ville de Chine, province de Chan-
tojing, sur le Si-ho, près du mont sacré de Taï-chan ;
25,000 hab. C'est la patrie de Confucius, le lieu de son
tombeau et le séjour du chef de sa famille, qui est l'objet
d'une vénération religieuse.
KIOU-KIANG. Ville de Chine, province deKiang-si, entre
le lac Po-yang et le Yang-tse-kiang ; elle avait 800,000 hab.
avant l'insurrection des Taï-ping, 53,000 en 4893. C'est
un des ports ouverts aux étrangers depuis 486i. Le com-
merce porte surtout sur le thé et l'opium ; le climat est
chaud, mais salubre.
KIOUNG-TCHÉOU. Ville de Chine, province du Ssé-
tchouen, sur un affluent dr. du Min ou Si-ho; 50,000 hab.
(descendants d'immigrants du Fo-kien). Elle fournit le pa-
pier le meilleur de la Chine.
KIOUNG-TCHÉOU-Fou. Préfecture et capitale de l'ffe
chinoise de Haï-nan (V. ce mot). Cette ville a été déclarée
ouverte au commerce étranger par le traité de Tien-tsin,
en 1858, mais les autorités chinoises se sont opposées long-
temps à ce que les Européens s'y établissent; ce n'est que
le 4^»' avril 4876 que le port de Hoihow (en langue man-
darine : Ilai-keou), qui est à 3 milles et demi de Kioung-
tchéou, fut ouvert en fait à nos négociants. Ceux-ci ne sont
d'ailleurs venus qu'en fort petit nombre. En 4892, les im-
portations étrangères ont atteint une valeur de 864 , 749 taëls ;
les importations indigènes, une valeur de 237,318 taëls;
les exportations, une valeur de 4,001,865 taëls. Les im-
portations étrangères consistent surtout en toiles de coton
et en pétrole ; les principaux objets d'exportation sont les
œufs, les porcs, le tabac en feuilles, le sucre. Ed. Cu.
Kl OU-SI OU. Une des grandes îles du Japon (V. ce mot).
KIPÂOUA. Rivière du Canada, province de Québec, qui
traverse de vastes forêts, forme le lac Kipaoua(240 kil. q.)
et se jette dans ^Otta^Ya au lac Temiscamineue : elle a
200 kil. de long.
KIPIN ou KOPHEN (V. Bactriane).
KIPPING (Heinrich), écrivain et archéologue allemand,
né à Rostock en 4623, mort à Brème le 16 févr. 4678.
D'abord magister à Wittenber^ et ayant déjà le grade de
maître en philosophie, il fut pris et enrôlé de force par les
Suédois, puis libéré par le baron Erskeyn, qui fit de lui
son bibliothécaire. Il devint ensuite sous-directeur du gym-
nase de Brème. A la fois philologue, théologien, philosophe
et orientaliste, il a publié de nombreux ouvrages, tant sur
les antiquités romaines (Recensus novus et methodicus
antiquitatum romanorum, 8 éd.) que sur les questions
d'histoire ecclésiastique, de langue, de droit et d'exégèse
{InstituUoncs politicœ methodicœ, Brème et Francfort,
in-4«; Instilutmies ethicœ, Instituliones physicœ, me-
thodus nova juris publici, De Lingua hellenica et de
characteribus novis, Brème).
KIPPIS (Andrew), littérateur anglais, né à Nottingham
en 4725, mort en 4795. Ministre non-conformiste à West-
minster, un des membres les plus éminents de la secte, il
35
KIPPIS — KIR-GHEHR
— 546 —
a laissé de nombreux ouvrages de théologie et de littéra-
ture. Il est surtout connu pour avoir entrepris la seconde
édition de la Biograpkia Britannica dont il publia cinq
volumes (Londres, 4778-93, in-foL). Citons de lui :
A Vindication of the protestant disenling ministers
(Londres, 4772, in-8) , Life of Captain James Cook
(4788, in-4; trad. en français par Castéra, Paris, 4789,
2 vol. in-8) ; Lifeof the first earl of Shafteshury (4790,
in-4), etc. R. S.
KIPPOURIIVI (Yom) (V. Hébreu, t. XÏX, p. 982).
KIPTCHÂK (V. Kaptchak).
KIR. Nom d'une région difficile à déterminer, où, d'après
la Bible, Tiglat-Phalasar déporta les Syriens. Dans un pas-
sage d'Amos, ce pays est représenté comme le lieu d'ori-
gine des Syriens. On a proposé de trouver Kir dans la ré-
gion du Caucase; il vaut mieux chercher au delà du Tigre,
près d'Elam (Elymaïde).
KIRÂLY (Paul), archéologue hongrois, né à Rev-Ko-
mâromi en 4853. Professeur et directeur du musée archéo-
logique à Deva, il a dirigé les fouilles de Vârhely, l'an-
cienne Sarmizegethusa, qu'il a fait connaître, ainsi que le
culte de Mithra en Transylvanie, par des monographies pu-
bliées sous les auspices de l'Académie hongroise. Il a publié
aussi dans le Haut Szemle des études sur Metternich et
sur la Serbie.
KIRÂLY DE Dada (Paul), géographe hongrois, né en
4844. Professeur à Budapest, il a été chargé de la rédac-
tion française du Bultetin de la Société de géographie,
et dans une série d'ouvrages dont quelques-uns sont des
adaptations de Reclus, il a donné un exposé complet de la
géographie nationale comme des éléments de la géographie
universelle.
KIRALYHAGO. Mont de Hongrie, dans le massif du
Kraszna, entre le Kœrœs rapide et Szamos; 589 m. d'alt.
Kl RATAS. Dans la littérature sanscrite, c'est le nom d'une
tribu forestière et montagnarde de l'Hindouslan oriental.
Le Rdmâyana les décrit comme des hommes-tigres, man-
geurs de poisson cru. Un épisode célèbre du Mahâbhârata,
repris ensuite par le poète Bhâravi, fait battre le dieu
Siva, sous le déguisement d'un Kirâta, avec le héros Ar-
jouna. Il s'agit évidemment d'une tribu aborigène. Ce sont
peut-être les Cirradhœ que les historiens classiques pla-
cent sur la côte de Coromandel.
KIRBERG (Otto), peintre allemand, né à Elberfeld le
46 mai 4850. Elève de Sohn à Dusseldorf, il a retracé en
d'excellents tableaux de genre la vie des pêcheurs néer-
landais : Das Opfer der See (4876, musée de Berlin) ;
Sorgenvolle Stunden (4880); Hollœndische Kirmeszene
(1883), etc.
KIRBY (Joshua), dessinateur anglais, né dans le comté
de Suffolken 4746, mort à Kew en 4774. Eils d'un maître
d'école dont l'album de vues topographiques, le Voyageur
en Suffblk, avec notices, ne manque pas de valeur, il con-
tinua l'œuvre paternelle en s'attachant aux monuments, et
grava lui-même une partie de ses planches. Gainsborough,
qui était son ami, le poussa vers le paysage. Il fit un cours
de perspective linéaire à l'Académie de Saint-Martin's
Lane, puis fut professeur de dessin d'architecture du
prince de Galles et conservateur du palais royal de Kew,
dont il a laissé des vues. ~ Son fils, William^ fut aussi
artiste.
KIRBY (William), naturaliste anglais, né à Wittnesham
(Suffolk) le 49 sept. 4759, mort à Barham (SufFolk) le
4 juil. 4850. Il était pasteur à Barnham. On lui doit : Mono-
graphia apium Angliœ (Ipswich, 4802, 2 vol.) ; Intro-
duciioîi to entomology^ avec Spence (Londres, 4815-26,
4 vol, in-8). D^ L. Hn.
KIRCH (Gottfried), astronome allemand, né à Guben
(Lusace) le 48 déc. 4639, mort à Berlin le 25 juil. 4740.
H fut d'abord l'élève d'Hévélius, à Dantzig, puis il résida
dans plusieurs villes d'Allemagne, vivant de la confection
de calendriers fort goûtés du public (1667 et suiv.). Des
Ephemeriden^ qu'il fit paraître pour la première fois à
Leipzig en 4681, obtinrent également un très grand suc-
cès et, en 4700, il fut appelé par Frédéric P^ à Berlin,
où il devint astronome de la nouvelle Académie des sciences,
puis directeur de l'Observatoire (4706). Il est l'auteur d'im-
portants travaux sur les comètes, sur les nébuleuses, sur
les étoiles variables, sur la mesure des planètes, etc. Il
découvrit, à Cobourg, le 44 nov. 4660, la comète pério-
dique de Newton. Outre ses Ephemeriden (4684-4702)
et de nombreux mémoires insérés dans les Philosophical
Transactions, dans les Acta eruditorum et dans les
Miscellanea Berolinensia, il a publié : Wundersten am
Halse des Wallfisches (Leipzig, 4678, in-4) ; Calen-
darium christianum, judaicum et turcicum (Nurem-
berg, 4685 et suiv.), etc. — H fut beaucoup aidé dans ses
observations et dans la rédaction de ses Ephemeriden
par sa seconde femme, Maria-Margaretha Winkelmann
(4678-4720), qui découvrit la comète de 4702 et qui pu-
blia personnellement quelques opuscules sur des conjonc-
tions de planètes, ainsi que plusieurs almanachs.
Leur fils, Christfried (1694-4740), devint, comme son
père, astronome de l'Académie de Berlin et directeur de
l'Observatoire de cette ville (4717). Il fut nommé, en outre,
en 1723, correspondant de l'Académie des sciences de Pa-
ris. C'était à la fois un érudit et un savant. H a publié une
grande quantité de mémoires et de notes et un ouvrage
considérable : Observationes aslronomicœ selectiores in
observatorio regio Berolinensi habitœ, etc. (Berlin, 4730,
in-4), qui contient notamment des éclaircissements sur la
chronologie des Tartares et des Mongols. Il a continué les
Ephemerideîi et le Calendarium de son père. Ses trois
sœurs, principalement Christine (4696-4782), l'aidèrent
dans ses observations et ses calculs. L. S.
BiBL. : BoDE, Astronomisches Jahrbuch, 1816, pp. 111-
114.
KIRCH BACH (IIugo-Ewald, comte de), général prus-
sien, né à Neumarkt (Silésie) le 23 mai 4809. Elève des
écoles des cadets de Kulm et Berlin, il avança lentement, se
distingua dans la campagne de Bohême (4866) où il com-
mandait la 40^ division d'infanterie, reçut en 4870 le
commandement du 5^ corps, eut une part aux victoires de
Wissembourg, Reischshofen et Sedan où il occupa la route
de Mézières, compléta l'investissement de Paris par l'occu-
pation de Versailles qu'il couvrit durant tout le siège, diri-
gea notamment la bataille de Buzenval. H fut anobli en
1 880 quand il prit sa retraite,
KIRCHBERG. Nom de plusieurs villes d'Allemagne :
4° dans le district de Coblentz ; 4,400 hab. La plus vieille
ville du Hunsrùck (4249). — 2« En Saxe, cercle de Zwi-
ckau; 7,000 hab. Filatures, toiles, lainages. — 3° En
Wurttemberg, cercle de Jagst, château et collections du
prince de Hohenlohe. — 4<* En Wurttemberg, cercle du
Danube, sur l'iller, ch.-l. d'une seigneurie des Fugger.
KÎRCHBERG. Village de Suisse, cant. de Berne, sur la
rivière Emme; 1,512 hab. Jolie situation sur une émi-
nence; tissage de coton.
KIRCHBÉRG-AM-V^ALD. Village d'Autriche, prov. de
Basse-Autriche, sur la Thaya; château où résida longtemps
le roi de France Charles X.
KIRCHBERGER (Nicolas-Antoine), baron de Libiestorf,
pubiiciste suisse, né à Berne le 13 janv. 4739, mort en
4800. Devenu militaire au service étranger, en garnison à
Maastricht, il s'occupa de philosophie et entretint des rela-
tions avec Bernoulli, J.-J. Rousseau et plusieurs philo-
sophes mystiques. Rentré au pays, devenu membre du con-
seil souverain de Berne, il continua ses travaux, écrivit
une Histoire de la vertu helvétique {M\e, 4765), et tra-
duisit les ouvrages de Jacob Boehme (V. ce nom).
KIR-CHEHRou KIR-CHÉIR. Ville de Turquie d'Asie,
à 76 kil. N.-O. de Kaisarieh, chef-lieu d'un sandjak du
vilayet d'Angora, dans une vallée latérale du Kizil-Irmak ;
8,500 hab. On y fabrique beaucoup de ta^ùs ou portières
de Kararaanie en laine rose. C'est dans cette ville qu'on
fait les sedjadês les plus fins et les plus appréciés (20 à
40 fr. la pièce) ; mosquée seldjoucide. Vue des collines,
cette ville qui a 17 kil. de long et 5 de large apparaît comme
un immense jardin oii les maisons sont éparpillées,
BiBL. : ViTAL-CuiNET, I, 323-343.
KIRCHENTAG (V. Diète ecclésiastique).
KIRCHER (Le P. Athanasius), savant et philologue al-
lemand, né à Geisa, près de Fulda, le 2 mai 4602, mort à
Rome le 28 noY. 1680. Elève des jésuites, il entra en
1618 dans leur ordre, passa les années qui suivirent,
comme étudiant et comme répétiteur, dans leurs collèges
de Munster, de Cologne, de Coblentz, de Mayence, tut
nommé en 1630 professeur de philosophie, de mathéma-
tiques et de langues orientales à Wurzbourg, s'enfuit en
1631 à l'approche des troupes de Gustave-Adolphe, qui
avaient envahi la Bavière, puis quitta tout à fait l' Alle-
magne et vint chercher un refuge à Avignon (1633-35).
De là il se rendit à Rome, où il fut pendant huit ans pro-
fesseur de mathématiques au CoUegio Romano (163343).
Il consacra presque exclusivement le reste de sa vie à des
travaux de linguistique et d'archéologie. Homme d'un vaste
savoir et d'une brillante imagination, mais superficiel, pré-
somptueux et crédule, le père Kircher manquait, pour mé-
riter la grande célébrité dont il jouit parmi ses contemporains,
de deux qualités essentielles que ne pouvaient malheureu-
sement remplacer ni sa remarquable puissance de travail,
ni sa prodigieuse mémoire : le jugement et le sens critique.
Il voulut en outre trop embrasser, et ses nombreux ouvrages,
qui traitent tour à tour de magnétisme, d'optique, de gno-
monique, d'acoustique, de musique, d'astronomie, de mé-
canique, d'arithmétique, d'histoire naturelle, de médecine,
de philosophie, de théologie, de philologie, de pasigraphie,
d'archéologie, d'histoire, de géographie, voire même de
prestidigitation et de magie, n'eurent jamais, malgré leur
vif succès, qu'assez peu de valeur intrinsèque. Tout au
plus y trouve-t-on quelques savantes dissertations sur la
musique des anciens, sur la nature et la propagation du
son, sur les miroirs d'Archimède, sur le Latium, et de pré-
cieux documents pour l'étude des écritures copte et chi-
noise, qu'il a l'un des premiers tenté de déchiffrer. Comme
ils n'offrent plus guère en tous cas qu'un intérêt de curio-
sité, nous nous borneronsà donner les titres des plus impor-
tants. — I. Ouvrages scientifiques : A^^s magnesia{WixrZ'
bourg, 1631, in-4, très rare) ; Spécula Melitensis
encyclica (Messine, 1638, in-i2, très rare) ; Magnes sive de
arte mag7ietica {Kome, 1641, in-4; 3^ éd., 16o4,in-foi.) ;
Ars magna lucis et umbrœ (Rome, 1646, in-fol. ; 2® éd.,
Amsterdam, 1671) ; Musurgia uniuersalis (Rome, 1650,
2 vol. in-fol. ; 2® éd., Amsterdam, 1662) ; Mundussub-
terraneus (Amsterdam, 1664, 2 vol. in-fol.; 3® éd.,
1678); Magneticum naturœ regnum (Rome, 1667,
in-4) ; Phonurgia nova de prodigiosis senorum efjec-
tibus (Campidona, 1673, in-fol.; trad. allem., 1684);
Tariffa Kircheriana^ sorte de barème (Rome, 1679, in-8).
— IL Ouvrages de philologie, d'archéologie et de théo-
logie : Prodromus coptus sive œgyptiacus (Rome, 1636,
in-4) ; Lingua œgypliaca restituta {Rome , 1644, in-4);
OEdipus œgyptiacus^ son oeuvre la plus considérable
(Rome, 1652-54, 4 vol. in-fol.) ; Polygraphia, essai de
pasigraphie (Rome, 1663, in-fol,, rare; 2*^ éd., Amster-
dam, 1680) ; China monumentis illustrata (Amsterdam,
1667, in-fol. ; trad, franc, par d'Alquié, 1670); Latium,
id est Latii tum veteris tum novi descriptio (Rome,
1669, in-fol.; 2^ éd., Amsterdam, 1671); Arca Noe
(Amsterdam, 1675, in-fol.); Turris Babel (Amsterdam,
1678, in-fol.) ; Epistolarum fasciculus, recueil pos-
thume publié par J.-A. Langenmantel (Augsbourg, 1684,
in-8). Il a inventé plusieurs instruments et machines, entre
autres un arithmomètre, un pantomètre, un orgue mathé-
matique,— ces deux derniers décrits par le P. Schott, —
et peut-être aussi la lanterne magique. Il avait réuni à
Rome l'un des plus riches cabinets de physique, d'histoire
naturelle et d'antiquités, le Muséum Kircherianum, qui
est depuis 1870 la propriété de l'Etat. Léon Sagnet.
- 547 -- KIR-CHEHR - KlRCHHOFf^
BiBL. : Autobiographie dans VEpislolamm fasciculus
(V. ci-dessus). — J. -S. Kestler ,Phijsiologia Kircheriana. ;
Amsterdam, 11)80, in-foi. — J. de Sepi, Romani Colle-
giiMusœu7n; Amsterdam, 1678, in-fol. ~ Le P. Buo-
NANNi, Musdeum Kircherianum ; Home, 1709, in-fol. —
J,-A. Battara, id.; Rome, 1773, in-foL
Kl RCH H El M-unter-Teck. Village d'Allemagne, royaume
de Wurttemberg, cercle du Danube, au N.-O. du Rauho
Alb, au pied d'un château ruiné; 7,000 hab. Grands mar-
chés agricoles, surtout pour la laine (16,000 quintaux par
an); filatures de laines; cotonnades, damas, etc.
Kl RCH HO FF (Théophile-Sigismond-Constantin), chi-
miste russe, né à Teterov le 4 févr, (nouv. st.) 1764, mort
à Saint-Pétersbourg le 4 févr. (nouv. st.) 1833. Il fut di-
recteur de la pharmacie centrale de Saint-Pétersbourg et
membre de l'Académie des sciences de cette ville. Il trouva
en 1797 un procédé pour la production du cinabre (sul-
fure de "mercure) par voie humide (Annalen de Crell,
1797, 1, 480). Il eut l'idée, le premier, en 1811, d'extraire
la glucose de la fécule de pomme de terre (Nord. Blœtter,
de Scherer, 1817, 1, 134) et il imagina, pour sa prépara-
tion industrielle, le traitement par l'acide sulfurique dilué
qui a été presque exclusivement employé jusque dans ces
derniers temps (V. Glucose, t.XVIII, pp. 1095 et 1098).
On lui doit aussi l'analyse du sulfate de baryte par voie
humide. Ses écrits ne comprennent guère que des mémoires
en allemand, insérés dans le recueil de Scherer. L. S.
KIRCHHOFF (Gustav-Robert), physicien allemand, né
à Kœnigsberg le 12 mars 1824, mort à lîerlin le 7 oct.
1887. Il fut successivement privat-docent à l'université de
Berlin, professeur à Breslau de 1850 à 1854, professeur
de physique à Heidelberg (1854-74), puis à partir de ce
moment professeur à Berlin. On doit à Kirchhoff des dé-
couvertes de premier ordre parmi lesquelles il convient
de citer d'une façon toute spéciale son étude sur le spectre
solaire et sur l'analyse spectrale. Ses divers mémoires, à
l'exception de quelques-uns publiés depuis, se trouvent
réunis dans un volume qui a paru à Leipzig en 1882,
Gesammelte Abhandliingen von Kirchhoff. îl avait pu-
blié, dès 1862, son fameux ouvrage, Untersiichungen ûber
das Sonnenspectrum, et des leçons de mécanique pro-
fessées à Heidelberg et à Berlin, Vorlesungen ûber Ma-
thematische Physik. Ses remarquables travaux ont porté
pour la plupart sur des questions de physique mathéma-
tique. En électricité, on lui doit une généralisation de la loi
d'Ohm, des étudessurla distribution de l'électricité sur deux
corps en présence, et sur la décharge de la bouteille de Leyde,
une détermination de la constante des courants d'induc-
tion, 11 a publié divers mémoires sur l'élasticité des corps
dont les deux derniers datent de 1884.
Son étude mathématique et expérimentale de la radia-
tion faite entre 1857 et 1860 eut un retentissement con-
sidérable ; il explique la présence dans le spectre solaire
des raies noires observées en 1802 pour la première fois
par AYoUaston et retrouvées par Fraunhofer en 1817; il
montre comment on doit interpréter la coïncidence des
raies noires de ce spectre et des raies brillantes des spectres
des métaux, coïncidence entrevue parBrewster et Angstrom ;
il en déduit une théorie sur la constitution du soleil et
reconnaît en dressant des cartes spectrales de la lumière
solaire que cet astre contient la plupart des métaux que
nous connaissons sur la terre ; il étend d'ailleurs celte
étude à d'autres astres et donne sur la nature des maté-
riaux qui les constituent des renseignements précis et
absolument inespérés ; aussi cette découverte a-t-elle excité
une grande admiration : après avoir avec Nev^ton pesé les
planètes, après avoir mesuré leurs volumes, on arrivait avec
Kirchhoff à connaître les éléments chimiques qui s'y trouvent.
Les études que Kirchhoff entreprit avec Bunsen sur l'analyse
spectrale ont rendu les plus grands services aux chimistes
qui cherchent des éléments nouveaux. Tous ceux qui ont
été découverts depuis cette époque l'ont été grâce aux
procédés de l'analyse spectrale. Kirchhoff et Bunsen, du
reste, ont montré, dès le début, la fécondité de la nouvelle
KIRCHHOFF — KIRGHIS
— 548 —
méthode en découvrant deux nouveaux métaux, le rubi-
dium et le césium. Depuis on a appliqué Fanalyse spectrale
non seulement à l'étude des éléments, mais encore à l'étude
de composés très divers (p. ex., recherche de l'oxyde decar-
bonedansle sang). La découverte de l'analyse spectrale cons-
titue le plus beau titre de gloire de Kirchhoff. A. Joannis.
Lois DE KmcHHOFF (V. Courant).
KIRCHHOFF (Adolf), philologue allemand, né à Berlin
le 6 janv. 4826. 11 professa au gymnase de Joachimsthal
(1846-65), puis à l'université de Berlin. C'est un des phi-
lologues et des épigraphistes les plus renommés de l'Eu-
rope. Ses principaux travaux de philologie grecque sont :
Die Homerische Odyssée (édition complète, Berlin, 1879);
Die Abfassungszeit des Herodotischen Geschichstswerks
(1868 ; 2^ éd., 1878); des éditions critiques de Plotin (Leip-
zig, 1836, 2 vol.), Euripide (1867-68, 3 vol.), d'Eschyle
(1880) et de la République des Athéniens de Xénophon
(1874; 2^ éd., 1881). Parmi ses travaux épigraphiques il
faut indiquer: Die umbrischen Sprachdenkmœler (Si\ec
Aufrecht, Berhn, 1849-51, 2 vol.); Bas Stadtrecht von
Bantia (1852); Das gotische Runenalpkabet (1852) et
Die frœnkischen Bunen (1855, dans le Zt. fur deut-
sehes Altertum de Haupt). Dans le Corpus inscriptionum
grœcarum^ il a fourni pour le t. I®^ les inscriptions an-
térieures à Euclide ; pour le t. IV les inscriptions chré-
tiennes; enfin il a écrit : Sludien %ur Gesch, des griech.
Alphabets (1868; 4« éd., 1887).
Ses frères, Albrecht, né en 1827, et Otto, sont libraires
à Leipzig ; le premier a publié : Beitrœge %ur Gesch.
des deutschen Buchhandels (1851 -53); Die Handschrif-
tenhœndler des Mittelalten (1853 et 1855); Die Ent-
ivickelung des Buchhandels in Leipzig (Jusque vers le
milieu du xvi« siècle) (1886), etc. A. -M. B.
KIRCHMAIER (Georg-Kaspar), chimiste et érudit alle-
mand, né à Uffenheim (Franconie) le 29 juiL 1635, mort
à Wittenberg le 28 sept. 1700. 11 fit ses études à l'uni-
versité de cette dernière ville et y fut longtemps profes-
seur d'éloquence. Il avait la double réputation d'un savant
distingué et d'un philologue très instruit. On lui doit no-
tamment d'importants travaux sur le phosphore (ce qui lui
valut le surnom de Phosphorus)^ sur la métallurgie et l'art
des mines, sur la minéralogie, sur les langues celtique,
slave et orientales. Il s'occupa aussi beaucoup de numis-
matique. Il aurait découvert la gravure sur verre au fluo-
rure (1679). Ses ouvrages, au nombre de cent cinquante,
traitent de presque toutes les branches des connaissances
humaines. Nous ne citerons que les principaux : Disser-
tatio pro hypothesi Tychonica (ontra dogma Coperni-
canum (Wittenberg, 1658, in-4); De Lexicis et lexico-
graphis (id.^ 1662, m-A) ; Noctiluca constans, etc. {id.,
1676, in-4) ; De Phosphoro {id., 1680, in-4) ; De Lingua
scytho-celiicâ et gothicd{id,, 1686); Insiitutiones me-
tallicœ (id., 1687, in-4) ; Métal lomorphosis {id., 1693,
in-4) ; De Origine linguœ Slavonicœ (id.^ 1697, in-4) ;
Constantinus magnus {id,^ 1698, in-4); De Calendis
calendarioque Romanum veterum{id.^ 1700). L. S.
BiBL. : C.-S. ScuuRTZFLEiCH, Programma in funere
G,-C. Kirchniaieri ; Wittenberg, 1700, in-fol. —Pour la
list -^ de ses nombr ouvr,, V. le Gelehrtenlexicon de Jœ-
CHER et le suppl. de Roternnind,
KIRCHMANN ( Julius de) , jurisconsulte et philosophe alle-
mand, né à Schafst8edt,près de Mersebourg, le 5 nov.1802,
mort à Berlin le 20 oct. 1884. Il étudia le droit à Leipzig
et à Halle, fut nommé, en 1846, procureur près le tribunal
criminel de Berlin, en 1848 élu à l'Assemblée nationale,
rentra ensuite dans la magistrature, en 1863 fut envoyé à la
Chambre par les électeurs de Breslau, reprit ses fonctions
de conseiller et fut révoqué en 1 866 pour avoir proposé une
solution immorale de la question sociale. Sa doctrine philo-
sophique est un réalisme. Le contenu immédiat de la science
est l'être, qu'il faut chercher dans la perception. Une per-
ception est vraie lorsqu'elle n'est contredite ni par elle-même
ni par d'autres. Les principaux ouvrages de Kirchmann sont :
Die Werlosigkeit der Jurisprudenz als Wissenschaft
(1848); Die Philosophie des Wissens (Berlin, 1864);
Ueber Unsterblichkeit (1865); Msthetik auf realisti-
scher Grundlage (1868); Principien des Realismus
(Leipzig, 1875). Il fut aussi l'éditeur de \^ Bibliothèque
philosophique (Leipzig, 1868-83, 313 livr.), où il pu-
blia une remarquable édition de Kant avec commentaires en
8 vol. C-EL.
BiBL. : Lasson et Meineke, J. Kirchmann als Philo-
soph; Halle, 1885.
KIRDJALL Village et ancien arrondissement de la Rou-
mélie orientale, dans le Bhodope. Ce district dont la popu-
lation était pour la plus grande partie composée de Po-
maks (Bulgares musulmans), fut replacé sous l'autorité
directe de la Turquie, en même temps qu'une partie de
l'arr. de Bouptchos, à la suite de l'arrangement du 5 avr.
1886 par lequel la Porte reconnaissait l'union personnelle
de la Bulgarie et de la Roumélie.
KIRDJALIS. Brigands qui, à la fin du xvni^ siècle et
au commencement du xix% ravagèrent la Thrace et la
Bulgarie. Leurs troupes étaient formées principalement de
soldats turcs déserteurs ou hcenciés à la suite des traités de
Svichtov (1791) et de Jassi (1792), mais elles admettaient
aussi des hommes de toute race et de toute rehgion. Bien
montés et bien armés, les Kirdjalis s'attaquaient aux villes
qu'ils pillaient et. livraient aux flammes. Des localités im-
portantes de la Thrace, telles que Koprivchtitsa et Pana-
guiourichte, furent détruites par eux. La plupart des Kird-
jalis se mirent au service de Pasvan-Oglon qui, en 1794,
s'était rendu indépendant à Yidin où il résista jusqu'en
1803 aux armées impériales qu'il batlit à plusieurs re-
prises. En 1804, un certain nombre d'entre eux allèrent
se joindre aux dahis pour combattre l'insurrection serbe.
K I R EN S K. Ville de Sibérie, gouv. dlrkoutsk, au confluent
de la Kirenga et de la Lena ; 820 hab. Le district de Ki-
rensk (467,619 kil., 40,000 hab.) appartient à la zone des
forêts ; pas de culture. Ligne de bateaux à vapeur allant
à Irkoutsk. Les habitants sont presque tous Iakoutes et
Toungouses.
BiBL. : Iadrintsev, la Sibérie comme colonie (en russe),
Saint-Pétersbourg, 1892. ~ De Vladivostok à l'Oural (en
russe), 1891.
KIRGENER (Joseph), général français, né à Paris le
8 oct. 1766, mort à Markersdorf le 22 mai 1813. Il fut
nommé lieutenant du génie à l'armée du Nord en 1793, prit
part au siège de Charleroi et au siège de Maastricht, fut promu
chef de bataillon en 1794, fut blessé à Quiberon, se dis-
tingua à Marengo et obtint le grade de colonel en 1800. Il
se distingua à Austerlitz et y Vut nommé général de bri-
gade. Il fut créé baron en 1807, après s'être distingué au
siège de Dantzig. Il fut nommé, en 1810, commandant du
génie de la garde impériale et reçut, au commencement de
1813, le grade de général de division. Paul Marin.
KIRGHIS. Peuple nomade, de race turque, qui habite
les steppes de l'Asie centrale. Son domaine s'étend sur le
S.-O. de la plaine sibérienne et le N. de la plaine toura-
nienne (V. Asie) et embrasse près de 3 millions de kil. q.,
depuis la mer Caspienne et la Volga à PO. jusqu'aux monts
Alatau Tarbagatai et Tian-chan à l'E. (méridien de
Kouldja) ; du Kouen-loun occidental et du cours supérieur
de l'Amou-daria au S. jusqu'au Tobol et à l'Irtych au N.
Leur nombre est diversement évalué ; il paraît atteindre
3 minions et demi, dont les trois quarts pour les Kirghis
de l'O. ou Kazaks et le quart pour ceux de l'E. ou Bou-
routs. Le peuple kirghis se divise en effet en deux rameaux
bien distincts : !« les Kirghis 'noirs {Kara Kirghis, ap-
pelés Kirghis Dikokammenije par les Busses, Bourout
par les Kalmouks et les Chinois ; ce sont ceux qui habi-
tent dans les monts Thian-chafi ; — 2« les Kirghis Kazaks,
qui occupent tout le reste de l'aire que nous avons décrite.
Ce nom de Kazaks est le véritable nom de ce peuple, et
les Chinois, les Turcs, les Mongols ne connaissent que
celui-là (Ilazaki, Qazak, Kaïzak ou Chazak); c'est le même
que celui de Cosacjues. Quant au nom de Kirghis, mot turc
qui équivaut à brigand, il semble avoir été d'abord appli-
549 —
KIRGHIS
que aux Bourouts et étendu ensuite aux Kazaks. La langue
des Kirghis est complètement turque, avec à peine quelques
mots mongols, persans et arabes. Cependant le sang paraît
assez mélangé ; l'élément turc primitif se serait modifié
par des croisements avec les Mongols (Kalmouks, Dzoun-
gares, etc.) auxquels aujourd'hui encore ils prennent des
îemmes. La face est moins plate et plus allongée que celle
des purs Mongols, la pommette moins saillante, la lèvre
plus épaisse, Tœil rarement bridé, la barbe assez déve-
loppée ; cependant leurs petits yeux noirs, la faiblesse du
système pileux et les traits que nous venons de citer, bien
qu'affaiblis, distinguent les Kirghis des Turcs purs (V. Races
humaines). Leur type n'est pas d'ailleurs uniforme et l'on
rencontre divers intermédiaires entre les caractères phy-
siques des Turcs, qui dominent, et ceux des Mongols.
Leur teint est plus foncé que celui des Européens, brun
jaunâtre, leur taille inférieure à la nôtre, mais ils sont
fortement charpentés et très vigoureux.
i*^ Kirghis Kazaks. -— Les Kirghis Kazaks se divisent
en trois hordes ou centenies : la Grande Horde^ Oulou-
djous (ou youz) ; la Moyenne Horde, Ourta-djous; la
Petite Horde^ Ritchi-djous. La Grande Horde habite le
S. de la province de Ssemiretchensk (districts de Verni i et
Tokmak), une partie de la province du Sir-daria (districts
de Tchemkend, Aoulié-Aka, Djisak, Kourama, la Dzoun-
garie occidentale et le pays d'Ili (Kouldja). La Moyenne
Horde habite le N. de la province de Ssemiretchensk (dis-
tricts de Kopal et Sergiopol) et de la province de Sir-daria
(districts deTachkend etPérovsk). La Petite Horde habite
le reste du steppe, au N. et à l'O. des autres. On y rat-
tache la Horde intérieure ou Boukéi qui parcourt le
steppe européen entre Oural et Volga (gouv. d'As-
trakhan). La Petite Horde est de beaucoup la plus nom-
breuse, comprenant la moitié du total et progressant plus
rapidement à cause de son contact avec les Russes. La
Moyenne Horde comprend environ le quart du total, la
Grande Horde le sixième, la Horde intérieure un peu plus
de 100,000 âmes.
Les Kirghis sont essentiellement nomades; cependant
l'influence russe amène peu à peu à l'agriculture les Kazaks.
Cette profession n'est plus méprisée comme jadis. On récolte
de l'orge, de l'avoine, du millet, destinés au bétail autant
qu'aux hommes. Les troupeaux sont encore la grande ri-
chesse et la ressource primordiale. Les chevaux sont d'une
race excellente, portant admirablement le poids. On en
compte une dizame de millions ; certains riches en possèdent
plus de 5,000. Le nombre des bœufs dépasse 2 millions,
celui des moutons iO millions, et des riches ont des trou-
peaux de 20,000 moutons. Les chameaux sont nombreux
dans le S. Le Kirghis vit à cheval, héritier des anciens
Scythes et des populations de ces parages qui paraissent
avoir introduit la cavalerie dans noire civilisation. Bien
qu'ils n'aient pas régularisé la production du lait, il leur
fournit la base de l'alimentation. Ils boivent du koumis
(V. ce mot)., oùlelaitdejumentsemélangedelait de vache,
de brebis et de chèvre ; de Vaïran, lait caillé coupé d'eau ;
du thé importé de Chine; ils le mélangent de beurre et
degraisoC. Ils mangent du fromage de vache et de brebis
(iremtchik),âes crêpes, de la viande de mouton cuite avec
du sel ou grillée, de la viande de cheval, avec du pain. Les
Kirghis habitent leurs tentes iourtes ou kibitkas; ces
tentes de feutre, soigneusement aménagées, ont 2 m. de
haut sans la pointe et de 7 à 9 m. de diamètre ; elles sont
portées par des piquets croisés. Celles des riches sont plus
vastes et en feutre blanc, celle des chefs recouvertes de
drap rouge. Les tentes sont groupées en villages, de pré-
férence au voisinage des cours d'eau ; les tribus agricoles
continuent ordinairement de vivre sous la tente ; les ca-
banes et les tanières creusées dans la terre le long du Sir-
daria sont l'exception et servent plutôt de magasins que
d'habitations.
L'homme sort le matin avec les troupeaux ; la femme
fait le ti^avail du ménage ; elle confectionne le feutre, file
et tisse. Les Kirghis sont peu industrieux, à peine forge-
rons et selliers. Ils sont dès Tenfance cavaliers accomplis,
les femmes montant à califourchon comme les hommes.
Ceux-ci chassent en hiver et tirent fort bien. Ils dressent à
les aider des faucons, des vautours et même des aigles. Ib
adorent le tabac à priser. Ces pasteurs sont très sobres et
très honnêtes, intelligents, francs, hospitaliers, moralement
très supérieurs aux Sartesou Tadjiks, habitants sédentaires
du Turkeslan.
« Les gens aisés portent de beaux hechmet, espèce
de jaquette, et des pardessus de kfialat, longues et ampleu
robes richement brodées. Ils couvrent leur tète de petites
casquettes appelées takia; chez les pauvres elles sont
en cuir; chez les riches brodées et soutachées d'argent
et de pierreries. Les pantalons, assez courts, sont en
cuir jaune ou noir (soutachés chez les riches). Ils portenil
de grosses bottes en hiver et une espèce de pantoufle en
été. En hiver, ils mettent des fourrures en peau de renard
et se coiffent d'un bonnet pointu à larges oreillons qui les
garantit bien du froid et du vent. En été, ils portent des
chapeaux pointus en feutre semblables à ceux des Chinois :
ces chapeaux sont blancs avec des bords en couleur. Les;
femmes portent des pantalons et pardessus une ample robe
en coton. Elles se chaussent avec des bottes comme les
hommes (chez les riches, ces bottes sont en couleur). Les
femmes riches ont des robes en kanaous (petite soie du
Turkestan), brodées et soutachées. Les femmes pauvres
portent sur la tête une espèce de turban blanc ; les riches,
un bonnet carré, souvent à pointe (comme on représente
les magiciennes), enveloppé d'un voile blanc à franges d'or.
Elles portent au cou, à la fermeture du vêtement, une es-
pèce d'amulette en argent, en forme de gland, que leur
mari leur donne le jour du mariage. Les femmes riches ont
des colliers et des bracelets en argent. Les enfants por-
tent pour tout vêtement, en été, une longue et large che-
mise en couleur; en hiver, une pelisse pardessus. » (Uj-
faivy, le Syr-daria et le Zarafcfian.) Les femmes écartent
les oreilles des enfants en jeune âge, afin qu'ils entendent
mieux. Elles vieillissent rapidement, mais sont bien faites
et assez agréables, malgré leur figure plate, ayant des dents
et des yeux très beaux.
Les Kirghis sont musulmans sunnites, mais de nom seu-
lement. L'influence des mollahs tient à ce que les Russes,
prenant à la lettre la religion officielle, lui ont donné une
importance qu'elle n'avait pas. Avant leur domination, il
n'existait pas une mosquée dans le steppe, et nul ne s'in-
quiétait des prières du Coran, Aujourd'hui, les marchands et
les dignitaires sont musulmans de fait. Le reste du peuple s'en
tient à ses croyances chamanistes: crainte extrême du mauvais
œil, offrandes aux esprits; les buissons, les pieux, et, quand
il en existe, les arbres, sont couverts d'ex-voto. Tout est
présage, fentes des os pendant la cuisson, nuance et hau-
teur de la flamme, la moindre rencontre (V. Divination). Le
culte des morts a un grand développement; les cérémonies
du deuil se renouvellent durant quarante jours, puis, au cen-
tième, à la fin de la première et de la neuvième année. Les
collines sont couvertes de buttes funéraires ou kourganes,
sur lesquelles s'amoncellent les offrandes, vivres, vêtements,
argent, armes. La polygamie est admise, mais comme le
I mariage se fait par achat (V. Famille), le prix à payer (ka-
; lym) ne permet qu'aux riches d'avoir plusieurs femmes.
i 11 n'y a aucune différence sociale entre les pauvres et les
\ riches. On distingue une classe noble de gens à os blancs,
du peuple de gens à os noirs ; mais cette distinction ne
confère aux premiers aucun privilège politique. Ils se disent
descendants do Djengis Khan ; les Russes leur donnent le
titre de sultans. Le groupement politique se fait par fa-
milles ou tentes, par clans {aouï) composés de 30 à 200
tentes; un certain nombre d'aouls forment un volostoccu.-
pant un certain terrain de pâturage. Les chefs sont les
anciens (aksakals) et des juges ou arbitres élus {biis), les-
quels résolvent les litiges selon la coutume ; les procès
entre Kirghis et Russes sont soumis aux autorités russes.
KIRGHIS — KIRIA
— 550
Les chefs des volosts sont élus pour trois ans. La vendetta,
Tusage de la composition (prix du sang, koun), du serment
collectif des parents, du serment devant le tombeau d'un
ancêtre indiquent un état social comparable à celui des Ger-
mains du lY^ siècle.
Chaque clan a son cri particulier qui lui sert de signe
de reconnaissance. L'impôt est une capitation (iassak) ; il
est de 3 roubles à 3 1/2 par tente et par an ; les marchands
payent une taxe de 2 4/2 ^j^ de la valeur des importations
et des exportations. Le commerce est assez important, les
Kazaks étant les intermédiaires des caravanes entre la Rus-
sie et l'Asie centrale. Ils vendent les peaux, la laine, la
graisse de leurs troupeaux, les sels de leurs salines ; ils
achètent des ustensiles, des étoffes et des grains. La plu-
part des commerçants sont des Tatares qui tiennent bou-
tique dans leur tente ; ils sont mélangés aux Kirghis.
L'importance de l'élément kirghis tend à augmenter. Des
colons russes et cosaques se sont établis autour des forts,
placés aux lieux de réunion et de marché ; d'autres enve-
loppent le steppe auN. et même au S., sur l'Ichim, sur le
Sir-daria, et à l'intérieur vers Kopal et Vernoié. Mais,
d'autre part, presque tous les bergers dans les villages
russes, jusqu'à Biisk et Kouznetzk, sur FOb et le Tom su-
périeurs, sont de race kirghise ; la récolte du foin, les
travaux des mines d'or sont faits par des Kirghis ; les parents
restent nomades, mais leurs enfants nés hors du steppe s'ha-
billent à la russe, laissent croître leurs cheveux, adoptent
souvent le christianisme et la vie agricole sédentaire. Les
Cosaques, leurs voisins, par réciprocité, adoptent le vête-
ment et jusqu'à la langue des Kirghis. On appelle Djatak-
k'ir les Kirghis sédentaires russifiés ; ils sont nombreux
dans toutes les villes et fermes de la Sibérie occidentale,
parlent russe et évitent de marier leurs filles à leurs frères
du steppe. Ils ont beaucoup de goût pour le commerce
et se mettent à l'école des Tatares ; les Kirghis tatarisés
sont appelés Tchala-Ka%ak(ûQm\-lid^'Ldk).
2^ Kara-Kirghis. — Les Kirghis noirs, que les Russes
appellent « Kirghis sauvages des montagnes », et les Kal-
mouks, Bourouts, habitent l'O. du massif des Thian-chàn
et se rencontrent dans la Mongolie occidentale oii un lac
conserve leur nom (V. Asie). Ils sont regardés par certains
auteurs comme les véritables Kirghis ; ils ont moins subi
que les Kazaks l'influence de la civilisation. Ils sont belli-
queux et pillards dès l'âge de quinze ans, nomades, mais
s'adonnent aussi habilement à l'agriculture à l'aide d'irriga-
tions . La base de leur nourriture est la viande de mouton ;
ils ne mangent de cheval que dans les fêtes et dédaignent la
viande de bœuf. Ils s'enivrent volontiers. Les femmes filent
et tissent la laine, préparent le feutre ; mais presque tous
les objets fabriqués sont procurés par voie d'échange. Les
Kara Kirghis s'habillent de laine blanche avec des bottes
de cuir. Ils ne sont musulmans que de nom ; les prêtres
ont encore moins d'influence que chez les Kazaks. L'éga-
lité sociale est absolue, même du maître au serviteur.
Ils se divisent en deux branches : celle de droite. On,
comprend sept tribus : Bogou, Sayaz, Sari-Baghichtch, Son-
Baghichtch, Solyé ou Soultou, Tcherik, Basindz ; celle de
gauche, Sol, en comprend quatre : Koutchi ou Koktché,
Sorou, Moundouz, Kintaï ouKitaï. Les tribus des Sol s'éten-
dent à l'O. des Thian-chan, entre le Pamir et le bassin du
Tchou ; les On occupent les deux côtés du massif des Thian-
chan ; leurs trois premières tribus vivent sur territoire
russe, de même qu'une grande partie des Sol. On évalue
le nombre des Kara Kirghis à 850,000 dont 200,000 su-
jets russes. Leurs tribus se subdivisent en clans (sept), et
ceux-ci en aouls. Leurs chefs (manap) ont une autorité
considérable. Les Russes n'interviennent pas dans leur ad-
ministration intérieure, ne leur font pas payer d'impôt ; ils
se contentent de corvées de transports et de guides.
Histoire des Kirghis. — Les origines des Kirghis sont
assez obscures ; ils paraissent descendre des Kien-kouen ou
Hakkas des auteurs chinois ; ce peuple était établi dans fes
monts Sayanksetle bassin supérieur de l'Iéniséi, Le nom de
Hakka a été identifié avec celui des Saces (Sakhas) qui occu-
paient il y a plus de 2000 ans les mêmes steppes du Touran
septentrional. On l'a également rapproché de celui des
Yakoutes, rameau septentrional de la race turque (V. Asie).
Ce seraient les Dzoungares qui auraient refoulé vers l'O. les
Kirghis. Cette filiation paraît établie pour les Kara Kirghis
ou Bourouts; elle a été discutée pour les Kazaks. On a
soutenu qu'ils proviendraient des steppes ponto-caspiens.
Le seul fait positif, c'est qu'au xvi® siècle ils habitaient le
long de l'Ob et de l'Irtych, au N. de l'Altaï; c'est à la fin
de ce siècle qu'ils se divisèrent en trois hordes. Ils offri-
rent de se soumettre à Pierre le Grand ; il refusa, et bientôt,
pour abriter la Sibérie contre les incursions des nomades
du steppe, on construisit une ligne de forts jusqu'à
Oust Kamenogorsk, sur l'Irtych (4725). En 4733, la Pe-
tite et la Moyenne Horde se soumirent volontairement à la
tsarine Anne. Mais la soumission ne devint effective qu'à
la mort du khan Ali (1781), sous son successeur Vali. De
plus en plus les Kirghis Kazaks s'étendaient, prenant la
place laissée vide par les Kalmouks orientaux que les Chi-
nois exterminaient après avoir détruit l'empire dzoungare;
la Grande Horde s'y établit. Une fraction de la Petite
Horde, sous son khan Boukei, dont elle garde le nom, prit
vers 4797 la place laissée vide entre l'Oural et la Volga
par l'émigration des Kalmouks Torgots. Les Russes, que la
nécessité de mettre un terme à leurs incursions obhgeait à
assujettir les Kirghis Kazaks, ne les plièrent que lentement
à leur domination. Ils avaient commis de lourdes erreurs;
confondant les Kirghis avec les Tatares, ils leur écrivaient
en langue tatare; ils faisaient passer au premier plan les
prêtres musulmans, leur bâtissant des mosquées; si bien
que de l'Asie centrale accoururent des mollahs, ennemis
des chrétiens. En 4820, on adopta un plan méthodique;
aux points où se tenaient les marchés, les Russes bâtirent
des forts et installèrent des colonies de Cosaques; ce sys-
tème réussit sur l'Irtych et fut appliqué au steppe d'Oren-
bourg à partir de 4835; vers 4844 la soumission était
effective; les insurrections de Kenissara Kasimov (1846) et
d'Iched Kontebars (4858) furent aisément réprimées. Ce-
pendant la sécurité ne pouvait être complète tant que les
ennemis des Russes trouvaient asile dans les khanats mu-
sulmans du Turkestan ; il fallut envelopper le steppe par
le Sud (campagne de 4864, occupation de Tchemkend,
organisation du gouvernement général du Turkestan). Les
Kharezmiens excitèrent encore "des soulèvements en 4869
vers Ouralsk, et en 4870 (blocus de Novo Alexandre vsk).
La chute de Khiva (4873) a consommé la soumission des
steppes. Ceux-ci ont été organisés en 4882 en un gou-
vernement général des steppes comprenant les gouver-
nements d'Akmolinsk, Semipalatinsk , Ssemiretchinsk ,
Tourgaïsk et Ouralsk (V. Sibérie). A. -M. B.
BiBL. : Pallas, Observations sur les Kirghiz, 1769; trad.
franc., 1803, t. II. — Gœbel, Reise in die Steppe der Kir-
ghisen; Dorpat, 1837. — Baer et Helmersen, Beitrœge
zur Kenntniss des riissischen Reiches, 1841-43, t. V et VI.
— Levciiink, Description des hordes et des steppes des
Kirghiz Kazaks; trad. franc., Paris, 1840. — Kœppen et
Stein, dans Mittti. de Petermann, 1858. — Radlov, dans
Mitth. de Petermann, 1864. — Du même, Aus Sibirien;
Leipzig, 1884, t. I. — Du même, Kirgisiscïie Mundarten;
Saint-Pétersbourg, 1870. — Du même, Der Dialekt der
Karakirgisen, 1886. — Atkinson, Oriental and 'western
Sibiria ,'* Londres, 1857. — Sghott, Ueber die echten Kir-
gisen; Berlin, 1864. — Zaleski, la Vie des steppes kir-
ghizes; Paris, 1865. — Venukov, les Frontières de la
Russie d'Asie (russe), 1874. — Andréev, la Horde moyenne,
dans Bull, de la Soc. de géogr. de Saint-Pétersbourg,
1875. — FiNscii, Reise nach Westsibirlen, 1879. — Ch. de
Ujfalvy, Expédition française en Russie, Sibérie et dans
le Turkestan, 1878-79, 2 voL — Radomtsev, Excursion
dans le steppe kirghis (russe); Saint-Pétersbourg, 1877. —
Majev, le Haut Amou-daria (russe), 1879. — La Justice kir-
ghis, dans Revue orientale (russe), 1884. — Lansdell,
Russian Centralasia, 1885. — Jadrinzev, la Sibérie, 1886.
KIRlAouKARlA.Ville du Turkestan chinois,à 460 kil.E.
de Khotan, sur le Kiria-daria, rivière descendue du Kouen-
loun ; 45,000 hab. Belle oasis; riches'gisements aurifères ré-
gulièrement exploités; commerce avec Khotan et Cachemire.
Kl RI LOV. Ville de Russie, au N.-E. du gouvernement de
Novgorod, près du confluent de la Porozovitza et de la
Chexna (affluent de la Volga) ; 5,000 liab. Célèbre couvent
de Saint-Cyrille avec double enceinte et 23 tours. Bâti en
4398, ce couvent a de belles archives; il servit de lieu
d'exil à de grands personnages ; Ivan le Terrible voulut s'y
retirer. 11 a repoussé en 1612 et 1013 les attaques des
Lithuaniens.
Kl RITG H EN. Collines de Bulgarie, entre le Lom et le
Kamtchik, où les Turcs se fortifièrent pendant la guerre de
1877; Mehemet Ali y brava plusieurs mois les efforts des
Russes et leur infligea en août de fortes pertes.
KIRK (Thomas), peintre et graveur anglais, mort jeune
en 1797. Elève deCosway, il déploya dans le genre histo-
rique de remarquables qualités de vigueur et d'imagination.
Sa première œuvre exposée à l'Académie royale fut, en
1785, Vénus présentant V Amour à Calypso^ et les
dernières, en 1796 : le Soir, Rêve. Il exécuta aussi d'élé-
gantes miniatures et d'excellentes vignettes, dont un cer-
tain nombre gravées de sa main, d'un burin robuste. La
phtisie mit fin prématurément à une carrière qui promet-
tait d'être brillante.
KIRK (Thomas), sculpteur irlandais, né à Cork en 1784,
mort en 1845. Il fit ses études à Dublin, oti il commença
à exposer en 1810, et fut en 1823 un des fondateurs de
l'Académie royale hibernique. Il envoya aussi de ses œuvres
à l'Académie royale de Londres. Son Orpheline et son
Jeune Voleur de chiens sont populaires en Irlande. Dublin
a de lui la statue colossale de Nelson au sommet de la
colonne de O'Connell Street, celles de George IV et de
Wellington et des bustes à l'Université. Au Palais de justice
de Londonderry : les figures de la Justice et de la Clé-
mence; à l'hôpital de Greenwich : V Amiral Sidney
Smith, A. de B,
KIRKALL (Edv\^ard), graveur anglais, né à Sheffield
entre 1695 et 1700, mort en 1754. Fils d'un serrurier,
il apprit le dessin et vint à Londres exécuter pour les
libraires des encadrements, ornements, culs-de-lampe,
lettrines. D'après les initiales dont elles sont signées, on
le croit l'auteur des planches d'une bonne édition de
Térence. Il illustra de gravures sur cuivre divers ouvrages,
reproduisit dix-sept sujets de Van de Velde et grava à
l'aquatinte les huit cartons de Raphaël. Plus ouvrier qu'ar-
tiste, il doit surfout son renom à l'ingénieux procédé par
lequel il combina l'eau-forte avec la manière noire, les
planches étant gravées partie sur bois, partie sur cuivre.
Dans ce genre, il publia en 1722 par souscription, un
album de douze planches. A. de B.
KIRKCALDY. Ville d'Ecosse, comté de Fife, sur la
rive N.-O. du firth of Forth; 25,000 hab. (avec son fau-
bourg de Dysart). Stat. du chem. de fer d'Anstrutter à
Burntisland. Tissages, blanchisseries, fonderies, construc-
tions navales. Bains de mer fréquentés. Patrie d'Adam
Smith.
KIRKCALDY de Grange (Sir William), homme d'Etat
écossais, mort le 3 août 1573. Il prit une part importante
au complot contre la vie du cardinal Beaton et assista à son
assassinat (1546). Fait prisonnier par les Français et
enfermé au Mont-Saint-Michel, il réussit à s'évader et à
gagner l'Angleterre où Edouard VI lui fit une pension et
lui confia plusieurs missions secrètes, notamment à Biois
en 1551. A l'avènement de Marie, il s'engagea au service
de la France et devint grand favori de Henri IL 11 retourna
en Ecosse en 1557 et y mena une vie fort agitée. Après
avoir gagné la bataille de Corrichie, il s'opposa au mariage
de Marie Stuart avec Darnley, prit part au complot contre
Rizzio et rendit d'importants services au parti protestant.
C'est à lui que se rendit Marie Stuart. Nommé gouverneur
d'Edimbourg, Kirkcaldy, en 1569, passa tout à coup dans
le parti de la reine et fut confirmé dans cette attitude par
l'assassinat du régent (20 janv. 1570). Il mit Edimbourg
en état de défense et dans une tentative faite par lui pour
enlever les chefs de la cause du roi, le régent Lennox fut
— 551 -- KIRÏLOV - KIRKOR
tué. Finalement, il fut assiégé par des forces tellement
supérieures qu'il dut se rendre (3 juin 1573). Elisabeth
le fit pendre. H. S.
KIRKCUDBRIGHT. Ville. — Ville d'Ecosse, chef-lieu
du comté et sur la baie de ce nom, à l'embouchure de la
Dee ; 3,500 hab. Belle église ; ruines du château des Mac-
lellan et de l'abbaye de Dundrennan.
Comté. — Ce comté du S,-0. de FEcosse, appelé aussi
Ëast-Galloway, a 2,324 kil.q. et 42,290 hab. Il s'étend
du golfe de Solway aux comté d'Ayr au N., de Dumfries à
l'E., de Wigtown au S.-O. Les collines déboisées, entre-
coupées de marais, occupent la plus grande partie du sol.
Les champs labourés ne représentent que 20 ^/o de la super
ficie ; la richesse principale est le mouton (360,000) ; on
compte aussi 45,000 bœ.ufs, beaucoup d'abeilles. Le chef-
lieu est Kircudbright. L'histoire se confond avec celle du
Galloway,
BiBL. •' Mackerlte, Uist. of Galloway^ 1870-78.
KIRKE (Percy), général anglais, né vers 1646, mort à
Bruxelles le 31 oct. 1691. Après avoir servi en France, et
pris part aux campagnes du Rhin sousTurenne et Luxem-
bourg, il devint gouverneur de Tanger en 1682. 11 avait
précédemment été chargé d'une ambassade à Mequinez et
à Fez dont il a laissé une relation curieuse, publiée dans
Latest Accounts from Fez (Londres, 1683). Colonel du
trop fameux régiment des Agneaux (Kirke's Lambsj, il
revint avec lui en Angleterre en 1684, combattit avec lui
à Sedgmoor (6 juil. 1685) et fut chargé par Faversham
du commandement de l'Ouest. Il se rendit célèbre par ses
cruautés, notamment à son entrée à Bridgewater, où il fit
pendre sans jugement des centaines de personnes. Rappelé
à cause de ses exactions et de ses scandaleuses débauches
(10 août 1685), il fut remplacé par Jeffrey (V. ce nom),
qui conserva pour escorte les Agneaux pendant les assises
sanglantes. Kirke, mal vu de Jacques II, parce qu'il avait
refusé d'abjurer le protestantisme, fut emprisonné à Londres
et devint un des partisans les plus chauds de Guillaume
d'Orange qui le nomma général le 8 nov. 1688, puis gou-
verneur de Londonderry. Promu lieutenant général le 25 déc.
1690, il fut envoyé en Flandre au commencement de 1691
et V fit campagne jusqu'à sa mort subite à Bruxelles. R. S.
KIRKHOVEN (Catherine) (V. Stanhope [LadvJ).
Kl RKILLINTOCH. Ville d'Ecosse, à cheval sur les comtés
de Lanark et Dumbarton ; 9,000 hab. Mines de houille,
carrières, cotonnades, etc.
KIRK Kl LISSÉ (c.-à-d. les quarante églises). Ville de
Turquie d'Europe, à 53 kil. et dans le sandjak d'Andri-
nople, à 240 m. d'alt., près du Soutrou, affluent de
l'Erkéné ; 16,000 hab. Commerce de beurre, de fromages
et de confitures renommées. La ville est bâtie en amphi-
théâtre sur deux collines et dans le vallon qui les sépare.
KIRKLAND (Caroline-Matilda), femme de lettres améri-
caine, née à New York en 1801, morte à New York en
1864. Elle était la fille d'un libraire, Samuel Santsbury,
et avait épousé un professeur de Hamilton Collège. Ses
écrits contiennent d'intéressants tableaux de la vie améri-
caine; les principaux sont : A Neiu Jlome {iS39); For est
Life (1842); Western Cleari7igs {iS^Q), et des impres-
sions de vovage sous ce titre : îîolidays Ahroad (1848).
KIRKNERIA (Paléont. vég.) (V. Thinnfeldia).
KIRKOR (Adam-Honoré), connu dans la littérature po-
lonaise aussi sous le pseudonyme Jean de Sliwin, archéo-
logue polonais, né en 1818, mort à Cracovie le 23 nov.
\ 886. Il se voua presque entièrement à l'archéologie et
examina environ mille tumuli. Pendant son long séjour à
Wilna, il rédigea différentes revues littéraires et archéo-
logiques. Il fut nommé (1860) rédacteur du journal officiel
(KuryerLitewski), paraissant à Wilna. En 1873, il s'établit
à Cracovie comme membre de la commission archéologique
et anthropologique de l'Académie des sciences. Dans les
publications de cette commission archéologique (Zbior
wiadomosci do antropologii krajowej, t. I-VIII), Kirkor
écrivit une série de comptes rendus sur ses recherches
KIRKOR - KIRWAN
552
archéologiques. Ses œuvres pr-incipales sont : Promenades
à Wilna (en pol. ; Wilna, 1856) ; De la Littérature des
nations sœurs slaves (en pol. ; Cracovie, 1874) ; la
Pokucie^ au point de vue archéologique (en pol.) ; Comptes
rendus de la section historique de V Académie des
sciences à Cracovie (Cracovie, 1876, t. V). J. K.
KIRKWALL. Ville d'Ecosse, ch-L du comté des Orcades
(Orkney), dans Tîle Pomona, avec un bon port, relié par
des services réguliers à Leilh et à Aberdeen; 4,800 hab.
Vieille ville, avec une cathédrale (Saint-Magnus) en style
normand du xii^ siècle, analogue à celle de Trondhjem.
Ruines du palais des comtes des Orcades (xm® siècle).
Kl RKWOOD (Samuel), homme politique américain, né
à Hartford (Maryland) le 20 déc. 1813. D'abord avocat à
Richland (Ohio),il fut deux fois élu gouverneur de l'Etat
dlowa, et deux fois sénateur fédéral (1866 et 1876), mi-
nistre de l'intérieur sous Garfield (1880-85).
Kl RKWOOD (Daniel), astronome américain, né à Bra-
denbaugh (Maryland) le 27 sept. 1814, D'abord principal
dans plusieurs établissements d'instruction, il est entré
comme professeur de mathématiques au collège du Dela-
ware en 1851 et à l'université de l'ïndiana en 1856. lia
été élu en 1851 membre de V American philosophical
Society, Il a tenté de reconstituer avec les astéroïdes con-
nus la planète brisée dont ils sont considérés comme les
fragments; il a même assigné à celle-ci un diamètre qui
surpasserait de beaucoup celui de Mars. Outre de nom-
breux mémoires et notes épars dans les Monthly Notices
oftheRoy. Astron. Soc, dans le Journal de Siliiman,
dans le Sidereal Messenger et dans divers autres recueils
spéciaux, il a publié ; Meteoric Astronomy (Philadelphie,
1867, 'm-i^);Comets and Meteors (Philadelphie, 1873,
in-12); 7ke Asteroids (Philadelphie, 1 887, in-1 2). L.S.
KIRMAN ou KERMAN. Ville. — Ville forte de Perse,
l'ancienne Caramania, ch.-l. de la prov. de Kirman ;
40,000 hab., au pied d'un château ruiné; les ruines de
l'ancienne ville sont au S. Située à PO. d'une fertile plaine
à blé, elle renferme de vastes bazars, fabrique des châles
fins (chèvre et soie), des tapis, des broderies, des lainages,
des soieries. La population est très mélangée (Tadjiks,
Guèbres, Hindous, iVrméniens, Kurdes, Lares, Juifs, etc.).
Province. •— Province du S. de la Perse; 250,000
kil. q. ; 600,000 hab. Le Kirman est compris entre le Be-
loulchistan à l'E.. le désert de Lout qui le sépare du Kho-
raçan et de l'Irak Adjemi au N., le Farsistan et le Laristan
à l'O., le golfe Persique au S. ; c'est la Caramanie,
Kar mania ou Germania des anciens. On en a récemment
détaché Yezd et le Laristan. Elle a 620 kil. du N. au S.,
560 kil. de LE. à l'O. Mais la plus grande partie appar-
tient au désert ; le liséré côtier et quelques vallées arro-
sées sont fertiles. Le Kirman est très mal connu. Il se divise
en vingt-trois districts. Les principales villes sont Kirman,
Bender-Abbas, Khabis, Began, Krouk, Koum, Khanou,
Bam. A. -M. B.
KIRMANCHAH. Ville de Perse, ch.-l. delà prov. d'Ar-
dilan, sur le Kerna, affluent du Gamas (Kherka) ; 20,000
hab. Elle est bâtie sur les gradins d'une colline. Située sur
la grande route de l'Iran à la Mésopotamie et à la Babylo-
nie, elle a été fondée par les Sassanides. Elle eut une
grande prospérité du temps d'Ali-Mirza, comme capitale du
Kurdistan, alors presque autonome. Ses fabriques d'armes
et de tapis ont disparu.
KIRWIISSON (Edouard-François), chirurgien français,
né à Paris le 18 juil. 1848. Il a fait ses études médicales
à Paris. Docteur en médecine en 1879, chirurgien des
hôpitaux en 1881, il a été nommé agrégé de la faculté au
concours de 1883. Nous citerons de lui : De V Anémie
consécutive aux hémorragies traumatiques et de son
influence sur la marche des blessures (1880) ; Des
Modifications modernes de la lithotritie (1883) ; De
l'Influence du traumatisme sur le développement des
kystes hydatiques (1883) ; Du Mal perforant chez les
diabétiques (1885); Maladies de la tête et du rachis
(2® vol. du Manuel de pathologie externe, àitàes quatre
agrégés, 2^ éd., 1888). D^ A. Dureau.
Kl RN. Ville de Prusse, district de Coblentz, sur la Nahe ;
5,000 hab.
KIRNBERGER (Johann-Philipp), compositeur et théori-
cien musical allemand, né à Saalfeld (Thuringe) le 24 avr.
1721, mort à Berlin le 26 ou 27 juil. 1783. Elève de
J.-P. Kellner, de Gerber père et de J.-S. Bach, il remplit
de 1741 à 1750 divers emplois musicaux en Allemagne
et en Pologne, entra en 1751 comme violoniste à la cha-
pelle royale à Berlin et devint en 1754 maître de chapelle
et professeur de la princesse Anna-Amélie de Prusse. Ses
nombreuses compositions instrumentales et vocales sont
oubliées aujourd'hui, mais sa réputation est assurée par
ses ouvrages théoriques dont le plus célèbre a pour titre
Die Kunst des reinen Satzes (1774-79, 2 vol.). Par
son premier écrit, Konstruktion der g leichschwebenden
Temperatur (1760), Kirnberger avait pris rang dans la
question de la gamme tempérée. Il publia par la suite :
Die wahren Grundsœtze zum Gebrauch der Harmonie
(1773); Grundsœtze des Generalbasses (1781); Ge-
danken ûber die verschiedenen Lehrarten der Kompo-
sition(ilS^) ; Anleitung zur Singkomposition (1782).
Kirnberger collabora à la Théorie der schœnen Kunste,
de Sulzer, et fut l'éditeur de plusieurs œuvres de Hasler
et de Graun. M. Br.
KIRNIK. Montagne aurifère de Transylvanie, près de
Verespatak. Curieuses ruines romaines.
KIRRWEILER. Village d'Allemagne, Palatinat rhénan
(Bavière), sur le ch. de fer de Wissembourg à Neustadt.
Combat de cavalerie entre Bliicher et Desaix (23 mai 1794).
KIRSANOV. Ville de Russie, gouvernement deTambov,
ch.-l. de district, sur la Vorona, affluent du Khoper (affluent
du Don) ; 8,000 hab.
KIRSCH (V. Eau-de-vie).
KIRSCHNER (Aloysia), dite Ossip Schubin, femme de
lettres, née à Prague le 17 juin 1854. Elle imite et les
romanciers français et Tourguénev dans la peinture du
demi-monde, de la société cosmopolite, où elle déploie une
grande pénétration et un réalisme qui n'exclut pas le maniéré.
On peut citer parmi ses romans : Ehre (Dresde, 1 882) ;
Uîiteruns (Berlin, 1884, 2 vol.) ; Gloria victis (1885,
3 vol.) ; Erlachhof (Stuttgart, 1887, 2 vol.), etc.
KIRSTEYN (Jean) (V. Cerazyn).
KIRSTI (Mythol. finnoise). Divinité des maladies et une
des filles de Tuoni. On l'appelait aussi Kiputyttô, et c'est
sous ce nom qu'on l'invoquait en général pour chasser les
maladies.
KIRUNAVARA. Montagne de fer magnétique de la Suède,
lœn de Norbotten, entre le Kalix et le Torneâ, en face du
mont Luosavara ; le minerai renferme 70 7o de fer.
KIRVI. Ville de l'Inde anglaise, prov. du N.-O. (Allaha-
bad), sur un affluent droit de la Djemna ; 4,000 hab. Beaux
temples hindous, particulièrement le Ganech bagh. Les
Anglais y confinèrent en 1829 l'héritier des Peichvâs et,
après la défaite de l'insurrrection de 1857, se disputèrent
son trésor.
KIRVIRAÏ ou TROBRIAND (Iles). Archipel situé au
S.-O. de la Nouvelle-Guinée; 440 kil. q. ; il fut exploré
par Moresby en 1873.
KIRWAN (Richard), chimiste anglais, né à Cloughbal-
lymore (comté de Galway) le 1®^ août 1735, mort à Dublin
le 22 juin 1812. Il fit d'abord son droit et fut quelque
temps avocat (1766-68). Puis il se passionna pour les
sciences et, possesseur d'une grande fortune, s'adonna en
toute liberté à leur étude. Il devint membre de la Société
royale de Londres, qui lui décerna en 1781 la médaille
Copley, président de la Royal Irish Academy, correspon-
dant de r Académie des sciences de Paris (1808). Ses tra-
vaux, qui ont porté sur la chimie, la minéralogie, la géo-
logie et la météorologie, ne manquent ni d'intérêt, ni de
valeur, et il est l'un des savants qui ont le plus contribué
553 -
KIRWAN — KISS
à fonder l'analyse chimique par voie humide. Il a consigné
les résultats de ses re^îberches dans de nombreux mémoires
publiés par les Philosophical Transactions et par les
Transactions of the Irish Academy et dans quelques
ouvrages parus à part: Eléments of Minera logy (Londres,
1784, in-8; 2^ éd., 1794-96 ; trad. franc, et allem.);
An Estimate of the température of différent latitudes
(Londres, 1787, in-8) ; Essay on phlogiston and tfie
constitution ofacids (Londres, 1787, in-8; trad. franc,
par M^^ Lavoisier, Paris, 1788, in-8), livre dans lequel
l'auteur s'efforce de concilier la théorie du phlogistique avec
les découvertes modernes et qui est accompagné, dans
l'édition française, d'intéressantes notes critiques de Guy ton
de Morveau, de Lavoisier, de Laplace, deMonge, deBer-
thollet et de Fourcroy; An Essay ofthe analysis of mi-
nerai waters (Londres, 1799, in-8,) ; Geological Essay s
(Londres, 1799, in-8), etc. On lui doit en outre quelques
écrits philosophiques assez médiocres, entre autres un traité
de logique (1809, 2 vol.). Une société scientifique de Du-
blin porte son nom. L. S.
Kl S (Jean), poète hongrois, né à Soprony en 1770,
mort à Soprony en 1846. Pasteur de plusieurs paroisses
successivement et en dernier lieu de sa ville natale, il tra-
vailla toute sa vie à des traductions et à des poésies qui,
sans grande vigueur lyrique, ne manquent pas de valeur
philosophique et morale. On trouvera dans Toldy l'im-
mense liste de ses publications. E. S.
BiBL. : Toldy, A Magyar Kœltészet Kézikœnyve. —
ScHwicKER, Geschichte der ungarischen Litteratur.
KIS (V. Kiss).
Kl S AÏS! PI ou BIG Rivek. Fleuve du Labrador, qui se
jette à l'E. de la baie James. Il arrose de belles plaines.
KISBER. Bourg de Hongrie, comitat de Komarom;
2,000 hab. Célèbre haras.
BiBL. : Brûckner, Gesch. der Staatsgestûts zu Kisber;
" Vienne, 1886.
KISEL ou KISIEL (Adam), homme d'Etat polonais
du xvii® siècle, mort en 1653. Il était d'origine russe
et n'appartenait pas à la religion catholique, mais il était
dévoué à la Pologne. Il fut castellan de Tchernigov et do
Kiev, puis palatin de Kiev. Il s'efforça de maintenir les
Cosaques dans l'obéissance, mais il ne put y réussir.
KISFALUDY (Alexandre), poète hongrois, né à Siimeg
le 27 sept. 1772, mort le 28 oct. 1844. Entré de bonne
heure dans la garde hongroise, il apprit le français et l'ita--
lien, et commença à éprouver un goût très vif pour la poésie
italienne. Incorporé ensuite dans les hussards et envoyé en
Italie, il fut fait prisonnier (1796) et heureusement pour lui
envoyé en France, près de la fontaine de Vaucluse. Là, il
se pénétra du génie de Pétrarque, qui contribua beaucoup à
lui inspirer son premier ouvrage, les Amours de Himfy.
C'est en 1801 que Kisfaludy, retiré pacifiquement dans son
domaine, publia la première partie de ce recueil, dont le
succès fut immense. La Hongrie aristocratique salua en lui
son lyrique national, comme la Hongrie populaire venait
de saluer le sien en Csokonai. La seconde partie des Amours
de Himfy, les amours heureux par opposition aux amours
malheureux de la première partie, fut publiée en 1807.
En 1809, Kisfaludy prit une grande part, comme militaire
et surtout comme poète dramatique et lyrique, au soulè-
vement national contre Napoléon. Ensuite il se remit au
travail et continua ses Récits magyars du vieux temps,
série de petits poèmes commencés avant la guerre et dont
la plupart furent publiés en 1822 et en 1838 : Csobdncz,
Somlé et d'autres petites épopées à la fois amoureuses et
patriotiques, dont l'influence ne le cède guère à celle du
poème de sa jeunesse. Ses tragédies, Hunyade, Ladis-
las, etc., restent bien inférieures. Il n'eut pas le temps de
terminer ses Chants du Cygne, Ses œuvres ont été réu-
nies par F. Toldy (Pest, 1847, 6 vol.), auxquelles s'ajou-
tent les œuvres inédites (1870, 4 vol.). Dans l'ensemble
de son œuvre, Alexandre Kisfaludy l'emporte de beaucoup
sur tous les poètes magyars qui l'avaient précédé. E. S.
BiBL. : ScHwiGKER, GescMchte der ungarischen Littera-
tur. — Edouard Sayous, Histoire des Hongrois et de leur
littérature politique de 1190 à. 1815.
KISFALUDY (Charles), poète hongrois, frère du précé-
dent, né à Tét le 5 févr. 1 788, mort le 21 no v. 1830. Il entra
très jeune dans l'armée autrichienne, et en sortit en 181 1.
Dès 1 812, il donnait un premier essai tragique, les Tatares
en Hongrie; puis il passa quelques années, tantôt en ré-
sidence à Vienne où il cultivait la peinture en même temps
que la poésie, tantôt en voyage dans l'Europe occidentale
et méridionale. Etabli à Pest depuis 1817, il obtint un
grand succès avec ses tragédies intitulées le Siège de Bel-
grade (1819), Stibor (même année), pièces qui furent
bientôt traduites en allemand. Dès lors, Charles Kisfaludy
joua pendant ses dix dernières années un rôle doublement
prépondérant à la tête de la jeune littérature magyare.
Pendant que le recueil de V Aurore donnait, à partir de
■1822, les œuvres lyriques du poète et de ses amis, les
œuvres tragiques ou comiques, Irène, Mathieu Csdk, les
Merveilles, etc., se succédaient rapidement. Il fut le véri-
table fondateur de la littérature dramatique magyare dans
ce siècle. Ses oeuvres complètes ont été publiées par
Toldy (Ofen, 1831,10 vol.; 5« édit., Pest, 1859,8 vol.).
La mort prématurée de Charles Kisfaludy n'empêcha pas
son influence de continuer, et, dès 1836, sa mémoire parut
digne de présider à l'activité littéraire de la nation. La
Société Kisfaludy prit naissance ; elle ne cessa de se déve-
lopper pour la mise en lumière et la glorification de la
muse magyare. Elle a soutenu de jeunes efforts, encouragé
des talents déjà mûrs, par ses récompenses et ses publica-
tions. Elle comprend cinquante membres du dehors et dix
correspondants étrangers, traducteurs d'œuvres hongroises
en langues étrangères. E. S.
BiBL. : ScHwicKER, Geschickte der ungarischen Litte-
ratur. — Toldy, A Magyar Kœltészet Kézikœnyve.
KISLICHY (V. KvÂs).
KISO-Gavâ. Fleuve du Japon, au centre de l'île de Nip-
pon, qui naît près du Mi-také et aboutit à la baie d'Ovari
(océan Pacifique) après un cours de 250 kil. ; il reçoit le
Hida-gava (150 kd.) et parcourt de belles gorges basal-
tiques.
KISON. Fleuve delà Palestine, qui traverse la plaine de
Jezrahel (ou Esdrelon), pour se jeter dans le golfe de Plo-
lémaïs (ou Saint-Jean-d'Acre). C'est la région la mieux do-
tée de la Palestine ; mais c'est, en même temps, celle dont
la possession devait exciter le plus volontiers la convoitise
des puissances voisines. Par la vallée du Kison passe la
route conduisant d'Egypte en Syrie (Damas) ; on peut par
elle accéder au Jourdain sans avoir à franchir des hauteurs.
Les environs du Kison (turc Nahr-el-Mukatta) ont été
le théâtre, tant aux temps anciens qu'aux temps modernes,
de batailles décisives ; l'Asie et l'Egypte s'y sont heurtées
à plusieurs reprises. Le Kison marque une séparation na-
turelle entre le massif montagneux d'Ephraïm-Juda et la
montagne de Nephtali, commele Jourdain entre le pays de
Chanaan proprement dit et la région transjordanique (Ga-
laad, Pérée). Il est possible que, à une époque reculée, les
eaux du bassin du Jourdain, soumises depuis les temps
historiques à une évaporation intense qu'explique la pré-
sence des hautes parois rocheuses qui bordent la vallée sur
la rive orientale et sur une partie de sa rive occidentale,
aient trouvé une issue du côté de la mer par le Nahr-Dja-
loud, qui passe à Beïsan (Scythopolis), et la vallée du Kison
entre Jezrahel (Zerin) et Sunem (Solam). M. Vernes.
KISS (Ernest), baron d'Elemer et Ittebe, général hon-
grois, né à Temesvâr en 1800, fusillé à Arad le 6 oct.
1849. Colonel de hussards lors de la révolution, son adhé-
sion au gouvernement national lui valut sa nomination de
général commandant de corps d'armée. H fut employé
contre les Serbes du Banat. En 1849, entraîné dans les
derniers désastres et dans la capitulation de Vilâgos, il fut
condamné à mort par un conseil de guerre.
KISS (August), sculpteur allemand, né à Paprotzan
(Haute-Silésie) le 11 oct. 1802, mort à Berlin le 24 mars
KISS - KÏSTER
- 554
i865. Destiné d'abord à la carrière des forges, il entra en
1822 à l'Académie de Berlin, puis, successivement, dans
l'atelier de Rauch et dans celui de Tieck. A ses premiers
travaux, des groupes allégoriques exécutés pour le nouvel
Entrepôt de Berlin, succédèrent, à partir de 4839, V Ama-
zone à cheval combattant contre un tigre (marbre au
musée de Munich ; bronze au musée de Berlin), deux sta-
tues de Frédéric- Guillaume 11 (Potsdam et Kœnigsberg),
celle de Frédéric le Grande à Breslau, le monument du
Duc Léopold d'Anhalt, à Dessau, deux Saint Georges
terrassant le dragon (Babelsberg et Berlin), les statues
de Winterfeld et de Schverin, la Chasse au Renard,
le groupe la Foi, l'Espérance et la Charité (Berlin), le
Garde du corps et le Cuirassier (Charlottenbourg), le
Sermon sur la montagne (Potsdam).
KISSÉLEV (Paul-Dmitriévitch, comte), général et di-
plomate russe, né à Moscou en 1788, mort à Paris le
26 nov. 1863. Issu d'une famille noble, il entra dès sa
première jeunesse aux chevaliers-gardes, se fit remarquer
par sa bravoure à Eylau, à Friedland, à la Moskowa et
devint, en 1814, aide de camp de l'empereur Alexandre F''
qui, deux ans plus tard, le nomma chef d'état-major de
l'armée commandée par Wittgenstein et, en 1823, l'ap-
pela près de lui comme aide de camp général. Son atti-
tude pendant les troubles dont Saint-Pétersbourg fut le
théâtre à l'avènement de Nicolas I«^ (1825) lui valut la fa-
veur de ce souverain. Kissélev prit une part très active à la
guerre contre les Turcs sur le Danube en 1828 et 1829
et, après le traité d'Andrinople, fut chargé du gouverne-
ment civil et militaire de la Moldavie et de la Valachie. Il
ne quitta ces deux provinces (1 834) qu'après leur avoir
donné de toutes pièces par le Règlement organique une
administration nouvelle qui était pour elle un inappréciable
bienfait. Rentré en Russie, appelé au conseil supérieur de
l'Empire, il fut, en 1837, nommé ministre des domaines
impériaux, élevé plus tard au rang de comte et placé à la
tête de la 5® section delà chancellerie privée du tsar. Am-
bassadeur en France après le traité de Paris (4856), il
concourut en 1 858 aux conférences pour la réorganisation
des principautés danubiennes et se retira des affaires, pour
raison de santé, en déc. 1862. A. Dp:btdour.
KISSÉLEV (Nicolas, comte), diplomate russe, frère du
précédent, né en 1800, mort à Florence le 7 déc. 1869.
Il débuta comme secrétaire d'ambassade à Berlin, puis à
Paris (1829), suivit Pozzo di Borgo à Londres comme con-
seiller d'ambassade (1838), revint peu après au même titre
en France (1839) sous le comte Palhen, y resta comme
chargé d'affaires de Russie après le départ de ce dernier
(1841), fut, après la révolution de 1848, accrédité auprès
de Louis-Napoléon comme ministre plénipotentiaire et ne
quitta son poste que le 4 févr. 1854, au moment de la rup-
ture diplomatique qui amena la guerre de Crimée. Envoyé
deux ans plus tard en Italie comme ministre plénipoten-
tiaire auprès des cours de Rome et de Florence, il ména-
gea un rapprochement entre son gouvernement et le saint-
siège au sujet des affaires de Pologne. A. Debidour.
KISSER. Ile de l'archipel de la Sonde (Malaisie), au
N.-E. de Timor; 154 kil. q.; 7,000 hab. Elle dépend de
la résidence d'Amboine ; à côté de la population indigène,
vivent à Kotta Lama les descendants de soldats néerlandais,
français et allemands restés chrétiens, mais parlant le ma-
lais, en ayant adopté lesmœurs (polygamie, par exemple)
et faisant cultiver par des esclaves. L'ancien nom de l'île
est Jetawawa. Les Néerlandais y établirent en 1665 deux
forts aujourd'hui abandonnés. Le ch.-l. est Delftshaven.
Kl SSINGEN.Villed'Allemagne, royaume deBavière, pro-
vince de Basse-Franconie, dans la vallée de la Saale fran-
conienne, aflfl. droit du Main ; 4,000 hab. Ses eaux, connues
dès le ix^ siècle, attirent chaque année 15,000 baigneurs.
Le plus célèbre est Bismarck qui faillit y être assassiné par
Kullmann le 13 juil. 1874. — Le 10 juil. 1866 fut livrée
à Kissingen une bataille entre Bavarois et Prussiens ; ceux-
ci l'emportèrent péniblement.
Eaux minérales. — Elles sont « athermales ou protho-
therraales, chlorurées fortes ou moyennes, bromo-iodurées,
ferrugineuses faibles ou carboniques fortes » (Rotureau).
ïl y a cinq sources dont deux sont aux salines mêmes, trois
dans la ville. Les eaux de Kissingen se prennent en bois-
son (surtout Rakoczyet Pandur), bains, douches d'eau, de
vapeur, d acide carbonique, inhalations, bains de boue.
Elles sont surtout utiles dans les dyspepsies, la constipa-
tion, les hémorroïdes, la scrofule, le lymphatisme, l'obé-
sité, le catarrhe bronchique, la goutte, le rhumatisme, les
névralgies, etc. D'^ L. Hn.
KISSLING (Léopold), sculpteur allemand, né à Schœne-
born en 1770, mort à Vienne en 1827. D'abord menuisier,
il étudia la sculpture sous Schrott, puis à l'Académie de
Vienne. Ses premières œuvres, Germanicus et Achille
pleurant sur les cendres de Patrocle, lui valurent d'aller
comme pensionnaire à Rome, où son groupe de Mars,
Vénus et l'Amour (1810, Belvédère) lui attira l'intérêt
de Canova, et où ensuite il exécuta son magnifique Génie
des Beaux-Arts. De retour à Vienne, et devenu sculpteur
de la cour, il fit le tombeau du ministre Cobenzl, celui de
l'orientaliste Hammer^ et le buste en marbre de V Empe-
reur François I^^. E. Gourdault.
Kl SI (Nicolas-Chrétien), théologien et historien hollan-
dais, né à Zalt-Bommel en 1793, mort à Leyde en 1859.
En 1823, il fut appelé à professer l'histoire ecclésiastique
à l'université de Leyde et il occupa cette chaire avec beau-
coup de distinction jusqu'à sa mort. Il publia un grand
nombre d'ouvrages pleins d'érudition et d'esprit critique et
fonda, en collaboration avec le professeur H.-J. Royaards,
l'importante revue intitulée Archives pour r Histoire re-
ligieuse des Pays-Bas (en holl., Leyde, 1829-59). Ses
travaux les plus importants sont FEglise et l'Histoire
(en holl., Haarlem, 1830, 2 vol. in-8; rééd., Leyde,
1832); le Retour des Vaudois en 1 689-90 (id., Leyde,
1846, in-8); Esquisse historique sur V université de
Leyde (id., 1850, in-8); Histoire du Presbytérianisme
(zVL, 1855, in-8). E. H.
BiBL. : KoENEN, Bibliographie de N.-C. Kist (en holl.) ;
Amsterdam, 1859, in-12.
KIST (Florent-Corneille), musicien hollandais, né à
Arnhem le 28 janv. 1796, mort à Utrecht le 23 mars
1873. Fixé à La Haye comme médecin, il prit une grande
part à l'organisation des sociétés musicales et des concerts
en Hollande, et abandonna bientôt la médecine pour se
consacrer tout entier à la musique. Il fonda en 1844 à
Utrecht le journal musical Cœcilia, organisa en cette ville
des concerts pubhcs et des concerts d'amateurs, composa
quelques morceaux de chant, traduisit en hollandais l'his-
toire de la musique de Brendel, et publia une brochure
sur l'état de la musique dans les églises protestantes en
Hollande (1840), une biographie de Roland de Lassus
(1841) et de très nombreux articles dans les vingt pre-
mières années du journal Cœcilia, M. Br.
KISTER (Georges, baron), général français, né à Sarre-
guemines le 26 janv. 1755, mort le 24 déc. 1832. Il fit la
première partie de sa carrière aux armées de la Moselle et du
Rhin (1792-96) où il devint chef de bataillon. Il servit ensuite
en Allemagne pendant la campagne de 1796 et se signala
dans différentes affaires d'arrière-garde lorsque Moreau dut
accomplir sa fameuse retraite à travers la Forêt-Noire. L'an-
née suivante Kister passa à l'armée d'Itahe avec le grade
de chef de brigade. Promu général en 1798, il reçut à l'ou-
verture de la campagne de 1799 contre les Austro-Russes
le commandement d'une brigade à la tête de laquelle il
combattit vaillamment dans la malheureuse journée de
Cassano (27 avr.). Des blessures graves qu'il reçut à cette
bataille le tinrent quelques mois éloigné du service; mais
quand Bonaparte organisa l'armée de réserve avec la-
quelle il devait délivrer l'ItaUe, Kister obtint d'en faire
partie en qualité de commandant d'une brigade de la divi-
sion Turreau (1800). Sous l'Empire il fut constamment
employé; toutefois, on lui réserva de préférence des com-
- 555 -
KfSTER
Kl YNG
mandements territoriaux. C'est ainsi notamment qu'il
exerça pendant plusieurs années les fonctions de gouver-
neur général du pays de Fulde, puis celle de commandant
de la Seine-Inférieure. Par lettres patentes du 28 juin
4808 il fut créé baron de l'Empire. En 1842 il prit pré-
maturément sa retraite. Ch. G.
KISTNA. Fleuve de l'Inde (V. Krichna).
KISTNA. Rivière de Vhide (V. ce mot, t. XX,p. 672).
KIS-USJSZALLAS. Ville de Hongrie, comitat de Jasz
(lazygie), ch. de fer de Czegled à Debreczin; 44,000 hab.
KISVARDA. Ville de Hongrie, comitat de Szabolcs;
5,000 hab.
KITA. Fort de la colonie française du Sénégal, à 22 kil.
du Rakhoy et 4,250 kil. S.-E. de Saint-Louis, sur une
montagne de grès. C'est la plus forte place du Sénégal
(V. ce mot), un marché important et un sanatorium.
KITA-Gami-Gava. Fleuve du Japon (V. ce mot,
t. XXi, p. 21).
KITAIBELIA (Kitaibelia W .) (Bot.). Genre de Malva-
cées, très voisin des Malope (V. ce mot) dont il se distingue
par le calicule formé de six à neuf folioles unies à leur
base. Le K, vitifolia W. est cultivé dans nos jardins bo-
taniques. Sa corolle, blanche et tordue, est celle d'une
Mauve.
Kl-TAN (V. Kbitans).
KiTCHMENGA. Rivière de Russie, gouvernement de Vo-
logda, affl. gauche du loug (bassin delà Dvina du Nord);
200 kil. de long.
KITOWICZ (André), historien et publiciste polonais, né
en 4728, mort en 1804. Il passa sa jeunesse aux cours des
magnats, prit part à la confédération de Bar ; dans sa
quarante-troisième année, dégoûté des intrigues et des
misères de son parti politique, il se retira au séminaire
des piaristes. On ignore les détails de sa vie comme reli-
gieux. Très âgé, en 1799, il signait comme chanoine de
Kalisz son testament, où il s'occupe de ses deux manus-
crits, dont l'un contenait les mœurs en Pologne, et l'autre
l'histoire de son pays. Il continua cependant à écrire ses
mémoires jusqu'à sa mort. Kitowicz nous a laissé dans son
œuvre le meilleur tableau des mœurs polonaises au xviii® siè-
cle. Les diètes, les réunions publiques, les fêtes nationales,
les mets et les costumes, tout le côté pittoresque do la vie
nationale est fidèlement représenté. 11 exalta le règne
d'Auguste III, admira la liberté absolue de la noblesse et
il ne comprit pas l'importance des réformes et de la consti-
tution du 3 mai. La meilleure édition de son œuvre est
celle de W. Zawadzki: Mémoires de Vabhé A, Kitoiuicz
(en pol., Léopol, 1882, 3 vol.); la Descnplion des
mœurs et coutumes sous Auguste III {id., 2 vol.).
AVojcicki mentionne encore un travail de Kitowicz : Ta-
bleau statistique de la Pologne (1790). On ne sait pas
si le manuscrit de ce travail existe encore. J. K.
Kl TSE (c.-à-d. le vicomte de Ki). Titre d'un per-
sonnage qui passe pour avoir vécu vers le milieu du xu® siècle
avant notre ère, à une époque où l'histoire de Chine n'offre
pas encore beaucoup de certitude. Ki tse était sujet de
Tcheou Sin, le dernier souverain de la dynastie Yn ; indi-
gné des crimes de ce tyran, il lui fit des remontrances et
fut jeté en prison ; quand le roi Ou eut battu et tué Tcheou
Sin, il rendit la liberté à Ki tse. Mais celui-ci déclara qu'il
devait rester fidèle à la dynastie Yn et que le roi Ou, fon-
dateur de la dynastie Tcheou, ne pouvait être pour lui le
souverain légitime; il quitta donc la cour du roi Ou et alla
s'établir, dit-on, en Corée ; il est regardé comme le pre-
mier ancêtre des chefs coréens. Ed. Ch.
KITTENDORF (Johan-Adolf), lithographe danois, né à
Copenhague en 1820. Son grand ouvrage d'environ
120 planches, mûiulë Billeder efter danske malere^ fait
bien connaître l'évolution de la peinture danoise en notre
siècle. Depuis 1855, Kittendorf est professeur à l'Acadé-
mie des beaux-arts de Copenhague.
KITTL (Jean-Frédéric), musicien tchèque, né à Vorlik
en 4809, mort en 4866. Il étudia la musique à Prague et
fut élève de Tomaschek. A partir de 4836, il fit exécuter
dans les concerts des compositions symphoniques qui lui
valurent des succès considérables. En 4843, il fut nommé
directeur du Conservatoire de Prague. On lui doit plusieurs
opéras : Bianca und Giuseppe, Waldblume, Die Bilders-
lûrmer, une symphonie de la chasse (lagdsymphonie), de
nombreux morceaux pour la voix et le piano, une messe, etc.
KITTO (John), littérateur anglais, né à Plymouth le
4 déc. 4804, mort à Cannstadt le 25 nov. 4854. Après
avoir fait un peu tous les métiers, il entra dans la Société
des missions d'Islington qui l'envoya à Malte, puis en
Perse. Il a laissé de très remarquables ouvrages parmi
lesquels: The Lost Sensés (Londres, 1845), scènes delà
vie des aveugles et des sourds-muets ; The Pictorial Bible
(1835-38, 4 vol. in-4); Pictorial Ilistory a f Palestine
and the Holy Land (1840) ; Essays and Letters
(1825) ; Uncle Olivefs Travels in Persia (1838, 2 vol.);
Thoughts among flowers (1843) ; The Court and peuple
of Persia, The Tartar Tribes (1846-49), etc. R. S.
KITTOCINCLA (Ornith.). Legenre Kittocincla de Gould
(Proceed. ZooL Soc, 1836, p. 7), dont le nom a été modifié
plus tard en Cittocincla, comprend plusieurs espèces de Pas-
sereaux de l'Inde, de Plndo-Chine et de Malaisie qui ont un
peu la physionomie de nos Traquets, avec une queue beau-
coup plus longue et formée de pennes étagées, et un plu-
mage noir rehaussé de blanc sur les ailes et la queue.
L'espèce la plus anciennement décrite de ce groupe est la
Kittocincla tricolor V. ou macroura Gm. qui a été ap-
pelée Gobe-Mouche à longue queue de Gingi par Sonne-
rat (V. hîd. orient., 1786, 1. H, p. 196) et Merle tri-
colore à longue queue par Levaillant {Ois.d'Afr,, 1802,
t. III, p. 114). Elle est très commune dans les jongles de
l'Inde méridionale. Les indigènes qui la connaissent sous
le nom de Shama lui font une chasse très active. Le
Shama, en effet, comme tous ses congénères, est doué d'une
voix admirable et, à ce titre, il est particulièrement re-
cherché comme oiseau de volière. C'est surtout le soir, im-
médiatement après le coucher du soleil, qu'il fait entendre
son chant, comparable à celui du Rossignol.
Les Kittocincla, qui ont de grandes affinités avec les
Copsychus de Madagascar et des Seychelles, ont été ratta-
chés par M. Sharpe (Cat. Birds Brit. Mus., 1883,
t. VII, p. 85) à la grande famille des Timéliidés. E. Oust.
KITZBUHEL. Ville du Tirol septentrional, située sur un
affl. du Chiemsee, à 737 m. d'alt. ; 2,000 hab. Elle pos-
sède une source d'eau ferrugineuse et donne son nom à
un groupe des Alpes. Ce massif, compris entre l'Inn et la
Salzach supérieure, est dominé par le G eierkopf (2,786 m.).
BiBL. : VoRDERMAYR, KUzbûhel und Umqebung ; Salz-
bourg, 1886.
KITZEN. Village de Prusse, district de Magdebourg,
près duquel le corps franc de Lutzow fut exterminé par les
Franco-Wurttembergeois (17 juin 1813).
KITZINGEN. Ville de Ravière, prov. de Franconie infé-
rieure, sur le Main ; 7,500 hab. Rière renommée.
KIUPRULI. Famille de vizirs ottomans (V. Kqeprili).
KIUSTENDIL(V.Kustendyl).
KIUSTENDJÉ(V. Kustendjé).
Kl VI (Alexis). Pseudonyme de l'écrivain finnois i. Sten-
vall.
KIWI se H VON RoTTERAu (Frauz), médecin tchèque, né à
Klattau (Rohême) le 30 avr. 1814, mort à Prague le 24 oct.
1852. Il fut docent de gynécologie à Prague (1842), puis
en 1845 devint professeur d'accouchements à Wurzbourg
et en 4850 à Prague. Il peut être considéré comme le créa-
teur de la gynécologie allemande. Ouvrages principaux :
Vortr, liber sper. Pathologie und Thérapie der Krajik-
heiten des weiblichen Geschlechtes (Prague, 1851-55,
3 vol. in-8); Beitr. %ur fiehurtskunde (Wurzbourg,
1844-48, in-8), D^L. Hn.
Kl YNG, célèbre homme d'Etat chinois. Après avoir été
en 1835 président du ministère des finances et contrôleur
du clan impérial, il fut envoyé en 1842 à Canton comme
Kl YNG — KJELLAND
~ 556 -
commissaire extraordinaire afin de traiter avec les Anglai<$^
il joua un grand rôle dans les négociations qui amenèrent
la ratification du traité de Nanking; en 1843, ce fut lui
qui signa le traité supplémentaire du 8 oct. dont une clause
stipulait l'admission de tous les étrangers dans les cinq ports
ouverts sur le même pied que les Anglais. En 1844, Ki
Yng traita avec le plénipotentiaire américain, M. Cushing,
et signa le traité de Wanghia, du 3 juil. ; le 23 oct. 4844,
il conclut avec le ministre français, M. de Lagrené, le
traité de Whampoa. Sur les instances de M. de Lagrené,
il adressa le 28 déc. 1844 un mémoire au trône pour de-
mander que les Chinois chrétiens ne fussent pas considérés
comme des criminels; sa requête fut approuvée par l'em-
pereur qui promulgua le 20 févr. 1846 un édit de tolé-
rance. Ki Yng resta vice-roi du Kouang-si et du Kouang-
tong jusqu'en janv. 1848; c'est la partie la plus glorieuse
de sa vie. En 1848, il revint à la capitale où, après avoir
joui quelque temps d'un grand crédit, il tomba soudain en
disgrâce, et fut dégradé, en même temps que le célèbre
Mou-tchang-a, par un décret en date du 21 nov. 1851.
Lors de l'expédition franco-anglaise de 1858, il tenta un
coup de tête en prétendant négocier de son autorité propre
avec lord Elgin à Tien-tsin ; il échoua, et, à son retour à
Péking, un édit impérial l'obligea à s'empoisonner pour
éviter d'être exécuté en pubhc. Ed. Chavannes.
BiBL. : C. Lavallée, Revue des Deux Mondes, 15 déc.
1859. — Chinese Repository, vol. XX, pp. 49-51.
KI-YUEN, empereur chinois (V. Han).
KIZIL. Ce mot, qui signifie « songe » en langue turque,
entre dans la composition de beaucoup- de noms asiatiques.
Le surnom de Kizil-bach ou têtes rouges a été donné
ironiquement aux Persans chiites par les musulmans sun-
nites, à cause de la coiffure rouge des troupes des Séfis;
il fut appliqué spécialement à des tribus turkmènes parmi
lesquelles celle des Kadjars (actuellement régnante en
Perse) .Les Kizil-bach venus en Afghanistan avec Nadir Chah,
font partie de la classe bourgeoise et administrative. Enfin,
dans l'Arménie et l'Asie Mineure, ce nom est donné à des
sectaires de race kurde ou turkmène (400,000 environ)
qui vivent sur l'Euphrate moyen, le Mourad et le haut
Kizil-Irmak ; ce sont les héritiers religieux des Mazdéens.
KIZI L-Arslân (V. Turcs Seldjoucides).
KIZlL-ART(Mont.) (V. Pamir).
KIZIL-Arvat. Forteresse du territoire turkmène des
Akhal-Tekké, prov. russe transcaspienne, sur la voie fer-
rée. Ce fut quelque temps la tête de ligne des Russes.
KIZIL-Kak. Lac sans écoulement de Sibérie, gouv. et à
300 kil. N.-E. d'Akmolinsk; 234 kil. q.
KIZlL-KouM. Désert du Turkestan russe, entre le Sir
et l'Amou-daria, le Kara-taou et la mer d'Aral; 600 kiL
del'E. àl'O., 350 kil. duN.au S.
KJAERSCHOU (Frederik-Christian), paysagiste danois,
né à Copenhague en 1805. Après avoir remporté plusieurs
prix dans son pays, il voyagea à l'étranger et séjourna
principalement à Munich et dans le TiroL A son retour,
il ne tarda pas à être nommé membre de l'Académie des
beaux-arts (1844). Le musée royal de Copenhague contient
un grand nombre de ses œuvres.
KJARTAN. Nom propre islandais. Parmi ceux qui por-
tèrent ce nom, le plus marquant est Kjartan Olofsson,
héros célèbre, qui se fit baptiser en Norvège en 998, et
eut pour parrain Olof Tryggvesson. ïl est connu surtout par
son amour malheureux pour Gudrun Osvifsdotter, qui le fit
assommer un jour par son mari.
KJELD, saint danois, né à Venning, près de Randers,
au commencement du xii^ siècle, mort à Viborg en 1150,
canonisé par le pape en 1188. Chanoine à Viborg en 1130,
il s'adonna pendant plusieurs années à l'enseignement ; il
prit part à Lund aux négociations de paix entre le roi Sven
Grathe et son concurrent Knut Magnusson, et peu après
fut assassiné, à ce que rapporte une légende, pendant qu'il
était en prière dans la chapelle d'un couvent. Il était con-
sidéré comme un saint par le peuple bien avant sa canoni-
sation ; ses ossements ont été conservés dans l'église de
Viborg jusqu'à l'incendie de celle-ci, en 1726.
KJELDRUP (Anton-Edward), peintre danois, né à Ha-
derslev en 1826, mort en 1869. Il occupe une place im-
portante dans l'école paysagiste danoise moderne, malgré
la brièveté de sa vie. Il avait fait ses études à Copenhague
et à Munich ; de nombreux voyages avaient achevé de mûrir
son talent.
KJELLAND ou KIELLAND (Alexander-Lange), auteur
norvégien, né à Stavanger le 8 févr. 1849. Après avoir fait
son droit et voyagea l'étranger (Paris, 1877-78), il acheta
une briqueterie à Malde, près de Stavanger, et la dirigea
jusqu'en 1881. Il vint alors s'établir à Copenhague, mais
n'y resta que deux ans et rentra en 1883 en Norvège. Il
est actuellement (1895) bourgmestrede Stavanger et dirige,
depuis 1885, un des journaux de l'endroit (5tom/i^^?ML'i5).
Kjelland est un des chefs de l'école réaliste norvégienne,
et s'il n'est pas le plus populaire, — la distinction même
de son talent pouvant nuire à son succès auprès de la
foule, — il est certainement un des auteurs les plus es-
timés du public lettré et l'un de ceux qui exercent la plus
sensible influence sur les jeunes écrivains de son pays et
même de l'étranger. Une partie de ses œuvres ont été
traduites en allemand, et une revue française a publié
Else, une de ses meilleures nouvelles. Kjelland a pris
dans son pays une position très nette : il est radical
et homme du monde. Homme du monde, il l'est par son
cosmopolitisme, par son désir de faire pénétrer en Norvège
la culture européenne et par la délicatesse avec laquelle il
traite les plus humbles sujets ; il est radical par ses idées
sur l'organisation de la société, sur le mariage et sur
l'éducation. Ce qui l'a révolté, dans le milieu où il a passé
son enfance, c'est l'oppression exercée par un clergé aux
vues étroites, très rigoureux et puissant partout, surtout
dans l'œuvre de l'éducation : la disciphne, le catéchisme,
les études, tout contribue à briser la volonté, à faire du
jeune homme une pure machine, et cette œuvre néfaste la
société la continue et l'achève. — Quelque pessimistes que
soient ces idées, les nouvelles et les romans de Kjelland
ne sont pas moins d'une lecture attrayante. « Une veine
de fraîcheur gracieuse court en son œuvre, où transparaît,
sous le scepticisme acquis d'une culture cosmopolite, l'in-
génuité, chez lui attrayante, du cœur national. » (Bernar-
dini.) Les descriptions de Kjelland sont gracieuses ou frap-
pantes en leur sobriété ; ce qu'il note, ce sont les fines
nuances; aussi, mieux que d'autres, il donne l'impression
du « fugitif ». De là la tristesse qui se dégage de ses nou-
velles même des moins mélancohques. En d'autres nouvelles
et en la plupart, le fond de l'histoire est triste. C'est le « souci
humain » qui inspire le romancier, le souci qui seul,
« comme le lierre (pour lui emprunter une image), reste
toujours frais hiver comme été » ; c'est l'indignation
contre les abus de notre société moderne, contre l'omni-
potence du clergé établi, qui rend sa satire plus vigoureuse.
Kjelland a subi surtout, serable-t-il, deux influences litté-
raires: celle d'Ibsen, qui prend tout au sérieux, et celle de
Heine, qui semble rire de tout. Et peut-être cela contribue-
t-il à rendre son œuvre moins aisée à goûter d'abord. Néan-
moins c'est un des écrivains de la Norvège moderne qu'il y
aurait le plus d'intérêt à faire connaître par des traductions.
Ses œuvres comprennent deux volumes de nouvelles
(1879, 1880); des romans: Garman et Worse (1886) ;
les Travailleurs (Arbeidsfolk, 1881); Else (1881);
Capitaine Worse (1882); Poison (Gift, 1883); For-
tune (1884); Neige (Snee) ; enfin des drames, plus
spirituels peut-être que dramatiques ; Trois Couples (Tre
par, 1886); le Tuteur de Betty (Betty's Formynder,
1887) et le Professeur (1888), dans lesquels il s'attaque
au mariage tel que le fait notre société moderne.
Th. Cârt.
BiBL. : Revue bleue, 1891, vol. XLVIII, traduction de
Else. — ScHWEiTZER, Geschichte der shandinavischen
Liiferaiitr,1889.— RoLFSEN, Nordiske Digfere.— Brandes,
- 557
KJELLAND - KLACZKO
Kjelland. — BimNARDimJa Littérature Scandinave; Paris,
1894. — Traduction des Nouvelles, etc. y dans la collection
Reclam (en ail.).
KJELLANDER (Ernst-Jonas-Fredrik), philosophe et
poète suédois, né à Valla en 1812, mort à Buon Convento
(Toscane) le 18 juin 1835. Après de brillantes études qui,
à vingt-deux ans déjà, l'avaient fait nommer professeur
agrégé d'histoire à l'université d'Upsal, il entreprit un
voyage en Italie pour compléter ses études, mais il n'en
revint pas. vSes œuvres poétiques et philosophiques, où l'in-
fluence de la théosophie de Baader est très sensible, ont
été publiées par un ami sous le titre de Souvenirs (Min-
nenaf Ernst J.~F, Kjellander).
KJELLBERG (Nils-Gustaf), médecin aliéniste suédois,
né dans le Vermlanden 1827, mort à Upsal en 1894. En
1856, il avait été nommé médecin en chef de l'hôpital cen-
tral des aliénés, qui se trouve près d'Upsal, et avait été
chargé, peu après, de l'enseignement de la psychiatrie
à l'université. En relation suivie avec les aliénistes de
France et d'Allemagne, d'un abord particulièrement ai-
mable, prenant volontiers part aux travaux des congrès
internationaux, Kjellberg s'était fait une réputation qui dé-
passait les frontières de la Suède, il a laissé des travaux
importants sur les maladies mentales (Om sinnessjukdo-
marnes stadier, etc.). — Son frère Adolf (1829-84),
médecin en chef de l'asile pour l'enfance de Stockholm,
était un des principaux rédacteurs des Archives de méde-
cine suédoises. Th. C.
KJELLBERG (Johannes-Frithjof), sculpteur suédois,
né à Jônkôping le 5 févr. 1836, mort en 1885. En 1859,
il obtint à Stockholm la médaille royale et une bourse de
voyage. Après un court séjour à Copenhague et à Berlin,
il vint à Paris où il passa deux années. C'est là qu'il exé-
cuta sa statue, le Père blessé, et la frise, Gamins qui
jouent à saut-de-mouton. En 1862, il se rendit à Rome
et composa, sous l'influence de la sculpture antique, le
Faune jouant avec son jeune frère, A son retour à
Stockholm (1868), il fut élu membre de l'Académie des
beaux-arts et, en 1873, succéda à son maître Molin, comme
professeur de dessin à l'Académie. La statue de Linné ^
qui se trouve près de la Bibliothèque royale à Stockholm,
est de lui. On lui doit un nombre considérable dégroupes,
de statues, de bustes et de médaillons. Th. C.
BiBL. : K. Warburg, Fran var Konstverld; Stockholm,
1881.
KJELLBERG (Agnès), artiste statuaire, née en Suède le
20 nov. 1869. M""^ de Frumerie-Kjellberg a fait de bril-
lantes études à l'Académie des beaux-arts à Stockholm, où
elle obtenait, en 1890, une première médaille pour une
Scène du déluge (statue) et, l'année suivante, le grand
prix de Rome, pour sa statue ; Jouissa7ice. Elle a obtenu
aussi des récompenses au Salon de Paris avec une statue
de sa sœur Aima (1893) et un groupe, V Amour et
rHymen(\SU). Th. C.
KJELLMAN (Franz-Reinhold), botaniste suédois, né le
4 nov. 1840. Professeur à l'université d'Upsal et doyen
de la faculté de philosophie, il a accompagné Nordenskold
dans son voyage dans les mers polaires et a rapporté de
nombreuses études sur la végétation dans l'extrême Nord.
Son travail le plus important, Norra Ishafvets algflora,
se trouve dans les Observations scientifiques de l'expé-
dition de la Véga. Il fait partie de FAcadémie des sciences
de Stockholm depuis 1881. Th. C.
KJELZY (en polonais Kielce). Ville de la Pologne russe,
ch.-l. de gouv., située sur le ch. de fer d'Ivangorod à
Dombrovno dans un cirque de collines ; 10,000 hab.
Evèché catholique. Mines de cuivre très importantes au
xvi^ siècle; sucre, métallurgie, quincaillerie. Elle fut fon-
dée vers 1 173 par l'évèque Gédéon de Cracovie. — Le gouv.
de Kjelzy a 10,092 kil. q. et 737,633 hab. Récemment
détaché de celui de Radom, qui le hmite au N. et à l'E., il
touche au S. à la Galicie, à l'O. au gouv. de Petrokov.
C'est un pays accidenté par les contreforts des Karpates.
Près de 500,000 hect. sont labourés; l'horticulture est
florissante. Mines de fer, de zinc, de soufre, de plomb, de
houille. Importante production industrielle. Il se divise en
7 cercles: lendrchevo, Kjelzy, Miechov, Olkouch, Pintchov
Stobnica, Vlochova. A.-M.B. '
KJ ERU LF (Halfdan), compositeur norvégien, né à Chris-
tiania le 15 sept. 1815, mort le 11 août 1868. Expédition-
naire au département des finances, il abandonna bientôt
son modeste emploi pour s'adonner tout entier à l'étude de
la musique vers laquelle il se sentait irrésistiblement en-
traîné. Ce n'est qu'en 1847 cependant qu'il put compléter
ses études musicales sous la direction d'Arnold. En 1850,
il obtint une bourse de voyage et se rendit à Leipzig, où
il fut l'élève de Richter et où il subit fortement l'influence
de l'école romantique, représentée par Mendelssohn et Schu-
mann. De retour à Christiania, il donna des leçons de mu-
sique et dirigea plusieurs concerts. C'est pour un quatuor
d'hommes formé par lui qu'il composa ses œuvres bien
connues : la Sérénade près du rivage et le délicieux
Cortège de la fiancée à H ar danger, qui, chanté par les
étudiants d'Upsal, remporta le prix à l'exposition de Paris
en 1867. . jj^^ q
t ,^h^^'ô''v^^'^' 9^^;^^' article dans Musikalisches Wochen-
ùiau, 187/. — A. Gronvold, Norske Musikere^ 1883.
KJERULF (Theodor), géologue norvégien, né à Chris-
tiama en 1825, mort en 1888. 11 fitune partie desesétudes
en Allemagne et a enseigné la géologie à l'université de sa
ville natale. Il est le fondateur de l'Institut géologique de
Christiania. Il a publié quelques-uns de ses ouvrages en
allemand (Das Kristiania Silurbecken, 1855 ; Ueber die
Kennzeichen der Stratifikation, 1 877); la plupart cepen-
dant, et ils sont très nombreux, ont paru en danois. Kje-
rulf était non seulement un savant, mais aussi un poète
distingué : il a laissé deux volumes de vers très goûtés du
pubhc Scandinave : Digte (poésies) et Digtkrans (Cou-
ronne poétique). Th. C.
BiBL. : RoLFSEN, Norske Diytere; Bergen, 1886.
KJŒKKEN-Maddings. Amas de débris de cuisine des
hommes de l'âge de pierre ; ils ont été d'abord étudiés par
Steenstrup et Worsaaî sur les côtes danoises du Catté^at
et de la Baltique; ils y forment des tertres de 2 à 3 m.
de haut., composés d'écaillés d'huîtres, coquilles de pois-
sons, de colimaçons, débris d'écrevisses, de crabes, os de
poissons, de chiens de mer, de cerfs, de sangliers, de
loups, d'aurochs, d'ours, de divers oiseaux, etc. On yare-
trouvédes ustensiles d'os, de corne, de poterie, des pierres
d'àtres, des haches de pierre taillée d'un type spécial. On a
signalé et étudié depuis vingt ans des Kjœkken-maddinss en
Ecosse, dans l'Amérique du Sud, etc.
BiBL. : Steenstrup, Sur les Kjœkken-maddings de
Vâge de pierre ; Copenhague, 1872. ^
KJŒLEN (Monts) (V. Scandijvavie).
KJŒPI NG (Nils-Matson), voyageur suédois, né à Kopine
vers 1030, mort vers 1667. Il quitta la Hollande comme
matelot en 1647 et fit son tour du monde. Il en puMia le
récit sous une forme souvent amusante et exacte en général
malgré de très douteuses anecdotes ( Voyage à tra vers l'A sie]
l'Afrique et maints autres royaumes païens, etc,, 1667'
en suédois). '
■ KLACZKO (Julien), écrivain polonais, d'origine israéhte,
ne à Vilna le 6 nov. 1828. Il débuta par des poésies:
Mon Premier Sacrifice (1839); Dodajim Violœ, Syl-
loge hebraicorum carminumatque narrationum (1 842) .
Il fut en Allemagne l'élève de Gervinus, se fixa à Paris
en 1849 et devint en France collaborateur assidu de la
Revue des Deux Mondes sur des questions de politique
de diplomatie, d'histoire et de critique. Il avait dirigé
pendant deux ans (en pol.) (1858-60) les Nouvelles po-
lonaises, revue hebdomadaire, et publia ensuite Annales
polonaises (Paris, 1865, 4 vol.). Ses principaux ouvrages
en français sont : Etudes de diplomatie contemporaine
(1866) ; les Préliminaires de Sadova (4869); les Deux
Chaîicehers (Gortchakov et Bismarck) (1876); Cause-
ries florentines (4880). Il a été pendant quelque temps
député à la Diète galicienne et directeur au ministère des
ËLACZKO - KLAPROTH
affaires étrangères de Vienne dans le cabinet de M. de Beust.
Il est correspondant do l'Académie des sciences morales et
politiques depuis 1887. F. Trawinski.
K LAD NO. Ville de Bohème, cercle de Pologne, sur le
ch. de fer de Prague à Teplitz ; 18,000 hab. Vieille église.
Située au milieu d'un grand bassin houilier et d'impor-
tantes mines de fer, elle se développe rapidement.
KLADOVO. Village de Serbie, sur le Danube, près des
Portes de fer et des rumes du Pont de Trajan (forteresse
romaine d'Egeta), Ce fut à l'époque des Turcs une des
cinq places occupées par eux. 11 y a encore une petite gar-
nison serbe dans le fort de Fetislœm qui commande le
Danube.
KLADRUB. Village de Bohème, sur l'Elbe, près de Par-
dubitz. Célèbre haras.
KLADSKO (Prusse) (V. Glatz).
KLAEBO (Jon), poète norvégien, né à Gleia en 4839,
mort en 1874. Plusieurs de ses écrits, parsemés dans di-
verses revues, ont paru sous le pseudonyme de Filodemos
Pederseno (F. P.) ou de Stuediosus Gleinensis (S. G.);
la plupart sont en dialecte, tels que : Tvo dagar i JSord-
land (Deux Jours dans le Norrland); TU Jol (Pour
Noël), etc. Ce sont cependant surtout ses poésies lyriques,
soit en dialecte, soit dans la langue littéraire, qui l'ont fait
connaître au grand public. Quelques-unes de ses poésies
sont exquises : TU minmor (A ma mère); Den draumen
min (Mon rêve), etc. Th. C.
KLAFTER. Mesure allemande de longueur, équivalant à
la brasse de 6 pieds (env. 1"™90). On en a tiré une mesure
de volume pour jauger le bois qui vaut 108 pieds cubes
eu Prusse (3^^339) ; en Autriche (3^^4115) ; la moitié du
stoss. Enfin, en Autriche, le klafter carré, mesure de su-
perficie, vaut 36 pieds carrés, le 1600*^ du joch.
KLAG EN FU RI (en slovène Celovec).T\\\Q d'Autriche, ca-
pitale du duché de Carinthie; 19, 756 hab. (au 31 déc. 1890).
Beaucoup sont employés aux manufactures de tabac, de
blauc de céruse, de draps, de cuirs et de machines. L'ait,
est de 450 m. ; le voisinage des monts de Satnitz et
Wertersee auquel la réunit un canal donnent au séjour de
cette ville l'intérêt du pittoresque alpestre. Le plan est à
peu près un carré régulier: les rues sont larges; les places
sont embellies de statues ou de monuments commémoratifs.
Parmi les monuments, on peut citer: Fégiise de Saint-Gilles,
haute de 88 m. ; le palais des Etats de Carinthie (1594),
renfermant les armes de la noblesse régionale ; le palais
du prince-évêque, etc. De nombreux établissements distri-
buentl'instruction classique, surtout l'instruction technique.
Les sociétés savantes et les collections qu'elles ont formées
ont une valeur considérable. Près de la ville se trouve le
Zollfeld, emplacement de la romaine Virunum, où plus tard
chaque nouveau duc de Carinthie prêtait serment. (Juant
aux anciennes fortifications, détruites par les Français en
1809, une promenade les remplace aujourd'hui. E. S.
K LA MATH. Rivière des Etats-Unis (Oregon et Cali-
fornie), qui sort du lac de ce nom (422 kil. q.), reçoit les
eaux du lac Silver, amenées par le Sprague (150 kil.), et
du marais de Klamath, traverse la chaîne des Cascades et
se jette dans l'océan Pacifique après un cours de 350 kil.
(bassin, 36,000 kil. q.). Au S. estle lac Klamath inférieur,
sans écoulement vers la mer.
KLAPKA (Georges), général hongrois, né à Temesvâr le
7 avr. 1820, mort à Budapest le 17 mai 1892. Lorsque
éclata la révolution de 1848, il venait de donner sa démis-
sion de lieutenant en chef d'un régiment-frontière et se dis-
posait à voyager. Le patriotisme le retint : il se mit à la
disposition du ministère Batthyânyi et reçut d'abord une
mission en Transylvanie, pour obtenir, ce à quoi il réussit,
l'adhésion des Szeklers à la cause nationale. Ensuite, capi-
taine de honvéds, il servit contrôles Serbes dans l'armée du
général Kiss, dont il devint le chef d'état-major. La démis-
sion de Meszaros, vaincu à Kaschau le 4 janv. 1 849, ouvrit à
Klapka le chemin de la gloire. Kossuth le nomma au com-
mandement vacant et n'eut pas à s'en repentir, car le nou-
veau général, aussi solide qu'ardent, défendit la ligne de
la Tisza, permit ainsi au gouvernement de s'établir à De-
breczin. La longue bataille de Kâpolva (26-28 févr.) ne
fut pas gagnée, mais Klapka prit bientôt sa revanche dans
la brillante campagne d'avril, qui fut en grande partie
son œuvre : les victoires dTsaszeg, de Nagysarlo, de Co-
morn (Komarom), chassèrent l'arm'ée autrichienne de Win-
dischgraîtz.
La déchéance des Habsbourg ayant été proclamée à De-
breczin, Klapka parut tout désigné pour le portefeuille de
la guerre. Dans ce poste qu'il occupa d'une façon transi-
toire, il se trouva pris de la façon la plus pénible entre
les deux grands chefs, l'un militaire, l'autre civil, dont la
mésintelligence croissait, Kossuth et Gœrgey. Avec Kossuth
il aurait voulu élargir le champ des opérations, tandis que
Gœrgey croyait nécessaire de reprendre Bude et réussissait
dans cette entreprise. Renonçant dès lors au ministère,
Klapka prit le commandement de la forte place de Komarom,
qui allait immortaliser son nom. On lui a reproché cepen-
dant de n'avoir pas pris assez vivement parti de manière
à forcer Gœrgey d'obéir, et ensuite de s'être trop longtemps
borné à la défensive. Quoi qu'il en soit, depuis le 3 août
jusqu'au 27 sept., sa conduite fut merveilleuse. D'abord il
repoussa si heureusement l'armée assiégeante qu'il parais-
sait le maître de la situation ; puis, quand fut arrivée la
nouvelle de la capitulation de Vilâgos, il résolut de lutter
seul jusqu'au bout. Rien ne l'effraya : ni les dissensions
intestines du corps d'officiers, ni les tentatives de corrup-
tion, ni les tentatives d'assassinat, ni l'insanité apparente
d'une telle obstination, qui exaspérait l'Europe absolutiste
pendant qu'elle enthousiasmait l'Europe libérale. Finale-
ment une convention fut conclue, qui garantissait la vie et
la liberté aux défenseurs de Komarom.
Le jeune et glorieux exilé vécut à Londres, en Italie et
s'établit finalement à Genève, oîi il fut même naturalisé.
Bkis jamais il ne perdit de vue l'indépendance hongroise.
Chaque guerre européenne lui paraissait une occasion de
la faire triompher. En 1854, il se rendit à Constantinople,
mais revint bientôt en Suisse. La guerre d'Italie de 1859
allait lui fournir une meilleure occasion, mais elle dura
trop peu de temps. Klapka aimait encore mieux attendre
que de donner un coup d'épée dans l'eau, et c'est malgré
lui que Garibaldi, en 1862, appela les Hongrois aux armes.
Enfin 1866 ouvrait véritablement une voie nouvelle aux
revendications magyares. Général au service de la Prusse,
Klapka organisa une légion de honvéds. Si, cette fois en-
core, les hostilités s'interrompirent brusquement, le résul-
tat n'en fut pas moins de lui rouvrir l'accès de sa patrie.
Ses vingt-cinq dernières années ne furent pas aussi heu-
reuses qu'il aurait pu l'espérer. Ni à Constantinople où il
aurait voulu réorganiser l'armée turque en 1877, ni dans
les entreprises de chemins de fer, ni à la Diète même, il
n'eut grand succès. Son nom n'en est pas moins un des
plus grands de l'histoire hongroise. On a de lui : Memoiren
(Leipzig, 1850); Der Nationalkrieg in Ungarn und
Siebenbûrgen (Leipzig, 1851, 2 vol.) ; la GueîTe d'Orient
en i85S et i854 (Genève, 1855) ; Aus meinen Erin-
nerungen (Zurich, 1887). E. Sayous.
KLAPROTH (Martin-Heinrich), chimiste allemand, né
à Wernigerode le 1^'' déc. 1743, mort à Berhn le l®** janv.
1817. Il fut d'abord pharmacien, puis professa la chimie
à l'académie d'artillerie (1787) et à la nouvelle université
de Berlin (1810). 11 avait été élu en 1788 membre de
l'Académie des sciences de Berlin et en 1804 associé étran-
ger de celle de Paris. L'un des premiers propagateurs, en
Allemagne, des doctrines de Lavoisier, il a beaucoup con-
tribué aux progrès de la chimie, surtout de la chimie
minérale. Entre autres travaux originaux, on lui doit : la
découverte de la zircone, de l'uranium, du titane; l'étude
des propriétés du tellure, de la strontiane (qu'il a différen-
ciée nettement de la baryte), du chrome, ducJrium; l'ana-
lyse d'une quantité considérable de substances minérales
encore mal connues. Son principal ouvrage a pour titre :
— 859 -
KLAPROTH — KLEBEtl
Beitrœge %ur chemischenKenntniss der Mineralkœrper
(Berlin et Stettin, 479o-1815, 6 vol. in-8; trad. franc,
par Tassaert, Paris, 4807). C'est un recueil de ses princi-
paux mémoires. Les autres sont disséminés dans les Schrif-
ten der berlin. Gesellschaft natur forsch. Freimde,
dans les Chemische Annalen de Crell, dans le Berliner
Jahrbuch der Pharmacie, dans les Denkschriften de
Facadémie de Berlin, etc. 11 a encore publié : Chemisches
Wœrterbiich^ m collab. avec Wolff (Berlin, 4807-10,
5 vol. in-8; trad. franc, par Bouillon-Lagrange etVogel,
Paris, 4844) ; ChemiscJie Abhandlungen, second recueil
de mémoires (Berlin, 1815, in-8). 11 a donné enfin une édi-
tion remaniée de VHandbuch der Chemie de Gren. L. S.
KLAPROTH (Jules-Henri), orientaliste allemand, fils
du précédent, né à Berlin le 44 oct.4783, mort à Paris le
27 août 4835. 11 commença de bonne heure l'étude des
langues orientales et en particulier du chinois (4797).
Après avoir pris ses grades à Halle et à Dresde, il partit
pour Saint-Pétersbourg en 4804, accompagna le comte Po-
rocki, ambassadeur à Peking, où il se dirigea par la Sibérie
qu'il visita en détail, étudiant les langues tatares et mon-
goles. N'ayant pu pénétrer en Chine par suite de forma-
lités administratives, il retourna à Pétersbourg en 4807.
Peu après il partit pour le Caucase où il séjourna deux ans.
De retour à Pétersbourg il publia une série de Mémoires
et rentra à Berlin en 4844. H voyagea ensuite on Italie
et vint en France en 4843. Le roi de Prusse lui conféra
en 4816 le titre de professeur des langues et de la littéra-
ture de l'Asie avec un traitement qui lui permit de vivre à
Tabri du besoin et avec l'autorisation de rester en France.
A partir de cette époque, Klaproth ne quitta plus Paris et
pubha en français une série de mémoires et d'ouvrages
importants qui le mirent au premier rang des orientalistes
avec Abel Rémusat, Chézy, S. de Sacy et autres. Il était
un des fondateurs de la Société asiatique de Paris (4822).
Ses ouvrages sont très nombreux. Nous citerons seule-
ment : Asiatisches Magazin (Weimar, 4802), contenant
des articles sur le mandchou, le chinois et les inscriptions
babyloniennnes (qui venaient d'être découvertes); Archives
de littérakire, d'histoire et de linguistique de l'Asie
(Saint-Pétersbourg, 4810, in-4); Inscription chinoise
de Yu (Berlin, 4844, in-4); Mémoire sur la langue des
Ouïgours (Berlin, 4842, in-8); Voyage au Caucase et
en Géorgie (Berlin, 4844, 2 vol. in-8); Supplément au
Dictionnaire chinois de Glemona (Paris, 4819,in-fol.);
Catalogue des Hures et manuscrits chinois et mand-
chous de la Bibliothèque de Berliîi (Paris, 4822, in-
foL); Asia Polyglotta avec atlas (Paris, 4823, in-foL);
Tableaux historiques de l'Asie avec atlas (Paris, 4826,
in-foL); Mémoires relatifs à l' Asie {Pavis, 4828, 3 vol.
in-8); Vocabulaire et grammaire de la langue géor-
gienne (Paris, 4827, in-8); Tableau historique du
Caucase (Paris, 4828, in-8). Il a fourni en outre de nom-
breux mémoires dans les revues et notamment dans le
Journal asiatique et a édité plusieurs ouvrages. Il a enfin
dressé plusieurs cartes qui ont été publiées après sa mort :
carte de l'Asie centrale d'après les livres chinois (4835),
carte de la Mongolie (4833 et 4839), etc. E. Drouin.
BiBL. : Landresse, Notice nécrologique, dans le Jour-
nal asiatique, 1835.
KLAPROTHINE (V. Lazulite).
KLAR-Elf. Rivière de Scandinavie, qui sort du lac
Fsemund (670 m. d'alt., 202 kil. q.), en Norvège, prov. de
Hamar, sur la frontière suédoise, porte successivement
les noms de Glœt, Fœmund et Tryssil, passe en Suède,
traverse le Wermland et se jette dans le lac Wetter, près
de Carlstad, par deux bras qui forment l'île de Thingvalla.
C'est un véritable torrent accidenté par une série de ra-
pides vers le 60^ lat, N. ; il a 350 kil., dont 430 en
Norvège ; son bassin mesure 43,700 kil. q.
KLARER (Walter), réformateur suisse, né à Hundwyl
(Appenzell, Rhodes extérieures) en 4499, mort en 4567. Il
exerça le ministère évangéhque en dernier lieu à Urnœsch
et à Hundwyl. Il a laissé en manuscrit une Chronique
d'Appenzell et une Histoire de la Réformation dans le
pays d'AppenzelL
KLASS (Karl-Christian), peintre allemand, né à Dresde
en 4747, mort en 4793. D'abord élève de Mietzch, puis de
Hutin, il étudia ensuite plusieurs annéees sous Casanova,
qu'il accompagna en 4772 en Italie. Inspecteur du cabinet
des estampes à Dresde (4777), puis membre de l'Académie,
il s'adonna au genre historique. Un des meilleurs tableaux
de cet artiste, chez qui le dessin vaut mieux que la cou-
leur, est la Mort dEmilia Galotti.
KLASS (Friedrich-Christian), peintre et graveur alle-
mand, frère du précédent, né à Dresde en 4752, mort en
4827. Après s'être formé par l'étude de la nature, aidée
des conseils de Casanova, il alla à Rome en 4789, et devint
ensuite professeur et membre de l'Académie de Dresde.
Il s'est inspiré préférablement de Salvator Rosa et de
Dietrich. On a de lui deux vues de la Forêt de Villers-
Cotterets, et beaucoup de paysages sur cuivre, avec figures
et bétail, pris surtout de la région saxonne.
KLATOVY (ail. Klattau). Ville du S.-O. de la Bohême;
9,000 hab. Hôtel de ville du xvi"^ siècle ; château ; belle
église Lingerie, machines.
KLAUBAGE (V. Atelier, § Mines),
KLAUBER (Ignaz-Sebastian) , graveur allemand, né à
Augsbourg en 4754, mort à Saint-Pétersbourg en 1820.
Fils de Johann-Baptist (4744-74) et neveu de Joseph
Klauber (4740-68), deux graveurs associés qui produisi-
rent en commun nombre d'estampes de sainteté, il travailla
à Rome, puis à Paris dans le célèbre atelier de Wille et
acquit une grande renommée comme graveur de portraits.
Membre de l'Académie en 4787, il quitta la France au mo-
ment de !a Révolution, se fixa d'abord en Allemagne, puis
à Saint-Pétersbourg (4796), où il devint directeur de l'Ecole
impériale de gravure. Parmi ses nombreux travaux de bu-
rin, on remarque les portraits du sculpteur Allegrain,
d'après J.-S. Duplessis, et du peintre Carie Van Loo,
d'après Pierre Le Sueur ; les illustrations des œuvres de
Wieland et les figures mythologiques d'après les pierres
gravées du cabinet du roi de Prusse. G. P-i.
KLAUS (Von der Flue) (V. Flue [Nicolas dej).
K LA US EN. Col des Alpes suisses, dans le cant. d'Uri,
d'où il conduit dans le cant. de Glaris. Ce passage, qui
sert aujourd'liui aux piétons seulement et qui offre de fort
jolis points de vue, va être remplacé par une bonne route,
que les cantons intéressés construisent avec l'aide de la
Confédération.
KLAUSENBURG (V. Kolozvàr).
KLAUSTHAL. Ville de Prusse, district d'Hildesheim,
dans le Harz supérieur ; 9,000 hab. Importante exploitation
minière (V. Harz).
KLAUZAL (Gabriel), homme d'Etat hongrois, né à Pest
en 4804, mort en 4866. Député à la Diète depuis 4843 et
ami de François Deâk, il reçut dans le premier ministère
hongrois de 4848 le portefeuille de Pagriculture et du
commerce. Après de longues années de retraite, il reparut
à la diète de 1864.
K LÉ BER. Village d'Algérie, dép. et arr.d'Oran, à34kil.
N.-E. d'Oran, au pied du djebel Orouze, à 470 m. d'alt.,
corn, de plein exercice de 624 hab., dont 230 Français,
308 Espagnols et le reste d'indigènes. H a longtemps été
privé d'eau, ce qui l'avait fait appeler la Colonie de la
soif. Aujourd'hui il est prospère, a d'excellents vignobles
et des champs de céréales. iVlentour on a exploité diverses
minières de fer et des carrières de marbres de toute beauté
que prisaient beaucoup les Romains.
KLEBER (Jean-Baptiste), général français, né à Stras-
bourg le 9 mars 4753, assassiné au Caire (Egypte) le
'l !■ juin 4800. Fils d'un maçon, orphelin de bonne heure,
il dut son éducation à un curé, son parent, et vint étudier
l'architecture à Paris sous la direction de Chalgrin en 4 772.
De retour à Strasbourg en 4775, il fut emmené à Munich
KLEBER
— 560
par deux gentilshommes allemands, dont il avait pris la
défense dans un café, et fut admis à l'Ecole militaire de
cette ville. Il entra dans le régiment de Kaunitz comme
cadet le l^'* oct. 1777 et devint enseigne le 19 nov. sui-
vant et sous-lieutenant le i^^ avr. 1779. Ne prévoyant pas
d'avenir pour lui, parce qu'il n'appartenait pas à la no-
blesse, Kleber donna sa démission le 22 févr. 4785 et
revint en Alsace, où il obtint la place d'inspecteur des
bâtiments publics de Belfort. Il dirigea, comme architecte,
la construction du château de Granvillars et de l'hôpital de
Thann. La Révolution lui rouvrit la carrière militaire.
Enrôlé en juil. 1789 dans la garde nationale, il fut nommé,
le 8 janv. 1792, adjudant-major au 4® bataillon des vo-
lontaires du Haut-Rhin et élu lieutenant-colonel en second
le 20 mai suivant. Attaché à l'armée du Rhin, il reçut
l'ordre, le 28 mars 1793, de rentrer dans Mayence et fut
promu chef de brigade, le l'^'^ avr., par les représentants
Reubell et Merlin de Thionville. l\ se distingua pendant le
siège par sa bravoure et ses talents et dirigea de nom-
breuses sorties iusqu'à la capitulation de Mayence (23 juil.
1793). Il partagea la disgrâce de ses chefs, fut arrêté et
conduit à Paris, mais bientôt mis en liberté. Nommé gé-
néral de brigade le 17 août 1793, il fut envoyé à l'armée
des côtes de La Rochelle sous les ordres de Rossignol.
Placé à Pavant-garde des Mayençais, il débuta par un
combat malheureux à Torfou le 19 sept. 1793 et fut
blessé d'une balle à Pépaule en sauvant sa colonne. Le 30,
il prit sa revanche à Saint-Symphorien. Kleber passa à
l'armée de l'Ouest le 1^^ oct. et battit les rebelles, le 15,
à La Tremblaie et le 17 à Cholet. Ces brillants succès lui
valurent le 1 7 oct. le grade de général de division. A la
fin du même mois, il refusa le commandement en chef en
remplacement de L'Echelle et se contenta de celui de la
1^® division (5 nov.). Destitué le 27 nov., il fut maintenu
dans son poste par Carrier. Il battit les Vendéens, avec
Marceau, au Mans, les 12 et 13 déc, et à Savenay le 23.
Il resta ensuite quelque temps inactif, mais il fut envoyé
à l'armée des Ardennes le 28 avr. 1794. Le 24 mai, il
remporta un succès signalé à Merbes-le-Château, puis passa
à Parmée de Sambre-et-Meuse le 13 juin, sous les ordres
de Jourdan. Dès lors, Kleber se montre aussi habile que
brave, et la gloire de cette campagne lui revient en partie.
Le 16 juin, il décida le succès du combat de Charleroi
et, le 26, il contribua puissamment à la victoire de Fleu-
rus. Il passa à Parmée du Rhin le 23 nov. et, durant le rude
hiver de 1791, il dirigea le siège de Mayence. En mars 1795,
il refusa le commandement de Parmée de Sambre-et-Meuse,
mais, malgré ses répugnances, il dut, le 2 avr., prendre
par intérim celui de Parmée du Rhin, en remplacement du
général Michaud, blessé, et y joindre, le 10, celui de Par-
mée de la Moselle. Dès l'arrivée de Pichegru, le 16, il
cessa ses fonctions et revint à Parmée de Sambre-et-Meuse.
Il passa le Rhin le 6 sept. 1795 et continua l'investisse-
ment de Mayence ; rappelé par son chef, il voulut repasser
le fleuve le 1 1 oct. et trouva le pont de Neuwied incendié
par suite d'un ordre donné par Marceau et mal exécuté.
Il consola son jeune ami, qui était au désespoir, et tint tète
victorieusement aux Autrichiens jusqu'à ce que ce pont
fût rétabli et lui permît d'effectuer le passage (13 oct.).
Le 8 déc. 1795, Kleber reçut le commandement de Stras-
bourg, sa ville natale. Du 19 au 28 févr. 1796, il exerça
par intérim les fonctions de général en chef de l'armée de
Sambre-et-Meuse. Le 23 mai, il fut placé à la tête de Paile
gauche de cette armée, avec laquelle il allait acquérir une
gloire nouvelle. Le 1^"^ juin, il battit les ennemis à Ucke-
rath et le 4 à Altenkirchen. Rappelé par Jourdan et atta-
qué par le général autrichien Kray le 19 juin à Uckerath,
il le repoussa et continua sa retraite. Il remporta des succès
à Offheim (7 juil.), à Ober-Merl (9 juil.) et à Friedberg
(10 juil.), et il s'empara de Francfort le 16 juil. Le 31,
il remplaça provisoirement dans le commandement de Par-
mée Jourdan malade, et en cette qualité, le 4 août, il s'em-
para de Bamberg et le 7, il culbuta les impériaux à Forch-
heim. Le 12 oct. 1796, Kleber refusa de nouveau le poste
de général en chef auquel le Directoire l'avait nommé ;
le 28 nov., il offrit sa démission et fut encore chargé de
l'intérim du commandement le 14 déc. Enfin, sa démis-
sion ayant été acceptée le 26, il quitta Parmée Je 2 févr.
1797, passa par Strasbourg et alla jouir dans une petite
maison de Chaillot, près de Paris, d'un repos bien mérité.
Il s'occupait de rédiger ses Mémoires quand le 12 janv.
1798, il fut appelé à commander une des divisions de Par-
mée d'Angleterre. Kleber accompagna Bonaparte en Egypte
(mai 1798). A peine débarqué, le 2 juil. 1798, il dirigea
l'attaque d'Alexandrie. N'écoutant que son courage, il
gravit la brèche avec ses soldats et tomba frappé d'une
balle à la tête. La gravité de cette blessure l'empêcha de
prendre une part active aux premières opérations militaires
et il dut se contenter du commandement de la ville et de
la prov. d'Alexandrie. L'état de sa santé et les ennuis de
sa situation sédentaire lui firent demander à rentrer en
France (sept. 1798), mais Bonaparte, qui ne voulait pas se
priver d'un si précieux lieutenant, l'appela au Caire et le
persuada de rester près de lui (22 oct.). C'est à lui qu'il
confia le commandement de cette ville pendant son absence
(24 déc. 1798 au 7 janv. 1799), et enfin il l'emmena
dans son expédition de Syrie. Kleber se montra digne de
sa haute réputation ; il marcha sur Jaffa le 28 févr .'l 799,
occupa Caïffa au pied du Mont-Carmel le 17 mars, puis
rejoignit Junot à Nazareth le 10 avr. Le 16 du même
mois, il fut attaqué au Mont-Thabor par les Mamelucks
et remporta une des plus glorieuses victoires de la cam-
pagne. Quand on leva le siège de Saint-Jean d'Acre, il
eut la tâche ingrate de couvrir la retraite avec sa divi-
sion, n rentra à Damiette par le lac de Menzaleh. Appelé
pour coopérer aux opérations militaires, il arriva trop
tard, le 25 juil., pour prendre part à la bataille d'Abou-
kir et il rentra à Damiette le 4 août. Quand Bonaparte
abandonna son armée secrètement pour rentrer en France,
il désigna comme son successeur Kleber (21 août 1799).
Celui-ci, averti par une lettre, laissa exhaler l'indignation
qu'il ressentait de la conduite de son ancien chef, mais
il n'en assuma pas moins la charge du commandement,
que Bonaparte, devenu premier consul, lui confirma par
un brevet en date du 15 nov. 1799. Kleber, découragé,
menacé par un ennemi toujours plus nombreux et jaloux
de conserver son armée à la France, négocia Pévacuation
de l'Egypte avec les Anglais. Le 24 janv. 1800, il signa
avec l'amiral Sidney Smith la convention d'El-Arich, mais,
au moment où il allait quitter Le Caire, il reçut dePamiral
Keith une lettre Pinformant que le gouvernement britan-
nique ne ratifiait la convention que si Parmée française
mettait bas les armes et se rendait prisonnière de guerre.
Ce manque de foi rendit à Kleber toute son énergie. 11 fit
publier aussitôt la lettre de l'amiral anglais et n'y ajouta
que ces mots désormais historiques : « Soldats, on ne ré-
pond à une telle lettre que par des victoires ; préparez-vous
à combattre. » Puis il marcha contre les Turcs et les battit
complètement à Héliopolis le 20 mars 1800. Après cette
glorieuse réponse à ses ennemis, Kleber s'assura par un
traité l'alliance de Mourad Bey, notre plus habile adver-
saire (15 avr.), et reprit Le Caire, où avait éclaté une in-
surrection (25 avr.). Il mettait tous ses soins à consolider
la situation de son armée et à assurer la conquête de l'Egypte
quand un événement imprévu termina sa carrière. Etabli
à Gizeh, il vint, le 14 juin 1800, déjeuner au Caire chez
le général Damas, son ami et son chef d'état-major. Il sor-
tait de la maison quand un jeune fanatique, nommé So-
leyman, le frappa de six coups de poignard. Kleber tomba
et mourut presque sur-le-champ. Le même jour, son com-
pagnon d'armes Desaix périssait glorieusement dans la
plaine de Marengo. La mort de Kleber fut un grand mal-
heur pour la France et pour son armée ; elle priva la patrie
d'un de ses plus illustres défenseurs et amena la perte de
l'Egypte. Kleber était de haute stature, avait une figure
imposante et une voix douce ou grave, suivant les circons-
tances. Ses camarades disaient que c'était le Dieu Mars
en uniforme, et Bonaparte s'écriait : « Rien n'est beau
comme Kleber un jour de combat. » La postérité a gardé
fidèlement la mémoire d'un des plus grands capitaines de
la Révolution, à côté de ses émules de gloire, Hoche, Mar-
ceau, Desaix et Jouberl. En juin 1801" les restes de Fil-
lustre guerrier furent ramenés en France par le général
Belliard et déposés au château d'If, d'où ils furent trans-
portés, en 4818, à Strasbourg. Kleber reposa désormais
dans un caveau construit au milieu de la place d'Armes et
sur lequel ses compatriotes lui érigèrent une statue en
bronze, inaugurée le 14 juin 1840, date anniversaire de sa
mort. Etienne Cha^râvây.
BiBL. : Archives de la guerre. — A. Chuquet, Mayence.
— Savary, Guerres des Vendéens et des Chouans. — Mé-
moires pour servir à l'histoire de la campagne de 1196.
— Las-Cases, Mémorial de Sainte-Hélène. — Général
Pajol, Kleber. — Jacques Charavay, les Généraux morts
pour la patrie.
KLEBS (Erwin), médeciH allemand contemporain, né
à Kœnigsberg le 6 févr. 1834. Il fut professeur d'ana-
tomie pathologique à Berlin depuis 1866, puis à Wurz-
bourg (187^2), à Prague (1873) et à Zurich (1882). Ses
travaux sur l'anatomie pathologique et la parasitologie
sont universellement connus. Son ouvrage le plus impor-
tant est : Handbuch derpathol. Anatomie {Bevïm^ 1867-
80). On lui doit aussi : Allgem. Pathologie (léna, 1887) ;
Die causale Behandlung der Tuberculose (Hambourg,
1894, in-8).
KLEBSIELLA (Microb.). Genre de Bactériaeées (V. ce
mot) créé par ïrevisan (1885) et qui a pour synonyme
Mycothece Hansgirg (1888). Les caractères sont : bacilles
droits, cylindriques, avec les extrémités arrondies, ou fusi-
formes (lancéolées), non articulés, transparents, très rare-
ment mobiles, à plasma uniformément distribué, se pré-
sentant quelquefois sous forme de filaments, de chapelets
ou de cocci, mais toujours enveloppés d'une capsule muco-
membraneuse. Les spores (endospores) se développent dans
les bacilles. — Ce genre, nombreux en espèces, renferme
plusieurs espèces, pathogènes pour l'homme et les animaux,
décrites sous le nom vulgaire de Diplococcus. Tels sont
Klebsiella salivaris Trev., le Microbe de la salive de
Pasteur, le Pneumoco(jue de Frœnkel et de Talamon, con-
sidéré comme le microbe spécifique de la pneumonie (V.
ce mot) chez l'homme. — Kl. Friedlœnderi, qui se ren-
contre aussi dans cette maladie, n'est pas considéré comme
spécifique. — KL rhinoscleromatis est considéré comme
l'agent spécifique du rhinosclérome (Frisch). D'autres es--
pèces sont saprophytes, zymogènes {Kl. indigogejia Trev.
ou Bacillus indigogenus Alvarez) ou vivent dans l'air,
dans la terre et dans l'eau. E. Trouessârt.
KLEEMANN (Christian-Friedrich-Karl), peintre et natu-
raliste allemand, né à Altorf (près de Nuremberg) en 1735,
mort le 2 janv. 1789. Il s'était déjà fait une réputation
comme portraitiste, quand il devint le gendre du natura-
liste Ra^sel de Rosenhof, dont il compléta et continua les
ouvrages sur les insectes, en les illustrant de planches très
bien dessinées. Il publia en outre un Traité de la nature
et des propriétés du hanneton (1770), et exécuta les
planches du Catalogue systématique des Coté opter es .> àe
Voet. — Ses quatre frères, Christian- Niklaus^ Johann-
Konrad, Johann- Jakob., Johann- Wolf g ang, învent &es
élèves et collaborateurs, ainsi que sa femme. Le dernier,
mort en 1782 à Berne, a peint, outre des portraits, des
vues remarquables des Alpes suisses. E. Gourdault.
KLEIN (Ernst-Ferdinand), juriste allemand, né à Bres-
lau le 3 sept. 1743, mort à Berlin le 18 mars 1810. Un
des principaux rédacteurs des codes prussiens de la fin du
xvni^ siècle, en particulier du code pénal, directeur de
l'université de Halle (1791-1800), il a publié: Abhand-
lungen iiber Gegenstœnde der Gesetzgebimg und
Hechtsgelehrsamkeit (Leipzig, 1779-80, 3 vol.); Anna-
len der Gesetzgebung und Rechtsgelehrsamkeit in de?i
preussischen Staatcn (Berlin, 1788-1809, 26 vol.) ;
GRANDE ENCYCLOPÉUIE. — XXI.
^61 — KLEBER — KLEIN
Grundsœtze des gemeinen deutschen und preussische^i
Rechts (Halle, 1796) ; System des preuss. Zivilrechts
(1801 ; rééd. par Rœnne, 1830, 2 vol.), etc.
KLEIN (Dominique-Louis- Antoine), général français, né
à Blamont (Meurthe) en 1761, mort en 1845. Il se dis-
tingua à Jemappes, prit part aux guerres de la Révolu-
tion, notamment oux campagnes de l'armée du Rhin, fut
nommé général de division en 1799 et exerça les fonctions
de chef d'état-major de Masséna à la bataille de Zurich.
H prit une part glorieuse à la campagne de Prusse en
1806 et 1807, particulièrement à la bataille d'Evlau. Il
prit sa retraite en 1808 et fut nommé alors sénateur et
comte de l'Empire. Sous la Restauration, il fut nommé
membre de la Chambre des pairs, où il siégea jusqu'à sa
«îiort. Paul Marin.
KLEIN (Georg-Michel) , philosophe allemand, né à
Alitzheim (Bavière) en 1776, mortà Wurzbourgen 1820.
Il fut recteur et professeur aux gymnases de Regensbourg,
Wurzbourg, Bamberg, enfin professeur de philosophie à
Wurzbourg. Disciple fidèle de Schelling, il se contente
d'abord d'exposer la philosophie de r« identité »; puis il
cherche à la justifier du reproche de panthéisme qu'on lui
fait au nom de la morale et de la religion, et à la rattacher
à la doctrine de Kant sur Dieu, la liberté et l'immortafité.
Les principaux ouvrages de Klein sont : Beitrœge %um
Studium der Philosophie al Wissenschaft des AU
(Wurzbourg, 1805) ; Verstandeslelire (Bamberg, 1810) ;
Auschauungs und Denklehre (Bamberg et Wurzbourg,
1818); Versuch die Ethik als Wissenschaft %u be-
grûnden (Rudolstadt, 1811) ; Darstellung der philoso-
phischen Religions-und Sittenlehre (Bamberg et Wurz-
bourg, 1818). C-EL.
KLEIN (Johann-Adam), peintre, dessinateur et graveur
allemand, né à Nuremberg le 24 nov. 1792, mort à Mu-
nich le 21 mai 1875. Formé à l'étude du cheval par Gabier,
Van de Velde, Roos et Dujardin, il alla en 1811 à Vienne,
où, tout en dessinant sur le vif des costumes populaires et
des types de soldats, il exécuta des esquisses à la gouache
et grava un certain nombre de tableaux. Il se mit ensuite
à la peinture à l'huile, et, après un voyage en Italie, se
fixa à Munich. Parmi ses tableaux à l'huile, nous citerons:
Convoi de bateaux sur le Danube, Scène de foire à
Berchtesgaden, Halte devant une osteria à Tivoli, Atte-
lage de bœufs dans la campagne romaine, Cosaques
du DoUy Vieille Marchande d'almanachs, une Porte de
Nuremberg. Une édition complète de ses gravures a paru
en 1844-48 à Nuremberg.
KLEIN (Julius-Leopold),écrivainallemand,néà Miskolcz
(Hongrie) en 1810, mort à Berlin le 2 août 1876. Né de
parents juifs, il se convertit au catholicisme, fit ses études
médicales à Berlin, s'adonna à la critique théâtrale, écrivit
des drames imités de Shakespeare, qui n'eurent aucun
succès, et publia une grande Gesch. des Dramas (Leipzig,
1865-76, 13 vol.; tables, 1886); ses Dramatische
Werken ont été réunies (1871-72, 7 vol.).
KLEIN (Johann-Evangelist), peintre autrichien, né à
Vienne en 1823. Elève de Fûhrichà l'Académie de Vienne,
il alla ensuite quelque temps à Venise, puis se mit à
étudier les fresques byzantines dans un cloître de la Buko-
vine ainsi qu'au dôme de Gurk en Carinthie, et la pein-
ture sur verre à Klosterneuburg, à Saint-Etienne de Vienne
et à Cracovie. Parmi ses œuvres, où se remarque un sen-
timent profond du moyen âge, nous citerons des cartons de
fresques pour la chapelle épiscopale de Cernowitz et pour
Sainte-Marie-du-Capitole à Cologne, et des cartons de vi-
traux pour Saint-Antoine de Padoue, Saint-Etienne de
Vienne, Kempten, Munster, Linz, etc.
KLEIN (Kristian-Sophus), homme politique danois, né
à Copenhague le 17 août 1824. H lut, en 1848, secrétaire
à l'Assemblée constituante danoise ; en 1854 il est nommé
assesseur à Viborg, et en 1858 est élu à la Chambre, où
son éloquence et ses hautes qualités intellectuelles lui assu-
rèrent bientôt une grande influence. H accompagna le roi
KLEIN ~ KLE[ST
562 —
en Islande, en qualité de ministre, après avoir travaillé à
la nouvelle constitution donnée à cette île en 4874. Il est
un des chefs du parti libéral modéré.
KLEIN (Hermann- Joseph), astronome allemand, né à
Cologne le 11 sept. 4842. D'abord dans la librairie, il a
étudié assez tard les mathématiques et l'astronomie et s'est
fait construire à Cologne un observatoire particulier. Il
est surtout connu par ses études très consciencieuses de
la surface de la lune. Il est directeur de la revue d'astro-
nomie populaire Sirius et de la Zeitschrift fur Astro-
nomie fondée par Heis. Il a publié à part : Anleitung
zur Durchmusterung des Rimmels (Brunswick, 4880),
et il a traduit en allemand plusieurs ouvrages étrangers de
sélénographie. L. S.
KLEIN (Félix), mathématicien allemand, né à Dussel-
dorf le 25 avr. 4849. Il a été nommé à vingt-trois ans
(4872) professeur ordinaire de mathématiques à l'univer-
sité d'Erlangen. Il est passé de là à l'Ecole polytechnique
de Munich (4875), puis aux universités de Leipzig (4880)
et de Gœttingue (4886). Ses travaux, très appréciés des
géomètres, ont spécialement porté sur les fonctions modu-
laires et hyperelliptiques, sur la résolution des équations
des cinquième, sixième et septième degrés, sur les équa-
tions diiférentielles, sur la géométrie imaginaire et sur la
géométrie riemannienne, qu'il a respectivement qualifiées
d'hyperbolique et d'eUiptiçîue. Il en a consigné les résultats
dans de nombreux mémoires insérés pour la plupart dans
les Mathematische Annalen^ que, depuis 4875, il rédige
avec A. Mayer. Il a en outre donné à part : Ueber Rie-
mann's Théorie der algebraischen Funktionen und
ihrer Intégrale {Lé^ûg, 4884) ; Vorlesungen ûber das
Ifwsaeder und die Auflœsung der Gleichungen vom fûnf-
ten Grade (Leipzig, 4884). L. S.
KLEINÉEN,KLElNÉENNE.On appelle groupes kleinéens
les groupes discontinus formés de substitutions de la forme
%^ =z -^ — -, a, b, a\ b\ étant quelconques. Ces
groupes ont été étudiés par M. Poincaré qui a étudié les
fonctions kleinéennes qui restent invariables quand on
effectue sur la variable les substitutions d'un groupe klei-
néen.
BiBL. ; Poincaré. — Les premiers volumes des Acta ma-
thematica, de M. Mittag-Leffler.
KLEIN EH (Oskar), peintre finlandais, né à Helsingfors
en 4846. Elève de Gude, professeur à Karlsruhe, il a
peint exclusivement, ou à peu près, des marines: Côtes de
Bretagne^ Côtes de Finlande^ etc.
KLÈINIA (Kleinia Haw) (Bot.) (V. Senecio).
KLEINMICHEL ('Pierre-Andrée vitch , comte) , général
russe, né en Ehstonie en 4793, mort à Saint-Pétersbourg
le 45 févr. 4869. Il fit les campagnes de 4842-44, devint
aide de camp de l'empereur (4832), dirigea la reconstruc-
tion du Palais d'été, fut créé comte, nommé général d'in-
fanterie (4842), ministre de la guerre et presque aussitôt
surintendant des travaux publics. Son incapacité, son hos-
tilité pour les chemins de fer et pour les intérêts civils le
firent congédier dès l'avènement d'Alexandre II.
KLEIST (Ewald-Georg de), physicien allemand, né vers
4700, mort le 41 déc. 1748. On sait seulement qu'il fut
doyen du chapitre de Cammin, en Poméranie (4 722-47),
puis président du tribunal de Kœslin, et qu'il faisait partie de
l'Académie des sciences de Berlin. Il découvrit, le 44 oct.
4745, quelques mois avant Cunœus, élève de Musschen-
broek, qu'on cite partout comme l'inventeur, le conden-
sateur d'électricité connu généralement sous le nom de
bouteille de Leyde, mais appelé aussi en Allemagne bou-
teille de Kleist. Ce fut, du reste, dans les mêmes circons-
tances que Cunœus. Il tenait dans une main un verre d'eau,
où plongeait un grand clou ; ayant approché le clou d'une
machine électrique et ayant voulu, un instant après, le
retirer avec l'autre main, il reçut, à son grand effroi, une
violente décharge. Il fit part de sa découverte dès le 4 nov.
au D'* Liebertruhn, qui la communiqua à [l'Académie de
Berlin, et le 28 nov. au pasteur Swietlicki, qui en donna
connaissance à la Société des sciences de Dantzig. On n'a
de lui aucun écrit. L. S.
BiBL. : Krûger, Geschichte derErde; Halle, 1746.—
J.-D. TiTius, De Electrici experimenti lugdunensis in-
ventore primo ; Wittenberg, 1771. — Poggendorff, Ge-
schichte der Physik ; Leipzig, 1879.
KLEIST (Ewald-Christian de), poète allemand, né sur
le domaine de Zeblin, près de Kœslin (Poméranie) le 7 mars
1715, mort à Francfort-sur-l'Oder le 24 août 4759. Il
servit dans l'armée danoise de 4736 à 4740, puis dans
l'armée prussienne ; chef de bataillon, il mourut des suites
des blessures reçues à la bataille de Kunnersdorf. Il s'adonna
à la poésie sous l'influence de Gleim et de Ramier qu'il
connut en 4749.11 a surtout écrit des poésies descriptives
que l'heureux choix des images, l'élégante correction du
style, un vif sentiment de la nature font encore lire. La
plus classique est : Der Fnlhling (4749). Ramier a pu-
blié ses œuvres complètes (Berlin, 1762, 2 vol.), mais il
les avait retouchées ; Kœrte a donné une édition fidèle
(Berlin, 4803, 2 vol.) ; Sauer y a joint sa correspondance
(1884, 3 vol.).
BiBL. : EiNBEGK, E.-C. von Kleist^ 1861.
KLEIST (Friedrich-Heinrich-Ferdinand-Emil) , comte de
NollendorfF, général prussien, né à Berlin le 9 avr. 4762,
mort à Berlin le 47 févr. 4823. Page du prince Henri
(1774), promu officier en 4 778, il devint aide de camp du
roi (1803) ; c'est lui qui porta à Napoléon la réponse aux
propositions de paix faites par le général Bertrand ; com-
mandant de Berlin (4809), il reçut en 4843 le commande-
ment du 2^ corps qui opéra en Bohême ; c'est lui qui eut,
après la défaite de Dresde, l'audace de se jeter sur les
derrières de Vandamme entré en Bohême ; il tourna par
Nollendorf le corps français, décida sa défaite et sa capture
à Kulm (30 août 4813). Il en fut récompensé par le titre
de comte de Nollendorf. Il commandait l'aile gauche de
l'armée de Bohême à la bataille de Leipzig, fit le siège
d'Erfurt, suivit l'armée de Silésie dans la campagne de
1814, oii il se distingua à Laon ; après la capitulation de
Paris, il fut envoyé par les monarques alliés auprès de
Louis XVIII en Angleterre. L'altération de sa santé l'em-
pêcha de prendre part à la campagne de 1845. Il prit sa
retraite au grade de feld-maréchal en 4824.
KLEIST (Heinrich de), célèbre poète allemand, né à
Francfort-sur-l'Oder le 48 oct. 4 777, suicidé près de Pots-
dam le 24 nov. 4844. C'est le plus génial des romantiques
allemands. Parent du poète Ew^ald Kleist (V. ci-dessus), il
était fils d'un officier prussien; orphelin de bonne heure,
il entra à l'Ecole des cadets, se dégoûta de la carrière mi-
litaire et obtint l'autorisation d'étudier à l'université de sa
ville natale(4799-4800); il s'y fiança à la fille du général
de Zenger. N'ayant pu apaiser son inquiétude d'esprit par
l'étude, il se mit à voyager, séjourna longtemps à Paris,
travaillant à une tragédiQ (Robert Gwàmrà), qu'il renonça
à finir ; une autre, Die Familie Schroffenstein, eut du
succès ; malade de corps et d'esprit, il rentra en Prusse
où la reine Louise lui procura une place dans les domaines
à Kœnigsberg (4804). Il entreprit alors des œuvres moins
vastes, des nouvelles : Die Marquise von 0, Das Erdbeben
in Chile, une adaptation de V Amphitryon de Molière, une
comédie en un acte (Der zerbrochene Krug), remar-
quable par l'intensité des caractères et la vigueur comique ;
L'etFondrement de l'Etat prussien révolutionna ce génie
maladif qui n'avait pas encore trouvé sa voie. Il perdit sa
place, et, fait prisonnier à Berlin, fut interné quelques mois
au fort de Joux (4807). Il y écrivit deux nouvelles (Dz^
Verlobung auf San Domingo, Michael Kohlhaas) et sa
tragédie de Perdhesilea (Tubingue, 4808) où il exprima
la puissance et l'amertume de ses passions et de ses dé-
ceptions, traduites avec une extrême vigueur plastique dans
l'amour de la reine des Amazones pour Achille. Rentré en
Allemagne, il se fixa à Dresde, où il rédigea avec Ad. Mul-
1er une revue mensuelle (Phœbus) et fonda une librairie
qui, au lieu de la fortune espérée, lui procura des dettes.
563
KLEIST - KLEPTES
Il y acheva les œuvres commencées au fort de Joux, com-
posa un drame chevaleresque, Das Kœthchen von Heil^
bronn (Berlin, 1810) qui consacra sa réputation; Fin-
vraisemblance et le fantastique s'y allient aux sentiments
les plus intimes exprimés sous la forme la plus vivante et
sincère jusqu'à la naïveté. C'est encore à Dresde que Kleist
écrivit Die Hermannscklacht, drame patriotique où il
exprime la fureur contre la domination étrangère, le mé-
pris pour ses contemporains et la soif d'indépendance. Il
quitta Dresde au printemps de 1809, pour se rendre en
Autriche ; il ne prit cependant pas part à la guerre ; la dé-
faite de Wagram l'abattit et ajourna à plusieurs années la
publication de son appel, Ger mania an seine Kinder.
Désespéré, il rentra à Berlin, rédigea avec son ami Ad.
Muller un petit journal {Eerliner Abendblœtter) et com-
posa des poésies d'une sombre mélancolie; de cette époque
date aussi le plus parfait de ses drames : Prinz Friedrich
von Homburg, allégorie patriotique où il s'est peint sous
les traits du prince Frédéric. Il ne put le faire représenter.
Il se lia vers cette époque avec M.^"^ Henriette Vogel; elle
était atteinte d'une maladie mortelle ; les deux amants vou-
lurent mourir ensemble; sur les bords du Wansee, Kleist
tua sa maîtresse d'un coup de pistolet et se tua sur son
corps. Le génie de Kleist ne fut apprécié qu'une dizaine
d'années après sa mort ; Gervinus reconnut en lui le plus
grand des poètes romantiques de l'Allemagne ; ses drames
se sont maintenus à la scène. Ses œuvres complètes furent
publiées par L. Tieck (Berlin, 1826, 3 vol.; rééd. par
J. Schmidt, 4874), puis par Kurz (1872), Wilbrandt
(1879), Grisebach (1884), Zolling (1884); il faut ajouter
les Politische Schrifte édités par Kœpke (Berlin, 1872)
et les lettres publiées par E. de Bulow (1848), Koberstein
(lettres à sa sœur Ulrique, 1860), Zolling (séjour de Kleist
en Suisse, 1881), etBiedermann (lettres à sa fiancée, 1 883).
BiBL. : Wilbrandt, H. von Kleist; Nordiingue, 1863. —
Brahm, h. von Kleist; Berlin, 1884.
KLEITOS (Clitus), héros grec, fils de Mentios, qu'Eos
(Aurore), séduite par sa beauté, enleva (Odyssée, XV, 249).
KLEITZ (Charles), ingénieur français, né à Schlestadt
(Bas-Rhin) le 29 janv. 1808, mort à Paris le 21 mai
1886. Il était en dernier lieu inspecteur général des ponts
et chaussées de première classe, retraité en 1878 par li-
mite d'âge. Kleitz a été l'un des ingénieurs les plus actifs
et les plus savants de notre temps ; il a publié dans les
Annales de son corps : Murs de soutènement (1844) ;
Mouvement des locomotives (1848); Nombre de passa-
gers à admettre sur les bateaux à vapeur (1867) ; Des
Attributions de r autorité judiciaire en matière de dé-
limitation des cours d'eau (1874) ; Stabilité des poutres
continues (1877) ; Théorie du mouvement non perma-
nent des liquides (1877) ; Stabilité desponts métalliques
(1877); Transport des déblais (note sur la méthode de
M. Lalanne; 1880); Note sur la théorie de l'écoulement
par déversoir (1885). — En 1873, Kleitz a publié sépa-
rément une Etude sur les forces moléculaires ; on lui
doit également des Mémoires sur le Rhône, autographiés
ou restés manuscrits. C'est dans ces mémoires qu'il faut
chercher des renseignements sur les inondations du Rhône,
si l'on veut en faire une étude sérieuse. Mais ce qui res-
tera surtout de Kleitz, c'est sa Théorie du mouvement
non permanent des liquides, précédemment citée (1877);
elle porte en sous-titre : Application à la propagation
des crues de rivières^ ce qui correspond à la partie neuve
de cette étude hors ligne. On en trouvera de larges extraits
dans V Hydraulique, ouvrage de M. Flamant faisant par-
tie de V Encyclopédie des travaux publics. M.-C. L.
KLEK. Baie de la mer Adriatique en face de l'île de Sa-
bioncello. Après avoir longtemps appartenu à la Dalmatie,
elle avait été cédée à la Porte par le traité de Karlowitz et
lui assurait le libre accès de l'Adriatique. Au N, de cette
baie s'élève le village de Kiek qui lui donne son nom.
KLEK. Rocher calcaire de Croatie (1,182 m. d'alt.),
dans le massif du Grand Kapela (V. Karst).
KLEMMING (Gustav-Edvard), érudit et bibliographe
suédois, né à Stockholm en 1823, mort en 1893. Nommé
à la Bibliothèque royale de Stockholm (1846), il publiade
nombreux textes suédois anciens et inédits pour le compte
de la Société des anciens textes suédois (Svenska forns-
krift-sâllskapet). En 1877, Kiemming fut nommé biblio-
thécaire en chef de la bibliothèque royale, réorganisée et
installée dans des bâtiments nouveaux, dont il avait lui-
même dressé les plans de distribution intérieure. Sa
publication de textes suédois du moyen âge compte une
trentaine de volumes in-8, avec planches, reproductions
phototypiques et tables, remarquablement édités (Flores
och Bla7izeflor (iSU); Hertig Fredrik af Normaîidie
(1853); Heliga Brigittas uppenbarelser (1857-62);
Brigitta-literatur (1883), etc. Il a publié aussi entre
autres une excellente Bibliographie de la littérature
dramatique suédoise (des origines à 1875), et un très bel
ouvrage sur r Histoire de l'imprimerie en Suède, en^col-
laboration avec Nordin (Stockholm, 1883). Th. C.
KLENGEL (Johann-Christian), peintre et graveur alle-
mand, né à Kesselsdorf, près de Dresde, le 5 mai 1751,
mort à Dresde le 19 déc. 1824. Après avoir étudié sous
Dietrich, à l'Académie de Dresde et visité l'Italie, il devint
professeur à l'Académie. Comme peintre, il a surtout excellé
dans le paysage et le genre : Sites montagneux et fores-
tiers de la Bohème et de la Saxe, Pâtisserie dans une
ferme; Soir et matin, Daphnis et C/i/o^ (galerie de Chris-
tiania). Comme graveur, il a moins d'originalité et de fer-
meté. Il a publié (1812), douze feuilles d'études paysages.
KLENZE (Léo de), célèbre architecte allemand, né près
de llildesheim le 29 févr. 1784, mort à Munich le 26 janv.
1864. D'abord élève de l'académie Carolinum à Brunswick
et de l'architecte Schinkel à Berlin, Klenze termina ses
études à Paris sous la direction de Durand, de Percier et du
peintre-décorateur Bourgeois ; il voyagea ensuite en An-
gleterre et en Italie. De 1805 à 1813, il fut architecte du
roi de Westphalie, Jérôme-Napoléon, à Cassel; mais c'est
surtout à Munich où, depuis 1815, il fut l'architecte du
prince héréditaire devenu plus tard le roi Louis P^ de
Bavière, que Klenze fit élever de nombreux et intéressants
édifices parmi lesquels : la Glyptolhèque, l'Odéon, le « Hof-
garten », le palais du prince de Leuchtenberg et celui du
prince Maximilien, la Pinacothèque (1826), l'église de la
Cour et l'église de Tous les Saints, les écuries royales, le
« Kœnigsbau » ou aile méridionale du palais royal et la salle
des Fêtes de ce même palais, constructions rappelant la pre-
mière le palais Pitti et la seconde la Renaissance de Palla-
dio, enfin, mais dans le style grec antique, les Propylées de
Munich, la « Ruhmeshalle >> ou salle de la Gloire et le Wal-
halla, temple dorique orné de statues et de bustes des Alle-
mands célèbres, à Ratisbonne. On doit encore à Klenze
plusieurs projets en partie exécutés pour les villes d'Athènes
et de Saint-Pétersbourg. Cet architecte a publié de nom-
breux mémoires sur les temples anciens et le mode de
construction des édifices chrétiens, des Aphorismes sur un
voyage en Grèce, ses projets d'architecture sous le titre de
Architectonische Entwfirfe, et une monographie du
Walhalla. Charles Lucas.
KLENZE (Klemens-August-Karl), jurisconsulte alle-
mand, né à Heissum, près de llildesheim, le 22 déc. 1795,
mort le 15 juil. 1838. Il fut nommé en 1826 professeur
de droit à l'université de Berlin. Les ouvrages de Klenze se
font remarquer par une érudition sûre et étendue. Les
plus importants sont relatifs au droit romain: Lehrbuch
der Geschichte des rœmischen Rechts (Berlin, 1827
et 1835, in-8) ; Das Familienrecht der cognaten und
afflnen (Berlin, 1828, in-8). Il a écrit aussi : Lehrbuch
des gemeinen Strafrechts (Berlin, 1833, in-8) ; Lehr-
buch des Strafverfahreiis (Berlin, 1836, in-8) ; Insti--
tiitio Gregoriani (Berlin, 1838, in-8), etc.
KLEPTES. Nom donné aux chefs et aux guerriers mon-
tagnards de la Grèce septentrionale et de'l'Epire qui se
maintinrent indépendants en fait de Tautorité turque. Le
KLEPTES — KLIMRATH
- 564
nom de Klephte veut dire brigand ; celui ôi^Armatole^ qui
en devint synonyme, fut appliqué d'abord à ceux qui
avaient obtenu une commission de la Porte ottomane. Celle-
ci accorda successivement à beaucoup l'autorisation d'en-
tretenir une troupe armée, octroyée d'abord aux gens
d'Agrapha. Les Armatoles entretinrent une véritable anar-
chie dans toute cette région, surtout à partir du xvii® siècle,
obligeant les pachas à les subventionner et rançonnnant
les agriculteurs de la plaine. Ils étaient principalement
d'origine albanaise. Lorsque l'hétairie prépara l'insurrection
de la Grèce, elle s'adressa aux Klephtes, qui disposaient
d'environ 42,000 combattants. Ils jouèrent un grand rôle
dans la guerre de l'indépendance ; les plus célèbres furent
Botzaris, Karatassos, Odysseus, Kaltzodemos, Kondoiannis,
Karaïskakis, Eustrates, Zongas, Sapbakas, Panuryas, etc.
(V. Grèce, t. XIX, p. 293 et pp. 320-321).
KLEPTOMANIE (Méd.). D'après une doctrine qui,
depuis Esquirol, a compté de nombreux partisans, il exis-
terait certaines formes de folie subordonnées à la nature
de tel ou tel acte délirant commis par les malades. Ces
actes, qualifiés de monomanies, constitueraient autant
d'espèces morbides ayant chacune sa place à part dans le
cadre nosologique : telles seraient la monomanie du vol ou
kleptomanie^ la monomanie incendiaire ou pyromanie,
la dipsomanie (V. ce mot), les monomanies homicide,
suicide, etc. L'erreur de cette théorie est devenue ma-
nifeste ; il est aujourd'hui démontré que ces prétendues
entités morbides ne jouent qu'un rôle symptomatique, et
qu'on peut les observer dans le cours des affections men-
tales les plus diverses (vésanies pures, fohes toxiques et
organiques, psycho-névroses). En ce qui concerne la manie
du vol, la seule qui doive nous occuper ici, elle est fré-
quente chez les paralytiques généraux, les déments simples,
les épileptiques, les hystériques. Mais c'est à l'état de
manifestation épisodique de la dégénérescence intellectuelle
qu'elle revêt (ainsi que les autres monomanies) le carac-
tère saillant qui a fait croire à sa spécificité. Les condi-
tions dans lesquelles se produit la kleptomanie, chez les
dégénérés, sont d'ailleurs variables. Dans certains cas, elle
reconnaît pour cause déterminante la satisfaction de mauvais
penchants, de tendances instinctivement perverses: l'imhé-
cillité et la folie morale en fournissent des exemples. Non
moins souvent, elle résulte, au contraire, d'un besoin per(;u
et réprouvé par la conscience du malade, d'une impulsion
involontaire, irrésistible, et l'acte délictueux s'accomplit en
dehors de tout mobile intéressé. Parmi ces kleptomanes, les
uns s'emparent de tout ce qui leur tombe sous la main,
collectionnent les choses les plus disparates ; d'autres ne
s'approprient que des objets de leur choix. « J'ai connu,
dit Marc, un médecin instruit dont la manie consistait à
voler uniquement des couverts de table. » Le même au-
teur rapporte les faits suivants : un employé du gouverne-
ment avait la singulière habitude de ne voler que des
ustensiles de ménage ; il loua deux chambres pour les y
déposer : il ne les vendait point et n'en faisait aucun usage.
— Victor- Amédée, roi de Sardaigne, dérobait partout des
objets de peu d'importance. — Un gentilhomme fort riche
ne pouvait s'empêcher de voler de temps en temps, mais
chaque fois il restituait ce qu'il avait soustrait. — Voici
deux autres cas empruntés à Bergmann (d'après Trélat) :
le gouverneur d'un prince héritier était obligé de fouiller
les poches de son élève pour en retirer les objets de toute
sorte que celui-ci avait dérobés au cours de ses visites. —
Un jeune kleptomane, à qui son confesseur avait imposé le
devoir de résister à la tentation du vol, était tombé de ce
fait dans une tristesse profonde ; on lui permit alors de se
livrer à son penchant, à condition de restituer les objets
qu'il prendrait ; comme premier essai, il vola pendant la
messe la montre de son confesseur, mais, fidèle à son
engagement, il la lui rendit après la cérémonie. On pour-
rait muUipUer les exemples de ce genre.
L'appréciation médico-légale de la kleptomanie comporte
une double question de diagnostic : le vol incriminé offre
t-il les caractères d'un phénomène morbide ? A quelle
espèce pathologique faut-il rattacher ce dernier ? Faciles à
résoudre lorsqu'il s'agit d'imbéciles ou de déments, ces
questions deviennent plus discutables en présence d'inculpés
dont le trouble psychique n'exclut ni la préméditation, ni
l'intelligence, ni la conscience. Il est vrai que ces formes
de l'aliénation mentale sont assez connues pour qu'il soit
toujours possible de prouver la réalité de l'état maladif
(V. Dégénérés). D'" Saury.
BiBL. : Marc, De la Folie, 1840, t. IL —Trélat, la Folie
lucide, 1861. — Lasègue, le Vol aux étalages, dans Ar-
chives générales de médecine, févr. 1880.
KLESEL (Melchior) (V. Khlesl).
KLETTENBER6 (Susanne-Katharina de), femme de
lettres allemande, née à Francfort-sur-le-Main le 19déc.
4723, morte le 16 déc. 1774. Amie de la mèrede Gœthe,
elle eut une grande influence sur l'enfance de celui-ci, par
ses idées piétistes et son goût de l'alchimie. Gœthe a tracé
son portrait dans Wilhelm Meister (Bekenntnisse einer
Schœnen Seele).
BiBL. : r_.APPENBERG, Reliquîen des Fr. von Klettenberg ;
Hambourg, 1849. — PJiilemon, éd. par Delitzsch ; 3° éd.,
Gotha, 1877.
KLETTGAU. Pays de Suisse, cant. de Schafthouse, situé
au N. du Rhin et qui s'avance vers la Forêt-Noire ; il est
fertile, très bien cultivé et contient plusieurs grands villages.
KLEVENFELDT (Terkel), historien danois, né à Copen-
hague en 47dO, mort en 4777. Il se nommait primitive-
ment Kleye et ne prit le nom de Klevenfeldt que lorsqu'il
fut anobli en 4747. Ses Etudes généalogiques et héral-
diques fort importantes, ainsi que les documents considé-
rables qu'il avait recueillis sur l'Histoire de la noblesse
danoise, sont conservés aux Archives secrètes de Copen-
hague.
KLl AZMA. Rivière de la Russie centrale, affluent gauche
de rOka, 630 kil. de long ; bassin de 39,360 kil. q. Elle
naît au N.-O. de Moscou, coule vers le S.-E., le N.-E. et
le S.-E., arrose Pokrov, Vladimir, Kovrov où elle devient
navigable, finit à Gorbatov. Elle reçoit à gauche la Teza.
KLICKI (Stanislas), général polonais, né' en 4770, mort
à Rome en 4847. Il servit en 4794 et entra dans les lé-
gions polonaises ; il se distingua en Espagne et en Russie.
Lors de la reconstitution du royaume de Pologne, il devint
général de division. Pendant l'insurrection polonaise de
4830-31, il eut un instant le commandement suprême.
Après la fin de la révolution, il se relira à Fétranger.
KLiCPERA (Vacslav), écrivain tchèque, né à Chlumec
(Bohême) en 4792, mort à Prague en 4859. Après avoir
étudié à Prague, il devint professeur au gymnase de Kra-
love-Hradec (Kœniggrsetz), puis à Prague. Il a écrit un
grand nombre de pièces de théâtre dont quelques-unes furent
populaires. On cite notamment une tragédie, SobeslavA^^irmi
les comédies: Rohovin à quatre pattes, le Chapeau en-
chanté, VEpée de Zizka, le Menteur, la Comédie sur
le pont. Plusieurs des pièces de Klicpera ont été traduites
en allemand. On lui doit également des nouvelles (Tocnik,
Vitek Vilkovic), des poésies patriotiques, etc. C'est un
écrivain pittoresque, mais d'un style parfois un peu brutal.
Ses œuvres complètes parurent à Prague en 4864.
KLIMOVA. Ville de Russie, gouvernement de Tcherni-
gov ; 6,000 hab. Fondée par les Raskolniks au xvin^ siècle,
elle est la résidence de leur autorité centrale.
KLIIVIRATH (Henri), jurisconsulte français, né à Stras-
bourg le 4«r févr. 4807, mort à Paris le 34 août 4837.
Klimrath a eu le mérite, dans sa trop courte carrière, de
chercher à relierJ'histoire du droit à l'histoire générale, et
il a produit d'importants ouvrages dont les principaux
sont : Essai sur l'étude historique du droit et son
utilité pour V interprétation du code civil (Strasbourg,
4833, in-8 ; thèse) ; Mémoire sur les monuments iné-
dits de l'histoire du droit français au moyen âge
(Strasbourg et Paris, 4835, in-8) ; Mémoire sur tes Olim
et sur le Parlement (Paris, 4837, in-8) ; Etude sur les
coutumes, avec carte (Paris, 4838, in-8). G. R.
— 565 ■—
KLiN — KLINKENBERG
KLIN. Ville de Russie, gouvernement de Moscou, sur la
Sestra, affluent droit de la Volga et le chemin de fer de Mos-
cou à Saint-Pétersbourg; 7,000 hab. Cotonnades. Ch.-l.
de district. Ancien fief de la famille des Romanov.
KLINCKOWSTRÔM. Nom d'une ancienne famille sué-
doise, originaire de Brandebourg, d'où elle avait passé,
environ en 1300, en Poméranie (nom primitif: Klinckow).
Plusieurs Klinckowstrôm se sont illustrés, soit à l'armée,
soit dans des fonctions civiles. L'un, Mrl-Ber7ihard,
était le fidèle compagnon de Charles XII; l'autre, Leonhard
(1685-1759), favorisa à la cour de Suède les intérêts du
gouvernement français, qui lui servait une pension ; un
autre, enfin, Axel- Leonhard (1775-/<839), officier de ma-
rine, membre de l'Académie militaire, a publié, en 4824,
un ouvrage intitulé Lettres sur tes Etats-Unis, écrites
pendant un voyage en Amérique (1818-4820). Le fils
de ce dernier, Riidolf-Mauritz, soldat, homme politique
et écrivain, né à Graneborg en 481 6, fit ses études à l'école
militaire de Kariberg et parvint rapidement aux grades
supérieurs. En 4854, il était adjudant du roi Oscar P''; il
rempht aussi les fonctions de chef d'état-major, puis de 1 859
à 4865 celles d'attaché militaire à Vienne. Depuis 4877,
membre de la Chambre haute, il y a déployé une grande
activité et s'est montré un défenseur énergique des'^droits
protecteurs. Ses écrits sur l'art militaire et sur réconoinio
rurale sont très nombreux et très estimés en Suède. 11 a
publié en outre des études sur le comte Axel de Fersen,
dont Tune en français : le Comte de Fersen et la cour
de France (Paris, 4878, 2 vol.). Th. C.
KLINGEMANN (Ernst-August-Friedrich), auteur dra-
matique allemand, né à Brunswick le 34 août 4777, mort
à Brunswick le 25 janv, 4834. Mari d'une actrice, il
obtint de grands succès au théâtre, grâce à l'heui^eux
choix des sujets, l'habileté de la composition, la fantai-
sie ; ses drames semblent maintenant superficiels et mal
écrits. Les plus connus furent : Heinrich der Lœive,
Martin Luther^ Cromwell, Deutsche Treue, Kolumbiis,
Faust j etc. Ils ont été réunis {Theater, 1809-20, 3 vol. ;
Dramatische Werke, 4817-48, 2 vol.).
KLINGENSTIERNA (Samuel), mathématicien suédois,
né à ToUefors, près de Linkiœping, le 4 8 août 4698, mort
à Stockholm le 26 oct. 4765. Après avoir étudié le droit
à Upsal et débuté dans des fonctions administratives, il
s'adonna aux mathématiques, entreprit un voyage de trois
ans en Allemagne, en Suisse, en France et en Angleterre
pour perfectionner son instruction, obtint, en 4728, une
chaire de mathématiques à l'université d' Upsal, l'occupa
vingt ans et fut ensuite chargé de l'éducation du prince hé-
ritier. Il passa ses dernières années dans la retraite. L'Aca-
démie des sciences de Stockholm le comptait parmi ses mem-
bres depuis sa fondation (4739). Ses travaux les plus
remarquables concernent l'optique et aboutirent à la décou-
verte des lunettes achromatiques. Son Tentamen de défi-
niendis et corrige^idis aberrationibus (4762) fut cou-
ronné par l'Académie de Saint-Pétersbourg. Il a laissé une
dizaine d'autres volumes sur l'aberration des étoiles, la ma-
chine pneumatique, l'électricité, le magnétisme, ainsi que
sur des sujets de philosophie, d'après la doctrine de Wolf
(les notions universelles, les erreurs, l'espace) ; une ving-
taine de mémoires ont été insérés dans les Philos. Trans.,
les Act. Litt. Suec, les Act, Soc. Ups.^ le Recueil de
l'Académie des sciences de Stockholm (ces derniers en
suédois). Ils concernent le calcul intégral et divers pro-
blèmes de mécanique et d'optique. T.
KLINGENTHAL (V. Boersch).
KLINGER (Friedrich-MaximiHan de), poète allemand,
ne à Francfort-sur-le-Main en févr. 4752, mort à Saint-
Pétersbourg le 25 févr. 4834. Orphelin de bonne heure,
il eut une jeunesse difficile et laborieuse, se lia avec Goethe
qu'il accompagna à Zurich (4775), fut secrétaire de la
troupe dramatique Seiler (4776), lieutenant dans l'armée
autrichienne et entra en 4 780 au service de la Russie.
Anobli, il devint chambellan du grand-duc Paul, l'accom-
pagna dans son voyage à travers l'Europe, fut nommé di-
recteur de l'Ecole des cadets de Saint-Pétersbourg (4785),
épousa une fille naturelle de l'impératrice Catherine. Dans
le drame où périt Paul I*^**, il observa une attitude expec-
tante. Alexandre \^^ le mit à la tète de Padministratioii
militaire. De 4844 à 4847, il fut curateur de l'université
de Dorpat; en 4830, il prit sa retraite. Ses œuvres dra-
matiques attestent une verve exubérante qui porte à
l'extrême les défauts du romantisme ; c'est à son drame,
Sturm und Drang (4775), que les Allemands ont em-
prunté l'appellation par laquelle ils désignent toute cette
période de leur histoire littéraire ; citons encore : Die
Z'ivillinge, qui obtint le prix réservé à la meilleure pièce
sur le fratricide; Konradin, Simsone Grimaldo, Der
Gilnstting, Medea in Koriiith, Medea auf dem Kauka-
sus^ Damokles; quelques comédies : Die Spieler, Der
Sckwur, Die zwei Freundinnen. Ses œuvres dramatiques
ont été réunies en Theater (Leipzig, 4786-87, 4 vol.) e1
Neues Theater (4790, 2 vol.). Aujourd'hui on apprécie
davantage ses romans, à tendances réalistes et philoso-
phiques. Klinger était un disciple fanatique de Rousseau,
dont V Emile était son livre de chevet. Ses principaux
romans sont: Faust (Saint-Pétersbourg, 1794); Gesch,
Giafars des Barmeciden (1792); Gesch. Rafaels de
Affuilas (47!K-)) ; Reiscn vor der Siudllut (4795); Ik)
Faust der Morgenlœnder (1797); Gesch. eines Deul-
schen der neuesten 7Ant (4798), et surtout D^r Welt-
mann imd der Dichter (4798), série de dialogues d'une
psychologie très fine sur l'antithèse du monde réel et du
monde idéal. Il a publié une collection de ses meilleurs
romans (Krrnigsberg, 4809-45, 42 vol. ; rééd. Stuttgart,
4 842) ; on en'a fait une autre en 8 vol. (4878-80).
BiBL.: Erdmann, KHrigers dramatische Dichtungen ;
Kœniiïsberpr, 1877. — M. 'Hieger, Klmger in der Sturm
und Drangperiode (avec de nombreuses lettres) ; Darni-
stadt, 1880.
KLINGSOR DE Hongrie, minnesinger légendaire qui
figure dans le combat de la Wartburgen qualité d'arbitre.
Dans le Parsifal de Wolfram d'Eschenbach, ce nom est
celui d'un duc de Capoue, eunuque et magicien.
KLIN6SP0R. Nom d'une ancienne famille suédoise,
originaire du S. de rAllemagne d'où elle avait passé en
Livonie au xiii*^ siècle. Le plus célèbre des Klingspor est
Vilhelm Maurits (4744-4844) qui servit dans les régi-
ments français pendant la guerre de Sept ans. A son retour
en Suède, il rendit de grands services dans l'organisation
de Farmée et fut, en 4788, nommé intendant général de
l'armée en Finlande. Il se montra en cette circonstance à
la hauteur de sa tache, mais, en 4808, promu général en
chef, il ne fit preuve que de peu d'énergie dans la lutte
contre les troupes russes et, à son retour, fut mis en congé.
Après la déposition de Gustave IV, il fut élu membre du
conseil de régence. En 4840, gouverneur général de Stoc-
kholm, il ne sut pas empêcher le meurtre de Fersen, fut
disgracié de nouveau et se retira de la vie publique défini-
tivement. Son frère, Fredik-Filip (4764-4832), gouver-
neur du château royal à Stockholm, qu'il contribua à em-
bellir, était un collectionneur distingué. C'est à la même
famille qu'appartient Karl-Arvid Klingspor, héraldiste du
royaume (riksheraldiker), né en 4829. Il s'est occupé
tout spécialement de l'histoire de la noblesse et a publié en
suédois, seul ou en collaboration avec R. Schlegel, un
grand nombre d'ouvrages de science héraldique : Armo-
riai suédois (4867-4878) ; Héraldique suédoise (1874) ;
Domaines seigneuriaux de rUpla^id (4877-84); Bal-
iisches Waffénbuch, i884), etc. Th. C.
KLIN KEN BERG (Dirk), astronome hollandais, né à
Haarlem le 45 nov. 4709, mort à La Haye le 3 mai 4799.
Il fut durant quarante années secrétaire du gouvernement
hollandais. Il était membre de la Société hollandaise des
sciences. Il a découvert la comète de 4757 et a publié,
sur divers sujets d'astronomie, d'intéressants travaux dans
les Verhandelingen van Maatschappije der Weeten-
schavpen te Haarlem (1755-62), dans les Philosophical
KLINKENBERG — KLONOWICZ
S66 --
Transactions (1758), dans les Verhandelingen van het
Bataaf, Genootschap der Wijsbegeerte te Rotterdam
(d 774-83), etc. L. S.
BiBL. : J.-S. Batllv, Hisl. de VAstron. mod.; Paris,
1785, t. III, p. 132. — J.-H. M^DLER, Geschichte der Him-
melskunde ; Brunswick, 1873, t. I, p. 488.
KLINKERFUES (Ernst-Friedrich-Wilhelm), astronome
allemand, né à Hofgeismar (Hesse) le 29 mars 4827,
mort à Gœttingue le 28 janv. 4884. D'abord apprenti géo-
mètre, puis initié par Gerling et Gauss à l'astronomie, il
entra en 1851, comme assistant, à l'observatoire de Gœt-
tingue, y fut nommé astronome en 1855 et en devint direc-
teur en 1868. 11 était en outre, depuis 1863, professeur
à Tuniversité. Il se tua. On lui doit d'importants travaux,
qui ont plus particulièrement porté sur les comètes et sur
les planètes et dont il a publié les résultats dans les Astro-
nomische Nachrichten (t. XXX et suiv.). Il a person-
nellement découvert plusieurs comètes : 1853, III ; 1854,
J, m et IV; 1855, II; 4857, V, 4872. Cette dernière,
qui porte son nom, a été prise un instant pour un troisième
fragment de celle de Biela. Il s'est, vers la fin de sa vie,
beaucoup occupé de météorologie. Il a écrit un livre très
répandu : Theoretische Astronomie (Brunswick, 4872).
Il a inventé un hygromètre à deux fils et un allume-gaz
automatique. L. S.
BiBL. : Ann. du Bur. des longit.^ 1877, pj). 203 et suiv.
KLINT (Jonas-Petri), chroniqueur suédois, date de nais-
sance inconnue, mort à Stenby en 4608. Prêtre de cam-
pagne, il écrivit une suite à la Chronique épiscopale de
Linkôping. Une partie de ses manuscrits sont conservés,
soit à la bibliothèque royale de Stockholm, soit à la biblio-
thèque de l'évèché de Linkôping.
KLINT (Gustaf af), marin et cartographe suédois, né à
Karlskrona en 4771, mort en 4840. Fils de marin, il
montra tout jeune des dispositions remarquables pour les
sciences géographiques et, à seize ans déjà, était profes-
seur adjoint à l'Ecole navale de Karlskrona. En 4790, il
fut nommé capitaine de vaisseau pour le récompenser des
services qu'il avait rendus pendant la giierre de 4788-90.
De 4792-1807, il fut professeur à l'Ecole militaire de
Karlberg, puis reprit du service dans la flotte, passa contre-
amiral en 4844 et vice-amiral en 4825. Il consacra les
dernières années de sa vie à établir V Atlas maritime
de la Suède (Sveriges Sjôatlas), ouvrage considérable et
actuellement encore d'une grande valeur. En 1846, il avait
publié une description des côtes de la Baltique {Beschrei-
bung von den Kilsten an der Ostsee und dem Finnis-
chen Meerbusen; Stockholm, 1816, in-4). — Son frère
et ses neveux se sont distingués, à des titres divers, dans
la marine suédoise. Th. G.
KLINT (Alex-IIenrik), philologue suédois, né en Smâ-
land le 23 févr. 4842, actuellement (4895) professeur à
Stockholm. Il s'est occupé tout spécialement de philologie
française. En 4869, il présentait comme thèse de doctorat
à l'université d'Upsal une Etude sur le miracle de Théo-
phile^ de Rutebeuf. Il a publié depuis un grand nombre
de travaux sur la grammaire française et un dictionnaire
très complet de notre langue (Fransk-Svensk Ordbok;
Stockholm, 1893). Il déploie une très grande activité pour
la propagation de la langue française en Suède par des
cours populaires en français. Th. G.
KLIOUTCHEVSK. Volcan colossal del'E, du Kamtchatka,
par 56« 8' lat. N. et 158« 15' long. E. ; 4,800 m. d'alt.
Sa base a 330 kil. de tour. Il est encore en activité et a eu
des éruptions en 4727-31, 4736, 4854.
KLIPDAZ(Zool.) (V. Daman).
KLIPPFELL (Henri), historien français, né à Neuville en
4832, mort à Besançon en 1873. Professeur d'histoire au
lycée de Metz, il devint examinateur d'admission à l'Ecole
de Saint-Cyr. Citons parmi ses ouvrages : Metz, du x^ au
xn^ siècle (Bmxelhs, 4867, in-8) ; le Colloque de Poissy
(4867, in-4 2) ; Etude sur l'origine et les caractères de
la révolution communale dans les cités épiscomles ro-
manes de l'Empire germanique (Strasbourg, 4 809, in-8) .
KLISSOURA. Village d'Albanie, à l'entrée supérieure
d'un long et profond défilé creusé par la Voioussa.
KLOCKHOFF (Daniel), poète et écrivain suédois, né
en 1840, mort en 4867. Disciple de Bostrom, il s'efforça
de donner à l'esthétique une base plus sohde que ne le
fait le panthéisme. Il publia, en 4864, une dissertation
fort remarquée sur V Esthétique panthéiste et l'année
suivante une étude Sur le Tragique (Om det tragiska).
Dans un travail sur la peine de mort, il s'efforce d'en dé-
montrer l'illégitimité. Ses Poésies lyriques sont d'une
grande pureté de style et de sentiments. Ses Ecrits pos-
thumes ont été publiés par le poète C.-D. af Wirsén avec
une introduction.
KLŒBER (Friedrich-August de), peintre allemand, né
à Breslau le 24 août 4793, mort à Berlin le 34 déc. 1864.
Il étudia d'abord l'architecture dans sa ville natale, puis la
peinture à l'Académie de Berlin. Après 4813, il alla à
Paris, ensuite à Vienne, où il fit le portrait de 5^^^/ioi;^n,
le meilleur qu'on ait de ce compositeur, puisa Berlin, où il
travailla à la décoration du Nouveau Théâtre, et, en 1821,
en Italie, où il exécuta son Persée et Andromède et sa
Toilette de Vénus, Devenu, à son retour, professeur à
l'Académie de Berlin, il produisit une série d'œuvres char-
mantes de composition et de dessin : Bouquetière grecque^
Bacchus abreuvant la panthère^ Sakountala, la Mois-
son, Huon> parmi les pâtres, Psyché réveillée par
r Amour, ^ et surtout l'Amour lançant des flèches. Il dé-
cora aussi à fresque le palais de marbre de Potsdam, la
Salle blanche à Berlin, la Bourse, la villa von der Heidt
et la villa Krœcker à Hambourg.
KLŒDEN (Karl-Friedrich von), savant et érudit alle-
mand, né à Berlin le 24 mai 4786, mort à Berlin le 9 janv.
4856. D'une vieille famille noble de la marche de Brande-
bourg, il fut longtemps apprenti orfèvre, apprit ainsi la
gravure, dressa ensuite des cartes et acheva fort tard ses
études, tout en donnant des leçons. Il devint directeur de
l'Ecole normale de Potsdam (4817-24), puis de la nouvelle
Ecole des mines de Berlin (1824-55). Ses connaissances
scientifiques égalaient son érudition et il a écrit de remar-
quables monographies sur la minéralogie aussi bien que
sur l'histoire et la géographie du Brandebourg et de quelques
autres pays. 11 est aussi l'auteur de grandes cartes oro-
graphiques et hydrographiques de l'Europe, de précis d'as-
tronomie, d'un nombre considérable de petits livres de
vulgarisation scientifique et d'une foule d'articles de dic-
tionnaires et de revues. Voici les titres de ses principaux
ouvrages : Landeskunde von Palœstina (BerWn, 1846);
Grundlinien zu einer neuen Théorie der Erdgestaltung
(Berlin, 4823 ; 2« éd. ; 4829) ; Beitrœge zur mineral-
und geogn. Kenntniss der Mark Brandenburg (Berlin,
4828-37) ; Die V er st einer ung en der Mark Branden-
burg (Berhn, 4834) ; Bie Quitzew's und ihre Zeit, son
œuvre la plus importante (Berlin, 1836-37, 4 vol.);
Feber die Entstehung, das Aller und die friiheste
Geschichte der Stœdte Berlin und Kœln (Berlin, 4839) ;
Diplomatische Geschichte des Markgrafen Waldemar
von Brandenburg (Berlin, 4844-46, 4 vol.); Der Ster-
nenhimmel (Weimar, 4848); Das Planetensy stem der
Sonne (WeimsiV, 4850); Geschichte einer altmœrkischen
Familie, histoire de sa propre famille (Berlin, 4854);
Jugenderinnerungen von K.-F. v, Klœden, autobiogra-
phie publiée par son petit-fils Max Jâhns (Leipzig, 4874).
Il avait réuni une bibliothèque de 46,000 vol. et de riches
collections d'histoire naturelle. — Son fils, Gustav-Adolph,
professeur à l'Ecole des mines de Berlin, est l'auteur de
travaux géographiques très estimés. L. S.
KLŒKER d'Ehrenstrahl (V. Ehrenstrahl).
KLOFA JoKULL (V. Islande, t. XX, p. 4009).
KLONOWICZ (Sébastien-Fabien), en latin Acernus,
poète néo-latin et polonais, né à Sulmierzyce (palatinat
de Kalisch) vers l'an 4545, mort à Lublin le 29 août 4602.
Issu d'une riche famille bourgeoise, il fipit ses études à
Cracovie et se rendit à Léopol, où il resta jusqu'à 4580
- 567
KLONOWICZ — KLOPSTOCK
comme employé aux bureaux de l'hôtel de ville. Devenu
bourgeois de Lublin, il fut nommé échevin de cette ville en
1583. Il composa plusieurs poèmes en latin et en polonais.
Son chef-d'œuvre est Roxolania (Cracovie, 1584), descrip-
tion poétique de la Russie Rouge (Galicie). Un autre poème
didactique, Victoria Deorum (Cracovie, 1587 [1596?]),
renferme de jolis passages, mais il fatigue par ses dimensions
(44 chapitres, 683 pages, in-8) et ses digressions. Parmi ses
poèmes polonais se distinguent: Flis (le Marinier) (1595),
description d'un transport de grains par la Vistule jusqu'à
Dantzig ; la Bourse de Judas (Worek Judaszow) (Cracovie,
1600), poème satyrique contre l'avarice. J. K.
BiBL. : A. MiERZYNSKi, De Vita moribus scriptisque
latinis S. F. Acerni; Berlin, 1857. — Ehrenberg, S.-F.
Klonowlcz^ sa, place dans la littérature polonaise (en poL),
dans Bibliothèque de Varsovie^ 1889, t. IV.
KLO P F (Onno), historien allemand, né à Leer (Frise
orientale) le 9 oct. 1822. Professeur à Hanovre, il entra
dans l'intimité du roi Georges V dont il fut le zélé défen-
seur; ennemi mortel de la Prusse, il devint ultramontain
et se convertit au catholicisme. Il avait été chargé d'une
édition des œuvres de Leibniz, dont 11 vol. parurent jus-
qu'en 1884; il ne put l'achever, parce qu'on lui interdit
l'accès aux archives de Hanovre. Outre de nombreuses
brochures de polémique guelfe, il a publié Gesch. Ostfries-
lands (Hanovre, 1854-58, 3 vol.); Friedrich U und die
deutsche Nation (1860) ; une biographie apologétique de
Tilly (1861 , 2 vol.); Der Fali der Stiiarts (Vienne, 1875-
86, 13 vol.).
KLOPSTOCK (Friedrich-Gottlieb), poète allemand, né à
Quedlinbourg le 2 juil. 1724, mort à Hambourg le 14 mars
1803. Il fut le premier en date des grands écrivains de
la période classique allemande. La petite ville de Quedlin-
bourg est située sur la lisière orientale du Harz, dans une
région où le foyer des légendes germaniques ne s'est jamais
éteint. Aussi Klopstock se vantera-t-il d'appartenir à la
race des Hermann, des Henri l'Oiseleur et des Luther, et son
imagination se plaira aux images guerrières ; il y aura
toujours deux hommes en lui, un prêtre du Très-Haut, et
un franc Germain, d'humeur indépendante et altière, de
cœur naïf et loyal. De la nature, il a reçu quelques-uns des
dons du grand poète, le goût passionné des idées hautes,
une belle sensibilité, une imagination vive, enthousiaste,
mais peu variée et de peu d'énergie créatrice, bref un génie
surtout lyrique, une aptitude décidée, presque exclusive, à
s'élever dans la région du sentiment pur et à n'en pas des-
cendre. — A sa famille et à ses maîtres, à son entourage, à
son temps, il doit peu et des choses de si peu de prix que ce
qu'il en a fait ou plutôt ce qu'il y a substitué suffira juste-
ment pour le classer parmi les hommes prodigieux. D'abord
une langue exténuée par une longue imitation de la nôtre,
paralysée par les habitudes de correction timide qu'elle avait
contractées sous la férule de maîtres sans esprit, pour qui
la poésie n'était qu'un métier oii il était bon de s'exercer,
soit pour instruire et édifier ses semblables, soit pour les
amuser ; langue terne, exsangue et gauche, pauvre de mots,
dénuée de tout élément rythmique, de tours oratoires et
de beautés musicales; puis, autour de lui, rien que des
habitudes d'esprit misérables; une piété sans énergie,
fadement babillarde et sentimentale, enfermant l'esprit et
le cœur dans un étroit horizon de petits devoirs ; une so-
ciété de maîtres d'école et de pasteurs, honnêtes fonction-
naires, gravement occupés de riens et de leur salut, par-
faitement heureux, du reste, et satisfaits d'eux-mêmes.
« Epoque diffuse, fade et nulle, a dit Gœthe, où la platitude
se donnait libre carrière. » La patrie n'était alors qu'un
nom, la nation une aspiration ; point de vie publique ou
sociale : point d'agitations fécondes ; toutes les passions
condamnées; à peine quelques colères littéraires de pé-
dants s'injuriant, les uns se réclamant de la France, et
disant : « Tout est fait ! », les autres, de l'Angleterre, et
répondant : «Tout est à faire ! ». Tel est le temps d'où sur-
git Klopstock. — Elevé par une mère pieuse et par un père
d'humeur fière, égalitaire et républicaine, il fait de bonnes
études classiques à l'école saxonne de Pforta (1 739-45). C'est
là qu'il se trace le programme de sa vie tout entière, et
son génie suffira au labeur qu'il s'est imposé. Voici com-
ment il a raisonné : « Le génie allemand, s'est-il dit, ces-
sera de provoquer les railleries des autres peuples s'il crée
enfin des œuvres rivales des plus grandes, c.-à-d. une
épopée, des drames et des odes, et une langue poétique,
apte à prendre les tons de tous les genres ; mais, avant tout,
une épopée, le summum opus, » Il créera donc, lui, cette
épopée ! Quel héros chantera-t-il ? « Qui oserait dire qu'un
héros céleste ne l'emporte pas sur un héros terrestre?
Dieu, par conséquent, le fondateur de notre religion, notre
Sauveur, s'il voulait bien inspirer un poète et lui dicter
l'épopée de la vraie religion, ne laisserait plus au génie
humain l'espoir d'aller au delà. » Une Messiade^ tel sera
son sujet, sujet parfait, sans rival, d'une excellence intrin-
sèque égale à celle de la divinité. — Ce raisonnement prodi-
gieusement naïf, Klopstock le développa devant ses maîtres
dans un discours latin qu'il tint à sa sortie de l'école, et déjà
il était à l'œuvre. A léna, où il passe quelques mois (1745),
à Leipzig, où il séjourne deux ans (1746-48), ce n'est pas
la théologie dont il avait vaguement songé à faire un jour
profession, mais son poème qui l'absorbe ; et au printemps
de l'année 1748, le poème Der Messias apparaît, ou plu-
tôt il commence à paraître ; car aux trois chants publiés en
ce moment, suivis en 1751 de deux, puis de cinq autres
en 1755, vinrent se joindre encore dix chants, cinq en
1768 et cinq en 1772. — « L'Idéal s'était réfugié du monde
dans la religion », a dit Gœthe. Klopstock fut ici le poète
de cet idéal. Le monde qui l'entourait ne lui offrant de toutes
parts que le spectacle de la plus désespérante platitude,
il se réfugia dans le ciel ; il prit pour domaine la région
du merveilleux et pour mode habituel le sublime sentimen-
tal. Il créa de toutes pièces, pour traduire son inspiration,
une prosodie nouvelle, à l'image des mètres héroïques
classiques, mais indépendante, et une langue nombreuse,
de grande aUure, d'un essor hardi, toujours fière et noble.
« La langue que j'ai créée, dit-il, et la religion, la rehgion
majestueuse et sublime, ont érigé mon monument, et il se
raille du temps ! » Ce monument colossal de 20,000 hexa-
mètres est entouré de monuments plus modestes, car le
jeune poète a voulu donner à sa patrie une littérature com-
plète. Il a donc composé trois drames rehgieux : Der Tod
Adams (1757), Salomo (1764), David (1772); trois
drames germaniques ou bardits : Eermayms Schlacht
(1769), Hermann und die Fûrsten (1784), Hermanns
Tod (1787). Puis, tout en avançant dans la vie et tenant,
pour ainsi dire, à jour l'histoire de son cœur, il a chanté,
dans des élégies, des odes, des hymnes, au nombre de plus
de 200, tantôt ses amis et V Amitié^ tantôt VAmour^ et sa
cousine Fanny, ou sa femme, Marguerite Moller (Meta), qu'il
avait épousée à Hambourg en 1754, et qu'il perdit en
1758 ; puis la Nature ; puis la Langue allemande ; enfin
THumanité, la Liberté, la Fraternité, la Révolution; sans
compter des chants d'église, des épigrammes, des disserta-
tions prosodiques, des dialogues grammaticaux, un plan
d'académie, Z)f^ Gelehrtenrepublik (1774), travaux secon-
daires, il est vrai, mais où il mettait toute son âme,
agissant toujours en homme qui, pontife du Très-Haut
d'une part, et d'autre part interprète des sentiments supé-
rieurs de l'humanité, ne devait jamais prononcer de pa-
roles vaines. — Parfaitement sûr donc d'avoir payé à Dieu,
à sa patrie et à l'humanité la dette que lui avait imposée son
génie, et voyant tous ses contemporains lui témoigner la vé-
nération à laquelle il croyait avoir droit, il vécut heureux,
et la fortune ne fit rien pour troubler sa sérénité idyllique.
Très rares furent les douleurs qu'elle lui envoya. La plus
cuisante ne fut pas la mort de sa douce et tendre Meta,
mais l'indifférence de sa cousine Fanny (Sophie-Marie
Schmidt), dans le voisinage de laquelle il vécut deux ans à
Langensalza (1748-50). Il lui adressa vainement des élé-
gies pathétiques ; elle resta sourde aux appels réitérés de
son éloquence pieusement erotique, indifférente même à la
KLOPSTOCK — KLOTZ
— 568 —
menace qu'il lui fit d'abandonner son poème si elle ne
prenait pitié de sa douleur. Les jeunes filles pleurèrent ;
l'Allemagne pieuse trembla ; profondément humilié, le poète
partit pour Zurich (1754), où l'appelait le chantre de Noé,
le vieux Bodraer. Là, un accès de fièvre anacréontique dis-
sipa ses langueurs élégiaques. — Les années de son âge mûr
(1752!-70) s'écoulèrent presque tout entières à la cour de
Danemark, où l'avait appelé la munificence de Frédéric V.
Ce protecteur mort, Klopstock résida désormais à Hambourg,
sauf de rares voyages (à la cour de Bade, en particulier,
d'où il rapporta une petite pension [1774-75]). Il vivait au
loyer d'une nièce de Meta, M"^^ de Winthem, qu'il épousa en
4 79i . Tout ce que Hambourg recevait de princes et d'illus-
tres étrangers venait s'incliner devant le vieux poète tou-
jours accueillant, bon et simple. Il s'éteignit le 44 mars
4803, et fut inhumé près de Meta, au cimetière d'Ottensen.
Hambourg lui fit de royales funérailles que les consuls et
les ambassadeurs étrangers de toutes les puissances de
l'Europe honorèrent de leur présence. — Aujourd'hui en-
core, Klopstock est un grand nom. Il n'est rien de plus.
Pourquoi ? Schiller l'a dit : « Parce que sa muse suprater-
restre et incorporelle a tout spiritualisé ! » 11 eût fallu,
avec la langue splendide qu'il créait, créer aussi des corps
poétiques, c.-à-d. peindre des passions et des caractères
et les mettre aux prises, en un mot imiter la nature^
qui, en tout ce qu'elle fait, travaille sur un plan précis
et clair, ramenant à la simplicité les éléments et les forces
les plus variées. Lui, renonçant de parti pris à demander
à la terre et à l'homme le fonds de sa poésie, il ne trou-
vait plus à mettre en oeuvre que ses pensées et ses senti-
ments, ayant pour objets d'autres pensées et d'autres sen-
timents ; il était donc en dehors de la poésie. Aussi n'a-
t-il pas réussi à créer des actions poétiques; réduit aux
divers modes de la méditation élégiaque, il n'a pas pu
non plus soumettre ses ampUfications à un plan néces-
saire. Aussi son poème n'est-il pas composé; la plupart
de ses odes n'ont pas de plan, et ses prétendus drames
ne sont que des méditations dialoguées. Pour bien carac-
tériser son œuvre, il faut emprunter un mot aux phi-
losophes et dire : Klopstock a créé des choses en soU c.-à-d.
des principes de vie, des mouvements spirituels, une at-
mosphère, un fluide poétiques, des modes, des facultés,
des rythmes et une musique poétiques, un vocabulaire, une
syntaxe ; bref, une âme poétique ; une poésie, non ! Cepen-
dant, puisqu'il y a de sa langue, de sa création et de son âme
dans tous ceux, grands ou petits, qui vinrent après lui, et
au plus intime même de l'âme nationale, car — quel Allemand
n'est un peu Klopstock ! — il est certain que nulle révolution
du goût national ne diminuera la reconnaissance due à ses
mérites, ni le respect dû à son génie. Ed. Bailly.
BiBL. : Klopstocks Werhe (éd. revue par le poète);
Leipzig, 1798-1817. — Parmi les anciennes éditions des
odes, à signaler : Klopstocks Oden; Hambourg, 1771,
76 pièces; éd. revue par le poète. — Klopstocks Oden, éd.
Vetterlein ; Leipzig, 1827. — Ed. Gruber ; Leipzig, 1881.
— Ed. DûNTZER ; Leipzig, 1868. — Parmi les travaux mo-
dernes : Klopstocks Oden {Leipziger Période), par W.-J.
Pawel ; Vienne, 1880. — R. HamÎïl, Klopstocks Werke,
collection Kiirschner, 34, 35, 37, 39 ; la préface est un tra-
vail considérable. — Ed. Boxberger, collection Hempel,
6 vol. — Ed.-Fr. Muncker ; Stuttgart, 1893, 4 vol. — Tra-
ductions françaises du Messie : le Messie, dix chants ;
Paris, 1769. — Trad. Petit -Pierre ; Neuchâtel , 1795,
2 vol. — Trad. Kurzrock ; Paris, an X. — Trad. d'HoR-
rer ; Paris, 1825, 3 vol. — Trad. Liebhaber; Paris, 1828,
2 vol. — Trad. Carlovitz (M"™" de) ; Paris, 1810. — La
Mort d'Adam a été traduite quatre fois; la. Bataille d'Her-
mann, deux fois.— Pour les traductions des odes, V. notre
Essai sur Klopstock, pp. 446, 447. — Etudes biographi-
ques, littéraires, historiques sur Klopstock : Kritische
Briefe. ..^\on ,Ioh. D. A. Janozki; Dresde, 1745. — Cramer,
Klopstock in Fragmenten...; Hambourg, 1777-78, et Klop-
stock, Er und ûber ihn., 5 parties ; Hambourg, Leipzig;,
Altona, 1780, 1792. — F.- A. Cropi^, Hambiirgischos Schvift-
stelterlexicon (l'art. Klopstock est très riche). — W.Wa-
CKERNAGEL, Geschichlc des d. Hexameters und Pentame-
ters bis auf Klopstock ; Berlin, 1831. — Mœrikofer, Klop-
stock in Zurich im Jahre 1150-51; Zurich, 1851. — Fr.
Pfeiffer, Gœthe und Klopstock; Leipzig, 1812. — Dun-
tzer, Erteuferwngfen..., 1866. — E. Sghmidt, Beitrœge zur
Kenntniss der Klopstochschen Jugendlyrik ; Strasbourg,
1880. — Fr. Muncker, Lessings persœnliches und littera-
risch.es Verhœltniss zu Klopstock; Francfort-sur-le-Main,
1880. — 0. Lyon, GœthesVerhœltnisszu Klopstock; Leipzig;,
1882. — Fr. Muncker Friedrich-Gottlieb KlopUock, Ge-
schichte seines Lebens und seiner Schriften ; Stuttgart,
1888, 2 vol. in-8 (ouvrage important et digne de Klopstock).
— Ed. Bailly, BUude sur la vie et les œuvres de Klop-
stock ; Paris, 1889, in-8. — Correspondances : Klopstock und
seine Freunde... Briefwechsel der Famille Kl... hgg. v.
Klamer Sghmidt; Halberstadt,1810. — Lappenberg, Bï'ie/e
von und an Klopstock ; Brunswick, 1867.
KLOSENER (Fristche) (V. Closener).
KLOSS (Georg-Franz-Burkhard), historien allemand, né
à Francfort-sur-le-Main le 31 juil. 1787, mort à Francfort
le 10 févr. 1834. Ses études ont renouvelé l'histoire de la
franc-maçonnerie (V. cet art.).
KLOSTERCAMP (V. Clostercàmp).
KLOSTERMANN (V. Clostermann).
KL0STERNEUBUR6. Ville d'Autriche, prov. de Basse-
Autriche, r. dr. du Danube et à 10 kil. en amont de Vienne ;
7,400 hab., dont un grand nombre sont vignerons. Institut
d'œnologie et de pomologie, tribunal, dépôt du train et
établissement d'aliénés. Les ruines pittoresques d'une for-
teresse du moyen âge embellissent la ville Jhaute. Le prin-
cipal monument est l'abbaye fondée au xii® siècle, par un
margrave de la maison de Babenberg, Léopold le Saint.
Les bâtiments actuels, construits pour la plupart sous
Charles VI, renferment un escalier célèbre et une biblio-
thèque riche de 1,150 incunables, de 30,000 vol. et de
1,550 manuscrits. L'église est riche en tableaux et en
curiosités de toute sorte. E. S.
KLOSTERS. Village de Suisse, cant. des Grisons, dans la
partie supérieure de la vallée de la Landquart; 1,529 hab.
Situation magnifique, sur un haut plateau couvert de belles
prairies.
KLOTEN. Village de Suisse, cant. de Zurich ; 1 ,385 hab.
On a découvert dans cette localité des antiquités romaines
intéressantes. Kloten fut pendant trois mois le quartier
général de l'archiduc Charles en 1799.
KLOTZ (Les). Famille de luthiers tiroliens fixée à Mit-
tenwald (Bavière) et successivement représentée par Ma-
thias Klotz , qui construisait ses violons de 1660 à 1696;
par ses fils Sebastien et Joseph, et par ses descendants
au xviii^ siècle, Georges, Charles, Michel et Egide. Un
grand nombre de violons des Klotz circulent sous l'éti-
quette de Stainer, soit que la fraude émane des constructeurs
eux-mêmes, ou des marchands d'instruments de musique.
KLOTZ (Christian-Adolf), philologue allemand , né à Bi-
chosswerda le 13 nov. 1738, mort à Halle le 31 déc. 1771 .
Professeur de philosophie à l'université de Gœttingue (176!2),
puis d'éloquence à celle de Halle (1765), il exerça une
grande action; ses vers latins {Opuscula poetica, 1766),
et ses dissertations latines {Opuscula philologica et ora-
toria, 1772), étaient très admirés. 11 en conçut un or-
gueil excessif et engagea d'âpres polémiques avec Lessing.
KLOTZ (Matthias), peintre alsacien, né à Strasbourg
en 1748, mort à Munich en 1821. Tour à tour élève de
Haldenwanger, de Guibal et de Scotti, il s'est fait connaître
par des travaux décoratifs, notamment au théâtre de la
Cour à Munich, et par la publication d'un Traité des cou-
leurs,
KLOTZ (Gaspar), peintre allemand, né à Mannheim
en 1773, mort vers 1854, fils du précédent. Elève de son
père, puis de Borner, il devint en 1794 peintre de la cour
de l'électeur Charles-Théodore et ensuite du roi Maximi-
lien ¥^ de Bavière. Il s'adonna surtout à la miniature et
au portrait. On lui doit l'invention d'un instrument, grâce
auquel tout objet, à n'importe quelle distance, peut être
perçu dans sa grandeur naturelle. — Son fils aîné, August,
né à Augsbourg en 1808, mort à Munich en 1863, a
peint des sujets d'histoire sacrée, entre autres le Christ
chez il/mé', des tableaux de genre et des portraits minia-
tures. Son second fils, Karl (1810-34), fut peintre aussi
et mourut en Grèce. E. Gourdault.
KLOTZ (Reinhold), philologue allemand, né à Stolberg
569-
KLOTZ — KNABL
dans l'Erzgebirge, le 43 mars 1807, raort à Kleinzscho-
cher, près de Leipzig, le 10 août 1870. Professeur à Tuni-
versité de Leipzig (1835), il a publié les œuvres de Clé-
ment d'Alexandrie (1831-34, 4 vol.), continué l'édition
d'Euripide de Pflugk, donné une édition complète de Cicé-
ron (1831-56, 11 vol.; 2<^ éd., 1863-72), un excellent
remaniement du Liber de grœcœ linguœ particulis de
Devarius (1835-42, 2 vol.), un dictionnaire latin (avec
Liibker et Hudemann, i 847-57, 2 vol. ; 5« éd., 1874), etc.
KLÛBER (Johann-Ludwig), publiciste allemand, né à
Tann, près deFulda, le lO'nov. 1762, mort à Francfort-
sur-le-Main le 16 févr. 1837. Professeur de droit à Er-
langen (1786), puis à lleidelberg (1807), il séjourna à
Vienne au moment du congrès et publia Akten der Wie-
ner Kongr esses in den Jahren Î8I4- und i8I5 (Er-
langen, 1815-19); il a publié à part une édition plus
complète des actes relatifs à l'Allemagne, Quellensamm-
lung zu dem œffentlichen Redite der Deutsehen Blindes
(1830; suppl., 1833). Il y faut joindre lUebersicht der
diplom. Verhandlungen des Wiener Kong resses {Fvmc-
fort, 3 vol.); OEffentliche ïlechte des Deutsehen Bumles
und der Bundesstaaten (1817; 4*^ éd., 1840, par
Morstadt) ; Droit des gens moderne de l'Europe (Stutt-
gart, 1819, 2 voL; 2« éd. ail. par Morstadt, 1851). Son
ami Hardenberg le fit entrer au service de la Prusse (1 81 7)
et l'emmena au congrès d'Aix-la-Chapelle, mais, après la
mort de son ami, Kliiber fut obligé de donner sa démission.
KLÙGEL (Georg-Simon), mathématicien allemand, né à
Hambourg le 19 août 1739, mort à Halle le 4 août 1812.
Elève de Ksestner à Goettingue, il devint professeur de ina-
thématiques à l'université d'Helmstàdt (1767-87), puis à
celle de Halle. On lui doit une Encyclopœdie der gemein-
nûtzigsten /{^mi^nm^ (Berlin, 1782-84, 3 vol.; 2*^ éd.,
1792-94; suppl. par Muller et Uenner) et un important
Mathematisches Wœrterbnch (Leipzig, 1803-8,3 vol.),
continué par Mollweide et Grunert (1823-36, 4 vol.).
Ses autres ouvrages sont : Analytisehe Trigonométrie
(Brunswick, 1770); Von der besten Einrichtung der
Feuerspritzen (Berlin, 1774) ; Analytisehe Dioptrik
(Leipzig, 1777); Geometrische Entwickelimg der ste-
reogr. Projection (Berlin, 1788), etc. H a publié en
outre de nombreux mémoires de mathématiques et d'as-
tronomie disséminés dans divers recueils, principalement
dans V Astronomisches Jahrbuch de Bode. L. S.
KLUIT (Adrien), publiciste et littérateur hollandais, né
à Dordrecht en 1735, mort à Leyde en 1807. Professeur à
l'université de Leyde, il fut révoqué pour avoir soutenu
les idées de la Bévolution française, mais fut renommé en
1802 professeur de statistique. Il périt victime de la fa-
meuse explosion de Leyde (V. ce mot). Kluit avait acquis
une grande réputation comme poète, comme historien et
comme juriste. Voici les principaux de ses ouvrages : Cons-
pectus historiée criticœ comitatus Hollandiœ et Zelan-
diœ (Utrecht, 1773) ; Historia fœderum Belgii (Leyde,
1790-91, 3 vol. in-8); Histoire de la Constitution des
Pays-Bas jusqu'en i795 (Amsterdam, 1805, 5 vol. in-8).
BiBL. : ScHRANT, Etudesur Kluit et ses écrits (en holl.)'
Leyde, 1846, in-8.
KLUMPP (Friedrich-\Yilhelm) , pédagogue allemand,
né au couvent de Reichenbach, dans la Forêt-Noire, le
30 avr. 1790, mort le 12 juil. 1868. Professeur de gym-
nase à Stuttgart, il soutint que l'instruction doit être don-
née exclusivement dans la langue maternelle jusqu'à dix
ans ; que, de dix à quatorze ans, elle doit être la même pour
ceux qui recevront la culture classique ou la culture mo-
derne (Realschule), la bifurcation n'ayant lieu qu'ensuite.
Ses théories développées dans DieGelehrteSchulen (Stutt-
gart, 1829-30, 2 vol.) firent grande impression"; le roi
lui organisa dans son château de Stetten une école oiiil
put les appliquer; il en rabattit pour se rapprocher de la
tradition admise ; ses plans furent suivis dans le Wurttem-
berg depuis lors.
klUN') publiciste et géographe autrichien, né à Lubla-
nia (Laibach) en 1833, mort à Karlsbad en 1875. Il fit ses
études en Italie et rédigea en 1849 la Laibacher Zeitung,
Il devint ensuite professeur en Suisse, puis à Zara, enfin
à l'Académie commerciale de Vienne. Il fut membre de la
Diète de Carniole et du Beichsrat autrichien. On lui doit
entre autres ouvrages : Handelsgeographie (Vienne,
1860) ; Geographischer Leitfaden (Vienne, 1861-64) ;
Atlas zur Industrie und Handelsgeographie (Leipzig,
1853) ; Vergleichende Statistik des Welthandels, Il a
rédigé VArchiv filr die Landsgeschichte von Krain
(Laibach, 1852-54) et le Diplomatarium Carniolicum
(id,, 1855). L. L.
KLÙPFEL (Karl-August) , historien allemand, né à
Darmsheim, près de Stuttgart, le8avr. 1810. Bibliothécaire
de l'université de Tubingue (1841), auteur d'une Gesch.
der deutsehen Einheilsbestrebungen ÎS4S-1Î (Berlin,
1872-73,2 vol.), d'une histoire de l'université de Tubin-
gue (1848, complétée en 1877), etc., il a publié avec
G. Schwab et continue le Wegweiser durchdie Littera-
tur der Deutsehen (4^éd., 1870 ; 3 suppl. jusqu'en 1879).
KM ET. Ce mot très usité dans les langues slaves paraît
signifier primitivement un chef de famille ou d'exploita-
tion agricole. En tchèque et en polonais, il a pris au moyen
âge le sens de paysan. En Bohème, il désigne aussi au
moyen âge des jurés. En ancien russe, le kmet est un per-
sonnage'considérable, un magnat. En Serbie, le kmet est un
notable paysan. Au Monténégro, c'est un juge arbitre. En
Bulgarie, îe kmet est le maire d'une commune. L'étymo-
logie du mot est inconnue. L. L.
KMETY (Georges), général hongrois, né à Pokoragy
(comitat de Gœmœr) en 1810, mort à Londres le 25 avr.
1865. Il était capitaine lors de l'insurrection de 1849 ; il
avança rapidement, et Gœrgey lui confia une division ;
coupé de l'armée du Haut-Danube en juin 1849, il fit sa
jonction avec Perczel et écrasa l'armée du ban. Après le
désastre de Temesvâr, il se réfugia en Turquie, se conver-
tit à l'islamisme et prit le nom d'Ismaïl Pacha. C'est lui
qui dirigea la célèbre défense de Kars; quand la famine
rendit Ta chute de la place inévitable, il transmit le com-
mandement à Williams et se retira à Erzeroum. Il devint
gouverneur du vilayet de Kastamouni. Il a publié : A Nar-
rative of the défense of Kars (Londres, 1856).
KNAB (Ferdinand), peintre d'architecture allemand, né à
Wurzbourg le 12 juin 1834. Successivement élève de Hei-
deloff, de Kamberg et de Piloty, il a décoré le jardin d'hiver
du roi à Munich et sa villa de Linderliof. Parmi ses ta-
bleaux, remarquables par l'ordonnancement de motifs ar-
chîtectoniques dans un cadre poétique, nous citerons : Une
Cour à Nuremberg, Une Cour à Florence, Ruines ro-
maines, Tombeau dans VAgro romano, Château en
mine de la Renaissance (1866), Cour de cloître à
Brunyien^ Thermes romains^ etc.
KNAB (Louis), ingénieur civil français, né à Paris le
22 nov. 1850. Sorti 'de l'Ecole centrale des arts et manu-
factures en 1873, il a fait son apprentissage de métallur-
giste aux usines du Creusot qu'il a quittées au bout de
cinq ans pour construire dans l'Est et mettre en marche
des hauts fourneaux à grande production, utiUsant les mi-
nerais oolithiques phosphoreux de Meurthe-et Moselle, dont
les gisements ont pris une importance considérable depuis
la découverte de la déphosphoration en aciérie. Répétiteur
de métallurgie à l'Ecole centrale, il a publié divers ou-
vrages intéressant l'industrie : Fabrication et emplois
industriels de /W^r (1889), couronné par la Société
d'encouragement pour l'industrie nationale ; Traité demé-
tallurgie des métaux autres que le fer (1891) ; Traité
des alliages et des dé p(%s métalliques (1892). Collabo-
rateur de la Grande Encyclopédie^ il y traite des articles
concernant les mines, la métallurgie et la technologie.
KNABL (Joseph), scculpteur autrichien, né à Fliess le
17 juil. 1819, mort à Munich le 3 nov. 1 881 . Elève de Franz
Renn à Imst, puis d'Entress et de Sickinger, il s'est sur-
tout attaché à revivifier la vieille architecture de bois.
KNABL ~ KNECHT
570 —
Parmi les œuvres de cet artiste, qui devint professeur de
modelage à l'Académie de Munich, nous citerons : Bap-
tême du Christ, pour Mergentheim, des statues de saints
pour le dôme d'Augsbourg ; le groupe Christ et Apôtres
pour Welden ; V Adoration des Mages pour la chapelle
princière de Vael ; deux statues de la Vierge (pour lord
Acton et la chapelle de Seifried à Augsbourg), et d'autres
sculptures à Mariaberg, à Passau et à Munich.
KN^ERED. Ville de Suède, Isen de Halland; 2,600 hab.
Sa situation à la frontière suédo-danoise on fit souvent le
théâtre de négociations ; des traités y furent conclus en
4258, 4571, 4575, 4580.
KNAPP (Johann), peintre autrichien, né à Vienne en
4 778, mort à Schœnbrunn en 1833. Elève de Drechsler
à l'Académie de Vienne, il a surtout excellé dans la repro-
duction des fleurs, des fruits et des animaux. On peut voir
au musée botanique de la cour sa Flora alpina, énorme
bouquet de fleurs choisies de toutes les parties du monde.
KNAPP (Samuel -Lorenzo), écrivain américain, né à
Newburyport (Massachusetts) en 4783, mort à Hopkinton
en 4838. Il fut colonel d'un régiment delà milice dans la
guerre de 1842. Il dirigea plusieurs journaux à Boston,
et exerça ensuite la profession d'avocat à New York. On
a de lui, entre autres ouvrages : Travels of Ali Bey in
North America (4848); Biographical Sketches of Emi-
nent Laïuyers, Statesmen and Men ofLeiters (4824);
Sketches of Public Characters (4830); American Bio-
graghyim^), B.-H. G.
KNAPSKl (Georges), lexicographe polonais, né en Ma-
zovie en 1564, mort à Cracovie en 1638. Il entra en 1538
dans l'ordre des jésuites, et enseigna ensuite dans les col-
lèges des Pères les mathématiques et la rhétorique. Dans
sa carrière pédagogique, il avait compris l'importance d'un
bon dictionnaire polonais -latin et il entreprit de combler
cette lacune. Après un travail assidu d'une vingtaine d'an-
nées, il commença à publier ses dictionnaires en 1624. Il
divisa son travail en trois parties. La première porte le
titre : Thésaurus polono-latino-grœcus^ seu promp-
tuarium linguœ latinœ et grœcœ Polonorum usui
accommodatum.., (Cracovie, 4624, 4644, 4643, in-fol. ;
très rare); Thesauri polono-latino-grœci tomus II,
latino-polonicus (Cracovie, 4626, 1643,4652); The-
sauri... tomus IIU coniinens adagia polonica (Cra-
covie, 4632, in-4), recueil de proverbes polonais, traduits
en grec et latin. Il a omis les proverbes historiques ou
peu décents, en se bornant à rassembler les proverbes
philosophiques ou ceux qui ont rapport aux mœurs. 'Ce
troisième volume n'a pas été réimprimé. On en rédigea un
extrait sous le titre : Idiotismi polonici (Posen,'4753,
in-4 2). L K.
KNAPTON (George), peintre anglais, né à Londres en
4698, mort en 4778. Elève de Richardson. Il se trouvait en
Italie au moment de la découverte d'Herculanum et publia
un ouvrage sur ce sujet. Parmi ses portraits, assez mé-
diocres, le plus important est celui de la Princesse de
Galles, mère de Georges III, entourée de ses quatre fils et
de ses quatre filles, avec sur ses genoux son enfant pos-
thume, et dans le fond Tefligie en pied de feu son époux
(à Hampton Court) . Il y a dans ce pompeux ouvrage plus
de facture que d'art. Knapton grava aussi les anciens
maîtres. Il était inspecteur royal des galeries de Kensing-
ton. — Son frère Charles, mort en 4760, fut aqua-fortiste
de quelque mérite.
KNARE?BOROUGH. Ville d'Angleterre, comté d'York,
à 26 kil. O.-N.-O. de la ville d'York, dans le ^Vest Ri-
ding, sur le Nidd, affluent de l'Ouse; 48,525 hab. Stat.
du chem. de fer d'York à Harrogate. Fabriques de toiles.
Knaresborough, dans une vallée pittoresque, est une ville
de plaisance. Ruines d'un ancien château.
KNATCHBULL-tîuGESSON (Sir Edward), écrivain et
homme politique anglais, né à Mersham-Hatch (Kent) en
4829. Comme homme pohtique, il représenta à la Chambre
des communes l'opinion libérale d'un des boroughs du
Kent et remplit sous les ministères whigs les fonctions
de sous-secrétaire d'Etat à l'intérieur et aux colonies jus-
qu'en 4874, à la chute de Gladstone. Comme écrivain, il
publia nombre de livres destinés à l'entance : Stories for
my children; Crackers fort Christmm ; Moonshine ;
Taies at Tea-Time ; Queer Folk ; Whispers from Fai-
ryland ; Biver Legends or Biver Thames and Father
Bhine ; Uncle John' s Stories, etc.
KNAUS (Ludwig), peintre allemand, né à Wiesbaden
le 5 oct. 4829. Elève de K. Sohn et Schadow (à Dus-
seldorf), il se consacra de suite à la représentation de
scènes de la vie populaire ; ses premiers tableaux ont encore
la lourdeur et le sombre coloris de.Pécole de Dusseldorf ;
les principaux sont : Ber Bauerntanz (4 850) ; Die Spieler
(4854 , musée de Dusseldorf, réplique au musée de Leipzig) ;
Der Bienenvater (4851); Aller Schiltzt vor Torheit
nicht (4854); bas Leichenbegœngniss in Walde
(4854); Die Grœfln Helfenstein bittetum Schonung
ihres Gatten (1852); Der Taschendieb in dem Jakr-
markt {iS^^). — Knaus se rendit alors à Paris où il
perfectionna sa manière et produisit plusieurs de ses chefs-
d'œuvre (4852-60). Il s'établit à Berlin de 4864 à
4866 et y produisit : Die Wochenstube, Der Taschen-
spieler, Durchlaucht auf Beisen, Der Schusterjunge
und der Leiermann. De 4866 à 4874, il revient à Dus-
seldorf et produit Z)asiirmc^^r/'^5i (1869, musée de Berlin),
Das Leichenbegœngniss in einem hessischen Dorf
(4871); Das Gœnsemœdelien(iS1^); In tausend Aeng-
sten(\mi)', Die Geschwister (4872); Die Berathung
Hauensteiner Bauern (1 873) ; ces œuvres joignent à fa
vigueur du dessin et de la couleur, la naïveté sincère de
l'expression et une grande adresse à caractériser les sen-
timents les plus variés, avec cette pointe d'humour qui
est caractéristique du talent de Knaus. Il perdit de son
naturel lorsqu'il fut appelé à diriger un atelier à l'Acadé-
mie des arts de Berlin (1874) ; ses œuvres suivantes at-
testent du maniérisme, un effort vers la plaisanterie :
Die heilige Familie (1876) ; Die Wirtshausszene auf
schlechten Wegen (1876); Das ividerspenstige Modell
(1877); Salomonische Weisheit (1878); Hinter den
Kulissen (1880, musée de Dresde) ; Die Bacchantin,
Das gehetzte Wild, Fin Fœrsterheim (1886). Il faut
citer parmi ses portraits, d'une expression très fine, ceux
de Helmholtz et de Mommsen (musée de Berlin). Il
a également décoré des intérieurs, imitant les célèbres
tableaux de Watteau (de Potsdam). La plupart de ses
œuvres ont été gravées et photographiées et sont popu-
laires. A.-M. B.
KNEBEL (Karl-Ludwig de), poète allemand, né au châ-
teau de Vallerstein (Franconie) le 30 nov. 1744, mort à
léna le 23 févr. 1834. Officier prussien de 1764 à 1774, il
se lia avec Ramier, Nicolaï, M. Mendelssohn, etc., puis
devint pensionnaire de la cour de Weimar où il fit partie
du cercle des grands écrivains allemands, Gœthe, Herder,
Schiller, et devint l'ami intime de Wieland. Ses poésies
sont de forme très achevée ; elles sont renfermées en un vo-
lume d'hymnes., élégies, etc. ; il a publié une belle tra-
duction du poème de Lucrèce (1821, 2 vol.) et celles des
Elégies de Properce et du Saûlà'Alûm. Ses œuvres com-
plètes ]ont été pubhées par Mundt, avec sa biographie et
sa correspondance (Leipzig, 4835, 3 vol.).
KNECHT (Justin-Henri), organiste et compositeur alle-
mand, né à Biberach (Wurttemberg) le 30 sept. 1752,
mort à Biberach le 44 déc. 1847. Il passa presque toute
sa vie à Biberach comme organiste, sauf deux ans (4807-
09) à Stuttgart comme maître de chapelle. Sa renommée
de virtuose était très grande. Il a écrit de nombreuses
compositions pour l'orgue et le clavecin, des psaumes,
messes, Te Deum, etc., et une symphonie intitulée Ta-
bleau de la nature, sur un programme identique à celui
que Beethoven donna plus tard à sa symphonie pastorale.
Knecht a publié plusieurs ouvrages théoriques, notam-
571 -
KNECHT - KNIÂZNIN
ment: Volstœndigse Orgelschule (1795-98, 3 part.;
trad. franc, par J.-P.-E. Martini). M. Br.
BrsL. : E. Kauffmann, J.-H. Knecht ; Tubingue, 1892.
KNECHTE (Mines). Lanières qui servent à descendre
les mineurs. Les knechtes des mines de Schemnitz sont
formés de lanières de cuir dont l'une sert de siège et l'autre
de dossier ; on garde les mains libres en se renversant sur
ce dossier et attachant la lampe sous le siège. Le mineur
pénètre encore dans certains puits assis sur un bâton ou
dans une boucle du câble dont il tient entre les mains la
partie verticale. Depuis longtemps, on se sert d'un câble
pour descendre les hommes au fond des puits dans les con-
ditions les plus diverses. L. K.
KNELLER, ou plutôt KNILLER (Gottfried ou sir God-
frey), célèbre portraitiste germano-anglais, né à Lubeck
le 8 août 4648, mort à Londres le 7 nov. 1723. Issu
d'une famille ancienne et destiné à la carrière des armes,
il fut envoyé à Leyde pour y apprendre les sciences ma-
thématiques et militaires. Mais saisi par la passion de l'art,
il se mit à étudier la peinture d'abord dans l'atelier de
Rembrandt, puis dans celui de Ferdinand Bol, à Amster-
dam. En 1672, il se rendit en [talie et devint élève de Carlo
Maratta. Peintre d'histoire d'abord, il ne tarda pas à se
vouer exclusivement au portrait, et parvint dans ce genre
à une grande célébrité. Arrivé en Angleterre vers 1676,
il gagna les faveurs de Charles If, qui le nomma son peintre
attitré, charge qu'il conserva sous les quatre régnés sui-
vants. Il reçut le titre de baronnet en 1715. Vanté par tous
les poètes du temps, il méritait ses éloges et l'engouement
de ses contemporains, par des qualités sérieuses, emprun-
tées à une large imitation de la manière de Van Dyck .
Dessinateur correct, coloriste excellent, mais compositeur
par trop fastueux, il sacrifia souvent la simplicité et le ca-
ractère à l'effet. Il avait l'habitude de flatter ses modèles
jusqu'à l'excès, sans que personne s'en plaignît. Son œuvre
est considérable : tous les membres de la maison d'Angle-
terre et tous les personnages de marque ont posé devant lui.
11 fit aussi les portraits de Louis XIV et de la famille royale.
Plus de trois cents de ses toiles ont été reproduites par Ja
gravure, et un monument à l'abbaye de Westminster con-
sacre sa mémoire. G. Pawlowski.
BiBL. : AcKERMANN, Der Portrœmaler sir Godfrey KniU
ler im Verhœltniss zur Kunstbildung sedner Zeit ; Lubeck,
1845.
KNEPPELHOUT (Jean), écrivain néerlandais, né à
Leyde le 8 janv. 1814. Il publia, sous le pseudonyme de
Klikspariy des scènes de la vie des étudiants qui sont en-
core aujourd'hui populaires : Studententypen (1841),
Studentenleven (1844). Le succès en fut énorme et excita
une attente à laquelle ne répondirent pas les ouvrages ulté-
rieurs de l'auteur (essais biographiques et littéraires, récits
de voyages, etc.), malgré ses mérites d'observateur sagace
et de philosophe. Il a réuni ses œuvres en 12 vol. (Levde,
4861-75).
KNER (Budoll), zoologue autrichien, né à Linz le
24 août 1810, mort à Vienne le 27 oct. 1869. Professeur
à Lemberg (1841) et Vienne (1849), il fut un ichtyo-
logue de grand mérite par ses travaux sur la faune du
Brésil, et son grand ouvrage Die Sûsswasserfische der
œsterreichischen Monarchie {awcEeckely Leipzig, 1838),
ses études sur les pêches de la Novara^ son ouvrage sur
lesGanoïdes (Vienne, 1867). Il s'est aussi occupé de l'ar-
chéologie de l'âge de pierre.
KNÊSEBECK (Karl-Friedrich de), maréchal prussien,
né à Karwe, près de New-Ruppin,le 5mail768, mort le
12 janv. 1848. D'une vieille famille brandehourgeoise, il
entra au service en 1782, était major en 1806 et empêcha
le roi d'être fait prisonnier après léna. Attaché à Fétat-major
russe, il donna le plan de la bataille de Pultusk (26 déc.
1806). A partir de 1809, il était partisan de l'alliance
française ; il fut envoyé à l'empereur Alexandre en janv,
1812 pour lui persuader de céder à Napoléon. En 1813,
il était lieutenant général et premier aide de camp du roi
et eut une grande part aux plans de campagne de 1813
et 1814 ; il donna des conseils de prudence, pondérant l'au-
dace de Blûcher et Gneisenau. C'est lui qui fit interrompre
la bataille de Bautzen (21 mai) et négocia à Vienne durant
l'armistice. En 1831, il commandait l'armée d'observation
de la frontière polcmaise. Il s'est vanté à tort d'avoir éla-
boré le plan de campagne de 1812. Il a écrit des poésies
militaires, dont l'une (Lob des Krieyes, 1805) eut un vif
succès.
BiBL. : DuNCKER, Die Mission der Obersten von dem
Knesebeck, 1876, dans Abhandlungen zur preuss. Gesch.
— Lehmann, Knesebeck und Schœn, 1876.
KNESSELAERE. Com. de Belgique, prov.de Flandre
orientale, arr. de Gand, sur le canal de Gand à Bruges;
4,000 hab. Importantes exploitations agricoles, fabriques
de toiles à voiles.
KNIAJEVATS.Ville de Serbie, chef-lieu de cercle, située
sur le Sverhtski Timok, au miheu d'une vallée réputée
pour ses crus; 3,500 hab. Elle fut successivement appelée,
avant 1859, des noms de Timotchka Palanka et de Gour-
gousovats. Les Turcs l'incendièrent en 1876 ; elle a été
depuis reconstruite. Dans le voisinage, on retrouve les ves-
tiges d'une cité romaine, Timatochium.
KNIÂJNINE (Iakov-Borissovitch), poète russe, né à
Pskov en 1742, mort à Saint-Pétersbourg en 1791. Après
avoir servi au collège des affaires étrangères et dans l'ar-
mée, il fut professeur de littérature russe au corps des
cadets et membre de l'Académie russe. Il collabora en cette
qualité au Dictionnaire russe de l'Académie. Il a écrit
des tragédies (Didon, Roslav, laropolk, Vladimir) dans
lesquelles il s'est surtout efforcé d'imiter Corneille ; des
comédies (les Originaux, le Vantard), des odes, des
épîtres, etc. Sa tragédie de Vadim, écrite en 1789 et
publiée en 1793 par la princesse Dachkov, fut jugée
dangereuse et détruite par l'ordre de Catherine IL Kniaj-
lîine appartient à l'école pseudo-classique et manque d'ori-
ginahté. Il a traduit un certain nombre d'ouvrages français,
notamment des tragédies de Corneille et la Henriade. Ses
œuvres furent réunies du vivant de Fauteur (Saint-Pé-
tersbourg, 1787, 4 vol.); elles ont été plusieurs fois réim-
primées, notamment par Smirdine (1847-42, 2 vol.) et
plus récemment par Vengerov dans la Poésie russe (Saint-
Pétersbourg, 1894). L. L.
KNiAZIEWlCZ (Charles), général polonais, né près de
Mitau (Courlande), mort à Paris le 10 mai 1843. Il reçut
son éducation militaire dans le corps des cadets à Varsovie.
Après s'être distingué dans la guerre de l'Indépendance en
1794, sous Kosciuszko, il se retira dans les environs de
Lublin. En 1797, il entra au service de la France et
Bonaparte lui donna le commandement de la 1""® légion
polonaise. Il obtint avec sa légion des succès en Italie,
puis à Bergem, Bornheim, Hohenlinden, etc. Après la paix
de Lunéville, les légions polonaises disparurent malgré les
efforts de Kniaziewicz, qui en garda rancune à Napoléon.
Il rentra en Pologne et se fit agriculteur en Volynie. En
1810 il se maria, mais il perdit bientôt sa femme. En
1811 il prit du service sous les ordres du prince Joseph
Poniatowski et eut le commandement de la XVP division
de la grande armée. Après la chute de Napoléon, il se
fixa à Dresde, ensuite à Paris, où il resta au milieu des
émigrés polonais qui le vénéraient. Il fut enterré à Mont-
morency, auprès de Niemcevicz. J. K.
BiBL. : J. Drzewiegki, Mémoires (en poL); Cracovie,
1891. — Lettres des Polonais éminents (en pol.); Cracovie,
1831.
KN I AZN I N (François-Dionyse), poète polonais, né à Wi-
tebsk en 1750, mort à Konska Wola le 25 août 1807. Il
fit ses études chez les jésuites et entra quelque temps dans
le noviciat de cet ordre. Devenu plus tard secrétaire du
prince Adam Czartoryski, il passa vingt années à Pulawy,
dans la famille du prince, écri\ant des poésies lyriques,
des drames et beaucoup de vers de circonstance. Poète de
second ordre, il fut en Pologne un précurseur du roman-
tisme. Il a traduit des fables de La Fontaine, et composé des
pièces telles que Mère Spartiate (drame) ; Thémistocle
KNIAZNIN — KNIGHT
— 57^2
(tragédie); Tziganes (opéra); Hector (tragédie). Les dé-
sastres politiques, la défaite de Maciejowice, troublèrent son
esprit. Il vécut onze ans dans cet état, entouré des soins
dévoués de son ami, le poète Zablocki. La meilleure édition de
ses œuvres parut à Varsovie en 1828 en 7 vol. J. K.
BiBL. : F. -S. Dmochowski, Notice sur la vie et V œuvre
de Kniaznin^ l'introduction du l®'' vol. de Tédition de 1828
(en pol.). — Aër (A. Rzazfavski), le Premier Poète ro-
mantique (en pol.), Przegiad Polski, 1882.
KNICKERBOCKER. Sobriquet des gens de New York,
visant primitivement les Hollandais qui ont fondé la ville.
KNIEBIS (Mont). Massif de la Forêt-Noire, aux limites
de Bade et du Wurttemberg ; 965 m. d'alt. au Rossbuhl ;
sources du Wolf, affl.de la Kinzi g, de la Murg,derAcher et
du Rench, affl. du Rhin; route stratégique avec d'anciennes
fortifications érigées en 4704 contre les Français ; stations
balnéaires de Rippoldsau, Antogast, Griesbach, Petersthal
et Freiersbach.
KNIEP (Christoph-Heinrich) , peintre et dessinateur alle-
mand, né à Hildesheim en 1748, mort à Naples le 9 juil.
1825. Il fréquenta l'école de Hanovre, travailla tour à tour
comme portraitiste à Hambourg, à Cassel, à Lubeck, à
Berlin, alla ensuite en Italie, accompagna Gœthe en Sicile,
et, revenu à Naples, y devint professeur et conseiller à
l'Académie des beaux-arts. Comme paysagiste et dessina-
teur, il excelle dans la science des détails, le rendu des
monts lointains et vaporeux, mais son feuille manque un
peu de variété.
KNIES (Karl-Gustav-Adolf), économiste allemand, né
à Marbourg en 1821. Il professa à Schafthouse (Suisse), à
Fribourg (Bade). Elu député à la Chambre badoise (1862),
il devint directeur de l'enseignement et s'efforça de le laïciser;
en 1865 il dut se retirer et fut nommé professeur à l'uni-
versité de Heidelberg. Il est célèbre par un livre paru en 1 853,
Die politische OEkonomie vom geschichtlichen Stand-
punkte (2^ éd., 1883), où, l'un des premiers, il pose les
fondements de la méthode historique dans la science sociale
(V. EcoNOMi?: politique) ; parmi ses autres ouvrages, il
faut citer Geld und Kredit (Berlin, 1873-76, 3 vol. ;
2^ éd., 1886 et suiv.).
KN IG6E (Adolf-Franz-Heinrich, baron de), écrivain al-
lemand, néàBredenbeck, près de Hanovre, lel6oct. 1752,
mort à Brème le 6 mai 1796. Il mena une vie errante entre
les petites cours allemandes, s'efforçant, à partir de 1780,
de propager l'illuminisme (V. Franc-Maçonnerie) dont il
publia une apologie sous le nom de Philo (1788); ses
maximes, Ueber den Umgang mit den Menschen (1788 ;
16^ éd., 1878), indiquent une profonde science de la vie,
aboutissant à l'égoïsme; ses romans sont médiocres. On a
publié les œuvres de Knigge (Hanovre, 1804-6, 12 vol.);
Klencke y a ajouté des lettres et papiers divers (1853).
BiBL. : Gœdeke, A. von Knigge; Hanovre, 1844.
KNIGGE (Albert-Otto), peintre allemand, né à BerHii le
14 déc. 1835, étudia d'abord à Weimar, puis dans l'ate-
lier de Couture à Paris. Parmi ses œuvres, où le chaud
coloris des Vénitiens s'allie à une exacte ordonnance, nous
citerons : un tableau d'autel pour l'église de l'hôpital
Sainte- Elisabeth (Berlin) ; la Loreley (Breslau) ; Joseph
d'Arimathie présentant à Marie la couronne d'épines^
et de bons portraits.
KNIGHT. Titre anglais équivalant à chevalier et qui
confère le prédicat de sir,
KNIGHT (Richard-Payne), archéologue anglais, né en
1750, mort à Londres le 23 avr. 1824. Membre du Par-
lement pour Leominster (1780) et pour Ludlow (1784-
1806), il appuya la politique de Fox. Conservateur du
British Muséum à partir de 1814, il légua à cet établis-
sement une très riche collection d'antiques qu'il avait
formée, il a laissé de nombreux ouvrages. Citons : An
Account of the remains of the whorship of Priapus
(Londres, 1786, in-4) ; Analytical Enquiry into the
principles of Taste (1805, in-8) ; Spécimens of an-
cient sculpture (1809-35, 2 vol. in-fol.) et divers écrits
philologiques. R. S.
KNIGHT (Thomas), acteur et auteur dramatique anglais,
mort le 4 févr. 1 820. D'une bonne famille du Dorset, il
débuta en 1782 à York dans le rôle de Lothario et devint
rapidement célèbre. En 1795, il entrait à Covent Garden,
où il créa avec succès une infinité de rôles. Il prit en 1803
la direction du théâtre de Liverpool. Il a laissé diverses
pièces, entre autres : Thelyphthora or the blessings of
two wiues at once (1783); Ho7iest Thieves (1797);
Turnpike Gâte {il 99). En 1787, il avait épousé Mar-
garet Farren qui fut aussi une bonne actrice. R. S.
KNIGHT (Ellis-Cornelia), femme auteur anglaise, née
en 1757, morte à Paris le 17 déc. 1837. Fille de l'amiral
Joseph Knight, fort répandue dans le monde littéraire de
l'époque et liée notamment avec les Reynolds, avec Samuel
Johnson et avec Nelson, elle entra en'^'1813 dans la mai-
son de la princesse Charlotte de Galles et fut mêlée à toutes
les intrigues de la cour d'Angleterre. Elle a laissé une
Autobiographie (1861) qui est un document important
pour l'histoire du temps. Citons encore d'elle : Dinarbas
(1790), sorte de supplément au Hasselas de Johnson ;
Flaminius (1792) ; Sir Guy de Lusignan (1833) ;
Description of Latium or La Campagna di Koma
(1805, in-4), son chef-d'œuvre. R. S.
KNIGHT (Henry-Gally), écrivain anglais, né le 2 déc.
1786, mort à Londres le 9 févr. 1846. Après avoir dé-
buté par des essais littéraires et des poésies, tels que :
Ilderim (1816, in-8), Phrosyne (1817, in-8), Eastern
Sketches (1830, in-8, 3^ éd.), il s'adonna à l'étude de
l'architecture et écrivit des ouvrages théoriques de grande
valeur, entre autres : An Architectural Tour iii Nor-
mandy (1836, in-12), trad. en français (Caen, 1838,
in-8); The Normans in Sicily (1838, in-12 ; trad. en
français, 1839, in-8, et en allemand, 1841, in-8); Sara-
cenic and Norman Remains (1840, in-fol.) ; TheEccle-
siastical Architecture of Italy (1842-44, 2 vol. in-fol.).
Il représenta diverses circonscriptions à la Chambre des
communes de 1828 à sa mort. R. S.
KNIGHT (Henriette) (V. Luxborough [Lady]),
KNIGHT (Charles), littérateur anglais, né en 1791,
mort à Addlestone le 9 mars 1873. Fils d'un libraire de
Windsor, libraire lui-même, journaliste, auteur drama-
tique, il fonda entre autres périodiques le Knighfs Quar-
terly Magazineon écrivirentMacaulay, Malden, deQuincey,
Hill ; le Penny Magazine (1832-45) ; la Penny Cyclo-
pœdia (1833-44), qui tirèrent jusqu'à 200,000 exem-
plaires; la série des Weekly ro/?tm^5, rapidement populaire
grâce à la contribution d'Henriette Martineau, de Lewes,
de Mrs Jameson, etc. ; The English Cyclopœdia (1853-
61), etc. Malgré son esprit d'entreprise, il ne fit pas for-
tune. Il a laissé de nombreux écrits parmi lesquels nous
cit(;rons : The Ménageries (1828) ; Results ofmachinery
(1831) ; Capital and labour (1831); Studies of Sha-
kespere (1849); Passages of a Workincf life (1864-
65) ; Shadows ofthe old Booksellers (1867). R. S.
KNIGHT (John-Prescott), peintre anglais,. né dans le
comté de Stafford en 1803, mort à Londres en 1881.
Elève de l'Académie royale, dont il devint membre en
1844, secrétaire en 1847, et où il professa la perspective
de '1849 à 1860. Il a traité l'histoire. Exposition univer-
selle de Paris de 1855 : la Prédication de John Knox.
KNIGHT (William), écrivain anglais, né à Hardington
(Berwickshire) en 1836. Après avoir terminé son éducation
à Edimbourg, il se livra à l'étude de la philosophie et de
l'économie politique, et publia différents ouvrages qui lui
valurent, en 1876, la chaire de ces sciences à l'université
de Saint-Andrews, puis en 1888, à celle de Londres, le
poste d'examinateur qu'il occupe encore aujourd'hui. Voici
la liste de ses publications : Poems from the dawn of
English Literature to the year 1699 (1863) ; Collo-
quia Peripatetica (1870), qui eut cinq éditions ; Philo-
sophical Classicsfor Eîiglish Readers (1877-89, 14 vol.);
The English Lake as interpreted in the Poems of
Wo7'dsworth (1878) ; Poetical Works of Wordsworth
- 573 -
KNTGHT -- KNOBELSDORFF
(1880-89, 8 vol.); Transactions of the Wordsworth
Society (1880-88) ; Sélections from Wordsworth (1888);
Wordsworthiana (1889) ; Life of Wordstvortk (1889,
3 vol.), etc. H. F.
KNIGHT (Daniel-Ridgway), peintre américain contem-
porain, né à Philadelphie. Elève de l'Ecole des beaux-arts
de Paris, de Gleyre et de Meissonnier, il expose à Paris
et à New York, depuis 1870, des sujets d'histoire et de
genre, des paysages, des scènes rustiques et populaires d'un
sentiment délicat, d'un style élevé, d'un caractère person-
nel et d'une excellente facture. Sa première œuvre ayant
attiré [l'attention était, au Salon de 1871 : Othello chez
Brahantio.
KNILLE (Otto), peintre allemand, né à Osnabriick le
10 sept. 1832. Elève de K. Sohn, Th. Hildebrandt et Scha-
dow à Dusseldorf, de Couture à Paris, il décora, à partir de
1865, le château de Marienburg (près de Nodstemmen) de
scènes empruntées aux légendes thuringiennes, remporta
un grand succès avec un tableau à Thuile, de style ro-
mantique et d'un coloris éclatant, Tannhœuser und Vertus
(1873, musée de Berlin), fut nommé professeur à l'Académie
des arts de Berlin (1875-84), et décora l'escalier de la bi-
bliothèque de l'Université de quatre grandes compositions
très admirées : Jugenderziehung im Altertum (Athènes),
Die scholastische Wissenschaft (Paris), Die Humanis-
ten und Reformatoren (Wittenberg), Die neuklassiker
Deutschlands (Weimar). Il a écrit : Grûbeleien eines
Malers ilber seine Kunst (Berlin, 1887).
KNILLER (V. Kneller).
KNIN. Ville de Dalmatie, sur la Kerka, au pied d'une
citadelle bâtie au xvi^ siècle par les Hongrois et qui eut
une grande importance jusqu'au début de ce siècle. Mar-
ché important.
KN I P (Josephus-Augustus) , paysagiste et peintre de fleurs
hollandais, né à Tilburg le 3 août 1777, mort à Bois-le-
Duc le 1^^ oct. 1847. Elève de son père Nicolas-Frederik
Knip, peintre de fleurs (1742-1809), il vint à Paris
en 1801 et il y suivit les leçons de Spaendonck, et en
1808 il recevait une pension de Louis -Napoléon, roi
de Hollande. Plus tard, il voyagea en Italie et revint en
Hollande en 1813; en 1823, il peignait des portraits
à Paris. Il retourna enfin en 1827 à Amsterdam où il se
mit à peindre des animaux. On voit des paysages de
lui à Rotterdam, et à Amsterdam : Paysage italien
(1818) acheté en 1818 à l'exposition d'Amsterdam
600 florins. Membre de l'Académie d'Amsterdam. Knip
est le père de M°*^ Henriette Ronner, le peintre des chats
(V. Ronner).
KNIP (Henriette-Gertrude), peintre de fleurs, sœur du
précédent, née à Tillmrg en 1783, morte à Haarlem en
1842. Elle vint à Paris avec son frère et fut comme lui
élève de Spaendonck et aussi de Van Dael. Elle a exposé à
Paris, entre autres fois au Salon de 1819. Elle travailla
surtout à Haarlem, la ville des grands horticulteurs du pays,
chez qui elle allait chercher ses modèles et peindre.
KNIPHAUSENou KNYPHAUSEN. Village d'Allemagne,
grand-duché d'Oldenbourg, ch.-l. d'une seigneurie minus-
cule, enclavée dans celle de Jever, appartenant à une fa-
mille frisonne qui la céda en 1624 à l'Oldenbourg ; en 1733
un mariage la fit passer à la famille de Bentinck; elle
garda jusqu'en 1854 une demi-souveraineté et après un
long procès fut réunie à l'Oldenbourg.
KNIPPERDOLLING (Bernard), sectaire anabaptiste,
natif de Munster, mort à Munster en 1536. Expulsé de
sa ville natale, il y revint en 1533 et prit part au mou-
vement anabaptiste et à la constitution du royaume théo-
cratique de Jean de Leyde, dont il fut le bras droit et l'exé-
cuteur des hautes œuvres. Il partagea son sort après la
prise de la ville ; après avoir été exposé dans une cage de
fer, il périt dans de cruels supplices.
Bibl.:Ranke, Deutsche Geschichte im Zeitalter der Re-
forination^ 1881. — V. aussi les art. Anabaptistes et
Jean de Leyde pour le supplément de la bibliographie.
KNIPPING (Erwin-Rudolph-Theobald), météorologiste
allemand, né à Clèvesle 27 avr. 1844. Engagé, à sa sortie
du gymnase, dans la marine marchande, il s'est, après quel-
ques années de navigation, fixé au Japon, et il est devenu
professeur à l'université de Tokio (1871-76), examinateur
des capitaines au long cours (1876-81). Il fait partie de-
puis 1882 du bureau central météorologique de Tokio, où
il a établi en 1883 un service d'annonce du temps. Il a
publié, à partir de 1876, dans les Mittheilungen der
Deutsehen Gesellschaft fur Natur und Volkerkunde
Ostasiens (Tokio), dans les Annalen der Hydrographie
(Berlin), dans les Mittheilungen de Petermann (Gotha)
et dans plusieurs autres journaux et recueils japonais et
européens, de nombreuses observations météorologiques
concernant le Japon et de très intéressantes études sur la
topographie de ce pays qu'il a exploré et mesuré, sur ses
tremblements de terre, ses typhons, etc. On lui doit aussi
une Library Map of Japan au 1/1115800 (Londres,
4879). ^ ^ ^ ^ g^
KN ITC H AN ! N E (Etienne) , homme d'Etat serbe, né à Kni-
tcha (Serbie) le 27 févr. 1807, mort à Belgrade le 26 mai
1855. En 1835, il entra au service du prince Miloch. En
1840, il adhéra au parti de Voutchitch et fut banni. Rap-
pelé en 1842, il devint conseiller d'Etat. H se démit de ses
fonctions en 1848 et passa en Hongrie où, à la tête do
12,000 volontaires serbes, il combattit l'insurrection hon-
groise. Il fit sa jonction avec Bobalitch à Bratzchevgaj
(Banat), mais fut battu par Kiss et rejeté au delà de la
Tisza. Rappelé ensuite en Serbie, par son gouvernement
(févr. 1849), on lui conféra le rang de voiévode, le plus
haut grade alors existant dans l'armée serbe. Il fut mi-
nistre de la guerre et président du conseil (en 1854).
KNiySKJŒRODDE. Cap le plus septentrional de l'Eu-
rope, situé dans l'île Magerœ ; à l'O. du cap Nord, il le dé-
passe de près d'un kil. vers le N. , mais, étant bas et peu
visible de loin, a passé longtemps inaperçu à côté du roc voi-
sin qui domine la mer de' 300 m. H est situé par 71<* 10'
45^'' lat. N.
BiBL. : Broch, le Roy. de Norvège^ 1883.
KNOB (Hermann), architecte allemand, né à Niesse
(Lippe-Detmold) en 1655, mort à Brunswick le 23 déc.
1735. Après avoir pratiqué la menuiserie, Knob fut, à la
suite d'un voyage fait en France et en Italie en compagnie
du duc Antoine-Ulrich de Brunswick, nommé en 1704
architecte du duché ei y fit élever de nombreux édifices
dont l'église prolestante de la garnison et la bibliothèque
à Wolfenbùttel, le tribunal à Brunswick, les châteaux de
Hudensburg et le château de Salzdahlen, ce Versailles
ou plutôt ceMarly du Brunswick, que fit démolir le roi Jé-
rôme de Westphalie en 1811 ; Knob fit encore reconstruire
le château de Wolfenbiittel et dessina plusieurs résidences
privées dans cette ville et à Brunswick. Charles LrcAs.
KNOB EL (Karl-August), théologien allemand, né à
Tzschecheln le 7 août 1807, mort à Giessen le 25 mai 1 863.
Il professa la théologie et spécialement l'exégèse de l'An-
cien Testament à Breslau depuis 1831 , et à Giessen à par-
tir de 1836. H appartient à l'école rationaliste. Ses prin-
cipaux ouvrages furent des commentaires : Koheleth (1836);
Jesaias (1861, 3« éd.) ; Genesis (1860, 2*^ éd.); Exodus
und Leviticus (1858) ; Numeri^ Deuteronomium und
Josua (1861); Die Volkertafel der Genesis {:im^).
KNOBELSDORFF (llans-Georg-Wenceslaus, baron de),
architecte allemand, né à Kuckschaedel en Lusace (Saxe)
le 17 févr. 1697, mort à Berlin le 16 sept. 1753.
Après avoir servi comme officier jusqu'à l'âge de trente-
trois ans, Knobelsdorff étudia l'architecture auprès de Wei-
demann, Kemmeter et de Wangenheim, fit un long voyage
en France et en Italie et gagna la faveur du prince héré-
ditaire de Prusse, Frédéric qui, lors de son avènement à
la couronne, le nomma surintendant de tous les châteaux,
maisons et jardins royaux et directeur en chef de toutes
les constructions royales. On doit à cet architecte, qui
s'inspira surtout du style rocaille pour faire décorer à l'aide
KNOBELSDORFF - KNOLLES
574
d'artistes soavent français les intérieurs des édifices dont
il dessinait les façades en style classique, les œuvres sui-
vantes : rOpéra de Berlin, le château de Charlottenburg et
une aile du château de Mon Bijou, le château et une partie de
la ville dePotsdam, le château de Sans-Souci, etc. Knobels-
dorff fit aussi dessiner, à l'imitation du parc de Versailles,
le parc de Potsdam et la promenade appelée Thiergarten ;
mais à la suite de froissements avec le roi de Prusse, qui
trouvait l'architecture extérieure de Knobelsdorfftrop sévère,
ce dernier entra au service du prince Léopold-Maximilien
de Bavière pour lequel il commença en 4 748 la recons-
truction de Dessau achevée en 1777 par Erdmansdorlï*.
KNOBLAUCH (Eduard), architecte allemand, né à
Berlin le 25 mai 1801, mort à Berlin le 29 mai 1869.
Elève de Schinkel, il a construit beaucoup des maisons du
nouveau Berlin dans les quartiers élégants de l'O. ; ses
chefs-d'œuvre sont l'hôtel de l'ambassade russe, « Sous
les Tilleuls », et la nouvelle synagogue en style mauresque
(1866).
KNOCKMEAKDOWN (V. Irlande, t. XX, p. 948).
KNŒS (Anders-Olofsson), théologien suédois, né à Ma-
rienstad en 1721, mort en 1799. A vingt-deux ans, Knœs
publia à Upsal une thèse : De Principiis et nexu religio-
nis revelatœ et naturalisa qui souleva une vive opposi-
tion de la part de la faculté et fit connaître jusqu'en Alle-
magne le nom du jeune « filosofie magister ». Dans ce
travail Knœs avait soutenu, avec une très grande énergie,
les théories du philosophe allemand Wolf ; il se détacha
cependant graduellement de la philosophie théorique pour
un christianisme essentiellement pratique et, en 1747, se
fit consacrer pasteur. Cela ne l'empêcha pas de se pré-
senter par la suite deux fois, mais en vain, aux fonctions
de professeur de théologie à l'université d'Upsal. Il était, à
sa mort, pasteur à Skara. Ses œuvres principales sont :
Jnstitutiones theologiœ practicœ (il6H) ; Compendium
theologiœ practicœ (1773) ; Lettres à N. N. sur la re-
ligion et la vraie morale (en suédois, 1784).
KNŒS (Olof- Andersen), bibliophile et historien suédois,
né près de Skara en 1756, mort en 1804. Fils du précé-
dent, il fit ses études de philosophie à Upsal et, après soii
examen de candidat, fut nommé sous-bibliothécaire à Stock-
holm. Par la suite, appelé comme professeur adjoint à
Puniversité d'Upsal, il ne réussit pas, malgré ses très réels
mérites, à se faire élire professeur titulaire; candidat
aux fonctions de vice-bibliothécaire de l'université, il n'eut
pas plus de succès. Découragé, il se fit nommer professeur
de grec au lycée de Skara. Ses ouvrages sont très nom-
breux. Parmi les plus importants il faut citer : Historiola
literariapoetarum Vestrogothiœ latinorum (l776-9t)) ;
Historia academiœ Upsaliensis (1783-95) ; Reperto-
rium Sueciœ biograpfiicum, etc. Il est en outre un des
fondateurs de la Société suédoise d'histoire. Th. C.
KNŒS (Gustaf), orientaliste et théologien suédois, né à
Skara en 1773, mort en 1828. Frère du précédent, il eut
plus de bonheur que lui dans sa carrière académique et fut
professeur de langues orientales à l'université. Avec son
frère, il publia une traduction des poésies d' 0^5 mn et, sans
collaborateur, une Chrestomatia syriaca (Gœttingue,
1 807) et une étude, De Lingua Sabœorum, Mais ce qui le fit
surtout connaître ce sont deux opuscules en suédois, où il
se révèle ardent svedenborgien : Dialogue avec moi-même
sur le Monde y les Hommes et Dieu (1824) et Essai
d'explication de quelques questions importantes ([S'il).
KNŒS (Thecla-Levina-Andrietta), fille du précédent,
poète et romancière suédoise, née à Upsal en 1815, morte
aliénée à l'hôpital de Vexiô en 1880. En 1851, elle gagna
le grand prix de poésie de l'Académie suédoise, avec un
poème sur Ragnar Lodbrok. Elle publia ensuite plusieurs
recueils de poésies et de nouvelles: T7'èfle à quatre
feuilles (Pyrsàplingen), Muguets (Konvaljerna), etc. Après
sa mort, la comtesse A. Hamilton a publié d'elle des Notes
(1881) très intéressantes.
KNŒS (Olof-Wilhelm), helléniste suédois, né en 1838.
Professeur à Upsal, il a publié un excellent Manuel d'ar-
chéologie grecque, des éditions de classiques fort estimées,
et plusieurs Etudes sur la langue grecque. — Son frère
Theodor (1849-78) est l'auteur d'un très intéressant ou-
vrage sur la Corse intitulé Skildringar (descriptions),
Frân Korsika. Th. C.
KNOLL (Konrad), sculpteur allemand, né àBergzabern
(Palatinat) le 9 sept. 1829. Il étudia tour à tour à Karls-
ruhe, à Stuttgart, à Munich, et devint professeur au Poly-
technicum de cette dernière ville. Il fut un des artistes qui
collaborèrent à la restauration de la Wartbourg. Sa pre-
mière grande œuvre. Bouclier^ avec un cycle de bas-reliefs
tirés de la légende àaTannhœuser, fut suivie d'une Coupe
pour l'association des étudiants d'Iéna, d'une Sapho en
marbre pour le roi Louis II, du Wolfram d'Eschenbach,
de la Fontaine au poissoîi de Munich, des figures de
bronze de Henri le Lion et de Louis de Bavière (id.), de
la statue de Palm (Braunau), du buste de l'historien
Hœusser (Heidelberg), de la fontaine de Ltither (Eisendich) ,
Parmi ses derniers travaux, nous citerons : le buste co-
lossal de Beethoven, le monument du poète Melchior Meyr
pour Nordlingen, et le buste de l'Empereur d Allemagne
pour Eberfeld.
KNOLLER (Martin), peintre autrichien, né à Steinach
(Tirol) en 1728, mort à Milan en 1804. Emmené à Vienne
par Troger, qui avait deviné son talent naissant, il y eut,
en 1753, le grand prix pour son Tobie fermant les yeux
de son père. L'année suivante, il alla à Borne, où il
changea sa manière, puis (1756) à Milan, où il devint
peintre de la cour, professeur à l'Académie, et fut anobli
par Marie-Thérèse pour une copie d'après Baphaël. Parmi
ses meilleures œuvres, nous citerons: des fresques au
cloître d'Ettal (Tirol), à celui de Gries, à l'église de Vol-
ders, Apothéose d'Albert le Grand (Milan)"; Moïse fai-
sant Jaillir l'eau du rocher (Varese); Ascension de
Marie, Naissance du Christ (Meran) ; Résurrection du
Christ, et Purification (Neresheim).
KNOLLES (Sir Bobert), capitaine anglais, mort en
1407. Originaire du Cheshire, de bonne famille, il servit
d'abord sous sir Thomas Dagworth au siège de La Boche-
Derrien, en juil. 1346. Il était déjà chevalier en 1351,
quand il prit part au fameux combat des Trente. Après avoir
servi plusieurs années en Bretagne, il amena 300 hommes
et 500 archers, en 1356, pour aider Henry de Lancastre
à ravager la Normandie. En 1357, il assista au siège de
Bennes et battit les Français devant Honfleur. Il avait dès
lors organisé sa « grande Compagnie », à la tête de laquelle
il ravagea méthodiquement, pendant longtemps, la Nor-
mandie et la vallée de la Loire sous son propre drapeau.
Le 10 mars 1359, il s'empara de la ville d'Auxerre, dont
il tira une rançon énorme ; la même année, il parla, dit-
on, d'aller chercher le pape dans Avignon, et il fit Du
Guesclin prisonnier, en Bretagne. Jean de Montfort n'eut
pas de capitaine plus affidé que lui dans sa lutte contre
Charles de Blois ; on le trouve en sept. 1364 au siège d'Au-
ray, et il contribua grandement au gain de la bataille
d'Auray (29 sept.), où Charles de Blois fut tué. De Jean
de Montfort, il reçut en récompense les seigneuries de Der-
val et de Bougé. En 1367, il accompagna le prince Noir
dans son ex pédition au delà des Pyrénées et se battit très
bien à Najara (3 avr.). Ses campagnes de 1363 et de
1370 en Aquitaine et en Poitou furent assez heureuses.
Il était à Derval quand Edouard III lui offrit le comman-
dement d'une armée d'invasion, forte de 1,500 hommes
d'armes et de 4,000 archers, qui partit en effet de Calais
sous ses ordres le 22 juil. 1370. Il pilla les faubourgs
d'Arras, fit des démonstrations devant Beims et Paris,
sans réussir à décider les Français au combat. Cependant
la discipline de son armée laissant à désirer, les jeunes sei-
gneurs qui s'y trouvaient ne cachaient pas leur mépris pour
l'aventurier, le « vieux bandit » qui leur avait été donné
comme chef; ils se firent battre par Du Guesclin à Pont-
vallain (4 déc), et KnoUes, réduit à l'impuissance, re-
-. 575-
KNOLLES - KNOMING
tourna à Derval. Cet échec diminua la situation de Knolies
en Angleterre, mais le « sire de Dervai » demeura en Bre-
tagne l'homme de confiance de Jean de Montfort ; il réus-
sit, en 1373, à faire lever à Du Guesclin le siège de Der-
val. On le trouva ensuite guerroyant en Aquitaine (1374),
contre les Espagnols (1377), avec Texpédition de Thomas,
comte de Buckingham, qui fit en 1380 une promenade mi-
litaire, de Calais par la Champagne et la vallée de la Loire,
en Bretagne. En avr. 1381, il était de retour en Anglo-
terre. Il aida Richard II à réprimer la rébelhon de Wat
Tyler. Après cela, il vécut dans le retraite, soit à Londres,
soit à Sculthorpe, en Norfolk. 11 avait amassé une fortune
énorme et prêta fréquemment de l'argent à Richard II .
Avec ses rivaux en brigandage, sir John Hawkwood et sir
Hugh de Calveley, il fonda un hôpital anglais à Rome.
Une Knolies Almeshouse^ (ja'ilîonàsik Pontefract, existe
encore aujourd'hui. — Marié avant 1360, Robert Knolies
n'a pas laissé d'enfants légitimes. — Son nom, que les
Anglais écrivaient Knolies, Knowles ou Knollys, est défi-
guré, dans les écrits français, en Canole ou Canolles. L.
KNOLIES (Richard), historien anglais, né vers 1;550,
mort avant juil. 1610. Fellow de Lincoln Collège, à Ox-
ford, il fut invité, après 1371, par sir Peter Manwood, à
prendre la direction de l'école secondaire de Sandwich
(Kent). On ne sait rien de plus sur sa vie. Knolies est connu
comme l'auteur d'une Gêner ail Historié of the Turkes
from the first beginning ofthatNatio7i (Londres, 1603,
in-foL), sans valeur historique, mais qui passe pour bien
écrite; cet ouvrage fut souvent réédité au xvn^ siècle ; la
dernière édition, revue et augmentée, parut de 1687 à 1700,
en 3 vol. in-foL, par les soins de sir Paul Rycaut. Sou-
they, Hallam, ont fait l'éloge du livre de Knolies. Byron,
peu de temps avant sa mort, écrivait : Old Knolies ivas
one of the first books that gave me pleasure when a
child; and I believe,.. it gave perhaps the oriental
colouring which is observed in my poetry. Knolies a
publié une traduction en anglais de la République de Bo-
din (1606), et traduit la Britannia de Camden. L.
KNOLLYS (bir Francis), homme d'Etat anglais, né vers
1514, mort le 19 juil. 1596. Elu membre de la Chambre
des communes en 1542 par Horsham, et protestant zélé, il
fit une violente opposition au gouvernement à Favènement
de Marie et crut prudent de passer en Allemagne. Il avait
été déjà en relations des plus étroites avec Elisabeth. Aussi
lorsqu'elle monta sur le trône, le nomma-t-elle vice-cham-
bellan de sa maison (1558). Réélu député par le comté
d'Oxford en 1572, il le représenta jusqu'à sa mort ; il oc-
cupa, grâce à son amitié avec la reine, de hautes fonctions,
et, avec une grande indépendance de caractère, lui donna
souvent des conseils qui étaient loin de lui plaire. Il fut
chargé en 1568 de la tâche délicate de surveiller Marie
Stuart à Carlisle, puis à Bolton. Excédé de ses responsabi-
lités, il réclama à plusieurs reprises son rappel, mais en
vain, jusqu'au jour où Marie fut conduite àTutbury (1571).
Il figura dans les procès du jésuite Campion, de Parry, de
Babington et dans celui de Marie Stuart (1586). Il réclama
au Parlement et au conseil privé l'exécution immédiate de
la reine (1587). En même temps, il s'occupait passionné-
ment de polémique religieuse et écrivit même un volume
sur V Usurpation op Papal bishops (Londres, 1608, in-8).
Une partie de sa correspondance a été publiée par Wright
dans son ouvrage sur la reine Elisabeth. — Son fils, Wil-
liam (1547-1632), fut créé comte de Banbury par
Charles P^ le 18 août 1626. R. S.
BiBL. : Naunton, Queen Elizabeth's Favourites. — Pe-
digree of the family of Knollys, 1810.
KNOLLYS (Sir Williams-Thomas), général anglais, né
le i^^ août 1797, mort à Westminster le 23 juin 1883.
Après avoir fait les campagnes d'Espagne, il était en 1850
parvenu au grade de colonel lorsqu'il fut désigné pour faire
l'instruction militaire du prince Albert qui le fit nommer
major général en 1854. En 1855, Knollys fut envoyé à
Paris pour étudier notre système d'intendance; puis il fut
chargé d'organiser le camp d'expérience et d'instruction
d'Aldershot et reçut enfin (1862) le poste de confiance de
trésorier de la maison du prince de Galles qu'il occupa pen-
dant quinze ans. On a de lui : Some Remarks on the
claim to the Earldom of Banbury (Londres, 1835,
in-8) et A Journal of the Russian campaign of i8i2
(1852, in-8), traduit de l'ouvrage du duc de Fezensac.
KNOOP (Guillaume-Jean), général hollandais, né à De-
venter en 1811. Il a publié un grand nombre d'ouvrages
d'histoire militaire très appréciés ; ils ont été réunis sous le
tftre: Etudes militaires et historiques (en holL, Schie-
dam, 1862-68, 8 vol. in-8). Son travail sur la Révolu-
tion belge de i830 {id., La Haye, 1886. in-8) a donné
lieu à de vives polémiques (V. Eenens).
KNOP (Johann), chimiste et naturaliste allemand, né à
Alternau, dans le Harz, le 28 juin 1817. Il a été profes-
seur d'histoire naturelle, puis de chimie, à Leipzig. On lui
doit de nombreux travaux de chimie organique et de physio
logie végétale, dont il a publié les résultats dans la Phar-
maceutische Centralblatt^ devenue la Chemische Cen-
tralblatt et fondée par lui en 18i8. Ces travaux ont porté
notamment sur le phosphore, le brome et leurs composés,
sur les poids spécifiques du gaz et de la vapeur d'eau, sur
la respiration des plantes. Il a été aidé dans ses recherches
par son frère cadet, Adolphe né en 1828, professeur de
minéralogie à l'université de Giessen. L. S.
KNORR (Georg-Wolfgang) , graveur et dessinateur alle-
mand, né à Nuremberg le 30 déc. 1705, mort le 17 sept.
1761. Elève du graveur Leonhard Blanc, il publia d'abord
des vues de la région nurembergeoise dessinées par Dietsch,
des Dialogues des morts entre Albert Durer et Raphaël
d'Urbin, une Histoire générale des artistes, puis des ou-
vrages scientifiques : Thésaurus rei herbariœ horten-
sisque ufiiversalis (Nuremberg, 1750, in-fol.) ; Monu-
mentonim et aliarum quce ad sepulcra veterum per-
tinent rerum, avec Wilhelm Stôr (id., 1753) ; Recueil
de monuments {id,^ 1768-78, 5 vol. in-fol.) ; les Délices
des yeux et de l'esprit ou Collection générale des co-
quillages de la mer (3 vol. in-4) ; Deliciœ naturœ
selectœ (1766-77); les Délices physiques choisies
(1769-76, 2 vol.).
KNORR (Hugo), peintre allemand, né à Kœnigsberg
en 1834. Il étudia à l'Académie de cette ville, acheva de se
former sous Behrendsen, et devint en 1873 professeur au
Polytechnicum de Karisruhe. Parmi ses œuvres, nous cite
rons : Après et Avant la tempête. Ronde de Sorcières au
Brocken, Glacier de Norvège, Fiord Hardanger, la
Saga de Frithiof, Ce que la lune éclaire, le Roi Hiver*
Ses derniers tableaux sont inspirés des monts de la Bavière.
KNORRIA {Knorria Sternb.) (Paléont. végét.). Genre
de Lépidodendrées, représenté par des espèces assez nom-
breuses dans les couches inférieures du terrain carbonifère,
notamment dans le culm de la Silésie, du Harz, etc. Le
K. imbricata a été trouvé en Nassau, dans les Vosges, en
Westphalie et en Silésie ; le K. Ba^/^m/î-a appartient au vieux
grès rouge d'Irlande. — On rencontre généralement le Knor-
ria sous la forme de gros troncs qui se bifurquent plusieurs
fois vers le haut. Lorsque l'écorce est conservée, on y re-
marque des cicatrices losangiques allongées; lorsqu'elle
manque, la surface des troncs présente une série de saillies
imbriquées qui sont d'origine sous-corticale plutôt que fo-
liaire, comme le veulent quelques paléontologistes. D"^ L. Hn.
KNORRING (Frans-Peter von), prêtre et écrivain fin-
landais, né à Kumo en 1792, mort en 1835. Professeur
pendant plusieurs années à l'Ecole de guerre, Jl mourut
pasteur de la paroisse de Finstrom, dans l'île d'Aland. Son
plus important ouvrage est une étude sur la Finlande,
Gamla Finland eller det fordna Wiborska gouverne-
mentet (Âbo, 1833, in-18,avec statistiques et tables).
KNORRING (Sofia-Margareta de), romancière suédoise,
née à Grâfsnâs en 1797, morte en 1848. Elle était fille
du lieutenant-colonel de Zelow et épousa, à vingt-trois
ans, un de ses cousins, major dans l'armée suédoise. Elle
KNORRING — KNOX
576
eut, en 18:^7, une congestion pulmonaire, dont elle ne se
remit jamais tout à fait, et elle passa le reste de son exis-
tence en grande partie dans sa chambre de malade. Elle
composa son premier roman, les Cousins (trad. en franc,
par M"^° du Pugel), vers 1832, pour distraire et consoler
une sœur qui avait perdu coup sur coup son mari et son
enfant; ce roman, elle le publia sans se nommer, après
avoir longtemps résisté aux instances de ses amis, en 1834,
pour pouvoir faire à son mari un présent qu'elle savait
devoir lui être agréable. L'auteur des Cousins (c'est sous
ce nom que parurent tous ses ouvrages) était une nature
généreuse, noble et délicate. Ses romans, d'un style simple
et élégant, d'une psychologie fine, d'une lecture attrayante,
dépeignent surtout la société aristocratique, où vivait la
romancière. Elle a prouvé cependant, dans ses dernières
œuvres, qu'elle comprenait aussi les classes plus humbles
de la société, surtout les paysans. Outre les Cousins, il
faut citer: les Amis (1835); Aœel, les Illusions (1836),
des Esquisses (1841), et enfin des Souvenirs, publiés
après la mort de l'auteur (1861). Plusieurs de ces ouvrages
ont été traduits en allemand et en anglais. Th. C.
KNORTZ (Karl), écrivain allemand, né à Garbenheim,
près de Wetzlar, le 28 août 1841 . Etabli depuis 1863 aux
Etats-Unis (à New York depuis 1882), il défend les inté-
rêts allemands. Parmi ses œuvres, nous citerons : Mœrchen
und Sagen der nordamerikanisehen Indianer (léna,
4871); Amerikanische Skizzen (4876); Longfellow
(1879); Aus den Wigwam, légendes indiennes (1880) ;
Kapital und Arbeitin Amerika (1881); Amerikanische
Lebensbilder (1884) ; Modem American Lyrics (avec
Dickmann, 1880), etc.
KNOUT. Châtiment corporel usité autrefois en Russie.
Le mot knout veut tout simplement dire fouet et est em-
prunté au Scandinave (norse knutr ; comparez l'anglais knot,
nœud). Le knout se composait de lanières de cuir termi-
nées par des boules de métal. Une centaine de coups suffi-
sait pour donner la mort. Ce mode de supplice jouait un
grand rôle dans l'ancienne Russie et avait été officiellement
consacré par VOulejinie ou code d'Alexis Mikhailovitch
(xvn^ siècle). Il a été supprimé en 1845 et remplacé par
le fouet simple {plet), qui a été lui-même aboli en 1863.
KNOWLES (Robert) (V, Knolles).
KNOWLES (Sir Charles), amiral anglais, né vers 1697,
mort à Londres le 9 déc. 1777. Entré au service en 1718,
il se distingua sous les ordres de l'amiral Vernon à Porto
Rello, à la prise de Chagres dont il fut nommé gouverneur
(1739) et participa en 4741 à l'expédition de Carthagène,
Il publia alors anonymement un pamphlet très violent
contre l'armée : An Accou7it of the expédition to Car-
thagena (1743, in-8), qui fit un bruit énorme. Il dirigea
une attaque malheureuse contre La Guayra (18 févr.
4743) et Porto Cabello (15 avr.). Nommé contre-amiral
et commandant en chef à la Jamaïque en 1747, Knowles
s'emparait de Port-Louis le 8 mars 4748, mais échouait
à Santiago le 5 avr., et le 1^^ oct. livrait un grand com-
bat à la flotte espagnole d'où il sortit vainqueur, mais fort
endommagé. Traduit devant une cour martiale, il fut con-
damné à la réprimande. Il redevint gouverneur de la Ja-
maïque en 1752. Il y exerça sans ménagement les droits
de la métropole, transportant, malgré de vives récrimina-
tions, le siège du gouvernement à Kingston et fut rappelé
en 1756. Il commanda en second l'expédition contre Roche-
fort qui tourna à la confusion des Anglais. Violemment
attaqué, il se défendit en publiant : The Conduct of admi-
rai Knowles (4757). Amiral en 4760, il remplit de 4770
à 4774 des fonctions administratives dans l'état-major
russe. R. S.
KNOWLES (James-Sheridan), auteur dramatique an-
glais, né à Cork le 12 mai 4 784, mort le 30 nov. 4862.
Il eut de bonne heure du goût pour le théâtre, et à dix ans
il composait une ballade, The Welch Harper, qui est restée
populaire. Après de nombreux avatars (enseigne, étudiant
en médecine, acteur, instituteur), écrivant des pièces de
théâtre jouées en province, il devint tout à coup célèbre
après la représentation à Covent Garden (4820) d'une tra-
gédie, Virginius, qui eut un grand succès. Rientôt sa
réputation était faite et il fut un des auteurs dramatiques
les plus populaires de son temps. Citons de lui : Caius
Gracchus (1815, tragédie) ; The Beggafs daughter
(1828) ; The Love Chase (1837) ; Old Maids (4841),
comédies; des poésies: Fugitive Pièces (1818); Léo or
the Gipsy (4840) ; Brian Boroihme (4841) ; des nou-
velles : Taies and Novelettes (1832-43); des Lectures
on dramatic literature (1820-50), etc. R. S.
BiBL.: R.-B. Knowles, Life of J.-S. K.; Londres, 1872.
KNOX (John), réformateur écossais, né à Giflordgate
(Haddington) en 4505, mort le 24 nov. 4572. Après avoir
étudié à l'école de Haddington, il fut immatriculé en 4522
à l'université de Glasgow, où il entendit les leçons de John
Major. Entré dans les ordres sacrés, il exerça ensuite la
profession de notaire apostolique à Haddington. Mais c'est
à partir de 4 544 seulement que son autobiographie fait
connaître sa carrière. Ayant adopté les principes de la Ré-
forme, il abandonna la prêtrise et le notariat pour devenir
précepteur des enfants de Hugh Douglas of Longniddry et
du fils du laird de Ormiston. Là, il fut mis en relation avec
le luthérien Wishart, qui, fuyant la persécution, avait
trouvé un asile dans le LothianI On sait qne Wishart, cap-
turé par Bothwell à Ormiston, fut brûlé comme hérétique à
Saint-Andrews (4«r mars 4546) et que, le 29 mai, le car-
dinal Reaton fut assassiné par les amis de Wishart. Knox,
assiégé avec les meurtriers dans le château de Saint-An-
drews, y prêcha si bien qu'il fut choisi comme ministre et
prédicateur. Pris en juil. 4547 par la régente et les Fran-
çais, il fut embarqué sur les galères françaises, où il passa
(à Fécamp, Rouen et Nantes) plusieurs mois. Edouard VI
obtint, en févr. 4549, sa mise en liberté, et il fut envoyé
par le conseil privé à Berwick, sur la frontière d'Ecosse,
où il prêcha deux ans. Puis il officia à Newcastle, avec
le titre de chapelain royal. Il prêcha devant le roi, et re-
fusa, dit-on, l'évêché de Rochester et une cure à Londres,
parce que la discipline de l'Eglise anglicane ne lui parais-
sait pas assez éloignée de celle de l'Eglise de Rome. A l'avè-
nement de Marie Tudor, il s'enfuit à Dieppe. H était alors
marié à Marjory, fille de Richard Bowes of Streatlam
Castle, dont il avait connu la mère à Rerwick; comme Mrs.
Bowes, d'un tempérament mystique et mélancolique, aban-
donna son mari pour suivre son beau-fils dans l'exil, on ne
laissa pas de jaser. An printemps de 4554, il fut présenté
à Calvin, à Genève. Les réfugiés anglais de Francfort-sur-
le-Main l'appelèrent comme pasteur, mais l'excès de son
puritanisme choqua la majorité d'entre eux, et, après de
désagréables débats entre knoxiens et coxiens (partisans
du Dr. Richard Cox), il fut expulsé de Francfort. En nov.
4555, il reparut à Berwick : la Réformation avait fait de
grands progrès dans son pays natal ; il put prêcher à Edim-
bourg, dans la maison de James Sym, à Dan , dans le
West Lothian, dans l'Ayrshire, partout accueilli avec en-
thousiasme parla petite noblesse et les bourgeois ; il écrivit
en 4556 sa fameuse Letter to the queen dowager, que
le comte de Glencairn présenta à Marie de Guise. A la fiin
de l'été 4556, il était de retour à Genève, où il prit la di-
rection de la congrégation anglaise et entra dans l'intimité
de Calvin. On le voit en 4557 prêcher non seulement à
Genève, mais à Dieppe et à La Rochelle. Il se garda bien,
cette année-là, de retourner en Ecosse, malgré l'invi-
tation pressante des comtes d'Argyll, de Lorne, de Glen-
cairn, etc. ; peut-être eût-il partage le sort de Walter Milne
gui fut alors martyrisé par la réaction catholique. En 4558,
il ne publia pas moins de six tracts, à Genève, sur les affaires
d'Ecosse; l'un d'eux, The First Blast of the trumpet
against the monstrous régiment of ivomen est une
violente invective contre les femmes qui se mêlent de gou-
verner ; Knox pensait, en l'écrivant, à Marie Tudor, Ca-
therine de Médicis, Marie de Guise, si hostiles à la Réfor-
mation, mais il n'avait pas prévu Tavènement d'Elisabeth
— 577 —
KNOX - KNUD
(17 nov. 1558), d'une femme, protectrice des réformés.
Elisabeth fut cruellement offensée par l'inopportune trom-
pette de Knox, et son attitude à l'égard de la Réformation
écossaise s'en ressentit toujours. Knox quitta Genève en
janv. 1559. Il prêcha à Perth, à Saint- Andrews, et ses
auditeurs démolirent les monastères ; la «Congrégation » le
suivit en armes à Edimbourg, à Stirling. Encouragé par
l'adhésion d'un grand nombre de nobles et par l'espoir des
secours de l'Angleterre, alarmé, d'autre part, par les ren-
forts envoyés de France à Marie de Guise, il fit prendre à
la « Convention » d'Edimbourg, le 21 oct. 1559, la ré-
solution radicale de déposer la régente. D'abord battus
devant Leith, les réformés obtinrent enfin l'appui d'une
flotte anglaise (traité de Berwick, 27 févr. 1560), Le Par-
lement d'août 1560 adopta solennellement la confession de
foi préparée par Knox, et punit de mort la célébration de
la messe. Knox rédigea aussi le Fù^st Boofc of discipline
qui organisa l'Eglise d'Ecosse suivant le type calviniste,
et le Book of common Order, qui, jusqu'au temps de
Charles P^, tint en Ecosse la place du Book of common
Frayer, Il publia vers le même temps à Genève son Trea-
tise on Prédestination, la seule de ses œuvres qui soit
vraiment d'un théologien. Après la mort de la régente et
l'avènement de Marie Stuart, la question se posa de savoir
si la reine serait autorisée à entendre la messe dans sa cha-
pelle particulière. Knox, toujours intransigeant, était hos-
tile à ce compromis : « Je crains plus, disait-il, une messe
que dix mille hommes. » Toutefois, il dut céder. Pendant
les années suivantes, sa situation en Ecosse fût celle d'une
sorte de dictateur populaire : il jouissait d'une maison et
de 200 marcs de rente ; la reine le faisait appeler pour le
prier de réconcilier le comte d'Argyll avec sa femme, ou de
se relâcher de sa sévérité contre les catholiques; un jour,
elle pleura devant lui ; il avait déclaré que la reine ne se
marierait point avec un papiste : « Pourquoi, dit Marie,
vous mêlez-vous de mon mariage ? Qu'êtes-vous dans cet
Etat? » — « Un sujet, répondit Knox, dont Dieu a fait
un citoyen profitable de ce royaume. Je n'aime pas à voir
pleurer les créatures de Dieu ; je pouvais à peine suppor-
ter les larmes de mes enfants, quand je les fouettais ; mais
j'aime mieux voir couler des larmes royales que de faire
tort à la république par mon silence. » Mis à la porte, il
avertit, en partant, les filles d'honneur que leurs beaux
atours ne leur serviraient de rien contre la mort. — En
1564, Knox, veuf depuis quelques années, se remaria, à
cinquante-neuf ans, avec Margaret Stewart, fille de lord
Ochiltree, âgée de seize ans. Quoique peu favorable à l'union
de Marie avec Darnley, il ne s'y opposa pas. Mais, le
19 août 1565, prêchant à Saint-Giles d'Edimbourg devant
le jeune roi, il fit allusion au châtiment subi par Achab
pour n'avoir point corrigé l'idolâtrie de Jézabel ; il publia
ce sermon ; et le roi et la reine, qui avaient voulu lui in-
terdire la prédication, durent quitter Edimbourg. On ne
sait pas bien quel rôle Knox a joué pendant le Round about
Raid et au moment du meurtre de Rizzio. Il était en An-
gleterre au moment du meurtre de Darnley, mais il revint
après la fuite de Bothwell, et prêcha le sermon au cou-
ronnement du roi Jacques (29 juil. 1567). Le régent Mur-
ray était lié avec Knox ; celui-ci fut tout-puissant pendant
sa régence ; la vieillesse était venue, sans abattre sa vi-
gueur : « Si vous ne frappez pas à la racine, écrivait-il le
2 janv. 1570 à Cecil, les branches mortes reverdiront. »
Il conseillait en ces termes l'exécution de Marie Stuart à
la veille de l'assassinat de Murray (23 janv.). Pendant les
régences de Lennox et de Mar, son influence politique dé-
crut, mais il continua à diriger souverainement l'Eglise pres-
bytérienne. Il prêcha jusqu'à son dernier jour avec sa véhé-
mence accoutumée. Le régent Morton assista à ses funérailles.
— Knox eut de son premier mariage deux fils qui furent fel-
lowsde Saint-John's Collège, à Cambridge, et moururent
sans postérité ; de sa seconde femme, trois filles, dont l'une,
Elisabeth^ épousa John Welsh, ministre d'Ayr. — Après
sa mort, son secrétaire Bannatyne mit en ordre le manus-
GRÂNDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI,
critde son Histvryof the Re formation of the Religioun
within the Reaime of Scotland, achevée dès 1564. Cet
ouvrage, le principal monument de la prose écossaise, fut
imprimé en partie à Londres en 1584; Buchanan en pu-
blia une édition complète en 1664 (Londres, in-foL); il a
été réédité parmi les œuvres complètes de Knox par David
Ldiing (Knox' s Works; Edimbourg, 1864, 6 vol. in-8).
■— Knox, médiocre théologien, qui ne savait pas l'hébreu,
fut un homme d'action; il disait que sa vocation était
d'« enseigner de vive voix en ces temps corrompus, non de
composer des livres pour les âges à venir ». On l'a com-
paré à 0. Cromwell ; mais s'il ressemble au héros anglais par
l'indomptable volonté, il eut plus d'éloquence, moins d'am-
bition mondaine. Puritain étroit et dur, il a modelé l'Ecosse
à son image, celle des prophètes bibliques. Ch.-V. Langlois.
.nâ"^ir- ; Thomas Maccrie, Life of Knox; Edimbourg,
1872, 7« éd. — Fr. Brandes, John Knox; Elberfeld, 1862,
in-8. ~ ^neas Mackay, dans le Dictionary of national
biograpky, XXXI, pp. 308-328.
KNOX (Robert), voyageur anglais, né vers 1640, mort
à Londres en 1720. Retenu prisonnier à Ceylan, oti l'avait
jeté une tempête, il ne réussit à s'échapper qu'après plus
de dix-neuf ans de captivité. Il a laissé une intéressante
relation : An Historical Relation of thelsland ofCeylon
(Londres, 1681, in-foL), qui est le premier ouvrage* im-
primé en anglais sur cette île. Elle a été souvent réimprimée
et traduite en hollandais (1692), en français (Amsterdam,
1693, 2 vol. in-12), en allemand (1747). R. S.
KNOX (John), écrivain écossais, né en 1720, mort près
d'Edimbourg le 1^^ août 1790. Libraire à Londres, il se
consacra, après fortune faite, au développement des pêche-
ries et des manufactures de l'Ecosse. Il a laissé : A View
ofthe British Empire, more especially Scotland(;ilU\
5« éd., 1785, 2 vol.); Observations on the Northern
Fisheries (1786); A Tour through the Highlands of
Scotland and the Hebride Mes (1787), traduction en
français par Mandat (Paris, 1790, 2 vol.). R. S.
KNOX (Vicesimus), écrivain anglais, né à Newington
Grcen (Middlesex) le 8 déc. 1752, mort à Tunbridge le
6 sept. 1821. Directeur de l'école de Tunbridge (1812),
il était entré dans les ordres vers 1777 et jouissait d'nne
grande renommée de prédicateur. Admirateur passionné de
S. Johnson dont il a essayé d'imiter le style, il a écrit une
infinité d'ouvrages qui ont eu un succès considérable. Ci-
tons : Essays moral and literary (Londres, 1778-79,
2 vol. in-8) ; Libéral Education (1781, in-8 • 10« éd
1789, 2 vol. in-8) ; Elégant Extracts (1783, in-4 ;
10* éd., 1816, 2 vol. in-8) ; Winter Evenings (1788,
3 vol. in-12, qu'on réimprimait encore en 1823) ; The
Spiritof Despotism (1795; 11^ éd., 1837, in-8), etc.
Ses OEuvres complètes ont été données en 1824. R. S.
KNOX (William), poète écossais, né à Firth le 17 août
1789, mort à Edimbourg le 12 nov. 1825. De mœurs
crapuleuses, il eut pourtant d'illustres amitiés : Walter
Scott, Wilson, etc. Citons de lui : The Lonely Hearth
(181 8) ; The Songs of Israël (1824) ; The Haro of Sion
(182^). ^
KNOX (IsaCRAiG)(V. Craig).
KNOX VI LIE. Ville des Etats-Unis (Tennessee), sur l'Hols-
ton ; 10,000 hab. Université fondée en 4807. Verrerie.
Entrepôt du commerce de la zone montagneuse de l'Etat
avec New York et Nouvelle-Orléans. Capitale du Tennessee
de li96 à 1817.
KNUD Lavard, c.-à-d. le seigneur {anal lord),mme
danois, ne à Roskilde en 1091 (?), mort en 1131. Il était
le fils d'Erik Eiegod et le neveu du roi régnant, Niels
Celui-ci le nomma gouverneur du Sudjutland pour com-
battre les Vendes Obotrites. Après avoir vaincu leur roi
Henri, il se lia avec lui d'une façon si intime qu'à sa mort
soutenu par l'empereur Lothaire, il lui succéda comme roi
des Obotrites. Sa popularité devint bientôt telle que le roi
Niels conçut des appréhensions et le laissa peut-être assas-
siner ; ce qui est certain, c'est que l'un des meurtriers était
37
Mm — KOBAD
MagDQs, le propre fils de Niels. Une source jaillit, dit-on,
à Tendroit où Knud avait péri. Tii. C.
BiBL. : Allen, Histoire du Danemark, traduite par
-b. Beauvois ; Copenhague, 1879.
KNUDSEN (Hans-Kristian), acteur danois, né en 4763,
mort en 1816. Dès ses débuts, il obtint de grands succès
de scène, surtout dans les rôles comiques et comme chan-
teur. Il était un patriote ardent: avant le combat du 2 avr.
1 801 , il réussit à exciter par ses chants l'enthousiasme
guerrier de ses compatriotes ; sa conduite dévouée et cou-
rageuse, pendant le bombardement de Copenhague, en 1807,
lui assura la reconnaissance des habitants de la ville. Ses
funérailles prouvèrent combien il avait su gagner l'admi-
ration et Testime de tous. Th. C.
KNUDSEN (Knud), philologue norvégien, né en 1812.
Il s'est efforcé de restituer à la\ngue norvégienne son ca-
ractère propre et d'en éliminer les éléments étrangers ; il
veut que le norvégien soit purement norvégien. Son principal
ouvrage à côté de très nombreuses études de pédagogie et de
grammaire norvégienne, est un grand vocabulaire intitulé
Unorsk og Norsk (non norvégien et norvégien, 1881).
,Ç KNUPFER ou KNUFER (Nikolaus), peintre allemand,
né à Leipzig en 1603, mort à Utrecht après 1646. Elève
d'Emmanuel Nysse à Leipzig, et d'Abraham Bloemaert à
Utrecht, il s'établit dans cette dernière ville en 1630 et
devint un maître dans le genre hollandais. Parmi ses ta-
bleaux (scènes d'histoire et d'intérieur), remarquables par
la vigueur du coloris, et qu'on retrouve à Brunswick, à
Cassel, à Dresde, à Copenhague, nous citerons : Solon
devant Crésus, Saint Paul enchaîné devant Festus,
Concert de famille^ Fête de la Saint- Jean à Leipzig.
Il a eu pour élèves Jean Steen et Arie de Vois.
K N Û S E L (Melchior-Martin-Joseph) , homme d'Etat suisse,
né à Lucerne en 1813, mort à Lucerne le 14 janv, 1889.
Il fit son droit en Allemagne. Dès 1840 il entra dans la
magistrature lucernoise comme juge, puis comme procureur
général. En 1852, il est conseiller d'Etat du cant. de Lu-
cerne; en 1854, conseiller national et dès 1855 conseiller
fédéral, soit membre du gouvernement central de la Confé-
dération. Il a été président de la Confédération en 1861 et
en 1866. Jusqu'en 1875, année où il prit sa retraite, il
occupa tous les départements, sauf les postes et le militaire.
En 1881, il ne fut pas réélu au conseil national et se retira
alors définitivement de la vie publique. Il faisait partie de
la gauche modérée. E. Kuhne.
KN UST (Heinrich-Friedrich), canoniste, né àLinden (Ha-
novre) en 1807, mort en 1841. OEuvres principales : De
Fontibus et consilio pseudo-Isidori collectionis (Gœt-
tingue, 1832, in-8); De Benedicti levitœ collectione
capitularium (Francfort, 1836, in-8).
KNUT, rois de Danemark (V. Canut).
KNUT Eriksson, roi de Suède, date de naissance in-
certaine, mort à Eriksberg en Vestrogothie en 1196 (?).
C'était le fils d'Erik le Saint ; il eut à soutenir plusieurs
luttes avant de monter sur le trône paternel et dut passer
quelques années en Norvège comme fugitif. En 1167, il
reprit l'avantage sur son compétiteur, le roi Charles Sver-
kersson, qui périt dans la lutte ; après avoir défait encore
Kol et Burislev, chefs du parti des Sverker, il put succéder
à son père en 1668. Il eut à lutter, pendant un règne de
plus de vingt-cinq ans, contre les pirates de la Baltique,
qui faisaient de fréquentes incursions dans son pays. Un
des principaux événements de son règne est le traité de
commerce qu'il conclut avec le duc Henri de Saxe. A sa
mort, il laissa quatre fils, dont l'un, Erik, lui succéda
comme roi de Suède. Th. C,
KNYCHIN. Ville de Russie, gouvernement de Grodno,
sur le ch. de fer de Brest-Litovsk à Graievo; 5,000 hab.
Toiles ; draps. Ce fut la résidence favorite du roi de Po-
logne Sigismond-Auguste qui y créa un superbe haras. Ce
fut aussi le foyer du calvinisme en Pologne et en Lithua-
nie. Les guerres contre la Suède la ruinèrent.
KNYFF (Alfred de), peintre belge contemporain, né à
578 -
Bruxelles en 1829, mort en 1885. Cet artiste s'est adonné
au paysage ; il a pemt des vues de la forêt de Fontainebleau
(Souvenir de Chennevières, etc.), un Coucher de soleil
dans la Campine, Lande écossaise, le Village de Clair-
vaux, Villers-Cotterets, Prairies de Lagrange, Em-
bouchure de la Meuse.
KNYSNA (Riv.) (V. Cap [Colonie du], t. IX, p. 148).
KNYTLINGASAGA, c.-à-d. saga des descendants de
Knut. C'est l'histoire des rois du Danemark, de Harald
Gormsson (940) jusqu'à 1186 environ. Cette saga, dont la
vie de Knut le Saint forme le centre, semble avoir été
composée vers 1250. L'auteur en est probablement Olof
Tordsson Hvita-skald, neveu du célèbre Snorve Sturlas-
son. Elle est publiée dans la collection intitulée Forn-
manna sôgur (vol. XI). xh C
KO (île) (V. Cos).
KOALA (Phascol arctos) (Zool.). Genre de Mammifères
Didelphes appartenant à la famille des Phalangers (V. ce
mot) dans laquelle il forme une sous-famille caractérisée
par l'absence de prémolaires rudimentaires en avant de
l'unique prémolaire supérieure. Il existe des abajoues. L'es-
tomac est muni d'une glande cardiaque ; le cœcum est très
long, renflé et muni de replis nombreux. Le genre qui
compose à lui seul cette famille présente la formule dentaire
suivante :
.31 14
1. j, c, g, pm. -, m. I X 2 = 30 dents.
Les incisives antérieures sontgrandes, ayant la disposition
de celles des Rongeurs et particulièrement des Lièvres, les
deuxième et troisième paires supérieures étant petites; la ca-
nine est très faible, séparée des prémolaires. Les molaires ont
une couronne carrée à quatre tubercules. Les pattes anté-
rieures ont cinq doigts réunis en deux groupes, les deux
internes opposables aux trois autres, tous munis d'ongles
recourbés et comprimés. Les pattes postérieures ont le
pouce inséré très en arrière, très grand et opposable, le
second et le troisième doigt soudés et plus petits que les
deux externes. Pas de queue visible à l'extérieur. Les
oreilles sont moyennes, arrondies, touffues. Le pelage est
épais et mou. La seule espèce vivante, le Koala ursïn
{Phascolarctos ciiiereus) ou VOurs indigène des colons
australiens, est un animal à formes trapues, à museau court
et à XkiQ arrondie, atteignant 70 centim. de long. Son pe-
lage est grisâtre. Il habite le S.-E. de l'Australie où il vit
sur les arbres à la manière des ours, grimpant facilement
à Faide de ses griffes aiguës. Il se cache dans le tronc
creux des Eucalyptus, dont il dévore les bourgeons et les
jeunes pousses, ne descendant à terre que pendant la nuit.
— Des débris fossiles trouvés dans le quaternaire d'Aus-
tralie indique l'existence antérieure d'une espèce de plus
grande taille que l'on a distinguée génériquement sous le
nom de Koalemus (V. Didelphes). ' E. Trouessart.
KOANG-OU-TI. Nom posthume du premier empereur de
la dynastie des seconds llan ou Han orientaux; il régna de
l'an 25 à l'an 57 ap. J.-C. Son nom de famille était Lieou
et son nom personnel Sieou, Il était membre de cette famille
Lieou de laquelle étaient sortis tous les souverains de la
première dynastie Han. En l'an 23 ap. J.-C, l'usurpateur
Wang-Mang avait été renversé du trône et les partisans de
la famille Lieou avaient nommé empereur un certain Lieou
Hiuen-tchoen ; mais ce souverain se montra incapable et,
au bout de deux ans, Lieou Sieou le supplanta. Koang-
ou-ti ne tarda pas à vaincre les derniers rebelles dont le
plus dangereux, Wei Hiao, mourut en Fan 34, Son règne
fut rendu glorieux par la belle campagne du général Ma-
Yuan au Tonking.
KOBAD [«^. La vraie orthographe est Kavât (avesta,
Kavâta; gr., KaSaSiQç). Roi de la dynastie sassanide de
Perse, fils de Péroze ou Firouz, né vers 468. Lors de la
malheureuse expédition de ce dernier chez les Ephîha-
lites, en 484, Kobad tomba au pouvoir du vainqueur. Rentré
en Perse après la paix, en 485, pendant le règne de Balash,
- S?9-
ÎCOBAÎ) - KOBËLL
qui avait succédé à Firouz, il retourna chez les Ephthalites
où il fit un nouveau séjour de trois ans. Après la mort de
Balash, son oncle, il fut rappelé et monta sur le trône en
488; mais, ayant adopté les doctrines de l'hérésiarque
Mazdaq (dont il épousa la fille Sambyce) et qui prêchait la
communauté des femmes, il fut déposé par les mages (498)
et enfermé dans le château de l'Oubli en Susiane (V. Pro-
cope, Agathias et Tabari) d'où il s'échappa pour se réfugier
une troisième fois chez les Ephthalites. Il obtint en mariage
la fille du khaqân et une armée qui lui permit de reprendre
possession de son trône. Djamasp, qui avait été mis à sa
place, fut jeté en prison. C'est alors que commence le second
règne (502) de Kobad.
Dès le début de cette seconde période, Kobad se trouve
aux prises avec les mêmes Ephthalites, auxquels il ne put
payer la récompense promise, et avec l'empereur Anastase
qui refusa de lui prêter la somme. Kobad entra à l'impro-
viste dans l'iVrménie romaine et s'empara, après un long
siège, de Théodosiopolis (Erzeroum) etd'Amida, mais il rendit
peu après cette dernière place contre le payement, par Anas-
tase, de 1,000 livres en poids d'or. Il se tourna alors contre
les Ephthalites avec lesquels il fut en guerre pendant près
de dix ans (503-512) ; nous n'avons à ce sujet qu'une
indication sommaire faite par les historiens byzantins, les
auteurs orientaux ne nous ayant laissé aucun détail. En
515, les Huns Sabirs du Caucase, dont le chef était Ziligdès
ou Zilgibis, firent de leur côté irruption sur le territoire
perse qui s'étendait jusqu'aux défilés de Derbend ; Kobad
les repoussa de l'autre côté du Caucase. En 518, l'empe-
reur Anastase mourut et eut pour successeur Justin P^.
C'est à ce dernier que Kobad s'adressa pour faire recon-
naître et adopter comme successeur légitime au trône de
Perse, Khosroès, le plus jeune des enfants de Kobad, qui
n'était pas l'héritier présomptif. Justin consulta le Sénat,
fit traîner les négociations et finalement refusa (520-523).
Ce refus fut la cause d'une nouvelle guerre : les troupes
perses, sous la conduite de Boès, s'emparèrent de l'Ibérie et
d'une partie de la Lazique (525) pendant que BéUsaire était
battu en Persarménie (526) et à Nisibis (528) ; mais,
l'année suivante, l'armée romaine, renforcée de corps de
Cadusiens, de Massagètes, de Hérules sous le commande-
ment de Bélisaire et d'ilermogènes, infligea une sanglante
défaite aux Perses ; tout le corps dit « corps des immortels »
fut massacré (529). Kobad rassembla une nouvelle armée
qui remporta quelques avantages, mais sa mort amena la
fin des hostilités (531 ) .
Kobad entretint des relations diplomatiques avec les Eph-
thalites et les puissances de la Îlaute-Asie. Les Annales
chinoises nous ont conservé le texte d'une lettre envoyée
par lui à l'empereur de la Chine en 518. En voici le texte
d'après la traduction de Pauthier : « Au fils du Ciel, sou-
verain du grand royaume, que le ciel a fait naître et qu'il
a placé là où le soleil se lève pour régner éterneUement sur
l'empire des Han, le roi du Royaume de Po-ssé (Perse)
Kiu-ho-'îo (Kobad) offre respectueusement, mille, dix mille
fois hommage à S. M. impériale, en la priant de les agréer. »
Kobad avait fondé de nooibreuses villes qu'il peuplait en
partie avec des prisonniers de guérite. Le Modjmel, ïabari
etllamza en ont donné la liste; on peut citer Ilolvân, Kazc-
roun et, sur l'Oxus, Termed.
Les monnaies d'argent de Kobad sont très nombreuses ;
celles du premier règne ne portent aucune date. C'est seu-
lement depuis sa restauration que l'on a la série des dates
de l'an XIIl à l'an XLIII (501 à 531). On ne connaît qu'une
seule médaille d'or de ce prince; elle a été publiée en
1893. E. Drouin.
BiBL. : Les historiens byzantins, notamment Procope,
yeBello Persico^ et les historiens orientaux, FiRnousi, Ta-
E. Drouin, Une Médaille d'or de
(V. CniROÏÉ).
KOBANG. Ancienne monnaie japonaise, composée d'or
et d'argent, en proportion variable, le poids total du ko-
b ang diminuant continuellement depuis l'origine jusqu'à la
Del
BARI, MiRKHOND. etC
Kohad, 1893,
KOBAD I
période récente, tandis que la proportion d'argent aug-
mentait ; les kobangs frappés en 1858-66, pour un poids
total de 38^32, contenaient le' 38 d'argent, tandis que
ceux frappés au commencement du xvii® siècle, pour un
poids total delTsï'Tô, ne contenaient que 2b"''43 d'argent.
La valeur du kobang a varié de 50 fr. environ à 6 fr. 50.
KOBDAS (V. CoBDAs).
KGB DO (mongol Chommo, forteresse). Ville de l'empire
chinois, capitale d'un gouvernement de la Mongolie occiden-
tale, près du lac de Kobdo ou Kara-ousy et du Bouiantou
ou fleuve de Kobdo qui vient des monts Alatau et finit
dans ce lac. Comme toutes les places chinoises de la fron-
tière, Kobdo comprend une cité militaire et une cité mar-
chande {maïmatchin) ; la forteresse carrée, mais dont les
hauts remparts tombent en ruine, renferme une petite
garnison et les autorités chinoises ; elle est contiguô à un
grand parc. La cité commerciale comprend deux longues
rues qu'une troisième coupe à angle droit ; la première ren-
ferme environ 70 hôtels des grands négociants ; les autres
n'ont que des boutiques. Aux extrémités sont trois temples ;
au dehors un quatrième dans l'enceinte murée du riche cou-
vent des lamas. La ville n'a qu'un millier d'habitants chi-
nois sédentaires, mais autour se dressent les tentes de
nombreux pasteurs kalmouks et mongols khalkas ; en été
il y vient aussi beaucoup de Kirghis. La Russie a un consul
à Kobdo, dont l'importance commerciale augmente rapide-
ment. Sur l'arrondissement ou gouvernement de Kobdo,
V. Mongolie. — On appelle plateau de Kobdo l'angle oc-
cidental de la Mongolie entre l'Altaï au S. et le Tanny-ola
ou Tannou auN., avec les bassins fermés des lacs Oubsa-
nor, Kirghiz-nor, Dourga-nor, Kara-oussou (de Kobdo), etc.
(V. Asie).
KOBÉ (Japon) (V. Hiogo).
KOBÉLIAKI. Ville de Russie, gouvernement de Poltava,
au confluent de la Kobéliatchka et de la Vorskla, affluent
gauche du Dniepr, sur le eh. de fer de Kharkov à Elisa-
bethgrad; 15,000 hab. Toiles, lainages. Grande foire (au
jour de la Trinité). Auprès est le village de Perevolotchna,
où l'armée suédoise mit bas les armes après le désastre de
Poltava. — Le district de Kobeliaki, au S. du gouverne-
ment, a 3,557 kil. q.
KO BELL (Ferdinand), peintre de paysages et graveur
allemand, né à Mannheim le 7 juin 1740, mort à Munich
le l^"" févr. 1799. Son père était conseiller de l'électeur
palatin et il lui fit faire des études de droit à Heidelberg;
mais le prince Charles-Théodore ayant vu un paysage de
lui favorisa son goût de la peinture. Kobell prit d'abord à
Mannheim des leçons de Peter Verschafî'elt, puis il reçut
du prince une pension pour venir terminer ses études d'art
à Paris, où il arriva en 1768. A son retour dans le Palati-
nat, il fut nommé peintre de la cour et en 1793 il devint
directeur de la Galerie de Munich. Les musées de Karlsruhe,
de Darmstadt, d'Aschaffenburg, de Stuttgart et d'Augs-
bourg ont des paysages de lui. Mais Kobell a surtout gravé
et avec succès de nombreux paysages et fêtes champêtres.
Ses eaux-fortes ont été réunies par Frauenholz (Nurem-
berg, 1809) et par Rugler (Stuttgart, 1842). Un catalogue
de ses estampes a été dressé par Stengel (Nuremberg,
1822). Etienne P)Ricon.
KOBELL (Franz), peintre et dessinateur allemand, frère
du précédent, né à Mannheim le 23 nov. 1749, mort à
Munich le 14 janv. 1822. Il fut envoyé par son tuteur
comme apprenti chez un commerçant de Mayence et il y
resta quatre ans faisant à ses heures perdues àes paysages
et des dessins d'architecture. Ennuyé du commerce, il re-
vint à Mannheim ; il y profita comme son frère des libé-
ralités de Charles-Théodore et grâce à elles il put passer
neuf ans en Italie, de 1776 à 1785. Revenu d'Italie, il ha-
bita toujours Munich et fut nommé peintre de la cour en
1796. On voit quelques-uns de ses paysages à Munich et
à Weimar, mais Franz Kobell a surtout laissé des dessins
à la plume dont le nombre est évalué à plus de dh mille.
KOBELL (Hendrik), peintre et dessinateur hollandais,
KOBELL — KOBERSTEIN
— 580 -
né à Rotterdam en 1751, mort à Rotterdam en 1782.
Destiné au commerce, il le quitta pour la peinture. Il a
beaucoup voyagé en Angleterre et y a peint des marines
qui sont estimées; il a laissé un grand nombre de croquis,
li fut nommé membre de l'Académie d'Amsterdam en 1770.
Fokke, Sallieth et Brookshaw ont gravé plusieurs de ses
tableaux ; lui-même en a gravé quelques-uns.
KO BELL (Wilhelm), paysagiste et peintre de batailles
allemand, fils et élève de Ferdinand Kobell, né à Munn-
heim le 6 avr. 1766, mort à Munich le 15 juil. 1855. Il
voyagea d'abord en Italie vers 1780, puis il se prit à étu-
dier, surtout à Dusseldorf, l'œuvre de Wouwerman. Pro-
fesseur de l'Académie de Munich en 1808, membre de
l'Académie de Berlin en 1791 et de celle de Vienne en
1808, il fit des séjours à Paris et à Vienne en 1809 et en
1810. Il avait peint d'abord des paysages et des animaux ;
mais plus tard il peignit surtout des batailles. Ses tableaux
sont à la nouvelle Pinacothèque de Munich (Prise d'Ulm),
à Berlin, à Karlsruhe, à Francfort, à Leipzig, à Weimar et
à Darmstadt. W. Kobell a aussi gravé des vues de Munich,
des vues romaines, et des animaux et des paysages d'après
Berghem, Wouwerman et RuisdaeL
KOBELL (Jan), peintre d'animaux et graveur hoUan-
dais, fils de Hendrick, né à Delfshaven, près de Rotterdam,
en 1779, mort à Amsterdam le 23 sept. 1814. Elève de
Van der Wall, il étudia beaucoup l'œuvre de Paul Potter.
Il eut une médaille d'or au Salon du Louvre en 1812. On
voit des tableaux de lui au musée d'Amsterdam : Paysage
en Gueldre, Paysage avec bétail (1804), Bœufs dans
la prairie (1806) ; et aussi au musée de Rotterdam.
KOBELL (Jan), paysagiste et peintre d'animaux hol-
landais, né à Rotterdam le 18 avr. 1800, mort à Rotter-
dam le 8 nov. 1838. Son père, qui était graveur, était le
frère d'Hendrik Kobell. Elève de l'Académie de Rotterdam.
Au musée d'Amsterdam : Paysage avec des vaches.
KOBELL (Franz-WoUgang von), minéralogiste et poète
allemand, né à Munich le 19 juil. 1803, mort à Munich le
11 nov. 1882. Petit-fils du paysagiste Ferdinand Kobell
(V. ci-dessus) et fils de Franz von Kobell, homme d'Etat bava-
rois (1779-1850), il étudia la chimie et la minéralogie à
Landshut (1820-23) et fut nommé en 1826 professeur de
minéralogie à l'université de Munich, en 1856 conservateur
en chef de la collection minéralogique, dont il était, depuis
1823, conservateur adjoint. Il faisait partie de l'Académie
des sciences de Munich (1 842), de celle de Saint-Pétersbourg
(1849) et d'une vingtaine d'autres sociétés savantes. Il a
grandement contribué aux progrès de la minéralogie par son
enseignement, par ses méthodes nouvelles d'analyse miné-
rale et par ses propres découvertes qui embrassent un
nombre considérable d'espèces ignorées ou mal connues avant
lui. Il s'est aussi beaucoup occupé de cristallographie, de
morphologie et de pétrographie. Il a inventé le stauroscope
(1855), pour l'étude optique des cristaux, et un électroscope
très sensible (1863). On lui doit également la découverte
de la galvanographie (V. ce mot), procédé galvanique de
gravure sur cuivre qu'il trouva en voulant répéter les
récentes expériences galvanoplastiques de Jacobi, dont le
duc de Leuchtenberg venait de lui donner connaissance.
Il a pubhé dans les A^ueigen et les Sitzungsberichten
de l'Académie de Munich, dans les Archiv de Kastner,
dans les Annalen de Poggendorff, dans le Journal d'Erd-
mann, etc., plusieurs centaines de mémoires originaux et
de notes. Il a, en outre, donné à part : Charakteristik
der Mineralien (Nuremberg, 1830-31, 2 vol. in-8); Ta-
feln zur Bestimmung der Mineralien mittelst che-
mische Ver suche (Munich, 1833, in-8; 12® éd., 1881),
excellent manuel de laboratoire, qui a été traduit en sept
langues; Lehrbuch der Minéralogie (Nuremberg, 1838;
5® éd., Leipzig, 1878); Die Galvanographie (Unnich,
1842, in-4 ; 2^ éd. 1846) ; Skizzen aus dem Steinreiche
(Munich, 1850, in-8) ; Die Mineralnamen (Munich, 1853,
in-8) ; Geschichte der Minéralogie (Munich, 1864), ou-
vrage qui forme le second volume de la grande Geschichte
der Wissenschaften in Deutschland, etc. Il s'est acquis,
d'autre part, une grande notoriété comme poète, principa-
lement par des mélodies populaires en dialectes bavarois et
palatin, chansons à boire et lieder d'amour, d'un charme
naïf et d'une saveur rustique, dont quelques-uns ont été
mis en musique par Abt, Gumbert, Gunz, etc. : Gedichte
in oberbayr. Mundart (1842 ; 9« éd., 1882); Gedichte
in pfœlz. Mundart (1844; 6« éd., 1876). A citer encore
les recueils et poèmes suivants : Schnadahûpfln und
Sprûchln (1847; 2« éd., 1852); Uochdeutsche Ge--
dichte (1852) ; Der Hansl vo' Finsterwald. Der schwarzi
Veitl. Sliramner-Besei ({%m\ 2« éd., 1876) ; Die Ur-
zeit der Erde (1856) ; Fàlzische Geschichte (1863), etc.
Il a écrit enfin quelques livres de chasse : Wildanger-
Skizzen aus dem Gebiete der Jagd und ihrer Ges-
chichte (Stuttgart, 1859) ; Jagdliche Erinnerungen
(Munich, 1876), etc. Léon Sagnet.
BiBL. : L. von Kobell, Franz von Kobell ; Munich, 188 J.
— V., pour la liste complète de ses écrits scientif., VAlma-
nach der baier. Akad., 1875 et 1878, et, pour ses publ. litt.,
le Dichterlexicon de Briimmer, I, 451, et le Schriftsteller-
lexicon de BormaiUler, p. 392.
KOBER (Ïgnace-Léopold), éditeur tchèque, né à Prague
en 1825, mort à Janske Lazné en 1866. Après avoir ïait
à Vienne des études incomplètes, il fut d'abord apprenti
serrurier, puis colporteur de librairie. En 1852, il fonda
une petite librairie à Tabor, puis s'établit à Prague, y créa
une maison d'édition et une imprimerie. Comme éditeur,
il a rendu à la littérature tchèque les plus grands services.
H a publié la première Grande Encyclopédie tchèque, les
Antiquités de Mikovec, la Chronique tchèque morave
de Zap, et une Bibliothèque nationale qui renferme les
œuvres des écrivains les plus distingués. Sa veuve, plus
tard, et son fils ont maintenu à sa librairie la situation
importante qu'elle a su conquérir non seulement en Bohème,
mais dans tous les pays slaves. L. L,
K0BER6ER ou K0BUR6ER (Anthoni), libraire alle-
mand de Nuremberg, mort le 3 oct. 1513. D'une vieille
famille de la ville, il y organisa, vers 1470, une imprime-
rie et une hbrairie qui furent les plus importantes de l'Al-
lemagne. Il avait 24 presses et plus de 100 typographes,
correcteurs, etc. ; il faisait aussi imprimer à Bâle et à Lyon
ses in-folios, perfectionna les caractères gothiques ; ses
ouvrages, dont on connaît 276, sont parmi les incuna-
bles les plus beaux et indestructibles ; pour les illustrer,
Koberger appela les meilleurs graveurs sur bois ; on cite
sa Bible illustrée (1483), ses 12 autres éditions de la Bible,
le Buch der Chroniken de Schedel (1493), auquel tra-
vailla A. Diirer, alors apprenti. Principalement éditeur de
scolastiques, Koberger vendait en Allemagne, aux Pays-
Bas, en France, Suisse, Italie, Hongrie, Pologne, ayant
des succursales à Paris et à Ofen (Budapest), des comp-
toirs dans toutes les grandes villes. La prospérité de cette
maison fut ébranlée par la Réforme ; elle repoussa les dé-
marches de Luther et dut se borner à l'humanisme.
BiBL. : O. Hase, Die Koberger; Leipzig, 1885, 2« éd.
KOBERSTEIN (Karl-August), écrivain allemand, né à
Riigenwalde (Poméranie) le 10 janv. 1797, mort le 8 mars
1870 à l'école de Schulpforta, où il professait depuis
1824. Ses principaux livres sont : Laut und Flexions-
lehre der mittelhochdeutschen und neuhochdeutschen
Lehre (Halle, 1862; 4« édit. par Schade, 1878), et sur-
tout Gesch, der deutschen Nationallitteratur, d'abord
simple manuel(l827),quifut, dans la 4«édit (1847-66),
transformé en une histoire générale de premier ordre pour
l'étendue et la précision des connaissances et l'objectivité
de l'exposé ; la 5« édit. fut donnée par K. Bartsch (Leip-
zig, 1872-75, 5 vol.).
Son fils Karl, né à Schulpforta le 15 févr. 1836, a été
acteur de 1856 à 1883 (depuis 1862 au théâtre de la
cour, à Dresde) ; il a écrit des tragédies [Florian Geyer,
1863; Eric XIV, 1869), et une comédie (Was Gott
zusammenfrigt das soll der Mann nichtscheiden,
1872), qui furent très goûtées.
— 581 —
KOBES — KOCH
KOBES (Cari) (V. Cardell).
KOBLENZ (V. CoBLENTz).
KOBOLD. Nom donné en Allemagne aux esprits fami-
liers des maisons qui s'amusent à jouer des tours aux
hommes; c'est le même mot que le français ^o^^/m. Vers
l'époque moderne, il fut appliqué spécialement aux nains
localisés dans les mines.
KOBOLT (Miner.). Arsenic impur, désigné aussi sous le
nom de poudre à mouches, d'arsenic noir ; il est en croûtes,
d'un gris noir, contenant souvent de 8 à 40 % de sulfure;
son éclat est métallique ; sa densité 3,6 ; il s'évapore à 180°
et fond en vase clos. On s'en sert pour fabriquer des mi-
roirs de télescopes en l'alliant au cuivre et à l'étain ; pour
donner de la dureté au plomb de chasse. Il a servi pendant
un certain temps à faciliter le travail du platine, en for-
mant avec ce métal un alhage assez fusible. Sa combustion
dans l'oxygène donne une lumière bleue, connue sous le
nom de feu indien, et que l'on emploie parfois la nuit pour
les travaux de triangulation.
KO BRIN. Ville de Russie, chef-lieu de district du gou-
vernement de Grodno, au confluent de la Kobrinka et de la
Moukovtsa, affluent du Boug occidental ; 10,000 hab.
Marché agricole. Le 27 juil. 1812, le général russe Tor-
masov y vainquit et prit les 3,000 Saxons de Klengel. —
Le district a 5,000 kil.q.
KOBT. Nom égyptien de Coptos (V. ce mot).
KOÇA-Nag ou VICHNOU-Pao. Lac du Cachemire, d'où
sort le Véchao, aftluent du Djélan, à 3,66L) m. d'alt. ; il a
une cinquantaine d'hectares; regardé comme sacré par les
Hindous, il est un de leurs lieux de pèlerinage.
KOCAB (Astron.). Nom de l'étoile de seconde grandeur
p Petite Ourse, dont les coordonnées de la position moyenne
pour 1895 sont, d'après la Connaissance des Temps :
M~U^M'^0%6i ; P =1 15«24'56''^5.
KOCEÏLA, chef de la tribu berbère des Aureba, qui régna
sur une partie du Maghreb de 681 à 686. Vers l'an 675,
au moment où Oqba venait d'être rappelé par le khalife
Moawia, les Berbères, ayant à leur tête Koceïla, tentèrent
de chasser les envahisseurs arabes qui venaient de s'im-
planter dans leur pays. Dinar, le successeur d'Oqba, réussit
à maintenir les musulmans dans leurs positions ; puis il vain-
quit Koceïla, l'oMigea à embrasser l'islamisme et l'emmena
à sa suite dans une demi-captivité. Quand Oqba fut rétabli
dans son commandement, il conserva Koceïla auprès de lui
comme une sorte d'otage, et l'on raconte qu'un jour, à la
suite de ses succès, il voulut humilier le chef berbère en
lui enjoignant d'égorger lui-même un mouton. Koceïla obéit
à l'ordre qui lui avait été donné ; mais il jura de venger
cet afl'ront et, suivant une coutume de son pays, pour bien
marquer ses projets haineux, il passa, sans rien dire, sa
main pleine de sang sur sa barbe. Puis, usant des in-
telligences qu'il avait conservées avec ses compatriotes, il
profita d'un moment où Oqba s'était séparé du gros de son
armée pour le faire attaquer et tuer à Teliouda (681). Le
désarroi que produisit cet événement parmi^ les Arabes
permit à Koceïla de s'échapper, de réunir ses' alliés et de
s'emparer de Kaïrouan, où il régna durant cinq années,
après avoir lui et les siens abjuré l'islamisme. En 688,
Zoheir, qui venait de recevoir des renforts, marcha sur
Kaïrouan ; Koceïla abandonna sa capitale pour se réfugier
à Mems, dans un camp retranché. Zoheïr l'y poursuivit et
le vainquit dans une grande bataille où Koceïla trouva la
mort (686). 0. Houdas.
KOCÉIR, KOSSÉIR ou QOCÉIR. Ville maritime
d'Egypte, sur la mer Rouge, au débouché du petit oued
Ambagin ; 1,500 hab. Médiocre mouillage, derrière un
récif madréporique ; vieille citadelle. Son transit, jadis con-
sidérable, a été supprimé par le percement de l'isthme de
Suez.
KOCH (El-). Village de la Turquie d'Asie, aux environs
de Mossoul, dans la haute vallée du grand Zab, affluent du
Tigre. C'a été la résidence, à plusieurs reprises, des pa-
triarches chaldéens de Mossoul (1,000 hab.). Prétendu
tombeau du prophète Nahum et de sa sœur Sara. A 2 kil.
de là, couvent de Rabban-Hormouz.
KOCH (Christophe-Gudlaume de), historien et homme
politique français, né à Bouxwiller le 9 mai 1737, mort
à Strasbourg le 25 oct. 1813. Il fut élu à la Législative
de 1791, emprisonné sous la Terreur; rallié au Consulat,
il fut tribun. Il a publié : Tableau des Révolutions de
l'Europe (anonyme) (Lausanne, 1771 , in-8 ; l'édition dé-
finitive en 3 vol. a paru en 1807 à Paris) ; Tables généa-
logiques des maisons souveraines du sud et de V ouest
de r Europe (Strasbourg, 1782, in-4); Abrégé de V his-
toire des traités de paix, depuis la paix de Westphalie
(Bâle, 1797, 4 vol. in-8) ; Aperçu rapide de la position
de la France a l'époque de la prétejidue coalition des
souverains de V Europe contre la Constitution du
26 avr. il9i (Strasbourg, 1791, in-8) . Il a aussi donné à
l'Institut (section des sciences morales et poHtiques) des
mémoires, insérés en 1803, sur divers points de l'histoire
d'Alsace.
KOCH (Heinrich-Christof), musicographe allemand, né à
Rudolstadt le 10 oct. 1749, mort à Rudolstadt le 12 mars
1816. Ses études musicales se firent dans sa ville natale,
où il passa toute sa vie, partageant sa paisible existence
entre les études théoriques et les fonctions de violoniste
dans la musique du prince de Schwarzbourg-Rudolstadt.
Ses principaux ouvrages sont : Versuch einer Anleitu7ig
ziir Composition (Rudolstadt et Leipzig, 1782-83, 3 part.
in-8); Musikalisches Lexikon (Francfort, 1802: 2^ éd.,
1817 ; nouv. édit. refondue et augm. par Arrey von Dom-
mer, 1865; édit. abr., 1807 et 1828) ; Handbuch bei dem
Studium der [lar moitié {lA^iig, 1811, in-4). Koch a
collaboré aux gazettes musicales de Leipzig et de Spire.
KOCH (Joseph-Anton), peintre et graveur autrichien, né
à Obergiebein (Tirol) le 27 juil. 1768, mort à Rome le
12 janv. 1839. D'abord simple pâtre, il entra en 1785 à
l'Académie de Karlsruhe, puis, rebuté par les mauvais
traitements, s'enfuit à Bâle et de là, à pied, en Italie, où,
sous l'influence de Carstens et de Wscchter, il se tourna
vers le paysage historique et héroïque, genre dans lequel
il devint un maître. Voici ses principales œuvres : gra-
vures pour Ossiaji, eaux- fortes pour les Argonautes de
Carstens, Serment des républicains à Millesimo (1797);
illustrations pour Dante, Hylas, Polyphème, Nausicaa,
Apollon, Délivrance du Tirol par André Hofer, Cloître
Saint" François, à Civitella, Tivoli, Olevano ; fresques
de la villa Massimi à Rome, etc. On lui doit aussi plusieurs
écrits : Pensées sur la peinture ancienne et moderne,
et l'écrit humoristique : Chronique de fart moderne ou
Soupe à la Rumford, accommodée par Joseph-Antoine,
cuisinier à Rome (Karlsruhe, 1834).
KOCH (Wilhelm -Daniel-Joseph), botaniste allemand,
né à Kusel (Deux-Ponts) le 5 mars 1771, mort à Erlangen
le 14 nov. 1849. D'abord médecin à Kaiserslautern, il
devint en 1824 professeur de botanique à l'université d 'Er-
langen. Son meilleur ouvrage est : Synopsis florœ Ger-
manicœ et Helveticœ (Francfort, 1835-37, et autres
édit. lat. et allem.).
KOCH (Jean -Baptiste -Frédéric), général et écrivain
français, né à Nancy en 1782, mort en 1861, Il entra en
1800 dans la garde consulaire, fit la campagne de Marengo
et celle d'Austerlitz, suivit le roi Joseph à Naples en 1806
et en Espagne en 1 808 ; il fut nommé chef de bataillon en
1811. Il fit, en 1813, la campagne de Saxe, où il servit
d'aide de camp à Jomini. Il fut nommé, en 1820, profes-
seur d'art militaire à l'Ecole d'état-major, fut promu lieu-
tenant-colonel en 1834, colonel en 1836 et maréchal de
camp en 1841. Koch a publié de nombreux ouvrages mili-
taires, entre autres les Mémoires pour servir à l'his-
toire de la campagne de i8i4 (Paris, 1819, 2 vol.,
avec atlas) et les Mémoires de Masséna (Paris, 1819,
4 vol. in-8, avec atlas). On cite avec éloges sa traduction des
Principes de stratégie de l'archiduc Charles (Paris, 181 7,
KOCH — KOCHANSKi
— S82 -
3 vol. in-8) et sa collaboration à VHisioire des guerres
de la Révolution (Paris, 4819, 5 vol. m-8) de Jomini.
KOCH (Christian-Friedrich), juriste allemand, né à
Mohrin (Brandebourg) le 9 févr. 4798, mort à Neisselc
24 janv. 4872. Il fit sa carrière dans la magistrature jus-
qu'en 4854. Elève de Savigius, ses ouvrages eurent une
influence sur la jurisprudence prussienne où ils firent pré-
valoir la méthode historique ; nous citerons : Versuch
einer systematischen Darstellung der Lehre vom Be-
sitz nach preussischem Recht (1826; 2^ éd., 4839);
Bas Recht der Forderungen nach gemeinen und preus-
sischen Rechte (Breslau, 4836-43, 3 vol. ; 2« éd., 4858-
59) ; Lehrbuch des preussischen gemeinen Privat-
rechts (4845, 2 vol.; 3« éd., 4858-59); Preussens
Rechtsverfassung^ plan de réformes (1843-44); Bas
preussische Zivilprozessrecht (4847 et suiv-, 2 vol. sou-
vent réédités). Il publia sur les nouvelles lois prussiennes
des commentaires très complets: Prozessordnung (4854 ;
6^ éd., 4871) ; Allgemeines Landrecht (4852-55, 4 vol. ;
8® éd., 4883 et suiv.) ; Formularbuch filr instrumen-
tierende Gerichtspersonen und Notarien (4844 ; 8^ éd.,
1870), etc.
BiBL. : Behrend, C.-F. Koch ; Berlin, 1872.
KOCH (Peter-Christian), homme politique danois, né
en 1807, mort en 4880. En 4838, muni du privilège
royal, il publia un journal hebdomadaire, le Danevirke^
qui fut vivement pris à partie par les fonctionnaires du
Slesvig-Holstein et par leurs partisans, mais n'en exerça
qu'une plus grande influence sur les populations danoises
du N, du Slesvig. Lors du soulèvement de 4848, il se
retira en Danemark où il continua à publier pendant quel-
ques années encore son journal ou d'autres feuilles pério-
diques. Ayant eu quelques difficultés avec les autorités
danoises, il vint s'étabhr à Copenhague, où il vécut du
métier de photographe,
KOCH (Eduard-Émil), né au château de Solitude, près de
Stuttgart,le 30 janv. 4809, mortàStuttgartle27avr. 4874.
Pasteur, il se fit connaître par une Gesch, des Kirchenbeds
und Kirchengesangs (Stuttgart, 4866-76, 8 vol.).
KOCH (Kari-Heinrich-Emil), botaniste allemand, né à
Ettersberg, près de Weimar, le 6 juin 4809, mort à
Berlin le 25 mai 4879. De 4836 à 4847, il fit divers
voyages en Russie et en Orient. Il se fixa alors à Berlin
où il fut nommé peu après professeur extraordinaire de
botanique, secrétaire général de la Société d'horticulture,
fonda l'Académie d'économie rurale de Berlin et y devint
professeur de botanique. Ouvrages principaux : Wande-
rungen im Oriente {Weimdir^ 4846-47, 3 vol.), et autres
relations de voyages ; Beitr. zu einer Flora des Orients
(Halle et Berlin, 4848-54); Dendrologie (Erlangen,
4869-72, 2 vol.) et autres ouvrages d'horticulture.
KOCH (Robert), médecin allemand contemporain, né à
Klausthal le 44 déc. 4843. Il étudia à Gœttingue, fut
assistant à l'hôpital général de Hambourg, puis exerça la
médecine successivement à Langenhagen (Ilanovre) et à
Rackwitz (Posen), enfin fut médecin pensionné de district
à Wollsteïn (4872-80). C'est à cette époque qu'il com-
mença ses recherches bactériologiques sur la septicémie et
le charbon. Il passa ensuite à Berlin comme membre du
comité d'hygiène publique. C'est en 4882 qu'il découvrit
le bacille de'ia tuberculose, puis en 4883 il dirigea la com-
mission envoyée en Egypte et dans les Indes pour étu-
dier le choléra et découvrit le bacille en virgule. A son
retour en Allemagne (4884), il reçut une dotation de
400,000 marks, fut envoyé en France pour y observer le
choléra, enfin fut nommé en 4885 professeur ordinaire à
la faculté de médecine de Berlin et directeur de l'Institut
d'hygiène . Outre divers ouvrages sur ses études de prédi-
lection, il a donné un grand nombre de mémoires aux
Mittheilungen aus dem Kaiser L Gesimdheitsamte, Tout
le monde connaît ses tentatives de guérison de la tubercu-
lose au moyen de la tuberculine (V. ce mot et Tubercu-
lose). D^ L. Hn.
KOCHANOWSKI (Jean), àiijean de Çzarnolas^ poète
polonais, né à Sycvn en 4530, mort à f^ublin le 22 août
4584. A l'âge de dix -sept ans, il quitta la Pologne pour se
rendre en Allemagne, en Italie et en France. Il s'arrêta
assez longtemps à Padoue, puis aussi à Bologne, à Venise,
à Rome, se ha d'amitié avec les frères Aide, avec le savant
Sigonius. Attiré par la gloire de Ronsard, il se rendit à
Paris. C'est de là que Kochanowski envoya sa première
poésie commençant par ces mots : « Dieu, que veux-tu de
nous pour tes miséricordes. » Cet hymne, d'une inspira-
tion magnifique, écrit dans une langue incomparable, fut
lu à la Diète de Sandomir, où il fit si grand effet que Nico-
las Rey, un des premiers écrivains polonais de l'époque,
s'avoua vaincu et résolut de ne plus écrire qu'en prose.
Revenu dans sooipays, Kochanowski ne tarda pas à obte-
nir le poste de secrétaire du roi Sigismond-Auguste, mais
il cultiva en même temps les Muses. Préoccupé des desti-
nées de son pays, il lui donna des conseils, le gourmanda
doucement et l'avertit. Dans son poème Satyr^ il s'échauffe
davantage et déclare la guerre aux maladies de son temps,
surtout à l'âpreté au gain, à la soif de l'or, à l'amour du
luxe, à la manie de vouloir imiter en tout l'étranger. Ail-
leurs, il s'élève contre les querelles intestines. Dans ses
Bagatelles, où il a mis « les secrets de sa vie », que nombre
de critiques ont cherché à pénétrer, il se montre profond
psychologue autant que charmant humoriste. Après l'Union
de Lublin, Kochanowski alla se fixer à Czarnolas où il écri-
vit successivement : le Choix d'une bonne épouse, une
traduction magistrale des Psaumes de David (1578), une
foule de poésies de circonstance à l'occasion du règne de
Henri 111 de Valois et d'Etienne Batory ; le Renvoi des
ambassadeurs grecs, sorte de drame composé à la ma-
nière d'Eschyle et de Sophocle (trad. en français par A.
Denis, dans les Chefs-d'œuvre des théâtres étrangers) ;
V Orphée Sarmate. Vivant toujours à la campagne, il
s'éprit d'un amour ardent pour la nature et pour la langue
maternelle. Aussi renonça-t-il peu à peu au latin qu'il
écrivait cependant en humaniste accompli, pour chanter en
un polonais admirable les joies de la famille et le bonheur
de vivre en sage et en poète. La mort de sa fillette Ursule
inspira à Kochanowski les Thrènes qui passent pour
être son principal chef-d'œuvre. Ce poème n'est qu'une
])lainte d'un bout à l'autre, mais une plainte où les cris
d'un désespoir terrible sont entrecoupés de prières su-
blimes. Parmi ses autres ouvrages polonais, il faut encore
citer : la Concorde, les Echecs et le Drapeau, Ses poé-
sies latines ont été publiées sous les titres suivants : Ele-
giarum libri (4584) ; Epinicion (4582) et Lyricorum
libellus (4580). Kochanowski est sans contredit le plus
grand poète de l'âge d'or de la littérature polonaise. Nourri
de la plus pure sève classique, amoureux d'Horace, de
Théocrite et de Virgile, il est cependant éminemment na-
tional. Son œuvre est pleine d'aspirations patriotiques, son
style, en dépit de quelques mots et tournures archaïques,
est d'une clarté et d'un charme sans égal. M. Venceslas
Gasztowtt a traduit en français plusieurs poésies de Kocha-
nowski, notamment les Thrènes, Ses œuvres furent réé-
ditées à Cracovie (4859, 3 vol.). F. Trawinski.
Son frère, Piotr (4566-4620), secrétaire du roi Sigis-
mond III et chevalier de Malte, a publié d'excellentes ver-
sions polonaises, des poèmes du Tasse et de l'Arioste.
BiBL. : Przyboroski, J. Kochanov^ski (en poL); Po-
sen, 1857. — René Lavollée, la Poésie latine en Po-
logne, dans la Revue contemporaine du !«'• juil. 1873. —
Lœwenfeld, J. Kochanowski und seine lateinische Dich-
tungen; I^osen, 1878. — Bulletin polonais, n» 22, août 1884.
— Louis Léger, Nouvelles Etudes slaves ; Paris, 1886, 3e voL
KOCH AN S Kl (Adam), célèbre mathématicien polonais
du xvn^ siècle, mort vers 4695. Il fut professeur à
Mayence, à Florence, à Olmûtz. De retour en Pologne, il
fut mathématicien du roi Jean III Sobieski et bibhothécaire
de son château de AVillanow. Il a publié en latin un cer-
tain nombre d'opuscules fort intéressants dans les Ana-
lecta de Scholt et dans les Acta eruditorum édités à
- 583
KOCHANSKÏ — KOŒ
Leipzig. Son oeuvre a été appréciée par Zebrowski dans les
Mémoires (Hoczniki) de la Société des sciences de Cra-
coYie (t. XXX).
KOCHEL (Lac). Petit lac de Bavière, au pied de mon-
tagnes abruptes ; il a 4 kil. de long, 2 kil. de large, 80 m,
de profondeur. Formé par la Loisach, il s'épanche au N.
dans le Rohrsee et des marais qui attestent son ancienne
extension. — Le village de Kochel (eaux minérales) est
au N.-E.
KOCHEM ou KOCHHEIM. Ville de Prusse, district de
Coblentz, sur la Moselle ; 3,500 hab. Château ; vignobles,
minoteries. Ancien fief des comtes palatins d'Aix-la-Cha-
pelle, puis burgraviat cédé à l'archevêché de Trêves ; les
Français brûlèrent la ville et les châteaux voisins en 1689.
BiBL. : Pauly, Stadt und Burg Kochem ;Kochem^ 1883.
KOCHER. Rivière du Wurttemberg, affluent droit du
Neckar ; «480 kil. de long. Formé de la Kocher Rouge et
de la Kocher Noire, nées dans Hœrdtfeld, elle décrit une
courbe vers le N.-O., reçoit à gauche la Lein et la Bret-
tach, à droite la Biihler.
KOCHER (Conrad), musicien allemand, né à Dizingen
(Wurttemberg) le 16 déc. 1786, mort après 1860. D'abord
précepteur à Saint-Pétersbourg, il revint dans son pays en
1820 et composa plusieurs opéras : la Cage et le Roi des
Elfes furent joués à Stuttgart, et son oratorio, la Mort
d Abel^ à Leipzig, Kocher fit ensuite un séjour prolongé en
Italie où les études qu'il fit du répertoire de la chapelle Sixtine
eurent une inlluence sur ses travaux ultérieurs. Revenu à
Stuttgart, il publia d'abord un important ouvrage : VArt
musical dans V Eglise (1823), et fonda bientôt après une
société de chant religieux, dans le but d'introduire le chant
à quatre parties dans l'Eglise. Le Wûrttemberger Choral-
buch fut composé d'après ses principes. Kocher, nommé
organiste de la cathédrale, fonda la société chorale « Lie-
derkranz », qui existe encore. On connaît aussi de lui une
méthode de piano, un traité de composition et des compo-
sitions chorales.
KO C H 0 WS Kl ( Jérôme- Vespasien), poète et historien polo-
nais, né vers 1630, mort à Cracovie en 1699. Elève du collège
des jésuites de Sandomir, il guerroya d'abord pendant dix
ans contre les Cosaques et contre les Suédois, puis il se fixa
aux environs de Cracovie. Jean III Sobieski le nomma
historiographe de la cour. Il a écrit en polonais et en
latin. Ses principales œuvres poétiques sont : Poésies
lyriques et Epigrammes (1674) ; le Jardin virginal
(1651), recueil d'épigrammes, consacré à la sainte Vierge;
la Délivrance de Vienne (1684). Elles respirent un pa-
triotisme très sincère, mêlé de convictions républicaines
et religieuses à la fois. Au point de vue de la forme, Ko-
chowski subit encore l'influence classique de Kochanowski
dont il n'égale pas la pureté ; mais comme fond il est plus
intéressant, il a plus de flamme et plus d'entrain, car il
puise de préférence son inspiration dans la société oii il vit,
dans l'atmosphère qu'il respire. C'est sans contredit un
des représentants les plus brillants de Fancienne poésie
polonaise. Comme historien, il a également une très grande
valeur. Son Commentarius belli adversus Turcos (Cra-
covie, 1684) et ses Annalium Poloniœ Climatecteres
(3 parties; Cracovie, 1683, 1688, 1698, 3 vol. in-fol.)
sont plutôt des mémoires, mais d'un réel intérêt et indis-
pensables à consulter pour quiconque veut étudier à fond
l'histoire de Pologne au xvii® siècle. F. Trawinski.
BiBL. : A. RzAZEWSKi, Etudes sur la littérature polo-
naise des xviio et xviip siècles (en poL); Varsovie, 1871.
— Nehring, Etudes littéraires; Posen, 1884.
KOCI ou KOSL Rivière de l'Inde, affluent droit du
Gange ; 520 kil. de long. Elle vient du Tibet, formée par la
réunion duPhoung-tou et de FAroun (Ilang-tong-tchéou),
venant l'un de l'O. (au N. du Gaurisankar), l'autre de FE.
(Sikkim) ; elle passe entre le Gaurisankar et le Kintchind-
jinga, pénètre dans le Népal, où elle reçoit la San ou
Mana^Koci, entre en plaine, reçoit la Gagri et finit près
de Rhagalpour. Rivière rapide et torrentueuse, profondé-
ment encaissée dans le Népal, elle ronge ses rives dans
la plaine et son lit se déplace rapidement vers l'O. (de
40 kil. en moins de deux siècles). C'est une des rivières
sacrées des brahmanes.
KOCK (Mathias) (V. Cock).
KOCK (Hieronymus) (V. Cock).
KOCK (Lucas Cornelisz de) (V. Cobnelisz).
KOCK (David), peintre suédois, dont la vie est inconnue.
C'est lui qui a peint, dans la première moitié du xviii® siè-
cle, pour le roi Frédéric I®'^ et la reine Ulrique-Eléonore,
les tableaux qui ornent la galerie du château de Gripsholm.
KOCK (Henri, baron de), général hollandais, néàHeus-
den en 1779, mort à La Haye en 1845. H entra dans la
marine, fut envoyé en 1806 à Batavia et fut le collabora-
teur distingué du gouverneur Wiese, et plus tard de Daen-
dels. En 1809, il était général de brigade commandant la
division militaire de Samarang. Fait prisonnier en 1811
par les Anglais vainqueurs à Java, il fut conduit en Angle-
terre et y demeura jusqu'à la chute de l'empire français.
Il entra alors au service du roi Guillaume, se distingua à
Waterloo et retourna aux Indes en 1817 comme comman-
dant en chef de l'armée coloniale ; il réprima avec énergie
les soulèvements de Palembang et pacifia tout l'archipel de
la Sonde. Dans cette mission difficile, il fit preuve de qua-
lités militaires et administratives éminentes. Il revint en
Hollande en 1830, et fut ministre de l'intérieur de 1836
à 1841. Guillaume P^' lui avait conféré le titre de baron.
BiBL. : Van Kampen, Histoire des Hollandais aux co-
lonies (en holL); Haarlem, 1831-33, 4 vol. in-8.
KOCK (Charles-Paul de), Httérateur français, né à
Passy le 21 mai 1793, mort à Paris le 27 avr. 1871. Fils
d'un banquier hollandais, mis à mort en même temps
qu'Anacharsis Cloots, Hébert et Ronsin, il fut d'abord com-
mis dans une maison de banque, puis, malgré la résis-
tance de ses parents, abandonna son emploi pour s'adonner
au théâtre et à la littérature. Ses débuts dans le mélodrame
ne faisaient guère présager la verve comique qu'il devait
répandre plus tard, et c'est pour mémoire seulement qu'il
convient de rappeler les titres de ces premières affabulations :
]\r"^de Fa/noir (1814); Catherine de Courlande{iUA);
la Bataille de Veillane (1815); le 1 ambour portugais
(1815) ; le Mo^ilinde Mansfeld(iSV6). Sa collaboration
avec Gouffé pour divers vaudevilles lui ouvrit les portes de
l'Opéra-Comique et il écrivit soit seul, soit en collaboration,
les livrets de : Une Nuit au château (1818), musique de
Mengal; le Philosophe en voyage (1821), musique de
Kreubé et Pradher ; les Infidèles (1823), musique de Men-
gal ; le Muletier (1823), musique de Herold, qui demeura
longtemps au répertoire.
Paul de Kock, qui avait dû, faute d'éditeur, imprimer à
ses frais son premier roman, V Enfant de ma femme
(1811, 2 vol. in-12), dont le titre égrillard n'avait pas suffi
à assurer le succès, trouva dix ans plus tard sa véritable
voie dans une série de récits oii il a peint les mœurs de la
petite bourgeoisie et du commerce parisien de son temps :
Georgette^ou la Mère du Tabellio7i(iS'2(}, 4 vol. in-12) ;
Gustave ou le Mauvais Sujet (1821 , 3 vol. in-12) ; Fi^ère
Jacques (1822) ; Monsieur Dupont (1824) ; André le
Savoyard (1825); le Barbier de Paris (1826); la
Femme, le Mari et l'Amant (1829) ; le Cocu (1831);
la Pucelle de Belleville (1834); Zizine (1836); Un
Tourlourou (1837); Moustache (1838); r Homme aux
trois culottes (1840) ; Ce Monsieur (1842) ; l Amou-
reux transi (1843) ; Sans Cravate (1844) ; V Amant de
la lune (1847).; Un Monsieur très tourmenté (i^"^^) ;
Taquinet le bossu (1857); le Millionnaire (1887) ; Une
Femme à trois visages (1859); les Demoiselles de ma-
gasin (1863) ; le Professeur Fihelaque (1867), etc.
Tous ces romans, publiés d'abord en volumes de cabinet
de lecture, puis, à partir de 1843, en feuilletons, ont été
l'objet de diverses réimpressions collectives : l'une d'elles
(30 vol. in-18) est ornée de vignettes de Raffet ; Fautre,
de beaucoup plus considérable, ne comporte pas moins de
97 vol. in-18. Encore ne renferme-t-elle pas les nom-
KOCK — KCECHLIN
.H84
breux vaudevilles dont Paul de Kock empruntait le sujet
à ses propres créations, ou qu'il écrivit en collaboration
avec Carmouche, les frères Cogniard, Dupeuty, Varin, etc.,
ni deux volumes de poésies et de chansons : Contes en vers
(1824, in-12) et la Bulle de savon (1829, in-18), non
plus que ses Mémoires posthumes (1873, in-i8), œuvre
de son extrême vieillesse et oii Ton retrouve son intaris-
sable bonne humeur. Il faut citer aussi à part la Grande
Ville (1842, 2 vol. gr. in-8), dont Paul de Kock rédigea
seul le texte du premier volume (réimpr. depuis dans ses
Œuvres complètes) , des articles dans les Cent et Un et une
Physiologie de Vhomme marié (1841, in-18). M. Tx.
BiBL. : Th. Trimm, la. Vie de Ch.-P. de Kock ; Paris, 1873.
KOCK (Paul-Henry de), littérateur français, fils du pré-
cédent, né à Paris le 25 avr. 1819, mort à Limeil (Seine-et-
Oise) le 14 avr. 1892. Il s'essaya de très bonne heure
dans le genre qui avait illustré son père, sans y trouver
jamais les succès retentissants de celui-ci, et aussi dans le
roman d'aventures oti il ne fut pas non plus pour Alexandre
Dumas ou Paul Féval un concurrent redoutable. Il suffira
de rappeler quelques-uns des titres de ces nombreux vo-
lumes: Berthe V Amoureuse (1843, 2 vol. in-6) ; le Boi
des étudiants et la Beine des grisettes (1844, 4 vol.
in-8) ; Loretteset gentilshommes (1847, 3 vol, in-8) ;
les Lorettes vengées (1853, 3 vol. in-8) ; Brin d'amour
(1857, in-8) ; le Médecin des voleurs (1857-58, 12 vol.
in-8); la Dame aux émeraiides (1859, 4 vol. in-8) ;
les Baisers maudits (1860, in-18); le Démon de Ta/-
côve (iSQ%in'\S); les Buveurs d'absinthe{iS6^,i OyoL
in-8); la Voleuse d'amour (1863, in-18) ; les Accapa-
reuses (1864, in-18) ; la Nouvelle Manon (1864, in-18) ;
les Treize Nuits de Jane (1864, in-18) ; Une Petite Cou-
sine (1865, in-18) ; V Amoureuse de Pierrefonds (1867,
in-18); Mademoiselle ma femme (1868, in-18); la
Fille à son père (1869, in-18); Mademoiselle Croque-
mitaine (1871, in-18), etc. Henry de Kock avait égale-
ment signé un certain nombre de compilations soi-disant
historiques sur les Cocus célèbres (1869, in-4, ill.) ; les
Courtisanes célèbres (1869, in-4, ill.) ; les Libertins
et Libertines célèbres (1871, in-4, ill.) ; les Farceurs
célèbres (1872, in-4, ill.). Au théâtre, il a été le colla-
borateur de son père pour VEau et le Feu (1846) ; de
Théodore Barrière pour la Vie en rose (1856), et la
Maison du pont Notre-Dame (1861), drame en cinq
actes, d'Emmanuel Gonzalès pour les Frères de la côte
(1856), drame en cinq actes, tiré d'un roman de cet écri-
vain ; de M. Ernest Blum pour 11 n'y a plus d'enfants
(1859), etc. M. Tx.
KOCKUWl (Frans-Henrik), grand industriel suédois, né
à Malmô en 1802, mort à Malmô en 1875. D'abord à la
tète de la plus importante manufacture de tabacs de la
Suède, il fonda, ei 1840, près de Malmô, une fonderie et
un atelier de constructions qui prirent bientôt une exten-
sion considérable. Il s'intéressait également à toutes sortes
d'industries ^ui se créaient dans le pays : filatures, bras-
series, chemins de fer, etc.
KO DAM A (V. QoDAMA).
KODHAÏ (V. QoDHÂï).
KODYMA. Rivière de Russie, affl. dr. du Boug méri-
dional ; elle naît en Podolie et sert de frontière entre ce
gouv. et celui de Kherson; elle a 160 kil. de long.
Mannheim défiât les Turcs sur ses bords (1739).
K0D20UKÉ. Prov. du Japon, au centre de Nippon, ré-
gion de Tôzando, ken de Goumba; elle occupe le bassin
supérieur du Toué-gava, compte plus de 600,000 hab. ;
les villes principales sont Takasaki et Mayébasi.
KŒBEL (Jacob), mathématicien allemand, né à Heidel-
berg en 1470, mort en 1533. Après avoir commencé le
droit dans sa patrie, il alla étudier les mathématiques à
Cracovie, où il fut condisciple de Copernic, puis obtint une
charge de secrétaire de ville à Oppenheim. Il a publié plu-
sieurs éditions de traités élémentaires sur le calcul avec les
jetons (1514), avec la plume (1520), l'arpentage (1515),
qui sont composés d'après les traditions de l'ancienne école
et où les signes numériques romains sont appelés nombres
allemands ordinaires et opposés aux chiffres (modernes),
désignation qui commençait seulement alors à devenir d'un
emploi général.
KŒBERGER (Wenceslas) (V. Cœberger).
KŒBERLE (Georg), auteur dramatique allemand, né à
Nonnenhorn, sur le lac de Constance, le 21 mars 1819.
Elève des jésuites, il s'enfuit de leur collège germanique de
Rome et publia sur leur compte des révéhtions, Aufzeich-
mungen ans dem deutschem liolleg in Bom (1846);
ses drames : DeiMediceer (Mannheim, 1849); Heinrick IV
'i;o^Fm??ir^2V/i (Leipzig, 1851); ses comédies : /)^r i^zms^
lers Weih, Max Emanuels Brantfahrt, etc., eurent un
certain succès. Il dirigea le théâtre d'Heidelberg (1853-
56) et celui de la cour à Karlsruhe (1872-73) et publia
des ouvrages remarqués sur la crise théâtrale ; un roman.
Ailes um Niçhts (1871, 3 vol.).
KŒBERLÉ (Eugène), chirurgien alsacien, néàSchlett-
stadt en 1828. Il fut agrégé à fa faculté française de mé-
decine de Strasbourg et depuis la guerre a continué à
exercer la chirurgie dans cette ville. Il est universellement
connu par ses opérations d'ovariotomie et a écrit plusieurs
ouvrages sur ce sujet.
KŒCHLIN. Famille d'industriels et d'hommes pohtiques
alsaciens. En 1596, Hartmann Kœchlin, originaire de
Zurich, vint s'établir à Mulhouse.
Samuel Kœchlin (1719-76), l'un de ses descendants,
fonda dans cette ville, en 1746, avec Jacques Schmaltzer
et Henri Dollfus, sous la raison Kœchlin, Schmaltzer
et C^^ une fabrique de toiles peintes ou indiennes, in-
dustrie à peine naissante en Europe. L'établissement
prospéra, mais la société fut dissoute à la mort de Samuel
Kœchlin.
Jean (1746-1836), l'aîné des dix-sept enfants du pré-
cédent, s'associa avec deux de ses frères, Josué et Hart-
manîi et monta avec eux, sous la raison Kœchlin frères,
une nouvelle fabrique d'indiennes. H s'en retira pour créer
à Mulhouse un Institut commercial, puis dirigea la grande
manufacture de Wesserling, et, revenu à Mulhouse en
1802, entra dans la maison de son fils Nicolas.
Jacques (1776-1834), un des dix-neuf enfants du
précédent, fut également l'associé de Nicolas (V. le sui-
vant). Maire de Mulhouse, député de 1820 à 1826, il sié-
gea à l'extrême gauche, défendit vivement à la tribune le
colonel Caron, impliqué dans la conspiration de Belfort, et
fut condamné à six mois de prison pour une Belation his-
torique des événements (Paris, 1822, in-8).
Nicolas (1781-1852), frère du précédent, fonda en
1802, à Mulhouse, sous hrsâson Nicolas Kœchlin et frères,
un établissement analogue à ceux précédemment créés
par son aïeul et par son père. Il servit en 1814, comme
officier volontaire, ainsi que son frère, Ferdi7iand (1786-
1854), fit, l'année suivante, à la tête d'habitants de Mul-
house, la guerre de partisans dans les Vosges, fut quelque
peu mêlé à la conspiration de Belfort (1821) et repré-
senta le Haut-Rhin comme député de 1826 à 1841. En
1848, il fut commissaire du gouvernement provisoire dans
le Haut-Rhin. Tout en faisant prospérer sa maison, devenue
bientôt la plus vaste fabrique d'indiennes, il avait édifié
en 1825, à Mulhouse, un nouveau quartier, et il avait
construit de 1839 à 1841 deux des premières lignes de
chemins de fer de France, celles de Mulhouse à Thann
et de Strasbourg à Râle, qu'il s'était fait concéder.
/)«m^/ (1785-1871), frère du précédent, étudia la chi-
mie à Paris dans les laboratoires de Fourcroy et de Vauque-
lin, entra dans la maison de Nicolas, qu'il dirigea ensuite
très longtemps, et contribua le plus, de tous ses frères, à
son développement par ses importants travaux, qui riva-
lisèrent avec ceux de J.-JB. Haussmami(\, ce nom), quant
à leur influence sur les progrès de l'industrie des toiles
peintes. Il faut mentionner surtout son nouveau procédé
de teinture en garance et sa découverte de Venlevage,
585 —
K(ECHLIN — KCEHLER
André (1789-1875), l'un des quatorze enfants du
docteur Jacques Kœchlin (1754-1814), lui-même frère de
Jean (V. ci-dessus), épousa une fille de Dollfus-Mieg,
qui possédait à Mullioiise une fabrique analogue à celle
des Kœchlin, dirigea après la mort de son beau-père, de
1818 à 1830, cet important établissement, et fonda en
181-^0, dans la même ville, une fonderie et de grands ate-
liers de construction de machines d'où sortit l'une des
premières locomotives françaises. Ils fusionnèrent en 1872
avec l'usine de Grafenstaden (V. ce mot), pour former
la Société alsacienne de constructions mécaniques^
qui a en outre, depuis 1880, de grands ateliers à Bel fort.
Déjà maire de Mulhouse, André Kœchlin fut de iS'r'^'i à
1848 député. Il siégea parmi les conservateurs. Ses inven-
tions sont nombreuses (métier à tisser le coton, banc à
brocher à engrenages, ren videur, etc.). Il a perfectionné
en outre les machines à filer le lin et le chanvre. C'est lui
qui a fait construire à Mulhouse, en 1835, les premiers
logements d'ouvriers (V. CrrÉs ouvrières, t. XI, p. 490).
Joseph Kœchlin-Schlumberger (1796-1863), l'un des
quatorze enfants de Josué^ lui-même frère de Jean (V. ci-
dessus), dirigea successivement à Mulhouse une filature et
une fabrique de toiles imprimées. Il fut, sous le second
Empire, maire de la ville, qu'il embellit beaucoup. Il est
surtout connu comme géologue. On lui doit notamment
des cartes géologiques du Haut-Rhin et du Bas-Rhin et
des études sur la géologie et la paléontologie du Haut-
Rhin (1856), sur les formations tertiaires en Alsace et
dans le Dauphiné (1860), sur le terrain de transition des
Vosges (1862), etc.
Eugène (1815-1885), fils de Daniel (V. ci-dessus),
prit, à la mort de son père, la direction de la maison
Kœchlin frères^ à la tête de laquelle se trouve actuelle-
ment (1895) son propre fils, Emile^ né en 1848.
Alfred Kœchlin-Steinbach (1825 -1872), frère d'Eugène
(V. le précédent), fut à Mulhouse, pendant tout l'Empire,
le chef de l'opposition républicaine. Après la Révolution du
4 sept. 1870, il devint maire de Mulhouse et proposa au
gouvernement de la Défense nationale d'équiper à ses frais
un corps de 5,000 hommes. Les électeurs du Haut-Rhin
l'envoyèrent, le 8 févr. 1871, à l'Assemblée nationale de
Bordeaux, d'où il se retira après la ratification de la ces-
sion de l'Alsace-Lorraine. M.^^ Louis Andrieux est sa fille.
Alfred Kœchlin-Schwartz (1829-95), arrière-petit-
neveu de Jacques, Nicolas, etc. (V. ci-dessus). Il dirigea,
après de longs voyages d'études en Europe et en Asie,
l'importante filature créée à Mulhouse par son père, Jean
(1801-70). Pendant la guerre de 1870-71, il organisa
plusieurs bataillons de volontaires et fut nommé par Gam-
betta commandant militaire de l'arr. de Mulhouse, puis
commandant des légions d'Alsace-Lorraine en voie de for-
mation à Lyon. Il avait, dans l'intervalle, été quelques
semaines prisonnier. Rentré à Mulhouse après l'amnistie,
il en fut bientôt expulsé par les Allemands, résida quelque
temps à Belfortet vint, en 1872, se fixera Paris. Devenu
en 1879 maire du VIIÏ*' arr., il fut vivement attaqué en
1887 par la presse républicaine à la suite de divers inci-
dents administratifs, fit adhésion au bouîangisme et fut
révoqué en juil. 1888. Le 19 août suivant, une double
vacance s'étant produite dans le Nord, il fut élu député
de ce dép. par 126,507 voix, en même temps que le gé-
néral Boulanger. Il ne fut pas renommé ne 1889. Il a
écrit de nombreux articles de journaux et quelques livres :
Un Touriste au Caucase (Paris, 1881, in-12); Un Tou-
riste en Laponie (Paris, 1882, in-12). Il a exposé des
fusains aux Salons de 1864àl879.M^^ Kœchlin-Schwartz,
présidente de la société de secours aux blessés « l'Associa-
tion des femmes de France », est sa veuve.
Maurice (né en 1856), arrière-petit-neveu à' André
(V. ci-dessus), est ingénieur de la maison Eiffel et l'un des
auteurs de la tour de 300 m. Il a publié dans Tencyclo-
pédie Lechalas : Applications de la statique graphique
(Paris, 1889, in-8).
Les Kœchlin sont alliés à toutes les grandes familles de
Mulhouse. En 1881, cent ans après sa mort, Samuel
Kœchlin avait un peu plus de 2,250 descendants. L. S.
Bii3L. : Ed. Vkrny, Notice biographique sur M. Jean
Kœchlin; Mulhouse, 1836, in-8. — Ch. Grad, J. Kœchlin-
Schlumberger; Colmar, 1874, in-8. — Aug. Dollfus, Ta-
bleaux généalogiques de la famille Kœchlin; Mulhouse,
1881, in-4. — N. Khrsham, Livre d'or de la ville de
Mulhouse; Mulhouse, 1883, in-fol. (2« éd.).
KŒCHLY(Hermann-August-Theodor), philologue et an-
tiquaire allemand, né à Leipzig le 5 août 1815, mort à
Trieste le 3 déc. 1876. Il étudia à Leipzig où il eut G. Her-
mann pour professeur, puis en 1837 il professa lui-même à
Saalfeld, et en 1 840 à Dresde. Il prit en i 848 une grande
part à la réorganisation de l'enseignement en Allemagne et
fut élu membre de la seconde Chambre du royaume de Saxe.
Impliqué dans les troubles de Dresde la même année, il se
réfugia à Bruxelles, puis à Zurich où il professa l'archéo-
logie. On lui doit : Vorlesungen ueber Sophocles Anti-
gone (Dresde, 1844); Ueber das Princip des Gymna-
sialunterrichtes der Gegenwart (Dresde, 1845) ; Zur
Gymnasialreform (Dresde, 1846) ; Qiiintus Smyrnœus,
cum prolegom£nis ac notis criticis («Leipzig, 1850);
Pseudo-Manetho et Maximus Tyrius (Paris, 1851);
Opuscula academica (Leipzig, 1853); Geschichte des
griechischen Kriegswesens (Aarau, 1 852), excellent traité
sur l'art de la guerre chez les Grecs, publié en collabora-
tion avec Rustow ; Einleitung zu Cœsars Commenta-
rien (Gotha, 1857, in-8).
KŒCK(Pieter)(V. Cœck).
KŒCK (Michael), peintre autrichien, né à Innsbruck en
1760, mort à Rome en 1825. Elève de Peter Denifle dans
sa ville d'origine, puis de Knoller à Milan, il alla comme
pensionnaire impérial à Rome, où il s'installa, et devint
membre de l'Académie de Saint-Luc et directeur de l'école
de mosaïque papale. On lui doit, entre autres productions
remarquables, une Histoire d'Achille en quatorze tableaux
(musée d'Innsbruck).
KŒGEL (Rudolf), prédicateur allemand, né à Birnbaum
(Posnanie) le 18 févr. 1829. Prédicateur à La Haye
(1857-6;»), il acquit une grande réputation d'éloquence et
fut appelé à la cour de Berlin ; son influence sur l'empereur
était assez considérable : il l'employa contre Falk. Il a pu-
blié beaucoup de ses sermons : Aus dem Vorhofim Heilig-
tum (2*^ éd., Rrême, 1878-80, 2 vol.); Wach auf Stadt
der Jérusalem (1882), etc.
KŒ H LER (Johann- David), historien et numismatiste alle-
mand, né à Colditz, près de Leipzig, le 18 janv. 1684, mort
à Gœttingue le 10 mars 1735. if étudia à Gœttingue, puis
en 1710 fut nommé professeur de logique à Altorf et bi-
bliothécaire de l'université. Plus tard, en 1725, il devint
professeur d'histoire à l'université de Gœttingue. D'une
fécondité peu commune, il écrivit plus de cent ouvrages,
parmi lesquels quelques-uns méritent d'être cités : De In-
clyto libro poetico Theuerdank (Altorf, 1714 et 1719,
in-4; nouv. éd. en 1790, par les soins de Hommel); Fasti
universitatis Aldorfinœ (Altorf, 1719-23, 5 vol. in-4);
De Bibliotheca Caroli Magni (Altorf, 1727, in-4); His-
toria comitum de Wolfstein (Leipzig, 1728, in-4) ; Bis-
torische Mûnzbelustigimgen (Nuremberg, 1729-55,
22 vol. in-8, avec 2 vol. de tables in-4, publiées après la
mort de l'auteur) : dans ces Amusements numisma-
tiques, Kœhler donne la description et l'exphcation d'une
grande quantité de médailles allemandes, et ce recueil cu-
rieux est encore souvent consulté aujourd'hui : Historische
Nachricht von den Hofœmtern des Herzogthums Braun-
schiveig und Lilneburg (Gœttingue, 1746, in-4) ; Systema
familiarum augustarum (1721-31).
KŒHLER (Johann-Tobias), historien et numismatiste
allemand, né à Altorf le 17 janv. 1720, mort à Gœt-
tingue le 26 déc. 1768, fils du précédent. Après avoir
étudié à l'université de Gœttingue, il y devint professeur
de philosophie en 1757. On lui doit : f^otice sur la vie
de Wigulee Eund (Gœttingue, 1750, in-4); Vin-
KCmim - KdlLCSEY
— 586 -
tarus, primus inter Germanos artis salutaris peritia
celebris, Caroli Magni medicus (Gœttingue, 4757, Jn-4) ;
Disse}' tatio de Entio seii Henrico^ Frederici II imper a-
toris nothOj rege Sardiniœ^ Piomani imperatorii per
Italimn vicario {GœUmgue, il^l , m-4); Vollsttœndiges
Ducaten-Cabinet (Hanovre, 1758-60, 2 vol. in-8), im-
portant recueil de la plus grande partie des monnaies d'or
frappées en Europe dans le cours du moyen âge ; il est
encore aujourd'hui consulté. Tobias Kœhler a collaboré aussi
aux Miinzbeliisti'gungen de son père; il a inséré une
grande quantité d'articles dans les Hannœversche gelehrte
Anzeigen; enfin on lui doit la traduction en allemand de
nombreuses relations de voyages dans diverses parties de
l'Europe.
KŒH LER (Heinrich-Gottlieb), mathématicien allemand,
né à Celle le dl févr. 1779, mort à Gœttingue le 10 oct.
1849. Professeur de mathématiques à Gœttingue, il a pu-
blié de bonnes tables de logarithmes, qui ont eu un très
grand nombre d'éditions : Logarithm.-trigonom. Tafeln
(Leipzig, 1827) ; Logarithm.-trigonom. Handbuch
(Leipzig, 1847); Vier logarithm. und antilogarithm.
Tafeln (Leipzig, 1851, posth.). L. S.
KŒH LER (George-Frederik), général anglais, mort près
de Jaffa le 29 déc. 1800. D'origine allemande, il entra au
service de l'Angleterre en 1780. Durant la défense de
Gibraltar, il inventa un affût de canon qui accrut considé-
rablement la justesse du tir. Aide de camp de lord ïïeath-
field, il le suivit à Aix-la-Chapelle et il devint major gé-
néral au service des Etats-Unis de Belgique pendant la
guerre contre l'Autriche (1790). On le retrouve ensuite à
Toulon (1793), en Corse (1794) où il confère avecPaoli,
puis il est chargé du commandement de la mission militaire
envoyée pour organiser l'armée turque (1799). Il était en
1800 à Jaffa où il mourut avec sa femme de la peste.
KŒHLER (Christian), peintre allemand, né à Werben
(Yieille-Marche) le 19 oct. 1809, mort à Montpellier en
1861. Il étudia d'abord à Berhn, puis alla avec Schadow à
Dusseldorf, où il se tourna vers le genre héroïque et où il
devint professeur à l'Académie. Nous citerons parmi ses
œuvres: Moïse sauvé des eaiix^ toile d'une fantasmagorie
romantique ; Rébeccaàla fontaine^ Triomphe de David,
Agar et Ismaël, Roméo et Juliette, la Germanie avec
le génie de la Liberté^ Sémiramis saisissant son glaive,
et une admirable Mignon.
KŒHLER (Ludwig-Heinrich), pianiste et professeur al-
lemand^ né à Brunswick le 5 sept. 1820, mort à Kœnigs-
berg le 17 févr. 1886. Il commença ses études dans sa
ville natale et les acheva à Vienne sous Sechter, Seyfried
et Bocklet, s'essaya d'abord comme chef d'orchestre dans
quelques petits théâtres de l'Allemagne du Nord, et se fixa
en i 847 à Kœnigsberg comme professeur et directeur d'une
école de musique. Il a composé trois opéras, une partition
pour VHelena d'Euripide, des chœurs et des compositions
pour le piano en nombre très considérable; ses études
pour le piano à quatre mains portent le numéro d'œuvre
280. Il s'est distingué particulièrement par ses ouvrages
théoriques pour l'enseignement du piano, dont les princi-
paux sont : Systematische Lehrmethode fUr Klavier-
spiel undMusik, en deux parties (Leipzig, 1856-58 ; 2^ éd.,
1872; 3 éd. revue par Riemann, 1887); Fûhrer durch
den Klavierunterricht (l^^éd., s. d.; 6® éd., 1879);
Der Klavierfing ersatz (1862); Der Klavierunterricht
(5® éd., 1886); Leichtfassliche Harmonie und General-
basslehre (3® éd., 1880); Der Klavierpedalzug (Berlin,
1882) ; Théorie der musikalischen Verzierungeîi(iSS6).
Kœhler a fourni de nombreux articles de critique musicale
à différents journaux de musique allemands, et a publié des
éditions doigtées d'auteurs classiques pour le piano. M. Br.
KŒH NE (Bernard, baron de), archéologue et adminis-
trateur russe, né à Berhn le 4 juill. 1817, mort à Wurzbourg I
le 17 févr. 1886. Il alla de bonne heure se fixer en Russie |
où il devint conseiller d'Etat, directeur du bureau héral-
dique et conservateur du musée impérial de l'Ermitage. 11 I
a écrit de nombreux mémoires de numismatique et d'ar-
chéologie, insérés pour la plupart dans les Mémoires de
la Société impériale d'archéologie et de numismatique
de Saint-Pétersbourg (1847-52, 6 vol. in-8) qu'il diri-
geait. Ses principaux ouvrages sont les suivants : Des-
cription du musée de feu le prince Basile Kotschou-
bey (1857, 2 vol. in-4) , ouvrage important pour l'histoire
de la Russie méridionale dans l'antiquité et la numisma-
tique du Pont et du Bosphore cimmérien ; Recherches sur
l'origine de plusieurs maisons souveraines d'Europe
(1863, in-8); Ueber den Doppel-Adler (Berlin, 1871);
Berlin, Moskau, S. Petersburg, i649-i743 (Berlin,
1882). Il a aussi collaboré à la Revue numismatique
française (en 1862) et aux Berliner Blœtter filr Munz-
Siegel und Wappenkunde (1859-73).
kOEKELBERG. Corn, de Belgique, prov. de Brabant,
arr. de Bruxelles; 6,500 hab. Stat. du chem. de fer de
ceinture de Bruxelles. Exploitations agricoles, fabriques
de produits chimiques, tanneries, fabriques de ouate.
KOEKKOEK (Jan-Hermann), peintre de marine hollan-
dais, né en 1778, mort en 1851. A la nouvelle Pinaco-
thèque de Munich, on voit de lui une Mû^nn^ datée de 1847.
KOEKKOEK (Barend-Cornelis), paysagiste hollandais, fils
du précédent, né à Middelbourg le 11 oct. 1803, mort à
Clèves le 5 avr. 1862. Il fut élève de son père, de Schelf-
hout et de Van Oos ; puis il voyagea et vint à Paris où il
connut Corot, Daubigny et Rousseau. Koekkoek exposa au
Salon de 1840 un Intérieur de bois qui fut très remarqué
et au Salon de \ 843 un nouvel Intérieur de bois ; à l'Ex-
position de 1855 un Paysage d'automne et un Bois en
hiver. Koekkoek s'est mêlé à la belle pléiade des paysa-
gistes français de 1 840, et son art en a heureusement pro-
fité: ses tableaux sont d'une grande facture et d'une grande
harmonie. On voit des paysages de lui aux musées de
Karlsrùhe, de Leipzig ; une Vue de Clèves (1846) à Anvers ;
un Paysage d hiver et un Paysage italien, ce dernier
acheté au peintre 1,000 florins, à Amsterdam; et à New
York une Vue de la Moselle à l'Historical Society et un
Paysage flamand à la collection Vanderbilt. E. Br.
KOEKOEKK (Hermann), paysagiste etpeintre de marine
hollandais, frère du précédent, né le 13 mars 1815. Elève
de son père et de son frère. Membre de l'Académie d'Am-
sterdam en 1840. Au musée de Rotterdam, une Mer agitée.
KŒLBING (Eugen), philologue allemand, né à Herrn-
hut le 21 sept. 1846. Bibliothécaire (1873), puis profes-
seur (1880) à l'université de Breslau, il a publié de bonnes
éditions àw Riddarasœgur {\^1% ; de h Chanson de Ro-
land (ms. de Venise) (1877); à' Elis Saga ok Rosamundu
('1881); Die nordische und englische Version der Tris-
tansage (1878-82) ; Amis und Amiloun (1884) ; The
Romance of sir Beues of Hamtoun (Londres, 1885,
dans la coll. de l'Early Text Society) ; de plus, Untersu-
chungen ûber den Ausfall des Relativ-Pronomens in
den Germanischen Sprachen (1872) ; Beitrœge zur ver-
gleichenden Geschichte der romantischen Poésie und
Prosa im Mittelalter ; depuis 1877, il publie une revue,
Englische Studien.
KŒLCSEY (François), orateur et poète hongrois, né à
Szœ-Demeterle 8 août 1790, mort à Szathmârle 24 août
1 838. Peu d'hommes ont rendu des services aussi variés à la
littérature magyare. Jurisconsulte, ilfutun avocat des plus
éloquents. Patriote libéral, député à la Diète de 1832-36, ses
discours firent sensation, notamment celui qu'il prononça
en se démettant de son mandat, parce qu'il n'était plus
d'accord avec ses électeurs. Orateur académique, il pro-
nonça l'éloge de Kazinczy, son maître, et celui de Berzsenyi.
Critique et esthéticien, il montra beaucoup de profondeur
en dirigeant, avec Paul Szemere, à partir de 1826, le re-
cueil intitulé Elet es literatura (Vie et littérature). Jour-
naliste politique, son compte rendu de la Diète ne put être
imprimé que plus tard, en 1848. Dès 1840, commença
l'impression de ses autres œuvres, comprenant six volumes
et dont une seconde édition en huit volumes parut en 1863.
Reste l'élément principal, le plus populaire de cette collec-
tion considérable, les poésies lyriques de Kœlcsey. Au pre-
mier rang doivent être cités : Dobozi, la Belle Lanka ^
Hymne, Zrinyi, Espérance^ remarquables par une sen-
sibilité profonde qui doit beaucoup à l'étude des odes et
des ballades allemandes. E. S.
BiBL. : ToLDY, A Magyar Kœltészet Kézikœnyve. —
SoHwicKER, Geschichte der yngarischen Litteratur.
KŒLLIKER (Rudolph-Albert von), célèbre anatomiste
suisse, né à Zurich le 6 juil. 1817. Il étudia à Zurich, à
Bonn et à Berlin, fut en 1842 l'assistant de Henle, et en
1845 devint professeur de physiologie et d'anatomie com-
parée dans sa ville natale ; en 1847 il alla occuper la même
chaire à Wurzbourg. Ses travaux sur l'anatomie micros-
copique et l'embryologie sont très remarquables ; on peut
en dire autant de ses travaux sur les mollusques et les
vers. — Ouvrages principaux: Mikroskopiscke Anatomie
oder Gewebelehre des Menschen (Leipzig, 1850-54,
3 vol. in-8); Handbuch der Gewebelehre des Menschen
(Leipzig, 1852, in-8, et plusieurs éd.; trad. fr., Paris,
1855, in-8); Entwickelungsgeschichte des Menschen
und derhœheren Thiere (Leipzig, 1861, in-S, et autres
éd.; trad. fr., Paris, 1879-82, in-8); Icônes histologicœ
(Leipzig, 1864-65, in-fol., 19 pi.); Grundriss der Ent-
wickelungsgeschichte (Leipzig, 1880, 1884, in-8), etc.
Depuis 1849, il rédigea avec von Siebold le Zeiischrift
fur wissensch. Zoologie. D'^L. Hn.
KŒLLIKERIA (Cœlent.) (V. Kollikeria).
KŒLMARK (Per), philosophe suédois, né à Karlskoga
en 1750, mort en 1839. Il est connu surtout par un ma-
nuel de philosophie inspiré des idées de Locke et de Wolf,
qui fut fort apprécié de son temps {Vtkast till en syste-
mat. afhand. i theoret. o. pract. philosophien). Ou a
de lui aussi de nombreuses dissertations sur la morale,
sur la liberté, sur l'éducation.
KŒLREUTERIA {Kœlreuteria Laxm.) (Bot.). Genre de
Sapindacées-Pancoviées, dont le représentant le plus connu,
le K. paniculata Laxm., arbre de la Chine à feuilles al-
ternes, imparipennées, à fleurs jaunes, est cultivé dans
nos jardins. Les fleurs sont polygames, le calice valvaire,
la corolle composée de trois à quatre pétales, avec cinq à
huit étamines intérieures au disque ; l'ovaire est à trois
loges biovulées, la capsule vésiculaire, loculide, les graines
globuleuses, sans arille. D'' L. Hn.
KŒNIG (Kristian), jurisconsulte et érudit suédois, né
en 1678, mort en 1762. Il a publié en plusieurs volumes
des Exercices scientifiques (Làrdomsôfningar, 1745-52)
et, ce qui est peut-être d'une utilité plus réelle, une tra-
duction latine du code suédois : Codex legum suecicarum
(1743). On a aussi de lui une dissertation intitulée De
Cura principis circa annonam.
KŒNIG (Samuel), mathématicien allemand, né à Biidin-
gen (Hesse) en 1712, mort à Zuilestein (Pays-Bas) le 21 août
1 757. Après avoir étudié avec Bernoulli, il fut pendant trois
ans le secrétaire particulier de la marquise du Châtelet. On
lui prête même une grande part dans les œuvres de cette der-
nière. Plus tard, il vint en Suisse, à Paris, puis en Hollande
où il se fixa. Ami de Réaumur et de Voltaire, correspondant
de l'Académie des sciences de Paris, il a écrit de nombreux
articles dans les Acta eruditorum, dans les Mémoires de
l'Académie de Berlin, etc. Il a eu avec Maupertuis une que-
relle scientifique restée célèbre.
KŒNIG (Friedrich), mécanicien allemand, né à Eisle-
ben (Saxe) le 17 avr. 1775, mort à Oberzell (Bavière) le
17 janv. 1833. Il fit son apprentissage d'imprimeur chez
Brcitkopf, à Leipzig, tout en fréquentant les cours de ma-
thématiques et de mécanique de l'université, imagina vers
1803 le plan d'une presse mécanique, tenta vainement de
trouver des capitaux à Hambourg, à Vienne, à Saint-Pé-
lerbourg, où il se rendit successivement, et vint en 1806 à
Londres, oii, dès l'année suivante, il obtint le concours
financier des imprimeurs Th. Bensley, WoodfalletR. Tay-
lor. En 1810, aidé par un mécanicien de Stuttgart, ren-
- 587 - KOELCSEY - KQENICt
contré chez Bensley, Andreas-Friedrich Bauer (1783-
1860), il construisit une machine à platine, à encrage
automatique, pour laquelle il prit un brevet. Ce fut la
première presse mue par la vapeur (V. Imprimerie, t. XX,
p. 636). 11 inventa ensuite une machine à cylindre (1811-
13), qui, dès 1814, tirait le Times à raison de 1,100
exemplaires à l'heure, puis une machine double (1815-16).
Ayant eu des difficultés avec ses commanditaires, il re-
tourna avec Bauer en Allemagne (1817) et ils montèrent
à Oberzell, près de Wurzbourg, dans un ancien monastère,
une fabrique, bientôt connue dans toute l'Europe, de ma-
chines à imprimer et de papier, qui fut dirigée après la mort
de Kœnig, d'abord par Bauer seul, puis par les fils de
Kœnig, Wilhemet Friedrich, Elle a occupé jusqu'à quatre
cents ouvriers, et plus de quatre mille presses en sont sor-
ties, parmi lesquelles la première machine imprimant en
deux couleurs (1865) et la première machine rotative
(1876). L. S.
BiBL. : Gœbel, Friedrich Kœnig und die Erfîndung der
Schnellpresse ; Stuttgart, 1875 ; 2« éd., 1883.
KŒNIG (Gottlob), forestier allemand, né à Hardeileben
(Saxe-Weimar) le 18 juil. 1776, mort à Eisenach le 22 oct.
1849. Il fonda en 1805 à Ruhla une école forestière privée
qui acquit une réputation universelle, et devint en 1 830 l'école
officielle d'Eisenach. Il a renouvelé la science forestière en
développant les principes mathématiques et en attirant l'at-
tention sur les soins à donner au sol. Ses principaux ou-
vrages sont : Waldpflege (1849, 3^ éd., par Grèbe, 1875);
Bie Forstmathematik (1835, 5® éd., par Grèbe, 1864).
KŒNIG ( Heinrich- Joseph) , écrivain allemand, né à
Fulda le 19 mars 1790, mort à Wiesbaden le 23 sept.
1869. Modeste employé, ses attaques contre le catholi-
cisme (Rosenkanz eines Katholiken^ 1829 ; Ber Christ-
baum des Lebens, 1831) le firent excommunier et il se
convertit au protestantisme. Il a écrit plusieurs pièces théâ-
trales parmi lesquelles on cite: Die Bussfahrt (1836), et
nue quantité de romans et nouvelles: Diehohe Braut
(1833, 2 vol.) ; Die Waldenser (1836, 2 vol.) ; W, Sha-
kespeare (5® éd., 1875, 2 vol.); Deutsches Leben in
deutschen Nouellen (1842-44, 2 vol.); Die Klubiste^i in
Mainz (1847, 3 vol.); Kœnig Jer ornes Rarneval (1855,
3 vol.); Von Saalfeld bis Aspern (iS6^,'d vol.), etc. La
collection de ses romans forme 20 vol. (Leipzig, 1854-69).
KŒNIG (Charles-Frédéric), homme politique français,
né à Colmar le 19 nov. 1797, mort à Colmar le 27 mars
1874. Avocat à Colmar, il défendit en 1822 les conjurés
de Belfort. Il abandonna bientôt le barreau pour l'horti-
culture (1826), puis se lança dans la politique. Défenseur
des accusés d'avril 1834, il fut un des organisateurs du
banquet réformiste de Colmar (1848) et fut élu le 23 avr.
représentant du Haut-Rhin à l'Assemblée constituante.
Membre de la gauche, il prit une part active aux débats
et combattit vivement la politique de Louis-Napoléon. Réélu
à la Législative le 13 mai 1849, il participa le 13 juin à
l'échauffourée du Conservatoire des arts et métiers (V. Juin).
Il fut condamné par contumace à la déportation par la
haute cour de Versailles.
KŒNIG (Charles-Gustave), juriste suisse, né à Radel-
fingen (Berne) en 1828, mort à Berne le 23 mai 1892.11
fit ses études juridiques à Berne, Munich et Heidelberg oti
il se lia avec Bluntschli. Il s'établit à Berne comme avocat
et devint en 1871 professeur à l'université de Berne : il
y enseignait le droit suisse, le droit et la procédure civile
bernois. Pendant dix ans, il a dirigé la revue bernoise de
jurisprudence et pendant bien plus longtemps il a collaboré
activement aux revues spéciales de Suisse et d'Allemagne.
Ses principaux ouvrages sont : Bernische civil und Civil-
prozessgesetze (1 879-81 , 2 vol.) ; Bernische und schweiz,
Obligationenrecht (iSSi), Très érudit, il passait pour un
des plus grands savants que Berne ait eus depuis Haller.
Il a été le conseil du gouvernement conservateur tessinois
lors de l'émeute de sept. 1890 et a beaucoup faitfpour la
solution pacifique du conflit. E. Kuhne.
KCENIG — KœNlGSBERG
- 588 -
KŒNIG (Rodolphe), mécanicien et physicien français
d'origine allemande, né à Kœnigsberg le 26 nov. 1832. Il
est venu en 1851 à Paris, oîi il s'est fait naturaliser, y a
travaillé pendant plusieurs années chez le luthier J.-B. Vuil-
laume et y a fondé en 1858 l'importante maison d'appa-
reils d'acoustique qui porte son nom. On lui doit, outre
plusieurs inventions et de nombreux perfectionnements,
des recherches théoriques et d'intéressantes observations
expérimentales sur l'emploi des méthodes graphiques en
acoustique, sur la vitesse des sons, sur l'audition colorée,
sur le diapason normal, sur les mouvements vibratoires de
l'air, qu'il a étudiés et mesurés au moyen d'un ingénieux
petit appareil imaginé par lui, la capsule manomé trique
(V. ce mot), sur la représentation géométrique des sons,
sur les percussions acoustiques, etc. Il a fait connaître les
résultats de ces divers travaux dans des mémoires publiés
d'abord par les Annalen de Poggendorff, puis réunis sous
le titre : Quelques Expériences cV acoustique (Paris,
1882, in-8). L. S.
BiBL. : PiSKO, Die neuren Apparate der Akustik ; Vienne,
1865. — Catalogue des appareils de la maison Kœnig ; Pa-
ris, années 1859 et suiv.
KŒNIG (Ewald-August), romancier allemand, né à Bar-
men le 22 août 1833^. II débuta par des récits humoris-
tiques de la vie militaire (Humoresken^ 3^ éd., 1873;
Lust imd Leidim bunlen Rock^ 1 864 ; Bei der Infanterie^
1865) et écrivit des romans amusants qui prouvent des
quahtés d'observateur: Ber Déserteur (1867) ; Die Ge-
heimnisse einer grossen Stadt (1870, 3 vol.); Durcli
Kampf zum Frieden (1871, 4 vol.); Dunkle Wege
(1880, ^\o].); UmGlilck wid Dasein(iSS^, ^yoL), etc.
KŒNIG Bey (Mathieu-Auguste KoENiG, dit), orientaliste
français, né à Paris en 1802, mort à Alexandrie le 15 avr.
1865. Ayant étudié de bonne heure les langues orientales,
il fit de 1820 à 1826 de longs voyages à travers l'Egypte,
la Syrie, le Sennaar, le Darfour, se fixa en 1827 au Caire
et y devint successivement professeur de l'école d'état-
major, précepteur des enfants de Mohammed Ali, directeur
du bureau de traduction, avec le titre de bey, secrétaire
des commandements de son ancien élève, Saïd Pacha. Il a
traduit en arabe de nombreux ouvrages français de sciences
physiquesetmathématiques,detactiquemilitaire,etc. L. S.
KŒNlGGR/tTZ(V. Kralove Hrâdec).
KŒNIGINHOF (V. Kralove Dvor).
KŒNIGS (Paul-Xavier-Gabriel), mathématicien fran-
çais, né à Toulouse le 17 janv. 1858. Entré en 1879 à
l'Ecole normale, reçu docteur es sciences en 1882 avec une
thèse Sîir les Propriétés infinitésimales de l'espace
réglé, chargé de cours à la faculté de Besançon (1883),
puis à celle de Toulouse (1885), il est actuellement (févr.
1895) maître de conférences de mécanique et d'astronomie
à l'Ecole normale supérieure (depuis 1886), chargé de
cours (cinématique) à la Sorbonne, professeur suppléant
de mécanique au Collège de France. L'Académie des sciences
de Paris lui a décerné en 1890 le prix Ponti, en 1892
le prix Bordin pour un travail Sur les Lignes géodésiques
(Savants étrangers, t. XXXI), en 1893 le prix Poncelet.
Il a publié sur des questions de géométrie et de mécanique
un grand nombre de mémoires orioinaux insérés dans les
Comptes rendus de l'Académie des sciences, dans les
Annales de l'Ecole normale, dans le Journal de ma-
thématiques de Liouville, dans les Acta mathematica,
dans le Bulletin des sciences mathématiques, dans les
Nouvelles Annales de mathématiques, dans V American
Jour7ial of mathematics, etc. Il a fait paraître à part :
Leçons de Vagrégation classique de mathématiques
(Paris, 1892, in-4, Uth.); Leçons de cinématique {Varis,
1895, in-8); la Géométrie réglée et ses applications
(Paris, 1895, in-4), etc. L. S.
KŒNIGSBERG (Mont) (V. Harz).
KŒNIGSBERG (polonais Krolewiec, htm Regiomon-
tum). Yille de Prusse, ch.-i. de la prov. de Prusse orien-
tale et du district de Kœnigsberg, sur la Pregel, à 7 kil.
de son embouchure; 161,666 hab. C'est la seconde capitale
de la monarchie prussienne, la ville où le roi vient ceindre
la couronne. Elle comprend trois quartiers primitifs : la
Vieille-Ville entourant le château du xiii® siècle, au N. de
la Pregel, entre la rivière et un étang; Kneiphof ùâns
une île de la Pregel, au S. de la Vieille- Ville ; Lœbenicht,
à l'E. de celle-ci. Autour de ces quartiers se sont déve-
loppés des faubourgs; les plus anciens sont ceux du N. :
Steindamm, village de pêcheurs autour de l'église Saint-
Niklas; Tragheim; au S. sont ceux de Saint-Anton,
Saint-Georg, Haberberg, Les trois quartiers primitifs
furent réunis en une cité en 1724; les autres ont été
annexés successivement. La ville actuelle a, derrière son
enceinte bastionnée, un pourtour de 15 kil. Elle est tra-
versée par la Pregel, dont les deux bras se réunissent en
amont et en aval de l'île de Kneiphof. Elle a 85 m. de
longueur maxima. Sur la rive droite s'allonge du S. au N.
l'étang du château (plus de 9 hect.), aux bords plantés
d'arbres, qui coupe en deux les quartiers de la rive droite
et s'unit presque à un étang plus large situé au N. La ville
est moderne ; même la vieille ville a des rues se coupant
à angle droit. Le monument principal est le château, pa-
rallélogramme de 104 m. sur 67 m. ; bâti au xiii^ siècle,
il servit de résidence aux grands maîtres de l'ordre teu-
tonique, puis aux ducs de Prusse ; la façade septentrionale
est de l'époque primitive, le reste du xvi« au xviii^ siècle.
L'église du château, bâtie en 1592, et la vaste salle Mosco-
vite (83 m. de long, 18 de large, 6 de haut) se trouvent
àl'O.; à l'E., le beau pavillon édilié par Schliiter (1708-12)
et la grande porte; au S. la tour (84'^5). La seule église
intéressante est la cathédrale, dans l'île de Kneiphof,
bâtie en style gothique par Luderusde Brunswick, malheu-
reusement restaurée en 1856 ; elle a 92"^3 de long, 25*^7
de large, trois nefs, une tour de 50 m., renferme quelques
beaux tombeaux; du côté N. est la Stoa Kantania, ga-
lerie consacrée à Kant dont elle renferme le tombeau. Les
quartiers anciens sont encore le centre du commerce, mais
on habite de préférence les quartiers neufs, surtout ceux
du N., plus élevés et plus sains. Les chemins de fer ont
envahi le Philosophendamm, promenade favorite de Kant,
au N. de la Pregel et à l'O. de la ville. Les fortifications
actuelles datent de 1843 et sont complétées par de puis-
sants ouvrages extérieurs et des forts détachés. Des ca-
sernes colossales s'élèvent à l'E.
L'industrie est active : en premier lieu la métallurgie,
fonderie et construction de machines, puis la filature de
toiles, la confection, les industries chimiques, la distillerie,
la brasserie; le travail de l'ambre occupe plus de
16,000 personnes. Le commerce est actil; il se fait par
voie ferrée et par la Pregel ; le port extérieur de Kœnigs-
berg est Pillau. On exporte beaucoup de céréales. La valeur
des importations atteint 250 millions de fr., celle des
exportations 200 millions ; les 2/5 du trafic se font par
voie maritime.
L'université de Kœnigsberg (Collegium Albertinum)
a été fondée par le duc Albert P'^ en 1544 ; elle compte
de 800 à 900 étudiants.
Histoire. — La ville de Kœnigsberg eut pour origine le
château de l'ordre teutonique bâti en ce lieu sur le conseil
du roi de Bohême, Ottocar. Il était au N.-O. de la ville
actuelle, vers le Steindamm ; ayant été détruit par les
Prussiens (1263), il fut rebâti à l'emplacement où nous
le voyons. La ville de Kœnigsberg reçut une charte ur-
baine en 1286; Lœbenicht en 1300, Kneiphof en 1327.
En 1457, le grand maître fixa sa résidence à Kœnigsberg,
où demeurèrent les ducs de 1525 à 1618. En 1626, on
fortifia la ville qui devint en ce siècle une forteresse de
premier rang. Le 16 janv. 1656, le traité de Kœnigs-
berg entre la Suède et le Brandebourg reconnut la suze-
raineté suédoise sur la Prusse et promit à celle-ci l'Erme-
land.
Le district de Kœnigsberg a 21,110 kil. q. et
1,172,149 hab. (en 1890). Il se divise en vingt cercles :
589 —
KOENIGSBERG — KCENIGSWARTER
Allenstein, Braunsberg, Preussisch-Eylau, Fischhausen,
Friedland, Gerdauen, Heiligenbeil, Heilsberg, Preussisch-
Holland, Kœnigsberg (ville), Kœnigsberg (campagne), La-
biau, Memel, Mohrungen, Neidenburg, 'Ortelsburg, Oste-
rode, Rastenburg, Rœssel, Wehlau. A. -M. B.
KŒNIGSBERG-in-der-Neumârk. Ville de Prusse, district
de Francfort-sur l'Oder (Brandebourg), sur la Rcehrikeet
le ch. de fer de Breslau à Stettin;' 6,000 Iiab. Ancien
ch.-l. de la Nouvelle Marche (V. Brandebourg).
KŒNIGSHOFEN (Jacob Twingek de), chroniqueur, né
à Strasbourg en i8^i6, mort à Kœnigshofen (faubourg de
Strasbourg) le 27 déc. 1420. Chanoine du chapitre de
Saint-Thomas (1395), il écrivit une chronique en cinq
chapitres, les deux derniers sur l'histoire de sa ville ; ils
ont une valeur originale pour la période de 1382 à 4414
et renferment de curieuses anecdotes. Cette chronique a
été publiée aux t. Vlïl et IX de la collection de Hegel,
Chroniken der deutschen Stœdte (1870-71).
KŒNIGSHÙTTE. Ville de Prusse, district d'Oppeln
(Silésie), au centre du bassin houiller et métallurgique de
la Haute-Silésie ; 36,502 hab. La grande société deiCœ-
nigshûite et Laurahûtte emploie plus de 4,000 ouvriers
à ses fourneaux, plus de 5,000 à ses deux mines (2,100
à celle de Laura). Elle extrait plus de deux millions de
tonnes de houille et produit un million de tonnes de fonte,
de l'acier, du zinc, du cuivre, etc.
KŒNIGSLUTTER. Ville d'Allemagne, duché de Bruns-
wick, sur l'Elni et la Lutter ; 5,000 hab. avec le bourg
voisin à' Ober lutter. Auprès fut une grande abbaye béné-
dictine (de femmes, 1010, puis d'hommes, 1135) dont
l'église romane (beau chœur) renferme le mausolée de Lo-
thaire II et le tombeau de Henri le Superbe, duc de Bavière.
KŒN IGSMARK (Hans-Christoph, comte de), né àKœtzlin
(Brandebourg) le 4 mars 1600, mort en Suède le 8 mars
1663. D'une vieille famille brandebourgeoise, il entra au
service de l'Empire, puis de Gustave-Adolphe (1630),
devint colonel (1635), défit les impériaux à Nodkirchen
(1636) et commanda pour les Suédois en Westphalie d'où
il fit d'audacieuses razzias dans toute l'Allemagne. Il suivit
Torstensson en 1642, commandait l'aile gauche à la ba-
taille de Leipzig, puis s'occupa de reprendre les places de
l'Elbe et la Poméranie, revint en Saxe, où il défit Rekowitz
à Zeitz et imposa une trêve à l'électeur qui dut évacuer
Torgau et Leipzig. Après plusieurs campagnes heureuses,
il fit sa jonction avec V^^rangel en Franconie, gagna la ba-
taille de Zusmarsgausen (17 mai) et s'empara de la Petite-
Prague (26 juil.), succès qui décida la paix. Il fut fait
feld-maréchal, gouverneur de Brème et Verden, comte hé-
réditaire. Dans la guerre de Pologne (1656), il fut fait pri-
sonnier dès le début.
Son fils Kurt (Conrad) épousa une fille de V^rangel et
fut tué en 1673, devant Bonn, Deux de ses enfants sont
célèbres par leurs aventures amoureuses : Philipp-Chris-
toph,nè vers 1662, se lia à Venise avec le prince Auguste
de Saxe, revint avec lui à Dresde, entra au service de
l'électeur de Hanovre, devint l'amant de la princesse Sophie-
Dorothée de Celle, épouse du prince héritier, et disparut,
probablement assassiné, le 1^^ juil. 4694. La sœur de ce-
lui-ci Maria-Aurora^ née à Stade en 1670, morte le 16 févr.
1728, vécut après la mort de sa mère (1691) auprès de
sa sœur aînée la comtesse Lœwenliaupt. En 1694, elle se
rendit à Dresde pour faire intervenir l'électeur iVuguste II
en faveur de son frère, ou s'assurer de sa mort et en re-
cueillir l'héritage. Elle devint la maîtresse d'Auguste II, et
de cette union naquit le fameux Maurice de Saxe. Bientôt
délaissée, elle se retira à l'abbaye de (Juedlinburg, vécut
ensuite à Berlin, Dresde, Hambourg, fit un voyage àNarva
pour apaiser l'ennemi d'Auguste H, Charles XII, qui resta
insensible à ses charmes, et rentra après 1 706 dans son
couvent. C'était une femme d'une grande beauté et mer-
veilleusement douée, sachant un grand nombre de langues,
ayant un remarquable talent musical; elle a composé
quelques lieds, cantates, motifs d'opéra. A.-M. B.
BiBL. : Crasner, Denkwûrdigkeiten der Grœftn Maria-
Aurora von Kœnigsmark ; Leipzig, 1836, 2 vol. — Corvin-
WiERSBiTZKY, M. -A., GrsBfîn von Kœnigsmark^ 1848. —
Palmblad, Aurora Kœnigsmark und ihre Verwandten^
1848, 4 vol. '
KŒNIGSPERGER (Marianus), moine bénédictin et
musicien allemand, né à Rœding (Palatinat) le 4 déc.
1708, mort au couvent de Prùfling (Bavière) le 9 oct.
1769. Très bon organiste et compositeur facile, il a écrit
une quantité de messes et de morceaux religieux, publiés
à Augsbourg et pendant longtemps très répandus en Alle-
magne; une méthode de clavecin (1755), des préludes,
des fugues et des exercices pour le clavecin et pour l'orgue.
KŒNI6SSEE. Lac alpestre de Bavière, à 4 kil. S. de
Beschtesgaden, à l'E. du Watzmann, à 603 m. d'alt.;
8 kil. de long, 2 kil. de large, 28 kil. détour, 188 m. de
profondeur. L'Achen déverse ses eaux dans le Salzach.
C'est un des plus beaux lacs d'Europe, avec ses eaux d'un
vert profond, baignant une muraille calcaire de 2,000 m.
de haut ; à l'E. s'ouvre la sombre gorge de l'Eisthal, dont
l'accès est facilité par les alluvions qui ont formé la pres-
qu'île boisée de Hirschau où s'élève la vieiUe chapelle de
Saint'Bartholomœ (antérieure à 1134), lieu de pèleri-
nage; au S. dort, dans un cirque désert, d'une sauvage
grandeur, le petit lac Obersee.
KŒNIGSSTEIN. Ville d'Allemagne, royaume de Saxe,
district de Dresde, au confluent de l'Elbe et de la Biela ;
4,000 hab. Scieries, parquetterie, cartonnages, fonde-
rie, etc. Au N.-E. s'élève un rocher de grès qui domine
de 246 m. la rive gauche de l'Elbe, en face du Lilien-
stein ; ce roc de Kœnigstein, coupé à pic de trois côtés, est
la seule forteresse du royaume de Saxe. Elle passait pour
imprenable avant les progrès de l'artillerie et l'est encore
presque, car elle domine tous les sommets accessibles
d'alentour. Le côté accessible est défendu par des ouvrages
étages, de manière à braver tout assaut ; presque toutes
les installations sont casematées. Un puits de 214 m., taillé
dans le roc, ne tarit jamais. On y conserve des archives,
des trésors, etc. Ce fut aussi une prison d'Etat. Fortifié
dès l'époque slave par les Sorbes, le Kœnigsstein fut
acquis en 1459 par l'électeur de Saxe. C'est seulement au
xvi® siècle que Henri le Pieux en restaura et compléta les
fortifications, qui reçurent leur forme actuelle sous Fré-
déric-Auguste II. En 1756, les Saxons, retranchés au pied,
furent enveloppés et forcés de capituler par Frédéric IL
En 1849, le roi Frédéric-Auguste II se réfugia dans cette
citadelle avec ses ministres durant la révolution. De févr.
1867 à 1871, une garnison prussienne l'occupa. Les en-
virons sont très pittoresques. Dans le val de la Biela sont
les sources minérales de Kœnigsbrûnn,
BiBL. : MosER, Die Festung Kœnigsstein ; Pirna, 1872.
KŒNIGSSTEIN-im-Taunus. Ville de Prusse, district de
Wiesbaden; 1,800 hab. Eaux minérales; au-dessus, un
rocher porte les ruines d'un vieux château détruit en 1796.
A 2 kil. .N.-E. sont celles du château de Falkenstein,
auprès duquel est un hospice de poitrinaires.
KŒNIGSSTUHL. Monument célèbre dans l'histoire alle-
mande, situé sur la rive gauche du Rhin, à 400 pas en
aval de la ville de Rense (Rhense) où se touchaient les
domaines des quatre électeurs rhénans. En 1376, l'empe-
reur Charles ÏV y fit édifier une bâtisse octogone de 8 m. de
diamètre, 5'^30 de haut, portant sur sept arcs, mais sans
toiture; un escalier tournant autour du pilier central condui-
sait sur cette terrasse, le long de laquelle courait un banc de
pierre où des plaques marquaient le siège de chacun des sept
électeurs. Restauré en 1624 (l'escalier fut refait extérieu-
rement), ce bizarre édifice fut démoli par les Français en
1794; on l'a rétabli en 1843. Le lieu était dès le xiv« siècle
consacré par la tradition pour les réunions électorales. Oa
citera celles qui élurent Henri VII (1308), Charles IV
(1346) et Robert de Palatinat (1400) et celle du 16 juil..
1338. *'
KŒNIGSWARTER (Louis-Jean), économiste français,
né à Amsterdam le 12 mars 1814, mort à Paris le 6 déc.
KCENïi^SWAnTEIl - KOEPRILÏ
— 590
1878. Il s'établit à Paris en 1838 et s'y fit connaître par
ses publications d'économie politique qui lui valurent,
en 1851, d'être élu correspondant de l'Académie des
sciences morales et politiques. 11 avait été naturalisé Fran-
çais en 1848, Citons de lui : Essai sur la législation des
peuples anciens et modernes relative aux e7ifants nés
nors mariage (Paris, 1842, in-8) ; Etudes historiques
sur le développement de la société humaine (1850,
in-8) ; Histoire de l'organisation de la famille en
France (1851, in-8); Sources et monuments du droit
français antérieurs au xv® siècle (1853, in-12). Il a
attaché son nom au prix Kœnigswarter (1 ,500 fr.), dé-
cerné tous les trois ans par l'Académie des sciences morales
au meilleur ouvrage sur l'histoire du droit. — Son frère,
Maximilien^ né à Fiirth (Bavière) le 5 juil. 4817, mort
à Paris le 12 oct. 1878, banquier à Paris, fut député im-
périahste de la Seine au Corps législatif de 1852 à 1863.
KŒNfGSWlNTER. Ville de Prusse, district de Cologne,
sur le Rhin, au pied du Siebengebirge ; 3,100 hab. Ruines
de l'abbaye à*Heisterbachy Drachenfels, Wolkenhurg.
KŒPENICK ou CŒPENICK. Ville de Prusse, district
de Potsdam, dans une île delà Sprée, en amont de Berlin ;
12,000 hab. Château royal (de 1681), beau parc ; grande
teinturerie et blanchisserie. Le prince des Hévelliens y ré-
sidait en 1157. Le Brandebourg la conserva malgré la Mis-
nie, en 1240. Ce fut une des résidences favorites des élec-
teurs; c'est aujourd'hui un des heux de promenade des
Berlinois, avec les bois voisins, le lac (Milggelsee) et la
taupinière du Miiggelberg.
KŒPKE (Rudolf), historien allemand, né àKœnigsberg
le 23 août 1813, mort à Berlin le 10 juin 1870. Fils d'un
professeur au gymnase de Joachimsthal (Berlin), il fut
élève de Ranke, rédigea pour le Jahrbii.cher la moitié du
règne d'Otton P^ de 936 à 951 (Berlin, 1838), puis fut
un des meilleurs collaborateurs des Monumenta de Pertz ;
à partir de 1846, il enseigna à l'université de Berlin (pro-
fesseur en 1856). Ardent propagateur des idées prussiennes,
il a pubhé Das Ende der deutschen Kleinstaaten
(1866) et une excellente biographie de L. Tieck (1855,
2 vol.).
KŒPPEN (Friedrich), philosophe allemand, né à Lubeck
le 21 avr. 1775, mortà Erlangen le 5 sept. 1858. Il étudia
à léna, avec Reinhold et Fichte, puis à Gœttingue, fut, en
1804, pasteur à Brème, en 1807 professeur à Landshut et en
1 827 à Erlangen. Sa philosophie se rattache à celle de Jacobi,
dont il fut le correspondant assidu, et plus tard l'éditeur.
Dans un livre sur Schelling, il montra avec une grande
pénétration la faiblesse des données du système ; puis, dans
son ouvrage principal, sur l'essence de la philosophie, il
exposa ses propres idées. Il est des vérités inaccessibles à
toute spéculation : telle est la liberté que nous percevons
en nous immédiatement. Les deux grandes sources de la
connaissance sont le sens et la raison ; quant à l'entende-
ment, il ne fait que réfléchir ces données, et, par abstrac-
tion, en tirer la science. Les principaux ouvrages de Kœp-
pen sont : Ueher die Offenbarung in Bezug auf Kanf sche
und Fichtesche Philosophie (il91) ; Schelling' s Lehre
(1804), avec trois lettres de Jacobi sur le même sujet;
Darstellung des Wesens der Philosophie (1810) ; Phi-
losophie des Christenthums {iSi?)-i^, 2 vol.); Politik
(1818) ; Rechislehre (1819), ces deux derniers ouvrages
déductifs et platoniciens. C-el.
KŒPPEN (Pierre de), géographe et etnographe russe,
né à Kharkov le 19 févr.1793, mort àKarabagh (Crimée)
le 4 juin 1864. Il fit ses études à l'université de sa ville
natale, se rendit en 1814 à Saint-Pétersbourg, occupa di-
verses situations dans l'administration impériale et se retira
en 1860 dans sa propriété de Karabagh. Il était membre
de l'Académie de Saint-Pétersbourg. 11 a exploré, aux points
de vue géographique, ethnographique et archéologique, une
grande partie de la Russie et a consigné les résultats de
ses recherches dans de nombreux écrits, la plupart en al-
lemand : Uebersicht der Quellen einer Literœrgeschichte
Russlands (Saint-Pétersbourg, 1818); Nordgestade des
Pontus (Vienne, 1822) ; Bibliographische Blœtter et Ma-
terialen zur kultur geschichte Russlands, puWications
périodiques (années 1825 et suiv.) ; Geschichte des Wein-
bauesund Weinhandels m /^wss/and (Saint-Pétersbourg,
1832) ; Documents sur la Crimée, en russe {id., 1837) ;
Taurica {id., 1840) ; Ueber die Deutschen im Peter s-
burger Government {id., 1850); StatisiischeReise in das
Land der Donischen Rosaken {id., 1852); Areal und
Bevœlkerungsverhœltnisse Russlands {id., 1859); Die
vorzûglichsten Seen und Flussmûn'dungen Russlands
{id., 1860); Indicateur chronologique des matériaux
pour Vhist. des étrangers, en russe {id., 1861 , in-8), etc.
Il a aussi donné une carte ethnographique delà Bussie d'Eu-
rope (Saint-Pétersbourg, 1851, 4 feuilles). L. S.
KŒPPEN (Karl-Friedrich-x\lbert), juriste allemand, né
à Goldberg le 17 déc. 1822. Professeur de droit romain
aux universités d'léna(1856), Marbourg (1857), Wurzbourg
(1864), Strasbourg (1872), on lui doit: Die Erbschaft
(1856); System des heutigenrœmischenErbrechts{lm2i,
1862-64); Der obligatorische Vertrag unter Abwesen-
den (1871) ; Der Fruchteriverb des bonœ fidei possessor
(1872), etc.
KŒPPEN (Vladimir), météorologiste allemand, né à
Saint--Pétersbourg le 25 sept. 1846." Elève des universités
de Saint-Pétersbourg, Heidelberg et Leipzig; météorolo-
giste adjoint (1872-73) à l'Observatoire physique central de
Saint-Pétersbourg; depuis 1875, météorologiste à l'Insti-
tut nautique central de l'empire allemand. Ses nombreux
travaux, parus dans la Meteorologische Zeitschrift,
les Annalen der Hydrographie und maritimen Mé-
téorologie, le Repertorium fur Météorologie, VArchiv
der Seewarte,^ etc., ont pour sujets : le climat de la Cri-
mée; la distribution géographique des jours de pluie
et de la nébulosité ; la période de température de onze
ans; les trajectoires des cyclones; la moyenne men-
suelle de la tenipérature de*^ l'air, sa distribution sur le
globe et sa relation avec la température de l'Océan; le grain
du 9 août 18,81, etc. Il a pris part à diverses pubhcations
officielles de la Seewarte, notamment à celle des Instruc-
tions nautiques pour l'Atlantique et l'océan Indien. Il a
découvert l'action calmante de l'eau de savon sur les vagues.
KŒPRILl, KŒPRULU, KUPRILI, KIUPERLI ou^KO-
PRlLLNom d'une famille de grands vizirs ottomans. Le
premier fut Mohammed, né à Kœpri (Anatolie) vers 1 585,
mort à Andrinople le l^^'nov. 1661. Petit-ûls d'un Alba-
nais, il entra au sérail comme marmiton, s'éleva par son
mérite au poste de grand écuyer du vizir Kara-Mustafa,
se distingua dans les guerres de Chypre et de Perse, fut
nommé gouverneur de Damas. Au moment des troubles qui
suivirent la mort tragique du sultan Ibrahim, durant la
minorité de Mohammed IV, la sultane Validé le fit nom-
mer grand vizir. On raconte que ce vieillard, qui ne savait
pas lire, n'accepta qu'à la condition d'avoir de pleins pou-
voirs pour la répartition des emplois, récompenses et châ-
timents et une sorte de blanc-seing (1656). Politique ha-
bile et rusé, il était incorruptible et déploya une énergie
implacable qui l'a fait comparer à Richeheu. Il comprima
les fanatiques orthodoxes, destitua les fonctionnaires in-
fidèles, mit à mort les auteurs des rébellions précédentes.
Il remit de l'ordre dans les finances, réorganisa la justice
et l'armée en faisant rentrer dans l'ordre les janissaires.
Il donna satisfaction au sentiment national par la guerre
contre les Impériaux et Venise. Il prit lui-même la direc-
tion des troupes, défit les Vénitiens, conquit Ténédos et
Lemnos, la Transylvanie, la ville de Yanova en Perse,
comprima la révolte de l'Egypte. Il fit construire des for-
teresses aux frontières, les nouveaux châteaux des Darda-
nelles; il laissa le trésor rempli et le prestige de la Porte
rétabli au dehors.
Son fils Ahmed, né en 1630, mort près d' Andrinople le
30 oct. 1676, lui succéda. Elevé par un ouléma auquel son
père l'avait confié, il passa par les gouvernements d'Erze-
mi —
KŒPRTU - KCESTLIN
roum et de Damas, où il se fit aimer ; il se distingua contre
les Druses et fut alors nommé caïmacan (kaïmakan), sup-
pléant de son père. Il surpassait celui-ci par sa culture,
son goût éclairé pour les lettres, attesté par la protection
des écrivains, la formation d'une célèbre bibliothèque, etc.
Il gouverna quinze années l'empire ottoman avec sagesse
et succès. Il perdit la bataille de Saint-Gothard, mais ob-
tint une paix avantageuse, conservant Grosswardein et
Neuhaeusei (1664) ; il acheva le fameux siège de Candie
(4669), s'empara de Kaminiec (1672), mais fut battu à
Choczim par Sobieski (1673).
Son frère Mustafa eut une influence considérable sur
Mohammed IV qu'il empêcha de faire tuer stfn frère Soli-
man ; lorsque celui-ci fut porté au trône par une révolu-
tion (1687), il se souvint de Kœprili qui était kaïmacan
et le nomma grand vizir (1689). Mustafa fit preuve de
l'intelligence et de l'énergie de sa famille, rétablit l'ordre
dans l'administration et les finances ; dans la guerre de
Hongrie, il débuta par des succès, prise de Belgrade, vic-
toire d'Eszek, mais fut tué à la bataille de Salankemen
(19 août 1691).
Niukman, fils d'Ahmed, était gouverneur de Nègrepont,
fut nommé grand vizir par Ahmed III (15 juin 1710), mais
ne put s'entendre avec Charles XII et fut déposé et ren-
voyé dans son île le 17 août de la même année.
Amoudjar-sade Hosein^ mort le 22 sept. 1702, neveu
de Mehemet Kœprili, élève de son oncle et de ses cousins,
se fit remarquer comme gouverneur de Belgrade et devint
grand vizir de Mustafa II en 1697. Il conclut la paix de
Carlowitz, suivit une politique conciliante vis-à-vis des
chrétiens, développa les écoles et les constructions aux-
quelles il contribua de ses deniers. A. -M. B.
KŒRM END. Ville de Hongrie, comitat de Vas, sur le
Raab; 5,000 liab. Beau château du prince Batthyany avec
des collections d'armes et de modèles industriels.
KŒRNER (Christian-Gotttried), né à Leipzig le 2 juil.
1756, mort à Berlin le 30 mai 1831. Fonctionnaire saxon,
puis prussien (1815), il est célèbre par son amitié pour
Schiller. Kœrncr était un amateur éclairé, qui eut une
grande influence sur le poète; Schiller vécut chez lui de
1785 à 1787 dans sa vigne de Loschwitz et à Dresde. Il
publia la première édition des œuvres de Schiller et y joi-
gnit une biographie (1812-15). La correspondance des deux
amis est précieuse (éd. complète par Gœdeke ; Leipzig, 1874);
on a aussi publié celle de Kœrner avec G. de Humboidt
(Berhn, 1879) et les écrits personnels de celui-ci (édités par
Stern avec biographie ; Leipzig, 1881).
BiBL. : JoNAs, Ctir.-G. Kœrner und sein Haus, 1881. —
Weber, Briefe der Familie Kœrner^ dans Deutsche
Rundschau, t. XV et XVL
KŒRNER (Karl-Theodor) poète allemand, né à Dresde
le 23 sept. 1791, tué à Vœbbelin le 26 août 1813. Fils du
précédent, il fut élevé parmi les grands penseurs de l'Alle-
magne, étudia à l'Ecole des mines de Freiberg (1808-10),
se rendit à Vienne où Kotzebue le fit attacher à un théâtre
comme poète. Ses premiers vers {Knospen; Leipzig, 1810)
avaient été goûtés ; ses compositions dramatiques eurent
de vifs succès (Die Braut, Der Grilne Domino, Der
Nachtwœchter, Toni, Die Silhne, Zrinij, Hedwig., Rosa-
munde), mais la gloire de Kœrner est ailleurs; il fut le
poète de la guerre de l'indépendance allemande. Ardent
patriote comme son père, il s'engagea dans le corps franc
de Lutzow, le 19 mars 1813; blessé à Kitzen le 7 juil., il
se guérit à Karlsbad et fut tué d'un coup de fusil dans une
escarmouche non loin de Hambourg. Il fut enseveli au pied
d'un vieux chêne où sa sœur, son père et sa mère reposent
avec lui. Sa fiancée, Anto7iie Adamherger, à laquelle sont
adressées plusieurs de ses poésies, épousa le numisma-
tiste Arneth. Les poésies patriotiques de Kœrner eurent
dès leur apparition un grand retentissement. Durant sa der-
nière nuit, il composa une des plus belles, Sehivertlied;
elles furent réunies après sa mort [Leier und Schwert,
1814; Poetischer Nachlass, 1814, 2 vol.). Une édition
de ses œuvres complètes a été donnée par Streckfuss (Ber-
lin 1834; 2^ éd., 1838, 4 vol.). On a formé à Dresde dans
sa maison natale un Musée Kœrner (1873, acheté par la
ville en 1885).
BiBL. : Biographies par Lehmann (Halle, 1819) et L. Bauer
(Stuttgart, 1883).
KŒRŒS. Nom d'une rivière de Hongrie et des trois
branches de cette rivière avant leur jonction. Toutes trois
viennent des montagnes de la Transylvanie : le Kœrœs ra-
pide avec un cours de 287 kil., le Kœrœs noir avec un
cours de 257 kil., le Kœrœs blanc avec un cours de 267 kil.
Leurs eaux réunies en un seul cours, deviennent flottables,
puis navigables jusqu'à Csongrad oii elles se versent dans
la Tisza.
KŒRŒS (Nagy) ou Grand-Koerœs. Nom d'une ville
de Hongrie qui n'est point sur les rives de la rivière de ce
nom, mais dans la grande plaine du comitat dePest. Ses
24,727 hab. (1890), Magyars et calvinistes, vivent du
labour et de l'élève du bétail.
KŒRTING (Gustav), littérateur allemand, né à Dresde
le 25 juin 1815. Professeur de philologie romane et an-
glaise à l'Académie de Munster, auteur de : Die Quellen des
Roman de Rou (1867) ; Diktys und Dares (1874) ; Gesch.
der Litteralur Italiens im Zeitalter der Renaissance
(1878 et suiv.); Encyklopœdie und Méthodologie der
romanischen Philologie (1884, 2 vol.), etc.; il publie,
avec Koschwitz (Oppeln, depuis J879), Zeitschrift fur
neufranzœsische Sprache und Litferatur et Franx>œ-
sische Studien (Heilbronn, depuis 1880).
Son frère lïeinrich, privat-docent à l'université de Leip-
zig, a publié Gesch. des franzœsischen Romans im il *^^
Jahrh, (1885-87, 2 vol.).
KŒSEN. Ville de Prusse, district de Mersebourg, sur
la Saale; 2,500 hab. SaHnes et bains salins.
Eaux minérales. •— Ces eaux sont protothermales, chlo-
rurées sodiques fortes, sulfatées calciques et sodiques fortes,
carboniques faibles. Elles s'emploient en boisson et en bains
et bains de vapeur. Constipantes à faible dose, purgatives à
forte dose, elles ont une action tonique et excitante sur la
circulation sanguine et la sécrétion cutanée. Elles sont utiles
dans la scrofule. D^ L. Hn.
KŒSLIN. Ville de Prusse, ch.-l. d'un district de Po-
méranie; 19,000 hab. Papeterie, savonnerie, brasserie,
tuilerie, scierie, etc. Bâtie en 1188, elle reçut une charte
urbame en 1266, embrassa la Réforme en 1532, fut minée
par les guerres de Trente et de Sept ans.
Le district de Kœslin a 14,025 kil. q., 563,569 hab.,-
presque tous protestants, et se divise en douze cercles :
Belgard, Bublitz, Biitov^r, Dramburg, Kœslin, Kolberg (ou
Colberg), Lauenburg, Neustettin, Rummelsburg, Schivet-
bein, Schlawe, Stolp.
KŒSTLIN (Christan-Reinhold), criminaliste allemand,
néà Tubingue le 29 janv. 1813,mortàTubinguele 14 sept.
1856. Il a enseigné à l'université de Tubingue à partir
de 1839. Outre des poésies de jeunesse publiées sous le
pseudonyme de Reinhold (réunies en 1853), des nouvelles
et romans (Brème, 1847-48, 3 vol.), un drame (Die Sœhne
der Dogen, joué en 1838 à Stuttgart), il a écrit de remar-
quables ouvrages de droit criminel : Neue Révision der
Grundbegriffe des Kriminalrechts (1845, 2 vol.); Der
Wendepunkt des deutschen Strafverfahrens im 19 *««
Jahrh, (1849); Die Geschwornengerichte (1851); Sys-
tem des deutschen Strafrechts (1855, t. I); Gesch. des
deutschen Strafrechts (publié par Gessler, 1859).
Sa femme Joséphine, née Lang (1845-80), a composé
des Heds très remarqués.
Leur fils Heinrich-Adolf, néà Tubingue le 4 oct. 1846,
pasteur et professeur au séminaire de Friedberg, a écrit :
Die Tonkunst(\ 879); Gesch. derMusik(^Hd.,i 883), etc.
KŒSTLIN (Karl-Reinhold), philosophe allemand, né à
Urach le 28 sept. 1^19. Elève de Vischer, il abandonna la
théologie pour l'esthétique qu'il professe à l'université de
KŒSTLiN — KOHLRAUSCff
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Tubingue; son grand omrâge (JEsthetik, 1863-69, 2 vol.)
développe des théories analogues à celles de Herbart. Ci-
tons encore : R. Wagner s Tondrama: der Ring der Ni-
belungen{iSll); (Jeherden SchœnheUsbegriff'{iS19);
Gesch. der Ethik (1887 et suiv.).
KŒTHEN. Ville d'Allemagne, principauté d'Anhalt;
18,000 hab. Cathédrale gothique avec de vieux vitraux.
Château du prince, brûlé en 1547, rebâti de 1597 à
1606. Grandes fonderies et usines métallurgiques; fa-
briques de chocolat, de conserves, etc. Fondée par les
Slaves sous le nom de Kothene, elle leur fut enlevée
par les comtes de Ballenstedt, reçut une charte urbaine
au xii^ siècle. Ce fut jusqu'en 1847 la capitale d'une des
principautés à'Anhalt (V. ce mot).
KŒTS (Kœlof), peintre hollandais, né à Zwolle vers
1650, enterré à Zwolle le 28 juin 1725. Elève de Ter-
burg. Ce peintre de portraits très recherché par ses con-
temporains est surtout connu pour sa prodigieuse faci-
lité de travail. Il peignit, en elFet, cinq mille portraits
tant dans sa ville natale qu'à la cour du prince Henri-
Casimir, stathouder de la Frise, qu'en Angleterre et qu'à
La Haye où il se trouvait en 1690. Il était bon musi-
cien et de rapports très agréables. En faisant le portrait
du bourgmestre de Deventer, il se trouva mal et mourut.
On connaît aujourd'hui un très petit nombre de ses cinq
mille portraits : à Amsterdam, Portrait d'un pasteur,
acheté, en 1883, 34 florins; d'autres portraits à Anvers
et à Lille. E. Br.
KŒUR-lâ-Grande. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Commercy, cant. de Pierrehtte ; 259 hab.
KŒUR-la-Petite. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Commercy, cant. de Pierrefitte ; 362 hab.
KOFOD-Ancher (Peter), jurisconsulte danois, né en
1710, mort en 1788. Il combattit vivement l'idée, très
fausse assurément, que Montesquieu se faisait du gouver-
nement du Danemark et de la Norvège, regardé par l'écri-
vain français comme despotique. Kofod n'en était pas
moins, et il le proclame hautement, un admirateur et un
disciple de Montesquieu. D'une santé délicate, il dut re-
noncer à l'enseignement académique et consacra son temps
à la publication des textes d'anciennes lois (Jydske Loi\
Sjœlandske LoUy etc.") et à des recherches sur Thistoire
du droit danois {Dansk Lovhistorie, etc.). Th. C.
KOFOD-Hânsen (Hans-Peter), écrivain danois, né en
1813. Après ses études de théologie, il voyagea à l'étran-
ger, passa quelques mois à Bonn et fit à Rome un séjour
assez long. En i 860, il fut nommé pasteur à Haderslev,
d'où la guerre de 1864 le chassa. En 1883, il se retira du
service actif de l'Eglise. Sous le nom de Jean-Pierre {sic),
il a publié divers ouvrages : études et romans, où l'on
reconnaît l'influence des idées religieuses et morales de
Sôren Kierkegaard. Les principaux sont: Dialogues et
esquisses, papiers posthumes d'un physiognomoniste
(1840) ; la Vie de la mort (1842), dans lequel il cherche
à prouver que « celui qui aime ne saurait douter d'une
vie éternelle » et surtout : la Chair et l'Esprit ou les
Deux Chemins, histoire d'une âme (1846). Th. C.
KOFOU. Ville du Japon, ch.-l. du ken de Yamanasi, au
N. du Fousi-yama; 16,000 hab. Filature de soie; vignes
renommées.
KOHÂRY (Etienne, comte), poète hongrois, né en 1649,
mort en 1731. Membre d'une noble famille qui s'est illus-
trée avant et après lui dans les armées de l'Autriche, il
montra le loyalisme le plus héroïque dans la lutte contre
Tœkœli et contre les Turcs, surtout pendant une longue et
pénible captivité. L'épreuve le rendit poète : le recueil qu'il
publia en 1720 est l'un des plus précieux de l'ancien
lyrisme magyar. E. S.
BiBL. : ToLDi, A Magyar Kœltcszet Kézikœnyve. —
ScHwicKER, Geschichte der ungarischen Litteratur.
KO H AT. Ville de l'Inde anglaise, prov. de Pechaver, sur
le Kohat-toï, affl. dr. del'Indus; 12,000 hab. Belles mos-
quées. Ch.-I. d'un district montagneux de 7,350 kil. q. et
plus de 150,000 hab. (musulmans afghans).
KOHAUT (Joseph), compositeur tchèque, né en 1736
mort à Pans en 1793. Venu jeune à Paris, il fut atta-
ché à la musique du prince de Conti, fit représenter
a la Comédie-Italienne quatre petits opéras-comiques •
le Serrurier, la Bergère des Alpes (1765); Sophie ou
le Mariage caché (1768) et la Closière, — Son frère,
Charles Kohaut, fut un des derniers virtuoses sur le luth'
et publia à Leipzig quelques trios et concertos pour cet
instrument. Attaché au service du prince de Kaunitz, à
Vienne, il l'accompagna dans un voyage à Paris et v'fit
admirer son talent d'exécution.
KOHISTAN. Région de Perse, formant le S. de la prov.
de Khoraçan; très montagneuse, entre des steppes et des
déserts, elle est mal connue.— Ce nom (qui signifie pays de
montagnes) est donné aussi à une région de l'Afghanis-
tan, au S.-O. de l'Hindou-kouch, à l'E^ de Caboul, et à une
autre au S.-E. de l'Hindou-kouch, au S. du Tchitral, à l'O.
du Yaghistan. Enfin on l'applique à un pays de l'Inde, confi-
nant au Béloutchistan, district de Karatchi, prov. duSindh.
KOHL (Ludwig), peintre, graveur et sculpteur en bois
autrichien, né à Prague le 14 avr. J146, mort le 18 juin
1821 . Après avoir étudié à l'Académie <le Vienne, il ouvrit
dans sa ville natale une école de dessin d'où sortit toute
une pléiade d'artistes éminents. Parmi les œuvres dues à
son pinceau, nous citerons: Didon, Cléopâtre, Saint
Arétius, Virginius tuant sa fille. Rêve de saint Joseph,
Martyre de saint Laurent, Sainte Barbara, Tarquin
et Lucrèce, l'Amour et Psyché, Socrate en prison, la
Reine Zénobie, Assemblée des Etats dans la salle du
couronnement au château de Prague; parmi ses gra-
vures, douze Scènes de l'histoire de Bohême; un cycle
relatif à la Légende de saint Jean Népomucène, des
Vues de Prague et des vieux châteaux de Bohême.
KOHLER (Charles- Alfred), érudit français, né à Genève
le H janv. 1854, Elève de l'Ecole des chartes, de l'école
des hautes études, archiviste paléographe (promotion de
l'année 1879), bibliothécaire à la bibliothèque Sainte-Ge-
viève. Principales publications : Etude critique sur le
texte de la vie latine de sainte Geneviève de Paris
(Paris, 1887, in-8, Bibl. de l'école des hautes études,
iasc. 48) ; Itiiiera hierosolymitana et descriptiones
Terrœ Sanctœ bellis sacris anteriora (Genève, 1885,
t. H, in-8, en collab. avec M. A. Mohnier); Catalogue
des manuscrits de la bibliothèque Sainte-Geneviève
(Paris, 1893, in-8, tome ï).
KOHLRAUSCH (Rudolph-IIermann-Arndt), physicien
allemand, né à Gœttingue le 6 nov. 1809, mort à Er-
langen le 9 mars 1858. Il professa à Rintein (1835-
49), à Cassel (1849-51), aux universités de Marbour^
(1853-57) et d'Erlangen (1857-58). Il a fait paraître
dans les Annalen de Poggendorff, de 1848 à 1857, une
série de mémoires où se trouvent exposés les résultats
de ses importants travaux sur le galvanisme, sur la me-
sure des courants et sur les lois d'Ohms, qu'il a expéri-
mentalement vérifiées à l'aide d'appareils très précis de
son invention. Le dernier de ces mémoires, auquel a col-
laboré W. W^eber, est bien connu à raison de la théorie
mathématique des courants qui s'y trouve développée et
qui a gardé le nom de ce célèbre physicien : Elektrody-
namischen Massbestimmungen (Pogg, Ann,, 1857,
xcix). L. S.
Bibl. : Dœderlein, Gmbrede auf Rudolf Kohlrausch ;
Erlangen, 1858.
KOHLRAUSCH (Friedrich), physicien allemand, fils du
précédent, né à Rintein (Hesse-Nassau) le 14 cet. 1840.
Il a fait ses études à Gœttingue et a successivement pro-
fessé la physique à Francfort-sur-le-Main (1864), à l'uni-
versité de Gœttingue (1867), à Zurich (1870), à Darmstadt
(1871), à Wurzbourg (1875). On lui doit dlmpor-
lants travaux sur les courants électriques et sur l'élas-
ticité des solides; il en a exposé les résultats dans de
593 -
KOHLRAUSCH — KOKUM
nombreux mémoires (Annalen de Poggendorff, Nachrich-
ten de la Société des sciences de Gœttingue, Sitzungs-
berichte de la Société physico-médicale de Wurzboiirg,
Elektrotechnische Zeitschrift, etc.) et dans quelques
ouvrages parus à part : Die gegenœrtigen Anschauun-
gen iiber die Elektrolyse vonLœsungen (Berlin, 1887,
in-8); Ueberden absoluten elektrischen Leitungswiders-
tand des Quecksilbers (Munich, 1888, in-4); Bas War-
meleitungsvermœgen harten und iveichen Stahles
(Wurzbourg, 4888, in-8), etc. Il est aussi l'auteur d'un
Leitfaden der praktischen Physik (Leipzig, 1870, in-8;
6® éd., 1887) qui a été traduit dans plusieurs langues
et qui est dans tous les laboratoires. L. S.
BiBL. : Catalogue of scientific papers of the London
Royal Society, t. VIII et X.
KOHN (Salomon), écrivain autrichien, né à Prague le
8 mars 1825, juif qui succéda au négoce de son père. Son
roman, Gabriel (2® éd., 1875, 2 vol.), publié sous le voile
de l'anonyme dans le Sippurim (Prague, 1852), eut un
succès universel ; il a publié depuis des nouvelles : Dicfi-
terhonorar, Der Retter^ Bilder aus dem alten Prager
Ghetto, Frager Ghettobilder (iSS3),Neue Ghettobilder
(1886); et des romans plus étendus : Ein Spiegel der
Gegenwart (1875, 3 vol.); Die Silberne Hochzeit
(1882), etc.
KOHROUD. Montagnes de la Perse, qui la traversent
du S.-E. au N.-O. sur 1,800 kil. de long, formant la
crête S. du plateau d'Iran (V. Perse).
KOH-SI-TCHANG. Ilot du golfe de Siam, près dé la
barre du Ménam ; bon mouillage.
KOH-TCHANG. Ile du golfe de Siam, au S.-E. de Chan-
taboun.
KOI ou KOITAR {iiU.fdledeKoi). Mythologie finnoise.
C'est le nom donné, par les Ehstoniens principalement, à
l'aurore. Koi a reçu du dieu suprême, Vanna issu, la charge
d'allumer les feux du jour, qui, le soir venu, sont éteints
par Amarik (le crépuscule).
KOIBALES. Peuplade de la Sibérie méridionale faisant
partie des « Tatares d'Abakan », ainsi nommés d'après la
rivière, affluent de FEnisséi, dont ils habitent la vallée.
C'est une des rares tribus d'origine eniséienne qui per-
sistent encore aujourd'hui. Les Koïbales étaient au nombre
de 1,400 vers le milieu de ce siècle, en 1845; en 1863,
ils étaient réduits à 840 (Radlov) ; actuellement, il y a
peut-être une ou deux centaines d'individus qui se donnent
encore le nom de Koïbales. Mais même ces rares représen-
tants d'un peuple jadis nombreux ne parlent plus leur
ancienne langue ; ils ont tous adopté le parler de leurs
voisins, le turc oriental. J. D.
KOI-KOIN. Nom que se donnent les Hottentots et que
les ethnographes ont appliqué dans ces derniers temps à
toutes les populations à cheveux crépus et à peau jaune
de l'Afrique méridionale, c.-à-d. aux Hottentots, Boschi-
mans, Damaras montagnards, Gaikara, etc.; de là une con-
fusion regrettable. J. D.
KOÏLKONDA. Ville de l'Inde, Etats du Nizam, sur un
affl. gauche du Krichna ; anciennes mines de diamant.
KO IIP ATA M. Ville maritime de l'Inde anglaise, prési-
dence de Madras, district de Tinnivelli; 12,000 hab. Sa-
lines. C'est l'ancienne Cael de Marco Polo, mais elle a
perdu son importance commerciale.
KOJALOWICZ (Adalbert), historiographe polonais, né
en 1609, mort à Wilna le 6 oct. 1677. Il entra dans l'ordre
des jésuites en 1627 et devint professeur (1650) etrecteur
(1654) de l'académie de Wilna. Sa carrière littéraire com-
mença par une polémique avec les calvinistes et par une
série d'études théologiques. Mais le plus grand mérite de
Kojalovs^icz fut l'histoire de la Lithuanie, dont la première
partie parut à Dantzig : Historia Litiianiœ pars prior,..,
libri novem (1650, in-4). Il publia la deuxième partie
de cette œuvre à Anvers en 1669. (,)uoique Kojalowicz
ignorât plusieurs sources historiques importantes, son
œuvre écrite dans un bon latin, impartiale et sobre, ren-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
dit de grands services aux historiens. Citons encore : Corn-
mentarius rerum in Ducatu Lithuaniœ per tempus
rebellionis Russicœgestarum (Kœnigsberg, 1653, in-12) ;
Fasti Radziviliani, Gesta... ducum Radziwill (Wilna,
1653, in-4). Plusieurs études héraldiques de Kojalowicz
se trouvent en manuscrits, comme Fastorum Sapiehorum
fragmenta; Nomenrlator Familiarum et Stemmatum
Lithuaniœ (1656). J. K.
KOJALOWICZ (Casimir), frère du précédent, histo-
rien et rhétoricien, né en 1617, mort en 1674. Jésuite,
comme son frère, il fut recteur du collège de Polotsk en
1674. Quelques-uns de ses écrits ont eu une valeur péda-
gogique. Citons : Instituiionum rhetoricarum pars I et
Il (Wilna, 1654) ; Modi LX sacrœ orationis (Anvers,
1676; Cologne, 1679; Wilna, 1684; les éditions pos-
térieures portent le titre : Sacer orator exlemporaneus
seu LX modi, etc.). j. K.
KOK (Johannes-Georg-Eiias), théologien et philologue
danois, né en Seelaud le 24 fév. 1821. Pasteur à Burkarl,
dans le Sonderjylland, depuis 1851, il fut éloigné de ce
poste par les commissaires allemands en 1864 et se réfugia
à Copenhague, où il fut nommé chapelain de l'hôpital, puis
de la citadelle. Il avait, pendant son séjour dans le Sonder-
jylland, étudié avec un soin tout particulier la langue po-
. pulaire et publié le résultat de ses recherches dans divers
ouvrages : Det danske folkesprog i Sonder jylland({S63-
67), etc. On a de lui quelques ouvrages de polémique
contre les juifs de notre temps et contre les partisans de
Grundtvig.
KOKAND (V. Khokmd).
KOKBEKTY ou KOKPEKTINSK. Ville de Sibérie, pro-
vince et à 240 kit. S.-E. de Sémipalatinsk, sur la Kokbek-
tinka qui se jette dans le lac Zaïsan; 4,000 hab. Fondée
en 1836, elle est le ch.-l. d'un cercle de 98,000 kil. q.
peuplé par la Moyenne Horde des Kirghis (V. ce mot).
KOKCHAGA. Nom de deux affl. g. de la Volga, dans les
gouv. de Viatka et de Kazan; la Grande a 215 kil.; la
Petite, plus au S., en a 160.
KOKELAl ou KOKALAVA. Vaste lagune du N.-E. de Cey-
lan, ancienne plaine envahie par la mer; elle a plus de
30 kil. de tour.
KOKOUBOU. Ville du Japon, ken de Kagoshima, au N.
de la baie de ce nom; 20,000 hab. Tabac renommé.
KOKDURA. Ville du Japon, ken de Foukouka, au N. de
l'île de Kiousiou; 15,000 hab.; c'était jadis le lieu de pas-
sage de cette île dans la grande; aujourd'hui son port
envasé est délaissé .
KOKSCHAROV (Nicolas de), minéralogiste russe, né à
Ust-Kamenogorsk, dans le gouvernement de Tomsk (Sibérie)
le 5 déc. (nouv. st.) 1818, mort à Saint-Pétersbourg le
2 janv. 1893. Il accompagna, à sa sortie de l'Ecole des
mines de Saint-Pétersbourg, Murchison, de Verneuil etKey-
serling dans leur grand voyage géologique à travers la Russie
(1840-41), collabora à la carte qu'ils dressèrent ensuite,
puis alla compléter ses études à Berlin et à Paris, et, de
retour, fut nommé professeur de minéralogie à l'Ecole des
mines, dont il devint par la suite directeur, avec le grade
de général du génie. Il était depuis 1855 membre de f'Aca-
démie des sciences de Saint-Pétersbourg et depuis 1874
correspondant de celle de Paris. Outre de nombreux mé-
moires épars dans le recueil de la Société de minéralogie de
Saint-Pétersbourg, dans les Annalen de Poggendorff, etc.,
il a publié : Matériaux pour la minéralogie de la Russie
(Saint-Pétersbourg, 1853-57, 27 livr.). L. S.
KOKSOAK. Fleuve du Canada, territoire du N.-E.; sorti
dulacCaniapuscaw(110kil.delong, 12à56kil. de large),
il coule au N. et se jette dans le détroit de Hudson, baie
d'Oungava, après un cours de 650 kil. Son cours supérieur
est appelé Rivière du Sud {South river) ; il baigne un fort
de ce nom et, à son embouchure, le fort Chimo.
KOKUIVI (Beurre de). C'est l'huile qu'on tire des Gar-
cinia indica Chois, et G. celebica Bl. (V. Garcinie).
38
KOLA ^ 594 -
KOLA. La noix de kola, graine du Sterculia acumi-
nata, remplace, pour les nègres de la côte 0. d'Afrique, la
coca des Indiens du Pérou, le maté des indigènes du Brésil
et le café des Européens. Elle rentre donc dans la grande
classe des aliments dits d'épargne. Ainsi, pour les Afri-
cains, la kola constitue à la fois le vivre de réserve exci-
tant à la marche et l'aliment permettant de résister à la
fatigue. La graine de kola est considérée par eux comme
une denrée de première nécessité. Elle a une telle va-
leur à leurs yeux que souvent elle est prise comme agent
d'échange, et, quand les indigènes partent pour un long
voyage, ils ont soin d'emporter une provision de noix. Les
explorateurs européens ont pu se rendre compte des heu-
reux effets que cette noix produisait sur leurs porteurs
noirs et sur eux-mêmes. C'est ainsi que dans les expédi-
tions si pénibles et si laborieuses dans le Soudan, nos soldats
eurent recours à ses effets bienfaisants, et dans la marche de
retour de Segou à Bakel en 4881, la colonne, presque dé-
nuée de tout, réussit à franchir 750 kil. en se nourrissant
de couscous et de noix de kola. En France, les recherches
de Heckel ont mis à la mode la kola, et les nombreuses
spécialités qui ont été créées à base de kola inondent la
presse médicale d'observations favorables à la kola et à ses
préparations. Peut-être faut-il faire dans ces cas la part de
l'imagination intéressée des pharmaciens. Quoi qu'il en soit,
nous exposerons brièvement les résultats obtenus avec la kola.
Les doses employées par Heckel ont été de 1 gr. de
poudre de kola incorporé dans des galettes du poids de
10 gr,, composées de farine et de sucre. Ces galettes, em-
ployéessous le nom de rations accélératrices, avaient le grave
inconvénient d'être fort désagréables à consommer; aussi
lesa-t-on remplacées depuis par des produits plus agréables
à prendre. Les médecins militaires qui ont contrôlé les re-
cherches de Heckel sont très favorables ; il suffit de citer
des extraits de leurs rapports.
Pendant une marche ayant duré de quatre heures et
demie du matin à huit heures le lendemain, c.-à-d. vingt-
sept heures avec des haltes horaires de quelques minutes et
trois longs repos, on observe une excitation certaine de la
marche. Au bout de six heures de marche, les hommes di-
saient qu'ils se sentaient presque aussi légers qu'au départ.
Dans une marche de 55 kil., on observe un entrain tout par-
ticulier, qui allait pour ainsi dire en augmentant avec les
chemins parcourus et aussi l'absence de traînards parmi les
hommes de troupe. Enfin, on note que cette excitation ne
commence à se faire sentir que deux heures après l'absorption.
D'autres hommes accusent une grande facilité de la respira-
tion ; lapoitrine est hbre et ne semble pas comprimée comme
dans les circonstances ordinaires de marche à cette époque
de Tannée (juil. 1886). Heckel a réuni ainsi un grand
nombre d'expériences. Dans les courses à pied ou en vélo-
cipède, on emploie la kola sous toutes ses formes.
Mais si la noix de kola fraîche présente des propriétés
remarquables, Gustave Le Bon n'hésite pas à déclarer
que seules ces noix doivent être employées sous forme
de poudre et que la totalité des préparations pharma-
ceutiques de kola : vins, extraits, élixirs, qu'on trouve dans
le commerce, ne possèdent aucune propriété de la noix de
kola [Revue scientifique , M oct. 1893). Cette affirmation
n'a pas été sans soulever de vives protestations, et il ne
faut pas oublier que, dans beaucoup de cas, c'est avec des
préparations pharmaceutiques que des effets dynamogènes
ont été observés. Mais ici se pose une question préjudi-
cielle : Quels sont les principes de la noix de kola ? Que
la noix de kola renferme de la caféine, le fait est hors de
doute et dans des proportions relativement importantes
(2 o/o) ; mais outre ce corps, très important, dont Faction
accélératrice, comme médicament d'épargne, est bien connu,
il existe encore d'autres substances : la théobi-omine, diu-
rétique excellent, mais dont l'action tonique est plutôt faible,
surtout à la dose où on la rencontre ici, 0,02:> % (Heckel);
enfin un corps particulier, obtenu en traitant par l'eau
la solution alcoohque de kola, le rouge de kola d'IîcckcL
Cette substance, qui, au dire d'Heckel, donnerait à la noix de
kola ses propriétés spéciales, qui différencient son action de
celle de la caféine et de la théobromine, est encore, au point
de vue chimique, bien mal déterminée. Knibel considère le
rouge de kola comme un glycoside susceptible de se décom-
poser, en présence de l'eau, en caféine et en une matière
colorante. Heckel, qui admet cette manière de voir, explique
l'action de la kola par la formation de cette caféine de
dédoublement dans l'estomac. On est en présence de la
caféine «à l'état naissant», suivant l'expression chère
aux chimistes de jadis, embarrassés pour expliquer une
réaction.
Les recherches de Heckel, deLeblen tendent à affirmer
l'action physiologique de la caféine et delà kola, l'action
de la première serait plus cérébrale que musculaire, plus
passagère, et laissant ensuite une certaine dépression.
Pour Leblen, cette action stimulante ne dépend pas du
rouge de kola, ni de la théobromine seule, mais elle se
produit quand on associe la caféine à la théobromine. C'est
par l'action associée de ces deux produits que les résultats
favorables se produiraient. D'après lui, des pastilles de
10 centigr. de caféine et 2 centigr. de théobromine pro-
duisent des effets bien supérieurs, et surtout bien plus
durables que la même dose ou une dose un peu plus élevée
de caféine. Nous pouvons dire que, pour un certain nombre
de physiologistes, la question est loin encore d'être résolue,
que beaucoup ne voient dans Faction de la kola que l'in-
fluence de la caféine à petite dose. Ce qui tendrait à le
faire supposer, c'est l'effet très satisfaisant obtenu avec des
produits soi-disant à base de kola et qui sont complètement
à base de caféine. Quoi qu'il en soit, la noix de kola agit
comme tous les aliments d'épargne, et cette question si in-
téressante au point de vue physiologique du mécanisme
biologique de ces agents a été traité anx mots : Aliment,
Caféine, etc. D^ P. Lânglois.
^ La noix de kola, dite aussi café du Soudan, joue dans
l'Afrique occidentale un rôle social important. L'arbre qui
la fournit n'est pas très abondant et se rencontre dans
la région littorale depuis le Haut-Niger jusque non loin
du Congo. Appréciée comme elle l'est, le commerce en
a répandu l'usage jusque dans le Soudan, le Sahara,
le Fezzan et peut-être la région des grands lacs. Et son
prix est fort élevé. Elle vaut couramment deux francs
la pièce, et le demi-cent représente souvent le prix d'une
femme, sauf dans le Congo et sur FOubangui où pour
un fil de laiton de 30 centim. de long on en a quinze.
Les nègres la mâchent crue, quelquefois avec une chique
de tabac additionnée de potasse, tout de suite après le
repas ou pendant les marches dont elle leur permet de
soutenir allègrement les fatigues. Hs en apprécient aussi
la vertu aphrodisiaque du même genre que celle de la coca.
Hs en envoient une ou deux à Fetranger comme svmbole
d'amitié et en souhaits de bienvenue. L'envoi de kolas
rouges équivaut aussi parfois à une déclaration de guerre.
Enfin en plusieurs contrées c'est par l'échange de kolas
que se font les demandes en mariage et les réponses aux
postulants, favorables ou défavorables suivant la couleur
du fruit. Zaborowski.
KOLA (Presqu'île de). Péninsule du N.-O. de la Russie,
entre la mer Blanche au S. et à FE., l'océan Glacial arc
tique au N. ; à FO. elle est délimitée par une chaîne de
lacs: lacs d'Imandra (852 kil. q.), qui se déverse dans la -
baie Kandalaskaïa ; Pelés, qui se déverse dans le précédent ;
Kolo ou Guœlle, d'où sort la Kola, qui se jette dans le fjord
du même nom, sur Focéan Glacial. Elle mesure environ
100,000 kil. q. Au point de vue géologique, la presqu'île
de Kola appartient à la Scandinavie. 'Son ait. moyenne
est de 300 m. avec des sommets de 1,000 m. ; elle est
occupée par les lacs (on en compte 1,145) et de vastes
forêts. Elle forme au point de vue pohtique un district de
la province d'Arkhangelsk dont le chef-lieu est le bourg
de Kola (800 hab.), port de pêche connu depuis 1264, au
fond du fjord de Kola.
595
KOLABIRA — KOLÉA
KOLABIRA. Principauté de Flnde centrale, dans le
Gondvana, 360 kil. q.; 20,000 hab.
KO LACH IN. Village du Monténégro, ch.-l. d'un canton
de 432 kil. q. acquis en 1878.
KOLAPOUR. Ville de l'Inde centrale, sur un affluent
gauche du Kriclina ; 40,000 hab. Elle est la capitale
o'une principauté mahratte de 7,200 kil. q. et près de
900,000 hab., entre les Ghates occidentales, leKrichna et
le Ouarna. Ses princes acceptèrent le protectorat britan-
nique en 4841. Ils sont suzerains des principautés voisines
de Visalgarh, Baoura, Kapchi, Kagal et Inchal-Karandji.
KOLA^R. Ville de l'Inde (Maïssour), sur la rive droite du
Palar et le ch. de fer de Madras à Bangalore ; 40,000 hab.
Lainages (kamblis), soie.
KOLAR (Joseph-Georges), acteur et écrivain tchèque, né
à Prague le 9 févr. 1812. Après avoir été quelque temps
précepteur, il embrassa la carrière dramatique en 4837.
Il joua surtout les rôles tragiques et se fit remarquer dans
le répertoire de Shakespeare et fut directeur du théâtre
tchèque de Prague (4869). Comme écrivain, on lui doit des
nouvelles, des traductions d'œuvres dramatiques et des
drames originaux dont quelques-uns ont obtenu un grand
succès (Monika, 4847 ; la Mort de Zlska, 4850; Magiie-
^onn^, 4854; Prazkizid, 4872; Smirick, 4884; Pri-
mator, 4883, etc.).
KOLARIENNES (Langues) (V. Inde, t. XX, p. 702).
KOLB-Bernard (Charles-Louis- Henri), homme politique
français, né à Dunkerque le 46 janv. 4798, mort à Paris
le 7 mai 4888. Grand fabricant de sucre à Lille, il repré-
senta le Nord à l'Assemblée législative (4849), au Corps
législatif (4859-70), à l'Assemblée nationale (4874-75)
et fut élu sénateur inamoviblele 4 4 déc. 4875. Monarchiste
etcathoHque militant, il fut un des partisans les plus zélés
du gouvernement du 46 mai, présida le comité des droites
qui appuya les candidatures officielles et fut un des parle-
mentaires qui conseillèrent la résistance au maréchal de
Mac-Mahon (4877).
KOLBE (Karl-Wilhelm), le Jeune ^ peintre allemand,
né à Berlin le 7 mars 4784, mort le 8 avr. 4853, neveu
du graveur Karl-Wilhelm Kolbe (4757-4835). Il fut
comme lui élève de Chodowiecki, et devint professeur à
l'Académie de Berlin. Parmi ses tableaux, où il s'est inspiré
des peintres néerlandais, nous citerons : Albert-Achille
s' emparant d'un drapeau à Nuremberg (La Baye) ;
Victoire d'Otton sur les Hongrois^ Charlemagne chez
le charbonnier, Charles-Qidnt en fuite, Enterrement
de Barberousse à Antioche (Berlin), et les cartons des
dix vitraux pour le château de Marienburg représentant les
Combats et les victoires de V Ordre teuionique. Au
palais de Potsdam, il peignit à la fresque des scènes des
Nibelungen.
KOLBE (Adolf-Wilhelm-Hermann), chimiste allemand,
né à Elliehausen, près de Gœttingue, le 27 sept. 4848,
mort à Leipzig le 25 nov. 4884. Elève de Wœhler à Gœt-
tingue, puis aide de laboratoire de Bunsen à Marbourg et
Liebig à Giessen, il fut, de t845 à 4847, assistant du Mu-
séum of Economie Geology de Londres, prit, dès son retour
en Allemagne, la direction de V Randwœrterbuch der
Chemie de Liebig et Wœhler, et devint professeur de chi-
mie à l'université de Marbourg en 4854, à celle de Leip-
zig en 4865. Il a doté cette dernière d'un laboratoire mo-
dèle (4867). Il a enrichi par ses travaux toutes les branches
de la chimie, mais surtout la chimie organique. Dès 4849,
il applique l'électrolyse à des substances organiques et
obtient, en décomposant de cette façon des sels de l'acide
acétique et des acides volatils analogues, toute une série
de nouveaux carbures d'hydrogène. Un peu plus tard, vers
4860, il établit à priori la distmction, réalisée en fait par
Boutlerov et Friedel, des alcools primaires, secondaires et
tertiaires. La chimie industrielle et la thérapeutique lui
sont redevables, de leur côté, de précieuses observations
sur lacoraUine (en commun avec B. Schmitt, 4864), d'un
procédé de préparation en grand de Pacide salicylique arti-
ficiel (4873), de la découverte des propriétés antiseptiques
de cet acide, etc. Il a consigné les résultats de toutes ses
recherches dans les Annalen der Chemie de Liebig, dans
VHandivœrterbuch der Chemie, dans le Journal filr
praktische Chemie, dirigé par lui à partir de 4869, et dans
des ouvrages publiés à part: AusfûhrUches Lehrbuch
der organischen Chemie (Brunswick, 4854-69, 3 vol.;
réédité par C. von Meyer, 1880-84); Das Marburgs chem,
Laboratorium (Marbourg, 4865); Das Leipzigs chem.
Laboratorium (Leipzig, 4872); Kurzes Lehrbuch der
auorganischen Chemie (Brunswick, iSll): Kurzes Ijchr-
hiich der organ. Chemie (Brunswick, 4879: 2« éd.,
1884), etc. 'l. S.
KOLBEIN TuMAsoN, poète islandais qui, au xm^ siècle,
vivait à Skagafjôdre. Chef des paysans, il combattit l'évêque
Gudmund Arason et fut tué en 4208 (?) par les partisans
de celui-ci. C'était un bon poète, dont une poésie sur
l'Apôtre Jean et la Vierge Marie a établi la réputation.
KOLBERe. Ville d'Allemagne (V. Colberg).
K0LBER6 (Oscar), musicien et ethnographe polonais^
né en 4845, mort en 4890. Après avoir fait ses études à
Varsovie, il se Fendit à Berlin, où il étudia Pharmonie
pendant deux ans. Frappé de la variété infinie et du
charme des mélodies populaires, ainsi que de leur im-
portance au point de vue ethnographique, il se mit à par-
courir la Pologne tout entière, pour recueillir et noter les
airs qui volaient débouche en bouche, même les airs de danse
avec toutes leurs variantes. Ses recherches mélodiquesl'ame-
nèrent à observer les mœurs, les coutumes, les usages des
paysans de certaines régions (des Rouyavy surtout), à en-
registrer leurs légendes et leurs contes. Il parvint à cons-
tituer ainsi un véritable trésor ethnographique. Ses travaux,
d'abord disséminés dans les périodiques, ont été ensuite
réunis en volumes, sous le titre : le Peuple, ses usages,
sa manière de vivre, son parler, etc. Le Mouvement
musical Si donné beaucoup de ses articles. Il a composé aussi
le Roi des Pâtres, opérette qui a été jouée à Varsovie en
'^859. E. Trawinski.
KOLDERUP BosEMiNGE (Janus-Laurits-Andreas), iu*
risconsulte danois, né à Copenhague en 4792, mort en
4850. Dès 4843, il remporte un prix universitaire par
un travail remarquable sur l'importance des anciennes lois
danoises pour l'exphcation du code de Christian V. Deux
ans plus tard, il est nommé professeur à l'université de
Copenhague, fonctions qu'il conserva jusqu'à sa mort. Ses
nombreux et très savants travaux sur le droit danois au
moyen âge et son Histoire du droit, qui a été traduite
en allemand, l'ont fait connaître hors des pays Scandi-
naves. Th. C.
KOLDEWEY (Karl), explorateur allemand, né à Biicken
(Hanovre) le 26oct. 4837. Il dirigea la première expédition
polaire allemande (1868), puis la seconde (4869), qui
s'avança à l'E. du Grœnland jusqu'au 77° lat. N.; il en a
publié le récit (4873-74, 2 vol.).
KO LOIN G. Ville du Danemark, côté E. du Jutland, sur
le fjord de Kolding, dans le Petit-Belt; 7,500 hab. Buines
d'un château du xiu^' siècle (brûlé en 4808), où résidèrent
souvent les rois danois.
^ KOLDITZ. Ville de Saxe, district de Leipzig; 4,500 hab.
Vied hôtel de ville. Les seigneurs de Kolditz, qui reçurent
ce fief de Barberousse, s'éteignirent en 4488.
BiBL.: Bellger, J/isforische Beschreibutig der Stadl
Kolaitz; Leipzig, 1832.
KOLÉA. Ville d'Algérie, dép. et arr. d'Alger, à 37 kil.
d'Alger, sur la ligne de collines qui forme la ceinture oc-
cidentale du bassin du Mazafran, à une ait. de 430 m.,
ch.-L d'une com. de plein exercice, ayant pour annexés
les hameaux de Berbessa, Chaïba, Douaouda, Messaoud
Saighr, Saint-Maurice; 4,988 hab. dont 4,550 Français!
Elle fut bâtie, en 4550, par des Maures émigrés d'Espagne
et à notre arrivée en Afrique était déjà bien peuplée, dé-
fendue par un mur d'enceinte. C'était pour les Arabes du
Tell une sorte de ville sainte, contenant la zaouïa de Sidi-^
KOLÉA — KOLLER
— 596
Erabarek et plusieurs autres mosquées. En 1832, le géné-
ral Brossard y poussa une reconnaissance ; il y en eut une
autre en 1837 ; mais le bois des Karezas, qui est voisin,
étant un des asiles de tous les insurgés, on occupa défini-
tivement Koléa en 1844. Aujourd'hui c'est une ville gra-
cieuse et prospère, bien pourvue d'eau, avec des rues plan-
tées d'arbres et bordées de maisons européennes, un beau
parc, le jardin des Zouaves, une mosquée, un hôpital mi-
litaire, des casernes, etc. On cultive alentour la vigne, qui
donne des produits estimés, les céréales, les oranges, etc.
Il y a aussi des carrières de pierre de taille. E. Cat.
KOLENDA, KOLEDA, KOLIADA. Ce mot désigne, dans
les diverses langues slaves, la fête de Noël ou de la nou-
velle année, les présents ou les chansons qui accompagnent
cette fête. Des textes apocryphes ont prétendu révéler f exis-
tence d'un ancien dieu slave, Koleda. Mais le mot est tout
simplement nne transcription du latin Calendœ.
KOLFF (Henri), marin hollandais, né à Amersfoort en
1800, mort à La Haye en 1843. Il se distingua dans les
campagnes de Macassar et deCélèbes, et contribua puisam-
ment à la pacification de l'archipel de la Sonde. Il était
capitaine de vaisseau, quand il mourut, épuisé par les fa-
tigues du service colonial. On lui doit un important ou-
vrage intitulé Voyages d'exploration dans r archipel
des Moluques et sur la côte sud-ouest de Nouvelle-Gui-
née, en i825 et i826 (en holL, Amsterdam, 1828,in-8 ;
trad. en anglais par Windsor, Londres, 1840, in-8).
KOLGUEV (Ile) (V. KALGomEv).
KO LIN ou KOLLIN. Yille de Bohême, sur la r. g. de
l'Elbe, au croisement du chem. de fer de l'Etat et de la
Nordwest-Bahn, chef-lieu de capitainerie de cercle ; 1 2,000
hab. Eglise remarquable du xiii*' siècle. Industrie sucrière
très importante. En 1278, un traité y fut signé entre
l'empereur Rodolphe et le roi Ottocar. Cette ville est sur-
tout célèbre par la bataille que Frédéric II livra devant
elle le 18 juin 1757 aux troupes autrichiennes comman-
dées par Daun. Frédéric fut complètement battu et dut
évacuer la Bohême (V. Frédéric II).
BiBL. : Sur la bataille de Kolin, V. Man Duncker, dans
Abhandlungenzurpreussisch. Gesch. : Leipzig, 1876.
KOLK (ScHR(EDER Van der) (V. Schrceder).
KOLKOÏ ou KOCKOL Ville^de l'Inde, présidence de Ma-
dras, sur la Tamrapourm, à 5 kil. de la mer; 5,000 hab.
Ce fut, dans l'antiquité, le grand port de cette région,
comblé depuis par les alluvions fluviales. Ptolémée le cite
et il figure sur la Table de Peutinger, sous le nom de Co-
tai Indorum,
KOLLAR (Jean), poète tchèque, né à Mosovec (Mosocz),
dans la Hongrie méridionale, le 29 juil. 1793, mort à
Vienne le 29"févr. 1852. Il était né en pays slovaque, à une
époque où le tchèque était encore la langue littéraire de
ses compatriotes. Il fit ses études à Pozony (Pressbourg),
puis à [éna. C'est là qu'il fit connaissance de la fille d'un
pasteur. Mina ou Wilhelmine Schmidt, qu'il épousa plus
tard et qu'il a immortalisée dans son poème : la Fille de
Slava, Dès sa jeunesse, Kollar avait été animé d'un patrio-
tisme slave des plus ardents. Il avait étudié l'histoire de
sa race, avait pleuré ses malheurs ; il éprouvait une sym-
pathie particulière pour les peuples disparus, notamment
pour les Slaves de l'Elbe qui ont depuis tant de siècles fait
place aux Allemands de Saxe, de Prusse ou de Mecklem-
bourg. Son séjour à léna, son amour pour Mina, descen-
dante d'une famille slave à demi germanisée, exaltèrent
encore ces sentiments et donnèrent à son patriotisme un
caractère mystique, parfois même un peu morbide. Ses
études finies, il revint en Hongrie et devint pasteur de la
communauté slovaque de Pest. Il épousa Mina en 1835.
Son patriotisme slave le fit naturellement mal venir des
Hongrois, mais, en revanche, lui valut, chez les Tchèques
et les Illyriens, une grande popularité. Il entreprit, à di-
verses reprises, des voyages en Suisse et en Itahe. En 182^ ,
il avait débuté par un petit recueil de sonnets (Prague). Il
le reprit en 1824 et lui donna le titre de Slavy dcera, la
Fille de la Gloire ou la Fille de Slava (Bude). Ce nom
désignait tout ensemble la bien-aimée du poète, Mina, des-
cendante des anciens Slaves, et la race slave elle-même.
La première édition de Slavy dcera comprenait loO son-
nets ; celle qui suivit et qui est restée définitive en comp-
tait plus de 600 et était divisée en cinq chants : I, la Sale;
H, VElbe, le Rhin, la Vltava; HI, leDanube;lY, le Léthé;
V, VAchéron. Ce poème étrange renferme des parties admi-
rables; leprologue est d'une noble et rare éloquence. L'auteur
a la plus haute idée de l'avenir de sa race, et quelques-uns
de ses sonnets sont vraiment prophétiques, celui-ci notam-
ment : « Que serons-nous, Slaves, dans cent ans ? Que sera
toute l'Europe ? La vie slave, comme un déluge, étendra
partout son empire. Cette langue que les Allemands tenaient
pour un idiome d'esclaves, elle retentira sous les voûtes
des palais et dans la bouche même de ses adversaires. Les
sciences couleront alors par le canal slave ; le costume, les
mœurs, les chants de notre peu pie seront à la mode sur la Seine
et sur l'Elbe. » La Fille de Slava est le grand titre de gloire
de Kollar. Malgré les obscurités et les faiblesses de' cer-
taines parties, ce poème restera non pas seulement comme
œuvre d'art, mais comme un document du plus haut inté-
rêt pour l'histoire du réveil des nationalités au xix^ siècle,
Kollar a encore écrit des Mémoires fort intéressants, des
Récits de voyage en Italie et une brochure fort impor-
tante, IJeber die literarische Wechselseitigkeit zwi-
schen den verschiedencn Stœmme und Mimdarten der
Slaven (Pest, 1837). Cet ouvrage fit grand bruit ; l'auteur
y prêche le panslavisme littéraire comme il prêchait le pan-
slavisme politique dans la Fille de Slava. On lui doit aussi
des Sermons (Pest, 1831, et Bude, 1835), un Recueil
de chansons populaires slovaques (Bude, 1823-27,
2 vol.), et des travaux archéologiques et philologiques
dépourvus de toute critique et où il donne carrière à une
fantaisie extraordinaire : Dissertations sur les noms, les
origines et les antiquités du peuple slave (Bude, 1831);
la Déesse Slava et l'origine du nom d^s Slaves (Pest,
1839) ; r Ancienne Italie slave (Vienne, 1853) : toutes
ces œuvres sont de véritables divagations. — Le tombeau
de Kollar à Vienne porte cette inscription : Vivant, il
portait dans son cœur son peuple tout entier; mort,
il vit dans le cœur de tout son peuple. Les Tchèques ont
célébré en 1893 l'anniversaire de la naissance de Kollar,
inais le gouvernement hongrois a interdit toute démonstra-
tion dans les pays slovaques. La Fille de Slava a été réim-
primée à Prague par M. Backovsky en 1886. Des morceaux
choisis ont été publiés par Jakuber en 1894. L Léger.
BiBL. : Backovsky, Histoire de la littérature tchèque
au xix^ siècle; Prague, 1886. — L. Léger, Russes et Slaves;
Fans, 1891 (renferme une analyse complète de Toeuvre de
Kollar) ; Vienne, 1893. — Jean Kollak, Recueil d'études en
tchèque et en diverses langues slaves, publié par Fr.
Pastrnek ; Vienne, 1893. ^
KÔLLE (Nikodemus), sculpteur du commencement du
xvi^ siècle, qui fit, probablement en collaboration avec
d'autres artistes, un Mont des Oliviers pour l'église Saint-
Léonard à Stuttgart, et un autre devant le dôme de Spire.
KOLLER (Dom Marian), astronome et météorologiste
autrichien, né à Bistriz (Carniole) le 31 oct. 1792, mort à
Vienne le 10 févr. 1866. Il entra tout jeune dans l'ordre
des bénédictins, enseigna pendant quinze ans (1825-39)
la physique à Kremsmiinster, puis fut directeur du sémi-
naire et du célèbre observatoire (astron. Thurm) dépen-
dant de l'abbaye. Il fut élu en 1848 membre de FAcadé-
mie des sciences de Vienne et il tint, à partir de la même
époque, une grande place dans les conseils du gouverne-
ment. On lui doit d'intéressantes études et de nombreuses
observations astronomiques, météorologiques et magnétiques
consignées dans les recueils de l'Académie de Vienne, du
Franz-Karl Muséum de Linz, de la Natilrforsch. Verein
de Briinn, dans les Astronomische Nachrichten, dans les
Annalen de Lamont, etc. A citer notamment un savant
mémoire intitulé : Ueber die Berechnung periodischer
Naturerscheinungen ( Wiener Denkschriften, 1 850) , et
- 597 -
KOLLER — KOLOMEA
une série de notes renfermant de très utiles indications pour
la recherche des vices de constrution des instruments d'astro-
nomie et pour la correction des erreurs en résultant.
BiBL.: S. Fellœcker, Geschichte der Sternwarte Krems-
mûnster ; Linz, 1864.
KOLLER (Alexandre, baron), général et homme d'Etat
autrichien, né à Prague en t813. Il entra dans la cava-
lerie et fit la campagne d'Italie en qualité de général-
major. Il commanda ensuite une division. En 1871, il fut
nommé com^nandant en chef à Prague, lieutenant-gouver-
neur de la Bohême et membre de la Chambre des seigneurs.
De 4874 à 4876, il occupa le ministère de la guerre.
KOLLER (Rudolf), peintre suisse, né à Zurich en
4828.11 y eut pour premier maître le paysagiste et animalier
Ulrich, et, après avoir fréquenté l'Académie de Dusseldorf,
acheva de se former à Paris et en Belgique, d'où il revint
s'installer dans sa ville natale. Parmi ses tableaux, em-
preints d'un sain réalisme, mais qui pèchent un peu par
le coloris, nous citerons: Vaches dmis un potager, Idylle
dans rOberland bernois, Repos de midi, Vache et veau
égarés dans la montagne. Soir d^automne. Après le
Coucher du soleil.
KOLLIDAM (V. Coleroun).
KOLLIKERIA (Protoz.). Genre de Protozoaires, du
groupe des Grégarinides, créé par Mingazzini pour le
K. stanocephali (V. Sporozoaires).
KOLLIN. Ville de Bohème (V. Kolin).
KOLLONITS (Léopold), prélat hongrois, né à Komarom
en 4631, mort à Vienne en 4707. Il entra dans l'ordre
de Malte, guerroya contre les Turcs, devint évêque de
Neustadt et de Raab (Gycer), cardinal -archevêque de
Kalocza et président de la Chambre aulique à Vienne et
enfin primat de Hongrie.
KOLLONITZ (Sigismond), né en 4676, mort en 1731,
fut le premier archevêque de Vienne.
KOLLONTAY (Hugues), homme d'Etat et écrivain polo-
nais, né à Niecieslawice le 1^'' avr. 4750, mort à Varsovie
le 28 févr. 4842. Il étudia à Cracovie, embrassa la car-
rière ecclésiastique et séjourna plusieurs années à Rome.
De retour en Pologne, il fut d'abord chargé de missions
pédagogiques ; il ne fit point partie de la Diète, mais
néanmoins il exerça par ses discours et ses écrits une
influence considérable; en 4794, il fut nommé vice-chan-
celier; en 1794, il fut membre du conseil national. Après
l'échec de Kosciuszko, il se réfugia en Autriche oti il fut
interné à Olmiitz. Rendu à la liberté en 1803, il séjourna
en Volynie jusqu'en 1807, et rentra ensuite à Varsovie.
Kollontay fut un publiciste de grand talent. Quelques-unes
de ses brochures politiques furent traduites en français.
L'une des plus remarquables est une Etude sur là cons-
titution du S mai 1791 (Leipzig, 1793, 2 vol. ; réim-
primée à Paris en 4 868), dont il fut l'un des principaux
auteurs. Notons encore : Remarques sur le grand-duché
de Varsovie (Leipzig, 4808 et 1810) ; r Ordre physique
et moral (Cracovie, 1840); instruction publique en
Pologne sous Auguste III (publié par Raczynski, Posen,
1842, 2 vol.); le Clergé en Pologne au xvni® siècle
(t<:L,1849); Essai critique sur les origines de /'/iwma-
m'^^' (Cracovie, 1842). Ce dernier ouvrage a été publié
par Kqjsiewicz qui a édité également : la Correspondance
de Kollontay avec Czacki (Cracovie, 1845, 4 vol.).
Siemenski a publié (Posen, 4872) la Correspondance de
i792 à il 94. La vie de Kollontay a été écrite par Snia-
decki (Vilna, 1848), par Schmitt (Léopol, 4860), etc.
BiBL. : EsTREiciiER, Bibliographie polonaise du xix^ siè-
cle. — Encyclopédie polonaise cI'Orgelhrandt.
KOLMODIN (Israël), psalmiste suédois, né à Enkoping
en 4643, mort à Visby en 4709, est connu comme l'au-
teur de quelques-uns des plus beaux psaumes que l'on
chante encore dans l'Eglise suédoise.
KOLMODIN (Oiof), poète suédois, né dans l'Upland en
1690, mort en 1753. Pasteur à Skara, il composa, outre
des Cantiques d' édification, qui eurent un grand succès,
un poème didactique en alexandrins intitulé Miroir bi-
blique de femmes. Femmes de l'Ancien et du Nouveau
Testament (Biblisk qvinnospegel, etc, 1732-50). On a de
lui aussi un certain nombre de dissertations latines et quel-
ques poésies.
KOLMODIN (Olof, dit le Jeune), latiniste suédois, né
à Saleby en 1766, mort en 1838. Il était petit-fils du
précédent, fut professeur à l'université d'Upsal et donna
une traduction suédoise, encore estimée, des œuvres de
Tite-Live et des Annales de Tacite.
KOLMODINUS (Ericus), auteur dramatique finlandais
du xvn® siècle qui composa une sorte de mystère en un
prologue et six actes joué à Âbo en 1659 et publié depuis
sous le titre de : Genesis cetherea eller Jesu Christi fo-
delse (naissance de Jésus-Christ). Mélange naïf de faits
bibliques et d'habitudes modernes, ce drame ne contient
rien de contraire à la plus stricte orthodoxie luthérienne.
BiBL. : Lagus, Den Finsli-Svenska Literalurens Utvec-
kling ; Borga, 1866, p. 44.
KOLO (Cercle). Nom donné jadis en Pologne aux diètes
(sejmski) des voiévodies ; la place du Kolo était celle où
l'on élisait les rois, près de Varsovie.
Danse particulière aux Serbes, dans laquelle les dan-
seurs, hommes et femmes, se placent d'abord sur une seule
ligne, se tenant par la main, par la ceinture ou les épaules.
Le pas, lent au début, se fait bientôt plus rapide, en même
temps que la ligne se déforme et devient un cercle, puis
un triangle, une ellipse, etc., suivant le caprice du dan-
seur en\ète, le kolovodja (conducteur du kolo).
KOLO. Ville de la Pologne russe, ch.-l. de cercle du
gouvernement de Kalisz, dans une île de la Warta;
10,000 hab. Faïence, cotonnades.
KOLO ou GOLIK. Peuplade sauvage du Tibet orien-
tal, bassin supérieur du Hoang-ho; leur type est différent
de celui des Tibétains et des Mongols ; ils s'adonnent au
brigandage.
kOLOBENG (Afrique) (V. Colobeng).
KOLOCHES, KOLIOUCHES ou THLINKITES. Peu-
plade de la côte occidentale de l'Alaska (Etats-Unis), entre
le 55*^ et le 60^ degré de lat. N., que l'on retrouve aussi
sur les îles faisant face à cette côte. Par leur haute stature
(4 "^73 en moyenne), par leur nez aquilin, leurs longs che-
veux lisses et noirs, ils rappellent les plus beaux types de
Peaux-Rouges. C'est un peuple qui se distingue par son
amour pour la propriété privée et par ses mœurs domes-
tiques basées en partie sur le matriarcat. Les Koloches
habitent dans de petites maisons en bois, formées de ma-
driers dégrossis et ornées de colonnes sculptées représen-
tant des animaux, des monstres, etc. Le commerce est très
développé chez eux ; jadis la monnaie courante était la
coquille de dentale, mais aujourd'hui tous les Koloches
connaissent les monnaies américaines. Leur mythologie est
très riche et très variée ; le principal personnage en est
le Veitch, ou corbeau, que l'on voit sculpté sur les bâti-
ments, sur les masques, etc. C'est une sorte de Prométhée,
qui a appris à l'homme l'art d'obtenir le feu ; il délivre le
soleil, les étoiles, la lune des prismes oti les enferment
les mauvais esprits, etc. Les fréquentes cérémonies reli-
gieuses des Koloches, accompagnées de danses exécutées
par des hommes masqués, sont présidées par les chamanes
ou sorciers. J. Deniker.
BiBL. : PiNART, Notes sur les Koloches. dans Bull. Soc.
anthrop., 1872, p. 788. — A. Krause, Die Tlinkit Indianer;
léna, 1885, in-8.
KOLOGRIV. Ville de Russie, ch.-l. de cercle du gouv.
de Kostroma, au confluent de la Kitchinka et de l'Omja
(affl. dr. delà Volga).
KOLOiVlAN,roi de Hongrie, fils de Geyza IL II succéda
à Ladislas P^ en 4096, combattit contre les Croates et
se fit reconnaître par eux comme roi en 4402. Il lutta
ensuite contre les Vénitiens auxquels il reprit plusieurs
villes do la Dalmatie. Il mourut en 4444 et eut pour suc-
cesseur Etienne IL
KOLOMEA ou KOLOMYJA. Ville d'Autriche, province
de Galicie, sur le Pruth ; 25,000 hab. (dont plus de la
KOLOMEA — KOLYVAN — 598 —
moitié juifs). Ecole de poterie, raffinerie de pétrole, fabrique
de cierges, de paraffine, tissage, commerce de denrées agri-
coles. Ancienne colonie romaine (présume-t-on), elle fut
la capitale de la Pocutie ; les incursions des Tatares et des
Moldaves la ruinèrent au xv® et au xvi^ siècle.
KOLOMENSKOIÉ. Bourg de Russie, gouvernement à
dO kil. S. de Moscou, sur la Moskva (Moscova). Camp
d'été de l'Ecole des cadets.
KOLOMNA. Ville de Russie, ch.-l. d'un district du gou-
vernement de Moscou, au confluent de la Kolomenka et de
la Moskva, en amont de celui de la Moskva et de l'Oka ;
30,000 hab. Vieille citadelle (kreml), 18 églises, nom-
breuses fabriques (soie, toile, nankin, savon, cuir, ma-
chines, etc.). Grand commerce de denrées agricoles. Connue
depuis 1477, ce fut une des grandes villes de la Russie
centrale, capitale de la principauté de Riazan au xiv® siècle.
En 1237, Batou Khan y écrasa l'armée des grands-ducs
russes. Quatre fois détruite par les Tatares, Kolomna re-
fleurit au xix^ siècle, grâce à l'industrie. Le cercle a
2,100 kil. q. et environ 125,000 âmes; l'industrie y est
très développée.
KOLON (Métr.) (V. Colon).
KOLOUBARA. Sous-affluent droit du Danube, formé des
eaux qui descendent des monts Medveclnik,Iablanik, Ma-
lien et Roudnik. Cette rivière se dirige d'abord de l'O. au
N.-E. puis du S. au N., grossie à gauche de la ïamnava,
à droite du Lig. Elle arrose Valiévo, Obrénovats et se jette
dans la Save au-dessous de Zabréjié, après un cours de
80 kil.
KOLOVRAT. Grande famille de Bohême. Elle remonte
au XIV® siècle. Elle se divisait en diverses branches (Bez-
druzicky, Krakovsky, Libstein, Mastovsky, Novohradsky).
Toutes sont éteintes aujourd'hui, sauf celles des Kolovrat
Krakovsky qui porte le titre comtal depuis 1674. Au
xix« siècle, le membre le plus remarquable de cette famille
a été le comte François- Antonin Kolovrat Libsteinsky,
né en 1778, mort en 1861. Il fut de 181i à i^'lQ grand
burgrave de Bohême et ensuite ministre d'Etat jusqu'en
1848. Après la retraite de Metternich, il fut à la tête du
cabinet du 21 mars au 4 avr. 1848. On lui doit la fonda-
tion du musée de Prague auquel il laissa sa riche biblio-
thèque. Une rue de Prague porte son nom.
KOLOZS. Comitat de la Hongrie transylvaine, 5,149 kil.
q. Ses 224,760 hab. (1890) appartiennent à toutes les
races et à tous les cultes (V. Kolozsvâr). Très étendu
de l'E. à rO., ce territoire présente les aspects les plus
différents et réunit la culture des plaines aux mines et
aux forêts des Karpates.
KOLOZSVaR (en roumain Clusu, en allemand Klau-
senburg). Ville de Hongrie, sur la Petite Szamos, ch.-l.
du comitat de Kolozs. Ses 34,800 hab. (en 1890) sont en
majorité Magyars, mais avec de notables minorités alle-
mandes et roumaines et un assez grand nombre d'Armé-
niens et de juifs. La ville proprement dite est assez diffé-
rente des cinq faubourgs, dont elle fut longtemps séparée
par des remparts continus. Elle renferme d'importants
monuments : l'église gothique de Saint-Michel (1414),
les portes fortifiées, le musée, l'université, etc. De l'autre
côté de la rivière sont la citadelle de Fellegvar et le vieux
couvent de Kolosmonostor, où l'on gardait les archives de
Transylvanie, à l'emplacement de la cité dace et romaine
de Napoca, Tous les cultes de la Transylvanie, pays aussi
bigarré au point de vue religieux qu'au point de vue eth-
nographique, possèdent des temples à Kolozsvâr. L'Eglise
unitaire a dans cette ville et dans ses environs son unique
noyau sur le continent européen. Relevée par des colons
allemands au xii® siècle, mais patrie de Mathias Corvin au
xv^, cette ville a pris de plus en plus, dans l'histoire mo-
derne, un caractère magyar,
KOLPINO. Ville de Russie, sur Fljoca, affluent gauche
de la Neva, et }& ch. de fer de Saint-Pétersbourg à Moscou ;
5,000 hab. Usines métallurgiques de l'Ijoca fondées en
1705 pour la marine russe, à laquelle elles livrent tous
les éléments métalliques. On y trouve des fonderies de fer
et de cuivre, des forges, des fabriques d'armes, d'ancres, etc.
KOLPODE (Zool.) (V. Colpode).
KOLS (V. Asie [Anthrop,] et Inde, t. XX, p. 681).
KOLTSOV ( Alexis- Vasilievitch), poète russe, né à Voro-
nèje le 14 oct. 1808, mort le 31 oct. 1842. Son père était
un éleveur de bétail. Koltsov reçut une éducation toute
rudimentaire et pratiqua la profession paternelle. C'est
peut-être parmi les poètes russes celui qui s'est le plus
inspiré de la muse populaire. Son talent original et pré-
coce avait suscité de vives admirations et attiré l'attention
de l'empereur Nicolas quand il fut brusquement enlevé par
la mort. Bielinsky a écrit sa biographie en tête de ses
œuvres (1846) qui ont été fréquemment réimprimées. On
lui a élevé un monument à Voronèje.
BiBL. : L. Léger, la Littérature russe; Paris, 1892.
KOLVA. Rivière de Russie, gouvernement de Perm, af-
fluent droit de la Vichera (tributaire de la Kama); 400 kil.,
dont 115 navigables; elle coule vers l'O., puis vers le S.
On y a trouvé beaucoup de gorodichtche (anciennes cités
bulgares) . — Une autre rivière de ce nom , longue de 320 kil . ,
arrose le gouvernement d'Arkhangelsk et se jette dans
rOussa, tributaire de la Petchora ; elle coule vers l'E., puis
vers le S.
KOLYMA. Fleuve de la Sibérie, tributaire de l'océan
Glacial arctique. Elle prend sa source dans les monts Sta-
novoï et reçoit dans son parcours, qui est estimé à 1 ,800 kil. ,
de nombreux affluents, dont les principaux sont l'Omolon
et l'Anyouï, sur la rive droite du fleuve. Près de son em-
bouchure, le Kolyma se divise en trois bras et forme un
delta. Très poissonneux, ce fleuve est couvert de glace
pendant huit ou neuf mois de l'année. Dans les trois ou
quatre mois de dégel, il est navigable, mais on n'y ren-
contre que de rares pirogues des Iakoutes. J. Deniker.
KOLYIVISK. n y a trois villes de ce nom, situées toutes
dans le N.-E. de la Sibérie, le long du fleuve Kolyma. Le
Sredné-Kolymsk ou Kolymsk moyen est le chef-lieu du
cercle ou district de la Kolyma, qui comprend le bassin du
fleuvede ce nom. Ce district, dont la superficie (762,822 kil.)
égale une fois et demie celle de la France, n'est peuplé que
de 6,300 hab., pour la plupart Yakoutes. La ville de
Sredné-Kolymsk se compose des yourtes ou tentes où s'abri-
tent les Yakoutes, et de quelques maisons en bois dont les
fenêtres sont garnies de peau de poisson ou de papier huilé
en guise de vitres. On n'y compte que 600 hab. La ville
de Nijné-Kolymsk (Bas-Kolymsk) se trouve à 300 kil. au
N.-E. de la précédente, à l'estuaire de Kolyma ; elle a
200 hab. La température moyenne y est de — 12° et sou-
vent le thermomètre y marque — 36<*. La ville de Yerkhné-
Kolymsk (Haut-Kolymsk) est une agglomération de quelques
maisons située à 300 kil. au S.-O. de Sredné-Kolymsk.
KOLYN (Nicolas), nom donné à un bénédictin hollandais
qui aurait vécu à l'abbaye d'Egmond, près de Haarlem,
dans la seconde moitié du xii*' siècle. On lui attribua la
paternité d'une chronique flamande de 1 ,200 vers environ,
consacrée aux premiers comtes de Hollande et s'arrêtant
à l'année 1156. Gérard Dumbar publia cette chronique
dans le t. I des Analeda belgica (Deventer, 1719, in-8,
rééd. par A. Matthœus et G. Van Loon, La Haye, 1745,
in-foL). La plupart des historiens hollandais crurent long-
temps à son authenticité, mais on finit par découvrir
qu'elle était l'œuvre d'un habile faussaire,
BiBL. : De Wind, Bibliothèque des historiens hollan-
dais (en holl.); Middlebourg, 1831, in-8.
KOLYVAN. Ville de la Sibérie, dans le gouvernement de
Tomsk, sur la rive gauche de l'Obi, à l'embouchure du
Tchauss; 14,840 hab. (en 1802). C'est en 1822 que le
simple fortin de Tchaussk a été transformé en une ville
sous le nom de Kolyvan. La nouvelle cité grandit très vite
et acquit de l'importance, surtout dans ces derniers temps,
comme marché de produits agricoles. Les mines d'or que
l'on exploite dans les environs de Kolyvan ont fourni, pen-
dant l'année 1890, près de 2,300 kilogr. de métal.
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KOLYVAN ~ KONARSKI
Il ne faut pas confondre cette ville avec les Usmes de
Kolyvan (en russe, Kolyvanskié Zavody). Ces dernières
sont situées dans le même gouvernement, mais dans le dis-
trict de Biisk, sur le lac Kolyvan. Fondées en 1729 pour
exploiter le minerai de cuivre qui se trouvait sur les bords
du lac, ces usines ont été transformées en 1799 par le gou-
vernement russe en ateliers de polissage de pierres pré-
cieuses. Les environs du lac Kolyvan fournissent en quan-
tité de magnifiques jaspes bruns ou fumés, des marbres,
des quartz, des porphyres, des serpentines dont on fabrique
des vases, des presse-papiers, des objets d'ornements divers,
très renommés dans toute la Russie. Mais le Trésor y dé-
pense plus d'argent qu'il n'en tire de revenus. J. D.
KO M. Mont du Monténégro (V, ce mot).
KO MA. Peuplade nègre de l'O. de l'Abyssinie, au N. du
Kaffa. Très pacifiques, bons agriculteurs, ils sont groupés
en communes qui s'administrent elles-mêmes. Ils gardent
les morts des années avant de les ensevelir.
KOMARNO. Ville d'Autriche, prov. de Galicie, près du
Dinestr ; 5,000 hab. Défaites des Turcs en 1524 et 1695.
KO M A ROM (allemand Komorn^ latin Comaromium).
Ville et comitat de Hongrie. La ville est située au confluent
du Vag et du Danube. Ses 15,000 hab. font un commerce
actif de blé, de vin, de bois. Les travaux de fortification,
commencés au xv^ siècle par Mathias Corvin, renouvelés en
1808, présentent une vaste étendue et passaient pour impre-
nables. Elles sont abritées par une vaste surface généra-
lement inondée et présentent trois lignes de murs et de
retranchements. Klapka (V. ce nom) s'y est victorieuse-
ment défendu en 1849. La ville paraît au temps de Bêla IV
vers 1263 ; on y attira des immigrants en leur concédant
des libertés semblables à celles d'Ofen. La forteresse fut
prise au xiv^' siècle par le roi Robert deNaples et en 1527
par Ferdinand 1®^, mais repoussa les Turcs en 1594 et 1633.
— Le comitat (2,944 kil. q.) est un territoire en partie exposé
aux inondations, mais l'abondance de l'irrigation le rend
extrêmement fertile et la navigation fluviale y est très active.
Ses 157,397 hab. (1890) sont pour la plupart Magyars et
catholiques.
KOMAROV (Vissarion-Vissarionovitch), publiciste russe
contemporain. Il servit dans l'armée russe et fut chef d'état-
major de Tchernaiev dans la guerre serbo-turque. Il quitta
l'armée avec le grade de colonel, pour se consacrer au jour-
nalisme. Il a successivement édité : le Monde russe (1872) ;
la Gazette de Saint-Pétersbourg (1877), et le Monde,
— Alexandre-VissarionovUch Komarov, né en 1832,
entra fort jeune dans l'armée et prit part en 1849 à la cam-
pagne de Hongrie. Envoyé au Caucase en 1856, il a fait sa
carrière militaire en Orient. En 1878, il fut chargé d'or-
ganiser les districts de Kai^s et deBatoum, récemment cédés
par la Turquie. En 1884, il s'empara de Merv. En 1885,
il franchit la frontière afghane et s'empara de la ville de
Pendjeh, qu'il annexa malgré la protestation de l'émir et
des Anglais. Promu général, il a été de 1882 à 1890 gou-
verneur du territoire transcaspien. Il a contribué à la cons-
truction du chemin de fer de la mer Caspienne à Samar-
kandc.
KO M EN S KY (Jean-Amos) (V. Coménïus).
KOMERS (Antoine-Emmanuel), économiste tchèque, né
à Humpolce (Bohême) le 13 juin 1814. lia administré de
grands domaines en Bohême, dirigé l'école d'agriculture de
Tetschen Liebwerda et présidé diverses sociétés d'écono-
mie rurale. En 1879, l'empereur lui a conféré le titre de
chevalier. Il a édité de 1861 à 1882 le Jahrbuch fur
œsterreichische Landwirte et publié un grand nombre
d'ouvrages : Die Landivirtschaft OEsterreichs (Prague,
1863) ; Die Bodenkrafterschœpfung {id.^ 1864) ;
Abriss der Nationalœkonomie {id.^ 1867) ; Die
landiuirstchaftliche Betriebsorganisation (id.^ 1870 et
1876) ; Betraclitiingen iiber die landwirt, Unterrichts-
frage (id,^ 1875) ; Lage und Hilfskrœfte der Landwirt-
chaft in der œsier, ungar. Monarchie (id., 1876).
KOMHARSIN. Principauté de l'Inde, entre le Sutledj et
la Djemna ; 233 kil. q., 10,000 hab.
KOMISSAROV-KosïROMSKY, paysan russe, né vers 1838,
mort en juin 1892. Se trouvant à Pétersbourg le 16 avr.
1866, il détourna le bras d'un assassin qui visait l'empe-
reur Alexandre II. A cette occasion, l'empereur lui conféra
la noblesse ; des souscriptions particulières lui assurèrent
une fortune considérable.
KOMLOS-Keresztes (Geza), baron Fejervary (V. ce
nom).
KOMMA et KOMMATION! (V. Colon [Métrique]).
KO MO DO (Ile) (V. Comodo).
KOMORN (V. Komarom).
KOMOROWSKI (Ignace), musicien polonais, né à Var-
sovie en 1825, mort à Varsovie en 1857. Il a écrit des
romans et mis en musique quelques œuvres de Malczewski
et de Lenartowicz. Certaines de ses compositions sont res-
tées populaires.
KOiVIOTAU (en tchèque Chomutov), Ville de Bohême,
située au N.-O. du royaume, au point de rencontre de plu-
sieurs lignes de chemin de fer (Buschliehrad, Aussig-Te-
plitz, Dux-Bodenbach), chef-lieu de capitainerie de cercle;
10,000 hab., en grande partie Allemands.
KOMOULMAIR. Ville de l'Inde (Radjpoutana), princi-
pauté de Màvar, à l'entrée des défilés des monts Aravali,
menant du Mâvar au Marvar ; citadelle à 2,540 m. d'alt.;
le long d'un étang, digue de marbre couverte de temples
et de palais.
KOMPERT (Léopold), écrivain autrichien, né à Mun-
chengrœtz (Bohême) le 15 mai 1822, mort à Vienne le
23 nov. 1886. D'origine juive, il fut précepteur dans la
famille Andrassy, journaliste (1848-52), et se fixa à Vienne
en 1857. Ses principales œuvres sont des romans consacrés
à la peinture de la vie de ses coreligionnaires : Gesch,
aus dem Ghetto (1848 ; 3<^ éd., 1886) ; BœhmischeJu-
den (1851) ; Neue Gesch, aus dem Ghetto (1860, 2 vol.) ;
Gesch, einer Gasse (1865, 2 vol.); Zwischen Buinen
(1875, 3 vol.) ; Franziund Heini (1880), etc.
KOMULOVIC (V. CoMULEJus).
KONAKI (Constantin), poèteroumain,nélel4oct.l777,
mort le 4 févr. 1849. Grand logothète de Moldavie, possé-
dant des connaissances de droit' et de mathématiques, il re-
présenta dans son pays le type du philosophe à la mode du
xviîi® siècle, du bel esprit littéraire. Il trsidmsitV Essai sur
rhomme, de Pope, et composa un certain nombre de pièces
appartenant au genre anacréontique larmoyant. Ses Poésies
originales et traductions furent publiées seulement après
sa mort (Jassy, 1855). La librairie Saraga (Jassy) a publié
(1886) une seconde édition (incorporée plus tard en 2 vol.
à la Collection populaire des mêmes éditeurs).
BiiîL. : C. NEGRUzzr(K.-N.), dans la Roumanie littéraire,
Jassy, 1855. — Papadofol-Calimah, dans les Entretiens
littéraires, 1886.— Vogoride-Konaki, préface de la seconde
édition. — Bianu, dans la Nouvelle Revue, I. — J.-N. Ro-
man, dans les Entretiens littéraires^ t. XXII (tous ces ou-
vrages sont en roumain).
KONARSKI (Stanislas- Jérôme), homme d'Etat et péda-
gogue polonais, né le 30 sept. 1 700, mort à Varsovie le 3 août
1773. Dans sa quinzième année, il entra dans l'ordredes pia-
ristes où il acheva ses études. Envoyé à Rome, if enseigna
dans le Collegium Nazarenum. En 1730, il rentra en Po-
logne. Après la mort d'Auguste II, il fut adjointà uneam-
bassade polonaise, ce qui lui donna l'occasion de visiter
les Pays-Bas, la France, l'Allemagne et encore une fois
l'Italie. Il étudia dans ces voyages les différentes formes
des gouvernements, les établissements scolaires, etc. En
1740, il conçut le projet de fonder un « convict» pour les
jeunes gens nobles polonais. Konarski espérait réformer
en Pologne d'abord l'éducation et l'instruction publique,
ensuite réveiller l'esprit national et sauver l'organisme po-
litique affaibli par l'hypertrophie d'un seul état privilé-
gié, la noblesse. En fondant un collège-modèle pour la
noblesse {convictus nobilium), Konarski voulait exercer
une influence salutaire sur les générations futures du pays.
KONARSKI — KONG
— 600
Cette école, fondée en 1754, subsista jusqu'en 1832. Après
rinstruction publique, Konarski s'occupa de la réforme
politique. Il édita les lois et les statuts de là Pologne :
Leges^ statuta, coîistitutiones... Regni Poloniœ.., A
Comitiis Visliciœ i 347 celebratisusque ad ultima Regni
Comitia (Varsovie, 1732-39, 6 vol. in-foL). Dans son
livre Sur le Moyen efficace des conseils (Varsovie, 1760
et suiv., 5 vol.) il prêcha l'abolition du liberum veto^
formule juridique qui permettait en principe à un seul
homme d'annuler les décisions de toute la Diète. Konarski
fut un précurseur de la constitution polonaise de 1791.
Stanislas-Auguste fit frapper une médaille en l'honneur de
Konarski avec cette belle exergue : Sapere auso, J. K.
BiBL. : LuKAszEwicz , Histoire des Ecoles {en pol.) ;
Posen, 1851. — Kaminski, Notitia brevis de vita et scrip-
tis Stanislai Konarski. — Biegeleisen, Konarski diplo-
mate (en pol.)i dans Biblioteka Warszawska, 1883, t. IV.
KONASZEWICZ-Sahajdaczny, chef cosaque du xvn« siè-
cle. Nommé hetman des Zaporogues, il entreprit avec eux
une série d'expéditions aventureuses en Crimée, en Asie
Mineure et jusqu'en Turquie. Il prit part aux guerres contre
la Russie, de 1606 à 1613 et à la bataille de Chocim (ou
Khotin). Il mourut en 1620, au couvent des Cryptes de
Kiev où il s'était fait moine.
KONBO. Lac de Russie, gouvernement d'Arkhangelsk,
au S.-O. de la presqu'île de Kola ; 328 kil. q. ; il est formé
de deux bassins séparés aux basses eaux ; le lac Kano, à
l'E . , se déverse dans la baie Sosnovaïa ; le Kolvits, à l'O.,
dans le fond du golfe de Kandalaskaïa.
KONDA. Rivière de Sibérie, affluent gauche de l'Irtych,
dans le gouvernement et le cercle de Tobolsk ; son cours,
long de 600 kil., décrit une courbe dont la convexité est
tournée au S.-O. Elle traverse le S. du pays des Vogouls.
Les Ostiaks Kondichoui, actuellement établis sur l'Ob, pro-
viennent des bords de la Konda.
KONDAVIR. Ville de l'Inde anglaise, présidence de Ma-
dras, au pied du mont sacré de Kotappakonda ; ancienne
capitale d'une principauté ; c'est aujourd'hui un sanatorium
pour les Européens.
KONDÉ. Pays de l'Afrique orientale, au N.-O. du lac
Nyassa ; plaine fertile dominée par les monts de Kondé et
peuplée de nègres Ouakinga.
KONDHS. Tribu de l'Inde (V. Khonds),
KONDOA. Stat. du Congo belge, dans l'Ouragara, sur le
Monkondo ou Mkondoa, affl. du Ouami.
KONDRATOWICZ (Louis), dit Ladislas Syrokomla,
poète polonais, né à Smolkow le 29 sept. 1823, mort à
Vilna en 1862. A peine sorti des bancs du collège des
dominicains de Nieswiez, il se mit à écrire, tout en s'occu-
pant d'agriculture pour gagner sa vie. A vingt ans, il
traduit en vers les poètes latino-polonais des xvi® et
xvii^ siècles. Ayant fixé sa demeure aux environs de Vilna,
afin de mieux suivre le mouvement littéraire qui semblait
alors y renaître sous l'influence d'écrivains et de savants
de premier ordre (Mickiewicz, Odyniec, Kirkor, Ignace
Chodzko, Tyszkiewiez, Michel Balinski, etc.), ilpublia, en
1853, un recueil de vers intitulé Causeries et rimes
fugitives^ oti il apparaît déjà avec toutes ses qualités
d'écrivaiïf simple, bon enfant, compatissant aux petits et
aux malheureux, sévère pour les heureux de la terre, sans
pitié pour les orgueilleux et pour les égoïstes. Ces Cau-
series^ dont quelques-unes mettent très ingénieusement en
action des proverbes polonais, l'ont rendu immédiatement
célèbre. Avec Jean le Fossoyeur, Kondratowicz aborde la
poésie de plus grande allure ; ce n'est cependant que l'his-
toire d'une âme simple et naïve qui aime passionnément sa
patrie. Viennent ensuite ses deux œuvres capitales : le
Gentilhomme Jean Demborog^ sorte d'épopée qui n'est
que le récit d'une légende de famille, mais développé avec
un charme pénétrant, et Margier, poème assez médiocre
dont le sujet est emprunté à l'histoire de la Lithuanie. On
doit à Kondratowicz nombre d'autres poésies de valeur
inégale (Oulas, la Fille des Piast, Stella F or^iarina^ etc.).
Il a aussi beaucoup écrit en prose ; en dehors de ses tra-
ductions [les Chansons de Déranger; la Pologne^ ses
mœurs et ses institutions de Kromer, etc.), il faut citer :
Excursions en Lithuanie^ le Niémen depuis sa source
jusqu'à r embouchure, et surtout son Histoire de la
littérature polonaise. Le théâtre lui doit quelques co-
médies et drames dont le plus important est Gaspard
Karlinski, Ce n'est pas un poète de haute envolée, mais
il est sincère, humain et profondément patriote. Son style,
sans avoir un grand éclat, est facile, clair et séduisant par
sa douce gaieté et son humour légèrement satirique. La
meilleure édition de ses œuvres a été publiée à Varsovie,
en 1872 (en 10 vol.) ; elle renferme quantité de petites
poésies posthumes et un poème inédit, le Chanoine de
PrzemysL F. Trâwinski.
BiBL.: J.-J. Kraszewski, Ladislas Syrokomla^ dans la
Revue europ.^ 1863 (en poL). — Bull, polonais, n»* 35 et 36.
KONEK (Alexander), statisticien hongrois, né à Pest le
18 août 1819, mort à Dalaton-Fured en août 1882. Pro-
fesseur à l'université de Pest (1854), auteur de bons ou-
vrages (en magyar) : Théorie de la statistique (Raab,
1847); Statistique de la monarchie austro-hongroise
(Pest, 1868^ 2^ éd.) ; Manuel de droit canonique, i^our
la Hongrie (1867, 2^ éd.).
KONFEDERATKA. Coiffure polonaise de couleur ama-
ranthe ou bleue. Ce bonnet, avec une bordure d'agnelin
noir ou gris, fut surnommé konfederatka à cause des con-
fédérés de Bar (parti patriotique sous Stanislas-Auguste)
qui la portèrent généralement. On parait ces bonnets avec
des plumes de héron.
KONG. Ville du Soudan français, grand centre commer-
cial, où se fabriquent des cotonnades renommées. On a
donné son nom aux monts de Kong, expression inexacte
désignant la ligne de faîte entre la Guinée et le bassin du
Niger (V. Soudan).
KONG, empereur chinois (V. Hia).
KONG, homme d'Etat chinois, né en 1831. Le prince
du sang Kong (en chinois : Kong tsin wang) est le
sixième des sept fils de l'empereur Tao-koang et c'est pour-
quoi on l'appelle souvent le sixième prince {leou yé) ; au-
jourd'hui (1895), tous ses frères sont morts : les trois aînés
en bas âge ; le quatrième, qui fut l'empereur Hien-fong,
en 1861 ; le cinquième, après avoir été adopté par la
famille de l'empereur Kia-king; le septième, enfin, qui fut
le prince Tchouen, père de l'empereur actuel, le 1^^ janv.
1891. — Lorsqu'en 1860 les armées anglaise et française
arrivèrent devant Péking, l'empereur Hien-fong s'était enfui
à Jehol ; ce fut le prince Kong qui négocia au nom de son
frère et accepta le 13 oct. l'ultimatum de lord Elgin ; le 24
et le 25 oct. il contresignâtes traités anglais et français. —
Un an après, l'empereur mourut (17 août 1861), laissant
un fils âgé de cinq ans. Certains membres de la famille im-
périale formèrent un complot pour s'emparer de la régence ;
les deux épouses principales de Hien-fong, l'impératrice
Tse-an et l'impératrice Tse-hi, firent cause commune avec
le prince Kong pour résister ; ce fut le prince Kong qui
l'emporta. Il ordonna au prince I et au prince Tchen, qui
avaient été à la tête de la conspiration, de se tuer, puis
il partagea la régence avec les impératrices. Depuis le
1 9 janv. 1861, date à laquelle fut créé le département des
affaires étrangères connu sous le nom de Tsong-li Yamen,
le prince Kong avait été mis à la tête de cette institution.
Grâce à la minorité de l'empereur, il se trouva donc le chef
absolu et responsable de la poHtique extérieure. L'organi-
sation des douanes maritimes sous la direction de Lay,
et ensuite de Robert Hart ; la destruction des rebelles Tai-
ping (1863); la mission de M. Rurlingame qui abandonna
le poste de ministre des Etats-Unis à Peking pour se rendre
comme représentant diplomatique de la Chine en Amérique,
en Angleterre, en France, en Prusse et en Russie (1868-
70) ; le règlement de l'affaire suscitée par le massacre de
plusieurs Français (parmi lesquels le consul) et de trois
Russes à Tien-tsin (1870) ; enfin la suppression définitive
— ()0I
KONG — KONIEH
de l'insurrection musulmane dans les provmces de l'Ouest
et dans le Yun-nan (4873), tels sont les principaux faits
qui marquent la première période pendant laquelle le prince
Kong eut une influence prépondérante dans la direction de
l'Etat. Le 23 févr. 1873, l'empereur Tong-tche fut dé-
claré majeur ; les ministres étrangers demandèrent aussi-
tôt à être reçus en audience par le souverain. Ce fut le
prince Kong qui, en sa qualité de président du Tsong-li
Yamen, fut chargé de débattre cette grave question; il par-
vint à persuader à ses compatriotes de ne pas exiger des
représentants européens qu'ils se prosternassent le front
dans la poussière devant l'empereur ; en revanche, il les
fit recevoir (29 juin 1873), non dans l'une des grandes
salles d'audience du palais, mais dans un pavillon des jar-
dins extérieurs où sont admis les envoyés des peuples
tributaires. Ce précédent a pesé sur toutes les discussions
qui se sont livrées et qui se livrent encore de nos jours au
sujet des audiences accordées par l'empereur aux ministres
des puissances étrangères. Le gouvernement personnel de
Tong-tche ne fut pas de longue durée, car cet empereur
mourut le 12 janv. 1875 ; il n'avait point de fils. On choi-
sit pour lui succéder un enfant de quatre ans (l'empereur
Kouang-siu), dont le père était le prince Tchouen, le sep-
tième lîls de Tao-koang. Le prince Kong reprit alors, pen-
dant la longue minorité de son neveu, la régence en
commun avec les impératrices Tse-hi et Tse-an; cette
dernière mourut en 1881 ; elle avait d'ailleurs beaucoup
perdu de son influence, et, à partir de 1875, tout le pou-
voir fut en réalité aux mains de l'impératrice Tse-hi et du
prince Kong. La vie du prince se trouva donc de nouveau
mêlée aux principaux événements publics : signature de la
convention de Tche-fou avec l'Angleterre (13 sept. 1876);
reprise du Turkestan oriental sur les musulmans d'Yakoub
Beg (1877) ; négociations de Tchong-heou à Livadia pour
la restitution du district de Kouldja, échec de ce diplomate,
puis succès du marquis Tseng (traité de Saint-Pétersbourg,
1881). L'affaire du Tonkin, qui mit aux prises la Chine
et la France, porta un coup fatal au prince Kong ; après la
reddition de Sontay et de Bacninh (12 mars "l 884), en
présence de nos succès toujours grandissants, la cour de
Péking eut un moment d'affolement ; ceux qui étaient à la
tète de la politique en furent les premières victimes ; un
décret impérial du 8 avr. 1884 prononça un réquisitoire
violent contre le prince Kong et le déclara déchu de toutes
ses charges. Ce fut le prince King qui lui succéda à la pré-
sidence du Tsong-li Yamen, mais ce fut le prince Tchoun,
père de l'empereur, qui hérita de son influence prépondé-
rante dans les conseils du gouvernement. Depuis cette
époque, et jusqu'à ces derniers jours, le prince Kong est
resté dans la vie privée. On sait comment, à la suite de
l'attaque que les Japonais ont dirigée contre la Chine, de
leur établissement en Corée et de leurs victoires, sur terre
à Ping-jang, et sur mer à l'embouchure du Ya-lou, le prince
Kong vient de rentrer en scène : un télégramme du 1^^ oct.
1894 nous a appris qu'il avait été nommé président du
Tsong-li Yamen et président de l'amirauté et qu'il avait été
chargé de diriger, de concert avec Li Hong-tchang, les opé-
rations militaires. Ed. Chavânnes.
KONG FOU-^TSEU (V. Confucius).
KONG-KIA, empereur chinois (V. Hiâ).
KONGSBERG. Ville de Norvège, prov. de Christiania,
sur le Laagen, reliée par le ch. de fer à Hougsund et Chris-
tiania; 5,000 hab. Mines d'argent découvertes en 1623,
oii l'on trouva une pépite d'argent pur de 400 kilogr. La
production dépasse 7,200 kilogr. par an.
KONG-Tl. Nom posthume décerné à plusieurs empereurs
de Chine : 1° Kong-ti (règne de 554 à 557 ap. J.-C),
dernier empereur de la petite dynastie des Wei occiden-
taux; 2^ Kong-ti Yeou et Kong-ti Tong (617 et 618
ap. J.-C), les deux derniers empereurs de la petite dynas-
tie Soei; 3** Kong-ti (960 ap. J.-C), dernier empereur
de la petite dynastie des Tcheou postérieurs ; ¥ Kong-ti
1275 ap. J.-C), un des derniers empereurs delà dynastie
des Song méridionaux. On remarquera que le mot Kong,
qui signifie « qui n'est pas orgueilleux », est un titre pos-
thume peu enviable puisqu'on l'applique toujours à des
empereurs dont le règne éphémère marque la dernière étape
de la décadence d'une dynastie.
KO Ni (Feodor-Âlexievitch), écrivain russe, né à Moscou
en 1811 , mort à Saint-Pétersbourg en 1 879. Il fit jouer une
cinquantaine de pièces traduites ou originales, dont les
principales sont : // n'est pire eau que feau qui dort,
les Logements de Saint-Pétersbourg , les Conseillers
domestiques, la Jeune Fille hussard. Il publia des jour-
naux de théâtre et quelques livres pour la jeunesse.
KONIAS (Antonin), théologien tchèque, né à Prague en
1691, mort à Prague en 1766. Il entra en 1708 dans
l'ordre des jésuites, fut professeur et missionnaire. Il s'ap-
pliqua surtout à anéantir les livres suspects d'hérésie, no-
tamment de hussitisme. Un de ses confrères prétendait qu'il
en avait détruit 60,000. Ce chiffre est évidemment exa-
géré. Konias a laissé en tchèque quelques écrits théologi-
ques, notamment la Cythare, recueil de cantiques (souvent
réimprimé), la Clef des hérésies, etc. L. L.
KONlCE(all. Kanitz). Ville de Bohême, sur l'Iglavaet
le ch. de fer de Vienne à Brunn ; 3,000 hab. Vieux châ-
teau ; belle église.
KONIEH. Ville. — Ville de Turquie d'Asie, capitale du
vilayetdece nom, à 1,187 m.d'alt.,aucentre d'un plateau
aride, entouré de hautes montagnes ; 44,000 hab. dont
39,000 musulmans, 3,000 Arméniens grégoriens, 1,500
Grecs orthodoxes, 150 Coptes. Rues larges, mais sales;
maisons basses en pisé. D'abord connu sous le nom de
Danaia, cette ville prit, dit-on, le nom à'Iconium, en raison
de la tête de Gorgone sculptée sur l'une des portes. Au
moyen âge, ce fut la capitale des sultans Seldjoucides, puis
celle des sultans Ottomans à partir de 1306. Ruines du
palais des Seldjoucides, sur une colline (portiques gran-
dioses, nécropole, etc., inscriptions relevées par M. Clément
iïuart), 44 mosquées, dant la célèbre mosquée d'Or, celles
d'Alaeddinet du sultan Selim, les plus belles de l'AnatoIie.
Tombeau de poète mystique Djelal-eddin-Mevlana, fonda-
teur d'un ordre fameux de derviches. 44 médressès. Une
école ruchdié. Une école idadié. 60 écoles primaires mu-
sulmanes. Ecoles orthodoxes arméniennes et coptes. Cha-
pelle catholique. Tannerie, minoterie à vapeur. Fabrique de
poudre à canon.
Le sandjak a 324,000 hab. dont 294,646 musulmans,
7,000 orthodoxes, 15,000 Tziganes, etc.; il comprend
11 cazas. Ce sandjak exporte chaque année pour 25 mil-
lions de francs de tapis, de cotonnades, de céréales, d'opium,
de garance, etc.
Vilàyet. — Prov. de la Turquie d'Asie, borné au S.
par la Méditerranée et, dans les autres directions, par les
vilayets de Smyrne, de Brousse, d'Angora et d'Adana, entre
36« et 39° lat. N., 27 et 33« long. E. Il comprend cinq
sandjaks : Konieh, Nisçde, Hamid-abad, Bourdour, Adalia ;
91,600 kil. q., 1,088,000 hab. dont 989,000 musul-
mans, 73,000 orthodoxes, 15,000 Tziganes, 8,700 Ar-
méniens, 900 Coptes cathohques, 530 Israélites, etc.
La région septentrionale est très froide. Cette province
comprend deux régions très différentes : au N.-E., un
plateau, bassin fermé, parsemé de nombreux lacs salins ;
au S.-O. une contrée montagneuse, où des vallées pro-
fondes séparent le Taurus et l'Anti-Taurus. Les côtes sont
montagneuses, excepté au N. du golfe d'Adalia, où des allu-
vions ont gagné sur la mer. Culture du blé, de l'opium,
du tabac (surtout dans les sandjaks d'Adalia et et de Bour-
dour). Grande forêts de chênes, de noyers, etc. Mines de
chrome, de manganèse, de plomb argentifère et aurifère.
Tapis renommés. Nattes. Essence de menthe. La ligne de
Pandémie à Konieh et Karahissar, concédée en 1891, ac-
croît considérablement le mouvement commercial de cette
province. Les orthodoxes sont sous la juridiction du mé-
tropolitain d'iconium, résidant à Nigde, et de l'archevêque
de Pisidie, résidant à Adalia. Les femmes chrétiennes ont
KONIEH — KONING
- 602 -
un costume très caractéristique; elles portent un large pan-
talon d'étoffe aux couleurs éclatantes, un gilet de soie orné
de passementerie et un court surtout de laine; elles tressent
leurs cheveux en petites nattes et ne sortent que voilées;
les femmes mariées se rasent les tempes. L. Del.
BiBL. : ViTAL-CuiNET, la Turquie d'Asie^ t. I. — P. de
TciiiHATCHEv, VAsie Mineure.
KONINCK (Pierre de) (V. De Coninck).
KONINCK ou KONING (Pierre), peintre et orfèvre fla-
mand, né à Anvers vers 1590, mort dans la seconde moitié
du XVII® siècle. Orfèvre très réputé, il s'établit à Amsterdam
vers une époque qu'on ne connaît pas et il fit de la pein-
ture de portraits. Son portrait par lui-même est à Florence
à la CraiPrip dps Ofrir^^s
KONINCK on KONING (Salomon), peintre hollandais,
né à Amsterdam en 1609, mort à Amsterdam en août
4656, fils du précédent. Après avoir étudié à douze ans
le dessin sous David Colyn, il devint l'élève de François
Vernando et de Nicolas Moyaert. En 1630, il fut nommé
membre de l'Académie des peintres de la ville d'Amster-
dam. Sous l'influence heureuse de Rembrandt, il peignit
des scènes bibliques et des portraits, et fit aussi quel-
ques tableaux de genre sous une autre influence, sans
doute celle de Gérard Dow qui travaillait à Amsterdam
en même temps que lui ; mais l'influence de Rembrandt
lui avait mieux réusssi. Sa vie est au reste fort peu con-
nue ; ses œuvres sont rares, et, malgré un manque d'ori-
ginalité, d'une puissance encore grande : Saint Jérôme^
au musée de Râle ; David et Saille au musée Stœdel,
à Francfort; Jésus parmi les docteur s , à Munich; la
Vocation de saint Mathieu, à Cologne; un Vieux Moine
lisant., un Rabbin d'après Rembrandt et une Vocation
de saint Mathieu., à Rerlin; un Vieux Savant., acheté
en 1808 comme un Rega, à Amsterdam ; un Vieux Phi-
losophe, à Rrunswick; et des portraits à Stuttgart, à
Madrid, à Saint-Pétersbourg. Salomon Koninck a gravé,
encore dans la manière de Rembrandt, quelques pièces
très recherchées : Buste de Vieillard (1628); Buste
d'un Oriental (1638) ; Vieillard assis dans un fau-
teuil. Etienne Rrigon.
KONINCK (Philip de), paysagiste hollandais, né à Ams-
terdam le 5 nov. 1619, enterré à Amsterdam le 4 oct.
1688. La date de 1695 qu'on lit sur un de ses paysages
dans la galerie de lord Derby doit donc être mal lue. Il fut
l'élève de Rembrandt; il vit la nature d'après lui et il la
peignit d'après sa manière ; il fut à l'école de Rembrandt
le condisciple d'Eeckhout. Sa vie est très inconnue ; on
croit seulement qu'il a beaucoup voyagé. On voit de lui
au musée de La Haye une Vue de l'embouchure d'une
rivière dont une répétition plus grande existe à Londres,
à la National Gallery ; à Amsterdam, la Lisière d'un
bois et un Paysage (1676) avec des figures d'Adrien Van
de Velde ; à Rruxelles, un Site aux environs de Scheve-
ningen ; un Paysage à Berlin ; un Paysage à Cologne
acheté 1,771 marks en 1879; des Canards tués, à
Vienne ; une Vue prise du Rhin, à Rotterdam ; un
Paysage (1664), à la galerie d'Arenberg, à Bruxelles. On
montre encore de lui un Buste de guerrier ^z^?^c à Copen-
hague, et à Christiania un Buste de cardinal. Plusieurs
de ses œuvres ont été faussement attribuées à Salomon
Koninck, quelques-unes même à Rembrandt. Adrien Van
de Velde, Lingelbach etDirkVan Bergen ont peint les per-
sonnages et les animaux de ses paysages.
KONINCK (David de), peintre flamand, né à Anvers en
1636, mort à Rome après 1688. Elève de Jan Fyt, il fit
partie de la gilde de Saint-Luc, à Anvers, en 1663. Il visita
la France et l'Allemagne, puis il s'établit à Rome. David de
Koninck a peint beaucoup de lapins dans ses tableaux et il
en a été surnommé en flamand Ramelaer, Ses œuvres se
voient à Amsterdam, à Gand, à Vienne; un de ses chefs-
d'œuvre est au musée de Lille : Fruits dans un jardin.
KONINCK (Laurent-Guillaume de), chimiste, paléontolo-
giste et professeur belge, né à Louvain le 3 mai 1809, mort à
Liège le 15 juil. 1887. A vingt-deux ans, il était docteur en
sciences naturelles, en médecine et en pharmacie; de 1831
à 1836, il suivit les cours de Gay-Lussac et de Thénard
à Paris, de Mitscherlich à Rerlin et de Liebig à Giessen.
Il devint ensuite professeur à l'université de Gand et passa
à celle de Liège la même année. Il y fut chargé des cours
de chimie générale et de chimie industrielle. Fort des
leçons reçues à l'étranger, il introduisit en Relgique la
théorie unitaire qui est aujourd'hui presque universelle-
ment admise. Il publia sur la chimie de nombreux travaux,
mais il se préoccupa davantage encore de la paléontologie
animale et s'acquit une véritable renommée par ses impor-
tantes découvertes. Pendant un demi-siècle, il fut au pre-
mier rang des paléontologistes ; esprit éminemment analy-
tique. De Koninck s'attacha surtout à la systématique des
animaux. Observateur aussi minutieux qu'habile, il excel-
lait dans les descriptions spécifiques par sa précision, sa
clarté et sa netteté; un des premiers, il s'attacha à dé-
brouiller la synonymie et à dresser la liste bibliographique
entière de chaque fossile décrit. En même temps, il s'ef-
forçait de déterminer l'âge relatif des dépôts sédimentaires
par les restes organiques qu'ils renferment. Partisan con-
vaincu de l'immutabilité de l'espèce, il est resté fidèle jus-
qu'à son dernier jour à l'école de Cuvier. Voici le titre de
ses principaux ouvrages (la liste complète se trouve dans
l'opuscule de J. Fraipont cité plus bas) : Mémoire sur
les crustacés fossiles de Belgique (Rruxelles, 1841,
in-4); description des animaux fossiles qui se trouvent
dans le terrain carbonifère de Belgique (Rruxelles,
1844. in-4) ; Nouvelles Recherches sur les animaux
fossiles du terrain carbonifère [^vxjolqW^^, 1871, in-4);
Rapport sur les travaux de chimie publiés à l'Acadé-
mie royale de Belgique de 1112 à 1812 (Bruxelles,
1872, in-8); Recherches sur les fossiles paléozoiques
de la Nouvelle-Galles du Sud (Liège, 1877, in-8);
Faune du calcaire carbonifère de Belgique (Bruxelles,
1877-1887, 6 vol. in-4). E. Hubert.
BiBL. : A. Le Roy, Liher memoriaXis de l'université de
Liège; Liège, 1869, in-8. — Julien Fraipont, L.-G. de Ko-
ninck, sa vie et ses œuvres, dans les Annales de la Soc.
de géologie de Belgique, 1889, t. KIV.
KONINCK (Pierre-Louis-Joseph) (V. Coninck),
KONINCK (Louis de), poète flamand, né à Hoogstraeten
en 1838. Il est inspecteur de l'enseignement primaire. Il a
pubhé de nombreux poèmes de tout genre pleins d'une
inspiration élevée et qui furent accueillis avec faveur en
Relgique et en Hollande. Les plus remarquables sont :
Fleurs de bruyères (Lierre, 1869, in-8); Chants de
guerre des Flamands (Anvers, 1873, in-8); r Huma-
nité affranchie (poème épique) (Anvers, 1872, rééd. six
fois jusqu'en 1890, in-8).
KÔNINCKINA (Paléont.) (V. Rrachiopodes et SpmiFER).
KONING (V. Koninck).
KONING (Cornelis), dessinateur et graveur hollandais,
né à Haarlem en 1624, mort à Haarlem en avr. 1671.
Il fut bourgmestre de sa ville natale. Il a gravé beaucoup de
portraits du xvi^ siècle, entre autres ceux de Luther, de
Melanchthon, d'Erasme et plusieurs portraits àespriîices
de Frise.
KONING (Jacques), peintre hollandais, né à Amster-
dam vers 1645, mort sans doute à la cour du roi de Da-
nemark. Sa dernière œuvre connue est un portrait du phi-
losophe Musculus daté de 1689. Elève de Adrien Van
den Velde, il eut une grande réputation comme peintre de
paysages. Il voulut malgré cela s'essayer à la peinture his-
torique et il paraît qu'il y réussit aussi. Le roi de Dane-
mark se l'attacha comme peintre de la cour. On voit de lui
au musée de Rruxelles un Site hollandais.
KONING (Jacques), érudit hollandais, né à Amsterdam
en 1770, mort à Amsterdam en 1832. Ses études plus
remarquables ont trait à l'invention de l'imprimerie. Ko-
ning en attribue l'honneur à Laurent Coster de Haarlem :
Etudes sur l'origine, la découverte, Vamélioration et
les perfectionnements de l'imprimerie (en holL, Haar-
603 -
KONING - KOPERNICKI
lem, 48i7, in-8); et Contributions à rhistoire de IHm-
primerie (1818-4820, 2 yoI. in-8).
KONING (Victor), dramaturge français, né à Paris en
1842, mort en 1894. Il collabora à un grand nombre de
pièces de théâtre avec Crisat'uUi, Grange, Clair ville {la
Reine Carotte^ 1872; la Fille de M^^ Angot, Canaille
etC^^, 1874, etc.), Beauvallet {laMère Gigogne, 1875),
J. Moinaux, etc. Il dirigea successivement les théâtres de
la Renaissance (1875), de la Gaîté, et enfin (1880-93) du
Gymnase (V. ce mot, t. XIX, pp. 659 et 660), où il béné-
ficia de l'énorme succès des premières pièces de M. Ohnet.
Il épousa son étoile, M^^^ Jane Hading (1884), divorça en
1888 et se remaria avec une autre de ses actrices, W^^ Sisos.
Il eut de retentissants démêlés avec les pensionnaires de
son théâtre. Le revirement qui se fit dans le public contre
M. Ohnet et une série d'insuccès de pièces dues à
MM. Alph. Daudet, Blum et Toché, Valabrègue, etc., le
ruinèrent. Il dut quitter le Gymnase, tenta de fonder un
nouveau théâtre, la Comédie-Parisienne, et mourut fou.
K0NIT2. Ville de Prusse, district de Marienwerder
(Prusse orientale) ; 10,000 hab. Fonderies, lainages, toiles.
Fondée en 1205 par le duc Sambor, ce fut une des forte-
resses principales de l'ordre teutonique.
BiBL. : Uppenkamp, Gesch. der Stadt Konitz ; Konitz,
1873.
KONKAN (V. CoNCÂN et Inde, t. XX, p. 672).
KONOTOP. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouv.
de Tchernigov, ch. de fer de Moscou à Kiev; 20,000 hab.
Fondée par les Polonais (1635), elle fut conquise par les
Cosaques (1648) et les Russes (1659). Le district a
2,400 kil. q.
KONRAD (V. Conrad).
KONRÂDER (Georges) (V. Conrader).
KONSK ou KONSKIE. Ville de la Pologne russe, gouv.
de Radom ; 15,000 hab. Fabriques d'objets en fer et en
cuivre. Elle a été fondée en 1739 par le chancelier Mala-
chovski.
KONSKAIA. Rivière de Russie, affl. g. du Dniepr, qui
sépare les gouv. d'Ekaterinoslav et de Tauride; 220 kil. de
long.
KONSTANTINOGRAD. Ville de Russie, gouv. de Pol-
tava, sur la Berestovaia ; 4,500 hab. Ecole d'agriculture.
Draps. Colons allemands.
KONSTANZ (V. Constance).
KONTSKL Famille de musiciens polonais du xix^ siècle,
composée de quatre frères qui se sont fait une assez bril-
lante réputation comme virtuoses et compositeurs de mu-
sique légère; ce sont : Charles de Kontski, pianiste,
né à Cracovie le 6 sept. 1815, mort à Paris le 27 août
1867. — Antoine, pianiste, né à Cracovie le 27 oct. 1817;
le plus actif des quatre frères, il donnait encore des con-
certs en Amérique en 1889. — Stanislas, violoniste, né
à Cracovie le 8 oct. 1820. — Apollinaire, violoniste, né
à Varsovie le 23 oct. 1825, mort le 29 juin 1879. Elève
de son frère aîné, puis de Paganini, il fut jusqu'à sa mort
directeur du Conservatoire de musique de Varsovie.
BiBL.: SowiNSKi, les Musiciens polonais^ pp. 821-332.
— J. DuPUY, Notice sur Apollinaire de Kontshi; Bor-
deaux, 1847, in-8.
K0NUN6A- ocH Hôfdingastyrelsen. Œuvre suédoise
du moyen âge dont l'auteur est inconnu. C'est une imi-
tation du DeRegimine principum d'Egidius Romanus,
disciple de saint Thomas d'Aquin, publiée pour la première
fois par Bureus en 1634. Elle date de la première moitié
du xiv® siècle. L'auteur inconnu, qui suit souvent littéra-
lement son modèle, mais aussi s'en écarte à l'occasion et
introduit dans son texte des dissertations ou des passages
d'autres auteurs, a divisé son ouvrage en quatre parties :
la première traite de la nécessité pour le peuple d'avoir
un roi ; la seconde, de la façon dont le roi et les courtisans
doivent se conduire ; la troisième, de la manière dont le roi
doit traiter ses serviteurs; la quatrième, comment il con-
vient qu'il gouverne le pays. Le style de cette œuvre est
remarquable. C'est à tort qu'on en a contesté l'authenti-
cité. Th. C.
BiBL. : Geete, Um Styrilsi Rununqa,...; Stockholm,
1878. — SôDERvALL, o Siudier ôfver Konungastyrelsen,
dans Lunds Univ. Arsskr., XV.
KONUNGS Skuggsjâ (ou Spéculum regale i\or\ègien).
OEuvre du moyen âge, dont l'auteur est inconnu, mais
pourrait bien être le roi Sverrir (f 1202). C'est un dia-
logue dans lequel un père enseigne à son fils tout ce qu'un
roi doit savoir pour bien gouverner ses sujets : géographie,
histoire naturelle, physique, morale, etc.
BiBL. : Editions de Keyser (Christiania, 1848) et de
Brenner (Munif',h, 1881).
KONU NGSBÔK. Recueil de lois islandaises du milieu du
XII i^ siècle. Ce n'est guère que l'œuvre d'un compilateur
qui, tout en copiant le texte principal, note au passage
certaines parties de textes secondaires, propres à être in-
tercalées dans une rédaction définitive. L'ouvrage n'en est
pas moins fort important par l'abondance des matériaux
qu'il renferme. . Th. C.
BiBL. : K. Maurer, Uberblick û. d. Gesch. der nord-
germ. Rechtsquellen^ dans Holzendorffs Encykl.y 1882.—
Vilh. FiNSEN, Gràgàs; Copenhague, 1879.
KO N Y EH (V. Konieh).
KONYPHUS (V. CoRFOu).
KOOGEN (Lendert Van der), peintre et graveur hollan-
dais, né à Haarlem vers 1610, mort à Haarlem en 1681.
Ses parents qui étaient riches l'envoyèrent à Anvers suivre
les leçons de Jordaens et là il composa d'abord des ta-
bleaux d'histoire; puis, étant revenu à Haarlem, il s'y lia
d'étroite amitié avec Cornelis Bega et à partir de ce mo-
ment il fit de la peinture de genre. Il a gravé aussi plu-
sieurs séries de Gens d'armes et de Joueurs de dames,
KOOSKOOSKY ou CLEARWATER. Rivière des Etats-
Unis (Idaho), affl. dr. du Snake ou Lewis, contourne par le
S. les monts Bitter Root; elle a 350 kil. de long.
KOOTENAY, KOOTÂNIE, FLATBOW ou MAC GILLl-
VRAY. Rivière du Canada et des Etats-Unis, affl. dr. de
la Columbia, née vers M"" W lat. N., coule vers le S., entre
aux Etats-Unis à Fort Kootenay, décrit un coude vers le N.
et rentre dans le Canada où elle forme le lac Flatbow et
se dirige vers l'O. pour joindre la Columbia. Elle a 720 kil.
de long ; elle a pris le nom d'une tribu indienne de la Co-
lombie britannique.
KOPAL ou VERNOIÉ. Ville du Turkestan russe, prov.
de Seémirétchensk, ch.-l. de district, sur le plateau de
Djounké, à 1,190 m. d'alt., à la source de la Kopalka qui
se perd dans le steppe ; 6,000 hab., en majorité Cosaques.
Fondée en 1841. — Le district a 110,000 kil. q. environ
du lac Balkhach à l'Ili.
^ KOPAONIK. Montagne du S. delà Serbie, de 1,892 m.
d'alt., située entre la Morava serbe et la Morava bulgare.
C'est le point culminant des hauteurs qu'on rencontre
entre la Save et les Balkans. Centre minier important.
KOPCZYNSKi (Onufry), pédagogue polonais, né près
de Gnesen en 1736, mort à Varsovie en 1817.11 consacra
sa vie à ramener les Polonais à l'étude de leur langue na-
tionale et à faire de celle-ci la base de l'enseignement. Il
donna dans sa grammaire scolaire (1785) les éléments
d'un enseignement rationnel du polonais.
KOPEK. Monnaie russe (V. Copeck).
KOPERNICKI (Isidore), savant polonais, né en Ukraine
en 1827, mort à Cracovie en 1891. Docteur en médecine,
il fut d'abord médecin militaire au service de la Russie. Il
émigra en 1863 et résida à lassy où il organisa le musée
anatomique de cette ville. Il s'établit ensuite à Cracovie où
il devint membre de l'Académie des sciences. Il a beaucoup
écrit sur l'anthropologie et l'archéologie de la Pologne et
des pays slaves et collaboré à un certain nombre de revues
étrangères, anglaises, françaises et allemandes. En polonais,
en dehors de ses nombreuses contributions aux mémoires
de l'Académie des sciences de Cracovie, il a écrit des éludes
sur Jean de Glogau et l'anthropologie (1870), sur la
Langue et les chansons des Gorals, des Beskides (1875
KOPEHNICKI — KOPP
604
et 1888), une traduction des épopées serbes de Kos-
sovo etc.
KOPERNIK (V. Copernic).
KO PET Dagh. Montagnes de la prov. russe transcas-
pienne, s'étendant du N.-O. au S.-E. C'est la partie cen-
trale du Danian-i-koh des Persans, entre le Kourian àTO.
et le Gulistan à TE.; elle a 2,300 m. d'alt. moyenne, les
contreforts méridionaux ont iOO kil. de large.
KOPFEL (Wolfgang-Fabricius) (V. Capiton).
KOPHEN (Ktocprlv koS'^ris, Kubtiâ des Védas) (V. Co-
phène). Par extension, la Kophène désignait quelquefois
aussi l'Arachosie qui était une province voisine. On en
trouvera l'histoire au mot Bactriane (t. IV, pp. 1115 et
suiv.).
KOPIOPIE (V. Asthénopie).
KOPITAR (Barthélémy), philologue slave, né à Repnia
(Carniole)le 23 août 1780, mort à Vienne le 11 août 1844.
Il entra fort jeune encore à la Bibliothèque impériale de
Vienne et en devint conservateur en chef. En 1814, il fut
envoyé à Paris pour rechercher les livres et les manuscrits
que les Français avaient enlevé de Vienne. Kopitar était
de nationalité slovène. Il publia en 1808 un liwe qui fit
époque : Grammatik der Slavischen Sprache in Krain,
Kœrthen und Steyermark (Laibach, 2 vol.). C'était la
première grammaire scientifique de la langue slovène et
l'une des meilleures qui aient été publiées dans les pays slaves.
En 1836, il donna sous le titre de Glagolita Closianus
une édition fort remarquable pour l'époque d'un texte gla-
golitique du xi^ siècle, et, en 1839, Hesychii glossogra-
phi discipulus et epiglossistes rw55tt5 (Vienne). Lorsque
l'empereur Nicolas fit publier à ses frais l'édition fac-similé
de l'évangile slave connu sous le nom de Texte du sacre,
ce fut Kopitar qui en écrivit la préface : Proleg amena fus-
torica. Elle figure en tête de l'édition fac-similé éditée par
Silvestre (Texte du sacre ; Paris, 1843). Elle a été édi-
tée dans la Slavische Bibliothek de Miklosich. Celui-ci,
qu'on peut considérer comme l'élève de Kopitar, a réim-
primé un certain nombre d'écrits de son maître : Kopitars
Kleine Scriften (Vienne, 1857). Kopitar a été l'un des
premiers à appeler l'attention sur l'antiquité de l'alphabet
glagolitique et à soutenir que la langue slavonne n'est autre
que l'ancien slovène. Il entretint des polémiques fort vives
contre les savants tchèques, notamment contre Schafarik
et Palacky. En 1836, l'Académie russe lui avait décerné
une médaille d'or de 50 ducats. Kopitar a exercé une in-
fluence considérable sur l'œuvre du philologue serbe Kara-
djitch. La correspondance de Kopitar avec Dobrowsky a été
publiée par M. lagic : Briefwechselzwischen Dobrowsky
und Kopitar (Berhn, 1885). L. Léger.
BiBL, : Kopitarjeva Spomenica (A ta mémoire de Kopi-
tar), en Slovène ; Laibach, 1880.
KOPP (Fridolin), archéologue suisse, né àRheinfeld en
1691 , mort le 17 août 1757. Entré dans le monastère des
bénédictins à Mûri (Argovie), il y reçut les ordres en 1708
et fut nommé plus tard prince-abbé de ce couvent. Son
livre, Vindiciœ Actorum Muriensium, publié en 1750
à Augsbourg, souleva une longue polémique archéolo-
gique.'
KOPP (Joseph-Eutyche), historien suisse, né à Beromuns-
ter (Lucerne) en 1793, mort à Lucerne en 1866. Il devint
professeur du lycée de Lucerne et fut longtemps avec Trox-
ler le seul professeur laïque de cet établissement. Il a ou-
vert une voie nouvelle à l'étude de l'histoire nationale en
combattant le premier l'authenticité des légendes relatives
à la formation de la Confédération et en particuHer l'his-
toire de Guillaume Tell. Le premier ouvrage qu'il publia
dans ce sens est ses Documents pour servir à F histoire
des Ligues suisses (Lucerne, 1835). Le plus important est
son Histoire des Ligues suisses dont cinq tomes en neuf
volumes ont paru de 1845 à 1882. Citons aussi son active
collaboration à la publication de la Collection officielle
des anciens Recès de la Confédération.
KOPP (Emile), chimiste et homme politique français, né
à Wasselonne (Alsace) en 1817, mort à Zurich en 1875.
Il professa d'abord la toxicologie à l'Ecole de pharmacie
de Strasbourg, alla représenter le Bas-Rhin en 1849 à
l'Assemblée législative, fut impliqué dans l'affaire du
13 juin, se réfugia à Lausanne, passa de là en Angleterre
(1851), rentra en France en 1855, dirigea pendant un an
le laboratoire de Gerhardt, à Strasbourg, puis alla ensei-
gner la chimie dans différents établissements, en dernier
lieu au Muséum de Turin (1869-71) et au Polytechnicum
de Zurich (1871-75). Ce savant professeur est l'auteur
d'importants travaux sur l'aniline et la préparation des
matières colorantes qui en dérivent, sur le phosphore rouge
ou amorphe, qu'il a, le premier, mentionné comme une
modification allotropique du phosphore (1 844), sur l'iodure,
l'azotate et l'azotite d'éthyle, sur l'iodure d'étylène, etc. [l
a écrit, outre de nombreux mémoires et articles parus
dans les Comptes reiidus de l'Académie des sciences de
Paris, dans les Annales de chimie et de physique, dans
les Chemical News, etc. : Examen des matières colo-
rantes artificielles dérivées du goudron de houille (Pa-
ris, 1863, 2 vol. in-4); Sur les applications et la pré-
paration simplifiée de la 7iit7'o-glycérine (Psivis, 1868,
in- 8), etc. L. S.
KOPP (Hermann), chimiste allemand, né à Hanau(Hesse-
Nassau) le 30 oct. 1817, mort à Heidelberg le 20 févr.
1892. Fils à' unméâecin, Johann- H[ei7irich [il 11 -iS^S)^
qui fut en même temps un savant distingué et qui publia
plusieurs ouvrages de minéralogie, il étudia l'histoire na-
turelle à Heidelberg et à Marburg (1836-38), la chimie
dans le laboratoire de Liebig, à Giessen (1839-42), pro-
fessa de 1843 à 1864 à l'université de cette dernière ville
et fut appelé ensuite à celle d'Heidelberg. Il s'est acquis
une très grande notoriété par ses belles recherches sur les
chaleurs spécifiques, qui ont permis, avec celles faites par
Regnault(V. Chaleur, l. X, pp. 257 et suiv.), de vérifier le
degré d'exactitude de la loi de Dulong (V. ce nom) et
Petit, et qui ont puissamment contribué au récent déve^
loppement de la théorie atomique. Il a même essayé de dé-
terminer par d'ingénieuses méthodes les volumes molécu-
laires des liquides, principalement des liquides organiques;
les résultats qu'il a obtenus ne sont pas exempts, comme
^l l'a lui-même fait remarquer, d'une certaine incertitude;
ils n'en sont pas moins fort intéressants. Il est aussi l'au-
teur d'une remarquable Geschichte der Chemie (Bruns-
wick, 1843-47, 4 vol. in-8), complétée pour les origines
par ses Beitrœge zur Geschichte der Chemie (Brunswick,
1869-75, 3 fasc. in-8). Parmi ses autres ouvrages, nous
citerons : Ueber die Modi/ikation der mittlern Eigens-
chaft von Mischungen (Francfort-sur-le-Mein, 1841,
in-8); Ueber das speufische Gewicht der chemischen
Verbindungen (ibid.); Einleituug in der Krystallogra-
phie (Brunswick, 1849, in-8, et atlas; 2^ éd., 1862);
Lehrhuch der physikalischen und theoretischen Che-
mie, avec Buff et Zamminer (Brunswick, 1857, in-8;
2® éd., 1863); Untersuchungen ilber die specifische
Wœrme der Starren und tropfbar flilssigen Kœrper
(Giessen, 1865, in-8); Die Entwickelung der Chemie
in der neueren Zeit (Munich, 1871, in-8); Einiges
liber Witterungsangaben (Brunswick, 1879); Aurea
catena Homeri (Brunswick, 1880, in-8); Die Alchemie
in œllerer und neuerer Zeit (Heidelberg, 1886, 2 vol.
in-8). Il a enfin publié un nombre considérable de mé-
moires et d'articles dans les Annalen de Poggendorff, dans
celles de Liebig, qu'il a dirigées avec celui-ci et Wœhler de
1851 à 1871 , dans le Jahresbericht ilber die Fortschritte
der Chemie, Physik, etc. (Giessen), dont il a été l'édi-
teur avec Liebig de 1847 à 1856 et avec Will de 1857 à
1862, dans VHandwœrterbuch der Chemie de Liebig,
Poggendorff et Wœhler (Brunswich, 1837-64, 9 vol.,
in-8), etc. Léon Sagnet.
BiBL. : WunTz, Dictionnaire de Chimie, t. I, pp. 461-
462, 475-480. — Catalogue of scientiflc Papers of the
Royal Society ; Londres, 1869, t. III.
— 605 -
KOPP — KORDOFAN
KOPP (Karl), sculpteur allemand, né à Wasseralfingen
en i 825. Elève de l'Ecole des beaux-arts de Paris (i 850-54) ,
professeur au Polytecknikum de Stuttgart (i86'2),sa ma-
nière gracieuse et éîéfante fait apprécier ses corps de femme ;
outre de noml)reux bustes, il a produit : Héro et Léandre,
Bacchus et Ariane, les fontaines de la place du Château à
Stuttgart, Lorelei^ la Justice^ etc.
KOPP (Joseph), homme politique autrichien, néà Vienne
en 4827. Avocat renommé, fondateur du Deutsche Volksve-
rein^ député de Vienne à la Chambre, l'un des adversaires
d'Hohenwart et des organisateurs de la gauche allemande.
KOPP (Georg), évêque allemand, né à Duderstadt le
24 juil. 1837. Fils d'un pauvre tisserand, il fut télégra-
phiste au service du Hanovre (1856-58), étudia la théologie,
reçut les ordres en 1862, devint évêque de Fulda (1881),
s'efforta de réconcilier le gouvernement prussien avec
l'Eglise. Appelé à la Chambre des seigneurs, il prit une part
prépondérante aux débats de 1886-87 et fit adopter plu-
sieurs amendements favorables à l'Eghsedans les lois ecclé-
siastiques du 21 mai 1886 et du 30 avr. 1887 ; il fit au
nom du pape des déclarations conciliantes. En 1887, il fut
nommé prince-évèque de Breslau.
KOPP A. La langue grecque avait primitivement, à côté
du y. {kappa) ^ un autre caractère pour exprimer une pro-
nonciation différente de la gutturale ; c'est le O , appelé
koppa ; et ces deux signes sont entre eux dans la même
relation que les gutturales sémitiques kwph et qôph. Le
O se rencontre dans les inscriptions presque exclusivement
devant o, w (majorité des cas), u, X, p; son emploi devant
les autres sons, très rare d'ailleurs, est dû vraisemblable-
ment à une confusion. Il semble qu'on puisse en conclure
que le signe O désignait un son vélaire, et x un son pa-
latal. L'oreille des Grecs finit par cesser de percevoir une
différence, et le x resta seul employé pour exprimer la
gutturale ténue, le O n'étant plus conservé que comme
signe numéral = 90.
KOPPÂRBERG, STORA KOPPARBERGou FALU.Lîen
ou prov. de la Suède centrale, correspondant à l'ancienne
Dalécarlie (V. ce mot).
KOPPE (Johann-Gottlieb), agronome allemand, né à
Beesdau (Basse-Lusace) le 21 janv. 1782, mort à Beesdau
le 1^^ janv. 1863. Professeur à l'école de Mœglin, il publia
Unterricht in Ackerbau und in der kehzucht (Berlin ,
1812, 2 vol.; 10« éd. par Wolf, 1873). Il propagea les
idées de Thser (?) ^i contribua beaucoup à préciser la va-
leur relative de chaque système de culture et de rotation
selon les lieux ; son plus célèbre traité est : Revision der
Ackerbausy sterne (1818-19); citons encore : Anteilung
%u einem neuen vorkeilhaften Betrieb der Landwirt-
sckaft (1829, 3 vol.; 6^ éd., 1856). Il combattit les
théories de Liebig dans Mitt. zur Gesch^ der Landwirt-
schaft (1860). '
KOPRILI (V. KoEPRiu).
KOPRIVCHTITSA. Ville de Bulgarie, dans l'ancienne
Roumélie orientale, mais actuellement rattachée au dép. de
Sofia. Elle est située dans une vallée étroite des monts de
la Sredna-Gora, sur le cours supérieur de la Topolnitsa,
affluent de la Maritsa. Patrie de Liouben Karavelov.
KOPRIVNICA (en allemand Kopreinitz^ en magyar Ko-
pronezer). Ville de Croatie, dans le comitat de Varazdin,
sur le chem. de fer de Zakany-Agram ; 7,000 hab.
KOPS (Jean-Baptiste), paysagiste belge, né en 1800.
Elève de Hillemans. H a peint avec succès de 1830 à 1850.
Effet de soleil couchant (iVnvers, 1834) ; Paysage boisé
(Bruxelles, 1836); Vue prise dans les Ar demies^ etc.
KOPYSTENSKY, théologien russe du xvii® siècle. Il fut
archimandrite du monastère des Cryptes de Kiev. Il publia
dans cette ville des traductions des pères de l'Eglise et
un Nomocanon (4624), qui fut réimprimé à Kiev en 1629,
à Lwéw (Léopol) en 1646 et à Moscou en 1639. Il ren-
ferme de curieux détails sur les superstitions populaires.
On lui doit encore d'autres ouvrages théologiques, où il
défend l'orthodoxie contre les Uniates. L. L.
KORA. Ile du Niger, dans le Soudan français, pays de
Macina, à 50 kil. S. de Tombouctou; elle a 20 kil. de
long.
KORA. Ville de l'Inde, prov. du N.-O. (Allahabad), sur
un affl. g. de la Djemna; 7,000 hab. Beaux monuments
d'architecture musulmane ; fabrication d'objets en cuir et
en métal.
KO RAI S (V. Coray).
KORAN (V. Coran).
KORANDA (Vacslav), prêtre taborite et l'un des plus
intrépides compagnons de Zizka. Il devint curé de Saaz
(Zatec). En 1451, il soutint une dispute contre Mmtxs
Sylvius. Georges de Podiebrad le fit enfermer dans un
château où il mourut. —Un autre Koranda, dit le Jeujie,
né vers 1424, mort en 1519, fut, à diverses reprises, rec-
teur de l'université de Prague. En 1462, il fut l'un des
théologiens envoyés à Rome pour obtenir la confirmation
des compuctata. L. L.
KORANGAMITE. Lac d'Australie, colonie de Victoria;
c'est une lagune salée de 205 kil. q., sans écoulement, mais
peu profonde (l'^50).
KORANKO ou KOURANKO. Pays de l'Afrique occiden-
tale, à 160 kil. 0. de Sierra Leone; le peuple, parent des
Mandingues, a été en partie conquis par les Foulahs du
Fouta Djalon.
KORAN N A. Peuple de l'Afrique australe, de la famille
des Ilottentots, habitant le cours inférieur du Vaal et celui
du Kolang ou Hart (affl. dr. du Vaal). On évalue leur
nombre à 15,000; ils sont fortement métissés, vivent dans
des huttes hémisphériques. Le bétail est leur principale res-
source; ils adoptent la langue néerlandaise de leurs voisins
européens.
KO RAT. Ville de Siam, à 250 kil. N.-E. de Bangkok,
sur un plateau arrosé par les branches supérieures du
Semoun (affl. du Mékong); 7,000 hab. Enceinte de 800 m.
de côté attribuée aux Khmers; quartier chinois; la popu-
lation est laotienne avec des immigrants chinois. Cette ville,
qui est le centre historique des régions voisines, était, sous
le nom d'Angkor-Reach, la capitale d'un royaume que
les Cambodgiens conquirent en 1570; les Siamois la leur
enlevèrent et en firent le ch.-l. d'une vice-royanté, lais-
sant administrer la prov. de Korat ou Nakhon-Racha-
Séma par un prince tributaire.
KORATAou KOUARATA. Ville d'Abyssinie, prov. de
Beghamider, sur son promontoire basaltique, au S.-E. du
lac Tsana. Beaux jardins. En partie dépeuplée par l'expul-
sion des musulmans, elle a gardé son importance com-
merciale. Ancienne église très vénérée. Vin jadis célèbre.
KORBA. Principauté derinde,dans le Gondvana, encla-
véeau milieu dudistrict anglais de Bilaspour; 2,131 kil. a
30,000 hab. ^'
KORCZAK-Branicki (V. Branicki).
KORDOFAN (Kordifal). Pays de l'Afrique, à l'E. du
Soudan, entre la Nubie et le Dar-for, à l'O. du Nil blanc
(Bahr el Abiad), du 1 2^ au 1 6° lat. N. et du 26« 30' au 29«
1 0' long. E. On évalue la superficie à plus de 1 00,000 kil. q. ,
la population à près de 300,000 hab. Les frontières ne
sont pas définies; au S. il confine au pays de Takalé qu'on
y rattache, puis aux forêts des Chillouks et des Baggara ;
des autres côtés à des steppes et à des déserts de sable. Il
comprend une série de districts cultivés, séparés par des
bandes incultes. C'est un steppe ondulé de 410 à 580 m.
d'alt. s'abaissant légèrement du côté du Nil. Ses plus hauts
sommets ne dépassent guère 800 m., dominant la plaine de
moins de 300 ; ce sont le Katoul au N.-O., le Tourban, le
Daier, le Cheiboun au S., le djebel Kordofan au S.-^E.
d'El-Obeïd. Le sol est formé de grès bigarré de Nubie, for-
mation tertiaire, coloré en rouge par f'oxyde de fer ; au-
dessous on trouve des roches cristallines ; celles-ci forment
la surface au S. du puits d'Es-Safi et dans l'O. ; les gneiss
KORDOFAN - KORIAKS
- 606 —
et les schistes alternent avec les granités. Au N. les sables
du désert libyque viennent de la décomposition du grès ;
au S. celle des roches cristallines éruptives forme des terres
fertiles bien qu'également sablonneuses.
Le Kordofan n'a pas de rivières permanentes ; ses khe-
ran (au singulier khor) ou ouadi, en pente vers le Nil,
n'ont d'eau qu'au moment des pluies. Le principal est
celui d'Abou Habel descendant du djebel Koulfang ; quel-
ques lagunes n'assèchent jamais, par exemple celle de
Kagmar ou Ketchmar, au N. Les habitants creusent des
puits dont la profondeur atteint 50 m. Il n'y a que deux
saisons ; saison sèche et saison des pluies ; celle-ci com-
mence en mai. La chute d'eau annuelle est de 300 à 400 "^^ ;
elle varie beaucoup d'une année à l'autre. L'humus manque
presque complètement, mais l'eau suffit à fertiliser les sables.
Dans la saison sèche, le sol est aride. Les pluies y développent
une abondante végétation où dominent le Penisetum ty-
phoidewn et le Penicillaria spicata, que les indigènes
appellent doukhn ; ils sèment ces graines en juin après un
léger labour à la houe et récoltent au bout de trois à quatre
mois. Ils cultivent aussi le tabac, le sésame, du coton, des
cucurbitacées, des légumes. Le bétail est abondant: cha-
meaux, bœufs à bosse, ânes, chèvres, moutons ; il y a peu
de chevaux. On voit quelques palmiers et figuiers auprès
des cultures ; les forêts de gommiers sont une précieuse
ressource. Outre les félins, rhinocéros, girafes, antilopes,
singes, qui vivent dans les jungles, il faut citer les ci-
gognes blanches et noires et les oiseaux de toute sorte qui
pullulent dans la prairie. Les éléphants ont disparu, mais
les autruches sont encore nombreuses. On trouve de l'or
dans le Dar Nouba (au S.). Les produits industriels sont
les poteries, les cuirs, les cotonnades, les objets de fer. Les
principaux objets de commerce sont les plumes d'autruche,
l'or, la gomme arabique. On importe des grains, du sucre
de l'Inde, du sel, du tabac, etc. Le commerce se fait par
Dongola. La population est très mélangée, les différentes
races s'étant croisées depuis des siècles. Les éléments pri-
mitifs seraient : les nègres, les Nubiens, les Bédouins.
Les langues dominantes sont, comme dans le Dar-for, le
koundjara et l'arabe. Trois races ont une existence offi-
cielle : les Radejat, les Mousabat (Mouserbat, Mesabaât)
et les Koundjara ; les Mousabat vivent autour d'El-Obeïd
et qualifient leur chef de sultan. Au S.-E. vivent des
nègres qui s'appellent Nouba, dans les montagnes voisines
du pays des Chillouks (Dar Nouba) ; à côté d'eux les Takalé
ou Téghélé, qu'on rapproche des Foundji.La population sé-
dentaire du Kordofan septentrional est en partie de couleur
rougeâtre (Qadayat ou Ghodiat, Djeleidat ou Guilledat,
Gowamé), Les immigrants nubiens, Dongolaoui ou Dana-
gla appartiennent au groupe barabra et ne parlent que
cette langue; ce sont des marchands qui se marient dans
le pays, mais y laissent leurs enfants. Les nomades s'attri-
buent une origine arabe, et parlent exclusivement cette
langue. A l'E. vivent les Kababich (pasteurs de moutons)
divisés en une vingtaine de tribus (ferkah) ; au S.~E. les
Baqara ou Baggara (pasteurs de bœufs); au N.-E. les Dja-
lin, parents présumés des Bedja nubiens. La population
totale est évaluée, avons-nous dit, à moins de 300,000
âmes dont trois quarts d'esclaves. Les nomades représen-
taient les deux cinquièmes du total. Les principales villes
sontEl-Obeïd (30,000 iiab.), Bara à 70 kil. au N., Melbès
à 20 kil. au S., etc.
Le Kordofan ne paraît pas avoir eu d'unité politique per-
manente. Généralement dépendant des rois de Sennaar, il
leur fut disputé par les gens du Dar-for. Ceux-ci le con-
quirent au début du siècle, mais en 4820 leur vassal fut
tué à la bataille de Bara par les Egyptiens qui conquirent
le pays. Ils le perdirent en 1883, lors de l'insurrection du
Mahdi. A.-M. B.
BiBL. : Carte au 800,000° dressée par Prout, Colston et
Mahir, 1876. — Colston, Report on norihern and central
Kordofan; Le Caire, 1878. — Prout, General Report on
the prov. of Kordofan, 1878. — Voyage de Massari en
1880.
KOREICHITESouKORAÏCHITES.Familleou clan arabe
qui, vers le v^ siècle ap. J.-C, devint prépondérante à La
Siecque et maîtresse de la Kaaba ; Mohammed y appartenait
et eut à soutenir contre elle une lutte acharnée. — Maçoudi
donne la liste des vingt-cinq branches des Koreichistes.
Aujourd'hui les Kahtanides du Mahrab et du Hadramaut
s'y rattachent ainsi que quelques familles campées autour
de La Mecque. Le Coran est écrit dans le dialecte korei-
chite qui est ainsi devenu le dialecte arabe littéraire par
excellence (V. Arabie, Mohammed, etc.).
KOREN (Moïse de) (V. Moïse de Koren).
KOREN (Johan), naturaliste norvégien, né à Bergen en
1809, mort en 4885. Après avoir fait des études de mé-
decine et exercé son art comme médecin militaire pendant
plusieurs années, il fut nommé, en 1845, conservateur de
la section d'histoire naturelle du musée de Bergen. Il a
publié entre autres : Fauna litoralis Norvegiœ (1856);
Contributions à V ichtyologie ; Sur les Echinodermes
de la Scandinavie (ces derniers en suédois dans les
Annales de P Académie des sciences de Suède).
KORFF. Famille russe originaire de la Courlande. Au
xviri^ siècle, Johann- Albrecht, baron de Korfï, né en
1697, mort en 1766, vint s'établir en Russie (1730). Il
fut président de l'Académie des sciences, ministre à Stock-
holm et à Gopenhague.il a publié quelques ouvrages. -^Feo-
dor-Karlovitch, baron de Korff, né en 1774, mort en
i 823, servit dans les guerres contre la Pologne et la France,
prit part aux batailles d'Eylau, de Borodino, de Maloia-
roslavets, de Viazma, de Krasnoe, de Leipzig, et devint
géncral-Heutenant. — Modeste- Andréevitch, né en 1800,
mort en 1876, entra dans l'administration. Après avoir été
secrétaire d'Etat, il devint en 1840 directeur de la Biblio-
thèque impériale de Saint-Pétersbourg et rendit de grands
services à cet établissement. Il fut, en outre, chef de la
deuxième section de la chancellerie de l'empereur et pré-
sident du département législatif au conseil d'Etat. En 1 872,
il reçut le titre de comte. C'est sous sa direction qu'a été
rédigé le Catalogue de la section des Russica oti Ecrits
sur la Russie en langues ^^nm^ér^^ (Saint-Pétersbourg,
1873, 2 vol. in-8). Il a publié, en outre, une Bibliogra-
phie des ouvrages relatifs à Pierre le Grand (Saint-
Pétersbourg, 1872), et, sur l'ordre de Nicolas, l'ouvrage
intitulé Avènement au trôjie de l'empereur Nicolas,
qui fut traduit dans presque toutes les langues de l'Europe
(Paris, 1857, éd. franc.). On lui doit encore une Vie de
Speransky (Saint-Pétersbourg, 1861, 2 vol.) et des
Rapports sur la Bibliothèque impériale de Saint-Pé-
tersbourg,
KORHONEN (Paavo), poète finnois, né dans le gou-
vernement de Kuopio en 1775, mort en 1840. Grand
chasseur, passant sa vie à courir le renard, se reposant
de la chasse par la pêche, c'est la nuit qu'il écrivait les
poésies qu'il composait pendant ses excursions. Il les chan-
tait dans les cabarets en compagnie de ses amis et en bu*
vaut souvent outre mesure, ce qui semble avoir hâté sa
fin. Ses runes, devenues bientôt très populaires, grâce à
leur naïveté et à leur fréquente ressemblance avec les
vieilles chansons finnoises, ont été réunies en partie par
Lônnrot dans un recueil intitulé Paavo Korhonens 50 sàn-
ger och 6 visor. Le peuple avait donné au poète d'après
l'endroit où il vivait le nom de Vihta paavo, sous lequel
il est encore connu dans les campagnes de la Finlande.
KORIAKS. Peuplade inculte du N.-E. de la Sibérie. Les
Koriaks se divisent, d'après le genre de leur vie, en nomades
et en sédentaires. Les premiers se déplacent constamment en
suivant leurs troupeaux de rennes dans la partie septen^
trionale de la presqu'île de Kamtchatka, ainsi que dans la
région située plus au N., entre les fleuves Gliigiga et Ana-
dyr. Les sédentaires vivent le long des côtes du Kamt-
chatka septentrional. Les Koriaks ressemblent aux Tchouk-
tchis qui occupent l'extrême N.-E. de l'Asie. Il existe une
peuplade issue du mélange des Koriaks et desTchouktchis et
connue sous le nom de Tchoukmari ; elle habite la côte
- 601 ~
KORIAKS - KOllOTCHA
du Pacifique au N. du cap Olioutorski. Au physique, les
Koriaks sont de taille moyenne, très trapus, forts et gla-
bres ; ils se rasent les cheveux au sommet de la tête comme
les Esquimaux et les Tchouktchis. Ils se vêtissent de
longues robes en peau de renne et se construisent des
cabanes à moitié souterraines dans le genre de celles des
Kamtchadales ; ces demeures n'ont pas de porte : on y
entre par le trou où passe la fumée à l'aide d'un tronc à
encoches qui leur sert d'échelle. Chrétiens de nom, les
Koriaks ont gardé leur ancienne religion chamaniste dont
le trait saillant est le culte des ancêtres ; très supersti-
tieux, ils augurent de l'avenir, comme les Mongols, d'après
les craquelures qui se produisent sur une omoplate de
renne jetée au feu. On prétend qu'ils tuent leurs vieillards
comme les Tchouktchis. h Deniker.
KORINGA ou GORANGI (Kalinga de Ptolémée). Ville
maritime de l'Inde anglaise, présidence de Madras, à l'em-
bouchure de la branche N. du delta de la Godavéry;
6,000 hab. Port de cabotage, fréquenté malgré sa barre;
commerce avec la Birmanie.
KORINTJI. Pays indépendant de l'île de Sumatra, à TO.
de Palembang; il comprend 1 9 districts et compte 25,000 hab.
malais.
KORISTKA (Karl-Franz-Eduard von), géographe et tech-
nologue autrichien, né à Brusau (Moravie) le 7 fév. 4825.
Ancien élève de l'école mmière et forestière de Schemnitz,
professeur de mathématiques et de géodésie, depuis 1851,
à l'école polytechnique allemande de Prague, membre de
la société des sciences de Bohême, il a eu une grande
part au développement des écoles techniques et profession-
nelles de l'Autriche et à l'élévation de quelques-unes d'entre
elles au rang d'écoles supérieures (1864) par l'étude qu'il
est allé faire sur place de la plupart des établissements
similaires de l'étranger et par ses actives démarches au-
près du gouvernement. 11 s'est beaucoup occupé, d'autre
part, d'orographie et d'hypsométrie, a exploré presque
toutes les régions montagneuses de l'Europe et y a effectué
quantité de nivellements et de mesures de hauteurs, dont
il a consigné les résultats dans des atlas, les uns avec
texte, les autres sans texte. Outre un nombre considérable
de mémoires et d'articles (la plupart en allemand, quel-
ques-uns en tchèque et en français) parus dans divers re-
cueils et journaux, il a écrit: Studien ilber die methoden
und die Benutzung hypsometrischer Arbeiten (Gotha,
1858); Die Mœhren und die Schlesien in ihren geogr.
Verhœltnissen (Vienne, 1860); Eypsometrie von Mœh-
ren und Schlesien (Briinn, 1863); Der hœhere techn.
Unierricht in Deutschland^ Frankreich, E7igland, eic.
(Gotha, 1863); Die hohe Tatra (Gotha, 1864); DasMit-
tel-und Sandsteingebirge in fîti^/im^w (Prague, 1869);
Das Iser-und Niesengebirge{?raigi\e, 1877); Verzeichniss
der trigonom. Hœhen von Bœhmen (Prague, 1884), etc.
Il a été de 1867 à 1869 député à la diète de Bohême et au
Reichsrat. L. S.
KORKOU ou KOUR. Peuple sauvage de l'Inde centrale,
vivant au milieu des Gonds, autour de la Nerbada et aux
sources de la Tapte, surtout dans les districts de Betoul et
lïochangabad et se rattachant au groupe kolarien (V. Inde).
Ils pratiquent la communauté des femmes, sont extrêmement
honnêtes et sincères. Ils rendent un culte au soleil, ont des
idoles de bois et de pierre, poteaux carrés sur lesquels est
sculptée la figure d'un cheval.
KORMiM^ Oegmundarson, poète islandais du miheu du
X® siècle. Il est l'auteur de poèmes en l'honneur du roi ïîa-
rald et de Sigurd, et de nombreux chants d'amour, mais
il est surtout connu par la saga qui porte son nom et dont
il est le héros . Fiancé à la belle Steingerd qu'il aime, un
mauvais sort l'empêche d'arriver à temps le jour du ma-
riage, et les parents irrités marient la jeune fille à un rival.
Kormak poursuit la jeune femme de ses ardentes poésies et
a de nombreux duels, dont il sort toujours vainqueur. Mais
il prend part à une expédition de Vikings en Ecosse, et
meurt sur les côtes de ce pays. Th. G.
KORMŒCZBANYÂ (V. KREMwrrz).
KORN (Johan-Filip), peintre suédois, né en 1728, mort
à Stockholm en 1796. Il s'occupa tout d'abord de peinture
décorative, mais, sous l'influence des maîtres français et
hollandais qu'il avait l'occasion de voir dans les galeries de
tableaux, il s'adonna bientôt à la peinture de chevalet, oîi
il remporta des succès nombreux et mérités. Ses paysages,
presque tous de petite taille, représentent des sites sué-
dois : lacs, bois, grands blocs de pierre et collines aux
pentes douces : les figures qu'il aime à y placer complètent
souvent le caractère idyllique de ses gracieuses composi-
tions. Les paysages de Korn sout assez nombreux dans les
galeries publiques et particulières de Suède.
KORNA. Localité de la Turquie d'Asie (V. Gourna).
KORNEGALLE ou KOUROUNÉGALA. Ville de l'île de
Ceylan, à 90 kil. de Colombo ; 4,000 hab. Située au pied
de IVEtagalla, rocher de gneiss de 200 m. de haut, qui
ressemble à un éléphant, elle n'a que des ruines des
palais des rois de Ceylan dont elle fut la capitale (1319-
47) ; mais un temple au sommet du rocher, renfermant
une empreinte du pied du Bouddha, attire des miniers de
pèlerins.
KORNEHSZ (Jacob), peintre hollandais (V. Cornelisz).
KÔRNER (Ernst-Kari), peintre allemand, né à Stibbe
le 3 nov. 1846. Il eut tour à tour pour maîtres à Berlin
Eschke, Steffeck et Gottheb Biermann, et acheva de se
former par une longue série de voyages en Europe et en
Orient, d'où il rapporta, entre autres œuvres à citer, et en
dehors de nombreuses aquarelles : la Corne d'or, Suez ;
le Canal Mahmoudieh (1885); Balbek, la Mer devant
Alexandrie, le Colosse de Memnon au coucher du soleil,
Siout (Haute-Egypte).
KORNILOV (Vladimir), amiral russe, né en 1806, mort
en 1856. Vice-amiral au moment de la guerre de Crimée,
il se distingua devant Sinope ; il mourut des suites d'une
blessure reçue en défendant Sébastopol. L'un des navires
de la flotte russe porte son nom.
KO R N T H A L. Village du Wurttemberg, cercle du Neckar ;
1 ,400 hab. Paroisse organisée en 1819 par le bourgmestre
Hoffmann sur le modèle des primitives communautés
apostoliques.
BiBL.: Kapff, Die wuritembergischen Brudergemein^
den Kornthal und Wilhelmsdorf ; Stuttgart, 1839.
KO ROLE N KO (Vladimir-Galactionovitch), romancier russe
contemporain, né à Jitomir en 1853. H acheva ses études
à l'Académie agricole et forestière de Moscou. Mêlé à des
agitations politiques, il fut en 1879 exilé en Sibérie; gra-
cié en 1885, il s'établit à Nijni-Novgorod. H débuta cette
même année par un récit, le Songe de Makar, qui le classa
immédiatement parmi les écrivains les plus distingués de la
Russie. H publia ensuite : Esquisses d'un touriste russe;
le Murmure d'une Forêt; le Musicien aveugle; la Nuit
de Pâques ; le Vieux Sonneur ; Prokhor et les étu-
diants ; Des Deux Côtés ; Esquisses de Pavlovsk, etc.
Un certain nombre de ses nouvelles ont été réunies sous ce
titre : Esquisses et Récits (Moscou, 1887). Quelques-unes
ont été traduites en français sous ce titre : la Forêt mur-
mure. Koroienko est l'un des peintres les plus fidèles de
la vie contemporaine en Russie.
KOROROFA. Pays du Soudan méridional, à FO. de
l'Adamaoua, au S. de la Bénoué; il comprend plusieurs
cantons indépendants; la ville principale est Woukari.
Jadis redoutable aux Haoussas, auxquels il enleva Kano,
il a été entamé par les Foulah.
KO ROS KO. Localité de Nubie, rive droite du Nil, à
180 kil. S. d'Assouan; étape des caravanes à l'une des
extrémités de la route qu'elles suivent pour éviter le coude
du Nil, franchissant en neuf jours les 400 kil. du désert
de Korosko entre ce village et Abou-Hamed.
KOROTCHA. Ville de Russie, ch.-l. de district du gou-
vernement de Koursk, sur la Korotcha, affluent gauche
du Donetz ; 10,000 hab. Ancienne forteresse. Le district a
2,895 kil. q. dont 80 V^ labourés.
KOROTOIAK -- KORZENÏOWSKI
- 608
KOROTOIAK. Ville de Russie, cli.-l. de district du gou-
vernement de Voronèje, au confluent du Don et du Koro-
toiak ; 9,000 hab. Le district a 3,484 kil. q. dont les
trois quarts labourés.
KOROUMBALIAou GO RO U MB EL I A. Bourg de Tunisie,
sur la route de Tunis à Hammamet. Oliviers, huile.
KORRIGAN. Nains légendaires delà Basse-Bretagne;
dans le pays de Vannes, ils correspondent aux teuz du
Léonais, aux lutins, etc. (V. Nain).
KO RSA K (Raymond), poète polonais, né en 1767, mort
en 4817, R a laissé des hymnes estimées, des tragédies, des
poésies satiriques, etc. — Un autre Korsak{M\m), né en
4807, mort en 4852, fut pendant quelque temps le col-
lègue et le rival de Mickiewicz. Ses poésies sont aujour-
d'hui oubliées, mais on estime sa traduction de la Divine
Comédie,
KORSAKOV (Dmitri), historien russe contemporain, né
vers 1845. Il est devenu en 4 881 professeur d'histoire à
l'université de Kazan. On lui doit entre autres travaux :
les Mériens et la principauté de Rostov (Kazan, 1872) ;
l'Avènement d'Amia Ivanovna (liazm, 1880); l'Exil
du prince V.-L. Dolgorouky, Kolomenskoe^ eic.
KORSŒR- Ville maritime du Danemark, île de Seeland,
sur une baie du Grand-Belt ; 4,000 hab. Relié par che-
min de fer à Copenhague, ce petit port, de 4^50 de pro-
fondeur, est un lieu de passage vers l'île de Fionie et vers
Kiel ; les bateaux de pêche et de cabotage y sont nombreux.
KORSOV, chanteur russe contemporain. Un des artistes
les plus estimés de son pays, il a commencé sa carrière en
Ralie, où il fut élève de Corsi, Après avoir paru sur plu-
sieurs scènes italiennes, où il faisait applaudir une belle
voix de baryton conduite avec goût, il retourna en Russie,
se consacra à l'interprétation de l'opéra national, et obtint
de très grands succès au théâtre Marie, de Saint-Péters-
bourg, particulièrement dans la Judith du compositeur
Séroff ; il se distingua aussi dans les traductions de Guil-
laume Tell et de Faust^ où il remplit les rôles de Guil-
laume et de Valentin.
KO RTC HE VA. Ville de Russie, ch. -l.de district du gou-
vernement de Tver, rive gauche de la Volga, au confluent
de la Kortchevka ; 2,500 hab. Le district a 4,400 kil. q.;
la pêche et l'industrie y sont très développées.
KORTE ou KORTHEIM (Valentin) (V. Curtius).
KORTE (Pierre-Christian), général français, né à Gers-
heim (Palatinat) en 1788, mort à Paris en 1862. Engagé
volontaire à l'âge de seize ans dans un régiment de hus-
sards (1804), il fit comme soldat ou sous-officier les cam-
pagnes d'Autriche (1805), de Prusse (1806), de Pologne
(1807), d'Espagne (1808-10) et de Russie (1812). 'Ce
fut seulement à l'issue de cette dernière qu'il obtint Fépau-
lette de sous-lieutenant. Il prit part ensuite à la campagne
de 1813 en Saxe où il fut fait heutenant, et à celle de France
en 1814 où il se distingua le jour de la bataille de Brienne.
Promu capitaine en 1819, il fut employé en cette quahté
à l'armée d'Espagne, lors de l'expédition de 1823. Enfin en
1832 il devint chef d'escadron. A dater de ce moment il
servit presque sans interruption en Afrique où il gagna
successivement les grades de lieutenant-colonel (4837),
colonel (1840), général de brigade (1843), général de di-
vision (1 848). Appelé à Paris peu après l'élection de Louis-
Napoléon à la présidence de la République, pour y com-
mander une division de cuirassiers, il fut l'un des généraux
qui contribuèrent le plus au succès du coup d'Etat du
2 déc. 1851. Il reçut en récompense un siège au Sénat.
Peu après il passait au cadre de réserve. Ch. G.
KORTI. Village de Nubie, rive gauche du Nil, à 180 kil.
S.-E. de Dongola, piès du coude où le Nil reprend la direc-
tion du N. ; de là part la route qui traverse le désert de
Bajouda et gagne El-Metammeh et Chendi. Le général
Wolseley y établit son quartier général en 1884-85.
KORTUWI (Karl-Arnold), écrivain allemand, né à Mùl-
heim le 15 juil. 1745, mort à Bochum le 15 août 1824.
Médecm à Boehum, il publia plusieurs poèmes héroï-
comiques dont l'un, la Jobsiade (Munster, 1784), eut un
grand succès et a été souvent réédité ; d'autres. Die Mar-
tyrer der Mode (Wesel, 1778); Die Magische Laterne
(4784-86); Adams Eochzeitsfeier (1788), sont oubliés,
de même que ses écrits médicaux archéologiques et sa cu-
rieuse Verteidigung der Alckemie (Duisbure, 1789).
KORYBUT (V. WiSNOwiECKi).
KORZENÏOWSKI (Joseph), écrivain polonais, né à Brody
(Gahcie) en 1797, mort à Dresde le 17 sept. 1868. Excellent
élève du gymnase (lycée) de Krzemieniec, d'où sont sortis
tant de Polonais distingués au commencement de ce siècle,
tour à tour professeur de littérature polonaise dans cet
étabhssement, professeur de littérature ancienne à Kiev,
directeur d'abord du gymnase de Kharkov, puis de celui de
Varsovie, poste qu'il quitta en mars 1863, Korzeniowski
fit preuve, dans ces diflérentes situations, de grandes apti-
tudes pédagogiques, dont les archives universitaires de Var-
sovie conservent de précieux témoignages : ses rapports
sur l'enseignement en général et surtout son mémoire
d^ensemble sur l'état des établissements scolaires dans la
Pologne russe avant la réforme de 1 861 sont des documents
de tout premier ordre. Ses occupations pédagogiques ne
l'empêchèrent pas de s'adonner de très bonne heure à la
littérature. A vingt ans à peine, il donne des Odes, imi-
tées de J.-B. Rousseau; des Lettres poétiques, une tra-
duction du Sublime de Longin et un grand nombre de
compositions lyriques parues dans Melitèle, revue qui eut
son heure de célébrité vers 1830. A Varsovie, il s'exerce
à traduire Zaïre, de Voltaire, diverses œuvres de Schiller
et de Shakespeare, dont l'influence le poussa vers l'art dra-
matique. Nourri tout d'abord de classiques, Korzeniowski
ne s'en tint pas là et s'éprit bientôt des idées nouvelles en
littérature, introduites en Pologne par Casimir Rrodzinski
avant 1830. De cette époque datent Klara, un acte en vers
blancs ; Aniéla, tragédie en cinq actes, et la Belle Femme,
un drame qui n'est pas sans valeur. Un peu plus tard, il
donne successivement : le Cinquième Acte, le Moine, les
Montagnards des Karpates, ' les Vivants et les Morts,
André Batory, Dymitr et Maria, les Juifs, le Fabri-
cant, Patron et Ouvrier, Moustaclie et Perruque, les
Tsiganes, Nom et Fortune, le Potinier, etc. Korze-
niowski fut un des principaux promoteurs du théâtre polo-
nais; il alimenta presque exclusivement pendant longtemps,
avecFredro, la scène de Varsovie. Aujourd'hui encore,
plusieurs de ses pièces se jouent aussi bien en cette ville
qu'à Cracovie, à Léopol et à Posen. Mais le roman lui doit
aussi une bonne part de son succès en Pologne. Ses pre-
miers essais dans ce genre pubhés en 1849, à Vilna, sous
le titre : Contes et Récits, Mardi et Vendredi, eurent un
grandretentissement.Puisviennentdesœuvrescomme7fo//o-
kacya, Pérégrinations d'un original, Thadée sans nom,
le Veuf, les Parents, le Bonheur dans la montagne.
Sacrifice et Conscieyice, qui consacrent définitivement sa
renommée de romancier. Ainsi, il n'est presque pas de
genres littéraires que Korzeniowski n'ait cultivés souvent
avec éclat, toujours avec distinction. 11 est de ceux qui ont
le plus inspiré à la Pologne contemporaine le goût de la
lecture. Ce qui frappe chez lui, c'est une peinture très fidèle,
presque trop minutieuse des mœurs et àQ^ états d' âme à^s
différentes classes de la société, de très beaux types fémi-
nins et un dialogue choisi. Beaucoup d'observation, en
somme, et un grand souci de la forme, mais pas assez de
cette chaleur communicative qui est le secret des grands
artistes. Une édition complète de ses œuvres a été publiée
par les Klosy de Varsovie (1874-73). F. Trawinski.
^ KORZENIOWSKI (Joseph-Rémy), petit-fils du précédent,
né à Piilawy en 4863, H s'occupe surtout de travaux histo-
riques ayant rapport à l'histoire politique et littéraire du
xvi^ siècle en Pologne et dans les pays slaves. l\ a publié :
Catalogus codicum ma^iuscriptorum Musei principium
Ciartoryski Cracoviencis, Orichoviana, recueil de lettres
et œuvres du célèbre réformateur polonais Stanislas Or-
- 609
KORZENÏOWSKI - KOSCIUSZKO
zechowski; Analecta Romana^ documents pour servir
à l'histoire des relations entre la Pologne et la cour ro-
maine au XYi® siècle, et autres. M. Korzeniowski est dé-
légué de l'Académie impériale des sciences de Cracovie à la
station scientifique de Paris, et directeur de la Bibliothèque
polonaise du quai d'Orléans.
KORZON Thadée, historien polonais, né à Minsk (Li-
thuanie) le 28 oct. 1839. Il fit ses études à l'université
de Moscou. Nommé professeur d'histoire au gymnase de
Kowno, il prit part aux préparatifs de l'insurrection polo-
naise et il fut condamné à l'exil, qu'il passa de 1862 à
i857 à Orenbourg. Depuis 4869, il habite Varsovie, s'oc-
cupe beaucoup des systèmes de l'enseignement de This-
îoire, a écrit l'histoire populaire du moyen âge et celle des
xvi^ et XYii® siècles (jusqu'à 1648). Son œuvre principale
est VHistoire intérieure de la Pologne sous Stanislas-
Auguste (Cracovie, Académie des sciences, 1882-86,
4 vol.). Cet ouvrage a jeté une grande lumière sur la situa-
tion intérieure de la Pologne vers la fin du xvin^ siècle.
C'est un vaste répertoire des détails statistiques, adminis-
tratifs et économiques. Korzon a été élu membre corres-
pondant de l'Académie des sciences de Cracovie en 1888.
On lui doit aussi : Buckle, Draper et llolh (Varsovie,
1870, en pol.) ; Histoire antique élémentaire (1876,
2«éd.); Etat économique de la Pologne (1772-02)
(Varsovie, 1877). On lui attribue une grande monogra-
pliie sur Kosciuszko (Cracovie, 1894, in-8).
KOSA. Chef arabe du clan des Koreichites, né en 398
ap. J.-C, mort vers 480, trisaïeul de Mohammed. Gendre
d'iïalil, gardien de la Kaaba, à sa mort il s'empara de l'in-
tendance du temple (vers 4-^10) qu'il fit reconstruire, et as-
sura la grandeur des Koreichites. Il aurait, en groupant
autour de la Kaaba son clan, fondé la ville de La Mecque.
On lui attribue aussi la taxe annuelle {rifada), destinée à
l'entretien des pèlerins pauvres, et l'édification du Daren-
nadwa, palais du conseil, où furent centralisées les affaires
publiques et où il conservait l'étendard militaire.
KOSADAVLEV (V. Kozodavlev).
KOSÂK (V. Cosaque).
KOSANI. Ville de Turquie d'Europe, vilayet de Salo-
nique, à 25 kil. S.-E. de Servia; 10,000 hab. (en ma-
jorité Grecs). Evêché. 9 églises. Marché agricole (tabac,
vin, safran, soie, miel, cuir.
KOSCHMIN (V. Kozmin).
KOSCIUSKO (Mont). Montagne d'Australie (V. ce mot,
t. IV, p. 731).
KOSCIUSZKO (Thadée-André-Bonaventure), général en
chef des armées polonaises, né au village de Mereczowsz-
czyzna, district de Slonim(Lithuanie), Iel2févr.l746, mort
à Soleure, en Suisse, le 15 oct. 1817. Issu d'une ancienne
famille de noblesse lithuanienne, troisième fils de Louis Kos-
ciuszko, après avoir commencé ses études dans la maison
paternelle, il entra à l'Ecole des cadets de Varsovie, sous les
auspices de Sosnowski, voiévode de Polotsk. Le prince Adam
Czartoryski, directeur de cette institution, ayant remarqué
en lui des dispositions exceptionnelles, l'envoya à l'étranger
pour y achever son éducation militaire. 11 séjourna succes-
sivement en Allemagne, en Italie et en France. De retour
dans son pays, il obtint le grade de capitaine d'artillerie
(1774). Ayant échoué dans ses visées matrimoniales (il
aurait voulu épouser l'une des deux filles du voiévode Sos-
nowski), il retourna en France et, de là, s'embarqua avec
beaucoup d'autres Français et Polonais pour les Etats-Unis
d'Amérique qui combattaient alors pour leur indépendance
(1778). Là, simple engagé volontaire, il se distingua sur
le champ de bataille de Rhode Island, de Yorktown et au
siège de New York, au point que V\^ashington le nomma
colonel du génie et l'attacha à son état-major. La guerre
terminée, il rentra en Pologne (1784), après avoir reçu
pour son dévouement à la cause de la liberté le grade de
général de brigade, la décoration de Cincinnatus, le titre
de citoyen américain, une importante dotation annuelle,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
des concessions do terres, et (ce qui valait mieux encore)
emportant avec lui les sympathies et la reconnaissance de
la jeune République. De graves événements se préparaient
alors en Pologne. Les puissances copartageantes se dispo-
saient à porter les derniers coups mortels à l'indépendance
de ce malheureux pays déchiré par les dissensions intes-
tines de sa noblesse livrée à toutes les intrigues de l'étran-
ger. Il s'agissait de défendre le pays contre les ennemis du
dehors et contre ceux du dedans. Kosciuszko s'enrôla, en
qualité de général de division, sous les ordres du prince
Joseph Poniatowski et remporta, à Dubienka (1 8 juil . 1 792) ,
une victoire sur les Russes, quatre fois plus nombreux. Le
roi Stanislas-Auguste s'étant joint à la confédération de
Targowitça, dévouée à Fallianee russe, Kosciuszko donna
sa démission en même temps que Poniatowski et partit pour
Dresde où s'étaient donné rendez-vous de nombreux pa-
triotes polonais, afin de délibérer sur les destinées futures
de leur patrie. Kosciuszko y apprend que la Convention
nationale l'a proclamé citoyen français, au moment du se-
cond partage de la Pologne, qui provoque une insurrection.
Kosciuszko arrive aussitôt à Cracovie (24 mars 1794), où
il prend le commandement en chef de la levée en masse
avec tous les pouvoirs d'un dictateur. Après avoir fait sa
jonction avec le corps d'armée deMangetet deMadalinski,
il bat à Raclawice (Ratslavitsé) les Russes commandés par
les généraux Tormansov et Denisov (4 avr.). Ce sont surtout
les paysans cracoviens qui se couvrent de gloire dans cette
mémorable bataille ; la bravoure de l'un d'entre eux (Bar-
thélémy Glowackij est, depuis, devenue légendaire. Dès ce
jour, reconnaissant qu'il ne faut plus compter sur la noblesse
et que toute la force réside dans le peuple, Kosciuszko se
préoccupe de la condition misérable de ce dernier. Il lance,
à Polaniec, un ordre du jour où il déclare hautement que
l'oppression du peuple est une des principales causes de la
décadence du pays : il diminue notablement toutes les cor-
vées, en dispense complètement les familles de ceux qui
sont sous les drapeaux et confie le sort des paysans à la
sollicitude d'une commission spéciale. Toutes ces mesures
sociales, qui dénotent un profond sens politique, déplurent
naturellement à la noblesse qui, dès lors, l'abandonna de
plus en plus. Pendant ce temps, la guerre continuait avec
des alternatives de succès et de défaites (échec à Szczekoczyn
le 6 juin, succès à Varsovie), pour se terminer par le dé-
sastre de Maciejowice(Matsiéyovitsé)où Kosciuszko, griève-
ment blessé, est fait prisonmer par les Russes (10 oct.
1794). Le cri de Finis Poloniœ qu'on lui attribue n'a
jamais été articulé. L'insurrection, ensuite mal dirigée et
trahie par l'aristocratie, se termine par le troisième par-
tage. Le tsar Paul, lors de son avènement au trône, rend
la liberté à Kosciuszko sur sa parole de ne plus faire cam-
pagne contre les Russes (1 796), et celui-ci gagne Stockholm,
Londres et l'Amérique. Reçu partout avec enthousiasme,
il revint en France (1798), où il ne voulut prendre aucune
part aux événements politiques. Il se méfiait d'ailleurs de
Napoléon F^ et ne voulait se mettre à sa disposition qu'à
la condition que la Pologne serait restaurée. Il vécut à
Berville, près de Fontainebleau. Après le coffgrès de Vienne
dont il espérait quelque chose pour son pays (il invita
Alexandre F'" à devenir roi constitutionnel de Pologne),
Kosciuszko se retira à Soleure, chez son ami Zeltner, où
il mourut des suites d'une chute de cheval, près de Vevey.
Son corps fut transporté en 1818 à Cracovie aux frais du
tsar Alexandre F"" et déposé dans la crypte du château de
AVawel à côté des rois de Pologne. La nation polonaise,
pénétrée de reconnaissance pour ce défenseur héroïque de
la liberté, lui éleva près de Cracovie, en rase campagne, un
tertre immense qui porte le nom du héros et qui est de-
venu pour les Polonais un véritable lieu de pèlerinage. Fort
expert dans la science militaire, Kosciuszko était en outre
un homme très lettré et même, à ses heures, un artiste. Il
a laissé un récit de la campagne de 1792, publié par
Ed. Raczynski dans son Tableau de la Pologne et des
Polonais (Posen, 1843) et un volume' intitulé Manouvres
39
KOSGTUSZKO - KOSSAK — 610
o[ llorse-AHillery, Dans ses moments de loisir, il s'oc-
cupait de dessin, de peinture et de sculpture. On assure
même qu'il faisait agréablement le paysage et réussissait
fort bien les portraits. Au point de vue politique, Kosciuszko
est à coup sûr une des figures les plus sympathiques des
temps modernes. Epris de toutes les idées généreuses qui
travaillaient les esprits à la fin du siècle dernier, il se
trouva malheureusement sur un terrain peu propice à leur
réalisation. Lorsque Kosciuszko parut sur la scène pu-
blique, la Pologne était déjà condamnée par les vices de
son organisation sociale et par la convoitise de ses voi-
sins coalisés contre elle. Peut-être aurait-il pu, par des
moyens révolutionnaires que lui conseillait Kollontay, ter-
roriser l'aristocratie, inspirer plus de courage à la noblesse
et galvaniser toute la nation. Mais, cela faisant, il n'aurait
probablement fait que prolonger une lutte inégale et ajou-
ter quelques pages glorieuses à l'histoire de Pologne. Tel
qu'il est, il incarne en quelque sorte la vaillance, les souf-
frances et les espérances de tout un peuple. C'en est assez
pour que son nom soit inscrit en lettres d'or à côté des
hommes qui font honneur à l'humanité. F. Trawinski.
BiBL. : Falkenstein, Tfiaddœus Kosciuszko ; Leipzig,
1827. — L. Chodzko, Biographie du général Kosciuszko ;
Fontainebleau, 1837. — J. Mighelet, 7a Pologne martyre.
— Kosciuszko^ dans Bulletin polonais ; Paris, 1894, no» 67
à 71. — KoRzoN, Kosciuszko, biographie tirée des docu-
ments (en pol.) ; Cracovie, 1894.
KOSEGARTEN (Ludwig-Theodul), poète allemand, né
à Grevismiihlen (Mecklembourg-Schwerin), mort à Greifs-
wald le 26 oct. 18i8. Pasteur à Riigen, puis à Greifswald
où il professa à l'université, il a écrit des pièces théâ-
trales et des romans médiocres, des poèmes travaillés et
maniérés qui eurent du succès : Gedichte (Leipzig, 1788,
2 voL; 5^ éd., 4824, 3 vol.); Rhapsodien [i^ùi, 3 vol.,
2^ éd.); Romantische Dichtungen (Dresde, 4800-06,
6 vol.); Legenden (Berlin, 4846, 2 vol.); Die Inself ahrt
(4804); Jucunde (4855, 7^ éd.). Son fils a publié ses
poésies complètes (Greifswald, 1823, 12 vol) et Mohnike
ses discours et écrits divers (Stralsund, 4834-32, 3 vol.).
KOSEGARTEN (Johann -Gottfried-Ludwig), orientaliste
allemand, né à Altenkirchen (île de Riigen) le 40 sept.
4792, mort à Greifsv^ald le 48 août 4860. Il étudia à Pa-
ris, fit des leçons à Greifswald sur l'histoire de Poméranie,
publia la chronique poméranienne de Kantzow (1816-47,
2 vol.) et Codex Pomeraniœ diplomaticus (4843). li
professâtes langues orientales aux universités d'Iéna (1 817)
et de Griefswald (4824), éditant les Moallaka d'Amr ben
Kolthum (léna, 4810); le Tuti nameh, contes perses
(4822); les annales (arabes) de Tabeir (4831-53); publia
une chrestomatie arabe (4828); les chansons arabes Kitab
al Aghâni (1846); les fables indiennes Pant-Schachanira
(4848-59), etc.
KOSÉILA iBN Lemezm, chef berbère ((V. Kocéilâ),
KOSEL ou KOZLE. Ville de IVusse, district d'Oppeln
(Silésie), au confluent de la Klodnitz et de l'Oder;
6,000 hab. Ancienne forteresse au point de jonction de
nombreuses voies ferrées ; vieux château. Ce fut en 4306
la capitale d'uîï duché créé pour l'un des fils du duc Casi-
mir II de Teschen, réuni dès 4359 à celui de Teschen.
L'Autriche l'acquit en 4532. Frédéric II, quand il en fut
maître, la fortifia ; elle soutint quatre sièges dans la guerre
de Sept ans (4758, 4759, 4760, 4762), résista en 1807
jusqu'à la paix.. Elle fut démantelée dans le remaniement
des fortifications allemandes (4873).
BiBL. : Weltzel, Gesch. der Stadt Herrschaft und Fos-
tung Kosel ; Ratibor, 1866.
kOSELEZ. Ville de Russie, gouvernement de'Tchernigov,
sur rOster (affl. de la Desna); 6,000 hab.
KOSELSK. Ville de Russie, gouvernement de Kalonga,
au confluent de la Drougousna et de la Shisdra; 6,000 h.
Toile à voiles, cuirs; exportation de chanvre et d'huile
vers Riga, de bois vers Moscou.
KOSENITZY (en polon. Kozienice)» Ville de la Pologne
russe, gouvernement de Radom, près de la Vistule;
3,000 hab. On y travaille le fer et le cuivre* Ancien pa-
villon de chasse des rois de Pologne, Etienne Czarniecki y
vainquit les Suédois (4 656) .
KOSGHL Ville de l'Inde anglaise, présid. de Madras,
ch. de fer de Madras à Bombay; 7,000 hab. Au-dessus,
citadelle ancienne avec temples et palais.
KO-SIMA. Ile du Japon, de l'archipel de Hatchiyo, au
N.-O. de l'île de ce nom; 555 m. d'alt. Une autre du
même nom est au S,-0. de Yéso; volcanique, elle a 297 m.
d'alt.
KOSINE (Chimie) (V.CosmE).
KOSINSKI (Jean), hetman des Cosaques au xvi® siècle.
Il était d'origme polonaise; il organisa sous le règne de
Sigismond III des bandes de Cosaques, ravagea la Petite-
Russie et périt en 4593. Ses aventures ont donné lieu à
toutes sortes de légendes. Il est le héros d'une ballade de
Bohdan Zaleski.
KOSINSKI (Amilcar), général polonais, né en 4769,
mort en 4823. Après avoir pris part aux dernières luttes
contre les Russes, il passa en Italie et entra dans les
troupes françaises avec le grade de capttaine. Il devint gé-
néral de brigade, puis rentra en Pologne et passa au ser-
vice de l'Autriche. On a publié à Posen en 4864 sa Cor-
respondance de 4845 à 4820.
KOSMODEMIANSK. Ville de Russie, ch.-l. de district
du gouvernement de Kasan, sur la Volga; 5,000 hab.
Forges. — Le district, en grande partie boisé, est peuplé
surtout de Tchouvaches et de Tcliérémisses.
KOSMOS. Ce mot en grec signifie, comme mundus en
latm, ordre, harmonie, beauté, et il désigne aussi le monde,
l'ensemble universel des choses. On prétend que Pythagore^
le premier, appela ainsi le monde à cause de la proportion
et de l'accord de toutes les parties qui le composent. Il
enseignait, en eflet, que « le ciel tout entier est une har-
monie et un nombre ». Dans toute la philosophie grecque,
ce mot est donc employé pour désigner l'univers, consi-
déré non comme un simple amas d'êtres et de phénomènes
sans lien, mais comme un système, un organisme tout
pénétré de finalité. A la Renaissance, les alchimistes dis-
tmguèrent le grand et le petit Kosmos (macrocosme et mi-
crocosme) : le premier est le monde extérieur, le second
est l'homme, et ils crurent apercevoir entre l'un et l'autre
une infinité d'analogies et de correspondances secrètes.
Enfin, le célèbre géographe et naturaliste allemand,
Alexandre de Humboldt (1769-4859) a donné ce nom de
Kosmos à un grand ouvrage où il s'est efforcé de présenter
1 ensemble des résultats de ses longues études. Le Kosmos
ou Description physique du monde, rédigé en allemand,
parut à Berlin de 4847 à 4854 ; il fut immédiatement tra-
duit en français par MM. Faye et Galuski. E. Boirac.
KOSOVO (V. Kossovo),
KOSROÈS (V. Khosroès).
KOSSAK (Karl-Ludwig-Ernst), critique allemand, né à
Marienwerder le 4 août 4844, mort à Berlin le 3 janv.
4880. D'abord critique musical, il fonda en 4847 un jour-
nal (Zeitungshalle, puis Feurespritze, puis Montagspost
jusqu en 4869) oii il introduisit l'usage français du feuil-
leton. Ses feuilletons ont été réunis en volumes : Berlin
und die Berliner (1854); Hiimoresken (1852); Berli-
ner Federzeichnungen (4859-65,6 vol.); Pariser Ste-
reoskopen (1855); Badebilder (1858); Reisehumoresken
(1862, 2 vol.), etc. Kossak est un des représentants les
plus caractéristiques de l'esprit allemand.
BiDL. : RuTARi, Ernst Kossak; Berlin, 1883.
KOSSAK (Jules), peintre polonais, né à Wisnicz (Ga-
licie) en 4824. Il interrompit de bonne heure ses études
de droit à l'université de Léopol pour s'adonner exclusive-
ment au dessin et à la peinture, sur le conseil de nombreux
amis qui reconnurent en lui un talent artistique hors de
pair. Il visita successivement les différentes ré2;ions de la
Pologne, la Russie, la Hongrie, alla en 4855 à Paris pour
y travailler dans l'atelier d'Horace Vernet, revint à Var-
sovie en 4862 pour prendre la direction artistique du
Tygodnik (l'Hebdomadaire) illustré et se fixa définiti-
— 614 -
KOSSAK - KOSSLTH
vemcnt en 1874 à Gracovie. Kossak excelle à peindre les
chevaux et les scènes de chasse. Dans ce genre il n'a pas,
parmi ses compatriotes, de rivaux qui puissent l'égaler.
Connaissant à fond l'histoire de son pays, il sait, en outre,
faire revivre à merveille les types de la vieille noblesse
polonaise. Kossak est aussi très estimé comme portraitiste.
KOSSÉIR (Y. Kocéir).
KOSSIOU ou KOSTIOU. Riv. de Russie, goiiv. d'Ar-
khangelsk, affl. g. dcFOussa (affl. de la Petchora), à l'O.
de rOural; elle coule vers le N. et a 300 kil de long.
KOSSO-GOL, KOSIO ouKHOUBSOU. Lac de Fempire
chinois (Mongolie), à !205 kil. S.-O. du lac Raïkal et
ï,em m. d'alt.; 3,300 kil. q., 430 kil. de long, 48 kil.
de large; l'Ek, ou Éghin-gol mène ses eaux à la Selenga;
au milieu est l'île de Dalaï-koui, sanctuaire bouddhiste.
BiBL. : PoTANiN, Voij. daus le N.-O- de la MomioUe
(russe), 1881.
KOSSOV (Sylvestre), théologien russe du xvii^ siècle,
mort en 4657. Originaire de la Russie blanche, il étudia
à Kiev et fut remarqué par Pierre Mogila. Il enseigna dans
un collège de Kiev et devint métropolitain orthodoxe de
cette ville en 4647. Il a laissé des ouvrages de théologie
en russe et en polonais, notamment une traduction polo-
naise du Paterik {Vie des Itères) de Nestor.
BiBL. : Ogonovsky, Histoire de la littérature russe (ou
ruthène) ; Léopol, 1887.
KOSSOVO. Vilayet de la Turquie d'Europe, borné au
N.-E. par la Bulgarie et la Serbie, au N.-O. par la
Bosnie, à l'O. parl'Albanicau S. et à l'E. parles vilayetsde
Janina et de Salonique ; 4 ,000,000 d'hab. Ch.-l. Prizrend.
Elle comprend les sandjaks de Prizrend, llskub, leni- Bazar
et Dibré. Ce vilayet renferme le«Kossovo Folié » ou Champ
des Merles, plaine tristement célèbre dans l'histoire serbe.
Le dernier tsar serbe, Lazare Grblianovitch, engagé dans une
guerre contre les Turcs auxquels il refusait de payer le tri-
but, livra bataille dans cette plaine aux troupes de MouradF'*',
le 45 juin 4389. Ce dernier avait été assassiné la veille, dans
sa propre tente, par le voiévode serbe, Miloch Obilitch,
gendre du tsar Lazare. Accusé de trahison par un autre
gendre du même souverain, Vouk Brankovitch, Miloch
traversa les lignes ennemies, pénétra jusqu'à la tente du
sultan et porta à ce dernier un coup mortel, sacrifiant sa vie
pour prouver la calomnie de son parent. Numériquement
mférieure aux Turcs (ces derniers étaient au nombre de
300,000 hommes, d'après les historiens serbes), démora-
lisée par la non-arrivée des secours attendus et par la
défection de Vouk Brankovitch lui-même, le calomniateur
de Miloch ObiUtch, qui abandonna le champ de bataille avec
40,000 cavaliers, Farmée serbe fut écrasée après une
résistance héroïque. Entraîné par ses soldats en fuite, le
tsar Lazare fut rejoint par les Turcs, fait prisonnier et
conduit dans la tente de Mourad expirant, qui le fit déca-
piter en même temps que Miloch Obilitch. Cette journée
coûta à la Serbie son indépendance. En 4448, le 49 oct.,
le sultan Mourad II infligea, dans la plaine de Kossovo, une
défaite sanglante à Farmée hongroise de Jean Hunyadi. On
voit encore, à Kossovo, le tombeau de Mourad P^.
KOSSOWlCZ (Kajetan), orientaliste russe d'origine po-.
lonaise, né dans le gouvernement de Vitebsk en 4813,
mort en 4843. Après avoir été professeur au gymnase de
Tver et de Moscou, il fut attaché à la bibliothèque impé-
riale de Saint-Pétersbourg et devint professeur de sanscrit
et de zend à l'université de cette ville. Il a traduit en
russe plusieurs textes sanscrits, publié un dictionnaire
russe-sanscrit resté inachevé, des inscriptions persanes et
un recueil de textes cunéiformes.
KOSSUTH (Louis), homme d'Etat, orateur et publiciste
hongrois, né à Monok (comitat de Zemplén) le 27 avr. 4802,
mort à Turin le 20 mars 4894. Sa famille était noble, mais
peu fortunée, et avait subi de nombreux procès, pendant
les deux siècles de luttesintérieures (4526-4744), pour son
hostilité envers la maison d'Autriche. D'origine slave, elle
était devenue patriote magyare, et son membre le plus
illustre allait présenter ce caractère au plus haut point.
Son père, avocat, le fit préparer à cette profession par le
collège protestant de Sârospatak, lequel se continuait dans
l'enseignement supérieur par une école de droit. Dès 4826,
il était avocat et bientôt il prenait part aux assemblées de
son comitat, excellente école politique de Fancien parle-
mentarisme hongrois. Quelque temps homme d'affaires de la
comtesse Szapary (4830-31), rendant pendant cette même
année le grand service d'empêcher une guerre civile entre
le peuple et la noblesse lors du fameux choléra, l'ambition
d'un théâtre plus vaste le fit s*établir à Pest. La Diète réu-
nie à Presbourg (4832-36) lui ouvrit presque aussitôt
l'accès de la vie politique par une porte toute particulière
au système magyar d'alors, celle des absentium dele-
cjàti. Lorsqu'un magnat, un membre de la Chambre haute,
ne pouvait se rendre à l'Assemblée, il se faisait remplacer,
s'il le voulait, par un jeune homme qui allait siéger dans
la Cfuunbre des députés, sans prendre la parole et sans
voter. Sorte de stage, mais habituellement modeste, dont
Louis Kossuth fit un brillant début de carrière. La grande
lacune de la vie parlementaire était jusqu'alors l'absence
de toute communication entre l'Assemblée et le pays, sur-
tout entre FAssemblée et les chefs-lieux des comitats,
foyers très vivants,mais très bornés d'ardeur politique. Kos-
suth imagina de composer chaque soir un compte rendu
animé et intéressant de la séance : des copies, lithogra-
pliiées en général ou manuscrites, pour échapper à la cen-
sure, partaient dans toutes les directions et, quand la poste
se refusait à les transmettre, les heiduques au service des
comitats venaient les chercher. Le succès de cette inven-
tion fut immense, et la renommée du jeune inventeur popu-
laire dans tout le royaume. Le gouvernement n'osa pas
Finterdire pendant la durée de la Diète ; mais lorsqu'aprèsla
clôture, Kossuth entreprit de publier à Pest (4837) le compte
rendu des principales séances des comitats, sous le titre
de Wcnseignemenls législatifs. Défense lui fut faite de
continuer. Le fondateur du journalisme magyar, appuyé par
le comitat de Pest, refusa de se soumettre. Il fut bientôt
arrêté, longtemps tenu au secret, enfin condamné pour haute
trahison à quatre années d'emprisonnement.
La Diète de 4840 obtint une amnistie qui remit Kossuth
en liberté. Sa captivité studieuse, employée en partie à ap-
prendre l'anglais et à étudier à fond Shakespeare, avait
grandi son talent. Elle avait aussi doublé sa popularité et
lui avait valu une souscription publique, dont le produit
joint aux prochains bénéfices du publiciste, lui constitua
t)ientôt une fortune indépendante. Il fondait en effet le
Pesti llirlap (4844), grâce à l'autorisation d'un nouvel
archichancelier plus libéral, le comte Majlath. Ce « Jour-
nal de Pest » arriva rapidement au chiffre inattendu de
7,000 abonnés, grâce aux articles de fond rédigés par Kos-
suth, grâce aussi aux nombreuses correspondance qu'il sa-
vait se ménager dans tous les coins du royaume. Mais il
prenait aussi une allure de plus en plus radicale, qui ne
tarda pas à susciter contre lui, sans parler de la cour de
Vienne, une double contradiction en Hongrie même, celle
du comte Széchenyi et des modérés, celle du comte Des-
sewffy et des conservateurs. De plus en 4844, Kossuth se
brouilla avec son éditeur et quitta le journal. Il ne quittait
pas pour cela la scène politique : d'abord il restait l'ora-
teur écouté du comitat de Pest, et le discours qu'il y pro-
nonça en 4845 contre de nouveaux agents du pouvoir, qua-
lifiés par lui àeKreishaiiptmanrij eut tout le retentissement
d'une grande tribune; ensuite il s'adonna aux questions
finsncieres et industrielles pendant trois ans (4844-47),
pas toujours avec un grand bonheur pratique, mais en
réussissant à raviver le commerce hongrois et à le mettre
en lutte avec le système économique de la cour de Vienne.
Les offres de Metternich pour la fondation d'un journal
conservateur restaient sans effet.
Les élections de 4 847 portèrent Kossuth à la Diète
comme représentant du comitat de Pest, élection très dis-
putée, qui parut donner le signal de grands événements.
En effet, les discours prononcés par Kossuth le 25 nov., à
KOSSUTlï - KOSTOMAKOV
612
propos de l'adresse, et le 44 janv., à propos de la réunion
de la Transylvanie, annonçaient une ère nouvelle. Les ré-
sistances qu'il rencontrait s'affaiblirent à la nouvelle de la
révolution parisienne, qui donna à son discours du 3 mars
une force d'impulsion irrésistible, non seulement à Pres-
bourg où siégeait encore l'Assemblée, mais à Pest, la vraie
capitale du royaume, et à Vienne, où ce discours contribuait
beaucoup à l'insurrection du 13 mars. Le 17, le ministère
séparé et responsable qu'il avait réclamé fut accordé, pré-
sidé par le comte Batthyânyi, et Kossuth y reçut le porte-
feuille des finances. 11 présida pour sa part aux grandes
réformes du mois d'avril, qui fondèrent la Hongrie moderne,
sans les faire aller toujours aussi loin qu'il aurait voulu.
Ses collègues modérés le retenaient ; d'ailleurs les nuages
n'allaient pas tarder à grossir du côté de la cour et des
Slaves de la Croatie et du Banat, plus ou moins ouverte-
ment d'accord avec elle. La nouvelle assemblée étant réu-
nie à Pest, dès la séance du 11 juil. où Kossuth prononça,
au nom du gouvernement, le plus beau de tous ses discours
pour demander une levée de 200,000 hommes, on sentit
que la rupture était inévitable, une double rupture même.
Kossuth essaya de la retarder par une concession qui n'était
ni dans son daractère ni dans ses habitudes, en abandon-
nant les Italiens pour se concilier l'Autriche. En septembre,
Batthyânyi donna sa démission, et Kossuth, président d'un
comité de défense nationale qui était, aux yeux de l'Europe
conservatrice, un véritable ministère insurrectionnel, se
trouva investi, en fait, de la dictature.
Dès lors son activité fut merveilleuse, comme organisa-
teur à la fois militaire et financier. L'invasion de Windisch-
grsetz, le soulèvement, dans tout le Midi, des Slaves et
des Roumains contre les Magyars, l'avènement (2 déc.) de
François-Joseph que l'Assemblée hongroise refusait de re-
connaître comme irrégulier, créaient une situation telle-
ment grave que le dictateur dut transporter le gouverne-
ment à Debreczin à partir du 1®^ janv. 1849. Il y trouva
de nouvelles difficultés, des défections, des dissensions,
surtout l'antipathie croissante du principal chef militaire,
de Gœrgey,à son égard. Néanmoins, les armées nationales
reprirent le dessus en mars, avril et mai. Kossuth fit pro-
clamer par l'Assemblée de Debreczin, le 14avr., l'indépen-
dance de la Hongrie et la déchéance des Habsbourg, mais
non pas la république, dont une fraction seulement des
insurgés eussent été partisans : la couronne restait vacante
et pouvait servir à obtenir une alliance étrangère. Seule-
ment les négociations du gouverneur avec les puissances
n'aboutissaient pas, tandis que le tsar Nicolas préparait
contre lui une intervention écrasante. Aussi sa rentrée
victorieuse dans Pest et la reprise de Bude le 21 mai fu-
rent-elles ses dernières belles journées. Les désobéissances
de Gœrgey et la chute de Pest le forcèrent à se transpor-
ter à Szegedin. Ne pouvant continuer une lutte trop iné-
gale et ne voulant pas céder, il transmit ses pouvoirs à
Gœrgey le 11 août et passa en Turquie. La Porte otto-
mane ne le livra point, mais l'interna, d'abord à Widdin,
ensuite et plus longtemps à Koutaieh en Asie Mineure.
Ainsi commençait un exil, d'abord forcé, puis volontaire,
le plus prolongé dont l'histoire fasse mention, puisqu'il a
duré quarante-cinq ans, jusqu'à la mort récente du nona-
génaire. Libéré par l'intervention de l'Angleterre et des
Etats-Unis en 1851, il se vit interdire le territoire fran-
çais par le prince-président, mais reçut grand accueil en
Angleterre, puis en Amérique. 11 s'établit quelque temps à
Londres, où il fut reconnu par la révolution européenne
comme l'un de ses chefs. Plus tard, Turin devint sa rési-
dence définitive ; il organisa en 1859 une légion hon-
groise contre l'Autriche, mais Napoléon III s'étant fran-
chement refusé à prendre aucun engagement relatif à la
Hongrie en vue de la paix future, il ne put y avoir une
alliance franco-magyare. Après de nouvelles espérances
suscitées par la guerre de 1866 et rendues vaines par la
prompte pacification et par l'accord de 1867, Kossuth re-
poussa aussi bien l'amnistie pour lui que le régime du
dualisme pour son pays. Rien ne put le faire revenir sur
cette décision, ni son élection comme député, ni la déléga-
tion de patriotes qui alla le trouver en 1877, ni la loi de
1879 qui enlevait la qualité de citoyen à tout Hongrois ré-
sidant à l'étranger qui ne se ferait pas inscrire au consulat
austro-hongrois dans un délai de dix ans. Le 31 mai 1890,
M. Daniel Irânyi n'a pu obtenir de la Chambre des dépu-
tés une exception en faveur de l'ancien dictateur. Mais,
même depuis ce temps, plus d'une manifestation a montré
que, si la ligne politique suivie par Kossuth rencontrait bien
des objections, les Magyars étaient unanimes à le regarder
comme une des plus grandes figures de leur histoire. Ils
viennent de le prouver (fin mars 1894), en honorant sa
dépouille inhumée [au musée National de funérailles plus
que royales. Nous ne devons pas oublier qu'en oct. 1870,
il pressa les Américains d'intervenir entre l'Allemagne et
la France. -— On a de lui ou à son sujet: Select Sketches
of Kossuth, réunis parNewmann (1853) ; Louis Kossuth,
par J.-E. Horn (Leipzig, iSM) ; Catastrofe ungarese
(Florence, 1850); Lettres de Kossuth à Bem, par Ma-
tray (Pest, 4872) ; Souvenirs et écrits de mon exil,
en plusieurs langues (1880). E. Sayous.
BiBL. : A. deGérando, VEsprit public en Hongrie. —
Iranyi et Chassin, Histoire politique de la Révolution de
Hongrie. — Revue dVrient et de Hongrie, n» du 25 mars
1894 (catalogue des livres et des brochures en allemand,
français et anglais).
KO STAJN ICA. Ville d'Autriche-Hongrie (Croatie), comi-
tat de Zagreb (Agram), sur l'Unna; 3,000 hab. Vieux châ-
teau. En face, au S. de la rivière, est une cité bosniaque
du même nom (1,500 hab.). En 1689, Drascovics défit les
Turcs à Kostajnica.
KOSTEN.Ville de Prusse, district de Posen, surl'Obra;
5,000 hab. Carton, cigares, sucre.
KOSTER (Laurens) (V. Coster).
KOSTKA (V. Stanislas).
KOSTOWIAROV (Nicolas), historien russe, né à Ostro-
gosch (gouv. de Voronèje) en 1817, mort à Saint-Péters-
bourg le 19 avr. 1885. Après avoir achevé ses études à
l'université de Kharkov en 1836, il commença sa carrière
littéraire par deux drames historiques en petit -russien :
Sava Tchaly (1838), et la Nuit de Pereïaslav (1841) et
quelques recueils de poésies : Ballades ukrainiennes
(1 839), pubhés sous le pseudonyme de Jérémie Halka.
En 1841, il présenta à l'université sa thèse Sur VUnion
des Eglises en Russie occidentale, qui, bien qu'acceptée
par la faculté, fut défendue et brûlée sur l'insistance de
l'archevêque de Kharkov. Sa seconde thèse. Sur l'Impor-
tance historique de la poésie populaire russe, eut plus
de succès. Nommé, en 1845, professeur d'histoire russe à
l'université de Kiev, il rassembla autour de lui un cercle
des patriotes ukrainiens et fonda une société secrète sous
le nom de la Confrérie des saints Cyrille et Méthode,
dont le but était l'abolition complète du servage, des pri-
vilèges et des peines corporelles, la liberté des cultes et
de la presse, l'enseignement pour tous, la publication des
livres utiles pour le peuple, etc. , l'affranchissement de
tous les peuples slaves et leur organisation en Etats indé-
pendants et confédérés sous le protectorat de Fempereur
de la Russie. Cette société fut dénoncée, Kostomarov et ses
amis furent arrêtés et après une année de réclusion dans
la forteresse des Saints-Pierre et Paul, il fut interné à Sa-
ratov (1847). Amnistié après la mort de l'empereur
Nicolas, il obtint la chaire d'histoire russe à l'université
de Saint-Pétersbourg en 1859, mais deux ans après il dut
renoncer à ses cours et s'adonna entièrement aux re-
cherches archéologiques, ethnographiques et surtout his-
toriques. Doué d'un talent littéraire hors ligne, il fut pour
l'histoire russe ce qu'Augustin Thierry fut pour l'histoire
de France. Au point de vue scientifique, c'est le premier
des historiens russes qui ait fait dans l'histoire une place
au peuple et qui ait appliqué dans ses travaux la méthode
critique dans toute sa rigueur, ce qui provoqua un certain
mécontentement du parti slavophile officiel et centrahste.
- 613
KOSTOMAROV — KOTCHOUBINSK\
On a de lui toute une série d'ouvrages : Bogdan Kkmel-
nitsky (1857, 3 vol.; dern. éd., 4884); la Révolte de
Stenko Razine (4858) ; la Vie et les mœurs des Grands-
Russes au xvi^ siècle (4860); les Républiques de la
Russie septentrionale (1863); les Dernières Années
de la République de Pologne (4869-70); la Ruine
(4879) ; Mazeppa (4882); r Histoire russe en biographies
(4873-85); enfin V Héritage littéraire (œuvres pos-
thumes) en 4890. On lui doit encore: Pensées sur le
principe fédératif dans la Russie ancienne; la Vérité
sur la Russie aux Moscovites ; la Vérité sur la Russie
aux Polonais; Deux Nationalités russes^ etc. Presque
tous ses travaux sont recueillis dans les seize volumes de
ses Monographies. Il a écrit aussi quelques romans et
drames historiques en russe : Cremutius tordus (iS6'^) ;
le Fils (4859); Koudéïar (1875), etc. Pr. Mérimée a
résumé son Bogdan Khmelnitzky dans le volume intitulé
les Cosaques d'autrefois. Th. Volkov.
KOSTROMA. Rivière de Russie, affl. g. de la Volga,
320 kil.de long; bassin de 20,400 kil. q.; elle est navigable
au printemps à partir de Soligalitch, en été à partir de Boui,
confluent de la Galitchskaia-Vioxa, sépare les gouv. de
Jaroslav et I^ostroma.
KOSTROMA. Ville de Russie, ch.-l.dugouv.de ce nom,
sur la rive g. de la Volga, au confluent de la Kostroma;
34,496 hab. (en 4894). De ses quarante églises, il faut
signafér la cathédrale Uspenski, bâtie en 1239, sur une
colline où s'élevait aussi le palais du gouverneur et plu-
sieurs édifices. L'industrie est développée, lainages et toiles,
puis machines, cuirs, fers. Le commerce est considérable,
grâce à la situation, surtout à la foire tenue après Pâques.
Kostroma passe pour avoir été fondée en 4452 par Jourie
Dolgorouki; Michel-Fédorovitch Romanov y fut élevé ety
apprit en 4643 son élection au trône de Russie (commé-
morée par un monument érigé en 4834). La ville fut dé-
truite en 1847 par un quadruple incendie. •— Le district a
4,300 kil. q.
Le gouvernement de Kostroma a 84,449 kil. q. et
4,394,572 hab. Il est situé entre ceux de Vologda au N.,
Vratka à rE.,Nijni-Novgorod et Vladimir au S., Jaroslav
à rO. C'est une plaine, à peine ondulée le long de la Volga,
marécageuse au N., sablonneuse au S. Le sol appartient
au terrain permien, sauf une bande jurassique le long delà
Volga. Le climat est froid (température moyenne de Tan-
née + 3°). Les bois occupent 61 *^/o, les champs 20 ^jo.
les prairies 42 % de la superficie. On y compte plus de
500,000 bœufs, de 250,000 chevaux, de 750,000 mou-
tons. L'industrie se développe : filature et tissage du coton
et du lin. Le gouvernement n'existe que depuis 4796. Il se
divise en douze cercles : Buj, Galitch, Jourjevez, Kinech-
ma, Kologriv, Kostroma, Makariev, Nerechta, Soligalitch,
Tchouchloma, Varnavin, Vetlouga.
La population primitive de ce gouvernement dépendant
du pays de Rostov était formée de Mères, peuple finnois
qui a été progressivement slavisé. Kostroma appartint à la
principauté de Souzdal-Vladimir, au xii® siècle, eut ensuite
ses princes particuliers et fut annexé au grand-duché de
Russie par Ivan III Vasiliévitch. A. -M. B.
KOSTROV (Ermile-Ivanovitch), homme de lettres russe,
né en 4750, mort en 4796. Il était originaire d'une fa-
mille de paysans. On lui doit la première traduction russe
de Vlliade.
KOSTROV (Nicolas-Alexandrovitch), né en 4828, mort
à Tomsk en 1881, a publié d'intéressantes études sur
les indigènes de Sibérie, notamment sur les Iakoutes et les
Samoyèdes.
KOSTRZEWSKI (François), peintre et dessinateur po-
lonais, né à Varsovie en 4826. Avant d'entrer à l'Ecole
des beaux-arts de cette ville, il s'exerça tout seul à dessi-
ner aux environs de Cracovie,àla campagne, où il observa
les mœurs et les coutumes des paysans. La vie des champs
resta toujours la principale source de son inspiration. Sa
première œuvre et l'une de ses meilleures est l'Intérieur
de cabaret qui figura avec honneur et fut récompensé à
l'exposition des beaux-arts de Cracovie en 4854. Dans les
tableaux suivants : la Moisson, Charbonniers en forêt.
Chaise au sanglier, Vente sur licitalion. Foire d'une
petite ville, etc., on remarque partoutlamêmepréoccupation
de rendre fidèlement les joies et les souffrances de la po-
pulation rurale. Mais Kostrzewski est surtout un illustra-
teur habile et très fécond. 11 a collaboré aux plus impor-
tants recueils illustrés de Varsovie et de Cracovie. Sa
peinture s'est ressentie un peu de sa trop grande facilité
à manier le crayon ; son dessin en effet n'est pas toujours
assez châtié. Malgré ce défaut, Kostrzewski est un des
artistes les plus populaires de la Pologne contemporaine.
KO S VA. Rivière de Russie, gouvernement de Perm, af-
fluent gauche de la Kama ; elle descend de l'Oural vers le
S.-O., a 300 kil. de long, dont 430 navigables (bassin de
7,400 kil. q.).
KOTA. Nom de plusieurs villes de l'Inde : l'une dans la
prov. de Bérar ; 3,000 hab. — Une autre dans la présidence
de Madras, district de Nellore; 6,000 hab. Grandes foires
annuelles. — Une troisième, à l'E. du Radjpoutana, sur la
r. dr. du Tchambal, affluent droit de la Djemna (60,000
hab.), le long d'un grand étang, avec de beaux palais et
temples, est la capitale d'une principauté radjpoulc
(9,894 kil. q.; e520,000 hab. environ). Détachée de l'ifa--
raouti en 4625, elle est peuplée d'Hindous; le maharadja
du clan Hala a 45,000 soldats et un revenu de près de
800,000 fr. Des jungles et des forêts où pullulent les fauves
couvrent une grande partie du pays, d'ailleurs chaud et
malsain.
K0TA6H1RI. Ville de l'Inde anglaise, présidence de Ma-
dras, au N.-E. des monts Nilghirris; 4,980 m. d'alt. ;
sanatorium fréquenté par les Européens.
KOTA! BAH (Ibn) (V. Ibn-Qouteïba).
KOTA-KOTA. Bourg de l'Afrique australe, à l'O. du lac
Nyassa, dont c'est un des principaux ports.
KOTAR ou KOUTHAR. Principauté de l'Inde, au N.-E.
du Pendjab, près de Soubaton ; 4,000 hab.
KOTAR. Ville maritime de l'Inde méridionale, Etat de
Travancore, à la pointe S. de la presqu'île, 45 kil. 0. du
capComorin ; 7,000 hab. Ce fut un des grands ports de
rinde, la Kottraia de Ptolémée, Cotiard de la Table de
Peutinger ; elle a été supplantée par Kblatchel.
KOTARINGIN ou KOTA Waringin. Etat indigène du
S.-O. de Bornéo, vassal des Pays-Bas; 43,000 hab., Dayaks
et Malais.
KOTAYAM. Ville de l'Inde méridionale, Etat de Travan-
core ; 6,500 hab. Evêché et curieuses églises des chré-
tiens svriaques qui forment la majorité des habitants.
KOfCH ou KOUCH. Peuple du N.-E. de l'Inde, dans la
région himalayenne du Bengale ; peau foncée, visage plat
et carré, yeux noirs et louches, cheveux noirs et droits,
barbe rare; nez épaté, pommettes saillantes, front fusant.
La tribu des Pani-Kotch, dans les monts Garros où" elle
s'est mélangée aux Rabha, est demeurée sauvage ; les autres
sont assimilées aux Hindous.
KOTCHOUBEY. Famille russe originaire de la Petite-
Russie. Ses principaux représentants ont été: Vusili-Leon-
tievitch Kotchoubey. Il fut juge général de l'armée de la
Petite-Russie et échanson de Pierre le Grand. Il accusa au-
près du tsar Mazeppa de menées secrètes avec Cliarles XII ;
Mazeppa réussit à le rendre suspect et le fit condamner à
mort en 4708. — Viclor-Pavlovitch, prince Kotchoubey.
né en 4768, mort en 1834, joua comme homme d'Etat
un rôle considérable. En 4 792, il fut ambassadeur de Russie
à Constantinople. En 4798, il devint vice-chancelier; sous
Alexandre P% il fut ministre de l'intérieur (4 802) et devint
en 4827 président du conseil de l'Empire. L. L.
KOTCHOUBEY (Alix, princesse) (V. Dressant [Alix]).
KOTCHOUBINSKY (Alexandre-Alexandrovitch), savant
russe contemporain. H est depuis 1877 professeur de phi-
lologie slave à l'université d'Odessa, et a publié un certain
nombre d'ouvrages relatifs à ses études : la Question des
KOTCHOUBINSKY ^ KOTZEBUE
— 614 -
rapports des langues slaves entre elles (Odessa, 1877);
Essai sur la langue des Slaves de l'Elbe (id., 1879);
le Bilan de la philologie slave et russe (id., 1882);
r Amiral Sehichkov et le chancelier Roumiantzov {id.,
4887), ouvrage couronné par TAcadémio de Saint-Péters-
bourg, etc.; les Rapports de la Russie avec les Slaves
méridionaux sous Pierre le Grande etc.
KOTCHKOUROV. Ville de Russie, gouv. deNijni-Novgo-
rod, surl'Alatyr; 4,000 hab. Fabrication de sacs à grains
dont on exporte 1,500,000 par an dans les pays à blé du
Midi.
KOTEL (en turc Kazan). Ville de la Bulgarie méridio-
nale, chef-lieu d'arr. du dép. àeSliven, située k^^ kil. au S.
du col du même nom (587 m.) dans la partie orientale des
Balkans. Cette ville doit ses noms turc et bulgare à sa po-
sition au centre d'un bassin circulaire fermé dont la forme
rappelle celle d'un chaudron. Son climat est humide et
malsain. La ville est très resserrée; ses maisons en bois
do:it les étages surplombent au-dessus des rues étroites lui
d)naentun aspect très pittoresque. Kotel est le lieu d'ori-
gine de plusieurs hommes ayant joué un rôle dans l'his-
toire de la Bulgarie moderne : Févêque Sofroni, Pierre
Béron, l'écrivain révolutionnaire Rakovski, MM. Alexis
Vogoridi et Krstovitch. Elle a été détruite en 1894 par un
incendie.
KOTELNU-OSTROV (Ile) (V.Liakhov).
KOTELNITCH. Ville de Russie, ch.-l. de district du
gouvernement de Viatka, rive droite de la Viatka ; 5,000
hab. Grande foire de Saint-Alexis (du 4^^ au 23 mars). —
Le district a 40,856 kil. q. C'est un pays d'élevage.
KOTGARH. Ville de FInde, rive gauche du Sulledj, à
2,023 m. d'alt., capitale d'une petite principauté de
88 kil. q. C'est un sanatorium des troupes anglaises.
KOTHAÏR (Ahmed-Mohammed ibn) (V. Fergani [Al-]).
KOTl. Principauté de l'Inde centrale, au N. des monts
Vindhya; 275 kil. q. Le prince est un radjpoute qui porte
le titre de raïs. — Une autre principauté radjpoute du
môme nom, dont le prince, vassal du Kaiontal, s'intitule rana,
se trouve au pied de l'Himalaya, dans le Pendjab (Cis-Sut-
ledj); ellea440kiL q.
KOT-KAMALI A. Ville de FInde (Pendjab), prov. de Moul-
tan, sur un ancien lit delà Ravi (Hydraotes) ; 6,000 hab.
On a proposé de l'identifier avec une place des Malli, prise
par Alexandre le Grand, peut-être celle où il fut blessé.
KOTLIAREVSKY (Alexandre -Alexandrovitch), savant
russe, né dans la Russie méridionale en 4837, mort à Pise
en 4881. Après avoir fait ses études à l'université de Mos-
cou, il voyagea dans les pays slaves et se consacra à l'étude
de leur histoire et de leur archéologie. Il fut professeur
aux universités de Dorpat et de Kiev. Il a collaboré à un
grand nombre de recueils et publié un certain nombre
d'ouvrages d'un haut intérêt scientifique: les Coutumes
funéraires des Slaves païens (Moscou, 4868); les Lé-
gendes d'Otto de Bamberg dans leurs rapports avec
tliistoire et l'archéologie slaves (Prague, 4874); V An-
cien Droit des Slaves baltiques {id., 4874); Essai
bibliographique sur V ancienne littérature russe (Kiev,
1674). On lui doit en outre un grand nombre de mémoires
dispersés dans les revues russes, tchèques et allemandes et
dans les Mémoires de V Académie de Saint-Pétersbourg ,
L'Académie a entrepris une édition complète de ses œuvres
(Saint-Pétersbourg, années 4889 et suiv.). — Son fils,
Nicolas- Alexandrovitch Kotliarevsky, professeur à Saint-
Pétersbourg, a fait paraître un volume sur Lermontov
(Saint-Pétersbourg, 4894). L. L.
BiBL. : Pastrnek, Bibliographische Uebersichtûber die
slavische Philologie ; Berlin, 1892.
KOTLIN (V. Cronstadt).
KOTOCHIKINE ou KOCHIKINE (Grégoire), publiciste
russe du xvii<* siècle. Il servit à Moscou au Prikaze des
ambassadeurs, c.-à-d. au département des aifaires étran-
gères ; en 4660, pendant une guerre contre la Pologne, il
était sous les ordres du prince A. Dolgorouky ; ayant refusé
de lui obéir et craignant sa vengeance, il s'enfuit à l'étran-
ger. Il passa en Prusse, embrassa le luthéranisme et s'éta-
blit définitivement en Suède. Il fut mis à mort en 1697
pour avoir tué un Suédois qu'il soupçonnait d'être Famant
de sa femme. Il écrivit pendant son séjour à l'étranger un
ouvrage fort curieux : la Russie sous le règne d'Alexis
Micfiaïlovitch, C'est un tableau complet des mœurs, de
l'organisation sociale et politique de l'état moscovite. Le
manuscrit de cet ouvrage fut découvert en 4859 par Solo-
viev dans la bibliothèque d'Upsal et publié par Beketov
dans les travaux de la Commission archéologique russe. 11
a été plusieurs fois réimprimé (Pétersbourg,4884, 3<^ éd.) .
BiBL. : Mémoires de VAcadémie des sciences de Pé-
iersbourg (section russe), t. XXIX.
KOTORO. Province du Bornou, au S. du lac Tchad et à
FO. du Chari; ch.-l. Afadé. Elle est peuplée de nègres Ko-
toko ou Makari, musulmans, agriculteurs et industriels.
KOTONOU, COTONOU ou APPL Port français du Da-
homey, sur la flèche de sable qui sépare de la mer la
lagune de Porto-No vo (V. Côte des Esclaves et Dahomey) .
KOTOR (V. Cattaro).
KOTOROSL. Bivière de Russie, gouvernement d'Iaros-
lav, affl. droit de la Volga où elle tombe à laroslav; elle
a 270 kil, de long et porte le nom de Sara avant de
former le lac Nero,
KOTOUR. Ville de Perse, dans la vallée supérieure du
Khoï (affl. dr. de FAras) ; c'est une place forte qui garde
les défilés entre les bassins de FEuplirate et du Tigre et
le lac Ourmia. En 4878, la Russie Fa enlevée à la Turquie
pour la céder à la Perse avec un territoire de 4,125 kil. q.
et 8,000 hab.
^ KOTRI. Ville de l'Inde, présidence de Bombay, pro-
vince du Sindh, sur la rive droite de Fïndus, port flu-
vial de llaïderabad; 8,000 hab. Résidence des fonction-
naires, soldats et marchands européens.
KOTRL Ville du Beloutchistan oriental, à l'entrée du
défilé de la Moula et 44 kil.S.-O. de Gandava. Entrepôt
du commerce de Kélat avec FInde (par Chikarpour).
KOTSI. Ville maritime du Japon, ch.-l. d'un ken de l'île
de Sikok, sur la côte S. doFîle; 50,000 hab. environ.
C'était la capitale du daïraio deToza.C'estle principal centre
de fabrication du papier au Japon. — Le ken est formé
de l'ancienne province de Toza.
KOTTIAR. Ville de File de Ceylan, au S. de la baie de
ïrinkomalé, fut au xvi^ siècle le grand port de cette ré-
gion; les Hollandais Foccupèrent en 1675; les Anglais
l'abandonnèrent.
KOTTBUS. Ville de Prusse, district de Francfort-sur-
FOder, sur la Sprée, nœud de ch. de fer; 34,910 hab.
Elle possède une soixantaine de fabriques de toiles dont
la production dépasse 25 millions de fr. On y fait aussi
des lainages, des tapis, des machines, de l'eau~de-vie, de
la bière, etc. C'était une seigneurie qui fut achetée en 1445
par l'électeur Frédéric IL A 3 kil. au S.-E. est le château
de Branitz avec son superbe parc.
KOTZEBUE (August-Friedrich-Ferdinand de), né à
Weimar le 3 déc. 1761 , mort à Mannheim le 23 mai 1819.
Il était fils d'un conseiller de légation du duché de Weimar,
et, tout jeune encore, il perdit son père. Il nous a ren-
seignés sur sa jeunesse dans Mein literœrischer Lebens-
lauf, un des nombreux écrits autobiographiques quM
publia successivement, soit pour se défendre, soit simple-
ment pour se raconter et se produire. Sa mère se consacra
tout entière à son éducation ; elle le fit instruire par deux
candidats en théologie, qui, « en attendant qu'une vocation
supérieure les mît à la tète d'un troupeau, n'épargnaient
rien pour faire de lui un mouton ». A leur enseignement
pédantesque, il opposa les leçons plus aimables et plus
fructueuses de sa mère, qui n'avait qu'un tort envers lui :
c'était de l'adorer et d'exiger pour son enfant préféré le
même tribut d'adoration de la part des personnes qui fré-
quentaient sa maison. La louange devint dès lors un besoin
615 -
KOTZEBLE
pour lui, et ce qui lui fut le plus sensible dans la suite, ce
furent les blessures faites à sa vanité. M^^ Kotzebue était
en relations avec la cour et avec le monde littéraire, et
Gœthe se souvenait encore, dans sa vieillesse, d'avoir vu
l'enfant jouer dans son jardin et dresser des pièges aux
oiseaux. Gœthe lui donna même quelques mots à dire dans
une comédie .intitulée Die Geschwister, où Amélie Ko-
tzebue, la sœur aînée d'Auguste, tenait le principal rôle.
Déjà le futur écrivain s'annonçait par des essais, très épar-
pillés comme ses lectures, et appartenant à tous les genres.
S'il fallait en croire son propre témoignage, il aurait com-
posé, dès l'âge de six ans, une idylle et un drame ; il est
vrai que le drame tenait tout entier sur une page. Il jouait
ses productions dramatiques, lui-raêrne faisant tous les
rôles, sur une petite scène qu'il avait installée dans la
maison de sa mère ; ce fut le premier des théâtres d'ama-
teurs qu'il monta successivement dans tous les lieux qu'il
habita.
Au gymnase de Weimar, il eut pour maître son oncle,
le conteur Musaeus, qui encouragea son talent. En 1777,
il commença ses études universitaires à ïéna, et il les
continua l'année suivante à Duisbourg, où sa sœur venait
de se marier. Il était inscrit à la faculté de droit, mais
il étudia surtout les langues anciennes, le français et l'ita-
lien. Etant à léna, il remit un conte en vers à Wieland,
et il s'étonna de ne pas le voir paraître dans le Mercure
allemand, que Wieland dirigeait. De Duisbourg, il envoya
une comédie à Schrœder, alors directeur du théâtre de
Hambourg, qui la lui retourna ; l'éditeur Weygand lui
refusa également le manuscrit d'un roman. Ce triple échec
était très blessant pour un homme qui débutait hardiment
dans trois genres dilFérents. Il put cependant faire repré-
senter devant la cour de Weimar, en 4779, un drame,
Charlotte Frank, faible imitation à'Emilia Galotti, qui
échoua, et une comédie, Die Weiber nach der Mode, qui
réussit grâce à quelques allusions satiriques qu'il y avait
introduites. A la suite de ces premiers succès, et après
qu'il eut passé ses derniers examens de droit, le comte de
Gœrz, ambassadeur de Prusse en Russie, ami de son père,
attira sur lui la faveur de l'impératrice Catherine II. Nommé
gouverneur de l'Esthonie en 1783, il épousa une jeune fille
noble, qui avait de grandes propriétés aux environs de
Revel ; lui-même était anobli par sa charge. Il créa aussi-
tôt dans sa province un théâtre, où il fit jouer les pièces
qu'il avait composées dans l'intervalle, tragédies, drames,
comédies et farces. En 1787, une maladie dont il guérit
avec peine, et qui le laissa dans un état de faiblesse mélan-
colique, lui inspira le fameux drame de Misanthropie et
Repentir^ qui fit le tour de tous les théâtres de l'Europe.
Cette pièce, le triomphe de la prose larmoyante, fut ap-
plaudie à Paris, en pleine Révolution, en 1792 ; une nou-
velle version, faite par la citoyenne Mole, la sœur de
l'acteur, en 1798, parut si bien acclimatée sur les scènes
françaises qu'elle fut reprise, en 1823, par Talma et
M^i^ Mars ; enfin, et sans parler des traductions de Weiss
et Jauifret en collaboration, de Weiss seul, et de Rigaud,
Misanthropie et Repentir fut encore porté sur le Théâtre-
Français par Gérard de Nerval en 1855, et sur le théâtre
de rOdéon par Pages en 1862, les deux dernières fois
avec un moindre succès ; cependant Gérard de Nerval avait
ajouté au texte allemand ce qui manque à toutes les œuvres
de Kotzebue, le style. Pour rétablir tout à fait sa santé,
Kotzebue se rendit, en 1790, aux eaux de Pyrmont ; il
vint ensuite à W^eimar, où il fut reçu avec des marques
d'estime, mais non avec les grands honneurs auxquels il
s'attendait. Il se vengea par un odieux pamphlet, Doctor
Bahrdt mit der eisernen Stirn, qu'il mit sous le nom
du moraliste Knig^e, mais dont on connut bientôt le yéri-
table auteur. L'opinion publique se souleva contre lui, et,
sa femme étant morte peu de temps après, il quitta des
lieux où, disait-il, il avait perdu le repos de sa vie. Il
passa l'hiver suivant à Paris, chargé, sans doute, par le
Gouvernement russe d'observer la marche de la Révolution.
Il a consigné les détails de son voyage et de son séjour
dans l'écrit intitulé Meine Flucht nach Paris im Win-
ter i790. Sa mission terminée, il retourna en Russie et
composa une série d'ouvrages dramatiques, satiriques et
autobiographiques, qu'il fit paraître successivement sous le
titre de Die jimgsten Kinder meiner Laune (Leipzig,
1793-97, 6 vol.). En 1795, il se démit de ses fonctions de
gouverneur — on ne sait si ce fut de gré ou de force — et
il se retira dans son domaine de Friedenthal, aux environs
de Narva.
Poussé par le besoin de se rappeler au souvenir de ses
compatriotes, il entreprit, en 1797, un nouveau voyage
en Allemagne ; il s'arrêta à Vienne , où il fut appelé à
diriger les représentations du Théâtre de la cour , fonc-
tion que venait de quitter le poète Alxinger (V. ce nom).
Mais il eut bientôt de vifs démêlés avec les acteurs, et il
résigna sa charge au bout de deux ans, moyennant une
pension de 1,000 florins. Il revint à Weimar (1800), cette
fois avec Fintention de s'y fixer ; il y acheta même une
maison. Mais, sur le conseil de sa seconde femme, une
Livonienne, il voulut, la même année, retourner en Russie.
Il fut arrêté à la frontière, séparé de sa femme, ^ vit ses
papiers saisis, et on lui déclara qu'il était relégué en
Sibérie, sans lui indiquer les motifs de cette mesure. Il
réussit à tromper la vigilance de ses gardiens, et trouva
pendi^nt quelques jours un asile dans un château voisin ;
mais il fut dénoncé et définitivement acheminé vers son
lieu d'exil. C*est du moins ce qu'il raconte dans son ou-
vrage: Das merkwilrdigste Jahr meines Lebens (Berhn,
1801, 2 vol.)'; mais aucun document authentique ne per-
met de contrôler l'exactitude de ces détails. Des critiques
malins n'ont-ils pas prétendu que tout le récit n'était qu'un
roman ingénieux? (V. surtout les Lettres d'un Français
à un Allemand servant de réponse a i¥. de Kotzebue,
par Ph. Masson, Bâle, ^1802 ; et Bemerkungen ilberdes
Herrn von Kotzebue neuesten Roman, Das merkwilr-
digste Jahr meines Lebens, Vienne, 1802 ; enfin, une
lettre de Schiller à Gœthe, du 6 juil. 1802). Le fait est
que Kotzebue arriva à Tobolsk, qu'il y fut très bien reçu,
et qu'il eut même la satisfaction d'y voir jouer quelques-
unes de ses pièces. Il fut transporté ensuite à Kurgan, qui
lui était assigné comme séjour, et où il fut traité égale-
ment avec de grands égards. Au reste, son exil ne dura
pas. L'empereur Paul, ayant lu dans une traduction russe
ie petit drame intitulé le Vieux Cocher de Pierre III,
où son père était loué, dépêcha aussitôt un courrier en
Sibérie pour ramener l'auteur. Kotzebue fut nommé con-
seiller aulicfue et directeur du Théâtre allemand^ de Péters-
bourg, et il reçut en outre, comme compensation de ses
ennuis passés, le domaine de Wokrokul, dont le revenu
était de 4,000 roubles. L'empereur Alexandre^ P^ qui
succéda à Paul en 1801, paraît lui avoir été moins favo-
rable, du moins dans les premières années de son règne.
Kotzebue revint en Allemagne, et essaya encore une ibis
de se fixer à Weimar. Mais la situation prépondérante
que Gœthe y avait acquise le gênait. Il présenta au théâtre
une de ses meilleures comédies : Die deutschen Klein-
stœdter, inspirée par la Petite Ville de Picard. Gœthe,
comme directeur, en retrancha, pour la représentation, les
allusions personnelles; la pièce réussit, mais Kotzebue
n'en garda pas moins rancune à Gœthe. Il organisa, pour
se venger, une manifestation en l'honneur de Schiller, dont
le but était bien moins de fêter Schiller que de diminuer
ie prestige de Gœthe. Il fallut Pintervention du duc de
Weimar pour déjouer ses intrigues. Il habita quelque temps
léna, fit ensuite un second voyage à Paris, et s'établit,
en 1802, à Berlin, où il fonda une revue, Der Freimii--
thige, dirigée contre Gœthe et les frères Schlegel : ceux-ci,
plus tard chefs de l'école romantique, ne s'étaient pas
encore séparés du groupe de Weimar. Dans les années
suivantes, nous trouvons Kotzebue tour à tour en France,
en Livonie et en Italie ; il recueillit ses impressions dans
Erinnenuigen aus Paris im Jahre i804 (Berlin, 1804)
KOTZEBUE — KOTZWARA
— Gi6 —
et Erinnerungen von einer Reise aus Liefland nach
Rom und Neapel (Berlin, 1805). En 1806, il s'arrêta à
Kœnigsberg pour dépouiller les archives de la \ille, et il
en retira quelques documents importants, qui forment tout
l'intérêt de son ouvrage : Preuszens œltere Geschkhte
(Riga, 4808-4809, 4 vol.). Etant à Paris, il avait cherché
en vain à attirer l'attention de Napoléon, et il montra dès
htrs un vif ressentiment contre la France. Lorsque la
Prusse fut occupée par les armées françaises, il regagna
la Russie, et, après la paix de Tilsit, il fut chargé d'une
mission secrète à Londres, dont le but paraît avoir été de
négocier la reddition de la flotte russe à l'Angleterre. Il
commença, en 4808, une publication trimestrielle. Die
Riene^ mélange de récits et d'anecdotes, de tirades mo-
rales et politiques, et il en donna la suite dans Die Grille^
qui parut à intervalles inégaux en 1840 et 4814. L'unique
lien, qui rattachait entre elles ces feuilles éparses, c'était
la haine de l'auteur contre Napoléon et la France. Il vou-
lait même que la langue française fût bannie des relations
internationales ; il jugeait, non sans clairvoyance, que
l'universalité de notre langue avait préparé les succès de
nos armes. Ce fut lui surtout qui, pendant les campagnes
de 4842 et 4843, rédigea les notes diplomatiques et les
manifestes de l'empereur Alexandre. Il suivait le quartier
général russe.
En 4844, il fut nommé consul de Russie à Kœnigs-
berg, où il prit en mmQ temps la direction du théâtre.
Rappelé à Pétersbourg en 4846, il fut attaché au minis-
tère des affaires étrangères. Mais, dès l'année suivante,
il repartit pour l'Allemagne, avec la mission secrète de
renseigner le gouvernement russe sur l'état des esprits
dans l'Europe occidentale et spécialement sur les revendi-
cations et les entreprises du parti libéral. Les peuples qu'on
avait menés à la croisade contre Napoléon réclamaient avec
instance les réformes qui devaient être le prix de la vic-
toire, tandis que les souverains ajournaient d'année en
année la réalisation de leurs promesses. Kotzebue était
d'avis que la volonté du prince était la première des lois
et qu'un peuple n'avait aucun droit par lui-même. C'est la
doctrine qu'il prêchait dans sa feuille hebdomadaire : Das
literarische Wochenblatt ; il y poursuivait aussi de ses
sarcasmes les associations d'étudiants, qui propageaient
l'esprit révolutionnaire. Il avait d'abord demeuré à Weimar,
mais, le voisinage des universités d'Iéna et de Halle lui
ayant paru dangereux, il s'établit à Mannheim. Une dernière
circonstance acheva de le perdre dans l'opinion publique.
Lors du congrès d'Aix-la-Chapelle, en 4848, unpubliciste
nommé Sturdza rédigea en français et pour le compte du
tsar un Mémoire sur Vétat actuel de V Allemagne^ qui
fut tiré à cinquante exemplaires et communiqué à titre
confidentiel aux cours allemandes. Un exemplaire fut livré
à la rédaction du journal anglais le Times ^ qui le publia.
Le mémoire ne contenait pas seulement des accusations
graves contre la jeunesse des écoles, mais encore des insi-
nuations blessantes pour l'amour-propre national ; il n'était
pas de la main de Kotzebue, mais celui-ci l'avait certaine-
ment inspiré et en avait fourni les matériaux. Le 23 mars
4849, à dix heures du matin, un étudiant de l'université
d'Iéna, Karl-Ludwig Sand, se présenta, avec une demande
d'audience, dans la demeure de Kotzebue, qui lui donna
rendez-vous pour l'après-midi. Il revint à l'heure indiquée,
et, après avoir échangé quelques paroles avec Kotzebue, il
le frappa au cœur d'un coup de poignard en s'écriant :
« Traître à la patrie ! » Il essaya ensuite de se tuer, et ne
put que se blesser. Le procès dura jusqu'au mois de sep-
tembre; la sentence de mort ne fut prononcée que le
5 mai 4820, et l'exécution eut lieu le 20 mai. Un compte
rendu du procès fut donné par Hohehorst (Stuttgart,
4820), mais la vente n'en fut autorisée que trois ans
après. Dans le public, on plaignait non pas la victime,
mais le meurtrier. Au reste, le crime de Sand, comme
tous les crimes politiques, alla contre son but et ne fit que
hâter la réaction. Quant à la réputation littéraire de Ko-
tzebue, elle ne fut ni grandie ni diminuée par sa mort
violente. Il n'a jamais été compté comme historien, et,
comme auteur dramatique, il n'a jamais su créer un carac-
tère. Ses comédies se sont maintenues plus longtemps que
ses tragédies et ses drames, grâce à une qualité qui n'au-
rait pas suffi à les faire réussir chez nous, mais qui manque
souvent même aux grands écrivains allemands, l'entente
de la scène. Aujourd'hui, la banalité des effets choque le
public, devenu plus délicat. C'est quelque chose, disait
Molière, de faire rire les honnêtes gens : Kotzebue n'a
jamais cherché qu'à faire rire n'importe qui et par n'im-
porte quels moyens.
Cinq fils de Kotzebue se sont rendus célèbres à divers
titres. Otto (4787-4846) a fait trois voyages autour du
monde ; dans le second, qu'il fit à bord du Riirik^ dans
le but de découvrir une route par les mers du Nord, il eut
pour compagnon le poète Chamisso (V. ce nom) ; un
archipel au S. du détroit de Behring porte son nom. —
Moritz (4789-4864) accompagna son frère dans le pre-
mier de ses voyages ; tait prisonnier par les Français en
4842, il a retracé les incidents de sa captivité dans Der
russische Kriegsgefangene unter den Franzosen (Lei[)-
zig, 4 845) ; il a fait partie d'une ambassade russe en Perse,
dont la relation a été publiée par son père (Vienne, 4819).
— Paul (4804-84) combattit dans les armées russes en
Perse, en Turquie et en Pologne ; il devint chef d'état-
major du général Gortchakov en 4853, prit part au siège
de Silistrie, à la défense de Sébastopol et à la bataille de
la Tchernaïa; il a été gouverneur de la Pologne de 4874
à 1880. — Wilhelm^ né en 4843, a fait sa carrière dans
la diplomatie; il a donné au théâtre, sous le nom de
Wilhelm Augustsohn, deux drames : Ein unbarmherzi-
(jer Freund et Zwei Silnderinnen^ dont le premier a
réussi, et on lui doit quelques publications intéressantes
sur la Moldavie, telles que : Rumœnische Volkspoesie
(Leipzig, 4857), et Aus der Moldau, Rilder und Skizien
(1860). — Alexander, peintre de batailles, né en -1815,
abandonna en 1837 l'état militaire pour l'art et étudia
sous Sauerweib à l'Académie de Pétersbourg. Sa première
œuvre importante, la Prise de Varsovie^ lui valut du tsar
de nombreuses commandes. Après avoir tour à tour séjourné
à Paris et travaillé dans l'atelier d'Horace Vernet, aux
Pays-Bas et en Italie, il alla se fixer à Munich, oti il
s'attacha surtout à reproduire, dans des compositions gran-
dioses et pleines d'un coloris éclatant, des scènes de guerre
du xvi*' siècle : Prise de Schlûsselburg , Rataille de Pol-
tawa^ Prise de Narva, Passage du col de Panitz par
Souwarow^ Episode du Combat de la Trebbie en juin
1199^ Combat du Pont-du-Diable^ Passage de la baie
de Bothnie ; Siio\itom-y : la Fondation de Pétersbourg,
pour le Maximihaneum de Munich, et la toile humoris-
tique: le Général Scheremetjew recevant au nom de
Pierre le Grand le serment d'hommage de la ville de
Riga, A. Bossert.
BiBL. : Sœmtliche dramRiische Werke ; Leipzig, 1797-
1823,28 vol.; Leipzig, 1827-29, 44 vol. ; Leipzig, 1840-41,
40 vol. — Auswahl dr^amatischer Werke ; Leipzig, 1867-68,
10 vol. — Ausgewsehlte Lustspielp, ; Leipzig, 1863 ; 2« éd.,
1873. — Ausgèwsehlte prosaische Schriften ; Vienne, 1842-
43, 45 vol. — Fr. Kramer, Leben August von Kotzebiie's,
iiach seinen Schriften und nach authentischen Mitihei-
Inngen dargestellt ; Leipzig, 1820. — H. Dœring, August
von Kotzebué's Leben ; Weimar, 1830. — Wilhelm von
IvoTZEBUE, August von Kotzebue, Urtheile der Zeitge-
nossen und der Gegenwart ; Dresde, 1881. — Une traduc-
tion de Misanthropie et Repentir et de la Petite Ville
allemande se trouve dans : Théâtre choisi de Lessing et
de Kotzebue (Paris).
KOTZWARA (François), musicien tchèque, né à Prague,
mort à Londres en 1793. Il eut un moment de célébrité
par son morceau imitalif, la Bataille de Prague, dont la
vogue fut univeraelle. Virtuose habile sur plusieurs instru-
ments et compositeur médiocre, Kotzwara trouvait des
moyens d'existence dans la fabrication de morceaux que les
éditeurs lui commandaient pour les vendre sous les noms
de Pleyel, de Haydn et de Mozart.
617 -
KOUALA-KANGSA - KOUANG-TOUNG
KOUALA-KANGSA. Ville delà presqu'île deMalacca, cap.
de la principauté de Pérak, sur la r. dr. du Pérak, dans
une belle \allée. Résident anglais.
KOUALA-LOUMPOUR.Villedelapresqu'îledeMalacca,
cap. de la principauté de Selangor, au confluent du Klang
et du Gombah. Résident anglais. Entrepôt de mines d'étain
considérables.
K0UAN6-BINH ou D0N6-H0Ï. Ville maritime d'An-
nam, ch.-l. de prov., à Tentrée du golfe du Tonkin et au
débouché de la rivière de Kouang-binh ou Dong-hoï, dite
aussi Sao-bun; forteresse d'où partent les lignes fortifiées
de Vong-choua séparant l'Annam du Tonkin ; les dunes ont
noyé le mur du côté de la mer. — La province de Kouang-
binh, la plus septentrionale de l'Annam, occupe sur une lon-
gueur de 125 kil. la plaine côtière très resserrée entre la
montagne et la mer; le plateau de l'intérieur qu'on y rat-
tache est peuplé par des sauvages peu connus.
KOUANG-NAIi (V. Quâng-nam).
KOUANG-NAN~Fou. Ville de Chine, prov. du Yunnan,
aux sources du You-tchang, affl. dr. du Si-kiang.
KOUANG-NGAI (V. Quàng-Ngaï).
KOUANG-NING. Ville de Chine, prov. de Liao-toung ou
Ching-king (Mandchourie), au pied des monts de Kouang-
ning. Elle renferme les tombeaux de la dynastie des Liao
qui régnait sur la Chine aux xi^ et x*' siècles, et a joué un
grand rôle dans l'histoire des Mandchous.
KOUANGO (V. CoANGo).
KO U AN G-Sl. Une des dix-huit provinces de la Chine pro-
prement dite; 200,000 kil. q.; 5,200,000 hab. (en 1887).
Comprise entre le Tonkin au S.,leKouang-toungau S.-E.,
le Kouei-tcheou et le Hou-nan au N., le Yunnan à l'O. ;
elle comprend essentiellement le bassin du Si-kiang (Houng-
choui, Pak-ha ou riv. de Canton) qui la traverse de l'O. à
TE., étant limitée au N. par les monts Nan-chan, au S.
par les hauteurs qui séparent le bassin du Si-kiang et du
Song-koï (fleuve Rouge) ; à l'E., des montagnes le séparent
du Kouang-toung. Les montagnes sont surtout développées
au N., les plaines occupent moins du tiers de la superficie
totale, dans la vallée du fleuve et dans celles de ses affluents :
You-tchang à droite, avec son tributaire le Li-kiang ou
Song-ki-kong (route vers le Tonkin); Liu, Young-fou ou
Fou-ho et Koueï-kiang (relié par un canal au Kiang-kiang,
affluent du Yang-tse-kiang) à gauche. Le climat est chaud
et humide, le sol médiocrement fertile ; on cultive le maïs
et le riz, puis le blé, la fève, l'arachide, le tabac, l'indigo,
la casse, beaucoup de fruits ; on récolte la cannelle dans
les forêts. Les mines (or, argent, cuivre, plomb, étain)
sont délaissées. On manufacture le coton et la soie. — La
population est formée surtout de Chinois Hakka, agricul-
teurs énergiques, originaires, dit-on, du Chan-toung, qui
fournissent des contingents d'émigrants et ont recruté les
bandes des Taï-ping (V. Chine, t, XI, p. 109). C'est une po-
pulation turbulente, surtout dans les villes, et peu sympa-
thique à l'étranger. Les dialectes sont très variés, se
rattachant d'une manière générale au cantonais. Au N. et
à rO. du Kouang-si vivent encore en grand nombre les
populations sauvages groupées sous le nom de Miao-tsé
(Pan-hou,Y-kia, Seng,^.) (V.Asie, t. IV, p. 121 , et Chine,
t. XI, p. 90). La province de Kouang-si se divise en onze
départements: Kouei-lin, Lieou-tcheou, King-youan, Sse-
ngan, Sse-tching, Ping-lo, Ou-tcheou, Tsin-tcheou, Naù-
ning, Taïping, Tchin-ngan, plus un arrondissement (Fchi i)
directement soumis au gouverneur, et cinq cantons auto-
nomes dans la montagne. Le chef-lieu est Kouei-lin. Elle est
réunie au Kouang-toung sous le même vice-roi. A. -M. B.
BiBL. : CoLQHOUN, Across Chryse, from Canton to Man-
daley; Londres, 1883, 2 vol. avec cartes. ~ Romanet du
Caillaud, le Quang-si^ dans Bull, Soc. géogr.., 1884 (avec
bibliogr.),
KOUANG-SIN. Ville de Chine, province de Kiang-si,
ch.-l. de département, sur le Kin-kiang, très peuplée,
mais peu commerçante.
K0UAN6-SU, empereur de Chine, dont le nom antérieur
était Tsaï-tien^ ne à Péking le 2 août 1872, empereur le
12 janv. 1875. Fils du prince Tchouen ou Chun (7« fils de
l'empereur Tao-kouang), il succéda à son cousin l'empereur
Toung-tche (Tsaï-tchoun), sous la tutelle de sa tante et
mère adoptive Tse-hi ; déclaré majeur le 4 mars 1889, il
a épousé à Péking le 12 févr. 1889 Yé-hô-na-ta, fille du
préfet banneret Kouei-hsiang. L'influence de l'impératrice
Tse-hi, corégente avec Tse-an depuis 1861, seule ré-
gente de 1881 à 1889, est demeurée prépondérante après
sa majorité. Le pouvoir fut exercé presque tout le temps
par le prince Kong (V. ce nom et Chine, t. XI, p. 111).
K0UAN6-TCHÈN6 ou CHANG-TOUN. Ville de l'empire
chinois (Mandchourie), province de Girin, sur un affluent
gauche de la Soungari. Marché des nomades du Gobi orien-
tal; grand commerce d'opium et d'indigo.
K0UAN6-TCHE0U ou KOUANG-TO'UNG (V.Canton).
KOUANG-TOUNG (Canton) . Une des dix-huit provinces de
la Chine proprement dite; 259, 1 00 kil. q. ; 29,700,000 hab.
Elle est au S. de l'empire, le long de la merde Chine qui
la baigne sur plus de 1,300 kil. au S. et au S.-E., bornée
au S.-O. par le Tonkin, à l'O. par le Kouang-si et le
Fo-kien. Elle comprend l'île d'Haï-nan et la presqu'île de
Loui-Tcheou qui lui fait vis-à-vis. C'est une région très
montagneuse, couverte d'une série de chaînons parallèles
du S.-O. au N.-E., appartenant au système des Nan-chan,
et prolongés dans la mer par des archipels de rochers.
Les principaux monts sont les Lo-yang et les Lo-fou. Les
principaux cours d'eau qui se réunissent par plusieurs
l)ras dans leurs deltas, autour de Canton, sont : le Si-
kiang venant de l'E., grossi du Sin-sin qui établit une
route vers Haï-nan; le Pe-kiang venant du N. (route vers
le bassin du Yang-tse-kiang), et le Toung-kiang venant
de l'E. le long de la côte. Ces cours d'eau et leurs affluents
constituent un admirable réseau de voies navigables, com-
plélé par de nombreux canaux. Leurs vallées et surtout
leur delta commun sont extrêmement fertiles. Les côtes très
découpées renferment d'excellents ports naturels et sont
bordées d'un grand nombre d'îles parmi lesquelles, dans la
baie de Canton, sont celles deMacao et de Hong-kong. Le
climat est très changeant selon que souffle la mousson plu-
vieuse du S.-O. ou le vent sec du N.-E. (octobre à avril),
lequel abaisse beaucoup la température. Le sol des mon-
tagnes est rocheux et peu fertile, mais celui des plaines,
très arrosées et irriguées, est des plus riches, fournissant
deux et trois récoltes par an. Elles produisent des riz de
première qualité, du blé, des légumes ; dans les vallées,
surtout dans celle du Toung-kiang, dans la presqu'île com-
plètement plate et dans le N.-E. de l'île d'Haï-nan s'éten-
dent des plantations de canne à sucre ; dans le S. de la
province et surtout dans le delta, entre Canton et Macao,
on produit des soies renommées ; dans le N. et l'O. du
delta, d'excellent tabac; dans le centre de la province, du
thé ; citons encore l'indigo, le chanvre, le gingembre, le
Chamœrops excelsa (palmier éventail), le bambou, les
orangers, citronniers, goyaviers, manguiers, Nephelium
litchi, cocotiers, le bétel, la cardamome, la casse, les
arbres fruitiers des pays tempérés, etc. Les cultures indus-
trielles sont particulièrement développées et alimentent
le commerce ; les denrées alimentaires sont en partie em-
pruntées aux provinces voisines. On élève beaucoup de bêtes
à corne (le lait n'est pas utilisé), de porcs, de volailles,
d'abeilles. La pêche fluviale et maritime est une des prin-
cipales ressources alimentaires; elle procure aussi des
perles, des tortues à écaille, du corail. Des mines de cuivre,
ter, mercure, étain, plomb, argent, houille, sont exploi-
tées.
L'industrie est très développée : filature et tissage de la
soie, de la toile, de la laine, du coton ; papeterie, fabrica-
tion d'éventails, d'ouvrages en écaille, en bois vernissé,
de figurines en pierre (ying-chih), poterie, ferronnerie, etc.
Le commerce se fait, avec les Européens, par Canton et
Hong-kong, Swatow (Chateou) Kioung-tcheou (Haï-nan),
Pakhoi ; avec les autres, par le cabotage et les voies flu-
viales.
KOUANC-TOUNG -■ KOUBAN
- (il 8
La population comprend ^ outre les sauvages aborigènes
présumés, Miao-tsé dans les monts du N.-O. (Yao, Yaou-
yoenne, etc.), Li dans ceux de Tintérieur d'ïlaïnan, plu-
sieurs catégories de Cliinois :^ les Pounti ou Cantonais qui
se prétendent les occupants primitifs, métis de Chinois avec
les populations antérieures (Li-Ouei, etc.); lesHakka (c.-à-d.
étrangers) ou Kékia immigrants venus du N., race éner-
gique'd^agriculteurs qu'on suppose venus du Chan-toung,
et qui émigrent sur tous les rivages de l'océan Pacifique; ils
dominent dans le N. de la province ; les Hoklo on Hialo
au N.-E., sur la frontière du Fo-kien, d'où ils seraient
originaires ; les Miaka ou Tanka qui vivent dans leurs
barques formant des villages flottants dans la région de
Canton, race à peau foncée, de petite taille, exerçant sur-
tout l'industrie, qui renferme des éléments fort ancienne-
ment établis dans ces parages.
La province de Kouang-toung comprend do départe-
ments répartis en six cercles : Kouang-tcheou-fou, Chao-
tcheou-fou, Nan-hioung-tcheou, Lien-tcheou, Lien-chan-
ting, iïoui-tcheou-fou, Tchao-tcheou-fou, Kia-ying-tcîieou,
Fou-kan-ting, Tchao-khing-fou , Lao-ting-tcheou, Kao-
tcbeou-fou, Lian-tcheou-fou , Loui-tcheou-fou , Kliioung-
icheou-fou (Haïnan). Le chef-lieu est Kouang-tcheou-fou
ou Canton (V. ce mot). Le taotai du cercle de Canton est
le chef civil de la province ; de même le commandant mi-
litaire (hsien-tien) de Canton est le chef de la province.
Le vice-roi des deux Kouang réside à Canton. — Les
principales villes sont Canton, Fa-tchan, Tchou-hing,
Toung-koung, les ports ouverts de Swatow (Cliateou)
Kioung-tcheou, etc. A. -M. B.
BiDL. : Kouang-toung-ioung-chî ( chinois) avec carte au
110.000« ; Canton, 1862-Ô9, 3 vol. — Hirth, China nls Pro-
duktion und îlandelsgebiet^ àans Œster.Monatschrift fur
Orient, 1877. — Du môme, dans Soc. géogr, de Dresde.,
1883. — Nacken, Die prov. Kwang-iung und ihre Devœl-
herung (avec cartes), dans Mitth.^ 1878.
KOUANG-TRI (V. Quang-Tri).
K0UAN6-YEN(V. Quang-Yen).
KOUAN HAN-KING, auteur dramatique chinois de
l'époque des Yuen (xiii'^ siècle) ; il a composé soixante pièces
de théâtre. Un de ses drames, le Ressentiment de Teou
Ngo, a été traduit en français par M. Bazin dans son vo-
lume intitulé Théâtre chinois (Paris, 1838). Le même
savant a analysé sept autres pièces deKouan Hanking dans
son ouvrage intitulé le Siècle des Youen (Paris, 4850),
pp. 240, 242, 245, 312, 349, 386, 420, 425 et 445).
KOUAN -IN, déesse de la miséricorde, selon les boud-
dhistes chinois. Elle était fille du roi Tchang-yen-wong
(en sanscrit Soubhavyoïiha) ; comme elle refusait obsti-
nément de se marier, son père la relégua dans un cou-
vent pour y remplir les fonctions les plus viles ; des richis
vinrent accomplir sa tâche. Furieux, le père mit le feu au
couvent; une pluie éteignit l'incendie. Le père alors la fit
arrêter et mettre en jugement, sa mère essayant secrète-
ment de la fléchir; mais rien ne put l'ébranler. Le père
ordonna qu'on lui tranchât la tête; mais toutes les épées
se brisèrent avant de la toucher. Enfin le père réussit à
la faire étrangler au moyen d'une étoffe rouge. Pendant
que son corps était emporté par un tigre dans la forêt, son
âme se rendait dans les enfers où sa présence interrom-
pit les supplices, de sorte que Yama l'expulsa. Elle se
trouva alors dans une forêt où un ermite lui offrit l'hospi-
talité. Elle refusa en vertu de la défense faite aux moines
et aux nonnes d'habiter ensemble. A ce moment, un Nâga
lui apporta un lotus sur lequel elle s'assit et fut portée, à
travers les ondes, jusqu'au port de Potala où elle passa le
reste de sa vie, se signalant par sa bienfaisance envers les
naufragés et les malades. Elle se déchiqueta les bras pour
faire de sa chair un remède et rendre la santé à son père
malade, si bien qu'il ordonna de lui élever une statue « avec
des yeux et des bras entiers », mais comme le mot « en-
tier » s'exprime en chinois par tsien, qui a aussi le sens
de « mille » on donna à la statue et au personnage qu'elle
représentait mille yeux et mille bras. Cette « déesse » chi-
noise n'est autre que le compatissant Bodihsattva Avalakite-
svara^ — patron du Tibet, et incarné dans la personne
du Dalaï-Lama, — dont les Chinois ont fait une femme.
E. Feer.
BiBL. : EiTEL, Three Lectures on Buddhism ; Londres
et Hong-kong, 1871. — - Abel Rému s at, F oe-koue-ki.
KOUANNON ou KANOUON-SAKI. Promontoire du Ja-
pon, fermant à l'O. la baie de Tokio ; phare.
KOUANSAÏ ou KOUVANSAÏ. Partie 0. de l'île de Nip-
pon (Japon) ; ce nom fait allusion à l'ancienne barrière du
col de Hakoné, et s'oppose à celui de Kouanto ou Kou-
nanto, donné au pays situé à l'E. du col.
KOUANTAN.Etat du centre deSumatra, dans le bassin
moyen de l'indraghieil, capitale Loubou-Djambi; sultan mr.-
lais vassal de celui de Lingga ; ruines de l'époque brah-
manique. Culture du café.
KOUA-TCHEOU. Ville de Chine, prov. de Kan-sou, sur
un affluent duDan-ho, tributaire du lacKara-nor, à 60 kil.
S.-O. de Ngan-si-fan. Jadis prospère, elle a été ruinée par
l'insurrection musulmane.
KOUBA. Ville du Caucase russe, ch.-l. de district du
gouvernement de Bakou, sur la Koubinka ; 45,000 hab.
Soieries, lainages. Le district est situé au N. du Caucase.
KOUBA. Village du dép. d'Alger, arr. et à 7 kil. au S.
d'Alger, sur une colhne qui domine la rade d'Alger et la
plaine de la Metidja ; ch.-l. d'une commune de plein exer-
cice de 2,381 hab. dont 463 Français et 1,040 Européens,
la plupart Espagnols. Créé dès 1832, il a rapidement
prospéré et est aujourd'hui un des plus riches de la plaine
vignoble donnant un vin blanc estimé : église avec coupole,
grand et petit séminaires, maison mère des Pères blancs,
missionnaires d'Afrique; statue du général Margucritlc.
KOUBA-Starâia. Ville du Caucase russe, ch.-l. de dis
Irict du gouvernement de Bakou, sur le Koudial-tchaï ;
15,000 hab. (en majorité Guèbres). Lainages, soieries,
teintureries, tanneries. — Le district a 7,000 kil. q. et
150,000 hab.. Persans (agriculteurs), Lesghis et Tatares
(pasteurs), en majorité musulmans.
KOUBADIENS (V. Caucase).
KOUBAN ou KOUMAN. Fleuve du Caucase russe, Vîlt/'
panis des anciens; il descend des glaciers de l'Elbrouz
(ait. 4,246 m.), coule vers le N. dans des gorges sau-
vages, entre en plaine au débouché du défilé de Batalpa-
chinsk, coule vers le N.-O., puis l'O., formant de vastes
marécages et finit par un vaste delta qui se prolonge de lu
baie Kiziltach (mer Noire) jusqu'à la mer d'Azov où aboutis-
sent un bras nommé Pro^o/ca et un second, tandis que leKara
Kouban mène à la baie Kiziltach la plus grande masse des
eaux. Il a 810 kil. de long, 250 m. de large, un bassin
de 56,000 kil. q.; ses inondations ont lieu trois fois par
an. Elles couvrent jusqu'à 23,000 kil. q. Le hman ou la-
gune de l'estuaire a 43 kil. du N.-O. au S.-E. sur 13 kil.
de large et ne communique avec la mer Noire que par une
ouverture de 600 m. de large et 2 m. de profondeur. Il
reçoit la Laba, la Biélaia, l'Ouroup, la grande et la petite
Selentchouk.
Territoire du Kouban. — Prov. du S.-E. de la Russie,
riveraine de la mer d'Azov et de la mer Noire, au S. du
territoire des Cosaques du Don, à l'E. du gouv. de Sta-
vropol et de la prov. du Térek, au N. du Caucase ;
104,723 kil. q.; 1,482,889 hab. (en 1891). Le Kouban le
divise en deux parties : montagnes boisées au S. ; steppes
et marécages au N. La zone montagneuse est occupée par
les contreforts du Caucase jusqu'à l'Elbrouz. Le steppe n'a
que des rivières temporaires, sauf le Kouban et la Jeia qui
forme la Umite septentrionale. Mais les lagunes (hmans)
et lacs y occupent près de 20,000 kil.q. Son sol argileux
est fertile ; celui des montagnes est formé surtout de grès
jaunes et gris reposant sur des calcaires et revêtu de magni-
fiques forets de pins, sapins, buis, érables, frênes, aunes,
chênes, noyers, arbres fruitiers. Ce territoire embrasse
au S. l'ancienne Circassie, pays des Tcherkesses et des
619
IvOUBAN »- KOUEI-TCHEOU
Abkliases, une partie de celui des Kabardiens et au N.
celui des Cosaques de la mer Noire. L'immigration des
Cosaques, favorisée par le gouvernement russe, et l'émi-
gralion des Tcherkesses, ont équilibré l'importance numé-
rique des deux éléments principaux de la population; il
y faut ajouter 75,000 Nogaïs, des Grecs, des Arméniens,
des Juifs, des colons allemands (à leisk). Le bétail est la
richesse principale (chevaux, chameaux, bœufs, moutons);
on exporte de la laine et des peaux. L'agriculture progresse
lentement. La pêche est très productive dans le Kouban,
les étangs et lagunes; celles-ci fournissent aussi du sel.
Le gouvernement a fait beaucoup pour civiliser le pays et
projette de dessécher les marais. Le ch. de fer de Rostov
à Yladikaukaz traverse la province du N.-O. au S.-E. Le
commandant militaire est le chef de l'administration. Le
ch.-l. est lékaterinodar sur le Kouban. Le territoire se
divise en sept cercles : Batalpachinsk, leisk, lékaterinodar,
Kavkayau coude du Kouban, Maïkop sur la Biélaia, Tem-
riouk sur la baie de ce nom (presqu'île de Taman), Trans-
kouban (Zakoubansk). A.-M. B.
KOUBATCHI ou KOUBETCHl. Peuplade du Caucase,
appartenant à la famille Lesghi. Les Koubatchi habitent,
au nombre de 3,000 individus environ, dans le district
montagneux de Kaïtago-Tabassaran (prov. de Daghestan).
Leur nom signifie en langue turque « forgeurs d'arme »
et c'est delà traduction persane de ce terme, Sirgltghéraîi,
que se servent les populations non turques pour les dési-
gner. En effet, les Koubatchi, qui se donnent eux-mêmes
le nom de Aougvougan ou Oghboukhan^ sont très experts
à forger les métaux et surtout à fabriquer les lames de
sabre, les cottes de mailles et les cuirasses. Leur origine
est obscure. D'après le savant académicien russe Fr^ehn,
ils habiteraient le Caucase depuis le vi^ siècle. Ils étaient
chrétiens encore au xin^ siècle et n'ont embrassé l'islamisme
qu'au xv^ siècle. On a prétendu, sans preuves sérieuses, que
les Koubatchi sont les descendants des armuriers chrétiens
immigrés au Caucase après les croisades. J. D.
BiBL. ; ANOuTCiiiiNE, Voyagc au Daghestan^ dans Bull
de la Soc. russe de géographie, 1884.
KOUBBA. Ce mot arabe signifiant coupole est employé
en Algérie et dans tous les anciens pays barbaresques
pour désigner de petits édifices de forme cubique surmontés
d'un dôme. En général, les dimensions des koubbas n'excè-
dent pas 4 m. sur chaque face ; elles sont revêtues d'un
crépi auquel un lait de chaux fréquemment renouvelé
donne une blancheur éclatante et comme, en outre, elles
sont presque toujours bâties sur des éminences, elles se
voient de très loin et forment des points de repère dans
les contrées où il n'existe pas de routes largement tracées.
Chaque koubba est placée sous un vocable qui rappelle le
saint personnage en l'honneur duquel elle a été élevée.
Quelquefois, elle abrite la tombe de ce saint, mais bien
souvent aussi elle marque le lieu où il a accompli quelque
miracle ou même simplement l'endroit où il a séjourné un
certain temps. C'est ainsi qu'on rencontre un très grand
nombre de koubbas portant le nom de Sidi Abd el-lvader
el-Djilàni, célèbre marabout, qui est considéré comme le
patron des pauvres. Lorsque la koubba renferme une
tombe, elle devient le but de pèlerinages appelés ziara ou
otiadda; dans certaines localités, ces pèlerinages donnent
lieu à une grande fête annuelle. En Algérie, les Français
se servent souvent du mot marabout à la place du mot
koubba ; en Orient, c'est le mot vély qui est en usage.
KOUBEISA. Ville de la Turquie d'Asie, vilayet de Bag-
dad, 15 kil. 0. de Hit. Tissus de laine.
KOU B EK (Jean-Provoslav), écrivain tchèque, né à Blatno
en 4805, mort à Blatno en 1850. Après avoir achevé ses
études à Prague, il fut pendant quelque temps professeur
en Galicie. En 1839, il devint professeur de littérature
tchèque à l'université de Prague. Comme poète ce fut sur-
(out un brillant improvisateur. Ses œuvres complètes ont
paru à Prague après sa mort (1851-59, 4 vol.). Quel-
ques fragments de Koubek ont été traduits dans la Bohême
historique et littéraire de Joseph Fricz et L. Léger (Pa-
ris, 1807).
KOUBENSKOIÉ. Lac de Russie, gouv. de Vologda ;
65kil.delong.(N.-0.auS.-E.),15kil.delarge,393kil.q.;
très poissonneux. Au S.-E. sort laSontkona (Dvina du Nord).
Il est alimenté par la Koubina (320 kil.) venue du N.
KOUBILAÏ. Grand khan des Mongols, empereur de
Chine sous le nom de Tche-Youen (V. ce nom, Mongolie
et Youen).
KOUBOU. Ville de l'O. de Bornéo, sur la r. g. du Kou-
bou, branche du delta du Kapouas.
KOUBOU ou ORANG-KOUBOU. Peuplade sauvage no-
made de Sumatra, entre le Djanibi et le Soungei Davas ;
les hommes ont 1"^ 59 de haut. Ils vagabondent en petits
groupes, gardés par de grands chiens et font un peu de
commerce par troc avec les gens de Palembang.
KOUCHAB (Khochab). Ville de l'Inde (Pendjab), prov.
de Raval Pindi, sur la r. dr. du Djelam, en face de Chah-
pour; 9,000 hab. Cotonnades. Commerce considérable avec
Moultan, le Sindh, l'Afghanistan.
KOUCHANS (V. Bâctriane).
KOUCHK. Ville fortifiée du Turkestan afghan, à 70 kil.
au N.-E. de Hérat, sur la rivière Kouchk, affl. de droite de
Mourghab, à 40 kil. de la frontière russo-afghane. C'est
le centre de la tribu turco-persane des Djemchides et une
place forte qui garde l'entrée de Hérat (par le défilé de
llazrelh-i-Baba) 'du côté de la Russie.
KOUCH-MOUROUMouDENGHlZ-KOUL.Lacsaumâtre
de Sibérie, prov. d'Akmolinsk, à la frontière de celle de
Tourgaï; 53 kil. de long du S.-E. au N.-E., 12 kil. de
large; il reçoit au S.-O', le Bouroukt-tal et se déverse
par rOubagan dans le Tobol. Au S.-E. du lac est un fort
du même nom.
KOUCHTIA {Kushtia). Ville de Fïnde anglaise, présid.
de Calcutta (Bengale), r. dr. du Padma (Gange inférieur),
sur le ch. de fer de Calcutta à (ioalanda; 10,000 hab.
Grand port fluvial.
KOUCHVINSKIL Ville de Russie, gouv.de Perm,surla
Kouchna, affl. de la Toura (tributaire du Tobol). Hauts
fourneaux (1,300 ouvriers).
KOUDARKOT. Cité ruinée de l'Inde, prov. d'Agra, à
38 kil. N.-E. d'Etawa; très importante au temps des
Gouptas.
KOU DAT. Ville du N. de Borné, à FO. d'une vaste baie,
ch.-l. du territoire anglais de Saba.
KOUDIAL-TCHAÏ ou KOU BINKA. Rivière du Caucase
russe, gouv. de Bakou; elle descend au N. du Chah-dagh
et se jette dans la Caspienne après un cours de 130 kil, ;
elle arrose Kouba et finit à Nizovaia.
KOUDOU (V. KouNDOu).
KOUDRIAVTSEV (Pierre-Nicolaiévitch), historien russe,
né à Moscou le 16 août 1 81 7 ^^ mort à Moscou le 30 janv.
1858. Professeur à l'université de Moscou, ses monogra-
phies sur l'histoire ancienne (romaine surtout) lui ac-
quirent une réputation universelle. Il les a publiées en
grande partie dans les Russkii Viestnik. Il est aussi Fau-
teur d'une llist, de ritalie depuis Vempire d'Occident
jusqu'à sa restauration par Charlemagne (Moscou,
1850).
K0UE1-F0UN6. Rivière de Chine, provmce de Kouang-
si, affl. gauche du Si-kiang; elle passe à Kouei-lin. Sa
vallée fut le berceau de l'insurrection des Taiping ; elle
est hérissée de forts où se réfugient les bandits encore
très nombreux. Cette rivière, reliée au Siang ou Hong-
kiang (tributaire du lac Toung-ting) par un canal, fait
communiquer le Kouang-si avec le bassin du Yang-tse-
kiang; mais elle n'est navigable que pour les petites bar-
ques, à cause de ses rapides.
KOUEl-LlN. Ville de Chine, ch.-l. de la province de
Kouang-si, sur le Kouei-foung, à la tête du canal qui le
joint au vSi-kiang.
KOUEI-TCHEOU. Une des dix-huit provinces de la Chine
KOUEI-TCHEOU — KOUFRA
— 620 -
proprement dite; 474,000 kil. q.; 7,700,000 hab. Comprise
entre le Ssé-tchouen au N., le Yunnan à l'O., le Kouang-si
au S., le Hon-nan à FE., elle est montagneuse au S. et à
rO. (monts Nan-ling ou Nan-chan, ait. des cols 1,500 m.)
et au N. (ait. des cols 4,000 m.), couverte de collines au
centre. Elle est traversée du S.-O. au N.-E. par le Ou-
kiang ou Kian-kiang, afïl. droit du Yang-tse-kiang ; sa val-
lée est la seule plaine delà province; le S. ^appartient au
bassin du Si-kiang, FE. à celui du Youan-kiang (affl. du
lacToung-ting). Le climat est tempéré, mais avec de fortes
variations. Les marécages sont nombreux. On cultive le
blé, le maïs, le thé (à 10.), le tabac, Fencens, le lin,
Fopium. On élève beaucoup de bétail, les meilleurs chevaux
de la Chine, des buffles (à FO.), des vers à soie (sur les
chênes), des insectes à cire. Les richesses minières sont
immenses, mais peu exploités : mercure et cuivre surtout ;
toutes les monnaies de cuivre de la Chine sont faites avec
le métal du Kouei-tcheou ; il y a aussi de la houille, du
fer, de For, de Fargent, du plomb, de Fétain, etc. On fa-
brique des soies écrues très estimées et du mauvais papier.
La population comprend, dans les montagnes du S.-O., des
Miao-tse (Tchoung-miao, Ki-lao, Ki-tao, Tou-man,elc.) qui
se mélangent avec les Chinois occupants du reste de la
province; ceux-ci sont d'ailleurs très métissés. La pro-
vince a été ruinée par les guerres du troisième quart du
xix*^ siècle. Elle pour ch.-l. Kouei-yang-fou et comprend
treize départements : Kouei-yang, Ngan-choun, Ping-youei,
Tou-youn, Tchin-youan, Sse-nan, Chi-tsian, Sse-tcheou,
Toung-yin, Li-ping, Taï-ting, Nan-loung, Tsoun-yi.
A.-M. B.
KOUEI-TCHEOU-Fou. Ville de Chine, province de Sse-
tchouen, rive gauche du Yang-tse-kiang, à Fentrée de
gorges sauvages. Douane intérieure.
KOUEI-TÉ. Ville de Chine, province du Ho-nan, sur le
Toun ou Pé-cha-ho, affl. du lac Houng-tse-hou.
KOUEI-YANG. Ville de Chine, ch.-l. de la province du
Kouei-tcheou, sur un affl. droit du Ou-kiang. Port fluvial
important. Jadis capitale d'un royaume ; ruines de palais
et de temoles.
KOUEN-LE ou KOUEN-SE. Bourg du Tonkin, province
de Tuyen-quang, rive gauche du fleuve Rouge; ancienne
douane des Annamites dont c'était le poste le plus avancé
vers FE.
KOUEN-LOUN. Un des principaux massifs de l'Asie
centrale (V. Asie, t. IV, p. 97, 403-4, et Himalaya).
KOUEN-YANG'TcHEOU. Ville de Chine, province de Yun-
nan, ch.-l. de dép., au S.-O. de lac Tien-hai ; 40,000 hab.
KOUFA. Cité ruinée de la Turquie d*Asie, vilayet et dis-
trict de Bagdad, à 450 kil. S. de cette ville, sur un canal
de FEuphrate. Fondée par le khalife Omar (639) après la
destruction de Ktésiphon, elle la remplaça et devint la capi-
tale du khalifat. On y voit encore la mosquée écroulée où
Ali fut assassiné. Ce fut Vrni des premiers centres de la
culture arabe post-islamique. Son nom a été conservé à
l'écriture des Arabes du temps de Mohammed, adoptée par
eux peu de temps avant sa vie, et qui, lorsqu'elle fut aban-
donnée, subsista pour les inscriptions et les monnaies. On
donne encore le nom de koufiques aux monnaies primitives
des musulmans : dinar d'or, dirhem d'argent, fils de cuivre ;
celles-ci sont, sur une face, byzantines à l'effigie impériale
et emblèmes chrétiens, sur l'autre, arabes avec inscriptions
en caractères koufiques. En 696, Abd-el-Melik réforma
ces monnaies et en frappa d'exclusivement musulmanes.
Les Ommeyyades et les Abbasides ont frappé les plus belles
monnaies koufiques. A. -M. B.
KOUFIQUE (V. Koufa).
KOUFRA. Groupe d'oasis du désert Libyque (Sahara
oriental), qui se développent entre 24^ et 26^* delat. N.,
entre 48^40^ et 24^40' de long. E.,à peu près à mi-che-
min entre le littoral méditerranéen de la Cyrénaïque et le
Ouadaï. L'accès en est difficile; à FE. et au N.-E., vers
les oasis égyptiennes de Dakhel et de Siouah, il n'y a pas
moinSj de 400 kil. de dunes mouvantes et qui atteignent
une hauteur de 400 à 450 m. ; il en est de même à FO.,
vers le Fezzan; les seules relations que l'oasis de Koufra
puisse avoir sont avec Djalo au N., avec le Ouadaï au
S.; cette dernière route n'a pas été encore explorée par des
Européens; celle du N., suivie par Rohlfs (1878), com-
porte, à partir du puits de Battifal (Djalo), 350 kil. sans
source ni puits. Le pays est d'une monotonie désespérante,
sans trace de verdure, couvert de cailloux de la gros-
seur d'une noix ou d'une noisette, ou de simple gravier.
L'horizon est si plat qu'on y prête une grande importance
à un tertre qui s'y trouve, n'ayant que 2 m. de haut
et qu'on a appelé la « colline du chien ».
Le groupe de Koufra comprend cinq oasis : Taïzerbo,
la plus septentrionale, a une superficie de 6,300 kil. q. et
occupe une hattiyeh ou dépression marécageuse. — Bou-
Seima, à 420 kil. au S.-E. de Taizerbo, est au pied d'une
montagne de 388 m. d'alt., et au bord d'un lac salé qui a
une dizaine de kil. de longueur. — Kebabo, l'oasis la plus
importante et la plus méridionale du groupe (8,800 kil. q.),
est à 420 kil. du S.-E. de Bou-Seima. — L'oasis de
Sirhen, située au N.-E. du groupe (2,000 kil. q.), fournit
une halte aux caravanes entre Djalo et le Ouadaï. — L'oasis
A^Erhebna, au S.-O. du groupe (300 kil. q.), s'étend
autour d'un lac, au pied d'une montagne.
La principale production est celle des dattes. On estime
a un million le nombre des palmiers, mais jadis il y en avait
beaucoup plus, que les Zouaya ont détruits lorsqu'ils firent
la conquête du pays. Chaque année on en détruit un bon
nombre pour en extraire le lagmi ou vin de palme. Il n'y
à guère qu'une oasis où la culture soit un peu soignée et
où l'on constate de nouvelles plantations, c'est celle de Ke-
babo, que les khouansdeFordredes Senoussi cherchent à
faire revivre. A côté des palmiers se trouvent assez souvent
des figuiers, aux fruits petits, mais savoureux, des gre-
nadiers, des vignes, des cultures de légumes, melons, con-
combres, oignon, poivre, des carrés de blé, d'orge, de
sorgho et enfin quelques exemplaires remarquables de co-
tonniers. La flore spontanée, assez pauvre, se compose
surtout de roseaux autour des lacs, de graminées dont se
nourrissent les chameaux; il y a en fait d'arbres quelques
tamarix, des acacias gommiers, et même Rohlfs vit à Tai-
zerbo un arbre du Soudan, \QCapparissodata,Vzv(M^û
d'oasis est en général presque inculte et pourrait produire
beaucoup plus, étant donné qu'il renferme une masse d'eau
considérable qui paraît provenir des monts de l'Ounyanga
(Ouadaï).
Les habitants ont un petit nombre de chevaux, d'ânes,
de moutons, de chèvres, quelques bœufs maigres, des
poules et des tourterelles. Parmi les animaux sauvages on
remarque les gazelles, surtout au voisinage des collines,
des renards des sables ou fennegs, des souris, des rats,
des corbeaux, des faucons, des huppes, divers petits
oiseaux. Des bandes nombreuses d'oiseaux de passage, de
nos espèces européennes, se reposent aussi dans les oasis
de temps à autre. Une sorte de serpent non venimeux, de
couleur jaune, se trouve dans presque tous les bouquets
d'arbres. Il n'y a point de caméléons ni de mollusques.
La population de Koufra, relativement très peu nom-
breuse,se compose principalementde Zouaya,individus d'une
tribu nomade, qui ne compte guère que 5,000 ou 6,000 in-
dividus, mais qui a joué un rôle important dans Fhistoire
de cette région. Il y a aussi des Tibbous Reschade, les
anciens maîtres du pays, qui viennent de temps à autre
faire la récolle des dattes dans quelques oasis. Quant aux
khouans de la zaouïa des Senoussi, ils appartiennent aux
races les plus diverses ; il s'y trouve un bon nombre de
Kanouris du Bornou. Le couvent ou zaouia bel Istat est
très richement doté (250,000 palmiers au moins), le se-
cond de Fordre par son importance, et si des difficultés
surgissaient pour les Senoussi avec la Tripolitaine, il est
annoncé que le grand maître quitterait Foasis de Djaghboub
pour celle de Kebabo, Jadis les Senoussi avaient un autre
couvent à Taïzerbo. En réalité, ils sont les vrais maîtres de
621 -
KOUFRA - KOUKOU-NOR
Koufra, qui, politiquement, est indépendante delaTripoli-
taine aussi bien que de l'Egypte. E. Càï.
BiBL. ; RoHLFS, Relse nach Koufra ; Leipzicr, 1881 avec
carte au l/2,000,000«.
KOUHAKou KOHAK.Villedu Béloutchistan, à275 kil. S.
de Bampour, dans la région revendiquée par la Perse, sur
le Machkid. Place forte dont le chef est indépendant en
fait. — Une autre place du même nom se trouve dans le
Séistan persan, sur la rive gauche du Helmend, près du
grand barrage qui assure Pirrigation de la province per-
sane.
KOUHISTAN (V. Kohistan).
KOUHPA. Ville de Perse, province d'Irak-Adjemi, à PO.
d'un col du Koh-roud (mont Ghetch), par où passe la route
de Yezd à Ispahan ; 15,000 hab. Etoffes en poil de chameau.
KOUi. On désigne sous ce nom deux groupes de popu-
lations de PIndo-Chine, qui n'ont probablement pas beau-
coup de traits communs entre eux. Le groupe le plus
important est celui du S.-E. du Siam et du N.-E. du
Cuuibodge ; le second groupe est cantonné beaucoup plus
au N., dans la principauté de Xieng-tong, du Laos bir-
man, dans la sphère de l'influence britannique. Les Kouïs
les plus purs se rencontrent au S.-O. de Bassak (Siam) et
dans le Kampong-svaï (au N. de Kampong-thom, Cam-
bodge) ; mais le territoire habité par les Kouïs plus ou
moins mélangés aux Laotiens et aux Cambodgiens s'étend
jusqu'à la rive droite du Mékong, à PE. jusqu'au voisi-
nage du lac Tonlé-sap au S., jusqu'à la ville de Souren à
ro. et la vallée du Se-moun ou Nam-moun au N. Ces
Kouïs sont de taille au-dessous de la moyenne (1"^63),
sous-brachycéphales (indice céphalique moyen : 82) ; leur
peau est d'un brun plus foncé que celui des Laotiens (Har-
mand). Presque tous savent parler cambodgien et oublient
peu à peu la langue de leurs pères. Ils sont renommés
pour leur habileté à travailler le fer. D'après les traditions
des Cambodgiens, les Kouïs les auraient précédés dans le
pays; aussi les Cambodgiens leur donnent-ils le nom de
Khmerdom, c.-à-d. anciens Khmers. Quant aux Kouïs de
la Birmanie, qu'on appelle aussi Khas-koiiïs^ leur type
physique paraît se rapprocher plutôt de celui des Lolo et
des Mosso ; ils ont le nez arqué, la tète longue. Coiffés de
leurs turbans, ils éveillent le souvenir des profils arabes.
Ce sont des cultivateurs presque indépendants, qui parlent
une langue spéciale et qui n'ont pas d'écriture (Fr.
Garnier). J. Deniker.
KOUI NI N. Oasis du Souf (V. ce mot).
KOUI-NHON (V. Qui-nhon).
KOUÏOUNDJITCH (Milan), également connu sous le
pseudonyme à'Aberdar, littérateur et homme d'Etat serbe,
né à Belgrade en 1842, mort en 1893. Il fit ses études à
Belgrade, les acheva à l'étranger et devint professeur de
philosophie à l'université de Belgrade. 0 devint ensuite dé-
puté à la Skoupchtina, rédigea le journal Mlada Srbadia^
fut chargé de missions diplomatiques et occupa quelque
temps le ministère de Pinstruction publique. Il a publié
des poésies et quelques ouvrages de philosophie. Ce fut un
des premiers membres de l'Académie serbe.
KOUKA. Capitale du Bournou, àl'O. du lac Tchad; plus
de 10,000 hab. Elle se compose de deux villes, distantes de
1 kil., celle de la cour (Billa Gliédibé) à PE., ville com-
merçante (Billa Foutébé) à PO. La place du marché est à
PO. ; la rue commerçante (Dendal) traverse chacune des
villes par le milieu de PE. à PO. Les Kanouri forment la
majorité de la population (V. Bornou).
KOUKI. Peuple sauvage du N.-E. de l'Inde, entre ce
pays et la Birmanie, du fleuve Kouladan ou Katchar sep-
tentrional et au Manipour ; 18,000 kil. q.; 70,000 hab.
C'est une branche des Louchai (V. ce mot) que les Anglais
ont civilisée. Ils sont divisés en tribus gouvernées par des
monarques et des conseils des anciens ; ils semblent poly-
théistes, vivent dans des villages fortifiés, pratiquent le
mariage par achat, dessèchent les cadavres et ne les ense-
velissent qu'après les avoir exposés un ou deux mois, vêtus
et armés.
KOUKKOULA (V. Enfers, t. XV, p. 1049).
KOUKO ou KO U KO U. Village de Kabylie, dép. d'Alger,
à 18 kil. S.-E. de Fort-National, situé sur un piton qui
domine le Sébaou à une ait. de 970 m. ; 500 hab. La
position est très forte au point de vue stratégique; aussi
était-ce jadis le chef-lieu de la confédération des Zouaoua
et ses chefs prenaient le titre de rois de Kouko ; il en est
fréquemment parlé dans les chroniques et relations espa-
gnoles du XVI® siècle; aujourd'hui ce n'est plus qu'un
pauvre village. E. Cat.
KOUKOLNK (Nestor-Vasiliévitch), littérateur russe, né
à Saint-Pétersbourg en sept. 18l!2, mort à Taganrog en
déc. 1868. Il fit ses études au gymnase de Niejine et servit
dans divers ministères. Il a écrit un grand nombre de
drames et de romans empruntés pour la plupart à l'histoire
de Russie et dont quelques-uns ont eu un grand succès. Ses
principales œuvres sont : le Prince Skopine Schouïsky,
drame (1835); la Main du Très-Haut, drame (183i) ;
Torguato Tasso (1836); Tableaux russes (iM'i); Conte
sur conte {iUi);Eueline(iSU); le Baron Fanfaronet
le Marquis petit-maître (1847) ; Patkul, tragédie en vers
(1846);/^ Siège d'Azov, drame historique (1855); Une
Fête des marins a Sébastopol (iS^^^) ; les Deux Sœurs
a 865). Une collection de ses œuvres a paru à Pétersbourg
(1853, 10 vol.).
KOUKOU-KHOTO ou KOUEI-HOUA-Tcheng. Ville de
Chine, province de Chan-si, sur le Tourghouan-pira, affluent
du Hoang-ho, au N.-E. du grand coude septentrional de
ce fleuve ; plus de 200,000 hab. Située dans un district
enlevé aux Mongols (Tchakar), c'est une des grandes places
fortes de Pempire chinois; la ville mongole a 10 kil. sur
8 ; c'est le grand entrepôt du commerce entre la Mongolie
et la Chine, le nœud des routes vers Ouliassoutaï, Kobdo,
Ourga, la Dzoungarie, le Turkestan chinois, le Tibet; c'est
aussi le siège d'une des plus célèbres universités boud-
dhiques et d'un des principaux évêques {koutoukhta). Elle
renterme de grandes teintureries et imprimeries sur étoffes ;
on y tisse des étoffes en poil de chameau, on y travaille le
marbre, etc. Elle a succédé à Khara-Kotoet Tsagan-Kkoto
(Tchagan-nor) dont les ruines sont au voisinage.
KOUKOULIEVIÇ-Sâkcinski (Ivan), littérateur croate, né
à Varardin le 29 mai 1816. Fonctionnaire en Croatie, pré-
sident de la Société historique des Slaves du Sud dont il a
publié Pir/ciy (1850-75, 12 vol.), c'est un des plus il-
lustres champions de la nationalité croate à laquelle il veut
restituer son droit propre. Outre ses éditions d'écrivains
dalmates, sa bibliographie croate, son lexique d'art des
Slaves du Sud, ses œuvres littéraires, poésies, drames, nou-
velles (Razlicita djela [Mélanges], Zagreb, 1842-7, 4vol.) ,
il faut citer : Jura regni Croatiœ Dalmatiœ et Slavoniœ
(Zagreb, 1861-62, 3 vol.) ; Monumenta historica Sla-
vorum meridionalium (1868-75, 3 vol.).
KOUKOU-NOR (Lac bleu, Tsing-haï àes Chinois). Lac
de l'empire chinois, au centre de cet empire, dans la pro-
vince de Koukou-nor, entre la Chine propre, la Mongolie
et le Tibet, près de la frontière de la province de Kansou,
à 3,687 m. d'alt. (d'après Prjevalski) ; 107 kil. de long,
i)3 kil. de large; eaux salées. Cinq petites lies dont l'une
renferme un couvent bouddhique ; la profondeur décroît de
ro. à PE. ensablé par les vents; le lac peu profond dimi-
nue en été, oti la salure atteint 11 «/oo. Il n'y existe pas
de barque ; les Eleuthes (Kalmouks) et les Kara-Tangoutes
des rivages ne pèchent même pas le poisson. Ce lac est le
centre d un petit bassin fermé (V. Asie) recevant du N.-E.
le Karghin, de PO. le Boukham. On appelle monts du
Koukou-nor ou Khorlu une chaîne qui borde le S. du lac
(5,330 m. d'ail.).
Province. — La province de Koukou-nor, comprise entre
la province de Kansou extérieur (Sin-kiang), au N., le
Kansou intérieur au N.-E., le Sse-tchouen au S.-E., le
Tibet au S., est bornée au N. par les monts Nan-chan, Altin-
KOUKOU-NOR - KOUMAOUN
- en
tagh et Togouz-daban, au S. par le Koueii-loun, dont elle
comprend une partie ; ses limites vers l'O. et le S. sont
mal définies ; c'est la région la moins connue de l'Asie.
Elle comprend le bassin du Koukou-nor, la région des
sources du Hoang-ho et le Tsaïdam ou Zaïdam, plateau
désert à marécages salins. La population est formée d'Eleu-
liies (Kalmouks), de Kar a-Tan goûtes et de leurs métis, di-
visés en 29 bannières ou tribus (khochoun), dont 19 dans
le bassin du lac et 5 dans chacune des autres régions ;
celles du Hoang-ho dépendent du gouverneur chinois de
Sinin (Kansou) ; les autres forment deux groupes de 12, ré-
gies par des princes (van) vassaux de la Chine. A.-M. B.
BiBL. : Hue, Voyage dans la Tartarie; Paris, 1853,2° éd.
— pRJEVALSKi, De Zaisang au Tibet (russe), 1883. — La
Mongolie et le pays des fancfoutes ; Paris, 1880. — Les
Voyages du pandit A.^K.f 1878-82, dans M Ht. de Peter-
mann, janv. 1885, avec carte.
KOULA (turc Adlieh), Ville de Bulgarie, ch.-l. de cercle,
à 130 kil. N. de Sofia et 26 kil. 0. de Vidin. Vastes ruines
romaines (Castras Martis); un des centres des colonies
tatares établies en 1862.
KOULA. Ville de la Turquie d'Asie, à 28 kil. d'Alachûr,
9,000 hab. Chef-lieu d'un caza du sandjak de Saroukhan.
Centre de la culture de l'opium. Fabriques de tapis de
portières d'un prix médiocre, dits de Smyrne. D'autres
étoffes, d'un style originale et d'un excellente qualité, que
tissent des ouvriers de choix, sont réservés pour les trous-
seaux des mariages. L'industrie des tapis occupe 1,500 à
2,000 femmes. Commerce de noix de galle. Le chemin de
fer d'Alachûr doit être prolongé jusqu'à Koula.
BiBL. : C. DuTEMPLE, Eu Turquie d'Asie, — F. Rou-
GON, Smyrne, 1892.
^ KOULAB ou KOLAB. Ville duTurkestan, ch.-l. de pro-
vince du khanat deBokhara, sur le Koulab, affl. du Kizil-sou
(Sourkhab), tritutaire de l'Amou-daria ; 3,000 hab. La pro-
vince de Koulab, très montagneuse et riche en salines,
s'étend au N. du cours moyen de l'Amou-daria et du Ba-
dakchan, au S. du Karateghin; elle est peuplée de Tadjiks
presque purs. Elle comprend deux districts, Baldjouan et
Kouab.
KOULADAN ou KOLADYNE. Fleuve de Birmanie, qui
coule au S. à travers TO. delà Haute-Birmanie et l'Arakan
pour finir à Akyab.
KOULDJA, appelé aussi en chinois HOEI-YUEN
TCH EN G, Capitale du district d'Hi, Au temps des Mon-
gols, l'importante ville d'Almalik devait être située tout
près du Kouldja actuel. Kouldja se trouve par 43** W
de lat. N. et par 80*^ 10' de long, orientale.
KOULDOUR (V. Khâïlar).
KOULICH (Pantaléon), écrivain petit-russien contempo-
rain, né en 4819. H fit ses études à l'université de Kiev
et publia en 1843 son premier roman, Mikhaïlo Tchar-
nychenko. Désigné pour la chaire des langues slaves, il
fut envoyé à l'étranger pour compléter ses études, mais
fut arrêté à cause de son intimité avec un cercle des pa-
triotes ukrainiens à Kiev (V. Kostomarov). Après quelques
mois de détention, il fut mis en liberté à condition de ne
pas écrire. Amnistié en 1856, il publia ses Mémmres sur
la Russie méridionale, et, en 1857, un roman, rAssem-
blée nationale, en petit-russien et en russe. En 1860, il fit
paraître ses Nouvelles (4 vol.) et l'almanach la Maison.
Plus tard, il collabora à une revue russo-ukrainienne, le
Commencement (Osnova) ; en 1869, il publia à Léopol
la traduction du Pentateuque; en 1870, à Vienne et à
Leipzig, les traductions des Evangiles et des Psaumes.
En 1874, il commença VHistoire de la réunion de la
Petite-Russie (3 vol.), ouvrage très critiqué à cause de
ses tendances peu scientifiques. On a de lui aussi des tra-
ductions de Shakespeare et autres auteurs en langue de
son pays. Il introduisit en 1857 dans la littérature ukrai-
nienne l'orthographe phonétique qui fut prohibée en \ 874
par le gouvernement russe. Th. Volkov.
KOULIKORO. Bourg du Soudan français, rive gauche
du Niger, à 65 kil. S. de Bamakou ; le fleuve y est
guéable.
KOULIKOVO (Plaine de). Plaine située dans le gouver-
nement de Toula (Bussie d'Europe), près du confluent de
la rivière Niepradva et du Don. Le 8 sept. 1 380 une grande
bataille y fut livrée entre les Tatares commandés par le
khan Mamaï et les Russes commandés par le grand-prince
Dmitri Joannovitch. Les Tatares furent vaincus. La bataille
de Koulikovo marque une date décisive dans l'histoire de
la Russie.
KOULLO. Pays de l'Afrique orientale, au S.-E. du
Kaffa, sur le Godjeb supérieur ; il est tributaire de l'Ethiopie
(Abyssinie).
KOULNA. Ville de l'Inde anglaise, présidence de Cal-
tutta (Bengale), sur le Bhaïrab, canal du delta du Gange.
Grand marché du Sunderband, entrepôt du commerce entre
Calcutta etjes provinces de l'E. ; raffineries de sucre.
KO U LOI. Fleuve de Russie, province d'Arkhangelsk,
long de 320 kil.; bassin de 156,000 kil. q. ; il sort d'un
lac à ro. de Pinega, coule vers l'E., puis vers leN., et se
jette dans le golfe de Mezen, à l'O. de ce fleuve.
K 0 U L 0 U . Pays de ITnde septentrionale, ùa m le Pendjab,
province de Djalandar; bassin de 5,000 kil. q. encaissé
dans l'Himalaya et d'où s'échappe au S.-O. la Bias (affl.
gauche de l'Indus) ; 100,000 hab. de religion hindoue. La
polyandrie qui y prévalait autrefois tend à être remplacée
par la polygamie (V. Famille) .
BiBL.: Cap. Harcourt, The Himalayan Districts of
Kooloo, Lahoid and Spiti; Londres, 1871, in-8. ~L. Rous-
SELET, Ethnographie de VHimalaya occidental.
K0UL0U6LIS (V. Coulouglis).
KOULOUN. Lac de Mongolie (V. Dalaï-Nor).
KOULOUNDA. Lac salé et amer de Sibérie, province de
Tomsk, à 230 kil. S.-O. de Barnaoul; 446 kil. q. H reçoit
la Koulounda (200 kil. de long).
KOULOUR. Principauté de l'Inde, au N.-S. du Pendjab,
rive S. du Sutledj ; 388 kil. q. ; 70,000 hab. Capitale
Belaspour.
KO UL P. Bourg de Caucase russe, gouvernement d'Eri-
van, rive gauche du Vastémari-tchaï, affl. dr. de l'Aras, à
1,400 m. d'alt. Mines de sel gemme.
KOUM. Ville de Perse, ch.-l. de district de la province
d'ïrak-Adjemi, à 1,058 m. d'alt., au N.-E. du Koh-roud,
sur l'Annabar; 20,000 hab. Poteries. Tombeau de Fatma
(Fatime) et de nombreux saints musulmans ; pèlerinage très
fréquenté; très prospère au temps des Sofis, ruinée au
xvni*^ siècle, elle s'est relevée au xix®.
KOUMA. Fleuve du Caucase russe, tributaire de la mer
Caspienne; il naît à l'E. du Chogalech, près de l'Elbrouz,
et des sources du Kouban, coule vers le N,-E. entre les
prov. de Kouban et de Térek, puis à TE. en séparant les
prov. de Stavropol et de Térek, se perd dans les steppes
sablonneux; ce n'est qu'au printemps qu'elle roule assez
d'eau pour traverser le chapelet de lagunes qui marque
son cours et atteindre la mer. Elle a 540 kil. de Ions-, et
un bassin de 386,000 kil. q.
K0U1VIA6AYA. Ville du Japon, prov. de Mouzasi, kende
Saïtama, à 40 kil. N.-O. d'Ourava; 4,500 hab. Tribunal
(kens de Gounha et Saïtana).
KGUiVIAIVlOTO. Ville du Japon, île de Kiousiou, ch.-L
de ken, ancienne prov. de Higo, sur le Sira-kava, à 8 kiL
de la mer; 59,081 hab. (en 1893). Vieille forteresse.
Ch.-l. d'une des dix divisions militaires du Japon et siège
d'un tribunal (kens de Koumamoto et Oïta).
KOUIVlANES(V.CuMANEs).
KOUMAOUN ou KEMAOUN. Prov. de l'Inde anglaise,
dans les prov. du N.-O., entre le Népal à TE., et le Garh-
val indépendant ; elle comprend avec le Garhval anglais
29,784 kil. q. et plus de 800,000 hab., dont 15,539 kil.
q. et près de 50,000 hab, pour le Koumaoun propre. C'est
un chaos de montagnes de 1,100 à 7,841 m. d'alt., sauf
dans la zone du Téraï. La seule ville est Almora. La po-
pulation est en majorité hindoue (Khasnas aryens mélan-
- 6-23 -
KOUMAOUN — KOUNAlA
gés de Touraniens) ; les Doms aborigènes sont misérables ;
les Bhotyas, d'origine tibétaine, sont passés à l'hindouisme.
KO U M ARA. Nom de trois rois de la dynastie indienne
{^03 Gouptas (V. ce nom).
KOUMAS (Constantin-Michel), érudit grec, né à Larisse
(Thessalie) en 4777, mort en mai 1836. Il professa au
collège de Smyrne (1809-21) et à Trieste. D'une éru-
dition très étendue, il a écrit une histoire universelle (1826-
:]2, 12 vol.).
KO U M BOUM (ou les Dix mille Images), Monastère ti-
bétain-mongol, près de Lusar, situé au N.-E. du Tibet, dans
la région du Koukou-nor (lac Bleu), élevé en l'honneur du
réformateur Tsong-ka-pa, et abritant 3,000 moines de la
secte du bonnet jaune; remarquable parladorure des tuiles
du toit d'un de ses temples, par la couleur verte de celles
de l'autre et ses murs colorés en vert et en rouge ; mais
surtout célèbre par ses trois santals de 20 à 30 pieds
de haut, dont l'un, celui du milieu, naquit de la chevcluie
de Tsong-ka-pa, lorsqu'il fut tonsuré à Fâge de sept ans,
et porte sur chacune de ses feuilles une image; de là le
nom du monastère : dix mille images. Hue dit avoir vu cet
arbre en 1846 et avoir clairement distingué sur les feuilles
les différentes formes de lettres de l'alphabet tibétain.
M. Rockhill vit le même arbre en févr. 1890; il était, à
ce moment-là, privé de feuilles; mais on dit au voyageur
que sur chacune d'elles se voyait l'image de Tsong-ka-]!a.
L'image avait donc changé depuis 1846; ce changement
était déjà effectué en 1879 lors de la visite du lieutenant
Kreitner. L. Feer.
BiRL. : HuG^ Souvenirs d'un voyage dans la Tarlarie cl
au Thibet^ vol. II, chap.m. ~ W. Woodville Rockhill,
TheLandofthe Lamas; Londres, 1891.
KOUMIS. Le koumis est du lait de jument fermente.
On sait que le lait de jument se rapproche beaucoup plus
du lait de femme que le lait de vache ; s'il est plus pauvre
que ce dernier en graisse, il est également, en effet, beau-
coup plus pauvre encore en caséine, ce qui est un avantage
au point de vue de l'assiuiilation. Les Kirghis nomades qui
utdisent le koumis donnent des soins spéciaux à leurs
juments laitières, la nourriture doit être choisie, et il est
très utile, entre autres, de leur distribuer une grande quant'tô
de sel. Pour préparer le koumis, des Kirghis versent le lait
dans des outres en peau de cheval fumée (sabas), ou
dans de grands baquets analogues à des barattes. Pour ache-
ver la fermentation, on ajoute au lait une série de substances
bizarres: mélange de miel et de farine, tendon ou peau de
cheval, vieilles monnaies couvertes de vert-de-gris, etc.
Parmi les procédés les plus scientifiques, il sutiira d'en
citer un : Le docteur Postnikov mélange 225 gr. de farine
de millet avec 115 gr. de malt et une quantité suffisanle
de miel pour former une pâte, qui est mise au four; quand
cette pâte commence à lever, on Fenlève, on Fenveloppo
de mousseline et on la plonge dans une terrine contenant
1 litre de lait frais de jnment, à la même température (jue
la pâte. Dès que la fermentation se manifeste dans le
liquide, on retire la pâte, et le lait, après avoir été battu,
est laissé en repos jusqu'à l'apparition des bulles annonçant
que le ferment est prêt (V. Fermentation).
On peut conserver du ferment en faisant sécher un peu
de lait coagulé (caséo-albumine).ïl suffit d'ajouter 225 gr.
de cette levure sèche à un litre de lait de jument frais pour
obtenir une fermentation abondante, et une fois que l'on a
obtenu ce nouveau koumis, il suffit d'ajouter une pe-
tite quantité au lait frais pour l'ensemencer. Suivant la
durée de la fermentation et des conditions qui la fa-
vorisent ou la retardent, on obtient un koumis faible,
moyen ou fort, le premier contenant à peine 1 <>/o d'al-
cool, alors que le koumis fort peut renfermer 3 et môme
4 °/o d'alcool. Le koumis « fort » est produit par l'agitation
assidue du lait pendant plus de quarante-huit heures. Moins
épais que le koumis « moyen » et même aqueux, il contient
une plus grande proportion d'alcool et d'acide carbonique;
il est beaucoup plus acide et plus piquant au palais. C'est le
seul qu'on puisse garder aussi longtemps qu'on le veut sans
subir de changement sérieux. « Lorsqu'il est en bouteille,
il se divise en trois couches qui, conformément à leur
gravité spécifique respective, se composent : par en haut
des parties huileuses, au milieu des parties séreuses conte-
nant du sel en dissolution et en bas de caséine. Après un
certain laps de temps, variant suivant la température, tout
le sucre laiteux passe à l'état d'acide lactique, d'alcool et
d'acide carbonique et la fermentation cesse. »
Aussi ayant de boire du koumis « fort », il est indispen-
sable d'agiter soigneusement la bouteille, de façon à bien
mélanger les parties grasses, séreuses et caséeuses. Le
liquide ainsi obtenu est blanc, d'un goût douceâtre et légè-
rement acide, rappelant le lait caillé ; en somme peu agréable
pour ceux qui ne sont pas habitués au vin des Tatares.
En France, oti l'usage du koumis a été introduit ré-
cemment, on obtient un lait fermenté en mélangeant deux
parties de lait d'ànesse avec une partie de lait de vache et
Fon ajoute de la levure {Saccharomijces levevisiœ).\\diit{Q
conseillé dans les affections gastriques, cardiaques, dans
toutes les maladies débilitantes. Bu à la dose de deux à
huit verres (en comptant trois verres à la bouteille de Cham-
pagne), il produit, suivant le docteur Bogoyavlensky, au
creux de l'estomac, une sensation de froid à laquelle suc-
cède bientôt un degré correspondant de chaleur, et cause
une certaine impression. Les pulsations cardiaques aug-
mentent d'amplitude et de fréquence. En résumé, le koumis
agit surtout par l'alcool qu'il contient, mais il présente cet
avantage, sur les autres boissons alcooliques, d'être à la fois
un stimulant et un aliment réel. D'' P. Langlojs.
KOUM-OIVIBO. Nom actuel de l'emplacement de la ville
d'Ombos (V. ce mot),
KOUWIYK ou KOUMOUKH. Peuple du Caucase, dans la
prov. de Daghestan, cantonné le long de la côte de la mer
Caspienne, depuis le fleuve Terek jusqu'à la rivière Roubaz-
Tchaï (au N. de Derbent). M. Erckert estimait en 1831
leur nombre à 83,000 individus. Leur type physique rap-
pelle celui des Tatares d'Astrakhan ; cependant, "dans beau-
coup de cas, on constate le mélange de traits sémitiques
(Chantre). Leur tête est globuleuse (indice céphalique mo-
yen : 84,7). C'est un peuple inculte ; il ne s'occupe que de
ses troupeaux ou de la pèche ; l'agriculture commence à
peine à s'introduire dans le pays. Les origines des Koumyks
ne sont point connues. On stippose qu'ils descendent des
Khazares plus ou moins mélangés aux Kalmouks, aux Ader-
beidjani et aux Tatares-Nogaï. On confond souvent et à tort
les Koumyks avec ces derniers, dans les descriptions et même
dans les statistiques des peuples du Caucase. Le pays plat
et montagneux, habité par les Koumyks, couvre presque
exactement le district de Khasaf-Yourth. J. Denikeh.
KOUNÂLA, prince indien, fils d'Asoka, ainsi appelé à
cause de ses beaux yeux qui ressemblaient à ceux de Foi-
seau de ce nom (le coucou) et qui allumèrent une passion
violente dans le cœur de Tichya-rakchitâ, une des femmes
du roi. Kounâla n'ayant pas répondu à ses avances, elle
résolut sa perte, et profita, pour exercer sa vengeance, du
souverain pouvoir qu'Asoka lui avait laissé pour une se-
maine, en reconnaissance de ce qu'elle l'avait guéri d'une
affreuse maladie. Kounâla se trouvant à Takchasilâ(Taxile),
où il s'était rendu pour réprimer une émeute, elle expédia
un ordre scellé du sceau royal et prescrivant aux habitants
de cette ville d'arracher les deux yeux de Kounâla. On hé-
sitait à exécuter un tel ordre; mais Kounâla lui-même se
soumit à ce qu'il croyait être la volonté de son père et en
exigea l'exécution. Il subit le supplice avec un héroïsme et
une patience admirables. Devenu aveugle et allant de lieu
en lieu, conduit par sa femme et jouant de la vinâ pour
mendier son pain, il arriva sous les fenêtres du palais du
roi qui l'entendit et demanda des explications. Asoka fut
transporté de colère; Kounâla intercéda pour la femme
qui Pavait fait mettre en cet état. Mais Asoka fit périr
Tichya-rakchitâ dans les tourments et fit massacrer les
habitants de Takchasilâ. L. Feer.
KOUNALA - KOURAKINE
624 —
BiBL. : Eugène Burnouf, Introd. à Vhisioire du Bud-
dhisme indien. — Barthélemy-Saint-Hilaire, le Boud-
dha et sa religion.
KOUNAMA ou BAZEN. Tribu de Nubie, prov. de Kas-
sala, sur le Mareb et le Tacazzé; 150,000 hab. sur
46,000 kil. q. De race Changaila, ils résistent à la fois
aux musulmans nomades du Nord et Abyssins du Sud. Agri-
culteurs infatigables, ils ne sont pas groupés en villages ;
ils n'ont pas de gouvernement central ; ils se forment en
bandes pour la guerre et les razzias. Ils ne sont ni chrétiens,
sauf à la frontière S., ni musulmans, sauf à la frontière
N., mais paraissent fétichistes.
KOUNAR. Rivière du bassin de l'Indus, affluent du Co-
phès ou rivière de Caboul, qui porte successivement le nom
des trois villes de Mastoudjy de Tchitral, de Kounar et
finit en aval de Djelalabad, après avoir reçu le Kattar, ri-
^ière du Kafiristan. C'est un torrent très violent de 700
kil. de long, aux eaux abondantes.
KOUNASIRI. La plus méridionale des îles Kouriles
(V. ce mot) ; 1,994 kil. q. ; 110 kil. de long du N.-E. au
S.-E., séparée d'Yéso par un détroit de 20 à 30 kil.
KOUNDIAN. Ville du Soudan français, près de la rive
gauche du Rafing, à 70 kil. S. de Rafoulabé; forteresse
londée par El Hadj Omar.
KOUNDJARA, KONDJARAouGANDJARA. Un des trois
peuples de la race For dans le Dar-for et le Kordofan
(V. ces mots). Ce sont des hommes de taille moyenne, à
peau olivâtre, intermédiaires entre les nègres et les Ra-
rabra de Nubie.
KOUNDOU. Fort du Soudan français, à 114 kil. E. de
Kita, sur la route de Ramakou, r. g. du Raoulé (branche
du Bakhoy).
KOUNDOUZ. Ville du Turkestan afghan, ch.-l. d'une
principauté euzbeg, vassale de l'Afghanistan, sur l'Ak-
seraï ou riv. de Koundouz, affl. de l'Amou-daria, C'est
une assez misérable bourgade, très malsaine, sur la route
de Ralkh à Faïzabad. La principauté, dite aussi Kataghan,
s'étend de l'Amou-daria à l'Hindou-kouch, entre le Radak-
chan à l'E. et le pays de Ralkh è l'O. ; c'est un pays
plat, peuplé de Tadjiks sédentaires et Euzbegs, pasteurs
nomades. Le prince descend du chef euzbeg Mourad.
K0UN60UR. Ville de Russie, ch.-l. de district du
gouv. de Perm, au confluent de Flren et de la Sylva
(sous-affluent de la Kama). Tannerie, cordonnerie, maro-
quinerie, fonderies de fer, serrurerie, fabrication de ma-
chines à vapeur. Grande foire le 9® vendredi après
Pâques. — Le district a 14,000 kil. q., les deux tiers
boisés.
KOUNGRAD. Ville forte du khanat de Khiva, sur le
Taldyk, bras occidental du delta de l'Amou-daria, à
1d kil. S. de la mer d'Aral ; tète de la route vers la
Caspienne (baie Mortvig-Koultouk).
KOUNHIAR. Principauté de l'Inde (Pendjab), près de
Rhagal; 12 kil. q.
KOUNIAKARI. Ville du Kaarta, à 50 kil. E. de Médine,
sur le Tarakolé, affl. dr. du Sénégal. Ce fut une des
places principales des Toucouleurs de Ségo.
KOUNOUR. Ville de l'Inde anglaise, présidence de
Madras, au S.-E. du plateau des Nilgherries dont c'est
une des principales stations sanitaires pour les Euro-
péens.
K0UN-TCHAN6. Ville de Chine, prov. de Kansou,
ch.-l. de dép. sur le Hoei-ho, affl. dr. du Hoang-ho;
5O,0CO hab. Entourée d'un mur formidable, elle a été dé-
truite lors de l'insurrection musulmane.
KO U NID ou KOUTNO. Triple lac de Russie, gouverne-
ment d'Askhangelsk, formé par le Kern. Ces trois nappes
d'eau ont respectivement 291, 493 et 237 kil. q.
KOUNTSEVITCH (V. Kuncewicz).
KOUNVL Rivière àeVInde (V. ce mot, t. XX, p. 672).
KOUO-TSE-l, général chinois qui vécut de 697 à 781
ap. J.-C, Il parvint à réprimer dans les dernières années
de l'empereur Hiuen-tsong (713-755) une insurrection qui
avait gagné plusieurs provinces et menaçait la capitale. II
mourut à l'âge de quatre-vingt-quatre ans comblé d'hon-
neurs et de richesses et laissant une nombreuse postérité;
suivant une tradition populaire, le bonheur dont il ne cessa
de jouir pendant sa longue existence lui était assuré par
la protection toute spéciale de la déesse stellaire appelée
la Tisserande. Quelques missionnaires catholiques ont sou-
tenu que Kouo Tse-i était chrétien ; mais il ne semble pas
qu'on puisse tirer une'^pareille conclusion du curieux pas-
sage de l'inscription de Si-ngan-fuu oii il est dit que
Kouo Tse-i fut accompagné dans son expédition contre les
barbares du Nord-Ouest par le religieux bouddhique (?) I-se,
lequel était lui-même un bienfaiteur des chrétiens.
BiBL. : Mémoires concernant les Chinois, t. V, pp. 405-
416.— Pauthier, VInscription syro-chinoise de Si-ngan-
fou, pp. 31 et 65. — A. Wylic, Journal of the A7nmnco,n
Oriental Society^ vol. V, p. 306.
KOUPA (V.KouHPA).
KO U PAN G. Ville de l'île de Timor, ch.-l. delà colonie
néerlandaise, au S.-O. de l'île, sur une baie qui est le meil-
leur port de ces parages (pendant les neuf mois où souffle
leventd'E.).
KOUPÉLIAN (V. Hassoun [Pierre]).
KOUPIANSK. Ville de Russie, ch.-l. de district de gou-
vernement de Khaskov, sur rOskol(affl. g. du Donetz);
3,500 hab. Le district a 7,000 kil. q., dont les deux tiers
labourés. Il renferme huit haras.
KOUR (géorgien Mtkuari, arménien Gour, turc Arda-
gan, Cyrus ou Kouros des anciens). Fleuve du Caucase
russe qui descend de l'O. du Kyzyr-dagh, à 30 kil. N. de
Kars, s'unit à d'autres torrents dans un fond marécageux
où fut un lac, en sort par le défilé d'Ardagan, descend vers
le N. par des rapides entre les monts frialetes à l'E. et
Derendara à l'O., tourne au N.-E., puis à FE. après Sou-
rani ; passe à Gori, reçoit du Caucase le Liachna, puis le
Ksan à Mlzkhéta, l'Aragna, fait un coude au S. et passe à
Tiflis, entre en plaine, longeant le plateau de Karagaz,
devient navigable au confluent de FAlazan, arrose une plaine
marécageuse où le rejoint l'Aras, aftluent plus important
que lui, contourne au N.-E. le steppe de Mougan, redes-
cend au S. vers la mer; il finit par un vaste delta dont la
branche de gauche (Akoucha) se subdivise en nombreux
canaux. 11 a 144 m. de large, 22 de profondeur à la fourche
du delta, roule aux eaux moyennes 676 m. c. ; il a une
longueur de 1,050 kil. dont 743 navigables. Les pêcheries
d'esturgeon ont une grande importance dans le delta. Le
centre est à Saliany. ^ A.-M. R.
KOUR ou BAND-ÉMIR (Cî/ri^5 des anciens). Rivière
de Perse, prov. de Farsistan, qui descend vers le S.-E.,
reçoit le Polvar et finit dans le lac Niris (Rakhtegan).
KO U RAI. Ville de l'Inde, prov. centrales (Djabalpour),
dans les monts Vindhyas,à51 kil. N.-E. de Sagar; 5,000
hab. Reaux temples hindous.
KOURAIBEH. Rourg de la vallée deDoan, dans l'Arable
méridionale. On ne possède aucun renseignement précis sur
celte localité qui n'a été visitée qu'une seule fois par un
Européen, de Wrede, en 1843.
KOURAÏDIEH. Ville d'Arabie, sur l'oiiadi Doan, l'une
dos principales de l'Hadramaut ; visitée par de Wrede
(1843).
KOURAKINE. Grande famille russe qui doit son nom
au prince Alexandre Kouraki et descend de Gedymin
(V. ce nom). Ses principaux représentants ont été : le
prince luan-Séménovitch, qui joua un rôle considérable
dans la période des troubles, contribua à renverser le faux
Dmitri et devint voiévode (gouverneur) deTobolsk. — Fé-
dor-Fédorovitck ïut gouverneur du prince Fédor-Alexiéié-
vitch, frère de Pierre le Grand et voiévode de Moscou. Il
mourut en 1680. — Boris-Ivanovitck, né en 1671, mort
en 1727, fut un des collaborateurs les plus remarquables
de Pierre le Grand dont il était le beau-frère par son ma-
riage avec Aksina Lapoukhine. R prit part à la bataille de
Poltava et fut tour à tour ambassadeur à Londres, à
Hanovre, à La Haye et enfin à Paris. Il prit part aux con-
'— 625 —
KOURAKINE — KOURDES
grès d'Utrechl et de Brunswick. Saint-Simon parle de lui
dans ses Mémoires : « Il parlait assez bien français et plu-
sieurs autres langues... Il ne laissait pas de sentir encore
le russe, et l'extrême avarice gâtait fort ses talents. »
— Alexandre-Borisovitch Ivourakine, né en 1752, mort
à Weimar en 1818, fit son éducation avec Paul P% qui le
prit en affection et devenu empereur lui confia la direction
des affaires étrangères. Alexandre I®^ le maintint dans ce
poste. Il conclut avec Napoléon le traité de Tilsit et devint
ambassadeur extraordinaire auprès des cours de Vienne
(4806-08) et de Paris (1808-12). Il devint ensuite séna-
teur et membre du conseil de l'Empire. Il fut grièvement
blessé lors de l'incendie qui éclata au bal du prince Schwar-
zenberg (1810). L. L.
BiBL. : Vandal, Alexandre !«*■ et Napoléon.
KOURAM ou KOUROUIVI. Rivière de TAfghanistan,
afïl. g. de rindus ; descendant du Chontar Gardan vers TE,,
puis vers le S. -E. et le S., longeant les monts Safid-koh
et creusant le célèbre défilé de Kouram par lequel elle
entre dans la vallée du fleuve, elle a 250 kil. de long.
KOURAMA ou KOURAMINTSI. Nom que l'on donne
dans le Turkestan russe à la population d'origine mixte
qui liabite le district de Taclikent, surtout dans les vallées
du Tchirtchik et de l'Angren. On estimait le nombre de
ces Kourama à 88,000 en 1889. Ce sont pour la plupart
des Kirghiz, qui ont changé leur vie de nomade contre celle
d'agriculteur et se sont mélangés aux Sartes et aux Euz-
begs. Ils parlent un dialecte du turc oriental. J. D.
KOU RAMO. Ile de la Côte des Esclaves, entre le golfe de
Guinée et la lagune de l'Ogoun; 80 kil. de long sur 8 à
10 kil. de large; à TO. est la ville de Lagos.
KOURARA. Ville de l'Inde, prov. d'Allahabad, r. dr. de
la Djemna; 5,000 hab. Teinturerie, commerce de blé, de
coton, etc.
KOURBA. Village de la Tunisie, à 70 kil. S.-E. de
Tunis, près de la mer, sur une colline dominant une petite
sebkha. Des ruines romaines assez importantes, aqueduc,
citernes, débris de jetées et de quais, paraissent être celles
de l'ancienne Julia Curuhis.
KOURCHID Pâcha (V. Guyon [Richard Debâufbe]).
KOURDES. Peuple montagnard de l'Asie antérieure
(V. Asie, t. IV, p. 123), établi surtout à l'O. de l'Iran, dans
les montagnes du bassin moyen du Tigre et de l'Euphrate.
Le Kourdistan s'étend de la prov. perse de Louristan, à,
^Kharpout, au confluent des deux branches de l'Euphrate
sur une longueur de 900 kil. du N,-E. au S.-O. et une
largeur de 100 à 200 kil., entre 34*^ et 39« lat. N., 37<>
et 46*^ long. E. Les Kourdes ont d'ailleurs essaimé dans la
Perse et l'Asie Mineure où Ton trouve de nombreuses tribus
de cette race. On évalue leur nombre de 1,800,000 à
3 millions ; les deux tiers environ dans le Kourdistan turc,
le tiers dans le Kourdistan perse, quelques milliers dans la
Caucasie russe, l'Afghanistan et le Béloutcliistan. Le Kour-
distan ne correspond pas à une division politique précise ;
il embrasse une partie de l'ancienne Médie, de l'ancienne
Assyrie^et du S. de l'Arménie. Il est divisé entre les vilayets
turcs d'Erzeroum, Diarbékir, Mossoul et Bagdad, les prov.
perses de Kermanchah et Ardélan. Les principales vallées
sont celles du Tigre et de ses affluents, le Batman-tchaï,
de la rivière de Bitlis, des deux Zab, de l'Adhem et du
Chirvan ; le massif du Zagros et le bassin du lac de Van
sont comme la citadelle de ces populations belliqueuses.
Les Kourdes habitent ces contrées de temps immémorial ;
sous le nom de Gardu ils figurent parmi les adversaires
des Assyriens; sous celui de Koudraha, dans les documents
perses ; sous ceux de Carduques et Gordyéens^ les Grecs
les ont connus et ils furent les plus redoutables ennemis
de Xénophon dans la retraite des Dix Mille. Ils ne sont
jamais entrés complètement dans la sujétion des grandes
monarchies de l'Iran ou de la Mésopotamie ; ces monta-
gnards indociles et pillards furent toujours à peu près indé-
pendants sous leurs chefs. Dans la grande anarchie de la
dissolution du khalifat, ils fondèrent des principautés qui
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
eurent leurs jours de splendeur : Mérouanides, Ayoubites ;
Salah-ed-din était un Kourde ayoubite. Depuis le xvi« siècle
ils sont partagés entre la Perse et la Turquie.
Le noyau des montagnards kourdes se divise en deux
classes ou castes : les Assireta^ pasteurs guerriers qui vivent
sous la tente du produit de leurs troupeaux, du butin des
razzias et de la solde gagnée comme mercenaires ; les Gou-
rân, agriculteurs sédentaires. Les premiers sont les moins
nombreux, mais exercent la domination sur les autres
qu'ils oppriment. L'agriculteur a, dit Rich, un type doux,
à traits réguliers, souvent presque grecs, les cheveux noirs
ou bruns; le guerrier aurait plus souvent les yeux clairs,
bleus ou gris, des traits durs, front proéminent, yeux pe-
tits, enfoncés sous les arcades, regard fixe. Rawlinson
juge ces antithèses exagérées : les Kourdes seraient séden-
taires et agriculteurs dans les montagnes à climat trop
rude, et préféreraient la vie pastorale et nomade dans la
Mésopotamie. Il semble, en tout cas, que les deux classes
n'offrent pas de différences physiques assez profondes pour
douter de leur unité ethnique et légitimer l'opinion que les
Gourân seraient une race conquise et asservie par les
Assireta. On ne s'entend pas non plus sur la proportion
de blonds; le D"^ Solak a vu en Perse beaucoup de Kourdes
présentant le type germanique ; Chantre n'a trouvé que
3 vrais blonds sur 158; il les décrit brachycéphales, à nez
aquilin ou crochu, yeux marron foncé, cheveux et mous-
tache châtain foncé, de taille haute, bien musclés, les extré-
mités fines. En général, les vieillards seuls portent la
barbe; les autres se rasent la tête et ne gardent que la
moustache. Beaucoup se teignent les cheveux et la barbe
en noir ou en rouge, passent un anneau d'or dans le nez
des femmes. Ils ont subi l'influence de nombreux croise-
ments, en particulier avec les Turcs, mais ont conservé
leur type primitif. Leur vêtement se compose : d'un cale-
çon blanc (chalvar)^ d'une tunique serrée par la ceinture
et d'un large caftan brun ou blanc {autari) boutonné au
cou. Là-dessus ils revêtent volontiers un manteau rouge.
Ils ont le goût des étoffes luxueuses, bariolées, à couleurs
éclatantes, des hauts turbans ; ils portent une quantité
d'armes : pistolets, couteaux, yatagans à la ceinture, fusil
en bandoulière, lance, etc. Les tribus (khoïl) sont très
nombreuses, et leur importance relative varie selon les
temps. Les principales sont : les Revandiz, entre le Grand
Zab et le lac d'Ourmiah, avec la famille gouvernante des
Sorân ; les Ilakkari, sur le Grand Zab, autour de Djoulamesk ;
les Bilbas ou Balbas,à LE. des Revandiz, sur la frontière;
les Khosnav, auprès d'eux ; les Bohtan, à l'E. du Tigre, au
N. du Grand Zab; les Behdinan, entre ceux-ci et Mossoul,
la plus honorée des tribus parce qu'elle prétend descendre
des khalifes ; les Djaf, dans les provinces perses d'Ardélan
et Kermanchah, très braves, mais incultes; les Bebbeh et
les Kermandj, voisins de ceux-ci; les Djellali, à l'E. de
Bayezid ; lesMikris,au S. du lac d'Ourmiah; lesAschita,
entre Mossoul et Mardin (Mésopotamie du N.). Il faudrait
y ajouter les Loures ou Louri qui sont de même race, mais
ceux-ci forment un groupe distinct qui récuse cette pa-
renté. Nous laissons de côté les colonies kourdes du Ma-
zendéran, du Khoraçan, de l'Asie Mineure, même celle de
l'Haïmaneh (près d'Angora) étudiée par M. Perrot, etc.
Les Kourdes appartiennent à la race indo-européenne ou
aryenne, c.-à-d. à la famille de peuples qui parlent les
langues indo-européennes. La leur est du groupe iranien,
très voisine du persan moderne, surtout chez les Gourân.
Ils ont emprunté aux Persans leur littérature et leur alpha-
bet arabe. Dans les districts de la frontière, leurs dialectes
sont mélangés d'une foule de mots turcs, arabes, syriens, etc.
Les mœurs des Kourdes sont bien connues ; nul peuple
n'a poussé plus loin le brigandage. C'est aux yeux de leurs
chefs la plus noble occupation ; leur situation à la frontière
de deux et même de trois Etats leur facilite les razzias par
la certitude d'échapper à une poursuite trop acharnée en
passant la frontière. Ils terrorisent les Arméniens, perpé-
tuellement exposés à ces pillages, enlèvements de bestiaux,
40
KOURDES — KOURILES
— 6%
d'enfants, de femmes. Ils ne tuent pas sans nécessité. Ils
pratiquent la vendetta avec passion. Les sentiments de fa-
mille sont très développés. Les Kourdes sont sincères, hon-
nêtes et hospitaliers. Les femmes ont une condition très
dure ; elles sont plus libres qu'en Turquie ou en Perse,
sortant sans voile, mais elles sont accablées de travail. On
les marie de dix à douze ans ; la polygamie n'existe que
chez les riches. Les chefs, très respectés, tiennent table
ouverte. L'organisation politique est patriarcale et despo-
tique. Ils sont très fiers de leur noblesse et s'entourent
d'une véritable cour. Le brigandage ne suffit pas à faire
vivre dans ces âpres montagnes une population qui tend à
augmenter ; aussi émigre-t-elle par bandes qui vont s'éta-
blir dans un des pays voisins sous leurs tentes noires en
poils de chèvre, avec leurs bestiaux. Ils cultivent un peu
la terre, mais il n'y a que les Gourân du bassin du Tigre et
de la plaine persane qui récoltent des céréales en grande
quantité. Pour tous les autres, la richesse est le bétail. Ils
vont le vendre jusqu'à Constantinople. Ils lancent chaque
année plus de 1,000 kélek (V. ce mot) sur le Tigre et
l'Euphrate ; ces radeaux de peaux cousues sont pareils à
ceux d'il y a vingt-cinq siècles, de même que les autres
traits de la physionomie du pays et de ses habitants. La
religion a changé cependant. Sans doute, la plupart des
400,000 Kizilbach, héritiers plus ou moins avoués du maz-
déisme, sont Kourdes ; de même les 50,000 Yezidi(Y. ce
mot) ou adorateurs du diable. Mais le gros de la nation, si
l'on excepte encore 200,000 nestoriens entre les lacs d'Our-
miah et de Van, près de Djoulameck, et quelques chrétiens
chaldéens (Khaldani) autour d'El-Koch (entre Djoulameck
et Mossoul, la plupart des Kourdes sont musulmans. La
majorité sont sunnites, du rite chafUe ; néanmoins, ils
détestent les Turcs autant que les Persans chiites. Ils ont
gardé leurs anciennes superstitions, et leur religion se borne
à dire cinq fois par jour leur prière avec force génuflexions.
Les Kourdes adorent la musique et la danse ; ils chantent
en s'accompagnant de la flûte ; leur danse nationale est le
tchopi, danse tournée avec balancement du corps et en frap-
pant fortement du pied au son des tambours. A.-M. B.
BiBL. : RiGH, Narrative of a résidence in Koordistan ;
Londres, 1836, 2 vol. — Fraser, Travels in Koordistan^
Mesopotamia, etc., 1840, 2 vol. — Rawlinson, Notes on
a march through the prov. of Luristan io Kermanchah^
dans Journ. roy. geogr.Soc.y t. VIH. — Du môme, au t. X,
Notes on a journey from Tabriz through Persian Kurdis-
tan. — Rœdiger et PoTT, Kurdische Studien, dans Zeit-
schrift fur hundedes Morgenlands, t. III à VII. — Lerch,
Forschungen ûber die Kurden ; Saint-Pétersbourg, 1857-
58, 2 vol. — D" Blau (consul à Trébizonde), art. dans Zt,
der deutschen Morgenlœndischen Gesellschaft, 1858, t. XII;
1862, t. XVI. — ScHLyEFJLi, Beitrœge zut Ethnographie
Kurdistans, dans Mitt. de Petermann, 1863. — Taylor
(consul à Erzeroum), dans Journ. of roy. geogr. Soc,
t. XXXV et t. XXXVIII. — Perrot, Les Kurdes de l'Haï-
maneh^ dans Revue des Deux Mondes, fév. 1865. — Clé-
ment, Excursion dans le Kurdistan, dans Globe (journ.
çéogr.) ; Genève, 1866. — Charmoy, le Ohôref-Nameh,
fastes de la nation kurde (trad. du persan et commenté) ;
Saint-Pétersbourg, 1868. — Chantre, Recueil de notices
et récits kourdes ; Saint-Pétersbourg, 1860. — Du môme,
Dict. kurde- français., publié par Justi, 1879 ; Saint-Péters-
oourg, 1879. — Chaintre, Exploration dans le Kurdistan
et l'Arménie, au Congrès des Soc. franc, de géogr. ; Lyon,
1881, pp. 209-217. — Du môme, les Caractères ethniques
des Anshariés et des Kurdes, dans Bull. Soc. anthrop. de
Lyon, 1882, 1. 1. — Pughstein, Reise in Kurdistan^ dans
Rapp. Ac. se. Berlin., 1883.
KOURDISTAN(V. Kourdes).
KOUREIKA. Riv. de Sibérie, gom, d'Eniséisk, affl. dr.
de l'Eniséi; 650 kil. de long; il coule vers l'O. et finit
en aval de Touroukhansk.
KOURES (Peuple) (V. Courlânde).
KOU R6. Prov. de l'Inde anglaise, isolée de la présidence
de Madras, entre la Cavéri à FE., les Gliates occidentales
au S. et à FO.; 4,084 kil. q.; 173,055 hab. Ce pays de
montagnes fut enlevé par les Kodagoiis ou Kourgs (vers le
vi<^ siècle ap. J.-C.) à des occupants antérieurs disparus qui
avaient élevé de formidables murailles dont beaucoup sub-
sistent (longueur totale, J80 kil.). Les Kodagous sont des
Dravidiens de haute taille ; ils ont été longtemps polyandres ;
jusqu'au xvi^ siècle, ils formaient une confédération de douze
cantons sous des chefs élus (nayak). Les Anglais les ont an-
nexés en 1834.
KOURGAN. Ville de Sibérie, ch.-l. de cercle du gouv.
de Tobolsk, sur le Tobol; 10,000 hab. Foire du 21 au
28 déc. — Le cercle a 24,358 kil. q. ; il est très maré-
cageux.
KOURGANE (Ethnogr.).Ondonne cenom dekourgane,
simple transcription d'un mot russe, aux tumulus qui cou-
vrent en grand nombre les plaines depuis la vallée du
Dniepr jusqu'à celles de la Volga, de la Kama et de l'Oural,
depuis Saint-Pétersbourg jusqu'à la mer Noire et la Cas-
pienne. Ces tumulus représentent, suivant les régions, des
époques et des peuples assez différents. Ceux des rives de
la mer Noire et de la rive droite du Dniepr remontent
pour la plupart à diverses époques, pour la plupart ancien-
nes, la civilisation ayant pénétré plutôt dans cette région.
Ceux du N. de la Caspienne sont encore intacts. Les mieux
étudiés sont ceux des gouvernements de Perm, de Moscou
et de Saint-Pétersbourg, fouillés en très grand nombre.
Et lorsque nous parlons du peuple des Kourganes,il s'agit
évidemment de celui qui a élevé les tumulus de la Russie
centrale, surtout ceux de Moscou et de Saint-Pétersbourg.
Ce peuple qui a joui d'une civihsation empreinte surtout
d'influences orientales, notamment persanes, tout en ayant
les mêmes caractères anatomiques essentiels que les au-
teurs de tumulus d'autres régions, bien plus anciens,
appartient à notre époque. Ses dernières sépultures ne
remontent pas au delà du xiii^ siècle de notre ère. Il a été
submergé sous les flots des invasions mongohques et
dominé ensuite par la conquête Scandinave et slave (V. Fin-
nois). Zaborowski.
KOURGAN-OULEN ou OULAN-NOR. Lac salé de Mon-
golie, au N. des monts Courban-Saikhat ; il reçoit du N.
l'Onghùn-gol, rivière de 250 kil., près des sources de la-
quelle est Karakoroum.
KOURIATEÏN. Groupe de deux fles, sur la côte de Tu-
nisie, en face du port de Monastir, qu'elles abritent un
peu de la houle du large. La plus petite est à 7 kil. de la
terre; la plus grande, celle que les Arabes nomment Kou-
riat spécialement, est à 11 kil. On y a étabH une madrague
pour la pêche du thon et un phare.
KOURILES (Iles) (japonais Tsisima). Archipel volca-
nique dépendant du Japon, qui s'étend au N. de l'île
d'Yéso jusqu'au Kamtchatka; c'est une chaîne de seize îles
et de quelques îlots, formant une sorte de barrière entre *
FOcéan et la mer d'Okhotsk; elles forment une ligne
courbe convexe vers FE., de 1,200 kil. de long. Elles ont
ensemble 14,824 kil. q. On distingue les quatre lies mé-
ridionales sous le nom de Grandes Kouriles. Voici du S.
au N. la liste des îles et des huit principaux îlots avec
l'indication de leur superficie en kil. q. :
Kounasir. . . . . .
. 1.548
Raikok
iii
Sikotan
391
Mousir
18
Itoroup
. 6.725
Siaskotan
179
Ouroup
. 1.511
Ekarma
33
Brat Sirnoï. . . .
14
Sirinkotan ....
7
Sirnoï
10
9
Karimkotan . . .
Onékotan
122
Makanrourou. . .
521
Simousir
414
Makanrousi . . .
65
Kétoï
61
Sirinki
6
Ousisir
7
Paramousir . . .
. 2.479
Rasona
64
65
Alaïd
92
Matoua
Sourasou
467
Entre Kounasir (longue de 110 kil.) et Yéso, le détroit
de Yéso n'a que 9 m. de profondeur; entre Kounasir et
Itoroup, le canal Pico ou Catherine en a 82 et 27 kil. de
large ; entre Itoroup (longue de 225 kil.) et Ouroup est
le détroit de Vries ; au N. d'Ouroup, le canal delà Bous-
sole, large de plus de 100 kil., sépare le groupe des
Grandes Kouriles du reste de la chaîne insulaire. Dans
celle-ci, les îles sont assez espacées, sauf les dernières ;
t^aramousir n*est séparé de Soumsou que par un étroit
chenal, et le détroit des Kouriles, entre Soumsou et le cap
Lopatka, au S. du Kamtchatka, n'a que 43 ML de large et
18 m. de profondeur. Les îles Kouriles forment une partie
de la chaîne de feu, la chaîne volcanique qui entoure
l'océan Pacifique; entre la mer d'Okhotsk, peu profonde,
et l'Océan qui atteint à peu de distance ses plus grandes
profondeurs (8,518 m.), elles constituent une véritable
jetée naturelle. On y a compté 52 volcans dont 13 actifs ;
celui d'Alaïd atteint 3,300 m. ; Kounasir a un cône de
2,254 m., le pic Saint-Antoine; Matoua en renferme un
de 1,377 m.; Onekotan a trois cratères. L'aspect de ces
îles est sinistre; elles sont noires, souvent surmontées
d'un panache de fumée, sans végétation, sauf le long du
rivage, presque toujours enveloppées d'épais brouillards ;
dans les détroits qui les séparent, de violents courants
venant de la mer d'Okhotsk rendent les communications
difficiles. Au N. d'Ouroup, elles sont revêtues de neiges
qui ne fondent guère même en été* Les Grandes Kouriles
ont des arbres, bouleaux, peupliers, saules, petits chênes
et même bambous à tige marbrée (à Sikotan), La faune
parait venir d'Yéso et s'appauvrit à mesure qu'on avance
vers le S. ; l'ours n'existe que dans les Grandes Kouriles ;
le renard dans toute la chaîne; les castors et les loutres
marines tendent à disparaître ; les phoques, morses et
lamentins sont nombreux.
La population de l'archipel est d'environ 500 hab. de
race aino. Ils se logent dans des fosses creusées en terre
et recouvertes de gazon ; elles ont en moyenne 7 m. sur 5
et environ 1 m. de profondeur. Le ch.-l. administratif est
Tomari, au S. de Kounasir.
Le premier explorateur européen des Kouriles fut le
Hollandais Gérard de Vries (1643) qui appela Staaten
Eiland et Companie Lant les deux îles méridionales. Les
chasseurs de pelleteries russes y abordèrent vers 1654.
Les Russes en prirent possession en 1711 et les étudièrent
à plusieurs reprises. La carte complète fut donnée par
Golovnin (1805). Jusqu'à 1875, elles appartenaient à la
Russie, à l'exception de Kounasir, Sikotan et Itoroup dé-
pendant du Japon ; un traité de 1855 avait précisé la
limite. En 1875, la Russie les céda au Japon en échange
do la moitié méridionale de Sakhalin. Elles sont rattachées
au Hok-kaïdo avec Yéso. A. -M. B.
BiBL. : Pallas, iVeite nordische Deitrœge, 1783, t. IV,
pp. 112-142. — Madinier, Description des îles Kouriles^
dans Ann. marit, et col, août 1856.
KO U RI IVl. Ville de Bohême, à l'E. de Prague. Elle adhéra
aux doctrines hussites, fut très florissante au xvi® siècle
et tomba en décadence à la suite de la guerre de Trente
ans.
KOURINSK. Ile du S.-O. de la mer Caspienne, gouv.
de Bakou, prolongeant le delta du Kour. Grandes pêche-
ries d'esturgeons blancs, dauphins blancs, silures, sau-
mons, etc. ; fabrication de caviar.
KOURLA ou KOUROUNGLÉ. Ville du Turkestan chinois,
au S. du Kourouk-tagh, sur le Khaïdou-gol, affl. du Tarim;
6,000 hab. Elle garde le défilé de Khaidin-koua qui mène
à Karachar.
KOURLiK-NOR. Lac de l'empire chinois, pays de Tsaï-
dam, à 250 kiL 0. du lacKoukou-nor, et 2,744 m. d'alt.;
il est alimenté par le Baian-gol ; il a 38 kil. de tour.
KOURO-Sivo(V. Courant).
KOUROU. Le bourg de Kourou (Guyane française), à
l'embouchure du fleuve du même nom,' qui a 800 m. de
largeur en cet endroit, est aujourd'hui en décadence ; il ne
compte plus guère que 250 hab. ; la commune en a environ
900. C'est sur les bords du Kourou qu'eut lieu, en 1763, une
tentative de colonisation demeurée tristement célèbre. A la
suite de la guerre de Sept ans, le traité de Paris nous ayant
enlevé le Canada et plusieurs petites Antilles, Choiseul,
ministre de la marine, songea à nous donner une compen-
sation dans la colonisation de la Guyane. Une grande pro-
pagande fut faite pour recruter des émigrants. Dans des
— 627 — KOURILES — KOURSK
prospectus mensongers, avec des cartes, des plans, des
vues de la plus grande fantaisie, la Guyane était repré-
sentée comme une terre à peu près identique à la nôtre et
avec une telle abondance d'or et de produits précieux de
toutes sortes qu'il n'y avait, pour ainsi dire, qu'à se baisser
pour ramasser sa fortune. Cependant, c'était l'ancien sys-
tème de colonisation féodale qui avait prévalu dans les
conseils du gouvernement : Choiseul se fit concéder en
toute propriété, seigneurie et justice, le territoire entre
Kourou et Maroni ; plusieurs membres de sa famille se
taillèrent des fiefs dans ce territoire désert. Les émigrants,
à l'instar de ceux de la première époque de la colonisa-
tion, s'engageaient à servir d'abord, pendant trente-six
mois, pour leurs maîtres. Le chevalier Turgot, frère du
grand ministre, fut nommé gouverneur de la colonie, oti
il ne mit les pieds que sur la fin, pour constater que le
désastre était irrémédiable. M. de Chan vallon fut nommé
intendant général et M. de Pré fontaine fut envoyé pour
préparer les premiers défrichements et les premiers abris.
Mais les défrichements et les abris, qui n'avaient pas
été préparés d'assez longue main, furent loin de suffire aux
émigrants qui arrivaient précipitamment par flottes succes-
sives et qui, en moins de deux ans, atteignirent le chiffre
de 14,000 dans les déserts de Kourou. Sans abri, sans
vivres, sans instruments de travail, la nostalgie et le dé-
sespoir ne tardèrent pas à s'emparer d'eux. Les rives du
Kourou présentèrent alors un spectacle de folie et de déso-
lation ; l'hivernage étant venu, les fièvres et tout le cor-
tège des maladies tropicales s'abattit sur les malheureux
colons: en janv. 1765, sur 44,000, 14,000 étaient déjà
morts; 2,000 purent revenir en France. L'expédition
avait coûté à l'Etat 30 millions de fr. H. Coudreau.
KOUROU, roi mythique de l'Inde, ancêtre desKauranas
héros du ^lahahharata (V. ce mot).
KOUROUMAN. Ville du Betchouanaland britannique,
ch.-l. du district de Kuruman, parmi les cinq établis dans
ce pays après son annexion par l'Angleterre en sept. 1885
(V. Betchouânâs), et siège d'un commissaire résident; à
40 kil. N.-O. de l'extrémité septentrionale du Griqualand-
West. Cette ville a pris son nom de la rivière sur laquelle
elle se trouve et dont la source qui s'élance d'une caverne
avec une abondance extrême, est dite Kuruman Fonteiné
Elle porte aussi le nom de Nouveau-Littakou, étant
devenue la capitale des Batlapis après la séparation de
cette tribu d'avec celle confédérée des Barolongs, avec
qui ils avaient fondé le Vieux-Littakou, à 56 kil. auN.-N.-
E. Kuruman fut visitée par Lichtenstein en 1804 ; Living-
stone y séjourna dès 1840; c'est l'une des premières et la
principale des missions religieuses de la contrée ; celles-ci
y possèdent de grands domaines de culture. C'est un centre
important de civilisation. Ch. Del,
KOUROU ME. Ville du Japon, île de Kiousiou, ken de
Foukouoka, sur le Tsikouko-gava ; 25,000 hab.
KOUROUNDVAR ou KOURANDUAD. Ville de l'Inde,
cap. d'une principauté mahratte, sur un afïl. dr. du Krichna ;
8,000 hab. La principauté est divisée entre deux branches,
l'aînée possède 474 kil. q., la cadette 295 kil. q. ; les deux
chefs résident à Kouroundvar.
KOURSK. Ville de Russie, ch.-l. du gouv. de ce nom,
au confluent du Touskor et de la Koura ; 52,657 hab.
Gi'and centre manufacturier avec plus de 100 fabriques :
tabac, briques, camelot, tannerie, filature du chanvre^
cierges, savons, voitures, instruments de musique, distil-
lerie, etc. Nœud des voies ferrées vers Moscou, Tagaurog^
Kiev. — Le district de Koursk a 3,326 kil. q.
he gouvernement a 46,456 kil. q. et 2,561,031 hab»
Compris entre ceux d'Orel au N., Voronèje à l'E., Kharkov
au S,, Poltava et Tchernigov à l'O., il appartient à la fa-
meuse « tej're noire » {tchernoziom) et est d'une grande fer-
tilité (V. Russie). C'est une plaine à peine ondulée par de
petites collines (339 m. d'alt. à Tim) et admirablement
arrosée par plus de 400 rivières des bassins du Dniepr et
du Don; les principales sont, pour le Dniepr, le Seim^
KOURSK — ROUTAIS — 6
grossi du Touskor, delà Svana et delà Klévène ; le Psiol,
la Vorskia ; pour le Don, le Donetz septentrional grossi de
rOskol. Le climat est doux; la température annuelle
moyenne est + 5*', 7 au S., + 4^,9 à Koursk.
De la superficie totale, 72 ^/o reviennent aux terres la-
bourées, 12 °/o aux prairies, 40 °/o aux bois. On récolte
surtout de l'avoine et du seigle, puis des pommes de terre,
du froment et du sarrasin, beaucoup de fruits et de lé-
gumes. 11 existe près de 700,000 chevaux, 450,000 bœufs,
4,200,000 moutons, 400,000 porcs, des milliers de
ruches ; on exporte plus de 40,000 quintaux de cire.
L'industrie est active : sucreries, minoteries, distilleries,
corroiries, lainages, tabac. Les gens du gouvernement de
Koursk vont travailler au dehors ; 400,000 sortent chaque
année comme voituriers (Grands-Russiens) ou conducteurs
de bestiaux (Petits-Russiens) ; beaucoup aussi émigrent
définitivement vers la Russie d'Asie. Le commerce est as-
sez développé, surtout à Koursk, Rielgorod et à la foire
annuelle du couvent deKorennii (9® vendredi après Pâques),
à 29 kil. N.-O. de Koursk.
Le gouvernement se divise en 4 5 cercles ou districts :
Koursk, Rielgorod, Graïvoson, Dmitriev, Korotcha, Lgov,
Novii-Oskol, Oboian, Pontivl, Rylsk, Tim, Starii-Oskol,
Soudja, Fatèje, Chtchigri. Le gouvernement date de 4797;
sa division en districts de 4802. Le S.-E. du gouverne-
ment resta désert jusqu'au xvi® siècle ; c'était la « cam-
pagne sauvage » (Dikoié Polé). Les habitants du reste
étaient des Slaves, Siévériens et Viatitches. Au ix® siècle,
ils devinrent tributaires de Kiev. Cette région forma, au S.
du grand-duché de Moscovie, l'Ukraine siévérienne opposée
à l'Ukraine polonaise; les forts d'Oskol et Rielgorod furent
élevés contre les Tatares de la Tau ride. A. -M. R.
KOUS ou 60US0. Ville d'Egypte, prov. et à 29 kil. S.
de Keneh, r. dr. du Nil; 44,000 hab. C'est l'ancienne
Apollinopolis parva qui fut au temps des khalifes et des
Mamelouks la plus importante place de commerce de la
Haute-Egypte.
KOUSAI ou OU ALAN. L'une des îles Carolines, àl'O.de
l'archipel; 442 kil. q. Le morne Crozer s'élève à 6o7 m.
KOUSAN ou KOUSIAO. Port de FO. de l'île de For-
mose, à 40 kil. N. de Ta-kao. Exportation de riz et de
blé.
KO USAIS. Ville du Japon, ken de Gounba, prov, de
Kodzouké Eaux thermales sulfureuses très fréquentées.
KOUSCH ou CHUS. Nom sous lequel les Egyptiens et
crivains bibliques désignent les populations habitant au
S. de l'Egypte et correspondant aux Ethiopiens de la litté-
rature classique. Nemrod est appelé fils de Kousch, fils
de Cham. On a proposé d'appeler Kouschites les peuples
non sémites de l'Afrique orientale et du S.-O. de l'Asie :
Gallas, Somalis, Himyarites, premiers occupants de la
Rabylonie.
KOUSINO-Gavâ (V. Japon, t. XXI, p. 21).
KOUSIRO. Prov. du S.-E. de l'île de Yeso, sur la baie
d'Akisi; déserte, sauf le long du rivage.
KOUSONNAL Rourgade de l'île de Sakhahn, dans
l'isthme central.
KOUSSIE. Fleuve temporaire du N.-O. de la colonie
du Cap, dont il fut longtemps la frontière entre l'Orange
et l'Olifant.
KOUSSO. On emploie comme anthelminthique, sous le
nom abyssinien de cousso ou kousso, l'inflorescence fe-
melle du Brayera anthelminthica (V. ce mot). On le
trouve sous l'aspect de fleurs comprimées d'une couleur
jaune verdâtre, d'une odeur balsamique et dont le goût est
acre, très désagréable et même nauséeux. Le kousso con-
tient une huile volatile, de Tacide tannique et une résine, la
kossine ou iœniine découverte par Pavesi. Cette résine,
qui serait susceptible de cristaUiser, mais dont la composi-
tion chimique n'est pas encore fixée, est peu soluble dans
l'eau, très soluble dans l'alcool ; le kousso en renfermerait
de 2 à 4 ^/^ et ce serait, d'après Redall, le principe actif de
la plante. Le kousso, dont les propriétés anthelminthiques
ont été mises en évidence par Rrayet, est surtout employé
contre le ver solitaire, le tsenia. On l'administre générale-
ment de la manière suivante : le sujet étant à jeun depuis
douze heures, on lui fait avaler en une fois, ou en trois
fois à dix minutes d'intervalle, 20 gr. de fleurs de kousso,
macérées à froid dans 250 gr. d'eau pendant cinq à six
heures. On donne environ deux heures après de l'huile de
ricin. Le kousso a malheureusement un goût nauséeux ; il
détermine des coliques violentes, des selles très liquides et
c'est à la fin de ces évacuations (cinq à huit heures après
la prise du kousso) que le taenia est expulsé.
En Amérique, on prescrit aussi la koussine à la dose de
4 gr. à 4*^ 50 en cachet ou encore l'extrait fluide de la
pharmacopée américaine à la dose de 45 gr. Le kousso agit
certainement sur les muscles à fibres lisses. Il est donc tout
naturel qu'il agisse sur l'utérus, et il y a contre-indica-
tion formelle de donner du kousso pendant la grossesse.
Certains avortements ont même été observés à la suite de
l'ingestion de kousso ou de son extrait. Le kousso, par
suite du dégoût qu'il détermine, est de plus en plus aban-
donné et on préfère soit l'extrait de fougère mâle, soit la
pelletiérine. D'' P. Langlois.
KOUTAIEH {Cotyœum des anciens). Ville de Turquie
d'Asie, chef-lieu d'un sandjak du vilayet de Khodavendidjar,
à 41 5 kil. de Brousse, sur un affluent du Sakaria, à 930 m.
d'alt. ; 60,000 hab., en grande majorité Turcs. Vieille cita-
delle. Ville riche et relativement confortable. Plaine très
fertile. Grand commerce de coton, de noix de galle, de
laine, d'opium (de qualité médiocre), de tapis, d'écume de
mer (V. Èskichehr). Poteries communes. Tanneries. Châ-
teau d'origine byzantine. Une ligne ferrée est projetée
d'Eskichehr à Karahissar par Koutaieh. Le 4 mai 4833 y
fut signé un traité entre Mehemet-Ali et la Porte. Le
sandjak de Koutaieh comprend les cazas de Koutaieh, Ou-
chak, Guedez, Same, Eskichehr; il contient des mines de
houille et de très belles forêts.
BiBL. : E. DuTEMPLE, Eïi Turquie d'Asie.
KO U TA! S. Ville de la Transcaucasie (empire russe),
ch.-l. du gouvernement de même nom, située sur le Rion,
tributaire de la mer Noire; 20,222 hab. (en 1893). Stat.
du chem. de fer transcaucasien et tête de l'embranchement
vers les mines de houille de Tkvibouli. Citée par Procope
(au vi^ siècle) sous le nom de Kotatisio7i, la ville fut rebâ-
tie en 806 par Léon II, roi d'Abkhasie, et devint, à partir
de 1259, la capitale de l'Imérétie. Les Russes s'en empa-
rèrent en 1810 et en firent, en 1873, un chef-lieu de gou
vernement. Aujourd'hui, c'est une cité tout à fait euro-
péenne, dont les larges rues, bordées de belles maisons et
de magasins, longent les deux rives du Rion. Restes d'une
église du xi^ siècle construite par les Bagratides.
La province ou gouvernement de Koutaïs est bornée
au N. par les territoires de Kouban et de Terek, à l'E. par
la prov. de Tiflis, au S. par la prov. de Kars et l'Asie Mi-
neure, à l'O. par la mer Noire. Elle couvre 36,477 kil. q.
de superficie et compte 922,564 hab. Le pays est monta-
gneux. Les éperons du versant méridional de la grande
chaîne du Caucase viennent mourir dans la plaine arrosée
par ITngour et par le Rion, avec son principal affluent le
Kvirila; tandis qu'au S. ces plaines sont dominées par les
monts Persathi (petit Caucase) et les massifs de Kartchaï
(3,660 m.) et de Koldwa ; ces derniers couvrent la partie
N.-O. (auj. russe) de l'ancien Lazistan. Dans les deux sys-
tèmes de montagnes, on trouve les successions de tous les
terrains, depuis les roches cristallines les plus anciennes,
jusqu'au crétacé supérieur. Ces roches renferment de nom-
breux gisements de minerais de manganèse et de cuivre,
de galène argentifère et de houille (mines de Tkvibouh, ter-
rain jurassique). Il y a aussi des carrières de marbre et
d'argile réfractaire. Le climat est très doux, malsain sur
la côte. Le sol est très fertile, surtout au pied des mon-
tagnes, sur les terrains tertiaires et dans les alluvions de
la plaine. Les principales productions agricoles sont le
maïs, le blé, l'orge ; mais une bonne partie des coteaux
— 629 —
KOUTAÏS - KOVALEVSK^'
est occupée par les vignobles qui fournissent un vin très
estimé. Les forêts couvrent plus d'un million et demi d'hect.
dans la région montagneuse, et les arbres fruitiers (figuiers,
grenadiers, châtaigniers, cerisiers, etc.) abondent dans tout
le pays. L'industrie est peu développée, à part quelques
districts miniers, mais le commerce est assez actif, surtout
depuis l'achèvement du chemin de fer transcaspien ; la ligne
Bakou-Poti est devenue aujourd'hui la principale voie de
transport pour le coton du Turkestan. Le commerce se fait
principalement dans les ports de Souklioum-Kalé, de Poti
et de Batoum. La population de la province est formée
d'éléments variés. La masse principale est constituée par
les diverses peuplades du groupe géorgien ou kartvélien :
Imérétiens, Gouriens, Mingréliens, Svanètes, Lases. Vien-
nent ensuite les Abkhazes, les Arméniens, les Juifs, les
Turcs, les Ossètes, les Kourdes et les Russes, ces derniers
au nombre de 50,000 au plus. Le gouvernement est par-
tagé en sept districts : Koutaïs (ancienne Imérétie), Zou-
gdidi, Senaki (ancienne Mingrélie), Letchkoum (avec le
pays des Svanètes), Osourgheti (ancienne Gourie), Ratcha
et Charopan. Il faut joindre à ces divisions encore trois
circonscriptions militaires : Artvin, Batoum et Soukhoum-
Kalé (ancienne Abkhasie). J. Deniker.
KOUTCH ou KATCH (V. Guzerate).
KOUTCHA. Ville du Turkeskan chinois, dans une oasis
arrosée par le Kounghei-kok-sou, affl. du Baba-koul, sur
la route de Kachgar à Hami, à 252 kil. S. d'Aksou ;
45,000 hab. Mines de cuivre, de salpêtre, de sel ammo-
niac, etc.
KOUTCHAN ou KABOUCHAN. Ville forte de Perse,
prov. de Khoraçan sur le Ghermeh-roud (branche del'At-
rek), à 4,255 m. d'alt. 40,000 hab. ; en majorité Kourdes.
Commerce de chevaux et de laine, de peaux de mouton,
d'armes. Elle garde le passage entre les vallées de l'Atrek
et du Kachar-roud ; Nadir Chah périt en l'assiégeant. Fré-
quemment renversée par des tremblements de terre (en
dernier lieu en janv. 4895), ses maisons sont construites
en clayonnage.
KOUTCHÉ-Dariâ (V. Khaïdou-Gol).
KOUTCHING ou KEUTJING. Ville du N. de Bornéo,
cap. de la principauté de Saravak, sur la rivière de ce
nom (navigable pour les grands navires), à 30 kil. de la
mer; 15,000 hab.
KOUTEL Fleuve de FE. de Bornéo, qui coule versl'E.,
sépare l'Etat de Saravak du territoire néerlandais, puis vers
le S. et finit dans le détroit de Macassar par un petit delta
(île Dondrekin) ; il a 650 kil. dont 300 navigables. Son
bassin est occupé par une principauté du même nom ; elle
a 84,000 kil. q. et 250,000 hab. Le sultan réside à Tan-
garoung, près de Samarinda, port 'situé près de la tète du
delta ; le résident néerlandais est à Palarang ou Pomarang,
sur le bras méridional du delta. Les habitants sont des
Malais implantés au milieu de Dayaks ; ce seraient des co-
lons venus de Java (roy. de Madjapahit) et professant alors
l'hindouisme. Les ruines des monuments attestent l'exac-
titude de cette tradition.
KOUTENAY(V. Kootenay).
KOUTOUNG, KAOUNG ou KYOUNG-Toung. Ville delà
Haute-Birmanie, sur l'Iravadi. Les Chinois ne purent s'en
emparer en 4769; un traité y fut signé entre eux et les
Birmans.
KOUTOUSOV (Michel-Ilarionovitch Golenistchev-),
prince de Smolensk, maréchal russe, né le 46 sept. 4745,
mort àBunzlau le 28avr. i843. Il entra au service à seize
ans comme caporal d'artillerie, fit campagne contre les Po-
lonais (4764-69), puis contre les Turcs où il se distingua
à la bataille de Kagoul et l'assaut de Choumla, et perdit un
œil en Crimée ; une balle entrée par la tempe gauche res-
sortit près de l'œil droit. D'un caractère très fin et souple,
courtisan accompli autant que vaillant soldat, il gagna la
faveur de Potemkin et fut bien accueilli dans ses voyages
en Prusse, France, Angleterre. Promu major général
(4784), il reçut le commandement d'un corps sur le Boug.
s'illustra aux assauts d'Otchakov, d'Odessa, de Bender.
d'Ismail et à la bataille de Rimnick. 11 fut successivement,
ambassadeur à Constantinople, général en chef en Finlande,
directeur du corps des cadets, ambassadeur à Berlin (par
Paul I^^), gouverneur général de Saint-Pétersbourg, com-
mandant du 4^^ corps d'armée russe dans la guerre de
4805. Il était sur l'Inn quand il apprit la capitulation
d'Ulm, se replia par la rive droite du Danube, infligea un
échec au maréchal Mortier, près de Diirenstein (48-49 nov.
4805), et commandait sous Alexandre P' l'armée austro-
russe à la bataille d'Austerlitz. Tolstoï, dans la Guerre et
la Paix, a dépeint le fatalisme de ce militaire accompli. Il
fut ensuite gouverneur général de Lithuanie, puis de Kiev,
reprit le commandement en chef contre les Turcs, et, après
la paix de Bucarest (mai 4812), contre Napoléon P'', suc-
cédant à Barclay deTolly, dont la temporisation exaspérait
l'opinion publique, il livra et perdit la sanglante bataille
de la Moscowa, mais changea en déroute la retraite de la
grande armée par sa victoire de Smolensk sur Davout et
Ney. Il poursuivit les Français jusqu'à Kalisz et lança une
proclamation appelant l'Europe aux armes contre Napoléon
(25 mars 4813). Un mois après, il succombait aux fatigues
ûc cette terrible campagne. A. -M. B.
BiBL. : Biographie par Mighailovsky-Danieli<:vsky (en
français) ; Saint-Pétersbourg, 1850.
KOUTRIGOURES (V. Huns).
KOUTZO-Valaques ou Roumains du Pinde (V. Rou-
manie, § Ethnographie).
KOUVAN-Daria. Bras du Sir-daria (V. ce mot).
KO U VAN A. Ville maritime du Japon, ken de Miyé,
prov. d'Isé, au S. de l'île de Nippon, au fond de la baie
d'Ovari ; 20,000 hab.
KOUWEIVIBERG (Kristiaen Van), peintre hollandais, né
à Delft le 8 sept. 4604, mort à Cologne le 4 juil. 4667.
Elève de Jan Van Es. Après avoir beaucoup voyagé en Ita-
lie, il vint se fixer à Cologne où il peignit des tableaux
d'histoire et des fifçures nues.
KOUZNETSK. Ville de Sibérie, ch.-l. de district du gouv.
de Tomsk, sur le Tom, en face du confluent de la Kou-
doma ; 8,000 hab. Elle est située au centre d'un riche
bassin houiller, près de mines de fer et d'or. — Le dis-
trict a 89,300 kil. q. au N. des monts Sayansk et à l'O.
de l'Alatan, dans le bassin supérieur du Tom et de l'Abakan
(affl. de l'Eniséi).
KOUZNETZK. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouv.
de Saratov, sur le Trouiev, affl. de la Soma (affl. delà Volga) ;
20,000 hab. Tanneries, mégisseries, cordonneries, gante-
ries, sellerie, charronnage, etc. — Le district a 4,800 kil. q.
et comprend beaucoup de Tatares, de Mordvans et 2,000
Tchouvaches.
KOUYP (V. CuYP).
KOVALEVSKY (Egor), géologue et voyageur russe, né
dans le gouv. de Kharkov en 4844, mort à Saint-Péters-
bourg le 2 oct. 4868. Ingénieur des mines, il fit de nom-
breux voyages dans la Sibérie orientale, dans les steppes
des Kirghis, au Monténégro, etc.; et il consigna ses ob-
servations géologiques dans la revue russe consacrée à cette
spécialité, Gor?iy Journal, Chargé par Mehemet-Ali,
en 4847, avec Trémaux, d'étudier les gisements aurifères
de la province nubienne du Fazokl, il publia au retour, en
russe, son Voyage dans l'intérieur de l'Afrique (Saint-
Pétersbourg, 4849, 2 vol.). Mis à la tête de la mission
religieuse envoyée à Pékin, il conclut avec le gouvernement
chinois (4854) un traité qui favorisa l'expansion russe du
côté de la Mongolie. Nommé en 4856 directeur du dépar-
tement des affaires de l'Asie, il fut le promoteur des diffé-
rentes expéditions dans ces contrées, notamment au Kho-
raçan et à Kachgar, Ses autres principaux ouvrages sont :
Pérégrinations (4843-45, 3 vol.) ; Voyage en Chine
(4853, 2 vol.) ; la Guerre avec la Turquie et la rup-
ture avec les puissances occidentales en i85S et i854
(4868). G. P-i.
KOVALEVSRY - KOWALSKI
630 —
KOVALEVSKY (Maxime-Maximovitch), historien russe, né
vers 4850. Après avoir pris le titre de docteur en droit,
il enseigna de 1877 à 4887 le droit public des nations
étrangères à l'université de Moscou. En 4889 il fut appelé
à Stockholm et en 1890 à Oxford pour donner des confé-
rences. Ses travaux jouent dans la littérature russe le
même rôle que ceux de Summer Maine en Angleterre ou
de Fustel de Coulanges en France. Les principaux sont :
Essai sur rhistoire de la juridiction fiscale en France
(4876); Histoire de V administratio7i de police dans
les comtés anglais jusqu'à Edouard III (4877) ; la
Méthode historique comparative dans la jurispru-
dence (4880); Coutume contemporaine et loi ancienne
(4881, éd. franc.; Paris, 4893) ; la Constitution sociale
de r Angleterre à la fin du moyen âge (4880) ; rAn-
cienne Marche germanique (4884) ; le Droit primitif
(4886); la Loi et les Coutumes au Caucase {\^%) \
Tableau des origines de la famille et de la propriété
(en français; Stockholm, 4890); Modem Custom and
ancient Law in Russia (Londres , 4894); Histoire de
la démocratie en Occident (Moscou, 4895). Quelques-
uns des travaux de M. Kovalevsky ont été analysés par
M. Dareste, dans le Journal des savants (4887 et
4893). L. L.
KOVALEVSKY (M^^ Sonia), mathématicienne russe,
née à Moscou en 4853, morte à Stockholm le 40 févr.
4894. Fille du général d'artillerie Corvin-Krukovsky,
elle fut de bonne heure orphehne et, en 4869, se rendit
à Heidelberg pour y suivre les cours de mathématiques.
Elle se maria peu après avec le professeur de paléonto-
logie Kovalevsky; mais elle alla continuer à Berlin, de
4874 à 4874, ses études mathématiques et, à peine
âgée de vingt et un ans, reçut de l'université de Gœt-
tingue le grade de docteur. Devenue veuve en 4883, elle
obtint, l'année suivante, une chaire d'analyse supérieure à
l'université de Stockholm et la conserva jusqu'à sa mort.
Elle a écrit sur les mathématiques plusieurs mémoires
originaux, qui ont été insérés dans divers recueils spéciaux ;
nous citerons : Sur la Théorie des équations aux diffé-
rentielles partielles [Journal de Crelle, 4874); Sur la
Réduction d'une classe d'intégrales abéliennes du
troisième degré en intégrales elliptiques (Acta mathe-
matica àQ Stockholm, 4884); Sur la Transmission de
la lumière dans un milieu cristallin (Comptes rendus,
Acad. des se. de Paris, 4884, t. XCLVIII, p. 356); Sur
un Cas particulier du problème de la rotation d'un
corps pesant autour d'un point fixe (Savants étran-
gers, id., 4888, t. XXXI), travail remarquable, qui
contient, avec une étude approfondie delà question, la de-
couverte d'un cas nouveau dans lequel on peut intégrer les
équations différentielles du mouvement d'un corps pesant
par un de ses points et auquel l'Académie des sciences de
Paris attribua en 4888 le prix Bordin doublé « en raison
du service tout à fait extraordinaire rendu par l'auteur à
la physique mathématique ». On doit aussi à M™*^ Kova-
levsky des Souvenirs d'enfance et plusieurs nouvelles,
parus dans des revues russes et suédoises. L. S.
BiBL, : Revue générale des sciences, 28 févr. 1891.
KOVDA. Fleuve de Russie, gouv. d'Arkhangelsk, qui
porte au golfe de Kandalaskaïa les eaux des lacs de la
Carélie septentrionale, lacs Kitka, Paanajœrvi, Topozero,
apportés par le Paevozero au lac Kovdozéro (584 kil. q.).
Le Kovda sort de ce lac au S.-E. et parcourt 70 kil. Il a
beaucoup d'eau.
KOVEIT, KOUÈT, KOREIN, KARIN ou 6RAN. Petit
port de l'Arabie, au fond du golfe Persique, dans une large
baie, à 423 kil. S. de Bassorah; 20,000 hab. Koveït est
nominalement le chef-lieu d'uncaza du vilayet de Bassorah
et la résidence d'un sous-gouverneur ; mais, en réalité, la
Turquie n'y manifeste son autorité que par le choix du chef
de la cité, et par le traitement en nature qu'elle lui assure.
La population fournit d 'excellents matelots et s'adonne princi-
palement à la construction des barques à voiles qui font le
petit cabotage et sont employées aussi à la pêche des perles.
Le commerce, qui consiste à échanger des produits des trou-
peaux venus de l'intérieur contre les objets manufacturés
déposés par les navires qui y font souvent escale, est entre
les mains d'une cinquantaine de juifs. Le sol des environs
est très aride et ne produit qu'une très petite quantité de
fourrage artificiel. Le climat, humide et chaud en été, est
froid et sec en hiver.
KOVEL. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouv. de
Volynie, sur le Touria, affl. dr. du Pripet; 45,000 hab.
— Le district a 7,000 kil. q.
KOVNO (lithuanien Kaouna). Ville de Russie, ch.-l.
d'un gouvernement, au confluent du Niémen et de la Vilia ;
58,758 hab. dont moitié de juifs. 5 églises grecques, 6 catho-
liques, 30 synagogues. Lecommerce est très actif. Kovno est
située sur le ch. de fer de Saint-Pétersbourg à Varsovie et
de Vilna à Kœnigsberg, et la navigation fluviale est consi-
dérable. Fondée au xi® siècle, elle eut dès le xiv^ une
importance prépondérante en Lithuanie, fut jusqu'à la fin
du XVI® siècle le grand marché de la Lithuanie, entrepôt
du commerce des céréales. Les querelles rehgieuses fomen-
tées par les jésuites la ruinèrent au xvii®. Pillée par les
Russes en 4655, brûlée en 1808, elle n'avait plus en 4847
que 200 maisons. Elle s'est relevée rapidement et en 1842
est devenue ch.-l. de gouvernement.
Le gouv. de Kovno, formé de l'ancienne Samogitie, a
40,641 kil, q.,4,587,582hab. (en4890).Comprisentrela
Prusse à l'O., la Courlande au N., le gouv. de Vilna au
S.-E., celui de Souvalki au S., il s'étend dans une plaine
arrosée par le Niémen qui le sépare de la Pologne par ses
affluents la Vilia, la Neviaja, l'Ioura et par de petits fleuves
côtiers de la Baltique, Minia Okmiany, Vindau ou Venta,
Bartau, Sventa. Les lacs sont petits, mais très nombreux
(plus de 700), et le sol marécageux. Il est formé de
terrains siluriens, dé vouions et tertiaires, revêtus d'une
mince couche d'alluvions argilo-sableuses et même de ter-
reau noir (à Rossieny, Vilkomir). La température moyenne
annuelle est de + 6<^,3 ; le climat doux et humide. Les
terres labourées occupent 36 ^jo, les prairies 33 ^/o, les
bois 22 °/o de la superficie totale. Le gouvernement pos-
sède environ 400,000 chevaux, 600,000 bœufs, 400,000
moutons, 500,000 porcs. L'industrie est peu développée.
La population appartient pour les trois quarts à la race
lithuanienne, plus 44 o/o de juifs et 9 4/2 % de Slaves,
2 4/2 o/o d'Allemands. Les Russes sont venus dès le
xi*^ siècle ; les Polonais ont fourni la petite noblesse (Szlachta)
au nombre de 70,000 personnes, en grande partie illet-
trées ; les Allemands sont venus au xiv*^ et au xv^ siècle,
les juifs au xvii® au temps des Jagellons et des Tatares. —
Le gouv. de Kovno se divise en sept districts : Kovno,
Valkomir, Novo-Alexandrovsk, Ponéviej, Charli, Rossienv,
Telchi. Celui de Kovno a 4,459 kil. q. A.-M, B. ^
KOVROV. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouver-
nement de Vladimir, r. g. de la Kliazma (affl. de l'Oka) ;
5,000 hab. Filatures de coton, briqueteries ; foire à Noël.
— Le district a 3,600 kil. q. ; il est très marécageux.
KOWALEWSKi (Joseph-Etienne), orientaliste polonais,
né aux environs de Orodno en 4800, mort en 4878. Il fit
ses études à Vilna et y devint professeur. Compromis dans
la société dite des philarètes, il fut exilé à Kazan où il étu-
dia les langues orientales. Il fut nommé professeur de
langue mongole à Kazan, directeur d'un gymnase et rec-
teur de l'université. Il fut appelé en 4882 à l'université de
Varsovie. Ses principaux ouvrages sont : Grammaire de la
langue mongole (en russe ; Kazan, 4835) ; Chrestoma-
thie mongole (id,, 4836) ; Dictionnaire mongol-russe-
français (id., 4844-46). Membre de l'Académie des
sciences de Saint-Pétersbourg, il a collaboré à diverses
publications scientifiques. L. L.
KOWALSKl-WiERusz (Alfred), peintre polonais, né à
Varsovie en 4847. Il a étudié la peinture à l'Académie des
beaux-arts de cette ville, à celle de Dresde et de Munich,
où il a travaillé sous la direction de son compatriote Brandt
— 631
KOWALSRI — KOZLOWSKI
et d'Alexandre Wagner. Il s'est fixé à Munich depuis plu-
sieurs années. Très doué pour son art, il produit sans
cesse des tableaux de genre dont les sujets sont empruntés
aux usages et coutumes de la Pologne et de la Russie. Sa
Chasse à courre en Pologne, son Duel après le bal et
ses Combats de Tsc\erkesses lui ont valu une réputation
qui s'est répandue au delà de l'Océan, l.es toiles de
Kowalski, outre qu'elles se distinguent par l'imagination
et le mouvement dans la composition, ont des qualités sé-
rieuses de touche et de couleur. F. Trâwinski.
KOYAMAKI (V. Kn).
KOYASAN (V. Kii).
KOZAKIEWICZ (Antoine), peintre polonais, né à Cra-
covie en 4841. Elève de l'Ecole des beaux-arts de cette
ville, il étudia pendant quelques années la peinture à
Vienne, sous la direction d'Engerth, puis à Munich qu'il
habita longtemps. C'est un des artistes les plus féconds de
notre temps. Ses tableaux ont figuré dans toutes les expo-
sitions d'Allemagne et d'Autriche. Il cultive principalement
la peinture de genre : ses sujets sont empruntés à la vie
de tous les jours, 11 sait les varier à l'infini et les traiter
avec un grand accent de vérité et un charme pénétrant.
Dessinateur consciencieux , il est aussi coloriste fort
agréable. Quelques-unes de ses compositions ont été po-
pularisées par la lithographie, telles par exemple : la
Leçon du grand-père, le Rêve d'un parvenu, le Retour
du yassyr, etc. F. Trawinski.
KOZARl (Y. Hallévi).
KOZELETZ. Ville de Russie, chef-l. de district du gou-
vernement de Tchernigov, sur l'Oster (affl. g. de la Desna);
5,000 hab. — Le district a 3,200 kil. q., les trois quarts
en terres labourées.
KOZELSK. Ville de Russie, ch.-l. de district du gou-
vernement de Kalouga, au confluent de la Drongousna
et de la Jizdra (affl. g. de l'Oka) ; 6,000 hab. Toile à
voiles, produits chimiques. — Le district a 2,500 kil. q.,
les deux tiers en terres labourées.
KOZELUCH (Jean- Antoine), compositeur tchèque, né à
Wellwarn (Bohême) le 13 cet. 1738, mort à Prague le
3 févr. 1814. Fixé à Prague en 1784 comme maître de
chapelle de l'église Saint-Vit, il y forma un grand nombre
de bons élèves et y fit exécuter des compositions religieuses
très estimées de ses contemporains, mais dont aucune ne
fut imprimée. La bibliothèque de Berlin possède les ma-
nuscrits de quelques-unes d'entre elles.
KOZELUCH (Leopold), compositeur tchèque, cousin du
précédent,néà Wellwarnen 1748, mort à Vienne en 1814.
11 débuta à Prague en 1771 par la composition d'un
ballet, se rendit à Vienne en 1778, y devint maître de
piano de l'archiduchesse Elisabeth et succéda en 1792 à
Mozart comme compositeur de la chambre impériale. Très
recherché à Vienne comme professeur, il contribua plus
que tout autre à y faire adopter le piano-forte au heu du
clavecin. Kozeluch a composé plusieurs opéras, un oratorio
[Moïse en Egypte, 1788), des cantates, dont une pour
le couronnement de Léopold II, environ 30 symphonies,
60 concertos, 57 trios pour piano avec accompagnement,
20 œuvres de sonates pour le piano seul ou à quatre mains,
et une multitude de fantaisies, caprices, menuets, etc. Cette
musique, coulante et facile, eut une période de très^ vifs
succès auprès des amateurs en Allemagne et en Autriche.
KOZIEBRODZKI (Ladislas, comte), écrivain polonais,
né à Koledzieiowka (Galicie) en 1839, mort en 1891.
Elève de l'Institut technique de Cracovie, il vint de bonne
heure à Paris, où il suivit les cours de la Sorbonne. Lors
de son séjour en Suisse (de 1862 à 1866), il écrivit plu-
sieurs brochures politiques qui curent un grand retentisse-
ment en Pologne. Il commença en même temps à collabo-
rer à divers revues et journaux littéraires polonais :
VEtoile de Teschen et le Journal littéraire notamment
renferment nombre de ses nouvelles et romans, parmi les-
quels il faut citer : la Noce interrompue, la Marâtre,
la Tante Tkècle, etc. A partirde 1868 il s'adonna presque
exclusivement au théâtre : ses drames et ses comédies (le
Chemin glissant, Claudia, la Comtesse Maria, la Ten-
tation, le Couple amoureux, la Bourrasque, etc.) dé-
notent une grande sagacité d'observation, un esprit délié
et subtil. Quelques-unes de ses comédies de mœurs se dis-
tinguent par un humour du meilleur aloi. Dans les dernières
années de sa vie, Koziebrodzki était député à la Diète de
Galicie, où il a pris une part très active à la discussion
des réformes les plus importantes intéressant cette partie
de la Pologne. F. Trawinski.
KOZIKL Iles de la côte S.-O. de Kiousiou (Japon); celle
du N. est à 30 kil. 0., celle du S. à 50 kil. N.-O. de la
côte de Satzouma.
KOZLOV. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouver-
nement de Tambov, sur le Lesnoï Voronèje, aftl. g. du
Don, et le ch. de fer de Moscou à Saratov ; 35,053 hab.
Fonderies de suif, savonneries, chandelles, briqueteries,
brasseries, etc. Au couvent de la Trinité (Troïtzkii) se tient
une grande foire annuelle. — Le district a 6,638 kil. q.,
les trois quarts en terres labourées.
KOZLOV (Ivan-Ivanovitch), poète russe, né à Moscou le
11 avr. 1779, mort à Saint-Pétersbourg le 30janv. 1840.
On connaît peu son enfance; il entra fort jeune dans l'ar-
mée, devint officier, puis passa dans le service civil où
son activité lui procura un avancement rapide; en 1807,
il était déjà conseiller d'Etat et attaché à la chancellerie
du gouverneur de Moscou. C'est à ce moment qu'il se lia
intimement avec Joukovsky, déjà célèbre, et avec l'élite de
la société moscovite. Après la retraite de Napoléon il passa
à Saint-Pétersbourg dans 'l'administration des domaines ;
il avait trente-trois ans et sa carrière promettait d'être
très brillante, lorsque subitement il tomba paralysé des
deux jambes ; pour comble de malheur, sa vue l'abandonna
peu à peu et il devint complètement aveugle. Eloigné à ja-
mais du monde extérieur, il s'enferma en lui-même et s'en-
toura d'un monde idéal d'images poétiques. Il débuta par
des imitations originales des littératures de l'Occident,
qu'il connaissait fort bien, et après quelques essais per-
sonnels : Byron, Au poète Joukovsky, etc., écrivit en
1824 son poème le Moine dont le succès fut immense; ce
fut une sorte de Paul et Virginie russe. La Princesse
Dolgorouky et Vînsensée furent aussi fort goûtées. Kozlov
écrivit encore une foule de poésies originales : Ma Prière,
la Nuit de Venise, A V Italie, etc., traduisit des sonnets
de Mickievicz et le grand poème de lord Byron, la Fiancée
d'Abydos, etc. Kozlov n'est pas un artiste; il y a beau-
coup à laisser dans ses œuvres, mais il offre des passages
qui indiquent un talent remarquable et révèlent une âme
vraiment poétique. Les œuvres complètes de Kozlov ont
été éditées à Samt-Pétersbourg (1855). M.
BiBL. : PoLEvoï, les Poètes russes ; Saint-Pétersbourgi
1888. — Russky Archiv, 1864.
KOZLOVSKY (Michel-Ivanovitch), sculpteur russe, né
en 1743, mort en 1803. On lui doit le monument de Soiivo-
rov (à Saint-Pétersbourg), une statue de Samson{k PHer-
mitage), Jeune Fille assise (au palais impérial), un Génie
(à l'iïermitage), des bas-reliefs sur des sujets empruntés à
l'histoire romaine, le Retotir de Regulus, Camille sau-
vant Rome (au palais de Marbre), etc.
KOZLOWSKI (Joseph), compositeur polonais, né à Var-
sovie en 1757, mort à Saint-Pétersbourg le 27 févr.
1831. Il fit ses études m.usicales à la cathédrale de Varso-
vie, entra au service de la famille Oginski comme maître
de musique, passa en Russie où il prit du service dans
l'armée et devint aide de camp du prince Dolgorouki. Re-
marqué par Potemkin pour sa voix et son talent, il fut
chargé de composer une polonaise pour une fête donnée à
à l'impératrice Catherine II. Ce morceau, demeuré célèbre,
le mit en relief et lui fit accorder l'emploi de directeur de
la musique des théâtres impériaux. Il remplit ces fonctions
de 1791 à 1821. Kozlowski a composé un grand nombre
de chœurs et cantates de circonstance, des chansons russes
et polonaises, des ouvertures, un Requiem pour les
K07X0WSKI — KRAFFT
— 682
obsèques du roi Stanislas-Auguste en 4798, et plus de
600 polonaises pour orchestre et piano, dont un grand
nombre devinrent populaires.
KOZLOWSKI (Félicien- Antoine), historien polonais, né
en 4805, mort en 1870.11 fut professeur et conservateur
du musée numismatique de Varsovie. Son principal ou-
vrage est une Histoire de la Mazovie (Varsovie, 1858).
— Son fils Corneilo a publié un certain nombre d'ou-
vrages, notamment un recueil du Folk-Lore de la Mazovie
(Varsovie, 1868).
KOZMIAN (Kajetan), écrivain polonais, né en 1771,
mort en 1856. 11 servit dans l'administration du duché de
Varsovie et du royaume de Pologne. Comme poète, il
' appartient à l'école classique. Il s'eflbrce d'imiter Virgile
dans les Géorgiques polonaises (1839) et dans Etienne
Czarniecki {Breshn, 1856). Il a hïssè des Mémoires fort
intéressants. — Son fils André a également écrit des Mé-
moires (Posen, 1867). — Son petit-fils Stanislaw, né
en 4836, a collaboré à divers recueils galiciens et a été
directeur du théâtre de Cracovie.
KOZMIN (ail. Koschmin). YiWe de la Pologne prus-
sienne, district de Posen, surl'Orla; 4,500 hab. Eglise
du x^ siècle.
KOZMODÉIVIIANSK. Ville de Russie, ch.-l. de district
du gouvernement de Kazan, r. dr. delà Volga ; 8,000 hab.
— Le district a 4,993 kil. q.; il est marécageux et boisé.
KOZODAVLEV (Osip-Petrovitch) , homme d'Etat et écri-
vain russe, né en 1754, mort en 1849. Il fut ministre de
l'intérieur sous le règne d'Alexandre P^ Outre de nom-
breuses traductions, il a écrit des comédies, notamment :
la Bague^ A corsaire corsaire et demi, etc.
KRÂ ou KRAH (Isthme de) (V. Malaccâ).
KRABBE (Erik), jurisconsulte danois, né en 1512, mort
en 1564. Il a publié la Chronique rimée danoise, une nou-
velle édition de Saxo Grammaticus en 1534, et a traduit
en allemand la Jydske Lov. Les matériaux qu'il rassembla
furent utilisés pour la rédaction du code de Christian V en
1683.
KRABBE (Harald), naturaliste danois, né en 1831. lia
publié une série de travaux de la plus grande importance
sur les helminthes et les vers parasites de l'homme et des
animaux. Son principal ouvrage est intitulé Recherches
sur les helminthes, faites en Danemark et en Islande;
il a étudié tout spécialement dans ce livre une maladie pa-
rasitaire de la vessie régnante en Islande {blœreormssyg-
dom).
KRACH (V. Crise).
KRACHENINNIKOV ( Etienne -Petrovitch), voyageur
russe,né à Moscou en 1713, mort à Pétersbourg en 4 755. Il
fut attaché en 1733 à l'expédition scientifique de Gmeline
en Sibérie. Il pénétra jusqu'au Kamtchatka où il séjourna
plusieurs années et publia à son retour la première descrip-
tion complète de ce pays. Elle fut traduite en français, His-
toire de Kamtchatka et des contrées voisines, etc. (Lyon,
1767, et Amsterdam, 1779, réimprimé au t. Il du Voyage
de Vabhé Chappe d'Auteroche), en allemand, en an-
glais et en hollandais.
KRyCMER (Anders-Robert von), écrivain suédois, né à
Stockholm en 1825. Il a publié plusieurs volumes de vers
dont l'un, la Nature du Nord (Nordens Natur), a été ré-
compensé en 1851 par l'Académie suédoise ; d'autres sont
intitulés : Fruits du Sud (1853) ; Diamants dans la
houille, composé à la suite d'une excursion en Angleterre
(1857) ; Poésies (1867). Il est, en outre, l'auteur de ré-
cits de voyages : Deux Voyages en Espagne (1860) ; Un
Hiver en Orient (iH66), et d'études sur la langue sué-
doise : De la Valeur rythmique des monosyllabes sué-
dois (188i), etc. — Sa sœur. Char lotta~Lo visa, née en
1828, a publié, elle aussi, des poésies : Accords (1870) ;
Nouvelles Poésies (4 882) ; des impressions de voyage :
A travers les monts et les lacs d'Ecosse (4870); des
recueils de pensées, et un drame : Félicia (1882),
KRAEVSKY,publiciste russe, né à Moscou le6 fév. 4840,
mort en 4 889. Il fit ses études à l'université de Moscou et
entra d'abord dans l'enseignement. Il fut ensuite attaché à
la rédaction àeV Invalide russe, rédigea les Mémoires a^
triotiques, puis de 4852 à 4862 la Gazette de Saint-
Pétersbourg et enfin la Voix (Golos) qui exerça pendant
de longues années une influence considérable C'est un des
journahstes les plus remarquables dfe la Russie. — Son fils
^.-.4. Kraevsky, né en 4841, mort en 1883, collabora au
Golos et en rédigea pendant de longues années la partie
politique.
KRAFFT (David von),peintre suédois, né à Hambourg en
1655, mort à Stockholm en 4724.Neveu d'Ehrenstrahl, il
fut appelé par lui à Stockholm, à la mort de ses parents. Il
gagna bientôt la faveur d'UIrique Eléonore, qui s'occupait
elle-même de peinture, et, grâce à l'influence de celle-ci,
obtint, en 1684, une bourse de voyage pour visiter l'Italie,
n s'arrêta en Danemark pour faire les portraits des membres
de la famille royale, puis séjourna longuement à Venise, à
Florence, à Rome, à Naples, et, à son retour, à Vienne,
où il peignit la famille impériale. Il visita aussi la Suisse,
Paris, les Pays-Bas, et ne rentra qu'en 1696 à Stockholm,
où il était rappelé pour succéder à Ehrenstrahl, comme por-
traitiste de la cour. Très en faveur à la cour, grâce à son
talent et à un brillant mariage, il fut anobli en 1719. On
a de lui, outre un nombre considérable de portraits de hauts
personnages, dont plusieurs excellents, deux grands tableaux
d'histoire : Minerve tenant le portrait du duc Charles-
Frédéric, à Drottnmgholm, et un Tableau d' autel, k C2i\-
»^ar. Th. C.
KRAFFT ou KRAFT (Georg-Wolfgang), physicien alle-
mand, né à Tuttlingen (Wurttemberg) le 15 juil. 1701,
mort à Tubingue le 12 juin 1754. li fit ses études à Tu-
bmgue, professa de 1725 à 1744 les mathématiques et la
physique au gymnase de Saint-Pétersbourg, fut nommé
dans l'intervalle membre des académies de Saint-Péters-
bourg (1731) et de Berlin (1738), et, de retour à Tubin-
gue^ (1744), y occupa jusqu'à sa mort la chaire de mathé-
matiques et de physique de l'université. Il a écrit sur la
physique uue trentaine d'ouvrages et de dissertations ;
nous citerons seulement : Experimentarum physicorum
prœcipuorum brevis descriptio (Saint-Pétersbourg, 1 740 ,
in-8) ; la Maison de glace, en allem., en russe et en
franc. (Saint-Pétersbourg, 1741, in-4, très rare) ; De At-
mosphœra solis (Tubingue, 1746, in-4); Institutiones
geometriœ sublimioris (Tubingue, 1753, in-4); Prœ-
lectiones academicœ puhlicœin physicam theoreticam
(Tubingue, 1753-54, 3 fasc. ; 2 édiL, 1765, in-8). Il a
en outre publié dans les Commentarii de l'Académie de
Saint-Pétersbourg (années 1727 et suiv.) un nombre con-
sidérable de mémoires de mathématiques, de physique,
d'astronomie et des observations météorologiques. L. S.
BiBL. : J.-J. Bruckiîr, Pinacotheca scriptorum illus-
trium; Augsbouri^:, 1741-55, II, 6. — C.-F. Schott, Oratio
inmemorxam G.-W.Krafftii; Tubingue, 1754, in-4. —V en
outre pour la liste de ses écrits : J.-C. Poggendorff,
Biogr. Liter. Handwœrterbuch ; Leipzig, 1863, t. I.
KRAFFT (Per, dit le Vieux), peintre suédois, né à Ar-
boga en 1720, mort à Stockholm en 1793. Il fit ses pre-
mières études sous la direction du portraitiste Scheffeî,
puis alla en Danemark, d'où, grâce à la générosité du comte
Otto Thott, qui lui commanda des copies de nombreux
tableaux étrangers, il put se rendre en Allemagne, en
France et en Italie, et y faire de longs et utiles séjours. Il
fut, tandis qu'il rentrait en Suède, retenu à Nancy par le
roi Stanislas, qui le nomma peintre de la cour. Ce n'est
que vers 1768 qu'il rentra à Stockholm, où il jouit bientôt
d'une grande réputation de portraitiste. Ses portraits, un
peu hauts en couleurs, sont d'une ressemblance frappante,
mais manquent d'une certaine légèreté et d'une grâce
qu'on appréciait alors chez ses rivaux Pilo et Pasch. Il
excellait dans la peinture des accessoires. On cite parmi
ses meilleures toiles: deux portraits de Gustave IV Adolphe
enfant, Un Garçon lisant, les portraits de Svedenborg,
Bellman, Linné, Creutz, etc. Th. C.
KRAFFT ou KRAFT (Wolfgaiîg-Ludwig), astronome et
physicien d'origine allemande, fils de Georg-Wolfgang, né à
Saint-Pétersbourg le 25 août (anc, st.) 1743, mort à
Saint-Pétersbourg le 20 nov. (id.) 4814. Il prit ses grades
à Tubingue en 1764, fut nommé en 1767 professeur d'as-
tronomie de l'Académie de Saint-Pétersbourg, dont il
devint membre en 1771, et enseigna par la suite la phy-
sique et la mécanique aux écoles des cadets et des mines.
Il fut aussi le maître de mathématiques du tsar Alexandre P**
et du grand-duc Constantin-Pavlovitch. Il observa, en
1767, à Orenbourg, le passage de Vénus sur le Soleil et,
en 1772, travailla avec J.-A. Euler et Lexell à la Theoria
motuum Lunœ et aux Novœ tabulée lunaires àe Léonard
Euler. Outre de nombreux mémoires sur des sujets d'as-
tronomie (théorie de Vénus, calcul des longitudes et lati-
tudes en mer, etc.), de physique (attraction des sphéroïdes
elliptiques, magnétisme terrestre, électrophores, lentilles
achromatiques, pendules) et de mathématiques (nombres
premiers, etc.), insérés dans les Novi Commentarii
(1770-76), les Acta (1778-86), les Nova Acta (1788-
1805) et les Mémoires (1809) de l'Académie de Saint-
Pétersbourg, il a écrit : De Uatione ponderum sub polo
et œquatore (Tubingue, 1764, in-4) ; Méthode pour ré-
duire la distance apparente de deux astres (Toulon,
1814, in-8). L. S.
BiBL. : WoLF, Geschichte der Astronomie; Munich, 1877,
pp. 474 et 744. — V. en outre, pour la liste de ses écrits,
J.-C. PoGGKNDORFF, Biogv. LUev. Haïidwœrterbuch ; Le'ip-
zig, 1863, t. i.
KRAFFT (Jean-Charles), architecte et dessinateur, né
à Brunnenfeld (Autriche) le 19 juin 1764, naturahsé fran-
çais et mort à Paris en déc. 1833. Il publia de nombreux
et importants ouvrages sur la construction et Fornement
des édifices pubhcs et des maisons : Plans^ coupes et élé-
vations de diverses productions de la charpente, exé-
cutés tant en France que dans les pays étrangers
(Paris, 1805, in-fol. de 220 pi.) ; Plans des plus beaux
jardins de la France, de r Angleterre et de r Alle-
magne^ et des édifices, monuments, fabriques qui con-
courent à leur embellissement (Paris, 1810, 2 vol. in-
fol. avec 96 pi.); Portes cochères et portes d'entrée les
plus remarquables de Paris (1809, in-4); Recueil des
plus jolies maisons de Paris et de ses environs (Paris,
1809, in-4) ; Productions de plusieurs artistes français
et étrangers relatives aux jardins pittoresques et aux
fabriqîtes de différents genres qui peuvent entrer dans
leurs compositions (Paris, 1810, in-4) ; Description des
fêtes à r occasion du mariage de Napoléon (Paris, 1810,
in-8) ; Recueil des plus beaux monuments anciens etmo-
dernes{^2iVi^, 18l2etsuiv.), ouvrageinachevé; Trai^^swr
l'art de la charpente, théorique et pratique (Paris, 1819
et suiv., 6 vol. in-fol. avec 179 pL). Un certain nombre
de ces ouvrages ont eu plusieurs éditions.
KRAFFT (Per, dit le Jeune), peintre suédois, fils de Per
Kraft't (V. ci-dessus), né à Stockholm en 1777, mort en
1863. Elève de l'Académie de Stockholm, il y remporta tout
jeune de brillants succès. Ses études achevées, et après la
mort de son père, il se rendit à Paris, où il séjourna lon-
guement et fut l'élève de David, et son disciple. Il fit un
voyage en Italie afin d'y étudier les anciens maîtres, et
revint à Paris qu'il ne quitta qu'en 1805 pour rentrer en
Suède, où il fut bientôt nommé membre de l'Académie des
beaux-arts. Ses tableaux, peintures d'histoire et portraits,
se distinguent par les qualités et les défauts propres à
l'école de David ; les derniers — sa production est considé-
rable -- ont été exécutés d'une façon souvent hâtive :
le dessin en est négligé, le ton lourd et peu agréable.
On en trouve un peu partout en Suède. Les plus connus
sont entre autres : le Duc Charles à bord du Gustave III
au combat de Hogland, Charles XHl adoptant Charles-
Jean (à Gripsholm) ; le Prince royal, Charles- Auguste
(id.); Prise de Leipzig après la bataille de Ï8i8;
Couronnement de Charles XIV Jean; Résurrection de
Lazare; Mort du Christ^ etc. Th. C.
— 633 — KRAFFT — KRAFT
KRAFFT (Johann-Peter), peintre allemand, né à Hanau
le 15 sept. 1780, mort à Vienne le 28 oct. 1856. Il se
forma tour à tour à Hanau, à Vienne, à Paris sous David,
puis en Italie, et devint professeur à l'Académie de Vienne
et directeur du Belvédère. Nous citerons, parmi ses
œuvres : Départ et Retour du réserviste (Belvédère) ;
Batailles d'Aspern et de Leipzig, Bélisaire mendiant.
Scènes de la vie de l'empereur François à la Hofburg,
Ossian et Malvina, Dorothée à la fontaine, Manfred,
d'après Byron ; Faust (aquarelle), et des Scènes histo-
riques de i809 et 1814 (inachevées), pour la décoration
du palais de Vienne.
K RAF FT-Ebing (Richard, baron de), médecin allemand
contemporain, né à Mannheim le 14 août 1840. Il fut
d'abord médecin-assistant à l'étabUssement des aliénés
dlllenau, puis exerça la médecine à Bade et devint, en
1872, professeur de psychiatrie à Strasbourg et en 1873,
directeur de l'asile de la province de Styrie à Graz ; enfin,
en 1880, il fut nommé professeur de psychiatrie et des
maladies du système nerveux à l'université de Graz. —
Ouvrages principaux : Grundzilge der Kriminalpsycho-
logie (Erlangen, 4872,1882, in-8 ; trad.fr., 1874); L^/tr-
buch der gerichîL Psychopathologie (Stuttgart, 1875,
1881, in-8); Lehrbuch der Psychiatrie (SiuiigaiVi, 1879,
1883, in-8); Psychopathia sexualis (Stuttgart, 1886,
in-8, et autres édit. et trad. fr., 1892). D^ L. Hn.
KRAFT (Adam), célèbre sculpteur allemand du moyen
âge, né probablement à Nuremberg vers 1450 ou 1455,
mort àSchwabach, près de Nuremberg, en 1507. Les seules
sources, pour la connaissance de sa vie et de ses œuvres,
sont le vieil historien des artistes nurembergeois, Johann
Neudœrfer, et quelques pièces d'archives. Encore ne sait-
on pour ainsi dire rien de sa vie. Quelle était sa famille?
quel fut son père, son maître? comment se forma-t-il?
Autant de mystères. On connaît parles archives un « Ulrich
Crafft, tailleur de pierres», un «Peter Kraft, orfèvre », sans
qu'il soit possible de savoir s'il y avait entre eux et lui le
moindre lien de parenté. La date même de sa naissance est
purement approximative et conjecturale, basée uniquement
sur l'âge dont témoigne son portrait sculpté),par lui-même
à la base du merveilleux tabernacle ou Sakramenthaus
de l'église Saint-Laurent, qui fut terminé en 1500. Con-
temporain et ami du célèbre Peter Vischer et de Sébastien
Lindenast, qui travaillait habilement le cuivre, il paraît
avoir vécu à Nuremberg en brave et honnête bourgeois,
ne sortant de son atelier que pour aller aux jours de fête
se distraire avec ses intimes. Il possédait en ville une
maison, ainsi qu'un jardin dans la Lodersgasse. Toutefois,
il n'était pas, malgré tout, bien riche; car, après sa mort,
la maison, hypothéquée pour une créance à Peter Imhof de
310 florins, dut être, faute de payement, abandonnée par
sa veuve, Barbe, en 1510. Neudœrfer nous dit qu'il fut
marié deux fois, sans qu'on puisse en avoir la preuve. Il
ne semble pas, en tous cas, avoir eu d'enfants. D'après le
vieux chroniqueur, il mourut à l'hôpital de Schwabach :
ce qui paraît assez invraisemblable, à moins qu'il n'ait été
brusquement surpris parla maladie ou la mort, au cours de
travaux dans la petite ville. On ne sait^oùil fut enterré;
on n'a retrouvé ni tombe ni épitaphe.
Ses œuvres sont toute l'histoire de sa vie. Il débuta pro-
bablement comme simple ouvrier tailleur de pierres, avant
de devenir grand sculpteur — d'ailleurs, au moyen âge, l'ar-
tiste fut-il jamais autre chose qu'un artisan bien doué ?
— et c'est dans ces humbles débuts qu'il faut chercher
Torigine du métier solide et fort, des connaissances tech-
niques approfondies, de Tenlente instinctive autant que
raisonnée des lois architecturales et décoratives, qui forment
en quelque sorte la base de toutes ses belles créations.
Lié avec le vieux Hans Behaim, maître maçon de Nurem-
berg, il enrichit de figures ou de reliefs d'ornement beau-
coup des bâtiments publics ou privés construits par lui.
Plusieurs de ces menus travaux attribués à Kraft par
Neudœrfer, ou qu'on peut lui donner par analogie, existent
KRAFT — KRAG
- 634 ~
encore et aident à faire comprendre son développement
d'artiste. Ils sont de dates très diverses, car il ne négligea
à aucune époque cet emploi de sentaient. Signalons parmi
les plus remarquables : un bas-relief de 1497 au-dessus
du portail de la Balance publique de la ville ; ailleurs,
de simples écus armoriés ; puis, à des maisons particulières,
une A doration du Christ enfant (Adlerstrasse, 21), Josué
et Caleb portant la grappe géante (Bindergasse, 20),
Saint Georges tuant le dragon (Theresienstrasse, 23),
une Annonciation (Winklergasse), des Vierges, etc. 11
avait exécuté en terre cuite tous les ornements et figures de
la maison d'André Imhof ; mais il ne s'en est malheureusement
rien conservé. C'est ainsi que peu à peu l'audace lui vint. En
même temps augmenta l'importance des commandes, et il
aborda les grandes œuvres qui ont fait sa réputation. La pre-
mière en date (4 490 environ) paraît être la fameuse série des
Sept Stations^ avec le Calvaire au bout, commandées
par Martin Ketzel, jeune patricien de Nuremberg, et dont
les distances sont exactement calculées d'après celles qui
séparent, à Jérusalem, la maison de Pilate de chacune des
places où se sont passées les principales scènes de la Pas-
sion. Le pieux fondateur avait entrepris deux pèlerinages
en Palestine, à la suite du duc Otton de Bavière, puis du
duc Albert de Saxe, en 1468 et 1472. Une touchante tra-
dition veut même qu'il n'ait fait le second que pour retrou-
ver ces mesures précises, perdues en route une première
fois, et qui seules pouvaient lui permettre de faire accom-
plir son vœu. Les sept bas-reliefs sculptés par Kraft, ou
au moins sous sa direction, qui vont de la porte Thiergsert-
ner au faubourg Saint-Jean, où est actuellement le cime-
tière de ce nom, quoique exécutés en grès assez grossier et
trahissant le plus souvent par des lourdeurs la collabora-
tion d'élèves, ont dans leur ensemble une simplicité, une
noblesse, une gravité pondérée dans l'émotion, exprimée
pourtant de la façon la plus intense, qui en font des mo-
dèles du genre.
Le monument funéraire des familles Schreyer et Lan-
dauer^ commandé en 1490 par Sebald Schreyer et son
neveu Mathieu Landauer, terminé en 1492, à l'extérieur
de Saint- Sebald, derrière le chœur, œuvre également
remarquable, est d'un caractère tout différent. La compo-
sition en est plus riche, l'exécution plus fine et délicate,
plus fouillée dans les détails. Troix grandes scènes princi-
pales, le Portement de croix, la Mise au tombeau et la
Résurrection, se juxtaposent au premier plan, sur un
fond montueux de paysage, où d'autres scènes secon-
daires de la Passion sont clairsemées. La conception ici
— par exception chez Kraft — est plus picturale que
plastique, mais infiniment pittoresque et charmante. Trois
autres monuments funéraires, de date postérieure (vers
4500 ou peu après), peuvent être rapprochés et groupés,
comme reproduisant avec des variantes un seul et même
motif, celui de la Glorification de la Vierge, représentée
dans le ciel, agenouillée ou debout, couronnée par Dieu le
père et son fils ou par des anges. Ce sont : le monument
commandé par Mathieu Landauer pour sa propre famille,
dans le cloître de l'ancienne abbaye de Saint-Gilles, aujour-
d'hui transporté dans l'église même (chapelle Tetzel) ; puis
ceux de Hans Rebeck et de la famille Pergenstorffer, à la
Frauenkirche, leur nouveau domicile, depuis la démolition
du couvent des Dominicains et de celui des Augustins, où
ils étaient primitivement aussi dans le cloître. L'art de
Kraft s'y montre toujours égal à lui-même, et, sauf quelques
exagérations çà et là, quelque pesanteur allemande, sage-
ment ordonné autant que pieusement tranquille. Mais son
triomphe, son chef-d'œuvre, celui qui l'a rendu surtout po-
pulaire, et où il semble avoir accumulé les difficultés pour
avoir occasion de les vaincre, c'est le tabernacle ou Sakra-
menthaus de l'église Saint-Laurent, commandé en 1 493 par
HansImhof,marguillier de la paroisse, et terminé seulement
en 1500, après la mort du fondateur : étonnante pyramide
de pierre d'une hauteur de plus de 19 m., adossée à un des
piliers du chœur, et qui se dresse comme une flèche de
cathédrale, comme un travail d'orfèvrerie et presque de
dentelle, enlaçant dans ses arabesques des superpositions
de reliefs sculptés, avec une élégance et une légèreté in-
comparables. Le noyau même de l'œuvre, le tabernacle
destiné à l'exposition de la monstrance, est surélevé du sol
par une sorte de galerie ou de balcon à jour, que supportent
sur leurs épaules, par un sentiment de légitime fierté, les
figures agenouillées, grandeur nature, d'Adam Kraft et de
deux de ses ouvriers. On comprend que ce tour de force, qui
annonce chez Kraft un talent d'architecte, égal, sinon su-
périeur à celui de sculpteur, ait fait naître la légende qu'il
avait le secret d'amollir les pierres, puis de les redurcir après
leur avoir donné forme. Le tabernacle de Saint-Laurent fut
imité un nombre incalculable de fois, dans toutes les églises des
environs de Nuremberg, en particulière Fùrth, Schwabach,
Heilsbronn, Kalchreuth, Katzwang. On lui en avait commandé
un second pour l'église de l'abbaye de Kaisheim, mais qui
est aujourd'hui détruit. La Mise au tombeau de la cha-
pelle Holzschuher, au cimetière Saint- Jean, qu'on lui attribue
souvent, commencée peut-être sous sa direction, ne fut ter-
minée qu'après sa mort, en 1518. — Adam Kraft est un
des derniers artistes pieux, tendres et naifs du moyen âge
finissant. Il est resté toute sa vie fidèle aux pures traditions
chrétiennes, sans avoir été entamé en rien par l'esprit nou-
veau. Après sa mort, la Renaissance fit à Nuremberg une
triomphante et définitive invasion. Paul Leprieur.
BiBL. : Neudœrfer, Nachrichten von Nûrnhergischen
Kùnstlern, herausgegeben von D" Lochner; Vienne, 1875,
pp. 10-19, in-8. — Wanderer, Adam Kraft et son école;
N uremberg, 1 869, in-fol. — Dohme, Kimst und Kûnstler des
MittelaltersundderNeuzeit; Leipzig, 1878, l'"®partie, t. II,
in-4 (art. de R. Bergau}. — Bode, Geschichte der deut-
schen Plastik; Berlin, 1887, pp. 131-139, in4.
KRAFT (Jens), philosophe danois, né à Frederikshald en
1720,morl en 1 765. Il se rattachait à l'école de Wolf et s'ef-
forçait de propager en Danemark les idées du philosophe
allemand. Il soutint contre Sneedorf une lutte très vive en
faveur des sciences exactes et du latin, et publia à cette
occasion ses Lettres critiques pour le progrès des
sciences et l'amélioration du goût. Dans d'autres écrits,
il se montre disciple de Rousseau, dont il accepte et défend
la théorie sur la néfaste influence de notre conception de la
propriété.
KRAFT (Antoine), violoncelliste, né à Rokytzan (Bo-
hême) le 30 déc. 1752, mort à Vienne le 28 août 1820.
Il fut attaché à l'orchestre du prince Esterhazy, passa
en 1796 au service du prince Lobkowitz, et se fit applaudir
dans quelques voyages de concerts. Il a publié plusieurs
sonates, duos et concertos pour son instrument.
KRAFT (Nicolas), violoncelliste, fils du précédent, né à
Esterhaz (Hongrie) le 14 déc. 1778, mort à Stuttgart le
18 mai 1853. Il fut attaché avec son père à la musique du
prince Lobkowitz, puis à l'orchestre de l'Opéra de Vienne,
et enfin au service du roi de Wurttemberg. Différents
voyages de concerts accompfis en Allemagne, en Hollande
et en Bohême, répandirent et consolidèrent sa réputa-
tion de virtuose. Ses oeuvres consistent en concertos pour
violoncelle et orchestre, duos pour deux violoncelles et
morceaux divers pour le même instrument.
KRAFT (Jens-Edvard), topographe et bibliophile norvé-
gien, né à Christianssand en 1784, mort en 1853. Tout
en étudiant la théologie et le droit, il s'occupait d'histoire
littéraire, de bibliographie et de topographie ; fonctionnaire,
il continua ses recherches qui le mirent bientôt en état de
publier des ouvrages d'un réel mérite par la sûreté et
l'abondance des informations : Alm. Literaturlexikon for
Danmark, Norge og Jsland (en collab. avec Nyerup,
1818-19); Topografisk-statistik beskrivelse over Konge-
riket Norge (1820-35, 6 vol.) ; Norsk forfatterlexikon
(1814-56), etc.
KRAG (Anders), médecin danois, né à Ribe en 1558,
mort enl600. Il fitd'abord sesétudes à Wittenberg; mais,
attiré par l'éclat de Montpellier, il se rendit dans cette ville
où il fut reçu docteur après avoir résolu 13 questions, dé-
- 635 -
KRAG — KRALOVE
fendu 66 propositions, donné 2 consultations, prononcé
4 discours et fait 2 conférences. Il nous donne lui-même
tous ces détails dans un livre curieux intitulé Laiirea
Apollinea Monspeliensis, publié en 4586. Il se montre,
dans les ouvrages qu'il publia par la suite, admirateur de
Platon, dont il traduit le Parmenide en latin, et disciple
convaincu de Ramus, qu'il défend dans Rameœ scholœ et
defensio Pétri Rami (1587) et dans Aristotelica et Ra-
mea (1585). De retour à Copenhague, il fut d'abord pro-
fesseur de mathématiques, puis de physique, et mourut
trop tôt pour obtenir la chaire de médecine à laquelle ses
brillantes études lui donnaient droit. Th. C.
KRAG (Niels), historien et diplomate danois, frère du
précédent, né à Ribe en 1568, mort en 160!2. Comme son
frère, il fit ses études en France, où il reçut le titre de
docteur en droit. En 1589, il était professeur d'histoire à
Copenhague, et, en 1592, professeur de grec. Il passait
d'ailleurs presque tout son temps, loin de sa chaire, à des
missions diplomatiques, tantôt en Ecosse, tantôt en Angle-
terre, où il fut bien reçu par Elisabeth, tantôt en Pologne.
Il mourut trop tôt pour achever les Annales Christiani IIl,
dont les premiers matériaux avaient été rassemblés par
Vedel et que Stephanius continua jusqu'à la mort du roi.
Ces annales furent publiées en 1 737 par Gram et traduites
en danois et annotées par Sandvig de 1796 à 1779. On a
aussi de Niels une dissertation de valeur : De Republica
Lacedœmonioru'm{iDdi^), Th. C.
KRAGERŒ. Ville maritime de Norvège, prov. de Chris-
tiania, amt de Bratsberg ; 5,000 hab. Port de pêche et
cabotage ; la valeur dés échanges représente plus de 4 mil-
lions de fr. (huîtres, bois de construction, etc.); en face
sont les bancs de Jomfruland.
KRAGOUÏÉVATS (Kragujewatz), Ville de la Serbie,
ch.-l. du cercle du même nom, sur la Lépénitsa, affluent de
la Morava; 9,083 hab. Elle fut érigée par le prince Miloch
en capitale de la Serbie et demeura telle jusqu'en 1842. Elle
possède une fonderie de canons, une manufacture d'armes
et est aujourd'hui le grand arsenal militaire du royaume.
Elle se trouve reliée à la grande voie ferrée Belgrade-Nich,
par l'embranchement de La'povo-Kragouïévats. — Le cercle
de Kragouïévats, d'une superficie de 2,392 kil. q., compte
122,220 hab.
KRAHE (Johann-Lambert), peintre et graveur allemand,
né à Dusseldorf en 1712, mort en 1 790. Il vécut et professa
longtemps en Italie, puis, de retour dans sa ville natale
(1755), y devint directeur de l'Académie et ensuite de la
Galerie de peinture. Parmi ses œuvres décoratives, nous
citerons le plafond de la Bibliothèque de l'électeur à Mann-
heim et_ quatre plafonds au château Benrath à Dusseldorf.
KRAÏNA. Région du N.-O. de la Bosnie, qui forme
aujourd'hui le district de Bihatch. Elle est habitée par en-
viron 150,000 Croates, d'où le nom de Croatie turque
qu'on lui donne quelquefois.
KRAINA. Province méridionale du Monténégro, formée
des territoires cédés en 1880 à la principauté par la Turquie ;
16,000_ hab, répartis sur une superficie de 376 kil. q.
KRAINA. Cercle de la Serbie, situé dans la partie N.-E.
du royaume ; 82,000 hab., dont de nombreux Roumains ;
superficie, 1,321 kil. q. Cette région produit d'excellents
vins qui ont la saveur du bordeaux. — Ch.-l. Négotine.
KRAINBURG. Ville de Carniole, à 25 kil. de Laibach.
Elle compte 2,300 hab. Les margraves de Carniole y ont
eu leur plus ancienne résidence. Le château de Kieseîstein
date de 1262.
KRAJEWSKI (Michel), écrivain polonais, né en 1746,
mort en 1817. Il embrassa la carrière ecclésiastique. Il a
écrit des romans jadis très populaires, aujourd'hui démo-
dés : la Podolienne ou l Elève de la nature (Varsovie,
1784); les Aventures de Wojciech Zavrzynski {id.^
1786); Leszek le Blanc (Varsovie, 1787). On a publié
après sa mort : Vies des illustres polonais (Radom,
4830); Histoire de Jean-Kasimir, de i6Ô6 à i668
(Varsovie, 1846, 2 vol.).
KRAJVESKY (V. Kraevsky).
KRAKATOA. Ilot du détroit de la Sonde, entre Sumatra et
Java, 5 kil. 1/2 de long sur 3 de large, 15 kil. q. Il mesurait,
avant le cataclysme de 1883, 9 kil. sur 5 et 33 1/2 kil. q.
Au N.-O. s'élevait le cratère volcanique de Perbouatan
(822 m. d'alt.) L'îlot était entourée de récifs coralliaires
et d'îlots parmi lesquels Verlaten au N.-O. et Long au
N.-E. Elle était revêtue de forêts épaisses; au N. jaillis-
saient des sources thermales. Bien qu'elle fût sur le pro-
longement de la chaîne volcanique de Java, les forces
souterraines ne s'étaient pas manifestées depuis 1680. Le
20 mai 1883, le volcan se réveilla, vomissant delà fumée
et de la cendre. Dans la nuit du 26 au 27 août s'accom-
plit un des phénomènes volcaniques les plus prodigieux que
l'on connaisse. Le N. de l'île avec le volcan s'enfonça sous
les eaux, tandis que le S.-O. s'accroissait un peu, que
l'île Verlafen triplait (de 3,7 à 11,8 kil. q.) et que l'île
Long gagnait 30 hect. (auj. 3,2 kil. q.) ; deux nouveaux
îlots apparurent, mais la mer les démolit en quelque mois.
Tous ces îlots furent couverts de monceaux de cendres qui
étouffèrent toute vie. Le pic Rakata, dans Krakatoa, atteint
maintenant 832 m., l'île Verlaten 205, l'île Long 135 m.
Le fond marin inégal a été nivelé. Ces bouleversements
déchaînèrent des vagues formidables sur les côtes de Suma-
tra et de Java, où Andjer et Merak furent submergées ; il
y eut, dit-on, 100,000 victimes. La vague se propagea à
travers tout l'océan Pacifique et Indien, les masses de
cendres furent dispersées sur presque toute l'étendue du
globe ; la commotion fut sentie à Sidney, New York, Paris,
Berlin, Saint-Pétersbourg. A. -M. B.
BiBL. : Verbek, KrakatSLU; La Haye, 1886, 2 voL av.
atlas .
KRAKOUTCHANDA. Bouddha imaginaire, le premier du
Bhadra-kalpa, né à Mekhalâ selon les Singhalais, à Na-pi-ka
selon les Chinois. De son temps, la vie avait une durée de
quarante mille ans ; sa période est du double. Il eut pour
successeur Kanakamouni.
KRAKOW,(V. Cracovie).
KRÂKUMÂL (c.-à-d. chant de Krâka), Ancien poème
norvégien qui décrit les exploits de Ragnar Lodbrok et sa
mort. La langue de ce poème et sa forme ne permettent pas
de le faire remonter au delà de la seconde moitié du
XII® siècle. Peut-être repose-t-il sur un ancien poème da-
nois qu'aurait utilisé aussi Saxo Grammaticus. Littéraire-
ment, ce poème est d'une grande valeur, aussi a-t-il été
traduit souvent et en plusieurs langues. Th. C
KRAKUSY. Cavaliers polonais armés à la légère, équipés
en 1812 à Cracovie par le général Uminsky et dénommés
en souvenir du prince légendaire Cracus ou Krakus. En
1830, tous les cavaliers de l'insurrection adoptèrent ce
nom.
KRALIN6EN. Ville du royaume des Pays-Bas, prov.
de la Hollande méridionale, au S. de la Meuse et au N.-E.
de Rotterdam; 14,000 hab. Grandes pêcheries; plusieurs
mines.
KRALOVE DvoR ou DVUR Kràlove (en allemand /T^m-
ginhof). Ville de Bohème, située sur l'Elbe et la ligne
Parcbubrie-Reichenberg ; 7,000 hab. Eglise et hôtel
de ville intéressants, monument du héros légendaire Zaboj.
Un combat y fut livré le 29 juin 1866 entre les Prussiens
et les Autrichiens. Le nom de Kralovedvor se rattache à
un monument littéraire qui jouit en Bohême et dans les
pays slaves d'une grande popularité et qui a suscité d'ar-
dentes polémiques. Hanka aurait découvert dans cette ville,
le 16 oct. 1817, un recueil d'anciens poèmes tchèques
qu'il publia en 1819 avec une traduction allemande de
Svoboda sous le nom de Kralovdvorsky Rukopis^ manus-
crit de Kralovedvor. Ce recueil, qui est aujourd'hui déposé
au musée de Prague, comprend cinq poèmes d'une allure
épique, neuf poèmes lyriques épiques ou purement lyriques
et des fragments mutilés. Quand il parut, il fit grand bruit
en Bohême et dans tous les pays slaves. Il a été traduit
dans toutes les langues européennes et commenté dans tous
KRALOVE — KRANTZ
636 —
les idiomes slaves. Le manuscrit est fait avec beaucoup
d'habileté et présente au premier abord tous les caractères
d'authenticité paiéographique. Néanmoins, dès sa pubHca-
tion, il parut suspect à Dobrowsky: Kopitar, Mikiosich,
Feifalik, Bùdinger, se refusèrent également à admettre son
authenticité. Cette authenticité devint en Bohême une ques-
tion de patriotisme, et parmi les Tchèques on n'osa guère
la contester. Elle fut défendue avec beaucoup de talent et
d'érudition par les frères Jirecek dans le volume intitulé
Die Echtheit der Kœniginhofer Handschrift (Prague,
4862), par Palacky, flattala, Brandi, Ed. Greg, etc. Depuis
quelques années, les attaques ont repris avec vigueur et
ont été menées dans un esprit de critique rigoureusement
scientifique, notamment par MM.Sembera, Gebauer, J. Goll,
Masaryk. On en trouvera le résumé de ces polémiques dans
h collection àeV Àrchiv fur slavische Philologie (t. X, XI).
Malheureusement comme les fidèles qui ne permettent pas
de toucher aux livres saints, certains patriotes tchèques
considèrent toute discussion critique du Kralovdvorsky
Rukopis comme un crime de lèse-patrie. Le moment n'est
pas encore venu où la discussion pourra être menée dans
un esprit absolument désintéressé et scientifique. Le recueil
a été souvent réimprimé (notamment Prague, 1867, 1879,
1885, etc.), soit seul, soit avec traductions et commen-
taires en allemand ou dans diverses langues slaves. L'une
des éditions les plus curieuses est celle qui a été donnée par
Hanka sous le titre de Polyglotta (Prague, 1852) et qui
renferme des traductions en une dizaine de langues. Une
édition illustrée a été donnée par Korinek (1873). Le
Kralovdvorsky Rukopis a été traduit en français par
M. Louis Léger dans le volume intitulé Chants héroïques et
chansons populaires des Slaves de Bohême (Paris, 4 866) .
Le traducteur avait alors dans l'authenticité de son texte
plus de confiance qu'il n'en a aujourd'hui. L. L.
BiBL. : Toutes les histoires de la littérature tchèque consa-
crent un long chapitre au manuscrit.— Art. Kralovdvorsky
Rukopis, dans Y Encyclopédie tchèque (SlovnikNaucny). —
Archiv fur siavische Philologie. — La bibliographie com-
plète du manuscrit et des polémiques auxquelles il a
donné lieu formerait un volume entier.
KRALOVE Hradec (en allemand Kœniggrœlz). Ville de
Bohême, ch.-l. d'un cercle, située au confluent de l'Adler
et de l'Elbe, à environ 400kil. àl'E.dePrague; 8,000 hab.
Elle possède un évêché, un séminaire et une belle cathé-
drale gothique de 1302. Fabrication de gants, de cire,
d'instruments de musique. Fortifié dès i 062, une seconde
fois, à la moderne, en 1780, Kœniggraetz a été récemment
déclassé comme forteresse. La grande célébrité de cette
localité est due à la bataille du 3 juil. 1866 (V. Sadowa).
KRALUPY. Bourg de Bohème, sur la rive droite de la
Moldava ; 3,000 hab. C'est là que se détachent de la
grande voie ferrée de Vienne-Prague à Bodenbach et vers
l'Allemagne, les lignes de la Bohême septentrionale par
Neratovic; de Buschtehrad, par Wejhybka, et de Welvvarn
et Slovenocs.
KRAMER (Wilhelm), médecin allemand, né à îlalber-
stadt le 17 déc. 1801, mort à Berlin le 7 déc. 1875. Il
s'occupa spécialement d'otologie et acquit une grande no-
toriété dans cette science qu'il contribua beaucoup à cons-
tituer. Ses ouvrages embrassent la période de 1833 à 1873.
Citons : Handbuch der Ohrenheilkwide (Berlin, 4867,
in-8). D^ L. Hn.
KRAMER (Antonio-Giovanni de), chimiste italien d'ori-
gine allemande, né à Milan le 24 juin 4806, mort à Tre-
mezzo iLorabardie) le 25 sept. 4853. Il fut l'élève de Pictet
et de de Candolle, à Genève, de Thénard, à Paris, et de
4832 jusqu'à sa mort, enseigna la chimie dans divers éta-
blissements de Milan ; il y fit en outre, le soir, pendant
une dizaine d'années, des cours populaires. On lui doit
d'intéressants travaux sur la désinfection des matières fé-
cales, sur l'analyse minérale du sang et des urines, sur
le fulmi-coton, sur le gaz d'éclairage, sur le raffinage
des sucres, sur l'impression des étoffes, etc. Il s'est aussi
occupé d'électromagnétisme. Outre des mémoires insérés
dans les Annales de Poggendorff, dans // Politecnico,
dans les recueils de l'institut lombard, etc., il a publié :
Tableaux synoptiques ou Abrégé des caractères chi-
miques des bases sali fiables, en collab.avec Ed. Laugier
(Paris, 4828, in-8 ; trad. allem.; Nuremberg, 4 829, in-8);
Ricerche per discopire nel sangue^ .., le combinazioni
minerali, travail couronné par l'Académie des sciences
de Paris (4842), L. S.
KRAMERIA (Bot. etthérap.) (V. Ratanhiâ).
KRAMERIUS (Vacslav-Mathieu), littérateur tchèque, né
à Klatovy en 4759, mort à Prague en 1864 , Il fit ses études
à Prague et s'y lia avec quelques-uns des restaurateurs de
la nationalité bohème, Pelcel, Dobrowsky, Prochazka. Il
collabora à leur œuvre en rédigeant un grand nombre d'ou-
vrages populaires, en fondant une imprimerie et une librai-
rie, en publiant divers journaux. L'un d'entre eux s'appe-
lait Jou?^?2â!/j??a^rfoi5z^w^ impérial et royaldeKramerius.
KRAMP (Chrétien), mathématicien et médecin français,
né à Strasbourg le 40 juil. 1760, mort à Strasbourg le
43 mai 4826. îl exerça d'abord la médecine à Paris et
dans diverses villes rhénanes, fut ensuite professeur de
chimie et de physique à l'Ecole centrale du dép. de la Roer,
à Cologne, et devint, en 4809, professeur de physique et
doyen de la faculté des sciences de Strasbourg. En 4847,
il ifut élu correspondant de l'Académie des sciences de Pa-
ris. Outre une quarantaine de mémoires originaux parus
dans \c^ Annales de mathématiques de Gergonne et dans
quelques autres recueils, il a écrit : Geschichte der Aë-
rosto^z/c (Strasbourg, 4783, 2 vol. in-8; suppU, 4786);
Krystallographie des Miner alreichs, en collab, avec
Bekkerhin (Vienne, 4793, in-8); Kritik der praktischen
Arzneikimde (Leipzig, 4795, in-8); Analyse des 7'é frac-
tions astronomiques et terrestres (Strasbourg et Leipzig,
4799, in-4), où l'on trouve une excellente solution du
problème de la réfraction atmosphérique ; Eléments
d'arithmétique universelle (Strasbourg, 4808, in-8 j,
autre ouvrage de grande valeur, etc. L. S.
BiBL. : Lalande, Dibliogr. astronom. ; Paris, 1803,
p. 811. — A.-R. Grant. History of physlcal astronomy ;
Londres, 1852, p. 330. — Catalogue of scientifîc papers do
la Société royale; Londres, 1869, t. IIL
KRANACH (Lucas de) (V. Cranach).
KRANKENHEIL (V. Tôlz).
KRANNER (Joseph), architecte, ingénieur et archéologue
autrichien, né à Prague le 43 juin 4804, mort à Vienne
le 20 oct. 4874. Elève de l'Ecole polytechnique de Prague
et ayant voyagé en Italie et en France, Kranner construi-
sit le tombeau de la famille de Metternich dans l'abbaye
cistercienne de Plass, le grand tunnel du chemin de fer du
Karst et l'hospice des aveugles ainsi qu'une fontaine mo-
numentale à Prague. Nommé, en 4861, architecte de la
cathédrale de cette ville, il y fit exécuter de grands tra-
vaux de restauration et fut appelé à Vienne par l'architecte
Ferstel (V. ce nom) comme directeur des chantiers de
construction de l'église Votive. Kranner, qui avait hérité de
son père d'un grand atelier pour le travail de la pierre,
fut l'inventeur de plusieurs machines destinées à alléger le
travail de l'ouvrier et, ayant fait de nombreux relevés des
anciens monuments d'architecture de la Bohême, il fonda,
pour leur publication, VArcheologische Blatter. Ch. L.
KRANTZ (Jean-Baptiste-Sébastien), ingénieur et homme
pohtique français, né à Arches (Vosges) le 47 janv. 4847.
Elève de l'Ecole polytechnique (4836), de l'Ecole des ponts
et chaussées (4 838), il fut retraité en 4877 avec le titre
d'inspecteur général honoraire, après une carrière des plus
brillantes (construction du palais de l'Exposition de 4867;
invention d'un barrage mobile [1868] ; défense d'une sec-
tion de l'enceinte de Paris pendant le siège de 4874, etc.).
Elu représentant de la Seine à l'Assemblée nationale le
2 juil. 4871, vice-président du centre gauche, il s'occupa
surtout de questions économiques, rapporta l'enquête sur
la navigation intérieure, le projet de chemin de fer sous
la Manche et se prononça contre les grandes compagnies
de chemins de fer. Le 40 déc. 4873, il fut élu par l'Assem-
— 637 —
KRANTZ — KRASÏCKI
blée sénateur inamovible. Il combattit le boulangisme et
appuya en général la politique dite opportuniste. Il fut
commissaire général de l'Exposition universelle de 1878.
On a de lui : Etude sur l'application de V armée aux
travaux d'utilité publique (Paris, 1847, in-8) ; Projet
de création d'une armée des travaux publics (1847,
in-8); Etude sur les murs de réservoirs (1870, gv.
in-8) ; Observations au sujet des chemins de /i?r(1875,
in-8) ; Observations au sujet des prix de transport^
des tarifs et du rachat des chemins de fer (188^2, in-8).
KRANTZ (Jules-François-Emile), amiral français, né à
Arches (Vosges) le 29 déc. 1821, cousin du précédent.
Entré dans la marine en 1837, il commanda le vaisseau-
école de canonniers le Louis XIV (1869), commanda le
fort d'Ivry pendant le siège de Paris et devint chef du
cabinet de l'amiral Pothuau, ministre de la marine, puis
directeur des mouvements de la flotte. Promu contre-amiral
le 4 juin 1871, il fut chargé en 1873 du commandement
en chef de la division navale des mers de Chine et gouver-
neur intérimaire de la Cochinchine, y fit fermer toutes les
maisons de jeux. Directeur des travaux de la marine
(1875), vice-amiral (1^^ déc. 1877), préfet maritime de
Toulon (1879), commandant de l'escadre d'évolutions
(1881), il fut placé dans le cadre de réserve en 1886. Le
4 janv. 1888, il prenait le portefeuille de la marine et des
colonies dans le cabinet Tirard et le conservait dans le
cabinet Floquet jusqu'au 22 févr. 1889. De nouveau mi-
nistre dans le cabinet Tirard du 19 mars 1889, il démis-
sionna le 8 nov. parce qu'il ne voulait accepter aucune
diminution du contingent employé au Tonkin. L'amiral
Krantz est l'auteur de traités techniques importants. Citons :
Eléments de la théorie dunavire (Toulon, 1852, in-8);
Considérations sur le roulis des bâtiments (Paris,
1867, in-8).
KRANTZ (Charles-Camille-Julien), homme politique
français, né à Dinozé (Vosges) le 24 août 1848, fils de
Jean-Baptiste. Elève de l'Ecole polytechnique, ingénieur des
manufactures de l'Etat, maître des requêtes au conseil
d'Etat (1879-91), professeur de droit administratif à
l'Ecole des ponts et chaussées. Elu député d'Epinal le 22
févr. 1891, républicain libéral, il a été réélu en 1893.
KRANTZ (Jean-Marie-Achille-Emile), professeur et écri-
vain français, né à Nancy le 12 sept. 1849.11 fit ses études
au lycée de Nancy, puis, étant venu en 1868 les compléter
à Paris comme élève de Sainte-Barbe suivant les cours du
lycée Louis-le-Grand, il eut en 1869 le prix d'honneur de
philosophie au concours général. Il prit sa licence à Nancy
(1872) et n'entra qu'en 1873 à l'Ecole normale supé-
rieure, d'où il sortit premier, mais avec un congé de
santé. Agrégé en 1877, on le nomma la même année maître
de conférences pour la philosophie et le français à la fa-
culté des lettres de Nancy, où il devint titulaire de la
chaire de littérature française en 1884 et dont il est doyen
depuis 1890. Il est docteur de 1882, avec ces thèses bril-
lamment soutenues en Sorbonne : Be Amicitia apud
Aristotelem (Paris, in-8) et Essai sur VEsthétique de
Descartes (in-8). Dans cet essai, il étudie les rapports de
la littérature classique du xvn^ siècle avec la doctrine car-
tésienne. Antérieurement, il avait donné, en collaboration
avecL. Ganderax, Miss Fanfare, pièce en trois actes, en
prose, représentée au Gymnase le 25 mars 1881. Depuis,
il a publié dans la Revue philosophique, la Revue bleue,
les Annales de l'Est, nombre d'articles de critique, no-
tamment sur Leopardi, sur les origines du romantisme,
sur Palissot et son cercle, sur Alfred de Musset, sur le
Traité de la Vieillesse de Cicéron, etc. Quelques études
ont paru séparément : l'Art en Lorraine (Paris, 1886,
in-8) ; Etude sur J.-J. Grandville (Paris, 1893, in~8) ;
beaucoup d'autres, de moindre importance, dans divers
journaux, dont le Soir et la République française. H. M.
KRÂPF (Ludwig), missionnaire et voyageur allemand,
né à Derendingen, près deTubingue,le 11 janv. 1810, mort
à Kornthal le 26 nov. 1881. Une société anglaise l'envoya
comme missionnaire en Abyssinie (1837-42), où il sé-
journa à Ankober, puis à Mombaza, d'où il visita les
royaumes d'Ousambara et Oukambani, fit connaître les
monts Kenia, Kilima-ndjaro et l'existence d'un grand lac
intérieur. Revenu en Abyssinie (1854), il fut expulsé par
Theodoros, et accompagna, en 1867, l'expédition anglaise.
Il a écrit la relation de ses voyages : Reisen in Ostafrika
von iSSl bis i853 (Kornthal, 1858, 2 vol. ; anglais,
Londres, 1860; 2« éd., 1867), publié: Vocabulary of
six East African languages ; Outlines of the éléments
of the Kisuahili language ; Dict. of the Suahili lan-
guage (Londres, 1882), et traduit la Bible en galla, kinika,
souahéli, ouakouasi.
BiBL. : Claus, L. Krapf; Bàle, 1882.
KRAPINA. Ville de Croatie, comitat de Varazdin ; 1,500
hab. Elle possède des eaux minérales déjà connues au temps
des Romains (Aquœ kaœ), très efficaces contre la goutte et
le rhumatisme, qui attirent chaque année de nombreux bai-
gneurs. D'après une tradition indigène, cette ville aurait
été le berceau des deux frères légendaires Czech et Lech,
ancêtres des nations bohème et polonaise.
BiBL. : Rak, Das Mineralbad Krapina ; Vienne, 1876.
KRAS ou CARSO (V. Karst).
KRASÏCKI (Ignace), écrivain polonais, né à Dubiecko
le 4 févr. 1735, mort à Berlin le 14 mars 1801. Elève dis-
tingué des jésuites de Léopol (Lwéw), il suivit les conseils
d'une mère très pieuse pour se vouer à l'état ecclésiastique,
où il fit une carrière aussi rapide que brillante. D'abord
chanoine de Kiev, puis de Przemysl, il devint, à l'âge de
trente et un ans, titulaire de l'évêché de Warmie auquel
étaient attachés le titre de prince et de grands revenus.
Riche d'ailleurs par lui-même, héritier de la fortune con-
sidérable de son père qui fut castellan de Chelm, Krasicki
fut un de ces prélats très mondains de la fin du xvm« siècle,
pour qui la prélature n'était qu'une bague au doigt et qui
partageaient leur temps entre les intrigues politiques et les
travaux de l'esprit. Entré de bonne heure en relations avec
la cour de Pologne, il se fixa à Varsovie, où il publia ses
premières compositions littéraires dans le Monitor ainsi
que dans les Distractions agréables et utiles (1770-78).
C'étaient des fables et des satires d'un tour délicat et pei-
gnant dans la perfection les vices de la société du temps.
Après le premier partage de la Pologne, Krasicki ne dé-
daigna point de se mettre en rapports avec Frédéric II
dont il devint l'hôte assidu à Potsdam et à Sans-Souci, où
il écrivit la Monomachia, satire mordante de la vie mona-
cale. Un peu avant (1766), il avait donné en prose les
Aventures de Doswiadczynski {M, l'Expérience), où il
critique vertement l'éducation des hautes sphères de la
société et les abus des tribunaux ; il y trace en même
temps, à l'exemple des philosophes français de l'époque,
le tableau d'une société idéale. A partir de ce moment ses
œuvres revêtent un caractère didactique et utilitaire, telles
que Pan Podstoli, portrait d'un propriétaire foncier mo-
dèle, et Recueil de comiaissances utiles classées par
ordre alphabétique (1781). De cette époque datent, en
outre : l'Histoire divisée en deux chapitres, satires des
historiens trop crédules, VAntimonomachia et laRataille
de Chocim. Le voyage qu'il fit à ce moment en Ruthénie
fut suivi de Lettres et écrits divers, mélanges littéraires
fort intéressants. Sur la fin de sa vie, Krasicki établit
définitivement sa résidence à Heilsberg (W^armie), où il
s'occupa de compléter les travaux héraldiques de Niesiecki.
Sous l'influence des malheurs de sa patrie, il écrit le Ca-
lendrier du citoyen (1793). Nommé deux ans après ar-
chevêque de Gnesen, primat de Pologne, il s'occupa encore
de traduire la Vie des hommes illustres de Plutarque et
les Dialogues des morts de Lucien. Il mourut subitement
à Berlin ; son corps fut transporté à Gnesen en 1829.
Parmi les œuvres très nombreuses de Krasicki, ses
fables et ses satires resteront comme un monument litté-
raire de premier ordre : elles lui ont valu d'ailleurs le sur-
nom mérité de La Fontaine et de Boileau polonais. Ses
KRASICRI — KRASNOVODSK
- 638 -
divers écrits ont eu de nombreuses éditions : la première
en date et peut-être la meilleure (en 10 vol.) fut publiée à
Varsovie (1802-04); il en a paru une à Paris, en un seul
volume (1830-3 et 1845). Plusieurs ont été traduits en al-
lemand, quelques-uns en français par BernouUi et par l'abbé
Lavoisier, chanoine de Mohilev. F. Trawinski.
BiBL.: Walérien Wroblewski, 7. iîLrcisic/îi, dans VAte-
neum de Varsovie, 1841, t. V. — Gustave Ehrenberg,
Livre collectif {en polonais); Varsovie, 1862. — J.-I. Kra-
szEWSKi, /. Krasicki, sa vie et ses œuvres ; Varsovie,
1879. — Bulletin polonais, n» 41, p, 60.
KRASINSKI (Jean), historien polonais, né à Szczuki
en 1550, mort à Cracovie en 1612. Il fit ses études à
l'étranger et embrassa la carrière ecclésiastique. Il fut
secrétaire d'Etienne Batory. Il a écrit une curieuse descrip-
tion de la Pologne, Polonia (Bologne, 1574). Cet ouvrage
a été réimprimé par Mitzler et traduit en polonais par
St. Budzinski (Varsovie, 1852).
KRASINSKI (Vincent), général polonais, né en 1783,
mort en 1858. 11 servit dans la grande armée et fut gé-
néral en chef des troupes du duché de Varsovie ; il con-
serva son grade dans le royaume de Pologne, devint sénateur,
membre du conseil de l'empire russe et de 1855 à 1856
lieutenant du royaume. Il fut le père du célèbre poète.
KRASINSKI (Valerien), historien et publiciste polonais,
né dans la Russie Blanche en 1795, mort à Edimbourg
en 1855. Il servit dans l'administration du royaume de
Pologne ; en 1830, le gouvernement révolutionnaire lo
chargea d'une mission en Angleterre. Il s'établit dans ce
pays et y publia sur la Pologne et les pays slaves des
ouvrages estimés, notamment : The Rise, progress and
décline ofthe Re formation in Poland (Londres, 1839,
trad. en allem. par Lindau; Leipzig, 1841); Lectures on
the religions history of the Slavonie nations {id.^
1850, trad. en franc., Paris, 1853) ; Polaîid, its history,
Constitution {id., 1855), etc.
KRASINSKI (Sigismond), poète polonais, né à Paris le
9 févr. 1813, mort à Paris le 23 févr. 1859. Fils de Vin-
cent Krasinski et de Marie Radziwill, filleul de Napo-
léon P^", il eut d'abord pour précepteur le célèbre romancier
Joseph Korzeniowski, continua ses études au lycée et, pen-
dant peu de temps, à l'université de Varsovie. Son talent
littéraire se révéla de très bonne heure, ce qui le fit appeler
r Enfant merveilleux ;ki^eine âgé de quinze ans, il com-
posait déjà des romans dans le genre de Walter Scott. En
1828, Krasinski quitta son pays, pour séjourner, sauf de
rares intervalles, en Suisse, en Allemagne, en Italie et en
France. C'est à l'étranger et en grande partie à Paris qu'il
publia successivement toutes ses œuvres. En 1834 paraît
Agay Han^ roman historique dont l'héroïne est Maryna Mnis-
zech, femme du faux Dimitri. Puis viennent : la Comédie
non divine, drame fantastique en prose, que Mickiewicz
qualifia d'Apocalypse moderne, oii le poète oppose une aris-
tocratie sans vigueur et sans foi à une démocratie ignorante,
haineuse et brutale; Irydion, drame antique oti la haine
et l'amour sont aux prises ; les Trois Pensées de Henry
Ligenza, où est exalté en termes magnifiques l'héroïsme
d'une nation qui préfère la mort à l'avilissement ; VAube
du jour, dithyrambe superbe en l'honneur de la frater-
nité des peuples, sous l'égide de la Pologne triomphante ;
les Psaumes de Vavenir, panégyrique de la noblesse et
de l'aristocratie, philippique ardente dirigée contre les
démagogues, suivis du Psaume de la bonne volonté,
d'une inspiration grandiose; la Glose de sainte Thérèse,
Resurrecturis, le Poème inachevé (publié seulement en
1860), où le Dante conduit le jeune homme à travers
les cercles damnés de la société matérialiste de nos jours ;
enfin, les Lettres à mes amis. L'œuvre de Krasinski est
vraiment grandiose par l'élévation de la pensée et la pureté
impeccable, la majesté de la forme. Plusieurs poèmes de
Krasinski ont été traduits en français, notamment par
M. Ladislas Mickiewicz, par M. Gaszynski et par M. La-
caussade. On doit à ce dernier la traduction de VIrydion,
du Rêve de César a, de la Nuit de Noël et à'Uîie Nuit
fêté. Beaucoup d'œuvres du grand poète sont encore?
inédites. Les autres ont été réunies en 3 vol. (Leipzig,
4863). F. Trawinski.
BiBL. : Laurent Pichat, les Poètes de combat; Paris,
1861. — J. Klaczko, la Poésie polonaise et son poète
anonyme du xix« siècle, dans Revue des Deux Mondes,
1«'' janv. 1862. — La Pologne captive et ses trois poètes :
Mickiewicz, Krasinski, Stowachi (attribué à Charles-Ed-
mond) ; Leipzig, 1864. — Lucien Siemienski, dans ses Por-
traits littéraires [en poL);Posen, 1865. — Boloz Antonie-
wicz, la Jeunesse de Krasinski (en pol.); Cracovie, 1891.
— Bulletin polonais, n»» 30 (1886) et 33 (1887).
KRASINSKI (Adam), philologue polonais, né en Volynie
en 1816, mort en Cracovie en 1891. Il acheva ses études
théologiques à Vilna et devint en 1859 évêque de cette
ville. Outre un certain nombre de traductions et une gram-
maire élémentaire, il a publié un Dictionnaire des syno-
7iymes poloîiais (Cracovie, 1888, 2 vol.).
KRASNII. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouv.
de Smolensk, sur la Svina, affl. g. du Dniepr ; 3,500'hab.
Le 14 août 1812, Ney y défit les Russes de Raievskï.Dans
la retraite on s'y battit de nouveau, du 4 au 6 nov.
Koutousov et Miloradovitch firent perdre aux Français
26,000 hommes et 116 canons.
KRASNII-IARou KRASNOIARSK. Ville deRussie, ch.-l.
de district du gouv. d'Astrakhan, dans une ile du delta de la
Volga, r. g.duBouzan (un brasorientaldufleuve); 6,000hab.
Le district a 35,677 kii. q. de steppes sablonneux.
KRASNIK. Ville de la Pologne russe, gouv. de Lublin,
sur un affl. dr. de la Vistule ; 4,500 hab. Belle église.
KRASNOHORSKA (Elise), femme poète tchèque, née à
Prague en 1847. Elle s'appelle en réahté Elise Pechova.
Elle débuta dans la Httérature en 1874 par un recueil de
vers qui fut très remarqué, le Mai de la vie. Elle donna
ensuite le Chantre de la liberté, la Sumava, le Sud
slave, Blanik, l'Enfant du Tabor, la Femme de Ha-
rant, la Patrie des hirondelles, etc. Elle a collaboré
à divers journaux, écrit des livrets d'opéras et traduit des
œuvres des divers poètes slaves, notamment de Pouchkine
et de Mickiewicz.
KRASNOIARSK. Ville de Sibérie, ch.-l. du gouv. d'Eni-
séisk, sur un promontoire au confluent de la Katcha et de
FEniséi, à 147 m. d'alt.; 20,000 hab. Située sur un fleuve
navigable et sur la grande route deTobolskà Irkoutsk, au
voisinage de mines d'or, elle est 1res prospère et grandit
rapidement. Elle a l'aspect d'une ville d'Europe et doit son
nom à ses falaises de marne rouge ferrugineuse des bords
du fleuve. — Le cercle de Krasnoiarsk a 20,447 kil. q.
KRASNOlÉ-StLO. Bourg de Russie, gouv. de Saint-
Pétersbourg, sur la Ligorka, à 26 kil. S.-Ô. delà capitale.
Palais du tsar et camp de la garde impériale qui y ma-
nœuvre chaque année.
KRASNOKOUTSK. Ville de Russie, gouv. de Kharkov,
au confluent du Mertchik et du Merl (aflî. g. de la Vorska,
tributaire du Dniepr) ; 7,000 hab. On y fabrique beaucoup
de pièces pour la carrosserie.
KRASNO-OUFIMSK. Ville de Russie, ch.-l. de district
du gouv. de Perm, sur l'Oufa ; 4,000 hab. Fort élevé
contre les Bachkirsen 1736. — Le district a 23,690 kil. q.
dont plus des deux tiers de forêts. Nombreuses forges et
hauts fourneaux.
KRASNOPOL, Bourg de Russie, gouv. de Volynie, à
la source du Teterev (affl. dr. du Dniepr) ; elle eut une
importance commerciale sous la domination polonaise.
KRASNOSLOBODSK. Ville de Russie, ch.-l. de district
du gouv. de Penza, r. g. de la Mokcha ; 7,000 hab. Bri-
queteries, corderies, potasse. — Le district a 4,000 kil. q.,
dont moitié en forêts.
KRASNOSTAV. Ville de la Pologne russe, gouv. de
Lublin, sur le Vieprz; 6,500 hab. Château bâti en 1394.
KRASNOVODSK. Ville de la Russie d'Asie, ch.-l. de
la prov. Transcaspienne, sur une presqu'île, au N. du golfe
de Krasnovodsk ou de Balkan (mer Caspienne). Fondée en
1869, elle se développe surtout depuis 1881. Le port est
bon, mais on manque d'eau. On exploite dans le voisinage
- 639
KRASNOVODSK - KRASZEWSKl
de soufre, du sel, des sources de naphte, les pêcheries de
la byie. Krasnovodsk fut la base d'opération des colonnes
russes contre Khi va et les Turkmènes.
KRASSNY (V. Krasniï).
KRASSÔ-SzŒRÉNY. Comitat de Hongrie, formé d'une
partie de l'aacien banat de Temesvâr; 9,751 kil. q. Long
et étroit, il s'étend depuis le Maros jusqu'au Danube et k
la Serbie. La plupart de ses 406,053 hab. (1890) appar-
tiennent à la race roumaine et à l'Eglise grecque orientale.
Les principaux produits agricoles sont le mais, le vin et
les fruits qui servent à distiller des liqueurs. Les produits
minéraux sont la houille, le marbre blanc, l'argent, le
cuivre. Le chef-lieu est Lugos.
KRASSOVANS. Bulgares émigrés dans la haute vallée
du Karas, autour de Krassova (bourg de 3,500 hab.,
Hongrie, comitat de Krasso-Szœreny); ils ont adopté le
dialecte serbo-croate. Leur nombre est d'environ 9,000.
KRASZEWSKl (Joseph-Ignace), écrivain polonais, né à
Varsovie le 26 juil. 4812, mort à Genève le 19 mars 1887.
Après avoir terminé de bonne heure ses études classiques
à Biala et à Lublin, il entra, en 1829, à l'université de
Vilna, qui était alors une pépinière d'hommes très distin-
gués, pour y suivre les cours de philologie et de médecine.
A peine âgé de vingt ans, il se sent pris d'une passion irré-
sistible pour les lettres et publie ses premiers essais lit-
téraires dans ^i?^/^^^aîr^ de KUmaszewski, sous le pseudo-
nyme de Kleofas Fakund Pasternak. C'est l'époque où
les prosateurs, les poètes, les érudits les plus illustres de
la Pologne sont forcés de prendre le chemin de l'exil, après
la révolution de 1830-31. Kraszewski semble dès lors des-
tiné à combler les vides qui vont se produire dans tous les
domaines de la vie intellectuelle de son pays : roman, théâtre,
poésie lyrique, critique, histoire, il aborde tous les genres.
Mais c'est surtout le roman qui l'attire : c'est là aussi qu'il
se montre véritable réformateur dans la littérature polo-
naise. Avant lui on en était réduit à lire de mauvaises tra-
ductions de M"*® de Genlis et de Cottin. Kraszewski com-
prit qu'il fallait à ses compatriotes quelque chose de plus
vivant et de plus instructif. Il déploie de ce côté une ar-
deur infatigable. Sans compter quelques études historiques,
il donne quatre ou cinq romans avant le Monde et le Poète
(1839) qui passe pour être son premier chef-d'œuvre; re-
nonçant à la satire quelque peu mordante et sarcastique du
début, l'auteur s'y fait sensible et idéaliste. En même temps
paraissent ses Promenades littéraires^ deux volumes de
vers et une série de lettres très personnelles dans la Se-
maine de Saint-Pétersbourg . Il fonde en outre l'Ate-
neum de Vilna, revue que, pendant les douze années de son
existence, il alimente largement de ses travaux de critique,
d'histoire, de philosophie, d'esthétique et d'archéologie. Puis
viennent successivement des romans qui ont pour titre : Oii-
lana^ la Lanterne magique^ série de tableaux de la so-
ciété polonaise, Sous le ciel d'Italie^ les Mémoires d'un
inconnu, Ostap Bondarczuk, le Sphinx^ Un Million de
dot, U ne faut pas jouer avec le feu, Tomko Prawdzic.
Kordecki, les Comédiens; des travaux historiques : Vilna
depuis son origine jusqu'à 1150, f Epoque des Sigis-
monds^ . V Ancienne Lilhuanie; des études philoso-
phiques : Idée du système d'Hegel^ Système de Tren-
towski; des poèmes épiques, tels que Anafielas, curieuse
trilogie, où revit, avec toutes ses légendes, la Lithuanie
d'autrefois. Kraszewski composa tous ces ouvrages enVqly-
nie, à la campagne, où il avait acheté une propriété à la-
quelle il donnait tous ses soins, pendant les rares loisirs
que lui laissaient les belles-lettres. En 1853, il vient se
fixer à Zytomierz, capitale de la Volynie. Ici, malgré les
honneurs dont on l'accable (on le nomme curateur hono-
raire du gymnase, directeur du théâtre et président de la
société de bienfaisance), il trouve le temps de produire : la
Chaumière près du village^ un de ses romans les plus
populaires en Pologne, les Deux Mondes, les Maladies
du siècle, le Roman sans titre et les Hymnes de dou-
leur (poésies). Les agissements autocratiques du gouver-
nement russe et des difficultés survenues avec la noblesse
locale qui n'admettait pas ses idées libérales sur la ques-
tion agraire, obligent Kraszewski à quitter la Volynie. Il
se rend alors à l'étranger et entreprend son premier voyage
en Allemagne, en France et en Italie; puis {\ 859) il va s'éta-
blir à Varsovie où il prend la direction de la Gazette quo-
tidienne, devenue l'année suivante Gazette polonaise. Ce
fut un poste de combat où Kraszewski lutta vaillamment,
pendant quatre ans, contre les ennemis du dedans et du
dehors. Lutteur dangereux pour l'autorité, il est obhgé de
s'expatrier à la veille de l'insurrection de 1863. Tout en di-
rigeant son journal, il avait rédigé, pendant son séjour à
Varsovie, une vingtaine de volumes. Ayant fixé sa demeure
à Dresde, il continua néanmoins à suivre avec la plus grande
attention le mouvement des esprits dans son pays et resta
le chef incontesté de la littérature contemporaine en Po-
logne. De cette époque d'exil date toute une série de ro-
mans, signés Boleslawita, inspirés par l'amour ardent de
la patrie et la haine de l'oppresseur, et dont les principaux
sont : le Moscovite, Eux et Nous, l'Espion, l'Enfant de la
vieille ville, l'Exilé, le Juif. Dans ses Comptes rendus,
il nota, avec une impartialité qui lui valut bien des inimi-
tiés, les qualités et les défauts de ses compatriotes : c'est
comme un examen de conscience sévère, mais juste. D'autres
romans encore, tels que Morituri, llesiirrecturi, Mogilna,
Songes creux. Sur la Sprée et Sans Cœur sont loin d'avoir
épuisé la fécondité prodigieuse de cet écrivain. Il rêve en-
core de retracer dans une série de romans toute l'histoire
de Pologne, depuis les Temps /a/m/^z^j:; jusqu'aux Derniers
Moments du Palatin et autres tableaux du xviii® siècle,
en passant par la brillante époque des Jagellons. Mais la
fiction ne lui fait point oublier l'érudition et le romancier
ne nuit nullement à l'historien qui publie simultanément le
Mémorial anecdotique du temps de Stanislas- Auguste
et la Pologne à l'époque des trois partages. En fait d'ou-
vrages dramatiques de Kraszewski, il faut citer : l'Egal du
Palatin, lé Prince Radziwill, l'Hydromel du Castellan
et le Trois Mai. A l'occasion de son jubilé cinquantenaire
(1789), les Polonais reconnaissants organisèrent à Craco-
vie des fêtes qui furent pour le vénérable écrivain un véri-
table triomphe, bientôt, hélas ! suivi d'un chagrin mortel.
Injustement impliqué par Bismarck dans une affaire d'es-
pionnage, condamné à Leipzig (1883), emprisonné à Mag-
debourg, il ne fut remis en liberté sous caution que pour
venir d'abord réparer un peu, à San Remo, ses forces épui-
sées et pour aller, peu de temps après, mourir à Genève.
L'œuvre de Kraszewski, que nous n'avons pu qu'esquis-
ser à grands traits, est vraiment considérable. On lui doit
plus de cinq cents volumes sans compter les articles et cor-
respondances innombrables qu'il a semés dans presque toutes
les pubhcations périodiques de Pologne. Doué d'une ima-
gination merveilleuse, que soutenait une instruction sohde
dans toutes les branches des connaissances humaines, na-
ture vive, impressionnable, sensible à toutes les manifes-
tations de la vie sociale, esprit alerte, toujours en éveil,
servi par une puissance de travail extraordinaire, Kra-
szewski fut par-dessus tout ce qu'on pourrait appeler un
apôtre littéraire. H avait foi dans la force invincible de
la parole écrite chez un peuple où la langue nationale est
une des dernières forteresses du patriotisme. En dépit ou
peut-être à cause de son immense fécondité, Kraszewski
n'est ni un penseur très profond, ni un écrivain hors de
pair; dans la prose comme dans la poésie, la Pologne con-
temporaine compte des maîtres qui lui sont sensiblement
supérieurs; s'il a beaucoup de talent, il manque de ce
souffle créateur qui est la marque caractéristique du gé-
nie. Mais son grand mérite est d'avoir appris à ses com-
patriotes à mieux connaître leur passé et à mieux se con-
naître eux-mêmes; il leur a démontré, en prêchant d'exemple
tout le premier, qu'ils pouvaient trouver chez eux, en de-
hors des httératures étrangères, de quoi satisfaire leur
curiosité et meubler leur intelligence, il leur a inspiré le
goût de la lecture et leur a donné d'excellents conseils.
KRASZEWSKÏ — KRAUSE
640
Bon nombre de romans de Kraszewski ont été traduits en
russe, en anglais, en allemand et en français. On doit à
Alex, de Noirvilie la traduction française de le Poète et
le Monde (1843), à M. Ladislas Mickiewicz celles de Ou-
lana (4883) et de Sans Cœur (i885), à M. Holynski celles
de Sur la Sprée et du Juif (1886) et à M. Ch. Simond
celle de r Agonie d'une race (1886). F. Trawinski.
BiBL. : EsTREiCHER, BibUografia, t. II, pp. 475 et suiv.
— Livre commémoratif du jubilé de J.-J. Kraszewski (en
polon.); Cracovie, 1881, gr. in-8, portr. (bibliographie dé-
taillée de travaux consacrés à cet écrivain). — Pierre
Chmielowski, Joseph-Ignace Kraszewski^ esquisse his-
torico-litté7'aire (en polon.); Cracovie, 18SS.— Bulletin vo-
lonais, 1886, n»* 29, 30 et 31 ; 1887, n» 33.
KRATIÉ. Ville du Cambodge, sur la rive gauche du
Mékong. Elle est le siège d'un résident français et compte
environ 1,000 hab. Kratié est depuis 1884 chef-lieu de
province. La province de Kratié faisait partie auparavant
du gouvernement de Thbaung-Khmum ; elle comprend deux
arrondissements, Kratié et Sambor, qui s'étendent sur les
deux rives du Mékong. Les bords du fleuve sont fertiles et
très peuplés ; l'intérieur est couvert de forêts. Le pays est
riche en kaolin.
KRATZENSTEIN ( Christian-Gottlieb), physicien et mé-
decin allemand, né à Wernigerode (Saxe prussienne) le
30 janv. il'ïd, mort à Copenhague le 6 juil. 1793. Il fit
ses études à Halle, où il exerça la médecine et où il ensei-
gna la physique, passa ensuite cinq années en Russie
(1748-33) et fut de 1754 à 1773 professeur de médecine
à l'université de Copenhague. En 1774, Christian VII le
nomma conseiller de justice. On doit à Kratzensteia, entre
autres travaux remarquables, une théorie de l'élévation
des vapeurs, une étude du mouvement des corps projetés,
d'excellentes dissertations sur l'emploi de l'électricité en
médecine, enfin la construction d'une machine parlante,
sorte d'automate qui prononçait les cinq voyelles {Journal
de Physique, XXI, 1782). Membre des académies de Saint-
Pétersbourg, de Copenhague, Léopoldine, il a fait paraître
dans les recueils de ces sociétés de nombreux mémoires
de médecine, de physique et de mécanique. Il a en outre
publié à part une vingtaine d'ouvrages ; nous citerons
seulement : Théorie de V élévation des vapeurs^ en franc,
et en allem. (Rordeaux, 1745, in-4; 2^ éd., Halle, 1747,
in-8) ; Abhandlung vom Nutzen der Elektricitœt in
der Arzeneiwissenschaft (Halle, 1745, in-8; 3^ éd.,
1772); Theoria electricitatis (Halle, 1746, in-8) ; Vor-
lesungen ilber die Experimentalphysik (Copenhague,
1758, in-8 ; 6^ éd., 1787) ; l'Ai^t de naviguer dans l'air
(Copenhague et Leipzig, 1784, in-8). L. S.
BiBL. : J.-S. Bailly, Hist. de l'Astron. mod. ; Paris,
1785, t. m, p. 132. — Nova acta Acad. scient. Petro-
pclitanœ, 1802, t. XIII. — P.-L. Panum, Bidrag til Kund-
shah om vort Medicinsk Fakultets Historié ; Copenliague,
1880, pp. 72-102. — V. en outre, pour la liste de ses écrits,
PoGGENDORFF, Blogr. Liter, Handwœrterbuch; Leipzig,
1863, t. I.
KRATZENSTEIN-Stub (Kristian-Gottlieb), peintre da-
nois, né à Copenhague en 1783, mort en 1816. Elève de
Abilgârd, il se rendit, ses études achevées, en Italie, et
peu après son retour fut nommé membre de l'Académie
des beaux-arts de Copenhague. Il a peint surtout des sujets
tirés de la mythologie du Nord, principalement d'Ossian :
Hother entrant dans la grotte des Valkyries ; Ossian
écoutant Malvina jouer de la harpe.
KRAUCHMAR. Ville du Cambodge, rég. du Mékong, à
105 kil. N.-E. de Pnom-penh, ch.-l. d'une province créée
en 1884.
KRAUS (Wilhelm), peintre de marines allemand, né à
Dessau le 27 févr. 1803, mort à Berlin le 8 janv. 1864. Il
fut d'abord cinq ans chanteur à Berlin, puisse donna tout
à la peinture et fut le premier boa peintre prussien de
marines ; ses œuvres manquent d'accent et de métier ; on
en voit trois au musée de Berlin {Tempête, Côte de Pomé-
ranie^ Cote d'Ecosse un jour de tempête).
KRAUS (Franz-Xaver), archéologue allemand, né à
Trêves le 18 sept. 1840. Il fit ses études à Paris où il se lia
avec Lacordaire et Montalembert, devint professeur à l'uni-
versité de Strasbourg (1872), puis à celle de Fribourg
(1878). H a publié : Die Blutampullen der rœmischen
Katakomben (Francfort, 1868; nouveau mémoire en
1872); Beitrœge zur Trierer Archœologie und Ge-
schichte {Trêves, 1868); Kunst undAltertum inElsass.
Lothrhigen (Strasbourg, 1876-87, 3 vol., publication offi-
cielle) ; Synchronistische Tabellen zur christlichen
Kunstgeschichte ^Fribourg, 1880); Realencyklopœdie
der christlichen Altertilmer (1882-86, 2 vol.).
KRAUSE (Karl-Christian-Friedrich), 'philosophe alle-
mand, né à Eisenberg (Saxe-Altenbourg) le 4 mai 1781,
mort à Munich le 27 sept. 1832. Fils d'un pasteur. H était
doué d'une vive intelligence et de rares dispositions mu-
sicales, mais il avait une faible santé et était sujet à des
crises d'épilepsie. Ses premières études eurent lieu à Eisen-
berg et à Altenbourg; en 1797, il partit pour léna où il
entendit Hegel et Fichte. Il laissa voir dès ce moment l'in-
souciance de l'existence matérielle qui devait faire le mal-
heur de sa vie. En 1802, il se maria malgré ses parents
avec une jeune fille pauvre d'Eisenberg. Il eut d'elle qua-
torze enfants. Privat-docent la même année, il fit avec
succès des cours de mathématiques, logique, droit, histoire
naturelle, etc. Mais en 1804 léna perdit son éclat, les étu-
diants partirent, et Krause, atteint d'une extinction de
voix, dut aller à Rudolstadt, puis à Dresde, donner des
leçons de musique. Il rêvait d'une société universelle et
pensait que Napoléon allait la réaliser. Déçu de ce côté, il
s'adressa aux francs-maçons, mais leurs cérémonies lui dé-
plurent, et il publia un hvre indiscret qui devait lui attirer
leur haine et leurs persécutions. Il se livrait en même
temps à des expériences de magnétisme qui ruinèrent com-
plètement sa santé. En 1823, il alla à Berlin, se fit encore
recevoir privat-docent, mais ne put succéder à Fichte
comme il l'avait espéré. Il alla ensuite à Dresde, où il étu-
dia les langues orientales, le sanscrit, le persan, et fit des
projets de pasilaHe, de pasigraphie. En 1817, il fit un
voyage à Naples et à Paris. A son retour, il trouva sa
famille dans la plus noire misère, dont il ne réussit pas à
la tirer par un travail acharné : il donnait cinq heures de
leçons par jour et travaillait à son System der Wissen-
schaften. En 1823, il se transporta à Gœttingue, où il
trouva un mauvais accueil et tomba malade. Il commençait
à trouver quelques leçons lorsque eurent lieu des troubles où
ses élèves furent emprisonnés. En 1830, sa belle-mère lui
légua une somme d'argent : on l'accusa de se faire payer par
le comité révolutionnaire de Paris et on l'expulsaavec un don
de 200 thalers. Il se réfugia à Munich où il se présenta à
Funiversité. Mais la police donna sur lui de mauvais ren-
seignements, et Schelling lui trouva trop mauvaise répu-
tation pour faire de lui son collègue. Pourtant le profes-
seur Franz de Baader avait réussi à le faire recevoir,
lorsqu'il mourut d'apoplexie. Il avait un caractère désinté-
ressé, afi'ectueux et fidèle, et ceux de ses disciples qui le
connurent eurent pour lui une vive admiration.
Le système de Krause est une conciliation entre la doc-
trine « subjective » de Fichte et la doctrine « objective »
de Schelling, dominée et transformée par une conception
chrétienne. Krause part delà conscience, où il trouve une
intuition immédiate de Dieu. Par lui {an sich) Dieu est
pur de toute opposition, est identité pure. En lui {in sich)
il contient toutes les oppositions et d'abord l'opposition fon-
damentale, celle de la nature et de la raison. Dieu est hors
du monde : car il est l'indéterminé, et le monde est déter-
miné. H est aussi dans le monde : s'il n'en était ainsi Dieu
ne serait pas tout l'Etre. Aussi à ses attributs panthéis-
liques faut-il ajouter des attributs moraux. Ce n'est pas un
déisme, ni un panthéisme pur, c'est un panenthéisme,
L'Etre doit être conçu d'après la conscience, qui est un
tout organique. L'organisme où se réalise Dieu est le
monde, qui est Dieu même développé dans le temps et dans
l'espace. L'aspect extérieur du monde est un mécanisme :
mais la réalité profonde en est dynamique. Chaque partie
de l'univers, suivant Texpression de Leibniz, symbolise
avec le tout. La partie de toutes la plus complète, la plus
parfaite, est l'individu humain, en qui s'unissent la nature
et la raison. Le but de l'individu est d'imiter la vie divine,
de vivre le plus possible en Dieu. La vie de l'univers en-
tier se résume et s'achève en lui : il la transforme à son
tour par sa liberté. Mais l'individu ne peut être considéré
isolément. S'il est en lui-même un tout, à un autre point
de vue, il est une partie d'organismes de plus en plus
compréhensifs : l'amitié, la famille, la tribu, le peuple.
la race, l'humanité. L'humanité est un « royaume des es-
prits » où la raison se distribue d'une façon organique.
Les âmes qui la composent sont éternelles, en nombre tou-
jours égal, et réalisent Dieu à travers une succession d'exis-
tences. Dieu est le bien total, que l'homme doit réaliser
pour sa part. La détermination de ce bien humain est l'ob-
jet de la partie la plus importante du système de Krause,
de sa philosophie pratique.
Cette philosophie comprend la théorie de la religion, la
théorie des mœurs et la théorie du droit. La théorie du
droit de Krause est originale. Il ne faut pas, à l'exemple
de Kantetde Fichte, considérer le droit comme l'ensemble
des conditions de la liberté extérieure, mais de la liberté
totale : le droit embrasse toute l'existence humaine dans
son effort vers la vie divine. Chacun des organismes de
plus en plus étendus qui vont de l'mdividu à l'humanité a
le sien. Ces systèmes de droit se subordonnent au droit
humain, qui les embrasse tous. Le droit n'a do sens qu'en vue
du progrès. Ce but rend légitimes certaines formes du droit
qui semblent tyranniques, comme le droit pénal. C'est une
protection, une tutelle provisoire. Pour la même raison, il
faut écarter comme inique la peine de mort. La théorie de
la morale et celle de la religion sont éclairées par la phi-
losophie de l'histoire. Krause la conçoit d'une façon qui fait
plus d'une fois penser au positivisme. L'être vivant se dé-
veloppe suivant deux lois, l'une ascendante, l'autre descen-
dante. Chacune de ces deux lois se réalise en trois moments
successifs : le moment du germe^ celui de la croissance,
celui de la maturité. Le premier âge de l'humanité con-
tient le germe de la morale et de la religion : l'homme y
est uni à Dieu par une sorte d'instinct confus, d'affinité
magnétique. L'âge de la croissance comprend trois subdi-
visions : le polythéisme, avec l'esclavage et la tyrannie, le
moyen âge monothéiste et fanatique; enfin l'âge de la déli-
vrance, de la tolérance, de la civilisation. Cet âge est pré-
paré par la science de l'être, dont les promoteurs sont,
suivant Krause : Kant, Spinoza et Krause. La société idéale
comprendra non seulement l'humanité terrestre, mais
l'humanité stellaire. A son tour, l'humanité connaîtra la
vieillesse, la décrépitude et la mort.
Ce système, mélange assez singulier de science et de
fantaisie, d'intuitions vives et de spéculations systéma-
tiques fit à Krause un certain nombre de disciples, qui
se répandirent en Allemagne et en Belgique et dont les
principaux se firent les éditeurs de ses œuvres posthumes,
Leonhardi, Ahrens, Tiberghien, Lindemann, etc. Mal-
heureusement, tous ces ouvrages sont écrits dans une
langue impossible.
Les principales œ.uvres de Krause sont : Grundlage des
Naturrechts (léna, 4803); Grundriss der historicher
Logik (1803); Grundl. eines philosophischen Systems
der Mathematik (1804); Entivurf des Systems der
Philosophie (1804); System der Sittenlehre (Leipzig,
1804); Das Vi^hild der Menschheit vormglich Frei-
mauern gewidmet (Dresde, 1811); Abriss des Sijs-
tems der Philosophie (G(Bitin§,uG, 1825); Abriss des
Systems der Logik (1828) ; Abr, des Systems der Rechts-
philosophie (1 828) ; Vorlestmgen ûher das System der
Philosophie (1828); Vorlesùngeji ûber die Grund-
ivahrheilen der Wissenschaft (Î829). Ses œuvres pos-
thumes comprennent : Die absolute Religions philosophie
(1834-36); Die Lehre vom Erkennen und von der
Erkenntniss {i^W) ; Abriss der .Esthetik (1837) ; An-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
— 641 - KRAUSE - KRAUSS
fangsgrûnde der Théorie der Musik (1838) ; Die reine
oder allg. Lebenslehre und Philosophie der Geschichte
(1813); Vorlesungen ûber psychische Anthropologie
(1848); Vorlesungen ûber Msthetik (iSSi) ; Die dres-
dener Bildergallerie (i 883) . Cr amaussel.
BiBL. : Lindemann, Uebersiahtliche Darstellung des
Lebens und Wissensch. lehre Krause ; Munich, 1839. —
Procksch, Krause, ein Lebensbild nach seinen Briefen,
1880. — IIoHLFELD, Die Krausesche Philos, in ihrem
geschitlichen Ziisammenhange, 1879.— Eucken, Zur Erin-
nerung an Krause, 1881. —■ B. Martin, Krause' Leben und
Bedeutung^ 1881.—- Les histoires de Erdmann et deZELLER.
KRAUSS (Philippe), administrateur autrichien, né à
Lwéw (Léopol) en 1792, mort en 1861. 11 entra en 1842
au département des finances, fut vice-président du gouver-
nement de Galicie et de 1848 à 1851 ministre des finances.
En 1860, il devint président du contrôle de l'empire et
vice-président de la Chambre des seigneurs. — Son frère,
Charles, né en 1789, mort en 1881, entra en i809 au
département de la justice et fut de 4851 à 1857 ministre
de la justice. Il devint ensuite président de la cour de cas-
sation et membre de la Chambre des seigneurs.
KRAUSS (Marie-Gabrielle), cantatrice dramatique au-
trichienne, née à Vienne le 23 mars 4 842. Fille d'un em-
ployé ministériel, elle entra au Conservatoire de Vienne en
1853, à peine âgée de onze ans, y fit de brillantes études
de piano et d'harmonie, puis devint, pour le chant, élève de
M°^^ Marchesi. Engagée à l'Opéra impérial, elle débuta de
la façon la plus heureuse, le 20 juil. 1860, dans Guil-
laume TelL Fort bien accueillie du public, elle demeura
cinq ans à ce théâtre, voyant ses succès grandir chaque
jour, grâce à son talent, à son intelligence et à son acti-
vité, activité dont son répertoire peut suffire à donner
l'idée. Au cours de sa première année, en effet, elle se
montra dans le Prophète, Robert le Diable, la Flûte en-
chantée, Une Nuit à Grenade, le Freischûtz, Tann-
hœuser. Don Juan et Lohengrin ; puis, à mesure que
son talent prenait de la consistance, elle variait et multi-
pliait ce répertoire en se produisant dans des ouvrages
des genres les plus opposés : les Huguenots, le Vaisseau
fantôme^ la Dame blanche., Il Trovatore, Cosifan lutte,
Fidelio, Lalla-Roukh, Relisario, Euryanthe, Ernani,
la Croisade des Dames., Gustave III, Lucrezia Borgia,
les Noces de Figaro, Zampa, Maria di Rohan, etc.
En 1866, M^^^ Krauss accepta un engagement pour le
Théâtre-Italien de Paris, où elle vint débuter, le 6 avril,
dans 11 Trovatore, après quoi elle joua Lucrezia Borgia.
Le pubHc sembla ne pas la comprendre complètement tout
d'abord, mais la critique lui rendit justice, et dès l'année
suivante elle obtint de très grands succès dans Lucia di
Lammermoor, Norma, PoliiUo, Otello, Semiramide, Il
Templario, Un Ballo in maschera. Don Giovanni,
Rigoletto, oii son grand style, son habileté dans l'art du
chant et ses incomparables facultés dramatiques lui va-
lurent de bruyants applaudissements. Son admirable in-
terprétation du Fidelio de Beethoven mit le comble à
l'enthousiasme des spectateurs, qu'elle avait charmés en
créant un opéra nouveau de M"^^ de Grandval, Piccolino.
En 1872, M^^^ Krauss abordait, toujours avec succès, la
scène du théâtre San Carlo de Naples,puis allait faire une
saison à la Scala de Milan ; en 1873, elle revenait à notre
Théâtre-Itahen, et en 1874 elle allait jouer à Naples
Aida. Pendant son séjour en Italie, elle créa plusieurs
ouvrages nouveaux, Ma?ifredo, de Petrella, Fosca, de
M. Carlos Gomes, et Bianca Orsini, du même Petrella.
Enfin, sur de vives instances, elle se décidait à aborder la
carrière française et à signer un engagement avec la di-
rection de l'Opéra. Mais, avant de paraître sur ce théâtre,
elle alla faire une saison au Théâtre-Italien de Saint-Pé-
tersbourg, oti elle fut fêtée et acclamée comme elle le
méritait.
Une carrière nouvelle s'ouvrait pour M^^*' Krauss, qui
allait mettre le comble à sa renommée. Après avoir paru
dans le spectacle d'inauguration de la nouvelle salle de
41
KRAUSS — KREÎG - 64^ —
l'Opéra, le 5 janv. 1875, elle fit son véritable début, le
8 du même mois, dans le rôle de Rachel de la Juive.
Elle joua ensuite les Huguenots, Bon Juan, Robert le
Diable^ et plus tard le Freiscliûtz^ r Africaine, Faust,
Sapho, Rigoletto. Tout en prenant ainsi position dans
le répertoire, elle n'hésita pas à se charger de rôles nou-
veaux, et il semblait que chacune de ses créations vît
s'agrandir encore un talent déjà magistral, aussi bien que
Taffection et l'enthousiasme du public à son égard. Sans
parler de Jeanne d'Arc, ouvrage plus que médiocre auquel
elle sut donner une apparence de vie, elle se montra admi-
rable, parfois sublime par sa puissance pathétique et la
grandeur pleine de noblesse de ses accents dans Polyeucte,
Aida, le Tribut de Zamora, Henri VIII, Patrie. C'est
que chez M^^^Krauss le style est pur jusqu'à la perfection,
le phrasé est superbe, et la diction musicale, surtout dans
le récitatif, attenit les dernières limites de la grandeur et
la beauté. Si Ton joint à ces qualités purement musicales
la flamme puissante qui anime les accents de la cantatrice,
le sentiment étonnamment dramatique et l'expression pas-
sionnée qu'elle déploie en toute occasion, enfin sa grande
intelligence scénique et l'incontestable puissance de son
jeu, on se rendra compte de l'action exercée sur le public
par une telle artiste, et l'on aura la raison des succès qui
ont marqué sa carrière. M^^^ Krauss est, sans contredit,
l'une des plus grandes cantatrices dont la scène lyrique
puisse se glorifier. Cette artiste admirable a quitté l'Opéra
en 1888 et s'est retirée définitivement. Arthur Pougin.
KRAUT (Wilhelm-Theodor), juriste allemand, né à Lu-
nebourgle 15 mars 1800, mort le 1^^ janv. 1873, Elève
d'Hugo, Savigny et Eichhorn, il professa à Tuniversité de
Gœttingue à partir de 182"2. C'est un des maîtres du droit
germanique. Il a publié : Grundriss zu Vorlesungen ilber
das deutsche Privatrecht (Gœttingue, 1830 ; 6^ éd. par
Frensdorff; Berhn, 1886); Die Vormundschaft nach den
Grundsœtzen des deutschen Redits (Gœttingue, 1835-
59, 3 vol.); Das alte Stadtrecht vonLûneburg (1846).
KRAVANG. Prov. du N.-O. de Java (V. ce mot).
KRAY DE Krayof (Paul, baron), officier autrichien d'ori-
gine hongroise, né à Kesmark (Hongrie) le 5 févr. 1735,
mort à Pest le 19 janv. 1804. Après avoir étudié à Vienne,
il entra dans l'armée en 1754. En 1778, il réprima une ré-
volte des Valaques en Transylvanie. En 1788, il commanda
un corps d'armée dans la guerre contre la Turquie. Il servit
ensuite dans les Pays-Bas, sur le Rhin et en Italie et com-
manda en second sous les ordres de Mêlas ; il se distingua à
Vérone, à Legnago, à Magnano, reprit Mantoue (1795). A
cette occasion, l'empereur lui accorda le domaine de Topoly
en Hongrie. L'année suivante, il fut envoyé dans l'Allemagne
méridionale et se laissa battre par Moreau à Engen, à Moes-
kirch, à Biberach, à Memmingen. Il fut alors privé de son
commandement et se retira en Hongrie.
KRAYENHOFF (Corneille-Rodolphe-Théodore, baron),
général hollandais, né à Nimègue le 2 juin 1758, mort à
Nimègue le 24 nov. 1840. Il était médecin à Amsterdam
lorsque éclatèrent les troubles de 1787. Engagé dans le
parti français, il dut fuir son pays et n'y revint qu'avec
DaendelsetPichegru. En 1795, il entra dans l'armée comme
lieutenant-colonel du génie, délogea, en 1809, les Anglais
qui s'étaient emparés de la Zélande, et devint général,
ministre de la guerre et aide de camp du roi Louis. Il en-
couragea ce prince dans ses velléités de résistance aux
ordres de l'empereur et entreprit de renforcer les défenses
d'Amsterdam, afin de pouvoir repousser, même par la
force, les injonctions du cabinet français. Napoléon ordonna
au roi de Hollande d'arrêter les travaux et de reprendre à
à Krayenhoff le portefeuille de la guerre. Krayenhoff, tombé
en disgrâce, déclina les offres flatteuses du tsar qui voulait
l'attacher à sa personne; en 1813, il se mit au service
du gouvernement provisoire d'Amsterdam, bloqua le gé-
néral français Guétard dans Naarden et organisa l'armée
nationale. Après la restauration de la maison d'Orange, le
roi Guillaume nomma Krayenhoff lieutenant général, grand-
croix de l'ordre militaire de Guillaume, et lui conféra le
titre de baron. Les dernières années de Krayenhoff furent
pénibles ; traduit devant la haute cour militaire, du chef
de concussion, il fut absous, mais mis en même temps à
la retraite. Il consacra ses loisirs à la rédaction de travaux
d'histoire militaire très remarquables. Ses principaux ou-
vrages sont : Précis des opérations géodésiques et as-
tronomiques faites en Hollande (La Haye, 1827, in-4);
Carte topogra'phique du royaume des Pays-Bas {id. ,
1829, 10 f. in-pl.) ; Etudes sur les événements de
i808-î809 (en lioll., Nimègue, 1838, in-8); Etudes
sur les guerres de la Néerlande depuis 1199 (zc^., 1839,
2 vol. in-8). E. Hubert.
BiBL. : Tydeman, Biographie du lieutenant général ba-
ron Krayenhoff (en holL); Nimègue, 1844, in-8.
KREBS (Karl-August), musicien allemand, né à Nurem-
berg le 16 janv. 1804, mort à Dresde le 16 mai 1880.
Fils de Charlotte Miedcke, il fut, après la mort prématurée
de sa mère, adopté par le chanteur J.-B. Krebs, dont il
porta dorénavant le nom. Enfant prodige, il composa à
sept ans un opéra, Teodore, paroles de Kotzebue (1811).
Chef d'orchestre en troisième à l'opéra de Vienne, puis à
Hambourg (1827), il fit jouer en 1830 un opéra, Silva.
Il fi^t paraître aussi des lieder qui eurent un vif succès. En
1850, il devint chef d'orchestre de la cour à Dresde. —
Sa seconde femme, Aloyse, née Michalesi^ fut une canta-
trice renommée (mezzo-'soprano) à Londres et Dresde. Leur
fille Mary Krebs, née à Dresde en 1851, eut de grands
succès comme pianiste.
KREBS (Arthur-Constantin), officier français, né le
16 nov. 1850. Entré dans l'armée en 1870, capitaine
en 1880, major du régiment des sapeurs-pompiers de Paris,
chef de bataillon en 1890. H est connu comme collabora-
teur principal du commandant Renard (V. ce nom) à Técole
d'aérostation de Chalais et par l'invention d'un bateau
électrique sous-marin dont la description a été lue à l'Aca-
démie des sciences le 26 mars 1888.
KREHL (Rudolf), orientaliste allemand, né à Mersien
le 29 juin 1825. H étudia à Paris et Saint-Pétersbourg, de-
vint secrétaire (1852) de la bibliothèque de Dresde, pro-
fesseur (1861), puis bibliothécaire en chef (1869) de l'uni-
versité de Leipzig. Il a écrit : De Numis muhamedanis
(du musée de Dresde ; Leipzig, 1856) ; Die Religion der
V07islamischen Araber (1863); Beitrœge zur Charakie-
ristik der Lehre vom Glauben im Islam (1877); Das
Leben und die Lehre des Muhammed (1884, 1. 1), édité
et traduit : Analectes sur rhist. et la litt. des Arabes
d'Espagne par Al-Makkari (Leyde, 1855, 2 vol.); Re-
cueil des traditions musulmanespar El-Bokhari (Leyde,
1862-72,2 vol.), etc.
KREIG (Jean-Ernest), général français, né à Lahr (Bris-
gau) en 1730, mort à Bar-sur-Ornain en 1803. Issu d'une
famille de protestants français réfugiés en Allemagne, il
vint prendre du service en France à l'âge do seize ans et
fit ses premières armes sous le maréchal de Saxe. Pendant
la guerre de Sept ans, il se distingua en plusieurs ren-
contres, à Rosbach où il fut fait capitaine (1757), à Min-
den où il gagna les épaulettes de major (1759), enfin à
Glostercamp où il tomba grièvement blessé aux mains de
l'ennemi. Le grand Frédéric, à la générosité duquel il dut
la vie, lui offrit alors de prendre du service dans ses ar-
mées. Kreig refusa, préférant rentrer en France. Malheu-
reusement, quand il y revint, l'état de sa santé ne lui per-
mettait pas de reparaître dans un corps de troupes. Il dut
rester plusieurs années sans emploi et s'estima finalement
fort heureux d'être replacé dans les cadres comme simple
sous-lieutenant. Pendant la guerre d'Amérique, il prit part
à plusieurs expéditions, notamment au siège de Gibraltar
(1782). La Révolution le trouva capitaine au régiment de
Nassau. En août 1792 il devint lieutenant-colonel et fut
adjoint au général Wimpffen qui commandait à Thion ville.
Là, durant le siège de cette forteresse par les Autrichiens
et les émigrés (sept.), il dirigea contre eux plusieurs sor-
ties heureuses, qui lui valurent après la levée du blocus le
grade de colonel, puis le commandement de la ville. Quel-
ques mois plus tard, il était nommé coup sur coup général
de brigade, général de division, commandant de la place
de Metz (1793)o Mais les commissaires de la Convention
à l'armée de la Moselle ayant eu des ditficultés avec lui, il
fut destitué (27 sept. 1793), arrêté, transféré à Paris
où il resta quinze mois en prison. Rendu à la liberté il alla
servir en Vendée {1795-96), jusqu'au moment oti le Direc-
toire l'appela à Paris pour commander la division militaire
(1797). Après avoir occupé ce poste un an et demi, il quitta
le service actif et se retira à Bar-sur-Ornain où il possé-
dait une propriété (1798). On a de lui un mémoire justifi-
catif publié à l'époque de son emprisonnement : Jean-
Ernest Kreig^ général commandant à Metz,., aux
véritables républicains... (Paris, s. d., in-8). Ch. G.
KREIL (Karl), astronome et météorologiste autrichien,
né à Ried (Haute- Autriche) le 4 nov. 1798, mort à Vienne
le 21 déc. 1862. Il étudia le droit d'abord, l'astronomie
ensuite, et fut aide-astronome à l'observatoire de Vienne
(1826-30), élève-astronome à celui de Milan (1830-38),
astronome adjoint (1838-45), puis directeur (1845-51) de
celui de Prague, directeur du bureau central météorolo-
gique et magnétique de Vienne, créé par lui (1851). Il a
rendu de grands services à la météorologie. Mais il s'est
surtout appliqué à l'étude du magnétisme terrestre et il en
a fait l'objet d'une longue et intéressante série d'observa-
tions, commencées à Milan et poursuivies à Prague et à
Vienne. Il les a consignées dans les Ejfémeridi astrono-
miche (Milan, 1839, 2 vol.), dans les Magnet. und
Meleorol. Beobbachtungen (Prague, 1839-50, 11 vol.)
et dans iQjahrbuch du bureau central (Vienne, 1854-61,
8 vol.). On lui doit aussi des travaux sur les comètes et
sur l'influence lunaire. Outre les observations ci-dessus
mentionnées et de nombreux mémoires parus dans les
Annalen de Poggendorff et dans les recueils de l'Aca-
démie des sciences de Vienne, dont il était membre, il a
publié : Cenni storici e teoretici suite Comète (Milan,
1832) ; Ueber die Natur und Bewegung der Kometen
(Prague, 1843) ; Magnet. und geogr. Ortsbestimmim-
gen in Bœhmen (Prague, 1846) ; Magnet. und geogr.
Ortsbestimm. im œsterr. Kaiserstaate (Vienne, 1846-51 ,
5 vol.), etc. L. S.
KRElTTSRMAYR{Wigulaîus-Xaver-Aloys, baron de), ju-
riste bavarois, néà Munich le 14 déc. 1705, mort le 27 oct.
1790. Fonctionnaire et magistrat bavarois, il fut de 1749
à sa mort vice-chancelier et ministre. Il a codifié les lois ba-
varoises : code criminel (1751), code de procédure (1753),
code civil (1756), avec dos commentaires (1752-68), sui-
vis de Grundriss des aligemeinen deutschen und bay-
rischen Staatsrechts (1770, 3 vol.),
KREJGI (Jean), géologue tchèque, né à Klatovy en
1825. Il fit ses études à Prague et fut attaché en 1849
au musée de Prague comme conservateur adjoint des
collections minéralogiques. Il est devenu professeur à l'Ecole
polytechnique de Prague et a été député à la Diète de Bo-
hême. Il a été avec Jean Purkyné l'un des rédacteurs du
journal scientifique Ziva et a collaboré à un grand nombre
de recueils. Outre des ouvrages allemands publiés avec la col-
laboration de Wcnzig, Die Umgebunge7i Prags (1857),
Der Bœhmerwald (1859), il a donné en langue tchèque
un grand nombre d'ouvrages relatifs à la botanique et à la
géologie en général et à celle de la Bohême en particulier.
KREK (Grégoire), philologue slave, d'origine slovène,
né à Javorije (Carnioie) en 1840. Après avoir pris à Gratz
le titre de docteur en philosophie, il suivit à Vienne le
cours de Miklosich et devint professeur de philologie slave
à l'université de Prague. On lui doit, outre un certain
nombre de travaux en langue slovène : Die nominale
Flexion des Àdjeetivs in Alt und Neuslovenischen
(Vienne, 1866) ; Ucbcr die Wichtigkeit der Slavischen
traditionellenhiteratur aïs Quelle der Mythologie (id.^
1869) ; Einleitung in die Slavische Literaturgeschichte
— 643 — KREIG — KREMEil
und Darstellung ihrer œlteren Perioden (Gratz, 1874).
En 1888, M. Krek a donné une édition entièrement re-
fondue et considérablement augmentée de cette onivre capi-
tale. Il a collaboré à VArchiv fur slavische Philologie,
et à l'ouvrage intitulé Die œsterreichische ungarische Mo-
narchie in Wort und Bild. L. L.
KRELING (August von), peintre et sculpteur allemand,
né à Osnabruckle 23 mai 1819, mort à Munich le 23 avr.
1876. Après avoir débuté par des modèles de hanaps et
de coupes, avec figures et arabesques dans le style vieux
allemand, il se tourna vers la peinture, qu'il étudia sous
Cornélius. Parmi ses tableaux ou cartons, on cite des
Scènes de Vhistoire de Charlemagne pour Altona, le
Couronnement de Louis de Bavière pour le Maximilia-
neum de Munich et un cycle de compositions pour Faust;
parmi ses sculptures, la statue colossale du prince Henri
Posthumus de Reuss à Géra, le monument de Kepler
à Weil (1870), et une belle fontaine pour Cincinnati.
KREMENETZ (polonais Krzemieniec). Ville de Russie,
ch.-l. de district du gouv. de Volynie, sur la frontière
de Galicie, dans une gorge de la vallée de l'Ikva (sous-
afil. du Pripet); 6,000 hab. Commerce de céréales; orfè-
vrerie, pianos, carrosserie. Au-dessus de la ville sont une
citadelle et au sommet d'un rocher de grès les ruines d'un
château. Fondée au viii^ siècle, Kremenetz dépendit du grand-
duché de Vladimir, fut conquise par les Polonais au xiv^ siè-
cle, repoussa l'attaque des Mongols de Batou, mais fut
enlevée et saccagée par les Cosaques en 1648. Son lycée po-
lonais, très florissant (1801-32), fut transféré à Kiev et est
devenu l'université de cette ville. — Le district a 5,400 kil. q.
de terres très fei^liles
KRENIENTCHOUG* Ville de Russie, ch.-l. de district du
gouv. de Poltava, sur la r. g. du Dniepr, au confluent du
Kagarnlik; 53,928 hab. Ancienne forteresse construite par
Beauplan en 1635; beau pont tabulaire de 938 m.; sur
la rive opposée, faubourg de Krioukov. Malgré les inon-
dations du Dniepr, c'est le centre commercial de la Petite-
Russie, grâce à la navigation fluviale et au chem. de fer
de Kharkov à Odessa. Krementchoug renferme de vastes
magasins de sel, entrepôts de bois, chantiers de construc-
tion, centralise les grains, les cuirs, les laines, les graisses
des contrées environnantes, fabrique des voitures, des ma-
chines agricoles, scie les bois, tanne les cuirs, prépare la
tabac, etc. Fondée en 1571, elle fut de 1765 à 1789 le
ch.-l. de la Nouvelle-Russie. — Le district a 3,900 kil. q.
dont près de moitié en terres labourées.
KREMENTZ (Philipp), archevêque de Cologne, né à Co-
blentz le 1^^ déc. 1819. H reçut les ordres en 1849, se fit
une réputation de prédicateur à Coblentz, devint évêque
d'Ermeland (1867), fit partie de la minorité opposante au
concile du Vatican, se soumit et excommunia ceux de ses
prêtres qui résistaient. Il s'ensuivit un conflit avec l'Etat
prussien qui supprima son temporel. Il évita toutefois la
rupture complète et la déposition, et dut à sa modération
relative d'être agréé comme archevêque de Cologne (1885).
Il a écrit plusieurs ouvrages d'apologétique chrétienne.
KREMER (Gerhard) (V. Mergator).
KREMER (Joseph), philosophe polonais, né à Cracovie
en 1806, mort à Cracovie le 2 juin 1875. Il fit ses études
à Cracovie et les compléta en Allemagne et à Paris. Il di-
rigea un pensionnat à Cracovie et devint professeur à l'uni-
versité Jaoellonne. Ses principaux ouvrages sont : Exposé
systématique de la philosophie (CvâcoVie, 1849) ; Lettres
de Cracovie (Cracovie, 1845, 5 vol. ; 2« éd., Vilna, 1871),
traité d'esthétique appliquée ; Voyage en Italie (Vilna,
1859-64). On a publié après sa mort : Eléments de lo-
gique (Cracovie, 1876). Une édition complète de ses œuvres
a paru à Varsovie en 1877 (12 vol.). C'est un prosateur
remarquable ; comme philosophe, il est hégélien.
BiDL. : R'^rRin>'.HER, Bibliographie polonaise du
xix" siècle.
KREMER (Alfred de), orientaliste autrichien, né à
Vienne le 13 mai 4828. Il voyagea dans le Levant, fit sa
KREMER - KREUTH
— 644 —
carrière dans les consulats d'Egypte à partir de 1852,
devint consul au Caire (1859), à Galatz (1862), àBeirout
(1870), conseiller ministériel (4872), membre de la com-
mission de la dette égyptienne (1876), ministre du com-
merce d'Autriche (1880-81 ). Il a publié : Mittelsyrien und
Damaskiis (1855) ; Ai^gypteii (1863) ; Uber die Sudara-
bische Sage (iSÙB) ; hesch, der herrschenden Ideen
des Islams (1868) ; Kulturgeschichtlicfie Streifziige
auf dem Gebiet des Islams (1873) et mvXoxii Kulturge •
schichte des Orients unterden Chalifen (Vienne, 1875-
77, 2 vol.), œu\Te très remarquable. Il a édité un cer-
tain nombre de textes arabes.
KREMLIN (en russe kreml). Ce mot désigne en russe
la partie haute et fortifiée d'une ancienne ville, le château.
On ne connaît guère à l'étranger que le kremlin de Mos-
cou, mais il y a des kremls dans toute la Grande-Russie,
à Pskov, à Vladimir, à Kazan, etc.
KREMNITZ (magyar Koi^mœczbanya). yiWa de Hon-
grie, comitat de Bars, dans la vallée profondément encaissée
d'unaffl.dr. du Gran; 9,000 hab. (en majorité Allemands).
La cité proprement n'a dans son enceinte que 39 maisons
au pied d'un vieux château gothique. Elle doit son impor-
tance à ses mines d'or et d'argent. Elle est très ancienne,
comme l'attestent les inscriptions runiques du mont
Smercnik dans le voisinage. Au temps de saint Etienne, elle
passait pour la plus vieille ville royale de la Hongrie avec
Ofen. Le roi Koloman lui donna le privilège de ville libre
(1400). Au XIV® siècle et au xv®, les mineurs allemands
remplacèrent la primitive population slave.
KREMS. Ville de la Basse-Autriche, située à 60 kil. à
rO. de Vienne, au confluent de la Krems avec le Danube.
Ses 12,000 hab. font un grand commerce de suif, de vi-
naigre et de vins. Les établissements d'instruction publique
y sont nombreux. Près de Krems se trouvent, d'une part, la
jolie vallée de Rehberg avec des mouhns et une fabrique de
cuirs, d'autre part, la petite ville de Stein, sur le Danube,
qui possède l'entrepôt des marchandises venant de Bohème
ou de Moravie.
BiBL. : Kerschbaumer, Gesch, der Stadt Krems, 1885.
KREMSIER (en tchèque Kromeriz ou Kromezir). Ville
de Moravie, sur la rivière Morava, chef-lieu de capitainerie
de cercle; 12,000 hab. Château d'été de Farchevêque
d'Olmutz (galerie de tableaux, bibliothèque, etc.). Kremsier
remonte au moyen âge. Ce fut au xv^ siècle un important
centre hussite. Elle fut prise par les Suédois en 1643.
En 4848, pendant la période révolutionnaire, l'empereur
Ferdinand IV y convoqua une Diète qui se tint du 22 nov.
1848 au 6 mars 1849. Le 25 août 1885, les empereurs
d'Autriche et de Russie eurent une entrevue dans cette ville.
KRESTOVITCH(GavrilouGavrilPacha), homme d'Elat
bulgare, né à Kotel (Roumélie orientale) en 1822. Il étu-
dia le droit à Paris, devint secrétaire d'Etienne Vogoridi,
prince de Samos, et servit à Constantinople au ministère de
la justice. En 1878, il fut nommé secrétaire général de la
Roumélie orientale sous Aleko Pacha et lui succéda en
1884 comme gouverneur général de cette province. Il dut
quitter son poste en sept. 1885, à là suite du coup d'Etat
qui réunit la Roumélie à la Bulgarie du Nord. 11 a publié
à Constantinople, en 1871, le premier volume d'une His-
toire des Bulgares qui n'a pas été continuée.
KRESTOVSKY (Vsevolod-Vladimirovitch), écrivain russe,
né à Malaïa Berezaïka (gouvernement de Kiev) en 4840,
mort le 6 févr. 1895. Il fit ses études à Pétersbourg, ser-
vit dans la cavalerie et fut attaché au ministère de la
guerre comme historiographe militaire. Outre des ouvrages
militaires, il a écrit un grand nombre de romans, des poé-
sies originales ou traduites. On cite parmi ses romans :
r Amour des domestiques, iVi le premier ni le dernier,
le Petit Diable, Une Créature perdue, les Antres de
Saint-Pétersbourg (en 4 vol.), le Troupeau de Panurge,
les Deux Forces, Un Pouff sanglant, etc. Quelques-uns
de ses romans ont été traduits en fran^'ais. — Sa fille,
Marie-Vsevolodovna Krestovskaia, a publié un certain
nombre de romans et de nouvelles (VEpreuve en dehors
de la vie, les Recoins du monde théâtral), qui ont eu
du succès.
KRESTZY. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouv.
de Novgorod; 3,500 hab. — Le district a 8,900 kil. q.
couverts de landes, marais et bois.
KRÉTIQUES (Vers) (V. Crétiques).
KRETSCHMANN (Karl-Friedrich), poète allemand, né
à Zittau le 4 déc. 1738, mort à Zittau le 15 janv 1809.
Fonctionnaire judiciaire à Zittau, il a publié, sous le pseu-
donyme de Fihingulph, des Bardenlieder (4 768 et suiv.),
poésies imitées de Klopstock qui eurent un vif succès. A
la fin de sa vie, il écrivit des romans. Ses œuvres com-
plètes furent publiées en 7 vol. (Leipzig, 4784-4805).
BiBL. ; Knothe, Kretschmann, der Barde Rhinqulph ;
Zittau, 1858.
KRETSGH MER (Robert), peintre dessinateur allemand,
né à Burghof, près de Schweidnitz, le 29 janv. 4848, mort
à Leipzig le 28 mai 487"2. Après avoir étudié tour à tour
à Breslau et à l'Académie de Berlin, puis passé par l'ate-
lier de Kolb, il s'adonna au genre animalier, dirigea en 4849
l'ateher de dessin de Vîltustrirte Zeitung, illustra le
Thierleben de Brehm, la Thierzucht de Settegart, puis
divers journaux ; il accompagna, en 1862, le duc Ernest de
Cobourg en Egypte et en Abyssinie et collabora à la rela-
tion de ce voyage. On lui doit aussi de belles aquarelles.
KRETZSCHMER (Johann-Hermann), peintre allemand,
né à Auklam (Poméranie) le 28 oct. 4841. Il étudia tour à
tour à Berlin sous Wach, à Dusseldorf sous Schadow, visita
l'Europe et l'Orient et s'installa en 1845 à Berlin, où il ne
tarda pas à se faire connaître par des épisodes tirés des contes
populaires {le Petit Chaperon rouge, Cendrillon, etc.),
puis par des tableaux de genre humoristiques (scènes du
Spreewald, VRomme noir vient, les Premières Culottes)
et des souvenirs delà vie orientale (H^^î^as dans le désert.
Caravane surprise par le simoun). On lui doit aussi de
nombreuses aquarelles, un album-souvenir de la visite de
la reine Victoria sur le Rhin en 1 845^ et, entre autres
portraits, celui^u vice-roi Mehemet-Ali, du sultan Abdul
Medjid, de la Reine de Grèce et du prince Frédéric-
Charles entouré de son état-major. Kretzschmer a fait offi-
ciellement, comme peintre de batailles, les campagnes de
1864-66.
KREUBÉ (Charles-Frédéric), chef d'orchestre et com-
positeur français, né à Lunéville le 5 nov. 1777, mort
près de Saint-Denis en 18i6. Elève de Rodolphe Kreutzer
pour le violon, il entra à l'orchestre de l'Opéra-Comique,
dont il devint sous-chef en 1805, et premier chef de 1816
à 1828. Il fit partie de la musique de la chapelle du roi
comme violoniste, de 1814 à 1830. Kreubé a donné a
rOpéra-Comique seize opéras dont aucun ne lui a survécu.
Les partitions de quelques-uns ont été gravées ; ce sont :
le Forgeron de Bassora (1813); Edmond et Caroline
(1819); le Coq de village (1822); V Officier et le Paysan
(1814); les Enfants de maître Pierre {i^^o). Kreubé
a publié en outre une trentaine d'œuvres de musique de
chambre.
KREU6ER (Johan-Henrik), amiral suédois, né à Lovisa,
en Finlande, en 1782, mort à Stockholm en 1868. H prit
part au siège de Stettin en 1813 et s'y distingua ; plus
tard, on lui confia une mission au Maroc pour régler cer-
taines difficultés qui avaient surgi entre cet Etat et la Suède.
Il était inventeur et a laissé plusieurs ouvrages scientifi-
ques sur des questions relatives à la marine.
KREUSSEN ou CREUSSEN, Ville de Bavière, prov.de
Franconie supérieure, sur le Main rouge; 1,100 hab.
Marché aux bestiaux. De la fin du xvi® à la fin du xvji« siècle,
on y fabriqua de beaux vases de grès brun foncé, décorés
de peintures qui sont aujourd'hui très à la mode. Ce sont
des brocs à panse ornée de figures en relief émaillées re-
présentant les douze apôtres, des pots (chopines), des ha-
naps, etc.
KREUTH. Village de Bavière, prov. de Haute -Bavière,
- 645
KREUTH - KRICHNA
dans une vallée alpestre, à 10 kil. S. du Tegernsee et
793 m. d'alt. Bains salins, cure de lait ; station très fré-
quentée en été.
KREUTZER. Ancienne monnaie allemande, subdivision
du floiHn et du tlialer (V. ces mots). Le kreutzer existe
encore en Autriche comme monnaie réelle. C'est une mon-
naie de cuivre, centième du florin, équivalant ainsi à
2 cent, d/2 ; la réforme monétaire va la faire disparaître,
la subdivision de la couronne étant le heller (V. ce mot).
KREUTZER (Rodolphe), compositeur français, né à Ver-
sailles le 46 nov. 4766, mort à Genève le 6 juin 4834.
Elève de Stamitz et Viotti, il fut un des représentants
de la grande école des violonistes (avec Pailfot, Rode,
Bériot, etc.). Il débuta à treize ans par un Concert spiri-
tuel. Protégé de Marie-Antoinette, il fut attaché à la
chapelle du roi, succédant à son père (4782), entra dans
l'orchestre du Théâtre-Italien, fit jouer une Jeanne
d'Arc (4790), opéra qui fut suivi de trente-quatre
autres parmi lesquels on peut citer : Paul et Virginie
(1791); Lodoïska (4794), qui rivalisa avec l'opéra de
Cherubini, Charlotte et Werther (4792); le Siège de
Lille (1793); Astianax (4804); Aristippe (\m)\
Ipsiboé (iS'î^) ; Pharamond (4825, avec Boieldieu). Il
fut attaché au Conservatoire, succéda à Rode comme pre-
mier violon solo à l'Opéra (4804), où il fut chef d'orchestre
de 4847 à 4824. Ses ouvrages dramatiques sont oubliés,
mais on utilise encore ses études pour Finstruction des vio-
lonistes, et on joue ses dix-neuf concerts. C'est à lui que
Beethoven a dédié sa célèbre sonate (op. 47),
Son frère, Jean-Nicolas- Auguste (4784-32), fut son
élève et lui succéda dans sa chaire du Conservatoire (4825).
KREUTZER (Konradin), compositeur allemand, né à
Messkirch (Bade) le 22 nov. 4780, mort à Riga le 44 déc.
4849. L'un des huit enfants d'un meunier, il fut élève d'Al-
brechtsberger à Vienne, y fit jouer un opéra (Konradin)^
devint maître de chapelle à Stuttgart (4842), auprès du
prince de Furstenberg (4 847), dirigea la musique du théâtre
impérial de Vienne (1822-27) où il fit représenter Li-
bussa (opéra, 4822), puis celle du théâtre de Josephstadt
à Vienne (4833-40), pour lequel il composa Nachtlager
zu Granada (4834), son chef-d'œuvre. Ses autre œuvres
dramatiques, gracieuses mais superficielles, sont oubliées ;
mais on joue encore en Allemagne ses œuvres lyriques,
surtout les chœurs d'hommes.
KREUZBERG.UndessommetsduRhœn(930m. d'alt.),
surmonté d'une croix en bois de 26 m. de haut, souvenir
de celle qu'y planta en 668 saint Kilian ; auprès est un
couvent de franciscains, fondé en 4644, lieu de pèleri-
nage.
KREUZBURG. Ville de Prusse, district d'Oppeln (Silé-
sie), sur la Stober; 7,000 hab.
KREUZCURVE (Géom.). Plusieurs géomètres allemands
ont donné ce nom, en raison de sa forme (courbe de la
croix) à la courbe représentée par l'équation — ^-f- -5 = 4 .
X y^
Elle jouit d'un assez grand nombre de propriétés remar-
quables, et se déduit de l'ellipse, point par point, par une
transformation des plus simples, x^^ y^ étant les coordon-
nées d'un point de l'eUipse, x^ y^ celles d'un point de la
Kreuzcurve, on a les relations évidentes xx^ = a^,
yy^ z=z b^.
KREUZER (V. Kreutzer).
KREUZNACH. Ville de Prusse, district de Goblentz, sur
la Nahe ; 48,000 hab. La vieille ville et la ville neuve
sont séparées par la rivière. Kreuznach, où l'on fabrique
du verre, du cuivre, des vins mousseux, doit sa prospérité
à ses eaux minérales qui attirent 5 à 6,000 baigneurs par
an. Découvertes en 4478, elles furent mises à la mode par
Prieger. Ce sont des eaux salines (chlorurées sodiques)
très riches en chlore, en iode et en brome, et ne ren-
fermant pas de soufre ; on les emploie en boisson, douche,
bains, inhalations et sous forme d'eaux mères. La tempé-
rature des eaux qu'on boit varie selon !es sources de -}- 40*^
(source Elise), à + 30 (saline Munster). Les bains sont
pris à la température de + 32° ; on y ajoute une eau
mère riche en lithine, avec traces de rubidium et de césium.
Ces eaux agissent contre les différentes formes de la scro-
fule, la syphilis, les maladies de la peau, du foie, etc.
Kreuznach, qui paraît avoir remplacé une station romaine,
se forma autour de la villa carolingienne de Cruciniacurro,
citée dès 849. Henri IV donna ce domaine à l'évêché de
Spire (4065), lequel vendit la ville au comte Henri II de
Sayn (4241); la sœur de celui-ci porta Kreuznach aux:
comtes de Sponheim et, en 4446, elle passa aux mains de
l'électeur palatin. Le château élevé, bâti sur le Kanzenberg,
fut rasé par les Français en 4689.
BiBL. : Stabel, Das Solbad Kreuznach, 1876. — Voigt-
L/KNDER, Kreuznach, Reisefùhrer, souvent réédité.
KREUZWALD (V. Creutzvvald).
KREYENBÛHL (Jean), écrivain suisse, né à Pfaffnau
(Lucerne) le 2 nov. 4846. Il fit ses études aux univer-
sités de Bonn, Tubingue, Fribourg-en-Brisgau et Munich
et fit sa thèse sur un des dialogues de Platon. Nommé en
4875 professeur de philosophiez Lucerne, ses opinions un
peu avancées pour une ville catholique le forcèrent à dé-
missionner et à accepter une place plus modeste dans le
cant. d'Argovie. Depuis 4884 M. Kreyenbuhl est privat-
docent de philosophie à l'université de Zurich. Citons parmi
ses œuvres : la Religion et le Christianisme, le Plaisir
et le Pessimisme, Etudes critiques et exégétiques sur le
symposion de Platon, la Liberté morale dans le sys-
tème de Kant, Critique de la conscience finie, etc.
KRICH ou KRIS (Arme) (V. Criss).
KRICHNA ou KISTNÂ. Fleuve de l'Inde, qui traverse
le Dekhan dejro. à l'E. ; il naît dans les Ghates occiden-
tales, à 4,370 m. d'alt., près de Mahablechvar ; sa source
est enclose dans un temple hindou ; il descend au S. par
Sait ara, Miradj, tourne vers l'E., traverse le pays da
Nizam sans perdre son allure de torrent, reçoit à gauche le
Bhima, à droite le Toungabhadra,et, après un coude vers
le N., finit dans le golfe du Bengale par un vaste delta. 11
n'est navigable que dans le delta, le reste de son cours
étant encombré de rapides. Il a 1,280 kil. de long; son
bassin mesure 240,000 kil. q.; il roule à l'étiage 32 m, c.
par seconde, mais le débit atteint 33,600 m. c. en temps
de crue. Il marque la limite d'expansion des Aryens vers
le o.
KRICHNA (Le Noir). Divinité la plus populaire et la
plus souvent représentée de la mythologie hindoue. Il est
considéré comme le huitième avatar (V. ce mot) de Vich-
nou, quand il n'est pas Vichnou lui-même. Il semble peu
douteux qu'il n'y ait une personnalité historique à la basi3
de tous ces mythes. Dans le Mahdbhârata (V. ce mot),
Krichna n'est encore qu'un héros, très puissant, il est vrai,
et dont on recherche l'alliance, mais dévot à Siva et d'une
conscience parfois peu scrupuleuse: son caractère divin ne
se révèle que dans la fameuse interpolation mystique de la
Bhâga- vad-Gîtâ. Dans les pourânas, sa divinité est éta-
blie et exaltée en mille légendes dont nous ne pouvons
donner qu'un aperçu.
Il était fils de Devaki, cousine de Kansa, roi de Mathourâ
(Muttra) et épouse de Vasoudeva. Vasoudeva appartenait lui-
même à la race de Yadou et était frère de Kounti, épouse
de Pandou : c'est ainsi que Krichna se trouvait allié aux
Pândavas, les héros du Mahâbhârata. Or, Kansa avait été
averti qu'un fils de Devaki le tuerait ; aussi faisait-il périr
tous les fils qui naissaient d'elle. Il en mit ainsi six à mort ;
le septième dut son salut à ce qu'il fut miraculeusement
transporté du sein de Devaki dans celui d'une autre femme
de Vasoudeva : ce fut Bâla-Râma, le frère et le compagnon
d'aventures de Krichna. Le huitième fut Krichna lui-même :
comme signe il avait sur la poitrine une petite touffe de poils
{hçrîvatsa). Les dieux intervinrent pour sauver l'enfant
divin ; les gardes furent endormis, les portes ouvertes. Va-
soudeva transporta Krichna au delà de la Yamounâ (Jumna),
KRICHNA — KRIJANITCII - ^
chez le berger Nanda et lui substitua une petite fille que
Yasodâ, l'épouse de Nanda, venait justement de mettre au
monde. On célèbre encore aujourd'hui, le huitième jour du
moisde Sravana (juillet-août), lanativitéde l'enfant Krichna;
des représentations où l'on voit Yasodâ l'allaitant ont fait
penser à la Vierge Marie ; Kansa s'apercevant de la trom-
perie aurait ordonné une sorte de « massacre des inno-
cents ». Il n'en a pas fallu davantage à des théosoplies
pour identifier Krichna et Christos. Les mythologues com-
parants ont rapproché de leur côté son séjour chez les
bergers de celui d'Apollon chez Admète. 11 est inutile d'in-
sister sur ces fantaisies. L'histoire de son enfance et de
sa jeunesse est pour les Hindous un inépuisable sujet de
ravissement. Nombre de figurines le montrent marchant à
quatre pattes, la main droite tendue et mendiant des dou-
ceurs. Déjà il donnait des signes d'une vigueur extraordi-
naire et jouait mille tours aux bergers. Puis vient le récit
de ses espiègleries de moins en moins innocentes avec les
gopis ou bergères : il commence par leur dérober leurs
vêtements guand elles sont au bain ; il finit par en épouser
sept ou huit ; mais sa favorite était Râdhâ qui est restée
sa « sakti » et partage encore les honneurs qu'on lui rend.
Il est souvent représenté jouant de la flûte pour faire dan-
ser les gopis. Selon une tradition plus importante, il dé-
tourna les bergers du culte d'Indra, le grand dieu védique;
comme celui-ci s'en vengeait par des orages, il aurait sou-
levé sur le bout de son doigt le mont Govarddhana en
guise de parapluie et l'aurait gardé ainsi pour les abriter
pendant sept jours et sept nuits. Entre temps, il tue nombre
de monstres envoyés contre lui par Kansa, une grue gi-
gantesque, un serpent, un cheval, un taureau. Invité enfin
à venir à Mathourâ prendre part à des jeux athlétiques, il
tue le lutteur du roi et le roi lui-même. Il tue également
un démon qui vivait au fond de la mer dans une conque
(çankha) et c'est de cette conque qu'il se servit depuis.
Tous ces exploits font que l'on se demande s'il n'est pas
riléraklès, dont Mégasthène trouva le culte en honneur
parmi les Hindous. Cependant le roi de Magadha Jarâsan-
dha, le beau-père de Kansa, voulut le venger. Il fit dix-
huit expéditions contre Krichna : à la dix-huitième, voyant
le peuple de Mathourâ épuisé (et, selon les pourânas, pressé
par un autre ennemi nommé Kala-yavana), Krichna se re-
tira à Dvârakâ, sur la côte du Guzerate, où il fonda une
ville imprenable. Il continue d'ailleurs la série de ses ex-
ploits amoureux. Il enlève Roukminî, la fiancée de Sisou-
pâla et grâce à son disque "(ca/cm) détruit l'armée qui le
poursuit. La recherche du fameux joyau Syamantaka lui
vaut encore deux autres femmes, la fille du roi des ours
Jambavat, à qui il le reprend, et celle du roi Satrajit à qui il
le rend. Enfin, vainqueur du roi Naraka dont le pouvoir
inquiétait les dieux, il trouve dans son harem 16,4 00 femmes
qu'il épouse, multipliant sa forme au gré de leurs désirs
et « chacune crut qu'elle l'avait pour elle seule » . Il n'au-
rait pas eu moins de 180,000 fils. Les pourânas racontent
encore des luttes avec Indra et même avec Siva. On nous
parle aussi d'un faux Krichna qui, de son vivant, se serait
posé comme son rival à Benarès : le fidèle disque de Krichna
le tua et, du même coup, brûla la ville. Cependant les
jours de sa race étaient comptés par suite d'une malédiction
lancée par desrichis contre les Yâdavas. Les habitants de
Dvârakâ s'égorgent réciproquement sur le bord de la mer
dans une orgie. Resté seul, Krichna, qui méditait au pied
d'un arbre, est frappé mortellement de la flèche d'un chas-
seur qui, de loin, le prenait pour un fauve, et qui est,
d'ailleurs, enlevé au ciel en récompense de son action.
Arjouna prît soin de ses funérailles.
On sait que le sanctuaire actuel le plus célèbre du culte
de Krichna est à Pouri, dans l'Orissa, ou il est adoré sous
le nom de Jagannata (V. ce mot). Les fidèles de Krichna
forment, avec ceux de Râma, les deux grandes ramifica-
tions des sectateurs de Vichnou (V, Vichnouisme). La tra-
dition fait remonter Krichna au ciel en l'an 3101 avant
notre ère. Disons du moins qu'on en vient à regarder la
secte fondée par Krichna comme bien antérieure au viii^ siècle
avant notre ère. A. Foucuer.
BiBL. : BuriLER, JaeobVs Age of ihe Veda, dans Indian
Antiquary, sept. 1894, p. 248. — Pour la légende de Krichna,
V. le Mahâbhârata (trad. Fauche); leVishnupurâna (trad.
Wiison); le Bhâgavata purâna, {trad. Burnouf, continuée),
ou sa version hi'ndie, le Prem Sagar (trad. Lamairesse).
— Pour des représentations de Krichna, V. MuOR, Hindii
Panthéon^ ou Wilkins, Hindu Mytliology.
KRICHNAGANDJ. Ville de l'Inde anglaise (Rengale),
prov. de Bhagalpour, r. g. de la Mahanadi ; 9,000 hab.
KRICHNA-GANGRA. Rivière de Plnde (Cachemire), affl.
du Djelam (bassin de l'Indus), longue de 190 kil.
KRICHNAGARH. Ville de l'Inde anglaise (Bengale),
prov. de Calcutta, r. g. de la Djellinghi (bras du delta du
Gange) ; 30,000 hab. Un des principaux marchés du
delta.
KRIGHNAGHIRL Ville de l'Inde anglaise, présidence de
Madras, à l'E. du plateau de Maïssour; 8,000 hab. Au-
dessus un rocher porte les ruines d'une citadelle jadis
réputée imprenable qui repoussa les attaques des Anglais
en 1767 et 1791.
KRICHNAPOUR. Ville de l'Inde, principauté de Travan-
core, au S. de Quilon; 4,000 hab. Place commerciale
déchue de son ancienne importance.
KRIEGER (Andreas-Frederik), jurisconsulte et homme
d'Etat danois, né près d'Arendal (Norvège) en 1817, mort
en 1890. Après de brillantes études de droit, il voyagea
pendant deuî^ ans à l'étranger ; il revint à Copenhague en
1844 et, en 1845, était nommé professeur à l'université.
Il se jeta bientôt dans la mêlée politique, alors très ardente,
devint membre de la « représentation bourgeoise » de
Copenhague, dont il fut bientôt le vice-président. Il était
un des chefs du parti national-Hbéral et prit une part active
aux débats relatifs à la liberté de la presse. Depuis lors mi-
nistre à plusieurs reprises, membre du Parlement sans inter-
ruption à partir de 1863, chargé de mission à Londres en
1864, il a continué à jouer un rôle important dans l'his-
toire de son pays. Les universités de Lund et d'Upsal lui
ont conféré le diplôme de docteur honoraire en témoignage
de haute estime. Ses études sur le Dimt privé du Dane-
mark et du Slesvig sont importantes. Il a composé de
nombreux écrits de polémique ; il est un des directeurs de
V Encyclopédie juridique du Nord (Nordisk Retsency-
clopàdi). Th. C.
KRIEHUBER (Joseph) , peintre et lithographe autrichien ,
né à Vienne le 14 déc. 1801, mort le 30 mai 1876. Il
étudia à l'Académie de sa ville natale, puis, après un séjour
en Galicie, revint dans son pays où il se mit à dessiner des
chevaux, des scènes de batailles, tout en devenant le por-
traitiste favori de la société viennoise, professeur et peintre
de la cour. On lui doit plus de 700 portraits, tant litho-
graphies qu'à l'aquarelle, au crayon noir et en miniature.
Parmi ses paysages, nous citerons : Près de Lauter-
hrunnen^ Lac de Thoune^ Vue du Prater; parmi ses
lithographies classiques : une Madone^ d'après Raphaël ;
Sainte Ursule^ d'après Palma le Vieux. — Son fils, Fritz
(1836-1871), fut également peintre et dessina notamment
pour la Zeitschrift de Lutzow les portraits de H. Casser
et de K. Marko,
KRI EN S. Village de Suisse, cant. de Lucerne, sur la ligne
de Lucerne au Brunig; 4,319 hab.
KRIJANITGH (Georges), publiciste slave, né en Croa-
tie en 1617. On ignore le lieu et la date de sa mort. Il fit
ses études en Italie et se rendit à Rome en 1640. Il entra
au collège de Saint- Anastase, fondé pour les orthodoxes
rattachés à l'Eglise romaine. Il fit connaissance de théolo-
giens slaves et conçut le projet de visiter la Russie ; il tra-
vailla à un ouvrage encore inédit : Bibliotheca schismatum
universa. Il séjourna quelque temps à Constantinople. Vers
4658, il se rendit en Russie; peut-être rêvait-il de ratta-
cher l'empire des tsars à l'Eglise romaine, peut-être aussi
voulait-il appeler l'attention du tsar sur la misérable con-
647 —
KRIJANITCH - KROENÏNGSSWiERD
dition des Slaves du Midi et de l'Occident, car il était tout
ensemble un chrétien conYaincu et un patriote exalté. Il se
proposait en outre d'écrire une grammaire et un lexique
des langues slaves et une histoire de la nation slave tout
entière, « de réfuter les mensonges que les étrangers ré-
pandent sur le compte des Slaves et spécialement des
Russes ». Il rédigea en Russie plusieurs ouvrages tous fort
curieux : un discours aux Petits-Russiens où il les engage
à se rattacher aux Moscovites, un traité de la Politique où
il invite les Slaves à se grouper sous la protection du tsar
Alexis-Mikhaïlovitch, où il dénonce les maux que les Alle-
mands ont infligés à la race, les défauts des peuples slaves.
Ce curieux ouvrage est une des premières productions de la
littérature dite panslaviste. Les idées de Krijanitch ne
furent pas goûtées du souverain auquel il s'adressait ; Alexis-
Mikhaïlovitch exila Krijanitch en Sibérie. Il rédigea pen-
dant son exil un traité De la Providence et divers ouvrages
théologiques. Après la mort d'Alexis-Mikhaïlovitch, il put
rentrer en Russie. Ses œuvres attendent encore une édition
complète et critique. M. Bezsonova publié, en en modifiant
l'orthographe, le traité De la Providence et la Politique
sous ce titre : l'Empire russe au xvi® siècle (Moscou,
4860) ; l'Essai de grammaire des langues slaves a été
édité par Bodiansky (Moscou, I8o9). Des fragments des
études isolées et des notices ont paru dans les Mémoires
de r Académie d'Agram et dans la collection de l'/lr-
chiv fur slavische Philologie. Parmi les monographies les
plus importantes sont celles de Markevitch (en russe, Var-
sovie, 4877) ; de Brickner (Revue russe, 4887) ; de Per-
volf dans l'ouvrage intitulé les Slaves et leurs relations
réciproques (en russe; Varsovie, 4888, t. II). Une édi-
tion générale des œuvres de Krijanitch a été entreprise
par M. M.-J. Sokolov (Moscou, 4894). L. Léger.
BiBL. : Pastrnek, Dibliographische Uebersicht ûber die
slavische Philologie; Beriin, 1892. — L. Léger, Nouvelles
Etudes slaves ; Paris, 1880.
KRÎMTHAN, moine irlandais (V. Colomban [Saint]).
KRISCHE (August-Berhard), érudit allemand, né le
22 août 4809, mort à Gœitingue le 23 nov. 4848. Il étudia
d'abord aux gymnases de Gœttingue et de Gotha, puis à
l'université de Gœttingue. En 4830, il se fit remarquer par
son livre sur les sociétés pythagoriciennes. En 4833, il fut
fait privat-docent et assesseur de philosophie. En 4847, il
fut chargé de la rédaction des Goettinger Studien. Ses
principaux écrits sont : De Societatis a Pijthagorain urbe
Croto7iiatarum conditœ scopo politico commcAitatio
(1830); Forschungen auf dem Gebiete der alleu Phi-
losophie : die theologischen Lehren der griechischen
Denker, einePrûfangder darstellung Cicero's ("1840);
Ueber Ciceros' academica (4845).
KRISHABER (Maurice), médecin français d'origine hon-
groise, né à Feketehegy le 3 avr. 4836, mort à Paris le
40 avr. 4883. Il étudia à Vienne, à Prague et à Paris. H
se fit naturaliser Français en 4872, exerça à Paris et y
acquit de la réputation par ses travaux de laryngologie et
de pathologie nerveuse. Citons seulement: DelaNévropa-
thie cérébro-cardiaque (Paris, 4873, in-8), affection (pii,
depuis, porte le nom de « maladie deKrishaber ».
KRISHNA. Rivière del7/^6l^(V. ce mot, t. XX, p. 672).
KRISTIANIA (V. Christiania).
KRISTNISAGA. Récit historique de l'introduction du
christianisme en Islande, par l'évêque Fredrik en 984 , et
de son développement jusqu'en 4421. Cette œuvre semble
remonter au xiv^ siècle et on l'a longtemps attribuée au
jurisconsulte islandais Hauk Erlendsson (f 1 334). Il semble
plus probable qu'il n'a été que le rédacteur d'une compi-
lation plus ancienne, à laquelle il a donné la forme actuelle.
La première édition date de 1688. Une bonne édition de
la Kristnisaga a été publiée avec version latine*en 4773,
par la commission arnamagnéenne.
KBITCHEV. Ville de Russie, gouv. de Mohilev, sur le
Soj, affl. g. du Dniepr; 4,000 hab., grecs catholiques en
majorité. Commerce de bois; foires importantes à Pâques
et à Noël. Kritchev est une des plus vieilles villes de Russie ;
elle possède encore une ancienne enceinte en terre.
KRIVITCHES. Peuple de l'ancienne Russie. Les Krivit-
ches appartenaient à la race slave et étaient établis sur Je
cours supérieur delà Volga, de la Dvina et du Dniepr. Ils
sont déjà mentionnés dans Constantin Porphyrogénètcu
Smolensk était leur ville principale; vers 988, Vladimir
établit une colonie krivitche aux environs de Kiev. Leur
nom disparaît à partir du xvi® siècle.
BiBL. : Chronique dite de Nestor; Paris, 1884, éd. franc.
KRIVITZ. Ville d'Allemagne, grand-duché et cercle de
Mecklembourg-Schwerin, près d'un petit lac; 3,i00 hab.
Vieille église gothique; poterie, saucisses. Elle a rang de
ville depuis 4312.
KRIVOÏ-ROG. Mines de fer de Russie, gouv. de Kherson,
au confluent de l'Ingouletz (affl. dr. du Dniepr et de Ja
Saksanga.
KRIVOKLAT (en allemand Burglitz). Château de Bo-
hême appartenant à la famille de Furstenberg. Il servit de
résidence à Charles IV, à l'archiduc Ferdinand et à Phi-
lippine Welser.
KRIVOSCIE. Canton de Dalmatie, district de Cattaro,
dans les monts calcaires limitrophes du Monténégro ; âpres
et dénudés, on n'y peut cultiver que les dolines (V. Karst).
Les Krivosciens, dont le nom (Krivosijane) veut dire en
serbe les Cous tordus, au nombre de près de 3,000, sont
des Slaves de la famille serbe, de religion grecque; ils
vivent dans leurs cabanes de rochers des produits de leurs
troupeaux de chèvres et de moutons. Leurs principaux vil-
lages sont Krivosije, Dragali et Knezlac. C'est une race
vigoureuse, de haute taille, analogue aux Monténégrins ;
réfractaires au service militaire dont les Vénitiens les dis-
pensaient, ils se sont insurgés quand l'Autriche a voulu le
leur imposer en 1869. Elle céda par la convention de
Knezlac ; mais en 4882 elle revint à la charge et dompta
l'insurrection. Deux routes stratégiques furent tracées,
aboutissante la caserne de Dragali, auprès d'un vieux fort ;
plusieurs autres ont été conservés à Cerkvrie (Ledenice)
ou établis.
BiRL. : Un TERKiRCHER, Die ŒsterreicheriTi Krivoscien ;
Innsbruck,1886.
KRIZ (Tunisie) (V. Griz).
KRIZEK (Vacslav), savant tchèque, né à Strazov (Bo-
hême) en 4833, mort en 4883. 11 acheva ses études à
l'université de Prague, devint professeur en Croatie, puis à
Litoméfice et enfin directeur du gymnase réal de Tabor,,
Outre certains ouvrages de philologie classique, il a publié
une A7ithologie de la littérature sud-slave (Prague.,
1862) ; une Histoire générale en tableaux synchro-
niques (4869) ; une Histoire des peuples slaves en ta-
bleaux synchroniques (1874) ; une Statistique de V Au-
triche (4872) et un certain nombre d'études historiques
dans les revues spéciales. On a publié après sa mort : Etudes
sur V histoire des ancie?is Slaves (avec une notice par
Slavik; Prague, 4884).
KRNKA (Sylvestre), armurier autrichien, d'origine
tchèque, né à Velky P>os, près de Ilorazdovice (Bohême), en
4825. Il étudia l'armurerie à Vienne et devint armurier
militaire. Il inventa vers 4850 un fusil se chargeant par
la culasse, qui fut refusé par le gouvernement autrichien,
mais adopté par le Monténégro et par l'armée russe.
KRŒBEN. Ville de la Pologne prussienne, district de
Posen; 3,800 hab. Eglise Saint-J^gidius, bâtie en 4440.
KRŒNER (Johann-Christian), peintre allemand, né à
Rinteln (liesse) le 3 févr. 4838. Il travailla d'abord dans
l'atelier de décoration de son père, puis, à la suite d'une
série de voyages, s'adonna, en Nemrod passionné qu'il était,
aux scènes de chasse et forestières. Nous citerons de lui :
Gros Gibier en hiver, Battue, Chevreuil en forêt, Cerfs
après le combat.
KRŒNINGSSW/ERD (Karl-Gustaf), historien suédois,
né à Vester-Fernebo en 4786, mort à Stockholm en 4859.
Il a publié un très grand nombre d'ouvrages presque exclu-
KROENINGSSWJERD — KRONECKER
- 648 —
sivement relatifs à la Dalécarlie. Il faut citer parmi les
principaux : les Descendants d'Harald Harfager sur les
trônes d'Europe (1828); Diplomatarium dalcarlicum
(i84"2-53). Il a laissé en manuscrit un grand nombre de
documents sur les anciennes familles dalécarliennes.
KRŒYER (Peter-Severin), peintre danois, fils d'un na-
turaliste distingué de Copenhague, né à Stavanger en ISod .
Il a fait ses études à l'Institut technique, puis à l'Académie
des beaux-arts de cette ville. En 1871, son portrait du
peintre 0,-D. Ottesen attira sur lui l'attention des con-
naisseurs et du grand public. En 1873, un carton représen-
tant David devant Saûl après la mort de Goliath fut
très remarqué et Krœyer obtint une bourse de voyage ; il
visita la France, l'Espagne et l'Italie. Au Salon de Paris
de 1881, il exposa les Chapeliers de campagne italiens.
C'est un des principaux représentants de la jeune école da-
noise, dont il a toutes les qualités : sûreté du dessin, vérité
de la lumière, heureuse fusion des teintes. Voici le titre
de quelques-uns de ses tableaux : Sardinerie à Concar-
neau; Pêcheurs de Skagen; le Déjeuner des artistes
à Skagen (1884); Soirée musicale dans mon atelier
(1887); Hip Hurrah! le Comité de l'Exposition fran-
çaise à Copenhague en 1S8S ; Une Soirée à Nycarls-
berg (1889); Portrait de M'^'K. (1894). Th. C.
KROHN (JuHus-Léopold-Fredrik), écrivain finnois, né à
Viborg en 1835, mort vers 1891. Professeur de littérature
finnoise à Helsingfors, il a publié en finnois de nombreux
ouvrages sur les matières de son enseignement: la Poésie
finnoise sous la domination suédoise; r Histoire du
psautier finnois ; les Runes de Kullervo ; Récits d'his-
toire de Finlande; Histoire de la littérature fin-
noise^ etc. Son activité ne s'est pas bornée cependant à
ces recherches historiques ; il a fait paraître, sous le
pseudonyme de Suonio^ des œuvres d'imagination, poésies
ou nouvelles, devenues bientôt très populaires : OEuvres
poétiques; Récits de la Lune^ etc. Il est aussi à la tète
des journaux illustrés finnois, et a traduit en finnois les
œuvres de W. Scott, ainsi que plusieurs poèmes de Rune-
berg ; il est un des membres les plus actifs de la Société
de littérature finnoise, dont il est secrétaire. Th. C.
KROÏA (V. Croïa).
KROK, personnage légendaire qui aurait régné en Bo-
hême vers le vu® siècle de l'ère chrétienne. Il aurait fondé
une école à Budec et serait le père de trois filles non moins
légendaires : Kasi, Teta et Libuse,
KROLEVETZ. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouv.
de Tchernigov, au confluent de la Svidna et de la Dobraia-
Voda (affl. g. de la Desna); 10,000 hab. Fabrication de
sucre, de poteries, de briques, etc. Grande foire annuelle
du 10 au 26 sept, (chevaux, bœufs, cotonnades, lainages,
sucre, cuirs, poteries, etc.). — Le district a 2,697 kil.'q.,
les trois quarts en terres labourées.
KROLMUS (Vacslav), archéologue tchèque, né à Brezi-
nec en 1787, mort à Prague en 1861. Il fut ordonné prêtre
en 1815 ; curé en province, il passa la plus grande partie
de sa vie à rechercher des antiquités, et ses découvertes
ont beaucoup contribué à enrichir le musée de Prague . Il
manquait malheureusement de critique. Il a publié, sous le
pseudonyme de Sumlork, un recueil de Folldore de V an-
cienne Bohême (Prague, 1844-51), divers écrits archéo-
logiques et des livres de dévotion.
"^KROMER (Martin), historien polonais, né à Riez en
1512, mort en 1589. Il fit ses études à Cracovie, en Al-
lemagne et en Itahe. A son retour, il devint secrétaire de
Gamrat, évêque de Cracovie, puis du prince royal Sigis-
mond-Auguste. Il fut chargé de missions diplomatiques à
Rome, à Vienne et auprès du concile de Trente. En 1579,
il devint évoque de Warmie. Il consacra ses loisirs à l'étude
de l'histoire nationale et fit paraître à Râle en 1555 l'ou-
vrage intilulé Martini Cromeri de origine et rébus
gestis Polonorum, et, en 1577, à Cologne : Polonia sive
de situ., populis., moribus, magistratibus et republica
regni Polonici, libri duo. On lui doit encore quelques
ouvrages théologiques et un traité sur la musique, Musica
figurata (Cracovie, 1534). Dans son histoire, il s'inspire
de Dlugosz et met à profit des documents qu'il avait con-
sultés dans les archives de la Couronne. Cet ouvrage ob-
tint un grand succès ; il fut traduit en allemand par Henri
Pantaleon (Bàle, 1562), réimprimé à Cracovie en 1611, à
Cologne en 1589, traduit deux fois en polonais. La des-
cription de la Pologne a été traduite en polonais par Kon-
dratowicz (Vilna, 1853); la vie et l'œuvre de Kromer ont
été étudiées par C. Walewski (dans la Bibliotheca War-
szawska en 1873), et par L. Finkiel (t. XVI des Mémoires
de r Académie des sciences de Cracovie). L. L.
K ROM MER (Franz), compositeur autrichien, né à Ka-
menitz (Moravie) en 1759, mort à Vienne le 8janv. 1831.
Il dirigea la chapelle du comte Ayrum (1784), de l'église
de Fdnfkirchen (1790), du prince Krasaikovvitz, la musique
de chambre de l'empereur (1814). Sa musique instrumen-
tale fut appréciée de ses contemporains pour l'élégance des
mélodies, la correction du style, l'imprévu des modulations.
Citons sa messe en ut, 5 symphonies à grand orchestre,
69 quatuors pour deux violons, etc.
KRONACH (Cranacha).Yi\\e de Bavière, prov. de Oaute-
Franconie, au confluent de la Kronach, de la Rodach et de
rilaslach ; 4,500 hab. Vieil hôtel de ville. Au N., château
de Rosenberg. Porcelaines, tableaux d'ardoise, commerce
de bois, etc. Le château fut construit au x® siècle, rebâti
par Henri V, passa aux ducs de Méran, repoussa les Sué-
dois en 1632, 1633 et 1635. Patrie de Lucas Cranach.
KRONBERG. Ville de Prusse, district de Wiesbaden, au
pied du Tâunus; 2,500 hab. Vieux château, vergers, écoles
d'arboriculture, commerce de fruits. Auprès est la station
balnéaire de Kronthal (eaux ferrugineuses muriatiques
de H- 14° à +16**, employées dans les maladies de foie).
BiBL.: Basse, Bas Rittergeschlecht und die StadtKron-
berq ; P>ancfort-sur-Ie-Main, 1886.
KRONBORG. Château construit à Elseneur par Frédé-
ric II. C'est une énorme masse carrée, hérissée de cloche-
tons et de tourelles, sise sur une langue de terre qui s'avance
dans le Sund. Kronborg a joué un grand rôle dans l'his-
toire militaire du Danemark, mais n'a plus aucune impor-
tance et sert actuellement de caserne. C'est dans les sou-
terrains du château que dort Ogier le Danois, prêt, assure
la tradition, à secourir la patrie si elle courait quelque
danger.
KRONECKER (Leopold), mathématicien allemand, né à
Liegnitz (Silésie) le 7 déc. 1823, mort à Berlin le 29 déc.
1891. Il fréquenta les universités de Berlin, Bonn, Bres-
lau, prit en 1845 le grade de docteur, fut élu en 1860
membre de l'Académie des sciences de Berlin, fit à l'uni-
versité de cette ville, à partir de 1861, un cours libre de
mathématiques et fut nommé en 1883 professeur titulaire.
H était depuis 1868 correspondant de l'Académie des
sciences de Paris (section de géométrie). Ses travaux ont
porté sur de nombreuses questions d'arithmétique, d'al-
gèbre pure, de haute analyse, de physique mathématique,
en particulier sur la théorie des nombres, à laquelle il a
fait d'heureuses applications des propriétés des fonctions
elliptiques. Plusieurs de ses mémoires ont été l'objet, à
l'occasion de solennités universitaires, de publications sé-
parées : Grundzûge einer arithmetischen Théorie der
algebraischen Grœssen et De Unitatibus complexis
(Berlin, 1882) ; Ueber den Zahlbegriff {Leipzig, 1887).
Les autres, au nombre d'une centaine, sont disséminés
dans le Journal de Crelle, qu'il a continué avec Weier-
strass, dans celui de Liouville, dans les Monatsberichte de
l'Académie de Berlin, dans les Comptes rendus de V Aca-
démie des sciences de Paris, dans les Annales de V Ecole
normale supérieure de Paris, etc. ; on en trouvera la
liste dans les t. IIl, VIII et X du Catalogue of scientific
papers de la Société royale de Londres. Sa correspondance
avec Dirichlet a paru dans les Gœttingischen gelehrten
Anzeigen (1885). L. S.
BiBL. : Hermite, Notice sur M. Kronecker, dans les
C. T. de VAcad. des se. de Paris, 1892, t. CXIV, p. 19.
KRONECKER (Hugo), physiologiste allemand contempo-
rain, né à Liegnitz le 27 janv. 4839. 11 étudia à Heidel-
berg et à Leipzig et s'occupa de bonne heure de la phy-
siologie des muscles. Il fut successivement professeur
extraordinaire à Leipzig et à Berlin, puis en 4885 passa
avec le titre de professeur ordinaire à Berne. Ses travaux
de physiologie ont été publiés dans Beitrœge %ur Anat. and
Physiologie^ als Feslausgabe Cari Ludivig gewidmet
(Leipzig, 4874), dans Du Bois-Reymond's, /Ircto/". Phy-
siologie^ Proceedings of the Royal Society, etc.
KRONOBERG ou WEXIŒ. Laen ou prov. de la Suède
méridionale, comprenant le S. du Smaaland ; 9,997 kil. q.;
458,304 hab. Elle s'étend entre les Isens de Jonkœping au
N., Calmar à l'E., Blekinge et Scanie au S., Halland à TO.
C'est un pays de collines boisées où les lacs et marais cou-
vrent 4,026 kil. q. 11 n'y a que 7 4/2 ^jo de la surface qui
soit labouré et 45 «/o en prairies. On récolte surtout de
l'avoine, des pommes de terre, du seigle et de l'orge.
La province compte environ 8,000 chevaux, 425,000
bœufs, 75,000 moutons, 30,000 porcs. La province doit
son nom à un château dont les ruines se voient près de
Wexiœ sur le lac Helga. Le chef-lieu est Wexiœ ; elle se
divise en six districts. Elle est traversée par le ch. de fer
de Falkœping à Malmœ et par plusieurs de ses embran-
chements.
KRONOS (Myth. gr.). Un des grands dieux de la my-
thologie grecque, père de Zeus. Les écrits hésiodiques le
présentent comme le dernier des Titans ; fils d'Ouranos et
de Gè (le Ciel et la Terre), il cbâtie et détrône son père,
s'empare du gouvernement du monde et épouse sa sœur
Rhéa. Gè lui avait prophétisé qu'il serait lui-même renversé
par un de ses enfants ; il résolut de dévorer ceux-ci aussi-
tôt nés: Hestia, Déméter, Héra, Pluton, Poséidon auraient
subi ce sort ; mais Rhéa fit échapper le plus jeune, Zeus,
en lui substituant une pierre emmaillotée. Lorsque Zeus
eut grandi, sur les conseils de l'Océanide Métis, il fit revo-
mir à son père les enfants avalés par lui, et tous enga-
gèrent la lutte contre Kronos et les Titans ; ils les vain-
quirent et les précipitèrent dans le Tartare. — Une autre
version relègue Kronos dans l'île des Bienheureux, avec
Rhadamante. Kronos ne figure guère que dans les mythes
théogoniques ; pourtant il avait un temple à Athènes au
pied de l'Acropole. L'art s'en est peu occupé; on le figura
en vieillard, parfois une harpe à la main. Les Romains
l'identifièrent à leur Sahirne (V. ce nom).
Les philologues ne sont pas d'accord sur l'interprétation
de ce personnage divin. Il semble bien que, comme les
Titans, il soit un produit de l'imagination philosophique
s'exerçant à fabriquer des généalogies célestes, des théo-
gonies. Mais plusieurs soutiennent que la succession my-
thique de Kronos et de Zeus répond à un fait historique,
la succession de deux religions différentes et peut-être de
deux peuples. En dernier lieu Hoffmann (Mythen aus der
Wanderzeit der grœkoitalischen Stœmmœ, 4876) a
développé cette théorie. En revanche, on admet générale-
ment que l'idée de faire de Kronos un dieu du temps (Chro-
nos) repose sur une confusion et une sorte de calembour.
KRONSTAD (Russie) (V. Cronstad).
KRONSTADT (en magyar Brassé), Ville de Transylva-
nie, ch.-l. d'un comitat. Elle est située dans un magni-
fique paysage de montagnes, au milieu du Burzenland,
vallée élevée en moyenne de 600 m. au-dessus du niveau
de la mer. De ses 32,549 hab. (4890), un tiers est
composé d'Allemands, un tiers de Magyars, un tiers de
Roumains, sans tenir compte des petits groupes arménien,
tsigane, etc. La vieille ville occupe le fond de la gorge ; le
faubourg roumain est bâti sur les terrasses des coteaux, le
faubourg de Bolonya (Blumenau) dans un vallon voisin.
Les principaux édifices sont l'hôtel de ville, bâti vers 4520,
et l'église évangélique, dite église noire, bâtie de 1385 à
4425 en style gothique et fréquemment endommagée depuis
par les incendies ; l'orgue, œuvre du Berlinois Baccholz
en 4839, est un des plus grands et des plus célèbres qui
649 - KRONECKER -^ KROPOTKINE
existent. L'industrie est florissante, plus que dans nulle
autre ville de Transylvanie ; elle comprend les draps, la
cire, les objets en cuir, le papier, etc. Le commerce avec
la Roumanie a plutôt diminué. C'est ce commerce qui a
surtout amené la fondation de la ville de Corona, en
latin oflTiciel, au début du xni® siècle, par des colons saxons
que favorisait le roi de Hongrie. Enlevée dès 1225 à l'ordre
Teutonique, elle fut ensuite incorporée à la Hongrie
saxonne. Les Tatares et les Turcs la saccagèrent plusieurs
fois. Au XVI® siècle, le Saxon Honter, ami de Luther, fit
de Kronstadt le principal foyer de la Réforme en Transyl-
vanie. Au temps de G. Bathori, elle eut beaucoup à souf-
frir; après un long siège, elle succomba en 4612. La
conquête autrichienne fut marquée par d'effroyables cruau-
tés de Caraffa (4688); l'année suivante les soldats brû-
lèrent la ville. En 4849, Bem s'en empara deux fois, mais en
fut deux fois chassé par les Russes. — Le très petit comi-
tat de Kronstadt n'a que 86,458 hab., en grande majorité
Roumains. E. S.
BiBL. : VIlï« fascicule de A Travers la Hongrie, dans
l'Europe illustrée d'Orell-Fiissli. — Filtsch, Die Siadt
Kronstadt ; Vienne, 1886.
KRONTHÂL (Géogr.) (V. Kronberg).
KROPACZEK ou KROPATSCHEK (Alfred), officier au-
trichien. Il servit dans l'artillerie et inventa un fusil se
chargeant par la culasse auquel il a donné son nom et qui
fut adopté dans la marine française (V. Fusil). L'empereur
le récompensa en lui conférant le titre de chevalier et en
le nommant commandant de l'Ecole des cadets de Vienne.
11 a publié plusieurs ouvrages techniques : Die Umgestal-
tung der K. K. œsterreichischen Gewehre in Hinterla"
c^er(1867); Bas œsterr. Hinterladungs Gewehrsystem
(1870); Derœster. Armée Revolver (4873), etc.
KROPINSKI (Louis), poète polonais, né dans le pala-
tinat lithuanien de Brzesc en 4767, mort en Volynie en
4844. Il était colonel à la bataille de Maciejovice (4794),
général de brigade dans l'armée du grand-duché de Var-
sovie (4842), puis se retira dans ses terres où il écrivit
des drames dont le plus célèbre est Ludyarda et des ro-
mans parmi lesquels il faut citer Miaiiido/'(4 824). Ses
œuvres ont été réunies (Léopol, 1844).
KROPOTKINE (Pierre), révolutionnaire russe, né à Mos-
cou en 4842. Membre d'une famille dont la généalogie se
rattacherait à la maison royale des Rurick, le prince Ivro-
potkine fut admis à quinze ans dans le corps des pages et
entra quelque temps après à l'Ecole militaire, oii il resta
jusqu'à vingt ans. Au Meu d'accepter un grade dans*la garde
impériale, poste envié auquel sa naissance et ses relations
de famille lui permettaient de prétendre, il se fit envoyer
dans le corps des cosaques de l'Amour, comme aide de camp
du général gouverneur de la Transbaïkalie, dont il prépa-
rait les travaux. Son premier mémoire fut une description
économique et agricole de cette région jusqu'alors très peu
connue. Il rédigea ensuite un rapport sur l'état des prisons
et sur le régime des condamnés aux travaux forcés, dont
Nertchinsk est le centre, en indiquant les réformes qui pou-
vaient y être apportées. Ce rapport ne fut pas publié ; mais
il produisit, parait-il, un effet profond sur l'esprit du tsar,
qui fut indigné des horreurs commises en son nom et se
promit d'y mettre un terme. La promesse impériale fut bien
vite oubliée. C'était en 4862 ; dans quelques mois, la réac-
tion triomphante allait faire disparaître les derniers vestiges
des réformes d'Alexandre IL (Juant à Kropotkine, son en-
thousiasme de jeune homme ne tarda pas à se changer en
douloureux scepticisme ; il continua à s'occuper de l'orga-
nisation administrative de la Sibérie, mais sans conserver
l'ombre d'une illusion, sachant d'avance que ses projets
déplairaient à Saint-Pétersbourg.
En 4863, après l'insurrection de Pologne, tout espoir
de réformes était perdu. Kropotkine, attaché au gouver-
nement de la Sibérie orientale, se consacra tout entier à
des travaux scientifiques, et, dans une série d'expéditions
qui durèrent trois ans, explora la Mandchourie, les rives
KROPOTKÏNE — KKOU
650 —
de rOussouri, découvrit la route du Khingan et Merghen,
où les Européens n'étaient pas allés depuis le xvii^ siècle;
il fit partie de la première expédition qui remonta le Soun-
gari, parcourut le bassin de TOka, enfin, dans le plus re-
marquable de ses voyages, trouva le passage longtemps
cherché qui conduit des mines d'or de la Lena jusqu'en Trans-
baikalie. Lorsqu'il revint à Saint-Pétersbourg en 4867,
pour suivre les cours de l'Université, Kropotkine était déjà
populaire, tant à cause des dangers qu'il avait courus que
des résultats scientifiques de ses voyages. Il publia dans les
Peter man's Mittheilungen le catalogue général de tous
les points dont il avait pu calculer l'altitude, et le Résumé
de Vorographie de la Sibérie^ qui est son principal ou-
vrage de géographie. En 4871, chargé d'une mission en
Finlande, il étudia les terrains delà période glaciaire; ses
observations lui fournirent le sujet d'un ouvrage dont le
premier volume seulement a paru dans les Annales de la
Société de géographie; le deuxième, resté manuscrit, est
tombé plus tard entre les mains de la police russe.
Le mouvement libéral ayant définitivement échoué, Kro-
potkine jugea que, si la société russe pouvait être délivrée
du régime de l'autocratie, ce ne serait pas au moyen de
décrets impériaux, mais parla volonté du peuple éclairé et
organisé. Convaincu de la nécessité d'une révolution sociabi
faite par en bas, il quitta le monde de la noblesse et de
la cour, dont les mœurs répugnaient à son caractère de
philosophe e( de savant, et résolut de vivre au milieu des
ouvriers et des paysans. Un voyage, fait en 4872 en Bel-
gique et en Suisse, l'avait mis en relations avec les membres
de l'Internationale expirante (V. Internationale), parmi
lesquels plusieurs de ses compatriotes condamnés à l'exil à
cause de leurs opinions. Il rentra en Russie pour s'affilier
à l'association des Xchaykovsky, jeunes gens de la classe
bourgeoise et de l'aristocratie, qui s'en allaient ouvrir des
cours d'instruction élémentaire dans les milieux industriels
et dans les campagnes, afin de faire pénétrer dans les es-
prits incultes, à la faveur de la lecture, de l'écriture, de
quelques notions d'histoire, les idées de révolte et de liberté.
Déguisé en peintre, sous le nom d'emprunt de Borodine,
Pierre Kropotkine ne se contentait pas d'instruire les pay-
sans : il faisait des conférences où le gouvernement du tsar
n'était pas ménagé; il allait de maison en maison, montrant
l'iniquité du servage et prêchant la fraternité. Dénoncé à la
police, il fut arrêté au commencement de 4874, pour être
impliqué dans le procès des 493, et interné dans la for-
teresse Pierre-et-Paul, à Saint-Pétersbourg. Là, pendant
deux ass et demi, entre les murs d'*une casemate humide
et obscure, presque privé de nourriture, n'obtenant des
livres qu'à grand'peine, empêché de recevoir ses parents et
ses amis, il attendit vainement qu'on le jugeât, même qu'on
lui fit connaître le crime qui lui était imputé. Son état de
santé obligea cependant la police à le faire transporter à
la prison de l'hôpital militaire, d'où il parvint à s'évader le
42juil. 4876.
Kropotkine se rendit immédiatement en Angleterre, puis
en Suisse, en 4877 ; il entra dans la Fédération du Jura,
section anarchiste de l'Internationale et fonda à Genève le
journal le Révolté. Expulsé de Suisse en sept. 4884, à la
demande du gouvernement russe, il se réfugia à Thonon,
de là en Angleterre, où, dans une série de lectures et de
conférences, il s'efforça de provoquer une agitation contre
la cruauté des persécutions politiques exercées par l'em-
pereur Alexandre IIL Revenu à Thonon en oct. 1882, il
fut arrêté le 20 déc. à la suite de l'explosion de la place
Bellecour à Lyon, bien qu'il y fût totalement étranger; il
comparut en même temps que cinquante-neuf autres incul-
pés, devant le tribunal correctionnel, qui le condamna à
cinq ans d'emprisonnement le 19 janv, 4883, pour parti-
cipation à V Internationale (V. ce mot et Anarchie). En-
fermé à la maison centrale de Clairvaux, il fut relâché le
45 janv. 4886, à la suite d'une active campagne faite en
sa faveur par les savants de France et d'Angleterre.
Depuis sa libération, Kropotkine, retiré à Londres, a
publié un grand nombre de travaux scientifiques dans les
principales revues anglaises, et des études de philosophie
sociale (la plupart ont paru dans le journal le Révolté),
où sont exposés les principes de la société anarchiste: no-
tamment Paroles d'un révolté, la Conquête du pain,
r Anarchie dans Vévolution socialiste, les Prisons, la
Morale anarchiste, la Grande Révolution, les Temps
nouveaux, etc. Nous n'avons pas à exposer ici le commu-
nisme anarchiste dont le célèbre révolutionnaire russe est
un des théoriciens les plus éloquents et les plus docu-
mentés. Aucun n'a défendu avec autant de conviction la
libre entente, cette organisation spontanée, qu'il oppose à
l'Etat, cette autre organisation basée sur la contrainte.
Par là se trouve détruite l'objection de ceux qui sont tentés
de voir dans l'anarchie une lutte sans frein, le règne de
la violence et de la force, cent fois plus odieux et plus
dangereux pour les faibles que le régime de la concurrence,
répudié par les socialistes. Sur un autre point, Kropotkine
paraît avoir émis une idée originale : c'est au sujet de la
division du travail. Après Sismondi et tant d'autres so-
ciologues, il constate que le système de production mo-
derne réduit les travailleurs à l'état de machines ; mais
il se refuse à en admettre la nécessité. « D'une part, les
producteurs qui consomment fort peu et sont dispensés
de penser, parce qu'il faut travailler, et qui travaillent
mal parce que leur cerveau reste inactif ; et, d'autre part
les consommateurs qui, produisant peu ou presque rien,
ont le privilège de penser pour les autres, et pensent mal
parce que tout un monde, celui des travailleurs des bras,
leur est inconnu. » Kropotkine considère ce principe
comme « horrible, nuisible à la société et abrutissant pour
l'individu » ; il voudrait que tous les hommes pussent
travailler et penser, pratiquer en même temps le tra-
vail manuel et cérébral ; c'est ce qu'il appelle l' « intégra-
tion du travail et de la production » : idée qui semble
paradoxale, même après les pages éloquentes de Tolstoï.
Kropotkine apporte un argument qui n'est pas sans valeur;
c'est un fait d'expérience : on a pu croire longtemps que
les nations, comme les individus, se spécialiseraient à l'in-
fini et que l'obhgation d'échanger leurs produits était une
condition die paix et de solidarité. Mais voilà qu'elles fer-
ment leurs frontières, qu'elles protègent leurs industries,
qu'elles s'empruntent mutuellement leur outillage pour
créer celles qui leur manquent. Que ce mouvement soit du-
rable ou non, quelles qu'en doivent être les conséquences,
il est en sens inverse de la division du travail. Qui sait s'il
n'est pas destiné à s'étendre des nations aux groupes, des
groupes aux individus, et s'il ne deviendra pas bientôt
l'idéal provisoire de l'humanité ? M. Charnay.
KROPP (Dietrich), sculpteur allemand, né à Brème le
44 déc. 4824. Il étudia tour à tour à Munich et à Dresde,
puis alla en 4858 à Rome, où il fit deux bustes de
Raphaël, un médaillon, la Nuit, et l'Ange agenouillé. De
retour à Brème, il y exécuta, entre autres travaux, tout
un ensemble de figures pour la nouvelle Bourse, des statues
de grands hommes pour le Rutenhof et le Schusterhaus,
et son beau relief, le Christ enseignant le peuple, pour
le portail de Téglise Remberti (4873).
KROSNO. Ville de Galicie, sur le Vislok; 3,000 hab.
Belle église gothique, ruines d'un château royal.
KROSSEN. Ville d'Allemagne (V. Crossen).
KROTOSZYN (ail. Krotoschin). Ville de Pologne prus-
sienne, sur le ch. de fer d'OEls à Gniezno ; 40,000 hab.
Briqueteries, scieries, etc. Le château est le ch.-l. de la
principauté de Thurn-et-Taxis. "
KROUou KROUMEN. Population nègre de Guinée occi-
dentale. Les Krou habitent la côte des Graines et la côte
d'Ivoire depuis la rivière Sesters (dans la république de
Libéria) jusqu'à la rivière du Grand Lahou (dans notre
colonie d'Assini). Il faut remarquer que l'on englobe sous
le nom de Krou diverses tribus échelonnées sur cet espace
et qui portent les noms de Krou proprement dits, de
Grebo, d'Appoloniens, d'Acrédiens, d'Assiniens, etc.
— 651
KROU - KRÛDENER
Parfois même on appelle Krou les nègres Veï dont l'ha-
bitat se trouve plus au N., entre le fleuve Sestesi et Mon-
rovia. Les Krou sont de taille assez élevée (1"°69 en
moyenne) et d'une vigueur extraordinaire. Leur tête est
allongée (indice céphalique moyen : 75,1), leur nez est
très large et aplati et la couleur de leur peau est un peu
moins foncée que celle des Sénégalais. Le système pileux
est bien développé. De tous les nègres, ce sont les plus
obéissants et les meilleurs travailleurs dans les factoreries
où on les paye 20 à 30 fr. par mois. Ils fournissent aussi aux
navires de guerre et de commerce des matelots d'une va-
leur exceptionnelle et d'une fidélité rare. Ils s'engagent
généralement pour un ou deux ans, mais, une fois leur
service fait, ils demandent à être rapatriés et rien ne peut
les déterminer à s'établir définitivement hors de leur pays.
Les Rrous tiennent entre leurs mains tout le commerce
maritime de la région qu'ils habitent. J. Deniker.
KROUBS (V. Khroub [Le]).
KROUCHÉVATS. Ville de la Serbie, ch.-l. de cercle,
située près de la rive droite de la Morava serbe ; 5,150 hab.
Elle fut jusqu'en 1389 la résidence des tsars de Serbie. —
Le cercle de Krouchévats, d'une superficie de 2,368 kil. q.,
compte 81 ,981 hab.
KROU M, souverain de la Bulgarie au commencement du
ix« siècle. Ce fut le véritable fondateur de l'Etat bulgare et
son rôle peut être comparé à celui de Clovis dans l'histoire
de France. Non seulement il contribua par ses victoires à
l'accroissement de la puissance bulgare dont il étendit la
domination au delà des Karpates et des Balkans ; mais, par
une sage administration et des lois rigoureuses, il sut éta-
blir l'ordre et la cohésion dans une société à peine consti-
tuée. Une des campagnes de Kroum conduisit en 813 une
armée jusque sous les murs de Constantinople, dont l'em-
pereur dut payer un tribut au souverain bulgare. Kroum
mourut d'apoplexie en 815.
KR0UM1RS(V. Tunisie).
KROUNG-KAO ou AYUTHIA. Ville du roy. deSiam,r.
g. du Ménam,à 65kil. de Bangkok; 50,000 hab. La ma-
jorité de la population vit sur la rivière dans des habita-
tions flottantes. Cette ville, qui est le grand entrepôt du
commerce entre le Siam et le Laos, a remplacé l'ancienne
Ayuthia, dont les temples ruinés se voient aux alentours
dans la forêt. L'antique cité, connue depuis le xiv® siècle, fut
jusqu'au xvni® la capitale de Siam et une des plus belles
villes de l'Indo-Chine. Les Birmans la détruisirent en
1767. Auprès de Kroung-kao est un parc à éléphants, le
grand dépôt de remonte du Siam.
KRUCHOWIECKI (Jean, comte), général polonais, né en
1770, mort à Varsovie en 1850. Il entra dans l'armée
autrichienne, servit ensuite dans le grand-duché de Var-
sovie, prit part à toutes les campagnes de 1807 à 1812.
Lors de la révolution de 1830, il était l'un des plus an-
ciens généraux polonais; il sollicita le commandement
suprême, mais ne put l'obtenir. Il devint gouverneur de
Varsovie et signa en cette qualité la capitulation de cette
ville. Il fut exilé dans l'intérieur de la Russie et reçut plus
tard l'autorisation de rentrer à Varsovie.
KRÛDENER (Burkhard-Alexis-Constantin, baron de),
diplomate russe, né en Livonie le 24 juin 1744, mort à
Berlin le 14 juin 1802. Attaché dans sa jeunesse à l'am-
bassade de Madrid, puis secrétaire de légation à Varsovie,
il fut ensuite envoyé comme chargé d'affaires en Courlande
et prépara la réunion de ce pays à l'empire russe. Il venait
d'épouser M"® de Wietinghoiï (V. ci-dessous) quand il
fut nommé ambassadeur^à Venise (1784), d'où il passa au
même titre à Copenhague (1786) et plus tard à Berlin
(1800). Dans ce dernier poste il put, en temporisant avec
adresse, retarder la rupture dont la Prusse était menacée
par Paul I^^* jusqu'à la mort de ce souverain (12 mars 1801).
Une attaque d'apoplexie l'emporta dès la seconde année du
règne _d'Alexandre I®^. A. Debidour.
KRUDENER (Barbe-Julie de Wietinghoff, baronne de),
femme du précédent, née à Riga le 21 nov. 1 764, morte à
Karasou-Bazar (Russie) le 25 déc. 1824. Issue d'une
famille riche et distinguée (elle était petite-fille du maré-
chal Munich), elle épousa en 1783 le baron de Krtidener,
qui l'emmena l'année suivante dans son ambassade à Venise.
Jeune, belle, instruite, douée d'une sensibilité exaltée qui
n'excluait pas les manèges de la coquetterie, elle n'eut
jamais que de l'estime pour un mari qui eiît pu être son
père et dont le caractère n'avait rien de romanesque. Après
un long voyage en Italie, elle le suivit en Danemark, où il
alla représenter la Russie en 1786. Le secrétaire de léga-
tion Alexandre de Stakieff", qui, à Venise, l'avait longtemps
aimée en secret, vint l'y rejoindre. Elle devint bientôt sa
maîtresse ; mais, comme elle ne tarda pas à le trahir, il se
tua ; c'est le souvenir de ce drame qui lui inspira plus tard
le célèbre roman de Valérie. En France, où elle vint sous
prétexte de santé et séjourna près de deux ans (de 1789
à 1791), elle fréquenta les écrivains en renom, notamment
l'abbé Barthélémy et Bernardin de Saint-Pierre, mais elle
mena aussi une vie assez dissipée, et sa liaison avec un
brillant officier de cavalerie, M. de Frégeville, qu'elle ne
put cacher à son mari, obligea ce dernier, non seulement
à la rappeler, mais à se séparer d'elle. Elle dut se retirer
en 1792 dans sa terre de Kosse, en Livonie. Elle en sortit,
il est vrai, pour aller visiter la Suisse (1796-98), où elle
vit de près M"»^ Necker, M"^® de Staël, Benjamin Constant
et où l'ambition d'écrire la prit au cœur. Le baron de Krù-
dener ayant été nommé ambassadeur à Berlin (1800), elle
retourna près de lui, contracta une amitié assez étroite
avec la reine Louise de Prusse, mais quitta l'Allemagne
dès 1801 pour se rendre à Genève, puis à Paris, où elle
put s'abandonner sans réserve à ses goûts littéraires. De-
venue veuve en 1802, elle publia Valérie vers la fin de
l'année suivante et assura le succès de ce livre, d'ailleurs
digne d'être lu, par un charlatanisme effréné, dont fait foi
sa correspondance. Elle avait écrit aussi quelques nou-
velles, dans le genre que Bernardin de Saint-Pierre et Cha-
teaubriand avaient mis à la mode (Eliza^ Alexis, la Cabane
des lataniers). Mais sa véritable vocation ne s'était pas
encore déclarée. Elle se manifesta avec éclat quand, la
jeunesse et la beauté l'ayant abandonnée, son cœur tou-
jours ardent ne trouva plus que dans la religion l'aliment
dont il était avide. L'amour de Dieu et de l'humanité s'em-
para d'elle sans partage, exalta son courage jusqu'à
l'apostolat et sa parole jusqu'à l'éloquence. Après avoir
passé plusieurs années en Livonie, où elle se signala par
sa bienfaisance, elle reparut en Allemagne (1807), s'éprit
d'une passion enthousiaste pour les doctrines de Swe-
denborg, qui lui furent prêchées par le visionnaire Jung
Stilling, et se crut appelée à régénérer le monde en réta-
blissant le christianisme dans sa pureté primitive. Protégée
à diverses reprises par la grande-duchesse Stéphanie de
Bade, elle ne put éviter dans différents Etats allemands les
tracasseries de la police, qu'elle provoquait sans en avoir
conscience par des prédications humanitaires et niveleuses
où les pauvres et les déshérités accouraient en foule, mais où
les rois et les nobles voyaient de sérieuses menaces pour les
privilèges et pour les trônes. Après 1814, son illuminisme
prit le ton de la prophétie. Indignée du mépris que le con-
grès de Vienne témoignait pour les droits des peuples, elle
annonça que Napoléon reviendrait de l'île d'Elbe et remonte-
rait sur le trône. Le succès de cette prédiction donna au tsar
Alexandre, si facile aux entraînements religieux, l'envie de
voir M""® de Krùdener. Il la reçut à Heilbronn, au mois de
mai 1815, fut littéralement subjugué par son mystique
enthousiasme et voulut qu'elle le suivît en France. Installée
à l'hôtel Montchenu, près du palais de l'Elysée, où il de-
meura pendant son séjour à Paris, elle fut, durant plu-
sieurs mois, pour ainsi dire son Egérie, Si elle ne rédigea
pas elle-même l'acte fameux de la Sainte Alliance (V. ce
mot), elle en fut du moins l'inspiratrice. Il va sans dire
que ce pacte n'avait pas, dans la pensée de l'imprévoyante
prophétesse, la portée oppressive et contre-révolutionnaire
que les diplomates avisés, comme Metternich, surent lui
KRODENER - KROGER
652 —
donner peu après. Bien au contraire, elle y voyait une ga-
rantie sacrée pour la justice et pour la liberté. Du reste, sa
faveur auprès d'Alexandre ne tarda pas à baisser. Carac-
tère faible, esprit mobile, ce souverain s'effraya quand il
apprit que M"^® de Kriidencr, qui, en le quittant, s'était
rendue en Suisse, y prêchait, au nom de l'Evangile, des
doctrines antisociales, qu'elle attaquait, par exemple, l'or-
ganisation moderne de la famille et entraînait des foules
fanatisées par son éloquence ou séduites par ses libéralités.
Il cessa peu à peu de la soutenir. Expulsée par les autorités
helvétiques, elle alla porter la bonne parole dans divers
Etats allemands (grand-duché de Bade, Wurttemberg, etc.),
où elle eut pour elle le peuple et, par suite, fut persécutée
par les gouvernements. Rentrée dans son château de Kosse
en 1818, elle n'obtint que trois ans après la permission de
se rendre à Saint-Pétersbourg. L'ardeur avec laquelle elle
embrassa la cause des Grecs insurgés parut bientôt indis-
crète à l'empereur ; elle dut se réduire au silence et ne
tarda pas à retourner en Livonie, d'où elle ne sortit que
pour aller mourir à Karasou-Bazar, au cours d'un voyage
entrepris pour le rétablissement de sa santé. — Sa vie et
son apostolat ont donné heu à de nombreux écrits, surtout
en Allemagne. L'ouvrage le plus important et le plus
sérieux (malgré son caractère apologétique) qui ait été pu-
blié sur ce sujet est la Vie de il/"'*' de Krûdener, par Ch.
Eynard (Paris, 1849, 2 vol. in-8). A. Debidour.
KRÙDENER (Nicolas-Pavlovitch, baron de), général
russe, né en Ehstonie en 18H. Il entra dans le génie en
1828, commanda le 9® corps d'armée dans la guerre russo-
turque, s'empara de Nicopolis (16juil. 1877), mais essuya
de sanglants échecs devant Plevna.
KRUG ou KRÛGER (Ludwig), graveur allemand, qui
vivait à Nuremberg de 1450 à 1535, et qui travailla pour
Hans Koberger. Il excellait à exécuter toutes sortes de
jolies figurines en argent ou en or et ciselait aussi l'acier
et le marbre. Parmi les œuvres de cet artiste, connu en
France sous le nom de « maître à la cruche », à cause de
la cruche qui, avec ses initiales, marque les gravures qui
nous restent de lui, nous citerons : r Adoration des mages
et celle des bergers^ la Femme au bain, et un Adam
et Eve, qui se trouve à Berlin.
KRUG (Jean-Philippe), savant russe d'origine allemande,
né à Halle le 18 janv. 1764, mort à Pétersbourg le 4 juin
1844. Il fut amené en Russie par une comtesse Orlov, devint
adjoint de l'Académie des sciences, membre de l'Académie
(1818) et enfin conservateur de la bibliothèque de i'Ermi-
tage. Il s'est surtout occupé de la numismatique et de l'his-
toire de la Russie et laissa une riche collection de médailles.
Ses principaux ouvrages sont : Zur Miinzkundeliiisslands
(Saint-Pétersbourg, 1805) ; Kritischer Versuch zur
Aufklœrung der byzantinischen Chronologie, mit be-
sonderer Rûcksicht auf die frilhere Geschichte fluss-
lands {id., 1810) ; Forschungen in der œltere Geschi-
chte Russlands (id., 1848, 2 vol.).
KRUG (Wilhelm-Traugott), philosophe et littérateur al-
lemand, né à Radis, près de Wittenberg, le 22 juin 1770,
mort à Leipzig le 12 janv. 1842. Il étudia à Wittenberg, léna
et Gœttingue, fut en 1794 nommé privat-docent à Witten-
berg, en 1801 professeur extraordinaire à Francfort-sur-
l'Oder, en 1804 professeur ordinaire à Kœnigsberg, dans la
chaire de Kant, et en 1809 professeur à Leipzig, où il resta
jusqu'à sa mort. Il ne cessa d'écrire sur toutes sortes de
sujets, composant manuels, systèmes, dictionnaires, trai-
tés, histoires, discours, recensions, etc. C'était un esprit
encyclopédique, et surtout un vulgarisateur. Le but de la
philosophie, suivant lui, est de se connaître soi-même pour
arriver au bonheur. L'on y arrive en étabhssant en soi
l'unité et l'harmonie. Toute philosophie qui essaye de dé-
duire l'idéal du réel, ou le réel de l'idéal, l'être de la
science ou la science de l'être, n'arrive qu'à dénaturer la
philosophie et à mutiler la nature humaine. Rosenkranz
dit de lui : « Autant on se tromperait en prenant Krug
pour un grand philosophe, autant on serait injuste en ne
reconnaissant pas les services qu'il a rendus pour étendre
l'intérêt de la philosophie, réclamer un libéralisme religieux
et politique vraiment rationnel, et surtout en lui déniant
une parfaite droiture. » [Gesch. der Kanfschen Philos.,
305.) Les principales pubhcations de Krug sont les sui-
vantes : Briefen ilberden neuesten Idealismus (1801);
Versuch ilber die Principien der philosophischen Er-
kenniniss (1801); System der praktischen Philoso-
phie (1817-19, 3 vol.) ; Handbuch der Philosophie
(1820 ; 3« éd. en 1828) ; Logik oder Denklehre (1827) ;
Geschichte der Philos. alter Zeit (1815, 2^ éd., 1827) ;
Allgemeines Handwœrterbuch der philosophischen Wis-
senschaften (1827-34, 5 vol.; 2« éd., 1832-38); Univer-
salphilosophische Vorlesungen filr Gebildete beiderlei
Geschlechts, et divers écrits sur Schelling et Hegel sous
le titre : Beitrœge zur Geschichte der Philos, des XJX^^"
Jahrhunderts (1835-37). C-el.
KRUG (Edouard), peintre français contemporain, né à
Drubec (Calvados). Elève de Léon Cogniet, cet artiste a
exécuté un assez grand nombre de compositions historiques
et rehgieuses, mais c'est surtout dans le portrait qu'il a
fait apprécier son talent souple et fin. Après ses débuts au
Salon de 1861, on remarque les portraits de M^* F. Massé
(1864), du Colonel Langlois, peintre militaire (1876,
mus. de Caen). Citons encore : la Mort de Saint-Clair
(1880); le Martyre de Symphorose (1882); Retour
des champs; Saint Jérôme {^. 1893). Ad. T.
KRÛGER (Ludwig) (V. Krug).
KRUGER (V. Crûger).
KRUGER (Karl-Wilhelm), philologue allemand, né à
Gross-Nossin, près de Stolp (Poméranie) le 26 sept. 1796,
mort à Weinheim le l^'^ mai 1874. Professeur de l'ensei-
gnement secondaire, il a fait de bons travaux sur la syn-
taxe grecque : Griechische Sprachlehre fur Schulen
(Berlin, 1842-56, 2 vol. ; 5« éd., 1873 et suiv. ; abrégé,
1847; 11"" éd., 1884); Homerische und Herodotische
Formenlehre (1849; 5^ éd., 1879) ; d'excellentes édi-
tions de Denys d'Halicarnasse (Halle, 1823), de VAbanase
de Xénophon (1826; 6« éd., 1871, avec lexique, 1849;
¥ éd., 1872); de celle d'Arrien (1835-48, 2 vol.; suppl.,
1851), de Thucydide (1846-47; 3^ éd., 1860); d'Héro-
'dote (1855-57; 2« éd., 1866 et suiv.), etc.
BiBL. : Pœkel, K.-W. Krugers Lebenabriss ; Leipzig,
1885.
KRUGER (Franz), peintre allemand, né à Radegast
(près de Kœthcn) le 3 sept. 1797, mort à Berlin le 21 janv.
1857. Professeur, membre de l'Académie et peintre de la
cour, il excella surtout dans la représentation des chevaux
(d'où son surnom de Pferde-Krûger), les croquis de chasse
et le portrait. Nous citerons de lui : Parade d'un régi-
ment de cuirassiers prussiens sous le roi Frédéric-Guil-
laume, Prestation de serment à Frédéric-Guillaume IV,
Départ pour la chasse, Retour de chasse. Lapin mort,
puis, le portrait du Tsar Nicolas et celui de Frédéric-
Guillaume IV.
KRÛGER (Eduard), critique musical, néàLunebourg le
9 déc. 1807, mort à Gœttingue le 9 nov. 1885. C'est un
des premiers théoriciens de l'art musical ; outre ses grands
ouvrages : Grundriss der Metrik antiker und modernen
Sprachen (Eradein, 1838), System der Tonkunst {Le'i^'
zig, 1866), il a beaucoup écrit dans les périodiques : Gœt-
tinger Gelehrten Anzeigeu, Neue Berliner Muzikzei-
tung, Allgemeine musikalische Zeitung, et dans le
journal de musique religieuse Siona, qu'il fonda en 1876
avec le pasteur Herold de Schwabach. Citons encore son
Evangelisches Choralbuch (Aurich, 1855), et Musika-
lische^Briefe ans der neuerten Zeit (Munster, 1870).
KRUGER (Eugen), peintre allemand, né à Altona le
26 déc. 1832, mort à Ddsternbrook, près de Kiel, le 8 juil.
1876. Un voyage à Jersey (1836) ayant éveillé en lui le
sens artistique, il se tourna vers le paysage et le genre
animalier, et, après avoir achevé de se former sous Gur-
litt, il visita une partie de l'Europe. En 1^67, il exposa
653 --
KROGER - KRUPP
son célèbre album de lithographies Wild und Wald^ auquel
succédèrent en 1870 ses esquisses chromolithographiques
des principaux champs de bataille, puis, en 1871, ses pit-
toresques Reisez-iele en couleurs.
KRUMLOV (en allemand Krumau). Ville de Bohême,
sur la Vltava et la ligne Budejovice-Solnan, chef-lieu
d'une capitainerie de cerele ; 8,000 hab. Château remar-
quable bâti par les comtes de Rosenberg. Grandes fila-
tures de Mn et de chanvre, fabrique de cellulose, pape-
terie, etc. On exploite des mines de graphite aux environs
(Schwarzbach etMugraw). C'est lech.-l. d'une des branches
de la famille Schwarzenberg.
KRU M MACHER. Famille de théologiens allemands,
champions de l'orthodoxie protestante : Friedrich- Adolf
(1768-45), professeur à l'université de Duisburg, prédica-
teur à Crevelt, Bernburg, Brème, a publié des Parabeln
(1805; 9^ éd., Essen, 1877), paraboles très vivantes, bien
qu'elles dégénèrent souvent en jeux de mots. — Son frère,
GoUfried- Daniel (1774-1837), fomenta l'orthodoxie cal-
viniste à Elberfeld, où il était pasteur (1816-37). De ses
collections de sermons, on peut citer : Die Wanderungen
Israëls diirch die Wilsten nach Kanaan (1850-51,
2 vol., 3^ éd.) ; Tœgliches Manna (Golo^ne, 1883,
10« éd.). — Friedrich-WilheUn (1796-1868), fils du
premier, prédicateur à New York (1843), Berlin (I8i7)
et à la cour de Potsdam, a publié : Salomo und Sulamith
(1875, 9*^ éd.); Elias der Thisbiter (1874, 6<^ éd.), etc.
— Son frère, Emil-Wilhelm, prédicateur à Duisburg,
combattit violemment Bunsen.
KRUPP (Alfred), métallurgiste allemand, né à Essen
(Prusse 'rhénane) le 26 avr. 1812, mort à Bredenei, près
d'Essen, le 14 juil. 1887. Sa vie se passa tout entière
dans l'usine fondée par son père à Essen et devenue rapi-
dement, entre ses mains, la plus célèbre aciérie et l'un des
plus vastes établissements industriels des deux continents
(V. ci -après). L'excellence de ses méthodes et de son
outillage contribuèrent, sans conteste, autant que son
énergique et habile administration, à cette magnifique pros-
périté. H est toutefois assez difficile de déterminer et de
bien apprécier l'importance et la valeur de son œuvre per-
sonnelle, car, d'une part, on n'a jamais connu que très
imparfaitement ses procédés de fabrication, d'autre part,
les travaux de ses nombreux ingénieurs sont toujours
restés anonymes. On ne cite de lui, en tous cas, aucune
découverte qui marque dans l'histoire de la science ou de
la métallurgie, et c'est certainement dans la construction de
ses fameux canons (V. plus loin, p. 655) qu'il a le plus
innové. 11 était conseiller intime de commerce et décoré de
tous les ordres étrangers, la Légion d'honneur comprise. Il
refusa, dit-on, le titre de baron que lui offrait le roi de
Prusse, lui préférant sans doute son surnom universel de
« roi du fer ». Une statue en bronze, due à F. Schaper,
lui a été élevée à Essen, sur la place de l'Hôtel-de-Ville.
Usine Krupp. — Friedrichlivn^p^ né le 17 juil. 1787
d'une famille qui avait donné plusieurs bourgmestres à
Essen, possédait près de cette ville, à Altenessen, une
petite forge, où il s'appliqua, à partir de 1810, à la
recherche d'un bon procédé pour la fonte de l'acier au
creuset. En 1816, il éleva, au centre même de l'usine
actuelle, à l'O. d'Essen, une très modeste fonderie, d'où
sortirent des aciers assez recherchés pour la fabrication
des coins de monnaies, des médailles, des boutons, etc.
Pourtant elle ne prospéra guère, et, lorsqu'il mourut, le
8 oct. 1826, il occupait difficilement cinq ou six ouvriers
et il était à peu près ruiné. Sa veuve, Thérèse Wilhelmi,
continua tant bien que mal l'exploitation. Elle fut bientôt
secondée par son fils aîné, Alfred (V. ci-dessus), puis par
son second fils, Hermann» Mais ce dernier partit, au bout
de quelques années, pour la Hongrie, où il monta, à
Losoncz, une fabrique de nickel, et, le 24 févr. 1848,
l'aciérie d'Essen, qui avait compté, en 1845, jusqu'à
122 ouvriers et qui en employait encore 72, passa dans
les mains exclusives d'Alfred Krupp. Les parents et amis
qui avaient dû prêter un instant leur concours financier
étaient remboursés, une médaille d'or avait été remportée
en 1844 à l'exposition de Berlin. Celle de Londres, en
1851, décida définitivement du succès. Alfred Krupp y
avait envoyé la plus grosse masse d'acier encore obtenue
(un bloc de 2,000 kilogr.) et le premier canon on acier
fondu (une pièce de 6). Ce fut un événement dans le monde
industriel. Aux expositions suivantes, à Munich en 1854, à
Paris en 1855 et en 1867, à Londres en 1862, il fit voir
des blocs d'acier au creuset de plus en plus lourds et des
canons de plus en plus longs. On s'adressa à lui de toutes
parts, et pour les nombreux chemins de fer en voie de
construction, dont il fournit les rails, les essieux, les ban-
dages, et pour les grands navires à vapeur, qui avaient
besoin d'arbres et de plaques de chaudière de dimensions
toujours croissantes, et pour le matériel d'artillerie, que
diverses puissances, l'Allemagne et la Russie en tête,
sentaient le besoin de transformer. Il sut tirer le plus
grand profit de cette triple poussée et, en 1865, il fournit,
rien qu'aux Anglais et aux Américains, 11,396 bandages
de roues de locomotives et 564 essieux coudés en acier
fondu. Il produisait alors annuellement, avec 8,000 ou-
vriers, une trentaine de millions de kilogr. d'acier ouvré,
représentant une valeur de 35 millions de fr. Il construisit,
avec les énormes bénéfices réalisés, de nouveaux ateliers,
il augmenta et, en partie, renouvela son outillage, puis,
afin de ne dépendre, autant que possible, de personne pour
la fourniture de ses matières premières, il se rendit acqué-
reur de hauts fourneaux, de houillières et de minières dans
les environs d'Essen, dans la vallée de la Sieg et de l'Ems,
et jusqu'en Espagne. Cette extension croissante eut cepen-
dant deux temps d'arrêt : aux environs de l'année 1867,
où le nombre des ouvriers de l'aciérie d'Essen baissa à
6,300 (au lieu de 8,200 en 1865), et de 1876 à 1880,
où il tomba successivement à 9,000 et à 8,000 après
11,800 en 1873. Mais en 1881, il se releva à 11,200
(19,600 en y comprenant les mines et hauts fourneaux)
et, depuis cette époque, le mouvement progressif fut con-
tinu. La production annuelle de l'acier et du fer était alors
de 260,000 tonnes, dont 70,000 d'acier au creuset.
Alfred Krupp, qui n'avait cessé, jusqu'à l'âge de soixante-
dix ans, de surveiller lui-même, dans ses moindres détails,
le travail de l'usine, ne quitta plus guère, à partir de 1882,
sa maison des bords de la Ruhr, la villa Hùgel. Il resta
pourtant le directeur effectif, et, quelques jours avant sa
mort, il dictait encore des ordres et il adressait à ses ou-
vriers des proclamations électorales antisocialistes. — Son
fils unique, Friedrich- Alfred Krupp, né le 17 févr. 1854,
lui a succédé le 14 juil. 1887.
On a prétendu , sans preuves, que les établissements
Krupp, auxquels a été pieusement conservé, en mémoire de
leur fondateur, le nom de maison Friedrich Krupp,
avaient pour actionnaires les plus liantes personnalités de
l'Empire. Il est au contraire à peu près certain qu'ils sont
la propriété exclusive de M. Krupp. Un emprunt public de
30 miUions de marcs (37,500,000 fr.), contracté en 1874
par Alfred Krupp et converti en 1879, était complètement
remboursé en 1886, treize ans avant l'échéance fixée, avec
ses seuls bénéfices, et il n'y a plus ni obligataires ni com-
manditaires.
La valeur industrielle des étabhssements Krupp est de
plusieurs centaines de millions. Ils comprennent : 1<^ l'aciérie
d'Essen; 2° une usine élévatoire sur la Ruhr, à 7 kil. 1/2
d'Essen ; 3o deux mines de houille près d'Essen et de Bochum
(rendement moyen : 2,100 tonnes par jour) ; 4<»543 mines
de fer, dont 31 en exploitation, dans le Siegerland et la
province de Nassau (1,200 tonnes par jour) ; 5" les cé-
lèbres mines de fer de Bilbao, en Espagne (400 tonnes
par jour), dont le service est fait en partie par quatre
navires à vapeur appartenant à la maison Krupp ; 6« les
fonderies de fer de Johanneshiitte, près de Duisburg, celles
d'Hermannshùtte, de Mulhofenerhùtte, de Saynerhùtte, près
de Neuwied, dans la banlieue de Coblentz, produisantau total,
KRUPP
6B4
avec 44 hauts fourneaux, 600 tonnes de fonte par jour;
7<* l'aciérie d'Annen, près de Dortmund, achetée en 4886
à la société Asthœver et C^® ; 8"^ un champ de tir près de
Meppen, dans le Hanovre, ayant 16^^^\8 de longueur.
L'aciérie d'Essen possède, à elle seule (tous les chiffres qui
suivent sont extraits, de même que les précédents, d'un relevé
fait en 4889) : 4,495 fours et fourneaux de types divers,
24 trains de laminoirs, 286 chaudières à vapeur, 370 ma-
chines à vapeur ayant une force totale de 27,000 chevaux-
vapeur, non compris les locomotives et les grues, 92 mar-
teaux-pilons du poids de 400 à 50,000 kilogr., 2 presses
hydrauUques à forger d'une force respective de 2 et de 5 mil-
lions de kilogr., 36i grues à vapeur d'une force de 400 à
75,000 kilogr., dont plusieurs peuvent être accouplées de
façon à soulever des poids de 120 tonnes, 4,724 machines-
outils diverses. La consommation quotidienne y est de
4 ,720 tonnes de houille et de coke (de 2,735 tonnes en com-
prenant les fonderies et usines annexes), de 20,000 à
25,000 m. c. d'eau fournis par l'usine de la Ruhr, de 45,000
à 50,000 m. c. de gaz provenant de l'usine de l'établissement.
Le mouvement intérieur est assuré par 44 kil. de chemins
de fer à voie normale, 30 à voie étroite, 28 locomotives,
64 chevaux, 4,473 wagons, 34 stations télégraphiques et
436 postes téléphoniques, sont reliés par 220 km. de fils.
Sa situation au point de vue des transports est on ne peut
plus favorable, entre la grande ligne de Cologne à Berlin,
qui la limite au N., et celle du Berg-Mark (Duisburg à Dort-
mund), qui est, en cet endroit, parallèle à la première et qui
la limite au S. ; un chemin de fer de ceinture, avec deux
grandes gares principales aux points de contact et de nom-
breuses voies de pénétration, met ses moindres ateliers en
communication directe avec ces deux lignes, qui lui sont tan-
gentes. L'usine est en outre traversée de part en part, de FO.
à l'E. , par la route impériale de Cologne à Minden. Au S. de
cette route sont notamment : la fonderie et les laminoirs des
ressorts ; la fabrique de gaz ; le hall des générateurs de va-
peur; les ateliers de puddlage, de triage, de réparation ; une
fonderie de fer ; un hall à acier Bessemer ; le hall à acier
Martin ; les réservoirs à eau ; le poste d'incendie, avec
ses 70 pompiers ; au N. : les bureaux ; la vieille forge et,
tout près, la petite maisonnette qu'habitait le fondateur de
la fabrique et où le corps d'Alfred Krupp fut transporté le
surlendemain de sa mort, cent ans jour pour jour après la
naissance de son père; les laminoirs et ateliers des rails, des
plaques de blindage, des bandages ; les ateliers des chau-
dières et des arbres de navire ; une seconde fonderie de fer ;
deux autres halls à acier Bessemer ; deux forges ; une série de
halls et d'ateliers oii l'on tourne, fore, raye et munit de leur
culasse les canons ; enfin le vaste hall où se font les grandes
coulées d'acier au creuset. Pour cette opération, l'acier une
fois puddlé est brisé en morceaux de 20 centim. , qui sont exa-
minés et triés, les plus homogènes étant conservés pour le
métal des canons. Ils sont renfermés avec du fer puddlé et un
fondant particulier, à base de charbon de bois, dans de petits
creusets en terre réfractaire et plombagine, d'une conte-
nance de 40 kilogr . , qui sont fabriqués dans l'usine et qui
ne servent qu'une fois. II y a toujours en magasin plus de
centmillede ces creusets. 430 fours àcokeet 3()foursàgaz,
pouvant recevoir sur leur sole 42 creusets, sont disposés
autour du hall. Au centre est le moule, qui reçoit simulta-
nément le contenu de tous les creusets : \ ,700 à 4,800 pour
les blocs de 70,000 à 75,000 kilogr., qu'exigent certains ca-
nons monstres. La masse, après avoir été réchauffée dans un
four spécial, était portée, jusque dans ces derniers temps, au
Fritz, marteau-pilon à vapeur construit par Alfred Krupp en
4864 et ayant coûté près de 3 millions de fr. Sa tête est un
blocprismatiqued'aciercubant7 m. et pesant 50, 000 kilogr.;
un piston de 4°^80 de diamètre l'élève à 4 m. de hauteur ;
sa cheminée, de 9 m. 1/2 de diamètre, ressemble à un phare
et domine de ses 69 m. toute l'usine. «Fritz » est aujour-
d'hui dépassé par les marteaux du Creusot et de Bethlehem
(Etats-Unis), et il ne sert plus que pour les martelages su-
perficiels. Les gros blocs sont soumis aux presses hydrau-
liques qui ont été récemment établies et dont Tune a une
force de pression de 5,000 tonnes, 1,000 de plus que les
plus puissantes qui aient encore été construites.
L'usine Krupp ne fabrique pas que l'acier au creuset,
mais elle en fait sa grande spécialité et elle l'emploie ex-
clusivement pour les canons, les bandages de roues de
locomotive, les arbres de navires. Les autres sortes : acier
Bessemer, acier Martin-Siemens (50,000 tonnes en 4887),
acier Thomas-Gilchrist, etc., servent pour les rails, les es-
sieux, les chaudières, etc. Les produits des coulées sont
analysés, aussi bien que les matières premières, dans deux
laboratoires d'essais et trois laboratoires de chimie annexés
à l'aciérie d'Essen. On y trouve encore : des ateliers de
photographie et de lithographie, une imprimerie avec
4 presses à vapeur, un atelier de rehure, une bibliothèque,
un stand, pour l'essai de la résistance des canons, les
grandes expériences se faisant au polygone de Meppen, en-
fin une galerie des modèles, sorte de musée d'artillerie, où
l'on peut suivre les transformations successives des divers
types de canons et de projectiles.
Tous ces bâtiments, en général assez confortablement
aménagés, mais entassés en un véritable pêle-mêle autour
de la fonderie primitive de Friedrich Krupp, occupent, avec
les cités ouvrières y attenantes, une surface totale de
333 hect., dont 75 sont couverts de constructions. Ces
nombres se trouveraient considérablement augmentés si l'on y
comprenait les hauts fourneaux, mines, etc., "qui ont été énu-
mérés plus haut et qui, tout en faisant partie des établisse-
ments Krupp, ne sont que des annexes de l'aciérie d'Essen.
Quant aux ouvriers employés ~ tous hommes, — qu'oc-
cupe la maison Krupp, ils étaient, en 4889, 20,960, se
répartissant ainsi :
Aciérie d'Essen 43 . 626
Hauts fourneaux 4.181
Aciérie d'Annen 445
Houillères 4 . 792
Mines de fer (non compris celles de Bilbao), car-
rières, etc , 3 . 807
Polygone de Meppen 55
Navires à vapeur 84
Ces 20,960 ouvriers et employés formaient avec leurs
familles, à la même date, un total de 73,769 personnes,
dont 24,493 habitaient des logements appartenant à la
maison Krupp, principalement les cités ouvrières (colonies)
de Kronenberg et de Schederhof, aux portes mêmes de
l'aciérie d'Essen. Tous participent à la caisse de secours et
de retraite, qui a été fondée dès 4855 par Alfred Krupp
et qui leur assure, outre des indemnités de maladie, une
pension égale aux deux tiers de leur salaire après vingt-
cinq ans de services, à la totalité après trente-cinq ans, le
tiers des cotisations étant d'ailleurs versé par M. Krupp,
les deux autres tiers par les ouvriers. Un moulin à vapeur,
une boulangerie, une boucherie, une fabrique d'eau de
seltz, des ateliers de confection et quarante-six magasins
appartenant à la maison Krupp procurent, d'autre part, à
cette nombreuse population tous les objets de consommation
aux prix de revient. Quant aux célibataires, ils sont logés
et nourris dans l'usine même.
Grâce à ces avantages divers et malgré des salaires assez
modiques (3 à 4 fr. par jour en moyenne, 6 à 7 fr. au maxi-
mum) , la maison Krupp garde beaucoup d'anciens ouvriers ha-
biles et disciplinés, ce qui est un des principaux éléments de sa
supériorité ; ainsi, en 4 881 , 33 % comptaient de cinq à quinze
ans de services, 1 8 °/o de quinze à trente-cinq ans . Elle emploie
en outre un grand nombre de spécialistes : ingénieurs, officiers
d'artillerie, chimistes, qu'elle paye largement et qu'elle re-
crute parmi les plus renommés. Un conseil d'administration,
composé surtout de financiers et de jurisconsultes, a la garde
de tous les intérêts et assiste de ses avis le maître : c'est la
prokura, Friedrich-Alfred Krupp, le propriétaire actuel,
en a fait partie cinq ans, du vivant de son père (4882-87).
Le secret des procédés de fabrication est gardé avec un
soin jaloux. C'est autant pour l'assurer qu'à raison du ca-
ractère semi-militaire de l'aciérie, que la visite en est im-
pitoyablement refusée à tous, aux ingénieurs et industriels
allemands qui viennent y traiter des affaires, aussi bien
qu'aux simples touristes. Personne ne dépasse le parloir, et
les ouvriers eux-mêmes restent confinés dans leurs ateliers
respectifs, sans pouvoir pénétrer dans ceux où ne les ap-
pelle pas leur travail.
En général, les blocs d'acier ne sont pas livrés bruts au
commerce et ne sortent de l'usine que façonnés. Par contre,
ce sont des objets coulés ou laminés, qui n'exigent que
peu ou point d'ajustage : rails, éclisses, essieux, ban-
dages, roues, ressorts de wagons, plaques de tôle pour
chaudières et vaisseaux, plaques de i3lindage, ancres, arbres
droits et coudés, bielles, cylindres, ponts, etc. Exception
doit être faite cependant pour le matériel d'artillerie : ca-
nons, affûts et projectiles.
Canons Krupp. — Les premières recherches entreprises
par Krupp pour la fabrication des bouches à feu en acier
fondu datent de 1840. En 4847, il construisit un premier
canon de 3, se chargeant encore par la bouche. Bientôt
ses pièces furent rayées et se chargèrent par la culasse.
L'adoption de la fermeture à coin cylindro-prismatique
(4864), le renforcement du tube par une jaquette, divers
perfectionnements à l'âme, aux affûts, aux projectiles,
complétèrent le système de canon Krupp, qui fut presque
aussitôt adopté par la Prusse et par plusieurs autres puis-
sances, au moins pour une partie de leur armement : Rus-
sie, Belgique, Autriche, Hollande, Japon, Turquie, etc.
Actuellement et depuis longtemps, l'Allemagne n'em-
ploie plus, pour son armée et pour sa marine, que des
bouches à feu en acier sortant de l'usine Krupp. Seules, de
petites pièces en bronze mandriné, destinées aux embarca-
tions de débarquement, sont encore fabriquées à Spandau.
Du reste, la maison Krupp ne se borne pas, comme les
aciéries du Creusot et de Saint-Chamond, en France, à
fournir des tubes, usinés ensuite et munis de leur méca-
nisme de culasse dans les arsenaux de l'Etat ; elle livre les
pièces prêtes à entrer en service et fabrique en outre les
affûts et les projectiles.
La fermeture Krupp, à coin cylindro-prismatique, qui
est adaptée à tous les canons de campagne et au plus grand
nombre des canons de côtes et de marine construits à
Essen, a été décrite en détail dans un article spécial (V.
Fermeture, t. XVll, p. 289). Quelques explications com-
plémentaires achèveront de faire connaître le matériel
d'artillerie allemand et permettront de comparer le canon
Krupp avec son rival, le canon de Bange (V. Bange [De],
t. V, p. 235, et Bouche à feu, t. VIlî, p. 538).
L'artillerie de campagne allemande comprenait, il y a
quelques années encore, deux types de canons, mod. 73,
correspondant à nos pièces de 90 et de 80 : l'un, de 0^88,
pour les batteries montées, l'autre, de 0'^785, pour les
batteries à cheval. Depuis 4888, il n'y a plus qu'un calibre,
la pièce de 0"^785 avant été remplacée par une pièce nou-
velle de 0^88, dite mod. 73/88, et celle de 0"^88, mod. 73,
ayant été temporairement laissée aux batteries montées.
Ces canons sont renforcés, non par des frettes, comme dans
le matériel français, mais par un manchon ou jaquette
(V. ce mot) ; leurs rayures sont à pas constant et cunéi-
formes. Leur métal est de l'acier Krupp au creuset, pour
lequel on choisit les meilleures fontes, particulièrement la
fonte miroitante (spiegeleisen)^ et qui, coulé et martelé
d'après les procédés mentionnés plus haut, a donné à l'ana-
Ivse, outre des traces de manganèse, 4,48 <>/o de carbone,
0,33 7o de silicium, 0,02 °/o de phosphore, 0,3 % de
cuivre, ils tirent l'obus {granate)^ mod. 82, qui ne doit
plus servir désormais qu'aux exercices du polygone, l'obus
à balles {schrapnell) mod. 82 et la boîte à mitraille {kar-
tœtsche). Leurs affûts sont respectivement des mod. 4873
et 4873/88 ; en tôle d'acier et munis de freins à patins se
manœuvrant au moyen de volants placés à l'avant, ils por-
tent deux gaines pour boîtes à mitraille et ont, dans les
- 655 - KRUPP
batteries montées, des sièges avec dossiers en fils de fer et
supports élastiques en caoutchouc. Le levier de pointage en
fer est fixé le long du flasque gauche par le boulon anté-
rieur de poignée de crosse, autour duquel on peut le faire
tourner. L'appareil de pointage se compose d'une vis double
et d'un support de pointage avec lequel la vis intérieure est
articulée. Le tableau ci-après contient les principales don-
nées numériques relatives aux deux pièces, à leurs pro-
jectiles et affûts :
Diam. de l'âme entre cloisons.
Long, du canon
Poids du canon
Nombre de rayures.
Angle de tir
lira. sup.
iim. inf.
Hauteur des tourillons .
Poids de l'aiÏLit
Diam. des roues
Poids du pro-
jectile \
Nombre de (
balles (
Poids de la (
balle (
Vitesse init.
Portée ma- j
xima
obus
schrapnell. . .
boîte à mitr..
schrapnell . . .
boîte à mitr.
schrapnell. . .
boîte à mitr. .
obus
schrapnell . . .
obus
schrapnell .
Nombre de coups par batterie
Mod,73/88
Û™88
2-10
420 kg.
24
+ 160
- 40»
l'^lS
505 kg.
1-40
7^^042
sî^soeg
7^^s500
262
76
13 gr.
69 gr.
442 m.
424 m.
6.500 m.
3.150 m.
885
En 4894 a été adoptée une nouvelle pièce de campagne.
Elle doit, au fur et à mesure de sa construction, rempla-
cer les précédentes, qui passeront à la dotation des places
fortes. Elle est principalement destinée à résister aux ef-
fets du nouvel obus brisant (sprenggranate) mod. 88,
substitué à l'obus ordinaire. On n'a eu sur elle que tout ré •
cemment quelques indications, et encore sont-elles vagues,
par le Feld-Kanonier de Preiss et VHandbuch fur die Ein-
jœhrig-Freiwilligen, édit. de 4894 (V. ci-dessous Bibl.).
Elle est dénommée mod. 73/94 ; elle pèse 440 kilogr. ; son
métal semble être, d'après divers indices, de l'acier au ni-
ckel, dans la proportion de 6 à 7 ^jo de nickel, alliage plus
résistant et plus élastique, on le sait, quoique moins mal-
léable, que l'acier ordinaire. Enfin, elle est munie d'un pe-
tit organe spécial destiné à dispenser la vis-lumière de son
rôle accessoire d'arrêtoir de coin. Sous tous autres rapports,
elle est analogue à la pièce mod. 73/88. — Les projectiles
ont aussi subi des modifications. Le sprenggrayiaie (obus
brisant) mod. 88, chargé au picrate (?), est à peu près du
même poids que l'obus ordinaire (granaté) et doit produire
environ 500 fragments. Le nouveau schrapnell mod. 91
a le même nombre de balles que l'ancien, mais elles sont
calées par une matière inflammable, dont la fumée facilite
le réglage du tir. Il est en acier, son culot est vissé après
la mise en place des balles et il est armé d'une fusée à
double effet.
Les nouvelles pièces de marine sont du modèle 4887.
Elles ont 35 ou 40 calibres de longueur et mesurent, entre
cloisons, 40 4/2, 42, 45, 47, 24,24, 26, 28, 30 4/2,
35 4/2 et 40 centim. Voici les données numériques de quatre
des plus gros types :
Longueur '
Poids du canon.
-- de Tobus...
— de la charge
Vitesse initiale.
Epaisseur des
plaques percées
(fer forgé)
21cm
24'--
30<'™5
40cm
7'"33
14.200 kg.
140 kg.
52 kg.
580 m.
0«.56
9-6
24.300 kg.
215 kg.
85 kg.
610 m.
12^2
54.000 kg.
455 kg.
175 kg.
610 m.
91m.
14 m.
112.500kg.
1.050kg.
400 kg.
580 ffi.
1-13
KRUPP — KRUSENSTERN
— 656 -
Quant aux canons à tir rapide, que fabrique également,
en Allemagne, la maison Gruson, de Magdebourg, la mai-
son Krupp s'est arrêtée à un type général de 40 calibres
de longueur, tirant jusqu'à 20 coups à la minute et ayant
de 6 à 16 centim. de diam. intérieur :
Longuôur.
6cm
8cm
Iûcm5
16cm
2n,4
385 kg
3kg^
0kë:54
680 m.
3-2
900 kg
7 kg
pg30
680 m.
4m2
1,400 kg
16 kg
2kg4
650 m.
6-4
5,500 kg
56 kg
650 m.
Poids du canon
Poids de l'obus
Poids de la charge.
Vitesse initiale
Il en existe aussi de i2 centim., de 44 centim. et de
quelques autres calibres encore.
Les diverses pièces dont il vient d'être parlé sont celles
en usage dans l'artillerie allemande. Krupp fabrique en outre
sur commande des pièces de tous calibres et de toute es-
pèce : canons de montagne, de siège, de forteresse, de côtes,
de marine, obusiers, mortiers, etc. C'est ainsi qu'il a fourni
à r Italie quatre canons en acier du poids de 420 tonnes,
mesurant 0°^40 de diam. intérieur, 44 m. de long., et ayant
exigé pour leurs tubes des lingots de 70,000 kgr. ; ils
tirent, avec une charge de 330 kilogr., un projectile de
4,050 kilogr., ayant une vitesse initiale de 530 m. A men-
tionner encore son dernier canon monstre, celui de 4 43 tonnes
(1887), du calibre de 40 centim. et de 18 m. de lon-
gueur, qui tire, avec une charge de 485 kilogr., un obus
de 4 "^40 de longueur, à une vitesse initiale de 640 m., ce
qui donne une force vive de 24,925 tonnes; il perce une
plaque en fer forgé de 4 ^^20 d'épaisseur.
En 4887, avant la réfection de l'artillerie de campagne
allemande, la maison Krupp avait déjà fabriqué plus de
23,000 canons. Mais beaucoup de puissances étrangères
qu'elle a longtemps fournies construisent aujourd'hui' chez
elles, telle la Russie. De plus, le système Krupp lui-même
a beaucoup perdu de sa vogue, et la fermeture à vis, plus
ou moins modifiée, avec ou sans l'obturateur de Range, tend
à se répandre chaque jour davantage. Les Anglais, les
Américains l'emploient maintenant exclusivement, les Ita-
liens, les Espagnols, les Suédois, les Serbes, etc., pour
certaines de leurs pièces (V. Range [De], t. V, p. 239) ;
l'usine Krupp, qui Ta tant décriée, y a recours pour ses
mortiers et pour quelques canons courts. Léon Sagnet.
BiBL. : TuRGAN, la Fabrique d'acier fondu F. Krupp;
Paris, 1865. — V. Lœbell, Jahresberichte ûber die Verœn-
derungenim Militœi'wesen; Berlin, 1875-94.— W. Grevel,
Geschichte der Grûndung der Gussstahlfabrikation im
Stift Essen; Essen, 1881. —Wohlfahrtseinrichtungen der
f. Krupp'schen Gussstahlfabrik zumBesten ihrer' Arbei-
ter; Essen, 1883, 2« éd. — D. Conway, An Iron City 6e-
Side the Ruhr, dans le Harper's Magazine ; New York,
mars 1886. — Lieutenant-colonel Hennebert, VArtillerie
Krupp et l'Artillerie de Bange ; Paris, 1886. — Mariotti,
Canons français et canons allemands; Paris, 1886. —
E. MoxNTHAYE, Krupp et de Bange; Bruxelles, 1887. —
Pertinax, En Cause de Krupp et de Bange; Bruxelles,
1887. — Niemeyer, Alfr. Krupp; Essen, 1887. — Schmidt-
Weissenfels, Krupp und sein Werh; Berlin, 1888. —
D. Baedeker, Alf. Krupp und die Entwickelung der
Gussstahlfabrik zu Essen; Essen, 1889. — G. Putz, Sur
la Perforation des plaques de blindage d'après un docu-
ment de l'usine Krupp; Paris, 1889. — Revue d'artillerie ;
Paris, oct. 1891 et déc. 1893. — Kaiser, Konstruktion der
gezog. Geschûtzrohre ; Vienne, 1892-93. — Preiss, Der
Feld-Kanonier ; Berlin, 1894, 15° éd. •— Wernigk, Hand-
buch fur die Einjahrig-Freiwillingen der Feldartillerie;
2e édit., Berlin, 1894.
KRUSE (Eriedrich-Karl-Hermann), historien allemand,
né à Oldenbourg le 21 juil. 1790, mort à Gohlis (près de
Leipzig) le 23 août 1866. Il professa aux universités de
Halle (1821) et Dorpat (1828-53). Son principal livre est
Hellas, géographie historique de la Grèce antique (Leip-
zig, 182o-27, 3 vol.); citons encore : Deutsche Altertû-
mer (Halle, 1824-29, 3 vol.); Anastasis der Warœger
(Reval, 184i); Altertûmer von Livland, Esthland und
Kurland (Dorpat, 1842); Russische Altertûmer (1844-
45, 2 vol.); Urgeschichte der Ostseeprovinzen (Moscou,
1846), etc.
KRUSE (Heinrich), écrivaiu allemand, né à Stralsund
le 15 déc. 1815. Rédacteur de la Gazette de Cologne
(1847), dont il prit la direction de 1855 à 1872, il a écrit
de nombreuses tragédies : Die Grœfin (1868); Wnllen-
ivever (1870); Kœnig Erich(iSli);Moritzvon Sachsen
(1872); Bruius (1874); Marino Faliero (1876); Das
Mœdchenvon Byzanz{iSll);Rosa7nunde (1878); Der
Ver bannie (iSl 9); Raven Barnekow, WitzlawvonM-
gen{iSSO) ; Alexei (1882) ; des pièces humoristiques, etc.
KRUSEMAN (Cornelis), peintre hollandais, né à Ams-
terdam en 1797, mort en 1857. Après avoir fait son édu-
cation artistique dans son pays et acquis une certaine
réputation comme peintre de genre, il partit pour THalie.
Le long séjour qu'il fit dans cette contrée, joint à l'influence
des peintres italiens, le porta à quitter la peinture de genre
pour la peinture historique et religieuse. Ses compositions,
d'un coloris puissant et harmonieux, d'un dessin ample et
correct, se distinguent encore par une brillante facilité
d'exécution. On cite comme ses meilleures œuvres une
Prédication de saint Jean- Baptiste, de dimensions co-
lossales, et une Mise au tombeau faisant partie de la
collection royale de Hollande. Ad. T.
KRUSEIVIAN (Jean-Adam), peintre hollandais, cousin
du précédent, né à Haarlem en 1804, mort à La Haye en
4862. Elève de Hodges et de Dairvalle, il alla se perfec-
tionner à Bruxelles sous la direction de Louis David. Il
peignit surtout le portrait, genre dans lequel il arriva à un
grand talent; ses tableaux d'histoire et de genre sont aussi
estimés. L'un de ces derniers, la Jeune Fille au repos,
figure au musée de Haarlem ; un autre, la Méridienne, a
été exposé à Paris en 1855 (Expos, univ.). Ad. T.
KRUSEMANN van Elten, peintre néerlandais, né à Alk-
mar le 14 nov. 1829. Après de longs voyages, il se fixa
à Amsterdam, puis à New York (1865). Il peint des pay-
sages d'un coloris vigoureux et d'un réalisme frappant ;
les plus connus sont : Un Matin dans les bois, le Matin
du dimanche. Campagne de Gueldre, Paysage du Hazz,
Crépuscule dans les monts Sharvagunk, Matin dans
les prairies. Crépuscule d Peakskili,e{c,
KRUSENSTERN (Détroit). Nom européen du détroit de
Corée, entre Kiousiou et Tsou-shioia (V. Japon et la carte).
KRUSENSTERN (Adam-Ivan, baron), navigateur et
hydrographe russe, né à Haggud (Ehstonie) le 8 nov.
(anc. st.) 1770, mort à Revel (Ehstonie) le 12 août (id.)
1846. H prit part de 1787 à 1789 à la guerre russo-
suédoise, servit de 1793 à 1799 dans la marine anglaise,
tant militaire que marchande, et obtint en 1803 du tsar
Alexandre I®^ l'autorisation d'entreprendre, en compagnie
de deux naturalistes et d'un astronome, le premier voyage
de circumnavigation effectué par des Russes. Parti le 7 août
de Cronstadt avec deux navires achetés en Angleterre (le
Nadiejeda, qu'il montait, et la Neva, que commandait
sous ses ordres Lisianski et qui devait, à plusieurs re-
prises, opérer à part), il doubla le cap Horn le 3 janv.
1804, fit relâche à Nouka-Hiva (îles Marquises), séjourna
deux mois au Kamtchatka (1 4 juil. -6 sept.), arriva le 7 oct.
à Nagasaki, au Japon, oti un envoyé du tsar, Résanoff,
avait mission de négocier une alliance. Fort mal accueilli
et même gardé en observation dans la rade, il ne
put débarquer ni l'ambassadeur, ni ses équipages. Il
s'éloigna le 18 avr. 1805, traversa le canal de "Corée,
explora la mer du Japon, reconnut le détroit de Sangar, la
côte occidentale de l'île Yéso, le détroit de La Pérouse,
pénétra dans le golfe Patience (ou de Terpienija), mais,
menacé par les glaces, dut remonter de nouveau vers le
Kamtchatka en longeant les Kouriles. Il alla ensuite explo-
rer l'embouchure de l'Amour, atterrit une troisième fois
au Kamtchatka et, après une escale à Macao, revint à
Cronstadt, où il mit pied le 7 août 1806. L'expédition
n'avait pas perdu un seul homme. Elle rapportait une riche
moisson d'observations et de renseignements. Son chef en
a lui-même donné une très intéressante relation sous le
titre : Heise um die Welte i 803-06 (Saint-Pétersbourg,
d810-42,3 vol. in.4 et atlas; trad.fr. par J.-B.-B.Eyriès,
Paris, 4824, 2 vol. in-8 et atlas in-fol.). En 1845, Kru-
senstern fit un second voyage dans les régions arctiques,
à la recherche d'un passage N.-O. Promu contre-amiral
en 4826, vice-amiral en 1829, amiral en 4844, il dirigea
de 4827 à 4842 le corps des cadets de la marine. 11 était
membre de l'Académie de Saint-Pétersbourg et, depuis
4840, correspondant de l'Académie des sciences de Paris
(section de géographie et de navigation). Outre l'ouvrage
déjà cité et des mémoires parus dans les Annalen de
Gilbert et dans le Bulletin de V Académie de Saint-Pé-
tersbourg^ il a publié : Beitrage zur Hydrographie der
Grœssern Oceane (Leipzig, 4849); Atlas de l'océan
Pacifique (Saint-Pétersbourg, 4824-27, 2 vol.) ; Recueil
de mémoires hydrographiques (Saint-Pétersbourg, 4 824-
27, 2 vol. ; suppL, 4835), etc. Une statue en bronze lui
a été élevée à Saint-Pétersbourg, en 4876, devant l'école
des cadets de la marine. — Son fils, Paul (1809-84),
vice-amiral, et le fils de celui-ci, également prénommé
Paul^ ont exploré les rives de la Petchora, le premier en
4843, le second en 1862. Léon Sâgnet.
BiBL. : E. Gallitzin, Notices sur les voyages des navi-
gateurs russes, dans le Bullet. de la Soc. de géogr. de
Paris, 1853, II.
KRUSI (Hermann), pédagogue suisse, né à Gais (Appen-
zell) en 4775, mort à Gais en 4844. Orphelin de père à
quatorze ans, avec sa famille à sa charge, il fut jusqu'à
dix-huit au service de petits commerçants dont il faisait
les commissions comme garçon de peine. Il savait à peine
lire et écrire quand, sur le conseil d'un bourgeois du lieu
qui avait de l'estime pour lui, il obtint au concours (contre
un seul concurrent d'ailleurs, — tel était alors le recru-
tement) la fonction de maître d'école, payée 2 florins et
demi par semaine (4793). Il fit à la fois sa propre ins-
truction et l'apprentissage de son métier sous la direction
du pasteur, qui lui prêta des livres et lui montra, l'aida
même à faire sa classe. Il avait une centaine d'élèves.
Après la révolution de 4798 et l'invasion austro-russe
de 4797, comme les cantons de l'Ouest recueillaient les
enfants des familles ruinées de la Suisse orientale, Kriisi fut
envoyé à Burgdorf avec trente enfants d'Appenzell à qui
cette ville ofi'rait l'hospitalité. Pestalozzi venait d'y arriver
de Stanz et y faisait une classe élémentaire. En réunissant
leurs élèves et en s'associant d'autres collaborateurs, ils
fondèrent l'institut de Burgdorf (4800). L'inventeur de la
nouvelle méthode n'eut pas de disciple plus zélé ni de plus
fidèle auxiliaire que Krusi. Celui-ci, chargé surtout de
l'enseignement de l'arithmétique, eut un succès légendaire
dans les exercices de calcul mental ; moins heureux comme
écrivain, il collabora sans talent au Livre des mères et
aux Exercices d'intuition dont la lourdeur et la mono-
tonie lui sont imputées. En 4804, il émigra avec Pesta-
lozzi à Yverdon, où il fut, jusqu'à la rupture de 4847, une
des colonnes de l'Institut, peut-être le collaborateur préféré,
plus apprécié encore pour son amour des enfants et ses
dons d'éducateur que pour son enseignement. De 4847
à 4822, il dirigea à Yverdon même un pensionnat indé-
pendant ; puis, appelé par son canton natal à la direction
de l'école cantonale de Trogen, il fonda en 4833 l'école
normale de Gais, qu'il dirigea jusqu'à sa mort, avec une
« realschule » et une école de jeunes tilles qu'il y avait jointes.
Il a écrit quelques ouvrages : Vaterlehren ; Erinnerun-
gen aus meinem pœdagogischen Leben und Wirken ;
Bestrebungen und Erfahrungen im Gebiete der Volk-
erziehung. H. M.
BiBL. : Buisson, Dictionnaire de pédagogie^ 1" partie.
KRUSINSKI (Thadée), orientaliste polonais, né en 4675,
mort à Kamieniec en 4754. Il entra dans l'ordre des jé-
suites et fut envoyé comme missionnaire en Turquie et en
Perse. Il revint ensuite en Europe et devint professeur de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
657 — KRUSENSTERN — KRZYŒI
langues au collège de la Propagande. En 4740, il fit un
second voyage en Perse et termina sa vie en Pologne. Il
a publié quelques ouvrages fort importants pour l'histoire
de la Perse au xviii« siècle : Relatio de mutationibus me-
morabilibus Regnl Persarum (Rome, 1727, trad. en
franc.); Prodromus ad tragicam vertentis belli Persici
historiam (Léopol, 4733, 4.734 et 4740, avec un appen-
dice, DeLegationibuspolonO'persicis) ; Tragica vertentis
belli Persici historiœ {id., 4740) ; Analecta ad tragicam
belli Persici historiam (id., 4755). On cite encore de lui
un traité Du Café turc (en poL; Varsovie, 1769).
KRYLOV (Ivan-Andréevitch), célèbre fabuliste russe, né
à Moscou le 2 févr. 4768, mort à Saint-Pétersbourg le
9 nov. 4844. Fils d'un pauvre oflTicier, Krylov eut une jeu-
nesse malheureuse ; à douze ans la misère l'obligea d'en-
trer comme copiste chez un juge. En 4782, il se rendit à
Pétersbourg. Passionné pour la lecture et le théâtre, il écri-
vit dès l'âge de quinze ans une sorte d'opéra, la Prophé-
tesse de café; une librairie lui en donna 60 roubles qu'il
employa à l'achat des œuvres de Racine, de Molière et de
Boileau ; le commerce de ces écrivains lui inspira le goût
des tragédies et des contes satiriques ; il écrivit deux tra-
gédies, Cléopâtre et Philomèle. Puis il quitta le service
de l'Etat et fonda plusieurs journaux : la Poste des Es-
prits, le Mercure de Saint-Pétersbourg, oti il publia des
nouvelles, des poésies et des articles de critique. Il fit
représenter des comédies : la Famille insensée, les Es-
piègles, l'Ecrivain dans l'antichambre. Devenu secré-
taire du prince Galitzine, il passa quelques années dans les
domaines de ce dernier, à Saratov, où il peut à loisir ob-
server la vie et les mœurs des paysans russes. En 4806,
de retour à Moscou, il se ha avec Dmitriev (V. ce nom),
qui l'engagea à traduire quelques fables de La Fontaine.
Krylov était désormais lancé dans la voie qu'il devait illus-
trer. En 4808, il pubha un premier recueil de vingt-trois
fables; le succès fut immense : jusqu'en 4844, le nombre
des exemplaires écoulés dépassa 70,000 ; honneurs et pen-
sions plurent sur le poète : il fut nommé membre de l'Aca-
démie en 4841, attaché à la bibliothèque impériale en
4842, conseiller d'Etat en 4830, et il mourut après avoir
assisté, à Saint-Pétersbourg, à son apothéose.
Le nom de Krylov est aussi populaire en Russie que ce-
lui de La Fontaine l'est chez nous. Ses fables, par l'esprit
vraiment national, l'humeur gaie, la bonhomie naturelle,
la vérité des peintures et le charme du langage, ne peu-
vent être comparées qu'à celles de notre illustre poète;
c'est un des Hvres les plus goûtés des Russes ; il est pour
les enfants le premier manuel de lecture, on l'apprend par
cœur, et beaucoup de vers sont passés en proverbes. Krylov
a suscité en Europe toute une littérature de traductions,
d'imitations et de commentaires. La statue de Krylov a été
placée dans le Jardin d'été à Saint-Pétersbourg. M.
BiBL. : Krylov, choix des fables traduites en vers par
F.-I. R[ilfé]; Saint-Pétersbourg, 1822.— Fables russes
imitées en vers français, etc., avec introduction de Lemon-
tey -, Paris, 1825, 2 vol. — Héreau, Fables russes imitées
de Krylov; Paris, 1825. — Fables, traduction Masclet; Mos-
cou, 1828. — Fables russes imitées en vers, publiées par
J.-B. Enîerling ; Saint-Pétersbourg, 1845. — Fables, tra-
duites en vers français par Charles Parfait ; Paris, 1867.
— Alfred Bougeault, Krylov ou le La Fontaine russe,
sa vie et ses fables; Paris, 1857. — Jean Fleury, Krylov et
ses fables, 1869. — Pletnev, Biogr. de Krylov, en tête de
la 20'* éd. des Fables (en russe).
KRYN S (Everard), peintre hollandais qui vivait à La Haye
au commencement du xvii^ siècle. Elève de Van der Mander
le père, il voyagea longuement en Italie et a peint des sujets
d'histoire et des portraits.
KRZYCKI (André), humaniste polonais et poète néo-latin,
né en 1482, mort en 1537. Il fit ses études à Bologne oîi
il fréquenta les cours d'Antoine Urceo, surnommé Codrus.
De retour en Pologne en 1 504, il resta à la cour de Lubranski ,
évêque de Posen. Il chanta en vers latins le mariage du
roi Sigismond P"^ Jagellon avec Barbe de Zapolya (1512),
et il devint secrétaire de la reine. En 1514, il publia son
poème sur la victoire du roi Sigismond : De Moscica vie-
42
KRZYCKÏ — KSHATRAPAS — 658 —
toria. En loi 8, il chanta le second mariage de son roi
avec Bonne Sforza. En 4522, il devint évêquede Przemysl ;
en 4527, évêque de Plock ; vers la fin de 4535, il fut
nommé archevêque de Gnesen. Krzycki est un humaniste
des plus caractéristiques. Sa muse latine le mène tout droit
aux honneurs et aux dignités, quoique sa vie privée et ses
poésies obscènes forment un contraste frappant avec sa
haute charge ecclésiastique. Son rôle politique n'est pas
encore suffisamment éclairé, mais son écrit : Reipublicce
et religionis quœrimonia^ prouve une grande lucidité
d'esprit. Il a bien reconnu les fautes principales des Polo-
nais du XVI® siècle : la stérilité des longues Diètes, l'incurie
et l'insouciance de la noblesse pour les vrais intérêts de
l'Etat. Comme poète latin, il est gracieux, mais peu origi-
nal ; il imite surtout Ovide, Virgile et Martial. Sa prosodie
et sa métrique laissent beaucoup à désirer. J . Kàllenbâcii.
BiBL. : L. Droba, A. KrzyckU comme poète et politicien
(en poL); Cracovie, 1879 ; Przeglad Polski. — J. Szujski,
la Renaissance et la Réforme ; Cracovie, 1880. — - C. Mo-
HAwsKi, Andreœ Cricii Carmina; Cracovie, 1888.
KRZYZANOWSKI (Adrien), mathématicien et historien
polonais, né en 4788, mort en 4852. Il fit partie de la con-
grégation des piaristes. Outre un certain nombre d'ouvrages
pour l'enseignement des mathématiques, il a écrit : Est-ce
à la royauté ou au peuple qu'il faut attribuer la chute
de la Pologne? (Kielce, 4824) ; le Rôle de la Pologne dans
l'histoire du progrès (Varsovie, 4844; 2^ éd. avec une
notice sur l'auteur par Skimborowicz, Varsovie, 4857).
KRZYZANOWSKI (Stanislas), archéologue polonais, né à
Saint-Pétersbourg en 4844. Il acheva ses études à Craco-
vie. Il a publié un certain nombre d'ouvrages fort intéres-
sants pour l'histoire et l'archéologie de la Pologne, notam-
ment : les Monuments polonais du musée archéologique
d'Odessa (Kiev, 4863) ; Dictionnaire héraldique (Cra-
covie, 4870) ; De Simonis O'Kolscii vita et scriptis [id.^
4870) ; Matériaux pour l'histoire de Pologne (id.,
4878) ; Annuaire d'archéologie^ de numismatique et
de bibliographie polonaise (id.^ 4879 et suiv.), et de
nombreuses contributions aux mémoires de l'Académie po-
lonaise de Cracovie.
KSABI ECTi CiiEURFA. District delà vallée supérieure de
la Moulouïa, sur la route de Fez au Tafilalet, qui appartenait,
comme son nom l'indique, à des chérifsqui sont originaires
du Tafilalet. C'est un des points stratégiques les plus impor-
tants du Maroc; il ne compte que peu d'habitants, mais l'in-
fluence des chérifs s'étend aux environs et en particulier
sur la route qui traverse l'Atlas. Depuis 4879 le sultan y
a établi une petite garnison assez précaire.
KSAR (pluriel Ksour). Mot que l'on rencontre très fré-
quemment dans la toponymie des pays berbères et qui signifie
lieu fortifié, et par extension ville, bourg, village, princi-
palement dans les régions du Sud. Mentionnons parmi les
locahtés ainsi désignées : El-Ksar, à 40 kil. S.-E. deSétif,
avec les ruines de la ville romaine de Ad Basilicam; El-
Ksar^ village de la province d'Oran, à 20 kil. E. de Sidi-bel-
Abbès, créé en 4877; Esar-el-Ahmeur, site de ruines, à
50 kil. S.-E. de Souk-Ahras, dép. de Constantine; Esar-
el-Beida, « le Bourg de la Blanche », à 400 kil. N.-O. de
Laghouat, dép. d'Alger; Esar-el-Bouma^ site de ruines
romaines du dép. de Constantine, sur l'ancienne route de
Tébessa à Constantine; Ksar-el~Haïran^ bourg de 900
hab. du dép. d'Alger, sur l'oued Djedi, à 30 kil. E. de
Laghouat ; îùar-ez-Zit, site do ruines romaines et byzan-
tines, en Tunisie, au N.-O. de llammamet ; Ksar-Gouraï,
site de ruines romaines, à 40 kil. E. de Tébessa, dép. de
Constantine, probablement l'ancienne station de Ad Mercu-
rium; Ksar-Saïd^ palais du bey de Tunis, attenant au
Bardo et où fut signé le 24 mai 4884 le traité qui plaça la
Tunisie sous le protectorat de la France ; Ksar-Sbaï^ im-
portant site de ruines romaines du dép. de Constantine, à
35 kil. d'Aïn-Beïda, peut-être la station antique de
Gadianfala; Esar-Temouchent, village du dép. de Cons-
tantine, à 8 kil. E. de Sétif. — Dans les districts du Touat,
les localités désignées par le mot « ksar » sont particulière-
ment nombreuses.
KSAR-EL-KEBIRouAL-KAZAR.VilleduMaroc,à90kiI.
au S. de Tanger, par 34o59' lat. N. et 8^42^52''' long. 0.
Paris. Ksar-el-Kebir ou le Grand-Château est situé sur la
rive droite de la rivière Loukkos, à une demi-journée de
marche de son embouchure dans l'Océan. La ville com-
mande le passage du fleuve au point extrême où la marée
s'y fait encore sentir ; elle est la principale ou pour mieux
dire l'unique station de la route qui conduit de Tanger à
Fez et à Meknas. Ksar-el-Kebir a été bâtie en grande
partie avec des matériaux antiques ; elle a en effet succédé
à la station romaine de l'Oppidum novum de l'Itinéraire
d'Antonin ; au moyen âge arabe, elle semble avoir eu une
grande importance en étant la capitale de la province du
Gharb; mais aujourd'hui elle n'est ni grande ni fortifiée.
Ses maisons mal construites, non blanchies, lui donnent un
air de saleté extrême ; les immondices pourrissent au pied
des anciennes murailles de la ville et empestent l'air, tandis
que les marécages des environs font de cet endroit un des
points les plus insalubres du N. de l'Alrique. Les fièvres
y sont en permanence. La ville manque d'eau ; on est
obligé d'en aller chercher dans des outres à l'ouad Loukkos,
à une demi-heure de distance. La population est d'environ
5 à 6,000 âmes dont un millier d'israéUtes qui habitent
dans toute la ville. Le commerce d'El-Ksar consiste surtout
dans celui des grains. Auprès de la ville sont de grands
vergers avec de belles plantations d'orangers. Non loin de
la ville, dans l'espace médian compris entre l'ouad Ouarour
et l'ouad El-Maghzen, dans la direction de la ville d'El-
Araish (Laracbe), on trouve l'emplacement du champ de
bataille d'El-Ksar ou des Trois-Rois, célèbre au xvi^ siècle
(V. Maroc [Histoire]). La France possède un agent consu-
laire à El-Ksar. H. -M. -P. de La Mârtinière.
KSAR-ES-SERIR ou le PETrr-CHÂTE\u (par opposition au
Ksar-el-Kebir [V. ci-dessus]) n'est plus qu'un amas de
ruines que les sables disputent aux broussailles. C'était
au moyen âge un des points les plus importants de la côte
méridionale du détroit do Gibraltar, El-Bekri le désignait
du nom de Ksar-Masmouda, et Aboulféda Ksar el-Medjaz.
C'était alors le chantier où se construisaient la plupart des
navires qui faisaient le commerce du détroit et l'arsenal où
se préparaient les expéditions dirigées contre l'Espagne
par les princes musulmans. Ksar-es-Serir est situé à l'em-
bouchure ou pour mieux dire dans l'embouchure d'une
petite rivière ensablée l'ouad El-Yemm, à 24 kil. dans l'E.
de Tanger. H.-M.-P. de La Mârtinière.
KSAR-FARAOUIVl ou le Chateau de Pharaon. Localité
du Maroc à 22 kil., au N. de la ville de Mequinez, au pied
du djebel Zerhoun, à l'entrée d'une gorge fertile ; Ksar-
Faraoun est le nom arabe que de nos jours les indigènes
du Maroc donnent aux ruines de Volubilis (V. ce mot).
KSEL. Nom que l'on donne quelquefois aux monts des
Ksour (V. Orân [Dép.]).
KSEUR (El-) (Algérie) (V. El-Kseur).
KSHATRAPAS. Nom de deux dynasties de princes qui
ont régné dans l'Inde du i^"^ au iv^ siècle de notre ère. C'est
le titre qu'ils se donnent sur leurs monnaies et dans les
inscriptions, et il a été emprunté à la Perse ; on ne le ren-
contre pas, en eflet, dans la littérature sanscrite. Le mot
est donc d'origine iranienne ; il se trouve, en effet, déjà
dans les inscriptions perses de Behistoun sous la forme
Klislialrapdvà (transcrit Saksapava dans le texte scy-
thique) avec le sens de « satrape » qui est la transcription
grecque sous laquelle ce mot nous a d'abord été connu et
était connu de toute antiquité avant la découverte des textes
orientaux. Le sens étymologique est « qui défend (ou qui
possède) la souveraineté khshatra ». Ce titre était surtout
employé pour désigner les gouverneurs de provinces sous
les Achéménides, sous les Séleucides et sous les Arsacides;
on ne le rencontre pas pendant la période sassanide : aussi
n'existe-t-il pas en pehlvi. C'est évidemment sous les Ar-
sacides que le mot Éshatrapa^ avant qu'il fût déformé en
- m -
KSHATRAPAS — KIJCKER
Skehrpq (qui aurait été la forme sassanide), est passé dans
les provinces de l'Iran oriental et de là dans l'Inde. Nous
le trouvons d'abord sur les monnaies récemment décou-
vertes des princes d'origine louranienne, Ranjabal, Jiho-
nisa, Çadasa, Manigula, Liako-Kusululio, Kharamosta, qui
ont régné dans le Penjab et le Cachemire, et sur lesquelles
le titre de satrape est écrit tantôt tchhaîrapay tantôt klia-
tapa, tantôt tchhatraua, suivant les dialectes ; quelques-
uns de ces petits souverains prennent le titre de « grand
satrape », mahakhatapa ; « fils de satrape » , khatapaputa
et tchhatrapaputra. Ils ont régné, au i^"^ siècle, et leur
groupe forme ce qu'on appelle les lùhatrapas du Nord,
Un peu plus tard, ce titre de kshatrapa entre tout à fait
dans la langue comme dans les institutions de l'Inde, et
c'est ainsi qu'il devient le titre de souveraineté de princes
qui ont régné pendant près de quatre siècles dans le Malva,
le Kathiawar et le Guzerate. Ils ont été longtemps connus
sous le nom de rois Sas^ puis lùhatrapas du Saurash-
Ira^ puis enfin Kshatrapas-Seiias. C est cette dernière
appellation qui a prévalu à côté de celle de Kslialrapas
de rOîiest ou occidentaux qui leur a été donnée par
Bhagvanlal, leur plus récent historien. Ces princes paraissent
être d'origine çaka, c.-à-d. touranienne, et ils se servent sur
leurs monnaies de l'ère çaka de l'an 78 de J.-G. (d'après
M. Oldenberg, ce serait une ère particulière qu'il place vers
iOO de J.-C). Voici la liste de ces souverains depuis Na-
hapâna le fondateur, avec leurs dates approximatives :
Kshatrapas occidentaux ou Senas :
Nahapâna Kshaharâta vers 424 de J.-C.
Tchashtana, fils de Ghsamotika.
Jayadâman, fils du précédent
Rudradâman, fils de Jayadâman
Dâmajadaçri
Jivadâman
Rudrasinha
Rudrasena
Sanghadâman
Prithivisena
Damasena
Dâmajadaçri II
Viradâman
Yaçodûman
Vijayasena
Içvaradatta (usurpateur)
Dâmajadaçri III
Rudrasena II
Bhartridâman
Viçvasinha
Sinhasena
Viçvasena
Rudrasinha II
Yaçodâman II
Sinhasena
Svâmi Rudradâman
Rudrasena lïl ,
Svâmi Satyasinha
Rudrasinha III
sans date.
loO
sans date.
478
481-196
203
sans date.
226-235
232
236-251-
238
238-249
»
254
258-268
278-292
276-281
sans date.
294-301
309-348
348
sans date.
348-376
sans date.
388-440
Les légendes des monnaies de ces princes, comme leurs
inscriptions, sont en caractères indo-palis ; quelques mon-
naies sont trilingues : grec (très barbare), arîo-pali (ou
kharoshtd) et indo-pali. Ces légendes, très longues et très
difficiles à lire, vu le petit module des pièces, contiennent
la filiation du souverain régnant; ainsi, par exemple, Rdjno
Mahâkshatrapasa Rudrasenaputrasa râjna Mahdksha-
trapasa Bhartridâmana, « monnaie du roi Bhartridâman,
grand satrape, fils du roi Rudrasena, grand satrape ». Le
dernier souverain de cette dynastie, Rudrasinha Itl, fut
détrôné vers l'an 400 à 410 par les Gouptas, lors des
grandes conquêtes de Tchandragoupta, qui s'empara de
Saurashtra et de tout le Bas-Indus. E. Drouin.
BiBL. : E. Thomas, The Sah Kings of Surashtra^ 1848.
— W. Wissï, Inscriptions des groUes de Nâsih, dans le
Journ. As. Soc. Bombay branc/i., 1861-63, t. VI t. — Bhag-
vanlal et Rapson, Thè Western Kshatrapas, 1890, et The
Northern Kshatrapas, 1894. — Cunniingham, Coins of ihe
Sakas, 1890.
KSI MA. Tribu berbère, mais arabisante, du Sud-Maro-
cain qui habite la partie inférieure de la vallée de l'ouad
Sous. Les Ksimâsont voisins des Chtouka, et leur territoire
est limitrophe de l'Océan.
KSOB (Oued). Rivière d'Algérie, dép. de Constantine, qui
prend sa source dans les montagnes élevées qui ferment
au S. la plaine de la Medjana, coule à 10 kîL au S. de
Bordj-bou-Aréridj , s'engage dans des gorges profondes
jusque près de M'sila, puis parcourt la plaine d'alluvions
qui borde au N. le chott du Hodna, où elle va se perdre
après un cours de 450 kil. Le Ksob a presque toujours de
l'eau ; on a projeté de créer sur son cours un barrage-
réservoir qui pourrait retenir 20 millions de m. c. et ser-
virait à l'irrigation de la région de Msila. E. Càt.
KSOUR (Monts des) (V. Oran [Dép.J).
KTÉSIPHON. Ville de Babylonie antique, sur la r. g. du
Tigre, en face de Séleueie. Elle prit une grande importance
au temps des rois parthes dont c'était la résidence d'hiver.
Elle s'agrandit aux dépens de Séleueie. Les Romains la
prirent trois fois: Trajan en 445, Verus en 462, Septime
Sévère en 204. Elle resta capitale des Sassanides et fut
détruite par les Arabes d'Omar en 637. La localité à'Al-Ma-
daïn (les deux villes) conserve le souvenir de la double cité
de Séleucie-Ktésiphon, mais les ruines ont presque disparu »
à l'exception du palais de Khosroès Nouchirvan, nommé
Task-i-Kesra ; son portail de 32 m. de haut conduit à
une nef de 50 m., entourée d'une construction à plusieurs
étages distribuée en appartements.
KTEUF (Djebel). Montagne d'Algérie, appelée aussi
parfois djebel Djafa; elle se dresse au S.-S.-E. des Portes
de Fer, au S. de la ville de Mansourah, sur le faîte, entre
le bassin du Sahel et le bassin intérieur du Hodna. Son
point culminant, le djebel Dreat, sur le territoire de la
tribu de ce nom, atteint 4,862 m. d'alt. E. Cat.
KUBECK DE KuBÂN, homme d'Etat autrichien, né à
Jihlava (Iglau) en 4780, mort à Iladersdorf en 4855. Il
entra dans l'administration, fit instituer la banque natio-
nale (4818), accompagna l'empereur aux congrès de Lai-
bach et de Vérone et devint en 4840 président de la
Chambre aulique, puis (4844) directeur de la monnaie et
des mines. En 1848, il fut nommé député et en 4850 pré-
sident du nouveau Reichsrat autrichien. — Son neveu,
Aloys Kubeck de Kuban, né en 4849, mort en 4873, fut
ministre d'Autriche à Francfort et à Rome.
KUCHARSKl (André), savant polonais, né à Papiez (arr.
de Piotrkow) en 4795, mort à Varsovie en 4832. Il acheva
ses études à Varsovie et entra dans l'enseignement. Il fut
chargé d'une mission scientifique dans les pays slaves et col-
labora à divers recueils. Son ouvrage le plus important est
intitulé Anciens Monuments juridiques des peuples
5toi^^5 (Varsovie, 4839).
KUCHARZ (Jean-Baptiste), organiste, né à Chotecz
(Bohême) le 5 mars 4754. Il vécut à Prague où il fut or-
ganiste de diverses églises, chef d'orchestre de l'Opéra ita-
lien et professeur de musique. Il passait pour posséder un
des plus beaux talents d'organiste qu'il y eût à celte
époque. Ses compositions, consistant en pièces d'orgue,
cantates et morceaux religieux, sont restées en manuscrit.
KUCHENMEISTER (Gottlob-Friedrich-IIeinrich), mé-
decin allemand contemporain, né à Buchheim (Saxe) le
22 janv. 4821. Il étudia à Leipzig et à Prague, se fixa en
4846 à Zittau, en 4859 à Dresde. Il est universellement
connu par ses remarquables travaux sur les ténias et sur
d'autres parasites de l'homme et des animaux. Il s'occupa
beaucoup de crémation et fut l'un des fondateurs du « cre-
j matorium » de Gotha. Ouvrage principal : Die Parasiten
I des Menschen, avec Zurn (Leipzig, 4878-84, in-8, 2® éd.) .
j KUCKER (Friedrich- Wilhelm), compositeur allemand,
I né à Bleckede (Hanovre) le 46 nov. 4840, mort à Schwe-
KOCKER — KUGLER
— 660
ria le 3 avr. 1882. li reçut son éducation musicale à
Schwerin et à Berlin, où il se fit connaître par ses lieder et
un opéra, Die Flucht nach der Schweiz (1839). Il ter-
mina ses études à Vienne et à Paris. Après avoir passé un
an en Suisse, dirigeant des festivals, fondant des sociétés
chorales et composant différentes œuvres, il retourna à
Paris, où il écrivit un opéra, Der Prœtendent, Il fut chef
d'orchestre à Stuttgart (1851-62) et vécut ensuite à Schwe-
rin. Kùcker a composé des lieder très populaires en Alle-
magne. Malheureusement, ils sont d'une banalité désespé-
rante et d'une sentimentalité un peu molle.
KUCZ (Charles), littérateur polonais, né en 1815, mort
en 1892. Il fit ses études à Varsovie et entra dans l'ad-
ministration. II collabora à divers recueils et rédigea, de
1848 à 1865, le Courrier de Varsovie^ puis de 1866 à
1874, le Courrier quotidien. Il a publié les Monuments
de Varsovie (1853) et fait jouer un certain nombre de
vaudevilles.
KUENEN (Abraham), hébraïsant hollandais, né à Haar-
lem en 1828, mort à Leyde en 1891. 11 devint, en 1853,
professeur de langue hébraïque et d'exégèse de l'Ancien
Testament à l'université de Leyde et publia de nombreux
ouvrages qui furent très appréciés par les spécialistes. Les
principaux sont : Libris Geneseos, Exodi et Leuitici ex
arabica pentateuchi samaritani uersione nuiicprimum
editi (Leyde, 1851-52, 2 vol. in-8); Criticœ et herme-
neuticœ librorumnovi Fœderis lineamenta {id.^ 1856,
2 vol. in-8) ; Recherches historico-critiques sur l'ori-
gine et la collection des livres de V Ancien Testament
(en holL, id.^ 1861-65, 3 vol. in-8, trad. en franc, par
Pierson) ; les Prophètes et la prophétie en Israël (id.^
1875, 2 vol. in-8, trad. en anglais par Muir). Kuenen
appartenait au protestantisme libéral et était avec Hoeck-
stra et Van Bell un des directeurs de la Revue théologique.
KUFFERATH (Maurice), écrivain belge, né à Bruxelles
le 8 janv. 1852. ¥ïh&' Hubert- Ferdinand (mort en 1808),
professeur de musique, il s'adonna à la critique musicale,
en particulier à celle des œuvres de Wagner : Par^î/a/, Sieg-
fried, Lohengrin (Bruxelles, 1890', 3^ éd.), la Wal-
kyrie, etc. Il a publié aussi la Comédie française (iST^);
Berlioz et Schumann (1879); H. Vieuxtemps (1883);
VArl de diriger Vorchestre (Paris, 1891), etc. Il est
l'auteur de deux petits actes souvent représentés : les Po-
tiches de Damoclès, Propriétaire par amour.
KUFSTEIN. Ville du Tirol, située à 75 kil. au N.-O.
d'Innsbruck. Son importance provient moins de sa popula-
tion, qui ne s'élève qu'à 3,500 hab., que de sa position très
forte tout près de la frontière bavaroise, et de la forteresse
de Geroldseck, qui domine la ville et qui a longtemps servi
de prison d'Etat autrichienne.
KU6ELGEN ou KÛGELCHEN (Gerhard de), peintre
allemand, né à Bacharach-sur-Rhin le 6 janv. 1773, mort
assassiné près de Dresde le 27 mars 1820. Après avoir
étudié sous Fegel, à Wurzbourg, il résida tour à tour à
Rome, à Munich, à Riga, à Pétersbourg, à Paris, puis
s'installa à Dresde, où il devint professeur à l'Académie.
Ses tableaux, la plupart religieux, Enfant prodigue,
Madone à P enfant, Christ entre saint Jean-Baptiste
et saint Jean l'Evangéliste, se distinguent par l'idéal de
la forme, la poésie de la composition et l'éclat du coloris.
Il a peint aussi des portraits, entre autres ceux de Gœthe,
de Herder, de Schiller, de Wieland et le sien propre.
KU6ELGEN (Karl- Ferdinand de), peintre allemand,
frère jumeau du précédent, mort à Reval le 9 janv. 1832.
Après avoir étudié sous Zick à Coblenz et sous Fegel à
Wurzbourg, il alla à Rome, où son talent de paysagiste
le mit en relations avec lord Bristol, qui l'emmena avec
lui à Pétersbourg. La Crimée et la Finlande, qu'il visita
longuement, lui inspirèrent plus de quatre cents compo-
sitions à l'huile ou dessins, parmi lesquelles nous cite-
rons une galerie criméenne en 90 tableaux peinte pour
le tsar Alexandre. Il y a à Kamena Ostrov beaucoup de
toiles de cet artiste, auquel on doit également une relation I
pittoresque de son voyage en Crimée (Pétersbourg, 1823).
KÛGELGEN (Wilhelm de), peintre allemand, né à Saint-
Pétersbourg en 1802, mort à Bernburg le 25 mai 1867.
Il a peint des tableaux religieux {Crucifixion, dans l'église
Saint-Olaï, à Reval) et est devenu peintre de la petite
cour d'Anhalt-Bernburg. Son autobiographie, parue après
sa mort, Jugenderinnerungen eines alten Mannes (Ber-
lin, 1885, 12^ éd.), eut un grand succès.
KUGLER ( Franz-Theodor) , historien d art et littérateur
allemand, né à Stettinle 19 janv. 1808, mort à Berlin le
18 mars 1858. Doué d'un sens très vif et d'un goût net-
tement marqué pour l'art sous toutes ses formes, pratiquant
même en ses débuts la musique et la poésie comme la pein-
ture, il hésita quelque temps avant de choisir la carrière qui
devait l'illustrer. En 1826, il entre à l'université de Berlin,
dans le but apparent d'étudier la philologie , mais beaucoup
plutôtpourcontinuerà se développer conformément à ses ins-
tincts, en un cercle intelligent de littérateurs et d'artistes. Sa
première tentative, le Skizzenbuch, publié en collaboration
avec Reinick (Berlin, 1830), mélange de poésies et de
compositions musicales, en même temps que d'illustrations
de sa main, reflète bien la naïve indécision du jeune homme
à cette époque, et les divers amours qui se partageaient son
cœur. Il ne put jamais s'en détacher complètement. Deux
ans après parut, encore en collaboration avec Reinick, le
Lieder buch fur deustche Kilnstler, toujours accompagné
de dessins (Berhn, 1833); et, même lorsqu'il eut pleine-
ment orienté sa vie, au plus fort de sa carrière d'historien
d'art, il aimait à revenir aux œuvres de pure imagination
et de poésie.
En 1831, il est reçu doctor philosophiœ à Berlin, avec
une thèse qui touche déjà à l'histoire de l'art: De Werin-
hero, sœculi Xll monacho Tegernseensi, et de picturis
quibus carme?i suum theotiscum de vita B. Mariae
ornavit (Berlin, 1831), et deux ans après, au printemps
de 1833, s'établit privat-docent à l'université de Berlin
pour y enseigner les matières qui seront désormais le but
favori de ses elForts et de ses travaux, cette esthétique
largement comprise, basée sur l'observation et l'analyse des
œuvres, dont il a été un des premiers initiateurs en Europe.
Les écrits se succèdent nombreux à partir de cette époque,
et sur les questions d'art les plus variées, prouvant l'acti-
vité incessante et la valeur éruditede son esprit. Dés 1830,
avait été commencé sous sa direction le grand ouvrage
illustré, continué depuis : Denkmœler der bildenden
Kunst des Mittelalters in den preussischen Staatefi.
En 1833, il fonde un journal d'art : Muséum, Blœtter
fur bildende Kunst ; la même année, il étudie les monu-
ments de la Marche de Brandebourg {Architektonische
Denkmœler der Altmark Brandenburg; Berlin, 1833,
texte de Kugler avec planches de Stark et Meyerheim),
puis prend part au débat sur la polychromie dans l'anti
quité (Ueber die Polychromie der griechischen Archi-
tektur und Skulptur, und ihre Grenzen; Berlin, 1835,
in-4), et avec une telle sagesse qu'il n'eut presque rien à
modifier, daçs la suite, à ses conclusions. Nommé en 1835
professeur à l'Académie des beaux-arts de Berlin, il sent
son ambition croître avec le succès, et, après des voyages
préparatoires d'études en Italie et en Allemagne, entre-
prend les deux vastes ouvrages d'ensemble qui ont le plus
fait pour sa réputation : d'abord, le Handbuch der Ge-
schichte der Malerei von Constantin dem Grossen bis
auf die neuere Zeit (Berlin, 1837; 2^ éd., 1847, pu-
bliée par Jacob Burckhardt) ; puis généralisant encore da-
vantage, le Handbuch der Kunstgeschichte (Stuttgart,
1842; 2^^ éd. 1848, publiée par Jacob Burckhardt; 3«éd.
1856-58, par Kugler lui-même; 4^ et 5^ éd., 1861 et 1873,
par Wilhelm Lùbke). Pour la première fois, l'histoire gé-
nérale de l'art était abordée, en même temps que vulga-
risée avec talent. Ce furent des livres presque aussitôt
classiques, et qui, malgré les progrès réalisés par la science
allemande depuis, sont toujours restés, en leurs parties es-
sentielles, comme la base fondamentale des travaux posté-
" 661 -
KUGLER — KUIIN
rieurs en ce genre. Il ne négligeait pas, toutefois, pour
cela les études fragmentaires plus spéciales. C'est ainsi que
parurent successivement : en 1838, la Beschreibung und
Geschichte der Schlosskirche %u Quedlinburg (en colla-
boration avec Ranke rhistorien) ; la même année, la Be-
schreibung der Kunstschœtze von Berlin und Potsdam
(Berlin, 2 vol.); puis un essai sur Thistoire de l'art dans
son pays natal, la Pommersrhe lùmstgeschichte, paru
dans les Baliische Studien (Stettin, 1840) ; Schinkel,
eine Charakteristik seiner kûnstlerischen Wirksamkeit
(Berlin, 4842). Attaché, à partir de 4843, pendant un
certain temps au ministère, où il eut à s'occuper de la
section des beaux-arts, il se familiarise alors avec les ques-
tions administratives, et entreprend dans cet esprit de nou-
veaux voyages, particulièrement en Belgique et en France.
Deux de ses écrits ont gardé la trace du genre de ses pré-
occupations à cette époque : Ueber die Anstalten und
Einrichtungen zur Fœrderung der bildenden Kiinste
und zur Conservation der Kunstdenkmœler in Fran-
kreich und Belgien (Berlin, 1846), et Ueber die Kunst
als Gegenstand der Staatsverwaltung mit besonderem
Bezug auf die Verhœltnisse des preusssichen Staates
(paru anonyme; Berlin, 4847). Il avait en projet et rédi-
gea un vaste plan de réorganisation des beaux-arts en
Prusse dans toutes leurs manifestations, y comprisla musique
et le théâtre. Mais la disparition du ministre qui le soute-
nait empêcha la réalisation de ses idées. Il ne put jamais
s'en consoler complètement, et jusqu'à la fin de sa vie lutta
pour les faire triompher. Sa dernière œuvre (posthume)
est encore orientée dans ce sens : Grundbestimmungen
fur die Verwaltung der liunstangelegenheiten im
preussischen Staate (Berlin 4859). La plupart de ses
menus travaux d'art ont été réunis et réimprimés par lui
dans les Kleine Schriften und Studien zur Kunstge-
schichte (Berlin, 4853). 11 avait commencé une histoire
générale de Farchitecture {Geschichte der Bankunst ;
Berlin, 1856), que continuèrent après lui ses élèves pré-
férés, Burckhardt et LUbke. Il a collaboré activement aux
revues d'art de l'époque, le Kunstblatt de Schorn et le
Deutsches Kunstblatt d'Eggers.
En des matières toutes diiïérentes, comme historien pur,
il a su également conquérir le succès. Sa Geschichte Frie-
drichs des Grossen (Leipzig, 4840) est un livre populaire
au premier chef, qui a été indéfiniment édité et traduit.
Menzel, en l'illustrant, en a encore augmenté la vogue. Une
seconde fois, Kugler s'est essayé à l'histoire, pour conti-
nuer Touvrage de Heinel, Geschichte des preussichen
Staates und Volkes, qu'il a laissé lui-même interrompu,
après avoir traité seulement la période qui va de 1660 à
4786 (Berlin, 1844). Signalons enfin, sorte de délassement
de son imagination en une carrière si remplie, en même
temps que souvenir persistant de ses premiers rêves, ses
œuvres de littérateur et d'artiste : un volume de poésies
(Gedichte; Stuttgart et Tubingue, 1840); cinq cahiers de
Lieds (Stuttgart, 4852), contenant des compositions mu-
sicales ou texte de lui pour mélodies populaires ; huit vo-
lumes de drames ou nouvelles (Bellestrische Schri/ten ;
Stuttgart, 1851-52), etc. Mais c'est surtout comme histo-
rien d'art que son nom mérite d'être mis en place d'hon-
neur à côté de celui des Schnaase, des Fœrster,des Waagen,
parmi les premiers fondateurs de la critique allemande
moderne. Paul Leprîeur.
KUGLER (Bernhardt), historien allemand, né le 14 juin
1837, fils du précédent. 11 professe à l'université de
Tubingue (privat-docent, 1861; professeur, 1866). Ses prin-
cipaux écrits, qui se rapportent soit à l'histoire de l'Alle-
magne du Sud, soit à celle des croisades, sont : Ulrich
Herzog zu Wirtemberg (Stuttgart, 1865); Christoph
Herzog zu Wirtemberg (1869-72, 2 vol.); Die Hohen-
zollern (avec Stillfried ; Munich, 1882-82, 2 voL); Studien
zur Gesch. des 2^^"^ Kreuzzngs (1866); Analekten zur
Gesch, des 2*^"^ Kreuzzugs (1 878-83) ; Gesch. der Kreuz-
zûge (Berlin, 1880); Albert von Aachen (1885).
KUHACZ-KOCH (François), musicien croate, né en
1834. Il réside à Agram. 11 a passé la plus grande partie
de sa vie à recueillir les chants populaires des Slaves mé-
ridionaux et les a publiés à Agram (avec accompagnement
de piano) en quatre volumes : Chants populaires iougo-
slaves (1878, 1879,1880 et 1881, in-4). Il a fait paraître
dans les Mémoires de l' Académie d' Agram (années 1877
et suivantes) un important travail sur les Instruments de
musique des Slaves méridionaux.
KUHLMANN (Charles-Frédéric), chimiste et industriel
français, né à Colmar le 22 mai 1803, mort à Lille le
26 janv. 1881. Elève de Vauquelin, il fit à Lille, de 1823
à 1854, avant la création de la faculté des sciences, un
cours libre de chimie appliquée et fonda dans cette ville,
dans sa banlieue et dans les départements voisins, un
grand nombre d'établissements industriels ; le plus impor-
tant, celui de Loos, était une fabrique de produits chi-
miques. En 1847, l'Académie des sciences de Paris l'élut
correspondant de sa section d'économie rurale. Il devint
par la suite directeur de la Monnaie de Lille, président de
la chambre de commerce de cette ville, conseiller général
du Nord. Il fut promu en 1867 commandeur de la Légion
d'honneur. On lui doit, comme chimiste, d'intéressantes
recherches sur la composition de la garance, sur celle des
engrais, un procédé de défécation du jus de betterave par
saturation, un autre pour la préparation industrielle de la
baryte (V. ce mot), des applications nouvelles de la cris-
tallisation à l'épuration de produits divers, etc. Outre de
nombreux mémoires insérés dans les Comptes rendus de
l'Acad. des sciences de Paris^ dans les Annales de chi-
mie et de physique., dans le recueil de la Société des
sciences de Lille, il a publié : Cours de géologie (Lille,
s. d., in-4); Expériences chimiques et agronomiques
(Paris, 1847, in-8) : Applications des silicates alcalins
solubles (Paris, 1858, in-8) ; Recherches scientifiques
et publications diverses (Paris, 1877, in-8), etc. L. S.
BiBL. : Notice sur les travaux scientifiques de M. Ch.-F.
Kuhlmann ; Paris, 1873, in-4. — Notice biographique
sur Kuhlmann; Lille, 1882. — Catalogue of scientifîc
papers of the London Royal Society^ t. ill et VIIÏ.
KUHN (Franz-Felix-Adalbert), célèbre érudit allemand,
né à Kœnigsberg en Neumarck le 19 nov. 1812, mort le
5 mai 1881. De 4833 à 1837, il étudia la philologie à
Berlin ; il enseigna au gymnase de Kœlln (Berlin) à partir
de 1841, puis il s'adonna particulièrement à l'étude des
mythologies et des langues indo-européennes; il fut le pre-
mier savant européen qui donna une traduction du Big-Veda
(en 1838). On lui doit : Zur œltesten Geschichte derindo-
germanischen Vœlker (Berlin, 1845, 2^ éd. remaniée dans
les ]ndische Studien de Weber, 1850). Cet ouvrage est
peut-être le plus remarquable de Kuhn ; il essaya par des
comparaisons étymologiques et l'analyse sagace du sens
primitif des mots et des racines communes aux diverses
langues, de retracer l'état primitif de civilisation des Indo-
Européens avant la séparation de leurs diverses familles de
peuples. Ce travail de premier ordre n'eut pas un aussi
grand retentissement que le suivant : Die Herahkunft des
Feuers und des Gœttertranks (Berlin, 1859, 2® éd.,
1886). Ce Hvre a marqué dans la science du xis® siècle la
fondation de la mythologie comparée, dont Kuhn demeure
le plus illustre représentant. Ses explications des mythes
indo-européens et en particulier gréco- latins par les mythes
védiques ont donné lieu à des centaines de travaux du
même genre et attestent, à défaut d'une méthode très sûre,
la puissance de généralisation et la subtilité de la critique
de l'auteur (V. Mythologie). Il a complété l'exposé de ses
théories dans Entwickelungsstufen der Mythenbildung
(1874). Le savant mythographe s'appliqua aussi à l'étude
des traditions locales de son pays dans : MœrkiscJie
Sagen und Mœrchen (Berlin, 1843); Norddeutsche
Sagen, Mœrchen und Gebrœuche^ en collaboration avec
Schwartz (Leipzig, 1848); Sagen, Gebrœuche und Mœr-
chen aus Westfalen (Leipzig, 1859, 2 vol.). Kuhn col-
labora à diverses revues allemandes de philologie, puis il
KUHN — KOKOLÎ.OE
- 66^1 —
fonda lui-même eîi ^1851 la fevue intitulée Zeitschrifl
fur vergleichende Sprachforschiing ans dem Gebiete
der indogermanischen Sprachen^ recueil qui fit faire un
grand progrès' aux études de linguistique comparée. Son
fils a publié en 1886 ses Mythologische Studien, collec-
tion de ses principaux articles.
KUHN (Franz), baron de Kuhnenfeld, général autrichien,
né à Prossnitz (Moravie) le 15 juil. 1817. Il entra au ser-
vice en 1837, comme sous-lieutenant, se distingua en
1848-49 en Italie et en Hongrie, fut anobli (1852), pro-
fessa la stratégie à l'Ecole militaire de Vienne (1836), fut
chef d'état-major général de Gyulay en 1859 ; commandant
du Tirol où il battit Garibaldi (1866), il occupa le minis-
tère de la guerre de 1868 à 1874 et réorganisa l'armée
autrichienne, développant le rôle de la landwehr, etc.
Parmi ses œuvres, il faut citer Der Gebirskrieg (Vienne,
1878, 2*"' éd.). C'est aussi un astronome et géographe de
mérite.
KUHN (Féhx), pasteur et historien luthérien, né à Mont-
béhard le 2 nov. 1824. Il fit ses études de théologie à
Strasbourg, et fut successivement pasteur à Champey (Haute-
Saône), à Seloncourt (Doubs), et, depuis 1864, à Paris, où
il fut élu président du consistoire et inspecteur ecclésias-
tique de l'Eglise luthérienne. Il publia des articles de litté-
rature et d'histoire dans la Revue chrétienne et dirigea
pendant près de vingt ans le Témoignage, « journal de
l'Eglise de la confession d'AugsboUrg ». Dès les bancs de
la faculté, il étudia avec une préférence marquée le
xvi^ siècle, et en particulier le grand réformateur Luther,
sur lequel il publia son œuvre magistrale : Luther, sa
vie et son œuvre (Paris, 1883, 3 vol. in-8). Connaissant
à fond le xvi® siècle, les ouvrages du réformateur et tout
ce qui a été publié sur lui, il a su écrire un livre qui, pour
Pérudition, ne le cède en rien aux ouvrages des historiens
allemands les plus savants, et les surpasse de beaucoup
par la clarté et l'élégance du style. Félix Kuhn a traduit
en français quelques ouvrages de Luther : le Livre de la
liberté chrétienne du D^ Martin Luther, avec répitre
dédicatoire au pape Léon X et une notice historique
(Paris, 1879) ; A la Noblesse chrétienne de la nation
allemande, touchant la réformation de la chrétienté,
par le W Martin Luther, avec une notice historique
(Paris, 1879). Ch. Pfender.
KUHNAU (Jean), compositeur allemand, né à Geising
(Saxe) le 6 avr. 1660, mort à Leipzig le 5 juin 1722. Il
fit ses études musicales, à Dresde,fut quelques temps cantor
à Zittau , succéda en 1684 à Kiihoel comme organiste de
l'église Saint-Thomas, à Leipzig, puis devint en 1700 di-
recteur de musique à l'université et cantor à Saint-Tho-
mas. Il fut dans ce dernier emploi le prédécesseur immé-
diat de J.-S. Bach. Kuhnau a publié une thèse latine de
licence sur la musique ecclésiastique (1688), un roman
satirique contre l'opéra italien (D/?r Musikili^iche Qaack-
Salbery 1700) et quatre recueils de pièces de clavecin :
Neue Clavierûbung, en deux Hvres (1689 et 1635);
Frische Klavierfrilchte oder sieben suonaten, etc.
(1699), et Masikilische Vorstellungen einiger bibli-
schen Historien insechs sonaten (1700). Kuhnau fut le
premier compositeur qui donna à des pièces de clavecin le
titre, mais non encore la forme moderne, de sonates. Ces
morceaux qui apparliennent aux monuments les plus inté-
ressants de l'ancienne littérature du piano, ont été plu-
sieurs fois réimprimés. M. Br.
BiBL. : Herzog, Mein. beati defiincti Dr. J. Kuhnau, etc.;
Leipzig, 1722, in-4.
KUHNE (Ferdinand-Giistav), romancier allemand, né à
Magdebonrg le 27 déc. 1833. Kédacteuren chef de joiir-
nmx mdïiâ.m\^{Zeitii>ij fur dieeleqcinte Welt; Leipzig,
18Jj-i2 ; Eiiropa, à partir d^ 18i3), il a publié beau-
coup de vers et de rommà ou nouvelles, parmi lesquels
nous citerons: KlosternoveUen(iSjS, 2 vol.); Die Frei-
mciurer (I85i); Wittenberg nnd Rom (1876, 3 vol.);
de3 étales de caractères, Welbliche uni m imnlicho CAar
raktcre (1838, 2 vol.); Porfrœts und Silhouetten (1843,
2 vol.); Deutsche Mœnner und Frauen (1851); des
drames: Isaura von Kastilien, Kaiser Friedrich III,
Demetrius, etc. C'est un des représentants de la jeune
école allemande du milieu du xix® siècle qui voulut com-
biner Fesprit critique et le sentiment poétique.
KUHNE (August), romancier allemand, connu sous le
pseudonyme de Johannes van Dewall, né à Herford
(Westphalie) le 28 nov. 1829, mort à Wiesbaden le 16 avr.
1883. Elevé au corps des cadets, il fut officier et prit sa
retraite en 1875. Ses romans ont eu du succès; nous ci-
terons : Fine grosse Dame (Stuttgart, 1871); Der rote
Baschlik (1871); Der Vlan (1872); Der Spielprofes-
sor(1872); Unkraut im Weizen (1876); Die beiden
Russinnen (1880); Nadina (1880).
KUHNE (Moritz), écrivain militaire allemand, né le
26janv. 1836. Officier prussien depuis 1855, il est connu
par ses publications militaires dont l'une est classique :
Kritische und unkritische Wanderungen iiber die
Gefechtsfelder der preiissischen Armeen in Bœhmen
(Berlin, 1870-78, 3 vol. ; souvent réédité).
KÙHNER (Raphaël), philologue allemand, né à Gotha
le 22 mars 1802, mort à Hanovre le 16 avr. 1878. Il
professa de 1824 à 1863 au lycée de Hanovre. Il est cé-
lèbre par ses excellentes grammaires latines et grecques,
en premier heu Ausfilhrliche Grammatik der gnechi-
schen Sprache (Hanovre, 1834-35,2 vol.; éd. remaniée,
1839-71) et Ausfûhrliche Grammatik der lateinischen
Sprache (1877-79, 2 vol.); puis des grammaires élémen-
taires qui ont dépassé la cinquantième édition et d'autres
publications du même genre : Anleitung zum Vbersetzen
ans dem Dentschen und dem Lateinischen in der Gric-
chische (1846-47, 3 vol.) ; des éditions des Tusculanes,
des ouvrages de Xénophon, etc.
KUHNiTE(>Hnér.) (V. Berzeliite).
KUILEMBURG (V. Culenborg).
KUJAVIE (V. Cujavie).
KUKULJEVIC Sakginsk[ (Jean), écrivain croate, né à
Varazdin en 1816, mort vers 1890. Après avoir fait ses
études à Agram, il entra dans l'armée autrichienne et plus
tard dans la magistrature. Il se consacra de bonne heure à
la littérature et prit part au mouvement politique de l'illy-
risme. En 1840, il fit jouer un drame national, Jiiran et
Sofia, de 1842 à iSil, il publia quatre volumes à'OEuvres
diverses. En 1848, il donna le premier l'idée du congrès
slave de Prague. Cotte même année, il devint archiviste de
Croatie et fit paraître un recueil de poésie patriotiques : les
Slaves. Il organisa une société d'histoire des Slaves méri-
dionaux qui publia un recueil spécial {Arkiv zapovestnicu).
H édita les œuvres de divers poètes croates, fit paraître une
Bibliographie croate (1863) et un Dictionnaire (ina-
chevé) des Artistes sud- slaves. On lui doit encore :
Jura regni Croatiœ, Dalmatice et Slavonice (1861);
Moniimenta historica Slavorum meridionalium ; la
Lutte des Croates contre les Mongols (1863) ; les Litté-
rateurs croates de la première moitié du xvii® siècle
(1889); diverses études dans les Mémoires de V Académie
d'Af^mm, etc.
KÙKULLŒ (en allemand Kokel). Nom magyar de deux
rivières de Transylvanie et des deux comitats arrosés par
ces cours d'eau. Jusqu'à leur confluent à Balâsfalva, le
petit (kls) Kukiillœ présente un cours de 144 kil.; le
grand [nagy] qui passe à Udvarhely et Segesvâr, un cours
de 190 kil. Réunis, ils ne tardent pas à verser leurs eaux
dans le Maros. Le comitat de Nagykukùllœ (3,116 kil. q.)
compte 135,721 hab. (1890), parmi lesquels les Magyars
ne représentent qu'un dixième, les Allemands près de moitié
et les Roumains le reste. Le sol est fertile en céréales, en
vins, en fruits. L3 chef-lieu est Segesvâr. Le comitat de
Kiskukullœ (1,61-5 kil. q.) jouit de la môme fertilité et de
la mène douceur de climat, mais les diverses nationalités
n'oiTcent pas les mêmes proportions, car la moitié des
101,167 hab. (1890) est roumaine, un quart est magyar.
~- i^6'^
KOKCLLCE — KULLEKVO
le dernier quart est surtout composé d'Allemands. Le cheF-
lieu est Erzsebetvâros. — Kiikullœvâr, avec le châteati do
la famille Bethlen, est un bourg de ce dernier comitat,
avec 1,808 liab., Magyars ou Roumains.
KULHAU (Friedrich), compositeur allemand, né à Ulzen
(Hanovre) le 13 mars 1 786, mort à Copenhague le 18 mars
183^2. Pendant l'occupation du Hanovre par les Français,
il se réfugia à Copenhague, où il devint violoniste de la
chapelle royale, puis compositeur de la cour, et oii il fit
représenter avec succès quelques opéras en langue danoise.
L'habileté avec laquelle Kuhlau savait introduire et déve-
lopper dans ses ouvrages des thèmes populaires danois
contribua à le faire regarder en Danemark comme un mu-
sicien national, malgré son origine allemande. Kuhlau a
publié environ cent œuvres de musique vocale et instru-
mentale. Rien ne lui a survécu de ses grandes composi-
tions, mais quelques-unes de ses sonates et sonatines se
sont maintenues au répertoire moderne du piano. M. Br.
BiBL.: C. Thrane, F. Kuhlau; L(3ipzig, 18B7, in-8.
KULIK (Jacob-Philipp), mathématicien autrichien, né à
Léopol (Galicie) le 1^^ mai 1793, mort à Prague le
26 févr. 1863. Professeur de mathématiques à Olmutz et
à Gratz, puis à l'université de Prague (1826), il a publié
dans les Denkschriften de la Société royale de Bohême
d'intéressants mémoires sur des questions de mécanique et
sur la théorie des nombres. Mais il est connu surtout par
ses tables de mathématiques, qui ont d'ailleurs beaucoup
perdu de leur valeur : llaiiclbuch maihematischer Ta-
feln (Gratz, 1824, in-8); Tafeln der einfachen Facto-
ren aller Zahleri untcr einer Million (Gratz, 1825,
in-8), etc. A citer encore son Lehrbuch der hœheren
AnahjsisiPra^m, 1831,in-8; 2^éd.,1844,2 voL). L. S.
KULLAK (Theodor), pianiste allemand, né à Krotoczin
(Posen) le 12 sept. 1818, mort à Berlin le 1^^ mars
1832. Il montra de bonne heure de grandes dispositions
musicales. Après des débuts difficiles, il fut appelé en 1843
à Berlin comme professeur de piano de la princesse Anna
de Prusse et devint bientôt un des pianistes favoris de
la cour. En 1846, il fut nommé pianiste ordinaire du roi.
En 18'io, il fonda la Neue Akademie der Tonkunst qui
existe encore et fut très fréquentée. Ses ouvrages didac-
tiques (études, etc.) sont très appréciés. Kullak a aussi fait
de la critique musicale. — Son frère, it^o// (1823-62), a
publié une A^sthetik de Klauierspiels (Berlin, 1861).
— Son fils, Franz, né à Berlin en 18 i4, a fait de bonnes
éditions pour piano.
KULLBERG (Anders-Karlsson af), écrivain suédois, né
à Stro en 1771 , mort à Kalmar en 1851 . Professeur agrégé
de grec et de langues orientales à Lund en 1797, il quitta
bientôt cette charge pour entrer à Stockholm dans l'admi-
nistration, où l'aUendait un brillant avenir. De 1799 ta
1805, il gagna quatre fois le prix de poésie de l'Académie
suédoise, ce qui attira sur lui l'attention royale. En 1807,
il fut nommé secrétaire de la chancellerie royale, et un
peu plus tard secrétaire privé du prince royal Charles-Au-
guste. Il reçut ses lettres de noblesse en 1818 et, en 1830,
fut nommé évêque de Kalmar où il est resté jusqu'à sa fin.
Ses poésies sur la Vieillesse (1802) et sur le Bonheur
domestique (1803) sont comme un dernier écho de la
littérature de l'époque de Gustave III ; la forme en est élé-
gante, mais l'originalité médiocre : de vraies poésies aca-
démiques. Outre deux volumes d'Essais poétiques (1816),
il a donné de nombreuses traductions en vers d'œuvres
anglaises ou allemandes. Il faisait partie de l'Académie
suédoise depuis 1817. Th. C.
KULLBERG (Karl-Anders af), écrivain suédois, fils du
précédent, né à Stockholm en 1813, mort à Stockholm
en 1857. Après avoir fait ses études de droit, il entra dans
l'administration, mais n'y resta guère, préférant se consa-
crer entièrement à ses travaux littéraires. Il fit plusieurs
voyages en pays étrangers, rentra en Suède, vécut à Kalmar
pendant quelques années, puis retourna à Stockholm.
Ses œuvrosj comme celles de son père, se distinguent par
l'élégance et la correction ; plusieurs ont paru sous les
initiales K. Kg. : Voici les principales : K.-C. Wrangel;
liécit romantique de Vépoque de la guerre de Trente
ans [i^'ào); Mémoires d^un jeune homme (1833);
Confessions d'une danseuse (;\^'à^)) ; Gustave III et sa
cour (1838); Lettres^ notes et récits de voyages à
r étranger (1844); Un Eté en Smàland (181-7), etc. A
côté de ses romans il a publié des Nouvelles, un volume
de Poésies^ un drame: tes Suédois à Naples (1836), et
il a collaboré à plusieurs revues suédoises. Th. C.
KULLBERG (Karl-Anders), poète suédois, né à Eriks-
torp en 1815. En 1865, il fut élu à l'Académie suédoise
et en 1867 l'université d'Upsal lui accorda le titre de doc-
teur honoraire. Ses Poésies (1850) témoignent d'une ima-
gination riche et gracieuse {Vingt-huit Sonnets à Julie,
la Création de la femme). Mais c'est surtout comme tra-
ducteur que K.-A. Kullberg s'est fait connaître : il a rendu
en suédois avec élégance et fidélité : la Jérusalem déli-
vrée (1860) ; le IXoland furieux (1865-70) ; les Can-
zone, ballades et sestines de Pétrarque (1880). L'éloge
de Malnistrôm, qu'il prononça à la réception à l'Académie
suédoise, est un excellent morceau de critique littéraire.
KULLBERG (Nils-Axel), érudit suédois, cousin du pré-
cédent, né à Falkôping en 1824, mort en 1884. Archiviste
aux archives du royaume de Suède, il a publié, de 1866 à
1872, un important répertoire analytique des Chartes sur
parchemin conservées aux Archives du royaume de
Suède à partir de I3ôf (jusqu'en 1400). De 1818 à
1885, il a fait paraître le Protocole des séances du Con-
seil du royaume, entre 162f et 1633. Ces deux ouvrages
sont d'une importance capitale pour l'étude des sources de
l'histoire de Suède. Th. C.
KULLE (Nils-Jakob), peintre suédois, né à Lund le
6 juil. 1838. Il fit tout d'abord un apprentissage de joail-
lier, et n'entra à l'Ecole des beaux-arts de Stockholm qu'en
1864. C'est seulement en 1867 qu'il se consacra uniquement
à son art. Il a composé un très grand nombre de petites
toiles qui représentent, pour la plupart, avec une grande
vérité et une extrême exactitude de détails des scènes de
la vie des paysans : Chex, une vieille femme avisée ; Toi-
lette de fiancée; Un Cas de conscience ; le Lendemain
de la fête, etc. Th. C.
KULLE (Axel), peintre suédois, frère du précédent, né
à Lund le 22 mars 1846. Elève de l'Ecole des beaux-arts
de Stockholm de 1865 à 1873, il passa deux ans dans sa
ville natale et cinq ans à Dusseldorf. Après quoi, grâce
à une bourse de voyage, il vint à Paris pour y faire un
long séjour, puis fut nonuné professeur à l'Académie royale
des arts libéraux de Stockholm. Comme son frère, il s'est
consacré à la peinture de genre. On cite de lui : le Télé-
gramme; Conseil de paroisse à la campagne (au musée
de Stockholm); la Signature; les Rivaux; le Fils
perdu, etc. Th. C.
KULLERVO (Myth. finn.), héros d'un des principaux
épisodes du Kalevala (runes 31 à 36). Sa destinée est
tragique. Il est le fils de Kalervo (= Kaleva), qui a
pour frères Unlamo et Ilmarinen. Untamo tue Kalervo.
Pour venger la mort de son père et aussi pour satisfaire des
rancunes personnelles, Kullervo fait dévorer par des loups
et des ours la femme de son oncle Ilmarinen, puis il tue
son autre oncle, Untamo, et anéantit la race de celui-ci.
Pendant ses expéditions, Kullervo rencontre une jeune fille
qu'il séduit ; il reconnaît trop tard en elle une sœur, qui
s'était égarée dans les forêts. Lorsque celle-ci apprend que
Kullervo est son frère, elle se précipite dans un torrent et
elle s'y noie. Kullervo, peu de temps après, se suicide à
son tour à l'endroit où il a abusé de l'innocence de la jeune
fille. — Kullervo est donc une sorte de maudit : il est né
en captivité, après la mort de son père ; doué d'une force
surhumaine, il brise son berceau dès l'âge de trois jours et
à trois mois il jure de venger son père, mais toute cette
force est excessive, tout ce qu'il fait, il le fait mal, et, quoi-
qu'il ne soit point méchant^ il porte en tout lieu la des-
KULLERVO — KUMMEL
— 664 —
truction avec lui. Touchants, au milieu de ces crimes, sont
les passages où la mère, seule entre tous, témoigne à son
fils un amour inaltérable que celui-ci rend à elle seule
aussi. Th. Cart.
BiBL. : Cygnaeus, Omdet tragiska elementet i Kalevala.
— Krohn, les Runes de Kullervo, avec les variantes in-
griennes (en finnois, 1882). — V. Kalevala.
KULLESPELM. Lac des Etats-Unis (Idaho), formé par
le Clarke (V. ce mot)-; il a 60 kil. de long, 13 kil. de large.
KULM. Village de Bohême, cercle d'Aussig, sur le ch.
de fer de Dux à Bodenbach, au N.-E. de Teplitz ; 4 ,000 hab.
Kulm a donné son nom à une des batailles de la campagne
de 4813.
Bataille de Kulm. — La bataille de Kulm (29 et 30 août
4813) fut la conséquence directe des opérations de là ba-
taille de Dresde dont elle annihila les avantages pour Na-
poléon. Le succès de Dresde et la retraite des alliés avaient
été déterminés par un double mouvement tournant des Fran-
çais qui menaçaient de les couper de la Bohême. Murât
avait occupé au N.-O. la route de Freiberg, tandis que
Vandamme, au S.-E., forçait le passage de l'Elbe à Kœ-
nigstein (26 août), refoulant les Russes d'Ostermann et
du prince Eugène de Wurttemberg et occupant Pirna
(27 août). La route vers la Bohême par Dohna, Berg-
giesshùbel et Peterswalde était tellement menacée que
Barclay de Tolly, à qui elle avait été assignée, l'abandonna
pour se rejeter sur celle de Dippoldiswalde à Altenberg
(vallée de la Weisseritz), d'autant plus encombrée qu'il fal-
lait regagner Teplitz par des chemins de traverse. Son mou-
vement jeta un grand désordre sur cette route que s'était
réservée Schwarzenberg et qui devenait la seule employée
par l'armée entière. Mais Ostermann, auquel Barclay avait
laissé la latitude de rejoindre la route de la Weisseritz et
le gros de l'armée par Maxen, comprit le danger, et, ren-
forcé par 45,000 hommes de la garde russe sous Yermo-
lov, il prit la route de Peterswalde, enleva le Kohlberg déjà
occupé par les Français et arriva le premier à Peterswalde
(28 août), défendant ainsi la route directe vers la Bohême
et Teplitz. Vandamme, à qui l'on avait dit que les corps de
Mortier et de Gouvion-Saint-Cyr le suivraient, se jeta à la
poursuite des Russes afin d'achever de couper la retraite
à la grande armée alliée qui, poursuivie par Napoléon, eût
été détruite. Vandamme emporta Peterswalde, puis les
hauteurs de Nollendorf et rejeta l'ennemi dans la vallée de
Teplitz. Acculé à Kulm, Ostermann continua de disputer
le terrain pied à pied. Le roi de Prusse, parvenu à Teplitz,
avait fait connaître au général russe la situation compro-
mise de l'armée principale engagée avec son artillerie et
ses bagages dans les monts de î'Erzgebirge. Ostermann,
Yermolov, Knorring, le prince Galitzin, le grand-duc Cons-
tantin résolurent de se défendre à tout prix ; renforcés par
de la cavalerie autrichienne et russe, jusqu'à compter plus
de 45,000 hommes, ils se maintinrent à Priesten et Arbe-
sau, malgré l'énergie du général français. Celui-ci ne put
qu'entrer à Kulm le soir du 29 août; 6,000 Austro-Russes
avaient péri, Ostermann avait eu un bras emporté. Van-
damme, comptant toujours sur l'arrivée des autres corps
français, reprit l'attaque le 30 août. Mais Napoléon, en
proie à la fièvre, après s'être avancé jusqu'à Pirna avec la
garde, avait appris la défaite d'Oudinot à Grossbeeren et
celle de son armée de Silésie sur la Katzbach (26 août).
Cédant à une nouvelle impulsion, il revint à Dresde et rap-
pela Mortier et la jeune garde, oubliant Vandamme. Celui-
ci, au lieu des renforts attendus, vit paraître sur ses der-
rières, sur la crête de Nollendorf, le corps prussien de
Kleist. Coupé de Teplitz, celui-ci s'était audacieusement jeté
de Glasshiitte sur la route de Peterswalde. A onze heures
du matin, il attaqua le corps français ; celui-ci l'était en
face par la grande armée de Barclay (auquel Schwarzen-
berg, arrivé à Teplitz, avait remis le commandement) ;
Vandamme se trouvait enveloppé dans l'entonnoir de Kulm.
Il fit des efforts héroïques pour rouvrir la route de Peters-
walde, la cavalerie en avant, suivie de l'infanterie en car-
rés. Les généraux Dumonceau, Philippon et Corbincau pas-
sèrent, mais le reste fut tué ou pris. Quand les carrés
eussent été enfoncés par la cavalerie ennemie, Vandamme
mit bas les armes à trois heures ; 10,000 hommes, les
généraux Haxo et Guyot, 81 canons, 2 aigles, tous les
bagages tombaient au pouvoir des alliés ; 5,000 Français
étaient morts. La bataille de Kulm rendit l'avantage aux
monarques coalisés. Napoléon, arrêté devant les monts de
la Bohême, ne pouvait plus les empêcher de s'y réorganiser
et de déboucher sur sa ligne de retraite. Ce fut la cause
de la défaite définitive à Leipzig. Sur les responsabiUtés du
désastre de Kulm, d'âpres polémiques ont été engagées ;
Napoléon accusant son lieutenant de s'être lancé à l'aven-
ture dans les monts de Bohême, celui-ci l'accusant de l'y
avoir abandonné alors qu'il exécutait ses ordres. Il semble
que la vérité soit du côté de Vandamme, et personne n'a
produit d'explication rationnelle de l'incohérence des déci-
sions de Napoléon, abandonnant une opération à demi exé-
cutée et dont l'achèvement eût sinon anéanti, du moins
désorganisé l'armée de Bohême. A.-M. B.
KULM. Ville de Prusse, district de Marienwerder, sur
les collines de la r. dr. de la Vistule ; 10.000 hab. Vieil
hôtel de ville; école de cadets créée en 1776. Kulm est le
plus ancien évêché de la Prusse occidentale; la ville fut
créée en 1232 par l'ordre Teutonique et en reçut une
constitution qui servit de modèle pour toutes les villes fon-
dées ensuite par l'ordre Teutonique. En 1244, elle repoussa
le duc Swantepolk de Pomérelhe. Elle fit partie de la
Hanse et fut cédée à la Pologne en 1466. On appelle pays de
Kulm la plaine fertile entre la Vistule, la Drewenz et l'Ossa.
KULM AN N (Elisabeth-Borisovna), femme poète russe,
né à Pétersbourg en 1808, morte en 1825. Elle montra dès
ses premières années une aptitude prodigieuse pour l'étude
des langues et des littératures et publia des poésies origi-
nales ou traduites qui furent très remarquées. D'une santé
délicate, elle mourut à dix-sept ans des suites d'un refroi-
dissement. L'impératrice Alexandre-Fédorovna lui fit éle-
ver un somptueux monument. Ses œuvres russes furent
éditées par les soins de l'Académie russe (Essais poé-
tiques^ Saint-Pétersbourg, 1833). Ses poésies allemandes
{Sœmmtliche Gedichte) ont eu plusieurs éditions (1 ^^,
Saint-Pétersbourg, 1835; 8% Francfort-sur-le-Main, 1857).
Citons encore une édition italienne, Saggi poetici con la
vite deir autrice (Milan, 1847). L. L.
KULMBACH ou CULMBACH. Ville de Bavière, prov.
de Haute-Franconie, sur le Main blanc; 7,000 hab. Bière
renommée dont on exporte 300,000 hect. par an. A côté
de la ville est la forteresse de Plassenburg. La seigneurie
de Plassenburg et la ville de Kulmbach passèrent des ducs
de l\îéran aux burgraves de Nuremberg. Lorsque fut cons-
titué en 1486 le margraviat de Baireuth, il prit d'abord
le nom de Kulmbach (V. Hohenzollern).
BiBL. : IIuTiiER, Kulmbach und Umgebung ; Kulmbach,
1886.
KULMBACH (Hans Sûss von) (V. Culmbach).
KULMSEE. Ville de Prusse, district de Marienwerder,
sur le ch. de fer deThornà Graudenz, au N. d'un petit lac ;
5,000 hab. Belle cathédrale bâtie en 1251, restaurée en
1422. L'évêque de Kulm y résida longtemps.
KULPA. Bivière de l'Àutriche-Hongrie, affluent de la
Save. Elle prend sa source dans la Carniole et se jette
dans la Save, près de Sisek.
KULTURKAMPF (V. Bismarck).
KUMANIE(V. Cumanie).
KUMMEL (Liq.). Liqueur alcoolique faite avec un sirop
très cuit, ce qui lui fait déposer des cristaux de sucre sur
les parois des flacons qui la contiennent, et qui doit son
parfum à l'essence de carvi (Carum carui L., Ombelli-
fères) (V. Carvi). Le kummel de Biga est très réputé.
Pour préparer 20 litres de kummel à 40° de l'alcoo-
mètre centigrade, on fait digérer 900 gr. de semences de
cumin dans il litres et demi d'alcool à 80**; on distille jus-
qu'à ce qu'on ait retiré 10^65 de liquide, puis on ajoute la
- 065
KUMMEL — KUNTH
quantité de sirop de sucre nécessaire pour amener la liqueur
à 40°. Les kummels de Breslau, de Dantzig, de Magdebourg
se préparent d'une manière analogue. Pour 20 litres de
liqueur, les proportions sont les suivantes : 1*^ kummel de
Breslau : semences de cumin, 900 gr. ; fenouil, 60 gr. ;
cannelle de Chine, 20 gr. ; alcool à BO'^, il '50; sucre,
^^«••dO ; eau, 6^50; — h kummel de Dantzig : semences
de cumin, 900 gr. ; coriandre, 60 gr. ; écorces d'orange,
30 gr. ; alcool à 80°, il^SO ; sucre, 4'^-'^50 ; eau, 6^50 ;
— 3** kummel de Magdebourg: semences de cumin, 900 gr. ;
anis, 60 gr. ; fenouil, 30 gr. ; alcool à 80^, 41^50; sucre,
4'^g^50;eau, 6m. L. K.
KUWIMER (Ernst-Eduard), géomètre allemand, né à
Sorau (Basse-Lusace) le 29 janv. 1810, mort à Paris le
21 mai 1893.11 professa les mathématiques au gymnase de
Liegnitz (1832-42), aux universités de Breslau (1842-55)
et de Berlin (1855-84). 11 était depuis 1855 membre de
l'Académie des sciences de Berlin et depuis 1868 associé
étranger de celle de Paris, qui lui avait précédemment dé-
cerné, en 1857, le grand prix de mathématiques pour une
étude très approfondie ayant pour titre : De Numéris
complexis, qui unitatis radicibus et numeris integris
realibus constant (Breslau, 1844, in-4). Parmi ses
autres travaux, nous mentionnerons des recherches sur la
série hypergéométrique, sur les résidus cubiques, sur la
théorie des nombres complexes et sur celle des intégrales
définies, un essai de démonstration générale de la propo-
sition de Fermât, une théorie du système rayonnant. Il en
a consigné les résultats dans de nombreux mémoires publiés
par le Journal de Crelle (1834 et suiv.), parles recueils
de l'Académie de Berlin (1H56 et suiv.), etc. L. S.
KUMMER (Rudolf-Ferdinand de), général prussien, né à
Szeleiévo le 11 avr. 1816. Entré au service en 1834, mis
à la retraite en 1877 au grade de général d'infanterie; il
se distingua en 1866 dans la campagne du Main où il
commandait la 25^ brigade. En 1870, on lui confia la
3^ division de réserve, qui entra en ligne devant Metz le
20 août, se distingua à la bataille de Noisseville et plus
tard dans toutes les batailles livrées par l'armée du Nord,
spécialement à Bapaume.
KUMRAH (Zool.) (V. Cheval, t. X, p. 1124).
KUN. Nom magyar signifiant Cuman^ qui a formé les
noms de deux villes de Hongrie, situées l'une et l'autre
dans les anciens districts privilégiés de Cumanie: Kun-
Szent-Mârton, 14,000 hab. ; et Kun-Szent-Miklôs,
8,000 hab., presque tous Magyars, catholiques ou cal-
vinistes.
KUNCEWICZou KOUNTSEVITCH (Josaphat), prélat po-
lonais d'origine russe, né en 1579, mort en 1623. Il ap-
partenait à l'Eglise uniate et fut un de ses principaux cham-
pions. En 1618, il fut nommé archevêque de Piock et de
Vitebsk. Il rencontra de vives résistances chez les ortho-
doxes de son diocèse. Il fut tué à Vitebsk dans une sédition
populaire. L'Eglise romaine lui a donné le titre de saint.
BiBL. : A. GuÉPiN, Saint Josaphat, archevêque de Po-
lock et VEglise unie en Pologne ; Poitiers, 1874, 4 vol.
KUNCKEL, pharmacien-chimiste, né à Rendsbourg
en 1630, mort en 1702. Il était le fils d'un alchimiste
établi à la cour du duc de lïolstein. En 1654, il accepta
l'emploi de pharmacien-chimiste auprès des ducs Charles
et Henri de Lauenbourg, puis passa au service de Jean-
Georges H, électeur de Saxe, qui lui confia la direction de
son laboratoire de Dresde. Il était nomade, comme la plu-
part des savants de cette époque ; on le trouve successive-
ment, comme professeur de chimie, à Annaberg, à Witten-
berg, puis à Berlin, où il fut appelé en 1679 par Frédéric-
Guillaume pour diriger les fabriques de verre et le labora-
toire de l'électeur de Brandebourg. Le roi de Suède,
Charles XI, le fit venir à Stockholm et lui conféra des
titres de noblesse sous le nom de baron de Lœwenstern.
Kunckel se distingue de la plupart des alchimistes par
la netteté de ses expériences. Il ne croyait pas à la pierre
philosophale et à la transmutation des métaux : « Dans la
chimie, dit-il, il y a des séparations, des combinaisons, des
purifications, il n'y a pas de transmutations. Avec tout
notre art, nous ne pouvons faire un œuf ; nous pouvons le
détruire et l'analyser. » Il a attaché son nom à la décou-
verte du phosphore, qui avait été obtenu accidentellement
par Brand, alchimiste de Hambourg. Kunckel démontre
qu'on obtient ce corps en calcinant fortement avec du
sable de l'urine évaporée en extrait. Il a découvert le ru-
bis artificiel (verre rouge) en incorporant dans le verre
le pourpre de Cassius. Il s'est occupé des fermentations et
des putréfactions, de la nature des sels, ainsi que de di-
verses questions métallurgiques, comme la préparation de
l'argent pur, la séparation de l'or et de l'argent. C'est un
véritable savant qui établit le passage entre les alchimistes
et les chimistes. Son principal ouvrage, qui parut après sa
mort {Laboralorium chymicum)^ traite des vrais principes
naturels, de la génération, des propriétés et de l'analyse
des végétaux, des minéraux et des métaux. E. Bourgoin.
KUNDiVlANN (Karl), sculpteur autrichien, né à Vienne
le 15 juil. 1838. Il étudia à l'Académie de cette ville sous
Bauer, puis sous llaehnel à Dresde, où il se fit connaître par
ses bas-reliefs de Cliiron et d'Achille et surtout par son
groupe du Bon Samaritain. Après d'autres travaux exé-
cutés à Vienne, notamment la figure de l'Empereur Ro-
dolphe pour l'Arsenal, il se rendit à Rome et y obtint le
prix au concours pour son esquisse du monument de Schu-
bert^ qu'il sculpta ensuite à Vienne (1872), ainsi que la
statue de marbre du prince Eugène. Parmi ses œuvres
ultérieures, nous citerons le monument de Tegetihof, la
statue du Comte Bucquoy (Arsenal), le buste colossal de
Redtenbacher, celui de Fuhrich, sa Bacchante ivre, sa
Leçon de danse d\in centaure et son Enfant jouant de
la flûte. Il fut nommé en 1872 professeur à l'école de
sculpture de l'Académie.
KUN ERSDORF. Village de Prusse, prov. de Brande-
bourg, district et à 6 kil. E. de Francfort-sur-l'Oder ;
800 hab. Frédéric II y fut battu par les Austro-Russes le
12 août 1759 (V. Frédéric H, t. XVIÏÏ, p. 106).
KUNIK (Ernest), historiographe russe, né en 1816. Il
fit ses études à Berlin; en 1844, il devint auxihairo de
l'Académie des sciences de Saint-Pétersbourg ; membre do
cette compagnie depuis 1850 et conservateur du musée de
l'Ermitage. Il a publié en allemand, en français et en russe
un grand nombre d'ouvrages sur les origines de la Russie,
notamment sur l'origine normande des Varègues. Les prin-
cipaux sont : Die Berufiing der Schwedischen Rodsen
durch die Frinsen und Slaven (Saint-Pétersbourg, 1844-
45) ; Analectes historique (id., 1849) ; Kritische Berner-
kungen %ur den Bafn'schen Antiquités russes (id.,
1849) ; Témoignages d'Al Bekri et d'autres auteurs sur
la Russie et les Slaves, en russe (Saint-Pétersbourg,
1878), etc. Il a collaboré à l'ouvrage de Dorn, intitulé
Caspia, et fourni des notices aux Mémoires de l'Acadé-
mie de Saint-Pétersbourg.
KUNST (Cornelis), peintre hollandais, né à Leyde en
1493, mort à Leyde en 1544. Il était le beau-fils et l'élève
de Cornelis Engelbrechtszen, un des premiers peintres hol-
landais qui aient pratiqué la peinture à l'huile. Il peignit
souvent à Bruges et on croit qu'il y connut Memling. Cor-
nelis Kunst a peint des sujets religieux ; il reste très peu de
tableaux de lui {Descente de Croix, musée de Leyde), mais
il jouit à son époque d'une très grande réputation. E.Br.
KUNST (Lukas), dit le Cuisinier, frère du précédent
et comme lui élève de son beau-père Cornelis Engelbrechts-
sen, né à Leyde en 1495, mort en Angleterre à une
date inconnue. H est ainsi surnommé parce que, ses ta-
bleaux ne se vendant pas à une époque de trouble, pour
subvenir aux besoins de sa femme et de ses huit enfants, il se
fit cuisinier. Plus tard, il fut reçu avec honneur à la cour du
roi d'Angleterre, Henri VIII, et il semble y avoir séjourné
jusqu'à sa mort. Il a peint des sujets d'histoire. E, Br.
KUNTH (Karl-Sigismund), botaniste allemand, né à
Leipzig le 18 juin 1788, mort à Berlin le 22 mars 1850,
KUNTU - KUPFFEU
— 6m
A la mort de Willdenow, il continua la description systé-
matique des plantes recueillies par Humboldt et Bonpland
pendant leur voyage en Amérique ; à cet effet il vint s'éta-
blir à Paris en 4813 et y publia : Synopsis der von Hum-
boldt und Bompland gesammelten Pflanzen (Paris,
1822-23, 4 vol.); Mimoséeset autres plantes légumi-
neuses du nouveau continent (Paris, 4819-24, avec
60 pi. color.) ; distrib. méthodique de la famille des
Graminées (Paris, 4823, 2 vol. avec 220 pi.) ; avec
Humboldt : Nova Gênera et species plantarum (Paris,
4813-28, 7 vol. avec 700 pi. sur cuivre) ; en même temps
il forma un herbier de 30,000 espèces. Il revint à Berlin
en 4849 et y devint professeur à l'université et directeur
adjoint du Jardin botanique. On doit encore à Kunth :
Enumeratio plantarum omnium kucusque cognitarum
secundum familias naturales disposita (Stuttgart, 4 833-
50, 3 vol.), ouvrage où se trouvent décrits la plupart des
Monocotylédones. '^ D'^ L. Hr^.
KUNfZ (Karl), peintre et graveur allemand, né àMann-
heim le 28 juil. 4770, mort à Karlsruhe le 8 sept. 4830.
Après avoir pris des leçons de JakobRœnger et de Quaglio,
puis visité la Suisse et la Haute-Italie, il devint (4803)
peintre de la cour et (4829) directeur du musée à Karls-
ruhe. Dans ses paysages, très soignés, et d'un coloris
brillant, il imite surtout les maîtres néerlandais. Parmi
ses aquatinta, nous citerons : Famille de pâtres^ d'après
Roos, Hagar et Claude Lorrain; Vache pissant, d'après
Paul Potter; les Quatre Heures du jour, vues du lac de
Constance, de Mannheim, de Badcn-P)aden, de Iloidelbcrg,
de Schaffhouse.
KU NTZ (Rudolf) , peintre et dessinateur allemand, fils du
précédent, né le 40 sept. 4798, mort le 8 mai 4848. Il fut
élève de son père, devint aussi peintre de la cour de Bade,
et se_fit surtout un nom comme dessinateur de chevaux.
KUNTZIGER (Jacques), historien belge, né à Seymerich
en 4844. Professeur à l'Athénée de Liège, il a publié des
travaux pleins d'érudition et écrits d'une plume alerte.
Deux de ses ouvrages ont été couronnés par l'Académie
royale de Belgique : Essai historique sur la propagande
des encyclopédistes français en Belgique pendant la
seconde moitié du xviii^ siècle {Mém. de VAcad. roy.
de Belg., coll. in-8, XXX), et Febronius et le Fébro-
nianisme [id., XLIV). Nous citerons encore : Nos Luttes
contre IHntolérance et le despotisme au xvi« siècle
(Verviers, 4878, in-42, rééd. en 4886), et Luther^
d'après les travaux allemands (Bruxelles, 4887, in-S).
KUNZEN (Friedrich-Ludwig-Emil), compositeur alle-
mand, né à Luback le 2i sept. 4761, mort à Copenhague le
28 janv. 1817. Fils et élève d'un bon organiste et compo-
siteur, Karl-AdoH Kunzen, mort en 4781, il se ren-
dit vers 4786 à Copenhague, obtint une place d'accompa-
gnateur datts la chapelle royale, et fit représenter en
4790 l'opéra danois Holger Danske. Après avoir passé
quelques années à Berlin, Francfort et Prague, en qualité
de chef d'orchestre, Kunzen revint en 4793 à Copenhague
et reçut cette fois sa nomination au poste de maître de
chapelle de la cour. Son œavre comprend dix opéras da-
nois ou allemands, un Oratorio de la Résurrection, des
cantates et morceaux religieux, des ouvertures et quelques
sonates de piano.
KÙNZLI (Arnold), homme politique suisse, né le 20 juin
48)2. Ses concitoyens du cant. d'Argovie le portèrent
très jeune au conseil national, où il siège, sauf interrup-
tion d'une léglslatare, depuis l'âge de trente-deux ans. Il
a encore été réélu sans opposition le 29 oct. 4893. Membre
de la gauche radicale, il occupe une haute position politique.
En sept. 4890, lors de la révolution du Tessin, il fut nommé
commissaire fédéral et eut la mission de pacifier ce canton.
Au militaire, M. KiinzU est colonel, chef du 4® corps d'ar-
mée suisse. E. K.
KU9P10. Ville de Finlande, ch.-l. de gouvernement,
dans une presqu'île du lac Kalla; 7,300 hab. Evôché,
coasistoire de la Finlande septentrionale; com^îierce actif.
I ^ Le gouvernement a 42,730 kil. q., 293,473 hab. (au
34 déc. 4892). Il est compris entre ceux d'IIleâborg au
N., Vasa à l'O., Saint-xMichel et Viborg au S., Olonetz
(Russie) à l'E. Les lacs occupent un cinquième de la su-
perficie totale ; les principaux (Kalla, Onki, Pyhseselka et
à l'E. Pielis) appartiennent au système du lac Saïma. On
exploite au N. les forêts de pins et de sapins. Le bétail est
abondant : le beurre est vendu à Saint-Pétersbourg.
KUPECKY ou KUPETZKY (Jean), peintre tchèque, né
en 4667, à Pœsing, près de Pressbourg, mort à Nurem-
berg en 4740. Il appartenait à une famille de Tchèques
réfugiés; il étudia la peinture avec un artiste suisse,
Klause, et se rendit en Italie où il séjourna vingt-
deux ans. Il résida ensuite à Vienne. Les empereurs Jo-
seph I^r et Charles VI s'intéressèrent à son talent ; il fut
aussi protégé par le prince Eugène. Il rencontra à Karls-
bad Pierre le Grand qui voulut l'attirer en Russie et dont
il peignit le portrait. Kupecky appartenait à la secte des
frères bohèmes. Il avait refusé le titre de peintre de la
cour et, craignant la persécution, il se retira à Nuremberg.
Son œuvre est considérable. Il peignait surtout l'histoire
et le portrait. Il avait pris pour modèle Rembrandt. Ses
œuvres principales se trouvent à Berlin, Brunswick, Dresde
et Vienne. La plupart d'entre elles ont été gravées dans le
recueil intitulé Joannis Kupetski Imagines et Picturœ
(gravé par Bernard Vogel, édité par Daniel Reissler; Nu-
remberg, 1743).
B.BL. : J.-C. FuESSLT, Lehcn G. Ph. Rugendas und Jo~
hannes Kupetzki; Zuricli, 1758, in-4.
KUPELWIESER, peintre autrichien, né à Piesting( Basse-
Autriche) le 47 oct. 4796, mort à Vienne le 47 nov. 4 862.
Son portrait de l'empereur François P^ le fit connaître ; il
s'adonna à la peinture religieuse et remit en vogue l'usage
de la fresque ; il devint professeur à l'Académie de Vienne
où il forma de nombreux élèves. Ses principales œuvres
sont les fresques de la salle du Gouvernement (Vienne) ;
l'Assomption (église de l'Université, Vienne) ; la Nais-
sance de la Vierge (à Klosterneuburg), etc.
KUP FER -Berger (Mila), cantatrice dramatique autri-
chienne, née vers 4863. Elle s'attacha de bonne heure à
l'étude du chant italien, et en 4883 débuta de la façon la
plus heureuse au Théâtre Regio, de Turin, dans le rôle de
Marguerite de Faust. Après s'être produite à Rome, elle
se fit entendre avec succès à l'Opéra impérial de Vienne,
d'où elle se rendit à Barcelone, puis à Londres. Sa belle
voix de soprano, aidée d'un bon sentiment dramatique,
lui permettait d'aborder avec succès tous les grands rôles
du répertoire : les Huguenots, r Africaine, Aïda, Mefls-
tofele, Gioconda, puis Macbeth, Lucrezia Borgia, Na-
bucco, Anna Bolena, la Reine de Saba, etc. De Londres
elle s'en alla faire une saison à Buenos Aires, puis revint
en Europe, et successivement se fit applaudir à Pesth, à
Madrid et à Porto. Elle est considérée aujourd'hui comme
l'une des premières cantatrices de ce temps.
KUPFFER (Adolphe-Théodore), météorologiste et mi-
néralogiste russe, né à Mitau (Courtaude) le 6 janv. (anc.
st.) 1799, mort à Saint-Pétersbourg le 23 mai 4863.
Elève de Stromeyer, à Gœttingue, et de Hauy, à Paris, il
professa la chimie et la physique à l'université de Kazan
de 4824 à 4828, puis fut membre de l'Académie des
sciences de Saint-Pétersbourg. En 18 iS, il créa dans cette
dernière ville un bureau central magnéto-météorologique.
Il en fut le directeur jusqu'à sa mort. Ses travaux sont de
deux sortes : les uns ont trait à la cristallographie ; les
autres, plus nombreux et plus récents, à la météorologie et
à l'étude du magnétisme terrestre. Ils ont fait, de sa part,
l'objet de quelques ouvrages et recueils d'observations et
de plus de cent mémoires originaux publiés principalement
par les Annalen de Poggendorf et par le recueil de l'Aca-
démie de Saint-Pétersbourg. A citer parmi les plus impor-
tants: Ueber genaue Messung der Wbikel an Krystallen,
travail couronné par l'Académie de Berlin (Berlin, 4826,
in-4) ; Krystallform des Schwefels {Pogg, Annal. ^^
667 -
KUPFFER - KURTH
1824); Krystallform des Kiip fer vitriols {ici,, 1826);
Hcmdbuch der rerhn. Krijstallomnnie (Saint-Péters-
bourg, 1831, in4); Annuaire magnétique et météoro-
logique {id.y 183949, 10 vol.); Annales de l'observa-
toire physique central (id., I80O-06, 8 vol.). On lui
doit enfin une très intéressante étude sur l'influence de la
chaleur quant à l'élasticité des corps solides, particulière-
ment des métaux (1857).
BiBL. : Pour la liste des Mém. de Kuplîcr, V. le Cata-
logue of scientific papers de la Soc. roy. de Londres,
1869, t. III, et 1879, t. VIII.
KUPRULl ou KŒPRILl. Ville de Turquie (V.VÉUSS4).
KURANDA (Ignace) publiciste autrichien, né à Prague
en 1812, mort en 1884. Il était d'origine israéhte. Après
avoir étudié le droit il alla se fixer à Bruxelles oh il publia
un journal, les Grenzboten^q\i'ï\{rims[)OYtB. ensuite à Leip-
zig. En 1848, il fut envoyé par les électeurs de Teplitz au
Parlement de Francfort. Il fonda ensuite à Vienne VOst-
deutsche Post. En 1867 , il fut nommé député au
Reichsrat et conserva son mandat jusqu'à sa mort.
KURDES, KURDISTAN (V. Kourdes).
KURELAC (François), littérateur croate, né à Bruvna
en 1810, mort à Agram en 1874. Il se consacra à l'ensei-
gnement et fit partie du groupe illyrien (V. Illyrisme) dont
Gaj était le chef et joua un rôle actif en 1846 et 1849.
Professeur au gymnase de Rieka (Fiume), il fut destitué
sous le ministère Bach; en 1860, il devint professeur au
séminaire de Diakovo. En 1866, il fut nommé l'un des pre-
miers membres de l'Académie. Il passa ensuite au gymnase
d' Agram et fut encore destitué à cause de son patriotisme.
Il a publié un grand nombre de travaux sur la langue croate.
La plupart ont paru dans les Mémoires de l Académie
d'Aqram. L. L.
KURFIRSTEN (Les), ouCHURFlRSTEN. Montagne de
Suisse (cant. de Saint- Gall). Elle se compose de sept
pointes nues qui bordent au N. le très pittoresque lac
de Walenstadt. Leur ait. varie entre 2,106 m. pour
le Leistkamm et ^2,309 pour le Hinterriick. Les Kurfirsten
dominent le lac de telle sorte qu'un seul petit village a
trouvé à se nicher sur cette rive.
KU RI se H ES Haff. Lagune des côtes prussiennes de la
Baltique, prov. de Prusse orientale; elle a 98 kil. de long
du S. au N. et jusqu'à 45 kil. de large dans la partie mé-
ridionale, une surface de 1,620 kil. q., une profondeur de
7™o à Memel, mais seulement 2 m. à 4*^7 dans le S. Elle
est séparée de la mer par une flèche sablonneuse de 120 kil.
de long sur 2 à 3 kil. de large, la Kurische Nehrung dont
les dunes s'élèvent à 6i m. et avancent chaque année de
5 à 6 m. vers l'intérieur ; la passe reliant la mer à la
lagune se trouve au N. ; en face de Memel, elle a 250 à
600 m. de large sur 6 m. de profondeur. L'ambre est
recueilli en abondance sur la Kurische Nehrung, surtout
à Schwarzort. Les principaux alïluonls du Kurisches Haff
sont au S. la Deim, bras de la Pregel; à l'E. les divers
bras du delta du Niémen.
BiBL. : Berendt, Géologie des Kurischen Ilaffes; Kœ-
nlgsberg, 1869.
KURPINSKI (Charles-Casimir), compositeur polouais,
né à Wloszakowice (duché de Posen) le 5 mars 1785,
mort à Varsovie le 18 sept. 1857. Elève de son père, il
fut chef d'orchestre à l'Opéra de Varsovie de 1835 à 1841,
et eut en même temps depuis 1819 le titre de maître de
chapelle de la cour impériale russe à Varsovie. Kurpinski
a contribué activement au developpemeat de la musique
dans sa patrie. Il a écrit vingt-six opéras polonais repré-
sentés à Varsovie, des messes, Te Deum, chants sacrés,
cautates de circonstance, quelques symphonies, sonates et
polonaises, une méthode de piano (1819) et un cours
d'harmonie (1821), et a rédigé pendant deux ans à Varso-
vie un journal de musique en langue polonaise.
KURBER (Jacob-\Vilhd.n-lIt)inrich de), industriel et
savant alleinand, né à Laagenbraml (Wurttemberg) le 8 juin
1781, fn^^i^t à Zwickau le 2S déc. 1832. 11 dirigea d'im-
por^antes fabriques de toiles peintes à Zwickau 5 à Augs-
bourg, à Sassin (en Hongrie), à Prague. Retiré des
affaires (1813), il n'en continua pas moins ses recherches
sur le blanchiment, la teinture et l'impression des étoffes.
D'une réelle valeur scientifique, elles ont été fécondes en
découvertes et elles ont beaucoup contribué, tout comme
celles de J.-M. Haussmann et de D. Kuechlin, aux progrès
de l'industrie teinturière. Outre de nombreux mémoires et
articles insérés dans le Journal de Dingler, dans celui de
Schweigger, dans le Journal fur die Indienne ndrucke-
rei (Nuremberg, 1815-17) et dans le Magazin filr Druch
und Fdrbekunst {id., 1818-28), fondés et dirigés par
lui, il a publié : Geschichter der Zeugdruclcerei (Nu-
remberg, 1840 ; 2° éd., 1844) ; Die Drucic-und Fœrbe-
kurst (Vienne, 1848-50, 3 vol ); Ueber das Bleicken
der Leinwand, etc. (Brunswick, 1850), etc. 11 a aussi
collaboré kVEncyclopœdie d'ErschetGriiber, au Diction-
nairi^ technologique (Paris, 1827, t. XI), et donné des
traductions d'ouvrages de Bancroft et de Vitalis. L. S.
KURSCHAT (Friedrich), lithuanisant, né à Noragehlen
(Prusse), de parents lithuaniens, en 1806, mort en 1884.
Il fut d'abord instituteur, puis il reprit ses études dans un
gymnase et entra à l'université de Kœnigsberg où il passa
ses examens de théologie. Il y succéda à Rhésa dans la
direction du séminaire lithuanien. Nommé prédicateur mi-
litaire lithuanien en 1884, ildovint professeur (1865), puis
professeur extraordinaire (1871) à la faculté de théologie.
Kurschat consacra toute son activité aux Lithuaniens chez
lesquels ses nombreuses prédications, son caractère bon et
secourable le rendirent très populaire. Outre des ouvrages
religieux comme une revision de la Bible lithuanienne et
des Cantiques, il a publié un recueil de chants militaires et
de 1849 à 1880 une revue populaire, le Kelewis (le Voya-
geur), dont il était le principal rédacteur. Mais ce qui lui
assura la gratitude des linguistes comme de ses compa-
triotes, ce sont ses ouvrages relatifs à la langue lithuanienne.
Son édition des Dainos (V. ce mot), les Beitrœge lurKilnde
der litauischen 5/?ra{?/i5 (1843-49) et surtout sa Gram-
maire (1876) et son Dictionnaire du lithua^iien (1870-
83) sont des œuvres précieuses, qui ont rendu et rendront
longtemps de très grands services.
KURSCHNER (Conrad), réformateur suisse, né à Rouf-
fach (Alsace) le 8 janv. 1478, mort à Zurich le 5 avr.
1556. Il étudia peu de temps à Heidelberg, puis entra
dans un couvent de frères mineurs oii il prononça ses
vœux en 1494. Il fut ordonné prêtre en 1501 et prit le
nom de Pellicanus^ sous lequel il est généralement connu.
Il enseigna longtemps la théologie et la philosophie dans un
couvent de son ordre oii il occupa une haute position. Dès
1524, il fut destitué comme penchant vers les idées de la
Réforme. En 1526, sur la demande de Zwingli, il vint en-
seigner l'hébreu et la théologie à Zurich où il se maria.
Très érudit, très indépendant d'esprit, les ouvrages qu'il
a laissés, interprétation des psaumes de David, commen-
taires de la Bible, grammaire hébraïque, etc., ont fait
loncftemps autorité.
KU RT-Agà. Ville du nome d'Acarnanie et Etolie (Grèce),
à 16 kil. N.-E. de Missolonghi, dans la vallée du Phidaris,
dominé par les sommets arides du Zygos. Ruines de Caly-
don, les plus importantes de l'Etolie, ayant un développe-
ment de plus de 4 kil. (murs, portes, temple d'Apollon).
BiBL. : Bazin, Mémoire suif l'Etolie, p. 356. — Leake,
Northern Greece, t. 111, p. 533. — Haussoqllier, Grèce
continentale, 86-68.
KURTH (Godefroid), historien belge, né à Ârlon en
1847. Nommé en 1872 professeur d'histoire du moyen
âge à l'université de Liè^e, il se signala bientôt par la
grande érudition et Ja chaleureuse éloquence qu'il mit au
service des doctrines ultramontaines. Très dévoué à ses
élèves, il introduisit à Liège, sous le titre de Cours pra-
tiques dliistoire, l'organisation des séminaires allemands,
et contribua ainsi pour une forte part à l'amélioration de
l'enseign nnont historique dans les universités belges.
M. Kurth a publié de nombreux ouvrages historiques et
KURTH — KUSTER
668
littéraires d'une haute valeur. En voici les plus importants :
Catonr Ancien [Liège, 4872, in-8); Etude critique sur
Saint-Lambert et son premier biographe (Anvers, 4876,
in-8) ; la Loi de Beaumont en Belgique. Etude sur le
renouvellement annuel des justices locales (Mém, in-8
de VAcad, roy. de Belgique, XXXI) ; les Origines de la
ville de Liège (Liège, 4882, in-8) ; les Origines de la
civilisation moderne (Paris, 4886, 2 vol. in-8; rééd.,
4888 ; 3® éd., 4894); Histoire poétique des Mérovin-
giens (Paris, 4893, in-8); la Frontière linguistique en
Belgique et dans le Nord de la France (coll. in-8 des
Mém, de VAcad. roy, de Belgique, XLVIIl). E. H.
KURTZ (Karl), peintre allemand, né à Stuttgart en
4817. 11 étudia tour à tour dans cette ville et à Vienne, et,
après une série de voyages, devint (4848) professeur au
Polytechnicum de sa ville d'origine. Il s'adonna avec un égal
bonheuraux scènesde genre et au portrait. Son meilleur por-
trait est celui du roi Guillaume de Wurttemberg (4853).
KURUCZ. Mot magyar signifiant croisé^ et, par exten-
sion, rebelle ou séparatiste. L'emploi de cette expression
date de 4544 et d'un malheureux projet de croisade qui
dégénéra en guerre civile. Elle s'applique particulièrement
aux partisans de Râkôczy qui, dans les premières années
du xviii*^ siècle, luttèrent contre les partisans de l'Au-
triche. Les chants kurucz de cette époque forment toute
une branche de la poésie populaire.
KURZ (Heinrich), écrivain allemand, né à Paris le
28 avr. 4805, mort à Aarau le 24 févr. 4873. Elevé à
Hof (Bavière), il étudia à Paris (4827-30), rédigea à Augs-
bourg un journal [Die Zeit) qui lui procura deux ans de
forteresse, passa en Suisse où il professa, et devint biblio-
thécaire cantonal à Aarau (4846). Il y entreprit de grands
travaux sur l'histoire littéraire: Handbuch der poetischen
Nationallitteralur der Deutschen seit Ha lier (Zurich,
4 840-43, 3 vol. ; 3® éd. , 4 859) ; Handbuch der deutschen
Prosa von Gottsched bis auf die neiieste Zeit (1845-
52, 3 vol.) ; Gesch. der deutschen Litteratur (Leipzig,
4854-72,4 vol.; 4 éd., i882etsuiv.); malgré une incom-
mode subdivision par genres, son histoire littéraire est très
utile. Il a aussi publié une collection de vieux auteurs
allemands sous le titre de Deutsche Bibliothek (Waldis,
Christoff de Grimmelshausen, Wickram, Fischart, etc.),
de bonnes éditions critiques de Schiller (Hildburghausen,
1867-68, 9 vol.) et de Gœthe [id,, 42 vol.), etc.
KURZBAUER (Eduard), peintre autrichien, né à Vienne
le 2 mars 4840, mort à Munich le 19 janv. 1879. Il dut
à son premier tableau de genre, la Diseuse de contes,
d'entrer en 1867 dans l'atelier de Piloty. Parmi ses œuvres
ultérieures, nous citerons: Fugitifs rattrapés (Belvédère) ;
Fiançailles orageuses. Fête champêtre, Vieille Mère,
Médisance, Prétendant éconduit,
KUSLAN (Charles, baron), homme d'Etat croate, né à
Krapina en 1817, mort en 1867. Il embrassa la carrière
juridique et se rattacha au mouvement politique de l'illy-
risme. En 1848, il servit sous les ordres de Jelachich et
fit partie du Congrès slave de Prague. Il rédigea un jour-
nal, le Midi slave, et fut vice-président de la Diète d'Agram
où il se fit remarquer par son éloquence. En 4866, il fit
partie de la délégation chargée de négocier à Pest avec
les Magyars.
KÙSS (Emile), médecin et homme politique français,
né à Strasbourg le 4^"^ févr. 4845, mort à Bordeaux le
l^*" mars 1871. Reçu agrégé à la faculté de médecine de
Strasbourg en 1844, avec une thèse remarquable, De la
Vascularité de Vinfiammation (1846, in-4), où il pres-
sentait la pathologie cellulaire, Kûss fut nommé en 1846,
après un brillant concours, professeur de physiologie en
remplacement de Lauth. Il eut un succès considérable
comme professeur ; c'est d'après ses leçons que le profes-
seur Matthias Duval a publié son Manuel de physiologie.
Depuis 1846, il dirigeait à l'hôpital de Strasbourg la cli-
nique de dermatologie et de syphilis. Il est extrêmement
regrettable que cet éminent praticien n'ait pas trouvé le
temps de développer dans quelque ouvrage magistral ses
doctrines médicales d'une originalité si puissante. Mais la
clientèle, non la clientèle riche, la pauvre, prenait le plus
clair de son temps. Kûss avait de fermes convictions répu-
blicaines; en 1848, il fut le chef du parti républicain de
Strasbourg et combattit le bon combat, mais il le paya,
après le 2déc., par la prison et la cour d'assises. Pendant
l'Empire, il constata avec tristesse la marche progressive
de l'abaissement moral et les indices précurseurs de l'effon-
drement prochain ; il s'occupa alors activement de l'ins-
truction populaire et fut, dans le Bas-Rhin, l'âme de
l'œuvre des bibliothèques populaires. Pendant le siège de
Strasbourg, la commission municipale le choisit pour
maire ; il resta à son poste, malgré une affection pulmo-
naire, malgré un arrêté du gouvernement de la Défense
nationale qui nommait maire M. Ëngelhardt ; il y resta
encore après la capitulation de Strasbourg, passant ses
journées à lutter contre les exigences du vainqueur. Lors-
qu'il s'agit d'envoyer des députés à l'Assemblée de Bor-
deaux, son nom sortit le premier de l'urne. Arrivé à Bor-
deaux, il dut s'aliter, et il mourut le jour même où l'Assem-
blée ratifiait, au prix de FAlsiace et de la Lorraine, les
préliminaires de la paix. De magnifiques funérailles lui
furent faites à Strasbourg le 8 mars suivant. D^ L. Hn.
KUSSER (Jean-Sigismond) (V. Cousser).
KUSSMAUL (Adolt), médecin allemand contemporain, né
à Graben (Bade) le 22 févr. 1 822. II étudia à Heidelberg
et à Wurzbourg et servit dans l'armée en 1848-49. Il exerça
de 4850 à 53 à Kandern, puis en 4858 devint professeur
extraordinaire à Heidelberg, en 4859 professeur ordinaire
de clinique à Erlangen, en 4863 à Fribourg-en-Brisgau,
en 4876 à Strasbourg ; il a passé récemment à Heidelberg.
En oct. 4888, il fut appelé à San Remo auprès du prince
Frédéric et se montra l'adversaire décidé du traitement de
Mackenzie. Parmi ses ouvrages, citons : Unters. ilber den
constitut. Mercurialismus (Wurzbourg, 4864); Ueber
die Behandlung der Magenerweiterung (Fribourg-en-
Brisgau, 4869), ouvrage dans lequel il mentionne pour
la première fois les usages de la pompe stomacale
dans les maladies de l'estomac; Die Stœrungen der
Sprache, etc. (Ziemssen's Handb. d. PalhoL, 4877,
i^ éd., 4884). D^L. Hn.
KÙSSNACHT. Ville de Suisse, cant. de Schwytz, au
pied du Righi et au fond d'un des golfes du lac des
(}uatre-Cantons,en face du Pilate ; 3,000 hab. Elle s'unit
au canton de Schwytz en 4424. Le 4^^ mai 4798, les
Français y défirent les Suisses.
KUSTÉNDJEou Kl USTEND JE, aujourd'hui Costantsa
(Constanza). Ville de Roumanie, chef-lieu de district du
même nom (le district de Costantsa contient les arr. de
Costantsa, Nouvelle-Silistrie, Megidia, Hîrshova), située
dans l'arr. du même nom, sur un promontoire qui s'avance
dans la mer Noire; 7,000 hab. Premier port maritime de
la Roumanie. Belle église roumaine, statue d'Ovide. Mou-
vement du port : 715 bâtiments par an (276 voiles et 439
vapeurs), dont 51 à pavillon roumain. N. J.
KUSlEHDXliKuste^îdyska Bania).Y]\\e de Bulgarie,
située au S.-E. de Sofia, à 560 m. d'altitude, au S. d'un
bassin triangulaire célèbre par ses beautés naturelles et
la richesse de sa végétation; 10,000 hab. La ville ren-
ferme de nombreuses sources sulfureuses dont la tempé-
rature varie de 48 à 70^ C. Au temps des Turcs, Kus-
tendyl était le chef-heu d'un sandjak. C'est le siège d'une
préfecture qui comprend les arrondissements de Trn,
Tsaribrod et Breznik. Le département fait un grand com-
merce de fruits secs, notamment de pruneaux qui sont ex-
pédiés à Salonique et de là à Marsesla.
KÙSTENLAND. Ce mot qui veut dire en allemand lit-
toral désigne une division administrative de l'Autriche. Le
Kùstenland comprend les provinces de Goritz, Gradisca,
Istrie et Trieste (V. ces mots). Il a pour chef suprême le
lieutenant impérial de Trieste.
KUSTER (Ludolphe), philologue hollandais, né à Blom-
669
KUSTER — KVALÔ
berg en 4670, mort à Paris en 1716. Il fut d'abord pré-
cepteur des enfants du comte de Schwerin, premier
ministre du roi de Prusse, puis il voyagea en Allemagne,
en Angleterre et en Hollande, préparant, par ses recherches
dans les bibliothèques, les vastes travaux qui devaient
illustrer son nom. Il alla ensuite occuper une chaire de
belles-lettres au collège Joachim à Berlin, et fut appelé en
même temps aux fonctions de bibliothécah'e du roi. Se
jugeant victime d'un passe-droit, il donna bientôt sa dé-
mission et alla se fixer à Amsterdam, puis à Anvers et
enfin à Paris, où il abjura le protestantisme. Louis XIV,
voulant fixer le savant philologue dans ses Etats, lui donna
une pension de 2,000 livres, et l'Académie des inscriptions
l'admit au nombre de ses membres. Les nombreux ouvrages
de Kuster attestent sa vaste érudition ; en voici les princi-
paux : Historia critica Homeri (Francfort, 1696, in-8) ;
De Vero Usu uerborum mediorum apud Grcecos, eorum-
que differentia a verbis aciivis et passivis (Paris, 1714,
in-8). 11 a donné aussi des éditions critiques, avec de sa-
vants commentaires, de nombreux auteurs anciens, entre
autres de Suidas, de Jarablique et d'Aristophane.
KUSTERA (/te^^m Reg.) (Bot.). Genre d'Acanthacées
qui est pris aujourd'hui comme synonyme de Beloperone
(V. ce mot).
KÛSTRIN. Ville forte de Prusse, district de Francfort-
sur-l'Oder (Brandebourg), au confluent de la Warthe et
de l'Oder; 16,000 hab. C'est une forteresse de premier
rang, entourée de prairies submersibles que traverse une
chaussée de 16 kil. de long vers Sonnenburg (au S.-E.), et
une autre vers Gœritz(au S.); une série de forts détachés,
construits quand on déclassa Stettin, complètent le système
défensif de Kùstrin. La ville est entre l'Oder et la Warthe ;
elle a un long faubourg sur la rive gauche du fleuve et un
court sur la rive droite de la Warthe, un bel hôtel de
ville, etc. C'était en 1232 un village de pécheurs ; en
1262, le Brandebourg l'annexa; ce fut de 1535 à 1571
la résidence d'une branche des lïohenzollern (V. Brande-
bourg), représentée par le margrave Jean, dont le tombeau
est dans l'église de Marie. C'est lui qui la fit fortifier. Fré-
déric II y fut détenu de 1730 à 1732 et assista à l'exé-
cution de son ami Katte. Le 1^^ nov. 1806, la place
capitula devant un escadron de cavalerie française. Elle
conserva une garnison française qui ne capitula que le
20 mars 1814, après un long siège.
KUTAHIEH (V. Koutaieh).
KUTHY (Louis), poète hongrois, né en 1813, mort en
1864. Très jeune, de 1838 à 1840, il occupa la scène
nationale magyare avec ses tragédies à'Ariadne^ de
Charles J^**, de Blanc et Noir.
KUTNA HORA (allemand Kûttenberg). Ville de la
Bohême centrale, sur le ruisseau de ce nom ; 14,000 hab.
Elle a quatre faubourgs et renferme une série de monu-
ments historiques d'une grande beauté. Au sommet de la
colline s'élève l'église de Sainte-Barbara, magnifique ca-
thédrale gothique inachevée qui fut commencée au milieu
du XIV® siècle, continuée au xv®. Elle renferme des fresques
du XV® siècle. Citons encore l'église de i'archidiaconé en
style gothique ; l'église de Marie, également en gothique ;
l'ancien château royal, commencé par Vacslav ou Vences-
las II (xiu® siècle), avec sa chapelle élevée par W^ladislaw
le Jageilon (1471), l'hôtel de ville, le palais des archives,
le château de Hradek, l'ancien collège des Jésuites, un
beau puits gothique, etc. Auprès de Kutna llora est l'an-
cienne abbaye cistercienne de Sedletz transformée en ma-
nufacture de tabac (2,000 ouvriers), dont subsiste la belle
église de style gothique. La splendeur passée de la ville
tenait à ses mines d'argent, dont l'exploitation florissante
au XIII® siècle a été reprise en 1874 sans grand succès.
Elle a aujourd'hui des sucreries, distilleries, minoteries,
imprimeries de cotonnades, etc. La période la plus brillante
de Kutna Hora fut celle qui suivit la guerre des Hussites,
dont elle avait beaucoup soufl'ert, celle de Georges Podie-
brad et de Wladislaw II, à laquelle remontent la plupart
des monuments. Cette ville était alors une des résidences
préférées des rois de Bohème et de l'aristocratie, siège de
nombreuses diètes. La décadence des mines au xvi® siècle
et la guerre de Trente ans la firent déchoir. A. -M. B.
KUTTENBERG (V. Kutna Hora).
KUTTER, savant hydraulicien, connu, notamment, par
la formule de Granouillet et Kutter, obtenue par des expé-
riences sur l'écoulement de l'eau dans les canaux décou-
verts :
v^f
23
0,00155
1
oii le coefficient C :
/^23
1 + ( 23 -H
0,0015a\ 2^'
Cette formule peut s'appliquer à l'écoulement dans des
1
tuyaux en fonte, en donnant à - la valeur 72.
n
Kutter a proposé pour les cours d'eau torrentiels de la
Suisse, charriant des galets, la formule :
BiBL. : Flamant, Hyd?'auhgue ; Paris, 1891, gr. in-8.
KUTY. Ville de Galicie (cercle de Kosow), sur le Czre-
mosz; 10,000 hab., en partie Arméniens.
KUTZENHAUSEN {Ckuzincusi, 742). Com. de la
Basse-Alsace, arr. de Wissembourg, cant. de Soultz-
sous-Forêts, sur le Seltzbach; 692 hab. A proximité,
sources de pétrole.
KUUN d'Ozsdola, comte Geza, savant hongrois et
membre de la Chambre haute. Sa publication principale,
faite en plusieurs fois, la dernière partie en 1883, est le
Codex cumanus. Il a composé aussi une étude sur les
infinitifs sémitiques, et des introductions aux Mémoires de
son parent, le comte Gyulai, et au Mithi'œum de M. Kirâly.
KUUTAR (Myth. finn.), fille de la Lune, l'une des
nombreuses divinités aériennes de la mythologie finnoise.
Assise « sur la hsière du bois sombre » ou « sur le bord
d'un nuage pourpré », elle tissait « un tissu d'or ou d'ar-
gent ». Elle était bienfaisante ; aussi le chasseur et le pê-
cheur l'invoquaient-ils avant leurs expéditions.
KUWASSEG (Karl-Joseph), peintre autrichien, né à
Trieste en 1799, mort à Paris le 4 févr. 1877, où il habi-
tait depuis 1830. On a de lui quelques tableaux remar-
quables tant par le dessin que par le coloris, et aussi de
belles aquarelles, telles que Vilieneuve-Saint-Georges et
le Port de Douarnenez.
KUYCK (Jan Van Wouterszoon), peintre sur verre hol-
landais, un des plus célèbres de son époque, né à Dordrecht
en 1530, supplicié le 28 mars 1572.11 se mêla aux discus-
sions théologiques de son temps et il fut brûlé comme hé-
rétique. Lechef de justice Jan Van Drenkwaert ayant essayé
de le sauver, il lui peignit pour le remercier un Jugement
de Salomon. Mais la chose fut connue des ennemis de
Kuyck qui accusèrent lechef de la justice de se laisser cor-
rompre, et celui-ci crut devoir condamner le peintre.
KUYCK (Jean-Louis Van), peintre belge, né à Anvers en
1821, mort à Anvers en 1875. D'abord horloger, il se fit
un nom comme peintre d'animaux, surtout de chevaux,
d'intérieurs d'étables et d'écuries, de cours d auberge.
KUYP, peintres hollandais (V. Cuyp).
KUYTENBROUVER, peintre-graveur belge, né à Amers-
foorten 1816. Il se forma en France et s'établit à Bruxelles.
Parmi ses tableaux, scènes et paysages historiques et scènes
de chasse, nous citerons : Combat de cerfs^ Cerfs après
le combat, Amour maternel, les Dragonnades, etc. ; il
a gravé 30 planches ou lithographies pour les Ardennes
de Joly. ,,
KVALÔ. Bes de Norvège, district de Tromsô, au-devant
KVALÔ — KYLLÏNG
670 —
de ce port ; celle du S . a 746 kil. q . , celle du N. 339 kil . q. ;
entre les deux est l'île de Ringvasô.
KVAS. Boisson russe faite a\ec de l'orge moulu, de la
farine ou même du pain noir, sur lesquels on verse de l'eau
bouillante et qu'on laisse fermenter sans arriver jusqu'à
la fermentation alcoolique. Le kvas ne se conserve pas et
doit être consommé immédiatement. 11 constitue, avec le thé
et l'eau-de-vie, la boisson habituelle du peuple russe.
KVATERNIK (Eugène), révolutionnaire croate, né à
Agram en 1825, mort en 1874. Après avoir étudié tour à
tour la théologie et le droit, il exerça les fonctions de no-
taire ; il prit part aux événements de l'année 1848, puis
émigra. En 1861, il publia en français, à Paris, une bro-
chure sur la Croatie et la Confédération italienne {;à\tt
préface de Léouzon-Leduc), il rentra dans son pays, fit pa-
raître quelques écrits politiques et s'exila une seconde fois.
Vers 1866, il rentra de nouveau dans sa patrie et défen-
dit la cause de « la Grande Croatie ». En oct. 4871, il
s'efforça d'organiser une insurrection. Il fut pris et fusillé.
KVICALA ou KVICZALA (Jean), philologue tchèque, né
à Mnichové Ilradiste (Munchengratz) en 1834. Il fit ses
études à Prague et à Bonn et devint professeur de philo-
logie classique à l'université de Prague. Ses travaux, pour
la plupart écrits en langue tchèque, sont presque tous rela-
tifs à l'antiquité grecque et romaine. Il a donné diverses
traductions, et dirigé la Bibliottièque des classiques grecs
et latins, et la Revue philologique et pédagogique.
KVITACGrégoire-Fédorovitch), écrivain russe connu sous
le nom àOsnovianenko, né à Osnovia (près de Kharkov)
lé 28 nov. 1778, mort à Kharkov le 20 août 1843. Il passa
par la garde impériale (1793-J 800), par le couvent (1800-
1804), fut directeur de théâtre à Kharkov (1812), y fonda
un institut d'éducation pour les jeunes filles nobles et pauvres,
fut maréchal de la noblesse de son gouvernement (1817-
29), président du tribunal criminerde Kharkov (1840).
C'est un des principaux écrivains petits-russiens. Ses nou-
velles, dont la plus populaire est Maroussia, sont encore
très lues (Moscou, 1834-37, 2 vol. ; éd. complète avec
biographie parKulisz, Saint-Pétersbourg, 1858); elles sont
d'une psychologie pénétrante. On apprécie moins les œuvres
écrites en dialecte grand-russien, le roman Pan Chalans-
kii (1839) et les œuvres dramatiques, malgré la popula-
rité de l'une, ^elmenko. ~
KWANGO (V. CoANGo).
KYAW ( Friedrich- Wilhelm, baron de), auteur satirique
allemand, né près de Herrnhut le 6 mai 1654, mort à
Kœnigstein le 19 janv. 1733. Il servit dans l'armée brande-
bourgeoise (1670-90), la quitta à l'occasion d'un duel et
entra dans celle de Saxe où il devint général. D'une fran-
chise brutale, il détestait les courtisans, qui le tournaient
en raillerie, et gagna par ses saiUies la faveur de l'électeur
Auguste II le Fort. — Son neveu, Friedrich-Wilhelm
(1708-59), un des meilleurs généraux de cavalerie de Fré-
déric le Grand, fut condamné en conseil de guerre pour la
perte de Breslau (1757).
BiBL. : WiLHELMi, Kijaws Leben und luslîge Einfœlle;
Leipzig, 1773, 3 vol. — H.-K. de Kyaw, F amilienchronick
des Geschlechts von Kyaw ; Leipzig, 1870. — Ebeling,
Kyaw und Brûhl ; Leipzig, 1885.
KYB18TES1S (V. Danse, t. XII, p. 864).
KYD (Thomas), auteur dramatique anglais, né vers
1557, mort vers 1595. Il débuta par des traductions,
écrivit des faits divers dans un journal que dirigeait son
frère, puis il trouva au théâtre sa véritable voie. Avant
que Shakespeare eiit révolutionné la scène anglaise, Kyd
était le plus populaire des tragiques. Sa première pièce,
Hieronimo, fut imprimée seulement en 1605; la seconde,
Oratio, fut publiée en 1592 (le British Muséum ne pos-
sède que la seconde édition de 1594). Elles furent jouées
entre 1584 et 1589 et représentées depuis une infinité de
fois, non seulement en Angleterre, mais en Allemagne et
en Hollande. On n'a pu retrouver d'autres pièces de Kyd.
On lui en attribue beaucoup, mais The Rare Triumphs of
Love (1589) et The Tragedye of Solyman and Perseda
(1592) paraissent seules être de lui. " R. S.
KYDIAS (V. Cydyâs).
KYEN-DouEN. Rivière de Birmanie, afîl. dr. de l'Iraouadi;
elle descend des monts Patkoï, coule vers le S., entre en
Birmanie à Manpeng, reçoit la rivière de Kabo (Namkathé)
venant du Manipour et forme à son confluent avec le fleuve
un vaste delta très fertile, correspondant au Sonarapa7ita
des Hindous. Elle est navigable sur 160 kil. depuis Ken-
dat.
KYESTEINE. On a décrit sous le nom de kyestéine une
substance azotée, propre, croyait-on, aux urines des
femmes enceintes et dont la présence dans les urines consti-
tuait môme un bon signe de grossesse. Cette kyestéine se
présente sous la forme d'une pellicule irisée sur des urines
abandonnées quelques heures. En réalité, cette peUicule est
formée par un mélange de bactéries, de granulations di-
verses, de substances grasses et de cristaux de phosphates
ammoniacaux magnésiens. Il est possible que, sous l'in-
fluence des perturbations déterminées dans l'organisme par
la grossesse, cette pellicule se forme plus fréquemment
chez les femmes enceintes, mais elle a été signalée égale-
ment dans les urines de l'homme.
KYFFHv€USER. Montagne presque isolée de la Thuringe,
entre le territoire de la principauté de Schwarzburg-Ru-
dolstadt et de celui du cercle prussien de Sangerhausen ;
une profonde vallée la divise en deux. L'arête septentrio-
nale porte les ruines du château de Rothenburg (439 m.)
à ro., et de Kyffhausen (470 m.) à l'E. Celui-ci, H\x vers
le X® siècle pour couvrir la résidence impériale de Tilleda,
fut souvent habité par les Hohenstaufen, détruit en 1178
et de nouveau au xvi® siècle. Ses vastes ruines couvrent un
roc de grès rouge; on y remarque une tour quadrangulaire
qui a encore 22 m. de haut et les débris de la chapelle. C'est
à ce point que s'est attachée la légende du sommeil de l'em-
pereur Frédéric (V. Frédéric II), dont le premier témoi-
gnage écrit ne date d'ailleurs que de 1696. Au S. de la
colline est la belle grotte de Falkenburg.
3iBL. : Ri hter, Das deutsche KyffhsBuserhuch; Eisle-
ben, 1876.~BALTZEii, Das Kyffhœusergebirge ; Rudolstadt,
1882, 2" cdit.
KYHN (Peter- Vilhelm-Karl), paysagiste danois, né à
Copenhague en 1819. Il étudia d'abord la peinture dans sa
ville natale, mais compléta, grâce à une bourse de voyage,
son éducation artistique en France et en Italie (1851-53).
Il a peint surtout des paysages danois, dont on admire la
vigueur : Vue près de Bjergelide (Galerie royale de Co-
penhague) ; Fraîche soirée d'été, etc. Kyhn est également
un graveur de talent ; la Société danoise de gravure a pu-
blié plusieurs planches de lui.
KYLL. Rivière de la Prusse rhénane, afiî. de la Moselle;
elle a 142 kil. de long, naît au Kronenburg (district d'Aix-
la-Chapelle), traverse FEifel et finit à Ehrgang en aval de
Trêves. Sa vallée est très pittoresque, surtout autour de
Gerolstein.
KYLLIKI ou KYLLI (Myth. finn.), la jolie fille, la « ra-
dieuse fleur » de Saari enlevée par Lemminkâinen, d'après
le Kalevala. Kylli consent à épouser son ravisseur, celui-
ci lui ayant promis de ne jamais entreprendre d'expédition
guerrière « ni pour conquérir de l'or, ni pour ramasser de
l'argent ». De son côté elle jure « de ne point vagabonder
dans le village, lors même qu'elle brûlerait du désir de se
mêler à la société des jeunes filles, aux jeux bruyants des
belles chevelures ». Mais un jour, au matin, Lemmin-
kâinen partit pour la pèche, ne revint pas le soir, et Kylli
alla se mêler aux « jeux bruyants des jeunes filles ». Le
beau Lemminkâinen l'apprit et, plein de colère, se décida
à l'abandonner pour aller prendre une autre épouse dans
le pays de Pohjola. Th. G.
BiBL. : Kalevala^ runes XI, XIL
KYLLI NG (Peter), botaniste danois, né en 1640, mort
en 1686. Ses ouvrages : Cataloguas plantarum CCCCIV
in Luco aureos. Gyldenlund provenientium (1684) et
son Viridarium danicum sont encore aujourd'hui de la
plus grande utilité pour l'étude de la flore danoise.
KYLLINGIA (Kyllingia Rottb.) (Bot.). Genre de Cypé-
racées, du groupe des Scirpées^ qui a pour caractères prin-
cipaux : épiilets avec une, deux fleurs et trois glumes ; fleurs
terminales, inflorescence capituliforme. On en connaît vingt
à vingt-cinq espèces des régions chaudes. D^ L. Hn.
KYME (Géogr. anc.) (Y, Cumes).
KYMiVlENE ou KYMNJOKI, Fleuve de Finlande, qui
porte au golfe de ce nom les eaux de la Finlande moyenne;
il sort du lac Paijsene, draine les lacs du Tavastehus, tourne
vers le S. et franchit des cascades dont la plus belle est
celle de Kôgfors et finit par trois bras profonds entre Lo-
wisa à rO. et Kymmenegard (port de guerre, station de
la flotte russe) à l'E. 11 a 300 kil., un bassin de 35,000 kil. q.
KYMOGRÂPHE. Le kymographe est un manomètre des-
tiné non seulement à mesurer la pression dans les vaisseaux
sanguins, mais encore à les inscrire. C'est Ludwig qui, en
4847, modifia le manomètre inscripteur, qui avait été uti-
lisé par Porseuille dès 18:29, pour l'amener à devenir un
appareil inscripteur des variations de pression. Marey, qui
a tant fait pour la méthode graphique, proclame Ludwig son
précurseur. «Il inaugura, dit-il, les emplois en physiologie
de la méthode graphique si sûre et si simple, qui donne aux
expériences des physiologistes la rigueur et la clarté de
celles des physiciens. »
Le kymographe est un manomètre à mercure : Tune des
branches est en relations par un tube de caoutchouc rempli
d'une solution de sulfate et de carbonate de soude avec une
artère ; l'autre branche est rectiligne et reçoit un flotteur
supportant une tige fine munie d'une plume légère à son
extrémité supérieure. Cette plume, en venant frotter sur
un cylindre enduit de noir de fumée, transcrit toutes les
oscillations de la colonne manométrique. Le graphique
obtenu ainsi donne exactement en centimètres de mercure
la valeur absolue de la pression dans l'artère, aux diffé-
rents moments de l'expérience. Seulement, comme le ma-
nomètre est constitué par un tube à diamètre égal, il est
facile de se rendre compte que, lorsque le mercure monte
de 1 centim. dans la branche du flotteur, il descend d'au-
tant dans l'autre branche. La différence des deux niveaux
est donc en réaUté augmentée de 2 centim. et, pour avoir
la pression réelle en centim. de mercure, il faut doubler
toutes les hauteurs inscrites sur le cyhndre. Les graphiques
que donne le kymographe montrent que la pression dans
les vaisseaux subit une série d'influences, d'où l'existence
d'une série de courbes indiquées par les tracés (V. Cmcu-
lâtion). Le kymographe, tel qu'il a été décrit par Ludwig,
présente quelques graves inconvénients : l'emploidu mercure
lui donne une inertie considérable, qui l'empêche d'une
part d'enregistrer les modifications délicates et qui, d'autre
part, altère souvent la forme de la courbe réelle. Aussi a-
t-on modifié le manomètre primitif (Fick, Marey, etc.) (V.
Manomètre). D"^ P. Lânglois.
KYWIRIS ou mieux CYM RI (V, Galles, t. XYlIl, p. 394).
Pour les confusions auxquelles ont donné Heu des rap-
prochements superficiels, V. aussi Cimmériens et Celtes.
KYNAST. Château des monts des Géants (Riesengebirge),
en Silésie, district de Liegnitz. Bâti par le duc de Schweid-
nitz, Bolko P% en 4292, il fut donné par Bolko II au vail-
lant chevalier Gotsche Schoff, ancêtre de la famille com-
tale des Schafl'gotsch. Il s'élève à 588 m. d'alt. sur un
sommet granitique boisé ; il a été détruit par la foudre en
1675. Ses ruines sont très belles.
KYNASTON ou KINASTON (Sir Francis), poète et éru-
dit anglais, né en 1587, mort en 1642. Il finit ses études
à Trinity Collège (Cambridge) et entra à Lincol's Inn en
1611. Fait chevalier par Jacques P^ en 1618, envoyé au
Parlement par le Shropshire en 1621, il remplit plusieurs
fonctions à l'université de Cambridge où il était proctor
(quelque chose comme censeur) en 1634, et devint gen-
tilhomme attaché à Charles V^ (esquive ofthe body) à l'avè-
nement de celui-ci. C'est alors qu'il fonda une sorte d'aca-
67i - KYLLING - KYRIE
demie appelée Muséum Minervœ, à laquelle il attacha un
collège dont les cours se faisaient dans sa propre maison, et
dont il publia les Constitutions en 1636. On a encore de
lui une traduction du poème de Chaucer, Troilus et Cres-
sida; une traduction en vers anglais des poésies latines de
Johnston, insérée dans les Musce Aulicœ de celui-ci
(1635); un roman héroïque en vers: Leoline and Syda-
nis,ei des sonnets à Cynthia, fort jolis, quoique irréguliers,
publiés dans le même volume que le roman en 1 642 (Lon-
dres, in-4). B.-H. Gausseron.
KYNETON. Yille d'Australie, prov. de Yictoria, comté
de Dalhousie, à 507 m. d'alt., sur la rivière Cainpaspe, à
92 kil. N.-O. de Melbourne par chemin de fer; 3,500 hab.
Nombreuses mines d'or aux environs.
KYNU RÉNIQUE (Acide) (Y. Cynurénique).
KYPHI. Parfum sacré, et médicament employé par les
anciens Egyptiens. Il est décrit dans les inscriptions des
temples d'Ldfou et de Philœ. Le papyrus Ebers, texte hié-
roglyphique qui remonte au xvi^ siècle avant notre ère,
décrit déjà le kyphi comme formé de dix substances :
myrrhe, baies de genièvre, encens, cyperus, bois d'aloès,
caiamus d'Asie, mastic, styrax, etc. Dioscoride donne à
peu près la même formule. Plus tard le nombre des ingré-
dients augmenta jusqu'à 16 et 30 : c'était une sorte de
thériaque. M. Berthelot.
KYPHOSE (Méd.). Les incurvations kyphotiques de la
colonne vertébrale se traduisent par une courbure à con-
vexité postérieure. Tantôt elles répondent à une simple exa-
gération de la saillie que présente normalement la région
du dos, tantôt elles affectent d'autres segments du rachis
ou même Pépine dorsale tout entière. Les désordres ana-
tomiques portent tout à la fois sur les vertèbres et sur leurs
moyens d'union : à la déformation des corps vertébraux
comprimés antérieurement dans le sens vertical et devenus
cunéiformes se joint l'écartement des apophyses trans-
verses, ainsi que l'amincissement des ligaments posté-
rieurs, la dégénérescence fibreuse ou graisseuse des muscles
spinaux. Dans les cas anciens, on observe la soudure des
corps des vertèbres fusionnés par ankylose ou réunis par
des végétations ostéophy tiques à leur périphérie. La cage
thoracique est allongée d'arrière en avant, avec aplatisse-
ment des côtes et gibbosité sternale. Les omoplates sont
détachées du tronc par leur bord spinal, et, quand la kyphose
est lombaire, le bassin lui-même peut se trouver altéré
dans sa forme.
Les déviations kyphotiques se montrent principalement
aux âges extrêmes de la vie. Chez les jeunes enfants, elles
sont fiées principalement au rachitisme ; elles tendent à se
redresser lorsqu'on fait coucher les petits malades et peu-
vent se corriger avec les progrès du développement. Chez
les adolescents, il s'agit d'une voussure due à la faiblesse
musculaire et favorisée par des attitudes vicieuses habi-
tuelles au cours de la période de croissance : incUnaison
du tronc en avant pour lire ou pour écrire, pour les tra-
vaux dé femme, etc., particulièrement chez les sujets
myopes. On la combat efficacement par divers moyens pro-
phylactiques, une gymnastique appropriée, les corsets re-
dresseurs.
Dans la vieillesse, enfin, on trouve des voussures dorsales
plus ou moins prononcées chez les gens qui se sont livrés
à des travaux pénibles ; ce sont les kyphoses profession-
nelles qui s'accentuent de plus en plus sous l'influence de
la sénihté.
Toutes les maladies qui compromettent la solidité de l'axe
rachidien donnent naissance, le cas échéant, à des kyphoses
symptomatiques. Telles sont les lésions organiques des ver-
tèbres, le mal de Pott, etc. G. Herrmann.
KYRIE eleisOxX. Mots grecs qui signifient : Seigneur, aie
pitié. Celte supplication se trouve dans les plus anciennes
liturgies orientales. Il semble que primitivement on la
chantait jusqu'à ce que le peuple fût assemblé et placé.
Alors le célébrant faisait signe de cesser. Elle servit en-
suite de réponse à chacune des prières que le prêtre ou le
KYR[E - KYZYL
— 672
diacre faisait pour l'Eglise, pour les catéchumènes, pour
les pénitents, etc. Le cardinal Bona attribue au pape Da-
mase l'introduction de cette litanie dans l'Eglise de Rome ;
d'autres auteurs au pape Sylvestre. En 529, le 11^ con-
cile de Vaison la prescrivit aux Eglises de la Gaule, pour
se conformer à l'usage établi en Orient et en Italie. On la
chantait ou on la récitait alors, non seulement à la messe,
mais à matines et à vêpres et surtout dans les processions.
Dès le xu® siècle, on fixa au nombre neufles répétitions dont
elle se compose et on les plaça dans l'ordre suivant : trois
fois Kyrie eleison, trois fois Christe eleison, trois fois
Kyrie eleison, et on prétendit proclamer ainsi le dogme de
la Trinité. Dans l'Eglise grecque, on ne dit pas Christe
eleison^ mais seulement Kyrie eleison. La plupart des
liturgistes présentent l'emploi de ces mots grecs dans les
liturgies latines, comme une manifestation de l'unité de
l'Eglise parmi la diversité des langues. E.-H. Vollet.
KYRIEL (Thomas), capitaine anglais du xv® siècle, mort
en 4464. Dès 4422 il commandait une compagnie de gens
d'armes en Normandie. Capitaine de Gournay, de Gisors,
de Neufchâtel-en-Braye, de Clermont-en-Beauvaisis, il ne
cessa de guerroyer dans toute cette région, notamment
contre La Hire et Xaintrailles. Il prit part aux conférences
de Gravelines, en 4439. Quand les Français eurent recon-
quis la plus grande partie de la Normandie, Kyriel fut
envoyé d'Angleterre avec une petite armée au secours du
duc de Somerset, qui était à Caen. Après avoir débarqué à
Cherbourg (15 mars i450) et fait capituler Valognes, il
marcha vers Caen, mais il fut arrêté, battu et pris à For-
migny (45 avr. 4450). Revenu en Angleterre il prit parti
pour Richard d'York pendant la guerre des Deux-Roses et
lit exécuter l'évêque de Salisbury. Après la défaite et la
mort de Richard d'York, Kyriel fut décapité (févr. 4464).
BiBL.: Les chroniqueurs de Tépoque, notamment Mons-
TRELET, M. d'EscoucHY (6d. de Beaucourt, IJ, 522). —
Rymer, Fœdera,Y, 78, 100, 108.— J. Stevenson, Letters and
papers, etc., II, 2« part., 544, 595, 626, 630. — De Beau-
court, Hist. de Charles VU, t. VI, 558. — E. Cosneau,
le Connét. de Richemont, iOô-il^. — Pièces orlg., vol. 1610,
dossier 37,265, à la Bibl, nat.
KYRIELLE. Vieux nom désignant les litanies, parce
qu'elles commencent toutes parles mots Kyrie eleison.
KYSTE (PathoL). Les kystes sont des productions pa-
thologiques essentiellement caractérisées par l'existence
d'une membrane constituant un sac clos et renfermant un
contenu plus ou moins liquide. Cette définition purement
anatomique englobe des formations très diverses quant à
leur origine et à leur pathogénie. La plupart des kystes sont
de provenance épithéliale et présentent par suite une paroi
conjonctive tapissée intérieurement par un épithélium qui
affecte des types variables suivant le lieu d'origine : pavi-
menteux simple ou stratifié, prismatique nu ou cilié, cali-
ciforme, etc.
Tantôt les excavations kystiques représentent des cavités
glandulaires préexistantes, des tubes ou des culs-de-sac
progressivement distendus par accumulation du produit de
sécrétion, tantôt il s'agit d'une véritable néoplasie épithé-
liale évoluant sous forme de kystes. Dans le premier cas
(kystes par rétention), la perturbation initiale peut se bor-
ner à une simple hypersécrétion dans les glandes dépour-
vues de canaux excréteurs (thyroïde); le plus souvent on se
trouve en présence de glandes ordinaires, acineuses ou ta-
bulées, dont les conduits sont obstrués soit par des corps
étrangers ou des calculs (voies biliaires), soit par épaissis-
sement du contenu (glandes sébacées, comédons) ou rendus
imperméables par l'induration scléreuse des organes (reins).
Les néoformations kystiques sont fréquerites dans les
adénomes du sein et dans ceux de la thyroïde ; elles acquiè-
rent un grand développement dans ceux des ovaires. On
observe d'ailleurs la production d'ectasies kystiques, à titre
de phénomène accessoire^ dans toutes sortes de tumeurs.
Les kystes diffèrent beaucoup entre eux, non seulement par
la structure histologique, mais aussi par leur nombre et
leur volume ainsi que par la nature du contenu. Solitaires
(kystes uniloculaires) ou agglomérés (kystes multilocu-
laires), il en est de microscopiques alors que d'autres dé-
passent en grosseur la tète d'un adulte. La masse incluse
est séreuse, muqueuse, puriforme, caséeuse, hémorra-
gique, etc., suivant les cas. Une mention particulière est
due à ceux qui prennent naissance aux dépens de vestiges
embryonnaires : corps de Wolff, fentes branchiales, vestiges
para dentaires, bourgeons épithéliaux aberrants de diverses
régions, etc. Le type de ces formations hétérotopiques nous
est offert par les kystes dermoïdes (V. ce mot) qui peuvent
renfermer des poils, des dents, etc., et dont les plus compli-
qués se rattachent insensiblement aux inclusions fœtales.
Les ectasies des cavités séreuses ou vasculaires sont pourvues
d'une couche endothéliale très mince ; enfin les parois des
abcès, des foyers hémorragiques ou autres enkystés par un
travail de cicatrisation périphérique, sont dénués de tout
revêtement cellulaire. Il en est de même des kystes para-
sitaires : cysticerques, kystes à échinocoques et autres.
Toutes ces productions ont généralement une évolution bé-
nigne et guérissent par les ponctions, le drainage ou l'abla-
tion chirurgicale.
Enfin on donne le nom de kystes par ramollissement à
des foyers de nécrose à parois irrégulières et tomenteuses,
dont les parties centrales ont subi une liquéfaction plus ou
moins complète (V. Tumeur). G. Herrmann.
Kystes hydatîques (V. Foie).
KYSTITOME (Ophtalm.) (V. Cataracte).
KYZYL-Irmâk ou KIZIL-Irmak (Halys des anciens)
Fleuve de l'Asie Mineure, tributaire de la mer Noire ; il a
900 kil. de long, mais n'est pas navigable. Il naît dans le
Kœsse-dagh au S. du Pont, coule vers le S.-O., passe à
Sivas, près de Kaisarieh, s'infléchit au N.-O., puis au N.
et enfin au N.-E., décrivant une vaste courbe, passe près
d'Iskelib, a Osmandjik et Bafira pour finir à 60 kil. E. de
Sinope. C'est le grand fleuve de la péninsule. Il n'a pas
d'autre affluent notable que le Delidje qui coule à l'inté-
rieur de son coude. Les anciens lui attribuaient une cer-
taine importance parce qu'il marqua la frontière orientale
de la Lydie et que longtemps après on parlait encore de
l'Asie en deçà et au delà de l'Halys. C'est sur ses bords que
Crésus livra bataille à Cvrus.
LA
GRANDE ENCYCLOPÉDIE
(iRANUE KNCYCLOPÉUIK. — XX l. 43
i. Ms. lombard du vii« siècle.
2. Ms. visigothique du viii^ siècle.
3. Ms. anglo-saxon du i\*^ siècle".
4. Ms. italien du x^ siècle.
5. Ms. lombard du Mont-Cassin, xi° siècle.
6. Ms. français du xii^ siècle.
:^c^sûiL,m/:...
T. Ms. français du xiii^ siècle.
8. Ms. français du xiv*^ siècle.
9. Ms. de Laon, xiv® siècle.
-10. Ms. de rile-de-France, xv^ siècle.
41 . Gothiquedeslivresdechœur,Ms.duMont-Cassin,xvi^s
42. Bible de Wittenberg, xvi^ siècle.
LA GRANDE ENCYCLOPÉDIE
L
L. L Phonétique. — Douzième lettre de l'alphabet la-
tin. Non seulement le / appartient comme le r à la caté-
gorie des consonnes dites liquides, mais le premier est issu
du second. Il n'est guère permis d'en douter on ce qui con-
cerne les langues indo-européennes en présence de faits
comme ceux-ci : 4° le ^ est encore étranger au zend qui
ne connaît en fait de liquides que le r; 2^ Tancien sans-
crit, ou celui des Védas, bien que possédant déjà un petit
nombre de /, orthographie plusieurs radicaux par un r au-
quel l se substitue dans la langue postérieure ou classique ;
exemples : sanscrit védique : raè/i, prendre; n'/î, lécher;
np, déchirer; rup^ briser, etc. ; sanscrit classique : labh^
lih, liç, lup, même sens; 3° l'alternance si fréquente du
r et du / dans les radicaux indo-européens correspondants
montre dans la plupart des cas l'antériorité de celui-là sur
celui-ci. C'est ainsi que le radical grec XafjiS ou Xa6 dans
Xa{jt-6àvto, prendre, est pour pa6 comme le montrent à la
fois le rad. rap du la t. rapio, mêmes sens, et le sanscrit
védique rabh; et que la même conclusion ressort du
rapport des dérivés gr. asXX-a, tempête, lat. capell-a,
chèvre, etc., auprès des primitifs àrip, air, vent; caper,
chèvre ou bouc, etc.
Une circonstance dont il convient aussi de tenir compte,
c'est que les enfants qui commencent à parler substituent
tous / à r. Ce fait, rapproché du lambdacisme des adultes
dont les organes vocaux sont défectueux, indique que le
son l est l'état faible du son r et qu'il a dû se produire
dans les mêmes circonstances qui ont provoqué au cours
de l'évolution phonétique du langage l'affaiblissement des
autres sons voyelles ou consonnes.
Les observations étymologiques auxquelles donnent lieu
les langues indo-européennes de première formation, comme
le sanscrit, le grec, le latin, etc., tendent à prouver que /
(comme r) n'était jamais initial à l'origine et que, quand il
apparaît comme tel, c'est que le mot dont il fait partie a
laissé tomber sa véritable initiale.
C'est ainsi qu'en grec les radicaux xXstt de xXsTctw,
prendre, yXauaa de yXauaa-w, briller, voir, etc., indi-
quent que les rad. Xa6 et Xsuaa, mêmes sens, ont perdu
une gutturale qui précédait jadis la liquide.
Dansla transition du latin aux langues romanes, on cons-
tate encore un certain nombre de phénomènes de lambda-
cisme comme le frânqaiis pèlerin^ auprès du lat. peregrinuSj
étranger, voyageur. Mais la modification la plus fréquente
qu^ait subie dans notre langue le son / est celle qui a pour effet
de le mouiller; elle résulte de l'influence d'un i qui ac-
compagnait autrefois la liquide, comme on le voit par nos
mots paille, ital. paglia, du lat. palea, d'oiipalia, même
sens; maille, ital. maglia, même sens; taille, ital. ta-
glia, m. s.; merveille, ital. maraviglia, m. s.; piller,
ital. pigliare, m. s. ; fille, ital. figlia, du lat. fllia, m. s. ;
feuille, ital. foglia, cf. lat. folium, m. s.; mouiller,
lat. mollir e, m. s., etc.
Une autre altération plus accusée et commune à l'italien
et à certains patois français consiste dans la substitution
de la voyelle i au / quand celui-ci est le terme final d'un
groupe de consonnes. Exemples : ital, bianco, patois fr.-
comtois bian, fr. blanc; ital. ghiauda, pat. fr.-c. gian,
fr. gland; ital. piombo, pat. fr.-c. pion, ïv, plomb, etc.
Ici, comme pour le lambdacisme, on a affaire à un affaiblis-
sement qu'indique comme tel la prononciation enfantine qui
modifie souvent de cette façon les mots français où se ren-
contrent les groupes qui lui donnent l'occasion de se pro-
duire. Paul Regnaud.
IL Paléographie. — La lettre L de l'alphabet latin
n'est autre que le XàpiSSa grec, mais antérieur à l'époque
où il a affecté la forme ou plutôt la disposition qu'on lui
voit dans les inscriptions de l'époque .classique (A). Le
Xà{jL6Ba grec avait été emprunté lui-même au caractère de
l'alphabet phénicien nommé lamed (aiguillon), qui avait
la même valeur, et celui-ci à son tour dérive, à n'en pas
douter, d'un signe de l'écriture hiératique des Egyptiens.
Un coup d'œil sur notre tableau 1 suffijl à rendre compte
de cette dérivation.
Fixée de bonne heure dans la forme qu'elle a affectée
dans les inscriptions latines classiques, la lettre L s'est
perpétuée sans beaucoup de changements, à travers le
moyen âge jusqu'à nos jours, du moins pour l'écriture
capitale. Il y faut observer seulement que dans l'écriture
capitale de beaucoup de très anciens manuscrits, le trait
horizontal est fréquemment très court, souvent à peine
indiqué, et que ce n'est qu'à partir du vii^ ou du vin« siècle
qu'il reprend une importance toujours plus grande et qui
s'exagère jusqu'à l'époque gothique. Dans la cursive (graf-
fiti, tablettes de cire), ce trait est souvent tout à fait sup-
primé et la lettre se trouve à peu près réduite à un trait
vertical ou légèrement incliné à droite ; elle ne se dis-
tingue de Xi que parce qu'elle dépasse ordinairement de
beaucoup le niveau des autres lettres. Dans la cursive des
manuscrits et des actes, une ligature, qui joint le haut de
L
676 -
ce trait à la lettre qui précède, forme souvent] une panse 1 chancellerie, elle s'est transmise à la cursive des diplômes
supérieure ; on la trouve déjà dans l'écriture romaine de | mérovingiens, se retrouve dans les cursives du moyen âge^
4. ORIGINE ET DERIVATION DE L'L LATIN
MimX'tiqae'
ù
C^tecC^hnim
ùioÛbùûj^
C^aSc^mv
COccmxÀqtiù
j^
L l
V U
V
V
a passé dans la bâtarde et s'est perpétuée jusqu'à nos jours. 1 se placent les formes intermédiaires de l'onciale, delà
Entre ces deux formes, de la capitale et de la cursive, | demi-onciale et de la minuscule. Elles ne présentent pour
2. ÉCRITURES DE LA PREMIÈRE PÉRIODE DU MOYEN AGE
Écritures antiques.
V^ siècle .
Vl^ siècle.
VII^ siècle.
VHP siècle .
IX^ siècle.
X^ siècle ,
XI« siècle.
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l
L
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i
la lettre L rien de particulièrement caractéristique. Dans
l'onciale, conformément à la loi constante de cette écriture,
la barre inférieure horizontale s'est arrondie, de manière
à pouvoir être tracée du même trait de plume que la barre
verticale, lais fréquemment aussi les formes de la capi-
tale, et spécialement de la capitale rustique, se retrouvent
— 677 —
3. ÉCRITURES GOTHIQUES
JIÏOM^^
Xll^ siècle .
Xm« siècle.
XIV^ siècle.
XV« siècle .
t
h
"ùceau^
M^mÀidcuïn
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2)
ï
CwcéWjQ/
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ÉCRITURES MODERNES
^Uûaût&ique^
J^jyWUKJiAM/
JiaEUjue
JùaXaxD^
i
1
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S.
e
5. ECRITURES DITES NATIONALES
MéroYingienne . . . ,
Lombarde.
Visigothique.
Irlandaise.
Anglo-saxonne ....
C<xf\kmj^^
OviCMM^
Cwcôwe^
MmuécuSe-
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L — LAAS
678
dans des manuscrits en onciale. Cette courbe, dégénéres-
cence de l'ancienne barre horizontale, s'est souvent atté-
nuée en un léger trait incurvé, dans l'onciale, surtout
dans la semi-onciale, et plus généralement dans la mi-
nuscule. La lettre l n'a pas de forme particulière dans
les écritures dites nationales et n'est pas l'un des carac-
tères qui peuvent servir à les distinguer. **^.
LA. Sixième degré de la gamme d'ut majeur, premier
de la gamme mineure dans le système guidonien ; c'est à
ce titre qu'elle est représentée par la lettre A dans la no-
tation par lettres.
Lorsqu'on a voulu en France fixer la hauteur du dia-
pason, on a choisi comme note type le la aigu de 870 vi-
brations à la seconde ; de là l'expression de donner le /a,
pour donner le ton et la hauteur du ton. En Italie, c'est
Vut aigu qui est la note type du diapason (V. Diapason).
LA A. Ville d'Autriche, prov. de Basse-Autriche, sur la
Thaya; 2,700 hab. Défaites infligées aux Bohémiens par
les Autrichiens en 1240 et 4332, aux Autrichiens par les
Français le 7 juil. 4809.
LAA-MoNDRANs. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Orthez, cant. de Lagor; 303 hab.
LAACH (Lac de). Lac de Prusse, distr. de Coblenlz, au
centre de FEifel, à 284 m. d'alt. Long de 4,964 m., large
de 4,486, profond de 57, il occupe un ancien cratère ;
il serait sans écoulement si au xii^ siècle on ne lui avait
creusé un déversoir. A l'O. du lac sont les ruines de l'ab-
baye bénédictins de Laach (Lacensis) fondée en 4093.
i^'église est le plus beau monument en style roman de la
région rhénane ; ses six tours, sa façade, son transept du
xiii® siècle sont très admirés.
BiBL. : Wegeler, Das Kloster Laach ; Bonn, 1854.
LAA6EN. Nom de deux cours d'eau de la Norvège mé-
ridionale : le Laagen de Numedal, né dans les monts Har-
danger, parcourt Tétroite vallée de Nume, arrose Kongsberg,
s'étale en plusieurs lacs, descend plusieurs cascades dont la
plus connue est celle de Labrofo et finit près de Lauwik ;
il a 300 kil. de long. — Le Laagen de Gudbrand ou
Lougen, affl. du Glommen, sort du lac Lessœ-Verks-Vand,
parcourt la vallée de Gudbrand, forme les lacs Lœsna-Vand
et Mjœsen, au sortir duquel il prend le nom de Vormen ;
il a 322 kil. de long.
LAALAND ou LOLLAND. Géographie. — lie du Da-
nemark (V. cet art.).
Histoire. — Partiellement occupée par les Vendes, avant
la formation du Danemark, elle servit ensuite plusieurs
fois d'apanage à des princes de la maison royale.
LA A LE ou LOLLE (Peder), écrivain danois du moyen
âge, dont on ignore entièrement la vie. Il a laissé un recueil
de 4,200 sentences latines, en vers léonins, classées al-
phabétiquement et rendues, ligne à ligne, par des sen-
tences danoises correspondantes. Cet ouvrage n'était pas
destiné à nous conserver de vieux dictons danois ou latins ;
c'était simplement un manuel pour enseigner le latin aux
écoliers, un fort médiocre latin, à vrai dire, et tellement
rempli de gallicismes qu'on a pu supposer que l'auteur
avait passé à Paris une partie de sa jeunesse. Le manus-
crit avec version danoise a disparu et on ne possède qu'un
seul exemplaire de la première édition, imprimée à Co-
penhague en 4506 par les soins des professeurs de l'uni-
versité. Elle porte comnje titre les mots: Incipit iustissi-
mus legifer etdivinarum virtutum optimus prœceptor
Petrus Laale Danorum lux. Une deuxième édition fut
publiée à Paris, en 4545, par Christian Pedersen [Pétri
Laglandici Parabole). Depuis lors ce recueil, fort
curieux et l'un des premiers de son genre, a été édité
nombre de fois. Il existe à Lpsal un manuscrit avec ver-
sion suédoise plus ancienne que la danoise à en juger par
la langue. Th. Cart.
BiBL. :R. NvERUP, Reproduction de Tédition originale
avec notes explicatives; Copenhague, 1828. — A. Kock,
Œstnord. och laiinska medeltidsordspràh ; Copenhague,
1889 et suiv.
LAAR, LAER (Pieter Van), surnommé en itahen Bam-
boccio, en français Bamboche, en hollandais Bambotz,
Bambots, peintre et graveur hollandais, né à Haarlem le
43 juil. 4582, mort à Haarlem le 30 juin 4642. Ces dates
encore discutées se trouvent au bas de son portrait gravé
par C. Van den Berg. Il était le plus jeune des fils de Ja-
cob VanLaar, commerçant aisé de Haarlem, et se mit pro-
JDablement assez tard à étudier la peinture. Il séjourna, on
ignore combien de temps, en France et en Autriche, puis
s'établit à Rome au printemps de 4624. Très contrefait,
le nez long, le torse court avec des jambes démesurées, il
fut baptisé Bamboccio (poupée de chiffons) par les artistes
hollandais de Rome, à son dîner de réception. Ses tableau-
tins eurent un grand succès auprès des nobles amateurs.
Claude Lorrain et Sandrart furent ses amis intimes. En
4639, il revint dans sa ville natale; très choyé d'abord,
il mourut quelques années après, peut-être en partie du
chagrin d'avoir été supplanté par le jeune et brillant Ph.
Wouwermans. Ses « bambochades », nom qu'on a donné
longtemps, après lui, aux tableaux île genre, avaient pour
sujets des fêtes champêtres, noces de village, haltes de chasse,
foires, tabagies ; pour personnages, des gens de toute classe,
cavaliers courtisant des servantes, maréchaux ferrants, mu-
letiers, valets, goujats, aventuriers et voleurs, sa"Tis comp-
ter les animaux de tout genre. Les embuscades, les attaques
de voleurs lui ont donné maintes fois l'occasion de montrer
son sens du pittoresque, du mouvement et de la vie. Mais,
partout et toujours, dans ses vingt eaux-fortes comme dans
ses tableaux de quelques pouces, par la justesse et le nerf
du dessin, parla connaissance des lois de la lumière en
plein air et dans les intérieurs, il mérite d'être placé à peu
près aussi haut que les Van Ostade et les Karel Dujardin.
On a comparé ses peintures à « des fenêtres ouvertes à
travers lesquelles on voyait la réalité sans aucun change-
ment ». L'éloge semblerait encore mieux mérité, si l'ac-
cumulation des vieux vernis n'avait fortement atténué la
fraîcheur primitive des tons et la fine lumière des ciels.
Il a eu de nombreux imitateurs : Jan Miel, Jan Ossen-
beeck, les frères Both (dans leurs tableaux de genre), Tho-
mas Wyck, qui fut son élève. — Par un hasard singulier,
pas un seul de ses ouvrages n'existe en Hollande. On en
trouve dans les galeries particulières d'Angleterre, d'Alle-
magne, etc., et dans les musées publics: 2 au Louvre;
2 à Vienne ; 4 à Munich ; 4 à Dresde ; 8 à Florence, parmi
lesquels son portrait par lui-même. Il signait P.-D. Laer
et quelquefois Bambots. E. Durand-Gréville.
BiBL.: Passeri, Vitedei Pittori; Rome, 1772. — San-
drart, Teutsche Académie. — Charles Blanc, Histoire
des peintres, Ecole hollandaise. — E.-W. Moes, Êen te
weinig opgemerkte hron voor het leven van Pieter van
Laer {Une Source trop peu remarquée pour la vie de P. Van
Laer), dans Oud-Holland, 12« année, 2» livraison.
LAARBA. Tribu d'Algérie (V. Larbaa).
LAAS, Com. du dép. du Gers, arr. et cant. de Mirande ;
485 hab. Stat. du chem. de fer du Midi, ligne d'Agen à
Tarbes.
LAAS. Com. du dép. du Loiret, arr. et cant. de Pithi-
viers; 258 hab.
LAAS. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. d'Or-
thez, cant. de Sauveterre ; 500 hab.
LAAS (Ernst), philosophe allemand contemporain, né
à Furstenwalde, près de Berlin, le 46 juin 4837, mort à
Strasbourg le 25 août 4885. C'est à l'université de Stras-
bourg qu'il occupa une chaire de philosophie depuis 4 872 jus-
qu'à sa mort. Son premier ouvrage important, Kants Analo-
gien der Erfahrung (Berlin, 4876, in-8), est à la fois
une critique du kantisme et l'exposé d'une métaphysique
dynamiste. Mais bientôt Laas se tourna du côté du positi-
visme dont il a été en Allemagne le principal représentant.
Il exposa sa nouvelle philosophie dans un Quvrage con-
sidérable,/t^^a/z>mws und Positivismus,!''^ partie, AUge-
meiner u. grundlegender Theil (Berlin, 4879, in-8);
11''^ part., Idealist. u. positivist. Ethik (Berlin, 4882,
in-8); IIP part., Idealist. u. positivist, Erkenntniss-
théorie (Berlin, 4884, in-8). Un recueil d'essais posthumes
{Litterarischer Nachlass^ herausg. von B, Kerry
(Vienne, 4887, in-8), contient entre autres un essai de
morale positive. Le positivisme de l.aas est plus voisin de
celui de Stuart Mill que de celui de Comte. Il repose sur
la théorie de la connaissance dont Comte ne s'était guère
préoccupé. Suivant Laas, il n'y a de science véritable que
celle des faits, c.-à-d. des perceptions internes et externes.
L'objet n'est connu que comme contenu de la conscience,
et le sujet n'est que le centre de relation des objets. Les
concepts sont d'origine sensible, mais leur objectivité re-
pose sur la permanence de certains phénomènes indé-
pendants de notre sensibilité. La nature extérieure n'est
que la somme des possibilités de perception; toute expli-
cation transcendante en est illusoire et inatile. La mo-
rale est une science de faits; sa fonction est de nous re-
tracer le processus psychologique et historique des notions
morales et de fortifier par là même ces notions. Th. R.
LABA. Rivière de Russie (Caucasie), gouv. de Koutaïs,
afïL du Kouban, formé par la réunion de deux rivières du
N. du Caucase, la Grande (120 kil.), et la Petite Laba
(84 kil.) ; elle a 460 kil. La Laba inonde fréquemment sa
rive gauche qui est marécageuse et malsaine.
LABACCO ou ABACO (Antonio dall'), ou LABACO, ar-
chitecte florentin du xvi« siccle. Elève d'Antonio de San
Galloetdo Bramante, il paraît n'avoir pas beaucoup travaillé
comme architecte. On lui attribue le portail en travertin du
palais Sciarra à Rome. Son véritable mérite a été celui de
recueillir et de publier une collection des plans et des des-
sins des anciens édifices de Rome {Libro... apparteaente
a VA rchitettura sulqual si figurano alcune notabili An-
tichitàdi Roma; Rome, 'loo8,in-fol.,fig., souv. réimpr.).
LABAOIE (Louis-Augustin de) (V. Badie [La]).
LABADIE (Jean de), mystique français, né à Bourg
(Guyenne) le 43 févr. 4610, mort à Altona le 13 févr.
4674. Attiré parles exercices de piété des jésuites, il se
fit recevoir dans la Compagnie à l'âge de seize ans, malgré
sa famille qui appartenait à la noblesse de robe. Puis la
lecture de saint Bernard, de saint Augustin et de la Bible
le détacha des jésuites ; il demanda et obtint sa démission
en avr. 4639. Il prêcha alors en Guyenne, à Paris, à
Amiens, où il fut nommé chanoine et théologal en 4640 ;
mais il devint bientôt suspect. En oct. 4650, il se fit rece-
voir à Montauban dans l'EgHse réformée, sans y trouver
l'idéal qu'il cherchait. En route pour l'Angleterre, il fut
retenu à Genève en 4659, et y exerça, par ses prédications
très goûtées, une grande attraction sur la jeunesse. L'Eglise
wallonne de Middelburg (Hollande) l'appela en466H ; mais,
dès 4668, sa polémique contre un collègue qu'il accusait
de rationalisme le fit déposer. Il forma une communauté
séparée à Veere, puis à Amsterdam ; mais on ne tolérait
pas les congrégations non officielles au xvu^ siècle, Laba-
die dut fuir en 4670 avec une cinquantaine d'adhérents,
d'abord à Herford (Westphalie), puis à Altona en 4672 où
il mourut. En 4675, les labadistes revinrent en Hollande et
s'établirent au nombre de cent soixante deux au château de
Waltha (prèsde Wiewert, Frise occidentale). Là ils atteigni-
rent l'apogée de leur existence entre 4675 et 4690, sous la
direction de Pierre Yvon de Montauban (4646-4707). Ils
furent enfin respectés et exercèrent une influence vivifiante
autour d'eux. Ils pratiquaient le communisme; tous por-
taient un costume pareil ; on mangeait à des tables com-
munes; ils fabriquaient du drap, qui perpétue encore en
Hollande leur nom, du savon et des articles de fer. En doc-
trine, ils insistaient sur l'action immédiate du Saint-Esprit
dans le coeur des élus et voulaient que rEglisefùt une com-
munauté de régénérés. Deux essais de colonisation à Suri-
nam (4680-88) et dans l'Etat de New York échouèrent. Vers
la fin du XVII® siècle, la décadence commença et fut rapide;
les labadistes disparurent en 4744. F.-H. Kruger.
BiBL. : H, liERKUM, Labadie en de Labadisten ; Sneek,
1851. -— H. Heppe, Geschichte des Pielismus der reform.
Kirche^ namentl der Niederlande; Leyde, 1875, pp. 241-
374. — A. RiTscHL, Geschichte des Pie'tisynus in der re-
form. Kirche; Bonn, 1880, pp. 194-284.
679 — LAAS — LA BARRE
LABADIÉ (Alexandre), homme politique français, né à
Lézignan (Aude) le 1 2 avr. 4814, mort à Marseille le 2 janv.
4892. Etabli depuis l'âge de vingt ans à Marseille, où il
se fit une position importante dans le commerce, il se si-
gnala par son opposition à l'Empire. Appelé, le 4 sept.
4870, à la préfecture des Bouches-du-Rhône, il lutta plus
tard énergiquement contre l'Ordre moral (4873-74), fut
envoyé à la Chambre des députés, le 20 févr. 4876, par la
^^ circonscription d'Aix, fit partie des 363 après le 46 mai
(4877), obtint le renouvellement de son mandat aux élec-
tions générales du 44 oct. -1877 et vota constamment avec
la gauche républicaine. Les élections du 24 août 4884 lui
furent défavorables et il resta dès lors dans la vie privée.
LABADISTES (V. Labadie [Jean de]).
LABALME. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Nantua,
cant. de Poncin ; 297 hab.
LA BALUE (Jean) (V. Balue).
LABAN (V. Jacob).
LABAND (Paul), juriste allemand, né à Bresîau le
24 mai 1838. Professeur aux universités de Kœnigsberg
(4866) et de Strasbourg (1872), ses principaux ouvrages
sont : Die vermœgensrechtlichen Klagen nach den
sœchsischen Rechtsquelle7i des Mittelalters (Kœnigsberg,
4869); Das Budgetrecht nach den Bestimmungen der
preiissischen Verfassimgsurkunde (Berlin, 4814); Das
Staatsrecht des deutschen Reichs (Tubingue, 4876-82,
3 vol.). Il publie avec Stœrk (depuis 1886): Archiu fur
œffent lie fies Recht. C'est un des maîtres les plus origi-
naux dans le domaine du droit germanique.
LABAN OV DE RosTov (V. Lobanov de Rostov).
LABARBEN. Corn, du dép. des Bouches-du-Rhône, arr.
d'Aix, cant. de Salon; 275 hab.
LA BARBINAIS (Le Gentil de), voyageur français,
né à Saint-Malo. C'est le premier Français qui fit un
voyage autour du monde (474 4-24). Il en a écrit la rela-
tion : Nouveau Voyage autour du monde ^ avec une
Description de la Chine (Paris, 4723-27, 3 vol. in-42 ;
plus, éd.).
LABARDE. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de^Castelnau-de-Médoc ; 486 hab.
LABAROLLIÈRE (Jacques-Marguerite Pilotte, baron
de), général français, né à Lunéville le 22 nov. 4742, mort
à Nîmes le 4^^ déc. 4827. Entré au service à seize ans, il
était lieutenant-colonel en 4789. Nommé colonel le 25 juil.
n94, il fut promu maréchal de camp (6 déc. 4792) pour
sa brillante conduite à Valmy, devint général le 6 mai
1793 et fut peu après envoyé dans la Vendée. Battu par
La Rochejacqueiein à Martigné-Briand (45-47 juil. 4793),
il fut emprisonné, commanda plus tard la division mili-
taire de Rennes (4795-96), fut mis à la retraite en 4802 et,
sous l'Empire, obtint la recette générale du dép. du Gard.
LABARRE (Pierre) (V. Barrière [Pierre]).
LABARRE (Michel de), flûtiste et compositeur français,
né à Paris en 1675, mort à Paris en 4743. II fit repré-
senter à l'Opéra le 46 mai 4700 un ballet en cinq entrées,
le Triomphe des arts, et, le 26 mai 4705, une comédie-
ballet en trois actes et prologue, la Vénitienne, dont le
troisième acte fut introduit en 4714 dans les Nouveaux
Fragments de Lully, et en 4 766 dans le Ballet sans
titre. Labarre a publié trois livres de Pièces en trio pour
les violons, flûtes et hautbois, huit livres de Pièces à deux
flûtes et un Recueil d'airs à boire à deux parties,
LA BARRE (Jean-François Le Fèvre, chevalier de), né
en 4747 à Abbeville, oii il fut supplicié le 4^"^ juil. 1766.
Sa famille était d'illustration récente. Elle ne se rattachait
à la famille d'Ormesson, malgré l'identité du nom patro-
nymique, que par une seule alliance, celle de sa tante,
Jeanne Le Fèvre de La Barre (quoi qu'en dise une note
des OFMures complètes de Voltaire, Paris, 4885). Son
grand-père (Antoine) avait été lieutenant général des armées
du roi et gouverneur du Canada sous Louis XIV. Son père
mena une vie dissipée et se ruina entièrement. Il fut r -
cueilli par une autre de ses tantes, M^^ de Brou, ab! .-«:
LA BARRE — LABARTE
- 680
de Villencourt (et non Viliancourt), à l'âge de dix-sept ans.
Il logeait près de l'abbaye, mais il y était souvent reçu et
y portait la gaieté. Il recevait chez lui bonne et agréable
compagnie. Cependant il ne négligeait pas son avenir ; il
avait fait de grands progrès en dessin et en mathématiques,
lu et annoté de sa main un grand nombre d'écrivains mili-
taires anciens et modernes. Il serait devenu sans doute un
excellent officier (sa tante espérait lui obtenir une compa-
gnie de cavalerie), lorsque la barbarie du fanatisme reli-
gieux, la rigueur des lois pénales, l'esprit de méchanceté
et de délation qui distingue si malheureusement les petites
villes lui valurent une fin tragique, à laquelle il doit toute
sa célébrité. Un vieux juge d'élection, Duval de Saucourt,
avait été à sa grande honte exclu de la société de M^^*^ de
Brou, à laquelle il avait eu l'impudence de « déclarer sa
flamme » ; il était entré aussi en compétition d'intérêt avec
l'abbesse. Enfin, il s'était vu en butte aux railleries et aux
insultes du chevalier. Il se mit à espionner sa conduite. 11
nota qu'en juil. 1765, accompagné du jeune d'Etallonde
de Morival, La Barre avait passé devant une procession
sans se découvrir. Le 9 août de la même année, une croix
de bois posée sur le Pont-Neuf d'Abbeville fut mutilée.
L'évêque d'Amiens, de La Motte d'Orléans, publia en con-
séquence un monitoire (V. ce mot). Duval s'empressa
d'accuser son jeune ennemi. Il appuya sa dénonciation sur
le fait de la procession non saluée ; il mentionna aussi
que La Barre avait, à la fin d'un souper, chanté des chan-
sons contraires à la religion. Entouré de prétendus témoins
fanatisés ou intimidés, il obligea la sénéchaussée d'Abbe-
ville à recevoir sa déposition. Chose inconcevable ! Son
propre fils ayant été cité parmi les compagnons et les
complices du chevalier, il le fit évader et n'en poursuivit
pas moins ses attaques. La Barre et d'Etallonde furent
condamnés à avoir la langue et la main droite coupées et à
être ensuite brûlés vifs. D'Etallonde s'échappa et alla servir
le roi de Prusse. La Barre avait fait appel au parlement
de Paris qui émenda la sentence du premier juge (28 févr.
4 766) en ordonnant que le coupable serait décapité avant
d'être livré aux flammes (arrêt du 5 juin 1766). Cet
enfant fut d'abord appliqué à la torture par le brodequin.
Il s'évanouit, puis, rappelé à lui, déclara sans se plaindre
qu'il n'avait pas de complices. Il fut ensuite conduit au
lieu du supplice, dans un tombereau, avec un écriteau
portant: Im,pie^ blasphémateur^ sacrilège abominable
et exécrable. « On lui donna, dit Voltaire, pour confes-
seur et pour assistant un dominicain ami de sa tante
l'abbesse, avec lequel il avait souvent soupe dans le cou-
vent. Le bon homme pleurait, et le chevalier le consolait.
On leur servit à dîner, le dominicain ne pouvait manger.
Prenons un peu de nourriture, lui dit le chevalier, vous
aurez besoin de force autant que moi pour soutenir le spec-
tacle que je vais donner... Il monta surl'échafaud avec un
courage tranquille, sans plainte, sans colère et sans osten-
tation. Tout ce qu'il dit au religieux qui l'assistait se ré-
duit à ces paroles : Je ne croyais pas qu'on pût faire mourir
un jeune gentilhomme pour si peu de chose. » (Relation
de la mort du chevalier de La Barre ^ par M. de Casen. . .
[pseudonyme de Voltaire].)
Voltaire fit les plus grands efi'orts (d'ailleurs inutiles)
pour obtenir la réhabilitation de la mémoire du cheva-
lier de La Barre et la revision du procès de d'Etallonde.
En 1791, quand les cendres du philosophe furent triom-
phalement portées au Panthéon, le Théâtre-Italien donna
le 6 juil. une pièce intitulée le Chevalier de La
Barre^ par Marsollier. Le sujet était trop nu et trop
horrible pour fixer longtemps le public. Le 25 brumaire
an II, la Convention, sur la proposition de Lebon, abolit
les jugements des 28 févr. et 5 juin 1766, réhabi-
hta la mémoire de La Barre et d'Etallonde, « victimes de
la superstition et de l'ignorance », autorisa leurs héritiers
à se mettre en possession des biens qui pouvaient leur
appartenir, ou, en cas de vente, à en toucher l'équivalent
au Trésor. II. Monin.
iiiBL. : Voltaire, Œuvres complètes ; Paris, 1885, in-8,
I, 117, 118, 257 ; VII,184; XX, 458, 534 ; XXV, 504-513, 547 ;
XXÏX, 382; XXX, 555 ; XLIV, 312, 325, 329, 365, 379, 391
395; XLV, 199; XLIX, 147, 150, 167, 210. — Recueil in-
téressant (anonyme) sur Vaffaire de la, mutilation du
crucifix d'Abbeville^ etG.\ Londres, 1776, in-12. — Procès
du chevalier de La Barre (anonyme) ; Hambourg, 1782,
in-12. ~ Moniteur réimprimé^ IX, 78 ; t. XVIII, pp. 424,
438.
LA BARRE ou DE LA BARRE (Eloy), architecte fran-
çais, né à Ourscamps (Oise) le 17 août 1764, mort à Paris
le 20 mai 1833. Elève <ie Baymond, Antoine et Chalgrin,
La Barre obtint le premier prix pour la colonne de la
Grande-Armée à ériger à Boulogne-sur-Mer. La Barre com-
mença même dès 1804 l'édification de cette colonne dont
les travaux, bientôt interrompus, ne furent repris que sous
le règne de Louis XVIII et terminés seulement en 1 841
après la mort de La Barre. Cet architecte fit aussi élever
à Boulogne la salle de spectacle détruite par un incendie
en 1854 et fut chargé, de 1813 à 1833, de la construc-
tion de la Bourse de Paris, dont le projet avait été dressé
par Brongniart. Il fut élu à l'Institut en 1827, en rem-
placement de Thibaut ; dans son atelier se formèrent quel-
ques architectes distingués. Ch. L.
LABARRE (Modeste Gruau de) (V. Gruau de La Barre).
LABARRE (Théodore), compositeur français, né à Paris
le 5 mars 1805. Elève du Conservatoire (1817), il se fit
une réputation par son talent sur la harpe, pour laquelle
il a beaucoup composé ; on lui doit aussi les Deux Familles
(drame lyrique, 3 actes, 1831) ; la Révolte au sérail (bal-
let, 3 actes, 1833); P Aspirant de marine (o^èrai-comique^
2 actes); le Ménétrier (opéra-comique, 3 actes, 1845);
Jovita (ballet, 3 tableaux, 1853), la Fonti (ballet, 3 ta-
bleaux, 1855), etc. Il aurait collaboré âla Dame Blanche
(V. Adam, dans Assemblée nationale , iO juil. 1848).
LABARRE (Louis), publiciste belge, né à Binant en 1810,
mort à Ixelles en 1892. Il prit une part active à la révo-
lution de sept. 1830 et entra dans le journalisme radical.
Il écrivit dans le Courrier belge, la Bombe, le Charivari
belge, puis dans le National de Paris, et défendit ses con-
victions républicaines avec un réel talent et un désinté-
ressement absolu. En 1848, il dirigea à Bruxelles la Nation
qui, pendant huit ans, fut, suivant le mot de Ledru-Rollin,
la tribune de la proscription européenne; il y eut pour
collaborateurs Mazzini, Kossuth, Lelewel, V. Hugo, L.
Blanc, Charras, Raspail, etc. Après la Nation vint le Dra-
peau, qui soutint la même politique. En 1858, Labarre
fut condamné par la cour d'assises du Brabant à treize mois
de prison pour avoir fait dans son journal l'apologie de
l'attentat d'Orsini. Depuis cette époque ses articles de-
vinrent plus rares ; il en publia cependant encore de temps
à autre dans la Réforme de Bruxelles, et dans V Organe
de Mons jusque dans les derniers temps de sa vie. Labarre
avait écrit de nombreux et virulents pamphlets contre Na-
poléon III et fait représenter avec succès quelques œuvres
dramatiques. Il est aussi l'auteur d'une excellente étude
biographique sur le peintre Wiertz (Bruxelles, 1866, in-8).
LA BARRE DE Beaumarchais (Antoine de), littérateur
français, né à Cambrai, mort vers 1757. Chanoine de Saint-
Victor. Parmi ses nombreux ouvrages, citons : Aventures
de don A, de Bufalis (La Haye, 1712, in-12, plus, éd.) ;
Lettres sérieuses et badines sur les ouvrages des sa-
vants (1729-35, 8 vol. in-12) ; Journal littéraire (La
Haye), le mieux écrit des journaux composés à l'étranger;
La Barre le rédigea de 1732 à 1736 ; le Temple des muses
(Amsterdam, 1736, in-fol.), avec de.belles illustrations de
B . Picart ; Amusements littéraires (1 738-41 , 3 vol. in-1 2) .
LABARRE-DuPARC (De) (V. Delabarre-Duparc).
LABARRÈRE. Corn, du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. de Montréal; 537 hab.
LABARTE (Charles-Jules), archéologue français, né à
Paris le 23 juil. 1797, mortàBoulogne-sur-Mer lel4 août
1880. Après avoir exercé les fonctions d'avoué de 1824 à
1835, il vendit sa charge pour se donner tout entier aux
études archéalogiques. Il fut élu membre hbre de l'Académie
684 -
LABARTE — LA BASTÏE
des inscriptions le 21 déc. 4871. Son Histoire des arts
industriels au moyen âge et à l'époque de la Renais-
sance, malgré ses imperfections de détail et quelques erreurs
de théorie, comme celle qui Fa entraîné à voir des produits
de Tart byzantin dans les œuvres des orfèvres barbares,
n'en reste pas moins le travail d'ensemble le plus considé-
rable et le mieux documenté sur les arts industriels du
moyen âge ; la première édition a paru de 1864 à 1866 en
4 vol. in-8 et 2 vol. de planches ; la 2^ éd. a paru de
4872 à 4875 en 3 vol. in-4, avec planches hors texte.
Ses autres ouvrages sont : Description des objets d'art
qui composent la collection Debruge-Duménil précé-
dée d'une introduction historique (4847, in-8, 5 pi.);
Recherches sur la peinture en émail dans l'antiquité
et au moyen âge (1856, in-4) ; le Palais impérial de
Constantinople et ses abords... tels qu'ils existaient
au x^ siècle (1864, in-4) ; l'Eglise cathédrale de Sienne
et son trésor d'après un inventaire de i647 (4868,
in-4); Dissertation sur le Rôssel d'or d'Altœtiing
(1869, in-4) ; Dissertation sur l'abandon de la glyp-
tique en Occident (1871, in-4) ; Inventaire du mobi-
lier de Charles F, roi de France (1879, in-4). M. P.
BiBL. : Ouvrages publiés par M. Jules Labarte ; Paris,
1067, in-t.
LABARTHE. Com. du dép. delà Haute-Garonne, arr.
et cant. de Muret ; 544 hab.
LABARTHE. Com. du dép. de Tarn-et-Garonne, arr. de
Montauban, cant. de Molières ; 860 hab.
LABARTHE-Bleys. Com. du dép. du Tarn, arr. de
Gaillac, cant. de Cordes; 287 hab.
LABARTHE-d'Astarac. Com. du dép. du Gers, arr. et
cant. (S.) d'Auch ; 243 hab. Stat. du ch. de fer du Midi,
ligne de Port-Sainte-Marie à Condom.
LABARTHE-Inard. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. et cant. de Saint-Gaudens ; 645 hab. Slat. du ch. de
fer du Midi, ligne de Toulouse àMontrejeau. Fabriques de
papier.
LABARTHE-Rivière. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. et cant. de Saint-Gaudens; 1,440 hab. Elle tirait
son nom du pays de Rivière, territoire baigné par la Ga-
ronne, qui forma au xiii^ siècle le noyau de la jugerie de
Rivière, sénéchaussée de Toulouse. C'était une baronnie
dont la justice appartenait à quatre coseigneurs, qu'on ap-
pelait les quatre curiaux. Autrefois du diocèse ecclésias-
tique et civil de Comminges; après 1469, cette localité con-
tinua à faire partie du Languedoc. — Monument romain,
sorte de pile qu'on croit avoir été un ex-voto à Mercure. •—
Etablissement thermal.
LA BARTHE(Paui de), seigneur de Thermes, maréchal
de France, dit le maréchal de Thermes, né en Gascogne
en 1482, mort à Paris le 6 mai 1562. 11 fit sous Lautrec
la guerre dltalie et assista au siège de Naples. A son re-
tour en France, il fut fait prisonnier par des corsaires sur
les côtes de la Calabre, mais sa captivité fut de courte
durée. Il commandait 100 chevau-légers pendant la cam-
pagne de Piémont et contribua au gain de la bataille de
Cerisoles où il était colonel général de la cavalerie légère.
Sa bravoure l'ayant entraîné au milieu d'un parti ennemi,
il fut pris par les Impériaux. Henri II envoya La Barthe,
en 1549, pour soutenir la reine douairière d'Ecosse qui
luttait contre l'Angleterre ; il prit alors plusieurs places
aux Anglais. En 1558, il contribua sous les ordres du duc
de Guise à la prise de Calais, mais il échoua devant Gra-
velines qu'il assiégeait et qui fut débloquée par une victoire
brillante du comte d'Egmont. Blessé, il tomba aux mains
du vainqueur. Dans ses dernières années, il prit part aux
guerres de religion et combattit les huguenots.
BiBL. : MOiSTLUC, Mémoires. — Baron de Forqueyaux,
Vie des grands capitaines. — La Faille, Histoire de la
noblesse des capitaines.
LABARTHE, homme politique français, né le 23 déc.
1846. Propriétaire, il fut élu député de Parr. d'Espalion
en 1893 avec un programme républicain modéré, contre
M. de Benoît, député sortant.
LABARTHÈTE. Com. du dép. du Gers, arr. de Mi-
rande, cant. de Riscle ; 411 hab.
LABARUM. Avant Constantin et vraisemblablement dès
le règne d'Adrien, ce nom était déjà donné, dans l'armée
romaine, à l'étendard de la cavalerie ; mais les mots vexil-
lum et cantabrum étaient plus communément usités pour
le désigner. Cet étendard consistait en une hampe de lance
surmontée de l'aigle de la victoire. Au-dessous était fixée
une traverse, qui formait ainsi une croix. On y tendait
une pièce carrée d'étoffe, dont le bas était garni de franges
d'or. Les soldats le vénéraient comme le plus noble sym-
bole et le gage de la puissance romaine. Des apologètes
chrétiens, TertuUien et Minutius Félix, signalent cette dis-
position comme un hommage inconscient rendu à la vraie
foi. Après sa victoire sur Maxence et en souvenir d'une
vision ou d'un songe lui annonçant cette victoire, Cons-
tantin remplaça l'aigle par une guirlande d'or entourant le
monogramme sacré (lettre P avec le pied traversé par
un X), et il fit broder, avec de For et des pierres pré-
cieuses, sur la pourpre de la bannière, des emblèmes chré-
tiens. Au-dessous de ces emblèmes, des médaillons repré-
sentaient l'empereur et ses enfants. Les symboles de la
religion nouvelle et l'image de la famille impériale se
trouvaient ainsi associés à la religion du drapeau, si puis-
sante sur les soldats romains. Le Labarum était porté à
la tête de l'armée et confié à la garde de cinquante préto-
riens choisis parmi les plus forts et les plus braves.
Chacun d'eux le tenait à son tour. E.-H. Vollet.
LABASSÈRE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
et cant. de Bagnères-de-Rigorre ; 769 hab. Ardoisières
importantes en exploitation. Tour carrée du xiii^ siècle.
Eaux minérales. — Ces eaux athermales, sulfurées
sodiques, azotées, à réaction alcaline et à dégagement
d'azote, sont exclusivement employées en boisson et rare-
ment à la source même. On les transporte habituellement
à Bagnères-de-Bigorre. Elles stimulent les systèmes ner-
veux et sanguin, augmentent la calorification, activent les
fonctions digestives et les sécrétions en général. On les
emploie dans le catarrhe bronchique, dans certaines laryn-
gites et bronchites chroniques, dans le catarrhe des phti-
siques exempts d'hémoptysie. Ces eaux sont contre-indi-
quées chez les personnes pléthoriques, très irritables,
sujettes à la fièvre et aux congestions. D^ L. Hn,
LA BASSETIÈRE (Jean-Baptiste-Henri-Edouard Mo-
RissoN de), homme politique français, né à Saint- Julien-
des-Landes le 9 mars 1825, mort à Saint- Julien le 23 oct.
1885. Représentant de la Vendée à FAssemblée nationale
(1871), député de 1876 à 1885. Monarchiste militant, il
est connu par ses vives attaques contre tous les cabinets
républicains et surtout son attitude violente lors de l'expul-
sion des congrégations non autorisées (1880). — Son fils,
Marie-Joseph-Louis, né à Saint-Juhen le 24 mars 1857.
Docteur en droit, il fut député de la Vendée de '1 885 à 1893.
Monarchiste, il appuya le boulangisme et échoua aux élec-
tions de 1893 contre M. Batiot dans la première circons-
cription des Sables-d'Olonne.
LA BASTIDE. Nom de plusieurs communes de France
(V. Bastide [La]).
LA BASTIDE (Marc-Antoine de) (V. Bastide).
LA BASTIDE (Chiniac de) (V. Chiniac).
LABASTIDETTE. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. et cant. de Muret ; 332 hab.
LA BASTIE (Aimé de Genève, baron de) (V. Bastie).
LA BASTIE (Joseph de Bimard, baron de), archéologue
français, né à Carpentras le 6 juin 1703, mort à Carpen-
tras le 5 août 1742. Quelque temps novice chez les jésuites
d'Avignon, puis lieutenant dans un régiment d'infanterie
(1720-24), il quitta le service à vingt-deux ans pour raison
de santé, alla suivre le cours de droit à Valence, mais pré-
féra bientôt à l'étude de la jurisprudence celle de l'antiquité
et, renonçant à toute carrière professionnelle, se livra à des
travaux d'érudition qui lui valurent une certaine notoriété
et qui le firent nommer en 1737, pendant un séjour à Paris
LA BASTIE — LABBEY
— 682
(1736-48), correspondant honoraire de F Académie des ins-
criptions et 'belles-lettres. Son œuvre principale est une
excellente réédition, avec remarques historiques et critiques,
de la Science des médailles du P. Jobert (Paris, 1739,
2 vol. in-l^). Quant aux nombreuses et savantes disserta-
tions qu'il a fait paraître dans les Mémoires de Trévoux^
dans le Thésaurus inscriptionum de Muratorï et dans le
recueil de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, elles
ont trait notamment aux dates des médailles impériales
frappées en Egypte, à l'authenticité de la Chronique de
Joinville, au souverain pontificat des empereurs romains,
à la vie de Pétrarque, à la date de construction de l'arc de
triomphe d'Orange. L. S.
BiBL. : Fréret, Eloge de M. de La Bastie, dans les Mém-
de l'Acad. des inscr.,\. XVI, Hist., p. 335.
LA BAT (Jean-Baptiste), dominicain et voyageur français,
né à Paris en 1663^ mort à Paris le 6 janv. 4738. Il alla
comme missionnaire aux Antilles en 1693, après avoir
enseigné les mathématiques et la philosophie à Nancy. Il y
voyagea beaucoup, s'y fit remarquer par des aptitudes scien-
tifiques et administratives et fut chargé, en 1705, d'aller
représenter la mission en Europe. En 1709, il fit encore
un voyage à Rome et ne revint à Paris qu'en 1716, pour se
vouer alors à des travaux littéraires. Il rédigea entre autres
le Nouveau Voyage aux îles de r Amérique, etc. (Paris,
1722, 6 vol. in-'12, cartes et fig.), souvent réimprimé et
traduit en hollandais et en allemand ; malgré le style pro-
lixe de l'auteur, on trouve dans cet ouvrage des renseigne-
ments précis et intéressants. La même remarque s'applique
à la Nouvelle Relation de l'Afrique occidentale, etc.
(Paris, 1728, o vol. in-12), composée d'après les mémoires
de Brue ; à la Relation historique de F Ethiopie occiden-
tale, etc. (Paris, 1732, 5 vol. in-12), d'après Cavazzi et
d'autres; et au Voyage du chevalier Desmarchais en
Guinée.,, et à Caïenne, etc. (Paris, 1730, 4 vol. in-'l2).
LA BAT (Jean-François- Jules), homme polilique français,
né à Bayonne le 28 janv. 1819. Maire de Bayonne, où il
réalisa d'importants travaux d'édilité, très en faveur auprès
de Napoléon III, il fut député des Basses-Pyrénées au Corps
législatif de 1869 à 1870. Réélu en 1876, il fit partie du
groupe de l'Appel au peuple, appuya le gouvernement du
16 mai. Réélu encore en 1885 et 1889, il fut un des par-
tisan? du boulangisme. Il ne se représenta pas en 1893.
LABAT (Théophile), homme politique français, né à
Lormont le 20 mars 1834. Constructeur de marine à
Bordeaux, ancien ingénieur des constructions navales, il
fut élu député de la Gironde en 1893 contre M. Chiclié,
boulangiste, avec un programme républicain progressiste.
LAB-ATMALE. Corn, du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
de Pau, cant. de Pontacq ; 285 hab.
LABATUDE. Com. du dép. du Lot, arr. de Figeac,
cant. de La Capelle-Marival ; 587 hab.
LABATUT. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers,
cant. de Saverdun ; 148 hab.
LABATUT. Com. du dép. des Landes, arr. de Dax,
cant. de Pouillon ; 1,423 hab.Stat. du ch. de fer du Midi,
ligne de Lamothe à Mont-de-Marsan. Poteries. Ruines d'un
donjon féodal.
LABATUT. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Maubourguet ; 643 hab.
LABATUT-FiGuiÈRES. Com. du dép. des Basses- Pyrénées,
arr. de Pau, cant. de Montaner ; 334 hab.
LABATUT (Jacques-Jules), sculpteur français contem-
porain. Elève de Jouffroy, de Mercié et de Falguière, cet
artiste débuta brillamment au Salon de 1881 avec Narcisse
surpris de sa beauté. Il obtint la même année le grand
prix de Rome et conquit rapidement le succès par la sou-
plesse et la fermeté de son ciseau. Groupes et bas-reliefs
décoratifs, bustes-portraits, statues allégoriques en marbre,
et en bronze, il traite tous ces genres avec une égale supé-
riorité. Citons comme les plus remarquables de ces travaux :
la Pomme de discorde, bas-relief (envoi de Rome, 1884) ;
Moïse, Roland, deux groupes (S. 1888) ; Caton d'Vtique
(S. 1893). A l'Exposition universelle de 1889 figurèrent
ses meilleures œuvres. Poursuivant le cours de ses succès,
il donna encore : Raymond VI octroyant des privilèges
à sa ville de Toulouse, bas-reliet à nombreux person-
nages commandé par l'Etat pour le Capitole. Ad. Thiers.
LA BATUT (Anne-Charles-Ferdinand de La Borie, vi-
comte de), homme politique français, né à Bergerac le
9 mai 1854. Docteur en droit, juge suppléant au tribunal
de la Seine (1877), il fut élu député de la Dordogne en
1885 avec un programme républicain, combattit le bou-
langisme et fut réélu en 1889 et 1893.
LA BAUME (V. Baume [La]).
LA B AU IV! E DES Dossat (V. Baume des Dossat).
LA BAUWE-Montrevel (V. Baume [La]).
LABBE (Ornith.). Nom vulgaire des Oiseaux de mer du
genre Stercoraire (V. ce mot).
LABBÉ (Pierre), poète et archéologue français, né à
Clermont-Ferrand en 1594, mort à Lyon le 15 janv. 1678.
Reçu dans la Compagnie de Jésus en 1612, il enseigna
dans divers collèges pendant vingt-trois ans, devint recteur
successivement des collèges d'Arles, de Grenoble et de
Lyon. On lui doit des éloges historiques, des poèmes latins
et des dissertations historiques.
LABBÉ (Philippe), savant jésuite français, né à Bourges
le lOjuil. 1607, mort à Paris le 25 mars 1667. Parmi ses
très nombreux ouvrages il suffira de citer ceux qui sont
encore utilisés aujourd'hui : Collectio conciliorum (Paris,
1671, 18 vol. in-fol.); Nova Bibliotheca manuscripto-
rum (1657, 2 vol. in-fol.) ; Bibliotheca bibliothecarum
(1664, in-4). Il convient d'ajouter de plus que c'est lui
qui avait tracé en 1648 le plan d'une collection d'histo-
riens byzantins qui a été en partie suivi par les éditeurs de
la Byzantine du Louvre.
LABBÉ (Léon), chirurgien français, né à Merlerault
(Orne) le 29 sept. 1832. Il a commencé ses études mé-
dicales à Caen, où il a été interne des hôpitaux en 1853,
et les a terminées à Paris. Aide d'anatomie de la faculté
en 1860, docteur en médecine en 1861, il a été nommé
agrégé en 1863, chirurgien des hôpitaux en 1864 et pro-
fesseur à la faculté de médecine. On lui doit, outre Quel-
ques Réflexions au sujet du traitement des fistules
génito-urinaires chez la femme (1869), un Traité des
tumeurs bénignes du sein (1876), des Leçons de cli-
nique chirurgicale (1876), et un Traité des fibromes de
la paroi abdominale (1888) avec Ch. Remy. Il est l'au-
teur d'un procédé nouveau de gastrostomie. M. Labbé a été
nommé membre de l'Académie de médecine en 1880, et sé-
nateur républicain de l'Orne en 1892. D"* A. Bureau.
LABBEVILLE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Pontoise, cant. de L'Isle-Adam ; 349 hab.
LABBEY (Fauste), bénédictin, né à Vesoul en 1657,
mort en 1727. OEuvres principales : Luxovii chronicon
(2 vol. in-4) ; Recherches sur les monastères de V ordre
de Saint-Benoît établis dans le comté de Bourgogne
(in-4) ; Analyse des tables et registres de Vhôtelde ville
de Vesoul (in-fol.)
LABBEY de Pompières (Guillaume-Xavier), homme poli-
tique français, né à Besançon le 3 mai 1751, mort à Paris
le 14 mai 1831. Capitaine d'artillerie avant la Révolution,
il rentra dans la vie civile en 1789, présida sous le Direc-
toire le district de Saint-Quentin, devint sous l'Empire
membre du conseil de préfecture de l'Aisne et, en janv.
1813, entra comme député de ce département au Corps
législatif. S'il applaudit en 1814 à la Restauration, il n'en
prit pas moins place dans les rangs du parti libéral et
combattit le rétablissement de la censure. Membre de la
Chambre des représentants en 1815, il fut encore envoyé
au Palais-Bourbon comme député de l'Aisne à la fin de
1819. Il s'y fit remarquer par son ardeur contre le parti
ultra-royaliste. Orateur infatigable, il lutta en 1820 contre
les lois d'exception, contre la loi du double vote, présenta
et soutint en 1821 soixante-deux amendements au budget,
défendit en 48^22 la liberté de la presse menacée, s'efforça
Tannée suivante d'empêcher l'expédition d'Espagne et,
réélu le 2 août 1824, attaqua sans relâche sous Charles X
le ministère Yillèle, dont il demanda énergiquement la mise
en accusation en 1828. En 1830, il vota l'adresse des 221,
encouragea le peuple à l'insurrection pendant les journées
de Juillet et contribua pour sa part à Favènement de Louis-
Philippe, mais ne tarda pas à se tourner contre le nouveau
gouvernement, qui ne réalisait par ses espérances.
LABDACUS, roi légendaire de Thèbes (Béotie), fils de
Polydore (fils de t^admus) et de Nycteis, de la race des Spartes.
Il fut père de Laïus et grand-père d'OEdipe. Ses descen-
dants sont souvent appelés Labdacèdes. Probablement
pour concilier deux légendes différentes, les mythographes
alexandrins racontent que Labdacus régna d'abord sous la
tutelle de^ ses oncles Nycteus et Lycus et que sa mort pré-
maturée laissa à Lycus la tutelle' de Laïus (V. ce nom et
Lycus).
LABÉ. Ville importante du Fouta-Djalon, au cœur même
du pays. Sa population, qui avait été estimée par Lambert
en 1860 à environ 10,000 âmes n'est plus, d'après Golds-
bury, que de 1,200 à 1,300 hab. Labé est piltoresque-
ment assise sur une colline, à 868 m. d'alt., dont la base
est contournée par une rivière qui a son embouchure dans
l'Atlantique. Au point de vue politique, Labé est la capi-
tale d'un des Etats qui forment la confédération du Fouta-
Djalon et la résidence d'un de ses chefs les plus puis-
sants. ^ * D^ RoumE.
LABE (Louise Charly, dite), femme poète française,
née à Lyon en 1526, morte à Lyon en 1566. Très jolie
femme et très instruite, avide d'aventures, elle excita
de grandes passions dont l'une l'entraîna à Perpignan dans
l'armée du dauphin de France, où elle mérita le surnom
de « capitaine Loys ». Renonçant à son humeur guer-
rière, elle épousa Perrin, gros cordier de Lyon, d'où le
surnom sous lequel elle est le plus connue de « la Belle
Cordière ». Elle eut un salon très fréquenté par les ar-
tistes, les poètes et les seigneurs du temps, ce qui donna
de l'ombrage aux femmes de la noblesse qui ont fait
courir sur son compte force anecdotes scandaleuses. Les
vers de Louise Labé sont agréables, mais ils ne justifient
pas l'admiration, toute locale d'ailleurs, qu'ils ont excitée
et qui l'ont fait comparer à Sapho. Le premier recueil est
de Lyon (1555); il est excessivement rare. Depuis, les
réimpressions ont été nombreuses ;. citons : Lyon. 1824,
in-8; Lyon, 1853, in-8 ; Lyon, 1862, in 8; Paris, 1887,
2 vol. in-16. R. S.
BiBL. : GoNON, Documents historiques sur la vie et les
mœurs de Louise Labé ; Lyon, 1814, in-8. — Breghot du
LrjT, Notice sur la rue Bellé-Cordière contenant quelques
renseignements biographiques sur Louise Labé; Lyon,
1828, in-8. — Du même, le Testament de Louise Labé ;
Lyon, 1825, in-8. — Sainte-Beuve, Louise Labé, dans
Revue des Deux Mondes^ mars 1845. — Laur, Louise
Labé ; Strasbourg, 1873.
LA BEAU ME (Griffet de) (V. Griffet).
LA BEAU M ELLE (Laurent Angliviel de), littérateur
français, né à Valleraugue (Gard) le 28 janv. 1726, mort
à Paris le 17 nov. 1773. Elève des jésuites au collège
d'Alais, et destiné par ses parents au commerce, il se rendit
à Genève en 1745 pour y terminer ses études, y abjura le
catholicisme et passa en Danemark où il remplit pendant
trois ans les fonctions de précepteur particulier, puis fut
chargé d'un cours public de langue et de littérature fran-
çaises. Durant cette période, il entreprit un journal litté-
raire, VAspasie moderne^ et publia en faveur de la liberté
religieuse un roman souvent confondu avec celui de Cré-
billon fils, qui porte un titre presque semblable : V Asia-
tique tolérant, traité à Vusage du Zéokinizul [Louis XV],
roi des Kofirans [Français] (1750, in-12). Lors d'un
séjour à Berlin (1751), il encourut la haine de Voltaire,
c[ui ne lui pardonna jamais deux passages d'un recueil
intitulé Mes Pensées ou le Quand dira-t-on? (1751,
in-12), où il reprochait à Voltaire la pension de 7,000 fr.
dont l'avait gratifié Frédéric et où il l'assimilait à un
683 ~ LABBEY - LA BÊDOLLIÈRE
« bouffon » et à un « nain ». Obligé de quitter Berlin en
hâte, il parcourut diverses villes d'Allemagne, fit un séjour
de quelques mois à Gotha et se rendit à Paris en 1752 .
La publication de notes injurieuses sur le Siècle de
Louis XIV lui valut un premier emprisonnement à la
Bastille du 24 avr. au 12 oct. 1753, et un ordre d'exil à
cinquante lieues qui, sur les instances de Montesquieu et
de La Condamine, fut révoqué. Aussitôt libre, il rédigea
une Réponse au Supplément du Siècle de Louis XIV ^
dirigé par Voltaire contre lui, et prépara ses Mémoires
pour servir à l'histoire de M^^ de Maintenon (1755-
56, 6 vol. in-12), suivis d'un recueil de Lettres^ dont la
critique moderne a fait justice en dévoilant les interpola-
tions et les infidélités que La Beaumelle s'était permises
quand il ne les fabriquait pas de toutes pièces. Accusé
d'avoir dérobé quelques-uns des originaux aux archives de
Saint-Cyr, il fut détenu de nouveau à la Bastille du 6 août
1756 au l*^'^ sept. 1757, exilé à Toulouse où il eut un
procès, qu'il gagna, contre le capitoul David, si triste-
ment fameux par son rôle dans l'affaire Calas et où il
épousa l'une des sœurs du jeune Lavaysse, impliqué dans
le même procès. Voltaire, que cette union aurait dû, sem-
ble-t-il, apaiser, poursuivit La Beaumelle jusque dans sa
retraite où il s'était confiné, et l'accusa de lui avoir adressé
par la poste quatre-vingt-quinze lettres diffamatoires ano-
nymes, La Beaumelle réussit à se laver de cette imoutation
gratuite, obtint l'autorisation de revenir à Paris et fut
gratifié en 1771 d'une place à la Bibliothèque du roi et
d'une pension dont sa santé, minée par tant de tracas et
de mauvais traitements, ne lui permit pas de jouir long-
temps. Ses deux dernières publications : Examen de la
nouvelle Histoire de Henri IV, de Bury (Genève, 1768,
in-8) et une édition annotée delà Henriade (1769) avaient
été saisies et mises au pilon par le crédit de Voltaire; mais
le Commentaire sur la Henriade fut réimprimé par
Fréron avec des changements (1775, in-4 ou 2 vol. in-8).
La Beaumelle avait laissé, entre autres travaux posthumes,
une ViedeMaupertuis, publiée par ses descendants (1856,
in- 18). Maurice Tourneux.
BiBL. : J. Delort, Histoire de la détention des philo-
sophes et des gens de lettres à la Bastille, 1829, t. II. —
Michel Nicolas, Notice sur la vie et les écrits de La
Beaumelle, 1852, in-8, réim{3r. dans l'Histoire liUéraire de
Nîmes (t. il) de Fauteur. — Ch. Nisard, les Ennemis de
Voltaire^ 1853, in-8. — Maurice Angliviel, Observations
sur un écrit de M. Ch. Nisard. 1853, in-8. — G. Desnoires-
terres, Voltaire et la Société française (et notamment
Voltaire et Frédéric). — Paul Grimblot, les Faux Auto-
graphes de M™« de Maintenon, 1869, in-12. — A. Gkffroy,
M^^ de Maintenon d'après sa correspondance authen-
tique, 1887^, 2 vol. in-12.
LABÉCÈDE-Lauragais. Corn, du dép. de l'Aude, arr.
et cant. (N.) de Castelnaudary ; 917 hab. Culture de fraises.
Localité citée pour la première fois au xii® siècle ; usurpée
par Alfonse-Jourdain, comte de Toulouse, elle fut restituée
par lui à Baimond Trencavel, vicomte de Carcassonne
(1143). En 1227, le château était aux mains de Bai-
mond VIL Humbert de Beaujeu, lieutenant du roi de
France, l'assiégea et massacra la garnison ; un article du
traité de 1229 obligea le comte de Toulouse à démolir les
fortifications; le seigneur du lieu, Paganus, était alors en
fuite et poursuivi comme hérétique. En 1579, le château
fut inutilement attaqué par les religionnaires ; en 1 584,
un partisan huguenot. Basset, s'en ^îrnpara, mais il fut
réoccupé dès la même année par les troupes royales du duc
de Montmorency. Il était autrefois des diocèses religieux
et civil de Saint-Papoul, et de lajugerie, puis sénéchaus-
sée de Lauragais. A. Molinier.
LA BÊDOLLIÈRE (Emile Gigault de), publiciste et
littérateur français, né à Amiens le 24 mai 1812, mort à
Paris le 24 avr. 1883. Après avoir suivi les cours de
l'Ecole des chartes, il débuta par une Vie politique du
marquis de La Fayette (1833, in-8), suivie bientôt de
nombreuses œuvres de vulgarisation, de compilations et de
traductions qui ne l'empêchèrent pas de prêter au Siècle,
à partir de 1850, une collaboration active, à laquelle il
LA BÉDOLLIÈRE — LABERGEMENT
renonça momentanément lorsqu'il fonda en 4869, avec
quelques amis politiques, le National^ premier journal
politique quotidien à 5 centimes. Parmi les publications
d'actualité signées par La Bédollière, on peut citer : une
Histoire de la garde nationale (1848, in-18) ; Kinburn
et la mer Noire (1856, in~4, ill.) ; Histoire d'Italie
(1859, in-4, ilL); le Nouveau Paris^ histoire de ses
vingt arrondissements (1860, in-4, ill.) ; Histoire des
environs du nouveau Paris (1860, in4, ilL parG. Doré);
Histoire de la guerre du Mexique (1861-68, 3 parties
in-4, ill.) ; Histoire complète de la guerre d' Allemagne
et d'Italie (1866, 2 part, in-4, ill.); Histoire de la
guerre de 1810-11 (1872, in-4, ill.), etc. ; il a également
publié des traductions des Anglais peints par eux-mêmes
(1840, 2 vol. in-8) ; des OEuvres de Fenimore Gooper,
de la Case de l'oncle Tom; les Industriels^ physiologie
des métiers et professions de France (1841, in-8, ill.
par Henry Monnier) ; une amusante Histoire de la mère
Michel et de son chat (1846, in-8), ill. par A.-J. Lorentz
dans une bibliothèque enfantine créée par Hetzel ; Londres
et les Anglais (1862, in-4, ill. par Gavarni) ; le Bois de
Vincennes et le Tour de Marne (1864-65, in-4, ill. de
photographies par L Rousset) ; le Domaine de saint
Pierre (1865, in-18), sans parler d'une foule de chansons
et couplets de circonstances que sa verve enfantait à tous
les banquets auxquels il était convié. M. Tx.
LA BÉDOYÈRE (Charles-Angélique-François Huchet,
comte de), général français, né à Paris le 17 avr. 1786,
mort h Paris le 19 août 1815. Entré au service à vingt
ans, il fit les campagnes de Prusse et de Pologne (1806-7),
devint aide de camp de Lannes, passa ensuite dans l'état-
major du prince Eugène (1809) et, après de nom-
breuses actions d'éclat, fut nommé colonel du 112® de
ligne, à la tète duquel il se lit encore remarquer à Lutzen
et à Bautzen (1813). Le gouvernement de la Restauration
le nomma chevalier de Saint-Louis et l'envoya commander
à Grenoble le 7^ de ligne. Mais La Bédoyère alla en mars
1815 au-devant de Napoléon, qui revenait de l'île d'Elbe,
et, par l'exemple de sa défection, entraîna toute l'armée.
L'empereur le fit général de division, pair de France
(2 juin) et le prit pour aide de camp. Après Waterloo, La
Bédoyère dut se cacher en Auvergne pour échapper à la
proscription. Il songeait à quitter la France. L'incroyable
imprudence qu'il fil de se rendre à Paris au commence-
ment d'août, pour faire ses adieux à sa femme et à son en-
fant, ou pour prendre part à une conspiration contre les
Bourbons, lui coûta la vie. Arrêté le 2 août, il fut déféré
le 4 à un conseil de guerre, condamné à la peine capitale
et mourut avec le plus grand courage. A. Debidour.
LABÉJEAN. Com. du dép. du (>ers, arr. et cant. de
Mirande ; 485 hab.
LA BELLE (V.^Bella [E, délia]).
LA BELLAUDIÈRE (Louis Bellaud de), poète proven-
çal, né à Grasse vers 1532, mort en 1588. Il peut être
appelé le père de la moderne poésie provençale. D'abord
étudiant flâneur à Aix et à Avignon, il nous a conservé dans
ses libres vers tout l'aspect jovial de la vie universitaire
d'alors, avec les gentes compagnonnes, les danseurs, lesta-
verniers, les musiciens, parmi les processions de la cité
papale et les Jeux du roi René. Plus tard, ayant passé par
Salon, Arles et Marseille, il s'enrôla dans l'armée royale.
On ne sait rien de précis sur cette époque de ses aventures,
sinon qu'en 1572, la petite troupe dont il faisait partie ayant
été licenciée, et comme il errait en Bourbonnais, avec quatre
ou cinq compagnons de milice, ils furent arrêtés près de
Chantelle et jetés dans les prisons de Mouhns. Bellaud y
resta dix-neuf mois, malgré ses plaintes à de vagues protec-
teurs, dont un de ses frères, chanoine à Paris. Peut-on re-
gretter cette injustice du sort ? Cent cinquante sonnets sont
sortis de la prison de Moulins. On lui doit aussi le premier
poème qu'ait publié Bellaud, le Don-don infernal (Aix,
1584 ou 85; on n'a retrouvé que la 2« éd., 1588). En
quittant le Bourbonnais, le poète s'était établi à Aix, grou-
pant autour de lui ses arqums^ libre compagnie de bons
vivants, et fréquentant la société lettrée. Du Périer, Mal-
herbe, César de Notredame, P. Paul, L. Bruyeis, Galaup-
Chasteuil, B. Zerlin, ses amis, prisaient fort ses vers pro-
vençaux. Le fameux grand prieur, Henry d'Angoulême, qui
commandait en Provence, l'avait pris à son service en
1577. Bellaud connut alors plusieurs années prospères,
mais son humeur instable lui fit entreprendre un voyage à
Paris, puis s'établir à Marseille, près de son « oncle d'al-
liance », le capitaine Pierre Paul, de Salon, puis retourner
à Grasse, où il mourait bientôt (1588). Il avait légué ses
œuvres à Pierre Paul qui les rassembla tant bien que mal,
divisées en trois livres : Lous Passatens^ Obros et rimos
et le Don-don infernal^ accompagnées de son propre ou-
vrage, la Barbouilhado^ et précédées d'une sorte de tom-
beau où se retrouvent, vers et prose, tous les noms de
la littérature provençale d'alors. C'était comme un premier
essai de féUbrige. Le volume publié en 1595 fut aussi le
premier livre imprimé à Marseille. Dédié aux héroïques
consuls Louis d'Aix etCh. de Cazaulx, il fut avec eux vic-
time de la reddition de Marseille à Henri IV. Très rare au-
jourd'hui, il jouit d'une renommée légendaire en Provence.
Une réédition est en cours dans la Revue félibréenne. Les
félibres ont commémoré deux fois La Bellaudière dans sa
ville natale, en 1879 et le 14 août 1891 ; un buste lui a
été élevé ce jour-là. Soldat de fortune, débauché, bohème,
poète natif autant que pas un, il est le premier qui, depuis
les troubadours, et mieux qu'Augié Gaillard, le fameux
charron de Rebasteins, ait retrempé la langue d'oc à la
fontaine poétique, et ramené l'amoureux esprit provençal
à sa tradition. Paul Mariéton.
BiBL. : Aug. Fabre. L. B. de La Bellaudière^ étude his-
torique; Marseille, 1861. — Bory, Orig. de llmpr. à Mar-
seille, 1859. — P. Mariéton, R. Rkboul et F. Perrolle,
Etudes et documents, dans Revue félibréenne, t. VII et
t. IX.
LABENNE. Com, du dép. des Landes, arr. de Dax,
cant. de Saint-Vincent-de-Tyrosse ; 802 hab. Stat. de ch.
de fer du Midi, ligne de Paris à Rayonne.
LABENSKY (Xavier-Xavierievitch) , diplomate russe,
né en 1790, mort en 18o5. Il fut attaché aux ambassades
de Londres et de Berlin. Il a publié quelques ouvrages en
français, Un Mot sur l'ouvrage de fd. de Custine : la
Busbie en iSSO, par un Russe (Paris, 1843, trad. en al-
lemand et en anglais), des poésies (Erostrate^ etc.).
LABENWOLF (Pankraz) , sculpteur de Nuremberg,
élève de P. Vischer. Ses principaux bronzes sont : la
Jeune fille à UOie^ la fontaine du marché aux légumes
figurant un paysan tenant sous les bras deux oies qui jet-
tent de l'eau par le bec; celle de la cour de l'hôtel de
ville (jeune homme tenant un drapeau), exécutée en 1550 ;
enfin, le tombeau du comte W* de 7Âmmern^ dans l'église
de Messkirch, près Sigmaringen.
LABEO (Ichtyol.). Genre "de Poissons osseux (Téléos-
téens) , de l'ordre des Physostomes et de la famille des Cypri-
nidge, ayant pour caractères des écailles petites ou de taille
ordinaire, une nageoire dorsale sans rayons osseux, la
bouche obtuse, subarrondie, le museau épais et charnu,
proéminent, la bouche recouverte par un triple rang de
lèvres ; un premier voile naissant du sous-orbitaire s'étend
sur les deux autres, un second maxillaire, sorte de pre-
mière lèvre, et un troisième, la véritable lèvre, en dessous.
Le bord de la lèvre inférieure se détache et se replie de
façon à faire un voile particulier en dessous. Un petit bar-
billon existe à l'angle du maxillaire. On compte en plus de
deux à quatre autres petits barbillons; les dents pharyn-
giennes sont uncinées ; le museau est ordinairement plus ou
moins garni de tubercules. Le Labeo nilolicus est le type
du genre. Rochbr.
BiBL. : Gunther, Study of Fishes. — Valenciennes et
CuviER, Hist. génér. des Poissons.
LABEO (ÂxNTisTius) (V. Antistius Labeo).
LABEBGEMENT-du-Navois. Com. du dép. du Doubs,
arr. de Besançon, cant. d'Amancey; 180 hab.
— 685 —
LABERGEMENT — LABICHE
LABERGEMENT-FoiGNEY. Corn, du dép. de la Côte-
d'Or, arr. de Dijoif, cant. de Genlis ; 292 hab.
LABERGEMENT-LÈs-AuxoNNE.Com. du dép. delà Côte-
d'Or, arr. de Dijon, cant. d'Auxonne; 338 hab.
LABERGEMENT-LÈs-CuisERY. Corn, du dép. de Saône-
et-Loire, arr. de Louhaus, cant. de Cuisery ; 831 hab.
LABERGEMENT-lès-Seurre. Corn, du dép. de laCôte-
d'Or, arr. de Beaune, cant. de Seurre; 1,183 hab.
LABERGEWENT-Sainte-Colombe (V. Abergement-
Sainte-Colombe).
LABERGEMENT-Sâinte-Mârie. Corn, du dép. du
Doubs, arr. de Pontarlier, cant. de Mouthe ; 419 hab.
Minerai de cuivre. Forge; scieries; tanneries.
LA BERGERIE (Rougier, baron de) (V. Rougier).
LABERIUS (Decimus), écrivain romain, né vers 107
av. J.-C, mort à Pouzzoles en janv. 43. C'était un des
principaux auteurs comiques; il appartenait à Tordre
équestre. En 45, César l'obligea à paraître sur la scène
dans un rôle d'esclave syrien. Les fragments conservés des
œuvres de Laberius ont été réunis par Bothe (Poet, scen.
la^., t. V, p. 202-218) ; le principal est un prologue. Par
l'originalité de la pensée et la vigueur du style, il ap-
proche de Plaute ; mais les lettrés lui reprochaient l'abus
des antithèses, des jeux de mots, des trivialités, etc.
LABES. Viile de Prusse, district de Stettin(Poméranie),
sur la Rega ; 5,500 hab. Haras, parquetterie, cuirs.
LABESCAU. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Bazas,
cant. de Grignols;^169 hab.
LA BESNARDIÈRE (Jean-Baptiste beGouy, comte de),
diplomate français, né à Periers (Manche) en 1775, mort
à Paris le 30 avr. 1843. Il se destinait à l'Oratoire; la
Révolution étant survenue, il entra comme précepteur dans
une famille protestante, puis demanda à être employé dans
un des bureaux du Comité de salut public. En 1796, on
le prit aux relations extérieures comme principal commis
du bureau des passeports. Plus heureux et mieux doué
que la plupart de ses collègues improvisés, La Besnardière
eut une fortune brillante. Sous-chef des consulats, il fut
nommé, en 1805, chef de la deuxième division politique,
et en 1807 chef de la division du Nord. M. de Talleyrand,
qui appréciait ses services et travaillait souvent avec lui,
l'emmena au congrès de Vienne ; à son retour, le roi lui
conféra le titre de comte, le nomma conseiller d'Etat en
service extraordinaire et directeur des travaux politiques.
En 1819, il se retira en Touraine, avec une pension du
roi, dans une propriété qu'il avait acquise pendant la Ré-
volution.
LABESOLE. Corn, du dép. de l'Aude, arr. et cant. de
Limoux; 88 hab.
LABESSERETTE. Com. du dép. du Cantal, arr. d'Au-
rillac, cant. de Montsalvy; 511 hab.
LABESSETTE. Com.'^du dép. du Puy-de-Dôme, arr.
d'Issoire, cant. deTauvcs; 509 hab.
LABESSIÈRE-Càndeil. Com. du dép. du Tarn, arr. de
Gaillac, cant. de Cadalen; 787 hab. Bastide fondée en
1255 par Anselme, abbé de Candeil, sur une propriété
donnée à l'abbaye en 1227 par Raimond Vil, comte de
Toulouse. La charte de liberté, octroyée par le fondateur,
est analogue aux chartes des autres bastides du pays et
stipule des libertés civiles plutôt que des immunités poli-
tiques. L'histoire de Labessière est assez obscure ; mena-
cée en 1427 par Jean de Grailly, elle fut fortifiée à nou-
veau en 1440. En 1569, elle fut un instant occupée par
les protestants, puis, fidèle au roi Henri IV, fut exemptée
en 1590 du logement des gens de guerre. — Restes d'an-
ciennes fortifications ; dans l'église, insignifiante, meubles
ecclésiastiques provenant de l'abbaye de Candeil, dont un
reliquaire, œuvre de Limoges du xii^ siècle. Sur le terri-
toire de la commune, reste de l'abbaye de Candeil et châ-
teau de Serres. Celui-ci date du xvi^ siècle et servait de
résidence aux abbés. A. Molinier.
BîBL. : Rossignol, Monographies communales du dép.
du Tarn, I, 99-126.
LABETS-BiscÀY. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. de Mauléon, cant de Saint-Palais; 335 hab.
LABEUR (Typogr.). On appelle ouvrages de labeur, ou
labeur, des ouvrages de longue haleine et tirés à un grand
nombre d'exemplaires, par opposition aux journaux et aux
ouvrages de peu d'étendue qui se terminent rapidement
et qu'on tire en général à petit nombre, auxquels on donne
le nom de bilboquets ou ouvrages de ville.
LABEUVILLE. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Ver-
dun-sur-Meuse, cant. de Fresnes-en-Woëvre ; 286 hab.
LABEUVRIÈRE. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. et
cant. de Béthune ; 1 ,008 hab. Stat. du ch. de fer du Nord,
ligne de Béthune à Saint-Pol.
LABEYRIE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Orthez, cant. d'Arthez ;150 hab.
LABIACÉES (V. Labiées).
LABIAU. Ville de Prusse, district de Kœnigsberg, sur la
Deime, près du Kurisches Haff; 5,000 hab. Le 20 nov.
1656 y fut signé un traité par lequel Charles X Gus-
tave, roi de Suède, reconnaissait l'indépendance du duché^
de Prusse ; le grand électeur lui garantissait la Prusse
occidentale et la Pomérellie, Courlande et Semigalle, la Sa-
mogitie et la Livonie et renonçait à toute extension terri-
toriale aux dépens de la Pologne (V. Frédéric-Guil-
laume).
LABICHE (Eugène-Marin), auteur dramatique français,
né k Paris le 5 mai 1815, mort à Paris le 23 janv. 1888.
Après avoir suivi les cours du collège Bourbon et de-PEcole
de droit, il écrivit dans divers petits journaux et publia un
roman, la Clé des champs {\S3S, 2 vol. in-8). L'accueil
reçu par son premier vaudeville, M. de Coislin ou L'Homme
infiniment poli (juil. 1838), où Grassot fit lui-même ses
débuts, ne laissait pas présager le brillant avenir réservé
à Fauteur qui, soit seul, soit, et le plus souvent, en colla-
boration avec Marc Michel, Aug. Lefranc, Delacour, Va-
rin, Eug. Nyon, Dumanoir, Clairville, Duru, Ed. Martin,
E. Gondinet, Th. Barrière et enfin Emile Augier, a donné
une centaine de pièces, tant au Palais-Royal qu'au Vaude-
ville, aux Variétés, au Gymnase et à la Comédie-Française.
Il est impossible d'en tenter ici l'énumération complète et
d'ailleurs toutes, ou peu s'en faut, ont été réimprimées
dans le Théâtre complet d'Eug. Labiche (1878-79, 10 vol.
in- 18) ; il suffira donc de rappeler le titre et la date des
principales d'entre elles : Deux Papas très bien (1845) ;
Embrassons-nous, Folle ville {iS^O); Un Garçon de chez
Vérij (1850) ; le Chapeau de paille d'Italie (1851), l'un
des plus grands succès de Ravel et du Palais-Royal ; Ed-
gard et sa bonne (1852) ; Si jamais je te pince ! (1 855) ;
C Affaire de la rue de Lourcine (1857) ; le Voyage de
M. Perrichon (1860), comédieen quatre actes qui, du Gym-
nase, passa au répertoire de l'Odéon, puis à celui de la Co-
médie-Française ; la Poudre aux yeux (1861) ; les Viva-
cités du capitaine Tic (;{%{) ; la Station Champbaudet
(1861) ; Célimare le bien-aimé (1863) ; Moi (1864) ;
Un Mari qui lance sa femme (1864) ; la Cagnotte
(1864), dont la carrière fut aussi brillante et aussi pro-
longée que celle du Chapeau de paille dltalie ; le Papa
du prix d'honneur (1868) ; le Choix d'un gendre
(1869) ; le Plus heureux des trois (1870) ; Doit-on le
dire? (1873) ; Madame est trop belle (1874); les Trente
Millions de Gladiator (1875) ; le Prix Martin (1876).
Sur les instances d'Emile Augier, son collaborateur à cette
dernière pièce, Labiche entreprit alors de rassembler ses
œuvres et posa sa candidature à l'Académie française où
il fut élu, le 26 fév. 1880, en remplacement de Silvestre
de Sacy ; le discours de réception dans lequel le joyeux
vaudevilliste avait à louer le janséniste impénitent et le
contempteur de la littérature moderne fut, de l'aveu de
tous, l'un des plus spirituels, des plus déhcats et des plus
équitables qui aient été prononcés sous la coupole de l'Ins-
titut. Maurice Tourneux.
LABICH E (Jules), homme pohtique français, né à Sour-
deval-la-Barre (Manche) le 9 août 1 826. Grand commer-
LABICHE — LABILLARDIÈRE
686 —
çant en cotons, il fut élu sénateur de la Manche le 5 janv.
4879 et réélu le 5 janv. 1888. Il appartient au groupe de
la gauche républicaine.
LABICHE (Emile), homme politique français, né à
Béville-le-Comte (Eure-et-Loir) le 25 nov. 1827. Avocat
au barreau de Paris, secrétaire d'Alexandre-Thomas Marie, il
fit sous l'Empire de l'opposition républicaine et se présenta
sans succès à diverses élections législatives. Nommé en
1870, par le gouvernement de la Défense nationale, préfet
d'Eure-et-Loir, il y organisa la défense. Nommé secrétaire
général du ministre de l'intérieur par Ernest Picard, il
démissionna avec lui et devint, en 1876, sénateur d'Eure-
et-Loir. Membre de la gauche républicaine, il s'occupa
beaucoup de la réforme du code rural, rapporta les projets
sur la liberté de réunion, sur la marine marchande, sur
la liberté des funérailles, sur l'organisation du crédit agri-
cole mobilier et prit une part importante aux débats rela-
tifs au divorce, etc. Réélu en 1885 et 1894, il a présidé
le groupe des parlementaires aux congrès de la paix de
Rome (1891) et de Berne (1892).
LABICHE deReignefort (Pierre- Grégoire), théologien
français, né à Limoges le 31 déc. 1756, mort le 8 sept.
1881. Il a laissé divers traités de théologie et d'hagiogra-
phie, mais il ne vaut d'être cité que par son curieux mé-
moire : Relation de tout ce qu'ont souffert les 'prêtres
français insermentés déportés à IHle d'Aix (Paris,
1796-1802, in-8).
LABIÉES ou LABIACÉES (Bot.). Famille de plantes Di-
cotylédones, dont les représentants sont répandus dans
presque toutes les régions du globe, mais principalement
dans les parties tempérées de l'ancien continent. Ce sont
des herbes ou des arbustes, à tiges quadrangulaires et à
feuilles opposées, privées de stipules, le plus souvent par-
semées de glandes vésiculeuses, transparentes, plus ou
moins saillantes à la surface de l'épiderme et contenant
une huile essentielle volatile, qui communique son arôme
à la plante. Les fleurs sont hermaphrodites, le plus sou-
vent irrégulières, disposées en cymes ou en glomérules
axillaires ; le calice, persistant, gamosépale, est souvent
bilabié; la corolle gamopétale, hypogyne, caduque, toujours
plus ou moins bilabiée, c.-à~d. partagée en deux lèvres,
l'une supérieure formée de 2 pétales, l'autre inférieure
formée de 3 pétales. Les étamines, insérées sur le tube de
la corolle au nombre de 4, Fétamine supérieure étant
avortée, sont didynames, quelquefois réduites à 2 par
l'avortement des 2 plus petites; les anthères biloculaires,
introrses, ont le connectif parfois très développé (Sa/m).
L'ovaire est libre, quadriloculaire, ou plutôt biloculaire
avec de fausses cloisons qui le font paraître quadriloculaire;
il est inséré sur un disque hypogyne et surmonté d'un
style gynobasique à stigmate bifide, qui s'insère au sommet
organique de l'ovaire déprimé jusqu'au voisinage du récep-
tacle. Les ovules, au nombre da 4, un pour chaque loge,
sont dressés et anatropes. Le fruit est formé de 4 nucules
monospermes (tétrachaine), enveloppées par le calice per-
sistant, membraneuses ou crustacées, très rarement char-
nues {Prasium L.); les graines sont dressées, l'embryon
droit, très rarement courbe [Scutellaria), le plus souvent
exalbuminé. — Les Labiées sont voisines des Verbénacées
dont elles diffèrent essentiellement parla gynobasie de leur
style ; on peut aussi les rapprocher des Borraginées, dont
elles représentent, en quelque sorte, la forme irrégulière.
— Les principaux genres de Labiées sont : Lauandula
Tourn., Ocimum L., Pogostemon Desf., Mentha L.^
Origanum Tourn., Thymus Benth., Satureia L., Hys-
sopus Benth., Salvia L., Nepeta L., Melittis L., Sta-
chys L., Lamium Benth., Marrubium Benth., Brunella
Tourn., Soute tlariah., Rosmarinus Tourn. ^ AjugaL.^
Teucrium L., etc. D^ L. Hn.
LABIENUS. Famille romaine appartenant peut-être à la
gens Atia ; ses principaux représentants furent :
Quintus Labienus, partisan de Saturninus, tué avec
lui (100 av. J.-C).
Titus Labienus, son neveu, tué à Mundaen 45 av. J.-C.
Tribun de la plèbe en 63, il fut le 'dévoué partisan de
César, accusa de perduellio le chevalier Rabirius, meur-
trier de son oncle. Cicéron le défendit et le fit acquitter.
Labienus fit ensuite passer un plébiscite rendant au peuple
l'élection des pontifes, ce qui procura à César la dignité de
souverain pontife ; enfin il fit décerner à Pompée des hon-
neurs exceptionnels. Il suivit son protecteur en Gaule
avec le titre de légat et se distingua dans la campagne de
58, 011 il eut le commandement de l'armée en hiver en
l'absence de César. En 54, il défit les Trévires et les sou-
mit. En 52, il fut envoyé avec quatre légions contre les
Sénons et les Parisiens, marcha sur Lutèce et défit Camu-
logène qui voulait lui couper la retraite sur Agendicum.
Il eut de nouveau le commandement général durant l'hi-
ver, essaya de faire assassiner Comm î'Atrébate qui vou-
lait s'insurger. Il était le principal lieutenant de César qui
lui confia en 50 le commandement de la Gaule cisalpine.
Mais, enorgueilli par ses succès, il se laissa gagner par les
Pompéiens qui affectaient de l'exalter au-dessus de leur
chef. Au début de la guerre civile, il passa de leur côté.
Son rôle dans la guerre civile fut peu brillant ; à Dyrra-
chium, il détourna Pompée de pousser à bout ses premiers
succès; il se fit remettre les soldats césariens faits prison-
niers et, après avoir humilié ses anciens camarades, les fit
égorger. Après la défaite dePharsale il passa en Afrique; il
commandait l'armée qui combattit César à Ruspina (46) ;
vaincu, il s'unit aux deux Scipions et servit sous leurs
ordres en qualité de légat. Il se réfugia ensuite en Espagne
et combattit à Munda ; ce fut un mouvement malheureux
de sa part, se reportant vers le camp pour empêcher Bo~
gud, roi de Mauritanie, de l'enlever, qui fit croire à une
fuite et détermina la déroute de l'armée pompéienne. II y
périt.
Quintus Labienus, tué en 39 av. J.-C. Il prit le parti
de Brutus et Cassius, fut envoyé par eux contre les Par-
thes et s'unit à eux après la bataille de Philippes. Avec le
général parthe Pacorus, il envahit et conquit la Syrie, puis
la Cilicie (40). Antoine envoya contre lui Venlidius qui le
surprit en Asie Mineure et le fit périr.
Titus Labienus, orateur célèbre de l'époque d'Auguste,
probablement petit-fils du lieutenant de César; il fit une
opposition persistante à l'empereur, mais sans conspirer
contre lui. Il avait écrit une histoire. Vers l'an 12 av. J.-C,
on fit décider par le Sénat la destruction de ses écrits; il
se suicida en s'enfermant dans le tombeau de ses ancêtres.
LA BiGNE (V. BiGNE).
LA BIG0T1ÈRE(V. Bigotière).
LA BILLARDIÈRE (Jacques-Julien de), voyageur et na-
turaliste français, né à Aiençon le 23 oct. 1755, mort à
Paris le 8 janv. 1834. Il étudia successivement à Montpel-
lier et à Paris et fut reçu docteur en médecine en 1780 ; il
se consacra particulièrement à la botanique. En 1786, il
reçut une mission du gouvernement pour visiter la Pales-
tine, la Syrie et les principales îles de la Méditerranée.
A son retour, il publia : Icônes plantarum Syriœ ra-
riorumdescriptionibus.,.illustratœ (Paris, 1791-1812,
in-4, 58 pL). En 1791, il prit part à l'expédition de
d'Entrecasteaux faite pour rechercher La Pérouse, visita
le pic de Ténériffe, le Cap, PAustralie, Java où il fut pris
(1793) par les Hollandais et retenu jusqu'en 1795. Ses
collections avaient été transportées en Angleterre; J. Banks
les lui renvoya intactes. En 1800, La Billardière devint
membre de l'Institut et ne s'occupa plus que de la publi-
cation de ses ouvrages ; citons seulement : Relation du
voyage à la recherche de La Pérouse.., (Paris, an VII,
2 vol. in-8, et atlas); Novœ Hollandiœ plantarum spé-
cimen (Paris, 1804-6, 2 vol. in-4), l'un des premiers
ouvrages qui nous ont fait connaître les plantes si curieuses
des terres australes ; Sertum Austro-Caledonicum (Paris,
1824-25, 2 part, in-4, 80 pi.), et de nombreux travaux
insérés dans les Mémoires de Vlnstitut, les Annales et
les Mémoires du Muséum. D^ L. Hn.
- 687 -
LABILLE ~ LABLEE
LABILLE (Adélaïde) (V. Guiard [M^«]).
LA BINTINAYE (A.-M. René de) (V. Bintinaye).
LAB1SSACHÈRE(P.-J. Lemoun[erde)(V. Bfssachêre).
LABITTE (Charles), littèrareur français, né à Château-
Thierry (Aisne) le 2 déc. 1816, mort à Paris le 4 9 sept.
4845. Après avoir terminé ses études à Abhoville, pays
natal de sa mère, il se fit recevoir docteur es lettres, fut
quelque temps chargé d'un cours d'histoire aux collèges
Charlemagne et Henri IV, puis nommé professeur de lit-
térature étrangère à la faculté de Rennes (avr. 4840) et
suppléant de tissot au Collège de France (4842) . Collabo-
rateur assidu de la Revue des Deux Mondes, de la Revue
de Paris et de divers autres recueils, il préparait d'im-
portants travaux que sa santé épuisée par ce labeur
même ne lui permit pas de mener à terme. Outre ses deux
thèses de doctorat : De la Démocratie chez les prédica-
teurs de la Ligue (4844, in-8); De Jure politico quid
se7iserit Mariana et une édition de la Satire Ménippée
(4841, in-48), on a de Ch. Labitte un recueil posthume
à' Etudes littéraires (4846, 2 vol. in-8), qui ne renferme
qu'un choix de ses nombreux articles. — Son frère Por-
phyre-Henri (4823-85) fut député (4876-82), puis sé-
nateur (4882-85) de la Somme, M. Tx.
BiBL. : Saiintk-Beuve, Notice et liste des Etudes litté-
raires, réimpr. dans ses Portraits littéraires^ t. III.
LA B LAC HE (Luigi), chanteur scénique italien, né à
Naples le 6 déc. 4 794, mort à Naples le 23 janv. 1 858. Fils
d'un négociant de Marseille fixé à Naples en 4 791 , il fut admis
à douze ans au Conservatoire de la Pieta dei Turchini, où il
fut élève de Gentili pour le solfège et de Valesi pour le chant,
en même temps qu'il étudiait le violon et le violoncelle.
Doué, lorsqu'il se fut formé, d'une superbe et exception-
nelle voix de basse, qui ne comprenait pas moins de deux
octaves pleines, il avait à peine dix-huit ans lorsqu'il dé-
buta d'une façon heureuse au petit théâtre San Carlino,
dans la Molinara de Fioravanti. Engagé l'année suivante
à Messine, puis à Palerme, pour y tenir l'emploi des pre-
mières basses chantantes, ses succès y furent tels que la
prodigieuse renommée qu'il devait acquérir par la suite
commença à se répandre par toute l'Italie. En 1847, il
débutait triomphalement à la Scala de Milan, dans la Ce-
nerentola de Rossini. Excellent musicien, doué d'une in-
telligence supérieure et d'un rare sentiment delà scène qui
lui permettait de se montrer aussi puissant et aussi pathé-
tique dans les situations émouvantes du grand drame
lyrique que d'un comique parfois extravagant, mais tou-
jours de bon goût dans les bouffonneries les plus désordon-
nées, Lablache, après s'être fait applaudir avec enthousiasme
à Turin, à Venise et à Vienne, éclipsa 'bientôt tous les ar-
tistes qui tenaient son emploi sur les diverses scènes de
l'Europe. C'est le 4nov. 4830, alors qu'il venait de fournir
une saison brillante au théâtre San Carlo de Naples, qu'on
le vit débuter au Théâtre-Italien de Paris avec un succès
éclatant, que justifiaient amplement son talent magistral et
ses incomparables qualités. Il excita véritablement l'en-
thousiasme des amateurs, en se montrant tour à tour dans
Il Matrimonio segreto, La Gazza ladra, LaProva d'un
opéra séria, Cenerentola, Semi7-amide, Norma, Anna
Bolena, VElisire d'amore, Don Pasquale, I Puritani,
abordant tous les genres et dans chacun d'eux donnant la
preuve d'une étonnante supériorité. Un biographe disait alors
de lui : « Sa belle et noble tête, sa haute stature, qui affai-
blissait les inconvénients de son embonpoint, les qualités
de son esprit, son instruction variée, ses connaissances
étendues dans la musique, enfin ses habitudes d'un monde
distingué composaient dans sa personne et dans son talent
l'ensemble le plus satisfaisant qu'on puisse rencontrer
dans l'emploi qu'il remplissait à la scène. » En même temps
qu'il excitait à Paris l'admiration, Lablache allait passer
chaque saison d'été à Londres, où il se faisait applaudir
avec frénésie, non seulement au théâtre, mais dans les grands
festivals de musique solennelle et religieuse dont le public
anglais se montre si friand. Plus tard, il alla passer aussi
quelque temps à Saint-Pétersbourg, où il ne fut pas fêté
moins bruyamment. Très estimé aussi de tous les compo-
siteurs de son temps, qui trouvaient en lui un interprète
sublime de leurs créations, il fut l'ami intime de Rossini,
de Bellini, de Donizetti, de Mercadante, en qui il excitait
une véritable admiration. En résumé, Lablache fut un ar-
tiste d'un ordre absolument exceptionnel, réunissant toutes
les qualités, chanteur incomparable en même temps que
comédien d'une incomparable habileté, et qui a laissé dans
l'histoire de l'art de son pays une trace lumineuse.
LABLACHÈBE. Corn, du dép. de l'Ardèche, arr. de
Largentière, cant. de Joyeuse; 4,928 hab.
LABLANCHÈRE (Pierre-René-Henri Moullin du Cou-
dray), naturahste et photographe français, né à La Flèche
(Sarthe) le 2 mai 4821, mort au Havre le 45 avr. 4880.
Entré en 4844 à l'Ecole forestière et nommé garde général
des forêts, il démissionna en 4848 et alla habiter Nantes, où
il s'adonna à l'étude de l'histoire naturelle et de la piscicul-
ture. C'est de cette époque que datent ses premières appli-
cations scientifiques de la photographie. En 48^5, il vint se
fixer à Paris, fit avec Faye les premières expériences de
photographie solaire, ouvrit, par l'invention du coliodion sec,
la voie qu'a suivie depuis lors la préparation des plaques et
créa, avec Baudrand, le premier procédé artistique d'hélio-
gravure. Il poursuivit en même temps ses travaux d'histoire
naturelle. Il a écrit entre autres ouvrages : l'Art du pho-
tographe (Paris, 4859, in-8 ; 2® éd., 4864); Monographie
du stéréoscope (Paris, 4862, in-8) ; Répertoire encyclopé-
dique de photographie (Paris, 4862-67, 6 voL in-8) ; les
Ravageurs des forêts (Paris, 4865,in-42;3*' éd., avec le
D^ E. Robert, 4 875) ; Culture des plages maritimes (Paris,
4866, in-46) ; Nouveau Dictionnaire général des pêches
(Paris, 4868, m-^)\ Manuel pratique d'acclimatation i^d.-
ris, 4872,in-42); les Oiseaux utiles et les oiseaux nui-
sibles (Paris, 4870, in-18; 5«éd., 4889); Sous les eaux
(Paris, 4880, in-8 ;3^éd., 4886), etc. Onluidoilenoulredes
contes, des nouvelles, de charmants petits livres de vulgarisa-
tion scientifique et de nombreux articles de journaux.
Son fils, Marie-René, né en 4853, ancien élève de l'Ecole
normale supérieure, membre de l'école française de Rome,
docteur es lettres (4883), directeur du service beylical des
antiquités et des arts, à Tunis, et professeur de géographie de
l'Afrique à l'Ecole supérieure d'Alger (1886), est actuelle-
ment ^4 895) inspecteur général des bibliothèques, musées et
archives, à Paris, et directeur de la mission archéologique
française dans l'Afrique du Nord. H a publié : De Regejuba,
thèse (Paris, 4 883, in-8) ; Voyage d'étude dans la Mauréia-
nie césarienne (Paris, 4883, in-8) ; Terracine, essai d'his-
toire locale{Paris, 4 884,in-8) ; Collection du musée A laoui
(Paris, 4890etsuiv. , in-4) ; Musées et collections archéolo-
giques de l'Algérie (Paris, 4 890 et suiv. , in-4), etc. L. S.
LABLANCHERIE (Flammès-Claude-Catherine Pauin
Champlain de), littérateur français, né à Langres le 29 déc.
4752, mort à Londres en 4844. H fonda ks Nouvelles
de la république des lettres et des arts (1779-88),
feuille qui paraissait tous les mercredis par livraisons de
seize pages gr. in-4 à deux colonnes, avec un supplé-
ment intitulé Salon de la correspondance pour les
sciences et les arts. C'était l'organe d'une sorte de cercle
artistique et scientifique destiné à fournir aux savants et
aux artistes un centre de ralliement. La collection de ce
journal est très rare. Citons encore de lui : Essai d'un
tableau historique des peintres de l'Ecole française
depuis Jean Cousin jusqu' en y 7^5 (Paris, 4783, in-4).
Il fut un des prétendants à la main de M^^° Roland, alors
qu'elle n'était encore que Manon Phlipon, et faillit l'épou-
ser. R. S.
BiBL. : Hatin, Bibliographie de ta Presse périodique,
— M"i« Roland, Mémoires, Paris, 1820, t. I, in-8.
LABLÉE (Jacques), littérateur français, né à Baugency
le 26 août 4754, mort en 4844. Avoué à Paris, il fut en
4790 administrateur de la Commune de Paris et président
de la section du Luxembourg. En i 792, il fonda un jour-
LABLEE — LABORDE
— 68S
nal, le Fanal Parisien, qui fut subventionné par le minis-
tère (les affaires étrangères, sur l'ordre du conseil exécu-
tif provisoire. Il subit au Luxembourg une détention de six
mois pour avoir désapprouvé les massacres de septembre et
le procès de Louis XVI. En 1794, il devint administrateur
des subsistances, puis procureur syndic du Loiret. Après
divers autres avatars, on leretrou>'e employé à l'adminis-
tration de la guerre ; en 1810, il est inspecteur des vivres
en Italie. Solliciteur éhonté, après avoir publié un curieux
volume : Couronne poétique de Napoléon {Hvïs, 1811,
in-8), qui contient tous les vers qui ont été composés en
l'honneur de l'empereur, il obtint de Louis XVIII une pen-
sion de 1,200 fr. en imprimant Procès-verbal et notes
explicatives d'u7i événement qui a eu lieu au Palais
du Luxembourg le 22 févr. i79i (Paris, 4814, in-8),
oii il prétend avoir sauvé la vie de ce prince alors qu'il
n'était encore que Monsieur. Labiée, littérateur fécond, a
donné beaucoup de romans et de poésies, entre autres :
Silvine (1801 , in-12) ; V Homme aux six femmes (1802,
2 vol. in-12) ; la Roulette, histoire d'un joueur (1814,
in-12, 5® éd.) ; Des Jeux de hasard au commencement
du XIX® siècle (1803, in-12) ; la Fin du monde, poème
(1806, in-8); VEcarté ou l'Aventure d'une joueuse
(1822, 2 vol. in-12), etc. R. S.
LA BLETTERIE (Jean-Philippe-René de), oratorien,
professeur d'éloquence au Collège royal, né à Rennes en
1696, mort en 1772. Nommé membre de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres en 1742. OEuvres principales:
Vie de l'empereur Julien (Paris, 1735, in-12) ; Histoire
de Jovien (Paris, 1748, 2 vol. in-12) ; traductions des
Annales de Tacite (Paris, 1768, 3 voL in-12), àa^Mœurs
des Germains et de la Vie d'Agricola (Paris, 175o,
2 vol. in-i2).
LA BODERIE (Le Fèyre de) (V. Fèvrë de La Bo-
DERIE [Le]).
LABOlTIE (V. Boétie [La]).
LABOISSIÈRE. Corn, du dép. de l'Oise, arr. de Beau-
vais, cant. de Noailles ; 867, hab. Stat. du eh. de fer du
Nord, ligne de Paris à Amiens.
LABOISSIcRE. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, cant. d'Hornoy; 163 hab.
LABOISSIÈRE. Com. du dép. de la Somme, arr. et
cant. de Montdidier ; 268 hab.
LABOISSIÈRE (Paul-Joseph-Xavier Trâmier de), homme
politique français, né à Carpentras (Vaucluse) le 4 mars
1799, mort à Bollène (Vaucluse) le 22 déc. 1860. Ancien
garde du corps, il fut le 5 juil. 1831 envoyé parle collège
électoral de Carpentras à la Chambre des députés, où il
s'associa au parti avancé, fut poursuivi pour participation
à l'insurrection républicaine des 5 et 6 juin 1832 et, non
réélu en 1834, se retira dans son département, où, plus
tard, il fut nommé' commissaire du Gouvernement provi-
soire en 1848. Représentant de Vaucluse à l'Assemblée
constituante, il vota d'ordinaire avec l'extrême gauche. Les
élections de 1849 le firent rentrer dans la vie privée.
LABONG, LAPOUN ou LAMPOUN. Ville du Laos sia-
mois, sur le Mékouang, affl. g. du Siénam, ch.-l. d'une
principauté dépendant de celle de Xieng-maï. Elle a été
fondée au xi® siècle dans une plaine fertile. Son temple
Ouat-Piatat et la pagode voisine sont deux des plus beaux
monuments de Plndo-Chine.
LABONNE (Henry), naturaliste contemporain, né à
Montgivray (Indre) le 28 déc. 1855. Docteur en médecine
de la faculté de Paris {Contribut. à l'étude des suites des
fractures de la rotule.,., 1884), licenciées sciences natu-
relles, il fut chargé de deux missions officielles du gouver-
nement français en Islande et aux Fœroer (1886-87) ; il
dirige aujourd'hui la Société d'éditions scientifiques. Il a
publié: l'Islande et T archipel des Fœroer {Paris, 1887,
in-8; 2® éd., 18S8) ; dans les Sciences biologiques de
1889 des articles sur les Idées dominantes à travers les
siècles, la Crémation, les Germes pathogènes du sol, puis
un article sur les Fœroer dans le Tour du Monde (1887).
Il a donné à la Grande Encyclopédie les articles Fœroer
{Feroë) et Hécla. ]y L. Un.
LABORANS, canoniste, né près de Florence en 1110,
mort en 1192; créé cardinal en 1180. Il avait étudié à
Paris et y avait reçu la maîtrise. Son œuvre principale, qui
porte dans un manuscrit du Vatican le titre de Codex
compilationis, résume le travail de vingt années ; elle
contient une refonte du Décret de Gratien, complété par
des emprunts à Burchard, aux Décrétâtes postérieures à
Gratien, aux Pandectes et au Code de Justinien. E.-H. V.
LABORDE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.de
Bagnères-de-Bigorre, cant. de LaBarthe ;''506hab,
LABORDE (Vivien), oratorien, né à Toulouse en 1680,
mort en 1748. Après avoir professé la philosophie, la
théologie et l'histoire ecclésiastique, il devint, très jeune
encore, directeur du séminaire de Saint-Magloire (1708),
et finalement visiteur de sa congrégation et assistant au
généralat. Son opposition à la bulle Unigenitus l'avait
empêché d'être nommé évêque ; vers la fin de sa vie, il se
soumit à cette bulle; mais, en l'année même de sa mort, il
rédigeait les mandements des évêques de Carcassonne (de
Bezons) et de Soissons (Fitz-James) contre le livre du
jésuite Pichon, intitulé Esprit de Jésus-Christ et de
l'Eglise sur la fréquente communion (Paris, 1745).
OEuvres principales : Lettres au cardinal de Noailles
touchant les intrigues et les artifices du P, Le Tellier
(Paris, 1711, in-i^) ; Examen de la constitution UmoE-
NiTus (Paris, 1714); Témoignage de la vérité dans
l'Eglise (Paris, 1714, in-12) (cet ouvrage, supprimé par
le parlement le 21 févr. 1714, fut formellement condamné
par l'assemblée du clergé le 29 oct. de l'année suivante ;
mais le régent interdit l'impression de cette condamnation) ;
Lettres d'un gcAitilhomme de Provence (Paris, 1721,
iîi-12); Principes sur l'essence, la distinction et les
limites des deux puissances spirituelle et temporelle
(Rome, 1753, in-12, édition posthume). E.-H. V.
LABORDE (Jean-Joseph, marquis de), célèbre financier
français, né à Jaca (Espagne) en 1724, mort à Paris le
18 avr. 1794. Grand banquier à Bayomie, il rendit d'im-
portants services au gouvernement français, surtout à Choi-
seul, qui lui fit donner le titre de marquis. Possesseur d'une
fortune énorme, il acquit lesterres de Saint-Ouen, de Saint-
Leu, de La Ferté-Vidame, de Méréville, où il dépensa des
sommes colossales. Mais il se montra toujours d'une grande
générosité. H créa en 1763 la Caisse d'escompte. Arrêté
en 1793, il fut traduit devant le tribunal révolutionnaire,
condamné à mort le 29 germinal an II et guillotiné.
LABORDE (Alexandre-Louis- Joseph, comte de), archéo-
logue et homme politique français, né à Paris le 17 sept.
1773, mort à Paris le 20 oct. 1842, fils du précédent.
Emigré, il servit dans l'armée autrichienne jusqu'en 1797.
A partir de cette époque , il voyagea en Angleterre ,
en Hollande, en Italie, en Espagne, et pubHa ses ou-
vrages bien connus : Itinéraire descriptif de l'Espagne
(Paris, 1809, 5 vol. in~8 et atlas) et Voyage pitto-
resqiie et historique en Espagne (1807-18, 4 vol.
in-foL). Nommé en 1808 auditeur au conseil d'Etat, créé
comte de l'Empire en 1810, il dirigea le service des ponts
et chaussées dans le dép. de la Seine et fut élu en 1813
membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres où
il succédait à Toulongeon. Sous la Restauration, il s'occupa
surtout des questions d'enseignement mutuel qu'il avait
étudiées en Angleterre. En 1822, il fut élu député de la
Seine, réélu en 1827, et, de 1830 à 1841, il se distingua
par une indépendance relative. Lors de la révolution de
1830, il fut un des chefs du mouvement contre les ordon-
nances, ce qui le fit choisir par Louis-Philippe pour aide
de camp et sous-préfet de la Seine. Le comte de Laborde fut
questeur de la Chambre des députés à partir de 1831. Il
était entré à l'Académie des sciences morales et politiques
en 1832. Citons parmi ses ouvrages : Description des nou-
veaux jardins de la France et de ses anciens châteaux
(Paris, 1808-15, in~fol.) ; les Monuments de la France
(1816-26, in-fol.) ; Projets d'embellissements de Paris
(IBIô, in-fol.) ; Quarante-huit Heures de garde au
château des Tuileries pendant les journées des 19 et
20 mars i8i5 (4816, in-4) ; Voyage pittoresque en
Autriche (1821, 2 vol. in-tol.) ; Paris munici'pe (1838,
in-8) ; Versailles ancien et moderne (183940, in-8), etc.
LABORDE (Etienne de), officier et politicien français,
né à Carcassonne le 3 déc. 1782, mort à Paris le 31 juil.
1865. Après avoir fait les campagnes d'Allemagne et de
Russie, il entra en 1813 aux chasseurs à pied de la garde
avec le grade de lieutenant, et promu en 1814 capitaine
adjudant-major, accompagna en cette qualité Napoléon à
l'île d'Elbe. Pendant les Cent-Jours, il servit aux chasseurs
de la garde et, jusqu'à la révolution de 1830, n'eut point
de service actif. Il fit alors la campagne de Belgique et jus-
qu'en 4838 commanda la place de Cambrai. Bonapartiste
ardent, il figura dans l'échauffourée de Boulogne (1840)
et fut condamné à deux ans de prison. En 1849, la Cha-
rente-Inférieure l'envoya siéger à l'Assemblée législative.
Après le coup d'Etat du 2 décembre, il devint gouverneur
du palais du Luxembourg. On a de lui un curieux ouvrage :
Napoléon et sa garde (Paris, 1840, in-32), qui est une
relation du voyage de Fontainebleau à l'île d'Elbe, du sé-
jour de l'empereur dans l'île et de son retour en France.
LABORDE (Léon-Emmanuel-Simon- Joseph, marquis de),
archéologue et historien d'art français, né à Paris le
13 juin 1807, mort à Fontenay (Eure) le 26 mars 1869,
fils de Alexandre-Louis-Joseph (V. ci-dessus). Elève de
l'université de Gœttingue, il voyagea en Asie Mineure, en
Syrie, dans la vallée du Nil, dans l'Arabie Petrée. En 1828,
il était secrétaire de l'ambassade de France à Rome sous
Chateaubriand, avec lequel il démissionna; en 1830, il
servit d'aide de camp à La Fayette. Rentrant dans la di-
plomatie, il occupa les fonctions de secrétaire d'ambassade
à Londres (1830), à Hesse-Cassel (1831) et démissionna
pour s'occuper d'art. Elu, le 7 mai 1841, député de Seine-
et-Oise, réélu en 1846, il entra au Sénat le 2 mai 1868,
mais joua un rôle politique fort effacé. En 1842, il avait
été nommé membre de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en remplacement de son père. Il devint, en 1847,
conservateur du musée des antiques du Louvre et en 1857
directeur général des archives de l'Empire. Il a laissé de
nombreux ouvrages dont les plus importants sont : Voyage
de r Arabie P^^?'^^ (1830-33, in-fol.), avec Linant; tlore
de r Arabie Pétrée (1833, in-4) ; Histoire de la gra-
vure en manière noire (1839, in-8) ; Débuts de IHm-
primerie à Strasbourg (1840, in-8) ; Débuts de V im-
primerie à Mayence et à Bamberg (1840, in-4); le
Palais Mazarin (1847, in-8) ; les Anciens Monuments
de Paris (1846, in-4) ; les Ducs de Bourgogne (1849-51 ,
3 vol. in-8) ; la Renaissance des arts à la cour de
France (i^oi-^^, in-8) ; Notice des émaux, bijoux, etc.,
du Louvre (1853, 2 vol. in- 12) ; De V Union des arts et
de l'industrie (1856, 2 vol. in-8) ; Athènes aux xv^,
xvi^ et xvii^ siècles (1855, 2 vol. in-8); le Parthénon
(4854 et suiv., gr. in-fol.) ; Voyage en Orient, Asie
Mineure et Syrie (4837-62, 2 vol. in-fol.) ; les Archives
de la France (1867, in-12) ; Glossaire français du
moyen âge (1872, in-8) ; les Comptes des bâtiments
du roi (1878-80, 2 vol. in-8), etc. R. S.
LABORDE (Rosalie-Henriette Bediez, épouse), cantatrice
scénique française, née à Paris le 30 mars 1824. Elle suivit
un cours de solfège au Conservatoire, devint ensuite élève
de Mocker, et débuta le 10 déc. 1840 à l'Opéra-Comique,
dans le Pré aux Clercs, ne resta pas à ce théâtre, et se
montra au Théâtre-Italien, dans Mosè, le 18 janv. 1841,
sous le nom de M^^^ Villiorni. Après deux saisons passées
aux ItaHens, elle fut engagée au théâtre de Gand (nov.
1842), et de là à la Monnaie de Bruxelles (mai 1843), où
elle obtint de vifs succès et où elle épousa le ténor Dur-
Laborde. De Bruxelles, elle fut engagée à l'Opéra, vint
débuter à ce théâtre, le 8 avr. 1849, dans le rôle de Mar-
guerite des Huguenots, prit sa place dans le répertoire,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
— 689 — LABORDE — LABORDÈRE
créa dans VEnfant prodigue d'Auber le rôle intéressant
de Nefté, et quitta l'Opéra au bout de quelques années
pour s'en aller à l'étranger, où elle fournit une carrière
brillante et fructueuse. Rentrée en France, M"»® Laborde
a fondé à Paris une école de chant d'où sont sorties nombre
d'artistes distinguées.
LABORDE (Jean-Baptiste-Vincent), physiologiste fran-
çais contemporain, né à Buzet (Lot-et-Garonne) le 4 déc.
1830. Docteur en médecine en 1864, successivement pré-
parateur du laboratoire de physiologie à la faculté de Pa-
ris, puis chef des travaux physiologiques, il est membre de
l'Académie de médecine depuis 1887, et directeur du la-
boratoire d'anthropologie, de l'Ecole des hautes études
depuis 1893, M. Laborde a publié un grand nombre de
travaux de physiologie. Le but constant de ses efforts est
l'apphcation de la méthode expérimentale à l'étude de la
biologie en général et de la médecine en particulier. C'est
dans ce but qu'il s'est livré à d'importantes recherches
sur les substances médicamenteuses et toxiques et surtout
sur l'histoire physiologique et thérapeutique des alcaloïdes,
complétant de ce côté l'œuvre commencée par Claude Ber-
nard. Ses travaux sur la contractilité des canaux biliaires,
les fonctions des centres nerveux, les phénomènes méca-
niques delà respiration, les effets des injections intra-vei-
neuses, les phénomènes de la mort apparente et de la mort
réelle, avec application pratique d'un procédé de ranima-
tion (les tractions rythmées de la langue), etc., se trouvent
consignés dans le Bulletin de l'Académie de médecine,
les Comptes rendus de la Société de biologie et dans un
volume résumant les Travaux du laboratoire de physio-
logie (1884). La première partie de son Traité élémen-
taire de physiologie a paru en 1893. M. Laborde a créé
à la faculté de Paris, en 1879, sous la haute direction de
feu le professeur Béclard, son maître, l'enseignement dé-
monstratif de la physiologie, dont il est charge depuis cette
époque. D'' A. Dureau.
LA B 0 R D E-Méré VILLE (François-Louis- Jean-Joseph de),
homme politique français, né à Paris le 6 juin 1761, mort
à Londres en 1801. Fils aîné du financier Jean-Joseph, il
devint un des administrateurs du Trésor royal. Député du
tiers état du bailliage d'Etampes aux Etats généraux
(15 mars 1789), il montra un esprit libéral et réclama la
tolérance pour tous les cultes (22 août 1789). Elu un des
trois trésoriers patriotiques le 29 sept. 1789, il fit à la
nation un don de 50,000 livres (24 oct.). Dénoncé au tri-
bunal révolutionnaire, il se réfugia en Angleterre.
LABORDÈRE (Jean), homme politique français, né à
Avesnes le 17 janv. 1796, mort à Montdidier le 26 sept.
1883. Conseiller à la cour royale d'Amiens sous la monar-
chie de Juillet, il fut envoyé par le dép. de la Somme à
l'Assemblée constituante (1848), puis à l'Assemblée légis-
lative (4849), et s'associa généralement à la politique de
la droite. Après le coup d'Etat, il acheta une charge d'avo-
cat à la cour de cassation (1852) et rentra dix ans plus
tard dans la retraite. A. Debidour.
LABORDÈRE (Jean-Marie-Arthur), officier et homme
politique français, né à Beauvais le 42 oct. 4835, fils
du précédent,. Ancien élève de Saint-Cyr, il fit les cam-
pagnes de 4859 et de 4870-74 et parvint au grade de chef
de bataillon le 4 mai 4876. Il était major au 44® de ligne
à Limoges pendant la période du 46 mai. Sa protestation
contre des instructions qui lui paraissaient dénoter des pré-
paratifs de coup d'Etat (42 déc. 4877) lui valut d'être
mis en retrait d'emploi. Réintégré dans son grade en 4879,
il fut, le 8 janv. ^882, envoyé par le dép. de la Seine au
Sénat, où il soutint sans succès (28 juil.) une proposition
tendant à restreindre l'obéissance passive dans l'armée.
Partisan de la revision de la Constitution, il donna sa dé-
mission en déc. 4884 et prit aussi sa retraite comme
officier. Désigné à Paris comme candidat radical aux
élections complémentaires de déc. 4885, il entra à la
Chambre des députés, où il vota d'ordinaire avec l'extrême
gauche, proposa l'élection du Sénat par le suffrage univer-
44
LÀBORDÈRE — LA BOUILLERÏE
— 690
sel (juin 1887), fut quelque temps rapporteur de la loi sur
Tarmée et se prononça avec énergie en 4 888 contre le général
Boulanger. Il n'a pas été réélu en 1889. A. Debidour.
LA BORDERIE (V. Borderie [LaJ).
LABOREL. Corn, du dép. de la Drôme, arr. de Nyons,
cant. de Séderon ; 4^1 hab.
LA BOSSE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beau vais,
cant. du Coudray-Saint-Germer ; 606 hab. Stat. du ch.
de fer du Nord, ligne de Beauvais à Gisors.
LAB OU AN. Ile de la côte N.-O. de Bornéo, en face de
la baie Brunei ; c'est un triangle de 78 kil. q. Elle renferme
de la houille qu'on exploite. Elle a deux bons ports,
Port Victoria au S. et Port Raffle ou Coal Point au N.-O.
Le canal entre Labouan et la grande île est navigable. Les
Anglais occupèrent Labouan en 1846 et se la firent céder
par le sultan de Brunei (27 mai 1848). Mais la situation de
l'île en dehors des grandes routes de navigation l'a empê-
chée de devenir un second Singapour.
LABOUCHÈRE (Pierre-César), financier, d'une famille
protestante d'origine française établie en Hollande, après
la révocation de l'édit de Nantes, né à La Haye en
1772, mort près de Ghelmsford le 16 janv. 1839. Em-
ployé de commerce, il entra comme associé dans la grande
maison de banque et de commission Hope d'Amsterdam,
où il s'occupa de considérables affaires financières. En 1814,
Napoléon le chargea d'une mission secrète auprès du gou-
vernement anglais, relative aux conditions du rétablisse-
ment de la paix en Europe (V. Thiers, Histoire du Con-
sulat, t. XII). Il avait épousé en 1796 Dorothy Baring,
sœur du grand banquier (V. Baring). R. S.
LABOUCHÈRE (Henry), homme politique anglais, né
près de Ghelmsford le 15 août 1798, mort à Londres le
13 juil. 1869, fils du précédent. Il fit des études de
droit, fut élu en 1826 à la Chambre des communes par
Michaeiborough et se fit remarquer par ses attaques contre
l'administration vexatoire et inhabile du Canada. Réélu en
1830 par Taunton qu'il représenta jusqu'à son élévation
à la pairie, il devint lord de l'amirauté dans le cabinet de
lord Grey (1832), directeur de la Monnaie dans le cabinet
Melbourne (1835). De févr. à août 1839, il fut sous-secré-
taire d'Etat à la guerre et aux colonies, président du bureau
du commerce (1839), secrétaire chef du vice-roi d'Irlande
dans le cabinet John Russell (1846), secrétaire d'Etat pour
les colonies dans le cabinet Palmerston (1855). On lui doit,
entre autres, le bill sur le rappel des lois de la marine
marchande qu'il fit passer malgré une vive opposition.
Créé le 18 août 1859 baron Taunton, il entra à la Chambre
des lords. Grand travailleur, administrateur habile, il
jouissait d'une influence considérable. Il avait épousé en
premières noces sa cousine, Fanny Baring (1840), en se-
condes noces (1852), Mary Howard, sœur du comte de
Carlisle. ^ R. S.
LABOUCHÈRE (Pierre-Antoine), peintre français, né à
Nantes le 26 nov. 1807, mort à Paris le 28 mars 1873.
Destiné d'abord au commerce, il fut envoyé à Anvers, puis
en Amérique et en Chine ; mais le souvenir des musées
anversois changea bientôt son objectif. En 1836, il se rendit
en Italie, puis à Paris pour cultiver la peinture, sous
la direction de P. Delaroche, son ami. Protestant zélé,
il consacra ses pinceaux presque exclusivement aux scènes
historiques de la Réformation ; son talent, sobre et grave,
donne à ses tableaux un grand caractère. Citons comme les
plus remarquables : Charles-Quint à Londres (S. 1844) ;
Melanchthon, Pomeranus et Cruciger traduisant la
Bible (1846) ; on lui doit aussi le portrait de M. Guizot
(1863). Il a publié enfin une suite de dessins sur la Vie
de Luther, avec texte, qui ont été gravés par M. Merle
d'Aubigné ; la bibliothèque de Nantes possède encore de
lui une importante collection de documents autographes.
BiBL. : Haag, la France protestante.
LABOUCHÈRE (Henry), homme politique anglais, né à
Londres en 1831, neveu de Henry (V, ci-dessus). Entré
dans la diplomatie en 1854, il était en 1861 secrétaire
d'ambassade à Constantinople. Abandonnant la carrière en
1864, il se fit élire membre de la Chambre des communes
par Windsor en 1865. Réélu par leMiddlesexenl867, par
Nottingham en 1876, par Northampton en 1880, il se fit
remarquer par ses opinions radicales et ses interpellations
retentissantes aux ministères conservateurs. Il réclama le
disestablishment de l'Eglise d'Angleterre, et avec M. Glad-
stone, dont il fut un des principaux lieutenants, le home ruie
pour l'Irlande. Fondateur du journal satirique The Truth,
un des propriétaires du Daily News, M. Laboucbère a fré-
quemment témoigné ses sympathies pour la France et com-
battu la politique étrangère de l'Angleterre en ce qu'elle
pouvait avoir d'hostile à notre pays (notamment le projet
d'alliance avec l'Italie en 1891). R. S,
LA BOUDERIE (Jean), érudit français, né à Chali-
nargues (Cantal) le 13 févr. 1776, mort à Paris le 2 mai
1849. Avocat, puis vicaire de Notre-Dame de Paris, il com-
battit vivement l'ultramontanisme, ce qui lui valut des per-
sécutions. Il a laissé, outre un très grand nombre de traités
théologiques : Précis historique du méthodisme (Paris,
1818, in-8); le Christianisme de Montaigne (1819,
in-8) ; Notice historique sur dom Mabillon(iS''2^, in-8) ;
Notice sur Bouî^daloue (iS^2o, in-8) ; Notice histor. sur
Zwingle (1828, in-8); Lettres de Piron à Hugues Ma-
ret (1828,, in~8), et divers ouvrages de philologie.
LA BOUÉRE (Antoine-Xavier-Gabriel deGazeâu, comte
de), peintre français, né à La Bouère, près de Jallais (Maine-
et-Loire) en 1801, mort à Grenoble le 1^^ avr. 1881. Fils
d'un général vendéen, sa vie se passa dans la carrière
des armes jusqu'à la trentième année. Démissionnaire par
refus de serment après la révolution de Juillet 1830, il
s'adonna à la peinture sous l'impulsion de Picot et de
Brune. Après un voyage en Orient, il s'établit à Rome et,
pendant plusieurs années qu'il y séjourna, il envoya régu-
lièrement au Salon de Paris ses tableaux imprégnés de la
chaude lumière, du puissant coloris des pays qu'il avait
parcourus. Les plus remarquables de ses œuvres, dont
quelques-unes figurèrent au Luxembourg, et sont mainte-
nant dans les musées de province, sont : le Palais de Kar-
nak à Thèbes (S, 1841, au Luxembourg); la Vallée des
tombeaux en Nubie ; le Vent du désert aux Pyramides;
les Marais Pontins et surtout deux vues du Théâtre de
Taormina (1869) et de VAlham-bra (1870). Divers
musées de l'étranger, surtout celui de Copenhague, pos-
sèdent aussi des tableaux de ce vigoureux artiste, qui
signait Tancrède de La Bouëre. Ad. Thiers.
'lABOUHEYRE. Com. du dép. des Landes, arr. deMont-
dc-Marsan, cant. de Sabres, sur le Cantaloup ; 1,398 hab.
Chantiers pour la conservation des bois ; forges, scieries.
Labouheyre est en juin et en septembre le siège de foires
curieuses où se vendent surtout de vieux uniformes. Eglise
du XV® siècle.
LA BOUILLERÏE (François-Marie-Pierre Roullet, ba-
ron de), homme politique français, né à La Flèche le
27 avr. 1764, mort à La Flèche le 7 avr. 1833. Chef de
bureau au département de la marine, trésorier général de
l'armée des côtes d'Angleterre, administrateur des fonds
extraordinaires de la caisse d'amortissement, il rendit
d'importants services financiers à Bonaparte qui l'en ré-
compensa en le nommant trésorier général du domaine ex-
traordinaire et baron (1810). La Restauration lui donna
les fonctions d'intendant delà liste civile du roi, et celles
de secrétaire général du ministère de la maison du roi
(1814), puis de président du comité des finances (1815).
Député de laSarthe de 1816 à 1818 et de 1820 à 1827, il
entra à la Chambre des pairs le 5 nov. 1827. Il fut sous-
secrétaire d'Etat aux finances en 1816.
LA BOUILLERÏE (François-Alexandre Roullet de),
évêque français, né à Paris le 1®^ mars 1810, mort à Bor-
deaux le 8 juil. 1882, fils du précédent. Evêque de Car-
cassonne (6 févr. 1855), coadjuteur de l'archevêque de
Bordeaux (1872), archevêque inparlibus dePerga(1873),
il a donné un très grand nombre d'ouvrages religieux, entre
autres: Méditations sur V Eucharistie (Paris, 4 873,
iii-32, 39® éd.) ; Etude sur le symbolisme de la nature
(4868, 2 vol. in-42, 2^ éd.); VHomme, sa nature,
son œuvre, ses facultés et sa fin (4879, gr. in-8).
LA BOUILLERIE (Marie- Joseph RouLLET de), frère du
précédent, né à Paris le 26 mars 4822, mort près de Baugé
le 25 déc. 4894. Il débuta dans l'administration et oc-
cupa entre autres postes la sous-préfecture de Verdun. Le
8 févr. 4874 il fut élu représentant de Maine-et-Loire à
l'Assemblée nationale où il siégea dans la droite légitimiste.
Le 25 mai 4873, il était pourvu du portefeuille de l'agri-
culture et du commerce dans le cabinet de Broglie. Il démis-
sionna le 24 noY. Il ne rentra pas dans le second minis-
tère Broglie qu'il combattit en 4874. 11 posa sans succès sa
candidature à La Flèche aux élections générales de 4884.
Il participa à de grandes affaires financières.
LABOUISSE- RocHEFORT ( Jean - Pierre -Jacques - Au-
guste de), littérateur français, né à Saverdun le 4 juil.
4778, mort à Castelnaudary le 22 févr. 4852. Il est célèbre
par sa passion pour sa femme Eléonore qui Fa fait surnom-
mer le « poète de l'hymen ». Citons de lui : Réflexions
contre le divorcei^djcis, 4797,in-42); Voyage à Saint-
Maur (1807, in-46); les Amours à Eléonore, élégies
(4808-47, 2 vol. in-18); Mélanges littéraires {im,
in-46) ; VEleonoria (4844, in-46) ; Voyage à Triano)i
(4 84 7, in-8) ; Souvenirs et mélanges (4826, 2 vol. in-8) ;
Petit Voyage sentimental (4828, in-8); Trente Ans de
ma vie (4844-46, 9 vol. in-8); Variétés littéraires et
biographiques {i^M ,m-i^), etc. Il avait fondé, en 1198,
l'Ami des arts, qui fut supprimé par le Directoire.
LA BOULAYE (Froc de) (V. Froc).
LABOULAYE (Edouard-René Lefebvre de), écrivain et
homme politique français, né à Paris le 48 janv. 4814,
mort à Paris le 25 mai 4883. Il fit son droit tout en diri-
geant avec son frère une fonderie en caractères ; l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres, en 4 837, couronna un
mémoire sur l'histoire de la propriété foncière en Occident.
Ed. Laboulaye s'en révéla l'auteur. Deux autres mémoires
suivirent : les Recherches sur la condition civile et po-
litique des femmes (Paris, 4843) et V Essai sur les lois
criminelles des Romains (Pi ris, 4845), Laboulaye, reçu
avocat en 4842, se fit inscrire au barreau de Paris et
abandonna l'industrie. En 4844, il fut élu membre de
l'Académie des inscriptions, et, en 4849, il fut nommé pro-
fesseur d'histoire des législations comparées au Collège de
France. Collaborateur régulier du journal des Débats, il
fonda en 4855 la Revue historique de droit, s'efforça de
ramener l'enseignement juridique à sa vraie source, l'his-
toire, en même temps que par son enseignement, ses con-
férences populaires et ses livres [Paris en Amérique,
4863 ; le Prince Caniche, 4868), par un appel incessant
à l'exemple de l'Amérique, il devint un des protagonistes
de l'opposition hbérale contre l'Empire. En même temps il
acclimatait chez nous une foule de contes de tous les temps
et de tous les pays {Contes bleus, 4864, Nouveaux Contes
bleus, 4868). Conteur gracieux et spirituel, il excellait à
manier l'ironie fime et légère, et il passa ainsi en se jouant
à travers les mailles de la censure impériale. Au fond, tout
en revendiquant la liberté religieuse, la liberté de la
presse, de l'enseignement et par-dessus tout la liberté in-
dividuelle, il n'était ni un démocrate ni un révolutionnaire,
mais un libéral et un évolutionniste. Quand le ministère
Ollivier parut donner un corps au rêve d'un empire libé-
ral, Laboulaye cessa de combattre le gouvernement ; il
fut d'avis de voter le plébiscite de mai 4870, c.-à-d. de
maintenir le régime qu'il avait combattu : il restait fidèle
à sa conviction que les nations doivent éviter les révolutions
et procéder à une transformation graduelle de leurs insti-
tutions. On interpréta mal son attitude. Des manifestations
hostiles eurent lieu à son cours du Collège de France le 23
et le 27 mai et il fut obligé de le suspendre.
Après la chute de l'Empire, Laboulaye, qui avait lutté
sans succès contre la candidature officielle à Strasbourg en
694 - LA BOUILLERIE - LABOULAYE
4866, à Versailles en 4869, fut élu député de Paris aux
élections complémentaires du 2 juil. 4874 par 407,773
voix. Il fit partie du centre gauche et soutint avec autorité
le gouvernement de Thiers qui personnifiait pour lui la
cause de la République. Le 4 6 juin 4874, il soutint la pro-
position Casimir-Perier demandant la constitution de la
République ; une voix s'écria alors : « Comment ! ,un plébis-
citaire qui parle ainsi ! — Oui, répondit-il, un de ceux
qu'on a le plus indignement trompés. J'ai voté la paix ; on
a fait la guerre. » Il ajouta : « Vous craignez que la Ré-
publique ne soit pas conservatrice, mais elle sera ce que
vous la ferez. » Rapporteur de la loi sur l'enseignement
supérieur, il soutint (déc. 4874) une loi absolument favo-
rable aux cléricaux. Il figura un des premiers sur la liste
des sénateurs inamovibles dressée par l'Assemblée natio-
nale et fut élu le dixième le 40 déc. 4875. Au Sénat, il
siégea au centre gauche républicain et vota presque cons-
tamment avec son groupe. Il combattit en 4880 la loi Ferry
dirigée contre les congrégations et plus tard l'exécution des
décrets. Son rôle poHtique avait suspendu en partie son
activité profe?sorale. Il se fit suppléer dans sa chaire, mais,
dès 4873, il fut nommé par ses collègues administrateur
du Collège de France, fonction dans laquelle il fut main-
tenu jiisq'/à sa mort. Homme politique distingué, bien qu'un
peu timrré, Laboulaye s'est montré orateur sincère et char-
mant , son talent de conteur, plein de finesse et de bonho-
mie, son style alerte, gracieux et spirituel, lui assignent une
place honorable parmi les écrivains de son temps.
Outre les ouvrages déj à cités, Laboulaye en a publié un grand
nombre dont voici les principaux : Histoire politique des
Eteis-(//îts(4855-66,3 vol.); la Liberté religieuse {iS^S);
la Propriété littéraire au xvui^ siècle (4859) ; Etudes
morales elpolitiques (4862) ; V Etat et ses limites [i 863);
le Grand Coutumier de France, avec M. Dareste (4868) ;
Discours populaires (4869) ; Questions constitution-
nelles (4872) ; Table chronologique des diplômes de l'His-
toire de France (4863-76, t. VII et VIII) ; la Liberté des
enseignements (4880); Trente Ans d' enseignement au
Collège de France, cours inédits (publ. posth., 4888).
BiBL. : Une bibliographie très complète des œuvres de
Laboulaye a été dressée par M. E. de Rozière et joints à
la notice de M. Wallon sur Laboulaye (Paris, 1889).
LABOULAYE (Charles-Pierre Lefebvre de), fondeur en
caractères et écrivain scientifique français, né à Paris le
47juil. 4843,mortàParisle 24 mars4886, frère du précé-
dent. Sorti de l'Ecole polytechnique en 4833 et de l'Ecole
d'application de Metz en 4835, il donna dès 4836 sa dé-
mission de lieutenant d'artillerie pour s'adonner à l'in-
dustrie et, après plusieurs mois passés dans la maison
Didot, monta une fonderie en caractères qui acquit une
rapide notoriété, grâce aux améliorations qu'il apporta
dans la fabrication des matrices, dans la construction des
machines et dans la composition des alliages. Puis il se
consacra à son Dictionnaire des Arts et Manufactures
(Paris, 4847, 2 vol. in-8 ; 6^ éd., 4886, 4 vol.), impor-
tant et excellent ouvrage, dont il a été, en même temps
que l'éditeur, le principal collaborateur. Il a aidé en outre
son frère, Edouard-René, dans la publication des œuvres
de Channing, et il a écrit seul: De la Démocratie indus-
trielle (Paris, 4848, in-42; 2« éd., 4849); Traité de
cinématique théorique et pratique (Paris, 4849, in-8 ;
3^ éd., 4878) ; Essai sur l'art industriel (Paris, 4856,
in-8) ; Des Bateaux transatlantiques (Paris, 4857, in-8) ;
Essai sur l'équivalent mécanique de la chaleur (Paris,
4858, in-8); Economie des machines et des manufac-
tures, d'aprèsl'ouvrageanglaisdeCh. Babbage (Paris, 4879,
in-8); l'Art industriel (Paris, 4887, in-8, posth.),etc. Il
est enfin l'auteur de mémoires originaux sur la théorie méca-
nique de la chaleur insérés pour la plupart dans les Comptes
rendus de l'Académie des sciences de Paris et il a fourni,
comme président du Cercle de la librairie (4868) et comme
secrétaire de la Société d'encouragement (4877), de nom-
breux rapports sur des questions'diverses. L. S.
LABOULÂYE — LABOUR
BiBL. : Pour les titres de ses mémoires, V. le Catalogue
ofscientiflc papers de la Soc. roy. de Londres, t. III (lè69)
et t. Vlll (1879).
LABOULAYE (Antoine-René-Paul Lefebvre de), diplo-
mate français, né à Paris le 6 juin 4833, fils d'Edouard
(V. ci-dessus). Entré dans la diplomatie en 1835, il était en
4878 ministre plénipotentiaire à Lisbonne, ambassadeur à
Madrid en 4885, ambassadeur à Saint-Pétersbourg en
4886. Il a terminé brillamment sa carrière en 4894, après
avoir contribué à l'alliance franco-russe par la réception
de Cronstadt.
LA BOULAYE (Paul de), peintre français contemporain,
né à Bourg (Ain) en 4849. C'est dans sa vingtième année
que cet artiste, quittant sa ville natale, vint à Paris, chez
Bonnat, étudier sérieusement la peinture, qu'il n'avait cul-
tivée jusqu'alors que de pratique. En 4879, il exposa un
joli tableau, Au Sermon, souvenir de la Bresse, groupe
de jeunes filles aux attitudes recueillies, d'une peinture
solide et bien sur ses plans (au musée du Luxembourg). Il
peignit encore des scènes empruntées aux mœurs de sa
Bresse natale et du Bourbonnais, telles que : la Sortie
d'église (S. 4881); Un Baptême en Bourbonnais
(S. 4884); les Voisines (S. 4888). Ces œuvres sont pleines
de fine et humoristique observation, d'un dessin large et
correct. Depuis 4888, il n'a pas exposé. Ad. Tphers.
LABOULBÈNE. Corn, du dép. du Tarn, arr. etcant. de
Castres ; 444 hab.
LABOULBÈNE (Jean-Joseph-Alexandre)^ médecm fran-
çais contemporain, né à Agen le 25 août 48:25. Docteur
en médecine en 4854, agrégé de la faculté en 4860, mé-
decin des hôpitaux en 4854, il a été nommé professeur
d'histoire de la médecine en 4884. Outre de nombreux
articles publiés dans le Bulletin de l'Académie de méde-
cine, les Comptes rendus de la Société de biologie, le
Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales,
on lui doit des Recherches cliniques et anatomiques sur
les affections pseudo-membraneuses, ouvrage couronné
par l'Institut (4864). Ancien préparateur du professeur
Charles Robin, il a donné des Nouveaux Eléments d'ana-
tomie pathologique, descriptive et histologique (1879).
Il est aussi l'auteur d'une série de recherches intéressantes
sur les insectes qui attaquent les céréales, la vigne, les
végétaux de potager, de prairie, etc., recherches insérées
dans les Annales de la Société entomologique, les Ar-
chives de Thompson, etc. On lui doit une publication sur
V Œuvre de l'académicien G.-J. Davaine (V. ce nom).
Elu membre de l'Académie de médecine en 4873, il a pré-
sidé cette compagnie en 4892.
LABOULBENIA(Bot.). Genre de Champignons Sphéria-
cés (dédié à Laboulbène), à périthèce membraneux sup-
porté par un pédicule clair s'ouvrant au sommet par un
orifice d'où s'échappent des spores hyalines et allongées.
Parasite des insec^tes. Espèces principales : Laboulbenia
Rougetii et L. Guerinii. — L, Rougetii, à périthèce
naissant d'un faisceau de filaments assez gros, simples ou
bifurques, ovoïde ou en oUve, obtus au sommet où il est
percé d'un pore assez ample. Dans sa cavité, spores dres-
sées dans un mucilage qui en facilite l'évacuation au temps
de la maturité, fusiformes et renfermant une matière
glauque paraissant divisée par des cloisons transversales.
Longueur du parasite : 4/3 de milHm.; largeur au niveau
du périthèce, 4/40 de millim. Hab. : Antennes, thorax,
pattes et élytres, entre les poils et surtout vers l'extrémité
supérieure des articles du Brachynus crepitans et autres
insectes de la même espèce. Le parasite, très adhérent,
est renversé en arrière par le fait de la marche de l'ani-
mal qui se cache sous les pierres. — L. Guerinii, sans my-
céhum, composé d'un support divisé en pédicule et en ré-
ceptacle, et de filaments articulés latéraux en bouquets
serrés. Sporange conique, à extrémité hbre, arrondie,
mamilliforme, à centre un peu plus renflé que l'extrémité
adhérente au réceptacle. A cause de l'opacité des parois du
sporange, les spores ne se voient bien qu'après leur sortie
692 ~
qui se fait ordinairement par paires. Spores allongées, à
contenu transparent, glauque et finement granuleux.pab.
principal : Gyretes sericeus (Amer, du S.). H. Fournier.
LABOULE-et-Yalas (V. Boule-et-Vâlas).
LABOULIE (Joseph-Balthazar-Gustave de), homme po-
litique français, né à Aix (Bouches-du-Rhône) le 25 août
4800, mort à Bade le 4 sept. 4867.' Avocat général à
la cour de Riom sous la Restauration, il démissionna le
40 août 4830, fut élu député de Marseille le 24 juin 4834
et prit une part active aux luttes du parti légitimiste contre
le gouvernement de Juillet. Non réélu en 4837, il plaida
pendant onze ans au barreau d'Aix, fut envoyé par le dép.
des Bouches-du-Rhône à l'Assemblée constituante (4848),
puis à l'Assemblée législative (4849), vota d'ordinaire avec
le centre droit, contribua au succès de l'amendement Tinguy
sur la signature des articles de journaux (juil. 4850) et
rentra dans la vie privée à la suite du coup d'Etat (4854).
LABOULLAYE (Ferdinand de), auteur dramatique fran-
çais, né vers 1840, mort le 49 avr. 4849. De cet auteur
très fécond, on peut citer : Joséphine ou le Retour de
Wagram (4830, in-8), opéra en un acte; les Quatre
Sergents de La Rochelle (4834, in-8), mélodrame ; plu-
sieurs comédies en collaboration avec Eug. Cormon ; Mo-
lière au xix« siècle (4844, in-8), comédie en vers ;
Corneille et Rotrou (4845, in-8), etc.
LABOULLAYE (François de) (V. Le Gouz).
LABOUQUERIE. Com. du dép. de la Dordogne, arr.
de Bergerac, cant. de Beaumont; 326 hab.
LABOUR. I. Agriculture. — De toutes les pratiques
culturales, le labour est sans contredit la plus importante,
au point que le mot laboureur est devenu en quelque sorte
synonyme de cultivateur. Cette opération consiste essentiel-
lement à diviser la couche arable, en ramenant les parties
inférieures à la surface.
L But. ~ Le but du labourage est multiple. Le prin-
cipal est l'ameublissement de la terre végétale en vue de
favoriser son aération et la pénétration de l'eau. Dans une
terre non remuée, l'air n'ayant pas accès, beaucoup des
éléments de la fertilité restent inactifs, comme le carbo-
nate de chaux et le phosphate de chaux qui restent inso-
lubles, comme l'azote des fumiers et des débris organiques
qui ne se transforment pas en nitrates assimilables (le fer-
ment nitrificateur répandu dans la terre étant aérobie),
enfin Vhumus (V. ce mot) non aéré ne peut se transfor-
mer en ammoniaque et en acide carbonique. D'un autre
côté, suivant la remarque de M. L. Moll, on sait que. les
terres argileuses ou argilo-calcaires pauvres ne produisent
qu'à force de labours, de sorte qu'on peut dire que pour
un sol compact, riche ou pauvre, les labours sont la pre-
mière condition de la production. Seulement, il est à re-
marquer que leur effet est toujours nn aliquote du rende-
ment initial. Ce rendement sera augmenté de 4/40, 4/8,
4/6 par un labour supplémentaire, et cette augmentation
qui, dans un sol riche, payera largement les frais, ne les
couvrira plus dans un sol pauvre. — Le labour a encore
pour but de déti'uireles mauvaises herbes; c'est également
par les labours qu'on enfouit les engrais et notamment le
fumier (V. ce mot) à la profondeur voulue. Enfin, le la-
bour a encore pour objet, dans certains cas, de recouvrir
certaines semences et de les placer à la profondeur la plus
favorable à leur prompte germination. Les labours sont
effectués au moyen d'outils à main ou d'instruments atte-
lés. Les labours à bras se font au moyen de la bêche (Y, ce
mot) ; on les exécute dans les jardins et dans la petite cul-
ture. C'est le labour à la bêche qui donne le travail le plus
parfait; par contre, il est très lent, exige beaucoup de main-
d'œuvre et est par cela même coûteux. On peut diviser le
labour à la bêche en quatre temps : i" enfoncer la bêche
dans la terre, avec ou sans l'aide du pied ; 2^ détacher
une motte de terre ; 3** soulever la tranche et la renverser ;
4« émietter la motte de terre en la frappant avec le plat
de la bêche. Un bon ouvrier peut labourer ainsi en moyenne
2 ares par jour. — On donne aussi des labours à bras
- 693 -.
LABOUR
avec la fourche à trois dents en crochets ; cet instrument
permet de diviser le sol avec moins de difficulté que ia
bêche, mais la terre n'est que très imparfaitement retour-
née. Les labours à l'aide d'instruments attelés s'effectuent
au moyen de la charrue (Y. ce mot).
IL Conditions d'un bon labour. — Ces conditions n'ont
rien d'absolu ; elles varient suivant le but qu'on se propose,
l'état et la nature du sol, ainsi que la récolte qui doit
suivre. Toutefois, il en est qui sont générales et que doit
remplir tout bon labour. M. L. Moilles résume de la ma-
nière suivante : 1'^ le fond de la raie doit être coupé pa-
rallèlement à la surface, dès lors partout à la même pro-
fondeur ; la bande de terre doit être détachée régulièrement
sur toute sa largeur, et non sur une portion seulement,
de façon à laisser intact un bourrelet, ou saumon^ sim-
plement recouvert par la bande renversée, comme le font
non seulement les anciennes charrues à socs en fer de
lance, mais encore beaucoup de charrues, dites perfection-
nées, à soc trop étroit; 2° une autre condition, également
importante, c'est le parallélisme des bandes entre elles et
leur égahté de largeur ; 3^ ces bandes doivent être ren-
versées dans la position la plus favorable pour l'aération
de la terre en général, et en particulier pour celle de la
couche inférieure ramenée en dessus; 4° la direction du
labour doit être telle que le travail, toutes choses égales
d'ailleurs, soit rendu aussi prompt et facile que possible,
et que, combinée avec la forme donnée à la surface, cette
direction favorise l'écoulement des eaux sans provoquer
des érosions; 5** enfin le labour ne doit être donné ni
quand la terre est trop sèche, ni, à plus forte raison,
quand elle est trop humide. Dans le premier cas, outre
que l'opération offre des difficultés extrêmes, le sol se lève
en grosses mottes qui ne subissent que fort peu l'influence
de l'air, et qui ne se désagrègent qu'à la longue. Dans le
second, le mal est plus grand encore : au lieu d'être rendu
plus meuble, le sol, pour peu qu'il soit argileux, est com-
primé, en quelque sorte corroyé, et, s'il survient^ de la
sécheresse immédiatement après, les bandes prennent la
dureté de la pierre. Un labour fait dans de semblables con-
ditions peut faire sentir sa fâcheuse influence longtemps.
Ce n'est qu'immédiatement avant ou pendant l'hiver qu'on
peut impunément labourer une terre argileuse à l'état
humide, parce que les gelées réparent le mal.
m. Epoque, nombre et succession des labours. — C'est
généralement en automne ou en hiver, lorsque la gelée
n'est pas trop forte, qu'on procède aux labours dits « la-
bours d'hiver »; cependant, on exécute aussi des labours
de printemps. Pour les premiers, on doit labourer le plus
tôt possible les terres humides, froides, et ne travailler
qu'en dernier lieu les terres légères et perméables. Pour
les labours de printemps, on fait l'inverse, en commençant
par les terres légères et terminant par les terres compactes ;
Il est toujours préférable de labourer en automne avant
les premières gelées, car les alternatives de gel et de dégel
complètent avantageusement le travail de la charrue et
pulvérisent la terre. Jamais un seul labour, comme le fait
observer M. Garola, n'est suffisant pour ameublir conve-
nablement le sol. Il en faut souvent faire en hiver, au prin-
temps, en été et en automne. Mais bien qu'en toute saison
il soit nécessaire de labourer, le cultivateur ne peut pas
le faire avec toute liberté. L'état d'humidité ou de séche-
resse du sol peut en effet mettre obstacle à l'exécution des
labours. Le nombre des labours varie avec la nature du sol
et avec les récoltes ; les terres fortes demandent des labours
multipliés, souvent trois et même quatre, tandis que les
terres légères ou sablonneuses peuvent se contenter d'un
ou deux. Le plus généralement les terres ne sont labou-
rées qu'une seule fois quand elles ont été occupées par une
récolte de betteraves ou de pommes de terre et qu'elles
doivent être ensemencées avec une céréale. Quant aux sols
qui sont destinés à produire des racines ou des tubercules,
il leur faut au moins deux ou trois labours, surtout s'ils
ont été occupés par une céréale. Autant que possible et si
la configuration du terrain le permet, lorsqu'une terre
doit recevoir plusieurs labours, ceux-ci ne seront pas don-
nés dans le même sens : on donnera au contraire le second
perpendiculairement au premier ; de cette manière Fameu-
blissement sera encore plus énergique.
IV. Profondeur des labours. — Dans un bon labour,
il faut observer un certain rapport entre la largeur et
l'épaisseur de la bande de terre soulevée ; ce rapport est
indiqué au mot Charrue. Les labours, suivant la profon-
deur qu'on leur donne, peuvent être divisés en quatre
groupes : 1° les labours superficiels qui varient entre 5 et
10 centim. ; on les appelle encore déchaumage (V. ce
mot); 2<> les labours ordinaires, dont la profondeur varie,
suivant l'épaisseur de la couche arable, la nature du sous-
sol et la quantité de fumier à enfouir, entre lî2 et 22 cen-
tim.; 3^ les labours de défoncement (V. ce mot) dont la
profondeur varie entre 25 et 33 centim.; 4<* enfin les
sous-solages, labours qui consistent à faire suivre la char-
rue qui donne le labour ordinaire par une autre charrue,
privée de versoir, qui remue le sous-sol sans toutefois le
ramener à la surface. On a beaucoup recommandé les la-
bours profonds dont les avantages sont nombreux; il est
à remarquer toutefois qu'ils ne sont pas toujours possibles.
Pour les exécuter avec profit il faut que le sous-sol soit de
bonne qualité ; autrement on ramène la mauvaise terre à la
surface; il faut en outre pouvoir proportionner la quantité
d'engrais à la profondeur du labour. En tout cas, lors-
qu'on veut augmenter l'épaisseur de la couche végétale
active par les labours profonds, il faut ne procéder que
graduellement, sous peine de s'exposer aux plus graves mé-
comptes. D'ailleurs, avant d'augmenter cette profondeur
par les labours ordinaires, il sera bon de recourir aux sous-
solages un ou deux ans auparavant.
V. Différentes espèces de labours. — Suivant la ma-
nière dont on exécute les labours et suivant l'espèce de
charrue dont on dispose, on peut diviser les labours en
trois groupes :
d° Le labour a plat dans lequel toutes les bandes de
terre sont renversées les unes à côté des autres, toujours
dans le même sens. On commence le travail d'un côté du
champ et on finit à l'extrémité opposée. Le labour à plat
ne peut être réaUsé qu'avec une charrue à versoir mobile,
soit une charrue tourne-oreille, soit un brabant double.
Cette manière de labourer, qui se propage de plus en plus,
évite la multiplicité des enrayures et des dérayures; elle
évite en outre les longues tournées qui constituent une
perte de temps ; enfin les labours à plat donnent un champ
bien égal, bien uni, une surface régulière qui rend plus
facile l'exécution des travaux ultérieurs.
2<* Le labour en planches^ dans lequel la surface du
champ est divisée en parcelles ou planches régulières plus
ou moins larges, séparées par un double trait de charrue
qui creuse une rigole ou dérayure, servant à l'écoulement
des eaux. Ce labour convient surtout aux terres humides;
on l'exécute avec les charrues ordinaires à versoir fixe.
Les tournées qu'il faut faire au bout de chaque sillon occa-
sionnent des pertes de temps dont l'importance varie sui-
vant la largeur des planches.
3^ Le labour en billons, dans lequel le terrain est dis-
posé en planches très étroites et bombées; dans ce mode
de labour, on accumule la terre des ailes vers l'axe des bil-
lo7is (V. ce mot). On l'exécute souvent dans les terres
très humides. Suivant M. Damseaux , les récoltes sont
inégales et irrégulières sur les champs billonnés; cela ré-
sulte de ce que la partie inférieure des ailes est dégarnie
de bonne terre et le sous-sol plus rapproché, ou encore de
ce que les engrais sont mal répartis ; la partie inférieure
des ailes est aussi exposée à souffrir davantage de la sé-
cheresse et de rhumidité : pour ces divers motifs, les
récoltes sont parfois moins belles dans le voisinage des
sillons. Le billonnage rend aussi les hersages et les rou-
lages plus difficiles; ces façons s'opèrent souvent au
moyen d'instruments adaptés au relief du sol. La largeur
LABOUR ~~ LA BOURDONNAIS
- 694 —
et la hauteur à donner aux billons dépendent de plusieurs
circonstances et notamment de la nature du sol, de la
pente du terrain, du degré de perméabilité de la terre, etc.
Comme dans ces trois espèces de labours il reste tou-
jours, aux deux extrémités du champ, une partie qui n'est
pas travaillée, par suite des tournées que doit exécuter
l'attelage, il reste ce qu'on nomme les chaintres ou fo-
rières qui sont labourées ensuite dans une direction per-
pendiculaire à celle du labour. Ce n est que lorsqu'on
peut exécuter les tournées sur un champ voisin ou sur un
chemin que les forières peuvent être évitées.
Comme on le voit par tout ce qui précède, les labours
à plat sont de beaucoup les plus recommandables et les
plus parfaits. Or il arrive parfois qu'on tient à labourer
de la sorte alors qu'on ne dispose pas de charrue à ver-
soir mobile. On comprend que s'il fallait revenir à vide
après avoir renversé une bande, on perdrait beaucoup
trop de temps; on peut alors résoudre le problème par
une méthode spéciale, dite de Fellemberg. Le labour de
Fellemberg, dit M. Berthaut, peut se faire en dedans ou en
dehors, ce qui correspond à l'endossement ou à la refente.
Mais, dans un cas comme dans l'autre, il faut faire sur le
champ un tracé géométrique qui n'est pas compatible, dans
le plus grand nombre des circonstances, avec les néces-
sités agricoles. Supposons un champ rectangulaire A, B,
C, D; on mène les bissectrices des quatre angles ; elles se
rejoignent en E et F, si on laboure en dedans, on enraye
en G, et l'on tourne continuellement autour de EF sans
cesser de labourer jusqu'à ce qu'on soit arrivé aux extré-
mités du champ. Quand on fait un labour en dehors, on
enraye !sur un des côtés du champ en H et on laboure en
suivant^une marche parallèle aux côtés extérieurs, dans la
direction H,B, A, D. Mais on voit qu'en opérant ainsi, et
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en labourant constamment, on serait obligé de marcher, à
chaque tournée, sur le terrain travaillé. Pour éviter cet
écueil, on trace, autour des bissectrices, des lignes paral-
lèles qui limitent une forière de 2 m. de largeur sur
laquelle on maintient la charrue hors de terre. Dans ces
conditions, quand on est arrivé à 4 m. de chaque côté de
la ligne EF, il reste une série de forières, qu'on refend
dans le sens N, 0, P, Q, R, S, T, U, W, V ,H, K, L, M. On
forme ainsi une grande dérayure qui occupe la place de la
médiane et des bissectrices.
VI. QcjAsi-LABouRS. — Les quasi-labours sont des labours
légers, des sortes de déchaumages qui ne retournent pas la
terre remuée, et qu'on effectue le plus généralement avec
Vextirpateur ou le scarificateur (V. ces mots). Les
quasi-labours ont surtout pour objet de rompre la croûte
durcie du sol qui a pu se former depuis le premier labour,
ou bien de diviser la terre très tassée, aussitôt après la
moisson, afin de faciliter le premier labour. Dans les terres
légères la préparation consiste souvent en un labour pro-
prement dit, suivi d'un quasi-labour. A. Lârbâlétrier.
IL Viticulture (V. Viticulture).
BiBL. : G. Heuzé, la Pratique de V agriculture; Paris,
1891, in-18. — Barral et Sagnier, Dictionnaire d'agricul-
ture; Paris, 1889, t. III, in-8. — V. Borie, Travaux des
champs; Paris, 1880,iin-18, —IMoll et Gayot, Encyclo-
pédie pratique de V agriculteur; Paris, 1878, in-8. ~
A. Tresca, le Matériel agricole moderne; Paris, 1893, in-8.
LABOUR (Terre de) (V. Caserte [Prov. de]).
LABOURD {Lapurdentis pagus ou tractus^^n basque
Laphurdi). Ancien pays de France, dont Bayonne était la
capitale, et qui a contribué à former le dép, actuel des
Basses-Pyrénées ; il est borné au N. par l'Adour, à TE.
par la Basse-Navarre, au S. par la Navarre espagnole,
à rO. par le golfe de Gascogne. — Lapurdum désigna
jusqu'au xi^ siècle la capitale du pays et fut remplacé
à cette époque par Bayonne (V. ce mot) ; mais le nom
de Lapurdum resta au pays environnant sous la forme
Labourd, Au vi« siècle, le Labourd faisait partie du
pays des Tarbelli et de la civitas Aquensium (Dax),
qui se divisait en deux diocèses dont l'un avait précisé-
ment son siège dans la capitale du Labourd. En d059
apparaît la vicomte de ce nom, qui disparut au moment où
la Gascogne devint anglaise par suite du mariage d'Eléo-
nore de Guyenne avec un Plantagenet. Les principaux
vicomtes de Labourd, quelquefois appelés vicomtes de
Bayonne, furent Fortun Sanche (1059), Sanche Garcia
(1070), Garcia Sanche (1120), Bertrand (1140), Pierre
Bertrand (1150), Arnaud Bertrand (1174), Guillaume
Raymond (1193). Leur autorité passa au xiii« siècle au
bailli d'Ustaritz, dont les appels allaient au sénéchal de
Bayonne et en dernier ressort au parlement de Bordeaux;
les assemblées générales des communes de Labourd por-
taient le nom de Bilçar, Au xv® siècle, le pays redevint
français : la soumission du Labourd fut un des épisodes
de la conquête de la Guyenne par Charles VU, à la suite
d'une campagne très vivement menée par son lieutenant le
comte de Foix, Gaston IV. Les Labourdins, sans attendre la
reddition de Bayonne qui n'eut lieu que l'année suivante,
se soumirent par le traité de Belsunce (18 mai 1450) à
l'obédience du roi de France. — Au point de vue ecclé-
siastique, ce pays formait l'archidiaconé de Labourd qui,
avec l'archidiaconé de Gize et en Espagne les vallées de
Bastan et de Lérin, composait le diocèse de Bayonne, Lors
de l'établissement des intendances, le Labourd dépendit de
la subdélégation de Bayonne. En 1790, il fut appelé à faire
partie du dép. des Basses-Pyrénées et forma le district
d'Ustaritz. H. Courteault.
BiBL. : OiHÉNART, Noiitia utriusque Vasconim; Paris,
1838, in-8. — Balasque et Dulaureins, Etudes historiques
sur la ville de Bayonne ; Bayonne, 1862-75, 3 vol. in-8. —
P. Raymond, Dictionnaire topographique des Basses-
Pyrénées; Paris, 1863, in-4. — Fabre, Lettres labourdines ;
Bayonne, 1869, in-8.
LA BO U R DON N Al E(V. Bourdonnais).
LA BOURDON NAIS(Bertrand-FrançoisMAHÉ,comtede),
marin français, né à Saint-Maio le 11 févr. 1699, mort à
Paris le 10 nov. 1753. Il voyagea de bonne heure et entra
en 1 718 comme lieutenant au service de la Compagnie fran-
çaise des Indes. Capitaine en 1724, il contribua à la prise
de Mahé. Il passa ensuite au service du vice-roi portugais
de Goa. En 1735, il fut nommé gouverneur des îles de
France et de Bourbon, et sut y développer la prospérité.
En 1740, La Bourdonnais revint en France et fut presque
aussitôt placé à la tête d'une division destinée aux Indes.
Après avoir délivré Mahé, il vint au secours de Dupleix
bloqué à Pondichéry. La Bourdonnais, n'ayant pas reçu de
France les renforts attendus, prit la mer avec une flottille
de la Compagnie et, avec de faibles ressources, il battit la
flotte de lord Peyton à la hauteur de Negapatnam. Arrivé
à Pondichéry, il se trouva en opposhion de vues avec Du-
pleix. Il mit ensuite le siège devant Madras qui capitula le
21 sept. 1746, et ce fait d'armes fut la cause d'un grave
différend entre lui et Dupleix (V. ce nom). On a dit long-
temps que, dans cette affaire de Madras, Dupleix s'était
montré jaloux, altier, intraitable. Deux historiens anglais,
W. Cartwright et le lieutenant-colonel Malleson, rétabhs-
sant l'exactitude des faits, ont permis d'établir au contraire
695
LA BOURDONNAIS -^ LABRADOR
que La Bourdonnais eut une attitude pleine de duplicité et
qui cachait un intérêt personneL La Bourdonnais quitta
rinde le 23 oct. et revint dans son gouvernement de l'île
de France, tl y trouva un successeur déjà installé. Il vou-
lut rentrer en France pour se justifier, et parvint à s'em-
barquer sur un bâtiment hollandais. Pris et mené en An-
gleterre, il obtint de venir en France sur parole. Là, une
instruction judiciaire était commencée contre lui pour mau-
vaise gestion et péculat ; à peine fut-il arrivé qu'on l'en-
voya à la Bastille (6 mars 1748). Il fut tenu plus de deux
ans au secret. 11 put enfin se défendre pendant la troisième
année de son emprisonnement et fut acquitté (1751). Mais
sa santé était ruinée, et la Compagnie lui disputait les dé-
bris de sa fortune; il mourut miné par le chagrin, non
sans avoir répandu, dans ses dernières années, les plus
injustes préventions contre Dupleix. La Bourdonnais a
laissé des Mémoires dont la dernière édition a été publiée
par son petit-fils, le comte A.-C. Malié de La Bourdonnais
(Paris, 1890, in-8). G. Regelsperger.
BiBL. : Fantin des Odoards, Révolutions de l'Inde;
Paris, 1796, t. I. — Collin de Bar, Histoire de l'Inde
ancienne et moderne; Paris, 1814, t. IL — Barchou de
PENHoitN, Histoire de la conquête et de la fondation de
Vempire anglais dans VInde ; Paris, 1840, t. I. — Margry,
les Iles de France et de Bourbon sous le gouvernement
de La Bourdonnais^ dans la Reuue maritivne et coloniale,
1862. — V. aussi la bibi. du mot Dupleix.
LA BOURDON NAYE (Marie-Ferdinand-Raoul, vicomte
de), homme politique français, né à Paris le 12 mai 1837.
Attaché à l'ambassade de Londres (1857), secrétaire d'à m
bassade à Vienne (i864), il abandonna la diplomatie en
1867. Elu député de Cholet le 6 avr, 1884 avec un pro-
gramme royaliste, il a été réélu en 1885, 1889 et 1893.
Il appuya le boulangisme.
LABOUREUR (Claude Le), historien et généalogiste de
la seconde moitié du xvn^ siècle. On a de lui un Discours
de l'origine des armes (1658, in-4); une Histoire gé-
néalogique de la maison de Sainte-Colombe (1673,
in-8); et enfin son œuvre la plus importante, intitulée les
Masures de Vlsle Barbe (1665-82, 2 vol. in-4), qui es
une histoire de l'abbaye de l'ïle-Barbe de Lyon.
LABOUREUR (Jean Le), historien et généalogiste, né
à Montmorency en 1633, mort en juin 1675, neveu du
précédent. Ses ouvrages principaux sont : Recueil des
tombeaux des personîies illustres dont les sépultures
S07it dans V église des Célestins de Paris (1641, in-4;
1642, in-foL); Relation du voyage de la reine de Po-
logne (1647, in-4) (il avait suivi en Pologne la maréchale
de Guébriant lorsqu'elle était allée y conduire Marie de
Gonzague); Histoire du maréchal de Guébriant (;\%^^^
in-foL); Discours de V origine des armoiries (1684,
in-4). Il a de plus édité les Mémoires de Michel de Cas-
telnau (1659, 2 vol. in-foL), et traduit du latin Vlîis-
toire de Charles F/, d'un religieux de Saint-Denis (1660,
2 vol. in-foL).
LABOUREUR (FrancescorMassimiliano),sculpteuritalien,
né à Rome en 1767, mort à Rome en 1831. Nommé en
1 802 membre de l'Académie de Saint-Luc, il devint en 1813
professeur à cette Académie, et en 1820 il en fut élu prési-
dent. Sa réputation s'étendit bien au delà des frontières
d'Italie, et il reçut des commandes importantes, même d'Au-
triche et de Pologne. Son œuvre la plus connue est une
statue colossale du Génie de la Paix, On cite encore à
Rome : le mausolée du Cardinal Berni^ à Saiut-Louis-des-
Français, une statue de San Francesco Car^acciolo, à Saint-
Pierre; puis VImmaculée Conception, commandée par
le cardinal Fesch, dans la cathédrale de Lyon: Endymion^
au musée de Vienne; le monument de Malakowskij, dans
l'église Sainte-Croix, à Varsovie.
BiBL. : P.-E. ViscoNTi, Il Genio délia Pace, statua
colossale di Massimiliano Laboureur, 1832, in-4.
LAB0UR6ADE. Corn, du dép. du Tarn-et-Garonne, arr.
de Caslelsarrasin, cant. de Saint-Nicolas-de-la-Grave ;
334 hab.
LABOURSE. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de
Béthune, cant. de Cambrin ; 839 hab.
LABOURT (L.-A.), archéologue et économiste français,
né à Montmorillon en 1793, mort à Doullens en juil.
1859. Il entra dans la magistrature sous la Restauration ;
procureur du roi à Doullens lors de la révolution de 1830,
il donna sa démission. Ses principaux ouvrages sont : Es-
sai sur V origine des villes de Picardie (Amiens, 1840,
in-8) ; Recherches archéologiques sur Le Crotoy (Abbe-
ville, 1840-43, in-8) ; Becherches historiques sur les
enfants trouvés (Paris, 1846, in-8); Recherches histo-
riques et statistiques sur Vintempérance des classes
laborieuses et sur les enfants trouvés (Paris, 1848,
in-8) ; Recherches sur l'origine des ladreries et lépro-
series (1854, in-8) ; Lettres archéologiques sur le châ-
teau de Lucheux (Amiens, 1854, in-8) ; Bibliothèque
picarde, choix de légendes populaires (1855, in-8) ; VEau
éc mort (contre l'alcoolisme) (1853, in-8). M. P.
LABOUTARIÉ. Corn, du dép. du Tarn, arr. d'Albi, cant.
de Réalmont; 165 hab. Stat. du ch. de fer du Midi, ligne
de Castres à Carmaux.
LABOUVERIE. Corn, de Belgique, prov. de Hainaut,
arr. de Mons; 7,000 hab. Importantes exploitations de
charbonnages.
LABRADOR. Grande presqu'île de FAmérique du Nord,
comprise entre la baie d'Iïudson et le golfe du Saint-Lau-
rent. Elle couvre une surface d'environ 1,300,000 kil. q.
entre 49° et 62<» 30' de lat. N.
La limite sur le golfe est marquée par la pointe de
Monts à LE. de l'embouchure du Saguenay. La région qui
longe le golfe est la mieux connue ; elle reçoit un nombre
considérable de rivières qui portent encore des noms fran-
çais : la Trinité, Pentecôte, Sainte-Marguerite, la Truite,
Bec-Scie, Tonnerre. Une des plus connues, explorée sur
une grande longueur par Hind en 1861, est la rivière
Moisie. En remontant ces rivières à cascades on atteint les
plateaux des Laurentides couverts de lacs étendus qui mar-
quent la frontière indécise avec la région de la baie d'Hud-
son. Peu d'établissements le long du littoral; l'ancien Bra-
dore ou Brest des Français est complètement abandonné ;
le principal centre est Blanc-Sablon. La côte assez élevée
présente un aspect triste ; elle est fréquemment enveloppée
de brumes ; la population est composée de descendants
d'Européens venus des îles de la Madeleine, de l'Acadie,
des rives du Saint-Laurent pour s'occuper de pêche et de
chasse. L'agriculture est nulle, et cependant le sol n'est
pas stérile. D'après M. H. de Puyjalon, quia passé l'été de
1882 à étudier ses propriétés, « les parties du rivage appe-
lées plains se composent d'un sous-sol argileux, surmonté
de sable quelquefois mélangé de matières organiques ; les CO"
Ions pourraient y cultiver non pas le blé qui ne réussirait pas,
mais l'avoine, l'orge, les légumes ; la récolte de foin se-
rait assurée ; on pourrait pratiquer l'élevage sur les pla-
teaux en drainant les tourbières ; l'agriculteur augmenterait
ses revenus en exploitant les forêts de bouleaux, de pins,
d'épicéas qui lui fourniraient de la résine, des gommes,du
goudron ; avec les ressources de la pêche et de la chasse,
qui sont considérables, il s'assurerait une existence facile
où les travaux sédentaires alterneraient avec les émotions
plus violentes de la vie de chasseur ». Il pourrait encore do-
mestiquer le canard eider qui fournit un excellent duveft,
et qui est surtout recherché à cause de ses œufs que l'on
exporte à New York. Le clirjat est assez agréable, surtout
très sain ; on y envoie les malades du Midi qui reviennent
rapidement à la santé ; le froid est moins violent que sur
le Saint-Laurent ; la neige est moins abondante que dans
les environs de Québec, On verra peut-être se développer
là une population de plusieurs millions d'habitants vi|ou-
reux et énergiques ; elle comprend aujourd'hui 2,780 indi-
vidus, presque tous d'origine française ; ils parlent notre
langue et pratiquent la religion catholique ; on a établi pour
eux un préfet apostolique à la Pointe-aux-Esquimaux. Pour
l'administration, ils dépendent delà province de Québec.
LABRADOR — LABRADORITE
— 696 —
Le détroit de Belle-Isle qui sépare le Labrador de Terre-
Neuve est très étroit, réduit à 3 lieues en face de la baie
labradorienne de Forteau ; la côte de FAtlantique est très
découpée,- déchiquetée en fjords longs et étroits comme
ceux de Norvège ; elle reçoit peu de grands fleuves ; le
seul connu est la Grande Rivière qui vient finir dans la
baie Hamilton ; les îles sont innombrables, toutes dépour-
vues de végétation. Sa population appartient à la famille
des régions polaires, aux Esquimaux quipeuplentl'Amérique
boréale; on en compte environ 1,200, dont un tiers se
sont laissés gagner au protestantisme par les frères mo-
raves. Ces derniers ont fondé depuis 1771 des missions le
long du littoral, Hoffenthal, Zoar, Nain, qui est la plus
importante, située près d'une rivière que les missionnaires
ont appelée l'Elbe; viennent ensuite Okkak dans une île,
Hebron et Rama. Pendant la saison des pêcheries, de juin
à septembre, la côte est assez animée vers le S. ; le centre de
réunion est Domino Hafen, au N. de la petite île de Ponds;
celle de Spotted le protège contre les courants du N.
Mais les blancs disparaissent dès le milieu de septembre ;
les Esquimaux seuls peuplent l'intérieur, circulant sur les
glaces et les neiges, traînés dans leurs cométiques par
les vigoureux chiens esquimaux que nous appelons terre-
neuve. Ils s'enferment ensuite dans leurs fameuses maisons
de neige. Cette région forme le Labrador proprement dit
qui est rattaché nominalement à la colonie de Terre-
Neuve.
La troisième région appartient au bassin de la baie
d'Hudson, et forme le territoire du N.-E. ; elle commence
au détroit d'Hudson, au cap Chadleigh, et présente la grande
baie de Ungawa découverte par les frères moraves en 1811 ;
là aboutit le fleuve Koksoak. La baie d'Hudson reçoit de
grands fleuves, très abondants, alimentés par les neiges
des plateaux, où existent de très grands lacs mal connus;
ce sont l'Orignal (Deer River), l'Eau Claire qui vient du lac
du même nom, la Petite Baleine (Little Whale), la Grande
Baleine (Great Whale), le Big River, l'East Main, et enfin
le Rupert qui vient du lac Mistassini ; on n'en peut faire le
tour qu'en vingt jours de beau temps, disait Charlevoix
d'après le témoignage du père Ch. Albanel, qui le décou-
vrit en 1672 après avoir remonté le Saguenay. La Compa-
gnie de la baie d'Hudson y a fondé un comptoir. C'est par
excellence le pays de la chasse, habité encore par des In-
diens de la tribu algonquine au nombre d'environ 5,000 ;
ils vivent en nomades sur le plateau et jusque sur le ver-
sant S. du golfe où l'on trouve les Montagnais; ils chas-
sent le renard blanc dont la fourrure est la plus recherchée,
la martre zibeline, la loutre, le castor ; l'ours blanc abonde.
La population blanche ne comprend que les agents des fac-
toreries anglaises, 333 blancs dont 42 Français.
Le Labrador fut d'abord connu des Normands qui le dé-
signèrent sous le nom de Hellvland, le pays de la pierre.
On croit que l'Estotiland delà relation de Nie. Zeno désigne
aussi la presqu'île. Sébastien Cabot longea le littoral et
alla peut-être jusqu'au détroit auquel H. Hudson donna
son nom en 1610. Cette même côte fut aperçue par le Por-
tugais Gaspar Corte-Real en 1500 et 1501 ; il périt dans
les mers du Nord, et pendant longtemps le Labrador actuel
s'appela la terre de Corte-Real (Terra Cortealis sur la carte
d'Ortelius, 1570; Terra de Corlerea sur celle de Boléro,
1603). Vinrent ensuite les pêcheurs bretons qui fondèrent
Bradoreou Brest, d'où est venue la dénomination définitive de
Labrador. Les missionnaires canadiens du xvn° siècle, les
agents anglais de la Compagnie de la baie d'Hudson, puis
les frères moraves ont été les seuls explorateurs de ce pays
encore peu connu. L. Didier.
BiBL. ; P. Charlevoix, Histoire de la Nouvelle France.
— Cartwright, a Journal.., during a résidence of
nearly 16 years on part of the coast of Labrador, 1792,
3 vol., in-4 (récit de voyages de chasse par des ap^ents de la
Compagnie d'Hudson). — Voyage d'André Michaux au
Canada^ depuis le lac Champiàin à la baie d'Hudson ;
Québec, 1861 (le voyage du botaniste André Michaux eut
lieu en 1792; il renferme une description du lac Mistas-
sini). — Abbé Ferland, le Labrador ; Québec, 1860. —
Petermann's Mittheilungen, année 1861, pp. 213-219 ; ar
ticle de O.-M. Lieber, membre d'une expédition astro-
nomique en 1860 ; année 1863, pp. 121-127, observations
de Th. Reichel, membre du conseil des frères moraves ;
année 1889, pp. 25-26, tableau des températures de 1882-
1883. — H. Youle Hind, Explorations in the inlerior of-
the Labrador peninsula ; Londres, 1863, 2 vol. {a surtout
visité et décrit le bassin de la Moisie). — A Vi'iit to the
N.-E. Coast of Labrador during theautumn of 1861, dans
Jouimal oftheRoyalGeogr.Soc.ofLondon^voi. XXXVIII,
pp. 258-281, avec une carte. — Sylva Clapin, le Canada ;
Paris, 1885. — Rapport de H. de Puyjalon, dans le Butle^
tin de la Société de géographie commerciale de Paris,
Vlil, 464. — Sur les Esquimaux : E. Petitot, les Grands
Esquimaux ; Paris, 1887.
LABRADOR (Juan), peintre espagnol, né dans le pre-
mier tiers du xvi^ siècle, mort à Madrid en 1600. Il est
l'élève du divino Morales, mais il ne semble pas qu'il se
soit adonné à peindre un autre genre que des tableaux de
fleurs et de nature morte, désignés en Espagne sous le
nom de bodegones. Il devint dans ce genre un praticien
consommé, et ses productions jouirent durant sa vie d'une
faveur d'ailleurs méritée. Cean Bermudez cite avec de grands
éloges deux tableaux du maître, représentant des fleurs, qui
décoraient de son temps l'antichambre du roi, au palais
de Madrido P. L.
BiBL.: Cean Bermudez, Dicclonario de los mas ilustres
profesores: Madrid, 1800.
LABRADORITE. MM. Fouqué et Michel Lévy ont sé-
paré du groupe des basaltes, sous ce nom de labradorite,
une roche basaltique riche en augite, où l'olivine devenue
rare ou même absente ne se présente jamais qu'à l'état
d'élément accessoire ; en même temps, parmi les microlites
du second temps, le feldspath dominant devient le labrador.
Ainsi définies, les labradorites peuvent être considérées
comme normalement constituées par une association micro-
litique de fer oxydulé., à' augite et de labrador enve-
loppant à l'état de cristaux anciens mieux développés les
mêmes éléments, en particulier ïaugite qui peut se dé-
velopper au point de rendre la roche porphyroïde. A l'état
accessoire figurent ensuite par ordre de fréquence : V horn-
blende brune ferrifère des basaltes, souvent en grande
partie résorbée et remplacée par des microlites d'augite et
du fer oxydulé; despyroxènes rhombiques, enstatite^ ma-
lacolite; Vanorthite ; le mica noir en petites plages de
dernière consolidation moulant le fer oxydulé; enûnVoli-
vine qui peut se présenter non seulement en grands cris-
taux du type basaltique dans celles de ces roches qui pas-
sent aux basaltes, mais surtout en microlites à formes
losangiques raccourcies non moins caractéristiques.
Les feldspaths en grands cristaux sont très rares ; par
contre, fréquemment Vandésine vient s'ajouter au labrador
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Cristallites dans la matière vitreuse des labradorites
(Essey-la-Côte).
dans les éléments microlitiques du second temps; puis,
quand cette condition se trouve réalisée par Voligoclase^ la
roche devenue une andési-labradorite passe aux andé-
sites augitiques. Etant donnée la facilité avec laquelle cris-
- 697 -
LABRADORITE - LABRAX
tallisent les roches aussi basiques, les types à pâte entière-
ment microlitique sont très répandus et de même ceux
feidspathiques, plus largement cristallisés, où se développe
une remarquable texture ophitique. Dans ce cas, l'anorthite,
aussi bien que le labrador, fournit les grands microlithes
allongés suivant pg^ que les grandes plages d'augite vien-
nent cimenter. Il est cependant des labradorites chez les-
quelles subsiste une notable proportion de matière vitreuse ;
l'alignement des microlites par tramées fluidales devient
alors très net, et le verre, de coloration brune, se montre
souvent en partie dévitrifié par de nombreux groupements
cristalHques fournis par de petits octaèdres de spinelle
brune ou d'élégantes arborisations de fer oxydulé. Les
variétés amygdalaires aussi ne manquent pas, mais, dans
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Microlites d'olivine dans les labradorites {d'après M. Michel
Lévyj.
ce cas, le remplissage des cavités de ces labradorites sco-
riacées fourni par de la calcédoine, des chlorites et des zéo-
lites diverses, est le même que pour les basaltes. Il n'y a
pas non plus de différence dans les produits secondaires
d'altération (V. Basalte).
Les coulées de labradorite sont aussi fréquemment es-
cortées de tufs et d'amas 5comC(^5 ressemblant beaucoup
aux formations de même nature qui forment le cortège ha-
bituel des basaltes. La seule différence, c'est qu'au milieu
de ces produits de projection l'augite fournit la majeure
partie des cristaux isolés. L'hornblende brune (basaltine),
aussi avec ses gros cristaux aux angles arrondis, n'est pas
moins fréquente, et ce n'est que rarement qu'on peut y re-
connaître très altérés quelques grains de ce péridot qui
devient, soit à cet état isolé, soit réuni en amas granuleux
avec du pyroxène (bombes d'olivine), si caractéristique des
tufs basaltiques.
Caractères extérieurs et distribution. Au peint de vue
des caractères physiques extérieurs, les labradorites, géné-
ralement d*un gris de fer, ne se distinguent guère des ba-
saltes que par une coloration moins foncée. Très augitiques
et moins bien pourvues de minerais, c.-à-d. de fer oxydulé,
elles sont aussi moins denses, d'apparence moins homo-
gène. La forme iavique avec surface rugueuse scoriacée
pour les coulées est aussi plus fréquemment réalisée. Ce
n'est qu'exceptionnellement qu'elles prennent avec la ré-
gularité l'épaisseur voulue pour présenter dans leurs
aftleurements cette division en grandes colonnades prisma-
tiques qui se trouve si fréquemment réalisée dans les
grandes coulées de basalte.
Leur distribution géographique est loin d'être aussi éten-
due que celle des basaltes. En Auvergne notamment, aussi
bien que dans le Velay, les centres d'émission ont été moins
nombreux. Dans les massifs volcaniques du Cantal et du
Mont-Dore, par exemple, les labradorites tiennent une faible
place dans les éruptions anciennes antérieures aux grandes
émissions de trachytes et d'andésites. Dans la cinérite su-
périeure, riche en blocs d'andésite et de basalte projetés, déjà
des coulées de quelque importance sont à noter ; elles font
ensuite partie dans le Mont-Dore de la puissante série ba-
saltique dite des plateaux, en particulier dans le voisinage
du lac de Guéry, où des labradorites compactes viennent
s'étaler sur les'^andésites du type du Rigolet; puis finale-
ment, dans la chaîne des Puys, ce sont de pareilles laves
qui fournissent la majeure partie des coulées du versant 0.
des volcans à cratère. Telles les chaînes bien connues de
Louchardière,de Côme-Pontgibaud,de Côme-Mazaye. Plus
au N. la coulée de Beaunit est une andési-labradorite,
tandis que dans le S, celles de Montchié, de Bar me et du
Pourcharet représente avec leur richesse plus grande en
olivine un terme de transition avec les basaltes. Sur le
versant E. on remarque ensuite les coulées plus clair-
semées mais non moins typiques de laves labradoritiques
du Petit-Sarcouy, du pied du Puy de Dôme, et surtout
celle si largement exploitée de Frontfreide. Le caractère de
ces labradorites récentes, bien mis en évidence par M. Michel
Lévy à qui nous empruntons ces détails, c'est d'être très
feidspathiques, comme le sont du reste toutes les laves ba-
siques des Puys et surtout les plus riches en péridot micro-
litique.
Inversement, dans le Velay, les labradorites, complètement
absentes des émissions de la grande chaîne volcanique
d'entre Loire et Allier, tiennent dans les formations érup-
tives anciennes du Mézenc une telle place qu'elles par-
viennent à atteindre au centre même du massif (cirque des
Routières) une épaisseur totale de 250 m. Elles sont égale-
ment très développées aux environs de Chaudeyroles, dans
la vallée de la Rimande, ainsi que dans le massif voisin du
Mégal où elles se présentent de même antérieures aux
gigantesques épanchements de phonolithes de la région
(M. Boule, Description géologique du Velay, Bull, des
services de la carte qéolog, de France, n^ 28, 4892,
t. IV).
En dehors de nos régions françaises, les remarquables
centres éruptifs qui, dans les Karpates, couvrent de vastes
espaces aussi bien en Hongrie qu'en Transylvanie comptent
parmi ceux où le développement pris par les labradorites,
dans la première série des éruptions tertiaires, mérite d'être
noté; d'autant que ces labradorites, avec les augitandésites
associées devenues quartzifères, renferment un quartz asseis
riche en inclusions à bulle mobile pour que M. de Richto-
fen (Jahrb. der K. K. Geolog. Heichsandstalt, 1860)
ait cru devoir grouper ces roches sous le nom do propy-
lites. Mais, suivant M. Rosenbusch (Physiog. der massi-
gen Gesteine (4887, 2« éd.), cet état ^wctÀmWev {faciès
propylitique), loin d'être spécial aux roches basiques, résul-
terait d'actions solfatariennes ultérieures qui auraient éga-
lement atteint les trachytes de la région en leur comm'u-
niquànt à leur tour cette richesse en quartz qui leur a valu
la qualification de Grûnstein-trachyt, actions solfatariennes
dont la trace est de plus marquée de la façon la plus ex-
pressive par le développement pris, au milieu de toutes ces
roches, par des gîtes aurifères et argentifères activement ex-
ploités. Le groupe volcanique de Santorin, si bien étudié
par M. Fouqué, avec ses grandes coulées de labradorites au-
gitiques qui, au pied des falaises de Thera, marquent le début
des premières éruptions basiques aériennes ; Vlslande, où la
majeure partie des laves rejetées par les grands volcans ac-
tuels sont aussi des labradorites très cristallines marquées
souvent d'une belle texture ophitique, comme le sont du
reste également celles plus anciennes fréquemment amyg-
daloides qui, sur les côtes très échancrées de cette grande
île, se présentent baignées par la mer au pied des hautes
falaises des fjords; enfin VEtna qui, depuis qu'il existe,
avec une remarquable persistance, n'a rejeté que des
laves basiques de cette nature, figurent, parmi les centres
volcaniques actuels, comme ceux où les laves basaltiques
de cette nature, c.-à-d. où le péridot ne se présente qu'à
l'état d'élément accessoire, prennent le plus d'importance.
Ch. Vélâin.
BiBL. : Fouqué et Michel Lévy, Minéralogie microgra-
phique; Paris, 1879. — Fouqué, Santorinet ses éruptions;
Paris, 1879. — Michel Lévy, Structure et classificaiion des
roches éruptives; Paris, 1889, Notes sur la chaîne des
Puys et le massif du Mont-Dore, Bull, de la Soc. géolog.
de France-, 1890, t. XVIII, 3« série. — René Bréon, Notes
sur la géologie de l'Islande; Paris, 1884.
LABRANZANO (Luis Falero, duc de) (V. Falero).
LABRAX (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Téléos-
LABRAX — LABROUSSE
- 698 —
téens), de i'ordre des Acanthoptérygiens Perciformes et de
la famille des Percidse dont les principaux caractères sont ;
une tête écailleuse, les ouïes largement fendues, l'opercule
armé de deux épines, le bord postérieur du préopercule
dentelé, de longues épines dirigées en avant le long du
bord inférieur, sept rayons branchiostèges, les fausses
branchies très développées, les dents en velours distribuées
aux mâchoires, au palais et sur la langue, les deux dor-
sales rapprochées, la première avec neuf aiguillons. Des
trois ou quatre formes connues, le Labrax lupus, désigné
Labrax lupus.
par le vulgaire sous le nom de Bar, de Loup, etc., habite
les côtes de France, d'Europe et d'Afrique (V. Bar).
BiBL. : GuNTHER, Studtf of Fishes. — Valenciennes et
CuviER, Hîst. gënér. des Poiss. — Rochebrune, Faune de
la Sénégaynbie. — Sauvage, clans Brehm, édit. franc.
LABRE. I. Entomologie. — Partie de la bouche dos
Insectes représentant la lèvre supérieure (V. Insectes).
II. Ichtyologie. — Genre de Poissons osseux (Té-
léostéens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Pharyngé-
gnates et de la famille des Labridse ayant pour caractères : le
corps oblong, comprimé, couvert d'écaillés lisses plus ou
moins grandes, au nombre d'environ 40 par séries transver-
sales, les joues et l'opercule couverts d'ècailles, le museau
nu, allongé, les lèvres épaisses, les mâchoires armées d'une
seule rangée de dents coniques, la ligne latérale non inter-
rompue, la dorsale composée de i3 à 32 épines, l'anale
avec 3 aiguillons et 8 à 42 rayons mous. Le Labrus mix-
tus des côtes de France, dont la taille atteint 30 centim.,
est d'un brun verdâtre à la partie supérieure orné de 4 à
5 bandes longitudinales bleuâtres ou violacées. La partie
inférieure des flancs est jaunâtre, le ventre rouge pâle. La
tète d'un brun verdâtre porte un réseau irrégulier de bandes
bleuâtres. La nageoire dorsale est jaunâtre avec une longue
tache bleue sur les 7 ou 8 premiers aiguillons, l'anale et
les ventrales jaunâtres sont lisérées de bleu, La caudale est
jaunâtre à la base, bleue dans le reste de son étendue, les
pectorales orangées. Gessner rapporte que le mâle a une
affection toute particulière pour ses petits, la femelle fraye
dans un trou à l'entrée duquel se place le mâle qui reste
longtemps sans prendre de nourriture occupé de veiller sur
ses petits. Roghbr.
m. Pêche. — Les labres, qui habitent les endroits peu
profonds, garnis de roches et de varechs, se nourrissent de
crustacés et de coquillages ; on les pèche surtout au hame-
çon. D'après Couch, les labres fréquentent les bas-fonds
des rochers, près des rivages, durant l'été, mais se retirent
dans les grands fonds l'hiver ; on emploie alors pour la
pêche une ligne munie d'une avancée et d'un plomb. E, S.
BiBL. : GuNTHER,Study of Fishes. — Valenciennes et
Cuvier, Hist. génér.des Poiss. — Sauvage, dans Brehm,
édit. franc.
LABRE (Benoît- Joseph), saint, né à Amette, diocèse de
Boulogne, en 1748, mort à Rome le 16 avr. 1783, dé-
claré vénérable la même année, béatifié en 1861 par Pie IX,
canonisé par Léon XIII. Fête le 16 avr. Il était d'une
chasteté si précoce, qu'étant encore à la mamelle, il repous-
sait les baisers des femmes ; mais il ne parait point avoir
été gratifié de la vertu du travail. Après avoir reçu sa
première éducation chez un de ses oncles, curé d'Erin, qui
lui enseigna la langue latine, il entra chez les chartreux
de Montreuil et de Longuesse, puis se retira chez un autre
oncle, curé de Coûte ville. Il alla ensuite à la Trappe et à
Pabbaye de Sept-Fonts. Sa santé l'ayant forcé de quitter
cette abbaye, dont la règle était excessivement sévère, il
se rendit à Rome, vers l'âge de vingt et un ans, passant
par Lorette, par Assise et par Fabiano, où se trouvent les
reliques de saint Romuald, fondateur des camaldules.
Pendant les six premières années, il visita les principaux
lieux de pèlerinage de l'Italie et Notre-Dame-des-Ermites
à Einsiedeln (Suisse), Après ce temps, il ne sortit plus de
Rome qu'une fois l'an, pour aller à Lorette. II passait ses
journées dans les églises à prier, à genoux ou debout; le
soir, il se retirait dans un enfoncement de murailles rui-
nées, près du Colysée. Dans la dernière partie de sa vie, il
accepta un lit à l'hôpital évangélique. Couvert de haillons
et de vermine, il vivait des aumônes qu'il recevait sans
mendier, n'en prenant que le strict nécessaire et donnant
le reste aux pauvres. E.-H. Vollet.
LABRÈDE (V. Brède [La]).
LABRETONIE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr.
de Marmande, cant. de Castelmoron-sur-Lot; 349 hab.
LABRIHE. Com. du dép. du Gers, arr. de Lectoure,
cant. de Mauvezin, entre l'Arrats et la Gimone; 333 hab.
Eglise du xvi® siècle qui a conservé une porte ornée de
sculptures du xiii^ siècle. Restes de deux anciens châteaux
féodaux dont l'un a été restauré.
LA B RIT. Ch.-l. de cant. du dép. des Landes, arr. de
Mont-de-Marsan, sur l'Estrigou; 1,112 hab. Minerai de
fer ; haut fourneau : scieries ; distillerie de matières rési-
neuses, fabrique de sabots. Vestiges de l'ancien château
d'Albret, habité par Ilenri IV. Des fouilles ont mis au jour,
dans les substructions d'une villa romaine, une belle mo-
saïque.
LABROQUÈRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Saint-Gaudens, cant. de Darbazan; 452 hab.
LABROSSE (V. Brosse).
LABROSSE (Joseph de) (V. Ange de Saint- Joseph).
LA BROUE (Pierre de) (V. Broue).
LABROUSSE. Com. dudép. du Cantal, arr. et cant. d'Au-
rillac; 689 hab.
LABROUSSE (Nicolas-Hippolyte), amiral et ingénieur
maritime français, né à Brest le 17 juil. 1807, mort à
Brest le 22 août 1871. Entré à l'Ecole navale en 1822,
nommé enseigne de vaisseau en 1829 et devenu en 1853
capitaine de vaisseau, il fut élevé aux grades de contre-
amiral en 1860 et de vice-amiral en 1867. Il était, avant
la guerre de 1870, président du conseil des travaux de la
marine. Bien qu'il n'eût jamais quitté le service actif et
qu'il comptât vingt-huit années de campagnes, il fournit
une très belle carrière d'ingénieur maritime et il contribua
pour une large part à la transformation de notre marine
de guerre par ses nombreux projets et par ses heureuses
innovations en matière de constructions navales, d'appareils
à vapeur et de matériel d'artillerie. C'est ainsi que, repre-
nant quelques-unes des idées du capitaine du génie Delisle
et préparant les admirables travaux de Dupiiy de Lôme,
il présenta, dès 1840, les plans complets d'un navire à
vapeur à grande vitesse, à hélice et à éperon, et, dès l'an-
née suivante, ceux d'une machine à vapeur de 1,000 che-
vaux à action directe. On lui doit également les gargousses
sphériques(1834); un système de 'mâture à pible(1845-
56) essayé d'abord sur le Cfiaptal, notre premier grand
bâtiment en fer, dont il dressa les plans (1844) et qu'il
commanda quelque temps ; un autre système de mâture,
celle-là en tôle, pour les navires cuirassés (1858); un type
de puits à hélice; un affût de siège à éclipse (V. Affût,
1. 1, p. 706), etc. En même temps il préconisa les ponts
convexes, l'établissement des machines au-dessous de la
ligne de flottaison, et il donna la solution d'une foule de
problèmes de mécanique et de balistique. Il s'occupa aussi,
à l'occasion du siège de Paris, de la direction des aéros-
tats. Ses écrits comprennent de nombreux rapports d'ex-
périences et de missions, des mémoires sous les propul-
seurs sous-marins, sur les puits à liéHce, sur les navires
à éperon, un manuel de gréement et des Observations sur
— 699 —
LABROUSSE -~ LA BRUYÈRE
les machines à vapeur récemment introduites dans la
marine impériale (Paris, 4868, in-8). L. S.
BiBL. : Notice sur les travaux scientifiques du contre-
amiral Labrousse; Paris, 186G, in-8.
LABROUSSE (Philippe-Michel), homme politique fran-
çais, né à Sainte-Féréole (Corrèze) le 3 mai 1847. Docteur
en médecine à Brive, il fut élu député de cette circonscrip-
tion le 24 févr. 1884 et, réélu en 1883, 1889, 1893,
devint sénateur le 7 janv. 1894. Membre du parti radical,
il obtint en 1888 dans la discussion du budget une réduc-
tion du traitement des évêques, qui fut rejetée par le Sénat,
et combattit le boulangisme.
LABROUSTE (Théodore), architecte français, né à Paris
le 21 mars 1799, mort à Paris le 28 nov. 1885. Elève de
Vaudoyer et de Lebas, premier grand prix d'architecture en
1827, Théodore Labrouste étudia, comme pensionnaire de
Rome, le temple de Vesta et des tombeaux étrusques et
fit une restitution, en treize feuilles de dessins et un mé-
moire, des antiquités et du Temple de Cora. A son retour
d'Italie, il reconstruisit, avec son frère Henri (V. ci-dessous)
le collège Sainte-Barbe sur la place du Panthéon, et, seul,
la bibliothèque de l'Arsenal, fut membre du conseil général
des bâtiments civils et devint en 1845 architecte en chef
des hôpitaux et hospices de Paris, fonctions qu'il occupa jus-
qu'en 1876. C'est en cette qualité qu'il fit reconstruire la
maison municipale de santé du faubourg Saint-Denis, dite
maison Dubois, édifice des plus remarquables pour son plan
d'ensemble et ses aménagements, et qu'il fit élever le bâti-
ment de la direction de l'Assistance publique, place de l'Hôtel-
de-Ville et avenue Victoria, en même temps qu'il apportait
de considérables agrandissements à l'hospice des Ménages,
à Issy, et à l'hospice des Incurables, à Ivry. Ch. L.
LABROUSTE (Henri), architecte et professeur d'archi-
tecture français, né à Paris le 11 mai 1801, mort à Fon-
tainebleau le 24 juin 1875, frère du précédent. Elève de
Vaudoyer et de Lebas, il obtint, en 1824, le premier
grand prix d'architecture. Il termina ses envois de Rome,
tous d'un grand intérêt, par la Restitution de la basilique
et des temples de Pœstunu en vingt-trois feuilles de
dessins et un mémoire publiés depuis aux frais du gou-
vernement. Lauréat de nombreux concours puMics, à
Lausanne, à Turin, à Alexandrie et à Paris pour le
tombeau à ériger à Napoléon P^' sous le dôme des Inva-
lides, cet architecte fut chargé, avec Visconti (V. ce nom),
de l'importante décoration des Champs-Elysées et des In-
valides à l'occasion du retour des cendres de Napoléon et fit
élever de nombreux édifices parmi lesquels il faut citer : le
séminaire de Rennes, les bâtiments du collège Sainte-Barbe,
place du Panthéon (en collaboration avec son frère Théo-
dore Labrouste) ; les hôtels Louis Fould, rue de Berry, de
Vilgruy, place François ï^"", et de l'administration deParis-
Lyon-lVIéditerranée (ce dernier hôtel occupé aujourd'hui
par le ch. de fer du Midi) ; plusieurs tombeaux dont celui
de la famille Rouvenat, au cimetière du Nord, etc. Mais
les œuvres les plus importantes de Henri Labrouste sont la
bibliothèque Sainte-Geneviève, la restauration de la galerie
Mazarine et la nouvelle salle de lecture, avec les bâtiments
sur la rue Richelieu, de la Bibliothèque nationale. En fai-
sant appel, pour les grandes salles de ces deux bibliothèques,
à l'emploi du métal franchement accusé et décoré avec un
art des plus délicats, Henri Labrouste se montra un nova-
teur en même temps qu'un maître et fit de plus preuve du
talent le plus original et le plus souple dans la décoration
intérieure et extérieure des diverses parties de ces édifices.
Cet architecte, qui collabora au Traité d'architecture de
Léonce Beynaud (V. ce nom), avait ouvert, dès 1830, un
atelier d'élèves qui devint bientôt célèbre, qu'il dirigea
pendant vingt-cinq années et qui, s'il ne sacrifia pas aux
tendances de l'Ecole, des beaux-arts pour y obtenir des ré-
compenses officielles, n'en fut pas moins une pépinière d'ar-
chitectes des plus distingués, parmi lesquels on doit nom-
mer, à côté de MM. Em. Bœswillwald, Darcy, Lheureux,
Lisch, Guadet, Bouwens Van der Boyen et de Baudot en-
core vivants ; Galland, Eug. Millet, Laval, Boissan,
Verdier, etc. Labrouste avait été élu, en 1867, membre
de l'Institut. Charles Lucas.
LABROYE. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Mon-
treuil-sur-Mer, cant. d'Hesdin ; 291 hab.
LÂBRUGUIÈRE. Ch.-l. de cant. du dép. du Tarn, arr.
de Castres, sur le Thoré ; 3,450 hab. Stat. de la ligne de
Castres à Mazamet. Importantes fabriques de tissus de
laine (flanelle, bonneterie). Au x^ siècle, le château ap-
partenait à la famille vicomtale de Lautrec. — Château du
xiii® siècle, avec tours, servant d'hôpital. Eglise du xni® siècle,
restaurée ; clocher remarquable.
LA BRUNE (Jean de), écrivain français du xvii® siècle.
Pasteur à Bâle, puis en Hollande. Citons de lui : Voyage
en Suisse (Marbourg, 1685, in-12) ; la Vie de Charles F,
duc de Lorraine et de Bar (Amsterdam, 1694, in-12) ;
Mémoires pour servir a V histoire de Louis de Bourbon
(1693, 2 vol. in-12); Entretiens historiques (1733,
2 vol. in-8), etc.
LABRUNERIE (Dode de) (V. Dode de LaBrunerie).
LA BRUNERIE (Fauvre) (V. Fauvre La Brunerie).
LABRUNIE (Gérard) (V. Nerval [Gérard de]).
LABRUNIÈRE de Médicis (Jean) (V. Ferdinand).
LABRUYÈRE. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. de Seurre; 311 hab.
LABRUYÈRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. d'Auterive; 145 hab.
LA BRUYÈRE (Jean de), moraliste français, né à Pa-
ris le 16 août 1645, mort à Versailles le 10 mai 1696.
On a longtemps cru qu'il était né dans un village voisin de
Dourdan, jusqu'à ce que Jal eût retrouvé son acte de bap-
tême, qui établit qu'il a été baptisé le 17 août 1645 à
l'église Saint-Christophe, dans la Cité. H était le fils aîné de
Louis de La Bruyère, contrôleur général des rentes de l'Hôtel
de Ville, bourgeois de Paris, et d'Ehsabeth Hamonyn. Son
trisaïeul paternel, Jean de La Bruyère, apothicaire dans la
rue Saint-Denis, et son bisaïeul, Mathias de La Bruyère,
lieutenant civil de la prévôté et vicomte de Paris, avaient
joué, au XVI® siècle, un rôle actif dans la Ligue. H fut
vraisemblablement élevé à l'Oratoire de Paris, et, à vingt
ans, obtint le grade de licencié es deux droits à Puniver-
sité d'Orléans. Il revint vivre à Paris avec sa famille, dont
la situation de fortune était assez aisée, et fut inscrit au
barreau, mais plaida peu ou point. En 1673, il acheta une
charge de trésorier général de France au bureau des finances
de la généralité de Caen, charge qui valait une vingtaine
de mille livres, rapportait environ 2,350 livres par an, et
conférait en outre l'anobhssement; il fit le voyage de Nor-
mandie pour son installation, puis, les formalités remplies,
il retourna à Paris et ne parut plus à Caen. Il vendit sa
charge en 1686. Depuis le 15 août 1684, il était l'un des
précepteurs du jeune duc de Bourbon, petit-fils du grand
Condé. Cet emploi fut confié à La Bruyère, d'après l'abbé
d'Olivet, sur la recommandation de Bossuet, «qui fournis-
sait ordinairement aux princes, a dit Fontenelle, les gens de
mérite dans les lettres dont ils avaient besoin ». On
ignore d'ailleurs comment La Bruyère connaissait Bossuet.
Le jeune duc de Bourbon était âgé de seize ans, et il ve-
nait d'achever sa seconde année de philosophie au collège
de Clermont (Louis-le-Grand), qui était dirigé par les jé-
suites. C'est avec deux jésuites encore, les pères Alleaume
et du Rosel, et avec le mathématicien Sauveur, que La
Bruyère partagea le soin d'achever l'éducation du jeune
duc, auquel il était chargé d'enseigner, pour sa part, l'his-
toire, la géographie et les institutions de la France. Condé
suivait de près les études de son petit-fils, et La Bruyère,
comme les autres maîtres, devait lui faire connaître le
programme de ses leçons et les progrès de son élève, qui,
à vrai dire, était un assez mauvais élève. Le 24 juil.
1685, le duc de Bourbon épousa W^^ de Nantes, fille
de Louis XIV et de M""® de Montespan, qui était âgée de
onze ans et dix mois ; La Bruyère fut invité à partager
ses leçons entre les deux jeunes époux. Le li déc. 4886,
LA BRUYÈRE
— 700 —
Condé mourut à Fontainebleau, et l'éducation du duc de
Bourbon fut considérée comme terminée. La Bruyère resta
néanmoins dans la maison de Condé en qualité de gentil-
homme de Monsieur le duc, ou « d'homme de lettres »,
suivant l'abbé d'Olive t, avec mille écus de pension. Ces
fonctions assez vagues laissaient à La Bruyère le loisir de
travailler selon ses goûts, et elles lui permettaient d'ob-
server à son aise ces grands et ces courtisans dont il de-
vait faire de si mordants portraits. Mais il eut certainement
à souffrir du caractère insupportable des « Altesses à
qui il était », et que Saint-Simon nous a dépeintes
sous de si noires couleurs. « Fils dénaturé, cruel père,
mari terrible, maître détestable... », tel était, d'après
l'auteur des Mémoires, Henri-Jules de Bourbon, fils du
grand Condé ; et guant à son petit-fils, l'élève de La
Bruyère, « sa férocité était extrême et se montrait en tout.
C'était une meule toujours en l'air, qui faisait fuir devant
elle, et dont ses amis n'étaient jamais en sûreté, tantôt par
des insultes extrêmes, tantôt par des plaisanteries cruelles
en face, et des chansons qu'il savait faire sur-le-champ,
qui emportaient la pièce et qui ne s'effaçaient jamais... 11
se sentait le fléau de son plus intime domestique... » La
Bruyère, qui avait naturellement l'humeur sociable et le
désir de plaire, souffrit de la contrainte que lui imposait
l'obligation de défendre sa dignité. Il évita les persécu-
tions auxquelles était en butte le pauvre Santeul, mais on
sent l'amertume de l'amour-propre blessé dans les plus
âpres passages de son chapitre des Grands.
La première édition des Caractères parut en mars 1688,
sous ce titre : les Caractères de Théophraste, traduits
du grec, avec les caractères ou les mœurs de ce siècle.
A Paris, chez Etienne Michallet, premier imprimeur du
Roy, rue Saint-Jacques, à l'Image Saint-Paul. M. DC.
LXXXVIII. Avec privilège de Sa Majesté, in-i 2.— Le nom
de l'auteur ne figura sur aucune édition publiée de son vivant.
Bien que cette première édition contînt surtout des
maximes, et presque point de portraits, le succès fut tout
de suite très vif, et deux autres éditions parurent dans la
même année 1688, sans que La Bruyère eût le temps de
les augmenter notablement. En revanche, la 4® éd. (1689)
reçut plus de 350 caractères inédits; la cinquième (1690),
plus de 150; la sixième (1691) et la septième (1692), près
de 80 chacune; la huitième (1693), plus de 40, auxquels
il faut ajouter le discours à l'Académie. Seule, la 9® éd.
(1696) qui parut quelques jours après la mort de La
Bruyère, mais revue et corrigée par lui, ne contenait rien
d'inédit. La vente de son ouvrage n'enrichit point La
Bruyère, qui d'avance en avait destiné le produit à doter
la fille de son libraire Michallet; cette dot fut de 100,000 fr.
environ, suivant certaines estimations, et de 2 à 300,000 fr.,
suivant d'autres.
La Bruyère se présenta à l'Académie en 1691, et ce fut
Pavillon qui fut élu. Il se représenta deux ans plus tard,
et cette fois fut élu, le 14 mai 1693, en remplacement de
l'abbé de La Chambre. Il avait été chaudement recommandé
par le contrôleur général Pontchartrain. Son discours de
réception, qu'il prononça le 15 juin de la même année,
souleva des orages. Il fut violemment attaqué dans le Mer-
cure Galant, qu'il avait placé jadis « immédiatement au-
<lessous de rien », et dont les principaux rédacteurs, Tho-
mas Corneille et Fontenelle, ne lui pardonnèrent pas d'avoir
fait l'éloge, dans ce discours, des chefs du parti des An-
ciens, Bossuet, Boileau, La Fontaine, et surtout d'avoir
exalté Racine aux dépens de Corneille. La Bruyère répli-
qua à l'article du Mercure dans la préface de son discours,
et il se vengea de Fontenelle en publiant dans la 8^ éd. de
son hvre le caractère de Cydias, dont tout le monde re-
connut l'original.
Les dernières années de la vie de La Bruyère furent
consacrées à la préparation d'un nouvel ouvrage, dont il
avait pris l'idée dans ses fréquents entretiens avec Bossuet:
c'est à savoir les Dialogues sur le Quiétisme, qu'il laissa
inachevés. Us ont été publiés après sa mort, en 1699, par
l'abbé du Pin, docteur en Sorbonne, qui compléta les sept
dialogues trouvés dans les papiers de La Bruyère, par
deux dialogues de sa façon. Il est probable qu'il ne se
gêna point non plus pour remanier les sept premiers ; mais,
avec cette réserve, l'authenticité des Dialogues, qui n'était
point admise par Walckenaer, paraît certaine au plus récent
éditeur de La Bruyère, M. G. Servois. Ajoutons que l'on
a vingt lettres de La Bruyère, dont dix-sept sont adressées
au prince de Condé, et nous aurons achevé l'énumération
de ses (euvres complètes.
11 mourut à Versailles, dans la nuit du 10 au 11 mai
1696, d'une attaque d'apoplexie. Le récit de sa fin nous a
été transmis par une lettre d'Antoine Bossuet, frère de
l'évêque de Meaux. « J'avais soupe avec lui le mardi 8,
écrit-il ; il était très gai et ne s'était jamais mieux porté.
Le mercredi et le jeudi même, jusqu'à neuf heures du soir,
se passèrent en visites et en promenades, sans aucun pres-
sentiment ; il soupa avec appétit, et tout d'un coup il
perdit la parole et sa bouche se tourna. M. Félix, M. Fa-
gon, toute la médecine de la cour vint à son secours. Il
montrait sa tête comme le siège de son mal . Il eut quel-
que connaissance. Saignée, émétique, lavement de tabac,
rien n'y fit... Il m'avait lu [deux jours auparavant] des
Dialogues qu'il avait faits sur le quiétisme, non pas à
l'imitation des Lettres Provinciales (car il était toujours
original), mais des dialogues de sa façon... C'est une perte
pour nous tous ; nous le regrettons sensiblement. » Bos-
suet lui-même écrivait de son côté le 28 mai : « Toute la
cour l'a regretté, et monsieur le Prince plus que tous les
autres. » Enfin, voici dans quels termes Saint-Simon a
enregistré sa mort : « Le public perdit bientôt après (1696)
un homme illustre par son esprit, par son style et par la
connaissance des hommes : je veux dire La Bruyère, qui
mourut d'apoplexie à Versailles, après avoir surpassé Théo-
phraste en travaillant d'après lui, et avoir peint les
hommes de notre temps, dans ses nouveaux Caractères,
d'une manière inimitable. C'était d'ailleurs un fort honnête
homme, de très bonne compagnie, simple, sans rien de
pédant, et fort désintéressé. Je l'avais assez connu pour le
regretter, et les ouvrages que son âge et sa santé pou-
vaient faire espérer de lui. »
La Bruyère mourait célibataire et pauvre. Sa mort, « si
prompte, si surprenante », suivant les expressions de son
successeur à l'Académie, l'abbé Fleury, fit naître le soup-
çon qu'il aurait été empoisonné, sans doute par la ven-
geance d'un des originaux des Caractères; ces bruits
n'avaient aucun fondement sérieux. Il fut inhumé à Ver-
sailles le 12 mai, dans la vieille église Saint-Julien, qui a
été démolie en 1797.
La Bruyère est un moraliste, et le xvii° siècle est
l'âge des morahstes; ce sont là des termes consacrés
par l'usage, mais qui ont besoin d'être précisés. On appelle
aujourd'hui moraliste l'écrivain qui prêche la morale, et on
le distingue du psychologue qui décrit les sentiments sans
les juger. Si l'on accepte ces définitions, qui ont été fixées
par M. Paul Bourget (Nouv. Essais depsychol. contemp.),
La Bruyère est à la fois moraliste et psychologue, et plus
encore psychologue que moraliste, et l'on doit dire du
xvii^ siècle qu'il est avant tout l'âge de la psychologie.
Mais on entendait alors par moraliste tout auteur qui écri-
vait « sur les mœurs », quel que fût l'esprit de son livre.
Et l'on avait un tel goût pour les analyses morales
et pour les portraits, qu'ils n'étaient point réservés aux
ouvrages spéciaux, tels que le Recueil de Mademoiselle, mais
abondaient dans les romans et, c'est La Bruyère lui-même
qui le dit, jusque dans les sermons (V. Disc, sur Théo-
phrasté).
Toutefois, deux grands écrivains, par l'objet et par la
forme de leurs œuvres, étaient les prédécesseurs directs
de La Bruyère en cet art du moraliste : c'étaient Pascal et
La Rochefoucauld, qu'il a parfaitement définis, précisant
ensuite par contraste l'originalité de son propre ouvrage :
« L'un (de ces deux ouvrages), dit-il dans son Dis-
— 701 —
LA BRUYÈRE
cours sur Tkéophraste, par rengagement de son auteur,
fait servir la métaphysique à la religion ; fait connaître
l'àme, ses passions, ses vices ; traite les grands et sérieux
motifs pour conduire à la vertu, et veut rendre Thomme
chrétien. L'autre, qui est la production d'un esprit instruit
par le commerce du monde, et dont la délicatesse était égale
à la pénétration, observant que l'amour-propre est dans
l'homme la cause de tous ses faibles, l'attaque sans relâche
quelque part où il le trouve; et cette unique pensée, comme
multipUée en mille autres, a toujours, par le choix des mots
et par la variété de l'expression, la grâce de la nouveauté.
L'on ne suit aucune de ces routes dans l'ouvrage qui est
joint à la traduction des Caractères (de Théophraste). Il est
tout différent des deux autres que je viens de toucher : moins
sublime que le premier et moins délicat que le second, il ne
tend qu'à rendre l'homme raisonnable, mais par des voies
simples et communes, et en l'examinant indifféremment,
sans beaucoup de méthode, et selon que les divers chapitres
y conduisent par les âges, les sexes et les conditions, et par
les voies, les faibles et le ridicule qui y sont attachés. »
Il ne faut donc point chercher dans La Bruyère un sys-
tème, ni même des vues bien neuves sur la nature et la
destinée de l'homme. Mais nous trouvons dans son livre
un tableau de la société de son temps, que les contempo-
rains reconnurent exact (V. Saint-Simon, cité plus haut) ;
les traits épars d'un caractère fort intéressant, qui éclaire
comme d'un jour intérieur la valeur de ses jugements, et
qui est le sien propre ; et enfin, un art original dont la
nouveauté le rapproche plus de ses successeurs du xvni^
et même du xix® siècle que de ses devanciers et de ses con-
temporains.
« La Bruyère, a dit Prévost-Paradol, n'entre pas dans
un sujet pour le parcourir d'un pas ferme et réglé jusqu'au
bout ; il y pénètre par cent voies différentes, ne s'y engage
un moment que pour en sortir, puis y revient sous une
forme nouvelle, change à chaque instant de tour, de figure,
de langage, ne s'appesantit sur rien et finit par avoir tout
dit. » On reconnaît généralement que le tableau qu'il nous
présente de la société de son temps est à peu près complet;
mais on en cherche le plan, et lui-même a reconnu qu'il
n'était pas rigoureux (V. plus haut). Toutefois, il semble
se raviser plus tard et, dans la Préface des Caractères^ il
parle, sans l'expliquer clairement, « des raisons qui entrent
dans l'ordre des chapitres et dans une certaine suite insen-
sible des réflexions qui le composent ». Plus tard encore,
dans la Préface du Discours à T Académie, il déclare «que
de seize chapitres qui le composent (son livre), il y en a
quinze qui, s'attachant à découvrir le faux et le ridicule qui
se rencontrent dans les objets des passions et des attache-
ments humains, ne tendent qu'à ruiner tous les obstacles qui
affaiblissent d'abord et qui éteignent ensuite dans tous les
hommes la connaissance de Dieu ; qu'ainsi ils ne sont
que des préparations au seizième et dernier chapitre, où
l'athéisme est attaqué et peut-être confondu... » Mais cette
explication trouvée après coup est suspecte ; répondant
aux ThéobaldeSy il a sans doute voulu se concilier des
sympathies. Le chapitre des Esprits forts est assurément
l'expression sincère de ses sentiments chrétiens ; mais il
est aussi, comme l'éloge de Louis XIV dans le chapitre du
Souverain et comme la traduction de Théophraste, un pa-
ravent à l'ombre duquel il a pu faire passer la satire des
puissants. Néanmoins, on peut reconnaître un certain ordre
dans les Caractères ; le premier chapi Ire (Des Ouvrages de
l'Esprit), est une sorte d'introduction ; les neuf chapitres
suivants (Du Mérite personnel, des Femmes, du Cœur, de la
Société et de la Conversation, des Biens de fortune, de la
Ville, de la Cour, des Grands, du Souverain ou de la Répu-
blique) sont le tableau de la société du xvn® siècle, consi-
dérée dans ses traits généraux, puis dans ses diverses castes;
les chapitres xi et xn (de l'Homme et des Jugeirients) appar-
tiennent à la morale de tous les temps ; les travers et les
abus de son siècle sont de nouveau attaqués dans les cha- ,
pitres xni et xiv (de la Mode, et de Quelques usages) ; enfin '
la conclusion chrétienne est donnée par les chapitres xv (de
la Chaire) et xvi (des Esprits forts).
Tel est le cadre où La Bruyère a enfermé ses observa-
tions et ses réflexions, dont les plus intéressantes sont
celles qui s'appliquent à ses contemporains, et notamment
à la friponnerie des financiers, à la sottise vaniteuse et à
l'égoïsme des bourgeois, à la bassesse des courtisans et à
l'insolente dureté des grands. Tous ses portraits sont pris
sur le vif ; et la question se pose de savoir si chacun de
ces portraits est fait à l'exacte ressemblance d'un modèle
déterminé, ou s'il les a composés de traits recueillis de
divers originaux. La Bruyère a protesté à mainte reprise
contre les « Clefs » qui prétendaient donner les noms des
personnages qu'il avait dépeints; mais il ne pouvait pas
ne pas protester. Quel(]ues-unes de ces « Clefs » nous sont
parvenues, et il n'est pas douteux qu'elles sont dans le
vrai, lorsqu'elles nous montrent, par exemple, Fontenelle
dans Cydias^ et dans /Emile^ le grand Condé. Parfois aussi
leurs indications sont manifestement absurdes. La Bruyère
a certainement usé quelquefois du procédé dont il préten-
dait ne s'être jamais départi et qui consiste à rassembler
en une peinture vraisemblable des traits qui, dans la réa-
Hté, n'appartenaient pas tous au même modèle. C'est ainsi,
par exemple, qu'il a composé de diverses anecdotes le ca-
ractère de Ménalque, le Distrait. (On trouvera toutes les
hypothèses des « Clefs », comparées et discutées, dans les
Notes de l'édition Servois.)
Cette société du xvn*^ siècle, avec quel esprit La Bruyère
l'a-t-il observée, et que faut-il penser de ses jugements?
— On a voulu faire de La Bruyère une sorte de réforma-
teur, de démocrate, un « précurseur de la Révolution fran-
çaise ». Les passages abondent dans son livre où l'on voit
qu'il partage, au contraire, et qu'il accepte toutes les idées
essentielles de son temps, en politique comme en religion.
Il critique les abus, mais il respecte les institutions. H re-
connaît même que certains maux sont inévitables. 11 avait
trop l'amotir de son art pour être un révolté, et, comme
l'a remarqué M. Nisard, il ne pouvait haïr ce qu'il peignait
si bien. Ceci posé, il reste que le ton des Caractères est
presque constamment celui de la plus mordante satire. Il y
avait en La Bruyère un mélange singulier d'orgueil et de
timidité, d'ambition secrète et de mépris pour les ambitieux,
de dédain des honneurs et de conscience qu'il en était digne ;
il ressentit profondément, malgré son affectation d'incfiffé-
rence stoïcienne, rinégalité de son mérite et de sa for-
tune. Et son grand grief contre la société du xvii^ siècle
est précisément de ne pas faire sa place au mérite person-
nel. « Domestique » de ces Condé, dont nous avons indiqué
d'après Saint-Simon le caractère détestable, il eut plus
qu'un autre à se plaindre de la morgue des grands et de
leur injustice à l'égard d'hommes « qui les égalent par le
cœur et par l'esprit et qui les passent quelquefois ». Doué
d'une sensibilité profonde et délicate, qui nous est attestée
par certaines de ses réflexions sur l'amour et sur l'amitié,
il n'est pas étonnant si La Bruyère, dont les instincts na-
turels étaient constamment froissés, finit par concevoir
quelque amertume contre l'injustice du sort et l'épancha
dans son livre.
Son humeur aigrie fut admirablement servie par un
style incisif, âpre, nerveux, hardi jusqu'à la brutalité. Sa
phrase, courte, brusque, saccadée, est déjà celle du xvin° siè-
cle; le réalisme de l'expression, la crudité de certains traits,
la tendance à peindre l'extérieur, les gestes des person-
nages, sont presque du xix^. Et il nous ressemble encore
par un trait qui le distingue de ses contemporains ; il est
le premier écrivain pour qui le style ait eu une valeur
propre, indépendante du sujet. Il est le premier en date
des stylistes. Et je ne sais s'il est le moins philosophe des
moralistes français, mais il en est assurément le plus litté-
rateur. Paul SOUDAY.
BiBL. : L'édition moderne la plus complète de La Bruyère
est celle de M, G. Sîîrvgis (Paris, Collection des grands
écrivains).
Sur La Bruyère, on peut consulter en outre: Sainte-
LA BRUYÈRE — LABYRINTHE
70^ —
Beuve, Portraits littéraires^ t. I. — Du même, Nouveaux
Lundis A- 1 et X. — Taine, Nouveaux Essais de critique et
d'histoire. — A. Vinet, les Moralistes des xvf etxwii^ siè-
cles. — Prévost-Paradol, les Moralistes français. —
Challemel-Lacour, les Clefs de La Bruyère (journal le
Temps du 28 août 1866). — Edouard Fournier, la Comédie
de La Bruyère. — Faguet, XYII^ Siècle. — Etienne Al-
laire, La Bruyère dans la maison de Condé.
LABRY. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Briey, cant. de Conflans ; 369 hab.
LABUISSIÈRE. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr.
de Béthune, cant. de Houdain; 4,188 hab.
LABURGADE. Com.,du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Lalbenque; 376 hab.
LABUS (Jean), archéologue italien, né à Brescia en
4775, mort à Milan le 8 cet. 4853. Après avoir fait ses
études à Brescia et à Padoue, et avoir voyagé en France
et en Hollande, il revint en Italie on il obtint une place
de chef de division dans les bureaux de l'intendant géné-
ral des biens de la couronne. En 4816, il renonça à son
poste pour s'adonner aux études archéologiques. Ses tra-
vaux lui méritèrent le titre de correspondant de l'Institut de
France. Il réédita les œuvres de Quirino Visconti (Milan,
4827-30, in-8); il publia la Storia di Milano de Gb.
Rosmini, avec des notes (Milan, d 820-21, 4 vol. in-4).
Ses dissertations les plus célèbres sont : Ara antica
scoperta dal sig. Mainoni pubblicata con alcune
spiegazioni (Milan, in-4) ; Di un' Epigrafe latina sco-
perta in Egitto dal viaggiatore G. B. Belzoni, e in
occasione di essa, dei prefetti di quella provincia da
Ottaviano Augusio a Caracalla (Milan, i826, in-8);
/. Fasti délia chiesa net la vita dei santi in ciascun
giorno deWanno (4824-33, 13 vol. in-8) ; Lettera ad,
Em, Cicogna intorno ad unaiscrizio7ie antica scoperta
in Venezia nel i830 (Venise, 4830, in-'4) ; Il Museo
délia R. Accademia di lUantova (Mantoue, 1830-37,
3 vol. in-8) ; Museo Bresciano illustrato (Brescia,
4838-45, in-fol.) ; le Chiese principali d' Europa (Milan,
in-fol.). ^ M. P.
LABUSSIÈRE (Louis-Emile), homme politique français,
né à Bénévent~r Abbaye (Creuse) le 2 mai 4853. Entre-
preneur, maire de Limoges, il fut élu député aux élections
générales de 4893 avec un programme radical-socialiste.
LABUZE (Justin), homme politique et administrateur
français, né à Nouic (Haute-Vienne) le 26 janv. 1847.
Médecin à Bellac, envoyé à la Chambre des députés le
24 avr. 4878, réélu le 24 août 4884, il devint sous-se-
crétaire d'Etat aux finances (40 août 4882), se retira le
31 mars 4885 avec le cabinet Ferry, fut battu aux élec-
tions générales du 4 oct. de la même année et obtint l'an-
née suivante une place de trésorier-payeur général.
LABYRINTHE. Archéologie. — Les Grecs et les Ro-
mains donnaient le nom de labyrinthe à des constructions
souterraines ou non, où les chambres et les couloirs étaient
tellement enchevêtrés que le visiteur s'y perdait et ne pou-
vait en retrouver l'issue. Il semble que le type primitif du
labyrinthe soit dû à l'Egypte. Le roi Amenemha III,
de la XIP dynastie, qui vint fixer sa résidence dans le
Fayoum, est le fondateur du monument célèbre dont
Pline, Hérodote et Strabon nous ont laissé de si pompeuses
descriptions; son nom égyptien était Lapi-ro-hunt^ c.-à-d.
« temple à l'entrée du Lac », d'où le grec Aa66piv6o$. Le
labyrinthe s'élevait en effet à l'E. du lac Mœris, en face
de Fancien site de Crocodilopohs ; il était consacré au dieu
Sebek. L'égyptologue allemand Lepsius en a le premier
identifié les ruines, il y a une cinquantaine d'années ; elles
consistaient en nombreux blocs de granit et de calcaire très
blanc que les anciens ont pris pour du marbre, en restes
de murailles et de chapiteaux de colonnes. Il existe des traces
de nombreuses chambres, grandes et petites, sur terre et
sous terre. Par ces chambres était circonscrit de trois cô-
tés un vaste emplacement que devait remplir une salle hy-
postyle ; le quatrième côté de la place est encombré par les
débris d'une grande pyramide qui fut le tombeau d'Ame-
nemha ÏII et devant laquelle on reconnaît remplacement
d'un petit temple. Le voyageur français P. Lucas qui vi-
sita ces ruines dans les premières années du xviii^ siècle
les trouva dans un moindre état de dévastation. En entrant
par ce qu'il appelle le grand portique, il trouva : 4^ une
grande salle en marbre (calcaire blanc) avec plafond droit
formé de douze pièces de marbre, ayant 40 pieds de hau-
teur; 2» un portique plus petit que le premier, puis une
salle moindre; 3° un portique encore plus petit, puis
une salle; 4^^ un autre portique. H a pu visiter plus de
450 chambres. Les anciens relatent qu'il y en avait 3,000
reliées par des couloirs tellement enchevêtrés qu'un étran-
ger n'en pouvait sortir sans le secours d'un guide. Aux
temps d'Hérodote, il y avait une décision sur l'origine du
labyrinthe; on l'attribuait tantôt aux douze tyrans, tantôt à
Psammétik seul ; il devait servir de monument funéraire
aux Pharaons qui l'avaient construit et aux crocodiles
sacrés. Cinquante ans environ avant Alexandre le Grand,
Circummon, eunuque du Pharaon Necthébis, ajouta quel-
que chose aux constructions. Hérodote l'avait visité, du
moins en partie ; les ruines étaient encore visitées sous
l'Empire romain.
C'est sur le modèle du labyrinthe de Crocodilopohs que
Dédale, dit-on, construisit le labyrinthe de Crète, beaucoup
plus fameux grâce aux légendes du Minotaure, de Thésée
et d'Ariane. Minos l'avait commandé à Dédale pour servir
de demeure au Minotaure; il était cent fois plus petit que
le labyrinthe d'Egypte, mais non moins compliqué, puisque
Thésée eut besoin du fil d'Ariane pour assurer son retour
s'il triomphait du monstre. Il est à peu près certain que
ce monument n'a jamais existé que dans l'imagination des
anciens ; aucun écrivain n'en a parlé de visu, et Ton en
chercherait en vain les traces aux environs de Cnossos où
on le prétendait situé. Les grottes voisines de Gortys où
l'on a voulu le reconnaître sont de simples carrières. On
a essayé d'expliquer que ce labyrinthe, consacré au Mino-
taure, dieu solaire, et à Pasiphaé, déesse lunaire, n'était
qu'une allégorie du ciel où s'entrelacent à l'infini les routes
des astres, le ciel où le soleil et la lune semblent seuls
graviter avec pleine assurance, suivant des règles fixes.
A Lemnos, un artiste crétois, Smilis, commença un
autre labyrinthe que terminèrent Rhœcos et Théodoros de
Samos (et non de Lemnos, comme dit Pline). On en voyait
quelques vestiges au temps de Pline ; ce qui en faisait le
prix, c'était cent cinquante colonnes faites au tour à l'aide
d'une roue si habilement suspendue que la main d'un
enfant eût suffi pour les travailler.
Enfin Pline cite un dernier labyrinthe en Etrurie ; c'était
la tombe de Porsena, près de Clusium ; ce labyrinthe est
sans doute fabuleux comme celui de Cnossos, car personne
n'en a vu même les ruines. Pline du reste n'en parle qu'en
s'abritant sous l'autorité de Varron. C'était un monument
quadrangulaire ; chaque face avait 300 pieds de large et
50 de haut. A la base se trouvait un dédale dont on ne
pouvait sortir si l'on s'y engageait sans un peloton de fil.
Au sommet s'élevaient cinq^ pyramides, dont quatre aux
quatre angles et une au milieu ; elles étaient très larges à
la base (75 pieds) et très hautes (450 pieds). Le sommet
de toutes ces pyramides était couronné par un globe d'ai-
rain et un chapeau d'où pendaient des sonnettes et des
chaînes qui, agitées par le vent, rendaient un son pareil à
celui de Dodone. Sur le globe il y avait quatre autres pyra-
mides de 400 pieds de haut, supportant elles-mêmes, sur
leur plate-forme, un troisième étage de cinq pyramides, que
les traditions étrusques disaient aussi hautes que tout le
reste du monument. On voit qu'un architecte aurait diffici-
lement réalisé une pareille conception. Pierre Paris.
Mines. -— Série de canaux d'écoulement faisant suite
à une batterie de bocards et servant à classer les sables
obtenus ; on arrive même par ce procédé à un premier enri-
chissement. Les matières sortant du bocard sont reçues dans
un premier compartiment creusé de 4 m. et barré à son
extrémité par des planches de 0^60 de hauteur ; les gros
sables y restent, tandis que les sables moyens continuent
leur course dans les conduits formant labyrinthe jusqu'à un
autre barrage, ne laissant passer que les sables tins qui
eux-mêmes sont divisés en sables riches fins et sables fins
pauvres ou schlamms. L. Knâb.
Géométrie. — Les allées d'un labyrinthe étant considé-
rées comme des lignes, et les carrefours comme des points oii
ces droites viennent aboutir, on démontre qu'un point mobile
peut décrire successivement toutes les lignes du réseau, sans
saut brusque et sans passer plus de deux fois sur chacune
d'elles. Autrement dit, un labyrinthe n'est jamais inextri-
cable. Pour résoudre ce problème, sans connaître le plan du
labyrinthe, M. Trémauxet M. Maurice ont donné des règles
fort ingénieuses. En voici une, encore inédite, qui est due à
M. Gaston Tarry et qui paraît constituer le maximum de
simplicité. Il est nécessaire et suffisant d'effectuer les deux
parcours de chaque allée en sens contraire et de ne prendre
l'allée qui a conduit pour la première fois à un carrefour
que lorsqu'il n'en reste pas d'autre à prendre. Supposons
qu'un promeneur, égaré dans un labyrinthe, dépose à l'en-
trée de toute allée nouvelle qu'il prend deux marques, et
à la sortie trois marques ou une seule, suivant que l'allée
débouche dans un carrefour nouveau ou dans un carrefour
déjà exploré ; en outre, lorsqu'il prend une allée où se
trouve une seule marque à l'entrée, il en dépose une
deuxième. Ce promeneur sera certain de retrouver l'issue
du labyrinthe, sans passer plus de deux fois par chaque
allée, s'il se conforme à la règle suivante :
En arrivant à un carrefour, prendre au hasard une
allée qui n'est pas marquée ou une allée qui n'a qu'une
seule marque, et s'il n'en existe pas, prendre l'allée qui
a trois marques. A. Lâisant.
Alchimie. — Labyrinthe de Sâlomon. — Figure caba-
listique qui se trouve en tête de certains manuscrits alchi-
miques, et qui fait partie des traditions magiques attribuées
au nom de Salomon. C'est une série de cercles concentriques,
interrompue sur certains points, de façon à former un trajet
bizarre et inextricable; c'est l'image de la vie avec ses re-
tours et ses déceptions qui conduisent l'homme jusqu'à la
mort. M. Berthelot.
Anatomie (V. Oreille).
BiBL. : GÉOMÉTRIE. — Ed. Lucas, Récr. mathéma-
tiques, 1891, t. I, p. 41, 2« éd.
LABYRINTHICI (IchtyoL). Famille de Poissons osseux
(Téléostéens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Labyrin-
thiformes, présentant une disposition des plus remar-
quables permettant à ces animaux, vivant dans des marais
qui se dessèchent souvent, de rester assez longtemps hors
de l'eau; cette disposition consiste dans une division en
feuillets d'une partie des os pharyngiens, division qui pro-
duit des cavités et de petites loges plus ou moins com-
pliquées dans lesquelles l'eau s'amasse dans des organes
spongieux pour de là (Sauvage) tomber goutte à goutte
sur les lames branchiales et les maintenir humides. Les
opercules sont bombés et protègent cet appareil remar-
quable ; les membranes des ouies sont attachées sous la
gorge. Les pseudobranchies sont absentes ou rudimentaires.
Les animaux qui rentrent dans cette famille habitent les
régions les plus chaudes du monde, telles que : le Gabon,
le Cap, rinde, l'ïndo-Chine et les îles de la Sonde. Ce sont
des Poissons de petite taille ; ils sont susceptibles d'être
domestiqués et se font remarquer par la beauté de leurs
couleurs. Rocher.
BiBL. : GuNTPiÉR, Study of Fishes. — Valenciennes et
CuviER, Hist. génér. des Poiss. — Sauvage, dans Brehm,
édit. franc., Poissons.
LABYRINTHIFORMES (IchtyoL). Nom francisé, syno-
nyme de Labyrinthici^ mais employé pour spécifier un
groupe dans l'ordre des Acanthoptérygiens.
LABYRINTHODON (Paléont.). Ce genre, établi par
R. Owen, comprend les Labyrinthodontes qui ont les os du
recouvrement du museau ornés de crêtes rayonnantes, une
ouverture pour le passage des défenses inférieures entre
le vomer et l'intermaxillaire, une défense en avant des na-
703 — LABYRINTHE - LABZINE
rines internes et une rangée transversale de petites dents
sur le bord antérieur du voméro-palatm, des dents grêles,
acuminées, plissées à la base, formant une rangée sur le
maxillaire inférieur. Les Labyrinthodon proprement dits
sont du keuper du Warwickshi're et ne comprennent qu'une
espèce, le L. leptognaihus, les autres espèces ayant été
réparties entre les Mastoclonsaurus et Metoposaurus,
BiBL. : R. OvvEN, Trans. geol. Soc. London^ 1842, t. VI.
— ZiTTEL, Ti\ de patéoritologie, éd.fr., 1893, t. III, p. 399.
LABYRINTHODONTIENS (Paléont.). Ce groupe, établi
par Meyer en 1842, forme pourLydekker un ordre com-
prenant les Amphibiens présentant les caractères suivants :
« corps allongé, généralement lacertiforme (anguiforme
chez les Aistopoda}^ généralement cinq doigts à chaque
patte; crâne ayant la région temporale recouverte par les
os postorbitaires et supratemporaux ; dents pointues avec
une large cavité pulpaire, la dentine souvent plissée ; ver-
tèbres amphicéliennes, pouvant être complètement ossifiées,
présenter un canal notochordal, ou avoir un grand inter-
centrum, le centrum étant représenté par des pièces laté-
rales paires (pleurocentraux) ; un bouclier thoracique os-
seux, souvent des plaques osseuses à la partie ventrale ».
Cet ordre se divise en deux sous-ordres, celui des Mi-
crosauriens et celui des Labyrinlhodontiens proprement
dits. E. Sauvage.
BiBL. : Lydekker, Cat. fossit reptitia British Muséum,
1890, t. IV, p. 139.
LÂBYRINTHULES (ZooL). Ce sont des êtres très cu-
rieux et encore incomplètement connus, découverts par Cien-
kowski sur des pilotis plongés dans la mer, dans le port
d'Odessa. Ils forment des amas de cellules nucléées qui
se reproduisent par division et possèdent un certain degré
de contractilité. Ces cellules sécrètent une matière fibril-
laire qui se durcit et forme des réseaux de filaments anas-
tomosés. C'est à Pintérieur de ces filaments que circulent
les cellules en pivotant. Pour s'enkyster, ces cellules se
réunissent de nouveau en masse, chacune d'elles sécrétant
une enveloppe particulière, et toute la masse est envelop-
pée à son tour d'une membrane commune. Les kystes, au
bout d'un certain temps, se subdivisent en quatre cellules.
Le position systématique des Labyrinthules n'est pas encore
bien connue : les particularités que nous venons de dire ont
engagé certains auteurs à les rapprocher des Myxomycètes.
LABZINE (Alexandre-Féodorovitch), écrivain russe, né
à Moscou en 1766, mort en 48^25. Il fit ses études à l'uni-
versité de Moscou; en 1782, encore étudiant, il collabora à
une revue mensuelle, Vetchernaïa Zaria [le Crépuscule),
et composa des vers. En 4787, il fit paraître son Chant de
triomphe à l'occasion de l'arrivée de Catherine II à Mos-
cou ; la même année, il donna la traduction des Noces de
Figaro de Beaumarchais. Puis il se lia avec Novikov, dont
il subit l'influence, et devint ensuite martiniste. On le nomma
traducteur à l'université de Moscou et, en 1779, il passa
dans le service secret des postes à Pétersbourg. En 1799,
il fut nommé secrétaire des conférences de l'Académie des
arts et historiographe de l'ordre de Malte et il écrivit avec
Vakhrouchévitch V Histoire de l'ordre de Saint-Jean de
Jérusalem (Pétersbourg, 1799-1801, 5 vol.). A partir
de 1803, il publia des traductions de livres mystiques alle-
mands qui eurent de nombreuses éditions, puis des bro-
chures religieuses et morales. En 1806, il fonda une revue
religieuse et mystique, le Messager de Sion, mais le clergé
en arrêta bientôt la publication. En 1816, lorsque le gou-
vernement se mit à pencher vers le mysticisme et qu'on
vit fleurir les loges maçonniques et les sociétés bibhques,
Alexandre I^"^ lui permit de publier de nouveau sa revue
en 1817 ; mais les vexations de la censure furent si grandes
qu'il s'arrêta après quelques numéros. Cette même année,
Labzine fut élu vice-président de l'Académie des arts. Le
13 sept.^ 1822, il s'opposa à la nomination d'Araktchéev,
de Gouriev et de Kotchoubey en qualité de membres hono-
raires ; il fut exilé, ses éditions furent défendues, et, ruiné,
il ne vécut qu'avec quelques subsides de A.-N. Galitzine.
LABZINE — LACABANE
~ 704 —
L'année suivante, on le ramena à Simbirsk, où il mourut
en proie au mal caduc. M.
BiBL. : Bezsonov, la Vie et l'œuvre de Labzine, dans
VArchive russe^ 1866, fasc. 6. — Mémoires de Vogel, de
M. A. Dmitrov, de Vitberg, dans ï Antiquité russe, 1872,
fasc. 4.
LAC. Géographie. •— On donne le nom de lacs à des
dépressions de la surface terrestre où Feau s'accumule au
milieu des terres. Lorsque l'étendue de la nappe d'eau est
très petite, on l'appelle mare ou étang, son origine étant
alors très souvent artificielle ; lorsqu'elle est très vaste, elle
reçoit parfois le nom de mer ; c'est le cas pour la mer Cas-
pienne, la merd'Aral, et le langage a conservé pour un petit
lac l'appellation de mer Morte. Ce qui caractérise les lacs
comme les étangs, mares et marais, c'est que l'eau y est sta-
gnante tandis qu'elle est courante dans les rivières. En gé-
néral, les lacs font partie du système hydrographique des
eaux douces ; ils sont formés par des ruisseaux ou rivières
dont les eaux s'amassent dans une cavité du sol. On les
trouve alors tantôt à la source du fleuve, formant le réser-
voir où il s'alimente, par exemple le lac Itasca pour le Mis-
sissippi et le lac Victoria Nyanza pour le Nil ; tantôt sur
le parcours, tels le lac de Genève, le lac de Côme, le lac
Baïkal, etc. ; tantôt an terme du cours du fleuve qui
n'atteint pas la mer. Les lacs situés au point inférieur d'un
bassin fermé sont nombreux en Asie (V. ce mot) : l'Aral,
le Lob-nor, leKoukou-nor, leHamoun,la mer Morte, etc. ;
citons encore le Grand Lac Salé dans l'Amérique du Nord,
le Tchad en Afrique. Il existe enfin quelques lacs qui n'ont
ni aftluent ni déversoir apparent ; ils s'alimentent en gé-
néral par des sources intérieures, sans que l'eau puisse
dépasser les bords de la cuvette, ou bien ils ont des déver-
soirs souterrains ; tel est le cas de certains lacs des con-
trées calcaires, par exemple le lac de Joux dans le Jura.
D'autre part, il convient de signaler les lacs de Scandina-
vie, de Finlande, du Canada, les pays* du monde où ces
nappes d'eau douce occupent les plus vastes espaces com-
parativement aux terres qui les entourent; ce sont des sols
relativement neufs, ayant peu subi les remaniements dus
aux agents atmosphériques ; les rivières y sont formées de
chapelets de lacs remplissant jusqu'au bord les bassins suc-
cessifs de leurs vallées ; elles n'ont pas eu le temps d'en
ronger les barrages ni de combler le fond de leurs allu-
vions.
On distingue les lacs de montagne et les lacs de plaine ;
les premiers sont souvent formés dans une vallée bar-
rée par une moraine glaciaire, ou dans une dépression
géologique ; ceux-ci sont beaucoup plus étendus. Les lacs
de plaine sont bien moins profonds que les lacs de mon-
tagne. Au point de vue de l'altitude, le plus haut situé
des lacs importants est le Titicaca dans l'Amérique du Sud
(ait, , 3,824 m.) ; le plus bas est la mer Morte dont le niveau
est inférieur de 393 m. à celui de la Méditerranée. Plu-
sieurs des lacs de montagne s'enfoncent au-dessous du
niveau de la mer; c'est le cas pour les lacs subalpins d'Ita-
lie et pour le Baïkal. Au point de vue de l'étendue, les
plus grands lacs sont le lac Supérieur (83,627 kii. q.) et
les quatre autres qui forment dans le bassin supérieur du
Saint-Laurent une petite mer d'eau douce ; le lac Victoria
Nyanza (43,900 kil. q.), le plus important de ceux qui
alimentent le Nil ; le lac d'Aral. Sur la superficie des lacs
on trouvera des détails complets dans les articles rela-
tifs à chaque continent (V. en particulier les art. Eu-
rope, t. XVI, p. 796, et France, t. IVII, p. 977). Au
point de vue de la masse des eaux, les principaux sont le
lac Supérieur, le lac Baïkal, etc. Au point de vue de la
forme, les lacs qui occupent une cuvette naturelle se rap-
prochent du type circulaire, tandis que ceux qui rem-
plissent une partie d'une vallée sont allongés, plus longs
que larges ; parfois plusieurs fonds de vallée sont réunis en
un lac unique qu'un léger abaissement des eaux morcelle-
rait (lac des Quatre-Cantons, lac de Côme, etc.).
Les lacs sont alimentés par des eaux courantes, rivières,
sources, neiges fondues, lesquelles entraînent une certaine
quantité de matières solides ; celles-ci se déposent, de sorte
que lentement le creux se comble ; il s'ensuit d'abord une
élévation du niveau lacustre jusqu'à ce que celui-ci déborde
et se crée un déversoir ; les dépôts alluviaux continuant
finissent par emplir la cavité entière du lac ; celui-ci se
transforme en marais, puis disparaît ; l'érosion que ses
eaux exerce sur la paroi par laquelle elles s'écoulent,
abaissant le niveau du déversoir, et par conséquent du lac,
concourt à la disparition de celui-ci. Beaucoup des plus
belles plaines sont d'anciens fonds de lacs, telles que la
Limagne, la Hongrie. — Il existe des lacs intermittents,
qui n'ont d'eau que dans la saison pluvieuse ou après de
grands orages ; c'est le cas de plusieurs des chotts algé-
riens ; c'est aussi celui du lac de Zirknitz alimenté par des
canaux souterrains.
L'eau des lacs est généralement douce, comme celle des
rivières ; mais elle renferme de même toutes sortes de
matières en suspension ; leur couleur verte, bleue, rou-
geâtre, est due à ces matières. Dans les lacs sans écoule-
ment, les sels s'accumulent, si bien que la salure de l'eau
peut arriver à dépasser celle de l'eau de mer ; les plus cé-
lèbres lacs salés sont ceux de l'Asie centrale, le Grand Lac
Salé des Etats-Unis (Ltah), les chotts. Ils renferment sur-
tout du chlorure de sodium et du chlorure de magnésie ;
d'autres contiennent du carbonate et du sulfate de soude,
par exemple ceux de Debreczin (Hongrie) ; d'autres du sul-
fate de magnésie, par exemple les lacs Amers de Fisthme
de Suez ; d'autres des sels de bore (Tibet, Californie).
Un grand nombre de lacs paraissent avoir jadis commu-
niqué avec la mer, leur faune étant celle des mers voisines ;
on en compte une centaine dont les principaux sont ceux
de la Suède méridionale, de la Russie nord-occidentale, le
Tanganika, le Nicaragua et le Titicaca. Toutefois, il faut
se souvenir que ces faunes marines peuvent s'expliquer par
des migrations.
Lacs Amers (V. Egypte, t. XVI, p. 630, et Suez).
Lac de glace (V. Glacier).
Législation (V. Etang).
LAC (Le) ou VILLERS, appelé communément Lac-ou-
VUlers. Com. du dép. du Doubs, arr. de Pontarlier, cant.
de Morteau, sur la rive gauche du Doubs; 3,147 hab.
Le village du Lac est au centre de beautés naturelles
qu'offrent et les bords escarpés des bassins du Chaillexon
et la grotte de la Toffière (r. dr.). Le Lac se trouve
à la porte d'une des cinq principales voies de pénétration
de Suisse en France, sur la route et le chemin de fer qui
unissent les villes horlogères du cant. de Neuchâtel aux
villages horlogers français de la région de Morteau. Le Lac
a des scieries et des fabriques d'horlogerie ; il possède une
source froide d'eau carbonatée ferrugineuse. — Le Lac
formait autrefois un des cinq quartiers de la communauté
du Val de Morteau, dont le seigneur était le prieur de Mor-
teau (V. ce mot). Fondé par les sires de Montfaucon
(xi^ s.), le prieuré passa aux comtes de Bourgogne, puis,
en 4494, aux seigneurs de Veuvres. Le Lac eut une exis-
tence très agitée aux xvi^et xvii« siècles. Il ferma obstiné-
ment sa porte à la Réforme venant de Suisse. Ses habitants
et ceux du Val battirent en 1575 les réformés neuchâte-
lois et montbéliardais, ligués contre Besançon. Durant la
guerre de Trente ans, Le Lac fut détruit par l'armée de
Saxe-Weimar (1639). Il se releva lentement et fut de nou-
veau incendié de nos jours en 1840. — En face du Lac,
sur le territoire suisse, est le village des Brenets. Les
habitants des deux villages ont, de temps immémorial,
offert un touchant exemple de fraternité internationale dans
des fêtes populaires annuelles, qui se célébraient sur le
lac. L'usage en est aujourd'hui tombé en désuétude.
LâC-des-Rouges-Truites (Le). Com. du dép. du Jura,
arr. de Saint-Claude, cant. de Saint-Laurent; 513 hab.
LACABANE (Léon), érudit français, né à Fons (Lot) le
21 noy. 1798, mort à Paris le 24 déc. 1884. Elève pen-
sionnaire de la première promotion de l'Ecole des chartes
(4821), il fut attaché en 1829 au Cabinet des titres de la
^ -70S -.
LÂCABÂNE — LA CALPRENÈDE
Bibliothèque royale et y demeura jusqu'en 1871 . Cette
situation le désigna au roi Louis-Philippe, lors de la créa-
tion de la salle des Croisades au musée de Versailles, pour
contrôler les prétentions des familles qui désiraient y voir
leurs armoiries. Il eut en cette qualité à examiner les nom-
breuses chartes dites de croisades, jusque-là inconnues, qui
surgirent alors d'une manière un peu trop opportune et
peut-être en admit-il un peu légèrement l'authenticité.
Nommé professeur à l'Ecole des chartes, lors de la réor-
ganisation de cet établissement en 1846, il en devint direc-
teur en 1857 et prit sa retraite en 1871 . Pendant de longues
années, Léon Lacabane avait projeté une édition de Frois-
sart qui ne vit jamais le jour, mais dont la préparation a
donné naissance à plusieurs mémoires estimés sur l'histoire
du xiv® siècle, publiés pour la plupart dans la Bibliothèque
de V Ecole des chartes,
LACABARcDE. Com. du dép.du Tarn, arr. de Castres,
cant. de Saint-Amans-Soult ; 668 hab. Stat. du ch. de fer
du Midi, %ne de Mazamet à Bédarieux. Laines et peaux.
LACADEE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Orthez, cant. d'Arthez ; 5i03 hab.
LAÇAGE (Tiss.). Cette opération consiste à assembler,
suivant un ordre convenu, les cartons Jacquard, sur une
table ou long cadre muni de pédonnes, et à les coudre les
uns aux autres.
LA CAILLE, famille d'imprimeurs (V. Caille [La]).
LA CAILLE (Nicolas-Louis, abbé de), astronome fran-
çais, néàRumigny le 15 mai 171 3, mort à Paris le 21 mars
1 76'2. Orphelin de bonne heure et protégé par le duc de
Bourbon, il embrassa l'état ecclésiastique pour obtenir un
bénéfice, mais ne dépassa pas le diaconat, et se fit recom-
mander à Jacques Cassini et Maraldi qui l'occupèrent à des
mesures géodésiques, notamment à la vérification de la
grande méridienne de France (1739-40). 11 s'y distingua
de telle sorte que les portes de l'Académie des sciences
s'ouvrirent de suite pour lui (1741). Nommé bientôt après
professeur au collège Mazarin, il publiait aussitôt des
Leçons élémentaires de mathématiques (1741), de
mécanique (1743), d'astronomie géométrique et phy-
sique (1746), d'optique (1750), qui eurent plusieurs
éditions, se faisait établir en 1746 un observatoire au
collège et commençait à rédiger ses Ephémérides des
mouvements célestes pour le méridien de Paris, qui
vont de 1745 à 1774. En 1751, il entreprit un voyage de
quatre ans au cap de Bonne-Espérance, où il observa dix
mille étoiles et forma quatorze constellations nouvelles
(celles qui portent des noms rappelant les arts ou les
sciences). La modicité de ses dépenses pour ce voyage
(9,144 livres 5 sous) fut considérée comme un trait de
naïveté. C'est pendant la dernière période de sa vie,
qu'abrégea une maladie amenée par l'excès de travail, qu'il
rédigea ses ouvrages les plus importants : Astronomiœ
fundamenta (1757) ; Cœlum australe stelliferum
(1760) ; ses Tables de logarithmes (1760) et ses Tables
solaires (1758). On a édité après sa mort le Journal de
son voyage (1763) et des Observations sur 5i5 étoiles
du zodiaque. Les Mémoires de l'Académie renferment
enfin de 1741 à 1760 de nombreuses communications de
Lacaille. T.
LACAJUNTE. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. de Geaune; 263 hab.
LA CALLEJA (Andrès de) (V. Calleja).
LAÇA L ME. Com. du dép. de TAveyron, arr. d'Espalion,
cant. de Sainte-Geneviève ; 587 hab.
LA CALPRENÈDE (Gaultier de Coste, seigneur de),
romancier et poète dramatique français, né au château de
Toulgou,près de Sarlat (Périgord), en 1609 ou 1610, mort
en 1663. Après avoir fait ses études à Toulouse, il se rendit
à Paris vers 1632 et entra en qualité de cadet au régiment
des gardes. Son talent naturel de conteur lui valut la
faveur des dames d'honneur de la reine et de la reine elle-
même ; il fut nommé en 1650 gentilhomme ordinaire de la
chambre du roi. Il mourut en 1663 des suites d'un acci-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
dent, d'un coup de tête de cheval, d'après les uns, et, selon
les autres, de l'explosion d'un fusil.
Bien qu'il fût Périgourdin, c.-à-d, simplement voisin de
la Gascogne, La Calprenède passa toujours pour un franc
Gascon, et son caractère était bien propre en effet à accré-
diter cette légère erreur. On connaît sa réponse à une
critique de Richelieu, qui s'était permis de trouver sa ver-
sification un peu lâche : « Comment! lâche! Cadédis! il
n'y a rien de lâche dans la maison de La Calprenède î »
Dans l'épître dédicatoire de sa première tragédie, la Mort
de Mithridate, il s'excuse, étant gentilhomme, de déroger
en s'abaissant à écrire : « La profession que je fais, dit-il,
ne me peut permettre, sans quelque honte, de me faire
connaître par des vers, et tirer de quelque méchante rime
une réputation que je dois espérer seulement d'une épée que
j'ai l'honneur de porter. » Les exemples ne manquaient
pourtant pas de gentilshommes qui devaient aux lettres
toute leur renommée. Mais ils étaient sans doute de petite
noblesse. Il est vrai que, plus tard, il parle de « l'erreur
du siècle » qui rend ces « amusements presque honteux à
ceux de sa profession » (préf. du Comte d'Essex). Le
plus fier gentilhomme gascon n'est point insensible au suc-
cès , et celui de La Calprenède avait été réellement très grand.
Il avait donné dix pièces de théâtre qui sont : la Mort
de Mithridate, tragédie (1635); Bradamante^ tragi-co-
médie (1636); Jeanne d'Angleterre {i6'd6); Clarionte
ou le Sacrifice sanglant, tragi-comédie (1 637) ; le Comte
d'Essex, tragédie (1638) ; la Mort des enfants d'Hérode
ou la Suite de Mariamne, tragédie (1639); Edouard,
tragi-comédie (1639) ; Phalante, tragédie (1641); Her-
ménigilde, tragédie en prose (1643); Bélisaire, tragi-
comédie (1659) (cette dernière n'a jamais été imprimée ;
les autres l'ont été séparément et les exemplaires en sont
aujourd'hui presque introuvables).
La Calprenède a laissé en outre un assez grand nombre
de poésies légères disséminées dans divers recueils de
l'époque, et surtout ses trois grands romans auxquels il a
dû la meilleure part de sa réputation : Cassandre (1642-
50, 10 vol. in-8); Cléopâtre (1647-58, 12 vol. in-8) ;
Faramond (1661-70, 12 vol. in-8), mais les sept pre-
miers volumes sont seuls de La Calprenède, qui mourut
laissant l'ouvrage inachevé ; les cinq derniers volumes sont
de Pierre d'Ortigue de Vaumorière. Enfin, on lui attribue
généralement les Nouvelles ou Divertissements de la
princesse A Icidiane, qui semblent plutôt être de sa femme,
Madeleine de Lyée, qu'il avait épousée, veuve pour la
seconde fois, en 1648, et dont il se sépara, en 1659, en
vertu d'un arrêt du parlement de Paris. Les romans de La
Calprenède ont eu en leur temps, avons-nous dit, une
vogue considérable. Les éditions en furent nombreuses au
xvii^ siècle ; il est vrai qu'ils n'ont jamais été réimprimés
depuis. Il serait fastidieux de tenter une analyse de ces
interminables récits, dont les intrigues compliquées ne sont
pas faciles à débrouiller. Cassandre est l'histoire des amours
du Scythe Oroondate pour la princesse Statira, fille de
Darius, qui devient la captive, puis la femme d'Alexandre
le Grand, et qui, à un moment donné, se déguise sous le
nom de Cassandre, qui a fourni le titre du roman. Cléo-
pâtre est la fille de la célèbre reine près de laquelle An-
toine oublia son armée, et La Calprenède nous conte les
amours de cette seconde Cléopâtre et de Juba, prince de
Mauritanie. Faramond est le premier roi de la dynastie
mérovingienne, transformé bien entendu en héros de ro-
man et qui par là méritera de jouer un sot personnage dans
le Dialogue de Boileau. Mais, dans tous ces romans, le
sujet principal n'est que le lien où se rattachent, parfois
assez faiblement, cent épisodes et aventures accessoires,
dont les personnages ou leurs confidents font le récit, à
l'imitation de l'Enéide, La fierté d'Artaban est restée pro-
verbiale, et Artaban, qui s'appelle aussi Britomare, n'est
qu'un personnage secondaire de Cléopâtre.
Le fonds de ces romans est toujours à peu près iden-
tique. Les personnages ne sont plus des bergers comme
45
lA CALPRENÈDÉ — LACAUCHIE — 706
dans ÏAstrée, mais leurs noms seuls sont empruntés à
l'antiquité ; les héros sont tous d'intrépides chevaliers,
prêts à souffrir mille morts pour l'amour de leurs dames,
et celles-ci mettent leur « gloire » à n'être pas touchées
par ces sacrifices ou à ne l'être qu'à la dernière page du
douzième volume. C'est l'amour suivant la formule de
l'Hôtel de Rambouillet qui, en somme, avec plus de dis-
cours, continuait simplement la tradition des romans de
chevalerie, et La Calprenède, grand coureur de ruelles,
n'eut garde de négliger les dissertations galantes, qu'il fit
interminables, et que le Gaulois Saint-Evremond jugeait
être bien du temps perdu et « de l'esprit mal employé,
quana on est ensemble ».
La lecture de La Calprenède paraît aujourd'hui médiocre-
ment divertissante. Son style n'a pas ce charme mièvre,
cette grâce fluide et alanguie par où l'on peut encore prendre
plaisir à lire VAstrée. Ce n'est pas qu'il écrive si mal
qu'on le croit généralement, sur la foi de M"^® de Sévigné ;
son style n'est point partout « maudit », et s'il parle
phébus et n'évite ni l'incorrection ni l'obscurité, il manie
pourtant avec une certaine aisance ses longues périodes.
C'est sa prolixité et sa monotonie qui nous rendent La
Calprenède insupportable.
Il peut cependant fournir des renseignements intéres-
sants sur l'esprit des précieuses, qui fut celui de la société
polie pendant toute la première moitié du xvii^ siècle. Il
ne faut pas être injuste pour cette société ni pour les écri-
vains qui firent ses déUces. La Calprenède et les autres
romanciers de son temps ont contribué à préparer cet art
supérieur qui devait rejeter le leur dans l'oubli. Ils auront
donc toujours une place dans l'histoire littéraire du
XVII® siècle.
BiBL.: Fourgeaud-Lagrèze, le Périgord littéraire; La
Calprenède ; Ribérac, 1877. — Morillot, le Roman en
France; Paris.
LACAM-d'Oïircet. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Saint-Céré ; 545 hab.
LACANAU. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Castelnau-de-Médoc ; 1,106 hab.
Etang deLacanau (V. Gironde, t. XVIII, p. 983).
LACANCHE. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. d'Arnay-le-Duc; 658 hab.
LACAN DONS. Peuple indien de l'Amérique centrale, sur
la frontière du Guatemala et du Mexique (dép. de Yucatan,
Tabaco, Chiapas), dans le bassin de l'Usumacinta. De race
maya, ils ont le teint assez clair, sont sobres et accueil-
lants. Ils avaient une réputation de guerriers féroces. Sur
leur territoire sont les ruines de Menché.
LACAN ÉDA. Com. du dép. delà Dordogne, arr. et cant.
de Sarlat ,; 505 hab.
LACAPÈNEou LÉCAPÈNE. Famille byzantine originaire
de l'Arménie et dont la situation demeura fort modeste
jusqu'au jour où l'un de ses membres, ThéophylacteAbas-
tactus, eut la chance, dans une bataille contre les Sarra-
sins, de sauver la vie à l'empereur Basile P^. Ce service
assura sa fortune et celle des siens. Son fils fut patrice,
irongaire de la flotte, magister, grand hétériarque : il par-
vint plus haut encore et devint l'empereur Romain 1^^
(V. ce nom). Un moment la famille des Lécapènes sup-
planta presque la maison de Macédoine : trois fils de
Romain, Christophore (V. ce nom), Etienne, Constantin
furent successivement associés à l'Empire; sa fille Hélène
(V. ce mot) épousa Constantin VU; un autre de ses fils,
Théophylacte (V. ce nom) fut placé à seize ans sur le
trône patriarcal de Constantinople ; un de ses bâtards, l'eu-
nuque Basile, parvint aux plus hautes charges de la
cour; sa petite-fille Marie fut mariée au tsar Pierre de
Bulgarie. La chute de Romain (944), bientôt suivie de celle
de ses fils, ruina leur fortune. Seul, Théophylacte se main-
tint sur le trône patriarcal, qu'il occupa de 933 à 956.
Basile, le Bâtard, fit une brillante fortune (V. Basile).
LACARRE. Com. du dép. des Basses-Py rénées, arr. de
Mauléon, cant. de Saint-Jean-Picd-de-Port ; 192 hab.
Château du maréchal de France Harispe (V. ce nom) où
se trouve son tombeau. Eaux sulfureuses.
LAÇA RRY-Arhan-Chârritte- de-Haut. Com. du dép.
des Basses-Pyrénées, arr. de Mauléon, cant. de Tardets :
570 hab.
LACARRY (Giles), érudit français, né près de Castres
en 4605, mort à Clermont (Auvergne) le 25 juil. 4684.
Jésuite, recteur du collège de Cahors, il a laissé de nom-
breux travaux, notamment sur l'histoire romaine. Citons
seulement : Hist. Galliarum sub prœfectis prœtorii
Galliarum (4672), qui contient l'histoire des préfets des
Gaules depuis Constantin jusqu'à Justinien ; Hist, Impe-
ratorum, consulum et prœfectorum Prœtorii Orientis,
Jtaliœ, lllyrici et Galliarum (4675), etc.
LACASCADE (Etienne-Théodore-Mondésir), homme po-
htique et administrateur français, né à Saint-François-
Grande-Terre (Guadeloupe) le 2 janv. 4844. Médecin de
la marine, il fut envoyé à l'Assemblée nationale en 4875
par les électeurs de la Guadeloupe, qu'il représenta éga-
lement à la Chambre des députés à partir d'avr. 4876. Il
vota d'ordinaire avec l'Union républicaine, fit partie des 363
pendant la crise du 46 mai et fut réélu en oct. 4877. Nom-
mé directeur de l'intérieur dans les établissements français
de l'Inde (24 juin 4 SI 9), il fut appelé au même emploi en
Nouvelle-Calédonie (juil. 4884) et devint le 23 mars
4886 directeur des établissements français de l'Océanie.
LACASSAGNE. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de
Sarlat, cant. de Terrasson ; 476 hab.
LACASSAGNE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. *
de Tarbes, cant. de Rabastens ; 347 hab.
LA CASSAGNE (L'abbé Joseph), musicographe français
du xviii® siècle. Citons de lui : Recueil de fables mises
en musique (4754, in-4); Alphabet musical (4765,
in-8); Traité général des éléments du chant (4766,
in-8); Unie le fier musical (4768, in-8).
LACASSAGNE (Jean- Alexandre-Eugène), médecin fran-
çais, né à Cahors le 47 août 4843. Elève de l'Ecole de
santé militaire de Strasbourg en 1863, il prit son grade
de docteur en médecine en 4867, fut agrégé à Montpellier
en 4872, puis nommé médecin-major de deuxième classe en
4873 et reçu agrégé au Val-de-Grâce en 4874 pour
l'hygiène et la médecine légale militaires. Il est depuis
1880 professeur de médecine légale à la faculté de Lyon
et a été nommé correspondant de l'Académie de médecine
en 4890. Nous citerons parmi ses travaux : Précis d'hy-
giène publique et sociale (4876; 4® éd., 4895) ; Précis
de médecine judiciaire (4878; 2^ éd., 1886); De
rinfluence du travail intellectuel sur le volume et
la forme de la tête (avec M. Cliquet, 4878) ; les Ta-
touages (4884); les Actes de T Etat civil, étude médico-
légale (Lyon, 4887) ; l'Affaire Gouffé (1894) ;
l'Assassinat du président Carnot (4894), et dans le
dictionnaire e^icyclopédique des sciences médicales
les articles : Consanguinité^ Crémation, Pédérastie,
Taches^ Tatouages, etc. ; plusieurs mémoires de médecine
légale dans les Archives de l'anthropologie criminelle
de 4 886 à ce jour. D^ A. Bureau.
LACASSAIGNE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Cas-
telnaudary, cant. de Fanjeaux ; 545 hab.
LAÇASSE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. et
cant. de Muret ; 367 hab.
LA CASSIÈRE (V. Cassière),
LA CATHELINIÈRE (V. Catheunière).
LACAUCHIE (Adolphe-EucHde), médecin français, né
à Paris le 28 févr. 4806, mort à Paris en 4853. Après
avoir étudié, puis enseigné pendant cinq ans l'art vétéri-
naire à l'Ecole d'Alfort, il entra dans la médecine militaire
et fut nommé agrégé à Strasbourg en 4839. Il devint en-
suite professeur à l'hôpital d'instruction de Metz, puis pro-
fesseur d'anatomie au Val-de-Grâce. Il prit part (4849-54)
à l'expédition de Rome, puis reprit à Paris ses travaux
d'anatomie. Lacauchie a l'un des premiers étudié les mala-
dies de l'Algérie ; il a imaginé un procédé nouveau de dé-
sarticulation avec un seul lambeau, et une méthode nou-
velle de dissection, l'hydrotomie, qui a été le point de
départ de nombreuses découvertes. Ouvrages principaux :
Réflexions sur les maladies dé l'armée d'occupation
d'Alger {Rec. de mém, deméd. niilit.^ 4833); Des Hé-
morragies à la suite des opérations (thèse de Paris,
1 834) ; Etudes hydrotomiques et mierographiques
(Paris, 1844, in-8, pL); Etude sur fhistoire des am-
putations^ notamment de la méthode de Celse (Paris,
d850, in-8). D»* L. Hn.
LACAUGNE. Corn, du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Kieux ; 303 hab.
LACAUNE. Ch.-l. de cant. du dép. du Tarn, arr. de
Castres; 3,547 hab. Fabriques de fromage, belles car-
rières de marbre aux environs ; mines de fer. Forêt consi-
dérable au S. de la ville. Ce château, situé sur les confins
de l'ancien Rouergue, appartint primitivement à la fa-
mille de Combret; puis, en 4175, à Roger II, vicomte de
Carcassonne et d'Albi. Au xiii® siècle, il fit partie de la
seigneurie de Castres. La place était forte, entourée de
hautes murailles dont il existe encore des restes. Archives
communales fort curieuses dont on trouve des extraits dans
Fouvrage de Compayré,
BiBL. '. Compayré, Eludes historiques sur l'Albigeois,
pp. 489-492 et 512-513.
LACAU NETTE. Corn, du dép. de FAude, arr. de Li-
moux, cant. de Saint-Hilaire ; 60 hab.
LACAUSSADE. Corn, du dép. du Lot-et-Garonne, arr.
de Viileneuve-sur-Lot, cant. de Monflanquin ; 335 hab.
LA CAUSSADE (Ferrand de) (Y. Ferrand de La
Caussade).
LACAUSSADE (Auguste), littérateur français, né à Fîle
Bourbon le 47 févr. 4847. Il fut envoyé en France pour faire
ses études à Nantes, puis rappelé au pays natal dès 4834.
Destiné d'abord au notariat, il abandonna le droit pour la
médecine et publia un premier recueil de vers, les Sala-
ziennes (4839, in-8), dédié à Victor Hugo, et'une traduc-
tion des OEuvres complètes d'Ossian (4842, in-42), cou-
ronnée plus tard par l'Académie française. Secrétaire de
Sainte-Beuve avant et après 4848, il écrivit dans divers
journaux démocratiques, collabora en 4852 à la Revue
contemporaiîie et prit en 4859 la direction de la Reuue
européenne. Conservateur des bibliothèques de l'Instruc-
tion publique et des Sociétés savantes, il fut nommé en
4872 bibhothécairc du Luxembourg, Les vers de M. La-
caussade réunis sous le titre de Poèmes et paysages (1852,
in-8) et des Epaves (4864 , iû*l8) lui ont valu par deux fois
le prix Bordm à l'Académie française. Depuis lors on ne
cite de lui qu'une adaptation en vers français de la Poésie
de G. Leopardi, avec introduction (4888, in-42). M. Tx.
LA GAVA (V. Cava dei Tirheni).
LA CAVE. Com. du dép. de FAriège, arr. de Saint-Gi-
rons, cant. de Saint-Lizier; 258 hab.
LACAVE. Com. du dép. du Lot, arr. de Gourdon, cant.
de Souillac; 654 hab.
LACAVE-Laplagne (Jean-Pierre-Joseph), homme poli-
tique français, né à Montesquiou (Gers) le 42 août 4795,
mort à Paris le 44 mai 4849. Elève de l'Ecole polytechnique,
il fit les dernières campagnes de l'Empire dans l'artillerie
et quitta l'armée à la Restauration. Avocat au barreau de
Toulouse, il était en 4824 conseiller référendaire à la cour
des comptes. Elu député deMirande le 27 déc. 4834, réélu
en 4837, en 4842 et 4846, il venait d'être élu représen-
tant du Gers à l'Assemblée législative (43 mai 4849) lors-
qu'il mourut subitement. Très versé dans les questions
financières, il fut ministre des finances dans le second ca-
binet Mole du 45 avr. 4837 au 8 mars 4839 et reprit le
même portefeuille dans le cabinet Soult (25 avr. 4842) en
remplacement de M. Humann, pour le garder jusqu'au
9 mai 4847. Il est impossible d'énuraérer toutes ïes ques-
tions de finances et de travaux publics à la discussion des-
quelles il prit une part très active. Il s'occupa aussi de
l'administration des biens du duc d'Aumale.
707 — LACAUCHIE — LACAZË
LACAVE-Laplagne (Louis), homme poUtique français,
né à Paris le 3 oct. 4834. Fils du précédent, il se pré-
senta sans succès dans le Gers aux élections législatives
contre Granier de Cassagnac en 4863 et 4869. Elu enfin
représentant de ce département à l'Assemblée nationale le
8 fév. 4874, il siégea au centre droit. Sénateur du Gers
le 30 janv. 4876, membre du groupe constitutionnel, il
appuya le gouvernement du 46 mai. Réélu en 4879 et
4888, il a voté en faveur du boulangisme.
LACAZE. Com. du dép. du Tarn, arr. de Castres, cant.
de Vabre, sur le Gijon; 2,443 hab. Fabrique de lainages.
La seigneurie appartenait au xvu® siècle, avec quelques
autres terres en Albigeois, aux Bourbon-Malauze, issus
d'un fils naturel de Jean II, duc de Bourbon, mort en
4488; la terre de Lacaze avait été apportée en dot à
Henri de Bourbon-Malauze, filleul de Henri IV, par sa
femme, Marie de Chalon ; en 4647, elle fut érigée en titre
de comté. Le château existe encore aujourd'hui en partie,
mais fort dégradé. Eglise Notre-Dame, du xv® siècle. A
Saint- Jean-del-Frech, chapelle avec tour, le toutdu xv® siècle.
Château moderne de Comalières.
BiBL. :H. Crozes, Répertoire archéologique du dép. du
Tarn, col. 77.
LACAZE (Louis de), médecin français, né à Lambeye
(Béarn)en 4703, mort à Paris en 4765. Parent et ami de
Bordeu, il devint médecin ordinaire de Louis XV* Il a par
ses ouvrages, imbus des idées de Yan Helmont et de Ba-
glivi, exercé une grande influence sur les idées physiolo-
giques en France : Institutiones medicae ex novo me-
dicinœ conspectu (Paris, 1755, iû-8); Idée de Vhomme
physique et moral, etc. (Paris, 1755, in-12). Dans le
système de Lacaze, tout l'organisme est subordonné au
centre phrénique. D'* L. Hn.
LACAZE (Louis), médecin et philanthrope français, né
en 1799, mort en 1869. Après avoir exercé la médecine
à Paris jusqu'en 1852, il passa le reste de sa vie à former
et enrichir une belle collection de tableaux et la légua au
musée du Louvre, où elle porte son nom. Il a aussi laissé
des sommes importantes à l'Académie des sciences pour
favoriser les progrès de la physiologie, de la physique, de
la chimie, et à F Ecole de médecine de Paris pour encou-
rager les études relatives à la fièvre typhoïde et à la phtisie.
LACAZE (Louis- Jacques), homme politique français,
né à Paris le 20 janv. 1826, neveu du précédent. Audi-
teur au conseil d'Etat en 4850, il donna sa démission en
4852, combattit longtemps FEmpire. Il fut envoyé parle
dép. des Basses-Pyrénées à l'Assemblée nationale de 4874,
où il passa du centre droit au centre gauche et contribua
à l'établissement de la République. Député d'Oloron en 4876,
il fit partie des 363 pendant la crise du 46 mai, fut réélu
le 14 oct. 1877, puis le 24 août 4884, et s'associa cons-
tamment à la politique du parti républicain modéré. Il a eu
la même attitude au Sénat, où il a représenté les Basses-Py-
rénées du 8 Janv. 4882 au 4 janv. 4894. A. Debidour.
LACAZE-Duthiers (Félix-Joseph-Henry de), zoologiste
français, né à Montpezat (Lot-et-Garonne) le 45 mai
4821. Il étudia la médecine à Paris et fut interne des
hôpitaux. Nommé professeur de zoologie à la faculté
des sciences de Lille en 4854, il fut chargé en 1862 d'une
mission dans la Méditerranée et publia à la suite une mo-
nographie remarquable: Histoire naturelle du corail
(Paris, 4863, in-8, 20 pi. ). Maître de conférences à l'Ecole
normale supérieure en 4864, il succéda en 4865 à Va-
lenciennes comme professeur d'histoire naturelle au Mu-
séum, et en 4868 passa à la même chaire à la Sorbonne.
H remplaça en 4874 Longet à F Académie des sciences, fit
de nombreux sondages zoologiques sur les côtes de France
et d'Algérie en 4872 et établit en 4873 un laboratoire
zoologique d'été à Roscoff et peu après un plus important
à Banyuls. Il a été élu membre de l'Académie de médecine
en 4886. — Principales publications : Histoirede Vorgani-
sation et du développement... du dentale (Paris, 4858,
in-4, 14 pi.) ; le Monde de la mer et ses laboratoires
LACAZE — LACCOLITHE
708
(Paris, 1889, in-8). Il a fondé en 1873 et rédige depuis
lors les Archives de zoologie expérimentale qui renfer-
ment maint travail remarquable de lui, D'' L. Hn.
LACCOLITHE. En Amérique, sur le territoire méridio-
nal de rUtah, M. Gilbert, ayant constaté l'existence de
masses éruptives, porphyriques ou trachy tiques, formant
_^ -^. en profondeur de
vastes dômes au
milieu des couches
sédimentaires des
monts Henry , a
donné à ces singu-
lières intrusions de
roches éruptives le
nom de lacco-
lithes. Le carac-
tère de ces dô-
mes d'intumes-
cence, qui peuvent
être isoles ou réu-
nis par groupes,
simples, c.-à-d. à
surface voûtée com-
plètement unie, ou
bien frangés de
filons ne parve-
nant qu'exception-
nellement à la sur-
lace, c'est que leur
intrusion au milieu
d'un groupe d'as-
sises déterminées
est toujours accom-
pagnée du soulève-
ment en voûte de
celles qui en for-
ment le toit. Si bien
que ce relèvement
du terrain en forme de bosse très élevée atteste la présence en
profondeur de pareilles masses éruptives qui n'ont jamais vu le
jour; puis, quand des érosions postérieures sont parvenues
à déblayer l'épaisse
couverture de sédi-
ments sous laquelle ces
roches se sont consoli-
dées, elles apparais-
sent enveloppées d'as-
sises stratifiées, forte-
ment redressées sur
leurs flancs.
Quant à leur dimen-
sion elle peut devenir
considérable et pren-
dre, avec le relèvement
des couches supérieu-
res, un caractère fran-
chement montagneux.
Tel est le mont Ells-
ivorth , pris comme
type de laccolithe par
M. Gilbert, et qui se dresse subitement au milieu du ter-
rain plat environnant à 1,500 m. de haut comme un
immense dôme ovalaire atteignant 6,400 m. de long sur
4,800 m. de large. Les épaisses couches de grès qui le
composent, à peine incurvées au sommet, plongent à 45^
sur les flancs, puis redeviennent sensiblement horizontales
à la base; on les remarque traversées par de nombreux filons
trachytiques, mais nulle part n'apparaît leur point de départ,
c.-à-d. le culot éruptif sous-jacent, une partie de sa
couverture ancienne ayant été respectée par les érosions.
Par contre, non loin de là, le dôme plus dénudé du mont
H Hier laisse voir à 2,000 m. de hauteur le culot tra-
chytique central, largement découvert et entouré jusqu'à
Fig. L— Principaux types de dômes
(laccolithes) formés par rinjection
de masses trachytiques dans les
terrains sédimentaires des monts
Henry (d'après M. Gilbert). Sec-
tions au travers : d'un laccolithe
simple ; avec auréole de filons ; d'un
groupe de laccolithes.
Fig. 2. — Le mont Ellsworth ( modèle type de laccolithe, d'après
M. Gilbert). La masse trachytique est incluse dans les couches
carbonifères, et la couverture gréseuse, triasique et jurassique
subsiste seule.
mi-côte par une ceinture continue de couches sédimen-
taires arquées, tandis que le mont Holmes (1,800 m.),
avec sa voûte stratifiée continue, représente un dôme
complet aux formes nettement arrondies. C'est alors la
réunion par groupes de pareils laccolithes, capables d'at-
teindre 3,430 m. au mont Ellen^ et leur alignement
suivant une orientation définie, qui donne naissance, sur le
bord occidental du plateau du Colorado, à la chaîne des
monts Henry.
Du même ordre sont, plus à l'E., sur ce même plateau, les
masses intrusives de pareilles roches au travers des cou-
ches crétacées, qui donnent naissance aux sierras portant
successivement les noms de La Plata^ San Miguel, El
Late, Carriso^ Abajo et La Sal; leurs derniers termes
doivent être ensuite cherchés sur le versant oriental des
Rocheuses dans les montagnes qui s'élèvent isolées encore
nombreuses autour de Park Wiew Mont et surtout dans les
Spanish Peaks où très fréquemment du sommet des
masses éruptives condensées dans les grès et schistes car-
bonifères se détachent radialement de nombreux filons
pénétrant au loin dans les assises crétacées de la couver-
ture.
Jusqu'à présent, cette manière d'être si particulière des
roches éruptives qui les amène à se localiser loin de la
surface, au miUeu d'assises stratifiées sous la forme de ca-
lottes hémisphériques, paraît spéciale aux territoires de
l'O. de l'Amérique du Nord. Sans doute, en Europe, des
intrusions de pareilles roches sous la forme de filons-
couches, injectées entre les joints de séparations d'assises
sédimentaires ou même d'amas lenticulaires, reproduisent
en partie les conditions des laccolithes, quand des couches
meubles fournissent des points de pénétration plus facile ;
M. Suess en particulier n'a pas manqué de rappeler à cette
occasion {Antlitz der Erde, t. I, p. 197) que les meil-
leurs exemples de pareils faits pouvaient s'observer dans
les monts Euganéens où une série variée de trachytes et de
rhyolithes semblables comme composition à ceux qui for-
ment le remplissage des laccolithes américains, se pré-
sentent à l'état d'épanchements horizontaux ou d'amas
interstratitiés au travers de puissantes assises calcaires
d'âge jurassique {tithonique), crétacé (scaglia), puis ter-
tiaire ; mais, quelle que
soit leur importance,
jamais ces intrusions ne
se sont traduites au de-
hors par le moindre
phénomène d'intumes-
cence ou de soulève-
ments de couches su-
périeures ; de plus,
M. Reyera depuis lon-
gtemps (Die Euga'
neen, Bau und Ge-
schichte eines Vul-
cans, 1877) montré
que ces roches éruptives
euganéennes, issues
d'un même centre vol-
canique, étaient toutes,
en chaque point ob-
servé, contemporaines du dépôt des couches encaissantes,
en d'autres termes qu'elles représentaient soit d'anciennes
coulées sous-marines, soit des amas de projections inter-
stratifiées avec les sédiments déposés dans la mer avoisi-
nante. Or, c'est l'inverse qui se produit dans les laccohthes
américains. Jamais dans leur voisinage la moindre trace
d'actions explosives, ni de débris projetés, n'a été observée;
tous sont nettement postérieurs aux couches encaissantes.
De plus, on les remarque exclusivement constitués par des
roches riches en silice de la famille des dacites analogues
à notre porphyre bleu de l'Estérel, ou de nature trachy-
tique. Dans ces conditions, comme l'a fait observer M. Dana,
on ne peut méconnaître que de pareilles laves visqueuses,
— 709 —
LACCOLITHE — LACÉPÊDE
en se consolidant rapidement dès leur injection dans les
fentes du terrain, aient pu s'accumuler dans le dessous en
dépensant toute leur force vive dans le soulèvement du
manteau de sédiments qui s'opposait à leur écoulement,
sans pouvoir parvenir au dehors. En somme, ces culots
hémisphériques de roches éruptives tertiaires doivent être
attribués à des phénomènes d'intumescence comparables à
ceux qui, se produisant actuellement lors des épanchements
de laves peu fluides, se sont traduits par la formation, dans
l'archipel volcanique de Santorin, des Kaménis ; et les lac-
colithes américains représenteraient par suite une forme
ancienne de ces cumulo-volcans. Ch. Vélain.
BiBL. : K. Gilbert, Report on ihe geology of the
Henry Mountains^ dans American Journal^ 3« série, t. XIX,
p. 21. — U. S. Geogr. et Geolog. Survey, 1877. — Ed.
SuESS, Antlitz der Erde^ t. 1, p. 194.
LA CECI LIA (Napoléon), général de la Commune, né à
Tours le 43 sept. 4835, mort au Caire le 25 nov. 4878.
Il gagna le grade de colonel au service de Garibaldi, en
Sicile, où il s'était distingué brillamment aux combats de
Marsala et de Palerme. Il enseigna ensuite les mathéma-
tiques à Ulm, vint en France et collabora au Rappel. Il
servit pendant la guerre franco-allemande dans les francs-
tireurs de Paris où il fut promu colonel en janv. 1874. Il
fit adhésion à la Commune qui le nomma général de divi-
sion et le chargea bientôt du commandement en chef d'une
de ses trois armées, celle qui défendait Paris entre Billan-
court et la Bièvre. Après la chute de la Commune, La
Cecilia put s'échapper et gagner l'Angleterre.
LACÉDÉMONE (V.Sparte).
LACENAIRE (Pierre-François), criminel français, né à
Francheville, près de Lyon, en 4800, mortà Paris le 9 janv.
4836. Fils d'un commerçant qui lui fit donner une ins-
truction assez étendue, il fournit dès sa première jeunesse
maintes preuves de sa froide et ingénieuse perversité. Après
avoir essayé de divers métiers, avoir commis des vols, des
faux et même un assassinat, après s'être engagé et avoir
déserté deux fois, il subit à Paris plusieurs condamnations
et, à peine libéré (4832), se jeta à corps perdu dans le
crime. Il finit par s'associer à un de ses camarades de pri-
son, nommé Avril, avec lequel il alla (le 14 déc. 4 834) assas-
siner un autre de ses anciens compagnons, nommé Char-
don, ainsi que la mère de ce dernier. Avec le produit de ce
crime, il loua un appartement sous le nom de Mahossier,
et, son complice ayant été arrêté, s'unit à un autre reclu-
sionnaire, François Martin, pour attirer chez lui un gar-
çon de caisse qu'il tenta d'égorger et de dévaliser (34 déc).
François fut bientôt incarcéré pour un autre fait. Avril et
lui fournirent des indications sur Lacenaire et, le 2 févr.
1835, ce dernier qui avait fui jusqu'à Beaune, fut arrêté.
Instruit des indiscrétions de ses amis, et se voyant perdu,
il ne crut pas devoir se défendre et n'eut plus qu'une double
préoccupation : perdre ses complices en les chargeant sans
pitié et prendre vis-à-vis de la société l'attitude mélodra-
matique d'un révolté. Son langage en cour d'assises fut ab-
solument cynique. Condamné à mort, ainsi qu'Avril, tan-
dis que François bénéficiait de circonstances atténuantes
(nov. 1834), il se pourvut en cassation et, comme il avait
des prétentions littéraires, employa le temps qui lui res-
tait à vivre à compléter ses mémoires et à composer des
poésies. Il fut, à cette époque, de la part du plus grand
monde, l'objet d'une curiosité scandaleuse, à laquelle le
gouvernement eut le tort de se prêter. Il se réconcilia avec
Avril avant de mourir et monta sur l'échafaud avec lui,
sans que son effroyable sang-froid se fiît démenti un seul ins-
tant. On publia sous son nom, peu après une reproduction
partielle du manuscrit qu'il avait laissé en prison : Mémoires^
révélations et poésies de Lacenaire, écrits par lui-même
à la Conciergerie (Paris, 1836, 2 vol. in-8). A. Debidour.
LAC EN AS. Com. du dép. du Rhône, arr. et cant. de
Villefranche-sur-Saône ; 600 hab.
LACÉPÊDE (Baie). Baie de la côte de l'Australie du
Sud, au S.-S.-E. d'Adélaïde; elle s'ouvre à l'O. sur la
baie d'Encounter et elle est limitée au S. par le cap Ber-
nouilli. Bien qu'en apparence rade foraine, elle offre un
mouillage stîr aux plus grands navires. On trouve le bon
port de Kingston ou Port Caroline dans le fond même de
cette baie.^
LACÉPÊDE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr.
d'Agen, cant. de Prayssas ; 540 hab.
LACÉPÊDE (Jean de), sieur d'Aigalades, poète français,
né à Marseille vers 4550, mort à Avignon en 4622.
Conseiller au parlement d'Aix (4578), président de la
chambre des comptes de Provence (4608), il a laissé des
poésies qui lui valurent de son temps une grande réputa-
tion. Citons : Théorèmes sur les mystères de la Rédemp-
tion (Toulouse, d 61 3-24, 2 vol. in-4), volumes très rares
qui parurent d'abord sous le titre de: Imitation des
psaumes de la pénitence avec des sonîiets et des médi-
tations (Lyon, 4594, in-8).
LACÉPÊDE (Bernard-Germain-Etienne de La Ville,
comte de), naturaliste français, néà Agen le 26 déc. 4756,
mort à Epinay, près de Saint-Denis, le 6 oct. 4825. Il
montra de bonne heure du goût pour l'histoire naturelle
qu'il étudia surtout dans Buffon, pour la musique qu'il
cultiva non seulement comme exécutant, mais comme com-
positeur, enfin pour la physique qui le conduisit à des
théories assez bizarres. Buffon l'accueillit au Jardin des
plantes avec une rare bienveillance, Gluck l'encouragea
dans la composition musicale; un prince allemand, dont il
fit la connaissance, lui procura le brevet de colonel au
service des cercles, mais il ne vit jamais son régiment ; le
comte de Maurepas voulut faire de lui un diplomate ; il se
rencontra en i778 chez d'Alembert, avec Voltaire. Sur
l'invitation de Gluck, il écrivit plusieurs opéras qui ne fu-
rent pas représentés ; il composa des symphonies qui furent
exécutées aux séances publiques de l'Académie des beaux -
arts ou de la Société philomatique, des sonates et des sex-
tuors; il mit en musique tout le Télémaquede Fénelon;
puis, en 4785, il publia la Poétique de la musique (Pa-
ris, 2 vol. in-8), ouvrage qui fut accueilli avec faveur par
les gluckisteset lui valut une lettre flatteuse de Frédéric IL
En revanche, son Essai sur Vélectricité naturelle et
artificielle (Paris, 4781, 2 vol, in-8) et sa Physique
générale et particulière (Paris, 4782-84, 2 vol. in-4 2)
eurent peu de succès. Buftbn, dont la bienveillance envers
lui ne s'était pas démentie, lui offrit la place de garde et
sous-démonstrateur du cabinet du roi. Lacépède accepta
cet emploi pénible et, dès 4788, publia le premier volume
de son Histoire des Quadrupèdes ovipares et des Ser-
pents, faisant suite à l'Histoire naturelle de Buffon
(Paris, 1788-89, 2 vol. in-4, ou 4 vol. in-42), souvent
réimprimé, et suivi immédiatement de V Histoire naturelle
des Reptiles (Paris, 4789, in-4, ou 2 vol. in-42, et nombr.
éditions). Cuvier a ces ouvrages en haute estime et loue
les classifications de Lacépède tout en faisant ressortir ce
qu'elles ont d'artificiel.
Lacépède accepta facilement la Révolution. Successive-
ment président de sa section, commandant de la garde na-
tionale, député extraordinaire d'Agen à l'Assemblée cons-
tituante, administrateur du dép. de la Seine, député de
Paris à l'Assemblée législative, il devint le 30 nov. 4794
président de cette assemblée. Plein de modération, il n'hé-
sita pas cependant à se compromettre, à l'époque des mas-
sacres de septembre, par d'énergiques représentations qu'il
fit à Danton ; il dut quitter Paris, se démit de sa place au
Muséum et ne rentra dans la capitale qu'après le 9 ther-
midor, avec le titre singulier d'élève de l'Ecole normale.
Quoiqu'il ne ftît pas compris dans la réorganisation du Mu-
séum, il y rentra cependant dans une chaire créée pour lui
et affectée à l'histoire naturelle des reptiles et des pois-
sons. Il fut appelé à faire partie de l'Institut à sa création
(1796) et fut l'un des premiers secrétaires de la classe
des sciences. De 4798 à 4803, Lacépède publia VHisloire
naturelle des poissons (Paris, 6 vol. in-4, ou 41 vol.
in-42, souvent réimpr. comme suite à Buffon), ouvrage
remarquable pour le fond et pour le style. En 4804 parut
LACÉPÈDE — LACET
r Histoire des Cétacés (Paris, in-4, ou 2 vol. in-12, sou-
vent réimpr. comme suite à Buffon).
Nommé membre du Sénat après le 18 brumaire, Lacé-
pède en devint le président en 4801, puis grand chan-
celier de la Légion d'honneur en 4803 et ministre d'Etat
en 4809. C'est lui qui fit au Sénat le rapport sur le sé-
natus-consulte tendant à déférer au premier consul le titre
d'empereur des Français et d'établir l'hérédité de la di-
gnité impériale dans sa famille; c'est lui aussi qui, en
4809, fit au Sénat le rapport sur la dissolution du ma-
riage de l'empereur avec Joséphine. Il harangua plusieurs
fois l'empereur, et on lui reproche une adulation trop ser-
vile à l'égard du maître ; en revanche, au milieu de ses
flatteries, l'amour de la paix et les exhortations indirectes
à l'obtenir percent toujours. Comme grand chancelier de
la Légion d'honneur, il rendit de grands services ; c'est lui
qui organisa les maisons d'Ecouen, de Saint-Denis, de la
rue Barbette et des Loges, destinées à donner l'éducation
gratuite aux filles des membres de la Légion d'honneur ; il
secourut de sa propre bourse nombre de légionnaires
pauvres ou de veuves tombées dans la misère, en laissant
croire que ses bienfaits et les pensions qu'il payait prove-
naient de fonds publics qui avaient cette destination. 11 finit
du reste par se ruiner et même par s'endetter ; Napoléon
lui assigna alors 40,000 fr. d'honoraires et lui fit accep-
ter l'arriéré ; les pauvres n'y perdirent pas .
Après l'abdication de Fontainebleau, Lacépède fut privé
de la grande chancellerie, mais obtint de Louis XVIIÏ une
place à la Chambre des pairs. Pendant les Cent- Jours, il
redevint grand chancelier et membre de la Chambre des
pairs nommée par l'empereur. Il tomba en disgrâce après
la seconde Restauration, mais rentra en 1849 à la Chambre
des pairs et dès lors se montra dévoué aux principes cons-
titutionnels. Outre les ouvrages déjà cités de Lacépède,
mentionnons : Eloge historique de Daubenton (Paris,
4799, in-8) ; Notice historique sur la vie et les ouvrages
de Dolomieu (Vam, 4802, i-n-8) ; Histoire générale,
physique et civile de V Europe depuis les dernières an-
nées du V® siècle jusque vers le milieu du xviii^ (Paris,
4826, 48 vol. in-8, publiée après sa mort) ; Histoire na-
turelle de V homme, précédée de V Eloge historique de
raideur par Ctivier (Paris, 48-27, 4840, in-8); les Ages
de la nature et riiistoire de l'espèce humaine (Paris,
4830, 2 vol. in-8, posthume); nombreux articles dans
Mémoires de Vlnstitut, Annales du Muséum, Mémoire
du Muséum^ Magasin encylopédique, Dictionnaire des
sciences naturelles (art. Homme), etc. Les Œuvres
d'histoire naturelle de Lacépède ont été réunies par Des-
marets (Paris, 4826 et ann. suiv., 44 vol. in-8; nouv.
éditions de 4830 à 4840). D'-L. Hn.
LA CERDA (V. Cerda).
LACERNA (V. Costume, t. XII, p. 4456).
LACERT (Pèche). Ce Callionyme, qui habite la Méditer-
ranée, se prend, au printemps et en été, dans la région des
galets.
LACERTA (Zool.) (V. Lézard).
LÂCERTIENS (Erpét.). Les Lacertiens ou Lacertidai
forment dans l'ordre des reptiles une famille des plus na-
turelles. Celte famille, dont le type est le Lézard (Lacerta)
de nos régions, comprend des animaux de formes sveltes et
gracieuses, aux membres toujours bien développés, aux
doigts armés d'ongles crochus, à la queue longue, conique et
verticillée; le ventre est protégé par de grandes écailles,
la tête revêtue en dessus de plaques cornées ; la langue est
libre, charnue, mince, plus ou moins extensible et bifur-
quée ; les dents sont implantées dans un sillon commun
creusé dans la partie saillante des maxillaires ; elles sont
pleines ou creuses, d'où deux divisions tranchées, les Pélo-
doutes ou à dents pleines, et les Cœlodontes ou à dents
creuses. Les narines peu développées s'ouvrent par deux
petits trous dont l'ouverture est protégée par une soupape
membraneuse, la membrane du tympan est visible chez
toutes les formes. Ce sont des animaux essentiellement ter-
710 —
restres ; ils fréquentent les bois, les taillis, les régions
sèches et rocailleuses ; leur nourriture consiste en vers, en
insectes et en Mollusques. Les grandes formes s'attaquent
aux petits Mammifères. La proie doit toujours être vivante,
jamais ils ne touchent aux animaux morts. Tous les Pléo-
dontes appartiennent à l'Amérique, tandis que les Cœlo-
dontes ne se trouvent que dans l'ancien monde. Les uns
sont spéciaux aux régions les plus chaudes de l'Amérique,
les autres sont spéciaux à l'Afrique. Plusieurs genres appar-
tiennent à l'Europe. Rocher.
BiBL. ; DuMÉRiL et Bibron, Hist génér. des Rept.
— Sauvage, dans Brehm, édit. franc.. Reptiles.
LACERTILIENS (Paléont.). Par la famille éteinte des
Dolichosauridées, le sous-ordre des Lacertiliens remonte
jusqu'à l'époque crétacée inférieure ; cette famille comprend
les genres Dolichosaurus, caractérisé par les vertèbres
fortement allongées, les cervicales étant au nombre de dix-
sept ; Acteosaurus, aux vertèbres de moyenne longueur,
à la queue longue, aux membres postérieurs plus longs que
les antérieurs, et provisoirement les genres Adriosaurus
et Mesoleptos. Les autres familles sont actuelles; ce sont :
Agamidées, avec les genres actuels, Clamydosaurus (pléis-
tocènedu Queensland) et Agama (phosphoriteduQuercy);
Chamaeontidées (éocène du Wyoming) ; Iguanidées, avec le
genre actuel Jguana (éocène supérieur d'Angleterre et du
Quercy) et le genre éteint Iguanavus de l'éocène du Wyo-
ming ; Anguidées, avec les genres éteints Propseudopus
(miocène d'Allemagne), Glyptosaurus (éocène du Wyo-
ming), Saniva (éocène du Wyomiug), Peltosaurus (mio-
cène du Colorado), Xestops (éocène du Wyoming) et le genre
actuel Anguis (miocène du Gers) ; Varanidées avec le genre
actuel Varanus (pleistocène de l'Inde) et les genres éteints
%(^rosawrti^ (crétacé inférieur de Lésina), Palœovaranus
(éocène supérieur du Quercy), Thinosaurus (éocène du
Wyoming) ; Scincidées avec les deux genres éteints, Dra-
cosaurus et Saurosnorus, du miocène inférieur de la
Limagne ; Lacertidées ou Lacertiens, avec le genre actuel
Lacerta.
BiBL. : ZiTTEL, Traité de paléontologie, éd. fr., 1893, t. IIL
p. 593. ^ » > ,
LACET. I. Technologie (V. Passementerie).
IL Mathématiques. — Dans la théorie des fonctions on
appelle lacet ou contour élémentaire une ligne formée d'une
droite ou d'une courbe qui ne se coupe pas elle-même, ab,
et d'une ligne a^b^ infiniment voisine de celle-ci qui ne la
coupe pas, mais que l'on peut, à la rigueur, supposer con-
fondue avec elle. Ces deux lignes sont réunies au moyen
d'un cercle ode rayon infiniment petit ; la distance bb^ des
points où ab et a^'b^ rencontrent
le cercle o est infiniment petite
par rapport au rayon du cercle o.
Ce lacet est censé parcouru par
un mobile, soit dans le sens di-
rect (c'est celui dans lequel le
mobile a l'aire du lacet à sa gauche), soit dans le sens
rétrograde, ab et a'b^ sont les bords du lacet, le premier
bord ab que l'on parcourt dans le sens direct est le bord
droit, l'autre est le bord gauche, o est le point critique
du lacet, a est l'entrée, a^ la sortie. Pour étudier les
valeurs des fonctions susceptibles de prendre plusieurs
valeurs en un même point du plan, on fait le plus sou-
vent usage de lacets. Les points critiques de la fonction
sont alors les points critiques de lacets qui ont leur en-
trée en un même point ; d'ailleurs ces lacets sont assu-
jettis à ne pas se couper. On démontre que si la variable x
dont la fonction dépend passe de l'entrée des lacets que
nous appellerons ^(3 à un point quelconque x^, la valeur que
prend la fonction en x^ est la même que si la variable
avait décrit successivement un certain nombre de lacets,
puis un chemin bien déterminé allant de Xq en x^^. Cette
proposition est fondamentale dans l'étude des fonctions
algébriques.
Lorsque la variable parcourt un lacet, la fonction reprend
en général à la sortie du lacet la valeur qu'elle avait à
l'entrée; dans ce cas le lacet esimactif, mais il arrive
souvent qu'elle prend à la sortie une valeur différente de celle
qu'elle avait en entrant, on dit alors que le lacet est actif
(on trouvera à l'art. MoNODROMEdes exemples de lacets actifs
et inactifs). Tous les lacets sont actifs pour certaines valeurs
de la fonction, sans quoi leur point critique n'étant pas un
point critique de la fonction, il n'y aurait pas lieu de les
considérer, en tant du moins qu'il ne s'agit que d'étudier
lesvaleurs de la fonction elle-même. Les valeurs différentes
que prend une fonction à l'entrée et à la sortie d'un lacet sont
dites permutées on imies par ce lacet. Les lacets" qui per-
mutent les deux mêmes valeurs d'une fonction forment ce
que l'on appelle un groupe. En général, un lacet ne per-
mute que deux valeurs de la fonction ; quand par hasard il
en permute plusieurs, on dit qu'il est multiple et il y alieu
de le considérer comme formé par la superposition de la-
cets simples ne permutant que deux valeurs.
Un contour complet ou cycle est un contour formé d'une
série de lacets et tel que' la variable parcourant ce contour
la fonction reprend à sa sortie la valeur qu'elle avait à
l'entrée. H. L.
BiBL. : Briot, Théorie des fonctions abéliennes. —
CLEBSCHet GoRDAN, Théorie dev Ah elschenf unctionsn. —
Laurent, le 4« vol. de son Traité d'analyse. — Briot et
Bouquet, Théorie des fonctions doublement périodiques.
LÂCH. Ville de l'Afghanistan, dans le Séistan, sur la
r. dr. du Farah-roud, tributaire du lac Hamoun. C'est la
résidence d'un chef, nominalement vassal de l'émir ; la for-
teresse de Lâch comprend une triple citadelle bâtie sur un
rocher qui surplombe la rivière.
LA CHABEAUSSIÈRE (Poisson de La) (V. Chabeaus-
stère).
LACHAISE (V. FiLLEAu de La Chaise).
LA CHAISE (François d'Aïx de), jésuite, confesseur de
Louis XIV, né au château d'Aix, dans le Forez, en 4624,
mort le 20 janv. 1709. Après son noviciat, il enseigna
avec succès les humanités et la philosophie à Lyon ; il fut
ensuite envoyé à Grenoble comme recteur. Il était provin-
cial à Lyon, lorsqu'il succéda au P. Jean Ferrier, en qua-
lité de confesseur du roi (nov. 1674). Ces fonctions l'appe-
laient à faire partie du Conseil de conscience que Louis XIV
avait institué pour l'administration des affaires ecclésias-
tiques et la collation des offices et des bénéfices dont la
royauté disposait ; il y acquit une autorité prépondérante
et paraît avoir exercé ce ministère avec un souci sincère
du bien de l'Eglise. Mais il absolvait périodiquement le long
adultère du roi avec W^^ de Montespan. La marquise donna
sept enfants pendant le confessorat du P. La Chaise. Par-
fois, pris de scrupule ou de pudeur, il alléguait des raisons
de santé pour échapper à se service : « Les fêtes de Pâques,
écrit Saint-Simon, causaient à ce confesseur des maladies
de politique pendant l'attachement du roi avec W^^ de Mon-
tespan. Une fois entre autres, il lui envoya le P. de Champs,
qui bravement refusa l'absolution. » Après la Déclaration
de 1682, il soUicila avec persévérance, mais sans succès,
l'intervention du général de son ordre, pour obtenir d'Inno-
cent XI l'institution canonique que ce pape refusait aux
évêques nommés par le roi ; plus tard, il s'entremit avec
habileté dans les transactions et soumissions qui permirent
à Innocent XII de l'accorder. Après avoir déconseillé au
roi le mariage avec M"^^ de Maintenon, ce fut lui qui officia
à la cérémonie secrète ; mais il persista à s'opposer à la
déclaration publique. Il n'est point douteux qu'il approuva
la révocation de l'édit de Nantes, mais il semble démontré
qu'il répugnait aux violences qui accompagnèrent l'exécu-
tion de cet acte. Il patrona de tout son crédit Fénelon,
dévoué aux jésuites, et il admirait les Maximes des saints.
On dit même qu'il avait promis de soutenir ce livre. Quand
il eut été condamné à Rome, il se soumit, comme Fauteur;
mais il osa louer, en présence du roi, la générosité et le
dévouement de Fénelon. Il défendit longtemps aussi, contre
la dénonciation de ses adversaires, l'ouvrage de Quesnel :
Réflexions morales sur le Nouveau Testament. ~ Comme
711 — LAlEî — LA CIIALOTAIS
il s'occupait de numismatique et d'archéologie, il fut nommé
membre honoraire de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres, lorsqu'on la réorganisa (1701). Il reste de lui un
cours de philosophie, sous le titre : Peripatetiece Philo-
sophiœ placita (Lyon, 1661) et des dissertations dans le
recueil de l'Académie des inscriptions. E.-H. Vollet.
Cimetière du Pére-Lachaise (V. Père-Lachaise) .
BiBL. : R. DE Ciiantelauze, le Père de La Chaise^
confesseur de Louis XIV ; Lyon, 1859, in-8. — Crétineau-
JoLY, Histoire de la Compagnie de Jésus; Paris, 1859,
6 vol. in-12.
LACHALADE (Caladia, 1148). Com. du dép. de la
Meuse, arr. de Verdun, cant.deVarennes, sur la Biesme;
521 hab. Verreries, forêts. Avant 1790, Lachalade avait
une abbaye de Clteaux fondée au commencement du xii® siècle.
Ruines d'une église du xiv® siècle (mon. hist.) avec pein-
tures décoratives de la même époque.
LA CHALDETTE (V. Chaldette).
LACHALEUR. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Sombernon; 156 hab.
LA CHALOTAIS (Louis-René de Caradeuc de), magistrat
français, né à Rennes, le 6 mars 1701, mort à Rennes
le 12 juil. 1785. Il fut procureur général au parle-
ment de Bretagne. Il se montra l'un des plus ardents
adversaires des jésuites sous le règne de Louis XV et pro-
voqua l'abolition de cet ordre en France par son mémoire
ou Compte rendu des constitutions des jésuites qu'il fit
en 1761 pour le parlement de Bretagne. Les jésuites sup-
primés, La Chalotais songea à réorganiser l'instruction pu-
blique et publia un traité remarquable pour son temps :
Essai d'éducation nationale ou Plan d'études pour la
jeunesse {Gmeve, 1763, in-12; Paris, 1825, in-18). Cet
ouvrage, qui fut traduit en plusieurs langues et dont Vol-
taire fit un grand éloge, peut être considéré comme l'œuvre
d'un véritable précurseur en matière d'éducation. Mais La
Chalotais avait trouvé un ennemi dans le duc d'Aiguillon
(V. ce nom). La lutte fut très vive entre eux. Beaucoup de
membres du parlement de Rennes, prenant parti pour La
Chalotais, démissionnèrent. On crut reconnaître, dans des
lettres anonymes adressées au roi, l'écriture de La Chalotais.
On en prit prétexte pour l'arrêter à Rennes le 1 1 nov. 1765,
avec son fils, aussi procureur général et plusieurs conseil-
lers au même parlement. Il fut conduit au château du Tau-
reau, puis transféré à la citadelle de Saint-Malo. Les membres
démissionnaires du parlement de Rennes n'ayant pas voulu
reprendre leurs fonctions, le roi nomma pour juger La Cha-
lotais et ses collègues une commission du conseil d'Etat
qui s'assembla à Saint-Malo et dont Calonne fut procureur
général. Pendant sa captivité, La Chalotais publia des mé-
moires pour sa défense. On a dit que, privé de tout moyen
d'écrire, il avait dû se servir d'un crayon trempé dans de
la suie ; il résulterait au contraire de la correspondance du
chevalier de Fontette que La Chalotais écrivit ses mémoires
en toute liberté. La plupart des membres de la commission
s'étant récusés, l'affaire fut renvoyée devant le parlement
de Rennes formé à nouveau ; mais les accusés déclinèrent
sa compétence. Le roi évoqua le procès à sa personne et
déclara par lettres patentes les poursuites éteintes ; La Cha-
lotais et ses coaccusés furent néanmoins exilés à Saintes.
Le parlement de Rennes et les Etats de Bretagne conti-
nuèrent à s'unir à La Chalotais pour demander justice. Ce
fut Louis XVI seulement qui le remit à la tête du parquet
de Rennes, en 1775. Gustave Regelsperger.
BiBL.: Mémoire du ministère du duc d'Aiguillon et de
son ommandement en Bretagne ; Paris, 1790, in-8, — Précis
historique sur la vie de La Chalotais, en tète de son Essai
d'éducation nationale ; Paris, 1825, in-18. — Sismondi, His-
toire des Français, t. XXIX. — De Lacretelle, Histoire
de France pendant le xviiio siècle, t. IV. — Bicsknval,
Mémoires, dans Bibliothèque des Mémoires relatifs à l'his-
toire de France pendant le xviip siècle; Paris, 1816. —
Voltaire, Correspondance; Siècle de Louis XV.— Louis
DE Carné, les Etats de Bretagne, dans Revue des Deux
Mondes,l<"'etl5 févr., l»»- mars 1868.-— A rc/uues historiques
de la Saintonge et de l'Aunis, t. III, p. Ui. ~- Bulletin de la
Société des archives hislor. de la Saint, et de VAunis, t. I,
p. 56. — Bertrand Rubidou, La Chalotais et les jésuites •
LA CHALOTAIS — LA CHATRE
— 712 —
Rennes, 1879, in-18. — La Chalotais et le duc d'Aiguillon.
Correspondance du chevalier de Fontette, publiée par
Henri Carré; Paris, 1893, in-8.
LACHAMBEAUDIE (Pierre), littérateur français, né à
Sarlat (Dordogne) le 15 déc. -1807, mort à Brunoy (Seine-
et-Oise) le 6 juil. i 872 . Fils d'un cultivateur qui ne put
lui faire donner qu'une instruction rudimentaire, il fut
tour à tour teneur de livres à Lyon, employé au chemin
de fer de Roanne à Saint-Etienne et finalement disciple
d'Enfantin à Ménilmontant. Après la dispersion des apôtres
du saint-simonisme, il connut de longues années de misère
jusqu'au jour où les libéralités d'Enfantin lui permirent
d'imprimer un recueil de Fables populaires (1839, in-18),
couronnées par l'Académie française et plusieurs fois réim-
primées depuis. Mêlé en 1848 aux mouvements insurrection-
nels, il dut à l'intervention de Béranger d'être relâché après
les journées de juin, et à celle de Persigny, qui avait colla-
boré avec lui à un journal de la Loire, d'éviter la déportation
pour sa résistance au coup d'Etat du 2 décembre. Réfugié
en Belgique, il y subit encore toutes les angoisses de la
gêne, y publia un nouveau recueil: Fleurs d'exil (Bruxelles,
1852, in-18) et rentra en France après l'amnistie de 1859.
Outre des romances composées en Belgique, Lachambeaudie
n'a depuis donné que les Fleurs de Villemomble, poésies
nouvelles (1861, in-i8). Sous le titre de Hors-d'œuvre,
on a recueilli quelques pièces libres ou scatologiques du
même auteur (1867, in-8, 20 p.) M. Tx.
LA CHAMBRÉ (Cureau de) (V. Cureau).
LACHAMP. Com. du dép. de la Drôme, arr. de Monté-
limar, cant. de Marsanne ; 461 hab.
LACHAMP. Com. du dép. de Lozère, arr. de Mende,
cant. de Saint-Amans ; 615 hab.
LACHAMP-Raphaêl. Com. du dép. de l'Ardèche, arr.
de Privas, cant. d'Antraigues ; 535 hab.
LACHAPELLE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr.
de Marmande, cant. de Seyches ; 188 hab.
LA CHAPELLE. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Chaumont, cant. de Juzennecourt ; 292 hab.
LACHAPELLE. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Lunéville, cant. de Baccarat; 256 hab. Papeterie.
LA CHAPELLE-Auzac. Com. du dép. du Lot, arr. de
Gourdon, cant. de Souillac ; 937 hab.
LA CHAPELLE (Bohier de) (V. BomER [Henri]).
LA CHAPELLE (Jean de) (V. Chapelle).
LA CHAPELLE (Boisbeleau de) (V, Chapelle).
LACHAPELLE (L'abbé de), mathématicien français,
né vers 1710, mort à Paris vers 1792. Censeur royal,
membre de la Société royale de Londres et d'académies de
province, il vécut dans une retraite complète, nes'occu-
pant que de recherches scientifiques. H est Finventeur du
scaphandre, appareil en liège devant permettre de mar-
cher à la surface des eaux; il l'expérimenta lui-même sur
la Seine et en publiala description sous le titre : Traité de la
construction du scaphandre (Paris, 1774, in-8; 2^ éd.,
1804). Il donna dans le Ventriloque ou VEngastrimythe
(Londres et Paris, 1772, 2 vol. in-12) une très curieuse
et très ingénieuse explication de la ventriloquie. Quant à
ses ouvrages de mathématiques, fort estimés en son temps,
ils ont pour titre : Institutions de géométrie (Paris,
1746-57, 2 vol. in-8); Traité des sections coniques et
autres courbes anciennes {^dx\^, 1750, in~8). L. S.
LACHAPELLE (Marie-Louise Dugès, veuve), célèbre
sage-femme française, née à Paris le 1®^ janv. 1769, morte
à Paris le 4 oct. 182i. Son père était médecin, sa mère
sage-femme jurée au Châtelet et chef du service d'accou-
chement de FHôtel-Dieu. En 1792, elle épousa M. Lacha-
pelle, chirurgien de Fhôpital Saint-Louis, mais continua à
résider à FHôtel-Dieu, aidant et remplaçant souvent sa mère
dans ses leçons et dans la pratique ; en 1795, Fannée de
la mort de son mari, elle fut promue au grade de sage-
femme adjointe. C'est surtout à elle qu'on doit la création
de la Maternité ; Baudelocque y fut chargé, comme profes-
seur, de l'enseignement théorique, et M"^^ Lachapelle de la
partie pratique dans laquelle elle exerçait et dirigeait les
élèves. Elle a laissé : Observations sur divers cas d'ac-
couchements,*, (Annuaire méd . chir, des hôpitaux;
Paris, 1819, in-4) ; Pratique des accouchements, publié
par Ant. Dugès (Paris, 1821-25, 3 vol. in-8). D' L. Hn.
LACHAPELLE (Le comte A. de), publiciste français, né
en 1830. Il fit de longs voyages en Amérique et en Aus-
tralie, revint en Europe en 1869 et fut correspondant du
Standard pendant la guerre franco-allemande. H se lia
avec Napoléon III à Chislehurst et publia avec des docu-
ments fournis par lui : les Forces militaires de la France
en 1870 (Londres, 1872, in-8), ouvrage apologétique qui
fit grand bruit et fut d'abord attribué à l'empereur lui-
même, dont le comte de Lachapelle devait publier plus
tard les Œuvres posthumes (1873, gr. in-8). Citons de
lui: la Guerre de iSlO (Londres, 1871, in-8); Trente
Ans à travers le monde (Paris, 1888, in-12).
LA CHAPELLE-Taillefer (V. Chapelle-Taillefer).
LA CHAPPELLE (Georges de), peintre français, né à
Caen, mort vers 1655. Cet artiste est l'auteur d'un livre
extrêmement curieux dédié à la comtesse de Fiesque : Re-
cueil de divers portraits des principales dames de la
Porte du Grand-Turc (63 figures costumées, gravées au
burin, in-4).
LA CHARCE (V. La Tour du Pin de La Charge).
LA CHASSA6NE (Ignace- Vincent Guillot de), littéra-
teur français, né à Besançon en 1705, mort à Paris vers
1750, auteur d'un grand nombre de romans qui ont eu
jadis beaucoup de succès. Citons : le Chevalier des Essars
et la comtesse de Bercy (1735, 2 vol. in-12) ; Mémoires
d'une fille de qualité (1742-55, 2 vol. in-12).
LA CHASSAIGNE (Marie-Hélène Broquain de), actrice
française, née le 16 janv. 1747, morte à Saint-Mandé le
23 juin 1820. Nièce de M"^ Lamotte, célèbre actrice de la
Comédie-Française, elle débuta à ce théâtre dans Phèdre
le 6 janv. 1766, sous le pseudonyme de « mademoiselle
Sainval ». Mais, peu de jours après elle, la vraie M'^^ Sain-
val (Faînée) étant venue débuter à son tour, W^^ de La
Chassaigne, pour éviter toute confusion, reprit son véri-
table nom. Le 15 mars 1769, elle fut nommée sociétaire à
demi-part. Pendant une douzaine d'années elle joua les
confidentes tragiques et les amoureuses, et en 1780, quoi-
que jeune encore, elle adopta l'emploi des duègnes et des
caractères, laissé vacant par la retraite de M"^^ Drouin,
sœur de Préville. Elle joua pour la dernière fois le 22 oct.
1803. Il n'est pas inutile de rappeler que c'est M^^®de La
Chassaigne qui suggéra à ses camarades l'idée de la grande
ovation faite à Voltaire par la Comédie-Française le jour de
la représentation à'îrène. Elle avait été, dans sa jeunesse,
la maîtresse du prince de Lamballe, dont elle eut une fille
qui débuta sous le nom de M^^^ Charlotte de La Chassaigne,
le 12 août 1788, à la Comédie-Française, dans le Bien-
fait anonyme, et continua sa carrière en Russie. A. P.
LACHASSE (V. Chassignon [Jean]).
LA CHÂTAIGNERAYE (V. Châtaigneraye [La]).
LA CHÂTRE. Ancienne famille du Berry, ayant pour
armes : de gueules à la croix ancrée de vair. Les per-
sonnages les plus connus de cette famille furent : Guil-
laume de La Châtre, chambellan du comte de Poitiers,
mort vers 1350. — Claude de La Châtre, né en 1421,
chambellan et capitaine des gardes de Louis XI et de
Charles VHI, mort après 1495. — Gabriel de La Châtre,
conseiller d'Etat, chambellan et maître d'hôtel du roi,
maître des cérémonies de France, gouverneur de l'un des fils
de François P»*, mort en 1538. —Joachim de La Châtre,
qui hérita des charges de son père, fut gouverneur de Gien
et d'Orléans et mourut en 1 546. — Gaspard de La Châtre,
fils du précédent et héritier de ses charges et dignités, né
vers 1539, se distingua dans le parti catholique pendant
les guerres de religion et mourut en 1576. — Ed^ne de
La Châtre, petit-fils du précédent, maître de la garde-robe
du roi ; colonel général des Suisses en 1649, il dut se
démettre de sa charge pour participation à la cabale des
713
LA CHATRE — LACHELIER
Importants; blessé à Nordlingen, il mourut à Philipsbourg
le 3 sept. 1645 ; on a de lui des Mémoires, publiés pour
la première fois en 4662 (in 12) et depuis dans les princi-
pales collections. — A une autre branche de la famille,
celle de Maisonfort, appartenait Claude de La Châtre, ma-
réchal de France, né yers 4536, mort le 43 déc. 4614.
Gouverneur du Berry, ambassadeur en Angleterre (4574),
attaché en Flandre à la personne du duc d'Anjou, parti-
san des Guises et nommé maréchal de France par le duc de
Mayenne, il vendit sa soumission à Henri IV moyennant
60,000 écuset la confirmation de sa charge. On a de lui :
la Prise de Thionville en i55S (4559, in-8, réimprimé
dans la coll. Michaud); Discours contenant les plus
mémorables faits advenus en i587 (1587, in-8) ; Dis-
cours de la guerre civile de France (4587, in-8), et en
outre plusieurs pièces réimpriiAées à la suite du Journal
de Henri ÎIU ainsi que plusieurs œuvres restées manus-
crites. — Son fils, Louis de La Châtre, fut gouverneur du
Berry, maréchal de France (4646) et mourut sans enfants
en 4 630.
BiBL. : Le P. Anselme, Généalogie de lu, maison de
France, t. VII.
LA CHAT RE (Maurice), publiciste français, né à Issou-
dun en 4844. Editeur à Paris, il fut condamné sous l'Em-
pire (25 sept. 4857), pour la publication des fameux
Mystères du peuple d'Eugène Sue, à un an de prison et
6,000 fr. d'amende. Un ouvrage de lui : le Dictionîiaire
français illustré (1856, in-4), lui valut une nouvelle
condamnation à cinq ans de prison (44 juil. 4858). La
Châtre s'établit à Barcelone. Il reparut à Paris sous la
Commune, collabora au Vengeur de Pyat, retourna en
Espagne pour échapper à la répression et après l'amnistie
fonda une maison d'édition à Paris. Citons encore de lui :
la République démocratique et sociale (4849, in-8);
Histoire des papes (4842-43, 40 vol. in-8), condamnée
à la destruction par jugement du 27 janv. 4869 ; Histoire
du Consulat et de l Empire (4874, in-4); Histoire de
la Restauration (4874, in-4) ; Histoire de C inquisition
(4880, in-42).
LACHAU. Com. du dép. de la Drôme, arr. de Nyons,
cant. de Séderon ; 556 hab.
LACHAU D (Charles- Alexandre), avocat français, né à
Treignac (Corrèze) le 25 févr. 4 848, mort à Paris le 40 déc.
4882. Avocat au barreau de Tulle depuis 4839, il ne tarda
pas à acquérir une notoriété retentissante, grâce aux pro-
cès Lafarge(4840) et Marceliange (1842); aussi alla-t-il
dès 4844 prendre place au barreau de Paris. 11 conquit en
peu d'années, par son éloquence pathétique et théâtrale, la
première place parmi les avocats de cour d'assises et fut
membre du conseil de l'ordre de 4858 à 4867. Après avoir
plaidé les causes les plus célèbres en matière criminelle,
Lachâud aborda les procès politiques après la révolution
de 4870, assista le maréchal Bazaine devant le conseil de
guerre de Versailles en 4873, défendit le Figaro contre
le général Trochu et le général de Wimpfen contre M. Paul
de Gassagnac (4875). Dévoué au second Empire, il s'était
présenté sans succès en 4869 à la députation, dans la hui-
tième circonscription de la Seine, contre M. Jules Simon.
Il ne fut pas plus heureux le 44 oct. 4877 dans la deuxième
circonscription de Tulle, où il s'était porté avec l'appui du
gouvernement du 16 mai. Il a été publié après sa mort un
Recueil de plaidoyers de Charles Lachaud(?Sins, 1885,
2 vol. in-18). A. Debidour.
LACHAUD (Georges), avocat, publiciste et romancier
français, né à Paris en 4846, fils du précédent. Après
s'être essayé, non sans succès, au barreau, il se jeta dans
la politique, fut candidat — malheureux — du parti plé-
biscitaire dans le XÏV^ arrondissement de Paris aux élec-
tions du 20 févr. 4876 et du 44 oct. 1877 et, partisan du
bonapartisme le plus autoritaire, se fit connaître par de
bruyantes publications : Essai sur la dictature (4875);
l'Empire devant V ouvrier (4876); l'Empire {iSll);
les Boîiapar listes de la République (4877); Que vont
devenir les Bonapartistes ? (1 879) ; le Prince Napoléon
et le parti bonapartiste (1880); Bonapartistes blancs
et Bonapartistes rouges (ISSd) ; Cabotinage (1886). On
lui doit aussi des romans et des variétés littéraires.
LA CHAUSSADE (Forges de) (V. Guérigny).
LA CHAUSSÉE (Pierre-Claude Nivelle de), auteur
dramatique français, né à Paris en 1692, mort le 44 mars
4754. 11 avait près de quarante ans lorsqu'il prit part à la
polémique soulevée par La Motte-Houdard sur la forme des
vers français par des EpUres de Clio à il/, de B... (4734,
in-4 2), et ce fut seulement deux ans plus tard qu'il fit
jouer sa première comédie : la Fausse Antipathie (en
trois actes et en vers) où il s'essayait au genre que Voltaire
appelait le « tragique bourgeois », que l'on définissait
aussi le « comique larmoyant » et dont le drame moderne
est issu. La Fausse Antipathie fut bientôt suivie d'au-
tres comédies en vers et en prose : le Préjugé à la mode
(4785), où La Chaussée s'attaquait au ridicule qui pour-
suivait alors un mari épris de sa femme : VEcole des amis
(4737); Mélanide (4741); Amour pour amour (1742);
Paméla (1743); VEcole des mères (1744); le Rival de
lui-même (1746); l'Amour castillan (Théâtre-Italien,
4747); la Gouvernante (4747), dont le sujet était em-
prunté à une méprise judiciaire récente; VEcole de la
jeunesse (4748); Maximien, tragédie (1737); un certain
nombre d'autres pièces non représentées ou jouées sur des
théâtres de société que Ton retrouve dans les OEuvres
complètes de l'auteur (1762, 5 vol. in-12), réunies par
Sablier et auxquelles il faut joindre un Supplément (Am-
sterdam, 1744), renfermant une parade, le Rapatriage
et des Contes en vers assez libres. Le succès du Pré-
jugé à la mode avait ouvert dès 1736 à La Chaussée les
portes de l'Académie française où il remplaça le prési-
dent Portail et où il eut Bougainville pour successeur.
Son portrait, peint au pastel par Lalour, figura au Salon
de 1753. M.'Tourneux.
BiBL. : Grimm, Corresp. litt. — G. Lânson, Nivelle de
La Chaussée et la Comédie larmoyante, 1887, in-8.
LA CHAUX. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Thiers, cant. de Châteldon ; 4,078 hab. Foires impor-
tantes.
LACHELIER (Jules-Esprit-Nicolas), philosophe fran-
çais, né à Fontainebleau le 27 mai 4832. Il acheva au
lycée Louis-le-Grand (Sainte-Barbe), à partir de 4847, ses
études commencées à Versailles, et eut, en 4850, le prix
d'honneur de rhétorique au Concours. Elève de l'Ecole
normale (4854-54), il fut deux ans chargé de cours de
rhétorique à Sens, se fit recevoir agrégé des lettres, puis,
sous le patronage de M. Ravaisson, revint faire une qua-
trième année décote (1 856-57). Il professa ensuite la
« logique » à Toulouse (1857-58), puisàCaen (1858-64),
après quoi il prit un congé. En mars 1862, il supplée
Alb. Lemoine au lycée Bonaparte ; il est agrégé de philo-
sophie l'année suivante ; en 4864, il est maître de confé-
rences à l'Ecole normale, où, pendant onze ans, il enseigna
la philosophie avec une autorité sans pareille. Nommé ins-
pecteur de l'académie de Paris en sept. 1875, il est
depuis le 16 mars 1879 inspecteur général de l'instruction
publique. M. Lachelier a été reçu docteur le 4*'' déc. 4874.
Outre ses thèses : Du Fondement de l'induction (Paris,
1871, in-8) et De Natura syllogismi (id.), il n'a guère
donné qu'une Etude sur la théorie du syllogisme, dans
la Revue philosophiqxie (mai 1876) et un article, très
important il est vrai, intitulé Psychologie et Métaphysique
(même revue, mai 1885).
La simplicité de cette carrière et cette sobriété de pro-
duction ne donnent aucune idée du rôle de ce philosophe
et de l'étendue de son action. Lui-même, avec une modestie
rare, semble se regarder simplement comme un disciple de
Kant ayant contribué à répandre chez nous l'esprit, sinon
la lettre, de l'idéahsme transcendantal. Il est certain, en
eifet, que Kant surtout l'a inspiré et lui a fourni en partie
la méthode critique par laquelle il a été un si grand
LACHELÏER - LA CHÈZE
- 714
éveilleur d'esprits. Mais, à cette critique même, il a donné
une forme entièrement personnelle, et l'instrument de
précision qu'il en a fait, il l'a appliqué à tout, à Kant
lui-même avec une originalité profonde. Il « aurait assez
fait pour la philosophie, dit M. Séailles, en établissant
contre Kant la nécessité de la loi des causes finales pour
l'existence de la pensée », En tout cas, tout est bien à lui
dans ses trop courts écrits, d'une forme parfaite, si sévère
à la fois et si française, où il n'est pas une page qui ne
porte la marque d'un penseur. Il en est de même pour ses
célèbres leçons de l'Ecole normale, où il a touché tour à
tour et renouvelé toutes les questions philosophiques,
leçons non publiées, incomplète iTient recueillies, mais qui,
après avoir rempli d'enthousiasme des générations d'élèves
réveillés par elles du dogmatisme cousinien, n'ont pas
cessé depuis de circuler manuscrites parmi les étudiants.
Elles alimentent encore, dans une large mesure, l'ensei-
gnement philosophique après l'avoir régénéré ; on le voit,
aux épreuves de l'agrégation de philosophie, dans le jury
de laquelle naturellement M. Lachelier exerce une grande
influence. 11 a été un maître dans la pleine acception du
terme : son œuvre, ce sont ses élèves. Pour tous ceux qui
l'ont vu dans ses conférences de l'Ecole normale, il est
resté, par sa manière unique d'alHer la simplicité à la pro-
fondeur et la familiarité à l'élévation, le modèle des pro-
fesseurs de l'enseignement supérieur. Aux esprits qu'il a
formés, il n'a pas donné une philosophie toute faite, mais
il a donné quelque chose de mieux : le besoin de penser
par eux-mêmes avec une sincérité absolue, le respect et
le goût de la pensée chez les autres. De là vient que, dans
les >oies si diverses où ils se sont engagés, ils sont tous
demeurés également attachés à ce maître, en qui ils sont
unanimes à saluer un des plus grands esprits et une des
plus nobles figures de leur temps. H. Marton.
LACHELIER (Henri), né à Sens le 48 févr. 1856, fils
du précédent. Il fit ses études à Louis-le-Grand, entra à
l'Ecole normale en 1875 et en sortit agrégé de philosophie,
obtint une mission en Allemagne (1878-80), où il étudia
surtout à Leipzig, dans le laboratoire de Wundt, enseigna,
à son retour, la philosophie aux lycées de Troyes, Car-
cassonne, Clermont et surtout Caen (oct. 1882 à déc.
1886) d'où il vint à Paris comme suppléant à Henri IV.
Depuis oct. 1887, il occupe avec distinction la chaire de
philosophie au lycée Janson-de-Sailly. Il a publié des édi-
tions classiques de la Monadologie de Leibniz (Paris,
1881, in-16) et des Nouveaux Essais (1886, in-16),
plus des articles dans la Revue philosophique-, la plupart
sur la philosophie de Wundt. H. M.
LAC H EN. Village de Suisse, dans le cant. de Schwytz,
au fond d'un golfe du lac de Zurich, sur la ligne Zurich-
Coire, rive gauche ; 1,077 hab. Cette localité possède une
belle et grande église surmontée de deux tours.
LAC H EN ALI A (Lachenalia Jacq.). I. Botanique. —
Genre de Liliacées-Hyacinthées, caractérisé par le périanthe
coloré à six divisions campanulées-conniventes, dont les
trois extérieures, courtes, dressées, gibbeuses au sommet,
les trois intérieures inégales et étalées ; il y a six étamines
insérées sur la gorge du périanthe, l'ovaire est à trois
loges mulliovulées, le fruit une capsule membraneuse
loculicide. Les Lachenalia sont des herbes vivaces, à bulbe
tunique, à inflorescence en grappe penchée. On en connaît
une trentaine d'espèces du Cap. D^ L. Hn.
II. Horticulture. — Ces petites plantes bulbeuses res-
semblent beaucoup aux Jacinthes. Elles fleurissent à la fin
de rhiver et aux premiers jours du printemps. On cul-
tive : Z, tricolor Jacq., à fleurs jaunes et vertes, bordées
de pourpre; L.pendula Ait., à fleurs marquées de vert
et de violet, la Lachénalie changeante^ à fleurs bieu pâle.
La plantation des bulbes se fait en octobre ; on les relève
en juillet pour séparer les caïeux. Les Lachenalia se
plaisent en pots et en terre de bruyère. On les place sou-
vent en serre tempérée, près des vitres, pour en avancer
la floraison. G. Boyer.
LACHENAYE-Desbois (V. Guesnayr-Desbois) .
LACHENWITZ (Franz-Sigmund), peintre allemand, né
à Neuss en 18'20, mort le 25 juin 1868. Après avoir étu-
dié à l'Académie des beaux-arts de Dusseldorf, il ouvrit
un atelier dans cette ville et s'adonna particulièrement à
la peinture des animaux domestiques et sauvages, qu'il
reproduisit en une série de scènes humoristiques aux-
quelles il a dû de devenir populaire en Allemagne. Ses
premières œuvres : Cheval pourchassé par un ours
(1848); Lions surpris par des tigres^ Buffle attaqué
par des panthères^ etc., furent suivies d'épisodes tirés
du Reineke Fuchs, et de plusieurs tableaux militaires,
entre autres : Combat de cavalerie pendant la cam-
pagne de 1866 en Bohême, Lachenwitz a écrit aussi
quelques histoires de chasse et de voyage illustrées par
lui-même.
LACHESIS. L Mythologie (V. Parques).
IL Erpétologie. — Genre de Serpents, de l'ordre des
Thanathophides et de la famille des Crotalidœ. Ce genre a
été créé par Daudin pour les animaux présentant tous les
caractères des Crotales, mais portant à l'extrémité de la
queue, au lieu de la sonnette de ces derniers, 10 ou 12 ran-
gées d'écaillés épineuses un peu recourbées en crochet à
leur sommet. Le ptérygoïdien externe est énorme, plat,
très soHde, le maxillaire supérieur très réduit; les pla-
ques ventrales sont disposées en partie suivant un seul
Lachesis mutus.
rang. Le Lachesis mutus ^ un des plus redoutables de la
famille, peut atteindre 2 m. de long. Cette forme remar-
quable habite l'Amérique du Sud. Au Brésil on la trouve
partout. Elle habite les forêts humides. Son venin est tel-
lement actif qu'il fait périr les plus gros animaux et tue
une vache en deux heures. Rocher.
BiBL. : DuMÉRiL et Bibron, Hist. gêner. — Sauvage,
dans Brehm, Edit. franc;., Reptiles.
LA CHESNAYE-DES-Bois (V. Chesnaye).
LA CHÉTARDIE (V. Chétardie).
LAC H EV A R D I È R E (Auguste-Louis), administrateur fran-
çais, né à Paris vers 177Ô, mort le 15 oct. 1828. Em-
ployé à la caisse de l'extraordinaire en 1791, il fit partie,
après le 10 août 1792, de l'administration départementale
de la Seine, et, à la suite d'une courte mission en Vendée, se
signala au club des Jacobins, où il fut protégé par Robes-
pierre. Emprisonné après le 9 thermidor, il vécut sans em-
ploi jusqu'au 18 fructidor, époque où il fut nommé secré-
taire général du ministère de la police. La révolution du
30 prairial (18 juin 1799) lui valut d'être appelé à la pré-
sidence de l'administration départementale de la Seine. Dans
ce poste, Lachevardière fit tous ses efforts pour prévenir le
coup d'Etat du i 8 brumaire. Aussi Bonaparte, arrivé au
pouvoir, voulut-il tout d'abord le déporter. Lachevardière
resta pourtant à Paris et, grâce à la protection du général
Menou, devint consul de France à Hambourg (1802), d'où
il passa au même titre à Dantzig (1807). Rappelé en 1808
et impliqué dans la disgrâce du maréchal Brune, il demeura
dès lors dans la vie privée, uniquement occupé de travaux
et d'études agricoles. A. Debidour.
LA CHÈZE (René de), poète français de la fin du
715 -
LA CHÈZE - LÂCHNER
XVI® siècle, né à Reims. Citons de lui : les Tableaux rac-
courcis de la vie humaine (Reims, 4630) ; les Leçons
morales du sage Théotime(i6W^ in-8) ; les Larmes de
Sion (1630, iii-B).
LACHICHE (Claude-Quentin), ingénieur français, né à
Dole (Jura) en 1719, mort à Paris le 14 oct. 1802. Il
entra comme officier dans le corps du génie, se signala au
siège de Fribourg (1744), puis fut successivement attaché
aux directions de Besançon et de Strasbourg. C'est alors
qu'il conçut son projet de canal de jonction du Rhône au
Rhin par le Doubs, dont il adressa les plans au gouverne-
ment en 1765 et que reprit quinze ans plus tard l'ingénieur
des ponts et chaussées, Ph. Bertrand (V. ce nom). Il ac-
cusa ce dernier de plagiat, prit vivement à partie le corps des
ponts et chaussées tout entier et, finalement, fut mis d'of-
fice à la retraite, en 1783, comme « inapte, en raison de
son caractère, à faire un directeur ». Il était alors briga-
dier des mines et avait rendu, à ce titre, d'excellents ser-
vices à Marseille, dans le Languedoc, dans le Dauphiné.
Mandar décrit très élogieusement son nouveau système de
fortifications (1767). En 1791, l'Assemblée nationale, à
laquelle il avait envoyé de nombreuses adresses, lui conféra
le brevet de maréchal de camp, mais l'exécution du canal
demeura confiée à Bertrand. Il a publié plusieurs écrits :
Prospectus d'un caiial de vingt-cinq lieues (Paris,
1790, in-4) ; Mémoires sur la navigation des rivières et
des fleuves en général (Dole, 1791, in-4), etc. Ses nom-
breux manuscrits sont à la bibliothèque de Dole. L. S.
BiBL. ; C.-Q. La Chiche, Adresses à. l'Assemblée natio-
nale; Paris, 1790 et 1791, 2 broch. in-4.
LACHIÈZE (Pierre-François -Marius-Albert), homme
politique français, né à Martel (Lot) le 14 nov. 1840.
Avocat, maire de Martel, il fut emprisonné sous l'Empire
à cause de ses opinions républicaines. Sous-préfet de Gour-
don (1870), puis d'Argelès (1871), de Gaillac (1873), il
démissonna à la chute de M. Tbiers. Elu député de Gour-
don en 1889, il fut réélu en 1893 avec un programme de
républicain modéré et protectionniste.
LACHINE. Ville du Canada, prov. de Québec, dans l'île
et à 13 kil. S.-O. de Montréal. Commerce de bois, villé-
giature d'été de la grande ville voisine. Pour éviter le ra-
pide du Sault-Saint-Louis, le pire du Saint-Laurent, on a
creusé de Lachine à Montréal le canal de Lachine, long
de 14 kil. Le 4 août 1689, les colons français de Lachine
furent égorgés par les Iroquois.
LACHIS.' Ville forte de l'ancienne Palestine, située au
S.-O. du territoire occupé parla tribu de Juda et qui ser-
vait à le défendre contre les incursions venant du côté de
Gaza ou de l'Egypte. On l'a identifiée avec les ruines qui
portent le nom d'Oumm Lakis et préférablement avec Tell-
el-Hasi.
LACHIZE (Jean-Benoît, dit Félix) ^ homme politique
français, né à Thizy (Rhône) en 1859. Ouvrier tisseur, il
fut élu député de Villefranche en 1889 avec un programme
socialiste. Il a échoué en 1893 dans la même circonscrip-
tion contre M. Sonnery Martin.
LACHKAREV (Sera;e-Lazarevitch), diplomate russe, né
en 1739, mort en 1814. Fils d'un Géorgien établi à Mos-
cou, il étudia les langues orientales et fut envoyé à Cons-
tantinople avec Obrezkov; au moment où l'on enferma
l'ambassadeur russe au château des Sept-Tours, il dirigea
les affaires de l'ambassade et conduisit les négociations
avec la Porte ; il remplit ensuite diverses missions diplo-
matiques dans les congrès, notamment à Nègrepont. En
1774, il fit partie de la mission de Constantinople, fut
consul à Sinope, consul général en Moldavie, Valachie et
Bessarabie, puis fut nommé résident auprès du khan de
Crimée, et plus tard chargé d'affaires en Perse. Il accom-
pagna Catherine II pendant son voyage dans le S. de la
Russie, signa le traité de Jassy et fut fait conseiller intime.
En 1807 il fut désigné pour administrer la Moldavie et la
Valachie. — Son fils, Serge-Serguiévitch (1817-69), a
écrit sur l'économie rurale ; ses premiers articles parurent
en 1843 dans le journal du ministère des domaines ; à partir
de 1844, il servit au département de l'économie rurale et
composa un projet d'assurance rurale et une instruction
sur l'incendie. Nommé administrateur en chef des terres
domaniales de Samara, il dressa la carte administrative de
son gouvernement, fit construire des squares dans la ville
et la dota d'une bibliothèque publique. En 1861 , la Société
économique libre fonda sur son initiative le comité de
l'instruction élémentaire pour laquelle Lachkarev fit beau-
coup. On lui doit également la fondation de la Société de
la flotte commerciale russe. M.
LACHLAN ou KALARE. Rivière d'Australie qui prend
naissance sur le versant 0. des montagnes Bleues, à leur
rencontre avec la chaîne de Cullarin, court d'abord au N.,
puis au N.-O., dans des vallées assez peuplées, puis au
N.-O. et gagne la direction S.-O. par une vaste courbe qui
porte son cours a près de 1,150 kil., pour se jeter à
Bulliamy, dans le Murrumbidgee, qui est lui-même affluent
du Murray. Il reçoit à gauche le Narrawa, le Boorowa ; à
droite le *^Rocky Bridge, le Goobang, le Willondra Billa-
gong ; la plus grande partie de son cours est tracé au mi-
lieu de régions d*élevage presque désertes, à travers des
plaines entrecoupées de collines. Il enveloppe au N. et à
l'O. le vaste district du même nom qui est partagé en une
douzaine de comtés. D. Bellet.
LAC H M A N N (Karl-Konrad-Friedrich-Wilhelm) , célèbre
philologue allemand, né à Brunswick le 4 mars 1793, mort
à Berlin le 13 mars 1851. Il a professé aux universités de
Kœnigsberg (1818) et de Berlin (1825). C'est un des fon-
dateurs de la critique moderne dans le double domaine de
la philologie classique et de la philologie germanique. Ses
travaux sur VIliade, qu'il décompose en plusieurs poèmes,
réunis sous le titre de Betrachtungen ilber Homers Ilias
(^Berlin, 1847 ; 3® éd., 1874), eurent un grand retentisse-
ment. Il faut citer encore sa remarquable édition de Lu-
crèce (1850 et suiv. ; 4<^ éd., 1871-82, 2 vol.), celles de
Properce (Leipzig, 1816), Tibulle (1829), Catulle (1829,
3^ éd., 1874), du Nouveau Testament (avec Buttmann,
1842-50, 2 vol.), de Terentianus Maurus(1836), Gains
(1841), Babrius (1845), Airanus (1845), des Gromatici
veteres (1848-52, 2 vol., avec Mommsen et Rudorff), de Lu-
cilius (par Vahlen, 1876), et plusieurs dissertations remar-
quables. — Dans l'ordre de la littérature germanique, ses
travaux sur les Nibektngen ont excité de vifs débats : Die
ursprûngliche Gestaltcles Gedicfitsder Nibelunge Noth
(Gœttingue, 1816) ; édition critique de ce poème (Berlin,
1826; 5« éd., 1878). Il a aussi édité V^alther von der
Vogel\veide(1827, 5*^ éd. par Miillerhoff, 1875), Vlwein
de Hartmann (avec Benecke, 1827; 4^ éd., 1877), Wol-
fram d'Eschenbach (4 833, 4« éd., 1879), etc.; jeté les
bases delà métrique allemande, par son livre Ueber althoch-
deutsche Betonung und Verskunst (1831), donné une
édition critique des œuvres complètes de Lessing (Leipzig,
1838-40, 13 vol.), etc. A.-M. B.
BiBL. : Sa biographie parGRiMM a été imprimée en tête
du recueil de ses Kleine Schriflen; Berlin, 1876, 2 vol.
LACHNER (Franz), compositeur allemand, né à Rain
(Haute-Bavière) le 2 avr. 1804, mort en 1890. Elève de
l'abbé Stadler et de Sechter (à Vienne), chef d'orchestre
dans un théâtre de Vienne (1826), à Mannheim (1834),
à Munich (1836), où il fut directeur général de la musique
de 1852 à 1867, date à laquelle l'influence de Wagner le
lit démissionner, c'est un des plus habiles et mélodieux
compositeurs de musique vocale et instrumentale de l'Al-
lemagne, disciple de Beethoven et de Schubert qu'il con-
nut à Vienne ; ses lieds se rapprochent de ceux de Schu-
bert. Parmi ses grandes compositions, il faut citer :
Sinfonia appassionnata (1835), Moïse (oratorio), les
Quatre Ages de rhuma7îité (cdinidiie), plusieurs messes,
neuf symphonies, quelques opéras {Die Bilrgschaft, Ali-
dia, Der Guss der Persens, Kalharina Cornaro), Il
revint aux suites d'orchestre, abandonnées depuis Haydn ;
il en a composé six dont le succès fut très vif. — Ses
LACHNER — LACOMBE
— 7i6
frères Ignaz (né en 4807), et Vinzenz (1811-1893),
se sont aussi fait un nom comme compositeurs et chefs d'or-
chestre, le premier à Munich, Hambourg (1853), Franc-
fort (1861-75), le second à Mannheim (1836-73). A.-M. B.
LACHNITH ( Louis- Wenceslas), virtuose et compositeur
tchèque, né à Prague le 7 juil. 1746, mort à Paris le
3 oct. 1820. A la fois violoniste, corniste, claveciniste,
professeur de clavecin, il se fixa à Paris en 1773, y donna
sans succès trois petits opéras-comiques, publia un nombre
considérable de symphonies, concertos, trios et sonates,
et se prépara pour l'avenir une renommée fâcheuse, par
la fabrication de trois pastiches aussi célèbres que détes-
tables : les Mystères d'Isis, arrangement barbare de la
Flûte enchantée de Mozart, joué à l'Opéra le 23 août
1801, parvenu en 1818 à sa centième représentation;
Saûl, chanté à l'Opéra le 7 avr. 1803, formé de morceaux
de Mozart, Haydn, Paisiello, Gossec, Cimarosa; et la
Prise de Jéricho, composé de la même façon et chanté
à l'Opéra le 10 avr. 1805. Chrétien Ealkbrenner (V. ce
nom) avait été le collaborateur de Lachnith pour ces deux
derniers ouvrages. M. Br.
LACHNUS (Entom.). Genre d'Insectes Hémiptères Phy-
thophtires fondé par Illiger pour de grands pucerons ainsi
caractérisés : antennes de six articles ; nervure costale
de l'aile issue d'un ptérostigma linéaire, nervure sous-
costale trifide ; abdomen presque carré, élargi en arrière,
où se voient deux mamelons saillants. Les Lachnus habi-
tent les régions tempérées ; ils vivent surtout sur les chênes
et exsudent une liqueur sucrée très abondante. Lachnus
roboris, longueur, 6 millim., brun foncé, rostre très long;
les individus aptères sont noir métallique et velus ; sur les
chênes rouvres. M. M.
LAC H Y. Com. du dép. de la Marne, arr. d'Epernay,
cant. de Sézanne ; 41 3 hab.
LACINIUM. Promontoire au S.-O. de l'Italie, au S. de
Crotone, célèbre dans l'antiquité par un temple d'Héra
(Junon) Lacinia, dont il reste des fragments de colonne;
d'où le nom moderne de Capo délie Colonne. Annibal y
éleva un autel, avec une inscription en grec et en punique,
où était racontée son expédition. Polybe utilisa ce docu-
ment (V. Polybe, m, 33; Strabon, VÎ, 261).
LACISTÉMÉES (Bot.). Tribu de la famille des Bixa-
cées, caractérisée surtout par les fleurs hermaphrodites,
apétales, amentacées, à une seule étamine fertile ; le genre
unique est Lacistema Sw., dont les représentants ont les
fleurs réunies en petits épis polygames ou plus ordinaire-
ment hermaphrodites; le réceptacle a la forme d'un petit
cône, qui supporte d'abord un calice de quatre à six sépales
étroits, incurvés, puis en dedans un disque glanduleux cu-
puliforme ; plus intérieurement, l'étamine libre, hypogyne,
dont le connectif glanduleux se bifurque pour porter deux
loges d'anthère isolées. Le gynécée, libre et supère, est uni-
loculaire, le style trifurqué au sommet ; la loge ovarienne
contient trois placentas pariétaux portant chacun un ou
deux ovules descendants, avec le micropyle en haut et en
dedans ; le fruit est une capsule loculicide ; les graines, albu-
minées, ont un tégument superficiel charnu et un testa
crustacé ; l'embryon est droit, à radicule longue et supère
et à cotylédons foliacés. Les Lacistema, au nombre d'une
quinzaine d'espèces originaires de l'Amérique tropicale,
sont de petits arbres à feuilles alternes, simples; les fleurs
forment à l'aisselle d'une feuille donnée de petits épis amen-
tiformes. Espèce type : L. myricoides Sw. D^ L. Hn.
LACKAWANNA. Bivière dès Etats-Unis (V. Pennsyl-
vanie).
LACKIN6T0N (James), libraire anglais, né en'^1746,
mort en 1815. Son père, ouvrier cordonnier et ivrogne,
lui fit apprendre son état, qu'il exerça à Bristol et ailleurs,
occupant les intervalles de son travail ài^Jire et à composer
des chansons. En 1773, il installa à Londres une échoppe
de vieux savetier et un étalage de vieux livres. Plus tard,
associé avec Allen, il [fonda, une maison importante de
librairie ancienne et d'édition, qui, sous l'invocation « au
Temple des Muses », devint une des curiosités de Londres.
Il a laissé de curieux Mémoires (1791), et des Confes-
sions (1804) suivies de deux Lettres sur l'éducation des
filles, qui^ n'ont pas le même intérêt que les Mémoires.
LA CLÈDE (N. de), historien français, mort en 1736,
secrétaire du maréchal de Coigny. Il est connu par une
Histoire générale de Portugal (Paris, 1735. 8 vol. in-12),
qui a été traduite en portugais (1781) et souvent rééditée.
LA CLOCHE (Jacques), fils naturel de Charles II d'An-
gleterre et d'une inconnue, né à Jersey en 1647. Elevé
dans le protestantisme, il se convertit en 1667, grâce à
l'influence de Christine de Suède et entra dans la Société
de Jésus. Il remplit diverses missions secrètes entre la cour
de Bome et le gouvernement anglais. En 1665, Charles II
lui avait conféré le nom de Jacques de la Cloche du Bourg
de Jersey et, en 1667, une pension de 500 livres.
LACLOS (Pierre-Ambroise-François Choderlos de), lit-
térateur français, né à Amiens en 1741, mort àTarente
le 5 nov. 1803. Entré au service en 1759, il devint capi-
taine du génie (1778) et secrétaire des commandements
du duc d'Orléans. C'était un homme aimable, très spiri-
tuel, de mœurs simples, doué pour l'intrigue. Il se fit une
réputation par son célèbre roman des Liaisoiis dange-
reuses, « lettres recueiUies dans une société et poursuivies
pour l'instruction de quelques autres » (Amsterdam et Pa-
ris, 1782, 4 vol. in-12); ses Poésies fugitives eurent
moins de succès. Il doit sa célébrité actuelle moins à son
talent littéraire qu'à son rôle d'agent du duc d'Orléans dans
la Bévolution française. On trouvera dans la biographie
de son patron des détails sur ces intrigues dont les adver-
saires de la Bévolution ont exagéré l'importance, attribuant
à Laclos : l'invention delà fable des brigands qui provoqua
l'armement du peuple et la constitution des gardes natio-
nales; la direction secrète des Jacobins, dont il rédigea le
journal, demandant la déchéance de Louis XVI et là pro-
clamation de la Bépublique (lors de la fuite à Varennes) ;
c'est Laclos qui rédigea avec Brissot la pétition du Champ
de Mars de juil. 1791 qui provoqua les massacres. En
1792, il suivit le maréchal Luckner en qualité de colonel
d'artillerie. Arrêté avec le duc d'Orléans, il fut relâché, ce
qu'on attribua à la protection de Bobespierre, et Ton ajouta
que Laclos rédigeait ses discours; il fut remis en prison,
mis en liberté après le 9 thermidor ; il continua l'ouvrage
de Vilate sur les Causes secrètes de la révolution du
9 thermidor (Paris, 1795, in-8), encore un argument
pour ceux qui voient dans cet intrigant littérateur un des
machinistes cachés du grand drame révolutionnaire. Laclos
devint successivement secrétaire général de l'administration
des hypothèques, général de brigade commandant l'artil-
lerie de l'armée du Bhin, inspecteur général de l'artillerie
de l'armée de Naples. A.-M. B.
BiBL. : E. Pariset, Notice sur le général Choderlos de
Laclos, s. 1. n. d., in-8. — Biographische Nachrichten von
Laclos franzœsischen Artillerie-General ; Francfort-sur-
rOder, 1804, in-8. — V. aussi la bibl. de Fart. Orléans.
LACO (Cornélius) (V. Cornelia [Gens']).
LA COLONIE (Jean-Martin de) (V. Colonie).
LACOMBE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. de Saissac; 469 hab.
LACOMBE (François), littérateur français, né à Avi-
gnon en 1733, mort en 1795. Il est connu par la fabri-
cation des Lgi^^r*?^ 5^cr^^55 (^^ Christine, reine de Suède,
aux personnes illustres de son siècle (Amsterdam,
1749, in-12). Citons encore : Observations sur Londres
et ses environs (1780, in-12).
LACOMBE (Jean-Baptiste), révolutionnaire français,
né à Toulouse en 1748, mort à Bordeaux le 15 août 1794.
Président du tribunal révolutionnaire de Bordeaux, il s'est
rendu célèbre par ses exactions et ses cruautés. Condamné
à mort après le 9 thermidor, il fut guillotiné.
LACOMBE (Dominique), prélat français, né à Montré-
jeau le 25 juil. 1749, mort à Angoulême le 7 avr. 1823.
Curé constitutionnel de Saint-Paul de Bordeaux, il fut élu
député de la Gironde à l'Assemblée législative (2 sept. 1791).
^717
LAGOMBE «- LACONIE
Il démissionna le 7 a\T. 4792, devint évêque de Bordeaux
le 24 déc. 4797, présida le concile provincial de Bordeaux
de 4804 et fut nommé par le Consulat évêque d'Angou-
lême (4802). Il se signala par son zèle bonapartiste et par
ses démêlés avec son clergé et avec Rome. La Restaura-
tion lui suscita mille tracasseries, mais ne put obtenir sa
démission. Sa mort même fut une occasion de troubles
violents à Angoulême où les libéraux et les cléricaux se
disputèrent son cadavre.
LA COMBE (Louis Trouillon, dit) (V. Trouillon).
LACOMBE (Pierre-Edmond-Eugène), homme politique
français, né à Rodez le 5 nov. 4 840. Avocat estimé du bar-
reau de Rodez, il fut élu sénateur de l'Aveyron le 25 janv.
4885. Membre de la droite monarchiste, il se révéla comme
un excellent orateur d'affaires, mais échoua au renouvel-
lement de 4894.
LACOMBE (Louis), homme politique français, né à
Rodez le 14 déc. 4853. Notaire, maire de Rodez, il fut
élu député de la première circonscription de Rodez le
20 août 4893 avec un programme républicain modéré.
LACOMBE Saint-Michel (Jean-Pierre), général et
homme politique français, né à Saint Michel-de-Vax (Tarn)
le 5 mars 4754, mort à Saint-Michel-de-Vax le 27 janv^
4812. Elève de FEcole d'artillerie en 4765, il devint lieu-
tenant au régiment de Toul en 4767, capitaine en 4779
et capitaine de bombardiers en 4 786. 11 quitta Paris en
4789, fut élu représentant à l'Assemblée législative dans
le Tarn, fit partie du comité de la guerre et fit décréter la
peine de mort contre tout officier qui livrerait une place à
l'ennemi. Après le 40 août, il fut envoyé au camp de Sois-
sons, puis à l'armée de Montesquieu, qu'il fut chargé de
destituer. Réélu à la Convention, Lacombe Saint-Michel
est particulièrement connu par la mission qu'il remplit en
Corse. Débarqué à Bastia avec Solcieti et Delcher au com-
mencement d'avril, il y resta seul, ses collègues étant ren-
trés en France. Presque sans troupes, sans argent, sans
subsistances, il eut à lutter contre ^es Anglais d'une part
et contre les paolistes de l'autre. Réunissant les fonctions
de représentant et celle de général en chef, il sut faire face
à toutes les difficultés. Le 44 mars 4794, il demanda son
rappel pour cause de santé. Lacombe (général de brigade
depuis le 47 sept. 4793) fut alors envoyé à l'armée du
Nord le 22 août 4794. A son retour en janv. 4795, il fit
partie du comité de Salut public. Après la session, il passa
au Conseil des Anciens, dont il devint président en oct. 4 897 ;
il en sortit en mai 4798 et fut promu général de division
le 43 juin 4798. Nommé ambassadeur à Naples en octobre
il fut capturé à son retour en France par des corsaires qui
l'emmenèrent prisonnier à Tunis. Rentré en France il fut
nommé inspecteur général d'artillerie en mai 4799 et com-
mandant supérieur en Piémont en juil. 4800. Depuis il fit
les campagnes d'Italie, du Hanovre et d'Espagne oti il fut
gouverneur de Barcelone. Sa santé l'obligea à abandonner
le service et à se retirer dans son pays. A. Kuscinski.
LACOMMANDE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Oloron, cant. de Lasseube ; 285 hab.
LAGON (Entom.). Genre d'Insectes Coléoptères Penta-
mères, famille des Elatéridés, fondé par Laporte de Cas-
telnau et ainsi caractérisé : forme robuste, corselet large,
antennes rentrant, au repos, dans des sillons creusés dans
le prosternum. Les Laçons sont des Taupins de taille moyenne
dont les nombreuses espèces, toutes d'une coloration gri-
sâtre, sont répandues sur tout le globe. Le Lacon muri-
nus L. est très commun en France sous les pierres, sous les
plantes ; il est long de 46 millim., brun grisâtre, avec une
pubescence grise ; sa larve ronge les racines de toutes
sortes de graminées et on l'accuse d'attaquer celles des
arbres fruitiers. M. M.
LA CONDAMINE (V. Condamine [La]).
LACONIE. Pays de la Grèce, au S.-E. du Péloponèse;
son ancien nom était Laccdémone qu'Homère applique indif-
féremment à la contrée et à sa capitale ; ensuite prévalut
celui de Laconica (fj Aaxwvixrl) que les Romains abrégè-
rent plus tard en Laconia. Le nom de Laconiens désignait
l'ensemble de la population ; son étymologie est inconnue.
La physionomie du pays est très accentuée et caracté-
ristique. La Laconie est une vallée très creuse entre deux
hauts massifs de montagnes : à l'E. le Parnon, à l'O. le
Taygète ; la plaine correspond au bassin de rEurotas^(auj.
Iri) et va du plateau arcadien au fond du golfe qu'enve-
loppent deux presqu'îles, prolongeant les deux montagnes
jusqu'aux caps Malée et Matapan (V. Grèce). La Laconie
est essentiellement formée par le bassin de^l'Eurotas, dont
dépendaient les forêts giboyeuses du Taygè'te et les vallées
du Parnon. On y distingue le bassin supérieur du fleuve
communiquant d'une part avec le val de J'Alphée et la
Messénie, de l'autre, par l'étroite vallée de l'Oiîlnus avec
les plaines de Tégée et d'Argos dont les routes bifurquent
à Sellasie ; le bassin supérieur est séparé du bassin moyen
par un défilé ; le bassin moyen est la plaine de Sparte,
d une fertilité remarquable ; le bassin inférieur, isolé du
précédent par un second étranglement montagneux, cons-
tituant une gorge de près de 20 kil. de long, coïncide avec
la plaine maritime très riche dans l'antiquité.
L'histoire de la Laconie s'explique par sa géographie ;
entourée de défenses naturelles presque infranchissables,
accessible seulement au N. par une route qu'il est aisé de
barrer, adossée à de rudes montagnes qui étaient de vastes
terrains de chasse, elle facilitait la formation d'un Etat
militaire. D'autre part, l'existence de deux plaines fertiles,
nettement séparées, présageait un dualisjne et un antago-
nisme persistant entre les gens de la plaine centrale et
ceux de la plaine maritime ; les uns agriculteurs, chasseurs,
de tendances conservatrices; les autres accessibles aux
influences orientales, propagées par mer. Aux origines de
l'histoire, le pays appartient aux Lélèges, peuple mixte,
auquel on rattachait les héros éponymes de Lacédémone,
Sparte et Amyclées. Plus tard régnent des Achéens, dont
le plus fameux est Ménélas, l'époux d'Hélène. A ceux-ci
succèdent les Dorions sous leurs rois Héraclides (V. Grèce).
Ils ne possèdent d'abord que Sparte, laissant Amyclées à
un prince achéen, tandis que Las, Pharis, JEgys et une
autre cité demeurent autonomes. On verra dans l'art.
Sparte comment s'organisa l'Etat dorien et comment il
s'étendit sur la Laconie, puis au delà ; subjuguant les
Achéens d'Amyclées, les habitants de la plaine maritime et
d'Hélos, arrachant aux Arcadiens (vers 600) le bassin
supérieur de l'Eurotas (districts de Sciritis, Caryatis, Be-
leminatis et Maleatis); aux Argiens, la Cynurie, versant
oriental du Parnon (547), asservissant les Messéniens. De
547 à 374, ces limites ne varièrent guère. Mais, après le
désastre de Leuctres, les Spartiates reperdirent la Mes-
sénie et quelques cantons du N. et de l'E. Enfin les Ro-
mains divisèrent la Laconie. En 495, Flamininus enleva à
Sparte les cités maritimes et quelques autres, les unissant
à la ligue achéenne. Cette scission fut renouvelée par
Auguste et les vingt-quatre cités des Eleuthéro-Lacones
virent confirmer leurs libertés ; elles étaient réduites à
dix-huit au temps de Pausanias : Gvthium, Teuthrone, Las,
Pyrrhicus, Caînepolis, OEtylus, Leuctra, Thalamœ., Ala-
gonia, Gerenia, Asopus, Acrise, Bœœ, Zarax, Epidaurus-
Limera, Brasise, Geronthrse, Marios. La Laconie fut dé-
vastée par les Goths d'Alaric ; plus tard, il s'y étabUt
quelques bandes slaves qui furent domptées ou refoulées
dans Taygète au temps de l'impératrice Irène. En 4 248,
Guillaume de Villehardouin se bâtit un château sur une
colline, au pied de Taygète, à 5 kiL de Sparte (Lacedai-
monia) ; cette résidence de Misithra ou Mistra fit aban-
donner l'ancienne ville et demeura la capitale de la Laconie
jusqu'au xix^ siècle.
Les principales villes de la Laconie antique étaient :
Pellana, dans la vallée de l'Eurotas, gardant la route de
Megalopolis ; Belemina et .^gys, enlevée aux Arcadiens,
formant une tripolis, groupe de trois cités ; dans la vallée
de l'OEnus était Sellasie, gardant les routes de Tégée
et d'Argos ; la première traversait le canton de Sciritis,
LACONIE — LACORDAIRE
- 718 —
renfermant Scirus et OEum. Dans la plaine centrale étaient
les cités voisines de Sparte, Amyclées (à 4 kil. au S.) et
Pharis (au S. de celle-ci) sur la rive droite de l'Eurotas.
Les principales cités de la plaine méridionale étaient Cro-
cese, Mgidd, le port de Gylhium, le principal à Tépoque
dorienne ; à l'E. de celui-ci, les ports de Trinasus, Hélos,
Acriaî, Asopus ou Cyparissia, Onugnathus et Bœaî dans
la presqu'île, puis Etis, Aphrodisias, Side, au N. du cap
Malée, Epidaure-Limera, Zarax, Ciphanta, Prasiœ, sur le
rivage oriental ; dans l'intérieur, entre l'Euroîas et le
Parnon, étaient Geronthrse, Marins Glyppia, Selinus. A
rO. de Gythium, on trouvait, en allant vers la presqu'île
de Ténare : Las ou Asine sur la côte ; Hypsi dans l'in-
térieur ; Teuthrone sur la côte ; Ténare' ou Csenepolis,
(Etylus, Thalamae, dans une île ; Pamisius, à l'ancienne
frontière de Messénie, Leuctra et enfin Cardamyle et
Gerenia. A. -M. B.
BiBL. : V. Grèce et Sparte.
LAGON 1 EN (Dialecte). Le dialecte parlé dans l'ancienne
Laconie, dans la colonie laconienne de Tarente, et dans 'la
colonie de cette dernière ville, Héraclée, appartient au groupe
dorien. Il est connu par plusieurs inscriptions et quelques
monuments littéraires. Les textes épigraphiques les mieux
caractérisés sont la stèle de Damonon (v® siècle), l'inscrip-
tion de Xouthias, trouvée à Tégée, mais écrite en laconien
(v® siècle), les inscriptions du Ténare (v® siècle). Les cé-
lèbres tables d'Héraclée, découvertes en 4732, aujourd'hui
au musée de Naples, sont de la fin du iv® siècle, et ren-
ferment déjà des formes de la langue commune. Le laconien
suivit d'ailleurs les destinées des dialectes doriens, et dis-
parut de l'usage à mesure que la langue commune prit plus
d'importance ; il est à noter cependant qu'à l'époque impé-
riale un certain nombre de documents laconiens furent
écrits dans une langue archaïsante, qui s'appliquait à repro-
duire les caractères de l'ancien dialecte. Les monuments
littéraires sont les fragments d'Alcman, mais ils ont été
tellement maltraités par les recenseurs et les copistes qu'ils
ne peuvent être considérés comme une source pure. Les
formes laconiennes qu'on rencontre dans la Lysistrata
d'Aristophane doivent être jugées avec une certaine réserve ;
il en est de même du traité entre Sparte et Argos rapporté
par Thucydide (v, 77). Pour la lettre de Chilon et le décret
contre Timothée, V. Dorien. Enfin le lexique d'Hésychius
est riche en formes laconiennes. Le laconien se distingue
des autres dialectes doriens, dont il présente les caractères
généraux, par plusieurs particularités dont voici les princi-
pales : emploi du digamma ; a pour 9 (inscriptions récentes) ;
p pour a à la fin des mots, comme en éléen ; 88 pour t
comme dans le béotien ; et surtout la chute du ç intervoca-
lique, primitif ou non, et son remplacement par l'esprit
rude, qui cependant n'est pas toujours écrit. Le dialecte
laconien, selon l'opinion générale, a persisté jusqu'à nos
jours, et a laissé comme rejeton le dialecte tzaconien
(V. ce mot). Mondry Beâudouin.
LACORDAIRE (Jean-Auguste-Philibert-Alexandre), in-
génieur français, né à Bussières (Haute-Marne) le i^^ mai
1789, mort le 20 juin 1860. Il appartenait au corps des
ponts et chaussées, où il était en dernier lieu inspecteur
divisionnaire. lia marqué par l'exécution de travaux d'une
grande importance au canal de Bourgogne, de 1824 à
1839. C'est à Lacordaire qu'on doit les projets du grand
souterrain du bief de partage, des réservoirs de Grosbois et
de Cercey, et de toute la partie du canal comprise entre le
bief de partage et Aisy. Chargé plus tard du service de la
Saône, des projets de divers canaux et de celui du chemin
de fer de Mulhouse à Dijon, il résida dans cette dernière
ville de 1842 à 1847; c'est pendant ce séjour dans la ca-
pitale de la Bourgogne qu'il découvrit le ciment naturel à
prise rapide, connu sous le nom de ciment de Pouilly ou
de ciment Lacordaire, et en créa Texploitation. De 1839 à
1847, Lacordaire a été député de la Haute-Saône, et a pris
en cette qualité plusieurs fois la parole à la tribune, sur
des qaestions de travaux publics. M.-C. L.
BiBL. : Tarbé de Saint-Hardouin, Notices biogra-
phiques sur les ingénieurs; Paris, 1884, gr. in-8.
LACORDAIRE (Jean-Théodore), voyageur et naturaliste
français, né à Recey-sur-Ource (Côte-d'Or)le l®^févr.l801,
mort à Liège (Belgique) le 18 juil. 1870. Il commença
l'étude du droit à Dijon, mais se porta de préférence vers
l'histoire naturelle. En 182o, il s'embarqua au Havre et
jusqu'en d832 fit quatre voyages dans l'Amérique du Sud
et une excursion au Sénégal. H collabora ensuite au Temps
et à la Revue des Deux Mondes ;^ en 1835, il fut nommé
professeur de zoologie à l'université de Liège, et en 1838
obtint en outre la chaire d'anatomie comparée ; enfin, en
1850, il devint doyen de la faculté des sciences. Lacordaire
a été l'un des premiers parmi les entomologistes de notre
temps. On lui doit : Introduction à V entomologie, com-
prenant les principes généraux de Vanatomie et de la
physiologie des insectes^ etc. (Paris, 1834-37, 2 vol.
in-8); avec Boisduval : Faune entomologique des envi-
rons de Paris (Paris, 1835, in-8); Monogr, des Ero-
tyliens, etc. (Paris, 1842, in-8); Monogr, des Coléop-
tères suhpentamères de la famille des Phytophages
(Paris, 1845-48, 2 vol. in-8); Hist, nat. des Insectes
(Paris, 1854-68, 8 vol. in-8). D^ L. Hn.
LACORDAIRE (Jean-Baptiste-Henri), frère prêcheur,
membre de l'Académie française, né à Recey-sur-Ource
(Côte-d'Or) le 12 mai 1802, mort à Soréze (Tarn) le
22 nov. 1861. Il était le second fils d'un médecin qui
avait fait campagne en Amérique, sous Rochambeau, et
par sa mère petit-fils d'un grefiier au parlement de
Bourgogne. Il perdit son père quatre ans après sa nais-
sance. En 1812, il entra au lycée de Dijon, avec une
demi-bourse. Après avoir été un élève médiocre dans les
classes inférieures, il obtint en rhétorique des succès qui
faisaient augurer un brillant avenir. En 1819, il quitta le
lycée « avec une religion détruite et des mœurs mena-
cées » {Mémoires). L'année suivante, il suivit les cours
de la faculté de droit, associant à une étude sérieuse de la
jurisprudence celle « des plus hauts problèmes de la phi-
losophie, de la politique et de la littérature » [Mémoires)^
plaçant fort au-dessus de Voltaire J.-J. Rousseau, dont il
subissait « le charme, utile quelquefois à des jeunes gens
qui ne respectent rien » (Lettre du 30 juin 1853). Sa
religion était alors le déisme admirateur de l'Evangile,
professé par le Vicaire savoyard; et il estimait que la
France ne serait bien que lorsqu'elle serait protestante
{^otes de famille). A Paris, où il alla faire son stage
(automne 1822), il vécut chastement, « travaillant avec
une patiente ferveur, suivant un peu le barreau et attaché
à une société de jeunes gens qu'on appelait alors des
Bonnes-Etudes, société à la fois royahste et catholique,
où il se trouvait, sous ce double rapport, comme étranger
{Mémoires).
Ses débuts au palais firent dire à Berryer qu'il pouvait
se placer au premier rang du barreau, s'il évitait l'abus
de sa facilité pour la parole. Mourre, procureur général
à la cour de cassation, l'admit à travailler dans son
cabinet, comme secrétaire libre. — On a attribué sa
conversion à l'influence des écrits de Lamennais {Essai
sur V indifférence). Montalembert prétend, au contraire,
« qu'aucun homme, ni aucun livre n'en fut l'instrument.
Un co)ip subit et secret de la grâce lui ouvrit les yeux
sur le néant de l'irréligion. En un seul jour, il devint
chrétien. » La correspondance de Lacordaire montre que
cette conversion fut le résultat d'une évolution intime,
relativement lente, incitée par les postulats de son imagi-
nation. Dès le mois de nov. 1823, il écrivait à un jeune
avocat : « J'ai l'âme extrêmement religieuse et l'esprit très
incrédule, et comme il est de la nature de l'âme de sou-
mettre l'esprit, il est probable qu'un jour je serai chré-
tien. » Quand on est hanté par des pressentiments de ce
genre, ils finissent ordinairement par prévaloir tôt ou tard.
Au commencement de 1824, il écrivait à un autre ami :
« Croiras-tu que je deviens chrétien tous les jours ? C'est
une chose singulière que le changement progressif qm se
fait dans mes opinions. J'en suis à croire, et je n*ai jamais
été plus philosophe. Un peu de philosophie éloigne de la
religion, beaucoup de philosophie y ramène : grande vé-
rité î » Enfin, le il mai : « J'entre demain matm au sémi-
naire de Saint-Sulpice. »
On le plaça dans la maison que le séminaire de Saint-
Sulpice possède à Issy. Mais, sûr du sentiment qui Ty
avait poussé, il ne songeait pas assez à réprimer les sail-
lies d'une intelligence qui avait trop discuté de thèses, et
d'un caractère qui ne s'était pas encore assoupli. Sa voca-
tion devint promptement suspecte (Mémoires). Les échap-
pées de sa nature impétueuse, ses convictions libérales, sa
résistance instinctive à certaines petites exigences de la
règle alarmaient ses directeurs. On différa de l'appeler aux
ordres sacrés ; il en souffrit, et peu ne s'en fallut qu'il ne
quittât le séminaire pour aller chez les jésuites. Ms** de
Quelen s'y opposa. Au mois de déc. 4826, le sous-dia-
conat lui fut conféré. Il écrivit alors à son frère : « Dans
cette division générale qui fait que de l'Europe à l'Amé-
rique deux hommes d'esprit ne s'entendent plus sur deux
idées, tu as pris le parti des temps nouveaux ; j'ai pris le
parti des temps anciens. Je me suis attaché à ce que j'ai
trouvé de plus fort, de plus frappant, de plus extraordi-
naire en ce monde, à la seule religion qui soit certaine.
L'expérience m'a prouvé de plus en plus que j'avais ren-
contré juste, et la vie chrétienne m'' a démontré le
dogme chrétien. » C'était l'application de la recelte pro-
posée par Pascal : Désirer croire, agir comme si on
croyait, et on finit par croire. Il reconnaissait d'ailleurs
qu'il avait été amené aux idées chrétiennes par ses idées
sociales.
Le 22 sept. 1827, il fut ordonné prêtre par Ms^ de
Quelen, dans la chapelle particulière de cet archevêque. —
Il refusa les vicariats importants qu'on s'empressa de lui
offrir, et même le poste d'auditeur de la Rote, qui ouvre
ordinairement l'accès aux plus hautes dignités de l'Eglise.
A cette dernière proposition il répondit : « Lorsque je me
suis décidé à entrer dans le sacerdoce, je n'ai eu en vue
qu'une chose : servir l'Eglise par la parole... Je serai
simple prêtre, et probablement un jour religieux. » Il
se contenta d'être aumônier du couvent de la Visitation,
et il conserva cet emploi, lorsque Vatismesnil, ministre de
l'instruction publique, l'eut nommé second aumônier du
collège royal Henri IV. Dans ce collège, il sentit croître
intolérablement son dégoût et sa haine contre l'éducation
donnée par l'université. Lorsque la révolution de 1830
éclata, il se préparait à partir pour l'Amérique, où Dubois,
évêque de New York, voulait l'emmener, lui offrant
une place de grand vicaire. Cet évêque fut obligé de dif-
férer son départ; Lamennais fonda le journal V Avenir ^ et
Lacordaire resta en France.
Le premier numéro de V Avenir parut le 16 oct. 1830.
Ce journal portait pour devise : Dieu et liberté. Ses prin-
cipaux rédacteurs étaient Lamennais, Gerbet, Rohrbacher,
protestant converti, Lacordaire, Bartels, Montalembert,
De Coux, Daguerre, Salinis, Waille. Ils réclamaient la sé-
paration de l'Eglise et de l'Etat, un clergé doté par les
fidèles et non salarié par le budget, la liberté de la presse,
de l'enseignement, des associations ; l'affranchissement des
nationalités en Belgique, en Italie, en Pologne. Une agence
pour la défense de la liberté religieuse était établie
dans les bureaux du journal, en vue : 1** de dénoncer
et de réprimer tout acte contraire à la liberté du ministère
ecclésiastique; 2^ de protéger tout établissement libre
d'instruction ; 3^ de faire reconnaître et respecter le droit
d'association ; 4° de centraliser les efforts tentés par toutes
les associations formées en France. Lacordaire servit ces
causes dans le journal, avec une chaleur, une constance, un
courage et un talent incontestables, et il les défendit avec
une audacieuse éloquence, sinon toujours avec succès, de-
vant les tribunaux et devant la Chambre des pairs. Afin de
plaider dans les procès catholiques où il n'était pas cité
719 — LACORDAIRE
personnellement comme partie, il sollicita sa réintégration
parmi les membres du barreau de Paris; mais elle lui fut
refusée par le conseil de Tordre des avocats. En moins de
quatorze mois, il écrivit pour V Avenir plus de cent articles
d'une étendue inégale, mais tous d'une réelle valeur. Un
grand nombre d'évêques, àla tête desquels setrouvait l'arche-
vêque de Toulouse, réprouvèrent hautement les doctrines
de ce journal; dans plusieurs diocèses, la lecture en fut
formellement interdite, et on éloigna des ordres les jeunes
gens suspects de sympathie pour la nouvelle école. On pré-
tendait même, mais sans rien préciser, qu'elle était con-
damnée à Rome. Dès le mois de févr. 1831, les rédacteurs
de V Avenir soumirent leurs principes au jugement du
pape. Ne recevant pas de réponse, ils prirent le parti de
suspendre la publication de leur journal (15 nov. 1831,
treize mois après sa fondation) et de se présenter eux-
mêmes devant le saint-siège. Lamennais, Montalembert et
Lacordaire partirent pour Rome. Après de longues et pé-
nibles sollicitations, ils n'obtinrent audience qu'à la condi-
tion de ne point parler de l'objet de leur voyage. Enfin,
lassés, ils quittèrent Rome (juil. 1832). En revenant en
France, ils apprirent que l'encyclique Mirari vos{iïy août
1832) condamnait les principaux points de la doctrine
professée par leur journal. Ils se soumirent, mais on sait
que Lamennais ne persévéra pas dans cette soumission que
sa conscience réprouvait. Lacordaire, qui s'y résigna, se
sépara de lui (4 déc. 1832). Rétabli par l'archevêque de
Paris dans ses fonctions d'aumônier de la Visitation, il se
recueillit dans une retraite studieuse, se proposant la com-
position d'un grand ouvrage sur l'Eglise et le monde au
XIX® siècle^ et se préparant à la prédication.
Les débuts de Lacordaire comme prédicateur eurent lieu
à Saint-Roch ; ils ne furent point heureux. Au contraire,
les conférences qu'il fit bientôt après au collège Stanislas
(1824) eurent un retentissement considérable. Mais quel-
ques expressions échappées à son improvisation suscitèrent
des inquiétudes sur son orthodoxie. Après trois mois de
vifs succès, ces conférences furent suspendues par M^^"^ de
Quelen « pour éviter de donner du mouvement aux esprits
toujours prêts à s'entre-choquer ». On lui offrit alors et il
refusa la direction de V Univers, qu'on venait de fonder,
et une chaire à l'université catholique de Louvain. Afin de
rassurer ceux qu'alarmaient encore ses anciennes relations,
il écrivit ses Considérations sur le système philoso-
phique de M. de Lamennais (Paris, 1834, in-8), où les
fidèles virent un humble aveu de ses propres erreurs, en
même temps qu'une protestation en faveur des droits et de
l'honneur de l'Eglise, mais où les autres trouvèrent beau-
coup de choses inutilement dures et blessantes pour un
homme dont la sincérité avait droit au respect. Au carême
suivant (1835), Ms^ de Quelen lui confia la chaire de
Notre-Dame.
Pendant deux années, ses conférences remplirent la
vaste église d'auditeurs et d'admirateurs, parmi lesquels
très peu sortirent convertis. Il y inaugura un genre
de prédication fort modernisé, qu'il n'a point cessé de déve-
lopper depuis. En exposant la doctrine catholique, il effleu-
rait toutes les questions agitées en ces moments : politique,
liberté, nationalité, industrie, chemins de fer, Pologne,
Révolution, empire, système pénitencier, et aussi, à côté
des actualités, les questions qui émeuvent dans tous les
temps : famille, maternité, amitié, amour. Le tout dans
un style alternativement romantique et familier, relevé
d'expressions hardies, parfois assez libres, attribuées aux
écarts de l'improvisation, mais soigneusement reproduites
dans les feuilles revues pour l'impression. Diction vive et
limpide, entrecoupée d'éclats véhéments, gestes artistement
éloquents. — Dès la fin de la première station, l'arche-
vêque l'appela le prophète nouveau, le nouveau Chry-
sostome, et le fit chanoine honoraire. — Suivant Sainte-
Beuve, il n'y avait aucun prédicateur « qui, par la hardiesse
des vues et l'essor des idées, par la nouveauté et souvent
le bonheur de l'expression, par la vivacité et l'imprévu des
LACORDAIRE
--. 720 ^
mouvements, par Téclat et Fardeur de la parole, par l'ima-
gination et môme la poésie qui s'y mêlaient, pût se com-
parer à Lacordaire ».
Après le carême de 1836, Lacordaire se rendit à Rome
« pour achever de régler son âme avec Dieu » (Lettre à
M'"^ Svetchine, ^ mai 1836) et aussi pour se défendre
contre les insinuations de ceux qui avaient gardé à son
égard des défiances qu'entretenaient les procédés de sa
prédication. Comme il baisait les pieds du pape, celui ci lui
serra la tête avec effusion, disant : « Je sais que l'Eglise a
fait en lui une grande acquisition. » Il écrivit alors sa
Lettre au saint-siège^ qui ne fut publiée en France que
deux années plus tard et avec modifications. De tout ce
qu'il avait eu de commun avec Lamennais, cette lettre le
montre n'ayant gardé qu'une chose, infiniment agréable à
Rome, le système qui fait du pape le maître absolu de
l'Eglise et l'organe infaillible de la vérité universelle. Au
mois de nov. 1837, il revint en France et prêcha à Metz
pendant tout l'hiver de 1838. —Nous avons rapporté plus
haut que, aussitôt après son ordination, refusant des offres
fort avantageuses, il avait répondu : « Je serai simplement
prêtre et probablement un jour religieux, » Sa nature
semble avoir été ainsi constituée que les pressentiments y
germaient et finissaient par éclore en résolutions. D'ailleurs,
il voulait « servir l'Eglise par la parole » et « il n'éprouvait
aucune vocation pour le ninistère des paroisses » {Lettre
inédite^ sept. 1836). L'idée d'être religieux commença à
poindre en lui dès son second séjour à Rome. Il en revint,
rêvant de se faire dominicain : il serait ainsi parmi les
frères prêcheurs. Peut-être aussi l'impopularité de leur
ordre tentait-elle inconsciemment cet esprit paradoxal. Dès
les premiers mois de 1839, il publia un Mémoire pour le
rétablissement en France de l'ordre des frères prê-
cheurs (Paris, in-8). Il y affirmait que les moines et les
chênes sont éternels. Le 9 avr., il reçut l'habit, avec
deux autres Français, dans l'église de la Minerve à Rome ;
et il se mit aussitôt à composer la Vie de saint Dominique
(éditée en 1841, Paris, in-8). M™^ Svetchine s'empressa
de lui écrire que « ce livre n'était point seulement un
chef-d'œuvre, mais un miracle, parce qu'il était destiné à
en faire ». Elle lui rapporta plus tard que Chateaubriand
avait dit: « Ce n'est pas seulement un talent hors ligne,
c'est un talent unique ; c'est immense comme beauté,
comme éclat. Je ne sais pas un plus beau style. » Vers le
même temps, « le froc séculaire de saint Dominique »
reparaissait avec lui dans la chaire de Notre-Dame « sans
audace et sans crainte » (14 févr. 1841). Sous ce froc,
Lacordaire y prêcha sur la Vocation de la nation fran-
çaise. Ce fut la seule fois en cette année. Il reprit posses-
sion de cette chaire le premier dimanche de l'A vent 1843,
pour n'en descendre qu'en 1851. Dans cet intervalle était
survenue la révolution de Février, qui le fit de nouveau
journaliste (fondation de VEre nouvelle)^ puis candidat
malheureux à Paris, dans les Côtes-da-Nord, la Mayenne,
l'Isère, le Var, et représentant du dép. des Bouches-du-
Rhône à l'Assemblée nationale. Il y siégea en froc blanc,
au sommet des bancs de la Montagne; mais le 18 mai,
quatorze jours après l'ouverture et trois jours après l'en-
vahissement de l'Assemblée, il donna sa démission, par
crainte « de ne plus être ce qu'il devait rester devant Dieu
et devant ses électeurs ». Peu après, il se retirait aussi de
VEre nouvelle, dont il avait promis, quelques mois aupa-
ravant, de faire « un drapeau où la religion, la république
et la liberté s'entrelaceraient dans les mêmes plis ». Après
le coup d'Etat de 1851, « pour ne point se lier à des
hommes et à des choses dont il redoutait la solidarité », il
repoussa toutes les sollicitations qui le rappelaient à Notre-
Dame. Il quitta même Paris, et alla visiter, comme vicaire
général, les couvents de son ordre en Belgique, en Hollande
et en Angleterre. Il ne devait plus prêcher à Paris qu'une
seule fois, le 10 févr. 1853, à Saint-Roch. Sur le texte
Esto vir, il parla des abus de la force et il s'écria en ter-
minant : « Moi aussi, je suis une liberté, il faut que je
disparaisse. » Le gouvernement impérial exigea qu'il s^éloi-
gnât de Paris, et les évêques de l'empire sentirent qu'il
serait compromettant de l'appeler dans les chaires de leurs
diocèses. Lacordaire donna ses dernières conférences à
Toulouse en 1 854. Dès lors, il se voua entièrement à l'édu-
cation ou plutôt à la direction de la jeunesse.
Le premier couvent de l'ordre des frères prêcheurs ré-
tabli en France fut fondé à Nancy en 1843, fruit d'une sta-
tion que Lacordaire avait préchée dans la cathédrale et qui
avait duré tout l'hiver. En 1861, cet ordre comptait en
France 14 maisons et 258 religieux. L'autorité de Lacor-
daire lui avait procuré la plus grande part des hommes et
de l'argent qui avaient opéré ce résultat. •— Constatant que
les succès, même les plus brillants, de la prédication ne
produisent d'ordinaire que des effets superficiels, convaincu
de l'importance capitale de l'éducation de la jeunesse, et
comprenant que l'œuvre de cette éducation est incompatible
avec les exigencesde la vie monastique, mais qu'elle réclame
une règle spéciale et des vocations particulières, Lacordaire
institua un tiers-ordre voué à l'enseignement. Cette ins-
titution prit naissance en 1852 à Oullins, près de Lyon,
dans un pensionnat ecclésiastique dont la propriété avait
été cédée à Lacordaire. Deux ans plus tard, le tiers-ordre
entrait à Sorèze (Tarn), dans le vaste collège fondé en
1682 par les bénédictins. Ce fut là que Lacordaire passa
les dernières années de sa vie. II y écrivit ses Lettres à
un jeune homme sur la vie chrétienne (Paris, 1858,
in-8), premiers chapitres d'un ouvrage resté inachevé, dans
lequel il se proposait de faire pour la vie ce que les confé-
rences de Notre-Dame avaient fait pour le dogme. Il y dicta
aussi, en huit heures, sa brochure sur la Liberté de
V Eglise et de V Italie (Paris, 1860, in-8), où il proclamait
que la souveraineté temporelle des papes est « un dogme
naturel, qui tient à la raison et à la Providence » et où il
disait aux Italiens : « Sachez-le bien, c'est Dieu qui a fait
Rome pour son Eglise. Il n'y a pas un consul ni un César
dont la pourpre n'ait été prédestinée pour orner le trône
où devait s'asseoir le vicaire de Jésus-Christ. Vous avez
mis contre vous une volonté éternelle de Dieu. Vous la
trouverez, n'en doutez pas. » Trente-cinq années ont passé
sur cette prophétie, et chaque année écoulée semble en
avoir éloigné l'accomplissement. — Elu membre de l'Aca-
démie française en remplacement d'Alexis de Tocqueville,
Lacordaire y prononça, le 15 janv. 1861, son discours de
réception, auquel Guizot répondit. Ce fut son dernier dis-
cours ; il contient de nobles paroles sur la liberté, Tibère
et les tyrans. Sainte-Beuve, qui cheminait alors vers le
Sénat, le trouva médiocre.
Cinq ans après la mort de Lacordaire, le P. Chocarne
révéla au public des choses fort inattendues {Lacordaire^
sa vie intime et religieuse; Paris, 1866, 2 vol. in-8):
Lacordaire se donnait la discipline tous les jours, même au
temps des plus retentissantes conférences, et plusieurs fois
par jour souvent. 11 obligeait ses frères, au nom de la
sainte obéissance, à l'attacher les épaules nues à un po-
teau, à le flageller, à lui cracher au visage, à l'insulter, à
le fouler aux pieds, à le lier sur une croix pendant les trois
longues heures que Jésus-Christ était resté sur la sienne.
Lesfidèles, surpris et déconcertés d'abord par ces révélations,
s'efforcèrent bientôt de s'en montrer édifiés, renonçant, di-
saient-ils, à justifier des choses qui sont des folies aux
yeux de ceux qui ne peuvent les admirer. En effet, les pro-
fanes refusèrent leur admiration, se déclarant prêts à l'offrir
à tout homme de foi qui, pour servir la cause que sa con-
science a embrassée, brave des dangers réels, endure des
outrages et des tourments infligés par des adversaires ; mais
ils se sentaient irrespectueusement inquiets sur l'état mental
de celui qui se faisait administrer par des amis un martyre
que lui refusait le monde, obstiné à l'applaudir comme artiste.
— Pour quelques développements nécessaires, V. Lamen-
nais, MoNTALEMBERT. — Supplément aux indications bi-
bliographiques données dans cette notice, sur l'œuvre de
Lacordaire : Conférences à Notre-Dame de Paris (1 835-50 ,
— n\ —
LACORDAmE — LACOUR
3 vol. in-8) ; Discours sur la Vocation de la nation fran-
çaise (Paris, 4844, in-8); Prédications à Nancy (4843,
in-8) ; Coîiférences à Lyoîi et à Grenoble (Lyon, 4845,
in-8) ; Conférences à Toulouse (Toulouse, 4854, in-8) ;
Discours sur la Loi de Vhistoire (Toulouse, 4854, in-8) ;
Eloge funèbre de ilF^ de Forbin-Janson (Paris, 4844,
in-8) ; Eloge funèbre du général Drouot (Paris, d847,
in-8) ; Eloge funèbre d'O'Connell (Paris, 4848, in-8) ;
Correspondance avec M^^ Svetchine (Paris, 4 862, in-8) ;
Correspondance avec la comtesse de la Tour du Pin
(Paris, 4863, in-8) ; Lettres à des jeunes gens (Paris,
4864, in-8); Lettres à Th, Foisset (Paris, 4886, 2 vol.
in-8) ; Sermons, instructions et allocutions (Paris,
4886-88, 3 vol. in-8 et in-42) ; édition de ses OEuvres,
en deux formats (Paris, 4858, 6 vol. in-8 et in-42).
E.-H. YOLLET.
BiBL. : MoNTALEMBERT, le P. Lacovdaire ; Paris, 1862,
in-8. — Alb. de Broglie, Discours de réception à l'Aca-
démie française,, 26 févr. 1863. — Mourey, Dernière Ma-
ladie et mort du R. P. Lacordaire; Paris, 1868, in-8. —
H. ViLLARD, Correspondance inédite du P. Lacordaire^
précédée d'une étude biographique et critique ; Paris,
1870, in-S. — Duc de Broglie, le Père Lacordaire (Paris,
1889, in-12).
LACORNÉE (Jacques), architecte. français, né à Bor-
deaux en 4779, mort à Paris en 4856. Elève de Bonnard,
dont il fut l'inspecteur dans les travaux de construction du
palais du quai d'Orsay (ancien palais du Conseil d'Etat et
de la Cour des comptes, incendié en 4874), il succéda en
4824 à son maître comme architecte de cet édifice qu'il
termina en 4835. Il fut également l'architecte du Minis-
tère des affaires étrangères, à l'angle du quai d'Orsay et
de l'esplanade des Invalides, vaste ensemble d'édifices qu'il
commença en 4844 et qui était presque entièrement achevé
lors de sa mort. Lacornée fut de plus l'architecte du Mi-
nistère des finances pour la direction des contributions
indirectes, et c'est en cette qualité qu'il fit élever la Ma-
nufacture des tabacs de Paris et agrandir ou construire
les manufactures ou établissements de la régie à Lille, à
Bordeaux, au Havre, à Toulouse, à Lyon et à Strasbourg.
Comme travaux particuliers, on doit à Lacornée : le château
de Sassetôt (Seine-Inférieure) et la restauration du château
de Saint-Just (Eure). Charles Lucas.
LACOSTE. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Lodève,
cant. de Clermont ; 240 hab.
LACOSTE. Corn, du dép. de Vaucluse, arr. d'Apt, cant.
de Bonnieux ; 440 hab.
LA COSTE (Jean de), Janus ou Joannes a Costa, ca-
noniste, né à Cahors vers 4560, mort en 1637. Il suivit
les leçons de Cujas à Bourges et professa à Toulouse,
Bourges, Bologne, Avignon. /(Eu vre principale: In Décré-
tâtes Gregorii IX Summaria et Commentarii (Paris,
4676, in-4), réimprimée à Naples et à Leipzig.
LACOSTE (Jean, baron de), ministre français, né à Dax
en 4730, mort en d820. Après avoir rempli avant 1789
un emploi important au ministère delà marine, il fut, après
la Révolution, chargé d'une mission administrative aux îles
du Vent et, de retour à Paris, fut nommé ministre de la
marine (45 mars 4792). Dévoué tout à la fois à la Révolu-
tion et à la royauté, il dut se retirer avec ses collègues le
40 juil. suivant. Décrété d'accusation par la Convention, il
fut acquitté par le tribunal criminel de Paris (févr. 4793).
Plus tard (4800) Bonaparte l'appela au conseil des prises,
oti il siégea jusqu'en 1814. A. Debidour.
LACOSTE (Elie), homme politique français, né à Mon-
tignac en 4745, mort à Montignac en 4806. Médecin à
Montpellier, il devint sous k Révolution administrateur
du dép. de la Dordogne, puis député de ce département à
l'Assemblée législative et à la Convention. Il remplit di-
verses missions, notamment à l'armée, fit partie du comité
de Sûreté générale et plus tard, bien qu'il eût pris une part
notable aux journées de Thermidor, il resta fidèle à la Mon-
tagne. Décrété d'arrestation après l'insurrection de Prai-
rial, il réussit à se soustraire aux recherches. Après l'am-
nistie du 25 ocî. 4795, il rentra dans son pays natal.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
LACOSTE (Jean-Baptiste), homme politique et adminis-
trateur français, né à Mauriac le 30 août 4756, mort à
Vaisses, près de Mauriac, le 4 3 août 4 824 . Envoyé par le dép.
du Cantal (4 sept. 4792) à la Convention, il vota la mort
de Louis XVI, remplit avec énergie plusieurs missions, no-
tamment aux armées du Nord, de la Moselle et du Rhin,
fut décrété d'arrestation le 4®'' prairial an III (20 mai 4795),
mais amnistié quelques mois après (octobre), et devint sous
le consulat préfet du département des Forêts. Banni par la
seconde Restauration (janv. 4816), il fut peu après au-
torisé à rentrer en France. A. Debidour.
LACOSTE (Jean-Aimé) (V. Delacoste).
LACOSTE (André-Bruno Frévol), général français, né
à Pradelles (Haute-Loire) le 44 mai 4775, mort à Sara-
gosse (Espagne) le 2 févr. 4809. Volontaire de 92, il servit
dans les armées du Nord, des Pyrénées-Orientales, du
Rhin, d'Egypte et d'Italie, contribua en 4807, comme co-
lonel du génie, à la prise de Dantzig, devint général de
brigade (23 août 4808) et fut tué devant Saragosse, où il
avait été envoyé pour diriger les travaux du siège.
LACOSTE DE Belcastel (V. Belcastel).
LACÔTE (Auguste-Etienne-Marie), homme politique fran-
çais, né à Dun-fe-Palleteau (Creuse) le 45 août 1838. Ou-
vrier forgeron, mécanicien à la Compagnie d'Orléans, il aban-
donna l'industrie pour faire ses études de médecine et de
chimie. Médecin à Dun, il y fit de la propagande républi-
caine sous l'Empire et conquit dans la Creuse une grande
popularité. Médecin-major pendant le siège de Paris, il fut
élu député de Guéret le 2 sept. 1884 et successivement
réélu en 1885, 1889 et 4893. Membre de la gauche ra-
dicale, il s'occupa beaucoup de questions de travaux pu-
blics et demeura neutre dans la lutte contre le boulan-
gisme. On a de lui : Synthèse des corps azotés (Paris,
4880, in-8); les Partis devant le scrutin (4876, in-8) ;
De la Prophylaxie du choléra indien (4884, in-8), etc.
LA COTTIeRE (Jacob de) (V. Jacob).
LA COUARDE, Corn, du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Melle, cant. de La Mothe-Saint-Héraye ; 509 hab.
LA COUDRAYE(DeLoynesde) (V. Loynes).
LACOUGOTTE-Cadoul. Com. du dép. du Tarn, arr. et
cant. de Lavaur ; 299 hab.
LACOUR. Com. du dép. du Tarn-et-Garonne, arr. de
Moissac, cant. de Montaigut ; 544 hab.
LACOUR-d'Arcenay. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Seraur, cant. de Précy-sous-Thil ; 325 hab.
LACOUR-Saint-Pierre. Com. du dép. du Tarn-et-Ga-
ronne, arr. de Castelsarrasin, cant. de Montech; 548 hab.
LACOUR (Didier de), bénédictin, né à Mazéville, près
de Verdun, en 4550, mort en 4633. H fut le réformateur
de l'abbaye de Saint-Vannes, à Verdun, qui devint, dès
4601, le centre d'une congrégation à laquelle quarante mo-
nastères furent affiliés. Aux Etats généraux de 4614, le
clergé de France exprima le vœu de voir cette réforme in«
troduite dans les monastères du royaume. Pour obtempérer
à ce vœu, les supérieurs de Saint- Vannes décidèrent, en
4{)48, l'établissement en France d'une congrégation sem-
blable à la leur, mais tout à fait distincte, et qui prit le
nom de congrégation de Saint-Maur (V. Bénédictins).
LA COUR (Marquis de) (V. Balleroy).
LACOUR (Louis-Michel-James) (V. Delatre [Lacour]).
LACOUR (Pierre), graveur et archéologue français, né
à Bordeaux le 16 avr. 4778, mort à Bordeaux le 47 avr.
1859. II étudia la peinture à Paris sous la direction de
Vien et Vincent. De retour dans sa ville natale, il succéda,
en 4844, à son père dans les fonctions de directeur de
l'école publique de dessin d^ Bordeaux. Il abandonna la
peinture pour s'adonner à la gravure et à l'étude des langues
orientales. Ses premiers essais de gravure ont été publiés
en 4800 dans le Bulletin polymathique. Il collabora à
l'illustration des œuvres de Filhol et Lavallée, de Percier,
de Visconti. Parmi ses ouvrages, citons : Tombeaux an-
tiques trouvés à Saint-Médard, publiés par MM. Lacour
père et fils (Bordeaux, 4806, in-fol.) ; les Monuments
46
lACOUR — LACRETELLE
de sculpture anciens et modernes^ en collaboration avec
Vauthier (Paris, 4842, in-fol.) ; Essai sur les hiéro-
glyphes égyptiens (Bordeaux, \ 821 , in-8) ; Mon Porte-
feuille (Bordeaux, 4828, io-fol.) ; Album autogra-
phique (Bordeaux, 4830, in-foi.) ; Etudes sur les vieux
77iaUres (Bordeaux, 4836, in-fol.). Ses compositions for-
ment un ensemble d'environ 800 pièces. M. P.
BiBL. : Jules Delpit, Eloge de Pierre Lacour ; Bor-
deaux, 1862, in-8 (extr. des Actes de l'Acad. de Bordeaux).
LACOUR, peintre danois (V. Cour).
LACOUR-Gayet (Georges), historien français, né à
Marseille en 4856. Elève de l'Ecole normale supérieure,
puis de l'Ecole française de Rome, il passa son doctorat
et devint professeur d'histoire et de géographie à Paris.
Il a publié une Histoire romaine ^ en collaboration avec
M. P. Guiraud (4883); Antonin le Pieux et son temps
(4888), et de nombreux articles dans des dictionnaires
spéciaux.
LÂCOURT. Com. du dép. de TÂriège, arr. et cant. de
Saint-Girons, sur le Salât; i,449 hab. Forges, usines
hydrauliques. Plantations de mûriers. Ruines fort cu-
rieuses de deux châteaux des xiv^ et xv® siècles, l'un
appelé le Martrou, avec haut donjon circulaire. Vieux
pont sur le Salât.
LA COURT (Claude de) (V. Groulard).
LÂCOUX. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Belley, cant.
d'Haute ville; 213 hab.
LACQ. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. d'Or-
thez, cant. de Lagor ; 642 hab. Stat. du ch. de fer du Blidi.
LACQUY. Com. du dép. des Landes, arr. de Mont-de-
Marsan, cant. de Villeneuve-de-Marsan ; 552 hab.
LAC RARE. Com. du dép. des Landes, arr, de Saint-
Sever, cant. d'Hagetmau ; 294 hab.
L AGRES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Bou-
logne-sur-Mer, cant. de Samer ; 359 hab.
LACRESSONNIÈRE (Louis-Charles-Adrien Le Sot de
La Panneterie, dit), acteur français, né à Chauny en
4819, mort à Paris en 4893. D'abord employé de com-
merce, il commença fort jeune par jouer des bouts de
rôle à la Gaité, puis passa quelques mois au Conserva-
toire, et partit pour la province. Revenu à Paris, il passa
au théâtre de Belle ville, puis à l'Ambigu (4843), où ses
qualités d'acteur sobre et dramatique le mirent en évi-
dence. Engagé au Théâtre-Historique en 4847, il y re-
trouva le succès en jouant la Reine Margot^ Monte-
Qmsto^ etc., puis bientôt passa à la Gaîté, où sa
réputation atteignit son apogée, dans le double rôle de
Lesurques et de Dubosc du Courrier de Lyon, Entre
temps, Lacressonnièr^ avait fait une excursion à la Porte-
Saint-Martin et une autre au Vaudeville. On le vit plus
tard au Cirque, puis, de nouveau, à la Gaîté, où il créa
Cartouche et la Maison du Baigneur^ au Vaudeville,
1^ l'Ambigu et même à l'Odéon. Vers 4872, il prit avec
Paul Deshayes et conserva pendant deux ans la direction
du Châtelet. Il retourna ensuite à la Porte-Saint-Martin,
passa de là au théâtre des Nations, où il joua Notre-
Dame-de-Paris^ revint à l'Ambigu, et enfin s'associa
avec quelques camarades pour diriger le Théâtre de Paris.
Cette entreprise ne fut pas heureuse, et Lacressonnière
reparut encore à la Gaîté, où, âgé de près de soixante-
dix ans, il termina sa carrière en sachant se faire encore
applaudir d'un public qui n'avait jamais cessé de lui té-
moigner sa sympathie et son affection. — Sa femme, née
Marguerite Gérimer, née à Lyon en 4820, morte en \ 859,
joua avec lui à la Gaîté et fut une actrice assez distinguée.
LACRETELLE (Pierre-Louis de) , avocat, homme poli-
tique et publiciste français, né à Metz le 9 oct. 4754,
mort à Paris le 3 sept. 1824. Inscrit en 4778 au barreau
de Paris, il y acquit rapidement une honorable notoriété,
se lia d'amitié avec Condorcet, d'Alembert, Buffon, Tur-
got, Malesherbes, Gioguené, Fontanes, Garât, etc., se
distingua dans les concours académiques par son Eloge de
Montausier (4784) et surtout par son Discours sur le
722 —
'préjugé des peines iîif amantes (4784), et rêva, comme
beaucoup d'esprits généreux, en 4789, l'accord de la Révo-
lution et de la monarchie. Député suppléant à l'Assemblée
constituante, il siégea comme député de Paris à l'Assem-
blée législative (4794-92), où il s'associa à la politique
des Feuillants. Après le 40 août, il rentra dans la retraite
et ne reparut dans la vie publique que sous le Directoire,
époque où il fit partie du jury de la haute cour nationale.
Membre du Corps législatif de 4804 à 4802, il fit preuve
d'indépendance à l'égard du gouvernement consulaire, rem-
plaça Laharpe à l'Institut en 4803 et se tint à l'écart de
la politique jusqu'en 1844. Sous la Restauration, il fut un
des rédacteurs principaux de la Minerve française, et fut
condamné pour délit de presse à un mois de prison, dont
le roi lui fit remise. Il entreprit dans ses dernières années
une édition complète de ses œuvres qu'il n'eut pas le temps
d'achever. — Parmi ses nombreux ouvrages, nous citerons :
Notice sur M . Legouvé, avocat au parlement de Paris
(4782); Convocation de la prochaine tenue des Etats
g é7îér aux {il SS) ; De r Etablissement des connaissances
humaines et de Vinstruction publique dans la consti-
tution française (1 794 ) ; Du Système de gouvernement
et de raffermissement de la constitution (1797); Sur
le Dix-Huit Brumaire (1 799) ; Idée sommaire d'un
grand travail sur la nécessité, l'objet et les avantages
de l'instruction (4800); Charles- Artaud Malherbe, ou
le Fils naturel, roman théâtral (4801); Mélanges de
philosophie et de littérature (4802-4807) ; Fragments
politiques et littéraires (4847); Des Partis et des fac-
tions de la prétendue aristocratie d'aujourd'hui (484 9);
Panorama (4820). A. Deridour.
LACRETELLE (Jean-Chàrles-Dominique de), surnommé
le Jeune, par opposition à son frère aîné Pierre-Louis
(V. l'article précédent), historien, publiciste et professeur
français, né à Metz le 3 sept. 4766, mort à Mâcon le
26 mars 4855. Elevé au collège de Nancy, avocat à dix-
huit ans, lauréat de l'Académie de Nancy à vingt ans, il fut
appelé à Paris en 4787 par Lacretelle aîné, et travailla pour
V Encyclopédie méthodique (Morale). Pendant la période
de l'Assemblée constituante, il fut attaché diM Journal des
Débats, où il rendait compte des séances. Il se rangea
parmi les Feuillants (V. ce mot) ; en 4790, il devint le
secrétaire du grand philanthrope La Rochefoucauld-Lian-
court, dont il revit les Mémoires et dont il éleva un fils.
Revenu avec lui à Paris avant le 20 juin, il entra au Jour-
nal de Paris, que dirigeait Suard, et où écrivaient A. Ché-
nier et Roucher ; La Rochefoucauld l'associa à un projet
d'enlèvement du roi qui fut rejeté par la cour. Le duc dut
s'exiler ; son secrétaire accepta la déhcate et dangereuse
mission de recueillir pour lui les débris de sa fortune et de
les lui faire tenir en Angleterre. Il fit à Rouen la connais-
sance de M"^^ Le Sénéchal, qui devait être pour lui comme
une seconde mère. De retour à Paris, il suivit le procès du
roi et fit le récit de ses derniers moments sans dissimuler
ses sentiments royalistes. Décrété d'arrestation, repoussé de
la maison de W^^ Suard où il avait espéré trouver une ca-
chette, il trouva un plus sûr et plus noble asile dans les
rangs mêmes de l'armée. Muni après le 9 thermidor d'un
congé définitif, il entra au Républicain français. Ce fut
un des chefs de la jeunesse dorée; il poursuivit l'abolition
des lois de proscription, ainsi que la radiation d'un certain
nombre d'émigrés. D'abord modéré, de la nuance de Boissy
d'Anglas, il s'exalta déplus en plus en faveur des « formes
monarchiques », et s'engagea à fond dans le mouvement
royaliste du 43 vendémiaire. Retiré à Epinay chez M. Bois-
sel de Mon ville, Lacretelle résolut de se consacrer désor-
mais aux lettres et à l'histoire. Cependant il ne pouvait
rompre les liens qui l'unissaient aux « thermidoriens ». Il
défendit et fit acquitter Michaud, poursuivi pour un éloge
du comte de Provence dans la Quotidienne. Arrêté après
le 1 8 fructidor, désigné pour la déportation à Sinnamari, il
fut, grâce à des amitiés actives, « oublié » dans la prison
de la Force, où il passa vingt-trois mois : c'est là qu'il con-
— 723
LACRETELLE — LACROIX
tinua pour les éditeurs Treuttel et Wiirtz le Précis de
r histoire de la Révolution de Rabaut Saint-Etienne ; il
fut délivré par Fouché. Après le 18 brumaire, Bonaparte
ne voulut pas de lui au Tribunat; en 4800, il fut nommé
membre du bureau de la presse ; en 4809, professeur d'his-
toire adjoint à la faculté des lettres de Paris, puis titu-
laire en 4842. 11 professa jusqu'en 4848, avec finesse et
élégance, sinon avec beaucoup de critique et de profondeur.
Censeur impérial dès 4840, il était entré à l'Académie
française en 4 844 : il ne fit que se conformer aux habi-
tudes du temps dans les éloges hyperboliques à l'égard de
l'empereur, dont il orna son discours de réception. Ses
sentiments royalistes débordèrent en 4844 ; il eut le tort
d'attaquer trop violemment le régime et l'homme qui ve-
naient de succomber avec la patrie ; mais il faut lui tenir
compte des regrets qu'il en a depuis mainte fois exprimés,
par exemple dans la préface de son Histoire du Coiisulat
et de V Empire, Le 44 avr. 4844, il présenta l'Académie
française au tsar Alexandre I^^ Il fut nommé le 24 ocl.
1844 censeur royal. Pendant les Cent-Jours, ilfit un tour
à Gand, puis, rassuré par Fouché, revint à l^aris.
Louis XVIII, une seconde fois restauré, lui accorda des
lettres de noblesse (3 août 1822). Cependant Lacretelle
restait essentiellement un feuillant, c.-à-d. qu'il voyait
dans le trône l'appui de l'ordre, du bien public et de la li-
berté. C'est lui qui, en 4827, provoqua les débats de l'Aca-
démie française relativement au projet de loi présenté par
M. de Peyronnet contre la presse, il y perdit, ainsi que
Villemain, sa place de censeur: mais la supplique au roi
fut votée et publiée, et si le roi refusa de la recevoir, la
loi « de justice et d'amour » n'en fut pas moins retirée.
Lacretelle se trouva tout naturellement orléaniste, du
moins après les journées de Juillet. Mais il avait, comme la
plupart des hommes de son parti, traîné autrefois dans la
boue Philippe-Egalité, le père du « roi des barricades ».
Aussi n'obtint-il ni la pairie, ni l'entrée au conseil royal
de l'instruction pubhque, •En4848, affaibli par l'âge, il se
retira à Mâcon, où sa campagne de Bel- Air attira encore
juscju'à l'année de sa mort beaucoup de ses vieux ou jeunes
amis ; car il causait et écoutait à ravir, et se distinguait
par une naturelle bienveillance qu'il devait sans doute de-
puis ses « dix années d'épreuves » à la constance de son
bonheur et à la tranquillité de sa \ie. — Comme histo-
rien, il manque souvent de critique et d'érudition ; mais il
est intéressant pour ce qu'il a vu ou fait en personne, et
il se Ht aisément : il moralise un peu trop et n'a pas tou-
jours pu être impartial dans l'appréciation des événements
et des hommes auxquels il a été mêlé. Outre d'innom-
brables articles souvent anonymes, des discours académiques ,
des éloges, il a publié : Précis historique de la Révolu-
tion française (Paris, 4801 à 4806, 5 vol. in-48); His-
toire de France pendant le xvni® siècle (Paris, 4808,
6 vol. in-8) ; Histoire de France pendant les guerres de
religion (Paris, 4844-16, 4 vol. in-8) ; Histoire de l'As-
semblée constituante (Paris, 4824, 2 vol. in-8); rAs-
semblée législative (Paris, 4824, in-8) ; la Convention
nationale (Paris, 4824-25, 3 vol. in-8) ; Histoire de
France depuis la Restauration (Paris, 4829-35, 3 vol.
in-8) ; Histoire du Consulat etde VEmpire (Paris, 4846,
4 vol. in-8) ; Dix Années d'épreuves pendant la Révo-
lution (Paris, 4842, in-8) ; Testament philosophique et
littéraire (Paris, 1840, 2 vol. in-8). H, Monin.
BiBL. : Papiers de famille utilisés par E. Desjardins,
dans son article sur Lacretelle de la Biographie Didot. —
J. Janin, article nécrologique dans les Débats du 16 avr.
1855. — Bioï, Discours de réception à l'Académie fran-
çaise^ le 5 févr. 1857. — Académie des sciences de Mâcon :
inauguration du buste de G h. de Lacretelle^ séance du
29 juiL 1856; Mâcon, 1856, in-8.
LACRETELLE (Pierre-llenri de), littérateur et homme
politique français, né à Pasis le 24 août 1815, fils du pré-
cédent. Ami de Lamartine, il débuta dans la littérature
par un recueil de poésie j, les C^octe (Paris, 4844, in-48),
bientôt suivi de rome.ns, d'essais dramatiques, etc. Elu
représentant de Saône-et-Loire à l'Assemblée nationale le
2 juil. 4871, il s'y occupa beaucoup des questions d'en-
seignement et combattit le ministère de Broglie. Elu député
le 20 févr. 4876, membre des 363, réélu avec eux le
44 oct. 4877 et successivement en 4884, en 4885, en
4889 et en 4893, il fit toujours partie de la gauche radi-
cale et appuya la politique scolaire et coloniale du gouver-
nement. Citons de lui : Do7ia Carmen (Mâcon, 4844,
in-8); Vale?ice de Simian (iSio^ in-S) ; Nocturnes,
poésies (1846, in-12); Avant-scènes (1855, in-12);
Contes de la M.éridienne (1859, in-12); les Noces de
Pierrette (1859, in-12); les Nuits sans étoiles (;\%i,
in-12) ; la Poste aux chevaux (1861, in-12) ; Fais ce
que dois (1856), drame en trois actes en vers, en colla-
boration avecDecourcelle, représenté au Théâtre-Français ;
r Amant malgré lui (1873, in-48); les Filles de Bohême
(4876, in-48) ; Lamartine et ses amis (4878, in~48) ;
Monsignore (4880, in-18), etc.
LACRETELLE (Charles-Nicolas), général et homme
politique français, né à Pont-à-Mousson le 30 oct. 1822,
mort à Molière, près d'Angers, le 14 nov. 1894, frère
du précédent. Ancien élève de Saint-Cyr (4844-43), il
servit d'abord en Afrique dans la légion étrangère, con-
quit en Crimée le grade de lieutenant-colonel (30 juin
4855), prit partà la guerre d'Italie (4859), devint général
de brigade (13 août 1865), général de division (23 août
1870), coopéra en 1871 au second siège de Paris, et,
après sa mise à la retraite (oct. 1887), fut envoyé à la
Chambre des députés par le dép. de Maine-et-Loire (févr.
1888). Son mandat lui fut renouvelé par les électeurs
de Baugé le 22 sept. 1888. Il s'associa généralement aux
votes de la droite monarchiste. A. Debidour.
LACRIMACmiisTi (Vin) (V. Vm).
LACROISILLE. Com. du dép. du Tarn, arr. de Lavaur,
cant. de Cuq-Toulza ; 301 hab.
LACROIX-Bârrez. Com. du dép. de l'Aveyron, arr.
d'Espalion, cant. de Mur-de-Barrez ; 1,720 habi
LACROIX-Falgards. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Toulouse, cant. de Castanet ; 355 hab.
LACROIX-sur-Meuse. Com. du dép. de la Meuse, arr.
de Commercy, cant. de Saint-Mihiel ; 820 hab. Fabriques
de carton et de papier d'emballage.
LACROIX (Emeric de), écrivain français, né à Paris vers
1590. Jl a laissé d'assez nombreux ouvrages en latin et en
français, mais ne vaut une mention que pour son Nou-
veau Cijnée (Paris, 1623, in--8), où il a exposé des idées
assez remarquables sur la paix générale et la liberté du
commerce.
LACROIX (Jean-François de), auteur très fécond du
xviii^^ siècle, dont nous citerons seulement : Anecdotes
anglaises jusqu'au règ^ie de George ///(Paris, 1769,
in-8) ; Anecdotes militaires de tous les peuples (1770,
3 vol. in-8) ; Anecdotes des républiques (1771, 2 vol.
in-8) ; Anecdotes arabes et musulmanes (1772, in-8);
Dictionnaire historique portatif des femmes célèbres
(1769, 2 vol. in-8); Dictionnaire historique des cultes
religieux (1770, 3 vol. in-8, plus. rééd.).
LACROIX (Jean-François) (V. Delacroix).
LACROIX (Antoine), violoniste français, né à Ramber-
villers (Vosges) en 1756, mort à Lubeck en 1812. Elève
de Lorenziti à Nancy, il vint à Paris en 1780, s'y fit en-
tendre avec succès et y publia un livre de sonates pour
clavecin et violon. Il émigra en 1792 et habita successi-
vement Brème, Leipzig, Hambourg et Lubeck. Ses duos,
sonates et quatuors pour instruments à cordes ont été es-
timés en Allemagne au commencement de ce siècle.
LACROIX (Silvestre-François), mathématicien français,
né à Paris en 1765, mort à Paris le 25 mai 1843. Sa famille
était sans fortune; dès Tàge de dix-sept ans, il obtint une
place de professeur de mathématiques à l'Ecole de la ma-
rine à Rochefort ; il fut successivement attaché ensuite à
l'Ecole militaire de Paris (1787) et à l'Ecole d'artillerie
de Besançon (1788). à la réorganisation de l'enseigne-
LACROIX
lU —
ment après la Terreur, il fut nommé professeur adjoint de
géométrie descriptive à l'Ecole normale, puis professeur de
mathématiques à l'Ecole centrale des Quatre-Natiohs. En
4799, il entrait à l'Institut et prenait la chaire d'analyse
de l'Ecole polytechnique, qu'il quitta pour la Sorhonne et
le Collège de France (iSiS), où il succéda à son maître
Mauduit. Lacroix a rendu de grands services dans l'ensei-
gnement, et ses ouvrages, en particulier son Traité de
calcul différentiel et intégral (1797-1800, 3 vol.) et
les différents volumes de son Cours de mathématiques
(1797-99, 10 vol.), ont eu de nombreuses éditions. Mais
ce ne fut pas un inventeur et ses ouvrages ont aujourd'hui
singulièrement vieilli. T.
LACROIX (Jean- Louis), dit deNiré, littérateur français,
né à Paris le 9 août 1766, mort le 19 avr. 1813. Chef à
l'administration des domaines, il a laissé plusieurs romans,
dont quelques-uns ont eu une vogue extraordinaire. Citons :
Ladouski et Floriska (Paris, 1801,4 vol. in-12, trad.
en plusieurs langues) ; Manda Fitz Alton (1810, 3 vol.
in-12), et des poésies, entre autres : Andromède (1785,
in-12) et rHymen (1810, in-18).
LACROIX (François-Joseph-Pamphile, vicomte), géné-
ral français, né à Aymarques le l^'^ juin 1774, mort à
Versailles en 1842, Général de brigade à vingt-sept ans,
il fut, comme ami de Macdonald et de Moreau, disgracié
par Bonaparte (1802) et ne devint général de division que
vers la fin de l'Empire. Pendant les Cent-Jours, il fit la
campagne de Belgique. Tenu quelques années à l'écart par
la Restauration, il put en 1820 reprendre du service, fut
mis à la tête de la 7® division militaire, réprima l'échauf-
fourée de Grenoble en mars 182i et, l'année suivante, les
complots des carbonari en Alsace, fut nommé vicomte,
gentilhomme de la chambre du roi, et prit part en 1823
à l'expédition d'Espagne. Moins bien traité par Charles X
que par Louis XVIII, il n'en resta pas moins fidèle à la
légitimité après la révolution de 1830. A. Debïdour.
LACROIX (Alphonse-François), écrivain et missionnaire
neuchâtelois, né à Lignières (Neuchâtel) le 10 mai 1799,
mort à Calcutta le 8 juil. 1859. En 1816, nous le trouvons
précepteur à Amsterdam ; il s'y enflamma de zèle pour la
mission, entra au séminaire hollandais en 1819 et partit
en 1821 pour Chinsurah, établissement hollandais du Ben-
gale qui fut en 1825 cédé aux Anglais contre leurs posses-
sions à Java. Lacroix resta au service des missions :11e
Londres et en 1829 s'établit à Calcutta, où il devint très
populaire dans le pays dont il connaissait admirablement la
l|ngue. Sauf un séjour en Europe de 1841 à 1843, il. y
passa sa vie entière et fut, de l'aveu de tous, par l'abon-
dance et l'énergie de ses travaux « le plus grand prédi-
cateur itinérant que le Bengale ait encore vu ». On cite
de lui de nombreuses traductions en bengali, et en français
un Voyage au temple de Jogonnath, E. Kuiine.
LACROIX (Gustave-Auguste de), littérateur français,
né à Lons-le-Saunier le 10 juin 1805, mort le 2 déc.
1891. Ancien conseiller de préfecture, il devint en 1862
sous-chef au ministère de l'intérieur. Outre sa collabora-
tion active à de nombreux journaux parisiens, entre autres
le Temps, V Epoque^ le Constitutionnel, il a laissé : Etat
actuel de la littérature et de la librairie en France
(Paris, 1842, in-8) ; le Château de la Pommeraie (1848,
2 vol. in-8); les Reines de la nuit (1869, in-12) ; la
Soirée de Saint-Germain (1882, in-12), etc.
LACROIX (Paul), littérateur français, né à Paris le
27 févr. 1806, mort à Paris le 16 oct. 1 884, fils de Jean-
Louis (V. ci-dessus). Il achevait à peine ses études au col-
lège Bourbon lorsqu'il publia une édition des OEuvres
complètes de Clément Marot (1824, 3 vol. in-8) et présenta
au comité de lecture de TOdéon plusieurs pièces qui furent
reçues, mais non représentées. Collaborateur ou même di-
recteur du Mercure du XIX'^ Siècle^ du Figaro, du Gas-
tronome, il adopta pour pseudonyme favori celui de Biblio-
phile Jacob et devint promptement plus célèbre sous ce
nom d'emprunt que sous le, sien propre. Il le justifia d'ail-
leurs par un constant amour des livres et des bibliothèques
publiques dont il réclamait en maintes occasions la réforme
et l'a méhora lion. Membre du comité des travaux historiques,
il fut chargé en 1839 d'une mission littéraire en Italie et
nommé en 1855 conservateur de la bibliothèque de l'Arsenal
où il mourut.
Si sa vie publique n'a pas ofî'ert d'autres incidents, il
est en revanche beaucoup plus difficile d'énumérer les
écrits de toute nature auxquels il a prêté sa plume ou son
nom, car, pas plus que pour Dumas père dont il a presque
égalé la fécondité, on ne saurait sérieusement porter à son
actif tout ce que les répertoires bibliographiques ont en-
registré sous sa signature, et, pour introduire quelque clarté
dans cette nomenclature, il faut grouper sous des rubriques
diverses les titres des livres dont le frontispice annonce sa
paternité ou sa collaboration. C'est d'abord toute une série
de romans historiques ou soi-disant tels : l'Assassinat
d'un roi, le Couvent de Baïano, les Soirées de sir
Walter Scott à Paris (1829); le Bon Vieux Temps
(1835) qui en forme la suite; Vertu et Tempérament
(1832); la Folle d'Orléans (1838); Pignerol (1836);
r Homme au masque de fer (1836) ; Mon Grand Fau-
teuil (1836); Aventures du grand Balzac (1838);
la Sœur du Maugrabin (1838); le Roi des ribauds, la
Dansemacabre (1832) ;Médianoches{\^'èD) ; les Francs-
Taupins (1833); la Marquise de Chatillard (1839); le
Chevalier de Chaville (1841); le Singe (1842); Un
Duel sans témoins (1843); Une Bonne Fortune de
Racine (1 844) , auxquels il faut ajouter les Contes du bi-
bliophile Jacob à ses petits-enfants (1831); la Conva-
lescence du vieux conteur (1832), et sa suite (1837);
les Récits historiques à la jeunesse (1844), etc. Colla-
borateur de Henri Martin pour la première édition de son
Histoire de France et pour son Histoire de Soissons
(1837 - 38, 2 vol. in-8), il avait entrepris seul une
vaste Histoire du xvi^ siècle en France, interrompue
après l'incendie de la rue du Pot-de-Fer qui détruisit les
quatre premiers volumes, et dirigé avec Ferdinand Séré
une somptueuse publication, le Moyen Age et la Renais-
sance (1847-52, 5 vol. in-4), dont il tira plus tard les
éléments de nombreuses monographies illustrées, éditées par
la maison Didot et continuées par lui jusques et y compris
le xviii^ siècle. Dans un ordre d'idées très différent, on
peut encore citer une Histoire de la prostitution chez
tous les peuples (1851-52, 6 vol. in-8) et àes Mémoires
curieux sur le même sujet signé Pierre Dufouf, que Paul
Lacroix n'a jamais reconnus ni désavoués et qui furent mis
au pilon; une Histoire politique, anecdotique et popu-
laire de Napoléon III (1853, 4 vol. in-8); une His-
toire de la vie et du règne de Nicolas P^\ empereur de
Russie (1864-75, t. I-VIIl), publication inachevée pour
laquelle il recevait une pension du tsar, etc.
Collaborateur assrdu du Bulletin du bibliophile et de
tous les autres recueils similaires, Paul Lacroix a réuni
sous les titres Ôl' Enigmes et découvertes, de Mélanges et
de Dissertations bibliographiques (1867, 3 vol. in-12),
quelques-uns des innombrables articles qu'il leur avait
fournis. Comme directeur de l'Alliance des arts qu'il avait
fondée avec Thoré et Techener, il rédigea ou annota d'im-
portants catalogues, entre autres celui de la vente Soleinne,
réclama, dans la Réforme de la bibliothèque du roi
(1845, in-8), quelques-unes des améliorations réalisées
depuis et prit avec plus de zèle que de conviction la dé-
fense de Libri lors du procès qui lui fut intenté. Sa Biblio-
graphie moliéresque (1872, petit in-4; 2® éd., augm.,
1875, gr. in-8); son Iconographie moliéresque {i^lQ,
in-8); sa Bibliographie et iconographie de tous les
ouvrages de Fiestif delà Bretomie(iSl^, in-8), offrent
les mêmes qualités et les mêmes défauts que ses di-
vers travaux d'érudition, et l'on ne peut les consulter
qu'avec défiance. Il s'en faut que cette liste, si longue
qu'elle soit, comporte la totalité des écrits de Paul
Lacroix, et même après avoir rappelé qu'il fut l'auteur
— 725 —
LACROIX
d'un pamphlet mensuel, les Papillons noirs (4840,
4vol.in^32), le traducteur àes Lettres cVHéloïse et d'Abé-
lard, et des OEuvres dramatiques àeVkrèim, l'éditeur de
la première Collection moliéresque et à' OEuvres inédites
(plus ou moins authentiques) de La Fontaine (4863-67,
2 vol. in-8), le directeur de la Bibliothèque gauloise, de
la Revue universelle des arts, de V Annuaire des ar-
tistes et des amateurs (4860-63, 3 vol. in-8), il reste-
rait encore beaucoup à citer. C'est assez pour donner une
idée suffisante de l'activité d'un homme qu'on ne sau-
rait accepter ni proposer pour guide, mais qui, en dépit de
ses erreurs, est l'un des initiateurs du mouvement histo-
rique actuel.
]y[mo Paul Lacroix, née Apolline Biffe, a collaboré à un
roman de son mari intitulé De près et de loin, roman
conjugal (1837) et publié diverses nouvelles et des récits
pour les enfants : Fleur de terre et Fleur des champs
(4854, in-8) ; Falcone (4856, in-32), réimpr. sous le
titre les Deux Perles (4890, in-i2); Madame Berthe
(4864, in-42). Maurice Tourneux.
LACROIX (Jules), littérateur français, frère du précé-
dent, né à Paris le 7 mai 1 809, mort à Paris le 4 0 nov. 1 887.
Il écrivit un nombre considérable de romans dont quelques-
uns ne méritaient pas l'oubli dans lequel ils sont tombés :
Une Grossesse (4833); Fleur à vendre (4835); Corps
sans âme (4 834) ; le Flagrant Délit (4 836) ; le'Neueu d'un
lord (iSSS); le Bâtard (i83S); le .Tent(iteur {m6); les
Parasites (4837); les Premières Bides (iS^^H); la Rente
viagère (4839) ; le Banquier de Bristol (4840) ; Quatre
A71SS0US terre (1 844 ); les Folles fruits, VAllia7ice (4 843);
la Vipère{\^Û)le Voile noir{iS^^); l' Etouffeurd' Edim-
bourg (iSA4); le Masque de velours (1844); Un Grand
d'Espagne (4 845) ; Histoire d'une grande dameiiMl) ;
le Mauvais Ange {iMl), etc.; un recueil de sonnets, les Per-
venches (4834, in-46), et diverses traductions littérales
des vers de JuvénaL^de Perse et des deux premiers livres
des Odes d'Horace. Comme auteur dramatique, o^lui doit:
le Testament de César, drame en cinq- actes ^ (TheMre-
Français, 4849); Fa/ma, drame iet .en vers *(M»Tl'85'li),
avec Auguste Maquet; la /•>owG?^,opéra-eolnique(4455),
avec le même, musique de Niedermayer; Œdipe m, tra-
duction littérale de Sophocle (1858), honorée |)ar l'Acadé-
mie française du prix de 40,000 fr. et demeurée au ré-
pertoire courant de l'Odéon et de la Comédie-Française;
la Jeunesse de Louis XI (Porte-Saint-Martin, 4859);
Macbeth et le Roi Lear (Odéon, 4863 et 1888). Jules
Lacroix avait épousé la comtesse Rzev^uska, sœur de M°^® de
Balzac. M. Tx.
LAC RO I X (Joseph-Eugène), architecte français, né à Paris
le 49 mars 4844, mort au Vésinet en janv. 4873. Elève
de Constant-Dufeux, d'abord à Rome puis à Paris, et de
la première classe de l'Ecole des beaux-arts, Lacroix res-
taura l'église de Vitry- sur-Seine, termina l'ancienne mai-
rie du VI® arrondissement, et fut, de 4^50 à - 4870,
l'architecte du palais de l'Elysée, où on lui doit des agran-
dissements considérables et dont il renouvela la décoration
intérieure ; il fit aussi construire les écuries impériales de
l'avenue Montaigne et restaurer les églises de Rueil et de
Saint- Leu~Taverny où furent élevés, sous sa direction,
les tombeaux de l'impératrice Joséphine, du roi Louis de
Hollande et de la reine Hortense. On doit aussi à Lacroix,
qui fut architecte des monuments historiques et du diocèse
de Viviers, d'intéressants travaux à l'hôtel de ville de Saint-
Quentin, plusieurs groupes d'habitations ouvrières et des bâ-
timents aux asiles du Vésinet et de Vincennes. Ch. L.
LACROIX (Gaspard-Jean), peintre français, né à Turin
vers 1820, mort en 4878. Venu tout jeune à Paris, il se
consacra à la peinture du paysage et fréquenta l'atelier de
Corot, dont il adopta la manière. Il peignit des vues de
Bonnettes, de la Campagne de Rome (1844), de Boz^-
gival (1848), des Bords du Morin (1853), des Bords de
la Marne (1863), etc.; mais il ne se contenta pas de re-
produire des sites, et ses paysages sont souvent animés,
comme les Pêcheurs catalans àPort-Vendres {iM'l)',
V Avare qui a perdu son trésor (1847) ; les Baigneuses;
Erigone (1850); Mercure endormant Argus (1852);
Daphnis etChloé (1861). G. A.
LACROIX (Mathieu), poète languedocien, né vers 4827,
mort en 4870. Enfant trouvé de l'hospice de Nîmes, ma-
nœuvre, puis maître maçon à la Compagnie minière de la
Grand-Combe (Gard) où il vécut, il sentit le don poétique
s'éveiller en lui devant les malheurs d'une explosion du
grisou. L'élégie Pauro Martinoïoii il retrace avec une
émotion incomparable le désespoir de la femme d'un mi-
neur , eut un succès universel dans le Midi. L'auteur ré-
cita son poème sur plusieurs théâtres et fut couronné au
deuxième congrès des poètes provençaux à Aix (4853); dès
lors célèbre, il publia et dit lui-même plusieurs nouveaux
ouvrages : Sus la mort dou enfantounet, la Caritat,
tout vibrants de sa sensibilité.. Mais il resta l'auteur de
Pauro Martino ! P. M.
LACROIX (Octave) ou LACROIX deCrespel, né à Egle-
tons (Corrèze) le 45 mars 4 827. Après avoir fait ses études
au collège de Juilly et suivi les cours de l'Ecole de droit,
il devint, en 4854, secrétaire de Sainte-Beuve, puis rédi-
gea quelques feuilles départementales officieuses à Rouen,
à Orléans et à Bor-deaux, fut à Paris le chroniqueur pari-
sien de V Europe de Francfort (1863-64), eiitra au Mo-
niteur au même titre et passa en 1872 au Journal
officiel comme critique d'art. En 4876, il fut nommé
secrétaire-rédacteur du Sénat. M. 0. Lacroix a publié les
Chansons d'avril {\SM, in-18); l'Ecole huissonnière^
fantaisies et poésies (1854, in-16);i)w Culte de laVierge
au point de vue de la poétique religieuse (Tournai,
1858, in-32); Padre Antonio (1865, in-48), recueil
de nouvelles : Euskal Erria, à mes amis du pays basque
(1885, in-18); Lointains et Retours (1890, in-18); les
Heures- errantes (1891, in-18, poésie). Il a fait aussi
présenter au Théâtre^Français, en 'ïSo^, l'Amour et son
train, comédip en .acte, et rédigé!, lé [Rapport, officiel sur
l'Exposition- dès beaûx-^arts 'et des arts industriels à
Londres- (\%r^,/^v. in-8). '- ; : ;' ' ■ • ' M. Tx.
LÀCfiÔM (Louis), homme' politique français, né à Paris
le 14 (!éè. 4834. Entrepreneur de travaux publics, il fut
élu député du Loiret le45 juil. 4888 et réélu par l'arr. de
Montargis aux élections générales de 1889 et de 4893. Il
appartient au parti radical et a combattu le boulangisme.
LACROIX (Juhen-Adolphe-SigismondKRZYZÂNOwsKi, dit
Sigismond), homme politique français, né à Varsovie le
26 mars 4845. Fils d'un réfugié polonais, qui fut natu-
ralisé Français le 4 8 avr. 4868, il occupa un emploi mo-
deste à la mairie du XI® arrond. de Paris. Devenu, en
4874, conseiller municipal de la Sal pétri ère, il se signala
par un rapport sur l'organisation municipale de Paris fon-
dée sur l'autonomie communale (4880). Après un échec
aux élections législatives du 24 avr. 1881 contre Gam-
betta dans le XX® arrondissement de Paris, et un nouvel
échec à Béziers le 26 févr. 1882, il fut élu député du
XX® arrondissement le 25 mars 1883. Il reproduisit à
la Chambre son projet d'organisation, municipale compor-
tant la mairie centrale de Paris (1883), fut réélu en 1885,
fut un des adversaires les plus violents et les plus déter-
minés du boulangisme et échoua aux élections de 1889.
Il ne s'est pas représenté en 1893. Ancien collaborateur
de la Réforme économique, avec Yves Guyot, rédacteur
en chef des Droits de l'homme et de la Convention
nationale, un des fondateurs et des principaux collabora-
teurs du Radical, S. Lacroix a écrit : Mémento de droit
civil (Paris, 4873-1874, 3 vol. in-12) ; Histoire des
prolétaires (4873, in-4), en coll. avec Yves Guyot.
LACROIX DE Chevrières (Jean de), prélat et homme
politique français, né vers 4556, mort à Paris le 8 mars
4619. Il était fils de Félix de Lacroix de Chevrières, avocat
général au parlement de Grenoble. Nommé conseiller au
même parlement (1578), il abandonna son siège pour re-
prendre brillamment (1585) la charge d'avocat général de
LACROIX — LACTAIRE
726
son père. Il embrassa la cause de la Ligue, mais, après la
soumission de Grenoble à la cause du roi Henri IV, Jean de
Lacroix se soumit et reçut en échange de son adhésion de
magnifiques récompenses. En 1595, il fut nommé conseiller
d'Etat et surintendant des finances en Dauphiné. Après la
conquête de la Savoie, on lui confia les sceaux et un siège
de conseiller dans le parlement français créé à Chambéry.
Il remplit ces fonctions jusqu'en oct. 1601. Dans le célèbre
procès des Tailles, qui divisait les trois ordres du Dau-
phiné, Jean de Lacroix prit résolument parti pour la no-
blesse qu'il vint défendre à Paris devant le conseil d'Etat.
Nommé en 1603 président à mortier, il revint à Paris
en 1604 pour demander au roi la réunion au Dauphiné de
la Bresse et du Bugey, récemment cédés par le duc de
Savoie. La négociation échoua, mais Jean de Lacroix obtint
le titre d'ambassadeur du roi de France auprès du duc de
Savoie.
Cette carrière, déjà si pleine, ne suffit pas à satisfaire
son ambition. En 1609, François Fleard, évêque de Gre-
noble, étant mort, Jean de Lacroix, v&uf depuis 1594 de
Barbe d'Arzac, qu'il avait épousée le 7 sept. 1577, solli-
cita et obtint du roi et du pape d'être promu à l'évêché de
Grenoble. Il reçut ses bulles le 4 juil. 1607. Après la
mort de Henri IV, Jean de Lacroix fut nommé conseiller
d'Etat (17 sept. 1612) par la reine Marie de Médicis.
En 1614, la prov. du Dauphiné lui confia le soin de dé-
fendre ses intérêts devant les Etats généraux du royaume.
Depuis lors, il résida presque constamment à Paris où il
mourut cinq années plus tard. Dans une vie si absorbée
par les fonctions publiques, Jean de Lacroix trouva le
temps de rédiger des notes sur les Décisions de Guy Pape^
et un commentaire des statuts de Louis XI concernant les
donations entre vifs (insérés dans Guidonis Papœ deci-
siones; Genève, 1654, in-fol.).
BiBL. : Guy. Allard, Eloge de Jean de La.cvoix (publ.
par H. Gariei, Delphinalia, avr. 1854, d'après le manuscrit
inédit et anonyme de la bibl. de Grenoble).
LA CROIX DU Maine (V. Croix du Maine).
LACROIX-Saint-Pierre (Pierre-Henri-Albert), homme
politique français, né à Chabeuil (Drôme) le 9 août 1817,
mort à Paris le 3 juin 1891. Candidat officiel dans la pre-
mière circonscription de la Drôme, il fut, à deux reprises
(1863, 1869), envoyé au Corps législatif, où il prit une
part importante aux discussions de finances. Rallié en 1869
à la politique parlementaire des 116, il n'en soutint pas
moins Napoléon III jusqu'à la révolution du 4 sept., qui
le rejeta dans la vie privée. A. Deridour.
> LACROSSE (Jean-Baptiste-Raymond, baron de), contre-
amiral français, né àMeilhan (Lot-et-Garonne) le 5 sept.
1765, mort à Meilhan le 9 sept. 1829. Lacrosse, parent
par sa mère de l'amiral de Bruix, sortit, dès l'âge de dix-
huit ans, de l'Ecole nobiliaire des gardes de la marine et
fit sa première campagne dans les Indes. Il se distingua au
siège de Gondelour et, dès le commencement de 1792, il
était capitaine de vaisseau. Il reçut la mission de pacifier
les îles de la Martinique et de la Guadeloupe, où les noirs
s'étaient révoltés. Il y réussit sans verser de sang; mais,
rappelé en 1793, il n'en fut pas moins incarcéré par ordre
du comité de Salut pubhc et ne fut remis en Hberté qu'en
1795. RétabU dans les cadres de la marine en déc. 1796,
il fit partie de l'expédition d'Irlande. Lacrosse, qui com-
mandait le vaisseau les Droits de rhomme^ dut faire voile
vers la Bretagne. Attaqué par trois navires anglais, il réus-
sit, après un combat acharné, à désemparer l'un des vais-
seaux ennemis et à mettre les autres hors d'état de le pour-
suivre, et il vint échouer sur les côtes de France. Il fut
fait alors contre-amiral. Plus tard, il fut ambassadeur en
Espagne. En 1802, Lacrosse fut nommé capitaine général
de la Guadeloupe ; il y devint bientôt la victime d'une ré-
volte et tomba aux mains des rebelles. Il n'obtint la liberté
qu'à grand 'peine et se retira à la Martinique ; plus tard
cependant il put rentrer à la Guadeloupe et y rétablir
Tordre. Au moment de la rupture du traité d'Amiens, il
faillit tomber aux mains de la flotte anglaise qui bloquait
Brest. Peu après, il fut nommé inspecteur de la^flottille
destinée à la descente en Angleterre. Il fut ensuite préfet
maritime du Havre, puis commandant en chef de la flottille
de Boulogne qu'il préserva habilement des brûlots anglais,
et enfin préfet maritime à Rochefort. Destitué en 1815,
Lacrosse se retira dans sa propriété de Meilhan. G. R.
Bibl. : A. Hugo, France militaire^ Histoire des armées
françaises de terre et de merde 1192 à 1833 ; Paris, 1834,
5 vol.
LACROSSE (Bertrand-Théobald-Joseph, baron de),
homme poHtique français, né à Brest le 29 janv. 1796,
mort à Paris le 28 mars 1865, fils du précédent. Après avoir
fait les dernières campagnes de l'Empire et gagné le grade
de capitaine, il resta dans la vie privée sous la Restaura-
tion. Envoyé en 1834 par les électeurs de Brest à la
Chambre des députés, il siégea jusqu'à la révolution de
Février dans les rangs de la gauche dynastique et prit une
part importante aux discussions d'affaires. Représentant du
Finistère à la Constituante (1848) et à la Législative (1849),
il fut vice-président de ces deux assemblées, se dévoua,
après le 18 déc, à la politique du prince-président, qui lui
confia deux fois le portefeuille des travaux publics (20 déc.
1848-30 oct. 1849 et 26 oct.-2 déc. 1851), applaudit au
coup d'Etat, après lequel il devint président de section au
conseil d'Etat, entra au Sénat le 26 janv. 1852 et de-
manda quelques mois après le rétabUssement de l'Empire,
qu'il ne cessa dès lors de servir. A. Debidour.
LAGROST. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Mâcon, cant. deTournus ; 625 hab.
LÂCROUZETTE. Gom. du dép. du Tarn, arr. de Cas-
tres, cant. de Roquecourbe; 1,751 hab.
LA CROYÈRE (Louis Delisle de) (V.Delisle).
LACROZE (Mathurin VEYSsiÈREDE),érudit français, né
à Mantes le 4 déc. 1661, mort à Berlin le 21 mai 1739. Il
se fit recevoir à l'âge de dix-sept ans chez les bénédictins
de Saint-Maur, afin de pouvoir se livrer à son goût pour
l'étude; en 1682, il fut envoyé à Paris, son caractère in-
dépendant et des scrupules qu'avait éveillés en lui la lecture
des pères et de quelques ouvrages de controverses, lui firent
quitter la France sous un déguisement en févr. 1696 ; il
se rendit par Bâle à Berlin, où il vécut dans la gêne jus-
qu'à ce qu'il fit un gain dans la loterie de Hollande en 1 715.
En 1725, il occupa la chaire de philosophie au collège fran-
çais de Berlin. Sa mémoire et son érudition étaient sur-
prenantes, mais il manquait de critique. On cite parmi ses
ouvrages : r Histoire du christianisme aux Indes (La
Haye, 1724, pet. in-8), plusieurs fois réimprimée et tra-
duite en allemand et en danois ; V Histoire du christia-
nisme d'Ethiopie et d'Arménie (La Haye, 1738). De son
reliquat, on a publié un Lexicon œgyptiaco-latinum
(Oxford, 1775, in-4). F.-H. K.
LA CRUZ (V. Pantoja [Juan]).
LA CRUZ (V. Cruz).
LACRYMALES (Glandes et voies) (V.OEil et Paupière).
LACS d'Amour (Ordre du) (V. Annonciade).
LACS. Com. du dép. de l'Indre, arr. et cant. de La
Châtre ; 493 hab.
LACTAIRE (Bot.). Champignon agariciné, à fruit charnu,
éphémère, à basides à quatre stérigmates recouvrant les
lames à la face inférieure d'un chapeau plan-convexe, de-
venant déprimé, souvent zone. Stipe confluent avec lui,
charnu, central. Yoile absent, sauf chez quelques espèces
portant à la marge du chapeau des fibrilles qui paraissent
être les débris d'une enveloppe primitive. La caractéristique
du tissu et sa diff'érenciation avec le genre Russule (V. ce
mot) repose principalement sur la présence, sur le par-
cours des éléments grêles du tissu, de nombreux laticifères
contenant un latex abondant, parfois jaune, rouge, mais le
plus souvent blanc, qui s'écoule au dehors à la moindre
blessure. Spores presque globuleuses et échinulées, sauf
dans L. piperatus où eUes sont lisses. Espèces principales :
L. vellereus, L. piperatus, L. strobiculatus, L, delicio-
727
LACTAIRE — LÂCTATE
sus^ L. sanguinifluus, h. volemus* Ces trois dernières
espèces sont à peu près les seules comestibles ; la plupart
des autres sont acres et même vénéneuses. H. Fournier.
LACTAmDE(Chi„.).IwjE:;.:SrO<
Le lactamide est Famide de l'acide lactique :
C6H6(H202)(04) -i- AzH3 " C<5H202(HW) (ÂzH3).
Ce composé isomère de l'alanine et de la sarcosine a été
découvert par Pelouze en faisant agir l'ammoniaque sur
le lactide ou anhydride de l'acide lactique. MM. Gautier
et Simpson l'ont utilisé comme corps intermédiaire dans
la synthèse de l'acide lactique à partir de l'aldéhyde et de
l'acide anhydrique :
C^H^^O^- + C^HAz + EW = CmW(E^Ù%Az\{^)
cmw(nw){Azm) + h^o^ =r cwh« + azH^.
Le lactamide forme des petits prismes blancs ou des
masses cristallines rayonnées, facilement solubles dans
l'eau et dans l'alcool. Les acides et les alcalis bouillants le
saponifient comme tous les amides en donnant de l'ammo-
niaque et l'acide correspondant. C. M.
LACTANCE {Lactantius, Lucius Cœlius ou Cœcilius
Firmianus)^ apologiste chrétien, mort à Trêves vers 325.
La date de sa naissance est inconnue ; on sait seulement
qu'il mourut fort vieux. Quant au lieu, on a induit de son
surnom (Firmianus) qu'il était né à Formium en Italie;
mais le nom de plusieurs localités d'Afrique peut être pa-
reillement adapté à la composition de ce mot. Ce qui est
certain, c'est qu'il reçut son éducation en Afrique. On dit
aussi qu'il y suivit les leçons d'Arnobe. Cette affirmation,
qui n'est fondée sur aucun indice précis, semble contredite
par une vraisemblance résultant du fait que Lactance, qui
mentionne Minucius Fehx, Tertullien et Cyprien, ne parle
point d'Arnobe. Il était encore païen, lorsque Dioclétien,
qui avait remarqué un de ses écrits, le Symposium^ re-
cueil d'énigmes en vers, destinées à égayer les repas, l'ap-
pela comme professeur de rhétorique à Nicomédie, dont il
avait fait sa capitale. Comme le latin n'était point en hon-
neur dans cette ville, restée grecque, Lactance y trouva
peu d'élèves. Il composa des livres pour vivre, et vécut
pauvrement. L'austérité de ses moeurs, son ardent amour
de la vérité le prédisposaient au christianisme. La cons-
tance des chrétiens devant leurs persécuteurs le décida à
embrasser leur religion ; il entreprit d'en réfuter les ad-
versaires et d'en exposer la doctrine. Vers 313, Constantin
lui confia l'éducation de Crispus, ce fils aîné qui devait
mourir si tragiquement. Eusèbe écrit qu'à la cour Lactance
resta pauvre.
Saint Jérôme a fait la liste de ses écrits. Ceux qui nous
sont parvenus ont pour titre : De Opificio Dei vel de
Formatione hominis, ad Demetrianwn auditorem
suum ; — Divinarum institutionum libri septem ; —
Epitome Institutionum ad Pentadium; — De Ira Dei;
— Liber ad Donatum confessorem de Mortibus per-
secutorum ou De persecutione liber unus. Dans le pre-
mier de ces ouvrages, décrivant V œuvre de Dieu dans
rorganisation de la nature humaine, Lactance complète
ce que Cicéron a écrit dans ses traités philosophiques, et
il réfute les objections d'Epicure et de Lucrèce contre la
providence divine. Il le fait avec une pureté de style et une
élégance qui lui ont valu le surnom de Cicéron chrétien,
une profondeur et une ampleur de pensée qu'on cherche-
rait vainement chez l'auteur romain. Les Institutions
divines ont pour objet de faire ressortir, par comparaison,
la supériorité de la religion chrétienne sur la religion
païenne. Les trois premiers livres traitent de la fausse re-
ligion, de l'origine de l'erreur et de la fausse sagesse ; les
quatre derniers, de la vraie sagesse, de la justice, du vrai
culte et de la vie heureuse. En décrivant le bonheur des
justes, Lactance fait une large part aux conceptions millé-
naires (V. Chiliasme). La conclusion de tout cet ouvrage,
c'est que la philosophie et la religion païenne ont commis
une funeste erreur, en séparant du sentiment religieux la
vraie sagesse ; en les révélant unies dans la personne de
Jésus-Christ, Fils de Dieu, fait chair pour la rédemption
des hommes, le christianisme a rendu la vérité au monde.
A l'origine du monde, la justice régnait avec l'adoration
d'un seul Dieu ; tous les vices ont été engendrés par le
polythéisme : l*Evangile a remis en lumière Tadoration
du Dieu unique . Lactance a fait lui-même un résumé de
ces sept livres : Epitome Institutionum ; le commence-
ment de ce résumé, qui manquait depuis longtemps, a été
retrouvé par le chanceher Pfaff, dans la bibliothèque de
Turin. Le traité De Ira Dei est dirigé contre les stoïciens
et les épicuriens, qui laissaient Dieu indiffèrent à l'égard
des méfaits des hommes, afin de respecter son impassibi-
lité et de ne lui attribuer rien d'humain. Le livre sur la
Mort des persécuteurs prétend démontrer la divinité de la
religion chrétienne par la fin tragique de ceux qui ont per-
sécuté l'Eglise. Il contient des faits intéressants ; mais,
pour l'orrionnance et le style, il est fort inférieur aux
autres écrits de Lactance. C'est pourquoi on en a plusieurs
fois contesté l'authenticité. Il semble qu'on peut la main-
tenir, mais en constatant un cas assez commun : un écri-
vain, expert dans l'exposition des idées, peut être très
malhabile dans la relation des faits.
Conformes à Fétat de la pensée chrétienne, à l'époque oti
ils ont été composés, les écrits de Lactance s'écartent, sur
plusieurs points encore indécis, des définitions dogmatiques
qui ont été décrétées plus tard. C'est pourquoi saint Jérôme
dit qu'il réussit mieux dans la réfutation des erreurs
païennes que dans l'exposition de la doctrine chrétienne
{Epist. ad Paulinum). Le décret dit de Gélase classe ses
livres parmi les apocryphes, ce qui signifie ici suspects
quant à l'orthodoxie. Malgré son mérite comme apologiste
du christianisme, on lui a toujours refusé le titre de doc-
teur de l'Eglise. Néanmoins sa valeur morale et littéraire
lui ont assuré beaucoup de lecteurs, surtout aux époques
où le culte des lettres et le goût de la bonne latinité étaient
en honneur dans l'Eglise. L'indice de ce fait résulte du
grand nombre des manuscrits de ses ouvrages et des
époques où ils ont été copiés. Depuis la découverte de l'im-
primerie, on compte plus de 115 éditions totales ou par-
tielles; de 1465 à 1739, 86 éditions des œuvres complètes.
La première fut imprimée dans le célèbre monastère bé-
nédictin de Subiaco (Etats pontificaux), et c'est en même
temps le premier livre avec date qui ait paru en Italie.
Parmi les meilleures, sont celles de Rome (1651-59,
4 vol. in-8); de Paris (1748, 2 vol. in-4), préparée par
Lebrun et Lenglet du Fresnoy; de Deux-Ponts (1786,
2 vol. in-8). La dernière est contenue dans la Bibliotheca
patrum Ecclesiœ lalinœ de Gersdorf (Leipzig, 1842,
t. X-XI). — Traductions en français : René Famé, Insti-
tutions divines (Paris, 1746, in-8); Maucroix, Mort des
persécuteurs (Paris, 1680, in-12); Basnage, Mort des
persécuteurs (Utrecht, 1687, in-8), E.-H. Vollet.
LÂCTARIUS (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Té-
léostéens), de l'ordre desAcanthoptérygiensCottoScombri
formes, et de la famille des Carangidae, voisin des Seriola
(V. ce mot), ayant des dents en velours aux deux mâchoires
et aux palatins ; en outre la mâchoire supérieure porte à
son extrémité antérieure 2 ou 4 crochets longs, arqués et
pointus; l'inférieure n'a qu'une seule rangée de petites
dents fines, aiguës, faiblement crochues et serrées l'une
contre l'autre. On observe de plus un petit groupe de
dents très fines sur le chevron du vomer et une bande
très étroite sur le bord de chaque palatin. L'anale n'a pas
d'épines libres en avant. Le type du genre, le Lactarius
delicatulus, habite Pondichéry, où il est très estimé pour
l'excellence de sa chair. C'est un animal d'environ 25 cen-
tim., verdâtre sur le dos, argenté en dessus et en côté. La
caudale porte un hséré noir, et une petite tache de même
couleur existe à l'échancrure de l'opercule. On le pêche
pendant toute l'année dans la rade de Pondichéry.
BiBL. : CuviER et Valenciennes, Hist. génér, des Poiss.
LACTATE (V. Lactique).
LACTATION — LACTOMÈTRE
— 728 -
LACTATION (V. Lait).
LACTIQUE (Acide). — L Chimie.—
Form SEquiv...C«H4(H20^^)(0^).
^°™- i Atom . . . CH^.CHOiï.CO^fL
L'acide lactique ordinaire appelé aussi acide lactique de
fermentation ou acide éthylidène lactique a été découvert
par Scheele en 1780 dans le lait aigri et reconnu comme
un acide particulier par Berzelius. Mitscherlich et Liebig
ont fixé sa composition. Etudié surtout par Wurtz et par
M. Wislicenus, sa synthèse a été réalisée d'abord par
Strecker, puis par M. Wislicenus. Ce corps présente à la
fois la fonction acide et la fonction alcool secondaire.
Wurtz a pu l'obtenir par oxydation du glycol isopropylé-
nique :
CW(K^O'){EW) + 20^ zz: CW(H202)(04) + H^O
et par l'oxydation indirecte de l'acide propionique.
MxM. Gautier et Simpson ont réalisé sa synthèse en
partant de l'aldéhyde et de l'acide cyanhydriqae :
mm^ -i- C^HAz + 21120^ =: C60«H5(AzH4).
On le prépare en utilisant la propriété que possède un
ferment organisé particuHer de petite dimension, le fer-
ment lactique, de transformer la glucose en acide lactique;
on peut prendre comme matière initiale toute substance
susceptible de fournir de la glucose, comme le sucre,
l'amidon, etc. ; il importe d'opérer en milieu neutre et de
neutraliser l'acide au fur et à mesure de sa formation par
du carbonate de chaux par exemple, sinon la réaction
changerait de sens et la fermentation lactique ferait place
à une fermentation visqueuse.
L'acide lactique forme un liquide incolore, épais, qui
renferme toujours deTeau, car il se décompose en un anhy-
dride, le lactide, et en eau quand on veut le chauffer ou
évaporer dans le vide sa solution concentrée :
C^H^O^ = C^H^O^ + îl'^O^
L'acide lactique ordinaire n'agit pas sur la lumière po-
larisée, mais il est inactif par compensation et résulte de
l'union à molécules égales d'un acide lactique droit et d'un
acide lactique gauche. Quand on cultive le Pénicillium
glaucum dans une solution de lactate d'ammoniaque,
l'acide lactique qui subsiste après quelques semaines est
dextrogyre, l'isomère lévogyre ayant été détruit en plus
forte proportion. L'acide lactique dextrogyre ainsi séparé
paraît être identique à un isomère de l'acide lactique, l'acide
paralactique ou sarcolactique que Berzelius a découvert en
1807 dans le liquide qui imprègne les tissus musculaires.
L'acide sarcolactique fait tourner à droite le plan de pola-
risation et possède des propriétés très voisines de l'acide
lactique en fermentation ; combiné avec l'acide gauche il
reproduirait l'acide ordinaire.
Les acides étendus convertissent l'acide lactique en pro-
duits de substitution de l'acide propionique :
r/H^O^ -h HI =: C^H^IO^ + H202 ;
l'acide sulfurique décompose en acide formique et aldéhyde :
C6H606 — c^O^H^ + C^H^O^.
Les lactates proprement dits sont monobasiques et tous
sont solubles dans l'eau ; on les prépare soit au moyen de
l'acide et des carbonates, soit par double décomposition
entre le lactate de chaux et les sulfates solubles. Ils cris-
tallisent généralement mal, sauf le sel de zinc, 2G^lI^0^Zn.
SH^O^, qui forme des aiguilles peu solubles dans l'eau
froide et insolubles dans l'alcool.
Les sarcolactates correspondant à Tacide lactique droit
sont en général lévogyres et plus solubles que les lactates.
Le sel de zinc, C^H^ZnO^.^HO, est très soluble dans l'eau
froide ; il forme des prismes courts et brillants. CM.
II. Thérapeutique. — L'acide lactique existe presque
constamment dans l'estomac. Dans la discussion sur la
nature de l'acide du suc gastrique, quelques physiologistes,
et notamment Laborde, ont soutenu que c'était cet acide
qui était l'agent actif du suc gastrique. Il paraît établi au-
jourd'hui que l'acide chlorhydrique est bien l'acide essen-
tiel, mais que l'acide lactique provenant des fermentations
peut jouer un rôle également utile. Injecté dans l'estomac
à haute dose (4 à 8 gr. dilués dans 200 centim. c. d'eau),
l'acide lactique entrave la digestion gastrique, mais cette
action n'est pas durable, elle ralentit simplement cette ac-
tion. D'où cette conclusion pratique de Gilbert et Domi-
nie : Dans le cas oîi la digestion gastrique est rapide et
suivie d'une trop prompte évacuation du chyme dans l'in-
testin, on peut réaliser une véritable bradypepsie en don-
nant une certaine dose d'acide lactique. En thérapeutique,
l'acide lactique a été employé depuis un certain temps contre
la diarrhée verte microbienne. On administre aux enfants,
par cuillerées à café, une potion de 100 gr. contenant
2 gr. d'acide lactique (Hayem). Cette préparation, que les
entants prennent très facilement, réussit généralement
bien, mais elle échoue contre une autre diarrhée verte, non
microbienne et qui est d'origine bilieuse. En dehors du
diagnostic bactériologique, l'odeur seule des selles suffit
pour distinguer l'une de l'autre ces diarrhées. En usage
externe, l'acide lactique a été utilisé pour la destruction
des granulations, des néoplasmes, des lupus. On l'applique
directement sur le point, soit en badigeonnages répétés,
soit en appHquant un fragment d'ouate imbibé de l'agent
destructeur et en laissant'douze heures. Il faut avoir soin
de protéger les parties environnantes avec un taffetas. Dans
certaines affections oculaires de même nature, tracho-
mes, etc., l'acide lactique a donné de bons résultats. L'ap-
plication est très douloureuse, au début au moins. On ob-
tiendrait ainsi des cicatrices lisses et souples. Les échecs
contre le lupus sont malheureusement nombreux.
Un certain nombre de lactates ont été préconisés en
thérapeutique, sous le prétexte qu'un sel à acide organique
était plus assimilable que les sels à acides minéraux. C'est
ainsi que l'on a voulu substituer le lactate de fer aux autres
sels ferriques, mais si l'on réfléchit que l'estomac est tou-
jours très riche en acide chlorhydrique, on conçoit que les
sels à cohésion faible comme les lactates sont immédiate-
ment décomposés pour former des chlorures et des* chlor-
hydrates. Il est donc inutile d'insister sur leurs actions
spéciales. La thérapeutique emploie encore cependant les
lactates de chaux, de fer, de strontium, de quinine. Le
premier seul, donné à doses assez élevées dans les dys-
pepsies hypochlorhydriques et dans les troubles intes-
tinaux, peut être utile par la mise en liberté de l'acide
lactique. ^ D^ P. Langlois.
LACTOMÈTRE (Techn.). Nom générique donné à un
grand nombre d'instruments destinés à faire connaître les
qualités du lait. Parmi les lactomètres, il convient de signa-
ler : le crémomètre de Quevenne, destiné à faire con-
naître la proportion de crème ; c'est une éprouvette divisée
en cent parties et dont le zéro est en haut. Après vingt-
quatre heures de repos, on lit le nombre de divisions occu-
pées par la crème contenue dans le lait qui remplit l'éprou-
vette. Le galactomètre centésimal de Chevallier, sorte
d'aéromètre analogue au lacto-densimètre de Quevenne,
porte, comme ce dernier, ueux échelles, l'une pour le lait pur
(coloration jaune), l'autre pour le lait écrémé (teinte bleue).
Le premier degré supérieur est marqué 50 et la division
va inférieurement jusqu'à 124 pour le lait écrémé et 136
pour le lait pur. Chaque degré, à partir de 1 00 jusqu'à
50, représente 1/100 de lait pur; au delà de 100, les
degrés indiquent les densités du lait pur. Le laetinomètre
de Rosenthal est encore peu employé ; il en est de même du
biityromètre d'Esbach. Le galactotimètre d'Adam est
destiné au dosage pondéral et volumétrique du beurre ; il
se compose d'un appareil en verre, formé supérieurement
par une ampoule ovalaire suivie d'une seconde, plus petite,
et se termine par un tube cylindrique divisé en 70 parties
égales et terminé par un robinet. Pour faire l'essai, on as-
pire par en haut un volume de 10 centim. c. de lait, volume
indiqué par un trait placé à la partie supérieure de la petite
ampoule, puis on ferme le robinet et on verse dans l'ins-
trument un mélange de 100 p. d'alcool ammoniacal à 75
et de 110 p. d'éther hydrique à 65°, jusqu'à affleuremen
729 —
LACTOMÈTRE - LACTOSE
d'un trait placé sur Tampoule supérieure et qui correspond
à un volume de 32 centim. c. Cela fait, on bouche l'appa-
reil ; on le renverse pour agiter le mélange ; on laisse en
repos cinq minutes, et, au bout de ce temps, on obtient su-
périeurement une couche transparente contenant la ma-
tière grasse et au-dessous une couche opaline qui renferme
tous les autres principes du lait. Il ne reste plus qu'à sépa-
rer ces deux couches et purifier le beurre par lavage, pour
arriver à en connaître exactement les proportions. Le pro-
fesseur F. Soxhlet, de Munich, a publié une méthode aréo-
métrique très exacte, qui permet d'évaluer la proportion
de matière grasse. Elle est basée sur ce fait que, lorsqu'on
agite ensemble des quantités déterminées de lait, de solu-
tion de potasse à 4,26 de densité et d'éther hydrique, le
beurre se dissout dans l'éther, se rassemble à la surface,
mais forme aussi avec l'éther une solution d'autant plus
concentrée qu'il y a plus de beurre. Ce degré de concen-
tration peut être donné par la densité absolument comme
le degré alcoométrique. L'outillage ne comprend qu'un vase
pour prendre la densité, trois pipettes pour le lait, l'éther
et la potasse, et des bouteilles pour agiter. L'opération doit
se faire à 17°. M. Soxhlet a publié une table de laquelle il
résulte que la solution éthérée, préparée comme ill'indique,
avec 200 centim. c. de lait, 40 centim. c. de solution de
potasse et 60 centim. c. d'éther aqueux, marquera de
0,766 à 0,743 ; et son aréomètre étant gradué de 66 à
43 (les chiffres 0,7 étant supprimés), on obtiendra, par la
lecture du degré indiqué, les poids du beurre, d'après les
données ci-dessous :
'W
«
BEURRE
H
BEURRE
^
pour 1,000 gramm es
pour 1,000 grammes
w
de lait
P-3
de lait
a
430
20^''70
550
34^'70
44
21 80
56
36 30
45
23 00
57
37 50
46
24 00
58
39 00
47
25 20
59
40 30
48
26 40
60
41 80
49
27 60
61
43 20
50
28 80
62
44 70
51
30 00
63
46 30
52
31 20
64
47 90
53
32 50
65
49 50
54
33 70
66
51 20
L. Knâb.
LACTONES (Chim.). Les lactones sont des éthers in-
ternes qui proviennent de l'élimination d'une molécule d'eau
entre la fonction acide et la fonction alcool d'une même
molécule d'acide-alcool, toutes les fois qiie, dans les for-
mules de constitution atomiques, les groupes OH et CO^H
qui entrent en combinaison sont séparés par deux groupes
CH^. Telle est la valérolactone, C^^HW, qui correspond
à l'un des acides oxyvalériques :
çioHs (H202) (0^) = c^mw + UW.
Ces acides-alcools particuliers ont une telle tendance à
former des lactones que, lorsqu'on cherche à les préparer,
ils perdent souvent leur molécule d'eau même en solution
aqueuse à la température ordinaire.
Les lactones sont des composés neutres, incolores,
liquides ou facilement fusibles ; ils sont volatils avec la va-
peur d'eau et peuvent être distillés sans décomposition.
L'eau de baryte transforme rapidement à l'ébullition les
lactones en sels de baryte correspondants. L'étude de ces
composés est due surtout à Fittig. C. M.
LACTOPROTÉINE (Chim.). La lactoprotéine est une
substance albuminoïde que Millon et Commaille ont cru
reconnaître dans le lait. Cette substance, dont la formule
serait CP^W^ Az^^O^^, n'est coagulée ni par la chaleur, ni
par l'acide nitrique, ni par l'acide acétique à chaud ou à
roid, ni par le sublimé corrosif. C. M.
LACTORATES, LATUSATES. Peuple ibéro-aquitain du
S.-O. de la Gaule, dont le territoire s'étendait à l'E. des
Ehisates, auN. des Ausci, à l'O. des Volcœ Tectosages^
au S.-O. des Ruteni et au S. des Nitiobriges et formait
plus tard la civitas Lactoratium de la Prov, Novempo-
pulana, puis le diocèse de La^^om (Lectoure), répondant
à l'Armagnac oriental et à une partie de la Lomagne,
c. -à-d. au N.-E. du dép. du Gers et au S.-E. de celui de
Tarn-et-Garonne. Leur capitale était Lactora (Lectoure).
D'après une inscription de l'an 405 ap. J.-C, il existait,
au commencement du règne de Trajan, une province finan-
cière de Lactora qui paraissait correspondre à toute TAqui-
taine ibérienne. L. W.
BiBL. '. E. Desjardins, Géogv. de la Gaule romaine, —
EspÉRANDiEU, les InscvipHons des Lactorales, dans Rev.
de Gascoone, 1891 et 1892.
LACTOSCOPE (Techn.). Instrument construit par Donné
et indiquant les richesses du lait en beurre par l'opacité
que les globules de matière grasse communiquent au liquide ;
plus un lait est opaque et plus il est riche en crème. L'ins-
trument est essentiellement constitué par deux tubes de
lunette rentrant l'un dans l'autre, terminés tous deux par
une lame de verre; ces tubes sont à faces parallèles, et l'un
d'eux étant fixe, l'autre peut s'en écarter au moyen d'une
vis dont le pas avance d'un demi-millimètre en épaisseur
pour un tour entier. La circonférence du tube mobile étant
divisée en 50 p. égales, chaque degré de l'instrument cor-
respond à 0,01 millim. Le tableau suivant donne les rap-
ports des degrés du lactoscope avec le poids du beurre et
le volume de la crème :
25
26
27
28
29
30
31
32
33
34
35
36
37
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
POIDS
du beurre par litre
40 (riche)
87
38
37
36
35
34
33
32 (bon)
31
30
29
28
27
26
25,50
25
24,50
24
23,50
23
22,25
21,50
21
20,50
20
VOLUME
de crème p. 100
12 •
12 ,
12 '
It '
11
10 ^
10
10 I
9 I
soit
10 à 15 gr.
soit
5 à 10 gr.
soit
5 gr.
soit
5 gr.
laits très
pauvres
f
Dès lors, introduisant une couche de lait entre les deux
lames, si l'on se place dans l'obscurité, à une distance de
4 m. d'une bougie allumée, on tourne le tube mobile jus-
qu'à ce que l'on cesse complètement de voir la bougie au
travers de la couche de lait. On lit alors sur le cercle gra-
dué le nombre de tours et la fraction de tour accomplis
par la vis. Un bon lait marque SS'* 4/3 au lactoscope, ce
qui correspond à une opacité obtenue avec 4/3 de millim. ;
un lait excessivement riche de 20 à 45<>; unlait très faible,
450*^ (trois tours de vis). L. Knab.
LACTOSE (Chim.).
Pnr.m i ^quiv C^^H^^O^^ + H'^O^
^^^^' I Atom Ci^H220ii + H20.
Le sucre de lait ou lactose, appelé aussi quelquefois lac-
tine, a été retiré du petit-lait en 4649, par Fabrizio Bar-
toletti. Il existe dans le produit de la sécrétion lactée de
tous les mammifères ; Hofmeister a constaté sa présence
LACTOSE — LACUÉE
730
dans l'urine des femmes enceintes et M. Bouchardat a
montré qu'il se trou\'ait aussi dans certains végétaux, no-
tamment dans le sapotillier. On le prépare avec le petit-
lait, liqueur qui reste après la coagulation de la caséine
dans la fabrication du fromage. En Suisse, où on le produit
principalement, on se contente d'évaporer le liquide jus-
qu'à consistance sirupeuse, puis on l'abandonne dans un
lieu frais; le sucre se dépose lentement sous forme de
petits cristaux durs et colorés. On les purifie par plusieurs
cristallisations et décolorations au noir animal. La lactose
cristallise en primes rhomboïdaux droits, hémiédriques,
opaques, très faiblement sucrés. Sa densité est égale à 1 ,53.
Elle se dissout dans 6 parties d'eau froide avec dégage-
ment de chaleur. Cette dissolution saturée, abandonnée à
l'évaporation spontanée, à la température de 40°, ne com-
mence à déposer des cristaux que lorsqu'elle renferme en-
viron les 22 centièmes de son poids de sucre de lait ; cela
tient à la formation d'une lactose anhydre qui s'obtient
surtout quand on évapore rapidement une solution de lac-
tose ; elle est environ deux fois plus soluble dans l'eau que
la lactose ordinaire et possède un pouvoir rotatoire plus
faible. La solubilité de la lactose dans l'eau augmente un
peu en présence des acides ou des alcalis ; elle est insoluble
dans l'alcool. La lactose est dextrogyre. Son pouvoir rota-
toire rapporté à la teinte de passage et à la formule C^^tP^O^^
est égal à + 59^3 ; la solution récente possède un pou-
voir rotatoire beaucoup plus grand, mais qui diminue rapi-
dement avec le temps jusqu'au nombre précédent. La lac-
tose séchée à la température ordinaire répond à la formule
C24H22022^H202; elle est fort peu hygrométrique. Elle
perd son eau de cristallisation vers 150*^. Au delà elle
change entièrement de nature et se transforme en acides
bruns, analogues à ceux qui dérivent des autres sucres,
mais susceptibles de donner de l'acide mucique quand on
les traite par l'acide nitrique. Presque toutes ses propriétés
chimiques s'expliquent par sa fonction d'alcool polyato-
ffiique jointe à une fonction aldéhydique ; la lactose est en
effet un diglucoside dérivé de la glucose ordinaire et de la
galactose :
C24H22022 4.H202z=C^2H12Q12_|_C12H220i^
Lactose Galactose Glucose
M. Demole prétend avoir reproduit la lactose par l'action
déshydratante de l'anhydride acétique vers 159° sur le mé-
lange de galactose et de glucose provenant de son dédou-
blement; toutefois, il est bien difficile de savoir si la tota-
lité de la lactose a été dédoublée et s'il n'en existait pas
toute formée dans la matière soumise à l'expérience, de sorte
qu'il reste un doute sur la réalité de cette synthèse. L'acide
sulfurique et l'acide chlorhydrique dilués décomposent à
l'ébullition le sucre de lait et le transforment en un mé-
lange équimoléculaire de glucose et de galactose ; cette mé-
tamorphose est plus lente que celle du sucre de canne. Les
mêmes acides concentrés carbonisent le sucre de lait à la
même température. L'amagalme de sodium réduit la lactose
en fixant deux molécules d'hydrogène et engendre de la
dulcite et de la mannite, comme si l'on agissait sur un
mélange de glucose et de galactose (H. Bouchardat) :
C24H22022 4-2Fl2+H202=:C12Hi40^2_j_Ci2ni4012
Mannite Dulcite
Il se forme en même temps de l'alcool ordinaire et des al-
cools isopropylique et isohexylique, mais on n'obtient pas
de glycérine. L'acide nitrique ordinaire et bouillant oxyde la
lactose en donnant les acides mucique, saccharique, tar-
trique, oxalique, etc., les deux premiers résultent respec-
tivement de l'oxydation de la galactose et de la glucose.
Grâce à sa fonction aldéhydique, la lactose réduit directe-
ment le tartrate cupropotassique ; mais il faut 40 parties
de lactose pour réduire le même poids de réactif que
7 parties de glucose. Au contraire, après avoir été main-
tenu en ébullition avec les acides minéraux dilués, elle a
le même pouvoir réducteur que la glucose. La lactose se
combine à la phénylhydrazine aussi facilement que la glu-
cose ; la phényllactosazone ainsi formée est soluble dans
80 à 90 parties d'eau chaude; son point de fusion est vo-
sin de 2l)0<^ ; l'acide sulfurique étendu la transforme en
un anhydride presque insoluble dans l'eau. Les bases éner-
giques se combinent avec le sucre de lait, la potasse et la
soude dans la proportion de six équivalents pour une mo-
lécule de lactose, la chaux à molécules égales. Ce dernier
alcali forme également un composé basique insoluble. On
peut extraire la lactose inaltérée de ces combinaisons lors-
qu'elles ont été préparées récemment et à une basse tem-
pérature; mais, si l'on chauffe les dissolutions qui les ren-
ferment, la lactose est détruite à la manière des glucoses :
ainsi, dans des conditions convenables, l'hydrate de chaux
donne de l'isosaccharine ainsi qu'un anhydride isomère, la
métasaccharine, laquelle correspond à un acide métasacchari-
nique (M. Kiliani). La lactose ne fermente pas immédiatement
sous l'influence de la levure de bière; il faut un dédouble-
ment préalable en glucose et galactose à partir duquel peut
commencer la fermentation alcoolique. C'est à cette fer-
mentation que la liqueur tatare faite avec le lait de jument,
le konmis (V. ce mot), doit ses propriétés enivrantes. Le
dédoublement préalable de la lactose par une diastase,
effectué par la levure de bière, peut être produit par des
sécrétions fournies par d'autres microbes ; certains de ces
microbes comme le Bacillus butylicus peuvent dédoubler
la saccharose tandis qu'ils sont sans action sur la lactose.
Le sucre de lait peut éprouver aussi les fermentations
butyrique et lactique ; c'est cette dernière qui se produit
surtout lorsque le lait s'aigrit ; il se forme en même temps
de l'alcool, mais d'autant moins que l'on s'arrange pour
saturer immédiatement l'acide lactique produit. En sa qua-
lité d'alcool polyatomique, la lactose forme les acides des
éthers ou lactosides qui peuvent contenir plusieurs molé-
cules d'acide (M. Berthelot). Ainsi les acides acétique, bu-
tyrique, tartrique s'unissent directement au sucre de lait
à 400° en perdant de l'eau; on réussit mieux à préparer
ces éthers en remplaçant les acides par leurs anhydrides.
Un mélange d'acides sulfurique et nitrique fournit un éther
nitré détonant, la nitrolactine, cristallisable dans l'alcool.
Le sucre de lait se combine aussi à chaud avec l'aniline en
plusieurs proportions ; deux de ces composés cristallisés ont
été isolés ; leur équation génératrice est la suivante :
2 (c^m^w^) -h c^^H^Az — ir^o^
C24[1220224_Ci2H7Az— IPO^
Ces composés représentent des éthers anilidés de la
lactose. C. M.
BiBL. : Berthelot, Chimie organique fondée sur la syn-
thèse; Paris, 1860. — E. Fischer, Beric/iie der deutschen
chemischen Geseilschaft, 1888, 1889. — Tollens, Iland-
buch der Kolhenhydrate; Breslau, 1888.
LACTUCARIUM (Chim.). On donne le nom de lactuca-
rium au latex desséché qui s'écoule de certaines laitues et
particulièrement de la grande laitue vireuse ou de la Lac-
tuca altissima quand on pratique des incisions sur la tige
ou les rameaux. Indépendamment d'un certain nombre de
produits communs ou mal définis, le lactucarium contient
un principe neutre bien cristallisé, le lactucone, sans action
sur l'économie, un acide particulier, V acide lactucique
(V. ce mot) et une substance active, la lactucine, à laquelle
on attribue les propriétés narcotiques du lactucarium ; ce
suc présente beaucoup de ressemblance avec Topium, par
sa couleur, son odeur et ses légères propriétés narco-
tiques. C. M.
LACTUCIQUE (Acide) (Chim.). Cet acide, dont la for-
mule C^^H^^O^^ est bien douteuse, est une substance que
Walz et Ludwig ont retirée du lactucarium (V. ce mot).
On peut l'isoler sous la forme d'une masse jaune clair,
amorphe, qui se transforme peu à peu en un composé cris-
tallin. , C. M.
LACUÉE (Jean-Girard), comte de Cessac, général et
homme d'Etat français, né à La Massas (Lot-et-Garonne)
le 4 nov. 4752, mort à Paris le 44 juin 4844. Capitaine
en 4785, il fut appelé en 1789 comme membre externe au
comité institué par l'Assemblée constituante pour la réor-
731 -■
LACUEE — LACUSTRES
ganisation de l'armée. Commissaire du roi dans le Lot-et-
Garonne (1790), il fut envoyé par ce département en 4791
à l'Assemblée k^islative, où il soutint la politique des
Feuillants et attaqua vivement Dumouriez. Chargé par in-
térim du ministère de la guerre après le i 0 août, il pré-
para la victoire de Valmy. Envoyé un peu plus tard sur la
frontière des Pyrénées pour y organiser la défense et
nommé général de brigade (févr. 4793), il fut appelé en
juil. 4795 au comité de Salut public pour diriger les
bureaux de la guerre. Député du Lot-et-Garonne au Con-
seil des Anciens, il s'attacha principalement aux questions
militaires. Resté fidèle à Carnot après le 48 fructidor, il
vit avec plaisir tomber le Directoire. Bonaparte, qui appré-
ciait ses talents administratifs, lui confia par intérim
en 4 800 le portefeuillle de la guerre, dont il refusa d'être
titulaire l'année suivante. Nommé président de la section
de la guerre au conseil d'Etat en 4803, Lacuée fut comblé
d'honneurs par l'Empire, devint général de division, mi-
nistre d'Etat (4807), comte de Cessac (4808), enfin mi-
nistre de l'administration de la guerre. Dans ce dernier
emploi, qu'il remplit avec une infatigable activité et une
grande énergie, Lacuée se fit des ennemis par sa rudesse
et son intégrité. H résigna son portefeuille à la fin de 1813,
mais il resta président de section au conseil d'EUt; il se
rallia aux Bourbons (avr. 4844) qui l'employèrent d'abord
comme inspecteur général d^infanterie, mais qui le mirent
ensuite à l'écart. Lacuée applaudit à la révolution de Juillet
et fut appelé à la Chambre des pairs par Louis-Philippe
(49 nov. 4831). — On a de ce général plusieurs ouvrages,
parmi lesquels nous citerons : le Guide de l'officier eu
campagne (4786, 2 vol. in-8) ; Projet de co7isiitiition
pour V armée des Français (4789, in-8) ; Un Militaire
aux Français (4789, in-8); Art militaire (dans V En-
cyclopédie méthodique^ 4 vol. in- 4). A. Debïdour.
LA GUESTA (V.Cuestâ).
LA CUEVA (Beltran de La) (V. Beltran).
LA CUEVA (Bedmar bella) (V. Bedmar).
LACUL-Sarat. Stat. balnéaire de Roumanie, située au
S.-O. de la ville de Braila.
LACUNE. I. Mathématiques. — Un polynôme entier
ordonné par rapport aux puissances croissantes ou décrois-
santes de sa variable présente une lacune quand un ou plu-
sieurs coefficients consécutifs sont nuls. Voici quelques théo-
rèmes sur les lacunes : Si dans une équation ordonnée, il y
a un coefficient nul entre deux coefficients de même signe,
cette équation a au moins un couple de racines imaginaires.
— Si dans une équation ordonnée, il existe deux coefficients
consécutifs nuls, cette équation a au moins un couple do
racines imaginaires. — Si dans une équation ordonnée, il y
a trois coefficients consécutifs nuls entre deux coefficients
de même signe, cette équation a au moins deux couples de
racines imaginaires. — Si dans une équation ordonnée, il v
a quatre coefficients consécutifs nuls, cette équation a au
moins deux couples de racines imaginaires.
Fonctions avec des lacunes, ou espaces lacunaires. —
Une fonction f (x) présente une lacune quand elle n'existe
pas dans certaines portions du plan qui sont alors pour elle
des espaces lacunaires. En général, quand une fonction n'est
définie que dans une portion limitée du plan, on peut effec-
tuer son prolongement analytique, c.-à-d. que l'on peut
trouver une fonction égale à la fonction donnée dans la
portion du plan où elle est définie et définie pour une plus
grande étendue du plan et, déplus, continue sur la limite
du contour délimitant la partie où la fonction primitive se
trouvait définie. Mais il peut aussi arriver que ce prolon-
gement analytique soit impossible et alors la portion de
plan pour laquelle la fonction n'est pas définie est un espace
lacunaire proprement dit. Le cercle décrit do Forigine
comme centre avec l'unité pour rayon est un espace lacu-
naire pour la fonction
f{x) z=.~{-X'' + X""^ + X^^ + ...
a désignant un entier négatif. H. Laurent.
IL Botanique. — Espace compris entre des groupes
de cellules. Les lacunes n'ont pas de parois propres; elles
sont limitées par les parois cellulaires et se rencontrent
notamment dans le parenchyme des plantes aquatiques
submergées ou nageantes ; ce sont des chambres à air ou
à gaz. Chez les Kquisetum on rencontre des lacunes val-
léculaires et des lacunes carénales que Duval-Jouve a appe-
lées lacunes essentielles. — Les méats ne sont pas autre
chose que de petites lacunes. D"* L. Hn.
LACURNE DE Sainte-Palaye (Jean-Baptiste de), érudit
français, né à Auxerre le 6 juin 4697, mort à Paris le
4^'" mars 4781. Membre de l'Académie des inscriptions et
belles-lettres (4724) et de TAcadémie française (4758),
Citons de lui : Letlre à Bachaumont sur le bon gofU
dans les arts et dans les lettres (ilM, in-12); les
Amours du bon vieux temps (Aucassin et Nicolette)
(Paris, 47^)6, in-42); Mémoires sur f ancienne cheva-
lerie (Paris, 4759, 4784, 3 vol. in-42, nouv. éd., 48^26,
2 vol. in-8), un grand nombre de mémoires dans le re-
cueil de l'Académie des inscriptions et surtout : diction-
naire historique de Vancien langage français^ publié
parL. Favre (Paris, 4876-1882, 40 vol. in-4).
LACUSTRES (Habitations) (Anthrop.). Les premières
habitations lacustres, appelées aussi palafittes, du nom ita-
lien des pilotis (palafitti), ont été découvertes pendant
l'hiver très sec de 4553-54 dans le lac de Zurich, à Meilen>
La présence de pilotis au fond des lacs était signalée de-
puis longtemps par les pécheurs qui y accrochaient leurs
filets. Lorsqu'on sut au juste ce qu'étaient ces pilotis, ce
fut une véritable révélation, la plus complète et la plus
indiscutable, sur les anciennes civilisations de l'Europe
ignorées de l'histoire. Toute leur importance a été mise en
relief par l'étude si minutieuse et si complète qu'a faite
Ferdinand Keller de la riche station de Robenhausen située
dans un marais tourbeux près du lac de Pfaîfiîkon (com.
de Watzikon, cant. de Zurich). Cette station a donné son
nom à toute notre civilisation industrielle de la pierre po-
lie. Et c'est en effet à cet âge qu'appartiennent nos plus
anciennes habitations lacustres dont les restes, par suite
du retrait des eaux et de l'exhaussement des rives, se
trouvent fréquemment en pleine terre ou dans des marais.
Mais la plupart d'entre elles, sauf dans l'E. de la Suisse,
appartiennent à l'âge du bronze et à l'âge du fer. Leur
centre principal, le pays où elles ont été les plus répan-
dues, est le pays où il y avait et il y a encore le plus de
lacs : c'est la Suisse. Keller en comptait déjà, en 4879,
164 dans ce pays. Mais elles furent aussi très nombreuses
dans les lacs du N. de l'Italie et on en a découvert un cer-
tain nombre et de très importantes dans nos lacs de la
Savoie et en Autriche. Il y en a aussi dans le Wurttemberg,
en Bavière, au N.-E. de l'Allemagne. Il y en avait sûre-
ment au N. de la Grèce au temps dTIérodote qui en parle,
et l'usage des constructions sur pilotis, sans doute extrê-
mement ancien, s'est maintenu au Caucase jusqu'à nos jours
dans la région marécageuse et sujette aux inondations de
Poti, sur l'ancien Phase. Cet usage cependant n'a pas été gé-
néral en Europe, même aux âges préhistoriques qui nous
occupent. Il a dépendii autant des mœurs de certains peu-
ples que de la nature du pays habité par eux. La grande
extension des terramares en Italie (V. ce mot, t. XX,
p. 4 042) , véritables habitations lacustres artificielles, prouve
bien qu'il aurait pu se répandre partout, si partout il
s'était imposé comme une nécessité pour l'existence et la
sécurité des villages. On a donc attribué son importation
à un peuple particulier qui devait venir d'Asie par le Da-
nube. Mais de cette hypothèse nous n'avons aucune preuve
décisive, la région danubienne nous étant d'ailleurs encore
peu connue. Les constructions sur pilotis se rencontrent
toutefoie encore de nos jours un peu partout dans l'uni-
vers. Elles sont la règle en certaines parties de FExtrême-
Orient, de la Cochinchine notamment, et on en a observé
jusque chez les sauvages Papous (havre de Doréi). Mais
elles ne sont nullement toujours élevées, comme ces der-
nières, au-dessus de l'eau. Des restaurations ont été faites
LACUSTRES - LADAK
— 732 —
des palafittes préhistoriques de nos lacs, car on a trouvé
au fond de l'eau jusqu'à des pans de murs des maisons,
maisons de branchages recouverts de glaise durcie par le
feu au moment des incendies qui les ont souvent détruites.
Elles formaient jusqu'à de très gros villages, puisqu'à Morges
(âge du bronze), sur le lac de Genève, les pilotis couvrent
une superficie de 60,000 m. q. Ces pilotis étaient formés
d'abord de troncs entiers, et ce n'est qu'à l'âge du bronze,
Habitations lacustres.
l'outillage étant plus perfectionné, que ces troncs furent
divisés, sinon équarris. Lorsque le fond rocheux du lac ne
permettait pas de les fixer dans le sol, on les englobait
dans des amas de pierrailles rapportées. Une plate-forme
formée de rondins ou de planches grossières, fixée au-
dessus des pieux, formait le sol du village et communiquait
avec la rive par un passage sur pilotis et un pont qu'il
était facile d'enlever chaque nuit ou en cas de danger. Les
maisons étaient des cabanes rondes pour la plupart. Mais
il y eut aussi des cabanes carrées, avec toit très incliné à
deux pentes. Zaborowski.
LACUZON (Claude Prost, dit), chef de partisans franc-
comtois, né à Longchaumois, près de Saint-Claude, le
il juin 1607, mort à Milan le 24 déc. 4681. Fils d'un cul-
tivateur, il était commerçant à Saint-Claude, où il s'était
marié en 1632 avec Jeanne Blanc, lorsque Bernard de Saxe-
Weimar et ensuite les Français menacèrent la Franche-
Comté. Claude Prost, catholique fervent et ardent patriote,
se fit connaître comme chef de partisans. Dès 1636, posté
à Saint-Georges, sur la route de Saint-Claude, il engageait
avec les Français venus de la Bresse des luttes sanglantes.
C'est alors qu'on lui donna le surnom de La Cuzon (l'in-
quiétude). Etabli dans le château de Montaigu, il repoussa
les Français à deux reprises en 1640 et dégagea ainsi Lons-
le-Saunier. En 1 641 , il reprit le château de Saint-Laurent
et en fut nommé capitaine par le roi d'Espagne. L'armistice
de 1642 arrêta ses exploits. Lors de la guerre de 1668,
il tenta de résister à l'invasion, mais dut par ordre du
parlement faire sa soumission au lieutenant du roi de
France* Après la paix, le roi d'Espagne le nomma com-
mandant du bailliage d'Aval (9 janv. 1669). Pendant l'in-
vasion de 1673, il essaya vainement de secouer la torpeur
de la population et se jeta dans SaUns ; la ville capitula,
mais il parvint à s'échapper et disparut pendant quelque
temps. On le retrouve plus tard à J>Iilan où il entra dans
une compagnie composée presque entièrement de réfugiés
comtois; en 1678, il prit part à la guerre de Sicile. On
croit qu'il alla en pèlerinage à Rome en 1679, vint secrè-
tement dans son pays et retourna mourir à Milan.
Lacuzon, très peu connu des historiens, est resté une
figure vivante dans l'imagination populaire; les paysans
le croyaient invulnérable. Les Comtois ont vu en lui le
héros de l'indépendance nationale. En réalité, le paysan
illettré était un homme très avisé ; il s'anoblit lui-même
et pillait en temps de paix les pays qu'il avait défendus en
temps de guerre. Dès 1645, il se sentait la conscience si
peu tranquille qu'il demanda à Philippe IV des lettres de
rémission. Il commit toutes les violences habituelles aux
chefs de partisans, et sa conduite fut l'objet d'une enquête
de laquelle il parvint à sortir absous en 1659, en raison
du rôle militaire qu'il avait joué. — Lacuzon a inspiré plu-
sieurs romanciers : X. de Montépin, L. Jousserandot, etc.
BiBL. : Les ouvrages antérieurs sont cites dans Pli. P.
[erraud], Lacuzon d'après de nouveaux documents ;
Lons-le-Saunier, 1867, in-8. — Du même, Un Doc. inédil
sur Lacuzon; id., 1875, in-8. — G. Chifflet, Mém. (Acad.
des se. de Besançon^ t. V et VI). — Vayssière, Lettres de
rémission accordées à Lacuzon (Soc.d'émuL du Jura, 1879).
LACY, comtes de Lincoln (V. ce nom).
LACY (John), acteur et auteur dramatique anglais,
mort en 1681. Elève de John Ogilby, traducteur et maître
de danse, c'est à ce dernier art qu'il dut ses meilleurs
succès. Il servit comme officier la cause royale pendant la
guerre civile, et fut ensuite un des acteurs les plus en vue
du théâtre que Killigrew dirigeait. Il encourut la disgrâce,
bientôt suivie de pardon, de Charles II pour avoir joué
The Country Gentleman corne up to Court, On a de lui
quelques comédies et farces, dont la meilleure est The Old
Troop, or Monsieur Rag g on, où il tire parti, avec son tem-
pérament de satirique et de caricaturiste, des observations
qu'il avait pu faire pendant la guerre civile. B.-H. G.
LACY (Thomas Hailes), auteur dramatique anglais, né
en 1809, mort à Sutton le 1^^ août 1873. Il débuta encore
enfant sur une scène de province, devint directeur du
théâtre royal de Sheffield et, par la suite, éditeur de
pièces de théâtre. On a de lui : The Pickwickians (1837),
drame en trois actes ; The Toiver of London (1840),
drame ; The School for Daughters (1843), comédie ; Mar-
tin Chuzzlewit (1844), drame ; Clarisse Harloive (1846),
drame tragique, etc. Il avait épousé en 1842 Frances
Dalton Cooper (1819-1872), actrice de Covent Garden.
LACY (Sir George de) (V. Evans).
LACY (Pierre, comte) (V. Lâscy).
LACY DES DE Cyrène, philosophe grec, appartenant à
la nouvelle Académie. Il fut disciple et successeur d'Ar-
césilas ; quelques témoignages nous le présentent comme
s'étant écarté de la doctrine de son maître : c'est ainsi qu'on
lui a attribué la fondation de la troisième Académie. Mais il
vaut mieux s'en rapporter au témoignage formel de Cicéron
d'après lequel Lacydes n'altéra en rien la doctrine d'Arcé-
silas. C'est à Carnéa qu'il était réservé de modifier notable-
ment l'enseignement de la nouvelle Académie. Tout ce que
nous savons de ce savant philosophe, c'est qu'il succéda à
son maître vers 241 av. J.-C. et qu'il resta à la tète de
l'école pendant vingt-six ans. II enseignait dans un jardin
que lui avait donné Atlale, roi de Pergarae. Il était pauvre,
et, ce prince l'ayant appelé à sa cour, il refusa en disant
qu'il fallait regarder de loin les portraits des rois. Il se si-
gnala par son ardeur au travail, par l'aménité de son ca-
ractère, par l'élégance de sa parole. C'est lui qui fit con-
naître les doctrines d'Arcésilas, qui n'avait rien écrit : on
cite de lui divers écrits sur la philosophie et sur la nature.
Diogène Laerte, qui a écrit sa vie, Numérius (dans Eusèbe,
Prœp, Evang., XIV, 7), Pline racontent à propos de Lacydes
diverses anecdotes dont plusieurs sont manifestement in-
ventées par des adversaires qui voulaient tourner sa doc-
trine en ridicule. Athénée raconte (X, 438 A) qu'il mourut
de paralysie pour avoir trop bu, et Diogène parle aussi
de son culte immodéré pour Bacchus. Mais, d'autre part,
le même historien parle de lui en termes élogieux qui ne
s'accordent guère avec le défaut qu'il lui prête. Lacydes
avant de mourir laissa la direction de son école à ses deux
disciples, les Phocéens Téléclès et Evandre. V. Br.
LAD (Sport) (V. Course, t. XIII, p. 158).
LADAK. Région de l'Inde septentrionale, correspondant
à une partie de la vallée supérieure de l'Indus, entre le
Cachemire et le Baltistan à l'O., le Tibet à l'E.; c'est un
coin du Tibet conquis par les souverains de Cachemire
(V. ce mot) ; l'aUitude de la vallée fluviale est de 3,000
à 3,500 m. , celle des vallées latérales de 4,000 à
4,500 m., celle des montagnes qui les encadrent de 6,000
à 8,000 m. ; les alluvions, qui avaient comblé ce bassin
jusqu'à une hauteur uniforme de 4,500 m., ont été en
grande partie entraînées par les eaux. Le climat est sec ;
il ne pleut jamais, il neige rarement ; il gèle toutes les
— 733 —
LADÂK - LADISLAS
nuits, sauf au fort de Tété, mais la chaleur est souvent
très grande durant le jour.
Les Ladakis sont un peuple de race tibétaine, proche
parent des Tchampas (qui habitent au voisinage, dans la
vallée du Chayok et dans les montagnes environnantes),
sont des gens de taille au-dessous de la moyenne (1^61
d'après les mesures de Ujfahy), à tète allongée (indice
céphalique moyen : 77 sur le vivant). Leurs pommettes
saillantes et élevées, leurs yeux bridés et obliques, le peu
de développement de leur système pileux les font ranger
parmi les races mongoliques. Les Ladakis sont gais, sim-
ples et lourdauds ; leur principale occupation est l'agri-
culture : ils cullivent les céréales jusque sur les plateaux
de 5,000 m. d'alt. La polyandrie est plus strictement
observée par les Ladakis que par d'autres Tibétains. Leur
rehgion est le bouddhisme-lamaïte, et ce ne sont pas les
couvents qui manquent dans leur pays. La capitale est
Léh (4 à 5,000 hab.). Le commerce local est minime,
mais le transit entre le Cachemire, le Turkestan chinois
et le Tibet est considérable (V. Cachemire et Inde).
Le Ladak appartint aux Tibétains jusqu'à la ruine de leur
empire, au x^ siècle. Au xvu® siècle, il fut envahi par les
musulmans du Baltistan, puis par les Kalmouks (1685-88)
et se soumit au Cachemire. Les Chinois le disputèrent à
Goulab Sing sans le lui enlever; le maharadja de Cache-
mire paye d'ailleurs un tribut à la Chine pour le Ladak.
LADANI (Nicaise), chroniqueur belge, né à Béthune en
4465. Il fut roi d'armes de Maximilien d'Autriche et de
Charles-Quint. Sous le nom de Grenade, il écrivit une
chronique rimée dont il existe plusieurs exemplaires ma-
nuscrits à Valenciennes, à Bruxelles et à Courtrai. Cette
chronique relate les principaux événements survenus de
4488 à 4547, et présente un certain intérêt pour l'histoire
des rivalités de Charles-Quint et de François V"^. E. H.
LADAME (Paul-Louis), médecin et aliéniste suisse, né
le 45 juin 4842 à Neuchâteî, où son père était professeur
de physique et de chimie à l'Académie. Il s'établit dans le
cant. de Neuchàtel, puis à Genève où il est depuis 4884
privat-docent à l'université pour les maladies nerveuses et
mentales. Parmi ses publications, citons : les Tumeurs
cérébrales; Prostitution^ Folie et Criminalité; Hypno
tisme et Médecine légale; Statistique des aliénés, etc.
LADANUM. Substance résineuse qui exsude spon-
tanément, sous forme de larmes, des rameaux et des
feuilles du Cistus creticus L., arbrisseau de File de
Candie. On la recueille en promenant sur les arbrisseaux
des lamelles de cuir attachées ensemble et disposées
comme les dents d'un peigne. On détache la résine des
lamelles par raclage et on la renferme dans des vessies,
où elle durcit. Le ladanum est noir, solide, cassant,
humide ; il se ramollit facilement à la chaleur de la main
en dégageant une odeur balsamique forte et adhère aux
doigts comme de la poix. A la longue, il perd de l'eau
et devient sec et poreux. Il fond aisément par la chaleur.
Il contient 86 ^jo de résine et d'huile volatile avec 7 <^/o
de cire. — Le Cistus ladanifer L. d'Espagne fournit,
par ébullition dans l'eau des sommités, un autre ladanum
noir, coulant, assez semblable à de la poix noire, mais
n'en offrant pas la cassure vitreuse. — Dans le commerce
on ne trouve guère qu'un ladanum falsifié, dur, sec, en
rouleaux spirales. Quoique assez actif, le ladanum n'est
plus employé en médecine; autrefois il entrait dans le
baume hystérique, l'emplâtre contre la rupture, etc.,
pour ses propriétés neurines et hémostatiques. D^ L. Hn.
LADAPEYRE {ÏMta Petra), Com. du dép. de la Creuse,
arr. et cant. de Guéret; 4,5*25 hab. Eglise du xm^ siècle
dédiée à saint Sulpico, dépendante au moyen âge du mo-
nastère d'Evaux. Château de la fin du xiv® siècle, dont le
donjon est bien conservé. Avant la Révolution, la paroisse
de Ladapeyre était divisée en trois collectes, ressortissantes
à l'élection de Guéret, province de la Marche. Châteaux
féodaux à La Doge, à La Côte, au Coudart et à La Chas-
sagne. Ant. T.
LAD AS, célèbre coureur de l'antiquité qui expira aussi-
tôt après sa victoire aux jeux Olympiques (dans le 80'Xtxoç).
On lui éleva des statues dans la Laconie, sa patrie, à Ar-
gos (celle-ci chef-d'œuvre de Myron), etc. — Un de ses
homonymes, natif d'/Egium (Achaïe), remporta à Olympie,
en 280 av. J.-C., le prix de la course à pied.
LADAUX. Com. du dép. de la Gironde, arr. de La Réole,
cant. de Targon ; 248 hab.
LADERN. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux, cant.
de Saint -Hilaire; 427 hab.
LADEVÈZE-RiviÈRE. Com. du dép. du Gers, arr. de
Mirande, cant. de Marciac; 572 hab.
LA DEVEZE- Ville. Com. du dép. du Gers, arr. de Mi-
rande, cant. de Marciac ; 420 hab.
LADIGNAC. Com. du dép. de la Corrèze, arr. et cant.
de Tulle; 527 hab.
LADIGNAC. Com. du dép. de la Haute- Vienne, arr. et
cant. de Saint- Yrieix ; 2,274 hab. Terre à porcelaine.
LADINHAC. Com. du dép. du Cantal, arr. d'Aurillac,
cant. de Montsalvy; 950 hab. Vestiges romains. Ruines du
château féodal de Mont-Lauzy.
LAD IN OS. Métis d'Européens et d'Indiennes, au Mexique
et dans l'Amérique centrale.
LADINS. Le cant. des Grisons, en Suisse, l'ancienne
Rhétie de l'époque romaine, compte des vallées dont les
populations parlent encore une langue dérivée du latin. Il
y a deux dialectes principaux, le romanche et le ladin. Les
habitants qui parlent ce dernier se trouvent dans la grande
vallée de VEngadine (V. ce mot) ; ils se distinguent des
populations essentiellement allemandes du pays par une
certaine finesse des traits, mais s'assimilent toujours da-
vantage avec elles; malgré les efforts qu'ils font pour
conserver leur langue, le territoire dans lequel elle règne
s'amoindrit de jour en jour, envahi par Fallemand.
LADISLAS, rois de Bohême (V. Vlabislav).
LADISLAS 1«S le Saint, roi de Hongrie, né en 4044,
mort en 4095. Elevé en Pologne, où son père le futur roi
Bêla I«^ s'était réfugié avec sa famille, il en revint avec
lui. Dès lors et jusqu'à son propre avènement (4064-77),
pendant les courts règnes de Bêla, de Salomonetde Geiza,
le jeune Ladislas fut le héros des armées magyares, héros
de force, de beauté, de piété, de talent stratégique. H ga-
gna sur les envahisseurs cumans la bataille de Cserhalom
(1067) et sur le parti antinational ou impérial, celle de
Czinkota. Devenu roi, il continua à soutenir Grégoire VII
contre Henri IV ; mais il s'occupa surtout des frontières de
son royaume, conquérant la Croatie, battant une fois de
plus les Petchénègues païens, puis fixant leurs débris sur
les bords fertiles de la Tisza. Ayant ainsi assuré la tran-
quillité du sol hongrois, Ladislas commença une nouvelle
tâche, celle du législateur, dans les grandes assemblées des
prélats, des grands et du peuple, dont la principale fut te-
nue à Szabolcs en 4092. Ces lois, en grande partie rela-
tives à l'Eglise comme il était naturel dans un pays nou-
vellement converti, présentent dans leurs dispositions
pénales un caractère d'extrême sévérité. Cependant l'Eu-
rope chrétienne se livrait aux immenses préparatifs de la
première croisade. Ladislas reçut en roi pieux les ambas-
sadeurs des pèlerins armés. On lui a prêté l'intention de
devenir un de leurs chefs. En tout cas, il mourut dans une
expédition toute différente contre la Bohême. Son corps fut
tranporté de Nagy-Varad et enfermé dans un tombeau
d'argent. Célestin IH l'a canonisé en 4498, et sa fête se
célèbre le 27 juin. E. Sayous.
LADISLAS II, roi de Hongrie, frère d'Etienne IH, dis-
puta la couronne à celui-ci, l'obtint par un arrangement,
mais mourut au bout de quelques mois (4164-62).
LADISLAS III, roi de Hongrie. Fils mineur du roi Eme-
rich, il fut couronné en 4204, et mourut en 1205 à l'âge
de cinq ans, juste à temps pour n'être pas détrôné par son
oncle André II.
LADISLAS IV, le Cuman, roi de Hongrie, de 4272 à
1 1290. Cet avant-dernier souverain de la race d'Arpad a
LAOISLAS - LADOGA
734 —
signalé son règne par deux grands faits, l'un militaire et
diplomatique, l'autre intérieur et législatif : 1° par son al-
liance avec Rodolphe de Habsbourg contre Ottokar, roi de
Bohême, et par l'envoi d'une puissante armée à son alhé,
il a contribué plus que personne à l'eiFondrement des espé-
rances tchèques et à la fondation de la grandeur autri-
chienne (1278) ; 2^ par ses Articuli Cumanorum et
par sa Constitutio de Cumanis, il fixa au sol les Cumans
nomades, déplorable résidu des invasions mongoles, et re-
média aux maux de cette invasion même en leur faisant
construire des villages dans les contrées les plus dépeu-
plées des bords de la Tisza. Malheureusement les résultats
de la sympathie royale pour les Cumans, sympathie qui
valut à Ladislas IV son surnom, ne se sont réalisés que
peu à peu par l'organisation de la Petite et de la Grande-
Cumanie ; tandis que les bizarreries du roi, qui tantôt
combattait ceux des Cumans restés dans le paganisme, tan-
tôt se mettait à vivre avec eux et avec une femme cumane,
ont produit de graves désordres et mécontenté la nation
contre lui. Ce sont des chefs cumans qui finirent par le
tuer. E, Sayous.
LADISLAS V, le Posthume, roi de Hongrie, né en
1440 quelques mois après la mort de son père l'empereur
Albert II, mort à Prague en 1458. Couronné dès sa nais-
sance par le parti de sa mère Elisabeth et de son oncle
l'empereur Frédéric III, il fut réellement écarté du trône
au profit de Wladyslaw, roi de Pologne. Mais lorsque celui-
ci eut succombé à Varna (1444), une diète réunie à Bude
proclama Ladislas roi de Hongrie, tout en conférant la ré-
gence pour toute la durée de la minorité, au « gouverneur »
Jean Hunyade (V. ce nom). C'est seulement en 1452
que le héros remit le pouvoir entre les mains du jeune roi,
tâchant de le soustraire à l'influence antitiationale de ses
deux oncles, l'empereur et le comte de Cilly. Il n'y réussit
qu'en apparence, et lorsque le grand croisé fut mort victo-
rieux dans Belgrade, l'entourage royal reprit le cours de
ses intrigues. Alors Ladislas Corvin, fils aîné de Jean, tua
Cilly dans une discussion, et bientôt après fut exécuté par
l'ordre de Ladislas le Posthume. Celui-ôi, écrasé d'impo-
pularité, dut quitter le royaume ; il s'occupait de son ma-
riage projeté avec Madeleine de Valois lorsqu'il mourut.
Son successeur élu fut le jeune Mathias Corvin, fils et frère
des deux martyrs nationaux. E. Sayous.
LADISLAS, rois de Pologne (V. Wladyslaw),
LADIViLLE. Com. dudép. de la Charente, arr. et cant.
de Barbezieux; 222 hab.
LA DIXMÉRIE (Nicolas Bricahie de) (V Dixmérie).
LADIVilRAULT (Louis-René-Paul de), général et hounne
poHtique français, né à Montmorillon le 17 févr. 1808.
Ancien élève de Saint-Cyr, il fit les campagnes d'Afrique
à partir de 1831, devint général de brigade en 1848, gé-
néral de division en 1853, prit part aux victoires de Mari-
gnan et de Solférino pendant la guerre d'Italie (1859), fut
nommé sous-gouverneur de l'Algérie le 18 sept. 1865,
sénateur le 15 déc. 1866 et, après avoir exercé plusieurs
grands commandements, fut, en juil. 1870, mis à la tête
du 4° corps (V. Fkango-allemande [Guerre]). Prisonnier
en Allemagne après la reddition de Metz (oct. 1870), il en
revint en avril 1871 et contribua, sous Mac-Mahon, à la
reprise de Paris sur la Commune. Chargé ensuite (l^^juil.
1871) du gouvernement militaire de Paris, qu'il exerça
jusqu'en 1878, il fut envoyé au Sénat, le 30 janv. 1876,
par le dép. de la Vienne, vota d'ordinaire avec la droite,
obtint le renouvellement de son mandat en 4882, mais ne
se représenta pas aux élections de janv, 1891.
LADNOWSKI (Alexandre), acteur et auteur dramatique
polonais, né en 1819, mort à Cracovie en 1891. ïl entra
fort jeune au théâtre et se fit surtout remarquer dans les
rôles comiques. Il a écrit un certain nombre do pièces en
vers et en prose. Elles ont été réunies en volumes (Rzeszow,
1859-63). Quelques-unes sont restées populaires. On lui
doit en outre des nouvelles historiques, notamment iù^-
doxie Czartoryska ou l^'s Tatares en Podolie (Rzeszow,
1860). — Son fils Bosleslaw, né à Plock en 1841, est
également un acteur estimé.
LADO. Ville située sur la rive gauche du Haut-Nil, par
5° environ de lat. iN. Fondée en 1875 par Gordon, alors
gouverneur général du Soudan égyptien, elle fut destinée
dès l'origine à devenir le centre administratif et commer-
cial des territoires acquis par l'Egypte dans la région de
l'Equateur. Ces territoires prirent dès lors le nom de pro-
vince égyptienne de Lado ou de province Equatoriale et
s'étendirent du S. de la province de Fashoda par 7° de
lat. N. jusqu'au rivage septentrional du lac Albert, aux
limites de l'Ounyoro et de l'Ouganda. La domination égyp-
tienne dura peu dans ces parages. En 1883, l'insurrec-
tion madhiste s'étant répandue sur tout le Bahr-el-Gazal et
la province de Fashoda, Lado tomba au pouvoir des par-
tisans du mahdi. Une expédition belge sous la conduite de
Van Kerckhoven, partie du Haut-Oubangui, a occupé, en
1891, au nom de l'Etat indépendant du Congo, Lado et
toute la partie de la province Equatoriale située sur la rive
gauche du Nil. La convention du 14 août 1894 entre la
France et l'Etat indépendant reconnaît au Congo belge la
possession de Lado. D^^ RomRE.
LADOGA. I. Lac. — Lac du N.-O. de la Russie, entre
la Finlande et les gouvernements ou provinces de Saint-
Pétersbourg et d'Olonetz. Situé entre 60« et 61« 40' de lat.
N., ce lac a 200 kil. environ de longueur du N. au S. sur
100 kil. de l'O. à l'E. et une superficie de 18,130 kil. q.
Il reçoit la Voksa à l'O., le Volkhov au S, et le Svir à l'E. ;
ces trois tributaires lui apportent respectivement les eaux
des lacs Saïma, Hmen et Onega, tandis que le trop-plein
de ses eaux se déverse dans le golfe de Finlande par la
Neva. Le bassin du lac couvre une superficie égale presque
à la moitié de la France, mais les voies flottables ou navi-
gables n'ont sur cet immense espace qu'une longueur de
3,000 kil. seulement. Les rives du lac sont rocheuses au
N. et à l'O., plates, marécageuses ou couvertes de forêts
au S.-E. Dans cette partie, le lac a peu de profondeur, et
la navigation y est difficile ; aussi, pour assurer les com-
munications du N.-E. de la Russie avec Saint-Pétersbourg,
a-t-on creusé un canal qui, partant de la rivière Svir, longe
la rive méridionale du lac et aboutit à la Neva, près de la
forteresse de Schlusselburg, On observe dans le lac La-
doga un courant continu qui marche, dans le sens opposé à
celui de l'aiguille d'une montre, le long des côtes. Les coups
de vent et les tempêtes y sont fréquents. Parmi les nom-
breux ports du pourtour du lac, les meilleurs sont ceux de
Serdobol et de Rexholm. Dès le commencement de no-
vembre, les eaux charrient des glaces et se trouvent prises
définitivement vers le 8 ou le lÔ déc. ; la débâcle ne com-
mence guère avant le milieu d'avril et les eaux ne sont
libres de glace que vers le 2 mai. De cette façon, la durée
de la navigation est de 1 91 jours en moyenne. On y pêche
des esturgeons, des brochets, des perches et surtout la
riapouckca (Salmo albula). Une espèce de phoque, la
même que celle du lac Onega, vit dans ses eaux. Parmi les
grandes îles, il faut mentionner le Rekalé^ très peuplée,
en face de la ville de Serdobol (42 kil. q.), le Monsin-
saari (41 kil. q.) et le Yalaam (27 kil. q.), renfermant
un couvent célèbre. On a trouvé en 1882, sur la rive mé-
ridionale du lac, une station de l'homme préhistorique (de
l'époque néolithique) avec des restes de plantes des pays
tempérés, ce qui indiquerait un climat doux dans cette
région à l'époque post-glaciaire. J. Deniker.
IL Canal, — Le canal Ladoga ou de Pierre-le-Grand
fut creusé de 1719 à 1732 au S. du lac, afin d'éviter à la
navigation la traversée de celui-ci, jugée périlleuse ; il relie
Novaia Ladoga sur le Volkliov à Schlusselburg sur la Neva,
et mesure II 0 kil. de long, 1 8 m. de large. Il fait commu-
niquer la capitale avec le réseau de voies fluviales de Pin-
térieur (par le Volkhov et le Svir) et facilite son approvi-
sionnement en bois, grains, etc. Le développement du trafic
(24,000 bateaux, 1,200 radeaux) a décidé la construction
d'un second canal parallèle au premier, dit canal No^ola-
doga; il mesure 408 kil. Le canal Sjœs (112 kil.), entre
le Volkhov et le Sjses, et le canal Svir, entre le Sjaes et le
Svir, complètent la route fluviale ^ers l'intérieur. A.-M. B.
lïl. Ville. — Ladoga iVoi^am (Nouvelle), au N.-O. de la
Russie, ch.-l. de district de la prov. do Saint-Pétersbourg,
sur la rive S. du lac Ladoga ; 4,500 hab. — - A 15 kil.
au S. se trouve le village Staraïa (Vieille) Ladoga, sur
le Volkhov, près duquel on voit les ruines d'un château que
l'on prétend remonter au temps de Rurik. J. Deniker.
LADON. Rivière de Grèce, affl. de l'Alphée (V. Grèce,
t. XIX, p. 279). Dans la mythologie arcadienne, le dieu du
fleuve était fils d'Oceanus et de Téthys et père de Daphné
(V. ce nom). Le nom de Ladon fut aussi donné au dragon
à cent tètes qui gardait le jardin des Hespérides ; fils de
Typhon (ou de Phorkys) et de l'Echidna (ou de Keto), il
avait cent têtes dont toujours quelqu'une veillait. Il fut
tué par Héraklés (Hercule).
LADON. Gom. du dép. du Loiret, arr. de Montargis,
cant. de Bellegarde, sur le Fessard; 1,303 hab. Fabrique
de serges. Ruines d'un aqueduc gallo-romain.
LADORNAC. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. de
Sarlat, cant. deTerrasson; 608 hab.
LADOS. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Bazas,
cant. dAuros; 236 hab.
LADOSSE. Corn, du dép. de la Dordogne, arr. deNon-
tron, cant. de Mareuil; 433 hab.
LA DOUCETTE (Jean-Charles-François, baron de), ad-
ministrateur et homme poHtique français, né à Nancy le
4 oct. 1770, mort à Paris le 19 mars 1848. Après avoir
passé plusieurs années dans l'émigration, il rentra en
France après le 1 8 brumaire et fut nommé, le 13 avr . 1802,
préfet des Hautes-Alpes. Il dota ce département de nou-
veaux moyens de communication et y multiplia les éta-
blissements d'assistance publique. H ne montra pas moins
d'activité comme préfet de la Roër de 1809 à 1814. Pré-
fet de la Moselle pendant les Cent- Jours, il rentra dans la
vie privée après Waterloo. Envoyé à la Chambre des députés
par les électeurs de Briey en 183 i, il fut constamment
réélu jusqu'en d848 et vota d'ordinaire avec la majorité
ministérielle. Comme littérateur, il s'était fait connaître par
de nombreux ouvrages, parmi lesquels nous citerons : Hel-
vétius à Voré, comédie (1797) ; Rose et noir^ nouvelles
(1801) ; Philoclès, roman (1803); Archéologie du mont
Séleuciis (1806); Nouvelles, contes , apologies et mé-
langes; le Troubadour (1824); Robert et Léontine
(1827); Fables en vers (1827), etc. A. DEBmoua.
LADOU CETTE (Eugène-Frédéric-François, baron de),
homme politique français, fils du précédent, né à Paris le
45 mars 1807, mort à Viels-Maisons (Aisne) le 26 sept.
1887. Après le coup d'Etat du 2 déc. , il accepta, dans
l'arr. de Vouziers, la candidature officielle et entra (1852)
au Corps législatif, où il resta jusqu'à la fin de TEmpire
et vota constamment pour le gouvernement. Ecarté par
la révolution du 4 sept., il revint au Palais-Bourbon
comme député de Vouziers le 20 févr. 1876, soutint le
ministère de Broglie, et, malgré son appui, échoua aux
élections générales du 14 oct. 4877. A. Deiujdour.
LADOU CETTE (Louis-Napoléon-Laîtitia-Charles, baron
de), homme politique français, né à Aix-la-Chapelle le
11 févr. 1809, mort à Paris le 12 déc. 1869. Maître des
requêtes au conseil d'Etat sous la monarchie de Juillet,
il fut en 1849 envoyé à l'Assemblée législative par le
dép. de la Moselle, s'associa à la politique de l'Elysée et
fut appelé au Sénat dès 1852. A. Dewdour.
LA DOUCETTE (Etienne, baron de), homme politique
français, né à Saint-Etienne le 23 avr. 1844, fils d'Eugène
(V. ci-dessus). Auditeur au conseil d'Etat sous l'Em-
pire, il fit comme volontaire la guerre contre l'Allemagne
et devint député de Meurthe-et-Moselle le 20 févr. 1876.
Membre du groupe de l'Appel au peuple, il soutint le
gouvernement du 16 mai, fut réélu le 14 oct. 1877 et
se présenta avec succès dans l'arrond. de Vouziers (Ar-
— 735 — LADOGA — LADY FRANKLIN
dennes) le 21 août 1881. 11 combattit constamment les
cabinets républicains, échoua aux élections de 1885, mais
fut réélu en 1889 à Vouziers avec un programme révision-
niste-monarchiste. Aux élections de 1893 il a été battu
par M. Bourgoin.
LADOUZE. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Pé-
rigueux, cant. de Saint-Pi erre-de-Chignac ; 908 hab.
LA DO Y E. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-Sau-
nier, cant. de Voiteur; 168 hab.
LADRE (V. Lépreu).
LADRERIE (V. T/eniâ).
LADRON Y Guevara (Don) (V. Guevara [Felipe]).
LADU RN ER (Ignace-Antoine-François-Xavier), pianiste
et compositeur allemand, né à Aldein (Tirol) le 1°^ août
1766, mort près de Massy (Seine-et-Oise) le 4 mars 1839.
Fils d'un organiste, il fit ses études en Bavière et vint en
1788 se fixer à Paris, oii il devint bientôt l'un des pro-
fesseurs les plus en vogue. Son nom figure de 1797 à
1802 sur la liste des professeurs au Conservatoire de Paris.
Il fut le maître de Bocly et donna des leçons à Auber.
Ses œuvres, oubliées aujourd'hui, consistent en une ving-
taine de sonates et quelques divertissements et airs variés
pour le piano. En 1793 et 179611 fit joueràl'Opéra-Comique
deux petits ouvrages en un acte Wenzel, ou le Magistrat
du peuple, et les Vieux Fous, — Son frère, Josepk-Aloïs,
chapelain de la cour de Bavière, a publie quelques morceaux
de musique religieuse et de musique de piano. M. Br.
LADUZ. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Joigny, cant.
d'Aillant-sur-Tholon ; 377 hab.
LADVOCAT (Jean-Baptiste), hébraïsant et polygraphe,
né à Vaucouleurs le 3 janv. 1709, mort à Paris le 29 déc.
1765. Etant déjà depuis 1742 bibliothécaire do la Sor-
bonne, il fut nommé à la chaire d'hébreu créée en 1751.
On a de lui entre autres : Grammaire hébraïque à
V usage des écoles de Sor bonne, etc. (Paris, 1753, in-8 ;
dernière éd., en 1822, in -8); Interprétation histo-
rique et critique du Ps, 68, etc. (Paris, 1767, in-12),
où l'auteur démontre avec raison qu'il faut avant tout
reconstruire un texte critique et aussi sûr que possible
de l'Ancien Testament, avant d'en discuter la pensée;
Tractatus decoîiciliis in génère {Cam, 1769), très sco-
lastique ; enfin le Dictionnaire géographique (Paris,
1747, in-8 ; dernière éd., revue par Letronne en 1813,
in-12) %ih Dictionnaire historique portatif ^ etc. (Paris,
1752, 2 vol. in-8) ; dernière éd., augmentée en 1821-22,
5 vol. in-8), un abrégé de Moréri. F.-H. K.
LADVOCAT (N...), libraire-éditeur français, né en 1790,
mort à Paris le 6 sept. 1854. D'abord simple marchand de
livres, il se fit éditeur vers 1827 et parvint rapidement à
une renommée universelle et à la fortune. Entreprenant et
généreux, il fut le protecteur de tous les jeunes talents :
Casimir Delavigne, Victor Hugo, Alfred de Vigny, Sainte-
Beuve, etc. Jules Janin a dit de lui qu'il fut le premier qui
ait fait vivre l'homme de lettres, et son influence devint
telle qu'il faisait des membres de l'Institut, des ambassa-
deurs, des ministres. Il paya 100,000 écus la propriété
des œuvres de Chateaubriand, mais il fut ruiné par la ré-
volution de Juillet. G. P-i.
LADY. Titre donné en Angleterre aux femmes de pairs,
de baronnets et de chevaKers (knights), aux filles de ducs,
marquis et comtes, lesquelles le conservent même mariées
à des roturiers ; il fut d'abord donné à la reine (anglo-
saxon hlafdige, maîtresse du pain), puis étendu aux prin-
cesses de la famille, de celles-ci à toute l'aristocratie. Dans
l'usage on tend à qualifier de lady toute femme du monde.
On désigne sous ce nom la Vierge, et l'on dénomme lady-
chapel cette chapelle de la Vierge qui se trouve dans beau-
coup d'éghses gothiques au fond du chœur, dans l'axe de
l'édifice.
LADY FRANKLIN (Baie de). Baie du bras de mer de
l'océan Glacial arctique, sur la côte E. de la Terre de
Grant qu'elle sépare de la Terre de Grinnell. Au N. est
Discovery Harbour avec Fort Gonger(81« 30'lat. N.et 67''
LADY FRANKLIN — L^MOPHL(EUS
— 736 —
48' long. 0.) où stationna en 1882-83 une expédition
scientifique américaine.
LADYSMITH. Bourg de la colonie du Cap, ch.~l. de la
division du même nom, au pied S. de la chaîne des Zwarte-
berge, près du col de Seven Weeks Poort ; bâti sur le pla-
teau de Kannaland (i ,500 m.) et baigné par un affluent
gauche du Groote River ; 500 hab. Région viticole. Station
de missionnaires.
LADYSMITH. Bourg de la colonie de Natal, ch.-l. de
la division et du comté de Klip River. Stat. du ch. de fer
de Durban à Charlestown.
L/ECA (Porcins) (V. Porcia [Gens]).
L/ECANIUSBassus(V. Bassus).
L>€GERN. On appelle ainsi le prolongement de la chaîne
du Jura suisse (V. ce mot). Il forme une chaîne qui
s'étend de l'O. à l'E. dans les cant. d'Argovie et de Zurich
et dont le point culminant a environ 900 m. d'alt. au-
dessus de la mer. Le versant N. est cultivé, tandis que le
S. est rocailleux et couvert de broussailles.
LAEKEN. Com. de Belgique, faubourg de Bruxelles, sur
la Senne et le canal de Bruxelles à Willebroeck; 26,000 hab.
Stat. des chem. de fer de Bruxelles à Ostende et de Bruxelles
à Humbeek. Fabriques de savon, de tapis, de produits chi-
miques, de chaudières, fonderies. Laeken est la résidence
d'été de la famille royale de Belgique. Le palais fut cons-
truit de 1782 à 1784 par l'archiduc Albert de Saxe-Tes-
chen, gouverneur autrichien des Pays-Bas; il devint en-
suite la propriété de Napoléon I®^, et c'est là que l'empereur
signa la déclaration de guerre à la Russie en 1812. Léo-
pold I®^ y mourut en 1865. Il fut la proie des flammes le
1®^ janv. 1890, avec la bibliothèque de Napoléon, de
précieuses tapisseries, des tableaux de Van Dyck, etc. On
l'a rebâti. Les superbes serres royales et le parc couvrent
un espace de plus de 100 hect. L'éghse Sainte-Marie, de
style gothique, inachevée, a été construite en 1855 sur les
plans de Poelaert ; sa crypte contient les tombeaux de la
famille royale. E. H.
L^LAPS (Zool.) (V. Gamase).
L>€LIA. l. Botanique. ~ (Lœlia Lindl.) (V. Bletta).
II. Horticulture. — Les nombreuses espèces de ce
genre, comme L. ancepsLmàl.j L,PerriniiUnd\,, L, au-
tumnalis Lindl., appartiennent à la serre tempérée. On
les cultive en caisses ou en paniers, remplis de sphaigne,
que l'on suspend dans les endroits les mieux aérés de la serre.
La multiplication se fait à l'aide des pseudo-bulbes. G. B.
L>€LIA (Gens). Famille plébéienne de Rome. Son pre-
mier membre connu fut Caius Lcelius, né vers 235, mort
après 1 70 av. J.-C. ; ami de Scipion, il commandait la flotte
à l'attaque de Carthagène (210 av. J.-C.) et contribua à
la prise de la ville qu'il fut chargé d'annoncer à Rome ; il
demeura légat de son ami, à titre officieux, se distinguant
à la bataille de Bsecula (208), à la prise d'Illiturgi, défit la
flotte d'Adherbal devant Gades, fit deux visites à Syphax,
roi des Numides. Il commandait l'avant-garde qui précéda
Scipion en Afrique, occupa Hippo Regius, s'entendit avec
Massinissa, revint à Messine informer son chef, eut la prin-
cipale part aux victoires remportées sur les Carthaginois et
les Numides, à la capture de Syphax et à la prise de Cirta,
et conduisit à Rome les prisonniers ; il revint en Afrique
avec le rang de questeur et commandait la cavalerie ita-
lienne à la bataille de Zama, culbuta la cavalerie numide
et détermina la victoire en chargeant la réserve d'Annibal.
Ce fut encore lui qui porta à Rome la nouvelle de la déci-
sive victoire. Lselius participa ensuite à l'influence poli-
tique de Scipion ; édile de la plèbe en 197, préteur en 196,
gouverneur de Sicile, il échoua dans sa première candida-
ture au consulat (192), mais fut élu en 190; lesScipions
lui enlevèrent sa province de Grèce et la direction de la
brillante et lucrative expédition contre Antiochus; il reçut
la province de Gaule cisalpine et colonisa le pays desBoiens.
Son fils, Caius Lœlius Sapiens, né vers 186, fut l'ami
du second Scipion l'Africain ; tribun de la plèbe en 151,
préteur en 145, consul en 140, il fit campagne contre
Viriathe. C'était un des représentants des idées hellé-
niques ; il fut d'abord partisan de la reconstitution de la
propriété plébéienne par des lois agraires, provoqua une
nouvelle répartition des domaines, mais y renonça devant
l'opposition des classes dirigeantes, lesquelles lui décer-
nèrent le surnom de Sage; il combattit les principaux tri-
buns delà plèbe : Licinius Crassus(145), TiberiusGracchus
(133), C. Papirius Carbo (131) et Caius Gracchus (123-
22). C'était un des principaux orateurs du parti des nobles.
On cite ses discours contre les motions de Crassus et de
Carbo, pour les publicains (139), l'éloge funèbre de son ami
Scipion (129). Il doit surtout sa célébrité à Cicéron qui en
fait le principal interiocuteur du De Amicitia et l'intro-
duit dans le De Senectute et le De Republica. — De ses
deux filles, la première, Lœlia, épousa l'augure Q. Mucius
Scaevola et fut célébrée pour la pureté de son langage, de
même que ses deux filles, les deux Muciœ, et ses petites-
filles, les deux licmiœ (filles de Mucia l'aînée); elle don-
nait le ton à la société de son temps et conservait un
latinisme qui tranchait sur l'affectation exotique et le ma-
niérisme des contemporains hellénisés. A.-M. B.
L>€LIANUS (Ulpius Cornélius). L'un des trente tyrans
énuméréspar Trebellius Pollio qui l'appelle Lollianus. Ce
fut en Gaule le chef de l'insurrection qui renversa Postu-
mus ; vainqueur des Germains, il fut tué par ses soldats
qui le trouvaient trop sévère et proclamèrent à sa place
Victorinus (267 ap. J.-C). On a retrouvé des monnaies de
Lselianus en or, argent et cuivre.
L/EMMER (Hugo), théologien allemand, né à Altenstein
le 25 janv. 1835. D'abord maître de conférence à la fa-
culté de théologie protestante de Beriin, il passa en 1838
au catholicisme, et enseigna la théologie à Braunsberg et
à Breslau ; en 1882, il fut nommé protonotaire apostolique.
Il a publié entre autre? : De Theologia romano-catfio-
lica... antetride7itina {Berlin, iSDl);Papst NikolausI.
u. die byzantinische Staatskirclie seiner Zeit (Berlin,
1859); De Martyrologio romano (Ratisbonne, 1878) ;
Institutionen des kathol. Kirchenrechts (Fribourg-en-
Brisgau, 1886). Il a aussi préparé une édition d'Eusèbe
(Schaffhouse, 1859-62).
LyCMWlLElN (Alexander), peintre allemand, néàllohen-
fels-sur-Main le 9 déc. 1813, mort vers 1880. En 1823,
il vint à Paris où il eut pour maîtres à l'Ecole des beaux-
arts Regnault, puis Picot, et commença par s'adonner au
portrait. A vingt-deux ans, il aida Alaux dans la restaura-
tion de la galerie du Primatice à Fontainebleau, et travailla
ensuite, avec le même artiste, à Versailles et au palais de
Saint-Gloud. Naturalisé Français en 1848, et devenu
(1855) professeur à l'Ecole spéciale de dessin de Paris, il
se yit chargé de peindre un grand plafond au salon de
Louis XIV à Baden-Baden. Parmi ses autres œuvres, nous
citerons : Chasteté de Joseph, le Réveil d'Adq^m, Tabitha
ressuscité par saint Pierre, V Echelle de Jacob, la
Vision de Zacharie (musée de Rochefort) ; Diane et
Endymion, Job, les Amours des anges, des peintures
murales à Sainte-Clotilde, des lithographies, des peintures
sur émail, des compositions pour la manufacture de Sèvres
et de nombreux portraits, notamment ceux de Jean sans
Peur, de Philippe le Hardi, du Maréchal Boucicaut,
tous au musée de Versailles.
L^MODIPODES (Zool.). Famille de Crustacés amphi-
podes qui comprend les Caprellides et les Cyamides
(V. ces mots).
L>€iVIOPHLŒUS (Entom.). Genre d'Insectes Coléop-
tères Pentamères, famille des Cucujidés, fondé par Laporte
de Castelnau et renfermant des formes très aplaties, à pro-
notum ayant de chaque côté une ou deux stries et à élytres
striées ; le menton court est échancré en avant avec ses
angles saillants. Les Lœmophlœus sont de petite taille et
de coloration jaune ou roussâtre; ils vivent sous lesécorces
d'arbres où ils font la chasse aux Insectes xylophages ;
leurs espèces très nombreuses sont répandues surtout dans
— 737
LiEMOPHLœUS — hJEÏkm
les régions tempérées. Le Lœmophlœus monilis Fabr. est
commun sous les écorces. M. M.
L>€N (allemand Lehn). Le sens primitif de ce mot est
fief, puis il a été appliqué à une division administrative,
en Suède et en Finlande. Le la^n est divisé en bailliages et
le bailliage en districts. A la tète du Isen est le landshœfding.
LAENA. Sorte d'étoffe de laine à longs poils, dont les
anciens faisaient des vêtements de dessus, tels que le pal-
lium (manteau militaire), le sagum, etc. On donnait en
outre ce nom à un vêtement spécial, celui que portaient les
flamines dans les sacrifices. C'était un amictus ou manteau
ample (de amicire^ envelopper), fait de l'étoffe en ques-
tion, du moins à l'origine, et qui était double, la partie
supérieure retombant comme la diploïs des Grecs.
LA,ENC!NA (Juan de) (V. Encina).
LAÉNNEC (René-Théophile-Uyacinthe), célèbre méde-
cin français, né à Quimper le 47 févr. 4781, mort à Ker-
louanec, près de Douarnenez, le 13 août 1826.11 commença
l'étude de la médecine à Nantes sous la direction de son oncle,
médecin en chef des hôpitaux de cette ville, et vmt les con-
tinuer à Paris à partir de 1799, avec le plus grand succès.
Reçu docteur en 1804, il se livra surtout à l'anatomie pa-
thologique, que Bichat avait mise en honneur, et enrichit
la science de nombreuses découvertes : sur les vers vési-
culaires, le squirre, le tissu encéphaloïde, la mélanose, le
tubercule, etc. Nommé en 1812 médecin a l'hôpital Beau-
jon, il passa ensuite à Necker où il fit des leçons cliniques ;
c'est là qu'il fit l'admirable découverte de l'auscultation qu'il
porta en quelque sorte du premier jet à son plus haut de-
gré de perfection. En 1822, il remplaça Halle dans la chaire
de médecine du Collège de France, puis en 1823 entra à la
faculté de médecine comme professeur de cHnique interne.
Laënnec était membre de l'Académie de médecine depuis sa
fondation. Une statue lui a été élevée en 1868, dans sa
ville natale. Ouvrages principaux : Proposit. sur la doc-
trine médicale d'Hippocrate, etc. (Th. de Paris, 1804) ;
Mém. sur les vers vésiculaires (Paris, 1805, in-4 et in-8);
Sur une nouvelle Espèce de hernie, à la suite du Traité,.,
de Scarpa (Paris, 1812, in-8); De V Auscultation mé-
diate ou Traité du diagnostic des maladies des pou-
mons et du cœur, etc. (Paris, 1819, 2 vol. in-8 ; 2® édit.
intitulée Traité de V auscultation médiate et des ma-
ladies des poumons et du cœur, Paris, 1826, 2 vol. in-8) ;
la Faculté de médecine a publié une édition conformeà cette
2® édit. en 1879 (in-8); il y avait eu d'autres éditions
en 1831 et 1837. Laënnec a encore publié de nombreux
articles dans Journal de Corvisart, Bull, de la Fac.
de méd., Dict. des Se. médicales, etc. D^ L. Hn.
Hôpital Laënnec (V. Incurables).
LAENSBERGH^ (Mathieu), dit le Nosiradamus lié-
geois, mathématicien et astrologue populaire. La légende
le fait naître à Liège vers la fin du xvi^ siècle. L'almanach
édité sous son nom paraît sans interruption depuis 1635
et contient, outre les rubriques ordinaires de ce genre de
publications, des prédictions concernant la température et
les événements. On n'a jamais pu retrouver quelque chose
de précis et de certain sur la biographie de ce personnage.
BiBL. : C. NisARD, Hist, des livres populaires ; Pai-is,
1854, 2 vol. in-8. ~ A. Le Roy, Biographie de Math.
Laensbergh, dans la Biogr. nal. de Belgique.
LAERCE (Diogène) (V. Diogène).
LAERNE. Com. de Belgique, prov. de Flandre orien-
tale, arr. de Termonde ; 4,500 liab. Stat. du chem. de fer
de Gand à Harame. Exploitations agricoles. Château fort
remarquable, propriété des comtes de Ribeaucourt.
L/ESŒ. Ile du Danemark, au N. du Jutland et de l'île
d'Anholt, dans le Cattégat septentrional, à 22 kil. de la
côte danoise et 50 de la côte suédoise; 105 kil. q.,
2,500 hab. Entourée de bas-fonds, de sables mouvants et
d'écueils, déboisée, elle est assez fertile. Elle dépend du
district d'Aalborg. La population estéparse dans les fermes
et maisons non groupées en villages.
L>€STADIUS (Lars-Levi), naturaliste et voyageur sué-
GRÂNDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
dois, né à Arjeplougen 1800, mort en 1861. Missionnaire
en Laponie, il s'occupa particulièrement de botanique et
fit à ce propos de nombreuses explorations dans la Suède
septentrionale. En 1838, il suivit en Laponie et seconda
une expédition française, qui avait été placée sous la di-
rection de Gaimard. Il a composé de nombreux mémoires
pour les Annales de V Académie des sciences de Suède,
et un traité intitulé De climate Lapponiœ, Ses Frag-
ments sur la mythologie des Lapons contiennent de
nombreux et utiles renseignements. — Son frère Petrus,
missionnaire également, né en 1804 et mort en 1841, a
Idissé un Journal sur quelques-unes des années de son
séjour en Laponie (de 1826-1832, en 2 parties). Ce récit
naïf, mais très exact et animé, obtint un certain succès et
a été plusieurs fois réimprimé en Suède. L'auteur y raconte
la visite, en 1830, de trois voyageurs français, qu'il appelle
Treuet, (baron) Hoguer et Banzangan (?). Th. C.
LA ET (Jean de) géographe, naturaliste et philologue
belge, né à Anvers en 1593, mort à Leyde en 1649. On
ne connaît bien son histoire qu'à partir de 1624. Il était
alors établi à Leyde et occupait les fonctions de directeur
de la Compagnie des Indes occidentales. En vue de faire
mieux connaître les contrées lointaines où se pratiquaient
les opérations de la Compagnie, il écrivit un ouvrage
intitulé le Nouveau Monde, ou Description des Indes
occidentales (en néerlandais). C'est une excellente com-
pilation exécutée d'après un grand nombre de géographes
étrangers et les itinéraires manuscrits de plusieurs navi-
gateurs. Elle parut à Leyde, chez Elzevier en 1625 (in-
foL), et fut rééditée en 1630 et 1644. Une traduction
latine en fut donnée en 1633 et une française en 1640.
De Laet en détacha une série de monographies sur l'Es-
pagne, la France, les Pays-Bas, le Portugal, l'Allemagne
et la Perse. En 1642, il soutint contre H. Grotius que les
Américains formaient une race distincte et habitaient le
Nouveau-Monde depuis la dispersion des hommes : Notœ
ad dissertationem tt. Grotii de origine gentium ame-
ricanarum (Amsterdam, 1643, in-12). En 1648, il
recueillit et mit en ordre les notes du célèbre naturaliste
Margratf, mort sur la côte do Guinée, au retour d'un
voyage d'exploration au Brésil : S. Marcgravii historiée
nâturalis Brasiliœ libri octo (Leyde, in-foL). Dans tous
ces travaux, De Laet fit preuve de vastes et profondes
connaissances, mais c'était plutôt un vulgarisateur qu'un
savant. On peut encore citer de lui une édition de Pline
l'Ancien, faite à Leyde chez Elzevier en 1635 (3 vol. in-12),
et une édition de Vitruve, demeurée inachevée. E. H.
Btbl. : FopPENS, Bibliotheca belgica ; Malines, 1739,
2 vol. in-4. — Van Camprn, Gesch. der Letteren; La Haye,
1821-1826, 3 vol. in-8.— Delvenne, Biographie du royaume
des Pays-Bas ; Bruxelles, 1829, in-4. — Kickk, Notice sur
De Laèt, dans les Bull, de l'Ac. r. de Belgique, 1852, XIX.
LAET (Jean -Jacques de), littérateur et homme poli-
tique belge, né à Anvers en 1815. D'abord journaliste,
puis directeur d'une boulangerie économique, il fut élu
en 1863 représentant de sa ville natale. C'était au moment
où le roi Léopold croyait assurer au mieux la neutralité
belge, en fortifiant Anvers et en faisant de cette place le
centre de la défense éventuelle du pays. La population
anversoise, craignant que l'embastillement ne nuisît à son
commerce, ne voulut pas accepter cette situation, et en-
voya à la Chambre des représentants qui s'engageaient à
voter contre le budget de la guerre. De Laet prit aux débats
une part trè^active, et la violence de son langage lui valut
un duel avec le ministre Chazal (V. ce nom). Celui-ci fut
légèrement blessé. De Laet contribua beaucoup à l'adoption
de la loi de 1873 sur l'emploi des langues dans la procé-
dure. Depuis cette époque, il a joué à la Chambre un rôle
très effacé. Il a pubhé quelques romans flamands qui ne
sont pas sans mérite ; le meilleur est intitulé la Maison
de Wesembeek (Anvers, 1842, in-8).
L>€TAR E. Nom donné au quatrième dimanche de Carême,
parce que, en ce jour-là, Vintroït de la messe commence
par les mots Lœtare, Jérusalem. A cause de cette joyeuse
47
LyETARE — LAFARGE
— 738
introduction, il est permis, malgré le Carême, de toucher
Forgue et de porter des dalmatiques et des habits moins
tristes que ceux dont on se sert ordinairement en ces temps
de pénitence.
LJE.T\ ^{LœHa Lœfl.) (Bot.). Genre de Bixacées-Flacour-
tiées, caractérisé par les fleurs hermaphrodites apétales,
les 4-5 sépales pétaloïdes imbriquées, les étamines
hypopnes en nombre indéQni et son ovaire uniloculaire
à trois placentas pariétaux pluriovulés et surmonté d'un
style simple. Le fruit est une baie. Les Lsetia sont des ar-
bustes de l'Amérique tropicale, à feuilles alternes, à fleurs
réunies en cymes axillaires ou terminales. Les L. apetala
Jacq. et L. resinosa Merc. sont des purgatifs énergiques
et fournissent une sorte de sandaraque douée de propriétés
drastiques. Le L. theœformis de l'île Maurice, à écorce
vomitive, est placé actuellement dans le genre Aphloia.
L/ETITIA Bonaparte (V. Bonaparte, t. VII, p. 244).
L^TUS (Erasmus) (V. Glad).
LAEUFELFINGEN. Village de Suisse, cant. de Bâle-
Campagne ; 758 hab. Cette loca/ité, située sur le Bas-
Hauenstein, une des sommités du Mra, se trouve à l'entrée
septentrionale d'un long tunnel du chemin de fer Bâle-
Olten, pratiqué dans le mont Hai enstein qui sépare le Jura
du plateau suisse.
L>€V1NUS (V. Valeria[G^?2s]).
LAFABRIQUE (Nicolas), peintre belge, né à Namur,
mort en 1736. Il quitta sa ville natale pour compléter ses
études, et fit à pied le voyage de Rome : en chemin, il ga-
gnait sa vie avec son pinceau. Ses deux œuvres les plus
connues sont le Philosophe rieur et r Homme à la coupe.
LA PAGE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Castelnau-
dary, cant. de Belpech; 533 hab.
LAFAGE. Com. du dép. de la Corrèze, arr. de Tulle,
cant. de Lapleau ; 594 hab.
LA FAGE (V. Fage).
LAFAGE (Pierre de), compositeur français du xvi^ siècle.
Il n'est connu que par ses œuvres, dont le style se rap-
proche de celui de son contemporain Jean Mouton et qui
consistent en seize motets et une chanson imprimés de
1519 à 1558 dans des recueils d'Attaingnant, Moderne et
Petrejus.
LAFAGE (Juste- Adrien Lenoir de), compositeur et écri-
vain musical français, né à Paris en 1805, mort à Charen-
ton en 1862. Destiné d'abord à l'Eglise, il se livra à la
musique et entra à l'école de Choron. En 1829, il obtint
la maîtrise de la chapelle de Saint-Etienne-du-Mont. La-
fage s'est surtout fait connaître comme théoricien. Il col-
labora à de nombreuses revues musicales françaises et
étrangères. Son œuvre principale a été publiée en collabo-
ration avec Cfioron : Encyclopédie musicale (Paris,
1836-38, 6 vol.).
LA FAILLE (V. Faille).
LA FARE (V. Fare).
LA FARE-Alais (G. -Christophe- Valentin, marquis do),
un des précurseurs des félibres, né au château de Lacoste
(Gard) en 1791, mort en 1846. D'une famille célèbre
dans les lettres et les armes, descendant du poète et du
maréchal de La Fare, il reçut chez son père une excellente
éducation classique qu'il acheva en étudiant le droit à Tou-
louse. En 1814, il entrait dans la compagnie de Noailles
aux gardes du corps. Lieutenant d'infanterie, il quittait
1« service en 1818 et revenait pour s'y m^m dans son
pays raïol qu'il ne devait plus quitter. C'est après 1830,
qu^épris des ressources de son parler natal, La Fare com-
mença de pubUer dans VEcho d'Alais ses poésies langue-
dociennes. Un prime-saut harmonieux et une mélancolie
bien rare dans les ouvrages « patois » leur valurent la plus
grande faveur. Il avait pris pour modèle les spirituelles
œuvres de l'abbé Favre, le chantre du Siège de Cade-
rousse^ qu'il devait dépasser, et pour guide le précieux Dic-
tionnaire de Sauvages, son compatriote alésien. En 1814,
La Fare réunit ses poésies sous ce titre : Las Castagnados
(Alais, in-8, avec introd. et glossaire). Ce fut un événe-
ment dans la région. Sa verve brillante, attendrie et ner-
veuse, portait le sceau de la distinction de son esprit. Ses
rares vers français n'avaient point dépassé le médiocre. Il
rencontrait, du premier coup, le naturel parfait, dans la
langue spontanée de sa race et de son pays. Même il avait
entrevu une renaissance possible de la littérature d'oc (sa
préface en fait foi), alors que Jasmin s'obstinait à chanter
solitaire. — Une deuxième édition posthume des Casta-
gnados a paru en 1 851 . Un buste du poète a été élevé
parles félibres à Alais en 1889. Paul Mariéion.
LA FAR ELLE (François-Féhx de), homme pohtique et
économiste français, né à Anduze le 7 mai 1800, mort à
Nlmcs le 18 févr. 1872. Député du Gard de 1842 à 181.8,
il siégea à droite de l'Assemblée, où il s'occupa surtout des
questions économiques et sociales (travail des enfants dans
les manufactures, écoles d'arts et métiers, chemins de fer,
caisses d'épargnes, prisons, etc.). Il est l'auteur du projet
de loi sur les irrigations adopté en 1847. Membre corres-
pondant de l'Académie des sciences morales et politiques, il
a laissé: Du Progrès social (Paris, 1839, 2 vol. in-8) ;
Eludes historiques sur le Consulat et les institutions
municipales de Nimes (1841, in-8); Coup d' œil sur le
régime répressif et pénitentiaire des principaux Etats
(1844, gr. m-^)'^Plan d'une réorganisation discipli-
naire des classes industrielles (1842, in-12), etc.
LAFARGE (Joachim), économiste français de la fin du
xvm^ siècle, qui vaut d'être mentionné pour l'invention
d'un « projet de remboursement des rentes perpétuelles »,
qui fut soumis à l'Assemblée nationale le 30 oct. 1790 et ap-
prouvé par elle. Lafarge proposait de remplacer les rentes
perpétuelles par des rentes viagères au principal de 90 li-
vres pour chaque action payable dans l'espace de dix ans,
à raison de 9 livres par an. L'Etat versait 5 % aux action-
naires et ceux-ci jouissaient de revenus croissants au fur
et à mesure des décès qui se produisaient parmi eux. C'est
cette combinaison modifiée dans ses détails qui devint la
Tontine Lafarge (V. Tontine).
LAFARGE (Marie Cappelle, femme Pouch-), femme cé-
lèbre par un procès d'empoisonnement, née à Villers-IIélon
(Aisne) en 1 81 6, morte à Ussat (Ariège) le 7 nov. 1852. Issue
d'une famille distinguée, habituée à toutes les élégances
de la vie de Paris, instruite et spirituelle, mais portée par
ses lectures, autant que par son caractère, à une exalta-
tion toute romanesque, elle épousa, vers le milieu de 1839,
peut-être par l'intermédiaire d'une agence matrimoniale,
et presque sans le connaître, un maître de forges de la
Corrèze nommé Lafarge, qui, après l'avoir abusée sur sa
situation de fortune, l'emmena dans son prétendu château
du Glandier. Les manières communes de son mari et la
désillusion que lui avait causée la vue de cette habitation
délabrée lui firent souhaiter une séparation qu'elle demanda
le jour même de son arrivée dans cette demeure, par une
lettre folle, qui était un acte d'accusation contre elle-même.
Une réconciliation eut pourtant lieu entre les époux. Pen-
dant trois mois, M^® Lafarge parut s'accoutumer à sa nou-
velle condition. Mais elle ne dissimula sans doute pas assez
son dédain pour la société provinciale et rustique au milieu
de laquelle elle était forcée de vivre. Sa belle-mère, qui
vivait avec elle au Glandier, la surveillait et la haïssait.
En nov., Lafarge dut se rendre à Paris pour affaires.
Il y était depuis un mois quand il reçut de sa mère une
lettre lui annonçant l'envoi de quelques gâteaux confec-
tionnés par elle et qu'elle rengageait à manger à une heure
et à un jour déterminés (18 déc). La caisse arriva ; elle
renfermait un gâteau substitué à ceux qui lui avaient été
annoncés. Il en mangea un morceau, fut pris de coliques
qui s'aggravèrent de jour en jour, rentra malade au Glan-
dier (5 janv. 1840), s'alita et, soigné par sa femme, qui
lui préparait elle-même ses potions, mourut le 14 janv.
Aussitôt l'entourage du défunt accusa sa femme de
l'avoir empoisonné. Elle fut arrêtée, et des charges très
graves furent établies contre elle. Elle avait fait acheter chez
un pharmacien, en demandant le secret, des quantités
considérables d'arsenic, dont elle ne pouvait suffisamment
justifier l'emploi. Sur ces 'entrefaites, une accusation de vol
fut portée contre elle par M. de Léotaud, dont la femme,
qui était son amie, avait perdu ses diamants en juin 1839
pendant que Marie Cappelle se trouvait chez elle. On trouva
effectivement une partie des bijoux au Glandier. M"^^ La-
farge allégua qu'ils lui avaient été secrètement remis par
M"^^^ de Léotaud elle-même pour acheter le silence d'un
jeune Espagnol nommé Clavé, avec lequel elle avait eu au-
trefois quelque intrigue. Cette affaire fut passionnément
embrouillée par les intéressés. M"^'^ Lafarge fut condamnée
comme voleuse à deux années d'emprisonnement par le
tribunal correctionnel. Elle se présenta donc déjà flétrie
devant la cour d'assises de la Corrèze (2 sept. 1840). Mais
elle soutenait toujours hautement son innocence. On se
passionna pour elle et contre elle, non seulement en France,
mais à l'étranger, et pendant quelques semaines le procès
Lafarge fut le principal aliment de la curiosité publique.
L'accusée fut défendue par un avocat célèbre du bar-
reau de Paris, M® Paillet, et par deux jeunes avocats limou-
sins, Bac et Lachaud, dont cette affaire mit en lumière le
vigoureux talent. Les expériences chimiques faites pendant
l'instruction sur les restes du malheureux Lafarge n'avaient
pas paru concluantes. On les renouvela deux fois au cours
des débats, et deux fois (5 et 9 sept.) les experts décla-
rèrent qu'ils n'avaient pas trouvé d'arsenic dans les en-
trailles du défunt. Mais l'acharnement de la magistrature
contre M°^^ Lafarge était tel que l'accusation ne se tint
pas pour battue. Elle manda aussitôt le D"^ Orfila, doyen
de la faculté de médecine de Paris. Ce dernier découvrit
enfin le poison (14 sept.). Les avocats objectèrent que la
quantité d'arsenic signalée par lui était, de son propre aveu,
impondérable. Ils firent aussi venir en toute hâte le chi-
miste Raspail pour une contre-épreuve. Ce savant arriva
trop tard. Déjà venait d'être rendu l'arrêt qui condamnait
M'^^ Lafarge aux travaux forcés à perpétuité. Raspail pro-
testa contre les conclusions d'Orfila, déclara qu'il se faisait
fort de trouver de l'arsenic partout et même dans le fauteuil
du président de la cour d'assises. La condamnée conserva
de nombreux et chauds partisans, mais n'en dut pas moins
subir sa peine. Elle venait d'écrire ses intéressants Mé-
moires^ qui eurent un immense retentissement (Paris,
1841, 2 vol. in-8). Transférée à la maison centrale de
Montpellier, elle y composa ses romanesques Heures de
Prison, qui n'ont été publiées qu'après sa mort (1853,
in-8). Après douze ans de captivité, ses amis finirent par
obtenir sa grâce. Mais à peine sortie de prison, elle mourut
d'épuisement aux eaux d'Ussat et emporta son secret dans
la tombe. A. Debidour.
LAFARGUE (Etienne de), littérateur français, né àDax
le 7 déc. 1728, mort en 1795. Avocat au parlement de
Paris, il a beaucoup écrit. Citons : Discours sur la lec-
ture (1764, in-8); Œuvres mêlées (1765,2 vol. in-12) ;
les Epanchements du cœur et de l'esprit (1787, 2 vol.
in-8) ; le Beau Jour des Français (1791, in-8), poème
présenté à l'Assemblée nationale en 1791.
LA FARINA (Giuseppe), écrivain et homme politique
italien, né à Messine le 20 juil. 1815, mort à Turin le
5 sept. 1863. C'est un des hommes qui ont le plus contri-
bué à faire l'unité italienne. Fils d'un magistrat qui était
aussi un savant, il se distingua par sa précocité. A onze
ans, il étonnait ses maîtres en composant un hymne à
l'Italie. Son père, persécuté par le lieutenant général de
Sicile, ayant été emprisonné à Palerme, le jeune Giuseppe
obtint de partager sa captivité (1 828) . Reçu docteur en droit
à Catane (7 mai 1 835) , il épousa le 23 août suivant une jeune
fille qu'il aimait depuis l'âge de quatorze ans. Pendant
qu'il se formait à la profession d'avocat, tout en cultivant
les lettres, il devint l'âme d'un comité secret qui conspi-
rait pour faire l'Italie. Après la tentative d'insurrection
de 1837, il dut émigrer. Revenu à Messine à la suite
d'une amnistie (1838), il reprit l'exercice de sa profession
et ses études littéraires. La publication de ses Rimem-
739 — LAFARGE - LA FARINA
branze di Toscana e di Roma fut interdite. Quatre jour-
naux, qu'd fonda successivement, furent supprimés. En
1839, il alla à Naples pour établir une entente entre les
patriotes de l'île et ceux du continent. En i840, le comité
de Messine le délégua à l'assemblée révolutionnaire de Pa-
lerme. Arrêté, relâché, sans cesse menacé, il émigra de
nouveau et se réfugia à Florence (sept. 1841). Là, il vécut
de sa plume. En 1 847, dès que la presse eut plus de li-
berté, il fonda le journal politique l Alba, qui exerça une
grande influence en Toscane. Lors de la révolution sici-
lienne, en 1848, il retourna à Messine (22 févr.), fit
partie du comité de guerre et fut nommé colonel. Elu dé-
puté à la Chambre des communes, qui siégeait à Palerme,
il en fut secrétaire. Le gouvernement sicilien l'envoya en
mission auprès de Pie IX, de Léopold II et de Charles- Al-
bert (avril- juillet). Le 13 août, il fut appelé au ministère
de l'instruction publique et des travaux publics. Après la
chute de Messine (7 sept.), il passa au ministère de la
guerre et de la marine et y resta jusqu'en févr. 1849. A
la reprise des hostilités (mars), il reçut par élection le
commandement de la légion universitaire. Le 23 avr.,
s'étant prononcé seul pour une résistance désespérée, il
reprit le chemin de l'exil. Il vint à Paris, qu'il habita
jusqu'en juin 1853, produisant pour vivre des œuvres
forcément hâtives. Il séjourna ensuite à Tours, où il donna
des leçons d'italien. Enfin, le 21 août 1854, il s'établit à
Turin. Il y fonda la Riuista Enciclopedicaitaliana, qui
parut de nov. 1854 à juin 1856, et à laquelle, acquéreur
d'une imprimerie, il substitua le journal hebdomadaire II
Piccolo Corriere d'italia. Républicain de principes, La
Farina avait toujours mis l'indépendance et l'unité de
l'Italie au-dessus des formes pohtiques. Sa brochure M wm^
e VUnità italiana(Tnviti, juil. 1856), pubHée à l'occasion
des menées muratistes dans le royaume de Naples, lui fit
prendre position comme partisan résolu du programme
unificateur de Daniele Manin (V. ce nom).
Doué d'une activité prodigieuse, d'une rare puissance de
travail et d'une volonté de fer, La Farina se mit immédia-
tement à l'œuvre pour donner un corps au parti national
dont Manin venait de lancer l'idée. Ce devait être la So-
ciété nationale italiejiîie. Le 12 sept. 1856, dans un
entretien secret qu'il eut avec Cavour, il lui fit part de
ses intentions. Cavour le comprit et l'encouragea à profiter
d'une liberté d'action que lui, ministre, n'avait pas. Dès
lors, presque tous les matins avant l'aube, il vit Cavour
pour se concerter ayec lui. Le 1^^ août 1857, la Société
nationale fut définitivement constituée sous la présidence
de Giorgio Pallavicino et la vice-présidence de Garibaldi.
La Farina, qui en était le secrétaire, faisait tout le travail
du comité central. On peut dire qu'à partir de ce moment
il fut la cheville ouvrière du mouvement italien. La Société
nationale rayonnait par ses comités locaux sur toute l'Italie.
Le Piccolo Corriere d'italia en devint le bulletin. En
oct. 1858, La Farina fit approuver par Cavour un projet
d'insurrection et de guerre nationale contre l'Autriche pour
le printemps de 1859; en décembre, il lui présenta secrè-
tement Garibaldi, qu'il avait fait venir de Caprera pour
s'entendre avec le ministre. L'alliance française ayant
rendu la guerre certaine, il organisa l'émigration et l'en-
rôlement de la jeunesse des provinces soumises à l'Autriche.
Le jour de la déclaration de guerre (26 avr. 1859), la
Société nationale prononça sa dissolution : le gouvernement
piémontais prenait lui-même la direction du mouvement,
et, partout où les circonstances le permettaient, les popu-
lations réalisaient le programme du parti national : « Italie
et Victor-Emmanuel ». Cavour voulut alors avoir La Fa-
rina comme chef de son cabinet pour les affaires d'ItaUe.
A la fin de mai, il le chargea de la défense du lac Majeur
en qualité de commissaire royal. En juillet, il l'envoyait
avec le même titre dans les provinces vénètes, quand sur-
vint la paix de Villafranca. La Farina reprit aussitôt son
œuvre de propagande, se transportant partout pour pro-
voquer ou faciliter l'annexion de l'Italie centrale au royaume
LA FARINA — LA FAYETTE
— 7i0 —
de Victor-EmmanueL II reconstitua la Société nationale,
d'abord sous la présidence de Garibaldi (4^^ nov.), puis
sous la sienne propre (décembre), quand le chef populaire,
circonvenu par les mazziniens, s'en fut retiré. La Farina
était venu puissamment en aide à Farini et au général
Fanti pour empêcher Garibaldi d'envahir les Marches pon-
tificales (novembre). Il s'était attiré par là les haines du
parti avancé. Mais, aux élections du 25 mars 4860, six
collèges l'envoyèrent au Parlement. Lors de l'expédition
de Sicile, rapproché de Garibaldi par le patriotisme, il lui
fournit de l'argent et des fusils : ceux-ci sortaient des ar-
senaux du gouvernement. Il rejoignit le dictateur à Palerme
(6 juin) et s'employa à obtenir l'annexion immédiate de la
Sicile, tout en pressant, quoi qu'en aient dit ses adver-
saires, l'expédition contre Naples ; mais Garibaldi, qui avait
paru faire des concessions, excité par certains personnages
qui exploitaient son ressentiment de l'affaire des Marches
et de la cession de Nice, votée par La Farina, lui fit inti-
mer l'ordre, dans la nuit du 7 juil., de quitter sur l'heure
la Sicile. Nommé conseiller d'Etat (27 cet. 4860), La Fa-
rina revint en Sicile avec Montezemolo, lieutenant général
du roi (2 déc). Chargé de la direction de l'intérieur et de
la sûreté publique, il dut se retirer devant les manœuvres
de ceux qui bénéficiaient des abus auxquels il s'efforçait de
mettre fin (4®''janv.4864). Sonactivité se partagea, depuis,
entre la Société nationale, le conseil d'Etat et la (Chambre
des députés, dont il fut vice-président. En janv. 4863, il
prit la direction de la Riuista Contemporanea. Après
un dernier voyage à Messine, où il voulut aller embrasser
encore sa mère (juillet), épuisé par tant de fatigues et de
luttes, il tut emporté le 5 sept, par une courte maladie à
l'âge de quarante-huit ans. La Farina joignait aux mé-
rites de l'homme public les vertus de l'homme privé.
Parmi ses nombreux ouvrages, dont plusieurs ne sont
que des compilations, les principaux sont: Studi sut se-
colo XIH (Florence, 4 844, 2 vol.); Storia d'Italia, dalla
discesa dei Longobardi, narrata al popolo (Florence,
4846, 40 vol.); Storia délia Riuoluzione siciliana nel
i848e49 (Capolago, 4834) ; Storia d'italia dal i8i5
al 1850 (Turin, 4831-52, 6 vol. ; 2« éd., Turin, 1860,
3 vol. in-8), son œuvre la plus importante; Storia délie
contenzioni fra la potestà ecclesia^iica e la civile (Tu-
rin, 4853), œuvre inachevée; un roman, Gli Albigesi
(Gênes, 4854-53, 3 vol.); deux drames, Matteo Palizzi
(4844) et VAbbandono di un popolo (4845), représen-
tés avec succès à Florence et à Sienne. Ausonio Franchi a
recueilli et publié son Epistolario (Milan, 4869, 2 vol.), et
ses Scritti politici (id., 4870, 2 voL). Félix Henneguy.
LAFARRE. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. du
Puy, cant. de Pradelles; 546 hab.
LA FAT. Com. du dép. de la Creuse, arr. de Guéret,
cant. de Dun-le-Palleteau; 4,027 hab. Avant la Révolu-
tion, Lafat dépendait de la province de la Marche et de
l'archiprêtré de Bénévent. Eghse dédiée à saint Sulpice.
Dans la commune, ruines d'un camp romain.
LA FAYE (Antoine de), ministre réformé, né à Château-
dun au deuxième tiers du xvi« siècle, mort à Genève le
4 sept. 4615. Réfugié à Genève sous les dernières années
de Henri II, La Faye débuta comme régent de la sixième du
collège en ^564. En 4574, il se fit recevoir docteur en
médecine en Italie. En 4575, on le nomma principal du
collège de Genève, et recteur de l'académie en 4580. Il fut
un des champions les plus décidés des prérogatives du clergé
genevois et eut maint conflit instructif à cet égard avec le
conseil de Genève. Il mourut de la peste. On a de lui entre
autres une Histoire des Juifs ^ par Josèphe, traduite en
français (Genève, 4560, in-fol., souvent réimprimée) ; di-
verses thèses, De Verbo Dei (Genève, 4594, in-4); De
Christo mediatore (Genève, 4797, in-4); De Vera Ec-
clesia (Genève, 4606), etc. ; enfin un récit de V Escalade^
intitulé Geneva liberata, etc. (Genève, 1603, in-4 2).
LA FAYE (Jean-Elie Lériget de), officier et mathéma-
ticien français, né à Vienne (Isère) le 45 avr. 4674, mort
à Paris le 20 avr. 4748. Fils d'un receveur général des
finances, il s'enrôla à dix-neuf ans dans la cavalerie, passa
bientôt dans les mousquetaires, puis dans les gardes fran-
çaises, fit la campagne de Flandre en 4703 et fut promu
capitaine la même année. Dans ses loisirs, il s'appliquait
à l'étude des mathématiques, levait des plans, imaginait
des engins, construisait de nouvelles machines. En 4746,
il fut élu membre de l'Académie des sciences de Paris. Il
a publié dans le recueil de cette société (4717) deux mé-
moires intéressants : Description d'une machine propre
à élever les eaux et Sur la Formation des pierres de
Florence. L. S.
BiRL. : FoNTENELLE, Éloge de M. de La Faye, dans
les Mém. de l'Acad. des sciences, année 1718, Hist., p. 90.
LA FAYE (Jean-François Lériget de), littérateur fran-
çais, né à Vienne en 4674, mort à Paris le 41 juil. 4731,
frère du précédent. Capitaine de mousquetaires, gentilhomme
de la chambre du roi, envoyé extraordinaire à Gênes, puis
à Utrecht (4713) et à Londres. Homme aimable, auteur de
petits vers bien tournés, il entra en 4730 à l'Académie
française. On ne peut rien citer de lui, ses poésies n'ayant
point été réunies.
LAFAYE (Georges), chirurgien français, né à Paris vers
le commencement du xviii* siècle, mort à Paris le 47 août
4781. Ses Principes de chirurgie (Paris, 4739, in-12,
et autres édit. jusqu'en 4844), ont été traduits en toutes
langues; on lui doit aussi une nouvelle édition remaniée
du Cours d'opérations de chirurgie de Dionis (Paris,
4756, in-8). D^ L. Hn.
LAFAYE (Prosper), peintre français, né au Mont-Saint-
Sulpice (Yonne) en 4 806, mort en 1 894 . Elève d'Aug. Cou-
der, il exposa, en 4 835, la Bataille de Bouvines. Le musée
de Versailles a deux ou trois toiles de lui. Il a abordé aussi
la peinture de genre ; enfin on lui doit un grand nombre de
verrières, entre autres celle de l'église de son village natal.
LAFAYE (Pierre-Benjamin), philologue français, né au
Mont-Saint-Sulpice (Yonne) le 6 juil. 4809, mort à Aix le
5 janv. 4867. Elève de l'Ecole normale (promotion de
4829), il fut professeur de philosophie à la faculté d'Aix
(4846) et doyen de cette faculté (1853). Citons de lui :
Dissertation sur la philosophie atomistique (Paris,
1833, in-8); De l'Enseignement de la philosophie
(4834, in-8) ; Synonymes français (48i4, in-8), et sur-
tout l'ouvrage qui a le plus fait pour établir sa réputa-
tion : Dictionnaire des synonymes de la langue fran-
çaise (Paris, 4858, in-8; nouv. éd., 4869, gr. in-8).
LAFAYE (Georges), érudit français, né à Aix en Pro-
vence en 4854. Elève de l'Ecole normale (promotion de
1874), il passa par l'école de Rome, fut chargé de cours
à la faculté des lettres d'Aix, puis professeur à la faculté
de Lyon, et devint en 4893 maître de conférences à la
Sorbonne (langue et littérature latines). On a de lui :
Inscription de Tauromenion (4 884); Un Monument
romain de V étoile d'Isis (4881) ; De Poetarum et ora-
torum certaminibus apud veteres (4884, in-8), et His-
toire du culte des divinités d^ Alexandrie (4884, in-8,
thèses).
LA FAYETTE. Un grand nombre de comtés et de villes des
Etats-Unis portent ce nom. La principale ville est dans l'Etat
d'Indiana, r. dr. du Wabash; 30,000 hab. Fonte, instru-
ments agricoles, papeterie, lainages, etc. — Une autre est
un faubourg de la Nouvelle-Orléans, englobé dans la ville.
LA FAYETTE (Gilbert III Motier, seigneur de), maré-
chal de France, mort le 23 fév. 4462. On voit encore les
ruines du château de La Fayette, près du village d'Aix-La-
Fayette (arr. d'Ambert). Protégé par la maison de Bour-
bon à laquelle il resta toujours dévoué, Gilbert Motier eut
une carrière brillante. En 4409, il était capitaine de Gênes
sous le maréchal de Bouçicaut. En 4440, le due de Bour-
bon, Jean P% le fit sénéchal du Bourbonnais, capitaine de
ses guerres, et l'emmena dans ses expéditions contre les
Anglais et les Bourguignons, notamment aux sièges de Sou-
bise (4443), de Compiègne et d'Arras (1414). Le dauphin
Charles l'envoya, en qualité de commissaire royal, à Rouen
(juin 1417), puis aux conférences de Barneville (novembre).
Nommé ensuite capitaine général du dauphin dans le Lyon-
nais et le Maçonnais (1418), capitaine de Beaulieu, de
Saint-Sulpice et de Millau (1419), gouverneur du Dau-
phiné et maréchal de France (1420), il eut dès lors un rôle
des plus importants, soit au conseil, soit à Tannée. Il com-
battit à Baugé et au siège d'Alençon (1421) devant Cosne
et à Serverette (Lozère) en 1422, en Auvergne et près de
Bourges en 1423. Pris à la bataille de Verneuil (17 août
1424), il recouvra bientôt sa liberté, grâce à Charles VII
qui le combla de nouvelles faveurs. Il prit parti pour le
connétable de Richemont contre Louvet et La Trémoille
(1423-29). 11 se signala encore à la défense d'Orléans, aux
combats de Rouvray et de Patay (1429), mais il fut alors
disgracié par l'influence de La Trémoille, dont il avait
d'ailleurs encouru l'inimitié pour avoir défendu contre lui
les intérêts du roi, en Auvergne, six ans auparavant. Ren-
tré en faveur après la chute de La Trémoille (juin 1433),
il assista aux conférences de Nevers et au congrès d'Arras
(1435), aux délibérations des Etats d'Orléans (1439), où
il se prononça énergiquement pour la continuation de la
guerre contre les Anglais et pour la réforme de l'armée.
Il resta néanmoins attaché, pendant la Praguerie, au duc
Charles de Bourbon, un des principaux chefs de cette ré-
volte (1440) ; mais le roi ne lui en garda pas rancune, car
il l'emmena en Lorraine (1444) et le chargea ensuite de
missions importantes (à Lyon et à Genève en 1447, à Rome
et à Lausanne en 1448) qui avaient pour but la pacification
de l'Eghse. Après la campagne de Normandie (1449), où
il suivit le roi, La Fayette, qui était fort âgé, n'eut plus
guère l'occasion de se distinguer. Il fut inhumé à l'abbaye de
La Chaise-Dieu (arr. de Brioude), dans la chapelle qu'il y
avait fait bâtir. Il signait Fayete. E. Cosneau.
BiBL. : Les Chroniques du temps. — Le P. Anselme,
VU, 56. — J. QuiCHERAT, Procès de la Pucelle, IV, 119,
413, 416. — M. d'EscoucHY, 111, 5, 7, 245, 319, 354,358-59.—
Vallet de Viriville, Histoire de Charles VII^ à la table.
— De Beaucourt, Histoire de Charles VII, à la table. —
Pièces orig., t. MCXIX, dossier 25648. Fr. 2866 (anc.8442).
— D. ViLLEviEiLLE, Trésor généal., t. XXXYIII, fol. 50 ;
à la Bibliothè(|ue nationale.
LA FAYETTE (Louise Motier de), célèbre amie de
Louis XIII, née probablement en Auvergne vers 1645,
morte à Chaillot en janv. 1665. Elle était l'un des quatre
enfants de Jean III de La Fayette, seigneur de Haute feuille,
— descendant au septième degré du maréchal de La Fayette
— et de Marguerite de Bourbon-Busset, que son père avait
épousée en 1613. On ne sait rien de ses premières années.
Amenée à la cour en 1630, elle y devint demoiselle d'hon-
neur d'Anne d'Autriche, vraisemblablement par l'influence
de son oncle, François de La Fayette, évêque de Limoges,
premier aumônier de cette princesse, et de sa parente ma-
ternelle, la marquise de Sénecey (Marie-Catherine de La
Rochefoucauld-Randan), première dame d'honneur. La fa-
veur de M^^® de Hautet'ort durait depuis cinq ans lorsque,
en 1635, le cardinal de Richelieu chercha à lui substituer
M^^^ de La Fayette qu'il croyait pour lui moins à craindre.
« La beauté brune de celle-ci, dit M"^® de Motteville, n'était
pas si éclalante, mais, avec de beaux traits de visage et
beaucoup d'agréments, elle avait aussi de la douceur et de
la fermeté dans l'esprit. »Ses deux oncles, le chevalier de
La Fayette et l'évêque de Limoges, M"^^*^ de Sénecey, les
ducs de Saint-Simon et d'Halluin, Sanguin, maître d'hôtel
du roi, M^^^^ d'Esches, de Vieux-Pont et de Polignac, filles
d'honneur ou parentes, entrèrent dans cette intrigue.
Louis XIII remarqua M^^® de La Fayette, se plut à la faire
chanter et à s'entretenir avec elle. De son côté, M^^^ de La
Fayette conçut pour le roi un sentiment sérieux, mais ni
l'un ni l'autre ne se laissèrent entraîner à une passion
coupable. Amie dévouée du roi, La Fayette se refusa à
trahir ses secrets et à seconder les vuts de Richelieu. Dès
lors, le cardinal se tourna contre elle et chercha à em-
ployer le P. Caussin, nouveau confesseur du roi (24 mais
1636), pour la pousser à embrasser la vie religieuse. Bien
— 741 — LA FAYETTE
que celui-ci, qui aspirait à remplacer Richelieu, ait plutôt
agi dans un sens contraire, M^^^ de La Fayette, soit dégoût
des intrigues dont elle était l'objet, ou défiance de son
propre cœur, soit frayeur d'un enlèvement, même d'un em-
poisonnement dont on répandait perfidement le bruit autour
d'elle, demanda enfin au roi la permission d'entrer au cou-
vent de la Visitation de la rue Saint-Antoine. Louis XIII
n'y consentit qu'avec peine. Le cœur déchiré, mais sans en
rien faire paraître, le 19 mai 1637, elle prit congé du roi
à Saint-Germain et se rendit en carrosse, accompagnée de
quelques filles de la reine et de leur gouvernante, au cou-
vent de la Visitation. Sa dot y l'ut payée avec les 12,000
livres accordées habituellement aux filles d'honneur qui se
retiraient. La reine lui donna le voile le jour de sa prise
d'habit, et le P. Caussin prononça le sermon. Elle fit pro-
fession le 28 juil. 1638, sous le nom de sœur Angélique.
Pendant quatre mois, le roi lui rendit de fréquentes\isites,
venant exprès de Saint-Germain, de Vincennes et même
de Fontainebleau. C'est à la suite d'une de ces visites que
Louis XllI, près duquel La Fayette était loin de desservir
Anne d'Autriche, alla coucher au Louvre et partager le lit
de la reine (déc. 1637). Neuf mois plus tard naissait
Louis XIV. Richelieu qui, le H déc. 1637, avait réussi à
faire exiler le P. Caussin, le protégé de La Fayette, sut
aussi mettre fin aux visites du roi à son amie en intercep-
tant leur correspondance et en falsifiant quelques-unes de
leurs lettres.
Son père et sa mère, confinés en Auvergne, n'étaient
pas intervenus dans cette vocation. Mais ses deux oncles,
son frère, revenu de la campagne de Hollande, et M^« de
Sénecey, par crainte de Richelieu, avaient fini par pousser
à son entrée en religion. (Quelques mots d'elle font croire
qu'elle regretta d'avoir cédé trop facilement. Elle succéda
plus tard à M"^® Lhuillier, comme supérieure du monastère
de la Visitation de Chaillot, fondé par la veuve de Charles P'',
dont elle était devenue l'amie intime et la confidente. Elle
y mourut, après dix-huit ans de vie religieuse. Son père
était mort le 3 déc. 1651, et le chevaher de La Fayette, son
oncle, était décédé la même année. L'évêque de Limoges
lui survécut jusqu'au 3 mai 1676 ; M"^'^ de Sénecey, qui
avait été exilée un instant à son château de Milly, jus-
qu'au 10 mai 1677. Il existe d'elle un portrait gravé par
Moncornet, mais qui est le même que celui de Marie-Louise
de Gonzague, par le même. Eugène Asse.
BiBL. : Mémoires, de M""" de Motteville, éd. Fliaux, 18G9,
I, 58 ; IV, 361 ; de La Porte, coll. Petitot, LIX, 332 ; de Mon-
GLAT, id., XLIX, 175-177 ; de Richelieu, id., X, 16, 191, 205 :
de GouLAs ; Paris, 1879, 1. 327 ; II, 18, 80.— Griffet, His-
toire du règne de Louis XIII ; Paris, 1758, III, 6-13. — Le
Vassor, Histoire de Louis XIII ; Amsterdam, 1713, IX,
2t6. — V. SiRi, Mernorierecondiie, 1758, VIII, 663. — Gro-
Tius, Epistolse, passim. — V. Cousin, M"'" de Haute fort;
Paris, 1868, in-12, 21, 251. — L'abbé Sorin, Louise-Angele
de La Fayette; Paris, 1892, in-8.
LA FAYETTE (Marie-Madeleine Pjoche de La Vergne,
comtesse de), écrivain français, née à Paris, où elle lut
baptisée le 48 mars 4634, et où elle mourut dans la nuit
du 25 au 26 mai 4692. Elle était fille de Marc Pioche,
écuyer, sieur de La Vergne, qui mourut vers 4650, com-
mandant au Havre, et d'Elisabeth Pcna, d'une ancienne
famille de Provence. Elle eut pour maîtres le P. Bapin et
Ménage, qui lui enseignèrent le latin et l'italien, et dont le
second l'a célébrée platoniquement dans les deux langues.
Le second mariage de sa mère avec le chevaher de Sévigné
(jany. 4654) la lia avec la marquise de Sévigné, nièce de
celui-ci, et cette amitié dura toute la vie. Elle connut plus
tôt encore le cardinal de Retz, ami de sa mère, et fut du
nombre des précieuses sous le nom de Féliciane. Mariée,
le 45 févr. 4655, à François Motier, comte de La Fayette,
frère de la mère Angélique, supérieui'e du couvent de la
Visitation de Chaillot, elle s'y rencontra souvent avec Hen-
riette d'Angleterre, à laquelle elle inspira une vive affec-
tion. Après quelques séjours en Auvergne, à Naddes ou à
Espinasse, terres du comte de La Fayette, elle revint se
fixer à Paris, vivant dans son hôtel de la rue de Vau-
LA FAYETTE
742
girard, en face du petit Luxembourg. Elle perdit sa mère
en 1693, et son mari restait si bien confiné en province
que jusqu'ici on avait cru qu'il était mort longtemps avant
sa femme. C'est tout récemment qu'un document trouvé
dans les archives de la Trémoillea appris que ce mari discret
avait vécu jusqu'au 26 juin 4683. Vers 1665 ou 1666, une
intimité très étroite, dont le caractère ne sera sans doute
jamais bien défini, s'établit entre elle et le duc de La Ro-
chefoucauld, qu'elle avait connu vraisemblablement dès
4655. Sous son influence, dit -on, il aurait adouci quel-
ques-unes de ses Maximes (parues en 1665) dans les
éditions de 1672 et de 1678, Indépendamment de Ménage,
qui mourut deux mois après elle, elle eut encore pour amis
Huet, Segrais, qu'elle recueillit après sa rupture avecM^^® de
Montpensier (1671), La Fontaine, Bossuet, le grand Condé,
son fils, Langlade, M""^"^ du Lude, du Plessis-Guené-
gaud, etc. Liée dès sa jeunesse avec M^^® de Nemours, elle
entretint avec elle une correspondance politique, lorsque
cette princesse fut devenue duchesse de Savoie, puis régente
(1665-81), et défendit ses intérêts auprès de Louis XIV.
En 1662, trois ans avant les Maximes, parut, sans nom
d'auteur, son premier roman, la Princesse de Mont-
pensier (Paris,in-12), que suivirent, au double intervalle
de neuf ans et de sept ans, Zayde, Histoire espagnole
(Paris, 1670, 2 vol. in-8), publiée sous le nom de Segrais
(qui a tour à tour avoué et démenti cette paternité), et pré-
cédée d'une lettre de Huet sur V Origine des romans; la
Princesse de C lèves (Paris, 18 mai 1678, 4 vol. in-12.
mais qui existait en manuscrit dès 1672). Ce dernier ro-
man, son chef-d'œuvre, et le premier en date des romans
psychologiques, fut critiqué par Valincour dans ses Lettres
à la marquise deX,..,ei défendu par l'abbé Charnes, dans
sa Conversation sur la critique de la « Princesse de
Clèves ». On lui avait reproché l'aveu de M"»® de Clèves ;
pour réfuter cette critique, elle écrivit une nouvelle, la
Comtesse de Tende,^ où l'héroïne est placée dans une situa-
tion telle que le parti le plus honnête qu'elle puisse prendre
est encore de se confier à son mari. Le caractère de fidé-
lité historique que nous avons ailleurs signalé dans cette
œuvre (mars 1890) a été confirmé par M. Lud. Lalanne,
qui en a rapproché de curieux passages de Brantôme.
En 1665, elle avait commencé, sur l'invitation de
Madame et avec ses confidences, une histoire de cette prin-
cesse. L'interrompant peu après, elle la reprit en 1669;
mais la catastrophe du 30 juin 1670 l'empêcha de la pour-
suivre au delà de 1665 et elle y ajouta seulement plus
tard le récit de la mort de la duchesse. Le livre parut
posthume sous ce titre Histoire de Madame Henriette
d'Angleterre, première femme de Philippe de France,
duc d'Orléans, par dame Marie de La Vergne, comtesse
de La Fayette (Paris, 1720, in-42, de 223 p.). Tout
porte à croire que W^^ de La Fayette avait écrit des sou-
venirs étendus, dont les Mémoires de la cour de France
pour les années i688 et 1689 (Amsterdam, 1734, in-42,
de 234 p.) ne sont qu'une faible partie.
Sa santé, toujours délicate, était devenue tout à fait
mauvaise dans les derniers temps de sa vie, que la mort
de La Rochefoucauld (47 mars 4 680) avait à jamais assom-
brie. Elle ne quittait guère Paris que pour Saint-Maur,
chez Gourville, et Fleury. De ses deux fils : l'aîné, Louis,
né en Poitou en 4658, abbé de Valmont (1670), de
Dallon(4676), de La Grenetière(4679), njourutle 2 mai
4729; le cadet, René- Armand, dit le marquis de La
Fayette, né à Paris le 47 sept. 4659, brigadier en 4693,
mourut à Landau le 42 août 4694, laissant de son mariage
avec Madeleine de Marillac (42 déc. 4689) une fille unique,
Marie-Madeleine, mariée le 43 avr. 4706 à Charles-
Bretagne, duc de la Trémoille, morte le 6 juil. 4717, et
en qui s'éteignit la branche aînée des La Fayette.
On a encore de M"^^ de La Fayette un Portrait de
W^^ de Sévigné, des Lettres à W^^ de Sévigné (publiées
avec les Lettres de celles-ci, et dans les Lettres de M^^ de
Villars; Paris, 1805, in-12) ; à Huet (publiées par
M. Henry, dans Un Erudit, homme d'Eglise et homme
de cour; Paris, 4879, in-8); à Segrais et à Ménage. Sa
correspondance avec Lescheraine, secrétaire de la duchesse
de Savoie, a été donnée par A. D. Perrero (Lettere iné-
dite di Madama di Lafayette; Turin, 4880). Les prin-
cipales éditions de ses œuvres complètes sont celles de
4786 (8 vol. in-42); 4804 et 4820, par Auger (3 vol.
in-8); 4825, par Etienne et Jay (5 vol. in-8). Les meil-
leures éditions de ses œuvres historiques ont été données,
à' Henriette seulement, par Bazin (4853, in-46) et Anat.
France (4882, in-42); et en 1890, sous le titre de Mé-
moires de M*^* de La Fayette (Paris, in-46). On ne
connaît point d'elle de portrait peint ; mais il en existe un
gravé par Launay jeune, d'après Ferdinand. En 4879, à
propos d'une lettre inédite de M^® de La Fayette publiée
par M. Perrero a été renouvelée la question de savoir si elle
était bien l'auteur de la Princesse de Clèves; elle a été
résolue encore dans le même sens. Eugène Asse.
BiBL. : G. MÉNAGE, PoemcLta; Paris, 1656.— Segraisiana ;
Paris, 1721, pp. 28, 45, 102. — Huet, Commentarius de rébus
ad eum pertinentibus ; Amst., 1718; trad. Nisard, 1853. —
M'"*' DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. Régnier, passim. — Bussy-
Rabutin, Lettres, éd. Lalanne, 1859, I, 262 ; II, 323, 415 ;
111, 116, 431; IV, 34, 100, 155. — 0. d^Ormesson, JournaL
— Gourville, Mém., éd. Petitot, 454, 459. — Marmontel,
Essai sur les romans {Œuvres, 1819,111, 570). —Voltaire,
Œuvres, éd. Garnier. — La Harpe, Cours de littérature,
1817, VU, 227, in-12. — Delandine, Auger, Notices, en
tête des Œuvres, 1786 et 1804. — Lemontey, CE^wures, 1823,
m, 292. — Monmerqué, Notice, en tête des Mémoires. —
Perrero, article dans la Rassegna settimanale, mars
1879. — F. Hémon, Revue bleue des 5 avr., 3 mai 1879 «t
2 oct. 1880. — Sainte-Beuve, Portraits de femmes, 1884,
p. 249, in-8; Lundis, I, 413; IV, 387; VI, 305 ; IX, 159, 180;
XIV, 266; XV, 425. — Tatne, Essais de critigue et d'his-
toire, 1874, p. 253. — P. Mesnard, Notice biograph. sur
M'n« de Sévigné, en tête des Lettres, éd. Régnier, 1862, I,
135, in-8.— ArvèdeBARiNE, Rev. des Deux Mondes. 15 sept.
1880. — M. DE Lescure, Notice, éd. de la Princesse de
Clèves, 1881, in-16. — Anatole France, Notice, éd. d'Hen-
riette d'Angleterre, 1882. — Eugène Asse, M""» de La
Fayette et ses Mémoires, éd. des Mémoires, mars 1890,
in-16. — GouRDAULT, Œuvres de La Rochefoucauld, éd.
Régnier [Notice), 1881, I, lxxvi. — A. Lebreton, le Roman
au xviii<» siècle ; Paris, 1890. — -G*» d'Haussonville,
M-^" de La Fayette, 1891, in-16, et Revue des Deux Mondes
du 15 sept. 18§0. — Lud. Lalanne, Brantôme et la « Prin-
cesse de Clèves » de M'"« de La Fayette ; Paris, 1891, in-8.
LA FAYETTE (Marie-Joseph-Paiil-Yves-Roch-Gilbert
MoTiER, marquis de), général et homme politique français,
né au château de Chavaniac (Haute-Loire) le 6 sept. 1757,
mort à Paris le 20 mai 1834.11 était fils du marquis Gil-
bert, colonel aux grenadiers de France, et appartenait à la
branche cadette decette illustre familled'Auvergne. Il n'avait
que deux ans quand son père fut tué à la bataille de Minden
(1®"^ août 1759). Elevé par sa grand'mère paternelle, il ne
vint à Paris qu'à onze ans et fut placé au collège du Plessis.
Il perdit en 1770 sa mère et son grand-père maternel et se
trouva à la tête d'une fortune de 120,000 livres de rente. Il
entra, le 9 avr. 1771, dans la 2® compagnie des mousque-
taires et passa, le 7 avr. 1773, au régiment de Noailles avec
le grade de sous-lieutenant. Il épousa, le 11 avr. 1774, la
seconde fille du duc d'Ayen, Marie-Adrienne-Françoise de
Noailles. Promu capitaine le 19 mai suivant, La Fayette fut
réforméle 11 juin 1776. A cette époque, les nouvelles delà
lutte des Américains contre les Anglais le remplirent d'en-
thousiasme, et, libre et riche, il résolut d'aller combattre
avec les opprimés. Il s'entendit à ce sujet avec Benjamin
Franklin, mais il dut user de ruse pour tromper la vigilance
de sa famille. Il se rendit en Angleterre en févr. 1777 et
prévint son beau-père, le 9 mars, de sa résolution de
partir pour l'Amérique. Malgré les lettres de cachet solli-
citées et obtenues par les siens, il réussit à s'embarquer
à Bordeaux le 26 avr. 1777 et arriva à Georgetown le
15 juin suivant. Il se rendit aussitôt à Philadelphie, où il
remit, le 30, au Congrès, les lettres d'introduction de
Franklin et de Deane. Après quelques difficultés, le Congrès
accepta ses services et lui donna le rang et la commission
de major général. Peu de jours après, il fut présenté à
Washington, qui l'accueillit avec une bienveillance qui ne
— 743
I.A FAYETTE
se démentit jamais. Le il sept. 4777, La Fayette fit ses
premières armes à la bataille de Brandy wine, dont le succès
fut défavorable aux Américains. Il re(;ut une balle dans la
jambe en ralliant ses troupes et resta alité trois semaines.
Il ne cessait de correspondre avec sa femme et avec ses
amis de France. Le l^'^ déc. 4777, il reçut le commande-
ment de la division des Virginiens. Une expédition projetée
au Canada ne put réussir à cause de Thiver. La Fayette
se distingua ensuite au combat de Monmouth le 28 juin
1778 et fut chargé d'opérer dans l'Etat de Rhode Island,
de concert avec l'escadre française commandée par l'amiral
d'Estaing. Une tempête empêcha le succès espéré, et le
jeune général fit une retraite habile, qui lui valut les féli-
citations du Congrès (9 sept. 4778). Désirant prendre
part à la guerre contre l'Angleterre, La Fayette demanda
et obtint l'autorisation de retourner en France et il partit
de Boston, le 41 janv. 1779, sur le vaisseau Z'i//mnc£?,
après avoir reçu les témoignages les plus flatteurs du gou-
vernement américain. Il arriva à Brest le 20 févr. 4779.
La Fayette, qui avait quitté la France en fugitif, y ren-
trait en triomphateur. A la cour et à la ville, il fut reçu
avec enthousiasme, et Louis XVI lui accorda, le 3 mars
4779, l'autorisation d'acheter le régiment des dragons du
roi, ce qui lui donna le titre de mestre de camp. Il s'em-
ploya activement à décider le gouvernement français à in-
tervenir en Amérique. Il parvint à obtenir qu'un corps de
4,000 hommes commandé par le lieutenant général Rocham-
beau fût envoyé aux Etats-Unis. La Fayette tint à précé-
der le corps expéditionnaire et il s'embarqua à File d'Aix
le 44 mars 4780. Le28avr.il arriva à Boston et fut accueilli
avec transport. Il conféra aussitôt avec Washington et,
lorsque le 40 juiL, Fescadre française parut devant New-
port, il alla arrêter avec Rochambeau le plan des opéra-
tions. La campagne fut heureuse. Le général Cornwallis,
qui se flattait de prendre celui qu'il traitait d'enfant (the
boy), fut investi dans la ville d'Yorktown et dut capituler
le 47 oct. 1784. Ce succès assurait l'indépendance des
Etats-Unis. La Fayette, satisfait, résolut de rentrer dans
sa patrie. Il quitta Boston le 23 déc. 4784 et débarqua à
Lorient le 48 janv. 1782. Il ne négligea pas la cause de
ses amis, et il eut la satisfaction de voir signer à Versailles,
le 20 janv. 4783, les préliminaires de la paix entre la
France et l'Angleterre. Le 42 mars suivant, il reçut le
brevet de maréchal de camp et, le 5 mai, la croix de Saint-
Louis. L'année suivante, il fit un troisième voyage aux
Etats-Unis. Débarqué à New York le 4 août 4784, il par-
courut les lieux témoins de ses exploits et passa plusieurs
jours à Mount Vernon, auprès de Washington qui avait
déposé son épée après la victoire. Partout il recueillit des
témoignages d'afî'ection et de gratitude. Le 24 déc. 4784,
il quitta New York et parvint à Brest le 20 janv. 4785.
La Fayette s'occupa alors de la réforme de l'état civil
des protestants et alla, en juil. 1785, assister aux ma-
nœuvres de Silésie. Il vit le grand Frédéric et se lia avec
son frère le prince Henri. Puis il se rendit à Vienne, oti il
conféra avec l'empereur Joseph IL Rentré en France en
oct. 4785, il vécut au milieu de sa famille et de ses amis,
correspondant activement avec son illustre ami Washing-
ton. Quand le roi convoqua l'assemblée des notables, 'il
inscrivit La Fayette parmi les 144 personnes qui devaient
la composer. La Fayette y montra son esprit libéral et ré-
formateur et déplut à la cour (22 févr. au 11 déc. 1787).
Il fit remercier Calonne et donner un état civil aux protes-
tants. L'année suivante, il voulut reprendre un service mi-
litaire actif et il obtint, le 1"^^ avr. 1788, le commande-
ment d'une brigade d'infanterie dans la division de Languedoc
et de Roussillon. Mais ayant donné une adhésion publique
à une protestation de la noblesse de Bretagne contre les
édits de Lamoignon et de Bricnne, il se vit retirer ses lettres
de service de maréchal de camp (15 juil. 1788). Libre
désormais de ses actions, il était un candidat désigné pour
les Etats généraux. En effet, le 5 mars 4789, la noblesse
do la sénéchaussée de Riom le choisit pour député. Son
esprit libéral se donna carrière, et dès le 44 juil. il présenta
une Déclaration exiropéemie des droits de V homme et
des^ citoyens . Nommé vice-président de rAssemblée le
43 juil., il exerça ses fonctions dans la mémorable journée
du 14. Le lendemain 45, il fut élu par acclamation colonel
général de la milice bourgeoise, en même temps que Bailly
était nommé maire de Paris. La Fayette organisa aussitôt la
garde nationale, et il proposa le 47 d'ajouter à la cocarde
nationale bleue et rouge, couleurs de la ville de Paris, le
blanc, couleur royale. « Je vous apporte, s'écria-t-il à l'Hôtel
de Ville, une cocarde qui fera le tour du monde. »
L'activité de La Fayette ne se démentit pas, au milieu
de difficultés toujours croissantes. L'assassinat de Foullon
et de Bertier, auquel il s'était vainement opposé, lui fit
donner, le 23 juil. 4789, une démission, qu'il fut obligé
de retirer. Les journées des 5 et 6 oct. furent pour lui
une rude épreuve. Il suivit le peuple à Versailles et réus-
sit à protéger le roi et sa famille contre les envahisseurs
et à les ramener à Paris. Sa popularité grandit encore
quand il refusa le commandement des gardes nationales
du royaume (4 févr. 4790). Le 42 mai 4790, il fonda avec
Bailly la Société de 1189, qui devait devenir le club des
Feuillants. On frappait des jetons à son effigie (3 juin
1790). Le 44 juil. 4790, La Fayette, que les fédérés
avaient acclamé pour président, eut l'honneur de prêter
sur Fautel de la patrie le serment de fidélité à la nation,
à la loi et au roi. Cependant Marat attaquait sans merci
le général Motié et le qualifiait de traître. Le 28 févr.
4791, La Fayette chassa des Tuileries les chevaliers du
poignard. L'émeute du 48 avr., qui empêcha le départ de
Louis XVI pour Saint-Cloud, lui fournit le prétexte de
donner sa démission (21 avr.). Il fallut les démarches de
la municipalité et les supplications des gardes nationaux
pour lui faire reprendre son commandement. La fuite de
Louis XVI lui créa une situation périlleuse ; il donna im-
médiatement des ordres pour arrêter le roi (24 juin 4794).
Il n'en fut pas moins promu lieutenant général le 30 juin
4794. Enfin, le 17 juil., il réprima l'émeute du Champ
de Mars et fit tirer sur le peuple. Sa popularité sombra
dans ce triste événement. Toujours chevaleresque, il fit
voter, le 13 sept. 1791, l'amnistie générale, et, le 18, il
assista-, à la tête de la garde nationale, à la proclamation
de la Constitution. L'Assemblée constituante s'étant séparée
(30 sept. 1794), La Fayette considéra que sa tâche était
terminée, et il donna sa démission de commandant général
le 8 oct. 1791. La garde nationale lui rendit les plus grands
hommages et lui offrit une épée d'honneur à garde d'or.
Le général alla se reposer en Auvergne et, après une tour-
née triomphale, arriva dans son château de Chavaniac le
17 oct. Il ne sortit pas de sa retraite, même quand on
opposa vainement sa candidature à celle de Petion pour la
mairie de Paris (16 nov. 1791). Mais les préparatifs de
la guerre le firent rentrer dans la carrière des armes.
Le 14 déc. 1791 , le roi confia à La Fayette le comman-
dement d'une des trois armées qu'il venait de créer, celle
du centre. Le général accourut aussitôt et partit pour
Metz afin d'organiser son armée. Il entra en campagne en
mai 1792 et eut la douleur de perdre au combat de Gli-
suelles son lieutenant et ancien compagnon d'armes Gou-
vion (11 juin 1792). Adversaire du parti jacobin, il en
surveillait les agissements. L'envahissement* des Tuileries
par le peuple au 20 juin 1792 mit le comble à son mécon-
tentement, n ne craignit pas de quitter son armée et de
se rendre à l'Assemblée législative, où il prononça un ré-
quisitoire contre les auteurs de l'insurrection (28 juin). Sa
présence causa de violentes protestations, malgré lesquelles
l'Assemblée lui donna gain de cause. H repartit le 30 juin,
mais les dénonciations contre lui et les demandes de mise
en accusation se multiplièrent. La journée du 10 août et la
suspension de Louis XVI outrèrent le général, qui voulut
soulever son armée pour aller déhvrer le roi et restaurer
la Constitution. H protesta pubîi(}uement et adressa des
proclamations à ses soldats. Le 14 août 1792, il fit arrè-
LA FAYETTE
— 744 —
ter par la municipalité de Sedan les commissaires de TAs-
semblée, Antonelle, Kersaint et Peraldy. A la nouvelle de
cette rébellion le conseil exécutif somma, le 47 août, La
Fayette de remettre le commandement de son armée et de
venir rendre compte de sa conduite. Le général, voyant
qu'il ne pouvait compter sur ses troupes, résolut d'aban-
donner son poste et, le 19 août, il franchit la frontière
près de Mouzon avec vingt-deux officiers de son état-major.
Arrivés à huit heures du soir à Rochefort, les fugitifs
furent arrêtés par les sentinelles ennemies. La Fayette et
ses compagnons protestèrent qu on ne devait pas les
confondre avec les émigrés, car ils ne voulaient pas porter
les armes contre leur pays, mais ce fut en vain. Les ordres
les plus sévères furent donnés à leur égard ; La Fayette,
un des auteurs de la Révolution, était de bonne prise.
Transféré à Namur (25 août), puis à Luxembourg (3 sept.),
et à Coblentz (15 sept.), il fut enfin enfermé le 18 sept.
1792 dans la forteresse de Wesel et jeté dans un ignoble
cachet. De là on le mena à Magdebourg (81 déc), où sa
captivité fut encore plus rigoureuse. Le 16 janv. 1794, il
fut transféré à Neisse et en mai livré par les Prussiens
aux Autrichiens qui l'enfermèrent à Olmutz et déployèrent
envers lui une cruauté inouïe, qu'une tentative d'évasion
(8 nov.) ne fit encore qu'accroître. Le 24 oct. 1795 seule-
ment, la femme de La Fayette obtint de rejoindre son mari.
Cependant le lamentable sort des prisonniers d'Olmutz
préoccupait les esprits en France, en Amérique et en An-
gleterre, mais toutes les interventions étaient inutiles. Il
fallut les victoires de Bonaparte et une stipulation spéciale
dans le traité de Campo-Formio pour décider l'empereur
d'Allemagne à lâcher sa proie. Le 19 sept. 1797, La Fayette
et ses compagnons furent enfin délivrés, après avoir pro-
mis de ne jamais remettre les pieds dans les Etats de l'Em-
pire. Après avoir remercié Bonaparte (6 oct.), La Fayette
sefixaà Wittmold, en Holstein. En févr. 1799, il s'établit
dans les Pays-Bas. A l'annonce du coup d'Etat du 18 bru-
maire, il accourut à Paris, mais reçut un accueil assez froid.
Il se retira alors dans sa terre de La Grange-Blesneau,
dans le dép. de Seine-et-Marne. Il refusa l'ambassade aux
Etats-Unis et une place au Sénat, mais sollicita sa retraite
qui lui fut accordée le 13 avr. 1802, avec une pension de
6,000 fr. 11 vota contre le Consulat à vie et vécut dans la
retraite, s'occupant d'agriculture et entretenant avec ses
amis de France et d'Amérique une volumineuse correspon-
dance. Il eut la douleur de perdre, le 24 déc. 1807, sa
femme, qui lui avait montré un si parfait dévouement.
La chute de Napoléon ne lui causa ni étonnement ni cha-
grin. La Fayette félicita même Louis XVIII de sa restau-
ration sur le trône de ses ancêtres. Mais le retour de Tile
d'Elbe le rejeta dans la politique. La cause de l'empereur
lui parut celle de la France. Nommé, le 10 mai 1815,
député de Seine-et-Marne, il fut choisi, le 5 juin, pour
troisième vice-président de l'Assemblée. La défaite de Wa-
terloo lui inspira un discours indigné contre le despote,
dont il réclama l'abdication (22 juin). Désigné, le 23 juin,
pour un des commissaires envoyés par le gouvernement
provisoire au quartier général des alliés, il échoua dans
cette mission, mais sut tenir au représentant anglais un
patriotique langage. Revenu à Paris le 5 juil., il rendit
compte de ses démarches à la Chambre et se retira le 1 1
à La Grange. Il ne rentra dans la Hce que le 26 oct. 1818,
jour oti le dép. de la Sarthe le choisit pour député.
Il défendit à la tribune la liberté individuelle et celle de
la presse. Il s'affilia à la charbonnerie et entra même dans
un complot qui fut dévoilé et n'eut pas de commencement
d'exécution (l^'^ janv. 1 822). Non réélu en 1 824, il profita de
ce repos forcé pour aller une dernière fois visiter les Etats-
Unis avec son fils. Embarqué au Havre le 13 juil. 1824, il
arriva à New York le 16 août. Reçu solennellement à Phi-
ladelphie le 28 sept., il fit un pieux pèlerinage à la tombe
de Washington (17 oct.). Pendant une année, il parcourut
lesEtats de l'Union, au milieu del'enthousiasme universel, et,
le 7 sept. 1825, il quitta ce pays qu'il ne devait plus revoir.
Rentré à La Grange le 27 oct. 1825, La Fayette fut
rendu à la vie publique, le 2i juin 1827, par les électeurs
de l'arr. de Meaux, qui le nommèrent député à la veille
de la clôture de la session. Réélu le 17 nov., il lutta de
nouveau pour les idées Hbérales. En 1829, un voyage en
Auvergne, en Dauphiné et dans l'Ardèche lui rappela sa
popularité de 1789 et ses ovations de 1824 en Amérique.
Il rentra par Vienne et Lyon (5 sept. 1829). Partout on
lui avait décerné des couronnes civiques. Le 12 juil. 1830,
ses électeurs confirmèrent son mandat. Quand la révolution
éclata, La Fayette accourut à Paris, et, le 29 juil., accepta
les fonctions de commandant de la garde nationale. Il se
rallia au duc d'Orléans, mais se brouilla bientôt avec Louis-
Philippe. Le 25 déc. 1830, il donna sa démission. Le
5 juil. 1 83 1 , il fut élu par les collèges de Meaux et de Stras-
bourg et obta pour le premier. Il plaida éloquemment la
cause des Polonais et se montra toujours prêt à combattre
l'oppression, comme au temps de sa jeunesse. Chef res-
pecté de l'opposition, il déclara qu'il ne voulait pas avoir
plus de liens avec la contre-révolution de 1830 qu'avec
celle de 1789 (5 juin 1832). Il parut, le 26 janv. 1834,
pour la dernière fois à la Chambre pour appuyer des péti-
tions relatives aux réfugiés polonais. Le 30, il voulut
suivre à pied le convoi du député Dulong, fils naturel de
son ami Dupont de l'Eure, tué en duel par le général Bu-
geaud. Il prit froid et dut s'aliter. Sa robuste constitution
résista pendant près de quatre mois, mais le mal en triom-
pha, et La Fayette mourut à Paris le 20 mai 1834, à l'âge
de soixante-dix-sept ans. On l'enterra au cimetière Picpus
auprès de sa femme, et les plus grands honneurs furent
rendus en France et aux Etats-Unis à cet illustre citoyen,
dont la carrière fut si extraordinaire et qui restera comme
le type accompli du libéral et du parlementaire. Son fils
publia en 1837 et en 1838 les Mémoires et la Corres-
pondance de La Fayette, ouvrage capital pour la biographie
du général et pour l'histoire de son temps.
En 1 87 7 , la ville de New York éleva une statue à La Fayette.
En France, la ville du Puy suivit cet exemple et, le 6 sept.
1 883 , inaugura une statue, œuvre remarquable du sculpteur
Hiolle. Il est bien peu de nos grandes cités qui n'aient donnô
à une de leurs artères le nom du libérateur de l'Amérique
et du patriote de 1789. Etienne Charavay.
BiBL. : Mémoires^ correspondances et jncinascrits du gé-
néral La Fayette^ publiés par sa famille; Paris, 1837-38,
6 vol. in-8. — Regnault-Warin, Mémoires pour servir
à la vie du général La Fayette; Paris, 1824,2 vol. in-8.—
Pelet de La Lozère, La Fayette en Amérique et en
France; Paris, 1867, in-18.— H. Domoi , la Famille, l'en-
f'ance et la première jeunesse de La Fayette\ Orléans,
1876, in-8. — A. Bardoux, la Jeunesse de La Fayette
et les Dernières Années de La Fayette; Paris, 1892 et 1893,
2 vol. in-8. — Etienne Charavay, le Général La Fayette ;
Paris, 1895, in-8. — A. Levasseur, La Fayette en Amérique
en 182^ et 1825; Paris, 1829, 2 \ol. ïn-S. — Sarrans
jeune, La Fayette et la révolution de 1830; Paris, 1831,
2 vol. in-8. — Jules Cloquet, Souvenirs sur la vie privée
du général La Fayette; Paris, 1836, in-S. — A. Tuetey,
Répertoire général des sources manuscrites de Vhistoire
de Paris pendant la Révolution française; Paris, 1890-
94, 3 vol. in-4. — Nauroy, le Curieux, 1887. p. 128. —Max
Bûdinger, La Fayette in Oesterreich ; Vienne, 1878, in-8.
LA FAYETTE (Washington-Georges-Louis-Gilbert Mo-
TiER, marquis de), homme politique français, né à Paris le
24 déc. 1779, mort à Paris le 30 nov. 1849, fils du pré-
cédent. Entré dans l'armée, il fit la campagne d'Italie,
celles d'Autriche, de Prusse et de Pologne dans Tétat-
majorde Grouchy; mais, assez mal vu de Napoléon P"" et
privé d'un légitime avancement, il dut abandonner la car-
rière militaire. Le 12 mai 1815, il fut élu député de la
Haute-Loire, échoua dans ce même département le 4 nov.
1820, fut élu par le Haut-Rhin le 16 mai 1822, et échoua
de nouveau à Brioude en 1824. 11 accompagna alors son
père en Amérique, et, à son retour, échoua encore à
Brioude le 17 nov. 1827, mais fut élu le même jour député
de Coulommiers, qu'il représenta jusqu'en 1847. Membre
de l'opposition de gauche, il combattit le cabinet Polignac,
puis le cabinet Casimir Périer, signa le compte rendu de
— 745
LA FAYETTE — LA PERRIÈRE
Topposition de 4832, combattit les lois de septembre et le
cabinet Guizot. Le 23 avr. 1848, il fut nommé représen-
tant de Seine-et-Marne à la Constituante, où il soutint la
politique de Cavaignac. Il ne fit pas partie de la Législative.
On a de lui : Lettre adressée à un électeur de Brioude
(Brioude, 4834, in-4), et une autre brochure relative aux
lois du 9 sept. 4835, intitulée Messieurs et chers com-
mettants (Paris, 4835, in-4).
LA FAYETTE (Oscar-Tliomas-Gilbert Motieh, comte,
puis marquis de), homme politique français, né à Paris le
20 août 1845, mort à Paris le 26 mars 4884, fils du pré-
cédent. Elève de l'Ecole polytechnique, il servit brillamment
en Afrique. Le 4®'* août 4846, il fut élu député de Seine-et-
Marne, et fit une active propagande en faveur de la réforme
électorale. Partisan de la révolution de 4848, il fut nommé
le 23 avr. 1848 représentant de Seine-et-Marne à la Cons-
tituante, où il soutint Cavaignac, et, réélu à la Législative
le 13 mai 1849, il combattit assez mollement la politique
de PElysée. Après le 2 déc, il donna sa démission de capi-
taine d'artillerie et se tint dans la vie privée jusqu'en 1870.
Le 8ïévr. 1874, il fut élu représentant de Seine-et-Marne
à l'Assemblée nationale, où il fit partie de la gauche répu-
bhcaine. Partisan de Thiers, il lutta assez vivement contre
le cabinet Broglie. Elu sénateur inamovible le 43 déc. 4875,
il combattit le gouvernement du 46 mai et appuya le
cabinet Dufaure.
LA FAYETTE (François-Edmond Moïier, vicomte, puis
comte de), homme politique français, né à La Grange-
Blesneau (Seine-et-Marne) le 44 juil. 4818, mort à Paris
le 4 4 déc. 4890, frère du précédent. Avocat à Paris, il fut
élu le 23 avr. 4848 représentant de la Haute- Loire à la
Constituante. D'opinions plus modérées que ses parents, il
se tint dans la politique du centre. Aussi sa candidature à
la Législative dans la Haute-Loire fut-elle très vivement
combattue par le parti démocratique, qui la fit échouer. 11
échoua encore aux élections du 8 févr. 4874 dans le même
département, qui le nomma enfin sénateur le 30 janv.
4876. Il combattit le gouvernement du 46 mai, fut réélu
le 5 janv. 4879 et le "5 janv. 4888, et appuya constam-
ment la politique opportuniste. Il s'était prononcé contre
le boulangisme.
LAFENESTRE (Georges), littérateur français, né à Or-
léans en 1837. Il a débuté en 4864 par un volume de
vers, les Espérances, où il s'inspirait de souvenirs italiens,
et où certaines pièces accusaient une note lyrique toute par-
ticulière. Dans un poème consacré à Giotto, sous ce titre :
Pasquetta, il annonçait déjà le poète qui serait doublé d'un
écrivain d'art. Il s'occupa ensuite de critique dans quelques
revues et écrivit le compte rendu des Salons, dans le Moni-
teur universel, à partir de 4868. Attaché au cabinet du
ministre des beaux-arts en 4870, il devint, en 4876, chef
de bureau, et peu de temps après il fut nommé inspecteur.
Il fut délégué, en qualité de commissaire général, aux expo-
sitions de Munich, de Vienne, d'Amsterdam et d'Anvers.
Comme poète, il a publié en d874 un second volume, les
Idylles et Chansons, d'une forme très distinguée et où se
retrouvaient le genre et les qualités du premier livre. On
lui doit encore un roman italien, Bartolomea (1882) où
plusieurs scènes sont empruntées à la vie d'artiste. Conser-
vateur adjoint des peintures au musée du Louvre (4886), il
fut nommé deux ans plus tard conservateur à ce même poste,
puis professeur à l'Ecole du Louvre. 11 a été élu, en 4892,
membre libre de l'Académie des beaux-arts. M. Georges
Lafenestre est l'auteur des ouvrages suivants, se rattachant
à l'histoire de l'art : l'Art vivant : la Peinture et la
Sculpture aux Salons de 1868 à i874 (4881); les
Maîtres anciens (4882) ; le Musée de Montpellier (dans
r Inventaire général des richesses d'art de la France,
4884); la Peinture italienne (P'' tome, 4885, dans la
Bibliothèque de V Enseignement des Beaux-Arts) ; la
Vie et r œuvre du Titien (1886, in-fol.) ; le Livre d'or
du Salon de peinture et de sculpture (4879 à 4890,
42 vol. in-'4, illustr. ; Salon de 1889, avec 400 pi.).
Il a été attaché comme critique à la Bévue des Deux
Mondes et y a publié diverses études, en même temps que
des articles sur les Salons. lia commencé, en collaboration
avec M. E. Richtenberger, la Peinture en Europe (I^*" tome,
le Louvre, 1893; 11^ tome, Florence, 4894), avec de
nombreuses illustrations), et un commentaire détaillé et
raisonné. C'est le type du catalogue moderne de musée, du
manuel à l'usage de l'amateur, où il est tenu compte de
tous les documents importants et des découvertes biogra-
phiques les plus récentes. Ant. Valabrègue.
LAFERRIÈRE (Louis-Marie, comte), général français,
né à Redon le 9 avr. 4776, mort à Vallery (Yonne) le
22nov. 4834. Entré au service dès 4792, il fit de bril-
lantes campagnes dans les armées du Nord, de Rhin-et-
Moselle, de Sambre-et-Meuse, de l'Ouest, etc., commanda
un régiment de cavalerie à Austerlitz, léna et Friedland, con-
quit en Espagne le grade de général de brigade (4 3 mai 1841),
fut nommé général de division et comte pour sa belle con-
duite à Hanau (4813) et se couvrit de gloire pendant la
campagne de France. Sous la première Restauration, il
obtint le commandement de l'Ecole de cavalerie de Saumur
(23 déc. 4814). Appelé à la Chambre des pairs par Napo-
léon pendant les Cent-Jours (4815), il en fut exclu par
Louis XVIll, mais il y fut plus tard rappelé par Louis-
Phihppe (1832). A. Debidour.
LAFERRIÈRE (Louis -Firmin Julien-), juriste fran-
çais, né à Jonzac le 5 nov, 1798, mort le 15 févr. 1861.
Avocat à Angoulême, puis à Bordeaux, il se fit con-
naître par un remarquable Essai sur Vhistoire du droit
français (Paris, 1836-38, 2 vol. in-8; 3« éd., 1885) et
fut nommé professeur à la faculté de Rennes (1838), devint
conseiller d'Etat, député à l'Assemblée législative (1849),
inspecteur général de l'enseignement du droit; il fut nommé
membre de l'Académie des sciences morales en 1855.
Parmi ses ouvrages, très appréciés, on cite : Cours de
droit public et administratif (1839; 5^ éd., 1860,
2 vol.); Histoire du droit français (1845-58, 6 vol.);
Histoire des principes, des institutions et des lois de
la Bévolution française (1850; 2^ éd. 1852); De V in-
fluence du stoïcisme sur la doctrine des jurisconsultes
romains (1860).
LAFERRIÈRE (Delaferrière, dit /Ic^o/p/i,^), acteur fran-
çais, né à Alençon en 1806, mort à Paris en 1877. Il
débuta en 1820 au Français dans les chœurs à'Athalie,
mais se consacra au drame et parut sur des scènes très
diverses: Ambigu, Porte-Saint-Martin, Français, etc.,
toujours avec succès. Vers 1832, il fit une tournée triom-
phale en Russie. En 1837, il reparut à Paris et parcourut
une brillante carrière, surtout à TOdéon, où il resta long-
temps. En 1864, il fit une tournée en Allemagne; on le
trouve encore sur la scène de Cluny en 1876. Laferrière
eut une grande célébrité; il garda jusqu'à ses derniers
jours cette apparence de jeunesse éternelle que l'on admi-
rait en lui et le rendait, dit-on, irrésistible. Il a publié des
Mémoires (1874) remplis d'anecdotes piquantes.
LAFERRIÈRE (Edouard-Louis Julien-), jurisconsulte
français, né à Angoulême le 26 août 1841, fils de Julien
(ci-dessus). Avocat au barreau de Paris, secrétaire d'Er-
nest Picard, il fut à cause de sa collaboration au Bappel
emprisonné à Mazas en mai 1 869. Directeur des cultes au
ministère de l'intérieur (1879), il fut nommé conseiller
d'Etat la même année et devint vice-président de cette as-
semblée en 1886. Fondateur du journal la Loi, collabo-
rateur du Temps, M. Laferrière a donné d'importants ou-
vrages parmi lesquels nous citerons : les Journalistes
devant le Conseil d'Etat (Paris, 1865, in-8); la Cen-
sure et le régime constitutionnel (1867, in-12); les
Constitutions d'Europe et d'Amérique (1869, in-8);
l'Article 8 de la Constitution (1882, in-12); Traité
de la juridiction administrative et des recours an
contentieux J 1887-88, 2 vol. gr. in-8).
LA FERR!ÈRE-Percy (Hector de Masso, comte de),
écrivain français, né à Lyon en 1811. Le premier de ses
LA FERRÏÈRE — LAFFEMAS — 746
livres date de 1855 ; c'est une étude fort attachante sur la
vie de famille des châtelains du xvi^ siècle, d'après un de
ces livres de raison auxquels on attache un grand prix au-
jourd'hui (Journal de la comtesse de Sanzay). V Histoire
de Fiers, qui parut en même temps, relève également de
la monographie locale, comme V Histoire du canton d'Âthis
(4858). M. de La Ferrière publia ensuite : Marguerite
d'Angoulôme, étude sur ses dernières années (1862).
La même année, il donna : Une Fabrique de faïence à
Lyon sous Henri H. Il reçut alors la mission de recueillir
les lettres de Catherine de Médicis conservées dans les
bibliothèques de l'étranger et publia : Deux Années de
mission à Saint-Pétersbourg [manuscrits , lettres, etc.,
sortis de France en i789] (1867). En 1878, parut le
Seizième Siècle et les Valois, Le tome I des Lettres de
Catherine de Médicis a paru en 1880 ; le tome V, enta-
mant le règne de Henri llï, est actuellement sous presse
(1895). M. de La Ferrière a en outre collaboré assidûment
à la Pievue des Deux Mondes, au Correspondant, à la
Nouvelle Revue, et réuni en volumes ses divers articles :
Trois Amoureuses au xvi® siècle [Françoise dePwhan,
Isabelle de Limeuil, la Reine Margot] (1885); laJeu-
nesse de Henri 1/1(4 888); Henri IV, le roi, V amou-
reux (1890).
LA FERRONAYS (V. Ferronays).
LA FERTÉ-Senneterre (Famille de) (V. Ferté).
LA FEU IL LAD E (Famille de). Branche cadette de la
maison à'Aubusson (V. ce nom), issue de Guillaume, fils
de Jean P^, qui vivait à la fin du xiv^- siècle et était oncle
du grand maître de Rhodes, Pierre d'Aubusson. Fran-
çois P*", seigneur de LaFeuillade, chevalier de Saint-Michel,
chambellan du duc d'Anjou, mort en 1611, eut pour fils
Georges, comte de La Feuillade, maréchal de camp, capi-
taine-lieutenant des chevau-légers' de la reine, ami et créa-
ture de Concini, mort en 1628. Celui-ci fut le père ^q Fran-
çois II, comte de La Feuillade, maréchal de camp en 1621 ;
premier chambellan du duc d'Orléans (Gaston), il le suivit
dans sa révolte et fut tué en 1632 au combat de Castel-
naudary ; il laissait cinq fils : Léon, premier chambellan
de Monsieur en 4638, maréchal de camp, tué au siège de
de Lens en 1647, « un des plus accomplis et agréables
hommes de France »; Georges (V. Aurusson [Georges
d']) ; Gabriel, tué au siège de Saint-Omer en 1638 ; Pciul,
tué à Mardik en 1646; François III, qui suit.
François III, vicomte d'Aubusson, puis comte de La
Feuillade, duc de Rouannez et enfin duc de La Feuillade,
maréchal de France, mort le 18 sept. 1691, à soixante
ans, entra au service en 1647, servit à la bataille de Re-
thel (1654) et dans les campagnes de Flandre, fut maré-
chal de camp en 4663, lieutenant général en 4667, colo-
nel des gardes françaises en 4672, gouverneur de Dole en
4674, maréchal de France en 4675. Il alla en Hongrie en
4666 avec Coligny, mena des volontaires à Candie en 4669,
et fit la campagne de Hollande. Le 9 avr. 4667, il épousa
Charlotte Gouffier, sœur du duc de Rouannez (V. ce nom) ;
son beau-frère, décidé à vivre dans la retraite, céda son
duché et le marquisat de Boisy à sa sœur qui les vendit
elle-même, par contrat de mariage, 400,000 livres à son
futur époux, à charge que leurs enfants porteraient con-
jointement les noms et les armes des deux maisons, et que
La Feuillade payerait les dettes de la maison de Gouffier :
il ne remplit pas cette obligation ; d'autre part, ayant ob-
tenu une érection nouvelle du duché sous le nom de Rouan-
nez, il obtint en 4673 d'y substituer celui de La Feuil-
lade. En 4678, il fut nommé vice-roi de Sicile; il fit
habilement la retraite qui lui était ordonnée. Gouver-
neur du Dauphiné en 1681, il fut chevalier des ordres
en 1688.
Très brave soldat, il passait pour un médiocre général. On
l'accusa aussi « de faire un Pérou du régiment des gardes ».
Ami de Colbert et de Seignelay, il ne craignit pas de se
brouiller avec Louvois : mais c'est que, par ses flatteries,
il s'était mis en position de tout dire au roi. « Il connaissait
le roi, dit Saint-Simon, mieux qu'homme de la cour; il dé-
couvrit de bonne heure que les plus basses et les plus outrées
flatteries étaient un chemin sûr et raccourci à qui était à por-
tée et en volonté de le faire. » En 1686, il fit élever la
statue de la place des Victoires, sous laquelle il voulait
faire préparer son tombeau et qui fut consacrée avec des
rites renouvelés des apothéoses des empereurs romains ; il
y fit allumer chaque soir des falots que le roi fit supprimer
en 1691, « déclarant que ces sortes de lampes ne devaient
être que dans les églises ». A sa mort, « le roi, au dire de
Saint-Simon, ne put s'empêcher de témoigner qu'il s'en
trouvait fort soulagé » : ses adulations n'avaient plus le
mérite de la nouveauté, et ses voyages à Paris, devenus
fréquents, avaient déplu. — Sa femme, Charlotte Gouf-
fier, née en avr. 1633, morte le 13 févr. 1683, avait été
une disciple fervente de Port-Royal; elle fit vœu de chas-
teté et vécut neuf ans dans la retraite. On a prétendu que
Pascal avait éprouvé pour elle une passion discrète. A
trente-quatre ans, elle se fit relever de ses vœux pour se
marier, en eut du remords et traîna une vie languissante.
Un seul fils du maréchal lui survécut. Ce fut Louis,
comte d'Aubusson, puis comte de La Feuillade, duc en
1691, né le 30 mai 1673, mort à Marly le 29 janv. 1725.
Mestre de camp en 1686, gouverneur du Dauphiné en 1691,
il épousa en 1692 une fille du secrétaire d'Etat Château -
neuf, aimable et estimable personne avec qui il vécut fort
mal et qui mourut à vingt et un ans, en 1697. Avec un
visage « d'une laideur dégoûtante », il avait, d'après
Saint-Simon, « beaucoup d'esprit, du feu., de l'audace,
plus que personne le langage et les manières du grand
monde et le jargon qui plaît aux femmes. Fort galant. Ma-
gnifique et très brave. Une ambition démesurée ». Ses
négligences dans le service, ses habitudes de débauche
crapuleuse, le vol qu'il commit en 1696 en forçant le coffre-
fort de son oncle, l'évêque de Metz, le firent longtemps dé-
tester du roi. Le mariage qu'il fit en 1701 avec une fille
du ministre Chamillard fit sa fortune. Brigadier le 21 janv.
1702, maréchal de camp le 18 févr. suivant, lieutenant
général le 25 janv. 1704, chevalier de Saint-Louis, puis
du Sahit-Esprit, il eut en 1706 le commandement de l'ar-
mée au siège de Turin et se montra absolument incapable.
Son digne ami Canillac le fit faire pair par le régent en
1715; Pâris-Duvernay et M"^^ de Prie le firent faire ma-
réchal de France le 2 févr. 1724. Il ne laissa pas d'en-
fants. Un de ses parents éloignés, François d'Aubusson,
releva le titre de comte de La Feuillade. L. Del.
BiBL. : Saint-Simon, Ecrits inédits, t. VI, p. 363; Mé-
moires, éd. Boislile, t. 111, appendices X et XXIX ; t. IV,
p. 97, etc. — MiGNET, Négociations relatives à la succes-
sion d'Espagne, — Traité des statues^ 1688. — Saint-Hi-
LAiRE, Mémoires, I, 362. — G. Lyon, la Conversion de
M^i'^ de Rouannez, IS19. — L'abbé Maynard, Pascal, sa vie,
son caractère, ses écrits et son génie, t. I, pp. 112-123, etc.
LA FEU! LIÉE ou FEILLÉE (François de), musico-
graphe français du xviii^ siècle. Prêtre, au service du
chœur de la cathédrale de Chartres. Il a laissé de nom-
breux ouvrages spéciaux, parmi lesquels nous citerons :
Méthode pour apprendre les règles du plain-chant
(Paris, 1745, in-12), souvent réimprimé; Epitome An-
tiphonarii romani (1751, in-12); Epitome Gradualis
romani (1847, in-12).
LAFFAUX. Corn, du dép. de l'Aisne, arr. de Soissons,
cant. de Vailly ; 209 hab. Intéressante église du xii^ siècle
avec remaniements et additions du xv^ ; les chapiteaux
historiés en sont particulièrement curieux. La découverte
d'un important cimetière franc a donné à croire qu'il
fallait identifier Laffaux avec la localité nommée Latofao
dans les textes mérovingiens. Château du xvi® siècle
converti en ferme.
LAFFEMAS (Barthélémy de), administrateur et écono-
miste français, né à Beausemblant (Dauphiné) en 1545,
mort à Paris vers 1612. D'abord valet de chambre de
Henri IV, il s'éleva par son mérite à la charge de contrô-
leur général du commerce de France. Dans une vingtaine
747
LAFFEMAS - LAFFITTE
d'écrits, publiés de 4o98 à 1610, il attaque « les mono-
poles glissés sur le peuple de France », soutient les doc-
trines protectionnistes, attaque {comme Sully) le luxe des
soies et des habillements, ce qui ne Fempêche pas de pu-
blier des traités et des instructions sur la culture et la
greffe du mûrier blanc. Beaucoup de zèle et pas beaucoup
de suite, telle est l'impression qui résulte de ces écrits,
curieux par le détail. H. Monin.
LAFFEMAS (Isaac de), fils du précédent, né vers 1587,
mort à Paris le 46 mars 46o7. D'abord tailleur, si l'on
en croit L'Estoile, puis avocat au parlement, puis maître
des requêtes de l'hôtel, il devint lieutenant civil au Chà-
telet (4637), puis président des requêtes. Il a publié /'//is-
ioire du commerce de la France,.. (Varis^ 4606, in-42);
on lui attribue aussi deux mazarinades sous le pseudonyme
de Nicolas Le Dru. Il fut un des agents les moins scrupu-
leux de la politique de Richelieu. Comme il était juge aussi
impitoyable que mauvais orateur, on disait de lui, en pa-
rodiant la définition de Quintilien : Vir bonus, strangu-
landi periius. H. Monin.^
LAFFICHARD (Thomas), auteur dramatique français,
né à Pont-Floch le 22 juil. 4698, mort à Paris le 20 août
4753. D'abord souffleur, puis receveur à la Comédie-Ita-
lienne, il a eu de grands succès en son temps, succès d'es-
prit et de style, car ses ouvrages ne supportent plus la lec-
ture. Citons : les Acteurs déplacés (Paris, 4746, in-8),
comédie; V Amour imprévu (1746, in-8), vaudeville ;
Pantin et Pauline (Amsterdam, 4754, in-8) ; Caprices
romanesques (4745, in-42); le Philosophe amoureux
(4746, 2 vol. in-42) ; la Salamandre (4744, in-42) ; le
Songe de Clydamis (4732, in-42), romans; la Nymphe
des Thuileries (4746, in-8) ; la Surprise des amants
(4735, in-8), comédies, etc.
LAFFIN (De). Famille du Bourbonnais qui tire son ori-
gine du fief de La Fin, près deThiel (dép. de l'Allier). Très
mal connue, cette famille a eu deux célèbres représentants :
au XV® siècle, Pierre de Laffin, abbé de Bénissons-Dieu,
près de Roanne, en 4460, qui construisit la belle église de
ce couvent et fonda en 4496 la collégiale deMontaiguet, et
Jacques de Laffin, seigneur de Montboissier, Aubusson, etc.,
qui fut mêlé à toutes les intrigues de l'histoire politique du
xvi« siècle. Mariéà Gilbertede Montboissier, il fut attaché à
Fran(:ois, quatrième fris de Henri II (4575), traita avec le
duc Casimir après la trêve, lieutenant général pour François
en Touraine, envoyé en mission secrète en Italie pour opérer
le recouvrement de la Valteline (4576-78), il entra ensuite
en négociations avec Saint-Aldegonde et devint après le
meurtre de Bussy le chambellan du duc. François voulant
conquérir l'Espagne, Laffin eut le commandement de l'armée
qu'on levait, puis servit d'intermédiaire entre le duc et le
roi à propos des affaires de Cambrai. Catherine do Médicis
le chargea de négocier avec le prieur de Crato la cession du
Portugal. Après la mort de François (4584), sur les ins-
tances de Turenne, il embrassa le parti de Henri IV et fut
employé par lui à diverses affaires ; il n'en conserva pas moins
avec Marguerite de Valois des relations prouvées par une
correspondance qui dura de 4594 à 4598. En 4594, il est
chargé de pacifier la révolte de la Provence, Mal récom-
pensé à son retour, il entra dans la conspiration du ma-
réchal de Biron et alla conférer en Savoie avec l'ambassa-
deur d'Espagne (1600), mais il revint bientôt au roi et lui
dénonça le complot; le 20 avr. 4606, il fut assassiné sur
le pont Notre-Dame. Maurice Dumoulin.
BiBL.: Roger de Quiriklle, Montaiguet, à-àns Roannais
illustré^ 5« série. — Cûiiendy, Lettres de Marguerite de
Valois; Clermont-Ferrancl, 1881, broch. in-4.
LAFFITE-ToupiÈRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Saint-Gaudens, cant. de Saint-Martory ; 240 hab.
LAFFITE-ViGORDAîSNE. Com. du dép. de la Haute-Ga-
ronne, arr. de iViuret, cant. du Fousseret ; 549 hab.
LAFFITTE (Jacques), financier et homme politique fran-
çais, né à Bayonne le 24' oct. 4767, mort à Paris le W mai
4 844. Fils d'ouvrier, il vint à vingt ans chercher fortune
à Paris et entra comme teneur de livres (4788) chez le
banquier Perregaux qui, ayant pu apprécier ses rares apti-
tudes, le prit pour associé en 4800 et lui laissa en mou-
rant (1804) la direction de sa maison. Laffitte réalisa en
peu d'années une énorme fortune, dont il fit toujours le
plus noble usage, devint président de la chambre de com-
merce de Paris, juge au tribunal de commerce de la Seine
(4843) et accepta le 25 av-r. 4844, dans les circonstances
les plus difficiles, le gouvernement de la Banque. Il siégea
pendant les Gent-Jours à la Chambre des représentants et,
après Waterloo, fit des avances considérables à l'Etat et à
la ville de Paris pour satisfaire aux premières exigences
des alliés (juillet). Membre de la Chambre des députés à
partir d'oct. 4846, il contribua par ses conseils et par ses
discours au rétabhssement de nos finances (4847-48) et
se signala aussi comme un des plus fermes partisans des
principes de la Révolution.
La chaleur avec laquelle il défendit la liberté de la presse
et la loi électorale de 4817 lui fit perdre en 4849 sa place
de gouverneur de la Banque de France. Il combattit Tannée
suivante la loi du double vote et en 4823 l'expédition
d'Espagne, mais se prononça en 4824 pour le projet de
conversion des rentes du ministère Villèle, ce qui compro-
mit sa popularité. Il la regagna bientôt tout entière par son
opposition ouverte à la politique intérieure de Charles X
et aussi par sa générosité philanthropique et son dévoue-
ment inépuisable au parti libéral. Non réélu en 1824, il
rentra au Palais-Bourbon en mars 4827 comme député de
Bayonne, proposa la mise en accusation du cabinet après
la dissolution de la garde nationale, obtint un double man-
dat aux élections générales de nov. 4827 et se prononça
de plus en plus ouvertement pour le duc d'Orléans qui,
suivant lui, devait réaliser sur le trône l'union de la mo-
narchie et de la liberté.
Réélu à Bayonne le 42 juil. 4830, il exerça pendant
et après l'insurrection provoquée par les ordonnances de
Charles X une influence décisive sur les événements. Le
28 juil., il envoya à Louis-Philippe l'avis de pourvoir à
sa sûreté, fit de son hôtel le quartier général de la révo-
lution, répondit le 29 aux: propositions d'accommodement
de Charles X qu'il était trop tard, et, le 30, envoya cher-
cher dans sa retraite le duc d'Orléans qu'il fit aussitôt
proclamer lieutenant général du royaume. Le 34, il con-
duisit ce prince à l'Hôtel de Ville. Peu après (3 août), la
Chambre des députés choisissait Laffitte pour président.
Le célèbre banquier entra comme ministre d'Etat dans
le premier cabinet formé par le nouveau roi. Il y repré-
sentait le parti du mouvement, avec lequel ce dernier se
crut quelque temps obligé de compter. Aussi devint-il le
3 nov. suivant président du conseil et ministre des finances.
Mais le parti avancé trouva bientôt trop peu démocratiques
ses premiers projets de lois. Débordé par l'agitation légi-
timiste et républicaine, privé d'auxiliaires comme La Fayette,
Dupont de l'Eure, Odilon-Barrot, qui ne tardèrent pas à
se retirer, contrecarré en dessous par Louis-Philippe, sur-
tout dans sa poHtique extérieure (affaires d'Italie), Laffitte
céda la placeau ministère Casimir Périer (43 mars 4834).
Il sortait du pouvoir à peu près ruiné. Ses largesses et la
crise financière de 4830 avaient profondément ébranlé
son crédit. Après une longue et laborieuse liquidation, il
se trouva ne plus posséder que quelques millions (4836),
avec lesquels il fonda en 4837 une caisse d'escompte qui
ne prospéra pas sous sa direction et qui devait sombrer en
1848. En politique, réélu député par divers collèges en
4834, 4834, 4837, 4839 et 4842, il se déclara, depuis
sa sortie du ministère, pour l'opposition dynastique, signa
le Compte rendu de 4832 et alla jusqu'à demander pu-
bliquement pardon à Dieu et aux hommes du rôle qu'il
avait joué en 1830. Peu après le discours mordant qu'il
avait prononcé à la Chambre des députés comme doyen
d'âge (4844), il mourut subitement, et l'imposante mani-
festation à laquelle donnèrent lieu ses obsèques prouva
combien était grande encore sa popularité. A. Debidouk.
LÂFFITTE — LAFFON
— 748
LAFFITTE (Pierre), philosophe français, né à Béguey
(Gironde) le 21 févr. 1823. D'une famille d'artisans aisés
et de petits propriétaires, il fit ses études à Bordeaux,
d'abord dans une institution privée, puis au lycée, et vint
à Paris en 1839 faire sa philosophie au lycée Charlemagne.
En 1 840, il eut le second prix de philosophie au concours
général. Dès l'année suivante, la philosophie positive
l'attira, et Auguste Comte, qu'il connut en 1844, dans
rintimité de qui il vécut jusqu'à sa mort (o sept. 1857),
fixa définitivement son goût pour les spéculations philoso-
phiques et sociales. Dans toute cette période, il s'adonna
exclusivement à l'étude encyclopédique des sciences, à
commencer par les mathématiques. Jaloux avant tout de
son indépendance, il se tint en dehors de toute attache
officielle et pourvut aux nécessités de la vie par l'enseigne-
ment privé, préparant de nombreux élèves à toutes sortes
d'examens, depuis le baccalauréat es sciences jusqu'à
l'Ecole polytechnique. A la mort d'Aug. Comte, il com-
mence *son œuvre de propagation du positivisme par la
parole et par la plume. Dès 1858, il ouvre, 10, rue Mon-
sieur-le-Prince, dans l'appartement même d'Aug. Comte,
un Cours philosophique sur r histoire générale de r hu-
manité, où il applique les principes abstraits du maître à
l'appréciation concrète des grandes civilisations et des
grands types, ceux-ci coordonnés d'après le calendrier
positiviste. Il n'a cessé depuis, soit dans ce même local,
soit à la salle Gerson, soit au Collège de France, de donner
à un auditoire de fidèles un enseignement tout à fait libre
et original, dont les grandes lignes au moins et les parties
essentielles ont été communiquées au public, soit de loin
en loin par des ouvrages, soit au fur et à mesure par des
brochures et sous forme d'articles dans la Revue occiden-
tale. Cette revue, « organe du positivisme pour la France
et l'Occident », a été fondée par M. Laffitte en 1878 et
paraît tous les deux mois. Enfin, en 1892, M. Léon Bour-
geois, ministre de l'instruction pubhque, reprenant en
faveur du disciple d'Aug. Comte une idée que le maître
avait en vain suggérée à Guizot soixante ans auparavant,
fit fonder au Collège de France une chaire d'histoire géné-
rale des sciences, dont M. Pierre Laffitte fut nommé titu-
laire. Son cours, dont la leçon d'ouverture a seule été
publiée (Paris, 1892, in-8), exposera les lois générales de
l'évolution des théories scientifiques, de la mathématique
jusqu'à la sociologie et à la morale, suivant l'ordre tracé
par la hiérarchie scientifique d'Aug. Comte, qui est pour
lui l'ordre même de l'évolution scientifique. Les deux pre-
mières années ont été consacrées à l'évolution mathéma-
tique dans l'antiquité grecque, évolution préparée, dit-il,
par la théocratie, surtout égyptienne. Une autre idée chère
à M. Laffitte, c'est que toutes les sciences abstraites ont
leur origine dans l'expérience, que la géométrie, par
exemple, est, au fond, une science expérimentale.
Parmi ses publications antérieures, il faut citer : les
Grands Types de l'humanité (2 vol. in-8, rédigés par le
D*' Dubuisson ; Paris, 1875-76). Le premier volume, con-
sacré aux types théocratiques, traite de Moïse, du boud-
dhisme, du brahmanisme, de l'islamisme et aboutit à des
vues sur la politique à suivre envers les représentants de
ces diverses croyances. L'auteur rêve de voir Paris, mé-
tropole religieuse du monde, célébrer la commémoration
de tous ces grands types, incorporant ainsi et dominant
toutes les civilisations. Plus tard, il a complété cette étude
par dix leçons sur les grands types du catholicisme, de
saint Paul à Bossuet \Revae occidentale, 1892-93),
aboutissant également à des considérations politiques, ins-
pirées par ces pensées : « Le catholicisme est une religion
à la fois locale et temporaire. » — « Dieu n'est plus, en
France, que d'ordre privé et non plus d'ordre public. » —
Le second volume des Grands Types est relatif à l'anti-
quité, considérée au point de vue esthétique dans Homère,
philosophique dans Aristote, scientifique dans Archimède,
social dans César. L'auteur insiste sur la nécessité de la
civilisation militaire et conquérante. Pour lui, « la théo-
logie et la guerre ont fondé la civilisation humaine ». Il
propose d'élever à Paris une statue à Jules César comme
ayant préparé la France en civilisant la Gaule. Néanmoins,
sa sévérité est extrême pour le césarisme français. Napo-
léon, selon lui, n'est qu'un aventurier sur qui s'égare
l'admiration publique. Au contraire, Louis XI, à qui il con-
sacra plus tard une étude à part, est le principal créateur
de notre « organisme » national : M. Laffitte demandait
qu'on célébrât son centenaire en 1884 et qu'on lui élerdt
une statue. Il réussit mieux pour Diderot, en faveur de
qui il fit la même proposition.
M. Laffitte a professé de 1884 à 1886 et publié dans sa
revue un cours complet de morale théorique et de morale
pratique, qu'il se propose de faire suivre d'une morale
politique. Toute la morale pour lui est d'ailleurs liée à l'idée
de système ou d'organisme social, le devoir n'étant autre
chose que « la condition nécessaire qui lie l'individu à
l'organisme collectif », famille, patrie, humanité. Le Cours
de philosophie première doit comprendre deux volumes,
le premier (Théorie générale de l'Entendement) a paru
en 1889 (Paris, in-8) ; le deuxième {Lois du monde) est
annoncé. L'auteur n'a publié que le programme des cours
qu'il a faits pendant trois ans sur la « philosophie troi-
sièm.e » ou « théorie générale des êtres », c.-à-d. de la
terre, de l'humanité et de l'industrie, cette « action mo-
dificatrice de l'humanité sur sa planète ». Mentionnons
enfin un opuscule sur la Révolution française (Paris,
1880), où M. Laffitte interprèle et défend avec ardeur la
Révolution ei justifie la proposition d'Aug. Comte deprendre
1789 pour l'origine des ères. Nous n'avons rien dit des
idées économiques et proprement sociales de M. Laffitte. On
les trouve arrêtées dès 1859 dans le discours d'ouverture
du Cours philosophique..., où on voit que pour lui « le
problème fondamental consiste dans l'incorporation sociale
du prolétariat », que « la richesse, sociale dans sa source,
doit l'être dans sa destination », mais qu'il n'en est pas
moins « nécessaire que la richesse ait une appropriation
privée pour être employée avec une digne indépendance au
service de la famille, de la patrie et de l'humanité ». Le
tout est de déterminer les choses qui doivent être appro-
priées collectivement et celles qui doivent l'être individuel-
lement. M. Laffitte s'y applique, non sans avoir posé ce
principe rassurant : « Toute mesure radicale ne peut être
immédiate ; toute mesure immédiate ne saurait être radi-
cale. » En somme, à la différence de Littré et de son école,
M. Pierre Laffitte accepte presque intégralement l'héritage
d'Aug. Comte et l'a cultivé tout entier, d'une manière
d'ailleurs très personnelle. H. Marion.
LAFFITTE de Lajoânnenque (Louis-Charles-Léon-Gus-
tave), homme politique français, né à Agen le 26 fév. 1824.
Avocat, il fut élu député de Lot-et-Garonne le 20 févr.
1876 avec un programme de républicain conservateur.
Membre des 363, réélu avec eux le 14 oct. 1877 et de nou-
veau le 21 août 1881, il appuya la politique opportuniste.
Après avoir échoué à une élection partielle pour le Sénat le
25 janv. 1885, il ne se représenta pas aux élections légis-
latives générales de 1885; mais réélu en 1889, il com-
battit le boulangisme et ne s'est pas représenté en 1893.
LAFFON DE Ladébât (André-Daniel), homme poUtique
français, né à Bordeaux le 30 nov. 1746, mort à Paris le
14 oct. 1829. Membre du directoire de la Gironde en 1790,
il fut élu député par ce département le 31 août 1791. Il
s'occupa principalement de questions financières. Arrêté
deux fois en 1792 et 1794 comme suspect de modéran-
tisme, il occupa quelque temps les fonctions de directeur
de la Caisse d'escompte. Député de la Gironde au Conseil
des Anciens en Tan IV, il devint président de cette assem-
blée en l'an V. C'est en cette qualité qu'il chercha à s'op-
poser au coup d'Etat du 18 fructidor. Il fut emprisonné
au Temple et condamné à la déportation. Il réussit à s'éva-
der de la Guyane et rentra en France après le coup d'Etat
du 18 brumaire. Il ne s'occupa plus désormais qued'œuvres
de bienfaisance. On a de lui : les Finances de la France
(1846, in4) ; Eloge de Johi Oiven(?ms, 48^23, m-8);
Exposé d'un moyen de réduire le taux de l'intérêt des
fonds publics de France (4825, in-8) ; Observations sur
la Guyane (s. d.).
LA F FORE (De Bourrousse de), inventeur d'une mé-
thode de lecture dite méthode Lafforienne^X baptisée par
lui-même du nom de statilégie, adoptée en 1827 pat* la
Société pour l'instruction élémentaire et autorisée ou recom-
mandée dans les écoles primaires par décision ministérielle
de M. de Vatimesnil, le 22 juin 4829. L'auteur était avo-
cat à Agen. L'invention, qui constituait en effet un progrès
remarquable sur l'enseignement traditionnel, fut accueillie
avec enthousiasme, préconisée par des écrivains célèbres et
des membres de Tlnstitut, et c'est avec une préface de
George Sand que parut la Statilégie ou méthode Laffo-
vienne pour apprendre à lire en quelques heures (^àvis,
in-8 ; 2® éd., 4878). Cette méthode n'a pas subsisté telle
que l'exposaient M. de Bourrousse de Lafforc et ses deux
fils, Jules et Louis; mais elle a rendu - possibles celles
qui ont prévalu, ou plutôt c'est elle-même qu'on retrouve,
simplifiée encore et amendée dans nos méthodes actuelles.
Elle consistait essentiellement à abandonner Fépellation
alphabétique, à faire apprendre d'abord les signes des sons
simples ou composés (voyelles), puis les signes des arti-
culations simples ou composées (consonnes), celles-ci non
dénommées par leur nom alphabétique, mais prononcées
comme elles le sont en fait, avec une voyelle aussi indé-
terminée que possible et voisine de Ve muet. Exemple B z=z
b,..e et non pas bé; M, R = m...e, r...^, et non emme,
erre ; CL =: Kl...e et non ce elle, ce qui permet immé-
diatement la lecture des svUabes les plus variées. H. M.
LAFFREY (Ruisseau de) (V. Isère, t. XX, p. 99:-!).
LAFFREY. Corn, du dép. de l'Isère, arr. de Grenoble,
cant. de Vizille, auprès du lac du même nom]; 404 hab. —
Le 7 mars 4815, Napoléon y rencontra les troupes royales
envoyées pour l'arrêter, qui se rangèrent sous ses ordres.
LAFFREY (Arnoux), littérateur français, né à Gap le
49 sept. 4 735, mort à Paris le 19 sept. 4794. Auteur de : Vie
privée de Louis XF(Londres, 4784 , 4 vol. in-12), rééditée
avec des remaniements par Maîhon de La Varenne, sous le
titre de : Siècle de Louis IF (Paris, 4796, 2 vol. in-8).
LA FIN (Jean de) (V. Beauvoir l4 Nocle).
LAFITAU ou LAFITEAU (Joseph -François), mission-
nau^e français, né à Bordeaux en 4670, mort à Bordeaux
en 4740. Jésuite de la mission du Canada. On a de lui,
entre autres : Mœurs des sauvages comparées aux
mœurs des premiers temps (Paris, 4723, 2 vol. in-42);
Histoire des découvertes et des conquêtes des Portu-
gais dans le Nouveau Monde (4 733, 2 vol. in-4).
LAFITAU (Pierre-François), évêque de Sisteron, né à
Bordeaux en 4685, mort au château de Lurs le 3 avr. 4764.
Il appartenait à l'ordre des jésuites qui se servirent de lui
pour amener le régent à prendre des mesures décisives en
faveur de la bulle Unigenitus, Lui se servit de Dubois pour
agir sur le régent. Chargé par eux de négocier un accord avec
Clément XI, il recueillit pour lui-même les premiers fruits
de cette négociation. En 4749, il fut nommé évêque de
Sisteron, les jésuites lui ayant permis de quitter leur ordre,
en vue de cette élévation. Clément XI le sacra à Rome.
L'année suivante, le pape agréa la nomination de Dubois
comme archevêque de Cambrai, et le régent contraignit le
parlement à enregistrer une déclaration défendant d'écrire
ou de parler contre la bulle Unigenitus. Quelques mois
après (4724), Dubois reçut le chapeau de cardinal. Au con-
cile d'Embrun (4727), Lafitau prit part à la condamnation
de Soanen, évêque de Senez. En 4734, il attaqua dans un
mandement le livre de Villefore intitulé Anecdotes ou Mé-
moires secrets sur la constitution Unigenitus, et il ac-
compagna ce mandement d'une Réfutation des Anecdotes
(Aix,4734, 3 vol. in-8). Les Anecdotes et leur Réfu-
tation furent pareillement supprimées par un arrêt du
conseil. En 4753, le parlement d'Aix dénonça Lafitau
au roi, à raison du refus des sacrements, et le menaça
- T49 — LAFFON - LAFOLIE
de saisir son temporel. — Œuvres principales : Histoire
de la constitutio7i Unigenitus (Paris, 4733, 1738,
4766, 4820, 2 vol. in-42; Avignon, 4737-38); Vie de
Clément XI (Paris, 4752, 2 vol. in-12); la Vie et les
Mystères de ta très sainte Vierge (Paris, 4759, 2 vol.
in-42), modèle du genre pour le nombre et le merveilleux
dos miracles et la reproduction des récits apocryphes.
LAFITE (Marie-Elisabeth Bouée, dame de), née à Ham-
bourg en 4737, morte à Londres en 4794, femme d'un pré-
dicateur protestant de La Haye. Elle eut, au xviu« siècle,
une certaine renommée. Parmi ses nombreux ouvrages,
citons : Lettres sur divers sujets (La Haye, 4775, in-'42)
et la traduction française (en collab. avec son mari et Reuf-
ner) des Essais sur la physiognomonie de Lavater (t. I).
LA FITE DE Pelleport (comte Vladimir), littérateur
russe, d'origine française, né à Krioukovo (district de
Viazma) en 4 848, mort en 4870. H a écrit sous son nom
et sous le pseudonyme de Piotre Artamov. Son principal
ouvrage est intitulé la Russie historique, pittoresque et
monumentale i?'àr\s,iSd4!). On lui doit encore : Histoire
d'un bouton (4862) ; la Ménagerie littéraire (1863) ;
les Instruments de musique du diable (4864); His-
toire d'un conseiller municipal (4865); Affaire Kho-
miakov (4865) etc.
LAFITOLE. Corn, du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Tarbes, cant. de Maubourguet; 658 hab.
LAFITTE. Com. du dép. de Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. de Tonneins, 968 hab.
LAFITTE. Com. du dép. du Tarn-et-Garonne, arr. de
Castelsarrasin, cant.de Saint-Nicolas-de-la-Grave ; 427 hab.
LAFITTE (J.-B. -Pierre), littérateur français, né à Paris
le 2 juin 4796, mort à Paris le 6 mars 4879. Outre quel-
ques vaudevilles et comédies et divers romans historiques,
le Docteur rouge (4844, 3 vol. in-8) ; le Gage du roi
(4845, 2 vol. in-8) ; le Gantier d'Orléans (4845, 3 vol.
in-8), il a rédigé sous le nom de Fleury, le célèbre comé-
dien du siècle dernier, et sur les notes' d'Âlph. de Beau-
champs, des Mémoires apocryphes (4835-37, 6 vol. in-8)
plusieurs fois réimprimés et parfois allégués à tort par des
historiens peu informés. M. Tx
'LAFITTE-Cla^vé, ingénieur militaire français, né à Clavé,
près de Moncrabeau, en 4750, mort en 4793. Inspecteur
général des fortifications, il entra en 4785 dans l'armée
turque, se distingua à la défense de Kinburn, créa une
école militaire à Constantinople, revint en France, fit la
campagne de Belgique (4792), puis celle des Pyrénées-
Orientales avec le grade de maréchal de camp ; injustement
accusé et emprisonné, il fut relaxé et nommé général de
division. Il a publié un Traité élémentaire de castra-
métation (Péra, 4787, 2 vol. in-4), réimprimé à la suite
de celui de Gormontaingne, et un Mémoire militaire sur
la frontière de la Flandre et du Hainaut (4797).
LA FIZELIÈRE (Patin de) (V. Fizelière).
LA FLÉCHÈRE (V. Fletcher [John-William]).
LAFLEUR. Pseudonyme de Robert Guérin, plus connu
sous le nom de Gros-Guillaume (V. ce nom).
LAFLEUR (Juvénoi^ de), acteur français, né vers 4638,
mort vers 4678. Il avait été cuisinier avant d'entrer dans
lu troupe de l'Hôtel de Bourgogne, oîi il se trouva avec
Montfleury. A la mort de celui-ci, en 4667, il lui succéda
dans son emploi, qui comportait à la fois les rois et les
paysans. On a dit de lui qu'il avait beaucoup d'entrailles,
c.-à-d. un grand sentiment pathétique, ce qui ne l'empê-
chait pas d'être plein de verve et de gaieté dans les rôles
comiques, particulièrement les Gascons et les capitans. Ce
qui est certain, c'est que son talent était remarquable. Entre
autres rôles qu'il joua d'original, il faut citer Lelius dans
la Sophonisbe de Corneille, Burrhus dans Britannicus et
Acomat dans Bajazet de Racine. Lafleur, qui était d'une
taille élevée, d'une belle figure et fort bien fait, épousa la
fille de Gros-Guillaume, dont il eut un fils qui se fit con-
naître au théâtre sous le nom de Lathuillerie.
LAFOLIE (Charles-Jean), littérateur français, né à Paris
LAFOLIE -~ LAFONT — 750
le 25 jaiiv. i780, mort à Paris le 4 fév. 4824. Employé
dans radministration préfectorale, il occupa la sous -pré-
fecture de Ra venue et devint, en 4814, conservateur des
monuments des arts à Paris. On a de lui un grand nombre
d'écrits parmi lesquels nous citerons : l'Opinion publique
sur le procès du général Moreau (s. d., in-8), brochure
qui fit grand bruit ; l'Angleterre jugée par elle-même
(1806, in-8) ; Mémoires historiques relatifs à la statue
d'Henri IV sur le Pont-Neuf (Paris, 1849, in-8) ; Notice
des monuments publics de la ville de Paris (1820,
in- 12) ; Histoire de V administration du royaume d'Ita-
lie pendant la domination française (1823, in-8), de
nombreuses traductions de l'italien, etc.
LA FOL LIE (Louis-Guillaume de), chimiste français, né
à Rouen en 1733, mort à Rouen en 1780. Il s'occupa,
toute sa vie, de recherches de chimie, aida beaucoup Dam-
bourney (V. ce nom) dans ses essais de fixation des cou-
leurs et fit personnellement plusieurs découvertes utilisées
par l'industrie teinturière. Il fut nommé, quelque temps
avant sa mort, due à un accident de laboratoire, inspec-
teur des manufactures. Il a pubhé dans le recueil de
PAcadémie de Rouen, dont il était membre, et dans le
Journal de physique (t. IV et V) une trentaine de mé-
moires très intéressants. On lui doit, en outre, un curieux
ouvrage : Le Philosophe sans prétention ou V Homme
rare (Paris, 1775, in-8; trad. allem., Francfort, 1781),
dans lequel sont traitées, sous forme de roman, la plupart
des questions de chimie et de physique alors à l'ordre du
jour. L. S.
LAFOLLYE (Joseph- Auguste), architecte français, né
à Paris en 1828, mort à Paris en 1891. Elève de Jay
et de la première classe de l'Ecole des beaux-arts, il rem-
porta, de 1868 à 1878, de brillants succès aux Salons
annuels ou aux Expositions universelles françaises et étran-
gères et fut successivement architecte des monuments his-
toriques et des bâtiments civils pour les châteaux de
Compiègne, de Pau et de Saint-Germain et fit exécuter
d'importants travaux dans les deux derniers de ces édifices.
— Son fils, Charles-Paul, né à Paris en 1860, élève de
son père, de MM. Coquart et Gebhardt et de la première
classe de l'Ecole des beaux-arts, est architecte diplômé de-
puis 1886.
LAFO N (Jean-Baptiste-Hyacinthe) , conspirateur français,
né à Pessac (Gironde), mort en 1836. Entré dans les ordres
en 1789, il se signala comme agent royaliste sous le Direc-
toire et sous PEmpire. Vers la fin de 1812, il se trouvait
détenu avec le général Malet, au complot duquel il s'asso-
cia avec ardeur. Il n'échappa qu'à force d'audace au sort
doses complices (23 oct. 1812). Pendant les Gent-Jours,
il servit encore activement la cause des Bourbes dans l'E.
de la France. On a de l'abbé Lafon l'Histoire de la cons-
piration de Malet (Paris, 1814, in-8). A. Debidour.
LAFON (Pierre), acteur français, né à La Linde (Péri-
gord) le 13 sept. 1775, mort à Bordeaux en mai 1846.
Elève de Ferhis à Bordeaux, il composa une tragédie en
cinq actes, la Mort d'Hercule, où il joua le rôlô de^Nessus ;
il revint à ses études de médecine, puis s'engagea dans une
troupe ambulante. Protégé par Barras et Lucien Bona-
parte, il entra à la Comédie-Française où son début fut
éclatant dans le rôle d'Achille d'iphigénie e7i Aulide
(8 mars 1800). Longtemps il balança dans le public la ré-
putation de Talma par la pompe et la correction de sa dic-
tion, la noblesse de sa tenue. 11 se retira en 1829.
LAFON (M"^*^), cantatrice dramatique française, née
à Bordeaux vers 1830. Elève du Conservatoire de Toulouse,
elle prit des leçons de Révial et commença sa carrière en
province, où elle fit remarquer une voix superbe de soprano
dramatique, pleine, sonore, au timbre à la fois pur et plein
d'éclat. Après avoir obtenu de très grands succès à Bor-
deaux, à Toulouse et à Marseille, W^^ Lafon vint débuter
en 1855 à POpéra, et du premier coup conquit la faveur
et les bonnes grâces du public. Elle joua successivement la
Juive, les Huguenots, Robert le Diable, la Favorite, le
Trouvère. Pourtant, après trois ou quatre années à ce
théâtre, M""^ Lafon abandonna le chant français pour le
chant italien et poursuivit sa carrière à l'étranger. Elle
obtint surtout de très grands succès à la Scala de Milan.
LAFON, littérateur français (V. Mary-Lafon).
LAF0N-Blan[ag (Guillaume-Joseph-Nicolas), général
français, né à Villeneuve-sur-Lot le 25 juil. 1773, mort
à Vico (Corse) le 28 sept. 1833. Après avoir vaillamment
conquis ses premiers grades pendant les guerres de la Ré-
volution, il suivit à Naples, puis en Espagne, Joseph Bona-
parte, qui le prit pour aide de camp et le nomma général
de division. Laissé à l'écart par la Restauration,- il ne fut
remis en activité que par le gouvernement de Juillet (1830).
LAFON D (Gabriel), dit de Lurcy, publicisle français,
né à Lurcy-Lévy (Allier) le 25 mars 1802, mort en 1876.
Capitaine au service de la marine marchande, puis armateur,
il s'occupa avec succès de grandes entreprises commerciales,
fut un des fondateurs de la Société des économistes (1835).
Il a publié de nombreux récits de ses voyages, entre autres :
Quinze Ans de voyages autour du monde (Paris, 1839,
2 vol. in-8) ; Voyages autour du monde (iSl^"^^, 8 vol.
in-8) ; Etudes sur l'Amérique espagnole (1848, in-8).
LA FOND. (Alexandre), peintre français, né à Paris le
24 avr. 1815. Elève d'Ingres, il exposa, en 1857, la
Chute des anges rebelles; en iS6i, le Christ dans la
grotte, et, en 1863, le Christ entre les deux larrons.
On lui doit en outre des tableaux de genre, et les portraits,
très remarqués, de VAbbé Hurel, de M. et de i)/*^* de
Viennay, etc. De 1868 à 1874, M. Lafond a dirigé
l'école des beaux-arts de Limoges.
LAFOND DE Saint-Mur (Gui-Joseph-Rémy Deplanche,
baron de), homme politique français, né à La Roche-Ca-
nillac (Corrèze) le 8 déc. 1817. Envoyé en 1850 au Corps
législatif, par la première circonscription de la Corrèze, qui
lui renouvela son mandat en 1863 et 1869, il s'associa
constamment par ses votes à la poHtique impériale. Ecarté
par la révolution du 4 septembre, il rentra dans la vie
politique comme sénateur de la Corrèze (30 janv. 1876),
appuya le gouvernement pendant la crise du 16 mai (1877),
mais se rallia quelque temps après au centre gauche et se
fit rééhre comme candidat républicain le 25 janv. 1885.
H s'est représenté sans succès aux élections du 7 janv. 1894.
LAFONS (Jacques de), poète français, né vers 1575,
mort vers 1620. Avocat au parlement de Paris, Citons de
lui: le Dauphin (Paris, 1609, in-8), poème; Amour
vaincu (1599, pet. in-4), tragi-comédie en cinq actes,
accompagnée de quelques bergeries.
LAFONS (François-Joseph-Alexandre de), baron de
Mélicocq, botaniste et archéologue français, né à Noyon le
2 nov. 1802, mort en 1867. Comme botaniste, on lui doit :
Calendrier de Flore ou Catalogue des plantes des en-
virons de Noyon (1829, in-12); Prodrome de la Flore
des arrondissemeîits de Laon, Vervins, Rocroy et des
environs de Noyon (1839, in-8), etc. Comme archéologue,
il a surtout étudié Fhistoire et les monuments de la Picar-
die, de la Flandre et de l'Artois. Citons parmi ses ou-
vrages : Privilèges et Franchises de quelques villes de
la Flandre, de l'Artois, de la Picardie et du Valois
(1839, in-8) ; Recherches historiques sur Noyon et le
Noyonnais (1839, in-8); les Artistes et les ouvriers du
nord de la France et du midi de la Belgique aux xiv^
et \y^ siècles (1848, in-8). Il a publié un grand nombre
de mémoires dans divers recueils archéologiques. M. P.
LAFONT (Joseph de), auteur dramatique français, né à
Paris en 1686, mort à Passy en 1725. Malgré sa mort
prématurée, il a laissé un assez grand nombre de pièces
dont les plus connues sont: Danaê (Paris, 1707, in-12),
comédie en vers libres ; les Trois Frères rivaux (1713,
in-8, plus, éd.), com. en vers; les Fêtes de Thalie{[lH,
in-4), ballet en trois actes, etc. On a donné le recueil de
ses OEuvres (Amsterdam, 1746, in-12).
LAFONT (Charles-Philippe), violoniste français, né à
Paris le 1*^^ déc. 1781, mort le 23 août 1839. Fils d'une
754 —
LAFONT — LA FONTAINE
sœur de Berlheaume, élève de Kreutzer, Rode et Berton,
il entreprit en 4801 des tournées; le tsar Alexandre I°'*le
nomma son premier violoniste ( 1 808) ; il reçut cet em-
ploi dans la chapelle de Louis XVIII (4845) ; il périt dans
accident de la chaise de poste entre Tarbes et Bagnères-de-
Bigorre. Ce fut un des premiers virtuoses de son époque,
incomparable pour son goût et la pureté de son jeu; il a
composé près de 200 romances, des duos pour piano et vio-
lon, des concertos, deux petits opéras, etc.
LAFONT (Pierre-Chéri), acteur français, né à Bordeaux
le 45 mai 4797, mort à Paris le 49 avr. 4873. Il fut
d'abord aide-chirurgien dans la marine, puis abandonna
tout d'un coup cette carrière pour venir à Paris étudier le
théâtre et le chant. Il s'exerçait sur le petit théâtre de
Doyen et se préparait à l'Opéra-Comique lorsque Désaugiers,
l'ayant vu jouer un soir, l'engagea pour le Vaudeville, dont
il était directeur. Un très beau physique, de la tenue, de
l'élégance, une fort jolie voix le firent bien venir du public
dès son début au théâtre, le 42 mai 4824, dans la Som-
nambule^ et ses succès n'y firent que grandir lorsqu'il
créa successivement Léonide, Kettly, la Fiancée de Ber-
lin, les Deux Cousins, la Mère au bal, le Mari par
intérim, la Laitière de Mont fer meil... Après avoir
passé deux ans aux Nouveautés, il revint au Vaudeville,
se fit applaudir dans Arived, dans Madame Grégoire,
puis, passant des amoureux aux premiers rôles, il établit
solidement sa réputation dans le Dandy, Faublas^ Un
Secret de famille, les Liaisons dangereuses, Madame
Dubarry, Un de plus, Père et parrain, Catherine ou
la Croix d'or, Pierre le Rouge, les Pages de Bassom-
pierre, etc. En 4838, à la suite de l'incendie du Vaude-
ville, Lafont alla donner des représentations en Angleterre ;
c'est là qu'il épousa, à Gretna Green, la séduisante Jenny
Colon, mais ce mariage peu sérieux ne tarda pas à être
rompu. (Plus tard il épousa PauUne Leroux, la célèbre
danseuse de l'Opéra.) De retour à Paris, il entra aux Va-
riétés, où il allait rester quinze ans. Là, il retrouva le
succès en jouant le Chevalier de Saint-Georges, les Deux
Brigadiers, Une Dernière Conquête^ la Nuit aux souf-
flets, le Chevalier du guet, le Lion empaillé. De nou-
veau au Vaudeville en 1 855, il s'y montre dans les Infidèles,
le Chemin le plus long, la Famille Lombard, le Fils
de Godard, va créer en 4858, à la Gaîté, un drame de
M. d'Ennery, Germaine, puis enfin entre au Gymnase, où,
dans l'emploi des pères nobles, il termine brillamment une
carrière brillante en créant successivement : le Père pro-
digue, les Ganaches, les Vieux Garçons, Montjoie et
Nos Bons Villageois. Et bientôt il prend une retraite légi-
timement gagnée, après avoir été jouer encore, au Vaude-
ville, Rabagas, et, à l'Ambigu, les Beaux Messieurs de
Bois-Doré et le Centenaire. Lafont a été certainement,
en son genre, l'un des premiers comédiens de Paris.
LAFONT (Jean), homme politique français, né à Tou-
louse le 2 avr. 4835. Rédacteur au Temps, où il s'occupa
des questions commerciales, il fut adjoint de M. Clemen-
ceau à la mairie du XVIIP arrondissement (4870) et subit
un emprisonnement pendant la Commune. Conseiller mu-
nicipal de Paris pour la Goutte-d'Or (4874), pour les
Grandes-Carrières (4874-81), il fut élu député à Paris
(XVIII® arrondissement, 4''^' circonscription) le 48 déc.
4884 contre JoiFrin et G. Berry. Membre de l'extrême
gauche, il fut réélu en 4885 et combattit le boulangisme.
Il échoua aux élections générales de 4889 contre M. Lai-
sant et devint en 4892 régisseur de l'octroi de Paris.
LAFONT (Ernest), homme politique français, né à
Bayonne le 24 janv. 4845. Docteur en médecine, il fut élu
député de la première circonscription de Bayonne le 4 3 avr.
4890 en remplacement de M. Ilaulon devenu sénateur.
Républicain progressiste, il a été réélu le 20 août 4893.
LAFONT d'Auxonnë (L'abbé), né en 4770, mort à Paris
en 4849. Curé de Drancy, il abandonna le sacerdoce et
entra dans la maison de banque Michel. Citons de lui : His-
toire de M^^ de Maintenon (Paris, 4844, 2 vol. in-48) ;
Mémoires secrets et universels des malheurs et de la
mort de la reine de France (4824, in-8 ; éd. augm.,
4827, in-8) ; Lettres anecdotiques sur les deux départs
de la famille royale en 1815 et 1830 (1832, in-8), etc.
On lui attribue la rédaction des Mémoires de M^* de
Montespan (4829, 2 vol. in-8).
LAFONT DE Savines (Charles), prélat et homme poli-
tique français, né à Embrun (Hautes-Alpes) le 47 févr.
4742, mort à Embrun le 46 janv. 4845. Evêque de Viviers
le 26 juil; 4778, élu, le 6 avr. 4789, député du clergé
aux Etats généraux par la sénéchaussée de Villeneuve-de-
Berg en Vivarais, il démissionna le I^^ juil. suivant et ren-
tra dans son diocèse. Il prêta le serment civique en févr.
4791 et devint en conséquence évêque constitutionnel de
l'Ardèche. En 4792, il publia un Examen des principes
de la constitution civile du clergé qX le 4^^ déc. 4793
il abjura. Arrêté, Lafont de Savines ne fut relâché qu'après
le 9 thermidor. Il essaya, en 4802, lors du Concordat, de
reprendre l'administration de son diocèse, mais on le fit
passer pour fou et on l'enferma à Charonton, tandis que
son évêché était supprimé. Il ne recouvra sa liberté qu'au
prix d'une rétractation publique. Etienne Charavay.
BiBL. : Ad. RoGfiAs, Biographie du Dauphiné. — Mo-
niteur, séance du 22 févr. 1791. — La Révolution française,
t. VIÏ, p. 160.
LAFONTAINE (Jean de), écrivain hermétique, né à Va-
lenciennes en 4384. Prévôt de Valenciennes en 4434,
il est Fauteur d'un volume en vers sur la transmutation
des métaux, La Fontaine des amoureux de sciences
(Pans, s. d. [peut-être 4495], pet. in-4), dont il existe
de nombreuses éditions.
LA FONTAINE (Jean de), poète français, né le 7 ou le
8 juil. 4624 à Château-Thierry, où son père exerçait les
fonctions de « maître des eaux et forêts ». On ne sait trop com-
ment ni d'où lui vint l'idée, quand il eut tant bien que mal
termmé ses premières études, d'entrer à l'Oratoire, et jamais
homme ne se trompa sans doute plus étrangement sur la
nature de son génie. Mais ce qui est bien plus étrange encore,
c'est qu'il ne reconnut pas lui-même son erreur, et il fallut
qu'on le priât de « se retirer » de la docte congrégation. Il
n'avait pas tout à fait vingt-trois ans. Il fit alors son droit,
comme Boileau, comme Molière, puis il revint se fixer à
Château-Thierry, où son père, qui songeait à lui assurer
la succession de la charge de « maître des eaux et fo-
rêts », commença par le marier, en 4647, avec une jeune
fille de quinze ans, Marie, fille de Guillaume Iléricart,
« lieutenant civil et criminel à La Ferté-Milon ». C'était
une autre erreur ; et, pas plus que pour les devoirs de la vie
religieuse, Jean n'était fait pour les obligations de la vie
conjugale. Aussi l'accord ne dura-t-il guère entre les deux
époux. La naissance même d'un fils, en 4653, ne changea
rien à l'humeur romanesque et désordonnée de M^^^ delà
Fontaine, — la femme du monde qui paraît avoir été le moins
faite pour fixer un mari volage, — non plus qu'à l'insouciance
naturelle du père, qui ne devait jamais s'occuper du « mar-
mot », et à la suite d'une séparation de biens, quittant sa
lemmeet Château-Thierry, il vint tenter à Paris la fortune
httéraire. C'est du moins ce qui semble résulter de la pu-
blication de son premier ouvrage : une traduction, ou,
comme nous dirions de nos jours, une « adaptation » de
V Eunuque de Térence, qui fut représentée deux ou trois
fois peut-être, et qui parut en 4654. Les curieux de dé-
tails plus abondants ou plus précis sur la première jeunesse
et sur le ménage de La Fontaine en trouveront plus qu'on
n'en voudrait dans l'ouvrage classique de Walckenaer : His-
toire de la vie et des ouvrages de Jean de La Fon-
taine (Paris, 4820, in-8), et dans l'excellente Notice que
M. Paul Mesnard a écrite plus récemment pour le La
Fontaine de la collection des Grands Ecrivains de la
France {fàv'ï^, 4883, in-8).
Il serait plus intéressant de savoir comment s'éveilla
son génie de poète, si les recherches de ce genre n'étaient
pas toujours délicates, et, même quand elles semblent avoir
LA FONTAINE
— 752 —
abouti, toujours assez vaines. Grand amateur de romans,
c'est lui qui nous l'apprend, nous savons qu'il a lu et relu
d'Urfé, Gomberville et LaCaiprenède : VAstrée^ Polexandre
et Cléopàtre; le Grand Cyrus et La Clé lie aussi, de
Madeleine de Scudéri ; mais quoi ! Boileau les a lus comme
lui. On conte encore qu'ayant entendu réciter par hasard
les stances de Malherbe sur la Mort de Henri le Grande
l'émulation de faire à son tour des vers l'aurait brusque-
ment éclairé sur sa vraie vocation, mais ce n'est là qu'une
légende; et n'eùt-il jamais entendu réciter de Malherbe,
il fût néanmoins devenu La Fontaine. A vrai dire, comme
tout le monde, il subit l'influence des idées ou des goûts
littéraires de son temps, et la preuve en est dans ses pre-
miers essais, qui tiennent moins de Malherbe ou d'aucun
romancier que de Voiture et de son école. L'auteur futur
des Contes et des Fa/>/^5 a commencé par être « précieux »
comme tout le monde l'était encore aux environs de 4655,
avant Pascal et avant Molière; et son Ode à M'^^ la su-
rintendante (1 658) « sur ce qu'elle était accouchée avant
terme, en carrosse, en revenant de Toulouse », est précisé-
ment du genre de ces pièces que Voiture excellait à trous-
ser : Sur il/"^ de Bourbon, qui avait pris médecine, ou
A la louange du soulier d'une dame. Il est « précieux »
dans son Adonis, où l'on dirait qu'il a voulu, pour obéir
au goût du jour, s'exercer dans le poème « héroïque »
(1658), et dont il est curieux de comparer la préciosité
plutôt froide et la couleur conventionnelle avec le coloris
si chaud et la préciosité voluptueuse de V Adonis de
Shakespeare. Il est « précieux » dans le Songe de Vaux,
qui ne parut, à la vérité, qu'en 1671, mais qui doit avoir
été composé vers 1659 ou 1660; et où, si l'on a relevé
quelques vers exquis, cela prouve uniquement que la pré-
ciosité, quoi qu'on en ait pu dire, n'est pas toujours un
défaut. Tels sont ces trois vers, souvent cités, où il a peint
la Nuit :
Par de calmes vapeurs mollement soutenue,
La tête sur son bras, et son bras sur la nue.
Laissant tomber des fleurs...
L'Albane ou les Carrache ont-ils rien fait de plus
gracieux? Et n'ayant rien enfin du tempérament d'un lut-
teur, ni même d'un véritable satirique, il demeurera « pré-
cieux » aussi longtemps que la mode y sera, c.-à-d. jus-
qu'à ce que les Précieuses ridicules de Molière et les
Satires de Boileau soient venues substituer au goût du
joli, de l'élégant, et du rare, le goût du vrai, du simple, et
du grand.
Toutes les pièces que nous venons de rappeler, et
quelques autres encore — parmi lesquelles nous citerons ses
premières Epîires, II, III et IV, qui tiennent du genre de
Marot, avec autant d'esprit et infiniment plus de charme —
ont été composées pour le surintendant Fouquet, dont
La Fontaine était devenu, en 1657, l'un des poètes à gages.
C'est ici, comme on le sait, et comme il faut bien pourtant
qu'on le rappelle, un des côtés les plus déplaisants de son
personnage. Sans aucune ambition de pouvoir ni d'argent,
ce qui sans doute est louable, La Fontaine a toujours vécu
aux dépens de quelqu'un, ce qui Test moins, et on le verra,
dans ses dernières années, se laisser entretenir par une
jeune maîtresse. Aucun de nos grands écrivains n'a man-
qué plus complètement de sens moral, à cet égard, de dé-
licatesse ou de dignité. Et nous savons bien que voilà de
grands mots, qu'on ne saurait employer sans un peu de
ridicule î mais il s'agit de l'auteur des Fables, pour ne
rien dire de celui des Contes, et par conséquent la con-
naissance de certains détails n'est pas indifférente au juge-
ment qu'il faut porter de sa morale. Du moins, en acceptant
ou en sollicitant les bienfaits de Fouquet, doit-on dire qu'il
ne fit qu'imiter les hommes de lettres ses contemporains.
Et ce qui achève peut-être de l'excuser, c'est la recon-
naissance qu'il garda toujours à son protecteur tombé dans
la disgrâce. V Élégie aux nymphes de Vaux en est l'élo-
quent témoignage, et, puisqu'il arrive quelquefois qu'une
bonne action ne nuise pas à son auteur, on est bien aise
que cette Elégie soit un des bons ouvrages de La Fon-
taine.
On ne connaît que trop les jeux de la Fortune,
Ses trompeuses faveurs, ses appas inconstans,
Mais on ne les connaît que quand il n'est plus temps.
Lorsque sur cette mer on vogue à pleines voiles.
Il est bien malaisé de régler ses désirs,
Le plus sage s'endort sur la foi des zéphyrs...
C'est le vrai La Fontaine qui se dégage ici de lui-même.
Et pourquoi ne dirions-nous pas qu'en le touchant indirec-
tement, la disgrâce de Fouquet l'obligea peut-être de réflé-
chir sur quelques vérités d'expérience qu'il n'avait guère
accoutumé de méditer? Le malheur des autres peut aussi
nous servir d'école. Il convient d'ajouter que, trois ou quatre
mois auparavant, la représentation des Fâcheux de Molière,
sur le théâtre de Vaux (17 août 1661), lui avait ouvert les
yeux d'une autre manière encore, en lui enseignant le prix
du naturel, — qui n'est peut-être que le sérieux dans l'ob-
servation.
Plante n'est plus qu'un plat bouffon,
Et jamais il ne fit si bon
Se trouver à la Comédie,
Car ne pensez pas qu'on y rie
De maint trait jadis admiré,
Et bon IN ILLO TEMPORE.
Nous avons changé de méthode,
Jodelet n'est plus à la mode.
Et maintenant, il ne faut pas
Quitter la nature d'un pas.
Si connus que soient ces vers d'une lettre de La Fon-
taine à son ami Maucroix, nous ne pouvions pas nous dis-
penser de les citer. Ils sont, en effet, caractéristiques d'une
révolution qui s'opérait alors, dans tous les genres à la fois,
contre l'idée même que la précédente génération s'était
formée de l'art (V. les art. Boileau et Molière), et l'imi-
tation de la nature en redevenait le premier principe, ce
qu'elle n'est ni toujours ni nécessairement. Ils marquent,
de plus, avec précision, l'époque des premiers rapports de
La Fontaine avec Molière. — Pour Racine, La Fontaine le
connaissait de La Ferté-Milon, les Héricart étant même
alliés des Racine. — Et enfin ce sont ces vers qui divisent
pour ainsi dire en deux l'histoire des Œuvres de La Fon-
taine, tout ce qui les précède n'ayant qu'une bien mince
valeur en comparaison de ce qui les a suivis. Il avait qua-
rante et un ans, et il n'avait écrit ni le premier de ses
Contes ni la première de ses Fables.
Ce furent les Contes qui parurent d'abord, dont trois
recueils, contenant ensemble vingt-quatre contes et quel-
ques-uns des plus agréables, se succédèrent en 1665, 1666
et 1667. Une circonstance particulière attira sur eux l'at-
tention pubhque. Un M. de Bouillon, — qui faisait partie,
comme La Fontaine lui-même, de la maison de la duchesse
d'Orléans, douairière, — avait publié, l'année précédente,
une imitation en vers du Joconde de l'Arioste. Lorsque La
Fontaine, à son tour, fit paraître la sienne, une discussion
s'engagea sur le point de savoir à laquelle des deux on
devait donner la préférence ; et peu s'en fallut que l'on ne
vît renaître les temps de la grande querelle des Jobelins
et des Uranistes; mais les dames y prirent moins de part,
sans doute. La dispute se termina par un jugement de Boi-
leau, tout jeune et encore inconnu, qui n'hésita pas plus,
avec sa sûreté de goût, à se ranger du côté de La Fontaine
qu'il n'avait hésité naguère à se ranger du côté de Molière ;
et ce fut l'origine de leur liaison commune. Mais, indépen-
damment de cette circonstance, Joconde lui-même, Richard
Minutolo, la Servante juslifiée, la Fiancée du roi de
Garbe, — l'un des chefs-d'œuvre de l'art de conter qu'il y ait
dans aucune langue, — avaient de quoi plaire assez aux lec-
teurs de 1665. Ni Boileau ne se piquait alors de jansé-
nisme, ni Racine, qui criblait de ses épigrammes ses an-
ciens maîtres de Port-Royal, et Molière sans doute encore
moins. Louis XIV aimait La Vallière et faisait jouer Tar-
tufe. S'il eût lu ces premiers Contes et qu'il s'en fût trouvé
choqué, on lui eût fait aisément entendre qu'ils n'avaient
rien de plus « immoral » ou de plus dangereux que VEep-
taméro7ideh reine de Navarre (V. l'art. Marguerite de
753
LA FONTAINE
Navarre), et, d'ailleurs, en le lui faisant entendre, on l'eût
trompé. I.e sujet des Contes de La Fontaine est générale-
ment « indécent », et sa manière, qui n'a rien d'ordurier
si Ton veut, ni d'obscène, est proprement ce que l'on ap-
pelle « graveleuse ». Ce que Boccace ou Marguerite se sont
contentés d'indiquer en passant, — voyez le conte du
Faucon, par exemple, — La Fontaine, lui, s'y attarde, y
insiste, et sa grande malice est de tourner autour de la
chose ou du mot sans jamais les écrire. Aussi les Contes^
quoi qu'on en ait pu dire, sont-ils un mauvais livre, un
livre à garder sous clef dans les bibliothèques lorsque l'on
est, pour quelque raison, obligé de les posséder ; et si peut-
être en cela même on dit qu'ils sont vraiment gaulois, ce
sera donc tant pis pour l'esprit gaulois ! mais on aura dit
vrai, et on aura d'ailleurs nommé la dernière et la princi-
pale raison de leur succès. A une époque où, de même qu'au-
jourd'hui, nos dilettantes sont lassés d'entendre louer les
« littératures du Nord », ainsi les lecteurs étaient fatigués
de tant d'imitations de l'espagnol ou de l'italien, beaucoup
d'entre eux virent dans les Contes ce que nous appellerions
« un retour à la tradition nationale ». Ils y reconnurent la
veine de Rabelais traitée dans le goût de Marot — Maître
François et Maître Clément — les sujets ordinaires de
nos anciens fabliaux, l'accent de nos vieux trouvères, et en y
applaudissant, il leur sembla qu'ils s'applaudissaient de
s'être retrouvés eux-mêmes. Qu'on se rappelle à ce pro-
pos la violente invective de Boileau, non pas dans son Art
poétique, mais dans sa première Satire :
Qui pourrait aujourd'hui, sans un juste mépris,
Voir l'Italie en France et Rome dans Paris...
Voir le Tibre, à grands flots, se mêler dans la Seine
Et traîner dans Paris ses momes, ses farceurs,
Sa langue, ses poisons, ses crimes et ses moeurs !
La Fontaine profita certainement de cette réaction du
goût gaulois ou français contre l'influence italienne. Et c'est
ainsi qu'à leur façon, qui n'est pas d'ailleurs la plus
chaste, ni la meilleure, la Fiancée du roi de Garbe ou
Joconde sont bien du même temps que les Satires ou
VEcole des femmes^ non seulement du même temps, mais
de la même inspiration, et qu'ils trahissent, comme on le
va voir, une môme conception ou une même idée de l'art
et de la vie.
Furent-ils écrits, comme on l'a prétendu, sur le désir ou
l'invitation delajeune duchessede Bouillon, Marie-Anne Man-
cini, nièce de Mazarin? Elle était très jeune encore, et quelle
que fût sa rare précocité, nous n'osons croire qu'à seize ans
elle fût déjà curieuse de distractions si libertines. Ce que nous
savons seulement, c'est que pendant un séjour qu'elle fit à
Château-Thierry, — pour y prendre possession du duché que
le duc son mari venait de recevoir en échange du duché
de Bouillon, — elle y connut La Fontaine, dont elle devait
demeurer longtemps la protectrice. C'est par elle aussi,
selon toute probabilité, qu'il connut lïortense, duchesse
de Mazarin, et qu'il entra, de loin, à travers la Manche,
en relations avec Saint-Evremond. Les « Mazarines » comme
on les appelait, aimaient les gens de lettres, et La Fontaine
était bien fait pour s'accommoder de la licence de leurs
mœurs. Userait beau pour elles de lui avoir inspiré la pre-
mière idée de ses Fables, Les six premiers livres dos Fables
parurent en 1668, et, pour l'honneur du goût français, ils
ne furent pas moins favorablement accueiUis que les Contes,
dont on peut dire qu'ils ont tous les mérites et aucun des dé-
fauts. Mais ils avaient d'autres qualités encore, qui leur sont
propres, et assez caractérisées pour que, sans attendre da-
vantage, nous nous y arrêtions et qu'à ce propos nous
tâchions de définir le génie du poète. Si nous ne saurions
avoir la prétention d'apprendre à personne qu'il n'y en a
guère de plus original dans l'histoire entière de notre litté-
rature, nous pouvons cependant essayer d'en reconnaître les
traits essentiels. Et s'il semble d'abord qu'il fasse exception
au xvii^ siècle, qu'il y soit comme en dehors, et, pour ainsi
parler, comme en marge des grands courants de son temps,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
nous pouvons essayer de montrer que ce n'est là qu'une
apparence.
I. En premier lieu, son œuvre est d'un artiste; et il est
vrai que ce premier trait le distingue de Corneille et de
Molière, qui font passer toujours quelque préoccupation phi-
losophique ou morale avant le souci de l'art pur ; qui ont
des intentions, qui soutiennent des thèses; qui songent
d'abord à la glorification de la volonté, comme dans Rodo-
gune, ou à l'apothéose de la nature, comme dans VEcole
des femmes; mais il ne distingue essentiellement La Fon-
taine ni de Boileau ni surtout de Racine. Je ne vois pas
au moins d'intention dans le Lutrin, si ce n'est celle
d'égayer le grave Lamoignon, et je n'en trouve d'autre dans
Bazajetqne celle de faire une belle tragédie. Point de thèse,
non plus, dans Andromaque ou dans le Repas ridicule.
« Si les accidents du monde — a dit quelque part un de
nos contemporains — vous apparaissent, dès qu'ils sont
perçus comme transposés pour l'emploi d'une illusion à
décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre
existence, ne vous semblent pas avoir d'autre utilité »,
c'est ce qu'on appelle être artiste; et c'est bien le cas de
La Fontaine ; mais c'a été aussi, dans leur jeunesse au
moins, le cas de Racine et celui de Boileau. Pour eux,
comme pour La Fontaine, la vie n'a d'abord été qu'un
spectacle, à l'infinie diversité duquel ils ont pris le même
genre d'intérêt qu'un peintre à la combinaison perpétuelle-
ment changeante des couleurs et des lignes. Seulement, et
tandis qu'à mesure qu'ils avançaient en âge, ils réfléchis-
saient, et se donnaient à eux-mêmes un autre objet que de
satisfaire leur curiosité, l'auteur des Fables, lui, ne chan-
geait pas, et, au contraire, prenant son parti « de s'en
aller comme il était venu », l'art s'emparait de lui, l'occu-
pait, l'absorbait, et le retenait tout entier.
C'est par là qu'il convient d'expliquer son insouciance
légendaire, son égoïsme, — qu'on n'aurait pas le courage de
lui reprocher s'il n'avait nui qu'à lui , — l'irrégularité fâcheuse
et le manque de dignité de son existence. La Fontaine
suit en tout et toujours son caprice, et son caprice est
d'un épicurien, mais en même temps d'un artiste. Ni
mari, ni père, ni citoyen, ni fonctionnaire, ni magistrat,
ni médecin, ni quoi que ce soit, enfin, d'étiqueté ou de classé,
sa profession est de «porter des fables» — selon le mot si
souvent cité de M™^ Cornuel, — comme un « pommier porte
des pommes ». Il ne se mêle à la société qu'autant qu'il
le faut pour en jouir, mais en en jouissant il l'observe, et
comme il l'observe du dehors, elle n'est à vrai dire pour
lui que la matière de son art. C'est ce qui explique égale-
ment le caractère de sa satire, ou, pour mieux parler, c'est ce
qui explique la méprise de ceux qui voient autre chose en lui
que le peintre involontaire des mœurs de son temps. Car au-
cune intention chez lui « de corriger les mœurs » ou de ré-
former le monde ; aucun propos ni de prêcher, ni même, je
le dirai, de plaider seulement. Les hommes sont grossiers
et les femmes ont d'autres défauts; les grands sont tyran-
niques et les petits sont plats ; les misérables sont timides
et les riches sont impertinents ; les courtisans sont vils et
les rois sont cruels :
Mais son esprit au fond n'est pas plus ofî'ensé
De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,
Que de voir des vautours affamés de carnage,
Des singes malfaisans et des loups pleins de rage...
C'est qu'il les observe, il ne les juge pas ; il les peint
tels qu'ils sont ou tels qu'il croit les voir, il ne s'en moque
point ; ou plutôt il s'en moque si peu qu'il serait fâché
qu'on les lui changeât, et moins « affamés de carnage »
ou moins « malfaisans », singes et loups, renards et lions,
serpents et ours, il les trouverait moins intéressants, comme
étant moins caractérisés. Point de vue d'artiste encore, qui
ne se soucie pas des choses ni des êtres en eux-mêmes,
mais uniquement du rapport qu'ils peuvent avoir avec son
art, du « profit qu'il eu peut tirer pour sa consommation
personnelle » — c'est un mot de Flaubert — de l'intérêt ou
delà nouveauté de la peinture qu'on en peut faire. N'est-ce
48
LA FONTAINE
754
pas aussi ce qui explique le libertinage de ses Contes et la
facilité de sa morale courante? Mais, si je voulais insister
sur ce point, il y aurait trop à dire; et je me bornerai à
faire observer que la morale ayant voulu que la matière
habituelle de ses Contes ne fût pas une matière « comme une
autre», la grande immoralité de La Fontaine est de l'avoir
traitée comme une autre.
Je ne rappelle aussi qu'en passant — et en renvoyant pour
le détail aux innombrables commentateurs de ses Fables —
quel artiste il a été dans le choix de ses sujets, de ses
rythmes et de ses mots. « Faites-vous envoyer les Fables
de La Fontaine, écrit à Bussy M"^® de Sévigné, elles sont
divines. On croit d'abord en distinguer quelques-unes^
et à force de les relire on les trouve toutes bonnes.
C'est une manière de narrer et un style à quoi l'on ne
s'accoutume point. » Mais c'est surtout une manière de
peindre qui, pour différer de celle de ses contemporains,
ne procède pas moins des mêmes principes, chez La Fon-
taine, que chez Racine et que chez Boiieau. Laissons Boi-
leau, qui, dans son Lutrin môme, est trop au-dessous de
La Fontaine. Mais Racine n'a pas été moins artiste en ce
sens, je veux dire à la fois moins scrupuleux ni moins
heureux. Si La Fontaine a connu « le pouvoir d'un mot
mis en sa place » et s'il a fait, lui aussi, consister le
chef-d'œuvre de l'art « à faire quelque chose de rien », il
n'y a pas mieux réussi que Racine, et, pour y réussir, il ne
s'est pas donné plus de peine. Ils n'ont pas attaché moins
de prix l'un que l'autre à la perfection de la forme. La dif-
férence entre eux n'est peut-être, à cet égard, que la dif-
férence des genres dans lesquels ils se sont exercés, à moins
encore que ce ne soit une différence d'éducation première.
Mais de même qu'ils étaient tous les deux de la même pro-
vince, ils sont bien tous les deux aussi de la même école
littéraire ; — et c'est ce que j'exprimerai d'un mot en disant
que comme l'œuvre de Racine et autant que d'un artiste
l'œuvre de La Fontaine est en second lieu d'un natura-
liste,
IL Remarquons tout de suite que, s'il se sépare en ce point
de Racine et de Boileau, naturalistes en art, eux aussi,
mais jansénistes en morale, il se rapproche de Molière,
dont la philosophie, comme la sienne, — et si le mot n'est
pas un peu pédantesque pour eux, — est une philosophie de
la nature (V. Molière). C'est également la philosophie de
Montaigne ou de Rabelais, et le contraire de celle de Pascal
ou de Bossuet. Avec Rabelais et avec Mohère, La Fontaine
a toujours pensé que « gens libères, bien nés, bien ins-
truits, conversans en compagnies honnêtes, ont par nature
un instinct et aiguillon qui les pousse à faits vertueux et les
retire de vice » ; et nous pouvons bien ajouter que si la va-
leur d'une morale se prouve par la manière dont on vit,
il n'y en a guère de plus égoïste ou de plus antisociale que
celle dont cette croyance est en quelque sorte le premier fon-
dement. On le montrerait aisément si c'en était le lieu. Mais
quand nous disons que l'œuvre de La Fontaine est d'un na-
turaliste, c'est autre chose que nous voulons dire ; nous ne
parlons pas de sa morale, mais de son art ; et il n'est ici
question que de l'écrivain.
Naturaliste, il l'est donc d'abord en ce sens que nul
en son temps n'a plus fidèlement que lui reproduit ou
reflété la nature; et c'est ce qui le distingue, non seu-
lement de Racine ou de Boileau, mais de l'auteur même
de V Ecole des femmes et du Malade imaginaire. Quelle
que soit en effet la tendance des autres vers le naturalisme,
— ou, pour parler peut-être plus clairement, — vers l'imi-
tation de la nature, ils sont gênés par les préjugés de leur
éducation, par leur désir de plaire au public ou de faire
leur cour au roi, par les exigences mêmes de leur genre.
Il y a des « réalités » dont Molière n'oserait placer lia re-
présentation trop fidèle sous les yeux des spectateurs, et
qu'aussi bien la pudeur collective des foules n'admettrait
pas qu'il lui imposât. Pour l'auteur à'Andromaque et de
Phèdre, quelque hardiesse dont il ait fait preuve dans la
peinture de la passion, ce sont les lois, c'est la définition
de la tragédie qui l'empêchent de franchir la limite où l'ex-
pression du sentiment se changerait, comme dans le mé-
lodrame, en une notation de la sensation. Et il n'est pas
jusqu'à Boileau qui ne soit « contraint » dans la satire, par
l'obligation d'opposer les leçons de la morale à la pratique
des vices qu'il dénonce. La Fontaine est plus libre, beau-
coup plus libre, et la fidélité de ses peintures en devient
aussitôt plus grande. Non seulement les sujets de ses
Conles, — infiniment moins réels d'ailleurs et bien plus
imaginés que les sujets de ses Fables, — mais les sujets
de ses Fables aussi l'autorisent presque à tout peindre ou
du moins à tout indiquer. Une grenouille ou une fourmi,
qu'à peine Molière ou Boileau se permettraient-ils de nom-
mer, sont tout aussi dignes pour lui de sa curiosité que les
hommes eux-mêmes. Il faut bien qu'on le lui passe, puisque
c'est la condition même de la Fable, et aussitôt cette autre
conséquence en résulte, quHl y a dans son œuvre une
plus grande part de nature incluse, décrite, et sentie
que dans celle de ses émules. L'homme d'abord s'y re-
trouve tout entier, non seulement l'homme vrai — celui
dont Racine et Molière n'ont représenté que les passions ou
les vices — mais l'homme réel : paysan, bourgeois, gen-
tilhomme, le laboureur, la laitière, le savetier, le meunier,
le médecin, le juge, le prêtre, le banquier, — que sais-je
encore? — l'homme extérieur, que le costume de sa pro-
fession ou les déformations de son métier caractérisent, et
non plus celui dont le théâtre ou le roman même ont dû com-
mencer par altérer ou par supprimer quelques traits pour en
faire d'autant ressortir les autres. A côté de l'homme, les ani-
maux tiennent leur personnage — carnassiers, ruminants,
oiseaux, serpents, poissons — toute une « ménagerie » dont
on méconnaîtrait étrangement la pittoresque diversité si l'on
n'y voulait voir, comme dans les animaux du Roman de Re-
nart, que des abstractions, des types allégoriques, et, pour
ainsi parler, les « masques » de nos défauts ou de nos ridicules.
Lefabuhste a-t-il d'ailleurs décrit fidèlement les mœurs des
espèces, et ses lapins sont-ils de vrais lapins? C'est ce que
l'on a cru devoir aigrement contester, et on a établi qu'en
effet Daubenton ou Cuvier étaient des descripteurs plus
exacts. Mais il n'en est pas moins vrai que, pour ce que
chacun de nous en peut voir, il les a observés ; et l'intérêt
de ses observations a passé dans ses vers ; et ce qui est
encore plus vrai, c'est qu'en faisant entrer toute cette « mé-
nagerie » dans ses Fables, elles sont vraiment devenues,
sinon notre « épopée nationale » du moins la véritable et
la seule « épopée animale ». On sait enfin qu'avec les ani-
maux, c'est la nature extérieure aussi, ce sont les astres
et c'est le brin d'herbe, ce sont les airs et ce sont les eaux,
qu'il a fait entrer dans son œuvre, c'est le paysage, en un
mot, qu'il a introduit dans la httérature de son temps.
Et s'il y manque après cela quelque chose, la passion, par
exemple, en dépit des Deux Pigeons, et l'éloquence, en
dépit du Paysan du Danube, toujours est-il que son œuvre
demeure la plus diverse que nous ait léguée le xvii® siècle.
C'est ce qu'on peut exprimer d'une autre manière encore,
en disant que, pour représenter selon son ampleur cette
nature plus diverse, il a dû donner à son vocabulaire
une ampleur correspondante, et c'est ce qui achève de
caractériser le naturalisme de son œuvre. Ne reculant
pas devant la familiarité des spectacles, il ne recule pas
non plus devant les moyens de la rendre, et la richesse de
son vocabulaire n'en est égalée que par la diversité. Il
prend ses mots partout, et la distinction du style « noble »
et du style « familier » lui est inconnue. Selon le besoin
ou l'occasion, il passe de l'un à l'autre avec la même
aisance, et il remplit tout l'entre-deux. Il a d'ailleurs la
phrase aussi libre en son tour, et — il le faut quelquefois —
aussi « incorrecte » que l'exige le désir d'être immédiate-
ment compris ou entendu de tout le monde. Sa langue est
celle que l'on parle à Paris comme à Versailles, et sa syn-
taxe n'a qu'une règle, ou un principe, qui est de conformer
le mouvement du style au mouvement de la pensée. Et à
la vérité, ce principe est bien aussi celui de Molière, de
Racine et de Boileau, mais comme La Fontaine a peini
plus de choses, l'application d'un même principe aboutit
dans son œuvre à des effets plus variés. C'est en ce sens
encore qu'il est naturaliste, non seulement naturel^ et
de tous nos grands écrivains c'est pourquoi, comme on l'a
dit, il est le plus populaire.
C'est qu'en effet, comme la nature, étant très simple en
apparence, il est très profond, et, quoi qu'on en ait dit, les
enfants le comprennent, mais la philosophie trouve son
compte aussi dans ses vers. Dirai-je qu'on reconnaît à ce
signe les vrais naturalistes? Mais si je voulais en donner
les raisons, il y faudrait trop de temps et de place. Conten-
tons-nous donc de faire observer qu'ayant la j'essembiance
d'un « portrait », son œuvre en a l'intérêt, qui est d'équiva-
loir à l'original ou plutôt de le suppléer. C'est ce qui explique
en passant que tant de naturalistes soient eux-mêmes infé-
férieursà leur œuvre. Ils n'ont pas suce qu'ils y mettaient,
et au fait, beaucoup d'entre eux n'y ont mis que leur
habileté demain, mais cette habileté de main était extraor-
dinaire et rien qu'en peignant la nature^ ils en ont, comme
sans le savoir, exprimé toute la profondeur. Hâtons-nous
ici de dire cependant que si l'observation est vraie de La
Fontaine et qu'ainsi nous puissions lui prêter bien des
intentions qu'il n'a pas eues, mais qui n'en sont pas moins
dans son œuvre, c'est qu'un dernier trait s'ajoute en lui
aux deux autres, et qu'autant qvCartiste et que natura-
liste, il a été poète.
IlL De dire qu'il l'est par le don de l'expression pitto-
resque ou plastique, ut pictura poesis^ ce n'en serait rien
dire que l'on ne sache, et d'ailleurs ni Racine, je pense,
ni Boileau même n'ont manqué de ce don. N'est-ce pas ce
que l'on oublie encore quand on met La Fontaine comme
à part, et pour ainsi parler, en dehors du chœur des écri-
vains de son temps ? Racine est plein de ces vers « qui pei-
gnent ». Mais ils ne peignent pas les mêmes choses. Comme
l'auteur des Fables, ïmteur à' Andromaqueoa de Phèdre
excelle à ces évocations qui sont le triomphe de la magie
du poète; mais, pour y réussir, il semble qu'il ait besoin de
l'éloignement de la distance ou du temps. La Fontaine, au
contraire, n'a besoin que des événements de la vie journa-
lière, et c'est encore, si l'on veut, un trait de son natura-
lisme, mais c'est déjà quelque chose de plus, puisqu'il
nous montre dans la nature ce que sans lui nous n'y au-
rions pas vu. Il s'y ajoute, selon l'expression célèbre, et
en s'y ajoutant, il l'éclairé d'une lumière nouvelle. Ou
plutôt encore, s'il y a, comme je le croirais, jusque dans
nos occupations les plus familières, une poésie secrète ou
intime que nous n'y saurions pas découvrir nous-mêmes,
mais qu'il suffit qu'on nous montre pour que nous la re-
connaissions, c'est cette poésie que La Fontaine en a su
tirer.
Il est poète encore d'une autre manière, — plus voisine de
nous, mais non pas nouvelle en notre langue, ni seulement
unique en son siècle, — s'il intervient volontiers de sa per-
sonne dans son œuvre, et si, ce que nous savons de ses
erreurs mêmes, comme de celles de Villon autrefois, et de
Musset de nos jours, c'est à lui que nous le devons. Je
dirais à cet égard que, seul de son temps, il s'est publique-
ment « confessé », si je ne songeais fort à propos que son
temps est le temps aussi de la littérature des Mémoires,
Nous connaissons ses goûts, nous savons ce qu'il aime et
ce qu'il n'aime pas; sans fausse honte et sans affectation,
c'est lui qui nous fait les honneurs de lui-même ; il nous a
dit ses maladies ; et son mobilier même a trouvé place dans
ses vers.
Un clavecin chez moi î Ce meuble vous étonne,
Que direz-vous si je vous donne
Une Chloris de qui la voix
Y joindra ses sons quelquefois I
Ainsi s'écrie- t-il quelque part, et déjà c'est l'accent de
Musset ! Dans ses Contes, dans ses Fables, il se commente
lui-même; il laisse ou il a l'air de laisser échapper des
aveux ; il explique ses personnages, et en prend occasion
755 - LA FONTAINE
de faire sur soi des retours ; il s'admoneste, il se gour-
mande, il s'accuse, il se repent ; ou bien encore il s'ana-
lyse, il se décrit :
Volupté, volupté, qui fus jadis maîtresse
Du plus bel esprit de la Grèce,
Ne me dédaigne pas, viens-f en lo^er chez moi,
Tu n'y seras pas sans emploi.
J'aim^e le jeu, Famour, les livres, la musique,
La ville et la campagne, enfin tout; il n'est rien
Qui ne me soit souverain bien,
Jusqu'au sombre plaisir d'un cœur mélancolique !
Le ton, ici, s'élève jusqu'au lyrisuie ; et puisque de nos
jours le lyrisme est devenu synonyme de poésie même,
c'est assez dire ce que nous aimons dans La Fontaine, et
qu'en effet, nous ne retrouvons, à ce coup, ni chez Boi-
leau, ni chez Molière, ni chez Racine. On n'y retrouve pas
non plus, sauf cependant dans Amphitryon ou dans les
chœurs à'Estheret d'Athalie^ ce vershbre dont les sinuo-
sités :
Les retours sur ses pas, les malices, les tours,
Et le change et cent stratagèmes,
reproduisent ou imitent si bien le mouvement de la pensée
qu'il semble qu'on la saisisse à sa naissance même :
Amans, heureux amans, voulez-vous voyager?
Que ce soit aux rives prochaines,
Soyez-vous l'un à l'autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau,
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
Et c'est encore du lyrisme, si cette liberté du rythme
éloignant de nous toute idée d'artifice ou d'apprêt, le poète
y laisse donc passer ce qu'il y a de plus intime et de plus
personnel en lui. Quelque poétique qu'il soit, l'alexandrin
de Racine semble toujours tendre vers la prose oratoire,
comme vers sa limite naturelle, mais au contraire, le vers
libre de La Fontaine garde toujours jusque dans l'expres-
sion des plus humbles détails de la vie on ne sait quoi
d'ailé.
Nous n'en finirions pas si nous voulions tout dire. Il n'y
a pas dans notre langue de vers plus harmonieux que ces
« vers inégaux », il n'y en a pas dont les accords éveillent
plus de résonances ; il n'y en a pas de plus suggestifs.
Sans doute, on peut citer quelques vers de Racine :
Ariane, ma sœur, de quel amour blessée,
Vous mourûtes aux bords où vous fûtes laissée;
OU le vers célèbre de Bérénice :
Dans l'Orient désert quel devint mon ennui î
Mais ils ne font pas rêver, comme ceux de La Fontaine,
et à peine ont-ils donné l'essor à l'imagination, qu'ils le
répriment et qu'ils le bornent. Ceux de La Fontaine propa-
gent en nous comme une ondulation de sensations infinies.
Un vers comme celui-ci :
Sur les humides bords des royaumes du vent
ou comme celui-là :
Quand les tièdes zéphyrs ont Therbe rajeunie,
n'évoquent pas seulement pour nos yeux tout un paysage :
ifs servent d'origine ou de prétexte à une succession d'états
d'âme, mélancolie d'automne ou gaieté printanière, tris-
tesse vague ou joie sans cause; —et n'est-ce pas le grand
charme de la poésie !
Nous n'avons plus maintenant qua reprendre l'histoire
de la vie de La Fontaine. La publication des six premiers
livres des Fables fut suivie de près, en 1669, de celle
d'Adonis et de celle de Psyché en 1674. C'est dans la
préface, ou, plus exactement, c'est dans le Prologue de ce
dernier ouvrage que La Fontaine s'est représenté sous le
nom caractéristique de Polyphile (ami de toutes choses),
visitant la « ménagerie » de Versailles, en compagnie de
Gélaste (Molière), d'Acanthe (Racine) et d'Ariste (Boileau).
« Ce qui leur plut davantage, y lit-on, ce furent les de-
moiselles de Numidie et certains oiseaux pêcheurs qui ont
un bec extrêmement long, avec une peau au-dessous, qui
leur sert de poche. Leur plumage est blanc, mais dhm
blanc plus clair que celui des cygnes; môme de près
LA FONTAINE
— 756
il paraît carné et tire sur la couleur de rose vers la
racine. On ne peut rien voir de plus beau. C'est une espèce
de cormorans. » Voilà quelques lignes qui suffisent à prou-
ver le scrupule ou la minutie même de La Fontaine dans
l'observation, quand le sujet l'en intéressait. Aux Amours
de Psyché succédèrent un recueil nouveau de Contes^ en
1671, puis, en 4673, le Poème sur la captivité de saint
Malc, C'est une espèce de « pensum » que MM. de Port-
Royal, comme on les appelait, crurent devoir imposera
l'auteur des Oies du père Philippe et de Mazet de Lampo-
recchio. Une velléité lui était venue de se convertir, — pour
plaire sans doute à son ami Boileau ! Mais elle ne dura
guère, et, dès Tannée suivante (d 674), il publiait la quatrième
partie de ses Contes, Il travaillait en même temps aux cinq
derniers livres de ses Fables (VU, VIII, IX, X et XI), qui
paraissaient en 4678, sous les auspices de M"^"^ de Mon-
tespan, à qui le recueil est dédié. Un court Avertissement
du poète précisait assez heureusement la différence qu'il avait
voulu mettre entre ces cinq nouveaux livres et les six pre-
miers. Il y avait, disait-il « usé plus sobrement des traits
familiers qu'il avait semés dans les autres avec assez d'abon-
dance » ; il avait « étendu davantage les circonstances de
ses récits » ; enfin il avait « tâché d'y mettre toute la
diversité dont il était capable » ; — et il y avait réussi. Tel
fut au moins l'avis des bons juges. Nous ne dirons rien
après cela du Poème sur le Quinquina^ composé à la de-
mande de la duchesse de Bouillon, et publié en 1682. C'est
un pensum d'un autre genre, mais dont le poète, en dépit
de toute sa souplesse, ne s'est pas tiré beaucoup plus heu-
reusement que du Poème sur la captivité de saint Malc,
et si nous ne savions pas qu'il est de lui, nous ne le croi-
rions jamais. Nous en faisons la remarque avec intention.
Nul exemple, en effet, à moins que ce ne soit celui de la
Mélicerte de Molière, ne saurait mieux prouver à quel
point un écrivain de génie peut tomber au-dessous de lui-
même, et quels dangers on court, avec de certains érudits,
quand on prétend décider de l'authenticité de ses ouvrages
d'après le caractère de son style.
C'est sur ces entrefaites qu'une place étant devenue va-
tante à l'Académie française par la mort de Colbert (4683),
La Fontaine se mit sur les rangs. Il fut élu, contre Boi-
leau, sur le nom de qui les adversaires de La Fontaine,
comme Ton dit, se comptèrent. Mais le roi, qui n'aimait
ni Fauteur ni son œuvre, ou du moins ses Contes, refusa
ou différa de donner au choix de l'Académie l'approbation
qui le rendait seule définitif; il fallut attendre une autre
vacance; elle ne se produisit qu'en 4684; et c'est alors
seulement, quand Boileau eut été nommé, que Louis XIV
ratifia l'élection du fabuliste. « Vous pouvez recevoir inces-
samment La Fontaine, dit-il au directeur de l'Académie, il
a promis d'être sage. » Le premier gage de sa sagesse fut
le Discours à W^^ de La Sablière (4684), qu'il lut en
séance publique, le jour même de sa réception. Le second
fut la publication d'un dernier recueil de Contes : c'est
celui où figurent pour la première fois les Aveux indis-
crets et le Fleuve Scamandre,
Heureux encore s'il n'eut rien fait de pis ! Mais depuis
qu'il était passé de la protection de la duchesse d'Orléans,
— la duchesse douairière, femme de Gaston, qu'il ne faut
pas confondre avec M"^** Henriette, — sous la protection de
la duchesse de Bouillon; et, quand la duchesse de Bouillon
se fut trouvée compromise dans la mémorable affaire des
poisons, sous la protection de M.^^ de La Sablière, si sa
manière de vivre avait jadis manqué de dignité, elle man-
quait maintenant de décence. N'eiit-il fait que mettre la
main aux comédies de Champmeslé (Ragotin, 4684; le
Florentin, 1685; la Coupe enchantée, 4688), ce se-
rait déjà trop pour sa gloire ; et, puisque l'occasion s'en
offre, nous ne saurions trop regretter que la Comédie-Fran-
çaise, quand elle joue par hasard cette dernière pièce, nous
la donne sous le nom de La Fontaine. Mais d'autant plus
libre dans ses mœurs qu'il était plus gêné dans ses affaires,
et d'autant plus insouciant de l'opinion qu'il prenait plus
d'années, son existence n'était plus que celle d'un para-
site. Lorsque M"'^ de La Sablière, cruellement abandonnée
par le brillant marquis de La Fare, se fut retirée aux In-
curables, La Fontaine n'en continua pas moins de faire la
débauche avec La Fare et de vivre sous le toit de M"^*^de La
Sablière. Quand M"^^ de La Sablière fut morte et qu'il lui
fallut chercher un autre asile, il accepta sans plus de fa-
çons celui que lui offrait la belle M"^^ d'Hervart. Il fré-
quentait en même temps cette société des Vendôme, où l'on
peut dire sans exagération qu'en plein règne de Louis XIV
— et de M'^^de Maintenon, — l'esprit du xvm^ siècle prélu-
dait à ses prochaines hardiesses. Et il faisait enfin la connais-
sance de M"^*^ Ulrich, la dernière de ses faiblesses, l'inspi-
ratrice aussi de ses derniers Contes et les plus hcencieux.
Une de leurs lettres nous renseigne assez sur la nature de
leur liaison. « J'accepte, Madame, lui écrivait La Fontaine,
au mois d'oct. 4688, j'accepte vos perdrix, votre vin de
Champagne, et vos poulardes. . . J'accepte aussi une chambre
chez M. le marquis de Sablé, — c'était un autre des amants
delà dame, — j'accepte encore... Et en un mot j'accepte
toutce qui donne bien du plaisir... Mais j'en viens toujours
à ce diable de mari, qui est pourtant un fort honnête
homme... Ne nous laissons pas surprendre... Evitonscela,
je vous en prie, si nous le pouvons... » Pourquoi faut-il que,
d'un autre côté, les notes de police du lieutenant d'Argen-
son ne nous renseignent qu'avec trop de précision sur la
personne de M"^^ Ulrich? La dernière maîtresse de La Fon-
taine a fini par échouer à l'Hôpital général.
Réussit-il à lui échapper? On sait du moins que vers la
fin de l'année 4692, étant tombé dangereusement malade,
sa maladie, qui fut longue, et dont il eut beaucoup de peine
à se remettre, l'engagea dans de sérieuses réflexions. Le
confesseur que lui envoya le curé de Saint-Roch exigea de
lui la rétractation ou le désaveu du hvre « infâme», de ses
Contes, et, après un long combat, La Fontaine y consentit.
Il se remit ; — pour célébrer dans une lettre au chevalier de
Sillery la victoire de Steinkerque (4692) et pour achever
en quelque manière de régler ses affaires poétiques par la
publication du dernier livre de ses Fables, le douzième,
dont quelques morceaux avaient déjà paru, mais qu'il com-
pléta et qu'il adjoignit aux onze autres. Avons-nous besoin
de dire qu'on y sent la fatigue ? Il s'occupait en même
temps de dévotes paraphrases : « J'espère que nous attra-
perons tous deux les quatre-vingts ans — écrivait-il à son
ami Maucroix — et que j'aurai le temps d'achever mes
hymnes... Donne-moi ton avis sur le Dies Irce, dies illa
que je t'ai envoyé. » Mais on hésite sur la question de
savoir, si des Stances sur la soumission que l'on doit a
Dieu sont de lui ou de Pavillon. Si M""^ Ulrich les lui at-
tribuait, Mathieu Marais les donne à Pavillon, et nous ne
croyons pas que des vers comme ceux-ci suffisent à ter-
miner le débat.
Crois-tu que le plaisir qu'en toute la nature
Le premier Etre a répandu,
Fût un piège qu'il a tendu
Pour surprendre la Créature ?
^ Non, non, tous les biens que tu vois
Te viennent d'une main et trop bonne et trop sage;
Qu'il en est quelqu'un dont ses divines lois
Ne te permettent pas l'usage,
Examine-le bien, ce plaisir prétendu.
Dont l'appât tâche à te séduire.
Et tu verras, ingrat, qu'il ne t'est défendu
Que parce qu'il pourrait te nuire.
Mais il faut citer tout entière sa dernière lettre à Mau-
croix, dont l'accent de sincérité a quelque chose de singu-
lièrement éloquent : « Tu te trompes, mon cher ami, s'il
est bien vrai, comme M. de Soissons me l'a dit, — Fabio
Brulart de Sillery, évêque de Soissons, — que tu me croies
plus malade d'esprit que de corps. Il me l'a dit pour tâcher
de m'inspirer du courage, mais ce n'est pas de quoi je
manque. Je t'assure que le meilleur de tes amis n'a plus
à compter sur quinze jours de vie. Voilà d^x mois que je
ne sors point, si ce n'est pour aller un peu à l'académie,
afin que cela m'amuse. Hier, comme j'en revenais, il me
757 -
LA FONTAINE - LA FORGE
K
prit, au milieu de la rue du Chantre, une si grande fai-
blesse, que je crus véritablement mourir. 0 mon cher,
mourir n'est rien, mais songes-tu que je vais comparaitre
devant Dieu ? Tu sais comme^j'ai vécu. Avant que tu reçoives
ce billet, les portes de l'éternité seront peut-être ouvertes
pour moi. » La lettre est datée du 10 févr. 1695. La Fon-
taine mourut deux mois plus tard, le 13 avr. 1695, dans
sa chambre de l'hôtel d'Hervart, rue Plàtrière, — c'est au-
jourd'hui la rue Jean-Jacques-Rousseau. Il était âgé de
soixante-treize ans et neuf mois. F. Rrunetière.
BiBL. : 1. Œuvres.— Indépendamment des éditions ori-
ginales dont on trouvera de bonnes descriptions dans l'édi-
tion Lemkrre publiéepar m. Alplionse Pauly (Paris, 1891,
t. VII et dernier), et dans l'édition de la collection des
Grands Ecrivains de la France^ donnée par M. Henri Ré-
gnier (Paris, 1892, t. IX-), nous mentionnerons parmi les
éditions des Œuvres complèles de Jean de La Fontaine,
celles de Walckenaer (Paris, 1822, 1826-27, 1832, 1835,6 vol.
in-8); do M. Louis Moland (Paris, 1852, 1866); de M. Al-
phonse Pauly (Paris, 1875-1891, 7 vol. in-8) ; et de M. Henri
Régnier (Paris, 1883-1892, Il vol. in-8).
Quant aux éditions particulières des Contes et surtout des
Fa6i!es, comme Ténutiiération en serait interminable, il suf-
fira de signaler celles dont les « illustrations » ont acquis
plus ou moins de célébrité parmi les amateurs d'estampes.
Ce sont, pour les Contes, Pédition dite des Fermiers Gé-
néraux (Paris, 1762, 2 vol. avec figures d'Eisen); l'édition
DiDOT (Paris, an III, 1795, 2 vol., avec figures de Frago-
nard, Monet et Touzé) ; l'édition Leclère (2 vol. avec vi-
gnettes à mi-page, d'après Duplessis-Bertaux) ; et, pour les
Fables^ la grande édition en 4 vol. in-fol., avec 275 figures
d'Oudry (Paris, 1755, 1759; il en existe une réduction
sous la date de 1767-1768); l'édition de Bouillon (1776,
autre réduction des figures d'Oudry); l'édition Didot (Pa-
ris, an X, 2 vol., avec vignettes de Percier); l'édition Per-
ROTiN, illustrée par J.-J. Grandville (Paris, 1838, 2 vol.
in-8); et l'édition Jouaust, ou des Douze Peintres (Paris,
1873, 2 vol. in-8). — On trouvera d'ailleurs sur ce sujet de
récieux renseignements dans l'ouvrage du D*" Armand
)ESPRÉs, les Editions illustrées des Fables de La Fon-
taine; Paris, 1892.
II. Biographie. — A. Walckenaer, Histoire de la Vie
et des ouvrages de La Fontaine; Paris, 1820, in-8.
III. Etudes critiques et littéraires. — Nous ne men-
tionnons sous cette rubrique qu'un très petit nombre des
Etudes de toutes sortes consacrées à La Fontaine : Eloge
de La Fontaine par Ciiamfort, ouvrage qui a remporté le
prix au concours proposé par l'Académie de Marseille,
en 1774. L'accessit fut décerné à Gaillard. Deux autres
éloges, l'un de La Harpe, et l'autre de Naïgeon, avaient
également concouru. — Sainte-Beuve, La Fontaine, dans
Portraits littéraires^ 1. 1, et Causeries du Lundis t. VIL —
H. Taine, La Fontaine et ses Fables^ 1853, et 2^ éd. entier,
refond., 1860. — Saint-Maro-Girardin, La Fontaine et
ses Fables^ 1867. — Emile Faguet, La Fontaine, 1889.
LAFONTAINE(August-Heinrich-Julius), romancier alle-
mand, né à Brunswick le 10 oct. 1759, mort à Halle le
20 avr. 4831. Il fut précepteur, fit la campagne de 1792,
puis professa à Halle, il a écrit plus de 150 volumes de
romans dans le genre bourgeois sentimental de Kotzebue.
La surproduction finit par effacer la grâce primitive de son
talent. Les plus connus de ses romans sont: Gemœlde
des menschlichen Herzens (Mdil) ; Quinctiiis Heyme-
ran von Flaming (1796); Die Familie von Halden
(1803); Schilderungen aus dem menschliden Leben
(1811); die Pfarre am See (1816), etc. La plupart furent
traduits en français.
BiBL.: Gruber, Lafonlaines Leben und Wirken; Halle,
1833.
LAFONTAINE (Louis-Marie-Henri Thomas, dit), artiste
dramatique français, né à Bordeaux le 29 nov. 1826, d'une
famille vaudoise dont a fait partie l'auteur des Eloges. Des-
tiné à l'état ecclésiastique, le jeune homme s'évada du sé-
minaire, vagabonda quelque temps, s'engagea sur un na-
vire de commerce, puis entra commis dans un magasin de
nouveautés. Il avait dix-sept ans quand il eut l'idée de mon-
ter sur la scène sous le pseudonyme de Ch. Rooch un rôle
dans la Tour de Nesle. 11 vint ensuite à Paris avec son
frère en gagnant sa vie comme colporteur; il entra presque
aussitôt au théâtre des Batignolles, puis fut engagé à la Porte-
Saint-Martin et au Gymnase. Le Mariage de Victorine,
Philiberte^ Diane de Lys consacrèrent sa réputation. En
1857, il joua Dalila avec un grand succès au Vaudeville.
En 1860, il revint jouer au Gymnase les Pattes de Mouche,
les Ganaches, etc. En 1863, il épousa M^^^ Victoria,
une des actrices les plus en vue du Gymnase et tous deux
passèrent à la Comédie-Française où des appuis officiels les
firent recevoir immédiatement comme sociétaires à part en-
tière. Lafontaine y joua les grands rôles du répertoire, Tar-
tufe, le Misanthrope, etc. ; en août 1871 , sa femme et lui
donnèrent leur démission. Cependant en 1872 Lafontaine
reparut sur la scène; il joua Ruy Blas à l'Odéon, le Gas-
con à la Gaîté, puis la Éaine de Sardou qui ne réussit pas.
En 1876, il entra au Gymnase et joua Pierre Gendron,
pièce dont il était l'auteur. Il joua encore dans un grand
nombre de pièces sur diiférentes scènes. Citons : la Dame
de Montsoreau (ii^ld),Frou-Frou (1883), la Dame aux
Camélias (1884), la Comtesse Sarah (1887), rAbbé
Constantin (1888), un de ses meilleurs rôles. Il joua
aussi à Bruxelles et à Londres. — Lafontaine a composé
quelques essais littéraires : la Servante (1889), les Pe-
tites Misères (1881), Nos Bons Camarades (1885). —
Sa femme, Victoria Lafontaine, née à Lyon en 1831,
joua avec éclat au Gymnase avant son mariage, puis avec
moins de bonheur à la Comédie-Française. Quand elle re-
monta sur la scène de la Gaîté et du Vaudeville après la
guerre, elle ne joua que des pièces qui eurent peu de suc-
cès comme Fromont jeune et Rissler aîné (1876).
LA FONTENELLE*(V. Fontenelle).
LA FORCE (V. Force).
LA FORCE (PiGANioL de) (V. Pigâniol).
LA FOREST (Pierre de), archevêque de Rouen et car-
dinal, né près du Mans en 1314, mort en 1361. Il fut suc-
cessivement chancelier des duchés de Normandie et d'Aqui-
taine, puis chancelier de France et évêque de Paris. Il rendit
de grands services à Philippe de Valois, au roi Jean et au
dauphin (Charles V) pendant la captivité du roi.
LA FOR EST (Antoine-Aimé-Charles-Mathurin, comte
de), diplomate et homme politique français, né à Aire le
8 août 1756, mort le 2 août 1846. Entré jeune dans
l'armée, il passa en 1774 dans la diplomatie, fut secrétaire
de légation aux Etats-Unis (1779) et, après avoir occupé
divers postes, devint en 1797 directeur de la comptabilité
et des fonds au ministère des affaires étrangères, sous
Talleyrand. Directeur des postes (du 15 nov. 1799 au
1 7 nov. 1801, avec le tilre de commissaire central) , il assista
au congrès de Lunéville, à la diète de Ratisbonne et, mi-
nistre plénipotentiaire à Berlin (1805), il fut nommé en
1808 ambassadeur à Madrid où il demeura jusqu'en 1813.
Après avoir négocié avec Ferdinand VII le traité de Va-
lençay, il fit partie du gouvernement provisoire comme
commissaire au département des affaires étrangères (3 avr.-
13 mai 1814) et prépara le traité de Paris du 30 mai
1814. Représentant de Loir-et-Cher à la Chambre de 1815,
il resta en relations avec la Restauration, fut nommé mi-
nistre plénipotentiaire auprès des alliés et entra à la
Chambre des pairs le 5 mars 1819. Il avait été créé comte
par l'Empire le 28 janv. 1809.
LA FORGE (Anatole- Alexandre de), publiciste et homme
politique français, né à Paris le 1^^' avr. 1820, mort à
Paris le 6 juin 1892. Il quitta la diplomatie en 1848 pour
se jeter dans le journalisme et se fit connaître pendant le
second Empire comme un des principaux rédacteurs du
Siècle, Nommé, en sept. 1870, préfet de l'Aisne par
le gouvernement de la Défense nationale, il prit, le 8 oct.
suivant, une part glorieuse à la défense de Saint-Quentin,
fut quelque temps après chargé de la préfecture des
Basses-Pyrénées, et démissionna en 1871. Appelé sous le
ministère Dufaure à la direction de la presse au ministère
de l'intérieur, il résigna cet emploi le 25 mai 1879, fut à
deux reprises (29 mai, 21 août 1881) envoyé par le IX^ ar-
rondissement de Paris à la Chambre des députés, obtint
au scrutin de liste dans la Seine (le 4 oct. 1 885) le re-
nouvellement de son mandat, fut élu vice-président de la
Chambre, combattit le boulangisme et renonça à la dépu-
tationen 1889. Il avait publié de nombreux ouvrages de
circonstance, qui étaient surtout l'expression de sa foi repu-
LA FORGE — LAFRENSEN
758 —
blicaine et de son dévouement au principe des nationalités.
LA FORGE DE Bellegârde (V. Bellegarde).
LAFORGUE (Jules), un des chefs reconnus de la petite
école littéraire contemporaine des symbolistes (V, ce mot).
LAFORTELLE (A.-I\l.), auteur dramatique très fécond,
dont les comédies et les vaudevilles ont occupé la scène
pendant l'Empire et la Révolution. Citons : la Fille Jockey
(1805, in-8); Faut-il se marier? (1806, in-8) ; le
Sérail en goguette (1814, in-8) ; la Fin du monde
(1816, in-8) ; Bérenger ou V Anneau de mariage (1809,
in-8); Voltaire chez Ninon (1806, in-8) ; Masaniello
(1828, in-8). Lafortelle travaillait le plus souvent en col-
laboration avec Victor, Chazet, Moreau, Brazier, Merle, etc.
LA FOSSE. Com. du dép. de la Gironde, arr. deBlaye,
cant. de Saint- Savin ; 305 hab. Eglise en partie romane,
qui a conservé de curieux vestiges de peintures murales,
LA FOSSE (Charles de), peintre français, né à Paris en
1636, mort le 13 déc. 1716. Dans l'histoire de l'école
française, La Fosse marque la transition entre le xvn® siècle
où l'idéal s'alourdit sous la main des disciples de Lebrun,
et la Régence où le sourire redevient possible. Fils de
l'orfèvre Antoine de La Fosse, qui était estimé dans la cor-
poration, il apprit les éléments du dessin chez Chauveau,
vignettiste et graveur, dont les frontispices avaient du suc-
cès dans les boutiques de libraires. Il entra ensuite dans
l'atelier de Lebrun et il resta chez lui jusqu'en 1658. Il
partit alors pour l'Italie, et Colbert, à qui ses premiers essais
furent montrés, obtint pour le jeune artiste une pension
du roi qui lui permit d'étudier à Rome. Il copia Raphaël
et l'antique, et, après deux ans de séjour à l'ombre du
Vatican, il se dirigea vers Venise où il fut séduit par les
coloristes de la décadence, par ceux qui mêlent des bruns
et des ombres rousses aux beaux gris de Véronèse. Il resta
assez longtemps à Venise; il y était encore en 1663. La
Fosse vit aussi le N. de l'Italie. Dans ce voyage ins-
tructif, il avait appris tous les procédés de la peinture,
même la fresque, et c'est comme fresquiste qu'il se révéla
lors de son retour à Paris. On le chargea de décorer à
Saint-Eustache la chapelle des Mariages, chapelle que le
xviii^ siècle a sottement détruite, et jusqu'à la fin de sa vie
il travailla pour les églises, où l'on aimait son style fas-
tueux et son coloris souvent plein de chaleur. Reçu à l'Aca-
démie royale le 23 juin 1673, il fut bientôt nommé pro-
fesseur. Homme aimable et camarade bienveillant, il était
fort goûté à l'Académie et il parvint au grade de chance-
lier. En 1689, La Fosse fut appelé en Angleterre par lord
Montagu qui voulait lui confier la décoration de son hôtel.
Après avoir pris ses mesures, il revint à Paris pour pré-
parer ses projets et il retourna bientôt à Londres où, associé à
Rousseau, qui peignit les perspectives architecturales, et
au fleuriste Baptiste Monoyer, il acheva pour le diplomate
deux plafonds, dont l'unreprésentait l'Assemblée des dieux.
Ce travail fut exécuté à l'entière satisfaction de lord Mon-
tagu et aussi à celle du roi qui exprima à La Fosse le désir
de l'employer à Hampton Court. L'artiste français dut re-
fuser, de grands travaux l'attendant à Paris. La Fosse,
protégé parMansard, fut en effet chargé d'importantes en-
treprises. On le vit peindre la coupole de l'Assomption, et
les gens du roi eurent besoin de lui à Versailles et à Tria-
non. Plus tard, revenant à la fresque, il peignit au dôme
des Invalides Saint Louis consacrant son épée à Jésus-
Christ et, dans les pendentifs qui supportent la voûte, les
figures agitées des Quatre Evangélistes, Ces derniers tra-
vaux datent de la vieillesse de La Fosse, et furent terminés en
1705. L'artiste fut laborieux jusqu'au dernier jour. Il s'était
retiré chez Pierre Crozatqui lui avait réservé un logement dans
son hôtel de la rue Richelieu et pour lequel il fit de grandes
décorations, soit à Paris, soit à la belle maison de cam»
pagne que le financier possédait à Montmorency. C'est chez
Crozat que La Fosse connut Watteau qu'il encouragea et dont
il facilita l'entrée à l'Académie royale. Jl a' été le maître de
Charles Parrocel, qu'il avait tenu sur les fonts de baptême.
Les œuvres de Charles de La Fosse restent encore assez
nombreuses. Le Louvre conserve six tableaux, entre autres
V Enlèvement de Proserpine et le Moïse sauvée qui,
grâce à certains tons roux, sont des morceaux caractéris-
tiques. Le peintre est aussi à Versailles: à la chapelle, dans
la voûte du chevet, on voit la Résurrection de Jésus-
Christ ; dans les voussures du salon de Diane, on retrouve
Jason et les Argonautes et Alexandre a la chasse. Au
plafond du salon d'Apollon, Phœbus, suivi des Saisons,
conduit toujours son char lumineux. Les voussures qui
accompagnent le plafond sont également de La Fosse. Au
Grand-Trianon, il reste aussi deux mythologies, Clytie
changée en tournesol et Apollon et Thétis. La Fosse se
rencontre, en outre, dans les musées de province qui se
sont enrichis des dépouilles des églises ou des couvents.
Nous avons à Tours la Visitation ; à Toulouse, la Pré-
sentation de la Vierge^ qui est de 1692 et où la couleur
a un accent assez vif. Le meilleur de ces tableaux, d'ori-
gine plus ou moins parisienne, est la Conception de la
Vierge de l'ancien couvent des Récollettes de la rue du Bac
(auj. au musée du Havre). Paul Mantz.
BiBL. : Mémoires sur les académiciens^ 1854, t. II. —
H. Walpole, Anecdotes of painting^ 1849, t. II.
LA FOSSE (Antoine de), sieur d'Aubigny, littérateur
français, neveu du précédent, né à Paris vers 1653, mort
à Paris le 2 nov. 1708. Il est connu par ses tragédies :
ManliusCapitoliiîus (i6dS,in-i''2)^ que Talma maintint
longtemps à la scène ; Coresus et Callirrhoé (1704, in-
12); Polixè7îe{i696, in-12) ; 7^/i^5^'^(1700, in-12), qui
ont eu un grand succès de lecture et de nombreuses édi-
tions. On peut citer encore de lui une traduction en vers
des 0c^^5 d' Anacréon (1704). On adonné plusieurs recueils
de ses œuvres, entre autres : Œuvres (1747, 2 vol.
in-12) ; Théâtre (1745, in-12) ; OEuvres choisies [avec
celles de Duché] (1811, in-18).
LAFOSSE (V. Delâfosse).
LA FOX. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. d*Agen,
cant. de Puymirol ; 344 hab. Stat. du chem. de fer du
Midi, ligne de Bordeaux à Cette.
LA FRANCE (Jules-Isidore), sculpteur français, né à
Paris le 16 déc. 1841, mort à Paris le 26 janv. 1881.
Fils d'un sculpteur sur bois, élève de Duret et Cavelier, il
eut le prix de Rome en 1870 ; ses principales œuvres sont :
Saint Jean (1874, musée du Luxembourg); Achille
(1877), et un tableau : Un peu de coquetterie (1877).
Ses œuvres sont gracieuses et de style académique.
LA FRAYE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais,
cant. de Nivillers ; 187 hab,
LAFRENSEN (Nicolas, dit le Jeune), peintre sué-
dois, né à Stockholm en 1737, mort à Stockholm en
1807. Fils d'un miniaturiste de quelque talent (Nicolas
Lafrensen, le Vieux., 1698-1756), il se voua dès sa jeu-
nesse à la peinture. Après la mort de son père, il voyagea
et vint probablement à Paris pour compléter ses études. Il
retourna ensuite dans sa patrie et, en 1773, fut nommé
professeur adjoint à l'Académie des beaux-arts de Suède.
De dépit, peut-être, de ne pas avoir été nommé professeur
titulaire, il quitta bientôt Stockholm et vint s'établir en
1774 à Paris. Il y resta jusqu'à la Révolution, et ne re-
tourna qu'en 1791 en Suède où il fut bien accueilli par
le roi et par la société de Stockholm. Il vécut, d'ailleurs,
d'une vie assez retirée jusqu'à sa mort, composant encore
quelques tableaux d'histoire, conservés en son pays, mais
qui n'ajoutèrent rien à la grande réputation qu'il s'était
acquise en France, comme miniaturiste et peintre à la
gouache. C'est surtout sous le nom de Lavreince ou La-
vrince qu'il est connu chez nous. — Lafrensen est un
des représentants les plus exquis de la peinture élégante,
gracieuse et spirituelle du xviii® siècle français. Il choisit
de préférence, comme sujets de ses dessins coloriés ou de
ses gouaches, quelques scènes galantes et frivoles, comme
les aimaient ses maîtres et amis : Boucher, Baudouin et
Fragonard. On a pu lui reprocher une recherche exagérée
du fini, qui lui a nui lorsqu'il s'est essayé à des tableaux
759 —
lAFRENSEN — LAGALLISSERIE
un peu considérables, mais qui faisait de ses miniatures
sur tabatières, bonbonnières ou drageoirs, des œuvres
d'une délicatesse exquise. La plupart de ses gouaches
(très rares, et en général mal conservées), ont été gravées
par Nicolas de Launay et Dequevauviller, ou reproduites
en fac-similé de couleurs par Janinet ; ces artistes ont donné
à ces scènes intimes, fidèle image d'une société légère et
spirituelle, comme « une seconde et longue vie ». Peu
d'œuvres de Lafrensen sont restées en France (on en cite
dans quelques collections particulières : de Gon court, ba-
ron Pichon) ; la plupart sont retournées en Suède. Parmi
les plus connues, il faut nommer : le Bal masqué donné
par la cour de France en l'honneur de Gustave III, en
illi (la Dubarry y figure en Dalécarlienne) ; la Conso-
lation de Vabsence, VInnocence en daîiger^ Roman
dangereux, le Billet doux, Qu'en dit Vabbé, V Assem-
blée au concert, l'Aveu difficile, VHeureux Moment,
la Mansarde des modistes, le Déjeuner anglais, le
Baron de Staël près du tombeau de son fils, portrait
de Beaumarchais lisant Figaro^ portrait de Gus-
tave ni, etc. Th. Cart.
BiBL. : Vienne, Nie. Lafrensen, peintre à la gouache,
dans Gaz. des Beaux-Arts, 1869, p. 280. — Bocher, les
Gravures françaises du xyiif s. : Nie. Lavreince : Pa-
ris, 1875.
LAFRERY (Antoine), graveur et éditeur français, né à
Salins en 4542, mort après 1580. Vers 4540, il fonda à
Rome une maison d'édition d'estampes devenue célèbre.
Parmi ses publications, on remarque : Spéculum romance
magnificentiœ (Rome, 4544-4575, 448 pi. in-foL),
recueil d'antiquités de Rome ; Sacrifice païen, d'après
un bas-relief antique (4553) : Illustrium virorum, ut
extant in urbe, expressi vultus (4569, 5^2 pi. in-foL).
Graveur habile lui-même, il a exécuté des planches d'après
Raphaël, Perino del Vaga, etc. G. P-i.
LA FRESNAYE (Vauquelin de) (V. Vauquelin).
LAFRESNOYE. Com. du dép. de la Somme, arr.
d'Amiens, cant. d'Hornoy; 272 hab.
LAFRI (Jacopo), architecte italien, né à Pistoie, mort
le 8 oct. 4620. Il dirigea les travaux de la tribune com-
mencée en 4599 et des chapelles Saint-Jacques et du
Saint-Sacrement de la cathédrale de Pistoie. Il donna les
dessins de l'orgue de l'église de Saint-Dominique et il
écrivit un mémoire sur rachèvement de la coupole de Santa
Maria delP Umiltà,^ dont les plans avaient été donnés par
Ventura Vitoni, mais qui avait été achevée et gâtée par Va-
sari; ce mémoire a été imprimé dans les œuvres de Vasari
(édit. Milanesi, t. IV, p. 469).
LAFUENTE (Juan-Leandro de) (V. Fuente [La]).
LAFUENTE (Modesto), célèbre écrivain satirique, his-
torien et homme politique espagnol, né à Rabanal de los
Caballeros le 4^^ mai 4806, mort à Madrid le 25 oct.
4866. Il se destina d'abord à l'état ecclésiastique et pro-
fessa même dans plusieurs séminaires. Renonçant à la
prêtrise, il fonda à Léon, en 4837, un périodique, Fimy
Gerundio^ dont il emprunta le titre à l'ouvrage célèbre
du P. Ma (V. ce nom), et dans lequel il flagellait vigou-
reusement, en vers et en prose, les mœurs et surtout les
hommes pohtiques d'alors. Cette revue satirique, transpor-
tée à Madrid en 4838, eut une vogue extraordinaire; elle
fut interrompue en 4843 (47 vol. gr. in-8) et reprise du
15 mai 1848 au 30 avr. 1849 (in-4). Le même titre ser-
vit à l'auteur de pseudonyme pour les ouvrages humoris-
tiques suivants : Viajes por Francia, Belgica, Holanda
y orillas del Rhin (Madrid, 1843, 2 vol. gr. in-8, et
1844, 2 vol. in-4, ill.) ; Teatro social del siglo XIX
(4846, 2 vol. gr. in-4 ilL); Viaje aérostat ico (4847,
in-8), contenant une satire de l'état politique de l'Europe.
Il reprit à son origine l'histoire nationale inachevée de
Mariana et, en moins de vingt ans, il accomplit sa tâche.
Dans son Historia gênerai de Espafia (1850-4867, 29
vol. in-8, dont le dernier contient une biographie de
l'auteur par^ Ferrer del Rio, et un index alphab.), il se
montre esprit sage, mesuré, réfléchi, et un écrivain très
probe. Il avait conçu son œuvre au point de vue subjectif,
ce qui la distingue de celle de son émule, Antonio Cava-
nilles (V. ce nom). Lafuente n'ayant poursuivi son travail
(jue jusqu'à la mort de Ferdinand VII, il a été continué
jusqu'à nos jours par l'académicien Juan Valera (4887 et
suiv., 8 vol. in-8).
Membre de l'Académie de l'histoire dès 1856, il était
entré dans la vie politique antérieurement, comme député
de Léon, puis d'Astorga, et faisait partie de l'Union libé-
rale. L'un des auteurs du projet de la nouvelle constitu-
tion soumise aux Cortès de 4854, et basée sur l'unité reli-
gieuse, il publia à ce sujet : La Cuestion religiosa (1855,
in-8). Nommé, en 1856, directeur de l'Ecole de paléogra-
phie, et, en 1858, président de la Direction des archives
et bibliothèques, il fut conseiller d'Etat de 1860 à 1863,
puis en 1864 et en 1866. G. Pawlowski.
LAFUENTE y Alcântarâ (Miguel), historien espagnol,
né à Archidona (prov. de Malaga) le 10 juil. 1817, mort
à La Havane le 27 août 1850. Avocat à Grenade, il fut élu
député aux Cortès par sa ville natale en 1846. Nommé fis-
cal de l'île de Cuba, il mourut peu de temps après son ar-
rivée à destination, laissant une Historia de Granada
(Grenade, 1843-48, 4 vol. in-8; Paris, 1852, 2 vol.
in-8, avec une biographie de l'auteur par José Zorrilla),
œAivre enthousiaste, qui lui avait ouvert, en 1847, les
portes de l'Académie de l'histoire. Après sa mort, on pu-
blia l'édition qu'il avait préparée de la chronique inédite,
du XV® siècle, d'Andrès Bernaldez : Historia de los reyes
catôlicos Fernando y Isabel (Grenade, 1856, 2 vol. pet.
in-4). — Son frère, Emilio, né à Archidona vers 1825,
mort à Archidona le 3 juin 1868, fut un des arabisants
espagnols les plus distingués et un historien. On lui doit :
Inscripciones arabes de Granada, precedida de una
resena historica y de la genealogia de los reyes Alah-
mares (Madrid, 1859, in-4) ; Cancionero popular, co-
leccion escogida de seguidillas y copias (1865, 2 vol.
in-8) ; Ajbar machmua, ou recueil de traditions, chro-
nique anonyme du xi® siècle (1867, in-8, texte arabe et
traduction)); Relaciones de algunos sucesos de los lUti-
mos tiempos del reino de Granada (1868, in-8); Ca-
tdlogo de los côdices ardbigos adquiridos en Tetuan
(4 869, gr. in-4). Il était membre de l'Académie de l'his-
toire depuis 1862. G. P-i.
LÂ6A. Fleuve de Suède, qui naît à 10 kil. S. du lac
Wetter, dans le Smaaland, coule vers le S. en traversant
la province de Jonkœping, le lac Widœstern, reçoit les eaux
du lac Bolmen, tourne à l'O., forme les cascades de Ma-
jeforsen et Karseforsen, se jette dans la baie de Laholm
(Cattégat). Il a 192 kil. de long; son bassin mesure
6,250 kil. q.
LA 6ALISS0NNIÈRE(V. Galissonniêre [La]).
LAGALLA (Giulio-Cesare), savant italien, né à Padula
(royaume de Naples) en 1571, mort à Rome le 14 févr.
1624. Jésuite, il professa avec succès la philosophie au
Collège romain pendant trente-trois ans, après avoir tout
d'abord exercé la médecine. Il est surtout connu par son
traité: De Phœnomenis in orbe lunce, etc. (1642), où il
soutint que les apparences découvertes par Galilée ne
devaient pas empêcher de considérer la lune conune par-
faitement sphérique. Il donna aussi l'année suivante un
Tractatus de cometis. Son principal ouvrage philoso-
phique, De Immortalitate animorum ex Aristoteks
sententia (Rome, 1621), est dirigé contre Pomponazzo.
LAGALLISSERIE (Paul-Martin-Philémon Gallocher
de), né à Paris le 29 mai 1805, mort à Paris le 5 août
1871. Ingénieur français, dont presque toute la carrière
active a été consacrée à la ville de Paris, soit dans le ser-
vice municipal, soit dans celui de la navigation de la Seine
et des ponts de l'intérieur de la capitale, c'est sous sa di-
rection qu'ont été exécutés la plupart des grands tra-
vaux de restauration et de construction des ponts qui ont,
vers le milieu de ce siècle, changé l'aspect du centre de
Paris. M.-C. L.
LAGAMAS — LAGENARIA
760
LAGANIAS (Le). Rivière du dép. de VHérault (V. ce
mot, t. XÏX, p. 4141).
LAGAMAS. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Lodève,
cant. de Gignac ; 60 hab.
LAGAM r. Ville du N. de Lîle de Luçon (îles Philippines) ;
10,000 hab.
LAGAN. Nom sous lequel on désignait au moyen âge,
sur le littoral français, de la Manche à la mer du Nord,
le droit de bris et à' épave (V. ces mots).
LAGAN. Petit fleuve du N.-E. de Vîrlande (V. ce mot,
t. XX, p. 949).
LAGARDE. Com. du dép. de l'Ariège, arr. dePamiers,
cant. de Mirepoix; 530 hab.
LAGARDE. Com. du dép. delà Haute-Garonne, arr. et
cant. de Villefranche ; 563 hab.
LAGARDE. Com. du dép. du Gers, arr. et cant. de
Lectoure ; 333 hab.
LAGARDE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. et
cant. de Tarbes; 157 hab.
LAGARDE-sur-le-Mé. Com. du dép. de la Charente,
arr. et cant. de Barbezieux ; 251 hab. Importants vi-
gnobles fournissant des vins blancs dont la distillation
produit les eaux-de-vie dites « petites champagnes ».
LA GARDE (Escalin des Aimars, baron de) (V, Garde).
LA GARDE (V. Hozier [D']).
LAGARDE (Philippe Bridard de), littérateur français,
né à Paris en 4710, mort à Paris le 3 oct. 1767. Abbé
sans préjugés, il s'occupait beaucoup des choses de théâtre,
et c'est lui qui fut en 17541e promoteur de la réforme qui
consista à substituer à la scène le costume réel au costume
de ville. Il fut très en faveur auprès de la marquise de
Pompadour qui le pensionna et le nomma son bibliothé-
caire. Citons de lui: Lettres de Thérèse (Paris, 4739-
40, 5 vol. in-12) ; les Amiales galantes (1743, in-12) ;
diverses pièces de théâtre en collaboration avec Favart
comme : le Bal de Strasbourg, les Fêtes de Paris, la
Rose, Mignonnette; des chansons grivoises, etc.
LAGARDE (Pierre), compositeur français, né près de
Crécy (Seine-et-Marne) le 10 févr. 1717, mort après 1792.
Doué d'une belle voix de basse, il fut attaché à la musique
de la chambre du roi sous Louis XV, devint en 1757
maître de musique des Enfants de France et plus tard su-
rintendant de la musique du comte d'Artois. Il écrivit,
pour le théâtre des Petits-Appartements, Eglé, opéra en
un acte, en 1748; Sylvie (trois actes, 1749) ; la Journée
galante (trois actes, 4750). L'acte à'Eglé fut joué à
l'Opéra le 48 févr. 4754 et repris en 4760. Lagarde a
publié quinze livres à' Airs à une et plusieurs voix, trois
livres de brunettes, deux recueils analogues intitulés les
Soirées de Vlsle d'Adam, une cantate, Enée et Bidon,
et quelques autres petites compositions vocales, dont le
succès fut très vif au moment de leur apparition. M. Br.
LAGARDE ( Auguste-Marie-Balthazard-Charles Pelletier ,
comte de), général et diplomate français, né à Aspremont
(Hautes-Alpes) le 20 avr. 4780. H émigra avec sa famille
lors de la Révolution et entra dans l'armée des princes où
il servit jusqu'en 4798. A sa rentrée en France, il fut
nommé aide de camp du général d'Antichamp. Passé en
4806 au service de la Russie, il devint général-major en
4844, après avoir fait contre ses compatriotes la cam-
pagne de 4842 où il reçut une blessure à la bataille de la
Moskowa. Rentré en France avec les Bourbons, Louis XVIII
le nomma maréchal de camp le 45 févr. 4845 et lui donna
le commandement militaire de Nimes. Mais, dans une
émeute entre catholiques et protestants, il fut atteint par
un coup de feu : cette blessure l'obligea à quitter l'armée.
Il fut alors choisi comme ambassadeur en Bavière , puis
ensuite auprès de la cour de Madrid. E. Bernard.
LAGARDE (Pierre), peintre français, né à Paris en
déc. 4853. Elève de Dubufe, de Mazerolle et de MM. Hum-
bert et Busson, cet artiste, au sentiment délicat et voilé,
tient dans nos expositions une place très personnelle. Il a
exposé : Vallée de Rethondes, près de Compiègne{\Sl^y,
Suzanne au bain (4879) ; r Education d'un perroquet
(4880); la Vierqe dans le désert {\SSi) ; l'Apparition
aux bergers (iSS'i); le Christ et la Samaritaine [iSS'd);
la Fin de la journée (4884); Panneau décoratif ^owt
la salle des mariages de la mairie du XV^ arrondissement
(4 886) ; Vision de saint Jean de la Croix (1 889); le Blessé
(1890); Jeanjie d'Arc (4894) ; Saint Martin (4892) ;
les Voix du crépuscule et le Soir (1893). E. Bricon.
LAGARDE (Paul) (V. Judicis).
LAGARDE (Paul-Anton de), orientaliste allemand, né à
Berlin le 2 nov. 4827. Il étudia à Berlin, Londres et Paris
(4844-52), et fut professeur à l'université de Gœttingue
(1869). Ses principaux ouvrages sont, outre des poésies
(Gœttingue, 1885) et des opuscules politiques : {Deutsche
Schriften, (1886, 2 vol.); De Geoponicon versione sy-
riaca (Leipzig, 1855); Materiahen zur Kritik und
Geschichte der Pentateuch (4867); Beitrœge zur baktri-
schen Lexicographie (1868) ; Onomastica sacra (Gœt-
tingue, 4870, 2 vol.); Symmicta (1877-80); Armenische
Studien(iSll); Semitica(iSlS'ld); JËgyptiaca (4883);
Persische Studien (1884), etc. Il a aussi édité le texte
syrien des Didascalia apostolorum (1854), les premiers
documents du droit canon (1856), les Apocryphes de l'An-
cien Testament ( 1 86 1 ) , les Constitutions apostoliques (1 862),
Clément Romain (1865), les traductions grecque de la
Genèse (1868), arabe des Evangiles (1864), copte du
Pentateuque (1867), chaldéenne de l'Ancien Testament
(1873), etc. A.-M. B. -
LAGARDELLE. Com. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. et cant. de Muret ; 659 hab.
LAGARDELLE. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Puy-l'Evêque ; 222 hab.
LAGARDcRE. Com. du dép. du Gers, arr. de Gondom,
cant. de Valence ; 137 hab.
LA GARDIE (Pontus de) (V. Gardie).
LAGARDIOLLE. Com. du dép. du Tarn, arr. de Castres,
cant. de Dourgne ; 374 hab.
LAGARFLIOT (V, Islande, t. XX, p. 1010).
LAGARIA (Géogr. anc). Village de Lucanie, au N.-E.
de Thurii, célèbre par son viri.
LAGARRIGUE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr.
d'Agen, cant. de Port-Sainte-Marie ; 267 hab.
LAGARRIGUE. Ch.-L de cant. du dép. du Tarn, arr.de
Castres; 461 hab. Stat. du ch. de fer du Midi, ligne de
Paris à Castres et à Bédarieux. Fabriques de bonneterie
orientale, de molleton et flanelle.
LA GASGA (Pedro de), homme d'Etat espagnol, né à
Barco de Avila (Castille) en juin 4485, mort à Palencia le
20 août 4560. Docteur en théologie de l'université de Sa-
lamanque, il entra dans les ordres, devint membre du
conseil de l'Inquisition, puis visitador, et eut soin de
pourvoir à la défense des côtes contre les incursions des
pirates algériens. Sa clairvoyance, son esprit de concilia-
tion allié à une grande fermeté, le firent choisir par Charles-
Quint comme médiateur dans les affaires du Pérou, où le
vice-roi Blasco Nunez se trouvait en état de guerre avec
Gonzalo Pizarro. N'ayant pas réussi à obtenir la soumis-
sion du rebelle, il le vainquit dans une bataille (9 avr.
4548), et prit le gouvernement du pays, qu'il administra
avec une rare sagesse. Le peuple lui décerna le surnom de
Père restaurateur et pacificateur . A son retour en Es-
pagne (4550), il reçut l'évêché de Siguenza, puis celui de
Palencia. G. P-i.
LAGENARIA {LagenariaSev.) (Bot.). Genre de plantes
de la famille des Cucurbitacées et du groupe des Cucurbitées,
créé pour le Cucurbita lagenaria L., qui est devenu le
Lagenaria vulgaris Ser. Il est donc très voisin des Cucur-
bita (V. ce mot) et se distingue surtout par les anthères
glabres au sommet avec loges condupliquées et les feuilles
à pétioles glanduleux. Les tiges grêles, rampantes, termi-
nées par de longues vrilles bifides, sont recouvertes d'un
duvet feutré visqueux et répandent une odeur désagréable.
Les fleurs sont blanches, à odeur musquée ; le fruit, de
761 -
LAGENARIA — LAGERSTROEM
forme et de volume variables, possède sous un péricarpe
épais et ligneux une chair fongueuse, blanche, insipide ou
amère. Le L. vulgarù est originaire de l'ancien monde ;
on le trouve encore à l'état sauvage dans l'Asie méridio-
nale. Les principales variétés en sont : 4° la Grande Cale-
basse d'Afrique, presque aussi volumineuse que notre
potiron, avec un étranglement au-dessus du milieu ou sim-
plement rétrécie en goulot ; elle sert, chez les nègres, à
faire des vases et des ustensiles variés ; 2^ la Gourde-pèle-
rine ou Gourde-bouteille, qu'on utilise dans le Midi comme
vase à contenir le vin ; 3<* la Cougourde, à goulot mince ;
4° la Gourde-massue ou Gourde-trompette pouvant at-
teindre 1"^50 de long; o*' la Gourde plate de Corse, qui
sert souvent sous le nom de Gourde-tabatière o^omm^hoiif^.
tabac ; 6<^ la Petite Gourde du Brésil et 7*^ la Petite
Gourde de Guinée, enfin 8*^ les Gourdes sauvages.
Les Gourdes à chair amère sont vénéneuses ;.. elles
entrent dans la médecine de l'Inde comme drastiques ; celles
dont la chair est comestible sont cependant bien inicrieures
à cet égard aux autres Cucurbitacées comestibles. Les graines
de la gourde en massue faisaient partie autrefois des quatre
grandes semences froides ; on leur préfère aujourd'hui
celles du potiron ou du giraumon. D^ L. Hn.
LA6ÈNE (grec Lagynos). Vase antique, sorte <le bou-
teille avec ou sans pied ; elle avait en général une anse et
était entourée d'osier comme le fiascho actuel, usité en
Italie ; on le suspendait comme enseigne à la porte des
débits de vins; on le servait à table. D'après Athénée,
c'était aussi une mesure de capacité, équivalant à 42 co-
tyles at tiques. ^
LA G EN ET! ÈRE (Desfours de La) (V. Desfours).
LAGER8JELKE (Gustaf), diplomate suédois, né en
4777, mort à Stockholm en 4837. Petit-fils d'Axel La-
gerbjelke (4703-82) et fils de Johan-Gustaf Lagerbjelke
(4745-1842), qui tous deux avaient joué un certain rôle
dans la marine ou dans l'administration suédoises, le jeune
Gustaf se destina de bonne heure à la carrière diploma-
tique. Après des études régulièrement faites, il fut succes-
sivement surnuméraire, copiste, puis chargé des procès-
verbaux du collège royal de la chancellerie. En 4796, il
passa au département des affaires étrangères et collabora,
quelques années plus tard, au traité de la quadruple al-
liance entre la Suède, la Russie, la Prusse elle Danemark.
Il accompagna, comme secrétaire d'Etat, le roi Gustave IV
Adolphe pendant son long voyage en Allemagne, de 1 803
à 4805, et fut chargé pendant cette période de nombreuses
négociations diplomatiques. Envoyé en 4840 à Paris avec
le comte H.-H. d'Essen, pour traiter de la paix, il y resta
plusieurs années avec le titre de plénipotentiaire ad
intérim, sans pouvoir jamais obtenir le titre d'ambassa-
deur, qu'il eût vivement désiré. A son retour en Suède, il
vécut d'abord d'une vie très retirée, et ne rentra dans la
vie publique qu'en 4822, comme directeur du théâtre
royal, charge qu'il conserva jusqu'en 4827. Il s'occupa,
pendant les dernières années de sa vie, de journalisme,
écrivant, sous le pseudonyme de Philalethes, de nom-
breux articles dans le S ver ig es Stadstidning , et rédi-
gea des Mémoires qui ne vont malheureusement que
jusqu'en 4844, la mort étant venue interrompre son tra-
vail. Bien vu de Napoléon, il avait eu cependant avec lui,
au début de son séjour en France, une vive altercation,
qu'il a racontée d'une façon fort ingénieuse dans sa dépêche
au roi de Suède du 26 nov. 4840 : il ne reproduit jamais,
dans cette dépêche, ses propres paroles, mais fait con-
naître, par la citation des discours de l'empereur, la nature
de chacune des objections qu'il présentait à Napoléon. C'est
un modèle de style diplomatique. On a de lui, outre ses
articles de journaux, une dissertation sur la Liberté de
la presse (4 829) et quelques Etudes sur le théâtre ( 1 834).
— Son frcre Johan (4778-4 8o6) a occupé des grades élevés
dans la marine suédoise, et son neveu Gustaf, né en 4847, a
rempli des fonctions politiques importantes et a été, à plu-
sieurs reprises, président de la Chambre haute. Th. C.
BiBL. : Notice biographique sur la carrière politique du
comte Gustave Lagerbjelke...^ écrite par lui-ïnôme ; Paris
et Stockholm, 1867. — WixNgard, Eloge de Lagerbjelke,
dans Sv. Ahad. Handlg. ; Stockholm, 1841, t. XIX.
LAGERBR1N6 (Sven), historien suédois, né à Klinta
(Scanie), en 4707, mort à Lund en 4787. Après de bril-
lantes études de droit qui, en 4734 déjà, lui avaient valu
une nomination de professeur adjoint à la faculté de droit
de Lund, il renonça aux recherches juridiques pour se
consacrer tout entier aux travaux historiques qui devaient
le rendre illustre en son pays et le faire coniiaître à
l'étranger. En 4743, il fut nommé professeur d'histoire à
Lund et en remplit les fonctions jusqu'en 4770, lise re-
tira alors avec le titre de conseiller de la chancellerie royale
accompagné d'une pension que lui accordait le gouverne-
ment pour lui permettre de continuer ses rechercties.
Anobli vers cette même époque, il changea son nom primi-
tif de Bri7îg en celui de Lagerbring. Son principal ou-
vrage est une Histoire de la Suède depuis les temps
les plus reculés jusqu'en :/457 (Stockholm, 4769-83,
4 vol. in-4, en suédois). Il comptait la conduire jusqu'à
la fin du xviri® siècle, mais la mort l'arrêta. Cet ou-
vrage, écrit avec lourdeur, a le mérite d'une très grande
exactitude, au moins à partir du moyen âge. 11 apporte un
très grand nombre de faits nouveaux, grâce au soin qu'a
pris l'auteur de compulser tous les actes officiels qui gi-
saient ignorés dans les archives du royaume. Pendant
longtemps on n'a connu l'histoire de Suède à l'étranger,
et principalement en Erance, que par la traduction de son
excellent Abrégé de l'histoire de Suède depuis les temps
les plus anciens jusqu'à nos jours (Paris, 4788, petit
in-48, 400 p. ; traduction de N.-G. Agander). Th. C.
BiBL. : Engestrœm, Eloge de Lagerbring, dans Vitt.
Akad. HandL.t. IV.
LAGERLŒF (Petrus), poète et écrivain suédois, né en
Vaermlanden 4648, mort à Stockholm en 4699. C'est sur-
tout comme orateur et poète latin que, encore étudiant,
Lagerlœf se fit connaître, mais ce sont ses œuvres sué-
doises, élégantes et faciles, qui ont maintenu sa réputation.
De 4679 à 4684, il accompagna, en qualité de précepteur,
à travers l'Europe et l'Angleterre, un fils du conseiller
Eleming, se faisant admirer de tous les savants qu'il ren-
contrait, par la variété et l'étendue de ses connaissances.
A son retour, il fut bibliothécaire du chancelier G. de
La Gardie pendant une année, puis fut nommé successi-
vement professeur de logique, de poésie et d'éloquence à
l'université d'Upsal; il y resta jusqu'à sa nomination d'his-
toriographe du royaume en 4695, charge qu'il occupa
jusqu'à sa mort. Parmi ses poésies suédoises, il faut citer :
VOde à Elisandra, Ce qu'est l'amour et quelques traduc-
tions de psaumes ; parmi ses œuvres latines : Introductio
brevis ad poësin suecanam et des parties de la Suecia
antiqua et hodierna. Th. C.
BiBL. : P. Lagerlœf, Oraiiones, programmata ac car-
mina varia ; éd. Sam. Alf, Upsal, 1780. — Du môme, Sam-
ladeVitterhetsarbeten; éd. Hanselli,1859.— L.Norrmanni,
Laudatio funebris ; Upsal, 1699.
LAGERLŒF (Selma), femme auteur suédoise, née en
4858. Elle s'est fait connaître par des récits, où elle dé-
peint avec une vivacité singulière les mœurs du Vaermland
au commencement de ce siècle {Costa Berling s saga), Elk
a publié depuis, principalement dans des périodiques [Nor-
nan, OrdochBild), des nouvelles et même des poésies qui
prouvent d'une grande richesse d'imagination et de style :
Chaînons invisibles (iSO^;) ; le Roman de la femme du
pécheur ; Un Riche Mariage, etc. Th. C.
LAGERSTROEM (Magnus), écrivain suédois, né à Stettin
en 4691, mort à Goteborg en 4759. Il descendait d'une
famille française dont le chef, Laurent Laurin, quitta la
France vers la fin du xvi'^ siècle. Laurinus, père de Ma-
gnus, fut anobli vers 4694 et prit le nom de Lagerstrœm.
Magnus reçut sa première éducation en Allemagne ; il eut
quelque peine à trouver une situation régulière, jusqu'à ce
qu'il fût nommé en 4734, et grâce à sa connaissance de
nombreuses langues étrangères, secrétaire de la Compagnie
LAGERSTROEM ■- LAGNEAU
— 762 —
des Indes orientales, à Gôteborg. Il s'est fait connaître
surtout par de nombreuses et souvent remarquables tra-
ductions, et c'est lui qui introduisit dans la littérature sué-
doise Molière, dont il donna, en 4731 , Tartufe et l'Avare,
et Holberg, dont il traduisit cinq comédies. C'est à lui qu'on
doit également la version suédoise du Voyage du Pèlerin
(1727) et de la Guerre sainte (inS) deBunyan, Th. G.
BiBL. : Kryger, Eloge, dans K. Vet. Akad., 1760. —
Warburg, Holberg i Sverige; Stockholm, 1884. — Du
môme, Molière ; Stockholm, 1884.
LAGERSTRŒMIA (Lagerstrœmia L.) (Bot.). Genre
de Lythrariacées dont les représentants sont des arbres
ou arbustes à branches opposées ou verticillées, à feuilles
opposées sur deux rangs, ou les supérieures alternes,
toutes pétiolées et entières. Les fleurs, très belles, sont
sont» disposées en panicules axillaires et terminales, sou-
vent ramifiées. Le réceptacle de la fleur est concave, les
étamines nombreuses et égales ou les 6 extérieures plus
longues, l'ovaire sessile à 3-6 loges ; le fruit est une cap-
sule épaisse et coriace, déhiscente en 3-6 valves locu-
licides ; les graines sont ascendantes ou horizontales. Les
Lagerstrœmia sont originaires des régions chaudes de
l'Asie; le L. indica L., de la section des Sibia de de
Candolle, belle espèce de la Chine, de la Cochinchine et du
Japon, est cultivé dans nos jardins, ainsi que le L. spe-
ciosa Pers. (Munchausia speciosa L.) et d'autres espèces
de la section Adambea, dont on a encore fait un genre
(V. Adambé). D^ L. IIn.
LA GERVAISAIS (Nicolas-Louis-Marie Magon, marquis
de), publiciste français, né à Saint-Servan le d 7 juin 4765,
mort à Paris le 29 déc. 1838. Lieutenant aux carabiniers
de Monsieur, il est connu surtout par sa liaison roma-
nesque avec M^^® de Condé (Louise-Adélaïde de Bourbon),
qui a donné lieu à une correspondance des plus curieuses
et des plus tendres, publiée par Ballanche en i834 et
rééditée par Paul VioUet : Lettres intimes de ]\P^ de
Condé à M. de La Gervaisais (Paris, 4878, in-i2). La
Gervaisais, qui passa pour un fou en Bretagne, pour un
homme du génie le plus transcendant parmi ses amis, a
écrit uneinfinité de brochures sur des questions de finances,
de politique et de sociologie, où l'on trouve des considéra-
tions profondes et des vues hardies. Mais elles sont noyées
dans une phraséologie insipide et ont passé presque ina-
perçues de ses contemporains. Elles ont été pour la plupart
rassemblées sous le titre d'OEuvres (Paris, 1833 etsaiv.,
20 vol. in-8). Citons à part : Une Ame de Bourbon (Pau,
4837, in-42) àla mémoire de la princesse de Condé. R. S.
BiBL. : Théod. Fix, Résumé des vues économiques de
M. de La Gervaisais ; Paris, 1834, in-8. — Exposé de la
ligne polilique de M. de La Gervaisais ; Paris, 1834, in-8.
— Damas-Hinard, Un Prophète inconnu; Paris, 1850,
in-12.
LAGERVALL (Jakob-Fredrik), écrivain finnois, né en
Finlande en 4787, mort en 4865. Il était sergent de chas-
seurs caréliens lorsque éclata la guerre, en 4808. A la fin
des hostihtés, nommé capitaine, il resta dans l'armée jus-
qu'en 4830, époque où il prit sa retraite avec le grade de
major. Il se fixa, pour y rester jusqu'à la fin de sa vie,
dans une propriété qu'il venait d'acquérir. Son œuvre prin-
cipale est une tragédie finnoise en cinq actes : Ruumi-
linna, sorte d'imitation de Macbeth, qu'il fit imprimer en
4834. La valeur poétique de cette tragédie n'est pas très
grande, mais elle est intéressante au début d'une littéra-
ture qui renaît. Ses autres essais, finnois ou suédois, ont
paru dans des recueils périodiques, tels que le Suomi,
mais n'ont pas une grande importance littéraire.
LAGERY. Com. du dép. de la Marne, arr. de Reims,
cant. de Ville-en-Tardenois ; 302 hab.
LAGES. Ville du Brésil, Etat de Santa Catharina, à
495 kil. 0. de Desterro ; 2,000 hab., fondée par les Pau-
listes en 4774 au milieu des savanes où paissent d'im-
menses troupeaux.
LAGESSE. Com. du dép. de FAube, arr, de Bar-sur-
Seine, cant. de Chaource ; 370 hab.
LAGET. Tissu fait d'écorces d'arbre que Ton fabriquait
aux Antilles. Le laget a été quelquefois employé dans
l'ameublement à titre de curiosité.
LAGETTA (Lagetta L.) (Bot.). Genre de Thyméléacées,
créé pour le L. linteariaLmik {Daphne lagetta Sw.), ar-
brisseau des Antilles, à rameaux et à feuilles alternes et à
fleurs disposées en épis terminaux simples, connu sous les
noms vulgaires d'Arbre à dentelle ou bois dentelle. Les
couches corticales, situées entre l'aubier et l'écorce exté-
rieure, se composent de fibres entrelacées figurant une
sorte de dentelle et employées par les naturels, après ma-
cération, à faire des nattes, des objets de toilette, etc. La
décoction de Fécorce est prescrite contre les céphalalgies
syphilitiques, les douleurs ostéocopes, le rhumatisme chro-
nique et la goutte. D"^ L. Hn.
LAGHOUAT ou EL-AGHOUAT. Ville d'Algérie, prov.
et à 330 kil. S. d'Alger, centre d'une oasis du Sahara, à
746 m. d'alt. ; 5,000 hab. dont une centaine de Français,
200 Juifs, etc. Elle est bâtie sur le djebel Tsigrarina, petite
montagne dolomitique, encadrant la vallée supérieure de
l'oued Mzi, dont les eaux retenues par des barrages irri-
guent l'oasis. On compte dans celle-ci environ 450,000 mau-
vais palmiers ; un millier d'hect. sont cultivés en céréales.
La ville occupe deux mamelons entre lesquels coule le tor-
rent ; elle est entourée d'une muraille percée de cinq portes
et flanquée de deux forts (Bouscarin et Morand) élevés au
sommet des deux collines ; un quartier européen a été cons-
truit à côté de la cité indigène aux maisons d'argile ou de
terre. Laghouat, dont le chmat est très sain, est la pre-
mière étape de la route d'Alger à Tombouctou et eut tou-
jours une certaine importance commerciale. Elle existait
dès l'antiquité, et ses habitants, Berbers de la race des
Maghraoua, l'occupent depuis l'époque la plus lointaine à
laquelle on puisse remonter. Affaiblis par leurs guerres
civiles, ils furent rarement indépendants. Affranchis du
Maroc à la fin du xvu^ siècle, ils ont été conquis par la
France. La prise de Laghouat date du 4 déc. 4852. On en
fit le chef-lieu d'un cercle militaire et on la relia à Alger
par une route carrossable.
LA G I AS. Toiles peintes fabriquées aux Indes et ven-
dues en France sous le nom de perse aux xvn® et
xviii® siècles. On appelait lagias du roi les plus soignées
de ces toiles peintes. Elles cessèrent d'être recherchées au
commencement de notre siècle après l'invention d'Ober-
kampf et l'établissement en France de manufactures de
toiles peintes.
LAGIDES (V, Egypte).
LAGIDIUM (Zool.) (V. Chinchilla).
LA GISELIÈRE (De) (V. La Pinchère).
LAGLEYGEOLLÉ. Com. du dép. de la Corrcze, arr. de
Brive, cant. de Meyssac ; 689 hab.
LAGMAN. Magistrat chez les anciens Scandinaves, les
Danois exceptés. Le rôle de ce magistrat est très divers
suivant les temps et les lieux. En Suède, au début, il y a
dans chaque province un lagman, qui doit être fils de pay-
san et qui est le porte-parole de ses concitoyens en toutes
circonstances; plus tard, ce n'est plus qu'un fonctionnaire
du roi, et souvent un grand de la cour. Le lagman a dis-
paru, en Suède, en 4849. — En Islande, le lagman suc-
cède au lagsagoman (sorte de juge choisi tous les trois ans),
après l'occupation de l'île par fes Norvégiens, en 4264, et
est le représentant du roi de Norvège f il a été conservé
jusqu'en 4800. — En Norvège, le lagman présidait aux dé-
libérations du lagting et exerçait souvent une réelle in-
fluence : il a été supprimé en \ 797.
LAGNA. Rivière de Cochinchine, prov. de Binh-thuan,
affl. de g. du Donaï (riv. de Saigon); née au S. du mont
Contran-yanyut, elle coule vers le S., puis vers l'O.; très
abondante, elle est obstruée par des rapides et des chutes qui
eiupêchent la navigation. Les éléphants pullulent dans son
bassin.
LAGNEAU (David) (V. Agneau [David L']).
LAGNEAU ou LANNEAU, dessinateur pastelliste français,
qui travaillait au commencement du xvii® siècle. Malgré les
— 763 -
LAGNEAU — LAGNY
recherches de la critique pioderne, on ne connaît ni un fait,
ni une date de la vie de Lagneau. On peut à peine relever
dans les écrits des amateurs d'art des deux siècles derniers
quelques allusions à ses œuvres. Au xvm^ siècle, ses dessins
étaient confondus avec ceux de Daniel Dumonstier. Jamais
assimilation de noms ne fut moins justifiée. Daniel Dumons-
tier appartient encore, par son style, à cette école des pas-
tellistes du commencement du xvi^ siècle, dont le crayon
délicat, la touche spirituelle, sont d'un art inimitable et
constituent un si brillant début à l'école française du
portrait. La manière de Lagneau est à la fois plus dure
et plus molle : il se sert beaucoup de l'estompe ; il noie les
contours indécis dans le travail du fondu ; puis il accentue
les muscles et les rides à l'aide du crayon rouge. Il est le
portraitiste de la petite bourgeoisie et même du bas peuple
dans lequel il choisit surtout les êtres disgraciés, qui peuvent
lui fournir une tète d'expression ou une caricature. Il est
réaliste à la manière de certains artistes de notre temps,
qui ne recherchent la vérité que dans la laideur. Presque
tous les crayons de Lagneau exposés au Louvre ne sont
pas des portraits, au vrai sens du mot (sauf peut-être le
n° 804) ; il leur manque le caractère particulier qui fait
d'un individu une individualité. Deux recueils de dessins,
conservés l'un au Louvre, l'autre au Cabinet des estampes,
montrent Lagneau dessinant avec une certaine verve des
vieilles édentées au sourire narquois, des gens de la der-
nière classe de la société, des types de criminels.
BiBL. : Reiset, Notice des dessins du Louvre. — Vala-
BRÈGUE, Gazette des beaux-arts^ mars 1894.
LAGNEAU (Gustave-Simon), médecin français, né à
Paris le 48 août 1827. Il était fils d'un médecin, Louis-
Vivant (1781-4867). Reçu docteur en 1833, il se livra
avec succès à des travaux de statistique médicale, d'hygiène
publique et d'anthropologie, qui lui ont ouvert les portes
de l'Académie de médecine en 1879. Ses publications sont
nombreuses ; citons seulement : Maladies syphilitiques
du système nerveux fParis, 1860, in-8) ; Etude de sta-
tistique anthropologique sur la population parisieime
(Paris, 1869, in-8); Recherches comparatives sur les
maladies vénériennes dans différentes contrées (Paris,
1871, in-8); Considérations médicales et anthropolo-
giques sur la réorganisation de r armée... (Paris, 1871,
in-8) ; Quelques Remarques ethnologiques sur la répar-
tition géographique de certaines infirmités en France
(Paris, 1871, in-4, av. pi.) ; Ethnogénie des populations
du N.-O. de la France (Paris, 1876, in-8) ; etc.
LAGNEL (Antoine-Joseph), homme politique français, né
à Noves (Bouches-du-Rhône) le 8 oct. 1831. Grand agri-
culteur, maire de Noves, il fit dans sa région, où il jouis-
sait d'une influence considérable, de la propagande libérale
sous l'Empire et combattit le gouvernement du 16 mai.
Il fut élu député d'Arles en 1889 et réélu en 1893, avec
un programme radical-socialiste.
LAGNES (Laneis). Com. du dép. de Vaucluse, arr.
d'Avignon, cant, de L'Isle; 946 hab. En 1253, Isnard et
Bertrand de Lagnes, Pierre de Caseneuve et Guillaume de
Codolet partageaient, avec Alphonse, comte de Toulouse,
la seigneurie de Lagnes. Le saint-siège acquit, au xiv*^ siècle,
la totalité de la juridiction. Cette seigneurie appartint suc-
cessivement à de nombreux coseigneurs parmi lesquels les
Lagnes, Cavalier, Textoris, Gardella, Perussis, Mondragon,
Sinety, etc. Elle appartenait, avant 1790, aux Cambis
d'Orsan, aux Montréal et aux Nogaret. Lagnes faisait partie
du diocèse de Cavaillon et de la judicature de L'Isle. —
Ruines d'un château féodal du xiv^ siècle. L. Del.
LAGNEY. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. et
cant. de Toul ; 585 hab.
LAGNICOURT. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr.
d'Arras, cant. de Marquion ; 597 hab.
LAGNIET (Jacques), graveur et éditeur français du
xvii^ siècle. Railleur impitoyable, caricaturiste de talent,
quoique graveur un peu rude, il mit en lumière une foule
d'estampes, devenues rarissimes, et d'un intérêt rétrospec-
tif considérable pour l'étude des mœurs et des idées popu-
laires. On lui doit, en outre, plusieurs séries d'estampes sa-
tiriques ou amusantes, telles que : Recueil des plus illustres
proverbes (1657-63, 3 part, in-4) ; la Vie de Tiel Wles-
piegle; l' Esbattement moral des animaux; les Adven-
tures du fameux Don Quixote^ etc. G. P-i.
LAGNIEU. Ch.-I. de cant. du dép. de l'Ain, arr. de
Belley; 2,488 hab. Stat. du chem. de fer P.-L.-M.,
ligne d'Ambérieu à Montalieu. Tanneries et distilleries,
LAGNY. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne,
cant de Lassigny ; 608 hab.
LAGNY (Latmiacum). Ch.-l. de cant. du dép. de
Seine-et-Marne, arr. de Meaux, sur la rive gauche de la
Marne; 4,621 hab. Stat. du ch. de fer de l'Est (ligne de
Paris à Avricourt). Foires le 3 févr., le 1^^' dimanche de
juillet et le 30 nov. Lagny doit son nom à un person-
nage gallo-romain appelé Latinius, mais son origine et son
importance historique à l'abbaye qu'y fonda au vi® siècle
un moine irlandais, saint Fursy, sur des terrains que lui
avait donnés Erchinoald, maire du palais de Clovisll, et qui
devint par la suite l'une des plus considérables de la ré-
gion. Au xiii^ siècle, la ville fut fortifiée; elle comptait alors
trois paroisses : Saint-Sauveur, Saint-Paul et Saint-Fursy,
un hôtel-Dieu ; en outre, deux communautés de bénédic-
tines y furent fondées au xvii® siècle. Elle subit, dans le
cours des siècles, bien des calamités : un incendie en 1157 ;
une avalanche de grêle grosse comme le poing, disent les
chroniqueurs, en 1176; un nouvel incendie en 1184, puis
les malheurs des guerres du xiv® au xvi® siècle et no-
tamment le pillage de toutes ses maisons, en nov. 1544,
par les troupes du maréchal de Lorge, pour réprimer une
rébellion des habitants ; d'où le dicton célèbre, que Ton ne
s'entend encore pas volontiers à Lagny, sur « le prix de
l'orge ». Lagny joua un grand rôle dans le siège de Paris
(1870-71); c'était la tète de la seule voie ferrée reliant
l'armée allemande à sa base d'opérations. L'église de l'ab-
baye, dédiée à saint Pierre,est devenue, depuis la Révolu-
tion, la seule église paroissiale de la ville ; c'est un curieux
édifice du xni® siècle, quoique inachevé et qui renferme un
grand nombre d'inscriptions anciennes. Les bâtiments claus-
traux, reconstruits au temps de Louis XIV, servent main-
tenant d'hôtel de ville. On remarque aussi à Lagny une fon-
taine datant du xiii® siècle; c'est celle dans laquelle on im-
mergeait jadis les imprudents qui avaient fait allusion au
prix de l'orge de Lagny. F. B.
Concile de Lagny-en-Brie.— Concilium latinia-
censé., tenu en 1142. On y excommunia Raoul, comte de
Vermandois, qui avait épousé Pétronille d'Aquitaine, du
vivant de sa femme Eléonore de Champagne.
BiBL. : Lebeuf, Hist. du diocèse de Paris^i. IV, pp. 543-
565 de redit, do 1883. — De Guilhermy, Inscript, de Van-
cien diocèse de Paris, t. IV, pp. 515-532, et les ditïerents
travaux sur la Brie,
LAGNY-le-Sec. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Senlis,
cant. de Nanteuil-le-Haudouin ; 350 hab.
LAGNY (Thomas Fantet de), mathématicien français,
né à Lyon le 7 nov. 1660, mort à Paris le 12 avr. 1734.
Destiné au barreau par ses parents, il fut de bonne heure
entraîné par le goût des mathématiques et, dès l'âge de
dix-huit ans, venait à Paris se consacrer à les approfondir.
Entré à l'Académie des sciences en 1695, après avoir pu-
blié ses Méthodes nouvelles et abrégées pour f extrac-
tion et V approximation des racines (1691), il composa
un grand nombre de mémoires qui sont insérés dans le
recueil de l'Académie et qui concernent en général la
théorie des équations. Il a donné, en outre, de Nouveaux
Eléments d'arithmétique et d'algèbre (1697), puis,
pendant une période où il fut professeur d'hydrographie à
Rochefort, une Cubature de la sphère (La Rochelle,
1702), et une Arithmétique nouvelle (binaire) (1703).
Son Analyse générale des méthodes nouvelles pour
résoudre les problèmes ne parut qu'en 1733, après sa
mort. Rappelé à Paris en 1716 comme sous-directeur de
la banque de Law, il y resta, après la chute du système,
LAGNY — LAGOS
— 764
comme conservateur de la bibliothèque du roi. Ses ouvrages
offrent encore quelque intérêt pour les méthodes d'approxi-
mation et d'abréviation ; son caractère est dépeint comme
plein de simplicité et de modestie. C'est de lui que l'on
raconte qu'au moment de sa mort, lorsqu'il ne reconnais-
sait plus les assistants, Maupertuis lui ayant demandé le
carré de 12, il répondit aussitôt : 144. Il était membre
de la Société royale de Londres. T.
LAGOA-DouRADA. Bourg du Brésil, Etat deMinas Geraes,
à 80kil. S.-O. d'Ouro Preto, à la place d'un ancien lac dont
les terres aurifères furent exploitées par les Paulistes.
LAGOA Santa. Ville du Brésil, Etat de Minas Geraes,
à 90 kil. N. d'Ouro Preto ; 4,000 hab. Elle s'élève au N.-E.
d'un petit lac alimenté par des sources minérales-
IkGOÈClE (Lagoecta L.) (Bot.). Genre d'Ombellifères-
Saniculées, dont l'unique espèce, L. cuminoidesh.^ encore
appelée Cumin bâtard, habite la région méditerranéenne,
la Grèce et l'Orient. C'est une herbe à ovaire uniloculaire,
par a vertement de l'une des loges, à feuilles pennées, à
ombelles simples et à bractées pectinées. Elle possède une
odeur légèrement aromatique et a les usages du cumin.
LAGOMYS (Zool.) (V. Lièvre).
LAGON (Mar.). Nom donné au petit lac intérieur des îles
de formation madréporique (V. Atoll).
LAGON EGRO. Ville d'Italie, ch.-l. de district de la prov.
de Potenza, à la source du Tanagro ou Negro; 4,000 hab.
Commerce actif.
LAGONL Terme appliqué en Toscane aux bassins où se
fait la condensation des vapeurs chaudes dégagées sous la
forme de souflai-ds, c.-à-d. de jets persistants s'élançant
avec bruit par groupes, des fentes du sol, à des hauteurs
de 10 à 30 m. (V. Souflard et Volcan).
LAGOPÈDE (Ornith.) . Les Lagopèdes [Lagopus Brisson ,
Ornilh., 1760) sont des Gallinacés propres aux régions
froides et tempérées des deux mondes. Ils appartiennent à
la famille des Tétraonidés dont la Gelinotte et le Coq des
bruyères (V. ces mots et Tetra) sont des représentants
bien connus et, par leurs proportions comme par leur aspect
extérieur, rappellent un peu les Perdrix ; aussi les désigne-
t-on parfois sous le nom de Perdrix de neiges ; toutefois
ils se distinguent facilement par leur tête aplatie, leur bec
naturellement court et encore caché en partie sous les
plumes frontales, leurs yeux surmontés d'un espace dé-
nudé et coloré en rouge, leurs pattes emplumées, leurs
ongles obtus et creusés en gouttière sur leur face infé-
rieure, leur plumage serré et sujet à de grandes variations
de couleur et d'aspect suivant les saisons. Ainsi la robe
des Lagopèdes, qui est variée de brun, de gris, de foncé
ou de roux marron di*rant la belle saison, se décolore
presque toujours pendant la saison froide et devient même
parfois entièrement blanche ou à peine marquée de quel-
ques traits noirs. D'autre part, les plumes qui garnissent
les doigts deviennent en automne beaucoup plus fournies
et donnent à l'extrémité de la patte une certaine ressem-
blance avec une patte de Lièvre. C'est même à cette parti-
cularité que les Lagopèdes doivent leur nom générique.
Une épaisse couche de duvet protège ces oiseaux contre
les rigueurs du climat des régions montagneuses ou bo-
réales. Aussi les Lagopèdes peuvent-ils, sans inconvénient,
résider durant toute l'année dans les mêmes contrées et se
contenter tout au plus de changer de canton, au lieu d'ef-
fectuer, comme tant d'autres oiseaux du Nord, de lointaines
migrations. Ils nichent à terre, dans une dépression du sol,
et pondent des œufs d'un jaune foncé, très fortement ma-
culés de taches d'un brun foncé, parfois assez larges et
assez serrées pour cacher la teinte du fond. Les œufs sont
au nombre de sept à douze par couvée. Les petits naissent
couverts d'un duvet brun, noir et fauve, et courent presque
immédiatement après leur sortie de l'œuf.
Les Lagopèdes sont d'humeur sociable et vivent en pe-
tites familles depuis l'automne jusqu'à l'époque de la pa-
riade. Ils sont monogames comme les Pigeons et, sous ce
rapport, diffère des autres Gallinacés.
Le genre Lagopus comprend plusieurs espèces, savoir :
1*^ le Lagopède d'Ecosse (Lagopus seoticus Lath.) ou
Grouse, qui habite les parties montagneuses de l'Angle-
terre et de l'Islande, ainsi que lesOrkneys et les Hébrides
et qui porte alternativement une livrée rougeâtre et une
Hvrée pie, c.-à-d. variée de blanc, de brun et de noir ;
2° le Lagopède blanc (Lagopus albus Gm.), propre aux
régions boréales de l'Europe, de l'Asie et de l'Amérique et
ayant en hiver le plumage entièrement blanc, sauf sur les
pennes caudales ; 3° le Lagopède muet (Lagopus muius
Lagopède des Alpes.
Mont.), appelé aussi Lagopède des Alpes on Ptarmig an,
qui se trouve non seulement dans les Alpes, mais dans les
Pyrénées, en Russie, en Norvège et qui se distingue en
hiver par la présence d'une tache noire sur les côtés de la
tête ; 4*^ le Lagopède de rochers (Lagopus rupestris
Leach) habitant l'Irlande, le Grœnland, Terre-Neuve, les
îles Aléoutiennes et le N.-E. de l'Asie; 5^ le Lagopède
hyperboréen (L. hyper bor eus Malm.)du Spitzberg ; 6^ le
Lagopède à queue blanche (L. leucurus Sw. et Rich.) des
montagnes Rocheuses.
Quelques-unes de ces espèces se croisent entre elles ou
avec divers Tétras. E. Oustalet.
BiBL. : D.-G. Elliot, A Monograph of the Tetraonidœ,
1865, in-fol. avec pi. — Degland et Gerbe, Ornith. europ.,
1867, t. II, p. 33, 2« éd.— Ogilvie Grant, Cat. of the Birds
in the Drit. Muséum, 1893, t. XII, p. 134.
LAGOPHTALMIE (Ophtalm.) (V. Paupière).
LAGOR. Ch.-l. de cant. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Orthez ; 977 hab. '
LAGORCE. Com. du dép. del'Ardèche, arr. de Largen-
tière, cant. de Vallon ; 4,390 hab.
LAGORCE. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Guîtres; d,440 hab.
LAGORCH ESTES (Zool.) (V. Kangourou).
LAGORD. Com. du dép. delà Charente-Inférieure, arr.
et cant. de La Rochelle ; 860 hab.
LAGOS. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Pau, cant. de Nay-Est; 396 hab.
LAGOS. Ville maritime du Portugal méridional (Algarve),
district et k 65 kil. 0. de Faro, à l'E. du cap Sào Vicente;
8,000 hab. Elle possède un port de cabotage actif sur une
baie admirable formée au S.-O. par la Ponta da Piedade et
où se jette la Ribeira de Bensafrim. Climat très doux en
hiver. Pêcheries de thons et de sardines. Exportation de
vin et de fruits. On y remarque des églises curieuses et un
long aqueduc sur un bras de mer. Elle a succédé à l'an-
tique Lacobriga.
LAGOS. Ville maritime de la Guinée, sur la côte des Es-
claves, ch.-l. d'une colonie anglaise, à PO. de l'île Aouani
ou Kouramo, entre l'Océan et la lagune de Kradou, à l'em-
bouchure de rOgoun (fleuve du Yorouba) ; 40,000 hab.
(85,000 pour le district entier), dont une centaine de
l3lancs. La barre oblige les navires à mouiller au large.
Le commerce n'en est pas moins considérable. Le mouve-
ment de la navigation en 1892 atteignait 680,000 tonnes;
la valeur des échanges 43 millions de fr. aux importations,
14 1/2 aux exportations. Les recettes de la colonie étaient
de 1,700,000 fr., les dépenses de 2,175,000 fr. Sur la
- 765 -
LAGOS - LA GRANGE
géographie générale, V. Côte des Esclaves (t. XII, p. d 480-
82).
LAGOS DE MoRENo. Ville du Mexique, Etat de jalisco,
à 4,900 m. d'alt. ; 20,000 hab. ; lamages, cotonnades,
ateliers de ch. de fer. Le municipe a 45,000 hab.
LAGOS (San Juan de los) (V. San Juan).
LAGOSTA (slave Lahosio). Ile de Dalmatie, au S. de
Curzola; elle a 28 kii. de tour; 4,200 hab. Vin, huile,
pêcherie; plusieurs ports, phare; grande cavernes à sta-
lactites.
LAGOSTOME (Zool.) (V. CmNcmLLÂ).
LAGOTIS (Zool.) (V. Chinchilla).
LAGOTRICHE (Lagothrix) (Zool.). Genre de Singes
américains, de la sous-famille des Cébiens (V. ce mot),
qui diffère des Atèles et des Eriodes (V. ces mots), dont
ils sont voisins, par leurs formes plus robustes, leurs
membres mieux proportionnés et leur pelage laineux ; le
pouce est bien développé et la queue est nue en dessous,
à son extrémité. Ce dernier caractère et la nature du pelage
les distinguent également des Sajous {Cebus) qui n'ont
pas le pelage laineux. Comme les Ériodes auxquels ils res-
semblent par ce dernier caractère, ils ont les ongles com-
primés, mais leurs narines sont beaucoup plus écartées
l'une de l'autre, et leurs formes ramassées contrastent avec
celles des Singes-Araignées (Atèles et Eriodes). La taille est
généralement assez forte pour le groupe auxquels ils ap-
partiennent et les couleurs sont assez variables. Ces Singes
habitent les forêts du Brésil où les indigènes les désignent
sous le nom de Barrigudos et les recherchent pour se
nourrir de leur chair. Les Lagolriches sont exclusivement
frugivores, et leurs mouvements sont assez lents. On en a
distingué cinq à six espèces, dont la mieux connue est le
Lagothrix Humboldti qui habite la vallée de l'Amazone
(V. Sajou). E. Trouessart.
LA GOUPILLIÈRE (V. Haton de La Goupillière).
LAGOURNERIE (Maillard de) (V. Gournerie).
^ LAGOUT (François-Edouard), ingénieur et mathémati-
cien français, né à Aigueperse (Puy-de-Dôme) le 8 sept.
4 820, mort à Nogent-sur-Aube (Aube) le 48 déc. 4884.
Sorti en 4845 de l'Ecole des ponts et chaussées et envoyé
d'abord en Algérie (4846-48), il passa en 4853 au service
de la Compagnie des chemins de fer du Midi, en 1857 à
celle des chemins de fer romains et s'occupa dès cette époque
de résoudre par des formules mathématiques les questions
d'esthétique. Il publia dans cet ordre d'idées : Esthétique
nombrée (Paris, 4864-63, 2 vol. in-8); VEquation du
Beau (Paris, 4873, in-8, 3« édit.). Il rechercha ensuite
les moyens de faire comprendre et retenir rapidement par
des personnes étrangères à la géométrie les règles de la me-
sure des surfaces et de la cubature des solides ; il fut ainsi
amené à imaginer la tachymétrie (V. ce mot), qui ne vaut,
en somme, que comme méthode approximative de mesu-
rage, car elle laisse beaucoup à désirer comme méthode
d'enseignement. Elle se trouve exposée dans plusieurs ou-
vrages de son inventeur : Panorama de la géométrie (Pa-
ris, 4 872, in-8 ; 3^ éd., 4873); Tachymétrie (Paris, 4874,
in-8) ; Méthode tachy métrique (Paris, i 875, in-8, 2^^ éd.) ;
Vade-mecum takymétrique (Paris, 4 879, in-8); Taky-
technie (Paris, 4884-84, 3 vol. in-8). Edouard Lagout,
qui était rentré en 4862 au service de l'Etat, fut chargé
en 4876 par le ministère des travaux publics d'enseigner
sa nouvelle méthode et de la répandre en formant des pro-
fesseurs. Il fut promu en 4877 ingénieur en chef et il con-
sacra à la diffusion de la tachymétrie le reste de sa vie. II
a écrit, outre les ouvrages déjà cités, de nombreux mé-
moires parus dans divers recueils et journaux. L. S.
LAGOY {Lagodunis). Château de la com. de Saint-
Remy (Bouches-du-Rhône), jadîs ch.-l. d'un marquisat
appartenant à la famille de Meyran.
LA GRÂCE-DIEU. Com. du dép. delà Haute-Garonne,
arr. de Muret, cant. d'Auterive, sur le Rosé ; 430 hab.
Eglise de l'ancien prieuré de La Grâce-Dieu, renfermant le
tombeau de Sicard de Miremont (4280), surmonté de sa
statue.
LAGRAND. Com. du dép. des Hautes-Alpes, arr. de
Gap, cant. d'Orpierre; 247 hab.
LAGRANDIÈRE (Pierre-Paul-Marie de), amiral fran-
çais, né le 28 juin 4807, mort à Quimper le 25 août 4876.
Nommé après de longs services capitaine de vaisseau
(4849), il prit part pendant la guerre de Crimée à l'expé-
dition du Kamtchatka. Ses opérations sur les côtes d'Italie
(4859) et de Syrie (4866-64) lui valurent le grade de
contre-amiral (24 déc. 4861). Préfet maritime de Cher-
bourg (4862), vice-amiral hors cadre (4865), il agrandit
de trois provinces en 4867 les possessions françaises de
Cochinchine dont il était commandant en chef.
LAG RANGE. Com. du dép. des Landes, arr. de Mont-
de-Marsan, cant. de Gabarret; 524 hab.
LAGRANGE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Bagnères-de-Bigorre, cant. de Lannemezan ; 240 hab.
LAGRANGE. Com. du territoire de Belfort, cant. de
Fontaine ; 68 hab.
LA GRANGE (Claude de), historien calviniste de la fin
du xvi« siècle. Citons de lui : Lib. III de secundo bello
civili (Montauban, 4569, in-8) ; Comment, de bello
melitensi a Solymanno gesto (4582, in-4) ; Discours
du siège de Villemur et Défaite et mort du maréchal
de Joyeuse (dans Mémoires de la Ligue),
LA GRANGE (Charles Varlet, sieur de), comédien
français, né vraisemblablement en 4639, mort à Paris le
4^'" mars 4692. Il fut l'ami, le confident et en quelque sorte
l'homme de confiance de Molière, qui avait bien placé sa
confiance. Resté orphelin de bonne heure, dépouillé, ainsi
que son frère et sa sœur, de son patrimoine par un tuteur
peu scrupuleux, Charles Varlet prit fort jeune le parti du
théâtre, où il adopta le nom de La Grange, qui était celui
de sa mère. Il commença par s'engager dans quelques
troupes de campagne, comme on disait alors, et c'est ainsi
qu'il connut Molière en province. Il vint à Paris avec lui,
lorsque le grand homme s'installa au Petit-Bourbon, débuta
sur ce théâtre en avr. 4659, et suivit naturellement la
troupe lorsqu'elle s'établit solidement au Palais-Royal.
Doué d'un physique agréable et distingué, de taille suffi-
sante sans être très élevée, La Grange réunissait toutes
les qualités d'un excellent comédien dans l'emploi des
amoureux, qu'il joua jusque dans un âge assez avancé. Mo-
lière avait pour son talent autant d'estime que pour sa
personne, et ce qui le prouve, c'est qu'il lui confia des rôles,
et fort importants, dans vingt-neuf de ses ouvrages. C'est
ainsi, entre autres, que La Grange établit ceux de Lélie
dans rEtourdi et dans Sganarelle, de Valère dans l'Ecole
des maris et Tartufe, d'Horace dans l'Ecole des femmes,
de don Juan dans Don Juan, d'Adraste dans le Sicilien,
de Cléante dans f Avare et dans le Malade imaginaire,
de Clitandre dans George Dandin et dans les Femmes sa-
vantes, d'Amphitryon dans Amphitryon, de Léandredans
les Fourberies de Scapin.
La Grange avait la parole facile et élégante. Aussi Mo-
lière, six ans avant sa mort, se déchargea-t-il sur lui des
fonctions d'orateur de la troupe, ces fonctions qui consis-
taient à venir faire chaque soir au public l'annonce du
prochain spectacle et à prononcer, lors de la fermeture et
de la réouverture de Pâques, les compliments de clôture et
de rentrée. A la mort de Molière, et quand sa troupe fut
réunie à celle de la rue Guénégaud, La Grange cessa de
jouer dans la tragédie, et s'en tint uniquement'^à ses rôles
de comédie; il fut conservé aussi lors de la réunion de
cette dernière avec celle de l'Hôtel de Bourgogne, en 4680,
et l'on savait qu'il s'acquittait si bien de la tâche d'ora-
teur, qu'on le pria alors de remplacer Hauteroche en cette
qualité. C'est à La Grange qu'on doit les renseignements les
plus détaillés et les plus précis sur la troupe de Molière,
grâce au « registre » quotidien qu'il tenait avec le soin le
plus scrupuleux. Spectacles de chaque jour, recettes quo-
tidiennes, frais et dépenses ordinaires ou extraordinaires,
LA GRANGE
766
menus faits de tout genre, on trouve tout dans ce registre
précieux, à partir de l'établissement définitif de Molière
à Paris jusqu'en 1685. Ce document inappréciable pour
l'histoire de Molière lui-même et de notre théâtre, a été
publié, précédé d'une excellente notice d'Edouard Thierry,
sous ce titre : « Registre de La Grange (1658-85), pré-
cédé d'une notice biographique. Pubhé par les soins de la
Comédie-Française, janv. 4876 (Paris, impr. J. Claye,
in~4). » C'est aux soins de La Grange aussi et de Vinot,
autre ami de Molière, qu'on doit la première édition col-
lective des œuvres du grand homme (1682), édition com-
prenant sept pièces qui n'avaient encore jamais été impri-
mées et dont la préface contenait sur lui des détails
particulièrement intéressants. — La Grange avait eu, de
son mariage avec Marie Ragueneau, une fille unique qu'il
adorait, et qu'il eut la douleur d'unir à un homme qui la
rendait malheureuse. Arthur Pougin.
LA GRANGE (Marie Ragueneau, dame), actrice fran-
çaise, morte le 2 ou le 3 févr. 1727, femme du précédent.
Elle avait été, dit-on, sous le nom de Marotte, femme de
chambre de l'adorable M^^^ de Brie, l'amie et la confidente
de Molière. ,Elle entra dans la troupe du grand homme
pour jouer les duègnes et les caractères, passa, à sa mort,
dans celle de la rue Guénégaud, fut conservée lors de la
réunion de cette dernière à celle de l'Hôtel de Bourgogne,
et prit sa retraite en 1692 avec la pension ordinaire de
1,000 livres. M"^® La Grange ne jouait point dans la tra-
gédie. Elle était fort laide d'ailleurs, et son physique ne la
faisait supporter que dans la comédie et dans les rôles ri-
dicules. Elle établit d'original ceux de M*^® Patin dans le
Chevalier à la mode y de Dorimène dans le Triomphe
des dames, et de Céphise dans la Coquette, de Baron.
LA GRANGE (Rivet de) (V. Rivet de Lagrânge).
LAGRANGE (Joseph- Louis), illustre mathématicien
français, né à Turin le 25 janv. 1726, mort à Paris le
10 avr. 1813. Sa famille était d'origine française ; son
père, trésorier des guerres du roi de Sardaigne, lui fit
faire ses études au collège de Turin où son aptitude pour
les mathématiques ne se révéla que lorsqu'il avait seize
ans. Mais, deux ans après, il était déjà un maître, obtenait
la place de professeur à l'Ecole d'artillerie de Turin, tandis
qu'il entrait en correspondance avec Fagnano et Euler et
inventait le calcul des variations. Il fondait bientôt la
société savante qui devint, en 1784, l'Académie royale de
Turin et dont, grâce à lui, les Mémoires, à partir de i 759
(à'sihordMiscellanea Taurinensia), eurent im succès pro-
digieux. En 1764, il remportait le prix proposé par l'Aca-
démie des sciences de Paris sur la libration de la lune ;
dans ce Mémoire il développa le principe des vitesses vir-
tuelles dont il devait faire la base de sa Mécanique
analytique (1788). En 1766, il obtint le même succès
sur la question proposée d'une théorie des satellites de
Jupiter. Le 6 nov. de la même année, il accepta de rem-
placer Euler comme directeur de l'Académie de Berlin,
dont il était membre depuis 1759. Il occupa cette place
pendant vingt ans, puis, sur des offres honorables du
gouvernement de Louis XYI, vint se fixer en France avec
le titre de pensionnaire vétéran de l'Académie et un loge-
ment au Louvre. Après avoir publié sa Mécanique,
œuvre capitale à laquelle il avait travaillé depuis son ar-
rivée à Berlin, il perdit pendant quelque temps, par un
phénomène singuher, le goût des mathématiques, et occupa
ses loisirs de questions philosophiques ou scientifiques
d'ordre général. Pendant la Révolution, il s'attacha à
l'établissement du système décimal et présida la commis-
sion chargée de cette réforme. Lors de la suppression
des académies, il fut nommé administrateur de la Monnaie
et membre du bureau de consultation chargé de récom-
penser les inventions utiles. Pendant la Terreur, il vécut
dans la retraite (il venait d'épouser en secondes noces la
fille de l'astronome Lemonnier), fut un moment menacé
par un décret frappant les étrangers d'expulsion, mais
excepté nommément sur les démarches de Guyton-Mor-
veau. A la création de l'Ecole polytechnique, il y fut
appelé comme professeur et reprit à cette occasion toute
son ardeur pour la science. C'est de ces leçons que sortit
la Théorie des fonctions analytiques (1797), le second
de ses grands ouvrages, puis ses Leçons sur le calcul
des fonctions (1806) et son Traité de la résolution des
équations numériques (1806). Sous l'Empire, il fut
comblé d'honneurs, créé comte et sénateur et mourut en
travaillant à la seconde édition de la Mécanique, Ses
OEuvres complètes ont été réunies en 14 vol. in-4 (1867-
92). Lagrânge fut le dernier et le plus illustre représen-
tant de la brillante pléiade de mathématiciens qui, après
les premiers Bernoulli, développèrent les inventions de
Newton et de Leibniz. Il couronne ces inventions par celle
de l'algorithme des variations ; le progrès s'arrête là ; le
tuf est atteint, et, pour employer l'expression de Lagrânge
lui-même, il faut chercher de nouveaux filons ; ce sera
l'œuvre de Gauss et des autres rénovateurs de la mathéma-
tique du xix^ siècle. Lagrânge se distingue, d'autre part,
de ces précurseurs comme de ses successeurs, par une puis-
sance systématique dont on chercherait vainement un autre
exemple ; seuls, Apollonius de Perge et Descartes auraient
pu lui être comparés, le premier s'il avait possédé un
algorithme analogue, le second s'il s'était consacré aux
mathématiques au lieu de faire de la philosophie. La Méca-
nique analytique restera pendant longtemps un modèle
unique, pour qui veut apprendre à déduire d'un seul prin-
cipe une théorie des plus complexes, et si, pour des raisons
didactiques, le mode d'exposition de Lagrânge a été aban-
donné, son œuvre n'en garde pas moins une valeur incom-
parable. Dans sa théorie des fonctions analytiques, Lagrânge
a déployé une égale puissance, mais son point de départ
manque d'une généralité suffisante, par suite du défaut de
rigueur, commun de son temps, dans les conceptions des
séries, et de cette circonstance que les propriétés des inté-
grales, non exprimables sous formes finies, n'avaient pas
encore été assez étudiées. Ce point de départ, la possibilité
à priori de développer une fonction quelconque en séries de
certaines formes, a donc dû être abandonné et l'œuvre de
Lagrânge reprise à nouveau par Cauchy et ses successeurs.
Il reste cependant toujours un guide et un exemple. T.
LA GRANGE (François-Joseph Le Lièvre, marquis de
FouRiLLES et de), général français, né le 27 mai 1726, mort
le 28 avr. 1808. Aide de camp du maréchal de Saxe à Fon-
tenoy, il servit ensuite avec distinction pendant la guerre de
Sept ans et devint lieutenant général en 1784. Il ne joua
aucun rôle politique ni militaire à partir de la Révolution.
LAGRANGE (N... de), traducteur français, né à Paris
en 1738, mort à Paris le 18 oct. 1775. Il est connu sur-
tout par ses relations avec d'Holbach (dont il instruisit les
enfants) et avec les encyclopédistes, principalement Diderot.
Sa traduction de Lucrèce (Paris, 1768, 2 vol. in-8, plus,
éd.) fut célèbre; celle aussi de Sénèque (1778-79, 7 vol.
in-12, plus. éd.). Diderot et Naigeon y collaborèrent.
LAGRANGE (Joseph), général français, né à Sempes-
serre (Gers) le 10 janv. 1763, mort à Paris le 16 janv.
1836. Après avoir conquis en Itahe, sous Bonaparte, le
grade de général de brigade, il gagna en Egypte celui de
général de division (23 sept. 1800), commanda le corps de
débarquement que l'amiral de Missiessy conduisit en 1805
aux Antilles anglaises, fut, pendant la campagne de Prusse,
chargé d'occuper la Hesse (1806-1807), puis, envoyé en
Espagne, contribua à la victoire de Tudela (1808). Plus
tard, il fit la campagne de Russie sous Victor (1812), celle
de Saxe sous Marmont, se rallia aux Bourbons, fut envoyé
à la Chambre des députés par le dép. du Gers en sept.
1817, accepta la royauté de Juillet et fut appelé en 1831
par Louis-Philippe à la Chambre des pairs. A. Debidour.
LA GRANGE (Adélaïde-Biaise-François Le Lièvre, mar-
quis de FouRiLLEs et de), général français, né à Paris le
21 déc. 1766, mort le 2 juil. 1833, fils de François-Jo-
seph de La Grange (V. ci-dessus). Colonel de cavalerie à
Valmy (1792), il se distingua plus tard dans les campagnes
- 767 -
LA GRANGE
d'Autriche(l805),dePrusse(i806-7)etd'Espagne(1808).
Nommé général de division après la bataille d'Essling, où il
avait eu un bras emporté (mai 1809), il fit plus tard la
campagne de Russie et reçut en 1813 le commandement
d'un régiment des gardes d'honneur. Mis par Louis XVlïl
à la tête d'une des compagnies de mousquetaires de la garde
royale (1814), il refusa de servir Napoléon pendant les
Cent-Jours et fut appelé le 7 sept. 1815 au gouvernement
delà 20® division militaire, qu'il ne quitta qu'en 1830.
LA GRANGE (Ange-François Le Lièvre de), officier
français, frère du précédent, né en 1778, mort en 1816.
Après avoir conquis dans les armées d'Italie et d'Alle-
magne le grade de chef d'escadrons, il fut quelque temps
attaché militaire à l'ambassade de France à Vienne. Blessé
à Wagram, il fit plus tard comme lieutenant-colonel la
campagne de Russie et en revint si malade qu'il ne fit plus
que languir jusqu'à sa mort.
LA GRANGE (Auguste-François Joseph Le Lièvre de),
officier français, frère des précédents, né le 21 mai 1780,
mort en 18'io. Aide de camp de Murât, qu'il suivit en
Espagne (1808), il fut fait prisonnier, s'évada des pontons
anglais et prit part, comme colonel de chasseurs à cheval,
aux campagnes de Russie et d'Allemagne (1812-13).
LA GRANGE (Charles-Louis-Armand Le Lièvre, mar-
quis de), général français, frère des précédents, né à Paris
le 22 mars 1783, mort à Paris le 31 juil. 1864. D'abord
officier d'ordonnance de Sébastiani, qu'il suivit dans plu-
sieurs missions en Orient, il devint en 1805 aide de camp
de Berthier, fut nommé général de brigade le 26 janv.
1812 et servit avec éclat dans les campagnes de Russie
(1812), de Saxe (1813) et de Franco (1814). Promu lieu-
tenant général par Louis XVllI (4 juin 1814), il servit
Napoléon pendant les Cent-Jours, fut tenu à l'écart pen-
dant la seconde Restauration, mais devint, sous la monar-
chie de Juillet, pair de France (1832) et inspecteur
général de cavalerie. La révolution de Février le fit rentrer
dans la retraite dont Napoléon 111 le releva comme homme
politique en l'appelant au Sénat (1859). A. Debidour.
LA GRANGE (Adélaïde-Edouard Le Lièvre, marquis de
FouRiLLES et de), homme politique et littérateur français,
né à Paris le 17 déc 1796, mort à Paris le 17 janv.
1876. Fils du général Adélaïde-Biaise-François de La
Grange (V.^ ci-dessus), il entra d'abord dans l'armée, de-
vint capitaine, passa en 1821 dans la diplomatie, où il
occupa des postes importants (à xMadrid, Karlsruhe,
Vienne et La Haye), rentra dans la vie privée en 1830,
se fit envoyer en 1837 à la Chambre des députés par les
électeurs de Blaye, qui lui demeurèrent fidèles en 1839,
1842 et 1846, combattit les ministères Mole (1837-39),
Soult (1839-40) et Thiers (1840), mais s'attacha au ca-
binet Soult-Guizot (1840-48) et prit une part impor-
tante aux discussions sur les finances et les travaux pu-
blics. Sous la seconde République, il alla représenter
le dép. de la Gironde à l'Assemblée législative (1849),
où il s'associa à la politique de l'Elysée, fut appelé au
Sénat dès le 26 janv. 1852 et ne rentra dans la vie
privée qu'à la chute de l'Empire (1870). Parmi ses publi-
cations littéraires, qui lui avaient valu d'être admis en
1846 à l'Académie des inscriptions et belles-lettres, nous
citerons : Pensées extraites de Jean - Paul Riehter
(1836) ; Mémoires du raaréchal duc de la Force et de
ses deux fils (1843); De la Noblesse considérée comme
une institution impériale (1857); Nouvelles Lettres
de M^« Swetchine (1875), etc.
LAG RANGE (Charles), homme politique français, né à
Paris le 28 févr. 1804, mort à La Haye (Pays-Bas) le
22 déc. 1857. Après avoir servi plusieurs années dans la
marine, il se tourna en 1829 vers le commerce, mais ne
tarda pas à se jeter dans la politique mihtante, prit part à
la révolution de Juillet, et fut sous Louis-Philippe un des
chefs les plus hardis des sociétés républicaines. Sa coopé-
ration à l'insurrection de Lyon (avr. 1834) Tamena comme
accusé devant la cour des pairs (1835), où il fut condamné
à vingt ans de détention. Amnistié en 1839, il n'abandonna
pas sa cause. Au 24 févr. 1848, il s'empara de l'Hôtel de
Ville. Mis quelque temps après à l'écart par le gouverne-
ment provisoire, il fut, le 4 juin suivant, envoyé par le
dép. de la Seine à l'Assemblée constituante. Réélu à l'As-
semblée législative en 1849, il s'associa constamment à la
politique de la Montagne, fut arrêté le 2 déc. 1851, banni
peu après, et se retira en Belgique, puis dans les Pays-Bas,
où il mourut toujours fidèle à son parti. A. Debidour.
LAG RANGE (Joseph- Barthélémy-Frédéric, comte de),
homme politique français, fils du général Joseph Lagrange
(V. plus haut), né à Dangu (Eure) le 21 juin 1815, mort
à Paris le 21 nov. 1883. Envoyé à l'Assemblée législative
le 8 juil. 1849 par le dép. du Gers, il s'associa à la poli-
tique de l'Elysée et fut, après le coup d'Etat, candidat
officiel dans la deuxième circonscription du Gers, qu'il
représenta au Corps législatif de 1852 à 1870. il eut sous
l'Empire une certaine notoriété, qu'il dut surtout à sa
grande fortune et à ses succès hippiques. Nommé sénateur
le 27 juil. 1870, il fut rejeté par la révolution du 4 sept,
dans la vie privée, d'où il essaya plus tard, mais vaine-
ment, de sortir. A. Debidour.
LAGRANGE (François), prélat français, né à Dun-le-
Roi le 15 mars 1827. Elève du séminaire de Saint-Sul-
pice, professeur de philosophie au collège d'Auteuil, il fut
chanoine de la cathédrale d'Orléans, puis de Notre-Dame
de Paris et fut nommé évêque de Chartres le 30 nov.
1889. 11 a beaucoup écrit. Citons : Notice sur Bridaine
(Paris, 1851, in-12); Saint Jérôme et les Dames ro-
maines au IV® siècle (1866, in-8); Vie de Mgr Dupan-
loup (1883-84, 3 vol. in-8, plus. éd.).
LAGRANGE (Léon-Marius), critique d'art français, né
à Marseille le 6 mai 1828, mort à Nicole 14 janv. 1868.
Citons de lui : les Yernet (Paris, 1863, in-8); Pierre
Puget (1868, in-8).
LAGRANGH-Chancel (François-Joseph Châncel, connu
sous le nom de), littérateur français, né à Périgueux le
l^^'janv. 1677, mort au château d'Antoniat (Dordogne)
le 29 déc. 1758. Elève du collège des jésuites de sa ville
natale, il montra de précoces dispositions poétiques et sa-
tiriques, et vint dès l'âge de quatorze ans à Paris où la
princesse de Conti, émerveillée de ses dons d'improvisa-
tion, l'admit au nombre de ses pages et obtint que l'on
représentât une tragédie du petit prodige, d'abord intitu-
lée Jagurtha et jouée sous le titre d'Adherbal (8 janv.
1 694). L'auteur se vit à dix-sept ans recherché par la cour
et pourvu d'une lieutenance, d'abord dans le régiment du
roi, puis aux mousquetaires qu'il échangea contre un bre-
vet de maître d'hôtel de la duchesse d'Orléans (princesse
palatine), mère du régent; mais ses autres tragédies :
Oreste et Pylade (1697); ilM^'a^r^ (1699); Athénaïs
(1699); Amasie (1701); Alceste (1703); Ino et Méli-
certe (1709), etc., ainsi que divers poèmes d'opéras, lie/-
dus, roi des Mèdes (1702), Cassandre (1706), mus. de
Bouvard, etc., ne l'auraient pas défendu contre l'oubli s'il
n'avait pas écrit ses célèbres Philippiques. On désigne
sous ce titre cinq odes répandues d abord en copies, puis
imprimées furtivement, et qui renferment contre le régent,
ses filles et ses favoris les plus odieuses imputations.
Lagrange-Chancel, emprisonné aux îles Sainte-Marguerite
d'où il s'évada deux ans plus tard, put gagner la Sar-
daigne, passa en Espagne et de là en Hollande et obtint
l'autorisation de rentrer à Paris quinze mois après la mort
du régent. De 1729 à 1758, il vécut tantôt à Paris, tantôt
en Périgord, rimant toujours et plus volontiers contre ses
confrères. Sa vieillesse fut attristée par la mort d'un de
ses fils tué à la bataille de Dettingen et par un long procès
contre un autre de ses enfants où les deux adversaires
échangèrent des factums en vers jusqu'au jour d'une tardive
réconciliation. Les OEuvres do Lagrange-Chancel, compre-
nant son théâtre et diverses poésies, ont été réunies plusieurs
fois, notamment par lui-même (1758, 5 vol. in-12); la
tragédie de Jugurtka y est précédée d'une curieuse auto-
LA GRANGE — LAGRENEE — 768 —
biographie. Quant aux Philippiques, elles ont été maintes
fois réimprimées. L'édition la plus complète est celle qu'en
a donnée M. de Lescure (1838, in-12), mais il n'en existe
pas encore de satisfaisante. Une sixième Philippique a été
éditée par M. Diancourfc (Reims, 4886, in-8). Jules Deipii
a publié ànssi des Poésies inédites (1878, in-8, portr.)
du même écrivain. Maurice Tourneux.
BiBL. : Saint-Simon, Mémoiî'es. — Mathieu Marais, Jou?'-
nal (cd. de Lescure). — Voltaire, Œuvres. — Lescure, La-
BESSADE, Delpit, Notïces en lôte de leurs éditions.
LA GRANGE d'Arquien (François de), seigneur de Mon-
tigny, né en 4554, mort le 9 sept. 4617. Il gagna de
bonne heure la faveur de Henri III, qui lui donna successi-
vement les charges de gentilhomme ordinaire de sa chambre,
de capitaine des cent gentilshommes de sa maison, et de
premier maître d'hôtel. Il ne le laissa guère s'éloigner
d'auprès de sa personne que pour suivre le duc de Joyeuse
dans l'expédition au S. de la Loire qui se termina par la
défaite de Coutras (1587) ; il y fut fait prisonnier, mais le
roi de Navarre le renvoya sans rançon avec sa cornette. Il
était près de Henri III, lorsqu'il fut assassiné, et fut des
premiers à reconnaître son légitime successeur. Les sièges
d'Aubigny (1591) et de Rouen (1592), les combats d'Au-
male (1592) et de Fontaine-Française (4595) lui four-
nirent l'occasion de se mettre hors de pair. Il reçut, en
1595, le cordon du Saint-Esprit, commanda la cavalerie
légère au siège d'Amiens en 4593, fut fait gouverneur de
Paris et de Metz en 1603, maréchal de camp en 1615 et
maréchal de France en 1616. L. M.
LAG RANGE d'Arquien (Henri de), prélat français, né à
Calais en 4643, mort à Rome le 24 mai 1707. Capitaine
des gardes suisses, il rejoignit en Pologne (1674) sa fille,
Marie-Casimir e^ qui, veuve en premières noces de Jacob de
Radziwill, avait épousé Jean Sobieski, et était devenue reine de
Pologne. Grâce à son influence, il fut créé cardinal en 1695.
LAGRASSE. Ch. -l.de cant. du dép. de l'Aude, arr. de
Carcassonne; 1,125 hab.
LA GRASSERIE (Guérin de) (V. Grasserie).
LAGRAULAS. Com. du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. d'Eauze ; 425 hab.
LAGRAULET. Com. du dép. de la Haute- Garonne, arr.
de Toulouse, cant. de Cadours ; 356 hab.
LAGRAULET. Com. du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. de Montréal; 863 hab.
LAGRAULIÈRE. Com. du dép. de la Corrèze, arr. de
Tulle, cant. de Seilhac; 2,021 hab.
LAG RAVE. Com. du dép. du Tarn, arr. et cant. de Gail-
lac; 622 hab.
LAG RAVE (M"^® de), femme auteur française du com-
mencement du xix*" siècle. Elle a écrit une infinité de ro-
mans qui ont eu du succès sous le Directoire. Citons seu-
lement : Sophie de Beaur égard ou le Véritable Amour
(Paris, 4798, 2 vol. in~42); M. Ménard ou r Homme
comme il y en apeu (4802, 3 vol. in-12); Hector de Roma-
gny ou l'Erreur d'une bonne mère (1803, 2 voL in-12).
LA GRAVI ÈRE (Jurien de) (V. Jurien).
LAG RÉ E (Doudart de) (V. Doudart de Lagrée).
LAGREMUSE. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. et
cant. de Digne ; 296 hab.
LAG RENÉ (Marie-Melchior-Joseph-Théodore de), di-
plomate français, né à Amiens le 44 mars 4800, mort à
Paris le 26 avr. 4862. Entré de bonne heure dans la di-
plomatie, il fut nommé ministre résident à Darmstadt
(4834), puis à Athènes (4835) et en 4843 se rendit en
Chine où, comme ministre plénipotentiaire, il alla négocier
le traité de Whampoa (24 oct. 4844). A son retour (4846),
Louis-Philippe l'éleva à la pairie (24 juil. 1846). Rejeté
dans la vie privée par la révolution de Février, ce diplo-
mate fut envoyé par le dép. de la Somme (4849) à l'As-
semblée législative, où il combattit avec la droite la politique
de l'Elysée. Arrêté le 2 déc. 4851 à la mairie du X^ ar-
rondissement, il ne joua plus dès lors aucun rôle politique.
LAG RENE (Henri-Melchior de), né à Beau vais le 43 juin
1826, mort à Paris en 4892. Ingénieur français, ins-
pecteur général des ponts et chaussées, il s'est fait un nom
par son active coopération aux services de la navigation
de la Marne et de la Seine. Les grands travaux récem-
ment exécutés entre Paris et Rouen l'ont été princi-
palement sous sa direction. Lagrené a été le modèle des
serviteurs du pays ; toute sa vie était consacrée aux tra-
vaux qui lui étaient confiés. Quand il avait un peu de
loisir, Lagrené rédigeait pour les Annales des ponts et
chaussées des articles sur les innovations auxquelles il
avait contribué; voici les titres des principaux : Décin-
trement (4852); Moisage des pieux (1864) ; Barrages
à hausses mobiles (4864) ; Tractiondes bateaux (4862);
Arche d'essai des carrières de Souppes ( 1 868) ; Bateaux-
omnibus de Paris (4869); Barrages à fermettes mo-
biles (4872) ; Poussée des terres (1884) ; Ouvriers des
grands chantiers (4883). Lagrené a publié aussi un
grand ouvrage sous le titre de Cours de navigation inté-
rieure (Paris, 1869, 3 vol. in-4 et 3 atlas de même for-
mat) ; mais c'est un cours qu'il n'a pas professé. — Lagrené
était ingénieur en chef de la navigation de la Seine entre
Paris et Rouen pendant l'exécution des barrages des sys-
tèmes Caméré, mais la conception de ces ouvrages appartient
à celui qui était alors son subordonné. M.-C. L.
LAGRENEE (Louis-Jean-François), peintre français, dit
rAiné, né à Paris le 30 déc. 4724, mort à Paris le
47 juin 1805. Il entra dans l'atelier de Carie Van Loo,
et alla à Rome, après avoir remporté le prix avec ce
sujet, Joseph expliquant les songes. En 4753, il fut
agréé à l'Académie de peinture ; son morceau de récep-
tion, VEnlèvement deDéjanire, se trouve aujourd'hui au
musée du Louvre. Lagrenée se fit connaître par un grand
nombre de tableaux mythologiques, allégoriques et histo-
riques, où il se montrait un dessinateur habile, un coloriste
assez froid, un élève peu personnel de Van Loo et de Bou-
cher. Il fut appelé, en 1760, en Russie par l'impératrice
Catherine II, et reçut le titre de directeur de l'Académie
de Saint-Pétersbourg. Il peignit plusieurs portraits, entre
autres celui à'Elisabeth; il exécuta pour la chapelle du
palais impérial un tableau représentant six apôtres en
méditation, et la Sainte Vierge. Revenu en France en
1763, il reprit sa place à l'Académie de peinture de Paris,
et fut nommé directeur de l'Ecole de Rome. A partir de
cette époque, il suivit de très près le mouvement classique
tenté par Vien. Ses peintures représentaient un genre assez
fade, une sorte de maniérisme académique. La Révolution
lui enleva une pension qui lui avait été accordée; quand il
mourut, il était professeur à l'Ecole spéciale de dessin et
conservateur du musée. Ant. Valabrègue.
BiBL. : Œuvres complètes de Diderot, publiées par
AssEZAT et Maurice Tourneux. — Dussieux, les Artistes
français à l'étranger. — Ch. Blanc, Histoire des Peintres
de toutes les écoles.
LAGRENEE (Jean-Jacques), dît le Jeune, peintre fran-
çais, né à Paris en 1740, mort à Paris le 13 févr. 1821.
Frère du précédent, dont il imita le genre et la manière, et
qu'il accompagna à Saint-Pétersbourg, il alla à Rome, à
son retour de Russie, et y exécuta une suite d'eaux-fortes
sur des motifs d'ornements antiques. En 1773, il se fit ad-
mettre à l'Académie de peinture; il avait traité, comme
morceau de réception, un plafond, l'Hiver, qu'on peut
voir aujourd'hui au Louvre, dans la galerie d'Apollon.
Il fut attaché à la manufacture de Sèvres, et, poursuivant
l'imitation des arts de l'antiquité, il exerça une certaine
influence sur les produits de notre grand établissement de
céramique. Ses travaux de peinture sur verre et sur émail
furent fort appréciés des contemporains. Il avait inventé
un procédé pour peindre en incrustations sur le marbre.
Il participa aux créations du style Empire, et l'on cite,
parmi ses principaux ouvrages, une table de marbre blanc,
repTésentanlNapoléo?! couronné par la Victoire.
LAGRENÉE (Anthelme-François), peintre français, né à
Paris en 1775, mort à Paris en 1832, fils de Lagrenée
l'Aîné. Il s'est aussi adonné à la peinture et fut éfève de
Vincent ; détourné de sa vocation d'artiste par les guerres
de la Révolution, il reprit le pinceau lorsqu'il put quitter
le service. Il alla, lui aussi, peindre des portraits en Russie.
Revenu en France, il devint plus spécialement miniaturiste
et exécuta des imitations de camées.
LAGRÈZE (Bascle de) (V. Bascle de Lagrèze).
LAGRIE (Entom.). Genre d'Insectes Coléoptères Hété-
romères, type d'une petite famille dite des Lagriidés, fondé
par Fabricius et ainsi caractérisé : corselet étroit, élytres
larges, palpes maxillaires à dernier article sécuriforme. Les
Lagries sont de taille moyenne et de couleurs peu bril-
lantes ; elles vivent sur les arbustes, les haies en fleur ;
leurs larves se développent dans le vieux bois ou les feuilles
en détritus. On connaît environ soixante espèces de Lagries
répandues dans l'ancien monde ; l'Europe en possède qua-
torze : Lagrie hérissée (Lagria hirta L.), long. 7 à 9 mil-
liffi., noire avec les élytres fauves couvertes d'un duvet
hérissé ; Lagria glabrata Oliv., presque semblable, avec
les élytres sans poils, communes partout au printemps.
LA'GRIVE (Le p. Jean de), graveur-topographe français,
né à Sedan en 4689, mort à Paris le 18 avr. 4757. Prêtre
lazariste, il alla professer la philosophie au collège de sa
congrégation à Cracovie, revint à Paris en 4744 et se voua
exclusivement à la gravure topographique. Son Plan de
Paris (1729, souvent réédité), celui de Versailles, celui
des Environs de Paris, etc., lui valurent les fonctions de
géographe de la ville de Paris. Il se consacra ensuite à un
plan détaillé des quartiers de la capitale, dont il ne publia
que la Cité (4754), mais son élève Huguin édita en 4757
le Quartier de Sainte- Geneviève et les lies Saint-Louis
et Louviers, On lui doit aussi un Manuel de trigonomé-
trie (4754, 4805), etc. G. P-i.
LAGRUA (W^^ Emmy), cantatrice scénique. Cette ar-
tiste, douée d'une belle voix et d'un réel sentiment drama-
tique, fut engagée à l'Opéra pour créer le rôle d'Irène dans
le Juif errant, opéra d'Halévy, dont la première représenta-
tion eut lieu le 23 avr. 4852. Elle débuta en effet dans cet
ouvrage, et non sans succès. Pourtant elle ne resta pas à
l'Opéra, et, dès l'année suivante, elle partait pour le Brésil et
obtenait de grands succès à Rio de Janeiro, d'où elle allait
ensuite à Buenos Aires. Elle poursuivit sa carrière à l'étran-
ger et ne reparut à Paris que vers 4866, au Théâtre-Italien ;
ses rares qualités dramatiques, la véhémence de ses accents
faisaient merveille, surtout dans les opéras de Verdi.
LAGRUÈRE. Corn, du dép. du Lot-et-Gaiomie, arr. de
Marmande, cant. du Mas-d'Agenais ; 728 hab.
LAGTING. Nom donné à l'ancienne assemblée législative
populaire en Norvège. Actuellement, c'est l'une des divi-
sions du Storting norvégien (V. Norvège et Constitution).
LAGUENNE. Com. du dép. de la Corrèze, arr. et cant.
de Tulle;, 4, 456 hab.
LAGUÉPIE. Com. du dép. du Tarn-et-Garonne, arr. de
Montauban, cant. de Saint-Antonin ; 4,350 hab. Stat. du
ch. de fer d'Orléans, ligne de Paris à Montauban. Fila-
tures de laine.
LA GUÊPIÈRE ou LA GUESPIÈRE. Famille d'archi-
tectes français du xviii® siècle. — Jacques, le plus ancienne-
ment connu, fut admis à l'Académie royale d'architecture
en 4720 et mourut en 1744. — Philippe, probablement
fils du précédent, fut nommé architecte et directeur géné-
ral des bâtiments du duc Charles-Eugène de Wurttemberg,
pour lequel il projeta et fit construire plusieurs édifices à
Stuttgart dont il donna des monographies en deux recueils
différents : Plans, coupes et élévations de différents
palais et églises (Paris, 4750, in-fol.); Recueil d'es-
quisses d'architecture (Paris, 4765, in-foL). On doit aussi
à Philippe de La Guêpière l'hôtel de ville de Montbéliard,
la décoration intérieure de l'ancienne bibliothèque Sainte-
Geneviève, le pavillon de la ménagerie du château de
Sceaux, etc. — Un frère de Philippe, Jacques-Benjamin,
était architecte à Paris en 4775. Charles Lucas.
LA GUÉRONNIÈRE (Alfred Dubreuil-Hélion, comte
de), publiciste français, né à Villemartin (Haute-Vienne)
grande encyclopédie. — XXI.
— 769 — LAGRENEE ~ LA GUERRE
en 4840, mort à Thenon (Dordogne)le 47 juil.4884. Fils
aîné du comte de La Guéronnière, député ultra-royaliste
sous la Restauration, il fonda sous Louis-Philippe un
journal d'opposition royaliste, l'Avenir national, resta
jusque vers la fin de sa vie fidèle aux traditions légitimistes
(le sa famille et, njalgré l'exemple de son frère (V. ci-
dessous), refusa constamment de se rallier à l'JEmpire. Mais
après 4870, sans renier son passé, il se rapprocha sensi-
blement de la République. Parmi ses nombreux ouvrages,
nous citerons : Vues politiques et historiques (4840);
Hommes d'Etat de l'Angleterre (i 853) ; la Prusse et
V Europe (4867); la France et l'Europe (4867); l'Es-
prit du temps et l'Avenir (4868); la Crise (4869);
l'Enquête parlementaire (4 869) ; la Politique natio-
nale (4869); l'Homme de Metz (4870); la Prusse de-
vant l'Europe (4870); l'Age de fer (4874); la Catas-
trophe de la France (4874); l'Internationale et la
guerre civile en France (4871) ; /a Rançon de l'homme
de Sedan (4874); la Guerre de i 870-71 (4874);
l'Homme de Sedan devant l'histoire (1872) ; M. Thiers^
président, de la République française (4876); rEtat
sans Dieu (1883). A. Debidour.
LA GUÉRONNIÈRE (Louis-Etienne-Arlhur Dubreuil-
Hélion, vicomte de), publiciste et homme politique fran-
çais, né au Dorât (Haute -Vienne) le 6 avr. 4846, mort
à Paris le 23 déc. 1875, frère du précédent. Après avoir
collaboré à V Avenir national (fondé par son frère aîné),
il s'attacha étroitement à Lamartine, devint avec lui répu-
blicain, fut sous sa direction, après la révolution de
Février, un des principaux rédacteurs du Bien public,
dirigea le Pays sous son patronage, mais se fit désavouer
pour ses avances trop significatives au prince Louis-Napo-
léon (4854). Peu après le coup d'Etat, il se rallia ouver-
tement au régime de Décembre, fut élu, comme candidat
ofiiciel, député du Cantal au Corps législatif (29 févr.
4852), fut nommé en 4854 conseiller d'Etat, directeur
général de la librairie et de la presse au ministère de l'in-
térieur, écrivit sous l'inspiration de Napoléon III de reten-
tissantes brochures à l'époque de la révolution italienne
(4858-60), obtint en récompense (5 j ail. 4864) un siège au
Sénat, où, surtout après les élections de 4863, il prit' sou-
vent la parole, et parfois avec éclat, en faveur de ce qu'on
commençait à appeler l'Empire libéral, fut envoyé comme
ambassadeur à Bruxelles (4868), puis à Constantinople
(juin 4870) et, rejeté dans la vie privée par la révolution
du 4 septembre, revint en France, où il dirigea quelque
temps la Presse et fonda ensuite un nouveau journal, le
Salut, Parmi ses nombreuses publications, nous devons
signaler : la France, Rome et l'Italie (1854); Etudes
et portraits politiques contemporains (4856); l'Empe-
reur Napoléon lll et l'Angleterre (4858); l'Empereur
Napoléon lll et l'Italie (4859) ; le Pape et le Congrès
(4860); l'Abandon de Rome (4862); De la Politique
intérieure et extérieure de la France (4862) ; Com-
ment finira la guerre? (487i); le Droit public et
l'Europe moderne (4875, 2 vol.). A. Debidour.
LA GUERRE (Ehsabeth-Claude de), née Jacquet, clave-
ciniste et compositeur française, née à Paris vers 4667,
morte à Paris le 27 juin 4729. Elle parut dès l'âge de dix
ans à la cour comme virtuose, fut pensionnée par Louis XIV
et attachée pendant quatre ans au service de M"^^ de
JVIonlespan, et épousa vers 4688 l'organiste Marin de La
Guerre. Ses compositions consistent en une pastorale jouée
à la cour en 4685, non imprimée; un livre de Pièces de
clavecin, dédié au roi (4687); Céphale et Procris, tra-
gédie lyrique en cinq actes et prologue, jouée à l'Opéra
le 15 mars 4694, premier opéra féminin représenté en
France ; un second livre de Pièces de clavecin et sonates
avec violon (4707); deux livres de Cantates françaises
tirées de l'Ecriture sainte (4708 et 4744); Sémélé,
l'Ile de Délos, le Sommeil d'Ulysse, cantates (4745);
un Te Deum et quelques trios inédits. M. Br.
BiBL. : L'Art, n" du 15 ont. 1894.
49
LAGUEME
— 770 —
LAGU ERRE (Edmond-Nicolas), mathématicien français,
né à Bar-le-Duc le 9 avr. 4834, mort à Bar-le-Duc le
44 août 4886. Il était encore lycéen lorsqu'il donna en
4853, dans les Nouvelles Annales de mathématiques y
une élégante solution d'un problème qui préoccupait alors
les géomètres : celui de la transformation des propriétés
métriques angulaires. Il entra, la même année, à l'Ecole
polytechnique, en sortit dans l'artillerie et tint successive-
ment garnison à Metz, à Mutzig, à Strasbourg, employant
les heures que lui laissait le service de sa batterie à pour-
suivre ses recherches mathématiques. En 4864, il fut
nommé répétiteur à l'Ecole polytechnique, en 4874 exa-
minateur d'admission à la même école. Le 14 mai 4885,
l'Académie des sciences de Paris l'élut membre de sa sec-
tion de géométrie en remplacement deSerret, et, peu après,
M. Bertrand lui confia la suppléance de sa chaire de phy-
sique mathématique au Collège de France. L'un des fon-
dateurs de la géométrie moderne, Edmond Laguerre, dont
la modestie égalait l'érudition, n'a publié qu'une faible
partie des résultats de ses travaux, et ses plus belles décou-
vertes sont mèïïiQ demeurées assez longtemps ignorées du
monde savant. Il s'était tout d'abord appliqué à représenter
d'une façon concrète les points imaginaires du plan et de
l'espace, avait compris, le premier, le rôle important de
l'aire du triangle sphérique dans la géométrie de la sphère
et avait étendu à toutes les courbes algébriques la théorie
des foyers. Il s'occupa ensuite de l'interprétation des
formes homogènes, imagina deux systèmes nouveaux de
coordonnées, dont l'un, appelé par lui équation mixte,
met en évidence les tangentes qu'on peut mener à la courbe
d'un point extérieur. Il signala en même temps plusieurs
propriétés nouvelles des courbes et des surfaces anallagma-
tiques, étudia les lignes géodésiques et la courbure des sur-
faces anallagmatiques, étendit aux fonctions hyperelliptiques
le théorème de Poncelet et aux surfaces du second ordre
celui de Joachimstahl et, habile analyste autant que profond
géomètre, développa dans un remarquable mémoire Sur
les Systèmes linéaires, publié en 4 867 par le Journal de
VEcole polytechnique^ tous les points essentiels de la
théorie des substitutions linéaires. Un peu plus tard, il
créa la géométrie de direction. Puis, reprenant la question
des équations algébriques et jugeant insuffisantes les mé-
thodes de Sturm et de Newton, il simplifia encore la dé-
monstration de la règle des signes de Descartes, l'appliquant
d'ailleurs aux séries infinies aussi bien qu'aux polynômes,
et il trouva qu'il était préférable de remplacer l'équation à
résoudre par une équation du deuxième degré, plutôt que
par une du premier; il donna en outre une méthode pour
séparer et calculer les racines imaginaires, approfondit la
classification en genres des équations transcendantes en-
tières et, s'aventurant plus loin qu'on ne l'avait fait avant
lui dans l'étude des fractions continues algébriques, dé-
montra que d'une série divergente on peut déduire une
fraction continue divergente. Toute cette partie de son
œuvre est la plus remarquable. Citons enfin ses applica-
tions de la méthode de Monge et du principe du dernier
multiplicateur, ses leçons du Collège de France sur l'attrac-
tion des ellipsoïdes, dans lesquelles cette théorie est présentée
sous un jour tout nouveau. Ses écrits comprennent environ
cent cinquante mémoires originaux parus dans les Nouvelles
Annales de mathématiques, dans les Comptes rendus de
V Académie des sciences de Paris, dans le Bulletin de la
Société philomatique, dans le Bulletin de la Société
mathématique, dans le Journal de Liouville, etc. Il a seu-
lement publié à part : Note sur la résolution des équa-
tions numériques (Paris, '1880, in-8) ; Théorie des équa-
tions numériques (Paris, 4884, in-4); Recherches sur
la géométrie de direction (Paris, 4885, in-8). En 4887,
l'Académie des sciences a rendu à son œuvre un hommage
posthume en lui décernant le prix Petit d'Ormoy. L. S.
BiBL. : Notice sur les travaux mathématiques de M. La-
guerre; Paris, 1875 et 1884, in-4. — Poingare, Notice sur
Laguerre; Paris, 1887, in-8. — C. r. de VAcad. des se,
1886, 2« sem., p. 424.
LAGUERRE (Georges), avocat et homme politique fran-
çais, né à Paris le 24 juin 4858. Il fît ses études au lycée
Fontanes (actuellement lycée Condorcet), suivit les cours
de l'Ecole de droit et s'inscrivit en 4879 au barreau. Secré-
taire de Louis Blanc en 4878, il se révéla bientôt comme
un avocat de premier ordre en même temps qu'il marquait
ses idées politiques en défendant brillamment divers accu-
sés dans les procès socialistes et anarchistes : on peut si-
gnaler notamment ses plaidoiries dans le procès Kropot-
kine à Lyon, l'affaire Cyvoct, et dans le procès de iVIontceau-
les-Mines en oct. -1882; en juin 4883, il plaida encore
pour Louise Michel (dans le procès qui s'ouvrit lors de la
manifestation des ouvriers sans travail, partie du Champ
de Mars et terminée par le pillage d'une boulangerie bou-
levard Saint- Germain) ; enfin, plus récemment "(4886), il
défendit avec M. Millerand devant le tribunal de Ville -
franche les instigateurs des grèves de Decazeville. Il obte-
nait en même temps de grands succès dans un autre ordre
de plaidoiries : parmi les affaires criminelles qu'il plaida
avec le plus d'éclat, il faut citer l'affaire Pel, l'affaire
Campi, le crime de Villemomble (affaire Euphrasie Mer-
cier), l'affaire des brûleurs de Loir-et-Cher, l'affaire de
Baillet, le tueur de prêtres, etc.
En 4883, M. Laguerre entra dans la vie pohtique. Il se
présenta dans l'arr. d'Apt pour succéder à M. Naquet (qui
venait d'être nommé sénateur de Vaucluse) et fut élu le
30 sept, avec 4,736 voix contre 3,479 obtenues par M, Del-
pech, républicain modéré. M. Laguerre, qui collaborait
depuis quelque temps au journal de M. Clemenceau, la
Justice, prit place à la Chambre à l'extrême gauche. Il
demanda la re vision de la constitution, la suppression du
Sénat, la séparation des Eglises et de l'Etat, l'impôt sur
le revenu, etc. ; en 4884, il soutint un projet d'amnistie
plénière pour les condamnés politiques. Le 4 oct. 4885,
il se représenta sur la liste républicaine radicale de Vau-
cluse et fut élu au scrutin de ballottage par 33,202 voix
sur 64,868 votants. Pendant cette nouvelle législature, il
fit deux fois partie de la commission du budget et com-
battit la censure (1887). Mais son rôle politique le plus
important se rattache à la part qu'il prit à l'agitation
boulangiste. En mars 4888, après la mise en non-activité
du général Boulanger pour actes d'indiscipline, M. La-
guerre organisa, avec divers députés radicaux, une pro-
testation dite « nationale » et pubha le manifeste qui
posait la candidature du général aux élections partielles
des Bouches-du-Rhône et de l'Aisne. Une scission se pro-
duisit alors dans l'extrême gauche, dont un grand nombre
de membres refusèrent de s'associer à la campagne bou-
langiste. M. Laguerre, membre du comité directeur, dé-
fendit le boulangisme avec une activité extraordinaire, fai-
sant, sur tous les points de la France, des conférences
publiques et soutenant les nombreuses candidatures du géné-
ral Boulanger; il eut, en particulier, une part prépondé-
rante à celle du dép. du Nord (avr. 4888). Peu de temps
après, au mois de juin 4888, il créait la Presse, second
journal du parti (qui avait pour organe spécial la Cocarde).
Membre très actif du comité de la Ligue des patriotes, il
fut, lors des poursuites ordonnées contre elle par M. Cons-
tans, condamné à 400 fr. d'amende (mars i8S9). Après
le départ du général pour la Belgique et la condamnation
prononcée par la Haute-Cour, M. Laguerre fut l'un des
organisateurs de la campagne électorale qui présentait des
boulangistes dans toute la France aux élections générales
du 22 sept. 4889. Lui-même se porta à Paris, où il fut élu
au premier tour par 4,209 voix contre 3,000 voix que se
partageaient le républicain radical M. Humbert et le socia-
liste M. Chauvière. Après l'échec des boulangistes aux
élections générales, il prit part encore aux élections muni-
cipales de Paris; mais, sur les 80 candidats boulangistes,
deux seulement passèrent. Convaincu, dès lors, qu'il n'y
avait plus d'avenir politique pour le boulangisme, il ne per-
sévéra pas davantage et, quelques mois avant le suicide
du général, signa, avec trois autres députés (40 mai 4894),
771 —
LàGUERRE — UGUS
une lettre adressée au journal le Temps, aux termes de
laquelle il disait renoncer au boulangisme et se rallier à
la majorité républicaine. Aux élections générales du 20 août
1893, il fut mis en ballottage au premier tour et battu au
second le 3 sept, suivant par M. Chauvière, qui obtenait
3,703 voix, tandis qu'il n'en avait que 2,917.
M. Laguerre a continué à faire de nombreuses- confé-
rences littéraires et historiques à Paris et en province ;
tous les ans il est appelé en Belgique et en Hollande par
les principaux cercles littéraires. L'une de ces conférences,
intitulée Louis XVII n'est pas mort au Temple^ affir-
mait, d'après les derniers documents historiques, que le
petit dauphin, fils de Louis XVI, s'était évadé du Temple.
A la suite de cette conférence, qui obtint un vif succès de
curiosité, M. Laguerre fit pratiquer des fouilles dans l'an-
cien cimetière de Sainte-Marguerite (juin 1894) et y re-
trouva les ossements (déjà exhumés en 1846) fausse-
ment attribués au petit dauphin parles écrivains royalistes.
Ces ossements, qui ont appartenu à un adolescent d'au
moins quatorze ans, ne peuvent se rapporter au petit roi,
qui serait mort au Temple à l'âge de dix ans. Cette con-
statation est un argument en faveur de la thèse de l'évasion.
Depuis 1893, M. Laguerre se consacre à sa profes-
sion d'avocat que les hostilités politiques l'obligent à
exercer en province. Réprimandé le 20 avr. 1886 lors du
procès de Decazeville pour la réponse violente qu'il fit à
l'attitude offensante du procureur de la République à son
égard, il fut poursuivi quelques années plus tard devant le
conseil de l'ordre ainsi que son collègue M. Habert, à la
suite d'un meeting tenu au cirque Fernando, pour offenses
envers M. Q. de Beaurepaire, procureur général; acquitté
par le conseil de l'ordre, il fut condamné en appel par la
cour de Paris à six mois de suspension (5 févr. 1890).
Enfin, au mois de janv. 1892, le conseil de l'ordre des
avocats de Paris l'a rayé de son tableau, prenant pour pré-
texte ses fonctions d'administrateur de la Presse^ fonctions
qui entraînaient des opérations commerciales incompatibles
avec la profession d'avocat. Cette peine a été confirmée par
les diverses juridictions d'appel, en dernier heu en févr.
1893. — M. Laguerre est un des plus remarquables orateurs
judiciaires et politiques de notre temps : d'une éloquence
sobre, il parle avec une mesure et un goût parfaits dans une
langue très pure et châtiée. Sans éclats de voix, sans re-
courir jamais à la déclamation, il emporte la conviction par
la sincérité du ton, la fermeté et l'esprit des arguments que
viennent soutenir une émotion naturelle et communicative.
C'est un des types les plus achevés du talent oratoire des
gens du Nord. Son éloquence politique, très différente,
n'est pas moins remarquable : l'âpreté provocante de sa
parole dans les réunions publiques, la froide audace de ses
discours à la Chambre sont encore présents à la mémoire
de ses anciens collègues. Ph. B.
LA GUESNERIÉ (Charlotte-Marie- Anne Charbonnier
de), femme auteur française, née vers 1710, morte à An-
gers le 6 janv. 1785. Elle a donné anonymement des ro-
mans fort bien écrits que Ton a attribués parfois à M'°^^ Ric-
coboni. Citons : Mémoires de Milady B... (Paris, 1740,
in-16); Iphis et Aglaé (1768, 2 vol. in-12).
BiBL. : Célestin Port, Biogr. de Maine-et-Loire.
LA GUETTE (M^^ de) (V. Guette).
LAGUI (Mar.). Sorte de nœud coulant formé en passant
le double du filin dans la
boucle du nœud d'agui et
qui sert à saisir au pas-
sage un objet sur lequel
on le lance, une bouée,
par exemple.
LAGUIAN-Mazous.
Com. du dép. du Gers,
arr. de Mirande, cant.
de Miélan ; 502 hab.
LA GUICHE. Famille française (V. Guiche).
LA UILLE (Louis), jésuite et historien français, né à
Autun le 1^^ oct. 1658, mort à Pont-à-Mousson le 13 avr.
1742. Comme professeur à Puniversité épiseopale de Stras-
bourg, il écrivit: Histoire de la province d'Alsace
(Strasbourg, 1727, 2 vol. in-fol.).
LAGUILLERMIE (Auguste-Frédéric) , graveur et peintre
français, né à Paris le 27 mars 1841. Elève de MM. Bou-
guereau et Flameng , il a peint surtout des portraits.
Comme graveur, il a obtenu le prix de Rome en 1866.
Parmi ses œuvres, on peut citer : le Martyre de saint
André, d'après Ribéra; le Massacre de Scio, d'après
Delacroix; les Enfants de Charles P'", d'après Van Dyck;
le portrait de Jules Grévy, d'après Bonnat.
BiBL. : Beraldi, les Graveurs du xix" siècle ; Paris,
1885-92. ' '
LAGUI NGE-Restoue. Com. du dép. des Basses-Pyré-
nées, arr. de Mauléon, cant. de Tardets; 301 hab.
LAGUNA (La ou San Crisïobal de La). Ville du N.-E.
del'ile Ténériffe, sur un plateau de l'intérieur; 12,000 hab.
Eveché; université; tribunal. Ancienne capitale de l'ar-
chipel, elle renferme une vaste cathédrale à cinq nefs. Son
climat salubre en fait la résidence d'été des notables de
Santa Cruz.
LAGUNA. Ville maritime du Brésil, Etat de Santa Ca-
tharina, sur la lagune de Camacho, à l'embouchure du Tu-
barao et à 100 kil. S. de Desterro ; 5,000 hab. (agglomérés).
Fondée vers 1620 par les Paulistes, c'est la plus an-
cienne ville de la province. Un chemin de fer la relie aux
mines de houille du Tubarao ; elle exporte du manioc, du
maïs, du poisson vers Desterro et Rio de Janeiro. Auprès
sont les colonies italiennes d'Azambuja et Grao Para.
LAG U N E. Partie de mer peu profonde, généralement en-
trecoupée de hauts-fonds ou d'îlots et séparée de la mer
par une langue de sable ou une levée de galets (V. ce
mol, t. XVin, p. 375), à laquelle on applique souvent le
nom de lido, emprunté à la lagune de Venise. Celte forma-
tion se trouve souvent à l'embouchure des fleuves et repré-
sente une forme préparatoire des deltas (V. ce mot,
t. XIV, p. 13). Derrière la flèche sablonneuse (interrompue
par un ou plusieurs détroits qui font communiquer les
eaux marines et celles de la lagune), les cours d'eau dé-
versent leurs eaux douces chargées de limon ; peu à peu
la lagune s'envase, se change en marais ; il s'y constitue
des îlots et des hauts-fonds entourés d'eau plus ou moins
salée ; progressivement l'étendue du sol émergé s'accroît,
ne laissant d'eau que dans des canaux par lesquels les
fleuves continuent de se déverser dans la mer. La lagune
de la Vénétie, celle de la côte de Guinée, les étangs mari-
times du Languedoc, les limans des fleuves russes tribu-
taires de la mer Noire sont les types les plus remarquables
des lagunes. A.-M. B.
LAGUPIE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. de Seyches ; 433 hab.
LA6US. Macédonien du iv^ siècle av. J.-C, père de Pto-
lémée ; il fit sa fortune en épousant une concubine du roi Phi-
lippe ; on dit même qu'elle était enceinte, ce qui ferait de
Ptolémée un fils de Philippe. Après la mort de sa première
femme, il se remaria avec Arsinoé, nièce d'Antipater, et
en eut une fille, BéréMice, qui épousa son demi-frère,
Ptolémée. C'est de leur ancêtre Lagus que les Ptolémées
reçurent le nom de Lagides (V. Egypte).
LAGUS (Vilhelm-Gabriel), jurisconsulte et historien ^n-
landais, néàldensalmenl786, mortàHelsingforsenl8o9.
n étudia tout d'abord sous Porthan à Âbo, puis aiïieva ses
études à Upsal. En 1823, il est nommé professeur de droit
à Abo, d'où il passa à Helsingfors, quelques années plus
tard, en cette même qualité. De 1845 à 1848, il remplit
les fonctions de recteur de l'université et en est nommé
chancelier en 1849. Disciple de Porthan, toutes ses re-
cherches juridiques ou historiques sont dirigées avec une
conscience extrême et témoignent d'une très grande érudi-
tion. Les principales œuvres sont : De Matrimoniis inter
cognatos aut affines prohiMtis (1832); Remarques sur
LAGUS — LA HARPE
772 —
la doctrine du droit lignager (1842, en suédois) ; Sur
les Traductions de lois en finnois (publié par son fils en
4863, en suédois), et, comme travaux historiques : Histoire
de la Cour d'appel d'Abo (1834, en suédois, ouvrage
inachevé) , ainsi que de nombreuses Etudes sur l'histoire
ecclésiastique en Finlande (1836-39 et 184o~50).
LAGUS (Jakob-Johan-Vilhelm), professeur et écrivain
finlandais, né à Abo en 4821, fils du précédent. Après de
brillantes études à Helsingfors, il fut reçu docteur en 1847,
voyagea en Russie, en Turquie et en Grèce de 4830 à
4854, fut nommé professeur de langues orientales à Hel-
singfors en 4857, puis, en 1866, professeur de grec à la
même université. Philologue et archéologue d'un grand
mérite, helléniste distingué, Lagus fut anobli en 1880,
étant recteur de l'université depuis 4878. Ses principales
publications sont, en latin : Plutarchus vitœ Ciceronis
scriptor (1847) ; Plutarchus vitœ Catonis cens, scrip-
tor^ Plutarchus Varronis studiosus^ Plutarchus Livii
studiosus et Studia latina provincialium (1849); en
russe : Etude sur le séjour de Charles XIl dans la
Russie méridionale (Odessa, 4853) ; en grec : Etudes
sur les Hellènes de la Russie méridionale (Athènes) ;
en suédois : Cours de langue arabe (1866-78) et des
études littéraires sur Erik Flaxman (1880) et sur le
poète suédois Kellgren (4884), etc.
LAGUS (Robert-Erik), jurisconsulte finlandais, né à
Âbo en 1827, mort à Montpellier en 4863, frère du précé-
dent. Il prit en 4850, après avoir étudié à Helsingfors, le
grade de filosofie magister, et se voua d'abord à l'enseigne-
ment ; il l'abandonna cependant bientôt, pour se consacrer
entièrement aux études juridiques : il fit sa licence en droit
en 1859, son doctorat en 1860 et fut nommé, peu après,
professeur agrégé à la faculté de droit d'Helsingfors. Ses
travaux, publiés en suédois, ont porté principalement sur
la Condition faite par les lois aux enfants naturels ;
il a laissé en outre un volume de Dissertations juridiques
et un Album juridique (1864-62).
LAGUS (Vilhelm-Ciabriel), écrivain finlandais, né à Hel-
singfors le 7 avr. 1837, frère du précédent. En 4860, il
prit à l'université d'Helsingfors le grade de filosofie ma-
gister, pour l'obtention duquel il avait présenté une dis-
sertation sur la poésie à l'époque de Gustave IH. D'abord
professeur d'histoire au lycée de Borgâ, puis, depuis 1874,
professeur de grec au lycée de Viborg, il a publié un grand
nombre d'œuvres littéraires ou relatives à la littérature. Il
a pris sa retraite en 1891. Ses poésies suédoises, où l'in-
fluence de Runeberg est sensible, parurent sous le titre de
Smârre Dikter (Petites Poésies) en 1856. En 4864, il
publia un récit épique intitulé Riddar Unos sôner^ qui
lui valut une récompense de l'Académie suédoise. Il don-
nait, quelques années plus tard, un grand drame : Klubb-
hôfdingen (4869), puis Drottning Filippa (la reine Filippa,
4875), et faisait représenter, sans les publier, trois œuvres
dramatiques : En Julafton i Tobolsic (Une Soirée de Noël
à Tobolsk) ; / Natten (Dans la nuit) ; Den nye adjunkten
(le Nouvel Adjoint). Il a écrit, en outre, des Conférences
sur la littérature pnno-suédoise (4866-7, en suéd.); il
est, depuis 4875, rédacteur du journal Ôstra Finland,
fondé par lui, et travaille actuellement (1 895) à une Histoire
de Viborg^ dont la première partie a paru en 1 893. Th. C.
LAHA8E. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Muret, cant. de Rieumes; 494 hab.
LA HAIZE (Jean de), écrivain français du xvi® siècle.
Avoca| à La Rochelle et protestant zélé, il prit la parole
au nom de la ville en des occasions importantes, notam-
ment à l'entrée de Charles IX, à celles de Jeanne d'Albret
et du prince de Condé. Parmi ses écrits, il faut mentionner
deux discours sur l'état de la France qui sont des docu-
ments historiques curieux : Discours sur ce qui s'est
passé en la ville et gouvernement de La Rochelle
de i567 à 1568 (s. î., 4575, in-4), et id. de 1568
à 1570 (4575, in-4).
LAHALLEouHALLE(Adamde)(V.ADAMDELAHALLE).
LAH ARMAND. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr.
et cant. de Chaumont; 447 hab.
LA HARPE (Jean-François de), littérateur français, né
à Paris le 20 nov. 4739, mort à Paris le 11 févr. 1803.
Fils d'un gentilhomme suisse sans fortune, et resté orphe-
lin à l'âge de dix ans, il fut recueilli par les sœurs de clia-
rité de la paroisse Saint-André-des-Arts et obtint une
bourse au collège d'Harcourt. Il y remporta de brillants
succès, mais y donna une preuve de noire ingratitude en
rimant contre le personnel du collège des couplets sati-
riques qu'il expia par une détention de plusieurs mois à
Bicètre et au For-l'Evêque. Les Héroïdes et Poésies fu-
gitives, publiées en 4759 et en 4762, ne l'avaient tiré ni
de la misère ni de l'obscurité, lorsqu'il fit représenter sa
première tragédie : Warwick (nov. 4763), dont le succès
fut chaleureusement salué par Voltaire à qui La Harpe dé-
dia sa pièce. Les trois suivantes: Timoléon (1^^ avr.
1764) ; Pharamond (14 août 4765), et Gustave Wasa
(3 mars 4766) furent au contraire trois échecs éclatants.
Après un séjour assez prolongé à Ferney, durant lequel il
déroba et répandit la copie du second chant (alors iné-
dit) de la Guerre de Genève, il fut chargé de la critique
littéraire et dramatique au Mercure, et rendit coup pour
coup à ses ennemis plus nombreux que jamais. En même
temps, il prenait part aux concours académiques par
les éloges de Henri IV (1770), de Fénelon (1771), de
Racine (1772), de Catinat (4775), de La Fontaine
(1774), et s'y voyait régulièrement couronné jusqu'au
jour où lui échut le fauteuil de Colardeau (1776).
La Harpe n'avait point cependant renoncé au théâtre. Si
le drame de Mélanie ou la Religieuse (1 770) n'avait pu
être représenté, à raison du sujet même (il s'agissait,
comme dans le roman de Diderot, encore inédit à cette
date, d'une jeune fille forcée de prononcer ses vœux), Men-
zikoff(ill6), les Barricades (MIS) , Jeanne de Nap les
(1784)^, les Brames (ilSi), Coriolan (1784), Virgi-
nie (4786), échouèrent tour à tour, mais la tragédie de
Philoctète (1783), imitée de celle de Sophocle, obtint à la
lecture un succès qu'elle ne retrouva pas à la scène. En
1786, l'auteur commença au Lycée, établissement d'ensei-
gnement fibre, mais non gratuit, un cours de littérature
auquel il dut le meilleur de sa notoriété et qui a seul fait
survivre son nom. H le continua jusqu'en 4798, non sans
y donner mainte preuve de sa versatilité politique et phi-
losophique. Partisan de la Révolution dont il vantait les
progrès dans sa chaire comme dans ses articles du Mer-
cure, il ne craignit pas en 4793 de se coiffer du bonnet
rouge, de réciter en public une ode de sa composition, à la
louange de la Terreur et d'applaudir aux mesi res les plus
violentes; malgré cette exaltation, il fut incarcéié, comme
suspect, en avr. 4794, au Petit-Luxembourg. La lecture de
quelques versets de Vlmitation où il entrevit une analo-
gie frappante avec sa desthiée, lui dessilla les yeux, a-t-il
raconté plus tard, et, lorsque le 9 thermidor lui eût rendu
la liberté, il poursuivit de ses sarcasmes et de ses invectives
les hommes et les idées dont il s'était montré le plus dé-
terminé prôneur. En même temps il fut, avec Fontanes et
Bourlet de Vauxcelles, l'un des rédacteurs du Mémorial,
supprimé au 18 fructidor. Il se déroba au décret de pros-
cription sur lequel figurait son nom en se cachant à Cor-
beil et ne reparut qu'après le 48 brumaire. Bien que, lors
de la réorganisation du Mercure (juin 1800), il eut so-
lennellement déclaré « ne vouloir rien publier désormais
qui puisse faire peur ou ombrage à personne », la mise au
jour (1801-7, 6 vol. in-8) de la Correspondance litté-
raire manuscrite, adressée par lui de 4774 à 4791 au
grand-duc de Russie, Paul-Pétrovitch, souleva de nouvelles
colères contre l'auteur qui n'y ménageait pas, on peut le
croire, ses contemporains ni surtout ses rivaux.
Outre les écrits en umérés ci-dessus, La Harpe est encore
l'auteur de la traduction de Suétone (4770, 2 vol. in-8) et
de la Lusiade de Camoëns (1 776, 2 vol. in-8), et d'un spi-
rituel badinage en vers , Tangu et Félime, poème en quatre
773
LA HARPE - LA HIÈRE
chants (4780, in -8, fig. de Marillier), d'un Eloge de
Voltaire (4780), de la célèbre Prophétie de Cazotte
(V. ce nom), que Sainte-Beuve considérait comme son chef-
d'œuvre, de diverses brochures politiques de circonstance,
entre autres : De la Guerre déclarée par nos derniers
tyrans à la raison^ à la morale, aux lettres et aux
arts (4796, in-8) et Du Fanatisme dans la langue
révolutionnaire (4797, in-8), et d'une épopée posthume
en six chants, /(2Re%zow ou le Roi martyr (4844, in-8).
Son ami et exécuteur testamentaire, Bovlard (V. ce nom),
avait rassemblé sous le titre de Mélanges inédits de lit-
térature (4840, in-8) quelques-uns de ses articles du
Mercure, mais non pas ceux que La Harpe avait désavoués
et qui attendent encore un éditeur. Quant au Cours de
littérature^ dont la première édition (4799, 9 vol. in-8)
fut complétée par une partie posthume intitulée Philoso-
phie du\ym^ siècle (4805, 2 vol. ln-8), remphe d'erreurs
bibliographiques réfutées par Barbier, il a été maintes fois
réimprimé par fragments ou en entier, jusqu'à la fin de la
Restauration. Maurice Tourneux.
BiBL. : G. Peignot, Recherches historiques, bibliogra-
phiques et littéraires sur la vie et les ouvrages de La
Harpe^ 1820, in-12. — Petitot, Fayolle, Saint-Simon,
Notices en tête de leurs éditions. — Sainte-Beuve, Cause-
ries du lundi, t. V.
LA HARPE OU LAHARPE (Frédéric-César de), homme
d'Etat suisse et général au service de la Russie, de la fa-
mille du précédent, né à Rolle (Vaud) le 6 avr. 4754,
mort à Lausanne le 30 mars 4838. Il fit ses études
à Genève, puis à Tubingue oii il prit son doctorat en droit.
Entré dans la magistrature vaudoise, il la quitta en 4784
pour accompagner en Italie un prince russe qui le recom-
manda à Catherine 11. L'impératrice le chargea de diriger
l'éducation des grands-ducs Alexandre et Constantin, ses
petits-fils. Très écouté à la cour, il persuada à l'impéra-
trice de ne pas adhérer à la première coalition qui se for-
mait contre la France révolutionnaire. Ses efforts pour
l'affranchissement du pays de Vaud soumis aux Bernois
amenèrent des intrigues qui ébranlèrent son crédit. Il quitta
la Russie avec le grade de colonel, se fixa à Genthod (Ge-
nève), puis à Paris où il continua ses démarches en faveur
des Vaudois. La première assemblée du pays de Vaud
émancipé lui décerna le 30 mars 4798 une médaille d'or :
« A Frédéric-César La Harpe, le peuple vaudois recon-
naissant. » Il revint en Suisse à cette époque et entra le
29 juin de cette même année au Directoire exécutif dont
il fit partie jusqu'à sa dissolution en 4800. Il dut encore
s'enfuir pour cause politique et se réfugier au Plessis-Piquet,
près de Paris, puis auprès du tsar Alexandre, son ancien
élève. Il y passa huit mois. Lors de la campagne de 4844,
il fut secrétaire de ce monarque qui le nomma Ueutenant
général et conseiller aulique. Il fit beaucoup auprès de lui
et au congrès de Vienne pour faire reconnaître l'indépen-
dance de la Suisse. Un monument a été élevé à la mémoire
du grand patriote dans une île artificielle du port dé Rolle.
Parmi ses nombreux écrits politiques, mentionnons : Essai
sur la constitution du pays de Vaud(Vms, 4796, 2 vol.).
LA HARPE (Amcdée-Emmanuel-François de), général
français, né à Rolle (Vaud) le 27 sept. 4754, tué dans la
campagne d'Italie le 8 mai 4796, parent du précédent. Il
sert d'abord en Hollande, puis revient dans le pays de
Vaud avec un siège aux Deux-Cents de Lausanne. Com-
promis politiquement, il s'enfuit, tandis que les autorités
bernoises le condamnent à mort, et il entre au service fran-
çais en 4794. Il se distingua à la campagne d'Allemagne
en 4792 et reçut du maréchal Luckner le nom de « Brave »
qui lui resta. Il était alors heutenant-colonel. Au siège de
Toulon en 4793, il enleva le fort du Faron, ce qui en-
traîna la reddition de la place. Il est promu général de
brigade après cette action d'éclat. Placé dans l'avant-garde
de l'armée d'Italie, vainqueur des Autrichiens à Garizio et
à Cairo, plus tard chargé de couvrir la retraite de Keiler-
mann, victorieux à Vad'o (24 juin 4795), il reçoit bientôt
le grade de général de division. Sa conduite à Montenotte,
à Millésime, lui vaut des éloges spéciaux du Directoire. Il
fut tué, peut-être par suite d'une méprise, dans un combat
nocturne, le jour où sa division passait le Pô à Codogno.
LA HARPE (Philippe-Louis-Emmanuel de), landammann
du cant. de Vaud, fils du précédent, né à Rolle en juin
4782, mort à Lausanne le 2 janv. 4842. Entré dans l'ar-
mée française encore enfant, il se signala par sa bravoure
au combat de frimaire an IV, mais il quitta bientôt la car-
rière des armes pour celle du droit. Devenu docteur en
droit en Allemagne, il vint s'établir à Lausanne comme
avocat. La politique le prit jeune et le conduisit aux plus
hautes fonctions de son pays : le 30 juin 4830, il était
nommé à la charge de landammann du cant. de Vaud.
Après l'adoption de la constitution vaudoise de 4834, il
fut élu au conseil d'Etat dont il fit partie jusqu'à sa mort.
Il fut dix fois député à la Diète fédérale. On lui doit quelques
travaux juridiques, entre autres un Mémoire sur IHntro-
duction du jury et une longue collaboration à la rédac-
tion des codes vaudois. E. Kuhne.
LA H AS. Corn, du dép. du Gers, arr. de Lombez, cant.
de Samatan ; 496 hab.
LA HAYE (V. Haye [La]).
LA HAYE (Gilbert de), biographe français, né à Lille
en 4640, mort à Lille le 47 juin 4692. Procureur général
des dominicains pour les Pays-Ras. Parmi ses très nom-
breux ouvrages, mentionnons : Vie des saints martyrs
Lugle et Luglian (Lille, 4673, in-42); Compendium
historiée provinciœ Germaniœ Inferioris (Paris, 4724,
in-fol.); la Fatalité de Saint-Cloud (Le Mans, 4673,
in-fol., plus, éd.), où, avec le P. Guyard, il prétend que
Jacques Clément ne fut pas l'assassin de Henri III.
LAHAYE (Alexis-Marie), peintre français, né à Paris le
20 avr. 4854. Elève de Carolus4)uran, il exposa, en 4886,
Rêverie et Premiers Pas. Le premier de ces tableaux est
au musée de Nîmes.
LAHAYE DE CoRMENiN (Louis de) (V. Cormenin).
LAHAYMEIX. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Com-
mercy, cant. de Pierrefitte ; 277 hab.
LAHAYVILLE. Com. du dép. de la Meuse, arr. de Com-
mercy, cant, de Saint-Mihiel ; 54 hab.
LA H D E (Gerard-Ludwig), graveur danois, né à Brème en
4765, mort à Copenhague en 4833. Parmi ses œuvres gra-
vées, outre de nombreux portraits, il faut citer : Vîncendie
de Kristiansborg (il9i); le Combat de Copenhague
(1804); le Bombardement de Copenhague {\%<dl), etc.
LAHEDJ ou EL-HOUTA. Ville du S.-O. de l'Arabie, à
40 kil. N. d'Aden, ch.-l. d'une principauté qui reconnaît le
protectorat britannique.
LA HÈLE (Georges de), musicien belge, né dans le
Hainaut vers 4545, mort en Espagne vers 4590. Il fut
enfant de chœur à la chapelle royale de Madrid, maître
des enfants de chœur de la cathédrale de Tournai, puis
attaché à la chapelle de Philippe II à Madrid (4580). On a
conservé de lui un recueil de huit messes (Anvers, 4578,
in-fol.) qui sont très remarquables.
LAHEYCOURT. Com. du dép. delà Meuse, arr.de
Bar-le-Duc, cant. de Vaubecourt ; 965 hab. Stat. du ch.
de fer de l'Est. Tanneries et corroiries.
LAHIOJAN. Ville de Perse, prov. de Ghilan,à 45 kil.
E. de Recht et 42 kil. de la mer Caspienne ; 8,000 hab.
Ancienne résidence des princes du Ghilan.
LAHIER (François), jésuite français, né en 4592, mort
à Pont-à-Mousson en 4656. Outre certains ouvrages de
théologie et d'hagiographie, il a laissé : Relation de la
province du Japon (Tournay, 4645, in-8) faite sur les
documents fournis par les missions et augmentée de la Re-
lation de la province de Malabar par les PP. Barretto
et Cardin s.
LA HIÈRE (Les). Famille d'architectes et ingénieurs
lorrains des xvi® et xvii® siècles. — Nicolas La Ilière fit
restaurer, de 4595 k 4642, le palais ducal à Nancy dont
L4 HIÈRE — LA HIRE
— 774 —
on lui devait la cour du trésor des Chartes, un cabinet
porté sur une trompe dans les appartements de la duchesse
et — probablement était-il aussi sculpteur — quatre che-
minées de pierre avec cadres et corniches. Nicolas fit aussi
reconstruire le chœur et une chapelle de l'église des Mi-
nimes à Nancy et travailler dans les châteaux de Monthu-
reux, de Sarreguemines et de Lunéville. — • Jean, fils on
frère cadet du précédent, lui succéda comme maître et
conducteur des travaux du duc de Lorraine et, comme son
prédécesseur, fit travailler aux châteaux et aux fortifications
de Nancy, de Lunéville, de Sarreguemines, ainsi qu'aux
fortifications de Marsal et aux châteaux de Jumetz, de
Lixeimet de Condé. L'œuvre la plus importante de Jean La
Hière, qui mourut vers 4640, fut la construction de deux
pavillons et d'une courtine sur la rivière qu'il ajouta au
château de Lunéville. Habile dessinateur, il avait tracé les
perspectives de la pompe funéraire du duc Henri II de
Lorraine et fait élever un arc de triomphe pour l'entrée du
duc Charles IV à Nancy. Charles Lucas.
LA HIRE (Etienne de Vignolles, dit), célèbre capitaine
français du xv® siècle, né vers 1390, mort le il janv. 1443.
Issu d'une famille d'ancienne chevalerie, il naquit au château
de Vignolles, situé, non point en Bigorre, comme on l'a
dit, mais en Gascogne, dans la sénéchaussée de Tartas. Le
surnom de La Hire, qui a fait oublier son nom patronymique,
lui fut donné par les Bourguignons, ses ennemis, et lui-
même l'adopta dans sa signature. C'est en 4418 que La
Hire apparaît pour la première fois dans l'histoire, à côté
de son inséparable compagnon Poton de Saintrailles, au
moment où le dauphin, plus tard Charles VÏI, était contraint
de se retirer à Bourges ; tous deux venaient offrir leurs
services au prince et restèrent dès lors fidèlement attachés
à sa fortune. Capitaine de Crépy en Laonnois en 4419, La
Hire défend vaillamment Tannée suivante cette place contre
le duc de Bourgogne qui finit par s'en emparer ; il bataille
ensuite autour de Coucy; en 1421, on le retrouve au siège
d'Alençon; en 1424, il prend part à la bataille de Ver-
neuil ; en 1427, il contribue pour une large part, avec le
bâtard d'Orléans, à la brillante « rescousse » qui sauva
Montargis. En 1428, il occupe un moment Le Mans, en est
délogé par Talbot et vers la fin de cette année obtient des
habitants de Tours, en faveur d'Orléans assiégé par les
Anglais, un secours de 200 livres tournois : La Hire était
alors écuyer d'écurie du roi. Après avoir pris part à la
célèbre bataille des Harengs (21 févr. 1429), il fut un des
capitaines chargés de ravitailler Orléans ; arrivé dans cette
ville le 25 avr. 1429, il y trouva Jeanne d'Arc et fut un
des premiers, et d'abord un des rares, qui acceptèrent de
combattre sous ses ordres et crurent à sa divine mission.
11 devint dès lors son compagnon d'armes fidèle; le 11 juin,
il combat à Jargeau, commande le 18 l'avant-garde à
Patay, escorte le roi à Reims et le suit enfin sous les murs
de Paris. En févr. 1430, nommé capitaine général en Nor-
mandie, il enlève Château-Gaillard d'un hardi coup demain,
puis Louviers oii les Anglais viennent l'assiéger ; fait pri-
sonnier dans une sortie (juil. 1431), il fait appel aux
bonnes villes du royaume, qui payent sa rançon, et dès le
12 avr. 1432 figure parmi les capitaines qui, à la suite du
bâtard d'Orléans, pénétrèrent dans Chartres, enlevé par
surprise aux Anglais. Nommé, le 31 déc. 1433, capitaine
général des pays au N. de la Seine, il s'installe en Beau-
vaisis à la tête de 1,500 lances et, sous le couvert de l'au-
torité royale , se Hvre à toute espèce de déprédations et d'excès .
En 4436-37, il recommence contre les Anglais la guerre
de partisans, prend et perd tour à tour Gisors, Soissons,
Roye et pousse des pointes hardies jusque sous les murs
de Rouen. Le 42 nov. 1437, il figurait aux côtés de
Charles VU entrant solennellement dans Paris. A la fin
de 4438, il prend part à une grande expédition : le comte
de Vaudémont était en guerre en Lorraine avec le roi René ;
en compagnie de Brussac, de Boniface de Valpergue, des
Lestrac, La Hire va servir ce dernier, puis, la guerre ter-
minée (févr. 1439), les routiers vont ravager l'Alsace où
ils commettent les plus effroyables excès ; après une ten-
tative infructueuse sur Bâle, où siégeait encore un simu-
lacre de concile, ils reviennent parle comté de Montbéliard
et la Bourgogne. Chargé en 4440 de secourir Harfleur
assiégé par les Anglais, La Hire ne réussit pas à sauver la
ville. Enfin, après avoir accompagné Charles VII à Laon
et obligé le comte de Saint-Pol \ évacuer Ribemont, il
assiste au siège de Pontoise (juin-sept. 4444) et prend
part à la grande expédition dirigée par Charles VII lui-
même en Guyenne pour reconquérir Tartas sur les Anglais.
Ce fut la dernière campagne de La Hire : au retour, il
mourut à Montauban et fut inhumé dans l'église de la
Maison-Dieu des augustins de Montmorillon en Poitou, dont
il était seigneur. La Hire fut toujours l'objet de grandes
faveurs de la part de Charles VII : écuyer d'écurie en 4427,
bailli de Vermandois après le sacre du roi, il reçoit en 4436
mille livres pour payer sa rançon, est pourvu la même
année des terres de Montmorillon et du Castelet, et vers la
fin de sa vie est nommé bailli d'Evreux.
Sans avoir jamais exercé de grands commandements, La
Hire est un des capitaines de Charles VU qui, n'ayant
jamais désespéré d'une cause parfois critique, ont le plus
fait pour l'expulsion des Anglais ; on ne saurait oublier
qu'il a été le fidèle compagnon de Jeanne d'Arc et qu'à ses
côtés il a ramené la victoire sous les bannières françaises :
au demeurant, soldat sans scrupules, pillard et routier,
cherchant avant tout dans la guerre un moyen de s'enri-
chir, il fut le digne émule des bâtards de Bourbon et des
Villandrando. — De toutes les figures de l'ancienne cheva-
lerie française, La Hire est resté une des plus populaires :
il le doit beaucoup aux bons mots et aux anecdotes qu'on
lui a prêtés, et dont plusieurs ont été fabriqués au
xvi^ siècle par des historiens tels que Corrozet, Pasquier et
Du Haillan. Il le doit peut-être aussi pour une bonne part
à ce qu'il a eu la singulière fortune d'être choisi pour l'un
des types qui ont servi à la fabrication des cartes à jouer et
qu'en compagnie d'Hector, Ogier et Lancelot, il est devenu
et reste encore le valet de cœur, Henri Courteault.
BiBL. : MoNSTRELET et les autres Chroniques du
xvo siècle. -~ G. Ou Fresne de Beaucourt, Histoire de
Charles VII ; Paris, 1881-92, 6 vol. in-8. — Vallet de
ViRiviLLE, Documents inédits sur La Hire^ dans Bull,
de la Soc. de VHist. de France, 1859, in-8. — Nouveau,
Notice sur La Hire et son monument sépulcral à Montmo-
rillon, dans Bull, de la Soc. des antiquaires de l'Ouest,
1861, t. I, in-8. — Castaing, la Patrie du valet de cœur
[Lahire), dans Revue de Gascogne ; Auch, 1869, t. X, in-8.
LA HIRE ou LA HYRE (Laurent de), peintre français,
né à Paris le 27 févr. 1606, mortà Paris le 28 déc. 4656.
Son père, Etienne de La Hire, qui, avant d'avoir une charge
à Paris, avait habité la Pologne et y avait été peintre, lui donna
des leçons. H fut aussi l'élevé de Lallemand, maître alors ré-
puté ; mais c'est surtout en étudiant le Primatice à Fontai-
nebleau que La Hire se forma ; il s'enthousiasma pour lui
et un instant l'imita. La Hire travailla d'abord pour l'éghse
des Capucins de la rue d'Orléans au xMarais, puis pour
les Carmélites de la rue Saint-Jacques et pour les Capu-
cins de Rouen. H décora au Marais l'hôtel Tillemant
{les Sept Arts libéraux) et Thôtel Montoron (les Trois
Grâces). H travailla ensuite pour Richelieu au Palais-Royal
où il peignit Thésée trouvant les armes de son père,
Astyanax et Persée et Andromède., et dès lors il fut très
recherché. H a peint beaucoup de portraits et a dessiné des
compositions pour les Gobelins. Pour la Compagnie des
orfèvres, qui depuis 1630 offrait à chaque mai nouveau
un tableau à l'éghse Notre-Dame, il peignit en 1635 Saint
Pierre guérissant les malades de son ombre, qui est
au Louvre, et en 1637 la Conversion de saint Paul. H
fut un des douze fondateurs de l'Académie royale de pein-
ture et de sculpture (1648). Très consciencieux et très
laborieux, La Hire est un grand artiste de second ordre ;
il a peint surtout des tableaux religieux, avec des fonds
d'architecture et des ruines païennes dont il faisait un cadre
symbolique à ses sujets chrétiens. On voit de lui : au Louvre,
outre le Saint Pierre et une esquisse du Saint Pierre, Laban
— T75
LA HIRE - LAHN
cherchant ses idoles (1647), V Apparition de Jésus aux
trois Maries, la Vierge et V Enfant Jéstis (1642); le
Pape Nicolas V se fait ouvrir le caveau qui contenait
le corps de saint François d'Assise (1630), son chef-
d'œuvre qui provient de l'église des Capucins du Marais et
oii il s'est représenté sous les traits du secrétaire du pape,
la France reçoit la Paix des mains de la Victoire, et
des paysages ; au musée du Belvédère à Vienne, l'Assomp-
tion ; au musée de Rouen, Descente de croix, pro-
venant de l'église des Capucins, une de ses meilleures
œuvres, et l'Adoration des bergers; au musée de Gre-
noble, l'Apparition du Christ à sainte Madeleine et la
Fraction du pain ; au musée de Nantes, deux Repos de
la Sainte Famille; au musée de Dijon, le Jugement de
Paris; au musée de Valenciennes, Paysage d'Italie; au
musée de Boulogne-sur-Mer, un portrait de femme ; au
musée de Montpellier, Paysage et Moïse sauvé des eaux;
au musée de Strasbourg, la Vision de saint François;
à la Grande-Chartreuse, Saint Jérôme dans le désert. Ses
œuvres ont été gravées par son fils, Philippe, par son élève
Chauveau, parRousselet, Boulanger, Lasne, Faithorne, de
Poilly, etc. Lui-même il a gravé des eaux-fortes qui ont de
la grâce : la Vierge et l'Enfant Jésus servis par des
anges ; la Vierge, l'Enfant Jésus et saint Jean- Bap-
tiste, Etienne Bricon.
BiBL. : Mémoires inédits sur la vie et les ouvrages des
membres de VAcadémie t. I. — Ch. Blanc, Histoire des
peintres de toutes les écoles.
LA H I RE (Les). Famille d'architectes français desxvii® et
xviii^ siècles. Deux architectes de ce nom, rattachés par-
fois, mais à tort, à la famille lorraine de La Hière (V. plus
haut), furent membres de l'Académie royale d'architecture,
et professeurs à cette Académie. Le premier, de La Hire
père, y fut admis en 1687, et le second, Gabriel- Philippe
de La Hire, son fils, né à Paris en 1667, y fut admis en
1706. Cet architecte donna les dessins de la chaire sculptée
par l'Estocart et encore existante dans l'église Saint-Etienne-
du-Mont, à Paris, et conduisit, sous la haute direction de
Vauban, les travaux de l'aqueduc de Maintenon. Les le-
çons qu'il professa à l'Académie furent réunies par lui en
un Traité d'architecture civile, resté malheureusement
à l'état manuscrit. Charles Lucas.
LA HIRE (Philippe de), mathématicien français, né à
Paris le 18 mars 1640, mort à Paris le 21 avr. 1718, fils
de Laurent de La Hire (V. ci-dessus). Après avoir étudié
les beaux-arts et fait, dans ce but, le voyage d'Italie en 1660,
il se laissa entraîner par son goût pour la géométrie et en
particulier pour les travaux de Desargues, dont il continua
et développa les doctrines, sous une forme plus accessible,
dans sa Nouvelle Méthode de géométrie pour les sec-
tions des superficies coniques et cylindriques (1672,
in-fol.), puis dans les Sectiones Conicœ (1685, in-foL),
qui eurent surtout un retentissement mérité et dont les
théories servirent de point de départ, dans notre siècle, au
renouvellement de la géométrie supérieure. Entré à l'Aca-
démie des sciences de Paris en 1678 comme pensionnaire
astronome, il prit part aux travaux de la méridienne de
France et à nombre d'autres opérations de géodésie et
de nivellement que faisait exécuter le gouvernement de
Louis XIV. Plus tard, il fut professeur au Collège de France
(1682) et à l'Académie d'architecture. Il a encore publié,
en 1679, dans un vol. in-12, trois traités: \^ Nouveaux
Eléments des sections coniques; 2<* les Lieux géomé-
triques ; 3<* les Constimctions ou effections des équations
où il suit les méthodes analytiques ; puis sa Gnomonique
(1682), excellent ouvrage, réimprimé en 1698; Tables
du soleil et de la lune (1687) ; Ecole des arpenteurs
(1689) ; Tabulée astronomicœ (1702). Les Anciens
Mémoires de l'Académie des sciences contiennent, en
outre, de nombreuses communications de Lahire, obser-
vations astronomiques et météorologiques, essais et notes
sur la géométrie, la physique, l'astronomie, etc. Les plus
marquantes sont ses études sur les épicycloïdes et en général
la génération des courbes par roulement. Il attribue, au
reste, expressément à son maître Desargues l'application
des épicycloïdes à la construction des roues d'engrenage,
mais il est le premier à avoir fait connaîtie la théorie de
ces courbes. Ce travail et la constitution de la doctrine des
polaires pour les coniques suffiraient à assurer sa gloire.
Il faut enfin ajouter que Lahire a pris une part importante
à la publication d'œuvres de ses collègues de l'Académie,
décédés avant lui, notamment Roberval, Picart, Mariotte.
LA HIRE (Gabriel-Philippe de), astronome et physicien
français, fils du précédent, né à Paris le 23 juil. 1677,
mort à Paris le 19 avr. 1719. Il étudia d'abord l'anato-
mie, puis les mathématiques, devint à vingt-deux ans
membre de l'Académie des sciences de Paris et succéda,
comme professeur d'architecture, à son père, qu'il suivit
du reste de fort près dans la tombe. Il l'avait beaucoup
aidé dans ses observations astronomiques {Mém. de l'Acad,
des se, 1703-19) et il avait publié, d'après ses Tabulée
astronomicœ, des Ephémérides pour les années i70i~
nos (Paris, 1704, in-4). On a encore de lui, dans le re-
cueil de l'Académie des sciences (1703-19), une quinzaine
de mémoires de physique et d'anatomie. Il fut l'éditeur de
VArt de charpenterie de Math. Jousse (Paris, 1702).
L'Observatoire de Paris conserve d'excellents verres de lu-
nettes taillés par lui. — Son frère, Jean-Nicolas (1685-
1727), médecin et botaniste distingué, devint également de
très bonne heure membre de l'Académie des sciences de
Paris et donna au recueil de cette société quelques mé-
moires de botanique. Il imagina un procédé qu'il tint
secret, pour la reproduction des plantes par le dessin et
il en commença un album. Il fut aussi un habile peintre
de paysages. L. S.
LAHltÈRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Montesquieu-Volvestre ; 184 hab.
LAHITOLLE (Périer de), officier français, né à Grillon
(Eure) le 31 mars 1832, mort à Poitiers le 19 août 1879. H
entra à l'Ecole polytechnique en 1852. Lorsque, après la
guerre de 1870-71, les officiers d'artillerie furent appelés
à participer aux travaux relatifs à la recherche d'un nou-
veau matériel de campagne, de Lahitolle, alors capitaine,
se mit à l'étude et présenta son premier projet de canon.
Promu chef d'escadron en 1872, il fut adjoint à la fon-
derie de canons de Bourges dont il devint directeur en
1873 et oii il obtint le grade de lieutenant-colonel en 1876.
Il transforma et compléta l'outillage de cet établissement,
de manière à pouvoir y usiner les canons en acier de tous
calibres et contribua pour une large part, par ses conseils
éclairés, à donner à la production de l'industrie privée
une perfection qui n'avait pas encore été obtenue jusque-
là. Il a doté l'artillerie du canon de 95 millim., employé
aujourd'hui dans les places et dans les équipages de siège.
Le système d'artillerie de Lahitolle, auquel appartient cette
bouche à feu, peut être caractérisé de la façon suivante :
rayures progressives ; fermeture à vis et à filets interrom-
pus, avec manivelle munie d'un œil à toc ; linguet de sûreté
et verrou ; tète mobile ne traversant pas toute la vis de
culasse ; canal de lumière percé dans le tonnerre. Projec-
tile très allongé à ogive courte, à renflement et à ceinture
de cuivre.
LAH ITTE. Com. du dép. du Gers, arr. et cant. d'Auch ;
127 hab.
LAH ITTE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Bagnères-de-Bigorre, cant. de Labarthe-de-Neste ;
160 hab.
LAHITTE-ês-Angles. Com. du dép. des Hautes-Pyré-
nées, arr, d'Argelès, cant. de Lourdes ; 231 hab.
LAHITTE-Toupière. Com. du dép. des Hautes-Pyré-
nées, arr. de Tarbes, cant. de Maubourguet; 444 hab.
LÀ H ITTE (de), général français (V. Ducos).
LAHN. Rivière d'Allemagne, affl. dr. du Rhin; elle naît
sur le Jagdberg, au S. des monts Rothaar, à 602 m. d'alt.,
coule vers l'E. jusqu'à Kœlbe, vers le S. jusqu'à Giessen,
puis au S. -0., et finit à Niederlahnstein (ait. 62 m.). Elle
LAHN — LAHOVARl
— 776 —
a 248 kil. de long, mais la distance de la source à l'em-
bouchure n'est que de 82 kil. Sa vallée très sinueuse est
très pittoresque. Le Lahn arrose Marburg, Giessen, Wetz-
lar, Limburg, Nassau, Ems, Niederlahnstein.
LAHNSTEIN (V. Niederlatinstejn et Oderlahnsïein).
LAHODDE (Lucien de) (V. Delahodde).
LAHONCE. Corn, du dép. des Basses-Pyrénées, arr. et
cant. de Rayonne; 524 hab. Stat. du ch. de fer du Midi,
ligne de Toulouse à Bayonne. Carrières de castine.
LAHONTAN. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
d'Orthez, cant. de Salies; 1,041 hab.
LAHORE. Ville de Tlnde anglaise, ch.-l. du Pendjab,
à 2 kil. S. de la Rawi et 254 m. d'alt. ; 176,854 hab.,
avec les faubourgs. La cité moderne n'occupe qu'une partie
de l'emplacement de l'ancienne capitale des empereurs
mongols. Celle-ci avait 27 kil. de tour ; bien que les Sikhs
en aient détruit une grande partie, il subsiste de magni-
fiques monuments de l'époque mongole ; construits en grès
rouge, ils comptent parmi les plus beaux de l'architecture
musulmane : le palais impérial (Hasaribagh), avec ses trois
cours carrées; le Chahdoura, mausolée de Djihanguir, au
centre d'un jardin ; le célèbre parc de Chah Djahan Cha-
limar ; quelques mosquées ; le mausolée d'Anarkalli, trans-
formé en église par les Anglais, Ceux-ci ont créé un aque-
duc et une canalisation d'eau. Lahore est le siège des
administrateurs de la province, de l'université du Pendjab,
d'un collège oriental, d'écoles de droit, de médecine, d'art
vétérinaire, d'un beau musée, etc. L'industrie, sauf la
passementerie d'or et d'argent, et le commerce sont presque
nuls.
Lahore fut fondée au i^'^ siècle ap. J.-C. par le roi
Lawa et dépendit longtemps du royaume de Cachemire.
Les Ghaznévides s'en emparèrent au xi^ siècle : Mahmoud
la prit en 1013 et 1021, Khosroès en 1152, et elle devint
la résidence de sa dynastie. En 1186, elle tomba au pou-
voir de Mohammed le Gouride; en 1241, les Mongols la
pillèrent ; défaits à Lahore en 1296, ils la reprirent en
1429; Baber de Caboul y défit l'empereur de Delhi (1524)
et la ville fut désormais une des capitales des Mongols.
Elle partagea la décadence de leur empire. En 1764, les
Sikhs l'enlevèrent et en firent la capitale. En févr. 1846,
les Anglais la conquirent à leur tour et c'est là que lut
signée le 9 mars la paix entre eux et le maharadja (Dhou-
lib Sing). Le 29 mars 1849, Lahore fut incorporé avec le
Pendjab entier à l'empire britannique. On abattit une
partie de l'enceinte et on accrut les fortifications de la
citadelle. Le camp anglais est à l'E. de la ville, dans le
faubourg de Mian-mir, A. -M. B.
LAHORl (Monts). Massif montagneux du Kafiristan,
compris entre la vallée de Tchitral à l'O. et celle de Svat à
l'E. Il se détache du Pamir et se dirige vers le S.-O. jus-
qu'à la vallée du Caboul ; l'ait, décroît de 6,800 m. au N.
à 2,440 m. au S. ; au centre est le col de Lahori par
lequel passe la route de Tchitral à Dir par le village d'Achret,
repaire de brigands.
LAHORIE (Victor-Claude-Alexandre Panneau de), gé-
néral français, né à Gavron (xMayenne) en 1766, fusillé à
Paris le 30 oct. 1812. Il fit comme officier les campagnes
de la Révolution dont il adopta avec ardeur les principes.
Général de brigade en 1800, il devint chef d'état-major
du général Moreau avec lequel il fut compromis en 1 804
lors de la conspiration de Georges Cadoudal. Obligé de
quitter la France, il vécut à l'étranger jusqu'en 1808; à
cette époque il revint à Paris ; mais, en butte aux persé-
cutions de la police impériale, il fut arrêté ainsi que son
ami politique le général Guidai, Aussi, quand en 1812
éclata la conspiration du général Malet, ce dernier s'em-
pressa-t-il de les rendre à la liberté. Lahorie fut investi
des fonctions de préfet de police en remplacement de Sa-
vary, gardé à vue par les conjurés. On sait comment échoua
cette tentative. Traduits devant une commission militaire,
Lahorie et ses compagnons furent condamnés à mort.
LA HOSDINIÈRE (Bertrand de) (V. Bertrand).
LAHOSSE. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. de Mugron ; 508 hab .
LAHOU. Localité delà Côte d'Ivoire (Guinée septentrio-
nale), placée tout récemment sous le protectorat de la
France, en même temps que les autres localités qui s'éche-
lonnent depuis l'embouchure du rio Cavally jusqu'aux éta-
blissements français de Grand-Bassam.
LAHOUL ou LAHOL. Vallée de l'Himalaya occidental,
distr. de Kangra (Pendjab), au S. du Ladak ; arrosée par
les torrents qui forment le Tchinab, elle est presque com-
plètement close, sauf au débouché de la rivière ; l'ait, est
de 3,100 à 3,500 m., entre des monts de 6 à 7,000 m.
Le Lahoul occupe 4,350 kil. q. et compte 6,000 hab.,
de race tibétaine.
LAHOU N (El) (V. Illahoun).
LAHOU RCA DE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Oloron-Sainte-Marie, cant. de Monein; 570 hab.
LA HOUSSAYE (Amelot de) (V. Amelot de La Hous-
saye).
LAHOVARl (Alexandre), homme d'Etat roumain, né à
Bucarest le 16 août 1841, d'une famille originaire de
Valcea (Petite-Valachie). Arrière-petit-fils d'un caïraacan
(gouverneur) de cette province, petit-fils de Jean Lahovari,
député de Valcea dans le premier Parlement roumain de
1831, et fils aîné de Nicolas Lahovari, député, sénateur et
sous-secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, M. Lahovari
fit ses études à Paris, au lycée Louis-le-Grand, dont il
fut l'un des plus brillants élèves, puis à l'Ecole de droit,
où il obtint en 1865 le diplôme de docteur en droit.
Rentré en Roumanie en 1865, il débuta dans la magis-
trature qu'il abandonna bientôt pour se consacrer exclusi-
vement à la poHtique. Après avoir pris une part active au
mouvement qui aboutit à la chute du prince Couza et à
l'élection du prince Charles de Hohenzollern, il fut élu
député. Il fonda avec MM. Carp, Georges Cantacuzène,
C. Gradistéano, etc., le parti de la Jeune Droite, formé
sous l'inspiration du prince Jon Ghica, et reçut le ministère
de la justice (avr. 1870) dans le cabinet dit de la Jeune
Droite, présidé par Manolaki-Costaki. Il y fit preuve d'une
grande énergie et reçut de nouveau, dans le ministère
L. Catargi, le portefeuille de la justice, qu'il garda pendant
trois ans et demi. Le principal acte de son administration
fut la réforme du code pénal et du code d'instruction cri-
minelle, dont les dispositions imparfaites avaient pour ainsi
dire érigé en principe l'impunité d'un grand nombre de
crimes et de délits. Il fut ensuite contre'le ministère Bra-
tiano l'orateur le plus autorisé de l'opposition. Il fut l'un
des chefs de la campagne antirevisionniste, et la ville de
Botosani l'envoya siéger en cette qualité au Sénat de 1884,
d'où il se retira avec toute l'opposition, après avoir lancé
au pays un manifeste dans lequel il déclarait que le gou-
vernement Hbéral s'était mis en dehors de la constitution
et de la loi.
De 1884 à 1888, M. Lahovari ne parut pas dans le
Parlement, mais son activité poUtique et son autorité
furent loin d'en être diminuées. Il prit la direction d'une
campagne de presse et de réunions publiques, très vive-
ment et très hardiment menée, qui contribua à la chute de
Bratiano. Les élections de 1888 ayant donné la majorité
au parti libéral conservateur, trois des chefs de ce parti,
MM. Lahovari, le général Mano et Vernesco, reçurent en
nov. 1888 des portefeuilles dans le cabinet Rosetti, recons-
titué ; M. Lahovari, nommé ministre de l'agriculture, de
l'industrie, du commerce et des domaines, élabora, en cette
qualité, la loi sur la mise en vente des terres de l'Etat aux
paysans non propriétaires et la fit voter par le Parlement.
M. Lascar Catargi, ayant remplacé M, Théodore Rosetti à
la présidence du conseil, en mars 1889, attribua à M. Laho-
vari le portefeuille des affaires étrangères que celui-ci garda
également dans le cabinet Mano (nov. 1889-févr. 1891).
Il se tint à l'écart sous le ministère présidé par le général
Floresco, dont il avait refusé de faire partie, et qui n'eut
d'ailleurs qu'une durée éphémère. Depuis le mois de nov.
— 777 —
LAHOVARI — LAIBACH
1891, M. Lahovari est devenu titulaire du portefeuille des
affaires étrangères dans le cabinet présidé par M. Lascar
Catargi.
Un de ses frères, élevés comme lui en France, le gé-
néral Jacques Lahovari, né à Bucarest en 1846, ancien
élève de l'Ecole polytechnique et de l'Ecole d'état-major
de Paris, a été professeur à la faculté des sciences de Bu-
carest. Il a pris part, en qualité de chef d'état-major des
troupes roumaines, à la guerre turco-russe de 1877, et a
contribué au brillant succès des opérations de l'armée du
prince Charles devant Plevna. Ministre de la guerre de
févr. 1891 à 1894, le général Lahovari a réalisé de nom-
breuses réformes, telles que l'unification de l'infanterie,
l'armement des troupes avec le fusil Mannlicher, l'achève-
ment des fortifications de Bucarest et de Focsani, etc.
Un autre frère des précédents, M. Jean Lahovari, né
en 1845, après avoir occupé le poste de procureur général
à la cour d'appel de Bucarest, entra dans le Parlement et
devint l'un des chefs de la majorité conservatrice. En
1893, il a été nommé ministre de Roumanie à Paris.
LA HOZy Mota (Juan [Claudio] de), auteur drama-
tique espagnol, né à Madrid vers 16^20, mort vers 1690.
Chevalier de Tordre de Santiago en 1653, régidor de Bur-
gos en 1657, il remplit ensuite de hauts emplois à la cour.
On lui doit un certain nombre de pièces de théâtre, parmi
lesquelles se distinguent : la charmante comédie El Cas-
tigo de la miseria, dont le sujet est emprunté à un conte
de Maria de Zayas (V. ce nom), et El Montanés Juan
PasquaU y frimer asistente de Sevilla. Elles ont sou-
vent été réimprimées, en dernier lieu dans le t. XLIX de la
Biblioteca de Rivadenayra (1859). G. P-i.
LAHR. Ville d'Allemagne, grand-duché de Bade, cercle
d'Offenbourg, sur la Schutter ; 10,000 hab. Célèbre orphe-
linat, poteries, imprimeries, etc.
LA HUERTA (Garcia de) (V. Garcia de LaHuerta),
LA HUERTA (Gaspar de) (V. Huerta).
LAHUÉTERIE (Charles de), poète français du xvi® siècle.
Citons : le Dangereux Passage de vice (Lyon, 1536,
in-8); le Concile des Dieux (Paris, 1536, in-16); Pi^o-
thologies françaises (1550, in-8). Il eut une polémique
assez vive avec Clément Marot (V. ce nom).
LA H U R E (Corneille- Alexis) , général belge, né à Bruxelles
en 1800, mort à Ixelles en 1882. Il entra dans l'armée des
Pays-Bas et se distingua dans les campagnes des Indes, de
1824 à 1829. Après la révolution de 1830, il passa au
service de la Belgique et contribua à organiser l'armée du
nouveau royaume. Il devint lieutenant' général , aide de
camp du roi et reçut le titre de baron. Il est l'auteur de
plusieurs ouvrages concernant l'art militaire, et d'intéres-
sants Souvenirs sur les Indes orientales et Vile des
Célèbes (Bruxelles, 1880, in-8).
LAHURE (Auguste-Charles), imprimeur français, né à
Paris le 26 févr. 1809, mort à Paris le 14 déc. 1887.
Fils d'un notaire, il passa par l'Ecole de Saint-Cyr et fut
pendant quelque temps officier de cavalerie. Beau-frère de
l'imprimeur Crapelet (V. ce nom), il lui succéda et donna
un grand développement à cet établissement, déjà renommé.
De ses presses sont sortis de nombreux journaux, des pu-
blications illustrées exécutées avec soin et il devint l'im-
prinieur attitré de la librairie Hachette. Il laissa, en 1870,
la direction de sa maison à ses trois fils : Louis (mort
en 1878); Alexis %i Auguste (mort en 1883). — Alexis
Lahure, né à Paris le 10 mrs 1849, devenu le chef unique
d'une société en commandite (Imprimerie générale), intro-
duisit de nouvelles améliorations dans la typographie. Les
femmes qui y sont employées à la composition, concurrem-
ment avec les hommes, travaillent à un même tarif, et il
y a été créé deux écoles professionnelles, pour former des
apprentis des deux sexes. En dehors de belles publications
exécutées pour la librairie Hachette et pour d'autres, la
maison Lahure se fit remarquer par une œuvre à elle, avec
des illustrations en couleurs : les Contes de V Archer
(1882), qui lui a valu le prix du Livre de la part de l'Union
centrale des arts décoratifs. G. P-i.
LAI. Nom donné au moyen âge à des poésies françaises
dont le caractère est différent selon les époques. Le moi
lai paraît emprunté à l'anglo-saxon lac (gothique laik,
allemand moderne leich)^ sorte de danse, de mélodie. Il
s'est appliqué de bonne heure aux mélodies jouées sur la
rote par les musiciens bretons, puis aux paroles mêmes des-
tinées à expliquer le sujet dd ces mélodies. Bientôt le succès
des lais bretons entraîna 1 s écrivains français à composer
des poèmes dans lesquels ils retracèrent des aventures
d'amour analogues par le fond à celles qui avaient inspiré
les musiciens bretons et auxquels ils donnèrent naturelle-
ment le même nom de lai. Les plus anciens lais français
connus remontent au xii^ siècle : les uns sont narratifs, les
autres lyriques.
Les lais narratifs sont en vers de huit syllabes à rimes
plates : nous en possédons une vingtaine, dont une quin-
zaine au moins ont été composées par Marie de France. Les
plus célèbres sont: Lanval, Ywenec, Fresne^ Bisclavret^
Tidorel, Eliduc, Guingamor, Ignaure, etc. « On peut y
reconnaître les débris d'une ancienne mythologie, d'ordi-
naire incomprise et presque méconnaissable ; il y règne en
général un ton tendre et mélancolique, en même temps
qu'une passion inconnue aux chansons de geste ; d'ailleurs
les personnages des contes celtiques sont transformés en
chevaliers et en dames. » (G. Paris.) Les lais ont souvent
donné naissance à des poèmes plus étendus et à des romans
d'aventure : le cycle de Tristan et îseult^ par exemple,
paraît s'être constitué par la fusion d'anciens lais dont
beaucoup sont perdus, mais dont quelques-uns nous sont
parvenus. Quelquefois le nom de lai s'est appliqué à des
poèmes qui n'ont rien à voir avec les légendes celtiques : c'est
ainsi qu'il a existé un lai d'Orphée^ aujourd'hui perdu, mais
dont nous possédons un remaniement anglais. Sir Orfeo,
Les lais lyriques sont plus rares aux xu® et xiii^ siècles
que les lais narratifs : on en trouve quelques-uns aussi
bien dans la littérature provençale que dans la littérature
française et ils semblent caractérisés par la dissemblance
dans les strophes dont ils se composent, circonstance qui
les rapproche beaucoup des descorts (V. ce mot). Nous
possédons sous le titre commun de Lai du Chèvrefeuil un
lai lyrique et un lai narratif.
Tandis que le lai narratif a disparu au xui® siècle, le
lai lyrique et musical s'est maintenu, mais en se transfor-
mant, jusqu'à l'époque de la Renaissance. C'est surtout
Guillaume de Mâchant qui a contribué à lui donner une
nouvelle vogue. Eustache Deschamps a composé lui aussi
beaucoup de lais dans le nouveau goût, et il en a indiqué
tant bien que mal les règles dans son Art de dictier :
« Quant est des laiz, c'est une chose longue et malaisée à
faire et trouver, car il y fault avoir douze couples (strophes),
chascune partie en deux, qui font vint-quatre. Et est la
couple aucune fois de huit vers, qui font seize, aucune fois
de neuf, qui font dix-huit, aucune fois de dix, qui font vint,
aucune fois de douze, qui font vint-quatre, de vers entiers
ou de vers coupez... » Depuis lors, les règles du lai figu-
rent dans les nombreux traités de rhétorique qu'ont pro-
duits le xv« siècle et la première moitié du xvi^. En 1548,
Sibilet les donne encore, non pour recommander ce genre
suranné aux poètes, mais, dit-il, par respect pour les an-
ciens. — Dès le xiv^ siècle, l'ancien vireli a été appelé
virelai par confusion avec le mot lai^ mais il n'y avait pas
à l'origine de rapport réel entre les deux genres (V. Vi-
relai). ' A, Thomas.
BiBL. : F. WoLF, Ueber die Lais, Sequenze und Lei~
che ; Heidelberg, 1841. — G.Paris, Lais inédits^ dans Ro-
manta, 1879, pp. 29 et suiv. — K. Bartsch, Zwei proven-
zalische Lais, dans Zeitschrift fur romanische Philologie,
1877, pp. 58 et suiv. — K. Warnke, Die Lais der Marie
de France ; Halle, 1885.
LAIou LAY (Frère) (V. Convers).
LAI A, femme peintre grecque (V. Iaia).
LAIBACH (en slovène Ljubljana), Capitale de la Car-
tAlBACH - LAIE
— 778 -.
niole (Autriche), située sur la Laibach, à 300 m. d^alt.^
au pont de jonction de la ligne du chemin de fer Vienne-
Trieste et Laibach-Tarvis, et dominée par un château qui
sert de prison ; 30,000 hab. dont deux tiers environ ap-
partiennent à la nationahté Slovène. La langue de l'ad-
ministration est le Slovène. Laibach possède un certain
nombre d'établissements industriels, notamment une fa-
brique de tabac. Le musée est particulièrement intéressant
au point de vue de l'histoire naturelle ; la bibliothèque pos-
sède de riches collections. Laibach est le siège du gouver-
nement de la Carniole et de la diète de cette province, d'un
évêché et du commandement d'une division. Parmi les ins-
titutions scientifiques, l'une des plus importantes est la
Matica ou société de littérature slovène. Cette ville exis-
tait déjà du temps des Romains ; occupée vers le vii^ ou le
viii^ siècle par les Slovènes, elle reçut au moyen âge de
nombreux colons allemands. Au temps de la Réforme elle
fut le théâtre de l'activité de Primus Trubar. Occupée
par les Français pendant les guerres de la Révolution
et de l'Empire, elle devint la résidence du gouverneur
général des provinces illyriennes. Nodier y rédigea pen-
dant quelque temps un journal officiel français, le Télé-
graphe illyrien^ dont la collection, aujourd'hui proba-
blement unique, se trouve à la bibliothèque de la ville. En
4821, de janvier à mai, se tint à Laibach un congrès qui
réunit les empereurs de Russie et d'Autriche, le roi de
Naples et le duc de Modène. Il avait pour objet d'étouffer
le mouvement libéral en Italie et aboutit à l'occupation de
Naples par les Autrichiens. L. L.
BiBL. : Khovec, Die Landeshaupstadt Laibach; Laibach,
1887. — L. Léger, la Save, le Danube et les Balkans; Paris,
1884.
LAÎCHE (Carex Mich.)(Bot.). Genre de plantes Mono-
cotylédones, de la famille des Cypéracées, dont les fleurs
unisexuées sont grou-
pées en épis andro-
gynes, monoïques ou
rarement dioïques ;
les fleurs mâles, dis-
posées à l'aisselle de
bractées alternes,
présentent 2-3 éta-
mines nues à anthère
biloculaire ; les fleurs
femelles sont égale-
ment solitaires et se
composent d'une
ovaire libre, unilocu-
laire, renfermé dans
un sac ou utricule
ouvert au sommet
pour le passage du
style à 2-3 branches
stigmatiques ; le fruit
est un caryopse tri-
gone renfermé dans
l'utricule accru et
contenant une graine
albuminée avec un
embryon voisin de sa
base. Les Laîches sont
des herbes ordinai-
rement vivaces , à
souche souterraine et
à rameaux aériens
souvent triangulai-
res, à feuilles al-
ternes engainantes,
allongées comme cel-
les des Graminées.
Les fleurs, termina-
les, sont réunies en épis sessiles ou stipités, écartés les uns
des autres ou rapprochés en tête. Elles sont répandues sur
tout le globe, mais de préférence dans les régions froides
et tempérées, et généralement habitent le bord des eaux
ou les prairies humides et marécageuses. Quelques-unes
cependant affectionnent les pelouses sèches, les sables ou
les dunes, entre autres le C, arenaria L. (Vignea are--
naria Rehb.) du littoral de l'Ouest, de la Hoflande, de
l'Allemagne, etc. , dont les rhizomes longuement traçants
servent précisément à maintenir les sables ; ces rhizomes
ont une odeur légèrement aromatique et une saveur dou-
ceâtre un peu amère ; c'est le Radix caricis seu gra-
men rubrum des anciennes pharmacopées, qui servait
jadis comme sudorifique et dans la syphilis sous le nom de
Salsepareille d'Allemagne; les fibrilles sont employées
à fabriquer les balais de chiendent du commerce. Les
rhizomes des C. hirta L. et C, disticha Huds. {C. inter-
média Good.) passent pour émoflients et diaphorétiques ;
les chaumes du C. brizoides L. servent à garnir les ma-
telas comme succédané du Zostera marina ; ceux des
C. vulpina L. , C. paniculata L. et C. riparia Cuv. sont
utilisés dans les industries textiles. Toutes ces espèces
sont européennes. D^ L. Hn.
LAÏCHEV. Ville de Russie, ch.-l. de district du gouver-
nement deKazan, sur la r. dr. de laKaraa ; 5,500 hab.
Fondée par Ivan le Terrible (4557), c'est une des princi-
pales étapes de la route commerciale de Nijni-Novgorod en
Sibérie. Le district mesure 5,480 kil. q. et compte plus
de 450,000 hab., dont un tiers de Tatares.
LAÏCISATION DES HÔPITAUX (V. Hôpital, t. XX, p. 254).
LAÏCITE (V. Neutralité scolaire).
LAID ET (Joseph-Guillaume-Fortuné de), général et
homme politique français, né à Sisteron le 6 mars 4780,
mort à Sisteron le 28 nov. 4854. Volontaire en 4802, il
participa à l'expédition de Saint-Domingue, servit en
Espagne en 4842 et se distingua au siège de Burgos. Il se
rallia à la Restauration, fut promu colonel en 4823, et
devint député des Basses-Alpes le 47 nov. 4827. Il fit par-
tie de l'opposition, si bien que le gouvernement l'envoya
servir à la Martinique. Après avoir pris part à l'expédi-
tion de Morée, il fut réélu le 28 oct. 4830, fut promu ma-
réchal de camp, et, lors de l'insurrection de juin 4832
(V. Juin), il commanda la colonne qui enleva les barri-
cades de la rue Saint-Merri. Réélu député en 4831, en
4834, en J837, il fut chargé en 4839 d'une mission en
Algérie qui lui valut en 4840 le grade de lieutenant géné-
ral. Encore réélu en 4840 et 4 842, il échoua aux élections
de 4846. Il avait rempli les fonctions de questeur de 4839
à 4846. Le 23 avr. 4848, les Basses-Alpes le renvoyaient
à la Constituante puis, en 4849, à la Législative où il com-
battit si vivement la politique de Louis-Napoléon qu'il fut
exilé de France du 9 janv. au 7 août 4852.
LAIE. L Construction. — Marteau dont la masse de
fer aciéré présente deux pannes ou têtes semblables de
forme et pourvues de tranchants, mais dont l'un de ces
tranchants est découpé en dents de scie. La laie sert aux
tailleurs de pierre à égaliser avec le tranchant uni la sur-
face ou le parement vu de la pierre ou du moellon et à
piquer ce même parement à l'aide du tranchant à dents de
scie. Ch. L.
IL Sylviculture. — Ligne qu'on ouvre dans le plein bois
pour séparer la coupe en exploitation des coupes voisines.
L'ordonnance de 4669 (tit. XV, art. 7 et 8) faisait défense
aux arpenteurs et sergents à garde de faire les routes plus
larges de 3 pieds pour passer les portes-perches et les
marchands qui iront visiter les ventes. Les bois abattus ne
pourront être enlevés, mais resteront au profit de l'adju-
dicataire et lui appartiendront. L'ordonnance réglementaire
pour l'exécution du code forestier a, dans son art. 75, re-
produit ces mêmes dispositions. Les arpenteurs ne pour-
ront, sous peine de révocation et sous préjudice de toutes
poursuites en dommages-intérêts, donner aux laies et
tranchées qu'ils ouvriront pour le mesurage des coupes,
plus de 4 m. de largeur. Les bois qui en proviendront fe-
ront partie de l'adjudication de chaque coupe où seront
779 -
LAIE — INAGE
vendus suivant la forme des menus marchés. Une circu-
laire du 4 nov. 4831 recommande aux agents forestiers
l'exécution de ces dispositions ; elle rappelle que le bois des
laies ne doit jamais être abandonné aux gardes. Pour évi-
ter toute difficulté, l'affiche des coupes de chaque exercice
doit indiquer si les bois provenant des laies et tranchées
font ou non partie de la vente. Martinet.
LAI FOUR. Com. du dép. des Ardennes, arr. de Mè-
zières, cant. de Monthermé ; 409 hab. Stat. du chem. de
fer de TE., ligne de Reims à la frontière belge. Fonderies.
LAI G LE. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Orne, arr. de
Mortagne, sur la Rille; 5,303 hab. Stat. de la ligne de
Paris à Gran ville, embranchements sur Conches et sur
Mortagne (0.). Tribunal de commerce. La principale in-
dustrie de Laigle consiste dans la fabrication des aiguilles,
épingles, limes, agrafes, pointes, à laquelle il faut ajouter
la quincaillerie, la tréfilerie de fer et de laiton, les fa-
briques de cordes d'instruments, de lacets, de corsets, de
gants, la tannerie, le tissage des toiles de lin et de chanvre.
Histoire. — Le château de Laigle fut construit entre
d026 et 1028 par Fulbert de Beine, pour surveiller la
vallée de la Rille : sur l'emplacement même du château,
Fulbert aurait, d'après la légende, trouvé dans un chêne
un nid d'aigle, d'oti le nom de Laigle ou V Aigle, comme
on écrivait encore au milieu de notre siècle. Engenulf de
Laigle fut un des compagnons de Guillaume le Conquérant,
passa en Angleterre, et fut tué à Hastings. C'est à Laigle
que Charles le Mauvais, roi de Navarre, assassina Charles
de La Cerda que Jean II avait fait connétable de France.
Après la guerre de la succession de Bretagne, Laigle échut
en 1366 à Jeanne de Penthièvre. La ville fut occupée par
les Anglais de 1417 à 1450. Elle fut prise un moment par
les protestants au xvi*^ siècle, mais elle ne fut pas souillée
parlesmassacres delà Saint-Barthélémy. — Il paraît certain
que, avant la conquête de César et sous la domination ro-
maine, les habitants de la région de Laigle connaissaient
déjà le travail du fer. Mais c'est au milieu du xv® siècle,
et particulièrement de 1450 à 1550, que la fabrication
des épingles s'établit et se développa. A la fin du xvu^ siècle,
6,000 à 7,000 personnes y étaient occupées. Depuis, cette
industrie, qui avait déjà reçu d'importants perfectionne-
ments au xviii® siècle, n'a cessé de prospérer.
Monuments. — V église Saint-Martin présente la forme
d'une basilique à abside circulaire dont la nef est couverte
par une voûte en bois à sept pans. Les plus anciennes par-
ties sont l'horloge et l'abside qui datent des xii^- et xm® siè-
cles ; le reste est de l'époque de la Renaissance ; le clocher
carré, orné de riches contreforts couronnés de pinacles
délicatement sculptés, flanqué d'une tourelle octogone qui ren-
ferme l'escalier, a été commencé en 1494; la seconde aile
de l'église a été construite de 1545 à 1552. L'ampleur et
la finesse de la décoration extérieure, les magnifiques ver-
rières et les sculptures de l'intérieur font de cette église
un remarquable spécimen de l'architecture du xvi^ siècle.
Véglise Saint-Jean, qui date également du xii^ siècle, a
été complètement remaniée au xv^ siècle ; elle est surmon-
tée d'un clocher qui est aussi richement orné de statues
et de sculptures que celui de Saint-Martin et qui est de
la même époque. Le château date du xvii® siècle; c'est
une imposante construction en brique avec une double
façade, de beaux jardins, des terrasses qui descendent jus-
qu'à la rivière, toute l'ampleur des habitations pour les-
quelles Mansart fut consulté. J. Gautier.
BiBL. : De La Sicotière, le Dép, de l'Orne pittoresque
et archéologique.
LAI6NE (La). Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de La Rochelle, cant. de Courçon; 425 hab.
LA! G NÉ. Com. du dép. de la Mayenne, arr. et cant. de
Château-Gontier; 1,002 hab.
LAIGNÉ-en-Belin. Com. du dép. de la Sarthe, arr. du
Mans, cant. d'Ecommoy, dans la petite contrée appelée Be-
linois, sur FErip, affluent gauche de la Sarlhe ; 1,251 hab.
Stat. de la ligne de Tours au Mans.
LAI GN EAU (David) (V. Agneau [L'J).
LAI 6N EL ET. Com. du dép. d'Ille-et- Vilaine, arr. et
cant. de Fougères; 1,345 hab.
LAIGNELÔT (Joseph-François), homme politique fran-
çais, né à Versailles le 12 juin 1750, mort à Paris le
23 juil. 1829. Auteur de deux médiocres tragédies. Agis
(1782) et Pdenzi (1792 et 1804), il se jeta "avec ardeur
dans la politique. Député de Paris à la Convention et envoyé
en mission avec Lequinio (V. ce mot) dans la Charente-
Inférieure, par décret du 8 sept. 1793, il fut un des agents
les plus actifs du culte de la Raison. Il montra beaucoup
de zèle dans d'autres missions, en Vendée et en Bretagne,
et, en Fan IV, fit partie du comité de Sûreté générale. Com-
promis tour à tour dans les journées de prairial, puis dans
la conspiration de Babeuf, il occupa les fonctions de ré-
gisseur de l'octroi à Versailles jusqu'au 18 brumaire et ren-
tra ensuite dans la vie privée. N'ayant ni signé l'Acte ad-
ditionnel ni occupé de fonctions pendant les Cent-Jours,
il ne fut point proscrit en 1816, quoique régicide. F. -A. A.
LAIGNES (La) (V. Côte-d'Or, t. XII, p. 1187).
LAIGNES. Ch.-l. de cant. du dép. de la Côte-d'Or, arr.
de Châtillon-sur-Seine ; 1,232 hab. Stat. du ch. de fer
P.-L.-M., ligne de Nuits-sous-Ravières à Châtillon-sur-
Seine.
LAIGNEVILLE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Cler-
mont, cant. de Liancourt; 914 hab. Carrières de pierre
à bâtir.
LAIGNY. Com du dép. de l'Aisne, arr. et cant. de Ver-
vins ; 598 hab.
LAIGU E. Famille française du Dauphiné (on trouve deux
autres branches en Berry et en Provence) dont les princi-
paux membres furent : Guillaume, sieur de Beauvais
(V. ce nom) ; Geoffroi, connu sous le nom de marquis de
Laigue (1614-74), mêlé à toutes les intrigues de la
Fronde, conseiller très intime de la duchesse de Chevreuse ;
Antoine-Louis (1765-1854) qui dirigea pendant un demi-
siècle les archives du ministère de la justice et publia un
ouvrage intitulé les Familles françaises (Paris, 1815;
2° éd., 1818).
LAILLE. Com. du dép. d'Ule-et-Vilaine, arr. de Redon,
cant. de Guichen ; 2,115 hab. Stat. du ch. de fer de
rOuest, ligne de Paris à Redon.
LAILLY. (^om. du dép. du Loiret, arr. d'Orléans, cant.
de Beaugency; 1,942 hab.
LAILLY. Com. du dép. de PYonne, arr. de Sens, cant.
de Villeneuve-P Archevêque ; 426 hab. Eglise du xvi^ siècle.
Ruines de l'abbaye de Vauluisant, de l'ordre de Cîteaux,
fondée en 1127.
LAIMÉ (La). Rivière du dép. du Jura (V. ce mot,
t. XXI, p. 313).
LAI M ONT. Com. du dép. de la Meuse, arr. de B^r-le-
Duc, cant. de Revigny ; 576 hab.
LAIN. Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre, cant.
de Courson ; 499 hab.
LAINAGE. Ce mot, qui désigne d'une manière générale
les tissus de laine, s'applique particulièrement à l'opéra-
tion que subissent les draps en sortant du foulage, alors
qu'ils sont encore grossiers et raides, dans le' but de
réduire leur épaisseur et de leur donner la souplesse et
la douceur nécessaires. Le travail du foulon développe les
filaments que l'on remarque à la surface des étoffes de laine ;
mais, comme son action persistante et énergique a pour
résultat de froisser les poils et de les mêler en tous sens,
il faut tirer ces filaments à la surface des étoffes, de ma-
nière à former sur celles-ci une couche de duvet homogène
d'égale hauteur, recouvrant autant que possible les traces
laissées par le croisement des fils au tissage. Tel est le but
de cette opération. Jusqu'à présent, l'opération du lainage
s'efiectuait exclusivement sur des machines à tambour, de
systèmes et de constructions divers. Un constructeur,
M. Martinot, a imaginé, comme principe nouveau de lai-
nerie, d'adapter à celte opération le mouvement alternatif
rectiligne ou curviligne. Dans sa machine, le cylindre ou
LAINAGE -^ LAINE
— 780 —
le tambour porte-rouleaux de certains systèmes particu-
liers est remplacé par des leviers garnis de rouleaux à leur
extrémité et animés d'un mouvement de va-et-vient curvi-
ligne, ce qui permet de traiter l'étoffe à poil et à contre-
poil simultanément. On arrive, en outre, à lainer plus rapi-
dement. Il y a dans chaque machine deux ou quatre couples
de cadres ou rouleaux travailleurs garnis de chardon mé-
tallique en ruban. Le tissu, entraîne régulièrement par des
attracteurs, met lui-même en mouvement ces travailleurs
et se trouve en moyenne une trentaine de fois en contact
avec eux à chaque passage à cause du mouvement alter-
natif. L. Knab.
LAI N GEL (Louis-Elzear, marquis de), littérateur fran-
çais, né à Aix en 1818, mort à Suze-la-Rousse (Drôme)
le 6 mai 1882. Il est connu par ses ouvrages sur la litté-
rature provençale : Essai de critique en province (1861 ,
in-12); Des Troubadours aux Félibres (1862, in-12);
Voyage humoristique dans le Midi (i^Q9, in- 12); Avi-
gnon, le Comtat et la principauté d'Orange (1872,
in- 12); la Provence (1881, in-16). Il fut bibliothécaire
du palais de Compiègne.
LAINE. Economie rurale. — La laine constitue lo
poil des moutons (V. ce mot) ; elle se différencie des poils
proprement dits en ce qu'elle est plus fine, plus douce et
plus flexible. Sur certaines parties du corps la laine est mêlée
à quelques poils qu'on wommQ jarres ; on rencontre surtout
les poils jarreux aux cuisses, à la tète, au garrot. La dou-
ceur qui caractérise la laine et qui fait qu'elle glisse entre les
doigts lorsqu'on palpe la toison, est due au suint^c-k-d. à
la matière grasse qui l'imprègne dans la proportion de 20
à 40 °/o. La laine est fortement hygroscopique ; par contre,
elle se dessèche avec la même facilité. Lorsqu'elle est à
l'état naturel, la laine est dite surge ou en suint. Sui-
vant les races et l'alimentation des moutons, la laine pré-
sente des différences bien tranchées. La qualité d'une laine
dépend tout d'abord de sa finesse, qui a été prise comme
base de classification; cette finesse, c.-à-d. le diamètre des
brins, varie de 1 à 10/100® de millimètre; il varie aussi
avec les régions du corps. Sous ce rapport, on admet cmq
catégories de laines qui ont reçu des noms différents :
laines extra- fines, dont le diamètre varie entre O^^'^Ol
et 0,02 ; hines fines, dont le diamètre varie entre 0,02 et
0,025 ; laines intermédiaires, dont le diamètre varie entre
0,025 et 0,033; l^m^s communes, dont le diamètre varie
entre 0,03 et 0,05 ; laines grosses, dont le diamètre varie
entre 0,05 et 0,10.
A la finesse de la laine doit se joindre l'égalité de dia-
mètre, qui indique l'égale densité d'où résulte la même
force ou ténacité. Les brins de laine sont toujours plus ou
moins contournés sur eux-mêmes, et les tours de spire
sont d'autant plus nombreux qu'ils sont plus fins. On dit
que la laine est « vrillée » lorsque cette disposition en
tire-bouchon est fortement accusée; elle est dite « ondu-
lée » lorsqu'elle présente des flexuosités moindres; enfin,
elle est « droite » ou « plate,» quand! le ^vrillement a
disparu et que le brin est rectiligne. D'après le docteur
Pennetier, il existe une'-^certaine relation entre la forme
des brins et celle des cornes de l'animal. Celles-ci sont,
en effet, droites ou arquées lorsque les brins sont lisses,
et elles sont, au contraire, contournées chez les animaux
dont la toison est frisée. A moins que le brin ne soit lisse,
sa longueur apparente, la seule dont on tienne comptCg en
pratique, diffère de la longueur réelle qu'il présenterait
s'il était étendu. Elle mesure de 5 à 18 centim., les mou-
tons de montagne donnant le minimum et ceux des plaines
le maximum. On nomme « laine courte » celle d'un an
de pousse, qui ne dépasse pas 5 à 7 centim. Dans cette
catégorie se trouvent les laines des moutons des montagnes
de l'Allemagne et du mouton espagnol ou mérinos avec ses
sous-races. "La longueur des laines extra-fines ne dépasse
pas 3 à 4 centim. et celle des mérinos ordinaires, 6 à
7 centim. Ces laines courtes 'sont aussi quelquefois nom-
mées « laines à cardes », par opposition aux laines longues
ou « laines à peigne ». Ces dernières ont au moins 10 à
12 centim. et en peuvent atteindre jusqu'à 30 dans cer-
taines races anglaises. Depuis qu'on est parvenu, à l'aide
de machines perfectionnées, à peigner les laines les plus
courtes, cette distinction a perdu de son importance. Les
brins de la première tonte se terminent graduellement en
pointe ; mais ceux des tontes suivantes ont un diamètre
plus uniforme. La force de la laine se mesure par la trac-
tion que le brin peut supporter sans se rompre ; les laines
fortes sont dites « nerveuses ». La rupture a lieu après
un allongement plus ou moins considérable du brin ; cet
allongement constitue son « extensibilité » ou souplesse.
La souplesse de la laine unie à l'élasticité donne le « liant ».
Le nombre de brins par pouce ou centimètre carré sur la
toison donne le « tassé » ; on a trouvé dans les laines com-
munes de 8,000à 10,000 brins, et, dans les laines finesde
mérinos, de 20,000 à 40,000 brins par pouce carré. La
peau épaisse donne plus de tassé, la peau fine plus de
finesse; d'ailleurs la toison d'un même animal n'est jamais
homogène, l'épaisseur de la peau variant avec les diffé-
rentes régions du corps. A ce point de vue, on distingue
six catégories de laine : la première et la meilleure est
retirée des flancs et des côtés de l'épaule ; la seconde, du
dos et du bas des hanches ; la troisième, des jarrets jus-
qu'aux hanches et aux genoux ; la quatrième est récoltée
sous le cou ; la cinquième, à la naissance du dos et sur la
queue; la sixième, enfin, qui forme la plus mauvaise qua-
lité, est prise sur la tête et sous le ventre. La couleur des
laines est très variable; elle est blanche, grise, jaune,
brune ou noire ; cette coloration résiste à l'action du
lavage et du dégraissage ; la laine blanche est la plus esti-
mée. L'ensemble de la laine qui couvre un mouton, c.-à-d.
la toison, pèse de 2 kilogr. à 2^^500 en suint, et de 1 kilogr.
à 1^^500 lavée à dos. A. Larbalétrier.
Commerce. — Les principaux marchés européens
pour le commerce des laines sont : 1** Londres, où arrivent
les laines d'Australie et du Cap pour être réexportées, s'il y
a lieu, dans les autres pays industriels ; 2^ Anvers, qui reçoit
les laines de la Plata destinées à la Belgique, l'Allemagne et
le N. de la France ; 3° Le Havre, pour ces mômes laines ;
4** Dunkerque, qui, depuis que son outillage a été déve-
loppé, a dérivé une partie du commerce d'Anvers ; 5^ Mar-
seille, pour les laines de Russie, du Levant, et en général
des pays riverains de la Méditerranée ; puis Bordeaux et
Hambourg. Dans les plus importants d'entre eux ont lieu,
ordinairement six fois par an, des ventes publiques aux
enchères, auxquelles se rendent les acheteurs de tous les
pays et qui règlent les cours.
En raison de la grande hygrométricité de la laine, les
poids marchands des lots sont fixés au moyen du condi-
tionnement, opération qui consiste, après avoir prélevé
dans les balles un certain nombre d'échantillons, à les peser
aussitôt leur prise, puis après leur dessiccation complète
dans des éluves chauffées à plus de 100°. On établit parce
moyen, à l'aide d'un calcul élémentaire, le poids du lot ra-
mené à l'état sec et Ton y ajoute un taux de reprise représen-
tant l'humidité que doit normalement renfermer la laine. Ce
taux, pouvant varier suivant les régions, est ordinairement
de 17àl8**/o. La quantité de laine produite et mise à la dis-
position de l'industrie en Europe aussi bien qu'en Amérique
peut être évaluée aux chiffres suivants pour l'année 1893 :
Kilogr.
France 50.000.000
Grande-Bretagne et Irlande 69.000.000
Europe continentale moins la France. . . 1 54 . 000 . 000
Amérique du Nord 157.000.000
Australie et Nouvelle-Zélande 292.000.000
Colonies du Cap 40.000.000
Plata et Uruguay 167.000.000
Autres provenances 80 . 000 . 000
Total 1.009.000.000
On trouvera dans les articles consacrés à la géographie
de chaque pays des indications sur le nombre des moutons,
la quantité de la laine produite et l'importance des indus-
tries qu'elle alimente (V. aussi Europe, t. XVI, p. 834).
Le fait essentiel de notre époque est la décroissance de la
production européenne. Les grands troupeaux disparaissent,
sauf en Hongrie, Bohême et Siiésie. L'Allemagne fournit
une certaine quantité de laines très fines du type mérinos
électoral ou negretti. L'Autriche-iïongrie donne surtout des
laines fines. Celles-ci représentent seulement un quart de
la production russe, donnant lieu à une exportation d'en-
viron 25 millions de kilogr. La Turquie et la péninsule des
Balkans ne fournissent que des laines communes peu abon-
dantes. L'Italie ne produit que peu de laines fines, dont une
certaine quantité est exportée. L'Espagne a beaucoup perdu
de son ancienne supériorité, en raison surtout du perfec-
tionnement qu'ont éprouvé, par leur déplacement et les soins
qu'ils ont reçus, les troupeaux créés dans d'autres pays avec
ses reproducteurs; l'exportation des laines est peu consi-
dérable. La Grande-Bretagne possède des races ovines qui
produisent une laine très estimée, notamment les choviott,
habitant les collines du S. de l'Ecosse. Les Etats-Unis
d'Amérique exportent peu de laine. Les principaux pays
d'élevage, qui alimentent dans une large mesure les indus-
tries européennes, sont l'Australie, la République Argen-
tine, l'Uruguay et la colonie du Cap.
Les premières laines d'Australie furent expédiées en An-
gleterre en 1817, et les exportations se sont élevées avec
une très grande rapidité. Elles ont été en 181 0 de 167 livres
anglaises; en 1820 de [100,000; en 1830 de 1,134,134;
en 1840 de 12,399,090; en 1843 de 17,433,000;
en 1880 de 374,070,000 livres ; elles ont atteint en 1893
le chiffre de 287,000,000 de kilogrammes.
Ces laines sont toutes du type mérinos et se désignent
par les noms des provinces dont elles proviennent ou de
leur port d'expédition : New South Wales et Queensland
ou Sydney; Victoria ou Port Philipp, Australie du Sud ou
Adélaïde, Australie occidentale ou Ivan River. Elles sont
expédiées en balles ordinairement de 500 kilogr., ayant
un volume de 1 m. c, cerclées de fer et renfermant de
250 à 300 toisons. Elles sont généralement en suint,
mais quelquefois aussi lavées à dos (scoured) ou même
lavées à fond {snow-white) .
L'élevage des moutons dans la République Argentine et
l'Uruguay s'est développé avec une rapidité au moins égale :
les reproducteurs y ont été principalement des mérinos de
Rambouillet, et les laines qui en proviennent, encore d'ex-
cellente qualité, sont un peu plus courtes et plus dures
que celles d'Australie ; elles sont très chargées de gratte-
rons et peuvent perdre par l'échardonnage jusqu'à 10 ou
15 °/o de leur poids. L'industrie fait une différence entre
celles de Buenos Aires qui sont plus fines et celles de Mon-
tevideo qui sont plus fortes, mieux nourries, mais moins
douces. Les balles sont d'environ 400 à 420 kilogr. de
laine en suint. Les exportations ont été en 1862, de
81,525 balles; en 1872 de 263,331 balles; en 1893
de 166,000,000 de kilogr. ou 420,000 balles environ.
Les troupeaux de la colonie du Cap dérivent de mérinos
introduits vers 1833 et qui ont t'ait disparaître les races
communes élevées précédemment, pour atteindre actuelle-
ment le nombre de près de 18 millions. Les exportations
ont été : en 1863 de 94,159 balles ; en 1867 de
135,418 balles; en 1877 de 180,670 balles et en 1893
de 41,500,000 kilogr. expédiées par CapeTown, Port Elisa-
beth, East London et Port Natal.
Les principaux centres d'industrie lainière sont en France
Roubaix et Tourcoing, fabriquant toutes sortes de tissus
pour robes et pour ameublement, ainsi que certaines dra-
peries de fantaisie; Reims produisant les mérinos, cache-
mires, flanelles ; Elbeuf, Louviers, Sedan la draperie ;
Castres, Mazamct, Dieulefit les draperies communes, mol-
letons, etc.; Aubusson les tapis, etc. En Belgique, Ver-
viors; en Angleterre, Bradford, Leeds, Halifax, etc.;
Glasgow^, en Ecosse. En Allemagne, c'est en Saxe et dans
781 — LAINE
la Prusse rhénane que ces industries prennent le plus
grand développement.
Outre la laine des moutons, on emploie dans des condi-
tions analogues les poils de certaines chèvres, principale-
ment celles de Cachemire, répandues dans les vallées de
rilimalaya et de la toison desquelles on retire, en les pei-
gnant, une laine lisse, mais extrêmement fine et douce, au
moyen de laquelle on fabrique les châles et autres tissus
désignés sous ce même nom de cachemires, mais souvent
imités en laine de mouton. Le duvet de ces chèvres est
toujours mélangé de poils ou jarres que Ton est obligé d'en-
lever par un triage très soigné, ce qui élève considéra-
blement le prix de ce textile relativement peu abondant.
Les alpagas et les vigognes habitant les montagnes de
la Cordillère des Andes fournissent aussi des laines lisses
et longues, très douces, fines et brillantes, de couleur brun
marron ou noir, employées pour les belles qualités des
tissus qui portent leurs noms. La difficulté de se les pro-
curer par des animaux sauvages et de plus en plus rares
rend les prix de ces laines très élevés. Le duvet du lama
présente aussi de réelles qualités. Les toisons du chameau
fournissent également une laine brunâtre assez longue et
douce, mais grossière et jarreuse, dont les Arabes font
des cordes et des toiles de tentes ; elle est employée par
l'industrie dans quelques cas spéciaux. P. Goguel.
Industrie. — L'usage de la laine remonte à la plus
haute antiquité. Dans tous les écrits que nous ont laissés les
auteurs anciens tels que Moïse, Homère et Hésiode, il est
souvent question des nombreux troupeaux formant la prin-
cipale richesse de quelques peuples et de l'emploi de leur
toison en vêtements. Au temps des patriarches de la Genèse
et des héros de V Iliade, on portait déjà les étoffes teintes de
toutes couleurs et ornées de tout ce que la nature et l'art
pouvaient fournir en laine. Les annales de la Chine et la
connaissance assez étendue que Ton a acquise de l'anti-
quité de l'Inde viennent à l'appui de cette ancienneté de
l'art de tisser les étoffes en laine. Pline nous renseigne sur
l'origine probable des différents arts textiles relatifs à la
laine. D'après lui, il faudrait attribuer le tissage aux Egyp-
tiens ; la teinture aux Lydiens ; les fuseaux pour la filer,
à Closter, fils d'Arachné ; les foulons à Nicias de Mé-
gare, etc. Cet auteur nous parle aussi des tapis de laine à
couleurs et à dessins mélangés, connus antérieurement à
Homère ; il nous indique les manières différentes dont les
Partheset les Gaulois bordaient ces mêmes tapis; attribue
à ceux-ci l'invention des matelas bourrés de laine et à ceux-
là celle des étoffes veloutées, soit d'un, soit des deux côtés ;
aux Romains seraient dues les ceintures velues ; au siècle
d'Auguste, les étoffes rases et frisées ; au roi Attala, les
étoffes de laine brochées en or ; enfin, d'après le même
auteur, les plus belles tapisseries venaient d'Alexandrie,
les étoffes tricotées des Gaules, les broderies sur laine de
Babylone, où avaient été travaillées ces fameuses couver-
tures de lits à convives qui, du temps de Caton, furent
vendues au prix de 800,000 sesterces et que Néron acheta
4 millions de sesterces. H est certain que sous la domina-
tion des empereurs romains, les Gaulois possédèrent des
ateliers importants où se sont fabriquées des étoffes en
laine, rayées, à carreaux, appelées saies et destinées à l'ha-
billement des soldats. Parmi les cités manufacturières, il
faut citer Arras, puis Saintes et Langres. L'invasion des
Barbares vint ruiner complètement l'industrie du filage et
du tissage dans le monde entier; aussi, dans le but de
suppléer, autant que possible, à la difficulté des échanges,
les gens fortunés établirent-ils dans leurs maisons des fa-
briques particulières. Nous citerons entre autres celle que
Charlemagne fonda dans son propre palais. On donnait
alors à ces étabhssements le nom de gynécées, parce qu'ils
étaient généralement placés sous la direction de femmes
serves. Au temps des croisades, une révolution complète
s'opéra dans l'industrie et le commerce du continent, car
les Européens, grâce à ces expéditions lointaines, retrou-
vèrent dans l'Asie les traces des sciences et des arts. La
LAINE — 782 —
première nation qui sut tirer parti des découvertes rap-
portées de l'Orient fut l'Italie ; vinrent ensuite les Pays-Bas
et en particulier Bruges, Anvers et Gand. Ce furent long-
temps les Pays-Bas qui fournirent à peu près exclusive-
ment aux besoins et au luxe de toutes les nations d'Europe,
faisant venir leurs laines brutes d'Angleterre, de France,
d'Allemagne et d'Espagne. Les Anglais, cependant, à la fin du
xv^ siècle, commencèrent à entrer dans la lice industrielle.
Les origines de la fabrication des étoffes de laine en
France sont essentiellement diverses, suivant qu'elles s'ap-
pliquent aux tissus foulés ou drapés, ou aux tissus ras.
Nous allons tout d'abord nous occuper des premiers. Dès
le moyen âge, la fabrication des étoffes classées dans la
draperie proprement dite existait déjà ; elle était concen-
trée entre les mains d'un petit nombre de familles qui en
faisaient une sorte d'industrie domestique, se transmettant
précieusement d'une génération à l'autre, et comme autant
de secrets, les procédés de tissage alors usités. La France
ne pouvait évidemment tirer entièrement sa consommation
de ce genre de production, et elle demandait à l'Angleterre,
à l'Espagne et aux Pays-Bas, chez lesquels l'industrie dra-
pière avait pris de l'extension, une partie de ce qui lui
était nécessaire. L'anéantissement de la Ligue et la publica-
tion de l'édit de Nantes, en amenant la confiance dans les
esprits, décidèrent de la création de quelques établissements
importants et, dès ce moment, la fabrication des draps
s'installa chez nous sur le pied d'une véritable industrie.
Elle grandit sous l'influence de deux causes successives :
tout d'abord l'arrivée en France de familles maures tolé-
rées jusqu'alors dans le royaume de Grenade, et que ve-
nait de chasser Philippe lit ; ces familles vinrent fonder
les principales fabriques encore aujourd'hui existantes de
Carcassonne et de quelques localités du Midi. La seconde
cause est la production des bestiaux, grâce à la protection
de Sully qui, en introduisant plusieurs races ovines de
qualité supérieure, augmenta notablement la quantité de
laines que nos fabricants pouvaient tirer du sol français.
Après la mort de Henri IV, le règne de Louis Xïll fut un
temps d'arrêt pourl'industrie lainière. Puis, sous Louis XIV,
grâce à l'administration de Colbert, on vit s'élever sur tous
les points du territoire des fabriques de produits nouveaux
créées par des industriels de l'Italie, de l'Allemagne et de
Hollande. De là date la fabrication réputée de Sedan, car,
en 4646, Nicolas Cadeau fondait dans cette ville la pre-
mière manufacture de draps fins, façon de Hollande. En
1665, le Hollandais Gesse Van Robais venait fabriquer
à Abbeville des draps fins façon de Hollande et d'Espagne ;
à Louviers, en 1681, la maison Ricard-Langlois obtenait
un certain nombre de privilèges pour une spécialité de fa-
brication analogue ; enfin Elbeuf voyait aussi se créer des
manufactures de drap qui acquirent rapidement une grande
importance. Sous le règne de Louis XV, la draperie res-
treignit sa production. Lors de l'avènement de Louis XVI,
un mouvement de recrudescence se manifesta ; mais le
traité d'échanges conclu entre la France et l'Angleterre par
les soins de Vergennes vint l'anéantir presque complè-
tement. Sous le règne de Napoléon P^, l'industrie de la
laine fit d'immenses progrès. De 1818 date, pour nos ma-
nufactures de draps, l'emploi presque exclusif de machines
se substituant au travail manuel ; la tondeuse CelUer, la
machine à carder Cockerill, les fouleuses et nombre de mé-
tiers. En 1834, la draperie, dite de fantaisie, fit son appa-
rition.
Arrivons maintenant à l'histoire de la fabrication des
étoffes de laine rases en France. Jusqu'au règne de Henri IV,
notre production de tissus demeura fort restreinte. Au mo-
ment de la révocation de l'édit de Nantes, les Français qui
émigrèrent dotèrent l'Allemagne de l'industrie des tissus
de laine ras, étamines, serges, crépons, etc. Une décou-
verte importante parmi celles qui se rattachent au tissage
fut faite en 1737 : ce fut celle de la navette volante. Dans
plus de quarante localités, on fabriquait des tissus ras ;
les laines anglaises et hollandaises servaient pour les qua-
lités fines, les laines du pays pour les genres plus com-
muns. Les étoffes de laine du xviii® siècle forment deux
grandes catégories : la première comprenait celles en laine
pure, lisses ou croisées, façonnées, fabriquées spécialement
dans la Flandre et dans la Champagne ; la seconde, les
tissus mélangés de soie et de laine, dont la fabrication avait
lieu plus particulièrement dans le rayon d'Amiens et de
Paris, dont les manufactures étaient dans l'Artois, dans la
Picardie et même dans le Nord ; le rayon de Reims et en-
virons ; celui d'Amiens et environs ; celui du Nord et celui
d'Alsace. La fabrication des tissus de laine en Alsace ne
prit une certaine extension que comme conséquence des
progrès réalisés dans la filature de la laine peignée. Au-
jourd'hui, bien que nombre de genres similaires se fabri-
quent dans des rayons fort éloignés les uns des autres, le
tissage des articles foulés sous toutes ses formes est par-
ticulièrement représenté par Sedan, Elbeuf, Louviers,
Vienne, Lizieux, Mazamet, Orléans, Beauvais, Villeneu-
vette. Vire, La Bastide, Lodève et Châteauroux ; et celui
des étoffes rases par Roubaix, Fourmies, Tourcoing, Reims,
Amiens, Saint-Quentin et Mende. La statistique oflicielle
nous donne de la façon suivante le nombre de métiers à
tisser existant dans toute la France :
ANNÉES
MÉTIERS A TISSER
ACTIFS INACTIFS
TOTAL
1873
21.934
36.518
32.325
41.084
41.923
43.253
42.731
1.791
1.749
2.949
3.432
2.776
2.429
2.101
23.725
38.267
35.274
44.516
44.699
45.682
44.832
1876
1877
1882
1885
1888
1891
Arrivons maintenant à la filature et retraçons rapide-
ment les progrès de cette autre industrie. On sait que long-
temps les fils ne se firent qu'à la main et que la production
française fut presque entièrement concentrée en Flandre et
en Picardie ; les produits en furent désignés sous le nom
de fils de sayette et servirent, concuremment avec ceux de
Hollande et de Saxe, à l'alimentation des fabriques de tis-
sus. Le premier essai d'une mécanique à filer la laine fut
dû, en 1755, à un sieur Brisson. En 1780, Prit inventa
une machine propre à filer industriellement la laine; mais
c'est seulement en 1810 que naquit la filature mécanique
proprement dite ; on essaya, en effet, pour la première fois,
le cardage et la filature du cardé à la mécanique, innova-
tions dues à Douglas et Cockerill et on chercha aussi à ap-
pUquer à la laine peignée le métier mule-jenny. Ce fut
Dobo, mécanicien de Reims, qui, en 1812, monta dans la
manufacture de MM. Ternaux et Jobert-Lucas, à Bazan-
court, les premières machines à étirer la laine peignée ; ce
fut encore lui qui édifia plus tard les deux filatures montées
à Paris par Richard-Lenoir. De 1832 à 1835, le nombre
des broches des mule-jennys, qui n'était que de 120, fut
successivement porté à 160, 200 et 240 ; il en résulta une
augmentation considérable dans la production. L'Alsace ne
débuta qu'en 1838, mais il s'y monta de suite 35,000 bro-
ches. La création, en 1845, du peignage mécanique, grâce
à l'invention de Heilmann, donna une' impulsion des plus
grandes à la filature de la laine peignée. Les deux dernières
périodes décennales ont vu se développer dans des condi-
tions remarquables le matériel de la laine cardée et de la
laine peignée. En ce qui concerne le premier genre, les as-
sortiments de cardes de petites dimensions à tambours de
bois, ont fait place aux grandes machines à tambours mé-
talliques travaillant une nappe de 1^,50 de largeur. La
division de la nappe cardée en boudins, obtenue primitive-
ment par les peigneurs à colliers, ne se fait plus que par
les appareils diviseurs à lanières de cuir et plus souvent
encore par lames d'acier. En peigné, les progrès ont en-
core été plus sensibles. Les premières peigneuses, déjà re-
marquables par la perfection de Texécution et la précision
de leur fonctionnement, ont été non seulement modifiées
complètement dans la disposition générale, le volume des
organes et la transmission des mouvements, mais encore
ont reçu des améliorations de détail qui ont accru la quan-
tité du travail sans préjudice pour la qualité. Aujourd'hui,
il semble que les efforts des inventeurs s'accentuent du côté
du traitement et de Tappropriation plus parfaite des ma-
tières premières. Ainsi par exemple, l'industrie du lavage
a été dotée tout récemment de divers types de machines
plus originales pour le dégraissage, le rinçage, le séchage,
l'épaillage chimique et le désacidage des laines. Toutes con-
courent au même but : l'obtention d'un produit plus par-
fait, plus marchand, mieux préparé à subir les trans-
formations ultérieures de la fabrication. En 1829, on
ne comptait chez nous que 240,000 broches; en 1844,
600,000 ; en 1862, 1 million. Pour les dernières années,
on arrive aux chiffres suivants :
ANNÉES
BRO{
ACTIVES
:hes
INACTIVES
TOTAL
1873
2.646.063
2.688.818
2.747.262
2.867.340
2.885.012
2.862.267
2.852.107
250.866
257.819
275.515
196.620
212.291
199,799
215.852
2.808.929
2.946.632
3.022.777
3.063.962
3.097.803
3.062.068
3.067.459
1876
1879
1882
1885
1888
1891
En 1878, la France importait 1,704,000 kil. de fils de
laine et elle exportait 4,654,000 kil.; en 1890, elle im-
portait 2,895,000 kil et elle exportait 6,128,000 kil.
La laine est employée, comme nous l'avons vu, pour la
fabrication de deux genres de tissus bien différents les
uns des autres : les tissus ras et les draps ou tissus
feutrés. Dans les premiers, les fils restent découverts et
bien visibles ; ils doivent donc être souvent très fins et
toujours parfaitement réguliers et homogènes; les filaments
qui les composent doivent, comme lorsqu'il s'agit du lin,
du coton, etc., être bien redressés et parallélisés et par-
faitement incorporés dans les fils par la torsion qui les lie.
La filature n'atteint ces résultats que par des opérations
multiples et répétées et au moyen d'étirages (V. ce mot,
t. XVI, p. 666) qui, pour produire avec exactitude leurs
effets, exigent des préparations premières très complètes,
avec intervention du peignage (V. ce mot). De là le nom
de fils peignés qu'on leur donne (V. Fil peigné, t. XVlî,
p. 441). Lors(ju'il s'agit des draps ou autres tissus feutrés,
les fils n'atteignent jamais une grande finesse; ils se for-
ment en quelque sorte par le canevas de l'étoffe, qui se
condense et prend corps par le foulage (V. ce mot, t. XVII,
p. 890, et Feutre, t. XVll, p. 383) en se recouvrant, en
outre, d'une couche de feutre qui cache et dissimule plus
ou moins les fils. Pour que le foulage puisse se produire,
il est nécessaire que les fibres de la laine aient conservé
leur propriété de se feutrer malgré le travail de la filature,
et qu'en outre elles ne soient qu'imparfaitement incorpo-
rées et emprisonnées dans les fils. La filature devra donc
réduire au minimum ses opérations et surtout éviter les
étirages. La carde joue un rôle prépondérant dans cette
industrie dont les produits prennent, par suite, le nom de
fils cardés. Dans tous les cas, les laines sont d'abord triées,
dessuintées, puis lavées par des procédés qui diffèrent peu,
suivant qu'elles sont destinées à l'un ou l'autre de ces
usages. La filature de la laine cardée se réduit ensuite à
un battage (V. ce mot, t. V, p. 817), suivi du cardage,
puis immédiatement du filage. Le battage a pour but de
commencer à désagréger les niasses dans lesquelles la laine
s'est agglomérée pendant le lavage. Pour effectuer les
- 783 — LAINE
opérations du cardage et du filage, on est obligé d'ensimer,
c.-à-d. de graisser la laine (V. Ensim AGE, t. XV, p. 1161),
afin que les fibres, malgré leur surface rugueuse, puissent
facilement se séparer les unes des autres, puis glisser les
unes sur les autres. L'opération du cardage a pour but de
séparer d'une manière complète les fibres les unes des
autres et, en outre, de les grouper et de les rassembler
en petites mèches qui servent à alimenter les métiers à
filer. Ce résultat n'est généralement atteint qu'après le
passage à travers trois cardes qui prennent les noms de
carde briseuse, carde repasseuse et carde finisseuse ou
fileuse (V. Carde, t. IX, p. 367). Les cardes briseuses
sont quelquefois munies d'appareils d'alimentation automa-
tique qui puisent la laine dans un bac où l'on en a mis en
assez grande quantité et la répartissent d'une manière par-
faitement régulière sur la toile sans fin alimentaire de ces
machines. On a cherché à éviter la formation des matelas
à la sortie des cardes briseuses et repasseuses et à pro-
duire d'une manière régulière et continue l'alimentation
des machines suivantes, au moyen d'appareils qui reploient
la nappe détachée du peigneur, par plis réguliers, sur une
table disposée à la suite de ce peigneur, et plus bas que
lui ; cette table est constituée par une toile sans fin ani-
mée d'un mouvementlent de translation perpendiculairement
à la longueur de la carde; il s'y forme donc une nouvelle
nappe dont la largeur, égale à celle des cardes, est formée
par les plis qui s'y déposent et dont la longueur résulte des
déplacements qu'éprouvent, les uns par rapport aux autres,
ces pHs entraînés par le mouvement de la table. La nappe
est enroulée par un appareil spécial qui fait suite à la
table, et sert sous cette forme à ahmenter la machine sui-
vante. Quelquefois aussi la nappe, détachée du peigneur de
la carde, est transformée en un ruban que l'on conduit du
côté de l'entrée de la machine suivante, où un appareil très
simple, animé d'un mouvement de va-et-vient, la reploie
sur lui-même en le couchant parallèlement aux cylindres
alimentaires. Dans l'un et l'autre cas, l'alimentation se
fait d'une manière régulière et continue, et la marche de la
matière se produit dans des directions différentes qui faci-
litent le cardage et s'opposent au parallélisage des fibres.
Au sortir des cardes finisseuses, le système de deux pei-
gneurs n'est plus guère appliqué. On obtient une division
plus régulière de la nappe, au moyen de lanières de cuir ou
de lames d'acier de 10 à 15 millim. de largeur, disposées
les unes à côté des autres, de manière à saisir la nappe
dans son ensemble, pour prendre ensuite alternativement
deux directions différentes et découper en quelque sorte
cette nappe en bandes de même largeur, que des frottoirs
ou des guides tournants condensent en mèches. La trans-
formation de ces mèches en fils se fait toujours au moyen
de métiers à filer renvideurs (V. Filage, t. XVIl, p. 444),
dans lesquels l'étirage ou allongement des mèches est pro-
duit par l'arrêt de l'alimentation, lorsque le chariot n'a
parcouru qu'une partie de sa course. Les glissements des
fibres les unes sur les autres se produisent d'une manière
régulière pendant que le chariot finit de se déplacer, en
raison de l'huile qui les imprègne et qui n'est enlevée
qu'après le filage ou quelquefois après le tissage seulement.
La teinture s'effectue sur la laine dessuintée avant le filage,
ou bien sur les fils ou sur les tissus achevés.
Les opérations pour obtenir de bons fils peignés sont
beaucoup plus nombreuses et se succèdent de la manière
suivante : 1<* Dessuintage (V. ce mot, t. XÏV, p. 299)
et lavage (V. ce mot). 2° Séchage et graissage ou ensi-
mage (\\ ce mot, t. XV, p. ii6\). 3<> Cardage (V. ce
mot, t. IX, p. 364). Les cardes démêlent les fibres et les
groupent en rubans. Un seul passage dans des cardes
à hérissons, généralement munies d'un avant-train, est
suffisant. 4*^ Etirage donné au moyen d'un gills-box
(V. Etirage, t. XVI, p. 666). 5« Lissage, opération par
laquelle on enlève la graisse provenant de l'ensimage, et
qui quelquefois ne se fait qu'après le peignage (V. Lissage).
6<* Peignage, par lequel s'achève l'opération et le net-
LAINE — LAINERIE
— 784 —
toyage de la laine, dont les duvets et les filaments trop
courts sont en même temps éliminés (V. Peignage). Ces
premières opérations, qui livrent la laine bien rangée sous
forme de rubans, s'effectuent souvent dans des établisse-
ments spéciaux auxquels on donne le nom de peignages.
Les filatures proprement dites produisent la transforma-
tion en fils des rubans peignés au moyen d'étirages suivis
du filage, l"" Etirages, qui se répètent huit ou dix fois au
moyen de bancs d'étirage ou bobinoirs munis de frottoirs
(V. Etirage, t. XVI, p. 666). Les premiers passages sont
quelquefois produits par des gills-boxes et les derniers,
quand il s'agit de laines longues et lisses, par des bancs
à broches (V. Banc a broche, t. V, p. 208). 8° Filage,
efi'ectué comme par les autres matières textiles au moyen
de métiers renvideurs ou de métiers continus (V. Filage,
t. XVII, p. 444). L. Knab.
Bonneterie de laine (V. Bonneterie, t. Vil, p. 339).
Couvertures de laine (V. Couverture),
Consommation de la laine en Europe (V. Europe, t. XVI,
p. 834).
Laines diverses. — Laine de bois. — On donne le
nom de laine de bois à de petits copeaux minces et étroits,
faits avec des déchets de bois et dont on se sert pour em-
ballages, et quelquefois aussi pour la confection de certains
matelas, le nettoyage des machines et la filtration des li-
quides. Ces laines sont faites mécaniquement au moyen d'es-
pèces de rabots combinés avec des séries de lames qui di-
visent les copeaux en petites lanières.
Laine végétale. — Différentes fibres d'origine végétale
ont été désignées quelquefois sous le nom de lame : en Silé-
sie, en Suède et en Hollande, un peu aussi en Russie et
en France, on obtient, en traitant par des lessives de soude
les aiguilles du pin silvestre, des fibres de couleur brun mar-
ron, au moyen desquelles on fabrique des tissus employés
à la confection de vêtements hygiéniques recommandés par
certains docteurs contre les rhumatismes. On a de même
extrait de la tourbe, sous le nom de cosmos, des fibres
rappelant une laine très grossière. Les duvets laineux
adhérents aux graines de certaines plantes, telles que le
Typhaaugustifolia, Calotropis gigantea, ont aussi donné
lieu à des essais d'emploi.
Laine de scories. — Les laitiers de haut fourneau,
ordinairement refondus au creuset et soumis à l'action
d'un courant d'air énergique, produisent une écume d'où
s'échappent des fibres fines et entrelacées que l'on re-
cueille sous le nom de laine de scories pour en former
des enveloppes calorifuges pour tuyaux de vapeur, etc. Ils
sont en effet très mauvais conducteurs de la chaleur et du
son, et en même temps incombustibles, ce qui rendrait leur
usage avantageux pour le remplissage des cloisons et des
planchers dans les constructions. P. Goguel.
LAÎNÉ (Jeanne) (V. Hachette [Jeanne]).
LA I N É (Etienne-Henri-Joachim, vicomte), homme d'Etat
français, né à Bordeaux le 11 mars 1767, mort à Paris le
17 déc. 1835. Avocat distingué dans sa ville natale, il fut
appelé au Corps législatif le 18 févr. 1808. Bientôt, excédé
par la folie belliqueuse et le despotisme de Napoléon, il se
rapprocha du royalisme et, au mois de déc. 1813, se pro-
nonça dans un rapport célèbre pour le rétablissement de
la paix et de la liberté. L'empereur fit supprimer cette pièce,
prorogea le Corps législatif et accusa publiquement de tra-
hison Laine qui, retiré à Bordeaux, accepta bientôt du duc
d'Angoulême la préfecture de la Gironde à titre provisoire
(12 mars 1814), rentra à Paris après la Restauration et
fut nommé par Louis XVIII président de la Chambre des dépu-
tés. Pendant les Cent- Jours, il se réfugia en Angleterre. Re-
devenu président de la Chambre des députés à la fin de 1815,
il lutta loyalement contre la politique rétrograde des ul-
tra-royalistes. Nommé ministre de l'intérieurle 7 mai 1816,
il eut une grande part à l'ordonnance du 5 sept, qui dis-
solvait la (îhambre introuvable. Une nouvelle assemblée,
élue sous son influence, se montra disposée à mettre un
terme à la réaction. Laine présenta et fit voter la loi élec-
torale du 5 févr. 1817 qui assurait la prépondérance dans
les élections à la bourgeoisie. H put, durant deux années,
se maintenir un équilibre entre l'extrême droite et l'extrême
gauche. H se retira du pouvoir en déc. 1818, aussi pauvre
qu'il y était entré. On le vit peu après, effrayé par les pro-
grès du parti libéral, s'associer à la proposition Barthélémy
pour la réforme de la loi électorale (1819), soutenir le se-
cond ministère Richelieu et contribuer à l'adoption de la loi
du double vote (juin 1820). Rappelé dans le cabinet (déc.
1 820) comme ministre sans portefeuille, il n'y resta cette fois
qu'une année, fit ensuite une opposition discrète au minis-
tère Villèle, se prononça en 1823 contre l'expédition d'Es-
pagne et l'expulsion de Manuel et n'en fut pas moins la même
année nommé pair de France (23 déc. \ 823). Sous Charles X,
il soutint la cause des Grecs insurgés, s'opposa aux
empiétements des congrégations religieuses, désapprouva
la politique de Polignac et' prévit, sans pouvoir l'empêcher,
la révolution de 1830. Il reconnut le gouvernement de Juil-
let, mais ne prit plus à peu près aucune part aux travaux de
la Chambre des pairs. — Laine avait été nommé membre de
l'Académie française par ordonnance royale le 21 mars 1816.
LAI NÉ (Pierre-Jean-Honorat, vicomte), amiral français,
né à Bordeaux le 4 déc. 1796, mort à Saucats (Gironde)
le 23 déc. 1875, neveu du précédent. Elève de l'Ecole na-
vale de Brest en 1812, il parvint en 1831 au grade de capi-
taine de vaisseau, prit part au bombardement de Saint-Jean
d'Ulloa (1838), fut nommé contre-amiral (30 avr. 1840),
commandant de la marine à Alger (1841), préfet maritime
(i 842), commandant de la station navale de la Plata (1843),
enfin vice-amiral (1847). Envoyé par le dép. delà Gironde
à l'Assemblée législative (1849), il s'associa d'ordinaire à
la politique de la droite et fut rejeté dans la vie privée par
le coup d'Etat du 2 déc. 1851. A. Debidour.
LAI NÉ (P. -Louis), écrivain héraldiste, auteur de nom-
breux ouvrages sur la noblesse : Archives généalogiques
et historiques de la noblesse de France (Paris, 1828-44,
11 vol. in-8) ; Dictionnaire véridique des origines des
maisons nobles ou anoblies du royaume de France
(Paris, 1818-19, in-8, 2 vol.). Généalogies diverses pu-
bliées séparément : Borel d'Hauterive en Dauphiné
( 1846, in-8) ; Factum contre Borel d'Hauterive (1850,
in-8) ; Réfutation du mémoire de MM, de Marconnau
(Paris, 1830, in-4).
LAI NÉ (Jules-Armand), jurisconsulte français, né à Né-
rondes (Cher) le 15 juin 1841. Reçu agrégé des facultés
de droit au concours de 1874, il fut attaché à la faculté
de Dijon où il professa le droit pénal et commença la pu-
blication d'un Traité élémentaire de droit criminel.
Deux fascicules en ont été publiés en 1879 et 1880 ; ils
contiennent une esquisse historique des principes du droit
pénal, la théorie générale du délit et le système général
des peines. Appelé à la faculté de droit de Paris en 1879,
Laine y fut chargé, l'année suivante, du cours de droit
international privé qu'on créa à cette époque. Nommé pro-
fesseur de droit civil en 1890, il a néanmoins continué à
enseigner le droit international privé auquel il est spécia-
lement attaché par d'importants et remarquables travaux.
Sous letitre : Introduction au droit international privée
il a entrepris d'exposer l'histoire et le caractère de l'an-
cienne théorie des statuts, origine du droit international
privé actuel. Deux volumes de cet ouvrage ont paru, l'un
en 1888, l'autre en 1892. En outre, on doit à M. Laine
un certain nombre de monographies qui ont paru dans le
Bulletin de la Société de législation comparée et le
Journal de droit international privé. E. Glasson.
LAINERIE (Techn.). La lainerie ou machine à lainer le
drap se compose essentiellement d'un fort cylindre, de dia-
mètre variable, sur lequel sont montées des croisées en fer
garnies de chardons et auquel on fait faire, au passage de
l'étoffe, de 100 à 120 tours à la minute. Au-dessus et au-
dessous du cylindre, se trouvent deux rouleaux sur les-
quels le drap s'enroule alternativement. Un rouleau hori-
zontal, sur lequel passe le tissu, force celui-ci, suivant qu'on
- 785 -
L4INERIE - LAIRE
le hausse ou qu'on le baisse, à envelopper plus ou moins
fortement le cylindre, et, par conséquent, à subir plus ou
moins fortement Faction des chardons. La tension du drap,
qui augmenterait au fur et à mesure qu'il s'enroule sur
l'un des "rouleaux, si l'on n'y prenait garde, est réglée au
moyen d'appareils spéciaux. Un tuyau, dit arrosoir, percé
de trous très rapprochés, et mis en communication avec
un réservoir d'eau, permet, derrière la machine, d'arroser
le drap suivant les exigences du genre d'apprêt. Cette ma-
chine est conduite par deux ouvriers, dont un principal
dit laineur et un teneur de lisières qui aide le premier à
tirer par les lisières le drap au large, précaution très utile
qui a pour résultat d'effacer les chiffonnages qui provien-
nent du foulon ou les fripages causés par les inégalités
légères de la filature dans les fils de trame. Le chardon
employé pour le lainage n'est autre que le Di]psacus fui-
lonum ou cardère des foulons ; il tire son utilité des écailles
pointues et crochues qui garnissent ses fleurons. L. K.
LAINES-Âux-Bois. Corn, dudép. de l'Aube, arr.etcant.
(3«)deTroyes; 425 hab.
LAINES ou LAINEZ, deuxième général de la Compagnie
de Jésus (V. Laynez) .
LAINEZ (Alexandre), poète français, né à Chimay vers
4650, mort à Paris le 18 avr. 4710. Ami de Chapelle et
du chevalier de Colbert, grand admirateur de Bayle qu'il
alla visiter en Hollande, il était très répandu dans le
monde. Ses Poésies^ spirituelles et gracieuses, ont été pu-
bliées après sa mort (La Haye [Paris], 4753, in-8).
LAINEZ (Etienne), chanteur dramatique français, né à
Vaugirard (Paris) le "23 mai 4753, mort à Paris le 15 sept.
4822. Il était fils d'un jardinier. Sa voix était un ténor
élevé qui ne manquait ni d'ampleur, ni d'éclat, mais qui
ne fut jamais sans défaut. Il débuta à l'Opéra en 4773 et
remplaça Legras en 1783. Il établit une foule de rôles
importants qui lui valurent de réels succès, notamment
dans Alexandre aux Indes ^ Didon, la Caravane du
Caire ^ Chimène^ les Danaïdes, Dardanus, Pénélope,
les Horaces, OEdipe à Colone, Tarare, Démophon,
Nephté, et la fin même de sa carrière fut particulièrement
brillante, puisque c'est alors qu'il créa les rôles de Trajan
dans le Triomphe de Trajan de Lesueur, et ceux de
Licinius et de Cortez dans les deux chefs-d'œuvre de Spon-
tini, la Vestale et Fernand Cortez. Lainez se retira le
4®^ janv. 4842 et alla prendre la direction du Grand-
Théâtre de Lyon, opération désastreuse dans laquelle il se
ruina. Il revint à Paris où on lui confia, en 4847, une
classe de déclamation lyrique au Conservatoire.
LAING (Malcolm), historien écossais, né en 4762, mort
le 6 nov. 4848. Avocat à Edimbourg, il pratiqua peu, re-
présenta Orkney et Shetland au Parlement de 4807 à
4812 et ami de Ch.-J. Fox et de Walter Scott appuya la
politique libérale. Il est connu par son History of Scot-
land (4802; 2^ éd., 1804, 4 vol.) et par une dissertation
sur l'authenticité des poèmes d'Ossian qui fit grand bruit.
Citons encore une édition annotée des Poèmes d'Ossian et
des Œuvres poétiques de Macpherson (4805). R. S.
LAING (Samuel), littérateur anglais, né le 4 oct. 4780,
mort à Edimbourg le 23 avr. 1868, frère du précédent.
Entré dans l'armée en 1805, il servit en Espagne et dé-
missionna en 1809. Il s'occupa ensuite d'industrie et de
l'établissement de pêcheries sur les côtes d'Islande. Il rap-
porta d'un voyage en Norvège et en Suède des considéra-
tions politiques et sociales qui furent fort remarquées :
Journal of a résidence in Norway (Londres, 1836,
in-8); A Tour in Sweden (1839, in-8). Ses Notes of a
traveller on the social and political state of France,
Russia, Switzerland, Italy, etc. (Londres, 1842, in-8)
ne firent pas moins de bruit et furent en partie traduites
en allemand par Heller (Mannheim, 1844, in-8). Le chef-
d'œuvre de Laing est la traduction de la chronique islan-
daise Heims Kingla (1844, 3 vol. in-8). Citons encore
de lui : Observations on the Social and political State
of the European People in i848 and i849 (1850,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
in-8) et Observations on the social and political State
of Denmark and the Duchies of Sleswick and Holstein
in i85i (1852, in-8). R. S.
LAING (Alexander-Gordon), vovageur anglais, né le
27 déc. 1793, mort le 26 sept. 1826. Lieutenant d'in-
fanterie, il remplit des missions difficiles à Sierra Leone
relatives à Fabolition de la traite, entreprit un voyage de
découverte à la recherche des sources du Niger (1822),
combattit avec succès les Achantis en 1823 et reçut en
182i la mission de reconnaître la source et le cours du
Niger, en passant par Tripoli et Tombouctou. Il atteignit
In-Salahle3déc. 1825, Tombouctou le 48 août 1826. Celait
le premier Européen qui pénétrait dans cette ville où il fut
assassiné par des Arabes. Il a laissé : Travels through
Timmannee, Kooranko and Soolima countries of West-
ern Africa (Londres, 1825). R. S.
LAINS. Com. du dép. du Jura, arr, de Lons-le-Sau-
nier, cant de Saint-Julien; 303 hab.
LAINSECQ. Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre,
cant. de Saint-Sauveur; 913 hab.
LAI N VILLE. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de
Mantes, cant. de Limay; 251 hab.
LAÏQUE (Organ. ecclésiast.) (V. Clergé, t. XI, p. 652).
LAIR (Pierre-Aimé), publiciste français, né à Gaen le
21 mai 1769, mort à Caen le 2 janv. 1853. Conseiller de
préfecture du Calvados en 1810, il a fait de grandes libé-
ralités aux institutions charitables de Caen et légué à la
ville ses collections de portraits, de tableaux, de gravures
et sa bibliothèque. Il a beaucoup écrit. Citons : Essai
sur les combustions humaines produites par un long
abus des boissons spiritueuses {Câen, 1799, in-S); Notice
historique sur Moisson'Devaux(iS0^,m-i''2); Mémoire
sur la pêche, le parcage et le commerce des huîtres en
France (s, d., in-8).
LAIR (Pauline) (V. Appert [Eugène]).
LAIR (Jules-Auguste), historien français, né à Caen le
25 mai 1836. Sorti en 1858 de l'Ecole des chartes avec le
diplôme d'archiviste-paléographe, il entra dans le com-
merce et devint directeur de la Compagnie des entrepôts
et magasins généraux et président de la Société géné-
rale des téléphones, sans abandonner jamais les recherches
d'érudition et les études historiques. Il a publié sur l'his-
toire de Normandie et sur le xvii® siècle des travaux
très remarqués. Nous citerons : une excellente édition de
l'historien des ducs de Normandie au xi® siècle, Dudon de
Saint-Quentin, qui forme le t. XXÏII des Mém, de la So-
ciété des Antiquaires de Normandie; Louise de La Val-
Hère et la Jeunesse de Louis XIV (Paris, 1881, in-8);
Nicolas Foucquet, procureur général, surintendant
des finances, ministre d'Etat de Louis X/ F (Paris, 4890,
2 vol. in-8) ; Elude sur la vie et la mort de Guillaume
Longue-Epée, duc de Normandie (Paris, 4893, in-4),
et de nombreux mémoires scientifiques publiés dans la Bi-
bliothèque de l'Ecole des chartes et les publications des
sociétés normandes.
LAIRD. Titre écossais (V. Lord).
LAI RD (Mac-Gregor), explorateur anglais, né à Greenock
(Ecosse) en 1808, mort à Brighton le 27 janv. 1861. Com-
pagnon de Richard Lander (V. ce nom) dans son voyage
d'exploration du Niger en 1832-34, il fonda ensuite une
société africaine de bateaux à vapeur et organisa plusieurs
expéditions pour cette contrée. Il publia, avec 01dfied,la re-
lation de son grand voyage, où Lander trouva la mort :
Narrative of an expédition into the interior of Africa^
by the river Niger (Londres, 1837, 2 vol. in-8).
LAIRE. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. de Mont-
béliard ; 152 hab.
LAIRE (Sigmund), miniaturiste allemand, né en Ba-
vière vers 1550, mort à Rome en 1636. Il alla à Rome
sous le pontificat de Grégoire XIII, et y fut l'élève du
peintre flamand Franz Castello. Il a peint sur pierres pré-
cieuses des madones et de petits sujets historiques.
50
LAIRE — LAÏSANT — 786
LAI RE (Le P. François-Xavier), bibliographe français,
né à Vadans, près de Dole, en 1738, naort à Paris en 1804.
Entré dans les ordres minimes, il fut ensuite professeur de
philosophie au collège d'Arbois, se rendit à Rome en 1774,
devint bibliothécaire du prince de Salm-Saim, puis, en 1 786,
celui du cardinal de Loménie de Brienne, archevêque de Sens,
académicien et bibliophile fameux. Ayant rendu, pendant
la Révolution, de grands services dans le rècolement de
livres et documents manuscrits provenant des couvents, il
fut nommé bibliothécaire du dép. de l'Yonne. On a de lui :
Mémoires pour servir à l'histoire littéraire de quelques
grands hommes du xv^ siècle (Naples, 1776, in-4, en la-
tin); Spécimen historicumtypographiœ Pwmanœ,xy^seCn
(Rome, 1778, in-8) ; Dissertation sur V origine et le pro-
grès de rimprimerie en Franche-Comté pendant le
xv'^ siècle (Dole, 1784, in-12) ; Série deW edizioni Al-
dine (Pise, 1790, in-12; Padoue, 1791, édit. augm.), en
collaboration avec le cardinal de Brienne ; Index librorum
ab inventa typographia ad annum iÔOO (Sens, 1791,
2 vol. in-8), ou catalogue des incunables de la bibliothèque
du même cardinal, vendue en 1792. G. P-i.
LAI R ES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Saint-
Omer, cant. de Fauquenbergues ; 5ol hab.
LA I R ESS E (Gérard de), peintre, graveur, poète et écrivain
d'art hollandais, né à Liège en 1640, mort à Amsterdam
en 1711. Guidé par son père, il étudia la poésie, l'histoire
et la musique avant d'entrer dans l'atelier du chanoine
B. Flemaël. A quinze ans, il faisait déjà des portraits et
même de grandes compositions. Poussé par ses goûts de
luxe, il alla s'établir à Bois-le-Duc, puis à Utrecht. Là,
déjà marié, il tomba dans la misère et peignit des enseignes,
si l'on en croit la légende, jusqu'au jour où un marchand
de tableaux, nommé Uylenburg, ayant vu deux toiles de
lui, le fit venir à Amsterdam. La réputation de l'artiste
grandit rapidement. Il jouait du violon pour s'inspirer,
avant de se mettre au travail. Sa facilité était très grande :
il fit et gagna, dit-on, le pari de peindre en grandeur na-
turelle, dans l'espace d'une journée, Apollon et les neuf
Muses. Ses tableaux d'histoire religieuse ou ancienne, ses
mythologies, ses allégories et ses bacchanales manquaient
un peu de style et de sincérité dans le dessin ; mais l'en-
tente du clair-obscur, le pittoresque, l'invention et la lé-
gèreté de l'exécution leur donnaient souvent un éclat, une
somptuosité remarquables. Ses plus grands ouvrages sont
des décorations de maisons d'Amsterdam et de châteaux
hollandais. Il peignit pour l'église cathédrale de Liège,
la Pénitence de saint Augustin et le Baptême de
saint Augustin; pour l'église de Sainle-Ursule, à Aix-la-
Chapelle, le Martyre de sainte Ursule, Le nombre de
ses peintures s'élève à 2o0, ce qui est énorme, vu la di-
mension de beaucoup d'entre elles, si on se souvient qu'il
cessa de peindre à l'âge de cinquante ans et qu'il a gravé
lui-même avec une grande science de métier, au burin et à
l'eau-forte, 200 de ses ouvrages. Citons parmi ses gravures
les plus célèbres : le Festin de Cléopdtre, l'Age d'or,
Une Bacchanale, plusieursi/M^omsàlagloiredes princes
d'Orange et une série de planches sur riiistoire deOidon.
Il a gravé les planches de VAnatomie du corps humain
de Godefroy Bidloo. On a dit qu'il était devenu aveugle à
cinquante ans ; il est plus probable que sa vue s'était seu-
lement beaucoup aff'aibhe. 11 a composé les Principes du
dessin (parus en 1719) et VArt de la peinture. Ces ou-
vrages ont été traduits, au xviii^ siècle, en anglais et en
allemand, et méritaient de l'être.
11 eut trois frères : l'aîné, Ernest^ bon peintre d'ani-
maux, vendit toute une série de gouaches au prince de
Liège, visita Rome et mourut à Bonn à quarante ans. Les
deux cadets eurent moins de talent : Jacques fit des fleurs
et des figures en camaïeu; /é'a?^, des animaux. Quant à ses
fils, l'aîné fut commerçant ; les deux autres, Abraham et
Jean, travaillèrent avec succès sous sa direction, et leurs
œuvres sont très probablement vendues aujourd'hui sous
le nom de hw père. E, Durand-Gréville.
LAI RI ÈRE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonnc, cant, de Mouthoumet; 173 hab.
LAI ROUX. Com. du dép. de la Vendée, arr. de Fon-
tenay-le-Comte, cant. de Luçon ; 782 hab.
LAIS (Constr.) (V. Laie [Constr.]).
LAIS ET Relais (V. Alluvion, t. II, p. 413).
LAÏS, courtisane grecque, du v® siècle avant J.-C. Elle
était probablement de Corinthe, où se trouvait son tom-
beau. Elle était célèbre par sa beauté, son avidité et ses
caprices. On cite parmi ses nombreux amants le philosophe
Aristippe qui lui dédia deux ouvrages, et Eubotas de Cy-
rène, athlète vainqueur à Oiympie. Dans sa vieillesse, elle
s'adonna à l'ivrognerie. Elle est l'objet de plusieurs pièces
de l'Anthologie, et diverses anecdotes à son sujet sont rap-
portées par Athénée, Elien, Pausanias, etc. — Il y eut une
autre courtisane du même nom, Lais la Jeune, Sicilienne,
réduite en esclavage, d'après quelques récits, pendant l'ex-
pédition des Athéniens en Sicile. Elle fut tuée en Thessalie
dans le temple d'Aphrodite par des femmes jalouses de sa
beauté (V. Athénée, XIII, pp. 574, 588-589).
LAI SA NT (Charles- Ange), mathématicien et homme po-
litique français, né à La Basse-Indre, com. d'Indre (Loire-
Inferieure), le l®"" nov. 1841. Elève de l'Ecole polytech-
nique, puis de l'Ecole d'appUcation de Metz, il sortit de
cette dernière, en 1863, comme Ueutenant du génie et servit
dans cette arme, tout en se livrant aux recherches de ma-
thématiques qu'il ne devait cesser de poursuivre au cours
de ses diverses situations et dont les premiers résultats,
relatifs surtout à la théorie des nombres, parurent sous
forme de notes dans les Nouvelles Annales de mathéma-
tiques (années 1867 et suiv.). Capitaine en 1866, il com-
manda les troupes du génie au fort d'Issy durant le siège
de Paris (1870-71). Elu en oct. 1871 conseiller général
à Nantes, où son oncle, le docteur Guépin, jouissait d'une
grande popularité, il fit montre d'un ardent républicanisme,
fut envoyé par disgrâce, après la chute de Thiers, en Corse,
puis en Algérie, conserva néanmoins son mandat et fut réélu
en 1874. En 1876, après la séparation de l'Assemblée na-
tionale, il donna sa démission d'officier pour se présenter à
la députation, passa dans la première circonscription de
Nantes, avec 3,000 voix de majorité, se fit inscrire au
groupe de l'Union républicaine, fit partie des 363 et battit,
le 14 oct. 1877, avec une majorité de 4,500 voix, l'ami-
ral de Cornulier-Lucinière , candidat officiel. Il fut reçu,
le mois suivant, docteur es sciences mathématiques par la
faculté de Paris, avec deux thèses très remarquées : Appli-
cations mécaniques du calcul des quaternions et Nou-
veau Mode de transformation des courbes et des
surfaces. A la Chambre, il reprit sa proposition, déjà
présentée au début delà précédente législature, du service
de trois ans et de la suppression du volontariat, la soutint
avec une vive insistance, mais sans succès, et rompit avec
la politique de l'Union républicaine pour se raUier à celle
de l'Extrême-Gauche. Devenu, en janv. 1879, directeur
politique du Petit Parisien^ il fut condamné, le 27 nov.
1880, par le tribunal correctionnel de la Seine, à la suite
d'attaques de ce journal contre le général de Cissey, à
8,000 fr. d'amende et à 4,000 fr. de dommages-intérêts.
Il triompha encore à Nantes aux élections de 1881, mal-
gré l'opposition des gambettistes. Le 25 juil. 1883, un
article paru dans son nouveau journal, la République
radicale^ et intitulé la Chambre infâme, provoqua au
Palais-Bourbon un vif incident. Aux élections du 4 oct.
1885, il se présenta dans la Seine comme candidat radical
et passa au second tour, sur la Hste de « conciliation »,
avec 284,191 voix. Nommé, en 1887, rapporteur de la
commission de l'armée, il démissionna après le rejet de
l'article qui prononçait l'abolition totale des cas de dispense
et d'exemption. Dès les premières mesures de rigueur
prises contre le général Boulanger, il se montra l'un de
ses plus chajids défenseurs, publia une petite brochure
intilulée Pourquoi et comment je suis boulangiste
- 78t -
L4ISANT - LAÎt
(taris, i887, in-i6), qui fit graiid brait, entra dans le
« comité de protestatian nationale » et fut impliqué dans
les poursuites contre la « Ligue des patriotes ». Aux élec-
tions de sept. 1889, il remporta, au scrutin de ballottage,
comme candidat boulangiste, dans le XVIII® arrondissement
de Paris, avec 3,600 voix contre 3,214 au candidat socia-
liste, M. Lafont. Il demeura l'un des derniers partisans du
général. 11 ne s'est pas représenté aux élections de 1893
et il a complèt^nent renoncé à la politique militante pour
se consacrer exclusivement à des travaux de mathématiques.
Admirateur de Bellavitis, dont il a traduit en français Tun
des ouvrages intitulé Exposition de la méthode des
équipollences (Paris^ 4874, in-8), il a contribué le plus,
avec M. Houël, à répandre chez nous cette ingénieuse mé-
thode (V. BELLAvmset Equipollences), ainsi que le calcul
des quaternions. Il est, d'ailleurs. Fauteur de travaux per-
sonnels fort estimés, qui ont fait de sa part l'objet de
mémoires et de notes parus dans les Nouvelles Annales
de mathématiques, dans les Comptes rendus de r Asso-
ciation française pour V avancement des sciences^ dans
les Mémoires de la Société des sciences physiques et
naturelles de Bordeaux, dans le Bulletin de la Société
mathématique de France (il a été en 1887-88 président
de cette société), dans les Comptes rendus de V Acadé-
mie des sciences, etc. Il a donné à part, outre les ouvrages
déjà cités : Essai sur les fonctions hyperboliques (Paris,
4874, in-8); Introduction a la méthode des quater-
nions (Paris, 1881, iu-8); la Politique radicale en
i885 (Paris, 4885, in-18) ; V Anarchie bourgeoise (Pa-
ris, 1887, ia-lt); Théorie et applications des équipol-
lences (Pam, 1887, in-8) ; Premiers Principes d'al-
gèbre, avec Elle Perrin (Paris, 189*2, in- 16) ; Recueil de
protlèmeê de mathématiques (Paris, 1893, 7 vol. in-8).
II a fondé en 1894, avec M. Lemoine, l'Intermédiaire
des mathématiciens. Il dirige, avec M. H. Laurent, la
partie mathématique de la Grande Encyclopédie, à la-
quelle il a fourni de nombreux articles. L. S.
BiBL. : Pour les titres des mémoires dus à M. Laîsant,
V. le Catalogue af sciéntific papers de la Soc. roy. de
Londres, t. Vlll et X.
LAISNÉ (Jean-Charles), architecte français, né à Fon-
tenay-aux-Roses, près de Paris, en 4819, mort à Fontenay-
aux -Roses le 44 janv. 4891. Elève de Huvé et Lenor-
mand, il fut architecte de la cathédrale de Sens et de l'église
Notre-Dame de Dijon, et tut, en outre, peu de temps avant
sa mort, architecte de l'église du Sacré-Cœur à Mont-
martre, après Abadie et M. Daumet. Mais les œuvres les
plus importantes de Laisné furent des édifices d'enseigne-
ment de fous les degrés : nouvelle Ecole de pharmacie
et lycée Janson-de-Sailly, à Paris ; lycées de Cognac et
de Guéret et installation de l'Ecole normale supérieure de
Cluny (Saône-et-Loire). Ch. Lucas.
LAfSNÉ DE ViLLÉvÉQUE (GabricI-Jacques), homme poli-
tique français, né à Orléans le 31 déc. 1766, mort à
Orléans le ^4 janv. 1851. Membre du conseil général du
Loiret, il s'occupait fort à Orléans de politique et de com-
merce et devint député de ce département le 20 sept.
1^17. ïl le représenta sans interruption de 1817 à 1824
et de 4827 à 1831. Royaliste constitutionnel, il prit une
part considérable aux débats, surtout sur les questions
financières. Orateur redondant et trop fleuri, il eut des
sirccès de tribune et joua un rôle à la tête de l'opposition
constitutionnelle. Il fut questeur de la Chambre en 1828.
Laisné est connu encore par sa tentative de colonisation
dans l'isthme de Tehuantepec qui excita un vif enthou-
siasme et provoqua un certain mouvement d'émigration,
mais qui avorta piteusement.
LAISSAC. Ch.-l. de cant. du dép.de PAveyron, arr.de
Millau, sur le Meyroux, affluent de l'Aveyron ; 1,335 hab.
Stat. du chenr. de fer du Midi, ligne de Rodez à Liverac-
le-Château. Orphelinat. Poteries, briqueteries. Sur le Mont-
merle, à 3 kil. de Laissac, restes d'un camp retranché du
xvl® siècle. Grottes de la Roque.
LAISSAI! D. Com. du dép. de la Savoie, arr. de Chara-
béry, cant. de Montmélian ; 441 hab.
LA ISSEY. Com. du dép. du Doubs, arr. de Baume-les-
Dames, cant. de Roulans; 273 hab.
LAIT. I. Physiologie. — Le lait est le liquide sécrété
par les glandes mammaires ; il fournit la base de Palimen-
tation des mammifères dans la période de la première en-
fance. Les glandes mammaires, au nombre de deux chez la
femme, en nombre plus considérable chez les animaux, ap-
partiennent au groupe des glandes en grappes. L'élément
important à étudier dans la glande mammaire, c'est l'acinus
et plus particulièrement le cul-de-sac glandulaire. La struc-
ture de ces culs-de-sac varie suivant qu'on les étudie pendant
le sommeil de la glande ou pendant la lactation ; ces culs-
de-sac sont formés par une paroi propre, tapissée à l'inté-
rieur par unépithélium. C'est à l'activité des cellules de cet
épithélium qu'est due la sécrétion du lait. Pendant le repos
de la glande, cet épithélium est formé par des cellules polyé-
driques ordinaires. Pendant le travail de la sécrétion, ces
cellules subissent des modifications. Les recherches de
Partsch et d'Heidenhain ont démontré que, pendant la sé-
crétion du lait, les cellules polyédriques se gonflent, de-
viennent plus claires, leurs noyaux se multiplient et, en
même temps, on voit apparaître des gouttelettes de graisse
dans l'intérieur du protoplasma. Ces gouttelettes, entourées
de protoplasma, font saillie du côté de la lumière du cul-
de-sac. Cette portion de la cellule devient de plus en plus
saillante et finalement se détache : le protoplasma se dis-
sout, et la graisse est mise en liberté. La partie superfi-
cielle de la cellule se détruit pour fournir le produit de la
sécrétion et, pendant cette fonte partielle, la partie pro-
fonde de la cellule s'accroissant, régénère la cellule épithé-
liale altérée. Avant d'être le siège de ce travail sécrétoire,
la glande mammaire prélude à la sécrétion du colostrum.
Pendant cette période, certain nombre de cellules glandu-
laires augmentent de volume, deviennent sphériques et
transparentes, les noyaux se multiplient, et c'est de ces cel-
lules que proviennent les globules de colostrum, c.-à-d.
des éléments formés par de la graisse entourée d'une mem-
brane-enveloppe à l'intérieur de laquelle se trouve un
noyau. Le colostrum est légèrement acide, d'une colora-
tion jaune qui devient blanche vers le quatrième jour. Il
est visqueux, contient de l'albumine et se coagule par la
chaleur. Le lait n'a pas la même composition pendant la
période de lactation : la caséine et le beurre augmentent
jusqu'au deuxième mois et diminuent, la caséine, à partir
du dixième mois, le beurre à partir du second ; le sucre
diminue dans le premier mois et augmente à partir du hui-
tième. Enfin les sels augmentent dans les cinq premiers
mois et diminuent progressivement. La caséine qui est la
matière albuminoïde spécifique du lait n'existe pas dans
le sang. Elle se forme dans la glande, aux dépens de l'al-
bumine du sang. En faisant digérer de l'albumine avec du
carbonate de soude et de la glande mammaire fraîche de
cobaye, Dahvilardt aurait obtenu une substance analogue
à la caséine.
Il est probable que le sucre de lait se forme aux dépens
delà glucose. Mais ce n'est qu'une hypothèse. La sécrétion
du lait est le résultat de l'activité spéciale des éléments épi-
théliaux de la glande mammaire. Ces cellules élaborent
dans leur protoplasma les matériaux qui composent le pro-
duit de la sécrétion et cette élaboration porte sur des subs-
tances fournies par le sang.
Les recherches de certams physiologistes nous ont ap-
pris que le travail glandulaire est commandé par le système
nerveux qui agit à la fois sur les éléments sécrétoires et
sur les éléments vasculaires de la glande. On sait aussi que
ces deux actions, sécrétoire et vaso-dilatatoire, sont con-
comitantes, mais indépendantes. En est-il ainsi pour la
glande mammaire ? On sait depuis longtemps que la sécré-
tion lactée est soumise à l'influence nerveuse, et qu'il
existe des relations étroites entre l'appareil génital et la
glande mammaire. Mais la distinction physiologique des
LAIT
— 788
actions nerveuses sécrétoires et vaso-motrices n'a pas en-
core été faite.
La composition chimique du lait (V. ci-dessous et Part.
Aliment, t. II, p. 227) montre qu'il constitue un aliment
complet, répondant à tous les besoins de l'organisme : sub-
stances azotées albuminoïdes diverses, hydrocarbonées, lac-
tose, graisse, beurre, sels, phosphates calciques et chlo-
rures. Toutefois, il est bon de signaler que sa composition
même ne correspond pas au bilan nutritif admis. Si l'on
prend en effet les chiffres suivants comme ration normale
de l'adulte : principes azotés, 125 gr.; graisse, 100 gr.;
hydrates de carbone, 250 gr., on voit qu'il faudrait 4 litres
de lait pour assurer le chiffre des substances azotées,
5 litres pour les hydrates de carbone et 3 litres pour la
graisse; le lait est donc un aliment mixte gras (Germain
Sée). Il faut cependant reconnaître, quelle que soit l'exactitude
des chiffres cités, que le lait constitue la base exclusive de
l'alimentation de l'enfant, et suffit à la fois à ses dépenses
journalières et à son accroissement; et que 3 litres de lait
entretiennent convenablement la vie d'un adulte ne tra-
vaillant pas ou tout au moins travaillant peu. Mais pour
un homme dépensant de l'énergie, le régime lacté exclusif
est absolument insuffisant. Avec 3 litres de lait par jour,
on constate en effet rapidement une diminution de force,
par suite d'un déficit progressif des matières azotées en
rapport insuffisant (Hoffmann). Nous envisagerons le lait
surtout au point de vue de l'alimentation de l'enfant, mais
il faut néanmoins insister sur le rôle thérapeutique du lait.
Certaines dyspepsies sont rapidement améliorées par le ré-
gime lacté, sinon exclusif, au moins dominant. Mais c'est
surtout quand il s'agit des affections rénales avec ou sans
complications cardiaques que l'action du lait est indiquée.
C'est la seule nourriture des brightiques; il constitue,
grâce sans doute à la lactose, le meilleur des diurétiques.
Les quelques inconvénients du lait peuvent être le plus sou-
vent combattus par quelques dispositions simples : la cons-
tipation, par le café au lait et quelques fruits laxatifs ; la
diarrhée (ces deux symptômes opposés se rencontrent sou-
vent) en écrémant le lait et en ajoutant un peu de viaade
crue ; la non-digestibilité, en le coupant d'une eau alcaline,
qui s'oppose à la formation d'un coagulum trop rétractile.
Le lait, quelle que soit sa provenance, se présente sous
un aspect à peu près analogue; les analyses chimiques qua-
litatives y décèlent la présence des mêmes substances, mais
l'analyse quantitative indique les différences dans la pro-
portion des éléments constituants, différences qui, au point
de vue physiologique, ont une réelle importance, au moins
en ce qui concerne l'ahmentation de l'enfant nouveau-né.
En dehors du lait de femme, on n'a guère utilisé, pour
l'alimentation, que le lait de vache, de chèvre et d'ânesse.
Ce sont donc ces quatre laits qu'il importe de comparer
entre eux. La différence la plus importante entre le lait de
femme et le lait de vache se trouve non pas tant dans la
quantité des matières albuminoïdes que dans la différence de
constitution de ces substances. Le lait de femme, riche en
albumine (23,5 Voo)» renferme au contraire très peu de ca-
séine (6 gr. °/oo) alors que le lait normal d'une vache en ren-
ferme 30 gr., chiffre souvent dépassé. — Or la digestibilité
de la caséine est difficile; cette substance forme dans l'esto-
mac des caillots lourds et volumineux qui résistent aux
agents digestifs, et l'on peut dire que la caséine joue le rôle
principal dans la facilité avec laquelle le lait est digéré.
Chez l'enfant nourri au lait de vache, on trouve fré-
quement les grumeaux de caséine non digérés dans les
selles. Le lait de vache, par exemple, est plus pauvre en
matières grasses; en d'autres termes, le lait de femme
fournirait plus de beurre que le lait de vache.
Le lait d'ânesse est celui qui se rapproche le plus du lait
de femme. La caséine y est en très faible quantité, 6 gr.
également par litre. C'est un lait très pauvre d'ailleurs en
matières azotées, présentant la même richesse en sucre,
mais fort peu de beurre, 14 à 18 gr. Le lait de jument
offre une composition presque identique, un peu plus riche
en caséine cependant. Aussi a-t-on été conduit à consi-
dérer le lait d'ânesse comme succédané type du lait de vache
pour la nourriture des jeunes enfants; malheureusement, il
est difficile de prolonger et d'utiliser la période de lactation
chez ces animaux.
Le lait de chèvre, qui est fréquemment employé pour
l'ahmentation, se rapproche assez du lait de femme, quoique
à une plus grande distance que celui d'ânesse. La caséine
en effet s'y trouve en proportion trop forte, 25 à 30 gr.
par litre. Nous renvoyons du reste au mot Allaitement
pour tout ce qui concerne la question de la nourriture du
nouveau-né.
Digestibilitedula.it. — On croyait autrefois, avec Liebig,
que la coagulation du lait était due à un acide, soit l'acide
chlorhydrique du suc gastrique, soit l'acide lactique qui se
forme toujours par la fermentation des aliments dans l'es-
tomac. Selmi a montré que la coagulation s'obtenait en
milieu alcalin avec la muqueuse stomacale du veau. En
réalité, la précipitation de la caséine par les acides est
totalement différente de la coagulation par la présure du
lab-ferment. Le lait ingéré dans l'estomac se trouve en
présence à la fois du suc sécrété par la muqueuse gastrique
et de la salive déglutie par l'estomac. L'action de la pepsine
du suc gastrique admise par Hammarsten est douteuse, et
il est à peu près certain que c'est un ferment spécial, le
lab-ferment ou pexine, qui détermine la coagulation du
lait, ou mieux la caséification du lait.
Si l'on opère in vitro ^ en mettant en contact présure
et lait, on obtient un coagulum dur qui, sous l'influence
des acides, se rétracte progressivement, mais dans l'estomac
l'action de la salive intervient heureusement pour favoriser
la digestion. La salive est alcaline : cette alcalinité combat
l'action de l'acide lactique qui peut se former dans l'estomac.
Or, les acides en général ont pour effet de rendre le caséum
rétractile, dur, co mpact . La salive s'opposera donc à ces effets.
Mais il ne fautpas non plus qu'il y ait une trop grande quantité
de salive, car le ferment lab serait alors gêné par son alcali-
nité. En outre, la salive a pour effet de désagréger le caséum
et de permettre ainsi qu'il soit attaqué plus facilement par
les sucs qui doivent peptonifier la caséine. La digestion
gastrique du lait, n'est, on doit le répéter, qu'une caséifi-
cation. Les transformations détinitives, la véritable diges-
tion a lieu dans l'intestin sous l'influence du suc pancréa-
tique qui dissout le caséum peptonisé,
Digestibilité du lait cru et du lait cuit. Cette ques-
tion est de la plus haute importance. De tout temps, on
faisait bouillir le lait pour le conserver plus longtemps ; mais
aujourd'hui, en vue de détruire les germes pathogènes qui
peuvent se trouver dans le lait, le chauffage du lait est
presque une règle absolue. Au point de vue chimique, les
modifications apportées par la cuisson du lait sont peu im-
portantes, si elle n'est pas prolongée, 11 existe cependant
des modifications qui, au point de vue physiologique, ont
leur importance.
L'ébullition retarde la coagulation du lait, par suite de
la privation d'une partie de ses sels de chaux (Arthus et
Pages). Le suc gastrique et le suc pancréatique modifient
moms facilement le lait cuit (Leeds). Aussi les enfants ne
le supportent-ils que difficilement. Lesage et Chavannes ont
montré que le lait bouillant à l'air libre pendant cinq mi-
nutes diminuait de près d'un quart de son volume. Mais
on peut, sinon obtenir la stérilisation complète, tout au
moins rendre le lait à peu près inoffensif en le soumettant
à une température voisine de 100^. Dans ces conditions, il
faut en effet faire une distinction absolue entre la stérili-
sation de laboratoire et la stérilisation pratique au point de
vue du lait. Pour arriver à la première, et on le peut, il est
nécessaire de chauffer au-dessus de 120<>, pendant une demi-
heure au moins, le lait qu'on veut conserver. A cette tem-
pérature seulement sont tués les spores du Bacillus subtilis,
du Mesentericus vulgatus et du Thyrotrix tenuis. Mais
cette haute température altère profondément le lait ; sa cou-
leur change, devient café au lait clair ; son goût est désa-
- 789 —
LAIT
gréable. Les éléments gras et albumineux qui le composent
se séparent en plusieurs couches et forment de petits gru-
meaux ; enfin il n'est pas prouvé que la caséine de ces
laits ne subisse une modification qui la rende difficilement
assimilable.
La stérilisation pratique, celle-là seule que nous visons
et qui se fait aux environs de 400°, n'a la prétention que
de s'appliquer à la provision de lait faite chaque jour pour
l'enfant ; elle met le lait qui y a été soumis à l'abri des
germes de l'atmosphère qui peuvent l'infecter, détruit tous
les microbes pathogènes et arrête les fermentations qui se
seraient produites en attendant le moment où le lait sera
donné en tetée. Si elle n'atteint pas les spores du Mesen-
tericus, du Thyrotrix et du Subtilis, elle détruit tout au
moins les microbes qui les ont produites, qui d'un autre
côté ne sont pas pathogènes.
Le lait ainsi stérilisé n'offre pas les inconvénients du
lait bouilli. Le caillot obtenu par la digestion in vitro^ s'il
est encore moins finement granuleux que le lait de femme
placé dans les mêmes conditions, présente un aspect bien
préférable à celui du lait bouilli dont les grumeaux volu-
mineux, durs, sont difficiles à attaquer parles sucs diges-
tifs de l'enfant. Les résultats obtenus par Budin et Cha-
vannes, non seulement sur des nouveau-nés, mais encore
sur des enfants venus avant terme et élevés à la couveuse,
montrent que les plus jeunes appareils digestifs sont ca-
pables de digérer un tel aliment.
Microorganismes du lait. — Le lait est un excellent mi-
lieu de culture pour les microbes. Levures et bactéries se
développent avec une très grande rapidité, surtout si la
température est favorable. Miquel a montré que du lait qui
renfermait 9,000 bactéries par centimètre cube deux heures
après la traite en renfermait 120,000 neuf heures après
et 5,600,000 au bout de vingt-quatre heures.
Il est évident que sur ce nombre énorme de microorga-
nismes beaucoup sont inoffensifs. Mais si beaucoup n'ont
aucune influence pathogène, la plupart, par contre, ont une
influence très marquée sur la composition chimique du lait.
Parmi les microbes non pathogènes, il faut signaler en pre-
mière ligne le ferment lactique, isolé par Pasteur. Ce mi-
croorganisme produit la coagulation du lait en déterminant
la transformation de la lactose en acide lactique. Le ferment
lactique découvert par Pasteur et étudié aussi par Lister
est un élément à bâtonnet étranglé dans son milieu et ar-
rondi à ses extrémités. La longueur varie de d i/2 à 3 [a.
En outre du vibrion lactique, d'autres microorganismes
transforment la lactose en acide lactique : Bacitlus acidi
lactici, Bacterium lactis aerogenes^ Actinobacter po-
lymorphus, Thyrothrix claviformis.
Signalons simplement le groupe des ferments aérobies,
du genre Thyrothrix^ qui se développent à la surface du lait
en formant une pellicule et sécrètent une présure et quel-
quefois même une caséose qui dédoublent la caséine don-
nant lieu à des produits divers : tyrosme, valérianate
d'ammoniaque, etc. D'autres espèces de Thyrothrix sont anaé-
robies et déterminent la formation de produits donnant au
lait une odeur putride, tels les T. catenula^ T. uroce-
phalum, etc.
Laits colorés. Le lait prend quelquefois une teinte jaune,
bleue ou rouge. Ces modifications sont dues au développe-
ment de microorganismes chromogènes.
Lait jaune. Le Bacterium synxanihiim détermine
une couleur jaune dans le lait qui devient d'abord acide et
ensuite assez fortement alcalin. La matière colorante est
soluble dans l'eau, insoluble dans l'éther et l'alcool ; elle
n'est pas modifiée par l'action des liquides alcalins, mais
est décolorée par les acides. Elle est semblable aux couleurs
d'aniline dans ses réactions ordinaires et spectroscopiques.
Lait bleu. Le Bacillus cyanogenus donne lieu à une
coloration bleu ardoise qui vire au bleu intense quand le
lait devient acide sous l'action du ferment lactique.
Lait rouge. Plusieurs microorganismes donnent au lait
une coloration rouge. Le plus fréquent est le Micrococcus
prodigiosus. Il forme d'abord une coloration rouge rose et
ensuite des taches rouge sang. Les microorganismes eux-
mêmes sont incolores. La matière colorante qu'ils élaborent
ressemble à la fuchsine ; elle est insoluble dans l'eau, mais
soluble dans l'alcool. En ajoutant des acides, on obtient
une coloration rouge carmin et avec des solutions alcalines
une coloration jaune. Dans le lait, ce microorganisme se
manifeste par des taches rouges.
Microbes pathogènes. Les microbes précédents ont le
grave inconvénient de rendre le lait impropre à la consom-
mation ; mais, par le fait même qu'ils déterminent rapi-
dement des modifications visibles dans la composition du
lait, il est facile de reconnaître leur présence et il n'est pas
démontré que leur ingestion comporte des dangers. 11 n'en est
pas de même d'autres microorganismes dont l'action est d'au-
tant plus insidieuse que leur présence est difficile à déceler.
Ce sont les microorganismes pathogènes, les agents de la
diphtérie, de la fièvre typhoïde, des diarrhées infantiles, de
la scarlatine, de la tuberculose. D^ P. Langlois.
II. Economie rurale. — La production, la compo-
sition, et par suite les propriétés du lait varient non seule-
ment avec l'individualité des vaches laitières, mais encore avec
leur habitat et surtout l'alimentation qu'elles reçoivent ; ces
causes agissent également sur la quantité de lait sécrété.
Pour obtenir une lactation abondante, il ne suffit donc pas
de choisir une vache réunissant au plus haut degré les apti-
tudes laitières, il faut encore la nourrir en conséquence
(V. Vache). On sait que le premier lait sécrété immédia-
tement après la parturition a un aspect particulier ; il est
jaunâtre, visqueux et doué de propriétés purgatives (V. Co-
lostrum). Ce n'est que vers le troisième ou quatrième jour
que le lait devient normal. La lactation dure de deux cents
à trois cents jours par an ; chez les très bonnes laitières,
elle se prolonge même au delà. D'après M. Heuzé, on peut
établir cinq périodes dans la lactation ; voici leur durée et
leur caractéristique moyennes, car il y a des variations
individuelles :
!'•« période : 60 premiers jours, 10 litres de lait par
jour z=z 600 litres; 2® période : 90 jours qui suivent,
8 litres de lait par jour =:= 720 litres ; 3« période : 60 jours
qui suivent, 6 litres de lait par jour =: 360 litres ; 4® pé-
riode : 30 jours qui suivent, 4 litres de lait par jour
= 120 litres; 5« période : 40 jours qui suivent, 3 litres
de lait par jour = 120 litres; total : 280 jours et
1,920 litres.
L'activité du fonctionnement des mamelles, tout en res-
tant individuelle, n'en est pas moins subordonnée, comme
le fait remarquer M. A. Sanson, à la quantité des maté-
riaux qui lui sont fournis. Elle est individuelle par rapport
au volume de sang qui traverse la mamelle en un temps
donné, volume dépendant, de son côté, de la capacité des
vaisseaux mammaires. Le volume de sang qui irrigue la
mamelle gouverne quantitativement la sécrétion. Celle-ci
est proportionnelle à la tension du fluide dans ses vais-
seaux, comme on peut le prouver en excitant les nerfs
vaso-moteurs d'une glande analogue. Toutefois, la qualité
du produit sécrété dépend nécessairement de la richesse
du sang en matériaux propres. Cependant, dans les deux
premiers mois après le part, le lait produit en abondance
est plus aqueux que dans le quatrième ou le cinquième, et
plus la lactation avance vers son terme, plus la qualité,
toutes circonstances égales d'ailleurs, s'améliore. Alb. L.
III. Chimie. — Composition du lait. —Les premières
notions exactes sur la composition du lait se rencontrent seu-
lement dans certains ouvrages du xvi* siècle ; un auteur ita-
lien dit à ce sujet : « Le lait laissé au repos rassemble sa
crème à la partie supérieure ; celle-ci, battue, se tourne en
beurre et le lait écrémé peut se coaguler pour donner le fro-
mage par la présure de chevreau, la semence de chardon bé-
nit, l'oxymeL» Les recherches chimiques sérieuses les plus
anciennes sont dues à Macquer et à Scheele. Le lait est une
solution de caséine, de sucre de lait et de sels, tenant en
suspension des globules butyreux et une petite quantité de
LAIT
- 790
matière caséeuse insoluble. Sa réaction, le plus souvent al-
caline, est due à la présence des phosphates et de quelques
carbonates alcalins. Abandonné à Pair, le lait subit la fer-
mentation lactique, et l'acide formé détermine la coagula-
tion; si la température est maintenue entre 3d et 40^, le
sucre de lait éprouve une autre fermentation, la fermenta-
tion alcoolique : on obtient ainsi le koumis des Tatares et
des habitants du Caucase. Soumis à Faction de la chaleur,
le lait entre en ébuUition, en produisant à la surface une
pellicule de matière azotée fournie par un produit d'oxy-
dation de la caséine. Quand on abandonne le lait à lui-
même, les globules plus légers montent à la surlace et
constituent la crème ; brisés dans la baratte, ils laissent la
matière grasse qu'ils contiennent se réunir et former le
beurre. Le lait écrémé contient encorelam5<^w^(V. ce mot),
le sucre de lait, l'albumine et les matières minérales. Les
acides minéraux et organiques coagulent le lait, c.-à-d.
précipitent la caséine, mais la présure, matière obtenue en
raclant la caillette du jeune veau ou en la faisant macérer
dans de l'eau alcoolisée, possède cette propriété au plus
haut degré et peut coaguler 30,000 fois son poids de lait.
La lactose (V. ce mot) reste dissoute dans le petit-lait obtenu
après la séparation de la caséine ; on l'obtient en grande
quantité dans les fromageries suisses par Tévaporation de
ce petit-lait. On trouvera à l'art. Aliment, t. II, p. 227,
un tableau indiquant la composition chimique des divers
laits.
Stérilisation du lait. — Pour la stérilisation du lait,
nous n'avons pas à décrire ici les appareils industriels,
tous d'une grande simplicité, qui consistent en chaudières
de capacité différente où l'on porte le lait à une tempéra-
ture voisine de 100° pendant un temps plus ou moins
long. Nous nous contenterons d'exposer un procédé très
pratique, à la portée de tout le monde, car il s'adresse
surtout aux mères de famille les moins fortunées. La
mère de famille achète, surtout à Paris, le lait d'une va-
leur de 30 cent, le litre environ. Le lait doit être stéri-
lisé aussitôt l'arrivée au logis. Dans un panier à verres en
fil de fer, on place côte à côte des bouteilles en verre blanc
telles que celles qu'on emploie pour la conservation des
fruits. Elles ont été préalablement remplies du lait à stéri-
liser. Le panier est plongé dans une grande marmite pleine
d'eau. Aussitôt l'eau en ébuUition, on recouvre la marmite
de son couvercle et l'on prolonge î'ébullition lente pendant
quarante-cinq minutes. Le panier enlevé, les bouteilles
sont bouchées aussitôt avec des bouchons de liège bien
propres. Puis, le lait refroidi, on laisse les bouteilles dans
une terrine contenant de l'eau froide. Quoique le lait ainsi
préparé puisse se conserver quelques jours, il est bon de
le consommer au plus tard le lendemain, attendu sa qua-
lité inférieure. Il est essentiel de rejeter le lait qui s'est
coagulé pendant rébulHtion. Lorsque le lait doit être donné
à Tenfant, on replonge auparavant la bouteille dans l'eau
tiède, puis le bouchon de liège enlevé est remplacé par une
tétine de caoutchouc. Par celte stériHsation si simple comme
procédé, si précieuse comme résultat, la mère de famille
pourra, dans une large mesure, éviter à son enfant les
troubles gastro-intestinaux si fréquents pendant les pre-
mières semaines de la vie.
Conservation. — L'altération spontanée du lait provient
soit de son exposition prolongée à l'air, soit de sa prove-
nance de vaches malades. Cette altération est favorisée par
l'élévation de la température et par les temps orageux.
Pour la retarder on eut d'abord recours à des procédés qui
changeaient la composition chimique du lait. Ainsi d'Arcet
recommande l'addition de 0,25 % de bicarbonate de
soude. Cette addition ne change pas sensiblement le goût
du lait. En tout cas, elle est absolument inoffensible pour
la santé. Malheureusement, la conservation du lait n'est as-
surée que pour quatre ou cinq jours seulement. Braconnot
portait le lait à la température de ^H^*, puis ajoutait par
litre de lait 1 décilitre d'eau chlorhydrique aux 3/100. Le
lait se caillant alors complètement, on fait écouler le petit-
Globules de sang vus au micros
cope.
lait et on mêle le caillé avec du carbonate de soude, 2 gr.
par litre. Cette dissolution, effectuée sous l'influence d'une
douce chaleur, donne une pâte molle qu'on introduit dans
une bouteille qu'on
ferme hermétiquement.
Gay-Lussac remarqua,
un des premiers, qu'en
faisant bouillir le lait à
plusieurs reprises, on
pouvait le conserver plu-
sieurs jours. Cette ob-
servation reprise et
transformée par M. de
Lignac conduisit enfin
à une méthode excel-
lente de conservation
du lait. Le lait employé
est d'abord de très bonne
qualité. On y dissout de
75 à 80 gr. de sucre par
litre ; puis, à l'aide d'une circulation de vapeur, on opère
la concentration du lait dans un vase à fond plat, de manière
que l'épaisseur de la couche ne dépasse point 2 à 3 centim. ;
en outre, le liquide est sans cesse agité avec une spatule,
ce qui empêche la for-
mation des pellicules,
qui ensuite ne se dé-
layeraient plus.
Lorsque le lait est ré-
duit au 1/5 de son vo-
lume primitif, on le verse
dans des boîtes cylin-
driques en fer-blanc,
contenance de 1 litre ou
1/2 litre, que l'on ferme
par soudure d'un cou-
vercle. Ce procédé, pra-
tiqué aujourd'hui en
Suisse sur une grande
échelle, y a été modifié
avantageusement, en opérant l'évaporation du lait, ce qui a
permis d'obtenir des extraits solides dont il a été parlé à
l'art. Conserve. Passons maintenant aux altérations du lait
provenant de maladies des vaches qui l'ont produit. Le mi-
croscope les signale dans presque tous les cas par la pré-
sence de globules caractéristiques. Sans entrer en de plus
grands développements, nous donnons simplement ci-dessus
la forme des globules de pus qui dans plusieurs maladies
des vaches s'introduit dans le lait. On distinguera facile-
ment ces globules à
surface pointillée, à
bords irréguliers, des
globules de sang par-
faitement circu-
laires.
Falsification. —
Addition d'eau.
C'est la fraude la
plus commune, cor-
rélative d'ailleurs de
l'enlèvement de la
crème. C'est la seule
pour laquelle nous
décrivons un appa-
reil très simple à
construire. Achetez
une éprouvette à
pied, et après avoir, sur une bande allongée de papier,
tracé 100 divisions égales, collez-la extérieurement de
façon que la division 100 parte du fond de Téprouvette.
Le lait étant versé jusqu'à la division 0, le laisser reposer
pendant vingt-quatre heures à la cave. La crème monte à
la surface ; on note alors le nombre de divisions qu'elle oo-
Pus
vu au microscope.
— 791
LAIT ^ LUÎEU
ctipe. Un bon lait ne doit pas en donner moins de 40.
Reste à déterminer la quantité d'eau ajoutée. Cette opéra-
tion se fait au moyen d'une éprouvette dite pèse-lait qu'on
trouve che2 tous les opticiens et qu'il suffit de plonger
dans du lait pour lire au point d'affleurement la quantité
d'eau (V. Lactomètre).
Cervelle. Cette matière, délayée en très petite quantité
dans le lait écrémé, peut y simuler la crème. Si Ton possède
un microscope, on apercevra immédiatement une masse de
petits vaisseaux sanguins.
Féculents. Une fraude assez commune dans les régions
où tout contrôle est difficile, particulièrement dans les pays
d'excursion, où pourtant le lait devrait être irréprochable,
consiste à lui ajouter de notables quantités d'eau et d'une
matière féculente quelconque, farine, amidon. Pour les re-
connaître on fait bouillir légèrement, puis à froid on ajoute
quelques gouttes de teinture d'iode qui communiquent au
lait une coloration bleue d'autant plus intense que la quan-
tité d'amidon contenue est plus notable. — A signaler
aussi des décoctions de riz, de son, etc.
Albumine. Les blancs d'œufs ainsi que les jaunes peu-
vent être reconnus, s'ils sont en forte proportion, par les
grumeaux et les flocons plus ou moins abondants fournis
après Fébullition du lait que l'on a préalablement filtré sur
un double filtre de papier serré.
Gommes. Les matières gommeuses s'emploient pour
donner de la viscosité au lait, afin de contre-balancer la
diminution de densité due aux additions d'eau qu'on ne
peut alors reconnaître au moyen du pèse-lait. Coaguler le
lait avec un peu d'acide acétique. Dans le liquide filtré,
verser de l'alcool. Il se formera des flocons peu abondants,
très légers, d'un blanc bleuâtre. A. Riegel.
Coagulation du lait (V. Fromage).
Lait en poudré, en tablettes (V. Conserves).
IV. Pharmacie. — Lait d'amandes. — Le lait d'amandes
est une émulsion simple qu'on obtient en pilant des amandes
avec un peu d'eau et de sucre, dans un mortier pour ob-
tenir une pâte très fine ; la pâte est ensuite délayée dans
l'eau et le produit obtenu passé à l'étamine. Les propor-
tions de matière à employer sont les suivantes :
Amandes douces mondées 50
Sucre blanc 50
Eau d.OOO
V. Construction. — Lait de chaux. — Délayage
dans l'eau d'une certaine quantité de chaux qui y reste
en suspension et qui sert à badigeonner les murs d'une
construction.
BiBL. : Physiologie. — Donné, Du Lait, 1837. — Bou-
CHARDAT et QUEVENNE, Du Lait, 1857. — DuGLAux,^e Lait,
Bibliothèque scientilique contemporaine, 1887. — P. Lan-
GLOis, le Lait, dans Aide-mémoire scientifique^ 1893. ~
Artiius et Pages, Recherches sur la digestion gastrique
du lait^ Société de biologie, 1891. — • Ciiavannes, Du Lait
stérilisé, dans Semaine médicale^ 189-^. — Bourquelot,
la Diqestibilité du lait cuit, dans Médecine moderne, 1890.
— Partsch, Ueber den feineren Bau der Milchbildung,
1880. — Laffont, HeCi^erche sur la sécrétion du iaii, dans
Gaz. méd., 1879. — De Sinety, De VInnernation de la
mamelle, dans Gaz. méd., 1879. — Griniewitgii, Des Ga-
lactagogues, thèse de Paris, 1892. ~ P. Langlois, le Lait;
Paris, 1894.
LAÏTA. Rivière de France'(V. Finistère, t. XVII, p. 490).
LAITANCE ou LAITE. I. Physiologie. — Organe de
reproduction mâle des Poissons (V. ce mot).
II. Art culinaire. — La laitance est une substance
d'un goût agréable et très nourrissante; on estime surtout
celles de la carpe, de l'alose, du hareng, du brochet et du
maquereau. Après les avoir nettoyées et fait dégorger
dans l'eau fraîche, on les blanchit à l'eau bouillante fai-
blement vinaigrée, puis on les fait cuire pendant un quart
d'heure environ avec parties égales de blond de veau,
bouillon et vin blanc, assaisonnés de sel, poivre, bouquet
garni. On les retire, on lie la sauce réduite, on y ajoute
du jus de citron et on la verse sur les laitances conservées
à la chaleur avant de les dresser. — Les anciens étaient très
friands de la laite des murènes qu'ils élevaient dans leurs
viviers.
LAITERIE (V. Bâtiments ruraux).
Ecoles de laiterie. — Ecoles ménagères spéciales à
certains pays, le Danemark surtout et la Suède, où l'in-
dustrie du laitage est d'une importance particulière. La
plupart de ces écoles reçoivent seulement des jeunes filles,
mais quelques-unes aussi des garçons, à qui elles enseignent
la fabrication du beurre et du fromage et plus générale-
ment le gouvernement d'une maison où la laiterie tient une
place essentielle. Les cours durent tantôt six semaines seu-
lement, tantôt l'année entière, et se terminent par des exa-
mens portant sur la théorie et la pratique et donnant lieu
à des certificats d'aptitude. H. M.
LAITERON ou LAITRON (Sonchus L.) (Rot.). Genre
de Corn posées- Chicoracées, du groupe des Lactucées, voisin
des Lactuca (V. Laitue), dont il se distingue par les fleurs
généralement jaunes, les achaines comprimés-lenticulaires,
munis de côtes réunies entre elles par des saillies rugueuses
transversales, tronqués au sommet, dépourvus de bec, cou-
ronnés par une aigrette sessible de poils plurisériés et
réunis par fascicules à la base. Les Laiterons sont des plantes
herbacées qui croissent dans toutes les parties du globe ;
leurs organes, glabres ou hérissés, sont gorgés d'un latex
laiteux ; les feuilles sont alternes, auriculées, hastées à la
base, pinnatifides. Le S. oleraceusL.^ vulgairement nommé
iait d'âne, laitine de lièvre, palais de hèvre, etc., peut se
manger cuit ou en salade ; le suc passe pour apéritif et galac-
togogue ; les feuilles servent à faire des cataplasmes émol-
lients. Le S. tenerrimiis L. ou Laiteron doux, le cardillo
des Napolitains, appartient à la région méditerranéenne ;
ses feuilles sont comestibles et le suc passe pour calmant.
Le S. asper VilL, ou Laiteron rude, est une mauvaise herbe
commune dans les cultures ; sa racine était employée jadis
comme adoucissante, sous le nom de radix sonchi, son
suc comme stomachique. Les S. arvensis L., S, palustris
L., S. alpinus L., etc., ont servi à des usages analogues.
LAITIER (MétalL). Dans le travail du haut fourneau,
on obtient, comme produit accessoire, des laitiers, c.-à-d.
des silicates permettant l'élimination des éléments terreux
qui accompagnent la matière métallique ; ce sont donc des
corps dont la production est inévitable et qui sont, en gé-
néral, un embarras pour les usines. A ces silicates de chaux
et d'alumine peuvent s'adjoindre accidentellement d'autres
bases telles que la magnésie, la baryte, l'oxyde de fer,
l'oxyde de manganèse. Les éléments qui accompagnent
l'oxyde de fer dans les minerais sont généralement le quartz,
l'argile et plus rarement le carbonate de chaux. Il en ré-
sulte, l'argile étant un silicate d'alumine, que la silice libre
ou combinée et l'alumine sont surtout en présence de l'oxyde
de fer que l'on se propose de réduire. Mais les silicates
d'alumine sont difficiles à fondre ; le ramollissement et la
fusibilité ne commencent qu'avec une proportion de 73 °/o
de silice et de 27 ^/o d'alumine correspondant à la formule
Al^ 0^, 3 SiO'^. Il faut même arriver à Al^ 0'^ 4 SiO^, pour
avoir une fusion vitreuse, qui ne saurait encore procurer
au métallurgiste la fluidité dont il a besoin pour séparer
franchement la partie métallique de la partie terreuse. On
a donc imaginé d'ajouter des bases supplémentaires, et celle
qui se présentait le plus naturellement était la chaux, seule
ou accompagnée de magnésie. Il semble, en effet, y avoir
une loi physique sur la fusibilité des silicates à plusieurs
bases. Plus il y a de bases, moins la fusion a lieu à haute
température. La silice, la chaux, la magnésie, l'alumine
sont infusibles séparément ; combinées deux à deux seule-
ment, ces matières se comportent comme si elles étaient
également réfractaires. La fusion n'est bien caractérisée
que quand ces éléments sont mélangés, deux au moins, avec
la silice. On ajoute donc, à la silice et à l'alumine, qui
existent déjà dans le minerai et dans les cendres du coke,
de la chaux sous la forme de carbonate de chaux ou cas-
tine. On arrive ainsi à produire un sihcate ayant comme
composition moyenne : silice, 40 ; chaux, 40 ; alumine, 20. Il
LAITIER
— 792 —
suffit, en général, de constituer un laitier qui ait autant
de chaux que de silice, sans se préoccuper de la proportion
d'alumine, et on y arrive en ajoutant deux parties de car-
bonate de chaux par chaque partie de sihce contenue dans
le minerai et les cendres de combustible. Souvent la chaux
est accompagnée de magnésie ; il semble que la fluidité des
laitiers augmente avec cette base. On lui reproche cepen-
dant de diminuer la proportion de chaux nécessaire et, par
suite, de moins favoriser le passage du soufre dans le lai-
tier, le soufre se combinant à la chaux pour former du sul-
fure de calcium et n'ayant pas la même tendance à former
du sulfure de magnésium. Les laitiers de fonte au bois
sont en général plus fusibles que ceux obtenus avec le coke ;
cela tient, sans doute, à uae certaine proportion d'alcalis
provenant des cendres du bois ; ils sont aussi plus sili-
ceux ; leur cassure est un peu vitreuse. En voici quelques
analyses :
msESss
.^
w
w
H
Q
»
X
'^
>< 5-1
DÉSIGNATION
o
<
^
g^
o
tB
o
<
oxs
s
<
Pc3
Oh
Suède
56,6
1,7
16,7
28,4
17,5
19,0
6,6
52,5
44,4
17 4
10,5
2,9
Berry
1,6
17,0
4,4
Les laitiers de fonte au cok
e sont moins vitreux, plus
pierreux et fusibles à une plus
haute température :
w
w
Q
w
^
>" b.
DÉSIGNATION
o
*^ a z
%
u
M
O <jj
'J
0"0
42,0
21,0
eu
1,5
Le Creusot. — Fonte grise. . .
— — blanche.
35.5
38,5
39,5
18,5
3,5
Hayange. — Fonte grise...
28,0
45,5
23,0
2,5
— — blanche.
34,0
40,0
21,5
3,5
Dans la marche en fonte blanche, la réduction du mine-
rai est incomplète; il passe alors de l'oxyde de fer dans le
laitier, la chaleur étant insuffisante. Quand cette proportion
d'oxyde de fer augmente, dans le cas de dérangement du
haut fourneau, le laitier obtenu porte le nom de scorie,
car il devient un silicate métallique, et il n'est pas exclu-
sivement terreux. Dans certaines industries spéciales qui
cherchent à réduire l'oxyde de manganèse comme dans la
fabrication du spiegel et du ferromanganèse, la réduction
du manganèse est incomplète et une forte proportion de ce
métal reste à l'état d'oxyde dans le laitier qui devient une
sorte de scorie. Voici l'analyse de laitiers de fabrication de
ces alliacées :
DÉSIGNATION
SPIEGEL
à 20 °/o
de manganèse
FERROMANGANÈSE
à 84 Vo
de manganèse
Silice
33,30
14,20
38,50
0,19
traces
12,00
1,25
26,80
13,60
42,50
2,27
traces
11,16
»
Alumine
Chaux
Baryte
Fer
Manganèse
Soufre
On voit que la composition des laitiers varie beaucoup
avec la nature des fontes produites. 11 y a même une rela-
tion entre l'allure du fourneau et l'aspect des laitiers. La
couleur des laitiers à leur surface se rapproche d'autant
plus du blanc grisâtre que l'allure du fourneau est plus
chaude. Au contraire, les laitiers sont d'autant plus noirs
et plus chargés d'oxyde de fer que l'allure du fourneau est
plus froide. Entre ces deux extrêmes se classent toutes les
nuances de couleur, qui correspondent aux allures inter-
médiaires ou spéciales à telle ou telle fabrication. Outre la
couleur, il y a d'autres caractères qu'il est intéressant d'ob-
server dans les laitiers. L'état vitreux provient d'un excès
de silice, tandis que l'état fusant est causé par un excès de
chaux ou l'absence d'alumine. Les laitiers fusants sont ceux
qui tombent en poussière sous l'action prolongée de l'hu-
midité de l'air ; c'est l'augmentation de volume accompa-
gnant l'hydratation de la chaux, qui produit cet émielte-
ment et cette pulvérisation chimique. Elle ne peut avoir lieu
que lorsque la chaux est suffisamment saturée par la sihce,
et le laitier formé se comporte comme une dissolution ins-
table de chaux dans un silicate à proportions définies. La
facilité avec laquelle le soufre passe à l'état de sulfure de
calcium dans le laitier fournit un moyen énergique pour éli-
miner le soufre du lit de fusion. Le manganèse facilite
beaucoup le passage du soufre dans les laitiers qui se colo-
rent en jaune tirant plus ou moins sur le brun. Les laitiers
chargés d'oxyde de fer sont loin d'être désulfurants ; il en
est de même des laitiers de fonte au bois renfermant une
proportion notable d'alcalis, et qui ne sont désulfurants
qu'en raison de leur excès de chaux.
Les laitiers forment un élément important et gênant de
l'industrie de la fonte ; aussi a-t-on fait de nombreuses
tentatives pour leur utilisation. Lorsqu'on coule les laitiers
en gros parallélépipèdes, ce qui se fait facilement avec des
wagons en fer, dans lesquels se rend le laitier Hquide, on
a quelque peine à se débarrasser de ces masses ; elles s'en-
tassent mal, laissant de grands vides entre elles, et à moins
d'avoir des laitiers fusants qui se pulvérisent au contact
de l'air, on embarrasse inutilement les terrains qui avoi-
sinent les hauts fourneaux. Il est préférable de réduire les
laitiers en sable grossier; pour cela, on fait arriver le cou-
rant du laitier liquide dans une fosse pleine d'eau, avoisi-
nant le haut fourneau. Le laitier se désagrège, sans cepen-
dant se réduire en poudre fine et, au moyen de norias, on
l'élève jusqu'au niveau des wagons de déchargement. On
peut aussi faire arriver un courant d'eau dans le chenal
des laitiers et, si la masse d'eau est suffisante, la pulvéri-
sation en sable s'obtient facilement. Ce sable de laitier peut
servir d'empierrement sur les routes et de ballast sur les
chemins de fer. On peut aussi former avec ce produit un
excellent béton en le mélangeant avec une petite quantité
de chaux suffisante ; on peut même former un mortier
hydrauhque, par suite de la combinaison de l'alumine et de
la silice avec la chaux. On produit d'excellentes briques en
mélangeant le sable de laitier pulvérisé avec une certaine
proportion de -chaux (V. Brique de laitier, t. VllI, p. 48).
Pour faire des pavés de laitier, on fait écouler les laitiers
par intervalles dans des sortes de bassins ayant au moins
1 m. de profondeur, où on les laisse se refroidir une quin-
zaine de jours. On a soin de recouvrir la masse de fraisil
ou de sable. Il se forme quelques fissures analogues à celles
qui ont donné lieu à la production des basaltes, puis on
débite ces blocs en forme de pavés. Il faut pour cette fabri-
cation des laitiers alumineux. On a imaginé une utilisation
assez curieuse des laitiers alumineux et calcaires pour la
fabrication des bouteilles, en faisant passer directement le
laitier liquide dans un four à bassin et ajoutant de la silice
et de la soude. En pratique, avec dOO tonnes de laitier on
peut, en ajoutant 65 tonnes de sable et 4 0 tonnes de sul-
fate de soude, obtenir environ 475 tonnes de verre.
La laine de laitier est composée de filaments très déliés
analogues à du verre filé. On dirige sur la surface du lai-
tier liquide un jet de vent ; il se produit une sorte d'écume
qui se divise en fils fins et entrelacés et que l'on recueille
dans une chambre de dépôt. On sépare, au moyen d'un
triage convenable, les gouttelettes avec les filaments et on
obtient une matière feutrante qui possède les propriétés
suivantes : incombustibilité, grande élasticité, mauvaise
conductibiHté pour la chaleur et le son. On emploie la laine
- 793
LAITIER — LAITON
de laitier comme enveloppe des tuyaux de vapeur et des
appareils que Ton veut garantir du refroidissement. On l'a
proposée pour former des remplissages de cloisons dans
les combles des maisons et rendre ainsi les greniers moins
chauds en été et moins froids en hiver. Depuis quelques
années, les industriels utilisent, pour la fabrication des
ciments, les laitiers des hauts fourneaux. Les laitiers refroi-
dis sont pulvérisés très finement et additionnés de chaux
éteinte avec laquelle on les mélange soigneusement, puis
on tamise le mélange qui est mis en sacs. L'analyse ci-des-
sous montre la composition moyenne des ciments de Port-
land de laitier, à prise lente, obtenus à l'usine de Saulnes
(Meurthe-et-Moselle) (pour iOO) :
Silice 22,45
Alumine d 3,95
Peroxyde de fer 3,30
Chaux 51,10
Magnésie i ,55
Acide sulfurique 0,35
Perte au feu 7,30
Cette composition diffère de celle du ciment naturel de
Portland par une teneur plus faible de chaux et par une
proportion plus élevée de silice et d'alumine. Dans le ciment
de laitier, le rapport de la teneur d'alumine à celle de silice
est de 0,62, ce qui indique un ciment de bonne résistance.
La densité des ciments de laitier est d'un quart environ plus
faible que celle des ciments ordinaires. Les ciments de
laitier sont employés de la manière habituelle, soit purs,
soit en mélange avec le sable pour former des mortiers. A
cause même de son mode de fabrication, le ciment de lai-
tier ne peut jamais contenir de chaux vive dont la présence
dans les ciments naturels occasionne parfois des dilatations
très préjudiciables à la solidité de la maçonnerie qui peut
se fendiller ou se disloquer. L. Knab.
LAITON (Métall.). Par laiton, on désigne, en général,
les alliages composés essentiellement de cuivre et de zinc ;
il serait mieux peut-être de réserver cette dénomination
pour les alliages complètement jaunes ou ayant la teinte
jaunâtre caractéristique du laiton. Le cuivre et le zinc
s'unissent en vastes proportions et donnent des alliages ho-
mogènes dont la formation est accompagnée d'un dégage-
ment de chaleur; leur nombre en usage dans le commerce
et l'industrie est considérable; il existe d'ailleurs une
grande confusion dans leur nomenclature. On apphque tan-
tôt différents noms au même alliage, tantôt le même nom
à des alliages différents. Il vaut mieux complètement dé-
laisser ces dénominations et désigner les variétés de laiton
par leur composition chimique. L'alliage du cuivre avec
le zinc a été connu dans l'antiquité la plus reculée et à
une époque antérieure aux plus anciens monuments histo-
riques. Le cuivre fut sans doute le premier métal découvert
par l'homme; mais trop mou, trop peu résistant, le cuivre
eût été d'un bien faible secours pour le travailleur, si
celui-ci n'eût trouvé le moyen de lui donner la dureté et
la résistance qui lui manquaient, en l'alliant à d'autres
métaux et notamment au zinc. On a pu considérer pendant
longtemps Birmingham comme le centre principal de la
fabrication du laiton ; on a écrit que cette industrie y avait
été introduite, vers i740, par la famille Turner et que le
métal provenait principalement des Compagnies de Mac-
clesfield, Cheadle et Bristol. Il paraît que cette fabrication
fut pendant quelque temps concentrée entre les mains
d'un petit nombre de capitalistes qui, suivant les erre-
ments habituels du monopole, agirent sans mesure et dé-
passèrent le but. On créa de nouvelles usines et en 4775,
d'après Ilutton, la consommation du laiton dans Birmin-
gham s'élevait à i ,000 tonnes par an. On produisait d'abord
le laiton par l'ancien procédé de cémentation, qui a été
remplacé partout par Tslliage direct du zinc et du cuivre,
tous deux à l'état métallique.
Les qualités qui rendent le laiton si précieux peuvent se
résumer ainsi : il est plus dur que le cuivre et, par con-
séquent, résiste mieux à l'usure; il est très malléable et
très ductile, peut se laminer en feuilles minces, se façon-
ner au marteau, s'estamper et s'étirer en fils très fins. Il
est très propre aux fontes moulées, et son point de fusion
étant beaucoup moins élevé que celui du cuivre, il peut
servir aux moulages délicats ; il résiste mieux que le cuivre
aux influences atmosphériques; mais, quand sa surface
n'est pas protégée par une laque ou par on vernis, il se
ternit rapidement et noircit ; il a une couleur agréable et
peut acquérir un beau poli ; enfin il a sur le cuivre le grand
avantage du bon marché. La malléabilité du laiton varie
avec sa composition et avec la température, mais elle est
affectée à un degré sensible par la présence de certains
métaux étrangers, même en très petite quantité. Certains
laitons ne sont malléables qu'à froid, d'autres seulement à
chaud, enfin quelques-uns ne le sont à aucune température.
A une température sensiblement au-dessous du point de
fusion, le laiton, de même que le cuivre, est cassant et peut
se réduire en poudre, par la trituration. Un lingot de lai-
ton, brisé pendant qu'il est chaud, offre une cassure gros-
sièrement fibreuse ou en colonne ; mais, brisé à froid, la
cassure est à grains fins, au moins dans certains alliages.
Pendant l'estampage du laiton, c.-à-d. lorsqu'on soumet à
des chocs violents le laiton placé dans des matrices, pro-
cédé employé pour la fabrication des différents articles de
décoration et d'ameublement, il faut remuer le métal de
temps en temps. Une fois l'estampage terminé, l'objet a
perdu sa couleur, parce que, pendant les recuits, il s'est
couvert d'une couche d'oxyde ; on détache facilement cet
oxyde par le décapage. Dans les alliages cuivre-zinc, la
malléabilité, la ductilité et la douceur, la finesse du
grain, semblent croître en même temps que la proportion de
cuivre augmente, disparaître quand les proportions des deux
métaux tendent à s'égaliser, puis revenir à un degré moins
prononcé, mais sensible, quand la base est fournie par le
zinc. Par un refroidissement lent, on peut faire cristalliser
tous les alliages renfermant depuis 99,1 4 jusqu'à 29,07
de cuivre; les cristaux ont la forme d'octaèdres un peu
allongés, à arêtes arrondies, appartenant au système régu-
lier. Les plus belles cristallisations s'obtiennent avec des
laitons contenant de 80 à 45 7o de cuivre. L'alliage à 60 ^/o
de cuivre et 40 % de zinc est à la limite supérieure, et
c'est précisément l'alliage le plus riche en zinc qui puisse
encore être laminé. On le connaît dans l'industrie sous le
nom de laiton malléable ou métal de Miintz ; il sert au
doublage des navires. La couleur du laiton passe du rouge
au blanc, en passant par le jaune, à mesure que l'on aug-
mente la proportion de zinc; le laiton contenant 75 à
80 *^/o de zinc est d'un jaune pur. La dureté du laiton
dépasse celle de chacun des métaux qui entrent dans sa
constitution : elle augmente avec la proportion du zinc et,
dès que celui-ci dépasse 50 %, le laiton devient cassant.
La contraction des deux métaux dans ces alliages est consi-
dérable ; la trempe augmente la densité du cuivre jaune re-
cuit. D'autre part, le recuit diminue sa densité; mais comme
elle s'accroît rapidement par le laminage, il en résulte que,
même après une longue série d'opérations, la variation
subie est peu sensible. La fusibilité du laiton augmente
avec la proportion du zinc; l'alliage à 50 % de zinc fond
à 912°; celui qui n'en contient que 25 % fond à 921<*
Calvert et Johnson ont trouvé qu'un alliage contenant
près de 50 <>/o de zinc était à peine attaqué par l'acide
chlorhydrique concentré; après deux heures de con-
tact, il ne s'en était dissous que 0,2 ^j^. Avec l'acide sul-
furique à 1,60, l'action a été nulle. Enfin l'acide ni-
trique, d'une densité de 1 ,10, n'en a dissous que 0,03 °/o.
De petites différences dans la composition de l'alliage mo-
difient considérablement sa résistance aux acides. En géné-
ral, plus le laiton est riche en zinc, plus il est facilement
attaqué par les acides. Le laiton lavé avec de l'ammoniaque
caustique devient blanc, parce que le cuivre est oxydé et
dissous avant le zinc. Si on le lave avec de l'acide chlorhy-
drique, c'est le zinc qui est dissous le premier, et sa sur-
face devient rouge. Depuis l'alliage cuivre 79, et zinc 1 ^/o,
UlTON - LÂITUte
^ 794
jusqu'à celui de ces deux métaux en quantités égales, les
alliages cuivre-zinc sont tous d'un usage industriel bien
constaté. A faibles doses de zinc, comme dans tous les
alliages qui ne dépassent pas 80 de cuivre pour 20 de zinc,
les composés sont nerveux, tenaces, très malléables, très
ductiles, et leur défaut le plus essentiel est de n'être pas
économiques. Les composés qui prennent leur place entre
les proportions cuivre 80 % et zinc 20, cuivre 60 ^/o et
zinc 40, sont ceux que les besoins de l'industrie em-
pruntent le plus souvent. Pourtant entre 80 et 99 «/o de
cuivre se classent les composés connus dans le commerce
sous les noms de similor, pinchbeck, métal du prince Ro-
bert, or de Mannheim, tombac, etc. On peut se rendre
compte de la ténacité approximative d'un laiton par la
formule : 1=2,10 9 + 35,45Z, si Z, teneur en zinc,
ne dépasse pas 50. Les laitons contenant moins de 52 «/«
de zinc sont les alliages jaunes qui seuls doivent être con*
sidérés comme utilisables ; les meilleurs ont plus de 60 ^/o
de cuivre. La formule zinc 10,2 ^jo et cuivre 89,8
donne une grande force combinée à une ductibilité remar-
quable. Les alliages contenant de 17 à 30 de zinc mon-
trent une grande analogie de propriétés; le 18 °/o est si
ductile qu'on peut le casser par flexion. Les alliages 30 à36,5
de zinc montrent une rapide décroissance de force. La for-
mule zinc 36,5 à 52 <*/o forme un autre groupe qui com-
prend les alliages les plus résistants par flexion, tension et
traction, mais non par compression. La résistance à la
compression y croît avec la teneur en zinc, pour atteindre
un maximum vers l'alliage à 54 °/o de zinc. La ductibilité
y décroît à mesure que la teneur en zinc augmente. La
formule zinc 41, cuivre 59, donne le maximum de résis-
tance. Les alliages zinc 52 à 58 montrent une rapide dé-
croissance de force et de ductibilité. Les alliages zinc 58
à 66 donnent des laitons blancs, qui sont cassants et pos-
sèdent une résistance assez uniforme. La formule zinc 60,
cuivre 40, correspond au minimum de résistance ; l'allon-
gement est limité à 0,1 et même moins. Les formules zinc
70 à 100 comprennent les laitons gris bleu, pour lesquels
la résistance tombe de plus en plus. Ceux qui sont voisins
de la formule zinc 80 à 85 peuvent servir de métaux à
moulages de peu de force et à coussinets ; la malléabilité
est leur qualité dominante. Voici quelques formules de lai-
tons spéciaux :
DÉSIGNATION
w
>
B
o
o
6
<
H
Fil clemi-rouf>"e
86
80
80
70
66
67
61
65
64
60
58
51
47
12,50
20
18
30
84
33
37
35
34
38
39
47
51
1
»
»
))
)■)
2
2
2
»
0,50
))
2
))
»
))
)-)
))
))
»
»
Tombac militaire
Clous à doublaG:e .
Tubes pour locomotives . . .
Tubes pour distilleries
Planches du commerce
Planches pour horlogerie. . .
Fonds pour emboutir
Fil pour chaussure
Fil pour horIo'^*"erie
Barres à décolleter
Soudure jaune
Soudure o;rise
Tout laiton qui contient moins de 40 % de zinc est
considérablement amélioré par 0,5 à 3 °/o d'aluminium.
On obtient ainsi des alliages peu coûteux et presque aussi
forts que les bjonzes d'aluminium.
L'alliage laiton est le plus souvent fondu au creuset dans
un four à vent marchant à l'air libre, ou soufflé et coulé
à l'aide de trémies percées de trous de 3 à 4 millim. dans
des lingotières verticales en fonte pour donner des plaques
de 15 à 24 millim. d'épaisseur et d'une largeur supérieure
de 2 centim. à celle de la planche finie, cet excédent étant
destiné à disparaître sous les lames d'une cisaille, afin de
rafraîchir les bords de la pièce terminée. Le poids généra-
lement admis pour la fonte fournie par chaque creuset et
correspondant à une seule plaque peut varier de 50 à
120 kilogr. Les laitons deviennent d'autant plus difficile-
ment praticables qu'ils contiennent plus de zinc. A partir
des proportions 75 ^jo de cuivre et 25 de zinc, il se vola-
tilise, si Ton ne prend de grandes précautions, une partie
considérable de zinc. Si l'on a soin, cependant, de laisser
le cuivre en bain à une température peu élevée, de plonger
le zinc par parties séparées et non d'une seule charge, en
s'attachant à le faire chauffer d'abord au degré le plus rap-
proché du point de fusion, si l'on tient le creuset presque
fermé, en modérant le feu jusqu'au moment de la coulée,
si l'opération est vivement conduite et promptement ter-
minée, on évite la plus forte déperdition du zinc et on ar-
rive à produire l'alliage dans les conditions du dosage.
C'est directement de la fonderie, et lorsqu'elles ont été
débarrassées de la masselotte, assez faible, il est vrai, qui
peut y adhérer, que ces plaques sont amenées au laminoir
dégrossisseur où on leur fait subir un certain nombre de
passes en bout, c.-à-d. dans le sens de la coulée, alternées
de recuissons. Lorsque celles qui sont destinées à faire des
planches minces n'ont plus que 2 millim. environ d'épais-
seur, elles sont plongées dans un bain de dérochage acidulé au
1/10 par l'acide sulfurique à 66^, pour les débarrasser des
oxydes qui se sont formés à sa surface par les recuissons
successives, brossées au balai dans des lavoirs à cet usage
et visitées au grattoir pour enlever les pailles qui s'y trou-
vent. Ces opérations terminées, elles sont travaillées en
paquets ou trousses au laminoir finisseur, c.-à-d. laminées
en les superposant deux à deux, puis quatre à quatre, puis
six à six, etc., jusqu'à ce qu'on ait obtenu l'épaisseur dé-
sirée. Lorsque les planches sont livrées épaisses, le travail
du dérochage et de la visite se fait avant les dernières
passes. Les planches de commerce se jaugent au poids, pour
les dimensions de O'^Oï sur 1"^34; chaque 1/10 d'épais-
seur correspond à 780 gr. Le laiton se lamine encore,
comme certains autres alliages, du reste, sous forme de
barreaux au moyen de cylindres à gorges rondes, ovales
ou trapézoïdales; ces barreaux, suffisamment amincis, sont
ensuite passés à la filière et tirés au banc si l'on veut des
baguettes droites pour décoUetage, ou au banc de bobines ho-
rizontales puis verticales des tréfileries pour en faire du fil.
Le laiton est employé à une foule d'ustensiles de mé-
nage; la plupart des instruments de physique, tous les
objets de fausse bijouterie, les boutons, les couverts à argen-
ter, les garnitures d'armes, de lampes, de cheminées, etc..
sont en îaiton. Le laiton sert pour la confection des car-
touches de guerre et de chasse. Un tiers des laitons livrés au
commerce est employé à la confection des épingles et des fils.
C'est avec les laitons qui imitent le mieux l'or que l'on fa-
brique depuis longtemps, en France et en Angleterre, une
foule d'objets : flambeaux, garnitures de lampes et une infi-
nité de meubles qui ont l'aspect de bronzes dorés. Après avoir
bien décapé ces alliages, on les recouvre d'un vernis à la
gomme laque qui les colore en jaune ; la fraîcheur de cette
fausse dorure se conserve assez longteuips. L. Knâb.
LAITONNAGE (V. Dépôt [Techn.]).
LAITRE-sous-AmzVnce. Corn, du dép. de Meurthe-et-
Moselle, arr. et cant. de Nancy ; 344 hab.
LAITU E. L Botanique. — (Lactiica L.). Genre de Com-
posées-Chico racées, qui a donné son nom au groupe des
Lactucées . Les caractères les plus importants sont : invo-
lucre oblong-cylindrique, à folioles ordinairement nom-
breuses, imbriquées sur plusieurs séries inégales, les exté-
rieures très petites ; réceptacle du capitule nu, à surface
convexe ou presque plane ; fleurs peu nombreuses, égales,
insérées sur la surface ou dans de petites fossettes qui ont
la forme d'une petite gourde à goulot rétréci, puis légère-
ment dilaté en un bord qui porte l'aigrette et la corolle ;
aigrette très développée dans le fruit et formée de poils
simples, lisses ou légèrement scabres, unisériés ; corolle
ligulée, bleu violacé, Manche ou plus souvent jaune ; éta-
mines syngénèses ; achaines lisses, comprimés, avec une
seule ligne saillante à la surface ou quelques stries mar-
quées, brusquement atténués en bec allongé-capillaire dont
W6 -
LAITUE — LÂIZY
l'extrémité dilatée porte l'aigrette. Les Laitues, communes
dans les régions boréales tempérées de l'ancien et du
nouveau continent, sont des plantes herbacées annuelles,
bisannuelles ou yivaces, caulescentes rameuses, glabres ou
couvertes de poils spinescents; les feuilles inférieures sont
roncinées, pinnatiparties ou pinnatifides, plus rarement si-
nuées ; les supérieures souvent entières, sagittées à la base,
ordinairement chargées d'aiguillons sur les bords et la
nervure médiane ; les capitules sont groupés en grappes de
cymes terminales ou axillaires. Tous leurs organes sont
ordinairement gorgés d'un suc laiteux abondant. Les espèces
les plus importantes sont : 1"^ le L. sativa L. ou Laitue culti-
vée, dont le pays d'origine est inconnu; elle présente trois
variétés : la Laitue ro-
maine ou Romaine (L.
sativa romana) , la
Laitue pommée (L. sa-
tiva capitata) et la
Laitue frisée (L, sativa
crispa); crue, elle est
mangée en salade;
cuite, elle forme un
aliment doux, de facile
digestion; ^2^ le L.vi-
rosa L., commun dans
les lieux pierreux in-
cultes et sur le bord
des chemins, et doué
de propriétés narco-
tiques ; 3'^ le L. altis-
sima Bieb., espèce du
Caucase, parfois cul-
tivée pour l'extraction
du lactucariwm (V. ce
mot) et de la thridace
{V. ce mot), substances
que l'on prépare du
reste également avec
les autres espèces. Men-
tionnons encore les L.
scariola L., qui a
toutes les proprié! es du
L. virosa et qu'il ne
faut pas confondre avec
la scarioîe ou escarole
(V. Chicorée) ; les L.
canadensis, L. pe-
rennis L. , L . saligna
L., L. quercina L.,
qui sont comestibles, le
L. elongata Muehl., delà Pennsylvanie, succédané du L.
virosa^ le L, iaraxacifoliah.^ utiHsé à la Guyane comme
hypnotique, les L, indica Lour. et L. tsîtsdSïel.^ cul-
tivés dans l'Inde et au Japon comme alimentaires. — Le
nom de Laitue a encore été donné à des plantes de divers
genres: L. de lièvre, L. de lierre, les Laiterons (V. ce
mot) ; I. de chien, le Pissenlit et le petit Chiendent ; L.
d'ânes les Cardères (V. ce mot) ;L.de brebis, les Mâches
(V. ce mot) ; L. des murailles, le Prenanthes muralis
et plusieurs Laiterons, etc. D'' L. Hn.
IL Horticulture maraîchère. — La laitue est une des
salades les plus cultivées dans les jardins. On en distingue
deux races principales, comprenant de très nombreuses
variétés : 4° les laitues pommées dont la forme est ar-
rondie ; 2° les laitues roînaines, dont la pomme est al-
longée. La laitue a une racine pivotante; ses feuilles sont
ovales et entières, ondulées ; elle demande une terre substan-
tielle et riche. On distingue parmi les laitues pommées :
celles de printemps qu'on sème à la fin de l'été ; on les
protège en hiver par une couverture de paille et on repique
au premier printemps, dès le mois de mars, à 20 centim.
de distance. Les laitues d'été sont semées en pleine terre,
d'avril en juin ; les laitues à' hiver sont semées pendant la
Laitue vireuse.
dernière quinzaine du mois d'août; vers le milieu d'octobre,
on met en place à bonne exposition et on les protège des
gelées en les couvrant de litière ; dès le mois d*avril, les
laitues sont bonnes à consommer. Les laitues romaines ou
chicons se cultivent de la même manière. Pendant leur
végétation, ces plantes demandent des arrosages fréquents ;
elles souffrent souvent des ravages des vers blancs, qui en
sont très avides. La faculté germinative des graines de laitue
se conserve pendant quatre ans. Alb. L.
III. Thérapeutîque. — La laitue a été considérée dès la
plus haute antiquité comme un médicament calmant, et sa
réputation d'anaphrodisiaque était très grande chez les
Grecs comme chez les Romains ; ils la considéraient
aussi comme laxative : Galien parle en outre de ses ver-
tus somnifères. Il s'agissait évidemment du suc de la lai-
tue vireuse, beaucoup plus active que les diverses varié-
tés de laitues cultivées, La forme médicamenteuse la plus
anciennement adoptée, c.-à-d. le suc exprimé des tiges
pilées, a reçu le nom de thridace et est presque oubliée
aujourd'hui. On emploie actuellement le lactucarium
(V. ce mot). Ce suça une action hypnotique réelle aux doses
de 0,20 à 0,40 d'extrait hydro-alcoolique : il procure un
sommeil calme, exempt de l'agitation intellectuelle que
donne trop souvent l'opium ; de plus, il est réellement ana-
phrodisiaque, ce qui le fait préférer par Fonssagrive à
l'opium contre l'insomnie avecéréthisme chez les blennorha-
giques. Le sirop de lactucarium du Codex, qui s'emploie
aux doses de 20 à 450 gr., renferme par cuillerée à
soupe 4 gr. d'extrait de lactucarium et 5 milligr. d'opium.
Au point de vue chimique, on n'a trouvé dans le lac-
tucarium aucun principe actif déterminé qui explique son
action. La lactucérine est insipide et inactive ainsi que
son dérivé le lactucérol. Il en est de même de la lactu^
cône et du principe amer la lactucine. Peut-être fau-
drait-il rapporter l'action médicamenteuse à l'huile essen-
tielle qui donne à la plante son odeur vireuse : mais elle
n'a pas encore été isolée. D"* R. Blondel.
LAITY (Armand-Fraoçois-Rupert), homme politique fran-
çais, né à Lorient le ^12 juil. 1812, mort à Bagnères-de-
Bigorre le 9 sept. 1889. Lieutenant de pontonniers à Stras-
bourg, il s'associa, le 30 oct. 48?>6, au premier attentat de
Louis-Napoléon et, acquitté pour ce fait en 4837, fut con-
damné l'année suivante à cinq années de prison et 40,000 fr.
d'amende pour sa Relation historique des événements du
30 oct, i836 (Strasbourg, 4838, in-8). Il devint plus tard
officier d'ordonnance du prince-président (1818), fut nom-
mé préfet en 1852, sénateur en 1857, et rentra dans la
vie privée après la révolution du 4 septembre.
LAI US (V. »:i)ipe).
LAIVES. Corn, du dép. de Saône-et-Loire, arr. de Cha-
lon-sur-Saône, cant. de Sennecey ; 1,055 hab.
LA IX. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Briey. cant. de Longwy ; 274 hab.
LÀÏ-YA N G-HsiEN. Ville de Chine, prov. de Chan-toung, sur
le lïsien-ho (branche de TOu-loung) ; 50,000 hab. Grand
marché agricole.
LAIZ. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Bourg, cant. de
Pont-de-Veyle ; 475 hab.
LAlZÉ {Lasiacus). Com. du dép. de Saône-et-Loire,
arr. et cant. (N.) de Mâcon, sur la Mouge et la Salle ;
563 hab. Trouvailles d'antiquités, de sépultures et d'in-
scriptions romaines. Moulins. Eglise romane (bénitier an-
cien, stalles du xv*^ siècle, clocher curieux). La seigneurie
appartenait à l'abbaye do Cluny. Le château féodal, qui sub-
siste en partie, a été brûlé en 1471. L-x.
LAIZE-LA-ViLLE. Com. du dép. du Calvados, arr. de
Caen, cant. de Bourguébus ; 177 hab.
LAIZY {Laisiacus). Com. du dép. de Saône-et-Loire,
arr. d'Autun, cant. de Mesvres ; 1,104 hab. Stat. de la
ligne d'Etang à Chagny, sur l'Arroux. Moulins. Découvertes
d'antiquités et de monnaies romaines. Eglise du xn^ siècle
(tableau dans la manière de Lebrun, dont un des person-
nages est le portrait de Roger de Bussy-Rabutin). Ruines
LAIZY — LAKANAL
796
imposantes du château de Chazeu bâti au xv® siècle par le
chancelier Rolin et devenu ensuite la propriété des Rabu-
tin, des Rabiot et des Mac-Mahon. L-x.
LAJA. Lac du Chili, au pied du volcan d'Antuca, à
i ,406 m. d'al. ; 57 kil. q, ; il se déverse par le rio Laja
dans le Biobio.
LA JAILLE (Charles-André, vicomte de), général et
homme politique français, né à la Guadeloupe le 1 5 avr. i 824,
mort à Paris le 6 août 4892. Elève de l'Ecole polytech-
nique, il fut promu général de brigade en 1870, général de
division en 4877 et fit partie de plusieurs commissions tech-
niques importantes du ministère de la guerre. Sénateur
de la Guadeloupe le 27 févr. 4876, il siégea à l'extrême
droite et ne se représenta pas au renouvellement de 4885.
LAJARA ou LACAR. Lac du Chih, prov. de Valdivia, au
S.-E. du volcan de Rinihué, à l'E. de la ligne de faîte des
Andes ; c'est la principale source du rio de Valdivia.
LAJARD (Pierre-Auguste), général et homme politique
français, né à Montpellier le 20 avr. 4757, mort à Paris
le 42 juin 1837. Capitaine en 4789, il devint peu après
colonel, occupa le ministère de la guerre du 46 juin au
6 août 4792, puis, suspect de royalisme, se retira en An-
gleterre, d'oti il ne revint qu'après le 48 brumaire (4800).
Pensionné par Napoléon, il siégea au Corps législatif, puis
à la Chambre des députés, de 4808 à 4845, fut nommé
maréchal de camp au commencement de la Restauration et
rentra dans la vie privée après les Cent-Jours.
LAJARD (Jean-Baptiste-Félix), archéologue et diplo-
mate français, né à Lyon le 30 mars 4783, mort à Tours le
17 sept. 4858, neveu du précédent. Il fut attaché à la mis-
sion du général Gardanne en Perse et remplit diverses
missions diplomatiques, qu'il mena heureusement, en Géor-
gie, en Russie, en Suède et en Danemark. C'est lors de
son premier voyage en Perse qu'il commença à s'occuper
des anciennes religions de la Rabylonie et de l'Iran, et
qu'il aperçut le premier les influences orientales sur la
formation et le développement de l'antique civilisation hel-
lénique. Le premier aussi il recueiUit les cylindres assy-
riens ; sa collection passa au cabinet des médailles de la
BibUothcque nationale. En récompense de ses services, il
reçut diverses fonctions administratives sous l'Empire et
la Restauration ; il fut nommé receveur des finances à
Saint-Denis en 4825. Il devint membre de l'Académie des
inscriptions en 1830. Il a publié des Recherches sur le
culte public et les mystères de Mithra (4847-48, in-
fol., inachevé). La plupart de ses travaux ont été insérés
dans les Mémoires de r Académie des inscriptions:
Recherches sur le culte ^ les symboles^ les attributs et
les monuments figurés de Vénus (t. XÏI, p. 329) ; Note
sur l'emploi et la signification du cercle ou de la cou-
ronne et du globe dans les représentations des divini-
tés chaldéennes (t. XII, p. 334) ; Mémoire sur le culte
du cyprès pyramidal (t. XIV, p. 400) ; Observations
sur Vorigine et la signification du symbole appelé la
croix ansée (t. XVII, p. 348), etc. Il a fourni aux t. XIX
à XXIII de VHistoire littéraire des articles relatifs aux
rabbins, aux jurisconsultes et aux théologiens scolastiques
du xm^ siècle. M. P.
BiBL. : Art. de Renan, Journal des Débats, 10 nov,1858.
LAJARTE (Théodore-Edouard duFaurede), composi-
teur et critique musical, né à Bordeaux en 4826, mort à
Paris en 1890. Il fit jouer avec succès, à sa sortie du
Conservatoire en 4855, au Théâtre-Lyrique, un gentil petit
opéra-comique en un acte intitulé le Secret de ronde
Vincent qui fut le plus grand succès de sa carrière. On
cite aussi le Duel du commandeur (4857), Mam'zelle
Pénélope (4859), le Neveu de Gulliver (4864); au
théâtre de l'Athénée, la Farce de maître Villon, et, en
1883, au théâtre des Nouveautés, le Roi de Carreau^ opéra-
comique en trois actes. De plus, lors de la reprise de
Cendrillon de Nicolo à l'Opéra-Comique, on exécuta avec
succès un aimable ballet tiré de ses Airs a danser, de Lulli
à Méhul, transcrits d'après les manuscrits originaux
de la bibliothèque de V Opéra de Paris. La musique de
Théodore de Lajarte était aimable et facile, sans grand ca-
ractère et sans grande originalité. II faut ajouter à ses œuvres
dramatiques un grand nombre de morceaux de musique
militaire, pas redoublés, fanfares, marches, etc.
Comme écrivain et critique, il a collaboré à un très
grand nombre de journaux, mais son ouvrage le plus im-
portant est la Bibliothèque musicale de l'Opéra : Cata-
logue historique, chronologique, anecdotique (Paris,
4878, in-8) qu'il pubha, en sa qualité de bibliothécaire
attaché aux archives de l'Opéra.
LAJEMAYE. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Ri-
bérac, cant. de Saint-Aulaye; 337 hab.
LAJETCHNIKOV (Ivan-Ivanovitch), écrivain russe, né
en 4 794, mort en juin 4869. Fils d'un riche marchand, il fit
de bonnes études et à seize ans publia, dans le Messager
de l'Europe, des Pensées à l'imitation de La Bruyère,
Son père, pour avoir oflensé un haut personnage, fut em-
prisonné et ruiné, si bien que le jeune écrivain dut entrer
en 4840 à la chancellerie du gouverneur de Moscou. Il
servit dans la milice moscovite, en qualité d'adjudant-offi-
cier et fit la campagne de 4813-44. En 4 8 19, il quitta le
service et pubha ses Mémoires de campagne qui eurent
un grand succès. Nommé directeur de l'enseignement dans
le gouvernement de Penza (4820), puis à Kazan (4823) et
à Tver (4834), il publia : le Dernier Novik (4833) et
la Maison de glace et le Mécréant (1835), romans qui
lui firent donner le titre de premier romancier russe et
furent traduits dans toutes les langues. Les ouvrages qu'il
fit paraître dans la suite furent moins appréciés; il faut
cependant citer : le Bossu, la Fille du Juif, les Opri-
tchniks, la Mère de la rivale. En 4843, Lajetchnikov
fut nommé vice-gouverneur à Tver et en 4852 à Vitebsk.
En 1854 il prit sa retraite pour cause de maladie, et de
1856 à 4858 il fut censeur du comité de Saint-Péters-
bourg ; c'est à cette époque qu'il publia dans le Messager
de l'Europe des contes qui furent très populaires : les Pe-
tits Blancs, les Petits Noirs, les Petits Gris, Connais-
sance avec Pouchkine, les Grimaces de mon Docteur, etc.
Ses premiers romans tels que : la Nièce du Boïar à la
cuirasse, furent peu remarqués. Le 4 mai 4869 on fêta à
Moscou le jubilé de sa carrière littéraire, mais il n'y assista
pas ; il était malade et mourut un mois après. Ses œuvres
complètes ont été publiées en 4858. M.
BiBL. : Jubilé de J.-J. Lajetchnikov; Moscou, 1869.
LAJO. Com. du dép. de la Lozère, arr. de Marvejols,
cant. de Serverette; 403 hab.
LAJOLAIS (LouvRiER de) (V. Louvrier de Lajolais).
LA JONQUIÈRE (Taffânel de) (V. Taffanel).
LAJOUX. Com. du dép. du Jura, arr. et cant. de
Saint-Claude; 559 hab. Manufacture pour la taille des
rubis et des pierres fines.
LAK. Tribu du Caucase (V. ce mot, t. IX, p. 833).
LAKANAL (Joseph), homme politique français, né à
Serres (Ariège) le 44 juil. 4762, mort à Paris le 44 févr.
4845. Son nom s'écrivait Lacanal, et Joseph n'en modifia
l'orthographe qu'au commencement de la Révolution, pour
se difl'érencier de ses frères, restés royalistes. Elevé chez
les doctrinaires, il entra dans leur congrégation et pro-
fessa dans divers collèges. En 4794, son oncle Font, évèque
constitutionnel de l'Âriège, le prit pour vicaire général.
Député de son département à la Convention (5 sept. 4792),
Lakanal vota la mort de Louis XVI et fut envoyé en mis-
sion, avec son collègue Mauduyt, le 9 mars 4793, dans
les dép. de l'Oise et de Seine-et-Marne. Le 24 mars, il
rendit compte des saisies de papiers et d'objets faites par
lui à Chantilly dans le château du prince de Coudé, et il
fut remplacé le lendemain par Isoré pour la suite de cette
mission. Nommé au comité d'instruction publique dès janv.
4793, il en fut un des membres les plus actifs et les plus
autorisés. Comme rapporteur du comité, il fit payer les trai-
tements des membres de l'Académie des sciences (22 mai),
changer le nom de quatre communes dont les appellations
rappelaient les institutions féodales (l^** juin), décréter la
peine de deux ans de fers contre quiconque dégraderait
les monuments des arts dépendant des propriétés nationales
(6 juin), et surtout réorganiser le Muséum d'histoire natu-
relle (10 juin). La question de l'éducation nationale préoc-
cupait vivement Lakanal, qui fit établir un concours pour
la composition des livres élémentaires destinés à l'enseigne-
ment public (13 juin) et présenta un projet d'éducation na-
tionale (26 juin). Le comité d'instruction publique fut rem-
placé le 6 juil. par une commission de six membres, parmi
lesquels fut compris Lakanal. C'est en cette qualité qu'il fit
adopter les décrets sur la propriété littéraire (19 juil.), sur
l'établissement du télégraphe (26 juil.) et sur la réorganisa-
tion de l'Observatoire (81 août). Elu secrétaire de la Conven-
tion le 21 août 1793, il fit supprimer les écoles mditaires
(9 sept.) et décréter, le 15 sept., l'établissement dans la Ré-
publique de trois degrés progressifs d'instruction : le premier
pour les connaissances indispensables aux artistes et ou-
vriers de tous les genres; le second pour les connaissances
ultérieures nécessaires à ceux qui se destinent aux autres
professions de la société; le troisième pour les objets d'ins-
truction, dont l'étude difficile n*est pas à la portée de tous
les homnies. Lakanal ne fit pas partie du comité d'instruc-
tion publique, réorganisé le 6 oct., et fut envoyé le 8 oct.
à Bergerac pour surveiller la levée extraordinaire de che-
vaux. Cette mission dura dix mois et eut de très utiles ré-
sultats. Lakanal établit des écoles primaires (24 oct. 1793)
et une manufacture d'armes (juin 1794) à Bergerac, et,
le 15 messidor an II (3 juil. 1794), il envoyait à Sieyès
deux arrêtés, « dont l'un, disait-il, a terminé 6,027 procès,
et l'autre a opéré dans ces contrées la révolution dans les
âmes et sans verser une goutte de sang, sans porter atteinte
à la liberté d'aucun citoyen » (Cf. catal. A. Bovet,
n° 345). Revenu à Paris, après le 9 thermidor, il rentra
au comité d'instruction publique et déploya une salutaire
activité. Le 29 fructidor an II (15 sept. 1794) il fit adop-
ter le plan de la fête de la translation des cendres de Jean-
Jacques Rousseau au Panthéon; le 7 brumaire an 111
(28 oct. 1794), il présenta son rapport sur l'instruction pu-
blique et, le 9 (30 oct.), fit décréter l'établissement d'une
école normale à Paris. Le 22 brumaire (12 nov.), il fut
nommé, avec Sieyès, représentant de la Convention près de
cette école et, le 28 (18 nov.), il fit décréter la loi sur
l'instruction publique. Le 7 ventôse an IIl (25 févr. 1795),
il présenta un projet d'établissement et d'organisation des
écoles centrales et, le 10 germinal (30 mars), fit adopter
la création d'une école des langues orientales vivantes. Enfin
le 21 germinal (10 avr.), il fut désigné par un des six repré-
sentants chargés d'assurer dans les départements la prompte
exécution des lois relatives à l'instruction publique.
Lakanal prit part à la discussion de la Constitution et
réclama le 4 fructidor an III (21 août 1793), mais en vain,
que, pour la nomination des Conseils, le sort décidât entre
tous les membres de la Convention. 11 applaudit à la jour-
née du 13 vendémiaire et proposa le 15 (7 oct. 1795)
de faire sortir de France tous les individus qui n'étaient
pas domiciliés à Paris en 1789 et de démolir le Palais-Royal,
repaire des royalistes. « Point de sang, s'écriait-il, mais la
République tout entière. » Elu, le 23 vendémiaire an IV
(15 oct. 1795), député au Conseil des Cinq-Cents parles
dép. du Finistère, du Morbihan et du Nord, il opta pour le
premier. Il fit, le 14 brumaire (5 nov.), un rapport sur les
livres élémentaires destinés aux écoles primaires et, le
28 pluviôse (17 févr. 1796), obtint l'impression des ou-
vrages acceptés par le jury. Il coopéra à la création de l'Ins-
titut, qui l'admit parmi ses membres dans la deuxième
classe, section de morale, le 14 déc. 1795. Il présenta le
projet de règlement de cette compagnie le 19 pluviôse an IV
(8 févr. 1796) et le fit adopter le 25 ventôse (15 mars).
11 avait été nommé vice-secrétaire de l'Institut le 11 févr.
Lakanal sortit du Conseil des Cinq-Cents le 30 floréal an V
(19 mai 1797) et vécut dans la retraite. Le 13 fructidor
an VII (30 août 1799), il en sortit pour aller organiser à
— '^9'? - LAKANAL — LAKE
Mayencc les quatre nouveaux départements réunis à la
France. Il fut rappelé après le 18 brumaire et on lui donna
la chaire des langues anciennes à l'Ecole centrale de la rue
Saint- Antoine. Le 29 fructidor an XII (16 sept. 1804), il
accepta les fonctions d'économe du lycée Bonaparte, qu'il
résigna en 1807 pour la place d'inspecteur général des
poids et mesures. La Restauration lui enleva son emploi,
l'exclutde l'Institut (21 mars 1816) et le chassa de France
comme régicide. Il se réfugia aux Etats-Unis, devint pré-
sident de l'université de la Nouvelle-Orléans et ne rentra
dans sa patrie qu'en 1833. Il y fut très bien accueilli, et
l'Académie des sciences morales et politiques, récemment
instituée, l'admit parmi ses membres le 22 mars 1834, en
remplacement de Garât. En 1838, il publia un Exposé
sommaire des travaux de Joseph Lakanal, ex-membre
de la Convention nationale, pour sauver durant la Ré-
volution les sciences et les lettres et ceux qui les ho-
noraient par leurs travaux. Cette même année, il se
maria pour la seconde fois et eut un fils. Il mourut à
l'âge de quatre-vingt-trois ans. La ville de Foix lui a élevé
une statue en 1882 et le gouvernement de la troisième
République, voulant honorer les services rendus à l'ins-
truction publique par Lakanal, donna son nom à un lycée
créé à Bourg-la-Reine. Etienne Charâvay.
BiBL. ; Isidore GEorFROY Saint-Hilaire, Lakanal, sa
vie et ses travaux, 1849. — Mignet, Notice historique sur
ta vie et les travaux de M. Lakanal, 1«57. — Clamageran,
le Conventionnel Lakanal, son administration dans le
département de la Dordogne, 1875. — B. Lavigne, Joseph
Lakanal, 1880. — J. Guillaume, Procès-verbaux du comité
d'instruction publique de la Convention nationale, 1891 et
1894.
LAKCHMÎ ou ÇRÎ, comme elle est encore appelée, est
dans le panthéon brahmanique la déesse de la beauté, de
Famour et de la fortune. Epouse de Vichnou, elle l'ac-
compagne dans chacun de ses avatars : « Quand il était
Rama elle était Sitâ, quand il était Krichna elle était Rouk-
minî. » Elle est la mère de Kâma, le dieu de l'amour. La
légende la plus répandue la fait naître, sinon, comme Aphro-
dite, de l'écume de l'onde, du moins des flots de l'océan de
lait « baratté » par les Dieux et par les Asuras. Elle ap-
parut, assise sur un lotus, un lotus à la main, dans sa beauté
sans rivale, et les éléphants célestes, élevant au bout de
leur trompe des vases d'or, versèrent sur sa tète des flots
d'eau lustrale. C'est ainsi qu'on la trouve déjà représentée
sur un bas-relief de la porte orientale du Stoûpa boud-
dhique de Sânchi, qui date vraisemblablement du début de
notre ère. Des images postérieures lui donnent quatre bras
comme à Vichnou. Sa couleur est d'or. Répandu dans toute
l'Inde, son culte est surtout en honneur dans l'Inde occi-
dentale et on lui a quelquefois donné le nom de « Notre-
Dame de Bombay ». A. Fougher.
LAKE. Faubourg méridional de Chicago (V. ce mot).
LAKE Providence. Ville des Etats-Unis, Louisiane, r. dr.
du Mississippi, entre le fleuve et le lac Providence, à 328 kil.
N.-O. de la Nouvelle-Orléans ; 5,000 hab.
LAKE (Gérard, vicomte), général anglais, né le 27 juil.
1744, mort à Londres le 20 févr. 1808. Descendant de
sir Thomas Lake, qui fut secrétaire d'Etat (1616) et jouit
d'une grande faveur à la cour de Jacques P% il entra dans
l'armée en 1758 et devint général en 1802. Il fit les cam-
pagnes d'Allemagne (1760-62), celle de la Caroline du
Nord (1781) et au début de la guerre contre la France
commanda une brigade de l'infanterie de la garde. Il se
distingua au siège de Valenciennes où il fut le héros d'un
des plus brillants combats de l'année (18 août). Nommé au
commandement de l'Ulster en 1796, il eut fort à faire
contre les Unionistes. Il mit en pleine déroute les Irlan-
dais au Vinegar Hill le 21 juin 1798 et se montra inexo-
rable dans la répression. Lorsque les Français eurent dé-
barqué à Killala, il fut envoyé d'urgence au secours
d'Hutchinson dont il répara la défaite à Castlebar. C'est
à lui que se rendit l'armée d'Humbert à Ballinamuck
(8 sept.). Le 13 oct. 1800, Lake était nommé commandant
en chef dans l'Inde. Il accomplit d'heureuses réformes dans
LAKE — LALÂING
T98 -
Tarmée indigène, organisa notamment la cavalerie légère.
En août 4803, il pénétrait sur le territoire desMahratles,
les battait, entrait à Delhi le 44 sept., s'emparait d*Agra
le 4 7 oct. Ces succès, obtenus en deux mois, avec une armée
de 8, 000 hommes, excitèrent en Angleterre un immense en-
thousiasme. Lake fut créé baron Lake de Delhi (4®^ sept.
4804). Il continua à guerroyer contre le maharajah Holkar
qu'il contraignit à la paix d'Omritsar (déc. 4805). Il revint
en Angleterre en 4807 et fut promu vicomte (31 oct.).
Lake fut un des généraux les plus populaires de son temps ;
d'un courage à toute épreuve, il inspirait à ses troupes
une confiance illimitée. On l'a comparé souvent à Clive.
LAKEBA ou LAKEMBA (lies). Groupe de l'archipel des
Fidji ou Viti (V. ce mot).
LAKEMAN (Sir Stephcn Bartlett), aventurier anglais,
né à Dartmouth en 48:25. Après avoir participé à la cam-
pagne contre les Sikhs, il combattit en 4852 les Cafres,
contre lesquels il organisa un corps franc, « les Chasseurs
de la mort ». Ensuite, il passa au service de la Turquie
(4853), fut chef de police sous Omer Pacha à Bucarest,
prit part à la campagne d'iskender Bey et devint lieute-
nant général en Turquie d'Asie sous le nom de Mazar
Pacha. Ayant épousé en -4854 la princesse Marie de Phi-
lippesco, il s'occupa activement d'intrigues politiques en
Roumanie où il subit en 4882 un emprisonnement.
LAKHAMOULTZY. Tribu d'origine juive de la Trans-
caucasie, prov. de Koutaïs, dans la Souanétie ; population
belliqueuse et très commerçante.
LAKHON. Nom de deux villes du Laos siamois. La pre-
mière, située sur le Ménam-ouang, compte 25,000 hab.
Grand marché d'éléphants ; mines de fer, de plomb et de
cuivre. C'est le ch.-l. d'une principauté située entre celles
de Louang-prabang et de Lampoun. — La seconde, ch.-l.
d'une prov., est sur la r. dr. du Mékong, au point le plus
voisin de la mer de Chine ; son climat, très malsain, a con-
tribué à diminuer son ancienne importance commerciale.
Une colonie annamite s'y est établie.
LAKIMPQUR. Ville de l'Inde anglaise, prov. du N.-O.,
ch.-l. delà prov. de Sitapour (dans l'Aoudh), à 8 kil. N.
de Keri ; 4,000 hab. — Un village du même nom a donné
son nom au district le plus oriental de l'Assam.
LAKISTES (Poètes). On a donné ce nom à des poètes
anglais, qui florissaient à la fin du siècle dernier et au
commencement de celui-ci. Les plus importants sont : Co-
leridge, Southey et Wordsv^orth. On peut nommer après
eux : Lowell, Wilson et quelques autres, qui, tous, se
distinguent, à la suite des chefs de l'école, par le tour
philosophique de leur esprit et la tendance à faire entrer
les sentiments du cœur et les aspects familiers de la vie
humaine dans les descriptions de la nature. On les appela
lakistes d'abord par ironie, ensuite pour les caractériser et
les classer d'un mot expressif, parce qu'ils vécurent pour la
plupart dans le N.-O. de l'Angleterre (Westmoreland,
Cumberland), ou pays des lacs (Lake District) ^ dont ils
se plurent à chanter les paysages si pittoresques et si
variés. B.-H. G.
LAKNO (Inde septentrionale) (V. Lucknow).
LÂL ou LÂL KAVI (Le poète Lâl), auteur hindoustani
du XVII® siècle, né dans le pays d'Aoudh. C'est l'auteur du
Tchatra-prakâch, poème historique, dans lequel il chante
le Bandelkhand et célèbre la résistance de Tchatra-sâl, roi
de ce pays, à la tyrannie et à la violence de l'empereur
Aurang-zeb; de V Aouadh-bilâs (les Plaisirs d'Aoude),
poème en dix-huit chants, où, à propos du célèbre héros
Râma, il traite toutes sortes de sujets et donne de bons
conseils. On cite encore de lui d'autres ouvrages, les Douze
Mois de Vlnde, le Livre des Talismans^ les Sentences
du Gourou, Une traduction anglaise du Tchatra-prakâch
a paru, en 4828, à Calcutta, sous le titre de A History
of Boondelas, L. Feer.
BiBL. : Gargin de Tassy, Histoire de la littérature hin-
douie et hind(msta:fiie.
LAL A, femme peintre grecque (V. Iaia).
LALAGE (Ornith.). Le genre Lalage (Boie, Isis, 4826)
renferme des Passereaux dont la taille reste toujours infé-
rieure à celle d'un Merle et qui portent une livrée grise,
plus rarement rousse et généralement variée de noir et de
blanc, le noir dessinant une sorte de capuchon sur la tête,
des taches sur les ailes et des raies transversales sur les
parties inférieures du corps. Les plumes de la croupe se
font remarquer par la rigidité de leur tige qui au toucher
paraît se terminer en épine ; les pattes sont relativement
courtes, les ailes bien développées, la queue assez longue,
coupée carrément en arrière, le bec un peu crochu, avec
une petite dent près de la pointe et une carène assez mar-
quée sur la mandibule supérieure, qui est élargie à la
base. Par ces caractères, les Lalage se rattachent à la fa-
mille des Campophagidés (V. ce mot). Ces oiseaux se
trouvent dans Flnde méridionale et insulaire, en Malaisie,
aux Moluques, en Australie et dans plusieurs archipels de
rOcéanie. Ils se tiennent dans les jongles, au milieu des
broussailles, dans les vergers et les jardins, et sautilleM
d'arbre en arbre, de buisson en buisson, en poussant de
petits cris plaintifs ou des cris d'appel rauques et stridents.
Leur nourriture consiste en insectes, qu'ils vont chercher
sur les feuilles. Leurs nids, faits de racines et de lichens,
renferment des œufs gris striés de brun. E. Oustalet.
BiBL.: R.-B. Sharpe, Cat. B. Brit.Museum, 1879, t. IV,
p. 86.
LALAIGNE. Corn, du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de La Rochelle, cant. de Courçon ; 425 hab.
LALAING. Com. du dép, du Nord, arr. et cant. (N.)
de Douai, sur la Scarpe; 2,001 hab. Houillères de la con-
cession d'Aniche. L'église conserve un tableau sur bois du
xvi^ siècle représentant le Crucifiement. Les seigneurs de
Lalaing sont connus depuis le xn® siècle.
LALAING (Jacques, dit Jacquet de), célèbre chevalier
du xv« siècle, né en 4420 ou 4422, mort le 4 juil. 4453.
Fils de Guillaume de Lalaing et de Jeanne de Créquy, il
quitta à seize ans le château paternel pour s'attacher à la
personne d'Adolphe, duc de Cfèves. Avec lui, il passa à la
cour de Bourgogne, à cette époque la plus somptueuse
de l'Europe, et fut pendant six ans écuyer du duc Philippe
le Bon. C'est sous ses ordres qu'il fit ses premières armes
au siège de Luxembourg. En 4445, il assiste aux fêtes
données par Charles VU à Nancy et à Châlons, et le 40 juin,
dans cette dernière ville, paraît dans une brillantte passe
d'armes où il remporte le prix. De 4446 à 4450, il court
le monde en quête d'aventures chevaleresques, visite la
France, la Navarre, la Castilîe, le Portugal, l'Ecosse, l'An-
gleterre. En 4450, Jacques de Lalaing, après avoir tenu
un pas d'armes, resté célèbre, à la Fontaine des Pleurs,
près de Chalon-sur-Sadne, se rend à Rome pour gagner
des indulgences ; à son retour, il est reçu chevalier de la
Toison d'or. Peu après, le duc de Bourgogne Fen voie en
ambassade au pape pour l'entretenir de projets de croisade
contre les Turcs. En 4454, il prend part à la campagne
contre les Gantois révoltés et le 4 juil. 4453 est tué par
un boulet au siège de Poucques. — Le rôle historique de
Jacques de Lalaing est, comme on le voit, assez mince; il
ne doit sa célébrité qu'au grand renom de chevalerie que
lui ont fait quelques chroniques contemporaines et quelques
panégyristes des xvi® et xvn® siècles, tels que Pons Heuteru3
et Jean d'Ennetières. — Son frère, Philippe de Lalaing,
tué à Montlhéry, est, lui aussi, resté célèbre par son pas
du Perron-fée.
La biographie de Jacques de Lalaing a été écrite de sôflf
temps ; le Livre des faits de messire Jacques de La-
laing (tel est le vrai titre de cet ouvrage) a été publié
d'abord par Chifflet en 4634 et attribué par lui au chro--
niqueur George Chastellain, à qui est due l'épitaphe dn
bon chevalier, comme on l'appelait. Buehon, qui en fit
une réédition dans le Panthéon littéraire, maintint
d'abord cette attribution, puis, changeant d'avis, désigna
comme auteur du Livre des faits le héraut Charolais. En
réalité, comme Fa prouvé M. Kervyit (fe Lettenhove, dms
799
LAUING — LALàNDE
l'édition définitive qu'il a donnée de cet ouvrage au t. VIII
de sa publication des OEuvres de Ckastellain (Bruxelles,
1866, in-8), le héraut Charolais, qui fut longtemps au
service de Jacques de Lalaing, n'est l'auteur que de quelques
chapitres; le reste est dû à la plume du chroniqueur Jean
Le Fèvre, plus connu sous le nom de Toison d'or, et l'en-
semble a dû être revisé par Chastellain. H. Courteault.
BiBL. : Jean le Fèvre, Chronique, édit. Morand; Paris,
1876, 2 vol. in-8. — Brassart, le Blason des Lalaing ;
Douai, 1879-89, 2 vol. in-8. — Jean d'Ennetières, le Clie-
valier sans reproche^ Jacques de Lahlain ; Tournai, 1633,
in-8.
LALAING (Antoine de), homme d'Etat belge, né vers
1480, mort en 1540. Il accompagna Philippe le Beau en
Espagne, et rédigea une intéressante relation de ce voyage,
qui a été publiée par Qsiohdivà (Relatmis des voyages des
souverains des Pays-Bas, 1. 1). Plus tard, il fut cham-
bellan de Marguerite d'Autriche, chef des finances de
Charles-Quint, et stathouder de Hollande, Il exerça une
grande influence sur le gouvernement, et prit une part
importante à toutes les négociations pohtiques de son
époque.
BiBL. : Brassard, Notice historique et généalogique de
la famille de Lalaing; Douai, 1847, in-8. — Henné, His^
toire du règne de Charles-Quint en Belgique; Bruxelles,
1858-1860, 10 vol. in-8.
LALAING (Christine de) (V. Epinoy [Princesse d'I).
LALAING (Jacques, comte de), peintre et sculpteur
belge, né à Londres le 14 nov. 1858. Elève de MM. Por-
taels et Cluysenaar, de Lalaing a exposé, en 1883, Pri-
sonniers de guerre, et, en 1884, le Portrait équestre
qui se trouve au musée de Gand. On lui doit encore des
portraits et les belles peintures historiques de l'hôtel de
ville de Bruxelles. Il a en outre modelé un très beau
groupe de LionSy et le Cavelier de la Salle qui est à
Chicago.
LA LANDE (Michel- Richard de), compositeur français
né à Paris le 15 déc. 1657, mort à Paris le 18 juin 1726.
Quinzième enfant d'un pauvre tailleur, il fut placé comme
enfant de chœur à Saint-Germain-l'Auxerrois, où il eut
pour maître Chaperon. Il apprit à jouer de plusieurs ins-
truments et devint assez bon organiste pour pouvoir, au
moment de la mue de sa voix, desservir les orgues de
quatre églises de Paris. Le maréchal de Noailles, qui l'avait
choisi pour maître de musique de ses filles, lui tit obtenir
le même emploi auprès de W^^ de Blois et de M^^'' de Bour-
bon, filles de Louis XIV. Ce fut l'origine de la fortune de
La Lande à la cour. En 1680, il s'était déjà produit comme
compositeur, en faisant exécuter des morceaux religieux
à la Sainte-Chapelle,^ pendant le carême, à côté de ceux
de son maître Chaperon. En 1682, il écrivit les airs fran-
çais d'une Sérénade en forme d'opéra dont Lorenzani
avait composé les airs italiens, et qui fut chantée à la
cour, à Fontainebleau. L'année suivante, il fit jouer à
Paris, en l'hôtel de Duras, une pastorale intitulée l Amour
berger, puis à la cour deux divertissements de circons-
tance, les Fontaines de Versailles, sur le retour du roi,
et le Concert d'Esculape. Bientôt Louis XIV prit La
Lande en affection. A la suite du concours de 1683, il le
nomma sous-maître de sa chapelle. La Lande succéda en
1690 à Jean-Louis de Luliy comme compositeur de la
musique de la chambre, en 1695 à Claude-J.-B. Boesset
comme surintendant de la musique du roi, et le 17 juil.
1709 à Collasse comme maître des enfants de la nmsique
du roi. Travaillant en même temps pour la chapelle et
pour les spectacles de la cour, La Lande composa suc-
cessivement le Ballet de la jeunesse, dansé à Versailles
le 28 janv. 1686; le Ballet de Flore ou de Trianon
(1689); l'Amour fléchi par la Constance, pastorale
(1689) ; Adonis, fête galante, et Mirtil, sérénade (1698);
le Ballet des fées (1699), des airs pour la reprise de
Mélicerte, de Molière (1699) ; la Noce de village, appelée
aussi l'Hymen champêtre (1700); le Ballet de la paix
(1713) ; le Balkt de Vlnconnu et celui des FoUe& de
Cafdenio , tous deux dansés par Louis XV aux Tuileries
en 1720 ; la plupart de ces compositions existent en ma-
nuscrit à la bibliothèque du Conservatoire de Paris, avec
un certain nombre de symphonies, de caprices pour les
instruments, de noèls en symphonie, et de concerts de
trompettes et timbales, composés également pour le service
de la cour. Le 28 mai 1725, il vit jouer à l'Opéra son ballet
des Eléments, composé en collaboration avec Destouches.
La dernière reprise de cet ouvrage eut lieu en 1754.
Marié en 1684 à Anne Rebel, cantatrice de la chambre
et de la chapelle du roi, La Lande eut deux filles, habiles
cantatrices comme leur mère, qui chantèrent aussi à la
cour, et qui moururent toutes deux en 1711 de la petite
vérole. Devenu veuf le 5 mai 1722, La Lande épousa en
secondes noces, l'année suivante, M^^^ de Cury.
Comme compositeur religieux, La Lande écrivit pour la
chapelle du roi soixante grands motets avec soU, chœurs
et orchestre, qui furent imprimés après sa mort par les
soins de sa veuve, en vingt livres in-fol. Jusqu'à la fin du
xviii® siècle, ces ouvrages défrayèrent le répertoire des
grandes maîtrises et du concert spirituel et passèrent pour
les chefs-d'œuvre de l'école française dans le genre sacré.
La Lande y avait déployé en effet de belles qualités d'in-
vention et de facture ; à la suite de Carissimi et de Char-
pentier, il tendait vers l'expression humaine et dramatique
des paroles sacrées, et cherchait à gagner en variété et en
coloris ce qu'il perdait sous le rapport de la sévérité des
formes et de la pureté du sentiment religieux. De cette
façon, La Lande contribua fortement à transformer le
motet d'église en cantate de concert, sans que l'initiative
de ce mouvement lui appartienne. Michel Brenet,
LA LAN DE (Luc-François), homme politique et prélat
français, né àSaint-Lô (Manche) le 19 janv. 1732, mort
à Paris le 27 févr. 1805. Entré dans la congrégation de
l'Oratoire vers 1760, professeur à Lyon, puis à Montmo-
rency, il embrassa les idées nouvelles, publia en 1791
une Apologie des décrets de r Assemblée nationale (sur
la constitution civile du clergé) et devint premier vicaire
de Févêque métropolitain de Paris. Evêque constitutionnel
de la Meurthe, sacré à Paris le 29 mai 1791, député de la
Meurthe à la Convention, il vota pour la réclusion de
Louis XVI. Le 7 nov. 1793, il renonça à l'épiscopat et dé-
clara ne vouloir plus d'autre titre que celui de citoyen et
de républicain français. Député de l'Eure au Conseil des
Cinq-Cents le 15 oct. 1795, il en sortit le 20 mai 1798 et
accepta les fonctions d'archiviste de la police. Il fit sa sou-
mission au pape en 1804. Etienne Charâvay.
BiBL. : Ingold, VOratoire et la Révolution.
LA LAN DE (Joseph- Jérôme Le Français de), astronome
français, né à Bourg-en-Bresse le 11 juil. 1732, mort à
Paris le 4 avr. 1807. 11 étudiait le droit à Paris quand une
visite à l'Observatoire l'entraîna à suivre au GoMège de
France les cours de Delisle et de Lemonnier. Ce dernier,
pour l'attacher définitivement à l'astronomie, lui céda, en
1751, une mission à Berlin pour la détermination de la
parallaxe de la lune. C'est à ce moment que le jeune sa-
vant prit le nom de Lalande. Après avoir, au retour de sa
mission, passé quelque temps à Bourg, où ses parents
voulaient le fixer comme avocat, il revint en 1753 à Paris,
rappelé par l'Académie des sciences qui l'admettait dans
son sein, et où il commença à communiquer ses mémoires,
dont le nombre dépasse cent. En 1760, il fut chargé de
publier la Connaissance des temps, et la même année
succéda à Delisle comme professeur d'astronomie au Col-
lège de France ; enfin il dirigea l'Observatoire de 1768 à sa
mort. Lalande a beaucoup écrit ; en dehors des volumes
qu'il a publiés, il a fait insérer de nombreux articles dans
le Journal des savants, le Journal de physique, le
Magasin encyclopédique, les Mémoires de V Académie
de Dijon, les Mémoires des Sociétés savantes^ les PML
Transact», etc. Il aborde d'aiUeurs tous les sujets: ainsi
les premiers ouvrages qu'il donne sont consacrés à la
description de neuf arts libéraux (papetier, parcàemimer,
cartonnier, chamoiseur, tanneur, mégissier, maroqiûaier,
LALANDE — LALANNE
— 800 -
hongroyeur, corroyeur, 1761-67). Il compose des discours,
prononce de nombreux éloges, travaille au Nécrologe des
hommes célèbres de France (1767-82), continue ['His-
toire des mathématiques de Montucla, publie un très
curieux Voyage d'un Français en Italie (1769, 8 vol.
in- 12). Ses ouvrages astronomiques sont : Exposition du
calcul astronomique (1762, rééd. par L. Bertrand en
d820) ; Astronomie (1764, 2 vol. in-4 ; 1771-81, 4 vol.
in-4) ; Tables astronomiques (1771) ; Mémoire sur le
passage de Vénus observé le S juin il 69 (1772); Ephe-
méridês de i775 à iSOO ; Astronomie des dames
(1785, 2 rééd.) ; Abrégé de navigation (1793); His-
toire céleste française (1801) ; Bibliographie astrono-
mique (1803) ; Tables de la Lune (1806). Lalande a
beaucoup trop écrit pour que son œuvre ne laisse pas sou-
vent à désirer, mais il a fait beaucoup de travaux utiles et
rendu de véritables services à la science en s'occupant
surtout du côté pratique. Son caractère le portait à re-
chercher non seulement la connaissance personnelle des
savants avec lesquels il était en relation, ce qui n'allait
pas sans une certaine passion pour les voyages, mais à
désirer la célébrité auprès du public et à ne pas reculer à
cet effet devant la singularité. Vers la fin de sa vie, ce trait
alla jusqu'à la bizarrerie et toucha parfois à l'extravagance;
sans parler de son goût affecté pour les araignées, il fai-
sait imprimer qu'il avait acquis toutes les vertus de l'hu-
manité. T.
LALANDE (Michel-Jean-Jérdme Le Français de), astro-
nome français, né à Courcy (Manche) le 21 avr. 1766,
mort à Paris le 7 avr. 1839, neveu du précédent. Il se ren-
dit tout jeune à Paris, fut initié par son oncle à l'astrono-
mie, aida Delambre dans sa mesure de la méridienne et
devint membre de l'Académie des sciences, membre adjoint
du Bureau des longitudes, directeur de l'observatoire de
l'Ecole militaire, suppléant de son oncle dans sa chaire
d'astronomie du Collège de France. Il est surtout connu par
ses excellentes Tables de Mars (1801), et par ses Cata-
logues, qui comprennent 50,000 étoiles visibles à Paris.
Il publia en outre dans la Connaissance des Temps et
dans quelques autres recueils un grand nombre d'articles
et de notes. Il eut enfin une large part à la rédaction de
V Histoire céleste française de son oncle. — Sa femme,
Marie-Jeanne- Amélie Harlay, née à Paris vers 1768,
aida l'oncle et le neveu dans leurs observations et leurs
calculs. Elle est l'auteur des Tables horaires qui font
partie de V Abrégé de navigation du premier. L. S.
BiBL. : Mathieu, Discours aux funérailles de M.-J.-J. de
Lalande; Paris, 1839, in-4.
LA LAN DEL LE (Guillaume-Joseph-Gabriel de), littéra-
teur français, né à Montpellier le 5 mai 1812, mort à Paris
le 19 janv. 1886. Après avoir terminé ses études à Stras-
bourg, il entra dans la marine en 1828 et en sortit onze
ans plus tard avec le grade de lieutenant de vaisseau. Tout
en collaborant à V Union catholique et au Commerce,
ainsi qu'à un journal spécial, la Flotte^ il écrivit de nom-
breux romans dont les guerres maritimes ou les mœurs des
gens de mer lui fournissaient le sujet et qui balancèrent la
vogue d'Ed. Corbière : la Gorgone (iSH) ; Frise-Poulet
ou les Epaulettes d'amiral (1847) ; Aventures d'un
gentilhomme (1847) ; la Couronne navale (1848) ; les
lies de glace (1850); Une Haine à bord (1851); le
Morne aux serpents (1 852) ; les Princes d'ébène (1 852) ;
le Dernier des Flibustiers (1857); Sans-Peur le corsaire
(1859) ; les Quarts de nuit et les quarts de jour
(1863-70), etc., souvent réimprimés en divers formats.
Citons à part : Réponse à la note [du prince de Joinville]
sur l'état des forces navales de la France (1844, in-8);
le Langage des marins, recherches historiques et cri-
tiques sur le vocabulaire maritime (1859, in-8) ; le
Gaillard d'avant (1862, in-12) ; Poèmes et chants ma-
rins (iS6i, in-12); le Tableau de la mer (1862-69,
4 vol. in-12). M. Tx.
LALAN DUSSE. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr.
de Villeneuve-sur-Lot, cant. de Castillonnès ; 391 hab.
LA LANE (Noël de), théologien janséniste, docteur de
Sorbonne, abbé de Notre-Dame de Valcroissant, né à Paris
en 1618, mort en 1673. Il fut un des cinq députés que les
jansénistes envoyèrent à Rome, pour défendre la doctrine
de l'Augustinus (V. Jansénisme, t. XXI, p. 9, col. 2), Le
19 mai 1652, il présenta cette défense, dans une audience
accordée par le pape, et prononça, sans succès, une haran-
gue et un discours apologétique qui durèrent ensemble
deux heures et demie (Journal de Saint-Amour, pp. 4^66
et suiv. ; Paris, 1662, in-foL). — (Euvres principales:
De Initio piœ voluntatis (Paris, in-4 et in-8); la Grâce
victorieuse de Jésus-Christ ou Molina et ses disciples
convaincus de pélagianisme et de semi-pélagianisme
(Paris, 1650, in-4, sous le pseudonyme d'abbé Bonheu);
Examen de la conduite des religieuses de Port-Royal
touchant la signature du fait de Jansenius (Paris,
1665, in-4) ; Défense de la foi des religieuses de Port-
Royal et de leurs directeurs, contre le libelle scan-
daleux de M, Chamillard (Paris, 1667, 2 part. in-4).
La Lane a fourni à Arnault et à Sacy une grande partie
des notes et des mémoires qui servirent à la composition
du Journal de Saint- Amour, E.-H. V.
LALANNE. Com. du dép. du Gers, arr. de Lectoure,
cant. de Fleurance; 155 hab.
LALANNE-Arqué. Com. du dép. du Gers, arr. de Mi-
rande, cant. de Masseube ; 313 hab.
LALANNE-Magnoac ou d'AsTARAc. Com. du dép. des
Hautes-Pyrénées, arr. de Bagnères-de-Bigorre , cant. de
Castelnau-Magnoac ; 200 hab.
LALAN NE-Rustain (La). Com. du dép. des Hautes-Pyré-
nées, arr. de Tarbes, cant. de Trie ; 152 hab.
LALAN N E (Léon-Louis Chrétien-), ingénieur et homme
poUtique français, né à Paris le 3juil. 1811, mort à Paris
le 12 mars 1892. Entré à l'Ecole polytechnique en 1829
et à l'Ecole des ponts et chaussées en 1831, nommé ingé-
nieur en 1836, ingénieur en chef en 1848, inspecteur
général en 1867, il fut élu en 1879 membre libre de
l'Académie des sciences en remplacement de Bienaymé, en
1883 sénateur inamovible en remplacement du général
Chanzy. Il avait conduit en 1846 les travaux du chemin de
fer de Paris à Sceaux. Après la révolution de février 1848,
il fut nommé commandant de la 11« légion de la garde
nationale et, au mois de mai suivant, il reçut la direction
des ateliers nationaux. Arrêté en juil. 1849, il fut relâché
presque aussitôt, et, après le coup d'Etat, il résida pendant
plusieurs années à l'étranger, dirigeant successivement les
travaux publics de la Valachie (1852-53), le percement de
routes dans la Dobroudja (1855), la construction du che-
min de fer de l'Ouest-Suisse (1856), celle du chemin de
fer du Nord de l'Espagne (1859). Rentré en 1860 au ser-
vice de la France, il fut de 1877 jusqu'à sa mise à la
retraite (1881) directeur de l'Ecole des ponts et chaussées.
Il accepta ensuite la présidence du conseil d'administration
de la Compagnie générale des omnibus de Paris. On lui
doit l'invention ou le perfectionnement de plusieurs ma-
chines à calculer: arithmoplanimètre (C. r. de VAcad,
des se, IX, X et XI), balance arithmétique (id., IX),
balance algébrique pour la résolution des équations jus-
qu'au septième degré [id., XI), etc., ainsi qu'une longue
série de méthodes pour la simplification des calculs, de
formules et de tables graphiques à l'usage des ingénieurs
et des constructeurs. Il a collaboré à la partie scientifique
d'un grand nombre de revues et collections, aux Cent
Traités, au Million de faits, etc. Enfin il a publié à part
une trentaine d'ouvrages et brochures, parmi lesquels :
Essai philosophique sur la technologie, extrait de V En-
cyclopédie nouvelle (Paris, 1840, in-8); Instruction
pratique pour l'usage de V arithmoplanimètre (Paris,
1842, in-8) ; Collection de tables pour abréger les cal-
culs (Paris, 1843, in-8) ; l'Abaque ou compteur uni-
versel (Paris, 1845, in-12; 3« éd., 1863, in-12) ; Ins-
truction sur les règles à calcul (Paris, 1851, in-18);
804 -
LALANNE
[ALINDE
Assainissement des halles centrales (Paris, 1875^ in-l);
Méthodes graphiques pour V expression des lois empi-
riques ou mathémaliques à trois variables (Paris, 1878,
in-8) ; le Méiropolitai^i et les transports en commun à
Londres et à Paris ^ en collaboration avec M. Massillon (Pa-
ris, 1886, in-4); Note sur le Métropolitain, aveclemême
(Paris, 1886, in-4); Rectification historique sur les ate-
liers nationaux (Paris, 1887, in-16), Léon Sàgnet.
BiBL. : Notice sur les travaux et les titres scientifiques
de M. Léon Lalanne ; Paris, 1876, in-4. — Journal officiel,
15 et li) mars 1892.
LALANNE (Marie-Ludovic Chrétien-), archiviste et lit-
térateur français, né à Paris le 23 avr. 1815, frère du pré-
cédent. Sorti en 1841 de l'Ecole des chartes, attaché en
1846 à la commission des travaux historiques, directeur
de VAtheneum français (1853-56) et de la Correspon-
dance littéraire (1856-65), il a été de 1875 à 1895
sous-bibHolhécaire, puis biWiothécaire de l'Institut. D'une
érudition remarquable, il s'est livré à de laborieuses re-
cherches sur la littérature et sur l'histoire de notre pays.
Outre de nombreuses études bibliographiques et littéraires,
il a écrit : Recherches sur le feu grégeois et sur Vintro-
duclion de la poudre en Europe (Paris, 1841, in-4) ;
Dictionnaire historique de la France (Paris, 1872,
in-8; 3"^ éd., 1887), livre très estimé et très répandu.
On lui doit aussi la publication de plusieurs ouvrages iné-
dits : Journal d'un bourgeois de Paris ^ iSiB-IÔSô,
d'après un manuscrit de la Bibliothèque nationale (Paris,
1854, in-8); les Lois de la galanterie (Paris, 1855,
in-8) ; le Livre de fortune, recueil de deux cents dessins
inédits de Jean Cousin (Paris, 1883, in-4); Mémoire sur
le livre d'heures d'Anne de Bretagne, par Ant. de
Jussieu (Paris, 1887, in-8); Mémoires d'Agrippa d'Au-
bigné (Paris, 1889, in-16), etc.
LALANNE (François- Antoine-Maxime), dessinateur et
aquafortiste français, né à Bordeaux le 27 nov. 1827,
mort à Nogent-sur-Marne le 29 juil. 1886. Fils d'un
greffier à la cour d'appel de Bordeaux, il fit dans cette
ville d'excellentes études scolaires. Reçu bachelier es lettres
on '1848, il vint étudier les beaux-aris à Paris, en 1852,
et devint l'élève de Jean Gigoux. La même année, il débu-
tait au Salon par une série de fusains. Depuis, il se par-
tagea entre le fusain, l'eau-forte et la gravure. On re-
marque, parmi ses principaux fusains : les Vues du parc
de Villeneuve- Saint-Georges^ le Coin de parc à Mont-
geron, un grand nombre de Vues de Bordeaux; parmi
ses eaux-fortes, la Maison de Victor Hugo à Guernesey
(12 planches, 1864); le Billard^ deux gravures pour
un traité en vers dont son père, A. Lalanne, était i'auleur
(1866); douze croquis : r Eau-forte d'après nature
(1869) ; douze planches sur le Siège de Paris (1870-7!) ;
des reproductions d'après Troyon, Ruysdaël, Corot, Ribot;
puis, vers la fin de sa carrière, il donnait des ouvrages consi-
dérables : la Hollande à vol d'oiseau (1881) ; /a Flandre
à vol d'oiseau (1883) ; et enfin Rouen pittoresque qui fut
son œuvre dernière (1884). Après sa mort, la municipalité
de Bordeaux réclama ses cendres qui furent tranférées dans
cette ville en 1890. Gaston Armelin.
LALAUZE (Adolphe), graveur français, né à Rive-de-
Gier (Loire) le 8 oct. 1833. Elève de L. Gaucherel, il
s'adonna à l'eau-forte et commença par reproduire les ta-
bleaux des maîtres anciens ; il entreprit ensuite de repro-
duire sur cuivre ses propres compositions, et illustra un
grand nombre d'ouvrages de luxe, tels que des éditions de
Molière, de Perrault,' de Gulliver, de Manon Lescaut,
de Paul et Virginie, etc. On lui doit également une quan-
tité considérable de portraits. G. A.
LALBARÈDE. Com. du dép. du Tarn, arr. de Castres,
cant. de Villemur ; 328 hab. Stat. du chem. de fer du
Midi, ligne de Montauban à Castres.
LALBENQUE. Ch.-l. de cant. du dép. du Lot, arr. de
Cahors; 1,690 hab. Stat. du ch. do fer d'Orléans, ligne de
Paris à Toulouse.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
LALEU. Ancienne com. du dép. de la Charente-Infé-
rieure, réunie à La Rochelle, sur l'Océan ; 1,440 hab. On
y montre la maison habitée par Louis XIII pendant le sièee
de 1627-28.
LALEU. Com. du dép. de l'Orne, arr. d'Alençon, cant.
du Mesle ; 720 hab.
LALEU. Com. du dép. de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de MoUiens-Vidame ; 108 hab.
LALHEUE. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. de
Chalon-sur-Saône, cant. de Sennecey ; 652 hab.
LALIBÉLA ou LALIBALA. Ville de l'Ethiopie centrale,
non loin des sources du Takazzé. La région qui entoure
Lalibéla est considérée par les Abyssins comme une des
régions sacrées de leur pays et la ville de LaMbéla comme
une ville sainte ; de même que Rome et Byzance, Lalibéla
est bâtie sur sept collines ; comme Jérusalem, elle a sa
montagne des Oliviers. La population, qui est de 1,200 hab.
d'après Rohlfs, est composée presque exclusivement de
moines, de prêtres et de leurs serviteurs. Les églises aux-
quelles ils sont attachés sont les plus curieuses de toute l'Ethio-
pie. Chacune est en effet taillée dans un bloc de basalte, de
même que les autels, les sculptures, les colonnades. Il pa-
raîtrait que la plupart de ces monuments doivent être attri-
bués au roi qui a donné son nom à la ville et qui vivait au
commencement du xiii^ siècle. D'après une légende, les ou-
vriers qui évidèrent dans le roc ces églises auraient été des
chrétiens réfugiés de l'Egypte. Lalibéla est certainement un
des endroits de l'Ethiopie oii on aurait le plus de chances
de trouver des livres et des manuscrits précieux, car cette
sorte de sanctuaire n'a jamais été pillé. D^ Routre.
LA LIBORLIÈRE (François-Léon-Marie Bellin de),
littérateur français, né à Saint-Martin (Deux-Sèvres) en
1774, mort en 1847. Emigré à la Révolution, il servit
dans l'armée de Condé et devint sous l'Empire inspecteur
de l'université, puis recteur de l'académie de Poitiers. Ci-
tons de lui : Célestine ou les Epoux sans l'être (Paris,
1799, 4 vol. in-12) ; lalSuit anglaise (1799, 2 vol. in-
12); AnnaGrenwill (1800,3 vol. in-12); Voyage dans
le boudoir de Pauline (1801, in-12), roman assez cu-
rieux, et des pièces de théâtre : la Cloison (1803, in-8) ; le
Jeune Mari (1805), comédies; Amélie et Mansfield
(1805), drame en cinq actes.
LALIN (Lars-Samuel), poète et musicien suédois, né en
1729, mort à Stockholm en 1785. A partir de 1750, en-
viron, il enseigna le chanta Stockholm et était, à sa mort,
maître à chanter au théâtre royal. Librettiste d'une cer-
taine valeur, Gustave II! lui confiait volontiers la composi-
tion de pièces de circonstances dont il faisait les paroles
et la musique. De 1765 à 1768, il avait été chargé d'une
mission à l'étranger pour réunir des œuvres musicales re-
ligieuses ou profanes. Il avait débuté dans les lettres par
un poème didactique sur la [santé ; en 1747, il composait
le libretto d'un opéra-comique : Syrinx^ et trois ans plus
tard, celui î^'Arachné. Son ballet héroïque : Arcis et
Galatea, joué en 1773, donna lieu à une amusante paro-
die de Hallmann : Casper et Dorotea, Th. Cart.
LALIN DE. Ch.-l. de cant. dudép. de la Dordogne, arr.
de Bergerac, sur la r. dr. de la Dordogne et le canal de
Lalinde; 2,207 hab. Stat. du chem. de fer d'Orléans, ligne
de Bergerac au Buisson. Minerai de fer exploité pour les
forges des Landes. Briqueteries, moulins, papeteries, scie-
ries mécaniques, tanneries, teintureries et carderie. Les
restes de murailles de brique et une porte monumentale,
longtemps considérés comme des constructions romaines,
ne remontent pas au delà du xui® siècle, époque de la fon-
dation de la ville, bastide fortifiée construite par Léon de
Lalinde, officier du roi d'Angleterre, qui lui donna son
nom. La ville reçut en 1267 une charte de franchise du
roi Henri III, qui fut confirmée par les rois d'Angleterre
et de France. Lalinde a conservé l'aspect régulier caracté-
ristique des anciennes bastides du Sud-Ouest. Église gothique
dominée par une grosse tour. Sauts de la Gratusse et du
51
LALINDE — LALLEMENT
— 802 —
Grand-Thoret dans les rapides de la Dordogne. Source pé-
trifiante de la Sabatière.
BiBL. : Curie-Leimbres, Essai sur les villes fondées...
sous le nom de bastides^ 1880, p. 198 et passim.
LALIVE DE JuLLY (Ange-Laurent de), diplomate et gra-
veur français, né en 1725, mort en 1775. Fils d'un fer-
mier général, frère de M'^® d'Houdetot et de Lalive d'Epi-
nay, mari de la célèbre M"^® d'Epinay, il entra de bonne
heure dans la diplomatie. Sa carrière fut rapide, car, après
un court séjour à Genève, il fut rappelé à Paris et nommé
introducteur des ambassadeurs. Les loisirs de cette fonc-
tion lui permirent de se livrer à son goût très prononcé
pour les arts, et, grâce à sa grande fortune, il put se cons-
tituer une superbe galerie de tableaux des écoles française,
hollandaise et italienne. La contemplation de ces belles
œuvres l'encourageant à les reproduire, il s'exerça à la
miniature et à la gravure et ne tarda pas à acquérir dans
ce dernier genre un réel talent. On lui doit des estampes
fort appréciées d'après Boucher, Greuze, etc. G. A.
LÂLLÂ-Marnia. Com. mixte du dép. d'Oran, ch.-l. de
cercle de commandement, arr. de Tiemcen, cant. de Seb-
dou ; 26,782 hab., dont 338 Français. Un traité de déli-
mitation entre l'Algérie et le Maroc y fut conclu et signé
en 1845.
LALLEMAND (Frédéric-Antoine, baron), général fran-
çais, né à Metz le 23 juin 1774, mort à Paris le 9 mars
i 839. Volontaire de 1 792, il devint aide de camp de Junot,
parvint après léna au grade de colonel et gagna en Espagne
celui de général de brigade (6 août 1811). Il prit sous Davout
une part importante à la défense de Hambourg (1813-14).
Pourvu par Louis XVIII du commandement de l'Aisne, il
donna, sans succès, au commencement de 181 5, le signal d'un
soulèvement en faveur de Napoléon, qui, pendant les Cent-
JourSjle nomma général de division et pair de France. Proscrit
par les Bourbons (1815), il se rendit en Amérique et tenta
de fonder au Texas, avec un certain nombre de réfugiés fran-
çais, la colonie du Champ d'asile (1817), qu'il lui fallut
bientôt abandonner. Il songea aussi à enlever de Sainte-Hé-
lène Napoléon, qui, dans son testament, lui légua 1 00,000 fr.
(1821). On le retrouve un peu plus tard en Espagne, où il
vient offrir ses services au parti constitutionnel (1823), à
Bruxelles, à Paris, où il revient sans souci de la condamna-
tion à mort prononcée contre lui par contumace en 1816,
enfin à New York, où il dirige quelque temps une maison
d'éducation. Rentré en France après la révolution de Juil-
let, il fut réintégré dans son grade (7 janv. 1831), redevint
pair de France (11 oct. 1832) et commanda successivement
la 17^ et la 10® divisions militaires. A. Debidour.
LALLEMAND (Henri-Dominique, baron), général fran-
çais, frère du précédent, né à Metz le 18 oct. 1777, mort
à Borden Town (Etats-Unis) le 15 sept. 1823. Il servit
dans l'artillerie sous la République et l'Empire, devint gé-
néral de brigade, s'associa au commencement de 1815 à
la tentative de soulèvement dirigée par son frère, fut fait
général de division pendant les Gent-Jours, prit part à la
bataille de Waterloo, fut proscrit comme son aîné, se ré-
fugia aux Etats-Unis où, après s'être quelque temps occupé
de la colonie du Champ d'asile, il se maria, et publia un im-
portant Traité d'artillerie {Nomelle-OrlèB.ns, 2 vol. in-4).
LALLEMAND (Claude-François), célèbre médecin fran-
çais, né à Metz le 26 janv. 1790, mort à Paris le 23 juil.
1853. Elève à l'hôpital mihtaire de Metz, il fut ensuite
envoyé en Espagne, puis en 1810 vint à Paris, où il devint
le prosecteur, puis l'interne de Dupuytren et soutint en
1818 une thèse brillante (Observations pathologiques
propres à éclairer plusieurs points de physiologie,
thèse de Paris, in-4; 2« éd., 1824, in-8, fig.). L'an-
née suivante, il fut nommé professeur de clinique chirur-
gicale à Montpelher; il continua ses travaux anatomo-pa-
thologiques et commença peu après la publication de ses
Recherches anatomo-pathologiques sur Vencéphale et
ses dépendances (lettres 1-9) (Paris, 1820-34, 3 vol.
in-8) ; c'est là son ouvrage le plus remarquable. En 1823,
une intrigue ourdie par les congréganistes lui fit perdre
niomentanément sa chaire où le conseil royal de l'instruc-
tion pubhquele réintégra. Nommé membre de l'Institut en
1845, il se fixa à Paris où il ne s'occupa plus que de
recherches philosophiques et de travaux scientifiques. —
Comme chirurgien, Lallemand a imaginé un procédé d'au-
toplastie, un traitement spécial des tumeurs érectiles, un
porte-caustique pour les rétrécissements de l'urètre, etc.
Ses publications sont nombreuses ; citons seulement : Cli-
nique médico-chirurgicale (Montpellier, 1834, in-8) ;
Des Pertes séminales involontaires (Paris, 1835-45,
3 vol. in-8); Clinique chirurgicale (^Sivis, 1845, in-8);
Education publique (Paris, 1848-52, in-12), etc.
L'ALLEMAND (Friedrich), peintre allemand, né à Hanau
en 1812, mort à Vienne le 20 sept. 1866. Elève de l'Aca-
démie de Vienne, il peignit des batailles et dut au Combat
de Zïiabn (Belvédère), qui commença sa réputation, de
se voir chargé de décorer la salle de réception du château
de Schœnbrunn. Parmi les autres tableaux de cet artiste,
dessinateur savant et soigneux du détail, nous citerons : Un
Episode du combat de Komorn (campagne de Radetzky
en 1849), et le Grand-Duc Charles à Stockach.
LALLEMAND (Orphis-Léon), général français, né à
Eteignières (Ardennes) le 27 oct. 1817, mort le 20 déc.
1893. Elève de Saint-Cyr, puis de l'Ecole d'état-major, en
1839 il partit pour l'Afrique à sa sortie de l'Ecole et il y fit
la plus grande partie de sa carrière. Capitaine en 1844,
chef d'escadrons dix ans plus tard, sa conduite pendant la
campagne de Crimée lui valut le grade de lieutenant-colo-
nel. La guerre terminée, il retourna en Algérie et prit
part en 1857 à l'expédition de la Grande-Kabylie. Colonel
en 1860, général de brigade en 1868, il reçut la troisième
étoile en 1870. Il contribua puissamment à réprimer la
grande insurrection algérienne de 1871 et depuis com-
manda le corps d'armée de Lille. E. Bernard.
L'ALLEMAND (Sigismund), peintre allemand, né à
Vienne le 8 mars 1840. Neveu et élève de Friedrich L'Alle-
mand, il a peint comme celui-ci des batailles, et a travaillé
en outre à l'illustration des feuilles commémoratives de
l'histoire de l'armée autrichienne, éditées par Quirin de
Leitner. Il a suivi officiellement les campagnes de Dane-
mark (1864) et d'Italie (1866), dont il a retracé les prin-
cipaux faits d'armes. Parmi ses œuvres, nous citerons :
Episode de la bataille de Kollin (1864); Combat de
rOversee, Prise de Kœnigsberg, Victoire de Cus-
tozza, Bataille de Caldiero, VEntrée des cuirassiers
de Dampierre et celle du Régiment de dragons du
comte de Sternberg à Vienne (deux pendants); Victoire
du corps autrichien commandé par le prince de Co-
bourg sur les Turcs à Martinestic (1879), puis des
portraits (ceux du Général Laudon et de VEmpereur
d'Autriche), et quelques tableaux de genre tels que l'Appel
muet, épisode de la révolution polonaise.
LALLEMANT (Jacques-Philippe), jésuite, né à Saint-
Valery-sur-Somme en 1660, mort en 1748. La plupart
de ses œuvres sont dirigées contre les jansénistes, soit
pour combattre leur doctrine, soit pour faire concurrence
à leurs livres, en en publiant d'autres, composés dans un
esprit contraire, sur les mêmes sujets: le Véritable Esprit
des nouveaux disciples de saint Augustin (Paris, 1706,
in-8) ; Réflexions morales avec des notes sur le Nou-
veau Testament, traduit en français ; Concordances des
évangélistes (iliS, 12 vol. in-12). Ces deux derniers
ouvrages, recommandés par Fénelon et vingt-trois évéques,
eurent promptement de nombreuses éditions. Les jansé-
nistes attribuaient à Lallemant la rédaction du mande-
ment (1732) de Vintimille, archevêque de Paris, contre
leur journal les Nouvelles ecclésiastiques, et une colla-
boration fort active au Supplément (1732-48), journal
fondé par les jésuites. Il est aussi l'auteur d'une traduction
de l'Imitation (Paris, 1740), qui était parvenue à sa
12^ édition en 1808. E.-H. V.
LALLEMENT (Pierre), publiciste français, né à Metz le
- 803
LALLEMENT — LALLY
25 déc. 478-2, mort à Paris en 1829. Il fonda en 1816,
en Belgique, le Journal de la Flandre orientale, rédigé
par les réfugiés français, fut expulsé à cause de ses articles
contre les Bourbons, passa à Aix-la-Chapelle d'où il fut
encore expulsé, revint en Belgique où il rédigea la Gazette
de Liège et, de nouveau expulsé, renonça à la satire poli-
tique. Citons de lui : le Secrétaire royal parisien (Paris,
1814, in- 12) ; Delà Véritable Légitimité des souverains
(1815, in-8); le Petit Roman d'une grande histoire
(1818, in-8); Histoire de la Colombie (Î826,in-8), etc.
Citons encore son recueil utile intitulé Choix des rap-
ports, opinions et discours prononcés à la tribune
nationale depuis 1789 (Paris, 1818-23, 22 vol. in-8).
LALLERSTEDT (Sven-Gustaf), écrivain suédois, né à
Norrœ en 1816, mort à Stockholm en 1864. Tout en étant
secrétaire d'une société d'assurance contre l'incendie (de
1842-56), il fonda, en 1848, un journal politique. Bore, et
devint ensuite copropriétaire du journal V Aftonbladet.
Il s'occupait principalement de questions financières, et
traduisit en 1854 l'ouvrage de Ch. Coquelin : Du Crédit
et des Banques (Paris, 1848). Il s'est fait connaître sur-
tout par un livre publié en 1856, à Paris et en français,
sur la Scandinavie, ses craintes et ses espérances,
ouvrage traduit aussitôt en suédois, avec quelques modi-
fications et additions. Quoique datant d'une quarantaine
d'années et écrite sous le coup des événements de Crimée,
cette œuvre est encore d'une très instructive lecture, et,
mieux que d'autres, peut faire comprendre la politique ac-
tuelle des pays Scandinaves, soit intérieure, soit vis-à-vis
de leur grand voisin de l'Est, dont ils craignent l'ambition
au sujet du Finmark norvégien. Cette ambition, l'auteur la
dénonce avec une grande énergie en même temps qu'il dé-
plore la politique hostile à Napoléon l®"^ de Charles-Jean.
LALLEU ou SAINT-JOUIN. Corn, du dép. d'Ille-et-Vi-
laine, arr. de Redon, cant. du Sel ; 1,085 hab.
LALLEY. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Grenoble,
cant. de Clelles ; 470 hab.
LALLEYRIAT. Com. du dép. de l'Ain, arr. et cant. de
Nantua ; 372 hab.
LALLIET (Casimir-Théophile), un des virtuoses les plus
remarquables de notre époque sur le hautbois, né en
1837. Elève de Verroust, il remporta le premier prix au
Conservatoire en 1860 ; son style est élégant, son phrasé
pur, sa qualité de son agréable. M. Lalliet est depuis long-
temps hautboïste à l'Opéra. Il a publié un grand nombre de
morceaux et de fantaisies pour son instrument, mais c'est
surtout comme un des maîtres les plus remarquables de
notre belle école française de hautbois qu'il faut lui ac-
corder une place prépondérante.
LALLOU ou LALLOU Singh ou encore LALLOU Djî,
auteur hindoustani très fécond, mais assez peu original,
puisque ses écrits sont, pour la plupart, des traductions
ou imitations d'ouvrages existant déjà dans d'autres langues
de l'Inde. Sa principale production est le Prem-Sdgar
(Océan de l'Amour) fondé sur le X® livre du Bhcigavata-
Pourâna et consacré à l'incarnation de Vichnou, célèbre
sous le nom de Krichna, et à ses amours avec Râdhâ :
imprimé pour la première fois en 1810 et traduit en an-
glais par le capitaine HoUings (1848) et plus tard par F.-
B. Eastwick. Lallou est encore Tauteur du Lataïfi hindi
(Gentillesses hindoustanies), recueil de cent historiettes;
du Râdja-nîti (Conduite des rois, politique), reproduction
des fables indiennes contenues dans les célèbres recueils
Hitopadesa et Pantchatantra ; du Sabhâ-bilâs (Plaisirs de
l'assemblée) ; du Sapta-satika (Sept cents Distiques) ; du
Maçâdir-i bhâkhâ, ouvrage de grammaire; du Vidyâ-
darpan (Miroir de la science), consacré à Rama; du
Madho-bilâs (Plaisirs du Madho, c.-à-d. Krichna). Il a,
de plus, collaboré à la rédaction hindoustanie de deux ou-
vrages célèbres, le Sm^/iâ^an-Z^a^^id (les Trente-deux Ré-
cits du trône) et la Baïtal-patchicî (les Vingt-cinq Récits
du Vétâla) qui ont été publiés plusieurs fois et traduits
dans plusieurs langues de l'Europe. Lallou a encore laissé
d'autres écrits ; mais on lui en attribue qui ne sont pas
de lui, entre autres le Lâla-tchandrika (Clair de Lune
de Lâl) et le Vinaya patrika (Livre de la Bienfaisance)
dont le premier paraît être de Lâl kavi, et le second de
Toulcî. L. Feer.
BiBL.: Garcin de Tassy, Histoire de la littérature hin-
douie et hindoustanie.
LALLOU EUE (Jean-François), compositeur français,
né à Paris en 165l, mort à Versailles le 1^"^ sept. 1728.
11 fit son éducation musicale à Saint-Eustache comme en-
fant de chœur, et reçut des leçons de composition de Lully
qui le fit entrer à l'Opéra comme violoniste, puis comme
chef d'orchestre. Lallouette passe pour avoir écrit les réci-
tatifs et l'instrumentation de quelques ouvrages de son
maître. Brouillé avec Lully pour s'être, dit-on, trop vanté
de cette collaboration, Lallouette dut quitter l'orchestre de
l'Opéra. En 1693, il alla occuper le poste de maître de
chapelle de la cathédrale de Rouen, qu'il échangea en 1695
contre le même emploi à Notre-Dame de Paris. On a imprimé
de Lallouette en 1726 un livre de motets et en 1730 un
Miserere à grand chœur.
LALLY (Thomas-Arthur, baron de Tolendal, comte de),
lieutenant général des armées du roi et gouverneur de
rinde^ française, né à Romans le 1^^ janv. 1702, décapité
à Paris le 9 mai 1766. Il appartenait à une noble famille
d'Irlande, qui émigra en France à la suite de Jacques IL
Aide-major en 1732, il se distingua l'année suivante au
siège de Kehl et à celui de Phihppsbourg, et fut promu
major. Après d'éclatants services dans la campagne de
Flandre (1741-43), sous le maréchal de Noailles, un nou-
veau régiment irlandais fut créé en sa faveur : à Fontenay,
ce régiment acheva de refouler et de disperser, à la baïon-
nette, la célèbre colonne d'infanterie anglaise, et Lally fut
nommé brigadier sur le champ de bataille. Il prit part à
la malheureuse expédition dirigée par le duc de Richelieu
pour rétablir Charles-Edouard sur le trône d'Angleterre,
puis, après s'être échappé sous un déguisement de matelot,
à la bataille de Lawfeldt, aux prises de Berg-op-Zoom et de
Maastricht, où il fut blessé. Il fut nommé maréchal de
camp en 1748. Lorsque, sans déclaration d'hostihtés, éclata
en 1755 la guerre de la France et de l'Angleterre, qui
vint bientôt compliquer la guerre de l'Autriche et de la
Prusse, Lally fut envoyé aux Indes avec les titres de lieu-
tenant général et de commandant de tous les établissements
français. Il partit de Lorient le 2 mai 1757 sur l'escadre
du comte d'Aché avec 4,000 hommes et 4 millions. Après
une difficile traversée, il débarqua le 28 avr. 1758 à Pon-
dichéry. Les Anglais venaient de nous prendre Mahé et
Chandernagor. Dès le 2 juin, il leur prend Gondelour et
bientôt tout le Carnatique. «Plus d'Anglais dans l'Inde ! »
s'écriait-il alors triomphalement. Mais le comte d'Aché
refusa de l'aider dans le projet d'assiéger Madras ; le gou-
verneur de Pondichéry, sous prétexte qu'il ne pouvait plus
nourrir ni solder l'armée française, lui conseilla de prendre
Tanjaour, dont le rajah devait ^3 millions à la Compagnie
et ne donna que 500,000 livres au vainqueur. Pendant ce
temps, les Anglais battaient son lieutenant Bussy, s'empa-
raient de Masulipatam et menaçaient Pondichéry. Il dé-
gagea cette ville, et, rejoint par Bussy qu'il avait créé
brigadier pour désarmer son envie et son esprit de rivalité,
il put se présenter devant Madras le 14 déc. 1758. Il
occupa la ville indienne, mais les troupes anglaises se re-
tranchèrent au fort Saint-George pendant que les troupes
de Lally, toujours mal payées" et prêtes à la révolte, se
livraient au pillage. D'Estaing fut fait prisonnier dans une
sortie que firent les Anglais et que Bussy se refusa à
refouler. En même temps, d'Aché laissa passer l'escadre
anglaise, et Lally dut lever le siège après quarante-six
jours de tranchée. Cependant, il prit encore Seringham,
mais il fut battu complètement à Vandavachi (22 janv.
1760), où Bussy fut fait prisonnier. Pondichéry fut blo-
qué par terre et par mer le 18 mars 1760. Il n'avait pas
eu à réprimer ou apaiser, depuis deux ans, moins de dix
LÂLLY — LALO — 804
révoltes parmi ses troupes. Le 14 janv. 1761, il n'avait
plus pour défendre la capitale de nos établissements que
700 hommes exténués ; il dut se rendre à discrétion au
général Coote. Prisonnier de guerre à Londres, il apprit
qu'à Paris tout était déchaîné contre lui. Malgré l'appui de
Choiseul, ses principaux ennemis, Bussy, parent du prin-
cipal ministre, et d'Aché, jouaient une forte partie. Pour
des yeux non prévenus, leur indiscipline était une des
principales causes de nos désastres, et ils n'auraient pas
mieux demandé peut-être que de s'en tenir aux insinuations
et aux calomnies contre leur ancien général. Mais Lally
voulut être jugé. Il quitta Londres sur parole et vint
(5 nov. 1761) se constituer prisonnier à la Bastille. La
procédure, commencée au Châtelet le 6 juil. 1763 seule-
ment, fut renvoyée à la grand' chambre en janv. 1764, en
même temps que la connaissance de tous les crimes ou
délits qui avaient pu être commis aux Indes orientales. Les
juges acceptèrent contre lui les dépositions les plus sus-
pectes et les plus absurdes. On lui refusa un avocat, et
c'est après deux ans de débats à huis clos que le rapport
fut entin rédigé. La requête de l'accusé, afin d'obtenir huit
jours pour préparer sa défense, fut rejetée. Le 30 avr.
1766, il fut mis hors de cause pour la partie civile. Le
3 mai, en dépit d'une nouvelle production de pièces dont
le président ne voulut même pas prendre connaissance, le
procureur général conclut à la peine de mort. L'interro-
gatoire du 5 mai ne fut que de pure forme. Le lendemain,
il fut déclaré « dûment atteint et convaincu d'avoir trahi
les intérêts du roi et de la Compagnie des Indes, d'abus
d'autorité et d'exactions envers les sujets du roi et étran -
gers, et condamné à avoir la tête tranchée et ses biens
confisqués ». Choiseul et Soubise demandèrent à Louis XV
de faire grâce. Louis XV répondit à son ministre : « C'est
vous qui l'avez fait arrêter ; il est trop tard, il est jugé. »
A la lecture de l'arrêt, Lally essaya de se tuer avec un
co;i;pas. L'abbé Aubry, curé de Saint-Louis, reçut sa con-
fession pour cette tentative de suicide, et le même jour
(9 mai), bâillonné, jeté dans un ignoble tombereau, il fut
décapité en place de Grève au milieu des applaudissements
de la populace. « Ils l'ont massacré, » disait sept mois
après Louis XV au duc de Noailles. « Ce sera vous qui en
répondrez, et non pas moi, » répétait-il au chancelier
Maupeou. Ces mots historiques, loin d'excuser le roi, mon-
trent clairement qu'on ne fit qu'exécuter ses ordres ou
complaire à sa secrète volonté. Après le honteux traité de
Paris (1763), il fallait au gouvernement du roi une tête
responsable. Louis XVI fit à la fois un acte de justice et
de pohtique en faisant casser par son conseil, le 21 mai
1778, l'arrêt du 6 mai 1766. Voltaire put alors écrire au
jeune Lally (V. l'art, suivant), de son lit de mort : « Le
mourant ressuscite; il embrasse tendrement M. de Lally.
Il voit que le roi est le défenseur de la justice, il mourra
content. » Mais le conseil n'avait fait que renvoyer l'affaire
au parlement de Rouen qui, le 23 avr. 1784, prononça de
nouveau la culpabilité de Lally. Le conseil infirma ce nouvel
arrêt, que le parlement de Dijon, saisi à son tour de
l'affaire, maintint par esprit de corps. Duval de Leyrit
et Duval d'Epréménil étaient successivement intervenus
pour faire échouer la réhabilitation définitive de Lally ;
elle ne fut réellement prononcée ni par un parlement, ni
par aucune des assemblées politiques souveraines, ni des
corps judiciaires qui ont pu se succéder en France depuis
1789. H. MoNiN.
BiBL.: Article de la Biographie Michaud, signé Z, et qui
est dû au fils même du comte de Lally. — Pièces du
procès (série F de la Bibliothèque nationale). — Vol-
taire, Œuvres complètes ; Paris, 1885, in-8 (V. la Table
analytique^ t. II, p. 17).
LALLY-ToLENDAL (Trophime-Gérard, marquis de), fils
légitimé du précédent, et de Félicité Crafton, né à Paris le
o mars 1751, mort à Paris le 11 mars 1830.11 ne connut
sa naissance que le jour même du supplice de son père. Il
s'évanouit de douleur, et la profonde impression qu'il
avait ressentie lui laissa une idée fixe : celle d'obtenir la
revision du procès et la réhabilitation de son père. Il s'y
serait pris assez mal sans les conseils de Voltaire, qui,
malgré ses quatre-vingts ans, s'intéressa aussi vivement à
la mémoire du comte de Lally qu'à celles de Calas et de
Labarre (lettre datée de Ferney, 28 avr. 1773). On a vu
dans l'article précédent que ses^efforts aboutirent, du moins
auprès de Louis XVI. En 1779, il acquit la charge de
grand bailli d'Etampes, et les provisions royales font
allusion à sa piété filiale et aux services rendus par son
malheureux père. En 1789, il fut nommé député de la
noblesse de Paris aux Etats généraux. Doué d'une vive
sensibilité et d'une véritable éloquence, il se fit, le 1 7 juil.,
rinlerprète de la réconciliation de Paris et du roi, à Thôtel
de ville. Mais il se déclara contre le « tyran » Mirabeau,
désapprouva les sacrifices de la nuit du 4 août, et soutint,
dans le Comité de constitution, l'idée d'une Chambre
haute, qui fut repoussée. Il défendit vainement la thèse du
veto absolu, et, après les journées d'octobre, alla rejoindre
en Suisse Mounier, le chef du parti des deux Chambres.
Rentré en France en 1 792, il fut arrêté, réussit à échapper
aux massacres de septembre et passa en Angleterre. Vai-
nement il demanda à la Convention l'autorisation de venir
défendre Louis XVI ; il fut réduit à publier son Plaidoyer
(Londres, 1793, in-8). De retour à Paris sous le Consulat,
il se tint à Fécart jusqu'à la Restauration ; il prit part à
la publication des Mémoires concernant Marie-Antoi-
nette, attribués à Weber (1804). Il applaudit à l'avène-
ment de Louis XVIII qui le créa pair de France (181 5) et
mmistre d'Etat. En 1816, il entra à l'Académie française.
Il ne cessa de se vouer à toutes les entreprises philanthro-
piques de l'époque, et fut un des fondateurs de la Société
pour l'amélioration des prisons. « Le plus gras des hommes
sensibles », comme l'appelait Rivarol, fut enlevé par l'apo-
plexie, à la veille de la révolution de Juillet. H. Monin.
BiBL. : Institut royal de France... Funérailles de M. le
marquis de Lally -Tolendal. Discours de M. Arnault...
le 13 mars 1830; Paris, s. d., in-4. — Gauthier de Brécy,
Nécrologie. M. le marquis de Lally -Tolendal; Paris
s. d., m-S. — V. Particle précédent (iV. B. Le comte et le
marquis signent Tolendal et non ToUendal).
LALO (Edouard), un des compositeurs français les plus
remarquables de l'époque contemporaine, né à Lille en
1823, mortàParisle23avr. 1892. Il fut d'abord exécu-
tant sur l'alto et fit partie de la Société de quatuor d'Ar-
mengaud et Jacquard. Il composa des mélodies et de la
musique de chambre où déjà se distinguait son talent sobre
et sévère. Ses premiers essais passèrent inaperçus. Cepen-
dant il pensait au théâtre et prit part au concours qui avait
été ouvert au Théâtre-Lyrique, avec une partition de tHesque,
œuvre des plus remarquables, qui a été publiée depuis, et
qui avait été classée au troisième rang. Le mauvais sort,
qui semble avoir poursuivi le pauvre Lalo, a jusqu'à ce
jour empêché d'exécuter cette œuvre dont on ne connaît
que l'ouverture et quelques fragments.
Devant cet échec, Lalo parut vouloir renoncer au théâtre
et se tourna complètement vers la musique symphonique.
Il pubha des mélodies nouvelles, fit entendre un divertisse-
ment pour orchestre très remarqué, puis écrivit pour le
violoniste Sarasate une de ses œuvres capitales: son Con-
certo de violon (1874), puis la Symphonie espagnole
(1876), sorte de concerto écrit pour le même virtuose.
On connaît encore de lui: V Allegro symphonique, h Con-
certo pour violoncelle (1877) ; la Rhapsodie norvégienne,
le Concerto de piano (1890).
Ces œuvres, à la fois nerveuses, colorées et d'un style
ferme et personnel, d'une instrumentation sonore et splen-
dide, avaient placé Lalo dans l'esprit des artistes au pre-
mier rang des musiciens symphoniques, mais le grand pu-
bhc ne le connaissait pas encore, ce public qui n'aime et
ne connaît que le théâtre. Ce fut avec un ballet en deux
actes, Namouna, à l'Opéra, que Lalo aborda le genre ly-
rique. Cette représentation du 6 mars 1882 fut une des
hontes du public des gens du monde, qui se croit le juge
suprême. Jamais, ^Q^wmTannhœuser, il ne s'était montré
805 -
LALO - LÂLUQUE
plus sot, plus bête et plus impertinent. Namouna tomba,
mais elle a laissé dans l'esprit de ceux qui ont écouté cette
musique le souvenir d'une œuvre absolument originale et
de premier ordre dans certaines parties. Enfin, le 7 mai
4888, rOpéra-Comique exécuta le Roi d'Ys^ opéra-co-
mique en trois actes, que les musiciens connaissaient et
appréciaient déjà. Ce fut une revanche éclatante pour le
malheureux Lalo. L'éducation du public était-elle faite, il
y avait-il chez lui comme une sorte de remords de ses in-
justices? Je ne sais, mais il comprit enfin tout ce qu'il y
avait de force dramatique dans cette œuvre puissante et
sobre, qui rappelait les meilleurs maîtres de notre grande
école, tels que Méhul; il apprécia ce style clairet coloré,
cet orchestre solide et expressif. — Le succès du Roi d'Ys
consola un peu le compositeur de ses longs déboires, mais
il était trop tard ; il en jouissait à peine, que la maladie
s'emparait de lui et qu'il mourait en 1892. Il a laissé plu-
sieurs œuvres en portefeuille et particulièrement un opéra
de la Jacquerie, qui a été terminé par M. Arthur Coquard
et exécutée à Monte Carlo en 1895. La mort de Lalo a été
une grande perte pour l'école française, dont il était un des
plus nobles représentants, mais ce qu'il faut déplorer sur-
tout en pensant à l'existence tourmentée et malheureuse de
ce grand artiste, c'est qu'il ait pu rester si longtemps inconnu
et méconnu. Comme compositeur symphoniste, il avait droit
au premier rang. Ses mélodies sont pleines de feu, d'ardeur,
de passion chaude et contenue. Ses deux partitions de Na-
mouna et du Roi d' Ys sont conçues et écrites dans le style
noble, élevé, puissant et expressif qui distingue la musique
française, et l'avenir saluera Lalo comme un des maîtres de
l'école française. H. Lavoix.
LALOBBE. Coai. du dép. des Ardennes, arr. de Rethel,
cant. de Novion-Porcien ; 729 hab. Filature de laines.
LALŒUF. Corn, du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Nancy, cant. de Vézelise; 416 hab.
LA LONGE (Hubert), peintre flamand, né à Bruxelles,
mort à Plaisance en 1709. Il dut vem'r très jeune en Ita-
lie et on ne lui connaît pas d'autres maîtres que Bonisoli
et Massarotti. Ses principales œuvres sont plusieurs Scènes
de la vie de sainte Thérèse, dans l'église Saint-Sigis-
mond, à Crémone, et la Mort de saint François-Xavier,
dans la cathédrale de Plaisance.
BiBL. *. Lanzi, Slor'm pittoHca delCItalia; Milan, 6 vol.
in-18, t. V. — FÉTis, les Artisles belges à l'étranger, t. H.
LALONGUE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr.
do Pau, cant. de Lembeyo ; 41 1 hab.
LALONQUETTE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. de Pau, cant. de Thèze ; 290 hab.
LALOU (Charles), publiciste français, né à Lille le 26 juin
1841. Employé à la préfecture de la Seine, puis directeur
de mines dans le Pas-de-Calais, il devint propriétaire du
journal la France à la mort de Jenty. Il soutint ardem-
ment le boulangisme et fut élu député de Dunkerque, avec
un programme révisionniste le 22 sept. 1889. Il n'obtint
en 1893, au second tour de scrutin, que 6,315 voix contre
6,799 au général lung, avec lequel il eut pendant la pé-
riode électorale une très violente polémique suivie d'un
duel où il fut blessé.
LALOUBÈRE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
et cant. de Tarbes ; 1,027 hab.
LALOUBÈRE ou LALOUVÈRE (Antoine de), jésuite et
mathématicien français, né à Rieux en 1600, mort à Tou-
louse le 2 sept. 1664. Entré dans l'ordre des jésuites à
vingt ans, il professa successivement au collège de Tou-
louse la rhétorique, la théologie et les mathématiques. En
dehors de deux écrits théologiques (1645 et 1658), il a
fait imprimer, sous le nom de Lalovera, des Elementa
teiragonismica (Toulouse, 1651), et Veterum Geometria
in septem de cycloide libris promota (1660). Ce der-
nier ouvrage reproduit plusieurs placards de 1658 et 1659.
C'est lui que Pascal appelle Lallouère {Allouerus) dans
ï Histoire de la roulette. Lalouvère était un géomètre d'un
certain mérite, qui s'acharna vainement après la quadrature
du cercle ; ses méthodes pouvaient suffire pour résoudre les
célèbres problèmes proposés par Pascal sur la cycloide, mais
il ne voulut pas les communiquer par correspondance, tandis
que les résultats qu'il avançait étaient entachés d'erreurs de
calcul. Il s'exposa ainsi aux terribles railleries de Pascal,
contre lesquelles il était incapable de se défendre. T.
BiBL. : P. Tannery, Pascal et Lalouvère, deux notes
dans les Mém. de la Soc. des se. phys. et nat. de Bor-
deaux, IV, 4; V, 3.
LA LOUBÈRE (Simon de), littérateur français, né à
Toulouse en mars 1642, mort le 26 mars 1729, neveu du
précédent. Secrétaire de l'ambassadeur de France en Suisse,
il fut nommé en 1687 envoyé extraordinaire près le roi
de Siam. Revenu en 1688, il en donna une curieuse
relation : Du Royaume de 5mm (Paris, 169 1 , 2 vol. in- 12),
souvent réimprimée. Arrêté au cours d'une mission secrète
en Espagne, il fut délivré grâce à l'intervention énergique
du gouvernement de Louis XIV. Il fut élu en 1693 membre
de l'Académie française; en 1694, membre de l'Académie
des inscriptions et belles-lettres. Il est connu comme un
des restaurateurs de l'académie des Jeux floraux à laquelle
il donna de nouveaux statuts. Citons de lui : Traité de
l'origine des jeux floraux de Toulouse (Toulouse, 1715,
in-8) ; la Révolution des équations ou l'extraction de
leurs racines (Paris, 1732, in-4).
LALOUETTE (V. Lallouette).
LALOU R ET. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
et cant. de Saint-Gaudens ; 268 hab.
LALOUVESC. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Tour-
non, cant. de Satillieu; 1,112 hab. Commerce de bois et
de bestiaux. Ancien rendez-vous de chasse des seigneurs
d'Annonay pour la chasse aux loups. Mentionné sous le
nom à' Aalaudiscum dans une bulle pontificale de 1179.
Ce lieu est devenu célèbre par le tombeau du missionnaire
jésuite saint Jean-François-Régis, qui y mourut le 31 déc.
1640, et on évalue à plusieurs milliers le nombre des pè-
lerins qui y viennent chaque année. A. Mâzon.
LALOUX (Victor -Alexandre-Frédéric), architecte et
professeur d'architecture français, né à Tours en 1850.
Elève de l'atelier André et de l'Ecole des beaux-arts, trois
fois logiste et premier grand prix en 1878 sur un projet
de cathédrale, M. Laloux se distingua par un remar-
quable envoi de 4® année consacré à la restitution d'Olym-
pie et qui fut publié en un fort volume in-fol. Auditeur
près le conseil des bâtiments civils, puis architecte de
l'Ecole des mines et aujourd'hui de la cour de cassation,
M. Laloux a ouvert un atelier libre d'architecture très
suivi et a fait exécuter, entre autres travaux, la reconstruc-
tion de la crypte, de l'abside et des premières travées de
la nef de l'ancienne basilique Saint-Martin de Tours. Ch. L.
LALO Y (Pierre- Antoine), homme politique français, né
à Doulevant-le-Château (Haute-Marne) le 16 janv. 1749,
mort à Chaumont le 5 mars 1846. Avocat et savant en
paléographie, il se passionna pour la Révolution. Son frère
Jean-Nicolas, médecin, fut membre de l'Assemblée consti-
tuante. Lui-même, tour à tour procureur de la commune
de Chaumont et membre de l'administration départemen-
tale de la Haute-Marne, il fut député de ce département à
l'Assemblée législative, puis à la Convention. C'est lui qui
présida cette dernière assemblée au moment de la fête de
la Raison (20 brumaire an II). Il fit partie du comité de
Sûreté générale, puis du comité de Salut public. Médiocre
orateur, il parla peu et vota dans le sens de la Montagne.
Il siégea au Conseil des Cinq-Cents, au Conseil des Anciens,
enfin au Tribunat jusqu'en 1802. Il fut ensuite membre du
conseil des prises. Proscrit comme régicide en 1816, il ne
rentra en France qu'en 1830, bien qu'il eût été rappelé
dès 1818. Ses dernières années furent consacrées à des
recherches dans les archives de la Champagne. F.-A. A.v
BiBL. : Emile JoLiBois, Notice sur P.-A. Laloy; Colmar,
1846, iti-8.
LALUQUE. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. (0.) de Tartas ; 1,005 hab. Stat. du chem. de
fer du Midi, ligne de Bordeaux à Rayonne. Mines de lignite.
LALUYE — LAMA - 806
LALUYÉ (Léopold-Charles- Adolphe), auteur dramatique
français, né à Paris le 9 juil. 4826. Chef du bureau des
sciences et lettres au ministère de l'instruction publique, il
fut ensuite attaché au secrétariat de l'Institut. Citons parmi
ses nombreuses pièces : A?i Printemps, comédie en vers,
jouée à rOdéon (1854), au Théâtre-Français (1865), le
Sansonnet de Sylvio (1856), comédie en trois actes ; le
Poème de Claude, comédie en deux actes (Odéon, 1858) ;
Scapin marié {iSlQ); Fleurissez-vous, mesdames, mo-
nologue (1885) ; Par la Fenêtre (1889) , etc. , et un volume
de Poésies (Paris, 1872, in-12).
LA LUZERNE (César-Henri, comte de), homme d'Etat
français, né à Paris le 23 févr. 1737, mort à Bernau (Au-
triche) le 24 mars 1799. Lieutenant général, il fut nommé
en 1786 gouverneur des îles Sous-le-Vent et devint mi-
nistre de îa marine le 24 déc. 1787. Renvoyé avecNecker
le 11 juil. 1789, il reprit son portefeuille le 16 juil. Vio-
lemment attaqué par l'Assemblée nationale, il démissionna
le 23 oct. 1790. Il passa en Angleterre en 1790 et, inscrit
sur la liste des émigrés, passa le reste de sa vie en Au-
triche. On a de lui une bonne traduction de la Retraite
des Dix Mille (Paris, 1786, 2 vol. in-12) et Constitu-
tion des Athéniens (Londres, 1793, in-8).
LA LUZERNE (César-Guillaume, cardinal de), né à
Paris en 1738, mort en 1821, frère du précédent. Il était
grand vicaire de l'archevêque de Narbonne, lorsqu'il fut
appelé à l'éveché de Langres (1770). Au commencement
de la Révolution, il se montra assez favorable aux réformes
et il fut élu deux fois président de l'Assemblée nationale.
Mais, après les journées des 5 et 6 juin 1789, il se retira
dans son diocèse. Il émigra en 1791. Revenu à Paris en
1814, il fut nommé pair et ministre d'Etat; en 1817, il
fut créé cardinal. OEuvres principales : Oraison funèbre
de Louis XV (1774) ; Instruction pastorale sur V excel-
lence de la religion, souvent réimprimée et traduite en
italien (Paris, 1786; Langres, 1809; Avignon, 1835);
Instruction sur U administration des sacrements (Be-
sançon, 1786; Paris, 1817 et 1835, 3 vol. in-12); Co^-
sidérations sur divers points de la morale chrétienne
(Venise, 1795, 5 vol.; Besançon, 1838, 2 vol. in-8);
Considérations sur la déclaration du clergé de France
en i6S2 (Paris, 1821, in-8); Explication des évangiles
des dimanches (4 vol. in-12) ; OEuvres complètes (Petit-
Montrouge, 1856, 6 vol. gr. in-8).
LA LUZERNE (Anne-César de), diplomate français, né
à Paris en 1741, mort à Londres le 14 sept. 1791, frère
des précédents. Chevau-léger, aide de camp du maréchal
de Broglie, il abandonna l'armée pour la diplomatie après
être parvenu au grade de colonel des grenadiers. Envoyé
extraordinaire en Bavière (1776), il s'occupa avec infiniment
d'habileté et de finesse de l'afiaire de la succession de l'élec-
teur Maximilien-Joseph et fut envoyé en 1779 aux Etats-
Unis où il prit une part considérable aux négociations avec
FAngleterre. Il termina sa brillante carrière comme am-
bassadeur 3 Londres (1788-91).
LAMA (V. Bouddhisme, § Bouddhisme tibétain).
LAMA. I. Zoologie. — (Auchenia). Genre de Mammi-
fères ruminants de la famille des Caméhdés (V. Chameau)
qui représente ce dernier genre en Amérique. On peut dé-
finir les Lamas en disant que ce sont des Chameaux sans
bosses et d'une taille inférieure à celle des Chameaux de
l'ancien continent. Leur dentition est assez différente, ne
comprenant que 32 dents (au lieu de 34 à 38 dans le genre
Camelus), La formule chez l'adulte est la suivante:
11 2 3
i. -, c. -, pm. ^, m. - X2 === 32 dents.
En outre, la première prémolaire inférieure est souvent
caduque. L'incisive supérieure et les canines sout très pe-
tites, surtout les supérieures, et manquent chez les femelles;
la première prémolaire est encore plus petite et la seconde
est à peine plus grande ; les arrière-molaires seules sont
bi'^n développées. Les incisives inférieures et les arrière-
molaires sont doncles seules dents en fonction chez Padulte.
Le crâne présente une région faciale très étroite avec des
orbites saillants. Le cou est très long, plus droit que chez
les Chameaux, et la queue est courte ; la plante du pied est
fendue et non réunie par une sole commune comme celle
des Chameaux. Ces animaux sont propres à la chaîne des
Andes, dans l'Amérique du Sud, et s'étendent du N. du
Pérou au détroit de Magellan.
On admet généralement dans ce genre quatre espèces,
dont deux seraient sauvages et deux domestiques. Burmeis-
ter, qui a pu étudier les Lamas (prononcez Llama en
mouillant la première lettre du nom) dans leur pays natal,
soutient qu'il n'existe en réalité que deux espèces. D'après
lui, le GuANÂCO (ou i/t^a^zaco) représente la souche sauvage
du Lama domestique (Camelus glama L.), et la Vigogne
{Auchenia vicunna)\ la souche sauvage du Paco (ou Al-
paca) domestique. Nous adoptons cette manière de voir
qui nous paraît fondée.
Le GuANAco {Auchenia glama ou A,guanaco) est la
plus grande espèce, atteignant la taille de notre cerf d'Eu-
Lama domestique (Auchenia glana).
rope. Ses formes sont plus élancées et plus robustes que
celles de l'autre espèce. Son pelage long, un peu laineux
sur le corps, plus court sur les membres, est d'un rouge
plus ou moins
foncé qui passe
au blanc sous
le ventre. Il vit
à l'état sau-
vage, par pe-
tites troupes de
cinq à dix indi-
vidus, dans les
Cordillères, de-
puis le Haut-
Pérou jusque
dans le S. delà
Patagonie , où
on le trouve
même dans les
plaines. A l'O.,
il s'étend jus-
qu'à Valdivia
(Chih). Les In-
diens le chassent avec leurs bolas (lasso) pour se nour-
rir de sa chair ; la peau leur sert pour faire leurs tentes
et leurs vêtements. — Le Lama domestique ne diffère du
Tête de Lama Guanaco.
-807 -
LAMA - LA MADELÈNE
Guanaco que par sa taille un peu plus forte et la couleur
de son pelage : il est généralement de couleur blanche
variée de noir ou de roux, quelquefois tout à fait noir, avec
les poils plus courts et couchés. Cet animal, domestiqué de
toute antiquité chez les anciens Péruviens, leur fournissait
sa chair, sa peau et servait surtout de bête de somme pour
Lama Vigogne.
traverser les montagnes. De là les callosités gue le Lama
domestique porte, comme le Chameau, à la poitrine et à la
partie antérieure des articulations des pattes. Avant l'in-
troduction des mulets et des ânes, tout le trafic à travers
les Andes se faisait à dos de Lama. Chacun de ces animaux
peut porter une charge de 40 kilogr. en faisant de 30 à
40 kil. par jour. Les mâles seuls servaient à cet usage.
Les caravanes, formées souvent de plusieurs centaines de
têtes sous la conduite d'un vieux mâle orné d'un harnais
superbe et porteur seulement d'une clochette et d'un dra-
peau, traversaient les gorges les plus dangereuses d'un
pied sûr et d'une allure régulière et tranquille, en se sui-
vant à la file sous la surveillance d'un très petit nombre
d'Indiens. Ces animaux sont assez dociles, mais, quand ils
sont irrités, leurs défenses ressemblent à celles du Cha-
meau : ils couchent
les oreilles en arrière
et crachent à la
figure de leur agres-
seur.
La Vigogne (i.w-
CAinna) est plus pe-
tite que le Guanaco
et moins élevée sur
jambes; on peut la
comparer pour la
taille à notre Daim
d'Europe. Ses for-
mes sont plus grêles
etplus élégantes que
celle du Lama. Le
pelage plus doux,
plus fin, plus court
et plus ondulé que chez celui-ci , est d'un roux clair,
plus pâle sur la tête et les membres. L'espèce vit sur
les hauts plateaux des Andes et descend beaucoup moins
dans les plaines que l'espèce précédente. Ces animaux
forment des bandes de six à quinze têtes sous la con-
duite d'un seul mâle qui veille à la sécurité du troupeau.
Au moindre danger il pousse un sifflement aigu et donne le
signal de la fuite. Leur agilité est extrême, au moins dans
les montagnes. A l'époque de la reproduction, les mâles se
livrent des luttes acharnées. Les Indiens les chassent en
tendant une longue corde de manière à former un vaste
enclos ouvert d'un seul côté ; des étoffes de couleur sus-
Tête de Vigogne.
pendues à cette corde et que le vent agite suffisent pour
empêcher les Vigognes de s'échapper une fois qu'on les a
rabattues dan^ l'enclos ; on les prend alors facilement à
l'aide des bolas. Leur chair est excellente ; le poil laineux
est tissé ; on en fait des couvertures très chaudes et d'une
grande finesse et des chapeaux mous. On a essayé, vers
1827, de tondre les Vigognes sans les tuer; mais on y a
renoncé à cause du naturel sauvage de l'animal. On a pu
cependant en élever en captivité.
L'Alpaga {Auchenia paco) était le mouton des anciens
Péruviens, de même que le Lama leur servait d'âne ou de
mulet. Ils utilisaient de toute antiquité sa laine pour faire
des manteaux, des couvertures et des tapis que l'on teignait
de couleurs vives. Plus bas sur jambes que la Vigogne, il
dépasse peu la taille du mouton ; son pelage est long et
moelleux, atteignant jusqu'à 10 et 15 centim. sur les flancs.
La couleur est blanche ou noire ou variée de ces deux teintes,
quelquefois marron. Cette laine présente des qualités de
lustre et de brillant que n'a pas celle du mouton et l'on en
fait des tissus qui portent le nom de l'animal (V. Alpaga).
Le Paco forme des troupeaux immenses sur les hauts pla-
teaux du Pérou et de la BoUvie, vivant dans un état de
demi-liberté pendant toute l'année; on ne les réunit près
des habitations qu'à l'époque de la tonte. C'est de l'Amé-
rique du Sud que proviennent toutes les laines utilisées en
Europe ; les tentatives faites pour acclimater cette espèce
dans notre pays n'ont pas encore réussi. Quelques natura-
listes admettent que cette race domestique dérive, comme
le Lama, du Guanaco et non de la Vigogne, en se fondant
sur la forme du crâne et la i)résence de callosités aux mem-
bres antérieurs. — Il a existé autrefois en Amérique des
Lamas d'une taille supérieure à celle des espèces vivantes
et comparable à celle du Chameau ; tels sont le Palauche-
nia magna et V lîolomeniscus hesterna du quaternaire
du Mexique. Les ossements des espèces actuelles se trouvent
dans les cavernes quaternaires du Brésil. E. Trouessart.
IL Paléontologie (V. Chameau),
BiBL.: V. Chameau, Ruminants et Mammifères.
LAMA. Ch.-l. de cant. du dép. de la Corse, arr. de
Bastia; 544 hab.
LAMACHUS, fils de Xénophane, général athénien. Il re-
chassa de Sinope le tyran Timésilaos. Collègue d'Alcibiade
et de Nicias dans l'expédition de Sicile, c'est lui qui fit dé-
cider l'attaque immédiate de Syracuse. Il périt dans une
embuscade l'année suivante. Aristophane le présente comme
le type du soldat passionné pour la guerre et pour sa solde.
Plutarque le peint comme un homme très brave, honnête
et pauvre.
LA MADELENE (Jules-François-Elzéar de Collet, ba-
ron de), littérateur français, né à Versailles en 1820,
d'une famille originaire du Comtat, mort à Carpentras le
5nov. 4859. Collaborateur dès 1842 de h Revue du
Comtat publiée à Avignon, il vint à Paris deux ans plus
tard et publia dans la Revue indépendante de Pierre Le-
roux un certain nombre de poésies et de nouvelles. En
1848, il posa sans succès sa candidature dans le dép. de
Vaucluse oii il avait été envoyé en qualité de commissaire
du gouvernement provisoire, et renonça à la politique. Une
mort prématurée ne lui permit d'écrire qu'un petit nombre
de romans très goûtés des délicats : les Aines en peine
(1857, in-18), recueil de nouvelles publiées dans la Re-
vue indépendante et ailleurs ; le Marquis des Saff'ras
(1859, in-18, réimpr.,1 879, in-1 6, portrait, dans la Petite
Bibliothèque littéraire); Brigitte^ le Comte Alqhiera
(1861, in-1 8).^
LA MADELÈNE (Joseph-Henri de Collet, baron de),
littérateur français, né à Toulouse le 10 déc. 1825, mort
à La Madelène (Vaucluse) lel®"^ oct. 1887, frère du pré-
cédent. Après avoir débuté dans la presse provinciale, il
vint à Paris et publia successivement un premier roman :
Souvenir d'Asnières.^F^ de Fontanges (1852, in-18),
signé A. d'Augeroiles, puis sous son véritable nom : le
Salon de J85S (in-1 6); Germain Barbe Bleue, his-
LA MADELÈNE — LAMANTIN
- 808
toiî^e édifiante (1855, in-3'2); le Comte Gaston de
Raousset-Boulbon (1856, in-8); Eugène Delacroix à
r exposition du boulevard des Italiens (1864, gr. in-8,
pL); fit représenter, avec Jules Viard, Frontin malade
(Odéon, 4889), comédie en un acte et en vers, collabora
au Figaro bi-hebdomadaire, prit part à la fondation du
Monde illustré et dirigea la Revue de Paris (1861).
Après s'être occupé sans succès d'affaires industrielles, il
donna de nouveau aux lettres les rares moments de répit
que lui laissait une santé de plus en plus compromise.
C'est de cette seconde période que datent les volumes sui-
vants comprenant des œuvres anciennes et nouvelles : les
Amours d'Àsnières (1874, in-18); Contes comtadins
(I874,in-18); la Rédemption d'Olivia (1874, in-18);
Silex, suivi de VAmi d'une heure (1875, in-18). M. Tx.
LAMA6UÈRE. Corn, du dép. du Gers, arr. d'Aucb,
cant, de Saramon ; 139 hab.
LAIWAIDS. Com. du dép. de l'Allier, arr. et cant. de
Montluçon ; 423 hab.
LA MAI LLARDI ÈRE (Charles-François Lefèvre, vicomte
de), littérateur français, mort vers 1804. Lieutenant du
roi au gouvernement de Picardie. Ouvrages principaux :
Précis du droit des gens, de la guerre, de la paix et
des ambassades (PaiVis, 1775, in-12); Abrégé des prin-
cipaux traités conclus depuis le xiv® siècle (1779,
2 vol. in-12); le Produit et le droit des communes
(1782, in-8) ; Histoire politique de V Allemagne {{111 ,
in-12); Conquête de l'Angleterre (s. 1. n. d., in-8);
Traité d'économie politique (1800, 3 vol. in-8).
LAMAIRE. Com. du dép, des Deux-Sèvres, arr. dePar-
thenay, cant. de Saint-Loup ; 336 hab.
LAMAÏSME (V. Bouddhisme, § Bouddhisme tibétain).
LA MALLE (Dureâu de) (V. Bureau de La Malle).
LAMALOU (Le). Rivière du dép. de V Hérault (Y. ce
mot, t. XIX, p. 4141).
LAMALOU-les-Bains. Com. du dép. de l'Hérault, arr.
de Béziers, cant. de Saint-Gervais ; 737 hab. Slat. du
chem. de fer du Midi. Ligne de Bédarieux à Castres.
Eaux minérales. — Ces eaux, bicarbonatées sodiqueset
calciques moyennes, ferrugineuses faibles, arsenicales,
carboniques fortes, moyennes ou faibles, généralement
chaudes (une seule source sur une douzaine est athermale ;
la température des autres varie de 17*^ à 30° C), s'em-
ploient en boisson, bains, douches d'eau et de gaz. Elles
sont toniques et reconstituantes, excitent l'appétit et régu-
larisent les digestions, etc. Elles sont utiles dans la dys-
pepsie, l'anémie et la chlorose, le rhumatisme, la goutte,
la gravelle, les paralysies et les paraplégies, l'hystérie et
l'épilepsie, la chorée et la catalepsie, le tabès dorsal, etc.
LAMANA6E. On entend par lamanage les salaires dus
aux pilotes spéciaux qui guident les navires à l'entrée et
à la sortie des ports. Les droits de lamanage ne sont pas
des avaries, mais des frais ordinaires de navigation. Le
fréteur doit donc les supporter sur son fret. Cette règle
reçoit exception lorsque le navire est obligé d'entrer dans
un port où il ne devait pas relâcher, pour échapper par
exemple à la tempête ou à la poursuite de l'ennemi. Il
peut aussi y être dérogé par des conventions particulières.
En pratique, on trouve fréquemment dans les chartes-par-
ties ou dans les connaissements une clause mettant pour
une part à la charge des marchandises les frais de lama-
nage et autres frais de navigation énumérés par l'art. 406
C. comm. ^ Lyonnel Didierjean.
LAMANÈRE. Com. du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
de Céret, cant. de Prats- de-Mol lo, à la frontière d'Es-
pagne; 451 hab. Mines abandonnées de plomb, cuivre et
argent. Fabriques d'espadrilles, de cercles et de charbon
de bois. Ruines du château féodal de Cabrenc (xi® siècle).
LÀMANEUR(Mar.) (V. Pilote).
LAMANON. Com. du dép. des Bouches-du-Rhône, arr.
d'Arles, cant. d'Eyguières, sur le canal de Craponne;
433 hab. Stat, du chem. de fer de Miramas à Cavaillon.
Grottes préhistoriques de Calés dans les environs. Intéres-
sant château du moyen âge. J. M.
LAMANON (Bertran de), troubadour du xiii^ siècle. Il
appartenait à une noble famille provençale qui tirait son
nom du village de Lamanon, autrefois Alamanon, dans les
Bouches-du-Rhône. Nous le voyons auprès du comte de
Provence, Raymond Bérenger IV, dès 1235, et il paraît
avoir été en faveur aussi auprès de son gendre et succes-
seur, Charles d'Anjou. On suppose qu'il prit part avec ce
dernier à la conquête du royaume des Deux-Siciles (1265) ;
toutefois, les derniers documents qui mentionnent Bertran
de Lamanon s'arrêtent à l'année 1260. L'œuvre de La-
manon se compose d'une vingtaine de pièces lyriques, parmi
lesquelles beaucoup de tensons échangées avec d'autres
troubadours, notamment avec Guillem Augier, Granet et
Sordel, Elles se trouvent dispersées dans les recueils de
Raynouard et de Mahn ; plusieurs sont encore inédites. —
Bastero, Raynouard et les auteurs de VHistoire littéraire
de la France, induits en erreur par Nostredame, ont cru
à tort à l'existence de deux troubadours distincts du nom
de Bertran de Lamanon. AnL T.
LAMANSKY (Vladimir-Ivanovitch), savant russe, né à
Pétersbourg en 1833. Il fit ses études à Pétersbourg,
voyagea dans les pays slaves et fut nommé professeur de
langues slaves à l'université de cette ville. Ses principales
publications sont : les Slaves en Asie Mineure, en Afrique
et en Espagne (Saint-Pétersbourg, 1859) ; le Serbie et les
Slaves méridionaux en Autriche (1864); V Etude his-
torique du monde gréco-slave (1874); la Langue et la
Littérature des Bulgares; Secrets d'Etat de Venise
(4884). 11 a collaboré à un grand nombre de recueils scien-
tifiques et joué un rôle considérable dans la Société de bien-
faisance slave de Saint-Pétersbourg. Il a fondé en 4890 une
revue intitulée r Antiquité vivante. En 4 883 ses élèves, à
l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de son ensei-
gnement, ont publié un Recueil d'études sur le monde slave
(Sbornik). Ce recueil est précédé d'une bibliographie dé-
taillée de l'œuvre du maître. L. L.
LA MANTIA (Vito), historien et jurisconsulte italien, né
à Cerda, province de Palerme, le 7 nov. 4822. A partir de
4843 il s'est consacré aux études de droit. Parmi ses pu-
blications, nous citerons : Storia délia legislazione civile
ecriminalein Sicilia (iSoS-od) et un ouvrage très impor-
tant, Storia délia legislazione civile e criminale di Sici-
lia, comparata con leggi italiane eskaniere dai tempi
antichi ai presenti (4868-74). Il a publié encore de très
nombreux ouvrages de jurisprudence ; nous citerons ; OîH-
ginie vicende degli Statutti di Roma (4879) ; Diritto
civile siciliano esposto secondo Vordine del codice ita-
liano (4883-88). — Son fils aîné, Francesco-Giuseppe,
a continué son œuvre et publié dans le même ordre : Edi-
zioni estudii di stalutiitaliani nel secoloXIX (4888).
Son fils puîné s'est aussi occupé des mêmes études.
LAMANTIN. I. Zoologie. — (Manatus). Genre de
Mammifères de l'ordre des Siréniens (V. ce mot), compre-
nant des animaux aquatiques et pisciformes, dont le canal
intestinal et le système dentaire sont adaptés à un régime
exclusivement végétal. Par la forme du corps ces Mammifères
forment la transition des Phoques, ou Pinnipèdes, aux
Cétacés près desquels on les classait autrefois sous le nom
de Cétacés herbivores. Comme les véritables Cétacés, ils
ont les membres antérieurs en forme de nageoires et les
membres postérieurs atrophiés, enveloppés dans la nageoire
caudale ; il n'existe jamais de nageoire dorsale ni d'évent.
Les dents ressemblent à celles des herbivores terrestres,
notamment à celles des Tapirs et des Kangourous. Le genre
type (Manatus), qui représente à lui seul la famille des
Manàtidœ, présente les caractères suivants. La formule
dentaire complète est représentée par la formule :
1. -, c. r, m. ^ X 2 :
0'
44
52 dents,
mais ces dents ne sont jamais présentes simultanément dans
- 809 -
LAMANTIN
les mâchoires. Les incisives sont rudimentaires, cachées
sous une plaque cornée qui protège la partie antérieure
des gencives, et s'atrophient chez l'adulte. On trouve rare-
ment plus de six paires de molaires fonctionnant à la fois
dans chaque mâchoire, les dents antérieures tombant avant
que les postérieures soient assez développées pour être uti-
lisées; elles sont toutes semblables, à couronne carrée,
présentant des collines tuberculeuses transverses qui s'usent
par le frottement. A la mâchoire supérieure ces dents ont
trois collines et trois racines ; à l'inférieure, elles présentent
une petite colline additionnelle (talon), mais n'ont que deux
racines. 11 n'existe que six vertèbres cervicales (au lieu de
sept, comme c'est la règle chez les Mammifères). Le crâne
présente une forme tout à fait spéciale, surtout dans sa
partie faciale, les deux mâchoires étant largement séparées
à leur extrémité antérieure dépourvue de dents. Il n'existe
que des rudiments de griffes aux pattes antérieures ; la
queue est ovale ou en forme de pelle. La tête est ronde, le
museau large, tronqué, est muni de lèvres très extensibles ;
les yeux sont très petits et la conque de l'oreille fait dé-
faut. Le corps est en forme de sac, sans cou distinct. Les
mamelles sont pectorales, et c'est à cette particularité que
l'on attribue l'origine de la fable des Sirènes dont parlent
les écrivains de l'antiquité. L'estomac est compliqué et il
existe un caecum bifide. La peau qui semble, au premier
abord, nue et plissée, est en réalité couverte de poils très
fins, visibles surtout chez le jeune, et les lèvres supérieure
et inférieure portent de courtes moustaches.
Les Lamantins habitent l'embouchure des grands fleuves
de TAtlantique situés entre les tropiques : ils sont plutôt
d'eau douce que marins, remontant ces fleuves presque
jusqu'à leur source, et s' éloignant peu des côtes. Malgré
leur respiration pulmonaire, ils ne viennent jamais volon-
tairement à terre, mais se tiennent sur les hauts-fonds où
croissent les algues et les herbes aquatiques dont ils se
nourrissent, et qu'ils paissent toujours sous l'eau. Ce sont
des animaux à mouvements assez lents, qui se plaisent
surtout dans les eaux tranquilles des baies et des lagunes
où ils se reposent en se tenant le corps arqué, appuyés sur
l'extrémité de leur queue, se mouvant à l'aide de leurs
membres antérieurs, et soulevant le sommet de leur tête
au-dessus de la surface, toutes les deux ou trois minutes,
pour respirer. Un individu qui a vécu quelque temps en
captivité à l'aquarium de Brighton (Angleterre) a permis
d'étudier de plus près leur manière de vivre. Les membres
antérieurs sont beaucoup plus mobiles qu'on n'est tenté de
le supposer au premier abord ; ils s'en servent comme de
mains pour porter leur nourriture à leur bouche, et les
femelles s'en servent également pour serrer leur petit
contre leurs mamelles. La lèvre supérieure, très exten-
sible dans ses parties latérales, sert à saisir les feuilles
dont ils se nourrissent, sans l'aide de la lèvre inférieure
qui reste à peu près inactive, et l'on a comparé ces mou-
vements de la bouche à ceux du ver à soie ou de la plu-
part des chenilles. On ne leur a jamais entendu émettre
aucun son.
L'espèce type du genre, le Lamantin d'Amérique {Mana-
tus americanus), s'étend depuis la Floride jusqu'au Brésil,
le long de la côte orientale de l'Amérique chaude jusqu'au
20^ de lat. S., et dans la mer des Antilles. C'est un ani-
mal de 2 m. à 2°^50 de long et d'un gris jaunâtre uni-
forme. Au Brésil, il remonte les fleuves presque jusqu'à
leur source. Les M. latirostris et M. australis n'en dif-
fèrent probablement pas. Le Manatus inunguis est une
espèce plus distincte qui semble spéciale à l'Amazone et à
rOrénoque. Les Indiens recherchent la chair et la graisse
de ces animaux et leur font une chasse assidue, mais son
goût huileux répugne aux estomacs européens. La peau et
l'huile sont considérées comme un remède populaire contre
le rhumatisme.
Le Lamantin du Sénèga^l (Manatus senegalensis) diiïère
du précédent surtout par la forme de son crâne, à partie
faciale plus courte et à orbites plus petits, la région fron-
tale étant plate et non bombée. La taille est supérieure à
celle des espèces américaines. Cette espèce orientale habite
les estuaires et les fleuves de l'Afrique intertropicale, du
Lamantin (Manatus americanus).
46<> de lat. N. au 10° de lat. S., remontant dans l'intérieur
jusqu'au lac Tchad, et même, d'après Schweinfurlh, jusqu'à
la rivière Keebaly, par 27^* de long. E.
Les Dugongs (Halicore), dont on fait une famille à part
{Halicoridœ), sont des Lamantins dont la mâchoire supé-
rieure porte une paire d'incisives grandes et fortes, en
forme de défenses, et partiellement recouvertes d'émail,
atteignant près de 20 centim. de long, mais dont la pointe
seule dépasse la gencive, chez le mâle. Chez la femelle ces
incisives restent toujours cachées et s'atrophient bientôt. Le
jeune porte en outre une seconde paire d'incisives caduques.
La mandibule inférieure est recouverte, en avant, d'une
plaque cornée sous laquelle on trouve quatre paires de
petites dents coniques, insérées dans de larges alvéoles,
et qui s'atrophient chez l'adulte. Les molaires, au nombre
de cinq ou six paires à chaque mâchoire, ne servent que
successivement, les antérieures étant usées avant que les
postérieures soient poussées : elles sont uniradiculées et
de forme cylindrique, sauf la dernière qui est comprimée
et bilobée, à pulpe persistante, et dépourvues d'émail, les
tubercules de leur couronne s'usant rapidement par le frot-
tement. Le crâne est remarquable par le grand développe-
ment des intermaxillaires qui sont presque à angle droit avec
les maxillaires et la ligne du front. Le museau est large,
tronqué, avec une bouche située en dessous et des lèvres
munies de soies courtes et fortes. La queue est échancrée
entre deux lobes triangulaires. Il n'existe pas d'ongles aux
pattes antérieures. Le cœcum est simple. Ces animaux,
qui représentent les Lamantins dans la mer des Indes, ont
des habitudes plus franchement marines et se nourrissent
des algues qui poussent sur les récifs. On les trouve depuis
la mer Rouge et la cote orientale d'Afrique jusqu'à Ceylan,
les îles de la baie du Bengale, l'archipel Malais, les Phi-
lippines et la côte N. de l'Australie (iles du détroit de Tor-
rès), de Moreton Bay à l'O. à Barrow Reefs à l'E. On en
a distingué trois espèces, dont les caractères n'ont rien de
précis : H. tabernaculi de la mer Rouge (à laquelle on
peut rapporter les Sirènes des anciens) ,'/f. dugong de la
mer du Bengale et H, australis d'Australie. On dit que
la taille de ces animaux atteint 6 m. de long chez l'adulte,
mais on en voit rarement ayant plus de 3 m. La variété
des côtes d'Australie a été récemment l'objet d'une pêche
régulière en raison de son huile qui est remarquablement
claire et limpide, et que l'on prétend jouir des mêmes pro-
priétés médicinales que l'huile de foie de morue.
Les Rhytines qui constituent une troisième famille (Hhy-
tinidœ) sont éteints depuis plus d'un siècle. La seule es-
pèce connue, le Rhytine de Steller {Rhytina Stelleri),
vivait dans le N. du Pacifique, particulièrement dans la
mer de Behring, et atteignait une taille supérieure à celle
des autres Siréniens (7 à 8 m.). Les formes étaient plus
élancées, la tête surtout relativement plus petite que dans
LAMANTIN — LAMARCR
- 840 -
les deux autres genres ; la queue était en forme de crois-
sant et les nageoires petites et tronquées. Les dents, com-
plètement atrophiées, étaient remplacées par des plaques
cornées. La peau nue était recouverte d'un épidémie rude
et rugueux comme une écorce. L'estomac était dépourvu
d'appendices pyloriques et le cœcum simple. A l'époque
du voyage de Behring et de Steller (1741), ces grands Si-
réniens étaient très abondants sur les côtes des îles de
Behring où ils se nourrissaient des frondes des laminaires ;
mais ils furent hientùt exterminés par les chasseurs russes
qui recherchaient leur chair et leur graisse. Moins de trente
ans après (1768), l'espèce était devenue rare. On ne la
connaît plus que par ses ossements qui se trouvent encore
assez communément sur les côtes de ces îles et par la des-
cription et les figures qu'en a donnée Steller d'après l'ani-
mal vivant.
II. Paléontologie. — A l'époque tertiaire, il existait
des Siréniens dans les mers de ce qui est actuellement
l'Europe. On trouve des ossements de ces animaux dans le
miocène et le pliocène de la France, de la Belgique, etc.
Le genre Ealitherium (type de la famille des Halithe-
ridœ) était, par sa dentition, intermédiaire aux Lamantins
et aux Dugongs, tout en présentant des caractères particu-
liers : ainsi les membres postérieurs étaient moins atro-
phiés que chez les Siréniens actuels, et les os nasaux
étaient plus développés. On a trouvé de ces animaux jusque
dans le red crag d'Angleterre. Les genres Prohalicore
(pliocène de France), Desmostylus et Dioplotherium (du
tertiaire de l'Amérique du Nord), Crassitherium, Rytio-
dus (d'Europe), etc., ont été rapportés au même groupe.
Les genres Prorastomus (du tertiaire de la Jamaïque),
Eotherium (du nummulitique d'Egypte), sont encore mal
connus (V. Siréniens). E. Trouessart.
LAMARCHE. Ch.-l. de cant. du dép. des Vosges, arr.
de Neufchâteau ; 1,631 hab. Stat. du chem. de fer de l'Est.
LAiVIARCHE-EN-WoËvRE. Com. du dép. de la Meuse,
arr. de Commercy, cant. de Vigneulles ; 43 hab.
LAMARCHE-sur-Saône. Com. du dép. de la Côte-d'Or,
arr. de Dijon, cant. de Pontailler; 1,424 hab. Stat. du
chem. de fer P.-L.-M., ligne de Paris à Gray.
LA MARCHE (Comtes de) (V. Marche).
LA MARCHE (Olivier de) (V. Marche [De La]).
LA MARCHE (François-Joseph Drouot de), général
français, né à Wiche (Vosges) le 14 juil. 1733, mort à
Epinal le 18 mai 1814. Il entra au service comme simple
soldat dans un régiment de dragons en 17r)l et gagna sa
première épaulette en Allemagne pendant la guerre de
Sept ans. Lieutenant-colonel quand la Révolution éclata,
il servit sous Dumouriez pendant la campagne de 1792.
Général de division en 1793, il succéda au général en chef
Dampierre qui avait été tué près de Vaienciennes. La Marche
trouvant à juste titre la succession trop lourde dans un
pareil moment, demanda avec instance d'être relevé de
son commandement ; il fut alors envoyé en sous-ordre à
l'armée des Ardennes que commandait Custine. A la suite
de quelques dissentiments qu'il eut avec le représentant du
peuple Levasseur, le général La Marche obtint d'être mis
en disponibilité ; il n'eut alors qu'un rôle très effacé sous
l'Empire où il ne fut plus employé qu'à des commandements
territoriaux. En 1808 il prit définitivement sa retraite.
LA MARCK (V. Bouillon [Ducs de]).
LA MARCK (Auguste-Marie-Raymond, prince d^AREN-
BERG, comte de) (V. Arenberg).
LAMARCK (Jean 'Baptiste-Pierre-Antoine deMonet de),
célèbre naturaliste français, né à Barentin, en Picardie, le
l^r août 1744, mort à Paris le 18 déc. 1829. Huitième
enfant d'une famille noble, originaire du Béarn, il fut
destiné par son père à l'état ecclésiastique et élevé dans
ce but à l'école des jésuites d'Amiens. Il avait seize ans,
lorsque son père vint à mourir ; il choisit alors la carrière
militaire et rejoignit en Hanovre l'armée du maréchal de
Broglie ; dès le premier jour, à la bataille de Jillingshau-
sen, il se distingua par une action d'éclat et fut nommé
officier sur le champ de bataille ; il servit jusqu'à la fin de
la guerre de Sept ans (1763). La vie de garnison ne lui
convenant pas, il quitta le service militaire et vint à Paris
dans le but d'étudier la médecine. Logé dans une petite
mansarde, « plus haut qu'il n'aurait voulu », il fut admi-
rablement placé pour faire des observations météorolo-
giques, dont le fruit a été un mémoire Sur les Vapeurs
de l'atmosphère, son début dans la carrière scientifique
et qui fut l'objet d'un rapport favorable à l'Académie des
sciences (1776). A cette époque, les herborisations étaient
fort à la mode et chacun pouvait arriver à découvrir le
nom d'une plante au moyen du système de Linné. Lamarck
chercha à simplifier le procédé de la détermination des
plantes et imagina la méthode analytique ou dichotomique
qui est encore en usage aujourd'hui. Il appliqua cette
méthode à l'ensemble des plantes de la France et publia
un ouvrage qui répondait réellement à un besoin de
l'époque : Flore française ou Description succincte de
toutes les plantes qui croissent naturellement en
France (Paris, 1778 et 1795, in-8). Il se préoccupa
beaucoup aussi de la méthode naturelle de classification
des plantes, mais la gloire de résoudre ce difficile problème
était réservée à A.-L. de Jussieu.
La Flore française, du reste imprimée aux frais du
gouvernement, sur la proposition de Buff'on, ouvrit à
Lamarck les portes de l'Académie des sciences, où il entra
en 1779, à l'âge de trente-huit ans. Peu après, il fut
chargé de la mission d'aller à l'étranger visiter les musées
et les jardins de botanique ; c'est ainsi qu'il visita la Hol-
lande et FAllemagne et trouva l'occasion de se mettre en
rapport avec des botanistes éminents, tels que Gleditsch,
Murrayet Jacquin. A son retour, on lui confia la rédaction
du Dictionnaire de botanique de V Encyclopédie métho-
dique (1785), ouvrage en 15 volumes écrit par lui en
grande partie, et où se trouvaient décrites un grand nombre
de plantes contenues dans les herbiers du Muséum et qui
provenaient des nombreux voyages scientifiques du siècle
dernier. A la mort de Buffon, en 1788, Lamarck entra au
Jardin des plantes comme adjoint de Daubenton pour la
garde du cabinet du roi. La Révolution vint modifier con-
sidérablement la situation de Lamarck et changea la direc-
tion de ses travaux. Le décret de la Convention (10 juin
1793), qui réorganisa le Jardin des plantes, créa deux
chaires de zoologie, dont l'une fut confiée à Geoff'roy Saint-
Hilaire, qui ne s'était encore occupé que de minéralogie,
et l'autre à Lamarck qui était exclusivement botaniste ;
Geoff'roy Saint-Hilaire fut chargé de l'histoire des animaux
vertébrés, Lamarck de celle des animaux sans vertèbres.
Ce dernier n'avait que quelques notions de conchyologie
qu'il avait acquises pour faire plaisir à son ami Bruguières;
il ouvrit cependant son cours en juil. 1795, et, devenu
ainsi zoologiste, fit pour les invertébrés ce qu'il avait tenté
pour les plantes et se livra jusqu'à la fin de ses jours à
des travaux suivis de description et de classification des
groupes animaux que Linné avait réunis dans sa classe
hétéroclite des vers; il abandonna à son aide-naturaliste
Latreille la classe des Insectes. Il prépara ainsi les maté-
riaux du magnifique ouvrage : Histoire des animaux
sans vertèbres (Paris, 7 vol. in-8), qu'il publia de 1815
à 1822. En même temps, Lamarck contribua beaucoup aux
progrès de la connaissance des coquilles fossiles ; il publia
à cet égard : Description des coquilles fossiles des envi-
rons de Paris (Annales du Muséum, 1802-6, 1. 1 à VIII).
Il refusa en 1 809 une chaire nouvellement créée à la Sor-
bonne, parce qu'il ne se sentait plus la force de faire les
études nécessaires pour Foccuper dignement. C'est, du
reste, l'année où il publia sa célèbre Philosophie zoolo-
gique (Paris, 2 vol. in-8; nouv.éd., 1830), dans laquelle
il expose ses idées sur la variabilité des espèces, entrevue
par Buffon, formulée d'une manière plus ou moins fantai-
siste par Maillet, appuyée enfin sur des observations sé-
rieuses par Lamarck (V. Transformisme). Ce grand natu-
raliste perfectionna d'ailleurs la classification générale des
- su
LAMARCK — LA MARLIÈRE
animaux. Il a publié, entre autres, dans ses Recherches
sur l'organisation des corps vivants (Paris, 1806) le
tableau du règne animal « montrant la dégradation pro-
gressive des organes spéciaux jusqu'à leur anéantissement ».
C'est Lamarck qui a créé les termes de Vertébrés et à' In-
vertébrés ; il a créé les Annélides, séparé les Crustacés et
les Arachnides des Insectes, créé les Radiaires sous le nom
de Gemmovipares, et plus tard d'Echinodermes, les Polypes
sous les noms de Gemmipares et de Fissipares, les Infu-
soires, etc. ; dans ses spéculations, il arrive à la conception
de la génération spontanée (V. Zoologie). Enfin, dans un
dernier ouvrage : Système des connaissances positives
de l'homme^ ainsi que dans les articles du Dictionnaire
des sciences naturelles de Levrault, il s'est efforcé de
montrer que tout a été produit dans la nature avec ordre
et que cet ordre est sériaire ; c'est ainsi qu'en chimie il
arrive à la conception des atomes et de la loi des propor-
tions définies ; en météorologie, il considère l'atmosphère
comme une mer aérienne dont les courants sont déterminés
par l'attraction lunaire ; la géologie lui fait voir la surface
du globe dans un état permanent de transformation; en
biologie (le mot est de Lamarck), la loi de la continuité lui
fait assimiler la pensée aux autres fonctions de l'organisme
dont elle est la plus élevée, etc. Pour ne rien omettre,
citons encore de Lamarck: Mémoires de physique et
d'histoire naturelle (1797); Hydrogéologie (1802);
Annuaire météorologique.., (1800-12). D"* L. Hahn.
BiBL. : Geoffroy Saint-Hilaire, Discours.,. —Cuvier,
Eloge de Lamarck.— Dareste, dans iVouu. Biogr. générale.
LAMARCKISME (V. Transformisme).
LA MARE (Philibert de), érudit français, né à Dijon le
13 déc. 161S, mort à Dijon le 16 mai 1687. Conseiller
au parlement de Dijon, il consacra ses loisirs à l'étude de
l'histoire et à la formation d'une bibliothèque bourgui-
gnonne. Le fils du grand Saumaise lui légua en 1661 une
partie des manuscrits de son père. Sa bibliothèque était
célèbre au xvn® siècle; on la citait comme une des curio-
sités de Dijon. En août 1719, la Bibliothèque royale acquit
près de 630 manuscrits provenant de sa bibhothèque.
D'autres volumes passèrent chez Fevret de Fontette qui
en a décrit le plus grand nombre sous les n^^ 36073
à 37331 de la Bibliothèque historique de la France ;
ces volumes devinrent la propriété de Paulmy qui les céda
par échange au cabinet des chartes d'où ils vinrent à la
Bibliothèque nationale en 1790. Les principaux ouvrages
dePh. de La Mare sont :De BelloBurgundicoMDCXXXVI
(Dijon, 1641, in-foL), récit de l'invasion de la Franche-
Comté par le prince de Condé ; Guijoniorum fratrum
opéra et vitœ (Dijon, 1658, in4) ; De Vita et moribus
Guillelmi Philandri epistola ad cardin. Fr. Barber i-
num (Dijon, 1667, in-8 etin-4) ; Conspeclus historico-
rum Burgimdice (Dijon, 1689, in-4) ; Huberti Langueti
Vitœ (Halle, 1700, in-12). M. Prou.
BiBL. : Papillon, Bibliothèque des auteurs de Bour-
gogne, t. II. p. 26. — Delisle, le Cabinet des manuscrits.
t. 1, p. 361.
LA MARE (Nicolas de), magistrat et jurisconsulte fran-
çais, né à Noisy-le- Grand le 23 juin 1639, mort à Paris le
25 août 1723. Il fut successivement procureur et commis-
saire au Châtelet (1673). Il fut commis par le roi à plu-
sieurs reprises pour faire des enquêtes sur les dépenses des
constructions de Versailles. Il fut aussi envoyé dans diverses
provinces pour apaiser des émeutes. Il reçut de Louis XIV
l'intendance de la maison du comte de Vermandois. Il a
réuni dans le Traité de la police, dont le premier volume
in-foL parut en 1707, tout ce qui concerne la police de
Paris. Le quatrième volume fut publié, en 1738, par son
collaborateur Leclercdu Briilet.En 1788, le sieur Abeille
vendit pour 6,000 livres à la bibliothèque du roi les do-
cuments qu'il avait réunis pour la composition de son ou-
vrage. Ils forment aujourd'hui 264 volumes compris sous
les numéros 21545 à 21808 du fonds français, au dépar-
tement des manuscrits de la Bibliothèque nationale.
LAMARE (L'abbé de), littérateur français, né à Quim-
per vers 1708, mort à Egra vers 1746. Protégé par Vol-
taire qui lui confia quelques travaux littéraires, il termina
sa carrière dans l'admiaistration des fourrages de l'armée.
Citons de lui : Ennui d'un quart d'heure (Paris, 1736,
in-8) ; Ziaïde, reine de Grenade (1739, in-4), ballet;
le Je ne sais quoi de vingt minutes (1739, in-8), poé-
sies ; OEuvres diverses (il 6^, in-12). On lui attribue les
Quarts d'heure d'un joyeux solitaire (1766, in-12).
LA MARE (Jacques-Michel Hurel de), violoncelliste cé-
lèbre, né à Paris en 1772, mort à Caen en 1823. Après
de bonnes études littéraires chez les pages de la musique
du roi, il devint l'élève de Duport. Attaché en 1794 au
théâtre Feydeau, il se fit entendre dans les célèbres con-
certs donnés à ce théâtre et ce fut là qu'il fonda sa répu-
tation. Nommé professeur de violoncelle au Conservatoire,
il quitta son emploi en 1801 et donna des concerts qui
eurent les plus grands succès. Lamare était un virtuose
merveilleux et un accompagnateur sans égal ; malheureu-
sement son talent de compositeur était moins indiscutable, et
cependant il existe sous son nom quatre concertos pour
violoncelle, deux duos et un air varié, d'un tour agréable et
d'une harmonie délicate. Le fait s'expliquera de lui-même
lorsqu'on saura que cette musique a été écrite par Auber,
qui était grand ami de Lamare et prisait fort son talent. Le
célèbre violoncelliste n'a du reste jamais fait difliculté
d'avouer cette supercherie qui n'était un secret pour aucun
artiste dans les premières années de ce siècle.
LAMARGELLE. Com. du dép. de la C6te d'Or, arr. de
Dijon, cant. de Saint-Seine ; 408 hab.
LA MARGHERITA ou LA MARGARITA (Clémente SoLÂRO,
comte de), appelé souvent, même en Piémont, Solar de
La Marguerite, ministre piémontais, né à Mondovi en
1792, mort à Turin le 12 nov. 1869. Il commença ses
études à Sienne et les termina à Turin (1811); mais, fidèle
à la légitimité, il ne voulut pas recevoir le grade de doc-
teur en droit sous le régime français et ne le prit qu'après
la restauration du roi de Sardaigne. Attaché à la légation
sarde à Naples (1816), puis à Madrid, il se fit connaître
par ses opinions ultra-absolutistes. Charles- Albert l'appela
dans son conseil et lui confia les affaires étrangères (7 févr.
1835). Soumis au pape, dévoué aux jésuites, soutien des
carlistes en Espagne et du Sonderbund en Suisse, partisan
de la paix et de l'alliance avec l'Autriche, il maintint ce-
pendant la dignité du Piémont en face des prétentions
exorbitantes de cette puissance (1846). Opiniâtrement
hostile à toute innovation à l'intérieur, il eut plus d'un
diôérend avec ses collègues et tint tète au roi lui-même.
Au moment des réformes, Charles-Albert le pria de se
démettre, mais il refusa, et obligea le roi à le relever de
ses fonctions de ministre (9 oct. 1847). Dans la retraite,
il publia, pour la défense de ses principes, plusieurs écrits,
dont le principal est son Mémorandum storico politico
(Turin, 1851), qui offre un véritable intérêt historique.
Elu député de San Quirico (1853), il considérait son man-
dat comme émanant du roi qui avait octroyé le Statut. Il
fut jusqu'en 1859 le chef intraitable de la droite cléricale.
Lors de la formation du royaume d'Italie, il cessa de
prendre part à la vie publique. F. H.
LA MARK (V. Bouillon [Ducs de]).
LA MARLIÈRE (Antoine-Nicolas, comte), général fran-
çais, né à Crépy (Marne) le 3 déc. 1745, exécuté le 11 nov.
1793. Officier d'infanterie sous Louis XV, il fit en Alle-
magne les dernières campagnes de la guerre de Sept ans.
Colonel au moment de la Révolution, il rendit de grands
services en organisant les jeunes bataillons qui marchaient
aux frontières. Enfermé dans Lille, assiégé par les Autri-
chiens, il communiqua à tous son courage et son énergie.
Maréchal de camp en 1792, puis général de division l'année
suivante, il se consacra à la réorganisation de l'armée du
Nord ébranlée parla défection de Dumouriez. Mais, accusé
par Robespierre d'avoir entretenu des relations avec les
émigrés dans le but de livrer Lille aux Autrichiens, il fut
condamné à mort par le tribunal révolutionnaire.
J.A MARMORA — LAMARQUE — 842 —
LA MARMORA (Famille Ferrero de). Chef d'une an-
cienne et illustre maison de Bielle, en Piémont, Celestino
Ferrero, marquis de La Marmora et prince de Masserano,
capitaine au régiment d'Ivrée, marié à Raffaella Argentero
di Bersezio, eut treize enfants, parmi lesquels six fils,
dont quatre furent lieutenants généraux : il ne faut pas
les confondre. L'aîné, Carlo, né en 1788, mort en 4854,
héritier des titres paternels, avait servi dans l'armée
française avant d'entrer dans l'armée sarde : son fils,
Tommaso, marquis et prince comme lui, a été député de
Turin. Les trois autres généraux La Marmora sont : le
comte Alberto, le che\a\\er Alessandro, et Alfonso, le
plus jeune et le plus célèbre (V. ci-dessous). F. H.
LA MARMORA (Alberto Ferrero, comte de), général
piémontais, né en 4789, mort en 4863. Ancien Wicier
dans l'armée française comme son frère Carlo (V. ci-
dessus), il entra dans l'armée sarde lors de la Restauration
(4844). En disgrâce après les événements de 1821, il sé-
journa longtemps en Sardaigne. Rappelé au service dans la
suite, il reçut le commandement de l'Ecole de la marine à
Gênes (4841 ), et parvint au grade de lieutenant général. En
1 848, quand le gouvernement de Venise s'adressa à Charles-
Albert, celui-ci lui envoya le général Alberto La Marmora,
mais sans troupes (14 avr.). Il revint en Piémont après l'ar-
mistice Salasco (9 août). Il faisait partie du Sénat. Alberto
La Marmora est surtout connu par son Voyage en Sar-
daigne (Paris-Turin, 1839-57, 5 vol. in-8, atlas in-4),
important ouvrage écrit en français et contenant une des-
cription complète de la grande île. Il a publié aussi des
mémoires scientifiques. F. H.
LA MARMORA (Alessandro Ferrero, chevalier de),
général piémontais, né à Turin le 17 mars 4799, mort à
Kadi-Koï en Crimée le 7 juin 4855, frère du précédent.
Page de Napoléon, attaché à la cour du prince Borghèse
gouverneur du Piémont, il entra en 4814 dans l'armée
sarde comme sous -lieutenant au régiment des gardes.
Simple capitaine depuis 4823, il proposa au roi, en 4835,
la création du corps des bersaglieri. Charles- Albert le fit
major (29 déc.) et l'autorisa à former les deux premières
compagnies (48 juin 4836). Colonel, à la tête de cette
valeureuse troupe, il se distingua, le 8 avr. 1848, au
combat du pont de Goito, où il fut blessé grièvement.
Major général le 27 juil. suiv., il fat chef d'état-major
de l'armée en 4849, échappa aux Autrichiens à Mortara
(24 mars), et, deux jours après, à la bataille de Novare,
pourvut à la retraite de l'aile droite et du centre de l'ar-
mée vaincue. En avril, après la soumission de Gênes, il en
eut le commandement militaire. Nommé lieutenant général
en 1852, il reçut en 1855, lors de l'expédition de Crimée
sous les ordres de son frère Alfonso, le commandement
de la deuxième division. Mais, parti de Gênes le 19 mai
et débarqué à Balaklava le 29, il fut emporté par le cho-
léra le 7 juin. On lui a élevé un monument à Turin en
1867. F. H.
LA MARMORA (Alfonso Ferrero de), général et homme
politique italien, né à Turin le 18 nov. 1804, mort à
Florence le 5 janv. 1878, frère des précédents. Entré à
l'Académie militaire de Turin en 1816, il en sortit lieute-
nant d'artillerie (1823). Il perfectionna son instruction
militaire dans de nombreux voyages. Major quand éclata
la guerre de 1848, il se distingua à Pastrengo (30 avr.),
fut nommé colonel et devint chef d'état-major du duc de
Gênes (5 juin). Dans la sédition de Milan, il délivra
Charles-Albert assiégé par le peuple (5 août) . Promu
major général, il fut chargé du portefeuille de la guerre et
de la marine, du 27 oct. au 15 nov. 1848, dans le cabinet
Revel-Pinelli, puis du 2 au 9 févr. 1849, dans le cabinet
Gioberti. A la rupture'de l'armistice, commandant un corps
d'observation sur la frontière toscane, il ne put prendre
part à la bataille de Novare. Victor-Emmanuel le fit lieu-
tenant général (i^^ avr.). Il eut à réprimer l'insurrection
de Gênes (4-5 avr.). Ministre de la guerre et de la marine
dans le premier cabinet Azeglio (2 nov. 1849), il le fut
presque sans interruption jusqu'en 1860. C'est lui qui,
collègue de Cavour, réorganisa complètement l'armée sarde.
Pendant la guerre d'Orient, remplacé dans le ministère,
du 1^^ avr. 1855 au 16 juin 1856, parle général Giacomo
Durando, il commanda le corps expéditionnaire en Crimée,
où le combat de la Tchernaïa, ditaussi deTraktir (16 août
1855), grandit sa réputation. Il reçut la dignité de général
d'armée (14 avr. 1856). Pendant la guerre de 1859, mi-
nistre résidant auprès du roi, il fut suppléé dans ses fonc-
tions à Turin par Cavour lui-même. Après la paix de Villa-
franca, La Marmora présida le cabinet dont Rattazzi fut
le ministre dirigeant (19 juil. 1859-20 janv. 1860). En
1861, il remplit des missions diplomatiques à Berlin et à
Saint-Pétersbourg (janv. et févr.). Mis à la tête du dépar-
tement militaire de Milan, il eut des dissentiments avec le
général Fanti, alors ministre de la guerre, et donna sa dé-
mission. Il remplaça ensuite le général Cialdini à Naples
(27 oct.) et fut investi des pleins pouvoirs dans les pro-
vinces napolitaines (20 août 1862-20 janv. 1863). Appelé
à la présidence du conseil au lendemain des troubles de
Turin, il prit le portefeuille des affaires étrangères (28 sept.
1864). Il exécuta la convention du 15 sept, et transféra
la capitale à Florence (28 avr. 1865), mais en réservant
la liberté d'action du gouvernement italien pour le cas où
certaines éventualités se produiraient dans l'Etat pontifical.
En 1866, il conclut l'alliance italo-prussienne (8 avr.).
Lors de la déclaration de guerre à l'Autriche (20 juin), il
céda la présidence du conseil à Ricasoli et resta ministre
sans portefeuille auprès du roi. Rendu responsable de la
défaite de Custoza (24 juin) comme chef d'état-major gé-
néral de l'armée, il devint très impopulaire. Il se démit
de ses doubles fonctions (18 août), mais il lut bientôt
appelé au commandement militaire de Florence (28 sept.).
Un an après, il se fit mettre en disponibilité (24 août
1867). Le roi lui confia une mission à Paris au moment
des affaires de Mentana (novembre). Après l'occupation de
Rome, il accepta la lieutenance générale dans la province
romaine (9 oct. 1870) et la conserva jusqu'à l'installation
du prince Humbert au Quirinal (l^** févr. 1871). La Mar-
mora, aigri par les attaques dont sa ligne diplomatique et
militaire était l'objet depuis Custoza, entra alors dans une
retraite morose et renonça même à son mandat parlemen-
taire : il était député de Bielle, pays de sa famille. La
publication de son opuscule Un Po^ più di luce sitgli
eventi politici e militari deW anno 1866 (Florence,
1873), en réponse à certaines assertions allemandes, sou-
leva d'aigres débats dans les parlements de Berlin et de
Rome. Il publia encore Un Episodio del risorgimento
italiano (1875), puis / Segreti di Stato nel governo
costituzionale (1877). Ses révélations, qui eurent un
grand retentissement, furent désapprouvées du monde
diplomatique. Peu fait aux formes parlementaires, ne sup-
portant guère la contradiction, esprit plutôt étroit, ouvert
cependant aux entreprises utiles à sa patrie, soucieux du
bien-être des classes laborieuses, conservateur en politique,
très dévoué au roi, malgré des allures grondeuses, mili-
taire avant tout, franc et loyal, avec une amertume secrète
de n'avoir pas toujours réussi, le général La Marmora
était une nature complexe. Massimo d 'Azeglio l'a traité de
grand caractère. Il a fait par testament d'importantes libé-
ralités à la ville de Turin où il vécut si longtemps, à celle
de Florence où il termina ses jours, et à celle de Bielle
où il fut enterré. Bielle lui a élevé un monument. F. H.
LAMARONDE.Com.dudep.de la Somme, arr. d'Amiens,
cant. de Poix; 133 hab.
LAMARQUE. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Castelnau-de-Médoc ; 1,108 hab.
LAMARQUE-près-Bé\rn ou LAMARQUE-PoNTACQ.Com.
du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de Tarbes, cant. d'Os-
sun; 678 hab.
LAMARQUE-RusTAiN. Com. du dép. des Hautes-Pyré-
nées, arr. de Tarbes, cant. de Trie; 152 hab.
LAMARQUE (François), homme politique français, né à
- 813
LAMARQUE — LAMARTINE
Montpont le 2 nov. 1753, mort à Montpont le 13 mai 1839.
Avocat au Parlement de Paris avant la Révolution, il de-
vint juge au tribunal du district de Périgueux en 1790 et
député à l'Assemblée législative en 1791. Après le 16 août,
il fut envoyé à l'armée de Luckner et signala à l'Assem-
blée le déplorable état de la place de Metz. Réélu à la
Convention, il fut envoyé à l'armée du Nord et livré aux
Autrichiens par Dumouriez. Prisonnier jusqu'en déc. 179o,
il revint siéger au Conseil des Cinq-Cents, qu'il présida en
avr. 1797. Réélu en 1798, il n'en fut pas moins éliminé
et fut alors nommé ambassadeur à Stockholm ; mais, le
roi de Suède ayant refusé de recevoir un régicide^ il re-
vint en France, rentra au Conseil en 1799 et fit partie
de la commission chargée de présenter les mesures de sa-
lut. Après le 18 brumaire en avr. 1800, il fut nommé pré-
fet du Tarn ; l'année suivante, il devint substitut au tribu-
nal de cassation et juge à la même cour en 1 804. Exilé en
1816, il résida en Autriche et rentra en France en 1818.
LAMARQUE (Jean-Maximin), général français, né à
Saint-Sever le 22 juil. 1770, mort à Paris le i*^'" juin 1832.
Entré au service en 1791 comme volontaire, il parvint en
moins de dix ans au rang de général de brigade. Chef d'état-
major de l'armée de Naples en 1806, général de division
le 6 déc. 1807, il exécuta, sous Murât, l'héroïque escalade
de Caprée (oct. 1808), fut attaché en 1809 à l'armée
d'Italie et prit une part brillante à la campagne de 1809.
On le retrouve ensuite à Anvers, puis en Calabre, enfin
(1810) en Espagne, où il guerroya trois ans et commanda
l'arrière-garde après VittorJa. Mis à l'écart par les Bour-
bons (1814), il fut pendant les Cent-Jours envoyé dans la
Vendée pour réprimer l'insurrection royaliste. Proscrit après
la seconde Restauration, il ne put rentrer en France qu'en
1818. Elu député des Landes le 22 déc. 1828, il prit place
dans l'opposition libérale la plus avancée et, réélu en juin
1830, applaudit à la révolution de Juillet. Il n'en combattit
pas moins dans les sessions suivantes le nouveau gouverne-
ment, auquel il reprochait avec véhémence ses ménagements
pour les traités de 1 815. Son éloquence passionnée le rendit
en peu de temps très populaire. Ses obsèques donnèrent lieu
à l'insurrection démocratique des 5 et 6 juin 1832 (V. Juin,
t. XXÏ, p. 283). Parmi ses nombreux écrits, nous citerons:
Défense de M. le lieutenant général Max. Lamarque,
compris dans l'ordonnance du 24 juillet iSiÔ (1815);
Réponse au lieutenant général Canuel (1818); De
r Esprit militaire en France (1826); la Vérité tout
entière sur le procès d'un maréchal de France (le maré-
chal Ney) (1831); Souvenirs^ mémoires et lettres du
général Lamarque (1835-36). A. Debidour.
LAMARRE (Pvrotechnie) (V. Artifices, t. ÏV, p. 15).
LA MARTELIÈRE (Jean-Henri-Ferdinand), littérateur
français, né à Ferrette le 14 juil. 1761, mort à Paris le
27 avr. 1830. Il eut Schiller pour compagnon d'études en
Allemagne et débuta dans les lettres par un drame imité des
Brigands : Robert, chef de brigands (Paris, 1793, in-8).
Il obtint un très grand succès et continua à écrire pour le
théâtre. Citons: les Francs Juges (1807, in-8) ; le Tri-
bunal redoutable (1793, in-8), mélodrames ; la Partie
decampag7ie(iSiO, in-8) ; Pierre et Paul (1814, in 8) ;
le Prince d'occasion (1818, in-8), comédies. On lui doit
aussi quelques romans, entre autres: le Cultivateur de la
Louisiane (1808,4 vol. in-12) ; les Trois Gil Blas (1802,
4 vol. in-12) ; Fiorella (1802, 4 vol. in-12) ; Alfred et
Liska (1804, 4 vol. in-12). 11 a traduit le Théâtre de
Schiller (1799). Une relation historique, Conspiration de
Bonaparte contre Louis XVIII (1815, in-8), a eu jus-
qu'à cinq éditions.
LA MARTI LLI ÈRE (V. Fabre de LaMartillière).
LAMARTINE (Alphonse-Marie-Louis de Prât de), l'un
des plus grands poètes français et homme politique célèbre,
né à Mâcon le 21 oct. 1790, mort à Paris le 28 féyr. 1869.
Fils d'un gentilhomme dont la famille, originaire de la
Bourgogne et de la Bresse, comptait de nombreuses et
anciennes alliances dans ces deux provinces, il était l'aîné
de six sœurs. Sa mère fut sa première éducatrice et lui
apprit à lire dans la Bible illustrée ou plutôt, comme on
disait alors, « historiée », connue sous le nom de Royau-
mont. Après avoir achevé ses études classiques au collège
de Belley, dirigé par les pères de la Foi, il fit un premier
voyage en Italie, puis vint à Paris et obtint de Talma la
faveur de lui lire une tragédie qui ne fut jamais représentée.
Echappé à la conscription qui décimait alors la jeunesse et
que son aversion pour Napoléon lui eût rendu encore plus
odieuse, il fit un nouveau séjour en Italie (1813), à Rome
et à Naples, où il ébaucha le roman d'amour dont Gra-
ziella fut l'héroïne. Lors de la première Restauration,
il entra dans les gardes du corps et y servit jusqu'à la
fin des Cent-Jours. Après des années de rêveries, de sé-
jours prolongés dans divers châteaux appartenant à son
père ou à ses oncles, d'incertitude sur la carrière qu'il
entendait suivre, il mit au net un recueil de poésies écrites
sous des inspirations fort diverses, mais très différentes de
celles que lui avait dictées durant son adolescence sa juvé-
nile admiration pour Dorât et Parny. Ce recueil, présenté
sans succès aux principaux éditeurs de la capitale et no-
tamment à Pierre Didot dont Lamartine a conté plus tard
la réception, trouva enfin asile dans une librairie clas-
sique et parut sous le titre de Méditations poétiques et
religieuses (iSW, in-18). Son succès dépassa toutes les
espérances de Fauteur et il s'en vendit, affirme-t-on,
jusqu'à 45,000 exemplaires en quatre ans.
Le 5 juin 1 820 Lamartine épousait à Chambéry unejeune
Anglaise protestante, miss Mary-Anne-Elisa BÎrch, et se
rendait aussitôt à Naples en qualité d'attaché à la léga-
tion de France, poste qu'il échangea bientôt contre ceux
de secrétaire d'ambassade à Londres et de chargé d'affaires
en Toscane. De Nouvelles Méditations poétiques (iS^^),
accueillies avec moins de faveur que les premières, furent
suivies de deux poèmes, la Mort de Socrate et le Dernier
Chant de Childe Uarold. Une apostrophe à l'Italie et à la
« poussière humaine » dont elle était peuplée lui valut un
duel avec le colonel Pepe qui releva le gant au nom de ses
compatriotes et le blessa dangereusement. En 1825, un
même décret de Charles X conféra la croix de la Légion
d'honneur à Victor Hugo et à Lamartine qui rimèrent un
mois plus tard l'un MmOde, l'autre un poème en l'honneur
du sacre du vieux roi. Les premières éditions de ce Chant
renferment quelques vers où le duc d'Orléans (plus tard
Louis-Philippe) vit une allusion à son père (Philippe -
Egalité) et que le poète s'empressa de supprimer. Le 5 nov.
1829, l'Académie française l'élut au fauteuil laissé vacant
par le comte Daru. Il venait à peine d'y prendre séance
lorsqu'il publia ses Harmonies poétiques et religieuses
(2 vol., mai 1830), où sa poésie atteint la plus grande
élévation et se perd dans l'idéal. Il refusa peu de temps
après le poste de ministre plénipotentiaire en Grèce quand
Charles X dut reprendre le chemin de l'exil, voulant rester
fidèle aux convictions de sa jeunesse. Il renonça dès lors
à la carrière diplomatique et se présenta à la députation ;
après deux échecs successifs à Toulon et un à Dunkerque
où il avait sollicité un mandat de député, il partit au mois
de mai 1832 pour l'Orient, sur un navire spécialement
frété pour lui, accompagné de sa femme et de sa fille
unique Julia, belle enfant d'une douzaine d'années, qui
mourut à Beyrouth. Cette excursion de seize mois, accom-
plie dans des conditions véritablement fastueuses, qui lui
furent plus tard amèrement reprochées, a été racontée
par le poète dans son premier livre en prose : Voyage en
Orient, souvenirs, impressions, pensées et paysages
(1835, 4 vol. in.8), dont le contenu justifie amplement
son sous-titre par la variété, l'éclat, la profondeur des
pages qui le composent.
Elu, pendant son absence, député à Bergues (Nord),
puis à Mâcon, il resta député de Bergues jusqu'en 1837,
puis opta pour sa ville natale, qu'il représenta constam-
ment jusqu'en 1848; il se rallia d'abord à la monarchie
de Juillet en faisant ses réserves et ne siégeant dans
LAMARTINE
- 8U —
aucun groupe ; bien qu'il se fût révélé orateur dès qu'il
eût pris la parole sur la discussion de l'adresse au roi,
il n'eut pendant plusieurs années aucune influence sur les
diverses législatures dont il fit partie. Malgré le nombre
et l'importance des discours qu'il prononça en maintes
circonstances, tantôt sur des matières générales (l'aboli-
tion de la peine de mort, la question d'Orient, la défense
des études littéraires, l'assistance sociale), tantôt sur des
sujets tout techniques, comme l'industrie du sucre où
il fit preuve de connaissances spéciales tout à fait inat-
tendues, il n'avait pas dit adieu aux lettres. En 48B5, le
magnifique poème de Jocelyn^ présenté comme le fragment
d'un vaste cycle humanitai)'e, qui devait embrasser tous
les âges et toutes les conditions, obtint un succès que ne
retrouva pas, deux ans plus tard, la Chute d'un ange, autre
fragment de ce même ensemble dont un troisième épisode, in-
titulé les Pêcheurs, n'a pas vu le jour, parce que le manus-
crit en fut perdu ou détruit, durant un voyage aux Pyré-
nées. Les RecueUleme?its poétiques qin parurent en 1839
sont précédés d'une préface en prose où l'auteur, prêchant
d'exemple, expose les devoirs sociaux du poète.
Volontairement écarté de diverses combinaisons ministé-
rielles et s'éloignant un peu plus chaque jour de ce qu'il
avait lui-même défini le « parti des bornes », contre le-
quel il appelait de tous ses vœux la « révolution du mé-
pris », démocrate-conservateur, comme il s'était qualifié
lui-même, il se rapprochait chaque jour davantage du parti
radical et socialiste ; il porta un dernier coup à la monarchie
de Juillet moins encore par son adhésion aux banquets ré-
formistes (V. ce mot, t. V, p. 297) qui préludèrent à la
chute du dernier ministère Guizot, que par sa publication de
V Histoire des Girondins (4 847, 8 vol. in-8 et in-1 8). Sévè-
rement jugé depuis par la critique historique, écrit hâti-
vement sur des documents de seconde main, ou d'après les
témoignages confus ou pleins de réticences des derniers sur-
vivants de cette grande époque, ce livre, né de cette pensée
« que le sang ne souille pas l'idée qui le fait couler » et que
« toute vérité descend d'un échafaud », eut sur la marche
des esprits une influence indéniable.
Le 24 févr. 1848, Lamartine fut de ceux qui récla-
mèrent l'institution d'un gouvernement provisoire, mais
non la proclamation de la République qu'il dut accepter
néanmoins comme un fait accompli. Personne n'a ouWié le
rôle courageux qu'il joua à l'Hôtel de Ville, ni avec quelle
éloquence il combattit les factieux ouïes égarés qui mena-
çaient la paix publique (V. Février). La circulaire qu'il
adressa, en qualité de ministre des affaires étrangères, aux
puissances européennes, commentait et développait le pro-
gramme généreux et vague qu'il avait maintes fois exposé,
parfois au péril de sa vie, aux députations de toutes nuances
qui se succédaient sans interruption sur la place de Grève.
Ce fut l'apogée de sa popularité et elle était alors telle que
dix départements l'envoyèrent simultanément à l'Assemblée
constituante. Il opta pour celui de la Seine, qui l'avait placé
le premier sur une liste de trente-quatre noms. Acclamé
par ses collègues lorsqu'il rendit compte de son adminis-
tration, il vit décroître promptement son prestige, soit
lorsqu'il fut élu, non sans peine, membre de la commission
executive, dont Ledru-Rollin était le chef, soit après les
journées de Juin, soit enfin lors de l'élection à la prési-
dence de la République, pour laquelle il ne recueillit que
quelques milliers de suffrages. Cette réaction s'accentua
davantage encore l'année suivante, où il ne se trouva qu'un
seul département, celui du Loiret, pour l'envoyer siéger
à l'Assemblée législative jusqu'au jour où le coup d'État
du 2 décembre le rendit aux lettres.
Durant de longues années Lamartine avait dépensé,
avec l'insouciance traditionnelle du grand seigneur et de
l'artiste, la fortune considérable que sa femme lui avait
apportée en dot et les revenus qu'il tirait de la vente de
ses livres et de l'exploitation de ses vignobles du Maçon-
nais. Tombé du pouvoir, il dut en même temps faire face
à la ruine. Il ne suffit à combler le déficit ni par la vente
des vastes concessions territoriales que lui avait accordées
le sultan, ni par la cession de ses œuvres anciennes à une
société spéciale, ni par la mise en vente ou en loterie de
ses domaines de Milly et de Saint-Point. Rien qu'il ait pu
dire (dans la préface des Recueillements) avec la fatuité
du génie : « J'écris en vers quand je n'ai pas le temps
d'écrire en prose », c'est à la prose qu'il demanda des res-
sources, car son drame de Toussaint Louverture joué à
la Porte-Saint-Martin par Frederick Lemaître (août 1850)
et les Visions (1852, in-1 6), fragment dont la conception
remontait sans doute à celle de la Chute d'un Ange, furent
ses adieux à la poésie. Raphaël (1849), les Confidences
(1849) et les Nouvelles Confidences (1851), Geneviève,
histoire d'une Servante (iS^O), le Tailleur de pierre
de Saint-Point (iS^i) , Graziella (1852), que lui dic-
tèrent des réminiscences personnelles ou les souvenirs du
pays natal, offrent encore de nombreuses pages dignes de
prendre rang non loin des chef-d'œuvres de sa jeunesse. On
ne saurait porter un jugement aussi favorable sur les volumi-
neuses improvisations intitulées : Trois Mois au pouvoir
(1848); Histoire de la Révolution de i848 (1849) ; His-
toire des Constituants (1 830) ; Histoire de la Restaura-
tion (1852); Histoire delà Turquie (iSU) ; Histoire de
la Russie (1855) ; celle-ci empruntée trop littéralement aux
travaux de Schnitzler à qui Lamartine donna publiquement
acte de sa protestation. De 1856 à 1867 l'auteur publia
en outre sous forme d'Entretiens mensuels un Cours de
littérature où il jugeait tour à tour, sans plan défini et
parfois avec une extrême partialité, les anciens et les mo-
dernes. A ce labeur démesuré succéda l'affaissement total de
ses facultés et il se survécut deux ans encore sans proba-
blement même avoir eu connaissance du vote de la pension
viagère que, sur le rapport de M. Emile Ollivier, le Corps
législatif lui avait décernée en 1867. Lorsqu'il s'éteigni
dans les bras de sa nièce, M^« Valentine de Cessiat de La-
martine, et de quelques amis fidèles, l'Empire voulut lui
décerner des funérailles officielles, mais, conformément à
la volonté maintes fois exprimée dû poète, ses restes furent
transportés à Saint-Point sans aucun faste. Le fauteuil de
Lamartine échut à M. Emile Ollivier dont le discours de ré-
ception, qu'il refusa de modifier, ne fut jamais prononcé.
Une statue du poète, en bronze, due à M. Falguière (1873),
a été élevée à Màcon : on ne la trouve généralement pas
très heureuse, bien que la figure fixe et noble soit assez
ressemblante; plus récemment on a inauguré à Passy une
belle statue due à M. Marquet de Vasselot. Le centenaire
de Lamartine a été célébré en 1890 à Mâcon : MM. Jules
Simon et Fr. Coppée ont prononcé des discours.
Outre d'innombrables réimpressions partielles, il y a eu
plusieurs éditions générales des œuvres de Lamartine : la
plus importante est celle qu'il entreprit lui-même (1860-
66, 61 vol. gr. in-8). Il faut y ajouter : la France par-
lementaire (1864-65, 6 vol. in-8), avec une étude de
Louis Ulbach, des Mémoires inédits [1790-1815], (1870,
in-8), sa Correspondance (1873-75, 6 vol. in-8; 2^ éd.,
4 vol. in-12); àe^ Poésies inédites {im'à,m-'^, portrait),
publiées par sa nièce, qui a légué à divers étabhssements
publics les portraits et les manuscrits du poète pieusement
conservés jusqu'à sa mort. Maurice Tourneux.
Lamartine est un de nos plus grands poètes : on peut
mettre son nom à côté de celui de Victor Hugo au xix^ siècle.
Il est, comme l'a dit avec un charme extrême M. France,
l'incarnation même de la poésie ; l'admirable effusion de
ses vers, si abondante, si mélodieuse, semble presque in-
volontaire : ils sont beaux parce qu'ils reflètent les plus
hauts sentiments, les pensées les plus délicates; le poète
ne chante que lorsque l'inspiration le presse ; sa rêverie le
domine. On ne trouve dans ses vers aucun effort de rétho-
rique ou de langue, tandis que Hugo représente le plus
génial artisan de mots et de vers de notre siècle et peut-
être de tous les siècles. L'impression produite par les
Premières Méditations fut immense ; cette poésie si
chaste, plaintive, élégante et passionnée fut une révélation,
une véritable extase : il répondait à ce besoin d'infini et
d'amour qui tourmentait les âmes après tant de malheurs
et de révolutions. Cette murmurante poésie qui ne parlait
que du ciel ou des plus innocentes amours de la terre
prit au cœur toute une génération. « Le cœur de la France,
dit Jules Janin, battit doublement au nom de Dieu et au
nom d'Elvire. » Ce fut la grande fête de la poésie :
Les secondes Médidations ne sont plus comme les pre-
mières remplis de passions mortelles ; elles s'éloignent de
la terre : c'est la poésie de toutes les âmes tendres, c'est
la plus haute philosophie du sentiment. Enfin dans les
Harmonies le poète atteint le plus haut degré d'élévation
et d'idéal. C'est la poésie qui a le mieux formulé l'infini.
« Ses vers, a dit ïh. Gautier, se déroulent avec un har-
monieux murmure comme les lames d'une mer d'Italie ou
de Grèce, roulant dans leurs volutes transparentes des
branches de laurier, des fruits d'or tombés du rivage, des
reflets de ciel, d'oiseaux ou de voiles et se brisent sur la
plage en étincelantes franges argentées. » Son génie, fait
de méditations et de rêveries, est tout personnel : il a dit
lui-même qu'en fait de bibliothèque un Tacite, un Ossian,
un Tasse, un tome dépareillé de Bernardin de Saint-Pierre
et Vlmitation de Jésus-Christ lui suffiraient.
Au plus fort de sa vie pohtique, il écrivit le suave
poème de Jocelyn^ épopée domestique pleine de bonne
humeur, de vérité simple et de charme, touchante histoire
de la passion sacrifiée au devoir ; son héros est un curé
de campagne. Après ce poème mélancolique, il a chanté
dans la Chute d^un Ange les mystérieuses époques de
l'humanité primitive. Ces deux longues élégies sont par
place admirables et dignes de son génie.
L'éloquence politique de Lamartine est digne de sa poésie,
mais la haute raison de ses magnifiques discours politiques
était trop enveloppée de poésie pour convaincre la Chambre
qu'elle ne parvenait qu'à séduire.
Les tristesses de la fin de sa vie, les humihations que
sa prodigalité passée lui valut ont nui à la réputation du
poète. Obligé de réparer les brèches faites à sa fortune
par un colossal labeur, Lamartine entassait volumes sur
volumes ; il travaillait sur commande, restant sans défense
aux mains des entrepreneurs de journaux auxquels il
vendait des mémoires, des Confidences où il révèle les
secrets de sa jeunesse et de ses premières amours, où il
intercale des commentaires d'un incommensurable orgueil
sur ses œuvres poétiques. Ses incessants besoins d'argent
l'obligèrent à solliciter le public de toutes façons, sous
forme de loteries, de souscriptions, de dotations ; il accepta
de grands domaines du sultan ; il accepta un demi-million
de l'empire. Mais il faut fermer les yeux sur les chagrins
de sa vieillesse qu'il sut mal supporter, et l'équitable avenir
rendra à Lamartine la place que les Français de 1820 lui
avaient donné dans leur cœur. Ph. B.
BiBL. : RÉVÉREND DU Mesnil, Lamartine et sa famille;
Lyon, 1869, in-8. — F. Reyssié, la Jeunesse de Lamar-
tine, 1892,in-12. — Anatole France, VElvire de Lamartine,
1893, in-16. — Chapuys-Montlaville, Lamartine, Vie pu-
blique et privée, 1843, in-8. — Eug. Pelletan, Lamartine,
sa vie et ses œuvres, 1869, in-8. —■ Ch. de Mazade, La?nar-
tine, savie littéraire etpolitique^ 1872, in-18. — Emile Olli-
vier, Lamartine, 1874, in-12. — H. db Lacretelle, Lama?'-
tine et ses amis, 1878, in-12. — E, Legouvé, Lamartine,
1876, in-8. — Cli. Alexandre, Soituenij'S de Lamarf me, 1884,
in-18. — Ch. de Pomairols, Lamartine, étude de morale et
d'esthétique, 1889, in-12, — Chamborant de Périssat, La-
martine inconnu, 1891, in-12. — Emile Deschanel, Lamar-
tine, 1893, 2 vol. in-18. —Sainte-Beuve, Premiers Lundis,
Portraits contemporains, Causeries du lundi.— F, Brune-
TiÈRE,l' Evolution de la poésie lyrique au xix«siècie,1894, 1. 1.
LA MARTIN 1ERE (Ferrierde) (V. FerrieiideLaMâr-
tinière).
LA M ARTINIÈRE (Albine Pusm de) (V. Benoît [M^«]).
LA MARTINIÈRE (Bruzen de) (V. Bruzen de La Mar-
tini ère).
LAMARTINIERE (Germain Pichault de), chirurgien
français, né en 1696, mort à Bièvres le 47 oct. 1783.
Agrégé en 1728 au collège de Saint-Côme, il servit à par-
tir de 1733 dans les armées, et en 1747, fut choisi par
«iS — LAMARTINE — LAMB
Louis XV pour être son premier chirurgien. Pendant trente-
sept ans, il remplit avec éclat ces fonctions en même temps
qu'il présida l'Académie de chirurgie. Lamartinière est
l'auteur de plus d'une réforme ; c'est lui qui, par la pu-
blication de ses Mémoires présentés au roi et son in-
fluence personnelle, réussit à délivrer la chirurgie de la
tyrannie de la faculté de médecine et à faire décréter que
le premier chirurgien devait prêter serment non plus entre
les mains du premier médecin, mais bien entre les mains
du roi ; enfin, il fit accorder de nouvelles prérogatives au
collège de Saint-Côme. * D' L. Hn.
LAMARZELLE (Gustave-Louis-Edouard de), homme
politique français, né à Vannes le 4 août 185*2, Avocat à
Paris (1874), il professa le droit international à la faculté
libre de droit. Il se présenta sur la liste monarchiste aux
élections générales dans le dép. du Morbihan et fut élu le
4 oct. 1885 par 60,279 voix sur 95,057 votants. Aux
élections du 22 sept, 1889 il fut élu dans la deuxième cir-
conscription de Lorient par 9,637 voix contre 8,349 obte-
nues par le candidat républicain, M. Trottier. Aux élections
générales de 1893, il a été battu par M. Le Coupanec, ré-
publicain, mais il a été élu sénateur du Morbihan le 22 juil.
1894.
LAMAS (Don André), publiciste américain, né à Monte-
video vers 1820. Il a rempH dans sa patrie diverses fonc-
tions administratives et diplomatiques importantes. Il a
fait des vers et de l'histoire et publié une Notice sur la
république orientale de r Uruguay,
LA M AS A (Giuseppe), patriote et général italien, né à
Palerme vers 1825. Lors du soulèvement de Païenne
(12 janv. 1848), il fut le premier à arborer les couleurs
italiennes et s'acquit une grande popularité. C'est à lui
que se rendit le château de Termini. Nommé colonel, il
reçut le commandement de la petite légion sicilienne envoyée
en Lombardie. Après la défaite, il retourna en Sicile et
prit part à la défense de Messine (septembre). Ayant fait
retraite sur Milazzo, il fut malheureusement obligé par
l'insubordination de ses troupes d'abandonner cette impor-
tante position. Pendant l'exil, il écrivit son livre Délia
Guerra insurrezionale. En 1860, il fut de ceux qui pré-
parèrent l'expédition de Sicile, même avant le consente-
ment de Garibaldi. Dans l'île, il réunit les contingents
siciliens et en prit le commandement. Sa conduite militaire,
vivement attaquée par quelques-uns de ses compagnons
d'armes, fut plus tard l'occasion de fâcheux débats à la
Chambre. La commission des grades le maintint cependant
comme major général dans l'armée régulière. Député de
Termini Imerese, il prit place à gauche. Il a publié divers
ouvrages : Memoria documentata pour sa défense, Do-
cumenti délia Rivoluzione, Alcuni Fatti, Lettera a
Ricasoli, ^ F. H.
LAMASQUÈRE. Com. du dép. de Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Saint-Lys ; 368 hab.
LAMASTRE. Ch.-l. de cant. du dép. de l'Ardèche, arr.
de Tournon, sur la rivière du Doux; 3,693 hab. Relié au
chem. de fer de la rive droite du Rhône par l'embranche-
ment de Tournon. MouUnages et filatures de soie. Grand
commerce de châtaignes et de bestiaux. Le vieux Lamastre,
où est encore aujourd'hui l'église paroissiale, s'appelait
Mansiis Cavillanus et fut donné au monastère de Saint-
Ghaffre par Geilin, premier comte de Valentinois.
LAMATH. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr.
de Lunéville, cant. de Gerbéviller; 178 hab.
LAMAYOU. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Pau, cant. de Montaner; 405 hab.
LAMAZERE. Com. du dép. du Gers, arr. et cant. de
Mirande ; 227 hab.
LAMAZIÈRE-Basse. Com. du dép. de la Corrèze, arr.
d'Ussel, cant. de Neuvic; 1,629 hab.
LAIVIAZIÈRE-Haute. Com. du dép. de la Corrèze, arr.
d'Ussel, cant. d'Eygurande; 372 hab.
LAMB, vicomtes Melbourne (V. ce nom).
LAMB — LAMBALLE
— 846
LAMB (Charles), écrivain anglais, né à Londres le
18 févr. 1775, mort le 27 déc. 1834. Elevé à Chrisf s Hospi-
tal, il s'y lia d'amitié avec Coleiidge, qui fit imprimer ses
premiers vers. Il était commis dans les bureaux de la Com-
pagnie des Indes, lorsqu'un terrible événement vint à tout
jamais empoisonner sa vie. Sa sœur, Mary-Ann^ qui, par
ses travaux d'aiguille, aidait courageusement à l'entretien de
leurs vieux parents, dans un accès de fièvre chaude tua sa
mère d'un coup de couteau, et fut, dès lors, sujette à de fré-
quentes crises d'insanité. Lamb se voua à la garde de la
pauvre fille. Romanesque et excentrique, aimant à boire et
noyant sa raison dans le premier verre, il ne faillit pas un
instant à son rôle de protecteur d'une folle. Cependant il rem-
plissait, à la satisfaction delà Compagnie, des fonctions qui
lui valurent, au bout de trente-trois ans, une pension de
retraite de plus de 10,000 fr. ; il trouvait le temps d'écrire
quantité d'essais humoristiques et moraux qui sont des
chefs-d'œuvre, et savait, par sa bonté, sa simplicité, son
désintéressement et le charme de son commerce, se faire
aimer de tout ce que l'Angleterre d'alors comptait de cœurs
généreux et d'esprits d'élite. Malgré le bégayeinent dont
il était affecté, il n'y eut jamais compagnon plus séduisant
et plus persuasif. Il en vint à donner à sa sœur, dans les
intervalles de lucidité, ses goiits et une partie de son talent
littéraire, et à eux deux, lui se chargeant des actions tra-
giques et elle des comédies, ils écrivirent le Hvre, devenu
classique, des Taies from Shakespeare. Poète ingénieux et
tendre, humoriste plutôt gai qu'amer, comme il arrive sou-
vent quand la souffrance s'attaque à un cœur généreux,
Lamb vaut surtout comme critique et comme essayist.
Les essays qu'il a publiés sous le nom d'Elia révèlent un
talent fantaisiste d'une grande originalité en même temps
qu'une vive et profonde sympathie pour tous les sentiments
humains. Ses Spécimens ofEnglish Dramatic Poets avec
notes (1808), ses études sur Hogarth et sur Shakespeare,
publiées dans le Reflector de Leigh Hunt (1811) lui assi-
gnent un rang à part dans la critique littéraire et dans la
critique d'art. Une faible partie des écrits que Lamb a
dispersés dans les revues, magazines, keepsakes et albums
du temps a été réunie (Londres, 1818,2 vol.). Une édition
complète de ses œuvres a été donnée par Purnell {Com-
plète Correspondence and Works, 1870, •'* vol.). Sa sœur
lui survécut encore plus de douze ans (1847). B.-H. G.
LAMB (George), publiciste anglais, né en 1784, mort
en 1834. Dernier fils de Peniston, vicomte Melbourne, il
partagea son existence entre la littérature et la politique.
11 siégea au Parlement, d'abord pour Westminster, où sa
belle-sœur, lady Caroline Lamb, lui assura la victoire sur
son concurrent Hobhouse, puis pour Dungarvan, dans le
comté de Waterford, et fut sous-secrétaire d'Etat à l'in-
térieur pendant que son père, lord Melbourne, était mi-
nistre (1830). Outre des essais dramatiques et des rajeu-
nissements plus ou moins heureux de Shakespeare, on a de
lui une traduction de Catulle en vers anglais, où il se
montre versificateur élégant et facile, mais assez médiocre
érudit. B.-H. G.
LAMB (Lady Caroline), femme de lettres anglaise, née
en 1785, morte en 1828. Fille de Frederick Ponsonby,
comte de Bessborough, elle passa ses premières années
en Italie, puis fut confiée à sa grand-mère, lady Spencer,
qu'elle efi'raya par ses excentricités, et épousa en 1805
William Lamb, plus tard lord Melbourne, dont elle se
sépara, après bien des incidents, en 1825. Sa liaison
avec Byron, suivie d'une rupture éclatante (I81d), lui
inspira son premier roman, Glenarvon, où le grand poète
est portraituré par une femme dépitée qui se venge. On a
encore de lady Lamb un poème : A New Canto^denx romans :
Graham Hamilton et Ada Reis, et une quantité de ro-
mances et de vers d'album, dont plusieurs ont été recueillis
par Isaac Nathan dans ses Fugitive Pièces and Réminis-
cences ofLord Byron (1829). B.-H. G.
LAMBADER. Hameau de la com. dePlouvorn (Finistère).
Eglise (mon. hist.) d'une commanderie de templiers du I
XIV® siècle, reconstruite en 1837. On en a conservé le
porche latéral et un jubé de 1481.
LAMBALAKÉ. Petit pays dans le Soudan occidental qui
faisait autrefois partie des Etats du sultan de Ségou. Le
Lambalaké est limité au N. par le Kaartaet leBakliounou,
au S. par le Bélédougou et le Fadougou. L'agglomération
principale du pays est Toumboula, à peu près à mi-chemin
de Niora et de Ségou. 11 est habité par des Soninkés, actifs
et industrieux, qui cultivent le tabac en grand et en
exportent de nombreux ballots sur les marchés du Niger.
Les blouses et les manteaux les mieux teints et les plus
durables servant aux costumes des noirs de la partie occi-
dentale du bassin du Niger proviennent du Lambalaké. Le
pays est gouverné par un chef toucouleur qui réside à
Toumboula. D'' RoumE.
LAMBALLE (Lambalium). Ch.-l. de cant. (Côtes-du-
Nord), arr. de Saint-Brieuc, sur la rive droite du Goues-
sant; 4,524 hab. Stat. du ch. de fer de Paris à Brest et
tête de ligne de l'embranchement Lison-Lamballe. Ville in-
dustrielle et commerçante. Son port est le havre de Dahouet
(V. ce mot), à 13 kil. auN. Fabriques d'étofi'es et de draps
(serges, berlinges), de chapeaux, d'engrais ; blanchisseries
de cire, tanneries, taillanderies. Commerce important de
blé et graines fourragères, de lainages, toiles, poterie com-
mune, celle-ci fabriquée dans un village voisin (4 kil.),
nommé la Poterie; miel, cire, chevaux et bestiaux ; c'est
par le havre de Dahouet que Lamballe reçoit surtout du
sel et des engrais marins, du poisson, et qu'il exporte ses
céréales, ainsi que du beurre, des œufs, de la volaille. Le
marché de grains de Lamballe a été un des premiers de
Bretagne. — Collège communal ; haras; deux hospices;
maison mère des Filles de Saint-Thomas, fondée en 1661.
Lamballe est mentionnée dès la fin du xi^ siècle. Le
château féodal, bâti à la fin du x® siècle, fut l'origine de
la ville, que bientôt on entoura de murailles et qui fut
une place forte; en 1134, la ville, qui était dans la dé-
pendance du comté de Guingamp, devint le ch.-l. de
celui de Penthièvre et le demeura jusqu'à la Révolution.
Le château, démantelé par le duc Jean V, fut reconstruit
en 1555 par le duc d'Etampes. Le comté fut érigé en
duché-pairie, en sept. 1569, par Charles IX. Le duc de
Mercœur en ayant eu possession, par sa femme, la ville
de Lamballe prit parti pour la Ligue. Elle fut, par suite,
assiégée par le prince de Bombes, mais en vain (mars 1590);
une seconde tentative en 1591 échoua encore, le brave
Lanouë, qui l'accompagnait, ayant été blessé mortellement
(4 août). César de Vendôme, devenu duc de Penthièvre,
ayant excité des troubles, Richelieu fit démanteler la place
en 1626. La seigneurie de Lamballe passa successivement
dans les mains de la princesse de Conti et du comte de Tou-
louse (1697). Le petit-fils de ce dernier porta le titre de
prince de Lamballe ; c'était l'époux de la princesse qui fut
massacrée en 1792. Comme ils ne laissèrent pas de pos-
térité, la sœur de celle-ci, femme de Philippe- Egalité, hérita
des domaines de la maison de Penthièvre. Pendant la Ré-
volution, c'est dans les environs de Lamballe que s'orga-
nisa principalement la chouannerie du département.
Il ne reste de l'ancien rempart flanqué de tours que des
débris de la tour des Chouettes et de la porte Saisit-
Martin. Sur la colline à l'E.
de la ville, Ip château a laissé
quelques dépendances, passées
par héritage dans la maison
d'Orléans; Louis-Philippe, en
1840, en abandonna une partie
à un établissement de sourds-
muets, actuellement transféré
à Billion, près de Saint-Brieuc;
l'autre partie a été achetée par
la ville de Lamballe, en 1866,
pour le collège. Là aussi se
trouve la masse imposante de V église Notre-Dame, primiti-
vement chapelle du château, érigée en collégiale en 1435,
Armes de Lamballe.
restaurée en 1857. V église Saint-Martin (1084), avec
porche et clocher du xyi*^ siècle, dépendait de Tabbaye de
Marmoutier. Eglise Saint-Jean (1420 à 1465), tour octo-
gonale du xvii^ siècle. Couvent des Augustins (1337), avec
un portail du xv^ siècle, converti en justice de paix. Les
VrsulineSy étabhes à Lamballeen 1639, ont fait reconstruire
leur couvent en 1825. — Patrie du jurisconsulte Delaporte.
Le chirurgien Jobert, dit de Lambâlle, est né à Matignon.
— Armoiries : Ecartelé, le premier et le quatrième de
gueules à trois gerbes de blé d'or^ le deuxième et le
troisième d'argent semé de mouchetures d'hermine de
sable, 3, 2 et S, Ch. Delavaud.
BiBL. : Anat. de Barthélémy, le Château de Lambâlle,
1863. — QuERNEST, Notions histor. et archéolog. sur la
ville de Lambâlle, 1887.
LAMBALLE (Marie-Thérèse-Louise de Sayoie-Cari-
GNÀN, princesse de), née à Turin le 8 sept. 1749, massacrée
à Paris le 3 sept. 1792. Quatrième fille de Louis-Victor de
Savoie-Carignan et de Christine-Henriette de Hesse-Rhinfelds-
Rothembourg, elle fut mariée à dix-sept ans au fils du duc de
Penthièvre, Louis- Alexandre-Stanislas de Bourbon, prince
de Lambâlle, qui descendait du comte de Toulouse, bâtard
légitimé de Louis XIV. Le mariage eut lieu par procuration
à Turin au mois de janv. 1767, et la jeune femme rejoi-
gnit son mari à Versailles le 5 févr. ; celui-ci, jeune homme
de vingt ans, perdu de débauches, ne subit pas Tinfluence
de sa gracieuse et douce épouse et mourut peu de mois
après, en mai 1768, des suites d'une maladie qu'il avait
communiquée à sa femme. La princesse de Lambâlle, veuve
à dix-huit ans, se retira près de son beau-père à Ram-
bouillet et l'entoura de tendres soins. Il fut question un
moment de la marier à Louis XV, après la mort de Marie-
Leczinska, mais des intrigues de cour firent échouer ce pro-
jet de M"^^ Adélaïde.
Quand le dauphin eut épousé Marie-Antoinette, la prin-
cesse de Lambâlle reparut tout à fait à la cour où l'attirait
la vive affection de Marie- Antoinette : elle fut dès lors de
toutes les fêtes. On l'a souvent représentée comme une
beauté parfaite ; mais son portrait qui figure au musée de
Versailles permet de comparer la réalité à la légende que
sa fin tragique a suscitée. Elle était mignonne, gracieuse ;
la tête fort petite, les traits fins et un peu chiffonnés, le
teint d'une blancheur éblouissante et d'admirables cheveux
blonds ; selon M"^^ de Genlis, ses mains étaient d'une taille
peu aristocratique, son caractère était doux et naïf, son es-
prit bienveillant et peu étendu : elle était toujours de l'avis
des autres et avait quelques petits ridicules à la mode : elle
s'évanouissait fréquemment, à l'odeur d'un bouquet, à la
vue d'une petite bête.
A son avènement, Louis XVI donna au duc de Penthièvre
une preuve de sa confiance en l'envoyant dans la province de
Bretagne que la dissolution des parlements avait troublée ;
M™® de Lambâlle accompagna son beau-père. A son retour,
Marie- Antoinette la nomma surintendante de sa maison,
malgré la vive jalousie des dames d'honneur et l'opposition
du roi : toutes les fêtes, les comédies se donnaient dans
l'appartement de la surintendante. Cette vive amitié de la
reine se calma peu à peu et, dès 1776, la comtesse de Po-
lignac devint la favorite et prit un ascendant déplus en plus
grand. La princesse de Lambâlle s'éloigna alors de la cour
et se retira près du duc de Penthièvre, sans se plaindre ;
elle perdit à la même époque son père et sa mère et en fut
profondément attristée. En 1778, elle accompagna en Hol-
lande M"^^ de Genlis et la duchesse de Chartres ; elle fai-
sait partie, selon la mode du jour, d'une loge maçonnique ;
en 1781, elle devint même grande maîtresse de la mère
loge écossaise d'adoption.
Cependant elle n'était pas en disgrâce ; elle avait con-
servé sa charge de surintendante et était seulement un peu
délaissée par la reine et ne paraissait à la cour que dans
les occasions solennelles. En 1785, Marie -Antoinette,
obsédée de l'avidité éhontée de la coterie des Polignac qui
la rendait si impopulaire, profondément blessée par les
grande encyclopédie. — XXI.
— 817 — LAMBALLE — LAMBARDË
pamphlets répandus contre elle dans le public, et très émue
de l'affaire scandaleuse du Collier, sentit revivre son amitié
pour la princesse de Lambâlle dont la douceur et le dévoue-
ment désintéressé lui manquaient. La princesse revint,
toujours fidèle et tendre ; la reine l'employait à tous ses
caprices, la compromettait dans toutes ses intrigues. Quand
la Révolution éclata, M""® de Lambâlle continua à témoi-
gner à la reine l'attachement le plus parfait; elle tenta
vainement de rapprocher le duc d'Orléans de la famille
royale ; lors des journées d'octobre, elle vint s'étabhr aux
Tuileries, et son salon servit à la reine d'intermédiaire pour
se ménager des membres de l'Assemblée qu'elle voullait
gagner, pour réunir ses partisans: la pauvre princesse
passait dans le peuple pour l'âme de toutes les intrigues
royales. Elle fut au courant de la fuite de Varennes, quitta
les Tuileries le 21 juin 1791 en même temps que la reine
et passa en Angleterre pour y chercher un appui ; sa mis-
sion n'eut aucun succès ; la reine voulut aussi l'envoyer
en mission près de l'empereur Léopold. M™^ de Lambâlle,
après un court séjour à Vernon, près du duc de Penthièvre
qui était malade, revint aux Tuileries en nov. 1791. Sa-
vait-elle exactement les dangers terribles auxquels elle
s'exposait? Cela n'est pas certain; cependant elle avait
rédigé son testament le 15 oct. de la même année. Elle
jouait un rôle singulier au château, chargée de la petite
police de la reine, surveillant les intimes, recevant les
amis; M"'^ Campan, dans ses Mémoires, en a laissé la
preuve. Le 10 août, la princesse de Lambâlle accompagna
la famille royale à l'Assemblée, et de là au Temple ; malgré
sa faiblesse maladive, sa fidélité ne l'abandonnait pas.
Dans la nuit du 19 au 20 août, on la fit passer à l'Hôtel
de Ville, puis on la transféra à la Force; elle était dès lors
profondément abattue, tremblante de frayeur aux bruits
du dehors, n'osant quitter son lit ; le bruit terrible des
massacres de septembre l'avait glacée d'horreur. Le 3 sept,
au matin, vers sept heures, elle fut amenée devant le tri-
bunal improvisé qui y siégeait ; la légende est ici bien
difficile à dégager de l'histoire. M™® de Lambâlle s'évanouit
deux fois pendant son interrogatoire, et il est peu probable
qu'elle ait montré la fermeté romaine qu'on s'est plu par-
fois à lui prêter. Le président du tribunal prononça la sen-
tence mortelle : « Elargissez madame ! » On conduisit
l'infortunée au dehors, dans la rue du Roi-de-Sicile. A la
vue des cadavres et des égorgeurs, elle s'évanouit encore.
Un de ces misérables la blessa à la tète en cherchant à
enlever son bonnet à la pointe d'un sabre ; un autre la
frappa violemment avec une bûche et la jeta à terre ; on
l'acheva à coups de sabre. On a raconté, Michelet en par-
ticulier, que son corps fut affreusement mutilé, déchiqueté
et souillé ; on a donné les plus horribles détails sur ce tra-
gique événement. H est probable que le récit a été exagéré;
ce que l'on sait avec certitude est déjà atroce. La tête fut
coupée et promenée sur une pique à travers les rues de
Paris; elle fut apportée jusque sous les fenêtres du Temple
pour la montrer à la reine, et devant le Palais-Royal, sous
les yeux du duc d'Orléans. On a cité beaucoup de noms
comme ceux des assassins. La preuve n'est pas faite pour
la plupart d'entre eux ; on peut citer cependant Charlat,
tambour qui fut tué peu après en Vendée; un gendarme
licencié surnommé le Grand Nicolas, et condamné pour le
crime, en 1796, à vingt ans de fers; Grizon, qui fut
guillotiné comme chauffeur en l'an V, etc. On peut con-
sulter le livre consacré en 1864 par M. de Lescure à la
princesse de Lambâlle ; c'est un livre partial et d'une cri-
tique médiocre, mais il contient un grand nombre de faits
et de détails intéressants. Ph. Beuthelot.
LAMBALLE (Jobert de) (V. Jobert de Lambâlle).
LAMBARDË (William), jurisconsulte et historien an-
glais, né en 1536, mort en 1601. Entré au barreau et
dans l'administration, il obtint de la reine Elisabeth la garde
des archives de la Tour de Londres, qu'il décrivit dans un
volume intitulé Pandecta Rotulorum, On lui doit, entre
autres ouvrages, une paraphrase du code anglo-saxon :
52
LAMBARDE — LAMBERf
- 818 —
'Apîcaiovo[jiia, sive de priscis Anglorum legibus libri
(1568, m-4); une très remarquable description historique
du comté de Kent : Perambulation of Kent (1576, in-4);
un ouvrage sur The Office ofthe Justices of Peace (1581,
in-8), et wnCommentary upon theHigh Courts of Jus-
tice in England (1635, in-8). Il a laissé beaucoup d'au-
tres écrits qui n'ont pas été publiés. B.-H. G.
LAMBART ou LAMBERT. Famille irlandaise, dont les
membres principaux sont : lord 0/i?;^r Lambart, baron de
Cavan, mort à Londres le 23 mai 1618. Soldat de fortune,
il prit part à toutes les guerres de 1580 à 1615. Il appuya
notamment le comte d'Essex dans ses combats contre le
comte de Tyrone, devint maître de camp en 1599, entra au
conseil privé en 1603 et fut créé baron en 1618. — Son fils
Charles, né en 1600, mort en 1660, prit une part active
aux débats de la Chambre des lords d'Irlande où il siégea
à partir de 163^-. Il combattit les rébellions d'Irlande, de-
vint gouverneur militaire de Dublin en 1642 et fut créé
comte en 1647.
Richard- For d-William, 7® comte de Cavan, né le
10 sept. 1763, mort à Londres le 21 nov. 1836, entra
dans l'armée en 1779, et prit part notamment à l'expédi-
tion de Cadix (1800), à celle d'Egypte (1801) où, à la tête
d'une brigade, il s'empara d'Alexandrie (2 sept.). Il prit
le commandement de toute l'armée d'Egypte après le dé-
part de lord Hutchinson. Il fut promu général en 1814.
LAMBECK (Pierre), érudit et bibliographe allemand, né
à Hambourg en 1628, mort à Vienne en 1680. Après avoir
étudié à Amsterdam, sous la direction de Vossius, il vint à
Paris en 1646 et se mit en relations avec les érudits de
l'époque, voyagea à Rome et revint en 1650 à Hambourg
où il fut nommé professeur d'histoire. Tourmenté dans
cette ville à cause de ses opinions catholiques, il la quitta,
alla abjurer le protestantisme à Rome, puis revint à Vienne
où il fut nommé historiographe de l'empereur, puis con-
servateur de sa bibliothèque, dont il passa le reste de sa
vie à faire le classement. Son ouvrage le plus important
est le Commentaria de Augusta Bibliotheca Cœsarea
Vindobonensi (Vienne, 1665-79, 8 vol.) ; cet ouvrage a
été' continué par Nesselius sous le titre de Breviariiim
et supplementum commentariorum Lambecianorum
(1690).
LAMBEL (Blas.). Pièce héraldique ressemblant à une
fasce très étroite ne touchant à aucun bord de l'écu et
garnie de pendants s'élargissant par le bas et ordinaire-
ment au nombre de trois. Il se
pose horizontalement en chef;
parfois c'est la seule pièce qui
figure sur l'écu, mais cela est
rare. Le lambel est employé gé-
néralement comme brisure par
les cadets qui en chargent les
armes pleines de leur famille.
Les anciens héraldistes préten-
dent que ce mot vient de label
désignant un nœud de ruban
que Ton attachait au casque sur
le tympan ; il pendait en arrière
et servait à distinguer les enfants
du père, car les célibataires seuls en portaient ; c'est ce qui
aurait donné plus tard l'occasion de se servir du lambel
comme brisure. Il arrive parfois que les pendants sont d'un
autre émail que la petite fasce, mais c'est une exception. Au
reste, le lambel, contrairement aux règles héraldiques,
peut être d'émail sur émail ou métal sur métal. D'azur au
lambel d'or, H. Gourdon de Genouillac.
LAMBER (Juliette) (V. Adam).
LA MB ERG (Franz-Philipp de), général autrichien, né
en 1791, mort en 1848. Il entra dans l'armée autrichienne
en 1810, combattit en Italie et on France, devint général-
major en 1535 et feld-maréchal en 1843. Grand proprié-
taire en Hongrie, il était membre de la Chambre des ma-
gnats. Quand le palatin de Hongrie, l'archiduc Etienne, quitta
Lambel,
Pest, le général Lamberg fut nommé commissaire royal en
Hongrie (25 sept. 1848) et commandant de toutes les
troupes du royaume. L'Assemblée nationale déclara cette
nomination illégale ; néanmoins le général se fendit à son
poste. Il fut assassiné par les insurgés le 28 sept.
LAIVIBERIVÎONT (Charles-Auguste, baron) , homme d'Etat
belge, né à Dion-le-Val en 1819. H prit du service en Es-
pagne dans la guerre contre les carlistes, devint aide de
camp du général Oraa, et se distingua à la bataille de la
Muela et au siège de Morella. Rentré en Belgique vers 1 840 ,
il fut attaché au département des affaires étrangères et en
devint le secrétaire général en 1859. Il prit une part con-
sidérable à tous les actes diplomatiques dans lesquels la
Belgique fut intéressée depuis un demi-siècle; nous cite-
rons notamment l'affranchissement de l'Escaut (1863) ; le
congrès des lois et usages de la guerre (1874) ; la confé-
rence de Berlin où a été réglé le partage de l'Afrique (1 885);
la conférence antiesclavagiste de Bruxelles (1890).
LAMBERSART. Corn, du dép. du Nord, arr. et cant.
(0.) de Lille; 4,050 hab. Stat. du ch. de fer du Nord,
ligne de Lille à Armentières. Hippodrome de Lille. Bras-
series, briqueterie, carreaux céramiques, filatures de coton,
teintureries, poterie, pépinières. Eghse moderne achevée
en 1894, Ancienne éghse sur le plan du Saint-Sépulcre,
à Canteleu.
LAMBERT. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. et
cant. de Digne; 70 hab.
LAMBERT (Hôtel). Maison historique, construite en
1604, pour le président Lambert deThorigny, par l'architecte
L. Levau, à Paris, à l'angle du quai d^'Anjou et de la rue
Saint-Louis-en- l'Ile; elle fut décorée par Lesueur, Le-
brun, etc. ; une partie de leurs tableaux y sont encore, le
reste a été transporté au musée du Louvre. Cet hôtel fut
possédé par le fermier général de La Haye, le marquis du
Châtelet-Laumont, Dupin, Montalivet, les Czartoryski, ha-
bité par Voltaire. — Un autre hôtel Lambert, à l'angle des
rues Richelieu et Colbert, a été annexé aux bâtiments de
la Bibliothèque nationale.
LAMBERT (Saint), évêque de Lyon, né à Thérouanne,
mort à Lyon le 14 avr. 689 ou 699. Elevé à la cour comme
neveu d'un référendaire de Clotaire HI, il la quitta pour se
retirer à l'abbaye de Saint-Wandrille, dont il devint abbé ;
il fut appelé à l'évêché de Lyon en 670 ou 682.
LAMBERT (Saint), évêque de Maastricht vers 668,
martyrisé à Liège le 17 sept. 706 ou 708. Conseiller
du roi Childéric II, il fut chassé après la mort du roi
(673) par la faction d'Ebroïn, et, privé de son évêché, il
se retira à l'abbaye de Stavelot où il demeura jusqu'à la
mort d'Ebroïn (681). Réintégré alors à Maastricht par
Pépin d'Héristal, il convertit les habitants des îles de la
Zélande. Il périt massacré dans l'oratoire des Saints-Côme-
et-Damien à Liège. On a prétendu que ses assassins étaient
des émissaires d'Alpaïde, seconde femme de Pépin, auquel
il avait reproché son divorce et son second mariage.
LAMBERT, empereur et roi d'Italie, né vers 880, mort
en oct. 898. Fils de Gui, duc do Spolète, couronné empe-
reur en 891, il fut associé à l'Empire dès cette date et
couronné en 892 ; il succéda en 894 à son père, après
sa mort. Attaqué par Arnoul, roi de Germanie, il fut
obligé de quitter Rome, puis Spolète ; mais, après son
départ, il reprit l'avantage et battit Adalbert IH, marquis
de Toscane, qui lui disputait l'Empire (898). H mourut
à la fin de la même année d'une chute de cheval dans la
forêt de Marengo.
LAMBERT (Franz), réformateur de la Hesse, né à
Avignon vers 1486, mortàFrankenberg (Hesse) le 18 avr.
1530. A quinze ans, il se fit recevoir chez les minorités
d'Avignon et, un an après, il prononça les vœux. Plus tard,
son éloquence le fit nommer prédicateur général, ce qui le
porta à étudier les Ecritures ; malgré ses réels succès, qui
excitaient la jalousie même de ses supérieurs, il n'eut « ja-
mais la conscience tranquille », comme il le raconte lui-
même. Pour se soumettre à une discipline plus rigoureuse,
- 8i9
LAMBEHt
il voulut passer dans Tordre des chartreux ; cela lui fut
refusé. Vers 4520, il lut des opuscules de Luther, y trouva
le remède à ses angoisses et s'attacha à cette nouvelle ma-
nière de comprendre le christianisme. Quand, au printemps
de 1522, on Tenvoya, quoique suspect déjà, en mission en
Allemagne, il passa par Genève, Lausanne et Berne ; à Zu-
rich, il se déclara ouvertement pour la Réforme, et prit
pendant quelque temps, par prudence, le nom de Jean Ser-
ranus. Il eut une entrevue avec Luther en janv. 1523 à
Wittenberg et se maria dans cette ville en juillet 1523;
ce fut le premier moine qui rompit ainsi pubhquement
avec son passé. Il fit ensuite un cours à l'université,
ce qui ne Fempêchait pas de vivre dans une très grande
gêne. Son ignorance de la langue allemande entravait son
activité. En mars 1524, il essaya de se fixer à Metz, mais
la persécution l'obligea à se réfugier à Strasbourg dès le
mois suivant. Enfin, en 1526, quelques amis le recomman-
dèrent à Philippe de Hesse. Il se rendit à Homberg et dé-
fendit brillamment, le 20 oct. 1526, la doctrine de la ré-
forme, mais suivant le type zwinglien plutôt que luthérien,
dans une assemblée solennelle. Il en résulta que la réforme
religieuse fut aussitôt opérée dans tout le pays, et Lambert
rédigea une discipline, Reformatio ecclesiarum Hassiœ
(dans Richter, Die evangeL Kirchenordmingen des iO.
Jahrh.^ Weimar, 1846, t. I, pp. 56 et suiv.), qui est,
sans doute. Fessai le plus intéressant du xvi® siècle de créer
une Eglise indépendante, à base démocratique, sans cesse
épurée par une rigoureuse discipline, une sorte de réalisa-
tion de l'idéal franciscain dans le cadre ordinaire de la vie
civile. Sur Favisde Luther, le landgrave modifia d'ailleurs
entièrement le projet de Lambert. Celui-ci obtint la chaire
d'Ecriture sainte à l'université de Marbourg, créée le
30 mai 1527 et mourut de la peste trois ans après, avec
toute sa famille. On trouve le catalogue de ses ouvrages,
quelques commentaires et divers écrits de circonstance, qui
n'ont jamais été réunis et qui mériteraient de l'être, dans
la monographie de Baum citée ci-dessous. F. -H. Kruger.
BiBL. : J.-W. Baum, Franz Lambert von Avignon ;
Strasbourg, 1840. —F.-St. Sïieve, De Fr. LamhertoAve-
nionensi; Breslau, 1867. — L. Ruffet, Biographie de Fr.
Lambert d'Avignon; Paris, 1873. — Ch. Dardier, dans
l'Encyclopédie des sciences religieuses; Paris, 1880, t. VIL
pp. 681-691.
LAMBERT (Marquis de Saint-Bris de), famille noble,
originaire de l'Yonne. Les plus marquants sont :
Jean, général français, né en Périgord, au château des
Escuyers le 25 sept. 1586, mort au château de Saint-Bris
(Yonne) le 23 oct. 1665. Page du roi Henri IV, il servit
d'abord en Hollande sous Maurice de Nassau (1598), puis
sous Bassompierre (1610), près duquel il servit pendant
des années; en févr. 1621, il l'accompagnait dans son
ambassade d'Espagne; il se distingua à maintes reprises,
notamment en 1627 sous La Rochelle, en 1631 pendant
la guerre contre la Savoie. En 1635, il fut nommé maré-
chal de camp et prit le commandement de Mézières et de
Charleville. Il rendit de nombreux services dans tous les
corps où il fut employé et en fut récompensé en 1644 par
l'érection en marquisat de sou château de Saint-Bris. Le
6 mai 1648, il fut nommé lieutenant général et envoyé en
Italie avec le commandement des armées de terre et de
mer. (Juand la guerre civile éclata, il refusa le bâton de
maréchal de France que lui offrait Gaston d'Orléans et resta
fidèle; peu après il se retira dans ses terres.
Henri, général français, fils du précédent, né le 3 nov.
1 631 , mort dans le duché de Luxembourg le 1®^ aotît 1686.
Il servit bravement sous Turenne, puis sous le prince de
Condé ; il se distingua spécialement dans la campagne de
Hollande, puis en Allemagne; en 1677, il fut investi du
commandement de la frontière d'Alsace. Créé lieutenant
général en 1682, il fut en 1684 nommé gouverneur du
duché de Luxembourg et mourut dans son commandement.
Anne-Thérèse de Marguenal de Courcelles, marquise
de Lambert, épouse du précédent, née à Paris en 1647,
morte à Paris en 1733. Son père mourut dans sa jeunesse.
sa mère se remaria à Bachaumont, qui fut frappé de l'es-
prit délicat et des dispositions littéraires de sa belle-fille.
Anne-Thérèse épousa, en 1666, le marquis Henri Lambert
de Saint-Bris et suivit son mari dans son gouvernement
de Luxembourg. Après sa mort (1686) elle se trouva for-
cée de soutenir de longs procès pour défendre sa fortune :
elle le fit assez habilement pour en rester maîtresse. Elle
s'étaMit dans le même temps à Paris oii son salon acquit une
grande réputation littéraire et mondaine : de 1710 à 1733,
ce fut lô^ rendez-vous de tous les beaux esprits et de la so-
ciété polie ; on y tenait bureau d'esprit. L'hôtel de la mar-
quise se trouvait à l'extrémité des bâtiments occupés main-
tenant par la Bibliothèque nationale, sur l'emplacement du
cabinet des médailles. Le mardi elle donnait un souper pour
les grands seigneurs, et le mercredi pour les gens de
lettres : le jeu qui faisait fureur à Paris était banni de
chez elle. Son salon avait, dit-on, une grande influence sur
les choix de l'Académie française. La marquise de Lambert
avait un fils et une fille qu'elle aimait tendrement, à Fédu-
cation desquels elle donna tous ses soins. C'est pour eux
qu'elle composa son Avis d'une mère à son fils et Avis
d'une mère à sa fille, ouvrages qu'elle ne voulait pas pu-
blier, mais qui parurent cependant grâce au zèle indiscret
de ses amis ; ils obtinrent un vif succès et furent maintes
fois réimprimés (1734, 1739, 1748, 1804, 1828, etc.).
Elle composa aussi un Traité de Vamitié, et des Ré-
flexions sur les femmes, sur V Amour, sur la Vieil-
lesse, etc. On lui attribue une nouvelle intitulée la Femme
ermite. L'édition de ses œuvres parue en 1808 à Paris
passe pour la plus complète (c'est du reste la reproduction
de Féditionde Lausanne de 1750).
Henri- François (connu surtout sous le nom de mar-
quis de Lambert), fils de la précédente, général français,
né le 13 sept. 1677, mort à Paris le 21 avr. 1754. H en-
tra en 1693 dans les mousquetaires du roi, fit la cam-
pagne de Flandre, passa à l'armée de Catalogne en 1697 ;
en 1700, on le trouve en Italie où il servit avec distinc-
tion ; il retourna en Egypte en 1707 et se trouva à la prise
de Lérida ; en 1710, il fut nommé maréchal de camp et en
1720 lieutenant général des armées du roi. Ph. B.
LAMBERT (Michel), musicien français, né à Vivonne en
1610, mort en 1696. Le xvii® siècle a vu naître un grand
nombre de petits chansonniers, composant des airs tendres,
des couplets à boire, etc. , et surtout portant à un haut degré
Fart de chanter et de phraser cette petite musique, de dire
ces petits vers d'un façon délicate et expressive ; on cite
Moulinier, Mollier, Dambruys, Lecamus, etc. (V. Chant).
Deux de ces maîtres à la mode eurent une véritable gloire :
Nyert, auquel La Fontaine dédia une épître, et Michel
Lambert, dit le Petit Michel ou Champigny, dont le nom,
dans les œuvres de Boileau et de La Fontaine, semble per-
sonnifier tout ce qu'il y avait de plus parfait en l'art du
chant. Dans le jargon "des précieuses, Lambert ortait le
nom de Léonte. Aucun chanteur et compositeur français ne
jouit d'une plus immense réputation, non seulement d'ar-
tiste, mais d'homme d'esprit. Lorsqu'il était fort jeune
encore, le maître de chapelle MouUnier, qui l'avait distin-
gué, le fit entrer parmi les pages de la musique de Gaston
d'Orléans, puis il fut élève de Nyert. Sa réputation com-
mença chez le cardinal de Richelieu, qui l'admit à chanter
dans ses fêtes. Lambert épousa fort jeune M^^^ Le Puys,
la fille de son cabaretier, qui avait une belle voix, et en eut
une fille, Madeleine Lambert, qui, plus tard, épousa Lully
en 1662. Vers 1642, Lambert vit venir à lui le succès qui
dura pendant près d'un demi-siècle ; on connaît les vers de
Boileau et de La Fontaine; Tallemant des Beaux à son
tour a rendu hommage au talent du Petit Michel sans
oublier ses exploits de buveur. Enfin, il fut un des maîtres
de la chapelle de Louis XIV. Lorsque Lully écrivait des
airs de ballets ou d'opéras qui, suivant la coutume du temps,
devaient être avec doubles, c.-à-d. variations et fioritures,
c'était à son beau-père qu'il confiait ce travail. Devenu
vieux, Lambert cessa de^e faire entendre chez ses élèves
LAMBERT
820
et admirateurs, mais il donna chez lui des concerts qui étaient
fort suivis. Lambert mourut en 4696 et fut inhumé, à côté
de son gendre, en l'église des Petits-Pères (aujourd'hui
Notre-Dame-des-Victoires). lia laissé un grand nombre de
recueils d'airs et des brunettes, publiés chez Ballard. Un
des plus connus date de 1666 et 1669. D'autres paru-
rent après sa mort, en 1698. On trouve beaucoup d'airs
de lui dans divers recueils de la Bibliothèque nationale et
du Conservatoire. Toute cette musique paraît aujourd'hui
un peu faible et bien surchargée, avec les ornements, les
groupes, les doubles, les ports de voix qui la surchargent,
mais on doit reconnaître en la lisant qu'elle a été écrite
pour un virtuose de premier ordre. Le goût, sûr et déhcat,
la diction spirituelle et pure, telles étaient les grandes
qualités de Lambert comme professeur et comme chanteur,
et c'est par ces qualités mêmes qu'il se rattache à la grande
école française dont il fut un des premiers maîtres.
BiBL. : J.-Ed. Bertrand, Michel Lambert, dans Gazette
musicale^ 1859. — Lavoix, le Chant, 2® partie.
LAMBERT, auteur dramatique français du xvii® siècle,
connu par deux comédies en cinq actes en vers, jouées à
l'hôtel de Bourgogne, et qui ne manquent pas de valeur :
les Sœurs jalouses (1658) ; la Magie sans magie (1668),
LAMBERT (John), célèbre parlementaire anglais, né à
Calton (Yorkshire) en 4619, mort en 1683. Etudiant en
droit, il embrassa avec ardeur la cause du Parlement et
s'engagea dans l'armée de Fairfax avec le grade de colonel.
Il se distingua àïïuU en 1643, à Nautwich en 1644, bat-
tit les royalistes à Bradford, mais battu à son tour à Mars-
ton Moor, avec l'aile droite des parlementaires, il se fraya
héroïquement une voie à travers l'armée ennemie, pour
rejoindre Cromwell et l'aile gauche victorieuse. Un des né-
gociateurs du traité de Truro (1646), Lambert devint un
personnage tout à fait important lors des différends entre
l'armée et le Parlement (1647). Il fut le porte -parole des
officiers mécontents, puis, fort habilement, apaisa les vel-
léités de rébellion. En 1648, il eut à supporter d'abord
tout l'effort de la guerre contre les Ecossais, puis, aidé par
Cromwell, il les battit àPreston, les poursuivit, s'empara
de leur général Hamilton et entra à Edimbourg. Le 22 mars
1649, il s'emparait de Pontefract. Major général de Crom-
well pendant l'expédition d'Ecosse de 1650, Lambert fut
l'auteur de la victoire de Dunbar et se distingua en divers
autres combats. Il finit par se brouiller avec Crx)mwell qui
redoutait son esprit d'intrigue et qui lui fit refuser le poste
de lord-deputy d'Irlande qu'il convoitait, puis celui de
commandeur en chef. Mais Oomwell sut lui persuader que
ce refus venait du Parlement. Aussi réclama-t-il avec in-
sistance la dissolution. Président du nouveau conseil d'Etat,
il fut l'un des plus zélés organisateurs du Protectorat et,
jusqu'en 1657, son appui le plus ferme. Il aune part pré-
pondérante à toutes les grandes affaires de politique intérieure
et extérieure (V. Cromwell), et, comme favori de l'armée,
il contre-balance presque le pouvoir de Cromwell. D'abord
ils s'entendirent à merveille, puis la question du titre de
roi à décerner au protecteur les brouilla tout à fait. Lam-
bert fit une opposition énergique et finalement se retira à
la campagne et fut privé de tous ses emplois. Un peu avant
sa mort, Cromwell essaya vainement de se réconcilier avec
lui. Elu membre du Parlement de 1659 par Pontefract et
Aldborough, Lambert, appuyé par tous les sous-officiers,
se fit rendre ses commandements. Il agit comme représen-
tant de l'armée dans la négociation qui précéda la restau-
ration du Long Parlement. Elu membre du comité de Sa-
lut public (1659), du conseil d'Etat, de la commission de
classement des officiers, il réprima la rébellion de sir George
Booth et reprit Cliester. Mais le Parlement, le soupçonnant
de traiter en sous-main avec les royalistes, lui refusa la
promotion de major général. L'armée prit sa défense, péti-
tionna en sa faveur, menaça le Parlement. C'est alors que
Monck se déclara pour l'assemblée. Lambert marcha contre
lui avec des forces supérieures, mais tergiversa et finale-
ment toute son armée l'abandonna. Il reçut d'abord l'ordre
de se retirer dans ses terres, puis fut emprisonné à la Tour.
Le 10 avr. 1660, il s'évadait, essayait de réunir des troupes
pour combattre Monck, était arrêté de nouveau et réintégré
à la Tour. La Bestauration le condamna à l'emprisonne-
ment perpétuel. Il mourut dans l'Ile de Saint-Nicolas où il
avait été interné en 1667. On a plusieurs beaux portraits
de Lambert dont l'un par Bobert Walker figure à la Na-
tional Gallery. B. S.
LAMBERT (Pierre), architecte français, né à Paris en
1646, mort à Paris en 1709. Propriétaire d'une partie des
anciens fossés et de l'emplacement de la tour et de la porte
de Nesle, sur lesquels fut édifié le collège des Quatre-Na-
tions (aujourd'hui l'Institut de France), Pierre Lambert
conduisit en 1662, avec François II d'Orbay fils sous la
direction de Louis II Levau, les travaux de construction de
cet édifice, fut admis à l'Académie royale d'architecture en
1699 et devint architecte ordinaire du roi et contrôleur
des bâtiments de Versailles, Trianon, etc. Ch. Lucas.
BiBL.: Franklin, Recherches historiques sur le collège
des Quatre- Nations ; Paris, 1886, in-8.
LAMBERT (Claude-François), littérateur français, né
à Dole en 1705, mort à Paris le 14 avr. 1765. Curé de
Saint-Etienne de Bouen, l'abbé Lambert, infatigable com-
pilateur, a laissé une vingtaine d'ouvrages dont les plus
connus sont: Mémoires et aventures d'une dame de
qualité (La Haye [Paris], 1739, 3 vol. in-12) ; Recueil
d'observations curieuses sur les mœurs, les coutumes,
les arts et les sciences des différents peuples de l'Asie^
de r Afrique et de l'Amérique (Paris, 1749, 4 vol. in-12) ;
Histoire littéraire du règne de Louis A7r(17ol, 3 vol.
in-4; trad. en allemand, 1759).
LAMBERT (George), peintre anglais, né en 1710, mort
en 1765. Elève de l'animalier Wooton et du paysagiste
Hassel. Les figures de ses paysages, dans la manière clas-
sique du Poussin, passent pour avoir été peintes parHogarth.
Il brillait plus par la composition que par la facture et a
particulièrement réussi dans les décors de théâtre. Parmi
ses œuvres dispersées ou détruites, on remarquait des vues
des Indes décorant le siège de la Compagnie dans la Cité
de Londres, démoli depuis, et un beau paysage à l'hospice
des Enfants-Trouvés. Plusieurs de ses "^tableaux ont été
gravés, et lui-même a laissé quelques médiocres eaux-fortes.
Joyeux compagnon, il avait fondé le célèbre Beefsteack Club.
LAMBERT (.Tean-Henri) , géomètre d'origine française,
né à Mulhouse le 26 août 1728, mort à Berlin le 25 sept.
1777. Fils d'un tailleur protestant que la révocation de l'édit
de Nantes avait forcé de quitter la France pour une ville
alsacienne où son culte était encore toléré, Lambert, après
avoir étudié à peu près seul, entra à dix-huit ans, comme
secrétaire, à Bâle, chez le docteur Iselin. Il y trouva une
bibliothèque qui l'aida à compléter son instruction, et ap-
pelé en 1748 à diriger l'éducation du petit-fils du comte
de Sahs, il redoubla d'ardeur pour se mettre à la hauteur
de sa mission. Il commença dès lors à se faire connaître
par des articles scientifiques, et, dans les voyages qu'il fit
à partir de 1756 avec son élève, entra en relations avec
les savants de divers pays. En 1769, il obtint un traite-
ment de professeur à ÀugsbWg et, en 1764, Frédéric H
l'attacha à l'Académie de Berlin dont il fut, jusqu'à sa mort,
un des membres les plus actifs et les plus brillants.— Lam-
bert a beaucoup écrit et sur les sujets les plus divers. Ses ou-
vrages publiés à part sont : les Propriétés remarquables de
la route de la lumière dans les airs, etc. (La Haye, 1758,
en allemand ; rééd., Berlin, 1773), travail très important qui
devait plus tard servir de point de départ à Arago ; Diefreie
Perspective, etc. (Zurich, 1759; rééd., 1774), remarquable
par le non-emploi du géométral ; P/io^om^^m (Augsbourg,
1 760) ; Insigniores orbitœ cometarumproprietates (Augs-
bourg, 1761) qui, entre autres propositions sur les coniques,
contient la formule sur la relation entre le temps employé
par un astre à parcourir un arc de son orbite, la corde de
de cet arc et les deux rayons vecteurs extrêmes, formules
dont l'énoncé est connu sous le nom de Théorème de
821 —
LAMBERT
Lambert; Cosmologische Briefe {Xugshourg, 1761), tra-
duites par Merian sous le titre de Système du monde
(Berlin, 1770), puis par d'Arquier (Amsterdam, 1801);
Beschreibung und Gebrauch der logaritkmischen Re-
chentafeln (Augshourg^ 1761 et 1772): Neuej' Organon
(Leipzig, 1763), ouvrage philosophique encore très remar-
quable sur la théorie de la connaissance ; Beitrœge zum
Gebrauche der Mathematik (Berlin, 1765, 1770, 1772,
3 vol.); Beschreibung und Gebi^auch einer neuen und
allgemeinen ekliptische Tafel (Berlin, 176-5); Anmer-
kungen ueber die Gewalt des Schiesspulvers (Dresde,
1766); Ueber die Branderschen Mikrometer (Augs-
bourg, 1769); Kurzgefasste Regeln zu perspektivischen
Zeichnungen (Augsbourg, 1768 et 1770); Zusœtze %u
den logaritkmischen und trigonomeirischen Tabellen
(Berlin, 1770); Ânlagezur Architectonik (Riga, 1771,
2 vol., suite importante du Neuer Organon); Beschrei-
bung einer mit calau'schem Wachse ausgemalten
Farbenpyramide (Berlin, 1772); Pyrometrie (posth.,
Berlin, 1779); sa correspondance {Deutscher-Gelehrter-
Briefwechsel) a été publiée en 5 vol, (Berlin, 1781-1787)
par Jean II Bernoulli. On a de plus, de Lambert, une cin-
quantaine de mémoires dans le Recueil de VAcad. de Ber-
lin^ et de nombreux articles dans V Annuaire de Bode,
VArchiv d'Hindenburg, dans le Leipziger Magazin, les
Mémoires de VAcad, de Bavière. Porté surtout vers les
applications des mathématiques, il a cependant fait faire
d'importants progrès à la théorie; les plus célèbres sont
sa démonstration de l'incommensurabilité de tt (mémoires
de 1768); sa conception de la trigonométrie hyperbolique
(1770); la série qui porte son nom (1772), et qui a été
l'objet des travaux d'Euler et de Lagrange. T.
LAMBERT (Bernard), théologien janséniste, né à Sa~
lernes (Provence) en 1738, mort à Paris en 1813. Parmi ses
nombreux écrits, quelques-uns doivent être mentionnés
comme documents intéressants pour l'histoire religieuse de
la fin du xvni® siècle et du commencement du xix®: Re-
quête des fidèles aux évêques de France (Paris, 1780,
in-8) ; Recueil de passages sur l'avènement intermé-
diaire de Jésus-Christ (Paris, 1785, in-12) ; Idée de
Vœuvre des secours selon les sentiments de ses véri-
tables défenseurs (Paris, 1786, in-8). Lambert y présente
la défense des convulsionnaires : Avis aux fidèles ou
Principes propres à diriger leurs sentiments et leur
conduite dans les circonstances présentes (Paris, 1 791 );
Avertissement aux fidèles sîir les signes qui annoncent
que tout se dispose pour le retour d'Israël et l'exécu-
tion des menaces faites aux gentils apostats (1793) ;
Devoirs du chrétien envers la puissance publique ou
Principes propres à diriger les sentiments et la conduite
des gens de bien aumilieu des révolutions qui agitent
les empires (Paris, 1793) ; Exposition des prédictions
et des vromesses faites à VEqlise pour les derniers
temps de la gentilité (Paris, 1806, 2 vol. in-12). Dans
cet ouvrage, Lambert professe les doctrines du milléna-
risme et aperçoit dans le pape l'antéchrist.
LAMBERT (Thomas-Louis-César) (V. Frondeville).
LAMBERT (John), écrivain anglais, né vers 1775, mort
après 1811. Il est connu par ses Travels trough Lower
Canada and the United States of North America
(Londres, 1810, 3 vol.) et comme l'un des principaux
promoteurs de la littérature américaine en Angleterre, no-
tamment des œuvres de Washington Irving, dont il publia
les Essaisk Londres en 1811 (2 vol. in-8), avec une longue
introduction sur les mœurs des Américains.
LAMBERT (Charles-Edouard), archéologue français, né
à Saint-Lô le 9juil. 1794, mort à Bayeux le 23juil.l870.
Conservateur de la bibliothèque de Bayeux. Parmi ses
principaux ouvrages, citons : Mémoire historique sur la
bataille de Formigny (Caen, 1824, in-8) ; Essai sur la
numismatique gauloise du N.-O. de la France (Paris,
1844, in-4); Observations sur une note relative aux
phalères et aux enseignes militaires des Romains (Caen,
1848, in-8). Il a en outre inséré dans les recueils de la
Société des Antiquaires de Normandie un grand nombre
de mémoires relatifs à l'histoire et à l'archéologie de la
Normandie et spécialement de Bayeux. M. P.
LAMBERT (Joseph), duc d'EmjTne, voyageur français,
né à Nantes vers 1820, mort à Mohely (Comores) le
22 sept. 1873. Grand négociant à l'île Maurice, il obtint
à Madagascar de vastes concessions de terrains, forêts et
mines de Hadama II, qui le nomma duc d'Emyrne et l'en-
voya en ambassade à Paris, à Londres et à Rome. Il con-
tribua grandement à l'établissement des missions françaises
à Madagascar. La révolution qui porta au trône Ranavalo
lui fut funeste. Il put cependant échapper à la mort et ren-
trer en France (1863).
LAMBERT (Eugène-Antoine), peintre français, né à
Dijon en 1824. Entré en apprentissage à l'âge de treize ans
chez un peintre décorateur de Dijon, il commença par
peindre des portes et des fenêtres, puis, venu à Paris en
1846, il (it de la décoration théâtrale successivement chez
Séchant et C^^, chez Cicéri, chez Cambon et Thierry, chez
Rubé et (Chaperon . Il commença à exposer un paysage au
Salon de 1857, et la connaissance qu'il fit plus tard, à An-
vers, de Daubigny, contribua à développer son talent dans
ce genre. Un de ses tableaux est au musée de Dijon.
LAMBERT (Louis-Eugène), peintre français, né à Paris
le 24 sept. 1825. Elève de Delacroix, puis de Delaroche,
il débuta au Salon de 1847 et s'adonna presque aussitôt
à la peinture des animaux. On peut citer de lui : Oies et
Pigeons (1849); Intérieur d'Etable (1852); Lapins
(1855); Chat et Perroquet (1857) : ce dernier tableau
fut très remarqué et dès lors Lambert se spécialisa dans
la peinture des chats, genre auquel il doit sa réputation.
Nul n'a rendu aussi bien la grâce des petits chats, leurs
jeux, leurs mines éveillées, leur câlinerie, l'air sauvage et
familier à la fois de leurs yeux verts. Nous citerons : Une
Horloge qui avance (1865); Vol avec escalade (1868);
Chatte et ses Petits (1870); l'Heure du repas (1874);
En Famille (1876), etc. Aquarelliste très distingué, il a
envoyé à l'exposition de 1878 une série d'aquarelles qui
eurent un vif succès; depuis lors il exposa surtout à la
Société des aquarellistes à laquelle il donna successive-
ment : Pendant l'office (1879); Une Famille de Chats
(1887), etc. En 1889, M.Lambert a illustré un charmant
volume de M. de Cherville : Chiens et Chats. Ph. B.
LAMBERT (Gustave), géographe français, tué à Buzen-
val le 29 janv. 1871. Ancien élève de l'Ecole polytechnique,
attaché au service d'hydrographie maritime, il fut chargé de
dresser la carte du détroit de Bering (1865). Trouvant la
glace peu résistante, il crut qu'on rencontrerait au N. du
détroit une mer libre par laquelle on pourrait gagner le pôle.
Il développa cette idée, fit ouvrir par la Société de géogra-
phie une souscription publique pour équiper son navire.
La guerre survint avant qu'il 'eût achevé ses préparatifs.
LAMBERT (Noël-Marcel), architecte et professeur d'ar-
chitecture français, né à Paris en 1847. Elève de Paccard,
puis de l'atelier André, premier grand prix d'architecture
en 1873, sur un projet de château d'eau, M. Lambert en-
voya d'Athènes en 1877 une fort belle restauration de
l'Acropole de cette ville. D'abord auditeur au conseil des
bâtiments civils et aujourd'hui (1895) architecte du château
de Versailles etdesTrianons, dont il fait restaurer les admi-
rables bassins, M. Lambert est professeur de stéréotomie à
l'Ecole des beaux-arts et a ouvert récemment un atelier
hbre d'architecture. Charles Lucas.
LAMBERT (Léon-Albert), acteur français, né à Rouen
le 23 févr. 1847. Il débuta par la sculpture; mais, en-
traîné par sa vocation, il entra au théâtre de sa ville natale.
Après la guerre, il joua en province, reparut à Rouen en
1872, puis entra à l'Ambigu-Comique. Après avoir encore
passé plusieurs années en jouant avec assez de succès sur
diverses scènes de Paris et des départements, il fut engagé
à l'Odéon en 1880 et y acquit peu à peu une situation
prépondérante. Il y a créé un grand nombre de pièces
LAMBERT — S
nouvelles et a tenu la plupart des grands rôles du réper-
toire ; citons en particulier ceux de Louis XI, Joad, Alceste,
Tartufe, Harpagon, Marat, Rodolphe, etc. Sa voix chaude
et sa diction nette le rendent sympathique. 11 a fait lui-
même représenter quelques petits actes tels qu^un à-propos
sur Corneille intitulé Une Collaboration; il est aussi
l'auteur de petites pièces de vers, dont le titre indique le
genre: Désir d'une rose^ les Fossettes^ etc. Ph. B.
LAMBERT (Albert), acteur français, fils du précèdent,
né à Rouen le 31 déc. 4865. Doué pour le dessin, il aban-
donna cependant ses études pour suivre sa vocation théâ-
trale. Prix de tragédie du Conservatoire en 1883, il débuta
à rOdéon la même année avec un vif succès dans le rôle
de Severo Torelli. Il passa deux ans après à la Comédie-
Française et débuta dans Ruy Blas; ayant fait alors une
année de service militaire, il reparut sur la scène en 1887
et joua à diverses reprises ; un de ses meilleurs rôles est
celui de Hernani qu'il joua en 1888. Il a une voix douce
et pénétrante, un accent poétique et profond fort goûtés
du public. Ph. B.
LAMBERT Bey (Charles-Joseph), ingénieur français,
né à Valenciennes le 2 mai 1804, mort le 13 févr. 1864.
Entré en 1822 à l'Ecole polytechnique et en 1824 à l'Ecole
des mines, il fit, à peine nommé ingénieur (1829), adhé-
sion au saint-simonisme, dont deux des chefs, Michel Che-
valier et Fournel, appartenaient aussi au corps des mines,
devint tout de suite l'un des plus fervents apôtres de la
religion nouvelle, collabora activement au Globe et, après
le procès de 1832, dans lequel il ne fut pas impliqué, par-
tit pour Le Caire avec le « père suprême », Enfantin
(V. ce nom). Il y vécut quelque temps de leçons de mathé-
matiques, puis entra au service de Méhémet Ah, qui le
chargea d'importants travaux et de nombreuses missions
dans la vallée du Nil, en Nubie, dans le Kordofan, et qui
lui confia finalement la direction de l'Ecole polytechnique
et de l'Observatoire du Caire. Il étudia entre temps la
question du percement de l'isthme de Suez et la signala
l'un des premiers à l'attention publique. En 1847, il re-
çut le titre de bey ; la même année, le gouvernement fran-
çais le promut ingénieur en chef des mines. Revenu à Paris
en 1851, il consacra le reste de sa vie à des recherches
scientifiques et à des études philosophiques ; une curieuse
dissertation sur la Trinité qu'il fit paraître dans la Revue
philosophique et religieuse obtint un vif succès. On a éga-
lement de lui plusieurs mémoires intéressants de géomé-
trie, d'analyse et d'astronomie insérés dans les Annales
de Gergonne, dans h?> Comptes rendus de V Académie des
sciences de Paris^ dans les Nouvelles Annales de ma-
thématiques, L. S.
LAMBERT d'Ardres, chroniqueur du xn^ siècle, curé
du lieu d'Ardres, près de Calais, en 1 1 94, issu d'une famille
alliée à celles des comtes de Guines. Il écrivit à fa demande
d'Arnoul, fils du comte Beaudouin, une Historia comitum
CMsnensium ; l'ouvrage, composé entre 1194 et 1198,
fut continué par l'auteur jusqu'en 1203. C'est une curieuse
chronique féodale, pleine de légendes et de traditions, dont
beaucoup empruntées à des ouvrages en langue vulgaire,
fort prisés à la cour de Guines, l'une des plus lettrées
du N. de la France. Les autres sources de Lambert sont
la Flandria gêner osa de Lambert de Saint-Bertin, quel-
ques vies de saints et des chartes. L'ouvrage renferme
l'histoire des comtes de Guines, celle des seigneurs d'Ardres
et enfin celle des deux seigneuries après leur réunion. Le
style est enflé, redondant et emphatique; mais, malgré ce
défaut, c'est une des meilleures chroniques chevaleresques
que nous possédions pour le N. de la France. Editée par
Ludewig (Reliqiiiœ manuscriptorum^ VIO, 369-668) et
parle marquis Godefroy de Ménilglaise (Paris, 1855, in-8),
le texte de Lambert a paru par les soins de Heller, dans
les Monumenta Germaniœ historica, Scriptores (XXÏV,
550-642) ; l'édition de M. de Ménilglaise est encore utile à
consulter pour l'annotation qui est copieuse et intéressante.
BiBL.: Ouvrages indiqués par M. i'abbé Chevalier,
Répertoire, col. 1341, et principalement les préfaces des
deux éditeurs plus haut nommés.
LAMBERT d'Aschaffenbourg (V. Lambert de Hersfeld) .
LAMBERT d'Auxerre, philosophe scolastique français
de la seconde moitié du xiii^ siècle. Les registres des
prêcheurs d'Auxerre le désignent comme Tun des plus
anciens religieux de cette maison. Il est mentionné par
Quétif et Echard (Script, ord. Prœdic, 1. 1, p. 906) et,
suivant Daunou (Hist* littér. de la France^ t. XIX,
p. 416), il aurait eu quelque réputation. Mais ces auteurs
n'ont pas connu la Somme de Lambert dont deux ma-
nuscrits ont été retrouvés par M. Hauréau à la Bibliothèque
nationale. Cet ouvrage, écrit pour les écoles, se recommande
par une division méthodique des sciences et par la clarté
des distinctions. Mais Fauteur ne s'élève point au-dessus
des questions de pure logique. Th. R.
BiBL. :B. Hauréau, Hzstoiî^e de la philos, scolast., t. II,
pp. 188-91.
LAMBERT de Hersfeld, bénédictin et historien alle-
mand, mort vers 1088. Il entra au couvent de Hersfeld
(Thuringe) le 15 mars 1058 et fut ordonné prêtre en sep-
tembre suivant à Aschaffenbourg, d'où parfois son surnom
a Scafnaburg, La même année, il partit encore pour la
Terre sainte. A son retour, il fut chargé de visiter quelques
couvents de son ordre. Il est connu surtout par ses
Annales Hersveldenses (dans les Monumenta Germa-
niœ historica, Script., t. III et V), qui débutent, comme
toutes les chroniques, du temps par la création ; mais, à par-
tir de 1040, Fauteur se montre historien de race; vers
Fan 1069, la narration devient souvent dramatique (par
exemple le récit de la fuite de Henri IV, de son séjour à
Canossa, le portrait de Mathilde, la bataille de Hohen-
bourg, etc.). Cependant le moine raconte l'histoire à son
point de vue et impute à ses personnages des pensées dont
il ne pouvait rien savoir ; il croit aussi devoir mettre dans
leur bouche des discours dont il est Fauteur. La narration
s'arrête à Fan 1077. On attribue encore à Lambert un Li-
bellus de institutione ecclesiœ Hersveldensis, dont il
ne reste que des fragments (dans les Mon, Germ. hist.,
t. V, pp. 136-141). F.-H. K.
BiBL. : W. Wattenbach , Deutschlands Geschichts-
quellen ; Berlin, 1877, t. II, pp. 78-88 et 413.
LAMBERTdeSainte-Croix (Charles-Louis-Marie), homme
politique français, né à Paris le 12 nov. 1827, mort à Paris
le 27 oct. 1889. Après s'être signalé comme journaliste
par son opposition à l'Empire, il fut envoyé, le 8 févr.
1871, par le dép. de l'Aude à l'Assemblée nationale, où il
fut un des meneurs du centre droit, contribua à la chute
de Thiers le 24 mai 1873, et soutint énergiquement le gou-
vernement de V ordre moral. Elu sénateur de l'Aude le
30 janv. 1876, il appuya le ministère de Broglie pendant
la crise du 16 mai et s'associa constamment au Luxembourg
à la politique monarchiste. N'ayant pu faire renouveler son
mandat en janv. 1885, il brigua peu après (4 oct.) un siège
à la Chambre des députés, l'obtint des électeurs des Landes,
mais vit son élection invalidée et, finalement, échoua (1 3 févr.
1886). Il continua de lutter pour la monarchie, mais il se
prononça ouvertement, à la veille de sa mort, contre le bou-
langisme. A. Debidour.
LAMBERT-de-Saint-Omer, chanoine de l'église collégiale
de Saint-Omer, mort avant 1120. Sous le titre de Liber
floridus^ il a compilé une curieuse encylopédie de toutes
les connaissances de son temps. Le ms. original est au-
jourd'hui conservé à la bibliothèque de l'université de
Gand.
LAMBERT le Bègue, prêtre liégeois du xii® siècle, mort
vers 1182. Il s'éleva avec force dans des prédications po-
pulaires contre les vices du clergé et la simonie pratiquée
par son évêque ; persécuté par celui-ci, Lambert fut sou-
tenu par le peuple, et le pape approuva ses doctrines. Vers
1179, Lambert construisit sur une de ses propriétés Féglise
de Saint-Christophe et Fentoura de petites habitations des-
tinées aux femmes qui désiraient mener une vie pieuse
sans s'astreindre aux vœux monastiques. Ce fut l'origine
— 823
LAMBERT - LAMBERTINI
des béguinages qui sont encore très nombreux aujour-
d'hui en Belgique. E. H.
BiBL. : Chapeaville, Gesta pontificum leodiensicitm ;
Liège, 1612, 3 vol. in-4, — Fisen, Historia ecclesise leo~
diensis ; Liège, 179G, 2 vol. in~foI. — Daris, Notice sur
les églises du diocèse de Liège ; Liège, 1867-93, 9 vol. in-8.
LAMBERT le Tort (en ancien français Lamberz H
Tors)^ poète français du moyen âge, un des auteurs du
poème en vers dodécasyllabiques d'Alexandre le Grand,
Nous ne savons de lui que ce qui est dit dans trois vers de
cette œuvre :
La verte de Festoire, si corn 11 rois la fist,
Uns clers de Chastiaudun, Lamberz li Tors, escrist,
Qui del latin la traist et en romans la mist.
Un mauvais manuscrit, utilisé par Fauchet au xvi« siècle,
porte Li Cors, au lieu de Li Tors, si bien que notre poète
est souvent appelé, mais à tort, Lambert le Court, Cèisàt
un clerc de Chûteaudun : nous devons nous contenter de
ce maigre renseignement biographique. Il écrivait, selon
toute vraisemblance, vers 1170, et sa part dans le roman
d'Alexandre est limitée à ce que M. Paul Meyer appelle
la troisième branche, qui comprend la poursuite et la
mort de Darius, la descente dWlexandre au fond de la mer,
l'expédition contre Porus, les merveilles do l'Inde, la se-
conde défaite et la soumission de Porus, le voyage aux
bornes d'Hercule, le duel d'Alexandre et de Porus, l'épi-
sode de la reine Candace et du duc de Palatine, la prise de
Babylone, la guerre contre les Amazones et la trahison
d'Antipater et de Divinuspater, Lambert le Tort a laissé de
côté l'enfance et les premiers exploits d'Alexandre parce
qu'ils formaient le sujet d'un poème en vers décasyllabiques,
par le clerc Simon, qu'il s'est proposé de continuer, non
de faire oublier. Mais son œuvre n'a pas été l'objet du
même respect qu'il avait témoigné à celle de son devan-
cier. Vers 1190 un autre poète, Alexandre de Bernay
(V. ce nom), remania et interpola la troisième branche:
M. Paul Meyer incline à croire que Lambert le Tort avait
poussé l'histoire d'Alexandre jusqu'au récit de sa mort, et
que la fin de son poème a été arbitrairement supprimée
pour faire place à l'œuvre soit d'Alexandre de Bernay, soit
d'un autre poète contemporain de ce dernier, Pierre de
Saint-Cloud. Ainsi l'œuvre de Lambert le Tort ne nous est
parvenue ni dans son texte authentique, ni dans son éten-
due primitive. Ant. T.
BiBL. : P. Meyer, Alexandre le Grand dans la littéra-
ture française du moyen âge ; Paris, 1886, t. II, pp. 214
et suiv.
LAM BERTERl E (Jean-Pierre-Louis de), hommepolitique
français, né à Cressensac (Lot) le 27 déc. 1809, mort le
1^^ nov. 1881. Avocat en renom du barreau de Paris, ami
de Berryer, de Dalloz, de Dufaure, il devint en 1848 chef
du cabinet de Ledru-Rollin, puis chef du personnel de
Dufaure à l'intérieur. Après un échec aux élections légis-
latives dans le Lot en 1849, il en fut élu représentant à
l'Assemblée nationale le 8 mars 1871 . Membre de la droite,
il prit une part active aux débats. Il se présenta sans succès
aux élections du 30janv. 1876 pourleSénatet du âOfévr.
1876 pour la Chambre. Il a laissé quelques écrits, entre
autres: Etudes sur le département du Lot (1856-80).
— Son fils, Paul, baron de Lambcrterie, né à Paris le
29 mai 1839, conseiller de préfecture (1850), sous-préfet
de Briançon (1865), fit la guerre franco-allemande dans les
mobilisés de la Haute-Vienne, puis occupa les sous-pré-
fectures de Confolens (1871), Fontenay-le-Comte (1874),
Paimbeuf (1876), Saintes (1877). Partisan zélé du gou-
vernement du 16 mai, il quitta l'administration après sa
chute. Elu député du Lot aux élections générales de 1885,
il siégea à droite et appuya le boulangisme. Il ne se repré-
senta pas en 1889.
LAMBERT! (Niccolè di Piero), surnommé Pela, archi-
tecte et sculpteur italien, né à Arezzo, mort après 1444.
Qu'il ait eu ou non pour maître le Siennois inconnu, Moc-
cio, dont Vasari le prétend élève, Niccolo suivit d'abord,
dans les sculptures qu'il fit à partir de 1388, pour la ca-
thédrale de Florence, la tradition d'Orcagna ; les plus
importantes sont le Prophète et le Patriarche du Cam-
panile. On sait qu'en -1400, il fut appelé à Rome par Boni-
face ÎX, pour travailler aux fortifications du château Saint-
Ange. En ^410, il modela à Bologne le tombeau du pape
Alexandre V, tout entier en terre cuite, qui se trouve
aujourd'hui dans le Campo Santo de cette ville. A part ces
deux voyages, il travailla soit à Arezzo, sa patrie, soit à
Florence. A Arezzo, il reconstruisit la façade de Satan
Maria délia Misericordia, où il sculpta Saint Laurentino
et saint Pergentino à genoux devant la Vierge, ainsi
que le pape Saint Grégoire et l'évêque Saint Donato
(1403). Ces œuvres existent encore, mais en mauvais état,
comme la Madone et le Saint Luc du palais épiscopal et
le Saint Antoine, au-dessus de la porte de l'église de ce
nom. Toutes ces dernières figures sont en terre cuite. C'est
à Florence que Niccolô Lamberti exécuta les sculptures qui
lui ont assuré une place importante dans l'histoire de l'art
au début du xv^ siècle. De 1402 à 1408, il sculpta l'enca-
drement de la porte S. de la cathédrale, la Porta délia
Mandorla; les figurines nues, imitées de l'antique, qu'il
a multipliées, ne sont pas sans doute une innovation: l'Al-
lemand Pierre venait de les prodiguer sur les linteaux de
la porte N., et on en retrouverait d'analogues, dès 1327,
sur un monument votif du transept de droite, dans l'église
Santa Croce. Mais, le premier, Niccolô retrouvait cette finesse
de modelé et cette délicatesse grecque qu'allait bientôt pos-
séder en perfection Lorenzo Ghiberti. Les deux figures de
son Annonciation, au-dessus de la porte d'Or San Mi-
chèle, sont déjà d'une élégance achevée. Enfin le Saint
Marc assis (1408-19), aujourd'hui conservé dans la tri-
bune de San Zanobi, par sa taille surhumaine et l'énergie
de sa tête, suffirait à mériter à Niccolô Lamberti le titre glo-
rieux qu'on lui a donné de « précurseur de Donatello ».
BiDL. : Vasari, éd. Milanesi, t. IL — Semper, Die Vor-
laûfer Donatello' s ; Leipzig, 1870. — Ji. Mu.ntz, Histoire
de Vart pendant la Renaissance; les Primitifs; Paris, 1889 v
LAiVIBERTl (Bonaventura), peintre italien, né à Carpi
en 1651, mort à Rome en 1721. Il se forma à Bologne,
sous la direction de Carlo Cignani, puis il travailla quelques
années à Modène. Enfin il alla ouvrir à Rome une école
qui fut très fréquentée. Ses principaux ouvrages sont dans
cette ville ; on cite une série de tableaux historiques au
Palazzo Gabriel i, un Miracle de saint François de Paule
à Santo Spirito de' Napolitani, et une Gloire sur la voûte
de SantaMaria délia Vittoria. Ottaviani a exécuté, d'après
ses dessins, des mosaïques à Saint-Pierre ,
BiRL. : PisTOLEsr, Descrizione di Roma. — Lanzi, Sto-
ria plttorica delV îlalia; Milan, t. IV.
LAMBERTI (Antonio), poète italien, né à Venise en
1757, mort à Bellune en août 1832. Ses poésies en dia-
lecte vénitien sont très goûtétes : Le Quattro Stagioni cani-
pestri e fjuaitro cittadine(YenisQ, 1802); Poesi varne
(d817, 3 vol. in-16), etc.
LAMBERTI (Luigi), helléniste italien, né à Reggio le
27 mai 1856, mort à Milan le 4 déc. 1813. Libéraf, il fut
membre du directoire de la République cisalpine, puis di-
recteur de la bibliothèque de la Brera. Ses poésies sont mé-
diocres ; son édition d'Homère {Iliade, Parme, 1808, 3 vol.
gr. in-fol.) dut sa célébrité à son luxe typographique.
LAMBERTINI (Michèle di Matteo), peintre italien, né à
Bologne, mort après 1469. Il fut élève de Lippo Dalmasio.
Il a peint des Madones pour plusieurs églises de sa ville
natale, Sant' Eligio (1426), Sant' Isaia (1448), San Mar-
tine del Carminé (1469), San Pietro, San Giacomo Mag-
giore. Il fut appelé à Vienne en 1447 pour peindre sur
la voûte de la chapelle baptismale, dans l'église San Gio-
vanni, douze compositions représentant le Symbole des
Apôtres, dont il ne reste plus que de faibles traces.
BiBL. : Vasari, éd. Milanesi, t. III, p. 18. — Malvasta,
Felsina pitirice; Bologne, 1678, t. I. — Crowe et Caval-
casJ':llk, Geschichte der italienischen Malerei ; Leipzicc,
1870, t. III, in-8.
LAMBERTINI (Prospero), pape (V. Benoit XIV).
LAMBERVILIJ: — LAMBINET
824 —
LAMBERVILLE. Corn, du dép. de la Manche, arr. de
Saint-Lô, cant. de Torigny ; 382 hab.
LAMBERVILLE. Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Dieppe, cant. de Bacque ville ; 269 hab.
LAMBESC. Ch.-l. de cant. du dép. des Bouches-du-
Rhône, arr. d'Aix; 2,410 hab. Fabriques importantes
d'huiles d'olive et de conserves alimentaires. Antique em-
porium, qui fut en même temps un marché et une forte-
resse. — Lambesc devint une place importante au moyen
âge et fut érigée en principauté en faveur d'une branche
cadette de la maison de Lorraine. Les assemblées générales
des communautés qui, à partir de 1639, remplacèrent les
Etats de Provence, se réunissaient à Lambesc. J. M.
LAMBESC (Charles-Eugène de Lorraine, prince de)
(V. Elbeuf).
LAMBÈSE ou LAMBESSA. Colonie agricole fondée en
1848, à 11 kil. S.-E. de Batna, dans le dép. de Conslan-
tine ; 1,458 hab. Ce village, auprès duquel se trouve au-
jourd'hui une maison centrale de détention, a été bâti sur
l'emplacement de l'ancien municipe de Lambsesis, ville qui
s'éleva au ii® siècle de notre ère à proximité du quartier
général de la légion lïl^ Auguste. Succédant comme camp
permanent à celui de Tebessa, Lambaesis devint sous le
règne de l'empereur Adrien un des établissements mili-
taires les plus importants de l'Afrique septentrionale, et les
restes qu'on en a presque entièrement retrouvés ont per-
mis de reconstituer dans la plupart de ses moindres détails
la forme que donnaient les Romains aux campements per-
manents de leurs troupes légionnaires. C'est surtout à ce
point de vue que les ruines de Lambsesis ont une très
grande importance, car elles permettent de résoudre un
grand nombre de questions d'archéologie militaire. Les
restes les plus remarquables sont : le praetorium, l'arc de
Maxime Sévère, le capitole, le temple d'Esculape et d'Hygée,
les deux forums et les thermes. Plus de deux mille ms-
criptions, dont quelques-unes fort importantes, ont été rele-
vées, tant dans le camp que dans la ville.
BiBL. : Gagnât, Lambèse ; Paris, 1893.
LAMBETH. Paroisse d'Angleterre, comté de Surrey, à
l'extrémité 0. de Londres (V. ce mot). Elle tient une
place assez importante dans l'histoire de l'Angleterre, à
cause du château ou palais qu'y possédait l'archevêque de
Canterbury.
Articles de Lambeth. — On désigne sous ce nom
des définitions dogmatiques, présentées en 1598, par le
professeur Whitaker, à l'archevêque John Whitgift, en son
château de Lambeth. Elles furent approuvées et commu-
niquées par lui à l'université de Cambridge. Ces proposi-
tions formulaient, en ses termes les plus rigides, la doc-
trine des supralapsaires (V. Arminianisme, t. IIl, p. 1053,
col. 1). La reine Elisabeth en ordonna le retrait. En 1606,
une nouvelle tentative fut faite, sans plus de succès, pour
les adjoindre aux XXXIX articles de l'Eglise anglicane.
LAMBÉZELLEC. Com. du dép. du Finistère, arr. et
cant. de Brest, dont elle forme un faubourg industriel ;
16,084 hab. Stat. des ch de fer départementaux de Brest
à Ploudalmézeau et de Brest à Lannilis. Fonderie de fer,
scieries, tanneries, brasserie, corderie; fabriques d'eaux
gazeuses, de toiles cirées, de papier, savon, etc. ; brique-
terie, marbreries, etc. ; carrières; culture maraîchère. Eta-
blissements de la marine : casernes (à Pontanézen) ; han-
gars, buanderie (à l'anse Saupin). Couvent des carmélites;
asile Saint-Raphaël, sorte de colonie agricole. Belle église
moderne (de Saint-Laurent). C. Del.
LAMB ILLOTTE (Le Père Louis), jésuite et musicien, né
près de Charleroi en 1T91, mort à Vaugirard en 1855.
Lambillotte avait d'abord appris la musique lorsqu'il fut
appelé à Saint-Acheul chez les jésuites pour y remplir les
fonctions de maître de chapelle. Il se fit affilier à l'ordre et
fut ordonné prêtre vers 1827 ; ce ne fut qu'en 1842 qu'il
s'occupa de plain-chant . Il voulut alors prendre part au
grand mouvement historique qui tendait vers cette époque
à rendre au chant sacré la pureté des premiers temps.
L'érudition du père Lambillotte n'était pas suffisante pour
s'engager dans des travaux si délicats ; aussi commit-il de
nombreuses erreurs qui donnèrent naissance à d'ardentes
polémiques. Cependant, dans ses ouvrages comme h Publi-
cation du fac-similé de rantiphonaire de Saint-Gall
en 1851, on trouve en dehors de théories douteuses d'ex-
cellents renseignements sur le chant sacré. Comme érudit
et polémiste, le père Lambillotte fit grand bruit en son
temps, et si les travaux de Coussemaker, de Th. Nisard, etc.,
ont fait oublier ses ouvrages, il a droit cependant à une
place dans l'histoire du chant rehgieux. Dans le public, il
fut connu surtout par un nombre prodigieux de cantiques
qui furent chantés dans toutes les églises, à tous les caté-
chismes et dans tous les pensionnats. Les uns étaient de son
invention, d'autres consistaient en arrangements de ro-
mances et d'airs d'opéras. La musique du père Lambillotte
est encore chantée dans le monde entier, mais elle n'en est
pas meilleure pour cela. Vulgaire, molle, commune, sans
aucun caractère religieux, elle n'a pas peu contribué à ré-
pandre en France le mauvais goût musical qui règne dans
la plupart de nos églises en province. Louis Lambillotte
avait deux frères, François et Joseph, qui furent comme lui
prêtres et musiciens.
BiBL. : Mathieu de Monter, Louis Lambillotte et ses
frères; Paris, 1871, in-8.
LAMBIN (Denys), philologue français, né à Montreuil-
sur-Mer en 1516, mort à' Paris en 1572. Professeur
d'élocjuence (1560), puis de grec (1561) au Collège royal,
il jouit au xvi^ siècle d'une véritable célébrité. Il mourut
de l'épouvante que lui causèrent les massacres de la Saint-
Barthélémy, Citons parmi ses travaux, qui sont encore con-
sultés aujourd'hui, ses éditions savantes à'Horace (Lyon,
1561, in-4, plus, éd.); de Lucrèce (Paris, 1564, in-l);
de Plaute (Paris, 1577, in-tbl.); Oratio de recta pro-
nunciatione linguœ Grœcœ (Paris, 1568) ; Commentarii
in Cornelium Nepotem (1569, in-i); une édition des Ha-
rangues de Démosthène (1570, in-fol.) ; des travaux sur
Cicéron et une Vie de Cicéron (en latin ; Cologne, 1578,
in-8), etc.
LAMBIN (Jean- Jacques), historien belge, né à Ypres en
1765, mort à Ypres en 1841. Il devint archiviste de sa
ville natale et publia de nombreux ouvrages pleins d'inté-
rêt pour l'histoire de la Flandre. En voici les principaux :
Etudes sur le règne de Philippe d'Alsace (en flamand;
Ypres, 1815, in-8) ; le Siège d' Ypres en iS8S (id., 1826,
in-8) ; Esquisses historiques sur les châtelains et vi-
comtes d'Y près {id., 1838, in-8); Chronique et généa-
logie des princes flamands de 863 à i436 par Jean de
Dixmude {id., 1839, in-8).
LA M B I N ET (Pierre) , bibliographe français, né à Tournes,
près de Mézières, le 22 oct. 1742, mort à Charleville le
10 déc. 1813. Il entra en 1765 dans l'ordre des prémon-
trés, puis en sortit avec l'autorisation du pape. lia publié :
Origine de l'imprimerie (Paris, 1810, 2 vol. in-8), une
édition de l'Imitation de Jésus-Christ (1811), d'après
Beauzée, etc.
LAMBIN ET (Emile-Charles), peintre français, né à Ver-
sailles en 1816, mort à Bougival le 30 déc. 1877. Il
étudia la peinture dans sa ville natale, avec les conseils
de Boisselier, puis, étant venu à Paris, il se perfectionna
d'abord sous Drolling et ensuite sous Horace Vernet
auquel il s'attacha plus particulièrement. Quand, en 1845,
notre grand peintre militaire fit en Algérie ce voyage où
il recueillit les sujets de tant de grandes œuvres, M.Lam-
binet l'accompagna et, lui qui n'avait exposé jusqu'alors que
des paysages de France {Vue de Sentis, 1833; Site du
Dauphiné, 1837 ; Vallée de Chevreuse, 1833), rapporta
de notre nouvelle colonie son tableau le Cimetière des pal-
miers nains qui figura au Salon de 1846. Depuis, se con-
sacrant toujours au paysage, il voyagea un peu en Angle-
terre et en Hollande, mais c'est surtout en Normandie,
dans le Maine et sur les bords de la Seine qu'il vint de
préférence choisir les sujets de ses toiles. G. A.
825 -
LAMBLARDIE — LAMBRÏOK
LAMBLARDIE (Jacques-Elie), ingénieur français, né à
Loches en 1747, mort à Paris le 26 déc. 1797. Il appar-
tenait au corps des ponts et chaussées dont il fut une des
illustrations. Dès le début de sa carrière, il fit en Normandie
ses célèbres observations sur le mouvement des galets; on
lui doit les écluses de chasse de Dieppe et du Tréport et
surtout la conception et en partie Texécution des ouvrages
qui ont fait du Havre l'un des grands ports de commerce
de FEurope. L'esprit inventif de Lamblardie ne pouvait
rester indifférent au problème de l'estuaire de la Seine ;
aussi rédigea-t-il des rapports sur ramélioration de la Seine
maritime, mais son intervention n'a pas eu de ce côté des
conséquences importantes. Le Journal des mines a publié
un rapport de Lamblardie sur la navigation de la Somme.
Mais il faut surtout citer son Mémoire, imprimé en 1789,
Sur les Côtes de la Haute-Normandie^ dont on trouvera
un extrait dans la Seine maritime et son estuaire, par
Lavoinne, ouvrage publié en 1885 par V Encyclopédie des
travaux publics. Ce mémoire est encore souvent cité et
suffirait pour sauver de l'oubli le nom de son auteur. —
Lamblardie a été directeur de l'Ecole des ponts et chaus-
sées, organisa l'enseignement de l'Ecole polytechnique et
en fut le premier directeur. On conserve son portrait dans ces
deux écoles, et celle des ponts et chaussées possède aussi
son buste. — Son fils, inspecteur général des travaux ma-
ritimes, est mort en 1840, à un âge peu avancé. M.-C. L.
LAMBLORE.Com. dudép. d'Eure-et-Loir, arr.de Dreux,
cant. de La Ferté-Yidame ; 289 hab.
LAMBOURDE. L Construction. — Poutre appliquée à
un mur ou à une poutre maîtresse, et dans laquelle viennent
s'assembler les solives d'un plancher. Les charpentiers du
moyen âge ont fait grand usage de lambourdes dans la cons-
truction de leurs planchers, dont la membrure était entière-
ment apparente (V. Plancher). Les lambourdes appliquées
à une poutre maîtresse y étaient fixées par des ferrures
(chevilles, boulons à clavettes ou étriers). Celles qui s'ap-
pliquaient au mur étaient portées sur une série de corbeaux,
généralement plus petits que ceux qui soulageaient les ex-
trémités des maîtresses poutres. Les constructeurs du moyen
âge cherchaient en etfet toujours à éviter d'engager dans la
maçonnerie les bois qui s'y échauffent et ne tardent pas à y
pourrir. C'est ce principe qui justifie l'existence de la lam-
bourde elle-même et des corbeaux qui la soutiennent. C. E.
IL Arboriculture. — Les lambourdes sont des rameaux
courts et gros du poirier et du pommier, portant de nom-
breuses feuilles et ridés transversalement. Les lambourdes
naissent naturellement sur les arbres ou bien elles sont
produites par la taille. Elles se couvrent de boutons à fleurs
et de fruits. G. B.
LAMBOY (Guillaume, comte do), homme de guerre
belge, né à Cortessem vers 1600, mort à Arnow, en Bo-
hème, en 16o6. Il entra dans l'armée impériale et se dis-
tingua à la bataille de Lutzen en 1632, puis en 1634 au
blocus de Hanau, et en 1635 à Sachsenhausen. En 1636,
il força Condé à lever le siège de Dole. Devenu général,
il défit en 1641 le maréchal de Châtillon à La Marfée-lez-
Sedan, mais, l'année suivante, il fut battu et fait prison-
nier à Hulst par Guébriant. Rendu à la liberté en 1644,
Lamboy reprit aux Français Condé, Armentières et Mar-
dyck. Sa valeur fut récompensée par les titres de feld-
maréchal et de comte de l'Empire. E. H.
BiBL. : Barthold, Geschichle des grossea Deutschen
Krieges ; Stuttgart, 1842-43, 2 vol. in-8. — Rahlenbeck,
Biogr. de Lamboy, dans la Biogr. aat. de Belgique.
LAM BRECHT (Félix-Edmond-Hyacinthe), homme poli-
tique français, né à Douai le 4 avr. 1819, mort à Ver-
sailles le 8 oct. 1871. Elève de l'Ecole polytechnique
(1838), il fit une carrière brillante dans les ponts et
chaussées, et, après avoir rempli diverses missions en Al-
gérie, en Angleterre, aux Indes, il s'occupa de gérer ses
propriétés dans le Nord. Elu député de ce département le
l^r juin 1863, il fut membre du tiers parti et se lia par-
ticulièrement avec Thiers. Non réélu en 1869, il devint
représentant du Nord à l'Assemblée nationale le 8 févr.
1871. Il siégea au centre gauche. Le 19 févr. 1871, il
recevait le portefeuille de l'agriculture et du commerce
dans le cabinet Dufaure et bientôt (5 juin) remplaçait
E. Picard à l'intérieur. Il était déjà fort souffrant et il
mourut, en fonctions, de la rupture d'un anévrysme. Il fut
inhumé aux frais de l'Etat.
LA M B R EC HTS (Charles-Joseph-Mathieu, comte) , homme
d'Etat français, né à Saint-Trond en 1753, mort à Paris en
1823. Il devint professeur de droit canon à l'université de
Louvain en 178'2, et défendit énergiquement les idées ré-
formatrices de Joseph IL Après l'annexion de la Belgique à
la France, il fut élu président de l'administration centrale
du département de la Dyle, et, en 1797, il succéda à
Merlin de Douai dans le poste de ministre de la justice ; il
se distingua dans ces hautes fonctions par son activité et
son intégrité. Le mauvais état de sa santé le contraignit à
déposer son portefeuille en 1799. Il entra au Sénat et y
siégea dans la minorité indépendante ; il vota contre l'élé-
vation du premier consul à l'Empire. En 1814, il vota la
déchéance de Napoléon et rédigea la constitution qui fut
adoptée par le Sénat. En 1819, les électeurs delà Seine-
Inférieure et ceux du Bas-Rhin l'élurent simultanément
député. Il siégea à la Chambre jusqu'à sa mort et prit une
part brillante aux discussions parlementaires.
Asile Lambrechts. — Cet asile, situé rue de Colombes,
àCourbevoie, a été créé, par testament du comte Lambrechts,
« en faveur des personnes de la religion protestante, soit
de l'Eglise chrétienne de la confession d'Augsbourg, soit de
l'église chrétienne réformée ». L'asile Lambrechts est des-
tiné à recevoir les aveugles indigents des deux sexes,
atteints de cécité complète, âgés de 30 ans ; les vieillards
indigents des deux sexes, âgés de 70 ans au moins ; les
personnes atteintes d'infirmités qui les rendent incapables
de tout travail, âgés de 50 ans au moins pour les femmes,
et de 55 ans au moins pour les hommes; et enfin les orphe-
lins du sexe masculin, âgés de 7 ans au moins et de 13 ans
au plus. En 1889, l'asile comptait une population de 1 10 ma-
lades : 40 adultes des deux sexes, 70 enfants (garçons).
LAMBREQUIN (Art herald.). Ornements composés de
festons d'étoffe qui sortent de derrière le casque et parais-
sent se dérouler de chaque côté de l'écu ; ils dérivent des
chaperons qui se portaient autrefois sur les casques ; ils en-
veloppaient la tête du cavalier et flottaient sur ses épaules.
Nos soldats guerroyant en Afrique et dans les contrées chaudes
portent encore des pièces d'étoffe analogues. Les anciens
héraldistes les nomment capelines; découpés, ils deviennent
lambrequins. Les peintres héraldistes les font ressembler
à des feuilles d'acanthe. Le fond et le gros des lambre-
quins en feuilles déroulées doivent être du même émail que
le champ de l'écu, et les bords et les extrémités des feuilles
se composent des émaux des pièces qui figurent dans l'écu ;
c'est la seule règle héraldique à suivre. Les lambrequins,
qui étaient jadis considérés comme signe de bravoure, sont
devenus un des plus gracieux ornements des armoiries en
France et en Allemagne, où ils sont d'un usage plus fréquent
que dans les autres nations. Gourdon de^Genouillac.
LAMBRES. Com. du dép. du Nord, arr. et cant. (0.) de
Douai; 1,499 hab, Stat. du chem. de fer du Nord, ligne
de Douai à Arras. Sucreries et distilleries de betteraves.
LAMBRES. Com. du dép. du Pas-de-Calais, arr. de Bé-
thune, cant. de Norrent-Fontes ; 609 hab.
LAMBREY {Lambriacus) . Com. du dép. de la Haute-
Saône, arr. de Vesoul, cant. de Combeaufontaine ; 212 hab.
Traces de voie romaine. Eglise du xviii® siècle (dalle tu-
mulaire du xiii® siècle, à personnage). Ce village a donné son
nom à une importante famille de chevalerie franc-com-
toise, qui s'éteignit en 1542, et dont les domaines pas-
sèrent à cette date aux de Saint-Mauris. Le château, dont
on voit encore les ruines, fut assiégé et pris par Pierre de
Craonen 1476. L-x.
LAMBRIOR (Alexandre), philologue roumain, né à Soci
le 10 sept. 1846, mort le 20 sept. 1883. Il compléta ses
LâMBRÏOR — LAME
— 826 —
études à Paris et occupa des fonctions dans l'enseignement.
Bien que son activité scientifique, interrompue par une
mort prématurée, se ])orne à la publication d'un excellent
Livre de lecture en caractères cyriliques (Jassy, 4882)
et à des articles publiés dans la Romania de Paris, dans
les Entretiens littéraires et la Revue d'histoire, d'ar-
chéologie et de philologie, elle suffit pour lui assigner
une des premières places dans la littérature philologique
du pays et un rang honorable parmi les romanistes.
BiBL. : Gr. Tocilescu, dans la Revue dhist., d'arch. et
dephiloL, III. — Entretiens littéraires, XXVII.
LAMBRIS (V. BoiSERŒ, t. VU, p. 437).
Lambris d'appui (V. Appui).
LAMBRO. Riv. d'Italie, affl. de la r. g. du Pô. Il a sa
source dans la Rrianza, pays montueux couvert de bois
et de pâturages qui forme la presqu'île entre les deux
pointes méridionales du lac de Corne. Il y reçoit les eaux
des petits lacs d'Algerio et de Pusiano;\[ coule vers le
S.-S.-E., arrose Monza, passe à 5 kil. à TE. de Milan, à
Melegnano (victoires de François P^ [Marignan, 4545J et
des Français sur les Autrichiens [4859]); il est grossi à
droite de l'Olona et du Lambro méridional. Il tombe dans
le Pô à Corte SanV Andréa, après un cours de 420 kil.
LAMBRON DE LiGNiM (Henri), érudit français, né à
Tours en 4799, mort à Tours en 4863. Il a laissé, outre
des publications héraldiques, un certain nombre d'ouvrages
historiques dont les principaux sont : Procès-verbal des
séances de V ordre de la noblesse du bailliage de Tou-
raine (Tours, 4884, in-8) ; Touraine, Mélanges histo-
riques, Joutes et Tournois (48S5-62, 40 vol. in-8);
Armoriai des archevêques de Tours (4854, in-8); Id.
des maires de Tours (4867, in-4) ; Id, des mailles
d'Angers (4845, in-4).
LAMBRUISSE. Com, dudép. des Basses-Alpes, arr. de
Digne, cant. de Barrême ; 489 hab.
IaMBRUS (Zool.) (V. Pârthénopides).
LAMBRUSCHINI (Luigi), cardmal et secrétaire d'Etat
italien, né à Sestri Levante, près de Gênes, le 46 mai 4776,
mort à Rome le 42 mai 4854. Entré dans l'ordre des
barnabites, dont il fut général, secrétaire du cardinal Con-
salvi qu'il accompagna au congrès de Vienne, évêque de
Sabine, puis archevêque de Gênes (27 sept. 4849), nonce
à Paris (1823), il fut fait cardinal par Grégoire XVI
(30 sept. 4834). Celui-ci, sur les conseils de l'Autriche,
le prit pour secrétaire d'Etat (4836). Il lui laissa l'entier
exercice du pouvoir. Tous les actes du cardinal Lambrus-
chini furent inspirés par l'absolutisme et le fanatisme.
Lors du conclave de juin 4846, il réunit le plus de voix
au premier tour de scrutin, mais l'entente de ses adver-
saires se fit sur le nom du cardinal Mastaï Ferretti, qui
fut Pie IX. Sous le nouveau règne, il fut secrétaire des
brefs pontificaux. En 4848, il suivit le pape à Gaëte. Le
cardinal Lambruschini a publié des Opère spiriluaJi (Kome,
4836, 3 vol.) et un opuscule Suirimmacolato Concepi-
mento di Maria (4843). F. H.
LAMBRUSCHINI (L'abbé Raffaele), agronome, péda-
gogue et homme poU tique itahen, né à Gênes le 44 août
4788, mort à Figline, près de Florence, le 8 mars 4873.
Elevé dans la maison paternelle, il alla à Rome en 4805
pour faire ses études ecclésiastiques. Il avait deux oncles
dans le haut clergé, l'un, Luigi, qui devint cardinal et se-
crétaire d'Etat (V. ci-dessus), l'autre, Giambattista, qui
était évêque d'Orvieto. Reçu prêtre, il se rendit auprès de
ce dernier ; mais, suspect de hbéralisme, il dut émigrer
pendant quelque temps en Corse (4842). En 4846, pour évi-
ter la réaction romaine, il s'établit en Toscane. Retiré dans
une villa à Figline, il s'y occupa de sciences naturelles,
d'agriculture et d'économie politique. Il collabora à VAnto-
logiaitalia7iadeykusse\ix, et fonda le Gior^a/^ agrari-
toscano (4827). A partir de 4 830, il se consacra tout entier
à la cause de l'éducation . Il dirigea une école créée par
lui, et publia, de 4836 à 4844, la Guida deWeducatore.
En 4848, il fut un des principaux rédacteurs du journal
politique La Pafrm. Nommé député à l'Assemblée toscane,
il siégea parmi les libéraux modérés. Au retour du grand-
duc, ' il se retira de nouveau à la campagne et reprit ses
études. Archiconsul de l'Académie de la' Crw5ca, il était
en même temps un des membres les plus actifs de celle
des Georgofili. Lors de l'annexion de la Toscane, Victor-
Emmanuel le fit sénateur (23 mars 4860). De 4868 à
4869, il professa à l'Institut des études supérieures de
Florence. L'abbé Lambruschini, qui sut concilier les de-
voirs du prêtre avec ceux du patriote, était vénéré de tous
les partis. Entre autres nombreux ouvrages, on a de lui :
Letture per i fanciulli, Letture giovdnili, DeW Edu-
cazione (4849); Dell'Istruzione (Florence, 4874) ;
Elogi e biogràfte raccolte (Florence, 4873). F. H.
LAMBTON (John-George), comte de Durham, homme
d'Etat anglais, né à Londres le 42 avr. 4792, mort à
Cowes le 28 juil. 4840. Elève d'Eton, il servit dans l'ar-
mée pendant un an. En 4843 il était élu membre de la
Chambre des communes par le comté de Durham qu'il
représenta jusqu'à son entrée à la Chambre des lords.
Libéral avancé, il eut en 4820 un duel avec Beaumont à
la suite d'une polémique électorale. Il attaquait le gouver-
nement avec une ardeur passionnée qui mit en péril sa
santé assez précaire. Créé baron Durham en 4828, il entra
à la Chambre des lords et devint en 4830 lord du sceau
privé dans le cabinet Grey. Il fut chargé avec John Russell,
James Graham et lord Duncannon de la préparation du
premier bill de réforme parlementaire qu'il défendit avec
éloquence à la Chambre haute. Il eut alors quelques diffi-
cultés avec ses collègues, car il voulait qu'on fît bon gré
mal gré adopter le bill en procédant à une vaste fournée
de pairs, et il partit en ambassade à Saint-Pétersbourg,
puis à Berlin et à Vienne (4832). Finalement, dégoûté
de la politique peu nette du cabinet, il démissionna
(44 mars 4833). Il fut alors créé vicomte Lambton et
comte de Durham (23 mars). En 1834, il eut une polé-
mique extrêmement vive avec Brougham qui avait attaqué
les radicaux et, après avoir vainement essayé de se faire
élire leader du parti whig, il obtint l'ambassade de Saint-
Pétersbourg (4835-37). "En 4838, il fut envoyé comme
gouverneur général au Canada, où il se montra tellement
cassant et autoritaire qu'ayant été abandonné par le gou-
venement qui blâma ses procédés en pleine Chambre, il dut
donner sa démission. Il revint à Londres et publia ce
fameux Report on the affairs on British North America
(Londres, d839, in-8) qui inspira la politique de tous ses
successeurs, mais qui est en réalité l'œuvre de son secré-
taire Charles Buller. Energique, ambitieux, habile, Durham
eût été un homme d'Etat de premier ordre, si son outre-
cuidance, son manque de tact, son excessive irritabilité,
conséquence de sa mauvaise santé, ne lui avaient aliéné
tout le monde. On a un beau portrait de lui, par Thomas
Lawrence. R. S.
BiBL. : Reid, Sketch of the politicalcareerof the earlof
Durham ; Glasgow, 1835, in-12.— Greville, Memoirs^ I et II.
LAME. ï. Technologie. — Nom de toute espèce de
bande plate, étroite et mince, et particulièrement des bandes
de métal qu'on obtient par le laminage. L'or et l'argent bat-
tus en fils aplatis, qu'on emploie pour la fabrication des ga-
lons et de quelques étoffes, porte aussi le nom de lames. Les
lames proprement dites constituent le fer de certaines armes
ou instruments destinés à couper, à raser, à trancher, etc.,
et que l'on fait en acier pur, ou en fer et acier, en or, en
argent. Dans les métiers à tisser, les lames sont des or-
ganes au moyen desquels on produit le mouvement des fils
de la chaîne qui passent ensemble sur ou sous les duites
formées par la trame. Chaque lame est formée par deux
baguettes en bois, nommées liais, lisserons ou lamettes,
entre lesquelles sont tendues des mailles en fil de coton,
de soie, de laine ou de métal, et dans lesquelles sont pas-
sés les fils de la chaîne qui doivent avoir les mêmes mou-
vements par rapport aux duites successives. Le métier est
muni d'autant de lames que l'armure du tissu comporte de
- mi ^
LAME — LAME
fils différents dans la chaîne, et l'ensemble de ces lames
forme le harnais, ou harnat, ou remisse. Les lames sont
souvent aussi nommées lisses. Lorsque leur nombre devient
trop considérable, on en abandonne l'usage pour avoir re-
cours aux maillons des mécaniques Jacquard. L. K.
II. Art militaire. — Partie tranchante des armes
blanches, telles que sabre, épée, baïonnette, poignard, etc.
Les principales conditions qui peuvent influer sur la valeur
de la lame sont : 4° La forme de la lame qui, dans les
armes tranchantes, doit être inclinée par rapport à l'avant-
bras. En effet, une lame agissant normalement sur un corps
fibreux rencontre une résistance considérable à la péné-
tration, parce que chaque fibre attaquée est soutenue par
celle qui est immédiatement sous elle, celle-ci par la sui-
vante et ainsi de suite. Au contraire, lorsque la lame se
présente obliquement, les fibres ne se soutenant plus mu-
tuellement sont coupées successivement par le tranchant. On
arrive au résultat en donnant à l'arête un tracé curviligne.
Pour les armes d'estoc, dans lesquelles l'arête est beau-
coup diminuée, la forme droite est celle qui convient le
mieux, parce que l'effort dirigé normalement à la résis-
tance concourt entièrement à la pénétration de la pointe
dans l'obstacle. 2<^ La cambrure^ ou courbure donnée au
tranchant de l'arme, de manière que celle-ci se présente
obliquement par rapport à l'objet frappé, est variable sui-
vant la destination de l'arme. Elle est en général convexe
pour le sabre de cavalerie et concave pour le sabre-baïonnette
modèle 66. 3° Le profil doit satisfaire à la double condition
de donner à la lame une raideur et un tranchant suffisants
pour le service qu'elle doit remplir. Les profils des lames
anciennes, qui n'étaient pas é vidées, avaient l'inconvénient
de donner des armes lourdes et massives, auquel on a re-
médié par différents procédés: pans creux, évidements,
gouttières, etc. 4<* La répartition de la masse doit être
faite de manière que le moment d'inertie soit le plus grand
possible, puisque la pénétration d'une arme tranchante
est proportionnelle à la vitesse du point oti se produit le
contact et au moment d'inertie de la masse de l'arme, et
que la vitesse ne peut être accrue que dans certaines
limites. On arrive au résultat voulu en portant la plus
grande partie de la matière vers l'extrémité de l'arme.
D'un autre côté, pour que celle-ci soit bien en main, le
centre de gravité doit être peu distant de la poignée, ce
qui a amené à alléger autant que possible la partie voisine
de la monture et à reporter le poids vers les extrémités.
5° La pointe est généralement en forme de langue de carpe,
de préférence à la forme en biseau, qui effre une résis-
tance brusque, et à la forme triangulaire qui est trop fra-
gile. 6° La nature du métal, qui doit être élastique, pour
que l'arme puisse ployer sans se rompre; tenace, pour
qu'elle ne se brise pas sous le choc ; dur, pour lui con-
server son tranchant. Le métal actuellement employé est
l'acier fondu, trempé et recuit.
ÏII. Construction. — En menuiserie et en serrurerie,
les James de persienne (V. ce mot) sont des tringles de
bois, de fer plat et quelquefois de verre qui se posent à
recouvrement, mais avec un même intervalle, et qui sont as-
sujetties entre les montants des persiennes, soit à l'état
fixe, soit à l'état mobile. Dans le premier cas, les lames
sont assemblées à entaille sur les montants, tandis que, dans
le second, elles sont assemblées à tourillon. On appelle
fausses lames, dans les persiennes en bois, les parties en-
taillées peu profondément dans des volets pleins de façon à
présenter une légère saillie et à simuler des lames de per-
siennes. — On donne ce même nom de lames à des feuilles
de plomb que l'on place quelquefois sous les bases et sous
les chapiteaux et aussi entre les tambours des colonnes
en pierre afin d'égaliser et d'amortir la pression supportée
par ces pierres. Charles Lucas.
IV. Physique. — Lames liquides. — Pour étudier les
effets de la capillarité sur les liquides, deux méthodes ont
été employées par Plateau afin de soustraire les liquides à
l'action de la pesanteur et d'examiner l'action des forces
capillaires lorsque celles-ci agissent seules. La première a
été décrite au mot Cohésion (t. XI, p. 849). Elle consiste à
plonger un liquide dans un autre non miscible, mais de
même densité. La fig. 1 de l'art. Cohésion montre les formes
que prend une masse liquide de ce genre assujettie à mouil-
ler deux circonférences égales parallèles, situées au-dessus
l'une de l'autre. On peut, suivant le volume de liquide
employé, obtenir un cylindre terminé par des calottes
sphériques, une onduloïde ou une caténoïde. La deuxième
méthode repose sur l'emploi d'un liquide tel que l'eau de
savon dans lequel on plonge une carcasse métallique. En
retirant celle-ci on constate que des lames liquides très
minces, sur lesquelles, par conséquent, l'action de la pe-
santeur est négligeable devant celle des forces capillaires,
se sont attachées aux arêtes métalliques et forment à l'in-
térieur de la charpente un système de lames parfaite-
ment déterminées, d'après la forme de la charpente.
Au lieu d'eau de savon qui s'évapore vite et donne des
systèmes peu durables. Plateau employait un liquide glycé-
rique connu sous le nom de liquide glycérique de Plateau.
On l'obtient en mélangeant une solution de 40 gr. de savon
de Marseille dans 400'c. c. d'eau avec 800 c. c. de glycérine.
Ce liquide ne s'évapore que très lentement ; il donne des
systèmes laminaires très beaux; il permet de souffler
d'énormes bulles de savon qui peuvent durer plusieurs
heures. On peut aussi, comme l'a montré M. Gerney, rem-
placer ce liquide par du collodion riciné (coUodion ordi-
naire, 60 c. c; huile de ricin, 40 ce). Ce dernier liquide
s'évapore en partie, mais l'huile de ricin forme des lames
qui se solidifient assez rapidement et gardent la forme
qu'elles possédaient à l'état liquide.
En plongeant des charpentes en fil de fer dans son
liquide glycérique, Plateau observa un grand nombre de
systèmes laminaires qui l'ont conduit à formuler les lois
suivantes : 4^ à une même arête liquide n'aboutissent
jamais que trois lames, et celles-ci font entre elles des angles
égaux ; 2*^ quand plusieurs arêtes liquides aboutissent à un
même point dans l'intérieur du système, ces arêtes sont
toujours au nombre de quatre et forment entre elles, au
point dont il s'agit, des angles égaux. Ces lois s'appliquent
non seulement au système de Plateau, mais aux bulles de
savon de tous les liquides mousseux connus, la bière, par
exemple, qui se réunissent et se déforment, mais en suivant
toujours les deux lois énoncées par Plateau. On peut, avec
ces lames, reproduire la forme du cylindre de l'onduloïde
et du caténoïde, en soufllant une bulle de savon ou du
liquide glycérique entre deux anneaux soutenus l'un au-
dessus de l'autre à une certaine distance. A. Joannis.
Couleur des lames minces (V. Anneaux colorés, t. 111,
pp, 39-44).
V. Botanique (V. Corolle, t. XII, p. 4048).
LAMÉ (Gabriel), géomètre et ingénieur français, né à
Tours le 22 juil. 4795, mort à Paris le 4^** mai 4870.
Sorti de l'Ecole polytechnique, le premier, en 4847, et de
l'Ecole des mines en 4820, il partit aussitôt, avec son ca-
marade Clapeyron (V. ce nom), pour la Russie. Ils y exé-
cutèrent d'importants travaux de viabilité, tout en dirigeant
l'Ecole des voies et communications de Saint-Pétersbourg,
où Lamé enseignait l'analyse, la mécanique, la physique et
la chimie. Il avait le grade de colonel du génie du corps des
voies et communications lorsqu'il rentra en France en 4832.
Il se tourna d'abord vers l'industrie, avec Clapeyron et les
frères Flachat. Mais, au bout de quelques mois, il fut pourvu
d'une chaire de physique à l'Ecole polytechnique. Il l'échan-
gea en 4844 contre une place d'examinateur de sortie et il
professa en outre, à partir de 4854, des cours de probabi-
lités et de physique mathématique à la faculté des sciences
de Paris. Frappé de surdité, il dut résigner toutes ses
fonctions en 4862. Il avait été promu en 4836 ingénieur
en chef des mines et, en 4843, l'Académie des sciences de
Paris l'avait élu membre de la section de géométrie en rem-
placement de Puissant. La plupart des sociétés savantes de
l'étranger se l'étaient également associé. Par la profondeur
LAME -- LAMEGO — 8
et par roriginalité de ses travaux, parle nombre et parl'in-
tluenco de ses découvertes, Gabriel Lamé s'est placé au
premier rang des géomètres de son temps. Il n'avait guère
que vingt ans lorsque, profitant du licenciement temporaire
de l'Ecole polytechnique, il donna dans les Annales de
Gergonne (1817) un Mémoire sur les intersections des
lignes et des surfaces^ dans lequel il démontrait plusieurs
théories nouvelles sur les intersections des lignes et des
surfaces du second degré. L'année suivante, il publia son
ouvrage : Examen des différentes méthodes employées
'pour résoudre les problèmes de géométrie (Paris, 1818,
in-8 ; très rare) ; on y trouve notamment une nouvelle ma-
nière de calculer les angles des cristaux. Puis il envoya de
Russie une suite d'excellents mémoires, écrits en collabo-
ration avec Clapeyron, sur la stabilité des voûtes (1822),
sur les engrenages (1824), sur la propagation de la cha-
leur dans les polyèdres et sur l'équilibre intérieur des
corps solides (1828). Ce dernier, inséré quelques années
après dans le Recueil des savants étrangers (t. IV), con-
tenait en germe les recherches fondamentales de Lamé sur
la théorie mathématique de l'élasticité ; on y trouve déjà
d'admirables exemples d'intégration des équations de l'élas-
ticité. Vingt ans plus tard. Lamé devîiit donner sa magni-
fique solution du problème de la déformation d'une sphère
élastique, pleine ou creuse, sollicitée par des forces distri-
buées d'une manière quelconque à la surface. Complété par
les Leçons sur la Théorie mathématique de Vélasti-
cité des corps solides (Paris, 1852, in-8 ; 2^ éd., 1866),
le mémoire de 1828 forme encore, avec elles, la base
d'étude de cette ditficile matière (V. Elasticité, t. XV,
p. 727). Les Leçons sur les fonctions inverses des trans-
cendantes et les surfaces isothermes (Paris, 1857, in-8)
avaient été, de même, précédées en 1837 par un remar-
quable Mémoire sur les surfaces isothermes dans les
corps solides homogènes en équilibre de température
(Rec. des sav, étrang.y t. V) qui introduisait en analyse
de nouvelles fonctions, étudiées principalement par Brios-
chi, et qui ouvrait une infinité de voies dans le calcul inté-
gral, dans la géométrie et dans plusieurs branches de la
physique mathématique. Gabriel Lamé était du reste un
penseur aux conceptions hardies. « Il ne s'était rien pro-
posé de moins, dit M. Bertrand, que de relier toutes les
lois physiques dans les conséquences d'un principe unique,
en les rattachant, avec celles de la mécanique et du sys-
tème du monde, à l'étude d'un fluide. » Il échoua, natu-
rellement. Mais il a beaucoup préparé la voie. Il possédait
aussi de grandes capacités comme ingénieur et, sans parler
de ses travaux en Russie, il fut, de 1834 à 1839, l'un
des constructeurs des deux premiers chemins de fer exé-
cutés autour de Paris, celui de Saint-Germain et celui de
Versailles (rive droite). Outre les ouvrages déjà cités et
une soixantaine de mémoires épars dans les Annales des
mines^ dans le Journal de VEcole polytechnique^ dans
le Journal de Liouville, dans les Comptes rendus de
V Académie des sciences de Paris, etc., il a publié : Traité
élémentaire du calcul intégral, en colla b. avec Bazaine
(Saint-Pétersbourg, 1825, in-8); Cours de physique de
l'Ecole polytechnique (Paris, 1 836-37 , 3 vol. in-8 ; 2^ éd. ,
1840); Esquisse d'un traité de la République (Paris,
1848, in-8); Leçons sur les coordonnées curvilignes
(Paris, 1859, in-8); Leçons sur la Théorie analytique
de la chaleur (Paris, 1861, in-8); Note sur la marche
il suivre pour découvrir le principe de la nature phy-
sique (Paris, 1863, in-4); Cours de physique mathé-
matique rationnelle (Paris, 1865, in-8), etc. lia colla-
boré à r Encyclopédie des gens du monde. Léon Sagnet»
BiBL. : Analyse des travaux de M. Lamé; Paris, 1843,
in-4. — Annales des mines, 1872, I, pp. 271-282, — Revue
scientifique, année 1878, pp. 720-726. — J. Bertrand,
Eloge de G. Lamé; Paris, 1878, in-4. — G. Doormann,
An\^endung der Laméschen Functionen auf Problem
der Potentialtheorie, etc. ; Leipzig, 1882, in-8. — Liste de
ses mémoires dans le Catal. of scient, pajpers de la Société
royale de Londres, t. III, VIII et X.
LAMÉ (Emile), fils du précédent, littérateur français,
mort à Paris en 1869. Esprit distingué et original , il
commença par faire des essais littéraires qu'il ne publia
pas. Cependant il donna à la Revue de Paris deux longues
nouvelles très modernes, qui n'ont pas vieilli encore. Un
Dénouement brusque et Un Salon de Paris (1837). Très
séduit par la philosophie des Alexandrins, il consacra une
sorte de roman historique et philosophique à Julien
l'Apostat (1861). Il a donné aussi, à la Revue germa-
nique, la Fête de Pan, sorte de mystère païen, où ses
idées panthéistes sont présentées sous une forme très vive.
Dans un autre ordre d'idées, Emile Lamé s'intéressa à la
philosophie des sciences et publia, dans le Magasin de
librairie, un article très intéressant intitulé Du Rôle des
sciences à notre époque. Il collabora aussi, vers 1863,
à la Revue nationale, où il donna en particulier une belle
étude sur la Morale politique. Cet homme d'esprit ouvert
et mystique se jeta par la fenêtre de sa maison de la rue
des Beaux-Arts dans un accès de fièvre chaude. Ph. B.
LAMÉ-Fleury (Jules-Raymond), littérateur français,
né à Orléans le 2 nov. 1797, mort à Paris le 12 mai
1878. Garde du corps sous la Restauration, il fut retraité
en 1857 avec le grade de colonel de gendarmerie. Il est
connu par la publication de nombreux ouvrages d'instruc-
tion pour les enfants, longtemps en grande faveur.
lamé-Fleur Y (Ernest-Jules-Frédéric), ingénieur et ad-
ministrateur français, fils du précédent, né à Paris le
27 mai 1823. Entré en 1843 à l'Ecole polytechnique et
en 1845 à l'Ecole des mines, ingénieur ordinaire en 1849,
il fut d'abord chargé de services divers à Saint-Etienne et
à Paris, obtint en 1862 la chaire de droit administratif
de l'Ecole des mines, devint en 1868 secrétaire du con-
seil général des mines et fit partie de la commission pro-
visoire chargée, après la chute de l'Empire, de remplacer
le conseil d'Etat. L'Assemblée nationale ne le maintint pas
lors de la réorganisation de 1872. De 1876 à 1879, il oc-
cupa les fonctions de directeur des mines au ministère des
travaux publics. A son départ, il fut promu inspecteur gé-
néral des mines et nommé conseiller d'Etat. Il a été mis à
la retraite en 1893. Il a publié de nombreux articles dans
la Revue des Deux Mondes, dans le Journal des Econo-
mistes, etc. Mais il est surtout connu par ses ouvrages et
ses recueils de législation et de jurisprudence administra-
tives, qui ont été jusqu'en ces derniers temps les plus con-
sultés en matière de mines et de chemins de fer : De la
Législation minérale sous l'ancienne monarchie (Paris,
1857, in-8) ; Texte annoté de la loi du 21 avr. J810
(Paris, 1857, in-8) ; Recueil des lois, décrets, etc., con-
cernant les services des chemins de fer et les ingénieurs
des mines (Paris, 1857, 2 vol. in-8); Code annoté des
chemins de fer en exploitation (Paris, 1861, in-8;
3^ éd., 1872); Bulletin annoté des chemins de fer
(1 vol. par an depuis 1868) ; les Travaux publics divant
le xix^ siècle (Paris, 1870, in-8), etc. L. S.
LAMÉAC. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Rabastens ; 292 hab.
LA MEC H ou LEMEK. Ce nom figure dans la préhistoire
Israélite, une fois comme descendant d'Adam par Caïn,
une autre fois comme descendant d'Adam par Seth. Dans
le premier de ces arrangements, il est père de Jabal,
Jubal et Tubalcaïn, inventeurs des arts de la civilisation;
dans le second, il est père de Noé et grand-père de Sem,
Cham et Japhet, dont la postérité doit repeupler la terre
après le déluge. On met dans la bouche de Lamech un
chant, où il menace desplus terribles vengeances quiconque
s'attaquera à lui.
BiBL, : Vernes, Précis d'histoire juive, 1889, pp. 720-721.
LAMÉCOURT. Com. du dép. de TOise, arr. et cant. de
Clermont ; 127 hab.
LAMEGO. Ville du Portugal, prov. de Beira, district de
Viseu ; 9,000 hab. Evéché. Belle cathédrale gothique. Com-
merce de vins et de jambons. C'est l'antique Lama. En
1143 y furent tenus les Certes qui fixèrent la loi de suc-
829
LAMEGO — LAMENNAIS
cession et l'institution de Cortès féodales régulières. Don
Miguel prétendit revenir à cette constitution.
LA MEILLERAYE (Famille de) (V. Meilleiuye).
LAMELLARIA (Palèont.) (V. Velutina).
LAMELLE.!. Botanique (V. Cokolle, t. XII, p.1018).
11. Entomologie (V. Insectes).
LAMELLIBRANCHES (Zool. et Paléont.) (V. Pélé-
cypodes).
LAMELLICORNES (Entom.). Grande famille d'Insectes
Coléoptères Pentamères renfermant ceux qui ont les an-
tennes terminées par une masse lamelleuse, comme les
Hannetons, les Cerfs- Volants, les Bousiers, les Cétoines.
Aujourd'hui, cette division systématique n'est plus guère
admise et l'on a formé deux grandes familles aux dépens
du groupe des Lamellicornes, qui sont celle des Lucanidés
et celle des Scarabéidés. M. M.
LAMÉLOUZE. Corn, du dép. du Gard, arr. d'Alais,
cant. de La Grand'Combe ; 333 hab.
LAMENAY. Com. du dép. de la Nièvre, arr. de Nevers,
cant. de Bornes ; 250 hab.
LAMENDIN (Arthur), homme politique français, né à
Lourches (Nord) le 2 mars 1852. Ouvrier mineur, porion
à Liévin, il fut congédié en 18«4 par la Compagnie pour
ses tentatives de groupement des mineurs du Pas-de-Calais
en syndicat. Un des promoteurs de la grève de 1889, il
fut élu secrétaire général de l'Association syndicale des
mineurs qu'il représenta le plus souvent auprès des com-
pagnies. En 1890, il entrait au conseil supérieur du travail.
Maire de Liévin (1892), il avait été élu député de la
deuxième circonscription de Béthune en 1891 et fut réélu
le 20 août 1893 par 12,242 voix contre 6,035 à M. De-
lisse, conservateur. Il est républicain radical socialiste.
LAMENNAIS (L'abbé Jean-Marie Robert de), né àSaint-
Malo en 1775, mort à Ploërmel en 1861, frère du philo-
sophe et fondateur, en 1820, de l'institut des Frères de
V instruction chrétienne (V. ce mot, t. XX, p. 853). Vi-
caire général de Saint-Brieuc, puis de la grande aumônerie,
chanoine du diocèse de Rennes, sa vie n'offre rien de
remarquable. Il collabora avec son frère à divers ouvrages
religieux, mais n'a guère publié personnellement qu'un
pamphlet intitulé VEnseignement mutuel (Saint-Brieuc,
1819), violente attaque contre ce mode d'enseignement
adopté par la Société pour l'instruction élémentaire et qui
portait ombrage au clergé comme menaçant de rendre inu-
tile l'enseignement congréganiste ; plus le Règlement des
filles de la Providence établies à Saint-Brieuc (Rennes,
1846, in-12). H M.
LAMENNAIS (Félicité Robert de, par abréviation Féli),
né à Saint-Malo le 19 juin 1782, mort à Paris le 27 févr.
1854. Il était le quatrième des six enfants de Pierre-Louis
Robert, anobli seulement en 1788 avec ce nom de La
Mennais. Il perdit sa mère en 1787 et fut élevé surtout par
un oncle à La Chesnaie, près de Dinan, au milieu des bois.
Dès l'âge de sept ans, il commençait à observer la nature
dans ses moindres détails et se faisait ainsi un trésor d'ob-
servations dont il devait tirer plus tard les comparaisons
qui donnent à ses écrits tant de lumière et de grâce. Il
était peu docile ; son oncle dut souvent le punir, et pour
cela l'enfermait comme en prison dans une bibliothèque
où se trouvaient tous les philosophes du xviu^ siècle. A
douze ans l'enfant était passionné pour Rousseau ; aussi, le
moment venu de la première communion, le prêtre qui l'y
préparait jugea prudent de différer, et il ne la fit qu'en
1804, à vingt-deux ans. Bientôt il composa avec son frère
aîné Jean-Marie et publia d'abord des Réflexions sur
l'état de l'Eglise en France pendant le xviii® siècle et
sur sa situation actuelle (1808), puis un traité de la
Tradition de V institution des évoques en France
(1814). En 1809, pressé par ce même frère, qui était
prêtre, il reçut la tonsure à Rennes ; mais il hésita plus
de six années avant de s'engager davantage, et il fallut,
pour qu'il se décidât enfin à recevoir l'ordination à Vannes
le 9 mars 1816, outre les objurgations de Jean-Marie,
toute l'autorité d'un directeur, l'abbé Caron, qu'il avait
rencontré en Angleterre, où il s'était réfugié lors des Cent-
Jours, par crainte de la police impériale, après la publica-
tion de son livre de la Tradition et d'un pamphlet contre
l'Université.
De 1816 à 1834, la vie militante de l'abbé de La Men-
nais est toute au service de l'Eglise catholique ; il la sert
d'ailleurs à sa façon, qui inquiète plus qu'elle ne rassure
le haut clergé en France et à Rome. Il publie en 1817
le premier volume de son Essai sur V indifférence en
matière de religion, avant les Recherches philoso-
phiques de Ronald (1818) et le Pa/?^ de Joseph de Maistre
(1819). L'ouvrage eut successivement quatre volumes;
puis panirent la Religion dans ses rapports avec V ordre
civil, et en 1829 les Progrès de la Révolution et de la
guerre contre l'Eglise, que l'autorité ecclésiastique cen-
sura. Philosophe, l'abbé de La Mennais en appelait de
l'individualisme, ou plutôt de la raison individuelle, à la
raison universelle, qu'il confondait encore avec la tradition
de l'Eglise catholique dont le chef était l'infaillible inter-
prète. Prêtre, il répudiait les doctrines gallicanes et se tour-
nait vers Rome où il voyait l'unique recours du clergé
contre les prétentions du pouvoir civil. En même temps
son âme vraiment pieuse s'épanchait dans des réflexions
mystiques sur V Imitation de Jésus-Christ, qu'il traduisait
ainsi que le Guide spirituel de Louis de Blois. Mais surtout
il réunit autour de lui, dans sa solitude de La Chesnaie,
tout un groupe de jeunes hommes qu'il enflamma de son
ardeur vraiment contagieuse : Rohrbacher, Gerbet, Sali-
nis, Montalembert, Lacordaire un moment, de Cazalès, do
Coux, de Carné, plus tard Maurice de Guérin, etc. Le sé-
jour qu'ils y firent leur communiqua à tous un enthou-
siasme qui dura jusqu'à la fin de leur vie, à peu près
comme la retraite de Ménilmontant aux saint-simoniens.
Aussi dès le lendemain des journées de Juillet, la petite
armée était prête à faire campagne, et son chef fonda, outre
une Agence générale pour la défense des intérêts ca-
tholiques, le journal r Avenir qui parut du mois d'août
1830 à nov. 1831, avec cette devise : « Dieu et Liberté ».
Lu avec enthousiasme dans les presbytères, il était assez
mal vu dans les évêchés, et plusieurs prélats crurent de-
voir l'interdire aux prêtres de leurs diocèses. L'abbé de La
Mennais prétendait combattre les libéraux, adversaires du
catholicisme, avec leurs propres armes : comme il avait fait
jadis de la raison, « catholicisezlà », disait-il de la liberté.
Mais son' libéralisme catholique devait plaire encore bien
moins à Rome que le rationalisme entendu à sa façon.
Aussi, se sentant presque désavoué, il suspendit la publi-
cation de son journal, et s'en alla trouver le pape lui-même,
avec Montalembert et Lacordaire. On ne leur répondit point
nettement tout d'abord, et ce ne fut qu'après leur départ
que fut publiée Pencyclique Mirari vos, le 15 août 1832,
contre certaines Ojpinions de l'Avenir, plutôt que contre
La Mennais lui-même. Celui-ci aff'ecta d'abord de se sou-
mettre dans deux lettres, du 30 août 1832 et même en-
core du 11 déc. 1833 ; Lacordaire aussi fit sa soumission
et aussi Montalembert, et même encore celui-ci, le dernier
des trois. Mais La Mennais sentait que son esprit ne se
soumettait pas, et encore moins son cœur. Sur la fin de
févr. 1834, il remit à Sainte-Beuve, alors un de ses fidèles,
un manuscrit pour l'impression : c'étaient les Paroles d*un
croyant, que le pape Grégoire XVI condamna dans l'ency-
clique Singularinos, du 15 juil. 4834.
La vie de Lamennais (c'est ainsi désormais qu'il écrit
son nom) semble à ce moment coupée en deux, au moins
sa vie du dehors, sa vie de relation, mais non pas, s'il
faut l'en croire, sa vie intérieure, philosophique et reli-
gieuse : « On m'accuse d'avoir changé, dira-t-il à la fin,
je me suis continué, voilà tout. » Dès 1833, il proposait
à ses amis de substituer au mot de catholicisme celui de
christianisme, comme exprimant mieux la raison et la na-
ture humaine, et pour montrer qu'il ne voulait plus avoir
aff*aire à la hiérarchie ; il leur proposait de se présenter
LAMENNAIS — LAMETH —
comme les hommes de la liberté et de Thumanité, et d'en-
tendre désormais par l'Eglise la société même du genre
humain. Ces idées se retrouvent dans tous ses écrits,
de 1834 à 1834, depuis les Paroles d'tm croyant^ sorte
de pastiche de l'Ancien et du Nouveau Testament, mais
pastiche de génie. Ce sont les Araires de Rome (1836),
le Livre du peuple (1837), la brochure le Pays et le
Gouvernement (1840), pour laquelle il fut enfermé un
an à Sainte-Pélagie, où il écrivit Une Voix de prison^
publiée après les Amschaspands et Darvands (1843),
le Deuil de la Pologne (1846), etc. En même temps, il
réunissait en un volume de Questions politiques et
philosophiques (1840) ses articles de lAvenii'. Mais
surtout il publiait en 1840 trois volumes d'une Esquisse
de philosophie (le titre primitif avait été Esquisse de
philosophie catholique) ; le troisième, De VArt et du
beau^ est un des plus remarquables ouvrages d'esthétique
en France au xix^- siècle. Puis en 184o, il donne une tra-
duction des Evangiles, sorte de pendant à celle de Vlmi-
tation, mais dans un tout autre esprit, « V Imitation
étant le christianisme du moyen âge qui ne s'occupe que
de l'individu, point de la société, et qui tend à séparer les
hommes par une sorte d'égoïsme spirituel, tandis que
VEvangile pousse à l'action, à tout ce qui rapproche les
hommes et les dispose à concourir à une œuvre commune,
la transformation de la société ou rétablissement du
royaume de Dieu ». Lamennais pour cela fut accusé par
ses ennemis de s'être jeté dans la démagogie. De nos jours,
on lui ferait'plutôt un titre d'honneur d'avoir été le premier
à prêcher le socialisme chrétien, comme aussi vers 1830
le catholicisme libéral. A vrai dire, il fut toujours partisan
de la liberté, dans laquelle il voyait la condition du pro-
grès, et il ne renia iamais la religion, c.-à-d. le sentiment
religieux, qu'il jugeait plus nécessaire encore à la démo-
cratie qu'à tout autre régime de société. — Ses nouvelles
opinions lui valurent des amis nouveaux (parmi les an-
ciens aussi, plus d'un lui demeurèrent fidèles au fond du
cœur) : ce furent, outre Sainte-Beuve, George Sand (qui
songeait peut-être à lui dans son roman de Spiridion),
Jean Reynaud, Déranger, Liszt, etc. Au lendemain du
24 févr., il fonda encore un journal, le Peuple consti-
tuant, fut élu par le dép. de la Seine représentant du
peuple à l'Assemblée nationale, siégea à l'extrême gauche,
vit avec douleur l'insurrection de juin, mais se rangea
pourtant du côté des vaincus et publia un dernier article,
avant que son journal disparût, le 11 juil. 4848. Dès
lors, c'en était fait pour lui de la République, et le coup
d'Etat du 2 décembre ne pouvait guère l'étonner. Il essaya,
tout vieux qu'il était, de se remettre au travail et donna
encore une traduction de la Divine Comédie de Dante. Le
27 févr. 1854, il mourut à Paris, laissant un écrit du
16 janv., où il voulait être enterré « au milieu des pauvres
et comme le sont les pauvres, sans que rien fût mis
sur sa fosse, pas même une pierre ; son corps devait être
porté directement au cimetière, sans être présenté à au-
cune église ». Ses obsèques eurent lieu au Père-Lachaise,
le l*'^^ mars 1854, conformément à ses dernières volontés.
Ch. Adam.
BiBL. : Plusieurs volumes d'Œuvres posthumes, de
Correspondance et de Documents inédits furent publiés
par E.-D. Forgues(1858), H. de Courcy (1862), A. Blaize
(1866), A. DU Bois de La Villerabel (1886), M. A. Rous-
sel (1892). — Comme ouvrages d'ensemble, nous avons :
Mgr Ricard, l'Ecole menaisienne, 4 vol., 1884, etc. — Paul
Janeï, la Philosophie de Lamennais, 1890. — E. Spuller,
LamennaiSj élude d'histoire politique et religieuse, 1892.
— De nombreux articles de Sainte-Beuve (1°" févr. 1^32,
7 et 14 déc. 1868), Renan (15 août 1857), Schérer (18a4,
1859 et nov. 1866), Brunetière, l^»- févr. 1893j, etc.
LAMENTATIONS. Livre figurant aux hagiographes de
la Bihle, généralement dit Lamentations de Jérémie
(V. Jérémie). L'ouvrage est sans nom d'auteur dans l'hé-
breu, et la traduction des Septante a été la première à les
attribuer à Jérémie. Ce sont des élégies, au nombre de cinq,
dont l'objet est de déplorer la destruction de Jérusalem par
830 ~
les Chaldéeas. On ne peut y voir que des compositions lit-
téraires, d'une facture distinguée, écrites à une époque
assez récente et dont l'auteur s'est inspiré du livre de Jé-
rémie. Les procédés rythmiques employés ici sont dignes
d'mtérêt. « Comme œuvre poétique, dit Reuss, les La-
mentations gagnent les suffrages des lecteurs plutôt
par la nature du sujet que par leurs qualités littéraires.
Les^ scènes de désolation qu'elles font passer sous nos yeux
et l'intérêt qui s'attache toujours au malheur excitent à un
haut pomt notre sympathie, laquelle, d'un autre côté, est
exposée à se refroidir un peu en face de nombreuses répé-
titions, de longueurs monotones et d'une forme plus mé-
canique qu'élégante. » M. Vernes.
BiBL.: Reuss, la Bible, Poésie lyrique, 1875, pp. 419-454.
— LoRmLh,Einleitung indasA. T., 1892, pp. 244-248, 2«éd.
LAIVIÉRAC. Com. du dép. de la Charente, arr. de Bar-
bezieux, cant. de Baignes; 321 hab.
LAMERVILLE (Vicomte de) (V. Heurtault).
LA IV1ESAN6ERE (Pierre de), httérateur français, né
a Bauge ou à La Flèche le 23 juin 1761, mort à Paris le
2o fevr. 1831. Il entra dans les ordres et fut professeur
de philosophie au collège de La Flèche. En 1802, il devint
propriétaire du Journal des dames et des modes qu'il
dirigea avec le plus grand succès jusqu'à sa mort. Un des
plus importants du genre, ce journal donnait des gravures
coloriées qui le font encore rechercher. Citons encore de
La Mesangère: le Voyageur à Paris (Paris, 1789, 2 vol.
m-12); Vie de Fr.-René Mole, comédien (1803, in-12) •
Dictionnaire des proverbes français (1821, in-8) ;
Observations sur les modes et les usages de Paris
(1822, in-fol..); Galerie française des femmes célèbres
(1827, gr. m-4); Costumes des femmes de Hambourg,
du Tyrol, de laHollafide, delà Suisse... (1827, in4\;
Costumes des femmes du pays de Caux (1827, in-4).
Tous ces ouvrages^ sont curieux par leurs illustrations.
LA MESNARDIERE (Hippoly te- Jules Filet de), litté-
rateur français, né à Loudun en 1610, mort à Paris le
4 juin 1663. Docteur en médecine, il attira l'attention de
Richeheu par son Traité de la méla7icolie (La Flèche,
16o5, in-8), où il soutenait que les religieuses de Loudun
n'étaient pas folles, mais maléficiées. Nommé médecin de
Gaston d'Orléans, il devint en 1657 lecteur ordinaire de
la chambre du roi. Il avait été reçu à l'Académie française
en 1655. On a de lui : Raiso7inements sur la na-
ture des esprits qui servent aux sentiments, 1638,
m-12); traduction du Panégyrique de Trajan (1688,
in-4) ; la Poétique (1640, in-4) ; le Caractère élégiaque
(1640, in-4); la Puce lie d'Orléans (1642, in-4); i/m^^^
(1643, in-4), tragédies; traduction des trois premiers
livres des Lettres de Phne le Consul (1603, in-12) ;
Poésies (1656, in-fol.) ; Chant nuptial pour le mariage
du roi (1660, m-fol.) ; Relations de guerre (1662,
in-^)- r: s.
LAMETH (Augustin-Louis-Charles, marquis de), général
et homme politique français, né à Hennecourt (Somme)
le 20 juin 1755, mort à Paris le 19 janv. 1837. Maré-
chal de camp sous Louis XVI, il se retira du service après
la Révolution et ne reparut dans la vie publique que pour
siéger comme député de la Somme au Corps législatif, de
1805 à 1810. A. Debidour.
LAM ETH (Théodore, comte de), militaire et homme poh-
tique français, né à Paris le 24 juin 4756, mort au château
de Busagny, com. d'Osny (Seine-et-Oise), le 19 oct. 1854. Il
servit d'abord dans la marine, puis passa dans l'armée de
terre et fit la guerre d'Amérique. Colonel du 7« régiment
de cavalerie, président du dép. du Jura, il fut élu par ce
département député à l'Assemblée législative, où il fit partie
du comité de marine. 11 siégea à droite, s'opposa à la poli-
tique révolutionnaire et fut promu maréchal de camp. Emi-
gré, il passa en Suisse, puis en Allemagne, rentra en France
sous le Consulat, ne joua aucun rôle actif sous l'Empire,
fit partie de la Chambre des Cent-Jours et vécut ensuite
dans la retraite. F. -A. A.
LAMETH (Charles-Malo-François, comte de) , militaire et
homme politique français, né à Paris le 5 oct. 1T57, mort
à Pontoise le 28 déc. 1832, frère du précédent. Comme
lui, il prit part à la guerre de l'indépendance améri-
caine. En 1789, il était colonel de cuirassiers et gentil-
homme d'honneur du comte d'Artois. Député de la noblesse
de la province d'Artois aux Etats généraux, il siégea à la
gauche de l'Assemblée constituante, à côté de son frère, et
lit partie du comité des recherches et de celui de marine.
Chargé de rechercher l'ex- garde des sceaux Barentin, qui
s'était caché dans le couvent des annonciades de Pontoise,
cette mission jeta sur lui quelque ridicule et les journaux
royalistes le criblèrent d'épigrammes (mars 1790). Bientôt
après, il se battit en duel avec le duc de Castries, et ce duel
amena une sorte d'émeute. Il était alors très populaire. Après
la fuite à Varennes, il fit voter des mesures énergiques,
mais bientôt son ardeur se ralentit. Nommé maréchal de
camp (févr. 1792), il servit à l'armée du Nord, protesta
contre la journée du 10 août, fut arrêté, puis relâché,
émigra et se réfugia à Hambourg, où son frère Alexandre
le rejoignit en 1795. Avec le duc d'Aiguillon, ils fon-
dèrent une maison de commerce qui prospéra. Rentré en
France sous le Consulat, il vécut dans la retraite jus-
qu'en 1809 ; puis, rappelé à l'activité, il fut successivement
gouverneur de Wurzbourg et de Santona en Biscaye. Ral-
lié aux Bourbons en 1814 et fait lieutenant général, il fut
député de Seine-et-Oise en 1829, en remplacement de son
frère Alexandre, décédé, et signa l'adresse des 221 . Orateur
prolixe, il parla souvent à la Constituante, et non sans
succès : il était passionné, intelligent, d'une vivacité ori-
ginale. F.~A. A.
LAMETH (Alexandre -Théodore-Victor, comte de), mili-
taire et homme politique français, né à Paris le 20 oct.
1760, mort à Paris le 18 mars 1829, frère des précédents.
Il servit en Amérique sous Rochambeau et était colonel en
1789, quand la noblesse du bailliage de Péronne l'élut député
aux Etats généraux, où il se montra très ardent pour les
idées nouvelles. A l'Assemblée constituante, il joua un rôle
considérable. Membre des comités de constitution, des colo-
nies, des finances et du comité miHtaire, il fit, en cette
dernière qualité, un rapport célèbre sur l'avancement dans
l'armée. C'est sous le triumvirat de Barnave, d'Adrien du
Port et de Lameth qu'un groupe de 30 à 40 membres, for-
mant la gauche avancée de la Constituante, fit échec à la
politique modérée de Mirabeau, dont on soupçonnait les rela-
tions avec la cour. Le 28 févr. 1791, au club des Jacobins,
Alexandre de Lameth déconcerta h grand orateur par la
vivacité de ses attaques. « Mille patriotes notables, dit Ca-
mille Desmoulins, remplissaient la salle et écoutaient en
silence le discours du plus grand effet, par la situation,
que j'aie jamais entendu. Dans ce discours improvisé sur
l'heure, Alexandre Lameth fut vraiment sublime : pas un
mot qui ne portât coup; ce n'était plus l'IIercule-AIirabeau,
Alexandre Lameth semblait lui avoir arraché sa massue.
Ma mémoire a retenu quelques traits de ce discours, mais
comment rendre le ton et les gestes ! Tous les auditeurs
convenaient que Lameth s'était élevé au-dessus de lui-
même : que l'Assemblée nationale elle-même, dans ses
séances, n'avait jamais offert un duel si intéressant, et que,
pour retrouver une situation pareille, il fallait remonter
dans l'histoire à celle de Catilina, accusé et confondu par
Cicéron dans le Sénat... Pendant ce discours, quelle était
la contenance de Mirabeau ? Des personnes qui étaient près
de lui m'ont assuré qu'il lui tombait de grosses gouttes du
visage et qu'il était comme dans le Jardin des olives, de-
vant le calice. » Alexandre de Lameth n'était cependant
qu'un orateur de second ordre, mais ce jour-là la haine
lui donna du talent et c'est cette circonstance qui l'a rendu
célèbre. Après la fuite à Varennes, il modéra son attitude
et se rapprocha de la cour. Nommé maréchal de camp après
la déclaration de guerre à l'Autriche, il suivit la fortune
de La Fayette, fut décrété d'accusation le 15 août 1792,
passa à l'étranger et subit une dure captivité en Autriche.
331 - LAMETH - LAMl
Délivré trois ans plus tard par suite d'un échange, il sé-
journa à Hambourg, puis en Angleterre, rentra en France
sous le Consulat et fut successivement préfet des Basses-
Alpes, de Rhin-et-Moselle, de la Roër et du Pô. Créé
baron de l'Empire le 14 févr. 1810, il ne s'en rallia pas
moins aux Bourbons et devint préfet de la Somme sous la
première Restauration. Il fit partie de la Chambre des pairs
pendant les Cent-Jours. Député de la Seine -Inférieure
(1820-24), puis de Seine-et-Oise (1827), à la Chambre
des députés, il y fut un des chefs de l'opposition libérale.
On a de lui une Histoire de rassemblée constituante
(Paris, 1828-29, 2 vol. in-8), faiblement écrite, mais
fort instructive et importante à titre de témoignage d'un
dos principaux acteurs de la Révolution. F'.-A. A.
BiBL. : F.-A. AuLARD, les Orateurs de l'Assemblée
constituante, pp. 466 et suiv.
LAMETTRIE (Julien Offroy de), médecin et philosophe
français, né à Saint-Malo le 25 déc. 1709, mort à Berhn
le 11 nov. 1751. Reçu docteur à Reiras, il étudia ensuite
à Leyde sous Boerhaave, dont il traduisit plusieurs ou-
vrages en français. En 1742 il fut nommé médecin du ré-
giment des gardes françaises et fit campagne. Mais la pu-
blication de son Histoire naturelle de t'dme (La Haye,
1745, in-8) lui fit perdre toutes ses places et, pour éviter
la Bastille, il se réfugia auprès du grand Frédéric qui lui
accorda une pension avec le titre de lecteur. — Parmi
ses ouvrages, nous citerons encore : Traité du vertige
avec la description d'une catalepsie hystérique (Paris,
1737, in-12); Observations de médecine pratique (Pa-
ris, 1743, in-12), et surtout ses œuvres philosophiques :
r Homme-machine (Leyde, 1748, in-'12); V Homme-
plante (Potsdam, 1748, in-12) ; Réflexions sur l'origine
des animaux (Berhn, 1750, in-12), etc. — Lamettrie,
philosophie matérialiste, procède cependant de Descartes,
non de l'auteur des Méditations et de la théorie des deux
substances, mais du créateur du mécanisme moderne. De
l'animal-maehine de Descartes à l'homme-machine, il n'y
avait qu'un pas; Lamettrie le franchit. Si l'animal sent,
perçoit, se souvient, compare et juge sans l'aide d'une âme
immatérielle et par le simple fait de son organisation ner-
veuse et cérébrale, il n'y a pas de raison pour en accorder
une à l'homme, dont les facultés ne sont que celles des
animaux à un degré de prévoyance supérieur. Cette
doctrine a été l'un des points de départ des idées de l'évo-
lution naturelle, déjà entrevue par les anciens. D'' L. Un.
LAMETZ. Com. dudép. des Ardennes, arr. de Vouziers,
cant. de Tourteron; 226 hab.
LAMl (V. Lamy).
LAMl (Mohammed ben Osman), célèbre poète turc, mort
à Brousse en 1 531 . Il a écrit quatre grands poèmes épiques,
d'après des légendes persanes : Wuamik et Asra, Wis et
llamin, Absal et Selman, Ferhdd-Nameh ; le premier et
le dernier ont été publiés et étudiés par Hammer Purgstall ;
Pfizmaier a traduit plusieurs de ses petits poèmes (F<?r-
herrlichung der Stad Bursa; Vienne, 1839). Lami avait
traduit en prose les œuvres persanes de Djami.
LAMl (Giovanni), érudit italien, né à Florence le 8 févr.
1697, mort à Florence le 6 févr. 1770. Avocat à Flo-
rence, il devint bibliothécaire de J.-L. Pallavicini à Gènes
(1726), voyagea avec lui à Venise, puis seul en France où
il acheva ses études archéologiques (l'729-31), revint à
Florence, où il soutint d'âpres polémiques contre les jé-
suites et divers érudits. Ses principaux ouvrages sont :
De Eruditione apostolorum (4737), où il voulut prouver
que les premiers chrétiens étaient peu lettrés ; Deliciœ
eruditorum(Fioreme,im>69, 18 vol. in-8), précieuse
collection de documents sur l'histoire de Toscane où Lami
porta la lumière ; une excellente édition de Meursius (i 741-
63,12 vol. in-foL); Novelle litterarie(il4'0-10, 30 vol.),
revue hebdomadaire, qu'il rédigea seul à partir de la troi-
sième année ; Memorabilia Italorum eruditione prœs-
tantium (1742-48, 3 vol. in-8) ; Lezioni d'antichita
toscane (1766, 2 vol. in-4), etc. ; sans parler de sa cor-
LAMI — LAMIER — 832
respondance avec les principaux érudits de l'Europe et de ses
autres manuscrits conservés à la bibliothèque Riccardi.
LAWl (Louis-Eugène), aquarelliste français, né à Paris
le 42 janv. 4800, mort à Paris le 19 déc. 1890. Lami
entra en 1817 à l'Ecole des beaux-arts et il eut pour
maîtres Gros et Horace Vernet ; mais bien vite sa person-
nalité si légère se dégagea de leurs classiques et puissantes
leçons. En 1824, il commence à étudier l'aquarelle où il
allait remporter ses plus grands succès et devenir un maître;
et la même année il paraît pour la première fois au Salon
avec deux tableaux à l'huile, des Etudes de chevaux et la
Bataille de Misavente^ qui est aujourd'hui au Luxembourg
et oti se sent déjà sa touche d'aquarelliste. Il voyage beau-
coup, en Italie surtout et en Angleterre. Après 1 830, il est
professeur des princes et des princesses d'Orléans et il
accompagne au siège d'Anvers le prince héritier. De plus
en plus Lami peint à l'aquarelle ; il illustre les œuvres de
Musset, de Mérimée, et il exécute même quelques grands
travaux décoratifs. Il a été un des fondateurs de la Société
des aquarellistes français. Parmi ses expositions aux Salons,
on peut citer : V Orgie, aquarelle (1853) ; Bal de V Opéra,
aquarelle pour un éventail, et vingt aquarelles pour les
œuvres de Musset (1859) ; V Escalier de marbre de Ver-
sailles (1861) ; illustrations de Manon Lescaut (1868) ;
Trianon en il 50 (1873) ; aquarelles pour la Chronique
de Charles IX de Mérimée (1878). Lami compléta son illus-
tration de Musset par un ensemble exquis de cinquante-
sept aquarelles qui faisaient partie de la collection de
M^^ Denain, vendue en 1893: ces aquarelles ont été gra-
vées par Lalauze et publiées par Morgand (1883) avec une
préface de M. Alex. Dumas fils. Il faut citer encore de
Lami : Episode du siège d'Anvers (iSS'i) ; les Sybarites
après dîner; Manœuvres russes au sacre de Nicolas y*'',
au marquis de Vogiié ; Charles /*'' recevant une rose en
se rendant à la prison; la Bataille de l'Aima, com-
mandée par l'empereur; Souper dans la salle de spec-
tacle de Versailles et Intérieur d'église, l'un et l'autre
au musée du Luxembourg ; le Malade imaginaire ; Un
Salon de Paris sous la deuxième Empire ; Une Scène
d'Hamlet (1882) ; Bornéo et Juliette (1889) ; Une Fête
chez la Reine (collection Lallemand) ; Abdication de
Marie Stuart, Chez la Reine à Saint-James et Elle
aime a rire à M. de Soubeyran. Au musée de Versailles:
la Prise de Maastricht, la Capitulation d'Anvers, le
Combat de Wattignies, l'Affaire de la Claye. Au musée
de Lille : Bataille de Hondschoote. Quelques-unes des plus
belles aquarelles de Lami se trouvent chez la reine d'An-
gleterre, chez le marquis d'Hertford et au château de Fer-
rières chez le baron Alph. de Rothschild avec qui le peintre
fut lié. Lami, de 1820 à 1830, avait en outre produit beau-
coup de lithographies, la plupart en couleurs. Citons, parmi
ces dernières : Collection des uniformes des armées
françaises, 150 planches, en collaboration avec Horace
Vernet (i 822 et 1825). Etienne Bricon.
LAMI A (turc Zeitoum). I. Géographie. — Ville de
Grèce, ch.-l. du nome dePhthiotide et Phocide et de l'épar-
chie de Phthiotide, au pied des contreforts de l'Othrys.
Au temps des Turcs, Lamia présentait « une masse pitto-
resque de six cents maisons, rangées par étages, entre-
mêlées de mosquées et de cyprès ». Aujourd'hui, c'est une
ville régulièrement bâtie, « avec un air de propreté et d'ai-
sance, banale et prospère. Seule, une vieille mosquée en
détresse achève de s'écrouler et profile, auprès d'un cyprès,
son minaret décapité. La ville s'étend, de jour en jour, au •
tour de la vieille citadelle, le long des collines où elle est
adossée. » (Deschamps.) Le climat de Lamia est malsain ;
les marais de Sperchios sont un foyer de fièvres ; en hiver,
il déborde et rume les cultures ; on a étudié la question de
lui creuser un nouveau lit. Le chemin de fer du Pirée à
Larissa passera à Lamia. L. Del.
IL Histoire. — Lamia, appartenant aux Maliens, avait
une importance stratégique, gardant le débouché N. des
Thermopyles. Eclipsée par Héraclée, elle ne joua de rôle im-
portant qu'une seule fois. En 323, Antipater ne pouvant
tenir tête aux Grecs insurgés, s'enferma dans Lamia et y fut
assiégé. L'échec de ce siège décida de l'issue de la guerre ;
aussi l'appelle-t-on ordinairement guerre Lamiaque. En
208, Philippe défit les Etoliens près de Lamia; en 192,
Antiochus l'occupa; les Romains la reprirent en 190. La
cité existait encore au vi^ siècle ap. J.-C.
LAMIA. Famille romaine appartenant à la gens /Elia;
son chef fut un chevalier L. JElius Lamia, ami de Cicéron,
célèbre par ses richesses ; son fils, ami d'Horace, fut con-
sul l'an 3 ap. J.-C, préfet de la ville en 32. On cite en-
core L, Mius Lamia jEmilianus, consul suppléant en 80,
époux de la fille de Corbulon, Domitia Longina; elle lui fut
enlevée par Domitien, dès le règne deVespasien, et quand
son second mari devint empereur il fit tuer le premier.
LAMIAQUE (Guerre) (V. Lamia et Antipater).
LA MIE. I. Mythologie. —-Sorte de monstre femelle ou
empuse (sfxjîoucja), fantôme qui apparaissait et s'emparait
des enfants pour les dévorer :
Neu pransae lamiœ vivum puerum extrahat alvo.
(Horace, Epître aux Pisons, v.)
Suivant la légende, Lamie avait été une reine de Phrygie,
aimée de Jupiter. Junon par jalousie avait fait dispa-
raître ses enfants. Dans son désespoir, Lamie tuait tous les
enfants dentelle pouvait s'emparer. C'est pourquoi son nom
devint comme un épouvantait dont les nourrices mena-
çaient les enfants. Son visage avait pris une horrible ex-
pression et Jupiter lui avait donné le pouvoir de faire jaillir
ses yeux hors de sa tête (Diod., XX, 41 ; Suidas, Lex. ;
Plutarque, D^ Ctfnos; 5c(?Z. d'Aristophane, Pac. 757;
Strabon,!, p. 19;. On représentait la Lamie avec un vi-
sage de femme et une queue dé serpent. On disait qu'elle
était la mère de Scylla. Plus tard on se représenta les
Lamies comme des sortes de vampires qui par leurs arti-
fices attiraient les jeunes gens et leur suçaient le sang.
IL Entomologie. — Genre d'insectes Coléoptères Crypto-
pentamères, famille des Cérambycidés, fondé par Fabri-
cius et qui est le type d'une tribu' dite des Lamiinés. H se
caractérise par le corps lourd et massif, dont les antennes
n'égalent jamais la longueur ; le corselet muni d'épines
latérales, les pattes courtes, égales. L'espèce européenne
de ce genre est le Lamia textor d'Europe, long de 20 à
25 millim. ; noir grisâtre irrégulièrement moucheté de
jaune, qui vit sur les saules dont sa larve perfore le tronc.
L'espèce type du genre Lamia de Fabricius est un grand
Longicornedu Sénégal VOmacantha gigantea Fabr.
LAMIER(Lammm L.) (Bot.). Genre de Labiées, dont les
représentants, propres aux régions tempérées de l'Europe
et de l'Asie, sont caractérisés par le calice gamosépale, en
tube ou en entonnoir, à 5 dents égales ou inégales, par la
corolle bilabiée, à tube nu ou offrant au-dessus de sa base
un anneau intérieur de poils, à lèvre supérieure obovale
ou oblongue, très concave ou en casque, à lèvre inférieure
trilobée avec lobes très inégaux, les latéraux plus petits,
parfois nuls ; par les étamines au nombre de 4, rapprochées
et parallèles sur la lèvre supérieure de la corolle, les deux
inférieures plus longues ; par les anthères barbus à deux
loges, introrses et s'ouvrant par une fente continue et
confluente; par le gynécée formé d'un ovaire supère, à
style gynobasique terminé par deux branches stigmatifères
aiguës ; le fruit est un tétrachaine et les graines renferment
un embryon dressé entouré d'un albumen charnu. Les
Lamiers sont des plantes herbacées, annuelles ou vivaces,
à feuilles opposées, pétiolées à la base de la plante, ses-
siles plus haut, à fleurs purpurines ou blanches, formant
à l'aisselle des feuilles supérieures de faux verticilles de
cymes ou de glomérules ; ils répandent une odeur désa-
gréable plus ou moins forte. Les espèces les plus impor-
tantes sont le L. album L. ou Ortie blanche, Fausse Ortie,
dont les feuilles et les fleurs étaient jadis employées c.>mme
astringentes et hémostatiques, leL. maculatiim L. et le
L, purpureum L. qui ont des propriétés analogues.
833
LAMlLLÂRIÉ — LAMINAGE
LAMlLLARiÉ. Corn, du dép. du Tarn, arr. d'Albi,
cant. de Réalmont; 463 hab.
LA MILLETi ÈRE (Théophile Braghet, sieur de),contro-
versiste français, né vers 1396, mort en i 66o. Esprit inquiet
et avocat sans cause, il s'occupa de théologie et dépensa sa
fougue en controverse. Il était d'origine réformée et assista à
l'assemblée politique de La Rochelle qui l'envoya aux Pays-
Bas pour solliciter le secours des Etats-Généraux. Peu après,
il publia son Discours des vrayes raisons pour lesquelles
ceux de la Religion en France peuvent et doivent...
résister par les armes à la persécution (s. L, 46^22,
in-8). L'argumentation spécieuse qu'il y déploie fut plus
tard reprise par Jurieu (V. ce nom). Le livre fut brûlé
par la main du bourreau, et l'auteur, mis à la Bastille, fut
condamné à mort en 1627, puis gracié par Richelieu, dont
il servit désormais la cause, en plaidant pour la réunion
des deux cultes. Le 2 avr. 4645, il finit par abjurer le
protestantisme. Ses nombreux écrits sont énumérés dans
la France protestante (t. Yl, pp. 496 et suiv.). F. -H. K.
LAMINAGE (MétalL). Henry Cort, l'inventeur du four
à puddler, passe également pour avoir été le premier
à substituer l'étirage en cannelure à l'étirage au marteau.
Appliqué en Angleterre dès 1783, ce ne fut guère qu'en
1815 que le laminoir fit son apparition en France. On en-
tend aujourd'hui par «train de laminoir» l'ensemble formé
par deux cylindres horizontaux, tournant ensemble et en
sens inverse entre deux supports verticaux sur lesquels ils
s'appuient chacun par leurs deux extrémités. La partie du
cyhndre comprise entre les montants se nomme la table ; la
partie qui, de chaque côté, repose sur les coussinets des sup-
})orts, se nomme le tourillon ou collet; celle qui suit et sert
à l'accouplement du cylindre avec le moteur se nomme le
trèfle. Cet accouplement s'opère, d'ailleurs, au moyen d'une
pièce spéciale portant le nom de manchon. La table du cy-
lindre peut avoir une forme absolument cyhndrique, autre-
ment dit la génératrice peut être une ligne droite : c'est
le cas pour le laminage de la tôle ; mais le plus souvent
cette génératrice est formée par une ligne brisée, présen-
tant des saillants et des rentrants. Ces saillants et ces ren-
trants, mis en regard l'un de l'autre dans les deux cylindres
superposés, forment ce qu'on appelle les cannelures des
laminoirs. C'est un cas fort rare qu'il faille plus de deux
cylindres pour former une cannelure; cependant, dans le
laminage des tuyaux minces, une seule et même cannelure
est formée par quatre cylindres conjugués, travaillant en-
semble. Une même paire de cylindres présente ordinaire-
ment plusieurs cannelures, soit pour fabriquer plusieurs
profils différents, soit pour amener, par des passages suc-
cessifs, la barre métallique à la forme définitive que l'on a
en vue. Dans aucun cas il n'y a de liaison entre les canne-
lures qui 6e suivent ; il doit donc se trouver entre elles une
interruption dans la table, sous la forme d'une saillie annu-
laire que l'on appelle cordon ou fausse cannelure. De môme
aux deux extrémités de la table, pour Mmiter les canne-
lures externes, doit se trouver un cordon terminal. Sui-
vant la manière dont les cannelures sont formées par les
deux cyhndres, et suivant leur position, on distingue les
cannelures ogives, plates, polygonales, spéciales ou profi-
lées, et le mode de travail fournit enfin les cannelures
soudantes, d'étirage, finisseuses, etc.
Les cannelures soudariles comprennent celles oîi passe
la barre, tant qu'elle est à une température soudante. Ce
sont naturellement, à cause de leur usage, toujours les
premières cannelures, et fréquemment les trois premières ;
elles doivent donner une forte pression par une décrois-
sance rapide dans leur section. Pour qu'elles mordent
mieux, elles sont souvent pourvues à leur face supérieure
d'entailles au burin ou de rainures faites au tour. Elles
appartiennent généralement aux cannelures ogives ou aux
cannelures plates. Les cannelures d'étirage ou canne-
lures préparaloires donnent un allongement rapide à la
barre de fer, abstraction faite de la forme à lui donner.
Les cannelures ovales jouent un grand rôle dans ce genre,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
car on peut avoir avec elles une forte pression par la hau-
teur de la cannelure. L^% cannelures profilantes donnent
la forme demandée pour l'échantillon hni, par des change-
ments successifs de section, avec des diminutions corres-
pondantes dans la grandeur de cette section. Dans chacune
de ces cannelures, tant que le paquet est encore très chaud
et par suite malléable, on emploie une très grande dimi-
nution dans la section, et il n'est pas rare de prendre pour
cela des cannelures de champ. Le nombre des cannelures
profilantes varie avec la forme de l'échantillon. Les can-
nelures p,nisseuses ont pour but de terminer le profil par
les dernières passes, et de donner à Péchantillon une sur-
face unie. Dans ces cannelures, il n'y a généralement que
très peu de pression, et il faut tenir compte du retrait. A
proprement parler, il n'y a que la dernière cannelure em-
ployée qui puisse être considérée comme finisseuse, car il
arrive souvent, comme dans les gros ronds, que chaque
cannelure intermédiaire est une finisseuse. Quelquefois on
emploie deux finisseuses pareilles, à côté Tune de l'autre,
pour que dans la suite, quand celle que Ton a employée
d'abord a trop servi, on ait recours à une autre pour con-
server au profil toute son exactitude : nous verrons un
exemple de ces deux cannelures finisseuses en parlant des
cannelures pour rails. D'après une classification plus su-
perficielle, on ne compte que deux sortes de cannelures,
les ébaucheuses et les finisseuses. C'est le cas pour les
cannelures simples du laminage des fers ordinaires, et, là,
cette appellation est convenable. En effet, dans ces fers,
tous les cyhndres sont divisés en deux sortes, ébaucheurs
et finisseurs. Les cannelures nécessaires à l'étirage d'une
espèce donnée de fer ne sont pas toujours renfermées
dans deux paires de cylindres ; quelquefois elles sont toutes
dans une seule paire, mais le plus souvent aussi dans trois
et même cinq paires de cylindres. La raison pour laquelle
les cannelures employées sont réparties sur plusieurs paires
de cylindres n'est pas toujours dans le développement né-
cessaire de la table des cylindres; souvent c'est pour obte-
nir simplement la place pour un personnel de lamineurs
plus considérable, avec lequel il soit possible d'avoir en
même temps plusieurs passages simultanés ; ou bien pour
pouvoir laminer en avant et en arrière, sans employer de
trios ou trains à trois cyhndres superposés. Après cet
aperçu et avant d'entrer dans le détail de la construction
des cannelures, il est utile de parler de leurs conditions
de travail, parce que la conception, la discussion raison-
née d'un cylindre pour une forme donnée de profil, doivent
s'appuyer là-dessus.
Toute cannelure, quelle que soit la forme qu'on lui donne,
doit exercer dans le passage du fer une pression, c.-à-d.
un efî'ort perpendiculaire à l'axe du cylindre. Une pression
ne peut s'exercer sur le fer introduit dans une cannelure
que si dans certaines limites il résulte du passage de la barre
au laminoir une section de celle-ci à chaque fois plus pe-
tite. Chaque cannelure a déjà la largeur qu'avait la barre
en raison de son passage précédent, de sorte que la largeur
reste la même. En partant de ce principe, la barre à lami-
ner doit avoir des dimensions horizontales qui ne peuvent
jamais être plus grandes que la cannelure elle-même. Les
laminoirs ne peuvent donc prendre une largeur de fer plus
grande que la cannelure. On ne peut introduire et avaler
un semblable morceau de fer sans que l'excédent de largeur
ne soit coupé par les cordons qui limitent la largeur de la
cannelure, ou ne soit laminé par eux sous forme de ba-
vures minces. Pour faciliter l'entrée de la barre, les can-
nelures qui se suivent doivent être const)'uites surtout de
manière qu'une d'elles soit plus étroite que la suivante. Cette
différence varie depuis quelques dixièmes de millimètres jus-
qu'à plusieurs miUimètres. Les cannelures appartenant à
un même laminage et se suivant, doivent être par consé-
quent de plus en plus larges, comme cela est en réalité
quand la barre n'est pas retournée à chaque passage ou
bien l'est à 180^. Mais pour l'entrée de certaines can-
nelures de champ, comme dans toutes celles oii la barre
53
LâMÎNâGE
— 834 -^
doit être tournée de 90**, comparativement à sa position
dans le passage précédent; par exemple, comme dans
les cannelures ogives et carrées, il y a une autre relation
de largeur, car là , dans la barre de ter, la hauteur devient
la largeur ; dans ce cas, les cannelures consécutives sont
presque toutes construites de manière que la hauteur de
la cannelure, immédiatement précédente, soit quelquefois
plus petite que la largeur de celle qui suit. En outre, il
y a une autre manière de diminuer l'élargissement succes-
sif des cannelures, et même on peut le^faire disparaître
complètement. C'est par un léger évasement fait vers le
fond de la cannelure; on emploie ce moyen d'autant plus
fréquemment qu'il répond à un autre but important, qui
est de faciliter pour la barre la sortie de la cannelure.
Quoiqu'il n'y ait de pression exercée directement que do
haut en bas, il peut cependant y avoir une pression laté-
rale indirecte; car la barre de fer à laminer, étant plus
ou moins molle, transmet la pression verticale non en haut
suivant la longueur, mais en travers et dans la largeur de
la cannelure, et quand, dans cette dernière direction, il ne
se présente pas un vide sutïisant pour la libre expansion du
métal, il y a une pression latérale contre la cannelure ; les
côtés de la cannelure sont solides et résistants, et ils sup-
portent une pression qui s'appelle pression latérale. Cette
pression latérale sera pour une pression verticale donnée
d'autant plus forte que la largeur de la cannelure laissera
moins de place à l'élargissement, c.-à-d. que celle-ci sera
plus étroite; comme la largeur de la cannelure est im-
muable, la pression latérale sera d'autant plus forte que la
pression sera plus intense. Pour que la barre laminée ait
des angles vifs, la cannelure doit être telle que la pression
latérale ait une certaine intensité. Une pression latérale
trop forte fatigue le cylindre et occasionne dans les canne-
lures roulantes ou emboîtées la formation de coutures^
bavures^ à l'endroit de la séparation des deux cylindres,
lequel ne peut et ne doit pas être complètement fermé. 11
faut donc pour l'étirage des barres, comme c'est le cas dans
les cannelures préparatoires qui demandent beaucoup de
pression, que les cannelures aient suffisamment de largeur ;
c'est pourquoi les cannelures ovales donnent un bon laminage.
Les règles générales du tracé des cannelures sont rela-
tives à leur décroissance et à leur profil. Pour déterminer
Péchelle de décroissance, il faut tenir compte des quahtés
différentes des fers et des aciers. Le fer, qui est très mal-
léable à chaud, est, en général cassant à froid; il peut sup-
porter les pressions les plus fortes et, par suite, la décrois-
sance des cannelures sera plus grande. Le fer de la meilleure
qualité, le fer entièrement nerveux, le fer à grain et l'acier
fondu demandent une décroissance moyenne. Tel est aussi
le fer rouverin ; on peut cependant tourner la difficulté dans
le cas de fer rouverin en donnant au contraire une très
forte décroissance, quand il est possible de réduire ainsi le
nombre des cannelures ; la pièce est laminée avant d'être
arrivée à la couleur où le fer casse. L'acier dur supporte
la décroissance la moins forte. La décroissance doit, dans
chaque partie de la cannelure, être proportionnelle à la sec-
tion, afin que chaque partie de cette section, même si elle
est irrégulière, se lamine uniformément. Cette règle s'ap-
plique surtout aux dernières cannelures ; il faut générale-
ment tenir compte, dans cette détermination, de la résis-
tance des cylindres et de la force de la machine. Quant au
profil, on distingue les fers fnarcJumds qui comprennent
toutes les sections régulières ou oblongues, et les fers pro-
filés ou spéciaux qui renferment toutes les sections. En
général, les paquets et les lingots ont une section rectan-
gulaire que l'on doit transformer progressivement pour ar-
river au profil et autant que possible dans les premières
cannelures, parce que les variations, dans l'uniformité de
la décroissance, se font d'autant moins sentir que la masse
est plus considérable. On a diminué les difficultés en don-
nant aux paquets la forme du profil fini. Les cannelures
ne doivent jamais être creusées dans un cylindre à plus de
1/4 de son diamètre, et les plus profondes doivent toujours
être situées vers les extrémités du cylindre. Il faut attacher
le plus grand soin à ce que la décroissance des cannelures
soit le plus régulière et le plus exacte possible. Elle peut
être plus rapide dans les cylindres ébaucheurs que dans les
finisseurs; pour les fers profilés, elle est ordinairement
très faible dans la dernière cannelure qui diffère du profil
fini de tout le retrait que prend le métal en se refroidis-
sant. Les cannelures des cylindres dégrossisseurs ont une
décroissance qui varie de i/8 à 4/45, suivant qu'ils servent
au laminage du fer ou de l'acier. Les laminoirs à blooms
ont une décroissance de 4/7 à 4/3 et les dégrossisseurs à
cannelures emboîtées de 4/5 à 4/3. On dépasse rarement
ces limites; ordinairement elles restent comprises entre
4/15 et 4/3. Les cannelures d'un laminoir à fers plats sont
construites de manière à pouvoir laminer un grand nombre
de dimensions différentes ; c'est pourquoi on ne peut pas
toujours appliquer à ce cas un rapport de décroissance dé-
terminé. De la première cannelure du dégrossisseur à celle
du finisseur, on admettra une décroissance de 4/3, mais
dans les cannelures suivantes il est bon de ne pas dépas-
ser 4/8. Toutes les cannelures peuvent être finisseuses,
sauf les premières où il ne se forme pas encore d'aiètes
vives. En élevant ou abaissant le cyhndre supérieur, on
obtient un grand nombre d'épaisseurs différentes, tandis
que la largeur est toujours limitée et n'augmente qu'au-
tant qu'il est nécessaire pour que la barre passe facile-
ment d'une cannelure à la suivante. Elle est pour les gros
fers de 2 millim. et descend, pour les petits fers, à 0,8 milîim.
Pour les cannelures roulantes simples, le mâle doit avoir
au maximum 4,5 millim. à 3 milhm. de diamètre de plus
que la femelle. Pour les cannelures plates emboîtées, la
lemelle doit être entaillée assez profondément pour que le
diamètre delà faceinférieuredelacannelureaitdeS, 5 millim.
à 40 millim. de moins que le diamètre de la face du mâle.
Dans les fers profilés, il arrive souvent que les 2/3 de la
hauteur de la cannelure sont au-dessous de la ligne mé-
dione des axes du cylindre. Dans les plus grands ébau-
cheurs et surtout dans les cannelures droites ou de champ,
il y a des différences de diamètre des faces de travail des
cannelures depuis 5 milUm. jusqu'à 25 ou 30 millim. et
même plus.
Nous n'entrerons pas dans le détail du tracé des canne-
lures pour ogives, ronds, plats, fers spéciaux, etc.; nous
donnerons comme exemple le tracé des cannelures pour rails.
Le problème à résoudre est le suivant : connaissant le pro-
fil du rail fini, construire le profil à chaud, c.-à-d. y ajou-
ter le retrait suivant la hauteur du rail, la largeur du
champignon, la largeur et l'épaisseur du patin. On fait
l'épaisseur de l'âme plus faible de 4/3 à 4/4 de millim.,
parce que l'âme devient toujours plus épaisse que la can-
nelure finisseuse ne l'indique, ce qui s'explique parce qu'elle
s'étend toujours plus que le champignon ou le patin, et,
par suite, reprend toujours un peu d'épaisseur, après que
le rail a quitté le laminoir. Quand on a déterminé par expé-
rience les cannelures les plus convenables pour une qua-
lité de fer donnée, il est facile d'en déduire le rapport de
décroissance, et on peut l'appliquer avec la même matière
à tous les profils de rails, avec la certitude d'obtenir un
bon laminage.
L'acier présente au laminage des propriétés particulières
et ne peut être traité comme le fer ; il ne s'étend que peu
latéralement et les cannelures successives ne peuvent pré-
senter par suite beaucoup d'élargissement. Il ne supporte
que peu de pression latérale et on ne peut lui donner en
largeur ce qui lui manque en hauteur. Si dans une partie
d'une cannelure on cause une pression beaucoup plus grande
que dans les autres parties, cela n'a pas pour effet, comme
pour le fer, de transporter la masse d'un côté vers l'autre,
mais la partie la plus fortement tendue emporte les autres
avec elle, et celles-ci deviennent plus faibles que les di-
mensions de la cannelure qui alors ne se remplit pas entiè-
rement. On explique, de cette manière, comment il se pro-
duit parfois dans les rails d'acier des tensions qui donnent
83.^
I.AMINAGE -. LAMïiNAKÎËES
lieu ultérieurement à des ruptures, sans que cela provienne
de la matière elle-même. Cela vient uniquement de ce qu'on
lamine quelquefois Tacier dans des cylindres dont les can-
nelures ne sont pas rigoureusement tracées dans les rap-
ports voulus. L'acier, lors même qu'il est plus tendre et
plus résistant que le fer, ne supporte pas une entaille vive;
il ne se prête pas non plus à un travail inégal ; c'est pour-
quoi il faut augmenter le nombre des cannelures et passer
plus insensiblement de la section carrée au profil désiré.
Les dernières cannelures doivent tout spécialement pro-
duire une pression égale dans toutes leurs parties.
Tout ce qui précède s'applique non seulement à la dis-
position formée par deux cylindres, mais encore à l'agen-
cement à trois cylindres, qui a reçu le nom de trio. Dans
ce cas, les cannelures sont formées par le cylindre du mi-
lieu et les deux cylindres qui l'encadrent, et l'on peut ainsi
utiliser tous les passages de la barre, tandis qu'avec deux
cylindres, l'entraînement de la barre ne pouvant se faire
que dans un sens, son retour après le tirage dans la can-
nelure doit se faire à vide et sans aucun efiét utile produit.
Les trios permettant ainsi de faire à peu près un travail
double avec la même main-d'œuvre devraient être presque
exclusivement employés ; mais ils ont l'inconvénient d'exi-
ger une installation plus coûteuse et d'immobiliser un plus
grand nombre de cylindres ; aussi a-t-on cherché à éviter
le retour à vide par une autre disposition qui consiste à
changer, avec chaque passage, le sens de la rotation des
cyclindres, de manière à permettre d'engager la barre des
deux côtés. Cette manière d'opérer, qui entraîne nécessai-
rement une perte de temps au moment du changement de
marche, ne peut s'appliquer évidemment qu'à des laminoirs
marchant à une vitesse relativement faible et élaborant de
grosses pièces ; mais alors on a l'avantage de pouvoir opé-
rer tout le laminage sans être obligé de les soulever. Les
cylindres de laminoirs sont, comme nous l'avons dit, ani-
més d'un mouvement de rotation qui peut leur être trans-
mis de la manière la plus simple, par la bielle et la mani-
velle d'une machine à vapeur. ï^s cylindres peuvent être,
pour nous servir d'une expression usuelle, attaqués direc-
tement par la machine ou bien mis en mouvement au moyen
d'engrenages plus ou moins multipliés. On préfère l'attaque
directe lorsque la vitesse à donner aux cylindres le permet,
c.-à-d. ne dépasse pas 400 tours par minute; au delà de
cette vitesse, les engrenages doivent être utilisés. Dans ces
derniers temps, on a commencé à remplacer les engrenages
par des courroies ou par des câbles dans les trains servant
à la fabrication du produit désigné sous le nom de machine
et qui constitue la matière première des trétileries ; les
cylindres de ces laminoirs font plusieurs centaines de tours
par minute et les pistons des machines à vapeur ne sau-
raient les suivre dans cette voie. Nous n'entrerons pas
dans le détail des machines motrices par lesquelles les
cylindres de laminoirs sont actionnés ; nous dirons seule-
ment que ces machines rentrent toutes, en général, dans
le type des machines horizontales soit à un cylindre, soit
à deux cylindres conjugués ; les machines verticales type
pilon se rencontrent assez rarement. Munies de puissants
volants dont le poids dépasse parfois dOO tonnes, faisant
un large emploi des appareils de détente et de condensa-
tion les plus perfectionnés, elles atteignent aujourd'hui
5,000 et même 6,000 chevaux. Nous ne parlerons pas ici
des laminoirs à blindages et à bandages décrits dans d'autres
articles (V. Blindage [Métall.], t. YI, p. 1433, et Bandage
[Industr.], t. V, p. 218). Les fers plats se font dans des
cylindres dont l'écartement possible peut permettre de don-
ner à la barre une épaisseur variant entre des limites assez
larges. Mais, en général, on ne fait guère sur un même
cylindre qu'une ou deux largeurs, très rarement trois, car
la longueur de la table est limitée par la résistance de la
fonte à la rupture par flexion entre les cages qui suppor-
tent ses extrémités. Il en résulte que la fabrication des fers
plats nécessite un magasin de cyhndres considérable, sur-
tout si on veut laminer de larges plats, dont une paire de
cylindres ne peut faire qu'une largeur. Dans le but d'éviter
un grand nombre de cylindres, Daelen, directeur des forges
de Hœrde (Westphalie), a inventé le laminoir universel
(V. Blindage). Il se compose de deux cylindres horizon-
taux et analogues à ceux qui servent à laminer la tôle ; leur
écartement plus ou moins grand sert à donner l'épaisseur
de la barre, tandis que deux cylindres verticaux, pouvant
se rapprocher par le calage de pignons, donnent la largeur
de la barre. La cannelure se trouve formée par l'ensemble
des quatre cylindres. Les cylindres verticaux se placent
ordinairement derrière les cylindres horizontaux et, comme
après le passage, il y a eu allongement de la barre, ils
marchent à une vitesse plus grande. On leur donne peu ou
point do pression; il suffit, en effet, que les angles soient
vifs et les bords polis, un excès de pression ferait gondoler
la barre, par suite du peu de compressibilité du métal .
Le fer et l'acier doux se laminent à une température
relativement élevée. Il en résulte que la modification mo-
léculaire au'ils subissent dans le travail du laminage est
assez faible. Sauf pour les tôles minces et quelques étirages
exceptionnels, le recuit, destiné à remettre lés molécules
dans leur état normal, n'a lieu que lorsque le travail est
terminé. Pour les autres métaux que le fer, la température
à laquelle se fait le laminage est généralement peu élevée ;
il en résulte une aigreur, un écrouissage communiqués au
métal après un certain amincissement, ce qui force, en gé-
néral, à interrompre l'étirage par une série de recuits. Le
cuivre et surtout le laiton demandent des précautions de ce
genre. Le zinc se lamine au-dessous du rouge; quant au
plomb et àl'étain, ils peuvent se laminera froid. Le lami-
nage de Tor, de l'argent, du maillechort, du chrysocale,
du similor, etc., demande, en général, plus de précision
que celui de la planche de laiton (V. Laiton) ; aussi doit-on
rejeter complètement le laminage en trousses où l'épaisseur
n'est jamais bien régulière, puisqu'une partie trop épaisse
d'une planche peut correspondre à une partie trop mince
des planches supérieures ou inférieures, et donner, par
conséquent, la même épaisseur totale. On ne travaille les
planches ou bandes de ces métaux qu'une à une au moyen
de cylindres profilés à cet usage, c.-à-d. bombés suivant la
largeur de la pièce à laminer. En outre, ces cylindres,
entraînés toujours l'un par l'autre à t'aide de pignons, sont
fortement graissés à l'huile, de façon à réduire au mini-
mum l'effort et le travail. L. Knâb.
LAMINAIRE (V. Laminariées) .
LAMINÂRIÉES (Bot.). Tribu d'Algues Phéosphorées, à
thalle vert olive, massif, à croissance intercalaire, compre-
nant les genres Laminaria^ Alaria, Agarum (mers arc-
tiques), Macrocystis^ Lassonia (mers antarctiques). Ces
genres se distinguent par la disposition de la fronde et des
sores sur cetle dernière. La forme générale est celle d'une
feuille longuement pétiolée, fixée aux rochers par un cram-
pon rameux. Pied cylindrique, à région centrale médul-
laire formée de cellules longues et à couche corticale
externe constituée par deux cellules isodiamétriques et qui
contient parfois des canaux gommifères. La zone de crois-
sance intercalaire est au point d'union du pied et de la
lame. Les sporanges occupent la partie centrale du thalle.
Les spores sont allongées, ellipsoïdes, colorées en vert oli-
vâtre à une extrémité, munies d'un point rouge à l'autre,
portant deux cils vibratiles, renfermées dans un péri-
spore hyalin et entourées de paranémates claviformes,
simples, inarticulés, denses, situés verticalement sur la
surface plane de la fronde. La Laminaire digitée {Fucits
digitatus de Linné), qui est employée dans certains pays
comm.e engrais et même comme aliment, est utilisée en
médecine comme corps dilatant pour remplacer t'éponge
préparée (V. Utérus). On se sert des fragments desséchés
de la tige. Ceux-ci, noirs et fermes, de la grosseur d'une
plume d'oie, peuvent se gonfler, au contact des liquides de
l'économie, d'une façon progressive et régulière, au point de
sextupler de volume. C'est cette propriété qu'on a utilisé pour
dilater les trajets fistuleux, les conduits naturels anormale-
LAMINARIEES — LÀMOIGNON
— 838 —
ment rétrécis (coaduit auditif externe, orifice du col de l'iitc-
rus, trompe d'Eustache). Avant de les introduire dans les
cavités que Ton veut dilater, on les râpe et on les plonge
quelques minutes dans l'eau tiède. Henri Fournier,
LAMINEUX (Tissu) (V. Conjonctif).
LAMINOIR (ïndustr.) (V. Uminâge).
LAMIRAL (Dominique Harcourt), voyageur français,
né à Lyon vers 1750, mort en 1795. Secrétaire d'Eyriès
(V. ce nom), il le suivit au Sénégal. Il a laissé deux ou-
vrages assez curieux : l'Affrique et le peuple affriquain
(Paris, 1 789, in-8) etMémoiresur le Sénégal (1791 , in-4) .
LAMIRAULT (Henri), éditeur français, né à La Cha-
pelle-du-Noyer, près de Châteaudun, le 15 juil. 1854. Il
fut d'abord petit clerc de notaire et ensuite commis dans
une maison de librairie, oii il profita des facilités particu-
lières que lui procurait cet emploi pour parfaire son ins-
truction. Appelé sous les drapeaux en 1875, il connut au
régiment Joseph Baer (V. ce nom), avec lequel il se lia
d'amitié. Parvenu rapidement au grade de sergent-major,
il songea à faire sa carrière dans l'armée, mais une grave
maladie Tempêcha de donner suite à ses projets. Il vint alors
à Paris où Baer l'attacha, en qualité de chef des services
techniques, à l'œuvre qu'il venait de fonder. M. Lamirault
s'est depuis lors consacré tout entier à la Grande Ency-
clopédie dont il est devenu l'éditeur en avr. 1886 (V. En-
cyclopédie), lïartwig Derenrourg.
LAMIRAUX (François-Gustave), gèuéral français, né à
Strasbourg le 26 mai 1830. Elève de Saint-Cyr, capitaine en
1859, il prit part à la campagne d'Italie. Clief de bataillon
pendant la guerre de 1870, il assista aux batailles livrées
sous Metz et fut interné en Allemagne lors de la reddition
de la place. Colonel le 30 nov. 1880 et général de brigade
en 1886. En 1893, il a été mis à la tète de l'Ecole supé-
rieure de guerre et a fait paraître dans la même année :
Etudes pratiques de guerre, qui eurent dans Farmée un
certain retentissement. E. Bernard.
LAMIUM (Bot.) (V. Lamier).
L A M IVI A (Agostino), peintre italien, né à Venise vers 1 636 ,
mort en 1700. Il eut pour maître Antonio Calza et imita
Mattheus Stomm (Matteo Stomo), ce peintre de batailles alle-
mand, qui vivait alors à Venise. Lanzi a vu au Palazzo Curti
une œuvre importante de Lamma, le Siège de Vienne.
LAMIVIERMU1R(V. Grande-Bretagne, t. XIX, p. 150).
LAMMERS (Gustav-Adolph), théologien norvégien, né
à Copenhague en 1802, mort en 1878. Fils d'un capitaine
d'artillerie, il vint tout jeune à Christiania et y fit ses études.
En 1827, il était aumônier de l'hôpital de Trondhjem,
puis fut pasteur dans diverses paroisses. Il voyagea pen-
dant les années 1848 et 1849 en France et en Italie, et, en
1856, obtint sa pension de retraite. On la lui retira peu
après, parce qu'il avait fondé une Eglise dissidente, qui
prit rapidement une certaine extension, surtout dans les
campagnes. Sa pension lui fut rendue en 1861 ; il passa
d'ailleurs presque tout le reste de sa vie à l'étranger, s'oc-
cupant principalement d'art chrétien. Son rôle dans l'his-
toire du mouvement religieux en Norvège est très important.
On lui doit un très grand nombre d'articles de polémique
et la création d'une revue mensuelle : Communications
aux et des communautés (menigheder), apostoliques
chrétiennes. Th. (î.
LAMMERVILLE.Com. du dép. de Seine-Inférieure, arr.
de Dieppe, cant. de Bacqueville ; 664 hab.
LAMNA (Ichtyol.). Genre de Poissons cartilagineux (Pa-
lœichtyes), de l'ordre des Chondroptérygiens Plagiostomes,
section des Selachoidés et de la famille des Lamnidse, ren-
fermant des animaux au corps fusiforme, à peau recou-
verte de très petites scutelles; le museau est pointu, les
dents sont aiguës, non dentelées, à bords lisses et portant
un cône pointu, simple ou double de chaque côté de la
hase seulement chez les adultes. Ce genre ne copxiprend
qu'une seule forme, le Lamna cornubica, connu des pê-
cheurs de nos côtes sous les noms de Nez, de Taupe et de
Touille sur les côtes de la Charente-Inférieure. Souvent de
5 m. de long, ce poisson est d'une teinte ardoisée sur le
dos et blancMlre sous le ventre. C'est un des Requins les
plus voraces ; il se réunît en petites troupes lorsqu'il se
met en chasse, et s'attaque à tous les poissons comme à
tout ce qu'il rencontre, et même à Fhomme. Sa chair est
assez estimée sur nos côtes. Rondelet écrit qu' « elle est
blanche, pas fort dure, ni de mauvaise senteur». On mange
fréquemment les jeunes sur les côtes de la Charente-Infé-
rieure. A l'île d'Oléron notamment, nous avons pu nous
assurer que le goût de ce poisson est identique à celui do
la raie, et que l'un peut être servi pour l'autre sans qu'une
différenciation puisse être établie. Rochrr.
Btbl. : GuNTHER, Study of Fishes. — Cuvikr et Vaijcx-
ciRxxKs, liist. génér. des Poissons.
LAMNAY. Com. du dép. de la Sarthe, arr. de Mamers,
cant. de xMontmirail ; 1 ,092 hab.
LA MO (Pietro), peintre italien, né à Bologne, mort en
1578. Elève d'Innocenzo da Imola, il est moins connu par
ses fresques de San Francesco que par son ouvrage resté
manuscrit sur les œuvres d'art de Bologne, qu'il composa
vers 1560, et qu'il intitula La Graticola(\e Gril), à cause
du procédé bizarre qu'il avait employé de diviser la ville
par carrés égaux, comme un tableau qu'on met au carreau
(en italien graticolare). Cet ouvrage a été mis à contri-
bution par tous les historiens de l'art bolonais.
tiiDL.: Malvasia, Le Pitture delta città di Bologna ; Bo-
logne, 1755, in-8. — Guai^andi., Memorie 07'iginaH risguar-
danti le belle arti; Botogne, 1840, 6 vol. in-8. — - L'anzi^
Storia pittorica deUltalia; Milan, t. IV.
LAMOIGNON. Famille nivernaise, appartenant à la no-
blesse de robe, et d'où sont sorties les branches de Basvllle,
de Courson, de Blancmesnil et de Malesherbes. D'après
Moréri, elle tirait son nom du fief de Lamoignon, situé
dans le faubourg de Donzy, et qu'elle possédait depuis le
xni^ siècle ; mais'rillustration de la famille ne date réelle-
ment que duxvi^. Armes: losange d'argent et de sable,
au franc-quartier d'hermine. H. Monin.
LAMOIGNON (Guillaume de), néà Paris le 23 oct. 1617,
mort à Paris le 10 déc. 1677. Avocat au parlement le
19 avr. 1635, conseiller le 14 déc. suivant, maître des re-
quêtes le 15 déc. 1644, premier président le 2 oct. 1658,
il obtint, en 1670, l'érection de la terre de Basviile en mar-
quisat, et celle de la terre de Courson en comté. Après
avoir quelque temps pris part à la fronde parlementaire, il
sut se rallier à temps et avec éclat au parti du roi qui le
combla de faveurs. Il présida au célèbre procès de Fouguet
(V. ce nom), mais, comme il songeait à l'innocenter, fut rem-
placé par Sèguier. Il obligea Colbert à partager avec lui et
avec plusieurs magistrats la gloire de la réforme législative;
il l'emporta aussi sur ce ministre lorsqu'il obtint au conseil,
avant la guerre de Hollande, que le roi ferait un emprunt
au lieu de créer de nouveaux impôts. Il ne cessa de tra-
vailler, avec Foucroy et Auzanel, à l'immense entreprise de
l'unification et de la coordination des lois françaises. A Bas-
ville, il se plaisait à recevoir les hommes de lettres. Ra-
cine, Boileau, auquel il donna l'idée du Lutrin. Il mourut
sans être arrivé au but suprême de son ambition, le titre
de chancelier. H. Monin.
BiBL. : Fjléghier, Oraison funèbre du président de La-
moignon^ prononcée le 18 févr. 1619 en l'église de Sainl-
Nic'olas-du-Ckardonnet ; Paris, 1679, in-8.
LAMOIGNON (Nicolas de), administrateur français, né
à Paris le 26 avr. 1648, mort à Paris le 17 mai 1724,
second fils du précédent et de Madeleine Potier. Il prit,
à la mort de son père, le surnom de Basviile, sous lequel il
est surtout connu. Avocat au parlement (1666), bailH d'épée
et gouverneur du château de Limours (1668-69), con-
seiller au parlement (1670), maître des requêtes (1673),
il fut successivement envoyé comme intendant dans les
généralités de Montauban, de Pau, de Poitiers et de Lan-
guedoc, où il succéda le 13 août 1685 à Daguesseau ; il
se retira de lui-même en mai 1718, et vécut six ans
encore dans la retraite. Muni de pleins pouvoirs contre les
protestants, il exécuta rigoureusement à leur égard les ar-
ticles de redit qui révoquait l'édit de Nantes. Il subordonna
— 8:i7
LÂMOIGNON --- lA MONTAGNE
entièrement à Faction administrative et les Etats de Lan-
guedoc, et le cardinal de Bonzi, archevêque de Narbonne,
et les généraux qui furent envoyés dans la province pour
y réprimer les Camisards (V. ce mot). Sans pouvoir ré-
former à fond un système financier des plus compliqués,
sorte de transaction séculaire entre les droits du roi, ceux
des contribuables, et surtout les privilèges des évèques,
des barons, et delà bourgeoisie municipale, il s'efforça du
moins d'en prévenir et d'en réprimer les abus les plus
criants. Elève de Colbert en matière économique, il « pro-
tégea », mais par des moyens souvent douteux et parfois
tyranniques, l'agriculture, la draperie, la soierie langue-
dociennes. Il poursuivit ou commença d'importants tra-
vaux publics (canal des Etangs, port de Cette, etc.). Il laissa
un Mémoire d'un caractère apologétique et administratif,
écrit en 4698 pour l'instruction du dauphin, publié en
17*24 à Amsterdam (lire Marseille), avec une préface ano-
nyme. Ce Mémoire compterait parmi les plus intéressants
de l'époque, s'il n'avait été imprimé avec des fautes énormes
soit de chiffres, soit de noms propres. C'est principalement
par sa correspondance avec les contrôleurs généraux et avec
les ministres de la guerre que l'on peut se rendre compte
de l'importance de ce personnage, ot de la vérité du mot
de Saint-Simon, qui l'appelle « le roi et tyran du Langue-
doc ». Il eut pour successeur de Bernage. II. Monin.
BiBL. : H. Monin, Essai sur Vhistolre administrative
du Languedoc pendant l'intendance de Basville; Paris,
1884, in-8. — V. Camisardh.
LAMOIGNON (Chrétien-François de), homme d'Etat
français, né à Paris le 4 8 décHBo, mort le 15 mai 1789.
Conseiller au parlement le 5 sept. 1755, président à mor-
tier en avr. 1758, il devint garde des sceaux de France en
1787. Après avoir pris part à la lutte du parlement contre
la royauté, à son exil en 177'2, et collaboré à la Corres-
pondance^ satire périodique dirigée contre le parlement
Maupeou, après avoir triomphé avec sa compagnie, que
Louis XVI réinstalla dès son avènement, il se tourna du
côté du pouvoir absolu, aussitôt que le prince lui eut donné
la succession de Hue de Miromesnil. Il travailla, dans le
ministère que dirigeait l'archevêque Loménic de Brierme
(V. ce nom), auxédits impopulaires qui furent présentés ta
l'Assemblée des notables de 1787. Devant la résistance du
parlement, il reprit, sous le nom de bailliages royaux et
de cour plénière, tout le plan de Maupeou (édit du 8 mai
1788). Mais le roi et les ministres durent plier sous l'in-
dignation, et Lamoignon, renié par tous les partis, se donna
vraisemblablement la mort dans sa propriété de Basville,
d'un coup de fusil : la famille fit répandre le bruit d'un
accident de chasse. IL Monin.
LAMOIGNON de Malesherbes (V. Mâlesherbes).
LAMONCE (Les de). Famille d'artistes français des
xvii^ et xviii® siècles. Jean de Lamonce, né à Lyon vers
1640, fut, de 1670 à 1690, peintre et architecte de S. A.
l'électeur de Bavière pour lequel il peignit des portraits et
des tableaux de sainteté, en même temps qu'il faisait agran-
dir et décorait plusieurs châteaux de cet électeur. De retour
à Lyon, il y fit exécuter avant 1700 la chaire de marbres
précieux avec bas-reliefs de bronze doré du grand collège
des jésuites de cette ville. Plusieurs œuvres de Jean de
Lamonce ont été gravées par J.-G. Ambly, Daudet, C. Du-
flos et Poilly. — Ferdinand^ fils du précédent, naquit à
Munich en 1678 et mourut à Lyon le 30 sept. 175;-l.
Après avoir fait ses études d'architecture à Paris et les
avoir complétées par un voyage en Italie, cet architecte se
fixa à Lyon où il fit exécuter des travaux considérables,
façade pi'incipale, ailes et dôme de l'Ilôtel-Dieu, et fit
commencer la Loge du change, plus tard convertie en
temple protestant et terminée, ainsi que l'IIôtel-Dieu, par
J.-G. Souttlot. On doit aussi à Ferdinand de Lamonce la
construction des quais du Rhône, depuis la chapelle du
Saint-Esprit jusqu'au port de l'Hôpital ; de nombreux tra-
vaux dans les églises de Lyon et les plans de Pavant-
dernier sanctuaire de Fourvières, remplacé vers le milieu
de ce siècle par la chapelle actuelle près de laquelle s'élève
une nouvelle et riche église encore inachevée. Ch. Lucas.
LAMONGERIE. Com. du dép. de la Corrèze, arr. de
Tulle, cant. d'Uzerche; 365 hab.
LA MONNERAYE (C.-A., comtede) (V. Monneraye).
LA MONNOYE (Bernard de), littérateur français, né à
Dijon le 15 juin 1641, mort à Paris le 15 oct. 1728.
Avocat au parlement de Dijon (1662), il se distingua en
remportant cinq fois le prix de poésie à PAcadémie fran-
çaise (1671-85), où il fut admis le 23 déc. 1713. Auteur
d'une édition très curieuse du Menagiana (1715, 4 vol.)
dont l'apparition suscita une vive polémique, La Monnoye
a beaucoup écrit. Citons : Remarques sur les jugements
des savants de Baillet (Paris, 1722, 7 vol.); Poésies
françaises (La Haye, 1716, in-8), et son chef-d'œuvre,
les Noëls bourguignons (1700-2), qui a eu de très nom-
breuses éditions. R. S.
BiDL.: R. DE JuviGNY, Mém,oire sur La Monnoye, 1769,
2 voL in-4.— Girault, Particularités inédites ou peu con-
nues sur La Monnoye^ Crébillon et Piron; Dijon, 1822,
in-8. — Pjîignot. Nouvelles Recherches sur la vie et les
ouvrages de La Monnoye; Dijon, 1832, in-8.
LA MONNOYE (Jean-Baptiste- Alexis-Léon d'Affry de),
jurisconsulte français, né à Paris le 26 mars 1823. Avocat
au barreau de Paris (1844), secrétaire de la conférence
des avocats (1847-48), il fut nommé en 1850 greffier de
la chambre civile de la cour de cassation en 1871, juge
de paix du IV^ arrondissement de Paris et démissionna
en 1880. On a de lui une Théorie et pratique et V ex-
propriation pour cause d'utilité publique (Paris,
1859, in-8; 2« éd., 1879, 2 vol. in-8) qui fait autorité;
une traduction en vers du Marchand de Venise et de
Homéo et Juliette do Shakespeare ; une traduction de
liichilde de Musœus; les Trois Sœurs ^ chronique du
temps passé (1889, in-8) ; Vers le Pôle nord^ la Nor-
vège, Venise (1890, in-8).
LAIVI ONT (Johann de), astronome et physicien allemand,
d'origine écossaise, né à Braemar (comté d'Aberdeen) le
13 déc. 1805, mort à Bogenhausen, près de Munich, le
6 août 1879. Envoyé à douze ans dans le monastère écos-
sais de Ratisbonne!^ il demeura en Allemagne, fut admis,
très jeune, à l'observatoire de Bogenhausen, près de Mu-
nich, dont il devint directeur en 1835. Il était, en outre,
depuis 1852. professeur d'astronomie à Puniversité de Mu-
nich. Il faisait partie de l'Académie des sciences de cette
ville et de la plupart des sociétés savantes de l'étranger. Il
a joui d'une grande réputation comme astronome et comme
physicien. Au premier rang de ses nombreux et importants
travaux, il faut placer son grand catalogue d'étoiles, dont
34,000, de faible grandeur, avaient été calculées par lui
(années 1840 et suiv.), sa détermination de la masse d'Ura-
nus par l'observation des satellites de la planète, ses re-
cherches magnétiques qui furent de sa part l'objet de trois
grands ouvrages : H andbuch des Erdmagnetis mus (Ber-
lin, i 849, in-8); Astronomie undErdmagnelismus (Stutt-
gart, 1851, in-8); Handbuch des Magnetismus (Leipzig^
1860, in-8). On lui doit encore quelques autres publica-
tions à part, entre autres des Observationes asfronomicœ
(Munich, 1833-57, 26 vol.) et plus de cent mémoires épars
dans les Astronomische Nachrichten, dans les Annalen
de Poggendorff, dans les divers recueils de PAcadémie des
sciences de Munich, dans celui de la Société autrichienne
de météorologie, enfin dans les Jahrbuch der Sternvmrte
bei Mïmchen (1838-40) et les Annalen fur météoro-
logie (1824-44), fondés et dirigés par lui. L. S.
BiHï.. : ScuAFH/EUTL, J. von^Lamout, dans les Jœrg's
hist.-polit. Blaetiern, 1880, p. 54. — Orff, J. von Lamont,
dans le CarVs Repertorium^ 1880, p. 685. — Liste de ses
mém. dans le Gâtai, of scientif. papers de la Soc. rov. de
Londres, t. III, VIII et X.
LA MONTAGNE (Pierre de), poète français, né à Langon
en 1755, mort vers 1825. Auteur de nombreuses poésies
ou comédies en vers. Citons : les Nouvellistes (1 780, in-8);
la Phijsicienne (1781, in-8); la Thédtromanie (1783,
in-3) ; r Enthousiasme (1785, in-8), comédies ; Arabella
LA MOiNTAGNE — LAMOTHE ^ 838
et Altamo7it {il9\, in-8), tragédie; Poésies diverses
(1789, in-8) ; Laure et Pétrarque (1822, m-8) et plu-
sieurs traductions de l'anglais,
LAMONTÉLARI É. Corn. du dép. duTarn, arr. deCastres,
cant. d'Angles; 587 hab.
LAMONTGIE. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr.
d'Issoire, cant. de Jumeaux; 1,174 hab. Fours à chaux.
Intéressante église romane au hameau de Mailhat.
LAMONTJÔIE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr.
deNérac, cant. de Francescas; 826 hab.
LAMONZIE-MoNTASTRuc. Com. du dép. de la Dordogne,
arr. et cant. de Bergerac; 694 hab.
LAM 0 NZI E-Saint-Martin. Com. du dép. de la Dordogne,
ar.'. de Bergerac, cant. de Sigoulès; 1,152 hab. Stat. du
chem. de fer d'Orléans, ligne de Bordeaux au Buisson,
LAMORICIÈRE. Ch.-l. de cant. du dép. d'Oran, arr.de
Tlemcen; 1,771 hab. Stat. du chem. de fer d'Oran à Ras-
el-Ma. Mines de phosphate de chaux.
LAMORICIÈRE (Christophe-Léon-Louis Juchault de),
général français, né à Nantes le 5 févr. 1806, mort à Prouzel
(Somme) le 11 sept. 1865. Lieutenant du génie en 1828,
il alla servir en Algérie dès 1830, s'y fit remarquer par
son audace et son intelligence militaire et par ses talents
administratifs, organisa notre premier bureau arabe et notre
premier régiment de zouaves, devint après de nombreuses
actions d'éclat maréchal de camp (21 juin 1840) et, à
partir de 1841, le lieutenant le plus actif et le plus heureux
de Bugeaud: général de division en avr. 1843, il prit avec
le duc d'Aumale la smala d'Abd-el-Kader (16 mai 1843),
battit les Marocains à Lalla-Maghnia (10 mai 1844), con-
tribua puissamment à la victoire d'Isly (14 août 1844), fut
quelque temps gouverneur général de l'Algérie par intérim
(18 45) et eut enfin (déc. 1847) la gloire de capturer Abd-
el-Kader. Entre temps, il était venu en France et avait été
envoyé par les électeurs de Saint-Calais (10 oct. 1846) à la
Chambre des députés, où il avait pris place dans les rangs de
la gauche dynastique. H était à Paris quand éclata la révolu-
tion de 1 848. Il fit de vains efforts dans la journée du 24 févr.
pour sauver le gouvernement de Juillet. Représentant de
la Sarthe à l'Assemblée constituante (avril), il commanda
sous Cavaignac une partie des troupes qui eurent à réprimer
l'insurrection de Juin, fut ensuite nommé ministre de la
guerre par ce général, cjui était devenu chef du pouvoir exé-
cutif, se retira avec lui du pouvoir (20 déc. 1848), com-
battit la politique de l'Elysée, fit partie de l'Assemblée
législative (13 mai 1849), fut chargé, sous le ministère
Odilon Barrot, d'une mission diplomatique en Russie, d'où il
revint vers la fin de 1849, prit fréquemment la parole en
1850 et 1851 sur les questions politiques, militaires et
coloniales, se prononça contre la revision de la consti-
tution (17 juil. 1851), pour la proposition des questeurs
(17 nov.), fut arrêté dans la nuit du 2 décembre, expulsé
de France peu après (9 janv. 1852) et ne put qu'en 1857
rentrer en France. 11 avait refusé de prêter serment à
l'Empire. Devenu un des plus fougueux adversaires de la
Révolution, il offrit en 1860 ses services au pape qui le
mit à la tête de son armée, mais rentra en France après
la défaite de Castelfidardo (18 sept.) et la reddition d'An-
cône (28 sept.). Depuis lors il ne sortit plus de la retraite.
BiBL. : E. Keller, le Générai de Lamoricière; Paris,
1873, 2 vol. in-8.
LAM CRINIÈRE (François), paysagiste belge, né à An-
vers en 1828. Sa manière très étudiée et très finie n'ex-
clut pas l'unité de l'ensemble, et sa couleur est souvent
d'une très grande finesse. Il a beaucoup produit, et ses ta-
bleaux sont appréciés en Amérique autant qu'en Europe.
Citons parmi ses œuvres les plus remarquables : la Wart-
burg, le Bois de Burnham, à M. V. Lynen; HoiUen-
craan, au roi des Belges; le Prinsenvyver^ au musée
d'Anvers; la Mare^ au musée de Bruxelles; les Hêtres^
au musée de Liège. E. Durand-Gréville.
LAMORLAYE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Sentis,
cant. de Creil ; 862 hab.
L AM OR LIER E (Adrien de), historien français, né à Mont-
didier vers 1 560, mort à Amiens le 1 9 oct. 1 639 . Il fut cha-
noine de la cathédrale d'Amiens depuis 1591 jusqu'à sa
mort. Il a écrit : les Antiguitez, histoires et choses plus
remarquables delà ville d'Amiens^ et le Recueil de plu-
sieurs nobles et illustres maisons vivantes et esteintcs
en Vestendue du diocèse d'Amiens, etc. Ces deux ou-
vrages ont eu plusieurs éditions, dont la dernière et la plus
connue est de Paris (1642, in-foL).
BiBi.. : Edmond Soyez, Adrien de La Morlière, historien
d'Amiens, dans Mémoires de la Société des Antiquaires
de Picardie, t. XXXIl, 1894, p. 451, in-8.
LA WI ORLI ÈRE (Jacques RocHETTE de) ,'homme de lettres
et aventurier français, né à Grenoble le 22 avr. 1719, mort
à Paris le 8 févr. 1785. Le chevalier de La Morlière, comme
on l'appelle plus communément, était fils de Joseph Ro-
chette, conseiller à la chambre des comptes du Dauphiné,
et d'Anne de Biicher. Sa famille le destinait au barreau;
mais les extravagances et les déportements auxquels il se
livra dès son jeune âge l'obligèrent à l'envoyer à Paris et
à le faire entrer dans les mousquetaires du roi. Même dans
ce milieu peu scrupuleux, il fit scandale et on l'en chassa
« pour des choses déshonorantes », dit le Journal de
Collé. Dès lors renié par sa famille, qui lui refuse tout
subside, il commence une vie d'aventures, se lie avec des
hommes de lettres mal famés, Palissot, le chevalier de
Mouy, et roule avec eux des salles d'armes aux coulisses
et des coulisses aux tripots. Il publie des romans licen-
cieux dans le goût de Crébillon le fils : Angola, histoire
indienne, qui parut en 1746, eut un grand succès dans
les ruelles et les boudoirs. Encouragé, il publia l'année
suivante les Lauriers ecclésiastiques ou Campagnes de
Vabbé T. (Terray), ouvrage obscène, qui lui attira les ri-
gueurs de la police. Exilé de Paris, il se réfugia à Rouen
pendant quelques mois; mais il ne tarda pas à reparaître,
et plus effronté, plus querelleur que jamais, une grande
épée au côté, il se constitua l'arbitre du théâtre. Tous les
soirs on le voyait au parterre, commandant à une bande de
jeunes polissons, groupés autour de lui, les applaudisse-
ments ou les sifflets. Tout auteur dramatique était tenu de
compter avec lui et c'est à l'aide du produit de ces tran-
sactions qu'il vivait.
A ce jeu il était devenu odieux à tous les gens de lettres.
Ils se vengèrent en sifflant impitoyablement le Gouver-
neur, comédie en prose qu'il donna en 1751 au Théâtre-
Italien, et la Créole jouée en 1754 au Théâtre-Français et
que les acteurs ne purent achever. La Morlière riposta par
un factum contre Fréron intitulé le Contrepoison des
feuilles, ou lettres sur Fréron (1754, in-12). En 1758,
nouvel échec avec l'Amant déguisé. La muse dramatique
lui étant ingrate, il chercha dans les intrigues les ressources
qui lui manquaient. Il y mit si peu de scrupules qu'en août
1762 sa famille le fit entrer à Saint-Lazare. Il en sortit au
bout de quatre mois et reparut dans le monde « avec un
front d'airain », dit Bachaumont. En 1769, il dédie à la
Dubarry deux volumes sur le Fatalisme et en reçoit une
invitation à souper en tête à tête et une bourse de cent louis.
Pendant ses dernières années il descendit plus bas dans
l'ignominie et, méprisé de tous, il mourut misérablement.
On trouvera une bibliographie complète des œuvres de La
Morlière dans Octave Uzanne, Contes du chevalier de La
Morlière- Angola (Paris, 1879, in-8, p. LIV). A. Pr.
BiBL. : Ch. MoNSELET, les Aveux d'un -pamphlétaire ;
Paris, 1854, in-12. — Rochas, Biogr. du Dauphiné, II, p. 24.
LAMORVILLE. Com. du dép. de la Meuse, arr. de
Commercy, cant. de VigneuUes; 264 hab.
LAMOTHE. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. (E.) de Tartas; 534 hab.
LAMOTHE. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. et
cant. de Brioude ; 900 hab.
LAMOTHE-Capdeville. Com. du dép. du Tarn-et-
Garonne, arr. et cant. (E.) de Montauban, sur l'Aveyron ;
713 hab. Ce nom moderne désigne l'ancienne paroisse de
Cos, prieuré-cure à la collation de l'évêque de Cahors, Ce
- 839 —
LAMOTHE
lieu de Cos {Cosa, Cosdum) est inscrit sur la carte de Peu-
tinger comme station de la voie antique de Toulouse à Ca-
hors ; on trouve encore dans le pays quantité de débris de
l'époque romaine. Le château de Cossium existait encore
au moyen âge. A Ardus, église du xiv^ siècle, reliquaire
du xu®, provenant, dit-on, de l'abbaye de Grandselve.
BiBL. : Congrès archéologique, session de 1865. — Mou-
LENQ, Documents historiques sur le Tarn-et-Oaronne^
II, 182 et suiv.
LAMOTHE-GoÂS. Com. du dép. du Gers, arr. de Lec-
toure, cant. de Fleura nce ; 140 hab.
LAMOTHE-Lânderron. Com. du dép. de la Gironde,
arr, et cant. de La Réole ; 1 ,! 64 hab. Stat. du ch. de fer du
Midi, ligne de Bordeaux à Cette. Grande culture de tabac.
LAMOTHE (Pierre Lambert de), missionnaire fran{;ais,
né à Bucherie le 18 janv. 1624, mort à Siam le 15 juin
1679. Evêque de Bérythe (1660), il eut une part des plus
considérables à l'extension de l'influence française au Siam
oti il fonda une église, un séminaire, un hôpital. 11 étendit
son action au Tonkin, à la Cochinchine, au Cambodge,
avec le titre de gouverneur général de ces missions.
LA MOTHE (Grostète, sieur de) (V. Grostéte).
LA IVIOTHE (Le Père), historien français, né en 1680,
mort vers 1740. Jésuite, il fut interdit en 1718 pour avoir
prononcé un discours contre la politique du gouvernement.
11 passa en Hollande où il écrivit force ouvrages sous le
nom de La Mode. Citons : Vie de Philippe \r Orléans
(Londres [La lïaye], 1736, 2 vol. in-12); Histoire des
révolutions de France (1738, 2 vol. in4) ; Histoire de
Louis XÎV (1740 et suiv., 5 vol. in-4). Ce dernier ou-
vrage fut vivement attaqué par Voltaire.
LAMOTHE (Léonce de), archéologue et économiste fran-
çais, né à Bordeaux le 21 sept. 1811 . Après avoir fait ses
études de droit, Lamothe devint chef de bureau à la préfec-
ture de la Gironde, inspecteur des établissements de bien-
faisance, secrétaire de l'Académie de Bordeaux et, outre
sa collaboration au Journal des économistes, aux Actes
de l'Académie et à la presse politique locale, publia de
nombreux ouvrages d'archéologie et d'économie sociale,
parmi lesquels il faut citer : Essai historique et archéo-
logique sur la cathédrale Saint- André de Bordeaux
(1842, in-8); Ctioix des types les plus remarquables
de V architecture du moyen dge dans le dép. de la Gi-
ronde (1846, in-8); Moyens d'améliorer le sort de la
classe ouvrière (1849, in-8); les Théâtres de Bordeaux
(1852, in-8, etc.). Charles Lucas.
LAMOTHE (Pierre- Alexandre Bessot de), archiviste et
romancier français, né à Périgueux en 1823. Sorti de
l'Ecole des chartes en 4851, M. Bessot de Lamothe fut
chargé de plusieurs missions scientifiques en Europe, en
Asie et en Afrique, puis fut nommé archiviste de la ville
de Nîmes et édita, en cette qualité, les Archives du dép.
du Gard et les Archives d'Uzès et de Beaucaire. Mais
son œuvre comme romancier est de beaucoup plus consi-
dérable et comprend, entre autres ouvrages, parus de 1858
à 1870 : Mémoires d'un déporté à la Guyane, la Fée
des Sables^ les Camisards, les Faucheurs de la Mort,
les Martyrs, les Mystères de Machecoul, V Orpheline de
Jaumont, l'Auberge de la Mort, les Compagnons du
désespoir. On lui doit aussi une Histoire populaire de
la Prusse^ la première parue dans notre langue après la
guerre franco-allemande, en 1872. Charles Lucas.
LA MOTHE-Fénelon (V. Fénelon).
LA M OT H E-ÏÏOUDANCOURT (Philippe, 'comte de), duc de
Cardona, maréchal de France, né en 1605, mort le 24 mars
1657. Il débuta dans l'armée comme cornette des chevau-
légers du duc de Mayenne et servit en 1622 dans plusieurs
sièges contre les protestants. De 1625 à 1632, il eut une
carrière militaire très active et fut blessé à l'attaque du
pont de Carignan. 11 fut en 1632 gouverneur de Bellegarde
et bientôt nommé mestre de camp. Ses nouveaux services
lui valurent le grade de maréchal de camp en 1637. Em-
ployé à l'armée de Bourgogne sous le duc de Longueville,
il battit un corps ennemi à Poligny. Lieutenant général en
1639, il passa en Piémont. A la mort du cardinal de La
Valette, il prit le commandement de l'armée en attendant
l'arrivée du comte d'Harcourt. Sous ce chef, La Mothe
s'empara de Quiers et secourut plusieurs fois l'armée du
comte d'Harcourt ; il se trouva en 1640 à la bataille de
Casai et au siège de Turin. En 1641, il fut promu lieute-
nant général et envoyé à Parmée de Catalogne sous les
ordres du prince de Condé. Il défit deux fois l'armée espa-
gnole et entama l'Aragon par la prise de Tamarite et de
Monzon. Il fut récompensé par le bâton de maréchal de
France. A ce moment, il alla au secours de Lérida que les
Espagnols menaçaient, et contraignit le général Lleganez à
abandonner son entreprise. Ce nouvel exploit lui valut le
duché de Cardona et la vice-royauté de Catalogne. Mais
bientôt les Espagnols reprirent l'offensive ; La Mothe-Hou-
dancourt ne put faire face partout, et il se vit enlever les
places qu'il avait conquises, Monzon, puis Lérida notam-
ment. Traité en coupable par Michel Le Tellier, le maré-
chal de La Mothe fut destitué et emprisonné ; il fut tra-
duit devant le parlement de Grenoble et, aucun grief Sérieux
n'ayant été relevé contre lui, il fut remis en liberté en
1648. Pendant la Fronde, il se rangea parmi les mécon-
tents. A la paix de Rueil, il se réconcilia avec la cour et
fut renvoyé en Catalogne où il recouvra ses dignités. En
1652, il força les fortifications élevées devant Barcelone
et se jeta dans cette place où il se défendit pendant plu-
sieurs mois. Malgré son énergie, il dut se rendre le 15 oçt.,
et la Catalogne fut perdue pour la France à l'exception de
Roses. En 1653, La Mothe essuya un échec devant Girone,
qu'il ne put reprendre, mais il secourut Roses et défit les
Espagnols qui menaçaient cette place. G. R.
BiBL. '. PiNARii, Chronologie historique militaire, 1700,
t. II, }). 529. — Dk Quincy, Histoire militaire du règne de
Louis le Grand, 1726, 8 vol. in-4. — De Courgelles, Dic-
tionnaire des généraux français, 1823, t. Vlli, p. 108. —
Le cardinal dk Retz, Mémoires.
LAIVIOTHE-Langon (Etienne-Léon, baron de), littéra-
teur français, né à Montpellier le l®"" avr. 1786, mort à
Paris en 1864. Il eut une vie assez agitée, fit partie du
conseil d'Etat en 1809, fut préfet de Toulouse en 1811,
sous-préfet de Livourne en 1813 et préfet de l'Aude pen-
dant les Cent-Jours. Il a énormément écrit. Citons : Lé-
gendes, ballades et fabliaux (1829, 2 vol. in-12) ; Clé-
mence Isaure et les Troubadours (1808, 3 vol. in-12);
la Province à Paris (1825, 4 vol. in-12) ; la Vampire
ou la Vierge de Hongrie (1828, 3 vol. in-12) ; le Ven-
tru (1829, 4 vol. in-12), roman de mœurs ; le Diable
(1832, 5 vol. in-12) ; le Gamin de Paris (1833, 5 vol.
in-12) ; Trois Mois de l'histoire de Paris (1831, in-8) ;
Napoléon (1838, in-8); Monsieur le Préfet (1824,
4 vol. in-12), roman qui obtint un très grand succès; des
pièces de théâtre comme Isabelle de Bavière, tragédie en
cinq actes, jouée au Théâtre-Français enl829 ; le Ducd'En-
ghien, drame en dix tableaux, etc. Mais Lamothe-Langon
a surtout conquis la célébrité en créant de toutes pièces
ou en arrangeant des mémoires historiques donnés comme
authentiques, entre autres : Mémoires de la comtesse du
Barry (1829-30, 6 vol. in-8); Mémoires d'un émigré
(183Ô, 2 vol. in-8); Mémoires et Souvenirs d'un pair
de France (Fabre de l'Aude) (1829-30, 4 vol. in-8) ; Mé-
moires et Souvenirs d'une femme de qualité (1830-31 ,
12 vol. in-8); Mémoires historiques et anecdotiques
du duc de Richelieu (1829, 4 vol. in-8) ; Mémoires de
la vicomtesse de Fars (1830, 3 vol. in-8); Mémoires
de Louis XVIll (1832-33, 12 vol. in-8); Mé7noires de
Napoléon Bonaparte (1834, 4 vol. in-8); Mémoires de
M^^^ Quinault, aînée (1836, 2 vol. in-8); Mémoires
de Sophie Arnoult (1837, 2 vol. in-8) ; Mémoires de la
comtesse de Valois de Lamothe (1846, 2 vol. in-8).
LA MOTHE Le Vayer (François de), écrivain français,
né à Paris en 1588, mort à Paris en 1672.11 appartenait
à une famille parlementaire qui le destina d'abord aux
affaires ; mais, vers l'âge de trente ans, il abandonna cette
LAMOTHE - LA MOTTE
840 —
carrière pour se consacrer entièrement aux belles-lettres.
Il fut toute sa vie un amateur bien plutôt qu'un écrivain
de profession. En 4640, un essai sur r Instruction du
Dauphin lui valut l'accès de l'Académie française, et Ri-
chelieu le désigna pour diriger les études du jeune
Louis XIV. Il conquit, dans l'exercice de ces fonctions, les
bonnes grâces de Mazarin et d'Anne d'Autriche ; mais il
ne chercha jamais à sortir de la studieuse retraite qu'il
avait su se créer au miheu de la cour. Sceptique, il sut,
au milieu d'une société croyante et peu tolérante, n'éveiller
aucune susceptibilité trop vive et déjoua sans grande lutte
l'accusation d'athéisme qui fut lancée contre lui. Il avait
écrit un grand nombre d'opuscules philosophiques et mo-
raux. Une première édition complète en a paru à Paris
(1669, 45 vol., pet. in-42). La plus récente et la meil-
leure est celle de Dresde (4766, 15 vol.in-8).Nous citerons
les plus connus de ces opuscules : la Contrariété cVhu-
meur entre la nation française et l'espagnole (1636);
l'Hexameron rustique (Amsterdam, 4674); Quatre Dia-
logues faits à V imitation des anciens (2 vol. en I ,
in-4). Cet ouvrage, dans lequel Fauteur se dissimule sous
le pseudonyme d'Orasius Tubero, porte l'indication, inten-
tionnellement fausse, Francfort, 4606; il a été réimprimé
à Trévoux (4756, 2 vol. in--42), également avec l'indica-
tion fausse de Francfort ; les Trente et un Problèmes
sceptiques^ etc. La Mothe Le Vayer représente la tradition
sceptique en France au xvu*^ siècle et forme la tradition
entre Montaigne et Bayle. Comme Montaigne, il tirait parti
en faveur de son doute de ses vastes connaissances histo-
riques, géographiques et littéraires. Sa dialectique propre-
ment dite est sans originalité ; il se contente de reproduire
celle de Sextus Empiricus pour lequel il avait une grande
admiration. Son pyrrhonisme n'a du reste rien d'amer ni de
sarcastique; il le déguisait sous une ironie enjouée, protes-
tant d'ailleurs que sa « sceptique » servait la cause de la
religion. En fait, la fin toute pratique de sa philosophie était
d'arriver au bonheur par l'indifférence. Th. Ruyssen.
BiBL.: Etienne, Essai sur La Mothe le Vayer; Paris, 1849.
LANIOTTE-Brebière. Com. du dép. de la Somme, arr.
d*Amiens, cant. de Corbie ; 440 hab.
LAMOTTE-en-Santerre. Com. du dép. de la Somme,
arr. d'Amiens, cant. de Corbie ; 59^ hab.
LAMOTTE-les-Bains (V. Motte-Sainï-Martin [La]).
Eaux MINÉRALES. — Ces eaux « hyperthermales, chloru-
rées sodiques et sulfatées calciques moyennes, carboniques
faibles», sont diaphorétiques ou diurétique selon la dose et
la température, ou même purgatives ; elles ont également
une action tonique et reconstituante. En bains et en douches
de vapeur, elles s'emploient avec succès dans le rhumatisme,
les paralysies rhumatiques, les suites des grands trauma-
tisâmes. En boisson et en bains, elles sont utiles dans toutes les
Ml. nitestations de la scrofule, dans le rachitisme, et même
dans les maladies de l'estomac, du foie et des reins. D^^L. Hn.
LAMOTTE (Jeanne-Marie Bouvier de) (V. Guyon [M"^^]).
LAMOTTE (Les de). Famille d'architectes français des
XVII® et xvm® siècles. Le plus anciennement connu, Co-
quard de Lamotte, fut architecte du roi Louis XIV, con-
seiller d'Etat, intendant et ordonnateur des bâtiments;
il fut admis en 4678 à l'Académie royale d'architecture
où il collabora, avec ses confrères, aux travaux de la com-
mission instituée par Colbert pour l'étude de la nature et de la
provenance des pierres employées dans les édifices de Paris et
des villes du bassin de la Seine. — Robert-Philippe^ proba-
blement fils du précédent, lui succéda dans sa charge d'in-
tendant et ordonnateur des bâtiments, jardins, arts et manu-
factures du roi, charge qu'il vendit en 4740 à Michel Hazon.
— Un autre Lamotte, qui paraît devoir être rattaché à
cette famille, habitait en 4777 à Saint-Pétersbourg, oti il
était architecte de l'empereur de Russie et correspondant
de l'Académie royale d'architecture. Charles Lucas.
LA MOTTE (Antoine Houdar de), littérateur français,
né à Pans le 1 8 janv. 4672, mort à Paris le 26 déc. 1734.
Fils d'un chapelier, il fit de bonnes études chez les jésuites
et débuta dans la littérature dramatique par une comédie,
les Originaux, qui éprouva un échec éclatant au Théâtre-
Italien (1693). La Motte désespéré se retira, dit-on, à la
Trappe, mais il en sortit bientôt pour donner à l'Opéra
r Europe galante (4697), musique de Campra. Cette pièce
réussit et Houdar écrivit un grand nombre d'opéras, d'opéras-
comiques et de ballets parmi lesquels il suffit de mention-
ner : Issé (1697), Amadis (4699), le Triomphe des arts
(1700), Sémélé (4709). Les tragédies qu'il composa ensuite
ne firent qu'accroître sa réputation : il y manifesta quelques
velléités de réformes et s'attaqua notamment à la fameuse
règle des trois unités. Citons : les Macchabées (1 722, in-8) ;
Romulus (1722, in-8); hiès de Castro (1723, in-8);
OEdipe (4730). Inès surtout obtint un succès considérable
au Théâtre-Français. On compara l'auteur à Corneille.
La Motte avait pris parti dans la querelle des anciens et des
modernes en publiant une traduction de VIliade en vers
français avec un discours sur Homère (1744, in-4 2),
où il se déclara en faveur des modernes. Cette piteuse tra-
duction lui attira une polémique retentissante avec Rous-
seau qui lui en voulait fort d'ailleurs qu'on l'eût élu à sa
place membre de l'Académie française le 8 févr. 4740. La
Motte, qui était, dit-on, devenu aveugle vers sa quarantiènjc
année, termina doucement son existence, amoureux sur le
tard de la duchesse du Maine avec laquelle il échangea une
correspondance galante (1726), fréquentant assidûment
le salon de M"^^ de Lambert et se réjouissant de l'amitié
de Fontenelle. Il a laissé encore des Fables (1749, in4)
qui sont une œuvre de valeur, des Réflexions sur la cri-
tique (1715, in-12); des Odes (1709, in-12),etc. On a
formé plusieurs recueils de ses œuvres, entre autres :
OEuvres {^AYÏs, 1754, 14 vol. in-12); OEuvres choisies
(1814, 2 vol. in-12); OEuvres de théâtre {iTSO, 2 vol.
in-8) et publié ses Lettres (175^i, in-12). R. S.
Bip>L. : Hérissa:, T, Esprit des poésies de H. de La-
moite, 1767, in-12. — Trublet, Eloge de A. de La Motte;
s. d., in-8. — Sautreau, Précis sur H. de Lamotte, 1785,
in-8. — Jal, Dictionnaire critique^ 1872, gel. in-8.
LAMOTTE (Marie-Hélène Desmottes, dite), actrice fran-
çaise, née à Colmar en 4704, morte le 30 nov. 4769.
Issue d'une très bonne famille, elle fut élevée au couvent
des ursulines de Metz, d'où elle se fit enlever. Elle entre-
prit la carrière théâtrale et débuta à la Comédie-Française,
le 4^'" ou le 2 oct. 1722, dans le rôle de Cléopâtre de
Rodogune, joua ensuite le Comie d'Essex et Héraclius,
et fut reçue le 31 nov. Cependant elle abandonna bientôt
le genre tragique pour le comique. Malgré sa jeunesse, elle
ne tarda pas à adopter l'emploi des « caractères » qu'elle
tint en chef et dans lequel elle se distingua pendant de
longues années. W^^ Lamotte, qui était liée d'une étroite
intimité avec Adrienne Lecouvreur, prit sa retraite en 4 759.
LA MOTTE (Jeanne de Valois-Saint-Remy, comtesse
de), née à Fontette en Languedoc le 22 juil. 4756, morte
à Londres le 23 août 4794. Elle descendait par son père
de Henri de Saint-Remy, dit de Valois, fils naturel de
Henri II et de Nicole de Savigny. L'inconduite avait ruiné
sa famille. Elle s'évada de l'abbaye de Longchamp où on
l'avait placée. A Bar-sur-Aube, elle épousa un gentilhomme
champenois, Marc-Antoine-Nicolas'de La Motte, gendarme
du roi ; puis tous deux vinrent à Paris courir les aventures
et faire des dupes. L'intimité du cardinal de Rohan et l'af-
faire du Collier (V. ce mot) la tirèrent de l'obscurité. Le
31 mai4786, elle fut condamnée au fouet, à la marque et à la
détention perpétuelle. Elle s'évada le 5 juin 4787 de la Sal-
pêtrière, rejoignit* à Londres, son mari, qui avait été con-
damné par contumace aux galères à perpétuité, et publia
des Mémoires justificatifs (Londres, 1788-89, in-8), puis
sa Vie (an 1, 2 vol. in-8), dont une première édition avait
été acquise et détruite par la police. Son mari et elle furent
longtemps pourchassés par les agents de la pohce fran-
çaise. On la trouva mourante dans la rue, s'étant ou ayant
été jetée par la fenêtre, du troisième étage. Après sa mort,
son mari La Motte revint en France, où il mourut à l'hô-
pital de la Pitié en nov. 1834. H. Monin.
— 841
LA MOTTE — LAMOUREUX
BiBL. : Outre les écrits de la comtesse de La Motte in-
diqués ci-dessus, V. Collier (Allaire du) et Mémoires du
comte de La Motte^ publiés d'après le manuscrit original
par L. Lacour; Paris, 1858, in-12.
LA MOTTE (Alphonse), graveur français contemporain,
né au Havre en 1844. Elève de J. Outhwaite et de Henri-
quel-Dupont, il débuta aux Salons de 4869 et de 1870
avec les portraits de M. de Lesseps et du Bey de Tunis,
et montra, dans les œuvres qu'il produisit ensuite, copies
de maîtres anciens et modernes, portraits originaux ou
reproductions de sculptures, une vigueur et une colora-
tion remarquables. Parmi ses principales oeuvres, citons :
le Précurseur, d'après Perrault (S. d877); l Assomp-
tion, d'après Murillo (1880) ; la Source, d'après Munier
(1883). On peut citer comme ses plus belles pièces :
la Séance du 20 juin i789 aux Etats généraux,
d'après le bas-relief de Dalou (Exp. univ. 1889); les
Bergers d'Arcadie , d'après Poussin , commande de
l'Etat, et l'Amateur d'estampes, d'après Meissonier.
Parmi ses portraits, on remarque celui de M^*^^ Coralie
Cahen, chevalière de la Légion d'honneur {iSSo). Son
œuvre la plus récente, la Vérité, d'après J. Lefebvre (1 894),
est au musée du Luxembourg. M. A. Lamotte a encore
gravé rOEuvre de Gatteaux, Ad. Thiers.
LA MOTTE-Ango (V. Flers).
LA MOTTE DE La Pérouse (Gabriel de) (V. La Pérouse).
LA MOTTE-FouQuÉ (V. Motte-Fouqué [Baron de La]).
LAMOTTE-Messemé (François Le Poulchre, sieur de),
poète français, né à Mont-de-Marsan vers 1 540, mort en
1597. CEuvres principales : les Sept Livres des Honnestes
Loisirs (Paris, 1587, in-12) ; les Passetemps (1597, in-8).
LAMOTTE-Piqueï (Toussaint-Guillaume, comte Picquet
de La Motte, connu sous le nom de), marin français, né
à Rennes en 1720, mort en 1791. 11 entra dans la marine
royale dès l'âge de quinze ans et fit vingt-huit campagnes,
de 1737 à 1783. Il se distingua particulièrement lors de
la guerre d'Amérique. Il se signala à la bataille d'Oues-
sant le 27 juil. 1788 ; il était alors le conseil du jeune
duc de Chartres qui commandait l'une des escadres. En
1779, au combat de Fort-Royal, il eut à soutenir avec
trois vaisseaux le feu de toute une flotte anglaise ; il fut
alors nommé chef d'escadre. Il captura en 1781 vingt-six
vaisseaux de l'escadre de l'amiral Rodney, et fut nommé
lieutenant général des armées navales.
LÀ MOTTEROUGE (Joseph-Edouard de), général fran-
çais, né à Pléneuf (Côtes-du-Nord) le 3 févr. 1804, mort
à La Motte (Côtes-du-Nord) le 29 janv. 1883. Ancien élève
de Saint-Cyr (1819-1821), il fit les campagnes d'Espagne
(1823) et de Belgique (1832), parvint au grade de colonel
en 1848, à celui de général de brigade en 1852, conquit
en Crimée celui de général de division (22 juin 1855) et
prit part à la guerre d'Italie en 1859. Admis en 1869 dans
le cadre de réserve, il fut la même année, avec l'appui du
gouvernement, envoyé au Corps législatif par la première
circonscription des Côtes-du-Nord. Rappelé à l'activité pen-
dant la guerre de 1870, il fut chargé du commandement du
15^ corps d'armée (5 oct.), mais le perdit peu de jours
après pour s'être laissé battre à Artenay et avoir évacué
Orléans (V. Franco-allemande [Guerre]). Il siégea plus
tard parmi les juges du maréchal Bazaine (1873).
LA MOTTRAYE (Aubry de), voyageur français, né vers
1674, mort à Paris en 1743. Réfugié en Angleterre pour
échapper aux persécutions dirigées contre les protestants,
il passa une vingtaine d'années à voyager dans les pays du
Nord, en Tartarie, en Turquie. Citons de lui : Voyage en
Europe, Asie et Afrique (La Haye, 1727, 2 vol. in-lbl.),
trad. en anglais et en allemand ; Voyage en diverses pro-
vinces de la Prusse, de la Russie, de la Pologne (il M,
in-fol.) avec dessins de Hogarth (trad. en anglais la même
année).
LAMOU. Petite île de la côte E. d'Afrique, le long de
la côte de Souahéli ou Zanzibar, par 2<» 16 lat. S., au S. de
l'île Patta et au N. de l'embouchure de la Tana. Le port
a 8,000 hab., bien que très déchu de son ancienne impor-
tance ; ce fut la principale escale entre Zanzibar et l'Ara-
bie. Les vapeurs qui font le service entre Aden et Zanzibar
y relâchent. Un fort dépendant du sultan est occupé par
une petite garnison. On y travaille l'ivoire et l'acier.
LAMOUILLY. Corn, dudép. de la Meuse, arr. de Mont-
médy, cant. de Stenay ; 235 hab.
LÂMOURA. Corn, du dép. du Jura, arr. etcant.de
Saint-Claude ; 886 hab,
LAMOU RETTE (Antoine-Adrien), homme politique et
prélat français, né à Frévent (Pas-de-Calais) en 1742,
décapité à Paris le 11 janv. 1794. Membre de la congré-
gation des lazaristes, supérieur du séminaire de Toul, di-
recteur à Saint-Lazare et grand vicaire à Arras, il embrassa
les idées nouvelles, se lia avec Mirabeau, dont il fut le
collaborateur, et se créa une popularité par ses prônes
civiques. Il prêta serment à la constitution civile du clergé.
Elu en févr. 1791 évêque constitutionnel de Rhône-et-
Loire, sacré le 27 mars, il devint le 31 aoiît 1791 député
de ce département à l'Assemblée législative, où il prit place
parmi les modérés. Le 21 nov. il s'opposa à ce qu'on
changeât le litre de Constitution civile du clergé, et, le
24, à ce qu'on accordât des temples aux schismatiques .
Mais ce qui a rendu son nom célèbre, c'est la motion de
concorde et de fraternité qu'il proposa et fit adopter dans
la séance du 7 juil. 1792 et qui est connue dans l'histoire
sous le nom de baiser Lamouretle (V. Baiser). Revenu à
Lyon après la session, il s'y trouvait pendant le siège et
tomba le 29 sept. 1793 aux mains des républicains. Amené
à Paris, enfermé à la Conciergerie (28 oct.), traduit devant
le tribunal révolutionnaire, il fut condamné à mort et exé-
cuté. Le 7 janv. 1794, il avait rétracté son serment consti-
tutionnel. Etienne Charavay.
LAMOUREUX (Abraham-César), sculpteur français, né
à Lyon en 1664, mort après 1690. Un des meilleurs élèves
de Nicolas Coustou, il exécuta plusieurs sujets religieux
pour les églises de sa ville natale : le Christ au milieu
des docteurs, la Mort de la Vierge, r Annonciation.
On lui doit aussi le modèle de la statue équestre colossale
de Christiaii V à Copenhague, mais sa carrière fut, de
bonne heure, tragiquement brisée. Il se noya dans la Saône
en cherchant à la traverser à la nage. G. A.
LAMOUREUX (Charles), violoniste et chef d'orchestre
français, né à Bordeaux en 1834. Entré au Conservatoire en
1850, il en sortit avec le premier prix de violon en 1853 ;
il resta plusieurs années comme violoniste à l'Opéra et ter-
mina ses études sous la direction de Tolbecque, Leborne et
Chauvet, et fonda une société de musique de chambre avec
MM. Colonne, Adam et Rignault. Devenu second chef d'or-
chestre du Conservatoire, il eut l'idée de faire entendre au
public français les grandes compositions instrumentales et
chorales de Bach et de Hsendel et fonda, en 1873, la Société
de l'Harmonie sacrée qui débuta par une magnifique au-
dition du Messie de Hœndel, le 19 déc. 1873 ; de ce jour,
M. Lamoureux popularisait en France un art splendide et
presque inconnu, et se plaçait au premier rang des chefs
d'orchestre; après le Messie, on entendit la Passion de
Bach, puis Judas Macchabée de Haendel, puis Gallia de
Gounod et Eve de Massenet. La réputation de Charles La-
moureux grandissait chaque année, et le moment venait où
il devait être appelé à conduire un des grands orchestres
parisiens. Il fut d'abord nommé à î'Opéra-Comique, puis,
en 1877, à l'Opéra. Décoré en 1878, il quitta l'Opéra en
1879 où il fut remplacé par M. Altès. M. Lamoureux avait
besoin de toute son indépendance pour exécuter les plans
qu'il avait conçus. Wagnérien convaincu et intelligent, il
voulait faire connaître ce musicien de génie au public pari-
sien. De plus, pensant non sans raison que le Conserva-
toire ne donnait pas assez de place à la musique nouvelle et
à certaines grandes œuvres anciennes, voyant que Pasde-
loup, le créateur des concerts populaires, avait vieilli, il
crut pouvoir établir non une concurrence aux concerts de
l'Association artistique dirigée par M. Colonne et établie
depuis 1871, mais quelque chose comme une institution
LAMOUREUX — LAMPADODROMIE
— 842
nouvelle plus avancée et plus progressiste. Après avoir fait
à Londres une tentative des plus heureuses, M. Lamou-
reux fonda à Paris, au théâtre du Château-d'Eau, puis à
l'Eden, puis au Cirque d'Eté des Champs-Elysées, de
grandes auditions auxquelles il donna le titre de ÎS^ouveaux
Concerts que le public s'est habitué à intituler depuis con-
certs Lamoureux et dont le premier eut lieu en oct. 4881.
Ces concerts renouvelèrent le goût musical déjà éveillé en
France par Colonne et Pasdeloup ; leur programme tout mo-
derne comprenait non seulement des fragments d'œuvres
de Wagner, mais aussi nombre de compositions de musi-
ciens modernes français et étrangers. Artiste convaincu,
instruit, d'une volonté de fer, M. î^amoureux est un chef
d'orchestre magnifique de chaleur, de régularité et de puis-
sance, tenant dans sa main son orchestre avec une maestria
qu'aucun de ses concurrents ne peut égaler. Peut-être
pourrait-on désirer chez lui plus de délicatesse et de grâce
dans les nuances, mais il a la conviction et le dévouement
et sait communiquer à son orchestre ces deux qualités sans
lesquelles il n'est pas d'exécution vraiment artistique.
Parmi les services rendus à la musique par les Nouveaux
Concerts et leur chef, il faut citer l'exécution presque par-
faite de la 9<^ symphonie de Beethoven qui, jusqu'à M. La-
moureux, n'était guère connue que du public bien restreint
du Conservatoire.
Enfin, M. Lamoureux a donné en 1887 une preuve écla-
tante de sa hardiesse et de sa haute intelligence artistique
et de son dévouement à la musique moderne. En effet,
ayant loué la salle de FEden-Théâtre, il résolut de faire
connaître aux Parisiens une œuvre qui était applaudie dans
le monde entier depuis plus de trente ans, Lohengrin de
Richard Wagner. Une ridicule cabale l'empêcha de donner
suite à son projet, ou du moins on ne put entendre à cette
époque que la répétition générale et la première de cet admi-
rable chef-d'œuvre qui depuis a été joué tant de fois à l'Opéra.
M. Lamoureux n'a pu donner que ces deux auditions de Lo-
hengrin^ mais ceux qui aiment vraiment la musique lui
ont conservé une vive reconnaissance non seulement de sa
tentative hardie, qui a ouvert la voie à l'Opéra dans
l'exécution des œuvres wagnériennes, mais aussi de la
façon véritablement artistique dont la partition du maître
allemand était montée et interprétée. H. Lavoix.
LAMOUROUX (Jean -Vincent-Félix) , naturaliste français,
né à Agen le 3 mai 1779, mort à Caen le 26 mai iS'^o.
Professeur à dix-sept ans à l'Ecole centrale d'Agen, il vint
à Paris en 4807 pour y étudier la médecine et fut nommé
en 4844 professeur d'histoire naturelle à l'Académie de
Caen. Il contribua à fonder la Société linnéenne et le musée
de Caen et devint correspondant de l'Institut. Ses tra-
vaux sont très connus et très estimés ; à part sa tentative
de classer les animaux en deux grands embranchements
renfermant l'un les animaux symétriques (Vertébrés
actuels), l'autre, les animaux asymétriques (tous les In-
vertébrés actuels), nous mentionnerons particulièrement
ses recherches sur les plantes marines (Thalassophytes,
qu'il appela plus tard Hydrophytes) qui le placèrent au
premier rang de nos botanistes, et celle sur les Polypiers
qui furent l'occasion pour lui de bien des découvertes. Ou-
vrages principaux : Essai sur les genres de la famille des
Thalassophytes non artieulés (Paris, 4 843, in-4, 7 pL;
inséré aussi dans Ann, du Muséum, 4842, t. XX); His-
toire générale des Polypiers coraligènes flexibles (Caen,
4846, in-4, fig.); Exposition méthodique des genres de
V ordre des Polypiers (Caen, 4846, in-4, 7 pL), etc. La-
mouroux a collaboré à V Encyclopédie méthodique, au
Dictionnaire classique d'histoire naturelle et à un grand
nombre de recueils périodiques, etc. D^ L. Hn.
LA MOUSSAYE (Louis-Toussaint, marquis de), diplo-
mate et homme politique français, né à Rennes le 4o nov.
4778, mort à Paris le 29 mars 4834. Emigré, il participa
à l'expédition de Quiberon et put retourner en Angleterre
où il servit dans l'artillerie. Autorisé à rentrer en France
50US le Consulat^ il fît la campagne de Prusse et celle de
Pologne. Puis il fut employé dans Padministration : audi-
teur au conseil d'Etat (48Q9), intendant de la Haute- Au-
triche, puis du cercle de Villach (1869), de la Carniole
(1844). Il débuta dans la diplomatie par l'emploi de con-
sul général à Dantzig (4812) et, après avoir occupé un
instant la préfecture du Léman (1844), il devint secrétaire
d'ambassade à Saint-Pétersbourg (4844), ministre pléni-
potentiaire à Stuttgart (4847) et à Munich (4824), am-
bassadeur aux Pays-Bas (4827). Il fut mêlé à toutes les
grandes affaires extérieures de l'époque et termina assez
malheureusement sa carrière en 4830 en s'opposant à la
réunion de la Belgique à la France que voulaient proclamer
les habitants du Brabant soulevés à la suite de la fameuse
représentation de la Muette de Portici (25 août). Il fut
rappelé. Entre temps, il avait été député des Côtes-du-
Nord de 4820 à 4830 etil fut créé pair le 11 sept. 4835.
LAiVIOUTES. Peuplade de la Sibérie orientale apparte-
nant à la race toungouze. Leur habitat s'étend depuis les
bords de la rivière Kolyma (dans le gouvernement d'Ia-
koutsk) jusqu'au littoral de l'océan Pacifique, entre Okhotsk
et Ghiggighinsk. Une partie de cette peuplade nomadise
dans le Kamtchatka. Appelés « les maritimes », du mot
toungouz « lam » qui veut dire « mer », les Lamoutes
s'adonnent cependant peu à la pêche et passent leur vie en
nomades, suivant leurs troupeaux de rennes. Leur nombre
ne dépasse guère 3,000 individus. J. D.
LAMPADAIRE (Archit.). Colonne, console, obélisque,
petite table, trépied et, en général, tout support servant
à poser une lampe ou contre lequel on applique une ou
plusieurs lampes. Des bronzes anciens, conservés dans les
musées d'Italie, représentent des lampadaires gréco-romains
sous la forme de troncs d'arbres aux branches desquels
étaient suspendues de petites lampes, ou sous la forme de
tables et de trépieds dont les pieds pouvaient, comme ceux
des pupitres, s'allonger ou se raccourcira volonté. De nos
jours, les lampadaires placés sur les voies publiques ou
aux abords des monuments, revêtent souvent une forme
architecturale : c'est ainsi qu'à Paris, place de la Con-
corde, des colonnes rostrales de fonte bronzée portent des
lampes sur chacun de leurs rostres et qu'aux abords du
nouvel Opéra, à côté de deux fort jolis modèles de statues
de femme placées sur la balustrade d'enceinte de cet édi-
fice et portant une lampe sur leur tête, on voit, aux abords
de l'ancien pavillon impérial (aujourd'hui bâtiment de la
bibliothèque-musée) des obéhsques de marbre décorés de
bronze et portant, à chacune des arêtes de leur socle, un
bras horizontal recevant une lampe. Charles Lucas.
BiBL. : P. Charot, Dict. de la Construction ; Paris,
1881, in-8, 2e éd., t. Ili, fig.
LAM RADIUS (Wilhelm-August), chimiste et métallur-
giste allemand, né à Hehlen (Brunswick) le 8 août 4772,
mort à Freiberg (Saxe) le 43 avr. 4 842. D'abord pharmacien
à Cœttuigue, puis professeur à l'académie de Freiberg, il s'oc-
cupa surtout de métallurgie; le premier il obtint le sulfure
de carbone à l'état liquide et lui donna le nom d'alcool
sulfuré ; il étudia l'action du carbone sur les alcalis avant
Davy, reconnut le phénomène de réduction sans pouvoir
isoler les métaux. Lampadius a laissé beaucoup d'ouvrages
sur la chimie et même la météorologie; le plus important
d'entre eux est son Manuel de V analyse chimique des
minéraux où il expose une méthode d'ensemble d'analyse
quantitative (1804). On peut citer encore ses écrits sur la
Préparation chimique des corps simples (4806); ses
Principes d' électrochimie (4807); son Manuel de mé-
tallurgie ^n ^i^ vol. (4804-4840). C. M.
LAMPADODROMIE. Course aux flambeaux pratiquée
en Grèce, paticulièrement à Athènes, Corinthe, Byzance,
Céos, Téos, llion, Amphipolis, Naples, etc., par des nuits
sans lune ; c'était une cérémonie des Grandes et Petites
Panathénées, des fêtes d'IIéphaistos, de Prométhée, d'Ar-
témis Bondis, de Bosparia, etc. A Athènes, le parcours
comprenait le Céramique extérieur; les coureurs allumaient
leur flambeau sur l'autel de Prométhée, dans l'Académie,
et le portaient à rentrée delà ville. Les coureurs étaient des
éphèbes qui s'étaient exercés dans les gymnases. Quelque-
fois ils étaient montés, le plus souvent à pied ; tantôt il
s'agissait pour chacun d'apporter lui-même son flambeau
jusqu'au but sans l'éleindre; tantôt chacun, après avoir
parcouru une partie de la distance, passait le flambeau
allumé à un autre et ainsi de suite. Cette transmission pa-
raît avoir été l'usage le plus répandu ; il a donné lieu à de
célèbres comparaisons littéraires. Divers vases peints et
autres monuments représentent les coureurs à pied, à che-
val, en course ou au repos, tenant des torches ou des flam-
beaux de cire, etc. A. -M. B.
BiBL. : Jafn, ap. Persius (VI, Gl), pp. 225-27.
LAMPADOPHORIE (Antiq. gr.) (V. Lampâmdromïe).
LAMPADORAMA (Phys.). C'est un appareil destiné,
comme la lanterne magique, à projeter sur un écran des
images agrandies d'objets opaques tels que gravures, des-
sins coloriés, photographies sur papier, etc. Il présente
donc cet avantage sur la lanterne magique de se prêter à
la projection de dessins tels qu'on les trouve dans les livres
ou tels qu'on peut les tracer sur le papier, au lieu d'exiger
des sujets peints ou photographiés sur verre. Mais il pré-
sente cet inconvénient d'exiger un éclairage beaucoup plus
intense, et par suite il ne permet pas d'obtenir des ai^ran-
dissements aussi considérables, la clarté devenant absolu-
ment insuffisante dès qu'on dépasse un certain grossisse-
ment. En outre, l'éclairage intense qu'il faut employer
échauffe beaucoup les dessins que Ton projette et peut les
— 843 - LAMPÂDODROMIE — LAMPE
LAMPAUL-GuiMiLiAu. Com. du dép. du Finistère, arr.
do Morlaix, cant. de Landivisiau ; 2,510 hab. Eglise du
altérer si on les laisse trop longtemps dans l'appareil. La
figure ci-dessus représente le plan d'un appareil de ce genre :
L et IJ sont les sections des lampes qui éclairent le dessin
placé en D ; M et M^ sont de petits réflecteurs ; F et F'
sont des fentes permettant d'introduire ou de retirer le
dessin ; 0 est une lentille convergente ; on peut n'employer
qu'une lentille, mais deux lentilles convenablement combi-
nées donnent des images moins déformées et non irisées
sur les bords. Un objectif d'appareil photographique
constitue un système optique convenant très bien à un
lampadorama. E est l'écran oii vient se former l'image.
Comme l'image est renversée par rapport à l'objet, il
suffit, pour l'avoir dans le sens convenable, de mettre
le dessin à reproduire sens dessus dessous. B est un bou-
ton servant à mouvoir une crémaillère que l'on tourne
jusqu'à ce que l'image du dessin 1) sur l'écran soit bien
nette. A. Joannis.
LAMPANIA (Paléont.) (V. Cérite).
LAMPAS (Etoffe). Belle et forte étoffe de soie qu'on
emploie pour l'ameublement, et qui présente ordinairement
de grands dessins dont les couleurs sont différentes de
celles du fond.
LAMPASCOPE. Instrument d'optique destiné à pro-
duire des efiets de fantasmagorie (V. Lanterne ma-
gique).
LAWIPASSÉ (Blas.). Attribut particulier au lion et aux
autres animaux qui laissent voir leur langue. Cette langue
est d'un émail différent de celui du corps. L'aigle aussi
se dit lampassé ; quant aux oiseaux, ils sont dans ce cas
langues.
Clocher de Téglise de Lampaul-Guimiliau,
xvi^ siècle, porche gothique; calvaire du xvii*^ siècle.
LAMPAUL-Plouarzel. Com. du dép. du Finistère, arr.
de Brest, cant. de Saint-Renan ; 904 hab,
LAMPAUL-Ploudalmézeau. Com. du dép. du Finistère,
arr de Brest, cant. de Ploudalmézeau ; 740 hab.
LAMPE. I. Archéologie. — L'usage des lampes est
extrêmement ancien. Les lampes antiques avaient toutes à
peu près la même forme. L'antiquité romaine nous en a
laissé un très i^rand nombre, tant à Pompéi que dans les
tombeaux où l'on avait coutume d'en déposer. Cette cou-
tume fut pratiquée par les premiers chrétiens comme elle
l'avait été par les païens, avec cette seule différence que
des emblèmes de la nouvelle religion furent figurés sur ces
lampes. La lampe romaine était en terre cuite ou en bronze.
Elle était toujours petite et se composait d'un godet muni
d'un manche, d'un bec et d'un couvercle adhérent, généra-
lement orné et muni d'une ou de plusieurs ouvertures
rondes avec ou sans bouchon pour l'introduction de l'huile.
Certaines lampes avaient deux ou plusieurs becs. Quelques
autres, plus rares, avaient des formes variées. Au musée de
Naples on en voit une en forme d'oiseau, une autre en forme
de pied humain (fig. 1). C'étaient en général des lampes vo-
tives. D'autres lampes ont un couvercle surmonté d'une sta-
tuette. On a trouvé à Pompéi des candélabres en forme d'arbre
LAMPE
— 844 —
ou de colonne soutenant des bras de rinceaux : de petites
lampes sont suspendues par des chaînettes aux branches de
ces candélabres. Un porte-lampe chrétien trouvé à Orléans-
ville (Algérie) a la forme d'une petite église. Il existe égale-
ment au musée de Naples des lampes à chaînettes destinées à
être suspendues (l'une figure un aigle voiarit) (fig. 2) et
Fig. 2.
d'autres pouvant indifféremment se suspendre et se poser.
Au moyen âge, les lampes appartenaient le plus souvent à
un modèle tout différent qui paraît être importé d'Orient.
C'est un godet de verre arrondi par-dessous et évasé du
haut : on le place dans un cercle de métal suspendu à des
chaînettes ou muni de pieds qui permettent de le poser. La
mèche est maintenue au moyen d'un flotteur : c'est à peu
près le système de nos veilleuses. Quand on veut obtenir
beaucoup de lumière, on suspend un grand nombre de ces
lampions à un lustre ou lampier. Généralement ce lustre
affecte la forme d'un cercle. Il s'appelle alors couronne de
lumières. L'usage de la lampe en forme de godet a persisté
longtemps, au moins dans le cérémonial de la cour de
France : jusqu'au siècle dernier, une veilleuse de ce genre
brûla dans un mortier dans h chambre à coucher du roi.
Le moyen âge avait aussi des lampes portatives en fonte
de cuivre ou dinanderie, en fer et en terre. La lampe de
dinanderie a été usitée au moins depuis le xv*^ siècle jus-
qu'au xviii«, et, selon Viollet-le-Duc, elle aurait été en usage
dès le xin®. Elle était formée d'un godet demi-sphérique
muni d'un bec et couronné d'un lanternon à anneau par où
on la suspendait. Une ouverture latérale formant comme
un second bec obtus servait d'entonnoir à huile ; sous le
eodet était suspendu un second godet plus petit facile à
décrocher. Il recueillait les gouttes d'huile qui pouvaient
glisser du bec sur la panse de la lampe. Parfois, surtout
en Italie, ces lampes ont plusieurs becs. Les lampes en fer
sont plus simples ; elles ont la forme d'une cuiller à
manche recourbé terminé par un anneau de suspension.
Elles peuvent avoir aussi le double godet. Elles étaient usi-
tées dès l'époque gothique. Ces lampes sont généralement
suspendues par une tige de fer plus ou moins ornée, ter-
minée par un crochet. Ce système est un grand perfection-
nement, car on peut porter commodément la lampe en
tenant la tige verticalement ou horizontalement, et on peut
non moins commodément l'accrocher, non seulement aux
anneaux, mais à toutes sortes de saillies, et cela sans le
secours d'escabeau.
On a fait durant les derniers siècles des lampes de di-
nanderie montées sur un pied fixé à un plateau allongé
qui recueille les gouttes d'hidle : elles répondent au nom po-
pulaire de crasset on crachet. En Italie, ce plateau n'existe
pas, mais les lampes à pied dites lumi ont plusieurs becs et
peuvent monter et descendre sur une tige munie d'un an-
neau qui sert à les porter. Ces deux types de lampes peu-
vent remonter jusqu'au moyen âge, mais on n'en trouve
que des exemples récents. Il faut encore signaler parmi les
lampes en dinanderie les lampes à sept becs usitées dans
la liturgie hébraïque. Le musée de Cluny possède une de
ces lampes de travail limousin et remontant au xni® siècle.
et les exemples plus récents sont communs. Ces lampes
ont la forme d'un godet rectangulaire allongé muni d'une
série de becs sur trois côtés. Le quatrième forme une plaque
décorative qui s'applique à la muraille et se termine en an-
neau de suspension.
Les lampes en terre du moyen âge, dont on a trouvé un
grand nombre dans des fouilles, sont en général tro[)
simples pour qu'on puisse leur assigner une date certaine.
Un certain nombre cependant paraissent devoir être attri-
buées au XV® siècle à cause des tons de leurs vernis verts
et de la forme de leurs plateaux semblables à ceux des
chandeliers en dinanderie de cette époque. Ces lampes ont
un plateau circulaire à rebords, d'où s'élève une hampe
facile à prendre et portant le godet rond muni d'un bec.
L'ouverture supérieure est circulaire, large et relevée de
façon à empêcher l'huile de déborder. Un couvercle devait
souvent s'adapter à cette ouverture. Les types de lampes
plus perfectionnés ne remontent guère au delà du com-
mencement de ce siècle. C. Enlart.
IL Technologie. — Si les formes et l'appareil d'é-
clairage sont extrêmement variés dans les lampes, les prin-
cipes qui président à leur construction sont constants. La
division du travail, la multiplicité des pièces, leur parfait
rapport, leur emboîtement non moins inaperçu que solide,
tels sont les principes adoptés chez tous les lampistes.
Lorsque le chef d'atelier a adopté une forme ou une di-
mension particulière pour la lampe qu'il veut construire,
après qu'il a déterminé le nombre de lampes à construire,
il commence par tracer chacune des pièces qui doivent for-
mer le bec; il agit de même pour toutes celles qui sont
nécessaires pour constituer le pied, le garde-vue, etc. ; puis
il découpe en fer-blanc tous ces calibres et les donne à un
ouvrier habile qui, en appliquant chacune de ces pièces sur
des feuilles de fer-blanc ou de laiton, trace avec une pointe
les traits sur lesquels il doit porter la cisaille. Un autre ou-
vrier contourne et confectionne la pièce suivant la forme
qu'elles doivent avoir. On en fait autant pour tous les calibres
de la même lampe, et chaque ouvrier est occupé d'une par-
tie; un autre les assemble et forme des becs; un troisième
est occupé des pieds; un quatrième assemble les becs avec
les réservoirs d'huile; les moins habiles s'occupent du cou-
vercle, des tubulures, des réservoirs, des objets accessoires
des lampes. Les crémaillères, les pignons, les porte-mèche,
avec les griffes qu'on a généralement adoptées aujourd'hui,
sont en laiton et se fabriquent dans des ateliers spéciaux
qui les fournissent à très bon marché aux lampistes. Les
boulons, les écrous, les filets de vjs en fer qui se rencon-
trent souvent dans le pied des kmpes, s'achètent aussi par
le lampiste chez les fabricants de ces sortes d'objets. Un
ouvrier est chargé de placer les cuivres, un autre d'ajus-
ter les fers. Il arrive souvent que les pieds ne sont pas en
fer-blanc : le lampiste agit pour ces pièces comme pour
les objets précédents ; il achète chez les divers maimfactu-
riers qui les fabriquent les pieds de cuivre poli, les cris-
taux, etc. Il en est de même pour les globes en cristal, en
verre dépoli, les cheminées de verre, les mèches plates, les
mèches circulaires. La lampe terminée, un ouvrier chargé
de vernir les pieds des lampes, les garde-vue, de dorer
les parties réservées pour la dorure, s'occupe de ces di-
vers embellissements. Autrefois toutes les pièces, corps do
lampe, becs, rondelles de fond, etc., se découpaient et se
façonnaient à la main. Aujourd'hui, quantité d'entre elles,
pour ne pas dire toutes, s'exécutent à l'aide de procédés
mécaniques et d'appareils créés exprès, qui permettent de
les obtenir à bien meilleur compte. Ce travail n'est, il est
vrai, avantageux que si la production atteint certaines pro-
portions; aussi peu de maisons s'occupant de lampes font-
elles la dépense de l'installation d'un pareil matériel, et la
plupart des lampistes ont recours à des industriels spé-
ciaux ne s'occupant exclusivement que de la préparation
de certaines pièces qui, complétées souvent par d'autres
faites à la main, forment par leur ensemble le corps de la
lampe que le lampiste ajuste et achève de terminer, en y
845 —
LAMPE
plaçant les divers mécanismes qui forment la lampe pro-
prement dite.
L'application du pétrole à Téclairage a pris, durant ces
dernières années, une extension considérable (V. Eclai-
rage, t. XV, p. 338). Ce développement de la consomma-
tion coïncide, il faut bien le dire, avec les perfectionne-
ments qui ont été apportés, d'une part dans l'épuration des
huiles, et, d'autre part, dans les appareils d'éclairage. Parmi
les types de lampes répandus chez les particuliers, on peut
remarquer des formes d'appareils vraiment artistiques et
décoratives, notamment des riches lampadaires surmontés
de globes lumineux ou de larges abat-jour plus ou moins
chargés d'ornementations diverses. Ces derniers genres
d'appareils, permettant d'élever ou d'abaisser à volonté la
lumière, sont maintenant à la mode et entrent comme un
ornement dans les salons les plus luxueux ; ils ont fait leur
apparition à Paris en 1887 et on les compte actuellement
par milliers; grâce à eux, l'éclairage au pétrole, qui avait
été presque exclusivement employé par la classe modeste,
a pris place aujourd'hui dans les plus riches demeures et
y constitue même un éclairage de luxe. Les lampes à pé-
trole sont composées d'une manière générale d'un réser-
voir d'huile, d'un porte-mèche et d'un verre de forme par-
ticulière. L'huile s'élève dans la mèche par simple capillarité,
et, malgré l'abaissement du niveau dans le réservoir de
l'h'iile, toujours placé à la partie inférieure de la lampe,
la fluidité du liquide est telle que l'ahmentation de la mèche
se produit d'une façon à peu près constante. Les brûleurs
sont de deux genres : le bec à mèche plate, et le bec
à mèche ronde. Le bec à mèche plate, connu aussi sous
le nom de bec américain, se compose d'un tube aplati
en cuivre, dans lequel se meut la mèche qu'on remonte au
moyen d'un bouton dont la tige est armée de deux petits
jignons à dents pointues ; l'extrémité de cette mèche est
recouverte d'un capuchon en cuivre, présentant à son som-
met une fente longitudinale, dans le même sens, et de
dimensions correspondant à la mèche plate. Le verre est
renflé à la base pour donner à l'air plus d'accès et assurer
la combustion complète de la matière éclairante. Le bec à
mèche ronde est une disposition de brûleur cyliûdrique à
double courant d'air, composé d'un tube conique évasé à
la base, dans lequel s'introduit une mèche qui, quoique de
forme plate, se replie circulairement autour du tube en
montant dans l'espace annulaire du porte-mèche et pro-
duit alors l'effet d'une mèche ronde. Le verre, étranglé à
sa partie inférieure, amène le courant d'air le plus près pos-
sible de la flamme et facilite ainsi la combustion qui se
fait sans fumée et avec un grand éclat, quand les disposi-
tions respectives de la mèche et du verre sont convenable-
ment réglées. Malgré la facilité avec laquelle l'huile miné-
rale s'élève dans la mèche, on conçoit que l'action de la
capillarité s'affaibht d'autant plus que le niveau s'abaisse
dans le réservoir, et que la distance augmente entre ce ni-
veau et l'extrémité supérieure de la mèche ; il en résulte
qu'au bout de quelques heures d'éclairage, si on ne renou-
velle pas l'approvisiojmement d'huile, l'alimentation se ra-
lentit, la combustion s'affaiblit, la mèche charbonne et la
lampe fume. Pour remédier à cet inconvénient, il a été créé
un système de lampe basé sur les principes de la lampe
Carcel, et on est arrivé à obtenir, par un mécanisme simple
et pratique, l'ascens'on de l'huile et par conséquent l'ali-
mentation continue et régulière de la mèche. La lampe Pei-
gniet-Changeur comprend un tube plongeant dans le réci-
pient d'huile qui constitue le corps même de la lampe, des
soupapes et un piston formé d'une membrane mobile, fixée
entredeux plateaux,enfin un mécanismed'horlogerie.L'huile,
élevée par le refoulement de la pompe aspirante et foulante,
monte dans le tube ascensionnel et vient se déverser dans
le récipient supérieur ou elle se trouve en contact avec la
mèche qu'elle maintient toujours au même degré d'imbibi-
tion. Par une ingénieuse disposition, la pompe ne se met en
fonction que lorsque le liquide s'est abaissé d'une certaine
quantité, et elle ramène aussitôt le niveau à son point initial.
Un des premiers perfectionnements, et celui qui a peut-
être le plus contribué au développement de l'éclairage au
pétrole, a été la lampe belge, à mèches multiples, imitée et
désignée sous diverses dénominations, suivant les modèles
créés par les fabricants, notamment la lampe Sepulchre, la
lampe universelle, la mitrailleuse, la lampe à double cou-
rant d'air. Ces appareils restaient d'abord dans les modèles
courants et simples; plus tard sont venus les types de
lampes riches, tels que ceux de MM. Schlosmmacber et Fer-
reux, concessionnaires de la lampe Sepulchre, ceux de
M. Ristelhueber, inventeur de la lampe universelle, puis la
lampe iïinks et la lampe Rochester. La lampe Hinks, d'ori-
gine anglaise, se distingue par ses deux mèches plates,
parallèles, se manœuvrant séparément au moyen d'un bou-
ton double ; elle peut être allumée sans qu'on ait besoin
d'enlever le verre, par suite du mouvement de rotation de
la clef qui soulève le porte-globe et le verre. Une partie
mobile, qu'on élève et qu'on abaisse à volonté, peut inter-
cepter, quand elle est élevée, l'accès de l'air et jouer ainsi
le rôle d'extincteur. La lampe Rochester, d'origine améri-
caine, diffère de la précédente par la forme de la mèche
qui est ronde ; elle est à double courant d'air. Nous dirons
quelques mots des appareils employant les huiles lourdes,
le lucigène et la lumière Wells, qui s'appliquent aux éclai-
rages industriels, aux travaux de nuit sur les chantiers, etc.
Le lucigène brûle des huiles lourdes de goudron ou de
pétrole, pulvérisées, soit au moyen d'un courant d'air com-
primé, soit au moyen d'un jet de vapeur qui, en se sur-
chauffant dans la chambre de combustion, favorise la volati-
lisation des molécules les plus denses, et active puissamment
l'intensité de la flamme. Le jet de flamme a généralement
0°^10 de diamètre et OnO à 0"^oO de hauteur ; on évalue
à 200 carcels environ sa puissance lumineuse. Avec l'air
comprimé, une force de quelques kilogrammètres suffit pour
produire cette intensité d'éclairage. La lumière Wells pro-
duit à peu près les mêmes effets, mais elle n'exige pas de
force motrice, un jet de vapeur remplaçant l'air comprimé
peut produire la pulvérisation de l'huile lourde.
Lampe a incandescence. — Le succès des lampes à
incandescence dans le vide, qui répondent le mieux aux
exigences de l'éclairage ordinaire, a provoqué de nom-
breuses recherches (V. Eclaibage, t. XV, p. 343). Les
lampes récentes, à filament tubulaire surtout, paraissent
donner un meilleur rendement, c.-à-d. une transformation
plus complète du travail dépensé en lumière. D'après cer-
taines expériences, le rendement serait de près de 50 °/o
sur les anciens systèmes à filaments pleins. Aussi cherche-
t-on de tous côtés à perfectionner ce filament : tandis
qu'Edison semble vouloir abandonner le bambou qui manque
d'élasticité pour les fibres de la ramie, et que Bernstein
fabrique les charbons tubulaires avec un ruban creux de
soie blanche carbonisée, de la grosseur d'une paille fine, un
dernier inventeur propose simplement d'étirer, sous forme
de tube aussi fin qu'il est nécessaire, une pâte composée
soit de graphite, soit de noir de fumée malaxé avec 20 %
de sirop de sucre ; ces tubes sont ensuite carbonisés comme
le charbon des lampes à arc. C'est dans le même ordre
d'idées que sont établies les lampes de Gérard dont le fila-
ment de charbon est remplacé par deux baguettes inclinées
et soudées au sommet. L'intensité lumineuse des lampes à
incandescence dépend de la résistance du filament à la rup-
ture ou à la désagrégation par la chaleur. Lorsque les
lampes sont maintenues longtemps à une température su-
périeure au maximum qui lui convient, les parois de l'am-
poule de verre se couvrent d'un voile formé par la matière
subUmée, voile qui, sous une épaisseur à peine visible, est
d'une opacité extraordinaire et fait perdre une énorme
quantité de lumière. Ce mode d'usure des filaments est à peu
près inévitable, mais on peut chercher à le ralentir. Edi-
son a reconnu par expérience qu'un vide trop parfait faci-
lite la désagrégation, et il y remédie en diminuant le degré
du vide par l'introduction d'une petite quantité d'azote dans
les lampes. Dans tous les cas, si les lampes sont simples,
LAMPE
— 846
leur fabrication ne l'est pas ; elle exige, pour arriver à un
prix de vente industriel, un outillage considérable et par-
faitement organisé. Des ateliers spéciaux sont consacrés à
chacune des opérations suivantes : le soufflage, avec un
verre spécial exempt de plomb, des tubes qui forment la base
de chaque lampe ; Fintroduction et la soudure dans ces tubes
des bouts de til de platine, qui seul possède la même dila-
tation que le verre; les soudures aux extrémités, intérieure
et extérieure, de ces mêmes fils, de fils de cuivre, dont les
unes doivent former les pinces qui recevront les extrémi-
tés du filament et les autres constitueront les raccordements
avec la distribution ; la préparation des filaments et leur
carbonisation dans des moules spéciaux en nickel; l'inser-
tion des bouts du filamant dans les pinces en cuivre et la
consolidation du joint par un dépôt de cuivre galvanique ;
la soudure des ampoules de verre sur leur base ; la ra-
réfaction de l'air dans les lampes exige une installation
suffisante pour opérer sur un grand nombre de lampes à la
fois; c'est la réalisation en grand et sous forme indus-
trielle de la machine à mercure des laboratoires. Il faut,
pendant la raréfaction, pouvoir envoyer dans les filaments
un courant électrique, qui les réchauffe progressivement, afin
de faciliter le dégagement des gaz occlus; c'est alors que
les lampes sont fermées définitivement, en soudant au cha-
lumeau l'appendice qui les mettait en communication avec
la machine pneumatique; enfin on procède à la fabrica-
tion et au montage des socles qui servent à installer les
lampes sur leur support en établissant, du même coup, les
communications avec les conducteurs. Les lampes termi-
nées doivent passer par un laboratoire d'essai et de clas-
sement, dans lequel on mesure la résistance de chacune
d'elles et la force électro-motrice qu'elle exige pour pro-
duire l'intensité lumineuse normale qui lui est attri-
buée. Pour les lampes Cruto, la fabrication du filament
est plus simple, et présente surtout l'avantage de pouvoir
être conduite avec une grande précision; ces filaments
sont obtenus par le dépôt sur un fil de platine main-
tenu incandescent du charbon provenant de la décomposi-
tion d'un gaz hydrocarbure; le fil de platine, qui n'a qu'un
centième de millimètre de diamètre, est obtenu par le pro-
cédé de Wollaston, en le tréfilant après l'avoir recouvert
d'une couche d'argent que l'on dissout ensuite dans un bain
d'acide nitrique étendu d'eau ; le gaz est fabriqué avec un
mélange d'un tiers d'alcool éthylique et de deux tiers d'acide
sulfurique exempt de soufre ; ce gaz doit être parfaitement
lavé, puis desséché. L'intensité du courant qui échauffe le
fil est augmentée graduellement, à mesure que le dépôt aug-
mente d'épaisseur, et un dispositif très simple permet d'ar-
rêter l'opération dès que les filaments présentent la résis-
taace convenable ; la jonction des extrémités des filaments
avec les fils de platine est faite également par un dépôt du
même charbon.
Lampe de sûreté. — Sir Humphrey Davy fut chargé, en
4813, par un comité spécial formé pour rechercher la
cause des accidents que produit l'air inflammable des mines
et les moyens de les prévenir, d'étudier l'importante
question des lampes de sûreté. 11 communiqua, deux ans
plus tard, le résultat de ses recherches à la Société royale
de Londres, dans un rapport qui fut lu le 9 nov. 1815.
Après avair essayé sans succès de se servir du phosphore
de Canton, de rétincelle électrique renfermée dans des
vaisseaux clos, Davy reconnut qu'il était possible d'éviter
l'inflammation du grisou par la lampe à huile ordinaire, en
l'entourant d'une enveloppe ne donnant accès à l'air exté-
rieur que par des orifices sufiîsamment étroits. Des tubes
de 4 millim. de diam. et d'une longueur de 30 millim. ne
se laissent pas traverser par la flamme des mélanges les
plus explosifs de grisou et d'air, pourvu que ces derniers
soient complètement en repos. Les toiles métalliques suf-
fisent égalem^t pour arrêter la flamme. Davy s'arrêta au
modèle de lampe très simple, celui qui porte aujourd'hui
encore «on nom, dans lequel la flamme est seulement re-
couverte d'un tamis cylindrique renforcé à la partie supé-
rieure (fig. 3). La lampe primitive de Davy ne diffère
guère du modèle usité aujourd'hui encore en Angleterre.
La lampe à simple treillis présente deux graves inconvé-
nients : elle donne peu de clarté, le tamis absorbe les 2/3
de la lumière émise par la flamme et elle ne présente de
sécurité réelle que lorsqu'elle reste en repos dans une at-
mosphère également en repos. Les nombreuses tentatives
faites pour améliorer la lampe Davy donnèrent naissance
à des centaines de lampes différentes, parmi lesquelles
quatre types seulement méritent d'être retenus, tant par
Fiiï
Fig. 4.
la valeur théorique des principes qui ont présidé à leur
conception que par la sanction pratique qu'elles ont re(;ue
de leur emploi dans les travaux. Ce sont : la lampe Fumât,
à alimentation directe, dont on doit rapprocher la lampe
Gray ; la lampe Clanny, à verre et tamis, dans laqut^^lle
l'alimentation est renversée et que l'on désigne depuis
quelques années en France sous le nom de lampe Boty ;
la lampe Marsaut, qui est une lampe Clanny dont le tamis
est doublé et entouré d'un écran métalhque plein ; on doit
en rapprocher la lampe Evan Thomas, très employée en
Angleterre ; la lampe Mueseler, à verre, tamis, cheminée
et diaphragme, qui possède, ainsi que les deux précédentes,
une alimentation renversée.
La lampe Fumât (fig. 4) résume toutes les autres,
convenant pour le cas général, c.-à-d. pouvant indifférem-
ment séjourner dans un milieu gazeux tranquille et dans
un milieu agité. Le verre repose sur un anneau de cuivre
évidé à travers lequel l'air arrive sur la flamme. Cet an-
neau porte vers l'intérieur une toile de 200 mailles au
cent, carré et vers l'extérieur une toile de 122 mailles. Au-
dessus du verre est un tamis conique en toile métallique de
122 mailles qui est enveloppé lui-même par une cheminée
métallique pleine, fermée à la partie supérieure par une
toile horizontale. Les toiles métalhques inférieures au verre
sont protégées contre l'action des courants d'air par un
anneau en cuivre les enveloppant à une distance de 5 millim.
de façon à ne pas gêner l'accès de l'air. Le tirage est basé
sur la diff'érence de poids de la colonne froide et de la co-
lonne chaude; si la lampe s'échauffe, la colonne froide
perd de son poids et le tirage dimimie. Cette lampe résiste
à un courant horizontal d'un mélange inflammable à une
vitesse de 90 pieds par seconde pendant trois minutes,
sans explosion et brûlant tout le temps. La commission du
grisou a adopté un type de lampe à éclairage intensif se
composant essentiellement d'une couronne annulaire d'en-
trée d'air, d'un bec à blanc à double courant d'air, d'un
cône directeur du gaz, d'un réservoir latéral à huile et
enfin d'un verre surmonté d'un ou de deux treillis. Les
fuméesi après avoir traversé le treillis, sortent au bout de
la lampe ; aucune autre ouverture n'existe dans la cuirasse.
-- 847
ÎJMPE ~ LAMPILLAS
L^air et les gaz pénètreiît donc dans la lampe uniquement
par le bas. Ces dispositifs ont pour objet et pour effet d'aug-
menter considérablement le pouvoir éclairant à consom-
mation d'huile égale et de garantir une complète sécurité.
On sait avec quelle facilité l'ouvrier arrive à avoir raison
de la fermeture avec clef à simple trou carré. La question
d'une meilleure fermeture est, depuis longtemps, l'objet
de nombreuses recherches. Le mode de fermeture Viaila
comprend une tige taraudée à son extrémité inférieure
et fixée, par une autre extrémité, à un fort ressort,
qui lui-même est fixé sur le bord supérieur de la rive
de la lampe. Lorsque la lampe est fermée, l'extrémité su-
périeure de la tige vient se loger dans une petite cavité
ménagée dans le cercle du cadre supérieur et fixe ainsi la
rive au corps de la lampe. Lorsqu'on veut l'ouvrir, on se
sert d'une clef creuse taraudée, que l'on introduit dans la
partie vissée de la tige et avec laquelle on tend alors le
ressort ; la tète de la vis se trouve ainsi dégagée de la cavité
et la lampe peut être dévissée. Un autre mode de ferme-
ture, système Villiers, consiste en une pièce de fer doux
affleurant le fond, qu'un électro-aimant attire de son en-
castrement pour ouvrir la lampe posée sur les deux pôles
de l'aimant fixé à une table, capable de soulever 50 kilogr.,
force un peu supérieure à celle du ressort maintenant le
verrou dans son encastrement existant dans les deux par-
ties mobiles de la lampe et empêchant absolument l'ouvrier
d'ouvrir sans le secours d'une attraction magnétique de
50 kilogr., attendu qu'il n'existe aucune prise pour attirer
la pièce de fer affleurant le fond, par un tout autre moyen
que celui de l'électro-aimant. Plus récemment, on a em-
ployé le rivet ou la soudure de plomb pour fermer les
lampes de sûreté. Deux petites lames de fer ou cuivre
sont soudées, l'une au réservoir, l'autre à la bague suppor-
tant le verre, les lames sont percées chacune d'un œillet et
sont soudées de telle façon que ces œillets arrivent juste
en face l'un de l'autre lorsque la lampe est fermée; on in-
troduit alors dans le trou formé par ces œillets une che-
ville en plomb qu'on rive au moyen d'une pince spéciale
qui imprime en même temps sur chaque extrémité du rivet
une lettre bien apparente. Cette lettre a pour effet de rendre
plus visible toute tentative de fraude. Pour dériver on em-
ploie une autre pince, l'une des branches maintient l'œillet
pendant que l'autre branche qui est armée d'un poinçon
chasse le rivet. L'autre disposition adoptée pour la soudure
de plomb qui est également très simple, et dont la seule
différence existante consiste dans les deux lames, qui sont
horizontales au lieu d'être verticales et dont la lame supé-
rieure est seule percée d'un œillet pour recevoir la sou-
dure et la laisser pénétrer sur la lame inférieure. Pour
souder et pour dessouder, on emploie une pince spéciale.
Parmi les lampes électriques de mines nous ne décrirons
que celle de M. Pollak qui est bien étudiée pour répondre aux
conditions multiples exigées. Une boîte de section carrée
avec angles coupés, en ébonite, renferme deux accumula-
teurs genre Planté perfectionné ; elle repose sur un socle
métallique circulaire. Un couvercle en ébonite sert de
support à une lampe à incandescence enfermée dans un
cylindre en verre épais. Le tout est recouvert par un cha-
peau métallique serré au moyen de boulons sur le cylindre
en verre. Une feuille de caoutchouc doux, interposée entre
le couvercle et la boîte, rend la fermeture hermétique.
Dans le couvercle sont noyées deux lames en arc de cercle
en platine ; elles sont fixées à la feuille en caoutchouc par
un bouton en contact avec chaque accumulateur. Les con-
ducteurs de la lampe sont mis en contact avec chacun des
pôles de l'accumulateur par une double aiguille. Les
contacts se trouvant à l'intérieur de la boîte et du cou-
vercle, ni l'ouverture ni la fermeture du courant ne peuvent
déterminer d'explosion. La lampe peut donc être allumée
ou éteinte dans une atmosphère inflammable. En démon-
tant le système ou en cassant le cylindre protecteur en
verre, on amène l'extinction de la lampe, l'électricité du
caoutchouc rompant le contact intérieurement. Cette lampe
pèse 4,900 gr. et donne en moyenne douze heures d'une
lumière sensiblement constante dont l'intensité lumineuse
varie, suivant le degré depoussage de la lampe et le degré
d'avancement de la décharge de raccumulateur entre 0,5
et 0,8 bougie. L. Knab.
Lampe électrique (V. EcLAmAGE, t. VX,pp. 341-350).
Lampe modérateur (V. Eclairage, t. XV, p. 338).
III. Liturgie (V. Cierge, t. XI, p. 368).
Fête des lampes (V. Illuminations).
BiBL. : Archéologie. ~ Loriqvet, Eclairage chez les
Romains, — Viojllet-le-Duc, Mobilier. — H.-K. d'Alle-
magne, Histoire du luminaire; Paris, 1891, in-4.
LAMPE (Friedrich-Adolf), théologien réformé allemand,
versité d'Utrecht, où il enseigna un système dogmatique
particulier qui fit école. Il distinguait sept degrés de
perfection dans la vie chrétienne. Il raviva aussi la théo-
logie dite fédéraliste de Coccejus (V. ce nom). En 4727,
il retourna à Brème. Son principal ouvrage est intitulé
Geheimniss des Gnadenbimdes (Brème, 4742, 6 vol.,
souvent réimprimé). F. -11. K.
BiBi^: 0. Thelemann, Fr.-A. Lampe, sein Leben und
seine Théologie; Bielefeld, 1868.
LAMPEDUSA. Petite île d'Italie, située à 220 kil. de la
côte sicilienne et seulement à 430 kil. de la côte tuni-
sienne. Bien que plus rapprochée de l'Afrique que de l'Italie,
elle a été acquise en 1843 par le roi des Deux-Siciles ;
elle est rattachée administrativementà la prov. de Girgenti.
Son périmètre est de 30 kil. seulement et sa population
d'environ 4,400 hab. Ce fut pendant longtemps un repaire
de pirates barbaresques. Le tsar Paul P»" chercha à y fonder
une station maritime rivale de celle de Malte. Des Anglais
ont mis la terre en culture. La vigne, le figuier, le caVou-
bier, le sumac y viennent bien. Le principal port, médiocre
d'ailleurs, où ne peuvent pénétrer que des navires jaugeant
au plus 400 tonneaux, est au N.-O. — Lampedusa ai le
rocher voisin de Lampione doivent leur nom aux feux
qu'y allumaient au moyen âge des ermites, pour guider les
navigateurs. Un phare éclaire le port de Lampedusa.
LAMPERTICO (Fedele), économiste italien, né à Vi-
cence le 43 juin 4833. Professeur à l'université dePadoue
(1855), député en 4866, sénateur en 4873. Outre son
grand Jraité Economia dei popoli e deglistati (Milan,
4874-79, t. I à IV, inachevé) et de nombreux rapports
parlementaires et articles de revues et journaux, il a écrit
Giammara Ortesele scienze economiche del suo tempo
(Venise, 4879); Sulla Statistica teorica (Rome, 4879);
Scritti stoici e letterari (Florence, 4882-83; 2 vol.);
IlCredito (Milan, 4884); LoStatuto eil Senato [home,
4886), etc. Ses doctrines sont transactionnelles, voisines
de celles des réalistes allemands (V. Economie politique).
LAMPETARI (ArchéoL). Etoffe de soie que l'on fabri-
quait à Saint-Etienne à la fin du xvi^ siècle, peut-être le
lampas sous sa première forme (V. Lampas),
LANIPI (Giambattista, chevalier), peintre italien, né à
Romeno, près de Trente, le 34 déc. 4754, mort le 44 févr.
4830. Membre de l'Académie de Vérone, il travailla à
Trente, Roveredo, Klagenfurt, Vienne (4783), peignit le
portrait en pied de l'empereur /os^/?/i //, fut appelé à Var-
sovie par le roi de Pologne (4787), passa à Saint-Péters-
bourg (4794), où il fit les portraits de la famille impériale
et des principaux personnages de la cour, revint à Vienne
(4798) où il était à la tête de l'Académie, lors des inva-
sions françaises et lui rendit de grands services. Sa facture
est très molle.
LAIVIPIER. Appareil destiné à être suspendu à un pla-
fond ou à une voûte pour servir de support à une ou plu-
sieurs lampes. Ce mot était employé aussi jadis dans le
sens de lampadaire.
LAMPILLAS ou LLAMPILLAS (LeP.Francisco-Javier),
littérateur hispano-italien, né en Catalogne en 4734, mort
à Gènes en 4810. Membre de la Compagnie de Jésus, il se
LAMPILLAS — LAMPRIS —
fixa en Italie après l'expulsion de son ordre, et publia en
italien divers ouvrages en vers et en prose. Celai qui le fit
connaître est le Saggio storico-apologetico délia lette-
raiura spagnuola (Gênes, 1778-81, 6 vol. in-8; trad. en
esp., Saragosse, 1782-83 et 1784-89), œuvre très remar-
quable, où il réfuta les théories de Bettinelli, Tiraboschi
et autres, au sujet de l'action de Tltalie sur la littérature
espa^gnole à certaines périodes. Aux critiques de ses con-
tradicteurs, il répliqua, avec plus d'aigreur que de succès,
par une Pdsposta (1781) dont la traduction forme le t. VII
de la seconde édition espagnole. Ce rôle de champion na-
tional lui valut de la part de ses compatriotes beaucoup
de distinctions, un éloge public officiel et une pension du
roi Charles III. G. P-i.
L A IVl PI ON. Le k/n;?ron (ancienne forme du mot lampion)
désignait autrefois (du xv® au xvii® siècle) soit un petit vase
de cristal rempli d'huile où plongeait la mèche d'une lampe
d'église, soit un petit cul-de-lampe de terre très grossier
et de bas prix que l'on emplissait d'huile. Ces petits lumi-
gnons répandaient une odeur infecte. Aujourd'hui les lam-
pions sont devenus des petits verres de couleur variée,
bleu, blanc et rouge, dans les fêtes nationales, et disposes
en guirlandes pour les illuminations: une petite mèche
allumée trempe dans l'huile et jette une lueur un peu fu-
meuse. Par extension, on donne le nom de lampion à de
petites lanternes de papier qui contiennent une bougie à
l'intérieur. Ph. B.
LAMPIONE. Ilot de la mer Méditerranée, à 13 kil. 0.
de Lampedusa (V. ce mot).
LAMPISTE (V. Lampe [Techn.]).
LAiVÎPONG. Province ou résidence méridionale de l'ile
de Sumatra; 28,155 kiL q.; 120,000 hab. Le résident
néerlandais est à Telok-Betong. C'est une ancienne dépen-
dance des sultans javanais de Bentam. La population appar-
tient à un groupe particuher de la race malaise, peut-être
issu d'un croisement avec des indigènes de Sumatra.
LAMPOURDE (Ia/zi/immT.)(Bot.). Genre de Compo-
sées du groupe des Ambrosiacées. Ses représentants sont des
herbes annuelles à feuilles alternes, incisées, à fleurs diclines,
ordinairement monoïques, disposées en épis de capitules,
les supérieures ordinairement mâles. Les petits capitules
mâles sont placés chacun à l'aisselle d'une bractée ; la co-
rolle est gamopétale à cinq dents, l'androcée composé de cinq
étamines monadelphes à anthères biloculaires, introrses ;
Xanthium strumarium.
les fleurs femelles sont formées d'un ovaire uniloculaire,
uniovulé, surmonté d'un style bifide ; le fruit est sec, la
graine dressée ex albuminée ; on trouve toujours deux fleurs
ou deux fruits semblables rapprochés l'un de l'autre dans
un sac commun chargé d'aiguillons crochus. Les Lam-
pourdes habitent les régions chaudes et tempérées du globe.
La Lampourde aux écrouelles {X. strumarium L.) ap-
pelée aussi Gletteron, Petit Gratteron, Petite Bardane, etc.,
Vllerba happœ minoris des anciennes oflîcines, se ren-
contre dans presque toute l'Europe, sur les décombres, le
bord des routes, des cours d'eau, etc. On l'employait jadis
comme antiscrofuleuse et antiscorbutique et dans les ma-
ladies de la peau. On en extrait un principe colorant utilisé
dans les arts et qui servait aux anciens à teindre les che-
veux en blond. Les X. echinatum Murr. et X, macro-
carpum DG, communs à l'Europe et à l'Amérique, olTrent
les mêmes propriétés. Le X. spinosum L., commun dans
la région méditerranéenne, a été préconisé contre la rage.
Enfin le X. catharticum H. B. K. ou Cazema ronchaàes
Péruviens, est doué de propriétés purgatives. D^ L. Hn.
LAMPRECHT (Le Curé ou der Pfaffe), auteur d'un
poème allemand sur Alexandre, qui date de la première
moitié du xii« siècle et où les exploits du conqiiérant ma-
cédonien sont présentés avec tous les incidents merveilleux
qu'y avaient déjà mêlés certains historiens de l'antiquité.
Alexandre ne se contente pas d'anéantir les armées de Da-
rius et de mettre l'Asie à ses pieds, il veut forcer l'entrée
du paradis terrestre, et il faut qu'un philosophe, une sorte
d'Aristote chrétien, lui rappelle qu'il est fait de poussière
comme un autre homme et qu'il retournera en poussière.
Le curé Lamprecht avait pris pour modèle un poète fran-
çais, Albéric de Besançon, dont un court fragment a été
conservé (V. Bartsch, Chrestomathie de Vancien fran-
çais; Leipzig, 1866). V Alexanderlied, avec d'autres docu-
ments sur le même sujet, a été publié par H. Weismann en
deux volumes (Francfort-sur-le-Main, 1850). A. B.
LAMPRECHT de Bâtisbonne, moine franciscain qui
vivait en Allemagne à la fin du xni^ siècle et écrivit une
vie rimée de saint François, d'après celle de Thomas de
Celano, et un poème mystique [Tochter von Syon), dé-
crivant l'union de l'âme et de Dieu.
LAMPREDI (Giovanni-Maria), juriste italien, né à Ba-
vezzano, près de Florence, le 6 avr. 1732, mort à Pise le
M mars 1793. Professeur à l'université de Pise, il fut
chargé par le grand-duc Léopold de codifier les lois tos-
canes. Parmi ses ouvrages, on peut citer : Juris piiblici uni-
versalis theoremata (Livonrne, m 6-1 S, 3 vol.).
LAMPRESSE (Pêche). On donne ce nom, à l'embou-
chure de la Loire, à un filet qui sert à prendre la lamproie ;
c'esj une sorte de demi- folle de 50 m. de long sur 2 m. à
2^50 de haut, dont les mailles ont 57 millim. d'ouverture.
LAMPRIDE (^Hus Lampridius), écrivain latin de la se-
conde moitié du iv^ siècle, un des auteurs de VHistoire
Auguste. Les manuscrits lui attribuent les biographies d'Hé-
hogabale, d'Alexandre, de Commode et de Diadumenus. On
croit reconnaître aussi sa main dans celles de Pertinax et
Géta. 11 ne faut pas le confondre avec Lampridius, qui flo-
rissait un siècle plus tard, à Bordeaux, comme rhéteur et
comme poète ; Sidoine Apollinaire le porte aux nues, et
lui prête toutes sortes de mérites, mais surtout une dex-
térité incomparable dans les tours de force de versification
alors en honneur.
BiBL. ; W. Teuffel, Litt. rom., §§ 402 et 466.
LAMPRIDIO (Benedetto), humaniste italien, né à Cré-
mone à la fin du xv^ siècle, mort en 1540. Il professa à
Bome, à Padoue (1521), fut précepteur de Francesco de
Gonzague (1536), du fils de Bembo, etc. Parmi ses poé-
sies latmes,on prisait fort ses odes. Elles sont reproduites
au t. VI des Carmina illustrium poetarum italorum
(Florence, 1719).
LAMPRIS (Ichtyol.). Genre de Poissons osseux (Téléos-
téens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Cotto-Scombri-
formes et de la famille des Corypha^nidse, comprenant des
Poissons à corps comprimé et très élevé, couvert de très
petites écailles caduques, une seule dorsale sans portion
épineuse et des ventrales à rayons très nombreux (14 en-
viron). Le type du genre, le Lampris luna, forme péla-
gique, est assez commun à Madère, et s'étend jusque dans
le N. de l'Atlantique ; il est assez rare dans la Méditerra-
née ; il peut atteindre une forte taille (environ 5 pieds ; Gun-
ther) et se fait remarquer par ses magnifiques couleurs.
BiBL. : GuNTHER, Stiidy of Fishes. — Cuvier et Valen-
ciENNEs, Hist. générale aes Poissons.
LAMPRITE (V. Fer météorique).
LAMPROIE, l. Ichtyologie. — Nom vulgaire d'un type
de Poissons constituant la sous-classe des Cyclostomata et
comprenant deux familles, celle des Petromyzontidœ et
celle des Myxinidœ^ dans la classification de Gunther. Les
Lamproies ont le corps toujours allongé, anguilliforme,
recouvert d'une peau nue, lisse et visqueuse, avec rangées
de pores et de sacs muqueux ; les branchies sont contenues
dans des poches bursiformes au nombre de 6 à 7 de chaque
côté ; les arcs branchiaux n'existent pas ; il n'y a qu'une
seule ouverture nasale ; la bouche est antérieure, entourée
d'une lèvre circulaire et disposée en forme de suçoir. La
Lamproie marine, Peîromyzon marinus L., est le type du
genre Petromyzon ; elle peut atteindre la taille de 1 mètre :
Lamproie.
son corps est arrondi en avant, comprimé en arrière ; les
yeux sont peu apparents ; les nageoires sont soutenues par
des rayons cartilagineux, les dorsales séparées l'une de
l'autre ; sa couleur est d'un blanc jaunâtre avec des taches
et des marbrures d'un noir plus ou moins intense ; le ventre
est blanc ; la bouche forme une énorme ventouse entourée
d'une lèvre charnue garnie de cirrhes ; elle est pourvue sur
toute sa surface intérieure de rangées circulaires de dents
simples ou doubles, décroissant de volume du centre vers
les bords ; une grosse double dent, relevée au-dessus de l'ori-
fice buccal, marque la place de la mâchoire supérieure ; une
large lame, formée de 7 à 8 dents, représente la mâchoire
inférieure ; la langue est armée de trois dents, profondément
dentelée sur les
bords. — La Lam-
proie marine re-
monte au prin-
temps dans les
fleuves; elle se
trouve dans toute
l'Europe, excepté
dans la mer Noire.
Les deux autres
formes connues du
même genre sont
les Petromyzon
fluviatilislj.etP.
planeri Bloch.
Les Lamproies
subissent des méta-
morphoses, et leurs
larves, bien con-
nues des pêcheurs
sous le nom de
Lmnprillons, ont
été longtemps dé-
crites par les natu-
ralistes comme re-
présentant le genre Ammocœtes^ dont VA. branchialis
était le type. A l'état d'Ammocète, la Lamproie diffère com-
plètement de l'adulte ; son corps est moins cylindrique ; la
bouche aôecte la forme d'un fer à cheval ; la lèvre inférieure
forme une saillie en avant, et cette bouche est absolument
dépourvue de dents.
Les Lamproies, qu'on les envisage à l'état larvaire ou
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
Bouche^de la Lamproie.
Appareil respiratoire
de la Lamproie.
849 - LAMPRIS - LAMPROIE
adulte, sont des animaux très inférieurs, et, malgré leur orga-
nisation plus complète que celle de VAmphioxus, elles sont,
avec ce dernier, les Poissons qui se rapprochent le plus des
Invertébrés. Si, en effet, chez VAmphioxus, la colonne
vertébrale est représentée par une
corde dorsale gélatino-cartilagi-
neuse, à tissu comparable à ce que
l'on trouve chez les A scidies,\\ est à
noter que, chez les Lamproies, cette
colonne vertébrale consiste en une
corde dorsale offrant des traces de
segmentation par l'apparition de
pièces cartilagineuses ; chez elles
encore le cerveau est protégé par
une capsule peu développée dont les
appendices montants se réunissent
plus ou moins en votîte. Chez VAm-
phioxus, les pièces qui constituent
la paroi du crâne, de tissu semblable
à celui de la gaine de la notocorde,
s'appuient sur la corde dorsale et
s'élèvent en décrivant une courbe
à convexité externe, puis se réu-
nissent pour former une véritable
voûte. L'organe de l'olfaction des
Lamproies est constitué par un sac
placé dans une capsule spéciale. Ce
même organe chez VAmphioxus
existe en arrière de la première
paire nerveuse, sous l'aspect d'un
bulbe olfactif, se terminant dans
la fossette olfactive, et ne peut être
que l'équivalant de l'organe de
l'odorat des Lamproies et des autres Cyclostomes. Nous
ne poursuivrons pas plus loin les rapports et les diffé-
rences; mais, quel que soit le degré d'infériorité du type
Amphioxvs, quels que soient les caractères qui l'ont fait
classer dans une sous-classe particulière, celle des Lepto-
cardiens, il n'en est pas moins vrai que les Lamproies et
surtout leurs larves présentent avec lui de singulières ana-
logies bien propres à être invoquées en faveur'des théories
transformistes . Rochbr .
II. Pêche. — La lamproie marine s'engage dans les
fleuves qu'elle remonte, au printemps, parfois à une
grande distance de leur embouchure ; la pêche se fait avec
la fouëne, avec la nasse, la lampresse, le loup. Le loup ou
louve peut être mobile; pour pêcher avec cet engin, deux
hommes tenant les perches fixées aux extrémités du filet le
présentent à la marée montante et enveloppent le poisson en
rapprochant les perches. On emploie également un filet
semblable, mais plus grand, tendu une heure avant le com-
mencement de la marée et qu'on relève un peu avant que
celle-ci ne se retire ; ce filet en nappe est fixé à des piquets ;
on pêche en bateau et on retire les piquets, de manière à
plier le filet en deux, suivant sa longueur. La nasse em-
ployée pour la pêche de la lamproie a la forme d'une olive,
dont le goulot est présenté au courant le plus rapide ; à
l'embouchure de la Loire, on construit en bois et en pierres
des chaussées nommées duits, sur lesquelles on établit les
nasses ; les nasses, qui ont 2 m. de long, sont placées vers
la fin de l'année aux endroits où la marée se fait sentir.
La lamproie de rivière, qui n'arrive pas à une taille aussi
grande que celle de l'autre espèce, se pêche aux filets à
main ou dormants : verveux, tramail, guideau; on emploie
ce poisson en Hollande pour servir l'appât pour la pêche
de la morue. E. Sauvage.
m. Art culinaire. — La chair des lamproies est aussi
savoureuse que celle de l'anguille, mais plus délicate et
d'une digestion plus facile. Chez les Romains ce poisson
avait une grande valeur. On les mange grillées ou apprê-
tées aux fines herbes; en civet dans lequel on fait entrer
le sang de la lamproie qui doit à cet effet être découpée
vivante, on fait une sauce au vin avec des poireaux, et
LAMPROIE - LAMPYRE
- 850 -
l'on épaissit avec de la farine. On les accommode encore
aux champignons, à la sauce douce, en matelote ; on en
fait aussi des pâtés froids, etc.
BiBL.: Ichtyologie. — Gunther, Study of Fishes. —
Sauvage, dans Brehm, édit. franc., Poissons.— Moreau,
Ilist. nat. des Poiss. de France,
LAMPROPHIS (Erpét.). Genre de Serpents Colubri-
formes et de la famille des Lycodontidse dans la classifica-
tion de Duméril et Bibron, ayant pour caractères toutes les
écailles du milieu du dos lisses, hexagones et beaucoup plus
grandes que celles des flancs qui sont losangiques. Le
Lamprophis aurora du cap de Bonne-Espérance, Tune
des formes de ce genre, est d'un brun pâle sur les par-
ties supérieures ; une bande d'un jaune orangé règne sur
le milieu du dos depuis le bout du museau jusqu'à l'extré-
mité de la queue ; le dessous du ventre est blanc. C'est un
animal nocturne connu au Cap sous le nom de Serpent de
nuit. RocHBR.
BiBL. : Duméril et Bibron, Erpêt. gén.
LAMPROPHORE (Celui qui porte un objet brillant).
Nom donné autrefois aux néophytes, pendant les sept jours
qui suivaient le baptême, parce que durant ce temps ils por-
taient un vêtement blanc, i(s^r\^ Xafx^ipa. Les Grecs don-
naient aussi ce nom au jour de Pâques, parce que cette fête
de la résurrection illumine les âmes. En ce jour-là, les mai-
sons étaient éclairées, de tous les côtés, par un grand nombre
de cierges.
LAMPROPS (ZooL). Genre de Crustacés,de Tordre des
Cumacés, voisin des Diastylis (V. ce mot). Le type est le
L. rosea, dont le mâle a été décrit sous le nom de Cyria-
nassa elegans et qui vit dans les mers de Norvège.
Ik^PHOSOME (Lamprosoma) (Entom.). Genre d'In-
sectes Coléoptères Phytophages, fondé par Kirby en 4818
pour des Eumolpides de petite taille à corps globulaire
dont les espèces ont été souvent réparties par les auteurs
dans les groupes les plus divers. Les Lamprosomes sont
répandus dans les régions chaudes de l'Amérique oti l'on
en compte plus de quatre-vingts espèces. Le seule espèce
européenne (Lamprosoma concolor Sturm) habite la ré-
gion méditerranéenne; Curtis en avait fait le type du genre
Oomorphus en 1834. C'est un petit Insecte bronzé, vivant
dans les mousses ou parmi les plantes basses. Le genre
Lamprosoma est le type d'une sous-famille dite des Lam-
prosominés qui contient les genres Lamprosoma et Lych-
nophaes (Lacordaire, 1848), propres à l'Amérique, et
Oomorphus dont une espèce habite l'Europe et l'autre For-
mose. M. M.
LAMPROTERA (V. Danse, t. XIII, p. 864).
LAMPROTORNINÉS (Ornilh.). Sous le nom de Lam-
protorninés, les ornithologistes désignent les Passereaux
qui sont appelés vulgairement Merles bronzés^ Merles mé-
talliques^ Merles de Juida ou simplement Juidas (V. ces
mots) et qui appartiennent, en réalité, à la grande famille
des Sturnidés ou Etourneaux (V. ce mot) dont ils cons-
tituent une simple tribu. Cette tribu comprend, outre les
Merles bronzés typiques (Lamprotornis, Lamprocolius^
Coccycolius, Comopsarus, Amydrus) qui sont tous afri-
cains, les Calornis (V. ce mot) qui habitent l'Asie méri-
dionale et divers archipels de l'Océanie.
La plupart des Lamprotorninés africains ne dépassent
pas la taille d'un Etourneau ou d'un Merle. Ils ont le bec
de longueur médiocre, assez effilé, les ailes bien dévelop-
pées, la queue tantôt coupée carrément, tantôt allongée et
étagée, le plumage généralement plus brillant que celui des
Calornis et offrant souvent des teintes bronzées, cuivrées,
dorées ou pourprées, d'un éclat incomparable. Ces teintes,
rehaussées par quelques points ou par des taches d'un noir
pourpré, s'étendent presque toujours sur la totahté du
corps ; parfois cependant, comme chez les Pholidauges^
chez les Notauges et chez les Comopsarus, elles s'asso-
cient à du blanc pur, à du roux ou à du jaune orangé cou-
vrant les parues inférieures du corps.
Les Lamprotorninés sont répandus sur la plus grande
partie du continent africain, depuis la Sénégambie, le Sou-
dan et l'Abyssinie jusqu'au cap de Bonne-Espérance et se
montrent particulièrement communs sur la côte occiden-
tale, au Sénégal, au Gabon et au Congo. lisent à peu près
les mœurs des Etourneaux et, comme eux, vivent en
troupes pendant une partie de l'année et se nourrissent de
vers, d'insectes, de graines et de fruits. Leurs allures sur
le sol sont vives et légères, et leur vol est facile, quoique
un peu lent. Ils nichent tantôt par couples isolés, tantôt
en colonies et pondent des œufs verdâtres ou grisâtres ta-
chetés de brun, de rougeâtre ou de gris foncé.
Les Merles métalliques supportent aisément la captivité
et par la beauté de leur plumage font l'ornement d'une vo-
lière; toutefois, le nombre de ces oiseaux qui sont capturés
vivants n'est rien à côté de celui des Lamprotorninés qui
sont sacrifiés annuellement et dont les dépouilles sont uti-
lisées par l'industrie de la plumasserie. Parmi les espèces
les plus recherchées, nous citerons : le Lamprocolius eau-
datus MulL, du Sénégal; le L. splendidus on Merle vert
d'Angola, de Daubenton ; le L. glaucovirens Elliot, de
la région du Haut-Ogôoué et du Congo; le L. purpuras-
cens MùlL, ou Merle violet du royaume de Juida, de
Guéneau de Montbéliard; le L, chalybeus Ehr., d'Abys-
sinie et de Sénégambie ; le L. chalcurus, Nordm., de la Côte
d'Or ; le L. purpureiceps Verr., du Congo ; le Coccycolius
iris Oust., des îles Loss; le Notauges ou Spreo bicolor
Gm., de l'Afrique australe; le N. superbus, de la côte occi-
dentale d'Afrique; le Pholidauges leucogaster Gm. ou
Merle violet à ventre blanc de Juida; le Ph. Verrenuxi
Boc, de Zanzibar, du Congo et d'Angola, et le Comopsa-
rus regius Reich., du pays des Çomalis. E. Oustalet.
BiBL.: R.-B. Sharpe, Cat. B. Bvil. Mus., 1890, t. XIII,
pp. 120 etsuiv.
LAMPSAKI. Ville d'Anatolie, à 46 kil. O.-N.-O. de
Bigha, sur le détroit des Dardanelles, en face de Gallipoli,
ch.-l. d'un caza du mutessarifat de Bigha; 3,000 hab. Jo-
lie mosquée. Territoire fertile, planté' de vignes et d'oli-
viers. Pas de restes d'antiquités. Près de là, village de
Tchardak, avec une jolie mosquée. — Lampsaki est l'an-
cienne Lampsaque qui joua un certain rôle dans l'histoire
grecque. Son nom primitif était Pityusa et la région était
occupée par les Thraces Bebryces; les colons ioniens (de
Phocée et de Milet) lui donnèrent celui de Lampsaque. Sa
position à l'entrée de l'Hellespont et l'excellence de son
port lui donnèrent une importance stratégique. Miltiade
essaya vainement de s'en emparer. Les Perses s'en rendirent
maîtres 1ers de la révolte de l'Ionie, mais laissèrent le gou-
vernement au tyran Hippoclès et à son fils yEantides,
mari d'Archédice, fille de Pisistrate. Les vignobles très
renommés des environs furent donnés à Thémistocle par le
roi de Perse. La prospérité de Lampsaque était encore
réelle au temps de Strabon. Cette ville fut le centre du
culte de Priape. L'historien Charon, l'orateur Anaximène
et l'épicurien Métrodore étaient nés à Lampsaque.
LAMPSAR. Fort du Sénégal, sur un marigot du fleuve,
à 21 kil. E. de Saint-Louis; il date de 1815.
LAMPSON ou LAMPSONIUS (Dominique), poète et
peintre flamand, né à Bruges en 1532, mort à Liège en
1599. Il contribua beaucoup à ramener au catholicisme
Juste Lipse, avec lequel il était en correspondance suivie.
Parmi ses poésies écrites en latin, un certain nombre se
rapportent à la peinture. Il fut, comme peintre, l'élève de
son ami Lambert Lombard. Ses tableaux sont très rares,
mais assez estimés.
LAWIPTÉRIES (Aa(i;utTlpiûf). Fêtes des flambeaux célé-
brées à Pallène en l'honneur de Dyonisos, qui recevait en
cette circonstance le surnom de Lampter (Paus., VIL
27, 2). F V , ,
LAMPUGNANI (Agostino), écrivain italien, né à Milan
en 1588, mort à Milan en 1668. De l'ordre des bénédic-
tins, ses œuvres lui valurent une grande réputation ; citons :
Cecilia predicante, drame sacré (Bologne, i64:3);Lumi
délia lingua italiana (1652), etc.
LAMPYRE (Lampyris) (Entom.). Genre d'Insectes Co-
854
LAMPYRE — LAMY
léoptères Malacodermes, fondé par Geoffroy et type d'une
famille dite des Lampyridés, renfermant des animaux lumi-
neux vulgairement appelés Vers luisants. Le genre Lam-
pyris est caractérisé par le labre corné, arrondi en avant,
les mandibules petites et peu saillantes avec une pointe
aiguë à leur extrémité intérieure ; les téguments sont assez
mous ; le corps, allongé en ellipse, est élargi, et le corse-
let cache la tête ; la coloration est grise ou jaunâtre, bru-
nâtre, et la taille est petite ou moyenne. Les mâles seuls
sont ailés et volent facilement, mais les femelles, complè-
tement aptères et dépourvues d'élytres, gardent toute leur
vie la forme des larves ; celles-ci se nourrissent de petits
Mollusques Gastropodes qu'elles dévorent dans leur coquille.
Lampyris noctiluca mâle. Lampyris noctiluca femelle.
Pendant les nuits d'été, on voit les points lumineux ver-
dâtres, que forme chaque Insecte, se traîner le long des
herbes, sur le sol, ou voltiger dans les airs. Ces appareils
lumineux sont situés à la face ventrale des derniers seg-
ments abdominaux et ils peuvent luire ou s'éteindre à la
volonté de l'Insecte; c'est un signal pour le rapprochement
des sexes, mais cette question est encore mal connue, car
les larves sont également phosphorescentes. Il existe une
trentaine d'espèces de Lampyres en Europe; un certain
nombre a été réparti dans les sous-genres Pelania Muls.,
Lamprohiza Mots, et Phosphœnapterus Schauf. Les
Lampyris noctiluca Linn. et splendidula Linn. sont
communs partout en juin et juillet. Le genre Lampyris
compte en tout soixante espèces répandues par tout le globe,
surtout dans les régions chaudes comme celles de l'Amé-
rique du Sud. Les autres genres principaux de la famille
des Lampyridés sont : Liiciola et Phosphœnus, M. M.
LAMSAKI (V. Lâmpsaki).
LAMUEL ou LEMOUEL C'est à un roi de ce nom que
sont dédiés par sa )nère quelques préceptes de conduite,
qui ont trouvé place dans le livre canonique des Proverbes
(XXXI, i-9). Si nous lisons avec Reuss : Paroles de Le-
mouel, roi de Massa, nous pourrons songer au chef de
quelque principauté judéo-arabe, située au S. -E. de la Pa-
lestine.
BiBL. : Reuss, Philosophie religieuse et morale des Hé-
breux, 1878, pp. 157-158.
LAMURE. Ch.-l. de cant. du dép. du Rhône, arr. de
Villefranche ; 1,426 hab.
LAIVIUS(Myth.) (V. Lestrygons).
LAMY (Dom François), philosophe cartésien français, né
au château de Montereaù, près de Chartres, en 4636,
mort à Saint-Denis le 4 avr. 4744. Il entra dans la car-
rière des armes et fut capitaine de chevau-légers. Mais à
vingt-trois ans, à la suite d'un duel, il renonça aux armes
et entra dans la congrégation de Saint-Maur. Il y enseigna
la philosophie et arriva aux plus hautes dignités de son
ordre. Il passa les vingt dernières années de sa vie dans
la retraite à l'abbaye de Saint-Denis. Dom Lamy fut un
ardent disciple de Descartes et de Malebranchc. 11 défen-
dit ce dernier contre Arnauld et Bossuet. Toutefois, il se
retourna contre Malebranche quand celui-ci publia le Traité
de la nature et de la grâce et engagea une polémique
si vive que ses supérieurs lui interdirent de la continuer.
Son principal ouvrage. De la Connaissance de soi-même
(Paris, 4694-98, 6 vol. in-12; 2^ éd. augm,, Paris, 4700,
in-8), est une imitation de la Piccherche de la Vérité; la
partie morale en est la plus développée et la plus originale.
Dans les Lettres philosophiques (Trévoux et Paris, 4703,
in-42), et dans les Premiers Eléments des sciences ou
Entrée aux connaissances solides (4706), il résume
fidèlement les idées métaphpiques de Malebranche, surtout
la théorie des causes occasionnelles. Comme Blalebranche,
il était soucieux de prévenir toute accusation de panthéisme
et il écrivit contre Spinoza le Nouvel Athéisme ou Réfu-
tation du système de Spinoza (4696, in-42). Bossuet,
Bayle et Voltaire sont d'accord pour louer cet ouvrage.
Citons encore : Vérité évidente de la religion chrétienne
(Paris, 4694, in-12); Lettres d'un théologien à un de
ses amis (Paris, 4699, in-8); Lettres théologiques et
morales (Paris, 4708, in-42) ; De la Connaissance et de
V Amour de Dieu (Paris, 4742, in-42, posthume). On
trouvera la liste complète des ouvrages de dom Lamy dans
la Bibliographie des auteurs de la congrégation de
Saint-Maur, par dom Tassin (p. 3.^6). Th. Ruyssen.
BiBL. : Dom MABiLLON,(Eut;r. posi/i., 1. 1, pp. 376 et suiv.
— Dom Deforis, Œuvres de Bossuet^ t. X. — Bayle, Die-
iionn. et Lettres, p. 577. — Ntceron, Mémoires^ t. X. —
Fr. BouiLLiER, Hist. de la philos, cartes., t. II, chap. xix.
LAWIY (Bernard), oratorien et philosophe français, né au
Mans en juin 1640, mort à Rouen le 29 janv. 4745. Il fit
ses premières études au collège des oratoriens du Mans.
Dès l'âge de dix-huit ans, il entra lui-même à l'Oratoire
à Paris, étudia la philosophie à Juilly, puis à Saumur, et
fut appelé à l'enseigner à Angers. Son zèle pour Des-
cartes lui suscita de violentes inimitiés. Les péripatéticiens
du collège d'Anjou obtinrent contre lui l'interdiction par
lettre de cachet d'enseigner le cartésianisme, puis un arrêt
du conseil du 2 août 1675 lui défendant d'enseigner en
France. Ses supérieurs l'exilèrent à regret dans un cou-
vent du Dauphiné. Mais Le Camus, évêque de Grenoble,
reconnut son mérite, et le fit son auxilliaire dans sa cam-
pagne de conversion en Dauphiné. C'est Lamy qui amena
au catholicisme le ministre réformé Vignes. Appelé au sé-
minaire de Saint-Magloire à Paris, il y fut encore inquiété
par l'archevêque du Harlay pour son Harmonie évangé-^
tique. Citons parmi ses œuvres : Nouvelles Réflexions
sur Vart poétique (Paris, 4668, in-46; 2« éd., 4678,
réimpr. en 4744 avec l'ouvrage suivant : VArt de parler;
Paris, 4670, in-42; 8« éd., 4757, trad. en allem., en
angl. et en ital.), ouvrage mis à côté de VArt de penser
de Nicole; Traitez de méchanique {Hyïs, 4679, in-42;
2*^ éd., 4687) ; Traité de la grandeur en général (Paris,
1680, in-42 ; 2^ éd. 4694) ; Entretiens sur les sciences
(Grenoble, 4683, in-42, souvent vmû^v.)'; Eléments de
géométrie (Paris, 4684, in-42; 7« éd., 4758) ; Appara-
tus Biblicus (Grenoble, 4687, in-8, souvent réimpr.),
ouvrage qui a obtenu un grand succès et est un commen-
taire historique et géographique des événements de l'Ecri-
ture sainte; De Tabernaculo fœderis, de sancta civitate
Jérusalem et de templo ejus (Paris, 4720, in-fol.), autre
ouvrage archéologique d'une grande valeur, publié avec
de très belles planches. Lamy y avait consacré trente
années et ne put l'achever. Le P. Desmolets le publia avec
une vie de B. Lamy. Th. Ruyssen.
BiBL. : EUies Dupin, Bihlioth, des auteurs ecclés., t. XIX
de rédition in-4, pp. 121 et suiv. — Niceron, Hommes
illustres, t. VI. — Othon Mencke, Acta eruditorum. —
B. Hauréau, Hist. litt. du Maine, t. VI, pp. 216 et suiv.
•— Fr. BouiLLiER, Hist. de la philos, cartes., t. II.
LAMY (Claude-Auguste), chimiste français, né à Ney
(Jura) le 45 juil. 4820, mort à Paris le 20 mars 1878.
Elève de l'Ecole normale (4843-45), puis successivement
professeur aux lycées de Lille et de Limoges, il revint en
4850 à Lille, y épousa en 4854 la fille de l'industriel
Kuhlmann (V. ce nom) et y occupa de 4854 à 4866 la
chaire de physique de la nouvelle faculté des sciences. A la
LAMY — LAN^RUS
852 —
mort de Payen (1866), il lui succéda comme professeur
de chimie industrielle à TEcole centrale des arts et manu-
factures. Il donna à la Sorbonne, en 1869 et 1869, des
conférences très suivies. 11 devait surtout sa grande no-
toriété à ses remarquables travaux sur le thallium (Y. ce
mot) et sur les composés de ce métal, qu'il est parvenu à
isoler, en 1862, chez son beau-père, des boucs des cham-
bres de plomb où Ton fabriquait de Tacide sulfurique, avec
des pyrites belges, et dont il a fait connaître, le premier,
la véritable nature. Outre des mémoires et notes parus
dans les Mémoires de la Société des sciences de Lille,
dans les Comptes rendus de V Académie des sciences^
dans le Bulletin de la Société chimique de Paris, etc. ^
il a publié : Leçons de chimie professées à la Société
chimique (Paris, 1864, in-8). L. S.
BiBL. : L. Pasteur, Notice sur CL-A. Lamy ; Ver-
sailles, 1879, in-8. — Liste des mémoires dus à Lamy dans
le Catalogue of scientific papers de la Société royale de
Londres, t. IIÏ et VIIL
LAMY (Thomas- Joseph), orientaliste belge, né à Ohey
en 1827. Il est professeur d'Ecriture sainte et de langues
sémitiques à l'université de Louvain. Il a publié un grand
nombre de travaux importants dont voici les principaux :
V Evangile et la Critique, Examen de la vie de Jésus
de Renan (Louvain, 1863, in-8, souvent rééd.) ; Intro-
ductio in Sanctam Scripturam (Malines, 1866-67, 2 vol.
in-8; rééd., 1863, 1877, 1886); Concilium Seleuciœ et
Ctesiphonti habitum anno 4iO (Louvain, 1868, in-8);
Commentarium in Genesin (id,, 1880,2 vol. in-8;
rééd., Malines, 1883-84); S. Ephrem syri hymnes et
sermones (Malines, 1884-86, 3 vol. in-8). E. H.
LAMY (Etienne -Marie-Victor), homme politique fran-
çais, né à Gize (Jura) le 2 juin 1843. Elève des domini-
cains de Sorèze, puis de Stanislas, il fut reçu docteur en
droit en 1869 avec une thèse intitulée Des Opérations de
bourse chez les anciens^ au moyen âge et dans les
temps modernes ; il avait d'abord présenté une thèse sur
les Rapports de l'Eglise et de l'Etat , mais le sujet n'avait
pas été accepté. Le 8 févr. 1871, il fut nommé représen-
tant à l'Assemblée nationale ; il siégeait à gauche et demanda
la réorganisation des services publics, la levée de l'état de
siège. Réélu le 20 févr. 1876, dans Tarr. de Saint-
Claude, il continua de siéger à gauche et fut l'un des 363
qui votèrent contre le cabinet de Broglie. Réélu le 14 oct.
1877, il combattit la loi sur l'ens'eignement supérieur
présentée par Jules Ferry et vota contre l'art. 7 (juil.
1879). Aux élections du 21 août 1881, il obtint au pre-
mier tour un nombre de voix très faible (le cinquième des
votants) et ne persévéra pas ; il devint administrateur du
Gaulois. On cite de M. Lamy : le Tiers Parti, l'Assemblée
natioîiale et la Dissolution (1872) ; il a collaboré avec
éclat à la Revue des Deux Mondes. Ph. B.
LAMY (Paul-Franc), peintre français, né à Clermont-
Ferrand le 12 mai 1855. Son père voyageant pour ses
affaires, il alla vers l'âge de neuf ans avec sa mère le re-
joindre à Londres, où la famille resta trois ans. De retour
à Paris, le jeune homme, passionné pour le dessin, entra
à l'âge de quinze ans à l'Ecole des beaux-arts, et à partir
de dix-huit ans reçut une pension de sa ville natale. Très
séduit par la jeune école impressionniste, il en adopta le
coloris et, vers 1875, exposa à l'un des premiers Salons de
cette école. Ses figures nues dans le plein air reflètent vive-
ment les verdures environnantes. Mais sa grande science
du dessin l'empêcha de tomber dans les excès. Ses plus
importantes toiles sont : le Conseil de revision (1884,
musée de Clermont-Ferrand) ; Femme nue après le bain
(1885, musée de Poitiers) ; le Sommeil (musée de Tunis) ;
Pâquerette (1888, musée de Mâcon); Au Fond des bois
(1889, musée de Nice); Rêve d'été (1890); Printemps
fleuri (1 891) ; le Renouveau (1 892) ; Au Pays des fleurs
(1893), etc. G. Armeltn.
LAN (Charles-Romain), ingénieur et métallurgiste fran-
çais, né à Beaulieu-les-Fontaines (Oise) le 28 févr. 1826,
mort à Paris le 2 mai 1885. Sorti en 1850 de l'Ecole des
mines de Paris et nommé ingénieur en 1851, il enseigna
pendant douze ans la métallurgie à l'Ecole des mines de
Saint-Etienne, puis quitta le service de l'Etat (1862) pour
passer à la Société des forges et fonderies de Commentry.
Remis en activité en 1872, il fut nommé, la même année,
professeur de métallurgie à l'Ecole des mines de Paris,
dont il devint directeur en 1884. Il montra, dans ces
diverses situations, de rares qualités comme administra-
teur et comme métallurgiste. 11 a laissé divers écrits, entre
autres un volume resté classique : Etat présent de la
métallurgie en Angleterre, en collaboration avec Gruner
(Paris, 1862, in-8), une étude sur la Métallurgie à l'Ex-
position de iSlS (Paris, 1879, in-8) et une dizaine de
mémoires dans les Annales des mines (1851-59). L. S.
LANA (Lodovico), peintre et graveur italien, né à Mo-
dène en 1597, mort à Modène après 1649. H eut pour
maître Scarsellini et devint ensuite un des plus habiles
imitateurs du Guerchin. Lana fut directeur de l'Académie
de peinture de Modène et eut beaucoup à souffrir des attaques
de son rival Pesari. Son œuvre capitale, la Peste de Mo-
dène, se trouve dans cette ville, sur un autel de l'église
Santa Maria del Voto, qui possède aussi de sa main 'une
Crucifixion. Dans l'église San Giorgio, on voit deux œuvres
de Lana, Saint Cosme et saint Damien et la Vierge dans
la gloire. La galerie de Modène en possède également une,
la Mort de Clorinde, et la galerie de Ferrare une autre,
Judith et Olopherne. Lana s'est également fait connaître
comme graveur, et l'on a catalogué neuf de ses estampes ;
l'une d'elles, les Saintes Femmes soignant les blessures
de saint Sébastien, est signée et datée de 1649.
BiBL. : Vedriani, RaccoUa de'Pittori, Scultori ed Ar-
chitetti Modenesi ; Modène, 1662, in-4. — Lanzi, Storia
pittorica dell'Italia; Milan, 6 voL in-18, t. IV. — Bartsch,
le Peintre-Graveur, t. XVIIL
LANA (Le P. Francesco-Terzi), physicien italien, né à
Brescia le 13 déc. 1631, mort à Rome le 26 févr. 1687.
D'une très ancienne famille, il entra à seize ans dans la
Société de Jésus, enseigna d'abord les belles -lettres, la
rhétorique et la philosophie dans plusieurs villes d'Italie,
puis s'appliqua à l'étude des sciences et devint professeur
de mathématiques à Ferrare. Il revint ensuite dans sa ville
natale, où il fonda l'Académie des Filesotici, qui n'eut du
reste qu'une durée éphémère. Esprit curieux et inventif,
le P. Lana, qui jouissait parmi ses contemporains d'une
grande célébrité, a porté ses efforts sur toutes sortes de
sujets et a imaginé un nombre incalculable de machines, d'ap-
pareils, d'instruments. Au premier rang, il faut placer sa
barque volante, décrite dans le chap. vi de son Prodromo;
c'est le plus ancien projet d'aérostat que l'on connaisse (V. Aé-
rostats, t. I, p. 664). Viennent ensuite un ingénieux se-
moir, des automates, de nouvelles horloges, un canon tirant
sans poudre, etc^. Il fit, dans les environs de Brescia et de
Bologne, en 1 665 et en 1 668 , d'importantes expériences avec
le baromètre et il tenta, un peu plus tard, de reproduire
artificiellement les pierres précieuses. Il s'occupa aussi de
magnétisme et d'astronomie, mais il versa dans l'astro-
logie. Ses deux principaux ouvrages ont pour titres : Pro-
dromo, ovvero Saggio di alcune inventioni nuove
(Brescia, 1670, in-fol.) ; Magisterium naturœ et artis
(Brescia et Parme, 1684-92, 3 vol. in-fol. ; rare). Ce der-
nier, qui devait avoir neuf volumes, contient notamment
un chapitre intitulé De Motu quem vocant attractionis
electricœ. On a encore du P. Lana un livre curieux de
psychologie ascétique : La Relia Svelata (Brescia, 1681,
in-8) et des mémoires parus dans le recueil de l'Aca-
démie des Filesotici, dans les Philosophical Transac-
tions, etc. L. S.
BiBL. : TiRABOsciii, storia délia letter. ital, VIII, p. 216.
— Faujas de Saint-Fond, la Machine aérostatique,
pp. x-xu.— Journal des savants, 1685, p. 255. — F. Hœfer,
Hist. de la chimie, t. II, pp. 273 et 283.
LAN>€RUS (AndrsBus), poète suédois, né en 1738, mort
en 1810, étant pasteur dans le diocèse de Lund. Ses poé-
sies, où le talent satirique et comique se joint à une cer-
taine profondeur de sentiments, étaient fort goûtées de
— 853 —
LANiERUS — LANCASTRE
ses contemporains. Parmi ses œuvres, qui n'ont été impri-
mées qu'en partie et sont conservées en manuscrit à
l'université de Lund, on peut citer le Poème sur les trois
Gustave de Suède (4772) ; des psaumes, des fables et,
en prose, Un Essai sur les mœurs des peuples de l'Eu-
rope et^ en particulier, du peuple suédois (1788 ; 2*^ éd.,
1789). Th. G.
LANAG, LANKA ou RAKUS-TAL. Lac du Tibet occi-
dental, d'où sort le Sutledj, au S. du mont Kaïlas; il a
35 kii. du N. au S. et 10 kil. del'E. à l'O., et se trouve
à 4,651 m. d'alt.
LAN AÏ ou RANAÏ. Une des îles Hawaï ou Sandwich
(V. ce mot).
LAN AN S. Com. du dép. du Doubs, arr. et cant. de
Baume-les-Dames ; 261 Iiab.
LANARCE. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Largen-
tière, cant. de Concouron; 884 hab.
LANARK. Ville. — Ville d'Ecosse, ch.-l. du comté de ce
nom, au-dessus de la Clyde ; 5,000 hab. Elle existait dès
le x^ siècle ; Kenneth II y réunit les Etats du royaume en
978. Au S. est New Lanark, théâtre de la célèbre expé-
rience socialiste de Robert Owen (V. ce nom).
Comté. — Comté du S.-O. de l'Ecosse; 2,283 kil. q. ;
1,045,787 hab. (en 1894). Compris entre les comtés de
Dumfries au S., Peebles, Edimbourg, Linlithgow à l'E.,
Stirling, Dumbartonau N., Renfrew, Ayr à l'O., il corres-
pond au bassin de la Clyde, ancienne région du Clydes-
date (V. Ecosse). Les terres s'étagent depuis les Souther
Hills (772 m.) jusqu'à la Clyde maritime: dans la vallée
supérieure sont de vastes espaces incultes, landes et ma-
rais. Mais la vallée inférieure suffit pour en faire le plus
riche comté de l'Ecosse, renfermant plus du quart de la
population totale du pays. Il possède, en effet, la grande
ville de Glasgow, A ce mot et à Ecosse, on trouvera des
détails sur les richesses industrielles du comté de Lanark,
sur ses mines, etc. Il n'y a guère que 3/7 du sol qui soient
cultivés ; les prairies occupent la plus grande partie de
cette étendue ; les champs occupent moins de 4 0 °lo de
la superficie totale. Les moutons et les bœufs sont nom-
breux.
Sur la géographie physique, V. Grande-Bretagne. Sur
l'histoire du Clydesdale ou comté de Lanark, V. Ecosse et
les noms des villes ou châteaux placés sur son territoire,
Douglas, Hamllton, Bothwell, Glasgow, etc. A.-M. B.
LANARK (William, comte de) (V. Hamilton [Famille]).
LANARVILY. Com. du dép. du Finistère, arr. de Brest,
cant. dePlabennec; 507 hab.
LAN AS. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Privas, cant.
de Villeneuve-de-Berg ; 580 hab.
LANASSER ou EL-ANASSER (V. El-Anasseur).
LANAUTTE (Blanc de) (V. Hauterive [Comte de]).
LANCASTER (Angleterre) (V. Lancastre).
LANCASTER. Ville des Etats-Unis (Ohio), aux sources
du Hocking, 40 kil. S.-E. de Columbus ; 8,000 hab. Expor-
tations agricoles.
LANCASTER. Ville des Etats-Unis (Pennsylvanie), sur
le Conestoga, affluent navigable de la Susquehanna, à
55 kil. S.-E. de iïarrisburg; 30,000 hab. Beaux monu-
ments (tribunal, Fulton hall, etc.). Fabriques de locomo-
tives, voilures, instruments agricoles ; commerce de bois
de charpente et de houille. Fondée en 4730 par des Alle-
mands et peuplée encore en majorité par cette race, Lan-
caster fut de 4 799 à 4842 la capitale de la Pennsylvanie et
le gouvernement fédéral y siégea plusieurs fois.
LANCASTER (Sir James), marin anglais, mort en 4648.
En 4593-94, il fit deux voyages aux Indes d'où il rapporta
une cargaison fort riche. Après s'être emparé de Pernam-
bouc oti il avait trouvé une grande quantité de marchan-
dises, il porta ainsi un coup fatal au monopole que les
Portugais avaient constitué à leur profit. La formation de
la Compagnie des Indes suivit de près l'heureuse expédition
de Lancaster qui fut chargé en 4600 du commandement
de sa première flotte. Il fut créé baronnet en 4603 et
Baffin donna son nom au détroit de Lancaster. R. S.
Bjbl. : Hakluyt, Principal Navigations, t. H. — C.-R.
Markham, Voyages of sir James Lancaster.
LANCASTER (Nathaniel), écrivain anglais, né en 4704,
mort en 4775, à Stanford Rivers, dont il était « recteur ».
Il a laissé une réputation de brillant causeur, et quelques
écrits, parmi lesquels un essai : Public Virtue, or the
Love of our Country (4746) et une satire fine et mor-
dante : The Pretty Gentleman (4764). B.-H. G.
LANCASTER (Joseph), pédagogue anglais, né à Londres
le 25 nov. 4774, mort à New York le 24 oct. 4838. II
ouvrit en 4798 dans un faubourg de Londres une école où
il organisa l'enseignement mutuel; en 4805, il donnait
gratiiitement l'instruction à un millier d'enfants pauvres.
Il créa ensuite une école normale. 11 fut encouragé par le
roi et secondé par Corston et Fox, fondateurs de la British
and foreign Society for éducation (4808); en 4814,
on comptait déjà 95 écoles du système Lancaster, avec
30,000 élèves. Mais il échoua quand il voulut appliquer sa
méthode à l'enseignement supérieur, dans une autre école
fondée à Tooting (4843). î\ émigra en Amérique (4846),
essaya d'organiser l'enseignement en Colombie (4820-
29), mais dk y renoncer après la mort de son protecteur
Bolivar et se retira à Montréal (4833), où il vécut du tra-
vail manuel. Lancaster a décrit son système dans deux
ouvrages: împrovement in éducation (Londres, 4805)
et The British System of éducation (4840). A.-M. B.
LANCASTER (Albert-Benolt-Marie), météorologiste et
bibliographe belge, né à Mons le 24 mai 4849. Météorolo-
giste-inspecteur et bibliothécaire-secrétaire de l'observa-
toire de Bruxelles, il a, en collaboration avec l'ancien di-
recteur de cet établissement, Houzeau (V. ce nom), doté
l'astronomie d'importants recueils bibliographiques. On lui
doit en outre des travaux de météorologie d'une certaine
valeur. Ses principaux ouvrages ont pour titres : Traité
élémentaire de météorologie^ avec Houzeau (Bruxelles,
4880, in-8; 2« éd., 4883); Bibliographie générale de
l'astronomie^ avec le même (Bruxelles, 4881-4887, 2 vol.
in-8; 3® vol. enprépar.) ; Tableaux résumés des obser-
vations météorologiques faites à Bruxelles de iSSS à
i8S2 (Bruxelles, 4886-87, 2 vol. in-46); Quatre Mois
au Texas (Mons, 4887, in-8); le Nord du Mexique
(Mons, 4889, in-8) ; Liste générale des observatoires et
des astronomes (Bruxelles, 4890, in-8; 3^ éd.). Il est
aussi l'auteur de nombreux articles, mémoires originaux
et notes d'observations parus dans les Bulletins de V Aca-
démie des sciences de Belgique, dans V Annuaire et
dans les Annales de l'Observatoire de Bruxelles^ dans
Ciel et Terre, etc. L. S.
LANCASTRE. Géographie. — Ville. — Ville d'An-
gleterre, chef-lieu du comté de ce nom, sur la r. g. delà
Lune, près de son embouchure dans la baie de Lancastre
(V. Grande-Bretagne, t. XIX, p. 455) ; 24,000 hab.
C'est une jolie ville bâtie en pierre de taille, au pied d'un
vieux château. Elle manufacture des cotonnades, des fla-
nelles, des soieries, des cuirs, etc., exporte du charbon et
de la pierre.
Comté. — Comté maritime du N.-O. de l'Angleterre,
4,880 kil. q. ; 3,936,798 hab. , soit 805 hab. par kil. q. Il est
compris entre la mer d'Irlande à l'O., les comtés de Ches-
ter au S., Derby au S.-E., York (West Riding) à l'E.,
Westmoreland et Cumberland au N. Au N. de la baie Mo-
recambe est le district de Furness, isolé du reste du comté ;
il a 40 kil. de long sur 26 kil. de large; c'est une région
montagneuse, au S. des monts Cumbriens, comprenant le
bassin du Leven, du Duddon, les lacs Winandermere et
Coniston. La partie principale du comté s'étend de la mer
aux collines de la chaîne Pennine (V. Grande-Bretagne,
t. XIX, p. 450); sa plus grande largeur est au S. de
80 kil., au N. elle se réduit à 20 kil. ; la longueur du N.
au S. est de 430 kil. Les fleuves côtiers dont l'importance
LANCASTRE — LANCE
854
croît du N. au S. sont la Lune, la Wyre, la Ribble, la Mer-
sey. Le S. du comté de Lancastre est couvert de villes indus-
trielles ; c'est, en effet, le comté le plus peuplé de l'An-
gleterre et un des plus grands centres de l'activité humaine,
grâce à son bassin houiller, au magnifique estuaire de la
Mersey (V. Grande-Bretagne, t. XfX, pp. 167 et suiv.),
avec ses villes de Liverpool, Manchester, Salford, Oldham,
Bol ton, Blackburn, Preston, etc. — Les champs occupent
20 °/o, les prairies 48 «/o, les bois 3 ^1^ de la superficie
totale. On y compte environ 37,000 chevaux, 250,000
bœufs, 300,000 moutons, 45,000 porcs.
Histoire. — Djché de Lancastre. — La région qui
forme le comté de Lancastre fut occupée à l'époque romaine
par les Brigantes qu'Agricola soumit. Après l'invasion
saxonne, elle conserva longtemps son indépendance et ne
fut conquise qu'en 927 par les gens de Nurthumbrie. Après
la conquête normande le titre de lord de Lancastre fut
attribué à Roger de Poitou, fils de Montgomery. Henri IIÏ
conféra à son fils puîné, Edmond le Bossu, né à Londres
en 1245, mort à Bayonne en 1296, le titre de comte de
Lancastre, après ceux de comte de Chester et de Derby.
Il érigea pour lui le comté palatin de Lancastre. Edmond,
enrichi des biens confisqués à la famille de Montfort (comté
de Leicester), prit part à la croisade de 1269 à 1271,
assura à son frère aîné, Edouard P"^, alors absent, l'avè-
nement pacifique au trône (1272), négocia avec Phihppe
le Bel et mourut au début de la campagne entreprise pour
reprendre la Guyenne. Il eut de sa seconde femme. Blanche
d'Artois, reine douairière de Navarre, trois fils, Thomas, Henri
et Jean. — Le premier, Thomas, né vers 1275, fut déca-
pité en 1322 à Pontefract. Par son mariage avec Alice,
héritière de Henri de Lacy, comte de Lincoln, il se trouva
maître de cinq comtés (Lancastre, Derby, Leicester, Lincoln,
Salisbury) . Il fut, contre son cousin Edouard ÏII, le chef
de la noblesse anglaise, fit décapiter Gaveston (1312),
devint président du conseil avec des pouvoirs dictatoriaux
(1316); son agent Spenser, qu'il avait placé près du roi,
entra en lutte avec lui ; Lancastre le fit bannir, mais bien-
tôt après fut, malgré l'alliance des Ecossais, victime de la
vengeance royale (V. Edouard II). —Son frère, Henri de
Lancastre, né vers 1281 , mort en 1345, n'eut d'abord que
le titre de comte de Leicester ; on lui rendit ses domaines
après l'emprisonnement d'Edouard II dont la garde lui fut
confiée ; Mortimer la lui retira, le trouvant trop déférent
envers le roi ; malgré son titre de président du conseil,
Henri de Lancastre dut s'humilier devant le favori (1328)
qui le fit même emprisonner (1330). — Son fils, Henri,
né vers 1310, mort en 1362, reçut en 1337 le titre de
comte de Derby ; il prit part aux campagnes d'Edouard III,
s'empara de l'île de Cadsand (nov. 1337), traita avec
Alphonse de Castille (1344), débarqua à Bayonne avec une
forte armée (juin 1345), prit Bergerac, défit les Français
devant Auberoche (23 oct. 1345). Philippe VI rassembla
contre lui, sous les ordres du duc de Normandie, une armée
formidable que le débarquement d'Edouard III et le désastre
de Grécy firent ramener au N. Le comte de Lancastre cou-
vrit ensuite le siège de Calais (1347), commença une croi-
sade, guerroya en Bretagne et mourut de la peste.
En 1352, le roi lui avait donné le titre de duc de Lan-
castre ; ce titre fut porté par sa fille Blanche à son époux
Jean de Gand, troisième fils d'Edouard III. Celui-ci, né à
Gand en 1339, mort en 1399, épousa Blanche en 1359 et
devint duc de Lancastre en 1362. Il fit la campagne d'Es-
pagne en 1367; après la mort de sa première femme
(1369), il épousa la fille aînée de Pierre le Cruel (1370) et
prit le titre de roi de Castille et de Léon. Il prit en janv.
1371 le gouvernement de la Guyenne et alla chercher du
secours en Angleterre; en juil. 1373, il débarqua à Calais
avec une grande armée ; harcelé par les généraux de
Charles V, il ne put que traverser la France au prix de
fortes pertes et n'amena à Bordeaux que les débris de ses
troupes. Les Anglais lui attribuèrent la responsabihté de
la trêve de 1375 qui leur enlevait presque toutes leurs
conquêtes. La vieillesse d'Edouard IIÏ, la maladie du prince
Noir et la jeunesse de son fils livrèrent le gouvernement
au duc de Lancastre ; le Parlement réclama et obtint son
éloignement, mais il reprit le pouvoir à la mort de son
frère (juin 1376). Il protégea WycUffe. A la mort
d'Edouard III (juin 1377), le Parlement ne lui donna
qu'une place dans le conseil de régence du jeune Richard II.
Un nouvel échec contre Saint-Malo (1378) accrut l'impo-
pularité du duc. L'insurrection de Tyler le visait en pre-
mière Hgne; il se retira à Edimbourg; rappelé, il fut me-
nacé par Jean Holland, se réconcilia pourtant avec son
neveu (1385) et entreprit une expédition en Espagne; dé-
barqué à La Corogne avec 20,000 hommes, il conquit la
Galice, s'unit au roi de Portugal qui épousa sa fille aînée
Phihppa (1386); la seconde campagne fut moins brillante;
il fit alors la paix en mariant une "autre fille, Catherine, à
Henri, fils du roi de Castille, et renonçant à ses prétentions
contre une indemnité de 200,000 couronnes et une pen-
sion de 100,000 florins. Rentré en Angleterre, il récon-
cilia le roi avec le duc de Gloucester, reçut la Guyenne où
il ne put se faire reconnaître. Il fut marié trois fois : de
Blanche de Lancastre, il eut Philippa, qui épousa le roi
Jean I®^ de Portugal, morte en 141 5 ; Elisabeth, qui épousa
Jean Holland, comte d'Exeter; et un fils, Henri, comte de
Derby, puis duc deHereford, qui succéda aux titres de son
père et monta sur le trône d'Angleterre sous le nom de
Henri 1 V (V. ce nom); — de sa seconde femme, Constance,
fille de Pierre le Cruel, il eut Catherine, qui épousa le roi
Henri III de Castille ; — de son mariage avec sa maîtresse
Catherine Rouet, naquirent des enfants que le roi légitima
sous le nom de Beaufort, une fille, Jeanne, qui épousa le
comte de Westmorelaud, et trois fils : Jean de Beau-
fort, comte et marquis de Somerset ; Thomas de Beau-
fort, duc d'Exeter, Henri de Beaufort, cardinal de Win-
chester.
La maison de Lancastre (Rose rouge) monta sur le trône
d'Angleterre avec Henri IV et ne le conserva que jusqu'en
1461. Son histoire se trouve aux art. Henri IV, Henri V,
Henri VI ; temporairement supplantée par la maison d'York
(Rose blanche), au cours de la terrible guerre des Deux
Roses, elle transmit ses droits aux Tudors. Le duché de
Lancastre, réuni à la couronne en 1399, avait cependant
conservé son autonomie, garantie aussi par Edouard IV lors-
qu'il s'en empara. La volonté des rois était de l'assurer à
leur descendance alors même que celle-ci perdrait la royauté.
Henri VII compléta l'union de ce domaine royal avec la cou-
ronne. Cependant le duché de Lancastre a conservé jus-
qu'à nos jours son administration distincte. A la tête est
un fonctionnaire spécial, le chancelier du duché de Lan-
castre, qui a rang de ministre et peut faire partie du cabi-
net. Le revenu, ahmenté par des loyers et redevances di-
verses, est d'environ 65,000 livres sterling; l'excédent sur
les dépenses est de 20,000 livres qui grossissent le do-
maine privé du souverain. Ce revenu échappe au contrôle
du Parlement. Une cour ducale de Lancastre, siégeant à
Westminster et présidée par le chanceher, exerce la juri-
diction sur le duché. Le comté palatin est moins étendu
que le duché et, en théorie, on l'en distingue ; en pratique
l'administration est dans les mêmes mains. L'assimilation au
reste du territoire anglais est d'ailleurs à peu près com-
plète. A.-M. Berthelot.
BiBL. : Baines, Historyofthe County andduchyof Lan-
caster; nouv. éd., 1887.
LANCE. I. Archéologie. — Les Latins désignaient du
nom de hasta une arme d'attaque en usage chez tous
les peuples antiques, et composée en principe d'un fer
pointu adapté à une longue tige de bois. On a pris l'habi-
tude de traduire le terme hasta par le mot lance, qui s'ap-
plique alors aussi bien aux piques et aux javelots qu'aux
lances proprement dites. On n'a pas jusqu'ici distingué
clairement les différentes armes d'hast que les peuples de
l'antiquité employaient. Nous les réunirons donc dans cet
article, et c'est seulement pour le moyen âge que nous
— 855 -
LANCE
ferons la distinction. Chez les Egyptiens, ce n'est qu'à
titre d'exception qu'on voit représentés des guerriers com-
battant avec la lance ; cette lance est d'ailleurs réduite à
sa forme la plus simple. Ils avaient cependant, à l'époque
des guerres médiques, imaginé une sorte de lance spé-
ciale, destinée aux soldats de marine. — La lance est
beaucoup plus fréquente sur les monuments de l'Orient
asiatique, tantôt entre les mains des guerriers, tantôt entre
les mains des dieux. La seule forme intéressante que nous
ayons notée est celle d'une lance assez courte, ferrée aux
deux bouts, et munie, vers l'une des extrémités, d'une
sorte d'anse; elle est portée par une divinité sur un cylindre
chaldéen.
Les Phénicines ont adopté la lance; les dieux et les sol-
dats, surtout les cavaliers, représentés sur les monuments
de ce peuple, et plus particulièrement des Cypriotes, portent
souvent cette arme. Il est à remarquer que sur un plat
d'argent phénicien, où sont figurés plusieurs cavaliers,
ceux-ci sont armés de deux lances au lieu d'une seule,
suivant une mode que l'on aurait pu croire particulière
aux Grecs, Mais alors ces armes rentrent plutôt dans la
catégorie des javelots.
Parmi les peuples qui ont habité l'Asie antérieure, ce
sont les Hétéens et les Perses qui semblent avoir le plus
volontiers adopté la lance; les premiers, à pied ou à che-
val, sur les chars, ne se séparent pas de cette arme; quant
aux Perses et aux Mèdes, ils affectionnaient beaucoup la
lance ; on sait que le grand roi avait une garde de dory-
phores ^ c.-à-d. de porte-lance; ce sont les Immortels,
dont M. Dieulafoy a retrouvé les images sur les murs du
palais de Suse, et qu'il a rapportés au Louvre. La lance
persane est caractérisée par sa longueur et l'ornement en
forme de boule qui la termine à son talon.
Les Grecs ont perfectionné la lance et son usage. Il y eut
chez eux une certaine variété dans les formes de cette arme.
A côté de la lance très simple, tige de frêne ou de roseau
terminée par une pointe de bronze ou de fer, on trouve la
lance ferrée aux deux extrémités, la lance dont le bout in-
férieur est façonné comme une poignée, ou bien terminée
par une sorte de petite douille ou capsule en métal, et qui
était souvent pointue.
La forme du fer variait plus encore que celle du bois ;
il pouvait être plat, en figure de triangle ou de feuille
oblongue ou bien encore en forme de pique ; il pouvait être
aussi arrondi ou à faces multiples. On a trouvé à Olytnpie
un fer de lance long de 0^^267, moins simple; il est qua-
drangulaire à l'extrémité, dont, par malheur, la pointe est
brisée ; mais les quatre angles sont rabattus à l'autre ex-
trémité, sur une certaine longueur, ce qui donne huit faces
à cette partie. Elle est de plus creusée d'un trou longitu-
dinal en forme de douille, dans lequel s'insérait le bois.
C'était le moyen le plus usuel d'insertion de la hampe ; on
maintenait l'appareil au moyen d'un clou transversal.
La lance était l'arme la plus ordinairement employée par
les Grecs, qui l'avaient attribuée à leurs divinités guer-
rières, Athéné, Ares, Zeus. Les héros d'Homère combat-
tent à coups de lance, et ce sont toujours des javelots que
les artistes leur mettent au poing lorsqu'ils les repré-
sentent armés. Nous savons que les guerriers homériques
emportaient au combat deux javelots ; les éphèbes, à l'é-
poque classique, étaient armés de la même manière.
En Grèce, la lance a toujours été l'arme essentielle des
troupes régulières, infanterie ou cavalerie. A l'exemple des
hopUtes de Lacédémone, qui portaient la lance avec une
épée, les hoplites athéniens, avec une lourde épée à deux
tranchants, avaient une lance pointue à ses deux extré-
mités ; lorsqu'au iv^ siècle Iphicrate créa l'infanterie lé-
gère des peltastes, sur le modèle de l'infanterie thessa-
lienne, les peltastes reçurent aussi deux courtes lances,
sortes de javelots. On connaît surtout le rôle très important
de cette arme dans la phalange macédonienne; en effet,
la surisse n'est pas autre chose qu'une lance très longue
{18 pieds) dont étaient armés les combattants du premier
rang; ceux qui étaient placés derrière eux, les hypaspistes,
avaient une lance plus courte.
Comme les Grecs, les peuples de l'Italie ont adopté la
lance ; elle a été très en honneur chez les Etrusques ; les
guerriers de ce pays sont très souvent figurés la lance à
la main, ainsi que les athlètes; il est de plus à remarquer
que la lance étrusque est presque toujours pourvue de
I amentum ; il en est de même pour la lance des Samnites.
Ces armes sont plutôt des javelots. Pour la lance chez les
Romains, V. Armée romaine et Armes (Archéologie).
L'importance et Pantiquité de l'usage de la lance chez
les Romains est attestée par ce fait qu'elle est le symbole
de la guerre. Les féciaux jetaient une lance ensanglantée
et brûlée au bout sur le territoire des ennemis de Rome
auxquels ils déclaraient la guerre. Les Carthaginois, de leur
côté, envoyèrent une lance à Rome comme signe de rup-
ture. Les soldats vaincus et prisonniers passaient sous une
lance, humiliation suprême; le butin, vendu à l'encan,
était, disaient les Romains, yendnsub hasta, c.-à-d. sans
doute qu'on plantait une lance auprès du monceau des ob-
jets provenant de la victoire ou du pillage. On donnait une
lance d'honneur au soldat qui le premier avait vaincu dans
un combat; mais cette lance était pure (hasta pura)^
c.-à-d. non ferrée au bout. La lance était aussi l'insigne
de la royauté et de la divhiité, quelquefois même d'une puis-
sance plus humble, celle des citoyens romains, dont le nom
de quirites, dit-on, n'était autre chose que le mot signi-
fiant les lances dans la langue des Sabins ; elle était aussi
attribuée aux centumvirs qui, lorsqu'ils siégeaient comme
juges au forum, faisaient planter une lance devant leur tri-
bunal. On explique ce fait par la nature même des affaires
ressortissant aux centumvirs ; c'étaient les affaires rela-
tives à la propriété, que protège et garantit la force des
armes. P. Paris.
Moyen âge. La confusion, pour aujourd'hui inextri-
cable, qui existe dans l'interprétation des termes dési-
gnant les armes de jet et d'hast de l'antiquité, rend à
peu près impossible une étude systématique de la lance
chez les Grecs, les Romains et les Orientaux. Pour en-
tendre la question d'une manière claire, il faut partir
de ce principe que la lance représente — dans sa forme
la plus simple, composée d'un fer (d'acier ou de bronze)
et d'une hampe de bois — l'arme primitive par excel-
lence et notamment celle des peuples pasteurs dont les
derniers survivants l'ont encore conservée, qu'ils paissent
leurs troupeaux à pied ou à cheval. De cette forme pro-
cèdent toutes les lances légères que notre moyen âge a
connues sous le nom de lances gaies, d'où par corrup-
tion est venu le mot à'assagaie et de sagaie et qui sont
la véritable souche de la lance de la cavalerie moderne.
II n'y a en effet aucun rapport entre la lance des uhlans,
des lanciers, des dragons et celle des hommes d'armes,
non plus qu'avec les grandes et longues armes d'hast des
fantassins auxquelles il convient de laisser ce nom de
piques que les époques anciennes qui les virent en usage
leur ont toujours donné. Nous ne traiterons donc ici que
la lance des hommes d'armes du xi^ au xvii® siècle, en
renvoyant aux mots ci-après énoncés pour les autres armes
d'hast improprement appelées lances (V. Sagaie, Javeline,
Pique et Hast [Armes d']).
La lance ne paraît pas avoir été employée par la cheva-
lerie avant notre xi® siècle ; les monuments figurés, les
textes ne nous apprennent rien sur elle. Elle apparaît
sur la tapisserie de Bayeux entre les mains des Normands.
Sa hampe cyHndrique peut avoir de 3 à 4 m. de longueur;
son fer est en losange, et près de la douille est fixé un petit
pennon ou bannière. Cette lance ne paraît pas comporter de
prise de main, et on la maniait comme la lance moderne, à
bras libre, la main à lahauteur du genou, dans le plus grand
nombre de cas. Avec le temps, la hampe alla toujours en
se renforçant et aussi en s'allongeant, de telle sorte qu'au
xiv^ siècle elle atteint et dépasse 5 m., mais elle demeure
partout également cylindrique sans renflement pour la
LANCE — LANCE
— 856
prise de main. Le fer très aigu et à section losangique ou
triangulaire peut percer même les armures de plates et
rien ne résiste au choc de la lance quand Fhonune d'armes
charge à fond. Pour combattre à pied, on retaillait la hampe
ou le fût, comme on disait, à une longueur de 5 ou 6 pieds,
de manière à faire de la lance une espèce de demi-pique.
Depuis quelque temps, déjà, on mettait la lance en ar-
rêt au moyen d'une courroie, puis d'un crampon de fer ou
faucre fixé au côté droit du plastron, à la hauteur du sein.
On devait dès lors, au moment de la charge, coucher le bois,
c.-à-d. porter la lance horizontale sous l'aisselle, appuyée
sur le faucre (V. ce mot), l'arrière-bras faisant un angle
presque droit avec le buste, l'avant-bras rephé. La pointe de
la lance passait à gauche de l'encolure du cheval, le long
de la ganache. Cette manœuvre de force et d'adresse était
difficile à exécuter vu le poids et la longueur de l'arme, et
elle demandait une grande habitude. Pour alléger d'autant la
lance, en la mettant dans une meilleure situation d'équilibre,
on en vint à épaissir son extrémité inférieure et à la munir d'un
contrepoids et d'un sabot ; puis on garnit la prise de deux
rondelles entre lesquelles s'abritait la main. Cette dernière
modification amena, au xv*^ siècle, une dissymétrie notable
dans les gantelets. La main droite, garantie par la rondelle
de garde, ne porta plus qu'un léger gantelet dit gagne-
pain, tandis que la gauche, qui tenait la bride, se proté-
gea d'un épais miton ou bras de fer.
Le fût des lances de guerre était fait de bois de frêne ;
celui des lances de joute, beaucoup plus massif et court,
était en bois de sapin (pour les lances de joute à garde avec
aggrappe, V. l'art. Tournoi). Au xvi® siècle, le fût de la
lance de guerre atteignit une longueur de 20 pieds. Les
fers de lance du moyen âge affectent des formes variées,
mais toujours ils sont courts, aigus, massifs jusqu'à pré-
senter une pointe taillée en diamant. Souvent ils étaient
mobiles et on ne les fixait à la hampe qu'au moment du
combat, au moyen d'une goupille passant par un oeillet
latéral de la douille. En marche, on les portait dans des
étuis ou custodes de cuir. La lance demeura en usage dans la
gendarmerie jusqu'à la fin du xvi^ siècle; mais, dès la
seconde moitié de celui-ci , on
en réduisit de plus en plus
l'usage à mesure que la charge
par escadrons tendait à sup-
planter la charge en haie. Ce
^ MWk '• ^® furent plus dès lors que les
mmk î hommes d'armes du premier
rang qui en demeurèrent ar-
més, et encore les chefs de
guerre de cette époque se plai-
gnaient-ils sans cesse de ce
que les cavaHers, par paresse
de porter cette arme encom-
brante, perdaient ou rom-
paient intentionnellement les
lances. En marche, l'homme
d'armes faisait porter sa lance
par son page. Cette habitude
dura jusqu'au xvi*^ siècle, tant
qu'une lance signifia non seu-
lement l'arme elle-même, mais
aussi le maître ou cavalier qui
en était pourvu. Une lance, au
xv^ siècle, comportait jusqu'à
six hommes qui tous étaient
montés : écuyer, page, ar-
chers, coutiliers. Mais'au xvi^
Longueur de la lance, 5 m. siècle les gendarmes durent
porter eux-mêmes leurs lances ;
et comme, au début, on n'avait pas encore pris l'habitude
d'en faire reposer le sabot dans une botte de cuir attachée
à l'étrier droit tandis qu'une courroie fixée au premier
tiers de la hampe se passait au bras, ils la tenaient verti-
cale, le sabot appuyé sur Je haut de la cuisse au défaut du
K
cuissot. De là des contusions et souvent des plaies en cette
région du corps, comme nous l'apprennent bien dos gens
de guerre qui ont laissé des mémoires.
Vers la fin du xv^ siècle les Italiens se servaient de
lances plus légères à fût longitudinalement évidé par des
gouttières profondes dont les saillies intermédiaires sont
appelées ailettes. Ces lances sont dites bourdonasses.
Trop légères, elles se brisaient au moindre choc, et elles
ne demeurèrent pas en usage à la guerre, tandis qu'on
continua à s'en servir jusqu'au miheu du xvii*^ siècle dans
les carrousels, pour courir la bague. La grande rondelle
d'acier qui servait de garde à la lance au xv® siècle dis-
parut au milieu du xvi^ siècle, et la main se trouva suffi-
samment protégée par l'échancrure située entre les deux
troncs de cône adossés qui formaient le dernier quart de
la hampe. Celle-ci était toujours ornée de bandes spirales
polychromes, peintes aux couleurs du capitaine de la com-
pagnie; l'étendard, le guidon étaient attachés à ce fût
près du fer. L'abandon de la lance au xvu® siècle dépend
surtout du peu de services que rendait cette arme, car les
gendarmes ne pouvaient la manier que sur un terrain uni.
En outre, l'habitude s'en perdait. Et si, au xv^ siècle, on
avait vu les hommes d'armes bourguignons, à la journée
de Montlhéry, ne pouvoir coucher le bois faute d'avoir
fait « leurs exercices », ceux de Savoie ne firent pas mieux
en 4591 au combat de Pontcharra où Lesdiguières, qui
se vantait de parer de pied ferme un coup de lance avec
son épée, tua le capitaine de leur compagnie comme il
l'avait annoncé. Maurice Maindron.
II. Art militaire. — La lance ne reparut en France que
lors de la création des lanciers par Napoléon P^ en 1807,
et subsista jusqu'après la guerre de 4870. En 4874, à la
suite d'une enquête ordonnée par le ministre dans un grand
nombre de régiments de cavalerie, l'arme des lanciers fut
supprimée; mais, en 4 889, suivant l'exemple de l'Allemagne,
on rétablit l'usage de la lance dans nos régiments de dra-
gons, sans toutefois créer de corps spéciaux de lanciers.
Une Instruction pour le maniement et V emploi de
la lance, approuvée par le ministre le 6 avr. 4889, pres-
crit d'exercer au maniement de la lance tous les cavaliers
du régiment. Elle dispose que « dans les prises d'armes à
cheval, les cavaliers armés de la lance portent la carabine
à la grenadière et sont placés au premier rang ». La lance
devient ainsi l'arme de choc et le sabre est réservé pour la
mêlée. La lance repose par le bout dans la botte de
l'étrier; elle est maintenue par le bras droit du cavalier
engagé dans la courroie jusqu'au-dessus du coude ; c'est
la position de reposer la lance. Pour porter la lance, le
cavalier dégage le bras de la courroie, saisit la lance avec
la main droite à pleine main et la tient verticalement, la
main à hauteur du col, le coude et l'avant-bras collés au
corps. Pour la charge, la lance doit être dégagée de la
botte avant de prendre le galop de charge ; elle est tenue
inclinée, la pointe en avant comme le sabre.
m. Pyrotechnie (V. Artifices, t. IV, p. 46).
BiBL. : Archéologie. — Viollet-le-Duc, Dictionnaire
raisonné du mobilier, t. VI, art. Lance. — Penguilly-
Lharidon, Catalogue du musée d'artillerie; Paris, 1887,
in-8. — Van Vinkeroy, Catalogue des armes... du Musée
royal d'antiquités ; Bruxelles, 1885. — Walhausen, Art
militaire à cheval; Francfort, 1616. — Basta, Gouf)erne-
ment de la cavalerie légère; An\ers, 1614.— -Melzo, Règles
militaires... sur le service de la cavalerie; Anvers, 1615.
— De Belleval, Costume militaire des Français en 1^^5 ;
Paris, 1869, in-4. — D'" Giraud, Introduction du cata-
logue de la collection Spitzer (Armes); Paris, 1890, in-fol.
— De Curzon , la Règle du Temple, dans Société de
l'Histoire de France: Paris, 1892, 2 vol. in-8.
LANCÉ (Tiss.). Nom donné à un procédé de tissage au
moyen duquel on produit des tissus façonnés, présentant
des dessins de couleurs variées. A la suite de chaque duite
de fond, on lance sur toute la largeur de la chaîne une
série de duites fournies par des trames ayant les différentes
couleurs du dessin, et Ton fait apparaître chacune de ces
duites aux endroits où le dessin doit présenter sa couleur,
en le faisant au contraire flotter à l'envers partout ailleurs.
~ 857 —
LANCE — LANCEMENT
Les flottés d'envers peuvent être liés au tissu de distance en
distance, pu bien ils sont simplement coupés après tissage.
LANCÉ. Coni. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Ven-
dôme, cant. de Saint- Amand ; 700 hab.
LANCE (George), peintre anglais, né en 1802, mort en
1864. Elève de Ilaydon, il est très remarquable dans la
nature morte, surtout les fleurs et les fruits, qu'il exécutait
avec un fini minutieux à la manière hollandaise. On cite
son Paon mort et son Combat de hérons. La Chasse au
sanglier do Velasquez à la Galerie nationale de Londres
a été en grande partie repeinte de sa main, fort habile-
ment, à la suite d'un accident de rentoiiage. Il a aussi
laissé quelques tableaux d'histoire, valant surtout par la
facture des accessoires, notamment un Melanchtkon.
LANCE (Etienne-Adolphe), architecte français, né à Lit-
try (Calvados) le 3 aoùtl813,mort à Rambouillet le ii4déc.
1874. Elève de Blouet et Visconti, inspecteur au conseil des
bâtiments civils en 1830, il devint architecte du gouverne-
ment en 1854. Sa première œuvre importante fut l'abattoir de
Rambouillet (concours en 1837). On lui doit la restauration
de la cathédrale de Sens, où il prit le parti radical de restituer
devant les chapelles ajoutées à la nef, aux xiv® etxv® siècles,
les murs, arcatures et fenêtres qui avaient été alors sup-
primés, et de démonter pour les déposer dans un musée la-
pidaire les dais et culots qui, à l'époque de la Renaissance,
avaient été accrochés aux fûts des colonnes de la nef. L'as-
pect imposant de l'église du xii^ siècle fut ainsi restitué
dans sa pureté, mais la hardiesse de cette restauration fut
et demeure très discutée des archéologues. Une seconde
grande restauration, celle de la cathédrale de Soissons, fut
menée avec la même science et ne prêta pas de la même façon
à la critique. Ces travaux pratiques n'empêchaient pas Lance
de s'occuper activement de critique d'art et d'archéologie,
et on lui doit divers écrits estimés : Du Concours comme
moyen d'améliorer r architecture et la situation des
architectes (1848, in-8); Excursion en Italie (1859,
in-8, 2^ édit. en 1873 avec eaux-fortes de L. Gauche-
rel) ; Dictionnaire des architectes français (1873, 2 vol.
in-8 av. pi.) ; divers articles de V Encyclopédie d'archi-
tecture de V. Calliat et du Moniteur des Architectes, qu'il
avait fondé; une série de rapports, et des notices sur les
architectes il c/i.I^d^r^, i. Blouet^ Letarouilly^J. Bou-
chet, etc. (broch. in-8, publ. de 1854 à 1860). C. E.
LANCELOT (Dom Claude), grammairien français, né à
Paris vers 1615, mort à Quimperié le 15 avr. 1695. Fils
d'un tonnelier, il fut élevé à Saint-Nicolas-du-Chardonnet
et fut introduit par Saint-Cyran dans la société de Port-
Royal. Dans l'école établie en 1645, rue d'Enfer, Lancelot
professa le grec et les mathématiques, de même à Port-
Royal-des-Champs, jusqu'en 1660. Il eut la plus grande
part à la réforme de l'enseignement accomplie dans ces
écoles. Il fut ensuite précepteur du duc de Chevreuse, des
princes de Conti jusqu'en 1672. Il se retira à l'abbaye de
Saint-Cyran, oti il fit profession de sous-diacre (1673). 11
fut relégué à Quimperié en 1680; c'est là qu'est son tom-
beau dans l'église de Tabbaye de Sainte-Croix. Les prin-
cipaux ouvrages de Lancelot sont : Nouvelle Méthode pour
apprendre la langue grecque (Paris, 1655, in-8), clair
et superficiel ; Nouvelle Méthode pour apprendre la
langue latine (1644; 3® éd. complète, 165o, in-8); le
Jardin des racines grecques (165Tf , in-12), dont la vogue
fut énorme et qui resta en usage dans l'enseignement se-
condaire en France jusqu'après 1870 (c'est un dictionnaire
des mots simples ou radicaux de la langue grecque, suivis
de leurs dérivés ; chaque mot, suivi des mots français qui
le traduisent, forme un vers de huit syllabes ; ces vers
puérils, rimes par de Sacy, étaient utilisés comme moyen
mnémonique ; Lancelot y ajouta un Recueil des mots
français qui ont quelque rapport avec ceux de la
langue grecque, dissertation remplie d'erreurs) ; Gram-
maire générale et raisonnée, la fameuse grammaire de
Port-Royal où Lancelot n'eut pas la principale part; il
rédigea les idées d'Arnauld et Nicole. A.-M. B.
LANCELOT (Antoine), historien français, né à Paris le
4 oct. 1675, mort à Paris le 8 nov. 1740. Il s'engagea
dans Tarmée à dix-huit ans, revint à Paris où il travailla
avec Herbinot à un Dictionnaire étymologique, obtint
une place à la bibliothèque Mazarine, collabora au Diction-
naire critique de Bayle, à VEistoire du Dauphiné de
Valbonnais. Choisi pour arbitre dans la querelle de pré-
séance entre les pairs, il se livra à de profondes études
sur leurs généalogies, d'où sortit son grand ouvrage :
Mémoires pour les pairs de France (1720, in-foL).
Commissaire au Trésor des chartes (1732), il travailla à
la Table historique; il fit l'inventaire des duchés de Bar
et de Lorraine (1737-40). Il a écrit la préface de VHiS"
toire des grands officiers de la couronne du P. Anselme,
publié de nombreux mémoires dans le Recueil de l'Aca-
démie des inscriptions et belles-lettres, à laquelle il appar-
tenait depuis 4719. A.-M. B.
LANCELOT du Lac. Un des héros du cycle de la Table
ronde (V. cet art. et Chrétien de Troyes). Chevalier de
la reine Genièvre, l'épouse d'Arthur, il est qualifié aussi
de chevalier de la Charrette. Parmi les innombrables adap-
tations du chef-d'œuvre de Chrétien de Troyes, on peut
citer un roman en prose, Lancelot du Lac (Paris, 1494,
3 vol.), dont le succès fut considérable dans la première
moitié du xvi® siècle.
LANCELOTl (Giavanni-Paolo), canoniste, né à Pérouse
en 1511, mort en 1591. (Euvres principales : InstitiUio-
num juris canonici, quibus jus pontificium singu-
lari methodo libris quatuor comprehenditur (Rome,
1555; Pérouse, 1563; Venise, 159â). Ce hvre, composé
sur l'ordre de Paul ÏV, fut examiné et approuvé par une
commission de juristes et de prélats instituée par le pape.
Il est inséré dans plusieurs éditions du Corpus juris cano-
nici, et jouit auprès des ultramontains d'une autorité presque
égale. Dans ses Commentarii Institutionum juris cano-
nici et ses înstitutiones pro tyronibus, sorte de manuel
pour les commençants, Lanceloti défend et développe sa doc-
trine sur rinfaillibilité et la suprématie des papes, l'exter-
mination des hérétiques et la confiscation de leurs biens,
Les Institutiones juris canonici ont été traduites et an-
notées, avec des restrictions gallicanes, par Durand de Mail-
lane (Lyon, 1770, in-12). E.-H. V.
LANCELOTTI Câstello (V. Câstello [Gabriele]).
LANCEMENT. I. Marine. — Le lancement d'un navire,
surtout avec les masses actuelles, est une opération des
plus délicates ; aucune précaution ne saurait être négligée,
quelque minime et insignifiante qu'elle paraisse être. Pour
bien comprendre le détail de l'opération, nous renver-
rons d'abord le lecteur aux mots Ber et Cale de cons-
truction. Le bâtiment repose sur un appareil appelé ber
ou berceau. Le ber le plus employé actuellement est le
ber sur couettes mortes ou sur quille (V. le dessin au
mot Ber). Dans ce cas, la quille est garnie d'une savate
qui glisse sur un coulisseau, et les ventrières glissent sur
les couettes. Pour empêcher un départ prématuré, voici
les organes de retenue dont on dispose : 1*^ A l'extrémité
de l'avant-cale, de forts arcs-boutants dont le pied bute
contre des taquets solidement fixés à la cale, et la tête
dans une entaille pratiquée dans le bout de la couette ou
de la ventrière. Entre le pied de l'arc-boutant et le ta-
quet, on place deux coins à contre l'un de l'autre. En
abattant ces coins et enlevant le taquet, l'arc-boutant
tombera au premier coup de masse quand le moment sera
venu. 2*^ Sur chacun des côtés des couettes se trouvent
des arcs-boutants, appelés clefs, placés un peu obliquement
de l'avant vers l'arrière de la cale et disposés comme les
précédents. 3« Aux extrémités des couettes et ventrières,
au haut de la cale, on trouve les saisines, fortes amarres
faisant plusieurs tours, passant dans une mortaise à l'extré-
mité des couettes et de là dans le double d'un câble fixé à
des ancres profondément enterrées. Il y a une saisine par
couette. 4^ Enfin un fort arc-boutant appelé sous-barbe est
LANCEMENT — LANCHARÈS
établi sous le pied de Tétambot, sous les ferrures du gou-
vernail (un navire se lance toujours par l'arrière). 5° Une
série d'épontilles entoure le navire comme d'une ceinture
à des hauteurs différentes, et le soutient latéralement.
Ceci dit, quelques jours avant le lancement, on aura
graissé la savate et les couettes avec du suif et du savon
mou (à titre de renseignement, pour un navire de 86 m. de
long, 49 m. de large, il a été employé 4,367 kilogr. de suif,
254 kilogr. de savon mou et 250 litres d'huile) ; on aura
aussi enlevé une partie des accores ou épontilles. A la tête
et aux pieds de chacun de ceux qui restent se trouvent
fixés deux cordages, un à la tête venant du navire et per-
mettant, quand les masses les frappent au pied, au moment
où l'on veut les enlever, d'empêcher la chute trop brusque
de cette grosse pièce de bois qui serait dangereuse pour les
ouvriers. Le jour du lancement, l'ingénieur qui y préside
répartit tout son monde par fractions déterminées d'avance :
d<> à l'avant du ber pour enlever les accores d'étambot, la
sous-barbe et les arcs-boutants des couettes ; 2*^ aux sai-
sines et au billard ou bonhomme, destiné à frapper l'étrave
et à déterminer le mouvement, si le navire, une fois hbre de
ses retenues, ne partait pas de lui-même ; 3^ aux accores
restant en place : il faut le nombre d'hommes voulu, tant
à bord qu'à terre, pour qu'à un coup de baguette du tam-
bour placé près de l'ingénieur, les deux accores symétriques
puissent être enlevés rapidement.
De plus, au cas où le billard serait insuffisant, on dis-
pose aussi des béliers hydrauliques d'une force pouvant
aller jusqu'à 60 tonnes, en nombre voulu, qui, en agissant
simultanément autour de l'étrave et de la partie avant des
couettes, décollent un peu la partie élevée du navire et
détermineront le départ. En plus de tout cela, deux câbles
de retenue sont installés à bord ; ils passent par les écubiers
et sont amarrés à terre à de forts points fixes. A bord, ils
sont tenus sur des bosses cassantes ou petites cordes des-
tinées à casser successivement et à amortir la vitesse sans
trop de secousses. Quand l'espace est restreint, et toujours
dans le but de limiter la course du bâtiment, on dispose en
mer à la distance voulue une drome, amas de grosses pièces
de charpente, sur laquelle viendra buter ce bâtiment.
Toutes ces dispositions étant prises, on attend l'heure
de la marée dans les ports de l'Océan et de la Manche, et
l'heure fixée par un ordre supérieur dans les autres. On
enlève alors, au commandement donné par le tambour, les
accores dits de deuxième rang. C'est à ce moment qu'a lieu
une cérémonie empreinte d'une véritable grandeur. Un au-
mônier de la marine, suivi d'un nombreux cortège, fait le
tour du navire, le bénit, et appelle la protection de Dieu
sur ce qui n'est encore qu'une masse inerte, mais qui sera
animée et représentera la patrie quand les couleurs flotte-
ront à la corne, et sera peut-être appelée un jour à être sa
sauvegarde et son espérance. Après cette cérémonie, on
enlève les grands accores. Le navire ne repose plus que sur
son ber ; on fait sauter alors l'arc-boutant appelé sous-
barbe ou poulain fixé à l'étambot. Anciennement, c'était un
forçat condamné à mort qui enlevait cette clef qui était la
dernière. Un trou était creusé près de là : il s'y précipitait
de suite et le navire lui passait dessus. Il était gracié s'il
en réchappait. Aujourd'hui, ceux qui l'enlèvent ne courent
plus le moindre danger. Après la sous-barbe viennent les
deux clefs placées aux extrémités des couettes. Enfin on
coupe les saisines ; généralement, le navire part à ce mo-
ment, d'abord lentement, majestueusement, accélérant sa
vitesse. Si le départ n'a pas heu, on fait entrer en jeu le
bonhomme et les béliers hydrauliques. Le bâtiment quitte
alors sa cale et prend possession de la mer, refoulant des
flots d'écume devant lui, se balançant sur la houle qu'il pro-
duit lui-même, tandis que derrière il laisse, malgré les ma-
tières grasses, un long sillon de feu et de fumée. On voit
alors les câbles se raidir, fouetter avec une force extraor-
dinaire. Une fois arrêté, le bâtiment est alors pris par des
remorqueurs et conduit au bassin, où on lui enlèvera ses ven-
trières et on procédera à son achèvement. K. du Crano.
IL Construction. — Lancement des ponts métalliques
(V. Pont).
LANCÉOLÉ (Art décor.) (en forme de fer de lance).
Se dit surtout des feuilles d'eau, particulièrement répandues
dans la décoration du milieu et de la fin du xii® siècle.
LANCEREAUX (Etienne), médecin français contempo-
rain, né à Brécy-Brière (Ardennes) le 27 nov. d829.
Interne des hôpitaux en 4857, médecin des hôpitaux en
4862, chef de chnique de la faculté en 4863, il a été
nommé agrégé au concours de 4872. On lui doit de bons
et solides travaux : un Traité d'anatomie pathologique
(4875-89) ; un Traité de Vherpétisme (4883) ; un Traité
théorique et pratique de la syphilis (4866) ; des Le-
çons de clinique médicale^ faites à l'hôpital de la Pitié
(4883-92) et une série de mémoires sur les Thromboses
et embolies veineuses, publiés dans les Comptes rendus
de la Société de biologie et la Gazette médicale (4860
à 4862). Il fait partie de l'Académie de médecine depuis
4877. D"" A. Dureau.
LANCETTE. I. Chirurgie. — La lancette est un instru-
ment composé d'une lame d'acier mince, de 3 centim. envi-
ron, et d'une châsse. L'extrémité libre de la lame se termine
en pointe plus ou moins effilée. La lancette la plus effilée est
appelée lancette à langue de serpent ; un peu moins pointue,
c'est la lancette à grain d'avoine. La moins effilée est nommée
lancette à grain d'orge. La châsse est constituée par deux
valves minces de corne ou d'écaillé, mobiles autour d'un
pivot, de façon à pouvoir découvrir ou dissimuler la lame.
On se sert de cet instrument pour pratiquer la saignée
(V. ce mot), pour faire à la peau ou aux muqueuses des
mouchetures ou des incisions superficielles, pour la vacci-
nation et autres inoculations virulentes. D'' A. Car.
IL Architecture. — On emploie le mot lancette dans
les manuels d'archéologie pour désigner des baies entiers-
point étroites et surhaussées. On peut entendre par lan-
cettes ces fenêtres aiguës très hautes et très étroites qui
se voient dans le N . de la France au début de la période
gothique souvent groupées par deux ou plus encore par
trois, celle du milieu plus élevée, et qui furent plus usitées
encore dans le Midi et dans le royaume de Naples à la fin
du xiii® et au xiv® siècle. On peut désigner par le même
terme les arcs aigus dont les impostes ou les chapiteaux
sont placés beaucoup au-dessous du point de départ réel de
l'arc ; cette forme, très fréquente à la fin du xiri^ et au
xiv^ siècle, est motivée par le désir de placer les chapi-
teaux ou impostes des arcades étroites et des fenêtres au
même niveau que ceux des voûtes et grandes arcades sans
diminuer pour cela la hauteur de ces baies étroites. On
peut citer entre mille exemples de cette disposition très
accentuée les arcades du chœur de la cathédrale d'Amiens,
celles du porche de l'église de Michery, près de Sens, et les
fenêtres de presque toutes les églises gothiques de Cata-
logne et de Chypre. Quelques archéologues enfin ont donné
le nom de lancette à l'arc suraigu qui est particulier à
l'architecture normande. Cet arc a ses centres sur les im-
postes mêmes, ou parfois au delà, C. E.
LANCEY (Ruisseau de) (V. Isère [Dép.], t. XX, p. 993).
LAN-CHAN ou LIAN-CHAN. Massif montagneux de la
Chine occidentale, dans le bassin du Yang-tse-kiang, entre
ses affluents de gauche, le Min et le Han (V. Chine et Asie).
LANCHARÈS (Antonio de), peintre espagnol, né à Ma-
drid en 4586, mort à Madrid en 4658. Il eut pour maître
ITtalien Patricio Caxès dont le fils, Eugenio, fut son con-
disciple et son émule. Il existe entre ces deux derniers ar-
tistes bien des points de contact, et leurs ouvrages ne laissent
pas que d'offrir une certaine simiHtude de dessin et de co-
loris. Malheureusement, la plus grande partie de ceux que
Lancharès avait peints pour divers couvents et chapelles de
Madrid ont été dispersés ou ont péri. Tels les tableaux
qu'il avait composés pour le couvent de la Merced calzada
et qui formaient une suite allusive à la vie et aux miracles
de saint Pierre Nolasque, et telles encore les fresques dont
il avait décoré le sanctuaire de la Chartreuse du Paular et
- 859 -
LANGHARÈS — J.ANÇON
la salle du chapitre. Nous ne connaissons aujourd'hui d'autre
toile de l'artiste que celle qui existe au musée du Fomento
et qui représente la Vierge^ entourée d'anges ^remettant
à saint lldephonse la chasuble miraculeuse^ portant la
date de 1622 et la signature de Lancharès, plus une ins-
cription relatant que ce tableau est un don du cardinal
infant D. Fernando, frère de Philippe IV. P. L.
BiBL.: Cean Bermudez, Diccionario de los mas ilustres
profesores; Madrid, 1800. — Cruzada Vilaamil, Catàlogo
de las pinturas del museo del Fomento , Madrid, 1865.
LANCHÈRES. Com. du dép. de la Somme, arr. d'Abbe-
ville, cant. de Saint- Valery-sur-Somrae ; 1,004 hab.
LANCHES-Saint-Hilaïre. Com. du dép. de la Somme,
arr. de DouUens, cant. de Demart ; 258 hab.
LANCHOVE(V. Elanchove).
LANGHY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Saint-Quen-
tin, cant. de Vermand ; 738 hab.
LAN G I AN I (Rodolfo-Amadeo), archéologue italien, né
à Rome le i^^ janv. 1847, professeur de topographie an-
cienne à l'université de Rome. Elève de l'illustre de Rossi,
il commença sa carrière en 1867, comme collaborateur de
M. Carlo-Lodovico Visconti, aux fouilles d'Ostie. Depuis
lors, il a pris part directement ou indirectement à toutes
les recherches archéologiques entreprises soit à Rome, soit
dans le Latium, en relevant jour par jour les vestiges de
l'antiquité que les travaux d'édilité et d'assainissement
faisaient reparaître. Aussi nul archéologue n'a-t-il plus
que lui contribué à la connaissance de la topographie de
la Rome antique et de ses monuments. Le produit de ces
travaux et de ces observations est la Forma Urbis Ro-
mœ^ plan de la ville classique en 46 feuilles de 0,90 +
0,60, dont la publication a commencé depuis 1892 sous les
auspices de l'Académie des Lincei (édité par Hoepli, Milan).
On trouvera la liste complète de ses nombreuses publica-
tions dans le t. XII des Mélanges d'archéologie et d'his-
toire publiés par V Ecole française de Rome. Nous
mentionnerons parmi ses livres : Guida del Palatino
(Rome, 1876); I Commentarii di Frontino sulle acque
et sugli acquedotti j^Rome, 1880), ouvrage couronné par
l'Académie des Lincei ; Rome in the light of récent ex-
cavations (Boston, ^1888); Pagan and Christia7i Rome
(Boston, 1892) ; Vîtinerario di Einsiedlen^ei UOrdo di
Benedetto canonico (Rome, 189J). Ses autres monogra-
phies sont disséminées dans les Notizie degli Scavi^ dans
le Bullet, delta commissione archeologica^àmsle Bullet.
et Annali deW histituto^ dans les Atti et Memorie des
Lincei, dans le Bullet. CrisUano du Comm. de Rossi, dans
les Mélanges de l'Ecole française^ dans V Athenœum^ etc.
M. Lanciani travaille (1895) au texte qui accompagnera la
Forma Urbis Romœ. L'ouvrage en six volumes illustrés
aura pour titre : Storia degli scavi di Roma daW
anno 800 al i894. André Bâudrillart.
LANCIANO. Ville d'Italie, prov. d'Abruzze citérieure,
à 22 kil. S.-E. de Chieti , ch.-l. de circondario ;
8,234 hab. Elle est située sur trois collines qui dominent
l'Adriatique; vignobles et filatures de chanvre, de lin, de
coton, de soie. C'était jadis Anxenusa; on y trouve des
ruines de temples romains.
LANCIÉ. Com. du dép. du Rhône, arr. de Villefranche-
sur-Saône, cant. de Belleville-sur^Saône ; 698 hab.
LANGIER (Artmilit.). Cavalier armé delà lance {V. ce
mot). Les lanciers apparaissent en Allemagne et en Au-
triche au xvm® siècle. Frédéric II et, vers la même époque,
Marie-Thérèse créèrent des régiments de lanciers, qu'ils
nommèrent hulans ou /i6>wkw5(pandours). Malgré quelques
essais en 1742 et en 1756, l'arme des lanciers n'était
guère connue en France avant 1801, où l'on en créa 1 ré-
giment; dès 1804 il y en avait 4, et, en 1812, il y en
avait 9, compris celui des lanciers polonais: sous la Res-
tauration, on n'en conserva qu'un régiment qui faisait partie
de la garde royale, et quelques escadrons furent en outre
attachés aux régiments de chasseurs à cheval. En 1831,
le nombre de ces régiments fut porté à 6 et à 8 en 1836.
Sous Napoléon III, il y en avait 8 et 1 de la garde. Uti-
lisés d'abord comme cavalerie légère, les lanciers consti-
tuaient en dernier lieu la cavalerie de ligne avec les dra-
gons. Mais la guerre de 1870-71, dans laquelle les lanciers
ne rendirent pas les services qu'on en attendait, fit d'abord
supprimer radicalement cette arme. Puis, après s'être
mieux rendu compte de l'utilité de Ialan(îe dans les charges,
on constata qu'il suffisait d'en armer les hommes du pre-
mier rang. On a décidé en conséquence de donner la lance
aux cavaliers du premier rang des régiments de dragons,
qui conservent d'ailleurs leur armement habituel.
LANCIERS (V. Danse, t. XIII, pp. 875-876).
LANCILOTTI (Francesco), peintre et poète italien, qui
vivait au début du xvi^ siècle. Il peignit des effets de nuit
à la manière flamande. Lancilotti est surtout connu par son
curieux poème sur la peinture, écrit en terza rim.a, et qu'il
présente, dans une lettre à Messer Francesco Tommasi,
comme ayant été composé sur mer, pendant une tempête :
Trattato di pittura (Rome, 1508). Cet opuscule a été ré-
imprimé dans le yoi.Yl des Lettere pittoriche de Bottari.
LAN Cl EUX. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Dinan, cant. de Ploubalay ; 780 hab.
LANGISI (Giovanni-Maria), médecin italien, né à Rome
le 26 oct. 1654, mort à Rome le 21 janv. 1720. Il étu-
dia, puis enseigna l'anatomie au collège de Sapience. Méde-
cin du Sacré Collège et des papes, il eut une immense
réputation. Ses principaux ouvrages. De Subitaneis mor-
iibus (Rome, t707, in-4) ; De Nosciis paludum efftuviis
(1717, in-4), et surtout De Motu cor dis et anevrisma-
tibus (1728, in-fol. av. pi.) renferment des observations
personnelles et ont fait avancer la science. Ses œuvres com-
plètes ont été réunies en 2 vol. in-fol. (Venise, 1739), ou
4 vol. in-4 (Rome, 1745).
LANGKORONA. Ville de Galicie (empire d'Autriche), dis-
trict de Wadovice; 15,000 hab. Fondée par Kasimir le
Grand en 1370, Lanckorona a donné son nom à la famille
des Lanckoronski.
LANGKORONSKL Famille polonaise qui a fourni quel-
ques guerriers ou hommes d'Etat. Le plus remarquable fut
Stanislaw qui vivait au xvii*^ siècle. Il fut castellan de
Kamienice, palatin de Bratslav et en 1654 hetman de camp.
Il combattit les Tatares, les Turcs, les Suédois, et mourut
en 1657.^
L AN GÔM E. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Blois,
cant. d'Herbault ; 293 hab.
LANÇON (Zool.). (V. Ammodyte).
LANÇON. Com. du dép. des Ardennes, arr. deVouziers,
cant. de Grandpré; 199 hab.
LANÇON. Com. du dép. des Bouches-du-Rhône, arr.
d'Aix, cant. de Salon; 1,325 hab.
LANÇON. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Bagnères-de-Bigorre, cant. d Arreau; 64 hab.
LANÇON (Nicolas-François), seigneur de Sainte-Cathe
rine, archéologue français, né à Metz le 17 mars 1694,
mort à Metz le 6 mars 1767. Il fut conseiller au parle-
ment de Metz et maître échevin. On a de lui : Mémoire
sur l'état de la ville de Metz et les droits de ses évêques
(Metz, 1737, in-fol.) ; Table chronologique des édits,
déclarations, lettres patentes et arrêts du Conseil, re-
gistres au Parlement de Metz depuis sa création jus-
qu'en il 40 (Metz, 1740, in-4); JJsages locaux de la
ville de Tout et pays toulois (Metz, 1746, in-12). M. P.
LANÇON (Auguste- André), peintre, sculpteur et gra-
veur français, né à Saint-Claude (Jura) le 16 déc. 1836,
mort à Paris le 12 avr. 1886. Apprenti dans une impri-
merie, il fit ses premières études artistiques à Lyon, puis
vint à Paris, oti il se forma en copiant des toiles au
Louvre. Il s'est surtout consacré à la peinture de batailles
et d'animaux. Il a exposé: Cuirassier de i8i 3 en vedette
(1868), Arabe terrassé par une lionne (1869), Lioîi
et Lionne ('1872), le 5* Régiment de cuirassiers à
Mouzon en 1810 (1877), la Tranchée devant LeBour-
get (1882), le Repas des tigres (1884). Sa peinture est
LANÇON — LANDAU — 860 —
un peu sombre et lourde, mais ses eaux-fortes sont remar-
quables ; les plus connues sont celles consacrées à la guerre
de 4870. Ph. B.
LANCONELLO (Gristoforo), peintre italien, néà Faenza
dans la seconde moitié du xvi^ siècle. Il fut élève de Ba-
rocci. On ne connaît de lui qu'un tableau authentique, la
Vierge glorieuse avec saint François^ sainte Claire et
deux autres saints au palais Ercolani, à Bologne.
LAN CRAN S. Corn, du dép. de l'Ain, arr. de Gex, cant.
de Collonges ; 503 hab.
LAN GRE (Pierre de), magistrat français, mort en 1630.
Conseiller au parlement de Bordeaux, puis conseiller d'Etat,
il eut à instruire le fameux procès de sorcellerie du Labourd.
Il fit brûler force sorciers et écrivit ex professa sur la
matière : Tableau de l'inconstance des mauvais anges^
les démons (Paris, 4613, in-4); V Incrédulité et mes
créance du sortilège (1612, in-4). Citons encore de lui :
Tableau de Vinconstance et instabilité de toutes choses
(4611, in-4); le Livre des Princes (1617, in-4).
LANCRENON (Joseph- Ferdinand), peintre français, né
à Lods (Doubs) le 11 mars 1791, mort à Besançon le
5 août 1874. Élève de Girodet, deuxième grand prix de
Rome en 1816, cet artiste a été directeur du musée de Be-
sançon et correspondant de l'Académie des beaux-arts. On
remarque parmi les tableaux qu'il a exposés depuis 4819 :
Tobie rendant la vue à son père (1819) ; Borée enlevant
Orythie (1822); le Fleuve Scamandre (1824); Apo-
théose de sainte Geneviève (1827) (église Saint-Laurent
à Paris) ; Alphée et Aréthuse (1831) ; Scène tirée du
Don Juan de lord Byron (1833), etc. Challamel.
LAN CRET (Nicolas), peintre français, néà Parisle22janv.
4690, mort à Paris le 44 sept. 4743. Destiné très jeune à la
profession de graveur au burin, il se prit de goût pour la
peinture et entra chez Dulin, professeur à l'Académie royale
de peinture et de sculpture, puis chez Gillot qui l'attirait
surtout parce qu'il avait été le maître de Watteau. Le
grand artiste s'intéressa d'abord à son jeune admirateur.
Mais l'élève restait comme fasciné par les conceptions du
maître ; il exposa à la place Dauphine deux tableaux que
le public prit pour des œuvres de Watteau. Celui-ci en fut
profondément blessé et toute relation cessa entre eux.
Dans ses Scènes champêtres^ dans ses Conversations
et ses Concerts en plein air, Lancret donne à ses fonds
les mêmes paysages que Watteau, mais il demeure toujours
dans les limites d'une aimable convention. Il ignore ce
monde de féerie amoureuse créé par son maître ; il ne
connut pas la poésie mélancolique, la douce rêverie des
pèlerins de Cythère — Dans les Charmes de la con-
versation, dans les Agréments de la campagne, il
touche de très près au maître par l'abandon gracieux des
attitudes, par le mystère répandu sur la nature environ-
nante. — Son imagination n'est pas riche, mais il est
ingénieux dans le détail. Il a maintes fois représenté les
Quatre Ages, les Quatre Saisons, les Quatre Eléments,
les Quatre Heures du jour. Il a bien retracé cette société
dont le raffinement dans le plaisir était une des grandes
joies de l'existence. Tantôt il nous montre une jeune femme
à sa toilette qui reçoit un abbé et lui offre du thé dans
une intimité charmante ; tantôt il nous peint des amis
réunis, par une soirée d'hiver, dans un salon où l'on joue
et où l'on cause avec cette liberté et cette élégance dont
le xvni^ siècle a emporté le secret. Il a rendu l'éveil de
l'amour dans la première adolescence sans licence ni gri-
voiserie. Les jeux de Cache-cache Mitoulas, des Quatre
Coins, sont des chefs-d'œuvre dans cet ordre de sentiments.
Pour la décoration des appartements, il renonça souvent
aux allégories traditionnelles. Le marquis de Beringhen
lui ayant demandé de lui peindre les quatre éléments dans
un de ses salons de Jouy, il représenta VEau par une
scène de bain, le Feu par une conversation sous le man-
teau de la cheminée, VAir par une jeune femme qui s'aban-
donne voluptueusement au jeu d'une escarpolette, sans souci
du vent indiscret. Il voulut entrer à l'Académie au même
titre que Watteau ; il y fut reçu comme peintre des fêtes
galantes le 24 mars 4749, et on le nomma conseiller le
24 mars 4735. Sa vie ne fut pas accidentée ; il la consacra
tout entière à son art ; il n'eut d'autre passion que celle de
la Comédie-Française dont il était un habitué assidu. Il nous
a conservé les mises en scène, les gestes du temps dans le
Glorieux de Destouches et dans le Philosophe marié. Le
plus joli de ses souvenirs de théâtre est le portrait de
]}f^^ Salé dansant dans un décor enchanteur, réglant ses
pas élégants sur un air exécuté par de petits musiciens.
Lancret fit des illustrations pour les Contes de La Fontaine
dont quelques-unes sont célèbres. Il procède comme Wat-
teau de leur maître commun Gillot. Ses œuvres furent sou-
vent reproduites par les plus habiles graveurs de l'époque.
Le Louvre possède douze toiles de Lancret, la National
Gallery quatre. Il s'en trouve vingt-six à Berlin et à
Potsdam. Marie Bengesco.
BiBL. : Ballot de Sovot, Eloge de Lancret, 1743, rééd.
enl874. — D'Argen VILLE, A brégré de la vie des plus fameux
peintres.— Charles Blanc, Histoire des peintres de l'école
française.
LAN C UT. Ville de Galicie (empire d'Autriche), sur le San,
chef-lieu de cercle; 4,000 hab. Château remarquable.
LANCY. Village de Suisse, dans le cant. de Genève;
977 hab. Située sur une hauteur, tout près de l'Arve,
cette localité est un des plus beaux sites de la contrée. On
y remarque un établissement subventionné par un grand
nombre de cantons suisses dans lequel on prépare, avec
beaucoup de soin, le vaccin animal ; cette matière est livrée
aux médecins vaccinateurs après qu'il a été constaté que la
génisse dont il a été extrait n'était atteinte d'aucune maladie.
LANCZY (Jules), économiste et historien hongrois. A
dater de son travail en allemand, Zur Entivickelungs-
geschichte der Reformister Ideen in Ungarn (4877),
il a fait une série de publications en langue magyare sur
la Réforme de l'instruction (4879) ; r Origine des com-
munautés rurales (4884) ; Paul Szechenyi, archevêque
de Kalocsa (1882) ; la Révolution de Rdkôczy, etc.
LAN DAI S (Pierre), favori du duc de Bretagne François II,
né à Vitré, pendu à Nantes le 48 juil. 4485. Fils d'un
tailleur qui l'avait destiné à sa profession, il entra comme
valet de garde-robe au service du duc de Bretagne, sut
gagner sa confiance et en vint à gouverner le duché sous
son nom. Une ligue des nobles formée contre lui échoua
une première fois, mais bientôt, secondée par la cour de
France, elle obtint du duc que son favori serait jugé. Con-
damné à mort, il fut aussitôt exécuté.
LANDAIS (Napoléon), écrivain français, mort à Paris en
4852. Auteur d'un Dictionnaire général et grammati-
cal des dictionnaires français (Paris, 4834, 2 vol. in-4)
qui eut une certaine vogue; d'une Grammaire des gram-
maires françaises (4836, gr. in-8), et de quelques ro-
mans : Une Vie de courtisane (4832, 3 vol. in-42);
Une Femme du neuple (4834, 2 vol. in-8) ; la Fille
d'un ouvrier (4836, 3 vol. in-8, sous le pseudonyme
d'Eugène de Massy), etc.
LANDAK. Principauté de l'O. de Bornéo; 9,000 kil. q.;
22,000 hab. Elle a une capitale du même nom sur le fleuve
Landak, à 70 kil. N.-E. de Pontianak. Le prince, de race
malaise, reconnaît la suzeraineté hollandaise.
LAN DAM MANN. Titre que l'on donne en Suisse aux
chefs des gouvernements des cant. d'Uri, Schwytz, Unter-
wald, Zoug,Soleure,Argovie, Glaris, AppenzelletSaint-Gall.
LANDANA. Port de la côteO. d'Afrique comprise dans
l'enclave portugaise de Cabinda, à 2 kil. de l'embouchure
du Chiloango ou « Petit-Loango ». Son accès est rendu
difficile par la barre. Mission catholique; factoreries fran-
çaises, anglaises, hollandaises.
LANDAS. Com. du dép. du Nord, arr. de Douai, cant.
d'Orchies; 2,063 hab.
LANDAU (Carr.). Le landau est une voiture extrême-
ment pratique, servant à la fois de voiture découverte et
de voiture fermée. Il a deux capotes se fermant d'aplomb
et laissant la place de la porte et de la glace de porte
861 -
LANDAU ~ LANDE
qui ferme ainsi complètement le landau. Des ressorts à
boudin aident au relevage des capotes ; une glace est
placée dans la capote de Pavant et contribue avec les deux
glaces de porte à donner du jour à l'intérieup ; divers sys-
tèmes permettent de maintenir les glaces des portes quand
on ouvre pour monter ou pour descendre. Le landau est
de forme bateau, monté à huit ressorts et pour attelage à
la Daumont, qui est un attelage de gala ; les postillons et
les cocardes des chevaux sont enrubanés ; le postillon de
Daumont porte une petite toque, une veste courte, une
culotte en peau de daim, des bottes vernies à revers, des
gants et une cravache ; il a une perruque poudrée el porte
les couleurs de la maison. Les deux valets de pied assis
sur le siège de derrière font le service des portes. L'atte-
lage à la Daumont s'applique aussi aux vis-à-vis, aux ducs
et aux berlines à deux ou à cinq glaces. Le landau à
cinq glaces n'a que la capote de derrière ; celle de de-
vant est remplacée par trois glaces ; la glace d'avant des-
cend dans un coulant qui se trouve dans le dossier du
siège ; on fait glisser les deux glaces de côté au-dessus de
la porte, dans laquelle on les laisse ensuite descendre ;
les montants qui encadraient ces glaces se replient à char-
nière et le landau se découvre entièrement. Ce landau est
très élégant. Le devant des cinq glaces se replie souvent
en parallélogramme sous le siège qui est monté alors sur
ferrures. On replie les glaces de côté sur celle de devant;
Landau à cinq glaces.
les deux cadres latéraux qui tenaient les glaces étant
montés à charnières sur la caisse et avec le devant du pa-
villon, forment un parallélogramme et peuvent se replier
sous le siège. Le montage indiqué au dessin, à l'arrière,
est le montage à demi-pincettes ; ce montage est plus doux
avec le ressort à crosse et la menotte. Le coffre-break,
appliqué au siège du cocher, est un siège de service qui
s'emploie quelquefois pour le landau au lieu du siège à
garde-crotte. Avec le coffre-break, la voiture s'attelle
toujours de deux chevaux. On a fait des landaus à sept
glaces ou à panneaux d'arrière mobiles ; le devant est
comme dans les cinq glaces et se rabat en parallélogramme ;
la capote de l'arrière est supprimée et remplacée par un
système analogue à celui du devant des cinq glaces ; après
avoir replié les glaces ou panneaux de côté sur le panneau
de derrière, on rabat celui-ci en parallélogramme avec les
deux montants de porte et Tarrière du pavillon.
Les landaulets deux places et trois-quart sont de
petits landaus n'ayant que la capote d'arrière; le devant
se rabat à peu près comme dans le landau à cinq glaces.
Le landaulet deux places ressemble au petit coupé, mais
avec une capote derrière. Le landaulet trois-quart a quatre
petites glaces ; il se rabat comme le landau cinq glaces
dont il diffère en ce que les glaces de côté à l'avant sont
très étroites et que la forme de la caisse ressemble à celle
du coupé trois-quart. On fait des landaulets trois-quart à
sept glaces à panneaux d'arrière mobiles ; le devant se
rabat sur le siège ; les deux rabattements sont à parallé-
logramme. Le landau-break est un break muni de deux
capotes de landaus se rabattant de côté par-dessus les
roues ; la porte est munie d'une glace comme dans le
landau. L. Knab.
LANDAU. Ville d'Allemagne, ch.-l. de district du Pa-
latinat bavarois, sur la Queich; 10,000 hab. Eglise go-
thique de 4285, ancien chapitre des augustins fondé en
1276, église gothique du couvent des augustins, bâtie en
1405. Commerce actif de vin, tabac, denrées coloniales,
céréales et des produits de l'industrie locale, savon, para-
pluies, chemises, chapeaux, meubles, montres, pâtés de foie
gras, etc. — Fondée au xiii® siècle par le comte Enrich
de Leininsen, elle reçut les droits de ville impériale (1274)
et l'immédiateté (1290). Engagée au Palatinat en 1331
par l'empereur, elle ne s'affranchit qu'en 1511, accueillit
la Réforme en 1522-54 ; elle fut huit fois prise ou reprise
durant la guerre de Trente ans. A la paix de Westphalie,
Landau fut une des dix villes dont le roi de France reçut
l'avouerie. Occupée après la paix de Nimègue (1678), elle
fut fortifiée par Vauban (1684). Ces ouvrages, accrus au
xvm® siècle et après 1815, lui maintinrent son importance
stratégique. Elle fut prise en 1702 et 1704 parles Impé-
riaux, 1703 et 1713 parles Français auxquels le traité
de Rastadt l'abandonna. La France la reperdit en 1815 ;
cédée à l'Autriche et déclarée forteresse fédérale, elle fut
rétrocédée en 1816 à la Bavière. Le démantèlement com-
mencé en 1867 fut achevé en 1871. A.-M. B.
BiBL. : Lehmamn, Gesch. der Stadt LandaUy 1851.
LANDAU. Ville de Bavière, ch.-l. de district de la Basse-
Bavière, sur risar ; 3,200 hab. Elle repoussa les attaques
des Prussiens en 1793, des Russes en 1814.
BiBL. : H^RTL, Gesch, der Stadt Landau an der Isar ;
Landshut, 1863.
LANDAU (Marc), écrivain autrichien, né à Brody (Gali-
cie) le 21 nov. 1837. D'abord marchand, il s'adonna à
l'histoire littéraire, voyagea dans toute l'Europe occiden-
tale et pubha Die Quellen desDecamerone (Vienne, 1 869 ;
2«éd., Stuttgart, 1881-84); Beitrœge zur Geschichte
der italienischen Novelle (Vienne, 1875); Giov. Boc-
cacio, sein Leben imd seine Werke (Stuttgart, 1877) ;
Die italienische Litteratur am œsterreichischen Eof
(Vienne, 1879), etc.
LANDAUL. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de Lorient,
cant. de Pluvigner ; 988 hab.
LANDAULET (V. Landau).
LANDAULT (Carross.) (V. Landau).
LANDAVILLE. Com. du dép. des Vosges, arr. et cant.
de Neufchâteau ; 446 hab. Stat. du chem. de fer de l'Est,
ligne de Neufchâteau à Epinal.
LANDAVRON. Com. du dép. del'Ille-et-Vilaine, arr. et
cant. (0.) de Vitré; 318 hab.
LANDAYRON. Rivière de France (V. Hérault, t. XIX,
p. 1141).
LANDBER6 (Carlo, comte de), orientaliste suédois, né
en 1848. Il passe ou a passé une partie de sa vie au Caire,
ce qui lui a permis d'acquérir une connaissance étendue de
l'arabe vulgaire. II s'est fait connaître par de nombreux tra-
vaux qu'il publie en suédois, en itahen, en allemand, ou
surtout en français. Voici les titres de ses principaux ou-
vrages : Dans les déserts et sous les palmiers (1881 , en
suédois); Proverbes et dictons du peuple arabe,., tra-
duits et annotés en français (Leyde et Paris, 1883);
Catalogue des manuscrits arabes provenant d'une
bibliothèque privée à El-Medîna (Leyde, 1883), Con-
quête de la Syrie et de la Palestine par Salâh ed-dîn
(vol. I, texte arabe, introduction en français; Leyde,
1888) ; Bâsim le forgeron et Hâ rûn Er-Rachid (texte
arabe avec traduction française ; Leyde, 1888) ; Primeurs
arabes (fasc. I et II, texte arabe, avec commentaire en fran-
çais; Leyde, 1886 et 1889), etc. Th. C.
LANDE. I. Géographie. ■— On donne le nom de landes
à de vastes espaces de terre inculte recouverts d'une vé-
gétation pauvre de plantes vivaces, éricacées, bruyères,
ajoncs, genêts, laiches, bugranes, méliques, et, dans le Midi,
ciste, fétuque, labiées aromatiques, astragales, etc. Les pe-
tits buissons et arbustes s'y rencontrent,' mais les arbres y
font défaut, ou ne se trouvent gu'en petits bouquets. La
lande ne nourrit guère comme animaux domestiques que des
LANDE — LANDELLE
— 862 -
moutons ou des abeilles. Sa végétation est silicicole, l'ab-
sence de calcaire étant une des caractéristiques de ces
sols. L'aspect le plus fréquent est celui d'une plaine recou-
verte de cailloux et de sables ferrugineux, ou d'une mince
couche d'humus; au-dessous, le sous-sol est imperméable.
La surface de la lande manquant de pente, elle est cou-
verte d'eau en hiver, mais se dessèche totalement en été,
sauf dans les régions montagneuses du Nord où elle est
souvent coupée de tourbières. Le défrichement des landes
a été entrepris sur une grande échelle dans notre siècle.
On trouvera des détails plus complets dans l'article consacré
au dép. des Landes (V. ci-dessous) qui renferme les plus
vastes landes de France. On peut encore citer celles de
Lannaux dans le Morbihan, du Cumberland, de Lunebourg
en Allemagne (Hanovre), etc. A.-M. B.
II. Agriculture (V. Défrichement des landes, t. XIIÏ,
pp. 4130-1).
III. Législation. — La plupart des landes et autres
terres incultes appartiennent à des communes ou à des
sections de communes qui ne savent pas ou ne peuvent
pas, faute de ressources, les convertir en terres produc-
tives. Aussi le gouvernement s'est-iî, à plusieurs reprises,
occupé des moyens qui pourraient être employés pour remé-
dier à cette situation. Sous le règne de Louis-Philippe, les
conseils généraux furent consultés sur la mise en valeur
dans d'autres conditions que celles de la loi du 10 juin 1793
des 2,750,000 hect. de terres incultes qui appartenaient
aux communes ou sections de communes et représentaient
plus de la moitié de la contenance totale des bien commu-
naux. La loi du 10 juin 1793 avait permis, sous certaines
conditions, les partages des biens communaux entre les
habitants, mais elle fut abrogée au bout de peu de temps
par la loi du 21 prairial an IV et par celle du 9 ventôse
an XIL II n'y avait en effet aucune raison juridique pour
partager les biens communaux entre les habitants, car le
partage se fait entre copropriétaires par indivis ; or les
biens communaux n'appartiennent pas aux habitants de la
commune, mais à la commune elle-même. Toutefois cette
raison juridique ne devrait-elle pas céder devant l'intérêt
économique ? Sous la monarchie de Juillet, la majorité des
conseils généraux repoussa le partage des biens commu-
naux, soit à titre gratuit, soit à titre onéreux, et se pro-
nonça pour l'amodiation aux enchères. En 1848, un projet
soumis à l'Assemblée constituante tendait au rétablissement
pur et simple de la loi de 1793. A l'Assemblée législative
qui suivit, plusieurs projets furent également proposés,
mais n'aboutirent pas. En 1857, une loi du 19 juin, pour
faciliter la mise en valeur des sohtudes des dép. des Landes
et de la Gironde, permit à l'Etat, en cas d'inaction des
communes de ces départements, de faire en leur lieu et
place les travaux nécessaires à l'amélioration des landes,
sauf au Trésor à se rembourser ensuite de ses avances sur
le produit des coupes et sur le prix des terres vendues
après leur mise en culture. Un peu plus tard, une loi du
28 juil. 1860, d'un caractère plus général, autorisa l'Etat
à contraindre les communes ou sections de communes à
faire des travaux d'assainissement, de dessèchement et de
plantations, à la condition que ces travaux seraient au préa-
lable déclarés d'utilité publique par décret rendu en conseil
d'Etat après avis du conseil général du département. L'Etat
peut faire aux communes des avances pour ces travaux,
mais alors il se rembourse sur le prix provenant de la vente
d'une partie des terrains assainis. La commune peut, si elle
le préfère, se hbérer immédiatement après l'achèvement
des travaux en abandonnant la moitié des terrains. Enfin
le gouvernement a aussi le droit de contraindre la com-
mune à affermer les terrains pourvu que la durée du bail
ne dépasse pas vingt-sept ans. E, Glasson.
LANDE (CoRNULiER DE La) (V. Cornulier).
LANDE (La). Com. du dép. de l'Eure, arr. de Pont-
Audemer, cant. de Beuzeville; 251 hab.
LANDE (La). Com. du dép. de l'Yonne, arr. d'Auxerre,
cant. de Toucy ; 342 hab.
LANDE-Chasles (La). Com. du dép. de Maine-et-Loire,
arr. de Baugé, cant. de Longue ; 224 hab.
LANDE-d'Airou (La). Com. du dép. de la Manche, arr.
d'Avranches, cant. de Villedieu ; 814 hab.
LANDE-de-Cubzag (La). Com. du dép. de la Gironde,
arr. de Libourne, cant. de Fronsac ; 460 hab.
^ LANDE-de-Goult (La). Com. du dép. de l'Orne, arr.
d'Alençon, cant. de Carrouges ; 425 hab.
LANDE-de-Libourne (La). Com. du dép. de la Gironde,
arr. et cant. de Libourne ; 484 hab.
LANDE-DE-LouGÉ (La). Com. du dép. de l'Orne, arr.
d'Argentan, cant. de Briouze; 161 hab.
LANDE-EN-SoN (La). Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Coudray-Saint-Germer ; 172 hab.
LANDE-Patri (La). Com. du dép. de l'Orne, arr. de
Domfront, cant. de Fiers; 1,534 hab.
LANDE-Saint-Siméon (La). Com. du dép. de l'Orne,
arr. de Domfront, cant. d'Athis ; 390 hab.
LANDE-sur-Drôme (La). Com. du dép. du Calvados,
arr. de Bayeux, cant. de Caumont ; 146 hab.
LANDE-sur-Eure (La). Com. du dép. de l'Orne, arr.de
Mortagne, cant. de Longny; 442 hab.
LANDE-Vaumont (La). Com. du dép. du Calvados, arr.
et cant. de Vire ; 202 hab.
LANDÉAN. Com. du dép. d'Ille-et- Vilaine, arr. et cant.
de Fougères; 1,311 hab.
LANbEBAËRON. Com. du dép. des Côtes- du-Nord, arr.
de Guingamp, cant. de Bégard ; 556 hab.
LANDEBIA. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Dinan, cant. de Plancoët; 325 hab. Stat. du chem. de fer
de l'Ouest, ligne de Lison à Lamballe.
LAN DEC (La). Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Dinan, cant. de Plélan-le-Petit ; 435 hab.
LANDECK. Bourg d'Autriche, prov. du Tirol, sur l'Inn
et le chem. de fer del'Arlberg, à l'ait, de 804 m. ; 1,600
hab. Belle église gothique ; château sur un rocher.
LANDECK. Ville de Prusse, district de Breslau (Silésie);
2,800 hab. Eaux thermales sulfureuses sahnes (-}- 20° à
+ 29°) ; 3,500 à 4,000 visiteurs par an. Auprès senties
ruines de Karpenstein et les grottes à stalactites de
Wolmsdorf.
Eaux minérales. — Ces eaux, protothermales ou hypo-
thermales, amétaUites, sulfureuses faibles, se prennent en
boisson, bains, douches d'eau et de vapeur, dans les ma-
ladies chroniques des voies respiratoires avec aphonie, le
rhumatisme, les affections nerveuses des femmes ; les bains
de boue s'appliquent sur les engorgements articulaires
chroniques. D^ L. Hn.
LAN DÉCOURT. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Lunéville, cant. de Bayon ; 172 hab.
LANDÉDA. Com. du dép. du Finistère, arr. de Brest,
cant. de Lannilis; 2,028 hab.
LANDÉHEN. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Saint-Briouc, cant. de Lamballe; 1,043 hab.
LANDELEAU. Com. du dép. du Finistère, arr. deChâ-
teaulin, cant. de Ghâteauneuf ; 1,510 hab. Eglise : portail de
1540 et statue tombale d'un seigneur de Châteaugal (1612).
Ruines de Châteaugal ; monolithe ; ancien camp ; dolmen.
LANDELLE (La). Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beau-
vais, cant. du Coudray-Saint-Germer ; 402 hab.
LANDELLE (Charles), peintre français, né à Laval le
2 juin 1821. Elève de Paul Delaroche, il voyagea beau-
coup et commença à exposer en 1841, avec un Portrait
de l'autevr. On lui doit un grand nombre de tableaux his-
toriques ou religieux, des toiles de genre et des portraits.
Nous citerons : Fra Angelico de Fiesole (1842) ; V Elé-
gie^ la Charité (1844) ; la Vierge et les saintes femmes
au tombeau (1845); les Petits Bohémiens, Jeune
Egyptienne (1846-47); la République (Wi9); la lie-
naissance, pour le Louvre (1850-53) ; la Juive de Tan-
ger (1857) ; Farniente (1863) ; Prison de Tanger, à
l'Exposition universelle de 1867 ; Velléda (1870); Sal-
macis (1877); Jeune Fellahiîie du Caire (1881) ; Lz-
Grande Encyclopédie_Toïtie XXI.
LANDES
drané/ et Jmp. pu* 'HrJuxncLF^'?^'''. 1895.
Il . LAMIRAU LT ef C^.^ .Editeurs.
- 863 —
LANDELLE - LA.NDERNEACÎ
berté^ Loi, Justice et Droit, pour la ville de Laval (4 885) ;
Cour du Cadi, à Alger (4888) ; Femmes de Tlemcen et
Ruth (1893), etc. Parmi ses portraits, distinguons ceux
d'Alfred de Musset ei de M^^*^ Fix. Il a peint six dessus de
portes pour le salon des Aides de camp, au palais de l'Elysée.
LAN DELIES. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. do
Chartres, cant. de Courville ; 334 hab.
LANOELLES-ET-GoupiGNY. Com. du dép. du Calvados,
arr. de Vire, cant. de Saint-Sever ; 4,546 hab.
LAN DEM ONT. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr.
de Cholet, cant. de Champtoceaux ; 4,304 hab.
LAN D EN. Com. de Belgique, prov. de Liège, arr. de
Waremme; 2,500 hab. Centre des lignes de chem. de fer
de Bruxelles à Cologne, de Landen à Ciney, de Lande n à
Saint-Trond et Hasselt, de Landen à Tamines. Exploita-
tions agricoles; sucreries; distilleries. Ce fut jadis un lieu
fortifié, berceau du premier Pépin dit de Landen (V. Pé-
pin). Le champ de bataille de Neerwinde comprend ce
bourg.
BiBL. : Wautebs, Landen, description, histoire, insti-
tutions ; Bruxelles, 1883.
LAN 0 EN (John), géomètre anglais, né à Peakirk, près de
Peterborough, le ^3 janv. 4749, mort à Milton le 45 janv.
4790. Il a composé, sur divers points des mathématiques
supérieures, d'importants mémoires insérés dans les PhiL
Trans, à partir de 1754; sa réputation est surtout fondée
sur ses Mathematical Lucuhrations (Londres, 4755). Il
a surtout fait progresser la théorie des séries convergentes,
et en mécanique celle des mouvements de rotation. On doit
signaler également sa tentative de substituer aux méthodes
du calcul infinitésimal un système se rapprochant de celui
de Fermât et qu'il appela analyse résiduelle (4764).
LANDENBERG. Colline de Suisse, qui domine Sarnen,
ch.-l. du demi-cant. d'Obwald. Elle portait jadis le châ-
teau du même nom, qui a joué un rôle dans l'histoire
suisse. Après avoir été acquis par Rodolphe de Habsbourg-,
empereur d'Allemagne, il devint la résidence des baillis
que les ducs de Habsbourg envoyaient dans le pays pour
gouverner leurs possessions suisses. En 1308, les habi-
tants des contrées qui forment aujourd'hui les cant. d'Uri,
de Schwytz et d'Unterwalden se soulevèrent contre les
baillis autrichiens dont les abus et les cruautés avaient
exaspéré les esprits. Ils furent chassés et leurs châteaux
brûlés. Landenberg eut le même sort et il ne reste plus
rien de ce manoir. La landsgemeinde, c.-à-d. l'assemblée
générale des citoyens du cant. d'Obwald, qui forme une
république démocratique pure, se tient sur la colline que
couronnait jadis le château de Landenberg.
LANDEPEREUSE.Com. du dép. de l'Eure, arr. de Ber-
nay, cant. de Beaumesnil; 330 hab.
LANDER (Richard-Lemon), voyageur anglais, né à
Truro le 8 févr. 4804, mort à Fernando-Po en févr. 4834.
Il accompagna Clapperton dans ses voyages de découvertes
dans l'Afrique occidentale et écrivit le Journal from
Kano to the Coast (Londres, 4839, in-4) qui complète
le journal de Clapperton dont il publia : Records ofcaptain
Clapperton last expédition to Africa (4830, 2 vol.
in-4 2). En 4830, sous les auspices de lord Bathurst, il
entreprit une expédition pour explorer le cours du Niger
qu'il remonta jusqu'à Yaourie. Puis, partant de Boussa, il
descendit jusqu'à Biafra. Revenu à Londres, il écrivit
son Journal of an Expédition to explore the course
and termination of the Niger (1832, 3 vol. in-4 2) qui
fut traduit en français, en allemand, en italien, en sué-
dois, en hollandais. La même année il entreprit une expé-
dition malheureuse, au cours de laquelle il mourut, pour
établir des relations commerciales entre l'Angleterre et
l'Afrique centrale. Le récit en a été publié par Mac Gregor
Laird et Oldfied : Narrative of an expédition into the
interior of Africa (Londres, 4835). — Son frère John
(4807-39) Pavait accompagné dans l'exploration de 4830
et avait contribué à la rédaction de son journal. R. S.
LANDERNEAU. Ch.-l. de cant. du dép. du Finistère,
arr. de Brest, sur l'Elorn, qui se transforme là en un
estuaire, à l'origine duquel est le port maritime ; 8,497 hab.
Stat. du chem.de fer de Paris à Brest, embranchement sur
Savenay, tête de ligne du chem. de fer de Landerneau à
Plounéour-Crez. Hospice, collège, prison, maison centrale
de force et de correction, vice-consulats. Siège d'industries
importantes (la filature de Traon-Elorn de la Société linière
du Finistère a été abandonnée) : fabrique de bougies stéa-
riques, tannerie, fabriques de savon, de chaux, d'engrais,
fonderie de fer, raffinerie de soude de varech, scieries,
minoteries, construction de bateaux, de machines agricoles,
brasseries, etc. Le mouvement maritime du port est d'en-
viron 500 navires, avec 46,000 tonnes de marchandises à
l'entrée et 8,000 à la sortie. Les importations consistent
en engrais marins, houille et fer d'Angleterre, bois de
construction du Nord, plantes textiles, vin, sel, blé de
Russie, peaux. L'exportation consiste en grains et farines,
fil, toile, bois de chaufî'age, bougies.
Landerneau était, au temps d'' Alexandre Sévère (230),
une mansio sur la route de Carhaix à Brest. Un ermite,
saint Ernoc, jr aurait fondé un monastère au vn^ siècle.
Cette ville devint, après le xi® siècle, la capitale du Léon.
Du Guesclin y avait établi en 4373 une garnison française;
mais, en 437S, le duc de Bretagne, avec Paide des Anglais,
la fit passer au fil de l'épée. La ville fut pillée au xvi® siècle
par tous les partis, ainsi que par le bandit La Fontenelle,
en 4592. Landerneau est aujourd'hui une cité fort pai-
sible, et c'est un dicton ironique que celui passé en pro-
verbe : « Il y aura du bruit dans Landerneau ! »
C'est au commencement du xvi^ siècle que Jacques, vi-
comte de^Rohan, fit construire le pont de Landerneau avec
Eglise Saint-Thomas de Canterbury, à Landerneau.
le moulin féodal qu'il supporte en son milieu, et que l'on
y voit encore ainsi que sa double ligne d'anciennes mai-
sons : sur l'une d'elles, celle de la sénéchaussée, on lit la
date de 4548. Curieuse église de Saint-Thomas de Canter-
bury, du xvi« siècle, tour de 4607. L'église de Saint-
Houardon (1589-4604) a été reconstruite de nos jours sur
LANDERNEAU — LANDES
— 864 —
un autre emplacement. Couvent et église des Ursulines,
transformé en prison. Hôtel de ville de 1750. Camp de
Gourel-ar-Chastel. Promenade des quais. — Les armes de
Landerneau sont : D'azur, à un vaisseau de guerre,
équipé, d'or, ayant au pavillon de poupe les armes
de Rohan, au pavillon du grand mât les armes de
Bretagne, au pavillon du mât de misaine les armes
de Léon, Ch. Delavaud.
BiBL. : De Courcy, Notice historiq. sur la ville de Lan-
derneau, 1842. — Daniel, Historiq. de la ville de Lander-
neau et du Léon ; Brest, 1875, — Florent, Notice sur le
port de Landerneau, dans Ports marit. de Fr., 1879, t. IV.
LANDERON. Petite ville de Suisse, dans le cant. de
Neuchâtel, à l'embouchure de la Thièle dans le lac de
Bienne ; i ,352 hab. C'est, avec Cressier, la seule localité
du cant. de Neuchâtel dans laquelle on professe la religion
catholique. On a découvert, tout près du Landeron, un
village lacustre, dont' les fouilles ont fourni une grande
quantité d'antiquités intéressantes.
LAN DEBONDE. Corn, du dép. de la Vendée, arr. des
Sables-d'Olonne, cant. de La Mothe-Achard; 1,095 hab.
LANDERROUAT. Com. du dép. de la Gironde, arr. de
La Réole, cant. de Pellegrue; 241 hab.
LANDERROUET. Com. du dép. de la Gironde, arr. de
La Réole, cant. de Monségur ; 163 hab.
LANDES. Com. du dép. de la Charente-Inférieure, arr.
et cant. de Saint-Jean-d'Angély ; 597 hab.
LANDES. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr. de Blois,
cant. d'Herbault ; 769 hab.
LANDES (Les). Com. du dép. de la Seine-Inférieure,
arr. de Neufchâtel-en-Bray, cant. de Blangy ; 208 hab.
LANDES (Dép. des). Situation, limites, superficie.
— Le dép. des Landes doit son nom aux landei de Gas-
cogne qui en couvrent la plus grande partie. Toutefois ses
limites ne concordent pas avec celles de cette région natu-
relle (V. ci-dessous). Ce département est situé dans la ré-
gion S.-O. de la France. Son ch.-L, Mont-de-Marsan,
est à 595 kil. de Paris à vol d'oiseau, et à 733 kil. par
le chemin de fer. Le dép. des Landes est maritime; il
est compris entre le golfe de Gascogne (océan Atlantique)
à rO., les dép. de la Gironde au N., du Lot-et-Garonne et
du Gers à l'E., des Basses-Pyrénées au S. Il est séparé de
la frontière espagnole par ce dernier. Il est compris entre
43<> 30' 10'" et 440 32' lat. N., entre 2' 12' et 3° 50' long.
0. Il n'a de limites naturelles qu'à PO. du côté de la mer
qui le borde sur une longueur de 110 kil. Partout ailleurs
la limite est conventionnelle, sauf sur quelques points où elle
suit des rivières pendant quelques kilomètres : la Gueyze,affl.
de la Gélise, sur 7 kil., entre les Landes et Lot-et-Garonne ;
la Gélise sur 16 kil., la Douze sur 2 kil. et la Midouze sur
7 kil. entre les Landes et le Gers ; le Gabas sur 6 kil., le
Gave de Pau sur deux parcours de 6 kil. , l'Adour sur 20 kil. ,
entre les Landes et les Basses-Pyrénées.
La superficie des Landes est de 932,100 hect., ce qui
le classe au deuxième rang parmi les départements fran-
çais; seul celui de la Gironde est plus étendu; il dépasse
de plus de moitié la superficie départementale moyenne.
Sa plus grande longueur du N. au S. est de 114 kil. entre
la com. de Sanguinet et Saint-Barthélémy (sur l'Adour) ; sa
plus grande largeur de l'E. à l'O. entre le coursdelaGueyze
(com. d'Arx) et le rivage au N. de Contis-Ies-Bains est
aussi de 114 kil. Le plus grand diamètre entre Arx et
l'embouchure de l'Adour est de 145 kil. La forme du dé-
partement est celle d'un quadrilatère irrégulier.
Relief du soL — Au point de vue orographique, le
dép. des Landes est un pays de plaine. Les mouvements
de terrain y sont peu accusés ; le point culminant, à l'angle
S.-E., près de Lauret, n'a que 227 m. au-dessous du ni-
veau de la mer. Néanmoins on distingue à première vue
deux régions fort différentes et d'étendue inégale, celle des
Landes au N. de l'Adour, celle de la Chalosse au S. du
fleuve ; la zone entre l'Adour et la Midouze est intermé-
diaire.
Les Landes forment une région naturelle admirablement
définie dont notre département ne possède que la partie
méridionale, la partie septentrionale appartenant à celui
de la Gironde, tandis qu'elle se prolonge un peu vers l'E.
sur ceux du Lot-et-Garonne et du Gers. La région des
Landes constitue une vaste plaine de forme triangulaire
ayant sa base sur l'Océan, de l'embouchure de la Gironde
à celle de l'Adour, et son sommet, vers l'ait, de 160 m., à
Sainte-Maure, près de Mezin (Lot-et-Garonne). Cette plaine
s'abaisse en pente insensible vers la mer dont elle est sé-
parée par la chanie des dunes qui recouvrent la zone cô-
tière. Dans le département auquel elle donne son nom, la
plaine des Landes occupe tout l'O., jusqu'au coude final de
l'Adour et au canal de Boudigau, le N. et le centre; elle
s'étend au S. jusqu'à la plaine alluviale de PAdour et à
une ligne passant à peu près par Grenade, Maurrin, Saint-
Cricq- Villeneuve, Saint -Justin, Gabarret, au delà de
laquelle commencent les terrains caractéristiques du pla-
teau de l'Armagnac (V. Gers [Dép.]). La plaine des Landes
embrasse donc tout Parr. de Mont-de-Marsan, sauf le cant.
de Villeneuve, la moitié de celui de Dax (cant. de Castets,
Soustons, Saint- Vincent-de-Tyrosse, N. de celui de Dax) et
les deux cant. de Tartas (arr. de Saint-Sever), soit environ
700,000 hect., les trois quarts de la surface totale du dé-
partement.
L'ait, de la lande est de 150 m. à Pextrémité orien-
tale, de 80 à 100 m. dans le centre, de 20 à 40 à l'O.,
le long des dunes. La pente moyenne ne dépasse guère
i millim. par mètre. Les vallées des cours d'eau ont creusé
des dépressions d'ailleurs peu marquées entre lesquelles on
peut dessiner une ligne de partage des eaux passant entre
Maillas, Lencouacq, Luglon, Arpizanx, Solférino, Sindènes,
Bion, Laluque, Saint- Jean-de-Marsacq ; c'est ce que les
théoriciens de la géographie ont appelé collines landaires,
la démarcation invisible entre les bassins de PAdour, de la
Garonne, de la Leyre et des Etangs. L'aspect des landes a
beaucoup changé depuis la première moitié du xix^ siècle,
grâce au reboisement méthodique et aux travaux de toute
sorte. Cependant dans les Grandes Landes qui forment la
zone centrale, autour du chem. de fer de Bordeaux à
Bayonne, de vastes étendues présentent encore l'ancien
aspect. Le sol argilo-sableux mélangé de détritus d'ajoncs,
de bruyères, etc., forme une terre médiocre reposant sur
Valios (V. ce mot) imperméable. Les eaux, dont la faible
déclivité du sol retarde l'écoulement, ne peuvent s'absorber,
étant arrêtées par l'alios; elles séjournent à la surface et,
en hiver, les parties basses sont transformées en immenses
marécages ou prairies mouillées, qui noient toute culture ;
on ne les traverse qu'en sautant de l'une à Pautre des
mottes formées par les herbes ou les bruyères, ou bien à
l'aide des échasses dont l'usage était autrefois général. En
été, le soleil dessèche les marais et dégage des miasmes pa-
ludéens qui décimaient jadis la poputation. Puis, quand il
a achevé son œuvre, la plaine de sable desséché, tourbil-
lonnant au vent, se transforme en désert torride. La « lande
rase » étiiit ainsi alternativement inondée et brûlée par
l'effet de la même cause, l'imperméabilité du sous-sol l'em-
pêchant d'absorber et d'emmagasiner l'eau pluviale.
Le long du rivage, les dunes offrent une autre phvsio-
nomie. Ce sont des chaînons de sable d'une ait. moyenne
de 50 m., alignés plus ou moins régulièrement, sur une
largeur totale d'environ 6 kil. Elles sont un peu moins
hautes que dans le dép. de la Gironde. Entre les collines
sont de petits vallons où croît une herbe fine excellente ;
on les appelle lettes. Au pied occidental des dunes, les
eaux, ne pouvant s'écouler vers la mer, s'accumulent en
étangs. Autrefois, les dunes poussées par le vent d'O. avan-
çaient de 40 à 45 m. par an vers l'intérieur. Dans cette
marche (mesurée au xviii« siècle), elles engloutissaient les
villages et faisaient refluer les étangs. Peut-être à l'époque
carolingienne ou auparavant avait-on boisé les dunes pour
les fixer, mais l'incurie et Panarchie guerrière du moyen
âge avaient laissé disparaître les forêts protectrices. Les
villages de Mimizan, Saint-Juhen, Lit-et-Mixe, Léon,
avaient reculé devant les sables. Après bien des efforts de
résistance, les frères Desbiey, à la fin du xvin« siècle, fixè-
rent par des plantations la dune de Saint-Julien. Le paysan
Berran arrêta celle d'Udos devant Miniizan. Ce n'étaient
que des succès locaux. L'ingénieur Brémontier les érigea
en système; dans son fameux mémoire de '1787, il prouva
que les semis fixaient les dunes et que les arbres pouvaient
vivre dans ce sable quartzeux réputé stérile. Depuis lors,
quelques perfectionnements ont été apportés à la méthode,
dans le choix des variétés de pins, etc. La région entière
des dunes forme aujourd'hui une vaste forêt de plus de
36,000 hect., entièrement créée depuis un siècle (V. Dune
et Brémontier). Dans toute la lande se sont prolongées les
plantations de pins (pignadars)^ surtout depuis la loi du
49 juin 1857 sur l'assainissement et la mise en valeur des
landes ; les semis ordonnés par l'Etat ont servi de modèle.
Les marais (bouirits, bourgs ou bouils) diminuent rapi-
dement ; les crastes^ ruisseaux artificiels, ont servi à créer
un système de drainage ; les landes ont été méthodique-
ment boisées ou défrichées par l'initiative de l'Etat ou des
communes, si bien qu'il ne reste plus que 170,000 hect.
de véritables landes.
Dans la région des Landes, on distingue les Grandes
Landes, au centre; le pays àAlbret, entre la Midouze et
la Leyre, à l'E. ; les Petites Landes^ aux confins du dép.
de la Gironde, au N.-E.; dans la zone des dunes, la partie
septentrionale, jusqu'à l'étang de Saint-Julien, correspond
à l'ancien pays de Born ; au S. de celle-ci, autour des
étangs de Léon et de Soustons s'étend le Marensin, cou-
vert de vastes forêts de pins entrecoupées de marais ; ce
nom est d'ailleurs, dans une acception plus générale, appli-
qué à toute la zone des étangs qui borde celle des dunes
et la sépare des Grandes Landes. Au S. du Marensin, de
l'étang de Soustons jusqu'à l'ancien lit de l'Adour, est la
Bîaremme, chaude et marécageuse, avec une merveilleuse
végétation, des aubépines arborescentes, des houx de 10 m.
de haut, des bruyères de 2 et 3 m. et surtout de magni-
fiques chênes-lièges.
La région du S.-E., bassin de la Midouze, intermédiaire
entre les Landes, l'Armagnac et la Chalosse, est le pays
de Marsan ; la Douze, la Midou et la rivière formée par
leur confluent, la Midouze, se sont creusées des lits dans
le sable et l'alios, à une profondeur de iO m. au-dessous du
niveau de la plaine.
La Chalosse^ région méridionale du département, est
tout à fait différente des Landes. Elle est située sur la rive
gauche de l'Adour, entre le plateau d'Armagnac et la mer,
au N. des collines crétacées du Béarn, avant-monts du
massif pyrénéen. C'est un plateau sillonné de nombreuses
vallées et contrastant vivement avec la plaine monotone des
Grandes Landes. L'opposition est saisissante pour le spec-
tateur monté sur les collines de Saint-Sever ou de Dax ;
au N. du fleuve, l'immense plaine unie comme la mer où
l'alternance des bois de pins et du steppe forme le seul
accident visible ; de l'autre, les lignes onduleuses, de gais
coteaux creusés de jolies vallées bien arrosées, revêtus de
vignobles, d'arbres à feuilles caduques, de vertes prairies.
L'altitude des collines de la Chalosse s'accroît à mesure
qu'on va vers le S.-E. ; de HO m. au-dessus de Saint-
Sever, 406 m. à Montfort, elle atteint 452 m. à Urgons,
476 m. à Castelnau-Tursan, 248 m. à Mauriès, 227 m. à
Lauret. La partie orientale de la Chalosse, répondant aux
cant. d'Aire et de Geaune, limitrophes du dép. du Gers
(région de l'Armagnac), s'appelle le Tursan; les vallées
peu profondes sont coupées de landes. A l'O., dans le coude
de l'Adour, sur la r. dr. du fleuve, au S. de la Maremme,
entre l'ancien lit du fleuve représenté par le Boudigau et
le lit actuel, s'étendent les pays de Seignanx et de Gosse,
qui se rattachent à la Chalosse par leurs caractères géné-
raux, mais sont moins accidentés, et partiellement boisés
de pins. L'ait, des collines n'y dépasse guère 400 m.
Géologie. — Le dép. des Landes se divise en deux ré-
gions bien tranchées dont les différences géologiques expli-
GRÂNBE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
^ -~ LANDES
quent le contraste. Le sol des Landes est formé de sables
pliocènes reposant sur des glaises bigarrées qui sont mises
à nu au fond des vallées et pointent aussi en quelques
points de la plaine. En un seul point apparaissent des ter-
rains plus anciens : à Roquefort, au N. de la Douze, existe
un pointement des étages crétacés supérieurs, ramenant
au jour les assises éo cènes.
La Chalosse est essentiellement formée de terrains mio-
cènes, coupés de larges vallées alluviales (Adour, Louts,
Luy) ; outre les sables fauves caractéristiques de la région,
on trouve à l'E. dans les fonds de vallée les molasses la-
custres de l'Armagnac et de l'Agenais. Le Tursan et la
moitié du Marsan peuvent se rattacher à l'Armagnac (V.
Gers, § Géologie). Dans la Chalosse proprement dite, on
ne retrouve pas la régularité des structures des trois
régions géologiques voisines (Landes, Armagnac, Agenais);
des soulèvements ont ramené au jour les assises inférieures
de l'éocène, le crétacé supérieur (du garumnien au cénoma-
nien) et même le trias. L'éocène apparaît dans la vallée infé-
rieure du J^outs, et autour des soulèvements crétacés et
triasiques. La protubérance crétacée d'Audignon, au S. de
Saint-Sever, s'étend sur une vingtaine de kilomètres, de
l'E. à rO., depuis la rive droite du Bahus jusqu'au S. de
Montant, le long du Gabas. Entre le Louts et le Luy, vers
Gaujacq, apparaissent les sédiments triasiques. Au S. de
Dax, le trias semble fort étendu, mais il n'émerge qu'au-
près de la ville, soulevé par une éruption d'ophite qui a
formé le monticule du Pouy d'Euze où s'élève la tour qui
servit aux observations de Borda. La plaine alluviale de
l'Adour a une dizaine de kilomètres de large, d'Aire à Saint-
Sever; elle se rétrécit ensuite et n'a plus qu'un à deuxkil.
vers Dax, reprend sa largeur quand le fleuve tourne au S.,
mais, après le confluent du Gave de Pau, le long du lit
creusé entre les hauteurs crétacées du Labourd et les hau-
teurs tertiaires du pays de Seignanx, la vallée alluviale est
très étroite. On trouve aussi une très large bande d'alluvions
anciennes sur la rive gauche du Luy. Cette formation se
rattache à celles du plateau de Lannemezan et de l'Arma-
gnac, et se retrouve un peu moins développée le long des
autres rivières qui descendent de ce plateau, Louts, Ga-
bas, etc. Dans le petit pays de Seignanx, compris dans le
coude de l'Adour, on retrouve les terrains de la Chalosse :
miocènes, laissant paraître les assises éocènes à la base de
leurs escarpements, pointements crétacés et triasiques.
En résumé, les trois quarts du dép. des Landes appar-
tiennent à la région géologique dite des Landes de Gascogne,
caractérisée par ses sables pliocènes. Au S.-E. on trouve
les formations lacustres de l'Armagnac avec leur revête-
ment d'alluvions anciennes en grande partie déblayé par
les rivières (complètement sur leur rive gauche). Au S.,
les terrains mouvementés de la Chalosse* présentent au-
dessous de leurs terrains miocènes des assises éocènes
ramenées au jour par des soulèvements crétacés et tria-
siques et une éruption d'ophite.
Au point de vue stratigraphique, la protubérance créta-
cée de Saint-Sever ou Audignon est l'accident le plus inté-
ressant. Elle est située dans le prolongement de la grande
ride qui part des Petites Pyrénées (Haute-Garonne) et se
poursuit parallèlement à l'axe de la chaîne. Toutes les
couches crétacées et nummulitiques sont relevées vers un
centre commun situé au fond du val d'Audignon, près de
l'éghse ; leur disposition est celle d'une série de cuvettes
renversées s'emboîtant l'une dans l'autre ; les inclinaisons
sont très fortes au N., faibles au S., à l'E. et à l'O. Parmi
les accidents qui sont en rapport manifeste avec la grande
ride que nous signalons, il faut indiquer : la réapparition
de l'étage nummulitique inférieur à l'extrémité de la vallée
du Louts, près de Louer ; la présence du falun de Gaas
entre Lour({uen et Lahosse ; l'existence au fond de cette
vallée ou dans son prolongement de sources minérales
chaudes ou tempérées (Préhacq, Sainte-Marie, Bulcheron,
à Gamarde). A Dax, il y a une faille très nette dirigée de
l'E. à l'O., qui mot en contact les marnes ir risées et l'ophite
55
LAlVfPES
~ 866 —
avec les calcaires crétacés de l'étage sénonien. Klle sert de
cheminée aux nombreuses sources thermales qui ont fait
la célébrité de la ville.
Description des étages sédimenlaires. Les terrains les
plus anciens sont les marnes irrisées des environs de Dax,
de Gaujacq et de Sainte-Marie-de-Gosse. On y trouve du sel
gemme et on y a exploité du plâtre.
Le crétacé supérieur débute par l'étage cénomanien au
fond de la vallée d'Audignon : on y trouve des marnes noi-
râtres à Ostrea flabella et Holectipus excisus, puis des
calcaires dolomitiques compacts d'apparence siliceuse et de
véritables dolomies. — L'étage turonien est représenté dans
le bois de Jouansalle, près d'Audignon, par une masse cal-
caire d'une vingtaine de mètres de puissance, ne présentant
de trace de stratification qu'à la base ; au milieu est un lit
de Radiolites lumbricalis; au sommet, le calcaire est la-
mellaire et passe au marbre. — L'étage sénonien est repré-
senté dans la protubérance d'Audignon par des calcaires
compacts ou marneux et des marnes à silex tuberculeux ;
on y trouve les fossiles caractéristiques de cet étage, sou-
vent silicifiés, Echinocorys vulgaris et Gibba, Inocera-
mus GoldfusianuSy Janira qiiadricostata ; il est très
apparent dans la vallée du Gabas, vers Audignon et Hau-
riet. Il paraît aussi à Dax, sur la promenade des Baignots,
le long de la faille. — L'étage qui couronne la craie d'Au-
dignon est assez complexe ; on y distingue trois niveaux :
une puissante assise de marnes de couleur foncée, bleuâtre
ou grise cendrée et de calcaires compacts ou marneux à
orbitolines, Hemipneusles pyroiaicus, Ostrea vulgaris
et pyrenaica, thécidées de Boulin et de Montaut, nau-
tiles, etc. ; les assises moyenne et supérieure, également
très épaisses, sont, au contraire, à peu près azoïques ; elles
correspondent à l'étage garumnien ; la première est for-
mée de dolomie brunâtre tantôt pulvérulente, tantôt com-
pacte; la seconde, de calcaire grenu, légèrement cristallin,
gris ou gris rosé, d'apparence marmoréenne. Un des carac-
tères les plus constants de cet étage est la présence de no-
dules géodiques de quartz mamelonnés à la surface et ta-
pissés de cristaux à l'intérieur.
L'éocène débute par des grès siliceux à pavés de Cou-
dures et des calcaires à alvéolines qui y sont associés ; ils
sont très développés à l'E. de la Chalosse, enveloppent la
protubérance crétacée d'Audignon et reparaissent dans la
vallée du Louts, vers Gamarde et Louer. Les grès sont en
bancs épais, à gros grains et azoïques. Ils sont inter-
calés entre deux assises de calcaire sableux et glauconieux,
ayant chacune de 2 à 6 m. de puissance ; l'assise inférieure
renferme des alvéolines, Nummulites planulata^ etc. ;
l'assise supérieure y ajoute de nombreuses espèces d'Echi-
nides, Maretia Jacquoti^ Oriolampas Michelim\ Cassi-
dulus Dubaleni^ etc. Vient ensuite une assise presque
exclusivement composée de marnes sableuses et micacées
d'un gris bleuâtre, ayant une tendance marquée à se déli-
ter en fragments conchoïdaux, assise formant une masse
d'une douzaine de mètres de puissance, sans autre trace
de stratification que celle qui résulte de son agrégation plus
ou moins considérable. Elle est caractérisée par ses crus-
tacés Xanthopsis Dufourtii, Delbosii et Quadrilobatus^
outre de nombreux autres fossiles ( 7'<?r^c^(? Tournali, Pec-
ten subimbricatus^ Ostrea rarilamella^ etc.). Ces marnes
sont surmontées d'une assise de calcaire marneux blanc à
Orbitoides papyracea^ Fortisii, etc. Dans la vallée du
Louts, au S. et à l'O. de Larbey, ces marnes renferment,
à l'état de lentilles, un calcaire lamellaire brun jaunâtre
rempli de milliolites qu'on exploite pour pierre de taille.
Il est surmonté d'une petite couche lacustre à planorbes et
limnées. — L'assise suivante est formée de marnes et cal-
caires blanchâtres à JSummulites complanata, Conocly-
pus conoideus^ Echinolampas, etc. Le calcaire marneux
tendre, blanchâtre, ressemble fort à celui de l'assise pos-
térieure qui couronne la formation éocène sur une hauteur
de 42 à 15 m., aux environs de Montfort, de Nousse et
de Louer ; celui-ci est grisâtre ou légèrement verdâtre, riche
en échinides et Serpula spinilœa. — Le grès de Mugron,
sans relation apparente avec les autres couches éocènes de
la Chalosse, est un calcaire gréseux brunâtre, à grains fins,
bréchoïdes àla base, avec quelques intercalations marneuses,
d'une épaisseur de 15 m. environ ; on y trouve des oper-
culines et des polypiers.
L'oligocène est représenté par le falun de Gaas et de
Lahosse, la molasse lacustre de l'Agenais et le falun de
Saint- A vit à Cerithium plicatum. Le falun de Gaas et
de Lahosse, caractérisé par des moules de Natica crassa-
tina et divers polypiers, est un étage de calcaire marneux
épais de 6 à 8 m. qui se montre au bas des coteaux rive-
rains du Louts, entre Lahosse et Lourquen, et vers les
sources de la Bassée à Gaas (à l'O. de Pouilion). •— Les
marnes et molasses d'eau douce, jaunes, veinées de gris,
qui sont à la base de l'escarpement septentrional de la
Chalosse entre Banos et Cassen, le long de l'Adour, et le
fond de la vallée du Bahus, vers Montgadlard, appartiennent
à la grande formation lacustre de l'Agenais. — Le falun de
Saint-Avit apparaît par suite de son relèvement aux abords
des protubérances crétacées ; à Saint-Avit, sur la Douze,
au N.~E. de Mont-de-Marsan, près de la craie de Roque-
fort ; à Saint-Paul, au N. de Dax, près du sénonien de
cette ville ; vers Toulouzette, le long de l'escarpement de
la Chalosse, au pied duquel coule l'Adour, au N. de la ride
d'Audignon : c'est un étage de 10 à 15 m., constitué de
sable marneux, avec, dans sa partie médiane, le calcaire
lacustre gris de l'Agenais à Planorbis cornu et Limnœa
pachygaster; les fossiles caractéristiques de ce falun sont
Cerithium plicatum et pictum, Ostrea Gingensis, Ne-
ritina subpicta^ etc.
Le miocène proprement dit débute par la molasse et le
calcaire lacustre inférieurs de l'Armagnac dont la puis-
sance décroit rapidement vers LO. Cet étage est visible au
fond de la vallée de la Midouze, près de Mont-de-Marsan, et
forme la cuvette de la vallée de l'Adour et la base des collines
entre Saint-Sever et Saint-Maurice. Il est essentiellement
marneux. — L'étage des sables fauves et falunsà Cardita
Jouanneti est très développé; sa puissance est de 40 à
50 m. ; il couvre la plus grande partie de la Chalosse, forme
la pointe occidentale du Marsan et se montre dans toutes
les vallées des Landes qui aboutissent à la Midouze et dans
celle de la Leyre. L'élément constitutif de cet étage est un
sable quartzeux, fin, coloré en jaune brunâtre par une
petite quantité d'hydroxyde de fer. Par places et à diffé-
rents niveaux, le sable fauve est agglutiné par un cnnent
calcaire ou ferrugineux. Les fossiles se trouvent dans les
assises calcaires de la base et les assises ferrugineuses du
sommet : Cardita Jouanneti, Ostrea crassissima, Scu-
tella subrotunda, Arca turonica, Cerithium lignita-
rum, papaveraceum et Duboisii, Pecten solarium et
scabrellus, Halitherium, etc. Dans la Chalosse, entre
Montfort et Dax, à Sains-Geours-de-Maremme, à Soustons,
on trouve intercalé au miheu des sables fauves un falun
gris bleuâtre à Ctypeaster marginatus, Conoclypus se-
miglobus, Echinolampas hemisphericus,~V^i2igQ des
glaises bigarrées est aussi important que le précédent, car
il forme le substratum du sable des Landes dans la plus
grande partie de la plaine. Par une disposition propre au
bassin du S.-O., ces glaises bigarrées forment des buttes
isolées qui surmontent parfois de 30 m. le niveau du sable
des Landes ; la cause de ces curieux accidents stratigra-
phiques n'est pas établie. Les glaises bigarrées constituent
également le sommet de quelques collines des alentours de
Saint-Sever. Cet étage des glaises bigarrées est assez
mince, n'ayant que quelques mètres de puissance ; il débute
par des argiles magnésiennes grises, maculées de jaune
clair, ou bien rouges, offrant tous les caractères d'un dé-
pôt chimique ; elles sont recouvertes par une argile bleuâtre
ou noirâtre contenant des détritus végétaux et du bois fos-
sile.
A l'époque pliocène se rattache le sable des Landes;
cet étage présente une composition simple et uniforme. 11
est constitué par des grains arrondis de quartz blanc trans-
lucide, associés en faible proportion à des parcelles de fer
oxydulé de mica, de grenat et de débris de roches volca-
niques. A la base existe d'une manière constante un lit
peu épais de petit gravier blanc et noir ; on y trouve, sous
forme de lentilles, quelques dépôts d'argile bleuâtre ou
grise, veinée de jaune, et ces dépôts renferment par places
des couches de lignite. Sur quelques points le sable est
agglutiné par un ciment siliceux ou ferrugineux qu'il ne
faut pas confondre avec Valios (V. ce mot), matière de
nature organique analogue à Fulmine. Enhn il renferme
quelques gîtes superficiels d'hydroxyde de fer en grains
amorphes ou reproduisant par épigénie la texture des végé-
taux ligneux. Dans les Grandes Landes, le sable propre à
la région n'a pas plus de 45 à 20 m. de puissance; il est
azoïque et repose indifféremment sur les divers étages du
terrain miocène et môme sur la craie.
Les alluvions anciennes font défaut dans la plaine des
Landes. Elles sont au contraire très développées dans la
Chalosse, notamment sur les rives de l'Adour et à gauche
des rivières qui divergent du plateau de Lannemezan.
Elles sont constituées par un limon argilo-sableux jaune
ou rougeâtre, jaspé de gris et renfermant, par places, des
concrétions ferrugineuses. Dans ce limon sont incrustés à
différents niveaux, assez bien étages, des galets de roches
quartzeuses, d'autant plus volumineux qu'ils sont plusrap
proches de la chaîne des Pyrénées d'où ils proviennent. —
Les alluvions modernes de l'xidour et de ses affluents de
gauche ont seuls quelque importance. Elles renferment un
limon argilo-sableux, des galets de toutes les roches dures
propres aux terrains traversés par la vallée. Dans les Landes,
les vallons étroits à flancs ardus n'ont presque pas d'al-
luvions. — Le sable des dunes est celui de la plaine des
Landes, remanié par la mer, donc presque exclusivement
quartzeux.
Sur quelques-uns des terrains décrits ici on trouvera
de plus amples détails dans les art. Gironde et Gers.
Terrains éruptifs. L'ophite qui forme le sol de la col-
line du Pouy d'Euze (tour de Borda) se montre encore à
3 kil. de Dax,surla route de Monlfort, vers l'église d'Yzosse
(où la recouvre le sable des Landes). C'est une roche gre-
nue, lamellaire, d'un noir verdâtre, se débitant en grosses
boules à écailles concentriques.
Hydrologie et géologie agricole. Dans la région landaise,
il n'y a qu'un niveau de sources important, celui qui existe
au contact du sable et des glaises bigarrées et qui constitue
le point de départ de tous les cours d'eau qui arrosent la
contrée. Il existe bien une autre nappe d'eau à la surface
de l'alios, mais elle est souillée par la présence de matières
organiques. La Chalosse est beaucoup mieux partagée ; on
y trouve de belles sources jaillissait au niveau des nappes
aquifères qui se rencontrent dans les alluvions anciennes,
la molasse marine, le falun de Saint-Avit, les grès éo~
cènes et les diverses assises calcaires du terrain crétacé.
Le sol des Landes et des dunes est quartzeux et mainte-
nant en grande partie couvert de forêts de pins maritimes.
Le voisinage des habitations est généralement signalé par
la présence de chênes séculaires. Le seigle est la céréale
dominante. Les pointements de glaises bigarrées, que nous
avons mentionnés, équivalent à de petites oasis ; leurs cul-
tures sont celles de la Chalosse. Les sables fauves du Mar-
san et de la Chalosse donnent heu à des terres légères,
dont le nom de sables vifs accuse la supériorité sur ceux
des Landes. Les sols de la Chalosse sont d'ailleurs très va-
riés : il y a des terres fortes ou calcaires sur les terrains
crétacés et nummulitiques, sur les marnes de l'Agenais et
de l'Armagnac; des terres sihcéo-argileuses, privées de
l'élément calcique, ou boulbènes^ sur les alluvions an-
ciennes ; on les améliore de longue date par le marnage.
Les cultures de la Chalosse sont le blé, la vigne, les arbres
fruitiers, de belles prairies, des bois feuillus. Dans le Tur-
san elles alternent avec les landes; dans le Seignanx avec
les bois de pins.
- 867 -- LANDES
Régime des eaux. — Le dép. des Landes se partage
entre quatre bassins différents : celui de l'Adour au S. et au
S.-E., celui de la Garonne àl'E., celui delaLeyreau N.-O.,
celui des Etangs à l'O., ce dernier subdivisé entre plusieurs
courants qui portent ses eaux à l'Océan.
Le bassin de la Garonne ne prend que quelques com-
munes frontières. La Gélise, affl. de la Baïse, naît dans le
Gers, recueille les eaux de la moitié du cant. de Gabarret;
elle sert de limite au département pendant 10 kil. et reçoit
à g. le ruisseau de Rimbez qui le limite pendant 5 à 6 kil.,
puis la Gueyze qui y a sa source et le limite pendant 7 kil.
du côté d'Arx. Le Giron, affl. direct de la Garonne, n'a que
sa source dans les Landes où il sort de l'étang de Lublon
(cant. de Gabarret) ; un de ses affluents arrose Maillas.
Le bassin de l'Adour occupe plus de la moitié du dépar-
tement, tout l'arr. de Saint-Sever, le tiers de celui de
Mont-de-Marsan, la moitié de celui de Dax, laissant au
bassin de la Leyre environ le tiers de l'arr. de Mont-de-
Marsan, au bassin des Etangs la moitié de l'arr. de Dax et
le dernier tiers de celui de Mont-de-Marsan. L'Adour entre
dans le dép. des Landes au sortir de celui du Gers et y
parcourt 160 kil. sur les 335 de son cours total. Il dé-
roule son cours sinueux à travers une large vallée allu-
viale de l'E. à l'O., jusqu'au confluent de la Midouze, puis
du N.-E. au S.-O. jusqu'à celui du Gave de Pau où il
reprend sa direction vers l'O. Il arrose Aire, où il devient
flottable, Cazères, Bordères, Grenade, Saint-Maurice, passe
au pied dé la coUine de Saint-Sever où il devient navi-
gable à 32 m. d'alt., près de Mugron (r. g.), de Pontonx
(r. dr.), à Dax (ait. 6 m.), à Saubusse, Josse, sépare le
dép. des Landes de celui des Basses-Pyrénées à partir du
confluent du Gave do Pau, entre dans les Basses-Pyrénées
en amont de Saint-Esprit, détaché du dép. des Landes en
1857, et huit à 6 kil. en aval de cette ville et de Bayonne ;
les 2 derniers kil. à partir de l'ancien bras 'du fleuve
sont limitrophes du dép. des Landes. Cet ancien bras de
l'Adour tournait au N., longeant les dunes à une demi-lieue
de l'Océan, sur une longueur de 30 kil. jusqu'au Vieux-
Boucau ; à un autre moment, l'embouchure fut à moitié
chemin de ce parcours, au havre de Cap-Breton, puis à
2 kil. de sa place actuelle, au Boucau-Neuf. L'embouchure
actuelle est obstruée par une barre qu'on n'a pu faire dis-
paraître malgré des travaux considérables. L'Adour a un
débit moyen de 222 m. c. par seconde ; sa masse est plus
que doublée par l'apport du Gave de Pau. Flottable depuis
Aire, il est navigable théoriquement depuis Saint-Sever,
mais seulement à la descente ; dans les deux directions de-
puis Mugron. Le tirant d'eau est très irrégulier sur le haut
fleuve ; il dépasse 4 m. dans certains endroits, et généra-
lement 1^50, mais surtout autour des îles, il peut s'abais-
ser à 0"^35 et même 0=^1 5. Sur le bas fleuve où la pente
est moindre, on l'a régularisé, et la profondeur est à peu
près partout de 1 m. ; parfois cependant elle s'abaisse à
0'^40. En aval du confluent du Gave, elle est de 1"^60. La
marée se fait sentir jusqu'à Vimport, près de Saubusse.
Les affluents de l'Adour dans le dép. des Landes sont :
à g., en aval d'Aire, la Grave (11 kil.) qui passe à La-
trille; — à dr., à Cazères, la Molle (16 kil.), venue du
dép. du Gers; — à g., en amont de Bordères, l'Ourden
(17 kil.), qui passe à Bachen et Pienung; — à g., en
aval de Saint-Sever, le Bahus (50 kil.), né dans les Basses-
Pyrénées, près de Thèze, qui arrose, dans le Tursan,
Bahus-Soubiran, Eugénie-les- Bains, Classun, où il forme
un étang, Montgallîard ; — à g., près de Toulouzette, leGabas
(107 kil., dont 16 dans le dép. des Landes), qui vient des
landes d'Ossun (Hautes-Pyrénées), traverse les Basses-
Pyrénées, les sépare du dép. des Landes pendant 6 kil.,
arrose Pimbo, Arboucane, Coudures, Eyres-Moncube,
Montant, Toulouzette; il reçoit le Bas (dr., 30 kil.), qui
passe à Clèdes, Geauno, Urgons, et se grossit du Petit-Bas
(8 kil.) et de FEscu (7 kil.), la Mère (dr., 5 kil.), le
Laudon (g., 11 kil.). — La Midouze est le premier des
grands affluents de l'Adour et le seul considérable de la
LANDES
— 868 —
rive gauche. Elle a 43 kil. de long ou 155 si l'on compte
depuis la source de la Douze et draine un bassin de
330,000 hect. Au confluent, elle apporte souvent autant
d*eau que le fleuve épuisé par les irrigations. Elle se forme à
Mont-de-Marsan, à ^5 m. d'alt., par l'union de la Douze
et du Midou ou Midour. Navigable dès l'origine pour les
barques de 25 tonnes, elle arrose Tartas et finit en aval
d'Audon, auHourquet, à l'ait, de 10 m. ; les sources des
Landes lui assurent un niveau constant ; elle reçoit l'Estri-
gon (dr., 40 kil.) venu du Sen dans les Grandes Landes,
arrosant Labrit, Brocas, Gère, Uchacq; le Geloux (dr,,
20 kil.), né près de Garein, qui passe à Geloux ; le Bez
(dr., 39 kil.) formé des ruisseaux qui arrosent Morcenx,
Àrjuzanx, Arengosse, et grossi du Suzan qui passe à Igos
et Suzan; le ruisseau de Laretjon (dr., 30 kil.) qui passe
à Rion. Toutes ces petites rivières landaises sont abon-
dantes. — La Douze ou Doulouze (125 kil., dont 67 dans
le dép. des Landes), naît dans le dép. du Gers, le sépare de
celui des Landes en aval de Cazaubon, passe ensuite à La
Bastide-d'Armagnac , Saint-Justin, Roquefort, où elle
change de direction; au lieu de se diriger vers le N.-O.,
devenue flottable, elle coule vers le S.-O., creusant un
profond ravin au milieu des forêts de pins, passe à Sainf-
Avit et arrive à Mont-de-Marsan ; elle reçoit à Roquefort
l'Estampon (dr., 36 kil.), beaucoup plus abondant qu'elle
parce qu'il vient des Landes au lieu que la Douze vient de
l'Armagnac; elle apporte des eaux lourdes, argileuses, qui
contrastent avec les eaux noirâtres, mais claires, de l'Es-
tampon; celui-ci vient des landes du Gabardan, reçoit la
Launay, alimentée par la fontaine d'Estigarde, et la Housse
grossie du Retgéous. La Douze reçoit ensuite la Gouaneyre
(dr., 21 kil.), charmante rivière qui passe à Lencouacq et
Cachen. — Le Midou (HO kil., dont 39 dans le départe-
ment) vient,*comme la Douze, de l'Armagnac; la distance
entre leurs sources n'est que de 2 kil. 1/2 ; sauf en temps
de crue, ses eaux sont surtout fournies par les sources du
Marsan, aux niveaux des sables fauves et des glaises bigar-
rées (V. ci-dessus le § Géologie). Il quitte le dép. du Gers
après l'avoir quelque temps séparé de celui des Landes,
décrit de nombreuses sinuosités à travers le Marsan, où il
arrose Villeneuve, Saint-Cricq et Saint-Médard, reçoit à g.
le Ludon qui passe à Hontanx et Sainî-Gein et Bougue.
Au-dessous du confluent de la Midouze, l'Adour reçoit :
le Lizon (dr., 26 kiL) qui passe à Laluque ; — le Louts
(76 kil., dont 56 dans le département), gros ruisseau de
la Chalosse, qui naît dans les Hautes-Pyrénées, coule vers
le N.-O., entre dans le dép. des Landes, passe près
d'Hagetmau, à Caupenne, entre Labosse et Lourquen, à
Louer ; il reçoit le Rézenon et la Gouangue. — Le Luy
(g., 56 kil. ou 127 depuis la source du Luy de France) est
formé dans le département par la jonction du Luy de France
et du Luy de Béarn, au pied de la colline de Gaujacq, à
l'ait, de 30 m. ; il a un débit moyen de 4 m. c. par se-
conde, très peu d'eau en été, mais des crues violentes ; il
est extrêmement sinueux, passe au pied de Donzacq, près
de Pomarez, devient navigable (en théorie) au moulin du
pont d'Oro, passe près de Mimbaste, à Saugnac, à Tercis
et à Siest; il reçoit l'Arrimbla (dr.), gros ruisseau formé
par de belles sources ; l'Arrigan ou Arrieugrand (g.,
25 kil.) qui passeàTilh et Mimbaste; la Bassée ou Bassecq
(g.) qui passe à Gaas. Le Luy de France (85 kiL, dont 30
dans le département), venu des Basses-Pyrénées, promène
ses eaux troubles au pied de coteaux argileux, arrose dans
le dép. des Landes La Bastide-Chalosse etMomuy. Le Luy
de Béarn (75 kil., dont 12 dans le département) sort des
Basses-Pyrénées après Sault-de-Navailles, passe à Bonne-
garde, Amou et Castel-Sarrasin. — Le Gave de Pau (g.,
484 kil., dont 24 dans ou le long du département) est de
beaucoup le cours d'eau principal du bassin de l'Adour ; il
forme la limite entre les Basses-Pyrénées et les Landes sur
une longueur de 6 kil. , en aval de Puyoo, arrosant Labatut, {
Saint-Criq, Cauneille, Peyrehorade, où il reçoit le Gave |
d'Oloron (g., 67 kil., dont 5 dans le département) entre
Hastingues et Orthevielle et finit au Bec de Gave. — La
Bidouze (g., 80 kil.) sert de limite aux dép. des Landes
et des Basses-Pyrénées sur une longueur de 2 kil. 1/2.
Le bassin de l'Adour occupe dans fe dép. des Landes
494,000 hect.
La Leyre (93 kil. dont 53 dans le département) se forme
près de Moustey par la jonction de la Grande-Leyre ou
Leyre de Pissos (45 kil.) et de la Petite-Leyre ou Leyre de
Sore (45 kil.). La Grande-Leyre, née près de Luglon, coule
du S. au N., reçoit à dr. l'Escamat ou Leyre de Sabres et
passe à Pissos. La Petite-Leyre, née au N. de Labrit, passe
à Luxey, Sore et Belhade,' où elle devient flottable, et
reçoit à dr. le Gave de Callen. La Leyre, formée par ces
deux rivières, est un charmant petit fleuve aux eaux claires,
sur fond de sable, entre de hautes berges ; elle arrose Sau-
gnacq et, au bout de 8 kil., passe dans le dép. de la Gi-
ronde. Le bassin de la Leyre occupe dans le dép. des
Landes '121,000 kil. q.
Les étangs formés à l'O. de la barrière des dunes sont
assez nombreux et étendus ; ils caractérisent une des zones
du pays landais. Leurs eaux se sont accumulées jusqu'à ce
qu'elles trouvent un écoulement qui complète les infiltra-
tions souterraines. Les chenaux étroits et peu profonds qui
mènent ces eaux à la mer portent le nom de courants. Au
centre, les étangs sont assez profonds, mais les bords sont
marécageux, bordés d'aunes; dans ces taillis mouillés qu'on
appelle barthes pullulent les oiseaux aquatiques. On tra-
vaille à dessécher les étangs, surtout depuis la loi du
28 juil. 1860 ; le reboisement contribue à les tarir, et,
depuis la fixation des dunes, leur niveau s'est abaissé. Nous
les passerons en revue du N. au S. L'étang de Cazaux et de
Sanguinet, vaste de 6,000 hect., a 12 kil. de long, 5 de
large, 40 de tour, à une ait. de 19 m. ; sa profondeur
atteint 14 m. ; il est partagé entre les dép. de la Gironde
et des Landes, reçoit à l'E. la Gourgue. Un canal déverse
ses eaux dans le petit étang de Biscarosse qui s'écoule
dans le grand étang de Biscarosse-et-Parentis (3,540
hect.) sur les bords duquel est Gastes et qui reçoit à
l'E. la Moulasse, petite rivière arrosant Ichoux et Paren-
tis-en-Born. Cet étang s'écoule lui-même dans celui d'Au-
reilhan (663 hect.) ; celui-ci, qui renferme l'îlot de Hous,
reçoit le Cantelou, venu de Labouheyre par Lue, et le ruis-
seau d'Escoune qui passe à Saint-Paul-en-Born ; le courant
de Mimizan porte ses eaux à l'Océan ; il roule 4 m. c. par
seconde à l'étiage. — L'étang de Saint-Julien (969 hect.),
formé par le ruisseau de Mezos, venant de Sindères, se dé-
verse dans l'Océan par le courant de Contis ; cet étang est
en voie de dessèchement. Celui de Lit, un peu au S., a
presque disparu ; il reçoit le ruisseau d'Uza et se joint à
l'étang de Saint-Julien par le courant Mort. — • L'étang
de Léon (970 hect.), formé par le Palu, qui passe à Cas-
tets et Saint-Michel-Escalut, et par le Binaout qui passe à
Linxe, se déverse dans l'Océan par le courant de Léon.—
Le canal de Messanges porte au courant de Soustons les
eaitx des étangs de Moliets, de la Prade et du cap Moisan
qui sont en voie de disparition. L'étang de Soustons
(740 hect.) est alimenté par les ruisseaux de Magescq, du
Bourg et de Hardy venant de l'étang de Tosse, lequel est
formé de l'étang Noir, de l'étang Blanc et de l'étang de
Hardy, et reçoit au S. le ruisseau de Capdeil qui passe à
Tosse. Le courant de Soustons, qui écoule ce chapelet
d*étangs, aboutit au Vieux-Boucau dans l'ancienne embou-
chure de FAdour. Le ht primitif du fleuve est indiqué par
de petits étangs dont le principal est celui de Hossegor ;
ses eaux vont au Bouret, qui réunit celles du ruisseau de
Vignaou, du canal de Monbardon, du ruisseau de la Mothe,
qui passe à Saint-Vincent-de-Tvrosse, et du Boudigau; ce
ruisseau canalisé naît vers Saint-Jean-de-Marsacq, passe
à Saubrigues, reçoit les eaux des canaux de l'ancien étang
d'Orx, aujourd'hui desséché, le canal de Burret, le canal
de Biaudos, le canal de Moussehous, les eaux des petits
étangs d'irieu et de Garros et les porte au Bouret, près de
son embouchure située au havre de Cap-Breton ; le cours
— 869 ~
LANDES
inférieur du Boudigau répond au lit abandonné par l'Adour
et dont les traces sont très visibles. Le bassin des étangs
occupe dans le dép. des Landes 289,000 liect.
Côtes. — La côte du dép. des Landes est une des plus
uniformes du monde, à peu près rectiligne, devant un bour-
relet de dunes. Des bains de mer s'installent à Miraizan,
Uchet, Contis, Vieux-Boucau, Cap-Breton. Le seul acci-
dent notable est le havre de Cap-Brelon, en face duquel se
trouve le fameux Gouf ou Fosse de Cap-Breton ; à moins
de 400 m. de la terre il y a déjà 25 m. d'eau ; des rochers
sous-marins abritent au N. et au S. cette rade qui offre un
bon abri aux navires.
Climat. — Le climat du dép. des Landes est le climat
girondin (V. France) ; il est à peu près le même dans toute
l'étendue du département, doux et assez égal, avec des cha-
leurs marquées en juin, juillet et août, des froids de janvier
à mars, presque jamais de neige, des gelées rares, mais tar-
dives, du brouillard près des étangs et dans les vallées
durant l'hiver, des orages et chutes de grêle en été ; ils
viennent de la mer et suivent la vallée de l'Adour ou le
Marensin. Le climat est un peu maritime dans les Landes,
continental dans la Chalosse. La température moyenne an-
nuelle est de -I- 12°, donc inférieure à celle de Bordeaux;
elle dépasse 4- 44*^ dans la Maremme. La chute d'eau an-
nuelle est de 140 centim. à Bayonne, 420 à Cap-Breton et
à Morcenx, iOO à Vieux-Boucau, 80 près de Léon et de
Roquefort, 70 près de Mimizan, 60 dans la région orien-
tale le long de la Douze, du Midou, de l'Adour supérieur.
Le climat de la Chalosse, un peu plus froid et sec, est fort
salubre ; celui des Grandes-Landes l'est moins à cause des
marais, des brouillards, de la mauvaise qualité des eaux.
Flore et faune naturelles. — V. Tart. France et
l'art. Lande.
Histoire depuis 1789. — Le dép. des Landes fut formé
en 1790 de la région du même nom ou Lannes (V. ce mot),
vaste de 604,492 hect. , et deux fractions de deux pays appar-
tenant également à la Gascogne, la Chalosse (126,557 hect.)
et le Coudomois (43,900 hect.); en outre, d'une petite
partie du Béarn (33,830 hect.) et d'un lambeau du Borde-
lais (100,500 hect.). On trouvera l'histoire antérieure dans
les art. Gascogne, Aquitaine, Lannes, Alrret, etc. Depuis
là Révolution, il ne s'est accompli dans le département
aucun événement notable. En 1857, la corn, de Saint-Esprit
en fut démembrée et rattachée aux Basses-Pyrénées.
L'aspect physique des gens du département varie beau-
coup, selon les régions; le type béarnais domine au S.,
l'armagnac à l'E., le bordelais au N. Parmi les Landais
proprement dits, on discerne les gens du Marensin au S.-O.,
les Coussiots ou Parents au N.-O., les Lanusquets ou Lan-
dais proprement dits de la Grande Lande. Dans la Chalosse,
le type est intermédiaire entre le landais et le béarnais.
Chaque canton a son patois, tous dépendant du dialecte
gascon.
Les personnages célèbres nés dans le dép. des Landes
au XIX® siècle sont (pour la période antérieure, V. les articles
mentionnés ci-dessus et ceux qui sont consacrés aux villes):
Roger Ducos (1754-1815), né à Dax, membre du Direc-
toire et troisième consul en 4799; le général Ducos, son
frère (1756-1823); Thore (1762-1815), né à Dax, natu-
raliste; le général baron Darricau (1773-1847), né àTar-
tas; le général Lamarque (Maximilien) (1770-1832), né
à Saint-Sever ; le maréchal Bosquet (1810-61) ; le baron
dePoyféréde Cère, agronome; Dufour(Léon) (1779-4865),
né à Saint-Sever ; Bastiat (Frédéric) (480 1-50), économiste
célèbre, né à Mont- de-Marsan.
Divisions administratives actuelles. — Le dép.
des Landes comprend trois arrondissements : Mont-de-Mar-
san, Dax et Saint-Sever. Voici leurs superficies respectives
(d'après la Statistique de la France en 4886): Mont-de-
Marsan, 529,867 hect. ; Dax, 234,428 hect. ; Saint-Sever,
471,136 hect.
Cantons. — Les trois arrondissements des Landes sont
subdivisés en 28 cantons et 333 communes. On compte
12 cantons et 117 communes pour l'arr. de Mont-de-Mar-
san; 8 cant. et 107 com. pour l'arr. de Dax; 8 cant. et
109 com. pour l'arr. de Saint-Sever. En voici la liste :
Gabarret, Grenade, Labrit, Mimizan, Mont-de-Marsan,
Morcenx, Parentis-en-Born, Pissos, Roquefort, Sabres,
Sore, Villeneuve-de-Marsan; — Castets, Dax, Montfort,
Peyrehorade, Pouillon, Saint-Martin-de-Seignanx, Saint-
Vincent-de-Tyrosse, Souslons; — Aire, Amou, Geaune,
Hagetmau, Mugron, Saint-Sever, les deux cant. de Tartas.
Justice, Police. — Le dép. des Landes ressortit à la
cour d'appel de Pau. La ville de Mont-de-Marsan est le
siège de la cour d'assises. Il y a trois tribunaux de pre-
mière instance à Dax, Mont-de-Marsan, Saint-Sever; un
tribunal de commerce à Dax. Le nombre des justices de
paix est de 28, une par chef-lieu de canton. Le nombre
d'agents chargés de constater les crimes et délits était en
1888 de 174 gendarmes, 5 commissaires de police,
48 agents de police, 158 gardes champêtres, 323 gardes
particuliers assermentés, 52 gardes forestiers, 38 agents
des ponts et chaussées (police delà pêche), 62 douaniers.
Il y eut 2,139 plaintes, dénonciations et procès- verbaux.
Finances. — Pour les contributions indirectes, il y a
1 directeur et 1 inspecteur à Mont-de-Marsan, 1 sous-di-
recteur à Dax, 2 receveurs principaux entreposeurs à Mont-
de-Marsan et Dax, 1 receveur-entreposeur à Saint-Sever.
Le service des contributions directes comporte 1 direc-
teur et 1 inspecteur à Mont-de-Marsan. Il y a 1 trésorier-
payeur général à Mont-de-Marsan, des receveurs particuliers
à Dax et Saint-Sever, et des percepteurs dans chaque
chef-heu d'arrondissement. L'enregistrement, les domaines
et le timbre ont 4 directeur et 1 inspecteur à Mont-de-
Marsan. Il y a 3 conservateurs des hypothèques à Mont-
Marsan, Dax et Saint-Sever.
Instruction publique. — Le département relève de Faca-
démie de Bordeaux. L'inspecteur d'académie réside à
Mont-de-Marsan. B ya 4 inspecteurs de l'instruction pri-
maire, à Mont-de-Marsan (deux), Dax et Saint-Sever.
L'instruction secondaire se donne pour les garçons au lycée
de Mont-de-Marsan, avec collège annexe à Saint-Sever. Il
existe à Dax une école normale d'instituteurs et à Mont-
de-Marsan une école normale d'institutrices.
Cultes. — Aire est le siège d'un évêché suffragant de
l'archevêché d'Auch et dont le diocèse correspond au dé-
partement. Il compte 2 vicaires généraux, 6 chanoines,
28 curés, 291 desservants, 20 vicaires de paroisse et desser-
vants de chapelle, 10 prêtres habitués, 16 aumôniers. On
a ordonné, dans l'année 1890, 13 prêtres, 5 diacres et 14
sous-diacres.
Armée. — Le dép. des Landes appartient au 18^ corps
d'armée (Bordeaux) et en forme la 5^ subdivision (Mont-
de-Marsan). La compagnie de gendarmerie fait partie de la
18*^ légion (Bordeaux).
Divers. — Les Landes font partie de la 11® inspection
des ponts et chaussées, de la 29^ conservation des forêts
(Bordeaux), de l'inspection des mines du Sud-Ouest, de
Farrondissement minéralogique de Bordeaux, de la 8^ ré-
gion agricole (Sud-Ouest). Il existe à Aire une école pro-
fessionnelle d'agriculture.
Démographie. — Mouvement de la population. Le
recensement de 1894 a constaté dans le dép. des Landes
une population totale de 297,842 hab. Voici depuis le com-
mencement du siècle les chiffres donnés par les recense-
ments précédents :
4856 309.832
1861 300.839
1866 306.693
1872 300.528
1876 303.508
1881 301.143
1886 302.266
1891...,,.., 297.842
1801 224.272
1806 240.146
1821 256.311
1826 265.309
1831 281.504
1836 284.948
4844 288.077
4846 298.220
1854 302.196
LANDES
— 870
L'accroissement est régulier, mais assez lent jusqu'en
^^"y6. Depuis, la population a légèrement diminué. Tou-
tefois, la première décroissance, constatée en 1861,
n'était qu'apparente ; elle tenait à une amputation de
territoire.
La commune de Saint-Esprit et ses environs ont été dé-
tachés sous le second Empire (1857) du dép. des Landes
pour être attribués au dép. des Basses-Pyrénées (faisait
partie de l'arr. de Dax).
Par contre, la guerre de 1870-71 et la crise agricole ont
entraîné une rétrogradation sensible.
Le mouvement de la population n'a pas été du tout le
même dans les différentes parties du département. On s'en
rendra compte en comparant les recensements de 1801 et
de 1891, arrondissement par arrondissement :
ARRONDISSEMENTS
c
O 0)
Oh
c
1 i
o <v
eu
.2
1
1
•r-( O
«2 00
13,5
32,4
45,1
■r-iOi
coco
20,5
47.5
46,7
§
1
-a:
Mont-de-Marsan
Dax
71.707
75.098
77.467
109.056
108.801
79.985
87.849
33.703
2.518
7
15,1
1,6
Saint-Sever . . .
Total
224.272
297.842
73.570
24,1
31,9
7,8
Au point de vue de la densité de la population, il n'y
avait en France en 1801 que deux arrondissements (Sar-
tène et Corte) où elle fût plus faible que dans celui de Mont-
de-Marsan ; en 1891, on en trouverait une dizaine. Quant
au rang du département, il n'a pas changé à cet égard ;
en 1891 comme en 1801 il n'y en a que trois où la popu-
lation soit plus clairsemée.
L'arr. de Saint-Sever, qui appartient à la Chalosse, n'a
presque pas gagné ; au contraire, les deux autres ont bé-
néficié du boisement et de la mise en culture des Landes.
Voici quelle a été de 1801 à 1891, dans chacun des
arrondissements et dans l'ensemble du département, la ysi-
riation proportionnelle de la population :
ANNÉES
P-i
O
Q
>■
m
m
G
II
1801
1.000
1.075
1.146
1.182
1.277
1.300
1.310
1.384
1.432
1.482
1.495
1.542
1.517
1.523
1.506
1.525
1.521
1.000
1.098
1.203
1.250
1.323
1.335
1.409
1.436
1.464
1.518
1.416
1.453
1.432
1.460
1.459
1.471
1.449
1.000
1.044
1.080
1.115
1.170
1.171
1.142
1.172
1.143
1.155
1.130
1.119
1.084
1.090
1.079
1.065
1.032
1.000
1.076
1.144
1.181
1.253
1.260
1.281
1.331
1.350
1.383
1.343
1.365
1.343
1.353
1.344
1.348
1.828
1806.
1821
1826
1831
1836
1841
1846
1851
1856
1861
1866
1872
1876
1881
1886
1891
L'arr. de Mont-de-Marsan, après avoir rapidement accru
sa population jusqu'en 1866, l'a vu diminuer après la
guerre et rester stationnaire depuis. Môme situation pour
l'arr. de Dax, en tenant compte de la diminution résultant
de la perte de la corn, de Saint-Esprit. Quant à Tarr. de
Saint-Sever, la progression y fut lente jusqu'en 1 836 ; la
population resta à peu près la même jusqu'en 1856 ; depuis
elle décroît assez rapidement.
Le tableau suivant donne les chiffrée absolus pour la
dernière période.
ARRONDISSEMENTS
Mont-de-Marsan
Dax
Saint-Sever
Total
1872
108.787
107.798
83.943
300.528
1876 1881
I
109.272 108.041
109.677 109.631
84.559, 83.471
.1-
303.508,301.143
1886
109.830
110.446
82.490
302.266
1891
109.056
108.801
79.985
297.842
Si maintenant nous cherchons à voir comment se répar-
tissent les habitants des Landes entre chaque catégorie de
population, nous constatons, pour la population rurale et
urbaine, les chiffres suivants en 1881 et 1886 :
POPULATION
au 81 décembre 1881
Urbaine 36.090
Rurale 265.053
Total.... 301.143
POPULATION
au 31 mai 1886
Urbaine 37.898
Rurale 264.368
Total..
302.266
Voici comment se décomposait, en 1891, la population
des chefs-lieux d'arrondissement :
POPULATION
Agglomérée . . .
Eparse
Comptée à part
Totale
8.713
1.077
2.241
12.031
8.403
1.524
313
10.240
m
2.418
2.342
45
4.805
Le nombre des communes rurales des Landes était de
327 en 1886, leur superficie totale de 896,634 hect.,
leur population totale de 264,368 hab., la superficie
moyenne de 2,740 hect., la population moyenne de
809 hab. par commune, et la densité moyenne de 29,6 hab.
par kilomètre carré dans les communes rurales. On comp-
tait 6 communes urbaines d'une superficie totale de
35,497 hect., peuplées de 37,898 hab., soit 5,916 hect.
et 6,310 hab. par commune en moyenne, et une densité
urbaine de 107 hab. par kilomètre carré. La densité
moyenne du département ressortait (à cette même date) à
32,3 hab. par kilomètre carré, la commune ayant en
moyenne 2,809 hect, et 906 hab.
Voici quelle était l'importance respective des popula-
tions urbaine et rurale aux recensements de 1856, 1872,
1886 :
1856 1872 1886
Population urbaine. . . 5,23 9,16 12,55
— rurale . . . 94,77 90,84 87,45
Consultant les relevés de l'état civil, nous voyons que
dans la population urbainede 1881 à 1886, -en quatre ans
et cinq mois, il y eut 2,674 naissances contre 2,779 dé-
cès. L'excédent des décès était de 105, proportion défavo-
rable ; comme la population urbaine a augmenté, il a fallu
une immigration de 1,913 personnes pour rendre compte
de cette augmentation. Dans la population rurale, il y eut
29,507 naissances et 19,142 décès, soit un excédent de
10,265 naissances ; mais l'excédent de l'émigration surl'im-
migration enleva 10,950 personnes, soit un déchet de
685 personnes dans la population rurale. Pour l'ensemble du
département, il y a eu 32,181 naissances, 22,021 décès;
soit un excédent de 10,160 naissances, et malgré que
l'émigration l'emporte de 9,037 têtes sur l'immigration,
il y eut un léger accroissement de la population.
Au point de vue du groupement de la population, il faut
noter que la population éparse sur le territoire des com-
munes est beaucoup plus nombreuse que la population ag-
glomérée; elle forme 69 1/2 ^Jq du total, proportion qui
n'est dépassée que dans la Creuse et les Côtes-du-Nord.
La population rurale conserve son énorme prépondé-
rance, mais celle-ci est cependant bien moindre qu'il y
- 811 -
LANDES
trente ans. La population des villes s'accroît non plus seu-
lement plus vite que celle des compagnes, mais à ses
dépens.
La répartition des communes, d'après l'importance de
la population, a donné en 1886 pour les 333 communes
du département : 13 corn, de 401 à 200 hab. ; 28<;om. de
201 à 300 hab. ; 34 corn, de 301 à 400 hab. : 39 corn,
de 401 à 500 hab. ; iW com. de 501 à 1,000 hab. ; 50
corn, de 1,001 à 1,500 hab.; 5 com. de 2,001 à 2,500
hab. ; 5 com. de 2,501 à 3,000 hab. ; 2 com. de 3,001
à 3,500 hab. ; 2 com. de 3,501 à 4,000 hab. ; 2 com. de
4,001 à 5,000 hab. ; 2 com. de 10,001 à 20,000 hab.
(Dax et Mont-de-Marsan).
Voici, par arrondissements et cantons, la liste des com-
munes dont la population totale, en 1894, dépassait i ,000
hab.:
Arrondissement de Dax (8 cant., 107 com. ; 229,019
hect.; 108,801 hab.). — Cant . de Castets (10 com.,
61,013 hect. ; 11,435 hab.) : Castets, 1,942 hab. ; Léon,
1,733 hab.; Linxe, 1,363 hab.; Lit-et-Mixe, 1,711 hab.;
Saint-Julien-en-Born, 1,668 hab. — Cant, de Dax (21
com. ; 35,828 hect. ; 26,789 hab.): Dax, 10,240 hab. ;
Herm, 1,040 hab. ; Heugas, 1,212 hab.; Rivière-Saas-
et-Gourby, 1 ,024 hab. ; Saint-Paul-lès-Dax, 3,614 hab. ;
Saint- Vincent-de-Paul, 1 ,800 hab . ; Saubusse, 1,016 hab.
— Cayit. de Montfort (22 com. ; 18,250 hect; 13,359
hab.): Gamarde, 1,202 hab. ; Montfort, 1,513 hab. ;
Sort, 1,016 hab. — Cant. de Peyrehorade (13 com. ;
17,836 hect.; 11,091 hab.): Peyrehorade, 2,669 hab.;
Port-de-Lanne, 1,086 hab.; Saint-Lon, 1,062 hab.;
Sorde, 1,126 hab. — Cant. de Pouillon (11 com. ;
21,147 hect. ; 13,044 hab.): Habas, l,7d4 hab. ; Laba-
tut, 1,423 hab. ; Mimbaste, 1,252 hab. ; Pouillon, 3,200
hab.; Tilh, 1,240 hab. — Caiit. de Saint-Martin-de-
Seignanx (8 com. ; 15,030 hect. ; 9,547 hab.) : Ondres,
1,347 hab.; Saint-Martin- de -Seignanx, 2,524 hab. ;
Tarnos, 2,645 hab. -— Cant. de' Saint-Vincent-de-
Tyrosse (11 com. ; 21,482 hect. ; 1 1,030 hab.) : Bénesse-
Maremme, 1,144 hab. ; Capbreton, 1,284 hab.; Samt-
Jean-de-Marsacq, 1,162 hab. ; Sainte-Marie-de-Gosse,
d,390hab. ; Sait-Martin-de-Hinx, 1,283 hab.; Saint-
Vincent-de-Tyrosse, 1,563 hab. ; Saubrigues, 1,012 hab.
— Cant. de Soustons (11 com. ; 38,433 hect.; 11,606
hab.); Magescq, 1,767 hab. ; Saint-Geours-de-Maremne,
1,651 hab.; Soustons, 3,848 hab. ; Tosse, 1,027 hab.
Arrondissement de Mont-de-Marsân (12 cant.; 117
com.; 533,359 hect. ; 109,056 hab.). -- Cant. de Ga-
barret (15 com. ; 44,939 hect. ; 8,600 hab.) : Gabarrct,
1,205 hab. ; Losse, 1,181 hab.; Parleboscq, 1,230 hab.
— Cant. de Grenade (10 com.; 16,856 hect. ; 7,000
hab.): Ëenquet, 1,096 hab.; Grenade, 1,474 hab, —
Cant. de Labris (9 com.; 37,841 hect.; 6,219 hab.) :
Brocas, 1,293 hab.; Labris, 1,112 hab. — Cant. de
Mimizan (6 com.; 35,962 hect,; 6,344 hab.): Mezos,
1,637 hab.; Mimizan, 1,221 hab.; Pontenx-les-Forges,
1,905 hab. — Cant. de Mont-de-Marsan (17 com.;
43,476 hect.; 22,174 hab,): Campagne, 1,005 hab.;
Mont-de-Marsan, 12,031 hab. ; Saint-Martin-d'Oncy,
1.050 hab, ~ Cant. de Moreenx{9 com. ; 52,144 hect. :
10,233 hab.) : Arengosse, 1,226 hab, ; Lesperon, 1,369
hab,; Morcenx, 2,193 hab.; Onesse-et-Laharie, 1,378
hab. ; Ygos-Saint-Saturnin, 1,830 hab. — Cant. de
Parentis-en-Born (6 com,; 65,092 hect, ; 7,478 hab.):
Biscarosse, 1,985 hab. ; Parentis-en-Born, 1,941 hab. ;
Sanguinet, 1,236 hab.; Ychoiix, 1,193 hab. — Cant.
de Pissos (8 com, ; 40,181 hect. ; 6,047 hab.): Moustey,
1.051 hab.: Pissos, 1,698 hab.; Saugnacq-et-Muret,
1,475 hab. — Cant. de Roquefort (13 com.; 65,747
hect.; 12,705 hab.): Labastide-d'Armagnac, 1,438 hab.;
Lencouacq, 1,157 hab,; Lugaiit, 1,837 hab. ; Roquefort,
1,685 hab. ; Saint-Justin, 1,630 hab. — Gant, de Sabres
(8 com.; 68,033 hect.; 8,915 hab.): Escource, 1,270
hab. ; Labouheyre, 1 ,398 hab, ; Sabres, 2,585 hab. —
Cant, de Sore (4 com, ; 41,735 hect, ; 4,343 hab.)„
Luxey, 1,511 hab, ; Sore, 1,911 hab. — Cant de Ville-
neuve-de-Marsan (12 com. ; 21,353 hect. ; 8,998 hab,):
Hontanx, 1,092 hab. ; Villeneuve-de-Marsan, 1,998 hab. ;
Arrondissement de Sâint-Sever (8 cant. ; 109 com, ;
171,153 hect.; 79,985 hab.), — Cant. d'Aire (12 com.;
20,364 hect. ; 10,174 hab.) : Aire, 4,451 hab. — Cant.
d'Amou (16 com.; 18,669 hect.; 10,755 hab.): Amou,
1,680 hab. ; Donzacq, 1,043 hab.; Pomarez, 1,867 hab.
— Cant. de Geaune (17 com.; 17,305 hect.; 7,126
hab.): Samadet, 1,329 hab. — Cant. de Hagetmau
(18 com.; 19,220 hect.; 10,732 hab.) : Haguetmau,
3,142 hab. — Cant. de Mugron (12 com.; 12,886
hect. ; 8,710 hab.) : Doazit, 1,273 hab. ; Mugron, 2,016
hab. — Cant. de Saint-Sever (16 com. ; 22,782 hect.;
13,266 hab.) : Montaut, 1,035 hab. ; Saint-Sever, 4,805
hab. — Cant. de fartas [1^^ (8 com.; 16,811 hect. ;
7,167 hab.) : Meilhan, 1,103 hab. ; Souprosse, 1,851 hab.;
Tartas, 3,086 hab. — Cant. de Tartas [2*^] (11 com. ;
43,116 hect. ; 12,056 hab.) : Bégaar, 1,040 hab. ; Bey-
longue, 1,025 hab.; Laluque, 1,005 hab.; Pontonx-sur-
i'Adour, 1,955 hab. ; Rion, 2,535 hab.
Nous rappelons que les chiffres relatifs à la superficie
des cantons ne coïncident pas rigoureusement avec ceux
indiqués pour le total des arrondissements d'après le dé-
nombrement : la nature de ces divergences a été indiquée
dans l'art. France,
Habitations. — Le nombre des maisons d'habitation
était en 1886, dans les Landes, de 55,021, dont52,122
occupées en tout ou en partie et 2,899 vacantes. Sur ce
nombre on en comptait 14,666 n'ayant qu'un rez-de-
chaussée; 28,254, un seul étage; 12,054, deux étages;
43, trois étages ; 4, quatre étages ou davantage. Elles com-
portaient 81,912 appartements ou logements distincts, dont
78,871 occupés et 3,041 vacants; en outre 11,322 locaux
servant d'atehers, de magasins ou de boutiques.
Etat des personnes. — D'après la résidence. —
On a recensé, en 1886, 8,652 individus isolés et 71,529
familles, plus 52 établissements à part. Il y a 8,652 mé-
nages composés d'une seule personne; 11,623 de deux
personnes ; 16,859 de trois personnes ; 17,122 de quatre
personnes; 14,040 de cinq personnes ; 10,523 de six per-
sonnes ou davantage. La population résidente comportait
302,266 personnes, dont 296,691 résidents présents.
1,726 résidents absents ; 3,849 personnes comptées à part.
La population présente comportait 300,540 résidents et
542 personnes de passage ou de population accidentelle, soit
un total de 301,082. La population présente est donc un peu
inférieure à la population résidente, ce qui est le cas général
en France.
D'après le lieu de naissance. — Classée d'après le lieu
de naissance, la population des Landes se divisait en :
Français et naturalisés nés dans la commune où ils habitent,
204,943 ; nés dans une autre commune du département,
81,832; nés dans un autre département ou dans une colo-
nie, 13,309 ; nés à l'étranger, 333. Soit un totalde300,417.
Il y faut ajouter : 54 étrangers nés dans la commune oii ils
habitent ; 17 nés dans une autre commune du département;
81 nés dans un autre département ou dans une colonie ;
513 nés à l'étranger ; soit un total de 665 étrangers. La
population présente, envisagée dans son ensemble (301 ,082) ,
comprend donc 204,997 hab. nés dans leur commune ;
81 ,849 nésdansuneautrecommunedudépartement; 13,390
nés dans un autre département ou dans une colonie; 846 nés
hors du territoire français. Classée par nationalité, la popula-
tion des Landes compte, en 1886, 300,417 Français, dont
300,288 nés de parents français et 129 naturahsés; et
665 étrangers se décomposant en : 25 Anglais, Ecossais ou
Irlandais ; 3 Américains du Nord ou du Sud ; 30 Alle-
mands; 28 Belges; 44 Italiens ; 511 Espagnols ; 3 Por-
tugais ; 8 Suisses ; 1 Chinois, 6 d'autre nationalité et 6 de
nationalité inconnue.
Il y a 7,201 familles de gens mariés sans enfant vivant;
LANDES
— 872
6,020 avec-un enfant; 9,054 avec deux; 40,006 avec
trois ; 8,765 avec quatre ; 7,441 avec cinq ; 4,301 avec
six ; 226 avec sept entants vivants ou davantage. Si l'on
ajoute les veufs, divorcés, etc., on arrive aux chiffres sui-
vants : 8,205 familles sans enfant vivant; 40,957 en
ayant un; 45,455 deux; 43,684 trois; 5,422 quatre;
2,494 cinq; 4,393 six; 282 sept ou davantage.
D'après la profession. — La population des Landes se
décompose par professions de la manière suivante (en 4886).
On classe sous chaque rubrique non seulement ceux qui
exercent la profession, mais aussi la totalité des personnes
qui en tirent leur subsistance : agriculture, 488,479; in-
dustries manufacturières, 34,578; transports, 4, 984; com-
merce, 44,886; force publique, 2,852; administration pu-
blique, 7,888; professions libérales, 8,254; personnes
vivant exclusivement de leurs revenus, 44,470; enfin
448 gens sans profession ; 86 individus non classés (en-
fants en nourrice, étudiants ou élèves des pensionnats,
vivant loin de leurs parents, personnel interné des asiles,
hospices, etc.) et 457 de professions inconnues.
Voici le détail pour chaque catégorie, en distinguant pour
les principales les deux sexes et les divers groupes, patrons
ou chefs d'exploitations, employés ou ouvriers, famille,
domestiques attachés à la personne.
Agriculture. Propriétaires cultivant exclusivement leurs
terres, 38,564 personnes, à savoir : patrons, 5,832
(4,344 femmes); employés etouvriers, 3,474 (735 femmes);
familles, 24,827; domestiques, 7,774. — Fermiers, mé-
tayers ou colons, 446,232 personnes, à savoir : 44,035
patrons (45,400 femmes); employés et ouvriers, 45,489
(8,938 femmes); familles,^ 84,999; domestiques, 4,709.
— Horticulteurs, pépiniéristes et maraîchers, 887 per-
sonnes, à savoir : patrons, 230 ; familles, 647 ; domes-
tiques, 40. — Bûcherons, charbonniers, 2,796 personnes,
à savoir : 490 patrons; 454 ouvrières (aucun homme);
familles, 4,837; domestiques, 345.
Industrie, Industrie textile, 4,298 personnes, dont 497
patrons et 283 employés et ouvriers (96 femmes). —
Industrie extractive, 2,200 personnes, dont 368 patrons;
414 employés et ouvriers (90 femmes); familles 914;
domestiques, 504. — Industrie métallurgique (production
des métaux), 3,484 personnes, dont 664 patrons et 770
employés et ouvriers. — Fabrication d'objets en métal,
2,748 personnes, dont 696 patrons et 484 employés et
ouvriers (450 femmes). — Industrie du cuir, 4,749 per-
sonnes, dont 554 patrons et 280 employés et ouvriers
(70 femmes). — Industrie du bois, 3,679 personnes,
dont 694 patrons et 902 employés et ouvriers, — Céra-
mique, 4,399 personnes, dont 469 patrons et 238 em-
ployés et ouvriers. — Produits chimiques, 747 personnes,
dont 64 patrons et 474 employés et ouvriers. — Industrie
du bâtiment, 3,870 personnes, dont 4,064 patrons et 901
employés et ouvriers. — Industrie de l'éclairage, 4,927
personnes, dont 333 patrons et 392 employés et ouvriers.
— Industrie de l'ameublement, 2,747 personnes, dont
748 patrons et 377 employés et ouvriers. — Habillement
et toilette, 2,061 personnes, dont 964 patrons (845
femmes); 408 employés et ouvriers (260 femmes). —
Alimentation, 2,045 personnes, dont 644 patrons et 441
employés et ouvriers. — Industries relatives aux sciences,
lettres et arts (imprimerie, papeterie, etc.), 2,522 per-
sonnes, dont 644 patrons et 509 employés et ouvriers. —
Industries de luxe, 4,442 personnes, dont 443 patrons et
453 employés et ouvriers. — Etablissements de l'Etat
(tapis, porcelaines, poudres, tabacs, armes, etc.), 753 per-
sonnes, dont 242 patrons et 237 employés et ouvriers.
Transports. Transports maritimes (cabotage, long
cours, pêche, etc.), 447 personnes, dont 38 patrons et 458
employés et ouvriers. — Transports par voie fluviale (ca-
naux et rivières), 446 personnes, dont 45 patrons et 49
employés et ouvriers. — Transports par routes, 294 per-
sonnes, dont 58 patrons et 74 employés et ouvriers. —
Chemms de fer, 275 personnes, dont 52 patrons et 65
employés et ouvriers. — Postes et télégraphes, 852 per-
sonnes, dont 452 patrons et 398 employés et ouvriers.
Cominerce. Financiers, 208 personnes, dont 22 patrons
et 83 employés et ouvriers. — Courtiers, commissionnaires,
négociants en gros, 9,060 personnes, dont 480 patrons
et 2,800 employés et ouvriers. — Hôteliers, cabaretiers,
27,586 personnes, dont 5,426 patrons (646 femmes) et
3,506 employés et ouvriers (4,275 femmes). — Alimen-
tation (marchands au détail), 4,035 personnes, dont 522
patrons (484 femmes) et 4,634 employés et ouvriers
(990 femmes). — Ameublement (détail), 314 personnes,
dont 64 patrons, 82 employés et ouvriers (23 femmes). —
Habillement (détail), 254 personnes, dont 48 patrons,
57 employés et ouvriers. — Divers marchands au détail,
429 personnes, dont 40 patrons (5 femmes), 162 em-
ployés et ouvriers (30 femmes).
Force publique. Armée de terre, 2,133 personnes,
dont 1,908 militaires. — Armée de mer, 179 personnes.
— Gendarmerie et police, 540 personnes, dont 216 exer-
çant la profession; soit 2,124 agents de la force publique,
plus 728 personnes de leur famille ou de leur domesticité.
Administration publique. Fonctionnaires de l'Etat,
3,928 personnes, dont 4 ,082 fonctionnaires (248 femmes).
— Fonctionnaires du département ou des communes,
3,960 personnes, dont 4,072 fonctionnaires (tous hommes).
Professions libérales. Clergé cathoUque séculier, 738
personnes, dont 248 prêtres. — Clergé catholique régulier,
802 personnes, dont 175 moines et 142 religieuses. —
Tribunaux, 586 personnes, dont 452 du personnel judi-
ciaire. — Avocats, agréés, 446 personnes, dont 32 exer-
çant la profession. — Officiers ministériels, 496 personnes,
dont 435 exerçant la profession. — Agents d'affaires, 380
personnes, dont 76 agents. — IWédecins, 554 personnes,
dont 448 professionnels. — Pharmaciens, herboristes,
285 personnes, dont 62 exerçant la profession. — Den-
tistes, oculistes, pédicures, 450 personnes, dont 402 exer-
cent. — Sages-femmes, 268 personnes, dont 78 exerçant
la profession. — Enseignement public, 2,635 personnes,
dont 767 enseignent (352 femmes). — Enseignement privé,
349 personnes, dont 403 enseignent (38 femmes). —
Musique, danse, escrime, etc., 480 personnes, dont 50 en-
seignent (34 femmes). — Sciences, lettres et arts, publi-
cistes, 86 personnes, dont 11 exercent la profession. —
Architectes, ingénieurs, 442 personnes, dont 46 exercent
la profession. -^Artistes, 487 personnes, dont 28 exer-
cent la profession.
Personnes vivant exclusive me7it de leurs revenus.
Propriétaires qui ne travaillent, pas, 40,441 personnes,
dont 2,882 patrons (1,586 femmes) et 2,831 domestiques
(1,268 femmes). — Rentiers, pensionnaires et retraités,
4,359 personnes, dont 851 patrons (293 femmes) et 640
domestiques (588 femmes).
Sans profession (saltimbanques, filles publiques, gens
sans place, etc.), 448 personnes (385 femmes). — Non
classés (enfants en nourrice, élèves pensionnaires, person-
nel interne des asiles, hôpitaux, etc.), 86 (49 femmes).
— Profession inconnue, 157 (154 femmes).
Etat économique du département. — Propriété.
— L'enquête faite par l'administration des contributions
directes en 4884 a relevé, dans le dép. des Landes,
56,910 propriétés imposables, savoir : 39,209 appar-
tenant à la petite propriété, 44,310 à la moyenne, et 3,394
à la grande propriété. (V. le tableau ci-après, p. 873.)
La petite propriété occupe donc 52,548 hect.,la movenne
263,650 hect., et la grande 572,324 hect.
La grande propriété domine, ce qui s'explique par la
prépondérance des forêts et des landes ; la petite est très
peu développée, n'occupant guère plus du vingtième de la
superficie totale.
L'enquête sur la propriété bâtie (4887-89) a fourni les
résultats suivants :
Maisons Usines
Nombre 66.384 1.604
873
LANDES
Francs Francs
Valeur locative réelle. . 7.319.029 887.867
Revenu net total 5.489.272 591. 9H
Valeur vénale 151 .685.410 14.401 .123
Il faut y ajouter 833 bâtiments publics (asiles, presby-
tères, préfectures, etc.), d'une valeur de 147,559 fr.,
Le tableau suivant indique la superficie et le rendement
des principales cultures en 1888. Ces chiffres ont peu va-
rié dans les années suivantes :
DESIGNATION
Petite propriété:
Biens de moins de 10 ares.
— de 10 à 20 ares
— de 20 à 50 —
— de 50 ares à 1 hect. . ,
-- de 1 à 2 hect
— de2à3—
— de8à4 —
— de 4 à 5 —
— de5à6 —
Moyenne propriété
Biens de 6 à 7 hect
— de7à8--
— de8à9-
— de 9 à 10 —
— de 10 à 20 —
— de 20 à 30 —
— de 30 à 40 —
— de 40 à 50 —
Grande propriété :
Biens de 50 à 75 hect
— de 75 à 100 —
— de 100 à 200 —
Au-dessus de 200 —
Total
6.635
2.624
6.478
6.827
6.999
3.761
2.407
1.904
1.578
1.258
1.097
943
937
5.246
2.541
1.448
810
1.235
598
931
627
56.910
391
2.152
5.001
10.139
9.097
8.405
8.481
8.634
8.174
8.255
7.914
9.250
75.580
64.283
51.665
38.529
84.581
51.743
128.477
307.523
888.522
non passibles de la contribution. Ces chiffres indiquent que
le dép. des Landes est pauvre et que l'industrie y est en-
core peu développée. Sa part dans la valeur de la propriété
bâtie sur sol français représente à peine 1 /340 de la valeur
totale.
Agriculture. — Le dép. des Landes est un département
essentiellement agricole et forestier. Les deux tiers des
habitants (65 1/2 ^/o) vivent de l'agriculture. Les apti-
tudes particulières de chaque sol ont été indiquées dans le
§ Géologie, Les terres labourées n'occupent que les 2/1 1
de la superficie totale, environ 167,500 hect.; les prés
s'étendent sur environ 25,000, les vignes sur 18 à 19,000,
les bois sur 493,000 hect. environ ; il reste plus de
170,000 hect. de landes, pâtis et terres incultes. Ce qui
frappe au premier abord, c'est la vaste étendue des bois;
aucun département français n'en possède autant ; ils repré-
sentent 53 o/o de la superficie totale. Les landes sont
encore plus étendues que les champs labourés, mais moins
que l'ensemble des cultures.
Au point de vue agricole, nous retrouvons la division
du département en deux parties. Lande et Chalosse. La
Lande est un pays de grande propriété exploitée par des
métayers ou colons, dont la condition est souvent très pré-
caire et misérable. Sauf dans les vallées, les oasis dues
aux pointements de glaise bigarrée, le sol est peu fertile,
produit du seigle, du millet, du maïs, peu de froment ; on
manque de fourrage faute de prairies ; il en résulte qu'on
manque aussi d'engrais pour améliorer les champs ; ceux-ci
sont clairsemés entre les forêts et lesiandes, les arbres
fruitiers peu productifs ; autour des villages, quand il y a
de l'eau, on cultive les légumes qui réussissent bien ; la
Lande est surtout un pays de forêts de pins et de pâtis à
moutons et même à bœufs. Dans la Chalosse, les cultures
sont très variées et peu lucratives ; elle fournit le froment,
du maïs, un peu d'avoine; elle possède des vignes dont
l'importance a crû après le phylloxéra, de belles prairies
naturelles ou artificielles dans les vallées, etc.
CULTURES
Froment
Méteil
Seigle
Orge
Avoine
Maïs
Millet
Pommes de terre
Betteraves fourragères
Trèfle
Luzerne
Prés naturels
Tabac
Châtaignes
Vin
SUPERFICIE PRODUCTION
Hectares
35.000
LOOO
48.000
200
1.000
65.000
12.000
9.000
500
20.000
1.000
25.500
270
18.464
Hectolitres
470.000
Quintaux
361.900
Hectolitres
13.000
630.000
2.200
18.000
1.397.500
136.000
Quintaux
225.000
50.000
800.000
50.000
688.500
2.150
1.000
Hectolitres
281.289
La production des céréales et spécialement du blé est
inférieure aux besoins de la consommation, et il faut en
importer des départements voisins. La prédominance de la
culture du seigle est un fait assez rare en France, sauf
dans les montagnes du Massif central. Il faut aussi signa-
ler la grande extension des cultures de légumes secs, ha-
ricots, fèves, pois chiches, etc. Les cultures industrielles
sont nulles, même celle du tabac qui diminue. Les châ-
taignes sont assez abondantes en Chalosse. Les vignes se
trouvent sur ces coteaux et un peu aussi dans laMaremme
où les communes de Cap-Breton, Vieux-Boucau, Messanges,
Soustons produisent des « vins de sable » très estimés.
On a également planté des vignes dans la lande à Solférino;
ces essais faits au moment des progrès du phylloxéra ont
médiocrement réussi.
La richesse des Landes est dans ses bois de pins, dont
la surface croît d'année en année. Ils sont habilement et
soigneusement aménagés. « Pour arrêter la cause des in-
cendies que le hasard ou le crime allument dans ces bois
combustibles, on a taillé des avenues que les langues de
feu ne sauraient franchir; mais il arrive parfois que des
flammèches vont sur Taile du vent porter au delà des cou-
pées le flamboiement qu'on espérait cerner. Ces avenues et
la plupart des chemins fuient droit jusqu'à Thorizon,
comme une étroite allée qui n'atteindrait jamais son châ-
teau; puis, tout à coup, la forêt s'ouvre et la plaine est
comme un golfe entre des caps et des falaises d'arbres ou
comme une mer dont on verrait indistinctement le lointain
rivage. » (On. Reclus.) Ces plantations de pins ont doublé
la valeur de la propriété de 1851 à 1881, et depuis cette
année leur exploitation a progressé. On en tire du bois à
brûler, des planches, des poutres, des poteaux télégra-
phiques, des pieux, mais surtout de la résine ; à cet effet,
le pin est gemmé, c.-à-d. zébré d'entailles longitudinales
par lesquelles suinte la sève.
Nous parlerons tout à l'heure de ces industries. Les fo-
rêts de chênes-lièges fournissent dans la Maremme un revenu
important ; leur liège est le meilleur du monde pour la
fabrication des bouchons, à cause de son élasticité et de la
finesse du grain. L'écorçage d'un arbre a lieu tous les sept
ou huit ans. Les chênes fournissent par leurs glands un
aliment aux troupeaux de porcs fort nombreux et aux mou-
tons.
Le nombre des animaux de ferme existant en 1891
était :
Espèce chevaline 26 . 300
— mulassière 10 . 000
UNDES -~
Espèce asine 6 . 000
— bovine 146 . 500
— ovine 429.500
— porcine 95 . 000
— caprine 22.000
Les chevaux sont d'une race très endurante, habitués à
vivre en plein air ; on élève aussi des chevaux de sang,
caries étalons de l'Etat, approuvés ou autorisés, font annuel-
lement 3,000 saillies. Les bœufs landais sont aussi d'une
race endurante; la production du lait est faible, 100,000
Iiectoi. environ; celle de la viande est plus considérable.
De même pour les moutons ; on n'en retire que 10,000 quin-
taux de laine. Les volailles sont nombreuses et de bonne
qualité, poulets, dindons, canards, pintades. Les abeilles
fournissent un complément de ressources appréciable. On
comptait en 1890 plus de 25,000 ruches en activité,
fournissant 50,000 kilogr. de miel et 25,000 de cire,
d'une valeur totale de 150,000 fr. ■— Le gibier existe en
grande quantité, surtout dans les forêts voisines des étangs :
loups, renards, chats sauvages, chevreuils, sangliers, la-
pins et lièvres. Les oiseaux pullulent : faisans sauvages
sur les rives de la Leyre, ramiers, tourterelles et toutes
les espèces aquatiques dans les taillis et marais voisins
des étangs : hérons, spatules, canards, bécasses, butors,
foulques, courlis, goélands, ansères; les landes de la région
forestière nourrissent des outardes, des oies sauvages, des
canepetières, des grues, quelques cygnes. — Le poisson
abonde dans les étangs et sur les côtes ; d'une part, an-
guilles, perches, saumons, etc. ; de l'autre, soles, turbots,
congres, raies, muges, esturgeons, sardines, etc., sans parler
des coquillages (huîtres, moules, manches de couteau,
peignes, vis, buccins, volutes, etc.).
Inpustrie. — L'industrie fait vivre 11 °/o de la popula-
tion du dép. des Landes. Il n'y existe pourtant aucun
centre manufacturier ou minier.
Mines et carrières. Le dép. des Landes ne produit pas
de houille; il en a consommé en 1892 environ 135,000
tonnes, d'une valeur moyenne de 19 fr. 81 sur les lieux
de consommation; presque tout vient d'Angleterre. Les
deux petites mines de lignite de Saint-Lon et Larquier et
les tourbières, assez nombreuses, ne sont pas exploitées ;
d'ailleurs on brûle beaucoup de bois. — Il y a quatre mines
de sel gemme dont deux exploitées à Dax (1 ,202 hect.) et
à Lescourre (295 hect.); elles ont produit en 1892 un
total de 10,853 tonnes de sel, d'une valeur de 303,884 fr.
Il existe environ 80 carrières de pierre fournissant des
matériaux de construction. — Les sources minérales sont
importantes; au premier rang celle de Dax(y, ce mot),
sulfatées mixtes, puis celles de Tercis, thermales, chloru-
rées sodiques sulfureuses; de Pouillon, thermales chlo-
rurées sodiques; de Préchacq, l'une froide sulfurée cal-
cique, l'autre, thermale chlorurée sodique; de Gamarde,
sulfureuses froides; d'Eugénie-les-Bains, sulfurées sodiques,
calciques ou ferrugineuses ; les boues de Saubusse ; les eaux
sulfureuses froides de Morcenx, Sindères, Gourbera; sul-
furées calciques de Donzacq; ferrugineuses de Lit, Saint-
Vincent-de-Tyrosse, Morganx, Mont-de-Marsan.
Industries manufacturières. Il existait, dans le dép.
des Landes (1892), 306 établissements industriels fai-
sant usage de machines à vapeur. Ces appareils au nombre
de 348 (non compris les machines des chemins de fer),
d'une force égale à 6,497 chevaux-vapeur, se décompo-
saient ainsi :
94 machines fixes d'une force de 4.359 chevaux- vapeur
43 — mi-fixes — 195 —
197 — locomobiles — 1.475 —
14 — ■ locomotives — - 468 —
Cette force se répartissait de la manière suivante entre
les principaux groupes industriels :
Mines et carrières 217 chevaux-vapeur
Usines métallurgiques 3 . 976 —
874
Agriculture 66i' chevaux-vapeur
Industries alimentaires 106 —
— chimiques 417 —
Tissus et vêtements 31 —
Papeterie , objets mobiliers, vête-
ments 5 —
Bâtiments et travaux 1 .445 —
Services pubHcs de l'Etat 6 —
Ce tableau montre que les industries métallurgiques ont
une réelle importance et que l'agriculture commence à em-
ployer les machines. On travaille le fer, important d'Es-
pagne le minerai (137,000 tonnes). Il y avait en 1892
4 usines à fer en activité, 5 hauts fourneaux (dont 2 au
bois), 1 four à puddler, 2 foyers d'aflînerie, 2 fours à ré-
chauffer, 2 foyers Bessemer, 2 fours Siemens-Martin,
8 fours de chaufferie, 15 machines hydrauliques d'une force
de 324 chevaux et 60 machines à vapeur d'une force d'en-
viron 4,000 chevaux. La production totale de la fonte fut
de 67,717 tonnes valant4, 900, 000 fr. ; la fonteau bois re-
présente 3,541 tonnes (dont 1,682 pour moulage en 2® fu-
sion) ; le reste est de la fonte au coke (dont 6,000 tonnes
.pour moulage en 2^ fusion) . La production en 2® fusion
ressort à 5^000 tonnes valant 1 million de fr. ; celle du
fer ouvré à 4,345 tonnes valant 714,300 fr., celle-ci
résulte surtout du réchauffage de vieux rails. La pro-
duction de l'acier ouvré atteint 47,554 tonnes d'une va-
leur de 7,114,118 fr,y provenant de la fonte au coke
du département; elle se décompose en 35,694 tonnes de
rails (foyer Bessemer) valant 5,104,242 fr., et 11,860
tonnes d'aciers marchands et spéciaux dont 6,812 au four
Siemens-Martin (valant 817,776 fr.). Les hauts four-
neaux et usines sont à Uza, Castets, Abesse, Ardy, Bu-
glose, Pontenx, Labouheyre, Ychoux, Pissos, Brocas,
Mont-de-Marsan.
Malgré l'importance relative du travail du fer et de l'acier
une autre industrie l'emporte sur celle-là dans le dép. des
Landes: celle de la résine. On extrait du pin maritime du
galipot, pâte grisâtre, et de la gemme (V. Résine) ; on les
fond, les filtre et les distille, ce qui fournit de l'essence
de térébenthine; des résidus de la distillation on tire delà
colophane, du brai clair, demi-clair ou noir et de la résine
jaune ; cette dernière est employée à l'éclairage dans les
campagnes ; les brais noir et demi-clair fournissent des
huiles pyrogénées et des graisses à voitures et à chemins
de fer ; la colophane est employée à fabriquer des vernis,
des cires, bougies, etc. En les brûlant on retire des filtres
en paille qui ont servi à épurer la résine de la poix noire.
On brûle les souches de pins pour en retirer le charbon de
bois qui sert à la métallurgie, et du goudron. L'acide pyro-
ligneux (vmaigre de bois) complète la liste des produits
qu'on retire du pin des Landes. Les fours à goudron et
ateliers de distillation sont au nombre de 200, surtout dans
les Grandes Landes et le Marensin. On a établi quelques
véritables manufactures de produits chimiques à Mont-de-
Marsan, une fabrique de bougies. Pour compléter la no-
menclature des établissements industriels, nous citerons
les scieries de bois qui le débitent en poutres et en planches
pour l'exportation (les Landes fournissent à l'Angleterre
la majeure partie des bois employés dans ses mines et de
ses poteaux télégraphiques), la scierie de marbre d'Aire,
les minoteries et moulins des bords de l'Adour, de la Mi-
douze, du Midou et de la Douze, 20 briqueteries (dont une
considérable à Dûmes), 140 tuileries, des fabriques de
tuyaux de drainage à Dax et Lahosse, de nombreuses
fabriques de poterie, 2 verreries, une douzaine de tanne-
ries (dont 4 à Hagetmau), 3 filatures de lin, 1 fabrique
de linge de table à Hagetmau, 2 usines à gaz (Dax,
Mont-de-Marsan), des brasseries à Dax, Saint- Paul-lès-
Dax, Mont-de-Marsan, Aire, une chocolaterie (Dax), une
fabrique d'eau-de-vie de maïs (Saint-André), quelques
fabriques de liqueurs, une fabrique de cendres gravelées
à Mugron, etc. Le département comptait en 1888 46 bouil-
leurs'de cru et distillateurs de profession; il produisait
875-
UNDES
4,875 hectol. d'alcool de vin. La consommation d'alcool était
très faible, 0^^*9 par habitant; la quantité soumise à l'en-
trepôt fut de 3,012 hectol. — La consommation du tabac
fut de 407,466 kilogr. de tabac à fumer et 40,464 kilogr.
de tabac en poudre.
On constatait dans le dép. des Landes, en Tannée 1890,
l'existence de 4 syndicat ouvrier, 4 syndicat patronal et
3 syndicats agricoles.
Commerce et circulation. — Le commerce du dép. des
Landes est assez actif; il nourrit 12 °lo de la population,
qui est une proportion très forte pour un département rural,
dépassée seulement dans neuf départements ; au contraire
c'est (avec le Lot) le département de France où la propor-
tion des gens vivant de l'industrie des transports est le plus
faible (0,7 %). On exporte de la résine et ses dérivés,
essence de térébenthine, goudron, etc., des bois de pin en
planches ou madriers (en particulier vers l'Angleterre), du
liège, de la fonte brute ou moulée, de l'acier, du miel et
de la cire, un peu d'eau-de-vie, de tabac, de gros draps. —
On im.porte des houilles anglaises, des farines, des mine-
rais de fer et de vieux rails, les produits manufacturés,
meubles, objets d'habillement et de toilette, épicerie, li-
queurs, etc.
Voies de communications. Le dép. des Landes avait,
en 1888, 456^^^269 de roures nationales sur lesquelles la
circulation (197 colliers 1 par jour) représentait un ton-
nage brut kilométrique annuel de 29,755,434 tonnes; en
tonnage utile 15,208,398 tonnes, soit un tonnage utile
quotidien de 41 ,553 tonnes kilométriques. — Il possédait
600^^^286 de routes départementales, 912î^i^980 de che-
mins vicinaux de grande communication, 447^^^^384 de
chemins vicinaux d'intérêt commun, 6,321^^^^299 de che-
mins ordinaires.
Il était desservi en 4895 par seize voies ferrées, d'un
développement total de 493 kil. se partageant en deux
groupes, les lignes d'intérêt général concédées à la Compa-
gnie du Midi et les chemins de fer d'intérêt local du dépar-
tement. En voici la liste : 4^ Le ch. de fer de Bordeaux à
Bayonne et vers l'Espagne, parcourt 430 kil. dans le dépar-
tement ; il y entre après Lugos (Gironde), dessert Ychoux,
Labouheyre, Solférino, Morcenx, Rion, Laluque, Buglose,
Dax, Rivière, Saubusse, Saint-Geours, Saint-Vincent,
Benesse et Labenne et passe dans les Basses-Pyrénées. —
2° L'embranchement deMorcenx à Tarbes parcourt 75 kil.
dans le département ; il se détache de la grande ligne à
Morcenx, dessert Arjuzanx, Arengosse, Ygos, Saint-Mar-
tin-d'Oney, Mont-de-Marsan, Grenade, Cazères, Aire et
passe dans le dép. du Gers. — 3*^ L'embranchement de
Dax à Pau parcourt 25 kil. dans le département, desservant
Mimbaste et Misson-Habas avant d'entrer dans les Basses-
Pyrénées à Puyoo. — 4*^ L'embranchement de Mont-de-
Marsan à Marmande parcourt 37 kil. dans le département,
où il dessert Saint-Avit, Roquefort, Retjons-Lugaut, Bour-
riot-Bergous avant de pénétrer en Lot-et-Garonne. —
5<^ L'embranchement de Mont-de-Marsan à Saint-Sever,
par Mauco-Benquet, a 47 kil. de long. — 6^ La hgne de
Toulouse à Bayonne, suivant au N. le Gave de Pau, par-
court 20 kil. dans le dép. des Landes où il entre après
Puyoo (Basses-Pyrénées), dessert Labatut, Léglise, Pey-
rehorade, Orthevieîle, avant de repasser dans les Basses-
Pyrénées. — 7^^ Le chem. de fer de Nizanà Luxey (V. Gi-
ronde), appartenant à la Société générale des chem. de fer
économiques, a ses derniers 16 kil. dans les Landes où il
dessert Sore et Luxey. — Les petites lignes suivantes, d'un
développement total de 473 kil., appartienent au réseau dé-
partemental d'intérêt local; elles sont destinées à l'exploi-
tation des forêts de pins. — 8^ L'embranchement d' Ychoux
à Parentis, long de 42 kil., dessert Poms. — 9° Celui
d'Ychoux à Pissos (15 kil.) dessert Liposthey. — 40" La
ligne de Labouheyre à Sabres (19 kil.) passe par Commen-
sacq. — - 11<> La ligne de Labouheyre à Mimizan, longue
de 28 kil., passe à Lue, Pontenx,^ Saint-Paul-en-Born,
Aureilhan. — 12«Lahgne de Morcenx à Mézos (23 kil.),
par Sindérès, L^arie et Onesse. — IS^ L'embranchement
de Sindères à Uza (23 kil.) se détache de la ligne précé-
dente et dessert Le Bouscat, Lesperon et Levignacq. —
14<*La ligne de Laluque à Tartas (14 kil.) dessert Lesgor
et Begaar. — 15*^ La ligne de Laluque à Linxe (27 kil.),
dessert Laluque-Boos, Taller et Castets. — 16° La ligne
de Saint- Vincent- de-Tyrosse à Soustons (12 kil.) dessert
Tosse et Hardy.
Les voies navigables ont une longueur totale de 214 kil.,
savoir: 83 iil. pour l'Adour, de Mugron au confluent du
Gave (tonnage moyen, 31,851 tonnes), et 23 kil. en aval
de ce confluent (tonnage moyen, 159,615 tonnes); 9 kil.
du Gave de Peyrehorade au confluent (tonnage moyen,
31,863 tonnes); 43 kil. pour la Midouze (tonnage moyen,
2,593 tonnes) ; 32 kil. pour la Douze, depuis Roquefort
(tonnage moyen, 350 tonnes) ; 24 kil. pour le Luy d'Oro
à l'Adour (tonnage moyen, 72 tonnes) ; enfin, la Leyre
est flottable à partir du moulin Rotgé.
Les 12 bureaux de postes, 16 bureaux télégraphiques et
53 bureaux auxiliaires mixtes du dép. des Landes ont donné
lieu, en 1888 à un mouvement postal de 3,534,430 timbres-
poste, 18,320 cartes -lettres, 65,120 cartes postales,
85,950 enveloppes timbrées et 32,700 bandes timbrées re-
présentant un produit net de 439,395 fr. 82; à un mou-
vement télégraphique de 88,697 dépêches intérieures, 1 ,077
dépèches internationales représentant un produit net de
65,459 fr. 25.
Finances. — Le dép. des Landes a fourni, en 1888,
8,51 3, 760 fr. 06 au budget ordinaire et 1, 567,209 fr. 97
au budget sur ressources spéciales, soit un total de
10,080,970 fr. 03.
Ces chiffres se décomposent comme suit :
Impôts directs 1 . 721 . 383^^84
Enregistrement 1 . 664. 940 42
Timbre 349.645 61
Impôt de 3 **/o sur le revenu des valeurs
mobilières 2.585 35
Contributions indirectes 2 . 096 . 583 93
Sucres 2,977 20
Monopoles et exploitations industrielles
de l'Etat 2.300,772 77
Domaine^ de l'Etat (y compris les forêts). 53 . 700 07
Produits divers du budget, ressources
exceptionnelles 165. 695 60
Recettes d'ordre 155.475 27
Les revenus départementaux ont été en 1888 de
1,219,102 fr. 87 se décomposant comme suit :
Produits des centimes départementaux . 832.421f''21
Revenu du patrimoine départemental.. 1.203 12
Subventions de l'Etat, des communes, des
particuliers 363 . 777 74
Revenus extraordinaires, produits des
emprunts, aliénations de propriétés. 21.700 »
La dette se montait à 4,608,621 fr. 95. Il y a eu 39«20
portant sur les quatre contributions dont 12 centimes or-
dinaires et 27^20 extraordinaires. La valeur du centime
portant sur la contribution foncière, la contribution per-
sonnelle-mobilière et sur les bois de l'Etat était de
10,330 fr. ; le produit du centime départemental était de
14,636 fr.
Les 333 communes du département avaient en 1889 un
revenu de 1,206,481 fr.; le nombre de centimes pour dé-
penses tant ordinaires qu'extraordinaires était de 6,689
(4,896 ordinaires et 1,793 extraordinaires); le nombre
moyen de centimes par commune atteignait 20. Il y avait
155 communes imposées de moins de 15 cent., 137 de 15
à 30 cent., 40 de 31 à 50 cent., 1 de 51 à -100 cent.
Le nombre des communes à octroi était de 16, le produit
des octrois montait à 309,349 fr. de taxes ordinaires.
Le revenu ordinaire du bureau de bienfaisance atteisçnait
66,298 fr.
État intellectuel du département. — Au point de
vue de l'instruction, le dép. des Landes est fort au-dessous
LANDES
— 876
de la moyenne. En 1890, sur 2,458 conscrits examinés,
600 ne savaient pas lire. Cette proportion de 235 illettrés
sur 1,000 (moyenne française, 77 7oo) place les Landes
au 87^ rang (sur 90 dép.) parmi les départements fran-
çais. Pour l'instruction des femmes en 4888, il est au
80^ rang (sur 87 dép.), avec 620 femmes pour 1,000
ayant signé leur acte de mariage. La proportion pour les
hommes est de 714.
Le dép. des Landes comptait, durant l'année scolaire
1890-91, 25 écoles maternelles, dont 13 publiques (4 laï-
ques) et 12 privées (toutes congréganistes), lesquelles
avaient un personnel enseignant de 32 maîtresses, dont
18 publiques (6 laïques) et 14 privées (14 congréganistes)
et recevaient un total de 2,322 élèves, dont 1,125 garçons
et 1,197 filles, 340 inscrits dans les écoles laïques et
1,982 dans les écoles congréganistes; 639 garçons et
690 filles dans les écoles publiques. — A la même
époque, il y avait dans le département 581 écoles primaires
élémentaires publiques, dont 518 laïques et 63 congréga-
nistes, à savoir: 235 écoles laïques de garçons, 161^ de
filles et 122 mixtes, contre 3 écoles congréganistes de gar-
çons et 60 de filles. D'autre part, 64 écoles privées, dont
8 laïques et 56 congréganistes, à savoir 2 écoles laïques
de garçons, 6 de filles, contre 9 écoles congréganistes de
garçons, 45 de filles et 2 mixtes. Au total : 645 écoles,
249 de garçons, 272 de filles et 124 mixtes. Le per-
sonnel enseignant comprenait 428 instituteurs publics
laïques, 8 instituteurs publics congréganistes, 228 ins-
titutrices publiques laïques, 96 institutrices publiques
congréganistes , soit un total de 760 maîtres dans les
écoles publiques. Dans les écoles privées, on comptait 5 ins-
tituteurs laïques et 23 congréganistes, 17 institutrices
laïques et 123 congréganistes, soit un total de 168 maîtres
dans les écoles privées. L'ensemble du personnel enseignant
dans les écoles primaires était donc de 928 personnes. —
Le nombre des classes était de 916. — Le nombre des
élèves était: écoles publiques, 19,230 garçons et 15,039
filles ; en tout 34,269 ; écoles privées : 1,476 garçons et
3,804 filles ; en tout 5,280. Total général, 39,549 élèves.
Ces élèves se répartissent comme suit entre l'enseignement
laïque et l'enseignement congréganiste : écoles publiques
laïques: 18,878 garçons, 10,660 filles; écoles privées
laïques : 164 garçons, 249 filles ; écoles publiques congré-
ganistes : 352 garçons, 4,379 filles ; écoles privées con-
gréganistes : 1,312 garçons, 3,555 filles; soit un total de
19,043 garçons et 10,909 filles recevant l'enseignement
laïque contre 1 ,667 garçons et 7,934 filles recevant l'ensei-
gnement congréganiste. Le total des enfants de six à treize
ans (âge scolaire) présents dans les écoles primaires et les
écoles maternelles en 1890-91 était de 34,696, sur
50,575 constatés au dernier recensement.
L'enseignement primaire supérieur public comptait 167
élèves (aucune fille), dont 24 dans les cours complémen-
taires. — L'école normale d'instituteurs de Dax (fondée
en 1834) comptait 30 élèves -maîtres. L'école normale
d'institutrices de Mont-de-Marsan (fondée en 1886) comp-
tait 35 élèves-maîtresses en 1891-92. Ces écoles dé-
pensèrent (en 1890) 84,490 fr. — Il y eut, en 1891,
701 garçons et 465 filles candidats au certificat d'études
primaires élémentaires. Sur ces 1,166, 974 l'obtinrent :
599 garçons et 375 filles. Le certificat d'études primaires
supérieures fut brigué seulement par 18 garçons et obtenu
par 12. Le brevet de capacité élémentaire fut brigué par
23 aspirants, dont 12 furent admis, et par 65 aspirantes,
dont 34 furent admises. Pour le brevet supérieur, il y eut
21 candidats et 13 admissions; 21 candidates et 11 ad-
missions.
Il existait 91 caisses d'épargne scolaire, avec 1,192
livrets représentant une somme totale de 25,026 fr. Les
94 caisses des écoles avaient, dans l'exercice, fait
20,448 fr. de recettes, 17,486 fr. de dépenses et possé-
daient une encaisse de 2,962 fr. Le total des ressources
de l'enseignement primaire était de 880,495 fr. 29, dont
38,000 fr. pour loyers de maisons d'école, indemnités de
logement, frais d'impression, matériel et fournitures sco-
laires. Restaient environ 840,000 fr. pour les traitements,
allocations et indemnités.
L'enseignement secondaire se donne dans un lycée de
garçons (Mont-de-Marsan), auquel est annexé un petit
lycée. Ils comptaient en 1890 un total de 279 élèves, dont
160 internes (20 boursiers, 19 demi-pensionnaires (3 bour-
sières) et 100 externes. Sur ces élèves, 16 suivaient l'en-
seignement primaire, 142 l'enseignement classique et 12
l'enseignement spécial ou moderne.
Etat moral du département. — La statistique judi-
ciaire de 1888 accuse 8 condamnations en cour d'assises
dont 5 pour crimes contre les personnes ou l'ordre public.
Les 3 tribunaux correctionnels examinèrent 1,1 53 affaires
et 1,131 prévenus, dont 74 furent acquittés, 3 mineurs
remis à leurs parents, et 7 envoyés en correction, 752
prévenus condamnés seulement à des amendes, 8 à un em-
prisonnement de plus d'un an. On a compté 6 récidivistes
devant la cour d'assises et 280 en police correctionnelle ;
8 furent condamnés à la relégation ; il y eut 3,962 contra-
ventions de simple police. Le nombre des suicides s'éleva
à 42.
Les bureaux de bienfaisance, au nombre de 99 en 1888,
secoururent 3,751 personnes sur une population rie
139,316 comprise dans leur ressort; leurs recettes s'éle-
vèrent à la somme de 72,867 fr., dont 45,571 fr. pro-
venaient de leurs revenus propres, 10,167 fr. des sub-
ventions, 7,095 fr. de la charité privée et 10,034 fr. des
autres recettes. Les dépenses se sont élevées à la somme
de 64,743 fr. Les placements des bureaux en rentes
représentaient 71,116 fr. ; en immeubles, 7,614 fr.;
les fonds libres reportés sur l'exercice courant, 45,492 fr.;
On comptait 12 hospices et hôpitaux avec 528 lits, dont
279 affectés aux malades civils, 57 aux militaires, 73
aux vieillards, infirmes, etc., 24 aux enfants assistés, 95
au personnel des établissements, 145,441 fr. de recettes et
144,843 fr. de dépenses, et un personnel composé de
18 médecins et chirurgiens, 39 religieuses, 15 employés et
37 servants. Il y a eu un nombre total de 30,619 journées
de présence pour 660 hommes ; de 32,373 pour 321
femmes et 9,144 pour 67 enfants. Le service des enfants
assistés a secouru 164 enfants à l'hospice et 133 enfants
a domicile et dépensé 38,152 fr.
La caisse des retraites pour la vieillesse a reçu, en 1889,
2,086 versements se montant à 23,007 fr. Elle avait reçu,
depuis son origine (1851), 43,777 versements se mon-
tant à 644,383 fr. 77. Il y avait 66S rente.s en cours,
pour une somme de 61,971 fr.
Les 3 caisses d'épargne des Landes avaient au 1^^ janv.
1888 12,470 livrets et au 31 déc. 12,742 livrets valant
5,567,876 fr. 90 (au l-^janv.). La valeur moyenne du
livret était de 464 fr. La caisse nationale d'épargne avait
reçu 6,764 dépôts. L'excédent des versements sur les rem-
boursements était de 454,690 fr. 38. — Les sociétés de
secours mutuels étaient au nombre de 134, dont 76 approu-
vées et 58 autorisées, avec 11,536 membres participants.
Elles avaient un avoir disponible (au 31 déc. 1888) de
315,568 fr. pour les sociétés approuvées et de 445,972 fr.
pour les sociétés autorisées. Ces chiffres prouvent que
l'assistance publique et les institutions de prévoyance sont
fort développées, eu égard à la pauvreté du pays. — En
1888, les libéralités aux établissements publics ont atteint
12,725 fr. Ce chiffre se décompose comme suit : 5 dona-
tions aux établissements religieux, représentant 3,851 fr.;
13 donations aux établissements charitables et hospitaliers,
représentant 5,374 fr.; 2 donations aux communes ou au
département, représentant 3,500 fr. A. -M. Berthelot.
BiBL. : Annuaire des Landes, m -12. — Annuaire statis-
tique de la France^ particulièrement ceux de 1885, 1886 et
1891. — Dénombrements, particulièrement ceux de 1886 et
1891, avec les résultats développés. — A. Joanne, Géo-
graphie des Landes, in-16. — Desbiey, Mém. sur la meil-
leure manière de tirer partie des Landes de Bordeaux^
— 877 --.
LANDES — LANDIERS
1776, in-4. — Brémontier, Mém. sur les dunes^ 1796,
in-8. — B. DE Saint-Ama.ns, Précis d'un voyage agri-
cole^ botanique et pittoresque dans les Landes^ 1799,
in-8. — H. Vandermey, Mém. sur le défrichement des
Landes^ 1800, in-8. — Description abrégée du dép. des
Landes^ 1199, in-8. — Thork, Promenade sur les côtes du
golfe de Gascogne, 1810, in-8. — Depère, Voyage agro-
nomique dans le Sud-Ouest^ 1812, in-8. — U'Haussez,
Elude administrative sur les Landes^ 1826, in-8. — Bour-
DEAu, Notices statistiques sur les communes des dép. du
Gers, des Landes, etc., 1835. — Mortemart de Boissé,
Voyage dans les Landes^ 1840, in-8. — Dorgan de Sainte-
BazeÏlle, Histoire des Landes, 1846, in-8. — C. de Saul-
pjiERS, les Landes de Gascogne^ 1856. — Tartière, Essai
sur la géographie ancienne du dép. des Landes., 1865. —
El. Reclus, Etude sur les dunes, dans Revue des Deux
Mondes, nov. 1863. et Bull. Soc. géogr., mars 1865. — R.
DE Beaumont, Arcachon et les Landes; Genève, 1872, in 8.
— Croizette-Desnoyers, Notice forestière sur les Landes
de Gascogne ; Mont-de-Marsan, 1874. — Bulletins de la So-
ciété Borda; Dax, 1876 et suiv. — Jacquot et Raulin, Sia-
tistique géologique du dép. des Landes ; Mont-de-Marsan,
1874. — Carte géologique de France, particulierôment les
feuilles de Mont-de-Marsan, Montréal, etc. — V. aussi les
art. Albret, Gascogne, Lannes, Dax, Défriche.meïs't,
Dune, etc.
LANDES-Génusson (Les). Com. du dép. de la Vendée,
arr. de La Roche-sur- Yen, cant. de Mortagne-sur-Sèvre ;
1,520 hab.
LANDESHUT. Ville de Prusse, district de Liegnitz (Si-
lésie), sur la Rober, au pied du Rieseugebirge ; 7,200 hab.
Cordonneries, tissages, manufacture de vêtements mili-
taires, commerce de lin et de toile. — Fondée à la fin du
xiii® siècle par le duc Rolesîaw I*'^ de Schweidnitz, elle fut
le théâtre de deux batailles au xviii® siècle : le 22 mai
1845, les Autrichiens sous Nadasdy furent battus par les
Prussiens sous Winterfeld ; le 23 juin 1 760, le feld-maréchal
autrichien Loudon écrasa et obligea à capituler le corps
prussien commandé par Lamotte-Fouqué, malgré l'héroïque
défense de ce dernier. A. -M. B.
BiBL. : Perschke, Beschreibung und Geschichte der
Stadt Liegnitz ; Breslau, 1829. — Sodenstern, Feldzug
der Gênerais Fouqué, 1760; 2« éd., 1867.
LANDESMANN (Heinrich), littérateur allemand connu
sous le pseudonyme de Hieronymus Lorm^ né à Nikols-
burg (Moravie) le 9 août 1821. Il devint sourd et presque
aveugle, vécut à Vienne, puis à Berlin (1845-48), à Vienne
(1848-73) et enfin à Dresde. Il a publié de curieuses poé-
sies (édition complète, Dresde, 1885) en cinq chants, un
poème, Abdul (181-3); de nombreux romans : Ein Zœgling
des Jahres iÈiS (Vienne, 1855, 3 vol.), rééd. sous le
titre Gabriel Selmar; Tote Scliuld (Stuttgart, 1878,
2 vol.) ; Spœte Vergeltung (Hambourg, 1879, 2 vol.) ;
Ein Schatten aus ver gang enen Tagen (Stuttgart, 1882);
Vor dem. Attentat (Dresde, 1884) ; Die schœne Wiene-
rin (léna, 1886), etc.; des nouvelles : Am Kamin (Ber-
lin, Î8o6, 2 vol.); Erzœhlungen des Heimgekehrten
(Prague, 1858); Intimes Leben (1860), etc.; des études
de critique politique : Wiens poetische Schwingen und
Federn (1846), philosophique : Philosopfiisch-kritische
Streifzûge (Berhn, 1873); Geflilgelte Stunden (Leipzig,
1875-78, 3 vol.); Der Abend zu Hause (1881), etc.
C'est le plus brillant représentant littéraire et poète alle-
mand du pessimisme. A. -M. B.
LAN DEVANT. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Lo-
rient,cant.dePluvigner; 1,644 hab. Stat. de eh. de fer de
rOuest.
LANDÉVENNEC. Com. du dép. du Finistère, arr. de
Châteaulin, cant. de Crozon; 1,057 hab. Ruines d'une
ancienne abbaye, fondée au v^ siècle par Saint-Guénolé et
par le roi Grallon. Le logis abbatial du xiii^ siècle, restauré
en 1630, subsiste, ainsi qu'une chapelle de l'ancienne
éghse du xi« siècle, avec les armes sculptées de Rohan.
L'église actuelle est du xvi*^ siècle (flèche gothique du
xvii^). Le port consiste en une simple cale. Poste de douane,
Près de Landévennec est la réserve des bâtiments de la
marine. Ch. Del.
BiBL. : Levot, Notice sur Landévennec et son abbaye ;
Nantes, 1864. — Mengin, Notice sur le port de Landé-
vennec, dans Ports marit. de France, 1879, t. IV.
LANDEVIEILLE. Com. du dép. delà Vendée, arr. des
Sables-d'pionne, cant. de Saint-Gilles-sur- Vie ; 559 hab.
LAN DÉVILLE. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr.
de Wassy, cant. de Doulaincourt ; 44 hab.
LAN DEY RAT. Com. du dép. du Cantal, arr. de Murât,
cant. d'Allanche : 376 hab.
LANDGRAVE. Titre qui fut appliqué dans l'ancien em-
pire allemand à un certain nombre de comtes, en particulier
à ceux de Hesse et de Thuringe ; il est encore porté par
les descendants de branches cadettes de la maison de Hesse
(Hesse-Hombourg, Hesse-Philippsthal, Hesse-Barchfeld).
LANDI (Giulio, comte), htlérateur italien, né à Plai-
sance vers 1500, mort vers 1580. Auteur d'un roman qui
eut un succès durable : La Vita di Cleopatra (Venise,
1591, in-8).
LANDI (Hortensius), érudit italien, né à Milan, mort
vers 1560. D'humeur paradoxale et batailleuse, il dut quit-
ter l'Italie, connut Doletà Lyon (1534), et après plusieurs
voyages se fixa à Bâle (1540), puis définitivement à Ve-
nise (1546), De ses nombreux ouvrages on peut retenir :
Cicerorelegatuset Cicero reuocatus (Lyon, 1534, in-8),
où il attaque la moralité du grand écrivain ; Forcianœ
quœstiones (Naples, 1536), très curieux pour les mœurs
et coutumes de l'Italie du xvi« siècle; Paradossi (Lyon,
1543), dont il publia lui-même une réfutation encore plus
paradoxale (Confutazione ; Venise, 1545) ; Sermonifu-
nebri di vari autori 7iella morte di diversi animali
(Venise, 1549), ouvrage burlesque; La Sferza de scrit-
toriantichi e moder ni (Venise, 1550), violente satire;
une série de lettres, commentaires ou appréciations qu'il
met sous le nom de n'importe quel auteur, mais qui éma-
nent de lui. ' A.-M. B.
LANDI (Costanzo, comte), archéologue italien, né à
Plaisance en 1521, mort à Rome le 26 juil. 1564. Elève
d'Amaseo et d'Alciat, il composa des poésies latines, un
hvre : Ad titulum Pandectarum de justitia et jure enar-
rationum (Plaisance, 1549, in-fol.) et Vcterùm numis-
matum, Romanorum miscellaneœ explicationes (Lyon,
1560, in-4), rééd. sous le titre : Selectiorum numis-
matum prœcipue Romanorum expositiones (Leyde,
1695, in-4).
LAND! (Antonio), littérateuritalien, né à Livourne avant
1730, mort à Berlin en 1783. Entré dans les ordres, il
s'adonna à la tragédie lyrique et fut envoyé par Métastase
à Frédéric II; au bout de quelque temps, l'abbé Landi se
défroqua; outre une histoire des empereurs saxons, il est
connu par son abrégé de Tiraboschi : Histoire de la litté-
rature italienne (Berne, 1784, 5 vol.).
LANDI (Gaspardo), peintre italien, né à Plaisance en
1756, mort à Rome en 1830. Il alla travailler à Rome sous
la direction de Battoni et de Corvi. En 1781, son tableau
à' Abraham et Sara remporta le prix de peinture à l'Aca-
démie de Parme. Peu de temps après, Landi fut nommé
membre de l'Académie de Saint-Luc, dont il devint prési-
dent en 1817. Ses deux ouvrages les plus connus sont
l'Assomption et le Couronnement de la Vierge, à la ca-
thédrale de Plaisance.
LANDIERS. Paire de pièces de ferronnerie en forme de
tréteaux destinées à porter et à maintenir le bois qui brûle
dans une cheminée. Le landier se compose d'une queue
horizontale qui porte les bûches et dont l'extrémité recour-
bée s'appuie au sol de 1 atre, et d'un montant antérieur
dont la partie basse se bifurque en deux pieds, et dont la
partie haute forme une tige verticale empêchant le bois de
rouler hors de la cheminée. Lorsque les landiers sont des-
tmés à une cuisine, cette tige porte une série de crochets
qui reçoivent les broches ou servent à accrocher les pelles
et pincettes; de plus, son sommet est couronné d'une grille
demi-sphérique servant de réchaud : elle peut recevoir un
poêlon et même contenir de la braise. Parfois, la tige du
landier se bifurque et porte deux de ces grilles servant de
fourneaux de cuisine. Dans les landiers d'appartement, cet
appendice utile était remplacé par un ornement, générale-
ment une tête d'animal, d'où est venu sans doute que le
LANÛIERS — LANDIT — 878
mot chenet, autrefois diminutif de chien, désigne aujour-
d'hui les landiers. Jusqu'à la fin du xv<^ siècle, les landiers
(dont nous n'avons conservé, du reste, que de bien rares
échantillons) étaient en fer forgé ; depuis cette époque, les
landiers d'appartement furent souvent coulés en fonte de
Landier à pomme de cuivre et landier à crosse.
fer et parfois dorés ou étamés. On les orne de statuettes et
d'armoiries. Au xvii® siècle, leurs tiges qui atteignaient
parfois 1 m. de hauteur furent fortement raccourcies et
généralement remplacées par des pommes ; de plus, la fonte
de cuivre remplaça la fonte de fer dans les têtes de lan-
diers, et, à partir de la même époque, on réunit parfois ces
têtes par une galerie destinée comme elles à empêcher les
tisons enflammés de rouler dans l'appartement. C. Enlart.
LANDIFAY-et-Bertaignemont. Com. dudép. de l'Aisne,
arr. de Vervins, cant. de Sains ; i ,003 hab.
LANDIGOU. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Domfront,
cant. de Fiers; 510 hab.
LANDIN (Le). Com. du dép. de l'Eure, arr. de Pont-
Audemer, cant. de Routot ; 192 hab.
LANDINES. Tribus cafres du S. du Zambèze, sur la
côte de Sofala et de Lourenço Marques ; on leur donne sou-
vent le nom de leur principal roi Oumzila. Ils sont en lutte
constante avec les Portugais.
LANDINI (Taddeo), sculpteur et architecte italien, mort
à Rome en 1594. Il travailla à toutes sortes d'ouvrages
d'utilité pubUque ou d'embellissement pour les papes Gré-
goire XIII, Sixte V et Clément VIII, et, quelques mois avant
sa mort, il reçut de ce dernier le titre d'architecte pontifi-
cal et de surintendant des édifices. Ses deux œuvres les
plus connues sont la statue de Sixte V au palais des Con-
servateurs, et le bas-relief au-dessus de la porte de la
chapelle Pauline, représentent le Lavement des pieds.
LANDINO (Francesco), organiste et compositeur italien,
surnommé Francesco Cieco ou Fî^ancesco degli organi,
né à Florence vers 1325, mort à Florence en 1390. Fils
d'un peintre et descendant d'une famille noble, Landino
devint aveugle dès sa jeunesse, à la suite de la variole,
et chercha des consolations dans la musique et la poésie.
Il fut bientôt bon chanteur et exécutant habile sur presque
tous les instruments, particulièrement sur l'orgue. En
1364, il se fit entendre à Venise, dans les fêtes célébrées
en l'honneur du roi de Chypre, et reçut de ce prince une
couronne de lauriers. Landino écrivait souvent le texte
poétique de ses compositions musicales. On a retrouvé de
lui des chansons italiennes à deux et trois voix dans deux
manuscrits de la Bibliothèque nationale de Paris et de la
bibhothèque Laurentienne de Florence. Ce dernier manus-
crit contient le portrait du compositeur, qui est représenté
jouant de l'orgue portatif.
LANDINO (Cristoforo), philologue italien, né à Florence
en 1424, mort en 1504. L'un des principaux platoniciens
de la cour des Médicis, il professa les belles-lettres, fit
partie de l'Académie de Cosme, fut précepteur de ses fils
Laurent et Jules et plus tard secrétaire de la Seigneurie.
On cite encore son Commento sopra la Commedia di
Dante (1481, in-fol.) ; il a aussi commenté Horace (Flo-
rence, 1482, in-foL), Virgile (Venise, 1520, in-fol. ), com-
posé des poésies latines, un Formulario de letiere vol-
gare (Rome, 1490, in-4), etc.
LAN DIRAS. Ruisseau du dép. de la Gironde (V. ce
mot, t. XVIII, p. 982).
LAN DIRAS. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Podensac : 1,699 hab.
LANDISACQ. Com. du dép, de l'Orne, arr. de Dom-
front, cant. de Fiers; 1,010 hab.
LANDIT ou LENDIT (Foire du). Ce nom, que l'usage a
défiguré au point d'en rendre l'étymologie méconnaissable,
vient du latin indictum, signifiant assemblée; on devrait
donc l'écrire Pendit, sans répétition de l'article, mais depuis
plusieurs siècles la mauvaise orthographe a prévalu. Les ori-
gines de cette assemblée sont restées douteuses ; l'abbé Le-
beuf, qui a apporté aies étudier toute la sagacité de son esprit
critique, réfute par d'excellents arguments l'opinion, cou-
rante de son temps, d'après laquelle elles dateraient du don
fait à l'abbaye de Saint-Denis, par Charles le Chauve ou
même Chariemagne, de reliques apportées d'Aix-la-Cha-
pelle. On ne saurait trouver à ce sujet de textes plus an-
ciens que le commencement du xii® siècle; c'est en 1109
que la cathédrale de Paris reçut une parcelle du bois de la
vraie croix et peu après, — la même année peut-être, —
que son évêque autorisa les fidèles à la contempler. En rai-
son du concours de peuple que cette exhibition devait pro-
duire, on choisit un très vaste espace compris entre le flanc
septentrional de la butte Montmartre et Saint-Denis, c.-à.-d.
dans la partie de la plaine circonscrite aujourd'hui par
les territoires de Saint-Ouen, de Saint-Denis et les rem-
parts de Paris. La date fixée fut le second mercredi de
juin, époque de grandes chaleurs, déterminée à dessein,
paraît-il, en vue d'augmenter le mérite et la pénitence des
pèlerins.
Il ne s'agissait alors, en effet, que d'un pieux pèlerinage ;
mais, de bonne heure, des marchands vinrent s'installer
sur le terrain où il avait lieu; les religieux de Saint-De-
nis qui en étaient propriétaires les y encouragèrent, réglè-
rent leurs emplacements, jugèrent des différends qui pou-
vaient s'élever entre eux, et la foire proprement dite du
Landit fut créée. On a des preuves qu'elle existait déjà de
cette façon sous le règne de Philippe-Auguste. Vers la
même époque, l'usage s'établit pour l'université de Paris
de se joindre à la procession, recteur en tête, pour y ache-
ter, avec droit de préemption, le parchemin dont on avait
besoin durant l'année. Ce fut pour les écoliers une occasion
de désordres qu'il fallut bien des fois réprimer sévèrement
à cause des scandales inouïs qui se produisaient. La foire
du Landit eut sa plus grande vogue du xiv*^ au xvi^ siècle ;
le chroniqueur parisien Guillot, qui, au temps de Philippe
le Bel, a écrit un poème si grossier sur les rues de Paris,
a consacré un Dit rimé au Landit (Lebeuf en donne le
texte) ; c'est une pièce intéressante parce qu'elle énumère
les marchandises qui s'y vendaient et les villes qui y en-
voyaient le plus grand nombre de marchands ; on yoit que
879 -
LANDIT — LANBOLPHË
ce sont surtout celles de la Normandie, du Nord et des
Flandres. Les abus de tous genres auxquels donnait lieu cette
assemblée, l'emplacement si peu hospitalier qu'on lui avait
fixé, et aussi les guerres civiles du milieu du xvi® siècle
furent les raisons pour lesquelles, à dater de 1556, la foire
du Landit se tint définitivement dans l'intérieur de la ville
de Saint-Denis. Elle perdit dès lors toute son importance
et cessa peu à peu d'être le but du pèlerinage religieux au-
quel elle devait son origine. Au xviii® siècle, elle devint
presque exclusivement une foire aux moutons, et il en fut
encore ainsi pendant la première moitié de notre siècle ;
ce n'est plus maintenant qu'une fête foraine des plus ba-
nales, appelée à Saint-Denis fête de Saint-Darnabé ou fête
d'été. Fernand Bournon.
Le nom du Landit ou Lendit a été repris de nos jours
par la Ligue de l'éducation physique pour désigner le
grand concours interscolaire qui met aux prises annuelle-
ment, dans les épreuves de jeux physiques, les élèves des
principaux établissements scolaires de la région parisienne.
BiiîL. : L'abbé Lebeuf, Hist. du diocèse de Paris, t. II,
pp. 687-556 de Fédit. de 1883. — Une tlièse, dont les posi-
tions seules ont été imprimées : Re-cherches sur la foire
du Landit depuis son origine jusqu'en Ik'SO, a été sou-
tenue à l'Ecole des chartes en 1884 par M. E. Roussel.
LANDIVISIAU. Ch.-L de cant. du dép. du Finistère,
arr. de Morlaix ; 4,079 hab. Stat, du chem. de fer de
Paris à Brest. Commerce de toiles; foires où se vendent
les juments du Léon ; belle église moderne sauf le portail
de la Renaissance (1534) et le clocher (1590) ; statue de
Tournemine, fondateur de l'église. Ossuaire du xvii® siècle.
Nombreux retranchements antiques. G. Del.
LANDIVY. Ch.-L de cant. du dép. de la Mayenne, arr.
de Mayenne ; 1,961 hab.
LAN DNÂMÂBÔK ou Liber de originibus Islandiœ. Do-
cument très important du moyen âge islandais. C'est l'his-
toire, village par village, domaine par domaine, de la prise
de possession de la terre islandaise, par les colons, des
temps les plus reculés jusqu'au xu^ siècle. Plus de 3,000
personnes et plus de 1 ,400 endroits y sont nommés. On
en a un très grand nombre de rédactions ou éditions,
quelques-unes avec traduction latine, qui se trouvent enu-
mérées à la page 126 de Môbius : Catalocjus librorum
islandicorum et norvegicorum œtatis medice (Leipzig,
1856). Th. C.
LAN DO (Michèle) (V, Florence, t. XVÏI, p. 641).
LAN DO (Ferrant-Manuel de), poète castillan de la fin
du XIV® siècle et du commencement du xv*^. Sa famille
était d'origine française; elle descendait d'un compagnon
de Du Guesclin, Pedro de Lando (probablement Pierre de
Lande), qui s'était établi en Castille après la chute de
Pedro I^^ et avait épousé une dona Beatriz Manuel. Ferrant-
Manuel était fils de Juan-Manuel et de Juana Peraza et fut
doncel ou page du roi Juan I®^ En 1414, il assistait au
sacre de Ferdinand I®^ d'Aragon, à Saragosse. C'est lui
que la reine dona Catalina de Castille avait chargé de re-
mettre à soli frère la magnifique couronne dont elle lui
faisait présent, comme le rapporte la Chronique de
Juan IL Manuel de Lando paraît avoir joui comme poète
d'une assez grande réputation de son vivant et même après
sa mort. « Ferrant-Manuel de Lando, dit le marquis de
Santillana, honorable chevaher, écrivit nombre de bonnes
choses en poésie; il imita plus que tout autre Micer Fran-
cisco Impérial ; il fit de bonnes chansons à la louange de
Notre-Dame. » Baena admire son style. Ce qui nous reste
deLando : cantiques, dits, réponses (respuestas), demandes
(preguntas) et que l'on trouve dans le Cancimiero de
Baena (Leipzig, 1860, 2 vol.), ne dépasse pas la moyenne
des rimeurs de l'époque. Lucien Dollfus
LANDO Di PiETRo, architecte et orfèvre siennois, mort
le 3 août 1340. On trouve le nom de cet artiste cité pour
la première fois en 1311, à propos de la couronne qu'il
cisela pour le couronnement de l'empereur Henri Vil, à
Sant'Ambrogio de Milan ; il porte alors le titre d'orfèvre
du roi des Romains qui va devenir empereur, aurifaber
dummi liegis. En 1322, il travaille à Sienne à la répara-
tion de la grosse cloche du palais public. Puis il passe au
service du roi Robert de Naples et est rappelé à Sienne en
1339, à la suite d'une délibération solennelle des magis-
trats, pour prendre la direction des travaux d'agrandis-
sements de la cathédrale. Les formules de l'acte prouvent
qu'il était considéré non seulement comme un des orfèvres,
mais comme l'un des architectes les plus habiles de son
temps. E. Behtaux.
BiBL. : MuRATORi, RaccoUa délie opère minori; Na-
ples, 1743, in-4, t. XX ; Anecdota, t. II, ch. xiii, p. 216.
LANDO SiTiNO, antipape (V. Innocent III).
LANDOGNE. Com. du dép. du Puv-de-Dôme, arr. de
Riom, cant. de Pontaumur; 450 hab."
LAN DOIS (Hermann), zoologiste allemand contempo-
rain, né à Munster le 19 avr. 1835. Il étudia dans sa ville
natale la théologie et les sciences naturelles ; il fut consa-
cré prêtre en 1859, reçu docteur en philosophie à Greifs-
wald en 1863.11 devint en 1862 professeur de sciences
naturelles à l'école d'agriculture de Botzlar, en 1869
« docent » de zoologie à l'Académie de Mimster, puis en
1873 professeur. Landois, qui a depuis longtemps renoncé
aux ordres, est en outre directeur du Musée zoologique et
anatomique de Munster. Il s'est occupé de toutes les par-
ties de l'histoire naturelle et en particulier de l'anatomie
microscopique des insectes. Onlui doit, entre autres :I^/ir-
buch der Zoologie (avec Altum ; Fribourg, 1883, in-8,
5« éd.); ThiersUmmen (Fribourg, 1875); Lehrbiich der
Bolanik (avec Berthold; Fribourg, 1872); Ton und Stim-
mapparale der Insekten (Leipzig, 1867); nombreuses
éditions de : Der Mensch und die drei Reiche der Natiir
(avec Krass, Fribourg, 3 vol.); un roman comique : Franz
Essink, etc. (Munster, 1886, 6« éd.). D*" L. Hn.
LAN DOIS (Léonard), physiologiste etanatomiste contem-
porain, né à Munster le l^'^ déc. 1837, frère du précédent.
Il se fit recevoir privat-docent à Greifswald en 1863, pro-
fesseur extraordinaire en 1868, professeur ordinaire en
1872 en même temps que directeur de l'Institut physio-
logique. Il est l'auteur de travaux remarquables parmi les-
quels : Die Lehre vom ArterienpuU (Berlin, 1872, in-8);
Die Transfusion des Blutes (Leipzig, 1875, in-8) ; Lehr-
buch der Physiologie des Menschen (Vienne, 1880, in-8,
et autres éd.; trad. franc., Paris, Î893, in-8); Gra-
phische Uniersuchungen ûber den Herzschlag (Berlin,
1876, in-8), ses études sur les parasites de l'homme, etc.
LANOOLFE, princes lombards (V. Lombârdie).
LANDOLINA (Saverio), savant italien, né à Catane le
17 févr. 1743, mort en 1813. Naturaliste et antiquaire
distingué, il découvrit en 1780, dans le lit de l'Anapo,
en Sicile, le papyrus des anciens Egyptiens et en fit fabri-
ques, d'après^les procédés indiqués par Pline, des bandes
de papier, qu'il envoya aux principaux musées et sociétés
savantes de l'Europe. Il a écrit plusieurs mémoires épars
dans divers recueils. L. S.
LANDOLPHE (Jean-François), navigateur français, né
à Auxonne le5 févr. 1747, mort àParis le 13 juil. 1825.
D'abord mousse, puis capitaine au long cours en 1775, il
fut ensuite muni de lettres de marque et fit, pendant les
hostilités entre la Irance et l'Angleterre, plusieurs courses
à la suite desquelles il fut admis dans la marine royale. En
1786, il alla fonder un comptoir sur la rive gauche du Bé-
nin. Les Anglais, jaloux de ses succès, cherchèrent à s'em-
parer de lui traîtreusement; il n'échappa qu'à grand'peine
et son comptoir fut brûlé. Il fut secouru par les indigènes,
et ce ne fut que six mois après qu'il put quitter le pays
sur un vaisseau français, qui le conduisit à la Guadeloupe.
Là, il aida à préserver la colonie contre les attaques des
Anglais et desliègres. Plus tard, dans un combat qu'il eut
à soutenir contre des forces anglaises, il fut fait prison-
nier. Remis en liberté, Landolphe fut nommé capitaine de
frégate, et fit des campagnes aux Antilles et à la côte
d'Afrique. Il retourna à son ancien établissement et s'ef-
força de ruiner le commerce anglais sur cette côte. Il s'em-
LANDOLPHE — LANDORTHE
880
para aussi do l'île du Prince, dans le golte de Guinée.
Durant une croisière en Amérique, Landolphe fut de nou-
veau fait prisonnier par les Anglais en 1800, et perdit
dans le combat un coifre qui contenait sa fortune. Quand
il fut rendu à la liberté, ses forces ne lui permirent plus
de naviguer. Landolphe a laissé un récit de ses voyages qui
a été publié sous ce titre : Mémoires con tenant P his-
toire des voyages du capitaine Landolphe, pendant
trente-six ans^ aux côtes d'Afrique et aux deux Amé-
riques, rédigés sur son manuscrit par J. -S, Quesné
(Paris, 1823, 2 vol. in-8).
LANDOLT (Salomon), peintre et magistrat suisse, né à
Zurich le 10 sept. 1741 , mort le 26 nov. 1818. Après avoir
étudié à l'atelier do Le Paon à Paris, il retourna à Zurich, fut
successivement conseiller municipal de cette ville, membre
du Grand Conseil cantonal, puis (1778) bailU de Grei-
tensee. Lors delà Révolution, il prit parti pour les Russes
et les Autrichiens, servit quelque temps (1799) dans
l'armée de l'archiduc Charles, et à son retour de Souabe,
où il avait passé quatre années, il rentra dans les charges
publiques et finit par devenir président du tribunal de
Wiedikon. Ce fut sur le lard seulement qu'il dut, par né-
cessité, tirer parti de son talent de peintre. On a de lui
quelques tableaux assez incorrects et un peu étranges,
mais non dénués d'originalité, qui représentent des scènes
de guerre, des chasses ou des paysages helvétiques.
LAN DON, 125^ pape, né dans la Sabine, élu le 4 oct.
913, mort le 25 avj'. 914. Il succédait à Anastase Ilï;
Jean X lui succéda.
LAN DON (Charles-Paul), peintre et graveur français,
critique et éditeur artistique, né à Nonant (Normandie) en
1760, mort à Paris le 6 mars 1826. Il étudia dans l'ate-
lier de Regnault, remporta le prix de Rome et se fit remar-
quer, sous le premier Empire, comme peintre de genre. Il a
acquis de la réputation par ses écrits sur l'art. Il fut
peintre du duc de Berry, correspondant de l'Académie des
beaux-arts, conservateur des tableaux du musée du Louvre
et de la galerie de la duchesse de Berry. Il a pubUé : Ex-
plication des ouvrages de peinture et dessin, sculpture,
arcfiitecture et gravure des artistes vivants, exposés au
Muséum central des arts le 15 fructidor an IX ; An7iales
du Musée et de l'Ecole modernes des beaux-arts, etc.
(1801-8) ; Nouvelles des arts, peinture, sculpture,
architecture et gravure (1802-3) ; Précis historique
des productions des arts. Vie des œuvres des peintres
les plus célèbres de toutes les écoles, etc. (1803 et an-
nées suiv., 25 vol. in- 4) ; Clioix de tableaux, sculp-
tures et autres objets d'art conquis par les armées
françaises (1805-6); Galerie historique des hommes
les plus célèbres de tous les siècles et de toutes les na-
tions (1805-11 , 13 vol. in-12) ; les Antiquités d'Athènes
(1806-23); Descriptions de Paris et de ses édifices
(1806-19) ; Recueil des principaux tableaux, statues
et bas-reliefs exposés au Louvre depuis i808 jusqu'à
1831 ; Annales du Musée et de l'Ecole moderne des
beaux-arts, travail en 9 vol., continué par Fabien Pillet.
Outre ces ouvrages et quelques autres, dont Fénumération
serait trop longue, il collabora au Jourîial des Arts, des
Sciences et de la Littérature, fut un des propriétaires de
la Gazette de France, où il rendit compte pendant long-
temps des expositions des beaux-arts et expliqua les mo-
numents qui accompagnent les grandes vues pittoresques
des Principaux Sites et monuments de la Grèce de
Cassas (Pans, 1812). Challamel.
LAN DON, architecte et écrivain français, né à Paris le
14 janv. 1791, mort en 1845. Ayant obtenu en 1813 le
deuxième grand prix d'architecture et, en 1814, le premier
grand prix sur un projet de bibliothèque-musée, Landon
collabora avec Legrand à la Description de Paris et de
ses édifices (1818, 2 vol. in-8, pi. ), ouvrage précieux pour
les travaux exécutés à Paris sous le premier Empire. Nommé
en 1820 architecte du dép. de l'Oise, il construisit l'hôtel-
Dieu et le théâtre de Beauvais, fit des travaux de répara-
tions à la cathédrale de cette ville et fit élever la maison
centrale de Clermont (Oise). Charles Lucas.
LANDON (Letitia-Elizabeth), femme de lettres anglaise,
née à Chelsea en 1801, morte au Cap le 16 oct, 1838.
Elle connut à l'école primaire miss Mitford et lady Caro-
line Lamb. W. Jordan, qui accueillit ses premiers vers à
la Literary Gazette, trouva bientôt en elle un aide que sa
nonchalance lui rendait précieux. Pendant de nombreuses
années, elle édita le Dranmig Scrap-Book, sous les ini-
tiales transparentes L. E. L. ; ses productions en vers ou
en prose figurent dans presque tous les recueils, annuaires
et keepsakes du temps. On a encore d'elle plusieurs vo-
lumes de romans. Sa beauté et quelques imprudences, dif-
ficiles à éviter dans son milieu, l'exposèrent à des pour-
suites et à des calomnies dont elle crut se délivrer en
épousant un officier en service au Cap, George Maclean
(1838). Elle suivit son mari dans son gouvernement et y
mourut la même année, empoisonnée par de l'acide prus-
sique qu'elle s'était — la chose est du moins probable —
imprudemment administré. L. Blanchard publia ses œuvres
inédites : Life and literary remains (1840), et W.-B.
Scott, The Poetical Works (1873). B.-H. G.
LANDOR (Walter- Savage), littérateur anglais, né à
Ipsley Court (Warwickshire) le 30 janv. 1775, mort à
Florence le 17 sept. 1864. Il manifesta dès son enfance un
caractère difficile et violent, en même temps qu'un goût
très vif pour les études classiques. La Révolution française
trouva en lui un admirateur enthousiaste. Ses relations
avec son père et le reste de sa famille devinrent tendues.
Il mena dès lors une vie assez instable, tantôt à Londres,
tantôt dans le pays de Galles, tantôt en France (1802),
d'où il revint désenchanté ; puis à Oxford, à Bath, à Bris-
tol, écrivant, fréquentant les gens de lettres et les sociétés
httéraires, faisant des dettes et mangeant d'avance l'héri-
tage de son père, qui mourut en 1805. En 1808, il partit
pour aider l'Espagne à secouer le joug du tyran français.
De retour en Angleterre, il entreprit de vivre en gentil-
homme campagnard, à Llanthony Abbey, dans le comté de
Monmouth, et épousa Julia Thuillier, jeune fille sans
fortune, d'origine suisse, qu'il avait rencontrée dans un
bal à Bath (1811). Il ne tarda pas à s'engager dans des
difficiillés et des querelles qui l'obligèrent à vendre sa
propriété, et à quitter l'Angleterre. Il alla d'abord à Jer-
sey, où sa femme ne le suivit qu'à contre-cœur, et enfin
en Italie. Pendant un court voyage en Angleterre (1832)
il visita ses amis, les poètes lakistes Coleridge et Southey.
Grâce à la générosité d'un compatriote, Mr. Ablett, il pos-
sédait à Fiesole la villa Gherardini. Des querelles de mé-
nage l'engagèrent à y laisser sa femme et à revenir seul
en son pays (1835). Il vécut à Bath quelque temps;
mais son bon sens s'affaiblissait de jour en jour, ne lui
laissant plus que la violence de son tempérament. Pour-
suivi pour diffamation (1857), il se réfugia à Florence, où
il rencontra Browning. Poète et prosateur d'un talent
original et vigoureux, nourri des chefs -d'œflvre clas-
siques, mais inégal et mal pondéré, Landor occupe ce-
pendant une place remarquable parmi les littérateurs
anglais de ce siècle. Il a laissé un grand nombre d'écrits
dans tous les genres, dont beaucoup ont été réunis dans
ses Collected Works, publiés en 1846 (2 vol. in-8).
Ses œuvres complètes forment 8 vol. (Londres, 1876 et
suiv.). B.-H. G.
LANDOR (Robert-Eyres), auteur dramatique anglais,
né en 1781, mort en 1869. Frère du précédent, il entra
dans les ordres et vécut pasteur de la paroisse de Nafford
(Worcester). Il a laissé quelques tragédies remarquables.
La première, Count Arezzi (1823), fut attribuée à lord
Byron et eut du succès jusqu'à ce qu'on en connût le vé-
ritable auteur. Il a aussi écrit quantité de poésies dissé-
minées dans les recueils, et quelques opuscules devenus
très rares. B.-H. G.
LANDORTHE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
et cant. de Saint-Gaudens ; 404 hab.
- 881 -
LÂNDOS — LANDRIANO
LAN DOS. Com. du dép. de la Haute-Loire, arr. du
Puy, cant. de Pradelles; 4,274 liab.
LANDOUMAN ou LADOUMA. Peuplade nègre de Séné-
gambie, occupant la région comprise entre l'O. du Fouta-
Djalon et le \?oisinage de la mer. Leur pays est arrosé par le
rio Nunez ; les Landoumans sont les voisins des Malous et
des Bazas à FO., des Tchiapéri-s au N,, des Sausousau S.
L'islam qui fait de grands progrès à la côte occidentale ne
s'est pas encore trop répandu chez les Landoumans ; ceux-
ci sont restés fétichistes dans leur ensemble. Mais déjà cer-
taines parties de leur territoire sont entamées et on voit
par places des groupes musulmans se substituer aux Lan-
doumans qui sont refoulés peu à peu vers la côte. Le pays
des Landoumans produit du riz, du mil, de l'arachide, mais
l'industrie est nulle. Les Landoumans sont d'ailleurs pa-
resseux, ivrognes et misérables. D^ Rouire.
LANDOUZY-LiV-CouR. Com. du dép. de l'Aisne, arr. et
cant. de Vervins ; 376 hab.
LANDOUZY-LÂ-ViLLE. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Vervins, cant. d'Aubenton ; 1,288 liab.
LANDOUZY (Marc-Hector), médecin français, né à
Epernay le 6 janv, 1812, mort à Reims le l®*" mars 1864.
Interne des hôpitaux de Paris en 183o, il a été reçu doc-
teur en 1 839 et est allé pratiquer la médecine à Reims,
où il est devenu directeur de l'Ecole de médecine. H était
correspondant de l'Académie de médecine. On lui doit plu-
sieurs mémoires sur la pellagre (1860, 1863), qu'il n'hésita
pas à aller étudier sur place, en Espagne et en Italie, et
il soutint avec énergie, malgré l'opinion régnante d'alors,
que cette affection n'est pas due exclusivement à l'usage du
maïs. D^ A. Bureau.
LANDOUZY (Louis-Joseph-Théophile), médecin français
contemporain, né à Reims le 27 mars 1845, fils du pré-
cédent. Docteur en médecine à Paris en 1876, chef de cli-
nique de la faculté en 1877, médecin des hôpitaux en
1879, agrégé de la faculté en 1880 et professeur de thé-
rapeutique et matière médicale en 1893. Il est l'auteur de
plusieurs mémoires importants : Sur la Tuberculose m-
faniile (1875-88) ; Sur la Myopathie atrophique pro-
gressive (avec M. Déjerine, 1886) ; Sur les Paralysies
dans les maladies aiguës (1880) et des Recherches sur
les causes de l'ataxielotomotrice progressive (1882). —
M. Landouzy a été nommé membre de l'Académie de mé-
cine en 1893. D'^ A. Bureau.
LANDQUART. Rivière de Suisse, dans le cant. des Gri-
sons, formée de plusieurs petits affluents qui se réunissent
près de Davos. Elle coule de l'E. à l'O. à travers la longue
vallée du Praettigau et se jette dans le Rhin, près d'un
petit village qui porte le même nom.
LANDRAIS. Com. du dép. de la Charente-Inférieure,
arr. de Rochefort-sur-Mer, cant. d'Aigrefeuille ; 679 hab.
LANDRÉ-BEAuvAfs (Augustin-Jacob), médecin français,
né à Orléans le 4 avr. 1772, mort à Paris le 26 déc. 1840.
Il étudia à l'école de santé de Paris (1795) et devint en
1800 médecin adjoint à la Salpêtrière ; outre ces fonctions,
dont il se démit en 1821, il était encore médecin de l'Ecole
polytechnique et médecin consultant du roi. En 1823, il fut
nommé d'office doyen de la faculté de médecine et profes-
seur de chnique. Il se retira en 1830. Son meilleur ouvrage
est : Sëméiotique ou Traité des signes des maladies
(Paris, 1809, in-8 ; plusieurs éditions). B"* L. Hn.
LANDREAU (Le). Com. du dép. de la Loire-Inférieure,
arr. de Nantes, cant. du Loroux-Bottereau ; 2,016 hab.
LANDRECIES. Ch.-l. de cant. du dép. du Nord, arr.
d'Avesnes, sur la Sambre canalisée ; 3,867 hab. Stat. du
chem. de fer du Nord, ligne de Paris à Maubeuge. Blan-
chisseries de toiles, brasseries, corderies, imprimeries,
serrurerie artistique, corroirie, tannerie, teinturerie, ver-
rerie. La ville paraît devoir son origine à un château que
construisit en 1140 Nicolas d'Avesnes, qui concéda divers
privilèges aux habitants. Cette charte de coutume fut con-
firmée en 1190 par son petit-fils, Jean d'Avesnes. Depuis
lors la ville et le château jouèrent un rôle dans la plupart des
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
nombreuses guerres qui désolèrent le pays. Saccagée par
Jean de Luxembourg en 1423, incendiée pendant la lutte
de Louis XI contre Marie de Bourgogne, attaquée en 1521
par le duc de Vendôme, en 1543 par les troupes de
Charles-Quint, la ville fut cédée à l'empereur par le
traité de Crépy (1544). Elle était jusqu'alors restée dans
la maison d'Avesnes; un échange avec le duc d'Arschot,
seigneur d'Avesnes, la fit alors rentrer dans le domaine
particulier de l'empereur. Au xvn® siècle, les Français
s'emparèrent de Landrecies le 26 juil. 1637, la perdirent
en 1647, la reprirent sur les Espagnols en juil. 1655.
Elle fut laissée à la France par le traité des Pyrénées. Au
siècle suivant, elle était assiégée par le prince Eugène,
lorsque la victoire de Benain la dégagea. Pendant les
guerres de la Révolution, elle fut occupée par le prince
d'Orange en 1794 et bientôt reprise par Scherer. En 1815,
elle fut assiégée par le général de Kraft et dut capituler.
Landrecies est demeurée de nos jours une place forte
entourée d'une enceinte bastionnée. Elle n'a conservé aucun
monument ancien. L'église moderne renferme le tombeau
du maréchal Clarke, né à Landrecies en 1765. Sur la place
s'élève une statue de Bupleix, autre enfant de Landrecies,
œuvre de Fagel, inaugurée en 1888.
LANDRECOURT. Com. du dép. delà Meuse, arr. de
Verdun-sur-Meuse, cant. de Souilly ; 208 hab.
LANDREMONT. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Nancy, cant. de Pont-à-Mousson ; 245 hab.
LANDRES.Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. de
Briey, cant. d'Audun-le-Roman ; 371 hab.
LANDRES-et-Saint-Georges. Com. du dép. des Ar-
dennes, arr. de Vouziers, cant. deBuzancy; 509 hab.
LANDRESSE. Com. du dép. du Doubs, arr. de Baume-
les-Bames, cant. de Pierrefontaine ; 386 hab.
LANDRETHUN-le-Nord. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. de Boulogne, cant. de Marquise; 594 hab. Mines
de houille de la concession de Ferques. Carrières de pierres
dites de Marquise. Monuments mégalithiques.
LANDRETHUN-lez-Ardres. Com. du dép. du Pas-de-
Calais, arr. de Saint-Omer, cant. d'Ardres ; 569 hab.
LAN D REVILLE. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-
sur-Seine, cant. d'Essoyes ; 1,314 hab.
LAN D RI (V. Landry).
LANDRIANl (Paolo-Camillo), dit Diichino, peintre ita-
lien, né à Milan vers 1570, mort vers 1615. Il eut pour
maître Ottavio Semini, et dès sa jeunesse Lomazzo lui
donna place dans le nombre des grands peintres. On cite
parmi ses tableaux : la Nativité (église Sant' Ambrogio),
et Saint Martin, saint Dominique et sainte Agnès
(église Sant' Eustorgio),
BiBL. : Lomazzo, Idea del tempio délia Pittura ; Milan,
lo90, in-4. — Lanzi, Storia pitlorica delV Italia.
LANDRIANl (Marsiglio, comte), physicien italien du
xvHi^ siècle, natif de Milan. On sait seulement qu'il occupa
l'emploi de maréchal à la cour du duc de Saxe-Teschen
et qu'il résida alternativement en Italie et à Vienne, où il
mourut avant 1815. 11 était correspondant de l'Académie
des sciences de Paris. Le Journal de physique {ilS'2-9i),
le recueil de la Société italienne (1782), les Annales de
chimie (1791-97), les Abhandlungen de la Société des
sciences de Prague (1795), le Giornale di Fisica (1816-
20), contiennent d'intéressants mémoires de physique, de
chimie et de météorologie dus à ce savant. Il a en outre
publié à part : Ricerche fisiche intorno alV aria (Milan,
1775, in-4; trad. allem. ; Bâle, 1778) ; Opuscoli Jisico-
chimici (Milan, 1781, in-8) ; DeW Utilita del condut-
tori electrici (Milan, 1784, in-8; trad. allem. ; Vienne,
1786), etc. — Il ne faut le confondre ni avec Giovanni-
Battista Landriani, auteur d'une Nova Electricitatis
Theoria (Milan, 1755), ni avec Paolo Landriani, pro-
fesseur de mathématiques à l'université de Milan, mort
en 1839. l S
LANDRIANO. Bourg d'Italie, à 16 kil. N.-E. de Pavie
(Lombardie) ; 2,797 hab. Le comte de Saint-Pol y fut battu
56
LaNDRIANO - LANDSEER — :
par l'Espagnol Antoine de Leyva (1528), et les Français
durent évacuer le Milanais à la suite de cette défaite.
LAN D RI CHAMPS. Com. du dép. des Ardennes, arr. de
Rocroi, cant. de Givet; 469 hab.
LANDRICOURT. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de
Laon, cant. de Coucy-le-Château ; 238 hab.
LANDRlCOURT.Com.dudep.de laMarne,arr. de Vitry-
le-François, cant. de Saint-Rémy-en-Bouzemont ; 219 hab.
LANDRIN (Armand-Pierre-Emile), homme politique
français, né à Versailles le 19 mai 1803, mort à Ver-
sailles le 7 juil. 1859. Avocat dans sa ville natale avant
1830, il se fit inscrire, après la révolution de Juillet, au
barreau de Paris, où il acquit une honorable notoriété, fut
nommé procureur de la République près le tribunal de la
Seine par le gouvernement provisoire (févr. 1848) et en-
voyé quelque temps après (23 avr.) par le dép. de Seine-
et-Oise à l'Assemblée constituante, où il demanda des pour-
suites contre Louis Blanc et vota avec le parti républicain
modéré. Elu conseiller d'Etat le 20 avr. 1849, il reprit peu
après sa place au barreau, devint sous l'Empire membre du
conseil de l'ordre des avocats de Paris et se présenta sans
succès aux élections législatives de 1857 comme candidat
de l'opposition dans la circonscription de Versailles.
LANDRIN (Emile), homme politique français, né à Paris
le 3 juil. 1841. Ouvrier ciseleur, il prit une part active au
mouvement socialiste ; secrétaire de la commission de V In-
ternationale (V. ce mot), chargée de remplacer le bureau
de Paris après la condamnation de ses membres, il fut lui-
même condamné bientôt à trois mois de prison. Il servit
dans les compagnies de marche de la garde nationale du-
rant le siège de Paris, prit une part active au mouvement
communaHste et à la lutte armée jusqu'à la dernière heure.
Il réussit à s'échapper et resta en exil à Londres jusqu'en
1883. Rentré alors à Paris il devint en 1889 le secrétaire
du Comité révolutionnaire central (parti blanquiste). En-
voyé au Conseil municipal de Paris par le quartier du Père-
Lachaise à la place de Vaillant lors des élections complé-
mentaires de févr. 1894, il fut nommé secrétaire de cette
assemblée pour 1895-96.
LANDROL (Joseph- Alexandre), acteur français, né le
27 juin 1828, mort à Paraméle 16 août 1888. Son père,
qui avait été capitaine de cuirassiers, avait quitté l'état
militaire pour s'adonner au théâtre, et, après s'être fait re-
marquer à Bordeaux, avait été engagé à la Renaissance,
d'où il était passé, en 1840, au Gymnase. C'était, dans le
genre du vaudeville, l'une des plus plaisantes « ganaches »
que l'on pût voir. Il mourut en 1851. Alexandre Lan-
drol commença sa carrière sur les petites scènes de la ban-
lieue de Paris, fut ensuite engagé à Rouen, puis, en 18^6,
vint débuter au Gymnase aux côtés de son père. Il devait
y rester quarante-deux ans ; dans les dernières années de
son service, il joignait les fonctions de régisseur général
à son lourd travail scénique. Landrol n'a pas établi moins
de 195 rôles, tout en en reprenant 143 dans les pièces du
répertoire. Une telle énumération serait impossible, mais
on peut citer, parmi ses dernières et meilleures créations,
celles qu'il fit dans Un Roman parisien, Serge Panine^
le Maître de forges^ Autour du mmiage, Monsieur le
ministre, le Prifice Zilah, le Bonheur conjugal, la
Comtesse Sarah^ etc. A. Pougin.
LANDRY. Com. du dép. de la Savoie, arr. de Moùtiers,
cant. d'Aimé; 504 hab.
LANDRY, évêque de Paris au vii*^ siècle. L'abbé Lebeuf
a publié sur ce personnage, au t. II de ses Dissertations
sur l'histoire ecclésiastique et civile de Paris (pp. xxiii-
xcix), un mémoire étendu dont le titre résume suffisamment
les conclusions : « Dissertation contre MM. de Valois et
Sauvai où l'on assure à l'éghse de Paris un saint évêque
du nom de Landry, en convenant que son culte a commencé
assez tard. Examen de l'origine de ce culte et de la lé-
gende de ce saint, pour suppléer au peu que les Bollan-
distes en ont dit. Preuves qu'il y a eu au vu® siècle un
autre saint Landry, qui a exercé Toffice de corévêque dans
les diocèses de Paris et de Meaux et que c'est à lui plus
vraisemblablement que Marculfe dédia son recueil de for-
mules. » On ne connaît que deux chartes signées par
l'évêque Landry : l'une, douteuse, de 652; l'autre, de 653 ;
toutes deux ont été publiées en dernier lieu par M. de Las-
teyrie dans le Cartulaire général de Paris (1, 12 et 16).
LANDRY (Pierre), peintre, graveur et éditeur français,
né à Paris vers 1630, mort à Paris le 11 déc. 1701. Très
bon buriniste, il exécuta des estampes religieuses d'après
Annibal Carrache, Fr. Albano, le Titien, etc., et un cer-
tain nombre de portraits des personnages du temps, parmi
lesquels : Louis XIV, Louis de Bourbon, prince de
Conte, le Marquis de Louvois, 11 y a encore à signaler de
sa main une grande planche, fort rare : l'Arbalétrier. Son
nom, comme éditeur, se trouve aussi sur des thèses et des
almanachs d'un très grand format. G. P-i.
LANDRY (Jean-Baptiste-Octave), médecin français,*né
à Limoges le 10 oct. 1826, mort à Auteuil en oct. 1865.
n s'occupa de bonne heure de la pathologie du système ner-
veux et chercha surtout à débrouiller le difficile chapitre des
paralysies. Reçu docteur en 1854, il devint peu après mé-
decin del'établissement hydrothérapiqued'Auteuil. Ouvrages
principaux : Recherches sur les causes et les indications
curatives des maladies nerveuses (Paris, 1855, in-8);
Traité complet des mralysies (Paris, 1859, in-8, t. l',
seul paru). j)v i^ jjn.
LAN DS End (Cap) (V. Grande-Bretagne, t. XIX, p. 151).
LANDSCHAFT(V. Constitution, t. XII, p. 700).
LAN DSEER. Famille d'artistes anglais, composée de John
et de ses trois fils, Thomas, Charles et Edwin-Henry.
John Landseer, graveur, né à Lincoln en 1769, mort
à Londres le 29 févr. 1852. Elève de Byrne, il a exé-
cuté d'un burin large et ferme de nombreuses vignettes,
entre autres pour des Bibles, une Histoire d'Angleterre,
le Temple de Flore de Thornton (1805 et suiv.), la ga-
lerie du marquis de Stafford (1818) et d'après West et
son fils Edwin. Il a professé l'art par des conférences et
des écrits. Parmi ceux-ci plusieurs essais d'érudition, illus-
trés de sa main, sur des hiéroglyphes chaldéens et des
pierres gravées antiques.
Thomas, graveur, né à Londres en 1794, mort à Saint-
Johns Wood le 20 janv. 1880, l\ se fit remarquer par
une curieuse série de caricatures intitulée Monkeyana
or men in miniatures designed (1827), donna ensuite :
Characteristic Sketches of animais (Londres, 1832,
8 vol.); Tiger hunting^ (1836), de nombreuses et belles
planches d'après son frère Edwin, la Foire aux chevaux
de Rosa Bonheur, etc.
Charles, peintre, né à Londres en 1799, mort à Lon-
dres le 22 juil. 1879. Elève de son père et de l'Académie
royale (1816) dont il devint membre en 1845 et conser-
vateur de 1851 à 1873. Ses principaux tableaux sont :
V Assaut de Basing House (1839, Galerie nationale);
Pillage d'une maison juive au temps de Richard P^
(Galerie nationale) ; Andrew Marwell (à South Kensins-
ton), etc.
Edwin-Henry, peintre, né à Londres le 7 mars 1802,
mort le l^^oct, 1873. Elève de son père, puisde l'Académie
royale, où il exposa à quinze ans une Chienne d'arrêt et son
petit. Les mœurs des chiens l'avaient intéressé dès l'en-
fance, et il suivait les chasses en faisant des croquis ra-
pides. Afin de mieux apprendre l'anatomie des animaux,
il se mit à en disséquer, notamment des Hons. Plus tard
il a modelé ceux de Trafalgar Square, d'ailleurs froids et
conventionnels. La spécialité dans laquelle il excella le ren-
dit dès vingt ans célèbre dans un pays passionné pour les
animaux. Après son Combat de chiens (1819), il acquit
une réputation considérable par ses Chiens du Saint-
Bernard (1820). Elargissant son genre en 1825, il exposa
le portrait de Lord Cosmo Russell enfant, galopant sur
un petit poney hérissé, qui lui valut le titre d'associé de
l'Académie royale, dont il devint membre en 1831 . L'Ecosse
lui fournit, à partir de 1826, un vaste champ d'études avec
- 883
LANDSEER - LANDTAÛ
ses moutons, ses daims, ses chiens de berger, ses bêtes à
cornes. Il y trouva le sujet de son Départ du bétail des
Highlands pour le Sud^ vaste composition trop touffue,
mais dont le défaut d'unité est racheté par la valeur de
chaque détail. Etudes d'animaux isolés et sujets où ils jouent
le rôle principal ont été popidarisés par la gravure. Nom-
breuses sont ses œuvres à la Galerie nationale et au musée
de Kensington. Bien que le succès lui eût souri prématu-
rément et que la faveur des grands lui fût acquise, notam-
ment celle toute particulière de la reine, Landseer ne gagna
de l'argent qu'à la fin de sa carrière. En pleine maturité
il fut atteint de graves troubles nerveux causés par l'excès
de travail (il a peint un millier de tableaux), une extrême
sensitivité lui rendant la critique insupportable et une
surexcitation fébrile constitutionnelle lui ayant usé le tem-
pérament. Dès lors sa facture faiblit, et il eut une ten-
dance au maniérisme. De l'ébranlement profond que lui
causa en 4868 un accident de chemin de fer, il ne se remit
jamais, et cessa presque complètement de produire jusqu'à
sa mort, ayant pourtant cette année-là exposé l'ébauche
d'un portrait de la reine, qui fut son dernier ouvrage. Il
avait été créé baronnet en 4850 et avait refusé la prési-
dence de l'Académie royale. Les plus grands honneurs
furent rendus à sa mémoire et il est enseveli dans la cathé-
drale Saint-Paul. Pendant cinquante ans il avait habité
la même maison, entouré en guise de famille de toute une
ménagerie sans cesse renouvelée. Parmi ses œuvres on
peut citer : Pietour de chasse (48ii7) ; Walter Scott et
ses chiens {\ 833) ; Singe et Chat ; Chien de chasse
dormant (4835); Chasse à courre (4858); la Paix et
la Guerre (Galerie nationale) ; Cyg7ies saisis par des
aigles ; P Homme propose et Dieu dispose (ours sur les
épaves d'un navire) ; la Défaite de Cornus (fresque au
palais Buckinghara, 4843, d'ailleurs médiocre) ; des scènes
des Highlands, le Songe d'une nuit d'étés un Dialogue
à Waterloo (Wellington visitant le champ de bataille avec
sa belle-fille) ; etc. En 4866 il modela un Cerf au milieu
des chiens (bronze). Enfin il a gravé 47 planches.
Il n'est pas d'animalier peut-être ayant aussi bien com-
pris que Landseer le caractère et les mœurs de ses modèles
aussi bien que leur structure. Tous ses sujets sont d'un
sentiment très vif, soit pathétique, soit comique. Il avait
l'invention fertile, parfois trop ingénieuse, avec un excès
d'esprit : ainsi à la Galerie nationale son terre-neuve dé-
signé sous le titre : Un Membre distingué de la Société
de sauvetage^ ou bien son gros dogue et son terrier d'ap-
partement, Dignité et Impudence. Au point de vue tech-
nique, son dessin pur et juste, son exécution large et souple,
sa touche légère et facile sont sans reproches, mais il pèche
souvent par une couleur lourde, terne et plombée. Il a laissé
des mémoires édités par Stephens (nouv. éd., 4873).
BiBL. : Stephens, Sir Edwin Landseer; Londres, 1880.
LANDSER {Landisera, 4246). Ch.-i. de cant. de la
Haute- Alsace, arr. de Mulhouse, à 44 kil. S.-E. de
Mulhouse; 385 hab. Landser, autrefois petite ville, possé-
dait un château et un couvent de capucins, et était le siège
d'une seigneurie, fief des landgraves de la Haute-Alsace.
LANDSHUT. Ville de Bavière, ch.-l. de la province de
Basse-Bavière, surPIsar; 49,000 hab. Elle comprend la
vieille ville, la ville neuve et quatre faubourgs ; il y sub-
siste beaucoup de maisons et monuments anciens : l'église
Saint-Josse (de 4338), celle du Saint-Esprit (1407-64),
de Saint-Martin (4407-77), avec sa tour de 433 m. et
ses minces piliers dont le diamètre réduit à 0^87 exa-
gère la hauteur de la nef ; c'est une des œuvres les plus
audacieuses de l'art gothique ; l'ancien couvent des Do-
minicains (fondé en 4274); la Porte (vieilles fresques);
le monument de Louis le Riche ; auprès de la ville, le châ-
teau (restauré) de Trausnitz renferme des fresques allé-
goriques du XVI® et du xvii*' siècle. Sur l'autre rive de
l'Isar, le couvent de femmes de Seligenlhal renferme les
tombeaux des ducs de Basse-Bavière. Le commerce de
Landshut est assez actif, particulièrement pour les céréales.
et ses foires (Dulten) sont fréquentées. — La ville a été
fondée par le duc Otton de Wittelsbach, agrandie par son
fils Louis l«^, qui bâtit le château de Trausnitz (4232). Ce
fut de 4204 à 4506 la capitale d'un des duchés de Ba-
vière (V. ce mot). Celte place forte joua un certain rôle dans
les guerres du xvii*^ et du xvni'^ siècle, fut prise plusieurs
fois durant la guerre de Trente ans par les Suédois, par
les Autrichiens, etc. Le 46 avr. 4809, les Autrichiens y
défirent les Bavarois, mais, cinq jours après, ils furent bat-
tus par les Français. En 4800, l'université d'Ingolstadt
fut transférée à Landshut, mais, en 4826, elle le fut à Mu-
nich. A.-M. B.
BiBL. : Kalcher, Fûhrer durch Landshut ; Landshut,
1887, 2« éd. — Staudenraus, Chronik der Stadt Land-
shut ; Landshut, 1832, 3 vol, — Wiesend, Topographische
Geschichte von Landshut^ 1858.
LANDSKNECHT (V. Lansquenet).
LÂNDSKRON. Ville de Bohême, sur un embranchement
du ch. de 1er d'Oimutz à Bœhmisch-Trubau ; 5,400 hab.
Manufacture de tabac, cotonnades, tapis, etc.
LANDSKRON. Château sur une ramification du Blauen,
l'un des chaînons du Jura suisse, à la frontière delà Suisse
et de TAlsace. Après avoir appartenu à une famille noble
de ce dernier pays, qui fit la guerre aux Suisses et dont le
dernier rejeton fut tué à la bataille de Saint-Jacques en
4444, il passa avec l'Alsace à la France, fut fortifié sous
Louis XIV et servit quelque temps de prison d'Etat. Il fut
détruit lors de la première invasion des alliés en France.
Ses ruines, qui couronnent un monticule en forme de cône,
s'aperçoivent de loin et offrent un très beau coup d'oeil
sur le Jura, l'Alsace et les Vosges.
LAN DSKRONA. Ville maritime de Suède, Isen de Malmœ,
sur un promontoire riverain du Sund ; 42,000 hab. Bon
port ; constructions navales ; raffinerie de sucre , fon-
derie de fer, cuirs, lainages, etc. Importation de sucre,
houille, sel, machines; exportation de grains et farines
(vers l'Angleterre), bois, bétail, etc. Les entrées dépassent
200,000 tonnes. Fondée en 4440 par des moines carmé-
lites allemands, elle fut longtemps fortifiée. Lel4juil. 1677,
les Suédois y vainquirent les Danois. La citadelle, bâtie dans
l'île Graeen, a été rasée en 4870.
LANOSMANNSCHAFT. Nom des plus anciennes asso-
ciations d'étudiants des universités allemandes (V. Uni-
VEusiîÉ et Etudiant).
LANDSTAO (Magnus-Brostrup), poète norvégien, né à
Maasœ en 1802, mort à Christiania en 4880. Fils d'un
pasteur de campagne, il fit toutes ses études dans la mai-
son paternelle jusqu'à son entrée à l'université, où il s'ins-
crivit à la faculté de théologie. Précepteur d'abord, puis
pasteur en divers endroits, il garda de son éducation pre-
mière un goût très vif pour la nature et pour la poésie po-
pulaire, que, mieux que d'autres, il pouvait comprendre. En
1876, il prit sa retraite et vint, l'année suivante, s'établir
à Christiania, où il passa les dernières années de sa vie.
Son œuvre la plus importante est un Recueil de chansons
et mélodies populaires norvégiennes (Norske folkviser,
4853), dans lequel il reproduit les chansons, telles qu'il les
a entendues de la bouche des paysans, avec leurs particu-
larités dialectales. Landstad s'est occupé aussi activement
de la publication du Livre des psaumes de P église de Nor-
vège (Kirkesalmebog, 4869) qui a été adopté dans la plu-
part des éghses du pays. Depuis il a fait paraître un vo-
lume de Chants et Poésies (4878) et quelques autres
œuvres de joindre importance. Th. C.
LANDSTHIN6. Nom de la Chambre haute en Danemark
(V. CoNSTiTUTmN, t. Xn, p. 687).
LAND8THUL. Ville de Bavière, prov. du Palatinat rhé-
nan ; 3,800 hab. Située au croisement des ch. de fer de
Neunnkirchen à Worms et àKusel, elle possède des carrières.
A l'E. sont les ruines du château où périt Franz de Sickin-
gen, succombant sous la coalition des princes (4523).
LANDSTURIVI (V. Armée).
, LA N DTAG. Ce mot correspond au terme français à' Etats ^
désignant les assemblées périodiques des représentants du
LANDTAG — LANE — 884 —
peuple ou des diverses classes sociales ; il désigne aussi bien
les Etats provinciaux que ceux de l'Etat entier. On trouvera
des détails sur le Landtag des pays allemands dans l'art.
Constitution. En Autriche, le Landtag désigne la représen-
tation parlementaire de chacun des pays de la couronne, par
opposition à l'assemblée représentative de l'ensemble de la
monarchie.
LANDTMARSKALK, grand maréchal de la Diète, titre
que le président de l'ordre équestre et nobiliaire portait
en Suède au temps de la Diète des Etats (Stâ7id-Riksdag),
et qu'il porte encore en Finlande dans la Diète actuelle
(Landtdag). —Emprunté à l'Allemagne, ce titre apparaît
en Suède en 1625; les fonctions du landtmarskalk sont
déterminées par la loi organique de l'ordre équestre {rid-
darlius-ordning), de 1626. Choisi par le roi pour chaque
Riksdag, le landtmarskalk devait convoquer l'ordre, lui
faire connaître les propositions du roi, conduire les délibé-
rations, recueillir les votes, veiller à la rédaction des déci-
sions, et les faire exécuter quand le roi les avait sanction-
nées ; il était aussi le porte-parole de son ordre. — Pendant
r « ère de la hberté » (1719-81), le landtmarskalk passa
à la nomination de la noblesse même : encore fallut-il, pour
être nommé, être né Suédois, appartenir à la religion évan-
gélique, avoir droit de siège et de vote à la Chambre des
chevaliers. Le plus illustre de ceux qui portèrent alors le
bâton de grand maréchal de la Diète fut Arvid Horn. — La
constitution de d 772 rendit à la royauté, avec ses autres
prérogatives, le droit de nommer le landtmarskalk, droit
qui lui fut maintenu par la constitution de 1809 et par la
loi organique du Riksdag de 1810. En cas d'empêchement
du landtmarskalk, le membre le plus élevé de l'ordre de-
vait le suppléer d'office. Le landtmarskalk était appelé à
présider aussi les assemblées générales des quatre ordres
réunis, qui furent autorisées depuis le Riksdag de 1856-58.
— Par la loi organique du Riksdag de 1866, le titre de
landtmarskalk disparut en Suède.
En Finlande, le landtmarskalk a mêmes attributions que
suédois
est choisi
celles de l'ancien landtmarskall*
par le prince ré-
gnant, lequel désigne
également le vice-
landtmarskalk.
Gaston Lévy.
LANDUDEC.Com.
dudép. du Finistère,
arr. de Quimper,
cant. de Plogastel-
Saint-Germain ;
1,380 hab.
LANDUJAN.Com.
du dép. d'IUe-et- Vi-
laine, arr. de Mont-
fort-sur-Meu, cant.
de Montauban ;
1,083 hab.
LANDUNVEZ.
Corn, du dép. du
Finistère , arr. de
Brest, cant. de Ploudalmézeau ; 1,633 hab. Petit port à 3 kil.
à l'O.-S.-O., sur la Manche, au village d'Argenton. C'est là
que se trouve la limite conventionnelle de la Manche et de
l'Atlantique, marquée par un rocher, le Four, situé vis-à-vis,
à 3 kil. au large; un phare y est élevé. Fabrique de soude;
pêche. Poste sémaphorique. — Sur le territoire de la com-
mune, église collégiale de Kersaint (xv^ siècle), but de
pèlerinage ; ruines du château de Trémazan (xiii® siècle) ;
Tanneguy du Châtel, favori de Charles VII, y naquit. Dol-
men et menhir d'Argenton (mon. hist.). C. Del.
LANDWEHR (V. Armée).
LANDZÉCOURT. Corn, du dép. de la Meuse, arr. et
cant. de Montmédy; 76 hab.
LANE (La). Rivière de France (V. iNDKK-ET-LomE,
t. XX, p. 742).
LANE (Sir Ralph), marin anglais, mort à Dublin en
oct. 1603. Il prit part à l'expédition de Richard Gren-
ville dans l'Amérique du Nord (1585). Une colonie fut
fondée sur la côte de la Caroline du Nord, et nommée la
Virginie. Lane en fut nommé gouverneur, mais les colons
tombèrent bientôt dans une épouvantable misère et Francis
Drake dut les rapatrier en 1586. Lane fut employé ensuite
à la défense des côtes, prit part à diverses expéditions sur
les côtes du Portugal et contribua à la répression de la
rébellion d'Irlande en 1594. 11 avait été créé baronnet
en 1593. R. S.
LANE (Jane), héroïne anglaise, morte le 9 sept. 1689.
Elle est célèbre par le courage et le sang-froid qu'elle
déploya pour sauver Charles II après la bataille de Wor-
cester (1651). Déguisé en domestique, il la prit en croupe
et gagna à cheval Abbots Leigh, puis Trent, d'où il put
passer en France. Elle vint à Paris un mois après l'arrivée
du roi et fut bien reçue à la cour. Puis elle entra au ser-
vice de la princesse d'Orange. A la Restauration, elle reçut
une pension et épousa sir Clément Fisher. On a son por-
trait par Lely. R. S.
LANE (Richard-James), £fraveur anglais, né en 1800,
mort le 21 nov. 1872. Elève de Heath, il excella dans la
lithographie. Parmi ses planches d'un fini très déhcat, une
série de croquis de Gainsborough (dont il était petit-neveu)
et de Lawrence. Lithographe de la cour, il a reproduit aussi
les nombreux portraits de la famille royale d'après Win-
terhalter. Possédant une large connaissance des choses de
l'art, il a tenu avec distinction l'emploi de professeur d'eau-
forte au musée de Kensington. A. de B.
LANE (Edward- William), philologue anglais, né à
Hertford le 17 sept. 1801, mort le 10 août 1876. Il
séjourna longtemps en Egypte (1825-28, 1833-35 et
1842-49) et y recueillit les matériaux d'ouvrages qui
ont rendu son nom célèbre : Account ofthe nianners and
customs of the modem Egyptians (Londres, 1836,
2 vol.), une traduction excellente des Mille et une Nuits
(1838-40) enrichie de notes précieuses qui ont été rééditées
à part sous le titre
de : Arabian So-
ciety in the Middle
^. Ages, -par P. Lane-
- r.;'- - :w^'^ Poole ( 1883 ) ; 5^-
-" — ::!_.- - -- -_ lections from the
Kur-an (1843), un
monnmentdil Ara bic-
English Lexicon
édité aux frais du
duc de Northumber-
land (1863-92); en-
fin une Description
de VEgypte, illus-
trée de 101 dessins
à la sépia qui est
jusqu'ici demeurée en
manuscrit (British
Muséum) à cause des
frais énormes qu'en-
traînerait sa publication. Lane avait été élu membre cor-
respondant de l'Académie des inscriptions en 1864. R. S.
BiBL. : s. Lane-Poole, Life of Edward-William Lane;
Londres, 1877.
LAN E-PooLE (Stanley), orientaliste anglais, né à Londres
le 18 déc. 1854, petit-neveu du précédent. Il est l'auteur
de travaux remarquables sur la numismatique, dont les
principaux sont : Essays in Oriental Numismatics
(1872-1877, 2 vol.); Coins of the Urtuki Turkomans
(1875); Coi7is and Medals their place in History and
Art (1885). Citons encore de lui : le Koran, sa poésie
et ses lois (1882), dans la Bibliothèque elzéviriemie ;
Social Life in Egypt (1883); The Art of the Sara-
cens (1886); The Moors in S pain (1886); Turkey
(1888); Ihe Barbary Corsairs (1890), une important
Ruines du château de Trémazan.
— 885
LANE — LANFKANC
Life of Stratford Canning (1888, 2 vol.) et ses Cata-
logue of the Mohammedan Coins in the Bodleia7i li-
brary (1888), et Catalogue of the Oriental and Indian
Coins in the British Muséum (187o--90, 12 vol.), ce
dernier couronné par notre Académie des inscriptions.
LANÉRIA. Corn, du dép. du Jura, arr. de Lons-ie-Sau-
nier, cant. de Saint-Julien; 56 hab.
LANESPÈDE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Tarbes, cant. de Tournay ; 405 hab.
LANESSAN (Jean-Marie-Antoine de), homme politique
et naturaliste français contemporain, né à Saint-André-de-
Cubzac (Gironde) le 13 juil. 1844. Il commença ses études
de médecine à Bordeaux, puis entra dans le service de la
marine en 1862 et passa huit années sur le littoral occi-
dental de l'Afrique et sur les côtes de la Cochinchine. Au
début de la guerre de 1870, il s'engagea comme chirur-
gien-major dans les mobilisés de la Charente-Inférieure.
Reçu docteur en médecine en 1872, agrégé de la faculté de
Paris en 1876, il entra en 1879 au Conseil municipal de
la capitale et fut réélu en 1881 ; il s'y montra partisan
de l'autonomie communale et contribua au maintien du
grand prix de Paris pour les courses de chevaux. Il fut élu
en août 1881 membre de la Chambre des députés,' à titre
de candidat radical du V^ arrondissement, et, fin octobre,
fonda le Piéveil, qu'il abandonna en févr. 1882 pour
prendre la direction de la Marseillaise. Il ne la conserva
que peu de temps, mais continua à collaborer à des jour-
naux républicains. A la Chambre, de Lanessan abandonna
le groupe de l'extrême gauche pour se rapprocher de l'Union
républicaine ; il fut réélu député le 18 oct. 1885, au scrutin
de liste, par 287,890 voixsur 414,360 votants. En 1886,
il fut chargé d'une mission ayant pour objet d'étudier la
situation commerciale des colonies françaises en vue de pré-
parer leur participation à l'exposition de 1889. Du voyage
qu'il fit ainsi, il rapporta les éléments de trois livres :
la Tunisie (Paris, 1887, in-8) ; V Expansion coloniale
de la France (Paris, 1888, in-8); llndo-Chine fran-
çaise (Paris, 1889, in-8). En sept. 1889, il fut réélu dé-
puté du V^ arrondissement de Paris par 4,875 voix contre
4,368 données à M. Lenglé, candidat boulangiste. Enfin,
au mois de mai 189 1 , il fut nommé gouverneur général du
rindo-Chine, avec concentration entre ses mains des divers
pouvoirs civils et militaires. Les services rendus par lui
dans cette haute situation ont été appréciés très contradic-
toirement; en d892, il y eut rupture entre lui et l'amiral
Fournier. Il fut révoqué le 29 déc. 1894, en raison de ses
relations avec le journaliste Canivet, directeur du Paris,
et publia son apologie : la Colonisation française en
Indo-Chine (Paris, 1895, in-12).
M. de Lanessan a publié une série d'ouvrages d'histoire
naturelle remarquables : Du Protoplasma végétal (Th.
d'agrég., 1876); Manuel d'histoire naturelle médicale
(Paris, 1879-81, 2 vol. in-18, fig.); Eludes sur la doc-
trine de Darwin (Paris, 1881, in-i2) ; Trailé de zoolo-
gie. Protozoaires (Paris, 1882, gr. in-8, fig.) ; la Bota-
nique (Paris, 1882, in-18) ; Flore de Paris (Paris, 1884,
in-18), etc. D^ L. Hn.
LAN ET (Pèche). Cet engin, principalement en usage à
Dieppe, consiste en une sorte de carrelet monté sur un
cercle en fer de 2 m. de diamètre ; quatre cordelettes sus-
pendent le lanet et se réunissent à une corde qui est tenue
à la main. On donne aussi le nom de lanet à un petit truble
monté sur une raquette (V. Haveneau).
LAN ET. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcassonne,
cant. deMouthoumet; 226 hab.
LANEUVELOTTE. Com. du dép. de Meurthe-et-Mo-
selle, arr. et cant. (S.) de Nancy; 242 hab.
LANEUVEVILLE-Âux-Bbis. Com. du dép. de Meurthe-
et-Moselle, arr. et cant. (S.) de Lunéville; 429 hab.
LANEUVEVILLE-devant-Nancy. Com. du dép. de
Meurthe-et-Moselle, arr. de Nancy, cant. de Saint-Nicolas;
1,463 hab. Produits chimiques et salines.
LANEUVEVILLE-DERRiÈRE-FouG. Com. du dép. de
Meurthe-et-Moselle, arr. et cant. (N.) de Toul; 268 hab.
LÂNEUVEVILLE-devant-Bàyon. Com. du dép. de Meur-
the-et-Moselle, arr. de Nancy, cant. d'Haroué ; 307 hab.
LAN EU VlLLE-Au-RuPT. Com. du dép. de la Meuse, arr.
deCommercy, cant. de Void ; 334 hab.
LANEUVILLE-sur-Meuse. Com. du dép. de la Meuse,
arr. de Montmédy, cant. de Stenay ; 598 hab.
LAN FAI N S. Com. du dép. des Côtes-du-Nord , arr. de
wSaint-Brieuc, cant. de Plœuc ; 1,593 hab.
LAN FRANC, archevêque de Canterbury, né vers 1005,
mort le 24 mai 1089. Fils d'un jurisconsulte de Pavie, de
rang sénatorial, de bonne heure célèbre à cause de sa
science et de son éloquence, il fonda en 1039 une école
à Avranches. Accompagné d'un de ses compatriotes (son fils,
dit-on), nommé Paul (plus tard abbé de Saint- Albans), il
entra comme moine dans l'abbaye du Bec, dont l'abbé et
fondateur, llelluin, lui donna en 1045 la dignité de prieur.
Là, il ouvrit une école qui fut bientôt fameuse dans tout
l'Occident ; il y eut pour élèves une foule de personnages
plus tard éminents dans l'Eglise : deux évêques de Roches-
ter, un archevèquede Rouen, lefutur pape Alexandre 11, etc.
Eu 1050, il se rendit à Rome, avec une mission de Guil-
laume, duc de Normandie, qui était désireux d'obtenir une
dispense pour son mariage avec Mathilde. Il y combattit,
devant un concile, l'hérésie de Bérenger de Tours qu'on
l'accusait de partager. Dès lors, il ne cessa point de lutter
contre Bérenger, par la parole et par la plume, notamment
au concile de Latran (1059) et dans son livre si célèbre:
De Cor pore et sanguine Domini. C'est au mois de juin
1066 qu'il quitta le monastère du Bec, pour devenir, à la
prière de Guillaume, abbé de Saint-Etienne deCaen. (Juelle
qu'ait été sa part dans les -négociations entre Rome et le
duc de Normandie qui précédèrent l'expédition de 1066 et
la conquête de l'Angleterre, Lanfranc fut élu archevêque de
Rouen en août 1067. Mais il refusa; il est probable qu'il
avait en vue une récompense plus haute. iVprès la déposi-
tion de l'archevêque anglo-saxon, Stigand (1070), Guil-
laume le Conquérant lui fit accepter en eflet le siège prima-
tial de Canterbury.
Archevêque de Canterbury, Lanfranc resta le premier
conseiller de Guillaume et ne cessa jamais d'agir d'accord
avec lui. Il contribua beaucoup à rattacher l'Eglise an-
glaise aux Eglises du continent; il la peupla d'étrangers;
il y introduisit l'habitude du célibat ; il conseilla sans
doute cette mesure capitale : la constitution de tribunaux
ecclésiastiques à côté des tribunaux laïques. Il convoqua
souvent des synodes, mais des synodes exclusivement com-
posés de gens d'Eglise, bien différents de ces assemblées
saxonnes où clercs et laïques délibéraient en commun sur
toutes les questions, même sur les questions ecclésiastiques.
Avec Rome, ses relations furent fréquentes: il visita
Grégoire VU en 1076, mais il obéissait plutôt au roi qu'au
pape, et c'est en vain que Grégoire l'ajourna en 1082 à
comparaître devant lui, sous peine de suspension. Canter-
bury lui doit beaucoup ; outre qu'il défendit très énergi-
quement les droits de son siège contre les prétentions de
Thomas, métropolitain d'York, il fit reconstruire son église
cathédrale, brûlée en 1067 ; il dota en outre la ville de
deux hôpitaux et de l'église de Saint- Grégoire. — Pen-
dant les voyages du Conquérant en Normandie, il exerça
plusieurs fois en Angleterre une sorte de régence. C'est
lui qui couronna Guillaume le Roux (sept. 1087). Son der-
nier acte fut, en nov. 1088, de prendre part, et une part
très active, au jugement de Guillaume de Suint-Calais,
évèque de Durham, accusé de rébellion. — Ses écrits ont
été publiés par Luc d'Achery, à Paris, en 1648, en un vo-
lume in-fol. (Cf. Maxima Bibliotheca patrum, t. XVlïl,
Lyon, 1677, in-fol. , etle t. CLàehPatrologie deMigne).
Il n'est pas l'auteur de V Elucidarium qui lui a été sou-
vent attribué et que Giles a imprimé parmi ses œuvres
complètes, dans la série des Patres ecclesiœ anglicanœ
(Londres, 1844, 2 vol. in-8). ^ L.
LANFRANG — LANFRANCUS - ^
BiBL. : J. DE Crozals, Lanfranc^ archevêque deCantor-
béry ; Paris, 1877, in-8. Cf. Revue historique^ X, 180. —
Revue des questions historiques, 1881, XXX, pp. 329-382.
— Dictionary of national biography, 1892, XXXII, p. 89.
LANFRANG, célèbre médecin italien du xrii® siècle, de
la famille des Lanfranchi de Pise. Chassé de la péninsule
par la querelle des guelfes et des gibelins, il se réfugia
d'abord à Lyon, où il écrivit la Petite Chirurgie; il vint à
Paris en 1295 et y fut admirablement accueilli par le
doyen Passavant et par les étudiants. C'est à la demande
des professeurs de médecine et en l'honneur de Philippe le
Bel qu'il écrivit la Grande Chirurgie. C'était un chirur-
gien aussi prudent Cfu'éclairé; il a beaucoup contribué à la
rénovation de la chirurgie en France. Les deux Chirurgies
de Lanfranc font partie de la Collectio chirurgica veneta
dans les éditions qui se succédèrent de 4498 à 4546 ; une
édition française a été imprimée en 4490. D*" L. Un.
Collyre de Lanfranc. — Le collyre de Lanfranc est
plutôt une mixture ou solution cathérétique qu'on em-
ploie rarement pour les yeux, en ayant soin alors de la
filtrer et de ne l'employer que très limpide. C'est une très
ancienne préparation, qui n'a été que très légèrement mo-
difiée ; dans la formule primitive, il y entrait de l'eau dis-
tillée de plantain et de l'eau distillée de rose. Voici la for-
mule adoptée par le Codex de 4884 :
Aloès 5 gr .
Myrrhe 5 —
Sous-acétate de cuivre 40 —
Sulfure jaune d'arsenic officinal 15 ~
Eau distillée de rose 380 —
Vin blanc 4.000 ~
On met dans un mortier en verre toutes les substances
solides, réduites en poudres impalpables ; on ajoute le vin
blanc, puis l'eau de rose. On conserve le mélange dans un
flacon bouché qu'on agite chaque fois au moment d'en faire
usage. Le collyre de Lanfranc est donc, en réalité, un
vin arsenical cuivreux. Il ne s'emploie qu'à l'extérieur
dans les ulcères de mauvaise nature et s'applique avec un
tampon, en lavages ou même en injections détersives. Ed. B.
LAN FRANCO ou LANFRANCHI (Giovanni), peintre ita-
lien, né à Parme en 4580 ou 4581, mort à Rome en 1647.
Envoyé très jeune encore à Plaisance, comme page du mar-
quis de Montalbo, il montra de si singulières dispositions
pour la peinture, que son maître le fit lui-même entrer dans
l'atelier d'Augustin Carrache, alors employé à Parme par le
duc Ranuccio Farnèse. Là le jeune homme se forma rapi-
dement, non seulement par les leçons de son maître, mais
par des copies attentives des œuvres de Corrège. A la mort
d'Augustin (4602), Lanfranco alla s'enrôler à Rome parmi
les aides d'Annibal Carrache, et il est probable que celui-
ci l'employa à peindre quelques figures dans la grande ga-
lerie du palais Farnèse. Déjà connu des amateurs par sa
remarquable facilité, il fut appelé en 4607 par le marquis
Sannesio, qui le chargea de décorer sa ville de Borgo Santo
Spirito: Lanfranco y peignit plusieurs fresques de VEis-
toire de Samson et une Nativité, tableau d'autel, dont
le curieux effet de lumière était imité directement de Cor-
rège. iVnnibal mourut à son tour, et Lanfranco, désormais
indépendant, alla passer une année entière à Plaisance ; il
y peignit difîérents tableaux pour son ancien maître, le
marquis de Montalbo, et pour l'église Santa Maria in Piazza
une fresque dans la coupole, qui représente des Anges dans
une gloire. On peut dire que l'exécution de cette fresque
lui révéla à lui-même le genre de peinture pour lequel il
était le mieux doué : les vastes décorations [bidonnantes à
la manière des coupoles de Corrège. Aussi, de retour à
Rome, chercha-t-il aussitôt à se faire donner des com-
mandes de ce genre ; il y réussit aisément : Buongiovanni
le chargea d'abord de peindre une Assomption sur la voûte
de la chapelle de sa famille à Sant'Agostino ; puis le car-
dinal Alessandro Montalto, après bien des difficultés sus-
citées parle Dominiquin à qui avait été d'abord attribuée l'en-
treprise, confia à Lanfranco la décoration de la coupole de
Sant' Andréa del Valle. Il travailla quatre ans (4624-25) à
cette œuvre considérable, et lorsque apparut ce Paradis
d'opéra, dans sa magnifique lumière dorée, l'effet en fut si
grand qu'un moment l'habile compatriote de Corrège ba-
lança la renommée du Dominiquin lui-même, qui venait
d'achever dans le chœur de la même église ses fameuses
fresques de la Mort de saint André. Bientôt Lanfranco
fut appelé à Naples (4634), pour y peindre la coupole du
Gesù Nuovo. Le travail était à peine achevé qu'un incen-
die le détruisit : aussitôt, avec sa facilité et sa promptitude
merveilleuses d'exécution, il le recommença. Infatigable, il
accepta la tâche de décorer l'église de la chartreuse de San
Martine, celle des Santi Apostoli, la chapelle du palais du
comte de Montercy, gouverneur espagnol de la ville, enfin
la coupole de la chapelle du Trésor, à la cathédrale, où le
Dominiquin avait déjà ébauché quelques figures. De retour
à Rome en 4646, il fut aussitôt chargé de peindre une
grande Annonciation dans la tribune de l'église San Carlo
de'Catenati. Il prépara même des esquisses pour la Loge de
la Bénédiction au Vatican, mais la malveillance de quelques
famiHers d'Innocent XI l'empêcha de donner suite à ce
grand projet de décoration. Lanfranco mourut dans la riche
villa qu'il s'était fait bâtir hors de la Porta San Pancrazio ;
il fut enterré à Santa Maria del Trastevere.
Beaucoup d'églises d'Italie et la plupart des grands mu-
sées contiennent des œuvres de ce peintre fécond ; on peut
citer parmi les principales, outre celles qui ont déjà été
signalées : dans la cathédrale de Plaisance, le Pape Inno-
cent J*^ reconnaissant le corps de saint Alexis^ Saint
Conrad dans le désert; à Parme, le Paradis, tableau
d'autel dans l'éghse d'Agnissanti ; à Rome, les figures dé-
coratives de la chapelle de Saint-Pierre où se trouve la
Pietà de Michel-Ange ; Saint Pierre et saint Paul après
le martijre (église San Sebastiano) ; la Vierge donnant
un collier à sainte Thérèse (église San Giuseppe) ; la
Délivrance de saint Pierre (palais Colonna) ; la Cène
(palais du Quirinal) ; le Conseil des Dieux (villa Bor-
ghèse) ; à Florence, le Portrait de l'artiste (musée des
Offices) ; l'Assomption, Sainte Marguerite de Cortone
(palais Pitti) ; à l'Académie de Venise, Saint Louis ser-
vant les pauvres; au musée de Naples, la Vierge et le
Christ délivrant une âme du Purgatoire, Satan en-
chaîné par les Anges, Sainte Maine l'Egyptienne, Her-
minie revêtue des armes de Clorinde; au musée du
Louvre, Agardans le désert, Séparation de saint Pierre
et de saint Paul, le Couronnement de la Vierge; au
musée de Berlin, Sainte Marie-Madeleine ; au musée de
Dresde, les Sorciers; à la Pinacothèque de Munich, Agar
dans le désert, le Christ au mont des Oliviers; au mu-
sée de Madrid, les Funérailles de Jules César, etc.
Lanfranco avait appris, avec Augustin Carrache, la gra-
vure à l'eau-forte aussi bien que la peinture. Lors de son
premier séjour à Rome, il travailla avec Listo Bardaloc-
chio, son compatriote, à une publication des Loges de Ra-
phaël, dédiée à Annibal Carrache, qui porte le titre suivant :
Historia del testamento Vecchio dipinta in Roma net
Vaticano da Baffaelle di lirbino, et intagliata da S.
Badalocchio et Giovanni Lanfranchi Parmigiani. Sur
les 57 feuilles, 28 sont de la main de Lanfranco. On con-
naît encore de lui trois estampes authentiques : Sainte
Marie r Egyptienne en prière, le Triomphe d'un empe-
reur romain et un général romain distribuant des
couronnes a ses soldats (d'après un tableau qui se trouve
au musée de Madrid). E. Bertaux.
BiBL. : Lanzi, Storia pittorica dell'Italia ; Milan, t. V.
— PisTojLESi, Descrizione di Roma. — Charles Blanc,
Histoire des peintres de toutes les écoles, Ecoles de Parme
et de Modène, — Bartsch, le Peintre-Graveur, t. XVIII.
LANFRANCUS, architecte italien qui commença en 4099
la reconstruction de la cathédrale de Modène. Il dirigeait
encore les travaux en 4406, lors de la consécration de l'autel
Saint-Géminien par le pape Pascal. Son pays d'orgine est
encore inconnu : les uns lui donnent, sans motif, le surnom
de Tacci et le disent Italien, les autres lui imposent le prénom
de Wilhelm et en font un Allemand.
887 ~
LANFHANCUS — LANGBAINE
BiBL. : Campori, GH Artisti negli stati Estensi ; Modène,
1855, in-8. — Mothes, Die Baukunst des Mittelalters in
Italien; léna, 1884, t. IL
LANFRANl (Jacopo), architecte et sculpteur Ycnitien du
XIV® siècle. D'après Vasari, il aurait été, conime Jacobello
et Pietro Paolo délie Massegue, l'élève de deux Siennois,
Agostino et Agnolo. Il construisit et décora de sculptures
les deux églises de Sant' Antonio, à Venise, et de San Fran-
cesco à Imola, qui, toutes deux, sont aujourd'hui détruites.
La seule œuvre de Lanfrani qui subsiste est le Tombeau
du jurisconsulte Taddeo Pepoli (1337), dans l'église de
San Domenico à Bologne.
BiBL. : Vasari, éd, Milanesi, t. I. — Perkins, les Sculp-
teurs italiens, trad. HaussouUier, t. II.
LANFREY (Pierre), écrivain et homme politique fran-
çais, nécà Chambéry le 26 oct. 1828, mort à Pau le 15 nov.
1877. Fils d'un ancien officier de Napoléon, il fut élevé au
collège des jésuites de Chambéry, puis au lycée Bonaparte,
à Paris. Il signala dès Tenfance la tournure anticléricale
de son esprit et, après avoir employé plusieurs années à
étudier le droit, la philosophie, l'histoire, appela sur lui
Tattention du grand public par plusieurs ouvrages où ses
tendances rationalistes, comme son amour de la liberté, se
manifestaient avec la plus éloquente énergie : l'Eglise et
les philosophes au xviii^ siècle (1855); Essai sur la
Révolution française (1858), d'une critique pénétrante;
Histoire politique des papes (\S60) ; Lettres d'Everanl
(1860), roman social sous forme de lettres; Histoire po-
litique des papes (1860); le Rétablissement de la Po-
logne; Etudes et portraits politiques (1863). Il entreprit
ensuite, dans sa belle Histoire de Napoléon I'^ dont le
premier volume parut en 1 867, de détruire par une critique
rigoureuse la légende impériale si complaisamment entre-
tenue en France jusqu'à nos jours et, sans souci des préjugés
ou des intérêts qu'il froissait, poursuivit virilement son œuvre
jusqu'au cinquième volume, dans lequel il a pu raconter les
préliminaires delà guerre de Russie (1 875). La mort ne devait
malheureusement pas lui permettre d'achever cette œuvre
réparatrice. Après la guerre de 1 870, pendant laquelle il ser-
vit dans les mobiles de la Savoie et se montra injuste envers
Gambetta, il fut envoyé (8 févr. 1871) par le dép. des
Bouches-du-Rhône à l'Assemblée nationale, où il s'associa
à la gauche républicaine et soutint le gouvernement de
Thiers, qui le nomma ambassadeur à Berne (9 oct. 1871).
A l'avènement de l'Ordre moral (1873), il résigna ses
fonctions diplomatiques et vint reprendre son siège à Ver-
sailles, où il contribua, comme vice-président de la gauche
républicaine, à l'organisation de la République. Il fut élu
sénateur inamovible le 15 déc. 1875. Mais la maladie à
laquelle il devait succomber le tint dès lors à peu près
constamment éloigné des affaires publiques. On a publié ses
OEuvres complètes (1879 et suiv., 12 vol.) et sa Car-
respondance (2 vol.). A. Debidour.
LANFROICOURT. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle,
arr. de Nancy, cant. de Nomeny; 286 hab.
LAN 6 (Karl-ÏIeinrich, chevalier), historien allemand,
né à Balgheim (Bavière, prov. de Souabe) le 7 juil. 1764,
mort près d'Ansbach le 26 mars 1835. Il fit sa carrière
dans l'administration wurttembergeoise, prussienne d'Ans-
bach et bavaroise : ses principaux écrits sont : Historische
Entwickelung der deutschen Steuerverfassung (Berlin,
1793) ; Historische Prûfang des vermeintliehen Alters
der deutschen Landstœnde (Gœttingue, 1796) ; Neuere
Geschichte des Fûrstentums Baireuth (1798-1811,
3 vol.) ; Regesta Bavarica (Munich, 1822-28, 4 vol.) ;
une fantaisie humoristique, Hammelburger Reisen in elf
Fah7'ten (iSiS-^i^ ; rééd., 1882). Ses mémoires posthumes
(Brunswick, 1841, 2 vol. ; rééd., Munich, 1881) sont
sujets à caution.
LAN G (John-Dunmore), écrivain écossais, né àCreenock
en 1799, mort en 1878. Sorti de Tuniversité de Glasgow,
l'Eglise écossaise l'envoya à Sydney, en Australie. Il s'y fit
une situation influence grâce aux journaux qu'il y fonda,
contribua puissamment à la colonisation du pays en y atti-
rant d'honnêtes artisans d'Ecosse, et poussa efficacement le
gouvernement anglais à prendre possession delà Nouvelle-
Zélande. On a de lui beaucoup d'écrits historiques et éco-
nomiques, sans compter ses sermons.
LAN G (Heinrich), théologien protestant allemand, né à
Frommen, près de Balingen ( Wurttemberg) , mort à Zurich le
13 janv. 1876. Elève de Baur, il fut pasteur en Suisse, à
Wartau (1848), Meilen (1863) et Zurich (1871). Il a pro-
pagé les idées libérales et les résultats de la critique scien-
tifique par sa revue, Zeitstimmen filr die reformierte
Schiveiz (1859-72), que continua la Reform, par ses
livres et par ses sermons très admirés (Saint-Gall, 1853) ;
Religiœse Reden (Zurich, 1873-74, 2 vol.).
BiBL. : BiEDERMANN, H. LanQ ; Zurich, 1876.
LAN 6 (Heinrich), peintre allemand, né à Ratisbonne le
24 avr. 1838, élève de F. Voltz. Il s'est voué à la pein-
ture des chevaux et de la cavalerie militaire ; citons ses
Chevaux de la Puszta (1866) ; Courses à Longchamp ;
Bataille de Sedan ^ Attaque des chasseurs d'Afrique à
Floing^ etc.
LAN G (Andrew), littérateur anglais contemporain, né
à Selkirk, en Ecosse, le 31 mars 1844. Il étudia à Oxford,
professe à l'université écossaise de Saint Andrew, édite le
Longman's Magazine et préside la Société londonienne du
Folk-lore. On a de lui des vers élégants, des romans in-
génieux, quantité d'essais critiques sur les sujets les plus
divers. Très au courant du mouvement littéraire en France,
M. Lang a plus d'une fois puisé dans nos auteurs des élé-
ments Imprévus d'originalité. Il s'est fait une grande
réputation d'écrivain et une plus grande encore de mytho-
logue et de bibliophile. Parmi ses écrits on cite : Ballads
ofold France (1872); Helen of Troy (1883), poème
épique ; Customs and Myths (1885, 2*^ éd.) ; Letters to
dead Authors (1886); In the wrong paradise (1886) ;
Myth, ritual and religion (1887, 2 vol.) ; Prime Pri-
gio (1889); Letters in literature (1889) ; une traduc-
tion d'Homère, etc.
LANGADOIS. Ancien pays de France, compris dans la
Basse-Auvergne, sur les deux rives de l'Allier, et corres-
pondant à peu près au cant. de Langeac (Haute-Loire),
LANGAGE. 1. Physiologie (V. Voix).
II. Philosophie (V. Parole et Signe).
III. Linguistique (V. Linguistique).
IV. Télégraphie (V. Télégraphie).
LANGALLERIE. Château de la com. de Saint-Quentin-
de-Caplong (Gironde), qui donne son nom à un vin rouge
renommé (V. Vin).
LANGALLERIE (Philippe de Gentils, marquis de), aven-
turier français, né à Lamotte-Cha rente vers 1656, mort
prisonnier au château de Raab (Hongrie) le 20 juin 1717.
Ne pouvant obtenir un commandement en chef de Louis XIV
et très indiscipliné, il passa au service de l'Empire, puis de
la Pologne. Après un séjour à Cassel, il vint à La Haye oti
il négocia un accord avec l'agha turc, à l'effet d'armer une
flotte au nom du sultan et de s'emparer de l'Italie. Arrêté
à Stade par ordre de l'empereur, il fut emprisonné à Raab
oii il mourut. On ne sait si les Mémoires publiés sous son
nom à La Haye (1743, in-8) sont authentiques, mais il a
laissé lui-même un Manifeste (Cologne, 1707, in-4) et la
Guerre dltalie (Cologne, 1709, 2 vol. in-12). H. Monin.
LANGAN. Com. du dép. d'Ille-et-Vilaine, arr. de Mont-
fort-sur-Meu, cant. de Bécherel ; 649 hab.
LANGAST. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Loudéac, cant. de Plouguenast ; l,348hab. Moulins. Eglise
du XV® siècle.
LAN G BAI NE (Gérard), VAîné, philologue anglais, né à
Barton en 1609, mort à Oxford le 10 févr. 1658. Vicaire
de Crosthwaite (1643), prévôt de Queen's Collège d'Ox-
ford (1646). Ouvrage principal : édition renommée du Traité
du sublime de Longin (1636) avec une traduction latine.
Langbaine témoigna une opposition très vive aux Parlemen-
lANGBAINE — l.ANGE
- 888 —
taires, mais il dut à sa réputation d'érudit do n'être pas
inquiété. R. S.
LANGBAINE (Gérard), bibliographe et critique anglais,
fils du précédent, né à Oxford le 15 juii. 1656, mort à
Oxford le 23 juin 1692. Il eut une jeunesse fort dissipée,
puis vécut retiré près d'Oxford, s'occupant exclusivement
de bibliographie et de critique dramatiques. En nov. 1687,
il publia sous le titre : Momus triumphans or the Pla-
giaries of the english stage, un catalogue des pièces de
théâtre anglaises, qui contenait l'indication de tous les
plagiats relevés par lui ou avant lui et qui eut un tel suc-
cès qu'il en donna dès le mois suivant une seconde édition
sous ce nouveau titre : A New Catalogue of the english
plays (Londres, 1688, in-4). Cette dernière servit de base
à son ouvrage bien connu : An Account of the English
dramatic poets (Oxford, 169J, in-8 ; 2® éd. par Ch. Gil-
don, 1699); on y trouve, à côté de critiques intéressantes
et de précieux renseignements bibliographiques, pas mal
d'erreurs de détails.
LANGBEIN (August-Friedrich-Ernst), poète allemand,
né à Radeberg, près de Dresde, le 6 sept. 1757, mort à
Berlin le 2 janv. 1835. Il étudia le droit à Leipzig, fut
ensuite greffier à Hain, avocat à Dresde et employé aux
archives secrètes. En 1800, il s'établit à Berlin, et il fut
nommé, en 1820, membre de la commission de censure
pour les ouvrages littéraires. Les anthologies ont gardé,
■de ses nombreux écrits, quelques poésies satiriques et
quelques contes en vers. Il avait recueilli lui-même, peu
de temps avant sa mort, ses œuvres complètes en 31 vol.
(Stuttgart, 1835-1837). Ses poésies parurent, en édition
complète, en 4 vol. (Stuttgart, 1854); Tittmann en a donné
un choix dans ssiBibliothek humoristischer Dichtungen^
au 11*^ vol. (Halle, 1872). A. B.
LANGDALE (Marmaduke, lord), général anglais, né
vers 1598, mort à Holme le 5 août 1661. Catholique et
royaliste ardent, il leva un régiment pour la cause du roi
en 1643. En 1644, il battit la cavalerie écossaise à Cor-
bridge, en 1645, le colonel Rossiter àMelton Mowbray et
leva le siège de Pontefract. Mais à Naseby, après une bril-
lante résistance, il fut complètement défait par Cromwell.
Il essaya de rejoindre Montrose en Ecosse, mais ses troupes
furent dispersées à Sherburn, puis à Carlisle. Il se réfugia
en France (1646). En 1648, il reprit la campagne, sur-
prit Berwick, mais à Preston il eut à supporter tout l'effort
de l'armée de Cromwell et dut plier après une résistance
qui excita l'admiration des vainqueurs. Fait prisonnier à
Nottingham, il s'échappa au moment d'être condamné à
mort et revint en France. Charles II le dépêcha en 1649
dans l'Ile de Man au secours du comte de Derby. Puis
Langdale, avide de combats, entra au service de Venise, se
distingua à la défense de Candie, vint en Hollande, où il
proposa au gouvernement de s'emparer de Newcastle et de
Tynemouth et prit part au complot de 1658. Charles II lui
conféra la pairie (4 févr. 1658). R. S.
LANGÉ. Com. du dép. de l'Indre, arr. de CMteauroux,
cant. de Valençay; 821 hab.
LANGE (Wilhelm), mathématicien danois, né à Ilel-
singôr le 15 janv. 1624, mort à Copenhague le 22 mai
1682. Professeur de mathématiques à l'université de Co-
penhague (1650), il fut attaché à l'éducation du prince hé-
ritier (1656), puis chargé de fonctions judiciaires (1660).
Il a donné des Exercitationes mathematicœ (astrono-
miques; Copenhague, 1653), et deux livres De Veritatibus
geometricis avec une Lettre à Meibomius (1656).
LANGE (Joachim), théologien et philosophe allemand,
né à Gardelegen le 26 oct. 1670, mort à Halle le 7 mai
1744. Il est surtout connu comme champion du piétisme,
qu'il défendit contre le théologien luthérien Valentin Lœ-
scher, dans son Antibarbarus orthodoxiœ dogmatico-
hermeneuticus (1709-11), et contre le philosophe Chris-
tian Wolff (V. ce nom) dans divers écrits, entre autres
Causa Dei aduersus Atheismum et Pseudophiloso^
phiam, prœsertim Stoicam, Spinoz. ad Wolfianam.
Il fut professeur de théologie à Halle de 1709 jusqu'à sa
mort. Il a écrit lui-même sa biograghie (Halle et Leipzig,
1744) et publié divers ouvrages théologiques.
LANGE (François), peintre savoyard, né à Annecy en
1676, mort en 1756. Imitateur de l'Albane, ses figures
les moins retouchées sont généralement les plus gracieuses.
Il a traité surtout des sujets religieux : la Descente du
Saint-Esprit, la Nativité du Christ, Membre de l'Aca-
démie de Turin, il se retira, à l'âge de soixante ans, chez
les oratoriens de Bologne ; là il continua à peindre dans
l'intervalle de ses exercices pieux.
LANGE (Samuel-Gotthold), poète allemand, né à Halle
en 1711, mort le 25 juin 1781. Fils de Joachim Lange
(V. ci-dessus), il fut pasteur à Laublingen (près de Halle),
puis inspecteur des églises et écoles du cercle de la Saale
(1755). D'abord partisan de Gottsched, il le combattit
ensuite avec son amiPyra, s'efforçant de repousser l'intro-
duction de la rime et de ramener le vers à son ancienne
forme ; ils publièrent leurs poésies sous le titre de Thyrsis
und Damons freundschaftliche Lieder (Zurich, 1745);
l'échec de la traduction rythmée des Odes d'Horace, pu-
bliée par Lange (Halle, 1752) et durement critiquée par
Lessing, consacra l'avortement de ces tentatives. Lange a
donné un recueil de lettres intéressant pour l'histoire lit-
téraire de son temps: Sammlung gelehrter und freund-
schaftlicher Briefe (Halle, 1769-70, 2 vol.).
LANGE (Joseph), acteur et compositeur allemand, né à
Wurzbourg le l^*" août 1751, mort à Vienne le 18 sept.
1831. Fils d'un secrétaire de légation, il étudia d'abord la
musique et la peinture ; puis, aimant l'art dramatique avec
passion, il s'essaya sur une scène d'amateurs où il obtint
des succès, bientôt se consacra définitivement au théâtre,
et devint rapidement l'un des acteurs favoris du public de
Vienne, où il s'était fixé. Cela pourtant ne l'empêchait pas
de continuer à cultiver la peinture et la musique. Pianiste
habile, il publia des chansons et divers morceaux de mu-
sique instrumentale, et écrivit un opéra : Adèle de Pon-
thieu, qui fut très bien accueilli. Il peignit aussi plusieurs
grands tableaux religieux qui sont estimés. Cet artiste
épousa en 1780 la cantatrice Aloysia de Weber, dont la
sœur épousa Mozart.
LAN G E (Aloysia-Marie-Antoinelte de Weber, M"^^), can-
tatrice allemande, née à Mannheim, morte à Francfort en
i 830. Douée d'une voix charmante, servie par un talent vé-
ritable, elle devint une des meilleures cantatrices de l'Al-
lemagne. Elle débuta à Mannheim en 1779, puis se rendit
à Vienne, où elle reçut des leçons de Mozart, que sa coquette-
rie fit s'éprendre d'elle, mais qu'elle ne comprit pas, si bien
que celui-ci épousa sa charmante sœur Constance. Elle n'en
fit pas moins de grands progrès sous sa direction, et fut
engagée à l'Opéra impérial de Vienne, où elle obtint de
beaux succès, succès qu'elle \ït croître encore sur diverses
autres scènes allemandes. Engagée de nouveau à Vienne,
elle eut bientôt avec la direction des démêlés qui la firent
s'éloigner en 1785 pour se rendre à Hambourg, où elle
resta jusqu'en 1798. Elle se fit entendre ensuite à l'Opéra
allemand d'Amsterdam, qui lui accordait un traitement
très considérable pour l'époque. C'est à Vienne qu'elle avait
épousé l'acteur Joseph Lange.
LANGE (Anne-Françoise-Elisabeth), actrice française,
née à Gènes le 17 sept. 1772, morte à Florence le 25 mai
1816. Son père était musicien, et sa mère, née Marie-Rose
Pi trot, était, en 1780, sociétaire de la Comédie-Italienne.
Dès 1787, la jeune Lange, que sa rare beauté rendit
célèbre dès son jeune âge, faisait partie, à Tours, de la
troupe de la fameuse Montansier, et le 2 oct. de l'année
suivante elle débutait avec succès à la Comédie-Française
dans l'Ecossaise et dans l'Oracle. Elle quitta ce théâtre
en 1791 pour suivre Talma, Dugazon, M"^^ Vestris, etc.,
à celui de la rue Richelieu, qui allait bientôt prendre le
titre de théâtre de la République. Après quelques mois,
elle retourna à la Comédie-Française. Cette fois, après
avoir établi encore quelques rôles nouveaux, elle eut un
- 889 —
LANGE
succès de talent et de beauté dans la fam^se pièce de
François de Neufchâteau, Paméla ou la Vertu récom-
pensée, qui devait attirer sur la Comédie les foudres du
comité de Salut public après avoir bouleversé tout Paris.
On sait ce qu'il en advint: le 3 sept, au matin, l'auteur
de la pièce et tous les artistes du théâtre étaient arrêtés
en masse et conduits dans les différentes prisons. Grâce à
certaines relations, W^^ Lange obtint d'être enfermée dans
la maison de santé du docteur Belhomme, oii sa captivité
fut douce et d'oti elle sortit après le 9 thermidor. Elle alla
rejoindre alors ceux de ses camarades qui étaient déjà
réunis au théâtre Feydeau, mais prit sa retraite dès le
16 déc. 1791. Une semaine après, elle épousait le fils d'un
riche carrossier de Bruxelles, nommé Simons, ce qui ne
l'empêcha pas de reprendre plus tard une vie de coquet-
terie et d'aventures. Elle rentra un instant, en 4807, à la
Comédie-Française, et la quitta de nouveau presque aussi-
tôt. C'est à cette époque qu'elle fut l'objet d'une vengeance
odieuse de la part du peintre Girodet. Comme elle avait
refusé à cet artiste un portrait qu'elle lui avait commandé,
celui-ci ne trouva rien de mieux que de la peindre sous les
traits d'une Danaé disparaissant sous une pluie d'or, et
d'envoyer ce tableau au Salon, où il fit le scandale que
l'on pense. On assure que c'est le chagrin qu'elle ressentit
de cette injure qui causa sa mort. Arthur Pougin.
LANGE (Johann-Peter), théologien allemand, né àSonn-
born le 10 avr. 1802, mort à Bonn le 9 juil. 1884. Il fut pas-
teur en 1826, et professeur de théologie en 1841 à Zurich, et
à partir de 1853 à Bonn. Conférencier très brillant, s'effor-
çant d'accommoder les doctrines chrétiennes au goût des
gens du monde, il fut un écrivain des plus féconds dans
toutes les branches de la théologie : histoire ecclésias-
tique, dogmatique, exégèse; il a publié aussi des poésies et
des cantiques. Son ouvrage le plus considérable, pour
lequel il s'est adjoint plusieurs collaborateurs, est son
Theologisch- homiletisches Bibelwer k {Bklekld, 1861-
77), qui contient en 36 tomes un vaste commentaire
théologique et homilétique de tous les livres de l'Ancien
et du Nouveau Testament.
LANGE (Ludwig), architecte allemand, né à Darmstadt
le 22 mars 1808, mort à Munich le 31 mars 1868.
Elève de Lerch, professeur à l'Académie d'architecture de
Munich (1847), il publia de remarquables dessins des
principaux monuments de l'Allemagne : Malerische An-
sichten der merkwûrdichsien Kathedralen^ Kirchen,
und Monumente der gotischen Baukunst am Rhein,
Main undan der Lahn (Francfort, 1833-34); Werke
der hœheren Baukunst (Darmstadt, 1846-55, 3 vol.), fit
bâtir dans le style classique de la Renaissance italienne la
villa royale de Berchtesgaden et le musée de Leipzig.
C'était aussi un bon peintre.
Son frère Julius, né à Darmstadt le 17 août 1817,
mort à Munich le 25 juin 1878, élève de Schirmer, fut
un bon peintre de paysages dont on trouve des œuvres aux
musées de la Brera (Milan), Stuttgart, Darmstadt, etc. Il
fut le professeur de l'archiduchesse Charlotte, plus tard
impératrice du Mexique.
LANGE (Christian-Christof-Andreas), historien et archi-
viste norvégien, né à Baerum en 1810, mort à Christiania
en 1861. Après avoir fait ses études de théologie à Chris-
tiania et avoir été pendant un certain temps précepteur,
puis suffragant de pasteur de campagne, il entra en 1834
à l'école navale de Fredriksvern comme professeur de reh-
gion, de norvégien et d'histoire. En 1845, s'étant voué
entièrement aux études historiques, il obtint la place d'ar-
chiviste du royaume (Rigsarkivar), qu'il occupa jusqu'à sa
mort. Au cours des années 1843-45, il avait fait, grâce
à des subsides accordés par la Société des sciences de Trond-
hjem, de nombreuses recherches en Suède et en Norvège
pour un grand ouvrage qu'il préparait sur les couvents
norvégiens au moyen âge. Il continua ses investigations,
en les généralisant, les années suivantes et visita la Bel-
gique, la Hollande et le N. de l'Allemagne. Ses travaux.
admirablement documentés, et la collection des documents
qu'il a publiés sont de la plus grande importance pour
l'étude de l'histoire de la Norvège. Ses principaux ouvrages
sont les suivants : Histoire des cloîtres norvégiens au
moyen âge (1847 ; 2^ éd., remaniée, 1856, en danois);
Dipiomatarium Norvegicimi (iS'ilSi, en collaboration
avec C.-R. Unger, continué après 1861, à partir du
YoL Xï, par H.-J. Huitfeldt), œuvre capitale, munie de
tables chronologiques et de répertoires, qui en rendent
l'accès relativement facile ; DicHoîmaire des écrivains
norvégiens de 1814 -i 856 (Norsk-forfatter-lexicon,
1863, publié à l'aide de documents laissés par J. Kraft) ;
Revue norvégie7ine de science et de littérature (Norsk
Ridskrift for Videnskab og Litteratur, 1847-51) et enfin
un grand nombre d'articles dans diverses revues ou jour-
naux. Th. C.
LANGE (Philipp), connu sous le pseudonyme de
P/i. Galen, romancier allemand, né à Potsdam le 21 déc.
1813, médecin militaire prussien jusqu'en 1878. Ses prin-
cipaux romans sont: Der Inselkœnig (Leipzig, 1852) ;
Der Irre von Saint James (1853 ; 7^ éd., 1883, 4 vol.),
réputé son chef-d'œuvre ; Fritz Stilling^ Erinnerungen
aus dem Leben eines Arztes (1854, 4 vol.); Waltker
Lund; aus dem Leben eines Schriftstellen (1855,
3 vol.*); Andréas Burns (1856, 4 vol.); Der Sohn des
Gœrtners (1861, 4 vol.); Die Insulaner (1861, 4 vol.),
scènes de la vie de Rùgen ; Der Leuchtthurm auf Kap
W7'ath (1862, 3 vol.) ; Die Tachter des Diplomaten
(1865, 4 vol.) ; Der Lœwe von Luzern (1869, 5 vol.) ;
Die Rastelbinder (1874, 3 vol.); Der Einsiedler vom
Abendberg (1876, 3 vol.) ; Die Mosetnixe (1877, 3 vol.);
Die Perle von der Oie (1880, 4 vol.), etc. Ces romans,
dont la plupart ont eu plusieurs éditions, sont des peintures
dramatisées de la vie moderne où l'intérêt résulte des
situations; la psychologie en est faible; la plupart décri-
yent les paysages et les mœurs du Slesvig-Holstein. Ph.
Lange a aussi composé un drame, Friedrich in Rheims-
berg (Berlin, 1873, 2« éd.).
LANGE (Ludwig), archéologue allemand, né à Hanovre le
4 mars 1825, mort à Leipzig le 17 août 1885. 11 fit ses
études à l'université de Gœttingue, et fut successivement
professeur aux universités de Prague (1855), de Giessen
(1859) et de Leipzig (187 1). Ses principaux ouvrages sont :
Handbuch der rœmischenAlterthûmer (Berlin, 1856-71,
3 vol., inachevé ; 3^ édit., 1876 et suiv., traduit en fran-
çais par A. Berthelot et Didier), grand ouvrage sur les
institutions et l'histoire poHtique de Rome ; Der home-
ricshe Gebrauch der Partikel d (Leipzig, 1872-73) ; Die
Epheben und der Areopag des Solon (Leipzig, 1874). Il
a publié en outre divers mémoires d'histoire, de gram-
maire et d'épigraphie, plusieurs commentaires de discours
de Cicéron et des articles de revue, notamment dans les
AbJiandlungen der k. sœchs. Gesellschaft der Wis-
senschaften. M. P.
Bi^L. : Neumann, L. Lanfige ; Berlin, 1886.
LANGE (Friedrich- Albert), écrivain politique et philo-
sophe allemand, né à Wald, près de Solingen, le 28 sept.
1828, mort à Marbourg le 21 nov. 1875. Fils d'un pas-
teur calviniste, il commença ses études dans les différentes
villes où son père fut successivement appelé, à Duisbourg
et à Zurich. Il vint en 1848 à Bonn étudier la philologie
et, en 1851, y prit son doctorat puis le diplôme de pro-
fesseur de gymnase. N'ayant pu, après trois années de
suppléance dans un gymnase de Cologne, obtenir un poste
de professeur, il donna sa démission et se fit accorder une
chaire de privat-docent de philosophie et de pédagogie à
l'université de Bonn. Cependant, en 1858, il accepta les
fonctions de professeur en titre au gymnase de Duisbourg.
Il demeura huit ans dans cette ville, s'occupant avec la
plus grande activité de son enseignement, de gymnastique,
d'administration, de politique locale et de questions écono-
miques. En 1862, il abandonna le gymnase pour se con-
sacrer entièrement à la politique. Il se lança dans la lutte
LANGE — [ANGEAC
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des partis avec toute l'ardeur de son âme généreuse et
profondément idéaliste. Il attaqua avec la plus vive énergie
les tendances impérialistes de la politique prussienne et
combattit résolument pour le quatrième état à côté de Be-
bel et de Sonnemann. De cette époque datent une quantité
incalculable d'articles de journaux et de revues politiques,
ainsi que son petit livre Die Arbeiterfrage in ihrer Be-
deutung fur Gegenwart u, Zukunft (Winterthur, 4865,
in-12), véritable chef-d'œuvre dans lequel il recommande,
comme unique moyen de résoudre la question sociale,
l'éducation des classes populaires, l'ennoblissement des ca-
ractères, l'expansion des jouissances intellectuelles et sen-
timentales. Il trouvait aussi le temps de préparer son
grand ouvrage Die Geschichte des Materialismus^ qui
parut à Iserlohn en 1866, et d'écrire un grand nombre
d'articles dans la Pœdagogische Encyclopœdie, à laquelle
il collabora toute sa vie. En butte à des visites domici-
liaires et à des procès de presse continuels, il alla, en
1866, s'établir en Suisse, à Zurich, puis à Winterthur où
il ne cessa de donner à la presse politique articles sur ar-
ticles. En Suisse même l'opposition ne manqua pas de
le persécuter et en 4871 il abandonna la lutte pour s'adon-
ner exclusivement aux sciences. En 4872, le ministère
libéral prussien de Falk lui offrit une chaire de philoso-
phie à l'université de Marbourg. Il accepta. Mais les fati-
gues de la polémique avaient épuisé son vigoureux tempé-
rament. Il mourut après quelques mois d'enseignement
et de longues souffrances stoïquement supportées. Après sa
mort parut son dernier ouvrage : Logische Studien^ ein
Beitrag zur Neubegrûndung der formalen Logik u,
der Erkenntnisstheorie (Iserlohn, 4877). Une troisième
édition revue et augmentée de Die Arbeiterfrage avait
paru à Winterthur en 4875 (4^ éd., 4879). La deuxième
édition revue et augmentée de VHistoire du matérialisme
parut à Iserlohn (1873-75; 3*^ éd., Leipzig et Iserlohn,
4876-77 ; 4« éd., éd. popuL, Iserlohn, 4882 ; trad. angl.,
Londres, 4877-79; trad. franc., Paris, 4878-80).
En philosophie, Lange admet la théorie kantienne des
formes de l'intuition et du jugement ; mais il attribue la
découverte de ces formes non pas à une déduction à priori,
mais à une induction pure et simple. Le monde sensible
est produit par notre organisation sous l'action d'un monde
inconnaissable qu'aucune métaphysique ne peut atteindre.
Le matérialisme, en tant qu'il anéantit les prétentions des
métaphysiciens, est une doctrine bienfaisante; mais il est
impuissant à substituer aux hypothèses transcendantales
une explication valable du problème universel. C'est d'ail-
leurs le rôle légitime des fonctions synthétiques de l'en-
tendement de chercher hors de l'expérience une conception
dans laquelle se rejoignent et s'harmonisent les connais-
sances particulières. Mais ce sont là de pures constructions
individuelles, analogues à l'art et à la religion, mais dépour-
vues de toute valeur objective. Th. Ruyssen.
BiBL. : H. Cohen, Preuss, Jahrbûcher, 1876, pp. 353-
81. — M. Heinze, Vierteljahrsschrift f. wissensch. ^ ki-
los.^ 1876, pp. 173-201. — H. Vaihiivger. Hartmann^ Dûh-
ringu. Lange; Iserlohn, 1876. — H. Braun, F.-A. Lange
als Sozialoèhonom ; Halle, 1881. — O. Ellissen, F.-A.
Lange^ eine Lebensbeschreibung ; Leipzig, 1891.
LANGE (Thomas), romancier danois, né à Copenhague
en 4829, mort en 4887. Ses études de théologie achevées,
il se consacra aux lettres et leur resta fidèle jusqu'à la
fin de sa vie. En 4883, il reçut le titre, purement hono-
rifique, de professeur. Dès 4855, il prenait part à la polé-
mique qui s'engageait autour des doctrines de Kierkegaard
par un opuscule anonyme, qui parut sous le titre de Lettre
rimêe au « Defensor fidei ». Il publia les années suivantes,
soit sous le voile de l'anonyme, soit en les signant, divers
ouvrages et essais qui n'attirèrent pas sur lui l'attention
du pu'bhc. Il dut son premier et très grand succès à un
volume intitulé Au Pays des contes (Eventyrets Land,
4865). Depuis lors, ses ouvrages, plus ou moins goûtés,
ne passèrent jamais inaperçus et lui valurent une place à
côté du célèbre romancier danois Goldschmidt, dont il n'a
ni la vivacité spirituelle, ni le style sain, mais qu'il sur-
passe par un sentiment profond de la nature et par la
richesse, parfois exagérée et presque maladive, de la
langue. S'il abuse des descriptions, il a su mieux que
d'autres faire sentir l'union intime de l'âme et de la na-
ture environnante. Il aime la nature d'un amour mystique,
et par-dessus tout il aime la mer « grandiose et terrible »,
telle qu'elle s'était révélée à lui dans son enfance, et il
excelle à la décrire. Son sens psychologique est très fin.
Ses principaux romans ou nouvelles, à partir de 4865, sont :
le Ruisseau et la Mer (Aaen og Havet, 4870); Descrip-
tions romantiques (4872); les Nuits claires (4875);
Vie et nature (4877); Un Banquet (Et Sym\iosion,iSll);
Nouvelle Vie (4879); Esquisses et Aventures (1880);
Noces d'argent à Hôjsgârd (4883), etc. Plusieurs de ses
œuvres ont été traduites en allemand. Th. C.
LANGE (Julius-Henrik), critique d'art danois, né à Vor-
dingborg en 4838. Professeur à l'université de Copenhague,
il a publié plusieurs ouvrages très importants sur l'histoire
des beaux-arts, entre autres : les Arts plastiques (Bil-
ledkunst, 4884); PArt moderne; Sergelet Thorvaldsen
(4886), études sur la statuaire classique dans les pays du
Nord, où l'on trouve à côté d'une science très sûre, nombre
de vues ingénieuses et fécondes ; Bastien Lepage et autres
études (4889); Etudes sur la représentation de la
figure humaine dans l'art primitif jusqu'à l'art grec
du v^ siècle av. J.-C. (en danois, avec un résumé en
français, 4892, in-4), etc. Th. C.
LANGE (Albert), professeur français, né à Wissembourg
le 27 mai 4842. Agrégé d'allemand, docteur es lettres, il
professa la langue allemande en divers lycées et collèges
de province et de Paris, devint maître de conférences à la
faculté des lettres de Paris et entra au conseil supérieur
de l'instruction publique. Citons de lui: Un Trouvère alle-
mand, Etude sur Walther von der Vogelweide (Paris,
4879, in-8); Tableau de la littérature allemande
(4885, in-42), des éditions classiques de Schiller, de
Lessing, etc.
LANGE (Ina-Blenda), pianiste et romancière finlandaise,
née en 1849. Elle a épousé le chanteur suédois Algot
Lange en 1876 et a publié sous le pseudonyme de Daniel
Sten des nouvelles et des romans qui ont été fort re-
marqués : A Travers les déserts et les rochers (1884) ;
Petites Gens (Sâmre folk, 1885); Luba (étude, 1889) ;
Récits de Finlande (1890), etc.
LANGE (Thor), philologue et auteur danois, né en 4854.
Appelé vers 4877 par le gouvernement russe comme pro-
fesseur dans un lycée de Moscou, il s'est distingué par
des poésies d'une facture remarquable, publiées dans di-
verses revues, et par ses traductions poétiques d'après des
originaux vieux français, italiens, grecs ou russes. Son
ouvrage principal est une remarquable anthologie des écri-
vains russes contemporains (Wesnd, 4886). En 4888 et
1890, Thor Lange a publié deux volumes : Un Mois en
Orient et Esquisses et Fantaisies, où il fait preuve d'un
grand talent descriptif et lyrique. Son dernier ouvrage est
un recueil de poésies : Au Travers d'un verre coloré
(Gjennem farvet Glas, 4894). Th. C.
LANGE-MtJLLER (Peter-Erasmus), compositeur danois,
né à Copenhague en 4850. A peine sorti du Conservatoire
de Copenhague, il produisit des œuvres très diverses, où
l'on reconnaît l'influence de Gade et de Hartmann, mais
qui ne manquent point d'originalité. Après avoir fait jouer
une suite d'orchestre, Alhambra, il donna au public entre
autres un opéra, Tove (4878) ; une symphonie, Arrière-
Saison (Efteraaret), puis composa la musique de Fulvia
et d'un opéra-comique, Etudiants espagnols (i8S3), qui
le fit connaître hors de sa patrie. C'est un des chefs, sinon
le chef de l'école danoise contemporaine.
LANGEAC. Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-Loire,
arr. de Brioude, sur la rive gauche de l'Allier; 4,348 hab.
Stat. du ch. de fer P.-L.-M., ligne de Saint-Germain-
les-Fossés à Nîmes. Bassin houiller. Carrières de spath-
- 894 ~-
LANGEAC — LAiNGENBECK
fluor. Carrières de pierres de taille et de grès à Jahon. Mi-
nerai de plonib argentifère et sulfure d'antimoine à Barlet.
Source ferrugineuse à Brugéroux. Fabrique de perles arti-
ficielles. Cordcries, huileries, moulins. Fabriques de sabots
et de toiles. Tuileries et briqueteries. Ancien ch.-l. du
Langadois. Dolmen (mon. hist.).
LANGEAC (Jean de), prélat et diplomate français, né à
Langeac (Haute-Loire) à la fin du xv^ siècle, mort à Paris
le 22 mai 1541. D'abord protonotaire apostolique, il fit
une rapide et brillante carrière ecclésiastique, grand au-
mônier du roi en 1516, évêque d'Avranches en 1526, puis
de Limoges en 1532. Il fut envoyé on ambassade par le
roi de France en Portugal, en Pologne, en Hongrie, en
Suisse, en Ecosse, à Venise, à Ferrare et enfin à Rome.
n a laissé la réputation d'un ami éclairé des arts.
LANGEAC (De Lespinâsse de), littérateur français, né
vers 1750, mort en 1839. Fils naturel de M"^*' Sabbatin
et du comte Phélippeaux de Saint-Florentin , duc de
La Vrillière, il fut légitimé par le mariage de sa mère avec
le comte de Lespinâsse qui reconnut les enfants. D'abord
abbé, puis chevalier de Malte, il fut secrétaire de légation
à Vienne, à Pétersbourg et à Moscou et chargé même en
1774 d'une mission secrète auprès de Catherine IL II
n'émigra point pendant la Terreur, mais fut un instant
proscrit après le 18 vendémiaire. Conseiller de l'université
lors de sa réorganisation (1801), il reçut en i 825 le titre de'
garde de la bibliothèque et des archives de la Sorbonne.
Auteur d'un certain nombre de pièces de vers et d'éloges en
prose couronnés par l'ancienne Académie française, d'une
traduction ou plutôt d'une paraphrase de VEnéide en vers
français, il donna sous l'Empire un Essai d'instruction
morale ou les Devoirs envers Dieu, le prince, la patine
et soi-même (1812, 2 vol. in-4 et in-18), rempli des plus
hyperboliques flatteries à l'adresse de Napoléon, et en 1 821
un Journal de ranarchie, de la terreur et du despo-
tisme (3 parties in-16) où la Révolution et l'Empire sont
également malmenés. Langeac avait formé ou reçu en hé-
ritage une galerie de tableaux dont une partie fut vendue
aux enchères en i 809 et dont le reste fut acquis en 1 822
par Louis XVIIÏ pour 20,000 fr. Quelques-uns entrèrent
au Louvre, d'autres (des portraits) furent attribués au musée
de Versailles lors de sa formation. M. Tx.
LANGEAIS (Alingavia^ Langiacum), Ch.-l. de cant.
du dép. dlndre-et-Loire, arr. de Chinon, au confluent de
la Roumer et de la Loire; 3,365 hab. Pont suspendu
sur la Loire. Stat. du chem. de fer de Tours à Nantes ;
fabrique de poteries. — La paroisse a été fondée par saint
Martin, et des monnaies mérovingiennes y furent frappées.
Il reste les ruines d'un fort construit par Foulques Nerra
et dont les Anglais s'emparèrent en 1427. Dans cette ville
eut lieu, en 1460, la première rédaction de la coutume de
Touraine, et, le 26 déc. 1 491 , le mariage de Charles VII avec
Anne de Bretagne. L'église remonte en partie au xi® siècle
et le château à la seconde moitié du xv®. L. Lhuillier.
Concile provincial de Langeais, tenu en 1278, sous la
présidence de Jean de Montsoreau, archevêque de Tours.
On y fit seize canons. IV. Défense aux prêtres de garder
auprès d'eux les enfants qu'ils ont eus de leurs concubines,
étant déjà dans les ordres sacrés, et de leur rien léguer.
VIL Ceux qui sont restés un an dans l'excommunication,
au mépris des clefs de l'Eghse, sont déclarés incapables de
faire et de recevoir des legs. XIV. Défense de piller les
prieurés vacants. XV. Pour être reçu avocat dans les tri-
bunaux ecclésiastiques, il faudra avoir étudié le droit cauon
et le droit civil, au moins pendant trois ans. E.-II. V.
LANGEAIS (Raoul de), prélat français du xi® siècle.
Doyen de l'égUse de Tours, puis promu évêque de cette
ville, il fut, par suite de calomnies, déposé et excommu-
nié ; mais, après justification, revint sur son siège. Chassé
de nouveau par Foulques Réchin, il fut rétabli en 1084
par Grégoire VIL L. Lhuillier.
LANGEBEK (Jacob), historien danois, né àThy en 1710,
mort à Copenhague en 1775. N'étant encore qu'étudiant,
il apprit l'islandais afin de donner une base plus solide à
ses recherches sur l'histoire primitive du Danemark. Il se
fit remarquer d'abord par les critiques qu'il publia des tra-
vaux historiques de ses contemporains; ces critiques lui
attirèrent parfois des difiîcultés, entre autres avec l'histo-
rien Erik Pontoppidan, auquel, sur un ordre du roi, il
dut présenter des excuses, pour avoir trouvé quelques dates
fausses et d'autres erreurs dans son Histoire de l'Eglise
danoise. Soutenu par l'historien Gram et quelques autres
savants, il fonda le 8 janv. 1845 la Société pour l'étude
de la langue et de l'histoire danoise, et, après la mort
de Gram, lui succéda comme archiviste (1848), fonctions
qu'il exerça jusqu'à la fin de sa vie. Très faible de santé,
il travaillait néanmoins continuellement, et était un spiri-
tuel et agréable causeur, bien que d'extérieur plutôt sé-
vère : speciem tristis et taciturni prœ se ferebat ; in
convictîi taynen hilaris sempervultus. Il a laissé, à l'état
de manuscrits, des notes et des extraits considérables de ses
lectures sur toutes les matières relatives à l'histoire et à
la linguistique, entre autres un dictionnaire danois, qui va
jusqu'à la lettre H et comprend 16 vol. in-fol. Ses œuvres
les plus importantes sont, à côté d'un nombre considérable
d'articles de journaux et de dissertations : Die dœnische
Bihlioihek, oder Sammlung von alten und neuen ge-
lehrten Sachen aus Dœnemark (1838-39, en collabo-
ration avec Févêque Harboe) ; Dansk Magazin (fascicules
mensuels, qui parurent de 1745 à 1752, 6 vol.), et Scrip-
tores rerum danicarum medii œvi, pariim. hactenus
inediti, partim emendatius editi, quos collegit, ador-
navit et publici juris fecit Jacobus Langebek (Hafniae,
1772-74, 3 vol. in-fol.) . Ce dernier ouvrage, dont le neu-
vième et dernier volume a paru en 1878, fut continué
d'après les papiers de Langebek par Suhm, Schœning et
autres savants. Le volume IV, qui avait été complètement
rédigé par Langebek, est précédé d'une préface de Suhm
qui contient la vie beati Langebekii (1776). En 1794,
Nyerup a publié un volume de Langebekiana, ou Contri-
bution à Vétude de Vhistoire de la littérature danoise,
d'après les papiers laissés par Langebek ; enfin on vient
de publier à Copenhague, à l'occasion du cinquantenaire de
la fondation de la Société pour l'étude de la langue et de
l'histoire danoises, un recueil fort intéressant des Lettres
de Langebek (Copenhague, 1895). Th. Cart.
LANGEBERGEN (Montagnes). Ce nom a été donné à
plusieurs chaînons de l'Afrique australe : un à l'O. du
Griqualand West ; un autre dans le district de Calvinia, etc.
Le plus connu est celui qui fait partie de la chaîne méri-
dionale du Cap, et qui court de l'O. à FE., entre les rivières
Breede et Groote. L*aît. est de 1,000 m., avec quelques
sommets de 1,500 m. Les pentes sont rapides et boisées
au S., nues au N. C. Del.
LANGELIER (Nicolas), canoniste français, né vers le
milieu duxvi^ siècle, mort en 1595. Il fut élevé à la di-
gnité épiscopalele 5 août 1564. Son administration fut mar-
quée par de graves agitations. Il était ligueur dans l'âme,
en effet, et son diocèse (le diocèse de Saint-Brieuc) était
fermement attaché à la cause royale. Il usa sa vie à s'ef-
forcer de briser les résistances environnantes et n'eut que
la consolation de les neutraliser un peu. En lui le duc de
Mercœur perdit un de ses plus sincères et de ses plus dé-
voués partisans. L. M.
LAN G EN (Joseph), théologien vieux-catholique, né à
Cologne le 3 juin 1837. Professeur à l'université de Bonn
(1867), il fut excommunié pour avoir refusé de se soumettre
aux décisions du concile du Vatican. Parmi ses livres, on
peut citer : Das vatikanische Dogma von dem Univer-
salepiskopat un der Unfehlbarkeit der Papstes (Bonn,
1871-76, 4 vol.).
LAN G EN AU. Ville du Wurttemberg, cercle du Danube,
sur la Nau; 3,800 hab. Château; machines, cuirs, mi-
noterie.
LANGENBECK (Conrad-Johann-Martin), célèbre anato-
miste et chirurgien allemand, né à Horneburg, dans le Ha-
LANGENBECK — LANGENSOULTZBAGH
892
novre, le 5 déc. 1776, mort le M- janv. 185i, Re«;u pri-
vat-docent à Gœttingue en 4802, et chirurgien à l'hôpital
académique, il fut nommé en 1804 professeur extraordi-
naire, fonda en 1807 un Institut clinique de chirurgie et
d'ophtalmologie et devint en 1814 professeur ordinaire
d'anatomie et de chirurgie et chirurgien en chef de l'armée
hanovrienne. En 1828-29, il créa un nouveau théâtre ana-
tomique. Langenbeck fut un opérateur très habile et un
professeur hors ligne, mais il ne suivit pas toujours les pro-
grès de son art. Ses ouvrages sont remarquables : Ueber
eine ein fâche und sichere Méthode des Steinchnittes
(Wurzbourg, 181*2, in-8); Anatomisches Handbuch
(Gœttingue, 1806, in-8); Nosologie und Thérapie der
chirurg. Krankheiten (Gœttingue, 1822-50, 5 vol. in-8) ;
Handbuch der Anatomie (Gœttingue, 1831-47, 4 vol.
in-8); ton^5 anatomicœ (Gœttingue, 1833-41, 8 fasc.
gr. in-fol.); Mikroskopisch-anat, A hhandkmg en (Goit-
tingue, 1848-51, 4 fasc. in-fol.) , etc. Il publia en outre
Bibliothek fur Chir, u, Ophthalm. (1806-28). D'L, Hn.
LANGENBECK (Bernhard-Rudolf-Konrad de), chirur-
gien allemand, né à Padingleuttel le 8 nov. 1810, mort
à Wiesbaden le 30 sept. 1887, neveu du précédent. Il
étudia à Gœttingue, en Angleterre et en France, devint
privat-docent de physiologie à Gœttingue en 1838, puis en
1842 fut appelé à professer la chirurgie à Kiel, et en
1 847 succéda à Dieffenbach comme professeur de clinique
chirurgicale et directeur de la clinique. Il dirigea le ser-
vice de santé pendant la guerre de 1864, et prit part
comme médecin général à la suite aux campagnes de 1 866
et de 1870-71. Il se démit de ses fonctions en 1882. —
Langenbeck a été l'un des premiers chirurgiens du siècle ;
la chirurgie conservatrice surtout lui doit beaucoup ; c'est
lui qui a introduit les résections dans la chirurgie de guerre.
Il a fait faire aussi de grands progrès aux opérations auto-
plastiques, à l'ostéotomie et à la ténotomie sous-cutanée, etc.
A partir de 1860, il publia avec Billroth et Gurlt : Ar-
chiv fur klin. Chirurgie ; on lui doit encore : Chirur-
gische Beobachtungen aus dem Kriege (Berlin, 1874,
in-8) et une série de monographies insérées dans les recueils
périodiques, etc. D^ L. Hn.
LANGENBER6. Ville de Prusse, district de Dusseldorf
(Province rhénane); 6,800 hab. Importante industrie de
soieries.
LANGENBIELAU. Corn, de Prusse, district de Breslau
(Silésie), sur le Rotwasser; 15,000 hab. Château de la
famille Seydlitz ; importants tissages de laine et coton,
teintureries, etc.
LANGENBRUCK. Village de S jisse, cant. de Bâle-Cam-
pagne ; 826 hab. Entouré de rameaux du Jura, dont les
versants sont couverts de ricb as pâturages, Langenbruck
est renommé par la salubrité de son site et la beauté des
aspects des monts environnan ^s. Séjour d'été très fréquenté,
notamment par les familles de Bâle et de l'Alsace.
LANGENBRUCKEN. Vi/iage d'Allemagne, grand-duché
de Bade, cercle de Karlsrube, sur le Kraichbach ; 1 ,400 hab.
Station balnéaire fréquentée.
Eaux minérales. — Athermales, amétallites, carboniques
moyennes, sulfureuses faibles, ces eaux, à odeur hépa-
tique, sont surtout employées dans les catarrhes chro-
niques des voies respiratoires, le catarrhe de la vessie, le
rhumatisme et les paralysies. Il est toujours bon d'asso-
cier à la cure interne les bains de gaz, les bains de vapeur
et les douches. D^ L. Hn.
LANGENDREER. Com. de Prusse, district d'Arnsberg,
nœud de chem. de fer du bassin houiller de la Ruhr;
10,000 hab. Mines de houille.
LANGENDYK (Pierre), poète hollandais, né à Langen-
dyk, près d'Alkmaar, le 25 juii. 1683, mort à Haarlem le
18 juin 1756. Il devint historiographe de la ville de Haar-
lem, et composa un grand nombre d'œuvres dramatiques
qui pèchent par la trivialité, mais qui furent cependant
représentées avec succès. Il est aussi l'auteur de poèmes
descriptifs, comme la Vie de Guillaume l^^ ; il est sur-
tout célèbre par ses chansons. Ses œuvres complètes ont
été publiées à Haarlem en 1760 et forment 4 vol. in-4.
BiBL. : Van Kampen, Histoire des lettres néerlandaises
(en holland.) ; La Haye, 1821-1826, 3 vol. in-8.
LANGÉNIEUX (Benoît-lVlarie), archevêque de Reims,
né à Villefranche (Rhône) le 15 oct. 1824. Après avoir été
curé de Saint-Augustin à Paris, puis vicaire général de
l'archevêché, il fut nommé évèque de Tarbes en 1873, ar-
chevêque de Reims en 1874, et créé cardinal -prêtre, au
titre de Saint- Jean-Porte-Latine, en 1886. H est un des
plus ardents promoteurs de la béatification de Jeanne d'Arc :
Cause de Jeanne d'Arc, panégyrique prononcé dans la
cathédrale d'Orléans, le 8 mai 1885, pour le 456® anni-
versaire de la délivrance de cette ville (Paris, 1885, in-8).
LANGENSALZA. Ville de Prusse, district d'Erfurt, sur
la Salza; 11,000 hab. Filatures et tissages, fabriques d'ins-
truments aratoires, grandes librairies,'etc. Source sulfu-
reuse (établissement balnéaire). — Elle reçut en 1211
les droits urbains, fut achetée en 1344 par le landgrave
de Thuringe, passa à la Saxe (ligne xAlbertine) et en 1815
à la Prusse. Au N. sont les ruines du couvent bénédictin
de Homburg (Hohenburg), sécularisé en 1541. Le 9 juin
1075, l'empereur Henri IV défit les Saxons près de Hom-
burg; le 15 févr. 1761 l'armée de l'Empire sous Stainville
fut battue à Langensalza par les Anglo-Prussiens de Sydow
et Spœrcken; le 17 avr. 1813, les Prussiens y vainquirent
les Bavarois. Enfin, les 27 et 29 juin 1866 s'accomplirent
à Langensalza des événements militaires considérables. Les
Hanovriens (19,000 h.) sous Arentschildt (auprès duquel
étaient le roi Georges et son fils le prince royal), après
l'échec de leurs eôbrts pour se joindre aux Bavarois par
Gotha ou Eisenach, s'étaient repliés à Langensalza, ap-
puyant leur aile droite au N. à l'Unstrut. Il y furent atta-
qués par le général prussien de Flies qui ne disposait que de
8,200 hommes ; il prit la ville mais fut ensuite repoussé et
culbuté avec de grandes pertes (1,700 h. et 2 canons). Mais
les Hanovriens ne purent profiter de leur victoire. Enve-
loppés par des forces supérieures, ils durent capituler. La
capitulation de Langensalza (29 juin 1866) fut l'arrêt
de mort de la monarchie hanovrienne. A. -M. B.
BiBL. : Gœschel, Chronik der Stadt Langensalza, 1818-
44, 4 vol. — Wengen, Gesch. der Kriegser'eignisse zvcis-
chen Hannover und Preussen im Jahr 1866 ; Gotha, 1885.
— Du môme, Gen. Vogel von Falckenstein^ 1887.
LANGENSHAWALBACH. Ville de Prusse, district de
Wiesbaden, dans un vallon riverain du Mimzenbach ;
2,700 hab. Eaux minérales carbonatées ferrugineuses (sans
autres éléments).
LANGENSKJŒLD (Karl-Fabian-Theodor) , homme d 'Etat
et mathématicien finlandais, né à Sseseksmseki en 1810,
mort en 1863. Après avoir fait ses études à Abo et y avoir
pris le grade de « filosofie magister », il fut nommé en
1 843 traducteur pour la langue russe au sénat impérial
finlandais, d'où il passa au secrétariat d'Etat pour la Fin-
lande, à Saint-Pétersbourg. Adjoint à diverses missions di-
plomatiques, il assista en 1851 le ministre russe à Stock-
holm, lors de la délimitation entre la Laponie norvégienne
et la Laponie finnoise. Il occupa ensuite de hautes situa-
tions dans l'administration finlandaise et réussit à doter la
E^inlande d'une monnaie qui lui fût propre. Sa gestion,
comme chef des finances, n'a pas été sans soulever de vives
critiques, provoquées surtout par les emprunts qu'il con-
tracta à l'étranger. Il cultivait avec succès les mathéma-
tiques et a laissé un Manuel de trigonométrie plane
(l'^^ éd., 1838 ; 3^ éd., 1864), qui est devenu classique en
son pays.
LANGENSOULTZBACH (en allem. Langensulzbach) .
Com. de la Basse-Alsace, arr. de Wissembourg, cant, de
Wœrth-sur-Sauer, sur le Soultzbach, à 4 kil. au N,-0. de
Wœrth ; 655 hab. Elle faisait autrefois partie de la seigneu-
rie de Schœneck ; église en style roman, probablement sur
l'emplacement d'un temple gallo-romain, dont il subsiste
des autels, des fragments de sculptures et quelques ins-
criptions (Brambach, Inscr, rhen.^ n'^ 1839). Au début de
la bataille de Frœschwiller (6 août 4870), Langensoultz-
bach était occupé par le 2® corps d'armée bavarois.
LANGENTHAL, Grand village de Suisse, cant. de Berne ;
3,754 Iiab. Stat. du chem. de fer Berne-Olten. Son terri-
toire fertile en a fait un important marché de bétail et de
céréales, qui approvisionne toute la contrée. Il s'y tient de
grandes foires. L'industrie y prospère aussi.
LANGEOOK. Ile d'Allemagne, sur la côte de la Frise
orientale, district d'Aurich, longue de 14 kil., [large de 2.
Bains de mer dépendant du couvent de Lokkimi.
LANGER (Johann-Peter de), peintre allemand, né à Kal-
kum, près de Dusseldorf, en 1756, mort à Munich le 6 août
1824. Elève de Krahe à Dusseldorf, il fut successivement
directeur de l'Académie de cette ville et de celle de Munich.
On a de cet artiste, qui excellait à rendre l'expression des
physionomies, des portraits très estimés, entre autres celui
de la reine Thérèse de Bavière, puis des scènes tirées de
l'Ecriture sainte, telles que le Christ bénissant les en-
fants (Carmélites de Munich) ; le denier du cens, et une
série d'eaux-fortes (notamment le Sauveur avec les
apôtres)^ d'après Marc-xAntoine.
LANGER (Robert de), peintre allemand, né à Dussel-
dorf en 1783, mort à Haidhausen le 6 oct. 1846, fils du
précédent. Elève de son père, professeur à l'Académie des
beaux-arts de Munich (1806), dont il devint secrétaire
général (1827), on peut citer ses dessins à la plume pour
la Divine Comédie^ huit tableaux pour l'hôpital général de
Munich, etc.
LANGER (laroslav), écrivain tchèque, né à Bohdanec
(Bohême) en 1806, mort à Bohdanec en 1846. Après avoir
achevé ses études à Prague, il fut attaché aux archives du
prince Rodolphe Kinsky. Il collabora à divers recueils et
publia des idylles et des poésies satiriques qui furent remar-
quées . L'une d'entre elles valut des poursuites à Langer qui,
épouvanté, se retira en province et renonça à la littérature.
LANGER (flermann), organiste et professeur allemand,
né à ïleckendorf (Saxe) le 6 juil. 1819, mort à Dresde le
8 sept. 1889. Il fit ses études à Leipzig, se fixa en cette
ville comme organiste, y prit la direction de plusieurs so-
ciétés de chant, et fit à l'université des lectures sur l'his-
toire de la musique qui lui valurent en 1859 le titre de
docteur et en 188^ celui de professeur. Langer a publié :
Repertorium fiir den Mœnnergesang ; Der erste U7iter-
richt im Gesang (1876, 3 vol.), et a dirigé la publication
périodique intitulée Musikalische Gartenlaube. M. Br.
BiBL. : H. Langer, ein Lebensabriss ; Leipzig, 1889, in-8,
LANGER (Anton), écrivain autrichien, né à Vienne le
l^janv. 1824, mort à Vienne le 7 déc. 1879. Le succès
de sa première pièce (Eine deutsche Fabrik) fut suivi de
beaucoup d'autres; citons : Ein iviener Freiwilliger,
Strauss und Lanner, Ein Judas von Anna neun, Der
Aktiengreisler, Vont Juristentag , Ein Wort am Minis-
ter, etc. Il publia aussi une série de romans populaires :
Der letzte Fiaker (Vïmne, 1855, 3 vol.); Die Rose vom
Jesuiterhof (1860-61); Dœmon Brandwein (1863); Der
Alte JSaderer, etc. C'était un des plus intéressants repré-
sentants de l'esprit populaire viennois, écrivant souvent
en dialecte local.
LANGER (Siegfried), orientaliste contemporain, né à
Schœnwald (Autriche) le l®*" sept. 1857, mort assassiné
dans le Yémen en mai 1882 au cours d'une mission du-
rant laquelle il avait recueilli 19 inscriptions himyarites.
H. Mullerles a éditées : Siegfried Langer's Reiseberichte
aus Syrien und Arabien (Ld^zig, iSS^).
LANGERON. Com. du dép. de la Nièvre, arr. de Nevers,
cant. de Saint-Pierre-le-Moùtier ; 715 hab.
LANGERON (Andrault, comte de), général russe, d'ori-
gine française, né à Paris le 13 janv. 1763, mort à Saint-
Pétersbourg le 4 juil. 1831. Après avoir pris part à la
guerre d'Amérique (1782-83), ii était déjà parvenu au
grade de colonel dans l'armée française, quand éclata la
Révolution, dès le début de laquelle il émigra et alla prendre
893 — LANGENSOULTZBACH — LANGHANS
du service en Russie (mai 1790). Il fit d'abord campagne
contre les Suédois (1790) et contre les Turcs (1791), passa
cojnme volontaire dans les armées du duc de Brunswick et
du duc de Saxe-Cobourg (1792-93), puis retourna en Rus-
sie, où il devint général en 1799. La division qu'il com-
mandait à Austerlitz fut écrasée (2 déc. 1805), ce qui lui
valut une courte disgrâce. Mais envoyé en 1807 à l'armée
du Danube, il contribua puissamment aux succès qui ame-
nèrent la paix de Bucarest (1812), marcha ensuite sous
Tchitchagov jusqu'à la Bérésina et jusqu'à Wilna, com-
manda un corps de 50,000 Russes en Allemagne pendant
la campagne de 1813, participa aux batailles de la Katz-
bach (26 août) et de Leipzig (16-18 oct.) et, en 1814, de
concert avec Bliicher, marcha sur Paris, où il entra à la
suite de la bataille du 30 mars. Le retour de Napoléon
ayant fait renaître la guerre en 1815, il vint occuper l'Al-
sace et la Lorraine, fut, quelque temps après, nommé gou-
verneur d'Odessa, puis de la Nouvelle-Russie, fut disgra-
cié de nouveau en 1822, et ne reprit faveur que sous
Nicolas P^ (1825). Les hostilités ayant recommencé entre
la Russie et la Turquie, il eut un commandement impor-
tant sur le Danube pendant la campagne de 1828, mais le
quitta en 1829 pour ne pas servir sous Diebitch et dès
lors ne sortit plus de la retraite. A. Debidour.
LAN G ESSE. Com. du dép. du Loiret, arr. et cant. de
Gien; 263 hab.
LANGETHAL (Heinrich), un des principaux collabora-
teurs de Frœbel, né à Erfurt en 1792, mort à Keilhau
en 1879. Fils d'un cordonnier, il fit ses études classiques
au gymnase de sa ville natale et commença à dix-huit ans
ses études de théologie, tout en faisant l'éducation de son
jeune frère Christian, né en 1806, qui sera un des pre-
miers élèves de Frœbel, - comme lui un de ses premiers
auxiliaires, et qui racontera ses souvenirs d'écolier dans
un opuscule : Keilhau in seinen Aufœngen (léna, 1867).
H. Langethal vint à l'université de Berlin en 1811, s'en-
rôla en 1813 avec son ami Middendorf, rencontra à Dresde
Frœbel qui était dans le même cas et qu'il eut deux ans
pour compagnon d'armes. De 1 815 à 1817, il fut précepteur
chez un banquier, tout en achevant ses études à Berlin où
il eut pour maîtres Neander et Schleiermachcr. Docteur
en théologie, il renonça au ministère pour s'attacher à
Frœbel, enseigna à Keilhau jusqu'en 1834, suivit alors
son ami en Suisse, à Willisau d'abord, puis à Burgdorf,
où il lui succéda, accepta en 1841 la direction de l'école
supérieure des filles de la ville de Berne, revint en Alle-
magne en 1852, fut dix ans pasteur à Schleusingen, et,
devenu presque aveugle, se retira à Keilhau, où il enseigna
encore et mourut à quatre-vingt-sept ans. Il a publié : Der
Mensch und seine Erziehung (Berne, iS^d) et Der erste
Schulunterricht (1864). Le journal Kinder garten a
publié de lui des notes autobiographiques (1882) et des
lettres de Frœbel à lui (1884). ÏL M.
lANGETTl (Giovanni-Battista), peintre italien, né à
Gênes en 1635, mort à Venise en 1676. Il fut l'élève de
Pietro da Cortona et de Cassana dont il imita le coloris
éclatant. 11 se fixa à Venise et y peignit un grand nombre
de tableaux représentant des ermites, des philosophes, des
vieillards ; sa facilité était très grande. On cite comme ses
meilleurs tableaux : un Christ crucifié qui se trouve à
l'église Sainte-Thérèse de Venise, et le Supplice de Mar-
syas, à Dresde. Ph. B.
LANGEVIN (V. Bordereau [Renée]).
LANGEY. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Chà-
teaudun, cant. de Cloyes; 686 hab. Stat. du ch. de fer de
l'Etat, ligne de Châteaudun à Nogent-le-Rotrou. Ruines
d'un ancien château de la famille du Bellay, où le séjour
de Rabelais est rappelé par un buste qui surmonte la
porte. Fontaine de César à Villebalay.
LANGHAC (Jean de) (V. Langeâc).
LANGHANS (Karl-Gotthard), architecte allemand, né à
Landeshut (Silésie) en 1733, mort à Griineiche, près de
Breslau, le 1^^ oct. 1808. Après de longs voyages en Eu-
LANGHANS— LANGLE
894
rope, il fut nommé conseiller supérieur d'architecture à
Breslau, et dirigea dans cette ville la construction du palais
de Hatzfeld et de l'église des Onze mille Vierges, puis celle
de l'orphelinat de Landsberg, Appelé en 1791 à Berlin par
Frédéric-Guillaume, il y fut chargé des travaux intérieurs
de l'Opéra. Son œuvre maîtresse, toutefois, ce lut l'érec-
tion de la Porte de Brandebourg, imitation des Propylées
d'Athènes, qui lui valut de devenir directeur du départe-
ment des bâtiments royaux. On lui doit, en outre, l'achè-
vement du Palais de marbre de Potsdam et V Am-
phithéâtre d'anatomie de l'Ecole vétérinaire de Berlin,
Langhans, dont l'influence fut immense sur l'architecture
de son temps, a laissé divers mémoires relatifs à son art.
LANGHANS (Edouard), théologien et publiciste suisse,
né à Guttanen (Oberland bernois) le 20 avr. 1832, mort
à Berne le 9 janv. 1891. Il lit ses études à Berne, à Berlin,
puis en France, et fut appelé en 1861 à l'école normale ré-
formée de Miinchenbuchsee (Berne), mais ses hardiesses
théologiques lui valurent un procès en hérésie, puis une
chaire à l'université de Berne. Son principal hvre qui a eu
plusieurs éditions est intitulé Handbuch der bibiischen
Geschichte wid Litteratur îiach den Ergebnissen der
neuen Wissenschaft (Berne, 1865, 2 vol.). Il fut un des
principaux écrivains du journal religieux avancé les Schwei-
%er Reformblcetter, E. K.
LANGHANS (Wilhelm), compositeur allemand, né à
Hambourg le 21 sept. 1832. Il se forma à Leipzig et à Pa-
ris, où il vécut en 1854-57 et 1863-69, et se fixa à Ber-
lin en 1871. De ses compositions, on cite une belle sym-
phonie, de remarquables morceaux pour violon et piano,
ballades, lieds, etc. Il a écrit : Die Gesch. der Musik des
^jten^ iS^^^'und i9*'''Jahrhunderts(iSS3-S6,'^ vol.).
LANGHE (Charles de), philologue belge, néàBerquiny,
près de Cassel, vers 1521, mort à Liège en 1573. Il em-
brassa l'état ecclésiastique et aha occuper un canonicat à
la cathédrale de Saint-Lambert, à Liège. Il consacra ses
loisirs à la pubhcation d'éditions savantes de divers au-
teurs anciens et collationna les principaux manuscrits des
bibliothèques belges et étrangères ; il fit preuve de vastes
connaissances et d'une critique pénétrante. Nous citerons
les éditions des œuvres philosophiques de Cicéron (Anvers,
1563, in-fol.) et des comédies de Plaute (ic^., 1566; rééd.
à Francfort, 1593 ; à Bâle, 1568, in-12). Il forma un riche
cartulaire de la principauté de Liège : Collectio variorum
diplomatum et actorum ecclesiœ et patriœ Leodiensis,
ex archivis ecclesiœ cathedralis, collegiatarum ac mo-
nasteriorum, qui est resté inédit. E. H.
BiBL. : Paquot, Mémoir'es pour servir à l'histoire lit-
téraire des XVII provinces des Pays-Bas; Louvain, 1765-
70, 3 vol. in-fol. — F. Van Hulst, C. de Langhe^ dans la
Revue belge^ t. L
LANGHECRUYSou LONGHEGRUCIUS, ou de LONGA
CRU CE (Jean Van), canoniste belge, né à Hilvarenbeek
vers 1530, mort à Cassel en 1604. 11 fut professeur de
belles -lettres et plus tard de droit civil à l'université de
Louvain, et devint prévôt de Saint-Pierre, à Cassel. Il re-
fusa d'occuper le siège épiscopal de Ruremonde pour se
consacrer à ses études, et publia des ouvrages importants
sur le droit canonique et la discipline ecclésiastique.
LANGHIEN (Géol.) (V. Miocène).
LANGHOLM. Ville d'Ecosse^coffité de DumfrieSjSurl'Esk;
4,200 hab. Mines d'antimoine; manufacture de plaids.
LANGHORNE (Daniel), chroniqueur anglais, mort en
1681. Agrégé ou fellovsr de Trinity Collège (Cambridge), il
obtint en 1670 la paroisse de Layston, dans le comté de
Hertford. Il a laissé : Elenchus Antiquitatum Albio-
nensium^ Britannorum, Scotorum^ Danorum^ Anglo-
saxonum^ etc. (1673, in-8), avec un Appendix (1674),
une Introduction to the History ofEngland (1676), et
Chronicum Regum Anglorum (1679). B.-H. G.
LANGHORNE (John),poète anglais, né en 1735, mort en
1779. Longtemps précepteur particuher, il occupa plus tard
plusieurs charges ecclésiastiques, et fut même juge de paix
à Blaydon (Somerset) où il s'était marié. Il publia quel-
ques volumes de vers, d'un tour facile et d'une inspiration
aimable, et plusieurs nouvelles sentimentales. Sa traduc-
tion des Vies de Plutarque (1770), un .peu lourde, mais
plus exacte que la version donnée par North du Plutarque
d'Amyot, a été souvent réimprimée. B.~H. G.
LANGî EWICZ (Marian), insurgé polonais, né à Krotoszyn
le 5 août 1827, mort à Constantinople le 11 mai 1887. Il
servit dans l'armée prussienne et prit part aux expéditions
de Garibaldi dans le royaume de Naples. En 1863, lors des
débuts de l'insurrection polonaise, il prit le commandement
d'un corps franc et se fit remarquer par sa bravoure. Le
10 mars, il fut nommé dictateur, le 19 mars il dut passer
en Galicie et fut interné par le gouvernement autrichien.
Relâché peu de temps après, il entra au service de la Tur-
quie et prit le nom de Langie Bey.
LANGIS. Rivière (V. Cher, t. X, p. 1088).
LANGKO (Dietrich), peintre allemand, né à Hambourg
le 1®^ juin 1819. Il se fixa à Munich en 1840. Il excelle dans
les eifets de plein air et du jeu de la lumière à travers les
nuages.
LANGLADE. Corn, du dép. du Gard, arr. de Nîmes,
cant. de Sommières ; 414 hab.
LANGLADE ou L'ANGLADE du Châylà (V. Châyla).
LANGLADE (Favard de) (V. Favardde Lânglade).
LAN G LAI S (Jacques), homme poH tique français, né à
Mamers le 26 févr. 1810, mort à Mexico le 23 févr. 1866.
D'humble extraction, il fit, aux frais de la commune de Ma-
mers, de bonnes études au collège de cette ville, puis au
séminaire du Mans, et songea à entrer dans les ordres. Puis
il fut précepteur libre, étudia le droit à Paris et entra dans
la rédaction de la Dominicale. Inscrit au barreau, il col-
labora à plusieurs autres journaux et revues, notamment à
la Presse et plaida diverses affaires retentissantes. Le
23 avr. 1848, il était élu représentant de la Sarthe à la
Constituante où il siégea à droite. Réélu à la Législative, il
appuya la politique de Louis-Napoléon. Il fut élu député au
Corps législatif comme candidat officiel (1852) et, réélu en
1857, démissionna pour entrer au conseil d'Etat. En 1866,
il devint ministre des finances dans le premier cabinet de
Maximilien au Mexique et peu après mourut d'ime attaque
d'apoplexie. Le bruit courut qu'il avait été empoisonné.
LAN G LAIS (Félix), architecte français, né à Paris en
1827, mort à Paris en 1889. Elève de Henri Labrouste et
de l'Ecole des beaux-arts, Langlais, d'abord inspecteur
des travaux de la Ville de Paris pour le bâtiment annexe
de l'Hôtel de Ville et pour les barrières de la nouvelle en-
ceinte, fit de fort importants travaux d'architecture privée,
parmi lesquels les gares du chemin de fer des Ardennes,
les magasins généraux de Bercy, des hôtels rue Monceau
et faubourg Saint-Honoré, ainsi que la restauration par-
tielle de l'abbaye des Vaux-de-Cernay (Seine-et-Oise), pour
la famille de Rothschild, etc. Charles Lucas.
LAN GLAND (William), poète anglais, né vers 1330,
mort vers 1400. Nommé Robert ou William par le ma-
nuscrit d'Ashburnham, et Robert par Baie (Scriptores
Illustres Majoris Britanniœ), on ne sait rien de lui sinon
qu'il naquit dans le Shropshire, fut prêtre, suivit un des
premiers John Wiclef, et écrivit la Vision of Peter the
Ploughman, le plus ancien poème épique de la langue an-
glaise. B.-H. G.
LANGLE ou L'ANGLE {Angulus), Ancien pays de la
France, formant sous l'ancien régime d'abord une châtel-
lenie puis un bailHage de l'Artois et compris actuellement
dans le canton d'Audrincq (Pas-de-Calais). Les paroisses
qui le composaient avaient au moyen âge un échevinage
commun.
LANGLE ( Honoré-François-Marie) , compositeur et pro-
fesseur français, né à Monaco, d'une famille française, en
1741, mort à Villiers-le-Bel (Seine-et-Oise) le 20 sept.
1807. Il fit ses études musicales à Naples et vint se fixer
à Paris en 1768 comme professeur de chant et de clavecin.
Il fut attaché à l'Ecole royale de chant et de déclamation
lors de sa fondation en 1784 jusqu'en 1791, et fit partie
- 895 -
LANGLÉ — LÂNGLOIS
du Conservatoire de musique depuis l'origine en 1794, en
qualité de professeur d'harmonie, puis de bibliothécaire à
partir de 1802. Langléfit représentera l'Opéra : Corisandre,
en trois actes, le 8 mars 1791, et laissa plusieurs opéras
inédits dont les manuscrits existent à la bibliothèque du
Conservatoire et à celle de l'Opéra. Il a publié : Timlé
d'harmonie et de modulation (1797); Traité de la
basse sous le chant (1 798) ; Nouvelle Méthode pour
chiffrer les accords (1801) ; Traité de la fugue (1805).
LANGLE (Paul-Antoine-Marie Fleoriot de), marin
français, né au château de Kerlouet, dans les Côtes -du-
Nord, en 1744, mort à l'ile Maouna, dans l'Océanie, en
1787. Entré dans la marine en 1758, il fit plusieurs cam-
pagnes, devint enseigne de vaisseau en 1766, membre de
l'Académie de marine en 1774 et Meutenant de vaisseau
en 1778. Fait prisonnier par les Anglais avec la corvette
qu'il commandait en 1779, il fut relâché et transporta sur
la frégate la Résolue les envoyés des Etats-Unis en Amé-
rique ; un peu plus tard, sous les ordres de Lapérouse, il
alla détruire les forts d'York et de Wales dans la baie
d'Hudson. Nommé capitaine de vaisseau, il partit après la
paix de 1782 avec Lapérouse, pour un voyage de décou-
verte en Océanie(l'î85) ; l'expédition se composait de deux
frégates, la Boussole^ commandée par Lapérouse, et r Astro-
labe par Fleuriot de Langle ; après avoir découvert l'île
de Langle, lés côtes de Corée, les vaisseaux arrivèrent à
l'île de MaoUna (archipel des Navigateurs). Fleuriot de
Langle étant allé faire de l'eau sur la côte fut assommé
à coups de pierres par les naturels qui avaient feint d'abord
des dispositions conciliantes. Ph. B.
LANGLE (Jean-Marie- Jérôme Fleuriot de), écrivain
français, né à Saint-Malo en 1749, mort en 1807. Entré
dans les pages de la dauphine, il fit comme volontaire la
guerre d'Amérique. A son retour, il publia un Voyage de
Figaro en Espagne, qui fit scandale : c'était une satire
très vive de la vie espagnole. Le roi Charles III se plaignit
et le livre fut brûlé de la main du bourreau (1786). Ce
succès encouragea de Langle qui se livra à de véritables es-
croqueries littéraires pendant le reste de sa carrière. Il fit
souscrire d'avance un grand nombre de personnes à un
livre intitulé Tableau de la Suisse^ qui ne parut jamais ; il
plagia impudemment desouvrages étrangers, etc. Sa vie privée
ne fut pas plus honorable que sa vie littéraire. Ph. B.
LANGLÉ (Joseph-Adolphe-Ferdinand), littérateur fran-
çais, né à Paris le 21 nov. 1798, mort à Paris le 18 oct.
1867. Fils d'Honoré-François-Marie (V. ci-dessus), il débuta
de benne heure dans la presse libérale et publia deux vo-
lumes de pastiches du moyen âge, les Contes du gay
sçauoir (1828, in-8) et VHistorial du jongleur (1829,
in-8), auxquels les vignettes de Bonington, de Henry
Monnier et d'Eugène Lami ont donné une certaine valeur ;
mais Langle s'est surtout fait connaître comme vaudevil-
liste et librettiste en signant avec Romieu Apollon II, vau-
deville en un acte (1825, in-8) ; avec Dittmer et Cave les
Biographes, comédie en un acte et en prose (in-8) ; avec
Rochefort les Deux Elèves, comédie en un acte (1827) ;
avec de Leuven, Un Tour en Europe, comédie en quatre
actes (1830); avec Lockroy le Lansquenet, comédie-vau-
deville en un acte (1843) ; avec Ad. de Leuven le Sourd,
opéra-comique en trois actes, imité de Desforges, musique
d'Ad. Adam (1853), et Maître Pathelin, opéra-comique
en un acte, musique de N. Bazin (1857), etc. M. Tx.
LANGLE (Alphonse- Jean-René, vicomte de) (V. Fleuriot
DE Langle).
LANGLÉ (Allie), auteur dramatique français, né à
Paris en 1829, mort à Bar-le-Duc le 12 janv. 1870, fils
du précédent. Chef du bureau de la presse au ministère de
l'intérieur, il fut en 1869 préfet de la Meuse. Citons de
lui : Murillo ou la Corde de pendu (1854, in-12), co-
médie en trois actes ; la Toile d'araignée (1864, in-12);
Un Homme de rien (1863, in-12), comédie en quatre
actes; la Jeunesse de Mirabeau (1864, in-12), pièce en
quatre actes, en collaboration avec Raimond Deslandes.
LAN6LÈS (Louis-Mathieu, orientaliste français, né à
Perennes (Somme) en 1763) mort en 1824. H renonça de
bonne heure à l'état militaire, à cause de sa santé, et suc-
céda en 1785 à son père comme lieutenant dans la garde
des maréchaux de France : c'était une sinécure qui lui per-
mit de se livrer à son goût par les langues orientales. En
1787, il traduisit les Instituts politiques et littéraires de
Tamerlan,^ soit d'après une version persane, soit seule-
ment d'après une version anglaise du même ouvrage parue
en 1783 : cet ouvrage passe pour sa meilleure publication ;
il pubha ensuite un Alphabet tartare-mandchou qui n'est
peut-être pas non plus son œuvre ; il fut cependant gratifié
d'une pension à cette occasion. En 1795, il fit rendre le dé-
cret créant l'Ecole spéciale des langues orientales vivantes
à la Bibliothèque nationale de Paris : il devint administra-
teur de cette école et professeur de persan. A la fondation
de l'Institut, il fut nommé membre de la section qui devint
en 1816 l'Académie des inscriptions et belles- lettres. Peu
en faveur sous l'Empire, il fut comblé d'honneurs par la
Restauration, mais sa réputation fut profondément atteinte
par deux brochures de Jules Klaproth (1815) qui prou-
vèrent que Langlès ne savait pas un mot de mandchou. Son
principal titre reste l'impulsion très vive qu'il a su donner
à l'étude des langues orientales. H a publié un grand nombre
d'ouvrages et avait réuni une très belle bibliothèque dont
la vente (1826) fut très fructueuse : le catalogue de sa bi-
bliothèque est recherché des orientalistes. Ph. B.
LANGLET (Emil- Victor), architecte suédois, né à Bo-
râs le 26 févr. 1824. 11 descend d'une famille huguenote,
qui passa en Suède sous Charles X Gustave. D'abord élève
de l'Ecole des arts et métiers de Gœteborg, il se rendit en
1845 à Stockholm où il suivit les cours de l'Ecole des
beaux-arts jusqu'en 1850. Ayant obtenu une bourse de
voyage, il alla à Paris et y tut l'élève de Blouet ; il sé-
journa ensuite en Italie jusqu'en 1857. De 1861-66, il
construisit le palais du Storthing à Christiania, ainsi que
quelques édifices publics et privés. De retour à Stockholm
en 1867,^ il devint un des principaux collaborateurs delà
Revue d'architecture et, depuis cette époque, n'a pas
cessé de publier des travaux importants sur son art, tout
en continuant à le pratiquer. Il a construit un très grand
nombre d'églises de campagne, l'église de Saint-Paul à
Malmo, la maison de retraite pour veuves à Stockholm,
et a dirigé la restauration de la cathédrale d'Upsal. Son
principal ouvrage, qui parut en suédois en 1879 et dont
une édition allemande a été publiée en 1893, porte le titre
de : les Eglises protestantes suédoises d'auprès le sys-
tème central (in-foL, 14 pL). — Sa femme Kara-Ma-
tilda-Ulrika-Kleme7itina, née en 1832, et qu'il épousa
en 1864, a publié, outre plusieurs excellentes traductions,
principalement du français, un recueil lyrique : Feuilles
et Fleurs (1871) et un manuel: la Mère de famille à la
ville et à la campagne (1891, 2« éd.), qui a obtenu un
grand succès auprès du oublie soécial auquel il s'adresse.
On lui doit aussi un grana nomore d'ouvrages pour la jeu-
nesse et des études sur des questions contemporaines : Par
soi-même (Pâ Eget hand, 1889) ; Joyeux Jours d'enfance
(i 890) ; Scènes de la vie des animaux (1 890) ; Un Chez
SOI (Et Eget hem, 1891), livre pour jeunes femmes; Fin
de siècle (titre en français, 1893), sur quelques questions
du jour, Notre Association (Vârt Bolag), etc. Th. C.
LANGLEY. Com. du dép. des Vosges, arr. de Mirecourt,
cant. de Charmes; 108 hab.
LANGLOIS (Jean), graveur français, né à Paris vers
1649, mort à Paris vers 1717. H a gravé : la Ville de
Pans remerciant Louis XIV; le Maréchal de Villars,
d'après Rigaud; la Desceiite de Croix, d'après Lebrun;
la Guénson du Paralytique, d'après BouUongne; Saint
Luc faisant le portrait de la Vierge, d'après Raphaël.
Il passa quinze ans de sa vie en Italie.
LANGLOIS (L'abbé), diplomate français du xvni^ siècle.
On ne sait rien de sa vie. H était vers 1728 envoyé de
France en Pologne. En 1734, il fut chargé d'une mission
LANGLOIS
— 896
à Saint-Pétersbourg pour tâcher de déterminer la tsarine
à reconnaître Stanislas. Après la chute de Dantzig, Fleyry
le dépêcha à Kœnigsberg, pour inviter Stanislas et ses der-
niers partisans à cesser une résistance désormais inutile.
BiBL. : Recueil des instructions données aux ambassa-
deurs de France. Pologne, par Louis Farges; Paris, 1888,
2 vol. in-8.
LANGLOIS (Pierre-Gabriel), graveur français, né à
Paris en 4754, mort à Paris vers 1810. Ses gravures
les plus connues sont : le portrait du Dominiquin, d'après
lui-même; le Silence^ d'après Annibal Carrache ; la Vierge
et l'enfant Jésus, d'après Titien ; le Rémouleur, d'après
David Teniers; la Leçon de violon, d'après Gaspard
Netscher ; le portrait de Fontenelle, d'après Voiriot.
LANGLOIS (Jean-Jacques-Jude), marin français, né à
Dieppe en 4769, mort en 4829. Il passa par la marine de
commerce avant d'entrer dans celle de l'Etat (4793) ; il prit
part au combat de Belle-Isle, fit l'expédition d'Irlande, et
fut envoyé en croisière dans les mers du Nord. En 4799
il fut fait prisonnier par les Anglais après une résistance
acharnée sur la Désirée, àDunkerque. En 1804, il recom-
mença ses croisières et fit beaucoup de prises ; au combat
naval du 27 sept. 4806 il fut de nouveau fait prisonnier
sur VArmide, malgré son courage : il alla passer six ans
sur les pontons. A son retour, il fit encore campagne, puis
fut nommé commandant de la frégate-école Tourville.
LANGLOIS (Eustache-Hyacinthe), peintre, dessinateur,
graveur et écrivain français, né à Pont-de-l'Arche le 3 août
4777, mort à Rouen le 29 sept. 4837. Elève de David, il a
laissé près de 4,000 gravures et de nombreux dessins à
la plume et à la mine de plomb. Il était, depuis 4828,
professeur à l'école de dessin et de peinture de Rouen. On
doit à Langlois des mémoires archéologiques et plusieurs
ouvrages : Monuments, sites et costumes de la Nor-
mandie (4847) ; Essai historique, philosophique et
pittoresque sur les Danses des morts (Rouen, 4854), etc.
LANGLOIS (Jérôme-Marie), peintre français, né à Paris
en 1789, mort en 4838. Imitateur de David, son maître,
il obtint le prix de Rome en 4809 avec Priam aux pieds
d'Achille, et fut nommé plus tard membre de l'Institut. Ses
œuvres les plus personnelles sont : Diane et Endymion,
qui eut un grand succès au Salon de 4849 ; Saint Hilaire
(cathédrale de Bordeaux), et Belsunce (musée de Mar-
seille) .
LANGLOIS (Jean-Charles), peintre français, néàBeau-
mont-sur-Auge (Calvados) le 22 juil. 4789, mort à Paris
le 24 mars 4870. Sorti en 4807 de l'Ecole polytechnique,
Langlois suivit d'abord la carrière des armes ; entre autres
campagnes, il fit celles d'Espagne et de Russie. Sous la
Restauration, il fit, comme capitaine, la guerre d'Espagne
comme aide de camp du maréchal Gouvion-Saint-Cyr. Il
était colonel d'état-major lorsqu'il prit sa retraite, en 4849.
Comme peintre, Langlois a eu poar maîtres Gros, Girodet
et Horace Vernet. Il a exposé en 4822 la Bataille de
Sédiman, et en 4834 le Combat de Sidi-Ferruch.
Cette dernière toile est au musée de Versailles, avec ses
batailles de Smolensk, de laMoskowa, de Montereau, son
Combat de Champaubert, et d'autres encore. Mais ce qui
a surtout fait sa réputation, ce sont ses panoramas, les
batailles d'Eylau, de Solférino, etc. On lui doit, entre
autres publications. Voyage pittoresque et militaire en
Espagne (Paris, 4826-30, in-foL).
LANGLOIS (Jean-Louis), homme politique français, né
à Saint-Pierre-la-Garenne (Eure) le 24 janv. 4805, mort
à Goulet (Orne) le 48 avr. 4855. Avocat distingué du bar-
reau de Paris, il combattit la monarchie de Juillet et sié-
gea comme représentant de l'Eure (4848-49) à l'Assemblée
constituante, dans les rangs du parti républicain conserva-
teur. Comme jurisconsulte, il a publié les ouvrages sui-
vants : Des Institutions locales et municipales de la
Fm?2<?^(4838, in-8) ; Administrations locales de France
et de Belgique comparées (4 846, in-8) ; Du Crédit privé
dans la société moderne (1848, in-8). A. Debidour.
LANGLOIS (Amédée-Jérôme), homme poh tique français,
né à Paris le 7 janv. 4819, fils du peintre d'histoire Jé-
rôme-Marie (V. ci-dessus). Il entra à l'Ecole navale en
4835, fut nommé enseigne de vaisseau en 4844 et démis-
sionna en 4848 pour se consacrer au journalisme. Colla-
borateur de Proudhon au journal le Peuple, il obtint aux
élections de mai 4849 pour l'Assemblée législative, sur la
liste démocratique socialiste, 105,000 voix, mais ne fut pas
élu. Le 13 juin, il fut arrêté dans les bureaux du journal
et condamné (43 nov.) à la déportation par la haute cour
de Versailles. Revenu à Paris, il continua à s'occuper de
poHtique et d'économie sociale ; il vivait dans l'intimité de
Proudhon qu'il assista à son lit de mort et dont il fit pu-
blier les œuvres posthumes à titre d'exécuteur testamen-
taire (1865). En possession d'une belle fortune, il vivait
assez retiré. En 4867, il publia un livre important où il
exposait ses doctrines politiques et philosophiques, /'i/omm(?
et la Révolution. Affilié à l'Internationale, il assista en
4869 au congrès de Bàle où il défendit énergiquement le
principe de la propriété individuelle contre les attaques de
Bakounine. Après la chute de l'Empire et la révolution du
4 sept., M. Langlois, nommé chef du 446« bataillon de la
garde nationale, l'organisa et se signala par sa bravoure à la
prise de la Gare-aux-Bœufs. Promu lieutenant-colonel dans
le 48« régiment de marche, blessé grièvement le 19 janv.
1871 à Buzenval, il fut nommé le 8 févr. représentant de
la Seine à l'Assemblée nationale par 95,851 voix sur
328,970 votants. Dans la nuit du 48 au 49 mars, l'in-
surrection communaliste ayant éclaté, il fut nommé par
l'Assemblée des maires et députés de Paris commandant
des gardes nationales de la Seine ; mais il n'accepta pas,
jugeant qu'on ne pouvait résister au Comité central ; il
partit pour Versailles où, le 20, il fut désigné comme
chef d'état-major de l'amiral Saisset dont la mission échoua.
A l'Assemblée, il présenta une proposition d'impôt sur les
revenus qui fut repoussée ; il prononça un discours remar-
qué contre le projet de loi sur l'Internationale ; membre
de l'Union républicaine, il rejeta les préliminaires de paix ;
à la fin de la législature, il vota l'amendement Vallon et
les lois constitutionnelles. Aux élections du 20 févr. 4876,
il se présenta à Paris où il se désista en faveur de M. Fré-
bault, et à Pontoise où il fut élu au scrutin de ballottage
par 5,630 voix ; il fut un des 363 qui refusèrent un vote
de confiance au cabinet de Broglie. Réélu le 44 oct. par
7,522 voix, il fut rapporteur du budget de la guerre. Le
21 août 1881, il fut réélu à Pontoise par 8,558 voix sans
concurrent. Inscrit sur la liste opportuniste de Seine-et-
Oise aux élections du 4 oct. 1885, il se désista avec les
autres candidats de la liste. On le nomma alors en déc.
1885 percepteur du XVIII^ arrondissement de Paris, et
plus tard du IIP arrondissement. Ph. B.
LANGLOIS (Victor), orientaliste français, né à Dieppe
le 20 mars 1829, mort à Paris le 14 mai 1869. Chargé
d'une mission en Cilicie et dans la Petite-Arménie, il en
revint en 1853 avec une belle collection de figurines et
d'inscriptions. En 1857 et 1861, il fit des études en Ita-
lie où il recherchait les documents concernant les rapports
de la France et de l'Arménie pendant les croisades. Il se
spécialisa dès lors dans l'histoire et les antiquités de l'Ar-
ménie. On lui doit de nombreux ouvrages spéciaux parmi
lesquels il faut citer : Numismatique des nomes d'Egypte
sous r administration romaine (1852); Notice sur le
couvent arménien de l'île Saint-Lazare à Venise (1862);
le Mont Athos et ses monastères (1867) ; Collection des
historiens anciens et modernes de l'Arménie (1868).
La mort l'a empêché d'achever ce dernier ouvrage. Ph. B.
LANGLOIS (Paul- Jean), physiologiste français, né à
Paris le 2 août 1862. Docteur en médecine, chef du labo-
ratoire de physiologie à la faculté de médecine depuis i 887,
secrétaire de la Société de psychologie physiologique, membre
de la Société de biologie (1891), élève des professeurs
Brown-Séquard et Richet, il a pubUé : De la Calorimétrie
directe chez l'homme (thèse de Paris, 1887, in-4); ce
sont les premières recherches de calorimétrie directe sur
l'homme, surtout en vue de démontrer que dans la fièvre,
au moins à certaines périodes, il y avait réellement exa-
gération dans la radiation calorique ; Recherches sur la
physiologie des capsules surrénales {Arch. dephysiol.^
1891-93 ; prix Montyon, Institut de France, 1893) ; dans
une série de mémoires, en collaboration avec M. Abelous,
l'auteur a repris l'étude de ces organes dont la fonction
était jusqu'ici inconnue (les capsules surrénales sont des
glandes v-ascuiaires sanguines qui ont pour fonction de dé-
truire des poisons curarisants formés par les muscles en
activité) ; Sensibilité musculaire de la respiration (Re-
vue philosophique^ 1890) ; Influence des pressions exté-
rieures sur la ventilation (Arch. de physiologie^ iSd\);
De V Influence de la température interne sur les con-
vulsions (Arch. de physioL,iSS9) ; Sur la Toxicité des
isomères de la cinchonine dans la série animale (Arch.
de physioL, 1893); le Lait (Paris, 1893,in-12) ; Traité
de physiologie, avec M. de Varigny (Paris, 1893, in-12) ;
la Fatigue^ traduction de l'ouvrage de Mosso (Paris,
1894, in-l"2); Ti^aité d'hygiène (Paris, 1895, in-12);
de plus une série d'articles dans la Revue scientifique,
la Revue générale des sciences et dans des journaux de
médecine divers. — Le docteur Langlois est un des princi-
paux collaborateurs de la Grande Encyclopédie. D*' L. Hn.
LANGLOIS (Charles-Victor), historien et j3rofesscur
français, né à Rouen le 26 mai 4863. Après avoir pris ses
grades à l'Ecole des chartes, à l'Ecole de droit et à la Sor-
bonne, il fut nommé maître de conférences à la faculté des
lettres de Douai (1885), puis chargé de cours à la faculté
des lettres de Montpellier (1886). Chargé du cours de
sciences auxiliaires de l'histoire à la faculté des lettres
de Paris depuis 1888, il y enseigne la paléographie et la
bibliographie. 11 a publié en collaboration avec M. H. Stein
un inventaire des inventaires d'archives qui intéressent
l'histoire de France, sous ce titre : les Archives de Phis-
toire de France (Paris, 1891-93, in-8). Ses travaux
personnels ont porté jusqu'ici sur l'histoire du xiii® et du
xiv^ siècle (le Règne de Philippe III le Hardi; Paris,
1887, in-8, etc.), et sur l'histoire de la littérature latine
du moyen âge; ils ont été publiés pour la plupart dans la
Revue historique et dans la Bibliothèque de V Ecole des
chartes. Il a écrit en outre dans les revues pédagogiques
sur la question, à l'ordre du jour, de la réforme des exa-
mens supérieurs (licence, agrégation). C'est un des colla-
borateurs de la Grande Encyclopédie.
LANGLOIS DES EssÂRTs (V. Essarts).
LANGLOIS-DuBOucHET (V. Dubouchet [Le marquis]).
LANGNAU. Grand village de Suisse, cant. de Berne;
Ch.-l. du district de Signau ; stat. principale du chem.de
fer Berne-Lucerne ; 7,585 hab. C'est un centre de pro-
duction agricole et de fabrication du fromage dans la riche
vallée de V Emmenthal (V. ce mot). On y trouve aussi
plusieurs établissements industriels, fabriques de toiles, tis-
sages de coton, etc.
LAN GO. Peuplade galla, vivant à lextrémité E. du
pays galia, au N. de l'Ougando et de l'Oungaro, au S. du
pays des Barri, à l'E. des monts Maddi qui forment la ligne
de faîte entre le bassin du Nil proprement dit et celui du
Lobat, son tributaire. Le traité de déhmitation anglo-
italien, déterminant les sphères d'influence de l'Angleterre
et de l'Italie à l'E. de l'Ethiopie et des pays gallas, a
placé le peuple lango dans la sphère d'influence de l'An-
gleterre. — Comme la plupart des tribus gallas, les Lan-
ges se livrent à l'élevage ; ils vivent par groupes de familles
indépendantes et n'élisent de chefs qu'en temps de guerre.
LANGOAT. Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Lannion, cant. de Tréguier ; 1,955 hab. Moulins; teiilage
de lin. Eglise moderne conservant le tombeau du xiv'' siècle
de sainte Pompée, mère de saint Tugdual, surmonté de sa
statue en marbre blanc.
LANGOBARDS ou LOMBARDS (V. Italie).
LANGOÉLAN. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
— 897 - LANGLOIS — LANGON
Pontivy, cant. de Guéméné; 1,295 hab. Eglise gothique.
Ruines d'une tour ronde qui semble d'origine romaine,
nommée dans le pays Ty doué Baris (Temple du dieu de
Paris) .
LANGOGNE. Ch.-l. de cant. du dép. de la Lozère, arr.
de Monde, près du confluent de la Langouyrou et de l'Al-
lier ; 3,56*2 hab. Stat. de la ligne de Clermont à Nîmes.
Eglise romane extrêmement curieuse, mais bien délabrée,
à trois nefs, voûtée en berceau, chapiteaux historiés, portail
de style flamboyant, chapelles ajoutées à l'édifice primitif.
BiBL. : Soc. dCagric. de Mende, Bull., 1858, IX, pp. 45-54.
LANGOIRAN. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Cadillac, sur la rive droite de la Garonne;
1,829 hab. Le Port-de-Langoiran est l'agglomération princi-
pale. Le château de Langoiran, dont il subsiste de beaux
restes (mon. hist.), a été l'une des forteresses les plus consi-
dérables delà Guyenne. Son histoire n'est assez bien connue
qu'à partir du xiu® siècle. Il appartenait alors à la famille
d'Escoussan qui se montra fidèle aux rois d'Angleterre. La
terre passa ensuite à la famille d'Albret, puis à celle de
Montferrand qui la conserva jusqu'à la fin du xvi^ siècle.
La baronnie de Langoiran appartenait en 1640 au président
Daffis. En 1649, le parlement de Bordeaux se trouvant en
lutte avec le duc d'Epernon, gouverneur de la Guyenne,
ce dernier s'empara du château ; il fut, vers cette époque,
démoli et incendié. Tout ce qui reste du château ne paraît
pas remonter au delà du xiv® siècle ; quelques parties datent
du xvi^, La vieille église (mon. hist.) est de l'époque ro-
mane. Une nouvelle église, en style de transition, a été
construite, dans ce siècle, au Port-de-Langoiran. Les vi-
gnobles de Langoiran donnent des vins très estimés. Lan-
goiran est la patrie du littérateur Berquin. G. R.
BiBL. : DucouRNEAu, Id GuienuB historique et monu-
mentale; Bordeaux, 1842-44, t. I, g" part., p. 255. — Lco
Drouyn, la Guienne militaire, 1865, t. II, p. 1,
LANGOLEN. Com. du dép. du Finistère, arr. de (Juim-
per, cant. de Briec ; 1,154 hab.
LANGON. Ch.-l. de cant. du dép. de la Gironde, arr.
de Bazas, sur la rive gauche de la Garonne ; 4,733 hab.
Stat. de la ligne de chem. de fer de Bordeaux à Toulouse.
Langon, autrefois Alingo, dépendait au iv® siècle des
domaines de saint Paulin. Cette ville fut saccagée par les
Normands aux viu® et ix^ siècles. En 1224, Langon
refusa d'ouvrir ses portes aux Anglais, mais ceux-ci l'as-
siégèrent et s'en emparèrent. La ville fut plusieurs fois
assiégée et prise par les Anglais et par les Français, et
se soumit définitivement au roi de France en 1453. Elle
eut beaucoup à souff'rir des guerres de religion. Les ca-
tholiques, sous les ordres d'Henri de Caudale, s'en empa-
rèrent d'abord ; en 1566, ce fut le tour de Montgommery
à la tête des protestants. Les frondeurs bordelais vinrent
devant Langon en 1649, ayant à leur tête le marquis de
Sauvebœuf ; la ville ne céda qu'après une énergique ré-
sistance. Le duc d'Epernon avait déjà rétabli la paix à
Langon, quand, en 1651, la ville ayant refusé d'adhérer
à une union proposée par les princes de Condé et de Conti,
ce dernier vint s'en emparer et y établit un gouverneur
tyrannique, Galapian. Enfin en 1653, le duc de Candale
s'en rendit définitivement maître avec les troupes royales.
Langon est aujourd'hui une ville ouverte. L'église parois-
siale, fort ancienne, a été refaite aux xm^ et xvi^ siècles,
et restaurée au xix®. L'église Notre-Dame-du-Bourg est du
xu*^ siècle. Un pont suspendu de 200 m. de longueur,
terminé en 1831, traverse la Garonne en ce point. L'in-
fluence de la marée se fait sentir encore à Langon. Tout
le canton produit d'excellents vins ; les vins blancs sont
les plus renommés. Les armes de Langon sont : d'or a
trois pals de gueules. G. B.
BiBL. : P.-D. Martin, Description du pont suspendu
construit sur la Garonne, à Langon ; Paris, 1832. —
O'RiHLLY, Essai sur l'histoire de la ville et de l'arron-
dissement de Bazas ; Bazas, 1840, p. 380. — Ducourneau,
la Guienne historique et monumentale; Bordeaux, 1842-
44, t. I, 2« part., p. 60. — Léo Drouyn, la Guienne mili-
taire, 1865, t. II, p. 68.
lu
LANGON — LANGRAYENS
- 898 -'
LANGON. Com. du dép. d'Ille-et-Vilaine, arr. et caiit.
de Redon ; 2,267 hab. Moulins. Eglise du xii« siècle, re-
maniée au xv^. Chapelle Sainte-Agathe (mon. hist.), pèle-
rinage très fréquenté par les nourrices. Une très ancienne
peinture représentant une femme nue sortant de l'eau a
donné à croire que c'était un ancien temple de Vénus. Mé-
galithes connus sous le nom de Demoiselles de Langon.
LANGON. Com. du dép. de Loir-et-Cher, arr. de Ro-
morantin, cant. de Mennetou-sur-Cher ; 943 hab.
LANGON (Le). Com. du dép. de la Vendée, arr. et cant.
de Fontenay-le-Comte ; 1,555 hab.
LANGON NET. Com. du dép. du Morbihan, arr. de
Pontivy, cant. de Gourdin; 3,666 hab. Collège ecclésias-
tique de Sainte-Marie. Colonie agricole pénitentiaire. Mou-
lins; commerce actif de beurres. Eglise romane de Saint-
Pierre et Saint-Paul ; église de la Trinité de l'époque de
la Renaissance avec de beaux vitraux du xvi^ siècle. L'ab-
baye cistercienne de Langonnet avait été fondée en 1137;
les bâtiments, datant pour la plupart des xvii^ et xviii*' siècles,
abritent la colonie agricole; il subsiste cependant du
moyen âge une belle salle voûtée d'ogives. Nombreux mo-
numents mégalithiques.
LANGOUÈT. Com. du dép. d'Ille-et- Vilaine, arr. de
Rennes, cant. d'Hédé ; 492 hab.
LANGOURLA. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Loudéac, cant. de Collinée; 1,550 hab.
LANGOUSTE. I. Zoologie. — (Palinums Fabr.),
Genre de Crustacés-Décapodes, du groupe des Macroures
et de la famille des Palinuridés ou Cuirassés ( Loricata ) ,
caractérisé comme il suit : le rostre est simple, aigu et
spiniforme, laissant à découvert le segment ophtalmique
qui est calcaire ; les antennes externes sont terminées par
un long fouet multiarticulé et dépourvues d'écaillé à la base ;
les antennes internes ou antennules peuvent atteindre la
longueur du corps, mais leurs fouets sont courts. L'article
basilaire des antennes externes, très volumineux, est
soudé à son congénère et renferme l'appareil auditif. Le
céphalothorax est presque cylindrique ; les trois derniers
articles sont volumineux, mobiles, hérissés d'épines ; le
dernier est allongé et terminé par une grande nageoire dor-
sale. Les pattes, toutes monodactyles, sont très longues ;
les palpes sont courts, uniarticulés. — Les Langoustes su-
bissent de profondes métamorphoses; leurs larves, dé-
crites d'abord sous le nom de Phyllosomes (V. ce mot),
ont été longtemps considérés comme formant un sous-ordre
spécial. L'espèce type, P. vulgaris Latr. ou Langouste
commune, est très répandue le long des côtes rocheuses de
l'Océan et de la Méditerranée, mais ne dépasse pas la
Manche, au Nord ; elle est plus commune dans la Méditer-
ranée que le Homard ; c'est le Karabos d'Aristote et le
Locusta des Romains. Elle est d'un brun violet, parfois
verdâtre avec des taches jaunâtres plus ou moins nom-
breuses ; elle devient rouge vif par la cuisson. La Lan-
gouste commune pond plus de cent mille œufs en une seule
année; ils sont plus petits et au moins cinq fois plus nom-
breux que ceux du Homard. Grâce à cette fécondité, la re-
production de l'espèce est assurée, car la larve écloso de
l'œuf, le Phyllosome, est essentiellement pélagique et expo-
sée à bien des chances de destruction. Ce n'est qu'après sa
quatrième mue que la langouste se rapproche des côtes pour
vivre désormais sur les fonds rocheux de la mer, où elle se
nourrit principalement de petits mollusques. Son corps
peut atteindre 40 à 50 centim. — On connaît d'autres
espèces surtout répandues dans les mers intertropicales.
IL Pêche. — On pêche la langouste avec des nasses ou
des filets auxquels on fixe des débris de poulpe brûlé, de
petits poissons, des crabes ou delà chair d'autres animaux.
On les descend pendant la nuit dans des endroits rocail-
leux ; l'odeur attire les langoustes qui ne peuvent s'échap-
per assez rapidement quand on enlève le filet.
IIL Art culinâtre. — On fait une grande consommation
de la langouste, dont la chair est très estimée comme ali-
ment, bien que d'une digestion assez difficile . Les femelles
chargées d œufs sont parti^lièrement recherchées. Ce
crustacé subit les mêmes préparations culinaires que le ho-
mard (V. ce mot).
LANGRAND-DuMONCEAu(André. comte), financier bel^e
né à Vossem, près de Liège, le 5 déc. 1826. Après une
jeunesse accidentée, il s'occupa d'assurances, puis de banque
et s'engagea bientôt dans des entreprises importantes. Repre-
nant certames idées de Law, Langrand emprunta en Belgique
des capitauxqui, étant abondants, s'ylouaientà bon marché,
et les employa en Hongrie à des prêts hypothécaires et à des
achats de domaines rapportant un grand intérêt parce que
1 argent y était rare. En même temps, voulant attirer les
épargnes des campagnards belges, dévoués au clergé, il fit
un emprunt pontifical au pair, tandis que la rente romaine
était cotée à 70 ^1^, Le clergé reconnaissant recommanda les
compagnies Langrand aux catholiques et le pape octroya
a l'entreprenant financier le titre de comte. Les capitaux
amuèrent. Pour accroître encore son prestige, Langrand
était parvenu, en leur donnant de grosses rétributions et
en faisant valoir qu'il fallait « christianiser les capitaux »,
à enrôler, comme administrateurs de ses sociétés, des per-
sonnes très haut placées dans le parti catliohque (V. Decker
[De]). Le succès fut d'abord prodigieux, mais bientôt arri-
vèrent les déceptions. Les domaines de Hongrie achetés
trop cher se vendaient difficilement. Langrand eut recours
aux expédients ; il créa successivement le Roijale belge,
les Pientiers réunis, V Ancre, le Crédit foncier interna-
tional, h Banque du commerce et de l'industrie, etc.
La débâcle vint cependant, et la faiUite fut prononcée en
déc. 1870. Les principaux chefs du parti catholique se
trouvaient^ gravement compromis ; par un concordat avec
les créanciers ils restituèrent presque tous leurs bénéfices,
et l'action pénale fut arrêtée par une lacune de la loi qui
ne prévoyait pas l'existence des faux bilans. Langrand fut
moins heureux ; la cour d'assises du Brabant le condamna
par contumace le 11 mars 1872 à dix ans de réclusion du
chef de vol, d'escroquerie et de banqueroute frauduleuse.
U s'était enfui au Brésil, et parvint à se soustraire à toutes
les recherches de la justice. E. H.
LANGRAYENS (Ornith.). Les Lans^rayens, qui consti-
tuent le genre Artamus (V. ce mot) "de Vieillot et la fa-
mille des Ariamidœ de Ch.-L. Bonaparte, sont des Passe-
reaux de petite taille, rappelant un peu les Hirondelles
par leur tête enfoncée dans les épaules, leur queue légère-
ment fourchue, leurs pattes courtes, mais se rapprochant
d'autre part des Pies-Grièches par leurs doigts robustes et
munis d'ongles acérés, par leur mandibule supérieure
pourvue d'une petite échancrure vers la pointe. Aussi dé-
signe-t-on parfois ces oiseaux sous le nom de Pies-Grièches-
Hirondelles, Le bec des Langrayens difi'ère cependant par
sa forme de celui des Pies-Grièches : il est plus large-
ment fendu, moins comprimé, latéralement plus arrondi
en dessus. En outre, le plumage offre des teintes qu'on
n'observe pas chez les Pies-Grièches : il est d'un gris
cendré ou d'un brun fuligineux, tantôt uniforme, tantôt
varié de blanc, et le bec lui-même est d'une nuance plombée
toute particulière. Les jeunes portent une livrée grise ou
brunâtre, striée lougitudinalement. L'aire d'habitat des Lan-
grayens s'étend sur l'Asie méridionale, les îles Malaises,
les Philippines, Cèlèbes, l'Australie, la Nouvelle-Calédonie
et quelques autres terres de l'Océanie. Ces oiseaux se plai-
sent dans les bouquets de bois disséminés à travers la cam-
pagne et nichent sur des arbres ou dans les buissons. Leurs
nids, faits de brindilles entrelacées et de racines, renfer-
ment des œufs d'un blanc sale, piquetés et tachetés de
roussâtre. — - Les Langrayens sont sédentaires et, sous ce
rapport, diffèrent des Hirondelles dont ils se rapprochent
par leurs allures et avec lesquelles on les trouve parfois
associés. Comme les Hirondelles, ils se nourrissent d'insectes
qu'ils poursuivent souvent à une très grande hauteur dans
les airs en poussant de petits cris aigus. Leur vol est
tantôt lent, tantôt rapide, et quelquefofs ils planent à la
manière des Rapaces.
899 —
LANGRAYENS - LANGUES
Le genre Artamus renferme un certain nombre d'es-
pèces parmi lesquelles nous citerons seulement VArta^nus
fuscus V. de i'Inde méridionale, VA. leiicorhynchus V.
des Philippines, Fi. 50 rc?z<iz^5 Lafli. d'Australie et VA. me-
lanoleucus Forst. delà Nouvelle-Calédonie. E. Oust.
BiBL, : Vieillot et Oudart, Galerie des oiseaux,
pi. 144. — ValExNCIennes, Annales du Muséum, t. IV,
p. 25 et pi. 7 et 8. •— J. Gould, Blrds of Australia^ 1848,
t. II, pi. -Zl à 33,
LAN 6 R EN (Michel-Florent Van), mathématicien belge,
né à Arnhem vers 4600, mort à Bruxelles en 1675. Il
reçut le titre de cosmographe et mathématicien du roi et se
coasacra à l'étude de questions telles que la détermination
des longitudes en mer et la nomenclature des taches et
autres détails du disque lunaire; c'est à lui que l'on doit
l'idée de désigner ces détails par les noms de personnages
célèbres; il s'occupa aussi de la comète de 4652, de l'in-
vention d'une arme à feu à plusieurs coups et fut appelé
par le gouvernement à présenter un projet d'amélioration
des ports de Mardyck et d'Ostende. Il conçut des plans de
transformation de la ville de Bruxelles et un projet de ca-
nal qui aurait réuni la capitale à Malines. Il était aussi
habile ingénieur que savant mathématicien et cartographe.
Les principaux ouvrages de Van Langren sont : La Verda-
dera Lofigitud por mar y terra (Bruxelles, 4644, in-42) ;
fleni Ltmi hcmina Austriaca Philippica (id.^ 4645,
in-8) ; Tormentum bellicum triphœrium \id,^ 'J640,
in-fol.) ; Description du canal de Marianne et du grand
changement que le banc de Maerdyck fait depuis 1624
jusque 1653 (id,, 165^, iû-8) ; Briefue Description de
la ville et havre d'Oostende {id., 4659, in-fol.). E. II.
BiBL. : F. Van der HAEGHEiN, Bibliottieca belgica; Gand,
1880-1894, 100 vol. in-12.— Wauters, Biographie de Van
Langren^ dans la Biographie nationale de Belgique.
LANGRES. Ch.-L d'arr. du dép. de la Haute-Marne,
sur un plateau qui s'élève de 440 à 440 m. au-dessus des
vallées qui l'entourent ; 10,749 hab. Stat. du chem. de
fer de l'Est, ligne de Paris à Belfort, embranchements sur
Nancy et sur Poinson-Beneuvre. Un chemin de fer à crémail-
lère réunit la gare, située dans la vallée, à une place de la
ville. Nombreux couvents; collège communal ; bibliothèque;
musée de tableaux et d'antiquités. Société d'agriculture ;
Société historique et archéologique. Commerce de fer et de
fontes, d'étoffes, d'huiles, de grains et farines. Coutellerie
renommée (V. Coutellerie). Filatures de laine; scieries
mécaniques. Laugres, place forte de première classe, est
le centre d'un vaste camp retranché d'environ 44 kil. de
rayon et d'un développement de près de 52 kil.
Histoire. — La situation de Langres, si favorable à la
défense, avait fait de ce lieu un centre de population dès
l'époque la plus reculée. Le peuple celtique des Lingones
y avait établi sa capitale nommée Andomaturum ou An-
dcmatunum. Après la conquête romaine, la ville prit le
nom du peuple et conserva d'abord une certaine autonomie;
mais, après la révolte de Sabinus, elle fut en partie ruinée
et réduite à l'état de simple colonie. Comprise dans la Bel-
gique, puis dans la Celtique et enfin dans la première
Lyonnaise, elle reprit peu à peu de l'importance et fut en-
richie des grands et nombreux monuments dont on retrouve
aujourd'hui les vestiges. En 301, Constance Chlore fit re-
culer sous les murs de la ville l'invasion des Alamans.
Mais au siècle suivant elle fut brûlée par Attila et sacca-
gée par les Vandales. A l'époque mérovingienne, la ville
fut comprise dans le royaume de Bourgogne. Après avoir
eu quelque temps des comtes particuliers, elle fut placée
sous la suzeraineté de ses évèques qui lui concédèrent des
franchises communales au cours du xu^ siècle. Langres fut
mêlée au xv® siècle aux luttes des Armagnacs et des Bour-
guignons. Au xvi*^ siècle le protestantisme s'y introduisit,
mais y fut réprimé par des rigueurs impitoyables. Pendant
la Ligue, les Langrois restèrent fidèles à la cause royale,
malgré l'évèque et le clergé. En 4594, assiégée par les
Lorrains, la ville fut sauvée par un boulanger qui découvrit
un pétard placé sous une des portes de la ville et donna
l'alarme; une procession solennelle rappelle chaque année
le souvenir de cet événement. En 4636, le pays fut dévasté
tour à tour par les Suédois du due de Saxe-Weimar et par
les impériaux. Les Autrichiens occupèrent la ville en 4844
sans coup férir, et y entrèrent une seconde fois en 4845.
Langres est la patrie du graveur Jean Buvet, de Denis
Diderot, des peintres Pierre, Piichard et Jean Tassel, des
sculpteurs Lescorné et Petitot.
EvÈGHÉ. — L'évêché de Langres, suffragant de Lyon,
paraît avoir été fondé au ii*^ siècle. Le premier évêque
mentionné est Senator, puis un nommé Juste qu'on doit
placer au iii« siècle, et enfin Didier ou Dizier (Desiderius)
devenu le patron de la ville, massacré par un chef bar-
bare du nom de Crocus, mais qu'on hésite à placer au m'\
au ly^, ou même au commencement du v« siècle. Après lui
les listes épiscopales donnent les noms suivants : Marti-
nus, Honoratus, Urbanus, Paulinus (au temps de l'empe-
reur Gralien), Fraternus, Aprunculus (alias Patrunculus),
Armentarius, Venantius, Paulinus II, Patientius, Albiso.
Avec le vi^ siècle la liste devient plus précise et l'on peut
donner quelques dates : Gregorius, 507-539 ou 544 ; Te-
tricus, mort V. 572; Pappolus, évoque intrus ; Mummolus,
588 ; Migetius, v. 609; Modoaldus ouBertoaldus. Puis au
vu» siècle on ne trouve plus que quelques noms : Sigoaldus,
Wulfrannus, Godinus, Adoinus, Garobaldus, Herulfus ou
Ariolfus, v. 769-780; Waldricus, Beto, v. 792. La série
est à peine plus certaine sous les Carolingiens : Albericus,
V. 820-838; Teutbaldus, v. 849-859; Vulfrad, év. in-
trus; Ausgar, Egilo ou Geilo, v. 880-889 ; Theobaldus II,
Agrinus, v. 889 ou 899-943 ; Warnerius, 942-923 ; Gotze-
linus, 925; Letericus, 934; Ericus, 934-942; Archar-
dus, 948-967 ; Widricus, v. 970-980. Ce fut vers cette
époque que les évêques acquirent sur la ville le pouvoir
temporeL Bruno deRoncy, 984-4045 ou 4046; Lambert,
4046-24 août 4034 ; Richard, 4034 ; Hugues de Breteuil,
4034-49; Hardouin, 4050-29 sept. 1065; Raynard
Hugues, 4065-3 ou 5 avr. 4085 ; Robert, v. 4085-49 oct.
4140; Joceran, 4443-25; Guillencus Saulx, 4125-4-3
août 4436; Guillaume de Sabran, 4136-38 ; Godefroi,
V. 4440-8 nov. 1464; Gautier, 4463-80; Manassès, 4479-
V. 4493; Garnier de Rochefort, v. 4193-95. A partir du
xm^ siècle, l'évèché de Langres a rang de duché-pairie et
son titulaire comme troisième pair ecclésiastique porte le
sceptre aux sacres des rois et précède son métropolitain,
l'archevêque de Lyon, dans les cérémonies officielles. Hilduin,
4200-03; Robert de Châtillon, 1204-nov, 4208; Guil-
laume de Joinville, 4209-48; Hugues de Montréal, v.
4219-v. 4232; Robert de Torote, 4232-oct. 4240; Hugues
de Rochecorbon, 4244-13 avr. 4250; Guy de Rochefort
4250-18 juin 4266; Guy II, 4268-mai 4294 ou 4292;
Jean de Rochefort, 23 juil. 4295-4305; Bertrand de Got,
4306; Guillaume de Durfort, nov. 4306-25 avr. 4319;
Louis de Poitiers, 1318-25; Pierre de Rochefort, 1325-^
29 ou 4330; Jean de Châlons, 4328-23 mai 4335; Guy
Baudet, 4336-37 ou 4338; Jean des Prés, 42 mars 4338-
42; Jean d'Arcy, 4343-13 août 4344; Hugues de Po-
marre, 1344-v. 4346 ; Guillaume de Poitiers, 4346-6 sept.
4374; Bernard de La Tour-d'Auvergne, 4374-46 janv.
4395; Louis de Bar, 4395-4443; Charles de Poitiers,
4443-7 déc. 4433; Jean Gobillon, nov. 4435-v. 4436;
Philippe de Vienne, 1436-52 ; Jean VI d'Auxi, 4453-53;
Guy Bernard, 4453-28 avr. 4484 ; Jean VH d'Araboise,
4484-97; Jean VIII d'Amboise, 3 déc. 4497-26 sept. 4542;
Michel de Boudet, 1512-22 juil. 4527 ; Claude de Longwy,
card. de Givry, 4528-9 août 1561; Jacques de Ileluis^
1562-65; Pierre de Gondy, 1565-70; Charles II des Cars
de Pérusse, v. 1571-1614; Sébastien Zamet, 30 oct. 1615-
2 févr. 1655; Louis Barbier de La Rivière, 2 janv. 1656-30
janv. 4670; Louis-Marie-Armand de Simiane de Gordes,
30 nov. 4674-24 nov. 4695; François Clermont-Tonnerre,
24 déc. 1695-12 mars 4724; Pierre de Par(laillan,27 déc.
1724-2 nov. 1733; Arthur-Gilbert Montmorin de Saint-
Hérem, 4734-70; César de La Luzerne, 30 oct. 1770-90;
LANGRES — LANGTON
~ 900 —
Antoine-Hubert Wandelaincourt (évêque constitutionnel),
lOavr. 1791-93. L'évêché de Langres fut alors attribué
à la province de Besançon, puis supprimé en 1802 pour
être réuni au siège de Dijon. Rétabli en 1817, il fut rendu
à César de La Luzerne qui ne prit pas possession. En 1822,
il fut de nouveau attribué à la métropole de Lyon. I.-Ma-
rie, dom Jacques de Poulpiquet, 13 janv. 1823; Gilbert-
Paul Arragonès d'Orcet, 21 janv. 1824-20 juin 1832;
Jacques-Marie-Adrien-Césaire Malbieu, 23 sept. 1832-22
juin 1834; Pierre-Louis Parisis, 28 août 1834-12 août
18ol; Jean-Jacques-Antoine Guérin, lo oct. 1851-19
mars 1877; Guillaume Bonange, 21 nov. 1877-84;
Alphonse-Martin Larue, 13 nov. 1884.
Monuments. — Parmi les vestiges de l'antiquité gallo-
romaine, il faut citer l'une des portes de la cité (mon. hist.),
composée de deux arcades jumelles encadrées par des pi-
lastres et un entablement corinthiens. Il est probable que
cette porte, qui était en même temps un arc de triomphe,
date du règne de Marc Aurèle. Des anciennes fortifications,
il ne subsiste que des pans de murailles à l'O., au N. et
à TE., et plusieurs tours rondes du xvi^ siècle, encastrées
dans la nouvelle enceinte. La cathédrale, dédiée à saint
Mammès, est un bel édifice de transition ; le chœur, qui est
la partie la plus ancienne, doit dater du milieu du xu^, et
la nef de la fin de ce siècle ou du commencement du sui-
vant. Le portai] en a été reconstruit au xviii^, siècle et sur-
monté de deux tours, le tout dans le style néo-classique.
Il s'y conserve de nombreuses oiuvres d'art, une Vierge
de Rude, des tableaux attribués à Rubens et au Corrège,
des peintures de Tassel, et une partie du mobilier de l'ab-
baye de Morimond. Au S. de la cathédrale se trouve un
beau cloître du xni^' siècle. — Eglise Saint-Martin, édifice
du xiii® siècle, avec remaniements des xvi^ et xviii^, à cinq
nefs. Il s'y conserve un Cimst en bois, du xvi^ siècle, œuvre
du sculpteur Gentil, qui est un chef-d'œuvre de premier
ordre. — L'église romane de Saint-Didier (mon. hist.) a
donné asile au très remarquable musée de la Société archéo-
logique ; c'est un des mieux classés et des mieux tenus des
musées de province. Indépendamment des collections locales
qui en font la principale richesse, il s'y trouve des galeries
de tableaux, d'histoire naturelle, d'antiquités égyptienne,
grecque, romaine, etc. Langres a conservé plusieurs mai-
sons de la Renaissance. La statue de Diderot par Bartholdi
y a été élevée en 1884.
Conciles de Langres. — 1080 (?), réprobation des in-
vestitures données parles laïques. — 1116, assemblée por-
tant dans les collections le titre de concilium Lingonense,
mais tenue entre Lux et Til-Châtel, près de Bèze, sous la
présidence de Gui, archevêque de Vienne. On y condamna
le brigandage en général, et tout spécialement les dépréda-
tions commises sur les biens ecclésiastiques. — 1155, ca-
nons sur la discipline. E.-H. V.
Coutellerie de Langres (V. Coutellerie).
Plateau de Langres (V. Marne [Haute-]).
LANGRISHE (Sir Hercule), homme politique irlandais,
né en 1738, mort à Dublin le 1^^ févr. 1811. Membre du
parlement irlandais dès 1761, il y joua un rôle considé-
rable et, ami de Burke, donna occasion à sa fameuse Lettre
à sir H* Langrishe, relative à l'abolition des incapacités qui
frappaient les catholiques.
LANGROLAY. Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Dinan, cant. de Ploubalay ; 662 hab.
LANGSDORF (Karl-Christian de), mathématicien et
ingénieur allemand, né Nauheim le 18 mai 1757, mort à
Heidelberg le 10 juin 1834. Il travailla d'abord, comme
chimiste et comme ingénieur, dans des salines, puis fut
professeur de mathématiques et de technologie aux uni-
versités d'Erlangen (1796-1804), de Vilna, en Russie
(1804-6), d'Heidelberg (1806-34). Il est l'auteur d'im-
portants travaux sur l'exploitation des salines. L'analyse
mathématique et la mécanique lui doivent également d'in-
téressantes théories et quelques solutions fort originales.
Ses écrits sont très nombreux. Ils comprennent, outre des
mémoires, notes et articles, insérés dans divers recueils,
notamment dans les Annales de Crelle et dans le Journal
de Gren, une trentaine d 'ouvrages à part, au premier rang
desquels il faut mentionner sa Vollstœndige auf Théorie
und Erfahrimg gegriiiideie Anleitung znr Salzwerks-
kunde (Altenburg, 1784-96, 5 vol. in-4), et son Lehr-
buch der Hydraulik (id,, 1794, in-4). A signaler encore :
Erlœuterung der Kœsinef schen Analysis endlicher
Grœssen (Mannheim, 1776-78, 2 vol. in-8) ; Grundlehren
der Photometrie (Erlangen, 1803-5, 2 vol. in-8); Vber
die Unstatthaftigkeit des Principes der unendlichen
Theilbarkeit (Erlangen, 1804, in-8), etc. L. S.
BiBL. : Liste complète de ses ouvrages dans le t. I du
Biogr.-Liler. Handwœrterbuch de Poggendortï".
LANG-SON. Ville et province du Tonkin. La province de
Lang-son, située au N.-E. du Tonkin, dans un pays très
montagneux, n'est pas un centre agricole bien considé-
rable; ses principales productions sont le tubercule appelé
cunâu, d'où l'on extrait une teinture brun rouge et la ba-
diane dont l'essence est utilisée en pharmacie. Cette pro-
vince parait en revanche posséder des richesses métallur-
giques assez grandes; on y signale des gisements de fer, de
plomb argentifère etdecuivre. Mais la principale importance
de Lang-son lui vient de son voisinage de la frontière chi-
noise; elle esta cheval sur un cours d'eau qui pénètre dans
la province chinoise de Koang-si, passe à Long-tcheou et
Tai-ping-fou et aboutit à la mer dans la province de Koang-
tong ; la ville de Lang-son est ainsi la tête de ligne d'une
des plus importantes voies de pénétration que le tonkin ait
en Chine ; cependant il est difficile d'arriver à cette tête de
ligne, et c'est pour cette raison que, dès les premiers temps
de notre occupation, on songea à relier Lang-son avec la
région du Delta. On décida la construction du chemin de
fer de Phu-lang-thuong à Lang-son ; malheureusement,
l'exécution en fut fort mal conduite au début ; les travaux
furent gênés par les pirates qui infestaient les massifs mon-
tagneux du Cai-kinh et du Dao-day; on avait commencé la
construction de cette ligne de 101 kil. en mars 1890 ; ce
n'est que le 28 déc. 1894 que M. de Lanessan a pu en
faire l'inauguration.
La province de Lang-son a une superficie évaluée à
1 ,110,000 hect. ; elle comprend 3 préfectures (phu), 7 sous-
préfectures (huyôn), 51 cantons et 237 villages ; le nombre
des habitants indigènes inscrits était de 3,500 en 1894.
Le cercle de Lang-son est réuni au cercle de Cao-bang pour
former le deuxième territoire militaire.
Lors de l'expédition française au Tonkin, Lang-son fut
le dernier boulevard de la résistance chinoise ; c'est en
voulant aller occuper Lang-son que la colonne du lieute-
nant-colonel Dugenne rencontra, le 24 juin 1884, une ré-
sistance inattendue à Bac-lé et dut battre en retraite.
Lang-son ne fut pris que le 12 févr. 1885 par le générai
de Négrier. E. Chavannes.
^ LAN 610 FT (Peter de), chroniqueur anglais, mort vers
1307. Le nom sous lequel il est connu est celui d'un vil-
lage du Yorkshire, où l'on suppose qu'il naquit. C'était un
moine augustin du prieuré de Bridlington, non loin de là.
Il écrivit une chronique en vers français, peu corrects de
rythme et de grammaire, qui va jusqu'à la mort d'Edouard P''
et n'a quelque valeur historique que dans la partie qui
traite du règne de ce prince. Elle a été partiellement tra-
duite en anglais par Robert Mannyng de Bourn, ou Robert
de Brunne, et publié par Hearne en 1725. La première édi-
tion de l'original a été donnée par Thomas Thorpe dans les
Pxolls Séries (1866-68, 2 vol.).
LANGTON (Etienne), archevêque de Canterbury, mort
le 9 juil. 1228. Anglais de naissance, il étudia, puis en-
seigna longtemps à Paris. Telleétaitsa réputation en 1206,
qu'Innocent III l'appela à Rome et le fit cardinal. Hubert
Walter étant mort, deux candidats à l'archevêché de Can-
terbury furent élus par deux factions, le sous-prieur Re-
ginald et John de Grey; Innocent III les mit d'accord en
procurant l'élection en cour de Rome, par quelques moines
de Christ Church, de son favori Etienne Langton, à la
grande colère du roi Jean. Etienne fut consacré à Viterbe
le il juin 4207; en 1208, le pape frappa l'Angleterre
d'interdit à cause de la conduite du roi, qui refusait au
nouvel archevêque l'accès de son archevêché. Langton,
établi àPontigny, négocia pendant les années qui suivirent
et fit preuve de modération. C'est en 121 2 seulement qu'il
se rendit à Rome avec les évêques de Londres et d'Ely,
pour provoquer des mesures énergiques contre Jean. Il re-
vint avec une sentence de déposition, dont l'exécution était
confiée au roi de France Philippe-Auguste (janv. 4213).
Jean céda, et, en juillet, l'archevêque rentra triomphalement
dans son pays natal qu'il avait quitté depuis si longtemps
pour vivre à la cour des rois du continent et des papes.
Aussitôt il prit l'attitude traditionnelle de ses prédéces-
seurs, porte-parole du parti aristocratique contre l'auto-
cratie royale, déférents envers le saint-siège, mais sans
servilité. En 1215, il servit de médiateur entre le roi Jean
et les barons; c'est lui qui lut au roi, le 45 juin, les ar-
ticles qui furent par la suite insérés dans la Grande Charte.
Quant aux légats Nicolas de Tusculum et Pandolfe, qui
soutenaient maintenant la cause royale, il fit peu de cas de
leurs ordres ; ils le suspendirent de toutes fonctions ecclé-
siastiques, sentence confirmée à Rome, le 4 nov., par Inno-
cent ÏÏI, en présence d'Etienne lui-même. L'archevêque ne
fut autorisé à retourner en Angleterre qu'après la mort
d'Innocent et l'avènement de Henri lll, en mai 4218. Les
années qui suivirent furent paisibles. Etienne Langton pré-
sida à l'enquête pour la canonisation d'Hugues de Lincoln,
au second couronnement de Henri IIÏ, à la fameuse trans-
lation des reliques de saint Thomas (7 juil. 4220). D'Ho-
norius III il obtint, à Rome, en 4224, le rappel du légat
Pandolfe et la promesse que sa vie durant aucun légat ne
serait envoyé en résidence en Angleterre. Le 47 avr. 4222,
il ouvrit le fameux synode d'Osney, dont les canons, con-
nus sous le nom de « constitutions d'Etienne Langton »,
ont joui longtemps d'une grande autorité dans les cours
ecclésiastiques du royaume. Pendant les troubles qui mar-
quèrent la minorité de Henri III, Langton combattit éner-
giquetnent les conseillers étrangers et les fauteurs de
désordres, tels que le comte de Chester et F. de Bréauté.
En févr. 4225, il fut de ceux qui conseillèrent à l'assem-
blée du clergé et des barons de voter un quinzième pour
la guerre de Poitou, en échange de la confirmation de la
Grande Charte. H mourut dans son manoir de Slindon, en
Sussex. — Etienne Langton n'appartient pas seulement
à l'histoire politique de l'Angleterre ; il a été un des écri-
vains les plus féconds du moyen âge, le premier théologien
de son temps. Il a laissé des gloses et des commentaires sur
presque tous les livres de l'Ancien Testament et un grand
nombre de sermons. « Ces sermons ont, dit M. B, Hauréau,
le mouvement vif et le style négligé des discours impro-
visés. On y sent l'homme d'action, qui dit brusquement,
en des phrases courtes, tout ce qu'il veut dire. Cependant,
il jouait trop sur les mots ; c'était la mode de son temps ;
mais il n'a pas seulement le tort de la suivre, il l'exa-
gère. » Les exemplaires manuscrits des sermons et des
commentaires bibliques de Langton (encore inédits) sont
innombrables dans les bibliothèques publiques de France et
d'Angleterre. C'est Etienne Langton qui, pendant son sé-
jour à Puniversité de Paris, partagea la Bible en chapitres
à peu près égaux, pour faciliter les recherches et les réfé-
rences, et en intervertit l'ordre des livres, opération qui a
donné à la Vulgate sa forme définitive, la forme qu'elle a
conservée jusqu'à nos jours. On lui attribue d'autres ou-
vrages en vers et en prose, historiques et poétiques, mais
toutes ces attributions ne sont pas certaines. Il n'existe pas
non plus jusqu'ici de biographie détaillée, satisfaisante, de
cet illustre docteur. ^ L.
LANGTRY (Mistress Lily), dite le « Lys de Jersey »,
comédienne anglaise, née à Jersey en 4852. Elle tient une
place considérable dans l'art dramatique, tant par sa
beauté que par son talent. Elle a dirigé elle-même à plu-
901 - LANGTON — LANGUE
sieurs reprises les théâtres où elle jouait, et n'est pas moins
appréciée en Amérique qu'en Angleterre dans les grands
premiers rôles de drame et de comédie modernes, ainsi que
ceux de Shakespeare.
LANGUE. I. Anatomie et physiologie. — La langue
est un organe de forme ovale, située dans la cavité buccale,
et qui forme avec la face supérieure de la région sus-hyoï-
dienne le plancher de la bouche. Elle sert à la fois à la
gustation et à la phonation et elle aide à la mastication. La
face supérieure de la langue est appliquée à la voûte pala
tine et au voile du palais, dans sa partie horizontale ; dans
sa partie verticale, elle répond au sommet de la luette.
Plus en arrière, elle est unie à l'épiglotte par trois replis,
un médian et deux latéraux, désignés sous le nom de replis
glosso-épiglottiqiies. La face inférieure de la langue n'est
libre que dans son tiers antérieur. Les bords de la langue
s'amincissent au fur et à mesure qu'ils se rapprochent du
sommet. La pointe est en rapport avec la face postérieure
des incisives supérieures. La base est fixée à l'os hyoïde.
Au point de vue de sa structure, la langue est un corps
musculaire, recouvert d'un revêtement muqueux. La mu-
queuse de la langue se continue avec la muqueuse buccale.
A sa surface se trouve une multitude de papilles : les pa-
pilles filiformes ou coniques; les papilles fongiformes ou
mûriformes ; les papilles caliciformes, qui sont les plus
volumineuses. La muqueuse de la langue comprend, en
outre, des glandes (glandes en grappes, glandes intermuscu-
laires et deux masses plus importantes, logées dans l'épais-
seur du stylo-glosse et du lingual inférieur). Les folliciiles
de la langue (gl. de Weber) sont isolés ou réunis par groupes.
Le squelette de la langue est osseux (os hyoïde) et fibreux
(membr. hyo-glossienne et fibro-cartilage médian). Les
muscles de la langue proviennent : les uns des os voisins
(stylo-glosse, hyo-glosse, génio-glosse) ; les autres, des
organes voisins (pharyngo-glosse, palato-glosse, amygdalo-
glosse). D'autres sont propres à la langue: lingual supé-
rieur et lingual inférieur. Les vaisseaux qui se rendent à
la langue sont des artères, provenant de la linguale, de la
palatine inférieure et de la pharyngienne inférieure; et des
veines (veines delà muqueuse, veines raninesqui se jettent
dans la faciale, dans les veines dorsales de la langue, rare-
ment dans la jugulaire interne, et les veines qui accompa-
gnent l'artère linguale). Les nerfs de la langue comprennent
sept troncs. Les nerfs sensitifs sont : le glosso-pharyngien
pour le tiers postérieur et le lingual pour les deux tiers
antérieurs. Ces deux nerfs président à la sensibilité géné-
rale, au tact et à la sensibilité gustative delà langue; les
nerfs moteurs sont : le grand hypo-glosse et quelques fibres
du facial et du glosso-pharyngien pour les muscles de la ré-
gion de l'isthme du gosier ; la corde du tympan, qui se con-
fond avec le lingual au delà du ganglion sous-maxillaire ; le
laryngé supérieur, que traverse la membrane hyo-hyoï-
dienne, et enfin des filets nerveux ou sympathiques éma-
nant du plexus intercarotidien. Les lymphatiques, très
nombreux dans la muqueuse et la sous-muqueuse, se ren-
dent aux ganglions profonds de la région sous-hyoïdienne.
IL Pathologie. — Les vices de conformation de la
langue s'observent fréquemment. Tels sont : l'absence de
l'organe, la bifidité, la chute en dehors de la cavité buccale
ou prolapsus chronique, les adhérences. Les inflammations
ou glossites sont des plus variées, selon la cause qui les
engendre. La glossite s'observe dans le cours des fièvres
éruptives, consécutivement à une brûlure ou à une bles-
sure de l'organe, de piqûres d'insectes, du traitement
mercuriel, etc. Au point de vue de la marche et de la durée
de l'affection, les auteurs distinguent : une glossite aiguë et
une glossite chronique, et ces deux variétés sont, à leur
tour, superficielles ou profondes. Les abcès chroniques de
la langue sont rarement observés, mai^ le diagnostic en
est déhcat. Les abcès phlegmoneux sont plus fréquents.
La gangrène succède le plus souvent à une glossite pro-
fonde ; elle est exceptionnellement primitive. Les plaies
peuvent être produites à la langue comme ailleurs par des
LANGUE
902 —
instruments piquants, tranchants et contondants (plaies
par armes à feu). La pustule maligne (anthrax ou charbon
malin de la langue), qui s'observe chez les bouchers et les
équarrisseurs, est le résultat d'une inoculation septique
directe. Les ulcères de la langue ont une marche spé-
ciale, selon FafFection qui les a produites (ulcères syphi-
litiques, tuberculeux, cancéreux). Les tumeurs peuvent être
divisées en tumeurs vasculaires, relativement rares ; les
kystes (pileux, séreux, muqueux, hydatiques, hématiques);
les lipomes, les fibromes, et surtout les épithéliomes ou
cancers, les tumeurs syphilitiques. Le diagnostic différen-
tiel de ces tumeurs est souvent entouré de véritables diffi-
cultés. D"^ A. Câb.
III. Art vétérinaire.— La langue est bornée en haut
par le palais, en avant par les incisives et les lèvres et sur
les côtés par les joues, les molaires et les barres. A l'état
normal, elle doit être contenue dans la cavité buccale; elle
supporte le mors dont, avec les lèvres, elle subit la pre-
mière impression. Pendant le travail, elle est parfois pen-
dante chez certains chevaux ; on la dit serpentine quand
elle est toujours en mouvement et sort de la bouche ou y
rentre alternativement. Elle est parfois coupée dans sa
partie libre et le siège de cicatrices transversales plus ou
moins profondes qui prouvent que le cheval attaché, la longe
dans la bouche, a tiré au renard. L. Gârnier.
IV. Art culinaire. — Les langues employées pour l'ali-
mentation sont celles de bœuf, de veau, de porc, de mou-
ton et d'agneau. Elles sont toutes apprêtées de la même
manière : après avoir enlevé de la langue le cornet, on la
fait blanchir à l'eau bouillante pour en retirer la peau et
on la met cuire sur feu doux pendant quatre ou cinq heures
dans une casserole avec bardes de lard, carottes, oignons,
thym et laurier ; ou bien on la coupe en tranches mises à
cuire doucement au four de campagne avec une farce faite
avec persil, échalottes, estragon, câpres, anchois et mie
de pain, le tout arrosé de bouillon et de beurre fondu. La
langue se mange encore cuite sur le gril, par morceaux enve-
loppés de papier huilé avec une barde de lard sur chaque
face et des fines herbes. Le papier doit être plié et serré
afin que le jus ne puisse s'échapper. Enfin, on peut encore
l'apprêter de la manière suivante : après l'avoir débarras-
sée de sa peau on la frotte avec du poivre et un peu de sal-
pêtre et on la place dans un vase clos, entourée de sel
blanc, de quelques clous de girolle, de thym et de laurier.
Au bout de vingt-quatre heures, on la frotte de nouveau
avec du sel et on en ajoute chaque jour à mesure qu'il fond.
On laisse ainsi pendant douze à quinze jours en ayant soin
de la retourner souvent, puis on la fait sécher pendant trois
ou quatre jours à la cheminée, fourrée dans un boyau.
Pour la cuire on la met dégorger pendant deux heures
dans de l'eau fraîche et on la place ensuite dans une mar-
mite pleine d'eau avec oignons, clous de girofle, thym,
laurier. On la laisse refroidir dans la cuisson et on la sert
bien égouttée et coupée en tranches comme un saucisson.
La langue se mange souvent cuite dans un pot-au-feu et
servie avec une sauce ou une garniture quelconque.
V. Linguistique (V. Linguistique).
VI. Enseignement.-— i^ Langue maternelle (V. En-
seignement primaire).
2^ Langues anciennes (V. Enseignement classique).'
3° Langues vivantes. — Une langue partage les des-
tinées du peuple qui la parle. Elle fixe sa grammaire,
elle étend son vocabulaire; en un mot, elle se constitue
et se développe, à mesure que le peuple prend conscience
de son originalité. Elle se dépose dans des rites reli-
gieux^ dans des actes législatifs, dans des monuments lii-
téraires. Elle s'altère et se corrompt avec l'esprit pu-
blic ; elle se désagrège avec la nation elle-même, et elle
cesse enfin d'être igi moyen de communication entre les
hommes. Ce jour-là, si elle n'a pas reçu une forme artis-
tique de la main des poètes, des orateurs, des historiens,
elle meurt tout entière. Mais elle peut survivre, toute
morte qu'elle est, si elle a servi à l'expression d'une pen-
sée immortelle, et son action peut se prolonger durant des
siècles. C'est ainsi que les langues anciennes et spéciale-
ment le latin, sont restées jusqu'à la fin du xviii^ siècle la
base de l'éducation moderne. Elles n'avaient plus, cepen-
dant, qu'une sorte de vie abstraite, comme celle des ombres
qui erraient dans l'antique Elysée. On ne faisait plus que
les Ure, et celui qui essayait encore de les parler leur
adaptait tant bien que mal la prononciation de sa langue
maternelle. Dès le xvii*^ siècle cependant, la connaissance
du français était considérée, dans la société aristocratique
de l'Europe, surtout en Allemagne et en Angleterre, comme
le complément nécessaire d'une bonne éducation. Il était
enseigné par des maîtres qu'on faisait venir de France et
qui étaient ordinairement très instruits; on l'apprenait
pour le parler, et on l'apprenait en le parlant ; et il en ré-
sulta que plus tard on lui appliqua, dans ces pays, la même
méthode, lorsqu'il fut inscrit, comme partie intégrante do
l'enseignement public, sur les programmes des écoles. En
l^Vance, on voit apparaître d'abord, comme langues étran-
gères, l'italien et l'espagnol, moins pour eux-mêmes que
pour être comparés au grec, au latin et au français {Sta-
iiits et règlements de V Académie on Collège royal en
la ville de liichelieu, 1641). Il semble que, chez nous,
dans l'étude des langues étrangères, ce soit d'abord le point
de vue littéraire qui domine. Pendant tout le xviii® siècle,
des voix s'élèvent pour recommander cette étude, et les
Cahiers de 1789 contiennent des demandes du même genre.
La Convention inscrit les langues modernes sur le pro-
gramme des écoles centrales. Enfin, le Statut universi-
taire de i802 déclare qu' « il y aura près de plusieurs
lycées des professeurs de langues vivantes ». Dans quels
lycées cette disposition a~t-elle été appliquée ? On n'en
trouve point de trace. Le Statut de 1821 reprend la ques-
tion à nouveau, et les termes dont il se sert, montrent
combien l'on était encore embarrassé d'un enseignement
qu'on ne savait à quoi rattacher : « Il y a près de chaque
collège royal plusieurs maîtres de langues vivantes; les
leçons de langues vivantes ne sont données que sur la de-
mande des parents et seulement aux élèves des quatre
classes supérieures (en 1829, on y ajouta la cinquième).
Les maîtres de musique et d'escrime sont payés par les
parents des élèves qui reçoivent leurs leçons ; il en est de
même des maîtres de langues vivantes. Les leçons de langues
vivantes, de musique, de danse, d'escrime et de natation
sont données pendant les heures de récréation. » Quant
aux maîtres, dont la rétribution était fort modeste, c'étaient
ordinairement ou des réfugiés politiques, ou des Français
qui avaient séjourné à l'étranger; on ne leur demandait
aucune garantie de savoir ou d'expérience. Même à l'Ecole
normale supérieure, oii les langues vivantes furent intro-
duites à titre facultatif en 1834, ces langues étaient en-
seignées ou par un « élève qui se trouverait connaître
l'anglais ou l'allemand », ou, aucun élève ne remplissant
ces conditions, par un maître venu du dehors. En 1838,
sous le ministère de M. de Salvandy, on exige de ces
maîtres le baccalauréat es lettres ou un diplôme étranger
équivalent. La même année, l'enseignement d'une langue
vivante est déclaré obligatoire dans tous les collèges du
royaume. Tandis qu'un progrès important est ainsi réalisé
dans l'ensemble, on tâtonne dans les détails, La langue
vivante, supprimée en cinquième et en rhétorique en 1840,
est rétablie en rhétorique en 1841 ; l'enseignement, placé
aux heures ordinaires des classes en 1840, est encore une
fois mis hors cadre en 1841 ; il semble même redevenir
facultatif, car il ne doit être donné qu'aux élèves dont la
liste a été arrêtée par le proviseur au commencement de
l'année scolaire. Il faudra une nouvelle déclaration, en
1848, pour le rendre définitivement obligatoire depuis la
cinquième jusqu'à la rhétorique, et pour le faire rentrer
dans le cadre des heures de classe.
Dans l'intervalle, Villemain avait institué le concours du
certificat d'aptitude à l'enseignement des langues vivantes :
institution excellente, qui devait assurer peu à peu le re-
903
LANGUE — LANGUEDOC
crutement du personnel dans des conditions régulières.
Le certificat fut remplacé, en 1849, par une agrégation,
qui elle-même fut fondue, ainsi que les autres agrégations
spéciales, dans l'unique agrégation des lettres, créée en
1852 par le ministre Fortoul. Sous le ministère Rouland,
de 4857 à 1860, les agrégations spéciales reparaissent,
mais non celles des langues vivantes ; le certificat seul fut
rétabli en 1860. Ce fut Duruy qui mit enfin de l'ordre
dans les mesures incohérentes et parfois contradictoires
qui avaient été prises sous les ministères précédents; il fit
commencer l'étude des langues vivantes en sixième, et lui
donna une sanction aux épreuves orales du baccalauréat ;
il rétablit l'agrégation ; il mit les professeurs sur la même
ligne que leurs collègues, au point de vue du traitement ;
enfin, il créa, à côté de l'enseignement traditionnel des ly-
cées, un enseignement spécial, fondé sur les lettres mo-
dernes. Les réformes de Duruy ont été développées après
lui, et, malgré quelques moments d'arrêt et çà et là un
peu d'hésitation chez les autorités universitaires, le domaine
des langues vivantes a continué de s'aggrandir ; il faut
ajouter qu'après 1 870 l'opinion publique leur fut décidé-
ment favorable. En 187^2, l'enseignement fut reporté jus-
qu'aux classes élémentaires, et s'étendit désormais sur les
neuf années (dix depuis 1880) du stage classique. Une
composition, d'abord une version, plus tard un thème,
fut ajoutée à l'épreuve orale du baccalauréat. Depuis 189^2,
on ne sait pour combien de temps, on est revenu à l'unique
épreuve orale, représentée, il est vrai, par un double suf-
frage ; l'épreuve écrite a été maintenue seulement au bac-
calauréat de l'enseignement moderne, qui a été substitué
en 1891 à l'enseignement spécial. Dans ce nouvel ensei-
gnement, deux langues sont obligatoires et sont étudiées
successivement; ce sont, selon les régions, l'allemand, l'an-
glais, l'italien, l'espagnol et l'arabe. On ne s'était longtemps
occupé que de l'organisation toute matérielle des cours, de
Tâge oti l'on devait y entrer, du nombre d'heures que l'on
pouvait y consacrer : une commission réunie en 1890
traça les lignes générales de la méthode à suivre, tout en
laissant les détails d'application à l'initiative des profes-
seurs. Les Instructions de 1890 établissent nettement
qu'il y a une méthode spéciale pour les langues vivantes,
différente de celle des langues mortes ; elles insistent sur la
nécessité d'une bonne prononciation ; elles recommandent
les exercices oraux, surtout au début ; enfin elles amènent
peu à peu, vers la fin du stage scolaire, l'étude httéraire,
qui ne doit pas absorber tout l'enseignement, mais qui en
est le couronnement naturel. A. Bossert.
VII. Botanique. — Nomenclature. — L. d'agneau.
Le Plantago média h. — L. de bœuf. VAnclmsa ilalica
Retz, VAnim maculatum L., etc. — L. de bœuf, L. de
CHÂTAIGNIER. Lc Fistulifia hepatica Fr. ~- L. de cerf.
Le Botrychium lunaria Sw. et la Scolopendre. — L.
DE CHAT. UEupalorium atriplicifolium L. et le Bidens
tripartita L. — L. de chien. La Cynoglosse et le Pola-
mogetoji natans L. — L. de serpent. L'Ophioglosse. -—
L. de vache. VEupatorimnrot'undifolhimL,, la Grande
Consoude et la Scabieuse (Knautia arvensis L.). — L. de
veau. La Scolopendre. — L. d'oie. La Grassette, la Vipé-
rine, etc. D^ L. Hn.
VIII. Liturgie. — Le concile de Trente (sess. XXIÏ,
ch. vm) a déclaré que, bien que la messe contienne de
grandes instructions pour le peuple, les anciens Pères n'ont
point estimé convenable qu'elle fût célébrée partout en langue
vulgaire. Chaque Eghse retiendra, en chaque lieu, l'ancien
usage qu'elle a pratiqué et qui a été approuvé par la sainte
Eglise romaine, mère et maîtresse des autres Eglises... Les
pasteurs et tous ceux qui ont charge d'âme devront expli-
quer souvent, au miheu de la messe, ou faire expliquer
par d'autres, quelque chose de ce qui s'y lit. Le canon IX
de la même session prononce l'anathôme contre ceux qui
disent que la messe ne doit être célébrée qu'en langue
vulgaire. Ces dispositions consacrent les usages établis,
d'après lesquels la messe était célébrée partout en latin
dans les églises d'Occident ; mais ils ne contiennent point
de prohibition formelle des langues vulgaires. Une bulle
de Paul V permit aux jésuites de traduire le missel en
langue chinoise, et de dire la messe en cette langue.
Néanmoins, la congrégation des Rites défend aujour-
d'hui, non seulement de chanter les offices divins en langue
vulgaire, mais même de chanter des cantiques en cette
langue pendant les offices ordinaires de la paroisse (10 déc.
1870). E.-H. V.
IX. Histoire religieuse. — Don des Langues. — On
désigne sous ce nom un phénomène assez curieux qui se
rencontra fréquemment aux débuts de l'Eglise chrétienne.
Il consistait dans une façon extatique de parler, dont le ca-
ractère fut méconnu de bonne heure et qu'on dénatura en
assurant que les premiers prédicateurs de l'Evangile avaient
reçu, d'une manière surnaturelle, la faculté de s'exprimer
dans les langues étrangères (V. Gtlossolâlie). M. Vernes.
X. Télégraphie. — Langues admises en télégraphie
(V. Télégraphie).
LANGUE (Blas.). Attribut particulier aux griffons qui
laissent voir leur langue, alors qu'elle est d'un émail diffé-
rent de celui du corps. Les oiseaux, sauf l'aigle, se disent
aussi langues.
LANGUEDIAS. Com. dudép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Dinan, cant. de Plélan-le-Petit ; 624 hab. Carrières de granit.
LANGUEDOC. Ancienne province de France, qui a formé
les départements suivants : Gard, Hérault, Aude, Tarn,
Lozère, la majeure partie de la Haute-Garonne, une par-
tie du Tarn-et-Garonne, de l'Ariège, des Pyrénées-Orien-
tales, de la Haute-Loire et de l'Ardèche. Avant de faire
l'histoire de cette région, il nous faut d'abord expliquer
comment s'est formée la province et d'où vient le nom
qu'elle a porté depuis la fin du xiii^ siècle.
Origine du nom de Languedoc et formation de cette
province. — Le Languedoc se compose principalement
d'une portion de l'ancienne Provincia romana^ appelée
Narbonensis prima à dater du v<^ siècle, à laquelle sont
venus s'ajouter, par la suite des temps, des lambeaux de
l'ancienne Viennensis et de VAquitania prima. Cet an-
cien gouvernement ne correspond donc ni à une province
ecclésiastique, représentant une ancienne province romaine,
ni à une région naturelle, car il s'étend à la fois au N. et
au S. delà grande chaîne de partage des eaux de la France.
C'est, nous le disons plus haut, au xm® siècle que le Lan-
guedoc apparaît ; il se compose à ce moment des anciens
domaines de la maison de Toulouse réunis à la couronne
en 1229 (traité de Paris ou de Meaux; départements ac-
tuels du Gard, de l'Hérault, partie de l'Aude, du Tarn et
de l'Ariège), et en 1271 (à la mort d'Alphonse de Poitiers ;
partie de la Haute-Garonne, du Tarn, Tarn-et-Garonne et
Aveyron). A ce noyau principal s'ajoutent successivement
le Gévaudan (Lozère, après 1229) et le Vivarais, terre
d'Empire (partie de l'Ardèche, après 1307). Enfin, pour fa-
ciliter l'administration de ces domaines éloignés, les Capé-
tiens rattachent à l'une des sénéchaussées royales le Velay,
où leur influence s'est fait sentir dès le règne de Louis VII
et devient prépondérante au début du xiv® siècle.
Ces pays avaient autrefois porté bien des noms diffé-
rents ; jusqu'au xm« siècle, on emploie l'expression Pro-
vincia, souvenir de l'ancienne Province romaine. On a dit
encore Septimania, terme qui s'appliquait à la partie
orientale, longtemps possédée par les Visigoths, puis re-
gnum ou provincia Gothiœ en souvenir de ce même
peuple; enfin, au xiii*' siècle, Albigeois {conquesta ou terra
/l/%é?W5Ù),parallusionauxhérétiques proscrits par l'Eghse
romaine. A la fin du xiii® siècle paraît l'expression Lingua
Occitana, qui veut dire le pays où on dit oc pour oui.
Cette étymologie, proposée dès le xvi® siècle, et soutenue
par D. Vaissète, a fini par être acceptée de tous. C'est
dans les foires de Champagne que l'expression est employée
dès d290 ; elle est alors opposée à celle de laiigue d'oil
qui désigne le Nord et le centre du royaume. Mais les
limites de cette région restent longtemps indéterminées. Elle
LANGUEDOC
904
comprend au début du xiv^ siècle tout le domaine royal dans
le S. de la France, et elle s'accroît ou diminue du côté de
l'Aquitaine, suivant les hasards de la guerre avec l'Angle-
terre ; les limites en varient également suivant les caprices
du pouvoir central, qui les détermine à chaque nomina-
tion d'un nouveau lieutenant en Languedoc. En 1360, la
Langue d'oc comprend encore quarante-quatre évèchés.
Après le traité de Brétigny, les possessions royales sont
réduites dans cette région aux trois sénéchaussées de Tou-
louse, Carcassonne et Beaucaire ; la province de Languedoc
est désormais constituée. Elle perdra encore en 1469, lors
de la formation de l'apanage de Charles de Guyenne, le
pays situé à gauche de la Garonne, mais c'est bien de
1360 que date la limitation définitive du Languedoc tel
qu'il existera jusqu'à la Révolution, et on n'y unira ni le
comté de Foix, lors de l'avènement de Henri IV, ni le Rous-
sillon, cédé par l'Espagne en 1659.
Nous n'avons pas à parler de la géographie physique de
cette région (V. les art. consacrés à chaque département).
Rappelons seulement qu'elle se compose de trois parties
bien différentes : au N. le massif montagneux des Cévennes
(bassins duRhône, delà Garonne et de la Loire), au S. une
grande plaine assez accidentée (bassins de l'iVude, de l'Hé-
rault et partie du bassin du Rhône), enfin à l'O. le bassin
particulier de la Garonne et de quelques affluents de ce
fleuve. Ce sont là régions très diverses ; aussi le Languedoc
ne doit-il son unité politique qu'à plusieurs siècles de vie
commune tant intellectuelle que politique.
Epoque préhistorique. — On ne sait presque rien
des premiers habitants du Languedoc ; on a retrouvé ici,
comme partout en France, des traces des différentes civi-
lisations qui se sont succédé, depuis l'âge de la pierre
taillée. Les cavernes des Pyrénées, les tombes deBruniquel
ont livré des pierres, des ossements travaillés. On trouve
aussi dans cette partie de la France quelques monuments
mégalithiques ; très rares au S. et à l'E. des Cévennes, ils
sont nombreux dans FAveyron et dans la Lozère. On sait
en somme peu de chose des populations anciennes du Lan-
guedoc, et le peu qu'on sait on le doit aux auteurs anciens.
Les travaux de divers savants modernes ont montré qu'il
était possible de concilier les renseignements fournis par
les écrivains grecs et latins et les résultats des découvertes
modernes. Le S. de la France paraît avoir été habité par
les Ibères, que beaucoup regardent comme les ancêtres des
Basques. Au début du v^ siècle av. J.-C, ce peuple occu-
pait encore le rivage de la Méditerranée, jusqu'à l'embou-
chure du Rhône. Aux Ibères succèdent les Ligures ou
Ligyes, peuple probablement d'origine indo-européenne ;
enfin, un peu plus tard, les Gaulois, qui avaient longtemps
séjourné dans le bassin du Danube, étendent leurs con-
quêtes vers l'O. ; ils se mêlent aux Ligures vers Mar-
seille et refoulent à l'O. les Ibères, qui sous le nom
d'Aquitains occupaient encore au temps de Strabon le pays
entre l'Océan, la Garonne et les Pyrénées. Les Celtes sont
donc, au moment où l'histoire commence à parler d'eux,
maîtres de ce qui deviendra 1,500 ans plus tard le Lan-
guedoc, C'est à des tribus celtiques qu'Annibal en 218 de-
mande le passage, quand il veut gagner l'Italie. Mais à ces
envahisseurs descendus du N. se sont joints d'autres
étrangers venus par mer ; nous Youlons parler des Phéni-
ciens, dont les courses aventureuses se sont étendues bien
au delà de la Mer intérieure. A ces Sémites, qui ne pa-
raissent avoir laissé aucune trace durable de leur pas-
sage, succèdent les Grecs ; la colonie phocéenne de Mar-
seille, fondée au vi*^ siècle av. J.-C, a des comptoirs à
rO. comme à l'E. du Rhône, et l'un d'eux, Agde, a gardé
son nom hellénique ('AyaÔT) T^yj]). Aux Grecs, les habi-
tants primitifsdu Languedoc ont peut-être emprunté l'usage
de la jnonnaie, mais l'influence de ces commerçants sur la
masse de la population a probablement été toujours assez
faible. En somme, au moment où les Romains vont con-
quérir le S. de la Gaule, ce pays est habité en majeure
partie par des peuples de race celtique, qui sont, au S. des
Cévennes, les Volces Arécomiques (Nîmes), et les Volces
Tectosages (de Toulouse à Narbonne). Au N. de ce massif
montagneux, les Helvii (Vivarais), les Vellavii (Velay),
les Gabales (Gévaudan), les Rutheni (Rouergue et Albi-
geois), les Cadurci (Quercy), tous peuples qui paraissent
avoir à ce moment fait partie de la vaste confédération
arverne qui sera, au temps de César, l ame de la résistance
à l'envahisseur.
Epoque romaine. — Telle était la situation du futur
Languedoc, quand les Romains pénétrèrent en Gaule. Le
pays est déjà à demi civilisé ; les Volces ont des villes po-
puleuses et à leurs voisins de la côte ils ont pris une tein-
ture des arts grecs. L'assimilation do cette race par les
Romains en sera d'autant plus facile. C'est en 125 av. J,-C.
que les légions romaines commencent la conquête du pays ;
les Ligures des bords du Rhône, puis les Arvernes sont
vaincus et, en l'an 119, la domination romaine s'étend jus-
qu'à la Garonne; Toulouse reçoit une garnison italienne, en
qualité de ville alliée ; pour tenir la nouvelle province, on
fait du vieux port celtique de Narbôn une colonie romaine
(118). L'invasion des timbres et des Teutons met bientôt
en danger ces nouveaux établissements (109) ; ces bar-
bares occupent Toulouse que reprend eu 106 le proconsul
Q. Servilius Csepio, mais il semble bien que, durant les an-
nées suivantes jusqu'à la victoire de Marins à Aix (102),
les envahisseurs soient restés maîtres de tout le pays à
l'O. du Rhône. L'autorité de la République rétablie dans la
Province, celle-ci est organisée et ses limites sont fixées ;
elles paraissent avoir été à peu près identiques à celles que
conservera Auguste. Dans les années suivantes, le pays
a beaucoup à souff'rir de la répression par Pompée, de la
révolte de Sertorius(77),et de la détestable administration
d'un client de Cicéron, le célèbre M. Fonteius (75-73).
Pompée marque son passage dans la Province en fondant la
ville de Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Com-
minges). En 58, César devient proconsul de la Transal-
pine pour cinq ans ; la Province lui fournit en partie les
ressources en hommes et en argent, qui lui permettent de
conquérir la Gaule. Ses légions hivernent soit chez les AUo-
broges, soit chez les Volces. Elle a fort à souffrir des guerres
civiles, tant entre César et Pompée que plus tard entre
Antoine, Octave et les meurtriers de César, et le traité
de Brindes (40) l'attribue à Octave avec tout l'Occident.
Le nouveau maître la réorganise, et une fois pacifiée, en
confie l'administration au Sénat ; à dater de l'an 22 av.
J.-C, la Narbonnaise est une province consulaire.
Les trois siècles qui suivent sont des plus prospères.
L'organisation du pays est achevée, et l'assimilation de
l'ancienne population gauloise va s'efi'ectuer avec une rapi-
dité extraordinaire; dès le temps de Pline, c.-à-d. avant la
fin du 1^^ siècle de notre ère, rien ne distingue le S. de
la Gaule de l'Italie elle-même. Les villes gauloises sont
devenues des colonies de droit romain ou de droit latin ;
deux villes anciennes, Narbonne et Béziers, sont colonies
romaines ; des colonies latines sont établies à Carcassonne,
Cessera (Saint-Thibéry), Lodève, Nîmes, Riiscino (Cas-
tel-Roussillon), Pézenas, Toulouse et Sextantio (Substan-
tion) . Chaque colonie s'administre librement par ses décu-
rions et ses magistrats, et le pays est découpé en un certain
nombre de territoires, dépendant de chacune de ces villes
principales. Dans les limites du pays qui sera plus tard
le Languedoc, on trouve encore la cité d'Alba Augusta
(Helvii, Vivarais), la ciuitas Reuessio (Velay), la civitas
Riitenoriim (Rouergue) et la ciuitas Gabalum (ou Javols,
Gévaudan) ; ces deux derniers pays prennent le nom des
peuples gaulois habitant le territoire. Chaque colonie, chaque
cité est divisée intérieurement en pagi et en vici; c'est ainsi
qu'au rapport de Strabon la vaste colonie de Nîmes compre-
nait vingt-quatre xtoixat (expression grecque correspondant
au viens latin) dont une inscription célèbre nous a con-
servé une liste partielle. L'organisation intérieure du pays
à cette époque nej diffère pas en Gaule de ce qu'elle est
dans le reste de l'Empire ; inutile de l'exposer. Notons
seulement que le S. de notre pays lui dut une prospérité
de plusieurs siècles. Grâce à la paix romaine, les villes
s'agrandissent, s'ornent de monuments admirables, dont
beaucoup encore aujourd'hui conservés ; le commerce se
développe; des routes nombreuses, savamment construites,
mettent en communication les villes principales et serviront
à la circulation durant tout le moyen âge. Une seule ville
a conservé beaucoup de ces monuments antiques, c'est
Nîmes ; mais les inscriptions sont là pour indiquer que ni
Narbonne, ni Béziers, ni Toulouse n'avaient rien à euvier
à leur rivale, et partout, dans les villages les plus reculés,
on a trouvé des débris prouvant que le pays était couvert
de villas somptueuses, de riches habitations privées, et
témoignant de la prospérité de l'agriculture, de l'adoucis-
sement des mœurs et des progrès de la civilisation.
Cette prospérité, on la constate aisément, mais on n'en
connaît pas exactement les causes, et le développement en
est difficiie à suivre. En effet, l'histoire de la Gaule méri-
dionale reste durant trois siècles assez obscure. Gou-
vernée pendant plusieurs années par le célèbre Agrippa, la
Narbonnaise reste tranquille durant les règnes des premiers
empereurs, et Claude, dans un discours célèbre, peut vanter
l'illustration et la fidéhté des sénateurs originaires de cette
province. Un peu plus tard, elle embrasse le parti de Galba
contre Néron, puis s'attache successivement à la cause
d'Othon et de Vitellius pour se soumettre bientôt sans résis-
tance à Vespasien. L'empereur Adrien y séjourne, et Anto-
nin le Pieux, originaire de Nîmes, y fait élever plusieurs
monuments et reconstruit Narbonne détruite par un incen-
die. Au m® siècle, la Narbonnaise fait partie de l'empire
gaulois, fondé par Postumus et régi pendant quelques
années par le célèbre Tetricus. A la fin du même siècle, se
place la création de la Viennoise, premier lambeau détaché
de la grande province romaine. Un peu plus tard, cette pro-
vince est de nouveau divisée, la partie occidentale jusqu'au
Rhône devient la Narbonnaise première, la partie orientale
prenant le nom de Narbonnaise seconde, et la Notitia civi-
taHm, dont on rapporte la rédaction définitive à environ
Pan 400, nous fournit le tableau des divisions du futur
Languedoc, telles qu'elles existent à la fin de l'Empire.
Cette région comprend alors la Narbonnaise première avec
cinq cités: Narbonne, métropole, Toulouse, Béziers, Nîmes,
Lodève, plus le château d'Uzôs; dans la Viennoise, la
ciuitas Albensium, ou Vivarais; dans la première Aqui-
taine, les cités Buthenorum, Albigensium^ Gahalum et
Vellavorum (Rouergue, Albigeois, Gévaudan et Velay). Cette
division va servir de base aux premières circonscriptions
ecclésiastiques de cette partie de la Gaule.
Dès ce moment, en effet, la majeure partie de la Gaule
méridionale est convertie au christianisme ; ce n'est pas que
la prédication de la nouvelle foi dans cette partie de l'Empire
n'ait été assez tardive. Si dès le i^"^ siècle il a pu exister de
petites chrétientés dans les villes de la côte, en rapports
directs avec l'Orient, la masse de la population ne s'est
convertie qu'assez lentement. La Narbonnaise dépend long-
temps de l'Eglise de Lyon, la seule qui existe sur le sol
gaulois; puis, vers 2o0, le premier évèque de Toulouse,
saint Sernin, subit le martyre. Le même temps vit peut-être
Paul, premier évèque de Narbonne ; du même siècle peut
encore dater l'Eglise de Béziers, mais on ne connaît point
d'évêque de Nîmes avant 396 et de Lodève avant 421 . La
foi chrétienne d'ailleurs dominait dès lors dans le pays, et
déjà même quelques-unes des hérésies de ces premiers
siècles y avaient des partisans et des ennemis acharnés. Dès
le ni*^ siècle le gnosticisme est apporté par les mission-
naires grecs; un peu plus tard, au iv^, l'arianisme triomphe
un instant, et les orthodoxes ont à subir une violente per-
sécution. Puis viennent les priscillianistes, enfin les secta-
teurs du prêtre Vigilance, contre lequel saint Jérôme ne
dédaigne pas d'écrire un lon^ traité. Le paganisme a dès
lors officiellement disparu; l'institut monastique commence
à paraître, mais la culture antique n'a pas perdu tous ses
partisans, et les écoles de Toulouse et de Narbonne sont
- 905 - LANGUEDOC
toujours tlorissantes. L'invasion des Barbares et le triomphe
définitif des nouvelles idées religieuses va bientôt amener
un rapide changement dans la société méridionale.
Epoques barbare et carolingienine. — La Gaule méri-
dionale avait déjà subi bien des désastres; en 407, une
nuée de Barbares l'inonde, et c'est sans doute de ce moment
que date la ruine d'une foule de monuments détruits par
le feu, dont les débris se retrouvent un peu partout. Tout
d'abord les Vandales, les Suèves et les Alains ne font que
passer comme un torrent, sans rien fonder; la domination
romaine semble intacte, mais bientôt les Goths leur suc-
cèdent et, en 4P2, quittant l'Italie qu'ils ont épuisée, ils
pénètrent en Gaule sous le roi Ataulphe, successeur d'Alaric.
Cette première occupation du pays ne devait pas durer long-
temps ; les Goths occupent Narbonne et probablement Tou-
louse, mais sans s'étabhr fortement nulle part. En 413,
Ataulphe célèbre à Narbonne son mariage avec Placidia,
sœurd'llonorius; mais bientôt, harcelé parle patrice Cons-
tance, il quitte la Gaule, passe avec sa nation en Espagne
et commence la conquête de cette province. 11 est tué à Bar-
celone en août 4i5. La Narbonnaise pendant quelques
années redevient entièrement romaine. Mais les Visigoths
n'avaient pas renoncé à leurs projets sur la Gaule. En 4i9,
le roi Wallia les y ramène, et l'empereur Honorius est bientôt
obligé de leur céder une partie des sept provinces ; Tou-
louse est la capitale du nouveau royaume, qui s'étend sur
une partie des deux Aquitaines; le domaine occupé par les
Barbares reçoit dès lors le nom de Septimania (V. Septi-
MÂNiE et Visigoths). Vigoureusement attaqué au début du
vi*^ siècle par les Francs de Clovis, le royaume des Visigoths
est démembré après la bataille de Vouillé (507) et réduit
à la région comprise entre Carcassonne et le Rhône où la
.domination visigothique se maintient jusqu'au commence-
ment du vin® siècle. Soumis à la domination franque, le
reste de la Gaule méridionale est morcelé dans les divers
partages du royaume; les princes mérovingiens qui s'y suc-
cèdent s'attachent surtout à combattre les Visigoths de Septi-
manie. A partir du règne de Dagobert, sous l'influence de
causes que l'obscurité et la rareté des sources historiques ne
permettent pas de discerner clairement, ces provinces méri-
dionales commencent à se détacher du reste de la mo-
narchie. Les ducs francs qui les gouvernent y assurent
leur autorité et y forment sous le nom de duché d'Aqui-
taine un véritable royaume indépendant qui s'étend des
Pyrénées à la Loire et de l'Océan au Vivarais (V. Aqui-
taine). Au commencement du vm^ siècle, il est attaqué au
N. par les princes francs, au S. par les Arabes. Ceux-
ci, à partir de 720, occupent successivement toute la
Septimanie, Narbonne, Carcassonne, Ni mes, et leur cava-
lerie étend ses courses vers le N. jusqu'à Autun. Charles-
Martel les défait à Poitiers en 732 et un quart de siècle
après ils doivent abandonner la Septimanie. Le duché
d'Aquitaine était délivré des Arabes, mais il avait été
frappé du même coup. Vainement Hunald et Waïfre luttent
pour résister à la conquête franque. Le dernier périt en
768, et dès lors la soumission de l'Aquitaine aux Francs
est définitive. Charlemagne créera bien pour son jeune fils
Louis en 778 un royaume d'Aquitaine, dont les limites va-
rieront et qui se maintiendra à travers beaucoup de vicissi-
tudes jusqu'au milieu du ix^ siècle. Mais, en somme, gou-
verné par des princes de la famille carolingienne et par
des comtes francs ou goths d'origine, ce royaume faisait
partie intégrante du royaume de France lorsque Charles
le Chauve mourut en 877.
Epoque féodale. — C'est de cette date de 877 qu'on
fait traditionnellement dater l'époque féodale. La plupart
des grandes maisons princières qui vont dominer dans le
Midi jusqu'au xm^ siècle sont dès lors fondées. A Tou-
louse, la famille des Raimond, qui possède ou va posséder
le Quercy, les comtés d'Albi et de Nîmes, qui enfin, au dé-
but du x^ siècle, obtiendra le marquisat de Gothie ; à Mau-
guio, règne une famille d'origine franque ; le Velay et le
Gévaudan appartiennent à la famille d'Auvergne ; Carcas-
LANGUEDOC
90() -
sonne est au pouvoir d'une famille peut-être gothique
d'origine qui s'éteindra au début du x^ siècle. Le Vivarais
et rflzège, après la mort de Charles le Chauve, font partie
du royaume de Provence, créé par Boson. Plus tard, Flizège
est définitivement rattaché au royaume de France ; quant
au Vivarais, il fait partie, à la suite de circonstances mal
connues, du royaume des Rodolfiens de Bourgogne, et
devenu, en d082, terre d'Empire, il ne sera rattaché à
la France qu'au début du xiv® siècle.
L'histoire du Languedoc à Fépoque féodale, de la fin du
x'' au début du xiii® siècle, est extrêmement compliquée et
en somme assez obscure ; on n'a pas de chroniques com-
posées dans cette partie de la France, et la plupart des
chartes un peu anciennes ne portent aucune date. L'étude
de ces monuments diplomatiques permet cependant de noter
quelques faits très importants qui aident à distinguer dans
cette longue période plusieurs époques. Première remarque :
de 877, date de la mort de Charles le Chauve, au règne de
Louis VI, l'action de la royauté va en s'afFaibUssant dans
cette partie de la France. Les grandes dignités sont deve-
nues héréditaires ; les comtes et les ducs ont usurpé les droits
et revenus régaliens ; et les habitants du Midi vivent sans
se soucier de ce qui se passe dans le Nord, connaissant à
peine de nom les souverains qui se succèdent à Laon ou à
Paris. Indépendants des souverains de France, ces grands
seigneurs usurpateurs n'en sont pas plus forts chez eux.
La forme féodale s'est appliquée à tous les offices, et le
moindre officier carolingien, devenu seigneur, transmet
ses titres et ses revenus à ses héritiers. C'est en un mot
un morcellement de plus en plus grand du territoire et de
l'autorité. Les anciens vicomtes, naguère amovibles, devien-
nent héréditaires au x« siècle à Narbonne, à Béziers, à
Toulouse, à Albi, en Rouergue et en Gévaudan. Au des-
sous se forment d'autres seigneuries moins importantes,
dont quelques-unes doivent leur origine aux anciens vi-
guiers carolingiens : citons seulement celles de Saissac, de
Lautrec, d'Anduze, de Termes, de Minerve, etc. En même
temps, une partie de la Marche de Gothie, qui jusque-là a
fait partie du royaume français, le Roussillon et la Cer-
dagne, subit l'influence catalane ; ces deux comtés sont régis
par des princes issus de familles espagnoles, et, dès le
xii«^ siècle, on peut dire qu'ils ne sont plus terre de France.
Ce qui caractérise le régime féodal de cette partie du
royaume, c'est le relâchement extraordinaire des liens qui
ailleurs unissent le vassal au seigneur. Du roi de France
* il n'est plus question ; la mention du nom du souverain
dans les chartes est la seule marque d'obéissance que ces
sujets peu dociles lui accordent et encore quand ils le veulent
bien. Mais ils ne montrent pas plus de respect pour leur
suzerain immédiat, le comte de Toulouse ou le marquis de
Gothie ; toujours en querelle entre eux, ils n'hésitent point
à se hguer contre lui, pour l'empêcher de devenir trop puis-
sant, et il faudra plus d'un siècle aux Raimonds pour
établir un peu fortement leur domination. Le Midi payera
plus tard chèrement cette indépendance ; en face de l'en-
nemi commun, l'armée do la croisade en 4209, il restera
longtemps désuni et ne se groupera sous la bannière de
son chef naturel, le comte de Toulouse, qu'après plusieurs
années d'irréparables désastres.
Faire brièvement l'histoire du futur Languedoc jusqu'à
la fin du xi« siècle est donc impossible, mais il est plus
utile de donner quelques détails sur les principales mai-
sons féodales qui dominent dans le pays. Commençons par
la famille de Toulouse. Après le comte Eudes, la lignée se
partage en deux branches ; à l'une, le comté de Rouergue,
des terres en Quercy et en Albigeois et le titre de marquis
de Gothie; elle s'éteindra au milieu du xi® siècle, et ses do-
maines reviendront à l'autre branche, celle de Toulouse.
A cette dernière, on a donné le comté même de Toulouse
avec ses dépendances dans la marche de Gascogne, des
terres dans les pays de Narbonne, de Béziers et même en
Quercy et en Albigeois. Au début du xi^ siècle, une alliance
matrimoniale lui apporte des domaines étendus en Provence,
qui formeront plus tard le noyau du marquisat de ce nom.
Elle a également la suzeraineté d'une partie du Bas-
Languedoc: Lodève, Carcassonne et Nîmes. Enfin, après
1054, elle hérite des biens de la branche de Rouergue; ces
biens et titres sont dévolus à Raimond, frère cadet du
comte Guillaume IV, qui, après la mort de son aîné (vers
4093), réunit en sa main tous les Etats de la famille, qui
passeront de père en fils sans nouveau partage jusqu'au
x!ii® siècle.
La première maison de Carcassonne s'éteint vers l'an
934 ; ce comté et celui de Razès tombent alors au pouvoir
d'un certain comte Arnaud , probablement originaire de
Gascogne et allié aux anciens comtes de Comminges. Le
comte Roger de Carcassonne possède vers 4002 le Carcasses,
la haute vallée de l'Ariège (futur comté de Foix) et les pays
environnants, le comté de Couserans, une partie du Com-
minges et nombre de châteaux dans le Toulousain et le
Narbonnais. L'un de ses fils reçoit le futur comté de Foix
et de celui-ci descendent les comtes de ce pays jusqu'à Gas-
ton-Phœbus. Un autre fils de Roger acquiert par mariage
les vicomtes de Béziers et d'Agde. La suzeraineté de Car-
cassonne et de Razès est vendue un peu plus tard au comte
de Barcelone^ vente illusoire qui permettra à ces princes,
plus tard rois d'Aragon, d'intervenir constamment dans
les affaires de la France méridionale. — A Melgueil ou Mau-
guio, au diocèse de Maguelonne, règne durant deux siècles
une famille comtale d'origine franque ; mais elle ne jouera
jamais qu'un rôle assez effacé, et de bonne heure elle
aura à lutter contre les barons de la nouvelle ville de
Montpellier, qui, d'abord modestes vassaux des évêques de
Maguelonne, s'élèvent bientôt au rang de grands seigneurs.
Les comtés de Foix (créé au xi^ siècle) et de Comminges
dépendent théoriquement du comte de Toulouse, et la se-
conde de ces circonscriptions s'étend avec ses enclaves
jusqu'au delà de Muret dans la Haute-Garonne; mais, jus-
qu'à la guerre des Albigeois, ces princes n'auront qu'un
rôle modeste.
Au-dessous des comtes paraissent les vicomtes deve-
nus héréditaires et dont quelques-uns sont aussi puissants
que leurs suzerains. Nommons d'abord ceux d'Albi et de
Nîmes, les Trencavels, qui par mariages, acquisitions,
conquêtes heureuses, arrivent à dominer à Carcassonne et
dans le Razès, à Agde, à Béziers, et possèdent une foule
de fiefs souvent très importants dans le Toulousain et
dans le Rouergue. La famille subsistera jusqu'au xiii® siècle
et sera pendant tout le xii^ à la tête des coalitions contre
le suzerain et par suite l'ennemi commun, le comte de
Toulouse. — - Au milieu du x« siècle, les vicomtes de Nar-
bonne deviennent héréditaires ; au xi® siècle, ils auront à
lutter contre l'archevêque et contre le marquis de Gothie,
mais ils ne reconnaîtront expressément l'autorité des Rai-
monds qu'au début du xm® siècle. A la vieille famille vicom-
tale éteinte en 4194 se substituera la famille espagnole
de Narbonne -Lara. — Les autres familles vicomtales
jouent un rôle plus effacé ; ce sont, dans le Gévaudan, ceux
de Grèzes, qui se fondent dans ceux de Millau, en Rouergue ;
ces deux vicomtes finissent par appartenir à la maison de
Barcelone-Aragon ; ceux de Polignac en Velay, qui s'usent
en des luttes séculaires contre les évêques du Puy ; ceux-ci
triompheront au xu^ siècle, grâce à l'appui de la couronne
capétienne. Citons encore les vicomtes de Lodève, qui de-
viennent au XII® siècle comtes de Rodez, ceux de Bruniquel
(anciens vicomtes amovibles de Toulouse), ceux de Saint-
Antonin, de Lautrec et de Minerve, issus probablement
d'anciens viguiers devenus héréditaires. Enfin, pour termi-
ner, nommons les seigneurs de Montpellier, déjà puissants
au xi^ siècle, et les familles d'Anduze, de Sauve et d'Alais.
On voit combien était extrême le morcellement du Midi
vers la fin du xi® siècle. Raimond de Saint-Gilles, vers
1093, réunit dans sa main tous les anciens Etats de sa
famille, et lui-même, puis ses héritiers vont travailler à
donner l'unité à tous ces domaines épars, à faire recon-
naître leur suzeraineté par tous ces vassaux indociles. Dans
ce long et patient travail, ils ont à vaincre plus d'une diffi-
culté. Dès le milieu du xi^ siècle, ligué avec l'archevêque de
Narbonne, Guifred de Cerdagne, Raimond de Saint-Gilles a
pu rétablir en partie son autorité à Narbonne ; il fait égale-
ment sentir son influence à Nîmes et dans le pays nîmois ;
mais, à peine devenu comte de Toulouse, il remet tout en
question en partant pour la Terre sainte ; il y fondera une
principauté puissante, le comté de Tripoli, mais il compromet-
tra la grandeur de sa maison en Europe. Son frère, Guil-
laume IV, avait laissé une fille, mariée à Guillaume IX, duc
d'Aquitaine et comte de Poitiers, le célèbre troubadour ; ce
dernier fait valoir les droits réels ou supposés de sa femme, et,
en 4098, on le trouve installé à Toulouse et agissant comme
comte de cette ville. Cette première occupation, que n'a pu
empêcher Bertrand, fils de Raimond, dure au moins deux
ans. En i 4 00, Bertrand est rentré dans la capitale de ses p]tats;
Guillaume prend la croix et se dispose à partir à son tour
pour l'Orient. Raimond de Saint-Gilles meurt en Terre
sainte en 4105. Il laissait, outre son fils Bertrand, un
autre enfant, Alphonse Jourdain, né en ()rient, et que Guil-
laume de Montpellier amène peu après en Fronce (4 107).
Bertrand donne à son frère le comté de Rouergue ; puis
bientôt, saisi d'un zèle pieux, il se dispose à quitter la
France et fait voile pour la Palestine (4409). C'était laisser
le champ libre à l'ambitieux duc d'Aquitaine, depuis long-
temps revenu de la croisade. En 4144, Guillaume IX s'em-
pare de Toulouse et fait reconnaître son usurpation par la
plupart des princes du pays ; mais sa domination est
encore cette fois bien éphémère; dès 4449, les troupes
aquitaniques sont obligées d'évacuer Toulouse.
A ce moment la province est en pleine guerre civile. Le
comte de Barcelone, qui a perdu la suzeraineté de Carcas-
sonne occupée par le vicomte de Béziers, Bernard- Aton,
essaye de faire revivre ses droits plus ou moins légitimes ;
il se ligue avec le duc d'Aquitaine, Bernard-Aton s'allie
avec Alphonse Jourdain et les efforts de ces deux derniers
finissent par réussir. Alphonse rentre définitivement à Tou-
louse en 4423 et, l'année suivante, Bernard-Aton recouvre
sa capitale de Carcassonne. En 4425, les comtes de Tou-
louse et de Barcelone font la paix et se partagent la Pro-
vence ; le souverain espagnol reçoit le comté de Provence
entre la Durance et la mer, Alphonse devient, sous le nom
de marquis de Provence, seigneur du pays entre la Durance
et la Drôme.
Le règne d'Alphonse Jourdain se prolongera jusqu'en
4448; vers 4430, il est déjà dans une certaine mesure
suzerain reconnu de tout le pays de Toulouse au Rhône,
et fait à plusieurs reprises accepter son arbitrage par quel-
ques-uns de ses vassaux ; mais il veut bientôt aller plus
loin, et disposer en maître de deux grands fiefs placés
dans sa dépendance et tombés en quenouille. A Melgueil,
il veut agir en tuteur de la jeune Béatrix, unique héritière
du comté ; Guillaume de Montpellier, soutenu par le comte
de Barcelone, combat cette pohtique, et la jeune prin-
cesse finit par épouser le comte de Provence, frère de celui
de Barcelone. A Narbonne, il est d'abord plus heureux et,
profitant de la mort du dernier vicomte qui ne laisse que
des filles, il occupe la vicomte. Après maintes alternatives
de guerre et de paix, la plupart des grands barons se
liguent contre lui et l'obligent à abandonner sa proie (4442).
Quelques années plus tard, il prend la croix à l'assemblée
de Vézelay, part pour la Terre sainte et meurt à peine ar-
rivé en Orient (4448). Ses Etats reviennent à son h Is aîné,
Raimond V.
Celui-ci est dans une position assez diflîcile. Le roi de
France, Louis Vil, abandonne, il est vrai, après son divorce
avec Eléonore de Guyenne, ses prétentions sur le comté
de Toulouse, prétentions qu'il a essayé de faire valoir les
armes à la main du vivant d'Alphonse, mais Eléonore épouse
Henri II d'Angleterre, qui sera pour le jeune comte un
ennemi autrement dangereux et actif. Raimond V, contre
lequel se sont ligués la plupart de ses vassaux, s'allie au
roi de France et épouse la sœur de ce prince, Constance,
— 907 — LANGUEDOC
En 4463, après de longues alternatives de succès et de
revers, il fait la paix avec le principal de ses adversaires,
Raimond Trencavel, mais il n'est jamais tranquille vers
le Nord et il a toujours à compter avec l'hostilité du roi
d'Angleterre. D'autre part l'influence du roi d'Aragon dans
le Midi grandit tous les jours; le vicomte de Carcassonne,
la vicomtesse de Narbonne, le comte de Rodez, le sei-
gneur de Montpellier sont presque constamment les alliés
de ce prince ; enfin Raimond V, qui a renvoyé en France
sa femme Constance, est en froid avec son royal beau-
frère. Il se tire assez adroitement de tous ces périls; il
apaise le roi d'Angleterre en le secourant contre ses fils
rebelles, et, au milieu même de ces embarras, il trouve
moyen d'acquérir définitivement le comté de Melgueil, puis
la vicomte de Nîmes et d'Agde; quand il meurt, en 4494,
il lègue à son fils Raimond VI des domaines agrandis et
une autorité moins contestée.
Le nouveau comte, moins habile que son père, renonce
définitivement à l'alliance française ; il épouse Jeanne, sœur
de Richard Cœur de Lion, et cette alliance heureuse lui
vaut la restitution du Quercy et la cession de l'Agenais.
Le vicomte de Carcassonne est un mineur ; l'héritier d'Er-
mcngarde, vicomtesse de Narbonne, prête hommage à
Raimond. Enfin Pierre d'Aragon, qui a fort à faire pour
conserver sa nouvelle acquisition de Montpellier, cherche
moins que son père, le grand Alphonse, à faire sentir son
influence dans la province. Le comte de Toulouse, dont
l'autorité est souveraine à Toulouse, Cahors, Agen, Nîmes
et Agde, qui possède la moitié de la Provence, et qui fait
sentir son action dans PUzège, le Rouergue, le Gévaudan
et en Vivarais, est à ce moment un des plus puissants feu-
dalaires du royaume. La guerre des Albigeois, qui éclate en
4209, va détruire cette souveraineté si péniblement établie.
Avant de raconter comment le Midi de la France perdit
son indépendance, il convient d'exposer brièvement l'orga-
nisation et la situation du pays à la fiai du xu® siècle. Le
régime féodal ne s'y est point développé comme dans le
N. de la France, en Normandie par exemple ; on n'y
trouve pas cette superposition savante de personnes et de
terres qui fait l'originalité du régime. Beaucoup de petits
propriétaires ont su faire respecter leur indépendance et
le nombre des terres allodiales est relativement considérable.
Dans les campagnes et principalement dans le Toulousain
et sur les terres d'Eglise, on trouve encore des serfs (/lo-
ïnines de corpore, de caselagio), mais le nombre en di-
minue tous les jours, et dès lors la majeure partie des
cultivateurs a obtenu la liberté personnelle. La condition
des habitants des centres urbains s'est de même fort amé-
liorée. Tout d'abord on trouve de grandes républiques mu-
nicipales aussi libres d'allures, aussi puissantes que
certaines cités italiennes; Toulouse, Montpellier, Nîmes,
Béziers, Narbonne s'administrent elles-mêmes; elles doivent
encore à leurs anciens seigneurs aide matérielle et morale,
mais elles traitent avec eux de puissance à puissance, et
n'hésitent pas à recourir à la guerre quand on fait mine
de violer leurs privilèges. Les'consuls de Narbonne con-
cluent des alliances politiques et commerciales avec les
cités italiennes ; ceux de Montpellier, allant plus loin en-
core, rachètent de leur suzerain à beaux deniers comptants
ses droits supérieurs; ailleurs, à Toulouse, à Nimes, par
des insurrections savamment menées, on oblige le comte
à renoncer à tous droits de justice sur les membres de la
communauté. Les consuls de Toulouse ont leur bannière,
leur armée, et, suppléant à l'impuissance du suzerain, vont
forcer les petits barons des environs à supprimer les
péages qui gênent le commerce de la grande ville. Moins
libres en apparence, les habitants des villes de second
ordre ont obtenu l'adoucissement des taxes, la réglemen-
tation des droits seigneuriaux et des frais de justice, et
presque partout, en Languedoc la justice criminelle est
rendue par des tribunaux consulaires qui fixent eux-mêmes
l'amende à percevoir et décident de la valeur des accu-
sations. Enfin, pour les serfs désireux d'échapper à la
LANGUEDOC
908
tyrannie de leurs seigneurs, s'élèvent de nombreux asiles,
villes neuves, sauvetés {salvitates), où tout homme, à
condition d'abandonner à son maître la terre qu'il tient de
lui à titre héréditaire, est sûr de trouver du travail et
la liberté civile.
Au milieu de cette nouvelle société, qu'est devenue
l'Eghse? Dans le Midi, elle ne joue presque jamais le rôle
prééminent; elle n'exerce pas Finttuence extraordinaire
que les croyances du temps lui accordent ailleurs. La cul-
ture religieuse est assez faible; jusqu'au xiu^ siècle, le Midi
ne produit aucun grand théologien. H paraît même n'avoir
que bien rarement éprouvé ces grands élans de foi mystique
qui secouent de temps à autre les Français du Nord ; les
Méridionaux suivent leurs seigneurs à la croisade, s'y si-
gnalentpar leur bravoure, mais scandalisentleurs pieux com-
pagnons par leur entente de la vie pratique, leur manque de
sérieux et leur légèreté. Les princes languedociens fondent
de grands monastères, enrichissent les églises cathédrales,
mais sans ce zèle pieux qui frappe chez les seigneurs du
Nord, et, même après Grégoire Yll, la réforme de TEglise
ne peut s'opérer dans le Midi. Elle ne deviendra effective
qu'au xiu^ siècle. Enfin, les écrivains du Nord comme ceux
du Midi sont là pour l'attester, la foi est tiède dans cette
partie du royaume ; non seulement les croyances albigeoises
Y recrutent chaque jour de nouveaux partisans, mais encore,
fait plus grave pour l'avenir de la religion catholique,
l'indifférence religieuse y fait chaque jour des progrès sen-
sibles. A part quelques prélats, personne ne comprend
qu'on puisse, pour une question de croyance, haïr et
persécuter son voisin, son ami, son frère. Il faudra cent
ans de persécution pour faire perdre aux Méridionaux
cette opinion, monstrueuse au xni*' siècle, si naturelle au-
jourd'hui. Au milieu d'une société ainsi constituée, et en
somme encore assez brutale, l'Eglise risquait fort d'être
dépouillée; sans doute, il ne faut pas toujours prendre au
pied de la lettre les plaintes incessantes des prélats du
Midi, mais, on doit le reconnaître, les biens et les revenus
ecclésiastiques sont trop souvent usurpés par les barons
et par les princes. Les privilèges des clercs sont mal res-
pectés, les dîmes et les églises saisies par les laïques, les
bénéfices brutalement occupés et cette situation sera une
des causes de la guerre des Albigeois. La croisade de 1209
aura du reste pour premier effet, non seulement de recons-
tituer le patrimoine ecclésiastique , mesure dans un certain
sens légitime, mais d'accroître dans des proportions inouïes
ce même patrimoine. Les églises languedociennes seront
les premières à s'approprier les biens des vaincus, et il
faudra toute la ténacité de l'administration royale pour
leur imposer tout au moins un partage inégal.
Le Midi diffère donc de tout point du Nord de la France :
attiédissement de la foi, plus grande liberté civile, esprit
de tolérance. Il n'a pris aucune part à la renaissance des
études ecclésiastiques du ix^ au xn^ siècle, mais, par contre,
il a produit une littérature brillante, la seule peut-être du
moyen âge qui ait eu des écrivains dignes de ce nom. On
verra ailleurs comment est née, comment s'est développée
cette belle poésie des troubadours, qui ne survivra pas à
la brutale agression de 1209. Moins variée que celle du
Nord, elle a su exprimer des sentiments délicats, et les
poètes du Midi ont les premiers en Europe su trouver une
forme harmonieuse et élégante.
k ce tableau brillant, il y a bien quelques ombres, que
l'on doit marquer en passant. L'organisation sociale est
plus douce, mais moins solide que dans le Nord ; la poésie
amoureuse dés troubadours dénote une corruption de mœurs
extrême, enfin l'absence d'un gouvernement fort a laissé
se développer le brigandage, et, si les habitants des villes
échappent en partie à ce danger, ceux des campagnes ont
grandement à souffrir du passage de bandes armées, que
les princes soudoient pour leurs guerres personnelles. En-
fin, et c'est peut-être lacause principale de la défaite du Midi,
trop civilisés, les habitants du futur Languedoc ont désap-
pris le métier des armes, et les chevaliers de Simon de
Montfort triompheront sans peine de ces masses indisci-
plinées, de ces hommes affaiblis par un long repos.
Croisade des Albigeois. — C'est en 1209 que commence
la croisade contre les Albigeois, préchée par ordre du
saint-siège; nous ne raconterons pas ici cette sanglante
aventure ; on en trouvera le détail à l'art. Cathares.
Remarquons seulement que si l'Eglise, qui l'avait provo-
quée et soutenue, en tira de grands et immédiats avantages,
le véritable héritier des Montfort fut le roi de France qui
n'y avait pris part qu'au dernier moment. Les conséquences
politiques de cette guerre sont extraordinaires ; l'unité de
la France capétienne va en sortir et la politique capétienne
en sera du coup orientée vers le S. plutôt que vers le
N. de l'Europe. En/1229, Louis VL se trouve, posséder
tout le pays, de Carcassonne au Rhône, moins le Roussil-
lon; ce prince et ses successeurs pourront plus aisément
travailler à l'annexion des provinces situées au N. des
Cévennes, où jusque-là les rois français n'ont exercé qu'une
influence assez restreinte : Gévaudan, Velay et plus tard
Vivarais ; ce travail d'assimilation durera près d'un siècle
et ne sera achevé que sous Philippe le Bel. Bien plus, un
fils de France va régner à Toulouse dans les domaines
laissés à Raimond VII et ces domaines reviendront à la
couronne en 1271.
Epoque royale. -- Le Midi était vaincu, mais il n'avait
pas renoncé à tout espoir, et, de 1229 à 1249, il va essayer
à plusieurs reprises de recouvrer l'indépendance perdue,
A vrai dire, durant ces vingt ans, les agents de la royauté
ne s'inquiètent guère de faire accepter par les populations
le nouvel état de choses ; jusqu'à l'arrivée des enquêteurs
royaux en 1248, les Méridionaux sont en butte à toutes
sortes de tracasseries et de violences, exposés aux exactions
d'officiers royaux, ignorants des usages, des droits du Midi,
peu soucieux des privilèges des villes et qui ne pensent
qu'à remplir le trésor royal et à terroriser les habitants.
Aussi les proscrits, les bandits qui ont cherché un asile,
les uns en Aragon, les autres dans les Etats du comte de
Toulouse, dont quelques-uns occupent encore divers châ-
teaux fortifiés, — le dernier, Quéribus, ne succombera
qu'en 1255, — entretiennent avec les vaincus des relations
constantes, et, à deux reprises différentes, ils les entraînent
dans de nouvelles aventures. En 1240, le vicomte dépos-
sédé de Carcassonne, Trencavel, soutenu par une poignée
de proscrits, soulève tout le pays de Carcassonne et
une partie du Bitterrois; il occupe la majeure partie des
petites villes, massacre les garnisons françaises et vient
mettre le siège devant la cité. La place, commandée par le
sénéchal Guillaume des Ormes, se défend vigoureuse-
ment , et , après de rudes attaques , les envahisseurs
doivent lever le siège et fuir devant l'armée de secours
amenée de France. La répression est sanglante et les vain-
queurs pénètrent jusque dans la haute vallée de l'Aude,
qu'ils n'ont pas encore parcourue. — Raimond VII
n'avait pris aucune part à cette tentative ; deux ans plus
tard, jugeant les circonstances plus favorables, sûr de
l'alliance du roi d'Angleterre Henri III et des barons
poitevins soulevés contre le jeune Alphonse, il se met en
pleine révolte contre le roi de France. Mais Louis IX con-
duit l'affaire avec vigueur; Henri m est battu, obligé de
regagner Bordeaux, Raimond VII, abandonné de son prin-
cipal allié, le comte de Foix, et la paix de Lorris, sollicitée
humblement par lui (1242), est suivie de la soumission
définitive du Midi. L'Inquisition, dont le comte de Toulouse
a voulu modérer l'action, reprend ses poursuites et pro-
cède à ces vastes enquêtes dont nous avons quelques dé-
bris et qui englobaient des centaines et des milliers de
prévenus. En 1245, le château deMontségur, dans la sei-
gneurie de Mirepoix, est pris de vive force; c'était le der-
nier asile des derniers défenseurs de l'indépendance méri-
dionale, réduits par la défaite à vivre en véritables
bandits. La situation du pays est pire que jamais.
Fort heureusement Louis IX va dans la mesure du pos-
sible apporter à ces maux quelque remède. Tout d'al3ord
- 909 -
LANGUEDOC
il envoie en 1248 des clercs enquêteurs, chargés d'infor-
mer sur II conduite des agents royaux, de réparer les
torts causés et de faire toutes les restitutions imposées
par l'équité. Ces longues enquêtes prouvent la délicatesse
de la conscience de ce prince; sans doute, les hérétiques et
leurs partisans restent toujours proscrits, sont toujours
hors la loi ; mais cette exclusion que condamnent nos idées
modernes paraissait toute naturelle aux gens du xm<^' siècle.
Rappelons d'ailleurs que Louis IX ira dans cette voie des
réparations aussi loin que le lui permettront les préjugés
religieux de son temps; dès 1254, il publie une ordon-
nance célèbre dont plusieurs articles ont pour but de pré-
venir le retour de certains abus constatés par les enquê-
teurs. Un peu plus tard, en 1259, un autre statut, encore
plus remarquable, marque les cas fort nombreux où 'on
devra restituer les domaines confisqués depuis 1209. Jus-
qu'à la fin du règne de Louis IX, des enquêteurs vont par-
courir le pays, travaillant à cette oeuvre de pacification
et d'apaisement. — De ce règne date également l'orga-
nisation administrative du Languedoc royal ; deux séné-
chaussées sont créées, l'uneà Carcassonne, l'autre à Nîmes;
dans chacune d'elles des vigueries et des bailliages. Le
ressort de ces circonscriptions, à la fois administratives et
militaires, comprend non seulement le domaine direct,
mais encore les fiefs relevant du roi. De ce règne date aussi
la création du port royal d'Aiguesmortes. Enfin n'oublions
pas que le Languedoc renferme à cette époque deux en-
claves : la baronnie de Montpellier, relevant de l'évêque
de Maguelonne et possédée par le roi d'Aragon, et le comté
de Melgueil, confisqué jadis par la papauté sur Raimond VI
et confié par Innocent III à la garde de l'évêque de Mague-
lonne. L'ancienne noblesse dans les territoires de Carcas-
sonne, de Razès et de Béziers a été dépossédée en majeure
partie, et une nouvelle aristocratie s'est formée, composée
surtout de ceux qu'on appelle seigneurs terriers, descen-
dants des compagnons de Simon de Montfort.
Telle est la situation du Languedoc royal, jusqu'à a
mort de Louis IX en 1270. Un mot maintenant du sort des
pays laissés à Raimond VII par le traité de 1229. Ce prince
avait conservé le Toulousain, l'Albigeois méridional, le
Quercy, le Rouergue, l'Agenais et le Venaissin. Pendant
vingt ans, il travaille, par des acquisitions multipliées, par
la fondation de quantité de villes neuves, à reconstituer
ses revenus fortement diminués. En 1242, il tente vaine-
ment un efibrt pour mettre à néant le funeste traité de
Paris; un peu plus tard, à deux reprises différentes, il
cherche à se marier pour avoir un fils à qui léguer ses
Etats dont ce même traité a disposé. Il échoue encore. Il
n'est pas plus heureux dans ses rapports avec l'Eglise ro-
maine ; il est obligé de laisser l'Inquisition s'établir dans
ses Etats et poursuivre ses sujets ; il doit payer les profes-
seurs de l'université de Toulouse qui travaillent à ramener
le Midi à la foi orthodoxe, et ces marques multipliées de
soumission ne paraissent pas encore suffisantes à la cour
pontificale, qui ne lui accorde jamais la consolation, ardem-
ment sollicitée par lui, de faire inhumer en terre sainte
son père Raimond VI. Enfin au moment oii il va partir
pour l'Orient, il meurt à Millau le 27 sept. 1249, à la
grande désolation de ses sujets. — Il a pour successeur
sa fille Jeanne, ou plutôt le mari de celle-ci, Alphonse,
comte de Poitiers, frère puîné de Louis IX {V. Alphonse
DE Poitiers, t. II, p. 503-5), prince de tempérament débile
et d'âme froide, mais bon administrateur, juge conscien-
cieux. Il ne s'attache pas à gagner l'affection de ses nouveaux
sujets pour lesquels il est de tout point un étranger, et,
sauf en deux occasions, il ne visite point le Midi, résidant
presque toujours aux environs de Paris ou à la cour de
son frère. Il n'en fut pas moins un prince excellent, très
soigneux de ses intérêts, mais respectueux des droits d'au- !
Irui, et sous ce régime sévère, mais équitable, cette partie [
du Midi jouit d'une paix absolue et d'une prospérité indé- '
niable. On ne saurait lui faire un grief d'avoir soutenu i
l'Inquisition : il était catholique sincère, et considérait
naturellement l'hérésie comme un crime. Fidèle à la tradi-
tion monarchi(jue, il montre peu de sympathie pour les
libertés municipales, concède de nouvelles chartes de pri-
vilèges civils, mais cherche à restreindre l'autorité des
consuls de Toulouse. Il avait pris part à la funeste expédi-
tion d'Egypte et partagé les périls et la captivité de son
frère ; de retour en Europe, il ne se mêle que par occasion
des affaires politiques du royaume. Très attaché à son
frère, il prend la croix une seconde fois avec lui, prépare
pendant de longues années une nouvelle expédition et suit
Louis IX en Afrique ; il échappe à la peste qui décime
l'armée et revient mourir en Italie, à Savone, où il expire
le 21 août 1271 : sa femme Jeanne de Toulouse, qui l'a
suivi, succombe à son tour quatre jours plus tard (25 août).
Le gouvernement d'Alphonse a laissé des traces durables
dans l'organisation administrative du Languedoc; la séné-
chaussée de Toubuse avec ses juge ries (V. ce mot) date
de ce règne, et c'est à ce prince qu'on doit la fondation
d'une foule de bastides ou villes neuves dont quelques-unes
sont aujoia^d'hui des villes importantes.
A qui allaient revenir les Etats d'Alphonse et de Jeanne ?
Ils ne laissaient pas d'enfants, et, d'après le traité de Paris,
les anciens domaines de Raimond VII devaient être réunis
à la couronne. Jeanne, par testament du 23 juin 1270,
avait cherché à prévenir cette réunion en léguant à Charles
d'Anjou le Venaissin, et à sa cousine Philippe de Lomagne,
comtesse de Périgord, le reste de ses Etats. Mais ces dis-
positions ne devaient point être respectées. A peine la mort
des deux princes connue, le roi Philippe III ordonne au
sénéchal de Carcassonne de prendre possession des terres
vacantes, pour prévenir une tentative de l'infant d'Aragon
qu'appelaient quelques mécontents de Toulouse. L'opération
a lieu sans résistance ; du testament de Jeanne de Tou-
louse, on ne tient aucun compte ; la iégatrice, Philippe de
Lomagne, perd le procès intenté par elle en parlement
(1274), et le ^^enaissin comme le reste est occupé par les
officiers royaux; toutefois, après de longs attermoiements,
l'Agenais est restitué à Edouard P% roi d'Angleterre
(1279), conformément au traité de 1258; pour le Quercy,
le souverain anglais reçoit une rente; enfin le pape Gré-
goire X se fait céder le Venaissin (1274), à la possession
duquel le saint-siège n'avait d'ailleurs en réalité aucun
droit.
Le nouveau régime établi, Philippe III juge utile de
frapper un grand coup et de montrer aux Méridionaux
la puissance de la royauté. Roger-Bernard, comte do Foix,
avait pris les armes contre le sieur de Cazaubon ; pour le
réduire, le roi convoque ses barons, tout l'ost de France,
et une armée formidable envahit le comté de Foix. Roger-
Bernard doit se rendre à discrétion, est emmené en
France, et tout le comté occupé par les troupes royales ;
il sera d'ailleurs restitué au possesseur légitime en 1277.
Le nouveau roi suit pour le reste la même politique que
son père ; le pays ect sagement administré, des enquêteurs
le parcourent sans cesse, redressant les torts, restituant
les droits ou les terres injustement occupées, La province
envoie des troupes en Navarre, sous Eustache de Beau-
marchais, sénéchal de Toulouse (1275 et années suivantes).
Un peu plus tard, elle obtient la création d'une cour
suprême de justice, qui siégea Toulouse, à titre de déléga-
tion du parlement de Paris, et qui épargne aux plaideurs
languedociens de longs voyages et des frais inutiles (1 279) ;
cette utile institution fonctionne à peu près régulièrement
pendant une dizaine d'années. Les années suivantes sont
marquées par le complot d'Aimeri, vicomte de Narbonne,
qui a cherché à s'unir avec le roi de Castille (1282), et par
l'occupation momentanée de la baronnie de Montpellier par
les troupes royales, occupation qui obUge le roi de Majorque
à se reconnaître arrière-vassal de la 'couronne de France
pour cette baronnie. L'expédition d'Aragon (1285) est
funeste au Languedoc; non seulement cette province con-
tribue à cette entreprise impolitique et fournit de l'argent
et des hommes, mais elle a à souffrir du passage de l'armée,
LANGUEDOC — 940
puis, après Févacuatîon de la Catalogne, des incursions des
troupes espagnoles et des attaques des corsaires italiens et
catalans. Le pouvoir royal fait chaque jour dans la province
de nouveaux progrès. Philippe le Bel acquiert la partie de
MontpeUier possédée par i'évèque de Maguelonne, la sei-
gneurie de Lunel, entre en parcage avec les évêques de
Mende, du Puy et de Viviers ; d'autre part, l'organisation
administrative se complète et à dater de 4302 appa-
raissent les Etals de Languedoc, première forme de l'as-
semblée qui administrera cette province jusqu'en 4 790. Enfin
la cour soumet et punit sévèrement le comte de Foix, de-
venu pourtant plus puissant que jamais par son mariage
avec l'héritière de Béarn. L'état du pays serait satisfaisant
sans les exigences du Trésor ; pour cette nouvelle admi-
nistration, pour les guerres incessantes avec l'Angleterre et
la Flandre, il faut des ressources que ne peuvent donner
les anciens impôts. De là une rapide modification dans le
gouvernement; une des institutions tutélaires de Louis IX,
les enquêteurs royaux, se transforme, et les clercs qui
parcourent sans cesse le pays n'ont plus qu'une mis-
sion, procurer de l'argent au pouvoir central par tous les
moyens possibles. La royauté, n'ayant pas encore de budget
fixe, vit de ressources extraordinaires ou d'emprunts oné-
reux. Cet état de choses se perpétuera jusqu'au règne de
Charles Vif, moment où les taxes deviendront régulières
et annuelles, sauf à grossir chaque année. Une autre
cause de mécontentement pour les populations méridionales,
ce sont les procédures inquisitoriales. L'hérésie albigeoise
est agonisante, et c'est ce moment que ce tribunal extra-
ordinaire choisit pour redoubler de rigueur; Philippe le
Bel un instant juge opportun d'intervenir et, au moment
même où il lutte contre Boniface VIII, il accueille les plaintes
de ses sujets. Trois agents royaux, Jean de Picquigny,
vidame d'Amiens, Richard Neveu, archidiacre de Lisieux,
et Gilles de Rémi, viennent s'informer des faits (4301-4);
les inquisiteurs sont convaincus d'excès de pouvoir, et les
dominicains, parmi lesquels se recrutent les juges delà foi,
sont en butte aux violences des populations soulevées. On
décide en 4 304 que des commissaires royaux visiteront les
prisons inquisitoriales et que les juges spéciaux ne pourront
siéger sans les évêques du pays. Mais cette satisfaction
incomplète ne pouvait faire oublier leurs longues souffrances
aux malheureux Méridionaux ; les frères mineurs et prin-
cipalement le célèbre Bernard Délicieux se mettent à la
tête du mouvement. On brise les portes du mur de Carcas-
sonne ; on poursuit partout les frères prêcheurs et bientôt
ne trouvant plus d'appui auprès de la cour, qui a aban-
donné leur cause, quelques désespérés font appel à l'étran-
ger et entrent en relations avec l'infant de Majorque, don
Ferrand, entreprise périlleuse, bientôt découverte et sévè-
rement châtiée. Bernard Délicieux est arrêté en 4305 par
ordre de Clément V, et les consuls de Carcassonne et leurs
complices mis à mort. Le malheureux Bernard, après
quatorze ans de détention, sera définitivement jugé par
ordre du cruel et vindicatif Jean XIII en 4349. Un décret
du concile de Vienne de 4342 adoucit légèrement la rigueur
des tribunaux d'inquisition, mais si cette juridiction extra-
ordinaire perd un peu plus tard de son activité (vers 4335),
ce n'est pas faute de zèle, mais faute de victimes à pour-
suivre. Du début du xiv^ siècle datent la dernière tenta-
tive de quelques villes méridionales pour secouer le joug
des Capétiens, et l'extinction définitive des doctrines, dont
la propagation a jadis servi de prétexte à la croisade de
4209.
Au même règne appartiennent encore plusieurs faits im-
portants, la suppression de l'ordre du Temple dont les
biens immenses sont en partie confisqués, en partie dévolus
à l'ordre de Saint- Jean, la création de l'évêché de Pa-
miers, premier essai de démembrement du vaste diocèse
de Toulouse, enfin l'expulsion des juifs et la confiscation
de leurs biens. Cette race malheureuse avait jusqu'à l'ar-
rivée des officiers royaux joui dans le Midi de la France
d'une prospérité relative; pouvant posséder des biens im-
mobiliers, commerçants actifs, les juifs avaient contribué
pour une bonne part à la prospérité matérielle du pays .
Dans presque toutes les villes ils avaient des synagogues,
des écoles dirigées par des rabbins célèbres dont les his-
toriens vantent la science; au xu® siècle le fameux Benja-
min de Tudèle ne tarit point en éloges sur les maîtres
de Lunel, de Béziers et de Montpellier. Sous Alphonse, sous
Louis IX même, le sort des juifs a changé, et ces deux
princes, oublieux de leur équité ordinaire, les ont soumis
aux plus cruels traitements, confisquant à deux reprises
leurs biens et les obligeant par un long et arbitraire em-
prisonnement à racheter leur Hberté et leur vie. Philippe
le Bel ne manque pas de suivre un si bel exemple et en
4306, mettant le comble à l'iniquité, il fait saisir leurs
biens et les chasse du royaume, dénués de toutes ressources.
Mesure impohtique dont la prospérité du pays devait long-
temps se ressentir. Plus tard, les juifs reviendront en Lan-
guedoc, mais ils n'y formeront plus une caste puissante et
respectée, et devront acheter chèrement des officiers royaux
une précaire et éphémère protection.
Les règnes des fils de PhiHppe le Bel, de 1344 à 4328,
ne sont marqués en Languedoc que par quelques événe-
ments notables. Tout d'abord le remaniement par Jean XXII
des circonscriptions épiscopales ; de l'évêché de Toulouse,
ce pape fait une province comptant 8 diocèses : Toulouse,
Montauban, Lavaur,Saint-Papoul, Mirepoix, Pamiers, Rieux
et Lombez; il crée également le diocèse de Castres, détaché
d'Albi, ceux de Saint-Pons, de Thomières et d'Alet, pris sur
celui de Narbonne. La mesure était-elle nécessaire ? On
peut assurément en douter; la vie religieuse n'en sera
pas plus active en Languedoc, et ces nouveaux sièges seront
durant trois siècles distribués un peu au hasard aux favo-
ris de la royauté et de la cour pontificale. Bien plus pros-
pères sont les couvents dominicains, augustins et mineurs
de Toulouse, de Montpellier et de Narbonne, et les univer-
sités de Toulouse et de Montpellier. Dans la première de
celles-ci l'enseignement du droit, dans la seconde l'ensei-
gnement de la médecine restent toujours florissants ;
quelques-uns des meilleurs juristes de la couronne et de
la papauté et des praticiens renommés doivent leur instruc-
tion à ces célèbres écoles. Vers le même temps, les capi-
touls de Toulouse fondent la célèbre académie du Gai Sa-
voir, tentative louable, mais impuissante ; la littérature
provençale est morte définitivement. L'histoire même du
pays jusqu'au début de la guerre de Cent ans est mar-
quée par les événements accoutumés, demandes de sub-
sides, exactions des officiers royaux. Les pastoureaux en
4320 ravagent le pays, puis on y persécute les lépreux ;
les comtés de Foix et d'Armagnac*^ recommencent de temps
à autre à se faire la guerre, enfin, en Albigeois, les héri-
tiers du dernier seigneur de Castres se disputent avec
acharnement les lambeaux de ce petit territoire.
Guerre de Cent ans. — L'année 4337 marqueté début
de la funeste guerre de Cent ans qui va couvrir la France
de ruines et compromettre l'œuvre de plus d'un siècle de
paix intérieure. Le Languedoc tout d'abord ne souftre
qu'indirectement ; il fournit des hommes et de l'argent ;
mais le théâtre de là guerre se trouve hors de ses
limites, en Agenais et en Périgord. Néanmoins, à mesure
que l'ennemi fait des progrès, le danger se rapproche,
et après les courses du comte de Derby (4345), après la
bataille de Crécy et l'échec de Jean de Normandie sous
Aiguillon (4346), les frontières de la grande province
royale sont absolument découvertes. Les villes démantelées
recommencent à s'entourer de hautes murailles, la peste
noire décime la population; la situation déjà fort critique
va encore s'aggraver par les fautes du nouveau roi, Jean II,
successeur de Philippe VI. Ce dernier prince, si malheu-
reux à Crécy, a marqué son règne en Languedoc par plu-
sieurs actes utiles, notamment l'achat de Montpellier et de
Lattes, acquis en 4349 du dernier roi de Majorque, l'in-
fortuné Jacques lï (1349) ; par contre, une partie de la
seigneurie d'Alais a servi à payer l'achat du Dauphiné,
- 9îi —
LANGUEDOC
cédé par le dernier dauphin , Humbert. Dès i 350, le
pays est profondément troublé, et les différents gouver-
neurs qui se succèdent ne parviennent pas à y rétablir la
tranquillité. Des bandes anglaises commencent à parcourir
le territoire et pénètrent jusqu'à Saint-Antonin ; le nouveau
lieutenant du roi, le comte Jean d'Armagnac, auquel le
roi Jean a confié la province, va se montrer impuissant à
la défendre. En 4355, la trêve expire et la guerre recom-
mence, désastreuse pour le Languedoc, grâce à Fimpéritie
du comte d'Armagnac. Le fameux prince Noir parcourt im-
punément le pays jusqu'à Narbonne, brûlant les villes ou-
vertes, pillant les villages, ruinant, en un mot, une bonne
moitié de cette rielie contrée. Il se retire après avoir atteint
son but, terrorisé le Midi français, ouvert la voie et donné
l'exemple à tous les bandits qui suivront sa trace. La bataille
de Poitiers, perdue en 1356 par le roi Jean, met le comble
aux malheurs du pays. Sans doute, plus sages que leurs
compatriotes du Nord, les Etats de Languedoc oublient les
fautes du pouvoir central et octroient les ressources néces-
saires pour lutter contre l'ennemi extérieur ; ils prêtent un
concours dévoué au comte d'Armagnac, puis à son succes-
seur, le comte de Poitiers, fils du roi, plus tard duc de Berry,
mais la situation n'en est pas moins terrible, et si le Lan-
guedoc évite heureusement une nouvelle invasion, il ne
s'épuise pas moins d'hommes et d'argent. Enfin en 4360,
le traité de Brétigny le réduit aux trois sénéchaussées de
Toulouse, Carcassonne et Beaucaire ; de province centrale,
il devient pays frontière ; de nouvelles charges lui sont
imposées pour racheter de captivité le misérable Jean, et
les grandes compagnies vont l'envahir.
Ces bandes indisciplinées et féroces, que la paix a privées
de leur gagne-pain, se jettent sur le Bas-Languedoc et y
commettent les plus épouvantables ravages ; du Bhône à
Carcassonne, le pays est en feu et les routiers étendent
leurs courses jusqu'en Gévaudan et en Velay. D'autre part,
le comte de Foix, Gaston-Phœbus, attaqué par son ennemi
héréditaire le comte d'Armagnac, envahit le Languedoc
occidental et triomphe à Launac (déc. 1362); enfin un
prétendant au trône de Castille, Henri de Transtamare, est
venu avec une foule de ses partisans chercher un asile en
France, et ces hôtes incommodes traitent le pays en terre
conquise. Fort heureusement, à Jean II succède Charles V,
et ce nouveau roi va travailler énergiquement à rétablir
la paix dans les provinces qui lui restent . Son frère Louis
d'Anjou, esprit aventureux, mais capitaine habile et admi-
nistrateur actif, devient gouverneur du Languedoc et s'oc-
cupe de pacifier le pays. On trouve de l'argent pour ache-
ter le départ des grandes compagnies, que Du Guesclm
emmène en Espagne pour chasser don Pèdre le Cruel et
établir sur le trône Henri de Transtamare (1366); il
est vrai queles mômes aventuriers, l'année suivante, viennent
combattre pour don Pèdre avec le prince Noir, mais nombre
d'entre eux ont laissé leurs os dans ces périlleuses entre-
prises, et c'est déjà un résultat notable. Cependant certains
bandits n'ont point suivi Du Guesclin et continuent à vivre
de rapines dans cette grasse terre de France, moins âpre que
la Castille ou l'Estrémadure. En somme, le traité de Bréti-
gny n'a été exécuté ni d'une part ni de l'autre, et quand
Charles V juge le moment venu de le dénoncer (1369) ,
il ne fait que reconnaître officiellement ce qui existe ; depuis
neuf ans , la guerre n'a point cessé. Le moment était
favorable : Edouard HI était vieux et affaibli, le prince
Noir malade venait de s'aliéner la noblesse de son duché
d'Aquitaine et de mécontenter tout le monde par sa hauteur.
Aussi les succès des troupes françaises, bien commandées,
bien équipées, dépassent toutes les espérances ; c'est au
tour des Anglais de fuir devant les armées de Charles V.
De 1370 à 1376, grâce aux subsides votés libéralement
par les assemblées de Languedoc, le duc d'Anjou peut
reconquérir par les armes ou à force d'argent leRouergue,
le Quercy et l'Agenais ; les grands téudataires de Gascogne,
Albret, Armagnac, etc., ont vendu chèrement leur adhé-
sion à la cause française. vSi les villes s^ soumettent, ce
n'est point par enthousiasme, mais par politique, pour
éviter une lutte coûteuse, d'issue incertaine, et par fatigue
de la guerre ; le patriotisme, tel que nous le comprenons
aujourd'hui, est encore inconnu aux Méridionaux du
xivQ siècle — la fidélité à la couronne en tient lieu en
partie -— mais il naîtra sous Charles VII dont les Lan-
guedociens seront les derniers défenseurs et les meilleurs
auxiliaires.
Toutes ces campagnes au surplus sont fort coûteuses, et,
à mesure que le Languedoc s'épuise, les exigences du duc
d'Anjou s'accroissent. Bien plus, en 1376, il conçoit de
nouveaux projets ; il achète les droits de la fille du dernier
roi de Majorque, Isabelle de Montferrat, et ce projet chi-
mérique, pour lequel il dépense sans compter, risque
d'amener une guerre entre la France et l'Aragon. En
1377, il réconcilie, il est vrai, définitivement, les comtes
d'x\rmagnac et de Foix, mais la province est épuisée, elle
succombe sous le poids des taxes, et des révoltes sanglantes
au Puy, à Montpellier, àClermont de Lodève, sont pour ainsi
dire les signes avant-coureurs de l'insurrection des Tuchins
(4378-79). Ces soulèvements sont durement réprimés,
mais Charles V, qu'effraye l'approche de la mort, se décide
à donner une satisfaction à ses malheureux sujets, dont les
plaintes sont venues jusqu'à lui ; il rappelle le duc d'Anjou
et fait gouverner le pays par quelques conseillers. Du
GuescUn vient une dernière fois essayer d'expulser du
Gévaudan les routiers anglais ; il meurt devant Châteauneuf-
de-Randon le 13 juil. 1380. Deux mois plus tard, Charles V
expirait, après avoir, si l'on en croit des écrivains contem-
porains, témoigné l'intention de confier le Languedoc au
comte de Foix.
Cette mesure salutaire ne pouvait être du goût des
oncles et tuteurs du nouveau roi, et, dès nov. 1380, le
duc de Berry se faisait donner le gouvernement du Lan-
guedoc, avec les pouvoirs d'un lieutenant général ; c'était
abandonner une moitié du royaume à l'influence de la
maison d'Armagnac, aUiée au nouveau gouverneur. Le
pays était dans un état lamentable, épuisé d'argent, ra-
vagé par les bandes armées qui occupaient nombre de
places fortes, devenues autant de repaires de bandits ;
aussi, tandis que le Languedoc occidental, après quelques
hésitations, embrasse le parti du comte de Foix et soutient
ce prince rebelle, la partie orientale de la province va de-
venir le théâtre de la célèbre insurrection des Tuchins. La
guerre civile dure plusieurs mois; une assemblée des com-
munes convoquées à Mazères par le comte de Foix (avr.
1381) reconnaît l'autorité de ce dernier et lui accorde
des subsides ; il détruit quelques compagnies de routiers
et refuse de se soumettre à l'autorité du duc de Berry.
Celui-ci n'en continue pas moins ses préparatifs et arrive
au mois de juin. Il entre en négociation avec Gaston-
Phœbus, et dès le mois de septembre l'accord était conclu
virtuellement, le comte renonçait à ses prétentions et le duc
de Berry pouvait travaillera la soumission de la province,
qui ne s'opéra pas sans résistance de la part des habi-
tants dont ces luttes intestines avaient encore accini la
misère. Le nouveau gouvernement fonctionne à peu près
régulièrement à dater de 1382, et la manière dont il se
conduit justifie toutes les cramtes des Languedociens. La
première chose à faire était de racheter les places occupées
par les routiers ; on décide la levée d'une imposition, mais
il fallait la percevoir ; d'où la révolte des Tuchins qui,
en ^382 et 1383, ensanglante les diocèses de Nîmes et
de Maguelonne et quelques pays voisins. Le nom de Tu-
chins désigne plus particulièrement les paysans révoltés
qui, supportant en somme tous les malheurs sociaux,
étaient les plus misérables et les plus exaspérés; aussi
leur soulèvement eut-il le caractère d'une guerre sociale
et sauvage. Beaucoup de nobles et de bourgeois pacti-
sèrent avec eux. La répression fut épouvantable, et, une
fois le pays à peu près pacifié, le duc de Berry, dont
l'avidité est célèbre, se mit à l'exploiter largement. Dès
1383, on rétablit les aides abolies par Charles V, et,
LANGUEDOC
- 912
l'année suivante, on accorde à tout le pays des lettres
d'abolition générale, moyennant le payement d'une amende
de 800,000 fr. d'or. C'est à la levée de cette somme
énorme dont une bien faible partie devait entrer dans
les coffres royaux, que le duc de Berry va apporter tous
ses soins de 1384 à 1388. L'état du pays continue donc
d'être absolument misérable ; les routiers le parcourent
toujours librement, l'anarchie administrative est au com-
ble; enfin en 1389, Charles VI, qui a résolu de gou-
verner par lui-même, suspend le duc de Berry de ses
fonctions et vient lui-même en Languedoc s'assurer de la
situation de la province : des réformateurs sont nommés,
quelques officiers du duc punis, et la sollicitude du jeune
prince pour ses sujets se marque plus d'une fois durant
ce long voyage. Charles s'abouche avec Gaston-Phœbus,
qui, vieiUi, sans enfant, lègue le comté de Foix à la royauté.
Les années suivantes sont plus tranquilles ; la province
est administrée sagement par le maréchal de Sancerre ;
une partie des routiers est expulsée, et, dans un second
voyage en 1394 et 1395, Charles VI complète son œuvre.
Malheureusement la maladie dont ce prince souffre devient
de plus en plus terrible ; en 1401, le duc de Berry se
fait rétablir dans le gouvernement du Languedoc et les
mauvais jours recommencent; le duc, après la mort de
son neveu d'Orléans, s'attache tout d'abord au parti
armagnac ; il est un instant dépouillé de son autorité ;
la guerre civile éclate et bientôt la guerre étrangère
vient s'y joindre. En 1416, Jean de Berry meurt, lais-
sant tout le pays en feu ; les comtes de Foix et d'Arma-
gnac se font la guerre, et les deux partis, armagnac et
bourguignon, se disputent le pouvoir. En 1417, la reine
Isabeau de Bavière, alliée fidèle du duc de Bourgogne,
parvient à occuper une bonne partie du Languedoc; le
vicomte de Lomagne, lieutenant du comte d'Armagnac, est
expulsé, et le prince d'Orange, chef du parti bourguignon,
semble près de triompher. Le comte de Foix, Jean de
Grailly, se met alors en avant et arrive à se faire nommer
gouverneur du pays, à la fois par le dauphin, chef du
parti armagnac, et par le roi, instrument du duc de Bour-
gogne. Mais, fort heureusement pour la cause légitime, le
dauphin se décide bientôt à venir en personne en Langue-
doc (1420); il chasse les derniers chefs bourguignons,
destitue le comte de Foix, et c'est cette province ainsi re-
conquise qui va pendant dix ans lui fournir les ressources
nécessaires pour soutenir la lutte contre l'étranger, maître
du Nord et de la capitale du royaume.
L'histoire des années suivantes est de plus en plus
triste ; le Languedoc prend sa part et sa large part des
maux dont souffre la France entière. Le comte de Foix, qui
est devenu gouverneur de la province, ne s'occupe guère
du pays que les routiers ravagent en toute sécurité. Au
premier rang de ces bandits figure le célèbre aventurier
espagnol, Rodrigue de Villandrando. Une fois le calme un
peu rétabli, le roi prend différentes mesures pour éloigner
les routiers; les uns vont se faire tuer en combattant
contre les Suisses, d'autres servent dans les dernières
guerres contre les Anglais de Guyenne ; enfin le reste entre
définitivement au service de la royauté et forme le noyau
des premières compagnies d'ordonnances. En 1453, les
Anglais sont enfin expulsés et cette fois sans espoir de
retour. Une ère de tranquilhté relative va commencer
pour la France méridionale; elle ne cessera que vers 1560,
à l'ouverture des guerres de religion.
De i453 à i560. Nous disons tranquillité relative,
car ces cent ans ne se passent ni sans troubles, ni sans
malheurs. Tout d'abord, dans les dernières années de
Charles VII, campagne contre le comte d'Armagnac (1414)
qui voulait conquérir le Comminges, campagne terminée
par la réunion de ce dernier comté à la couronne. Sous
l.ouis XI, le Languedoc est obligé de payer des tailles de
plus en plus fortes et plus d'une fois ce roi despotique lève
les impositions sans demander le consentement des Etats ;
il a en effet bien des affaires sur les bras ; il veut conqué-
rir le Roussillon et la Cerdagne ; il lutte contre les
grands du royaume (ligue du Bien pubhc), enfin il doit
soumettre définitivement la maison d'Armagnac. Il réussit
dans toutes ses entreprises ; les deux provinces espagnoles
sont réunies pour un temps au royaume, et il triomphe des
grands feudataires ; le dernier comte d'Armagnac périt à
Lectoure en 4473,^ et son cousin Nemours est décapité
en 1477. Les domaines d'Armagnac sont en partie réunis
au domaine ; une bonne part paye les services des fidèles
de Louis XI, dont l'un, un aventurier italien, Boffile de
Juge, devient comte de Castres. Enfin c'est sous Louis XI
que la limite occidentale du Languedoc est définitivement
fixée; on en détache en 1469 et on rattache au duché de
Guyenne, apanage de Charles, frère unique du roi, le pays
à rO. de la Garonne ; Charles meurt en 1472, mais jamais
les localités ainsi distraites ne seront rendues au Langue-
doc, perte sensible pour la sénéchaussée de Toulouse.
A dater du règne de Louis XI, le gouvernement de Lan-
guedoc est confié aux princes de la maison de Bourbon,
qui le posséderont jusqu'à la trahison du connétable, en
1523. Sous Charles VllI, les représentants de la province
prennent une part active aux délibérations des fameux
Etats de Tours; une partie des terres aliénées par le pré-
cédent roi sont de nouveau réunies à la couronne, puis le
pays est agité par une longue guerre entre les deux branches
de la maison de Foix, celle de Navarre-Albret et celle de
Narbonne, guerre sanglante qui durera de longues années
et ne se terminera qu'au début du xvi^ siècle. En rendant
le Roussillon et la Cerdagne à l'Aragon pour obtenir la
neutralité de cette puissance lors de l'expédition de Naples,
Charles VIII fait de nouveau du Languedoc une province
frontière, et, quand Ferdinand le Catholique s'est déclaré
contre la France, le diocèse de Narbonne est exposé aux
attaques des ennemis ; Salcesest occupé par eux en 1496.
Sous Louis XII (1498), la situation du pays reste la même;
il paye sa part des sommes destinées aux ruineuses
expéditions d'Italie, et en 1503, lors de la guerre entre
l'Espagne et la France, tout le pays jusqu'à Narbonne est
horriblement ravagé par les bandes espagnoles.
Sous François P% l'histoire du Languedoc est peu fer-
tile en événements. En 1523, le connétable de Bourbon
passe à l'ennemi ; trois ans plus tard, il est remplacé par
le célèbre Anne de Montmorency qui se donne pour lieu-
tenant Pierre de Castelnau-Clermont. En 1533, le roi par-
court avec la famille royale et toute la cour la province
qui s'épuise pour lui faire bon accueil. En 1536, Charles-
(juint, qui a occupé la Provence, arrive jusqu'au Rhône et
menace le pays d'une nouvelle invasion ; il échoue dans
son entreprise, mais ses troupes ont cependant ravagé les
pays frontières vers Narbonne et Leucate. L'année sui-
vante, François P'' vient lui-même à Montpellier, pendant,
que ses plénipotentiaires discutent les conditions de la paix
avec les envoyés de l'empereur à Fitou, entre Narbonne et
Perpignan (1537-38), Enfin, en juillet de la même année,
la paix est conclue entre les deux monarques dans la cé-
lèbre entrevue d'Aiguesmortes. Deux ans plus tard, la
guerre éclatait de nouveau ; les milices et la noblesse du
Languedoc vont servir au siège de Perpignan (1542) que
fait échouer l'impéritie du maréchal deMontpezat. En
1544, tout le pays est en alarme ; on craint une descente
de l'ennemi vers Aiguesmortes ; on s'attend à une inva-
sion du côté de Carcassonne. Le traité de Crespy met fin
pour quelque temps aux hostihtés (1544).
Henri II rend au connétable de Montmorency le gouver-
nement du Languedoc, et cette charge restera" dans la fa-
mille presque sans interruption jusqu'en 1632. Anne lève
des troupes dans son gouvernement pour aller châtier du-
rement les Bordelais révoltés (1548). Un peu après, le roi
crée, pour facihter l'administration de la justice, un cer-
tain nombre de présidiaux, connaissant en dernier appel
des affaires les moins importantes; c'est le premier essai
qu'on puisse citer de simplification de l'organisation judi-
ciaire ; la réforme fut complétée et étendue plus tard ; elle
— 918
LANGUEDOC
ne supprima pas d'ailleurs toutes les anomalies et tous les
abus. L'histoire du pays Jusque vers 4560 ne présente
aucun fait bien saillant ; c'est toujours la même succession
monotone de sessions d'Etats, de levées d'impôts, de que-
relles entre les différentes administrations ; de temps à
autre, la peste ou quelque famine. Vers l'an 4560, entre
en scène un nouvel élément, le parti réformé.
Guerres de religion. — Les origines de la Réforme en
Languedoc sont aujourd'hui assez exactement connues.
Depuis de longues années, l'orthodoxie paraissait ré-
tablie dans cette province, et dès 4340 l'Inquisition, tou-
jours conservée, ne trouvait plus de dissidents à pour-
suivre ; bien plus, les villes les plus foncièrement catholiques
au xvi^ siècle seront celles qui trois cents ans plus tôt ont
été les plus durement châtiées, et c'est dans les pays les
plus épargnés par Montfort que les nouvelles croyances
vont se développer avec une rapidité extraordinaire. Les
premiers prédicateurs sont des cordeliers, des augustins :
dès 4520, un hérétique est brûlé à Toulouse. Au début,
les nouvelles croyances sont en faveur surtout auprès des
classes lettrées, des humanistes, que la religion catholique,
réduite à l'état de pure idolâtrie, ne satisfait plus, que
scandalisent les désordres du clergé romain; citons seule-
ment à Toulouse Jean Boyssonné, Etienne Dolet, plusieurs
professeurs et quantité d'étudiants de l'université. Un peu
plus tard, malgré les supplices, la Réforme s'étend: c'est
de Genève, à dater du jour où Calvin est allé s'y établir
(4536), que partent les ministres qui vont au péril de leur
vie évangéliser le Languedoc ; c'est avec Genève que cor-
respondent les nouvelles Eglises, persécutées et encore lan-
guissantes ; aussi les doctrines calvinistes furent-elles les
seules dominantes en Languedoc, et ce n'est qu'au début
du mouvement qu'on trouve dans ce pays quelques luthé-
riens. La répression est tout d'abord capricieuse et in-
termittente; sous Henri II, elle devient la règle, et le
parlement se charge de procéder à la place de l'Inquisition,
tribunal ecclésiastique peu aimé des magistrats royaux. Les
juges laïques se montrent d'ailleurs aussi cruels que les
juges ecclésiastiques ; mais, malgré leurs efforts, la Réforme
progresse chaque jour, et en 4560, les protestants tiennent
la meilleure partie du Languedoc ; ils sont les maîtres à
Montauban, très nombreux dans le pays de Foix et dans le
Vivarais, le Velay, leGévaudan et le pays albigeois. On en
trouve même à Toulouse, la ville catholique par excel-
lence ; les nouvelles idées ont pénétré partout, dans les
châteaux de la noblesse, dans les cloîtres réguliers; elles
n'ont pas moins de partisans dans la bourgeoisie et dans
le peuple. Etant données la rudesse des mœurs, l'ardeur
des convictions, un conflit entre cette minorité ardente et
zélée pour sa foi et la majorité rebelle au changement
était inévitable; il va se produire en 1564, après l'échec
de la conjuration d'Amboise, et ce sera d'abord une réac-
tion contre le gouvernement des Guises et la violence im-
prudente des agents de la royauté.
Dès avril 4560, des troubles éclatent à Nîmes, puis un
peu partout dans la province; partout les prêches se tien-
nent publiquement, et les heutenants du connétable de
Montmorency se déclarent incapables de réagir. En octobre
arrive le comte de Villars, avec des forces importantes ;
il est chargé de calmer le pays ; il y travaille à grand ren-
fort de pendaisons et d'exécutions sommaires ; on ne lui
oppose d'ailleurs que peu de résistance. En mai 1561, un
premier édit de pacification arrête un instant les hostilités.
Les émeutes, les querelles journalières n'en sont pas em-
pêchées ; les deux partis contreviennent journellement à
l'édit; les rehgionnaires s'emparent en maint endroit des
églises pour y célébrer leur culte ; en octobre 1561, ils
sont les maîtres de Montauban, de Nîmes, de Montpellier
et d'une foule de places moins importantes. C'est alors que
sont détruits quantité de beaux monuments religieux, que
par fanatisme, par goût de pillage, les sectaires mettent à
sac et incendient ; on tue les prêtres, on vole les trésors,
on jette les reliques au vent. Loin de chercher à apaiser
grande encyclopédie. — XXI.
ces désordres lamentables par quelques concessions, les
agents royaux s'entêtent à une répression qu'ils n'ont pas
le moyen de faire efficace. Enfin le massacre de Wassy
{1«5 mars 1562) donne le signal de la première guerre
civile. A Toulouse, après une lutte sanglante de plusieurs
jours, les rehgionnaires finissent par être expulsés (17 mai),
et cette victoire qui va faire de cette ville l'un des boule-
vards du catholicisme est souillée par les plus abominables
excès ; Montluc accourt pour prendre sa part du massacre
et aider à sa manière à la pacification. Par contre, une
foule de villes sont occupées par le lieutenant du prince de
Condé ; partout on se massacre, et la confusion est à son
comble. Le baron des Adrets accourt à la rescousse, et
Reaudiné, l'un des meilleurs lieutenants de Condé, défait
le 27 sept. 1562, à Saint-Gilles, les bandes italiennes,
qu'amenaient en Languedoc le comte de Suze et Somme-
rive ; cette action assure aux protestants la possession du
Ras-Languedoc ; ils s'y établissent fortement sous la direc-
tion du comte de Crussol. L'édit d'Amboise (mars 1563)
interrompt uh instant les hostilités.
Au mois de mai suivant, le gouvernement de Languedoc
est donné à Henri de Montmorency, seigneur de Damville,
qui va le tenir jusqu'à sa mort, et exercer, grâce à cette
haute charge, une influence prépondérante sur les affaires
du royaume. Le désarmement des deux partis, telle est la
première affaire qu'il doit traiter, négociation difficile qu'il
conduit avec zèle, mais sans pouvoir contenter ni catho-
liques ni protestants. En 1564, Charles IX visite la pro-
vince avec sa mère et sa cour ; il écoute les plaintes des
uns et des autres et essaye, par le prestige de l'autorité
royale, de rétablir définitivement la paix, mais c'était lâche
difficile ou plutôt impossible, et l'année 1565 est marquée
par des émeutes et des troubles, les rehgionnaires s'opposant
là où ils sont les maîtres au rétablissement du culte catho-
lique, les orthodoxes entravant ailleurs l'exercice du culte
réformé. Enfin, en sept. 1567, la guerre civile recom-
mence ; elle est conduite par Coligny et le prince de Condé.
A Nîmes, les catholiques sont massacrés le jour de Saint-
Michel. Une fois maîtres du Bas-Languedoc, les rehgion-
naires s'unissent à l'armée levée par les vicomtes de Bru-
niquel, de Paulin, de Montclar et de Caumont, et essayent
de pénétrer en Dauphiné; puis, vainqueurs de l'armée ca-
tholique près de Gannat, ils vont rejoindre le prince de
Condé devant Chartres (janv. 1568). La guerre cependant
continue en Languedoc et un peu partout, sans qu'aucune
des deux factions remporte de succès bien décisifs ; la paix
de Lonjumeau (mars 1568) suspend les hostilités qui re-
prennent dès le mois d'août suivant. Une grosse armée
de rehgionnaires se forme vers le Rhône et occupe
une partie de l'Albigeois; de leur côté, les catholiques
opèrent dans le comté de Foix, puis vont sous Joyeuse
rejoindre le duc d'Anjou, qui bat à Jarnac l'armée hugue-
note (13 mars 1569) ; le prince de Condé est tué dans l'ac-
tion. En Languedoc, les troupes protestantes passent sous
le commandement du fameux Montgommery, qui occupe
le Béarn. Enfin, Damville reparaît en scène et reprend la
direction de la guerre, de concert avec Montluc, union
qui dure peu, les deux associés s'étant bientôt brouillés.
Damville poursuit d'ailleurs les protestants avec vigueur, et,
après plusieurs mois de succès et de revers, il parvient à
obliger à évacuer le pays l'armée des princes, qui se venge
en ravageant horriblement tous les cantons qu'elle traverse
(avr.-mai 1570). La paix de Saint-Germain-en-Laye,
suivie de la réconciliation apparente de Coligny et de la
cour, met fin à la campagne.
Après deux années plus tranquilles, le massacre de la
Saint-Rarthélemy (24 août 1572) remet tout en ques-
tion. Partout les rehgionnaires reprennent les armes:
dans beaucoup de villes il n'y a ni émeutes, ni mas-
sacres, mais il n'en est pas de même à Toulouse; le par-
lement et les capitouls de cette ville font d'abord mine
de vouloir observer l'édit de pacification; puis, quand les
protestants sont rentrés, on les arrête brusquement et le
58
LANGUEDOC
914
4 oct. on les laisse massacrer en prison par quelques
assassins soldés. Aussi les religionnaires rentrent de toute
part en campagne, et Damville recommence à les combattre ;
ce sont chaque jour de nouveaux combats, jusqu'à l'édit
de pacification qui suit la levée du siège do La Rochelle
(juil. 1573). Mais les religionnaires, instruits par la tra-
gédie de 4572, ne désarment pas ; ils ont dès lors complété
leur organisation politique ; ils ont leurs chefs, leurs places
fortes, et sont décidés à tenir tête. Jusque-là ils ont trouvé
en Damville un adversaire résolu et persévérant; les intri-
gues de la cour le rendent suspect au roi, qui, le 4 mai
1574, le destitue et le remplace par François de Mont-
pensier, dauphin d'Auvergne. Damville ne se soumet pas,
et dès lors il va se rapprocher des religionnaires, s'ap-
puyer sur eux pour créer le tiers parti auquel Henri IV
devra la couronne, le parti politique. La mort de Charles IX,
auquel succède Henri III, ennemi du maréchal, ne va que
faire persévérer ce dernier dans sa nouvelle politique.
Dès août 1574, l'accord est conclu entre Damville, qui
devient gouverneur de la moitié de la France, et l'assem-
blée religionnaire de Millau. Une entrevue de Damville à
Turin avec Henri III lui prouve qu'il ne doit compter
que sur lui-même ; une armée royale commandée par le
duc d'Anjou marche contre lui, et le 13 nov., dans un
manifeste célèbre, il se décide à lever toute équivoque
et à se poser en partisan de la liberté de conscience et en
réformateur de l'Etat. Abandonné par Toulouse et les
grandes villes catholiques, il se fortifie en Languedoc ; le
roi qui de Lyon est descendu jusqu'à Avignon ne peut l'em-
pêcher de prendre Saint-Gilles (nov. 1574). Henri III tient
à Villeneuve-lès-Avignon les Etats de la province, et obtient
de l'argent ; mais, ne pouvant entrer dans le pays, il se
décide à regagner le N. du royaume. La guerre continue
d'ailleurs entre le vicomte de Joyeuse, chef des catholiques
du Haut-Languedoc, et les religionnaires, et, dès 1575,
le parti ligueur commence à se former dans la province,
principalement à Toulouse et à Carcassonne. La paix est
un instant rétablie par l'édit de pacification de mai 1576 ;
mais les négociations traînent en longueur, et, quand le roi
s'est mis publiquement à la tête de la Ligue aux Etats de
Blois (déc. 1576) les hostilités reprennent avec une nou-
velle fureur. Cependant la brouille s'est mise entre Dam-
ville et les rehgionnaires ; le gouverneur se réconcilie avec
le roi et essaye de se passer de l'appui de ses exigeants
alliés (mars-juil. 1577); il s'unit aux troupes royales et
assiège inutilement Montpellier (septembre); la paix de
Bergerac arrête les hostilités; elle est conclue le 17 sept,
entre les députés du roi de Navarre et ceux de Henri III, et
Damville, malgré ses promesses formelles, refuse d'échan-
ger le gouvernement de Languedoc contre le marquisat de
Saluées.
Un nouvel édit de pacification avait été signé ; la reine
mère vient en personne dans le Midi pour tenir la main à
l'exécution. Elle arrive à Bordeaux en août 1578, et pen-
dant près de huit mois elle séjourne en Languedoc, négo-
ciant avec les catholiques et les protestants, avec Henri
de Navarre et Damville. Enfin, après de longues discus-
sions, elle signe la paix de Nérac qui concède aux réfor-
més vingt-cinq villes de sûreté et consacre le principe
d'une chambre mi-partie pour juger les procès entre catho-
liques et protestants; c'est ce qu'on appela la chambre de
l'édit (5 févr. 1579). Contentedeson œuvre, Catherine par-
court triomphalement la province, est reçue partout avec
honneur, même à Montpellier, et gagne la Provence (juin
1579). Damville, devenu duc de Montmorency par la mort
de son aîné, François, l'avait activement secondée, et s'était
ainsi affermi dans son gouvernement ; il s'attache à faire
exécuter la paix de Nérac, confère avec le roi de Navarre
(Mazèrcs, 9 déc). Mais le pays était dans un état misé-
rable, et, comme au xiv^ siècle, des bandes de brigands
commandés par des aventuriers ravageaient tout et pil-
laient sans trop distinguer entre catholiques et protestants.
Le plus célèbre de ces partisans est le capitaine Merle qui
le 25 déc. 1579 surprend et pille la ville de Monde. Aussi,
dès avr. 1580, on reprend les armes de toutes parts, et la
quatrième guerre civile commence ; elle durera presque sans
interruption jusqu'à 1594. Le chef des religionnaires est le
jeune roi de Navarre, qui débute le 5 mai par la prise de
Cahors; il a pour lieutenant le vicomte de Turenne et, dans
le Bas-Languedoc, Châtillon. Montmorency ne joue cepen-
dant qu'un rôle assez passif, laissant à Joyeuse le soin de
soutenir la cause catholique. Après la conférence de Fleix
(nov. 1580), les deux chefs s'unissent pour rétablir la
paix. Mais la brouille se met bientôt entre eux, Joyeuse
cherche à faire excommunier son rival, et la paix ne sera
rétablie par les commissaires de Henri III qu'à la fin de
1584. On devine dans quel état dut se trouver le pays du-
rant ces malheureuses années ; ce n'était plus seulement
une guerre religieuse, mais une complète anarchie militaire
et administrative. La vieille machine royale est en train de
se détraquer. Henri III, dont le roi de Navarre est mainte-
nant Théritier direct et que les Guises pressent de plus en
plus, cherche à s'appuyer sur le parti des politiques, et
de son côté ceux-ci et leurs chefs se rapprochent de nou-
veau du parti protestant, pour lutter contre la Ligue, leur
ennemie à tous.
Mais il ne fallait pas faire grand fond sur Henri III ; dès
juil. 1585, ce prince se rapproche des Guises et des li-
gueurs et supprime la chambre de l'édit. La nouvelle est
accueillie avec enthousiasme par Toulouse et par le parle-
ment, avec douleur par les esprits modérés. Montmorency
se rapproche définitivement du roi de Navarre (août) et est
privé de son gouvernement. Le Languedoc est encore une
fois divisé en deux parties: l'une, sous le maréchal de
Joyeuse, est dévouée à la Ligue ; l'autre, sous Montmorency,
forme le noyau du nouveau parti politique ; il y aura dès
lors presque chaque année deux assemblées d'Etats. La
guerre se rallume, et ce sont continuellement de petites
expéditions, des combats minuscules qui fatiguent et épuisent
le pays. Fort heureusement, chaque année on convient d'une
trêve pour le labourage, sans quoi la famine aurait bientôt
mis fin à toutes ces funestes hostilités. En 1586, le duc de
Joyeuse, fils du maréchal et l'un des mignons du roi, des-
cend en Languedoc avec une armée relativement considé-
rable ; il parcourt le Gévaudan et l'Albigeois et soumet
quelques places de ces deux pays.
^ La situation, déjà fort tendue, devient encore plus cri-
tique après l'assassinat du duc et du cardinal de Guise à
Blois (déc. 1588) : les ligueurs du Languedoc, qui n'ont
point ouvertement abandonné Henri III après la journée
des Barricades, lèvent alors le masque; à Toulouse, no-
tamment, excitée par quelques guisards, la populace se
soulève, et Duranti, premier président du parlement, qui
a pourtant prouvé plus d'une fois son orthodoxie, mais qui
est resté fidèle à Henri IH, est massacré le 10 févr, 1589
avec l'avocat général Daffis. Par contre, Henri III se rap-
proche de Montmorency et du roi de Navarre et suspend le
parlement de Toulouse ; après la mort de ce prince (août
1589), une trêve de quatre mois permet à la province de
respirer. Les esprits sont d'ailleurs aussi exaltés, à preuve
la brouille qui se met entre le maréchal de Joyeuse et la
populace fanatique de Toulouse, brouille qui dégénère un
instant en une lutte à main armée (oct. 1589), à preuve
encore la déclaration des Etats de Lavaur contre Henri IV,
héritier légitime de la couronne (décembre). Bien plus,
dans leur exaltation criminelle, ces mêmes Etats, rassem-
blés de nouveau en mars 1590, se décident à faire apj^el à
l'étranger et engagent le maréchal de Joyeuse à demander
les secours de l'Espagne. Philippe II écoute cet appel et
envoie à Narbonne une troupe de 5,000 hommes qui est
battue par les royalistes ; puis il fait assiéger inutilement
Leucate (V. ce mot).
En mars 1592, le vieux maréchal de Joyeuse meurt ; il
est remplacé comme gouverneur de la province pour le
parti ligueur par son fils, Antoine-Scipion, duc de Joyeuse,
qui depuis longtemps dirigeait les opérations militaires ;
- 9iB
LANGUEDOC
mais le nouveau chef est battu à Villemur le 49 oct. sui-
vant et se noie dans le Tara en voulant passer la rivière
à la nage. On le remplace par un de ses frères, le capucin
Ange de Joyeuse (le célèbre comte du Bouchage), qui, après
quelques hésitations, dépouille le froc et prend la direction
de cette nouvelle croisade. Mais il débute par conclure une
trêve d'un an avec Montmorency (déc. 1592); cette me-
sure fera plus que de longues campagnes pour la ruine de
la Ligue. Sur ces entrefaites, Henri IV abjure la foi pro-
testante (juil. 1593), et beaucoup de catholiques langue-
dociens, même des évêques, deviennent royalistes. Le parti
de la Ligue est dès lors bien ébranlé ; il se soutient pour-
tant à Toulouse et dans quelques autres villes, grâce sur-
tout aux intrigues du capucin Joyeuse. L'année 1594 tout
entière se passe en négociations, et malgré les efforts des
capucins, des cordeliers et de Joyeuse, le parti de la paix
gagne chaque jour du terrain ; en avr. 1595, le parle-
ment de Toulouse, jadis si dévoué à la Ligue, quitte lui-même
cette ville et se transporte à Castelsarrasin, où la cour
suprême royahste de Béziers vient le rejoindre (septembre).
Enfin Joyeuse lui-même renoue les négociations, et l'édit
de Folembray (fév. 1596) achève la soumission du Lan-
guedoc ; Joyeuse devient maréchal de France et gouver-
neur pour le roi de tous les lieux qu'il tient encore ; il
réunira à l'avenir des Etats particuliers de son gouverne-
ment, le reste du pays députant aux assemblées convoquées
par le due de Ventadour, lieutenant de Montmorency. Les
Etats réunis à Toulouse acceptent ce compromis; la sou-
mission du S. du royaume devient définitive, et llenri IV
est reconnu de tous les anciens ligueurs.
Ce partage du Languedoc devait durer jusqu'en 1599,
date de la rentrée de Joyeuse au couvent. Les deux gou-
verneurs, durant les années suivantes, s'appliquent à réta-
blir la paix dans le pays, détruisant les forteresses, cassant
les garnisons, soumettant les dernières bandes. Fosseuse,
qui tenait Monde, occupe cette ville jusqu'en oct. 1597.
Enfin, pour achever la pacification, Henri IV publie l'édit
de Nantes (1598), qui accorde aux religionnaires dix places
de sûreté en Languedoc, dont Montpelher, Villemur,
Clermont-de-Lodève et Sommières. Mal accueilli par les
catholiques et notamment par les parlementaires de Tou-
louse, cet édit met fin pour un instant aux guerres
civiles, mais la mise en vigueur des nouvelles dispositions
ne laisse pas de soulever parfois quelques difficultés, même
parmi les protestants: à MontpeUier, notamment, ils s'op-
posent à la restitution d'une église réclamée par les catho-
liques (déc. 1601), et de leur côté ceux-ci ne montrent
guère plus de modération ; on est encore bien loin des
idées de tolérance. La mort de Henri IV, qui maintenait la
paix à grand' peine, et la faiblesse du gouvernement de
Marie de Médicis, vont bientôt amener le renouvellement
des troubles. En 1614, le connétable Henri de Montmo-
rency meurt à l'âge de quatre-vingts ans ; il a pour succes-
seur en Languedoc son fils, nommé comme lui, auquel son
parrain Henri IV a dès longtemps assuré la survivance de
ces hautes fonctions. Dès l'année suivante, les protestants
de la province commencent à s'agiter ; l'assemblée de
Nîmes s'unit au prince de Condé et décide des levées de
troupes; Châtillon se met à leur tête, et tout le pays est en
feu (1616). Puis les troubles s'apaisent un instant, après les
conférences de Loudun, pour renaître en Vivarais (1619),
et enfin en 1620 commence de nouveau la guerre civile.
Les protestants de la France entière se concertent à
l'assemblée de La Rochelle (nov. 1620) ; malgré les
efforts de Montmorency, le mouvement gagne tout le
Languedoc, et les religionnaires, sous la conduite de Châ-
tillon et du fameux duc de Rohan, prennent les armes,
occupent une foule de places et se mettent en état de
défense. Louis XÏII et son favori, le duc de Luynes, se
décident à avoir recours aux armes et viennent en Guyenne
avec une forte armée ; le 18 aoiît 1621, ils investissent
Montauban. Rohan, qui s'est substitué à Châtillon^ lève
des troupes pour venir au secours de la place ; elles sont
battues en Albigeois par le duc d'Angoulême ; les catho-
liques arment de leur côté, et Montmorency vient rejoindre
le roi sous les murs de Montauban. Mais la place était
forte, l'armée royale avait perdu une foule de monde,
surtout de maladie, et le 10 nov. Louis XIH lève le siège,
vient séjourner quelques jours à Toulouse, puis retourne
en France. Le Bas-Languedoc reste tout entier aux mains
de Rohan, auquel Montmorency fait en vain une guerre
incessante ; la situation reste indécise durant les premiers
mois de 1622, et des négociations ouvertes à plusieurs
reprises restent sans effet.
Louis XIH se décide alors à intervenir en personne ; lais-
sant de côté Montauban, il prend Nègrepelisse (11 juin)
et arrive à Béziers, où il passe quelques jours ; aucune
place n'a pu tenir devant lui, et ses lieutenants ont soumis
la majeure partie du pays de Foix et de l'Albigeois. Puis
il atteint Montpellier, que Rohan a muni d'hommes et de
vivres, et, après avoir soumis toutes les places des envi-
rons, il commence le siège le 31 août 1622. Les assiégés
font une résistance des plus vives, mais la place était for-
tement investie, ils n'attendaient aucun secours du dehors,
et le 19 oct., la paix est signée; le roi accorde une
amnistie complète, ordonne le rétablissement du culte ca-
tholique à Montpellier, et y met une garnison. Les chefs
protestants sont comblés d'honneurs et de richesses ; on
démoht les fortifications d'une foule de places grandes et
petites; les réformés conservent Montauban à titre de
place de sûreté. La paix est enfin rétablie pour un temps,
et avant de s'éloigner le roi tient en personne les Etats
de la province à Beaucaire.
En réalité aucun des deux partis n'avait désarmé.
Si les religionnaires regrettaient la perte d'une partie de
leurs privilèges, le roi ou plutôt Richelieu, devenu pre-
mier ministre en 1624, ne pouvait supporter longtemps
l'existence d'un Etat dans l'Etat. Dès 1625, Soubise,
frère de Rohan, soulève la Bretagne et le Poitou, et
Rohan entraîne dans la révolte la plupart des réformés
du Languedoc. Le roi charge le maréchal de Thémines
d'arrêter la rébellion (mai 1625); mais Richelieu lui-
même ne demandait pas mieux que de traiter ; une fois
encore, il entre en pourparlers avec les rebelles, et, dès
févr. 1626, la paix est conclue et le pays purgé tant bien
que mal des bandes qui l'exploitent.
Le duc de Rohan, esprit supérieur mais ambitieux, ne
pouvait se résoudre à n'être qu'un simple sujet. Dès
janv. 1627, comptant sur l'appui de l'Angleterre et des
ducs de Savoie et de Lorraine, il reprend les hostilités.
Richelieu se décide alors à en finir; tandis que lui-même
et le roi vont assiéger La Rochelle, le prince de Condé,
avec une forte armée, descend en Languedoc; Montmo-
rency, en attendant l'arrivée de ce renfort, ne peut que
retarder les progrès des chefs religionnaires. Condé ar-
rive à Toulouse le 15 janv. 1628 ; on se bat partout
dans la province, vers Pamiers, en Albigeois, sur les
bords du Rhône, en Vivarais. La Rochelle ouvre ses
portes le 29 oct. 1628 ; se sentant perdu, Rohan adresse
de nouvelles supplications au roi d'Angleterre, entre en
négociations avec l'Espagne, le tout sans effet. Richelieu
décide bientôt Louis XHÏ à donner de sa personne ; ce
prince, qui vient de combattre le duc de Savoie et de
forcer le pas de Suze, marche vers le Languedoc; il fran-
chit le Rhône le 14 mai 1629 et met le siège devant
Privas ; la place est prise le 27, pillée et incendiée, ac-
tion qui fait peu d'honneur au roi et à Richelieu, car le
massacre paraît avoir été prémédité. La suite de l'expé-
dition n'est plus qu'une promenade mihtaire, et, après
avoir soumis tout le pays de Privas à Alais, Louis XIH,
ou plutôt Richelieu, accorde leur grâce aux rebelles, fait
raser les fortifications de toutes les places du parti pro-
testant, mais confirme l'édit de Nantes (paix d'Alais,
27 juin 1629). C'était un acte de haute politique; Rohan
se retire à Venise et les guerres de religion finissent pour
un temps en Languedoc; elles ne se rallumeront que
LANGUEDOC
— 916 --
quatre-vingts ans plus tard, au temps des Camisards.
Le Languedoc est lui-même puni de sa révolte ; un édit
de juil. 1629 divise la province en bureaux d'élection,
supprimant ainsi le droit si cher aux habitants de s'im-
poser eux-mêmes ; l'assemblée des Etats proteste ; Riche-
lieu l'oblige à se séparer, et le duc de Montmorency ne
fait aucune démarche pour défendre le pays dont il est
gouverneur. Toutefois, la conduite de Richeheu avait
blessé ce grand seigneur, âme faible et esprit un peu
borné, dont la malheureuse fin a fait oublier les torts.
Dès 4631, il entre en relation avec le duc d'Orléans,
ennemi juré du premier ministre, avec la reine mère et,
fait plus grave, avec l'Espagne ; il a pour principal agent
un intrigant, Alphonse d'Elbène, évèque d'Albi, et compte
sur l'affection des Languedociens pour sa maison, espé-
rant que le pays entier le suivra. Richelieu était au cou-
rant de toute l'aventure. En juil. 4632, Montmorency
obtient des Etats une sorte d'acte d'adhésion conçu en
termes vagues, lève le masque, arrête les commissaires
royaux, dont l'agent du premier ministre, d'Hémery, et
se déclare pour Gaston d'Orléans. Mais il ne fait que peu
de recrues et ne peut s'assurer que d'un petit nombre
de villes. Rejoint par le frère du roi, qui à la tête de
2,000 chevaux a traversé la France entière, de la Lor-
raine au Gévaudan, il entre en campagne ; mais le Haut-
Languedoc était occupé par le maréchal de Schomberg,
le maréchal de La Force tenait le Rhône, et le roi s'ap-
prochait avec une forte armée. Montmorency et Gaston,
qui jusque-là se sont cantonnés dans le Ras-Languedoc,
marchent contre Schomberg, le joignent vers Castelnau-
dary et engagent l'action. Malgré des prodiges de valeur.
Montmorency est battu, blessé grièvement et fait prison-
nier (1®"^ sept. 1632). Fidèle à ses habitudes de prudence
égoïste, Gaston d'Orléans n'avait rien fait pour secourir
son malheureux allié ; peu de jours après, l'armée rebelle
se dispersait d'elle-même. Montmorency est transporté à
Lectoure, la province se soumet et Louis XIII vient lui-
même en recevoir la soumission et punir les coupables.
D'abord la province : aux Etats de Réziers (11 sept.), le
roi annonce qu'il lui retire ses privilèges financiers ; il
supprime les bureaux d'élection établis en 1629, mais
fixe arbitrairement le montant des impositions annuelles
demandées au pays, et décide que les Etats ne pourront
siéger chaque année que quinze jours et les assiettes dio-
césaines huit. C'était la ruine des vieilles libertés provin-
ciales. Gaston obtient naturellement sa grâce ; on ne
pouvait décapiter un fils de France, héritier du trône,
mais on intente à Montmorency un procès criminel, et le
samedi 30 oct., il est condamné à mort et exécuté le
même jour dans la cour de l'hôtel de ville de Toulouse.
Louis Xin et Richelieu avaient été inflexibles; ils voulaient
faire un exemple, et malgré la sympathie qu'inspire le
nom de Montmorency, il faut bien avouer que le malheu-
reux duc était coupable.
Le Languedoc, définitivement soumis, est remis au
maréchal de Schomberg, nommé gouverneur. Les pour-
suites contre les complices de Montmorency cessent, sauf
contre cinq prélats, objets de l'animosité particulière de
Richelieu. Les années suivantes sont plus tranquilles. En
1637, les Espagnols menacent le pays d'une invasion. Ils
assiègent Leucate, mais sont défaits par le duc d'Halluin,
fils de Schomberg (28 sept.), après un combat fort pro-
longé et dans lequel les milices de la province se couvrent
de gloire. Deux ans plus tard, commence la conquête du
Roussillon par les troupes françaises ; Louis XIIÏ vient
en personne presser le siège de Perpignan ; obligé bientôt
par la maladie à quitter le camp, il rentre à Paris et
meurt le 14 mai 1643.
L'histoire de Languedoc devient dès lors forcément
moins dramatique ; sauf au temps de la Fronde et lors ,
de la guerre des Camisards, on n'y saurait trouver d'évé-
nements bien marquants. La province supporte naturelle-
ment sa part des charges publiques, qui, grâce à des
guerres ruineuses, à une administration compliquée et
coûteuse, s'accroissent d'année en année. En oct. 1649,
le fameux édit de Réziers est rapporté, et le Languedoc
recouvre ses immunités financières, garantie en partie
illusoire sous un gouvernement despotique, mais le contact
direct entre les agents du pouvoir central et les habitants
n'existe pas, et les Méridionaux peuvent croire qu'ils
s'administrent eux-mêmes. On doit du reste reconnaître
que Faction des Etats de Languedoc, secondée par des
administrateurs tels que le premier Daguesseau et Lamoi-
gnon de Rasville, fut plutôt bienfaisante; les travaux
publics sont poussés activement, et sans parler du fameux
canal du Midi, la province est dotée d'une foule de ponts,
de jetées, de routes, bien entendues et bien tracées ; on
essaye un peu partout de corriger le cours des rivières,
torrents inutiles ou dévastateurs ; on encourage les cul-
tures spéciales ; on s'efforce de faire prospérer l'agri-
culture, de doter le pays d'industries nouvelles. Sous
Colbert, les manufactures de drap sont des plus actives,
et quand ce grand ministre est mort (1683), l'impulsion
donnée par lui au travail national se fait sentir longtemps
encore. Au xviii« siècle, grâce aux idées nouvelles, pro-
pagées par les économistes et les philosophes, on essaye
des améliorations souvent fort importantes, dont beaucoup
ne réussissent pas, mais qui prouvent chez les adminis-
trateurs les meilleures intentions. En somme, le Languedoc,
pendant ce siècle et demi, a été sinon heureux, du moins
moins malheureux que les provinces voisines.
Une partie notable de la population a pourtant eu for-
tement à souffrir; nous voulons parler des protestants.
Tolérés par Richelieu et par Mazarin, qui ne voient
plus en eux des ennemis politiques, ils sont, à dater du
règne personnel de Louis XIV, en butte à une persécu-
tion systématique, dirigée avec une égale persévérance
par le clergé catholique, les parlements et le pouvoir cen-
tral. De 1661 à 1685 paraissent à tout moment des déci-
sions judiciaires ou administratives qui restreignent la
liberté des non-catholiques. Sous tous les prétextes, on
leur enlève quelques-uns des privilèges que leur a sage-
ment octroyés l'édit de Nantes. On ferme les temples, on
poursuit les ministres, on affecte en toute occasion de les
considérer comme des factieux et des suspects. On obtient
ainsi un certain nombre de conversions plus ou moins sin-
cères : les missions bottées précipitent le mouvement, et
quand le clergé de France croit le moment venu, il arrache
à Louis XIV, dont la dévotion s'est accrue avec Page, la
révocation de l'édit de Nantes (oct. 1685). Les protestants
étaient trop découragés, le pouvoir central trop fort, pour
qu'une pareille mesure pût amener sur-le-champ une ré-
volte générale. Le feu couve pendant plus de quinze ans,
mais le clergé, les intendants ne font rien pour ménager
la transition, faciliter la vie aux nouveaux catholiques,' et
la guerre des Camisards éclate (1702), guerre qui va du-
rer plus de deux ans, ensanglanter tout le Ras-Languedoc
et ajouter à tous les maux dont la France souffre les hor-
reurs d'une guerre civile (V. Camisards). Comprimée à
grand^eine, la révolte laissera longtemps des traces.
Puis, durant plus de soixante ans, les nouveaux catho-
liques, les protestants sont tantôt tolérés, tantôt persécu-
tés, suivant les caprices du pouvoir royal ou des autorités
locales. La persécution s'éteint peu à peu; de temps en
temps elle se ranime, et on a des drames tels que ceux de
Calas ou du ministre Rochette. Enfin, grâce au progrès de
ces idées philosophiques, dont il est de bon goût aujour-
d'hui de se moquer, les protestants recouvrent peu à peu
la liberté civile, et le roi Louis XVI, au grand scandale du
clergé et du parlement de Toulouse, publie le fameux édit de
1787, minimum de ce que réclament aujourd'hui nos idées
de tolérance. Dans l'intervalle et au milieu des plus grands
dangers, au prix de fatigues inouïes, les églises protes-
tantes du Languedoc avaient été reconstituées par quelques
ministres intrépides, dont le plus célèbre est Antoine Court.
L'histoire intérieure de la province, durant ces cent
— 917 —
LANGUEDOC
cinquante ans, est encore signalée par des querelles entre
jésuites et jansénistes, querelles dont l'histoire serait fasti-
dieuse, mais qui n'en ont pas moins passionné tous les con-
temporains. Puis viennent les disputes entre la cour et le
parlement de Toulouse, corps toujours batailleur, toujours
prêt à parler du bien public et qui ne défendit jamais que
les intérêts d'une classe et ses propres privilèges. Autant
que le parlement de Paris, cette cour souveraine qui n'était
rien moins que libérale, qui se montrait en toute occasion
hostile à la moindre réforme et dont la sévérité implacable
est bien connue, contribue à entretenir cette agitation
d'esprit qui devait préparer et rendre possible la Révolu-
tion ; jamais les idées libérales n'ont eu plus singuliers
précurseurs. Mais nous n'insisterons pas sur ce point ; les
conseillers de Toulouse, comme ceux de Paris, ne tardè-
rent pas échanger d'avis, et cela dès 4789, et se mon-
trèrent ennemis résolus et implacables de toutes les mesures
du nouveau gouvernement.
La province de Lanfijuedoc allait elle-même cesser d'exis-
ter. Dès nov. 4789, l'Assemblée nationale décide la divi-
sion du territoire en départements. En vain on proteste
timidement, en vain on demande que le Languedoc con-
serve son ancienne unité, ait une Assemblée unique. On
passe outre, et dès 4790 les nouveaux départements étaient
créés un à un; le Languedoc avait vécu, et ce nom même
devait disparaître peu à peu de l'usage.
Géographie administrative. — En terminant ce long
article, il ne sera pas inutile de dire quelques mots de la
géographie administrative de la province de Languedoc
depuis le xni® siècle, c.-à-d. à dater du moment où elle se
constitue définitivement. Elle formait trois sénéchaussées,
dites de Toulouse, de Carcassonne et de Nîmes; la pre-
mière comprenait une partie des dép. actuels de Haute-
Garonne, Tarn-et-Garonne, Gers, Tarn et Aude; elle était
subdivisée en jugeries d'Albigeois, Villelongue, Lauragais,
Rieux, Rivière et Verdun, plus la viguerie de Toulouse;
en 4469, une partie notable des jugeries de Rivière, Ver-
dun et Rieux avait été rattachée à la Guyenne (V. Juge-
rie). La sénéchaussée de Carcassonne s'étendait sur les
dép. actuels du Tarn, de l'Aude, de l'Ariège et de l'Hérault;
elle était divisée en vigueries : Carcassonne, Cabardès,
Minervois, Les Allemans, Limoux, Fenouiilèdes, Béziers,
Narbonne, Gignac, plus la châtellenie de Montréal et le
bailliage de Sault, ces différentes circonscriptions furent
créées successivement et remaniées plusieurs fois. La séné-
chaussée de Nîmes ou de Beaucaire s'étendait de l'Hérault
au Rhône et comprenait de plus les diocèses du Nord : Vi-
viers, Le Puy et Monde. Elle se divisait en vigueries : Beau-
caire, Nîmes, Sommières, Meyrueis, Anduze, Alais, Uzès,
Bagnols, Roquemaure, Saint-André, Le Pont-Saint-Esprit,
Aiguesmortes, Lunel, une rectorie et baylie, Montpellier,
et trois bailliages, Gévaudan, Velay et Vivarais, De cha-
cune de ces sénéchaussées dépendaient les différents feu-
dataires du roi; le comté de Foix fut de 4242 à 4336
dans le ressort de Carcassonne ; à cette dernière date il
tut rattaché au siège de Toulouse.
La plupart de ces circonscriptions devinrent plus tard de
simples ressorts judiciaires et furent remaniées plusieurs
fois. Au xvi® et au xvii^ siècle, beaucoup de cours infé-
rieures furent érigées en cours présidiales. Jusqu'au com-
mencement du xv^ les impôts sont établis par vigueries et
bailliages. Mais bientôt paraît une nouvelle division, celle
des diocèses civils. Le terme est empruntée la terminologie
ecclésiastique, mais les diocèses civils ne correspondent pas
fort exactement aux diocèses religieux; tantôt un diocèse
a formé deux circonscriptions civiles, tantôt au contraire
le diocèse civil ne renferme qu'une partie du diocèse reli-
gieux. Ces diocèses s'administrent eux-mêmes par des as-
semblées nommées assiettes, composées généralement de re-
présentants des trois ordres. Ce sont pour ainsi dire des
succédanés des Etats de Languedoc; en Gévaudan, en
Velay et en Vivarais, les anciens Etats provinciaux qui ont
subsisté jouent le rôle d'assiettes. A^dater du xv® siècle, ces
assiettes règlent toutes les affaires locales, répartissent
les impôts, connaissent des contestations entre les com-
munautés ; elles jouent en somme le rôle de nos conseils
généraux. Au point de vue judiciaire, le Languedoc a un
parlement siégeant à Toulouse ; dès le règne de Philippe le
Hardi, tous les ans le parlement de Paris envoie dans
cette ville une commission judiciaire chargée de juger en
dernier ressort les causes des pays de droit écrit; cette
commission est supprimée en 4294, et n'est point rétablie
en 4302, comme on l'a affirmé trop souvent. En 4420, le
dauphin Charles établit à Toulouse, puis à Béziers, un par-
lement pour le Midi du royaume, qui lui est resté fidèle ;
en 4428, cette cour est réunie à celle de Poitiers, puis en
4436 le parlement royaliste est rétabli à Paris. Mais, dès
4443, le parlement de Toulouse est institué, et son ressort
définitivement réglé après 4462, date de la création du
parlement de Bordeaux ; il comprend l'ancien Languedoc
tout entier, moins le Périgord et l'Agenais, qui dépendent
de Bordeaux. La justice administrative et financière est
rendue par une cour des aides et une chambre des comptes,
dont la première mention remonte au xiv*^ siècle et qui,
après avoir été longtemps ambulatoire, fut établie définiti-
vement à Montpellier en 4486.
Pour finir, un mot des Etats de Languedoc. Dès le
xiii^ siècle, les sénéchaux de Carcassonne sont tenus de
prendre pour certaines affaires administratives l'avis d'une
assemblée où figurent des représentants des trois ordres.
Ces assemblées n'ont point à s'occuper de l'octroi ni de la
levée des impôts. En 4294, elles sont supprimées. Mais
en 1302 Philippe le Bel convoque les Etats de la Langue
d'oc comme ceux delà Langue d'oil. Toutefois, ce n'est pas
avant le règne de Jean II que les sessions deviennent à peu
près annuelles, et qu'au lieu d'aller de ville en ville obtenir
le consentement des habitants à de nouveaux subsides, les
commissaires royaux réunissent les représentants de toute
la province. A ces Etats figurent les évêques du pays, mais
à titre de grands propriétaires, un certain nombre de nobles,
puis les consuls des villes principales. Peu à peu le nombre
des personnes convoquées diminue; on n'y admet plus
qu'un ou deux nobles par diocèse et en plus des villes dio-
césaines, une ou deux communautés par circonscription.
En somme, cette assemblée était très singulièrement com-
posée, et ces bizarreries choquaient fort les gens du
xviii® siècle, amoureux de régularité et de proportion. Evi-
demment, elle n'était rien moins que populaire, et les inté-
rêts surtout y étaient représentés. Elle n'en a pas moins
rendu des services signalés au Midi de la France, et grâce
à cette institution, trop décriée aujourd'hui, le Languedoc a
été une des provinces du royaume les mieux administrées et
les moins malheureuses.
Lettres, sciences et arts. — La culture littéraire dans
l'ancien Languedoc a été fort inégale suivant les temps.
Dans les premiers siècles de l'Empire, la Gaule méridionale
était florissante ; Pline affirme que les habitants de cette
partie de l'Empire étaient dès lors aussi civilisés que ceux
de l'Italie ; un peu plus tard, Ausone vante les professeurs
de Toulouse et de Narbonne et célèbre leur science et leur
habileté. Cette culture survit-elle aux invasions barbares?
On ne saurait l'affirmer ; toutefois, il est probable qu'à
l'époque visigothique cette partie de la Gaule participa dans
une certaine mesure à la renaissance des études en Espagne
au vii^ siècle. Mais l'Aquitaine, ravagée chaque été durant
plus de trente ans par les bande franques, la Septimanie,
dévastée par les envahisseurs musulmans, perdent les der-
nières traces de l'ancienne culture, et les etiorts de Charle-
magne pour le relèvement des études ecclésiastiques restent
sans résultats appréciables dans cette partie de l'Empire. Le
pays se couvrira d'abbayes nouvelles richement dotées ; les
églises cathédrales obtiendront du pouvoir suprême des pri-
vilèges étendus; rien n'y fera, et durant trois siècles, de
l'an 900 à 4200, le Midi de la France ne produira aucun
théologien, aucun écrivain latin digne de mention. Le latin
des anciennes chartes, seuls monuments historiques que
LANGUEDOC
918 —
nous possédions pour cette longue période, prouve suffisam-
ment rignorance extraordinaire du clergé languedocien à
cette époque. Le Midi, au surplus, a une culture particu-
lière, mais de caractère tout différent, tout laïque ; la lit-
térature provençale brille pendant cent ans d'un vif éclat
(V. Provençale [Littérature]) ; en même temps prend nais-
sance à Montpellier une science plus spéciale, celle du droit
romain, si utile dans un pays de droit écrit. Le xiii^ siècle
est marqué par la renaissance des études ecclésiastiques.
Comme plus tard, au xvi*^, l'Eglise romaine éprouve le
besoin d'enlever à ses adversaires un de leurs griefs les
mieux fondés ; elle veut guérir le clergé de son ignorance
séculaire. Le traité de 1229 institue l'université de Tou-
louse qui, longtemps languissante, deviendra au xiv® siècle
une des meilleures écoles de droit de l'Europe. Dans toutes
les villes importantes s'élèvent des couvents de dominicains,
d'augustins, de carmes, de franciscains, dont chacun a son
école théologique. Mais ces nouvelles écoles ne peuvent
enseigner que la science du temps, c.-à-d. la scolastique,
et les nombreux travaux qui en sortent sont des œuvres
rebutantes et stériles, écrites dans un latin déplorable et
ne prouvant qu'une chose, à savoir la subtilité de leurs au-
teurs ; dans le Midi comme dans le Nord, la scolastique,
arbre desséché, ne pouvait rien produire. Plus fécondes,
les universités de Toulouse et de Montpellier fournissent à la
France entière des juristes éminents, des administrateurs
éprouvés, malheureusement trop dévoués aux idées d'abso-
lutisme, et des médecins renommés, dont quelques-uns,
comme Guy de Chauliac, jouiront d'une réputation euro-
péenne. Le Languedoc, qui n'est encore qu'à demi français,
ne voit naître, jusqu'à la Renaissance, aucun écrivain cé-
lèbre de langue vulgaire ; la littérature provençale est morte
et bien morte, et ce ne sera pas l'Académie instituée par
les capitouls de Toulouse qui pourra la faire renaître.
Le Languedoc, dans les siècles plus modernes, produira
plus d'un homme illustre dans les sciences et les lettres,
mais il serait impossible de trouver dans les œuvres d'un
Cujas, d'un Fermât ou d'un Guy du Faur de Pibrac trace
d'une culture particulière propre à cette province. Au xvii« et
au xviii*^ siècle, les sciences historiques et archéologiques
sont en grand honneur dans le Midi ; des cabinets d'anti-
quités, des collections importantes de manuscrits se forment,
dans lesquels des amateurs éclairés recueillent tout ce qui
peut intéresser l'ancienne histoire du Languedoc. Citons
seulement les collections du marquis Baschi d'Aubais, et les
travaux du grand épigraphiste nîmois Joseph Séguier.
Longtemps avant la publication de V Histoire générale de
Languedoc des bénédictins, la province avait trouvé des
historiens tels que le conseiller au parlement de Toulouse,
Guillaume Catel, ou l'annaliste de la même ville, Lafaille ;
un peu plus tard, Léon Ménard dote Nîmes, sa ville natale,
d'une monumentale histoire, et il n'est guère de villes im-
portantes dont le passé ne soit étudié avec amour. En
même temps paraissent les premières sociétés savantes : à
Nîmes, une académie (1682) ; à Toulouse, on réorganise, en
1614, le vieux collège du Gai Savoir, qui devient l'Aca-
démie des jeux floraux ; dans la même ville, la Société des
Lanternistes (1640) devient, en 1729, l'Académie des
sciences et belles-lettres, encore aujourd'hui existante.
On trouve encore à Béziers une académie royale datant
de 1723 ; à Montpellier, dès 1706, une Société royale des
sciences, etc. Quelques-unes de ces compagnies littéraires
publient des mémoires assez intéressants, toutes s'occupent
de recherches intellectuelles, et leur zèle prouve l'existence
d'une certaine culture générale dans les classes élevées.
L'instruction est, depuis le xvi^ siècle, donnée principale-
ment dans les collèges établis par les jésuites dans les
principales villes de la province ; la puissante compagnie
est arrivée à se substituer à peu près partout aux anciens
établissements analogues, dont quelques-uns, celui de Nîmes
notamment, n'avaient pas laissé de briller au xvi® siècle ;
elle a également fait oublier les vieilles universités de
Toulouse et de Montpellier. La première, en dépit de quel-
ques tentatives de réforme, restera tx>ujours languissante,
et seul l'enseignement du droit y restera brillant jusqu'à
la Révolution ; à Montpellier, la médecine, par contre,
est toujours en grand honneur, et au xviii® siècle encore,
l'école de cette ville, la meilleure de France, est célèbre
dans l'Europe entière.
Ces indications, fort brèves, une fois données sur l'état
des sciences et des lettres en Languedoc avant>la Révolu-
tion française, un mot maintenant des arts proprement
dits. A l'époque romaine, la province était couverte de
monuments somptueux ; les inscriptions en citent un
grand nombre, dont les débris couvrent encore le sol ;
d'autres, plus heureux, ont été épargnés par le temps, et
Nîmes, par exemple, peut montrer avec orgueil d'admi-
rables constructions, rivalisant avec les plus beaux restes
romains de l'Italie. Des derniers temps de la domination
romaine date encore une partie de l'enceinte de Carcas-
sonne, construite à la hâte au moment des invasions et qui,
pendant plus de 1600 ans, a mis la Cité à l'abri de tout
coup de main. — Les débris de l'âge barbare sont peu
communs en Languedoc ; on y trouve quelques monnaies
visigothiques; on sait que des églises somptueuses déco-
raient plusieurs des grandes vilîes de la province, Nar-
bonne par exemple, Toulouse, où une riche basilique s'éleva
au VI® siècle, sur la tombe de saint Sernin, mais rien de
tout cela n'a subsisté.
De l'époque romane, au contraire, on a beaucoup de
monuments de grande importance, et le patriotisme local
s'est donné carrière à leur propos. Viollet-le-Duc a créé
de toutes pièces une école de sculpture toulousaine qui
aurait fleuri pendant plus de deux siècles, jusqu'à la
guerre des Albigeois, et qui serait en partie un produit
de rinfluence byzantine. Cette théorie a fait fortune; elle
paraît malheureusement de tous points erronée. Bien plus,
il n'y a pas eu à proprement parler à l'époque romane
d'école architecturale languedocienne. En effet, prenons
les plus célèbres monuments religieux de cette période :
Saint-Sernin de Toulouse qui date de la fin du xi® siècle
et en majeure partie du xn<^, la cathédrale du Puy qui re-
monte au xn®, et la célèbre éghse de Saint-Gilles sur le
Rhône dont la dédicace remonte à l'an 1115. Voilà trois
monuments d'aspect bien divers, situés tous trois en Lan-
guedoc. Mais le premier est visiblement une imitation de la
célèbre église abbatiale de Conques en Rouergue, à laquelle
l'architecte a emprunté la disposition curieuse du transept
à triple vaisseau ; Notre-Dame-du-Puy est un monument
auvergnat ; enfin l'admirable façade de Saint-Gilles est,
sans aucun doute possible, l'œuvre d'un artiste de l'école
provençale, émule de l'auteur du porche Saint-Trophime à
Arles. Sans doute, à Toulouse, la sculpture fut extrême-
ment florissante durant cette période, mais ces œuvres,
puissantes bien que frustes, n'ont point de caractère par-
ticulier et rappellent plutôt les statues similaires de Mois-
sac, de Beaulieu et de Souillac. Voilà donc une nouvelle
influence dont on peut constater l'action, celle de l'école
limousine du xi® siècle. Inutile de discuter la partie de la
théorie de Viollet-le-Duc relative à l'action de l'art
byzantin; la question est trop générale et trop com-
pliquée ; on sait d'ailleurs qu'aujourd'hui on a prudemment
réduit à peu de chose cette part d'influence, trop exagérée
par les archéologues d'antan.
Faut-il conclure que le Languedoc n'a pas eu un art
particulier au moyen âge? Ce serait trop dire; au début
du XIII® siècle, le mode de construction qui devait rester
en faveur pendant le reste du moyen âge dans cette pro-
vince était tout établi, et le meilleur spécimen en est la nef
de Saint-Etienne de Toulouse; ce beau vaisseau, en brique,
voûté d'ogives, est une imitation évidente des grands
monuments du centre de la France, une seule nef, fort
vaste, et ce type va se répéter un peu partout jusqu'à la
fin du XV® siècle. La plupart des églises seront donc à une
seule nef; tantôt ce seront des constructions de faibles
dimensions (église de la ville basse de Carcassonne, le Taur
919 --
LAlNGUEDOC ~ LANGUETTE
à Toulouse, etc.), tantôt au contraire ce seront des mo-
numents gigantesques (Sainte-Cécile d'Albi). La plupart de
ces monuments datent de l'époque gothique. Le Languedoc
renferme d'autres spécimens fort intéressants de l'art ro-
man, cette fois monuments civils; citons seulement : rhô-
tel de ville de Saint-Antonin, les maisons de (bordes encore
romanes, bien que du plein xni® siècle, et enfin une quan-
tité énorme de constructions militaires. Les plus intéres-
santes sont à Carcassonne ; elles sont d'ailleurs moins impor-
tantes que celles du N. de la France, et on ne saurait
trouver en Languedoc des châteaux aussi vastes et aussi
habilement disposés que le donjon de Gisors ou le Château-
Gaillard.
Avec la domination française, l'art gothique pénètre en
Languedoc, mais assez lentement et sans faire oublier en-
tièrement aux artistes méridionaux leurs anciennes tradi-
tions. Toutefois, dès le xm*^ siècle, des architectes du Nord
élèvent dans les nouveaux domaines de la royauté capé-
tienne des constructions entièrement gothiques ; citons seu-
lement les chœurs de Saint-Nazaire de Carcassonne, de
Saint-Just de Narbonne et de Saint-Etienne de Toulouse.
Ailleurs l'influence du nouvel art se fait sentir dans l'or-
nementation, notamment à Sainte-Cécile d'Albi, et de là
sort un mélange assez heureux et fort original. Mais peu
à peu le nouvel art gagne, et les artistes languedociens
subissent les mômes influences que leurs congénères du
Nord. Le style gothique flamboyant apparaît, au jubé de
Sainte-Cécile par exemple, puis nous trouvons le style Re-
naissance qui produit quantité de belles constructions
civiles, notamment à Toulouse une foule d'hôtels parle-
mentaires des plus luxueux et des plus variés comme plan
et comme décoration. L'art religieux se transforme à son
tour et on a de ce chef quantité de monuments, en géné-
ral peu agréables d'aspect. L'un des plus remarquables
est l'église de Saint-Pierre-des-Cuisines à Toulouse, vais-
seau clair et spacieux, admirablement construit, d'aspect
froid il est vrai et déplaisant. Mais il n'y a point là trace
d'art à proprement parler méridional; le Languedoc pro-
duira des artistes en tout genre ; il en verra naître plus
encore dans notre siècle, et l'école toulousaine de sculp-
ture sera justement renommée, mais bien clairvoyant serait
le critique qui pourrait dire à quels signes on distingue
une œuvre produite par un artiste du S. de celle d'un
artiste du N. de la France. A. Molïnier.
BiBL. : En fait d'imprimés, nous n'en indiquerons qu'un
seul : DD. de Vie et Vaissète, Histoire générale de la
province de Languedoc ; Paris, 1730-1745, 5 vol., in-fol. Une
réédition de cet ouvrage, Tun des meilleurs qu'ait produits
l'érudition bénédictine, a paru en 15 vol. in-l (Toulouse,
1872-92). Cette réédition ne renferme pas tout ce que l'on
sait sur l'histoire de cette province, mais aux tomes II,
V, VIII, X et XII, on trouvera la liste de tous les ou-
vrages cités; on ne saurait mieux faire que d'y renvoyer
le lecteur. D. Vaissète avait arrêté son récit à l'année
1643; dans la nouvelle édition, M. E.Roschach, archiviste
de la ville de Toulouse, a complété l'ouvrage jusqu'en
1790; son récit remplit le t. XIII ae la nouvelle édition, ec
le t. XIV est occupé par une riche collection de preuves.
— Les sources manuscrites de l'histoire de Languedoc
sont encore aujourd'hui en partie inexplorées. On les
trouve d'abord dans les arcliives départementales du
Midi (les plus riches sont celles de la Haute-Garonne et
de l'Hérault); les archives municipales sont également
fort riches, principalement à Toulouse, à Narbonne, à
Nîmes, à Montpellier; à la mairie de cette dernière ville
on conserve les archives mêmes de la province, du début
du XIV* au xvi« siècle. Les titres de la maison d'Armagnac
sont à Montauban et à Pau ; à Pau également (archives
de la préfecture) on trouve les titres^ de la maison de
Foix depuis le xiv« siècle. A Paris, aux Archives natio-
nales, au Trésor des chartes, titres de la maison de Tou-
louse, des Montfort et d'Alphonse de Poitiers ; riche collec-
tion sur les Etats de Languedoc et quantité énoroje de do-
cuments anciens et modernes dispersés un peu partout et
dans les différentes séries. A la Bibliothèque nationale,
outre une foule de manuscrits histori({ues dans les diffé-
rents fonds, deux collections particulièrement précieuses:
la collection Doat, recueil de copies faites par ordre de
Colbert dans les différents dépôts publics du Languedoc
(258 volumes), et collection de Languedoc (papiers des Bé-
nédictins auteurs de Vllistoire générale). La collection
Doat nous a conservé une bonne {jartie du trésor de Foix,
brûlé en 1808. Ajoutons-y des milliers de pièces origi-
nales conservées dans les différents fonds de la même
bibliothèque, et beaucoup de manuscrits précieux dans
les autres bibliothèques de Paris et de la province.
LANGUENAN. Coin, du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Dinan, cant. de Plancoët ; d,i68 hab.
LAN GU ET (Hubert), écrivain français, néà Vitteaux, dans
l'Auxois, en 1518, mort à Anvers le 30 sept. doSl. Il lit
de brillantes études à l'université de droit de Poitiers et à
celle de Padoue, voyagea beaucoup, se liant avec les hommes
célèbres du temps, notamment avec Melanchthon qu'il ai-
mait fort. Il fut chargé par l'électeur de Saxe de diverses
missions diplomatiques et s'occupa surtout à le renseigner
sur les nouveautés politiques et militaires qui se produi-
saient dans les principaux Etats d'Europe ; en France prin-
cipalement où il séjourna de ioGl à d562 et de 1563 à
4566. Il eût voulu y rentrer tout à fait; mais, appartenant
à la religion réformée, il n'y put réussir. En do70, am-
bassadeur des princes allemands auprès de Charles IX, il
prononça devant ce prince une harangue tellement hardie
qu'il courut danger de mort, [l échappa à grand'peine aux
massacres delà Saint-Barthélémy. De 1573 à 1577, il re-
présenta l'électeur de Saxe à la cour de Vienne, puis il
sollicita la permission de revenir en France qui lui fut ac-
cordée. Mais les troubles religieux le forcèrent de s'établir
à Anvers. Languet jouit au xvi^ siècle d'une célébrité eu-
ropéenne. Ses ouvrages d'une hardiesse extrême pour
l'époque ont excité d'ardentes polémiques. Citons : Histo-
rica descriplio susceptœ executionis contra S. Romani
imperii rebelles (1567, in-4, trad. en franc, en 1570) ;
Harangue au roi Charles IX (1570) ; Vindicice contra
i^?/rar^7^os(l 579, in-8), trad. en franc, sous le titre de : De la
Puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple
sur le prince {Genè\e^ 1581, in-12), le plus retentissant de
ses ouvrages et au dire de Lenglet-Dufresnoy « un des ou-
vrages les plus dangereux qui se soit fait en ce genre » ;
Apologie de Guillaume d'Orange (1582, in-8) ; Epistolœ
politicœ et historicœ (1633, in-lS); Epistolœ oh res
politicas et historicas {iQ^S, in-4 2) ; Epistolœ secretœ
(1699, in-4); Décades très epistolarum H. Langiieti
(1702, in-4), correspondance des plus intéressantes et
des plus utiles pour l'histoire du xvi^ siècle. R. S,
BiBL. : Ph. DE La Mare, Vie de Languet, trad. en latin et
publ. par Ludwig; Halle, 1700, in-12. — Haag, ia France
protestante. — Henri Ciievreul, Etude sur le xvi° siècle,
Hubert Languet; Paris, 1852, in 12. — Scholz, H. Languet;
Halle, 1875. — Blasel, Hubert Languet; Oppeln, 1872.
LANGUET DE Gergy (Jean-Baptiste-Joseph), abbé de
Bernay, curé de Saint-Sulpice à Paris, né à Dijon en 1675,
de très noble et ancienne famille, mort en 1750. 11 fit re-
prendre et achever la construction de son église, interrom-
pue depuis cinquante ans. En 4732, il fonda, rue de Sèvres,
un hôpital pour les femmes de sa paroisse. Pendant la peste
de Marseille, il recueillit et envoya en Provence des sommes
considérables. Un monument a été érigé à sa mémoire dans
l'église de Saint-Sulpice.
" LANGUET DE Gergy (Jean- Joseph), archevêque de Sens,
membre de l'Académie française, né à Dijon le 45 août 4 677,
mort à Sens le 3 mai 4753, frère du précédent. Il avait
été lecteur de M"^*' la Dauphine et abbé de Coëtmalouen ; il
était abbé de Saint-Juste lorsqu'il fut nommé évêque de
Soissons (4745). Quinze ans après, il fut promu à l'arche-
vêché de Sens. En 4721, il fut élu à l'Académie. Partisan
passionné de la bulle Unigenitus, il combattit le jansénisme
avec tontes les armes, joignant aux actes de sa juridiction
épiscopale les productions d'une plume singulièrement fé-
conde: Avertissements, ï^ettres pastorales, Instructions-^
Mandements, Lettres privées, dont le recueil forme 2 vol.
in-fol. (Sens, 1752). Parmi ses autres œuvres, la plus re-
cherchée aujourd'hui est la Vie de la vénérable Marie-
Angélique (Marie Alacoque), religieiise de la Visitation
(Pans, 1729, in-4). E.-If. V.
LANGUETTE. I. Technologie. — Sorte de tenon continu
pratiqué sur l'épaisseur d'une planche, pour le faire entrer
dans unerainure faite sur l'épaisseur d'une autre planche. Cet
LANGUETTE — LANINO
920 -
assemblage est ordinairement employé pour réunir longitu-
dinalement deux ou un plus grand nombre de planches
ensemble. Pour opérer cette réunion sur le champ de l'une
des deux parties à assembler, on pratique, parallèlement
à sa face et dans toute sa longueur, une cavité quadran-
gulaire qu'on nomme rainure ; les parois latérales de cette
rainure portent le nom de joue. Sur le champ de l'autre
partie, on dégage un filet aussi quadrangulaire, correspon-
dant exactement à la rainure et à la joue de face ; c'est ce
filet qu'on nomme languette ; les petites facettes formant
les arêtes de rive prennent le nom d'arasement. C'est en
cela que consiste l'assemblage à rainure et languette.
II. Musique (V. Orgue et Harmonium) .
III. Entomologie (V. Insectes, t. XX, p. 824).
LANGUEUX. Gom. du dép. des Gôtes-du-Nord, arr. et
cant. (S.) de Saint-Brieuc ; 2,940 hab.
LANGUEVOISIN-QuiQUERY. Corn, du dép.de la Somme,
arr. de Péronne, cant. de Nesle ; 299 hab.
LANGUEYA6E. Dans la plupart des cas de ladrerie chez
le porc (V. Taenia), les cysticerques se développent en cer-
tains points de la bouche, et leur présence est le signe le meil-
leur et le plus constant que l'on possède pour reconnaître la
maladie chez l'animal vivant. Pour découvrir la ladrerie, il
faut donc recourir à une exploration de la bouche désignée
depuis fort longtemps sous le nom de langueyage. Au moyen
âge et jusque vers le commencement de notre siècle, cette
opération était exclusivement pratiquée par des hommes spé-
ciaux, officiers du roi, qu'on appelait jurés langueyeurs.
Aujourd'hui, le langueyage est libre et facultatif, mais son
exercice constitue toujours une profession spéciale, en rai-
son de l'habitude et de l'adresse qu'il exige. Certaines villes
ont même un langueyeur assermenté et payé par elles pour
examiner les porcs conduits sur les marchés. Pour faire
cet examen, dit Trasbot, on saisit le porc par le membre
antérieur gauche et, par un coup de genou donné dans le
flanc droit, on le renverse à terre, où on le maintient en
posant le genou gauche sur le cou. Aussitôt après, le lan-
gueyeur écarte les mâchoires avec un bâton d'un mètre de
long environ qu'il appuie fortement à terre par l'extrémité
passée dans la bouche du patient et dont l'autre bout est
fixé sous son aisselle droite. Ayant les deux mains libres,
il tire la langue hors de la bouche et l'examine par la vue
et le toucher en passant la pulpe des doigts sur les côtés
et la face inférieure de cet organe. Ce procédé est simple,
rapide et conséquemment pratique. Pourtant il est loin
d'être sans inconvénient. D'abord, il contusionne fortement
et fatigue l'animal. Si celui-ci doit être conservé, il mange
mal après l'opération, peut souffrir pendant plusieurs jours
et maigrir dans une certaine mesure. Le véritable défaut
du procédé est d'exiger une très grande habitude sans la-
quelle l'explorateur peut non seulement blesser l'animal,
mais encore et surtout se faire blesser lui-même quand il
veut saisir la langue et l'examiner. Aussi les vétérinaires
appelés à pratiquer le langueyage doivent-ils se servir
d'aides pour coucher et maintenir le sujet, employer un pas
d'âne pour écarter les mâchoires et tirer la langue à l'aide
d'une pince. De cette façon, ils opéreront en toute sécurité.
LANGUIDIC. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de Lo-
rient, cant. d'Hennebont ; 7,122 hab.
LANGUIER. Petit meuble destiné à porter les langues
de serpents que l'on plaçait sur les tables seigneuriales
pour faire l'essai des mets : le contact de la langue de
serpent passait, en effet, comme celui de la corne de licorne,
pour détruire les poisons ou faire reconnaître leur présence.
Divers inventaires du xiv"^ siècle mentionnent des languiers
soit à pied, ou en forme de salière, ou en forme d'arbre.
L'un d'eux (ducs de Bourgogne, 1408) est un corail dont
les branches portent des dents et langues de serpent. Il est
difficile de restituer les formes, sans doute assez variées, de
ces objets dont aucun n'est parvenu jusqu'à nous. C. E.
LANGULIYA.Fleuvedel'Mri^(V.cemot,t. XX,p.672).
LANGY. Corn, du dép. de l'Allier, arr. de La Palisse,
cant. de Varennes-sur-AUier ; 523 hab.
LAN H ELI N. Com. du dép. d'IUe-et-Vilaine, arr. de
Saint-Majo, cant. deCombourg; 641 hab.
LAN HÈRES. Com. du dép. delà Meuse, arr. de Verdun-
sur-Meuse, cant. d'Etain ; 454 hab.
LAN-HO, LOUAN-HO ou LAO-MOU-HO (mongol
CHANGTON-Gol). Fleuve de Chine, prov. de Petchili;
né au N. du Taibakhan (Mongolie orientale), il descend au
N.-E., passe près des ruines de Boro-khoto, tourne vers
le S.~E., reçoit le Hibing à dr., l'Ourting-gol à g., près
des ruines de Tsagan-balgasson, passe à Lan-ping, reçoit à
g. l'Issoun, le Pao, le Jo, franchit la Grande Muraille à
Pan-kia-koou, reçoit le Tsin-loung et se jette dans le golfe
de Liao-toung par un vaste delta. Sa haute vallée est boisée ;
la partie inférieure est une large plaine cultivée,
LANHOUARNEAU. Com. du dép. du Finistère, arr. de
Morlaix, cant. de Plouescat; 4,204 hab.
LANIERE (Nicolas), peintre, graveur et musicien ita-
lien, né en 4558 (et non 4568), mort à Londres le4nov.
4646. Fils de Jérôme Lanière, établi en Angleterre vers la
fin du règne d'Elisabeth et admis dans son entourage, il
devint à la fois peintre et musicien distingué. Charles 1^^
lui confia la mission d'acheter des tableaux de maîtres en
Italie, opération qu'il sut rendre fructueuse pour lui-même.
Il se fit, par la même occasion, une remarquable collec-
tion de dessins. Musicien favori de la cour et maître de la
chapelle du roi depuis 4626, il fit la musique de nombreux
intermèdes et mascarades qui eurent grand succès. Van
Dyck consacra sa célébrité en peignant son portrait. La-
nière se portraitura aussi lui-même, et cette œuvre, qui
existe encore au conservatoire d'Oxford, est d'un dessin,
d'un coloris et d'une expression excellents. Il grava à Peau-
forte une série d'études et de sujets, d'après le Parmesan,
et quelques portraits. G. P-i.
LAN i I DÉS (Ornith.). Famille naturelle et bien caracté-
risée de l'ordre des Passereaux, comprenant des oiseaux de
la grosseur d'un Moineau, d'un Geai ou d'une Corneille,
ayant un bec robuste, plus ou moins nettement caréné en
dessus et muni d'une petite dent vers la pointe de la man-
dibule supérieure qui se termine par un crochet. Chez les
Laniidés, les pattes, de hauteur moyenne, ont le doigt mé-
dian plus développé que les autres ; les ailes possèdent dix
rémiges, dont la troisième, la quatrième et la cinquième ou
quelquefois la cinquième et la sixième dépassent les autres
pennes, et la queue compte douze rectrices tantôt étagées,
tantôt arrivant au même niveau. Les Pies-Grièches (genre
Laiiius) constituent l'un des principaux groupes de cette
famille qui comprend aussi les Téléphones^ les Dryosco-
pus, les Corvinelles, les Pachycephala^ les Eopsaltria,
les Cassicans^ les Gymnorhines^ etc. E. Oustalet.
LANILDUT. Com. du dép. du Finistère, arr. de Brest,
cant. de Ploudalmézeau, sur la rive dr. de l'estuaire de
l'Aber-Ildut ; 4, 156 hab. Petit port qui reçoit de la houille
et exporte du sable à bâtir et des pierres de taille : le gra-
nit rose des rochers est très recherché ; il constitue le pié-
destal de Tobélisque de Louqsor. Usine de produits chi-
miques.
LANINO (Bernardino), peintre italien, né à Verceil en
4540, mort en 4578. Il fut le meilleur élève deGaudenzio
Ferrari, dont il garda la profonde gravité et le coloris ve-
louté, avec un modelé plus arrondi et un contour moins
ferme. Ses fresques de Sant' Ambrogio, représentant la Lé-
gende de saint Georges (vers 4548), ont encore toute la
fierté virile des œuvres de son maître, et les Scènes de la
Genèse qu'il peignit à Saronno soutiennent la comparaison
avec les grandes fresques de Luini. Lanino a peint encore des
fresques importantes à Milan, dans l'église Santa Catarina,
le Martyre de saiiite Catherine (4546) ; dans l'église San
Nazzaro, la Cène, et à Novare, dans la cathédrale, le
Père éternel, les Sibylles et des Scènes de la vie de la
Vierge. Ses tableaux les plus connus sont: la Vierge
avec des saints, datée de 4539, dans l'église San Pietro,
à Borgo Sesia, et la Vierge avec sainte Marthe, saint
Joseph et un donateur, au musée de Brera. Ed. B.
924 —
LANINO — LANKRINK
BiBL. : LoMAZzo, Idea del Tempis délia pittura, 1590. —
Lanzi, Storia pittorica delV Italia, t. IV. — Burckhardt,
le Cicérone.
LANISCAT. Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Loudéac, cant. de Goarec ; 4,587 hab.
LANISCOURT. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Laon,
cant. d'Anizy-le-Chàteau ; 480 hab.
LANISTA (V. Gladiateur).
LANJUINAIS (Joseph), publiciste français, né près de
Rennes vers 4730, mort à Moudon (Suisse) en 4808. Béné-
dictin de Saint-Maur, il passa au protestantisme, s'établit en
Suisse et devint principal du collège de Moudon. Il a laissé :
le Monarque accompli (Lausanne, 4774, 3 vol. in-8),
panégyrique du prince philosophe, qui fit grand bruit et
qui fut condamné en France comme séditieux en 4776;
Esprit du pape Clément XIV (Moudon, 4775, in-12),
vive satire de Rome, qui fut interdite en France ; Manuel
des jeunes orateurs (4777, 2 vol. in-42) ; Supplément
à l'Espion anglais, ou Lettres intéressantes sur la re-
traite de Necker (1784, in-8), etc.
LANJUINAIS (Jean-Denis), homme politique français,
né à Rennes le 42 mars 4753, mort à Paris le 43 janv.
4827. Professeur de droit à Rennes, avocat conseil des
trois ordres des Etats de Bretagne, il se rendit célèbre par
ses plaidoiries, ses mémoires et ses libelles en faveur du
tiers état. Député du tiers état de la sénéchaussée de Rennes
aux Etats généraux et « patriote » prononcé, il se signala
surtout, à l'Assemblée constituante, comme membre et rap-
porteur du comité ecclésiastique et fut un des auteurs de
la constitution civile du clergé. Député d'Ille-et-Vilaine à
la Convention nationale, il s'y montra très ardent à com-
battre la politique de la Montagne et vota le plus souvent
avec les Girondins. H essaya de sauver Louis XVI, tout en
le déclarant coupable, et vota pour la réclusion jusqu'à la
la paix et le bannissement ensuite. C'est son attitude éner-
gique dans la journée du 2 juin 4793 qui le rendit cé-
lèbre. Au milieu des haines et des menaces, en face de
l'insurrection victorieuse, il osa accuser la Commune et
demander que l'on cassât toutes les autorités révolution-
naires de Paris. Le conventionnel L^^^wc^r^ (V. ce nom),
boucher de son état, lui ayant crié : « Descends de la tri-
bune, ou je vais t'assommer », il lui répondit : « Fais
décréter que je suis bœuf, et tu m'assommeras.» Quelques-
uns de ses amiss'étant démis de leur fonction, pour apaiser
la colère du peuple, il déclara avec fermeté : « N'attendez
de moi ni démission ni suspension. » Chabot l'ayant alors
insulté, il répondit : « Je dis au prêtre Chabot : on a vu
dans l'antiquité orner les victimes de fleurs et de bande-
lettes, mais le prêtre qui les immolait ne les insultait pas. »
Décrété d'arrestation avec les Girondins, il s'évada et passa
en Bretagne, où, fidèle aux opinions républicaines qu'il
avait proclamées à la tribune, il vécut caché et inoffensif.
La Convention le rappela dans son sein en 4795 et, si les
royalistes bénéficièrent alors de sa politique modérée et anti-
jacobine, il ne semble pas avoir été infidèle à la République.
Le 44 prairial an III, comme rapporteur des comités de
Sûreté générale, de Salut public et de législation, il pré-
senta la restitution aux fidèles des temples non aliénés
comme un moyen de ramener les esprits à la République,
et fit voter un décret conforme. Le souci des intérêts re-
ligieux inspirait sa politique, et le rendit si populaire qu'il
fut élu député au Conseil des Anciens par 73 départements.
Il opta pour rille-et-Vilaine, sortit du Corps législatif en
4797 et devint professeur de législation à l'Ecole centrale
de Rennes. Après le 48 brumaire, il fit partie du Sénat
conservateur et y garda une attitude assez indépendante et
libérale. Il fonda à Paris une Académie de législation, avec
Target et autres juristes, y professa le droit romain, tout
en s'occupant aussi d'orientalisme, et fut élu, en 4808,
membre de l'Institut pour la classe d'histoire et de littéra-
ture ancienne. La même année, il fut fait comte de l'Empire.
En 4814, il fut un des sénateurs qui provoquèrent le vote
de déchéance, et Louis XVIII le nomma pair de France.
Député à la Chambre des Cent-Jours, il fut élu président de
cette assemblée, dont il refléta fidèlement les sentiments
d'indépendance. Réintégré à la Chambre des pairs sous la
seconde Restauration, il y fut un des orateurs de la mino-
rité libérale, un des adeptes de la monarchie constitution-
nelle selon l'esprit de 4789. Pendant les dernières années
de sa vie, il publia nombre de brochures et d'articles de
journaux sur des sujets politiques et de religion. Un recueil
de ses œuvres parut en 4832 (4 vol. in-8). F.~A. A.
BiBL. : Victor Lanjuinais, Notice historique sur la vie
et les ouvrages du comte de Lanjuinais^ en tête des
Œuvres. — - Robert et Cougny, Dictionnaire des Parle-
mentaires. — F.- A. AuLARD, les Orateurs de la Législa-
tive et de la Convention.
LANJUINAIS (Victor-Ambroise, vicomte de), homme
politique français, né à Paris le 5 nov. 4802, mort à Pa-
ris le 1^^ janv. 48(i9, fils du précédent. Député de Loire-
Inférieure (47 févr. 1838), membre du tiers parti, il fut
réélu par le même collège en 4839, en 4842 et en 4846.
Il avait fait partie du centre gauche, mais il inclina vers
les conservateurs après la campagne des banquets réfor-
mistes. Elu représentant à la Constituante (23 avr.
4848), il fut un des adversaires les plus déterminés des
socialistes et s'occupa avec compétence des questions
financières. C'est à lui qu'on doit la consolidation des
bons du Trésor et l'emprunt de 200 millions. Il ne fut pas
réélu à la Législative par son département. Devenu tout de
même ministre de l'agriculture et du commerce dans le
cabinet Odilon Barrot du 2 juin 4849, il fut élu représen-
tant de la Seine le 8 juil. suivant. Comme ministre, il
supprima les quarantaines du Levant et tenta de supprimer
le monopole de la boulangerie parisienne. Il fit aussi l'in-
térim du ministère de l'instruction publique et des cultes
du 44 sept, au 34 ocE. 4849, date de la chute du cabinet.
Il combattit vivement le coup d'Etat du 2 décembre; il fut
un des protestataires de la mairie du X® arrondissement et
fut emprisonné à Vincennes. Il ne voulut reparaître sur la
scène poUtique qu'en 4863. Député de Loire-Inférieure au
Corps législatif, il fut membre du tiers parti. Il a écrit:
Notice historique sur la vie et les ouvrages du comte
de Lanjuinais (Paris, 4832, in-8) ; Notice historique sur
Paul-Eugène^ comte de Lanjuinais (4848, in-8).
Son frère aîné, Paul-Eugène, comte de Lanjuinais, né à
Rennes le 6 août 4 799, mort à Paris le ,H mars 4 872, siégea
à la Chambre des pairs de 4827 à 4848.
LANJUINAIS (Paul-Henri, comte de), homme pohtiquc
français, né à Paris le 24 juil. 4834, fils de Paul-Eugène
(V. ci-dessus). Elève de l'Ecole de Saint-Cyr, il fut élu dé-
puté de Pontivy le 24 août 4881, réélu en 4885, 4889 et
4893. Membre de l'extrême droite, il combattit vivement
la politique opportuniste et appuya le boulangisme.
LANKA (V. Ceylan).
LANKA (Lac) (V. Lanâg).
LA NK ESTER (Edwin-Ray), naturaliste anglais contem-
porain, né à Londres le 45 mai 4847. Il étudia à Londres
et à Oxford, fut chargé en 4874 du cours d'anatomie
comparée à l'University Collège de Londres et devint
en 1875 fellow de la Société royale. Enfin, il fonda en
4884 l'Association marine biologique. Il est l'auteur de
nombreux travaux sur l'embryologie, l'anatomie comparée
et la paléontologie. Citons entre autres : Comparative
Longevity (1874); Degeneration, a chapter in Darwi-
nism (4880); des monographies sur les Poissons du vieux
grès rouge (4870), sur V Embryologie des Mollusques
(1875), sur les Limules et les Arachnides (1881), sur
V Amphioxus (4889), etc., des articles dans les revues
périodiques, des traductions de Haeckel, de Gegenbaur, etc.
Son ouvrage : De VEmbrifologie et de la classification
des animaux (Paris, 1882, in-42, fig.), publié dans
la Bibliothèque internationale, n'est que la traduction d'un
de ses mémoires dans le Quart. Journal of microsc,
science, qu'il dirige depuis 1869. D"^ L. Hn.
LANKRINK (Prosper-Henricus), peintre, né à Anvers
en 4628, mort à^Londres en ^4692. Après avoir travaillé
LANKRJNK — LANNES
- 922 —
en Italie, il s'établit en Angleterre, où Peter Lely le chargea
souvent de peindre les fonds de ses portraits. Ses tableaux
représentent généralement des sites sauvages ; c'est un imi-
tateur de Salvator Rosa.
LANLEFF. Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Saint-Brieuc, cant. de Plouha; 359 hab. Curieuse église
ronde du xii^ siècle (mon. hist.), bâtie sur le plan du
Saint-Sépulcre de Jérusalem, ancienne église de templiers,
qui a passé jusqu'en ces derniers temps pour un temple
romain.
LANLOUP ou SAINT-LOUP. Com. du dép. des Côtes-
du-Nord, arr. de Saint-Brieuc, cant. de Plouha; 507 hab.
LANMAN (Charles), publiciste américain contemporain,
né à Monroe (Michigan) le 14 juin 1819. Il a publié plu-
sieurs volumes d'impressions de voyages, une Vie de Daniel
Webster, dont il fut le secrétaire, et le Dictionary oj Con-
gress^ son ouvrage le plus important.
LANIVIERIN. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Lannion, cant. de Tréguier; 507 hab.
LAN M EUR. Ch.-l. de cant. du dép. du Finistère, arr.
de Morlaix ; 2,508 hab. Hôpital. Suivant la légende, ce
bourg (Grande-Lande) était jadis une ville assez importante,
appelée Ker-Feunteun. La principale église, dédiée à saint
Mélair, prince breton, dont elle renfermait jadis le sépulcre,
a conservé un porche roman ; au-dessous est une crypte
(mon. hist.) également romane, renfermant une fon-
taine vénérée. Une autre église, celle du prieuré de Notre-
Dame de Kernitrou, est mieux conservée; portail de plein
cintre. Maisons anciennes; cimetière celtique de Vénéven;
tumulus ; ancien camp. G. Del.
LANIVIODEZ. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Lannion, cant. de Lézardrieux; 558 hab.
LAN NE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr, d'Olo-
ron-Sainte-Marie, cant. d'Aramitz ; 1 ,048 hab.
LAN NE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. d'Ossun; 436 hab.
LAN NE- Arqué (La). Com. du dép. du Gers, arr. de
Mirande, cant. de Masseube; 313 hab.
LANNE-SouBfRAN. Com. du dép. du Gers, arr. de
Condom, cant. de Nogaro; 264 hab.
LANNÉANOU. Com. du dép. du Finistère, arr. de Mor-
laix, cant. de Plouigneau ; 895 hab.
LAN N EAU DE Marey (Pierre- Antoine-Victor de), pé-
dagogue français, né à Bard (Côte-d'Or) le 24déc. 1758,
mort à Paris le 31 mars 1830. Théatin, il fut principal du
collège de Tulle et vicaire épiscopal d'Autun (1791). Il
fonda en 1808 l'institution Sainte-Barbe. On a de lui:
Diction7iaire portatif des rimes françaises (Paris, 1828,
in-32) ; Dictionnaire de poche de la langue française
(1827, in-32), souvent réimprimés, et plusieurs ouvrages
d'enseignement. — Son fils, Ré gu lus -Adolphe, né à Paris le
17 juil. 1796, mort à Paris le 5 sept. 1881, secrétaire
du général Mathieu Dumas, adjoint aux commissaires des
guerres, fit la campagne de Russie, et, en qualité de com-
missaire des guerres, celle de 1815.11 succéda à son père
dans la direction de Sainte-Barbe et devint en 1858 direc-
teur de l'institution nationale des Sourds-Muets. Il fut
longtemps maire du XÏI^ arrondissement de Paris.
LANNEBERT. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr, de
Saint-Brieuc, cant. de Lanvollon ; 788 hab.
LANNEGAUBE-ET-MEILLÂ.C. Com. du dép. des Basses -
Pyrénées, arr. de Pau, cant. de Lembeye ; 417 hab.
LANNÉDERN. Com. du dép. du Finistère, arr. de Châ-
teaulin, cant. de PJeyben ; 751 hab.
LAN N EL (Jean de), sieur de Chaintroau et du Chambort,
littérateur français du xvii® siècle, connu surtout pour
un roman à clef : le Roman satyrique (Paris, 1624, in-8),
relatif à la cour de Henri ÏH et de ses successeurs. Ce
livre fit beaucoup de bruit et eut do nombreuses éditions.
Lannel le réimprima avec les changements matériels indis-
pensables sous le titre de Roman des Indes (1625, in-8).
Citons encore de lui : Discours et avis d'affaires d'Etat
de quelques grands officiers de la couronne (1622, in-8) ;
la Vie de Godefroy de Bouillon (1625, in'8); Histoire
de la vi& et de la mort d'Arthémise (1622, in-12) ;
Histoire de don Jean de Castille (1622, in-8), qui fut
attribuée à Richelieu; Lettres (1626, in-8).
LANNEL0N6UE (Odilon-Marc), chirurgien français
contemporain, né à Casteran (Gers) le 4 déc. 1841. Doc-
teur en médecine à Paris en 1867, médecin des hôpitaux
en 1869, agrégé de la faculté la même année et profes-
seur de pathologie externe en 1888. On lui doit: De V Os-
téomyélite aiguë pendant la croissance (1879) et divers
mémoires complémentaires sur l'ostéomyélite aiguë et chro-
nique (1879-81). Un autre ouvrage: Abcès froids et
tuberculose osseuse (1881) ; Tuberculose vertébrale
(1888) ; Traité des kystes congénitaux (1888, en colla-
boration avec Achard); Affections congénitales, en col-
laboration avec Ménard (1891), et un grand nombre
d'articles et communications publiés dans les Bulletins
de la Société anatomique et de la Société de chirurgie.
M. Lannelongue a été élu membre de l'Académie de méde-
cine en 1 882 et député de Condom en 1893. D^ A. Dureau.
LANNEMAlGNAN.Com. du dép. du Gers, arr. de Con-
dom, cant. de Cazaubon; 403 hab.
LANNEMEZAN. Ch.-l. de cant. du dép. des Hautes-
Pyrénées, arr. de Bagnères-de-Bigorre ; 1,872 hab. Lan-
nemezan est situé sur le plateau de ce nom, près de la
source de la Baïsole, et non loin de celles du Gers et de
la Save. L'église est de l'époque romane et possède une
ouverture destinée aux cagots. On voit aux environs de
Lannemezan des traces d'une voie romaine qui se prolon-
geait jusqu'à Bordeaux. La commune possède une forêt
de 114 hect.
Plateau de Lannemezan (V. Pyrénées [Hautes-] et Gers.)
LANNEPAX. Com. du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. d'Eauze: 1,185 hab.
LANNEPLAA. Com. du dép, des Basses-Pyrénées, arr.
et cant. d'Orthez ; 365 hab.
LANNER (Josef-Franz-Carl), compositeur autrichien,
né à Oberdœbhng, près de Vienne, le 11 avr. 1802, mort à
Oberdœbling le 30 mars 1843. Auteur agréable et fécond
de musique de danse, il excella dans la composition de la
valse viennoise et acquit en ce genre léger et charmant
une popularité universelle, que les succès plus récents des
deux Strauss n'ont pas entièrement effacée.
BiBL.: Saghs, J. Lannei\ ein Lebensbild ; Vienne, 1889,
LANNERAY. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. et cant.
de Châteaudun ; 774 hab.
LANNERSTIERNA (Johan-Magnus), poète suédois, né
en i 758, mort à Strœmstad en 1797. Page du roi, il se fit
bientôt remarquer à la cour par sa vivacité et son esprit.
En 1777, il composait une petite pièce, intitulée la Pa-
geade, qui se répandit en manuscrit, mais dont Gustave IH
défendit la publication, à cause de quelques allusions qu'elle
renfermait. Il quitta brusquement la cour en 1779, pour
contracter, peu après, un mariage que désapprouvait le
roi. Il se retira alors à Strœmstad, et y passa assez obcu-
rément, presque dans le besoin, le reste de sa vie. Ses
oeuvres, d'une langue élégante et spirituelle, consistent
principalement en traductions ou imitations du français, de
Favart, de Desforges, de Collin d'Harleville, de Marmon-
tel, etc. Voici le titre de quelques-unes : Zaïde (d'après
M"^^ de La Fayette, 1784) ; rAvejiturier ou le Voyage à
Vile de la Lune (inspiré peut-être de Marivaux ou du
Théâtre delà Foire, 1790); les Fausses Confidences
(d'après Barîhe, 1791) ; la Paysanne à la Cour (imité de
Ninette ci la Cour, de Favart, 1793) ; la Caravane (d'après
Morel de Chédeville, 1796); les Rivaux amis (d'après
Forgeot, joué en 1793, imprimé en 1837) ; le Repos (pu-
blié dans Nornan, 1876). — Ses OEuvres littéraires ont
été publiées en partie par Hanselli, en 1861, Th. C.
LANNES. Ancien pays de Gascogne, qui correspond ac-
tuellement à une partie du dép . des Landes. Lannes est
le mot vulgaire qui a prédominé jusqu'à la Révolution, de
préférence à celui de Landes en usage depuis cette époque.
^ 9^23 -
LANNES
Mais, géographiquement parlant, les deux mots ne sont
pas synonymes : si, dans son acception la plus large, on
entend par le mot de Landes toute l'étendue comprise
entre Bayonne et Bordeaux, le pays des Lannes a toujours
été considéré comme beaucoup moins vaste, et comprend
uniquement la région dont Dax est le centre.
Histoire. — Dans les premiers siècles du moyen âge et
jusqu'à l'établissement de la domination anglaise en Guyenne,
ce furent les vicomtes de Dax qui exercèrent la suprématie
dans ce pays ; le premier vicomte de Dax qui prenne ce
titre est Arnaud-Loup en 963. Les vicomtes de Dax dé-
pendirent des ducs de Gascogne, puis des rois de France,
mais le pays conserva ses franchises et ses privilèges, et
les vicomtes, d'abord simples fonctionnaires, s'affermirent
par l'hérédité et devinrent peu à peu propriétaires du
pays; à côté de la vicomte de Dax, mais d'une importance
moindre, existaient les vicomtes de Marennes et de Tartas,
les baronnies de Gosse, de Seignanx, d'Orthe et de Cap-
breton. En 4452, Eléonore de Guyenne ayant divorcé
avec Louis VU et épousé Henri Plantagenet, les Anglais
occupèrent la Guyenne et dès ce moment l'autorité réelle
des vicomtes de Dax-Tartas s'évanouit pour faire place à
celle des sénéchaux anglais. Dax devint le siège de la sé-
néchaussée des Lannes qui eut à sa tête un sous-sénéchal
dépendant du sénéchal de Guyenne, lequel était chargé,
avec le connétable de Bordeaux et le chancelier d'Aquitaine,
de gouverner toute la province. A Saint-Sever et à Bayonne
furent placés des prévôts, officiers de police, administrant
la justice au nom du roi et chargés en outre de la percep-
tion des revenus de la couronne, dont ils rendaient compte
au connétable. Au degré supérieur, la justice était rendue
par les cours féodales de Dax et de vSaint-Sever ; la compé-
tence de ces cours se trouva bientôt restreinte, au point
de vue judiciaire, par la création de la cour de souverain
ressort en 4370, et au point de vue politique par l'impor-
tance que prirent au xiv^ siècle les Etats particuliers de la
sénéchaussée. Il ne semble pas cependant que, sous la do-
mination anglaise, les Etats de la sénéchaussée des Lannes
aient eu une organisation régulière, des réunions pério-
diques et des droits politiques nettement définis.
Lorsque les armées victorieuses de Charles VU eurent
conquis la Guyenne, la situation se modifia. On sait la
rapidité avec laquelle eut lieu cette conquête : Dax fut
pris en 4450 et Bayonne capitula l'année suivante devant
les armées réunies des comtes de Foix et de Dunois. Les
Lannes ne prirent aucune part en 4452 à la révolte des
Bordelais, qui fut suivie d'une nouvelle campagne de
Charles VU et de l'expulsion définitive des Anglais après
la bataille de Castillon (juil. 4453). Charles VIÏ ayant dès
4454 confirmé les franchises et libertés du pays, rien ne
fut changé en apparence dans la situation du pays des
Lannes jusqu'en 4454; quelques-unes des formes de l'ad-
ministration anglaise semblent s'être même conservées.
Mais en 4454 l'administration royale porta une première
atteinte à l'état de choses existant avant la conquête et
menaça les privilèges du pays par la création d'un sénéchal
des Lannes : le capitaine écossais Bobin Petilo fut appelé
à cette charge. Cette innovation devait avoir de graves
conséquences : car, tandis que sous la domination anglaise
la sénéchaussée des Lannes n'était qu'une des divisions
de la sénéchaussée de Guyenne, et que le sous-sénéchal qui
l'administrait était un lieutenant du grand sénéchal de
Guyenne, Robin Petilo maintint son indépendance vis-à-vis
de ce dernier, ne tint aucun compte des appels faits devant
lui ou le juge de Gascogne et déclara ne relever que du
roi et du parlement. Un procureur du roi fut établi dans
la sénéchaussée pour l'exercice de la justice. — Au point
de vue financier, le roi qui avaitbesoin d'argent pour la solde
des gens de guerre et l'entretien des places fortes, fut plus
prudent: il recourut dans la sénéchaussée des Lannes à un
moyen de gouvernement employé avec succès dans le centre
de la France de 4448 à 4454 en réunissant à plusieurs
reprises des assemblées d'Etats de la sénéchaussée et leur
conférant certains droits administratifs et politiques en
échange des aides et subsides qu'il obtenait d'eux. Des
assemblées furent ainsi tenues de 4455 à 4463; les Etats
présentaient leurs doléances sur l'administration des officiers
royaux ; elles étaient examinées par le grand conseil qui
prescrivait des enquêtes, s'il y avait lieu, et réformait les
abus. Pendant plusieurs années, le roi ne leva d'autres
tailles et aides que celles consenties par les Etats ; mais,
peu à peu, les Etats ne furent plus consultés que pour la
forme, et dès 4463 des tailles permanentes furent imposées
dans la sénéchaussée pour l'entretien des gens d'armes.
A partir de 4463, on ne trouve plus trace d'assemblées
d'Etats de la sénéchaussée des Lannes; leur existence fut
éphémère, mais le souvenir ne s'en perdit pourtant pas :
car en 4789 les cahiers de la noblesse, du clergé et du
tiers état de la sénéchaussée sont unanimes à réclamer la
restauration des Etats particuliers de l'élection des Lannes.
Au moment de la Révolution, les Lannes étaient pays
d'élection ; l'élection des Lannes était divisée en trois sub-
délégations: Bayonne, Dax, Saint-Sever. Au point de vue
judiciaire, la sénéchaussée avait deux sièges, à Dax et à
Saint-Sever. Henri Courtfault.
BiBL. : DoMPNiER DE S^uviAG, Ghroiiiques de la cité et
du diocèse d'Acqs; Dax, 1869-73, 2 vol. m-4. — Tartière,
Essai sur la géographie ancienne du dép. des Landes ;
Mont-de-Marsan, 1864, in-8. — Cadier, la Sénéchaussée
des Lannes sous Charles VII; Paris, 1885, in-8.
LANNES. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Nérac, cant. de Mézin ; 745 hab.
LANNES. Com. du dép. delà Haute-Marne, arr. de
Langres, cant. de Neuilly-l'Evêque ; 538 hab.
LAN N ES (Jean), duc de Montebello, maréchal de France,
né à Leetoure (Gers) le 44 avr. 4769, mort à Vienne (Au-
triche) le 34 mai 4809. Fils d'un garçon d'écurie, ap-
prenti teinturier, il s'engagea en 4792, se distingua dans
l'armée des Pyrénées-Orientales, et parvint dès 4795 au
grade de chef de brigade, Bonaparte l'emmena en Italie
et le fit général de brigade après Lodi. Lannes fit partie
de l'expédition d'Egypte, d'où il revint général de divi-
sion (oct. 4799), contribua au coup d'Etat des 48 et
49 brumaire, fut nommé commandant de la garde con-
sulaire (46 avr. 4800), accompagna peu après le premier
consul en Italie, culbuta les Autrichiens à Montebello
(9 juin) et prit une part importante à la victoire de Ma-
rengo (44 juin). Envoyé l'année suivante en Portugal
comme ambassadeur, il n'y fit pas long séjour, les qualités
nécessaires à un diplomate lui faisant absolument défaut.
Maréchal de l'Empire en 4804, il fut un des principaux
lieutenants de Napoléon pendant la campagne de 4 805. Un
peu plus tard, il commandait le centre de la grande armée
àléna (14 oct. 1806), battait les Busses à Pultusk (26 déc.)
et protégeait victorieusement le siège de Dantzig (mai 4807).
L'empereur, après lui avoir décerné le titre de duc de Monte-
bello, l'emmena en Espagne (4808) où Lannes, après sa
victoire de Tudela (22 nov,), mena glorieusement à bonne
fin le siège de Saragosse (24 févr. 1809). Appelé un peu
plus tard en Allemagne (avr. 4809), le maréchal, qui s'é-
tait couvert de gloire à Eckmùhl, Batisbonne et Amstet-
ten, fut frappé à la bataille d'Essling (22 mai) d'un boulet
qui lui fracassa les deux jambes. Il mourut au bout de peu
de jours et l'empereur lui décerna, l'année suivante, les
honneurs du Panthéon. Napoléon lui a rendu à Sainte-
Hélène cet hommage qu'il était infiniment supérieur à
Moreau et à Soult, et que ses talents n'avaient cessé de
grandir depuis son entrée dans la carrière militaire. Il
avait fait annuler son premier mariage avec M^^^ Méric
(dont le fils fut déclaré plus tard illégitime) et épousa
M^^® de Guéhéneuc qui vécut jusqu'en 4856. A. Debidour.
LANNES (Napoléon-Auguste), duc de Montebello, di-
plomate français, né à Paris le 30 juil. 4801, mort à Ma-
reuil-sur-Ay (Marne) le 48 juil. 4874, fils aîné du précé-
dent. Appelé à la Chambre des pairs en 4827, il fut quelque
temps attaché à l'ambassade de Borne sous Chateaubriand
(4828-29), se rallia au gouvernement de Juillet qu'il sou-
LANNES - LANNOY
— 924
tint par de nombreux discours, alla représenter la France en
Danemark (i833), en Prusse (4833), en Suisse (1836),
fut appelé le l^^avr. 1839 au ministère des affaires étran-
gères, où il ne resta que quelques semaines, négocia,
comme ambassadeur à Naples, le mariage du duc d'Aumale
(1844) et fut ministre de la marine et des colonies du 9 mai
1847 au 23 févr. 1848. Ecarté des affaires par la révo-
lution de Février, il fut, en 1849, envoyé par le dép. de
la Marne à l'Assemblée législative, où il combattit la poli-
tique de l'Elysée. Il protesta contre le coup d'Etat du
2 déc. 1851, mais se rallia quelques années plus tard à
l'Empire, qu'il représenta (de 1858 à 1866) à Saint-Péters-
bourg, et fut nommé sénateur le 5 oct. 1 867.
LANNES (Gustave-Olivier), comte de Montebello, gé-
néral français, né à Paris le 4 déc. 1804, mort à Blosseville,
près du Havre, le 29 août 1875, frère du précédent. En-
gagé volontaire en 1830, il servit longtemps en Afrique,
parvint au grade de colonel en 1847, coopéra au coup
d'Etat du 2 déc. 1851 comme aide de camp de Louis-Na-
poléon, qui, peu de jours après, le nomma général de bri-
gade, fut promu général de division le 28 déc. 1855, com-
manda le corps d'occupation de Rome de 1862 à 1864, et
fut appelé au Sénat le 5 janv. 1867. Admis dans le cadre
de réserve en 1869, il rentra dans la vie privée en 1870.
LANNES (Gustave-Louis), comte de Montebello, diplo-
mate français, né à Lucerne le 4 oct. 1 838, fils du duc Napo-
léon-Auguste (V. ci-dessus). Entré dans la diplomatie en
1858, il devint, après avoir passé par les ambassades de
Madrid, du Japon, de Saint-Pétersbourg, de Washington,
de Londres, chargé d'affaires à Munich (1880). Ministre
plénipotentiaire à Bruxelles en 1882, il fut nommé en 1886
ambassadeur à Conslantinople et en 1891 ambassadeur à
Saint-Pétersbourg.
LAN N ES DE Montebello (Adrien-Jean), homme politique
français, né à Paris le 9 août 1851, frère du précédent.
Chef de cabinet de M. Léon Say au ministère des finances
et à la présidence du Sénat, il fut l'un des fondateurs de
r « Union libérale », dont il soutint la politique dans la
Petite République française. Après des candidatures sans
succès à Mirande contre M. P. de Cassagnac (1881), en
Seine-et-Oise (1885) et à Pontoise (1889), il fut élu en
1893 député de la deuxième circonscription de Reims avec
un programme républicain.
LAN N EU FRET. Com. du dép. du Finistère, arr. de
Brest, cant. de Ploudiry; 237 hab.
LAN NI LIS. Ch.-l. de cant. du dép. du Finistère, air.
de Brest, entre l'Aber-Vrac'h et l'Aber-Benoît ; 3,323 ha ).
Tête de ligne du chem. de fer de Brest à Lannilis. Hospic( .
Fabriques de poterie commune et de tuiles ; manufactui f
de couvertures de lit, dites bernes. Eglise des xiv^ e 1
xviii® siècles. Fontaine de Troubérou, xv® siècle. Châteai
de Kerhouarz (xvn® siècle). C. Del.
LAN N ION (Lanium^Lanionum), Ch.-l. d'arr. dudép.
des Côtes-du-Nord, sur la rive droite du Guer ou Léguer,
à 8 kil. en amont de l'embouchure : le fleuve y devient
navigable et forme un port ; 6,002 hab. Stat. du chem. de
fer Paris-Brest ; tète de ligne de celui de Plouaret à Lan-
nion. Collège, bibhothèque, cours normal d'institutrices,
chambre consultative d'agriculture, hospice, prison; consu-
lat de Suède et Norvège. Usine de soude, fabriques d'ins-
truments aratoires, de conserves, de toiles, de papier;
tanneries, blanchisserie de cire, etc. Commerce de chevaux,
bestiaux, beurre, lin, chanvre teille, draps, cordages, pro-
duits de mer. Petit port d'échouageet de refuge. La rivière
coule entre des coteaux de 80 m. de hauteur ; large de 50 m.
à Lannion, elle a 300 m. de largeur au Yaudet, près de son
embouchure dans une rade pouvant recevoir de grands
navires, au fond d'une large baie ouverte auN.-O., sur la
Manche. — Dans la guerre de succession de Bretagne (1341-
64), les comtes de Lannion prirent parti pour Charles de
Blois. En 1346, les Anglais prirent la ville et égorgèrent
ses habitants. En 1592, une juridiction royale y fut trans-
portée de Tréguier.
La ville, aux rues tortueuses et escarpées, offre plu-
sieurs maisons anciennes ; l'église Saint-Jean-du-Baly
(xvi^ et xvii« siècles), avec une tour carrée de 1519;
quelques vestiges de l'église de Kermaria-an-Traon (1178);
la chapelle Sainte-Anne (1650) dépendant du couvent
des dames de Saint-Augustin; ancien monastère d'ur-
sulines (1670), avec une belle façade de l'église (occupé
Vieilles maisons à Lannion.
par le collège et la prison) ; promenades des Quais et
de l'Allée-Verte. Aux environs : sources ferrugineuses;
menhirs celtiques. Au N., sur une hauteur qui domine Lan-
nion, église de la com. de Brélevenez, sorte de faubourg
delà ville (mon. hist. du xn*^ siècle). Armoiries : D'azur a
un agneau pascal d'argent diadème d'or, couché sur
une terrasse de sinople, tenant une croix d'or où est
un guidon d'argent à la croix de gueules. C. Del.
BiBL. : A. Lenepvou de Carfort, Notice histor. sur
Lannion et ses environs, 1875. — Joijrjon, Notice sur le
port de Lannion, dans Ports marit. de Fr., 1878, t. III.
LAN NO (François-Gaspard- Aimé), sculpteur français,
né à Bennes en janv. 1800, mort à Beaumont-sur-Oise le
7 janv. 1872. Elève de Cartellier, il obtint le prix de Rome
en 1827 ; ses principales œuvres sont : Lesbie (ronde bosse,
1832); le Maréchal Brune (bronze, 1841, à Brive-la-
Gaillarde), des statues et bustes pour le Louvre, le musée
de Versailles, le théâtre de Rennes, etc.
LANNOY. Ch.-l. de cant. du dép. du Nord, arr. de
Lille; 1,945 hab. Stat. du Nord, ligne d'Ascq à Tour-
coing. Fabrique de couvertures piquées, de tapis, de tissus
d'ameublement ; tissages de lin et d'étoupes ; fabrique de
coutils; brasseries.
LANNOY-Cuillère. Com. du dép. de l'Oise, arr. de
Beauvais, cant. de Formerie ; 373 hab.
LAN NOY (Guillebeit de), diplomate et voyageur français,
né en 1386, mort le 22 avr. 1462. Il devint chancelier et
chambellan du duc de Bourgogne, et fit preuve de sérieuses
qualités militaires, notamment dans la guerre des Arma-
gnacs et plus tard à la bataille de Brouwershaven. Il reçut
en récompense de sa valeur le poste de gouverneur de la
forteresse de l'Ecluse et fut un des négociateurs du traité
de Troyesdel420, qui donnait la France au roi d'Angle-
terre Henri V. Ce monarque chargea de Lannoy de procéder
— 925
LANNOY - LANGUE
en Palestine à une enquête sur la possibilité de faire revivre
le royaume chrétien de Jérusalem. De Lannoy rédigea
une relation de son voyage intitulée les Pèlerinages de
Surye et de Egipte, et en fît exécuter deux copies desti-
nées l'une au duc de Bourgogne, l'autre au roi d'Angle-
terre. Ce dernier manuscrit existe encore aujourd'hui et a
été publié dans le l. XXI de VArcheologia britannica. On
a retrouvé de nos jours le manuscrit original de Guillebert
de Lannoy ; il est beaucoup plus complet et plus intéres-
sant que la copie, et il a été publié en 4842 par la Société
des Bibliophiles de Mons, sous le titre de Voyages et
Ambassades de messire Guillebert de Lannoy. E, H.
BiBL. : Lelewel, Guillebert de Lannoy et ses voyages en
ikiS^ iki^ et 1^21^ commentés en français et en polonais ;
Posen,1844, in-8; rééd., Bruxelles, 1845, in-8. — Potvin,
Ghillebert de Lannoy ; Bruxelles, 1878, in-4.
LANNOY (Charles de), homme d'Etat belge, né à Va-
lenciennes vers 4487, mort à Gaëte en 4527. 11 fut élevé
avec le jeune Charles, depuis Charles-Quint, qui eut tou-
jours pour lui une vive affection et le nomma chevalier de
la Toison d'or'dès 4545. De Lannoy accompagna son sou-
verain au siège de Tournai en 4524 et devint. Tannée sui-
vante, vice-roi de Naples. Il se distingua à la bataille de
Pavie et fit le roi de France prisonnier. Il fut un des négo-
ciateurs du traité de Madrid, et conclut également avec le
pape un traité que les bandes du connétable de Bourbon
refusèrent de respecter ; les lansquenets se soulevèrent,
chassèrent de Lannoy de leur camp et livrèrent Rome au
pillage. Le vice-roi, découragé, mourut quelque temps
après de la peste. E. H.
BiBL. : Th. Juste, Charles de Lannoy, vice-roi de Na-
ples^ et CharleS'Quintf dans les Bulletins de l'Acad. royale
de Belgique^ 2« série, XXIV.
LAN N UX. Com. du dép. du Gers, arr. de Mirande, cant.
de Riscle ; 428 hab.
LANO. Com. du dép. de la Corse, arr. de Corte, cant.
de San-Lorenzo; 427 hab.
LANOBRE. Com. du dép. du Cantal, arr. de Mauriac,
cant. de Champs ; 4 ,644 hab.
LA NOCLE (Beauvoir) (V. Beauvoir).
LANOUAILLE. Ch.-l. de cant. du dép. de la Dor-
dogne, arr. de Nontron ; 4,776 hab. Stat. du ch. de fer du
Périgord, ligne de Périgueux à Saint-Yrieix. Briqueteries ;
fabrique d'extrait tannique; corroiries; forges; moulins.
LA NOUE (François de), capitaine français, dit Bras de
fer^ né aux environs de Nantes en 4534, mort à Montcon-
tour le 4 août 4594, Il appartenait à une vieille famille
bretonne. Il fit ses premières armes en Piémont, sous les
ordres du maréchal de Brissac. La paix de Cateau-Cambrésis
le ramena dans son château patrimonial. Ce fut vers ce
temps qu'il fit adhésion à la Réforme. La première guerre
civile le compta parmi les lieutenants de l'amiral de Coli-
gny. Au début de la deuxième, il assura Orléans à « la
cause ». Il conduisait l'arrière -garde à la bataille de
Jarnac, et fut fait prisonnier à celle de Moncontour. Bien-
tôt délivré par voie d'échange (4569), il s'empara peu
après de Luçon (4570), mais le surlendemain de ce succès,
le 47 juin, assiégeant Fontenay-le-Comte, il reçut un coup
d'arquebuse qui nécessita l'amputation du bras gauche. Un
mécanicien de La Rochelle ajusta toutefois au moignon
une sorte de crochet métallique lui permettant de tenir la
bride de son cheval, d'où le surnom de Bras de fer que
lui donnèrent ses soldats. L'édit de pacification de Saint-
Germain fut signé sur ces entrefaites ; presque aussitôt il
fut grand bruit d'une expédition qu'allait diriger le roi de
France dans les Pays-Bas contre les Espagnols. La Noue
partit pour ravitailler Mons ; il ne tarda pas à être obligé
de capituler entre les mains du duc d'Albe(49se|)t. 4572).
Bien qu'il connût la Saint-Barthélémy, il n'hésita pas, à
l'appel de Charles IX, à quitter le camp du duc, oii il était
traité avec distinction, et à se rendre dans la ville où, un
mois auparavant, tant des siens avaient trouvé une mort
tragique ; ce (jui montre clairement qu'il ne faisait pas re-
monter au roi la responsabilité du massacre. Il fut chargé
par lui de s'entremettre auprès des assiégés de La Rochelle,
pour amener leur soumission moyennant des garanties rai-
sonnables. Il y joua un rôle très singulier, tantôt négocia-
teur, tantôt belligérant. L'équivoque de sa conduite n'a
jamais été éclaircie. C'est la seule ombre, du reste, qui plane
sur cette grande mémoire. Lors du soulèvement de 4574,
il revint sur le littoral saintongeais, arma une flotte qui
donna Fempire de la mer à ses coreligionnaires. Les an-
nées suivantes sont remplies pour lui de petites expéditions
heureuses, d'ailleurs sans grande portée. En i 578, il re-
partit pour la Flandre où il était appelé parles Etats-Géné-
raux et y reçut la charge importante de grand maréchal
de campl II prit Louvain, Bruges, Cassel (4589), Ninove
(30 mars 4580) ; mais le 40 mai de la même année, il
tomba à son tour aux mains de l'ennemi, et subit, de 4580
à 4585, la plus dure des captivités. Pour se désennuyer,
il écrivit ses admirables Discours politiques et mili-
taires (im, i^^ éd.). Redevenu libre le 28 juin 4585, il
eut à s'acquitter de la délicate mission dont son ami le duc
de Bouillon l'avait chargé au lit de mort : assurer sa riche
succession à sa fille, Charlotte de La Marck. Il en vint
à bout, non sans peine. Cette affaire liquidée, il rallia le
camp du roi de Navarre, qui venait de se réconcilier avec
Henri III (30 avr. 4589). Il combattit à SenUs (1589), à
Arques, à Ivry et fut mortellement blessé à l'attaque de
Lamballe (4591). « Nous perdons un grand homme de
guerre et encore plus un grand homme de bien », dit
Henri IV en apprenant sa mort. La postérité a ratifié ce
jugement. Léon Marlet.
BiBL. : Hauser, François de La Noue; Paris, 1892, in-8.
LA NOUE (Odet de), sieur de Téligny, mort à Paris en
août 4618, fils aine du précédent. Blessé et pris devant
Tournai (1584), libéré en 4591, il prit une grande part
au siège de Paris, à la préparation de l'édit de Nantes,
aux négociations avec les Provinces-Unies (jusqu'en 4647).
Il a écrit des Poésies chrétiennes (Genève, 4594, in-8);
un Dictionnaire des rimes françoises (4596, in-8), etc.
LA NOUE (Jean Sauvé, dit de), acteur et auteur dra-
matique français, né à Meaux le 20 oct. 4701, mort à
Paris le 45 nov. 476L Fils d'un simple chaudronnier, il
fut protégé par le cardinal de Bissy, qui lui fit commencer
ses études au collège des chanoines réguliers de Sainte-
Geneviève, et qui l'envoya les terminer ensuite à Paris,
au collège d'Harcourt. Pourtant, dès l'âge de vingt ans, il
avait pris le parti du théâtre et débutait à Lyon dans les
premiers rôles. De Lyon il allait à Strasbourg tenir le
même emploi, et c'est là qu'il fit ses débuts Uttéraires en
donnant une petite comédie en un acte et en vers libres,
intitulée les Deux Bals. En 4735, il donnait à Paris, à
la Comédie-Italienne, un autre petit acte en vers libres, le
Retour de Mars, qui fut fort bien accueilli. Il prit, avec
une demoiselle Gautier, la direction du théâtre de Rouen,
où il resta cinq années, ce qui ne l'empêcha pas de faire
jouer pendant ce temps, à la Comédie-Française, le 23 févr.
4739, une tragédie intitulée Mahomet II, qui eut du
succès et resta longtemps au répertoire. l\ entra à la Co-
médie-Française et débuta dans une représentation de la
cour, à Fontainebleau, le 44 mars 4742, puis à Paris ; il
fut aussi bien accueiUi de l'un que de l'autre côté, malgré
sa laideur et son physique ingrat. Il y créa des rôles im-
portants dans Mahomet, l'Epoux par supercherie, l'Ecole
des Mères, la Gouvernante, le Méchant, le Dissipa-
teur, ç^Xo,,, et y donna, le 23 févr. 4756, sa fameuse
comédie de la Coquette corrigée, dans laquelle il remplis-
sait le rôle principal et qui obtint un succès considérable.
On cite encore ses vers :
Le bruit est pour le fat, la plainte est pour le sot :
L'honnête homme trompé s'éloigne et ne dit mot.
La Noue prit sa retraite en 4757 ; sa dernière repré-
sentation est du 26 mars. Arthur Pougin.
LANGUE (René- Joseph de), général français, né vers
4740, guillotiné à Paris le 45 avr. 4793. H entra de
bonne heure au service militaire, était lieutenant général
LANGUE — LANSINGBURGH
-- ne
lors de la Révolution ; traduit en justice pour n'avoir pas
marché au secours de Lille, il fut acquitté et commanda
une division de l'armée de Dumouriez ; il fut battu sur la
Roer le 1^^ mars -1793, traduit devant le tribunal révolu-
tionnaire et condamné à mort.
LANGUE (Féiix-Hippolyte), peintre français, né à Ver-
sailles lel4oct, 1812, mort à Versailles le 22janv. 1872.
Elève de Victor Bertin et d'Horace Vernet, il remporta en
1841 le premier grand prix de paysage. Il a reproduit des
sites nombreux de Fontainebleau et des environs de Ver-
sailles. On remarque surtout sa Vue de la Seine à Rouen
(1833) ; celle des Aqueducs de Bue (1835) ; sa Vue
prise à Sassenage (1844) ; sa Vue de Terracine; Saint
Benoît dans les solitudes de Subiaco (1854), tableau
qui se trouve dans l'église Saint-Etienne-du-Mont, à Paris ;
une Vue prise à Pont-Rousseau, près de Nantes, et les
Bords de la Neva (1855). Challamel.
LA NOUE (Charles-Marie-Adolphe, vicomte de), homme
politique français, né à Saint-Brieuc le 6 mars 1843. Zouave
pontifical (1867), il fit la campagne de 1870 dans les vo-
lontaires de l'Ouest. Grand propriétaire, conseiller général
des Côtes-du-Nord, il fut élu député de ce département le
25 nov. 1888, en remplacement de M. de Belizal, et (ut
réélu en 1889 et en 1893. Membre de la droite, il appuya
le boulangisme.
LA NOUÉE. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de Ploër-
mel, cant. de Josselin ; 2,403 hab. Forges et haut fourneau.
Forêt particulière d'une contenance d'environ 3,500 hect.
Bel étang.
LANOUX. Lac de France (V. Pyrénées-Orientales).
LANOUX. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Pamiers,
cant. du Fossat; 123 hab.
LANQUAIS. Com. du dép, de la Dordogne, arr. de Ber-
gerac, cant. de Lalinde ; 660 hab. Carrières de pierres de
taille. Ancien château de la famille de Gourgues; cons-
truction du xiv^ siècle avec remaniements de la Renais-
sance. On y conserve une belle collection des objets pré-
historiques provenant des grottes du Périgord.
LANQUES. Com. du dep. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Nogent ; 465 hab. Coutellerie.
LANQUETOT.Com. du dép. de la Seine-Inférieure, arr.
du Havre, cant. de Bolbec; 1,158 hab.
LANRELAS. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Dinan, cant. de Broons; 1,925 hab.
LANRIEC. Com. du dép. du Finistère, arr. de Quim-
per, cant. de Concarneau; 2,103 hab. Fabriques de con-
serves alimentaires et de sardines à l'huile.
LANRIGAN. Com. du dép. d'IUe-et-Vilaine, arr. de
Rennes, cant. d'Hédé; 218 hab.
LAN Ri VAIN. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Guingamp, cant. de Saint-Nicolas-du-Pélem ; 1,551 hab.
LANRIVOARÉ. Com. du dép. du Finistère, arr. de
Brest, cant. de Saint-Renan ; 783 hab. Stat. du chem. de
fer de Brest à Ploudalmézeau. Granit, engrais. Cimetière
célèbre des 7,777 martyrs, peuplade chrétienne massacrée
par les païens ; il s'y tient un pardon annuel. Eglise de
1727, sur l'emplacement d'une autre dont on ignore l'an-
tiquité ; château de Penandreff. C. Del.
LAN RO DEC. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Guingamp, cant. de Plouagat: 1,680 hab.
LANS (Glacier) (V. Isère, t. XX, p. 988).
LAN S (Monts de) (V. Isère, t. XX, p. 989).
LANS. Com. du dép. de l'Isère, arr. de Grenoble, cant.
du Villard-de-Lans;978hab.
LANS. Com. du dép. de Saône-et-Loire, arr. et cant. de
Chalon-sur-Saône ; 201 hab.
LANS-LE-BouRG. Ch.-l. de cant. du dép. de la Savoie,
arr. de Saint-Jean-de-Blaurienne, sur la r. dr. de l'Arc;
914 hab. Mine de cuivre ocreux de la concession de Cléry.
Commerce de bestiaux, de beurre, de fromages. Forêt
communale. Clocher du xii^ siècle.
LANS-le-Vjllard. Com. du dép. de la Savoie, arr. de
Saint-Jean-de-Maurienne, cant. de Lans-le- Bourg; 545 hab.
LANSAC. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Blaye,
cant. de Bourg-sur-Gironde; 617 hab.
LANSAC. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant de Pouyastruc: 118 hab.
LANSAC. Com. du dép. des Pyrénées-Orientales, arr. de
Perpignan, cant. de Latour-de-France ; 91 hab.
LANSAC (François- Emile de), peintre français, né à
Tulle (Corrèze) en 1804, mort à Paris le 2 avr. 1890.
Elève de Langlois et d'Ary Scheffer, il s'adonna d'abord à
la pemture d'histoire, puis devint surtout portraitiste. Ses
tableaux prmcipaux sont : Episode du siège de Missolon-
ghi; Chasseurs au marais (1852) ; V Aumônier du ré-
giment (1855) ; Chevaux en liberté (1857) ; Un Page
(1878). Parmi ses portraits, nous citerons ceux de Napo-
léon i«^, d'Olivier de Clisson, du Duc d'Orléans et du
Prince Louis-Napoléon, Challamel.
LANSARGUES. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de
Montpellier, cant. de Mauguio ; 1,618 hab.
LANSBER6E (Philip Van), mathématicien belge, né à
Gand le 25 août 1561, mort à Middelburg le 8 nov. 1632.
Après avoir étudié la théologie en Angleterre, il fut mi-^
nistre protestant à Anvers; après la prise de cette ville en
1585 par les Espagnols, il se réfugia à Goes en Zélande,
puis s'établit en 1615 à Middelburg, oti il se consacra aux
mathématiques. Son premier ouvrage, Triangulorum geo-
metricorum libri quinque, est daté de 1591 ; sa Cyclo-
metria nova de 1616 (nouv. éd. en 1628) renferme un
calcul de tt avec 30 décimales.
LANSBERGEN (Jacques Van), mathématicien hollan-
dais, né à Goes vers 1590, mort en 1657. Il soutint bril-
lamment le système de Copernic contre Phocyhdes, Bartho-
lin, Libert Froidmont, Morin , etc. Les deux principaux
ouvrages de J. Van Lansbergen sont : Disputatio episto-
laris et scholastica de moscho adversus medicos Mittel-
burgenses (Middelburg, 1613-14, in-8); Apologia pro
commentationibus Lansbergii in motum terrœ diur-
num et annmim(id, 1633, in-4).
BiBL. : Paquot, Mémoires pour servir à l'histoire litté-
raire des XVII prov, des Pays-Bas; Louvain, 1765, 3 voL
m-foL — Gaillard, De l'Influence exercée par la Belgique
sur les Provinces-Unies sous le rapport politique et in-
tellectuel, depuis l'abdication de Charles-Quint jusqu'à la
paix de Munster ; Bruxelles, 1855, in-8.
LANSCASTÉRITE (V. Hydromagnésite).
LANSDELL (Henry), missionnaire anglais, né à Ten-
terden (Kent) vers 1840. Entré dans les ordres en 1867,
il s'occupa activement des missions irlandaises, fonda le
Clergyman's Magazine qui tira à 300,000 exemplaires
et fut très répandu en Angleterre et en Amérique. Grand
voyageur, il parcourut l'Irlande, l'Allemagne, les pays Scan-
dinaves, l'Autriche, la Bussie, l'Asie centrale, l'Amérique,
l'Afrique, faisant partout de la propagande religieuse et
charitable, et recueillant d'importantes collections, notam-
ment sur la faune du Turkestan. Il a écrit : Trough Sibe-
ria (Londres, 1882, 2 vol.), traduit en allemand, en sué-
dois, en danois; Russian central Asia{i^^^,1 voL),etc.
LANSDOWNE. Plaine d'Angleterre, comtéde Salisbury,
près de Bath, où fut livrée une bataille entre les royalistes
et les parlementaires le 5 juil. 1643. On y élève une belle
race de moutons.
LANSDOWNE (Lord) (V. Granville).
LANSDOWNE (Marquis de) (V. PETir).
LANSIN6. Ville des Etats-Unis, cap. de l'Etat de Michi-
gan, sur le Grand River, au S. de la grande presqu'île;
12,000 hab. Fondée en 1847 par des colons venus de
Lansingburgh, au milieu de vastes forêts, elle utihse pour
en exploiter les produits la force hydraulique de sa rivière
et fait un commerce actil de bois, planches, farines, etc.
LANSINGBURGH. Ville des Etats-Unis, Etat de New
York, sur la r. g. de l'Hudson, près du confluent du
Mohawk; 9,000 hab. Située en face de Waterford, c'est
comme elle une cité manufacturière et très commerçante ;
ûh fabrique des brosses, toiles cirées, etc. Elle a été
fondée en 1770.
LAN SON (Alfred-Désiré), sculpteur français, né à Or-
léans le il mars 4851. Entré à l'Ecole des beaux-arts à
l'âge de dix -huit ans dans les ateliers de Jouffroy et de
Millet, il remporta le grand prix de Rome en 1876, sur ce
sujet : Jason enlevant la Toison cVor, Il exposa depuis :
Diane (1875) ; la Fontaine (1876); Jason (1878), qui
appartient au musée d'Orléans; la Résurrection (1879) ;
Juditk (1880); l'Age de fer (1884); Douleur mater-
nelle (1883); le Sphinx (1884); la Vierge et V Enfant
{i%%%)\laDernière Orgie d'Attila^ la Géographie (1 889),
et nombre de bustes. G. A.
LAN SON (Gustave), litlérateur français, né à Orléans
le 5 août 18o7. Elève de l'Ecole normale supérieure, doc-
teur es lettres, professeur de rhétorique au lycée de
Toulouse, puis à Paris (lycée Michelet, Charlemagne et
Louis-] e-Grand), il fut ensuite nommé suppléant de M. Bru-
netière à l'Ecole normale pour les conférences de littéra-
ture française. On lui doit : Nivelle de La Chaussée et
la Comédie larmoyante (Paris, 1887, in-8); Bossuet
(Paris, 1891, in-18); Boileau (Collection des grands
écrivains) (Paris, 1892, in-16) ; Histoire de la littéra-
ture française (Paris, 1894, in-16); Choix de lettres
du xvii^ et du xviii^ siècle (Paris, 1890-91 , 2 vol. in-16);
Principes de composition et de style, des conseils sur
Vart d'écrire (Paris, 1887, in-16), outre plusieurs articles
de la Revue des Deux Mondes^ la Revue bleue, la Revue
universitaire, etc.
LANSQUENET. I. Histoire.— Ce nom (aliem. Lands-
knecht) fut donné à la iin du xv^ et au xvi® siècle aux merce-
naires allemands qui jouèrent un grand rôle dans les guerres
de cette époque. L'empereur Maximilien P^ n'étant secondé
dans ses guerres ni par la noblesse de ses Etats hérédi-
taires, ni par la chevalerie de l'Empire, fit lever en 1487,
par le comte de Zollern et Georg de Frundsberg, dans ses
Etats autrichiens, des gens de la campagne et des villes qu'il
solda et équipa sur le modèle des Suisses avec de longues
piques ou hallebardes et des épées. Il leur donna le nom de
« gens du pays ou de la campagne », par opposition aux
Suisses, « gens de la montagne », Ceux qui furent levés en
Souabe furent quaHfiés de soldats du haut pays {Oberlœn-
dische Knechte), ceux des cercles septentrionaux de soldats
des pays bas. Les nobles, pour ne pas être mis à l'écart, bri-
guèrent bientôt les places d'officiers ou même s'enrôlèrent
dans le rang. Le recrutement s'opérait très simplement.
L'empereur donnait à un militaire une patente de colonel
avec mission de lever un régiment de lansquenets dont il
indiquait le règlement. Le colonel désignait son lieutenant-
colonel et un capitaine par compagnie ; ceux-ci faisaient
tambouriner l'annonce de la formation du corps, et l'af-
fluence des recrues était telle qu'ils se montraient fort dif-
ficiles dans le choix. Il fallait que l'homme fût vêtu d'un
pourpoint, chaussé, muni d'un casque, d'une cuirasse, d'une
bonne épée et d'une forte pique ou de l'argent nécessaire
pour les acheter. Une fois enrôlé, le soldat recevait une
pièce de monnaie et l'indication du lieu de rassemblement.
Un officier expéiimenté les y passait en revue, en présence
du colonel et du capitaine, et l'on inscrivait l'équipement
de chacun, les faisant passer sous des piques dressées
comme celles du joug romain. Le soldat complètement har-
naché recevait double solde ; on lisait le règlement et on
faisait prêter serment. Le colonel constituait alors le corps
d'officiers et l'état-major, remettait le drapeau ; puis chaque
compagnie s'assemblait à part; le capitaine désignait le
lieutenant et le maréchal des logis ; les soldats élisaient le
sergent, le fourrier et le caporal. Un régiment compor-
tait de 10 à 16 compagnies, dont l'effectif pouvait se mon-
ter à 400 hommes; chacune comptait sous Charles-Quint
50 arquebusiers, mais ce nombre tendait à croître, l'arme-
ment à feu étant moins coûteux que l'autre. Un régiment
avait, outre le colonel, le lieutenant-colonel et les capi-
taines; la maison de ceux-ci, ordonnances {Trabants),
valets, secrétaires, chapelain ; un enseigne, un maréchal des
logis et un sergent par compagnie ; un juriste au courant
- 927 — LANSON — LANSQUENET
du droit civil et pénal ; un maréchal des logis chef, un
officier comptable des subsistances et un quartier-maître,
plusieurs courriers ; un prévôt destiné à statuer sur les
affaires de police et les délits légers, le geôlier et ses aides ;
le bourreau vêtu d'un pourpoint rouge, une plume rouge
sur son chapeau, armé du large glaive de justice; le fonc-
tionnaire préposé à la surveillance des familles des soldats
et des femmes qui suivaient le régiment était assisté d'un
prévôt ; enfin il y avait un tambour et un fifre par com-
pagnie. La marche se faisait sans ordre ; avant le com-
bat, les lansquenets mettaient genou en terre pour prier,
puis avançaient piques baissées. En avant étaient les « en-
fants perdus », puis le gros de la troupe en bataillon carré
avec nombre impair de files (afin de porter bonheur). La
justice était rendue par un jury de 41 soldats, le prévôt
jouant le rôle d'accusateur public, le prévenu recevant un
avocat. S'il était condamné à mort, le coupable était amené
entre une double rangée de piquiers qui le transperçaient.
Cette organisation s'altéra dès que les lansquenets en-
trèrent à la solde de princes étrangers, en particulier des
rois de France. Au xvii® siècle, ils disparurent au moment
de la guerre de Trente ans, les armées de mercenaires
ayant perdu tout caractère national. A. -M. B.
IL Jeu. — Jeu de cartes introduit en France vers la fin
du xvi« siècle, par les reîtres et les lansquenets que Henri IV
avait pris à sa solde, et qui se signalèrent notamment à la
bataille d'Ivry (L590). Ce jeu eut dès son apparition une
grande vogue à l'armée et à la cour sous Louis XIIL Mais
à la suite des scandales qui furent provoqués par l'abus des
jeux de hasard, Colbert dut rendre une ordonnance inter-
disant ce jeu dans le royaume. L'usage du lansquenet n'en
continua pas moins à régner dans tous les tripots, brelans
et tapis francs mal famés qui pullulaient à cette époque.
Mais il disparut néanmoins, détrôné par d'autres jeux de
hasard où la fraude paraissait moins aisée. De nos jours il
est devenu plutôt un jeu de famille.
Le lansquenet se joue avec un jeu complet de cinquante-
deux cartes, ou avec plusieurs jeux réunis. Les joueurs se
décomposent en deux camps : d'un côté un banquier, dé-
signé par le sort; do l'autre, un nombre illimité de joueurs
ou pontes. Le banquier, après avoir battu les cartes, fait
couper à sa gauche, et déclare ensuite la somme qu'il met
en banque, c.-à-d. qu'il entend risquer sur le coup. Le
premier joueur à sa droite a la parole, et peut tenir tout
ou partie de la somme engagée par le banquier. S'il en tient
la totalité, on dit que le jeu est fait, et la partie s'engage
entre le banquier et le premier ponte seul. S'il n'en tient
qu'une partie, le second joueur a la parole, et ainsi de
suite jusqu'à ce que la totalité do la somme en banque soit
faite. Cha(jue joueur peut faire à lui seul la somme entière,
en se substituante tous les autres, quelle que soit sa place au
jeu. C'est ce que l'on appelle faire une relance. Si les pontes
n'arrivent pas à parfaire la somme entière mise en banque,
le banquier peut ou diminuer cette somme, ou passer la main.
Quand le jeu est fait, le banquier tourne une carte qu'il
place à sa gauclie, en disant « pour moi » et une autre à
sa droite, en disant « pour vous ». Puis il tourne des
cartes qu'il place entre les deux j)remières jusqu'à ce qu'il
en tire une carte semblable, soit à la sienne auquel cas il a
gagné, soit à celle des pontes ; il a alors perdu, abandonne
sa mise et cesse d'être banquier. S'il tire pour lui, et pour
les pontes une carte identique, il y a un refait; il a alors
gagné. Dans ce cas, il peut retirer le gain réaHsé et conti-
nuer la partie. Si le banquier a gagne, il doit laisser son
gain et sa mise, jusqu'à ce qu'il perde, de sorte que le
jeu est doublé, quadruplé, etc. Si le banquier vient à perdre,
il passe la main à son voisin de droite, qui devient banquier
à son tour.
Si le banquier gagne, il garde la main tant qu'il gagne.
Toutefois, il n'y est pas forcé. Il peut la passer, la donner
ou la vendre. Mais, quand celui auquel la main a été
donnée ou vendue vient à perdre, la main revient à celui
qui Taurait eue dans l'ordre naturel. Lucien Saint.
LANSQUENET — LANTENNES
— 928 —
BiBL. : Histoire. -— Leitner, Das Kriegswesen in
Deutschland unter Maximilian /^r und Karl V ; Leipzig,
1859. — Wessely, Die Landshnechte (av. 31 fig. d'après les
originaux contemp.); Gœrlitz, 1877.— Blau, Die deutschen
Landshnechte, 1882.
LANSYER (Maurice-Emmanuel), peintre français, né à
l'île de Bouin (Vendée) le 18 févr. 1835, mort le 22 oct.
1893. Il se destina d'abord à l'architecture et, étant entré
chez Viollet-le-Duc, il travailla en d860 à la restaura-
tion de la cathédrale d'Auxerre; mais, s'étant essayé au
fusain, il ne tarda pas, grâce aux conseils de Courbet et de
M. Harpignies, à acquérir un joli talent de paysagiste.
Au Salon de 1861, il exposa un paysage d'hiver; et de-
puis ce fut, chaque année, une suite de paysages dont la
Bretagne fournit le plus grand nombre de sujets': Matinée
de .septembre à Douarnenez (4865) ; Bords de VEllée au
Faouet {Wovh'ûidLïi); Lavoir à marée basse (1866), qui
appartient au musée de Tours; Source en Bretagne (i 868),
au musée de La Roche-sur- Yon ; Rivière de Pouldakut
(1870), au musée d'Auxerre ; Lande de Kerlouarnech, au
musée du Luxembourg; Rochers d'Arvechen (musée de
Lille) ; V Escalier du Bac du Port Ru, le Ruisseau de
Kilrouarn. En dehors de ces paysages, souvent un peu gris,
mais très clairs et d'une atmosphère limpide, Lansyer, seVes-
souvenant de ses études premières en architecture, revint
souvent, et surtout vers la fin de sa carrière, à la reproduction
des monuments. Une Vue du château de Pierre fonds est
au musée du Luxembourg. On lui doit encore des vues de
Trianon, deVInstitut de France, de Notre-Dame de Pa-
ris, du Palais de la Légion d'honneur, etc. G. Armelin.
LANTA. Ch.-l. de cant. du dép. de la Haute-Garonne,
arr. de Villefranche ; 4,331 hab.
LAN TA BAT. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Mauléon, cant. d'Jholdy: 577 hab.
LANTA6ES. Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-sur-
Seine, cant. de Chaource ; 475 hab.
LANTAN. Com. du dép. du Cher, arr. de Saint-Amand,
cant. de Dun-sur-Auron ; 310 hab.
LANTANA. I. Botanique. — {Lantana L.). Genre de
Verbénacées, voisin des Verbena (V. ce mot), dont il dif-
fère principalement par la corolle à lobe quadrilobé, l'ovaire
à 2 loges uniovulées. Le fruit est une drupe à 1 ou 2 graines
exalbuminées. Les fleurs sont disposées en épis ou m capi-
tules axillaires pédoncules. Les Lantana sont des arbustes
répandus dans les régions des deux mondes. Ils ont à peu
près les propriétés des Labiées. Plusieurs espèces brésiliennes
servent en infusion comme le thé; telles sont : L.pseudo-
ihea A.-S. H., le Capitao do mato ou cha de pédestre des
indigènes, et L. macrophylla Mart., correspondant pro-
bablement, avec le L. Camara L., espèce des Indes occiden-
tales, aux Camara de Pison ; ces plantes jouissent toutes
de propriétés diaphorétiques, anticatarrhales et antirhuma-
tismales ; ces propriétés se retrouvent dans une foule d'autres
espèces du même genre. Les feuilles pulvérisées du L. sal-
vifolia Jacq., probablement le Pulquin de Feuillée, servent
à faire des cataplasmes émollients. Les fruits des L. an-
mia L et L. trifolia L. sont comestibles. D*" L. Hn,
II. Horticulture. — Plusieurs espèces âe Lantana sont
cultivées en pleine terre: L. camara L., à fleurs jaunes ;
L, nivea Vent., à fleurs blanc de neige, d'une odeur
agréable; L. odorataL., à fleurs lilas; L, flava Jacq.,
à fleurs orangé. Ces arbrisseaux et leurs nombreuses va-
riétés ne supportent le plein air que pendant la belle sai-
son. Ils croissentrapidement et servent à faire des corbeilles
d'un charmant efl^et, des bordures autour des massifs de
bois. Ils supportent bien la taille et se plient aisément
aux diverses formes qu'on leur donne. Les Lantana se
plaisent en terre franche à l'exposition du S. Ils veulent
des arrosages fréquents en été. On les multiplie de bou-
tures prises sur des pieds rentrés en serre, et qu'on élève
sur couche et sous châssis, en février. Les boutures se font
aussi en automne, sous cloche. G. Boyer.
LANTANOTHERIUM (Paléont.). Genre de Mammifères
fossiles du miocène de France, voisin des Cladobates (V.
ce mot et Insectivores [Paléont.]).
LAN-TAO. Ile de la baie de Canton à 11 kil. 0. de Hong-
kong, séparée du continent par un détroit de 2 kil. et demi.
Elle a 26 kil. de long du S.-E. au N.-E., 8 kil. de large,
150 kil. q. de superflcie; son plus haut pic atteint 930 m.
LANTARA (Simon-Mathurin), peintre français, né à
Oncy (Seine-et-Oise) le 24 mars 1729, mort à Paris le
22 déc. 1778. Fils d'un ouvrier tisserand, il fut occupé
aux champs pendant son enfance. Ayant montré des dis-
positions naturelles pour le dessin, il fut emmené à Paris
par le fils du propriétaire chez lequel il travaillait, et placé
d'abord chez un peintre établi à Versailles. H revint ensuite
à Paris, se mit au service d'un autre artiste, et commença
à se faire connaître par ses croquis et ses paysages. Nature
sincère, observateur doué d'une certaine vivacité d'obser-
vation, fidèle à son origine populaire et peu porté à des
œuvres académiques, Lantara se fit le paysagiste de la ban«
lieue parisienne. Il créa un genre où il aurait pu occuper
une plus belle place, s'il avait été moins insouciant, moins
livré à son humeur vagabonde d'artiste « bohème ». H avait
le laisser-aller de l'ouvrier qui ne compte pas ; vivant au
cabaret, il vendait, sans en tirer le plussouventun bon parti,
ses jolis dessins, ses tableaux des bords de la Seine et des
environs de la capitale. Lantara se plaisait à animer ses
paysages par des effets de soleil : il imitait Claude Lorrain,
tout en rendant la nature dans sa réalité; il était, lui
aussi, en petit, un peintre de la lumière. Ses œuvres
étaient assez goûtées, puisqu'il eut comme collaborateur,
pour les figures, Casanova et Taunay. Quelques-unes de
ses peintures furent gravées par Lebas (V. dans l'œuvre
de celui-ci cette suite : Premier Livre de Vues en douze
feuilles des environs de Paris, d'après Lantara), Mal-
heureusement, ce peintre ingénieux et primesautier lutta
avec la misère, et entra à l'hôpital de la Charité, où il
mourut. Sa biographie est demeurée un peu romanesque ;
il a inspiré une pièce de théâtre, un vaudeville dont il est
le héros très fantaisiste. Le Louvre possède un de ses ta-
bleaux, Effet du Matin; quelques toiles et quelques' des-
sins se trouvent dans des musées de province (à Besançon,
Montargis, Châteauroux, etc.), et dans des collections
d'amateurs. Ant. Valabrègue.
BiBL. : Bellier de La Chavignerie, Recherches bio-
graphiques, historiques et littéraires sur le peintre Lan-
tara, 1882. — Ch. Blanc. Histoire des Peintres de toutes
les écoles.— Archives de Vart français, 1857-1858, t. V. —
Le Magasin pittoresque, 1887.
LAN-TCHÉOU-Fou. Ville de Chine, capitale du Kan-sou,
sur la r. dr. du Hoang-ho, à 40 kil. avant son coude vers
le N. et 1,600 m. d'alt. ; 500,000 hab. (d'après Kreit-
ner). C'est un centre commercial de premier ordre au point
de convergence des routes de la Chine et de la Mongolie
vers les pays du Thian-chan (Dzoungarie, Turkestan chi-
nois) et vers le Koukou-nor et le Tibet. La ville est au pied
des contreforts des monts Maha-chan ; son enceinte crénelée
est petite, mais flanquée de trois vastes faubourgs eux-
mêmes entourés de murs. Ses rues dallées sont très propres.
Un pont de bateaux traverse le Hoang-ho, large de 300 m.
Le fleuve fournit l'eau à de magnifiques réservoirs publics
qui alimentent la ville. On y fabrique des draps, des étofl'es
en poil de chameau, des soieries, des objets en bois et
pierre sculptés, de la bijouterie d'argent et de jade, des
instruments de laiton et de fer qui sont avec les denrées
agricoles (légumes, fruits, tabac, thé) l'objet du trafic. La
houille des mines voisines est consommée dans les usines
où les Européens ont installé des machines à vapeur et dans
la fonderie de canons.
LANTÉFONTAINE. Com. du dép. de Meurthe-et-Mo-
selle, arr. et cant. de Briey ; 243 hab.
LANTENAY. Com. du dép. de l'Ain, arr. de Nantua,
cant. de Brenot ; 322 hab.
LANTENNES-Vertière. Com. du dép. du Doubs, arr.
et cant. de Besançon ; 405 hab.
929 -
LANTENOT - LANTERNE
LANTENOT. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Lure, cant. de Luxeuil; 385 hab.
LANTERNE. I. Technologie. —-Nom de divers appa-
reils d'éclairage, les uns portatifs, les autres fixes, ordi-
nairement composés d'une enveloppe vitrée dans laquelle
est renfermée la source lumineuse. La lanterne portative
n'a pas besoin de description ; elle a du reste peu varié de
forme depuis l'ancien falot de nos pères jusqu'aux appareils
plus élégants et plus commodes qu'on emploie aujourd'hui.
La lanterne sourde est disposée de telle liaçoji que celui qui
la porte peut à volonté cacher sa lumière et voir sans être
vu. Les lanternes fixes, généralement appliquées à l'éclai-
rage public, sont supportées par des consoles ou par des
candélabres en fonte, et peuvent recevoir des lampes à
l'huile ou des becs de gaz ; ce sont des cages vitrées des-
^tinées à mettre les flammes à l'abri de l'action du vent ;
elles doivent être munies d'ouvertures suffisantes pour
permettre l'introduction de l'air de la combustion et l'éva-
cuation des gaz brûlés. Les lanternes employées dans les
rues de Paris sont de deux catégories principales. Dans les
quartiers riches, elles sont rondes; dans les quartiers
excentriques, elles sont carrées. Le remplacement des
verres bombés est en effet beaucoup plus onéreux que celui
des verres plans. Les verres sont soutenus par quatre
montants ; pour rendre étanches les joints avec les mon-
tants, on a l'habitude, à Paris, de mastiquer les verres.
L'un des quatre verres latéraux des lanternes est monté
sur une porte que l'allumeur ouvre pour le nettoyage. Le
fond vitré de la lanterne est muni d'une petite porte dite
tapillon, qui permet le passage de la lampe d'allumage.
Le nettoyage des verres des lanternes est généralement
effectué par le personnel chargé de l'allumage et de l'extinc-
tion. Le traité passé entre la ville de Paris et la Compa-
gnie parisienne stipule que ce nettoyage doit être exécuté
tous les jours. L. Knab.
II. Archéologie. — Appareil d'éclairage entouré d'une
cage qui protège la flamme contre le vent ou la pluie.
Il faut distinguer les lanternes portatives et les lanternes
fixes, et, parmi les unes ou les autres, diverses variétés.
On trouvera sur les uns et les autres d'amples détails
dans l'art. Eclairage, t. XV, pp. 333 et suiv. Nous les
compléterons au point de vue archéologique. Les lanternes
portatives étaient très usitées des Romains. 11 semble,
d'après une épigramme de Martial, qu'on les portait atta-
chées sur le vêtement, prebablement à la ceinture. Les
gens riches se faisaient accompagner le soir d'un esclave
porte-lanterne (lafiternarius) . L'armature de la lanterne
devait être en métal. Une lanterne de bronze trouvée à
Pompéi est conservée au musée de Naples. Quant aux
parties transparentes, Martial nous apprend qu'elles se
taisaient en corne ou en peau de vessie, et Cicéron
(lettre LXXIX) parle des lanternes closes en toiles huilées
dont se servaient les pauvres. Pour le moyen âge, outre
de très nombreux textes, on a des lanternes dont les plus
anciennes remontent au xii^ siècle. Telle était sans doute
la lanterne dite de Malchus ou de Judas conservée jusqu'à
la Révolution dans le trésor de Saint-Denis et assez sem-
blable à une lanterne du xii« siècle du musée d'Oxford.
Celle-ci est de même en fonte de cuivre percée de petites
ouvertures garnies de cabochons en cristal de roche. Elle
est cylindrique et a un toit en poivrière bojubé et côtelé.
Une lanterne de même métal et d'un système analogue, cou-
verte d'ornements et remontant au xin^ siècle, fait partie de
la collection Onghena, à Gand. On distinguait à cette époque
les lanternes suspendues par des chaînes des es-conces
(absconsa)^ sorte de lanterne sourde dont le couvercle
avait une poignée. Vilard de llonnecourt donne dans son
album le dessin d'une esconce tournée, probablement en
cuivre. Elle a la forme d'une sphère surmontée d'une che-
minée, et a diverses ouvertures découpées, assez petites.
On remarque une ornementation très soignée sur les lan-
ternes qui viennent d'être citées ; bien plus, beaucoup de
comptes des xfii^, xiv*^ et xv^ siècles mentionnent des lan-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXI.
ternes en or et en argent, parfois ornées d'émaux et d'autres
décorations précieuses. C'est qu'en un temps où aucun pro-
cédé connu n'était assez puissant pour éclairer l'exté-
rieur et les grands espaces, nul ne pouvait ne pas faire
usage de lanternes, et les seigneurs tenaient à mettre du
luxe dans toute pièce de mobilier. De plus, lorsque le via-
tique était porté de nuit aux malades, le prêtre était es-
corté d'un clerc portant une lanterne ornée en raison de
son usage sacré : de là vient que des lanternes riches étaient
conservées dans les trésors d'église. Les comptes mention-
nent aussi du xiii^ au xvi« siècle des lanternes très petites
en métaux précieux : celles-là étaient des joyaux que les
femmes suspendaient à leur ceinture et où l'on renfermait
non une lumière, mais des parfums, spécialement des 0/5^-
lets de Chypre (V. ce mot).
La plupart des lanternes du moyen âge, du xvi^ et du
XVII® siècle étaient, comme celles de l'antiquité, garnies de
plaques de corne : c'est pourquoi nous voyons dans le livre
des Mestiers d'Etienne Boileau qu'au xm® siècle les lan-
terniersne formaient qu'une corporation avec les peigniers.
Au XIV® et au xv® siècle, l'usage des lanternes de cuivre
ou dinanderie persiste : on en fait en plaques de laiton ré-
percées à jour (xv^ siècle, collection Figdor, à Vienne). Au
xvii® siècle, on fait grand usage des lanternes pliantes en
toile ou en papier que nous nommons lanternes véni-
tiennes ; mais, pour plus d'économie encore, les gens du
peuple circulent la nuit avec des chandelles entourées d'un
cornet de papier. Les falots montés sur un axe au bout
d'une hampe constituent un autre genre de lanternes por-
tatives. Dès le XIV® siècle elles étaient en usage, comme le
montre une miniature de manuscrit de la bibliothèque de
Besançon représentant un cavalier du guet. Ce genre de
lanterne était aussi usité dans les églises pour les proces-
sions et pour l'accompagnement du viatique. L'église de
Vézelay en conserve un beau spécimen du xv^ siècle en tôle
découpée entourée de clochetons et coiffée d'une poivrière.
Les exemples analogues des xvi^, xvii® et xvm® siècles sont
communs dans les églises du N. de la France. Les appa-
reils portatifs d'éclairage appelés mestriers et palettes
sont plutôt des bougeoirs que des lanternes.
Les lanternes fixes ou réverbères sont en usage au
moins depuis le xiv® siècle, époque où l'on suspendait dans
les appartements de grandes lanternes à monture de mé-
tal. Elles devinrent surtout communes au xviii® siècle. Au
XV® siècle, on voit dans l'escalier de Dunois, au château de
Châteaudun,des cages en pierre découpée ménagées dans les
angles de la cage d'escalier pour recevoir des lampes. Quant
aux lanternes extérieures, au début du moyen âge, on avait
des lumières brûlant devant les images saiiites, nombreuses
aux façades et aux angles des maisons ; au xvi® siècle,
d'autres lanternes vinrent s'y ajouter. On connaît pour cette
époque les belles lanternes qui ornent les angles du palais
Strozzi à Florence; à Paris, sous Henri IV, de nombreuses
lanternes servent d'enseigne aux barbiers, dont l'exemple
est suivi par les pâtissiers. Ces lanternes, dont se déco-
raient aussi les salles et tréteaux de spectacles, s'appe-
laient lanternes vives parce qu'elles étaient pourvues de
figures en carton découpé formant ombres chinoises; elles
étaient placées entre la lumière et la paroi en toile ou en
papier de la lanterne; une hélice placée dans la cheminée
de celle-ci était mise en mouvement par l'air chaud et la
fumée et leur communiquait un mouvement giratoire. Au
XVI® siècle, c'étaient des défilés de gens d'armes que l'on
y figurait; un peu plus tard, la vogue était aux animaux
fantastiques.
Les^ lanternes de voitures sont usitées depuis le
xvn® siècle. Les lanternes ou fanaux de navires sont au
contraire d'un usage très ancien. Un bas-relief de la co-
lonne Trajane montre une grande lanterne cylindrique à
dessus plat, suspendue à la poupe d'un vaisseau. Les navires
du XVII® siècle avaient aussi à la poupe d'énormes lanternes
se dressant au-dessus du traffail. VArmeria real de Madrid
conserve plusieurs de ces lanternes remontant à l'époque de
59
LANTERNE — 930
la Renaissance. Les lanternes de phares sont également
d'invention très ancienne (V. Phare).
Lanterne des morts. — Fanal placé clans un cime-
tière. Ces lanternes ont pu être usitées durant tout le
moyen âge, mais en France il n'en existe plus guère que
dans le S. et dans l'O., et presque toutes celles que l'on
conserve sont du xii® siècle ; on sait de plus que l'usage
s'en perdit au xiii^. Dans les pays germaniques, au con-
traire, c'est du xiv^ au xvi'^ siècle que datent les exemples
qui nous sont conservés, et pour l'Italie nous savons par
un texte qu'au xiv*^ siècle les moines cisterciens de San Gal-
gano, près de Sienne, entretenaient un fanal sur la chapelle
de leur cimetière, et y sonnaient la nuit une cloche appelée
la Smarrita (l'égarée ou l'attristée). Cet usage rappelle
le fanal et la clochette du clochetenr des trépassés. Les
lanternes des morts avaient une double raison d'être. C'était
un honneur que l'on rendait aux morts, comme les flambeaux
de la veillée et du service funèbre : c'était aussi un aver-
tissement donné aux vivants de prier pour eux, aux heures
où ils ne voyaient pas d'autres signes, comme la croix du
cimetière ; et, de même que le clocher dans le jour, le fa-
nal du cimetière dans la nuit était un point de repère pré-
cieux pour le voyageur. C'est ainsi que la lanterne des
morts de l'île d'Oléron n'a jamais cessé d'être jusqu'à nos
jours utilisée comme signal par les navigateurs. Les lan-
ternes des morts se composent d'un lanternon (V. ce mot)
couronnant un pilier creux à la base duquel est une petite
porte. Une pouhe est fixée sous le couronnement du lanter-
non, et sert à hisser au moyen d'une corde la lampe que
l'on introduit par la petite porte. Comme au pied des cal-
vaires de cimetières, un autel est souvent adossé à la base
des lanternes des morts. Quelquefois même le fanal s'élève
au-dessus d'une chapelle comme à Monlmorillon (édifice
appelé l'Octogone^ xii^ siècle), au cimetière des Innocents à
Paris (tour dite de Notre-Dame-des-Bois,xii®ouxin^siècle), à
Comelle (Oise, fin du xu® siècle), à Fontevrault, près de Sau-
mur (xiii® siècle), San Galgano, près de Sienne (xiv^ siècle)
et Avioth (Meurthe-et-Moselle, chapelle de cimetière dite la
Receveresse). (Quelquefois aussi la lanterne couronne un
contrefort de l'église dans lequel un vide a été ménagé
comme à Ayen (Corrèze, édifice démoK en 1894) et à Long-
jumeau, ou une tourelle d'escalier (abbaye de Golden-
krom, en Bohême), ou bien elle a la forme d'une petite
échauguelte (V. ce mot) accrochée au contrefort. Une
lanterne de 4505 et deux autres de même type et de date
analogue se voient à Saint-Etienne de Vienne (Autriche).
Mais le type en forme de piher surmonté d'un lanternon
est le plus répandu. On peut en citer comme exemples les
lanternes des morts d'Antigny (Vienne), Cellefrouin (Cha-
rente), Ciron (Indre), Fenioux (Charente-Inférieure), Pei-
letin (Creuse), Journet, Périgné-L'évêque (Sarthe). Tous
ces exemples datent du xii^ ou du xni^ siècle. On en trouve
en Autriche une série déplus récents appartenant au même
type : Klosterneubourg (1381, très beau monument), Gurk
(Carinthie), Brixen (1483), Friestadt (Haute-Autriche,
1488), Penzing, près de Vienne, Leonhardsthor et An-
gerkreiz (1-^84), près d'Oldenbourg, etc. C. Enlart.
ni. Architecture. — Tour élevée au-dessus d'un édi-
fice et percée de baies pour l'éclairer. Beaucoup d'églises
ont des tours-lanternes, différentes des clochers en ce
qu'elles n'ont pas de voûte basse les séparant du vaisseau
qu'elles surmontent. Leséghses byzantines ont souvent une
lanterne centrale circulaire couverte d'une coupole (catho-
licon d'Athènes; églises de Mistra; cathédrale de Stilo en
Calabre, etc.). Certaines églises romanes reproduisent cette
disposition (Le Dorât, Haute-Vienne). Les églises de Gaulo
à l'époque mérovingienne semblent avoir eu des tours-lan-
ternes au-dessus de l'autel, comme l'a établi Quicherat d'après
Grégoire de Tours. Cette tradition subsiste à l'époque caro-
lingienne, comme le prouve la petite église de Germigny-les-
Près, dans l'Orléanais, élevée en 806. Elle est surmontée
d'unelanternecentralecarrée.Al'époqueromaneetà l'époque
gothique, les tours-lanternes sont d'un usage général dans
la région germanique et dans l'école normande. Ces deux
écoles, qui ont d'autres points de ressemblance, se touchent
du reste, l'école romane normande exerçant son influence
jusqu'en Artois (éghse de Lillers, abbaye de Vaucelles, près
de Cambrai) tandis que l'école germanique étend son domaine
jusqu'à Saint-Quentm et aux environs de Saint-Omer. C'est à
l'influence de l'école normande sans doute que les églises ro-
manes des environs de Péronne (Falvy, Fresnes, Voyennes),
la cathédrale de Laon, l'église de Nouvion-le-Vineux qui en
est proche, doivept leurs tours-lanternes. Hors de France
les architectes normands ont porté cette mode en Angle-
terre, en Norvège (cathédrale deThrondhjem, église d'Aker,
près de Christiania) et en Sicile (Monreale et Santo Spirito,
près de Palerme ; San Nicole, près de Girgenti), C'est au con-
traire à une influence germanique que l'on peut attribuer
l'usage des tours-lanternes dans l'école bourguignonne
(abbatiale et église Notre-Dame do Cluny, Notre-Dame de
Dijon, cathédrale de Lausanne) ainsi qu'en Lombardie. Les
lanternes lombardes sont octogones, comme celles des
églises romanes du Maçonnais : elles ont parfois les mêmes
proportions élevées (Chiaravalle, près de xMilan; Saint-
Gothard de Milan; Saint-André de Verceil), mais elles en
diffèrent par leurs galeries extérieures, et les plus an-
ciennes sont basses, comme à Saint-Ambroise de Milan et
Saint-Michel de Pavie. Une lanterne de ce type existe à
Lyon, à l'éghse Saint-Paul. Ce type est le plus répandu.
Il existe aussi des tours-lanternes en Espagne. Elles sont
octogones et portent le nom de cimborio. On en voit depuis
l'époque romane (Ripoll en Catalogne) jusqu'au xvi^ siècle
(Saint-Jean-des-Rois, à Tolède). C. Enlart.
ÏV. Physique. — Lanterne magique. — La lanterne
magique a été inventée au xvi« siècle par le P. Kircher. Elle
se compose essentiellement d'un système de deux lentilles,
d'un dessin transparent et d'une source de lumière, le tout
enfermé dans une caisse métallique, de telle façon que
seuls les rayons lumineux qui ont traversé le dessin trans-
parent et les lentilles puissent sortir de l'appareil ; ils
vont peindre sur un écran une image agrandie et renversée
du dessin placé dans la lanterne. Ce dessin est disposé sens
dessus dessous pour que l'image, qui est renversée par
rapport au dessin, soit dans le sens convenable. Dans cer-
tains appareils appelés lampascopes, la boite en tôle est
percée à la partie inférieure d'une ouverture circulaire
dans laquelle on introduit la cheminée en verre d'une lampe
ordinaire. Le dessin, peint sur verre, que l'on veut pro-
jeter, est placé devant la lumière, à quelques centimètres;
il s'appuie sur une lentille plan convexe qui concentre les
rayons divergents émis par la lumière et ayant traversé le
verre point sur une lentille plus petite qui les concentre
de nouveau et les fait converger sur un écran. Les deux
lentilles sont placées dans une monture qui permet de faire
varier leur distance afin d'arriver par tâtonnements à avoir
sur l'écran une image nette de l'objet. Depuis que les
progrès de la photogra{)hie ont permis d'obtenir facilement
les photographies positives sur verre, on emploie souvent
des lanternes magiques puissantes, plus communément
appelées alors lanternes de projection, qui permettent de
projeter des photographies d'appareds, de paysages, etc.,
ou même de projeter l'image de petits instruments ou de
parties d'instrument. Pour pouvoir employer un grossisse-
ment considérable, on emploie une source de lumière éner-
gique, telle que la lumière Drummond ou mieux l'arc
électrique. On peut ainsi montrer l'ascension des liquides
dans les tubes capillaires, la liquéfaction des gaz dans des
tubes étroits, etc. Dans ces derniers temps, on a même
pu projeter des images donnant simultanément à de nom-
breux spectateurs l'impression d'un relief analogue à celui
que donne à un seul oi3servateur l'emploi du stéréoscope.
Pour cela, on projette un cliché obtenu par le procédé
anaglyphe de Ducos de Hauron. Sur ce cliché se tiouvent
deux impressions à peu près juxtaposées, l'une en bleu,
l'autre en rouge orangé, ces deux teintes étant aussi exacte-
ment que possible complémentaires l'une de l'autre. L'une
— 93-1
LANTERNli: — LANTHANE
des impressions est, par exemple, la vue d'un paysage
prise d'un certain point, et l'autre la \ue du même paysage
prise d'un point voisin du premier, comme pour les épreuves
stéréosco piques. Regardée sur l'écran, à l'œil nu, cette
double image est confuse ; mais si chaque spectateur porte
un lorgnon dont l'un des verres est orangé et l'autre bleu,
il aperçoit aussitôt le paysage photographié, en blanc, et
avec un relief d'autant plus accentué que la distance des
deux points où l'on a photographié le paysage est plus
grande. L'œil, armé d'un verre bleu, ne voit, en effet, que
l'impression bleue, l'œil armé d'un verre orangé que l'im-
pression orangée, mais ces deux impressions se superpo-
sent comme les images du stéréoscope.
C'est le plus récent des perfectionnements apportés aux
projections de la lanterne magique ; diverses modifications
apportées à cet appareil et déjà décrites (V. Dissolving Views,
t. XIV, p. 688, et Fantâscope, t. XVI, p. il%) permet-
tent d'obtenir des effets assez curieux. A. Joannis.
V. Artillerie. — Pour s'éclairer la nuit, les batte-
ries de campagne disposaient autrefois de flambeaux La-
marre (V. Flambeau). Depuis 4891, elles sont pourvues
de lanternes qui, au nombre de neuf par batterie, sont
transportées par les caissons et par la forge. Ces lanternes
brûlent des bougies.
VI. Zoologie. — Lanterne d'Aristote. — Appareil
masticateur d'un grand nombre d'Ecliinides (V. Oursin) et
essentiellement formé par cinq pyramides triangulaires à
sommet inférieur, prolongé par une tige calcaire pointue
et saillante qui est la dent ; cette tige, interradiale, est in-
tercalée entre les deux pièces, demi-pyramides, qui com-
posent chaque pyramide ; sur la face externe de chaque
demi-pyramide s'insère un ruban musculaire qui va d'autre
part s'attacher au test. Entre deux pyramides consécutives
existent deux pièces calcaires superposées, l'inférieure rec-
tangulaire (faux), la supérieure bifurquée (compas)^ qui
sont également reliées au test par des rubans musculaires;
les faux sont réunies entre elles par d'autres muscles, d'où
à la base de la lanterne une figure pentagonale très régu-
lière. Cet appareil se simplifie chez les Cidarides et les
Clypéastroïdes. D^ L. Un.
VII. Mécanique. — Engrenage a lanterne. - - On
a dit quelques mots de cet appareil à l'art. Engrenage.
Dans l'une des roues, le profil des dents se compose de
petites circonférences dont le centre se trouve sur la cir-
conférence primitive, dans l'autre roue le profil des dents
est une développante d'épicycloïde, le tracé n'offre rien de
particulier et s'effectue
d'après les règles qui ont
été indiquées dans l'article
précité. La roue dont les
dents ont pour profil des
circonférences porte le nom
de lanterne; elle se com-
pose de deux disques, et les
dents ont la forme de pe-
tits cylindres appelés allu-
chons, ce qui donne à cette
roue la forme d'une lan-
terne. Les engrenages à
lanterne sont aujourd'hui peu employés ; ils s'usent rapi-
dement, mais comme l'usure a lieu surtout sur les allu-
chons, ceux-ci peuvent, à cause de leur forme, être facile-
ment remplacés ; c'est le seul avantage que présente cet
engrenage qui peut être employé dans les machines dont
l'installation doit se faire à peu de frais. II. L.
VIII. Fonderie. — On donne le nom de lanternes à cer-
tains noyaux qui permettent de conserver aux pièces mou-
lées leur creux intérieur. Dans le moulage des tuyaux, par
exemple, la lanterne est un tube en fonte ou en fer, percé
de nombreuses ouvertures et recouvert d'un enduit de terre ;
cet enduit doit avoir une certaine porosité, pour i)ermcttre
au gaz résultant de l'action de la fonte sur le noyau de
s'échapper par Tintérieur du tube, et de là au dehors. Le
Engrenage à lanterne.
garnissage des lanternes se fait en les plaçant sur deux
supports en forme de tour et enlevant avec une raclette
l'excédent de terre. On les sèche ensuite à l'étuve. L. K.
BiBL. : Archéologie. — Dreux du Radier, Essai his-
torique sur les lanternes.— Gay, Glossaire archéoL, a,u.
mot Esconce. — Henry d'Allemagne, Histoire du lumi-
naire.— Caumont, Abécédaire. — ANTiiYME-SAiiNx-PAUL,
Lanternes des morts, dans Encyclopédie d'architecture
de Planât. ~ Essenwein, Uber einige T odtenleuchten
in Q^sterrelch.
LANTERNE. Rivière de France (V. Saône [Haute-]).
LANTERNE-et-les-Armonts. Corn, du dép. de la
Haute-Saône, arr. de Lure, cant. de Luxeuil; 707 hab.
LANTERNEAU. Chapeau de verre couvrant une ouver-
ture du toit ou de la voûte d'un édifice. On pense qu'un
lanterneau a pu couvrir l'orifice de la coupole du Panthéon
d'Agrippa, et au ix"^ siècle le célèbre plan de l'abbaye de
Saint- Gall montre des pièces sans parois extérieures qui
pouvaient être éclairées aussi par des lanterneaux. Ce sys-
tème, précaire par la fragilité du verre et par les infiltra-
tions qu'il entraine, a été répudié par les constructeurs du
moyen âge; les modernes, au contraire, en font grand
usage, surtout pour éclairer des cages d'escalier.
LANTERNON. Petit édifice en forme de tour-lanterne
et remplissant le même office d'éclairage (sur une tourelle
d'escalier, par exemple) ou servant d'observatoire et domi-
nant un édifice. Sorte de cloclieton à jour. Les peintures de
Pompéi nous montrent des lanternons de charpente couron-
nant des toitures de maisons. Cette forme de l'architecture
romaine paraît s'être conservée à l'époque carolingienne;
d'après Quicherat, les églises franques auraient eu des tours-
lanternes couronnées de lanternons en retraite. A l'époque
carolingienne, des pavillons de ce genre couronnaient en-
core les tours rondes de l'église de Saint-Riquier (peinture
d'un manuscrit reproduite par Mabillon). A l'époque ro-
mane (x^ouxi*^ siècle), le clocher de Saint-Front de Péri-
gueux est surmonté d'une coupole conique que couronne
un lanternon, et les tours et tourelles des églises du Poi-
tou et de la Saintonge ont de ces amortissements (Notre-
Dame de Poitiers, Saint-Jouin-de-Marnes). Les tours cen-
trales de ces églises sont flanquées de quatre lanternons
(Sainte-Marie-des-Dames, à Saintes; Montier-Neuf, à Poi-
tiers) et cette mode est introduite en Espagne (Salamanque,
Zamora, Toro). A l'époque gothique et à la Renaissance,
des lanternons couronnent fréquement les tourelles d'esca-
lier (transept de Notre-Dame de Paris, Saint-Jacques de
Dieppe, château de Chambord [V. fig., t. IIl, p. 732], etc.);
mais les tours gothiques couronnées de lanternons ne se
voient guère qu'en Allemagne (chapelle Sainte-Foi, à llei-
ligenstadt, 1270) ou en Italie (église de Fossonova, vers
iilOO; c^hédrale de Modène). A la Renaissance, au con-
traire, la mode des coupoles surmontées de lanternons
devient universelle (Saint -Pierre de Rome, clochers de
Bressuire, de Sainte-Corneille deCompiègne, etc.). On pousse
même l'abus jusqu'à placer de petit lanternons tout à fait
inutiles sur les très petites coupoles qui coiiïent les tou-
relles (hôtel d'Ecoville, à Caen; transept de Saint-Merri,
église Saint-Jacques de Dieppe, etc.).
LANTEUIL. Com.du dép. de la Corrèze, arr. deBrive,
cant. de Beynat; 1,117 hab.
LANTHANE. Form. S ^^'V- \'^= .tl'
( Poids atom. La==:138.
Le lanthane est un métal très rare que Mosander a
trouvé en 1839 à côté du cérium dans un certain nombre
de minéraux, la cérite, l'euxéuite, la monazite, la gadoli-
nite. La découverte récente de gisements assez importants
de monazite dans la Caroline du Nord a permis d'isoler dans
ces derniers temps plus d'un millier de kilogr. de sel de
lanthane. Le lanthane est un métal très voisin du cérium
qu'on obtient comme ce dernier par l'électrolyse de son
chlorure fondu ; il est blanc, s'oxyde quand on le chauffe
à l'air et s'enflamme à une température assez peu élevée.
L'oxyde de lanthane, La"^0'% s'obtient par la calcination
de l'oxalate et de beaucoup de sels de ce métal ; il forme
LANTHANE — LANUSSE
— 932 —
une matière blanche, terreuse, infusible, qui s'hydrate quand
on la traite par l'eau chaude et s'éteint comme la chaux
vive. Le chlorure de lanthane, La^Gl'^.14H0, forme de
grands cristaux incolores appartenant au système du prisme
clinorhombique ; il s'unit facilement à un grand nombre
d'autres chlorures métaUiques pour former des chlorures
doubles hydratés. Le sulfate cristallise avec 9 équivalents
d'eau en prismes hexagonaux isomorphes avec ceux du
sulfate de cérium. La solution acétique d'oxyde de lan-
thane donne avec l'ammoniaque un précipité gélatineux qui
bleuit par l'iode à la manière de l'amidon. Les acides et les
alcalis font disparaître cette coloration. C. M.
BiBL. : MosANDER, Poggeud. Ann.^ XLVI, p. 648,
t. XLVII, p. 207, et t. LVI, p. 504.— Marignac, Annales
de chim. et de phys. [3], t. XXVÏI, p. 209.
LANTHENANS. Com. dudép. du Doubs, arr. deBaume-
les-Damos, cant. de L'lsle~sur-le-Doubs ; 103 hab.
LANTHENAS (François), homme politique français, né
au Puy le 48 avr. 1754, mort à Paris le 2janv. 1799.
Médecin et auteur de nombreuses brochures politiques, il
se lia avec les époux Roland et, en 1792, lors du premier
ministère girondin, devint premier commis à l'administra-
tion de l'instruction pubhque au département de l'intérieur.
Député du Rhône-et-Loire à la Convention nationale, il fit
partie du comité d'instruction publique (13 oct. 1792) et
déploya de l'activité. C'est au nom de ce comité qu'il pré-
senta, le 18 déc. 1792, un célèbre rapport sur les écoles
primaires. Dans le procès de Louis XVI, il vota pour la
mort, mais avec des restrictions. Dans lajournéedu2 juin
1793, compris d'abord dans la proscription de ses amis
les Girondins, il fut rayé de la liste sur une observation
dédaigneuse de Marat, qui le traita àa panure d'esprit. Il
siégea au Conseil des Cinq-Cents comme député d'Ille-et-
Vilaine. F--A. A.
BiBL. : F. Buisson, Dictionnaire de pédagogie et d'ins-
truction primaire.
LANTHENAY. Com. du dép. du Loir-et-Cher, arr. et
cant. de Romorantin ; 2,350 hab.
LANTHES. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. de Seurre ; 212 hab.
LANTHEUIL. Com. du dép. du Calvados, arr. deCaen,
cant. de Creully, sur la Gronde ; 376 hab. Dentelles. Châ-
teau de l'époque de Louis XlII.
LA NTIC. Com. dudép. desCôtes-du-Nord, arr. de Saint-
Brieuc, cant. d'Etaples; 1,274 hab.
LANTIER (Etienne-François de), littérateur français, né
à Marseille le 1^^ oct. 1734, mort à Marseille le 31 janv.
1826. Officier au régiment d'Angoumois, il gagna par une
poésie élogieuse la faveur de Choiseul et une pension ; et,
usant d'un moyen qui lui réussissait si bien, il obtint du
comte d'Artois son brevet de capitaine. Très répandu dans
les salons où l'on goûtait fort son esprit léger et ses petits
vers erotiques, il donna en 1778 une comédie, l'Impa-
tient, qui eut grand succès; en 1782, une autre comédie,
le Flatteur (cinq actes en vers) qui fut encore mieux ac-
cueillie. Citons encore de lui : Travaux de l'abbé Moiiclie
(1784, in-12); ce sont des pièces légères; Erminie
(1788,in-12, poème en trois chants) ; Voyage dWntènor
en Grèce et en yi5féj(1798, in-8), son chef-d'œuvre, qui
n'eut pas moins de seize éditions, connu encore sous le so-
briquet de l'Anacharsis des Boudoirs ; Conles en prose et en
vers (1801, in-8, plus, éd.) ; les Voyageurs en Suisse
(1803 , in-8) ; Correspondance de Suzette Césarine
d'Arly (1814-15, 2 vol. in-8) ; [lecueil de poésies (1817,
in-8). Ses OEuvres complètes (Paris, 1836, in-8) ont été
données par G. de Flotte, avec une notice biographique.
LANTIGNIÉ. Com. du dép. du Rhône, arr. de Ville-
franche, cant. de Beaujeu; 783 hab.
LANTILLY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. et cant.
de Semur ; 239 hab.
LANTINE (La) (V.Garonne [llaute-J, t. XVIII, p. 554).
LANTINGSHAUSEN ( Jakob-Albrekt de), officier sué-
dois, né à Reval en 1699, mort à Stockholm en 1769. Il
se distingua, en 1718-19, dans l'expédition de Norvège,
mais quitta le service de la Suède en 1722 pour entrer,
en 1723, au service de la France; en 1745, il était bri-
gadier d'infanterie. II se retira l'année suivante avec une
pension de 2,000 Hvres. De retour en Suède en 1747,
il reprit son service dans l'armée suédoise avec le grade de
major d'abord, puis de colonel deux ans plus tard. En 1757,
il prit glorieusement part à la guerre de Sept ans, en qua-
lité de lieutenant général ; ayant dû se retirer devant les
Allemands à Stralsund, il reprit bientôt l'oôensive, et re-
poussa, en 1760, les Prussiens de la Poméranie. Il prit
définitivement sa retraite l'année suivante. En politique, il
appartenait au parti des Chapeaux et joua un rôle impor-
tant à la Chambre du royaume, dont il fit partie à plusieurs
reprises. — Son fils Albrekt (1751-1820) s'est distingué
comme officier pendant la guerre de Finlande. Littérateur
et artiste de mérite, il a traduit les Nuits d'Young et a
laissé des dessins et des gravures remarquables. Th. C.
LANTOINE (Henri-Eugène), philologue français, né à
Guise (Aisne) le 12 juiL 1845. Il fit de brillantes études
au lycée Charlemagne (institution Jauffret), entra à FEcole
normale en 1865 et en sortit agrégé des lettres. Professeur
de rhétorique aux lycées de Saint-Etienne (1868-70), puis
de Nevers, il fut rappelé en 1873 comme surveillant à l'Ecole
normale. L'année suivante, il est reçu docteur avec ces
thèses : De Cicérone contra oratores Atticos disputante
(Paris, 1874, in-8) et Histoire de renseignement secon-
daire en France au xvii^ et au début du xvin« siècle
(in-8). Nommé suppléant à la faculté des lettres de Clermont
pour la littérature française (1875), il est chargé du cours
de littérature ancienne à celle de Besançon (1876) et devient
titulaire de la chaire (1877). Mais rentrant dans l'enseigne-
ment secondaire pour revenir à Paris, il professe la seconde
au lycée Henri IV (1878) et la troisième au lycée Condorcet,
avant de devenir maître de conférences de poésie latine à
laSorbonne (1879). Depuis 1882, il est secrétaire de la
faculté des lettres de Paris. Outre ses thèses, il a publié :
une édition classique du V® livre de Lucrèce., en collabora-
tion avec Benoist (1,884) ; Leçons de littérature latine, en
collaboration avec Lallier (1888); Epitome Historiœ
Grœcœ (1890) ; Guide pratique des candidats au bac-
calauréat (classique et moderne, 1891); les Historiens
latins (choix de traductions et analyses, 1892) ; Virgile
(extraits traduits en français, 1894). M. Lantoine dirige
une collection de traductions et extraits des classiques grecs
et latins. H. M.
LANTON. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. d'Audenge ; 801 hab. Ostréiculture.
LANTOSQUE. Com. dudép. des Alpes-Maritimes, arr.
de Nice, cant. d'Utelle ; 1,974 hab.
LANUÉJOLS. Com. du Gard, arr. du Vigan, cant. de
Trêves ; 1,036 hab.
LANUÉJOLS. Com. du dép. de la Lozère, arr. et cant.
de Mende; 506 hab. Localité connue des archéologues à
cause du très important monument funéraire qui existe sur
son territoire. Ce tombeau rappelle par sa forme le fameux
tombeau de Trion, découvert à Lyon; il renfermait, d'après
les inscriptions, les ossements de la famille Bassianus. On
en rapporte la construction au m® siècle. Il affecte la forme
d'un parallélogramme, flanqué du côté de l'entrée d'une
sorte de porche surmonté d'une arcade, vers le fond, d'une
double chambre funéraire. Il est d'ailleurs en assez mau-
vais état. Il a été dégagé définitivement en 1858. Château
du Boy (xviïi^ siècle).
BiBL. : Congrès archéologique de France, XXIV« session,
pp. 200 et suiv.
LANUSQUET (V. Echâsse).
LANUSSE (François), général français, né à Habas
(Landes) le 3 nov. 1772, mort à Alexandrie (Egypte) en
mars 1801 . Chef d'un bataillon de la Haute-Vienne en 1792,
il servit avec éclat aux armées des Pyrénées-Orientales et
d'Italie, fut nommé général de brigade (1796) et alla plus
tard (1798) rejoindre en Egypte Bonaparte, qui le mit à
la tête d'une division et qui, pendant son expédition de
933 -
LANUSSE — J.ANZAC
Syrie (1799), lui confia le commandement du Delta. Il com-
manda ensuite la place d'Alexandrie sous Kleber, fut rap-
pelé au Caire par Menou, et fut blessé à mort lors du dé-
barquement des Anglaisa Aboukir. A. Deiudour.
LANUVIUIVI. Ancienne ville du Latium, auj. Civita
Lavinia. Elle était située sur une colline, contrefort méri-
dional des monts Albains, à environ ^0 milles de Rome, à
dr. de la voie Appienne, à i mille de cette route. Elle a
été souvent confondue avec Lavinium (V. ce mot), sur-
tout au moyen âge et dans les manuscrits. On en l'ait une
colonie d'Albe; c'était une des principales cités latines;
elle coopéra à la consécration du temple de Diane d'Aricie,
à la ligue des Latins contre Home (496) ; elle fut ensuite
la fidèle alliée des Romains contre les Eques et les Volsques ;
mais, en 383, elle prit ombrage des progrès des Romains
et s'allia contre eux aux Volsques. Elle prit aussi une part
active à la grande guerre latine de 340. Ses habitants
reçurent le droit de cité romaine, probablement sans le
droit de suffrage qui leur fut conféré ultérieurement. Dans
la condition de municipe, Lanuvium garda sa prospérité;
son magistrat suprême portait le nom de dictateur. Au
temps des guerres civiles, elle eut beaucoup à souff'rir,
perdit une partie de son territoire attribué à des colonies
de vétérans par César et Octave, les trésors de son temple
pris par Octave. C'était la patrie de plusieurs grandes
familles ou gentes romaines : Annia, à laquelle appartenait
Milon; Papia, Roscia, Thoria, Procilia, Mettia ; de l'acteur
Roscius, de l'empereur Antonin ; ceci lui valut une faveur
particulière sous Antonin, Marc Aurèle et Commode qui y
résidèrent souvent ; ce dernier y figura souvent dans les
combats des gladiateurs. — Quand se fit la confusion des
légendes grecques et latines, on fit remonter à Diomède la
fondation de Lanuvium et on rattacha à l'Héra d'Argos le
culte de Juno Sospita, la déesse locale. Ce culte fut une
cause essentielle de la fortune prolongée de la ville. La
déesse de Lanuvium était vénérée dans toute la région ; les
Romains lui rendaient hommage et se firent garantir la
libre participation à son culte ; plus tard, ils lui bâtirent
un temple chez eux, mais les consuls devaient venir annuelle-
ment lui sacrifier à Lanuvium. Le temple s'enrichit non
seulement du trésor pillé par Octave, mais d'oeuvres d'art.
La déesse était représentée coiffée d'une peau de chèvre,
une lance à la droite, un petit bouclier à la gauche,
chaussée de bottines à bouts relevés {calceoli repandi) ;
à ses pieds un serpent; en effet, on nourrissait dans le
temple un serpent que les vierges consultaient. Il ne sub-
siste que des ruines insignifiantes de Lanuvium. A. -M. B.
LANUZA (Vicente-Blasco de), historien espagnol de la
première moitié du xvu*^ siècle, né en Aragon. Il entra
dans les ordres et professa la théologie à Saragosse. On
lui doit une première continuation des Annales de /Airita
(V. ce nom) qu'il poursuivit de i516 à 1616: Historias
de Aragon (Saragosse, 1619-22, 2 vol. in-foL), travail
qui fut repris et développé par d'autres, et un ouvrage
d'hagiographie : Peristephanon, seu de coronis sancto-
riim Aragonensium (Saragosse, 1623, in-8). G. P-i.
LANVALLAY. Corn, du dép. des Côtcs-du-Nord, arr.
et cant. (E.) de Dinan ; 1,190 hab.
LANYAUDAN. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de Lo-
rient, cant. de Plouay ; 1,038 hab.
LANVAUX (Lande de) (V. Morbihan).
LANVELLEC. Corn, du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Lannion, cant. de Plestin ; 1,639 hab.
LANVÉNÉGÊN. Corn, du dép. du Morbihan, arr. de
Pontivy, cant. du Faouét ; 2,234 hab.
LANVÉOC. Com. du dép. du Finistère, arr. de Château-
lin, cant. de Crozon, sur la rive S. et à l'entrée de lar-
rière-rade de Brest; 1,240 hab. Carrières (roches siliceuses
pour pavés, roches calcaires pour chaux). Le village est
à 1 kil. au S. de la pointe de Lanvéoc, où il y a un fort
et un petit port, consistant en une simple cale, qui dessert
Brest. C. Del.
BiBL. : Annuaire cieBi'est de 1866. — Mengin, Notice sur
le port de Lanvéoc, dans Ports marit. de Fr.^ 1880, t IV.
LANVÉZÉAC. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr.
de Lannion, cant. de La Roche-Derrien ; 133 hab.
LANVOLLON.Ch.-l. de cant. du dép. des Côtes-du-Nord,
arr. de Saint-Brieuc ; 1,510 hab. Fabrique d'instruments
aratoires. Moulins. Eglise des xii«et xiv® siècles. Hôtel Kéra-
try ; construction en bois du milieu du xvi*^ siècle avec de jo-
lies sculptures. Ruines du château de Coëtmen (xui^^ siècle).
LA NZ (Charles-Alfred), sculpteur suisse, né à Rohrbach
(Berne) le 25 oct. 1847. D'abord destiné à la gravure in-
dustrielle, il se tourna vers la sculpture qu'il étudia en
Allemagne et à Paris à l'Ecole des beaux-arts. Les princi-
paux monuments publics qu'il a exécutés en Suisse sont
la statue équestre du Général Du four k Genève, le monu-
ment Pestalozzi à Yverdon et le monument Zschokke à
Aarau. On lui doit aussi un des grands bas-reliefs du
nouveau Palais fédéral à Berne. E. K.
LANZA (Giovanni), homme politique italien, néà Vignale,
près de Casale, en 1815, mort à Rome le 9 mars 1882.
Beçu docteur en médecine à Turin, il commença à se faire
connaître dans VAssociatio7i agraire, et fut un des fon-
dateurs du iourm\l'Opi7iw7ie.EniSA8,ïl s'enrôla comme
volontaire. Elu député à Frassineto, il prit place à gauche,
mais fit toujours preuve de modération et prépara la for-
mation d'un centre gauche. Les questions économiques et
financières Foccupaient particulièrement. Le 31 mai 1855,
Cavour lui confia le ministère de l'instruction publique, où
il accomplit d'importantes améliorations. Le 15janv. 1858,
il reçut l'intérim des finances, dont il avait été déjà chargé
en 1856, et, le 17 oct., quittant l'instruction publique, il
garda les finances comme titulaire. Ferme, persévérant,
d'une activité infatigable, il a laissé dans les différentes
administrations des traces durables de son passage. Sorti
du pouvoir avec Cavour après la paix de Villafranca (juil.
1859), il devint président de la Chambre en avr. 1860,
mais, l'année suivante, il voulut rester simple député. Il
entra dans le cabinet La Marmora comme ministre de l'in-
térieur le 28 sept. 1864, et dut effectuer la translation
de la capitale à Florence ; il se sépara de ses collègues le
20 août 18Ô5. Porté de nouveau à la présidence de la
Chambre (16 nov. 1869), il fut appelé par le roi à cons-
tituer le cabinet du 14déc., dans lequel il géra l'intérieur,
et qui eut l'honneur d'achever l'unité italienne en prenant
possession de Rome (20 sept.1870). Ce ministère fut ren-
versé par une coalition le 25 juin 1863, à l'occasion des
projets financiers de Sella. Dans les derniers temps, Lanza
représentait à la Chambre la ville de Turin. Simple de ma-
nières, voire un peu rude, d'une élocution parfois pénible,
mais esprit solide et caractère résolu, d'un libéralisme
sincère et d'un entier dévouement à l'intérêt public ,
Lanza est un des hommes qui ont le mieux mérité de
l'Italie. Félix Henneguy.
LANZA DE Casâlanza (François), archéologue et natu-
raliste italien, néà Spalato en 1808. Il a fait ses études de
philosophie et de médecine à Padoue, à Vienne et à Pavie.
Il a rempli les fonctions de podestat à Spalato et a été
reçu dans la noblesse de l'empire autrichien. Comme ar-
chéologue, il a débuté en 1 834 par un mémoire sur les
fouilles de Salona, dirigées par son père, et présenté à
l'Institut archéologique de Rome. On lui doit encore : Le
Anliche Lapidi salonitane, inédite, illustrate (Spalato.
181'8; Zara, 1850) ; lllustrarÀone suWantico palazxo
di Diocleziano in Spalato (Trieste, 1855); Monumenti
salonitaîninediti (Vienne, 1856, in-4). Comme médecin
et naturaliste, il a écrit divers mémoires relatifs à la zoo-
logie et à la géologie de la Dalmatie, un rapport sur un
voyage scientifique en Grande-Bretagne qu'il fit en 1855 à
l'occasion du congrès international de Glasgow . Il a publié
deux journaux : L'Agronomo raccoglitore, à Zara, et //
Progressa industriale agronomico del secolo, à Spalato.
LANZAC. Com. du dép. du Lot, arr. de Gourdon, cant.
de Souillac; 619 hab.
LANZANI — LAODICE
- 984
LANZANI (Polidoro), surnommé Venexdano, peintre
italien, né à Venise vers 4515, mort en 1565. C'est un de
ces artistes obscurs qui se sont formés, à côté des maîtres,
dans l'atelier fécond du Titien. Les tableaux qu'on connaît
de lui sont hors d'Italie ; c'est un Mariage de sain le
Catherine au musée de Dresde, et une Sainte Famille au
musée de Vienne. Ils ont été gravés, l'un par Troyen,
l'autre par Sadeler.
BiBL. : RiDOLFi, Le Meraviglie deW Arie overo le vite
degli illustri pitiori veneti.
LANZANI (Andréa), peintre italien, né à Milan, mort à
Vienne en 1712. Il travailla d'abord dans sa ville natale,
sous la direction de Scaramuzza, puis partit pour Rome
où il eut pour maître Carlo Maratta. Il revint ensuite à
Milan, où se trouvent presque toutes ses œuvres : Saint
Charles Borromée dans une gloire, à la cathédrale ; une
Scène de la vie du cardinal Federigo Borromée, à la
bibliothèque Ambrosienne; la Dernière Communion de
saint Ambroîse, à Sant' Ambrogio ; Saint Pierre mar-
chant sur la mer, à San Pietro in (iessate, etc.
BiBL. : Lanzi, Storia pittorica. delV Italia; Milan, t. IV.
LANZAROTEou LANCEROTE. Une des îles Canaries
(V. cet art. pour les généralités, les productions, l'his-
toire, etc.). Elle mesure 806 kil. q., et, si l'on y adjoint
les îlots voisins d'Alegranza, Montana, Clara et Graciosa,
845 kil. q. avec 18,000 hab. Elle est de formation volca-
nique, et plusieurs de ses volcans alignés parallèlement
ontlait éruption en 1736 et 1824. Elle n'a ni eau de source,
ni bois. Les principales villes sont Teguisa (3,700 hab.)
et Ar récif e (2,700 hab.), le chef-lieu. Elle exporte delà
cochenille, de l'orseille, etc.
LANZELLOTTI (Biagio), philologue italien, né à Chieti
(Abruzzes) en 1829. Il a beaucoup contribué par son en-
seignement comme par ses nombreuses publications à pro-
pager les nouvelles méthodes philologiques. On cite surtout
de lui un remarquable travail sur Asinius Pollion (Prato,
4875).
LANZI (L'abbé Luigi), archéologue et historien d'art ita-
lien, né à Montolmo, prèsdeFermo, le 13juin 1732, mort
à Florence le 31 mars 1810. Membre de la Compagnie de
Jésus en 1749, il professa les humanités dans divers col-
lèges de son ordre, après la suppression duquel il fut
nommé en 1773 sous-directeur du musée des Offices à Flo-
rence. 11 étudia alors la langue et les antiquités des
Etrusques, et son savant ouvrage : Saggio di lingua
etrusca e di altre antiche dltalia (Rome, 1789,3 voL
in-8 ; Florence, 1 824, 3 vol. in-8 ; comprenant des Notiiie
délia scultura degli antichi) contribua puissamment à
élucider la question des origines de cet idiome. Ses trois
dissertations De' Vasi antichi dipinti, volgarmente chia-
mati etruschi (Florence, 1806, 1807, in-8, fîg.) eurent
le mérite de débarrasser l'étude des vases peints de l'étrus-
comanie de l'époque et d'établir les vrais principes en y fai-
sant intervenir l'action de l'art hellénique. Entre temps,
il avait publié son grand et intéressant travailsur l'histoire
de la peinture en Italie, depuis la renaissance des beaux-
arts: Storia pittorica deWUalia (Florence, 1792, 6 vol.
in-8, souv. réimpr., notamment à Milan, 1824, 4 vol. in-8,
et Florence, 1845, 6 vol. gr. in-8,* trad. franc., Paris,
1824, 5 vol.). On lui doit encore d'autres ouvrages d'ar-
chéologie et de philologie, et Boni a édité ses Opère pos-
tume (Florence, 1817, 2 yoI. in-4). G. Pawlowski.
BiBL. : 0. Boni, Elogîo di Lanzi; Florence, 1814, in-4.
— A. Cappi, Biografia^di Lanzi; Florence, 1840, in-8.
LANZO. Bourg d'Italie, prov. de Turin, sur le Stura,
au confluent de trois vallées pittoresques; 1,500 hab.
Mines de houille et de fer (non exploitées); plusieurs cou-
\ents. Un chemin de fer la relie à Turin.
LAO ou LA-HO-KÉOU. Ville de Chine, prov. de Hou-pé,
r. dr. du Han-kiang,affl. g. du Yang-tse-kiang ; 200,000
hab. (d'après Kreitner). C'est une ville ouverte, très com-
merçante, au point où le Han devient navigable; c'est un
grand centre d'expédition de coton vers ïïan-kcou, et un
entrepôt du commerce vers le N.-O. de la Chine.
LAOCOON (Myth. gr.). Héros troyen qui joue un grand
rôle dans les légendes relatives à la prise de Troie, racon-
tées dans riX(ou Tzipaiç, (V. Troie). Fils d'Anténor ou
d'Acoétès, prêtre de Poséidon ou d'Apollon Thymbrèen, il
s'opposa à l'introduction dans la ville du fameux cheval de
bois. Peu après, tandis qu'il offrait un sacrifice à son dieu,
il fut saisi avec ses enfants par deux serpents venus à la
nage de l'île de Ténédos, qui les étouffèrent, puis se réfu-
gièrent dans l'Acropole et disparurent dans le sanctuaire
d'Athénée Tritonis. Ni le récit d'Arctinos de Milet, ni la
tragédie de Sophocle, traitant cette tragique aventure, n'ont
été conservés ; elle nous est surtout connue par ['Enéide et
parle fameux groupe de marbre dit du Laocoon. Ce groupe,
en marbre blanc à gros grains (Salino), de taille surhu-
maine, œuvre des sculpteurs rhodiens Agésandros, Polydo-
ros et Athénodoros, représente le prêtre et ses fils enlacés
par les serpents. Il a été retrouvé en 1506 dans les dépen-
dances des thermes de Titus, acheté par le pape Jules II
qui le plaça au Belvédère du Vatican. Il fut transporté à
Paris par Bonaparte en 1796 et rendu à Rome en 1815.
L'ensemble est composé de cinq morceaux ; il ne manque
que le bras droit de Laocoon et de son plus jeune fils qui
ont été mal restaurés par Montorsoli (sous Clément VII),
puis par Comacliini (au xvn<^ siècle). Baccio Bandinelli en a
fait une copie qui existe à Florence. On n'est pas d'accord
sur la date du Laocoon; Thiersch, Hermann, Friedrich le
reportent au i^** siècle ap. J.-C. ; Welcker, 0. Muller
et Brunn au milieu du second siècle av. J.-C; Winckel-
mann, à l'époque d'Alexandre (ce qui paraît insoutenable) ;
on a retrouvé dans la frise de Pergame une composition
analogue, qui paraît antérieure, plus originale et supé-
rieure. Malgré l'habileté de la composition, la science de
l'anatomie et l'intensité de l'expression, on est revenu de
l'admiration qu'inspirait au siècle dernier cette œuvre ma-
niérée. On sait qu'elle fournit à Lessing le thème de sa
dissertation sur les Hmites de la peinture et de la poésie
(1763). A.-M. B.
BiBL. : On trouvera une bibliographie complète dans la
2" éd. du Laocoon de Lessing par Blûmner (Berlin, 1880;.
V. aussi Kekulé, Zut Deutunq und Zeitbestimmunq der
Laokoon, 1883.
LAODÂPiflAS (Myth. gr.). Roi légendaire de Thèbes,
fils d'Etéocle. Il régna sous la tutelle de son oncle Créon,
et eut à faire face à l'expédition des Epigones; il les com-
battit sur les bords du Glisas, tua leur chef /Egialée, mais
tomba sous les coups d'Alcméon (Apollod., III, 7, 3);
d'après d'autres, il se réfugia en Illvrie, près des Enché-
léens (Hérod., V, 61 ; Paus., IX, 5"^, 7).
LAODAIVIIE (Myth. gr.). 1» Fille de Bellérophon, mère
de Sarpédon qui fut tuée par Artérnis (Hom., //., VI, 197
et suiv.). — 2° Fille d'Acaste, épouse de Protésilas; après
la mort de son mari, elle obtint de le faire revenir au jour
pendant trois heures et mourut avec lui. — 3^ Fille d'Amy-
clas et Diomède, épouse d'Arcas, mère de Triphylus. —
4^ Nourrice d'Oreste, aussi nommée Arsinoé. — 5^ Fille
d'Alcméon, épouse de Pelée.
LAODICE. Nom de plusieurs princesses de la mytho-
logie et de l'histoire grecque. Parmi les premières nous
citerons : 1^ Fille de Priam et d'Hécube, épouse d'Hé-
licaon, ou de Télèphe, ou d'Acamas (appelé aussi Démo-
phon), fils de Thésée, venu en ambassadeur avec Diomède;
elle eut d'Acamas un fils du nom de Munitus, qui fut élevé
par il^^thra, grand'mère de son mari, auquel on le rendit
après la prise de Troie ; quant à Laodice, elle fut engloutie
dans la terre ou se suicida de douleur de la mort de son
fils, tué par un serpent à Olynthe. — 2° Fille d'Agamem-
non et de Clytemnestre queles poètes tragiques nomment
Electre (V. ce nom). — 3° Fille de Cinyras, mère de
Stymphale." 4'^ Nymphe, épouse de Phoronée, mère d'Apis
et Niobé.
Les principaux personnages historiques sont : l*' Mère
de Séleucus, le fondateur de la monarchie syrienne,
femme d'Antiochus, général macédonien ; son fils fonda cinq
cités qu'il nomma Laodicée en l'honneur de sa mère. —
~- 935
LAODICE — LAO-KAY
2^ Femme d'Antiochus II Théos, roi de Syrie, fille
d'Achgeiis et mère de Séleucus Callinicus. Ptolémée Phila-
delphe imposa à Antiochus de la répudier pour épouser sa
sœur Bérénice (248). Mais, dès que le roi d'Egypte fut
mort, Antiochus reprit Laodice. Celle-ci l'empoisonna
(246), fit tuer Bérénice et son fils et proclama le sien, Sé-
leucus Callinicus ; mais Ptolémée Evergète vengea sa sœur
par la conquête de la Syrie; d'après Appien, il fit périr
Laodice ; d'après Plutarque, elle survécut et excita son plus
jeune fils Antiochus Hiérax contre Séleucus. Elle avait en-
core deux filles du nom de Stratonice qui épousèrent, l'une
Mithridate IV, roi de Pont; l'autre Ariarathe,roi de Cappa-
doce. — 3° Femme de Séleucus Callinicus, roi de Syrie,
sœur d'Andiomachus, père d'Achaeus, mère de Séleucus
Ceraunus et d'Antiochus le Grand. — 4** Femme d'Antio-
chus le Grand, roi de Syrie, fille de Mithridate IV, roi de
Pont, et petite-fille de la seconde Laodice. Elle épousa
Antiochus vers 222, fut proclamée reine régente tandis
qu'il combattait Molon, et en eut neuf enfants (V. Antio-
CFius). — 5° Femme d'Achœus, cousin et rival d'Antiochus
le Grand, sœur de la précédente; elle défendit vaillamment
la citadelle de Sardes, après la capture de son mari (214).
— 6° Fille d'Antiochus le Grand et la quatrième Laodice,
elle épousa son frère aîné Antiochus. — 7^ Fille de Séleu-
cus IV Philopator, mariée à Persée, roi do Macédoine, vers
i 11 av. J.-C. — 8^ Fille d'Antiochus IV Epiphane ; amenée
à Rome par Héraclide, elle fut proclamée reine avec son
frère supposé Alexandre après la défaite de Démétrius So-
ter. — 9^ Femme d'Ariarathe V, roi de Cappadoce, qui fit
successivement périr les cinq aines de ses six fils afin de
garder le pouvoir; le peuple se révolta et la fit périr. —
10° Sœur et femme de Mithridate le Grand, roi de Pont, le
trompa en son absence, essaya de l'empoisonner et fut tuée
par son ordre. — 11** Une autre sœur de Mithridate le
Grand, mariée à Ariarathe VI de Cappadoce; après l'assas-
sinat de celui-ci, victime des intrigues de Mithridate, elle
épousa Nicomède, roi de Bithynie, et lui livra la Cappadoce ;
quand ses deux fils furent morts, elle en supposa un troi-
sième et se rendit à Rome pour le faire reconnaître roi de
Cappadoce ; elle n'y parvint pas. A.-M. B.
BiBL. : V. Syrie.
LAODICÉE. Nom de plusieurs cités antiques de l'Asie
occidentale :
Laodicée sur Mer était un port de Syrie, au S. d'Hé-
raclée, au milieu de beaux vignobles ; fondée par Séleucus
Nicator à la place de la ville phénicienne de Raraitha, elle
reçut le nom de sa mère. Admirablement bâtie, avec un
excellent port, elle prospéra, approvisionnant iVlexandrie
de vin. César lui octroya l'autonomie; mais, ayant servi
de refuge à Dolabella, elle fut saccagée par Cassius (43 av.
J.-C), Septime Sévère en fit une colonie. Au moyen âge
elle fut dévastée par le tremblement de terre de d 170 qlii
renversa ses remparts. Saladin la détruisit en 1488. Il
subsiste encore de nombreuses ruines de la cité antique, en
particulier une belle porte à l'angle S.-E. La ville mo-
derne s'appelle Ladikieh ou Latakia ; c'est le chef-lieu
d'un livadu vilayet de Syrie; elle compte 6,000 hab. Son
port est ensablé. Néanmoins elle a un commerce assez actif
de soie, d'épongés, et surtout de tabac, donnant son nom
à une espèce de tabac très fort, récolté dans les environs.
Laodicée du Liban, fondée par Séleucus Nicator, à FO.
de l'Oronte, dans la plaine de Marsyas, fut bientôt détruite
par les Arabes et les Ituréens. On l'appelle parfois Laodi-
cée Cabiosa; elle donna son nom au district de Laodicêne.
Laodicée du Lycus. Ville du S.-E. de la Phrjgie, au
N. du mont Cadmus, sur une colline escarpée cntre'les ra-
vins de FAsopus et du Caprus, affluents du Lycus, distant
de 1 kil. 1/2, voisine de Colosses et d'Hiérapolis. Elle s'ap-
pela d'abord Diospolis, puis Rhoas et fut rebâtie par An-
tiochus II Théos qui changea son nom en l'honneur de sa
femme Laodice. Annexée au royaume de Pergame, elle
devint très prospère malgré la fréquence des tremblements
de terre ; un des plus destructeurs eut lieu sous le règne
de Tibère. Ce fut le centre d'une école de médecine d'où
sortirent les sceptiques Antiochus et Thérodas. C'était un
des centres commerciaux de l'Asie Mineure. Les Juifs y
étaient très nombreux et Laodicée devint une des métro-
poles du christianisme naissant, souvent citée par saint
Paul (Ep. Coloss.), FApocalypse, Josèphe, etc. A l'époque
byzantine, elle conserva son importance, spécialement au
temps des Comnènes. Les ravages des Turcs et des Mon-
gols la ruinèrent. Conquise parles Turcs en 125d, elle fut
détruite en 1402. Le lieu s'appelle aujourd'hui Eski-his-
sar, près de Denisli . C'est un site d'une grande tristesse,
couvert de ruines très étendues (stade, gymnase, théâtre,
aqueduc, temples, etc.).
Laodicée Katakékaumdné (c.-à-d. la brûlée) ; bâtie par
Séleucus Nicator, sur la route vers Mélitène et Euphrate,
au N.-O. d'Iconium, rattachée tantôt à la Lycaonie, tantôt
à la Pisidie, tantôt à la Galatie. On ignore la cause de son
surnom. Ses ruines très vastes se trouvent à Jourgan-La-
dik (d'après Leake et Hamilton).
On cite encore une Laodicée en Médie et une autre en
Mésopotamie, entre Séleucie et Artemita. A.-M. B.
Concile de Laodicée. — Il a été tenu à Laodicée, en
Phrygie, un concile dont les décisions ont été considérées
par le concile œcuménique de Chalcédoine (451) comme
faisant partie des canons de l'Eglise universelle. Trente-
deux évoques y assistèrent. La réunion de cette assemblée
a été rapportée à des dates fort différentes : 314, c.-à-d.
avant le concile de Nicée, suivant Baronius, Binius et bon
nombre d'historiens et de canonistes; 341, 343, 352,
360, 370, 380, suivant divers autres. Les dates les plus
récentes semblent les plus vraisemblables, à cause du déve-
loppement de la discipline, de la hiérarchie et de la liturgie
qu'indiquent les dispositions arrêtées à Laodicée. — Le
LIX« canon fait défense d'employer dans les églises d'autres
livres que les livres canoniques de l'Ancien et du Nou-
veau Testament. Une énumération, dont on a fait le LX«
et dernier canon, n'admet, parmi les livres canoniques de
l'Ancien Testament, que ceux qui sont reconnus comme
tels par les Juifs. Elle omet les livres de Tobie, de Judith,
de V Ecclésiastique, de la Sapience,^ des Macchabées, etc.
V Apocalypse n'est point mentionnée parmi les livres du
Nouveau Testament. Ce catalogue n'a point été reproduit
par Denys le Petit, ni par Jean le Scolastique : ce qui en a
fait contester l'authenticité. E.-H. V.
BiBL.: Leake, AsiaMinor, 182i. -- Fellows, Journal
written in Asia Minnr, — Hamilton, Researches. — Dro y-
SEN, Gesch. der Hellenen (trad. Bouché-Leclercq). —- Po-
cocKE, Description ofthe EasL -
LAO-KAY. Ville du Tonkin, située sur la rive gauche du
fleuve Rouge, au confluent de la rivière Nam-thi. Lao-kay
est, sur la rive gauche du fleuve Rouge, la limite septen-
trionale du Tonkin : il n'est séparé que par le Nam-thi de
la ville chinoise de Song-phong qui se trouve dans la pro-
vince de Yun-nan ; sur la rive droite du fleuve Rouge le
territoire français remonte plus haut et ne s'arrête qu'à
Mang-hao, point extrême de la navigation. Lao-kay est un
centre important pour la batellerie ; on y voit deux sortes
de jonques : les jonques annamites dont la charge est de
15 à 16 tonnes et les jonques de Mong-hao qui sont plus
spécialement construites pour la navigation du haut fleuve
et ne portent que 6 tonnes. En 1893, les entrées ont été
de 222 jonques de Hanoi et de 425 jonques de Mang-hao;
les sorties ont été de 195 jonques de Hanoï et 495 jonques de
Mang-hao. La Société des correspondances fluviales a entre-
pris de créer un service régulier de navigation h vapeur entre
Hanoï et Lao-kay; avant que ce service puisse prendre une
grande extension, il sera nécessaire d'améliorer le cours
du fleuve qui est semé de nombreux rapides à partir de
Yenbai; les travaux sont commencés; dès l'année 1894
des essais heureux ont été faits qui prouvent la possibilité
de cette navigation. Le bateau le Bao-ha, construit par la
Société des correspondances fluviales, a accompli les voyages
suivants : parti de Yenbai le 9 mai 1 894 à cinq heures trente
du matin, il est arrivé à Lao-kay le H , à deux heures de
LAO-KAY — LAON
036 —
Taprès-midi ; le retour s'est effectué du 13 mai à cinq heures
quarante-cinq du matin au 47, à neuf heures du matin; un
second voyage a duré du 22 mai à cinq heures quinze du
matin au 24 à huit heures quarante du matin pour l'aller.
Comme il faut un peu moins de deux jours pour se rendre
de Hanoï à Yenbai, on voit que la durée totale du voyage
de Hanoï à Lao-kay est, en tenant compte des escales né-
cessaires, de cinq jours environ.
La province de Lao-kay produit du tabac et du cunâu,
tubercule dont on extrait une teinture brun rouge ; on y
trouve du cuivre, de l'étain, de l'argent, du plomb, du gra-
phite : les Chinois y exploitaient il y a quelque trente ans
une mine d'or ; c'est par Lao-kay que passe le sel importé
du Tonkin dans le Yun-nan. Ed. Cha^vannes.
BiBL, : Revue indo-chinoise illustrée, mai 1894 : Notes
sur le premier voyage du Bao-ha à Lao-kay et la navi-
gation du fleuve Rouge.
LAOIVIÉDON (Myth. gr.). Roi légendaire de Troie, fils
d'Ilus et d'Eurydice, père de Priam. Il bâtit Troie avec le
concours de Poséidon et d'Apollon exilés du ciel ; le pre-
mier éleva les remparts (avec l'aide d'Eaque, d'après Pin-
dare, 0/., VIII, M) ; mais, quand le travail fut achevé, il
refusa la récompense promise. Poséidon le punit en en-
voyant en Troade un monstre marin qui la ravagea; il fallut
pour l'éloigner lui sacrifier périodiquement une vierge. Le
sort tomba sur Hésione, fille de Laomédon. Héraclès, qui
revenait de l'expédition contre les Amazones, offrit de la
sauver si Laomédon lui promettait les chevaux divins donnés
par Zeus à Tros en échange de Ganymède ; quand le monstre
fut tué, Laomédon viola de nouveau sa promesse. Héraclès
revint avec six navires, tua le roi et tous ses fils, sauf
Priam, et donna Hésione en mariage à Télamon.
LAOMÉDON DE MiTYLÈNE, un des lieutenants d'Alexandre
le Grand. Fils de Larichus, il fut avec son frère Erigyius,
Ptolémée et Néarque, des confidents du prince du vivant de
son père. Parlant la langue persane, il eut la garde des cap-
tifs. A la mort d'Alexandre, il reçut le gouvernement de
Syrie, que lui conserva le partage de Trîparadisus ; mais
Ptolémée le lui enleva, n'ayant pu le lui acheter; il envoya
contre lui une armée commandée par Nicauor. Laomédon,
emmené prisonnier en Egypte, s'échappa, rejoignit, en Pi-
sidie, Alcétas, et avec Attale et les àei niers partisans de Per-
diccas il prit part à leur lutte contre Antigène (320). H
disparut dans leur défaite. ' A. -M. B.
LAON. Ch.-l. dudép. de l'Aisne, sur une colline isolée
et escarpée, dominant d'environ iOO m. la vallée de l'Ar-
don; 44,129 hab. Stat. du chem. de fer du Nord et de
l'Est, au croisement des lignes de Paris, Tergnier, Guise,
Hirson, Liart et Reims. Lycée de garçons, collège com-
munal de jeunes filles, écoles normales d'instituteurs et
d'institutrices, institution de jeunes filles aveugles et de
sourdes-muettes. Bibliothèque fort riche en manuscrits.
Place de guerre de première classe. Société académique.
Société hippique. Culture maraîchère. Commerce des tissus
de Saint-Quentin, des glaces de Saint-Gobain. L'industrie
est représentée par des fabriques de biscuits, de boissel-
lerie, des brasseries, des corderies, des fabriques de cou-
tellerie, des sucreries et enfin une fonderie de cuivre.
La ville de Laon occupe le sommet d'une colline de
forme singuUère, qui se divise en deux branches dont
Lune, à TE., porte la ville, la cathédrale et à son extrême
pointe la citadelle ; l'autre, au S., le quartier des Creuttes
et l'ancienne abbaye de Saint-Vincent. Au point de vue
stratégique, cette position commande la trouée de l'Oise,
c.-à-d. les routes et voies ferrées de Paris à la Belgique.
Au bas de la colline et complètement séparés de la ville
sont divers faubourgs : La Neuville-sous-Laon avec l'hos-
pice départemental de Montreuil établi dans une ancienne
abbaye cistercienne, Saint-Marcel, le quartier de la gare,
relié au centre de la ville haute par un immense escalier.
Vaux-sou s-Laon, Semilly, Ardon et Leuilly.
HisTomE. — Le site de la ville de Laon a été certaine-
ment très anciennement peuplé; beaucoup d'archéologues
pensent y retrouver l'antique Bibrax, place de guerre des
Rémois, alliés de César, qui délivra leur ville attaquée en
57 av. J.-C. par les Suessions. Le nom de Laudunum
n'apparaît qu'à la fin du v® siècle après les invasions bar-
bares, lors de la création du diocèse. Sous les Mérovin-
giens, la ville fit successivement partie des royaumes de
Soissons et d'Austrasie. Prise et pillée en 682" par Gis-
lemar, maire du palais de Neustrie, elle fut reprise par
Pépin le Bref en 742 et demeura depuis lors dans le do-
maine carolingien. Les Normands échouèrent devant ses
murailles en 882. Au x^ siècle, elle fut l'un des derniers
domaines des derniers souverains de la race de Charle-
magne. Eudes s'en était emparé, il est vrai, en 892, mais
Charles le Simple la reprit en 897 ; Robert s'en rendit
maître en 920, mais après sa mort Louis IV s'y fit sacrer,
et si, pour recouvrer sa liberté, en 946, il la céda au duc
des Francs, il ne tarda pas à la reprendre par surprise.
Un an après l'avènement de Hugues Capet, Charles de Lor-
raine s'établit encore dans la ville et repoussa le monarque
usurpateur qni l'assiégeait. Mais celui-ci avait noué des
intrigues avec l'évêque Adalbéron qui l'introduisit dans la
place par trahison.
Sous la royauté capétienne, la cité de Laon, placée sous
la suzeraineté de ses évêques, devint l'une des communes
les plus turbulentes du N. de la France. Guibert de
Nogent en a raco)ité, au xii^ siècle, la dramatique histoire
qu'Augustin Thierry a vulgarisée^ Lors d'un voyage à
Rome d'un évéque intrus et simoniaque, les habitants de
la ville avaient obtenu du chapitre une charte de commune
qu'ils firent confirmer par le roi Louis VII en 4144.
L'évêque Gaudry, de retour, obtint du roi à prix d'argent
la révocation de cet acte, et, non content d'avoir supprimé
la commune, il voulut se faire rembourser par les citoyens
de la somme qu'il avait payée au roi. Une insurrection
éclata où l'évêque et nombre de ses partisans trouvèrent
la mort, en même temps qu'un incendie détruisait l'évêché,
la cathédrale el une grande partie de la ville. Inquiets des
suites de leur révolte, un grand nombre d'habitants, les plus
compromis, se placèrent sous la protection de Thomas de
Marie et se réfugièrent dans son château de Coucy. Cette
ville, abandonnée de ses défenseurs, tenta la cupidité des
paysans des environs ; excités par les partisans de l'évêque
qui avaient fui devant l'insurrection, ils se ruèrent avec
eux dans ces ruines encore fumantes, saccagèrent tout ce
qui restait debout et se livrèrent aux pires excès. Pendant
ce temps, le roi Louis VI assiégeait les fugitifs dans le
château de Coucy, l'emportait de vive force et les faisait
pendre (1443). En 4428 cependant, la commune fut réta-
blie, une charte royale la confirma à prix d'argent ; mais,
dès 4134, elle fut de nouveau abolie. Moins d'un demi-
siècle après, les Laonnois entraient encore en lutte contre
leur évéque; soutenus par le roi Louis VII, ils recouvraient
leur charte (4174); mais quatorze ans plus tard, le roi
Philippe-Auguste supprimait de nouveau leurs privilèges.
Rétablie encore en 4239, la commune fut définitivement
abolie par Philippe de Valois en 4334.
Au xv^ siècle, Laon dut se soumettre en 4444 au duc
Jean sans Peur, chassa la garnison bourguignonne en 4414,
mais fut reprise en 4448. Philippe le Bon la livra aux
Anglais qui en furent expulsés en 4429. Au xvi^ siècle,
elle embrassa le parti de la Ligue et ne fut soumise par
Henri IV qu'en 4594.
Pendant la campagne de France, Laon dut se rendre au
général prussien Biilow (24 févr. 1814) et servit quelques
jours plus tard de point d'appui à Blucher lors des combats
que Napoléon livra sous les murs de la ville (9 et 40 mars
4814). En 1815, l'armée vaincue à Waterloo essaya vai-
nement de se reformer à Laon qui se rendit à Bkicher après
quinze jours de siège. En 1870, enfin, elle capitula le
9 sept. ; au moment oti les Allemands pénétraient dans la
citadelle, un garde du génie indigné en fit sauter la pou-
drière.
EvÊcHÉ. — L'évêché de Laon fut démembré en 497 de
- 937 —
LAON
celui de Reims par saint Rémy ; voici la liste des évèques
qui en ont occupé le siège : Saint Génebaud, 497-5 sept.
550; Larro; Elinand; Robert; Rigobert, 614; saint Ca-
gnoald, 625-24 août 633 ; Attola, 21 mars 634-664 ;
saint Wulfad ; Pèlerin ; Gérard ; Seron ; Ontier, v. 688-
707; Mauger, v. 710-743 ; Sigoald ; Bertefroi; Madelin;
Génebaud II, 746-765; Wenilon, v. 768 ; Cylon ; Rain-
froi; Sigebaud, v. 797; Geffroi, 798-799; Wenilon II,
V. 799-814; Ostrold, 814-826; Rernoin, 829; Simon,
835-847 ; Pardule, 848-aoùt 856 ; Hincmar, 21 mars
858-876 ; Hedenulf, 28 mars 876-v. 882; Didon, v. 882-
14déc. 893; Rodohard, v. 893-921; Adelme, v, 921-
930; Gosbert, 930-932; Enguerrand, 932-936 ; Raoul,
936-948; Roricon, 949-20 déc. 976; Adalbéron (Asce-
iin), l^^avr. 977-19 juil. 1030; Gibuin, 1047-1049;
Létry, 1019-1052; Hélinand, 1052-1098; Enguerrand de
Coucv, avr. 1100-1104; vacance du siège de 1104 à
1106; Gaudry, 1106-25 avr. 1112; Hugues, 4 août
1112-1119 ; Barthélémy de Jura, 1113-1151 ; Gautier de
Saint-Maurice, 11 51 -II 55; Gautier II de Mortagne, 1155-
1174; Roger de Rozov, 1174-1201; Renaud Surdelle,
1201-nWl2I0; Robert de Chàtillon, 1210-I2I5; An-
selme de Mauuy, 1215-3 sept. 1238; Garnier, 1238-
7 sept. 1249;"lthier de Mauny, 1249-22 mai 1261;
Guillaume des Moustiers, 1261-5 mars 1270; Godefroi
de Beaumont, 1271-mars 1279; Guillaume de Châtillon-
Jaligny, 1279-3 août 1285 ; Robert de Torote,janv. 1286-
1297; Gazon de Champagne, 1297-1306 ; G. (Guillaume?),
1315-1317 ; Raoul Rousseiet, 1317-16 oct. 1323; Albert
de Roye, 1324-25 avr. 1338; Roger d'Armagnac, 1338-
1339 ; Hugues d'Arcy, 1339-1351 ; Robert le Coq, 1351-
1358 (?) ; Godefroi le Meingre, 1363-30 nov. 1370 ;
Pierre Aycelin de Montégut, 1371-1386; Jean de Roucv,
1386-12 juin 1 41 8; Guillaume de Champeaux,! 5 oct. 141 9-
23 mars 14M; Jean Jouvenel des Ursins, 3 avr. 1444-
1449 ; Antoine du Bec-Crespin, 4 mars 1449-1 4 janv. 1460 ;
Jean de Gaucourt, 30 nov. 1460-10 juin 1468; Charles
de Luxembourg, 13 mars 1473-24 nov. 1509; Louis de
Rourbon-Vendôme, avr. 1510-1552; Jean Doc, 1552-
!<"" juil. 1560; Jean de Rours, 2 nov. 1564-22 juin
158Ô; Valentin Douglas, 1581-5 août 1598; Godefroi de
Billy, 7 mai 1601-28 mars 1612; Benjamin de Brichan-
teau, 1612-14 juil. 1619; Louis Séguier; Philibert de
Brichanteau, 1620-21 déc. 1652; César d'Estrées, sept.
1655-1681; Jean d'Estrées, avr. 1681-1^^ déc. 1694;
Louis-Anne de Clermont de Chaste de Roussillon, 6 nov.
1695-5 oct. 1721 ; Charles de Saint-Aubin, 26 avr. 1722-
17 oct. 1723; Etienne-Joseph de La Fare, 25 juil. 1724-
23 avr. 1741 ; Jean-François-Joseph de Rochechouart de
Faudous, 15 oct. 1741-20 mars 1777; Louis-tlector-
Honoré-Maxime de Sabran, 26 avr. 1778-1790. L'évèché
fut supprimé à cette époque. Depuis la fin du xii*^ siècle,
révêque de Laon avait le rang de 2® pair ecclésiastique,
et à ce titre portait la sainte ampoule au sacre du roi.
Monuments. — Le plus remarquable des monuments de
Laon est sa cathédrale, particulièrement à cause de son
importance dans l'histoire de Farchitecture gothique. Com-
mencée par Févêque Gautier de Mortagne, au milieu du
XII® siècle, Notre-Dame de Laon (V. fig., t. VU, p. 47) ne
fut complètement achevée qu'en 1 225. C'est un magnifique
édifice gothique, de 109 m. de longueur dans œuvre, com-
prenant une nef principale voûtée d'ogives, haute de 24 m.,
terminée à FE. par un chevet plat, percé de trois longues
fenêtres surmontées d'une rose, entourée de bas côtés au-
dessus desquels régnent des tribunes surmontées d'un trifo-
rium, et qui sont eux-mêmes entourés de chapelles qui en
ont remplacé les fenêtres à la fin du xiii^ siècle. La nef et
les bas côtés sont coupés par un transept dont le carré
est surmonté d'une tour carrée formant lanterne, percée
de deux fenêtres sur chacune de ses faces, et dont les
bras sont terminés par des*^ roses et flanqués à FE. de cha-
pelles absidales. Entre elles et le chœur sont ménagées des
salles carrées dont les voûtes retombent sur une colonne
centrale. A l'extérieur, la façade occidentale, restaurée par
E. Boeswillwald, est surmontée de deux tours carrées à
la hase, terminées par des clochers de forme octogonale
dont les contreforts supportent des clochetons à deux étages
ajourés. Au second de ces étages, des animaux de propor-
tions colossales représentent, d'après la tradition, les atte-
lages de bœufs qui transportaient les matériaux sur la
colline. Quatre autres tours devaient s'élever aux angles
des croisillons; il en subsiste deux. Au S. de la nef est
une salle capitulaire et un cloître, élevés au xni^ siècle et
sous lesquels règne une crypte gothique. La cathédrale a
conservé de beaux vitraux et de nombreuses pierres tom-
bales. Au N.-E., le palais épiscopal, édifice du xin® siècle
(mon. hist.), sert aujourd'hui de palais de iustice. —
Palais de justice de^Laon.
Uéglise Saint-Martin (mon. hist.), ancienne collégiale,
puis abbaye de Prémontrés en 1124, a été construite vers
1140. C'est un bel édifice de transition, sur le plan des
églises cisterciennes; la façade est du xiv^ siècle. Deux
tours carrées s'élèvent à l'angle des bras du transept et de
la nef ; Fune d'elles a été reconstruite au xviii® siècle.
Les bâtiments de Fabbaye, où subsistent des parties du
xiii® siècle, servent aujourd'hui d'hôtel-Dieu. — La pré-
fecture est installée dans les anciens bâtiments de Saint-
Jean-au-Bourg, fondée au xn^ siècle; dans leur état actuel,
ils datent des xin^, xv® et xvm® siècles. — L'église des
Templiers (mon. hist.), enclavée dans l'école des frères,
est un curieux édifice octogonal, construit en 1134. Les
anciens bâtiments de Fabbaye de Saint- Vincent, fondée en
610, ne sont pas antérieurs au xvii<^ et au xviii^ siècle ;
quelques vestiges de fortifications rappellent seuls le moyen
âge. Ils sont occupés aujourd'hui par le génie militaire.
Laon a conservé beaucoup de maisons anciennes, la plu-
lAON — LAO-TSE
- 938
part des xv® et xvj® siècles ; une seule est plus ancienne et
remonte à l'époque romane. L'ancien beffroi de la com-
mune, tour carrée du xn^ siècle, se trouve aujourd'hui dans
l'enceinte de la citadelle. On retrouve des vestiges des
anciennes fortifications du xiii*^ siècle dans les portes de
Porte de Soissons, à Laon.
Saint-Martin, Royer et des Chenizelles. Des promenades
ombragées d'ormes et de tilleuls contournent toute la ville
en contre-bas des remparts. Le musée d'art et d'antiquités
a été fondé en 1851 par la Société académique; il contient
les résultats de nombreuses explorations locales.
Collège de Laon (V. Faculté [Théologie]).
Conciles de Laon. — 948, le comte Hugues y fut cité par
lettres de Marin, légat du pape, pour répondre sur ses
méfaits à l'égard du roi Louis d'Outre-Mer et des évêques.
— 1146, assemblée d'évêques et de seigneurs convoquée
par Louis le Jeune, pour délibérer sur les préparatifs de
la croisade. — 1233, sur la plainte de Milon, évêque de
Beauvais, qui prétendait que le roi Louis IX avait violé
les droits de son église, en exerçant justice à Beauvais
contre les auteurs d'une sédition, les évoques décrétèrent
un interdit. Cette censure fut réprouvée par les chapitres
des cathédrales, et finalement révoquée par un concile de
Saint-Quentin en Vermandois, statuant que les évêques ne
pourraient rien ordonner sans la participation de leurs cha-
pitres.
BiBL. : Devismes, Histoire de la, ville de Laon; Laon,
1822, 2 vol. in-8.
LAONNOIS (Pagiis Laudunensis). Ancien pays de la
France. Ce fut d'abord un pagus de la cité de Reims qui
forma, à la fin du v® siècle, le diocèse de Laon, et eut
rang de comté, puis de duché, lorsque les évêques en eurent
acquis la seigneurie temporelle. Cette désignation tendit
cependant à se restreindre aux domaines propres de l'évêque.
Les habitants des paroisses, au nombre d'une vingtaine,
qui les composaient, étaient serfs directs de l'évêque. A la
mort de l'évêque Gautier de Mortagne (1174) et pendant
la vacance du siège, ils formèrent sous le nom de commune
du Laonnois une confédération et achetèrent au roi Louis VU
une charte d'affranchissement. L'évêque Roger de Rozoy,
n'ayant pu en obtenir l'abolition, marcha contre ses vas-
saux et les tailla en pièces en 1177, près d'Anizy ; mais il
dut se retirer devant l'intervention de Louis VIL Philippe-
Auguste céda, au contraire, aux sollicitations de l'évêque,
et la commune du Laonnois fut supprimée en 1190.
LAON S. Com. du dép. d'Eure-et-Loir, arr. de Dreux,
cant. deBrezolles; 637 hab.
LAOS. Ville du Bruttium (V. Laûs).
LAOS. L Géographie. — Région centrale de l'Indo-
Chine, correspondant au bassin central du Mékong, entre
le Cambodge au S., le Yunnan au N., la Birmanie à l'O.,
l'Annam à i'E. Elle se partage entre Iç Siam et l'Annam ;
le traité franco- birman, puis le traité franco-siamois de
1894, fixent pour limitele Mékong ; le Laos siamois s'étend
aussi sur le bassin supérieur du Ménam et s'étend jusqu'à
la Salouen qui le sépare des Etats chans, vassaux de la
Birmanie. Sur la géographie physique, le climat, la flore,
la faune, la géographie économique, V. Asie, Mékong et
Siam, Au point de vue politique, le Laos est divisé en plu-
sieurs principautés ou royaumes; les principales, dont les
autres dépendent, sont celles de Xieng-maï, Lam-poun,
Lakhon, Mouang-phé, Movang-nan^ Mouang-lo7n,
Loiiang-Prabang (V. ces mots). Parmi les principautés
laotiennes voisines de la Chine et de la Birmanie, les prin-
cipales sont celles de Mouang-lem, Xiang-houng, Xiang-
toungy Xiang-khen, Xaing-ma et Mouarig-ting {\ . ces
mots). A.-M. B.
IL Ethnographie. — On donne le nom de Laotiens aux
peuples de race thaï habitant le Laos oriental qui , aujourd'hui ,
rentre en partie dans l'Indo-Chine française. Par extension,
ce nom est appliqué aux habitants du Laos occidental, que
l'on connaît aussi sous le nom de Chan en usage courant
dans le Laos birman. D'ailleurs, ce nom devient générique,
puisqu'on reconnaît qu'il n'y a presque pas de différence
entre les Laotiens proprement dits et les Tho et les Yao
du Tonkin ou les Penongs et les Phouen ou Phon de
l'Annam. Les Laotiens de l'Indo-Chine française et du
Siam sont en général petits de taille (1"^59, d'après Har-
mand), mais assez forts et bien pris. Leur tête est arron-
die, brachycéphale (indice céphalique moyen, 83,6 sur le
vivant) ; le front est haut, étroit, les pommettes modéré-
ment saillantes et les yeux peu obliques ; le nez est con-
cave, retroussé, les lèvres moyennement grosses. Les che-
veux coupés à la siamoise, c.-à-d. rasés, sauf sur le sommet
de la tête où ils se dressent en tronc, sont durs, droits et
noirs ; la couleur de la peau est jaune pâle ou brunâtre.
Au moral, les Laotiens sont caractérisés par leur insou-
ciance, leur gaieté et leur, goût pour les plaisirs et dis-
tractions bruyantes. Ils habitent des maisons sur pilotis,
disposées ordinairement le long d'un cours d'eau. Le cos-
tume se compose de l'inévitable langoiiti chez les hommes,
d'une sorte de jupon court chez les femmes, plus les orne-
ments. La plupart des Laotiens sont tatoués sur le ventre et
sur les cuisses ; cet usage est moins répandu chez les Laotiens
du Sud qu'on appelle pour cela « ventres blancs ». La majo-
rité des Laotiens vivent encore à l'état de tribus, quoiqu'ils
aient des villes, qu'ils ne soient pas étrangers à la culture
du sol et qu'ils entretiennent même un commerce avec les
Chinois, les Siamois et les Birmans ; ils sont dans une
phase de transition entre la barbarie et la vraie civilisa-
tion. Tous ne sont pas arrivés au même point; il est parmi
eux des tribus comme par exemple les Lova de la frontière
birmano-siamoise, qu'eux-mêmes regardent comme des sau-
vages. — Les Laotiens sont bouddhistes de nom, mais le
fond de leur religion est un mélange de croyances fétichistes
et de superstitions de toute sorte. Néanmoins le nombre de
prêtres bouddhistes est considérable parmi eux. J. Deniker.
BiBL. : Bastian, Die Vôlker des œstlichen Asien^ t. I;
Leipzig, 1866. — Aymonnier, Notes sur les Laos; Saigon,
1885.
LAO-TSE, philosophe chinois dont les enseignements
sont regardés comme l'une des sources les plus importantes
pour Fétude de la doctrine appelée taoïsme. Lao-tse est un
personnage sur lequel nous ne possédons que des rensei-
gnements vagues et contradictoires. Parmi les auteurs qui
nous ont raconté sa vie, on ne peut ajouter foi à ceux qui
sont taoïstes; en effet, un des dogmes essentiels du taoïsme
est que ses adeptes jouissent de l'immortalité; c'est pourquoi
les maîtres de cette doctrine passent pour avoir vécu sous
divers noms pendant des centaines et même des milliers
- 939 -
LAO-TSE
d'années. Le seul écrivain non-taoïste auquel nous puis-
sions nous adresser est Se-ma Tsien qui nous donne au
63® chapitre de ses Mémoires historiques une courte no-
tice sur Lao-tse. Se-ma Tsien raconte une entrevue qu'eut
Confucius, alors dans la force de F âge, avec Lao-tse déjà
vieux, ce qui semblerait prouver que Lao-tse est un peu
plus ancien que Confucius (551-479 av. J.-C). Mais cer-
tains auteurs, ajoute l'historien chinois, identifient Lao-tse
avec Lao-lai-tse ; or, si Lao-lai-tse passe aussi pour être
contemporain de Confucius, les légendes qui se sont formées
autour de son nom sont fort différentes des traditions rela-
tives à Lao-tse ; voilà donc une première cause d'incerti-
tude. Bien plus, Se-ma Tsien dit que Lao-tse vécut cent
soixante ans, suivant les uns, et, d'après les autres, plus
de deux cents ans; ni l'une ni l'autre de ces longévités
n'est vraisemblable. En outre les textes historiques rap-
portent que, plus de cent ans après la mort de Confucius,
en 374 av. J.-C, le grand astrologue des Tcheou, Tan,
eut une entrevue av-ec le duc Hien, de Tsin, et lui lit une
prédiction touchant la grandeur future de sa maison ; ce
Tan n'est autre que Lao-tse, disent quelques auteurs;
d'autres le nient, et, ajoute Se-ma Tsien, on ne peut
savoir qui a raison ou tort, car Lao-tse fut un sage caché.
Le récit que Se-ma Tsien nous fait de la manière dont
Lao-tse disparut vers la fin de sa vie n'est pas moins sujet
à caution. Lao-tse, dit l'historien, renonça à la charge qu'il
occupait à la cour des Tcheou pour aller vivre dans la
retraite ; à son arrivée à une passe célèbre du Ho-nan, il
fut retenu quelque temps par le gardien de ce passage,
Yn Hi, à la requête de qui il écrivit un livre en deux par-
ties dans lequel il traitait, en cinq mille mots environ, de
la Voie et de la Vertu ; telle aurait été l'origine du fameux
ouvrage intitulé Tao4é-king. Puis le sage s'éloigna et per-
sonne n'a pu connaître oti ni quand il mourut. Les boud-
dhistes chinois ont recueilh précieusement cette vague indi-
cation; ils ont prétendu que Lao-tse s'était rendu dans les
pays d'Occident et que c'étaient ses doctrines qui avaient
donné naissance en Inde au bouddhisme lui-même (Cf. So7îg
kao seng tchoan^ chap, m). L'iconographie taoïste repré-
sente volontiers Lao-tse assis sur un buffle, parce que
c'est ainsi, d'après la légende, qu'il apparut à Vn Hi.
Lao-tse n'est qu'un surnom qui signifie, suivant l'inter-
prétation la plus vulgaire, le vieil enfant : sa mère l'aurait
en effet porté soixante-douze ans dans son sein et il serait
né avec les cheveux tout blancs. D'après Se-ma Tsien, son
nom de baptême aurait été Li, son nom personnel Eul, son
appellation Po-yang et son titre posthume Tan. Il aurait
vu le jour dans un hameau dépendant de la sous-préfec-
ture de Kou (laquelle était à 5 kil. environ à l'E. de la
sous-préfecture de Lou-i, préfecture de Koei-té, province
deito-nan). Ce personnage étant si légendaire, peut-on lui
attribuer avec quelque certitude la paternité du livre qui
porte son nom ? En 1888, M. Giles Ta contesté avec une
grande vivacité dans un article (The Hemains ofLao-tze^
l\e-translalecï) qui a suscité une longue polémique entre
les sinologues ; d'après M. Giles, tout ce qui ne serait pas
cité comme étant de Lao-tse par des auteurs antérieurs au
premier siècle avant notre ère serait un pathos inintelli-
gible ou sans valeur; en partant de ce principe, il rejette
les neuf dixièmes du livre comme apocryphes et n'y voit
qu'une compilation maladroite faite dans les environs du
commencement de l'ère chrétienne. Ce procédé de critique
ne saurait être admis. On a fort bien prouvé à M. Giles
qu'il n'avait pas su trouver plusieurs citations de Lao-tse
dans les textes mêmes dont il invoquait le témoignage et
que d'ailleurs aucun ouvrage ne résisterait à un examen
qui prétendrait ne reconnaître comme authentiques que les
seuls passages qui sont expressément attribués à l'auteur
par d'autres écrivains. Malgré ces objections, M. Giles nous
paraît avoir eu raison d'appeler l'attention sur le peu de
garanties qu'on a de l'authenticité du livre de la Voie et
de la Vertu; ce livre est un recueil d'aphorismes qui por-
tent la marque d'une école, mais non celle d'un homme ;
si on lui donne pour auteur Lao-tse, c'est parce que ce per-
sonnage mythique est regardé comme le patron du taoïsme;
mais on ne saurait fournir aucune preuve décisive que
Lao-tse l'ait écrit.
Abel Rémusat fut le premier en Europe qui attira l'at-
tention sur Lao-tse, en publiant en 1823 son célèbre Mé-
moire sur la vie et les opinioiis de Lao-fseu, philosophe
chinois du vi^ siècle avant notre ère, Abel Rémusat
rapprochait les idées du penseur chinois de celles de Pytha-
gore et de Platon ; il avançait, en outre, une hypothèse qui
fit un bruit considérable. Au chap. xiv du Tao-té-king,
on lit : « Celui qu'on ne voit pas quand on le regarde est
appelé /; celui qu'on n'entend pas quand on l'écoute est
appelé Hi; celui qu'on ne touche pas quand on le palpe
est appelé Wei. » Rémusat était d'avis que les trois mots
J-hi-wei n'avaient aucun sens en chinois et il crut y re-
trouver une transcription du nom de Jéhova. — Stanislas
Julien, le disciple et le successeur d'Abel Rémusat au Col-
lège de France, donna en 1842 une traduction intégrale
du livre De la Voie et de la Vertii;en se fondant sur
l'autorité des commentateurs chinois, il traduisit les trois
mots î-hi^wei comme signifiant « incolore », « aphone »
et « incorporel ». Quoique l'identification des trois mots
I-!ii'Wei avec Jéhova soit aujourd'hui reconnue fausse, il
se trouve encore aujourd'hui des sinologues qui refusent
de les traduire littéralement comme le faisait Julien (avec
raison, à notre avis), et qui prétendent y reconnaître la
transcription des noms de quelque trinité babylonienne ou
indienne (Edkins, Onl-hi-wei inthe Tao-tehking^ CM-
nese Recorder ^ vol. XVII, pp. 306 etsuiv. ; Terrien de La-
couperie, Western OriginofChinesecivilization, p. 123).
La doctrine du Tao-té-king est difficile à bien com-
prendre parce qu'il faudrait, au préalable, avoir pénétré
le sens du mot tao. Stanislas Julien traduisait les deux
mots Tao-té comme signifiant la voie et la vertu; il n'y a
pas d'hésitation possible sur le sens du second mot : té
est la vertu qui n'est autre pour l'homme que la conformité
au tao. Mais qu'est-ce que le tao lui-même? Le mot « voie »
qu'a choisi Stanislas Julien nous paraît, malgré les cri-
tiques dont il a été l'objet, être l'équivalent le plus exact
de l'expression chinoise si l'on considère que dans la trans-
position des termes métaphysiques dans une langue formée
par une pensée étrangère, on devra toujours se contenter
d'une approximation. Le tao est cette entité mystérieuse
de laquelle tout émane, qui est antérieur à toute chose,
qu'on ne peut exprimer par aucun mot ; en l'appelant le
tao^ la « voie », on ne fait que symboliser son action ; elle
est ce qui imprime aux êtres la direction suivant laquelle
ils se développent; elle est au fond ce qui cause leur
marche en avant ; elle est le principe même de leur évo-
lution. — La morale taoïste enseigne la conformité au tao;
le tao étant la loi qui régit la vie universelle, la règle que
l'homme devra suivre sera de ne point obéir à des motifs
d'intérêt personnel, mais d'identifier son activité avec celle
de la nature immense et divine. Il sera donc humble, se pliant
aux circonstances et ne cherchant à imposer sa volonté à au-
cun être ; il méprisera les connaissances qui ne sont qu'un
moyen de domination et trouvera le bonheur dans la non-
science ; enfin, comme il fera de plus en plus abstraction de sa
personnalité pour se confondre avec les lois directrices du
monde, on pourra dire qu'il pratique le non-agir. Le Tao-té-
king prêche donc l'inaction, l'ignorance et l'humihté; mais
ces trois vertus, qui ne sont que des négations au regard de
la morale égoïste des hommes, sont, au contraire, celles qui
identifient le sage avec la seule réalité positive, à savoir le
tao, qui renferme éminemment action, science et puissance
dans son unique perfection. Ed. Chavannes.
BiBL. : Outre les ouvrages d'Abel Rémusat, Stanislas
Julien, Edkins, Giles, Terrien de Lacouperie, cités
dans cet article, consulter aussi : G. Pautiiier, Mémoire
sur l'origine et la propagation de la doctrine du Tao,
fondée par Lao-tseu; Paris, 1831.— J. Ghalmers, The
Spéculation on metaphysics^ politij and morality ofLao-
tze; GhanghaT, 18G8. —V. von Strauss, Lao-tse Tào-té~
Teachings of Lao-tze, China Kevfew, 1889, vol. XVII. —
LAO-TSE — LAPEROUSE
940
D»" Leege, The Texts of Taoism^ dans Sacred Books of
the East, vol. XXXIX, pp. 47-124. — Dk Harlez, Lao-tse ;
Bruxelles, 1885. — Du même, Textes taoïstes dans An-
nales du musée Guimet^ t. XX, pp. 1-74.
LA PALICE (Ghabannes, sieur de) (V. Chabannes).
LAPA L U D. Corn, dudép. deVaucluse, arr, d'Orange, cant.
de BoUène; i ,900 hab. Stat. du chem. de fer P.-L.-M.
LAPAN. Com. du dép. du Cher, arr. de Bourges, cant.
de Levet; 266 hab.
LAPANOUSE. Com. du dép. de l'Aveyron, arr. de Mil-
lau, cant. de Sévérac-le-Château ; 928 hab.
LAPANOUSE-de-Cernon. Com. du dép. de l'Aveyron,
arr. de Saint-Affrique, cant. de Cornas; 525 hab.
LA PAPE (Gui de) (V. Gui-Pape).
LAPARADE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. de Castelmoron; 737 hab.
LAPAROTOMIE (Chir.). Opération ayant pour but d'ou-
vrir Tabdomen soit pour compléter le diagnostic d'une ma-
ladie d'un des organes renfermés dans cette cavité, soit
pour traiter chirurgicalement cette maladie ou une lésion
traumatique de ces organes. On a désigné longtemps cette
opération sous le nom de gastrotomie (V. ce mot).
LAPARROUQUIAL.Com. du dép. du Tarn, arr. d'Albi,
cant. de Monestiès; 262 hab.
LAPASSET (Ferdinand-Auguste), général français, né à
Saint-Marlin-de-Réle 29 juil.i817, mort à Toulouse le 16
sept. 1875. Sorti de l'Ecole de Saint-Cyr dans l'état-major
le 1^^ oct. 1837, il partit dès le début de sa carrière pour
l'Afrique où il resta de 1840 à 1867. Sa brillante conduite
pendant cette longue période lui valut plusieurs citations
à l'ordre de l'armée; il s'était particulièrement distingué,
en 1846, aux combats de Mazouna et de Sidi-Khelila.
Promu général de brigade le 7 juin 4865, il commandait
à Lyon lors de la déclaration de guerre à l'Allemagne. A
la tête d'une brigade du 5^ corps, il fut détaché à Sarre-
guemines, mais les événements ne lui ayant pas permis de
rejoindre le général de Failly, il se rallia au corps du général
Frossard avec ses troupes qui firent alors partie de l'armée
de Metz sous le nom de brigade mixte. Le général La-
passet assiste à toutes le's batailles livrées sous Metz ; il se
distingue à Rezonville et principnlement au coup de main
tenté sur Peltre dans le but de s'emparer des approvision-
nements de l'ennemi. Il lut jusqu'au dernier jour partisan
de la lutte à outrance. Lors de la capitulation de Metz, il
refusa de livrer les drapeaux de sa brigade qu'il fit brûler
en sa présence. La lettre qu'il écrivit à cette occasion au
maréchal Bazaine rendit son nom populaire. Il fut promu
divisionnaire le 20 avr. 1871. E. Bernard.
LAPATHINE (V. Chrysopiianique).
LA PAUSE (Jean Plantavit de), prélat français et orien-
taliste, né au château de Marcassargue (Gévaudan) en 1 576,
mort au château de Margon, près de Béziers, le 21 mai
1651. Né et élevé dans la religion réformée, il fut ministre
à Béziers, passa au catholicisme en 1604, étudia les langues
orientales à Borne, fut ensuite aumônier de Catherine de
Médicis et d'Elisabeth de France. Celle-ci lui fit obtenir
en 1625 l'évèché de Lodève, dont il se démit, pour cause
d'infirmités, en 1648. On a de lui: Chronologia presu-
lum Lodouensium in Gallia Narbonensi (krsLmon, 1634,
in-4), et l'énorme compilation : Thésaurus synonymicus
hebraieo-chaldaico-rabbinicus (Lodève, 1644-45, 3 vol.
in-fol.).^
LAPÈGE. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Foix,
cant. de Tarascon-sur-Ariège ; 403 hab.
LAPENCHE. Com. du Tarn-et-Garonne, arr. de Mon-
tauban, cant. de Montpezat; 395 hab.
LAPENNE.Com. du dép. de l'Ariège, arr. dePamiers,
cant. de Mirepoix ; 506 hab.
LAPENTY. Com. du dép. de la Manche, arr. de Mor-
tain, cant. de Saint-Hilaire-du-Iïarcouët; 906 hab.
LAPERCHE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Marmande, cant. de Lauzun ; 334 hab.
LAPEREAU (Art cuL) (V. Lapin).
LA PÉRELLE (Auguste Jubé, baron de) (V. Jubé).
LAPEROUSE (Jean-François de Galaup, comte de),
navigateur français, né au Gô, près d'Albi, le 22 août
1741, mort à File de Vanikoro, en Océanie, vers 1788.
Entré dans la marine en 1756, il fit dès les premières
années de nombreuses campagnes, fut fait prisonnier par
les Anglais devant Belle-ïsle en 1759, combattit brillam-
ment en Amérique contre l'amiral anglais Byron, et fut
promu capitaine de vaisseau en 1780. A bord de VAstrée,
il lutta avec succès contre plusieurs navires anglais. En
1782, il fut chargé de détruire les étabhssements de la
Compagnie anglaise de la baie d'Hudson. A cette époque,
le gouverneaient français, voulant compléter les travaux
de Cook et de Clarke, avait résolu d'envoyer une expé-
dition sur la trace des voyageurs anglais. Deux frégates
furent armées à Brest, la Boussole^ commandée par
Lapérouse, l'Astrolabe, par le capitaine de Langle. Après
avoir doublé le cap Horn, Lapérouse remonta, en 1786,
jusqu'au mont Saint-iïélie, sur la côte N.-O. de l'Amé-
rique, d'où Cook avait été constamment repoussé par les
courants. Sur cette côte, la baie Monti, le port des Fran-
çais, l'ile du Cénotaphe, sont quelques-uns des points qu'il
découvrit et nomma. Cette première reconnaissance a été
plus tard complétée par Vancouver. De là, Lapérouse mit
le cap sur les îles Sandwich, découvrit l'île Necker et, le
3 janv. 1787, mouilla dans la rade de Macao. Un mois
après, il faisait route pour les Philippines et, après avoir
touché à l'île (Juelpaert, il se dirigea vers le Japon. Il
relâcha dans une baie qui reçut le nom de Ternay. Le
27 juin, il reprit la mer et s'avança vers le N. en
longeant les côtes de la Tartarie chinoise. Le 2 août, il
découvrit le détroit qui porte aujourd'hui son nom. Puis,
traversant par le canal de la Boussole, le chapelet d'îles
qui prolonge l'archipel du Japon jusqu'au Kamtchatka,
il parvint le 7 sept, dans la baie d'Avatscha. Il y fut ac-
cueilh par les Russes. De là, Lapérouse envoya de Lesseps,
embarqué comme interprète sur l'Astrolabe, porter ses
dépèches en France, à travers la Sibérie. Lapérouse reprit
la mer le 29 sept. ; il se proposait de reconnaître et de
relever les îles Kouriles, mais les vents d'O. l'obli-
gèrent à abandonner son projet. Il fît route vers le S.,
traversa pour la troisième fois Féquateur le 21 nov., et
mouilla le 9 déc. sous l'île Maouna, dans l'archipel des
Navigateurs. Le commandant de V Astrolabe, de Langle,
aborda dans une baie où il fut entouré par des hordes
sauvages, et il fut massacré avec plusieurs de ses com-
pagnons. Lapérouse contint prudemment son équipage et
s'éloigna. Il reconnut les îles des Amis, l'île Norfofk, et
vint mouiller le 26 janv. 1 788 à Botany Bay, dans l'Aus-
tralie. C'est de ce port, et du 7 ïé\r., qu'est datée la
dernière lettre écrite par Lapérouse au ministre de la
marine. Gomme on ne recevait de lui aucune nouvelle,
on envoya visiter tous les points où l'on savait qu'il de-
vait toucher. Les recherchev ; faites par d'Entrecasteaux
n'eurent pas de résultat. En 1826, le capitaine anglais
Peter Dillon, naviguant au N. des Hébrides, trouva sous
Peau, au milieu des récifs qui entourent l'île de Vanikoro,
des débris de navire, des canons et divers objets ; il re-
connut qu'ils provenaient de la Boussole et de l'Astrolabe,
En 1828, Dumont d'Urville visita Vanikoro lors de son
voyage autour du monde et recueillit encore des débris
du naufrage. Il éleva sur la côte un mausolée à Lapérouse
et à ses compagnons, le 14 mars 4828. La ville d'Albi
lui consacra une statue en 1844, et la Société de géogra-
phie de Paris a célébré, le 29 avr. 1888, le centenaire de
la mort de Lapérouse. Millet-Mureau a publié, d'après le
journal de Lapérouse, une relation de son Voyage autour
du monde (1797, 4 vol. in-4 et atlas gr. in-fol.), et de
Lesseps en donna une autre, plus exacte (1831, in-8,
carte et plan). G. Rpxelsperger.
BiBL. : Bulletin de la Société de Géographie ; Paris,
1888. On y trouvera, dressée par M. Gabriel Marckl,
une bibliographie, contenant 386 numéros, de tous les
ouvrages se rapportante Lapérouse ou à son expédition.
LAPÉROUSE (Léon-Pierre-Emile Dalmas de), marin
français, né à Brest le i8 août 1805, mort à Paris le
!2(i ocl. 1874. Il prit part à l'expédition d'Alger et fit le
tour du monde sur la Vénus, commandée par Dupetit-
Thouars. Il fut major général à Cherbourg, puis à Brest,
et fut nommé contre-amiral en 1864. La famille Dalmas do
Lapérouse descend de Tune des deux sœurs du navigateur,
LAPERRIÈRE. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de
Beaune, cant. de Saint- Jean-de-Losne; 451 liab.
LA PERRIÈRE (Guillaume de), poète et historien fran-
çais, né à Toulouse en 1499, mort en 1565. Issu d'une
famille de petite noblesse, il avait fait des études en droit
et prit le titre de licencié. Ses nombreux ouvrages lui
valurent de son temps une réputation qui paraît aujour-
d'hui tout à fait imméritée. En 1552, il fut chargé par
le corps municipal de sa ville natale de rédiger pour
cette année les annales de Toulouse ; mais il abandonna
sans doute cet ouvrage qu'il ne semble pas avoir jamais
publié. La plupart de ses écrits sont en vers et portent des
titres bizarres ; ils n'ont de nos jours quelque valeur que
parce qu'ils sont devenus extrêmement rares. Le plus connu
est intitulé les Annalles de Foix (Toulouse, 1539, pet.
in-4) . La valeur historique en est d'ailleurs très médiocre ;
l'auteur, ainsi qu'il le dit dans la préface, a utilisé le tra-
vail antérieur d'un cordelier, qui n'est autre queMiégeville.
— La Perrière a revu et augmenté la traduction française
anonyme de l'ouvrage de Nicolas Bertrandi, De Tolosa-
norum gestis, qui avait paru en 1517, in-4.
BiBL. : Biographie toulousaine, par une société de gens
de lettres ; Paris, 1823, 2 vol. in-8. — Lelong, Bibliothèque
historique de la France ; Paris, 1766-78, in-fol. — La Croix
DU Maine, Bibliothèque française; Paris, 1772-73, G vol.
in-4.
LA PÉRUSE (Jean Bâstier de), poète français, né vers
1530, mort en 1555. Sa vie est peu connue. Il est l'au-
teur d'une tragédie en cinq actes tirée de Sénèque, la Mé-
dée, qui lui valut une renommée exagérée parmi ses con-
temporains et le surnom du premier tragique de France. Il
a laissé d'assez nombreuses pièces de poésies : épigrammes,
sonnets, odes, élégies, etc., qui ont été réunies par ses
amis, Guillaume Bouchet et Jean Boiceau : Œuvres (Poi-
tiers, 1556, in-4; Paris, 1573, in-12; Lyon, 1577,
in-16, etc.).
LAPEYRE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Trie; 103 hab.
LAPEYRÈRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Muret, cant. de Montesquieu-Volvestre ; 26^2 hab.
LA PEYRÈRE (ïsaac de), littérateur français, né à
Bordeaux en 1594, mort le 30 janv. 1676. Il figura au
siège de Montauban, entra dans la maison du prince de
Condé, suivit en 1644 en Danemark l'ambassadeur La
Thuillerie, et était de nouveau au service de Condé en
Flandre lorsqu'il publia : Prœadamitœ (1655, in-4),
livre oti il prouve que la terre de Chanaan était peuplée
longtemps avant l'apparition d'Adam. Cet ouvrage fit un
bruit énorme. La Peyrère fut arrêté à Bruxelles sur l'ordre
de l'autorité ecclésiastique et enfermé jusqu'à ce (fu'il
voulût bien se convertir, car il était protestant, et signer
un acte de rétractation des doctrines soutenues dans son
livre, ce qu'il fit. Le pape Alexandre VII lui témoigna une
grande estime et voulut se l'attacher, mais La Peyrère pré-
féra le poste de bibliothécaire du prince de Condé et bientôt
se retira tout à fait au séminaire de Notre-Dame-des-Vertus.
Citons encore de lui : Traité du rappel des Juifs (Paris,
1643, in-8); Relation du Grœnland (1647, in-8); la
Bataille de Lens (1649, in-fol.) ; Epistola ad Philoti-
num (1657, in-4), c'est son apologie; Lettres écrites
au comte de La Suze (1661-62,2 vol. in-12); ïielaiion
d'Islande (1663, in-8).
LA PEYRONIE (François Gigot de) (V. Peyronie).
LAPEYROUSE. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Riom, cant. de Montaigut; 1,638 hab. Stat. du chem. de
fer d'Orléans, ligne de Montluçon à Gannat.
LAPEYROUSE-FossAT. Com. du dép. de la Haute-
- 941 -- LAPÉROUSE - LAPIDAIRE
Garonne, arr. de Toulouse, cant. de Montastruc ; 533 hab.
LAPEYROUSE-MoRNAY. Com. du dép. de la Drôme,
arr. de Valence, cant. du Grand-Serre; 812 hab.
LAPEYRUGNE. Com. du dép. du Cantal, arr. d'Auril-
lac, cant. de Montsalvy; 511 hab.
LAPHRIE. I. Mythologie (V. Artémis).
IL Entomologie. — Genre d'Insectes Diptères Brachy-
cères, famille des Asilidés, fondé par Meigen et ainsi ca-
ractérisé : troisième article des antennes en massue sans
stylet terminal ; pattes robustes poilues, à tibias postérieurs
recourbés. Les Laphria sont des IVlouches carnassières de
formes grêles, d'allures agiles, volant rapidement au soleil
et se posant sur le tronc des arbres. Laphria gilva Fab.,
13 à 17 millim., noire avec l'abdomen marqué de rouge,
tout l'Insecte recouvert d'une fourrure feutrée, commun
en France ; L, gibbosa Fab., L. flava Linn. et autres
espèces de nos régions. Chez les Laphystia, genre très
voisin, il existe une soie à la massue des antennes : La-
phystia sabulicola 0\., i\skW\nmre. M. M.
LAPHYSTIUS. Mont de Boétie, un des centres du culte
de Dionysos ; ce dieu et Zeus recevaient un culte sous le
vocable de Laphystius.
LAPI (Niccolo), peintre italien, né à Florence en 1661,
mort en 1732. Il fut élève et aide de Luca Giordano, pen-
dant que ce peintre séjournait à Florence pour peindre
ses fresques du palais Riccardi. Son œuvre la plu s connue
est le Saint Laurent délivrant lésâmes du Purgatoire,
dans l'église San Lorenzo. 11 a peint encore un Jugement
de Paris au palais Capponi,et il est l'auteur de plusieurs
de ces fresques représentant la Vie de saint Dominique,
dans le cloître de San Marco, qui, par la négligence de
l'exécution, la crudité de la couleur et la grossièreté des
formes, font un contraste si choquant avec Tes œuvres voi-
sines de Fra Angelico. Le musée des Offices contient une
Transfiguration de Lapi et son portrait par lui-même.
BiBL. : Lanzi, Storia pittorica deW Italia; Milan, t. L
LAPI (Lorenzo-Maria), né à San Lorenzo (Toscane) en
1703, mort à Florence en 1754. Il s'était acquis quelque
réputation comme poète et faisait partie de l'Académie des
Apathistes. Il composa contre les vices du clergé une sa-
tire qui fit scandale, ce qui ne l'empêcha pas de se vouer
au sacerdoce et de devenir professeur de philosophie au
séminaire florentin. Il publia une traduction des anciens
chants de l'Eglise (1753), un traité de théologie scolastique
et un volume d'Institutions chrétiennes. G. Mâzzoni.
LAPIDAIRE. L Technologie. — Le lapidaire est l'arti-
san qui taille et polit les pierres précieuses, qui concourt
par son habileté au perfectionnement de diverses branches
de la lapidairerie (V. Joaillerie). Au xin^ siècle, les lapi-
daires se nommaient cristalliers ou pierriers ; ils taillaient
les pierres précieuses et le cristal de roche, mais ils avaient
beaucoup de points de contact avec les orfèvres, les joail-
liers et les batteurs d'or ; déjà, à cette époque, « les faulsses
pierres sont si semblables aux vraies que ceulx qui myeulx
si cognoissent y sont bien souvent déceulz » : de là, pour
les lapidaires, la nécessité de bien connaître les pierres
qu'ils avaient à travailler.
IL Archéologie. — Le terme de lapidaire a trois signi-
fications bien distinctes. H désigne l'artiste qui grave les
pierres dures, intailles ou camées ; les livres où sont rele-
vées les inscriptions sur pierres, enfin les traités dans les-
quels sont relatées les traditions et les légendes des pierres.
La liste des lapidaires, cœlatores, sculptores pour les
graveurs de camées, cavatores, signarii pour les gra-
veurs d'intailles, est fort longue. Les noms des graveurs de
l'antiquité qui nous sont parvenus appartiennent tous à
la période grecque ou romaine, car bien que nous ayons
beaucoup de pierres chaldéennes, arméniennes, égyptiennes
et étrusques, les lapidaires de ces pays n'ont pas signé
leurs œuvres. Dès 400 av. J.-C. commence la série des
pierres grecques signées. Nous y relevons les noms suivants :
Athénades, Phrygillos, Dexaménos, Pergamos, Oiympios,
LAPIDAIKE ~ LA PIJARDIÈRE
— 942
Onatas, Pyrgolète, Pheidias, Lycomède, Philon, Onésas,
Athénion, Séleucos, Protarchos, Anaxilas, Scopas, Boéthos,
Nicandre.
Pendant la période romaine : Dioscoride, Soloa, Aspa-
sios, Glycon, Riifus, Agathopus, Sosos, Pamphyie, Apol-
lonios, Euthychès, Hérophyie, Hylius, Alexas, Aulus fils
d'Alexas, Quintus, fils d'Alexas, Polyclète, Epitynchanus,
Agathange, Agothopus, Félix, Cneius, Saturninus, Teu-
cros, Anteros, Philémon, Scylax, Lucius, Gains, Koinos,
Mycon, Sostratos, Diodote, Tryphon, Evodus.
Jusqu'à l'époque de la Renaisssance, bien que les pierres
gravées n'aient jamais cessé d'être en honneur, nous ne
rencontrons en France que le nom du lapidaire Pierre
Cloet, cité dans les comptes d'Etienne de La Fontaine, pour
l'année 1352. Mais avec la lienaissance italienne nous
trouvons parmi les graveurs les noms les plus célèbres :
Giovanni Castelbolognese qui est au service du cardinal
Alexandre Farnèse, Valerio Belli de Florence, qui person-
nifie Fapogée de la gravure en pierres fines au xvi^ siècle,
et qui travaille pour Clément Vil et pour Paul IK, Proper-
tia de' Rossi, Pescia, l'auteur du cachet de Michel-Ange,
Pompeo Leoni. En France, on suppose que René d'Anjou
s'exerça à la gravure sur pierre; puis on rencontre les
noms de Matteo del Nassaro, un Italien au service de
François P^, d'Ollivier Coldoré, de Julien de Fontenay, de
Guillaume Dupré. Au xviii® siècle, l'Allemagne possède un
excellent graveur sur pierres, Philippe- Christophe de
Becker. Enfin pour s'arrêter avec le xvm^ siècle, on trouve
sous Louis XV, Jacques Guay, protégé de M°^*^ de Pompa-
dour, qui fut son élève et qui, livrée à sa propre initiative,
signa quelques pierres gravées qu'elle aurait exécutées.
111. Littérature. — Nom donné au moyen âge aux ou-
vrages traitant spécialement de la vertu des pierres pré-
cieuses. Nous avons dit (à l'art. Bestiaires) comment les
lapidaires étaient peu à peu sortis de l'ancien Physiologus :
ce n'est pas leur seule source. On distingue deux courants
dans la littérature très abondante des lapidaires du moyen
âge, le courant païen, dont les origines n'ont pas été com-
plètement élucidées, et qui est surtout représenté parle poème
latin De Gemmis ou De Lapidibus^ composé au commence-
ment du xii^ siècle, par l'évêque de Rennes, Marbode, et le
courant chrétien, qui se rattache aux différentes mentions
de pierres précieuses qui se trouvent dans la Bible (les douze
pierres du Rational, de l'Apocalypse, etc.). Dans la première
série, on se préoccupe surtout des vertus pratiques des
pierres ; dans la seconde, de leur valeur symbolique. La
littérature française du moyen âge possède un grand
nombre de lapidaires en vers et en prose, qui pour la plus
part sont anonymes. Nous mentionnerons seulement une
très ancienne traduction en vers de l'ouvrage de Marbode,
qui offre un réel intérêt linguistique, un lapidaire en prose
composé à la demande du roi Philippe-Auguste, et enfin un
lapidaire plus récent, également en prose, souvent publié
sous le nom du célèbrevoyageur Jean de Mandeville, attri-
bution qui ne repose sur aucun fondement sérieux. Ant. T.
BiBL.: Archéologie. — Stkfhani (Ludolf), Ueber einige
angebliche S tein Schneider des AUerthums, dans les Mé-
inoires de l'Acadéinie impériale des sciences de Saint-Pé-
tersbourg ^Ç»^ sérient VIII, 1855. — Berinoulli, Iconographie
romaine) Stuttgart, 1886, in-4. — E. Babelon, la Gravure en
pierres fines; Paris, 1894, in-8. — F. de Mély, le Grand
Camée de Vienne '/Toulouse^ 1894, in-4; Du Rôle des pierres
gravées au moyen âge ; Lille, 1893, in-4 ; le Traité des Fleuves
de Piutarque ; Paris, 1892, in-8; le Lapidaire d'Aristote:
Paris, 1893, in-8.
Littérature. — L. Pannier, les Lapidaires français des
xip, xiip et xiv« siècles ; Paris, 1882 (fasc. 52*^ de la Bibl.
de VEcole des hautes études).
LAPIDATION. Supplice primitif qui consistait à mettre
à mort les condamnés en les frappant à coups do pierres.
Ce supplice ne fut employé comme exécution légale que par
la législation juive. Le Lévitique et le Deutéronome don-
nent une énumération exacte de tous les crimes dont la
lapidation devait être la sanction. La lapidation était encore
prononcée contre certains crimes religieux, contre les blas-
phémateurs, les sorciers, les idolâtres, etc. Le condamné
était conduit hors de la ville, précédé par les témoins dont
les dépositions avaient contribué à faire prononcer contre lui
la peine capitale. Devant lui marchait un soldat portant une
pique à laquelle était attaché un drapeau de couleur éclatante
pour faire remarquer de plus loin le cortège, afin que ceuxqui
auraient eu quelque chose à dire pour la justification du con-
damné le pussent proposer avant qu'on fût allé plus avant.
L'exécution se faisait de deux manières. Les témoins jetaient
les premières pierres et tous les assistants ou passants
jetaient la leur au malheureux jusqu'à ce que mort s'en-
suivit, ou bien encore on le jetait dans un trou, que l'on
comblait ensuite avec une énorme pierre, qui l'écrasait.
Souvent aussi, le condamné était précipité par l'un des
témoins du haut d'un endroit élevé, tandis qu'un autre fai-
sait rouler sur lui une grosse pierre. Si la mort n'était pas
nnmédiate, le misérable était achevé. Parfois, encore, le
peuple lapidait en dehors detout jugement ceux qui avaient
encouru sa disgrâce. C'est ce qu'on appelait hjugememt
du zèle. Au dire des historiens, Jésus faillit être lapidé
aussi comme blasphémateur. Saint Etienne périt de cette
manière. La lapidation était aussi en usage chez les Ro-
mains comme châtiment militaire. L'histoire fait mention
de quelques rares exécutions de ce genre. C'est ainsi que
• le roi Gontran fit attachera un poteau et lapider son cham-
bellan Chundon accusé, mais non convaincu, d'avoir tué
un buffle dans un domaine royal. Aridius, évêquede Lyon,
conseiller et complice de Brunehaut, fit lapider son frère
Desiderius, évêque de Vienne. Au cours des persécutions
dont furent l'objet les prisciilianistes, sectateurs de Pris-
cillien, il fut édicté qu'on emploierait contre eux pour les
faire périr la corde, le glaive et la pierre. Une jeune
femme, soupçonnée d'avoir professé qu'il fallait jeûner le
dimanche, fut lapidée à Bordeaux. Lucien Saint.
LAPIDE (Cornélius a) (V. Corneille de La Pierke).
LAPIERRE (Louis-Emile), peintre français, né à Paris
en 1818, mort à Paris le 25 mars 1886. Elève de Victor
Bertm, il cultiva d'abord le paysage historique et exposa
dans ce genre : Daphnis et Chloé (Salon de 1 845), l'Abbaye
de Thélème ( 1847) ; puis, après un voyage en Italie où il
peignit le Jardin Boboli, à Florence, exposé au Salon de
1848, il se laissa entraîner par le charme de la nature,
et pendant tout le reste de sa carrière il s'apphqua à étu-
dier les soleils couchants, les sous-bois, notamment dans
la forêt de Fontainebleau, qui fut la grande école de toute
cette génération de paysagistes. G. A.
LAPIEZ. Terme appliqué dans la Suisse française à
ces singuliers ravinements en forme de rigoles ou d'ornières
sinueuses que les eaux pluviales s'appliquent souvent à
creuser sur les surfaces calcaires horizontales ou peu in-
clinées quand elles se présentent fissurées et surtout por-
tées à une grande altitude. Dans ce cas, l'origine première
de ces accidents {Karrenfelder dans la Suisse allemande,
Edscles en Provence) doit être cherchée dans les phéno-
mènes habituels de dégradation et de dissolution exercés par
les eaux météoriques qui se chargent ainsi, après avoir dis-
sous les parties les plus attaquables des affleurements cal-
caires, de mettre en saillie les plus résistantes; le ruissel-
lement, quand il peut s'exercer activement sur des espaces
privés de végétation, intervient ensuite pour entraîner
toutes les particules désagrégées, en contribuant de la sorte
largement à exagérer l'allure capricieuse d'un relief acci-
denté qu'on ne saurait à aucun titre attribuer, quoi qu'on
en ait dit, à l'érosion glaciaire. La meilleure preuve, c'est
que les glaciers, quand ils envahissent les lapiez, les ra-
botent au point de les faire disparaître complètement et de
parvenir à rendre au plateau sa forme plane initiale. On
peut citer parmi les plus caractéristiques les lapiez du mont
Parmelan, près d'Annecy.
LA PIJARDIÈRE (Louis de La Cour de), plus connu
sous le pseudonyme de Louis Lacour, littérateur français,
né à Nantes le 16 sept. 1832, mort à Montpellier le 8 sept.
1891. Elève de l'Ecole des chartes (1854), archiviste à la
bibliothèque Sainte-Geneviève (1860), il devint archiviste
- 943 -
LA PIJARDIÈRE
LAPIN
de l'Hérault (187^2). Il se suicida. Citons de lui : les Gar-
çons de café de Paris (Paris, iS^o6, in~8), publié sous
le nom de Gaston Vorlac ; le Parc aux cerfs (18o9,
iR-12); la Question des femmes à r Académie (1861),
in-32); Rapport sur la découverte d'u7i autographe de
Molière (1873, io-8), et plusieurs autres publications con-
cernant Molière ; Histoire et description des archives de
l'Hérault (1884, gr. in-8), etc. Il a donné de bonnes édi-
tions de Brantôme, de Bon. Despériers, de Mercier, etc.
LAPILLI. Les lapilli ou rappilli sont ces petites
pierres provenant des parois craquelées du cratère que les
volcans projettent avec des fragments de lave incandes-
cente et d'écumes scoriacées quand l'appareil volcanique,
au début des éruptions, devient le siège de phénomènes
explosifs intenses (V. Volcan).
LAPIN. I. Zoologie (V. Lièvre).
II. Economie rurale. — En agriculture, le lapin peut
être considéré à deux points de vue, d'abord comme animal
nuisible, puis comme animal domestique.
Lapin sauvage. — Le lapin des bois recherche les
terrains légers et secs où il se creuse des terriers ; il vit
en famille, caché pendant le jour, cherchant sa nourriture
la nuit ; il est très nuisible, non seulement parce qu'il est
gros mangeur, mais aussi par la nourriture qu'il gaspille
et par sa multiplication rapide. Il fait des invasions cons-
tantes dans les champs voisins des bois qu'il habite et
cause de sérieux dommages dans les jeunes céréales, les
légumes, les racines, les prairies naturelles et artificielles.
Pour préserver les jeunes arbres des lapins qui en rongent
l'écorce, surtout en hiver, et en font périr un grand nombre,
on recommande de prendre de la bouse de vache qu'on
mélange à de la chaux éteinte et à de l'ocre, dans la pro-
portion d'un tiers en poids pour chaque substance ; on
arrose le tout avec du sang de bœuf étendu d'eau en fai-
sant une pâte semi-liquide susceptible de s'étendre au
pinceau. Ce mélange s'applique, en automne, à la partie
inférieure des arbres ou arbustes. On peut aussi remplacer
cette composition par du coaltar. Pour détruire les lapins,
le meilleur procédé est de leur faire une chasse active au
fusil et au furet ; on a calculé qu'un lapin valant 1 fr. 50
fait pour environ 20 fr. de dégâts par an. C'est donc un
animal dont on ne saurait trop encourager la destruction,
d'autant plus que sa chair est très estimée et que sa four-
rure est utilisée dans la chapellerie. En Australie, notam-
ment dans la Nouvelle-Galles du Sud, quelques couples de
lapins, introduits il y a quelques années, s'y sont tellement
multipliés que dans certaines parties la culture y est de-
venue impossible et que l'homme se trouve désarmé devant
leurs déprédations.
Lapin domestique. — La chair blanche, savoureuse
et parfumée du lapin, ainsi que son duvet, le font recher-
cher comme animal domestique. On le produit dans les
garennes (V. ce mot) et dans les clapiers. Cet animal se
trouve partout ; il constitue ce qu'on pourrait appeler le
cheptel du pauvre; on le rencontre dans la plus humble
demeure du villageois. Les épluchures de légumes, les
mauvaises herbes du jardin, qui sans lui seraient perdues,
constituent sa nourriture journalière. C'est dans ces condi-
tions surtout que l'élevage du lapin est productif, car il
n'y a aucune dépense à taire pour son alimentation et il
multiplie abondamment. En effet, une lapine est adulte à
cinq ou six mois, la durée de la gestation est d'un mois,
celle de l'allaitement de cinq semaines et elle donne à
chaque portée de quatre à douze lapereaux, soit sept en
moyenne. Or une lapine peut faire aisément six portées
par an. Quoique très simple, l'élevage du lapin demande
cependant quelques soins afin d'éviter les maladies, souvent
mortelles, qui peuvent l'atteindre. Le logement ou clapier
consiste en étables dans lesquelles des loges sont alignées;
celles-ci doivent être établies au-dessus du sol ; elles sont
pleines sur cinq faces et à claire- voie sur le devant for-
mant porte ; le plancher doit être incliné et percé de trous
pour l'écoulement des urines. Les loges destinées aux mères
doivent avoir 80 centim. q. de surface; celles des mâles
0"^70 ; chacune de ces cabanes est pourvue d'un râtelier
et d'un vase à boire. Un autre moyen simple et économique
de loger les lapins consiste à les mettre dans des tonneaux
couchés sur le flanc, la bonde en bas, munis sur l'un des
fonds d'une porte grillagée et sur l'autre de quelques petites
ouvertures pour l'aération ; un plancher à claire-voie,
supporté par deux tasseaux, offre un sol horizontal pour
le séjour des animaux, dont les urines s'écoulent très faci-
lement par la bonde placée en dessous. On peut utiliser de
vieux barils à pétrole qui s'achètent à très bas prix ; on y
jette au préalable un-e poignée de paille que l'on enflamme ;
il en résulte une carbonisation superficielle enlevant toute
odeur et préservant le tonneau de la pourriture. D'ailleurs
quelle que soit la disposition donnée au clapier, l'élevage
réussit, pourvu qu'on réunisse, à une alimentation suffi-
sante et appropriée, les conditions de salubrité nécessaires
et qu'on évite surtout l'humidité. C'est dire qu'il faut
renouveler les litières, faites de paille ou de feuilles sèches,
au moins deux fois par semaine. Le fumier de lapin est
chaud et convient très bien pour les jardins légumiers. La
nourriture du lapin doit être abondante et variée ; il doit
absorber journellement une quantité égale à 6 "^/^ de son
poids brut ; les aliments doivent être frais, car ce petit
rongeur dédaigne la nourriture souillée. On donnera des
herbes vertes, des racines, des légumes, de la luzerne, du
trèfle, du plantain, en vert ou fané ; un peu d'avoine, sur-
tout pour les reproducteurs, donne d'excellents résultats.
Il faut avoir soin de ne pas lui servir une nourriture trop
aqueuse, surtout de l'herbe mouillée par la pluie ou la
rosée : il en résulterait des diarrhées ou des irritations
intestinales souvent mortelles. D'autre part, une nourriture
trop exclusivement sèche ne serait pas sans inconvénient,
si l'on n'avait la précaution de lui donner de l'eau à boire,
car, malgré le préjugé répandu dans les campagnes, le lapin
boit. La nourriture doit être distribuée régulièrement à
heures fixes. Lorsqu'on veut faire l'engraissement des la-
pins, on commence vers l'âge de cinq mois ; dans ce but,
il y a avantage à châtrer les mâles à la fin du troisième
mois. Pour l'engraissement, on isole les lapins dans dos
caisses obscures et étroites, dans un repos complet ; on
leur distribue à manger trois fois par jour. On leur donnera,
par exemple, la ration journalière suivante : luzerne verte
ou sainfoin, 400 gr. ; avoine verte, 300 gr. ; persil ou
céleri, 10 gr. ; farine d'orge ou de maïs, 100 gr. Avec ce
régime, un lapin arrivé à l'âge de six ou sept mois pèse 2 à
3 kilogr. et il est bon pour la vente ou la consommation.
Chez certains petits cultivateurs des Flandres, on pra-
tique parfois un autre mode d'engraissement qui s'effectue
en ([uinze jours ou trois semaines ; on fixe un bout de
planche contre le mur, à 1 m. environ du sol, et ou y
place l'animal qui peut à peine se retourner. Ainsi con-
damné à un repos forcé, on lui sert sa nourriture trois fois
par jour, en y ajoutant du pain trempé dans du lait. Ce
mode d'engraissement rapide exige toutefois une certaine
attention, car il amène souvent la constipation qu'il faut
combattre avec un peu de nourriture verte. Il existe plu-
sieurs races de lapins ayant des aptitudes assez différentes ;
les quatre principales sont : le lapin gris ou commun ;
c'est le lapin sauvage dont l'état de domesticité a beaucoup
développé la taille ; quelquefois il arrive à peser 5 kilogr. ;
c'est la race à préférer pour l'engraissement : 2^ le lapin
bélier^ encore plus gros, caractérisé par une tète énorme
et les oreilles pendantes ; cette race est d'une fécondité
trop limitée pour que son élevage soit avantageux ; 3^ le
lapin riche ou argenté^ dont le'poil est gris blanc tacheté
de poils noirs; il est long et soyeux avec des reflets bril-
lants ; cette race est surtout élevée en vue de sa fourrure
qui est vendue comme petit gris; ce sont les mâles qui
donnent la plus belle ; ces lapins sont très prolifiques et les
petits à leur naissance sont presque noirs ; ¥ le lapin
angora, également remarquable par ses poils longs et
soyeux ; élevé en vue de sa belle toison, que par le pei-
LAPIN -- LAPISSE
— 944
gnage on recueille de deux à cinq fois par an, ce lapin
exige des soins spéciaux pour éviter de souiller la fourrure.
Un beau mâle peut donner annuellement 500 gr. de poil
vendu de 15 à 20 fr. le kilogr. ; ce poil est utilisé dans
la fabrication de certaines étoffes.
Les lapins mal soignés, mal nourris, maintenus sur une
litière humide contractent des maladies, dont la plus com-
mune est le « gros ventre » ; quelquefois aussi ils sont at-
teints d'une maladie grave des yeux qui sévit surtout sur les
lapereaux et qui est due aux émanations ammoniacales de
leur fumier. La gale est moins commune, mais également
incurable. On évalue le nombre des lapins versés tous les
ans dans la consommation générale à 55 millions. Paris
consomme par an environ 3,500,000 lapins qui sont sur-
tout fournis par le dép. du Loiret ; cependant, c'est le
dép. de l'Aisne qui en produit le plus, environ 620,000,
mais ils sont surtout consommes sur place. Les lapins pro-
duits dans le Nord et le Pas-de-Calais sont en grande partie
exportés en Angleterre. A. Larbalétrier.
m. Chasse (V. Chasse).
IV. Droit administratif. — Aux termes de la loi du
3 mai 4 844, le préfet de chaque département détermine, par
un arrêté, les espèces d'animaux malfaisants ou nuisibles que
les propriétaires ou fermiers peuvent, en tout temps, détruire
sur leurs terres. Il résulte de la discussion de la loi que
les lapins doivent être compris dans cette catégorie et
peuvent, par conséquent, figurer dans la liste dressée par
le préfet. Le préfet fixe également les conditions d'exer-
cice de ce droit et le maire prend les mesures nécessaires
pour assurer la destruction des animaux considérés comme
nuisibles (L. 5 avr. 1884, art. 90, n° 9). Le maire, en
vue de la salubrité publique, peut défendre d'élever des
lapins dans les villes (Cass., l®"" juil. 1808), et l'ordon-
nance de police du 3 déc. 1829 interdit, d'une manière
générale, d'en avoir dans l'intérieur des habitations. On
peut donc en élever seulement dans les cours et enclos
situés soit hors des villes, soit dans les villes, pourvu que,
dans ce dernier cas, il n'existe aucun arrêté prohibitif.
Les lapins de garenne placés sur un fonds par le proprié-
taire, pour le service et l'exploitation de ce fonds, sont
immeubles par destination (C. civ., art. 524). Le proprié-
taire est responsable des dégâts que ces animaux peuvent
causer aux propriétés voisines. Quand un lapin passe dans
une autre garenne, il appartient au propriétaire de cette
garenne, à moins qu'il n'ait été attiré par fraude ou arti-
fice, auquel cas le délinquant est puni comme voleur (id.^
art. 564; C. pén., 388). Jules Forestier.
V. Art culinaire. — Le lapin se prépare de plusieurs
manières : 1*^ Dépouillé et vidé, mais en y laissant le foie,
il est passé sur de la braise ardente, puis piqué sur le dos
de fins lardons assaisonnés et mis à cuire à la broche pen-
dant une demi-heure environ. 2« On fait une gibelotte de
lapin en le faisant sauter, pendant sept à huit minutes,
coupé en morceaux de 4 à 5 centim. dans une casserole où
on a fait revenir du petit lard dessalé du volume d'un dé.
On saupoudre de farine tout en remuant et on ajoute par-
ties égales de vin blanc et de bouillon, sel, poivre, bouquet
garni. Après vingt-cinq minutes de cuisson, on ajoute
des champignons blanchis et on laisse mijoter quelques
instants avant de servir. 3<* On apprête le lapin sauté
en passant au beurre du persil, une ou deux échalottes,
des champignons, le tout haché finement. On y place l'ani-
mal coupé en morceaux d'égale grosseur avec assaisonne-
ment de sel, poivre, bouquet garni, un verre de vin blanc.
On laisse cuire vingt à vingt-cinq minutes, puis on ajoute à
la sauce le jus d'un citron e't un morceau de beurre frais. —
La chair du lapin de garenne est supérieure et préférable à
celle du lapin domestique, mais on peut donner à celui-ci le
fumet particulier qui distingue le premier en le nourrissant,
pendant une quinzaine de jours avant de le tuer, de plantes
aromatiques, mêlées à du son, de l'orge ou de l'avoine.
LAPIS-Lazuli (Miner.). Le lapis-lazuli ou outremer
et une roche complexe qui doit sa belle couleur bleue à
un minéral spécial, la lazurite, souvent associée à de la
haûijne. Ces deux minéraux sont accompagnés de pyroxène
diopside non ferrifère, d'une amphibole blanche (Kokaha-
roffite), de mica muscovite, de calcite,de pyrite, parfois de
napohte, de feldspath, d'apatite, de sphène, de zircon, etc.
Cette roche est utilisée pour l'ornementation ; on la trouve
au milieu de calcaires, dans la vallée de la Kokchn, affluent
de rOxus. Elle s'y présente sous trois variétés : l'une d'un
bleu indigo {nili), une autre bleu clair {asmani), alors
que la troisième est verte (sabzi) ; elle existe, en outre,
en divers points, au S. du lac Baïkal, dans les Andes du
Chili ; enfin le lapis-lazuli a été trouvé en petite quantité
dans les blocs de projection de la Sam ma et du Latium.
Dans tous les cas, c'est un produit de métamorphisme.
La lamrite est cubique ; elle se présente généralement
en rhombododécaèdres, possédant un clivage difficile paral-
lèlement à leurs faces. La dureté est de 5, la densité
de 2,38 à 2,45. D'après les dernières recherches de
MM. Brôgger et Backstram, la lazurite serait essentielle-
ment formée par le composé Na^[NaS%Al]AFSi30^^ avec
parfois de la chaux et un peu de chlore. Certaines variétés
(Chili) deviennent vertes quand on les chauffe dans le tube
et redeviennent bleues par le refroidissement. Au chalu-
meau, le minéral fond facilement en se boursouflant et en
donnant un verre incolore. Décomposé par l'acide chlor-
hydrique avec dépôt de silice gélatineuse et dégagement
d'hydrogène sulfuré. A. Lacroix.
Le lapis est employé dans la joaillerie. Réduit en poudre,
il constitue le bleu d'outremer des peintres. On en fait
aussi des vases, des coupes et même des meubles.
LAPIS (Gaetano), peintre italien, né à Caglil (Ombrie),
en 1704, mort en 1776. Il alla étudier à Rome, dans l'ate-
lier de Sebastiano Corico, alors en pleine célébrité. Ses
principaux tableaux sont : à Carpi, dans la catéhdrale, la
Nativité et la Cène ; dans les autres églises plusieurs Ma-
dones, dont il a su varier le type aveclngéniosité ; à Pé-
rouse, dans l'église San Bernardino, la Vierge avec saint
Jean- Baptiste, saint André et saint Bernardin. Lapis
a également peint à Rome un plafond au palais Borghèse,
la Naissance de Vénus,
LAPISSE (Pierre Belon), baron de Sainte -Hélène, gé-
néral français, né à Lyon le 25 nov. 1762, mort le
28 juil. 1809. Il fit comme soldat d'infanterie les cam~
pagnes d'Amérique de 1780 à 1783, Lieutenant en 1789
aux chasseurs corses, il lutta contre les montagnards ré-
voltés et devint capitaine en 1793. Il fit avec Bonaparte
la campagne d'Italie, puis, passé à l'armée d'IIelvétie, il
prit une part glorieuse à la bataille de Zurich, qui lui
valut le grade de général de brigade. Employé à l'armée
d'Italie après Marengo, il eut encore l'occasion de faire
apprécier ses services sous Masséna et Brune. En 1806,
il se distingua en s'em parant de Plousk défendue par une
division russe. Nommé général de division le 30 déc. 1806,
il continua la campagne en Pologne. Napoléon le créa
baron de l'Empire en 1808 et l'autorisa à ajouter à son
nom celui de Sainte-Hélène. Envoyé en Espagne, il assista
au siège de Madrid où il rendit d'importants services.
Investi des fonctions de gouverneur de Léon, le général
Lapisse parvint, par sa vigoureuse attitude, à y maintenir
le calme. Il combattit ensuite, avec le dévouement le plus
héroïque, à la bataille de Talavera de la Reina où il fut
blessé mortellement. E. Bernard.
LAPISSE (Anne-Pierre-Nicolas), général français, né
à Rocroy le 23 mars 1773, mort à Laneu ville (Meuse)
le 24 févr. 1850. Sous-lieutenant à l'école de Mézières
en 1792, il fut choisi comme aide de camp par le géné-
ral Bouchet avec lequel il fit les campagnes de 1792 et
de d793; il assista aux sièges de Namur et de Breda.
Enfermé dans Valenciennes, il y fut blessé. Après la capi-
tulation de cette place, il vint à Paris ; mais, arrêté par
ordre du comité de Salut public qui attribuait à la trahison
la reddition de la ville aux alliés, il ne dut la vie qu'aux
événements du 9 thermidor. De 4795 à 1810, il fut chargé
945
LAPÏSSE — LAPLâCE
de nombreux travaux de fortifications en Hollande, Bel-
gique et Piémont : il était colonel du génie à Mayeïice
pendant le blocus de cette place en 1814. Il fut nommé
maréchal de camp en 1831. E. Bernard.
LAPITH ES. Peuple légendaire de ia Thessalie, célèbre par
sa lutte contre les Centaures (V.ce nom). Elle éclata aux
noces de leur roi Piritlioiis, filsd'Ision; les Centaures suc-
combèrent. Mais bientôt après Héraclès extermina les La-
pithes. On rattachait ceux-ci à un héros éponyme, Lapithès,
fils d'Apollon et frère de Centaurus. On les appelait aussi
Phlégyens.
LA PLACE (Pierre dQ),Plateaniis ou a Pk^m, juriscon-
sulte, moraliste et historien français, né à Angoulème vers
1520, mort en 1572. H avait été nommé avocat du roi, puis
président à la cour des Aides, sous Henri II. Après la mort
de François H, il fit ouvertement profession de la religion
réformée (1560). Lorsque la première guerre de religion
éclata, il fut chassé de Paris et se réfugia en Picardie. Après
la conclusion de la paix, Charles IX le rétablit dans ses
fonctions (1563). Il en fut destitué de nouveau lors de la
seconde guerre. Quand la paix de Saint-Germain eut été
signée, sa charge lui fut rendue (1570). Il fut assassiné
dans la journée qui suivit la nuit de la Saint-Barthélémy
(25 août 1572). — Œuvres : Paraphrasis intUulos Ins-
tituiionum imperalium de aciionibus, excepUonibus et
interdictis (Paris, 1548, in-4); Traicté de la vocation
et manière de vivre à laquelle chacun est appelé (Pa-
ris, 1561, in-4), réimprimé sous le titre: Discours poli-
tiques sur la voie d'entrer deuement aux estais et la
manière de constamment s'y maintenir et conserver
(Paris, 1574, in-8) ; Traicté du droict usage de la philo-
sophie morale avec la doctrine chrestienne{?dns, 1562,
in-8 ; Leyde, 1658, in-d2) ; Commentaires de restât de
la religion et de la république sous les rois Henri II,
François II, Charles IK (s. L, 1565, in-8, 2 éd. en la
même année) (cet ouvrage, écrit avec une modération et
une impartialité fort rares alors, a été inséré dans la plu-
part des collections de mémoires sur l'histoire de France ;
il a été traduit en latin) ; Traicté de l'excellence de
Vhomme chrétien et manière de le cognoistre (s. 1.,
1575, in-8 ; 1581 , in-12): application sévère de la doctrine
calviniste sur l'élection et la prédestination. E.-H. V.
BiBL. : Eug. et Em. Haag, la France protestante ; Paris,
1846-58, 10 voL in-8.
LA PLACE (Josué), latinisé en Placeus, dogmatiste ré-
formé, né en Bretagne vers 1605, mort à Saumur le 1 7 août
1665. Dès la fin de ses études, il enseigna la philosophie
à Saumur, fut ensuite pasteur à Nantes de 1625 à 1633,
quand on le rappela comme professeur de théologie à l'Aca-
démie de Saumur, dont il représentait les opinions libérales.
Son nom est attaché à la controverse sur l'imputation du
péché originel. Avec une remarquable pénétration logique,
La Place rejetait l'imputation du péché actuel d'Adam aux
descendants de celui-ci ; il n'admettait pour les descendants
d'Adam qu'une corruption de l'équilibre moral premier,
c.-à-d. un penchant au mal. Il nomme cela l'imputation
indirecte. Cette opinion -fut condamnée par le synode de
Charenton en 1645, et définitivement écartée par la For-
mula consensus de 1675, qui est l'expression du calvi-
nisme non mitigé. Pour l'analyse des écrits de La Place
publiés à Franeker (1699 et 1703, 2 vol. in-4), V. la
France protestante, t. VI, pp. 310 et suiv. F. -H. K.
LA PLACE (Pierre-Antoine de), littérateur français, né
à Calais en 1707, mort en 1793. Collaborateur du Mer-
cure, il a laissé une infinité d'ouvrages, la plupart des
plus médiocres. Citons : Adèle, comtesse de Ponthieu
(Paris, 1758, in-i2), tragédie en cinq actes, jouée sur
Tordre formel du duc de Richelieu ; Amusements d'un
convalescent (1761, in-8); les Désordres de l'amour
(1768, 2 vol. in-12); les Forfaits de l'intolérance
sacerdotale (1791, in-8) ; Jeanne Gray (1781, in-8),
tragédie; Recueil d'épitaphes (1782,3 vol.); Venise
sacrée {M^ial, in-8), tragédie. On a donné une édition,
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
d'ailleurs incomplète, de son Théâtre (Paris, 1783, in-8).
LAPLACE (Pierre-Simon, marquis de), géomètre et as-
tronome français, né à Beaumont-en-Auge (Calvados) le
23 mars 1749, mort à Paris le 5 mars 'l827. Fils d'un
pauvre cultivateur, il eut la faiblesse, une fois parvenu aux
honneurs, de vouloir cacher cette humble origine; aussi
ne sait-on que peu de chose sur son enfance, dont il évi-
tait de parler. Probablement placé au collège de Caen par
des personnes charitables, il en revint pour suivre, comme
externe, les cours de l'Ecole militaire étaWie dans l'ancien
prieuré de son village natal. Il excellait alors, paraît-il,
dans les controverses théologiques (ce qui a fait supposer
à quelques biographes qu'il se destinait à la prêtrise) ;
mais son étude de prédilection était déjà celle des mathé-
matiques, et il les professa quelque temps, d'élève passé
maître, à l'école de Beaumont. Puis il se rendit à Paris, où
d'Alembert, enthousiasmé par une lettre qu'il lui écrivit et
qui traitait des plus hautes questions de mécanique, le fit
nommer presque aussitôt professeur de mathématiques à
l'Ecole militaire. Il avait à peine vingt ans. En 1773, à
vingt-quatre ans, il entra comme adjoint mécanicien à l'Aca-
démie des sciences et, en 1785, il y remplaça Leroy comme
pensionnaire de la classe de mécanique. Un an auparavant,
en 1784, il avait succédé à Bezout comme examinateur des
élèves du corps royal d'artillerie. Il devint ensuite profes-
seur d'analyse à l'Ecole normale (1794), membre (1795)
et plus tard président du Bureau des longitudes, membre
de ia section de géométrie du nouvel Institut de France
(1795), président de la commission de réorganisation de
l'Ecole polytechnique (1816), membre de l'Académie fran-
çaise (1816). Toutes les académies et sociétés savantes de
l'Europe se l'étaient en outre associé. Malheureusement, il
no sut pas se contenter d'être, avec Lagrange, le plus illustre
mathématicien de son temps. Egaré par une inquiète am-
bition, il ne recula, pour se ménager les faveurs du pou-
voir, devant aucune adulation et, comme il vécut à une
époque tourmentée, il offrit le triste spectacle d'une sou-
plesse et d'une versatilité politiques qui touchaient de bien
près à la serviUté et dont on trouve la trace jusque dans
les préfaces de ses ouvrages, modifiées à chaque change-
ment de régime. Il avait d'abord fait montre, durant la
période révolutionnaire et aux débuts du Directoire, d'un
ardent républicanisme. Après le 18 brumaire, Bonaparte,
qu'il avait aidé pour la formation delà commission d'Egypte,
lui confia le portefeuille de l'intérieur. Il dut, il est vrai,
le lui retirer au bout de six semaines. « Administrateur
plus que médiocre, Laplace cherchait, dit-il, des subtilités
partout et portait dans les affaires l'esprit des infiniment
petits. » Mais il lui donna en compensation un siège au
Sénat (1799), dont il devint en 1803 vice-président et
chancelier, et il lui conféra, en même temps que beaucoup
d'autres distinctions, le titre de comte (1806). Laplace n'en
signa pas moins en 1814 l'acte de déchéance et protesta,
l'un des premiers, de son dévouement à Louis XVIIl, qui
le fit pair de France et marquis (1817). Cette conduite lui
aliéna, jusque dans le sein même de l'Académie des sciences,
de nombreux esprits ; les libéraux surtout ne le ména-
gèrent pas dans leurs attaques, d'ailleurs souvent injustes,
et il ne fallut rien moins que son incomparable génie pour
que son renom scientifique n'en fût pas amoindri. H passa,
très retiré, la plus grande partie de ses dernières années
dans sa maison de campagne d'Arcueil, contiguë à celle de
BerthoUet. Il succomba à une courte maladie, à soixante-
dix-huit ans, un siècle, presque jour pour jour, après New-
ton. (Quelques semaines auparavant, au mois dejanv. 1827,
il avait donné au gouvernement une dernière marque de
déférence en se séparant bruyamment de ses collègues de
l'Académie française qui proposaient l'envoi d'une adresse
de protestation contre le projet de loi sur la répression des
délits de presse.
C'est par un remarquable mémoire présenté en 1772 à
l'Académie des sciences et intitulé Sur les Solutions par-
ticulières des équations différentielles et sur les iné-
60
LAPLACE — 946
galités séculaires des planètes que Laplace préluda à
l'admirable série de travaux qui a abouti à la composi-
tion de son immortel chef-d'œuvre, le Traité de méca-
nique céleste (Paris, 1799-1825, 5 vol. in-4; 2^ édit,,
18^29-39; trad. angl. et allem.). Cet ouvrage, que Fou-
rier a qualifié à'Almageste du xviii'^ siècle et qui, s'il n'est
appelé à surpasser eu longévité le livre de Plolémée, oiï're,
à tout le moins, un caractère beaucoup plus personnel, ré-
sume, en un corps de doctrine homogène, toutes les
recherches entreprises depuis Newton pour arrivera expli-
quer, à l'aide du seul principe de la gravitation universelle,
les différents phénomènes astronomiques ; il donne en outre
les raisons des inégalités des mouvements célestes; il con-
tient enfin la solution de problèmes et de difficultés de
toutes sortes. Il est divisé en deux parties et en seize livres.
La première partie (livres 1 à V) forme la matière des deux
premiers volumes, parus en 1799. Laplace y démontre
sans hypothèse et eu partant des principes généraux de
l'équilibre et du mouvement de la matière que la gravita-
tion universelle n'est qu'un cas particulier de la pesanteur.
Il formule ensuite les expressions générales des mouve-
ments de translation et de rotation des corps pesants, celles
de leurs figures ; il en déduit l'explication des marées, de
la précession des équinoxes, de la hbration de la lune, de
la rotation des anneaux de Saturne, des grandes inégalités
des planètes, principalement de Jupiter et de Saturne, et il
trouve, entre les mouvements moyens et entre les longi-
tudes des trois premiers satellites de Jupiter, deux rela-
tions simples, qui sont connues sous le nom de lois de
Laplace et que l'on énonce ainsi : L La somme du mou-
vement moyen du premier satellite et du double de celui
du troisième est exactement égale au triple de celui du
second. IL La somme delà longitude moyenne du premier
satellite et du double de celle du troisième, diminuée du
triple de celle du second, est exactement égale à 180*^.
La deuxième partie du traité (livres Vi à XVI) comprend
les trois derniers volumes, parus en 1802, en 1805 et en
1823-25. Jillle est surtout consacrée à la perfection des
tables astronomiques. Elle a été la base des célèbres tra-
vaux de Bouvard, de Delambre et de Le Verrier. Les per-
turbations du mouvement des planètes et des comètes au-
tour du Soleil, de la Lune autour de la Terre, des autres
satellites autour de leurs planètes, y sont soumises, malgré
la complication extraordinaire du sujet, à l'analyse la plus
rigoureuse, et deux propositions d'une importance capitale
y sont pour la première fois mises en lumière et érigées
en principes : l'invariabilité des moyennes distances des
planètes au Soleil et la stabilité indéfinie du système pla-
nétaire. La théorie de la Lune, dont traite exclusivement le
septième livre, est aussi parmi les chapitres les plus re-
marquables de l'ouvrage. Plus heureux qu'Euler, que
Lugrange, que d'Alembertet que liernoulii, l'auteur avait
reconnu en 1787 la véritable cause de l'équation séculaire
de notre satelfite : l'action du soleil combinée avec la va-
riation de l'excentricité de l'orbite terrestre. L'étude des
perturbations lunaires lui fournit une multitude d'autres
découvertes; il en déduisit notamment la mesure de la dis-
tance de la Terre au Soleil et celle de son aplatissement.
Cet impérissable monument, l'une des productions les
plus merveilleuses et les plus considérables de la science
moderne, ne constitue pas toute l'œuvre de Laplace. Ses
travaux en analyse pure, quoique d'importance moindre,
sont également de tout premier ordre, et sa Théorie ana-
lytique des probabilités (Paris, 1812, in-4 ; 3'' éd., 1820)
en fait le digne rival de son contemporain Lagrange, avec
lequel il offre, du reste, bien des points de ressemblance.
C'est dans ce livre, unique en son genre, mais d'une lec-
ture des plus difficiles, que se trouve exposée sa théorie des
fonctions génératrices (V. Gî^nérâtuice, t. XVlll, p. 720).
Ses autres découvertes purement analyticiues ont trait au
théorème de d'Alembert sur la forme des équations algé-
briques, dont il a donné la première démonstration com-
plète, aux équations aux différences mêlées, qu'il a ima-
ginées, aux méthodes d'intégration des équations aux
différences partielles, qu'il a perfectionnées, à la théorie
des séries, etc. Il s'est enfin beaucoup occupé de physique,
et ses recherches, généralement théoriques, sur les réfrac-
tions astronomiques, sur les phénomènes capillaires, sur la
mesure barométrique des hauteurs, sur la vitesse du son,
sur la dilatation des solides et sur les vapeurs (ces der-
nières en commun avec Lavoisier), sur les actions molé-
culaires, sur les propriétés statiques de l'électricité, eussent
suffi à lui assurer la célébrité. 11 n'a fait, relativement, que
très peu d'astronomie pratique.
Outre les deux ouvrages tondamentaux cités au cours de
cette notice, il a publié à part : Ttiéorie du mouvement
et de la figure elliptique des planètes (Paris, 1784, in-4);
Théorie des attractions des sphéroïdes et de ta figure
des plaîiètes (Paris, 1785, in-4) ; Exposition du sys-
tème du monde (Paris, 1796, 2 vol. in-8 ; 6« éd., 1835,
in-4), sorte de traduction anticipée en langue vulgaire,
sans formules analytiques ni calculs, du Traité de méca-
nique céleste^ dont les premiers volumes devaient paraître
trois ans plus tard; Essai philosophique sur les proba-
bilités (Paris, 1814, in-8; 6« éd., 1840), qui est à la
Théorie des probabilités ce que V Exposition du système
du monde est à la Mécanique céleste. Quant aux 70 mé-
moires et articles qu'il a fait paraître à partir de 1772 dans
les recueils de l'Académie, dans celui de la Société d'Ar-
cueil, dans le Journal de V Ecole polytechnique, dans la
Conyiaissance des temps, etc., et dont les plus impor-
tants se trouvent reproduits et développés dans la Méca-
nique céleste, nous renvoyons, pour leurs titres, au dic-
tionnaire de Poggendorff ou au Catalogue of scientific
papers (V. ci-dessous Bibl. ), qui en donnent la liste à peu
près complète. — Une loi du 15 juin 1842 a ordonné une
première édition d'ensemble, aux frais de l'Etat, des OEu-
vres de Laplace (Paris, 1843-48, 7 vol. in-4). Outre
qu'elle est hmitée aux principaux ouvrages, elle renferme
beaucoup d'incorrections. Une nouvelle édition, qui doit
comprendre treize volumes, dont six de mémoires, et qui est
intitulée Œuvres complètes, est en cours de publication
(Paris, 1878-94, 10 vol. in-4) ; la rédaction et l'impression,
très soignées, sont dirigées et surveillées par MM. Puiseux,
llouel. Tisserand, sous les auspices de l'Académie des
sciences ; la dépense sera couverte, partie par un legs de
70,000 fr. fait parle fils de Laplace (V. le suivant), par-
tie par un don de M"'^' la marquise de Colbert, sa petite-
fille. Léon Sagnet.
Bibl : Discours aux funérailles de Laplace^ dans le
Monit. univ. du 20 mars 1827, suppl. ~ Fourier, Eloge
historique de Laplace, lu à la séance de TAcadémie des
sciences du 15 juin 1829. ~ Kaufmann, Laplace ; Paris,
1841, in-4. — Arago, Rapport à la Chambre des députés,
dans le Monit, univ. du 18 mai 1842. ~ L. Puiseux, No-
tices scientifiques; Caen, 1847, in-l2. — J.-B. Bior, Une
Anecdote relative à M. Laplace, dans le Journ. des sav.,
1850, p. 05. ~ L ToDïivisrFAi/Hislory ofthe tkcory of pro-
babil ily^lSiJb. — Da inôiiie, Treatise on the Laplace' s b\inc-
tions, 1875. ~ Edm. Dubois, Résumé amUytiqne de la
théorie des marées ; Paris, 1885, in-8. — J. Bertrand, la
Théorie des probabilités de Laplace, dans le Journ. des
sav., 1887, p. 080.— F. Kerze, Weitere Ausbildung der La-
place'schen NebularhypoUiese ; Leipzig^ 1890, in-8. — Ca-
talogue of scientific papers, publié par la Société royale
do Londres, 1869, t. III. ~ Poggendoref, Biogr.-LÏter.
Hand.\çœrterbuch ; Leipzig, 1863, t. I.
LAPLACE (Lharles-Emilc-Pierre-Josepfi, marquis de),
général et homme politique français, né à Paris le 15 avr.
1789, mort à Paris le 30 oct. 1874, fils du précédent.
Ancien élève de l'Ecole polytechnique, il fit, à partir de
1809 comme officier d'artillerie, les dernières campagnes
de l'Empire, entra par droit héréditaire à la Chambre' des
pairs en 1817, se rallia en 1830 à la monarchie do Juil-
let, qui le fit maréchal de camp (1837), puis lieutenant
général (1843) et, après le coup d'Etat du 2 déc. 1851,
accoptn également le second lùnpire, qui lo fit sénateur le
31 doc. 1852. il rentra dans la vie privée en 1870.
Bibl. : Pi-éface des Œuvres complètes (édit. 1878) de
P. -S. Labbace.
LAPLACE (Cyrille-Pierre-Théodore), amiral français, né
— 947 —
LAP1.ACE — JAPOINTE
en mer le 7 nov. 1793, mort à Brest le 22 jauv. 1875.
Entré dans la marine en 1809, il devint capitaine de vais-
seau (1834) et contre-amiral (1841) à la suite de deux
voyages de circumnavigation demeurés célèbres dans les an-
nales de la science, obtint le grade de vice-amiral en 1853
et fut préfet maritime à Brest en 1857 et 1858, époque où
il se retira du service actif. On a de lui deux importants
ouvrages : Voyage autour du monde 'par les mers de
rhide et de la Chine (1833-39, 5 vol. in-8 avec allas) ;
Campagne de circiimnavigatUm de la frégate VArté-
mise pendant les années 1837, iS38, i839 et i840
(1841-48, B vol. in-8). A. Dedidour.
LÀ PLACETTE (Josué), moraliste protestant, né à Pon-
tacq le 19 janv. 1629, mort à Utrecht le '25 avr. 1718.
11 fut pasteur à Orthez de 1059 à 1663, puis à Nay jus-
qu'en 1685. Encore avant la révocation de l'édit de Nantes,
il alla en Allemagne et de là à Copenhague, où il exerça
les fonctions pastorales jusqu'en 1711 ; à cette date, il se
retira chez sa fille en Hollande, La Placette a été nommé
le Nicole protestant; il est, en effet, un moraliste distingué,
parfois aussi un casuiste habile ; mais l'élégance de Port-
Royal manque au réfugié. Parmi ses nombreux écrits, dans
lesquels il polémise volontiers contre le scepticisme de Bayle,
et dont on trouve l'énumération dans la France proies-
tanlc (t. Vï, pp. 315-318), il suiïit de nommer la Morale
chrétienne abrégée^ etc. (Cologne, 1695, in-14; 4^ éd.
à Rotterdam, 1734). E.-II. K.
LA PLANCHE (Louis Régnier de), homme politique et
historien français, mort vers 1580. Comme raestre de camp
d'un régiment d'infanterie, il s'attacha au lils aîné du con-
nétable de Montmorency et le servit contre les Guises. 11
est Fauteur de V Histoire de l' estât de France, tant de
la république que de la religion sous.,, François H
(s. 1., 1576, in-8; réédité à Paris, 1836, 2 vol. in-8),
un récit de témoin oculaire, vigoureusement pensé et écrit,
abondant en renseignements détaillés et pittoresques, et ren-
fermant un grand nombre do pièces intéressantes.
LAPLANCHE (Goyre de) (V. Goyre).
LA PLATA (V. Plata [La]).
LAPLEAU. Ch.-l. de cant. du dép. de la Corrèze, arr.
de Tulle, non loin des gorges de la Luzège ; 1,012 hab.
BiBL. : René Fage, Excursions limousines : de Tulle à
Ussel, 1880.
LA PL LIME. Ch.-l. de cant. du dép. de Lot-et-Garonne,
arr. d'Agen; 1,413 hab. Cette ville a été la capitale de
l'ancienne vicomte de Bruillois, dont le territoire s'éten-
dait du N.~E. au S.-E., depuis la Garonne jusqu'à la
limite de la juridiction de Nomdieu (15 kil.). La position
de Laplume sur un point culminant, un coteau isolé, avec
des bancs de rochers à pic formant une défense naturelle,
en faisait une place forte.-— Sur le territoire de Laplume,
anciens prieurés de Cazaux et de Plaichac ; quelques maisons
fortes. L'éghse, (|ui fut fondée en 1511, est ornée de cu-
rieuses sculptures.
BiBL. : D^' d'Antiîs, Une Commune gasconne pendant
les guerres de religion^ d'après les archives de Laplume,
dans Revue de VÀgenais, années 1898 et 1894.
LAPO (Jacopo, dit), architecte du xiii*^ siècle. D'après
Vasari, un architecte allemand de ce nom serait venu en
Italie à la suite de Frédéric II et aurait construit l'église
San Francesco, à Assise, en 1228. Cet ouvrage avait
rendu son nom célèbre dans toute l'Italie ; appelé aussitôt
en Toscane par les seigneurs et les magistrats des répu-
bliques, il y aurait bâti une foule d'édifices : le ])alais
de Poppi, le château de Pietramala, le palais é[)is--
copal d'Arezzo; à Florence même, il aurait jeté deux
ponts, dessiné le modèle des églises (aujourd'hui dis-
parues) de San Salviulore del Vescovado et de San Michèle
a Piazza Padella, bâti le palais de Podestà (aujourd'hui le
Bargello), pavé les rues de dalles magnifiques. Enfin, il
aurait été rappelé en Sicile jmur y sculpler, dans la cathé-
drale de iMonreaîe, le tombeau de son premier protecteur,
Frédéric. H y serait mort, laissant un fils, Arnolfo, qui
fut le fameux architecte du Dôme de Florence. Tous ces
faits doivent être considérés comme autant de fables. Sans
relever en détail tous les anachronismes de ces attributions
et rappeler les dates certaines de beaucoup des monuments
cités, qui ne sont pas antérieurs au xiv^ siècle, il suffira
de remarquer que les archives d'Assise n'ont conservé au-
cune mention d'un Allemand ou même d'un « Tedesco »
de la Valteiine ou du Frioul. La construction de San Fran-
cesco a été dirigée par le moine italien ou peut-être fran-
çais Philippus de Campello, et le style en est, non pas
allemand, mais bourguignon. t)uant à x4rnolfo, il eut
pour père, non le légendaire Lapo, mais un certain Cambio,
comme le prouve le texte d'un privilège donné à l'archi-
tecte par la République llorentine. Il ne faut donc voir dans
Lapo qu'une sorte de personnification mythique de l'archi-
tecture gothique, que les savants du xvi® siècle croyaient
être venue d'Allemagne enitahe, alors qu'elle y a été im-
portée (le fait est maintenant démontré) par les moines
cisterciens de France. — 11 a bien existé un autre Lapo,
architecte et sculpteur florentin, fils de Ciuccio di Cinto,
mais on ne sait de lui qu'une chose, c'est qu'il travaillait
en 1272 à la construction du Dôme de Sienne, avec ses
frères Donato et Goro. E. Bertaux.
BiBL. : Vasari, éd. Milanesi, t. I, pp. 281-283. — Gaye
Carteggio InedUo d'Artisti; Florence, 1839, t. L -- C. En-
LART, Origijies françaises de Varckilecture gothique en
Italie; Paris, 1894, in -8.
LAPO DA Castiglioncuio, jurisconsulte et philologue ita-
lien, né à Castiglionchio (Toscane), mort à Rome en 1381.
Il fit ses études à l'université de Bologne et enseigna le
droit avec un grand éclat à Florence, Barcelone et Padoue,
Il dut à sa réputation de jurisconsulte des charges ou mis-
sions importantes : il fut envoyé comme ambassadeur par
la république de Florence aux papes Urbain V et Gré-
goire XI, et aux républiques de Gênes, Lucques et Sienne ;
Charles de Duras, roi de Naples, le choisit pour conseiller
et Urbain Vî le nomma avocat consistorial et sénateur de
Rome. Il a donné des ouvrages de droit canon fort estimés :
Allegationes juris (dont on a trois éditions du xvi^' siècle);
De Hospitalitate, De Canonica portione. Mais il nous
est surtout connu comme humaniste : il est en ell'et l'une
des figures les plus remarquables de la Renaissance ita-
lienne. Ami de Pétrarque, qui eût voulu le détourner du
droit au profit des lettres, il l'aida dans la tâche qu'il
s'était donnée de remettre au jour les classiques latins ; il
édita les Institutions de Ouintilien et quelques-uns des
Discours de Cicéron, et traduisit en latin les Caractères
de Théophraste, une partie des œuvres de Lucien et dTso-
crate et ([ueh]ues autres auteurs grecs. On n'a édité qu'une
partie de ses nombreux manuscrits. L'abbé iVlehus a publié
de lui en 1753 une Epistola en italien, fort intéressante,
en l'accompagnant de notes très érudites. G. Mazzonj.
BiBi,. : L. Mkous, Epistola di M. L. da Castiglionchio,
1753. "- Wesselofsky, Introduzione al Pai'adiso detpi
Alberti; Bologne, 1861.
LAPOINTE-SÂiNT-SuLPici<: (V. Saint-Sulpice).
LAPO I NIE (Savinien), littérateur français, né à Sens
(Yonne) le 28 févr. 1811. Fils d'un ouvrier cordonnier
qui lui enseigna son métier et mourut à l'hôpital, il prit
part aux journées de Juillet et aux insurrections qui trou-
blèrent les premières années du règne de Louis-PhiUppe.
Pendant une détention à Sainte-Pélagie, il compléta de son
mieux l'instruction sommaire qu'il s'était donnée et publia
sous le patronage de Béranger, de Victor Hugo et d'Eu-
gène Sue, diverses poésies réunies plus tard sous le titre
de : Une Voix d'en bas (1844, in-8, portrait). Candidat
malheureux à l'Assemblée constituante de 1848, il publia
dans les journaux démocratiques les Prolétariennes et ta
Baraque à Polichinelle, satires inspirées parles idées et
les événements du jour. Il a donné depuis les Echos de la
rue (18-'>2, in-18), dédiés à Déranger; Il était une fois,
cmU's du foyer (iHl'wl, iu-:)2; 2«cd\, 1879, in-18; 3^- éd.,
188G, in-8); kémoires sur Béranger (1857, in-18);
Mes Chansons (1859, in-32); En ce temps-là, contes
(1888, in-8, ill.). M. Tx.
LA POIX — LAPONÏE
— 948 —
LA POIX (Edme de) (V. Fréminville) .
LA POMARÈDE (V. Pomarède [La]).
LA PONIMERAYE (Pierre-Iïenri-Victor Berdalle de),
littérateur français, né à Rouen le 20 oct. 1839, mort à
Paris le 23 déc. 1891. Après de brillantes études au col-
lège de sa ville natale, il dut, pour raison de santé, renon-
cer à l'Ecole normale à laquelle il se destinait et entra dans
les bureaux de la Préfecture de la Seine d'où il passa au
secrétariat du grand référendaire du Sénat. Lors de la ré-
organisation de cette assemblée en 1876, il fit partie des
secrétaires-rédacteurs dont il devint chef adjoint et fut
appelé par M. Bardoux à occuper la chaire d'histoire et de
littérature dramatique au Conservatoire. Dès 1862, La Pom-
meraye s'était fait connaître comme conférencier à l'Asso-
ciation polytechnique et aux matinées théâtrales dont il
contribua pour une large part à répandre le goût. Outre
le « feuilleton parlé » qu'il avait imaginé, il rédigea la
chronique dramatique du Bien public (1871) et de la
France (1874). Quelques-unes de ses études ont été réu-
nies en volumes, telles que : sa Critique de la Visite de
noces (de Dumas fils) (1871, in-18), sa Critique de
Francillon (du même) (1887, in-18): Molière et Bos-
sîiet. Réponse à M. Louis Veuillot (1867, in-18), etc.
LAPON lE (suédois Lappmark^ russe Laplandya).
L Géographie. — Région septentrionale de l'Europe, com-
prenant le N. de la presqu'île Scandinave, le N. de la Fin-
lande et la presqu'île de Kola ; on admet que la limite mé-
ridionale est le cercle polaire. Cette limite physique ne
coïncide pas avec les divisions administratives ni avec les
divisions ethnographiques. La Laponie se divise entre quatre
Etats : la Norvège, la Suède, la Finlande et la Russie ; en
Nor\ègc ce nom est appliqué à la prov. de Finmark; en
Suède à cinq districts des Isen de Norbotten et Wester-
botten (Ascle ou Angermanland, Umeâ ou Lycksele, Piteâ,
Luleâ et Torneâ); en Finlande, il doit l'être à la fraction
du district de Torneâ-Lappmark et au district de Kemi-
Lappmark enlevés à la Suède par le traité de Frederiks-
hamn (17 sept. 1809); en Russie aux districts de Kola
et de Kem. Ces diverses circonscriptions dépassent la limite
du centre polaire, et les Lapons nomades ou sédentaires se
rencontrent en grand nombre au S. de cette latitude. La
Laponie norvégienne dépasse 47,000 kil. q. ; la Laponie
suédoise en a environ 116,000, la Laponie finlandaise et
russe 130,000. La plus peuplée est la partie norvégienne
(2 hab. 1/2 par kil. q.); puis la suédoise (1,2 hab. par
kil. q.); la finlandaise (0,4 hab. par kil. q.) et enfin la
russe (0,3 hab. par kil. q.); mais, surtout dans la pre-
mière, les Lapons ne forment qu'une fraction de la popu-
lation totale. On trouvera dans les art. Scandinavie, F[n-
LANDE, Russie, la description physique de la Laponie,
d'autant que la région Scandinave (jusqu'à la Tana) mon-
tagneuse diffère sensiblement de la Laponie russe sensi-
blement moins élevée. Les principaux cours d'eau sont
tributaires du golfe de Botnie, la Luleâ, la Piteâ, la Skel-
lefteâ etrUmeâ; dans Tocéan Glacial, bordé de hautes
falaises et découpé de fjords profonds se jettent la Tana,
le Pasvig, déversoir du grand lac Enaré. Les lacs sont ex-
trêmement nombreux. Le climat est très rigoureux ; la
moyenne annuelle à l'intérieur, autour du lac Enaré, est
de — 2^^ ; le long des cotes norvégiennes réchauffées par
le gulf-stieam elle varie de -f- 14^ à H- 2« (au S. et au
N. des îles Lofoten), mais c'est là une situation locale
exceptionnelle ; cependant la mer ne gèle jamais le long des
côtes septentrionales ; à l'intérieur les froids dépassent en
hiver — 40^ ; il gèle encore en août ; l'été ne dure que
trois mois de juin à août et septembre. Dans la Laponie sué-
doise la température moyenne est de — 2<*,5 en octobre,
— 17*^,0 en janvier, — 3° en avril. H- 9^,7 en juin,
H- 15^,3 en juillet et août. H- 5*^,4 en septembre. Le plus
long jour et la plus longue nuit durent vingt-quatre heures
à l'extrémité S. de la Laponie, trois mois à l'extrémité N.
La flore est très riche ; la végétation se développe très vite,
à partir du mois de mai ; le froment et les fruits ne mûris-
sent pas, les plantes alimentaires qui parviennent à ma-
turité sont le seigle, l'orge, la pomme de terre, la fraise,
le myrtille, l'airelle rouge, la mûre de ronce. Parmi les
arbres les plus nombreux sont les sapins, pins et bouleaux
au S., puis les bouleaux et les saules au N. Les forêts ne
sont pas très vastes, moins que les tourbières. La faune
comprend l'ours, le glouton, le loup, des renards, des
loutres, le Uèvre, l'écureuil, l'hermine, quelques élans, le
renne sauvage, le grand et le petit tétras, les lagopèdes,
alpin et subalpin, le cygne, plusieurs palmipèdes, un seul
reptile {Lacerta palus tris), une foule de poissons, etc.
Les animaux ^domestiques sont le renne et le chien. Le
fléau du pays est l'abondance des moustiques qui pullulent
dans les marais et tourbières chauffés par le soleil durant
les longs jours d'été. Pour s'en préserver dans leurs hut-
tes, les Lapons s'enferment complètement. A.-M.B.
IL Ethnographie. — En ne considérant que le pays in-
grat qu'ils habitent et qui ne fut habitable qu'à une époque
géologiquement toute moderne, on reconnaît de suite que
les Lapons sont les derniers descendants d'un ancien peuple
absorbé et refoulé. Ils diffèrent par leurs caractères de
toutes les populations qui les environnent. Et c'est un pre-
mier point qu'il importe avant tout de bien établir. On les
a confondus avec les Finnois, à cause de leur langue, et
c'est même eux que certains anthropologistes ont décrits
quelquefois comme les représentants du type finnois, ce
que personne d'ailleurs ne pourrait faire aujourd'hui. Mais
leur situation de peuple dépossédé et refoulé suffirait bien,
à défaut d'autres faits patents, à prouver que ce ne sont
pas eux qui ont imposé leur langue aux peuples finnois si
importants et si nombreux naguère. Entourés depuis des
siècles et traversés de toutes parts par les colons finlan-
dais, c'est de ceux-ci, au contraire, qu'ils ont dû prendre
le fond actuel de leur vocabulaire. Il ne faut donc plus
parler à propos d'eux, comme on l'a fait, d'un peuplement
préhistorique de l'Europe par les Finnois. Ils se distinguent
des Finlandais tout d'abord par deux caractères très appa-
rents, bien que les Finlandais et jusqu'aux Ostiaks aient quel-
ques traits lapons en raison de métissages anciens comme il
s'en fait aujourd'hui sous nos yeux jusque dans l'extrême
Nord. (A Wavangerfjord, sur 1 ,900 âmes, il y a 852 Finnois
et 185 métis finno-lapons. A Enaré, il n'y a que 600 Lapons
sur 1,100 hab. [Rabot.]) Ces deux caractères sont la taille
et la couleur des cheveux et des yeux. Ils appartiennent
au groupe des races les plus petites (1"*52 ou 53 pour les
hommes, 1^45 pour les femmes), alors que les Finlandais
sont de taille moyenne (1"^61) et comptent parmi eux,
comme d'autres Finnois, beaucoup de grandes tailles ( 1 "^71 ).
Leurs cheveux sont noirs, uniformément, avec des yeux
constamment bruns, tandis que chez les Finlandais, lors-
qu'il se rencontre des cheveux foncés, leur association avec
des yeux gris bleu ou gris clair, des barbes rousses, une
peau gris blanc parsemée de taches de rousseur prouve
bien qu'ils sont dus à un sang étranger au fond de la race.
Ces différences, importantes en elles-mêmes, sont encore
rehaussées par celles plus stables encore tirées de la mor-
phologie comparée des crânes. Le crâne lapon, en etiet,
nous offre un des types les plus accentués de la véritable
brachycéphalie (indice céphafique moyen de 85 à 86). On
l'a même donné d'abord comme le plus accentué; alors que
les Finlandais, avec leur indice moyen de 80 chez les Ta-
rastes et de 82 chez les Caréliens, se présentent comme un
mélange de dolichocéphales et de brachycéphales. Le crâne
lapon n'est pas seulement large et court par réduction des
pariétaux, il est bas. Comparativement à sa largeur, c'est
le plus bas, bien qu'il soit voisin, sous ce rapport et sous
d'autres, des Bas-Bretons. Son indice de hauteirr-largeur
est seulement de 86 et celui du crâne finlandais est de plus
de 92. Sa capacité est très grande, eu égard surtout à la
petite stature des individus. A. Bertillon a trouvé 1 ,492 c. c.
pour cinq crânes masculins adultes, alors que vingt Pari-
siens du même âge ne lui ont donné que 1,490 c. c.Mais,
sous ce rapport, les Lapons me paraissent avoir subi les
949
LAPONIE
mêmes influences déterminantes que les Finlandais dont la
capacité moyenne est de 4,533 à 1,596 c. c. Ils se sépa-
rent enfin encore nettement de ceux-ci par le nez osseux,
souvent très large (indice moyen, 50), chose rare chez les
Finlandais, leptorhiniens (indice de 44 à 47). — Devons-
nous, en raison même de ces traits distinctifs, assimiler les
Lapons aux peuples mongols, et admettre, par exemjde,
qu'ils sont une enclave de populations asiatiques donnant
la main aux Samoyèdes de chez qui on les a fait venir
(d'après leur nom de Sabemi, semblable pourtant au Suomi
des Finlandais, dans le sens duquel [landes] certains
[Maury, Guillard] ont vu la désignation des loiindras)^.
Les Samoyèdes (V. ce mot), en contact bien des fois
séculaire et en mélange avec les Ostiaks et autres Finnois,
ont emprunté à ceux-ci beaucoup de traits. C'est ainsi
qu'en moyenne ils sont faiblement brachycéphales comme
les Finlandais et qu'on rencontre parmi eux quelques yeux
bleus et verts (Zograf). Mais la prédominance du sang
mongoHque chez m\ est tout d'abord évidente. Leur corps
est glabre, leur barbe rare, leurs cheveux toujours gros et
raides, leurs orbites souvent très hautes, leur peau jaune.
Chez les Lapons, les cheveux, droits, ne sont jamais raides ;
le nez est toujours bien saillant, même lorsqu'il se présente
assez souvent avec un grand élargissement à sa base. Mal-
gré la grande largeur des pommettes, les orbites ne sont
pas très hautes, car leur front aussi est large ; et ce aui
fait précisément l'originalité de leur physionomie, c'est,
associé à ce grand diamètre transversal du haut de la face
courte, un menton étroit, petit et presque pointu. Leur peau
est blanc gris, assez claire. Enfin leurs yeux sont droits,
et lorsque parfois ils sont obhques, c'est de haut en bas,
en sens inverse des yeux mongoliques. Leur musculature
est peu puissante, leurs jambes petites, leurs extrémités
fines, leur air timide. 11 est impossible de les confondre
avec aucun de leurs voisins. Et ils ne partagent même avec
aucun peuple une telle association de caractères.
D'après un bon nombre de crânes recueiUis à partir de
la fin du quaternaire, depuis l'Europe occidentale, ils au-
raient des rapports assez étroits avec un de nos peuples
préhistoriques les plus importants par l'espace qu'il a occupé
successivement et par ses habitudes pastorales et son atta-
chement exclusif au renne. Ces crânes, qualifiés à bon droit
de mongoloïdes, comme on peut qualifier les Lapons eux-
mêmes, passent, dans le S., au type hgure (V. Espagne,
Italie, Ligures), et, postérieurement, dans le centre, au
type celte. Ce qu'on a appelé la théorie laponoïde a donc
quelque fondement sérieux. De Quatrefages a toujours pré-
tendu reconnaître dans les montagnards du Dauphiné des
descendants de ces Laponoides. On se convainc de plus en
plus qu'ils se sont maintenus dans la population bas-bre-
tonne (Hervé) et en certaines parties de la Belgique, où ils
eurent à l'époque des cavernes des représentants nombreux
bien typiques (V. Belgique, Fukfooz). On suit bien leurs
traces en Danemark et en Suède (Nilsson). Les Lapons
d'aujourd'hui nous apparaissent donc comme les descen-
dants de quelques familles de certains de nos pasteurs de
renne quaternaires, échappées à la destruction grâce à une
migration hâtive vers les régions arctiques dont le climat
les a longtemps protégés contre toute invasion. Les légendes
germaniques et Scandinaves nous entretiennent en termes
assez positifs de nains qui ne peuvent être qu'eux. M. Van-
derkindere a vu dans des légendes de la Belgique une rémi-
niscence de leur présence ancienne. « Dans la Campine,
dit-il, des nains vivaient dans des trous, et à Gelrode, dans
des creux de montagnes. A Hasselt, on les accusait d'en-
terrer vivantes leurs vieilles femmes, comme font plusieurs
peuplades oural-altaiques. Généralement, on les représen-
tait coiffés d'un bonnet rouge, et Nilsson nous apprend
qu'aujourd'hui encore les Lapons portent un bonnet rouge
ou bleu. Enfin à Langdorp, près d'Aerschot, on leur don-
nait expressément le nom de Lapplanders. » Il est cepen-
dant bien invraisemblable, bien improbable que des Lapons
qui semblent devoir leur nom actuel aux Suédois se soient
trouvés en Belgique en groupe distinct jusqu'aux époques
modernes. De même dans l'Allemagne du Nord, de Quatre-
fages a signalé avec insistance l'existence, en Prusse et
sur les bords de la Baltique, de nains qu'il appelle des Fin-
nois {la race prussienne) et qui seraient des Lapons.
Rien n'est venu prouver que des Lapons ont jadis occupé
ces régions. Au contraire, on a découvert sur les rives de
la Baltique des civilisations préhistoriques bien plus éle-
vées que celles qu'ont jamais pu atteindre les Lapons, Non
seulement on n'y a recueilli aucune trace de leur pré-
sence, mais les plus anciens crânes connus se rapportent
au type crânien opposé. Il en est tout autrement en Suède
et en Norvège. Au siècle dernier encore, lorsque Linné
voulut visiter la Laponie (1737), il put se borner à l'Os-
Irobotnie, une de ses trois provinces suédoises d'alors. Le
premier district de cette province était celui d'Lmeâ, des-
cendant au-dessous du 64*^ de lat. Les trois autres, égale-
ment sur le golfe de Botnie, étaient ceux de Piteâ, Luleâ
et Torneâ. L'occupation de la Finlande par les Lapons est
également certaine. Les noms géographiques en témoignent
et les Finlandais en ont conservé des souvenirs, désignant
ironiquement, sous le nom de tombes lapones, d'anciennes
cabanes. Mais c'est par la Suède qu'ils semblent y avoir
anciennement pénétré. Aujourd'hui, on n'en trouve plus à
l'état de pureté qu'au deïk du cercle polaire. Et encore
môme, sur les rives de l'océan Arctique, les Finnois se
mêlent à eux ainsi que des Suédois et des Russes. D'après
les documents de l'époque (1869), A. Maury estimait leur
nombre à 26,000. Quelque dix ans après, Guillard n'en
comptait plus que 9,000, dont 4,000 en Suède et 3,000
en Norvège. Ils ne disparaissent cependant pas avec cette
rapidité. Mais comme ils n'ont à peu près rien qui les rat-
tache les uns aux autres et les isole, en dehors de leurs
caractères physiques et de leurs habitudes non sédentaires,
leur individualité s'efface, presque toujours de leur plein
gré. Ils ne sont pas anéantis, ils se fondent. Les dernières
statistiques, d'après M. Rabot, accusent seulement 927 La-
pons en Finlande. C'est un chiffre bien trop faible, s'il
s'agit d'estimer la proportion de sang lapon encore bien
reconnaissable. Mais dans tout le N. de la Finlande, oui il
y en a encore, les Lapons sont fennisés. Dans la presqu'île
de Kola, grande comme le tiers de la France, on n'en
compte pas plus de 2, 182. Et, dès le xiii® siècle, tous les
Lapons de la Russie actuelle se croisèrent avec les Caré-
liens. Sous l'influence de l'administration russe, ils ont,
depuis le xiii® siècle, adopté les dehors de la religion grecque
orthodoxe. Ceux de la Finlande, comme ceux de la Suède
et do la Norvège, sont protestants luthériens. Et supérieurs
de ce fait, dans leurs mœurs et par un peu d'instruction,
ils dédaignent leurs congénères russes. La langue de ceux-
ci d'ailleurs, divisée en trois dialectes et mêlée de mots
russes et finnois, n'est que difficilement comprise des La-
pons norvégiens. Leur vocabulaire a récemment été publié
par M. Arvid Genetz (Helsingfors, 1891). Les dialectes (au
nombre de quatre) et les légendes des Lapons de la Suède
ont été particulièrement étudiés par MM. Qvigstad et Wik-
land. Ce dernier a donné le vocabulaire des Lapons du
Lule-Lappmark, qui comprennent le suédois pour la plu-
part (1890). Les principales grammaires du lapon sont
celles de Possart (allemand, Stuttgart, 1840), Stockfleth
(norvégien. Christiania, 1850) et Friis (norvégien, 1856).
Stockfleth (Norsk-lappisk Ordbog, 1850) et Friis {Lexi-
con lapponicum, 1885-87) ont donné le vocabulaire des
Lapons norvégiens.
Tous ceux qui ont conservé leurs habitudes à demi
nomades ont à peu près le même genre d'habitation : la
tente de perches dressées circulairement et se rejoignant
par le sommet, comme dans la Kota finlandaise, mais recou-
verte de toile, sauf au sommet qui reste ouvert pour la
fumée. Ils se tiennent dans ces tentes circulaires, assis ou
couchés autour du foyer, sur des fagots de brindilles de-
bouleau. Leur mobilier consiste donc uniquement en quel-
ques couvertures de laine ou de peaux de renne, une mar-
LAPONIE — LA POPRLÏNIÈRE
950 —
mite et des ustensiles en bois. Ceux qui sont à demi séden-
taires élèvent des charpentes plus solides qu'ils couvrent
d'écorces de sapin, de tourbe ou de terre. Au voisinage des
Finlandais, ils construisent des maisons de bois, comme
ceux-ci, et au voisinage des Russes, des maisons de troncs
de pins équarris. Ils fabriquent avec beaucoup de soin leurs
vêtements en peaux de renne, une sorte de houppelande,
des chaussures, des gants. Ils portent toujours une sorte
de pantalon étroit sous leur houppelande. En été, ils rem-
placent les fourrures par un lainage grossier, générale-
ment marron. Mais ils agrémentent et bigarrent leur cos-
tume avec des pièces d'étoffes rouges et jaunes. Comme
coiffure, les pêcheurs portent une toque et les pasteurs le
bonnet carré, bleu pour les hommes et rouge pour les
femmes. Ces coiffures, ou au moins leurs formes carrées,
ont dû, me semblo-t-il, être empruntées à leurs anciens
voisins du Sud. Les Lapons sont, d'ailleurs, encore en train
d'emprunter à leurs voisins actuels de nouvelles pièces de
vêtement, des chemises, des gilets, lis en obtiennent aussi
facilement, contre du poisson fumé, de la viande séchée,
des fourrures, quelques menus objets mobiliers, aiguilles,
couteaux, étoffes, tabac, eau-de-vie, farine. Ils courent
sur la neige avec une grande vélocité, grâce à leurs patins
qui sont deux longues planchettes, fixées par le milieu à
leurs pieds. Ils travaillent le bois pour fabriquer leurs
canots, des plats et autres vases. Avec l'os, ils fabriquent
des grattoirs pour les peaux, des cuillers, des mortiers pour
broyer les écorces. Ceux qui sont à demi sédentaires vivent
surtout de pêche, bien que l'hiver ils se retirent dans les
forêts où ils se livrent à la chasse. Les autres vivent du
renne et avec le renne. Pour être bien à l'aise, il faut qu'ils
aient plus do 500 de ces animaux. Ils ne gardent de tels
troupeaux que grâce à une surveillance incessante et avec
l'aide des chiens. Ils boivent le lait et en font aussi du
fromage. Ils tuent un renne par semaine, font une sorte
de boudin avec le sang et mangent la viande fraîche ou
sèche, après l'avoir fait bouillir, sans pain, et avec les dix
doigts, sur les genoux. Certains Lapons russes connaissent
le pain. Les autres font une bouillie au suif et au sang gelé
de renne, avec la farine qu'ils peuvent se procurer; ou
s'ils n'ont pas ou ont peu de farine, ils font un pain avec
le tissu fibreux de dessous l'écorce de sapin qu'ils raclent
et pilent avec un pilon en bois, ou une bouillie avec cette
même écorce, de la graisse et de la farine. Ils mangent
encore Fangélique, cuite ou crue, del'épiderme de bouleau
trempé dans l'huile, des baies acidulés qu'ils font geler
avec du lait dans des vases de bouleau. Ce sont les hommes
qui font la cuisine. Les femmes font les filets, traient les
rennes, préparent les peaux et sèchent le poisson. L'orga-
nisation de la famille est patriarcale, le père étant maître
absolu. Pour se marier, le jeune homme se préoccupe
d'abord de séduire le beau-père de celle qu'il a choisie en
lui offrant des bouteilles d'eau-de-vie; et, le mariage ac-
compli, devant le prêtre ou le pasteur de la paroisse, il le
sert pendant un temps déterminé avant d'emmener sa
femme. Les mères portent leurs enfants sur le dos, dans
des boîtes faites d'un morceau de bois creusé, aminci aux
deux bouts et garni de mousse à l'intérieur. Ces boîtes
sont souvent, à ce que j'ai vu, garnies de cuir qui ne laisse
à découvert que la tète de renfant. Bien que soumis exté-
rieurement aux deux religions qui les partagent, les Lapons
ont conservé un certain nombre de leurs vieilles pratiques
de sorcellerie. Et ils envisagent les maladies comme les
peuples sans culture. Ce serait une grande erreur de les
croire inférieurs sous ce rapport à la très grande majorité
de leurs voisins, les habitants de l'empire russe. Chez ceux
de Scandinavie s'est conservé l'usage de déposer les morts
sous un tas de pierres ou dans des cavernes, et, presque
partout, celui de mettre avec ces morts les objets indis-
pensables à la vie. On les dit d'une indolence silencieuse
et presque morne. Cependant, lorsqu'ils ont des motifs do
contentement, ils savent être rieurs et pleins d'entrain.
Très honnêtes, doux et hospitaliers, offrant un complot
contraste avec les peuplades guerrières, ils ne se laissent
cependant pas facilement duper. Ça été une surprise, par-
fois désagréable, pour ceux qui, se fiant à leur lourdeur
apparente, ont montré trop de sans gène dans les marchés
avec eux, de se voir parfaitement devinés et déjoués. Ils
disparaîtront à coup sur comme race originale et distincte,
par leur fusion avec leurs voisins qui s'accroissent à leurs
dépens. Mais avant qu'ils disparaissent nous aurons
sur eux un recueil de connaissances complet, si la So-
ciété finno-ougrienne d'ÏIelsingfors poursuit sa carrière
comme elle Fa commencée, ce que nous souhaitons assu-
rément. Zâborowski.
IlL HrsToiRK. ■— Les Lapons, dont le nom actuel ne paraît
qu'au xni'' siècle, ont été souvent dans la période antérieure
confondus avec les Finnois dont on leur appliquait le nom.
Us semblent avoir appris la métallurgie et leurs usages
agricole des Scandinaves, mais dès une antiquité reculée.
Ils étaient alors à la phase patriarcale de l'évolution ; ils
ignoraient les mesures de poids et ne comptaient que jus-
qu'à dix. Après les grandes migrations Scandinaves ou le
temps de la grande peste noire (xiv^ siècle), ils s'avancèrent
jusqu'au 61" lat. N. Politiquement, ils furent bientôt su-
bordonnés à leurs voisins plus avancés. Au xi^- siècle, ceux
de rO. étaient tributaires des Norvégiens, ceux de l'E. de
Novgorod. Leurs adversaires Caréliens furent refoulés vers
rO. par les Mongols et Tatares et durent empiéter sur les
Lapons. En 1326, un traité entre la Russie et la Norvège
reconnut à celle-ci la suzeraineté de la Laponie jusqu'à Voljo
sur la mer Blanche et celle de la Russie sur la Carélie jus-
qu'au Maas Elv et à Lyngen. Au xvi^ siècle, la Suède s'éten-
dit vers le N. et en Io95, par le traité de Teusina, la
Russie lui reconnut la suzeraineté sur les Lapons qui ha-
bitent les bois entre la Botnie occidentale et Varauger. Les
rois de Danemark revendiquèrent vainement la Laponie
orientale jusqu'à Kola, mais le traité de Knycrœd (1613)
leur garantit la prov. de Finmark. Les frontières actuelles
entre la Norvège et la Suède furent précisées en 4751 ;
entre la Suède et la Russie en 1809. La condition sociale
des Lapons fut au moyen âge une sorte de servage au profit
des birkalian, aventuriers marchands Scandinaves, ou des
moines du couvent russe de Solovetzkyi et de quelques
autres. Au xix'^ siècle, leur situation a été améliorée sur-
tout dans les Etats Scandinaves qui exercent sur eux une
tutelle philanthropique. A. -M. B.
Btrl. : A. GuiLLARD a donné dans le Dictionnaire en-
cyclopédique des sciences nuédicstles une biblmgraphie
complète aa sujet des Lapons. — Sur les Lapons"norvé-
giens, il faut consulter les travaux de Friis, sa carte eth-
nographique, son Lappisk Mythologie Eventyr og Folke-
sa(7en; Christiania, 1871; Laila (trad. allem. Schilàerungen
aus Lappland; Leipzig, 188G), etc.— Sur la Laponie sué-
doise, le meilleur ouvrage est celui de Duuen, Om Lap-
pland; Stockholm, 1873,'analysé dans le t. I du Congres
internat, des se. géogr. ; Pans, 1876. — V. aussi Vax-
DKRKiNDERp]^ RechcTches sur Vethnologie de la Belgique,
1872, in-8, et surtout les recherches toutes récentes de
M. Rabot (V. Finnois). — Il faut aussi signaler plusieurs
articles du Journal de la Société finno-ougrienne ; Hel-
singfors, D vol. in-8.
LAPON NERAYE (Albert), littérateur français, né à
Tours le 8 mai d 808, mort à Marseille en sept. 1849. Chef
d'institution, il créa en 1848 à Marseille le journal la
Voix du peuple, organe du parti libéral. Il a laissé, outre
quelques ouvrages classiques : Histoire de l'amiral de
Coligny (Paris, '1830, in~8) ; Commentaire sur les
droits de riiomme (1832, in-8); Lettres aux prolé-
taires (1833, in-8); Description de Paris (1836, in-4);
Histoire de la Piévolution française (1840, 3 vol. gr.
in-8) ; Histoire des rivalités et des luttes de la France
et de V Angleterre (1846-47, 2 vol. in-8), en collaboration
avec H. Lucas, etc. Il a publié les OEuvres deMaximilien
Robespierre (1842, 3 vol. in-8).
LA POPELINIÈRE (Lancelot Voisin de), homme de
guerre et historien français, né vers 1540, mort en 1608. Il
appartenait à une famille d'ancienne noblesse et se convertit
de bonne heure à la Réforme. Il prit part aux premières
- 951
\A POPELÏNIÈRE - LAPORTE
guerres civiles et, dans celles de 1574-76, commanda Pexpé-
dition des protestants contre l'île de Ré. A partir de l'édit
de Bcaulieu, confirmatif de la paix d'Etigny-lès-Sens (mai
1576), il ne s'occupa que do travaux littéraires. En 1581,
il lit paraître une Histoire de France depuis l'an i550
(La Rochelle, 2 vol. in-foL), d'un style très négligé, mais
précieuse par la quantité de renseignements puisés aux
meilleures sources et de pièces officielles qu'elle fournit et
remarquable par la modération des jugements et leur im-
partialité. Celle-ci parut aux meneurs du parti huguenot un
sanglant outrage. L'auteur fut cité à comparaître devant
le synode ; malgré la vivacité digne et le bien-fondé de la
défense, il fut censuré par ses juges et, après une longue
résistance, dut se résigner, en 1585, à une demi-rétrac-
tation, pour éviter de provoquer une scission entre ces
énergumènes et le roi de Navarre, qui l'avait toujours sou-
tenu de son crédit (V. sur cette afll'aire l'excellente note de
M. de Ruble dans son édition de V Histoire universelle
d'Agrippa d'Aubigné, 1886, t. l, pp. 371, 576). La Po-
pehnière a encore publié : les Trois Mondes (158^2, in-8),
comprenant surtout l'histoire et la description de TAmé-
rique ; une Histoire des Histoires (1599, in-8) et une His-
toire de la conquête des pays de Bresse et de Savoie
(16Dl,in-8). ' LéonM\RLET.
LA POPELlNlÈREou LA POU PLI N 1ÈRE (Alexandre-
Joseph Le Rïche de), fermier général, musicien amateur
et homme de lettres, né à Paris en 1692, mort le 8 déc.
1762. Fils d'un receveur général des finances, il fui nommé
fermier général en 1718. 11 prit pour maîtresse la comé-
dienne Mimi Dancourt (M"^^ Deshayes), qu'au bout de douze
ans de vie commune le cardinal Fleury l'obligea d'épouser.
Elle le trompa avec le duc de Richelieu, et La Pouplinière
obtint la séparation (1748). Le fermier général, malgré ses
soixante ans, donna libre carrière à ses goûts de faste et
de débauche élégante. Sa maison dePassy devint « le temple
dos Muses et du plaisir ». Il se fit le mécène de Rameau,
de Marmontel, de La Tour, de Carie Vanloo, de Vaucanson.
Il maria des rosières et produisit, devant « sa basse-cour
bigarrée », nombre d'acteurs, d'actrices et de danseuses.
11 se piquait de musique et de littérature. On lui attribue
des Immettes (Y. ce mot) et, entre autres, l'air : 0 ma
tendre musette^ dont le fond paraît toutefois d'inspiration
populaire. A soixante-huit ans, il se remaria avecM^^^Mon-
dran de Toulouse ; il en eut un fils posthume, « l'ouvrage
seul qui ne lui coûta rien », dit un épigramme du temps.
Rayé de la ferme générale en janv. 1762, il continua ses
fêtes jusqu'à la mort de sa belle-mère à laquelle il ne sur-
vécut qu'un mois. En 1760, il avait publié un roman inepte,
Dana, histoire orientale (1760, in-8), son seul écrit
signé. Les chansons qu'on lui attribue ont sans doute été
au moins retouchées par les littérateurs de son entourage.
Ce qui est bien de lui, c'est le texte obscène d'une sorte
d'autobiographie erotique intitulée Tableau des mœurs du
temps dans les différents âges de la vie. 11 en fit impri-
mer sous ses yeux un exemplaire unique (in~4), qui fut
enrichi de belles miniatures, et cet exemplaire a atteint le
prix de 24,000 fr. à la vente de la bibl. de M. Ch. Cou-
sin, en 1891.
BiDL. : Mémoires do Bacitaumonï et Correspondance de
Grimm. — L'Artiste, n° du 16 sept. 1855 (art. de Monse-
let). — Le Livre et l'image^ avec une reprod. exacte de l'une
des miniatures, la Zaïrette ; Paris, 1893, in-8 (5«livr.).
LA PORRETTA (V. Porretta [La]).
LA PORTE (Pierre de), valet de chambre de Louis XIV,
né en 1603, mort le 15 nov. 1680. Sa famille était
d'origine noble, mais l'un de ses ancêtres avait dérogé
et perdu sa noblesse. Il fut attaché au service d'Anne
d'Autriche de 1621 à 1625, puis fit la campagne de
1631 en Italie dans une compagnie de gendarmes. Etant
rentré dans sa place auprès de la reine,' il devint l'agent
le plus actif par lequel celle-ci correspondait avec le" roi
d'Espagne, le duc de Lorraine et la duchesse de Chevrouse,
alors disgraciée. Richelieu, ayant eu connaissance de ses
menées, le fit enfermer à la Rastille en 1637, mais il ne
put obtenir de lui aucune révélation, parce qu'on avait
mis le prisonnier au courant des déclarations de la reine.
Mis en liberté en 1638, il fut exilé à Saumur, et ne ren-
tra en grâce qu'en 164eH après la mort de Louis XIÏI. 11
fut attaché au jeune roi comme premier valet de chambre,
mais des accusations qu'il porta contre Mazarin le perdirent
et il dut quitter la cour en 1653. Réhabilité en 1666, il y
reparut, mais pour peu de temps. Il a laissé des Mémoires
qui portent sur les événements écoulés de 1624 à i3C)6;
on ne doit les consulter qu'avec une grande réserve. Ils
ont été réimprimés à Genève (1756, in-12), puis insérés
dans les collections de Petitot (2*^ sér., t. LIX), et de
Michaud et Poujoulat (1839, t. VIIl). G. R.
Bibl. : Voltaire, Siècle de Louis XIV. — Notices en
tête des Mémoires dans les deux collections Petitot. et
Michaud et Poujoulat.
LAPORTE, chef camisard, né au Mas-Soubeyran, mort
en 1702. Il avait servi dans l'armée. Ayant obtenu son
congé, il s'établit maître de forges près du Collet-de-Dèze.
Après la défaite deFontmorte et le supplice de Pierre Sé-
guier (12 août 1702), il releva le courage des Enfants de
Dieu qui se préparaient à quitter le pays, les exhortant à
mourir en combattant pour délivrer et venger leurs frères
et faire respecter leurs droits iniquement violés. Ils le choi-
sirent pour chef. En quelques jours, Laporte réunit une
centaine d'hommes qu'il divisa en trois bandes. Se réser-
vant le commandement de celle qui était composée des an-
ciens compagnons de Séguier, il confia celui des deux autres
à son neveu Roland et à'Castanet. Bientôt après, il défit une
colonne catholique et lui enleva les prisonniers et le butin
qu'elle ramenait à Florac. Poursuivi par trois brigades, il
guerroya pendant deux mois avec ardeur et habileté, sou-
vent avec succès. Mais il fut surpris près de Temelac et
atteint d'une balle comme il gravissait un rocher pour s'en-
fuir (22 oct. 1702). Sa tête fut exposée sur le pont d'An-
duze et le lendemain sur le fort Saint-Rippolyte, enfin
clouée au-dessus de la porte de la citadelle de Montpellier.
Pendant les deux mois et demi qu'il avait exercé le com-
mandement, Laporte avait ranimé les camisards, assigné
un but à leur révolte et fait d'une bande de pâtres des
combattants aguerris. Ils élurent son neveu Roland pour
le remplacer. E.-H. Vollet.
Bibl. : Eug. et Em. Haag, la France protestante ; Paris,
1846-58, IQ vol. in-8.
LAPORTE (Roland ou Rolland), généralement désigné
sous son prénom, chef camisard, né au Mas-Soubeyran en
1675, mort en 1704, neveu du précédent. Engagé très
jeune dans un régiment de dragons, il avait quitté le ser-
vice après la paix de Ryswick. Lorsque son oncle prit le
commandement de la révolte, il alla le rejoindre avec ses
deux frères. Une petite bande lui ayant été confiée, il se
jeta dans la vallée du Gardon d'iUais, traversa les mon-
tagnes de Mialet et désarma les catholiques de La Salle.
Après la mort de son oncle (22 oct. 1702), les camisards
le choisirent unanimement pour chef. Il se donna le titre de
général des Enfa7its de Dieu, qu'il changea plus tard
j)our celui de général des troupes protestantes de France
assemblées dans les Ce venues. Ces troupes comprenaient
alors un millier de combattants. Ils furent divisés en cinq
légions, dont les chefs agirent d'une manière à peu près
indépendante. En quelques mois, avec la légion qu'il con-
duisait, Roland défit une compagnie de soldats à Manda-
jors, surprit la ville de Sauve, dont il désarma les ha-
bitants et brûla l'église, puis s'empara du château de
Saint-Félix et de la ville de Ganges. Mais il échoua dans
une attaque contre Pompignan, et subit près de cette ville
une défaite qui le mit pendant quelque temps dans l'im-
possibilité de rien entreprendre. Il tint alors des assemblées
de prières. Quand il eut réparé ses pertes, il brûla Saint-
Julien-des-Ponts, Sainte-Cécile-d'Andorre et se rendit maître
de Genouillac après un combat acharné. Le 12 janv. 1704,
il détruisit deux bataillons du régiment du Dauphiné, au
pont de Valogne; le 12 mai, il battit à Fontmorte un dé-
tachement catholique. Mais, vers le même temps (22 mai),
LAPORTE
952
le maréchal de Villars, qui avait été envoyé dans le Langue-
doc pour remplacer Montrevel, traitait avec Cavalier. Celui-
ci se soumit, moyennant Foctroi d'un brevet de colonel,
une pension de 4,200 livres et la promesse qu'il serait
formé un régiment de camisards destiné à servir à l'étran-
ger. Quarante seulement des compagnons de Cavalier le
suivirent dans sa défection. Les autres se joignirent à Ro-
land. Des négociations furent entamées avec lui. On lui
offrit les avantages personnels que Cavalier avait acceptés
et, pour ses coreligionnaires, l'élargissement des prison-
niers, le rappel des exilés, une amnistie générale et sans
réserve, le droit de vendre leurs biens et de sortir du
royaume, la promesse que personne ne serait inquiété pour
cause de religion. C'était à peu près la liberté de la con-
science, sans la liberté du culte {projet de traité d'An-
diize). Roland refusa, exigeant le rétablissement de l'édit
de Nantes dans tous ses chefs. Il fut vendu par Malarte
d'Uzès pour 100 louis. Surpris dans le château de Castel-
nau et poursuivi par les dragons, il s'adossa contre un
arbre pour se défendre. Un coup de feu l'abattit (14 oct.
1704). Son corps fut transporté à Nîmes et brûlé sur un
bûcher, après avoir été traîné sur une charrette, par toute
la ville. E.-H. Vollet.
BiBL.: Eug. et Em. Haag, la France protestante ; Paris,
1816-58, 10 vol. in-8.
LA PORTE (Joseph, abbé de), littérateur français, né à
Belfort en 1718, mort à Paris le 19 déc. 1779. D'abord
jésuite, il abandonna la congrégation en 1742 après le suc-
cès qu'obtint à Strasbourg une Pastorale héroïque en
l'honneur du mariage du prince de Soubise et vint cher-
cher fortune à Paris. Surpris dans une imprimerie clandes-
tine, exilé pour ce fait à Auxerre et détenu quelques jours
à la Bastille pour avoir enfreint l'ordre du roi (1743), il
devint le collaborateur de Fréron avec qui bientôt il se
brouilla. Il se fit surtout du métier de compilateur une vé-
ritable spécialité et en tira de réels bénéfices dont il laissa
en mourant la majeure partie aux pauvres de sa ville na-
tale; il n'est que juste de reconnaître d'ailleurs qu'il y ap-
portait un véritable talent et que plus d'un de ses livres
est encore consulté aujourd'hui avec fruit, tels que les sui-
vants : Ecole de littérature tirée de nos meilleurs écri-
vains (1763, 2 vol. in- 12) ; le Portefeuille d'un homme
de goùi ou l'Esprit de nos meilleurs poètes ( 1 763, ;', vol.
in-Î2) ; Histoire littéraire des femmes françaises (1769,
T) vol. in-8), avec Lacroix de Compiègne ; le Voyageur [rar.-
çais ou Connaissance de V ancien et du nouveau monde
(1763-95, 42 vol.in-12, dont La Porte rédigea les ^inot-
six premiers), etc., puis toute une série d'extraits ou à' Es-
prits, comme ceux de VAbbé Desfontaines (1737, in-12),
de Bourdaloue (1762, in-12), de J.-J. Rousseau (1763,
2 vol. in-i2), souvent réimpr., du P. Castel (1763, in-12) ;
de V Encyclopédie (1768, 3 vol. in-12), etc. La Porte
qui avait écrit pour un théâtre de société le Danger des
épreuves, com. en un acte et en vers (1749, in-4) et l'Anti-
quaire, com. en trois actes et en vers (1731), composée à
l'usage des collèges et réimpr. de nos jours par M. Davil-
her, rédigea de 1731 à 1778 les Spectacles de Paris ou
Calendrier historique et chronologique de tous les
théâtres (in-16), et puWiaavec Clément des Anecdotes
dramatiques (en forme de dictionnaire) (1775, 4 vol.
in-8). Comme journaliste, il prit part aux Observations
sur la littérature moderne et aux Lettres sur quelques
écrits de ce tonps et à V Année littéraire de Fréron
et fonda, pour lui faire pièce, VObservateur littéraire
(1739-61, 13 vol. in-12). Enfin il aida l'abbé d'Hébraîl
dans la préparation de sa France littéraire (1769, 2 vol.
in-8), à laquelle il fournit un Supplément (1778, 2 par-
ties in-8). M. Tx.
LAPORTE (Henri-Horace de), peintre français, né en
1724, mort à Paris en 1783. Il essaya de rivaliser avec
Chardin, mais il resta toujours froid et puéril. Le 26 nov.
1763, il fut reçu à l'Académie, avec le Vase de lapis, qui
est au Louvre. Il a souvent peint des animaux.
LAPORTE (Marie-François-Sébastien-Christophe de),
plus connu sous le nom de Delaporle, homme politique
français, né à Belfort le 13 sept. 1760, mort à Belfort le
23 mars 1823. Avoué près le tribunal de Belfort, député
du Haut-Rhin à l'Assemblée législative, puis à la Conven-
tion, Laporte remplit de nombreuses missions qui le tinrent
éloigné pendant plus d'un an. Il alla en particulier à Lyon
oi:i il s'associa à toutes les mesures de rigueur prises par
Fouché etCollot d'Horbois; mais, après Thermidor, il chan-
gea d'attitude, fit emprisonner les principaux chefs des Ja-
cobins, renouvela la municipalité et la Société populaire. Le
16 sept. 1794, il rentra à Paris et, le 22 du même mois,
fut élu secrétaire de la Convention. Il entra successivement
au comité de Sûreté générale, puis au comité de Salut pu-
blic. Depuis prairial an IH, il fut particulièrement chargé
de la force armée de Paris. Au Conseil des Cinq-Cents, où
il siégea jusqu'au 28 mai 1798, il s'occupa de questions
financières, puis reprit son étude d'avoué près le tribunal
de Belfort. On a parfois accusé Laporte d'avoir détourné
3 millions de la caisse de l'armée d'Italie, comme commis-
saire du Directoire ; le fait est évidemment faux, puisqu'il
ne fut jamais commissaire du Directoire, ni en ItaHe, ni
ailleurs. A, Kuscinski.
LAPORTE, agent de change à Bordeaux, avant la Ré-
volution, publiciste girondin qui représente le courant
d'opinion qui se produisit en 1789. On lui doit un livre
fort curieux concernant l'ancien régime et les réformes
nécessaires : Essai sur la législation des finances de
la France. Cet essai est plutôt à consulter sur l'état finan-
cier spécial de la France en 1789 que sur les réformes à
y introduire. Toutefois Laporte a émis le premier l'idée
des Banques provinciales pour liquider l'ancien régime.
Cette idée valait mieux que la planche aux 44 milliards
d'assignats.
LAPORTE (Hippolyte, marquis de), littérateur français,
né à Paris en 1770, mort en 1832. Emigré en 1792, il
ne put entrer définitivement en France qu'après le 18 bru-
maire. Collaborateur assidu de la Biographie des hommes
vivants et de la Biographie universelle, il a fourni des
notices historiques et descriptives aux Souvenirs du vieux
Paris de Turpin de Crissé, et laissé un assez grand nombre
d'écrits, parmi lesquels nous citerons : Juelina (Paris,
1830, 3 vol. in-12); Apparitions historiques (1832,
in-8); Souvenirs d'un émigré (1843, in-8).
LAPORTE (Rozn<:RE, dit), acteur français (V. Rozière).
LAPORTE (Henri-Gaston), homme politique français, né
à Nevers le 16 avr. 1842. Ancien élève de l'Ecole cen-
trale, avocat à Nevers, directeur du Patriote du Centre,
il eut une polémique électorale des plus vives avec M. Gi-
rerd et fut nommé contre lui, député de Nevers, en 1881 .
Il fit partie de l'extrême gauche de la Chambre, fut réélu
en 1883 et 1889, appuya vigoureusement le boulangisme,
fit partie du comité républicain national, et en 1893 fut
encore réélu avec un programme radical-révisionniste. On a
de lui, outre sa collaboration à ['Impartial du Centre, à
la République de Nevers et à son journal : l'Ordre et
la Liberté (1876) ; la Féodalité industrielle (1886).
LA PORTE ( Jean-Roger -Amédée de), homme politique
français, né à Niort le 20 juin 1848. Inscrit au barreau de
Paris en 1869, il fit dans les mobiles des Deux-Sèvres la
guerre franco-allemande de 1870-71 , entra comme auditeur
au conseil d'Etat en 1873, et après avoir occupé les fonc-
tions de chef du cabinet du ministre des travaux publics
(M. Christophle, 1876-1877), fut élu le 14 oct. 1877 dé-
puté de la 2® circonscription de Niort. Membre de la gauche
républicaine, il fut réélu en 1881 et en 1883, devint sous-
secrétaire d'Etat aux colonies en 1886 et de nouveau en
1888. Il eut une polémique très vive avec M. Constans,
dont il blâmait les procédés de gouvernement en Indo-Chine
et qu'il contraignit à donner sa démission de gouverneur
général. Non réélu aux élections générales de 1889, oii il
échoua contre M. Pontois, boulangiste, il prit sa revanche
en 1893 contre son ancien concurrent Pontois et M. Vallée,
9i53
LA PORTE — LAtSANA
révisionniste. Il est gendre de M, AUain-Targé (V. ce
nom).
LAPORTE-BisQuiT (Jean-Maurice), homme politique
français, né à Limoges le 5 nov. 4842. Grand fabricant
d'eau-de-vte de Cognac, maire de Jarnac, il fut élu séna-
teur de la Charente le 7 janv. 4894. Il siège à gauche.
LÂPORTEA {Laportea Gaud.) (Bot.). Genre d'Urtica-
cées, du groupe des Urticées, voisin des Oi^ties (V. ce mot),
dont il se distingue principalement par le fruit oblique. Il y a
4étamines, un périanthe femelle à 4 lobes inégaux ou égaux,
un ovaire uniovulé. Ce sont des herbes, des arbustes ou des
arbres, à feuilles alternes avec stipules axillaires, àglomé-
rules floraux souvent en grappes. Les Laportea sont ré-
pandus dans les régions tropicales des deux mondes et dans
l'Amérique boréale. Le Laportea gigas Wedd. atteint plus
de 30 m. de haut. Les feuilles du L. decumana Wedd.
{Urtica decumana Rumph.) sont employées pour produire
des uptications méthodiques. Les piqûres occasionnées par
celles de L. crenulata Gaud. {Urtica Javanensis Juss.) et
du L. stimulans Miq. sont très douloureuses et déter-
minent une fièvre intense et parfois des accidents tétani-
formes suivis de mort. IK L. Hn.
LAPOSTOLET (Charles), peintre français, né à Vélars
(Côte-d'Or) en 4824, mort à Domène (Isère) en 4890. Elève
de Léon Cogniet, cet artiste peignit des paysages pris dans
son pays natal, en Bourgogne et en Normandie, des vues
perspectives de villes, des marines et des scènes de genre.
On observe dans ces œuvres un choix ingénieux des points
de vue, un sentiment juste de l'effet, des groupes bien
disposés; son dessin est assez correct, mais sa touche
souvent lourde. On peut citer comme ses meilleurs ta-
bleaux : Vue du Canal Saint-Martin, prise des Buttes-
Chaumont (S. 4870, diU Luxembourg) ; Plage de Viller-
ville (4876) ; Vue de Rouen, prise de IHle liollet (4882).
Il fit aussi un voyage à Londres et à Venise. Les dernières
œuvres qu'il exposa furent : Un Quai à Rouen, et l' Avant-
port, à Dunkerque (S. 4889). Ce dernier tableau, simple
étude de dimensions réduites et d'une touche assez molle,
est au Luxembourg. Ad. Thiers.
LAPOUYADE. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Li-
bourne, cant. de Gultres; 712 hab. Stat. (Lapouyade-Ma-
ransin) du chem. de fer de l'Etat, ligne de Saint-Mariens
à Coût ras.
LA PGYPE (Jean-François, baron de), général fran-
çais, né à Lyon le 34 mai 4738, mort aux Brosses (Rhône)
le 27 janv. 4 854 . Deuxième enseigne au régiment des gardes
françaises le 6avr. 4777, sous-lieulenant le 27 août 4780,
il démissionna 10 4^"^ juil. 4787. Elu lieutenant-colonel en
premier du 2® bataillon des volontaires de Seine-et-
Oise le 49 oct. 4791 , colonel du 404® de hgne le 46 mai
4792, maréchal de camp le 4^^ sept, suivant, il fut em-
ployé le 8 sept, au camp sous Paris, devint chef d'état-
major de l'armée d'Italie le 2 févr. 4793 et général de
division le 45 mai. Commandant de Toulon et des côtes
méditerranéennes, il contribua à la reprise de Toulon et
alla servir à Larmée des Alpes (30 avr. 1794). Suspendu
de ses fonctions (27 oct. 4795), rappelé à l'activité le
47 sept. 4797, employé à l'armée du Rhin, puis à celle
d'Italie, il se distingua à la bataille de Novi (45 août 4799).
Le 5 juil. 4802, il partit pour Saint-Domingue, où il resta
jusqu'à l'évacuation de cette île par les Français. Embar-
qué avec le général Rochambeau, il fut pris par les Anglais
(30 nov. 1804) et ne rentra en France que le 29 juin
4806. Il servit à l'intérieur, fut créé baron de l'Empire le
29 janv. 4842 et employé en Allemagne. Gouverneur de
Wittenberg le 12 mars 4843, il se défendit avec vigueur,
mais dut capituler le 43 janv. 4844. Rendu à la liberté
lors de la première Restauration, La Poype devint, pen-
dant les Cent-Jours, gouverneur de Lille (30 avr. 4845) ;
aussi fut-il retraité par la seconde Restauration (4 sept.
4845). Elu le 9 mai 4822 député de Villefranche (Rhône),
il siégea à l'extrême gauche. Non réélu en 4824, il fut
relevé de la retraite, admis dans le cadre de réserve par
Louis-Philippe (7 févr. 4831), et définitivement retraité le
41 juin 4832. Etienne Châravay.
BiBL. : Arch. adm. de la. guerre. — L. Calvet de Ro-
GNiAT, Biographie et obsèques du général de La Poype,
1851, in-8.
LAPPA ou LAMPA (Géogr. anc). Ville de Crète, dont le
territoire s'étendait d'une mer à l'autre ; c'était peut-être
une colonie de Tarrha. Elle avait Phœnix pour port. Mé-
tellus la saccagea ; elle prit le parti d'Octave qui la restaura.
Ce fut un évèché chrétien. Ses ruines se voient près de
Polis,
LA P PARENT (Cochon de) (V. Cochon de Lappabent).
LAPPION. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Lacn, cant.
de Sissonne ; 543 hab.
LAPPUYE. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Châtel-
lerault, cant. de Pleumartin ; 4,008 hab.
LAPRADE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. de Mas-Cabardès ; 656 hab.
LAPRADE. Com. du dép. de la Charente, arr. de Rar-
bezieux, cant. d'Aubeterre ; 466 hab. Papeteries.
LAPRADE (Pierre-Martin-Victor Richard de), littéra-
teur français, né à Montbrison (Loire) le 43 janv. 4842,
mort à Lyon le 43 déc. 1883. Fils d'un médecin distingué
de sa ville natale, il s'inscrivit au barreau de Lyon, mais
n'exerça point et publia (4844), sous le titre d'Odes et
Poèmes (in-i8j, des poésies empruntées aux traditions
antiques, à la Rible et à l'Evangile, très remarquées
des lettrés. Charge par M. de Salvandy d'une mission
littéraire en Itahe (4845) il occupa, à son retour,
de 4847 à 4864, la chaire de littérature française à la
faculté des lettres de Lyon. Une satire politique intitulée
les Muses d'Etat, inspirée par les colères que soulevaient
les EfJro7îtés d'Emile Augier, provoqua sa destitution et
valut au Correspondant un avertissement comminatoire.
Victor de Laprade ne rentra dans la vie publique que dix
ans plus tard comme représentant du dép. du Rhône à
l'Assemblée nationale de 4874, mais sa santé le força de
résigner son mandat en mars 1873.
Par une dérogation aux règlements de l'Académie fran-
çaise qui exigent la résidence à Paris de tous ses membres,
Laprade avait succédé le 44 févr. 4858 à Alfred de Musset.
Celte haute distinction lui avait été conférée après la
publication de deux autres recueils sortis des mêmes inspi-
rations, les Poèmes évangéliques (4852, in-48) et les
Symphonies (4855, in-^8). Il avait donné depuis : les
Idylles historiques (1858, in-48); Periiette, poème
(4868, in-8); Harmodius tragédie (4870, in-48);
Poèmes civiques (\ SI 3, in-48), ainsi quediverses études
en prose : Questions d'art et de morale (4867, in-8) ;
le Sentiment de la nature avant le christianisme
(1866, in-8); l'Education homicide (4867, in-8), ré-
quisitoire contre l'enseignement moderne; l'Education
libérale (4873, in-48) ; \e Livre d'un père {\Sl%,m-\%).
BiBL. : Edmond Biré, Victor de Laprade, sa vie et ses
œuvres, 1886, in -18.
LAPRAIRIE. Ville du Canada, ch.-l. d'un comté de la
prov. de Québec, r. dr. du Saint-Laurent, entre Montréal
et le SauU-Saint-Louis ; 4,000 hab. à peu près tous Fran-
çais. Ancien fort français.
LA PRESTE (V. Prats-de-Mollo).
Eaux minérales. — Ces eaux « hyperthermales, sulfu-
reuses sodiques faibles, azotées », sont particulièrement
efficaces dans la gravelle, les coliques néphrétiques, l'ictère,
le diabète, la goutte, le rhumatisme, les affections chro-
niques des voies respiratoires, les dyspepsies gastriques et
intestinales consécutives aux dermatoses, la scrofule, l'ané-
mie, les roideurs musculaires, etc. On les emploie en bois-
son, bains, douches et inhalations. D'^ L. Hn.
LAPRUGNE. Com. du dép. de l'Allier, arr. de LaPa-
lisse, cant. du Mayet-de-Montagne ; 1,547 hab.
LAPS. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de Cler-
mont, cant. de Vic-le-Comte ; 540 hab. Chapelle romane.
LAPS AN A (Lapsana T.,Lampsana Vaill.) (Bot.). Genre
de Composées-Chicoracées, dont la fleur présente presque les
LAPSANA — LAQUE
— 954
caractères de celle de la Chicorée ; elle est jaune. Les capi-
tules sont petits et disposés en cymes lâches ; Finvolucre
est glabre et le réceptacle nu ; les fruits sont oblongs et
pluricostés. On ne connaît que 4 ou 5 espèces glabres ou
poilues, à feuilles alternes, toutes répandues dans l'hémi-
sphère boréal de l'ancien monde. Le L. communis L. ou
herbe aux mamelles sert dans les campagnes à préparer
des cataplasmes pour guérir les gerçures des seins ; ses
feuilles se mangent cuites ou en salade. D^. L. ÏIn.
LAPS! (V. Donâtisme).
LAPTE. Corn, du dép. de la llaute-Loiro, arr. et cant.
d'Yssingeaux ; 2,766 hab.
LAPUGNOY. Corn, du dép. du Pas-de-Calais, arr. et
cant. de Béthune; i,6T7 hab. Stat. du chem. de fer du
Nord, ligne de Béthune à Saint-Pol et Abbeville. Distillerie
de betterave et filature de coton.
LAPUSNEANU, prince de Moldavie (V. Roumanie).
LAQUE. I. Art décoratif . — C'est de l'extrême Orient
que nous vient le laque, sorte de vernis spécial fabriqué avec
la gomme du Rhus verni ficera. Les Chinois et les Japo-
nais produisent à la fois le laque peint et le laque sculpté,
mais les procédés de ce travail varient suivant les provinces
d'où il provient. Le laque s'applique sur des surfaces lisses
en bois ou en carton et mémo en métal. Le vernis brut
avant d'être employé doit subir plusieurs préparations; on
y ajoute de l'huile, du sulfate de fer et du vinaigre de riz,
dont les doses sont calculées suivant le degré de consis-
tance et de transparence que l'on veut obtenir. En outre,
on colore les laques en noir avec un mélange de noir ani-
mal et d'huile de thé; en jaune avec de Thude additionnée
de fiel de porc ; en aventurine, en saupoudrant le vernis
jaune de poudre d'or ; en rouge avec de la cochenille. Les
Panneau de laque noir à dessin d'or en relief.
laqueurs savent obtenir des tons nombreux d'un éclat par-
ticulier, dont les principaux sont le rouge franc et le rouge
vineux, le rose tendre et le rose corail, le violet, le bleu
indigo et le bleu ardoisé, le vert oliv^ et le jaune d'ocre.
L'ouvrier laqueur doit, avant d'appliquer son vernis,
placer le bois et le polir avec soin, garnir les joints d'étoupe
fine et coller sur les joints des bandes étroites de papier,
en recouvrant le tout d'un mince canevas de soie. Là-des-
sus, il étend à la brosse dure un mélange de poudre
d'émeri, de vermillon, de gomme et de fiel de bœuf, qu'il
laisse sécher. Quand cet enduit est sec, on le polit, puis
on recommence une application nouvelle et on possède le
fond sur lequel devra être tracé le décor, au moyen d'un
dessin plat ou en relief. Les couches de laque que Ton ap-
plique sur ce fond varient en nombre suivant la qualité
de l'ouvrage que l'on veut obtenir. On n'en appose jamais
ujoins de trois et jamais plus de dix-huit. Le vernis est
disposé en couches minces et égales, au moyen d'un pin-
ceau plat et fin. Après chaque couche, la pièce est portée
dans un séchoir, puis ensuite elle est reprise et polie.
Lorsque l'artiste veut exécuter un décor, il décalque son
dessin et commence à le peindre, mais il lui faut une grande
légèreté de main, car il ne peut jamais revenir sur le pre-
mier coup de pinceau qu'il a apposé. Pour l'application de
l'or, il se sert d'un tampon contenant de la poudre d'or et
additionnée de camphre qui sert de mordant. Les laques
sont souvent incrustés d'ivoire, do nacre, de corail, de
pierres dures et de lapis-Jazuli qui s'harmonisent avec la
composition générale du sujet.
On laque également des pièces sculptées en les recou-
vrant d'une pâte épaisse, sorte de vernis rouge composé de
filasse, de papier réduit en bouillie et de coquilles d'œufs,
broyés ensemble et mélangés avec de l'huile de caméha.
A l'aide de ces procédés qui exigent une adresse parti-
culière et qui réclament un temps énorme, les artistes de
la Chine et du Japon exécutent des chefs-d'œuvre de goût
et d'élégance, qui ont mérité de prendre place dans les
collections des amateurs et dans les vitrines des musées
d'Europe. Les ouvriers do jJvioto et de Ycdo se sont parti-
culièrement distingués dans l'exécution do ces petits chefs-
d'œuvre dont la solidité et la durée égalent la légèreté.
L'industrie moderne du Japon n'a pas renoncé à cette
branche d'art décoratif, mais l'élévation delà main-d'œuvre
et le besoin de produire vite et beaucoup pour l'exporta-
tion ne permettent plus de produire des pièces aussi ex-
quises que celles des siècles derniers.
Les laques du Japon commencèrent à être introduits en
Europe vers le commencement du xvu^ siècle. Leur beauté
y fut vite appréciée et, sous le règne de Louis XV, ils de-
vinrent un des principaux éléments de la curiosité. Cette
vogue donna à de nombreux industriels l'idée de fabriquer
des panneaux d'appartement, des carrosses, des meubles et
des bijoux de toute sorte, recouverts de vernis peint imi-
tant celui de la Chine. Les plus connus de ces peintres-
vernisseurs furent les frères Martin, qui obtinrent un pri-
vilège pour leur manufacture, d'où sortirent, pendant près
de cinquante années, des produits très remarquables.
Malgré ces qualités, le vernis des frères Martin n'était pas
un laque véritable ; il n'en rappelait que l'aspect, et il n'en
avait nullement la durée presque indestructible. 11 était
obtenu par des procédés différents, comme le sont tous les
meubles et les objets laqués produits par l'ébénisterie ou
la tabletterie de notre époque, qui sont revêtus de peintures
vernies. A. de Ch.
II. Peinture. — L'usage des laques dans la peinture à
l'huile doit être fait avec précaution. J^e contact de l'acier
les ternit et leur mélange avec certaines couleurs les déna-
ture. 11 est préférable de ne les employer qu'en glacis, sur
des dessous bien secs.
III. Chimie industrielle. — L\que de cochenille
(V. Cochenille).
Laque de garance. — La garance est mise à fermenter
et lavée puis versée dans quatre fois son poids d'acide sul-
furique non nitreux, marquant 55° B. Le mélange est fait
dans un vase de plomb entouré d'eau froide ; toutes ces
précautions sont prises pour éviter la trop grande élévation
de température. On obtient ainsi une bouillie qu'on aban-
donne pendant trois heures, puis qu'on délaye avec 5 par-
ties d'eau. On filtre à travers le verre pilé et on étend
d'une grande quantité d'eau aussi pure que possible. Au
moyen de cette dilution, la matière colorée devenue inso-
luble se précipite en entraînant des matières minérales,
mais en moindre quantité que dans la laque. Cette belle
couleur est composée pour la plus grande partie d'alizarine,
principe immédiat de la garance dont on doit la découverte
— 955
LAQUE - LAR
à Robiquet et à M. Colin. Pour préparer la laque de ga-
rance, on peut suivre la recette suivante : la garance est
lavée, épurée, afin de séparer le sucre et les matières gom-
meuses ; Tcau de lavage est acidulée pour éviter toute perte
de colorant. Cela fait, elle est traitée par dix fois son poids
de dissolution d'alun (1 d'alun 10 d'eau) ; la décoction se
fait au bouillon, elle dure quinze à vingt minutes; le liquide
est filtré à travers une chausse. On laisse tomber la tem-
pérature à 40^ ; on ajoute en cristaux de soude 12 à 15 ^/^
du poids de l'alun employé et on porte à l'ébullition, la cou-
leur se forme et se dépose (V. Couleur, t. XIll, p. 44).
Laque de bots. — La laque de bois rouge se prépare en
faisant une forte décoction de fcrnambouc, et délayant
dans ce liquide un mélange de craie et d'alun avec do l'ami-
don; la matière amylacée se recouvre de sous-sulfate d'alu-
mine, lequel fixe la matière colorée. C'est, ainsi qu'on le
voit, une laque additionnée de substances étrangères.
Laque jaune de caude. — De la craie bien pure est dé-
layée dans l'eau, on y ajoute 1/5 de son poids d'alun, fine-
ment pulvérisé; on obtient ainsi du sulfate de chaux, du
sous-sulfate d'alumine, et tandis que ce précipité com-
plexe est en suspension, on ajoute une forte décoction de
gaude. Après décantation, la pâte obtenue est portée sur
des tables de plâtre ou de craie qui en absorbent l'humi-
dité ; enfin, moulée, on la fait sécher à l'ombre.
Constituiion des laques. Elles sont formées par l'union
des oxydes de certains métaux, comme l'aluminium, l'étain,
le plomb, l'antimoine, avec des matières colorantes, phé-
nomène analogue à celui de la coloration des textiles.
M. Léo Vignon a cherché s'il n'existait pas un étroit rap-
port entre l'énergie de la fonction acide ou basique de
l'oxyde métallique et la fixité de la laque obtenue. Il a
étudié les laques obtenues par l'union des différents oxydes
stanniques avec la matière colorante connue sous le nom
de safranine. On saitque l'oxyde d'étain, appelé acide stan-
nique se présente sous plusieurs états polymériques à fonc-
tion acide décroissante, cette fonction étantmesurée d'après
les quantités de chaleur dégagée lors de combinaisons avec
la soude caustique.
On est arrivé aux conclusions suivantes : l'^ l'absorption
de la matière colorante coïncide avec l'existence dans la
substance absorbante d'une fonction acide intense ;
T lorsque cette fonction s'affaiblit, le pouvoir absorbant
s'affaiblit aussi. Ainsi, avec l'acide stannique proprement
dit, il obtint une laque d'un beau rouge, avec l'acide métas-
tannique, elle était à peine teintée de rose. Signalons, pour
terminer, à titre de curiosité, une application fort originale
d'une laque que les Japonais emploient depuis longtemps
pour peindre mille objets divers qu'ils nous envoient. On
vient de l'employer comme enduit protecteur pour la ca-
rène des navires. Lors d'expériences faites au Japon,
M. Hotta avait remarqué que la laque pouvait séjour-
ner longtemps dans l'eau salée sans altération appré-
ciable. En juin 1886, la carène du Fuso-Kan, bâtiment
de guerre, fut recouverte d'un enduit de laque. En sept.
1887 elle entra au bassin de radoub. La protectioa avait
été si efficace qu'on ne toucha aucunement à la carène.
En 1888, 1889 et 1890, il en fut encore de même au
grand étonnement du personnel de l'arsenal. Après ces
expériences concluantes, M. Hotta forma une société qui
depuis a eu entre les mains neuf navires japonais. Le bâti-
ment étant au bassin, on nettoie soigneusement la carène,
des toiles sont tendues tout autour pour arrêter, pendant
l'opération, les poussières des vents. La première couche
apphquée, on laisse sécher un jour, puis trois autres couches
avec même temps de séchage. Dans ces conditions, les co-
quillages ne s'attachent plus à la carène. Ajoutons que le
prix payé à la Société est de 13 cents (du dollar d'or) par
pied carré. A. Riegel.
BiBL. : Art décoraj'ii'. — L. G<,'N-f;, l'Art japonais. —
M. Paléologue, VArt chinois. — 8. Bing, le Japon.
LAQUEDIVES ou LÂKADIVES {Lakcha Dvipa, les
« cent mille îles »). Archipel de l'océan Indien, au S. de
la mer d'Oman, entre Tïnde et l'Arabie, à 300 kil. 0. de
la côte de Malabar, entre 10^ et U'' lat. N., 69'> W et
71^ W long. E. Ce sont des îles coralliaires (V. Atoll),
construites au N. du plateau sous-marin qui porte les Mal-
dives. Leur formation est beaucoup moins réguhère que
celle des Maldives, et les atolls parfaits y sont peu nom-
breux ; en général, c'est le côté oriental de l'anneau, le
mieux abrité et le plus étroit, qui constitue l'île ; le reste
est une large frange de récifs ; dans le lagon intérieur,
l'eau est toujours calme^ même par les tempêtes. Aucun
point n'émerge de plus de 5 m. au-dessus des flots. L'ar-
chipel se compose de dix îles principales et d'une foule de
récifs et d'îlots. La superficie des îles est de 1,927 kil. q.
avec une population d'environ 15,000 âmes (y compris
Minikoi). Elles se divisent en deux groupes. Celui du N.
comprend Amini, Tchetlat, Kadamat, Kiltan et Bitra*; celui
du S., Agathi, Kavarathi, Antrot, Kalpeni, Souheli. Au
S. se trouve, entre 9*^ et 8« de lat. N., l'île de Minikoi, qui
dépend géographiquement des Maldives, mais administra-
tivement des Laquedives. Le sol est peu fertile ; outre les
cocotiers qui sont la ressource essentielle et dont on vend
surtout la fibre tressée (pour les navires arabes), on récolte
un peu de riz et de patates. Les habitants sont d'origine
hindoue, descendant des Naïrs, parlant le malayalam, mais
convertis à l'islamisme. Les îles du S. ont gardé la famille
maternelle des Naïrs (V. Famille); celles du N. ont adopté
la descendance masculine. A Minikoi, la population est la
même que celle des Maldives. Dans tout l'archipel, le nombre
des femmes dépasse de plus d^ 10 ^/o celui des hommes à
cause de l'émigration et des naufrages. Les îles sont sou-
vent ravagées par des cyclones. Les habitants sont de har-
dis marins possédant environ 700 barques et 200 navires
de plus grande taille. Les îles du N. sont une possession
directe de l'Angleterre ; les îles du S. dépendent nomina-
lement du radja de Cananore, mais sont, depuis 1877,
administrées directement par l'Angleterre. Le commerce se
fait avec l'Inde et représente une exportation de 400 à
500,000 fr. de fil de coco, copra, écaille de tortue, co-
quilles de cauris, etc. Les lies Laquedives sont connues
de temps immémorial par les Hindous et les Arabes, étant
sur la route entre ces deux peuples ; mais elles sont si
basses sur l'eau qu'on ne les voyait pas toujours et la lé-
gende en fit des îles errantes. En 1499. Vasco de Gama
les aperçut. Elles passèrent avec le Maïssour (Mysore) sous
la domination britannique. A. -M. B.
LAQUEUILLE. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de
Clermont, cant. dcRochefort, à 1,000 m. d'alt.; l,034hab.
Stat. du chem. de fer de Clerment-Ferrand à Eygurande,
desservant les villes d'eau de la Bourbouleet du Mont Dore.
Carrières d'où l'on extrait des dalles employées aux toitures
du pays. lîeurre et fromages bleus. Commerce important
de bestiaux. Tuileries. Vestiges d'un ancien château des
comtes d'Auvergne.
LAQU EU I LIE (Jean-Claude-Marie-Victor, marquis de),
général et homme politique français, né à Châteaugay (Puy-
de-Dôme) le 2 janv. 1742, mort à Paris le 30 avr. 1810.
Mousquetaire en 1750, capitaine en 1771, colonel en 1776
et maréchal de camp le 12 oct. 1788, il fut élu, le 25 mars
1789, député de la noblesse aux États généraux par la
sénéchaussée deRiom. Il témoigna une grande hostilité aux
réformes et démissionna le 6 mai i 790. Il émigra et devint
l'agent des princes, avec lesquels il fut décrété d'accusa-
tion le i^^ janv. 1792. C'était chez lui que se tenait à
Coblentz le club des princes. Il rentra en France sous le
Consulat. Etienne Charâvây.
LA QUINTINIE (Jean de) (V. Quintinie [La]).
LAR. Rivière de la Perse septentrionale, qui naît au
S.-O. du Demavend, le contourn.e et se jette dans la mer
Caspienne; sa haute vallée, ancien fond de lac formé par
les coulées de laves du Demavend, est très fertile et est
une villégiature fréquentée en été à cause de son climat et
de ses sources sulfureuses.
BiHL. : RosENBURG, Das Larlhal., dans Mitth. Soc. geogr.
LAR — LARAGNE
— 956
de Vienne, 1876. — Lovett, Itinerary Notes in Northern
PersiaUf dans Proceed. ofroy. geogr. Soc, 1883.
LAR. Ville de la Perse méridionale, cli.-l. de la prov.
de Laristaii,à 400kil. S.-O. de Kirman; 12,000 hab. Elle
est complètement déchue de son ancienne prospérité qui
fut surtout grande après Chah Abbas. Sa monnaie d'ar-
gent en forme de datte fut au xvi® siècle la plus répandue
en Perse. On y voit une citadelle au haut d'un roc ardu,
un magnifique bazar à quatre portes avec coupole, les
ruines de plus de 3,000 citernes, etc. Elle fait encore un
commerce actif de tabac très apprécié, de coton, de fruits,
de grains, de chameaux excellents, etc.
LARA. Etat du Venezuela formé en 4881 ; 24,085 kil. q.;
246,760 hab. Il comprend les sections de Barquisimeto et
Yaracuy; le N. etl'O. sont des pays de plaine, le S. est
montagneux et renferme le Paramo de Cavimbu (2,200 m.).
11 est arrosé par le Tocuyo et le Yaracuy, tributaires de la
mer des Antilles, par de petits cours d'eau qui aboutissent
au golfe de Maracaïbo et à l'Orénoque (V. Venezuela).
C'est un pays médiocrement fertile, à grands troupeaux de
bœufs et de chèvres.
LARA ou LARUNDA, déesse latine regardée comme la
mère desLar^5 (V. ce mot). C'était peut-être une divinité
tellurique de la mort, et, par suite, du silence. L'introduc-
tion de son culte à Rome fut attribuée à Titus Tatius. Les
mythographes grécisants firent de Lara une nymphe, fille
d'Almon,qui aurait dénoncé à Junonles amours de Jupiter
et de Juturne; privée de la parole, elle fut remise à Mer-
cure pour être conduite en enfer; il s'en éprit et de leur
commerce naquirent les Lares.
LARA (Infants de). Légende espagnole du moyen âge.
On la place à la fin du x^ siècle, au temps du comte Garci
Fernandez de Castille et du roi de Léon, Bermudo IL Sui-
vant la Chronique générale et le Romancero, comme
Ruy Velazquez épousait dona Lambra, en la ville de Bur-
gos, une querelle survint entre celle-ci et sa belle-sœur,
dona Sancha, femme de Gonzalo Gustiosde Lara, seigneur
de Salas. Les deux femmes s'insultèrent publiquement.
Ln des sept fils de dona Sancha, le plus jeune, Gonzalvico,
outragea dona Lambra, la menaçant, disent les romances,
de lui couper les jupes au-dessus du genou, une palme et
plus encore. A l'annonce de l'injure faite à son épouse,
Ruy Velazquez jure de la venger. Il simule une réconcilia-
tion avec les infants et leur père, Gonzalo Gustios. Quelque
temps après, l'implacable dona Lambra pousse un esclave
à jeter sur Gonzalvico un concombre plein de sang « vi-
vant ». Les infants poursuivent l'esclave et viennent le
daguer jusqu'aux pieds de sa maîtresse. Là-dessus, seconde
réconciliation. Ruy Velazquez propose aux infants une
chevauchée en terre infidèle et les livre aux musulmans
qui finissent par les exterminer avec leur ayo Nufio Sa-
lido, après une lutte furieuse. Pendant ce temps, Gonzalo
Gustios que le traître avait envoyé à Cordoue, sous pré-
texte de porter un message au roi Almanzor (l'hadjib Al-
Mansour de l'histoire), [était retenu prisonnier par le mu-
sulman qui lui faisait servir en un festin les sept têtes de
ses enfants et celle de leur ayo. Emu par une si grande
infortune, le roi more rendit la liberté au Castillan. En
quittant Cordoue, Gonzalo Gustios laissait enceinte une
sœur d*Almanzor. La Sarrazine mit au monde un fils,
Mudarra; l'enfant fut élevé parmi les infidèles. Ayant
appris le sort de ses frères et le secret de sa naissance, il
partit pour la Castille, à la recherche de Ruy Velazquez,
le tua et vint présenter la tête à son vieux père. Gonzalo
Gustios reconnut le bâtard, le fit baptiser et armer cheva-
lier par Garci Fernandez. Dans la suite, Mudarra brûla
vive dona Lambra. (D'aucuns disent qu'elle fut lapidée.)
C'est de Mudarra que prétendaient descendre lesManrique
Lara. — Cette tragique légende qui repose probablement
sur quelque fait historique altéré, a longtemps passé pour
vérité prouvée. Mariana la rapporte encore en détail dans
son Histoire cT Espagne, Elle a inspiré aux poètes du
moyen âge et de la Renaissàice une trentaine de romances
fort populaires et dont plusieurs ont tous les caractères de
Fancienneté (V. le Romancero gênerai de Durân, t. I).
Juan de La Cueva, Lope de Vega, Matos Fragoso et Félicien
Mallefille l'ont mis en drame. Victor Hugo a imité, dans la
Romance mauresque de ses Orientales, un des plus beaux
chants du Romancero des sept infants, celui où le bâtard
Mudarra tue Ruy Velazquez à la chasse. Lucien Dollfus.
LARA (Juan-Nunez de) (V. Cerda).
LARA BIT (Marie-Denis), homme politique français, né
à Roye (Somme) le 45 août 1792, mort à Paris le
24 janv. 1876. Elève de l'Ecole polytechnique en 1810,
il fit les dernières campagnes de l'Empire, prit part en
1823 à l'expédition d'Espagne et, après la révolution de
Juillet, se jeta dans la carrière politique. Envoyé en 1831
par le collège d'Auxerre à la Chambre des députés, il y
siégea jusqu'en 1848 et s'associa à la politique de l'oppo-
sition dynastique. Nommé par le gouvernement provisoire
févr. 1848) directeur adjoint du personnel au ministère
de la guerre, envoyé peu après (23 avr.) par le dép. de
l'Yonne à l'Assemblée constituante, il fit preuve de cou-
rage et de dévouement pendant les journées de Juin. Réélu
à l'Assemblée législative (1849), il vota d'ordinaire avec
la droite. Après le 2 décembre, il se rallia au nouveau
régime et entra avec l'appui du gouvernement, comme
député de l'Yonne, au Corps législatif (29 févr. 1852),
d'où il passa bientôt au Sénat (4 mars 1853). La révolu-
tion du 4 sept, le rejeta pour toujours dans la vie privée.
LARACHE (en marocain El Araish). Ville du Maroc,
située à l'embouchure et sur la rive g. du fleuve Loukkos,
par 8« 29' 9'' long. 0. de Paris et 35° 13' lat. N., pitto-
resquement bâtie sur la pointe rocheuse qui domine le
fleuve; 8,000 hab., dont une très forte proportion de juifs
pour la plupart d'origine espagnole ou portugaise et quelques
familles de négociants européens. L'intérieur de la ville a
conservé en grande partie sa physionomie espagnole, et les
défenses de la place sont encore celles qui existaient en
1689 au moment où le sultan Moulaylsmaïls'en empara.
C'est une ville de très grande ancienneté, citée dès le dé-
bat du ix^ siècle. Il y existe des agents consulaires de la
plupart des nations. Il s'y fait un commerce assez actif
par la rivière où de petits voiliers espagnols et portugais
viennent charger des graines, et par la rade extérieure
où les vapeurs anglais, français, allemands apportent des
cotonnades, des bougies, du thé, du sucre, et embarquent de
la laine et les produits agricoles du pays. Larache tend de
plus en plus à remplacer Tanger comme port de la ré-
gion de Fez dont il est plus rapproché. L'ensablement de
l'embouchure du fleuve, les difficultés de franchir la barre
surtout durant la période hivernale et une partie du prin-
temps, nuisent au mouvement du port de Larache. Au
point de vue commercial, Larache occupe néanmoins le cin-
quième rang parmi les ports marocains. Son chiff're d'affaires
en 1890 s'est élevé à 2,967,950 fr. à l'importation, et à
2,418,350 fr. à Fexportation. La ville est commandée par
un pacha dont la juridiction administrative varie, mais qui
s'étend en général à une partie de la province marocaine du
Gharb. Il existe de très beaux jardins aux environs de la
ville, le long de la rive gauche du fleuve, en remontant les
méandres du Loukkos; on y récolte des oranges renommées
et célèbres dans tout le Maroc pour leur saveur et leur
taille. C'est là du reste que la tradition place le jardin des
llespérJdes. Le climat de Larache est un des plus humides
qui existent au monde. La ville est en eff'et soumise cons-
tamment soit aux vents du large, soit aux vents d'E. qui
qui passent sur les grands marécages que forme le fleuve
et que recouvre à chaque marée le flux, soit aux vents du
S. qui longent la côte marocaine. Il y règne des fièvres
intermittentes et paludéennes, dont la fréquence aussi bien
que la gravité ont un peu diminué depuis que l'on y a
planté des eucalyptus. L'eau y est de mauvaise qualité et
la ville est fort sale. II.-M.-P. de La Martinière.
LARAGNE. Ch.-L de cant. du dép. des Hautes-Alpes^
arr. de Gap, sur la Véragne; 1,104 hab. Stat. du chem.
957
LARAGNE - LARCHE
de fer de Lyon, section de Veyncs à Saint-Auban. Mine de
plomb. Carrière de gypse. Commerce de chevaux, de cuirs,
de laines. Ruines d'un château féodal et chœur d'une
église du xiii^ siècle à Arzeliers.
LARAJASSE. Corn, du dép. du Rhône, arr. de Lyon,
cant. de Saint-Symphorien-sur-Coise ; 2,341 hab.
LA RAMÉE (V. Ramée [La]).
LARAMIE. Grand massif montagneux des Etats-Unis,
EtatdeWyoming, dominé par le pic Laramie (3,033 m.),
enveloppant d'un demi-cercle de 300 kil. de développement
la plaine Laramie (ait. 2,100 m.), arène régulière de
130 kil. de diamètre, arrosée parla Platte qui y reçoit du
S.-E. la rivière Laramie (250 kil. de long, pente de 5 m.
par kil.). La ville de Laramie City (3,000 hab.) est sur
la r. dr. de la rivière Laramie et sur le chemin de fer
transcontinental, à 2,177 m. d'alt.
LARAMIÈRE. Com. du dép. du Lot, arr.de Cahors,
cant. de Limogne ; 833 hab.
LARAN. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de Ra-
gnères-de-Rigorre, cant. de Castelnau-Magnoac ; 115 hab.
LARAN DA (Géogr. anc). Ancienne cité de la Lycaonie,
auj. Karaman (V. ce mot). Ce fut un des centres des pi-
rates isauriens.
LARANGEI RAS. Ville du Rrésil, Etat de Sergipe, au con-
fluent du Calobro et du Cotindiba (navigable) ; 4,000 hab.
Commerce actif.
LARARIUM (Antiq. rom.). Edicule où , dans chaque
maison romaine, étaient conservées les images des Lares
protecteurs de la famille. Tantôt le lararium est une pe-
tite chapelle à part, tantôt il consiste en une sorte d'ar-
moire placée dans Vatrium^de sorte que ceux qui venaient
saluer le maître saluaient d'abord ses dieux (Lampride,
Alex. Sév.^ 29, 31 ; Pétrone, 20). fl y avait aussi des la-
raria publics ; chaque quartier même possédait son petit
sanctuaire. Il n'en existait pas moins de 265 au temps de
Pline (III, V). And. B.
L'ARBA (V. Arba).
LARBAI G {Larvallum^ pagus Larvallensis),Velil pays
du Béarn, compris aujourd'hui dans le dép. des Basses-
Pyrénées et Farr. d'Orthez. La vallée de Larbaig tire son
nom du ruisseau de Làa qui l'arrose ; elle se compose des
locahtés d'Argagnon, Biron, Castetner, Départ, Làa-Mon-
drans, Lanneplàa, Loubieng, Les Marmous, Maslacq, Mon-
testrucq, Ozenx, Sainte-Suzanne, Sarpourenx et Sauve-
lade. Le pagus Larvallensis était au vi® siècle une des
subdivisions de la ciuitas Benarnensium. 11 forma au
moyen âge un archidiaconé du diocèse de Lescar qui avait
pour ressort le Larbaig, plus le cant. de Monein, sauf la
com. de Lucq ; il comprenait les archiprêtrés de Lou-
bieng, Maslacq, Monein et Pardies. H. Courteault.
BiBL. : P. Raymond, Dictionnaire topographique des
Basses-Pyrénées ; Paris, 1863, in-1.
LARBALÉTRIER (Albert), agronome français, né à
Paris en 1863. Adonné de bonne heureà l'étudede l'agri-
culture et des sciences agricoles, il fit de solides études à
l'Ecole nationale d'agriculture de Grignon. Nommé profes-
seur à l'Ecole d'agriculture de la Sarthe en 1883, il s'occupa
surtout d'organiser l'enseignement théorique et pratique
de la pisciculture dans cet établissement. M. Larbalétrier
a été nommé, en 1885, professeur à l'Ecole d'agriculture
du Pas-de-Calais et au collège de Saint-Pol. Il a publié
un grand nombre d'ouvrages, notamment: Traité pra-
tique de pisciculture d'eau douce (1885, in-1 6) ; l'Agri-
culture et la science agronomique (1888, in-12); les
Engrais et la fertilisation du 50^1 89 1 , in-1 6). M. Lar-
balétrier est un des collaborateurs de la Grande Encyclo-
pédie.
LARBEY. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. de Mugron ; 448 hab.
LARBOUST (Vallée de). Cette vallée del'O. du cant. de
Bagnéres-de-Luchon, sur laquelle se ramitient celles d'Oo
et d'Oueil, s'étend du col de Peyresourde à Bagnères-de-
Luchon (V. Garonne [Haute-]). La population a conservé
beaucoup de traces de ses origines celtiques, ibères et la-
tines. Le Larboust forma au moyen âge une petite vicomte
dont la capitale était Bernet (auj. hameau de la com. de
BilHère).
BiBL. :J.SACAZE,EpigraphiedeLuchon; Paris, 1880, in-8.
LARBOUT. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Foix,
cant. de La Bastide-de-Sérou ; 2,504 hab.
LARBROYE. Com.dudép. dePOise, arr. de Compiè^^ne,
cant. deNoyon; 174 hab. "^
LARCAN. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. et
cant. de Saint-Gaudens ; 321 hab.
LARCAT. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Foix, cant.
des Cabannes ; 439 hab.
LARÇAY (Larcayum). Com. du dép. d'Indre-et-Loire,
arr. de Tours, cant. (S.) de Tours, sur le Cher ; 521 hab.
~ Ruines d'un important castellum gallo-romain for-
mant un parallélogramme de 80 m. de long et composé de
10 tours reliées entre elles par une muraille de 4 m.
d'épaisseur ; obélisque au lieu où fut assassiné Paul-Louis
^^ourier. L. Lhuillier.
LARGEVEAU-Akros-Gibils. Com. du dép, des Basses-
Pyrénées, arr. de Mauléon, cant. d'ihoîdv ; 467 hab.
LARCHAMP. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de
Mayenne, cant. d'Ernée ; 2,049 hab.
LARCHAMP. Com. du dép. de l'Orne, arr. de Domfront,
cant. de Tinchebray; 507 hab.
LARCHANT (Liricantus) . Com. du dép. de Seine-et-
Marne, arr. de Fontainebleau, cant. de La Chapelle-la-
Reine ; 659 hab. Ce bourg doit sinon son origine, au moins
sa réputation passée, à la présence dans son église du corps
de saint Mathurin. Durant tout le moyen âge, le culte de ce
saint y amena un nombre infini de pèlerins ; la châsse du
saint était en outre, à certaines dates, promenée proces-
sionnellement dans la région. La ville était jadis fortifiée,
mais ses remparts et presque toutes ses maisons mômes
W\^^^/^/ //
Ruines do Téglise de Larchant,
furent, en 1778, ruinées par un incendie. L'église, datant
du xiii^ siècle, subit en 1567 les ravages des huguenots
et la nef est depuis lors restée en ruine ; on y remarque
surtout une très belle tour, haute de plus de 70 m. Lar-
chant est aujourd'hui fréquemment visité par les touristes
qui font des excursions dans la forêt de Fontainebleau ;
c'est un agréable lieu de villégiature.
BiBL. : E. TiioLsoN, Saint Mathurin^ Etude historique
et iconographique; Paris, 1889, in-8.
LARCHE (Col de) (V. Italie, t. XX, p. 1030).
LARCHE. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. de Bar-
celonnette, cant. de Saint-Paul ; 552 hab.
LARCHE. Ch.-l. de cant. du dép. de la Corrèze, arr.
LARCHE — LARCIN
958
de Brive, au confluent de la Vézère cl de la Couze ;
783 hab.
LARCHER (Werre-Henri), célèbre helléniste français, né
à Dijon le 12 oct. 4726, mort a Paris le 22 déc. d812. Il
passa presque toute son existence dans une retraite stu-
dieuse, après avoir pourtant fait un voyage en Angleterre.
Il eut une polémique extrêmement vive avec Voltaire dont
il avait relevé force erreurs dans la Philosophie de V His-
toire. Entré à l'Académie des inscriptions et belles-lettres
le 10 mai 1778, il devint professeur de littérature à la
faculté des lettres le 6 mai 1809. Citons de lui : traduc-
tions de V Electre d'Euripide (Paris, 1751, in-12); de
Chereas et Qallirhoé do Chariton (1763, 2 vol. in~l2),
surtout de V Histoire d'Hérodote (1786, 7 vol. in-4, plus,
éd.) et de VAnabase de Xénoplion (1778, 2 vol. in-12) ;
Supplément à la Philosophie de l'histoire (1767, in-8) ;
Pieponseà la Défense de mon Oncle (1767, in-8), opus-
cules contre Voltaire; Mémoire sur F^'rms (1775, in-12);
llemarques critiques sur les Ethiopiques (1791, in-18),
un grand nombre de Mémoires dans les Recueils de l'Aca-
démie des inscriptions.
BiBL. : BoissoNADE, A^oiice sur Larcher ; Paris, 1813,
in-8. — Dacier, Eloge de Larcher, dans Mémoires de
l'Académie des inscriptions^ nouv. série, t. V.
LARCHEVÊQUE (Famille). Cette famille, comme celle
des Lusignan, descend dc^ anciens comtes de Poitou. Son
principal domaine était la seigneurie de Parthenay, dans
la Gâtine (Doux-Sèvres). Parmi les seigneurs de Parthenay
on remarque : Josselin I^^ (f v. 1012) ; — Guillaume l^^
(f V. 1058) qui fit la guerre aux ducs d'Aquitaine ; — son
tils, Josselin U le Grand (f v. 1086), archevêque de
Bordeaux, dont la célébrité explique le surnom de sa
famille; — Hugues H (f 1271) qui agrandit beaucoup
ses domaines; — Guillaume VI (1271-13U8), qui servit
Philippe le Bel en Flandre et eut deux fils, dont le second,
Guy, fut la tige de la branche cadette des Parthenay -Sou -
bise; — Guillaume VU (1358-1401), le plus remarquable
des Larchevéque, qui fut lieutenant général de Philippe VI
dans le Poitou (1358), devint vassal d'Edouard III, par le
traité de Brétigny (1360), suivit le prince Noir en Castille
(1368), et au sac de Limoges (1370), fit sa soumission
à Charles V (1372), aida ensuite à chasser les Anglais du
Poitou 11373), prit part à la croisade de Nicopohs (1396)
et protégea le poète Couldrette, auteur du Livre de Lusi-
gnan. Il avait marié sa seconde fille, Jeanne Larchevéque,
à G. de Harcourt, comte de Tancar ville (1390). Son fils,
Jean II (1401-27) fut le dernier rejeton mâle de la branche
aînée des Larchevéque. C'est hii qui fît rédiger les coutumes
du Poitou. Ayant abandonné le parti armagnac pour le parti
bourguignon, il fut puni de cette défection par la confisca-
tion de ses biens qui furent donnés au dauphin Louis (mai
1415) puis au comte de Richemont (mai 1415). Après
une longue lutte contre Richcmont et ses {>arlisans Jean
Larchevéque finit par le reconnaître pour son héritier.
Tous ses domaines (Parthenay, Secondigny, Vouvant, Mer-
vent, Châtelaillon, etc.) paseèrent, après sa mort (1427) à
Richcmont, puis, en 1458, au comte de Dunois, qui avait
éf)ousé Marie de Harcourt, petite-nièce de Jean II.
BiBL. : B. Ledain, Uist. de Parlheniiy; Pans, 1858, in-8.
LARCHEVÊQUE, sculpteur français, né en 1721, mort
à Montpellier le 25 sept. 1778. Elève de Bouchardon, il
partit en 1760 pour la Suède, oii il résida jusqu'en 1776 ;
il y exécuta les statues de Gustave Wasa et de Gustave-
Adolphe .^ qui ornent encore deux places de Stockholm.
BiBL. : DuysiEux, les Artistes français à Vétranger ;
Paris, 1876. 3° éd.
LARCHEY (Etienne-Lorédan), littératoîur français, né à
Metz le 26 jaav. 1831. Fils d'un général d'artillcjie, il
fut successivement étudiant en droit, canonnior, élève de
l'Ecole des chartes, et entra en 1852 à la bibliothèque Ma-
zarinc d'où il passa à celle de l'Arsenal où il entreprit et
poursuivit le récolement des brochures et des manuscrits.
Il prit en 1889 sa retraite avec le grade de conservateur
adjoint. A part une relation de voyage intitulée Un Mois
à Constantinople (1855, in-8), et une publication d'his-
toire locale : Journal de Jehan Aubrion, bourgeois de
Metz (Metz, 1887, in-8), ses premières recherches por-
tèrent sur les Origines de V artillerie française (1862,
in-18), accompagnées de planches autographiées d'après les
monuments des xiv^ et xv^ siècles et d'un texte descriptif
(1865, petit in-foL). Il s'adonna ensuite à des études de
philologie moderne dont témoignent ses Excentricités du
langage (1860, in-18), devenues un Dictionnaire histo-
rique^ étymologique et anecdotique de l'argot français
(1883, 9«éd. et supplément, 1890, in-12), au sujet du-
quel il eut à soutenir contre Delvau une revendication de
priorité, ainsi que son Dictionnaire des noms (1880,
in-18), curieuses recherches sur l'origine et la transforma-
tion des noms de famille, complétées par un Almanach
spécial (1881, in-16). M. Larcheya publié comme éditeur
un grand nombre de textes inédits ou peu connus, tels que
le lioman de Parise la duchesse (1860, in-16), dans la
collection des Anciens Poètes français, dirigée par
M. Guessard ; Jourîial des inspecteurs de M. de Sartines
(Bruxelles et Paris, 1863, in~18), dont l'introduction
en France ne fut autorisée qu'en 1871 ; la Mystification
de Caillot-Duval (1864, in-16) ; Correspondance intime
de r armée d'Egypte (1866, in-16) ; Notes de Picné d'Ar-
genson, lieutenant général de police (1866, in-12) et Sou-
venirs de Jean Bouhier, président au parlement de Dijon
(s. d., in-12), avec Emile Mabille; Documents pour ser-
vir à lliisloire de nos mœurs (1868-74, 9 vol. in-32);
Bibliothèque des mémoires du xix® siècle (iSli, in-18),
premier volume d'une série qui n'a pas été continuée dans
ce format, mais k laquelle se rattachent les Cahiers du
capitaine Coignet (1882, in-12; éd. illustrée par J. Le
Blant, 1887, in-'^); les Suites d'une capitulation (1884,
in-8), extrait des récits des prisonniers de Cabrera; le
Journal de marche du sergent Fricasse (1881 , in-1 8) ; le
Journal du canonnier Bricard (1890, in-1 8) ; puis pour
d'autres périodes de l'histoire de France, une édition « raj)-
prochée du français moderne » de l'Histoire du gentil
seigneur de Bayard, composée par le Loyal Serviteur
(1882, gr. in-8 ill.) ; Ancien Armoriai équestre de la
Toison d'or et de l'Europe au xv^ siècle (1890, in-fol.,
orné de nombreuses planches). Enfin M. Larcliey a publié
un certain nombre de compilations telles que les Joueurs
de mots (1867, in-12) ; Gens singuliers (1867, in-12);
Nos Vieux Proverbes (1886, iû-16), etc. M. Tx.
LARCHIPRÊTRE (V. Archiprètre).
LARCIN (Ancien droit et droit actuel). L'expression
« larcin » est ordinairement rapprochée de l'expression
« filouterie ». L'une et l'autre dénominations désignent
une variété du vol ; elles sont empruntées à notre ancien
droit. Dans l'ancien droit, les larcins ou filouteries se dis-
tinguaient du vol en ce que l'agent les commetlait <i par
surprise ou industrie, ou en cachette » ; tandis que le vol
impliquait l'idée de la force ou d'une violence dans le fait
même de la soustraction de la chose volée. Dans notre droit
actuel, les larcins sont prévus par l'art. 401 du C. pén.
Ce texte assimile les larcins et filouteries au vol dégagé de
tous les faits et incidents d'exécution qui peuvent le com-
pliquer et l'aggraver, c.-à-d., en un mot et suivant l'ex-
pression de la pratique, au vol simple. L'art. 401 du C. pén.
ne s'explique pas, d'ailleurs, sur les circonstances de ruse
et d'adresse caractéristiques des larcins et filouteries. Ces
circonstances ne doivent être considérées que pour la dé-
nomination et non pour la qualification du vol. Les larcins
comme les filouteries sont de véritables vols, qui ont né-
cessairement tous les caractères des autres vols ; ils sont
soumis aux mêmes conditions de criminalité, aux mêmes
éléments constitutifs, c.-à-d. qu'ils supposent la soustrac-
tion frauduleuse de la chose d'autrui. La tentative de lar-
cin est pimie comme le larcin lui-même. Quant à la peine
a()plicable, l'art. 401 la détermine ainsi : ces faits « seront
punis d'un emprisonnement d'un an au moins et de cinq
ans au plus, et pourront même l'être d'une amende qui
— 959 —
LARCIN — LARDNER
sera de 46 Jr. au moins et^de 500 fr. au plus; — les
coupables pourront encore être interdits des droits men-
tionnés en l'art. 4^2 du présent code, pendant cinq ans au
moins et dix ans au plus, à compter du jour où ils auront
subi la peine ; — ils pourront aussi être mis, par Farrét
ou le jugement, sous la surveillance de la haute police
(actuellement, en état dHnter diction de s^/oz/r), pendant
le même nombre d'années ». Louis André.
BiBL. : Blanche, Etudes de droit pénal, t. V, n» 485.
— BoiTARD, Leçons sur le C. pên., n» 491. — - Chauveau
et IIÉLiE, Théorie du G. pén.^ t. V, pp. 80 et suiv. —
JoussE, Traité de la Just. crim.f t. IV, pp. 16G et suiv.
-— Garraud, Traité théor. et prat. du dr. pén. franc.,
t. V, n« 105.
LARCOM (Sir Thomas Aiskew), administrateur irlan-
dais, né le 2^2 avr. 1801, mort à lleathfield le 15 juin
1879. Il lit des études très brillantes à Woolwich et, lieu-
tenant aux ingénieurs militaires en 18^20, dressa les plus
belles cartes d'Irlande qu'on ait jamais exécutées. Il voulut
y joindre une description détaillée du pays, mais, après la
publication du Mcmoir of Templemore (Dublin, 1837,
in-4) , le gouvernement ne lui permit pas d'achever cette
entreprise pour raison d'économie. Il accomplit encore le
premier recensement systématique de l'Irlande (1841),
dressa des statistiques agricoles, dirigea les travaux pu-
blics, combattit la famine de 1846-48 et devint sous-se-
crétaire pour l'Irlande en 1833. Il déploya dans ce poste
une activité extraordinaire, s'occupa surtout de l'éducation
du peuple et lutta avec succès contre le mouvement fenian
de 1866. Il démissionna en 4868 laissant l'Irlande en paix,
ayant fait progresser l'agriculture et obtenu une notable
diminution de la criminalité. R. S.
LARCY (Charles-Paulin-Roger Saubert, baron de),
homme politique français, né au Vigan le W août 1805,
mort à Pierrelatte le 6 oct. 1882, Il débuta dans la ma-
gistrature, démissionna après la révolution de 4830 et
plaida avec éclat divers procès politiques. Klu député du
Gard le 4 mars 4839, réélu en 184'2, il se montra légiti-
miste ardent et combattit avec acharnement le cabinet
Guizot, qui, à l'aide d'une pression électorale intense,
réussit à le faire échouer aux élections de 1846. L'Hérault
et le Gard le choisirent pour représentant à l'Assemblée
nationale de 1848. Il opta pour le Gard, fut réélu à l'As-
semblée législative et siégeant à la droite monarchiste pro-
testa vigoureusement contre le coup d'Etat du 2 déc.
Aussi demeura- 1- il dans la vie privée pendant tout
l'Empire. Représentant du Gard à l'Assemblée natio-
nale de 1871, il entra le 49 févr. comme ministre des
travaux publics dans le « cabinet de conciliation » ; il dé-
missionna le 30 nov. 4872 parce que le gouvernement
de M, Thiers n'était pas assez orienté à droite. M. de
Larcy devint président de la réunion des Réservoirs. Il
reprit le portefeuille des travaux publics dans le deuxième
ministère de Broglie le 26 nov. 1873 et tomba avec lui
le 22 mai 4874. Il fut élu sénateur inamovible le 4 déc.
4877 et au Sénat ne se distingua guère que par ses reten-
tissantes interruptions. On a de lui : la liévolution et la
France (Paris, 1831, in-8); Des Vicissitudes politiques
de la France, Etudes kisloriques (Paris, 4860, 2 vol.
in-8); Louis XVI et les Etats généraux (1868, in-8), etc.
LARD (Art cul.) (V. Poac).
LARDERET (Le). Com. du dép. du Jura, arr. de Poli-
gny, cant. de Cbampagnole ; 440 hab.
LARDIER. Saloir où l'on conserve le lard. C'était une
huche ou collVe, peut-être aussi parfois une jarre. Ce meuble
alVeclait probablement de tout temps les dispositions qu'il
conserve de nos jours.
Buii.. : Du Canck, au mut LardiU'liuu.
LARDIER-ET-V ELANÇA. Com. du dép. des Hautes-iiipes,
arr. de Gap, cant. de Tallard ; 407 hab.
LARDIERES. (!om. du dép. de l'Oise, arr. de Beauvais,
cant. de Méru ; 280 hab.
LARD! ERS. Com. du dép. des Basses-Alpes, arr. de
Forcalquier, cant. de Saint-Etienne-les-Orgues ; 235 hab.
LA'RDIMALIE (Louis de) (V. FoucàULu),
LARDINOiS (Clara-Augustine-Mélanie), actrice d'opé-
rette, née en Belgique vers 1860. Elle se montra pour la
première fois à Paris en 1882, sur la scène de TOpéra-
Comique qu'elle quittait au bout de deux ans pour se con-
sacrer au genre de l'opérette, où son joli physique, sa jolie
voix, son adresse scénique et son habileté vocale lui assu-
raient le succès. Sous le pseudonyme de Blanche Arall,
elle jouait à la Gaité, en 1884, le Droit du seigneur,
puis, reprenant bientôt son nom de Lardinois, elle allait
créer aux Menus-Plaisirs : // était une fois..., la Fiancée
des verts-poteaux et V Etudiant pauvre; aux Nou-
veautés, le Puits qui parle, et reprenait divers ouvrages
à la Renaissance et aux Bouffes-Parisiens. Engagée ensuite
en Russie, M^^« Lardinois a obtenu à Saint-Pétersbourg de
très vifs succès.
LARDIZABALÉES (Bot.). Groupe de plantes Dicotylé-
'dones, de la famille des Berbéridacées, dont le genre prin-
cipal est Lardiz'.ibala R. et Pav. Les Lardizabala sont
des li^anes du Chili et du Pérou, à feuilles alternes, munies
en général de deux stipules et trifoUolées ou bitriternées.
Les Heurs sont axillaires, les mâles ordinairement réunies
en grappe, les femelles le plus souvent sohtaires ; le récep-
tacle convexe porte six sépales pétaloides sur deux rangs et
six pétales beaucoup plus petits égaleinent sur deux rangs,
superposés chacun à un sépale ; six étamines monadelphes,
à anthères biloculaires, extorses, stériles et libres dans les
fleurs femelles ; trois carpelles libres, stériles dans les fleurs
mâles ; l'ovaire uniloculaire est pluriovulé ; le fruit est
formé d'une à trois baies allongées, polyspermes ; les
graines sont réniformes, albuminées, avec un embryon
minime excentrique, à radicule conique épaisse. A côté des
Lardizabala se placent trois genres asiatiques qui n'en
diffèrent que très peu ; Parvatia Dec, Decaisîiea Hook. f.
et Thoms et Stauntonia DC. Les Holbœltia Wall, sont
analogues aux Stauntoniadont ils se distinguent parles éta-
mines libres. Les Akebia Dec, , lianes chinoises et japonaises,
sontles moins régulières des Lardizabalées (V. Akéhie).
LARDNER (Nathaniel), théologien anglais, né à llawk-
hurst (Kent) en 1684, mort à Hawkhurst le 24 juil. 1768.
Elève de Graivius et Burmann, à Utrecht, chapelain de lady
Treby et prédicateur médiocre, il eut une grande réputation
de théologien. Il était socinien. Ses principaux livres sont :
Credibility oftlie Gospel histonj (1727-45, 5 vol. in-8)
et [listorij of the lieretics of the [irst two centuries
(1780). Kippis a publié ses œuvres complètes, avec bio-
graphie (1788, 11 vol. in-8).
LARDNER (Dionysius), mathématicien et écrivain scien-
tifi(|ue anglais, né à Dubhn le 3 avr. 4793, mort à Naples
le 29 avr. 4859. Fils d'un soliciter, qui le destinait aux
affaires, il proféra l'étude des sciences, prit ses degrés au
Trinity Collège de Dublin en 4817, y enseigna quelque
temps et fut appelé à Londres en 4827, lors de la fonda-
tion de la nouvelle université, pour y occuper la chaire de
physique. Il la conserva jusqu'à ce qu'en 4840, ayant en-
levé et épousé la femme d'un capitaine et s'étant fait con-
damner, pour ce fait, à 200,000 fr.dedommagesetintércts,
il se vit obUgé, à cause du scandale, de quitter l'univer-
sité. Il résida dès lors successivement aux Etats-Unis, où
ses conférences lui rapportèrent, en quatre ans, 4 million
de fr., à Cuba, à Paris, où il se fixa déhnitivement (4845-
59). Il était membre de la Société royale de Londres. On
lui doit d'excellents traités de mathématiques et de phy-
sique : Alyebraical Geometry (Londres, 4823); Dijfe-
rential and viitegral calculas (id,, 1827); Lectures on
tlie steam engine (id., 1827; 2« éd., 485(i); Treatise
on heat {id., iSii) ; Uandbooli of natural pliilosophy
and astrononiy (id., 1852, 6 vol.; 2*^ éd., 1855), etc.
Mais il est surtout connu par ses ouvrages de vulgiuisation
et principalement ()ar sa Cabinet Gyclopœdia, vaste ency-
clopédie populaire, qu'il pubhaavec îe concoursde Brewster,
Herschel, etc., et à laquelle il fournit personnellement de
nombreux traités (Londres, 4830-44, 434 vol. in-42 ;
LARDNER -- LARES
— 960 —
2^ éd., 48o4). Il entreprit encore d'autres collections de
moindre importance : D^ Lardnefs Cabinet Library
(Londres, 4830-32, 9 vol.); Muséum of science and art
(Londres, 1834-56, 12 vol.), etc. Il collabora activement
à de nombreuses revues et fournit plusieurs mémoires ori-
ginaux aux recueils de TAcadémie de Dublin, de la Société
royale, de l'Astronomical Society. L. S.
LA R DO IRE. Aiguille à larder; grosse et longue aiguille
terminée par une pince dans laquelle on engage une lamelle
de lard qui demeure dans la viande au travers de laquelle
on passe cet instrument. La forme de cet objet n'a pas dû
varier depuis l'antiquité jusqu'à nos jours.
LARDON. I. Technologie. — Petit morceau de fer ou
d'acier armé de griffes que l'ouvrier forgeron enfonce, à
froid, dans une partie défectueuse ou entre les lèvres d'une
soudure. Dans cet état, la soudure est remise au feu et,
lorsque le morceau rapporté a atteint la température de
l'ensemble, on le bat de man'ère à combler le vide pri-
mitif. L. K.
II. Art culinaire (V. Porc).
LARDY. Corn, du dép. de Seine-et-Oise, arr. d'Etampes,
cant. de La Ferté-Alais; 720 hab. Stat. du chem. de fer
d'Oiléans, ligne de Paris à Etampes.
LARDY (Charles), diplomate et juriste suisse, né à
Neuchàtel le 27 sept. 1847. Docteur en droit en 1867, il
devient en 1869 secrétaire de la légation suisse à Paris;
il eut à déployer une activité spéciale au milieu de la co-
lonie suisse, lors du siège de Paris, et à gérer la légation
pendant la Commune. A la retraite de son ancien chef,
M. le D"^ Kern, M. Lardy lui a succédé en 1883 comme
ministre de Suisse en France. Son poste diplomatique l'a
appelé à prendre part à de nombreuses négociations de
traités de commerce, de monnaie et autres. Il a également
négocié l'arrangement commercial franco-suisse rejeté par
la Chambre en 1892 et qui fut suivi de relations écono-
miques tendues entre la France et la Suisse. M. Lardy est
membre du tribunal militaire de cassation et membre
associé de l'Institut de droit international. On lui doit
une très remarquable étude sur les Législations des can-
tons suisses en matière de tutelle, de contrat de ma-
riage et de successions et une traduction de l'ouvrage
classique de Bluntschli, le Droit international codifié;
la traduction a eu plus d'éditions que l'original. E.Kuhni:.
LAREDO. Ville d'Espagne, prov. de Santander, sur la
lagune du Manon, à l'embouchure de l'Ason, en face de
Santona ; 4,500 hab. Port de pêche.
LAREDO. Ville des Etats-Unis (Texas) , sur le rio Grande ;
4,000 hab. Située en face de la ville mexicaine de ISuevo
Laredo (pont de chemin de fer), elle fait un commerce actif
avec le Mexique ; c'est un des principaux points de transit.
LAREDO (Juan Fernandez de) (V. Fernandez).
LARtE. Com. du dép. du Gers, arr. de Condom, cant.
de Cazaubon; 399 hab.
LAREINTY (Clément-Gustave-Henri Baïllardel, baron
de), homme politique français, né à Toulon le 19 janv.
d824. Il débuta dans la diplomatie, puis servit dans la
garde nationale et fut officier d'ordonnance de Changarnier.
11 fit comme chef de bataillon des mobiles de Loire-Infé-
rieure la guerre franco-allemande et fut fait prisonnier à
Montretout. Revenu en France, il prit part à la répression
de la Commune. Le 30 janv. 1876, il fut élu sénateur de
Loire-Inférieure où il possède de grandes propriétés. Roya-
liste et catholique, il appuya le gouvernement du 16 mai
et combattit avec acharnement les divers ministères répu-
blicains. Réélu en 1879, il eut en juin 1886, en pleine
séance, avec le général Boulanger, ministre de la guerre,
une vive altercation qui aboutit à un duel. Il soutint pour-
tant de ses votes le boulangisme et fut encore réélu en
1888. M. de Lareinly, qui possède d'importantes sucreries
à La Martinique, s'est fait une spécialité des questions
relatives aux colonies, à la marine et à l'armée.
LARENTALIA (V. Lares).
LARENTIE (Lar en lia) (Entom,). Genre d'Insectes Lépi-
doptères, sous-ordre des Géométrines, fondé par Treitschke
en 1835 et type d'une famille dite des Larentidés. Les La-
renties sont des phalènes à antennes courtes avec lames
minces chez les mâles et simplement filiformes chez les
femelles; les palpes dépassent le front. Les Chenilles allon-
gées, cylindriques, vivent sur diverses plantes basses. Le
genre Larentie est répandu dans les régions tempérées,
surtout dans les montagnes. Larentia viridaria, ailes su-
périeures vertes avec une bande médiane diffuse brun ver-
dâtre, les inférieures grises ; la femelle est un peu plus
grande que le mâle dont l'envergure ne dépasse guère
2 centim. ; en juin et juillet, très commun ; chenille sur le
caille-lait. — Larentia hostata, forêts de bouleaux. la-
rentia tristata, dans les bois. Larentia {Cidaria) cheno-
podiata, etc. M. M.
LARÉOLE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Toulouse, cant. de Cadours; 290 hab.
LARES. Divinités de la religion romaine, appartenant,
avec les Génies, les Pénates, les Mânes et les Lémures au
groupe très nombreux des esprits domestiques. On les
trouve invoqués sous la forme de Lases dans un des plus
anciens monuments de la langue latine, dans le chant des
frères Arvales. Cette circonstance et le fait que les Lares
ne sont jamais employés à diviniser des personnalités, soit
isolées, soit collectives, a fait conjecturer avec raison qu'ils
n'étaient, à l'origine, que les esprits de la campagne ro-
maine, les personnifications de sa fertilité et par suite les
protecteurs de la vie familiale. A ce titre, ils ne tardent
pas à être associés aux dieux mêmes de la maison, notam-
ment aux Pénates qui sont les pourvoyeurs du garde-
manger ipenus) et aux Génies qui représentent la force
productrice et conservatrice de la race. Ils sont à Rome
l'objet d'un culte public et d'une vénération privée. Dans
le chant des frères Arvales, ils sont associés à Mars lequel
n'est lui-même tout d'abord qu'une divinité champêtre ; puis
ils deviennent les dieux protecteurs des quartiers urbains,
spécialement \ énérés dans les carrefours (V. Compitaliâ) . Ils
étaient au nombre de deux; plus tard, Auguste leur adjoi-
nit son génie propre, personnification rehgieuse de l'Em-
pire. Ce culte restauré par lui comptait, au temps de Pline
l'Ancien, deux cent soixante-cinq chapelles dans les di-
vers quartiers de la ville. On rapportait à Titus Tatius le
culte des Lares Praestites, honorés dans le temple même de
Vesta comme la représentation souveraine de l'Etat ro-
main tout entier. Enfin à La vinium, métropole religieuse de
la confédération latine, existait un culte des Lares ou des
Pénates publics. Cette religion nationale des Lares vénérés
au nom de l'Etat était entièrement tombée en désuétude
vers la fin de la République ; Auguste ne réussit à le res-
taurer qu'en y associant sa propre divinité.
Cependant le culte familial des Lares se maintint fidèle-
ment à travers le siècle ; il semble que le Lare domestique
ait été unique à l'origine. Bientôt l'usage d'en invoquer plu-
sieurs prévalut. Dans le lararium (V. ce mot) de chaque
famille, on plaçait trois figures dont celle du milieu représen-
tait à proprement parler le Lare, et les deux autres les Pé-
nates ; mais les trois ensemble étaient invoqués sous le vo-
cable dcLares, quelquefois sous celui de Pénates, les deux étant
considérés comme synonymes. Ils étaient figurés comme des
jeunes gens, couronnés de fleurs, élevant' dans l'une des
mains le rhyton ou corne à boire, quelquefois la corne
d'abondance, dans l'autre une patèreou une coupe ; ils por-
taient la tunique courte ou la toge retroussée. On leur
offrait des guirlandes, du vin et de l'encens ; on les as-
sociait à toutes les joies de la famille, à tous les événe-
ments heureux ou malheureux de la vie. C'est ainsi qu'au
dehors les Lares sont invoqués à titre de viales (gardiens
dans les voyages), de militares, de marini ou perma-
rini. Au calendrier on ne trouve qu'une seule fête pu-
blique en leur honneur, les Larenlalia ou Lareniinalia,
placée au 23 déc, ; on y célébrait spécialement Acca La-
rentia^ coBsidérèe commQ leur mère. J.-A. 11.
BiBL. : Hempel, De Diis Laribus ; Zwickau, 1797. —
ScHŒMANN, De DUS manibus, laribus et geniis (1840), au
t. I des Opuscula academica; Berlin, 1856. — IIert/berg,
De Diis Romanorum patriis; Halle, 1840; et d'une manière
générale/les ouvrages sur la religion romaine (V. Religion).
LA RÉVELLIÈRE-Lépeaux (Louis-Marie de), homme
d'Etat français, né à Montaigu (Vendée) le 24 août i 753,
mort à Paris le 27 mars 1824. Destiné par sa famille au
barreau, il se dégoûta de bonne heure de la procédure et
se fit connaître à Angers par un cours public de bota-
nique qu'il y ouvrit en 4787. Nourri des doctrines phi-
losophiques du xvni'^ siècle, il adopta les principes de
la Révolution, alla représenter le tiers état de la province
d'Anjou aux États généraux (4789), prit une part impor-
tante aux travaux de l'Assemblée constituante, fut ensuite
(4794) nommé juré de la haute cour nationale et membre
de l'administration de Mayenne-et-Loire, s'efforça de pré-
venir le soulèvement préparé dans l'Ouest par le parti
clérical et royaliste et fut envoyé par son département à
la Convention (sept. 1792). Après avoir volé la mort de
Louis XVI, il combattit la Commune de Paris, fut mis
hors la loi après le 2 juin 4793 pour avoir protesté contre
la proscription des Girondins et resta longtemps caché chez
de fidèles amis. Il put rentrer dans la Convention grâce à
la réaction thermidorienne, aux excès de laquelle, d'ailleurs,
il ne s'associa jamais. Il fit partie de la commission char-
gée d'élaborer la constitution de l'an III et du comité de
Salut public. Sa popularité devint telle à cette époque qu'il
fut élu membre du Directoire exécutif à la quasi-unanimité
des voix (oct. 4795). Ses ennemis, ne pouvant le déshono-
rer, essayèrent de le ridiculiser. Ils le représentèrent
comme le grand pontife de la Théophilanthropie ^ essai de
culte philosophique dont il n'était nullement l'inspirateur,
et qu'il n'encouragea guère qu'indirectement, par plusieurs
discours prononcés à l'Institut (auquel il appartenait
depuis sa création). Les progrès du parti royaliste et
l'imminence d'une contre-révolution ramenèrent à coopé-
rer au coup d'Etat du 48 fructidor (4 sept. 4797), par
lequel il crut avoir sauvé la constitution et la République.
On sait que le Directoire ne fut pas pour cela consolidé.
Les revers éprouvés par nos armées au commencement de
4799 rébranlèrent au point que, dans la journée du
30 prairial (juin 4799) le Conseil des Anciens et le Conseil
des Cinq-Cents purent obliger trois de ses membres à
démissionner. La Révellière-Lépeaux était du nombre. Le
48 brumaire l'affligea sans le surprendre. Depuis long-
temps il suspectait Ronaparte et redoutait son ambition.
Etranger au nouveau gouvernement, qui l'exclut de l'Ins-
titut pour refus de serment, il se retira en Sologne et y
partagea son temps pendant plusieurs années entre l'agri-
culture, la botanique et l'archéologie. Il reparut en 4809
à Paris, où il vint surveiller l'éducation de son fils. Napo-
léon lui fit proposer par Fouché une pension qu'il refusa.
Resté répubhcain au fond de l'âme, il n'applaudit pas à la
Restauration en 4814. Mais il ne se rallia pas non plus à
Pempereur pendant les Cent-Jours ^4845). Aussi ne fut-il
pas banni en 4846 comme la plupart des régicides de la
Convention. Il mourut presque oublié en 4824, après avoir
donné toute sa vie des exemples de désintéressement, de
droiture et de fermeté politique que la postérité n'a pas
suffisamment relevés. — Il avait écrit d'importants Mé-
moires qui, imprimés, mais non mis en vente (1870-73),
viennent d'être enfin livrés au public en 1895 (Paris,
3 vol. in-8). On a de lui des publications nombreuses,
parmi lesquelles nous citerons : Modèle de doléances
pour les paroisses de V Anjou (4789) ; Adresse au
Clergé et à la noblesse d'Anjou (1789); Rapport du
voyage des commissaires de la Société des amis de la
Constitution au club ambulant établi dans les Maiièges
(4792); Réflexions sur le Culte, sur les cérémonies
civiles et sur les fêtes nationales (1797) ; Essai sur
les moyens de faire participer l'universalité des spec-
tateurs à tout ce qui se pratique dans les fêtes natio-
nales {ilQl); Réponse deL.-M. La Révellière-Lépeaux
aux dénonciations portées au Corps législatif contre
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
— 961 — LARES - LARGENTIÈRE
lui et ses anciens collègues (1799) ; Notice du patois
vendéen, suivie de chansons et d^un vocabulaire ven-
déen, etc. A. Debidour.
BïBL. — Avchmes nationales, A. F. III* (Registres des
délibérations du Directoire). — De Barame, Histoire du
Directoire. — Besxard, Souvenirs d'un nonagénaire.
— L. Blanc, Histoire de la Révolution. — Bougler, Mou-
veynent provincial en 1189. — Bûchez et Roux, Histoire
parlementaire de la Révolution, — H. Carnot, Mémoires
sur Carnot. — L. Carnot, Réponse au rapport de Bail-
leul sur la conspiration du 18 fructidor. — Grille, Essai
sur la vie et les œuvres de La Révellière-Lépeaux. — Du
môme, la Vendée.— Lamartine, Histoire des Girondins. —
La Ri:vellièrj<>Lépeaux, Mémoires. — Moniteur (de 1789 à
1799).— V. Pierre, Dix-huit Fructidor.— Port, Diction-
naire géographique et biographique de Maine-et-Loire. —
Du même, la Vendée angevine, — Sandoz-Rollin, Corres-
pondance. — Taine, les Origines de la France contempo-
raine. — TiiiBAUDi'Au, Mémoires sur la Convention et le
Directoire. —■ Thiers, Histoire de la Révolution fran-
çaise.
LA RÉVELLIÈRE-LÉPEAUX (Ossian), publiciste fran-
çais, fils du précédent, né à Paris le 2 avr. 4797, mort au
Gué-du-Beri^e (Maine-et-Loire) le 27 sept. 4876. Ecarté
du barreau dès son début par le mauvais vouloir de la
magistrature (4820), il prit part aux luttes du parti libé-
ral contre la Restauration, collabora plus tard à V Ency-
clopédie des gens du moride (4833-44), publia plusieurs
traductions, alla visiter l'Inde, d'où il revint en 4848,
écrivit un important ouvrage sur le Monopole., cause de
tous nos maux (4849-50, 3 vol. in-8) et passa ses der-
nières années dans la retraite, non sans reprendre parfois
la plume pour défendre la mémoire de son père.
LAR6EASSE. Com. du dép. des Deux-Sèvres, arr. de
Parthenay, cant. de Moncoutant ; 1,292 hab.
LARGEAU (Victor), explorateur français, né à Niort en
1840. Il fit deux tentatives pour traverser le Sahara par
Ghadamès (1875) ei pour gagner Tombouctou (1877) et
publia : le Sahara (Paris, 1870); le Pays de Rirha-
Ouargla (1879) ; le Sahara algérien (2« éd., 1882).
LARGE NT (Hubert-Augustin-Pierre-Joseph), théolo-
gien français, né à La Bassée le 26 juin 1834. Professeur
de théologie à Tours, prédicateur en renom, il devint secré-
taire général du conseil de la congrégation de l'Oratoire
dont il fait partie depuis 1 859 et professeur d'histoire
ecclésiastique à l'Institut catholique de Paris. Il a beau-
coup écrit ; citons : Notice sur le P. de La Bastie (Paris,
1867,in-12); Notice sur leP. Magnier (1875, in-12);
la Vie de sainte Thérèse (1884, in-16) ; V Infanticide
en Chine (1885, in-i2).
LARGENTAYE (Marie-Ange Rioust de), homme poli-
tique français, né à Largentaye (Côtes-du-Nord) le 30 juin
1797, mort à Saint-Brieuc le 8 mars 1856. Il fut élu
représentant de Dinan à l'Assemblée législative le 8 juil.
1849, siégea à droite, combattit le 2 déc. et se représenta
sans succès aux élections législatives du 29 févr. 1852.
Son fils, Marie- Ange- Julien-Char les, né à Pluduno
le 26 oct. 1820, mort à Saint-Brieuc le 18 déc. 1883,
fut élu représentant des Côtes-du-Nord à l'Assemblée na-
tionale de 1871 et siégea à la droite monarchiste. Elu dé-
puté de Dinan le 20 févr. 1876, il appuya le gouvernement
du 46 mai, fut réélu le 44 oct. 1876 et le 24 aotît 4881.
Son petit-fils, Frédéric- Marie- A nge- Anne- Augustin^
né à Saint-Brieuc le 6 mars 1854, devint député de Dinan le
24 févr. 4884. Membre de la droite, il fut réélu en 4885,
4889 et 4893. Il a appuyé de ses votes le boulangisme.
LARGENTIÈRE. Ch.-l. d'arr. du dép. de l'Ardèche;
2,820 hab. Cette ville est située au fond d'une étroite vallée,
arrosée par la rivière de Ligne > affl. de l'Ardèche. Ses
principales cultures sont la vjgne et le mûrier.
Histoire. — Ce lieu s'appelait autrefois Segualaria\
qui fut remplacé psiV Argentaria, à cause de ses mines de
plomb argentifère. D'après une tradition locale, une colo-
nie sarrasine serait venue s'établir là vers le viii° siècle. La
charte d'obédience des chanoines de Viviers (x^ siècle en-
viron) mentionne Argentaria comme un des bénéfices des
chanoines. Largentière entre vers le xii*^ siècle dans le
61
LARGENTIÈRE — LARGILLÏÈRE
- 962
domaine de l'histoire générale par les démêlés dont ses
mines sont l'objet. L'évêque et d'autres seigneurs en avaient
alors repris l'exploitation commencée probablement par les
Romains et peut-être même par les Gaulois : un bas-relief
encastré dans le mur d'une maison particulière a été attri-
bué tantôt à l'époque gallo-romame, tantôt seulement au
xiiï^ siècle. Les comtes de Toulouse réclamant une part du
produit, l'évêque demanda et obtint de l'empereur Fré-
déric en 4177 une confirmation des droits et privilèges
déjà accordés par les souverains allemands à ses prédéces-
seurs ; diverses transactions intervinrent entre les comtes
et l'évêque ; un des règlements les plus importants fut
celui qui eut lieu en 1198 : l'évêque céda au comte de Tou-
louse la moitié du château de Ségualières (Largentière) et
de toutes les mines découvertes ou à découvrir dans la
région argentifère. En retour, le comte promettait fidélité
et protection à l'évêque. Une dernière transaction intervint
en 1210 pour consolider la précédente. Les évêques de
Viviers profitèrent ensuite de la guerre des Albigeois pour
assurer leur domination à Largentière. En 1215, Simon
de Montfort reçoit des mains de l'évêque le château de
Fanjaux ; mais, trois ans après, le pape oblige le général
des croisés à rendre Fanjaux à l'évêque. Jusqu'en 1224,
le comte de Toulouse ne cesse de revendiquer la possession
de Fanjaux et des mines de Largentière. Enfin, en 1229,
Raymond VU fait la paix, abandonnant à l'Eglise romaine
tout ce qu'il possédait au delà du Rhône, et au roi de
France tous les droits qui lui appartenaient depuis les limites
du diocèse de Toulouse et depuis la rivière du Tarn jus-
qu'au Rhône. La même année, Adhémar de Poitiers renonce,
au profit de l'évêque de Viviers, à tous ses droits sur Lar-
gentière et reçoit en échange le château d'Antraigues. — Les
évêques de Viviers restent alors les maîtres incontestés
de Largentière et de ses mines ; mais d'autres difficultés
leur viennent bientôt des rois de France, qui, ayant réuni
le Languedoc à la couronne, réclament, comme héritiers
des comtes de Toulouse, la moitié de la ville de Largentière
et autres forteresses de la contrée. Après divers incidents,
les évêques de Viviers renoncent à la suzeraineté de Fem-
pereur d'Allemagne (1309) et reconnaissent celle du roi
de France, qui leur accorde, en échange de leur soumis-
sion, le droit de frapper monnaie à Largentière. Par suite,
l'exploitation des mines fut activée, mais la concurrence de
Château de Largentière.
l'argent américain la fit plus tard abandonner. Reprise
en 1876, elle n'a pas tardé à être abandonnée de nou-
veau. La tranquillité fut plusieurs fois troublée à Largen-
tière pendant les guerres religieuses. En 1562, des bandes
de reformés vinrent piller le couvent des cordeliers;
en 1581, la ville se défendit contre une nouvelle invasion
Armoiries de Largen-
tière.
des protestants du dehors, Largentière possédait depuis
longtemps un régime municipal et des libertés fort appré-
ciables pour le temps. Dès l'année 1208, l'évêque Rurnon,
voulant s'attacher les habitants que cherchait à gagner le
comte de Toulouse, leur avait accordé une charte de
privilèges qui furent confirmés par chacun de ses suc-
cesseurs. Largentière était une des douze baronnies de tour
du Vivarais. Elle fut vendue en 1716 par l'évêque Martin
do Ratabon à François de Beaumont, marquis de Brison,
au prix de 44,500 livres qui servirent à bâtir le palais
épiscopal de Viviers.
Monuments. — Les monuments sont : IMe château
féodal qui fut embelh et agrandi au xvm® siècle par le
marquis de Brison ; ses vastes bâtiments sont occupés par
l'hôpital et la salle d'asile; 2^ l'église, bel édifice à trois
nefs, qui paraît être de la première moitié du xiii« siècle ;
son clocher gothique est de date
récente ; 3° le nouveau palais de
justice, construit, en 1845, dans
le style grec alors à la mode ; les
prisons sont installées dans la
partie basse des bâtiments.
Les notabilités de Largentière
depuis un siècle sont : le natu-
raliste et historien Giraud-Sou-
lavie; Privat-Garilhe, membre
de la Convention nationale ; l'avo-
cat Ronchon, membre du Con-
seil des Cinq-Cents et député sous
la Restauration, etc. Les armes de la ville sont : d'azur au
château crénelé de cinq créneaux et donjonné, ayant
deux guérites, le donjon aussi crénelé et surmonté
dhine girouette, le tout d'argent ouvert et maçonné
de sable, a. Mazon.
BiBL. : CoLUMBi, De Rébus gestis episcoporum Vivarien-
sium; Lyon, 165L — Soulavie, Histoire de Largentière;
Pans, 1784. — Vander Haeghen, Recherches historiques
concer?iani la souveraineté des empereurs d'Allemagne
sur le Vivarais ; Béziers, 1860. — Léon Vedel, Notice sur
Largentière, dans la Revuedu Dauphiné, 1878. — Auguste
Roche, Armoriai généalogique et biographique des évêques
de Viviers ; Aubenas, 1894. ^ /- ^
LARGET (Métall.). On entend par larget des plaques de
fer ou d'acier destinées à être ultérieurement transformées
en tôles minces. On leur donne, comme longueur, la lar-
geur que doit avoir la tôle, et on les lamine en travers.
LARGETEAU (Charles-Louis), astronome français, né
à Mouilleron-en-Pareds (Vendée) le 22 juil. 1791, mort à
Pouza.uges (Vendée) le 11 sept. 1857. H entra, à sa sortie
de l'Ecole polytechnique, dans le corps des ingénieurs géo-
graphes, prit part à d'importants travaux géodésiques, de-
vint astronome adjoint (1832), puis membre du Bureau
des longitudes, et fut élu le 13 déc. 1847 membre libre
de l'v^cadémie des sciences de Paris, en remplacement de
Pariset. n est l'auteur de nombreuses tables d'équinoxes,
de solstices, d'aberration et de nulation d'étoiles, de ma-
rées, de syzygies, de réfractions, etc., parues principale-
ment dans la Connaissance des Temps (1833-47), dont
il a été l'un des plus actifs collaborateurs, et dans lesM^'-
moires de l'Académie des sciences (18o0). L. S.
LARGILLAY. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant.^de Clairvaux; 186 hab.
LARGILLIÈRE (Nicolas), peintre français, né à Paris
(baptisé le 10 oct. 1656), mort le 20 mars 1746. Fils
d'un chapelier, le jeune peintre se forma de bonne heure.
Il avait suivi son père à Anvers, où l'appelaient ses aff^aires :
il entra, à douze ans, dans l'atelier d'Antoine Goubau
(V. ce nom), artiste flamand imbu d'influences italiennes,
et qui représentait des marchés, des foires, des paysages
et des scènes d'histoire. Largillière, qui devait être un de
nos grands coloristes dans l'art du portrait, fut à ses dé-
buts un peu de l'école des Flandres. Il alla à Londres et
travailla chez Lely, premier peintre de Charles IL Lors-
qu'il revint en France, il connut Lebrun et Van der Meu-
len, et fit le portrait de l'un et de l'autre. Celui de
968
LARGILLIÈRE -»- J.ARIDKS
Lebrun — au musée du Louvre — lui servit de morceau de
réception à l'Académie de peinture. Il retourna en Angle-
terre, pour peindre le Boi Jacques II et la Reine; malgré
les offres qu'on lui fit à Londres, il regagna Paris, et y
fut occupé à des commandes très importantes. Portraitiste
qui avait la faveur des échevins, plus encore que celle de
la cour, il peignit, pour la grande salle de l'Hôtel de Ville :
les Vœux de la France pour la santé du Roi; le
Repas donné en i687 à Louis XIV et à toute la cour
au sujet de sa convalescence ; le Mariage du duc de
Bourgogne avec Marie-Adélaïde de Savoie. Il a exé-
cuté une autre grande peinture — placée aujourd'hui à
Saint-Etienne-du-Mont — et représentant le vœu de la ville
de Paris à Sainte-Geneviève, à la suite de deux ans de sté-
rilité. Le nombre des ouvrages de Largillière est considé-
rable : il s'est peint lui-même avec sa famille, dans un
admirable tableau (galerie Lacaze, au Louvre). On retrouve
au musée de Lille et au musée de Berlin le portrait du
paysagiste For est ^ son beau-père, portrait répété par notre
artiste. Largillière est un maître brillant et élégant ; il est
moins solennel et moins ample qu'Hyacinthe Rigaud, qu'il
suit pourtant de près; on reconnaît souvent en lui un vir-
tuose de la couleur, mais il échappe au maniérisme de Nat-
tier, et à la sécheresse de Tocqué. Ant. Valabrègue.
BiBL. : Paul Mantz, Nicolas Largillière^ dans la Gazette
des beaux-arts, août et oct. 1893.
LAR6NAC. Hameau de la corn. d'Ydes (Cantal, cant. de
Saignes). Stat. du chem. de fer d'Eygurande à Mauriac.
LAR6NY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Boissons,
cant. de Villers-Cotterets ; Ml hab. Eghse de la fin du
xn^ siècle avec une belle sculpture sur bois du xv®; ruines
du monastère de Longpré.
LA RGS. Ville maritime d'Ecosse, au N. du comté d'Ayr,
en face des îles Cumbrâs; 3,100 hab. Bains de mer. En
4263, les Norvégiens y furent vaincus.
LARGUE (Mar.). Ce mot a plusieurs significations. H
s'emploie d'abord pour exprimer une des allures du bâti-
ment. Courir largue indique que l'angle formé par la direc-
tion du vent régnant avec la quille du navire est un angle
de l'i2*^ ou de 40 quarts. Lorsque cet angle atteint 12 quarts
ou 135o, on court grand largue. Du temps de la marine à
voiles, le largue était, en général, Fallure donnant le maxi-
mum de vitesse : la dérive est insignifiante et toutes les
voiles portent. Dans une autre acception, largue s'emploie
adjectivement et veut dire lâché, en bande. Exemple : les
bras sont largues ; cela signifie que les manœuvres appelées
bras ne sont plus attachées, ont du mou. Du mot largue on
a fait le verbe larguer, qui veut dire : lâcher, détendre et
laisser tomber quand il s'agit de voiles. Ainsi le comman-
dement : A larguer les voiles ! qui est un commandement
d'avertissement, indique que les hommes doivent aller sur
les vergues, détacher tout ce qui les tient serrées pour les
laisser tomber au commandement de : Larguez ! fait par
l'officier de quart, qui les fera ensuite établir.
LARlÂNS-ET-MuNANs. Com. du dép. de la Haute-Saône,
arr. de Vesoul, cant. de Montbozon ; 326 hab.
LARIBOISIERE (Hôpital). La création de cet hôpital
avait été décidée en principe dès 1839 ; la construction n'en
fut entreprise que sept ans plus tard. H fut d'abord désigné
sous le nom d'Hospice du Nord^ puis il s'est appelé, au
hasard des fluctuations de la politique, hôpital Louis-Phi--
lippe (1841), hôpital de la République (1848). En 1853, à
la suite d'une importante donation (près de 3 millions) de
la comtesse de La Riboisière, l'hôpital prit le nom de sa bien-
faitrice. H ne fut définitivement ouvert que le 13 mars 1854.
Complètement isolé par la rue Ambroise-Paré, qui longe
sa façade, l'hôpital Lariboisière est borné : au N,, par
le boulevard de la Chapelle; à TE., par la rue de Mau-
beuge ; à PO., par la rue Guy-Patin. Les pavillons des-
tinés aux malades sont au nombre de six, reliés entre eux
par des salles annexes ; les trois pavillons de droite sont
réservés aux femmes, les trois de gauche, aux hommes.
L'hôpital est pourvu de quatre cours. Une longue galerie,
qui occupe les quatre angles de la cour la plus vaste, dite
cour d'honneur, nermet àe faire le service à couvert. Elle
est éclairée par 88 baies cintrées, et est surmontée de
terrasses ^couvertes de fleurs. Outre les 6 pavillons prin-
cipaux, l'hôpital comporte 4 pavillons accessoires (direc-
tion et économat, pharmacie, salles de garde des internes,
salles de consultation, de femmes enceintes, cuisine, lin-
gerie, service d'accouchement). Depuis quelques années,
il a été construit une maternité, avec section d'isolement;
un pavillon pour les affections contagieuses ; un pour les
opérées d'ovariotomie ; et enfin 5 laboratoires d'histologie.
L'hôpital Lariboisière est un des plus vastes de Paris. Sa
population, personnel et malades, ne représente pas moins
de 1,000 personnes. Au point de vue de la bonne instal-
lation des services, Lariboisière est un des hôpitaux les
mieux organisés, mais, ce qui est surtout fâcheux, c'est
que l'effectif est communément dépassé, et que, comme on
l'a justement dit, « l'encombrement y est de règle »,
alors que ce devrait être l'exception. D'' A. Câb.
LA RIBOISIÈRE (Jean-Ambroise Baston, comte de),
général français, né à Fougères en août 1759, mort à
Kœnigsberg le 29 déc. 1812. Lieutenant d'artillerie en
1781, capitaine en 1791, il servit avec la plus grande
distinction, contribua comme général de brigade à la
bataille d'Austerlitz (1805), puis à celle d'Iéna (1806),
fut nommé général de division, prit une part considérable
au siège de Dantzig, ainsi qu'à la bataille de Friedland
(1807), suivit Pempereur en Espagne (1808), commanda
l'artillerie à Essling, à Wagram (1809), à la Moskowa
(1812), et, après avoir vu périr un de ses fils, mourut
lui-même d'épuisement à la fin de la retraite de Russie.
LA RIBOISIÈRE (Honoré-Charles Baston, comte de),
homme politique français, fils du précédent, né à Fougères
le 21 sept. 1788, mort à Paris le 21 mars 1868. Elève
de l'Ecole polytechnique en 1807, il fit, de 1809 à 1812,
les campagnes de la Grande Armée comme aide de camp
de son père, devint en 1813 chambellan de l'empereur,
qui le prit pendant les Cent-Jours pour officier d'ordon-
nance. Il quitta le service après Waterloo. Envoyé à la
Chambre des députés par le collège de Fougères en 1828,
réélu en juin 1830, il applaudit à la révolution de Juillet,
obtint le renouvellement de son mandat en 1831, ainsi
qu'en 1834, soutint la politique conservatrice et fut appelé
le 11 sept. 1835 à la Chambre des pairs. Après la révolu-
tion de Février, il fit partie, comme représentant d'Hle-et-
Vilaine, de l'Assemblée législative, où il se montra favo-
rable à la politique de f'Elysée (1849-51). Aussi fut-il,
après le coup d'Etat (26 janv. 1852), appelé au Sénat, où
il se montra constamment fidèle au nouveau gouvernement.
LA RIBOISIÈRE (Ferdinand-Marie-Auguste Baston,
comte de), hommepolitique français, né le l^^'janv. 1856.
H se présenta comme républicain le 30 avr. 1882 dans
l'arr. de Fougères à l'élection partielle qui suivit l'annu-
lation de l'élection de M. Riban ; il fut ^u par 12,313 voix
contre 6,799 données à M. de La Villegontier, monarchiste.
Présenté sur la liste républicaine du dép. d'Ille-et-Vilaine
aux élections du 4 oct. 1885, il fst élu le premier avec
62,282 voix sur 122,927 votants; il donna sa démission
peu après (16 nov. 1885).
LARIDÉS (Ornith.). Sous le nom de Laridés, les orni-
thologistes désignent une famiHe de Tordre des Palmipèdes
qui comprend, outre les Mouettes et les Goélands (genre
Larus de Linné), les Sternes ou Hirondelles de mer (Sterna)
et les Labbes ou Stercoraires {Lestris ou Stercorarius).
Cette famille paraît fort naturelle ; cependant elle se ratta-
che à certains égards aux Glaréoles, aux Bécasseaux et aux
Chevahers que Cuvier rangeait dans l'ordre desEchassiers.
Elle comprend trois tribus : les Larinés, les Sterninés et
les Lestrinés, dont la première compte à son tour trois
genres (Pagophila, Rissa et Larus), \di seconde cinq genres
(Hydrochelidon, Sterna, Nœnia, Gygis et Anous) et la
troisième un seul genre (Lestris).
Les Laridés ont le bec de longueur variable, tantôt droit
LARIDES — LARIVEY
964
et plus ou moins épais, tantôt effilé et légèrement arqué,
mais toujours comprimé latéralement, les mandibules à
bords lisses et tranchants, les narines percées à une cer-
taine distance du front, le corps allongé et porté sur des
pattes relativement courtes et terminées généralement par
quatre doigts, plus rarement par trois doigts seulement.
Le pouce, en effet, est quelquefois complètement atrophié
(chez les Mouettes du genre Rissa) ; mais, d'ordinaire, il est
très apparent et s'insère à une certaine hauteur sur le
tarse, restant complètement indépendant des autres doigts
qui sont rattachés les uns aux autres par des membranes
entières ou légèrement échancrées. Si quelques Laridés
s'avancent assez loin dans l'intérieur des terres, la plupart
de ces oiseaux vivent sur les côtes en colonies nombreuses
et se nourrissent exclusivement d'animaux marins. Ils na-
gent avec aisance et sont doués d'un vol extrêmement puis-
sant. E. OUSTALET.
BiBL. : Ch.-L. Bonaparte, Tableaux paralléliques^ dans
les Comptes rendus de VAcadémie des sciences, 1856,
t. XLIII. — H. Saunders, Revision des Larinœ et des Ster-
nlnœ, dans les Proceed. of the Zool, Soc. Lond. , 1876 et 1878.
LARIGOT (Mus.) (V. Orgue).
LARIN. Ancienne monnaie d'argent persane d'un titre
d'environ 970 millièmes et pesant un peu moins de T) gr.
LARIN (Larinus) (Entom.). Genre d'Insectes Coléop-
tères, famille des Curculionidés, fondé par Germar pour
des Charançons de la tribu des Cléoninés ainsi caractéri-
sés : corps épais et court, ovoïde ; rostre épais et un peu
arqué, antennes courtes; prothorax court avec deux sinuo-
sités à la base. Les espèces connues de ce genre, au nombre
de plus de cent, habitent l'ancien monde et beaucoup sont
particulières à la région circaméditerranéenne ; elles vivent
surtout sur les Carduacées dont se nourrissent leurs larves
qui y développent souvent des galles ou coques. Certaines
de ces coques, riches en principes astringents, sont em-
ployées en pharmacopée, notamment le Tréhala de Syrie
que l'on récolte sur un Onopordon et qui contient du sucre
réductible, de l'amidon et une substance albuminoïde.
LARINO. Ville d'Italie, prov. de Campobasso, à 35 kil.
N.-E. de cette ville, ch.-l. de circondario, sur le Biferno;
6,872 hab. Elle a remplacé l'antique Larinum détruite
par les Sarrasins en 842, qui fut une des principales
cités de l'Italie méridionale. Elle possédait le pays entre
le Tiferne (Biferno) et le Frento (Eortore), séparant
l'Apulie des Frentans ; elle prit peu de part aux guerres
contre Rome et conserva longtemps son opulence. Elle
était bâtie à 5 kil. au S. du Biferno, au sommet de la
colline de Monterone, un. peu à l'O. de la ville moderne.
On voit encore les ruines d'un grand amphithéâtre, des
murs, d'un palais, etc.
LARIO (V. CôME [Lac de]).
LARIOSAURUS (Paléont.j. Curioni a établi ce genre en
1847 pour un reptile, I. Balsami^ trouvé dans le mus-
chelkalk de Perledo, lac de Côme. Le crâne est court, les
fosses temporales sont grandes ; le cou, qui est long, se
compose de 20 vertèbres qui portent des côtes. La région
dorsale comprend 24 à 26 vertèbres ; les côtes, très fortes
et arquées, sont reliées par des côtes ventrales. La queue
se compose d'environ 35 vertèbres dont les dix premières
portent de larges côtes. La ceinture pectorale est confor-
mée comme celle du Nothosaurus^ mais il n'existe pas
d'échancrure à l'extrémité glénoïdale du coracoïde. Le ra-
dius et le cubitus sont séparés ; le carpe est formé de deux
séries d'osselets arrondis ; les métacarpiens, au nombre de
cinq, sont allongés ; les phalanges sont courtes. Les pubis
sont larges et aplatis ; le fémur est grêle, allongé ; les pha
langes du pied sont courtes et épaisses. La taille de la seule
espèce connue n'atteint que 0"^20 à 0™30. D'après Zittel,
« LariosauTUS appartient aux Sauroptérygiens, comme le
prouvent la structure du crâne, de la ceinture pectorale,
de la ceinture pelvienne, le long cou et les vertèbres fai-
blement biconcaves. L'aspect général est pourtant plutôt
celui du Lézard, et, en particulier, les membres sont plutôt
des pattes marcheuses que des nageoires. » Lydekker, qui
établit pour les genres Lariosaunis et Neusticosaurus la
famille des Lariosauridées, fait remarquer que cette famille
paraît relier les Plésiosauridés aux Nothosauridés terrestres
ou d'eau douce. E. Sauvage.
BiBL. : Curioni, Giorn. Inst. Lombard.., 1847, t. XVI. —
Lydekker, Cat. foss. Reptîlia Brifis/i Mms., 1889, t. II, p. 284.
— ■ H. Zittel, Traité de paléontologie^ éd. fr., 1893, t. 111.
LARISSA. Nom d'un grand nombre de villes de la Grèce
antique; outre celle de la Thessalie (V. ci-dessous), on
connaît : 4*^ la citadelle d'Argos; — 2° Larissa Cré-
masté^ dans la Phthiotide, dont on voit les ruines dans le
val de Gardikhi ; — 3« une cité du territoire d'Ephèse.
au N. du Caystre ; — 4^^ Larissa Pfiriconis^ une des
cités de la confédération d'Eolide ; — 5^ une ville de Troade,
à 14 kil. au S. d'Alexandrie. A toutes on attribue une
origine pélasgique. — Xénophon donne également ce nom
à une ville déserte d'Assyrie qu'on identifie avec Nim-
roud. — ^ Il y en avait encore une en Syrie, entre Emèse
et Apamée.
^ LARISSA. Ch.-l. d'un nome de Grèce, à 213 kil.
d'Athènes, à 125 kil. de Salonique, sur la rive droite de
la Salamyrya (ou Pénée) ; 14,000 hab. dont 5,000 Grecs,
3,000 juifs, 3 000 musulmans. Elle est située au milieu
d'une vaste plaine, couverte de champs de coton, de plan-
tations de tabac, de vignobles, (^est l'entrepôt naturel de
tout le pays. C'est une ville très étendue, entourée de vastes
faubourgs, et dont une grande partie est occupée par des jar-
dins. Du temps des Turcs, ce n'était qu'un village en bois,
connu sous le nom de Yenitcheri Fanar. Les musulmans ont
émigré en grand nombre depuis l'annexion de la Grèce.
Peu de ruines antiques (quelques bas-reliefs funéraires).
Ruines du moyen âge (fortifications, théâtre, portes) . Palais
archiépiscopal, église métropolitaine, minarets. Siège d'une
cour d'appel et d'un évêché; musée thessalien. Chemin de
fer de Volo à Larissa ; chemin de fer projeté du Pirée à
Larissa. Excursions à l'Ossa, à l'Olympe, à la vallée de
Tempe. — La situation de Larissa en a fait, de tout temps,
la capitale naturelle de la Thessalie : elle fut le chef-lieu
de la confédération thessalienne sous la dynastie des
Aleuades. Alliée d'Athènes, elle fut conquise par Philippe
de Macédoine. Le roi Philippe V y transporta ses trésors
dont les Romains s'emparèrent. Elle fut successivement
conquise par les Valaques, les despotes d'Epire, le roi de
Thessalonique, les Grecs, les Turcs. Cédée à la Grèce en
1881. — Le nome de Larissa comprend la partie orientale
de la Thessalie, au S. du vilayet de Salonique, à l'E. du
nome de Trikkala. Il comprend six éparchies : Larissa, Tir-
novo, Agya, Volo, Halmyro, Domokos-Pharsalos. L. Del.
BiBL. : Heuzey, le Mont Olympe, 1866. —P. Monceaux,
Voyage en Thessalie, dans le Tour du Monde, 1887.
LARISTAN. Province maritime du S. de la Perse, re-
présentant le S.-O. du Kirman, contisçuë auFarsistan;
elle mesure 60,000 kil. q. et n'a pas 100,000 hab. Elle
s'étend du golfe Persique jusqu'au rebord méridional du
plateau d'Iran. L'eau y manque presque complètement, sur-
tout le long de la mer, dans le Dechtistan. Elle est peu-
plée de Kourdes, de Tadjiks et, sur le littoral, d'Arabes
pillards et pirates. Le Laristan forma un royaume fondé
au milieu du xi^ siècle par un chef kourde; il s'étendit au
N. du golfe Persique et de la mer d'Oman depuis Bahrein
jusqu'à l'îlot de Diu dans le Kathiawar. En 1601, Chah
Abbas le conquit.
LARIVE (Jean Mauduit de), acteur fram;ais, né à La
Rochelle le 6 août 1747, mort à Montlignon le 30 avr.
1827. Il débuta à la Comédie-Française le 3 déc. 1770, y
remplaça Lekain, mais fut éclipsé par Talma. Emprisonné
en 1793, relaxé après le 9 thermidor, il joua à la salle
Louvois, fut professeur de déclamation à l'Athénée et eut
la fâcheuse idée de reparaître à la scène, le 25 avr. 1816,
au Théâtre-Italien. Il a écrit : Réflexions sur l'art théâ-
tral (1801) ; Cours de déclamation (1810, 2 vol. in-8) ;
Pyrame et Thishé, scène Ivrique représentée le 2 juin
1783, etc.
LARIVEY (Pierre de), auteur dramatique français, né à
Troyes vers 1550, mort vers 4612. On ne sait rien de
précis sur sa vie. Il débuta au théâtre en 1577 par une
série de pièces arrangées de l'italien, et écrites en prose,
ce qui était une nouveauté. Elles obtinrent un grand succès.
Les comédies de Larivey, les meilleures, avec la Farce de
Patelin^ de l'ancien théâtre français, ont eu une influence
considérable sur le progrès de l'art dramatique en France
et ont fourni des sujets à Molière et à Regnard. Citons :
les Six Premières Comédies face denses de Pierre de
Larivey, à savoir : le Laquais^ la Veuve, les Esprils,
le Morfondu^ le Jaloux^ les Ecoliers (Paris, 1579,
in-12) ; Trois Comédies, à savoir : la Constance, le Fi-
dèle, les Tromperies (Troyes, 1611, in-1 2), réimprimées
dans les t. V à Vil de V Ancien Théâtre français de
Viollet-le-Duc et P. Jannet. On a encore de Larivey un
certain nombre de traductions de l'Arétin, de Capelloni, de
Piccolomini, d'Arnigio, à^s, Facétieuses ISuils de Strapa-
role (1573) ; de Deux Livres de 'philosophie fabuleuse
(1577, in-16). R. S.
LARIVIÈRE. Corn, du territoire de Relfort, cant de
Fontaine ; 1 99 hab.
LA RIVIÈRE (Nicolas de Grouchy, sieur de) (V. Grou-
chy).
LARIVIÈRE (Pierre-François- Joachim Henry-), homme
politique français, né à Falaise le 6 déc. 1761, mort à
Paris le 3 nov. 1838. Homme de loi dans sa ville natale,
il fut nommé député du Calvados à l'Assemblée législative ;
il s'y montra patriote exalté, et demanda l'abolition du
serment. Réélu à la Convention, Henry-Larivière changea
brusquement de conduite et fut l'un des rares royalistes
avérés de cette assemblée; aussi c'est à tort qu'on le classe
parfois parmi les Girondins, avec lesquels il n'avait rien
de commun. Membre de la commission des Douze, il fut
décrété d'arrestation le 2 juin, se sauva à Caen et fut mis
hors la loi. Après le 9 thermidor, il demanda à la Con-
vention de se prononcer sur son sort, mais il ne fut réad-
mis à siéger que le 8 mai 1795. H ne tarda pas alors à
soutenir toutes les mesures de réaction, proclamant que
« les royalistes étaient bien moins à craindre que les ter-
roristes ». 11 attaqua Carnot et Robert Lindet et demanda
que les députés arrêtés fussent jugés par une commission
militaire. Cela ne l'empêcha pas d'entrer au comité de Sa-
lut public, dont il fit partie du 3 juin au 7 oct. 1795.
Henry-Larivière passa au Conseil des Cinq-Cents, devint
l'un des chefs du parti de Clichy et, comme tel, fut porté
sur la liste de déportation au 18 fructidor an V. Il réussit
encore à se sauver, passa à Neuchâtel, puis à Londres et
y devint agent du comte d'Artois, prenant part à toutes
les intrigues royalistes à l'étranger. Rentré avec les Rour-
bons en 1814, il fut nommé avocat général à la cour de
cassation, retourna en Angleterre aux Cent-Jours et reprit
sa place à la seconde Restauration. Après la révolution
de Juillet, il refusa le serment, s'exila à Turin et mourut à
Paris où il se trouvait de passage pour aller se fixer à
Londres.
LARIVIÈRE (Auguste) (V. Engelspach).
LARIVIÈRE (Philippe-Charles de), peintre français, né
à Paris en 1798, mort à Paris en 1876. Elève de Guérin,
de Girodel et de Gros, il remporta le grand prix de Rome
en 1824. En 1830, il envoya d'Italie la Peste de Rome
sous Nicolas F, composition dramatique en figures plus
grandes que nature (a figuré au Luxembourg). De retour
en France, il peignit Le Tasse malade à Saint-Onuphre
(S. 1831). Ces belles œuvres, dont on ne saurait trop
louer la grandeur de conception et la puissance expressive,
lui donnèrent une grande réputation. Il reçut de nom-
breuses commandes de portraits d'après les célébrités de
l'époque ; le musée de Versailles, que Louis-Philippe com-
mençait à former, lui valut aussi des travaux considérables,
tableaux d'histoire et de batailles pris dans toutes les époques,
exécutés on grandes ou petites dimensions. Parmi les grandes
batailles, les plus remarquables sont : F Assaut de Birscia,
la Bataille des Dunes, le Duc d'Orléans, lieutenant
965 - LARIVEY - LARME
général du royaume, arrive à VHôtel de Ville, après
les journées de Juillet (S. 1836). Le musée contient
encore de lui de nombreux portraits d'amiraux et de maré-
chaux. Sous le second Empire, les commandes officielles ne
lui firent pas non plus défaut ; mais son talent, tout en
conservant encore quelques-unes des hautes qualités d'école
qui le distinguaient autrefois, n'avait plus la même énergie,
gâté qu'il était par une exécution trop hâtive. On lui doit
encore les cartons des vitraux de la chapelle de Dreux
(1855). Ad. Thiers.
LARIX (Rot.) V. Mélèze).
LARKHALL. Ville d'P]cosse, comté de Lanark, à 5 kil.
S.-E. de Hamilton ; 7,000 hab. Mines de houille, tis-
sage.
LARME. I. Physiologie. — Les larmes sont consti-
tuées par un liquide clair, de saveur franchement salée,
renfermant des traces d'albumine et de mucine. Versées
dans l'eau, les larmes donnent un précipité qui paraît être
de la globuline. Les larmes sont produites : par un appa-
reil spécial, l'appareil lacrymal, constitué par un groupe
de glandes ; par les paupières dont les mouvement ont pour
effet de répandre sur toute la surface du globe oculaire le
liquide sécrété par ces glandes, et enfin par un système de
canaux lacrymaux qui assurent l'écoulement des larmes
vers les fosses nasales.
La glande lacrymale située à la partie supérieure de
l'angle externe de l'œil est une glande en grappe analogue
aux glandes salivaires. Les larmes qui s'en écoulent d'une
façon continue sont étalées sur toute la surface du globe
oculaire par les contractions fréquentes de l'orbiculaire et
par les mouvements des paupières. Le rôle essentiel des
larmes est de lubréfier la cornée, et d'empêcher ainsi son
dessèchement. Si pour une cause quelconque leur action
est empêchée (atrophie de la glande ou, cas plus fréquent,
paral^jsie des paupières qui n'assurent plus alors une ré-
partition convenable du liquide sur toute la surface), on
voit rapidement la cornée perdre son éclat brillant, s'en-
flammer et bientôt s'ulcérer. L'anatomie comparée montre
que cet appareil n'existe pas chez les animaux vivant dans
l'eau. Parmi les mammifères, les cétacés sont dans ce cas;
l'œil étant constamment baigné par l'eau ambiante, les
larmes n'auraient aucun rôle à jouer.
Une partie du liquide sécrété par la glande lacrymale
s'évapore directement ; mais , même dans les conditions or-
dinaires, il en reste un excès, qui vient s'accumuler dans
l'angle interne de l'œil, dans une excavation désignée sous
le nom de lac lacrymal. De là les larmes, pénétrant par les
points lacrymaux et passant par une série de canaux, les
canaux lacrymaux, le sac lacrymal, le canal nasal, arrivent
dans les fosses nasales, qu'elles contribuent à lubréfier,
continuant ainsi à jouer un rôle de protection, non plus de
l'organe de la vue, mais des organes respiratoires, en char-
geant l'air inspiré d'une certaine humidité.
Quand un corps étranger ou un gaz irritant vient en
contact avec la cornée, il se produit par un réflexe de dé-
fense une hypersécrétion des larmes destinées soit à en-
traîner le corps étranger, soit à protéger la cornée contre
les causes destructives. Les voies centripètes, qui déter-
minent l'hypersécrétion de la glande lacrymale, sont nom-
breuses. L'excitation du trijumeau, du lingual, du glosso-
pharyngien, du pneumogastrique^ amène cette suractivité,
mais la voie centrifuge est unique. C'est une branche du
trijumeau, le nerf lacrymal qui va déterminer l'activité
fonctionnelle de la glande. Ce nerf coupé, la sécrétion des
larmes est presque tarie ou tout au moins l'excitation des
autres nerfs reste sans effet. Il existe toutefois, comme
pour les glandes salivaires, avec lesquelles la glande lacry-
male a tant d'analogie, une sécrétion spéciale quand on
excite les filets sympathiques. On voit alors sourdre des
larmes troubles, visqueuses, comparables à la sécrétion
salivaire sympathique.
Tant que la sécrétion de l'appareil lacrymal est normale,
le liquide s'écoule par le système des canaux indiqués, grâce
LARME — LARMIER
— 966
à une aspiration déterminée par la raréfaction de l'air dans
les fosses nasales au moment de l'inspiration. On a invo-
qué encore d'autres causes : la capillarité de ces canaux,
le siphonage ; la première force paraît être la seule en cause.
Mais, quand la sécrétion augmente, soit sous l'influence
d'un réflexe oculaire, soit encore sous l'influence d'un ré-
flexe psychique, car l'écoulement des larmes à la suite
d'une émotion morale se ramène à un simple phénomène
de réflexe psychique, l'écoulement par les voies ordi-
naires ne suffît plus et le liquide lacrymal s'échappe plus
ou moins abondamment des paupières. C'est cet excès
qu'ordinairement on appelle les larmes.
Il est difficile d'indiquer même approximativement la
quantité de larmes que les glandes lacrymales peuvent sé-
créter dans leur maximum d'activité. D^ P. Langlois.
II. Archéologie. — Dans l'antiquité, des pleureurs
salariés jouaient un rôle important dans les cérémonies
funèbres. On a môme cru que les petits vases de verre
appelés lacrymatoires que l'on trouve dans des tom-
beaux antiques étaient destinés à contenir des larmes. Au
moyen âge, ces démonstrations théâtrales de deuil ne sont
plas en honneur; cependant, les larmes figurent dans
divers emblèmes et devises à partir surtout du xv^ siècle.
C'est ainsi que Valentine de Milan avait pris pour emblème
le chantepleure et que quatre larmes (qui peut-être à
l'origine n'étaient que les clous de la passion) figurent dans
les armes des bénédictins de la congrégation de Saint-
Vannes et trois larmes de sang dans celles de la ville de
Douai en mémoire des 300 Douaisiens tués à la bataille de
Mons-en-Pevele. Les statues de pleureurs deviennent de mode
vers la même époque sur les tombeaux : déjà depuis le
xu'^ siècle on s'était mis à y figurer les cérémonies funè-
bres ; le xv^ siècle, qui avait un goût prononcé pour les re-
présentations réalistes, développe ce thème : on connaît
les admirables cortèges de statuettes de pleureurs qui dé-
filent sous les arcatures des tombeaux de divers grands
personnages : Jean de Berry à Bourges, les ducs de Bour-
gogne à Dijon ; les princes de la maison d'Autriche à
Bourg, etc.
Les pleureurs et pleureuses sont nombreux sur les
tombeaux du xvn^ et du xvui® siècle, mais ce sont alors
des statues allégoriques, tel l'ange pleureur trop vanté de
la cathédrale d'Amiens, par Duquesnoy. A ces époques, où
l'art de la sculpture perd la notion de ce qu'il peut et doit
représenter, on affectionne la représentation de grosses
larmes sculptées à l'égal de celles des nuages, et sans plus
de bonheur. En iconographie, les larmes sont parmi les
caractères distinctifs de certains personnages ; dans l'An-
cien Testament, Jérémie et David; dans le Nouveau, sainte
Marie-Madeleine, sont célèbres par les larmes qu'ils ont
versées. Dans certaines scènes, comme la Contrition de
saint Pierre, la Passion du Christ, sa Mise au tombeau, on
a figuré des personnages pleurant, surtout la Vierge, saint
Jean et la Madeleine; dans la scène du Jugement dernier,
les damnés conduits en enfer versent aussi des larmes.
Enfin, une propension particuhère aux larmes a été consi-
dérée chez un certain nombre de saints comme un don et
une faveur céleste. Les PP. Martin et Cahier citent pour
ce fait saint Grégoire VII, saint Macaire, saint Just,
évèque de Lyon; saint Hugues, évoque de Grenoble; saint
Godefroi, évêque d'Amiens ; saint Guillaume, archevêque
de Bourges ; sainte Paule, Romaine ; sainte Monique, sainte
Rusticule, abbesse à Arles; sainte Catherine de Suède, fille
de sainte Brigitte. En outre, divers personnages allégori-
ques peuvent être représentés pleurants dans les monuments
figurés du moyen âge. Ce sont les Vierges folles que
l'Epoux n'a pas reçues ; la Synagogue déchue, la Tristesse
(Tristitia) qui figure parfois dans la série des péchés, et,
par contre, l'une des huit béatitudes, symbolisant la parole
du Christ : beati qui lugent, C. Enlarï.
III. Verrerie. — Imperfection dans la fabrication du
verre causée par la volatilisation des alcafis qui se vitrifient
avec l'argile de la voûte du four et, retombant dans le
creuset, forment dans le verre des gouttelettes coloriées.
Larmes bataviûues (V. Batavique).
IV. Architecture. — Ornements d'architecture dorique
affectant la forme d'une pyramide ou d'un cône de petite
dimension engagé par la pointe dans la surface inférieure
d'un modillon cubique ou dans le filet de l'architrave au-
dessous des triglyphes. Le moyen âge, qui n'a presque ja-
mais rien emprunté à Tordre dorique, n'a jamais fait usage
d'ornements de ce genre ; la première Renaissance les a
peu ou point connus ; ils sont redevenus en faveur depuis
que l'on a cherché l'imitation exacte des ordres antiques.
V. Art héraldique. — Figure des corps naturels dont
la partie supérieure en pointe devient ondoyante, s'élargit
et se termine en rond. Elle est toujours représentée d'argent.
LARWIESSIN. Famille d'artistes français. Philippe
Larmessin, peintre, mort à Paris en 1654, fut père de
Nicolas, libraire. Celui-ci eut deux fils du même prénom,
tous deux graveurs, dont les œuvres sont généralement
confondues. L'aîné Nicolas /^^, né à Paris vers 1636,
mort à Paris le 23 juil. 4694, est qualifié de « marchand
graveur en tailles douces » . Le cadet, Nicolas lU né à
Paris en 1640, mort à Paris le 18 déc. 1725, n'était que
graveur. L'un et l'autre adjoignirent, vers 1685, la par-
ticule à leur nom. C'est au cadet que les iconographes
attribuent toutes les estampes portant ce nom ; il faut en
restituer un bon nombre à l'aîné, en raison des dates. Ce
sont les portraits qui dominent dans leur œuvre, et il y en
a d'intéressants, tels que : Adhémar de Monteil^ arche-
vêque d'Arles (1658) ; le Cardinal de Bouillon;
Louis XIV Qt il/"^ de la Vallière, en pendants ; plusieurs
membres de la maison royale ; W^^ de Mojitespan, etc.
•— Nicolas lU de Larmessin, fils de Nicolas II, né à Paris
le 28 janv. 1684, mort à Paris le 28 févr. 1755, fut gra-
veur du cabinet du roi et membre de l'Académie royale.
11 exécuta plusieurs planches, d'après Raphaël, pour le
Cabinet Crozat^ de nombreux sujets de genre et allégo-
ries d'après Lancret, Vleughels, Boucher et Watteau, qu'il
interpréta avec une étonnante habileté; il suffira de citer
le Voyage pour Vile de Cythère^ d'après ce dernier ar-
tiste. 11 excella aussi dans la gravure de portraits, comme
en témoignent ceux du sculpteur G. Coustou (1730), de
Louis AT, d'après IL Higaiid, L.-M. Vanloo, Parrocel ;
de Marie Leckùnska, du Roi Stanislas de Pologne, de
W^^ Salle, danseuse de l'Opéra, etc. G. Pawlowski.
BiBL. : Actes d'états civils d'artistes français; Paris,
1873. — A. FiRMiN-DiDOT, les Graveurs de portraits en
France, 1875-77, 2 vol. — Baron R. Portalis et H. Be-
RALDT, les Graveurs du xviii^ siècle, 1880-82, 3 vol.
LARMIER (Archit.). Moulure entaillée par-dessous de
façon à rejeter les eaux pluviales. Les Grecs avaient soin
d'entailler d'un canal carré le dessous des corniches qui
protègent leurs entablements; l'eau de pluie ne pouvant
remonter dans ce canal s'égouttait ainsi à l'angle inférieur
de la corniche au lieu de couler sur les frises, parements
et colonnes, et de pénétrer dans les joints de la constructiop.
Les Romains ont imité cette sage disposition ; de plus, ils
ne se sont jamais fait scrupule de reproduire dans les
intérieurs ce tracé de moulure qui y perd sa raison d'être.
Le larmier antique n'a pas été adopté par les architectes
romans; ils s'en passèrent d'abord, puis, au xn® siècle,
un larmier tout différent et mieux compris apparut à l'état
rudimentaire, se perfectionna vers 1190 et resta en usage,
avec diverses variantes secondaires de tracé, jusqu'au
triomphe de la Renaissance qui remit en honneur le lar-
mier antique. Celui-ci a l'inconvénient de présenter une face
supérieure horizontale, qui raccourcit à l'œil le monument
lorsqu'il est vu de près, et qui (chose plus grave surtout
dans nos climats) arrête les eaux pluviales, les fait rejaillir
sur les parements et pénétrer dans les joints, recueille la
poussière où naissent bientôt des plantes et l'humidité qui,
à la gelée, fait éclater ces moulures. Ayant expérimenté
ces inconvénients, les architectes du moyen âge inclinent,
à partir du miheu du xii^ siècle, la face supérieure de leurs
moulures, et bientôt donnent à ce talus un petit rebord
Larmiers.
saillant, servant d'égouttoir. Vers il 70, on creuse les
larmiers d'une gorge profonde, non pas de section carrée
comme dans Tantiquité, mais en canal demi-circulaire.
Pour suivre le même tracé, les talus des larmiers sont
bombés, et sous la gorge règne généralement une baguette.
Au xui^ et au xiv^ siècles, les talus des larmiers redeviennent
généralement droits, ou peu bombés, pour mieux faire
écouler l'eau, et, pour mieux l'arrêter, ils prennent un
biseau anguleux. De la
fin du XIV® siècle jus-
qu'au XVI® leurs talus se
gondolent le plus sou-
vent suivant un tracé
analogue à une doucine
atténuée ; ce tracé peut,
comme les coyaux des
toits, servir à rejeter
l'eau plus loin qu'une
simple pente aiguë ;
d'autre part, il s'har-
monise avec le système
d'oppositions perpé-
tuelles de courbes et
contre-courbes qui cons-
titue le style dit flam-
boyant» Les architectes
gothiques avaient tou-
jours soin de disposer
des larmiers à chaque
étage pour protéger les
parements de leurs
murs, et de protéger les
voussures de leurs baies
par des archivoltes en
larmier. — D'autre part,
depuis le xiii® siècle, ils
prirent souvent comme les antiques l'habitude de reproduire
à l'intérieur des édifices, par exemple aux tailloirs des chapi-
teaux, les larmiers qui n'y avaient plus d'utilité. Cependant,
ils y sont moins nombreux et ils sont presque toujours déco-
ratifs, la gorge du larmier gothique produisant une ligne
d'ombre vigoureuse qui accuse fortement et généralement
très à propos les hgnes horizontales. C. Enlart.
LARNÂC (Marie-Gustave), homme politique français,
né à Nîmes le 2 févr. 1793, mort à Courbevoie le 12 avr.
d868. Maître d'études au lycée d'Avignon, il devint pro-
fesseur de rhétorique au collège de Lyon, puis précepteur
du duc de Nemours qui se l'attacha par la suite, en lui
conférant le titre de secrétaire de ses commandements.
Elu député des Landes le 27 sept. 4845, réélu en 1846,
il fut un des partisans les plus fidèles de Guizot. Il a laissé :
Hêves et Souvenirs ^poésies nouvelles et philosophiques
(Paris, 1844, in-8) ; la Question nmiaijie (18B2, in-8);
le Cosmos moral (1862, in-8), etc.
LÂRNAGE. Com.du dép. de la Drôme, arr. de Valence,
cant. de Tain ; 706 hab. Carrières de terre réfractaire et
de kaohn.
LARNAGOL. Com. du dép. du Lot, arr. de Figeac, cant.
de Cajarc; 683 hab. Phosphates de chaux.
LARNAKA (turc Touzia). Ville du S.-E. de Chypre,
près de la côte, à l'O. du cap Greco, à la place de l'antique
Kittim, Kition ou Citium; 6,000 hab. (en grande partie
musulmans). La rade est mauvaise ; les lagunes voisines
rendent le site insahibre ; néanmoins, c'est un des prin-
cipaux centres de l'île et le ch.-l. d'un des six districts
(885 kil. q., 21,000 hab.). A 500 m. de la ville, est, sur
le rivage, La Marine ({m lui sert de port. On trouve au-
tour de Larnaka une foule de grottes sépulcrales remon-
tant à l'époque phénicienne.
LARNAS. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. de Privas,
cant. de Bourg-Saint-Andéol ; 109 hab.
LARNAT. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de Foix, cant.
des Cabannes ; 245 hab.
967 — LARMIER — LAROCHE
LARNAUD. Com. du dép. du Jura, arr. de Lons-le-
Saunier, cant. de Bletterans ; 684 hab.
LARN E. Ville maritime d'Irlande, comté d'Antrim, à l'en-
trée du lough Larne ; 4,500 hab. Château ruiné, cromleck,
pierre branlante : toiles de hn, toiles à voiles, cuirs, etc.
LARN ED. Ville des Etats-Unis (Kansas), sur la r. g. de
l'Arkansas; stat. du ch. de fer transcontinental par Kan-
sas City et Santa Fé. Ancien fort. Non loin est le Pawnee
Rock, le seul rocher de cette région de la Prairie, couvert
d'inscriptions ; ce fut un des principaux lieux de rallie-
ment des Indiens.
LARN CD. Com. du dép. du Doubs, arr. de Besançon,
cant. de Boussières; 180 hab.
LAROCHE. Ville de Belgique, prov. de Luxembourg,
arr. de Marche, sur l'Ourthe, tête de ligne d'un chem. de
fer vers Melreux ; 2,500 hab. Exploitations forestières; tan-
neries. Laroche est situé à l'embranchement de sept vallées
fort pittoresques, et de nombreux touristes viennent y sé-
journer en été. Le château fort, à moitié ruiné, date proba-
blement du XI® siècle; Louis XIV s'en empara en 1680.
Laroche était autrefois la capitale du comté de ce nom, qui
était un fief namurois. Les armoiries de la ville sont : de
gueules, au lion d'argent, la queue fourchue et passée
en sautoir, à la face crénelée, un bras d'or sur le tout.
BiBL. : Deleuze, Histoire de Laroche ; Arlon, 1881, in-8.
LAROCHE. Hameau de la com. de Migennes (dép. de
l'Yonne, cant. de Joigny). Gare delà hgne de Paris-Lyon,
d'où se détache l'embranchement qui dessert Auxerre.
LARGCHE-près-Feyt. Com. du dép. de la Corrèze,
arr. d'Ussel, cant. d'Elvgurande ; 360 hab.
LAROCHE-sm^~YoN (V. Roche-sur-Yon [La]).
LAROCHE (Marie-Sophie), femme de lettres allemande,
née à Kaufbeuren le 6 déc. 1731, mort à Offenbach le
18 févr. 1807. Fille du médecin Gutermann, noble d'Augs-
bourg, elle vécut à Biberach auprès de son grand-père' et
du pasteur Wieland, le père du poète. Celui-ci s'en éprit,
mais cet amour se réduisit à une durable amitié, et la
jeune fille à qui Wieland avait donné le goût de la littéra-
ture, épousa, en 1754, G.-M.-F. de Lichtenfels, dit La-
roche, fonctionnaire de l'électorat de Mayence, puis de
celui de Trêves, où les époux tinrent à Ehrenbreitstein un
salon célèbre. Quand Laroche fut révoqué pour ses Briefe
ilber das Mœnchwesen, ils se retirèrent à Spire, puis à
Offenbach oti le mari mourut en 1789. Sophie Laroche, à
la réputation de laquelle sa beauté remarquable contribua
fort, écrivit de nombreux romans et des histoires morales
en forme de lettres, selon la manière des romanciers fran-
çais et de Richardson ; on peut citer : Gesch. des Frœu-
leins von Slernheim(Leip7Àg, 1771, 2 vol.) ; Rosaliens
Briefe (1779) ; Moralische Erzœhlimgen (1782) ; Ble-
lusinen's Sommer lieder (Halle, 1806).
BiBL. : L. AssiiSG, Sophie von Laroche, die Freundin
Wielands ; Berlin, 1859. — Neumann-Strela, Sophia La-
roche und Wieland; Weimar, 1862. — Lœper, Gœthes
Briefe an Sophie Laroche, und Bettina Brentano; Berlin,
1879.
LA ROCHE (CiiAuiUEu DE (V. Charrier).
LAROCHE (Karl, chevalier de), acteur allemand, né à
Berlin le 14 oct. 1794, mort le 11 mars 1884. 11 débuta
à Dresde, joua à Dantzig, Lemberg, Berlin, Kœnigsberg,
Weimar (1823), etc., et s'engagea en 1833 au théâtre âe
la Hofburg à Vienne auquel il appartint jusqu'à sa mort.
Il fut anobli en 1873. Dans son répertoire, extrêmement
étendu, il visa toujours au naturel et à l'expression fidèle
de la pensée de l'auteur; ses |>rinci[)aux rôles furent Mé-
phistophélès (de Gœthc), Franz Moor, Malvolio, Shylock,
le roi Lear, etc.
BiBL. : Mautner, K. Laroche, Gedenkhlœtter; Vienne,
1873.
LAROCHE (Benjamin), publiciste français, né à Paris le
23 mars 1797, mort à Paris le 8 janv. 1852. Professeur,
il fut condamné en 1820 à six ans de prison pour la pu-
blication ÛQ^ Lettres de Vabbé Grégoire (2 vol. in-8).
Il passa en Angleterre, d'où il revint en 1827. Outre un
LAROCHE
968
grand nombre de bonnes traductions de l'anglais (Gold-
smith, Bentham, W. Irving, Shakespeare, Cooper, Byron,
Dickens, W. Scott, etc.), il a laissé : le Cri des Patriotes
français (Paris, 1819, in-8); les Funérailles de la
Liberté (1820, in-8); les Singes économistes (1832,
in-8) ; Histoire de U abolition de V Esclavage (1851,
in-8), etc.
LAROCHE (Armand), peintre français contemporain, né
à Saint-Cyr (Seine-et-Oise) en 1826. Elève de Drolling
et de Wachsmuth, cet artiste peint le genre, le paysage et
surtout le portrait. Les principales œuvres qu'il a exposées
sont : Portrait de l'auteur (1847), début ; le Repos des
Moisso7ineurs (1848) ; Faune faisant danser des Naïades
(1849); Café arabe près du Mahmoudieh (1865);
Bords de la Seine à Chaton (1866) ; la Chanson (1891).
Ces tableaux se distinguent par une composition gracieuse,
une touche facile et une coloration juste. Parmi les por-
traits, citons comme les meilleurs ceux de il/. Lapostolel,
artiste peintre ('J887); M"^ Laînê, de l'Odéon (1888); do
M. Ranc (iSS9); deM'^^L. Baigneur (iSd^)Xes portraits
sont d'un dessin élégant et serré qui assure à l'artiste une
place distinguée dans ce genre. Disons enfin qu'au Salon
de 1894, cet artiste consciencieux avait deux portraits de
jeunes filles, à l'huile et au pastel, qui ne le cédaient pas
ei mérite aux précédents. Ad. Thiers.
LAROCHE (Jules-Armand-Félix de La Roche, dit), ac-
teur français, né en 1841. Elève du lycée Charlemagne,
il ressentit de bonne heure la passion du théâtre, entra au
Conservatoire dans la classe de Provost, débuta le 19 août
1860 à la Comédie-Française, dans le rôle de Valère de
Tartufe. Dès l'année suivante, il y faisait une création
intéressante dans le Fils de Giboyer d'Emile Augier.
Pourtant il s'impatienta du peu qu'on lui faisait faire, et;
bientôt il quitta la Comédie pour aller chelcher fortune
ailleurs. On le vit alors successivement au Gymnase, à
l'Odéon, au Vaudeville, puis il pai tit pour l'Amérique avec
une troupe que son directeur laissa en plan à New York
ou à Boston, sans payer personne. De retour en France,
M. Laroche trouva l'occasion de jouer le drame tantôt à la
Gaité, tantôt à la Portc-Saint-Martin, se faisant remar-
quer, entre autres, dans le rôle de Montéclain de la Clo-
serie des Genêts, et enfin, en mai 1870, il reparaissait
à la Comédie-Française dans le Néron de Britannicus ;
cette fois, il ne devait plus la quitter. Il s'y fit remarquer
par des qualités plus solides et sérieuses que brillantes,
par une conscience rare, par le soin qu'il apportait dans
tous ses rôles. Que ce fût dans la comédie, dans le drame
ou dans la tragédie, c'était toujours l'artiste amoureux de
son art, un peu dépourvu de flamme, sinon de passion,
mais sachant tirer parti de tous les personnages et mettre
en leur plein relief ce qu'ils pouvaient offrir d'intéressant.
En dehors du répertoire, oti il a occupé une place impor-
tante, on lui a vu faire diff'ércntes créations, entre autres
dans Antoinette Rigaud, la Fille de Roland, Rome
vaincue^ Œdipe roi, etc., etc. M. Laroche, qui avait été
reçu sociétaire en 1875, a pris sa retraite au mois
d'avril 1893. Arthur Poogin.
LA ROCHE-Aymon (Antoine-Charles-Etienne-Paul, comte
de), général et homme politique français, né à Paris le
28 févr. 1772, mort à Paris le 16 mai 1849. Lieutenant
à seize ans, il prit parti contre la Révolution, fil la cam-
pagne de 1792 à l'armée des princes, puis entra au service
de la Prusse, qu'il ne quitta qu'en 1812, avec le grade de
général-major. Nommé par Louis XVIII maréchal de camp
(1814), puis pair de France (1815), il prit part en 1823
à l'expédition d'Espagne, d'où il revint lieutenant général.
RaUié en 1830 à la monarchie de Juillet, il ne rentra dans
la vie privée qu'après la révolution de Février (1848). On
lui doit plusieurs ouvrages techniques, parmi lesquels nous
citerons : Introduction à Vétude de l'art de la guerre^
(1802-4, 4 vol. in-8 avec atlas); Manuel du service de
la cavalerie légère en campagne (1821, in-8) ; De la
Cavalerie (1828-29, 3 vol. in-8). A. Debidour.
LAROCHE-DuBouscAT (Antoine, baron), général fran-
çais, né à Condom le 16 déc. 1757, mort le 21 juin 1831.
Destiné au barreau par des traditions de famille, ses goûts
pour la carrière militaire le décidèrent en 1774 à prendre
du service d'abord comme simple dragon dans le régiment
de Monsieur, puis il passa ensuite au service de la Hol-
lande dans la légion de Luxembourg oii il fut nommé ca-
pitaine aide-major. Rentré en France quelques années
avant la Révolution dont il embrassa la cause avec ardeur,
Laroche prit part à la prise de la Bastille et revint en Gas-
cogne pour accélérer le mouvement révolutionnaire. Elu chef
de bataillon des volontaires des Landes, il servit à l'armée
des Pyrénées-Occidentales où il remplit les fonctions de chef
d'état-major. Nommé général de brigade le 2 oct. 1793,
il attaqua Saint-Jean-de-Luz, défendu par 15,000 Espa-
gnols, et les mit en déroute. Envoyé par le Directoire à
l'armée du Rhin sous les ordres de Moreau, il s'y signala
dans plusieurs occasions, particulièrement à la victoire de
Neresheim gagnée sur les Autrichiens. Couvert de bles-
sures, il prit sa retraite en 1808. Emile Bernard.
LAROCHE DU Maine (Jean-Pierre-Louis de Luchet,
marquis de), littérateur français, né à Saintes le 13 janv.
1740, mort à Paris en 1792. Officier de cavalerie sans
fortune, il démissionna pour se livrer à des spéculations
industrielles qui ne réussirent pas. Voltaire le fit nommer
bibliothécaire du landgrave de Hesse ; de Laroche entra
ensuite au service de Henri de Prusse. Rentré en France
au début delà Révolution, il fonda h Journal de la Ville
{{^''^ août 1789) dont le programme était d'abord fort dé-
mocratique, mais qui adoucit bientôt sa nuance en devenant
le Joîirnal de la Ville et des Provinces ou le Modéra-
teur, avec la collaboration de Fontanes, deFlins et autres.
Laroche du Maine a beaucoup écrit. Citons : les Nymphes
de la Seine (Paris, 1763, in-12) ; Considérations sur
rétablissement de la religion réformée en Angleterre
(1765, in-12); Histoire de V Orléanais (1766, in-4) ;
Nouvelles de la République des lettres (c'est un journal
qu'il créa à Lausanne en 1775 et qui forme 8 vol. in-12) ;
Dissertation sur Jeanne d'Arc (1776, in-8) ; Recueil
de poésies (1777, in-12); Eloge de M. de Voltaire
(1778, in-8); le Pot-Pourri (1781, 4 vol. in-8) (c'est
encore une gazette, qui fut continuée [de 1782 à 1785,
10 vol. in-8] par le Journal des gens du monde; Laroche
publiait vers la même époque en Allemagne un autre journal,
le Conteur, qui jouissait d'une grande Nogue);Histoire litté-
raire de M. de Voltaire (1782, 6 vol. in-8) ; Petit Tableau
de Paris (1783, in-J2); la Comtesse de Tessan (1783,
in-12); le Vicomte de Barjac (1784, 2 vol. in-12);
Paris en miniature (1784, ïn-12) ; Mémoires de i¥"« de
Baudéon (1784, in-12); Mémoires pour servir à lliis-
toire du comte de Cagliostro (1785, in-8) ; Essai sur
la secte des Illuminés (1789, in-8); U7îe Seule Faute ou
les Mémoires d'une demoiselle de qualité (1788-90,
2 vol. in-12); Mémoires pour servir à l'histoire de
l'année 1189 (1790, 4 vol. in-8). Mentionnons encore /a
Galerie des Etats généraux, puis la Galerie des Dames
françaises (1789-90) qu'il rédigea avec Mirabeau, Ri-
varol et Choderlos de Laclos. R. S.
LA ROCHE-Fontaine (V. Fontaine [Jacques]).
LAROCHE-JouBËRT (Jean-Edmond), homme politique
français, né à La Couronne (Charente) le 12 janv. 1820,
mort à Angoulêmele 23 juil. 1884. Directeur d'une grande
fabrique de papier dont il accrut considérablement l'impor-
tance, il fut, avec l'appui du gouvernement, envoyé au
Corps législatif par la première circonscription de la Cha-
rente en 1868, et réélu l'année suivante. Il joua un rôle
assez marqué dans le tiers parti qui provoqua l'éclosion
de l'empire libéral (1869-70). La révolution du 4 sept, le
rejeta dans la vie privée. Mais, après plusieurs candidatures
malheureuses, il fut élu député d'Angoulême le 20 févr. 1876.
11 siégea dans le groupe bonapartiste de la Chambre, sou-
tint le ministère de Broglie pendant la crise du 16 mai et
fut réélu le 14 oct. 1877, puis le 21 août 1881. Son
hostilité à l'égard de la République ne l'empêchait pas
(ses nombreux discours en font foi) de poursuivre certaines
réformes financières et sociales réclamées depuis long-
temps par la démocratie. A. Debidour.
LAROCHE -JouBERT (Edgar- Jean), homme politique
français, né à Angoulême le 12 sept. 1843, fils du pré-
cédent. Il succéda à son père dans la direction de la pape-
terie, et, le 14 sept. 1884, comme député de la première
circonscription d'Angoulème, siégea dans le groupe bona-
partiste et prit aux déî)ats, surtout sur les questions bud-
gétaires, une part considérable. Réélu en 1885, il appuya
le boulangisme et fut encore réélu en 1893 avec le pro-
gramme des ralliés.
LA ROCH E-GuiLHEM (Mii« de) (V. Rochë-Gcjilhem [La]).
LA ROCHE-GuYON (Perrette de La Rivière, dame de)
(V. Roche-Guyon).
LA ROCHEFOUCAULD (V. Rochefoucauld [La]).
LA ROCHEJAQUELEIN (V. Rochejaquelein [La]).
LA ROCHELLE (V. Rochelle [La]).
LAROCH ELLE (Barthélemy),acteur français, né en 1751
ou 1752, mort à Paris le 9 avr. 1807. Il faisait partie de
la troupe de Versailles lorsqu'il vint débuter à la Comédie-
Française, le 12 déc. 1782, dans l'emploi des valets et ce
qu'on appelait alors « la grande livrée ». Il joua le pre-
mier soir, avec un grand succès, VAndrienne et Crispin
rival de son maître^ et se montra successivement dans
le Dépit amoureux^ les Plaideurs, Vlmpromptu de
campagne^ le Joueur^ les Folies amoureuses,.., D'une
taille ordinaire et bien dégagée, avec un masque mobile et
expressif, un œil vif, perçant et spirituel, une tournure
leste, des mouvements décidés, Larochelle apportait dans
tous ses rôles un feu, un aplomb, une intelligence remar-
quables, en y joignant un débit plein de verve et de mor-
dant. Il a été certainement l'un des meilleurs « valets »
qu'on ait connus à la Comédie-Française.
LA ROCHEPOSAY(V. Rocheposay [La]).
LA ROCHETTE (V. Rochette [La]),
LARODDE. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. d'Is-
soire, cant. de Tauves; 1266 hab.
LAROIN. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, a?rr. et
cant. (0.) de Pau; 459 hab.
LAROMBIÈRE (Léobon- Valéry-Léon Jupile), magistrat
français, né à Saint- Vaury (Creuse) le 23 déc. 1813, mort
à Saint- Vaury le 12 juin 1893. Il était entré dans la ma-
gistrature en 1841 et, après avoir commencé sa carrière
dans les parquets, il devint en 1855 président de chambre
à la cour d'appel de Limoges où il était auparavant avocat
général. En 1869, il fut nommé conseiller à la cour de cas-
sation et, en 1875, premier président de la cour d'appel de
Paris. Il avait été élu membre de l'Académie des sciences
morales et politiques le 1®' févr. 1879. Le plus important
de ses ouvrages est : Théorie et pratique des obligations
(Paris, 1857-58, 5 vol. in-8). Une nouvelle édition a été
publiée, augmentée de la jurisprudence belge (Bruxelles,
1862, 3 vol. gr. in-8). Larombière a aussi donné des tra-
ductions en vers du de Natura rermn de Lucrèce (Paris,
1878 ; 2^^ éd., 1879, in-8), et des Géorgiques de Virgile
(Paris, 1882, gr. in-8). ' G. R^.
BiriL. : Le Tribunal et la Cour de cassation; Paris,
187U; p. 319.
LAROMIGUIÈRE (Pierre), philosophe français, né à
Livignac (Aveyron) le3 nov. 1756, mort à Paris le 12 août
1837. Membre de la congrégation des doctrinaires, il tit sou-
tenir à Toulouse par ses élèves, dès 1784, une thèse — le
Droit de propriété est violé toutes les fois que les im-
pôts sont levés arbitrairement^ — que censura le par-
lement. Six ans plus tard, il y enseignait pubhquement la
philosophie sociale. En 1793 ]^diVÛ%^d^XmiPro jet d'éléments
de rnétaphysique, « chef-d'œuvre de clarté et de style »,
fort bien accueilli deSieyès, deCabanisetde DestuttdeTracy.
Bientôt associé à l'Institut, Laromiguière y lit deux Mé-
moires, où, comme dans le Projet^ il se sépare de
Condillac, pour accorder à l'attention une place importante.
- 969 - LAROCHE ~ LAROMIGUIÈRE
Editeur de Condillac (1798), qu'il admire, il devient pour
un temps son fidèle disciple. Le 18 brumaire le fait en-
trer au Tribunat, dont il est éliminé avec Daunou et
J.-B. Say, Benjamin Constant, Chénier et Desrenaudes. Bi-
bliothécaire au Prytanée, il publie les Paradoxes de Con-
dillac (1805), où il pousse les théories de la Langue des
Calculs jusqu'à leur dernier terme. Dans la science, il ne
voit qu'une longue série d'identités ; dans le raisonnement,
qu'un calcul où l'on passe d'une proposition identique à
une proposition identique ; dans les idées générales, que
des signes, des mots, des dénominations. Professeur à la
faculté des lettres, il y attire, de 1811 à 1813, la jeunesse
et « tout ce que la capitale a d'esprits éclairés et élégants
dans les deux sexes ». C'est, avec Garât et La Harpe, aux-
quels il est bien supérieur, avant Villemain, Guizot et Cou-
sin, le premier en date de nos professeurs éloquents. Eloi-
gné de sa chaire par une inflammation intermittente de la
vessie, il fit imprimer ses Leçons de philosophie (4815-
18). L'écrivain n'eut rien à envier au professeur; la cin-
quième édition est de 1833.
La doctrine est celle du Projet et des Mémoires, L'âme,
active par essence, tire les idées des sentiments et produit
les facultés de l'entendement, attention, comparaison, rai-
sonnement. Par l'attention, nous avons des idées exactes
et précises ; par la comparaison, des analogies, des liai-
sons, des rapports ; par le raisonnement, les principes et
leurs conséquences les plus éloignées. L'attention fournit
les faits, et, par une longue patience, rencontre les idées
de génie; la comparaison, par les rapports, donne de l'éten-
due au génie, que le raisonnement rend profond par les
systèmes. En cherchant ce qui lui agrée et en fuyant ce
qui lui répugne, l'âme active produit les facultés de la vo-
lonté, besoin, préférence et liberté. Entendement et volonté
constituent la pensée, et, bien employés, la raison. L'âme,
par cela qu'elle est active, est immortelle.
On a exagéré l'originalité de Laromiguière, pour faire
oublier de Tracy et Cabanis; on ne s'est pas souvenu que
de Tracy et Lamarck, Draparnaud et Degérando ont traité
de l'attention et de l'activité de l'âme. Mais on n'a pas
exagéré son influence, qui a été considérable. Il y a eu en
France une école de Laromiguiéristes, dont les membres
les plus connus sont Armand Marrast et Cardaillac. L'Italie a
rangé Laromiguière parmi les « métaphysiciens classiques »;
Victor Cousin, Jouffroy, l'ont continué" et loué plus encore
que combattu. Les Leçons sont restées « un livre consa-
cré », sous le second Empire, pour des criticistes comme
pour des spiritualistes. M. Taine, cherchant à concilier
Comte et Hegel, complétait l'éloge de Laromiguière par une
virulente critique de ses successeurs. C'est que Laromi-
guière rassurait, par ses doctrines spiritualistes et chré-
tiennes, ceux qu'effrayait l'idéologie physiologique et ra-
tionaliste de ses illustres amis ; sa méthode, qui rappelait
Condillac, et ses habitudes de probité scientifique attiraient
ceux qui, continuateurs des idéologues, voulaient faire de
la psychologie une science positive ; son style aimable, sobre
et insinuant, charmait les lecteurs comme l'homme avait
enchanté ses disciples et séduit les adversaires de ses doc-
trines. Pour toutes ces raisons, Fcpuvre de Laromiguière
sera mentionnée et consultée par les historiens des idées
au xix^ siècle. F. Pkîwet.
BiBL. : Les articles Biran, Destutt de TjiacYj Idéo-
logie {avec leur bibliographie). La septième édition des
Leçons (1858) est la plus complète ; il faut y joindre le
Projet, qui n'a pas été réimprimé et les Mémoires (Insti-
tut national, 1. 1, p. 451 à 461 ; 467 à 474). — Mignet, Notice
historique, dans Comptes rendus de CAc, des se. m. et p.
— Damiron, Essai sur la philosophie en France au
xix« siècle. — Biran, Examen des Leçons de philoso-
phie. — Victor Cousin, De Methodo sive de anaîysi; Le-
çons de M. Laromiguière (Fragm. pli.) ; préface de la
seconde édition des Fragments (1833). — Daunou, Notice
sur Laromiguière — A. Marrast, id.— S aphary, TEcoie
éclectique et l'Ecole française., 1844. ■— Mallet, Mém. de
l'Ac. des se. m. et p., 1847. — Paul Janet, Liberté de
penser., 1849. — Valette, Laromiguière et l'Eclectisme.
— TissoT, Mémoires de V Académie de Dijon, 1854-55. —
Lamé, Philosophie de Laromiguière., 1867. — H, Taine
LAROMIGUIÈRE — LARRA
~ 970 —
les Philosophes classiques du xix« siècle. — Gatien Ar-
NOULT, Etude sur Laromiguière. — Compayré, Notice sur
Laromiguière (Ac. des Jeux floraux, 1869 et 1878). — Fer-
RAz, Spiritualisme et Libéralisme. — F . Pigavet^Ics Idéo-
logues (avec des lettres inédites de Laromiguière), 1891.—
Du môme, les Idéologues^ pp. 548-570.
LA RONCIÈRE Le Noury (V. Rongière [La]).
LARONXE. Com. du dép. de Meurthe-et-Moselle, arr. et
cant (S.) de Lunéville; 480 hab.
LAROQUE. Corn, du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Cardillac ; 497 hab.
LAROQUE. Corn, du dép. de l'Hérault, arr. de Mont-
pellier, cant. de Ganges; 505 hab.
LAROQUE-de-Fa. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Car-
cassonne, cant. de Mouthoumet; !278hab.
LAROQUE-des-Albères. Corn, du dép. des Pyrénées-
Orientales, arr. de Céret, cant. d'Argelès; 1,245 hab.
LAROQUE-GAGEÂG.Com. du dép. de la Dordogne, arr.
cl cant. de Sarlat; 643 hab.
LAROQUE-TiMBAUD. Gh.-l. de cant. du dép. de Lot-
et-Garonne, arr. d'Agen; 4,179 hab. Cette ancienne ju-
ridiction a appartenu simuUanément, du xiv*^au xyi*^ siècle,
à de nombreux coseigneurs, les Durfort de Bajamont, du
Laurier, Laberganter, de Cours, Darvies, Monfabès. Les
Villemont d'Auterive, Nesmond, Raffin l'ont possédée aux
XYii® et xYiu^ siècles. Un château fort, totalement dé-
truit, dominait le Yillage. Occupé par les Anglais au mi-
lieu du XI Y® siècle, il fut pris et repris en 1417 par les
Agenaisque gênait ce Yoisinage. — Dans le Yallon de Saint-
Germain, une source dite miraculeuse était autrefois un but
de pèlerinage. G. Tholin.
LAROQU E-Toirag. Com. du dép. du Lot, arr. de Figeac,
cant. de Cajarc ; 346 hab.
LAROQUE (S. -G. de), poète français, né à Clermont
(BeauYaisis) en 1550, mort vers 1615. Disciple de Ron-
sard, imitateur de l'Arioste et d'Ovide, il publia : Premières
Œuvres (Paris, 1590), jointes à ses Œuvres (1619), trois
liYres de poésies amoureuses et d'odes, d'élégies, etc.
LAROQUE (Jean de), littérateur français, né à Mar-
seille en 1661, mort à Paris le 28 déc. 1745. Il est
connu par ses Yoyages en Orient. Œuvres princi-
pales : Voyage dans V Arabie Heureuse (Paris, 1716,
in-12); Voyage dans la Palestine (1717, in-'12);
Voyage en Syrie et au mont Liban (1722, 2 yoI. in-12);
Marseille savante ancienne et moderne (1726, in-12).
LA ROQUE, pseudonyme de Louis Boyer (V. ce nom).
LA ROQUELROU (V. Roquelrou [La]).
LAROQU EVl El LLE. Com. du dép. du Cantal, arr. et
cant. (N.) d'Aurillac ; 855 hab.
LAROUCO (Sierra de). Montagnes d'Espagne (au S. de
la Galice) et du Portugal ; elles se dirigent du N. au S. ;
leur point culminant, le pic de Larouco (1,580 m.) est sur
la frontière, de même que la Raya Seca et la sierra de
Gérez (1,468 m.) qui s'en détachent vers i'O. Au S., en
Portugal, la sierra de Larouco se prolonge par la serra da
Cabreira (1,279 m.) et la serra da Catalina jusqu'à Porto.
Sa flore est très riche.
LAROUILLIES. Com. du dép. du Nord, arr. et cant.
(S.) d'Avesnes; 424 hab.
LA ROUNAT (Aimé-Nicolas-Charles Rouyenat de), lit-
térateur français, né à Paris le 16 avr. 1818, mort à Pa-
ris le 25 déc. 1884. Secrétaire de la commission du travail
instituée en 1848 au Luxembourg et présidée par Louis
Blanc, il abandonna bientôt la politique militante pour le
théâtre et fit représenter soit seul, soit en collaboration
avec Montjoie et Siraudin, un certain nombre de vaude-
villes, avant de prendre la direction de l'Odéon (1^^ juil.
1856-juin 1867), durant laquelle furent jouées, entre autres
pièces importantes, Gaëtana d'Edmond About, le Marquis
de Villemerôe GeorgeSamàet la Contagioné'EmilQAngier.
Chargé pendant quelques années du feuilleton dramatique
du X/X* Siècle^ il reprit, le 8 févr. 1880, la direction do
rOdéon et la conserva jusqu'à sa mort. M. Tx.
LAROUSSE (Pierre), lexicographe et éditeur français,
né à Toucy (Yonne) le 23 oct. 1817, mort à Paris le 3 janv.
1875. Elève de l'école primaire de son village, puis du
collège de Versailles, il fut ensuite directeur de l'école pro-
fessionnelle de Toucy et professeur libre à Paris. En 1851 ,
il fonda une hbrairie classique où il édita, outre une col-
lection de livres élémentaires rédigés par lui-même et par
son associé, M. Aug. Boyer, ainsi que deux journaux
spéciaux, V Ecole normale {i%^^) et l Emulation {\%^Q).,
deux répertoires de citations: Fleurs latines (1862, gr.
in-8); Fleurs historiques (1863, gr. in-8). L'année sui-
vante, il entreprit la mise au jour du Grand Dictionnaire
universel du xix^ siècle (1864-76, 15 vol. in-4), auquel
son nom est désormais attaché (V. Encyclopédie, t. XV,
p. 1013).
LA ROUSSELIÈRE-Clouard (Le baron Amédée de),
officier et littérateur français, né à Londres le 11 déc.
1805, mort à Liège le 13 mai 1872. Fils d'un émigré,
il entra en 1816 à l'Ecole de Saint-Cyr, prit part à la
campagne d'Espagne de 1823, à l'expédition d'Alger (1830)
et servit en Belgique comme aide de camp du général
Magnan (1832). Il démissionna (1836) peu avant son
mariage avec W^^ de Floen Adlercrona. Il est l'auteur de
plusieurs pièces de théâtre jouées avec succès en Belgique,
entre autres Don Carlos^ drame en vers, imité de Schiller.
LAROUT. District N. du Pérak (presqu'île de Malacca),
célèbre par ses mines d'étain.
BiBL. : V. Pérak.
LAROZE (Louis- Alfred), homme politique français, né
à Bordeaux le 5 avr. 1834. Avocat à Bordeaux, bâtonnier
de l'ordre, il fut élu en 1881 député de Blaye et s'inscrivit
à l'Union républicaine. Du 17 mai 1881' au 30 mars 1885,
il occupa les fonctions de sous-secrétaire d'Etat à l'inté-
rieur dans le second cabinet Ferry. Réélu en 1885, il
combattit le boulangisme et fut battu aux élections géné-
rales de 1889 par le marquis de Lur-Saluces dans Tarr.
deBazas. Il ne s'est pas représenté en 1893.
LAROZE (Pierre), homme pohtique français, né à Li-
bourne le 25 mai 1861. Auditeur au conseil d'Etat, il fut
élu en 1893 député de l'arr. de La Réole par 7,619 voix
contre 5,436 à M. Robert-Mitchell.
LARRA (Mariano-José de), poète, auteur dramatique et
célèbre pamphlétaire espagnol, né à Madrid le 24 mars
1809, mort à Madrid le 43 févr. 4837. Fils d'un médecin
qui suivit la fortune du roi Joseph, il fit ses premières
études en France et retourna en Espagne en 1817. Lancé
passionnément dans la littérature, il devint célèbre, dès
l'âge de vingt-trois ans, par son pamphlet périodique, sous
forme épistolaire: El Pobrecito Hablador (1832), que le
gouvernement fit supprimer après le quatorzième numéro.
Il publia ensuite, dans la Revista espanola et dans El
Mundo^ sous le pseudonyme de Figaro, une série d'études
de mœurs et d'articles satiriques, œuvre géniale, grâce à
de rares qualités de style et d'expression. Sous l'ana-
gramme de Ramon Arriala, il arrangea pour la scène espa-
gnole plusieurs pièces de Scribe et de Ducang e et donna
au théâtre deux œuvres originales, une comédie : JSo mas
mostrador, et un drame historique, Macias, dont le héros
est le célèbre troubadour galicien de ce nom. Il consacra
au même personnage une charmante nouvelle : El Doncel
de Don Enrique, el doliente, mais la vérité historique
n'est observée dans aucune de ces œuvres. Il écrivit encore
un essai d'histoire contemporaine: De iSSO d i835, o
la Espana desde Fernando Vllhasta Mendizabal (1836)
et traduisit les Paroles d'un croyant, de Lamennais. Son
dernier morceau célèbre, le Figaro au cimetière, écrit le
jour des morts 4836, reflète une lassitude et une mélan-
colie extrêmes. Dégoûté de la société, frappé au cœur par
suite de l'abandon de la part d'une femme aimée, il s'ôta
la vie. Tout Madrid suivit ses funérailles, et sur sa tombe
se révéla, par des strophes enflammées et dolentes, un jeune
poète de dix-huit ans, José Zorrilla (V. ce nom) . Ses œuvres
complètes ont été publiées à Madrid en 1843 (4 vol. in-8,
- 971
LAMA - LARREY
avec une biographie de l'auteur par C. Certes), et à Paris
en 1848 (2 vol. gr. m-8).
Son fils, Luis-Mariano de Larra, se fit aussi connaître
comme auteur dramatique, mais il gaspilla un talent consi-
dérable dans une production surabondante et hâtive. Ses
meilleures pièces sont : Las Hijas de Eva, comédie de
cape et d'épée; Los Infiernos de Madrid; Bienaventu-
rados los que lloran, G. Pawlowski.
BiBL.: Ch. DE Mazade, l'Humoriste espagnol Larra,
dans Revue des Deux Mondes, 15 janv. 1848- — Calvo-
AsENsro, El Teatro hispano-lusitano en el siglo XIX ;
Madrid, 1869.
LARRABURE (Augustin-Raymond), homme politique
français, né à Saint-Jean-Pied-de-Port le 16 janv. 1799,
mort à Argagnon (Basses-Pyrénées) le 18 avr. 1875.
Ancien négociant, il représenta, de 1849 à 1851, les
Basses-Pyrénées à l'Assemblée législative, où il soutint la
politique de l'Elysée, fut présenté en 1857 comme candi-
dat ofliciel dans la deuxième circonscription de ce départe-
ment, siégea près de douze ans au Corps législatif, oti il
prit une part active aux discussions budgétaires et montra
un dévouement sans réserve au gouvernement impérial,
prit place au Sénat le 6 mai 1869 et fut rejeté dans la vie
privée par la révolution du 4 septembre. À. Debidour.
LARRAGA (Apolinario), peintre espagnol, né à Valence
dans la seconde moitié du xvii*^ siècle, mort à Valence en
1728. S'il ne fut pas élève de Pedro Orrente, ainsi qu'on
le croit généralement dans sa patrie, il étudia du moins
les ouvrages de ce maître, car les siens propres s'en ins-
pirent aussi bien pour le coloris que pour le caractère.
Larraga fut surtout un habile clair-obscuriste. Il fut chargé
de décorer de peintures et d'ornements le monument que
l'on élève pendant la semaine sainte dans la cathédrale de
Valence. Plusieurs de ses peintures exécutées pour les églises
de cette ville ont disparu ainsi que des portraits de domi-
nicains célèbres qui existaient jadis dans le couvent de Saint-
Dominique. 11 eut une fille, Josefa-Maria, qui, malgré
qu'elle fût estropiée des mains, exerça la peinture et devint
surtout une assez habile miniaturiste. Elle avait ouvert chez
elle un cours de dessin très fréquenté et qui existait encore
en 1738. P. L.
LARRAMENDI (Manuel de), philologue espagnol, né
dans le Guipùzcoa en 1690, mort en 1776. Fils de D. Ga-
ragorri, il adopta le nom de sa mère en entrant dans la
Compagnie de Jésus. Professeur de théologie à Salamanque
et confesseur de la veuve de Charles II, il se voua exclu-
sivement à l'étude de la langue basque et contribua sé-
rieusement à en élucider les origines et à faire apprécier
la richesse. Il publia à cet égard : De la Antiguedad y
universalidad del bascuense en Espana (Salamanque,
1728, in-8) ; El Impossible vencido. Arte de la lengua
bascongada (id,, 1729) ; Diseur so historico sobre la
antigua famosa Cantabria (Madrid, 1736; Saint-Sébas-
tien, 1853) ; Diccionario trilingue castellano, bas-
cuense y latin (Saint-Sébastien, 1745, 2 vol. in-fol. ;
id,, 1853, 2 vol. in-4), précédé d'une grammaire (trad.
en fr. par S.-H. Blanc ; Lyon, 1854). G. P-i.
BiBL. : Julien Vinson, Bibliographie basque^ 1893, in-8-
LARRAU. Corn, du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Mauléon, cant. de Tardets; 857 hab.
LARRAZ (Carlos), peintre espagnol contemporain, né à
Sarragosse et élève des cours des académies de San Luis
et de San Fernando. Venu à Paris pour se perfectionner
dans son art, Larraz entra dans l'atelier de Couture. Deux
de ses compositions, exécutées en 1856 et 1858 et exposées
à Madrid aux mêmes époques, furent acquises par l'Etat et
font partie du musée du Fomente. La première est intitulée
Paysanne de la Manche en prières, et la seconde, Ar-
restation de Lanuza, P. L.
LARRAZ ET (Aresetum), Com. du dép. de Tarn-et-
Garonne, arr. de Gastelsarrasin, cant. de Beaumont ; 728
hab. Bastide fondée par Guillem Jaufrei, abbé de Belle-
Perche; les coutumes de la nouvelle ville datent de 1265;
on en a une rédaction en provençal, assez défectueuse,
publiée par Cabié, Chartes de coutumes inédites de la
Gascogne toulousaine (pp. 144 et suiv.). Dès 1284,
Larrazet est ville consulaire. Eglise du xm^ siècle, château
du xv^.
BiBL. : MouLENQ, Documents sur le Tarn-el-Garonne,
I, passim.
LARRÉ. Com. du dép. du Morbihan, arr. de Vannes,
cant. de Questembert ; 752 hab.
LARRc. Com. du dép. de l'Orne, arr. et cant. (E.)
d'AIençon; 273 hab.
LARRESINGLE. Com. dudép. du Gers, arr. et cant. de
Condom ; 278 hab.
LARRESORRE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. de Bayonne, cant. d'Ustarits; 810 hab.
LARRET. Com. du dép. du Finistère, arr. de Brest, cant.
de Ploudalmezeau ; 144 hab.
LARRET. Com. du dép. de la Haute-Saône, arr. de
Gray, cant. de Champlitte; 158 hab.
LARR EU LE(/?^^2z/a). Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Orthez, cant. d'Arzacq; 346 hab. Vestiges d'une
ancienne abbaye bénédictine fondée en 977 et supprimée
au XYiii® siècle.
LARREULE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Tarbes, cant. de Maubourguet; 634 hab.
LARREY. Com. du dép. de la Côte-d'Or, arr. de Châ-
tillon-sur-Seine, cant. de Laignes; 341 hab.
LARREY (Isaac de), sieur de Grand-Champ et de Cour-
menil, historien français, né à Montivilliers le 7 sept. 1638
ou, suivant d'autres, le 25 janv. 1639, mort à Berlin le
17 mars 1719. Avocat en renom à Montivilliers, il subit
des persécutions parce qu'il appartenait à la reUgion ré-
formée et passa en Hollande, puis en Prusse où il devint
conseiller aulique et lecteur de Sophie-Charlotte. OEuvres
principales : Histoire d'Auguste (Berlin, 1690, in-8);
Histoire d'Eléonore de Guyenne (1691, in-12) ; Histoire
d'Angleterre, d'Ecosse et d'Irlande (1697-1713, 4 vol.
in-fol.) ; Histoire des Sept Sages (1713-16, 2 vol. in-8) ;
Histoire de France sous le règne de Louis A7F(1718-
1721, 3 vol. in-4), qui fut continuée par Bruzen de La
Martinière.
LARREY (Alexis), chirurgien français, né à Baudéan
(tIautes-Pyrénées) en 1750, mort à Toulouse le 17 déc.
1827. Ayant fait ses études à Toulouse, sous la direction
d'un chirurgien distingué. Bonnet, il concourut pour une
place de chirurgien de cette ville et succéda bientôt à son
maître, comme chirurgien en chef de l'hôpital général. Il
professa librement l'anatomie et la chirurgie, devint lau-
réat et correspondant de l'Académie de chirurgie, et la
Société de médecine de Toulouse, dont il fut l'un des fon-
dateurs, ayant pris l'initiative d'un ensemble complet de
cours destinés aux étudiants, Alexis Larrey continua son
enseignement avec succès et devint directeur de l'Ecole de
médecine de la ville. Il était correspondant de l'Académie
de médecine. D^ A. Bureau.
LARREY (Dominique-Jean, baron), chirurgien français,
né à Baudéan (Hautes-Pyrénées) le 8 juil, 1766, mort à
Lyon le 1®' août 1842, neveu du précédent. Il avait com-
mencé ses études médicales près de son oncle, à Toulouse,
et en 1787, à la suite d'un concours, il s'embarquait d'abord
sur la frégate la Vigilante, envoyée en mission dans PAmé-
rique du Nord. De retour à Paris, il continue ses études,
puis en 1792, il est attaché à l'armée du Nord. Dès les
premiers combats, la lenteur avec laquelle les blessés étaient
transportés du champ de bataille dans les ambulances sou-
vent éloignées l'impressionna vivement, et il improvisa un
système d'ambulances volantes, création qui le rendit bientôt
célèbre. 11 fut promu au grade de chirurgien principal de
l'armée et reçut une récompense de l'Académie de chirur-
gie. Un intervalle de paix, en 1796, le fait nommer profes-
seur à l'Ecole pratique du Val-de-Grâce, créée récemment,
puis il part pour l'Egypte. Dès lors, il assiste à' toutes les
grandes expéditions militaires de la République et de l'Em-
LARREY — L'ARRONGE
972
pire; tous les champs de bataille sont témoins de son
dévouement ; on l'a vu avec son ambulance enlever les
blessés pendant l'action. Il surveillait ensuite les soins
consécutifs, l'alimentation et l'hygiène de tous ceux qui de-
vaient séjourner dans les hôpitaux ou ambulances fixes;
aussi les soldats Favaient-ils surnommé : la Providence.
Successivement chirurgien en chef de divers corps d'armée,
inspecteur général du service de santé, chirurgien en chef
delà garde, baron de l'Empire, tenu à l'écart, après la chute
de Napoléon, parce qu'il n'était pas courtisan ; mais la noto-
riété de Larrey le fit rappeler à l'activité. Il fut nommé
membre de l'Académie de médecine dès sa fondation, en déc.
1820, et membre de l'Institut en d829. Le baron Larrey est
une des gloires de la chirurgie militaire. Nous citerons de
lui : Dissertation sur les amputations des membres à la
suite des coups de feu (1803) ; Relation historique et
chirurgicale de r expédition de f armée d'Orient en
Egypte et en Syrie (1803) ; Mémoires de chirurgie
militaire et campagnes (1812-17); Recueil de chi-
rurgie (1821) ; Mémoire sur une nouvelle manière de
réduire ou de traiter les fractures des membres^ com-
pliquées de plaies (1825); Clinique chirurgicale exer-
cée particulièrement dans les camps et les hôpitaux
militaires depuis 1192 jusqu'en iSkO (1829-36, 5 vol.
et atlas) ; Relation médicale des campagnes et voyages
de 1815 à 1840 (1841). Nombreux articles dans les
BiUletins et Mémoires de l'Académie de médecine et
de r Académie des sciences, les Actes de la faculté de
médecine de Paris, le Dictionnaire des sciences mé-
dicales, D*" A. DUREAU.
LARREY (Félix-Hippolyte, baron), chirurgien français
contemporain, né à Paris le 18 sept. 1808, fils du précé-
dent. Après de bonnes études au collège Louis-Ie-Grand,
il a parcouru tous les grades de la hiérarchie du corps de
santé militaire, depuis sa nomination de chirurgien-élève
en 1828 jusqu'au grade de médecin inspecteur de l'armée
en 1838. Reçu docteur en médecine à Paris en 1832, il fut
reçu au concours professeur agrégé de la facuhé en 1835.
C'est aussi au concours qu'il fut nommé en 1841 profes-
seur de pathologie chirurgicale à l'Ecole de perfectionne-
ment du Val-de-Grâce. Il a fait les campagnes de Belgique
et du siège d'Anvers comme aide-major, celles d'Italie et du
Rhin comme médecin en chef. Suivant les traditions qu'il
tenait de son père, il s'est multiplié pour assurer autant que
cela était possible le bien-être des blessés et la bonne tenue
des ambulances. Elu député en 1877, on doit reconnaître
que son discours du 14 juin 1880, à propos du projet de
loi sur l'administration de l'armée, a rallié tous ses col-
lègues sur l'indispensabilité de consacrer d'une manière
définitive l'autonomie du corps de santé militaire. Membre
de l'Académie de médecine en 1830 et son président en
1863, il a été nommé membre de l'Institut en 1867.
M. Larrey jouit d'une grande autorité dans ces deux com-
pagnies, où son remarquable bon sens, sa courtoisie parfaite
et son élégante élocution sont toujours appréciées. Ajoutons
que M. le baron H. Larrey a employé la moitié restante des
100,000 fr. provenant du legs de Napoléon l^** à son père
à la création d'une salle d'asile et d'une école dans le pays
natal de Larrey. Nous citerons de ses nombreux travaux :
Traitement des fractures des membres par l'appareil
inamovible (1832) ; De la Méthode analytique en chi-
rurgie (1841) ; Etude sur la trépanation du crâne
dans les lésions traumatiques de la tête (1869), et un
grand nombre de mémoires et notices publiés dans les Bul-
letins et Mémoires de l'Académie de médecine, de la
Société de chirurgie, et dans le Recueil de médecine et
de chirurgie militaires. D^ A. Bureau.
LARRlBAR-SoRHAPURU. Com. du dép. des Basses-Pyré-
nées, arr. de Mauléon, cant. de Saint-Palais ; 266 hab.
LARRIEU (Jean-Baptiste-Amédée), homme politique
français, né à Brest le 2 févr. 1807, mort à Paris le
30 sept. 1873. Grand propriétaire dans le Bordelais, il
représenta en 1848 le dép. de la Gironde à l'Assemblée
constituante (1848), où il vota d'ordinaire avec le parti
répubUcain modéré. Non réélu en 1849, il combattit l'Em-
pire et fut en 1869, comme candidat de l'opposition
démocratique, envoyé au Corps législatif par les électeurs
de Bordeaux . Nommé préfet de la Gironde par le gouver-
nement de la Défense nationale (sept. 1870), il résigna ses
fonctions peu après (novembre), mais fut, le 2juil. 1871,
envoyé par ce département à l'Assemblée nationale, où,
comme membre de la gauche républicaine, il soutint le
gouvernement de Thiers. A. Debidour.
LARRIN6ES. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr. de
Thonon, cant. d'Evian ; 661 hab.
LARRIVÉE (Henri), chanteur dramatique français, né
à Lyon le 8 sept. 1733, mort à Vincennes le 7 août 1802.
D'abord garçon perruquier et venu jeune à Paris, le hasard
le fit remarquer pour sa belle voix de basse par Rebel,
directeur de l'Opéra, qui le fit entrer dans les chœurs de
ce théâtre et lui fit enseigner la musique. Engagé deux ans
après comme seconde basse, il débuta le 13 mars 1753
dans Castor et Pollux, et ne tarda pas beaucoup à se
mettre en évidence. La pureté de son organe vibrant et so-
nore, l'accent qu'il savait donner à sa déclamation le
firent remarquer en effet et ramenèrent assez rapidement
au rang de chef d'emploi, qui lui valut de brillants succès.
Il fut, dit-on, le premier qui sut donner à ce théâtre le
mouvement et le nerf que comporte le récitatif. Il fit de
nombreuses et heureuses créations, particulièrement dans
Hercule mourant, Silvie, Ernelinde, Omphale, Adèle
de Ponthieu, Sahinus,r Union de l'amour et des arts.
Mais c'est surtout lors de l'arrivée de Gluck en France que
ses succès, grâce aux conseils de ce grand homme, de-
vinrent éclatants et que son talent prit toute son ampleur.
Il se fit applaudir dans Agamennon &'lphigénieen Aulide^
dans Hercule à'Alceste, dans Ubalde à'Armide, dans
Oreste d'iphigénie en Tauride; puis il brilla dans les
grandes œuvres de Piccinni, de Sacchini et de Salieri :
Atys, Didon, les Danaïdes, Dardanus, Pénélope, ainsi
(fue dans la Caravane du Caire de Grétry, Thésée de
Gossec, Persée de Philidor, etc. Larrivée se retira en
1786, après plus de trente ans de services, et s'en alla en
province donner des concerts avec sa femme et ses deux
filles, dont l'une jouait de la harpe, et l'autre du violon.
Il se fixa ensuite à Vincennes, où il occupait l'emploi de
garde-consigne au château. A. Pougin.
LARRIVEE (Marie-Jeanne Lemierre, épouse), cantatrice
scénique française, née à Sedan le 29 nov. 1733, morte à
Paris en oct. 1786. Sœur d'un violoniste habile, elle était
douée d'une voix charmante et d'une rare beauté et devint
l'une des artistes les plus remarquables de l'Opéra, où elle
débuta en 1730 sous son nom de M^^^ Lemierre. Après
avoir fait quelques créations intéressantes, entre autres
dans Eîiée et Lavinie et les Fêtes de Paphos, elle fut
sur le point de, quitter ce théâtre, par suite d'une que-
relle avec Sophie Arnould, à qui elle disputait le rôle
très dramatique d'Oriane dans Amadis de Gaule, créa
quelques années après, avec un véritable succès, le rôle
très dramatique d'Ernelinde dans le bel opéra de Phi-
lidor qui porte ce titre. Parmi ses autres créations, il
faut citer encore celles qu'elle fit dans Silvie , Om-
phale, Ovide et Julie, Sabinus et Céphale et Procris.
Cette excellente artiste prit sa retraite en 1777. C'est
en 1762 que M^^® Lemierre avait épousé son camarade
Larrivée, ^ A. Pougin.
LARRIVIÈRE. Com. du dép. des Landes, arr. et cant.
de Saint-Sever ; 766 hab.
LARRIVOIRE. Com. du dép. du Jura, arr. de Saint-
Claude, cant. des Bouchoux ; 194 hab.
L'ARRONGE (Adolf), auteur dramatique allemand, né
à Hambourg le 8 mars 1838. Fils d'un acteur et directeur
de théâtre (mort en 1878), il fit jouer en 1866 sa pre-
mière comédie bouffe, Das grosse Los, suivie de plusieurs
autres, écrites en collaboration (comme Spiizenkœnigin,
Die Klœffer, etc.) ou par lui seul (Papa haVs erlaubt.
— 973 —
L'ARKONGE — LARROUMET
Die weisse KaUe, etc.). Le grand succès de sa pièce po-
pulaire, Mein Leopold (1873) le conduisit à essayer de la
comédie de mœurs où il se consacra à la peinture de la vie
berlinoise. A partir de 1881 , il devint dans la capitale pro-
priétaire du théâtre de Friedrich-Wilhelmstadt reconstitué
sous le titre de Deutsches Theater. Parmi ses meilleures
comédies, on peut citer : Alttagsleben (1874) ; Doktor
Klaus (1878); Hans Lonei({S^O); Der Kompagnon
(1880) ; Die Sorglosen (1882) ; Der Weg %iim llerzen
(1885) ; elles sont à tendance sentimentale. L'Arronge a
fait jouer aussi une tragédie, Die Loreley (1886).
LARRONS (ïconogr.). Les Evangiles rapportent que
Jésus-Christ fut crucifié entre deux condamnés, des voleurs
selon saint Mathieu, saint Marc et saint Luc. L'un de ces
malheureux se convertit au Christ, tandis que l'autre se
joignait à ses insulteurs. Le bon et le mauvais larron sont
figurés dans les tableaux complets de la Crucifixion, mais
on sait que les premiers chrétiens ne figuraient pas les
scènes pénibles de la Passion : ce fut k l'époque mérovin-
gienne que l'on prit goût à ces représentations, traitées
d'abord d'une façon sommaire et conventionnelle. Depuis
l'époque carolingienne, on trouve la Crucifixion représentée
comme aujourd'hui. Les deux larrons n'y apparaissent fré-
quemment que depuis le xiv^ siècle ; ils sont généralement
sur des croix plus petites que celles du Christ, et faites
autrement, soit d'un seul poteau, auxquels les bras sont
attachés au-dessus de la tête, soit en forme de T, soit avec
une courte traverse à laquelle les patients sont attachés par
les coudes au moyen de cordes: on a, en tout cas, cherché
à leur donner un aspect moins noble qu'au Christ. Les Evan-
giles ne mentionnent pas les noms de G estas et Dysmas par
lesquels le moyen âge a connu le mauvais et le bon larron,
pas plus qu'il ne nomme les personnages dont on a fait
après coup sainte Véronique, saint Longin et le porte-
éponge Stéphaton. Mais la piété curieuse des fidèles a sup-
pléé à ce silence sinon par une imagination pure, du moins
par des interprétations fautives de quelques inscriptions
grecques dont les artistes accompagnaient les représenta-
tions de la Passion. M. Clermont-Ganneau s'est livré à de
savantes recherches sur les noms de Gestas et Dysmas. Ce
dernier peut venir de oua[j.ai, accident, ou de Auatç, nom
qui figure en regard de 'AvaToXri sous les disques du soleil
et de la lune dans les médailles de Syrie et les tessères de
Palmyre. On sait, en effet, que souvent ces astres figurent
aussi au-dessus de la tète des larrons. Gestas, de son côté,
pourrait venir du mot IriaxoLi^ pris dans l'Evangile de saint
Marc (XV, 17). Enfin, les deux noms peuvent être tout
simplement la mauvaise lecture d'une phrase grecque inter-
rompue par la croix du Christ et qui pourrait être soit zlç
Tàç-|-8ua[xaç, soit, plus probablement : xoù; 86o ArjdTaç.
Les noms de Dysmas et Gestas se lisent dès le x^ siècle
dans Tévangéliaire de l'évêque Egbert à Trêves, au xi^ siècle
dans une peinture de Sant'Urbano alla Caffarella près de
Rome ; au début du xii^-, sur un bois sculpté des collections
du Louvre et sur une peinture du prieuré de Saint-Remy-
la~Varenne. Les croisés crurent avoir retrouvé la patrie
du personnage appelé saint Dysmas, dans une localité voi-
sine d'Emmaiis et appelée Latroun par corruption de Na-
troun (de natar^ garder). Ils lui décernèrent le titre de
« bourg du bon larron ». C. Enlart.
BiBL.: R. DE Lasteyrie, Gazette archéologique^ 1883. —
Clermont-Ganneau, Revue critique, 1883, 21 mai et 20 août;
1884, 29 sept.
L/VRROQUE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Saint-Gaudens, cant. de Boulogne-sur-Gesse ; 869 hab.
LARROQUE. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Bagnères-de-Bigorre, cant. de Castelnau-Magnoac ; 337 hab.
LARROQUE. Com. du dép. du Tarn, arr, de Gaillac,
cant. de Castelnau-de-Montmiral ; 616 hab.
LAR ROQUE-DES- Arcs. Com. du dép. du Lot, arr. et
cant. (N.) de Cahors; 388 hab. Ancien château avec don-
jon du xin® siècle.
LARROQUE-d'Olmès. Com. du dép. de l'Ariège, arr. de
Pamiers, cant. de Mirepoix; 1,121 hab. Fabriques de lai-
nages et de draps, carrières de pierres de taille. Larroque
existait dès l'époque romaine. L'église d'Oîmès n'est men-
tionnée qu'en 1163, mais le pays dit ULmensis est plus
anciennement cité; il paraît avoir compris la vallée de la
Lectouire, affluent de l'Hers; vers 1034, un acte nomme la
vicaria Olmensis. L'archidiaconé d'Olmès et de Savartès
était une subdivision de Févêché de Toulouse, et ce titre ca-
pitnlaire subsistera à Toulouse même après la création des
évêchés de Pamiers et de Mirepoix (131 7). Le pays d'Olmès
fit partie, à dater de la croisade, de la seigneurie de Mire-
poix. Le lieu de Larroque fut complètement brûlé par les
religionnaires en 1562, et à cette occasion exempté des
tailles pour dix ans. — Débris des anciennes murailles et
(le trois églises. Dans la forêt de Pujols, grotte de Peyro-
Trencado. L'église Notre-Dame-de-la-Roque dépendait au
xvi« siècle de l'abbaye Saint-Sernin de Toulouse.
LARROQUE-Engalin. Com. du dép. du Gers, arr. et
cant. de Lectoure; 142 hab.
LARROQUE-Saint-Sebnin. Com. du dép. du Gers, arr.
de Condom, cant. de Valence; 557 hab.
LARROQUE-sur-l'Osse, Com. du dép. du Gers, arr. de
Condom, cant. de Montréal; 511 hab.
LARROQUE (Matthieu de), controversiste réformé, né à
Leyrac en 1619, mort à Rouen le 31 janv. 1684, Il fut
pasteur à Vitré de 1644 à 1671, puis à Rouen jusqu'à sa
mort. Son Histoire de V FMcharistie (Amsterdam, 1669,
in-4; 2^ éd. en 1671, in-12) est le traité le plus com-
plet sur cette matière, et le plus important des ouvrages de
M. de Larroque, que l'on trouve énumérés dans \di France
protestante {i. VI, pp. 366 et suiv.).
LARROQUE (Daniel de), littérateur français, né à Vitré
vers 1660, mort à Paris le 5 sept. 1731. Fils du précédent, il
fut pasteur réformé, dut quitter la France en 1685, y revint
en 1690 pour abjurer le protestantisme. On a de lui une
Vie de Mahomet (Paris, 1699, in-12), traduite de l'an-
glais, une Vie de Mézeray (km%i^vàm\^ 1726, in-12), et
les premiers volumes d'une Histoire romaine (Paris,
1744, 16 vol.), continuée par l'abbé Guyon.
LARROQUE (Patrice), philosophe français, né à Beaune
(Côte-d'Or) le 27 mars 1 801 , mort à Paris le 15 juin 1879.
Après de fortes études, il prit son doctorat en 1827, fut pro-
fesseur de philosophie de l'université de 1821 à 1828, ins-
pecteur de l'académie de Toulouse de 1830 à 1836 et rec-
teur de l'académie de Lyon jusqu'en 1849, époque à laquelle
il fut mis en disponibilité. Il demanda sa retraite après le
coup d'Etat du 2 déc. — On a de lui : Theodicea (1827) ;
Influence du théâtre sur les mœurs (1827, 2 vol. in-4);
Mémoire sur V instruction publique (1831, in-8); Prin-
cipes de lecture (1837, in-8); Eléments des sciences
(1837; 2« éd., 1852, in-12): Cours de philosophie
(1840, in-8); De la Guerre (1856, in-8; 1869, in-12);
De l'Esclavage (1857; 3« éd., 1859, in-12); la Rénova-
tion religieuse (1859, in-8; 2^ éd., 1865-69, in-12);
Doctrine de la Religion chrétienne (1859, 2 vol. in-8;
2^ éd., 1865-69, 2 vol. in-12); Opinion des déistes sur
la Vie de Jésus de Renan (1863, in-8). Th. R.
LARROUMET (Gustave), littérateur français, né à
Gourdon (Lot) en 1852. D'abord simple maître répétiteur
au lycée d'Aix, il suivit les cours d'Eug. Benoist à la
faculté de cette ville et prit le grade de licencié es lettres.
Successivement professeur à Stanislas, à Vanves et à
Henri IV, il passa brillamment en 1884 ses thèses de
doctorat es lettres et fut nomme maître de conférences de
littérature française à la Sorbonne. Chef du cabinet de
M. Lockroy lors de son passage au ministère de l'instruc-
tion publique, il succéda, le 12 juin 1888, à Castagnary
comme directeur des beaux -arts et fut élu en 1.891
membre libre de l'Institut dans la même section. Il rentra
peu après à la Sorbonne avec le titre de chargé des cours
de langue et de littérature françaises et reprit avec succès
ses conférences aux matinées classiques del'Odéon. M. Lar-
roumet, dont la thèse française : Marivaux^ sa vie et ses
LARROUMET — LARTIGUE
— 974 ~
œuvres (1883, in-8) avait été couronné par l'Académie
française, a publié en même temps sa thèse latine : De
Quarto TibiiUi libro^ et donné depuis : Lord Brougham
(1879, in-8) ; /a Comédie de Molière, l'auteur et le
milieu (1886, in-18) ; Eludes d'histoire et de critique
dramatique (1892, in~18 : réunion de conférences et
d'articles de la Revue des Deux Mondes) ; Meissonier^
étude (1893, in-4 illustré). M. Tx.
LARRUN ou RHUNE. Montagne de 900 m. d'alt., au
S. d'Ascain (Basses-Pyrénées) et au S.-E. de Saint-Jean-
de-Luz, entre la Nivelle et la Bidassoa.
LARSCHE (Henri-Ferdinand de), philosophe neucMte-
lois, né en 1790, mort à Neucliâtel en sept. \H^'^, 11
étudia à Neuchâtel, Genève, Zurich et Gœttingue, s'épre-
nant surtout de philosophie. La mort l'empêcha de donner
sa mesure. On cite de lui une Dissertation sur le degré
de certitude qu'on peut obtenir au moyen du témoi-
gnage, un Essai sur la raison (Genève, 1822), très
discuté, et un Cours de philosophie resté manuscrit.
LARSEN (Johannes-Efraim), jurisconsulte danois, né à
Copenhague en 1799, mort à Copenhague en 18o6. Après
avoir fait ses études de droit dans sa ville natale, il fut
nommé secrétaire de police en 1826, puis commissaire de
police en 1828. Il publia la même année un travail impor-
tant sur l'histoire des lois provinciales danoises. Trois ans
plus tard, il fut appelé à l'université comme professeur
extraordinaire, et y fut nommé professeur ordinaire en
1836. A la Chambre, dont il fit partie à plusieurs reprises,
il était un des membres les plus influents du parti national-
libéral. Ses travaux les plus remarquables, dont quelcjues-
uns ont été traduits en allemand, sont : De Comitiis et
senaiu regni Danice anie mutatam A, i660 reipu-
hlicœ formam (Hauniae, 1838) ; De la Participation per-
sonnelle des rois de Danemark dans V administration
de la justice, des temps les plus anciens jusqu'à nos
jours (en danois, 1839); Exposition systérnatique de la
procédure danoise (en collaboration avecP.-G. Rang, en
danois, 1841-43 5 vol.) ; Rapport de la commission char-
gée par la Diète du royaume de Danemark d'examiner
le message royal relatif à l'ordre de succession au trô7ie
(en danois et en français, Copenhague, 1853). Ses OEuvres
complètes (Samlede Skrifter, Copenhague, 1 857-61 , 1 0 vol.)
contiennent une partie de ses cours. Th. C.
LARSEN (Nikolai-August), écrivain et voyageur norvé-
gien, né à Christiania en 1839, mort en 1893. Sorti de
l'Ecole navale, il fut nommé en 1863 lieutenant de marine
en second. De 1866 à 1869 il servit dans la marine de
guerre française ; il était à bord de l'Invincible, lorsque ce
cuirassé se rendit en Candie, en 1 866 ; il fit ensuite le tour du
monde sur Vîphigénie, et accompagna nos marins sur la
Clorinde, lors de la révolution d'Espagne (1868). En 1869,
il reprit son service dans la marine norvégienne. Il a écrit
ses Souvenirs d'un voyage autour du monde (1871);
et de nombreux articles de revues. On lui doit aussi une
traduction du Voyage au centre de la terre, de Jules
Verne (1873). Th. C.
LARSEN (Alfred-Kristian), théologien danois, né en
1840. En 1862 il fit son examen de candidat en théologie;
depuis 1870 il est attaché à la biWiothèque royale. C'est
un des principaux sinon le principal représentant du nou-
veau rationalisme protestant danois. Ses premières publi-
cations, de 1866-1871, furent des travaux d'exégèse sur
les Epîtres de Paul; il publia ensuite de nombreux ar-
ticles ou ouvrages de polémique contre les doctrines ortho-
doxes (souvent, à partir de 1876, sous le nom de Theo-
dorus): sur la Communion (1871), sur l'Ascension
(1872), Mort et Immortalité (1878), Politique et Re-
ligion (1879), Religion et Moralité (1882), la Religion
de l'Avenir (1887), l'Esthétique et la Vie (1891), etc.
Ces dernières années il semble être revenu spécialement à
l'exégèse, et il a donné coup sur coup, à l'usage du peuple,
la traduction, accompagnée de commentaires, des Epîtres
de Jacques (1889), du Pentateuque (1890), du Cantique
des Cantiques (1892), du Prophète Daniel et d'Esther
(1893), de VEcclésiaste (1894), du Livre de Job (1895).
En politique, il s'est toujours montré un partisan très dé-
terminé de la liberté et a écrit, pour la défendre, un ou-
vrage intitulé. Sur la Liberté (1885), et de nombreux
articles de journaux. Th. C.
LARSSÔN ou LARSON (Siméon-Markus), pavsagiste sué-
dois, né en Ostrogothie en 1825, mort à Londres en 1864.
Fils de simples cultivateurs, il alla tout d'abord à l'école
de Lmkœping, puis, son père étant mort, se rendit à Stock-
holm, où il entra en apprentissage chez un sellier; ce-
lui-ci remarqua bientôt les grandes aptitudes de son apprenti
pour le dessin et lui facilita l'entrée à l'école prépara-
toire de l'Académie des beaux-arts. Après avoir hésité quel-
que temps entre la scène, qui l'attirait vivement, et la pein-
ture, il se décida enfin pour celle-ci, fut reçu élève de
l'Académie, et se mit à peindre des portraits pour gagner
sa vie, tout en étudiant le paysage. Chargé d'un cours de
dessin à Helsingborg, il subit le charme de la mer et, sous
la direction de Melbye, se mit à peindre des marines qui
firent sensation lorsqu'il les exposa à Stockholm, en 1849.
Il voyagea ensuite dans la mer du Nord et en Norvège, où
il prit de nombreuses études de chutes d'eau, puis parcou-
rut l'Allemagne et, de 1855 à 1858, séjourna à Paris, où
son talent acheva de mûrir, et où il remporta un grand suc-
cès en 1855, avec un tableau intitulé Paysage et Chute
d'eau. Il reprend en 1858 le cours de ses pérégrinations,
visite la Finlande, la Russie et l'Angleterre avec des arrêts
peu prolongés dans son pays natal, et vient mourir à Lon-
dres encore dans la force de l'âge, mais usé déjà par une
vie singulièrement agitée. Ses toiles, dont la vogue était
extrême et qu'il peignait parfois en quelques heures, lui
avaient assuré par leur vente de larges moyens d'existence.
Ses bons tableaux sont très harmonieux, malgré la vigueur
de la peinture ; mais tous ses tableaux sont lom d'être bons
et trop souvent, surtout vers la fin, ils sont violents, visent
à l'effet et trahissent la rapidité de facture d'une peinture
de commande. Voici quelques-uns des plus connus: Pay-
sage de montagne avec chute d'eau en Norvège (1850),
le Château de Kronborg au clair de lune (1856), Orage
sur la côte du Bohuslœn (1857), Incendie d'un vaisseau
sur une mer orageuse au clair de lune (1858), etc. En
1880 on a organisé à Stockholm une exposition de ses œu-
vres, qui comptait une centaine de toiles. Th. C.
LARSSON (Cari), peintre suédois, né à Stockholm le
28 mai 1853. Elève de l'Ecole des beaux-arts de Stockholm,
il expose, en 1875, un Gustave Vasa accusant l'évéque
Peder Sunnanvœder, qui est remarqué. L'année suivante,
il réussit encore mieux avec son tableau de Sten Sture le
Vieux délivrant la reine Christine de Danemark. C'est
cependant surtout comme aquarelliste, dessinateur et illus-
trateur qu'il s'est acquis une grande réputation. Il a illustré
entre autres les Contes d'Andersen (1876), l'Ange de la
ilfor/de Wallin (iS^O), la Première Communion deTegner
(1881), et quelques œuvres de M^« Lenngren, de Topelius
et de Strindberg, etc. En 1883, il obtenait aux Champs-
Elysées une récompense pour une aquarelle : A la Cam-
pagne, et, en 1855, venait s'établir à Paris. Depuis lors
il a exposé à presque tous nos Salons : Petite Fille (1885),
En Suède (1886), Croquis instantanés (1887), les Der-
niers Rayons en Suède (Champ de Mars, 1890), En Clo-
seau, Un Ruisseau {id., 1893), etc. Th. C.
LARTIGUE. Com. du dép. du Gers, arr. d'Auch, cant.
de Saramon ; 396 hab.
LARTIGUE. Com. du dép. de la Gironde, arr. deBazas,
cant. de Captieux; 197 hab.
LARTIGUE (Henri), ingénieur français, né à Saint-
Mandé (Seine) le 30 sept. 1830, mort à Paris le 16 nov.
1884. 11 fut d'abord professeur de lycée, puis travailla à
l'Observatoire de Paris avec Leverrier. En 1859, il entra,
comme ingénieur télégraphiste, à la C^® des chemins de fer
du Nord, et, en 1880, comme directeur, à la Société des
téléphones. Il est bien connu par ses nombreuses inven-
tions, toutes relatives à la sécurité des trains de voyageurs :
électro-sémaphore Tesse-Lartigue et Prudliomme, contrô-
leur d'aiguilles, appareil de déclenchement du frein et ap-
pareil de protection électro-automatique T.artigue, Forest
et Digney, etc. L. S.
LARTIGUE (Charles), ingénieur français, frère du pré-
cédent, né à Toulouse en 1834. Comme son frère Charles,
il fut d'abord professeur de mathématiques, puis élève-
astronome à l'Observatoire de Paris, et s'occupa, à partir
de 1856, de travaux de chemins de fer en Espagne et en
Algérie. C'est en cherchant un mode de transport rapide
et économique pour les alfas qu'il imagina le chemin de
fer monorail (V. Chemin de feu aérien, t. X, p. 1047).
LARTIGUE (Arthur-Charlemagne) (V. Delâcour).
LARTIUS (Titus), consul en 501 et très vraisemblable-
ment, la môme année, premier dictateur de Rome (V, Dic-
tature). Il força Fidènesà se rendre, et conclut une trêve
avec les Latins. En 496, après la bataille du lac Régille, il
se montra partisan des mesures clémentes envers les vain-
cus. Il prit part aux dissensions civiles. En 49<^, il fut l'un
des députés du Sénat, chargés de négocier avec la plèbe
retirée sur le mont Sacré ; il s'employa à obtenir pour le
peuple la remise des dettes et s'ahéna ainsi les patriciens.
11 était d'origine étrusque, comme l'indique son nom que
l'on rapproche du mot Laris (seigneur). Cette famille était
probablement venue à Rome après l'expulsion des Tar-
quins, sous la conduite de Spurius, qui fut consul en
506; un autre Spurius Lartius fut consul en 490, prit
part aux négociations du Sénat avec Coriolan en 488 et
commanda une armée dans la guerre des Volsques en 487.
LA RUE (Pierre de), compositeur français, surnommé
Pierresson, Pierchon de La Rue, en latin, Petrns Pla-
tensis, né en Picardie, mort à Courîrai le 20 nov. 1518.
Il était en 1492-95 ténor dans la chapelle de Marie de
Bourgogne, chapelle que reprit à son service le roi des
Romains, Maximilien. En 1501, il faisait partie de celle de
l'archiduc Philippe le Beau qu'il suivit deux fois en Es-
pagne. 11 servit ensuite la princesse Marguerite, puis l'ar-
chiduc Charles, le futur Charles-Quint. On connaît aujour-
d'hui de La Rue trente-six messes, dont vingt-trois inédites
et trente-huit motets. Magnificat, lamentations, chansons
françaises, etc., répandus dans des recueils imprimés depuis
1501 juqu'à la fin du xvi^ siècle. Ces œuvres placent leur
auteur parmi les plus remarquables maîtres de son temps.
Un petit nombre d'entre elles ont été publiées de nos
jours en partition moderne dans les ouvrages historiques
de Burney, Kiesewetter, Forkel et Ambros. M. Br.
LA RUE (Charles de), jésuite, prédicateur et humaniste,
né à Paris en 1643, mort le 25 mai 1725. Ses supérieurs
l'employèrent avec succès à une mission dans les Cévennes
pour la conversion des réformés ; ils lui confièrent ensuite
la chaire de rhétorique au collège Louis-îe-Grand. Il avait
acquis de bonne heure une grande réputation comme poète
latiniste. Il n'était pas âgé de vingt ans lorsqu'il composa
sur les conquêtes du roi une épopée, que P. Corneille se
chargea de traduire en français (De Victoria Ludovici XIV;
Paris, 1662). Ses Idylles furent imprimées à Rouen en
d669, in-12. Le recueil de ses vers latins forme quatre
livres (Carminum libri IV; Paris, 1688). On y trouve
même une ode grecque sur V Immaculée Conception, cou-
ronnée en 1670 par l'académie de Caen. La Rue a pré-
paré des éditions estimées de Virgile et A' Horace pour la
collection Ad usum Delphini. Comme prédicateur, il
faisait admirer son débit et l'art avec lequel il variait ses
effets. Il reste de lui quatre volumes de Sermons (Paris,
1719, in-8; Montrouge, 1847, gr. in-8), parmi lesquels
des oraisons funèbres sur le duc de Luxembourg, le ma-
réchal de Noailles, Bossuet, le grand Dauphin, le duc et
la duchesse de Bourgogne et leur fils aîné, le duc de Bre-
tagne. La plus estimée est celle du maréchal de Boufflers.
On le comparait et plusieurs le préféraient à Fléchier.
P. Corneille louait ses tragédies latines : Lysimachns et
Cyrus, et mémo sa tragédie française, Sylla. Une large
~ 9T5 - LARTIGUE - LARUELLE
part de collaboration lui a été attribuée dans les comédies
produites sous le nom de son ami Baron : VAndrienne et
l'Homme à bo7ines fortunes. Louis XIV l'avait imposé
comme confesseur à la duchesse de Bourgogne ; mais, lors-
qu'elle fut sur son lit de mort, cette princesse refusa enfin
son ministère et demanda les secours de la religion à un
prêtre de la mission de Versailles. Saint-Simon, parlant de
la maison de Pontoise, où La Rue recevait nombreuse et
brillante compagnie, dit qu'il avait une manière de s'agrandir
qui aurait perdu tout homme d'une autre robe. E.-H. V.
LA RUE (Charles de), bénédictin de la congrégation de
Saint-Maur, né à Corbie (Picardie) le 12 juil. 16'84, mort
à Paris le 5 oct. 1739. Chargé par Montfaucon de préparer
l'édition des OEuvres d'Origène (Paris, 1733-59, 4 vol.
in~foL), il ne put en publier que les deux premiers vo-
lumes; il mourut en surveillant l'impression du troi-
sième. Cette entreprise fut achevée par son neveu, dom
Vincent (né aussi à Corbie en 1707, mort en d 762).
LA RUE (Gervais de), érudit français, né à Caen le
7 sept. 1751, mort à Caen le 24 sept. 1835. Entré dans
les ordres, il séjourna en Angleterre de 1792 à 1797,
devint en 1808 professeur d'histoire à Caen et, ayant été
élu correspondant de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en 1815, devint membre libre en 1832. Parmi ses
œuvres, mentionnons : Piecherchcs historiques sur la
prairie de Caen (1804, in-8) ; la Ville de Caen et son
arrondissement (1820, 2 vol. in-8); Becherches sur la
tapisserie de Bayenx (1824, in-4) ; Recherches S2ir les
ouvrages des bardes de la Bretagne armoinenne du
moyen âge (1815, in-8) ; Essais historiques sur les
bardes, les jongleurs et les trouvères normands (1834,
3 vol. in-8) ; Nouveaux Essais sur la ville de Caeji
(1842, 2 voL in-8).
BiBL. : Vaultier, Notice historique sur la vie et les
ouvrages de l'abbé de La Rue ; Caen, 1841, in-8. -— Gale-
RON, Notice sur les travaux littéraires de l'abbé de La
Rue ; Caen, 1838, in-8. ~ David, Notice sur l'abbé de La
Rue, dans le Moniteur du 6 déc. 1837.
LARUE (Isaac-Etienne, chevalier de), homme poli-
tique français, né à Gouzon (Creuse) le 4 janv. 1760,
mort à Paris le 13 août 4830. Député de la Nièvre au
Conseil des Cinq-Cents (24 vendémiaire an IV), il fit au
Directoire une opposition acharnée et, après le 4 8 fructi-
dor, fut déporté à la Guyane. Il s'évada et revint en France
en l'an VI. Il était très lié avec Pichegru qu'il accom-
pagna en Allemagne pour le service des princes, et beau-
frère de Hyde de Neuville qu'il aida dans ses entreprises
en faveur de la cause royale. Poursuivi par la police con-
sulaire, il se réfugia à Bilbao, puis revint dans la Nièvre
où il fut soumis à une étroite surveillance. La Restauration
lui donna la croix de Saint-Louis et le poste de conserva-
teur des Archives de France, où il remplaça Daunou. Il a
laissé : Histoire du Dix-huit Fructidor an V (Paris,
1821, 2 vol. in-8), dont une partie vient d'être rééditée
sous le titre de la Déportatio7i des députés à la Guyane,
leur évasion et leur retour en France (Paris, 1895
in-8). ^ R. s.
LA RUE (Aristide-Isidore- Jean-Marie, comte de), géné-
ral français, né à Rennes le 4 mars 4795, mort à Paris le
21 mars 1872. Sous-lieutenant de cavalerie en 1814, il
passa dans Pétat-major et fut successivement aide de camp
du duc de Raguse et du maréchal Maison en 1832. Colonel
en 1839, le gouvernement de Louis-Philippe le chargea
de différentes missions en Russie, en Espagne, puis au
Maroc. Mais il avait néanmoins pris part à de nombreuses
expéditions pendant les guerres d'Afrique, entre autres à
celle de Médéa, en 1836, où il se distingua particulière-
ment. Général de brigade en 1844 et de division en 1851 ,
il fut créé sénateur la même année. Il a été pendant de
longues années inspecteur général de la gendarmerie.
LA RUE (Warren de) (V. De la Rue).
LARUELLE (Sébastien de), agitateur belge, né à Liège
vers 1580, mort à Liège en 1637 (V. Ferdinand de Ba-
vière, t. XVII, p. 256).
LARUETTE — LARYNGÉS
976 —
LARUETTE (Jean-Louis), acteur et compositeur fran-
çais, né à Paris le 7 mars 1734, mort à Paris le 10 janv.
1792. Il débuta à Paris, à l'Opéra-Comique de la Foire,
en 1752, dans les rôles d'amoureux, emploi qu'il ne
tarda pas, malgré son âge, à échanger contre celui des
pères, dans lequel il se fit remarquer à ce point qu'il y
attacha son nom ; on sait, en effet, qu'aujourd'hui encore
on désigne sous le nom de « laruettes » les rôles de pères
et de financiers dans l'opéra-comique. Chanteur de goût,
bien que doué d'une voix médiocre, il était surtout comé-
dien excellent, plein de naturel et de vérité. Pendant les
vingt-sept années que dura sa carrière, il fit avec succès
nombre de créations, notamment dans le Diable à quatre,
Biaise le savetier. Rose et Colas, r Ecole de la jeu-
nesse, To7n Jones^ Toinon et Toinette^ etc. Artiste ins-
truit d'ailleurs, Laruette ne se contentait pas de chanter
la musique des autres, il en écrivait lui-même d'agréable.
Il donna ainsi à l'Opéra-Comique : le Docteur Sangrado
(1756); le Médecin de V amour (1758); Cendrillon
(1759), et à la Comédie-Italienne: le Dépit généreux
(1761); le Gui de chêne (1763); les Deux Compères
(1772). Laruette prit sa retraite en 1779 et se retira à
Toulouse. Arthur Pougin.
LARUETTE (iW^^ Villette, épouse), cantatrice fran-
çaise, née vers 1740, morte vers la fin du xviii® siècle.
Elle fut l'une des actrices les plus charmantes et les plus
célèbres de l'ancienne Comédie-Italienne. Elle débuta avec
le plus grand succès, le 9 sept. 1758, à l'Opéra-Comique
de la Foire, puis à l'Opéra, où elle se vit surtout bien
accueillie dans le rôle de Colette du Devin du village. Sa
voix, brillante et légère, manquait un peu de puissance,
et W}^^ Villette, au bout de trois ans, quitta l'Opéra pour
entrer à la Comédie-Italienne (1761). Elle y excita aussitôt
une sorte d'enthousiasme et y occupa bientôt une situation
prépondérante. Cantatrice exquise, elle devint rapidement
une comédienne accompHe, pleine de grâces, de charmes et
de séductions, et pendant l'espace de seize années se vit
l'idole du public. Elle créa, dans l'emploi des ingénues et
des amoureuses, plus de quarante rôles; il faut citer sur-
tout: Rose et Colas^ le Roi et le Fermier^ Lucile, la
Fée Urgèle, les Deux Chasseurs et la Laitière, l'Ecole
de la jeunesse, etc. Cependant, M^^® Villette, qui avait
épousé en 1763 son camarade Laruette, se vit obligée par
l'état de sa santé de prendre sa retraite en 1778. Elle a
été, on peut le dire, l'une des gloires de cet aimable
théâtre de la Comédie-Italienne, précurseur et devancier
de notre Opéra-Comique actuel. Arthur Pougin.
LARUNS. Ch.-l. de cant. dudép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Oloron, près de la rive gauche du gave d'Ossau ;
2,193 hab. Une ligne de ch. de fer unit Laruns à Pau.
Laruns est au fond d'une vallée assez large où viennent
déboucher les deux vallées resserrées des Eaux-Bonnes et
des Eaux-Chaudes. L'église est du xv^ siècle. Laruns pos-
sède des scieries, et dans les environs on exploite des gise-
ments de nickel arsenical et de kaolin. La forêt communale
contient 5,917 hect.
LARUSCADE. Com. du dép. de la Gironde, arr. de
Blaye, cant. de Saint-Savin; 1,667 hab.
LARVE. I. Entomologie (V. Métamorphose).
IL Helminthologie. — La larve des Helminthes n'est pas
susceptible d'une autre définition que celle des autres animaux
et elle ne devrait pas porter un nom particulier. Mais étant
donné ce fait que, pour beaucoup d'entre eux, on a été pen-
dant longtemps dans l'ignorance du cycle évolutif de l'espèce
et que les anciens observateurs avaient donné à des larves
d'Helminthes, qu'ils croyaient des animaux parfaits, des
noms génériques particuUers, l'usage a prévalu et ces an-
ciens noms de genre désignent maintenant, par un véritable
abus, la forme larvaire de certains genres. Ex. : les mots
cysticerque, cœnure^ échinocoque, etc. Souvent même
on adjoint à ces faux noms génériques des noms spécifiques
distincts de celui de l'espèce. Des appellations analogues se
rencontrent dans bien d'autres groupes du règne animal ;
elles ne trouvent leur raison d'être que quand la larve d'une
espèce n'a pas une forme unique et constante, comme par
exemple chez hs Trématodes ou encore chez les Acariens
où le nom à'hypope désigne un état particulier de la larve,
bien distincte de la larve ordinaire. — Au reste, l'histoire
naturelle des Helminthes présente d'autres termes aussi
illogiques inspirés par les théories bizarres de ce qu'on
a appelé la génération alternante qui viennent bien inu-
tilement la compliquer en la rendant plus difficile à com-
prendre. R. MONIEZ.
LARVES. On appelait de ce nom, chez les anciens Ro-
mains, non des divinités, mais des personnifications su-
perstitieuses qui tourmentent dans les enfers les âmes des
morts coupables et viennent sur la terre épouvanter et
tracasser les hommes. On les identifiait avec les Manias,
plus tard avec les Lares et surtout avec les Lémures, dont
on avait fait les esprits vengeurs de Remus tué par son
frère Romulus. Ovide {Fastes, vers 419 et suiv.) dé-
crit les pratiques par lesquelles le père de famille écarte
ces esprits ^e sa maison ; il jetait notamment derrière lui
des fèves durant la nuit et croyait ainsi expulser les Larves
ou Lémures en personne. Ces Lemuria figurent au calen-
drier du 9 au 13 mai ; ils duraient trois jours non consé-
cutifs.
LARY (Le). Rivière dudép. de la Charente-Inférieure
(V. ce mot, t. X, p. 630).
LARY (Le). Rivière du dép. de la Gironde (V. ce mot,
t. XVm, p.,983).
LARYNGÉS (Nerfs). H existe deux nerfs laryngés, ra-
meaux apparents tout au moins du nerf pneumogastrique.
Nous disons apparents, car nous verrons plus loin que le
laryngé inférieur est en réalité une branche du spinal.
Le nerf laryngé supérieur naît du ganglion plexiforme
et se porte vers le larynx en décrivant une courbe à conca-
vité antérieure; il donne naissance à deux rameaux, l'un
inférieur, l'autre supérieur, qui vont innerver la muqueuse
laryngée et deux muscles seulement, le constricteur infé-
rieur du pharynx et le crico-thyroïdien.
Il existe une branche anastomotique connue sous le nom
d'anse nerveuse de Gafien, qui réunit le nerf laryngé su-
périeur au laryngé inférieur. D'après François Franck,
l'anastomose de Galien représente des filets sensitifs re-
montant du laryngé inférieur au supérieur et qui assurent
plus spécialement la sensibilité de la muqueuse trachéale.
Le laryngé inférieur est désigné aussi sous le nom de récur-
rent, parce qu'après avoir contourné l'aorte ou l'artère
sous-clavière, suivant qu'il s'agisse du récurrent gauche
ou droit, il remonte vers le larynx en suivant l'œsophage.
Outre son anastomose déjà décrite et ses branches motrices
destinées aux muscles du larynx, le récurrent donne encore
des filets cardiaques qui vont se perdre à la base du cœur
dans le plexus cardiaque, des filets œsophagiens, trachéens
et pharyngiens. A l'exception du crico-thyroïdien, tous les
autres muscles du larynx sont innervés par le nerf récur-
rent ou laryngé inférieur.
La section du laryngé supérieur, en amenant la paralysie
du crico-thyroïdien modifie peu la phonation. Cette der-
nière est simplement altérée par le fait que le thyroïde
n'est plus immobilisé quand lesthyro-aryténoïdiens (cordes
vocales) se contractent, mais cette section peu importante
au point de vue de la motricité amène une perturbation
profonde dans la sensibilité de la muqueuse laryngée, car
c'est la branche interne du laryngé supérieur qui donne la
sensibilité à toute la muqueuse du larynx.
Par suite de l'insensibilité consécutive à la section du
nerf laryngé supérieur, les corps étrangers peuvent s'in-
troduire dans le larynx, de là dans les poumons et déter-
miner des accidents asphyxiques immédiats, ou tout au
moins une inflammation de la muqueuse pulmonaire et une
pneumonie consécutive. Le nerf laryngé inférieur innerve
les autres muscles du larynx; mais ce nerf, qui paraît se
détacher du pneumogastrique, renferme surtout des fibres
motrices provenant du spinal. Cl. Bernard a montré que la
section intracranienne du spinal rend l'animal aphone. Ce
sont finalement les fibres du spinal qui vont aux muscles
phonateurs ; le crico-aryténoïdien postérieur, qui ne joue
aucun rôle dans l'émission de la voix, reçoit par la même
branche des fibres du pneumogastrique. L'étude des centres
moteurs cérébraux confirme cette distinction. Il n'existe
pas de centre cortical pour le crico-aryténôïdien postérieur
alors que les muscles phonateurs peuvent être mis en jeu
par une excitation portant sur le pied de la circonvolution
frontale ascendante, immédiatement en arrière de l'extré-
mité inférieure du sillon précentral. Une excitation faite
sur la partie antérieure de cette région détermine le rap-
prochement des cordes vocales. D^ P. Lânglois.
LARYNGISME (Méd.). D'après les laryngologistes, le
mot laryngisme désigne l'asphyxie pour cause laryngée.
Cette asphyxie s'observe surtout à la suite de la contrac-
tion spasmodique des muscles du larynx, produite dans
certaines aff'ections nerveuses, telles que l'épilepsie, l'hys-
térie, etc. IK A. Câb.
LARYNGITE (V. Larynx [Pathol.J).
LARYNGOSCOPIE. Opération dont le but est l'examen
du larynx sur le vivant. Au siècle dernier, des tentatives
ayant pour but l'inspection de la gorge furent faites à diffé-
rentes reprises ; ainsi Levret, chirurgien français, se ser-
vit d'un spéculum spécial ; mais ses essais restèrent in-
fructueux. Plus tard, Bozzini (1844) et, vers la même
époque, Babington, Anery, se servirent d'instruments plu§
perfectionnés, mais leurs efforts furent sans résultat. Vers
185'^, le chanteur Manuel Garcia, se livrant à des études
physiologiques sur la voix humaine et voulant connaître
le fonctionnement du larynx, se servit d'un miroir de den-
tiste éclairé par la lumière solaire ; il arriva à voir suffi-
samment l'organe pour en donner une description. Quelques
années plus tard, Tiirck de Vienne et Czermak de Pest mul-
tiplièrent les examens du larynx, et entre leurs mains le
miroir donna lieu à une série de connaissances jusque-là
ignorées en pathologie. Mais c'est Czermak qui vulgarisa
l'emploi de la lumière artificielle et créa ainsi l'art de la
laryngoscopie que Fauvel un des premiers pratiqua en
France.
Pour examiner le larynx, la première condition est
d'éclairer vivement le voile du palais et la paroi posté-
rieure du pharynx. Dans ce but, deux modes d'éclairage
ont été préconisés : l'éclairage par concentration et l'éclai-
rage par réflexion. Dans le premier, les rayons lumineux
fournis par une lampe, l'électricité, la lumière oxhy-
drique, etc., sont concentrés au moyen de lentilles conver-
gentes plan-convexes ou bi-convexes. Beaucoup de laryn-
goscopistes emploient de préférence l'éclairage par réflexion ;
les réflecteurs varient selon qu'ils sont fixés à l'opérateur
ou aux objets environnants ; on emploie souvent comme
réflecteur un miroir concave fixé au front de l'opérateur
par un ruban. Ce miroir frontal a en général une distance
focale d'environ 0,35 et est percé au centre d'un trou des-
tiné à laisser passer les rayons visuels. Tels sont les appa-
reils destinés à l'éclairage. L'examen laryngoscopique se
fait au moyen du laryngoscope proprement dit, petit miroir
plan de forme variable, de 20 à i25 millim. de diamètre,
fixé sous un angle de 120<^ à l'extrémité d'une tige métal-
lique de 40 à 12 centim. adaptée à un manche.
Technique, Le malade, ayant les genoux rapprochés, se
tient assis en face de l'opérateur. On conçoit que le manie-
ment des appareils photogéniques varie selon que l'on em-
ploie la lumière directe artificielle ou la lumière réfléchie ;
disons seulement que dans ce dernier cas l'appareil d'éclai-
rage est placé à côté du malade, de telle sorte que la
flamme soit à la hauteur de sa bouche ; le maniement du
laryngoscope reste le même dans les deux cas.
Le malade renverse légèrement la tête en arrière, ouvre
largement la bouche et tire la langue, qu'on saisit entre le
pouce et l'index de la main gauche, munie préalablement
d'un petit linge de toile; dans certains cas, quand l'opéra-
teur doit utiliser ses deux mains, le malade tient lui-même
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. XXL
- 9*77 - J.ARYNGÉS - LAR\NX
sa langue; on recommande ensuite de rester immobile, de
respirer tranquillement. C'est alors qu'il faut éclairer le
fond de la bouche. Ce résultat obtenu, on introduit le
laryngoscope après l'avoir chauffé suflisarament pour
qu'il ne soit pas terni par l'haleine du malade; on le tient
de la main droite; le manche est d'abord dirigé en bas et
en dehors, tandis que la surface réfléchissante est tenue
parallèle à la surface de la langue sans la toucher ; puis
le miroir est introduit doucement sans brusquerie ; la face
postérieure de la glace est appliquée franchement à l'union
de la luette et du voile du palais ; pendant ce temps, le
manche du laryncoscope est relevé lentement et vient se
placer dans la commissure labiale droite. On engage alors
lemalade à pousser un petit cri aigu (è), ce qui fait relever
l'épiglotte et permet de voir la glotte. Les principales dif-
ficultés de la technique tiennent à une sensibilité exagérée
de la muqueuse bucco-pharyngée déterminant des nausées
Laryngoscope.
chez certaines personnes. Une conformation anormale ou
pathologique de la langue, des amygdales, du voile du pa-
lais, de l'épiglotte, rend l'examen du larynx très difficile
aux personnes peu exercées.
Auto laryngoscopie. Nom donné à la méthode qui con-
siste à examiner son propre larynx et qui s'applique aux
démonstrations laryngoscopiques et à l'exercice du manuel
opératoire. Elle est soumise aux règles énoncées plus haut,
mais nécessite de plus l'emploi d'un miroir plan placé au
devant de la bouche et destiné à faire passer par l'axe
visuel de l'observateur les rayons lumineux réfléchis par le
laryngoscope. Dans ce but on se sert souvent de l'appareil
de Fauvel. Très nombreux sont les instruments employés en
laryngoscopie ; parmi les plus utilisés se trouvent les porte-
ouate, les pinces coupantes, les dilatateurs, les électrodes
laryngiens. Un grand nombre de pulvérisateurs, d'inhala-
teurs sont également mis en usage. G. Coupard.
LARYNGOTOMIE (Chir.) Opération pratiquée sur des
points déterminés du larynx et ayant pour but l'extraction
de tumeurs, de polypes, de corps étrangers engagés dans
les voies aériennes, ou l'introduction de l'air dans un cas
d'asphyxie provoquée par une affection du larynx. Elle se
pratique soit par incision sur la ligne médiane du cartilage
thyroïde seul, soit par incision avec lui de la membrane
thyrohyoïdienne, et présente de nombreuses analogies avec
la trachéotomie (V. ce mot et Larynx [PathoL], p. 981,
ci-dessous).
LARYNX. L ANATOMIE. — Le larynx est un organe
qui sert à la fois au passage de l'air de la respiration et à
la phonation ; il est situé au-dessus de la trachée, en avant
62
LARYNX - 978
du pharynx, au-dessous de l'os hyoïde et de la langue
c.-à-d. au niveau des corps des quatrième et cinquième
vertèbres cervicales. ïl est plongé dans une atmosphère
ceiluleuse à larges mailles, dépourvue de graisse, disposi-
tion qui permet une mobilité très grande, ce qui fait fré-
quemment varier ses rapports avec les organes voisins ; ces
déplacements se font dans le sens vertical comme dans la
déglutition, dans le sens antéro-postérieur et dans le sens
latéral.
Conformation extérieure. ■— Le larynx a la forme
d'une pyramide triangulaire dont la base, dirigée en haut,
correspond à la partie
^ postérieure de la lan-
f gue et présente l'ori-
fice supérieur de l'or-
gane muni en avant
d'un couvercle qui le
protège pendant la dé-
glutition. Le sommet
de cette pyramide est
tronqué; il présente
un orifice arrondi, se
confondant avec la tra-
chée; il répond à la
sixième vertèbre cer-
vicale. La face posté-
rieure est recouverte
par la muqueuse pha-
ryngienne. Les faces
latérales sont recou-
vertes par les lobes du
corps thyroïde, les
muscles sterno-thyroï-
dien et thyro- hyoï-
dien et superficielle-
ment par le sterno-
hyoïdien. Le bord an-
térieur, situé sur la
ligne médiane, répond
à l'isthme du corps
thyroïde et présente à
sa partie supérieure une saillie, la pomme d'Adam. Les
bords postérieurs répondent à la colonne vertébrale et sont
en rapport avec la carotide primitive, le nerf pneumogas-
trique et la veine jugulaire interne.
Constitution anatomique. ■— Le larynx est com-
posé d'un squelette cartilagineux composé de cinq pièces,
d'articulations et do hgamenls qui les unissent entre elles,
de muscles, d'une muqueuse tapissant la cavité, de vais-
seaux et de nerfs.
Cartilages. — lis sont au nombre de neuf dont trois
impairs qui sont, en allant de bas en haut : le cartilage cri-
coïde, le cartilage thyroïde, Fépiglotte, et six pairs (trois
de chaque côté) : les cartilages aryténoïdes, les cartilages
corniculés de Santorini et les cartilages de Wrisberg.
Cartilage cricoïde. Son nom vient de sa forme annu-
laire ; on l'a comparé à une bague dont le chaton serait
placé en arrière ; cette dernière partie (postérieure) est
donc la plus élevée et supporte les cartilages aryténoïdes.
Il sert de support à l'organe, et son bord inférieurcor res-
pond au premier anneau de la trachée. Sa hauteur est
de 2 à 3 centim. en arrière et de 5 à 7 millim. seulement
en avant .
Cartilage thyroïde. Ainsi appelé parce qu'il se présente
à la manière d'un bouclier; il occupe la partie antérieure
et supérieure de l'organe et a la forme d'une lame qua-
drilatère pliée sur la ligne médiane. On peut le comparer à
un livre demi-ouvert, dont l'ouverture regarderait en ar-
rière. Sa face antérieure présente sur la ligne médiane une
saillie, la pomme d'Adam, qui est plus développée chez
l'homme que chez la femme ; c'est sur sa face postérieure
que s'insèrent en avant les cordes vocales supérieures et
inférieures. Son bord supérieur donne insertion à la mem-
Coupetransversale du larynx (seg-
ment antérieur). — a, epiglott'e;
5, prolongement supérieur du
ventricule ; d, ventricule ; e, mus-
cle crico-aryténoidien latéral ;
f, muscle thyro-aryténoïdien ;
gf, corde vocale supérieure; i,
corde vocale inférieure; j, cri-
coïde.
brane thyro-hyoïdienne qui l'unit à l'os hyoïde. Ses bords
postérieurs se terminent à leurs extrémités par deux pro-
longements : l'un, supérieur, ou grande corne du cartilage
thyroïde, mesure 1 centim. et se rattache avec la grande
corne de l'os hyoïde au moyen d'un cordon fibreux; l'autre,
inférieur, petite corne, n'a que 6 à 7 millim. de lon-
gueur.
Cartilages aryténoïdes. Ils sont au nombre de deux,
l'un droit et l'autre gauche, et sont situés à la partie pos-
térieure et supérieure du cartilage cricoïde. L'aryténoïde
a la forme d'une pyramide triangulaire. La base s'ar-
ticule avec le bord supérieur du cartilage cricoïde; elle
présente deux prolongements : 1° V apophyse antérieure,
ou interne^ encore appelée apophyse vocale^ faisant saiHie
dans la cavité même du larynx et donnant insertion à la
corde vocale inférieure ; 2° V apophyse postérieure ou
externe, encore appelée musculaire, oti viennent s'in-
sérer les muscles crico-aryténoïdien postérieur et crico-
aryténoïdien latéral. Sur le sommet se trouve fixé le car-
tilage corniculé de Santorini. La face interne recouverte
par la muqueuse limite la glotte intercartilagineuse ; la
face postérieure donne insertion aux fibres du muscle ary-
aryténoïdien ; la face antéro-externe donne attache à la
corde vocale supérieure, et plus bas au muscle thyro-
aryténoïdien.
, _ Cartilages corniculés de Santorini. Ce sont deux pe-
tits noyaux cartilagineux de la grosseur d'un grain de mil-
let et situés au sommet des cartilages aryténoïdes.
Cartilages de Wrisberg. fissent au nombre de deux, l'un
droit, l'autre gauche, et sont situés dans les replis aryténo-
épigiottiques ; ils ne sont pas constants.
Epiglotte. Lame fibro-cartilagineuse triangulaire située
sur la ligne médiane en avant de l'orifice supérieur du
larynx qu'elle ferme pendant les mouvements de déglu-
tition. Son sommet s'attache à l'angle rentrant du carti-
lage thyroïde, au-dessus des cordes vocales, au moyen du
ligament thyro-épiglottique. Sa face antérieure regarde la
base de la langue ; sa moitié supérieure est libre et pré-
sente des replis glosso-épiglotiiques au nombre de trois,
constitués par la muqueuse qui passe de la langue à l'épi-
glotte; entre ces replis se trouvent les fossettes glosso-épi-
glottiques ou vallécules. Dans sa moitié inférieure, elle
répond à l'os hyoïde et à la membrane thyro-hyoïdienne
dont elle est séparée par un paquet adipeux appelé glande
de Morgagni.
La face postérieure est recouverte par la muqueuse
laryngienne. Les deux bords donnent insertion aux prolon-
gements pharyngo-épiglottiques et aryténo-épiglottiques. Les
cartilages cricoïde, les aryténoïdes, thyroïde, sont consti-
tués par du cartilage hyalin. L'épiglotte et les cartilages
de Wrisberg sont formés par du cartilage élastique ; les
cartilages de Santorini appartiennent au groupe des fibro-
cartilages.
Articulations du larynx. Ligaments. — Elles se di-
visent en intrinsèques et en extrinsèques ; les premières
sont les articulations des diverses pièces du larynx entre
elles (articulations crico-thyroïdienne, crico-aryténoïdienne,
et celles des cartilages de Santorini) ; dans la seconde
catégorie rentrent les articulations crico-thyroïdienne et
thyro-hyoïdienne. Des différents mouvements de l'articula-
tion crico-aryténoïdienne, le plus important est un mou-
vement de bascule d'après lequel Fapophyse postérieure
ou musculaire se porte dans un sens diamétralement op-
posé à l'apophyse antérieure ou vocale, quand celle-ci se
déplace dans un sens quelconque. Ce sont les mouve-
ments de cette apophyse antérieure qui causent les varia-
tions de Forifice glottique. 11 faut également mentionner
ici un certain nombre de hgaments qui unissent entre
elles des pièces cartilagineuses dépourvues de surfaces arti-
culaires, comme les ligaments thyro-épiglottiques, aryténo-
épiglottiques, la membrane thyro-hyoïdienne et aussi les
ligaments thyro-aryténoïdiens supérieurs constituant la
charpente fibreuse des cordes vocales supérieures, les
979
LARYNX
ligaments thyro-aryténoïdiens inférieurs situés dans l'épais-
seur des cordes vocales inférieures.
Muscles du larynx. — Les muscles du larynx se di-
visent en extrinsèqneH se portant de cet organe aux parties
voisines, et en iritrinsègues fixés au larynx par leurs
deux extrémités. Nous ne nous occuperons ici que de ces
derniers, les premiers étant étudiés ailleurs. Ils portent les
noms des cartilages sur lesquels ils s'insèrent et sont au
nombre de neuf, dont un impair, le muscle ary-aryténoï-
(lien, situé à la partie postérieure des deux cartilages ary-
ténoïdes, qui est constricteur de la glotte. Les muscles pairs
sont : le muscle crico-thyroïdien situé à la partie anté-
rieure et inférieure du larynx et tenseur des cordes vo-
cales, le muscle crico-aryténoïdien postérieur situé à la
partie postérieure et inférieure du larynx et dilatateur de
la glotte ; le muscle crico-aryténoïdien latéral situé sur
les parties latérales de l'organe en dedans des ailes du car-
tilage thyroïde et constricteur de la glotte; le muscle
thyro-aryténoïdien situé au-dessus du précédent et éga-
lement contricteur de la glotte. Il faut mentionner égale-
ment le muscle pair aryténo-épiglottique^ abaisseur de
l'épiglotte.
Muqueuse. — Elle adhère intimement aux différentes
parties du larynx, sauf à la face externe des ligaments ary-
téno-épiglottiques, où elle est doublée d'un tissu cellulaire
lâche ; elle est également faiblement adhérente à la partie
supérieure des aryténoïdes. On peut donc observer dans ces
différents points une infiltration séreuse.
La muqueuse laryngée comprend : i^ un épithélium qui
est pavimenteux, stratifié sur l'épiglotte, la partie supé-
rieure des replis aryténo-épiglottiques, le bord libre des
cordes vocales, et à cellules cylindriques à cils vibratiles
dans tout le reste de l'organe ; 2*^ un chorion constitué
par du tissu conjonctif riche en fibres élastiques; o^ on
trouve enfin àa^ glandes, qu'on distingue en /b//ictt/<??/5^s,
occupant la partie superficielle du chorion, et nombreuses
dans la région du ventricule, et en muqueuses, glandes
en grappe.
Vaisseaux et nerfs. — Les artères destinées au larynx
sont au nombre de trois de chaque côté; ce sont : Varlère
laryngée supérieure^ branche de la thyroïdienne supé-
rieure; V artère laryngée inférieure, qui vient aussi de
la thyroïdienne supérieure, et Vartère laryngée posté-
rieure, branche de la thyroUlienne inférieure. — Les
veines^ également au nombre de trois de chaque côté, vont
dans la jugulaire interne.
La muqueuse possède un riche réseau lymphatique; les
lymphatiques supérieurs vont dans les ganglions situés
au-dessous du sterno-cléido-mastoïdien, et les lympha-
tiques inférieurs aboutissent aux ganglions situés sur les
côtés du cartilage cricoïde. ~ Les nerfs laryngés provien-
nent du pneumogastrique, soit par le laryngé supérieur
qui donne le laryngé externe, soit par le laryngé infé-
rieur ou nerf récurrent (V. Laryngés [Nerfs]).
Conformation intérieure. — Vu intérieurement, le
larynx présente à sa partie moyenne une portion rétrécie,
la glotte ; on peut lui considérer trois zones. La zone su-
périeure ou sus-g lot tique, appelée encore vestibule du
larynx; elle s'étend de l'orifice supérieur de l'organe à la
glotte ; ses limites sont en avant l'épiglotte, latéralement
les replis aryténo-épiglottiques, en arrière le muscle aryté-
noïdien et les cartilages de Santorini; la paroi épiglot-
tique présente parfois une sorte de saillie, le bourrelet
épiglottique. — La %one glottique est la portion essen-
tielle du larynx. Elle présente sur la ligne médiane une fente
antéro-postérieure, c'est la glotte limitée latéralement par
des bandelettes membraneuses appelées cordes vocales ;
celles-ci sont au nombre de quatre (deux de chaque côté),
deux supérieures et deux inférieures. Les cordes vocales
supérieures s'attachent en avant à la partie la plus élevée
de l'angle rentrant du cartilage thyroïde et vont horizonta-
lement en arrière se fixer sur la face antérieure du cartilage
aryténoïde correspondant. Leur bord externe se continue avec
le repli aryténo-épiglottique ; le bord interne libre regarde
la fente glottique. Elles sont constituées par la muqueuse
laryngienne renfermant le ligament thyro-aryténoïdien su-
périeur. Les cordes vocales inférieures "^s'attachent en avant
à l'angle rentrant du cartilage thyroïde à 3 millim. au-dessous
des précédentes et en arrière à l'apophyse interne des carti-
lages aryténoïdes. Elles ont deux faces, deux bords; le bord
interne seul est libre. Leur longueur est de 20 à 25 millim.
chez riiomme, 16 à 20 chez la femme ; elles sont constituées
par un repli de la muqueuse dans l'épaisseur duquel se trouve
le ligament thyro-aryténoïdien inférieur et un faisceau du
muscle thyro-aryténoïdien : ce qui les distingue des cordes
supérieures no renfermant pas de fibres musculaires. Les
cordes vocales inférieures seules servent à la phonation,
les supérieures n'ayant qu'un rôle accessoire. La glotte est
l'espace qui se trouve entre les cordes vocales inférieures
et la face interne des cartilages aryténoïdes, d'où deux por-
tions, glotte interligamenteuse ou vocale, et glotte inter-
coHilagineuse ou respiratoire ; celle-ci mesure 6 à 7 mil-
lim. chez l'homme et un peu moins chez la femme. Dans
cette zone se trouvent les ventricules de Morgagni qui
sont au nombre de deux. Ce sont les cavités comprises
entre les cordes vocales supérieures et inférieures.-— - Lazone
sous-glottique se continue directement avec la cavité de
la trachée. Le larynx de l'homme est plus développé que
celui de la femme ; cet organe subit de profondes modifica-
tions à l'époque de la puberté, époque à laquelle on observe
la m,ue de la voix ; mais ces modifications sont beaucoup
plus marquées chez les jeunes garçons. J. Flammarion.
IL PHYSIOLOGIE (V. Phonation et Voix).
m. PATHOLOGIE.-- Laryngites. — Les laryngites
constituent les affections les plus communes de l'organe.
Elles sont dues à une inflammation aiguii ou chronique; le
larynx peut présenter en outre des troubles circulatoires,
nerveux et peut être le siège de néoplasmes divers. On
reconnaît plusieurs classes de laryngites : 1° les laryngites
algues parmi lesquelles on distingue la laryngite catarrhale
simple, la laryngite striduleuse, la laryngite phlegmoneuse
due à l'inflammation du tissu sous-muqueux, des cartilages
ou des articulations comme dans la chondrite, la périchon-
drlte, les arthrites; 2^* les laryngites chroîiique s telles que
la laryngite glanduleuse, la laryngite atrophique ou hyper-
troplîique, etc. ; 3^ les laryngites spécifiques on constitu-
tionnelles, provoquées par la tuberculose ou la syphilis et
pouvant revêtir le caractère aigu ou chronique ; on peut
décrire avec ce groupe les laryngites secondaires se déve-
loppant dans le cours des fièvres cruptives : fièvre l:yphoïde,
variole, rougeole, etc. Enfin il existe une aff'ection inflam-
matoire par son début, aiguë par sa marche et spécifique
par son essence, c'est la laryngite diplité ri tique dont la
description a été faite au mot Croup.
Laryngites aiguës. — La laryngite catarrhale est géné-
ralement causée parles variations brusques de température,
l'impression du froid, les fatigues vocales, cris, chant, etc.,
l'inspiration d'air froid, de vapeurs irritantes; souvent
elle est due à la propagation d'une inflammation de voisi-
nage : pharyngite, catarrhe nasal, etc. Elle se développe
sous l'influence des micro-organismes de l'arrière-gorgo
dont l'action se manifeste, quand, pour une des raisons
énoncées plus haut, la muqueuse laryngée se trouve dans
des conditions de résistance moindre. Le laryngoscope ré-
vèle une muqueuse rouge, légèrement infiftrée avec une
coloration rosée des cordes vocales. Dans les cas de laryn-
gite intense, les lésions anatomo-patbologiques sont plus
profondes, le tissu sous-muqueux prend part k l'inflamma-
tion. La laryngite striduleuse, encore Sii)pelcB faux croup,
est causée par une tuméfaction de la muqueuse, détermi-
nant un rétrécissement momentané du larynx ; cette tu-
méfaction est surtout marquée dans la partie supérieure de
la région sous-glottique; souvent cette forme se rencontre
chez les sujets atteints de tumeurs adénoïdes.
^ Les principaux symptômes sont la toux généralement
sèche et sifflante, l'enrouement et une dyspnée plus ou
LARYNX
— 980 -
moins intense. L'expectoration nulle au début devient plus
épaisse et plus tard muco-purulente. La dyspnée est due à
un rétrécissement de la fente glottique ; peu marquée chez
l'adulte, elle a parfois chez l'enfant une intensité inquié-
tante, d'oii le nom de faux croup ou laryngite striduleuse
qui lui a été donné ; les petits malades sont réveillés brus-
quement dans la nuit par un accès pendant lequel l'inspi-
ration est longue et sifflante, l'expiration entrecoupée de
secousses de toux rauque ; le pouls est fréquent, la peau
chaude, la face violacée ; il peut y avoir plusieurs accès
dans la nuit et quelquefois même le jour ; l'affection dure
en moyenne huit à dix jours, mais il n'est pas rare de la
voir disparaître rapidement. La laryngite aiguè s'accom-
pagne parfois de symptômes généraux le plus souvent peu
intenses: anorexie, courbature légère, céphalalgie, sensa-
tion de chatouillement au larynx, sécheresse de l'arrière-
gorge avec déglutition pénible, surtout quand Fépiglotte est
enflammée.
Le traitement est simple ; il varie avec la cause de
l'affection ; on commande le repos , le séjour dans une
pièce à température constante ; on prescrit contre la toux
le sirop de bourgeon de sapin, de codéine, etc. ; la tein-
ture d'aconit, les applications de compresses chaudes au-
devant de la gorge sont également mises en usage. Le trai-
tement de la laryngite striduleuse est le môme ; quelquefois
dans les cas graves avec menace d'asphyxie, on est obligé
de pratiquer la trachéotomie ; le sulfate de quinine rend
souvent de grands services. Il peut exister des inflam-
mations isolées de certaines parties du larynx , comme
Vepiglottite qui rend généralement la déglutition difficile
pendant quelques jours.
Laryngites chroniques. — La laryngite chronique est
généralement consécutive à la forme aiguë ; toutes les causes
qui ont provoqué celle-ci favorisent le développement de
la laryngite chronique ; on l'observe chez les personnes qui
respirent habituellement par la bouche ; on a incriminé aussi
le développement exagéré de la luette et certaines profes-
sions, comme celle de chanteur, d'orateur, de prédicateur,
de professeur, etc. L'abus du tabac et de l'alcool joue un
rôle important dans le développement de cette affection.
Le principal symptôme est l'enrouement ; la douleur, la
toux font le plus souvent défaut. Les lésions sont assez
variables; l'inflammation ne peut toucher qu'une partie
de l'organe, par exemple la muqueuse des cartilages
aryténoïdes et de la région interaryténoïdienne très riche
en glandules comme dans la laryngite granuleuse ou glan-
duleuse qui est souvent chronique d'emblée. Dans la la-
ryngite hypertrophique, on remarque un épaississement et
une induration du tissu sous-muqueux. Le pronostic est
assez sérieux, en ce sens que la guérison est lente à
obtenir.
Le traitement consiste dans l'usage d'eaux sulfureuses;
localement on pratique des badigeonnages avec des solutions
astringentes, caustiques: chlorure de zinc, nitrate d'ar-
gent. On devra chercher à supprimer la cause à laquelle
on rapporte l'affection.
Laryngites spécifiques. — Elles font partie d'un en-
semble symptomatique d'une maladie générale. Elles ont
une grande tendance à l'ulcération et attaquent souvent les
cartilages.
Tuberculose, Les lésions causées par cette maladie
peuvent être primitives ou consécutives. Dans le premier
cas, qui est rare, le reste de l'organisme n'est pas encore
touché d'une façon appréciable ; dans le second, la locali-
sation laryngée n'apparaît que comme une nouvelle ma-
nifestation de la maladie. Anatomiquement, on remarque
la présence de granulations tuberculeuses aboutissant à
l'ulcération ; la muqueuse de la région aryténoïdienne et
interaryténoïdienne est généralement le siège de cette al-
tération ; Fépiglotte et les cordes vocales sont aussi fré-
quemment atteintes. On observe des troubles dyspnéiques,
de la dysphagie; la toux et l'expectoration sont habituelles,
l'enrouement existe presque toujours, et le malade peut
devenir complètement aphone. Le pronostic est très sombre.
Comme traitement on a recours à la révulsion cutanée (tein-
ture d'iode, emplâtres vésicants) ; on prescrit des pulvérisa-
tions, des inhalations ; on fait des badigeonnages de li-
quides caustiques et anesthésiques.
Syphilis. La syphilis, à ses différentes périodes, peut
s'accompagner de manifestations laryngées. Au début, il peut
n'y avoir qu'un simple catarrhe, mais à la période secondaire
on observe des érosions, des végétations, des ulcérations.
L'ulcère syphilitic{ue se développe d'une façon particulière
à la période tertiaire. Le sommet de l'épiglotte en est le siège
de prédilection. La région aryténoïdienne, les cordes vo-
cales sont aussi souvent atteintes. Le pronostic varie avec
l'étendue des lésions ; la phonation peut être fortement
compromise dans les cas où l'ulcération a détruit en partie
les cordes vocales. Enfin la présence de végétations, de
gommes peut gêner considérablement la respiration qui
devient sifflante. Comme traitement on a recours aux cau-
térisations au nitrate d'argent, aux badigeonnages de tein-
ture d'iode ; la première place doit être accordée au trai-
tement antisyphilitique ; mais il faut se méfier de l'iodure
dans la paralysie en adduction des cordes vocales.
Laryngites secondaires. — Une des plus fréquentes est
la laryngite de la fièvre typhoïde, remarquable par sa ten-
dance à revêtir la forme ulcéreuse ; elle est presque tou-
jours concomitante des ulcérations des pihers du voile du
palais, signalées dans la fièvre typhoïde par Duguet. Les
symptômes varient selon le siège des lésions ; le pronostic
doit être réservé par suite des complications qu'elles peuvent
causer. Pour en finir avec les inflammations du larynx,
il faut mentionner les périchondrites, les chondrites et les
arthrites ; il n'est pas rare d'observer des arthrites rhu-
matismales; dans les cas de chondrite avec suppuration, le
pronostic est très sérieux, vu les modifications anatomiques
consécutives.
Troubles circulatoires. — 1^ V anémie provoque
des phénomènes de sensibilité réflexe consistant en quintes
de toux. 2° Vhyperômie peut être active (fatigues vo-
cales, abus du tabac) ou passive (affections du cœur); la
toux est habituelle. L'aconit est souvent prescrit dans ces
cas. 3^ OEdème du larynx. On donne ce nom à l'infiltra-
tion sous-muqueuse des différentes parties de l'organe,
que cette infiltration soit séreuse, séro-purulente ou puru-
lente ; les abcès sont évidemment classés à part. L'œdème
laryngé peut être consécutif à une inflammation locale (ar-
thrite, périchondrite), à certains processus ulcéreux (fièvre
typhoïde, syphilis, tuberculose), à la présence de corps étran-
gers, etc. ; dans tous ces cas, l'œdème n'existe pas iso-
lément, il constitue un symptôme, un élément de l'affec-
tion laryngée en voie d'évolution. Dans d'autres cas l'œdème
survient à titre de manifestation locale d'une maladie gé-
nérale, c.-à-d. comme complication d'une affection extra-
laryngée ; il peut être dû à la présence de phlegmons, de
néoplasmes d'organes voisins et produisant de la compres-
sion ; les lésions du cœur droit, la maladie de Bright,
l'iodisme peuvent déterminer son apparition. Les troubles
qu'il produit sont eux-mêmes très variables et dépendent
de la région envahie ; la voix n'est pas forcément altérée ;
les accidents dyspnéiques sont fréquents et nécessitent
parfois la trachéotomie. Le traitement devra s'adresser à
la cause; dans les cas d'inflammation, on pratiquera la
révulsion (vésicatoires, ventouses) ; dans la dyscrasie hy-
dropigène, les purgatifs hydragogues sont indiqués.
Troubles nerveux. — Ces troubles sont de" deux
ordres: troubles de sensibilité, troubles de motilité.
d^ Troubles de sensibilité, La sensibilité peut être aug-
mentée (hyperesthésie), diminuée (anesthésie). Ces acci-
dents surviennent surtout chez les hystériques. L'anesthé-
sie se manifeste par des troubles de la déglutition ; l'hyper-
esthésie, qu'on observe parfois au début de la phtisie,
provoque une augmentation très prononcée de l'excitabilité
réflexe; cet accident n*est pas rare chez les femmes en-
ceintes. Le traitement varie d'après la cause. Dans les cas
— 984 —
LARYNX — LASALLE
d'hystérie, on prescrira les douches, les laxatifs; l'éleclri-
cité, la strychnine rendront service dans l'anesthésie.
2<* Troubles moteurs. La paralysie est fréquemment
observée ; elle peut être unilatérale ou bilatérale, suivant
qu'une corde vocale seulement est troublée dans son fonc-
tionnement ou que toutes deux sont paralysées. La corde
vocale peut être en adduction, en abduction ou en position
intermédiaire; cela dépend de l'action du muscle paralysé,
qui peut être dilatateur ou constricteur de la glotte. Outre
les troubles phoniques, on observe aussi des troubles res-
piratoires. La paralysie peut être consécutive à une lésion
nerveuse centrale ou périphérique ; dans le premier cas,
elle reconnaît pour cause une maladie du cerveau, du bulbe,
la présence d'une tumeur (gomme). Les paralysies d'origine
périphérique sont causées par les lésions du nerf spinal,
du récurrent ; elles sont consécutives à la compression
exercée par les tumeurs du cou, du raédiastin (anévrysmcs
de la crosse aortique, ganghons trachéo-bronchiques, tu-
meurs du poumon).
Enfin il existe des paralysies hystériques. Le traitement
varie avec la cause. L'électricité a donné de bons résultats.
Parmi les troubles nerveux, «n classe certains accidents, tels
que le spasme de la glotte dépendant de l'excitation des nerfs
présidant à la contraction des muscles de la glotte, ou bien
d'autres nerfs dont l'excitation est due à un phénomène ré-
flexe comme on le remarque souvent chez les enfants à
l'époque de la première dentition. Ces accidents surviennent
habituellement à la suite d'impressions psychiques pro-
fondes ou d'obstructions du nez. L'accès débute brusque-
ment, la respiration devient difficile, le malade suffoque ;
ordinairement tout rentre dans l'ordre après quelques se-
condes. Comme traitement, on prescrit des pulvérisations de
cocaïne, des applications de compresses imbibéesd'eau chaude
et on a quelquefois recours à la chloroformisation. Chez les
nouveau-nés, le spasme glottique est fréquent et provoque
souvent les convulsions ; il est toujours accompagné de
spasme du diaphragme et des muscles thoraciques ; ce n'est
donc pas une afi'ection spéciale au larynx.
Nous allons maintenant indiquer les maladies du larynx
qui rentrent dans le cadre de la pathologie externe.
Chirurgie du larynx. — Plaies. Elles sont assez
rares et suivent la marche des plaies ordinaires. Les frac-
tures sont le plus souvent dues à des causes directes :
chocs, constriction. C'est généralement le cartilage thyroïde
qui est atteint ; la fracture peut être simple ou compliquée.
Les symptômes sont la gêne de la respiration, la toux, la
mobiUté anormale des cartilages et quelquefois de l'em-
physème. Dans les cas simples, on prescrit les antiphlogis-
tiques ; mais, quand il y a menace d'asphyxie, il ne faut pas
hésiter à pratiquer la trachéotomie (V. ce mot) dès le début,
puis on cherche à immobiliser le larynx.
Corps étrangers. Il s'agit généralement de pièces de mon-
naie, d'aiguilles, de noyaux, de clous, de fragments alimen-
taires, de liquides, etc. ; cet accident se produit au moment
d'une forte inspiration , quand un corps étranger se trouve à ce
moment dans l'arrière-bouche. Certaines conditions comme
la paralysie de l'épiglotte y prédisposent. Le premier symp-
tôme est une toux convulsive, puis apparaissent des accès
intermittents de suffocation, la déglutition est gênée ; on peut
observer consécutivement de l'emphysème ou un abcès. Le
pronostic doit être réservé, surtout si le volume du corps
étranger lui permet de franchir les lèvres de la glotte et
de passer dans la trachée. Le traitement consiste à cher-
cher par tous les moyens possibles à extraire le corps
étranger; mais, quand on rencontre trop de difficultés et
qu'il y a menace d'asphyxie, on pratique la trachéotomie.
Polypes. On désigne ainsi toutes les tumeurs bénignes
du larynx . Les causes sont assez mal connues ; on invoque
généralement l'hérédité, un état diathésique particulier.
Les congestions fréquentes, certaines professions déter-
minant des inflammations répétées de l'organe, ont été
incriminées. Ils siègent le plus souvent à la partie anté-
rieure du bord libre des cordes vocales inférieures ; mais
on peut en observer aux autres parties de l'organe. Anato-
miquement on classe les polypes en papillomes, adénomes,
fibromes, myxomes, angiomes. La présence des polypes
dans le larynx amène l'altération de la voix qui peut
aller du simple enrouement à l'aphonie complète; cette
altération est en rapport avec le siège et le volume de la
tumeur; la gêne respiratoire est un symptôme fréquemment
observé. L'oppression est d'autant plusmarquée quel'orifice
glottique est plus rétréci. C'est ce qui arrive généralement
clans le cas d'insertion du polype sur les cordes vocales.
Quand un polype s'est développé sur l'épiglotte ou dans la
région aryténoïdienne, surtout à la partie postérieure, il
provoque une gêne de la déglutition. Souvent le malade
accuse une douleur assez vive au niveau de la fourchette
sternale ; c'est généralement le seul signe douloureux dont
s'accompagne cette aftection. Les polypes ont une marche
lente; ils n'ont aucune tendance à disparaître spontané-
ment; quelques-uns récidivent rapidement et revêtent par-
fois un caractère malin. Le pronostic est bénin en ce sens
que la vie des malades est rarement en danger ; il devient
plus sérieux au point de vue de la phonation et dans les
cas de transformation en tumeur maligne.
L'intervention chirurgicale par les voies naturelles est
le mode de traitement le plus employé ; on peut procé-
der par arrachement, par écrasement, par abrasion, exci-
sion. On se sert aussi des caustiques chimiques, de la
galvanocaustie.
Le cancer du larynx débute dans le tissu sous-muqueux
par de petites nodosités arrondies qui soulèvent la mu-
queuse ; celle-ci devient rouge foncé et ne tarde pas à s'ul-
cérer. On a observé aussi des enchondromes, des tumeurs
osseuses du larynx. L'opération qui, dans ces cas, a donné le
meilleur résultat, est l'extirpation du larynx. G. Coupard.
BiBL. : Anatomie. — Testut, Traité d'ansit. humaine.
Pathologie.— Fauvel, Traité pratique des maladies du
larynx.- G. Poyet, Manuel pratique de laryngoscopie et
de laryngologie.— Nouveau Dictionnaire de médecine et de
chirurgie pratique^ art. Larynx. — Ruault, Traité de
médecine. — Morell Mackenz'ie, Hygiène des organes de
la voix., traduit par L. Brachet et G. Coupard. — Mau-
riac, Syphilose du larynx. — G. Coupard, les Tumeurs
adénoïdes du pharynx et les laryngites striduleuses. —
Moure, Cas rares de polypes du larynx. — Latoupiiis,
Gommes syphilitiques du larynx. — Schwartz, Tumeurs
du larynx.— Luc, Névropatfiies laryngées.
L ARZAG (V. Cévennes, Aveyron et Hérault [Dép. de 1']) .
LARZAC. Corn, du dép. delà Dordogne, arr. de Sarlat,
cant. de Belvès; "274 hab.
LARZICOURT. Com. du dép. de la Marne, arr. de Vi-
try-le-François, cant. de Thiéblemont; 568 hab.
LAS-Illâs. Com. du dép. des Pyrénées-Orientales, arr.
et cant. de Cérêt; 198 hab.
LA SABLIÈRE (M"^«de) (V. Sablière).
LAS>EA (Zool. et Paléont.) (V. Erycine et Kicllya).
LASAGNA (Giovanni-Pietro), sculpteur milanais de la
lin du xvi^ siècle. Il travailla à la décoration de la cathé-
drale de Milan et particulièrement à la chapelle San Carlo,
où il sculpta des motifs d'ornement, et à la façade où il
exécuta les bas-reliefs représentant le Puits de Jacob, la
Vision de Daniel, Sisara et Joël. Son nom apparaît dans
les comptes de la fabrique en 1596.
BiBL. : CicoGNARA, Storia delta scultura; Prato, 1821.
LA SALA (Manuel) (V. Sala [La]).
LA SALGETTE (Colaud de) (V. Colaud).
LASALLE. Ville des Etats-Unis, Etat de l'Illinois, sur
rillinois, au point de jonction du canal venu de Chicago ;
9,000 hab. Mines de charbon.
LASALLE. Ch.-l. de cant. du dép. du Gard, arr. du
Vigan ; 2,404 hab. Filatures de soie.
LA SALLE (V. Salle [Lai).
LA SALLE (Jean-Baptiste) (V. Ecoles chrétiennes,
t. XV, p. 475).
LA SALLE (Gadiffi':r de) (V. Gadiffer).
LASALLE (Henri), publiciste français, né à Versailles
LASALLE — LASCARIS
982 —
en 1765, mort en 1833. Commissaire de police à Brest
(1799), commissaire général de police dans les dép. de
l'Est (1815). Collaborateur du Journal des Débats, il a
laissé, entre autres: Sur le Commerce de /7?24^ (Paris,
J802, in-8) ; Finances de f Angleterre (4803, in~8) ;
le Concordat de lEil (1818, in-8); George lîl, sa cour
et sa famille (1822, in-8); Maison hospitalière (4827,
in-8), projet d'un établissement destiné à recevoir les femmes
domestiques aux époques où elles sont sans place ; Du Prix
du pain à Paris (4829, in-4).
LA SALLE (Acliille-Etienne Gigault ni:), littérateur
français, né à Paris le 2o févr. J772, mort en 1855. Ré-
férendaire à la cour des comptes (1 800), préfet de la lïaute-
Marne (1845-19), greffier chef à la cour des comptes, il
a exercé en 1807 les fonctions de censeur de la librairie.
Collaborateur de la Gazette de France^ de la Biographie
universelle^ etc., il est surtout connu par son grand ou-
vrage archéologique : Voyage pittoresque e7i Sicile(?ms,
1822-25, 2 vol. gr. in-foi.),avec 92 planches. Citons en-
core de lui: la Sicile (1836, in-8), et plusieurs notices
insérées dans les Souvenirs du vieux Paris.
LASALLE (Antoine-Chevalier-Louis Colll\et, comte de),
général français, né à Metz le 10 mai 1775, tué à Wagraui
le 6 juil. 1809. Issu d'une ancienne famille de Lorraine,
petit-fiis du maréchal Fabert, les inclinations guerrières du
jeune Lasalle se manifestèrent dès l'enfance. 11 entra au
service à onze ans comme sous-lieutenant de remplacement
dans le régiment d'Alsace. Sous-heutenant de cavalerie au
moment de la Révolution, il dut bientôt renoncer à son
grade, les idées nouvelles tendant à éloigner la noblesse
du corps d'officiers; il s'engagea alors comme simple soldat
attendant de sa valeur l'épauletto que sa naissance lui en-
levait. Sa bravoure no tarda pas à le signaler aux généraux
de la République. A l'armée du Nord il enleva avec quelques
cavaliers une batterie ennemie. Nommé officier en 1795 el
aide de camp de Kellermann il suivit ce général à l'armée
d'Italie; ses traits d'audace et de bravoure ne se comptent
dès lors plus. C'est d'abord à Vicence, oii, pris à partie
par quatre hussards autrichiens et sommé de se rendre,
il blesse ses adversaires et leur échappe en se précipitant
avec son cheval dans la Bachiglono qu'il traverse à la nage,
puis à l'armée d'Orient il accomplit des prodiges de valeur
à la bataille des Pyramides et aux combats de Salahieh et
de Remedieh où il sauva la vie au général DavouL
Colonel en Italie, il eut au combat de Vilnadella trois
clievaux tués sous lui et brisa sept sabres sur l'en-
nemi. Nommé général de brigade le 31 janv. 1804, il
assista à la bataille d'Austerliiz, et l'année suivante se
couvrit de gloire en s'emparant de la forteresse de Stet-
tin qui ouvrit ses j)ortes aux deux seuls régiments de
cavalerie de la brigade Lasalle. Général de division le
30 déc. 1806, il sauve la vie au prince Murât qui, au
combat d'ileislberg , était entouré par douze dragons
russes. Envoyé en Espagne en 1808, il y rendit les plus
grands services, particulièrement aux batailles de Médina
del Rio Seco, de Burgos et de Medellin, où il tailla en
pièces l'armée espagnole. Napoléon le rappela d'Espagne
pour prendre le commandement d'une division de cavalerie
de la grande armée. A Altenbourg, à Essling, à Raab, par-
tout Lasalle soutint sa réputation de bravoure, et il trouva
une mort glorieuse sur le champ de bataille de Wagram. Les
cendres du général Lasalle ont été, en 1891, rapportées d'Au-
I riche et déposées en grande pompe aux Invalides. La ^ illc de
Luné\iîle lui a élevé une statue en 'j 893. E. 1>eunard.
LA SALLE (JousLiN de) (V, Jousijn).
LASALLE (Albert de), httérateur et musicographe fran-
çais, né au Mans le 16 août 1833, mort à Paris le 24 avr.
1886. Critique musical du Monde illustré (i 8^1) et de
diverses revues, collaborateur du Figaro^ du Charivari, de
la Vie parisienne., où il écrivit sous les pseudonymes de
Double- Wé, Halbeer, et autres, il a laissé: la Musique h
Paris (Paris, 1863, in-12); Histoire des lioulJés-Pari-
siens {iSOO, in-46); V Hôtel des Haricots {{8i)^k,'mA^D;
Meyerbeer, sa vie et ses œuvres (1864, in-16); Diction-
naire de la musiqîie (iSQS. in-12); la Musique pendant
lesiègedeParis{i%l^,m-i^)\ les Treize Salles deV Opéra
(;i875, in-12) ; Mémorial du Théâtre-Lyrique (1877,
in"-8), etc.
LA SARRAZ. Village de Suisse, cant. de Vaud; 848 hab.
Il formait une baronnie assez importante et possède un
château qui remonte, dit-on, au v^ siècle. A l'occasion de
la reconstruction de l'église, on a mis au jour un sarco-
phage intéressant d'un noble de La Sarraz.
LASAULX ou LASSAULX (Johann-Claudius de), archi-
tecte allemand, né à Coblentz le 27 mars 1781, mort le
14 oct. 1848. Il étudia d'abord à Wurzbourg le droit et
la médecine, puis, tout en dirigeant une brasserie qui
appartenait à son père, il se livra, en ses heures de loisir,
à des travaux d'art mécanique. Chargé d'abord par le
gouvernement de réorganiser l'administration des bâtiments
publics, il devint ensuite (4 815) inspecteur royal des bâti-
ments de la couronne dans la province de Coblentz. On lui
doit les plans de plus de soixante édifices publics et privés,
dont il a dirigé la construction, et parmi lesquels nous
citerons le château de Reinecli et diverses églises de style
ogival. Il a collaboré, en outre, à des journaux d'architec-
ture, et laissé un ouvrage inédit sur Part de bâtir.
LASAULX (Peter-Ernst de), philologue allemand, né
à Coblentz le 16 mars 1805, mort àMuDichIe9mai 1861.
Après avoir suivi à l'université de Bonn les cours de
Schlegel, Niebuhr, Brandis et Welcker, il alla poursuivre
ses études à Munich sous Franz von Baader, Gôrres et
Schelling. Il versa dans le mysticisme chrétien. Après un
séjour à Vienne, il visita l'Italie et l'Orient de 1831 à 1833.
En 1835, il fut nommé professeur extraordinaire à Wurz-
bourg et, en 1837, professeur ordinaire. En 1844, il fut
})romu à la chaire de philologie de l'université de Munich.
Mis à la retraite en 1847, à la suite d'une proposition
d'adresse au ministre ultramontain Abel, qui avait dû se
retirer, il fut choisi par le cercle d'Abensberg comme re-
présentant à l'assemblée de Francfort, où il vota avec le
parti grand-germanique. Il fut rétabli dans sa chaire en
mars 1849. Ses travaux ont plutôt un caractère philoso-
phique qu'un caractère scientifique ; ce fut un romantique
de la philologie classique, et il mit sa science au service de
la doctrine théosophique de Baader, cherchant à montrer
que toutes les vérités chrétiennes étaient contenues en subs-
tance dans l'antiquité païenne, voyant par exemple en Pro-
méthée un prototype du Sauveur, et mettant en parallèle
Socrate et Jésus. Ses principaux ouvrages sont : De Mor-
tis dominatu in veteres (Munich, 1835); Das pelagi-
sche Orakel des l^eus zii Dodona (Wurzbourg, 4 841 , in-4) ;
Ueber den Sinn des OEdipus-Sage (^surzhourg, 4 844,
in-4) ; Die Siihnopfer der Griechen und Rœmer uncl
ilir VerJiœltnisz zum dem Einen auf Golgotha (Wurz-
bourg, 1841 , in-4) ; PrometJieus,Die Sage und ihr Sinn
(Wurzbourg, 1 843, in-4) ; Der Eid bei den Grieclien und
denliœmern (Wurzbourg, 1844, in-4) ; Der Untergang
des He l lenismus {Munkh, 1854, in-S) ;Neuer Versuch
elner Ptiilo Sophie der Geschictite {Mmiidi, 1856, in-8) ;
Des Solcrates Leben und Lehre und Tod (1857); Die
PJiilosophie der scliœnen Ki'mste (1860, in-8); 7.ur
Philosophie der rœmischen Geschichte (1861, in-4).
LA SAUSSAYE (V. Saussâye [La]).
LASAU VETAT-de-Savi>rks. Com. du dép. du Lot-et-Ga-
ronne, arr. d'Agen, cant. de Laroque-Timbault; 415 hab.
LASâUVETAT-sur-Lèdf,. Com. du dép. du Lot-et-Ga-
ronne, arr. de Villeneuve, cant. de Monflanquin; 533 hab.
LASBORDES.Com. du dép. de l'Aude, arr. et cant. (S.)
de Castelnaudary; 575 hab.
LASGABANES. Com. du dép. du Lot, arr. de Cahors,
cant. de Montcucq ; 558 hab.
LASCAR! S. Grande famille byzantine du xiiî^ siècle,
dont le premier membre illustre est Pempereur de Nicée,
Tliéodore Lascaris (V, ce nom). Plusieurs des frères de
983
LASCxVRIS - LAS CASES
ce personnage jouèrent un grand rôle dans l'histoire de
l'empire grec de Nicée : Constantin, qui, après avoir
vaillamment contribué à la défense deConstantinople contre
les croisés, fut un des meilleurs i^énéraux de Théodore ;
le sébastocrator Alexis^ qui plus tard soutint l'empereur
latin Robert de Courtenay contre le basileus Jean Vatat-
zès et fut condamné, après la défaite de Poimanchos,
à perdre les yeux ; Manuel entin et Michel^ qui, après
avoir fui Nicée par crainte de Yatatzès, furent ensuite
rappelés par Théodore II et conquirent une grande répu-
tation militaire. — Par les fdles de Théodore, dont Fune,
Irène, épousa Jean Vatatzès, l'autre, Marie, le roi de
Hongrie, Bêla IV, la famille Lascaris porta son nom dans
les plus illustres maisons ; les empereurs Théodore 11
(1254-58) et Jean IV ('i::258-o9) tinrent à honneur de
prendre le nom de Lascaris, et, pendant le cours du xin^
et du XIV® siècle, on le trouve porté par de nombreux per-
sonnages. Dans quelle mesure les savants du xv® siècle,
Constantin et Jean Lascaris, se rattachaient à cette illustre
famille, il est ditRcile de le dire. Au xyiii® siècle encore,
on trouvait des Lascaris en Crète, à Chypre et à Céphalonie.
LASCARIS (Constantin), grammairien grec, issu de la
famille impériale de ce nom, vivait au xy^ siècle. Il quitta
sa patrie après la prise de Constantin ople par les Turcs
et se rendit en Italie. Il composa sa Grammaire grecque
(Milan, 1476, in-4) pour Hippolyte Sforza, fille du duc
de Milan. C'est le premier livre de langue grecque imprimé
en Italie. Il professa ensuite publiquement le grec à Naples,
puis à Messine, où il se fixa jusqu'à sa mort. Il eut beau-
coup d'élèves, entre autres Pierre Bembo. Sa Grammaire
grecque fut réimprimée à Milan en 1480, puis à Vicence
en 1489. Les Aide en donnèrent cinq éditions succes-
sives. R. B.
LASCARIS (André-Jean), philologue grec de la même
famille que le précédent, né vers 1445, mort en 1535.
Après la ruine de l'empire grec, il se rendit à la cour de
Laurent de Médicis. Celui-ci l'envoya à deux reprises cher-
cher à Constantinople et dans d'autres villes grecques des
manuscrits qui risquaient d'être détruits sous la domina-
tion turque. Quant Lascaris revint de son second voyage
avec deux cents manuscrits, acquis pour la plupart au mo-
nastère du mont Athos, Laurent était mort, Lascaris, appelé
par Charles VII, alla enseigner le grec à Paris, oii il fut le
maître de Budé. Puis Léon X le fit venir à Rome, Fran-
çois P"^ le rappela à Paris, Paul ÏII enfin le fit revenir à
Rome. Bien qu'il ait laissé peu d'ouvrages, Lascaris, par
son enseignement oral, fut un des savants qui contribuèrent
le plus à répandre, dans l'Europe occidentale, la connais-
sance de la Grèce antique, R. B.
LAS CASAS (V. Casas).
LAS CASES (Emmanuel-Augustin-Dieudonné, mar-
quis de), historien français, l'un des compagnons de Napo-
léon 1^^' à Sainte-Hélène, né au château de l.as Cases, près
de Revel (Languedoc), en 1766, mort à Passy-sur-Seine le
15 mai 1842. Il fit ses études à Vendôme chez les orato-
riens, puis à Paris à l'Ecole militaire. Il entra comme
aspirant dans la marine militaire et assista le 20aot\t 1782
au combat de Cadix. Après la signature de la paix (févr.
1783), il visita les Antilles, Terre-Neuve et Boston. Il
passa à Brest, avec Monge, l'examen de lieutenant de vais-
seau. Il avait alors vingt et un ans. (Juand la Révolution
eut éclaté, il émigra (1790), fit en 1792 la campagne
contre la France, passa en Angleterre après la défaite des
Prussiens et prit part à l'expédition de Quiberon. De re-
tour à Londres, il fut réduit à donner des leçons pour
vivre; c'est à cette époque qu'il conçut le plan de V Atlas
historique, chronologique, géographique et généalo-
gique, qu'il pubUa avec succès plus tard, en 1802, sous
le pseudonyme de Le Sage. Rentré en France après le
18 brumaire, il s'établit à Paris comme libraire. Son atlas
attira sur lui l'attention de Napoléon, qui lui donna le titre
de baron. En 1809, les Anglais s'étant emparés de Fies-
singue, il s'engagea dans l'armée de Bernadotte. Napoléon
le récompensa en le nommant maître des requêtes au con-
seil d'Etat (1809), puis en l'attachant à sa personne en
qualité de chambellan et en le créant comte de l'Empire
(1810). Il le chargea en 1811 de liquider la dette austro-
illyrienne, et, en 1812, d'inspecter dans un certain nombre
de départements les dépôts de mendicité, les prisons, les
hospices, les établissements de bienfaisance et de dresser
un état exact de tous les ports et stations navales depuis
Toulon jusqu'à Amsterdam. En 1814, Las Cases commahda
contre les alliés un bataillon de la dixième légion de la
garde nationale, et il refusa comme membre du conseil
d'Etat de signer un acte d'adhésion à la déchéance de Na-
poléon. Il s'exila volontairement en Angleterre, après la
restauration des Bourbons, reprit sa place au conseil d'Etat
pendant les Cent-Jours, et, après Waterloo, suivit Napoléon
à La Malmaison, à Rochefort, où son maître le chargea de
la négociation du Bellerophon; enfin il raccompagna à
Sainte-Hélène, avec Emmanuel, son tils aîné. Chaque soir
il consignait par écrit les entretiens qu'il avait eus avec
Napoléon. Il consacra au service de son maître une somme
de 4,000 livres sterling environ, composant toute sa for-
tune, qui était placée en fonds anglais. Mais le 27 nov.
1816, à la suite d'une lettre qu'il avait adressée à Lucien
Bonaparte à l'insu de Hudson Lowe. pour se plaindre des
mauvais traitements que celui-ci faisait subir à l'empereur,
il fut transféré au cap de Bonne-Espérance avec son fils ;
puis, au bout de huit mois, il fut ramené en Europe, où on
lui assigna pour résidence Francfort-sur-le-Main. Il échoua
dans ses tentatives pour obtenir des rois réunis à Aix-la-
Chapelle un adoucissement du sort do Napoléon. Plus tard,
l'empereur d'Autriche lui fit permettre le séjour de la Bel-
gique. Il ne put rentrer en France qu'après la mort de
Napoléon et commença aussitôt la publication du célèbre
Mémorial de Sainte-Hélène^ ou Journal où se trouve
consigné, jour par jour, ce qu'a dit et fait Napoléo7i
pendant dix-huit mois (Paris, 1822-23, 8 vol. in-8;
une autre édition, illustrée par Charlet, a paru en 1843,
2 vol. gr. in-4). On évalue à 2 millions le profit de la
vente du Mémorial. Sous le règne de Louis-Philippe, Las
Cases fut élu député à Saint-Denis en 1831 et 1839 et
siégea à l'extrême gauche. Il avait épousé, en 1799, W^^ de
Kergariou qui lui donna deux fils et une fille. En dehors
du Mémorial il a laissé des mémoires : Mémoires d'Ë,-
A.-D., comte de Las Cases, communiqués par lui-
même, co7itenant l'histoire de sa vie (Paris, 1819,
in— 8). Pour le jugement qu'il faut porter sur le Mémo-
rial, V. l'art. Napoléon. R. Bertuelot.
BiBL. : Notice biographique sur le comte de Las Cases;
Paris, 15 aoiit 18d0, in-i. — Walter Scott, History of
Napoléon Buonaparte. — Sir Hudson Lowe, Memoirs.
LAS CASES (Emmanuel-Pons-Dieudonné, baron, puis
comte de), sénateur français, né à Saint-Meen (Finistère)
le 8 juin 1800, mort à Passy le 8 juil. 1854, fils du pré-
cédent. A l'âge de quinze ans, il accompagna son père a
Sainte-Hélène, où il servit plusieurs fois de secrétaire à
Napoléon. Il fut transporté avec son père au cap de Bonne-
Espérance, puis, revenu en Europe, il fut autorisé en 1819
à rentrer en France. La mort de Napoléon ayant ramené
lludson Lowe à Londres, il alla l'y joindre pour lui donner
un coup de cravache en plein visage. Hudson Lowe n'ayant
pas demandé réparation les armes à la main, Las Cases
dut rentrer en France pour échapper à la police anglaise.
Trois ans plus tard (nov. 1825), il fut l'objet d'une tenta-
tive d'assassinat à Passy. Le séjour de îludson Lowe à
Paris à la même époque et son départ aussitôt après l'at-
tentat l'ont fait soupçonner d'avoir soudoyé les assassins.
Las Cases prit part à la révolution de juil. 1830 et fut
élu député la même année dans le Finistère. Il fit partie
de la Chambre élective de 1830 à 1848 et accompagna en
1840 le prince de Joinville, que Louis-Philippe avait
chargé de ramener de Sainte-Hélène les restes de Napo-
léon f*'^". Napoléon IH le nomma sénateur le 31 <léc. 1852.
Il a laissé un récit de son voyage à Sainte-Hélène avec le
LAS CASES — LA SERNA
— 984
prince de Joinville : Journal écrit à bord de la (régate
ta Belle-Poule (Paris, 4844, in-8). R. B.
LASCAUX. Corn, du dép. de la Corrèze, arr. de Brive,
cant. de Juillac ; 504 hab.
LASCAZÈRES. Corn, du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
de Tarbes, cant. de Castelnau-Rivière-Basse ; 449 hab.
LASCELLE. Com. du dép. du Cantal, arr. et cant.
d'Aurillac ; 656 hab. Eglise du xii^ siècle. Cascade de la
Vergne-Blanque. Au Mousset, grottes taillées dans le roc
et qui passent pour avoir servi de refuge aux huguenots.
A Paliès, ruines d'un donjon féodal.
LASCELLES (Lady Henrietta) (V. Chatterton).
LASCELLES (Rowley), littérateur anglais, né à West-
minster en 4774, mort le 49 mars 4844. Avocat au bar-
reau irlandais, il fut chargé de la publication du Liber
munerum publicorum Hibernice ([4452-4827], 4824-
30, 2 vol. in-ibl.), auquel il ajouta de sa propre autorité
une fort curieuse et fort partiale histoire dlrlande : Res
Gestœ Anglorum in Hibernia. Il fut de ce fait poursuivi
par le gouvernement qui réussit à peu près à supprimer
tous les exemplaires d'une œuvre considérée comme « im-
pertinente». Citons encore de Lascelles : A General Out-
line of the Swiss Landscapes (4845); Letters of Pu-
blicola{\H\6, in-8); Letters a fYorik (4817, in-8); The
Heraldic Origin of gothic architectm'e(iSW, în-8);
The University and city of Oxford, avec de belles gra-
vures desStorer (4821, in-8); The Ultimate Remedy for
Ireland (4834, in-8). ^ R. S.
LASCH (Jean-Charles), peintre allemand, né à Leipzig
en 4822, mort à Moscou en 1888. Il commença par s'adon-
ner au commerce, mais bientôt, attiré par la peinture, il
entra dans l'atelier de Bendemann. A l'âge de vingt-deux
ans, il partit pour Munich, et se mit sous la direction de
Schnorr, puis de Kaulbach, qui lui enseignèrent l'art his-
torique et religieux dans la manière abstraite alors en
vogue dans l'école bavaroise. Après avoir peint un certain
nombre de tableaux dans cette formule, il quitta Munich
et se rendit à Moscou, où il fut très recherché pour ses
portraits pleins de caractère. Cet artiste vagabond, qui
pratiqua les procédés d'écoles assez disparates, se fixa
enfin à Dusseldorf en 4860, et y ouvrit un atelier d'élèves
(4869). On cite comme sa meilleure œuvre : U^ie Arres-
tation, gvdinde composition dramatique. Comme peintre de
genre, il a produit des tableaux pleins de fine observa-
tion : la Fête du maître d'école; le Retour de la
foire, le Médecin de campagne, le Théâtre de Polichi-
nelle. Ad. Thiers.
LASCLAVERIES. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. de Pau, cant. de Thèze ; 292 hab.
LASCLOTTES. Com. du dép. du Tarn, arr. deGaillac,
cant. de Salvagnac; 646 hab.
LASCOIVIBES(Antonin), homme pohtique français, né
à Chalvignacle 43 juil. 4840. Avocat au barreau de Mau-
riac, il fut élu député du Cantal le 4 oct. 1885, après avoir
échoué aux élections triennales pour le Sénat, en janv.
4885 ; membre de l'Union répubhcaine, il combattit le
boulangisme et fut réélu en 4889 et 4893.
LASCOURS (Jérôme-Annibal-Joseph Reynâud de Bo-
logne, baron de), homme politique français, né à Boisset-
et-Gaujac (Gard) le 5 juin 4764, mort à Mézières le 40 mai
4835. Après de bons services militaires, il entra au Conseil
des Cinq-Cents comme député du Gard (oct. 4795) et s'as-
socia dans cette assemblée à la politique du parti royaliste.
Il n'en applaudit pas moins au 48 brumaire et siégea au
Corps législatif de 4799 à 4843. Il se rallia ensuite aux
Bourbons, fut, de 4845 à 4824, préfet du Lot, de la
Vienne, du Gers, perdit sa place pour avoir fait de l'oppo-
sition au ministère Villèle à la Chambre des députés (où
il représenta le dép. du Gard de 4848 à 4827), occupa
ensuite les préfectures de la Drôme (nov. 4828) et des
Ardennes (déc. 4828), et se retira de la vie publique après
les journées de Juillet. A. Debidour.
LASCY (Pierre, comte de), général russe, né dans le
comté de Limerick (Irlande) en 4678, mort en Livonie en
4754. Il émigra d'abord en France, servit sous Catinat,
puis passa en Autriche, en Pologne et enfin en Russie,
En 4709, il commandait une brigade à Poltava. En 4749
et 4720, il combattit les Suédois ; en 4733, il commanda
les troupes envoyées au secours d'Auguste II de Pologne,
devint feld-maréchal et gouverneur de la Livonie. En 4742,
il défit les Suédois devant Helsingfors. Il tomba en disgrâce
sous le règne d'Elisabeth. L. L.
LASCY ou LACY (Eranz-Moritz, comte de), général au-
trichien, né à Saint-Pétersbourg en 4725, mort à Vienne
le 24 nov. 4804, fils du précédent. Il prit du service dans
l'armée autrichienne, était colonel au début de la guerre de
Sept ans, se distingua à la bataille de Lobosice (Lowositz)
et fut nommé général, puis gênerai quartier -meister , Il
débloqua Olmùtz et contribua à la victoire de Hochkirch.
Promu feld-maréchal-lieutenant, il poussa en 4 760 jusqu'à
Potsdam. Sa conduite à Torgau lui valut le titre de feld-ma-
réchal. Il devint en 4765 inspecteur général et, l'année sui-
vante, président du conseil de guerre. Joseph II le tenait en
haute estime. En 1788, il l'accompagna dans l'expédition
contre les Turcs. Mais la campagne ne fut pas heureuse.
Lascy tomba malade et retourna à Vienne. Cette expédition
fut le dernier acte de sa carrière militaire. L. L.
LASÈGUE (Ernest-Charles), médecin français, né à
Paris le 5 déc. 4846, mort à Paris le 20 mars 4883.
Docteur en médecine en 4846, chef de clinique en 4852,
agrégé de la faculté de Paris en 4853, médecin des hôpi-
taux en 4854, il fut chargé en 4862, 4865 et 4866 du
cours complémentaire sur les maladies mentales et du ser-
vice nerveux, et nommé professeur de pathologie et de
thérapeutique générales en 4867, puis professeur de cli-
nique en 4870. Lasègue, un des plus brillants élèves de
Trousseau, avait avec son maître bien des points de res-
semblance. Il a été l'un des derniers représentants de
l'ancienne médecine classique et traditionnelle qui procède
de la seule observation du malade, remettant au second
plan la méthode expérimentale. Bien qu'il fût lié avec
Claude Bernard, depuis le commencement de leurs études,
ce dernier n'a jamais pu le convaincre. Lasègue avait toutes
les qualités du professeur ; il était érudit, éloquent, spiri-
tuel ; ses leçons, suivies par de nombreux élèves, eurent
un grand succès; un de ses meilleurs, devenu son gendre,
M. Blum, les a réunies avec ses divers mémoires en 2 vol.
(4884). Elles se liront toujours avec profit. Il avait été
nommé membre de l'Académie de médecine en 4876.
LA SELVE (Edgar) (V. Selve [La]).
LA S EN A (Pietro), savant italien, né à Naplesen 4590,
mort à Rome le 3 sept. 4636. Il était d'origine française
(son nom véritable était La Seine) ; il embrassa d'abord la
carrière du droit, puis, après la mort de son père, il re-
nonça aux succès qu'il obtenait au barreau pour se consa-
crer entièrement aux études philologiques.il possédait une
immense érudition, mais, comme la plupart des savants
d'alors, il n'en fit pas toujours un bon usage. Parvenu à
une véritable célébrité grâce aux ouvrages qu'il avait pu-
bliés et à ceux qu'il gardait en manuscrit, mais dont on van-
tait le mérite, il fut appelé à Rome par le cardinal Bar-
berini et logé au Vatican où il mourut. On a de lui les
ouvrages suivants : Vergati (mélanges philologiques,
Naples, 4646) ; Homeri Nepenthes seu de abolendo luctu
liber (Lyon, '4 624) ; Cleombrotus sive de iis qui in aquis
pereunt (Rome, 4637); DeW Antico Ginnasio napole-
tano (Rome, 4644). G. Mazzoni.
BiBL. : J.-J. BuccARDO (BoucHARDj, Pétri la Sena vita,
1637. — Toppi, Bibliotheca napoletana. — Biografia degli
uomLni illustri del Regno di Napoli, t. III.
LA SERNA Y Santander (Charles-Antoine de), biblio-
graphe français, d'origine espagnole, né à Colindres (Vieille-
Castille) le 4^^ févr. 4752, mort à Bruxelles le 23 nov. 4813.
Fixé, dès 4772, dans cette dernière ville auprès de son oncle
maternel, secrétaire de S. M. Catholique et bibliophile émi-
- 98o -
LA SERNA — L4SI0PETALUM
nent, dont il devint l'héritier. Il rédigea alors le catalogue
delà bibliothèque du défunt (1792, 4 vol.), œuvre de va-
leur, réimprimée en 1803 (5 vol.). Bibliothécaire du dép.
de la Dyle en 1797, c'est lui qui forma la bibliothèque
de Bruxelles, avec les débris de celle des ducs de Bour-
gogne, les livres des abbayes supprimées, etc., et il en fit
connaître l'histoire {Mémoire, 1809). En dehors de plu-
sieurs autres travaux de ce genre, on lui doit un Diction-
naire bibliographique choisi du xv^ siècle (Bruxelles,
180o-7, 3 vol. in-8), précédé d'un essai sur l'origine
de rimprimerie et très apprécié. Le baron de Reifïenberg
lui a consacré une notice détaillée {le Bibliophile belge,
1847). G. P-i.
LASERPITIUM {Laserpitium L.) (Bot.). Genre de
plantes de lafamilledesOmbeUifèreset du groupe des Daucées
« dont les fleurs ressemblent beaucoup à cellesdes carottes,
à sépales ou à calice peu développés, à stylopodes coniques
ou déprimés, non marginés ou à peine bordés » (Bâil-
lon). Chaque carpelle présente quatre ailes, formées parles
côtes secondaires ; la graine est comprimée suivant le dos.
Les Laserpitium sont des herbes vivaces, européennes et
asiatiques, ou nord-africaines ; leurs feuilles sont pennées ou
subternées et décomposées, leurs fleurs blanches ou jaune
verdâtre. Ce sont en général des plantes aromatiques
amères, et l'on a employé en médecine les L. Archange-
lica Jacq., espèce de la Carniole et des Karpates, qui
fournit une sorte d'opopanax stimulant et pectoral; L. Si-
1er L. {Siler montanum Crantz, Ligusticum gargani-
cumTm,) ou Laser officinal du S. de l'Europe, dont la
racine, très anière, est préconisée comme vulnéraire, et
les graines comme toniques, emménagogues et diurétiques.
On employait de même le L. latifolium L. (L. asperum
Crantz), espèce des bois montueux de l'Europe, connue
sous les noms vulgaires de Centaurée blanche et de
Turbith de montagne, et dont la racine sert dans les
campagnes comme purgative sous le nom de racine de gen-
tiane blanche, puis d'autres espèces, les L. gummiferum
Dosfr., L, pruthenicum L., L. galliciim C. Bauh., etc.,
qui jouissent des mêmes propriétés. D^ L. Hn.
LASERRE(Pugetde) (V. Serre).
LA SERVE (Râbinetde) (V. Serve).
LASFAILLADES.Com.dudép. du Tarn, arr.de Castres,
cant. d'Angles ; 220 hab.
LASGRAISSES. Corn, du dép. du Tarn, arr. de Gaillac,
cant.de Cadaien; 527 hab. La seigneurie du village, après
avoir appartenu du xiii^ au xv® siècle à la famille Pierre de
Brens, était au xvii^ aux mains dos marquis de Malauze.
Dès le xiii®, on trouve à Lasgraisses des consuls nommés par
le seigneur sur une liste dressée par les officiers munici-
paux sortants. — Eglise moderne. Château de Castela, an-
cienne résidence du marquis de Malauze (xvi*^ siècle), tour
du moyen âge.
BiBL.: Rossignol, Monographies communales du Tarn,
I, 126-134.
LASICKI ou LASICI US (Jean),historienpolonais, né dans
la Grande-Pologne en 1534, mort à Zaslawie en 1605. Il
exerça les fonctions de précepteur dans diverses familles et
fut chargé par Batory de missions diplomatiques. Il a écrit
en latin un certain nombre d'ouvrages historiques : His-
toria de Gressu Polonorum in Valachia cwn Bog-
dano et cutde Turcarum (imprimé à Francfort, 1578,
dans l'ouvrage de Gorecki, Descriptio belli Ivoniœ, plu-
sieurs fois réimprimé et traduit en polonais par Syrokomla);
Clades Dantiscorum (Poznan, 1577, et Francfort, 1578);
De Russorum, Moscovitarumet Tartarorum religione
(Spire, 1582); DeDiis Samogitarum cœterumque Sar-
matarum, etc., etc. Cet ouvrage, publié d'abord dans le
recueil de Michel Lithuanus, ÎJe Moribus Tartarorum
(Bâle, 1615), réimprimé chez EIzevier (1626 et 1642), a
été réédité par Mannhardt(avec notes de Bielenstein [Riga,
1615J). 11 a été l'objet de nombreux commentaires (V. no-
tamment Mierzinski, Lasicki comme historien de la
mythologie lithuanienne, en poL, Cracovie, 1870) et
paraît aujourd'hui fort suspect. Lasicki a en outre écrit en
latin l'histoire des frères bohèmes : Historia ecclesias-
tica... fratrum Bohemarum (publié à Amsterdam par
Komensky, 1640 et iù66). L. L.
LA SICOTIÈRE (Duchesne de) (V. Sicotière [La]).
LASINIO (Carlo, comte), graveur à l'eau-forte et au
burin italien, né à Trévise en 1757, mort à Pise en 1839.
Il a gravé nombre de belles planches pour le grand ouvrage
consacré à l'histoire de la peinture florentine : Etruria
pittrice (1791-95, 2 vol. gr. in-fol.); d'autres estampes
d'après Giotto, Orcagna, Ghirlandajo, et surtout Benozzo
Gozzoli, et des portraits.
Son fils, Giovanni-Paolo, né en 1796, mort en 1855,
exécuta des planches pour plusieurs publications : la
Galerie de Turifi, le Musée de Bourbon de Naples, la
Metropolitana fiorentina (1820), la Galleria Riccar-
diana (1822-24), etc.
LASINIO (Fausto), orientaliste contemporain, ne à Flo-
rence le 1^'^ déc. 1831. 11 étudia l'hébreu et le syriaque
dans cette ville et fut envoyé en 1855 à Rome par le gou-
vernement de Toscane pour y continuer ses études. Il
apprit l'arabe, devint professeur d'arabe à l'Institut des
études supérieures de Florence et publia dès lors une série
d'ouvrages et d'articles, parmi lesquels : // Commenta me-
dîco di Averroe alla Rettorica di Aristotile, texte arabe
(Florence, 1860); Il Commenta medico di Averroe alla
poetica di Aristotile, texte arabe et hébreu et traduction ita-
lienne (Florence, 1860) ; Prolusione al corso straordinario
di conferenze sopra il testa ebraico del libro di Isaia
(Florence, 1862); Come gli studii orient ali possano
aiutare l'opéra del vocabolario (Florence, 1877) ; / Co-
dici orientali délie bibliotheche italiane (Florence,
1880). Enfin, M. Lasinio est Fauteur de quelques travaux
d'étymologie italienne, tels que : Délie Voci italiane di
origine orientale [Florence, 1886); Di Alcune Voci ita-
liane crédule di origine orientale (Florence, 1879). ,
LASIOCAMPE (Entom.). Genre d'Insectes Lépidoptères,
sous-ordre des Bombycines, famille des Bombycidés, ren-
fermant de gros et lourds papillons vulgairement nommés
Bombyx feuilles mortes, à cause de la couleur rouillée et
des dentelures de leurs ailes. Leurs chenilles, de mœurs
nocturnes, pubescentes sur le dos, très poilues sur les flancs,
plates en-dessous, se dissimulent le long des branches où
elles passent l'hiver, même par les températures les plus
rigoureuses. Nombreuses espèces répandues surtout dans
la région paléarctique. Lasiocampe du prunier {Lasiocampa
pruni), 65 centim. d'envergure ; fauve rougeâtre avec une
ligne noire et un point blanc sur l'aile supérieure, rare;
L. quercifolia, plus grand, roux ferrugineux avec une
pruinosité violette à l'extrémité des ailes; assez commun ;
la chenille vit sur les arbres fruitiers. Le Lasiocampa
otus de la région circaraéditerranéenne est le Bombyx dit
de Vile de Cos qui fournissait une soie dans l'antiquité ;
la Chenille file son cocon sur les cyprès, les térébinlhes,
les frênes et les chênes. M. M.
LAS 10 NEW! A {Lasionema Don) (Bot.). Genre de Rubia-
cées-Cinchonées qui se confond avec les Macrocnemum
(V. ce mot).
LASIONYCTERIS (Paléont.) (V. Vespertilion).
LASIOPETALUM (Bot.). Genre de Malvacées qui a donné
son nom au groupe de Lasiopétalées, caractérisé par les
fleurs hermaphrodites, pentamères, à calice bien développé, à
corolle peu visible ou nulle, avec cinq étamines oppositi-
pétales et autant de staminodes alternes, par l'ovaire à
3-5 loges renfermant chacune deux ovules ascendants colla-
téraux ou 2 séries verticales d'ovules, enfin par le fruit sec,
capsulaire, loculicide. Les Lasiopetalum sont des arbustes
australiens, couverts de poils étoiles, à feuilles alternes,
entières, stipulées, à cymes pauciflores souvent disposées
en grappes. On en connaît une vingtaine d'espèces. Ce
genre était plus compréhensif ; on en a détaché plusieurs
genres secondaires, tels que : Guichenotia, Lysioselum ,
LASÏOPETALUM — LASKÏ
- 986
Thomasia^ Seringia, Keraudrenia, etc., qui n'en dif-
fèrent que par des caractères peu importants. D'' L. Hn.
LâSIOPTERA (Lasioptera Meig.) (Entom.). Genre de
Diptères, de la famille desCécidomyida^, caractérisé par le
premier article des tarses plus court que les suivants, les
deux nervures très rapprochées du bord de l'aile et presque
confondues, et la trompe courte. Ces Insectes forment sur
les pousses du genévrier, des ronces, etc., des galloides
souvent triquètres. Les espèces principales sont : L.
juîiiperina deg. et L. rubi Meig. {Cecidomyia rubi
Schrank).
LASIUROIVIYS(Zool.) (V.Echimis).
LASl US (Entom.). Genre d'Insectes Hyménoptères Porte-
Aiguillons fondé en 1804 par Fabricius pour des Fourmis
ainsi caractérisées : fossettes clypéales confondues avec les
antennaires ; épistome convexe, en forme de trapèze ; palpes
maxillaires de six articles, labiaux de quatre ; abdomen
large ne s'avançant pas au-dessus de l'écaillé. Les Lasius
sont de taille petite ou moyenne et de couleurs sombres ;
on en connaît environ vingt espèces dont la plus grande
partie habite l'Europe et l'Amérique du Nord. Leurs mœurs
ne sont pas les mêmes chez toutes les espèces, mais leurs
larves se métamorphosent toujours dans un cocon. A ce
genre appartiennent la fourmi fuligineuse {Lasius fiili-
ginosus Latr.) qui fait ses nids dans les bois avec une
sorte de carton ligneux et qui recherche les Pucerons du
chêne ; la Fourmi noire {Lasius niger Linn.) aussi com-
mune dans les bois et qui fait ses nids dans les vieux arbres,
sous les pierres ou en terre à forme de dôme maçonné. Le
Lasius emarginatus pénètre souvent dans les maisons où
il pille les provisions ; il répand une odeur musquée par-
ticulière. M. M.
LASK. Ville de Pologne, chef-heu de district du gouv.
de Piotrkow, sur la Nevolka; 6,000 hab. Filatures.
LASKARS. Matelots ou canonniers indiens; ài'oxiLaskar^
corps des troupes coloniales anglo-britanniques composé
d'infanterie, d'artillerie et de cavalerie, fort de 278 hommes,
à Ceylan et Hong-Kong. Ce mot est devenu en France un
nom commun et désigne les matelots dans la conversation
familière. R. B.
LASKER (Eduard), homme politique allemand, né à
Jarotschin (province de Posen, Prusse) le 4 4 oct. 4829,
mort à New York le 5 janv. 4884. Né de parents juifs, il
étudia à partir de 4847 les mathématiques et le droit à
Breslau et à Berlin. Il passa trois ans en Angleterre, revint
en Allemagne en d856 et, après avoir avancé régulière-
. ment dans la carrière judiciaire, il fut nommé en 4865
à la Chambre des députés {Abgeordnetenhaus) par la
quatrième circonscription électorale de Berlin, à la suite
de plusieurs articles remarqués qu'il avait publiés, de 4864
à 4864, dans les Deutsche Jahrbilcher d'Oppenheim. Il
prit place dans le parti progressiste {Fortschrittspartei)^
où son talent oratoire lui assura bientôt un des premiers
rangs. Il se distingua par la manière dont il traitait les
questions constitutionnelles. En 4866, il fut un des fon-
dateurs et depuis l'un des chefs du parti national-hbé-
ral, d'une part dans la Chambre des députés, où il repré-
senta Magdebourg de 4868 à 4874, Francfort-sur-le-Main
de 4874 à 4879, et d'autre part, dans le Reichstag, où il
représenta la deuxième circonscription électorale de Mei-
ningen. Il prit part aux lois qui organisèrent l'adminis-
tration allemande et prussienne, spécialement aux lois ju-
diciaires. Il défendit avec la même ardeur la cause de
l'unité nationale et celle de la liberté constitutionnelle.
Son discours du 7 févr. 4873 sur les tripotages financiers
émut vivement l'opinion. vSon influence diminua dans son
parti à la suite des attaques violentes que Bismarck diri-
gea contre lui à cause de sa politique d'opposition ; il ne
fut pas réélu à Francfort le 7 oct. 4879; il se sépara en
mars 4880 du parti national-libéral avec la majorité du-
quel il était en désaccord sur plusieurs points : réformes
financières, loi sur les socialistes, etc. Déjà souffrant depuis
quelque temps^ il entreprit en 4883 un voyage aux Etats-
Unis, pendant lequel il mourut. Citons parmi ses ouvrages :
Zur Geschichte der parlamentarischen Entivickelang
Preussens {hà^Lig, 4873); Zur Verfassungsgeschichte
Preussens (Leipzig, 4874) ; Die Zulamft dés Deutschen
Pieichs {Leipzig, 4877); Wege und Ziele der Kultur-
entwickelung (Leipzig, 4884). R. Berthelot.
LAS KL Nom d'une puissante famille polonaise du
xvi'^ siècle, originaire de la ville de Lask (V. ci-dessus).
Les principaux membres de cette famille sont : Jean,
grand chancelier de Pologne, archevêque de Gniezno et
primat du royaume, né à Lask en 4456, mort à Kalisz
en 4534. Il commença sa carrière en 4502 sous le règne
du roi Alexandre qui le nomma d'abord grand secrétaire
de la couronne et ensuite grand chancelier. Sur l'ordre du
roi, Laski publia à Cracovie en 4506 un recueil des lois,
édits et ordonnances royales sous le titre : Commune in-
clyti Uegni Poloniœ privilegium. Ce recueil célèbre n'a
jamais eu un caractère officiel, mais il a servi de base à
tous les travaux analogues postérieurs. En outre, Laski a
publié les Statuta provinciœ Gnesnensis et autres tra-
vaux très importants pour l'histoire ecclésiastique et le
droit canon en Pologne ; c'est sur son ordre enfin que
l'archidiacre de Gniezno, Matthias Skotnicki, écrivit une
description très détaillée de toutes les églises du diocèse de
Gniezno, sous le titre : Liber Beneficiorum archidiœcesis
Gnesnensis, Comme homme politique, Laski est un des
meilleurs diplomates de son temps. Les talents diploma-
tiques sont d'ailleurs l'apanage de toute cette famille qui
remplit de son histoire le xvi^ siècle. Il fut l'àme de l'ac-
tion politique contre l'Ordre teutonique, défendu par l'em-
pereur Maximilien P^ ; il proposait de poloniser l'Ordre et
de le transférer en Podolie, mais ce plan ne fut pas agréé
par le roi Sigismond P'*. Comme évêque, Laski appartient
aux personnages lesplus marquants de l'épiscopat polonais.
Jérôme, neveu du précédent, palatin de Siradie (Sieradz),
célèbre diplomate polonais au service du roi Sigismond P^
et du roi Jean Zapolya de Hongrie, né ie 27 sept. 4496,
mort le 22 déc. 4541. Au commencement de sa carrière,
il ne fut que l'exécuteur des plans de son oncle, le primat
Jean ; mais bientôt il le dépassa comme homme politique.
H entreprit les premières négociations avec François P^ de
France, lorsque l'alliance entre la Pologne et la maison de
Habsbourg conclue au congrès de Vienne 4515 ne répon-
dait plus aux intérêts de Sigismond P^ Laski, au nom de
son roi, favorisa beaucoup la candidature de François P^'
au trône impérial contre Charles-Quint. Ses deux ambas-
sades en 4549 et 4523 en France aboutirent aux traités
de 4524; on proposait deux mariages entre les familles
royales ; cette alliance avait pour but de donner un con-
trepoids à la prépondérance des deux couronnes, impé-
riale et espagnole, réunies sur la tête de Charles-Quint.
Laski représentait aussi à la cour de France les intérêts de
la Hongrie. Après la défaite de Mohacs (4526), Laski fit
son premier voyage à Conslantinople. Cette ambassade fut
couronnée du succès, Laski conclut un traité entre Soli-
man P^', la Pologne et le roi de Hongrie, Jean Zapolya,
contre Ferdinand d'Autriche. C'est encore lui qui déclarait
la guerre en 4528 à Ferdinand. Révoqué en Pologne, il
envoya des troupes auxiliaires à Jean Zapolya et s'efforça
d'impliquer la Pologne dans une guerre active contre l'Au-
triche. Après la prise de Bude, Laski, brouillé avec le gou-
vernement de son pays, entre définitivement au service du
roi hongrois. Ses nombreuses ambassades à Conslantinople,
en France, chez les princes allemands et en Angleterre, son
activité infatigable et son esprit éminemment politique dé-
cidèrent le roi Ferdinand P^ (nommé auparavant prince
palatin de Transylvanie) à l'attacher à son service. Laski,
dont l'action remplit toute l'histoire du rattachement de la
Hongrie à la maison d'Autriche, meurt retiré en Pologne
après une vie mouvementée dont l'histoire nous offre peu
d'exemples. Il représente le type rare et curieux du diplo-
mate-condottiere.
Stanislas Laski, né en 4500, mort le 43 avr. 4549,
987 ^
LASKl — LASPEYRES
guerrier, diplomate et écrivain distingué, frère du précé-
dent, après la mort de celui-ci, palatin de Siradie. Il
accompagna son frère Jérôme en France en 1524, resta
à la cour de François P^', fit la campagne d'Italie avec le
roi, aux côtés duquel il fut fait prisonnier à la bataille de
Pavie (1525). De retour en France avec le roi après le
traité de Madrid, il fut envoyé par François P^' en Hongrie
en mission secrète. En 1527, il retourne en France, accom-
pagne l'ambassadeur français, en Pologne, en 1527. L'année
suivante, nous le voyons combattre encore à côté des Fran-
çais en Italie sous les ordres de Lautrec. Guerrier accompli,
ayant fini en 1530 en Hongrie sa carrière militaire, il se
retire en Pologne, où il compose ses livres Sur V Art mi-
litaire. Envoyé deux fois par le roi Sigismond P^' en mis-
sions diplomatiques à l'électeur Joacliim de Brandebourg et
à Charles-Quint, sa deuxième mission ne donna pas le
succès qu'on en attendait.
Jecm Laski , frère des précédents , né à Lask en
1491), mort à Pinczow le 8 janv. 1560, célèbre réfor-
mateur polonais. Il consacra ses premières années aux
études en Italie, aux voyages et aux missions diploma-
tiques et se lia d'amitié avec Erasme. Jean Laski, qui
était déjà possesseur de quelques bénéfices ecclésiastiques,
renonça en 1540 à la carrière brillante qui l'attendait
dans l'Eglise, se maria et embrassa la doctrine réformée.
C'est probablement son séjour prolongé à Bàle chez Erasme,
son commerce avec OEcolampade, Zwingli et autres som-
mités de la réforme religieuse, ses relations suivies avec
Melanchthon et ses amis, ainsi que son amitié avec un
grand nombre d'humanistes allemands (BeatusRhenanus,
Glareanus, Amerbach, etc.), qui l'inclinèrent du côté de
la Réforme. Il épousa la fille d'un modeste bourgeois de
Louvain et, comme le clergé conçut quelques soupçons, il
s'en alla en Frise orientale. Après la nouvelle de son ma-
riage, Laski fut excommunié en Pologne et ses bénéfices
déclarés vacants, mais ses frères réussirent à faire annuler
le décret, Laski ayant déclaré qu'il ne reniait aucun dogme
catholique. Revenu à Emden (Frise), Laski rompt défini-
tivement avec l'Eglise et organise là, comme superintendant
des églises protestantes, une nouvelle Eglise à sa manière.
Sa doctrine est éclectique ; il rejette la prédestination de
Calvin tout en acceptant la base de ses dogmes ; à Zwingli,
il emprunte la base de la doctrine de l'Eucharistie. Au
point de vue pratique, il organise une hiérarchie ecclésias-
tique et vise à réformer les mœurs et l'organisation de
FEglise. Il publie un catéchisme et fait accepter par le gou-
vernement de la Frise son système de l'enseignement reli-
gieux du peuple. Appelé par Cranmer, l'archevêque de
Canterbury, il organise à Londres son Ecclesia peregri-
norum; c'est à son influence, paraît-il, qu'il faut attribuer
la nuance calviniste de l'Eglise anglaise d'alors. L'action
réformatrice de Jean Laski en Angleterre prit fin à l'avè-
nement au trône de la reine Mario. L'« Eglise des étran-
gers », création de Laski, fut dispersée, lui-même devait
s'enfuir et chercher vainement l'hospitalité à la cour luthé-
rienne de Danemark. Pendant quelques années, il resta en
Frise, mais bientôt chassé de là, sans pouvoir se trouver
un lieu sûr, il pense au retour en Pologne. Quelques mem-
bres de la haute noblesse polonaise appartenant aux nou-
velles doctrines religieuses l'invitaient à revenir, pour
organiser FEglise réformée de Pologne. Les exhortations de
Calvin ne manquant pas non plus, Laski se décida enfin à
retourner dans sa patrie vers la fin de 1556. Les quatre
dernières années de sa vie furent consacrées à l'unification
de différentes confessions protestantes en Pologne ; mais
Laski n'y réussit point. Il a publié de nombreux écrits
exégétiques et polémiques ; ses lettres et ses œuvres iné-
dites ont été dernièrement publiées par Kuyper (V. ci-
dessous Bibliogr.).
Albert Laski, fils de Jérôme, palatin de Siradie, né en
1533, mort en 1605, guerrier et diplomate polonais. Connu
surtout par son expédition contre Alexandre, hospodar de
Moldavie, en faveur d'un aventurier, Jacques Heraclides Ba-
silicos, duc de Samos, en 1557. Il appartenait en 1573 au
brillant cortège des seigneurs polonais qui invitèrent Henri
de Valois au trône de Pologne. J. Korzeniowski.
BiBL. : Nous citons seulement les ouvrages récents sur
les différents membres de cette famille : Zakrzewski, la
Famille des Laski au xvi« siècle; Atencum, 1882 et 1883
(en polon.). — Korytkowski, Jean Laski, archevêque de
Gniezno ; Gniezno, 1880 (en polon.). — Hirsciiberg, Hie-
ronim Laski; Lwow, 1888 (en polon.). — Malinowski, les
Travaux scientifiques et diplomatiques de Stanislas Lashi;
Wilno, 1864 (en polon.). — Ku vper, Joannis a Lasco opéra ;
Amsterdam, 1866, 2 vol.— Walewski, Jean Lashi^ réfor-
mateur; Varsovie, 1872 (en polon.). — - Dalton, Johannes a
Lasco ; Gotha, 1881 (en allem.). — Pascal, Jean de Lasco ;
Paris, 1894.— Kraushar, Olbracht Laski ;YarsoYie^ 2 vol.
LASKOVSKY (Ivan-Fedorovitch), musicien russe, né en
1799, mort en 1855. H ne reçut pas d'éducation musicale;
il a écrit pour le piano environ soixante-dix compositions
ou il s'inspire de Glinka, de Chopin et de Mendelssohn.
Los plus estimées sont : Berceuse^ Kinder lied^ le Conte de
la vieille. Laskovsky était attaché au ministère de la guerre
de Saint-Pétersbourg.
LAS KO WS Kl (Sigismond-Ladislas), médecin polonais,
né à Varsovie le 19 janv. 1841. Il était étudiant à l'Aca-
démie de sa ville natale lorsque l'insurrection de 1863 le
vit sur les champs de bataille au rang des patriotes. Empri-
sonné dans la forteresse de Varsovie, il réussit à s'échapper.
Il se réfugia à Paris et en Angleterre et devint en 1867
docteur en médecine de la faculté de Paris. Voué à l'ana-
tomie, il professe à Paris dès 1869, reçoit la grande na-
turalisation pour ses services aux ambulances pendant la
guerre et la Commune et part en 1876 pour Genève où il
est appelé à la chaire d'atiatomie de l'université de cette
ville. 11 y enseigne encore et a beaucoup fait pour le déve-
loppement de la nouvelle faculté de médecine qui compte au-
jourd'hui (1895) plus de deux cents étudiants. M. Laskowski
est connu pour sa découverte d'un liquide spécial per-
mettant la conservation des cadavres et des pièces anato-
miques. On lui doit aussi un Atlas anatomiqiie remar-
quable et un certain nombre de mémoires. E. Kujine.
LASLADES. Corn, da dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Tarbes, cant. de Pouyastruc; 3-22 hab.
LAS NE (Michel), dessinateur et graveur français, né à
Cacn vers 1595, mort à Paris le 4 déc. 1667. Elève pré-
sumé de L. Gaultier, et aussi des burinistes flamands à
Anvers, il fut avant tout un excellent graveur de portraits
et occupe à cet égard une belle place dans l'Ecole fran-
çaise. Il en exécuta environ deux cents, parmi lesquels on
doit en citer plusieurs d'/l?^?^<9 lV Autriche^ de Louis X/F,
du Grand Condé, du Cardinal de Richelieu (6 portr.),
de P. Corneille ; puis ceux de Callot, du Cardiîial de
Retz, de l'iconophile Jabach, du fameux Père Joseph^ le
confident de Richelieu, de Mazarin, etc. On lui doit en-
core plusieurs belles estampes d'après Simon Vouet, Rii-
bens, etc., et une trentaine de sujets de genre, d'après
Abr. Bosse. Très bon dessinateur, buriniste des plus habiles,
artiste dans l'âme, on un mot, il pèche souvent par la sé-
cheresse et tombe même dans la négligence. Apprécié par
Louis XIV, qui lui donna le titre de son graveur ordinaire,
Lasne fut le premier parmi les artistes de sa profession
qui ait été logé au Louvre. G. P-i.
LASO (V. Garcilaso et Lasso).
LA SOURCE (M.-D.-A.) (V. Source [La]).
LASPEYRES (Ernst-Adolf-Theodor), canoniste, né à
Berlin en 1800, mort en 1869. OEuvres principales :
Bernardi Papiensis Favent. episcopi siimma decreta-
lium (Ratisbonne, 1860); Gescfiichie und heutige Ver-
fassimg der Kath. Kirche Preussens (Halle, 1840).
LASPEYRES (Etienne), économiste et statisticien alle-
mand, né à Halle le 28 nov. 1834. Professeur en 1864 à
Bàle, en 1866 à Riga, en 1869 à Dorpat, en 1873 à
Karlsruhe, en 1874 à Giessen. Ses principaux ouvrages
sont : Die Wechselbeziehungen zwischen der Volksver-
mehrung und der Hœhe des Arbeitslohns (Heidelberg,
1860); Geschiehte der volkswirthschafllichen Anschau-
ungen der Niederlœ?ider und ihrer Litteratur zur Zeit
LASPEYRES — LASSALLE
— 988
der Republik (Leipzig, 4863); Liebigs Théorie der Bode-
nerschœpfung ,vom nationalœkonomischeii Standpunkt
aus beleuôhtet {R\%2i, 1869); Der Einfluss der Wohîi-
ungen auf die Sittlichkeit (Berlin, 1869); Die Kathe-
dersozialisten uud die statisiischen Kongresse (Berlin,
■1875); Das Aller der Deutschen Professoren (Berlin,
1876). R. B.
LASPEYRES (Hugo), minéralogiste allemand, né à
Halle le 3 juil. 1836, frère du précédent. Rentra en 1856
dans l'administration des mines, la quitta en 1864 pour se
consacrer à la science, fut élève de Bunsen à Heidelberg,
enseigna à Berlin à partir de 1867, puis à Aix-la-Chapelle
à partir de 1870, à Kiel à partir de 1884, à Bonn à par-
tir de 1886. R a étudié un grand nombre de minéraux au
point de vue chimique et cristallographique. Citons parmi
ses travaux sa carte d'une partie de la province de Saxe,
sa carte de la région minière de la Saar et du Rhin (Ber-
lin, 1868) et sa Beognostische Darstellwig des Stein-
kohlengebirges und Botliegenden von Halle (Berlin,
1875). R. B.
LASSAI GNE (Jean-Louis), chimiste français, né à Paris
le 22 sept. 1800, mort à Paris le 18 mars 1859. R tra-
vailla d'abord dans le laboratoire de Vauquelin, fut nommé
en 1828 professeur de chimie à l'Ecole vétérinaire d'Al-
fort et conserva cette chaire jusqu'en 1854. R était en der-
nier lieu expert-chimiste du tribunal de la Seine. On lui
doit de très importants travaux qui ont porté à la fois sur
la chimie pure, la chimie minérale, la chimie industrielle,
la chimie animale, la chimie légale, et qui ont abouti à de
nombreuses découvertes. Il a notamment trouvé ou étudié
l'un des premiers la delphine (avec Feneulle) , la cathartine
(avec le même), i'éther phosphorique, l'acide pyrocitrique,
les acides pyrogénés de l'acide malique, s'est beaucoup
occupé des sels de chrome, des composés de l'iode, dont il
a indiqué diverses propriétés nouvelles, et imaginé d'ingé-
nieux procédés pour la carbonisation des matières orga-
niques en vue de la recherche des substances toxiques,
pour la confection de l'émail des poteries, etc. Il a écrit,
outre un Abrégé de chimie inorganique et organique
(Paris, 1829, 2 vol. in-8, 1846), et un Dictionnaire des
réactifs chimiques (Paris, 1839, in-8), une centaine de
mémoires originaux qui ont paru dans les Annales de
chimie et de physique (1818-49), dans les Comptes ren-
dus de V Académie des sciences (1839-56), etc. L. S.
BiBL. : Pour les titres des mémoires de Lassaigne, V.
le CsLlalogue ofscientificpapersde la Soc. roy.de Londres,
t. III, et le Biogr.-liter. Handcooerterbuch de'Poggendori'f,
LASSALES. Corn, du dép. des Hautes-Pyrénées, arr. de
Bagnères-de-Bigorre,cant. deCastelnau-Magnoac; 141 hab.
IaSSALLE (Emile), lithographe français, né à Bordeaux
le 30 déc. 1813, mort à Paris le 2 févr, 1877. Il apprit
le dessin dans sa ville natale, en suivant les leçons de Pierre
Lacour, puis, étant venu à Paris, il se spécialisa dans la
lithographie et travailla pour diverses pubhcations illus-
trées. Il débuta au Salon en 1834. Son œuvre se compose
surtout de reproductions de tableaux contemporains, tels
que la Pèlerine, de Lehmann; Dante et Virgile^ d'Eug.
Delacroix ; la Source, d'Ingres, etc.
LASSALLE (Ferdinand), célèbre sociahste allemand, né
à Breslau le 11 avr. 1825, mort le 31 août 1864. Rétait
fils d'un riche négociant en soie Israélite, Lassai (il ne
donna à son nom la forme Lassalle qu'après un séjour à
Paris en 1846). Son père le destinait au commerce et l'en-
voya à l'école de commerce de Leipzig. Mais Lassalle vou-
lait se consacrer à la science. Au bout de deux ans, il quitta
secrètement Leipzig (été 1841), passa V Abiturientenexa-
men qui répond au baccalauréat français, et obtint de son
père l'autorisation d'étudier aux universités de Breslau et
de Berlin la philosophie, la philologie et l'archéologie. Sa
brillante intelligence attira suriui l'attention de ses maîtres
et il se lia de bonne heure avec des savants célèbres, comme
Bœckh et Alexandre de Humboldt. Heine, dont il fit en
1846 la connaissance à Paris, n'admira pas moins son éner-
gie. Lassalle devint un disciple enthousiaste de la philoso-
phie hégéUenne. Il était encore à l'université qu'il préparait
déjà un ouvrage sur le philosophe grec Heraclite. Mais ses
études furent interrompues pendant l'hiver de 1844-45.
Il fit alors à Berlin la connaissance de la comtesse Sophie
Hatzfeldt. La comtesse, âgée de quarante ans, était encore
belle. Elle se trouvait dans une situation pénible. On l'avait
mariée à seize ans, pour des raisons de convenance, au
comte Edmond de Hatzfeldt- Weisweiler. Le mariage ayant
été très malheureux, elle s'était décidée à se séparer de
celui-ci, et, quand Lassalle la rencontra, le comte qui dé-
pensait avec des maîtresses une fortune énorme, lui avait
refusé tout moyen d'existence et voulait lui enlever le seul
fils qu'elle avait gardé auprès d'elle, le jeune comte Paul.
Lassalle offrit à la comtesse sa fortune et ses services et
se rendit avec elle dans la Prusse rhénane, pour engager
la lutte contre le comte. Cette lutte dura près de dix ans.
Lassalle demeura vainqueur. En 1851, le divorce fut pro-
noncé contre le comte. Les tribunaux donnèrent à la com-
tesse une partie de la fortune de son mari. La comtesse
ne quitta plus Lassalle. Elle vécut dans les mêmes villes
que lui, et les liens d'amitié qui les unissaient ensemble
restèrent toujours très étroits. Au cours de la lutte, Las-
salle s'était trouvé impliqué dans un procès criminel qui
fit sensation. Deux amis de Lassalle et de la comtesse, le
D^ Mendelssohn et l'assesseur Oppenheim, s'étaient empa-
rés à Cologne, au mois d'août 1846, d'une cassette appar-
tenant à la baronne de Meyendorff, la maîtresse du comte,
et où ils pensaient trouver un contrat par lequel le comte de
Hatzfeldt s'engageait à servir à la baronne une pension
annuelle de 25,000 fr. Après avoir soustrait la cassette dans
les bagages de la comtesse, ils avaient dû l'abandonner et
s'enfuir. Ils furent poursuivis pour vol. Oppenheim fut jugé
et acquitté en 1846. Mendelssohn, accusé en 1846, fut
jugé en 1848. Lassalle, poursuivi comme l'instigateur du
vol, fut emprisonné en mai 1848, et acquitté au mois
d'août, à la suite d'un plaidoyer très brillant (V. Der
Kriminalprozess wider mich wegen Verleitung zum
Kassettendiebstahl ; Cologne, 1848; Meine Verteidi-
gungsrede ivider die Anklage der Verleitung zum
Kassettendiebstahl ; Cologne, 1848). Quand il fut sorti
de prison, il se jeta dans la politique. Il prit place parmi
les chefs de la démocratie radicale, à côté de Freiligrath et
de Marx ; il se lia particulièrement avec ce dernier et de-
vint socialiste. Un discours tenu à Neuss le fit poursuivre
pour avoir excité le peuple à la révolte à main armée contre
le pouvoir royal. Après six mois passés en prison, il fut
acquitté par les jurés de Dusseldorf (3 mai 1849). Mais
on le retint en prison pour avoir, dans le même discours,
excité la garde nationale à la résistance contre les fonc-
tionnaires, et le tribunal correctionnel le condamna le
5 juil. 1849 à six mois de prison. Après la fin des procès
Hatzfeldt (1854), Lassalle se consacra à des études scienti-
fiques et publia deux ouvrages qui fondèrent sa réputation
dans le monde savant : un ouvrage relatif à l'histoire de
la philosophie : Die Philosophie Herakleitos des Dun-
keln von Ephesos (Berlin, 1858, 2 vol.), et un ouvrage
relatif à la philosophie du droit : Das System der erwor-
benen Rechte, eine Versœhnung der positiven Rechts
und der Rechtsphilosophie (Leipzig, 1860, 2 vol. ;
2"^ éd., 1880). R défendait dans ce second ouvrage ses
théories politiques. Il fit paraître en même temps une tra-
gédie historique, Franz von Sickingen (Berlin, 1859),
qui ténioigne de son enthousiasme passionné pour la cause
de l'unité allemande. Cette passion est plus visible encore
dans une brochure qu'il écrivit pendant la guerre d'Italie :
Der italienische Krieg und die Aufgabe Preussens (Ber-
lin, 1859), et où il conseillait à la Prusse d'utiliser la
guerre pour mettre la main sur le Slesvig-Holstein et
pour faire l'unité allemande aux dépens de l'Autriche.
Même tendance dans son article sur Fichtes polilisches
Vermœchtniss wid die neueste Gegenwart (dans les De-
mokratische Studien de Y 2ihsrode; Hambourg, 1860) et
dans son discours sur Die Philosophie Fichtes imd die
Bedeutung des deutschen Volksgeistes (Berlin, 1862).
En 1862, Lassalle essaya de pousser les membres du parti
progressiste {Fortschritt spart ci) à la résistance passive
et à une déposition en masse de leur mandat. Il échoua et
crut le moment venu de fonder lui-même un nouveau parti
démocratique pour tenter de résoudre la question sociale.
Il exposa son programme dans une réunion publique (1 '^avr.
1862), à la suite de laquelle il fut arrêté pour avoir com-
promis la paix publique en excitant les membres de l'Etat
à la haine des uns contre les autres. Il fut condamné à
quatre mois de prison le 16 janv. 1863, mais acquitté en
seconde instance. Le lOfévr. 1863, un comité d'ouvriers,
réuni à Leipzig et qui voulait convoquer un congrès général
des ouvriers allemands, s'adressa à Lassalle pour lui de-
mander son opinion sur ce congrès et sur la question sociale.
Lassalle répondit au bout de deux semaines par une bro-
chure où il exposait son programme socialiste : Offertes
Antwortschreiben an das Zentralkomitee, etc, (Zurich,
1863; 5® éd., Leipzig, 1871). Il préconisait dans cette
brochure la fondation de sociétés coopératives de produc-
tion avec l'aide de l'Etat. Il engagea le comité qui s'adres-
sait à lui à ne pas convoquer de congrès, mais à créer une
« association générale des ouvriers allemands » (Allge-
meiner deutseher Arbeiterverein)^ dont le but immédiat
serait d'obtenir le suffrage universel direct au scrutin se-
cret, pour conquérir ainsi la puissance légale nécessaire à
la réalisation du programme socialiste. Le comité suivit son
conseil ; il chargea Lassalle de développer ses idées dans
des discours tenus à Leipzig, à Francfort et ailleurs, et le
23 mai 1863 VAllgemeiner deutseher Arbeiterverein
était fondé à Leipzig. Il comptait environ 600 membres
venus de toutes les régions de l'Allemagne. Lassalle fut
nommé président. Il gagna au Verein plusieurs milliers
d'adhérents. Ses attaques violentes contre la bourgeoisie
libérale le firent impliquer dans une série de procès crimi-
nels. Il fut même accusé de haute trahison pour avoir publié
une brochure {An die Arbeiter Berlins, 1863), où il en-
gageait les ouvriers à entrer dans le Verein, afin de tra-
vailler à détruire la constitution prussienne. Il fut acquitté
dans ce procès le 12 mars 1864, mais condamné dans
d'autres procès. Il publia la même année un volume où il
critiquait la thèse des économistes classiques de l'école de
Manchester et où il exposait les théories scientifiques qui
servaient de base à son socialisme : Herr Bastiat-Schultze
von Delitzsch, der œkonomische Julian, oder Kapital
und Arbeit (Berlin, 1864; deux traductions françaises :
Capital et travail ou M. Bastiat-Schulze [de Delitzsch'],
parB. Malon, Paris, 1880; 2^ éd. 1881; Monsieur Bas-
tiat-Schidze de Delitzsch ou Capital et Travail, par
E. Monti, avec une bibliographie par César de Paepe,
Bruxelles, 1881). L'activité qu'il déployait dans son rôle
d'agitateur avait ébranlé sa santé et, après un voyage
triomphal dans les districts ouvriers de la région rhé-
nane (mai 1864), il se rendit en Suisse pour se soigner
(juin 1864). Il y trouva Hélène de Dœnniges, la fille d'un
diplomate bavarois, qu'il avait connue antérieurement et
qui était alors fiancée à un Valaque, Janko de Rakowitz.
Lassalle, qui avait demandé sans l'obtenir la main d'Hé-
lène de Dœnniges, provoqua son fiancé à un duel au pisto-
let, qui eut lieu à Genève (28 août 1864). Lassalle fut
blessé mortellement. R. Berthelot.
BiBL. : Nous avons indiqué dans notre article les prin-
cipaux ouvrao;es de Lassalle ; on trouvera la liste com-
plète de ses œuvres dans là Bibliographie des Sozialismus
und Communismus^ par Josef Stammhammer; léna, 1893.
— On peut consulter sur Lassalle, B. Bkcker, Geschichte
der Arbeiteragitation F. Lassalles; Brunswick, 1874. — -
E. DE Laveleye, le Socialisme contemporain en Alle-
magne^ II, dans la Revue des Deux Mondes, 2b dôc. 1876, et
Paris, 1889, 4» éd.— G. Brandes, F. Lassalle; Berlin, 1877.
— A. Aaberg, F. Lassalle; Leipzig, 1883. — E. von Ple-
NER, F. Lassalle; Leipzig, 1884. — W.-H. Dawson, Ger-
man Socialism and F . Lassalle ; Londres, 1888; 2° éd., 1891.
LASSALLE (Jean-Louis), chanteur français, né à Lyon
en 1847. Ses parents étaient négociants. Il fut engagé à
989 - LASSALLL -• LASSELL
vingt-deux ans par M. Campocasso, comme premier bary-
ton, au théâtre du Capitole à Toulouse. Il entra ensuite au
théâtre de la Monnaie à Bruxelles, où il parut dans Ham-
let. M. Haknzier le fit venir à l'Opéra. Il y débuta en juin
1872, dans Guillaume Tell, avec un grand succès. Il
joua ensuite dans VAfricairie, dans les Huguenots. Puis
il créa, à la salle Ventadour, Vassili dans V Esclave (1874),
et, au Théâtre-Lyrique, Lusace dans Uvmiiri de Jon-
cières (1876). II rentra à l'Opéra en mai 1876 et créa en
1877 Scindia dans le RoideLahore deMassenet. R. B.
LASSAULX (V. Lasaulx).
LASSAY. Gom. du dép. du Loir-et-Cher, arr. deRomo-
rantin, cant. de Selles-sur-Cher ; 264 hab.
LASSAY. Ch.-l. de cant. du dép. de la Mayenne, arr.
de Mayenne, sur un ruisseau affluent de la Mayenne (g.) ;
2,568 hab. Construction de machines, tanneries, teintu-
reries. La châtellenie de Lassay fut érigée en marquisat en
1 647 ; elle fut également le siège d*un grenier à sel. En
1790, le tribunal du district de Villaines-la-Juhel y sié-
gea, et en 1793, le siège même de l'administration du dis-
trict fut transporté à Lassay. Le château de Lassay, fondé
au xi^' siècle, a été construit dans son état actuel, avec ses
cinq tours cylindriques et ses mâchicoulis, versle xtv*^ siècle.
Il subsiste en outre à Lassay des ruines de deux autres
châteaux, celui de Bois-Thibaut, qui date du xv® siècle, et
celui de Bois-Frou, de la Renaissance.
LASSAY (Armand-Léon de Madaillan de Lesparre,
marquis de), écrivain français, né le 28 mai 1652, mort
à Paris le 20 févr. 1738. Aide de camp de Condé (1672),
il se distingua à Senef et au siège de Valenciennes. Puis
il quitta l'armée. Il est célèbre par ses aventures roma-
nesques. Il épousa, en secondes noces, Marianne Pajot, fille
de l'apothicaire de Mademoiselle, qui avait été recherchée
par Charles de Lorraine. Elle mourut en 1678, et Lassay,
désolé, se confina dans la retraite. Puis il voyagea, fut en
galanterie avec Sophie-Dorothée de Hanovre, et épousa le
6 mars 1696 la fille du duc d*Enghien et de M"^® de Ma-
rans, légitimée sous le nom de Julie de Bourbon, demoi-
selle de Châteaubriant. Ses infortunes conjugales défrayèrent
bientôt la chronique scandaleuse. Lassay, qui avait réalisé
de gros bénéfices dans les spéculations de Law, se fit cons-
truire l'hôtel qui est actuellement l'hôtel du président de la
Chambre des députés. Il fit partie de la Société de VEn-
tresol (V. ce mot), et il a laissé des mémoires sous le titre
de : Recueil de différentes choses (Lassay, s. d. [1727],
2 vol. in-4, et Lausanne, 1756, 4 vol. in-8). R. S.
LASSBERG (Joseph, baron de), critique et archéo-
logue allemand, né à Donaueschingen le 10 avr. 1770,
mort au château de Meersburg sur le lac de Constance le
15 mars 1855. Il s'occupa longtemps de l'administration
des forêts du prince de Fiirstenberg ; mais, depuis 1817, il
se consacra tout entier à ses recherches archéologiques. Il
a été un de ceux qui ont le plus contribué à remettre au
jour les documents de l'ancienne littérature germanique,
et sa maison était ouverte aux érudits qu'attirait de toute
part sa belle collection de manuscrits. Il a fait paraître :
Liedersaal {^dmi-GiûX, 1820-25, 4 vol.); Einschm
und anmuetig Gedicht^der Littower (Constance, 1826);
Sigenot (Constance, 1830); Das Eggenlied (Constance,
1832). Les trésors qu'il avait rassemblés, et parmi les-
quels se trouve un des manuscrits importants des Nibe-
lungen, furent transportés, après sa mort, à la biblio-
thèque de Donaueschingen. Pfeiffer a publié sa correspon-
dance avec Uhland (Vienne, 1870). A. B.
LASSE. Com. du dép. de Maine-et-Loire, arr, de Beaugé,
cant. de Noyant ; 741 hab.
LASSELL (William), astronome anglais, néàBolton,
comté de Lancastre, le 18 juin 1799, mort à May Lodge,
près de Maidenhead, le 5 oct. 1880. D'abord employé de
commerce (1814-21), puis brasseur à Liverpoor(1825),
il prit goût, vers cette époque, aux études astronomiques,
se fabriqua lui-même en 1830 deux télescopes, l'un new-
tonien, l'autre grégorien, de 7 pouces et 7 pouces 1/2 de
LASSELl. - LASSERRE
990 --
diam., et, encouragé par ce premier succès, établit en
1839 un newtonien de 9 pouces, et en 1844 un équa-
torial de 24 pouces. Le dernier qu'il construisit fut érigé à
Malle en 1860; il mesurait 6 pieds de diam. et 55 pieds
de longueur ; c'était le plus grand du monde entier.
W. Lassell, qui était depuis 1849 membre de la Société
royale de Londres et qui fut élu on 1870 président de la
Royal astronomical Society, a effectué, avec ses puissants
instruments, d'importantes observations. Ll a notamment
découvert : en 1846 le satellite de Neptune; en 1848,
en même temps que G.-P. Bond, un huitième satellite de
Saturne, Hypérion; en 1851, le troisième et le quatrième
satellites d'Uranus, Ariel et Umbriel. 11 se rendit à Malte
d'oct. 1852 à mars 1853 et do 1861 jusqu'en 1865. 11
rapporta de son premier voyage dos observations sur la
nébuleuse d'Orion et de son second voyage un catalogue
de 600 nébuleuses. L, S.
LASSEN (Christian), orientaliste allemand, né à Dergen
en Norvège le 22 oct. 1800, mort à Bonn le 9 mai 1876.
Il fit ses études d'abord à Christiania, puis à Heidelbcrg
et à Bonn, où A.-W. de Schlegcl le poussa à s'occuper do
rinde. Il obtint, grâce à Schlegel, une bourse de voyage
pour passer deux ans à Paris et à Londres. A Paris, il se
consacra avec Burnouf à l'étude du pâli, la langue des
bouddhistes du Sud, qui était alors inconnue, et il^publia,
en 1826, en collaboration avec Burnouf, V Essai sur le
pâli. De retour à Bonn, il passa en 1827 sa thèse: De
Pentapotamia Indica, et fut nommé en 1830 professeur
extraordinaire, en 1840 professeur ordinaire de l'ancienne
littérature hindoue. Il y resta jusqu'à sa mort. De 1829 à
1831, il publia avec A.-W. de Schlegel la collection de
fables Hitopadesa (Bonn, 2 vol. ; le second volume presque
entier est de Lassen). Les travaux de Colebrooke le pous-
sèrent à s'occuper de la philosophie hindoue, et il pubha
le résultat de ses recherches dans la Gymnosophista
(Bonn, 1832). Plus tard il donna une édition et une tra-
duction latine du Gitagovinda de Dschayadewa (Bonn,
1837) et une nouvelle édition de l'ouvrage de Schlegel in-
titulé Edition du Bhagavad-Gita (Bonn, 1846). 11
publia pour les commençants une Anthologia sanscrita
(Bonn, 1838). Dans ses InstiliUiones lingnœ pracriticœ
(Bonn, 1837), il s'occupe des langues parentes du sanscrit
qui sont employées dans les drames hindous. Il contribua
par deux articles à l'explication des Tables Eugubines
(Bonn, 1833), et par une étude sur Die altpersischen
Keilinschrifien zu Persepolis (Bonn, 1836) à l'explica-
tion des inscriptions cunéiformes. Il publia en 1838 une
étude Zur Geschichte der griechischen iind indoskij-
thischen Kœnige in Baktrien^ Kalml und Indien (Bonn).
Son ouvrage capital est îndische AUertumskunde (Bonn,
1844-1861, 4 vol. ; les volumes I et II ont paru dans une
édition augmentée en 1867 et 1874). Il y a résumé nos
connaissances sur les antiquités hindoues. Il a donné en
outre un grand nombre d'articles dans les recueils intitulés :
îndische Bibliothek, Rheinisclies Muséum, et Zeitschrift
filr Kunde des Morgenlandes. R. B.
LASSEN (llartvig-Marcus), littérateur norvégien, neveu
du précédent, né à Bergen le 9 août 1824. Depuis 1853
professeur à une école de jeunes filles à Christiania, il a
très régulièrement publié des traductions ou des études
littéraires et dirigé des journaux. De 1857 à 1891, il
fut le principal rédacteur du Skilling-Magazin et est,
depuis mars 1891, à la tête du Folkebladet. Sa colla-
boration au Folkevennen a été aussi, à partir de 1868,
fort active. Pendant les années 1873 à 4878, étant attaché
comme censeur au théâtre de Christiania, il fit jouer plu-
sieurs traductions d'œuvres dramatiques dont quelques-unes
seulement ont été publiées : le Jeu de l'amour et du ha-
sard^ de Marivaux (1874) ; Egmont de Gœthe (1875);
Etincelle, de Pailleron (1880) ; Divorço7is, de Sardou
(1881) ; le Monde oii l'on s'ennuie^ de Pailleron (1881);
puis de Shakespeare : le Marchand de Venise (1881) ;
Mes César (1882); Macbeth (1883), etc. Il a une réelle
importance comme critique littéraire et s'est occupé tout
particulièrement de Henrik Wergeland, dont il a édité les
œuvres (1852-57, 9 vol.), publié des lettres (1867), et
sur lequel il a écrit une remarquable étude, //. Werge-
land et son temps (1866; 2® éd. augm., 1877). On lui
doit enfin des Etudes sur Vhistoire de la littérature
(1877) ; un recueil intitulé Critique et Polémique (1883)
et divers Choix de lectures littéraires. Th. C.
LASSEN (Edouard), compositeur danois, né à Copen-
hague le 13 avr. 1830. Il fit son éducation à Bruxelles oii
il obtint le prix de Rome en 1851, fit jouer en 1857, à
Weimar, son opéra le Pm Edgar ^ dont le succès fut écla-
tant et qui lui valut l'emploi de maître de chapelle du grand-
duc. Parmi ses œuvres ultérieures, on cite : deux opéras,
Frauenlob (1860), le Captif (iS6S), la musique du Faust
de Gœthe, des chœurs de VOEdipe roi, des symphonies,
des ouvertures, des lieds, etc.
LASSER ])i] ZoLLHEiM (Joseph), homme d'Etat autrichien,
né à Werfen (Salzbourg) le 30 sept. 1815, mort à Vienne le
18 nov. 1879. Il étudia le droit, entra dans l'administration
(1846), En 1848, il fut nommé député au Reichstag. Après
avoir servi au département de l'intérieur, il devint ministre
sans portefeuille en oct. 1860, puis ministre de l'intérieur
dans le cabinet Schemerling (févr. 1861-juil. 1865). Il fut
nommé gouverneur du Tirol, anobli en 1861. De 1871 à
1878, il eut le portefeuille de l'intérieur dans le cabinet
Auersperg, dont il fut un des membres les plus actifs.
LASSÉRADE. Gom. du dép. du Gers, arr. de Mirande,
cant. de Plaisance ; 514 hab.
LASSE RAN. Corn, du dép. du Gers, arr. et cant. (N.)
d'Auch ; 223 hab.
LASSER ET (Techn.). Espèce de tarière qui sert apercer
le bois pour y introduire des chevilles. C'est aussi un piton
à vis et, lorsqu'il est sans vis et rivé en dehors pour tour-
ner en tous sens, on le nomme lasseret tournant.
LASSERRE. Com. du dép. de PAriège, arr. de Saint-
Girons, cant. de Sainte-Croix; 536 hab.
LASSERRE. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. d'Alaigne; 284 hab.
LASSERRE. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
de Toulouse, cant. de Léguevin ; 347 hab.
LASSERRE. Com. du dép. du Lot-et-Garonne, arr. de
Nérac, cant. de Francescas ; 209 hab.
LASSERRE. Com. du dép. des Basses-Pyrénées, arr. de
Pau, cant. de Lambeye ; 176 hab.
LASSERRE-Berdoues. Com. du dép. du Gers, arr. et
cant. de Mirande ; 475 hab. (V, Berdoues).
LASSERRE (Henri de Monzie-), littérateur français,
né à Carlux (Dordogne) le 25 févr. 1828. Collaborateur
au Piéueil et au Pays, il publia une brochure sensation-
nelle en faveur du coup d'Etat du 2 décembre : rOpi-
nion et le coup d'Etat (Paris, 1851, in-18). Puis il se
passionna pour la Pologne et entreprit un voyage à Rome
pour obtenir du pape la condamnation des massacres de
Varsovie. 11 attaqua ensuite la Vie de Jésus de Renan
avec acharnement et fut un des plus zélés propagateurs
des pèlerinages de Lourdes, ce qui l'amena à une polémique
aussi violente que les précédentes avec Emile Zola (1894).
Citons de lui : l'Esprit et la Chair (Paris, 1859, in-12);
la Pologne et la Catholicité [i^M, in-12); les Ser-
pents (1862, in-12) ; l'Evangile selon Renan (1862,
in-12); Notre-Dame de Lourdes (1869, in-12, plus de
100 éd.); Be7'7iadette (i^l 9, in-S); Episodes miracu-
leux de Lourdes (1883, in-12), etc.
LASSERRE (Joseph), homme politique français, né à
Saint-Nicolas-de-la-Grave(Tarn-et-Garonne) en 1836, mort
le 28 déc. 1889. Il fit ses études de droit, fut nommé
maire de Saint-Nicolas-de-la-Grave au 4 sept. 1870,
puis successivement conseiller général en 1871, député en
1876 et fit partie de la Chambre jusqu'à sa mort. Grand
propriétaire terrien, il s'est consacré surtout à Fétude des
questions agricoles.
LASSERRE (Maurice), homme politique français, fils
991
LASSERRE --- LASSON
du précédent, né à Saint-Nicolas-de-la-Gravé en 1862. Il
fit ses études de droit et fut nommé en 1889 chef adjoint
du cabinet du garde des sceaux. Elu député de Tarn-et-
Garonne le 16 ïévr. 1890 après la mort de son père, réélu
en 1893, il fut nommé rapporteur du budget des cultes
en 1893 ; en 1894, il a été rapporteur du projet de loi
contre les anarchistes.
LASSEUBE. Ch.-l. de cant. du dép. des Basses-Pyré-
nées, arr. d'Oloron-Sainte-Marie ; 2,073 hab.
LASSEUBE-Propre. Corn, du dép. du Gers, arr. et
cant. (S.)d^Auch; 250 hab.
LASSEUBETAT. Com. du dép. des Basses-Pyrénées,
arr. d'Oloron-Sainte-Marie, cant. de Lasseube ; 404 hab.
LASSICOURT, Com. du dép. de l'Aube, arr. de Bar-
sur-Aube, cant. de Brienne-le-Château ; ^43 hab.
LASSIGNY. Gh.-l. de cant. du dép. de l'Oise, arr. de
Compîègne, sur le Pissot; 902 hab. Fabrique de sabots.
Tuilerie. Fontaine ferrugineuse. Eglise des xv*", xvi® et
xYii^ siècles avec de beaux vitraux de la Renaissance. An-
cienne motte féodale connue sous le nom de Tour Roland.
Dolmen appelé la Pierre du Parvis.
LASSITHI (Massif) (V. CÂNDfE).
LASSO ou LAZO. Arme de chasse et de guerre en usage
chez différents peuples de l'Amérique, les Araucans, les
Patagons, les Mexicains, ainsi que parmi les Kirghiz et les
Kalmouks, chez lesquels cette arme porte le nom à'arkan.
Le lasso a dû être importé en Amérique par les Espagnols,
en môme temps que le cheval, comme l'indique d'ailleurs
son nom, qui est une corruption du latin laqueus (dont nous
avons fait lacs et lacet). C'est une corde tressée, en la-
nières de cuir, en fibres végétales ou en crin de cheval,
longue d'une douzaine de mètres, et dont une extrémité
munie d'anneau forme un nœud coulant. On s'en sert
presque toujours à cheval ; mais on ne tourne jamais le
nœud coulant au-dessus de la tète comme le. représentent
la plupart des images d' « Indiens lan-
çant le lasso », car dans ce mouvement
le nœud ne ms^nquerait pas de se fermer
au premier tour décrit par la corde. Voici
la vraie manière de se servir du lasso. Le
cavaher prend l'anneau A de la main
droite et tire le nœud (en B) de la main
gauche, de façon à avoir son extrémité
(B) à 1 m. 1/2 environ de l'anneau ; en
même temps, la main gauche soutient la
partie de la corde qui se trouve au voisi-
nage (en G), tandis que le reste est en-
roulé autour du pommeau de la selle. Par
un mouvement brusque, l'Indien passe de
la main gauche dans la main droite l'ex-
trémité du nœud et le bout de la corde
(B et G), tandis que la main gauche
tient le reste du lasso enroulé. Alors, par
les rotations rapides du poignet de la main
droite, l'homme fait exécuter au nœud
coulant un mouvement de moulinet, puis
lance le tout sur l'animal qu'il poursuit (cheval, guanaco
ou autruche, peu importe) dès qu'il peut s'en approcher
suffisamment ; le lasso part, la corde se déroule, sou-
tenue par la main gauche, et le nœud coulant enlace le cou
ou les pieds de l'animal : on n'a qu'à tirer la corde pour
l'étrangler. Pour cela, on fait galoper sa monture en sens
contraire de celui dans lequel court le gibier. On prétend,
dans beaucoup d'ouvrages, que l'extrémité du lasso est
munie d'une ou de deux boules massives. Plusieurs dessins
ont même reproduit cette assertion erronée qui provient
de la confusion du lasso avec une autre arme à projection
en usage parmi les Indiens et les Gauchos de l'Amérique
du Sud et qu'on appelle holas (ce qui veut dire boules en
espagnol). Ce sont ordinairement deux ou trois boules en
cuivre ou en pierre, pesant chacune une livre et demie en-
viron, fixées à des lanières de cuir, longues de 1 m. 1/2
et rattachées par leurs bouts libres. Après l'avoir fait tour-
Lasso.
ner au-dessus de la tête, on lance tout l'appareil qui s'en-
roule soit autour du cou de l'animal et l'étourdit, soit au-
tour de ses pieds et l'empêche de fuir. Les Esquimaux se
servent de holas analogues, mais plus petites, pour tuer
les oiseaux au vol. Le lasso est rarement employé comme
arme de guerre ; cependant il a été encore d'un usage cou-
rant dans les guerres d'indépendance que soutenaient les
républiques sud-américaines contre les Espagnols et les
Portugais. J. Deniker.
LASSO DE La Yegâ (Gabriel), poète espagnol, né en
1559, mort après 1601. On a de lui un poème épique, en
25 chants, consacré à la conquête du Mexique : La Mexi-
cana {Msiàvià, 1594, pet. in-8), qu'il avait d'abord publié
en 12 chants, sous le titre de El Cortès valoroso (1588);
Manojuelo de Romances nuevos y otras ohras (Barcelone,
1601, in-1 6), recueil de 136 romances, partie historiques,
partie amoureuses et burlesques, parmi lesquelles il y en
a de fort belles ; Elogios en loor de D. Jayme, rey de
Aragon, D.Fern, Cortès^ y B. A. Bazan, marques de
Santacruz (Saragosse, 160! , in-8). G. P-i.
LASSON. Com. du dép. du Calvados, arr. de Caen,cant.
de GreuUy, sur la Mue; 223 hab. Elglise en partie ro-
mane, avec clocher construit au xvii^ siècle en style go-
thique du xin® siècle. Beau château de la Benaissance dont
on attribue la construction à l'architecle Hector Sohier.
LASSON. Com. du dép. de l'Yonne, arr. de Tonnerre,
cant. de Flogny ; 306 hab.
LASSON (Peter-Karl), jurisconsulte norvégien, né h
Ba^rum en 1798, mort en 1873. Juge à la cour supérieure
de 1855 à sa mort, il avait été conseiller d'Etat et chef du
département de la justice lors de la maladie du roi Oscar I^^""
(1852-53), puis avait voyagé en France et en Allemagne
pendant un an pour étudier la législation criminelle de ces
pays. De 1837 à 1848, il avait été le principal rédacteur
de la lievue de droit 7iorvégienne, Ses œuvres juridiques
très nombreuses se rapportent principalement à la procé-
dure norvégienne et à l'organisation ou à l'histoire de la
justice criminelle. Jurisconsulte perspicace, il a pris part
avec distinction aux travaux des commissions législatives
du royaume.
LASSON (Adolf), philosophe allemand contemporain, né
à Strelitz,dans leMecklembourg-Strelitz,le 12 mars 1832.
Il tu ses études secondaires à l'école de Strelitz et au gym-
nase de Neu-Strelitz. En 1848, il vint étudier la philolo-
gie à l'université do BerUn ; mais il se consacra plus tard
au droit et étudia cette science sous la direction de Bœckh,
K. Lachmann, R. v. Gneist et F.-L. v. Keller. L'univer-
sité de Leipzig lui décerna en 1861 le grade de docteur; il
devint en 1858 professeur au Friedrichs-Gymnasium de
Berlin; il passa en 1859 au Luisenstiidlisches Real-Gymna-
sium de cette ville oii il enseigne encore en même temps
qu'à l'université qui lui ouvrit en 1877 une chaire de pri-
vat-docent. M. Lasson est aujourd'hui le plus autorisé re-
présentant de l'hégélianisme en Allemagne. Sans modifier
la doctrine proprement dite de Hegel, il cherche dans l'his-
toire, dans le droit, dans la morale, dans l'art, à saisir les
rapports rationnels immanents de toute réalité. Son acti-
vité s'est appliquée aux objets les plus variés. Parmi ses
nombreux ouvrages nous citerons : J. G. Fichteim Ver-
hœltniss zuKirclie u. Staat (Berlin, 1863, in-8); Meis-
ter Eckhard der Mystiker (Berlin, 1868, in-8); Bas Cul-
turideal u. der Krieg (Berlin, 1863, in -4); Prùicip il
Zukunft des Vœlkerrechts (Berlin, 1871, in-8); Ueb»
Gegenstand u, Behandlung der Pieligioiisphilos. (Hei-
delberg, 1880, in-8); System der Rechtspliilosophie
(Berlin et Leipzig, 1882, iii-8), son principal ouvrage;
Zeilliches u, Zeitloses (Leipzig, 1891, in-8); en outre un
certain nombre do travaux dans les Philosopldsche Vor-
trœge de la Société philosophique de BerHn {Ber Satz vom
Widersprncli, 1885, livr. 10; Realismiis u, Naturalis-
miis in der Kimst, 1892, livr. 22 et 23 ; Bas Geda'chtnis,
1894, m, livr. 2), de nombreux articles dans les revues
ou recueils suivants : Volkswirthschaftl, Zeitfragen^
LASSON — LASSUS
- 99^
Philos. Monatskefte, Zeitschr. filr Philos, u. philos,
Kritik, Preuss. Jahr bûcher. Th. Ruyssen.
BiBL. : Kaiilk, Lasson's System der Rechtsphilos., dans
les Philos. Vortrœge der Philos. Gesellchs. in Berlin,
r, livr. 10.
LASSON E (Joseph-Marie-François de), médecin français,
né à Carpentras le 3 juii. 4717, mort à Paris le 8 déc.
1788. Il fut reçu fort jeune abrégé à la faculté de méde-
cine de Paris et à l'Académie des sciences (1742) ; en
1751, il devint le médecin de la reine, puis de Marie-An-
toinette et de Louis XVI. Pour alléger le poids des attri-
butions qui incombaient au premier médecin du roi, il
provoqua la formation d'une société qui devint la célèbre
Société royale de médecine et donna tant de tablature à
la faculté. Lassone a publié un très grand nombre de mé-
moires parmi ceux de l'Académie des sciences, de l'Aca-
démie de chirurgie et de la Société royale de médecine.
LASSOUCHE (Bouquin de), acteur français, né à Paris
vers 1828. D'abord employé de commerce, il fit ses dé-
buts en 1850 au théâtre Montmartre, puis passa à celui
des Batignolles, oii il gagnait, dit-on, vingt-cinq francs
par mois. En 1852, il fut engagé au théâtre de la Mon-
naie de Bruxelles, y resta une année, puis, de retour
à Paris, entra au théâtre Beaumarchais, d'où il passa peu
de temps après à la Gaîté. Après un séjour de quatre ans
à ce dernier théâtre, il débuta avec succès au Palais-Royal
où ses rares qualités comiques trouvaient leur emploi mieux
que partout ailleurs. Vers 1878, M. Lassouche quitta le
Palais-Royal pour entrer aux Variétés où il se trouve en-
core aujourd'hui, et où il a obtenu de très grands succès.
M. Lassouche est un bibliophile distingué.
LASSO UTS. Corn, du dép. de l'Aveyron, arr. et cant.
d'Espalion; 1,000 hab.
LASSUR. Com. du dép. de l'Ariège, arr. deFoix, cant.
desCabannes; 130 hab.
LASSUS (Roland de Lattre, dit) (en italien Orlando di
Lasso), compositeur belge, né à Mons (Hainaut) en 1530,
mort à Munich le 14 juin 1594. Placé depuis l'âge de sept ans
au choeur de l'église Saint-Nicolas de Mons, et, dès ce mo-
ment, remarqué pour sa jolie voix et ses dispositions musi-
cales, il entra en 1544 au service de Ferdinand Gonzague
qui dirigeait alors le siège de Saint-Dizier à latête d'une ar-
mée impériale. Lassus suivit son maître en Sicile et à Mi-
lan ; il habita Naples et Rome avant de revenir à Anvers,
où il publia en 1555 ses premières compositions : des vil-
lanelles, souvenirs de son séjour à Naples, des chansons
françaises et des motets. Engagé au service du duc de
Bavière, Albert V, il se rendit à Munich avec plusieurs
autres artistes, dans l'automne de 1556, et devint en
1563 maître de la chapelle ducale, en remplacement de
Louis Daser. Il jouit bientôt d'une grande faveur près
du duc qui le combla de bienfaits et le chargea, à plu-
sieurs reprises, de lui recruter des musiciens à l'étranger,
ce qui le mit en rapports avec plusieurs souverains. En
1570, l'empereur Maximilien lui conféra des lettres de
noblesse ; en 1571, Lassus se rendit à Paris et fut accueilli
avec de grands honneurs par Charles IX et par les musi-
ciens français ; en 1574, il reçut du pape Grégoire Xltl
le titre de chevalier de l'Eperon d'or, comme récompense
de la dédicace du second livre de son grand ouvrage inti-
tulé Patrocinium musices. Malgré ses travaux à la cour
et ses fréquents voyages, ses productions se succédaient
avec une rapidité surprenante. En 1568, les noces de Guil-
laume avec Renée de Lorraine avaient été l'occasion de
fêtes magnifiques auxquelles Lassus avait pris part comme
compositeur et comme acteur bouffon d'une comédie ita-
lienne improvisée. C'était le même homme qui venait d'écrire
la série des Psaumes de la pénitence, imprimée seulement
en 1584, mais copiée de 1559 à 1570 par l'ordre d'Al-
bert V, dans ces manuscrits splendidement ornés qui sont
aujourd'hui une des richesses de la Bibliothèque de Munich.
Lassus, en même temps, groupait autour de lui des élèves
dont plusieurs devinrent d'excellents compositeurs. En
1569 il se fit dégager de ses fonctions de maître de la
chapelle ducale. A la mort d'Albert V, en 1579, le per-
sonnel de cette chapelle fut réduit de moitié.
Fortement attaché au duc Guillaume, Lassus refusa cepen-
dant le poste de maître de chapelle à Dresde, qui lui était
offert par la cour de Saxe ; son dernier voyage en Italie
eut lieu en 1587. Peu d'années après, revenant d'un sé-
jour dans sa propriété de Schœngeising, Lassus donna des
signes subits de maladie et d'affaiblissement cérébral ; il
parut guérir, mais pour peu de temps, et mourut à
xMunich. Sa femme, Regina Weckinger, qu'il avait épou-
sée en 1558, mourut en 1600. Ses tils et élèves, Fer-
dinand et Rodolphe de Lassus, moururent l'un en 1609
et le second en 1626, laissant des œuvres intéressantes.
Ils avaient été attachés tous deux à la chapelle bavaroise.
L'année 1594 vit mourir Lassus et Palestrina. En ces
deux illustres maîtres s'était personnifié en même temps et
avec une splendeur égale l'épanouissement suprême de la
musique vocale polyphonique, née au moyen âge de l'al-
liance du chant grégorien avec le chant populaire, et dé-
veloppée à travers trois siècles par le travail de plusieurs
générations d'artistes. Ce qui frappe au premier abord et
presque avant tout examen dans le génie de Lassus, c'est
la fécondité et la variété de l'invention. Initié par ses fré-
quents voyages à la vie musicale de tous les pays, Lassus
montra, dès sa jeunesse, une souplesse d'esprit qui lui per-
mit de s'approprier toutes les formes artistiques et de les
rendre siennes ; la villanelle napolitaine, le madrigal ro-
main ou vénitien, la chanson française et allemande sont
représentés chacun dans son œuvre par un nombre consi-
dérable de productions. Si l'on classe ensuite les travaux
de Lassus dans l'ordre chronologique, on suit l'évolution
de son esprit ; l'élément profane, qui l'emportait au début,
cède peu à peu à l'élément religieux, qui devient à la fin
prépondérant. A la même époque, Palestrina désavouait les
compositions amoureuses de sa jeunesse pour composer des
madrigaux spirituels, et nombre de musiciens français
abandonnaient la chanson profane pour écrire des psaumes.
Lassus, dont les œuvres avaient débordé jadis d'entrain et
de grosse gaieté flamande, se montra, dans ses messes et
ses grands motets, plein de force, de gravité et d'élévation.
On est forcé de renvoyer le lecteur aux ouvrages spé-
ciaux pour le catalogue des œuvres de Lassus, le nombre
total des morceaux connus sous son nom dépassant deux
mille. Le Magnum opus musicum, imprimé en 1604,
contient à lui seul 516 motets ; 129 chansons sont réunies
dans les Meslanges que Le Roy imprima à Paris en 1575;
les cinq livres intitulés Patrocinium musices, publiés de
1573 à 1576, renferment 21 motets, 5 messes, divers
offices, psaumes, 1 Passion et 10 Magnificat ; les célèbres
Psaumes de la pénitence, composés en 1560-70, furent
imprimés en 1584. De nombreux morceaux de Lassus ont
été publiés dans notre siècle en partition moderne. A l'oc-
casion du troisième centenaire de sa mort, fêté en 1894 à
Mons et à Munich, la maison Breitkopf et Haertel, de Leip-
zig, a commencé l'édition de ses œuvres complètes ; la ré-
daction a été confiée à MM. Haberl et Sandberger.
Les principaux portraits de Lassus sont : deux miniatures
exécutées de 1565 à 1570 par Jean Mielich dans le ma-
nuscrit des Psaumes de la pénitence (Bibliothèque royale
de Munich) ; un portrait anonyme, attribué à Hans von
Aachen, et daté de 1580 (au Kgl. Erziehungsinstitut, de
Munich) ; une gravure de Sadeler, exécutée en 1593. Deux
statues de Lassus ont été érigées, l'une à Munich en 1849,
l'autre à Mons en 1851. Le bas-relief placé en 1594 sur
le tombeau de Lassus, au cimetière des Franciscains, est
aujourd'hui au musée de Munich. Michel Brenet.
BiBL. : Delmotte, Notice biographique sur Roland de
Lattre ; Valenciennes, 1885, in-8. — Eitxer, Verzeichniss
der gedruhten Werke von H. L. von Hassler und Orlan-
dus de Lassus ; Berlin, 1874, in-8. — Vax der Straeten,
Cinq Lettres intimes de Roland de Lassus ; Gand, 1891,
in-12. — Sandberger, Beitrœge zur Geschichte der baye-
rischen Hofkapelleunter Orlando di Lasso ; Leipzig, 1894,
in-8. — Rivista musicale italiana ; Turin, 1894, t. I.
~ 993 -
LASSUS — LASTEYRIE
LASSUS (Pierre), chirurgien français, né à Paris le
11 avr. 1741, mort à Paris le 7 mars 1807. 11 fut succes-
sivement démonstrateur à rilcadémie de chirurgie, chirur-
gien de Mesdames, filles de Louis XV (1770), lieutenant du
premier chirurgien du roi (1779), inspecteur des écoles de
chirurgie, professeur d'histoire de la médecine aux écoles
de santé, membre de l'Institut, professeur de pathologie
externe, chirurgien consultant de Napoléon. Lassus était
plutôt un érudit qu'un praticien. Parmi ses publications,
citons : Essais on dise, histor, et critique sur les décou-
vertes faites en anatomie^ etc. (Paris, 1783, in-8); Traité
élém, de médecine opératoire (1795, in-8); Traité de
pathologie chirurgicale (1805-6, in-8), etc.
LASSUS (Jean-Baptiste-Antoine), architecte français,
né à Paris le 1 9 mars 1807, mort à Vichy le 1 5 juil . 1 857 .
Entré à l'Ecole des beaux-arts en 1828, il s'adonna tout de
suite aux études archéologiques. En 1833, il était l'élève
de H. Labrouste et se faisait déjà remarquer par divers
projets de restauration d'édifices gothiques et de la Renais-
sance. Ce fut vers cette époque que ses études le rappro-
chèrent de Viollet-le-Duc, un peu plus jeune que lui, et qui
devint bientôt son ami intime. En 1840, Duban, chargé de la
restauration de la Sainte-Chapelle, prit Lassus pour premier
et Viollet-le-Duc pour second inspecteur des travaux, qu'ils
surveillèrent jusqu'à leur achèvement en 1856. Lorsque,
en 1842, fut ouvert un concours pour la restauration de
Notre-Dame de Paris et la construction d'une nouvelle sa-
cristie de la cathédrale, les deux amis travaillèrent en col-
laboration de la façon la plus active ; leur projet commun,
auquel le conseil des bâtiments civils donna la préférence,
fut mis à exécution dès 1845. Dès lors, les restaurations
ou les constructions nouvelles exécutées sur ses plans et
sous sa direction ne se comptent plus ; citons seulement les
principales : la restauration de Saint-Germain-l'Auxerrois,
qui put être restitué au culte; celle de la cathédrale de
Moulins ; la construction de l'église Saint-Nicolas de Nantes
et d'un grand nombre de couvents à Paris et en province.
En 1853, ce fut lui qui donna les plans et fit bâtir la nou-
velle église paroissiale de Belleville, « monument élevé avec
rapidité et dans lequel il mit tout ce qu'il avait de savoir et
de goût ». Il avait été chargé en outre du service des édi-
fices diocésains de la Sarthe, de l'Eure-et-Loir et de l'Al-
lier et partageait avec Viollet-le-Duc ce même service dans
le dép. de la Seine. En 1855, il était entré dans le conseil
des bâtiments civils, près le ministère d'Etat. — Esprit droit,
aux opinions très nettes, mais formulées parfois avec une
certaine âpreté, « il excellait dans la mise à flot d'une en-
treprise et savait faire pénétrer ses convictions dans l'esprit
des personnes les plus étrangères aux arts» (Viollet-le-Duc).
— Il exposa plusieurs fois au Salon de 1833 à 1837 et en
1855. Il publia divers ouvrages : Monographie de la
cathédrale de Chartres: architecture, sculpture d'or-
nements et peinture sur verre (Paris, 1843, in-fol.),
en collaboration avec Didron et Amaury Duval ; Réaction
de r Académie des beaux-arts contre fart gothique
(Paris, 1846, in-8) . Il collabora enfin aux Annales archéo-
logiques^ et annota V Album de Villard de Eonnecourt^
qui ne fut publié qu'en 1858, en fac-similé, par Alfred
Darcel. M. P.
BiBL. : ViOLLET-LE-Duc, Lettre sur M. Lassus, dans
l'Artiste du 26 juil. 1857.
LASSWADE. Bourg industriel de l'Ecosse (Edinburgh-
shire); 4,232 hab. en 1881. Dans le voisinage se trouve
Hawthorndon Caslle, qui fut le séjour de Drummond, poète
et ami de Shakspeare et de Ben Jonson.
LASSY. Com. du dép. du Calvados, arr. de Vire, cant.
de Condé-sur-Noireau ; 736 hab.
LASSY. Com. du dép. d'Ille-et- Vilaine, arr. de Redon,
cant. de Guichen ; 702 hab.
LASSY. Com. du dép. de Seine-et-Oise, arr. de Pon-
toise, cant. de Luzarches; 156 hab.
LAST. Unité de compte en usage dans les contrées du
N. de l'Europe, principalement pour l'estimation du char-
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
gement des navires, mais variable suivant les localités ;
c'est ainsi que le last de froment, qui représentait ^Id^HS
à Amsterdam, en représentait 30 à Anvers, 39,57 à P)crlin
et 28,71 à Cologne; on pourrait relever des différences
semblables pour les autres marchandises. Actuellement, on
trouveenDanemarklelastde4,0001ivres(ou2,000kilogr.),
le last de navire de 5,200 livres, le last ou laste de 22 tonnes
ou 30''^6 ; en Suède, le nouveau last de 10,000 livres ou
4,250^^876; en Norvège, le laste pour le commerce des
bois, de 51 1/5 planches (1 planche ayant 3"^452 de long,
0^235 de large et 0"^065 d'épaisseur). En Hollande, le last
pour marchandises sèches égale 30 hectol. ; en Angleterre,
le last égale 29^^1078 ; dans les Etats-Unis, 28^^^1897 ; en
Russie, 33^*1584. En Russie, le last de navire égale 2 ton-
neaux ou 1,965 kilogr. ; aux Etats-Unis, le last de na-
vire, pour les liquides, égale 775 Htres ; en Belgique, il
égale 1,000 kilogr. ' G. François.
LASTANOSA de Figueruelas (Vicente-Jnan), numisma-
tiste espagnol, né à Huesca vers 1606, mort en 1685. Il
avait réuni une collection d'antiquités célébrée par André
d'Ustarroz dans un poème intitulé Descripcion de las
antiguedades y jardines de V.-J. de Lastanosa (Sara-
gosse, 1647, in-8). On a de lui : Museo de las medallas
desconocidas espanolas (Huesca, 1645, in-4*^), et Tra-
tado de la moîieda Jaque sa y de otras de oro y plata
del reyno de Aragon (Saragosse, 1681, in-4). M. P.
LASTARRIA (José-Victorino), homme politique, juris-
consulte et littérateur chilien, né vers 1810. Professeur
de droit à l'Institut national de Santiago, il ne tarda pas
à entrer dans la politique, où il fit une opposition décidée
et éloquente au président de la République, Manuel Monte
(1851). Lastarria a laissé de nombreux ouvrages trai-
tant de la constitution du Chili et de son histoire au
xix^' siècle. L. Saint.
LASTELLE. Com. du dép. de la Manche, arr. de Cou-
tances, cant. de Périers; 170 hab.
LASTEYRIE du Saillant (Charles-Philibert, comte de),
publiciste, agronome et philanthrope français, né à Brive le
4 nov. 1759, mort à Paris le 3 nov, 1849. Après avoir long-
temps voyagé pour étudier l'économie rurale,il fonda sous le
Consulat en faveur des savants et des gens de lettres une So-
ciété d'encouragement qui fut bientôt dissoute par la police
de Napoléon. A partir de 1812, il s'attacha à propager en
France l'industrie naissante de la lithographie. Il fut, pen-
dant la seconde moitié de sa vie, un des fondateurs et des
membres les plus actifs de la Société d'encouragement pour
l'industrie nationale, de la Société philanthropique, de la
Société centrale d'agriculture, de la Société asiatique, de la
Société de vaccine, de la Société pour renseignement mu-
tuel, etc. Parmi ses nombreux ouvrages, nous citerons :
Traité des bêtes à laine d'Espagne (1799) ; Société en
faveur des savants et hommes de lettres (180i) ; De
l' Engraissement des bestiaux (1804) ; Du Cotonnier et
de sa culture (1808); Nouveau Syslèîne d'éducation
pour les écoles primaires (1815) ; Méthode naturelle
de V enseignement des langues (1826) ; De la Liberté
de la presse illimitée (1830) ; Histoire naturelle et éco-
nomique du chien, du mouton^ de la chèvre, du che-
val, de l'âne, du mulet, du cochon, du lapin, du
chat, du furet, du dromadaire, du bœuf, de la vache,
du buffle, etc. (1830-34) ; la Lecture par les images
(1834); Typographie économique (1837); Des Droits
naturels de tout individu vivant en société {\^'l^',
Histoire de la confession (1846), etc. A. Debidour.
LASTEYRIE du Saillant (Ferdinand-Charles-Léon,
comte de), homme politique et archéologue français, né le
5 juin 1810, mort à Paris le 13 mai 1879', fils du précédent.
Après de solides études littéraires et artistiques faites sous
la surveillance de ses parents, il entra comme élève libre à
l'Ecole des mines (1827). En 1830, son parent La Fayette le
choisit comme aide de camp. Il fut ensuite employé dans les
ponts et chaussées, puis aux ministères de l'instruction pu-
bliaue et de l'intérieur. Elu député du XIV'^ arrondissement
63
LASTEYRIE — LASTIC
— 994
de la Seine en 1842, il se rangea dans l'opposition de gauche ;
à la Chambre, il se montra le défenseur des lettres et des
arts; à deux reprises, le 9 juil. 1844 et le 26 mai 1846,
il prononça des discours en faveur de l'Ecole des chartes ;
le 8 mars 1845, il pr-t la parole pour les professeurs de
l'Ecole des beaux -arts . il intervint pour appuyer les res-
taurations de l'église 'Saint-Ouen de Rouen, de Notre-
Dame de Paris. Après la révolution de Février, il représenta
Paris à la Constituante et à la Législative ; il fut membre
du conseil d'Etat provisoire et du conseil municipal de
Paris de 1848 à 1851 . Sous l'Empire, il rentra dans la vie
privée et partagea son temps entre l'archéologie et les ques-
tions administratives, critiquant l'Empire dans une série
de mémoires remplis de vues intéressantes. Il a particu-
lièrement étudié Porganisation des musées ; il souhaitait la
création à Paris d'un musée d'art industriel analogue au
musée de South Kensington. Dans les sciences archéolo-
giques, il a été le premier et il est resté jusqu'ici le seul
historien de la peinture sur verre ; il a démêlé les origines
de Fémaillerie limousine ; il a le premier mis en lumière
les caractères de Porfèvrerie barbare et restitué aux peuples
germaniques les monuments où Labarte voyait des produits
de l'art byzantin. Il devînt membre de la Société des an-
tiquaires de France le 22 avr. 1851 et membre libre de
l'Académie des inscriptions et belles-lettres en avr. 1860.
Ses principaux ouvrages sont: Rubens, biographie, ûixns
la Revue des Enfants (2 mai 1835) ; Histoire de la
peinture sur verre en France (Paris, 1838-57, in-foL),
avec un atlas de 1 08 planches dessinées et coloriées par
l'auteur ; Quelques Mots sur la théorie de la peinture
sur verre (Paris, 1852, in-18); la Cathédrale d'Aoste
(Paris, 1854, in-8) ; Notice sur une lampe chrétienne
en forme de bélier, dans Mémoires de la Société des
antiquaires de France (1855, t. XXII, p. 225) ; Notice
sur les vitraux de V abbaye de Rathhausen {id., 1857,
t. XXIII, p. 116); VElectrum des anciens était-il de
V émail? (Paris, 1857, in-8); Description du trésor de
Guarramr (Paris, 1860, in-4); les Travaux de Paris
(Paris, 1861, in-dè) ; Causeries artistiques (Paris, 1862,
in-12); la Peinture à l'Exposition universelle (Paris,
1862, in-18); Observations sur le trésor de Conques^
dans Mémoires de la Société des antiquaires de France
(1865, t. XXVIIÏ, p. 48) ; Histoire du travail à f Ex-
position universelle (Paris, 1869, in-S); Histoire de
l'orfèvrerie (Paris, 1875, in-8) ; les Peiîdres verriers
étrangers à la France, dans Mémoires de la Société des
antiquaires de France (1879, t. XL, p. 1). Il a collaboré
au Siècle, de 1853 à 1863 ; au Temps, en 1863 ; à V Opi-
nion nationale, de 1865 ù 1876, et à la Gazette des
beaux-arts. M. P.
BiBL. : NicARi), Notice sur la vie et les travaux de
M. Ferdinand de Lasteyrie du Saillant, dans Mémoires
de la Société des antiquaires de France, t. XLIV, p. 143.
LASTEYRIE nu Saillant (Adrien-Jules, marquis de),
homme politique français, né à Courpalay (Seine-et-Marne)
le 29 oct. 1810, mort à Paris le 14 nov. 1883, cousin du
précédent et petit-fils de La Fayette. Il alla dans sa jeu-
nesse servir sous dom Pedro en Portugal (1832-34),
écrivit quelques articles dans la Revue des Deux Mondes
et représenta de 1842 à 1848 le collège de La Flèche à la
Chambre des députés, où il s'associa à la pohtique du
centre gauche. Après avoir signalé son dévouement à la
dynastie d'Orléans dans la journée du 24 février, il entra >
comme représentant de Seine-et-Marne, à l'Assemblée cons-
tituante (1848), puis à l'Assemblée législative (1849),
devint vice-président de cette dernière, où il combattit la
politique de l'Elysée, fut arrêté au 2 décembre, puis
expulsé de France (9 janv. 1852), où il obtint de rentrer
quelques mois après, publia en 1860 son Histoire de la
liberté politique cîi France, se présenta sans succès aux
élections législatives, comme candidat de l'opposition, dans
la première circonscription de Seine-et-Marne en 1 863 et
1869, mais fut envoyé par ce département (8 févr. 1871)
à l'Assemblée nationale, où il se rallia au gouvernement de
Tliiers et, après sa chute (1873)^ contrecarra celui de V ordre
moral. Elu sénateur inamovible le 10 déc. 1875, il siégea
dans la haute Assemblée sur les bancs du centre gauche,
et, affaibli par la maladie, ne joua plus dans ses dernières
années qu'un rôle fort effacé. A. Debidour.
LASTEYRIE du Saillant (Robert-Charles, comte de),
érudit et homme politique français, né à Paris le 15 nov.
1849, fils de Ferdinand-Charles-Léon (V. ci-dessus). Elève
de l'Ecole des chartes, archiviste aux Archives nationales,
il fut nommé en 1880 professeur d'archéologie du moyen
âge à l'Ecole des chartes, dans la chaire qu'avait occupée
Quicherat, et entra à l'Académie des inscriptions et belles-
lettres le 7 févr. 1890. Il a été élu député de la Corrèze
(2^ circonscription de Brive) le 17 déc. 1893 avec un
programme républicain. On lui doit d'importants travaux
d'érudition, entre autres : Etude sur les comtes et vicomtes
de Limoges antérieurs à Pan iOOO(?dim, 1874, in-8);
Cartulaire général de Paris (1887, in-4) ; Bibliogra-
phie générale des travaux publiés par les sociétés sa-
vantes de France, t. I et II (1888-90, in-4, en collab.
avec E. Lefèvre-Pontalis); Album archéologique des
musées de province (1890, in-4).
LASTHÉNlS, chef olynthien. Les Olynthiens le mirent
en 348 av. J.-C. à la tête de la cavalerie qu'ils opposaient
à Philippe de Macédoine. Mais Lasthénès se vendit à Phi-
lippe et conduisit ses cavaliers dans une embuscade où ils
furent pris par les Macédoniens. Lasthénès est mentionné
dans plusieurs discours de Démosthène.
LASTHÉNÈS, général crétois, qui lutta pendant trois
ans (68-65 av. J.-C.) contre les Romains commandés par
Métellus.
LASTIC. Com. du dép. du Cantal, arr. et cant. (N.)de
Saint-Fiour; 327 hab. Eglise du xv^' siècle. Ruines d'un
château féodal,
LASTIC. Com. du dép. du Puy-de-Dôme, arr. de Cler-
mont-Ferrand, cant. de Bourg-Lastic ; 504 hab. Moulins.
Eglise du xn« siècle ; ancienne église d'une commanderie
de templiers, dont il subsiste quelques tombes mutilées.
LASTIC (Famille de). Une des plus anciennes familles
d'Auvergne. La tradition veut que Henri de Thierstein, du
diocèse de Râle, en Suisse, soit venu se fixer à la fin du
xi« siècle en Auvergne et y ait épousé Aldéarde de Mer-
cœur. Celle-ci lui aurait apporté en dot la seigneurie de
Lastic (désignée plus tard sous le nom de Lastic-Montsuc) .
D'où le nom donné à la famille. Ces faits sont bien en par-
tie consignés dans un acte daté de 1161, mais dont une
copie présentant très peu de caractères d'authenticité est
seule conservée dans les archives des de Lastic. Ces mêmes
archives nous permettent du moins de constater le rôle
prééminent que joua cette maison dès le commencement du
xiii« siècle. Il ne peut être question d'en donner ici une
généalogie complète. Citons seulement les noms de quelques-
uns de ses membres les plus marquants. Et d'abord Hugues
de Lastic, qui en 1211 participe sous les ordres de Simon
de Montfort, dont il est le conseiller écouté, à la croisade
contrôles Albigeois. — Etienne III de Lastic, qui assiste
en 1356 à la bataille de Poitiers. — Bayard Bompar de
Lastic, commandeur de l'ordre de Rhodes en Auvergne, et
commis par le roi Charles V à la garde et défense du pays.
Nous passons sur plusieurs des membres de la famille, qui
se firent remarquer comme abbés des abbayes de Pébrac,
de Saint-Julien de Brioude, de Saint-Amable deRiom, pour
arriver au nom le plus glorieux de la généalogie, à Jean III
Bompar de Lastic, grand maître de l'ordre de Rhodes. H
naquit en 1371, prit part dès l'âge de quatorze ans aux
luttes que soutint son père contre les Anglais, puis résolut
d'imiter son oncle et d'entrer dans Tordre des chevaliers de
Saint-Jean de Jérusalem. Il se rendi à Rhodes et y fit pro-
fession vers 1397, fut nommé successivement commandeur
des commanderies de Montehamp, de Celles et de Cariât en
Auvergne et enfin grand prieur de l'ordre dans la même
province vers 1428. En cette année, il assista du moins à
- 995 -
LASTIC - LÂTANIER
ce titre au chapitre général que le grand maître ouvrit à
Rhodes. Le 6 nov. 1437, il était proclamé grand maître
de l'ordre. La construction à Rhodes d'un magnifique hos-
pice et les généreux efforts tentés par lui au moment du
concile de Florence (4 43 9), pour amener l'union des Eglises
grecque et latine, sont les premiers actes de son magis-
tère. En 4440 et 4444, il défendit victorieusement Rhodes
contre la flotte d'Abouzaïd Yacmak, sultan d'Egypte. Mal-
gré son activité, il ne put malheureusement intéresser,
comme il l'aurait voulu, la chrétienté à la lutte héroïque
que soutenait l'ordre contre les infidèles, et il dut plus d'une
fois user de diplomatie vis-à-vis des hérétiques. Le souve-
nir de ses habiles négociations avec Amurat II mérite à ce
point de vue d'être conservé. Mais Mohammet II, fils
d' Amurat, après la prise de Constantinople, envoya à Jean
de Lastic un défi si outrageant, que celui-ci dut se pré-
parer activement à la guerre. Il avait déjà fait augmenter
les fortifications de Rhodes et s'était assuré l'appui de
Charles Vil et du roi d'Angleterre Henri VI, lorsqu'il mou-
rut le 49 mai 4454, à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il
fut enterré à Rhodes. — Après le grand maître, nommons
comme ayant à leur tour illustré la famille : Draguinet de
Lastic, conseiller et chambellan des rois Charles Vil et
Louis XL — Jean U de Lastic, qui se distingua dans les
guerres de la Ligue en Auvergne. — François IV de
Lastic, lieutenant général des armées du roi au xvm^ siècle.
— De honne heure s'était formé dans la maison de Lastic
un très grand nombre de branches. Les Lastic d'Unzac
(branche éteinte), les Lastic- Vigou roux, les Lastic de Four-
nel, les Lastic-Saint-Jal, les Lastic de Naxos, les Lastic
de Lescure (branche éteinte), se rattachent tous à la sou-
che commune. La branche aînée s'éteignit en 4783 en la
personne de Anne-François F, marquis de Lastic, comte
de Sieujac. Sa fille unique épousa Annet VU Joseph de
Lastic- Vigouroux, dont les descendants actuels sont établis
au château de Parentignat (Puy-de-Dôme). — L'inventaire
des riches archives de la famille de Lastic est préparé par les
soins de M. le marquis Jean de Lastic. P. de Vaissière.
BiBL. : Baluze, Histoire généalogique d'Auvergne. —
Deribier du Ghatelet, Dict. historique et statistique du
Cantal (aux mots Lastic et Celles)'^ Aurillac, 1859. —
A. Tardieu, Dict. des anciennes familles de l'Auvergne ;
Moulins, 1884. — Comte R. de Lastic-Saint-Jal, Généa-
logie historique de la maison de Lastic ; Poitiers, 1868. —
A.-B. Magni, Histoire de Jean de Lastic^ grand maître de
Rhodes ; Moulins, 1886.
^ LASTING (angl. Prunelle autrefois nommé Kalmank).
Tissu ras, croisé, en laine peignée. On le tisse en écru et
on le teint en pièces. L'armure est celle du s^tin de cinq
lisses par effet de chaîne. Les largeurs ordinaires sont de
70 centim. pour pantalons et de 85 centim. pour l'article
meubles. Dans le lasting-luxor^ on emploie une chaîne mé-
rinos et une trame en bourre de soie.
LASTMAN (Pieter), peintre et graveur hollandais, né,
selon les uns, à Haarlem en 4562, selon d'autres à Ams-
terdam vers 4584, mort à Amsterdam vers 4649. Elève
de Gerrit Pieterzson, il fit un long séjour en Italie et subit
l'influence d'Elsheimer. Longtemps il chercha sa voie :
d'abord sincère et naif {Repos en Egypte et le Baptême
de Veunuque, au musée de Berlin), puis mmxêvé [Ulysse
et Naiisicaa [4609], David au Temple [4643], le Èlas-
saere des innocents., au musée de Brunswick, et plu-
sieurs tableaux à Copenhague), ensuite imitateur des Ca-
ravaggio {le Christ en croix [4625], à La Haye, etc.),
il devmt enfin docile à l'ascendant de son immortel élève,
Rembrandt {Adoration des bergers, à llaarlem). On lui
doit quelques eaux-fortes, rares et très appréciées, et des
essais d'impression de gravures en couleurs. G. P-i.
LASTOURS. Corn, du dép. de l'Aude, arr. de Carcas-
sonne, cant. du Mas-Cabardès ; 25i' hab. Draperie im-
portante. Sur le territoire, mine de fer, exploitée au moyen
âge, aujourd'hui abandonnée. Ce village a pris son nom
des tours ou châteaux de Cabaret situés sur son territoire
(V. Cabardès). Ces châteaux, cités dès le vt^ siècle, par
Grégoire de Tours, ont eu longtemps une grande impor-
tance militaire, et au xviii^ siècle encore on projetait de
les remettre en état pour tenir le pays. Lastours s'appelait
autrefois Rivière de Cabardès; le nom actuel ne paraît
pas avant le xvii*^ ou même le xvni» siècle. Lastours, comme
plusieurs autres villages des environs, était exempt de tout
impôt, mais les habitants étaient forcés de tenir garnison
dans les châteaux de Cabaret et de veiller à l'entretien
des fortifications ; ils jouissaient encore de ces privilèges au
xviu^ siècle. Après avoir appartenu aux seigneurs de Ca-
baret, vassaux des vicomtes de Carcassonne, le lieu de
Lastours passa sous la domination royale et fit partie de
la viguerie et chàtellenie de Cabardès.
BiBL.: Mahul, Cartulaire de Carcassonne, III, 28-56.
LASTOURVILLE. Station fortifiée du Con|o français,
sur la rive gauche de l'Ogôoué, à 425 kil; N.-O. de Fran-
ceville, dans une contrée très salubre.
LASTRICATI (Zenobio), sculpteur florentin du xvi^ siècle.
En 4564, il fut un des artistes qui concoururent à la déco-
ration du char funèbre qui ramena à Florence les restes de
Michel-Ange.
LASTRICO (Constr.). Béton en usage à Naples et aux
environs du Vésuve dès les temps les plus reculés. On com-
pose ce béton de pierrailles de pierre ponce et de tuf brûlé
appelées kipilli (V. ce mot), que l'on broie à trois ou quatre
reprises dans la chaux bien éteinte afin de donner au mé-
lange toute la consistance et toute l'homogénéité nécessaires.
On emploie le lastrico en revêtement du sol, soit à rez-de-
chaussée, soit sur les terrasses servant de couverture aux
maisons. Dans le premier cas, on donne au revêtement une
épaisseur de 0'^40, tandis que, dans le second, l'épaisseur
doit^êlre au moins du double. Charles Lucas.
LÂT. Une des divinités qu'adoraient les Arabes avant
d'embrasser l'islamisme. C'était une sorte de Vénus dont
le temple principal était à Thaïf, ville voisine de La Mecque,
et dont le culte était surtout répandu dans la tribu des
Benou Tsaqîf. Au combatd'Ohod, dans lequel Mohammed fut
vaincu par les Qoréichites, l'image de Lât avait figuré sur le
champ de bataille ; aussi les Benou Tsaqîf montrèrent-ils une
vive résistance avant d'accepter la destruction de leur idole
que le Prophète leur imposa vers la fin de l'année 630.
LA TAILLE (Jean de), poète français, né à Bondaroy,
près de Pithiviers, vers 4540, mort après 4607. 11 servit
sous Henri IV dans les guerres de religion et même s'y
distingua, quoiqu'il eût peu de goût pour les armes. Il eut
de son temps une réputation que la postérité n'a pas rati-
fiée ; pourtant, imitateur des anciens, il a laissé des poésies
et des tragédies qui ne manquent pas de valeur. Citons :
Remonstrance pour le roy (Paris, 1563, in-8) ; Saill le
furieux, tragédie (4572, in-8) ; la Famine ou les Ga-
béonites, tragédie (4574, in-8); les Corivaux, comédie
(4574, in-8); le Négromant, comédie (4574, in~8);
Elégies, chansons, sonnets (4574, in-8) ; la Géomance
(4571, in-4) ; Discours notable des duels (4607, in-42).
On lui attribue : Histoire abrégée des singeries de la
Ligue (4595, in-8).
Son frère Jacques, né en 4542, mort en 4562, a laissé :
Alexandre (Vôl'd, in-8); Daire (1574, in-8), tragédies,
et la Manière de faire des vers en français comme en
grec (4573, in-8).
LATAKIEH (V. Laodicée).
LATANIER. I. Botan[oue. — {Latania Commers.).
Genre de Palmiers-Borassées qui se réduit à trois espèces
des Mascareignes, caractérisées par les fleurs dioïques,
les mâles solitaires dans les alvéoles des divisions du spa-
dice et les étamines en nombre indéfini, par l'ovaire à
trois loges uniovulées et le fruit qui est une drupe à
i-3 noyaux, enfin par les graines à albumen homogène
corné. 11 se rencontre à l'état fossile dans l'oligocène du
Vicentin. L'arbre désigné à Maurice sous le nom de La-
tanier de Chine n'est autre que le JAvistonia Chinensis
Mart. (V. Livistonia). Ijr L., Hn.
U. Horticulture. — On cultive le Latanier rouge et
surtout le /.. de Bourbon. Ces beaux Palmiers réclament
LATANEER — LATERITE
— 996 —
la serre chaude. On les multiplie de graines semées en go-
dets sur couche chaude. Cultivés dans les appartements,
dans un air sec, ils dépérissent bientôt. G. B.
LATAULE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Compiègne,
cant. de Ressons ; 220 hab.
LATEAU (Louise), stigmatisée belge, née à Bois-d'Haine
le 30 janv. 4850, morte à Bois-d'Haine le 25 août 4883.
Elle était fille d'ouvriers, de nature débile et d'une piété
ardente. En janv. 4868, elle devint malade et raconta que
le Christ lui était apparu ; bientôt se manifestèrent des
stigmates aux pieds, aux mains et au côté, puis des hémor-
ragies tous les vendredis, des extases, bref tous les phé-
nomènes de la passion du Christ, tels que saint François
d'Assise les présenta lui aussi, d'après la tradition. On ne
tarda pas à crier au miracle ; la modeste maison de la stig-
matisée de Bois-d'Haine devint l'objet d'un véritable pèle-
rinage. Des médecins catholiques de grand renom décla-
rèrent que les faits ne pouvaient s'expliquer naturellement.
L'évêque Dumont de Tournai proclama pendant plusieurs
années que l'état de Louise Lateau était un miracle accordé
par Dieu à l'Eglise catholique. Les incrédules crièrent à
la tromperie, et Virchow posa le célèbre dilemme : super-
cherie ou miracle. Les progrès récents des études sur
l'hystérie ont permis d'expliquer de la manièie la plus na-
turelle les phénomènes de l'espèce. Après quelques années,
Louise Lateau rentra dans une retraite absolue ; elle mou-
rut presque oubliée. E. H.
BiBL. : Warlomont, Rapport médical sur la stigma-
tisée de Bois-d'Haine; Bruxelles, 1875.
LA TÊNE (V. Tène [La]).
LATÉRITE. Dans les régions tropicales où la chaleur
est extrême et les pluies d'une abondance sans égale dans
certaines saisons, les causes habituelles d'altération et de
désagrégation des roches sont développées à l'excès. En
particulier, puissamment aidés par de brusques change-
ments de température capables de fendre les roches et de
les réduire en fragments anguleux, les phénomènes d'oxy-
dation et de dissolution des eaux météoriques peuvent
s'exercer, même sur celles silicatées, jusqu'à une profon-
deur d'une centaine de mètres. Si bien qu'aux lieu et place
du limon brun (terre à brique), qui, dans les pays de
la zone tempérée, devient le produit final de cette double
action, on voit le sol, dans toutes ces régions chaudes
abondamment pourvues de précipitations atmosphériques,
se montrer largement recouvert par d'épaisses couches
d'une terre argileuse rouge brique, dont l'allure et la com-
position, indépendantes de celle des roches qui l'ont engen-
drée, restent assez constante. Cette terre rouge, caractéris-
tique, c'est la latérite de l'Inde et de tant d'autres régions
tropicales de l'Amérique du Sud et de l'Afrique,
Le caractère fondamental de cette latérite [later^ brique)
c'est de présenter, en proportion toujours forte (25 à
36 ^/o), ses éléments ferrugineux à l'état de sesquioxyde
franc ou bien hydraté (limonite), circonstance indiquant
clairement qu'elle s'est formée à l'air libre sous des in-
fluences franchement oxydantes. En même temps, de cette
forte teneur en fer il résulte un produit très consistant
capable de se maintenir verticalement sur les parois des
ravins ou des chemins creux qui l'entament, et de repro -
duire, par suite, aux dimensions près, les particularités
de la célèbre terre jaune de Chine. Mais, à l'inverse de
ce lœss chinois qui constitue un sol d'une grande fertilité,
la latérite aride et sèche stérilise sur de vastes étendues
tous les pays qu'elle envahit. De sa surface dénudée ou
ne supportant, par places, qu'une maigre végétation, s'en-
lèvent des poussières colorant en rouge jusqu'à une grande
distance, non seulement les routes, mais les différents traits
de paysage qui semblent rouilles. D'autres fois cette même
surface, noircie par du manganèse peroxyde, apparaît ccl-
luleuse, scoriacée, au point de ressembler, à s'y méprendre,
à une coulée de lave; dans ce cas, c'est seulement quand
on a percé cette croûte noire durcie qu'on peut voir réap-
paraître dans le dessous la terre rouge, et constater que
cette couverture d'apparence lavique n'est autre qu'une
forme superficielle exagérée de la suroxydation des élé-
ments ferro-manganésiieres de ce produit d'altération.
Rarement localisée, cette formation s'étale librement sur
les plateaux en les couvrant d'un manteau uniforme ou bien,
en contre-bas, suit le parcours des vallées en s'échelonnant
sur leurs flancs sous la forme de terrasses étagées. Sa distri-
bution est alors complètement indépendante de l'altitude. A
Ceylan, par exemple, où elle se trouve très répandue dans la
région accidentée du Sud, la plus soumise au régime essen-
tiellement pluvieux des moussons, on l'observe depuis le
niveau de la mer, à Colombo^ jusqu'au sommet d'un pointe-
ment granitique (Pedrotallagalla),qui marque à 2,524 m.
le point culminant de l'Ile. Entre deux crêtes, dans une ré-
gion montagneuse comme l'est cette partie méridionale de
Ceylan, cette argile ferrugineuse remplit généralement l'in-
tervalle en y acquérant une grande épaisseur. Inversement,
devenue rare ou même absente dans les plaines inférieures,
elle n'y apparaît que comme un produit de remaniement
de latérites descendues des parties hautes sous l'influence des
vents ou du ruissellement. Dans ce cas, le dépôt argileux
apparaît stratifié, mélangé de petites pierres arrachées au
sol raviné par les pluies et souvent assez riche en coquilles
de mollusques terrestres, c.-à-d. avec des caractères tout
à fait différents de ceux des latérites des plateaux, demeu-
rées en place et qui, complètement privées de toute trace
de stratification aussi bien que du moindre débris de corps
organisé, se signalent, sur toute leur épaisseur, par une
parfaite homogénéité.
Dans les argiles très ferrugineuses de ce type, comme
celles qui dérivent de l'altération des roches basaltiques,
la concentration par places du fer hydroxydé en excès
amène la formation, soit de nodules concrétionnés de
limonite implantés dans la masse argileuse à la manière
de ces concrétions calcaires qui, dans le lœss jaunâtre de
Chine ou d'Europe, sont bien connues sous le nom de
poupées du lœss, soit d'un véritable minerai de fer en
grains pisolithiques, comme celui qui s'isole volontiers
sous cette forme dans les argiles à meulières des environs
de Paris (plateau des Bruyères de Sèvres), argiles rouges
qui ne sont également, sur les plateaux largement décou-
verts ou sur les lignes d'affleurement à flanc de coteau,
qu'un faciès d'altération de calcaires primitivement sili-
ceux, et dans lesquelles cette séparation du fer à l'état de
minerai en grains est en grande partie due à l'intervention
de matières organiques ; sous l'influence de certains pro-
duits de la décomposition des matières végétales, en par-
ticulier de l'acide crénique(Berzenus), les éléments ferru-
gineux diffusés dans les terrains superficiels se trouvent
rassemblés et dissous par les eaux météoriques, puis pré-
cipités au contact de l'air sous cette forme concrétionnée.
Or cette intervention des organismes dans la formation du
minerai de fer en grains des argiles superficielles étant
réalisée au maximum sous la forêt tropicale, son dévelop-
pement parvient, en Afrique, à fournir des gîtes ferrugi-
neux exploitables.
L'altération non moins profonde des gneiss et granités
à mica noir, et surtout des gneiss plus basiques, chargés
d'amphibole, de pyroxène et de grenat, puis celle de
diabases, c.-à-d. de roches éruptives formés des mêmes
silicates ferro-magnésiens, fournit également de pareilles
latérites ferrugineuses d'un rouge brique très accentué,
tandis que, sur les afileurements de schistes argileux ou
de roches feldspathiques privées de silicates ferrugi-
neux, ces produits d'altération sont nécessairement moins
colorés. Les terres rouges reparaissent ensuite, non seu-
lement sur les calcaires, dans des conditions semblables,
voire même exagérées, à celles qui donnent naissance
en pleine Carniole et autres pays calcaires, à la teira
rossa^ mais sur les grès, quartzites et micaschistes, tou-
jours par suroxydation des sels ferreux que ces roches
contiennent. La seule différence pour ces derniers, c'est
que leurs grains de quartz subsistent dans le résidu argi-
— 997 —
LATERITE
leux qui, par ce fait, devient sableux. En somme, dans la
composition remarquablement uniforme de cette terre rouge
si caractéristique des régions tropicales, les variations qui
s'introduisent ne portent guère que sur la proportion plus
ou moins grande du fer hydroxydé qu'elle contient, et,
quand s'y présentent des éléments quartzeux, il est tou-
jours facile de reconnaître que ce sont des débris em-
pruntés au sol sous-jacent et demeurés en place dans un
résidu argileux dont l'épaisseur est en fonction de la durée
du phénomène d'altération qui l'a produit ; absolument
comme au-dessus des massifs granitiques reste sou-
vent en saillie au milieu de leur épaisse couverture argi-
leuse la ièle des filons de quartz qui, nombreux, les tra-
versent. Nul exemple ne peut fournir une preuve plus
convaincante que les latérites résultent de l'altération et
de la désagrégation des roches qu'elles recouvrent, et que,
dans aucun cas, on ne saurait les attribuer, comme cer-
tains auteurs l'ont pensé, au remaniement par les grandes
pluies équatoriales de cendres volcaniques, ou bien à des
phénomènes chimiques d'ordre hydrothermal.
Il convient ensuite d'ajouter, pour montrer la généralité
du phénomène, que, sur les flancs des vallées, les allu-
vions anciennes sont généralement recouvertes par une
épaisse zone d'argile rouge superficielle, chargée à la base de
limonite scoriacée comme la latérite typique, et représentant
cette fois dans ces régions tropicales, sous une forme exagé-
rée, la couche argileuse rubéfiée qui, sous le nom de diln-
vium roiiye, couronne, avec des apparences de ravinement,
dans les pays de la zone tempérée, ces mêmes alluvions
anciennes (diliwium gris). Les mêmes veines de sable et
de cailloux, demeurées en place dans le dépôt altéré, s'y
observent, ainsi que les fragments anguleux caractéris-
tiques de cailloux éclatés par les brusques changements
de température ; tous ceux de nature siliceuse sont aussi
revêtus de la patine blanche qui devient la marque expres-
sive d'une altération superficielle exercée par l'action pro-
longée des eaux d'infiltration. C'est en Afrique, dans le
bassin du Congo, que les meilleurs exemples de ce faciès
latéritique d'altération des alluvions anciennes peuvent
s'observer. Dans ces couches meubles d'origine fluviale,
l'air et l'eau ayant libre accès, leur action peut s'étendre
très loin en profondeur, si bien qu'en certains points la
couche superficielle rubéfiée, envahissant tout le dépôt,
peut atteindre une centaine de mètres ; en même temps à
sa base la limonite réunie en masses distinctes, cimentant
des cailloux roulés sur 2 à 3 m., fournit un minerai lar-
gement exploité par les indigènes (Dupont, Lettres sur le
Congo, p. 502). Il est à remarquer que cette concentra-
tion du fer hydracide, en profondeur sous cette forme
concrétionnée, ne se fait que sur les points où la nappe
souterraine d'infiltration est obhgée de stationner sur une
couche imperméable. C'est ainsi que le minerai de fer limo-
niteux, si abondant à la base des dépôts la téri tiques du
cours inférieur et moyen du grand fleuve africain, fait
complètement défaut dans son cours supérieur où les terres
rouges s'étendent sur des grès tendres franchement per-
méables (J. Cornet, les Formations post-primaires du
Congo, p. 231).
Ajoutons que, comme conséquence cette fois fâcheuse
du développement pris par la latérite aussi bien dans l'Inde
qu'en Afrique moyenne et australe, il résulte, quand ces
formations ferrugineuses associées sont mises à jour sur
une certaine étendue après l'entraînement de l'argile par
ruissellement, un sol, non seulement d'une infertilité rare,
mais franchement insalubre, étant donné ce fait — sou-
vent signalé par les médecins de Dakar et du Sénégal,
précisé depuis par le D^' G. Treille, dans son récent rapport
sur le service de santé de nos colonies {lievue d'hygiène,
4893, t. XIV, n*' 7) — qu'indépendamment des flaques
d'eau marécageuses qui stationnent souvent sur les parties
déprimées des terres rouges, toutes les fois que les plaques
de limonite scoriacée affleurent sur une certaine étendue,
leurs interstices et leurs vacuoles sont remplis de débris
organiques entraînés par les pluies et capables de dégager,
par leur rapide décomposition, des miasmes pestilentiels.
Influence funeste qui se transmet aux habitations quand,
sur les vastes territoires uniformément recouverts par
d'épaissses couches de ces argiles superficielles, ces masses
ferrugineuses deviennent les seuls matériaux solides qu'on
puisse utiliser pour les constructions (D*' G. Treille, Con-
ditions sanitaires de r Afrique intertropicale, dans
Revue des sciences appliquées, n^ du 15 nov. 1894).
[léguer. Par contre, il est des points dans l'Inde où ces
accumulations de matières végétales largement étalées sur
de vastes surfaces se présentent sous une forme plus pro-
fitable. Ce fait se produit sur les plateaux indiens quand
les formations latéritiques devenues sableuses sont placées
dans des conditions favorables au développement de la vé-
gétation herbeuse des steppes. Dans ce cas la décomposi-
tion sur place de ces hautes herbes, jointe à celle de
quelques arbustes associés, donne naissance à d'épaisses
couches d'humus que les eaux d'infiltration dissolvent en
partie, puis entraînent dans la masse argileuse rendue suf-
fisamment perméable par ses éléments sablonneux, surtout
aussi par les racines qui deviennent tout autant de points
de pénétration facile. L'ensemble fournit une terre noire
très fertile analogue à la célèbre tchernoziom de la Russie,
mais portant ici. le nom de régur ou « terre à coton ».
Cette terre, où la proportion de matières organiques peut
s'élever jusqu'à 10 %, couvre des espaces considérables,
et représente un ancien sol progressivement enrichi en
humus parles produits de la végétation herbeuse qui pen-
dant longtemps la recouvrait. Son développement est alors
en raison inverse de celui des latérites, ces dernières ne
pouvant plus se former quand une pareille couverture vient
protéger le sous-sol contre les actions atmosphériques.
Distribution. Que la latérite soit un fait de climat,
qu'elle doive son caractère particulier aux grandes pluies
orageuses des tropiques, vraisemblablement aussi aux in-
fluences électriques et au développement d'ozone qui en
résulte, cela ne fait aucun doute. Ce qui n'est pas moins
vrai, c'est que dans les régions de l'hémisphère Sud, où se
fait son principal développement, la forme topographique
dominante étant celle de hauts plateaux brûlés par le so-
leil, soumis par suite à une chaleur intense et faisant office
de foyer d'appel pour les chaudes pluies des moussons,
toutes les causes habituelles d'altération des roches sont
singulièrement aiguisées par ces circonstances particulières
du sol, surtout si on songe qu'étant donnée la grande
élévation de ces plateaux, les eaux d'infiltration, entraî-
nées par la pesanteur et sollicitées à descendre très bas,
peuvent exercer leur action à de grandes profondeurs.
La forte teneur en fer peroxyde des latérites est ensuite
motivée par la richesse en éléments ferrugineux des roches
soumises à de pareilles influences atmosphériques. De ce
nombre sont, dans THindoustan, les épaisses nappes basal-
tiques du Dekhan étalées en plateaux sur un espace de
plus de 300,000 kil, q. ; en Afrique australe, notamment
sur les vastes territoires du Katanga, des gîtes d'oligiste
et de fer oxydulé figurant parmi les plus importants du
globe ; puis, d'une façon plus générale, de larges affleure-
ments de gneiss et de granités très micacés, et surtout de
puissantes assises de grès rouges largement étalées en
couches épaisses, horizontales, aussi bien dans l'Inde {grès
de Gonduana) qu'en Afrique {grès de Karoo), sur la sur-
face parfaitement nivelée des formations plus anciennes,
archéennes et primaires, très phssées. La distribution de
la latérite est, en eff*et, en rapport si étroit avec celle de
ces dépôts gréseux qu'elle en suit au delà des mers le dé-
veloppement, aussi bien dans l'Amérique du Sud sur les
grès horizontaux de même nature qui donnent naissance
au grand plateau du Brésil, qu'en Australie. Dans toute la
partie plate occidentale de ce petit continent, la latérite en
elfet se retrouve non moins bien développée sur de pareilles
nappes gréseuses, horizontalement appliquées, comme dans
les précédentes régions, sur un substratum archéen plissé.
LATERITE
998 -
et divisées de même en plateaux étages par de grandes frac-
tures.
Or, ces grès continentaux, c.-à-d. d'origine fluviale ou
lacustre, avec leur flore à Glossopleris, leur riche faune
terrestre de grands reptiles anomodontes {Dicynodon,
PUjchognatus, Plaiypodosaurus)^ leurs mammifères (Trz-
tylodon) devenant les plus anciens connus, leur horizon-
talité attestant que depuis leur formation qui s'étend du
permien au jurassique inférieur [infra-lias)^ les régions
ou ils se sont déposés en masses continues, sont demeurées
stables, ne sont autres que les témoins incontestables d'un
ancien continent indo-africain [continent de Gondvana
de M. Suess, Lemuria des zoologistes) qui, constitué dès
la fin de l'époque carbonifère, s'étendait du Brésil à l'Aus-
tralie après avoir pris son point de départ juste au tropique
du Cancer ; continent intertropical qui n'a été ensuite mor-
celé que beaucoup plus tard pour l'ouverture graduelle
dans sa masse des dépressions marines de l'Atlantique
méridional, du golfe Persique, de la mer Rouge et de
l'océan Indien. Dès lors, étant donnée cette longue phase
d'émersion, on conçoit aisément que, sur ces territoires
livrés sans défense à l'action des érosions atmosphériques,
la formation d'un produit d'altération superficielle telle
que la latérite ait pu prendre une grande extension ; en
même temps reconnaître que son âge est difficile à fixer,
puisqu'elle se forme encore de nos jours et qu'elle ne porte
en elle-même aucun signe permettant de déterminer le dé-
but d'un phénomène dont le point de départ doit certaine-
ment remonter à une date très éloignée. Tout ce qu'on
peut dire, c'est que, dès l'ouverture de l'océan Indien et
de l'Atlantique méridional, les vastes terres concentrées
entre les tropiques désormais morcelées et cessant, par
suite, d'absorber pour elles toute la chaleur et d'intro-
duire dans le climat de l'hémisphère austral des conditions
de sécheresse absolue, ont dû commencer à ressentir l'in-
fluence de phénomènes météoriques tout différents, vrai-
semblablement même inverses et se traduisant par un en-
semble de circonstances bien voisines de celles qui les
régissent aujourd'hui, c.-à-d. par un régime de saisons
sèches et brûlantes, alternant avec des saisons pluvieuses
plus tempérées. Dès lors, la latérite apparaît dans ces
régions tropicales comme une manifestation extérieure bien
expressive de ces conditions plus tempérées, si bien qu'on
est en droit d'admettre que la latérite, sur ces vieux ter-
ritoires indo-africains, devient la manifestation extérieure
bien expressive de ces conditions physiques spéciales, éta-
blies d'ancienne date, et multipliées par ce facteur d'une
puissance infinie qui s'appelle le temps.
Rôle pris par les formations latéritiques aux époques
anciennes. Dans l'Amérique tropicale si bien arrosée de
pluies diluviennes par les alizés, le grand plateau triangu-
laire du Brésil, construit sur le mhmQ type que ceux de
l'Inde et de l'Afrique australe, mais privé de toute forma-
tion marine postérieure au trias (sauf dans le N.-E. où la
mer crétacée après avoir envahi le bassin des Amazones a
légèrement empiété sur cette plate-forme doucement incli-
née vers cette plaine basse alluviale), et de plus soumis à
des alternatives da froid et de chaud, de sécheresse et de
grande humidité capable d'émietter les granités au point que,
dans les tranchées de route ou de chemin de fer, les pa-
rois faites de cette roche doivent être garnies de briques,
la latérite, sous le nom de terra rossa^ prend un grand
développement ; si bien même qu'elle peut livrer annuelle-
ment aux grands fleuves qui drainent ce plateau une masse
de limons capable de tapisser d'une couche rouge continue
non seulement le fond de leurs estuaires, mais celui de la
mer jusqu'à une grande distance de la côte. M. de Rich-
tofen, en mentionnant ce fait [Filrher, p. 206), n'a pas
manqué de signaler que ce phénomène serait plus accentué
si la mer venait envahir un pareil territoire couvert de laté-
rite (l'abrasion marine qui en résulterait ayant pour effet
de provoquer non seulement le remaniement complet de cette
formation argileuse, mais d'en déterminer le mélange avec
les divers éléments de cette nouvelle phase de sédimenta-
tion), puis d'en déduire cette conclusion intéressante que
des faits semblables ont dû se passer anciennement lors de
la formation des puissantes assises de grès 7'ouge (ju'on
rencontre fréquemment dans les terrains stratifiés de divers
âges au début des grandes phases de transgressions ma-
rines ou lacustres. Tels sont, à titre d'exemples les mieux
caractérisés, le vieux grès rouge d'Ecosse [old red sand-
stone) dont les épaisses masses de conglomérats et de grès
grossiers d'un rouge vif, entassés, au pied de l'ancienne
chaîne calédonienne, dans les parties les plus déprimées
d'une région plissée faite de gneiss et de couches silu-
riennes, deviennent le produit d'une invasion de la mer
dévonienne après une phase d'émersion consécutive des
mouvements qui avaient donné naissance et déterminé le
redressement de la bordure de l'ancien continent boréal sous
la forme de cette ride montagneuse calédonienne; phase suf-
fisamment prolongée pour que les érosions atmosphériques
aient pu faire disparaître sur ce territoire ses principales
inégalités. Puis et surtout les grès rouges per miens, qui,
en pleine Europe, nettement transgressifs depuis la Silésie
jusqu'en Angleterre sur les formations antérieures, annon-
cent un retour très accentué de la mer sur des territoires
qu'elle avait depuis longtemps abandonnés. Ce qui pré-
cède, en effet, dans ces mêmes régions cette nouvelle et
bien plus étendue transgression marine, c'est cette grande
phase d'émersion qui, vers la fin des temps carbonifères,
faisait de l'Europe extra-méditerranéenne un immense con-
tinent très accidenté et couvert de l'abondante végéta-
tion qui a donné lieu à la houille. Or, étant donnés les
caractères bien connus du cUmat d'alors, en particulier
cette température tropicale et cette grande humidité dont
les végétaux houillers aussi bien que les phénomènes tor-
rentiels de l'époque portent la marque si expressive, on est
en droit d'admettre que, sur les espaces bien découverts de
ces vastes terres émergées, les conditions pour donner
naissance à un produit d'altération analogue à la latérite
devaient se trouver pleinement réalisées, et que les eaux
permiennes, en reprenant possession de ce domaine, aient
pu s'en charger.
On ne s'écarterait guère aussi de la vérité en attribuant
à de pareils faits la coloration rouge qu'affectent également
les grès vosgieris triasiques. De nouveau, nettement trans-
gressive et dépassant de beaucoup les limites atteintes par
les dépôts permiens, cette assise marque, en e^et, dans la
région vosgienne, le début d'une formation marine très
étenriue et qui pour la première fois a recouvert tout ce
massif alors soudé avec celui de la Forêt-Noire et ayant
perdu, par voie d'érosion et d'affaissement, le relief qu'il
avait acquis à la fin des temps carbonifères par les plisse-
ments hercyniens.
Enfin, dans les assises tertiaires des chaînes subalpines
d'entre Gap et Digne, le caractère bien particuHer qu'affec-
tent les grès aquitaniens en prenant la forme d'une mo-
lasse rouge doit vraisemblablement être attribué à la même
cause; M. Haug [les Chaînes subalpines, dans le Bulletin
des services de la carte géologique de France, 1891,
t . m, n^ 21 ) ayant montré que ces grès accompagnés comme
d'habitude de puissantes nappes de conglomérats et repo-
sant en discordance marquée sur la tranche de couches
plissées jurassiques et crétacées, sont des formations d'eau
douce d'origine torrentielle déposées dans des lacs établis
au pied de ces chaînes subalpines de Provence en voie
d'exhaussement. Or si on tient compte qu'antérieurement à
cette formation, l'époque tongrienne qui précède corres-
pond, pour ces régions méridionales de la vallée du Rhône,
à une phase continentale pendant laquelle la Provence,
placée au sommet d'une grande péninsule méditerranéenne
dont la Corse et la Sardaigne jalonnent l'ancienne direc-
tion, se présentait montagneuse et couverte de grands lacs
entourés d'une abondante végétation forestière l'attestant
soumise à un climat chaud à saisons extrêmes, on verra
qu'à cette date les conditions pour la formation de dépôts
999 -
lATÉRlTE ~ L4TICIFÈRE
latéritiques étaient encore bien réalisées, et que c'est sur
des terres couvertes de pareilles formations que les eaux
torrentielles aquitaniennes ont exercé leur action. Puis
finalement en conclure que tous les dépôts de cet ordre ne
sont en somme qu'une manifestation d'un grand phéno-
mène de métamorphisme extérieur qui s'est poursuivi
de tout temps à la surface du sol, quel que soit le substra-
tum, partout où, sous l'influence d'une chaleur extrême et
d'un régime suivi de pluies abondantes, les phénomènes
d'oxydation et d'altération superficielle des roches ont pu
se développer avec une grande ampleur, €h. Yélain.
BiBL. : Neumayr, AnleUung zu wissenschaftlichen J3eo-
bachtimgen auf Reisen; Leipzig, 1875, — Von Richtofen,
Fûrhrer fur Forscliungsreisende; Berlin, 1886. — D'- Wal-
THER, Rep. of a Joùrney in India; Bombay, 1889. —
Recort geolog. survey India^ 1890, t. XXIII, 'pp. 110 et
suiv.
LATERRADE (Jean-François), botaniste français, né à
Bordeaux vers 1780, mort en oct. 1858. Il fut professeur
d'histoire naturelle à Bordeaux, directeur du jardin bota-
nique de cette ville, etc., fonda VAmi des champs, jour-
nal d'agriculture, etc., et entre autres publications mit
au jour une Flore bordelaise (Bordeaux, 18H, in-12 ;
5«édit., 1842). D^ L. Un.
LATES (IchtyoL). Genre de Poissons osseux (Téléos-
téens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Perciformes et de
la famille des Percidge, ayant pour caractères deux nageoires
dorsales, la première avec 7 ou 8 rayons épineux, l'anale
avec 2 ou 3 épines, des dents en velours, sans canines, des
dents palatines et vomériennes, pas de dents à la langue,
le préopercule avec une forte épine à l'angle du limbe, le
préorbitaire finement denticulé, les écailles de dimensions
moyennes. La forme la plus anciennement connue, le Lates
niloticus ou Perche du Nil, atteint de 25 à 30 centim.
BiBL. : GuNTHER, Study of Fishes. — Cuvier et VALEiN-
ciENNES, Hist. gén. des Poissons. — Rochebrune, Faune
de la Sênégambie, Poissons.
LATET (Le). Com. du dép. du Jura, arr. de Poligny,
cant. de Champagnole ; 102 hab.
LATETTE (La). Com. du dép. du Jura, arr. de Poligny,
cant. de Nozeroy ; 210 hab.
LATEX (Bot.). Nom donné au suc propre des végétaux
(V. Latiofère et Nutrition).
LATH AM (John), naturaliste anglais, né à Eltham (Kent)
le 27 juin 1740, mort à Winchester le 4 fév. 1837. Il
étudia la médecine à Londres, où il eut pour maître Wil-
liam llunter, et alla en 1763 exercer son art à Dartford.
Il s'occupa en même temps d'ornithologie et d'anatomie
comparée et forma une belle collection d'oiseaux. En 1796,
il quitta la médecine et se retira d'abord à Bamsay, puis à
Winchester, enfin fut appelé à remplir les fonctions de
chirurgien à l'hôpital Saint-Barthelemy de Londres. On lui
doit : A General Synopsis of thebirds (Londres, 1881-
85, 3 vol. en 6 part. in4, fig. et suppl. en 1787 et 1801) ;
A General History ofthe lirds (Winchester, 1821 -24,
10 vol. in-4, fig. avec index, 1828); Index ornitholo-
gicus, sive systema ornithologiœ... (Londres, 1790,
2 vol. in-4; 2^ éd., 1801 ; Paris,1805, in-12) ; puis des
opuscules médicaux sur le rhumatisme et la goutte (1796),
sur le diabète (1811), et des articles d'histoire naturelle
et d'archéologie dans les recueils périodiques. D'^ L. Hn.
LATHAM (Robert-Gordon), ethnologiste et philologue
anglais, né à Billingborough, dans le comté de Lincoln, en
1812, mort le 9 mars 1888. Il étudia la médecine à Cam-
bridge, fut médecin assistant à Middlesex Hospital, passa
dix ans (1823-33) en Danemark et en Suède et obtint
enfin le titre de professeur de langue et de littérature an-
glaises à University Collège à Londres. Ce sont ses recherches
ethnographiques et linguistiques qui ont fait sa réputation.
W soutint en particulier une polémique pour prouver que
le plateau central asiatique n'est pas le berceau de la race
aryenne. Citons comme ses œuvres principales : Norway
and Nonvegia7îs (Londres, 1840, 2 vol.); Treatise on
the English Language (1841; 5« éd., 18()2) ; History
and Etymology of the English Language (1849); Hand-
book of the English Language (1854; 9^ éd., 1875);
Natural History of the varieties of man (1850); une
édition de la Germania de Tacite (1 850) ; Man and his
■migrations (1851) ; Ethnology of British Colonies
(1851); Ethnology of the British Islands (1852);
Ethnology of Europe (1852); The Native Races ofthe
Russian Empire (1854); Varieties of the hiiman spe-
des (1855) ; Ijogic in its application to language
(1 856); Descriptive Ethnology (1859, 2 vol.); Eléments
of comparative philology (Ï862); The Nationalities
of Europe (1863, 2 vol.); Dictionary of the English
Language, founded on that of Johnson and Todd
(1867-70, 2 vol.); Russian and Turk(iSn).— Latham
est un des fondateurs de la Philological Society de
Londres. ' R. B.
LATH AN. Rivière de France (V. Indre-et-Loire, t. XX,
p. 742).
LA THAUMASSIÈRE (Gaspar Thaumas de) (V. Thau-
massière).
LATHBURY (Thomas), historien anglais, né à Brackley
(Northamptonshire) en 1798, mort à Bristol le 11 févr.
1865. Entré dans les ordres, il devint vicaire de Saint-
Simon de Bristol. Il fut un des principaux organisateurs
du congrès ecclésiastique de Bristol (1864). Il a beaucoup
écrit. Citons : A History of the english episcopacy
(Londres, 1836, in-8) ; The State of Popery and Jesui-
tism in England (1838, in-8) ; Guy Faïukes, a complète
history of the Gunpowder treason (1839, in-8); The
Spanish Armada (1840, in-8) ; Memorials of the Er-
nest the Pious, first duke of Saxe-Gotha (1843, in-8) ;
A History of the nonjurors (1845, in-8) ; Oliver
Cromwell (1862, in-8). ' R. S.
LATHON U RA (Lilljeborg.) (ZooL). Ce genre, synonyme de
Pasithœa,^ été établi pour une élégante espèce de Crustacés
Cladocères (L. rectirostris), peu commune dans notre pays
ainsi que dans le N. de l'Europe et qui a été retrouvée
en Afrique et en Amérique. La forme générale du corps
est ovoïde, élargie en arrière, un peu déprimée entre la tète
et le thorax ; la tète est épaisse, le bec à peine saillant,
le fornix fort peu développé ; les palpes qui saillent de
la pointe du bec sont longs et cylindriques ; les rames sont
courtes et leurs branches portent cinq grandes soies ciliées ;
la coquille n'offre pas de dessins ; l'intestin est simple, sans
cul-de-sac ni enroulement ; le post-abdomen est petit et se
prolonge en arrière en un long tubercule conique, ses ai-
guillons sont volumineux, simples, dentés en arrière. Les
mâles ne sont pas connus. R. Moniez.
LA THORILLÈRE (V. Tuorillière).
LATHR/EA (Bot.) (V. Clandestine).
LATH U ILE. Com. du dép. de la Haute-Savoie, arr.
d'Annecy, cant. de Faverges; 502 hab.
LATH US. Com. du dép. de la Vienne, arr. et cant. de
Montmorillon ; 2,290 hab. Eglise romane à coupole.
Dolmen (mon. hist.) de Marchain. Pont d'Ousilly sur la
Gartempe. Débris du donjon féodal de Cluzeau, massif
édifice carré à contreforts, du xii^ siècle.
LATH Y (Thomas Pike), littérateur anglais, né àExeter
en 1771, mort à une date inconnue. Œuvres principales :
Memoirs of the Court of Louis XIV (Londres, 1819,
3 vol. in-8), qui ne manquent pas de valeur ; des romans :
Paraclete (1805, 5 vol.); Usurpation (iSOo, 3 vol.);
The Invisible Enemy (iSi)6, 4 vol.); Gabriel Forrester
(1807, 4 vol.); Love, Hatred, and Revenge (1809,
3 vol.), etc., et une pièce qui eut un grand succès à Bos-
ton : Réparation or the School for libertines (1800).
LATHYRUS (Bot.) (V. Gesse).
LATICIFÈRE (Bot.). Les laticifères sont constitués par
des réservoirs (vaisseaux, canaux, lacunes, cellules di-
verses, etc.) renfermant le latex ou suc propre, élaboré,
des végétaux (sucs résineux, gommes, etc., diversement
colorés, formant la sève descendante) ; dans les sucs colo-
rés qui remplissent les laticifères nagent de fines granula-
LATICIFÈRE — LATJNI
— 1000 -^
lions visibles au microscope. Les laticifères constituent un
plexus ou roseau dont les canaux, de calibre variable,
s'anastomosent très irrégulièrement dans l'épaisseur de l'en-
veloppe cellulaire de Técorce (V. Ecorce). Le rôle du latex
sera étudié à l'art. Nutrition. D"" L. 11n.
LATICLAVE (latus claviis) (Antiq. rom.). Large bande
de pourpre, descendant suivant une direction perpendicu-
laire le long de la poitrine sur la tuniçiue blanche des sé-
nateurs romains. Le laticlave ne constituait pas un orne-
ment à part ; c'était simplement une partie de la tunique,
teinte en couleur pourpre. A l'origine, les sénateurs seuls
avaient le droit déporter cette marque de distinction ; mais,
à partir du règne d'Auguste, les chevaliers dont le cens
atteignait un certain chiffre y furent autorisés, ainsi qu'à
siéger au Sénat. And. B.
LATIL (Jean-Baptiste-Marie-Anne- Antoine, duc de),
prélat français, né à l'île Sainte-Marguerite (Var) le 6 mars
1761, mort à Gemenos (Bouches-du-Rhône) le 1^^ déc. 1839.
Entré dans les ordres en 1784, il se prononça en 1789
contre les principes de la Révolution, refusa le serment pres-
crit par la constitution civile du clergé (1791) et quitta la
France où il revint en 1792 comme agent de l'émigration.
De retour en Allemagne, il devint aumônier du comte d'Ar-
tois et, par la faveur de 1"^° de Polastron, acquit un grand
ascendant sur ce prince qui ne voulut plus se séparer de
lui. Après la Restauration, l'abbé de Latil devint évêque
d'Amyclée in partibus (1816), évêque de Chartres (1817)
et pair de France (1822). A peine monté sur le trône,
Charles X le nomma comte et archevêque de Reims (1 824);
en 1826 ce prélat fut élevé au cardinalat et reçut le titre
de duc. Inspirateur de la politique cléricale et rétrograde
à laquelle Charles X s'abandonna sous les ministères Vil-
lèle et Polignac, de Latil contribua pour une bonne part
à la révolution de 1830, après laquelle il suivit son sou-
verain en exil. Il refusa de prêter serment à Louis-Phi-
lippe comme pair de France et, fidèle au roi qu'il avait si
longtemps servi, il l'assista à son lit de mort (nov. 1836).
LATIL (François- Vincent), peintre français, né à Aix
le 8 févr. 1796, mort vers 1890. Elève de Gros, il a peint
des sujets religieux, des tableaux d'histoire et des por-
traits. 11 exposa pour la première fois au Salon de 1824 :
Byram abandonnant Olympe, sujet tiré de Pioland
furieux; puis, entre autres : le Lavement des pieds
(1827), à l'église des Blancs-Manteaux; Moralité du
peuple en V absence des lois en juillet iSSO (1835);
Episode de l'histoire des naufrages (1841).
Sa femme, Eugénie Henry, née à Moscou en 1808, morte
à Saint-Girons en 1879, a peint des portraits et des scènes
de genre: la Dormeuse (1839) ; V Aumône de l'ouvrier
(1841); Saint Jean le Précurseur (1839). E. Br.
LATIL LÉ. Com. du dép. de la Vienne, arr. de Poitiers,
cant. de Vouillé; 1,416 hab.
LATIL LY. Com. du dép. de l'Aisne, arr. de Château-
Thierry, cant. de Neuiily-Saint-Front ; 278 hab.
L ATI NIER. Ancienne famille anglaise du Yorkshire dont
les membres principaux sont : William^ baron Latimer,
mort le 5 déc. 1304, qui se croisa en 1271, fit l'expédi-
tion de Gascogne en 1292, combattit à Falkirk (1298).
De lui descendent les lords Braybrooke actuels, — Wil-
liam, quatrième baron, né vers 1329, mort le 28 mai
1381, servit en Gascogne en 1359, fut gouverneur de Bé-
cherel en Bretagne, fit le siège d'Auray avec Jean de Mont-
fort en 1364. Il fut chargé d'importantes missions diplo-
matiques entre autres auprès de Fernan de Portugal (1 373),
en France, en Flandre. Grand favori d'Edouard III, il fut
dépouillé de ses charges et expulsé du conseil du roi et
môme emprisonné sur l'initiative du Parlement qui lui
reprochait toutes sortes d'exactions commises en Bretagne
(1375). Mais en moins d'un an il était redevenu plus puis-
sant que jamais. Après la mort d'Edouard III, il fut envoyé
en mission à Londres pour proposer la réconciliation entre
les citoyens et la maison de Lancastre. En 1377, il fut
nommé gouverneur de Calais et prit part à l'expédition du
comte de Buckingham en France. C'est lord Willoughby
de Broke qui a hérité de la baronnie de Latimer. R. S.
LATIMER (William), érudit anglais, né vers 1460,
mort en sept. 1545. Après avoir étudié à Oxford et à
Padoue (où il apprit le grec), il devint, au commencement
du règne de Henri VIII, précepteur de Reginald Pôle, le
futur archevêque de Canterbury. Erasme, Linacre, Grocyn,
Pace, ses amis, l'estimaient fort. Il n'a rien publié.
LATIMER (Ilugh), réformé anglais, né dans le comté
de Leicester en 1475, mort le 16 oct. 1555. Chapelain
d'Anne de Boleyn, puis évêque de Worcester à partir de
1535, il refusa, en 1539, de souscrire aux six articles de
foi prescrits par le Parlement et fut emprisonné dans la
Tour. Après l'avènement d'Edouard VI, il fut remis en
liberté. Il fut alors, avec Cranmer et Ridley, l'un des
chefs des Réformés. Il fut condamné au bûcher avec eux
sous le règne de Marie et mourut en disant : « Nous allu-
merons aujourd'hui en Angleterre un feu qui ne s'éteindra
plus. » Corrie a publié les œuvres de Latimer (Londres,
1845, 4 vol.).
BiBL. : Dkmau.s, Hiigh Latimer, a bioqraphy ; Londres,
1881, 2» éd.
LATIN. L LiNCxUiSTiQUE et PHfLOLOGiE (V. Romanes
[Langues]).
II. Littérature (V. Rome).
III. HisTomE (V. Latium).
IV. Enseignement (V. Enseignement classique).
LATINE. I. Histoire religieuse. — ■ Eglise latine
(V. Eglise catholique romaine).
IL Marine. — C'est le nom donné aux voiles trian-
gulaires, en usage surtout dans la Méditerranée. On les
appelle aussi
voiles à an- ^ V
tennes. Elles
sont enver-
guées sur une
très longue
vergue pliante
VV se hissant
sur un mât as-
sez court. La
partie avant de
la voile est re-
liée au navire
par un palan
qui se nomme
le mouton p et qui n'est autre chose que l'amure. La
voile est tendue à l'arrière par un autre cordage E ap-
pelé écoute. Ces voiles, d'une manœuvre assez délicate, ne
sauraient convenir aux mers tourmentées et aux grains du
golfe de Gascogne et de la Manche.
LATI N I (Brunetto), polygraphe italien du xiii® siècle. Vil-
lani l'appelle « grand philosophe et souverain maître de rhéto-
rique » et le loue d'avoir le premier « dégrossi » les Florentins ,
Né vers 1210, il figure en 1254 et 1255 comme notaire
dans les actes publics ; en 1260, le parti guelfe, dont il
était l'un des principaux appuis, l'envoya implorer le se-
cours d'Alphonse X de Castille; c'est pendant son absence
qu'eut lieu le désastre de Monteaperti (4 sept.) qui l'em-
pêcha de rentrer à Florence et le força à chercher un re-
fuge en France, probablement à Paris ; il y fut accueilli
par un de ses compatriotes qui partageait ses opinions et
qu'il appelle son sauveur; c'est pour complaire à ce protec-
teur qu'il entreprit quelques-unes de ses traductions et
c'est là qu'il compila sa grande œuvre, le Trésor. Il est
vraisemblable qu'il rentra en Italie après la victoire de
Bénévent. Nous le voyons en effet de 1269 à 1289 occu-
per des charges plus ou moins importantes dans l'adminis-
tration de Florence.
En 1269, il était protonotaire du gouverneur de Tos-
cane pour Charles d'Anjou; en d273, notarius necnon
scriba co7isiliorum communis Florentiœ (chancelier
chargé de la rédaction des actes) ; en 1 284, l'un des syn-
— 1001 —
LATINI - LATITUDE
dics qui conclurent l'alliance de Florence avec Lucques et
Gênes contre Pise ; en 4287, membre du conseil des
Prieurs. Il mourut vieux, en i^M ou 9o. On connaît
l'hommage de respect et de filiale gratitude que lui rend
Dante (Inf.^ XV, 82-7) et que l'on n'a pas réussi à conci-
lier d'une manière satisfaisante avec le fait qu'il le place
non seulement en enfer, mais dans un cercle particulière-
ment infamant (celui des pécheurs contre nature). Il est
plus que probable qu'il n'a pas été pour Dante un maître
au sens propre du mot, mais plutôt un ami et un conseiller
paternel; il est du moins à peu près assuré qu'il n'a point
tenu à Florence une école, comme on l'a dit de bonne
heure, Timportance des charges qu'il remplit ne s'accor-
dant guère avec une fonction aussi modeste et assujettis-
sante. Outre quelques opuscules en vers (Favolello, Lauda
perunmorto, etc.), ses principales œuvres itahennes se
composent surtout de traductions en prose (du De Inven-
tione de Cicéron sous le titre de Rettorica, etc.) et du
Tesoretto. Ce dernier ouvrage, composé en même temps
que le Trésor, est un abrégé de celui-ci, resté incomplet et
original pourtant en quelques parties ; Brunetto l'écrivit
en vers et lui donna la forme allégorique pour le rendre
plus attrayant et plus accessible au grand public.
Mais lui-même considérait comme son ouvrage capital le
Trésor, qu'il rédigea en français parce que c'est la « par-
ieiire plus delitable et plus commune à toutes gens », en
d'autres termes, le langage qui devait lui assurer la plus
grande popularité. Le xii® siècle et surtout le xiiie avaient
vu naître plusieurs encyclopédies latines dont la prétention
était d'embrasser l'ensemble des connaissances humaines
(Imago mundi deHonoriusd'Autun, Spéculum univer-
sale de Vincent de Beauvais, etc.). L'œuvre de Brunetto est
une des premières tentatives faites pour rendre ce genre
d'ouvrages accessible aux personnes qui ignoraient le latin
(il avait cependant été précédé par Gautier de Metz dont
V Image du monde est de 4245). Brunetto divise son
Trésor en trois parties : la première comprend la philo-
sophie théorique, c.-à-d. la science des choses en elles-
mêmes, considérées comme objet de connaissance : il y
traite de la création du monde, de Dieu et de la nature des
anges (d'après le livre des Sentences d'Isidore de Séville),
de l'homme, de la loi divine et humaine, de l'institution de
la royauté ; il y rattache un abrégé d'histoire universelle,
sacrée (d'après la Bible et Isidore) et profane, qui s'arrê-
tait d'abord à 1260 et qu'il prolongea ensuite jusqu'en
4268. Brunetto fait aussi rentrer dans cette partie la phy-
sique, l'astronomie, la géographie (cette partie surtout est
presque uniquement composée de traditions fabuleuses)
(d'après Sohn et Isidore), l'économique (d'après Palladius),
l'histoire naturelle (d'après Aristote, Pline, Palladius,
Solin, Isidore, le Physiologus d'Ilildebert, le De Naiura
rerum de Martin de Cantimpré, les Bestiaires français et
le poème provençal de Daude de Prades). Le second livre
« parle des vices et vertus » : c'est donc un traité de
morale. Il s'ouvre par un résumé de {'Ethique à Nico-
maque d'Aristote (d'après une traduction latine) ; le reste
est composé de considérations et de sentences morales, em-
pruntées soit à des anciens, comme Horace, Sénèque, Ju-
vénal, soit surtout à des ouvrages modernes (surtout le
Moralium dogma, de Gautier de Lille, le De Arte lo-
quendi et tacendi^ d'Albert de Brescia, h De ÏV Virtu-
tibus cardinalibus de Martin de Dumium, la Summa de
viriutibus de Guillaume Perrault; les Libri sententia-
rum d'Isidore de Séville). Le troisième hvre n'est pas seu-
lement un traité de rhétorique (surtout d'après le premier
livre du De Inventione de Cicéron), mais aussi de poli-
tique. Cette dernière partie, malgré les quelques emprunts
que Brunetto y a fait au De Officiis de Cicéron, au De
Clementia, au De Ira de Sénèque, est fort originale :
l'auteur y traite presque uniquement du gouvernement des
républiques italiennes et en particulier de l'institution du
podestat : bien qu'il ait connu et utilisé un ouvrage sur le
même sujet (VOculus pastoralis), il y a surtout déposé le
fruit de ses réflexions et de son expérience personnelles, et
c'est ce qui donne à cette partie, médiocrement en harmo-
nie avec le reste de l'ouvrage, une valeur toute spéciale.
A. Jkanroy.
BiBL. : Editions : de laRettorlca (Rome, 1546, etNaples,
1851); du Tesoretto et du Favolello, par G.-B. Zakxom
(Florence, 1824); du Tesoretto seul, f)arB. Wiese, dans la
Zeitschrift fur romanische Philologie (VII, 236, avec une
importante étude philologique); des trois discours de
Cicéron prononcés devant César, par Rkzzi (Milan, 1832,
et Naples, 1850) ; du Trésor, par P. Ciiabaille (Paris,
1863, dans Ha Collection des documents inédits sur l'his-
toire de France). Le Trésor avait été traduit en italien dès
le xiii» siècle par Bono Giamboni ; éd. de cette trad. par
L. Carrkr (Venise, 1839) et L. Gaiter (Bologne, 1878).
Etudks critiquj^s. — Histoire littéraire de la France,
t. XX, pp. 276-304 (article de Fauriel). — Thor Sundby,
Délia Vita e délie opère di Brunetto Latini... tradotto da
H. Renier (Florence, 1884.) —A. Gaspary, Storia délia let-
teratura italiana, 1887, t. I, chap. ix. — A. d'Ancona, /i
Tesoro di Brunetto Latini versiftcato, dans les Mémoires
de TAcadémie des Lincei ; Rome, 1889. —- P. Toynbee,
Brunetto Latino's obligations to Solinus.. dans Roynania,
1894, t. XXIII.
LATINI (Liatino), philologue italien, né à Viterhe en
1513, mortà flomele 21 janv. 1593. Il étudia le droit et
les lettres dans sa ville natale et à Sienne, puis il entra
dans les ordres et fut attaché comme secrétaire aux cardi-
naux del Pozzo, Pio et Colonna ; il travailla à la re vision
du Décret de Gratien et obtint une pension dont il jouit jus-
qu'à sa mort. 11 était fort érudit, mais encore plus mo-
deste et ne publia que quelques rares opuscules. Sa cor-
respondance avec Manuce, Muret, Mercuriali et d'autres
savants fut imprimée en 1659 et 1667 : Epistolœ, con-
jecturœ et observationes sacra profanaque eruditione
ornatœ (RomeetViterbe). On a également publié un choix
des annotations qu'il avait mises en marge de ses livres
(légués par lui au chapitre de Viterhe) sous le titre de :
Bibliotheca sacra et profana, sive observationes, co7i-
jecturœ et varice lectiones in sacros et profaîios scrip-
tores. Enfin on trouvera dans le Thésaurus antiquitatum
Sicilimûe Qrœviusdeux articles de lui, relatifs aux études
de Sigonius, De Antico Jure. G. Mazzoni.
BiBL. : Magri, Vita Latini, en tête des Epistolœ et de la
Bibliotheca citées plus haut. — Tiradoschi, Storia délia
letteratura italiana, t. VII.
LATIN 0-CoELHo (José-Maria), littérateur et homme po-
litique portugais, né à Lisbonne le 29 nov. 1825, mort à
Lisbonne le 2 sept. 1891. Officier supérieur du génie, pro-
fesseur de géologie à l'Ecole polytechnique, député depuis
1854, ministre de la marine, puis sénateur, il a d'abord
appartenu au parti libéral, puis au groupe des républi-
cains, et s'est distingué comme orateur et publiciste. Il
laissa plusieurs ouvrages élémentaires, de nombreux ar-
ticles, et fut secrétaire de l'Académie des sciences. G. P-t.
LATINS (V. Latium).
L ATI RUS (Paléont.) (V. Fuseau).
LATISELLÉES (Paléont. )(V. Ammonite).
LATITUDE. L Astronomie. — Ce mot employé iso-
lément désigne l'angle que fait la verticale d'un lieu avec
le plan de Féquateur. Très souvent on précise cette signi-
fication en ajoutant à la suite du mot latitude un des
adjectifs astronomique ou géographique, La latitude
astronomique est égale à l'angle de la ligne des pôles avec
le plan de l'horizon du lieu considéré, c.-à-d. à la hau-
teur du pôle au-dessus de l'horizon. Cette propriété,
dont la démonstration est évidente, est utilisée pour la
mesure de la latitude. Or la terre n'est point une sphère,
mais bien un ellipsoïde de révolution, de telle sorte que
la verticale, qui est en réalité la perpendiculaire au plan
tangent à la surface terrestre au point considéré, ne
passe pas par le centre de la terre (fig. 1). Il en résulte
que la position d'un parallèle sera définie plus aisément
par la connaissance de l'angle MCE que fait le rayon
terrestre avec le plan de l'équateur. Cet angle s'appelle
latitude géodésique ; il n'est pas susceptible d'être mesuré
directement, mais on le déduit très simplement de la lati-
LATITUDE
— 1002
tude astronomique par la relation tgl/ :
dans laquelle V représente la latitude géodésique, L la lati-
tude astronomique, p Taplatissement de Fellipsoide. Il est
facile de concevoir que Fou peut construire une table numé-
rique donnant immédiatement la latitude géodésique qui
correspond à une latitude astronomique donnée. Enfin, dans
la théorie du
mouvement
des planètes,
on emploie
sous le nom
de latitude hé-
liocentrique ,
pour l'une
des coordon-
nées servant à
repérer la po-
sition des pla-
nètes sur la
sphère cé-
leste, l'angle
formé par la
droite qui joint
le centre de l'astre au centre du soleil avec le plan de l'éclip-
tique. Cette coordonnée ne se mesure pas directement parce
qu'il n'existe pas de moyen de repérer dans l'espace, avec
une précision suffisante, la ligne des pôles de l'éclip-
tique. Les tables astronomiques du mouvement des pla-
nètes fournissent les éléments qui permettent de calculer
les latitudes héliocentriques. On passe de celles-ci aux dé-
clinaisons qui figurent dans les éphémérides publiées à
l'avance, au moyen de formules trigonométriques ; mais on
peut également calculer la latitude héliocentrique qui corres-
pond à une déclinaison observée. Nous nous contenterons
d'indiquer ces deux problèmes très compliqués dans la
pratique. On considère également quelquefois l'angle formé
par la droite qui joint le centre de l'astre au centre de la
terre avec le plan de l'écliptique : c'est la latitude géocen-
trique. Des formules trigonométriques permettent de passer
de la latitude héliocentrique à la latitude géocentrique et de
celle-ci à la déclinaison.
Il convient de diviser les méthodes employées dans la
mesure de la latitude astronomique en deux groupes : mé-
thodes de haute précision appliquées dans les observatoires
et méthodes convenant aux déterminations pratiquées sur
terre et sur mer en vue des besoins de la géographie. Dans
le premier groupe, on trouve les méthodes fondées sur
l'observation de l'étoile polaire et celles qui sont basées
sur l'observation méridienne d'étoiles de déclinaison connue
ou sur l'observation des instants des passages d'étoiles con-
nues au travers du plan vertical E.-O.
Premier groupe. Méthodes astronomiques. — Déter-
mination de la latitude par V observation méridienne
de l'étoile polaire. Cette méthode suppose l'emploi d'un
cercle mural ou d'un instrument méridien pourvu d'un
cercle vertical gradué d'assez grand diamètre. Elle exige
que les constantes de l'instrument aient été préalable-
ment déterminées avec soin. Ces constantes sont la cor-
rection du tour de la vis micrométrique des microscopes,
la flexion, l'erreur des traits. De plus, il conviendra
que le pointé de l'étoile soit effectué à très peu près au
moment de son passage au méridien, afin d'éviter d'avoir
à introduire un petit terme correctif, pour tenir compte
de la faible variation de distance zénithale correspon-
dant au petit angle horaire. Enfin dans le cas où l'étoile
aurait été visée hors du méridien, il faudra en général cal-
culer un nouveau petit terme correctif pour tenir compte de
l'inclinaison du fil. On se bornera ici à signaler la nécessité
de ces corrections sans entrer dans l'exposition des for-
mules qui permettent de les calculer. D'ailleurs, pour ne
point avoir à parler de réduction méridienne, ni d'incli-
naison du fil, nous supposerons que les pointés des étoiles
ont été opérés avec le'point du fil des hauteurs oti ce dernier
est coupé par le méridien. Si la lunette est réglée de manière
que l'axe optique décrive exactement le méridien et si cet
axe optique est repéré par un fil vertical, il suffira d'ob-
server l'étoile à l'instant où elle coupe la croisée des fils. On
peut utiliser les distances zénithales de la polaire, pour la
mesure de la latitude, de trois manières différentes : i° Com-
binaison du nadir avec les passages supérieurs et inférieurs
de la polaire. Ce procédé suppose que l'on connaît la lec-
ture du cercle gradué qui correspond à la position verti-
cale de la lunette. Dans ce but, celle-ci étant dirigée de
haut en bas, on amène un bain de mercure sous l'objectif.
Le fil des hauteurs étant situé dans le plan focal de l'ob-
jectif, chaque point de ce fil couvre la lentille d'un faisceau
divergent qui sort après avoir subi l'effet delà réfraction,
suivant un faisceau parallèle à l'axe secondaire de ce point.
Ce faisceau parallèle se réfléchit sur le mercure suivant un
autre faisceau parallèle qui rencontre à son tour la len-
tille et en sort transformé en un faisceau convergent qui
donne une image dans
le plan focal, au point
où aboutit le rayon
réfléchi passant par
le centre optique ,
d'après un théorème
d'optique bien connu
(fig. 2). Tous les
points du fil horizon-
tal AB agiront de
même, de telle sorte
qu'il est aisé de se
représenter que
l'image résultante ab
est une droite paral-
lèle à ce fil. Pour
avoir ab, il suffirait
de mener un plan par
AB et le centre op-
tique 0 ; ce plan cou-
perait la surface du mercure suivant une droite a^ parallèle
à AB . On mènerait ensuite un plan vertical par a j5 et l'on cons-
truirait le plan symétrique du plan ABa[3 par rapport à ce plan
vertical: l'intersection avec le plan focal donnerait ab. On
voit immédiatement que ces trois plans coïncident, lorsque
le plan ABO sera lui-même vertical : dans ce cas l'image ab
coïncidera avec AB. Par conséquent, après avoir serré la
pince du cercle mural dans une position où la lunette est
très sensiblement verticale, on amènera celle-ci à prendre
exactement une position telle que ab coïncide avec AB, en
agissant sur la vis de rappel de la pince. Dans cette posi-
tion, le fil horizontal AB se trouve rigoureusement dans le
plan vertical passant par l'axe optique, ainsi qu'il vient
d'être dit. On lit alors les microscopes disposés sur le pour-
tour du cercle. Ces microscopes, toujours en nombre pair,
sont placés deux à deux aux extrémités d'un même diamètre,
de façon à éliminer l'erreur d'excentricité. Le cercle mural
de rObservatoire de Paris en possède "six qui sont disposés
aux sommets d'un hexagone, mais beaucoup d'appareils de
haute précision n'en comptent que quatre. Généralement, les
microscopes sont construits de manière qu'un tour de la
vis micrométrique déplace le fil mobile de 4^ d'arc. On
connaît d'ailleurs, par des opérations préalables très atten-
tives et très précises, la valeur exacte du déplacement
correspondant à i tour ; et comme i tour équivaut très
sensiblement à i\ on représente par une correction posi-
tive ou négative appelée tare le changement toujours très
petit qu'il faut appliquer à l'arc exprimé en tours et frac-
tions de tour pour qu'il représente le même arc en minutes
et secondes. La transformation s'opère pour ainsi dire à
vue. En principe, la détermination de la valeur d'un tour
de la vis micrométrique s'obtient immédiatement en mesu-
rant avec le fil mobile de chaque microscope l'intervalle
- d003 -
LATITUDE
de deux traits consécutifs de la graduation du cercle. Cet
intervalle est habituellement de ^\ de telle sorte qu'il doit
correspondre à 5 tours. L'excès du nombre de tours obtenu
sur lo chiffre 5 représente le quintuple de la tare, c.-à-d.
de la correction à appliquer à 1 tour pour avoir Tare cor-
respondant. Il est impossible d'entrer ici dans de plus longs
développements sur cette question qui est du ressort de la
théorie des instruments ; on trouvera tous les détails dé-
sirables dans les Annales de l'Observatoire de Paris
pour 1887. Il a été parlé plus haut des lectures des micros-
copes, c.-à-d. du nombre de tours indiqué par les peignes
des microscopes ainsi que des fractions de tour marquées
par le tambour de la vis micrométrique ; on pointe avec le
fil mobile l'un des deux traits, celui des traits qui est le
plus proche du 0 du peigne. Mais pour éviter d'avoir à
considérer des tours positifs et des tours négatifs, nous
supposerons que l'on a toujours pointé le trait dont la lec-
ture est plus faible. Si les microscopes étaient parfaitement
réglés, chacun d'eux devrait marquer 0 tour 0 partie
de' tour 00 (0*,0p,00) lorsque l'index serait exactement
en coïncidence avec l'un des traits de la graduation.
Alors la lecture du microscope, le fil mobile de celui-
ci étant pointé sur le trait dont la lecture est plus
faible, 245" 25^ par exemple, exprimerait en tours et par-
ties de tour, le petit arc complémentaire de la lecture
^245° ^^\ Ce petit arc lu en tours et parties de tour
s'exprimerait en minutes, secondes et centièmes de seconde,
au moyen de la correction de tare. Mais il n'est pas du
tout nécessaire que ce réglage idéal soit réalisé exactement ;
seulement dans ce cas, qui est le cas habituel, les arcs
complémentaires évalués au moyen de chaque microscope
se rapportent à un index idéal qui correspond pour chaque
microscope à la position 0S0p,00 du fil mobile. La moyenne
des lectures corrigées chacune de la tare se rapportera à
un microscope fictif; mais, comme on n'a jamais besoin de
connaître la lecture absolue sur une direction donnée de
l'espace, peu importe l'index de référence.
Dans la pratique, en effet, on se sert des distances
zénithales, c.-à-d. d'angles résultant de la différence de
deux lectures, une lecture sur l'étoile et une lecture sur
le zénith. Il est clair que dans cette différence, l'angle formé
par le trait index avec l'axe de la lunette s'élimine complè-
tement; par suite, le résultat de cette différence mesure
véritablement l'angle cherché. Quant à l'opération maté-
rielle du pointé d'un trait, elle s'effectue, en général, au
moyen d'un artifice d'observation, qui a pour but d'aug-
menter la précision, car la superposition d'un fil et d'un
trait gravé est une entreprise toujours un peu douteuse.
Dans le but d'écarter cette difficulté, chaque microscope
est muni, non point d'un fil mobile parallèle aux traits de
la graduation, mais d'un système mobile de deux fils paral-
lèles entre eux très rapprochés. Ce système est mû par la
vis micrométrique ; il est amené dans une position telle
que l'image du trait à pointer tombe entre l'image des deux
fils, en laissant de chaque côté une bande lumineuse d'égale
épaisseur. On lit le nombre de tours au moyen des dents
du peigne, le nombre de parties sexagésimales et de
dixièmes de parties sexagésimales de tours sur le tambour
de la vis micrométrique. Ces notions, bien qu'incomplètes
au point de vue de certains détails pratiques, suffisent pour
l'intelligence des méthodes que nous allons décrire. Ayant
donc déterminé la lecture qui correspond au pointé du
nadir, ainsi qu'il a été dit, par superposition de l'image
réfléchie du fil mobile sur un bain de mercure et de l'image
directe, on en déduit la lecture sur le zénith en ajou-
tant 180^. Puis, ayant dirigé la lunette sur l'étoile polaire,
on rectifie le calage de façon que l'étoile coupe le fil des
hauteurs, au moment de son passage au méridien. On ht
alors l'index et les microscopes, ainsi qu'il a été dit. On
conclut de ces trois lectures, après application de la cor-
rection de tare, la lecture complète qui correspond au
pointé de l'étoile. Cette lecture est altérée de l'effet de la
réfraction et de celui des erreurs instrumentales. La dis-
tance zénithale déduite par différence, au moyen de la lec-
ture sur le zénith sera donc affectée des mêmes erreurs. La
réfraction se calcule aisément à l'aide des tables spéciales
que l'on trouve dans tous les recueils astronomiques, en
fonction de la température et de la pression barométrique;
elle s'applique toujours positivement à la distance zénithale
observée. Quant aux erreurs instrumentales, elles se cal-
culent séparément. Si l'on suppose que l'azimut de l'axe
optique, ainsi que l'inchnaison de l'axe de rotation de la
lunette, est nul ou n'atteint qu'une valeur inférieure à la
limite qu'il peut avoir sans altérer les distances zé-
nithales, ce qui a toujours lieu avec des instruments
bien réglés, il ne reste qu'à tenir compte : 1° de la ré-
duction méridienne pour le calcul de laquelle une con-
naissance approchée du petit angle horaire de l'astre
suffit ; 2" de l'inclinaison du fil ; 3° d'une correction de
flexion de la lunette ; 4^ de l'erreur de division du trait
du cercle gradué sous l'index. En fait, les deux premières
sources d'erreurs disparaissent, si l'on a observé l'astre
à peu près dans le méridien ; la troisième et la quatrième
sont seules inévitables ; mais on a calculé d'avance, pour
chaque instrument, des tables numériques donnant la cor-
rection de flexion correspondant aux distances zénithales
et les corrections à appliquer à chacun des traits sous
l'index. L'effet de ces deux dernières corrections s'obtient
donc immédiatement à l'aide des tables en question ; il est
d'ailleurs toujours très faible. La distance zénithale ainsi
rectifiée va pouvoir être employée au calcul de la latitude.
Dans les lieux dont la latitude est supérieure à 30°, le
passage inférieur de la polaire, c.-à-d. celui qui a lieu entre
le pôle et l'horizon, tombe assez haut pour pouvoir être
observé utilement. Si l'on a observé deux passages supé-
rieur et inférieur consécutifs de la polaire, la moyenne des
distances zénithales réduites donnera la distance zénithale
du pôle, c.-à-d. la colatitude 90 — L et par suite la lati-
tude. Cette latitude est absolue, en ce sens qu'elle est
indépendante de toute erreur sur la distance polaire moyenne
et le mouvement propre adoptés pour l'étoile, ainsi que de
toute erreur sur les constantes de l'observation, de la mu-
tation et de la précession. La seule source d'erreur qui
subsiste, en dehors des erreurs propres à l'instrument, est
l'imperfection de la connaissance de la réfraction. Mais il
arrive très souvent que l'on ne peut observer que l'un des
deux passages parce que l'autre tombe en plein jour. Comme
l'on peut affirmer que la distance polaire moyenne de l'étoile
polaire est connue très exactement, la distance polaire appa-
rente qui en est déduite par le calcul peut être considérée
également comme très
bien connue, et l'on
en pourra déduire la
latitude avec une
grande certitude.
D'ailleurs, si l'on dis-
pose d'observations
embrassant une lon-
gue période, on aura
deux séries de valeurs
de la latitude.
La moyenne du
couple de valeurs
fournies par les deux
séries est affranchie
de l'erreur qui pour-
rait exister sur la
déclinaison moyenne
adoptée, car on a, en effet, les deux formules où L repré-
sente la latitude, D la déclinaison apparente (Do + dD^)
pour la date considérée :
L m: D — Z (passages supérieurs) ;
L =: 180 — D — 7/ (passages inférieurs).
La possibilité d'observer la polaire par réflexion sur la sur-
face d'un bain de mercure, fournit une autre^manière d'agen-
cer les observations de cette étoile, dans le but d'en tirer
Fig. 3.
LATITUDE
— J004
la latitude. Supposons qu'il s'agisse d'un passage supérieur
et que la lunette soit pointée suivant CI sur l'image réfléchie
(fig. 3). On a lE' parallèle à CE ; par suite, la distance zéni-
thale ZCEr=:VlE'=:ICN. Or, la distancezénithale de l'image
réfléchie ZCI nr 180 — ICN = 180 — ZGE, c.-à-d. que la
distance zénithale de l'image réfléchie est égale au supplé-
ment de la distance zénithale directe. En faisant usage des
mêmes notations que plus haut, on a entre la distance zéni-
thale directe ZCE zn Z et la distance zénithale réfléchie Z^
donnée par l'observation, la relation Z = 180 — Z; par
suite à cause de la formule (1) L :=: Z,, + D — 180 et dans
le cas d'un passage inférieur L=://^ — D.
On voit que si Ton a observé dans la même journée le
passage supérieur et le passage inférieur, par réflexion sur
le hain de mercure, la moyenne des deux valeurs de L sera
encore une valeur absolue : L
2
• — 90«.0nvoit
aussi que si l'on a observé consécutivement un même pas-
sage directement et par réflexion, la moyenne sera indé-
pendante du pointé sur le nadir, car l'on a pour le passage
supérieur, par exemple : L = D -f- '-^ 90° . La
différence des distances zénithales est donnée directement
par la différence des deux lectures réfléchies et directes.
Pour donner une idée de la précision à laquelle on peut
atteindre par ces procédés, on rapportera ici les résultats
obtenus par M. Périgaud pour la latitude de l'Observatoire
de Paris en 1888. La combinaison du nadir avec les obser-
vations des passages supérieurs et inférieurs de la polaire,
lui a donné 48*^00^1 0'''89. La combinaison des nadirs avec
les observations réfléchies des passages supérieurs et infé-
rieurs de la polaire 48^50^10^^92. Enfin, la combinaison
des observations directes et réfléchies, sans intervention
du nadir, 48^50^1 0^''9'1 . Toutefois, l'imperfection delà con-
naissance de la réfraction ne permet pas d'espérer que ces
valeurs aient toutel'exactitude qu'elles paraissent comporter.
Détermination de la latitude à l'aide d'étoiles con-
nues, La détermination de la latitude par l'observation de
la polaire n'est pas pratique lorsque les circonstances re-
quièrent de la rapidité d'exécution ou lorsque la hauteur
du pôle au-dessus de l'horizon n'est pas au moins de 30°.
Dans ces deux cas, on opère ainsi qu'il suit. On dispose
un catalogue de 30 à 40 étoiles culminant à moins de 30°
du zénith, à l'époque des observations, pendant la première
partie de la nuit, en éliminant les étoiles de première gran-
deur dont le pointé n'est pas aussi certain que celui des
étoiles de moindre éclat, ainsi que les étoiles trop faibles
que le fil des hauteurs couvre complètement. Les étoiles
qui composent ce catalogue sont choisies dans les éphénié-
rides publiées par la Connaissance des Temps ou plus
souvent dans celles publiées par le Berliner Jahrbuch,
On les répartit en trois ou quatre séries et l'on détermine
la lecture sur le zénith, au commencement et à la fin de la
soirée ainsi qu'entre les séries. On pointe successivement
chaque étoile au moment de son passage au méridien à
l'aide du fil des hauteurs, en effectuant chaque fois la lec-
ture de l'index et les lectures des microscopes. En outre,
on note à des intervalles rapprochés la température et la
pression atmosphérique. Celles-ci serviront au calcul des
réfractions. On calcule ensuite les distances zénithales vraies
des étoiles, ainsi qu'il a été expliqué plus haut à propos
de la polaire. Enfin l'on déduit la latitude par la formule
L =: D zp Z dans laquelle D représente la déclinaison ap-
parente pour le jour de l'observation, prise dans les éphé-
mérides. Le signe — convient aux étoiles qui culminent
entre le zénith et le pôle, le signe -f- aux étoiles qui cul-
minent entre le zénith et l'équateur, dans l'hémisphère N.
Chacune des valeurs de la latitude renferme l'erreur de la
déclinaison de l'étoile correspondante ; mais outre que les
déclinaisons de ces étoiles sont bien connues par de nom-
breuses observations d'observatoires, on peut espérer que
la moyenne des 30 ou 40 valeurs sera affranchie de toute
erreur provenant de cette source. Cette méthode convient
surtout au cas où l'on observe avec un instrument méridien
portatif. Dans ces instruments, on ne détermine pas l'er-
reur des traits de la graduation, parce qu'il ne convient
d'exécuter cette opération longue et pénible que pour les
instruments fixes des observatoires. De plus, la correction
de flexion se déduit des observations mêmes. Enfin, les
instruments méridiens portatifs donnent en général des ré-
sultats légèrement différents, suivant que l'on observe avec
le cercle gradué à l'E. ou le cercle gradué à l'O. (V. la des-
cription du Cercle méridien portatif). Pour éliminer autant
que possible ces différentes sources d'erreur, on multiplie
les observations d'une façon systématique, en variant à la
fois la division correspondant au point zénithal et la posi-
tion du cercle gradué. On admet qu'une valeur de la lati-
tude doit résulter de la combinaison des moyennes fournies
par deux soirées effectuées sur le même trait origine, dans
des positions alternées du cercle gradué. Si en effet la
moyenne des lectures des microscopes correspondant au
pointé du zénith dans deux positions Est et Ouest du cercle
gradué est affectée d'une certaine erreur, les distances zé-
nithales d'une même étoile seront affectées, dans chaque
soirée d'observation, de signes contraires parce que dans
une position on aura dist. zénith, étoile =: Lect. étoile
— lect. zénith., et dans l'autre, dist. zénith, étoile =:
Lect. zénith — lect. étoile. De là résulte évidemment que
la moyenne des latitudes fournies par ces deux distances
zénithales sera affranchie de l'erreur du trait du nadir.
Mais elle est entachée de l'effet de la flexion et de la demi-
différence des erreurs afférentes aux traits du limbe em-
ployés dans le pointé de l'étoile. L'effet de la flexion s'éli-
minera tout naturellement, si au lieu d'observer une seule
étoile, dans chaque position de l'instrument, on a observé
une couple d'étoiles culminant, de part et d'autre du zénith,
à une distance identique. En effet, dans une position quel-
conque du cercle gradué les deux distances zénithales
observées seront trop grandes ; mais comme la valeur
finale de la latitude résultera des formules L = D -|- Z et
L = D — Z, la moyenne des valeurs de L fournies la couple
d'étoiles sera affranchie de l'effet de la flexion. Ainsi une
couple d'étoiles culminant à égale distance du zénith, mais,
de part et d'autre observée consécutivement dans les deux
positions de l'instrument et dans le même calage zénithal,
fournirait une valeur de la latitude affranchie de l'erreur
de division du trait zénithal et de la flexion. Pour éliminer
l'eflet de l'erreur des traits servant au pointé des étoiles,
il suffirait évidemment de répéter cette détermination un
certain nombre de fois en faisant varier la division placée
sous l'index. Il suffira pour cela de desserrer les vis qui
servent à fixer le cercle gradué, de faire tourner celui-ci
autour de son axe, puis de le fixer à nouveau au moyen des
vis. Si l'on a décidé d'avance d'observer sur n, traits zéni-
thaux, c.-à-d. pendant ^n soirées, on prend 7i origines
90°
équidistantes de la quantité — , de manière à utiliser des
traits symétriquement disposés sur toute l'étendue du cercle.
Enfin au lieu d'observer une couple d'étoiles on observe un
catalogue soigneusement préparé d'avance dans lequel les
étoiles se trouvent réparties par rapport au zénith, à peu
près symétriquement. On élimine ainsi l'effet de la flexion,
comme il vient d'être expliqué, ainsi que l'erreur des traits
et de plus l'effet des erreurs accidentelles du pointé. Si
l'on forme le tableau résumé des valeurs de la latitude four-
nies séparément par chacune des étoiles employées, on peut
en déduire le coefficient de la flexion propre à l'instrument
et corriger ensuite chacune des valeurs dudit tableau. Ces
corrections n'atteignent en général que quelques centièmes.
Il n'est pas nécessaire d'ailleurs d'opérer ce dernier calcul
puisque l'effet de la flexion disparaît de la moyenne des
résultats fournis par chaque groupe de séries conjuguées
cercle à l'E. et cercle à l'O.
Méthode de Horrebow. Cette méthode a été vulgarisée
— lOOo -
LATITUDE
par l'usage qui en a été fait aux Etats-Unis, dans les opé-
rations du Coast Survcy sous le nom de méthode de Tal-
cott; mais elle est due en réalité à Pierre Horrebow, astro-
nome danois (1679 -1764) qui l'a exposée au chap. vi d'un
livre paru en 1732 sous le titre Atrium astronomiœ. Elle
exige l'emploi d'un théodolite ou d'un instrument dont la
lunette peut tourner autour de l'axe vertical du système,
ou mieux d'une sorte de théodolite construit spécialement
pour les observations circumzénithales et connu sous le
nom de lunette zénithale. Imaginons en effet une couple
d'étoiles culminant de part et d'autre du zénith à des dis-
tances zénithales presque égales, de telle, façon que la lu-
nette étant pointée sur l'une d'elles et attachée au cercle
gradué par la pince, on pourra, sans changer le calage, poin-
ter l'autre étoile après avoir fait décrire à l'instrument une
rotation de 180^ autour de son axe vertical. Si l'oculaire de
la lunette est pourvu d'un fil mobile horizontal mû par une
vis micrométrique, on pourra même déterminer la différence
des distances zénithales des deux astres au moyen de ce fil,
sans que la graduation ni les microscopes aient à jouer au-
cun rôle, uniquement au moyen du déplacement imprimé
au fil mobile pour pointer le second astre, déplacement
qui sera exprimé en tours et parties sexagésimales de tour
de la vis micrométrique. En appelant L la latitude, D' et
D'''' les déclinaisons des deux astres, 7/ et Z^^ les distances
zénithales, on a les deux équations :
L ~ D' — 7/ et L = W + 7/^
d'oti l'on déduit par sommation :
h=z^
W + d''
7/ — r'
Or l'instrument donne précisément 7/ — 7/^ par les me-
sures micrométriques ; on aura donc la latitude, si l'on a
opéré sur des étoiles de déclinaisons bien connues. Enfin
l'on doit remarquer que la correction de réfraction dont
le calcul laisse toujours subsister une légère incertitude ,
disparaît presque intégralement de la différence 7/ — 7/\
Il ne peut subsister trace d'erreur provenant de la réfrac-
tion que dans le cas d'une distribution irrégulière des
couches de l'atmosphère. Il résulte de cet exposé qu'un
instrument composé simplement d'une lunette à micromètre,
susceptible d'être fixée dans une position déterminée, dont
l'axe de sus()ension peut décrire un arc de 480*', suffît
pour déterminer la latitude qui, par cette méthode, est ob-
tenue tout à fait indépendamment des erreurs de division
du limbe et de l'effet de la flexion. Nous allons emprunter
aux Comptes rendus de l'Association géodésique inter-
nationale pour 1892 le détail de l'agencement des
observations adopté par les astronomes allemands, pour
donner à cette méthode toute la précision qu'elle peut com-
porter. Ces observateurs, MM. Marcuse de Berlin, Schnau-
der de Potsdam, Weineck et Gruss de Prague, Kobold de
Strasbourg ont composé un catalogue des groupes de couples
d'étoiles, chaque groupe contenant 8 à 9 couples. Chaque
soir on observait au moins 2 groupes, soit un minimum de
32 à 33 étoiles, avant deux heures du matin. Les deux
étoiles de chaque groupe étaient d'égale grandeur et la
différence de leurs ascensions droites de 3 à 4 minutes.
Enfin la différence de leurs distances zénithales comprise
entre — 12' et -f- 12'. De plus, ces couples étaient toutes
à moins de 27*^ de distance zénithale. Par un surcroît de
précaution, la somme algébrique des différences des dis-
tances zénithales des étoiles de chaque couple était à peu
près nulle dans chaque groupe, afin d'éliminer toute erreur
pouvant provenir d'une imparfaite détermination de la va-
leur du tour de la vis micrométrique de l'oculaire. De même,
la réunion d'étoiles d'égale grandeur, dans chaque groupe,
avait pour but d'éhrainer l'erreur qui aurait pu provenir
de la comparaison des pointés presque simultanés d'objets
d'un éclat différent. L'étendue donnée au catalogue est en
rapport avec la durée pendant laquelle on entend prolonger
l'observation, car chaque groupe passe au méridien avec un
retard quotidien de quatre minutes environ, soit deux heures
par mois; donc ces groupes deviendront successivement
inobservables, parce qu'ils arriveront à passer au méridien
en plein jour. Par suite, pour rendre les résultats d'une
longue suite d'observations comparables entre eux, il faut
ramener le résultat donné par un groupe quelconque à la
valeur que l'on aurait obtenue, si l'on avait observé un
groupe déterminé, le premier par exemple, c.-à-d. rendre
tous les groupes équivalents. On atteindrait à ce desidera-
tum en déterminant les différences des moyennes déclinai-
sons de chacun des groupes I-II, II-III, IIl-IV, etc. Pour
cela, on observe pendant plusieurs nuits consécutives les
groupes I et II, puis les groupes 11 et III, puis les groupes
III et IV, etc. Les différences sont indépendantes des varia^
tions de la latitude ; elles permettent de rapporter un groupe
de rang n au premier.
Latitude a l'aide de la polaire observée à un instant
quelconque. Cette détermination s'effectue à l'aide d'un
théodolite ou même d'un sextant. On mesure la distance
zénithale et l'on note l'heure de l'observation sur un chro-
nomètre dont on connaît l'état absolu.
Après avoir corrigé de la réfraction la distance zénithale
observée, on effectue le calcul de la latitude en s'aidant
des tables numériques spéciales que l'on trouve dans la
Connaissance des temps ou de celles qui sont insérées
dans un ouvrage de M. Albrecht intitulé Formeln und
liillstafeln fur Ortsbestimmungen geographische. L'une
et l'autre méthode donnent sans fatigue et presque
sans travail la latitude cherchée. Nous renvoyons à ces
deux ouvrages le lecteur désireux d'apprendre comment
ces tables sont
construites, v Z
à cause de la
longueur que né-
cessiterait l'ex-
position des for-
mules dont elles
proviennent.
Les tables de
la Confiais-
s a 71 ce des
temps convien-
nent particuliè-
rement au cas
où l'on a noté
l'heure de l'ob-
servation sur
une pendule ré-
glée sur le temps moyen, parce qu'elles comportent comme
argument le temps vrai local qui dérive immédiatement du
temps moyen observé, à l'aide du temps vrai à midi moyen
de Paris donné dans la Connaissance des temps, pour
chaquejour de l'année interpolé pour l'heure moyenne de Pa-
ris correspondant à l'instant de l'observation. Les tables de
M. Albrecht conviennent particulièrement au cas où l'heure
de l'observation a été notée sur une pendule réglée sur le
temps sidéral, parce qu'elles emploient comme^'argument
l'angle horaire de l'étoile qui résulte de la différence entre
l'heure sidérale de l'observation et l'ascension droite de la
polaire pour le jour de Inobservation, donnée pour chaque jour
de l'année par la Connaissance des temps. Il est clair
d'ailleurs que, dans l'un et l'autre cas, l'heure notée sur
la pendule devra être corrigée de la correction de la pendule
supposée connue par des observations spéciales. Il est évi-
dent que ces deux méthodes s'appliqueront très bien au
cas où l'on a observé la polaire dans le voisinage du méri-
dien. Pour ce dernier genre d'observations, on emploiera
de préférence un instrument méridien pourvu d'un fil mo-
bile horizontal mû par une vis micrométrique, à cause du
mouvement lent de la polaire qui maintient cet astre dans
le champ de la lunette pendant un temps fort long. Dans
le cas des observations circumméridiennes, on pourra cal-
culer la distance zénithale méridienne par la formule sui-
vante où Z^ représente la distance méridienne, Z la distance
Fig. 4.
LATITUDE
1006 —
observée, L la latitude, D la déclinaison, P l'angle horaire:
rj rj cosL cosD 2sin*|P
^ ' sinZ^ sinj''^
4- /cQsL^osPy 2cotgZ^sin^-|P
\ sinZjL / sinl^^
Dans le cas de la polaire, ce calcul est fort simple, car
le facteur — t-t, — une fois calculé servira pour tous les
sm/jL
pointés ; on en déduira immédiatement — r-j^ — ; d'autre
SIU Lt
part, on trouve dans beaucoup de recueils astronomiques
Ssin^-P
des tables qui donnent immédiatement les facteurs . '\
^ sinr'^
2sin^-P
et ■ . ,^,r en fonction de P. D'ailleurs, le second terme
sml'^
sera toujours négligeable jusqu'à 30°^ du méridien.
Détermination de ta latitude par des observations
dans le premier vertical. Cette méthode est due à Bessel,
mais elle a été indiquée par Rœmer au siècle dernier. Elle
présente ce caractère remarquable qu'elle ne nécessite pas
l'emploi d'un cercle vertical gradué servant à la mesure
des distances zénithales et qu'elle est indépendante de la
réfraction. La latitude est conclue de l'instant du passage
d'une étoile derrière le fil vertical d'une lunette mobile dans
un plan perpendiculaire au méridien. Elle nécessite l'em-
ploi d'une lunette semblable à la lunette méridienne, dont
l'axe est orienté N.-S., de telle façon que l'axe optique
décrit un vertical ayant pour azimut 90^. Le retournement
permet d'agencer les observations d'une façon convenable
pour la détermination des erreurs instrumentales. Le cercle
horaire d'une étoile coupe le vertical E.-O. (premier ver-
tical) en deux points symétriques par rapport au méridien
A et A^ Chacun de ces triangles, ZPA, par exemple, est
rectangle en Z ; l'angle en P est l'angle horaire (iîg. 5). Le
côté PA = 90 — D, le côté PL =: 90 — L. En appliquant
la formule des triangles sphériques rectangles relative au
cas oîi l'on connaît l'hypoténuse et un dièdre, on a :
tg(90 — L)=tg(90 — D)cosP,c.-à-d.cotgL=:zcotgDcosP
on tire tgL =: tgDsecP. Si au moyen d'un instrument
parfaitement réglé, on a observé les passages E. et 0. et
noté les instants des passages sur une
pendule sidérale dont la marche horaire
est bien connue, on aura immédiatement
l'angle horaire en prenant la moitié de
l'intervalle du temps écoulé (intervalle
corrigé de la marche horaire). La con-
naissance de l'état absolu de la pen-
dule est donc superflue, celle de la
marche horaire suffit. Or, cette dernière
quantité est susceptible d'être déterminée
avec une très grande précision. On remarquera que les
seules étoiles auxquelles cette méthode peut s'appHquer
sont celles dont la déclinaison est comprise entre 0 et L,
car les plans des cercles horaires des autres étoiles ne
coupent pas le plan vertical E.-O. Enfin, la différentiation
de la formule qui lie l'angle horaire, la latitude et l'azimut,
montre que les étoiles qui conviennent le mieux sont voi-
sines du zénith.
Pour une étoile zénithale, L est indépendant de l'erreur
qui peut être commise sur l'angle horaire P. Tel est le
principe de cette remarquable méthode ; dans la pratique,
l'application en est moins simple, parce que l'axe de rota-
tion n'est pas orienté exactement N.-S. D'où il suit que
l'axe optique de la lunette décrit un plan qui n'est pas
rigoureusement le premier vertical; de plus, cet axe
fait, en général, un petit angle avec l'horizon. Enfin la
lunette est pourvue de plusieurs fils verticaux, sept au
moins dans le but d'augmenter la précision des résultats ;
il est donc nécessaire de ramener les temps des passages
observés à la valeur que l'on aurait trouvée si l'astre avait
été pointé avec le fil moyen idéal, en ajoutant ou en re-
Fis
tranchant aux passages observés les intervalles de temps
employés par l'étoile pour passer du fil considéré au fil
moyen et réciproquement. Ces intervalles se calculent
aisément en fonction de la distance équatoriale des fils et
de la déclinaison de l'étoile.
Mais ce fil moyen ne coïncide pas, le plus souvent, avec
l'axe optique, d'où la nécessité d'appliquer une correction
de coUimation. 11 est impossible d'entrer ici dans l'exposi-
tion des formules et dans les détails d'application de cette
méthode, car la manière de traiter les observations dépend
de l'ordonnance de celles-ci.
Deuxième groupe. Méthodes géographiques. — Déter-
mination de la latitude par les observations circum-
méridiennes du soleil. Afin de pouvoir effectuer plusieurs
pointés donnant chacun la latitude, il est nécessaire d'em-
ployer comme instrument d'observation un théodolite ou
un sextant, à cause de la rapidité du mouvement en azimut
de l'astre qui oblige à déplacer incessamment le plan ver-
tical d'observation. On trouvera aux art. Théodolite et
Sextant la manière d'obtenir, à l'aide de ces instruments,
la distance zénithale d'un astre. Il conviendra, avant d'in-
troduire ces distances zénithales observées, dans le calcul
de la latitude, de les corriger préalablement de la réfrac-
tion, du demi-diamètre et de la parallaxe. Les éphémérides
du soleil fournissent pour chaque jour de l'année le demi-
diamètre et la parallaxe. Le demi-diamètre ne requiert
point de correction ; il faudrait toutefois l'interpoler grosso
modo pour l'heure de l'observation, si la longitude était
considérable. Mais la parallaxe donnée dans la Connais-
sance des temps est la parallaxe horizontale ; il faudra la
multiplier par le sinus de la distance zénithale pour avoir
la parallaxe de hauteur à appliquer à la distance zénithale
observée. Enfin, on devra noter exactement l'heure de
chaque pointé sur un chronomètre. Il sera préférable pour
ce genre d'observations d'employer un chronomètre réglé
sur le temps moyen. En effet, la conversion de l'heure
moyenne en temps vrai est une opération qui s'effectue très
simplement en ajoutant à l'heure observée rectifiée de la
correction du chronomètre le temps vrai à midi moyen
local, que l'on prend dans la Connaissance des temps en
interpolant le temps vrai à midi moyen du jour pour l'heure
moyenne de Paris qui correspond à l'instant de l'observa-
tion. Ayant ainsi calculé l'heure vraie locale de l'observa-
tion, on en déduit l'angle horaire P par différence à douze
heures. De plus, il conviendra de prendre pour valeur de
D la déclinaison du soleil qui correspond au milieu des
observations. On appliquera à chaque distance zénithale
corrigée de -+- réfraction — parallaxe db | diamètre, une
correction calculée par la formule :
cosL cosD ^sin^-gP
"■ "" sin(L-D) Imï^
/ cosLcosDX 2 2cotgZ^s}n^-|P
"^ Vsin(L — D)/ ûnV
Cette formule sera toujours suffisante pour des observa-
tions au sextant et au théodolite, si celles-ci n'ont pas été
prolongées plus de vingt minutes. Toutefois, s'il s'agissait
d'observations très précises du soleil au théodolite, ayant
embrassé une certaine durée et un peu éloignées du méri-
dien, on résoudra poui' chaque pointé l'équation fondamen-
tale du triangle pôle-zénith-étoiie
cosZ :=: sinL sinD -f- cosL cosD cosP
en posant m%\n^ = sinD
mcos ^1^ ==: cosD cosP
L'équation proposée se transforme en la suivante :
mcos [^ — L) :=: cosZ
qui détermine «^ — • L et par suite L.
Il est clair que les formules ci-dessus peuvent s'appliquer
à des observations circumméridiennes d'étoiles ou de pla-
nètes. Mais, comme il n'est point possible de commettre
d'erreur d'astre, en opérant sur le soleil, elle est surtout
appliquée par les voyageurs et les marins aux observations
du soleil. Dans la pratique le calcul est beaucoup simplifié,
4007
LATITUDE
, a. - , cosL cosD , , , „ .
car le coeflicient -r—r, r: ne se calcule qu une lois pour
sin(L — D
De plus, on en déduit immédiatement
, Des tables numériques très répandues
toute la série
r cosL cosD
Lsin(L--D)_
donnent immédiatement pour une valeur quelconque de
,, , . . 1 . , 2sin2^P 2sin^|P
1 angle horaire les facteurs . .v" et . ,;, -.
® sml^^ sinl"^
Il existe beaucoup d'autres méthodes qui permettent
d'obtenir la latftude, mais ces méthodes sont fort peu em-
ployées et n'ont guère qu'un intérêt spéculatif. On ren-
verra donc le lecteur aux ouvrages spéciaux.
Il semble que l'emploi de tant de méthodes différentes,
l'usage d'instruments tels que ceux qui sortent des mains
des constructeurs actuels, les perfectionnements de l'as-
tronomie, ne devraient plus laisser planer la moindre in-
certitude sur le problème des latitudes. Mais au contraire
la précision des observations modernes a eu pour consé-
quence de ramener sur le sujet une obscurité au moins re-
lative. Une question nouvelle s'est en effet posée devant
les astronomes et les géodéskns : la latitude d'un lieu de
la terre est-elle constante ou sujette à des variations pério-
diques ou continues ?En d'autres termes, l'inclinaison de
l'axe de rotation de la terre sur l'horizon d'un lieu est-elle
variable? Chose singulière, cette question s'était posée,
dès l'époque du premier Cassini, à propos de la latitude de
l'Observatoire de Paris. Mais alors les doutes provenaient
au contraire de la grossièreté des observations, dont on ne
pouvait tirer que des résultats erronés. D'ailleurs, on soup-
çonnait alors une variabilité d'une amplitude énorme, sans
rapport avec l'amplitude possible. Si le phénomène existe
en effet réellement, la variation affecterait un caractère pé-
riodique, et son amplitude ne dépasserait pas une demi-
seconde. Devant le congrès géodésique de Rome en d883,
le problème a été officiellement abordé par M. Fergola en
ces termes : Les pôles de l'axe de rotation de la terre
peuvent-ils être regardés comme sensiblement fixes sur la
surface de notre planète, ou bien sont-ils assujettis, pour
des causes géologiques diverses, à de très petits mouve-
ments appréciables toutefois à l'aide de nos instruments les
plus précis, avec les méthodes d'observation très exactes
de l'astronomie moderne ? D'après ce savant, une solution
complète, dans les limites de précision que comportent à
présent les déterminations de latitude, pourrait évidemment
être obtenue en exécutant des déterminations dans plu-
sieurs lieux convenablement choisis pour le but dont il
s'agit, pourvu que les observations fussent faites avec des
instruments et des méthodes uniformes, à des époques suf-
fisamment éloignées. M. Fergola proposait en même temps
de discuter devant le congrès un programme des travaux à
entreprendre en commun par les astronomes des obser-
vatoires les mieux placés. Cette proposition fut renvoyée à
l'examen d'une commission dont le rapporteur, M. Schiapa-
relli concluait bientôt ainsi : La latitude d'un lieu peut être
altérée aussi bien par l'effet d'une variation de la verticale
que par celui d'un changement de position de l'axe de ro-
tation dans l'intérieur de la terre. Si l'on supposait, dans
le voisinage du lieu, un déplacement de masses considé-
rables produit par des phénomènes géologiques, il en ré-
sulterait d'abord une variation de la verticale sensible
seulement dans un rayon assez faible, et, en second lieu, un
léger changement dans la direction de l'axe maximum
d'inertie et par suite dans l'axe de rotation, ce dernier
changement devant se répercuter sur les latitudes de tous
les points de la terre. On pourrait arriver à séparer les
deux effets si l'on disposait d'observations faites en assez
grand nombre en des stations convenablement choisies.
Pour M. Schiaparelli la question se réduit en fait à celle du
changement de l'axe principal d'inertie. Or le calcul montre
qu'il faudrait un déplacement énorme de matière pour chan-
ger de V^ la position de l'axe d'inertie. Mais ce calcul
suppose la terre absolument rigide ; si on lui attribue une
plasticité suffisante, la question devient différente, et il
paraît possible que les effets deviennent sensibles» Les ob-
servations de la latitude de Greenwich ont bien donné des
indices d'une variation séculaire de la latitude, mais celte
variation n'a pas été confirmée par les résultats des qua-
rante dernières années. M. Nyren a trouvé, d'autre part,
dans les observations de Poulkowa, la trace d'une variation
s'élevant à V^ environ. Pour l'étude des variations de la
latitude, M. Fergola recommande deux observatoires ayant
des latitudes presque identiques, mais des longitudes très
différentes : Rome et Chicago par exemple. Il est clair que
si la direction de l'axe de rotation change, l'effet résultant
sera différent en chaque station. Si, de plus, les astronomes
sont munis d'instruments identiques, et, s'ils observent les
mêmes étoiles, la différence de latitude sera indépendante
de l'erreur des déclinaisons et en grande partie de celle
provenant de la réfraction. M. Schiaparelli pense qu'il con-
viendrait d'employer l'instrument des passages dans le pre-
mier vertical, comme étant susceptible de donner la plus
grande précision à ce genre de mesures. Il signalait les
cinq couples suivants d'observatoires comme particulière-
ment convenables à cette recherche : Cap de Bonne-Espé-
rance-Sydney, Santiago-Windsor, Rome-Chicago, Naples-
New York, Lisbonne- Washington.
Les vœux du congrès de Rome devaient cependant rester
sans action pratique; mais néanmoins ils eurent le très
heureux effet d'avoir provoqué les recherches les plus nom-
breuses sur le phénomène. Les résultats furent souvent, il
est vrai, contradictoires, de telle sorte que l'opinion des
astronomes est loin d'être fixée. Ce furent les observations
de M. Kustner à l'observatoire de Berlin, faites avec le
grand instrument des passages appliqué à la méthode de
llorrebow, dans le but de déterminer la valeur du coeffi-
cient de l'aberration annuelle, qui enflammèrent le zèle des
investigateurs. Cet astronome trouva par ses observations
d'ayr. j 884 à mai 4 886 que la valeur du coefficient de l'aber-
ration donnée par Struve devait être diminuée de C'^IS,
alors qu'une détermination récente, d'un grands poids, due
à M. Nyren, indiquait que ce coefficient devait être aug-
menté de O^'^Oo. M. Kustner ne vit d'autre expUcation pos-
sible de cette anomalie que dans l'hypothèse d'une varia-
tion de la latitude de Berlin. Il a publié plus tard, en 4890,
une discussion de ses observations de 4884-86, en adoptant
cette fois la constante de l'aberration donnée par Nyren, et
il a montré que les observations de la polaire laites à la
même époque, au cercle vertical de Poulkowa, accusaient
des variations identiques.
En communiquant les premiers résultats de M. Kustner
au congrès de Salzbourg (4888), M. Forster indiquait,
comme cause probable des variations de latitude, les phé-
nomènes météorologiques. C'est l'opinion à laquelle parait
s'être rallié, en fin de compte, le géodésien le plus distin-
gué de l'Allemagne, M. Helmert.
A la fin de 4888, une entente s'établit entre les obser-
vatoires de Berlin, Potsdam, Prague et Strasbourg, en vue
d'une coopération méthodique, dans le but de constater les
variations qui pourraient se manifester dans leurs latitudes.
A Berlin et à Potsdam, la latitude après être restée cons-
tante pendant les six premiers mois de l'année 4889 a com-
mencé à croître à l'approche de l'automne, puis elle a di-
minué et cette diminution a continué jusqu'au mois de janv.
4890. Elle a atteint 0'^^ a 0'^6. Ce résultat est confirmé
par les observations de Prague et de Strasbourg. D'autres
observations effectuées de mai 4889 à mai 489Ô à l'obser-
vatoire de Kuffner ne s'accordeçt pas, il est vrai, avec ce
résultat ; les faibles variations sont de signe contraire.
Mais M. Tisserand, en comparant les moyennes mensuelles
de la valeur de la latitude de Paris déduites de 4,077 ob-
servations faites au cercle de Gambey de 4836 à 4864, à
la valeur moyenne générale fournie par l'ensemble des
4,077 valeurs, a obtenu une liste d'écarts qui s'accorde très
bien avec ceux qu'il a déduits, de la même manière, des
observations de Potsdam en 4889. M. Nobile a discuté au
LATITUDE
— d008 —
môme point de vue les observations de Greenwich, Milan,
Oxford, Washington, Poulkowa. Il a observé à Greenwich un
maximum enjuiilet et août, un minimum en décembre et jan-
vier ; à Milan un minimum en mai, à Oxford un maximum en
automne, à Washington un minimum vers la fin de l'année.
A Poulkowa, on ne constate pas de variation certaine, mais
les valeurs sont quelque peu discordantes. On voit par ces
quelques mots que le phénomène reste obscur; on peut
toutefois conjecturer que, soit pour l'atmosphère, soit pour
les instruments, la température joue un certain rôle. Toute-
fois, il convient de noter qu'une expérience d'un poids con-
sidérable semble militer en faveur de l'hypothèse d'une
variation périodique de latitude. Pendant une année, du
i^' juin 1891 au 18 mai 1892, des observations ont été
poursuivies à Berlin et à Honolulu. Or ces deux stations
sont situées sur des méridiens dont la longitude diffère
d'environ 180^. Il résulte de cette circonstance que si le
déplacement de la ligne des pôles est un fait réel, les va-
riations de la latitude devront être synchroniquement de
sens contraire. Les résultats ont complètement réalisé les
prévisions des observateurs allemands. L'amplitude de la
variation serait de 0^^5 avec une période de 385 jours.
Mais d'autre part des observations continuées pendant un an,
de 1891 à 1892, n'indiqueraient qu'une amplitude de 0'''i26
avec une période différente. Enfin depuis le mois de juil-
let 1891, des observations sont poursuivies à Poulkowa;
elles ont donné :
1891 Octobre 14 Maximum
^1892 S ^^^^ ^^ Minimum
( Novembre 15 Maximum
1893 Juillet 21 Minimum
Soit une période moyenne de 397 jours.
Quelques auteurs se sont préoccupés de rechercher s'il
ne serait pas possible d'expliquer par des causes géolo-
giques les variations de latitude. M. Tisserand semble avoir
épuisé la question dans le t. Il de son Traité de méca-
nique céleste. Examinons l'action particulière d'un fleuve,
dit-il, en substance, le Gange et le Brahmapoutra réunis
par exemple. On peut estimer à 1 kilomètre cube la quan-
tité de limon qu'ils entraînent chaque année dans le golfe
du Bengale, d'après une évaluation qui n'est peut-être
pas exagérée. C'est donc une masse d'un poids de 2 à
3 millions de tonnes qui se trouve déplacée. Au bout de
mille ans, ce transport ne produirait encore qu'un chan-
gement de quelques millièmes de seconde dans les latitudes.
En résumé, l'action séculaire des fleuves travailleurs ne
peut guère être considérée comme une cause de perturba-
lion sensible, à moins d'admettre avec M.Waters que l'ap-
port total des fleuves est distribué par les courants marins
de façon que l'hémisphère S. reçoive chaque année un ex-
cédent de 3 kil. c. En calculant d'après cette hypothèse, un
poids de 9 millions de tonnes transporté de Féquateur à la
latitude 45®, ne donne qu'environ O^'^IS pour mille ans.
Cet auteur remarque ensuite que le dessèchement d'une
mer intérieure ou la fonte des glaces polaires produiraient
des effets plus sensibles, mais il ne s'arrête point à exa-
miner ces causes qui n'intéresseraient que les temps géo-
logiques ; il se borne à calculer l'effet produit par une
couche d'eau de 0^10 d'épaisseur occupant une superficie
égale au dixième de la surface terrestre, qui serait trans-
portée de la latitude -f- 45* à la latitude — 45<^ L'axe
terrestre serait déplacé de O^-'IG. Or le poids d'une colonne
d'eau de 0^10 équivaut à celui d'une colonne de mercure
de 0"^008. On peut donc entrevoir, par le calcul ci-dessus,
la possibilité de variations^ sensibles de la latitude dues à
la seule influence des phénomènes météorologiques.
Quelle que soit la cause de la variabilité des latitudes,
bien des formules ont été proposées pour représenter les
variations. Celle qui paraît donner la représentation la plus
exacte est due au docteur Chandler. Elle a pour expression :
L - Lo 4- r^ Sin(0«,83526^ + 3o7)
-|-r,Sin(0,98563^+20«5)
dans laquelle L représente la latitude observée, L^ la latitude
moyenne r^ et r^ des coefficients numériques très faibles. On
remarquera quele premier terme comporte une période de i3I
jours et le second une période de 365J25. Enfin t est le nombre
de jours écoulés depuis le janvier 0 de 1891. Si l'on dispose
d'une série d'observations un peu longue, on détermine
par la méthode des moindres carrés les valeurs de \^Q,r^,r^,
puis, au moyen de ces quantités, on calcule la latitude. La
comparaison des résidus latitude observée — latitude cal-
culée, fournit un critérium excellent de la convenance de
la formule. Cette méthode appliquée à 6,768 valeurs indi-
viduelles de la latitude de San Francisco déterminées par
M. Davidson assistant du Coast and Geodetic Survey des
Etats-Unis a donné les résultats les plus heureux. On re-
lève de plus, dans ces observations, un minimum à la date
du 22 oct. 1891 et un maximum à la date du 15 mai. La
contribution des astronomes américains à l'étude des phé-
nomènes de la variabilité des latitudes est des plus consi-
dérables. En effet, en même temps que M. Marcuse de
Berlin s'établissait aux Iles Hawai, M. Preston du Coast
Survey s'installait dans une localité voisine de la station
allemande, à Waikiki, et y poursuivait des observations de
latitude par la méthode de Horrebow. Des observations du
même genre étaient également entamées et continuées à
Rockville près de Washington et à San Francisco de Cali-
fornie. Il vient d'être question précisément de ce dernier
travail. « L'ensemble des observations en ces trois stations
indique pleinement la révolution de l'axe instantané de ro-
tation autour de l'axe du moment principal, dans la direc-
tion de rO. à l'E. et à une distance actuelle de 0'^^ envi-
ron. » (D^^ Mendenhall, superintendant U. S. Coast and
Geodetic Survey.) A peine cette variabilité à longue période
est-elle un fait acquis à la science, sur des bases encore
précaires, que l'on voit poindre la révélation d'une inéga-
lité diurne. En effet, il résulte des conclusions d'un très
important travail sur la latitude de l'observatoire géogra-
phique mihtaire de Vienne inséré dans les Mitthelungen
des K. K. milit.-geogr. Instituts que les observations
montrent, indépendamment de maximas et minimas, une
variation journalière de la hauteur du pôle évaluée à
0''^13, avec un minimum vers six heures du soir et un
maximum vers minuit. La constatation de cette dernière
inégahté demandera encore bien des efforts, mais il est
légitimement permis d'espérer qu'elle est, dans cette voie,
le dernier terme de la série des difficultés ouvertes par le
perfectionnement des moyens d'observation et résolues par
le génie humain, " Ch. de Villedeuil.
II. Marine. — Considérons la sphère terrestre, ou pour
généraliser la sphère céleste, dont le centre c est celui de
la terre (fig. 6). SoitQQ' Féquateur, PP' la ligne des pôles.
P
Prenons un point quelconque A sur le méridien PAP''. La
latitude du lieu A, c'est l'arc du méridien AQ' compris
entre la verticale du lieu c7. et Féquateur, ou l'angle A^^Q'
- 4009
LATITUDE - LATlUM
formé par la verticale du lieu cAZ et l'équateur. C'est donc
aussi rinclinaison de la verticale du lieu sur Téquateur.
Elle se compte de l'équateur au pôle de 0** à 90° par suite,
et porte le nom de l'hémisphère oii l'on se trouve. Ceci
posé, traçons en A l'horizon apparent du lieu HH'. En A,
élevons une parallèle à la ligne des pôles AP^ . on aura
Pj^ AH =:ZcQ^ comme ayant leurs côtés perpendiculaires :
c'est donc encore l'élévation du pôle au-dessus de l'horizon
du lieu : remarque utile parla détermination de la latitude.
Le complément Pj^ AZ est la colatitude. Le marin a besoin à
chaque instant de connaître la position du navire sur le
globe, surtout depuis que la vitesse des bâtiments a aug-
menté d'une façon aussi considérable. Or cette position se
trace sur la carte par l'intersection de deux lignes (méri-
diens, parallèles) ou de lieux géométriques différents. La
connaissance de la latitude qui s'observe directement est
donc de la plus haute importance : d'autant qu'à la rigueur,
si on doit atterrir sur une côte courant N.-S. ou même
N.-O., S.-E., il suffit, étant à la latitude du point que l'on
veut atteindre, de mettre le cap à l'Est ou à l'Ouest jus-
qu'à ce que l'on voie la terre. Ce serait parfaitement
suffisant s'il n'y avait ni courants ni dérive. Les pêcheurs
de Terre-Neuve, entre autres, atterrissent au retour en
France de cette façon. Ce n'est pas d'ailleurs ce qu'ils font
de mieux et nous sommes loin de préconiser une pareille
méthode : nous l'indiquons seulement. Nous ne pouvons,
étant donné le peu d'espace dont nous disposons, montrer
les diverses méthodes de trouver la latitude, nous ne pou-
vons que les indiquer sommairement, en renvoyant le lec-
teur aux Traités de navigation. Cependant nous allons,
pour faire comprendre la laçon de procède]*, prendre le cas
le plus simple: le cas des hauteurs méridiennes. Cette mé-
thode s'appuie sur le principe suivant : Pour le soleil ou les
étoiles, pour tous les astres en général, dont la distance
polaire reste constante, la hauteur méridienne supérieure
est un maximum de hauteur de l'astre au-dessus de l'ho-
rizon, la hauteur méridienne inférieure est un minimum.
Pour la lune, quoiqu'elle ne culmine pas toujours à son
passage au méridien, on peut à la mer regarder la hauteur
méridienne comme maxima. L'erreur commise ne dépasse
pas V W^ pour les lat. de 65*^ et est intérieure par des
latitudes moindres.
Considérons un astre à son passage au méridien. Prenons
la sphère céleste (fig. 7), soit Z la verticale du lieu consi-
déré, IllL l'hori-
zon, QQ' Féqua-
teur, PP' la ligne
des pôles, Pétant
le pôle Nord. Par
définition la lati-
tude du lieu est
ZQ', elle porte le
nom du pôle élevé,
donc elle est N.
Supposons l'astre
en A : la hauteur
méridienne sera
IL A, son complé-
ment ou distance
zénithale ZA : on
lui donne le nom du pôle auquel on tourne le dos pour obser-
ver : elle est donc N. Or on a évidemment : 7.Qf=:7A — XiV
ou : lat. N. :=: dist. zénith. N. — décl. S.
Si l'astre est en A^ on a : l(y= 7A' 4- A' ()' ou lat.
N. = dist. zén. : N. 4-décl. N.
En A'' on a : ZQ' = Q A'^ — V'Z ou lat. N. = décl.
N. — dist. zénith. S.
Enfin en iSf'^ qui est un passage au méridien inférieur et
dans ce cas, la hauteur méridienne est un minima : on a :
ZQ; z=: 180° — (ZA'^' -h y''Q) oulat.N. — ISOo — dist.
zénith. S + décl. N. On voit donc que, pour trouver la
latitude, deux éléments seuls sont nécessaires : la hauteur
de l'astre ou son complément à 90^, la distance zénithale et
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
Fig. 7.
la déclinaison. Or les Tables de calculs nautiques, Con-
naissance des temps, etc., donnent les déclinaisons des
astres, soleil, lune, principales étoiles, calculées jour par
jour pour le midi moyen de Paris. Il n'y a plus qu'à corri-
ger par interpolation pour l'heure de l'observation. Quant
à la hauteur, on l'observe directement à l'aide du sextant.
Le degré de précision de la latitude dépend donc du degré
de précision de l'observateur. D'ailleurs, une latitude à 30'^
près est tout ce qu'il y a de plus suffisant dans la pratique.
Malheureusement, le ciel peut être couvert à l'heure du
passage au méridien du soleil ou de l'astre observé. Comme
sous peine de vie parfois on ne peut rester sans observa-
tions astronomiques, dans certains parages surtout, on a dû
chercher d'autres procédés. L'un des plus employés est
l'observation des hauteurs circumméridiennes ; la formule
sur laquelle s'appuie cette méthode est :
H — H^ ± Sp — ap"^, dans laquelle Hq est la hauteur
observée. La correction 8/? — a/?^ se nomme la réduction
au méridien. Il suffit de l'ajouter à Hq pour avoir la hau-
teur méridienne ; o est en secondes la variation de A ou dis-
tance polaire, égale au complément de la déclinaison, en
V'^ ; p l'intervalle séparant l'heure de l'observation de
l'heure du passage au méridien calculée d'avance ; a est le
mouvement en hauteur de l'astre pendant la minute (temps
de cet astre) qui précède ou suit le passage au méridien.
On le trouve sous ce titre Table XXVI de Callet. Ayant
alors la hauteur méridienne, on la corrige de la dépression,
de la réfraction, de la parallaxe, etc., du demi-diamètre,
s'il y a lieu, et à l'aide de la déclinaison on a la latitude
comme précédemment.
Quant à la limite des circumméridiennes, il suffit de re-
garder le tableau préliminaire de la Table XXVL En divi-
sant le nombre indiqué par la racine carrée à l'unité, prise
en excès, on a le nombre de minutes pendant lesquelles
on peut prendre des circumméridiennes sans commettre une
erreur de plus de 1^^\
On peut aussi déterminer la latitude par les hauteurs de
l'étoile polaire dans l'hémisphère N. La formule est :
L=:1I Acos P : où H est la hauteur corrigée, A la dis-
tance polaire, P l'angle au pôle du triangle, ZPA appelé
triangle de position, base de tout calcul nautique (V. Lon-
gitude).
Enfin on peut déterminer encore le point (V. ce mot) et
par suite la latitude par les droites de hauteur et les pro-
cédés Lalande-Pagel, Marcq Saint-Hilaire. Nous ne pou-
vons que les indiquer sans les décrire, cela nous mènerait
trop loin. On en trouvera le détail dans tous les traités de
calculs nautiques et de navigation. Kerlero du Crano.
IIL Mathématiques (V. Polaires).
LATITUDINARISME. Au xvii« siècle, le nom de latitu-
dinaires {latitude men) fut donné en Angleterre aux théo-
logiens qui répugnaient à l'étroitesse des épiscopalistes qui
damnaient les dissidents, des dissidents qui damnaient les
épiscopalistes, et généralement de tous ceux qui prétendent
que le salut n'est possible que dans leur propre Eglise. Les
principaux représentants du latitudinarisme étaient alors
Schillingsworth, John Haies, More, Abbot, Carlton, Cud-
worih, Burnet, Tillotson, Whiston, Spencer, Dury. Ils
considéraient comme chrétienne toute Eglise ayant conservé
sur les points fondamentaux les croyances et les pratiques
essentielles au christianisme, et ils accordaient une large
tolérance aux diversités de discipline et d'organisation et
même aux erreurs sur les points accessoires, plaçant la
bonne foi et la piété au-dessus de l'orthodoxie.
LATlUM. I. Géographie historique. — Contrée de
l'ancienne Italie, située au centre de la péninsule, entre la
mer Tyrrhénienne et l'Apennin, le Tibre et le Liris qui la
séparaient l'un de lEtrurie, l'autre de la Campanie. Le
nom de Latium équivaut à celui de pays des Latins. Son
étymologie est inconnue. Les anciens la dérivaient d'un roi
fabuleux, Latinus. L'étendue de la région à laquelle fut
appliqué ce nom de Latium varia selon les époques. Après
avoir désigné seulement le territoire habité par le peuple
(54
LATIUM
— 1010 —
latin, il s'étendit ensuite à celui des peuplades voisines
annexées et absorbées ou exterminées par les Romains :
Eques, Berniques, Volsques et Aurunces, de sorte qu'il
désigna toute la contrée intermédiaire entre la Campanie et
l'Etrurie. Néanmoins, on continua de distinguer les deux
acceptions, et, bien que la dernière eût prévalu au temps
de l'Empire, les géographes réservaient au territoire pri-
mitif des Latins l'appellation de Vieux Latiiim (anti-
qunm), aux parties adjointes ultérieurement celle de
Nouveau Latium (novum ou adjectum).
Le Vieux Latium était borné à l'O par la mer, au N. par
le Tibre, à l'E. par l'Apennin ; au S. ses limites étaient
moins précises et semblent avoir varié ; originairement les
Latins occupaient la côte de l'embouchure du Tibre au pro-
montoire de Circeii (monte Circello) ; mais cette région où
s'étalent aujourd'hui les marais Pontins leur fut enlevée
par les Volsques. De même, du côté septentrional, les Sabins
empiétèrent sur le Latium ; il est probable que celui-ci
s'étendit d'abord au delà de l'Anio qui devint ensuite sa
limite conventionnelle ; d'ailleurs, dans ces districts, il se
produisit un mélange des deux peuples et plusieurs cités
sont qualifiées tantôt sabines, tantôt latines ; on sait que
le fait se produisit à Rome. Si l'on tient à préciser, on le
peut à l'aide des listes des cités latines données par Denys
et Pline. Le Tibre constituait la frontière entre le Latium
et l'Etrurie; cependant les Etrusques l'ont certainement
dépassée, et réciproquement les Romains dès l'époque la
plus reculée avaient occupé sur la rive droite du fleuve la
colline du Janicule, le Campus Varwanus^ et les Seplem
Pagi (sept cantons). Au N. de l'Anio, Fidènes, Grustume-
rium Nomentum étaient latines; de Nomentum à Tibur la
ligne de démarcation est inconnue, mais les Latins possé-
daient les monts de Corniculum (monte San Angelo et Mon-
ticelli) et la base du mont Lucretilis [monte Gennaro),
puis les pentes occidentales de l'Apennin de Tibur à Prae-
neste (Palestrina) , l'intérieur appartenant aux Eques, et
tout le massif des monts Albains au delà duquel la fron-
tière entre Latins et Volsques fut flottante dans la plaine
qui sépare ce massif de celui auquel demeure attaché le
nom de monts des Volsques {monte Lepini). Le Vieux
Latium comprenait environ 1,500 kil. q., ayant 45 à
50 kil. du Tibre à la frontière sabine et autant du N. au S.
Une journée de marche suffisait donc à le traverser dans
l'un ou l'autre sens>
Le Nouveau Latium était beaucoup plus vaste, compre-
nant, outre le territoire des Latins, ceux des Eques, des
Herniques, des Volsques et des Aurunces ou Ausoniens. La
frontière septentrionale restait la même, celles de l'E. et
du S. étaient reculées jusqu'aux confins des Marses, des
Samnites et de la Campanie. Mais dès l'époque d'Auguste
le sens géographique fut modifié ; quand l'empereur divisa
l'Italie en régions, il comprit dans la même le Latium et la
Campanie, mais en détachant les districts orientaux ; ceux
du Vieux Latium, situés au N. de l'Anio, une partie du
pays des Eques et des Equicoles (Carseoli et vallée du Tu-
rano) ; le reste du pays des Eques, ceux des Herniques et
des Volsques, c.-à-d. le bassin supérieur de l'Anio, le bas-
sin supérieur du Liris et le bassin inférieur de ce fleuve.
La limite du Latium agrandi vis-à-vis de la Campanie est
définie par Strabon : sur la voie Latine, la dernière cité
latine était Casinum ; la première de la Campanie, Teanum
(du peuple dos Sidicins) ; sur la voie Appienne, près de la
côte, Sinuessa était la dernière cité latine. La frontière dé-
passait donc un peu le Liris vers le S.
La géographie physique du Latium était assez complexe.
Il comprenait la partie maritime du bassin du Tibre, celle
de son affluent l'Anio, les monts Albains et presque tout
le bassin du Liris, soit les contreforts occidentaux de l'Apen-
nin central, la plaine comprise entre ceux-ci et la mer et
les massifs montagneux qui s'élèvent dans cette plaine.
C'est une région essentiellement volcanique. A une époque
géologique relativement récente, la mer battait le pied de
l'Apennin et seuls le massif des monts des Volsques et le
promontoire de Circei émergeaient en îles. Bien plus que
les alluvions du Tibre et de quelques petits torrents, les
laves ont constitué le sol actuel. Les principaux furent
ceux des monts Albains où l'on discerne encore six cratères :
le principal, au centre, portait le temple de Jupiter Latiaris
et forme le point culminant de cette région {monte Cavo,
956 m.); d'autres, au S.-O., remplis par les eaux du lac
Albain (d'Albano ou lago di Castello), du lac de Nemi, ou le
furent par celles du lac (aujourd'hui desséché) d'Aricie ;
à l'E. et au N. les hauteurs du Vecilius et de l'Algide des-
sinent autour du mont Albain un vaste hémicycle dominant
la plaine. Dans celle-ci s'ouvrent un certain nombre de
petits cratères où dormirent de petits lacs, à l'E. celui de
Giulianella, au N. celui de Cornufelle ou lac Régille, et
celui de Castighone ou de Gabies (desséché en 1838). Les
vestiges de l'activité volcanique se retrouvent dans les sol-
fatares des environs de Tivoli (Tibur) qu'on identifie avec
les Aqiiœ Albulœ des Romains et de la route d'Ardée où
fut un oracle de Faunus. Les matériaux volcaniques furent
remaniés par les eaux, convertis en tuf^ péperin, pouz-
zolaîie qui constituent le sol de la Carripagne romaine
(V. ces articles). Le péperin, plus dur, où les anciens dis-
tinguaient les pierres d'Albe ou de Gabies, a servi à cons-
truire les monuments de Rome. Au-dessus de ces tufs
s'épanchèrent encore quelques coulées de laves descendues
des monts Albains ; la principale s'arrête aux portes de
Rome, à Capo di Bove (sur la voie Appienne). Nous avons
décrit ailleurs la structure de la Campagne romaine et les
conséquences qui résultent pour le climat et la salubrité du
manque d'écoulement des eaux dans ce sol bossue de toutes
parts (V. Campagne romaine). Une plaine d'une dizaine de
kilomètres de large sépare le massif, nettement accusé, des
monts Albains, des contreforts de l'Apennin au N.-E. et
des monts des Volsques au S.-E. Les monts des Volsques
ou monti Lepini forment une sorte d'avant-mont du grand
massif Apennin, séparé de celui-ci par la large vallée du
Sacco (Trerus) et dominant au S.-O. les marais Pontins. Ils
se développent du N.-O. au S.-E., atteignant la mer auprès
de Terracine et la longeant ensuite jusqu'à l'embouchure du
Liris. Leur longueur totale est de 100 kil., leur largeur de
20 à 30 kil. Ils sont calcaires comme l'Apennin central ;
leurs principaux sommets sont du N. au S. : les monts For-
tino, Semprevisa (1,535 m.), Cacume, délia Fate et Petrella
(1 ,533 m.). Ces montagnes forment une barrière naturelle
entre les plaines du Latium et de la Campanie.
Les régions latines de l'Apennin s'élèvent comme une
muraille de 1,000 à 1,500 m. au-dessus de la Campagne
romaine, à laquelle elles forment un cadre magnifique.
Elles s'étendent du Tibre au cours supérieur du Vulturne ;
on y remarque au N.-E. le mont Gennaro (Lucretilis^
1,268 m.), le Pennecchio un peu au N.-E., le mont de
Guadagnolo, au-dessus de Palestrina (Praeneste), dont la
citadelle fut bâtie sur un de ses contreforts. Derrière
s'élèvent les pics abrupts que couronnent les bourgs de
l'ancien pays des Eques. On peut encore citer à drohe du
Garigliano (Liris) le Passeggio (2,062 m.), et à gauche
le Meta (2,241 m.) et le mont Cassin. Ce sont, comme
les monts des Volsques, des masses calcaires souvent
abruptes, parfois boisées de chênes, de châtaigniers, etc. ;
les collines qui s'abaissent sur les vallées du Sdicco (Trerus)
et du Garigliano (Liris) sont couvertes de vignes, d'oli-
viers, de champs de céréales. Malgré leur aspect rude et
chaotique, ces montagnes n'ofl'rent pas un obstacle très con-
sidérable aux communications ; la vallée du Sacco ouvre
une route naturelle entre le Latium et la Campanie ; celle
du Garigliano en ouvre une de la Campanie au bassin du
lac Fucin, région centrale de l'Apennin (Abruzze), et l'Anio
mène également à celle-ci en partant du Tibre, par une
vallée, il est vrai, fort étroite, de la source (vers Trevi)
aux gorges de Tivoh par où il se fait jour dans la plaine.
Le littoral du Latium se développe sur une longueur de
190 kil. environ, depuis l'embouchure du Tibre jusqu'à
Sinuessa, entre celles du Garigliano et du Vulturne. Il
1011 —
LATiUM
court d'abord du N.-O. au S.-E, jusqu'au promontoire de
Circeii, puis de l'O. à TE. jusqu'à l'embouchure du Gari-
gUano. La côte du Vieux Latium forme une large lisière
sablonneuse, le long des tufs de la Campagne romaine ;
cette bande est couverte de forêts depuis le Tibre jusqu'au
promontoire d'Anzio (Aîitium) ; aujourd'hui, comme dans
l'antiquité, les sables empêchant l'écoulement des eaux
vers la mer, transforment le pays en marécage ; le littoral
est très régulier, sans accident et sans port. Le promontoire
d'Antium est une masse calcaire peu élevée au delà de
laquelle s'ouvre une baie largement évasée jusqu'au pro~
montoire d'Astura d'abord, puis jusqu'à celui de Circeii ou
monte Circello, Entre les deux derniers, le rivage est bordé
de collines sablonneuses derrière lesquelles se sont formées
des lagunes qu'une seconde bande sablonneuse admirable-
ment boisée sépare des fameux marais Pontins, lesquels
s'étendent jusqu'au pied des monts des Volsques, Cette
région de 45 kil. de long sur 48 kil. de large esta peu près
inhabitée ; s'il faut en croire Pline, elle aurait renfermé
jusqu'à 24 cités. En face du promontoire de Circeii se
trouve en pleine mer l'archipel des îles Pontiennes ou de
Ponza {Palmaria, Po7itia, Sinonia^ Pandataria). La
côte italienne se creuse en deux baies ; au fond de la pre-
mière est Terracine (Tarracina ou Anxur) ; au fond de
la seconde, que ferme le promontoire do la Gaete [Caieta)^
Formies et les marais de Minturnes, où finit le Garigliano.
A partir de Terracine les montagnes bordent le rivage.
Nous avons indiqué déjà tous les cours d'eau notables
du Latium : le Tibre, son affluent l'Anio ou Teverone, le
Garigliano (Liris) et son confluent le Sacco (Trerus). Il
reste à citer quelques ruisseaux qui ont une notoriété his-
torique ou littéraire : les émissaires artificiels des lacs
d'Albano et de Nemi; le premier, creusé en 397 av. J.-C,
et représentant un des plus merveilleux travaux de l'anti-
quité, ahmcnte l'Albano qui se jette* dans le Tibre; le
second forme le rio de Nemi, qu'on identifie parfois avec le
Numicius, assimilé plutôt au rio Torto, entre Lavinium et
Ardée. L2iFerentina est identifiée à la Marrana degli Orti,
affï. du Tibre, né près de Marino et de l'ancienne Bovillae;
la Conca (Astura) prend sa source au S. des monts Albains,
près de Velletri (Velitrœ)^ l'Ufente {Ufens) parcourt
du N.-O. au S.-E. le centre des marais Pontins ; avec ses
affluents, dont les principaux sont la Ninfa (Nymphœus)
et l'Amaseno venu des monts des Volsques, il a donné
naissance à ces marécages, la pente étant trop faible pour
l'écoulement des eaux.
Le Latium est aujourd'hui médiocrement fertile et fort
insalubre ; sans avoir jamais égalé l'opulence de la Campa-
nie, il paraît avoir pu fournir une population assez dense à
l'époque oii le drainage des eaux avait assaini la Campagne
romaine et les marais Pontins ; la ruine politique des cités
latines, dévorées par Rome, fut la cause probable de
l'abandon de ces travaux hydrologiques et de la dépopula-
tion consécutive aux progrès du paludisme (V. Campagne
romaine). Les anciens célébraient le vin des monts Albains,
les figues de Tusculum, les fruits de Tibur, les noisettes
de Praeneste. Mais, dès l'Empire, la substitution des pâtu-
rages aux champs et l'insalubrité de la plaine Poutine et
des environs d'Ardée sont attestées par les écrivains.
La topographie historique du Latium offre de grandes dif-
ficultés. Les cités énumérées par les auteurs sont presque
toutes disparues et il est souvent malaisé de retrouver leurs
emplacements. A l'embouchure du Tibre était Ostie; près
de la côte, on rencontrait à 8 milles romains (12 kil.),
Laiirentum (au lieu dit aujourd'hui Tor di Paterno) ; la
capitale présumée des Aborigines ; à 6 kil. au S., mais
plus loin de la mer, Lavinium (au heu dit Pralica) ; à
7 kil. au S de Lavinium et 6 kil. de la mer, Ardée, la
cité des Hulules, qui a gardé son ancien nom. A 15 milles
au S.-E. sur la mer, Porto d'Anzo, autrefois Antium; un
peu plus loin, le petit port &' Astura; enfin Circeii^ géné-
ralement regardée comme la dernière cité latine dans cette
direction. — Dans la région du Tibre et de l'Anio, au N.
de Rome, on trouvait, en remontant le Tibre, Antemnœ
(au S. du confluent de l'Anio), Fidenœ, Crustumerium ;
un peu à l'E. de celle-ci, Nomentum, puis dans les col-
lines dites monts Corniculani, entre le fleuve et le mont
Lucretilis, Corniculum, MeduUia^ Ameriola^ Cameria,
bourgades dont on ignore la place précise ; au S. de No-
mentum, sur la route de Rome, Ficulea. Sur l'Anio, à sa
sortie des montagnes, Tibur; un peu en aval, Collatia,
peut-être Cœnina, et enfiu, sur la rive droite de la rivière,
la colline du Mont Sacré. Sur les contreforts ultimes de
l'Apennin, dominant la plaine, on rencontrait au S. de
Tibur /Esula et Prœneste. — Les monts Albains étaient
entourés de cités : sur l'Algide, Tusculum, à TO. (au-
dessus de la ville moderne de Frascati), Corbio (Rocca
priera) à l'E.; sur le lac Albain, du côté oriental, Alba
Longa, la cité prépondérante du Latium ; au S., Aride;
en dehors du massif et sur ses pentes étaient Lanuvium
au S. et F^/i^rce (Velletri) au S.-E.; citons enûn Bouillce
au pied des monts Albains, à l'O., sur la route de Rome
(voie Appienne), et à l'E. de celle-ci, au N. du grand lac,
Castriniœnium. Enfin il importe de mentionner le temple
de Jupiter Latiaris au sommet du mont Albain, centre de
la confédération latine où se célébraient annnuellement les
Feriœ Latinœ, et le sanctuaire de Ferentina, à l'E. de
Bovillse, où se réunissaient les assemblées fédérales. —
Sur le bord du massif des monts des Volsques étaient
Cora, Norba, Setia, au-dessus de la plaine des marais
Pontins ; auN. de celle-ci, Ulubrœ, et, en un site inconnu,
Suessa Pometia dont le nom est resté au pays. Les loca-
lités échelonnées le long de la voie Appienne (Forum Appii,
Très Tabernœ, Tripontium), dans ces parages, ne cor-
respondent pas à d'anciennes cités latines. Dans la zone
limitrophe entre la Campagne et le Marais, entre les monts
Albains et Antium furent les cités de Corioli, Longula^
Pollusca, dont on ne sait que le nom, et Satricum qu'on
propose de placer sur l'iVstura. Dans la partie de la Cam-
pagne comprise entre la zone ïorestiGve (Laure^is tractus)
et la voie Appienne et qu'on dénommait Campus Sol&nius,
s'élevaient probablement Tellenœ, PolitoriumetApiolœ;
sur la route d'Ostie à Rome, près du Tibre, était Ficana,
Dans le N. de la Campagne romaine, entre les monts
Albains et l'Anio, à mi-route de Rome et de Prseneste, on
trouvait Gabies; plus près de l'Apennin, entre Gabies et
Pr?eneste, Scaptia, Pedum et probablement Querguetu-
l'um ; entre Gabies et Tusculum, une petite colline portait
Labicum [La Colonna), Au S. de Praeneste, dans la
plaine qui forme carrefour entre les bassins de l'Anio, du
Trerus et de F Ufens, entre l'Apennin, les monts Albains et
des Volsques, on place Bola, Ortona, Tolerium, Viiellia,
dont le site exact est inconnu ; sur le versant septentrional
des monts des Volsques étaient Signia et Ecetra, mais
cette dernière ne fut jamais latine. — Sur les villes des
Egues, Herniques, Volsques et Aurunces, V. les art.
consacrés à ces divers peuples.
La nomenclature que nous venons de donner n'épuise
pas, à beaucoup près, la liste des cités latines. Sans en-
trer dans les débats très épineux qu'elles soulèvent, nous
reproduisons ici les listes données par Denys et par Pline.
Le premier énumère les trente cités de la ligue ou confé-
dération latine lors du traité de 493 avec Rome : Ardea,
Aricia, Bovilhe, Bubentum, Corniculum, Carventum, Cir-
ceii, Corioli, Corbio, Cora, Fortinei (?), Gabii, Laurentum,
Lavinium, Lanuvium, Labicum, Nomentum, Norba, Prao-
neste, Tellenœ, Tibur, Tusculum, Toleria, Tricrinum (?),
Velitrae. L'emplacement de Bubentum est totalement ignoré;
Carventum était limitrophe des Eques. Pline cite parmi les
villes qui étaient complètement disparues de son temps :
Satricum, Pometia, Scaptia, Politorium, Tellenae, Cœnina,
Ficana, Crustumerium, Ameriola, Meduliia, Corniculum,
Antemnœ, Cameria, Collatia, mais aussi : Saturnia qu'on
suppose avoir occupé remplacement de Rome ; Antipolis
qui aurait été bâtie sur le Janicule ; Sulmo qu'on identifie
avec Sermoneta (entre Norba et Setia) ; Norbe (?) (appa-
LATIUM
io-i^
remment Norba), Anitmum (?). Pline donne ensuite une
liste des peuples ou communautés qui offraient des sacri-
fiés sur le mont illbain : Albani, i^^sulani, Accienses, Abo-
lani, Bubetani, Bolani, Cusuetani, Coriolani, Fidenates,
Foretii, Hortenses, Latinienses, Longulani, Manates, Ma-
crales, Mutucumenses, Munienses, Numinienses, Ollicu-
îani, Octulani, Pedani, PoUuscini, Querquetulani, Sicani,
Sisolenses, Tolerienses, Tutienses, Vimitellarii, Yelienses,
Venetulani, Vitellenses. On trouve dans cette liste les noms
de onze cités latines, de la Bubentum de Denys ; on peut
identifier les Hortenses avec les gens d'Ortona et les Mu-
nienses avec ceux de Castrimœnium, les Velienses seraient
les habitants de Velia, l'une des bourgades qui consti-
tuèrent la Rome primitive du Septimontium (V. Rome).
Des autres, on ne sait rien, mais il est fort possible qu'une
partie des communautés qui sont énumérées dans cette liste,
assurément fort ancienne, ne fussent pas des villes ou cités.
Niebuhr conjecture, non sans motif, qu'il s'agit là d'une
liste des villes dépendant d'Albe.
Pour compléter la topographie du Latium, il nous reste
à dire un mot des grandes routes stratégiques qu'y tracèrent
les Romains. La via Appia (de Rome à Capoue) allait en
ligne droite de Rome à Tcrracine, par le S. des monts
Albains. Sur elle s'embranchait la via 5^^ma allant à Setia
et longeant la base des monts des Volsques. — La via
Latina, qui menait également en Campanie (de Rome à Bé-
névent), passait au N. des monts Albains ; entre le mont
principal et l'Algide un embranchement desservait Tuscu-
lum {via Tusculana). — La via Labicana^ allant de la
porte Esquiline à Labicum, rejoignait la voie Latine à
30 milles de Rome, au lieu dit ad Bivium ; ceWe-ci suivait
ensuite la vallée du Trerus au N, des monts des Volsques,
celles du Liris et du Vulturne. — La via Prœnestina,
partie du même point que la voie Labicane, passait par
Gabies, Prœneste et rejoignait la voie Latine près d'Ana-
gnia. — La via Tibur tina, remoinant PAnio, continuait
sous le nom de via Valeria à travers le pays des Eques
jusqu'à Corfinium et à l'Adriatique. — La via Salaria
(Rome à Ancone) remontait le long de la rive gauche du
Tibre par Fidènes. — La via Nomentana^ partie du même
point, la rejoignait à Eretum.
IL Ethnographie (V. Italie).
III. Histoire. — L'histoire des Latins ne nous est guère
connue que dans leur rapport avec Rome. Nous avons ex-
posé dans l'art. Italie l'opinion commune sur leurs ori-
gines. On les regarde comme un mélange d'une population
préexistante, les Sicules, avec des envahisseurs venus de
l'Apennin central ; le nom d'Aborigines est appliqué tantôt
aux conquérants, tantôt au peuple conquis. Il ne subsiste à
l'époque historique aucune trace certaine de cette dualité.
Les légendes helléniques du cycle troyen font aborder dans
le pays des colons troyens commandés par Enée ; elles ne
paraissent avoir nul fondement historique, bien qu'on ait
tenté de rapprocher le culte des Pénates de Lavinium de
celui des Cabires (V. ces mots), si répandu parmi les popu-
lations pélasgiques. Il faut seulement retenir de ces récits
le fait que Lavinium exerçait une vieille primauté religieuse.
D'autre part, à l'époque où l'on plaçait la fondation de
Rome (753 av. J.-C), toutes les traditions s'accordent à
représenter Albe comme la métropole du Latium ; sa su-
prématie se traduisait par cette assertion que les trente cités
latines étaient ses colonies, tandis que d'autres traditions
présentent Ardée, Prseneste, Tusculum comme de fonda-
tion antérieure à celle d'Albe. On a proposé d'admettre
qu'Albe était la cité du peuple conquérant qui aurait gra-
duellement soumis le reste du Latium. On remarque que,
dans la liste donnée par Pline des trente populi Albenses
ayant leur centre religieux au mont Albain, ne figure qu'une
partie des cités latines parmi lesquelles Bola, Pedum, To-
ieria, Vitellia au N. du massif, Corioli, Longula, Pollusca
au S., tandis que d'autres plus voisines du mont Albain et
plus considérables n'y sont pas nommées, Aricie, Lanu-
vium, Tusculum, etc. OrCaton (ap. Priscian.,IV, p. 629)
raconte que le temple de la Diane d'Aricie fut fondé en
commun par les cités de Tusculum, Aricie, Lanuvium,
Laurentum, Cora, Tibur, Pometia, Ardée et les Rutules.
Il semble bien en résulter l'existence d'une ligue latine op-
posée à la figue albaine et contemporaine. Peut-être serait-
ce à celle-là que s'appliquerait le nom de Prisci Latini
que nous voyons employer au temps des guerres d'Ancus
Martius et de Tarquin PAncien, c.-à-d. après la destruc-
tion d'Albe. Quoi qu'il en soit, le nombre de trente paraît
avoir été liturgique pour la composition des diverses con-
fédérations latines et peut-être introduit sous l'influence
d'Albe, car dans la liste des cités qui traitèrent avec Rome
en 493 on retrouve ce nombre. Après la fondation de
Rome par la fusion de communautés latines et sabines, la
cité nouvelle entra en conflit avec Albe et la détruisit, trans-
plantant sa population sur les rives du Tibre. Les Romains
revendiquèrent la suprématie exercée par Albe sur le La-
tium, mais les autres peuplades la rejetèrent, et c'est alors
que parait la ligue des Prisci Latini des Vieux Latins. Ce-
pendant, au temps de Tarquin le Superbe, la suzeraineté
romaine était reconnue. Dans le fameux traité de 509 avec
Carthage, Rome stipule pour les gens d'Ardée, Antium,
Laurentum, Circeii, Terracine et autres cités dépendantes
du Latium. Mais bientôt après l'établissement de la répu-
blique, et peut-être à l'occasion de l'invasion étrusque de
Porsena, les Latins s'aff'ranchirent. Une guerre s'ensuivit,
dont le principal événement fut la batadle du lac Régille
(496), représentée par les Romains comme une victoire, et,
en 493, Spurius Cassius conclut avec les Latins un traité
qui régla leurs relations avec Rome pour plus d'un siècle.
La confédération latine (dont nous avons énuméré plus haut
les trente cités), contractait avec Rome sur le pied d'égalité
un pacte d'alliance off'ensive et défensive ; il semble que le
commandement militaire dût alterner. Cette alliance visait
la lutte contre les Eques et les Volsques ; on y admit en
486 les Herniques. L'invasion gauloise disloqua cette union;
l'anarchie fut un moment complète; non seulement les
Latins et les Herniques se séparent des Romains pour
s'allier parfois aux Volsques, mais la ligue latine semble
dissoute. En 383, Tusculum, Gabies, Labicum tiennent
pour Rome, Lanuvium et Prseneste contre elle pour les Vols-
ques. En 380, Prseneste fait isolément la guerre à Rome;
de même Tibur en 360. Cependant, la ligue subsistait no-
minalement, et, en 358, son alliance avec Rome fut renou-
velée dans les termes anciens. Les ennemis séculaires des
Latins étaient à peu près épuisés ; les Volsques ont reperdu
le pays Pontin, d'Antium à Terracine ; après lesacdePri-
vernum (329) leur nom disparaît.
La victoire ne profitait qu'aux Romains. Après la guerre
faite en commun contre les Samnites pour le protectorat
de la Campanie, les Latins protestèrent. Ils demandèrent
aux Romains ce qu'elle venait d'accorder aux plébéiens, la
fusion complète des deux peuples, l'égalité politique et le
partage des magistratures. C'était la 'fin du dualisme ro-
mano -latin. Mais il ne pouvait plus se terminer par une
transaction tenant la balance égale, La cité du Tibre l'em-
portait de beaucoup sur la confédérafion latine. Les de-
mandes apportées au Sénat par les deux préteurs latins
Annius de Setia et Numisius de Circeii furent dédaigneu-
sement rejetées et la guerre latine éclata (340) ; d'un
côté les Latins et les Campaniens qui avaient continué seuls
la guerre contre les Samnites, de l'autre les Romains alliés
aux Herniques et aux Samnites ; Ostie, Laurentum, Ardée
se prononcèrent pour Rome ; Fundi, Formies restèrent
neutres; en revanche, Signia, Setia, Velitrse, Circeii, malgré
la présence de colons romains, embrassèrent le parti latin.
Les deux consuls Decius Mus et Manlius se portèrent en
Campanie par la montagne et remportèrent une sanglante
victoire sur les pentes du Vésuve, aux bords du Ve^seris.
L'armée latine se ralha àVescia, chez les Aurunces, et fut
battue de nouveau. Mais le dictateur Crassus échoua devant
Antium, un consul devant Pedum (339). En 338, la vic-
toire du consul C. Mœnius sur l'Astura et la prise de Pe-
lOiB —
LâTIUM — LATOMUS
dum par son collègue Furius Camilius terminèrent la guerre.
L'une après l'autre les cités latines se soumirent. La con-
fédération fut dissoute et le Sénat romain prit toutes ses
mesures pour en empêcher la reconstitution. Les habitants
de chaque cité se virent interdire de faire des assemblées
générales, de faire la guerre, d'acquérir des propriétés, de
contracter mariage (commercmm et conubiwn) dans une
autre cité. Les villes voisines de Rome reçurent le droit
de cité romaine (V. Cité) : Lanuvium, Aricie, Pedum,
Nomentum et peut-être Gabies; Tusculum le reçut, mais
sans le droit de suffrage ; Velitrte l'obtint un peu plus tard.
Tibur et Pneneste gardèrent leur indépendance nominale,
mais perdirent une grande partie de leur territoire; Velitr.T.
et Antium perdirent tout, Privernumles trois quarts; des
colonies romaines y furent établies (V, Colonisation). La
nation latine disparaît ainsi et graduellement s'achève son
absorption dans la nationalité romaine. Tout ce que nous
savons des Latins, de leurs mœurs, de leur religion, de
leurs institutions, est inséparable do l'étude des mœurs,
religion et institutions romaines. Il est remarquable que,
sauf dans les légendes albaines, il ne soit jamais question
d'un gouvernement monarchique; les cités avaient un ma-
gistrat suprême électif appelé dictateur. On ignore leur cons-
titution intérieure et l'organisation de leur ligue fédérale.
Après la conquête romaine, elles durent conserver leurs lois
sous le régime municipal.
Le nom latin ne disparut pas avec la nationalité et il
continua d'être usité pour désigner des catégories particu-
lières de membres de l'Etat romain ; la formule socii et
nomen Latinum, alliés et Latins, est constamment em-
ployée dans l'histoire romaine ultérieure. Mais il ne faut
pas oublier que ce nom de Latins s'appliquait non seule-
ment aux Vieux Latins, mais aussi aux habitants des colo-
nies dites latines (V. Colonisation). « Le nomen Latinum
comprend maintenant ce qui restait des anciens peuples
latins non encore agrégés à la cité romaine et ceux qui
avaient reçu le jus Latii comme les colonies de nom
latin ; mais, parmi les peuples du nom de latin, il s'éta-
blit aussi des différences : les uns conservèrent quelques-
uns des privilèges de l'antique alliance conclue par Sp.
Gassius ; les autres, qui peut-être furent d'abord les ha-
bitants des douze colonies latines fondées depuis 268,
n'eurent pas le droit de battre monnaie, si ce n'est des
pièces de cuivre, et ne gardèrent h jus commercii qu'avec
des restrictions. De là une distinction entre le Latium
îïiajus et le Latium minus qui se répandit beaucoup
sous l'Empire. Ce Latium minus ouvrait la cité romaine à
ceux des Latins qui avaient ^èrè une charge municipale ou
convaincu un magistrat romain de concussion. » Ce fut en
effet une des habiletés de la politique romaine de s'assurer
l'appui des meilleurs éléments des cités latines en octroyant
le droit de cité romaine à quiconque avait exercé une
charge dans une des cités latines ; on le leur donnait éga-
lement quand ils émigraient à Rome en laissant dans leur
cité natale un descendant mâle. Aussi les Latins furent-ils
désormais fidèles auxiliaires des Romains, recrutant la
moitié de leurs armées, de leurs colonies; les guerres de
Pyrrhus etd'Annibal attestèrent la fusion des deux peuples.
Elle fut consommée quand la loi Julia et la loi Plautia
Papiria donnèrent à toute l'Italie le droit de cité romaine;
le droit civil distinct qu'avaient conservé certaines villes
disparut alors. Mais le droit latin {jus Latii) ne disparut
pas alors. Il continua de désigner une condition politique
inférieure au droit de cité proprement dit et fut conféré par
les empereurs à une quantité de cités des provinces. Même
après l'admission de tous les sujets libres dans la cité
romaine par Caracalla (212), il y eut encore ce qu'on
appela Latini Juniani, descendants d'esclaves que des
citoyens romains avaient affranchi sans observer les pres-
criptions légales. Cette dernière distinction fut abolie par
Constantin. A.-M. B.
BiEiL. : Outre les ouvrages généraux sur l'Italie et Rome,
parmi lesquels il faut faire une place spéciale à celui de
Cluvier [Italia antiqua; Leyde, 1624, 2 vol. in-fol.), base des
travaux ultérieurs, nous citerons: Kircher^V etus Latium;
Amsterdam, 1671, in-fol. (médiocre). — Volpi, Vfitus La-
tium profanum et sacrum; Rome, 1704-48, 10 voi. in-4
(très médiocre). — WE.STPiiAL,Die RœmischeKampagne in
topographischer und antiquarischer Hinsicht dargestellt;
Berlm, 1829, in-1. — W. Gkll, Topography of Rom and
Us vicinity ; Londres, 1834, 2 vol. in-8 (avec excellente
carte); 2" éd., 1846. — Nibby, Analisi slorlco-topogvafico-
antiquaria délia Carta dei dintovni di Roma; Rome, 1837,
3 vol. in-8; 2« éd., 1840. — Bor.maxn, Altlatinische Choro-
graphie und Stsedtegeschichte; Halle, 1852, in-8.— Abeki^n,
Mittelitalien zur Zèit der rœmischen Herrschaft ; Stutt-
gart, 1843. — Zœller, Latium und Rom, Forscfiungen
ûber Vire gemeinsame Geschicfite bis zum Jahr 338 vor
C/irii'/us ,• Leipzig, 1878. — Dj<: la I^lanchkre, Terracine,
dans Bihl. des Éc. d'Athènes et de Rome.
LATMUS (Mont). Montagne de l'Asie Mineure, de
4,500 m. d'alt., à l'E. de Milet, dans la Carie; c'est là
que la légende plaçait les amours d'Artémis et d'Endy-
myon; ce dernier y avait son tombeau et une chapelle. Au
pied s'étendait le golfe Lalmique comblé depuis par les
alluvions du Méandre; il n'en reste que le lac de Baffi ou
Akis tchau long de 18 kil., large de il kil.
LATOMIES (Archit.). De nombreux exemples pris dans
les auteurs et dans les inscriptions montrent que ce mot
grec, transporté dans la langue latine après la conquête de
la Sicile, désignait, en général, les carrières d'où étaient
extraites les pierres de construction ; mais, par suite delà
conversion, à Syracuse, d'une ancienne carrière aban-
donnée en prison publique de la ville, le mot latomies prit
peu à peu ce dernier sens. Cicéron, qui avait probablement
vu les latomies de Syracuse, les décrit {Contre Verres,
27) comme un ouvrage grandiose bien digne des anciens
tyrans de Sicile et consistant en une immense cavité creusée
très profondément dans le roc, mais laissée à ciel ouvert,
de sorte que les prisonniers y étaient exposés à toutes les
intempéries des saisons. Cette prison avait un stade (env.
200 m.) de longueur et deux plèthres (env. 3P> m.) de lar-
geur et servait non seulement à renfermer les prisonniers
de Syracuse, mais encore ceux des autres villes de la
Sicile. A Rome, le Tullianum (V. ce mot) était aussi
quelquefois appelé Latomies. Charles Lucas.
LATOMUS (Barthélémy), surnommé Steinmetz ou le
Masson, philologue belge, né à Arlon vers 1485, mort à
Coblentz en 1570. Il enseigna de bonne heure la philolo-
gie à Fribourg-en-Brisgau, à Trêves, à Cologne, et fut enfin
appelé à occuper la première chaire d'éloquence latine créée
par François I^"* au Collège de France. Il quitta l'enseigne-
ment vers 1542 pour devenir conseiller de l'électeur de
Trêves. Là il fut entraîné dans les querelles religieuses qui
agitaient l'Allemagne, écrivit des livres de polémique ar-
dente, notamment contre Dathenus (V. ce nom) et prit part
aux fameux colloques de Ratisbonne et de Worms. Comme
philologue, Latomus fit preuve d'une érudition extraordi-
naire et d'une critique pénétrante. Ses principaux ouvrages
sont : Summa totius rationis disserendi^ uno eodemque
corpore et dialeciices et rhetorices partes complectens
(Cologne, 1527, in-8, souv. rééd.); Epitome coynmen-
tariorum Dialecticœinventionis ÈodolphiAgricolœ (icL,
1530 ; rééd., 1534, in-8) ; Georgii TropexMntii de Ile dia-
lecfica libelliis, una cum scholiis Joannis Noviomagi
et B. Latomiillustratus (id.^ 1544, in-8; Lyon, 1545,
in-8; Cologne, 1549, in-8); De Laudibus eloquentiœ
et Ciceronis (Paris, 1535, in-8). Il avait aussi donné des
éditions savantes de plusieurs auteurs classiques, notam-
ment de Cicéron et d'Horace. Les œuvres polémiques de
Latomus présentent un grand i)itérêt pour l'histoire reli-
gieuse de l'Allemagne au xvi^ siècle ; nous citerons notam-
ment : /]. Latomi adversus ili. Bucerum de controver-
siis quibusdam ad religionem pertinentibus altéra
plenaque d6/<?rmo (Cologne, 4544, in-4); Uandlungeyi
des Colloquiums zuRegenspurg (id., 1546, in-8); lïes-
ponsio B. Latomi ad impudentissima conviiia et ca-
lumnias P. Datheni {id., 4558, in-4). E. H.
BiBL. : L. IIOERSCH, B. Latomus, le premier profes-
seur d'éloquence latine au Collège royal de France, dans
Bullet. de l'Acad. roy. de Belgique, 3« sér., XIV.
LATOMUS — LA TOUCHE
1014
LATOMUS (Jean), prieur du monastère du Trône~de~
la-Vierge, à Grobbendonck, né à Berg-op-Zoom en 1523,
mort en 1578. On lui attribue la découverte dans le cou-
vent de Sainte-Agnès, près de Zwolle, du manuscrit de
Vlmiiation par Thomas a Kempis.
LATO N A (ZooL). Genre de Crustacés Cladoccres, famille
des Sidides, établi pour une espèce (L. setifera) dont l'aire
paraît fort circonscrite, découverte en Norvège dans les lacs
profonds, mais qu'on aurait retrouvée au lac Michigan ; ce
genre se distingue des autres Sidides par la tête à bouclier
médiocre et au bec aplati, par les antennes antérieures
longues, enferme de fouet, par le rameau inférieur des an-
tennes postérieures tri-articulé, le rameau supérieur est
bi-articulé, avec l'article basilaire prolongé en un appendice
sétigère. Le mâle possède des appendices copulateurs à
l'abdomen, mais la première paire de pattes est dépourvue
de crochets. Le genre Latonopsis Sars paraît représenter
ce type en Australie. R. Montez.
LATONE (Myth.) (V. Lêto).
LATO PO LIS (Archéol. égypt.). Nom donné par les
Grecs à la ville de Sni, aujourd'hui Esneh, qui à l'époque
gréco-romaine devint la capitale du nome Latopolitès
(nom hiéroglyphique Ten). Le nom de Sni s'écrivait par
l'hiéroglyphe du poisson latiis vénéré en cette ville : d'où
son appellation grecque.
LATOUCHE (Claude Guimondde) (V. Guimond).
LA TOUCHE (FiLLEAu de) (V. Filleau de La Touche).
LATOUCHE(Gervaise de) (V. GervaisedeLa Touche).
LATOUCHE (L'abbé Robert- Auguste), théologien et
orientaliste français, né à Avranches en avr. 1783, mort à
Paris le 8 août 1878. Soldat en 1800, il fut réformé pour
faiblesse de constitution et entra au grand séminaire. Or-
donné prêtre en 1808, il professa la rhétorique au collège
d'Avranches et prit une part active aux missions diocé-
saines organisées sous la Restauration. 11 créa à Paris, en
1824', les premières écoles du soir pour les ouvriers et fut
ensuite aumônier du collège royal de Strasbourg, puis
principal à Colmar. Il quitta l'université en 1834 pour se
consacrer à la prédication et à l'étude de l'hébreu ; il vint
alors à Paris où il est resté jusqu'à sa mort, enseignant
l'hébreu et les différentes langues orientales ou européennes
qu'il ramenait à l'hébreu par la comparaison des racines
primitives ; il prétendait que l'hébreu pouvait, aussi bien
que le sanscrit, servir de point de comparaison pour l'étude
des langues indo-européennes, et il allait même jusqu'à lui
rattacher le chinois et les idiomes océaniens. Il est inutile
de dire que ce système ne pouvait qu'engendrer des erreurs
et des déceptions, car il ne s'appuyait que sur les analogies
entre les sons des mots sans avoir au préalable fixé les
lois phonétiques qui sont la base de toute grammaire com-
parative. L'abbé J^atouche a laissé un grand nombre d'ou-
vrages, principalement des grammaires et des dictionnaires
basés sur sa méthode. Les principaux sont : Grammaire
hébraïqîic {Paris ^ 1836) ; Panorama des langues, Clef
de V étymologie (1836); Dictionnaire hébreu raisonné
initiant à la connaissance de toutes les /aw^w^s (Rennes,
1845) ; Psaumes de David, traduction d'après le texte
hébreu (Rennes, 1845); Chrestomatie héb7mque(Var\s,
1849) ; Dictionnaire idio-étijmologique hébreu- français
(1855); Dictionnaire grec-hébreu (1856); llacines
grecques ramenées aux langues orientales^ etc. (1856);
Cosmogonie mosaïque, etc. (1858) ; Philosophie des
la7igues(iSQ'd).
Son neveu, Emmanuel, ne k Avranches en 1812, mort
à Paris en 1881, a été répétiteur, puis secrétaire de l'Ecole
des langues orientales et bibliothécaire de la Sorbonne.
On a de lui : Firouz ben Kaous, Pend 7idmeh ou Code
moral, etc. (Paris, 1847, in-8). E. Drouin.
LATOUCHE (Hyacinthe-Joseph-Alexandre Tharaut de),
dit Henri de Latouche, littérateur français, né à La Châtre
(Rerry) le 2 févr. 1785, mort à Aulnay, près de Paris, le
9 mars 1851. Neveu d'un conventionnel devenu adminis-
trateur de la Loterie, il ne reçut qu'une première éduca-
tion classique fort imparfaite et ne poussa loin non plus
l'étude du droit qu'il abandonna bientôt pour une modeste
place dans l'administration des Droits réunis. Son début
littéraire fut une mention au concours de l'Académie fran-
çaise pour un poème sur la Mort de Pwtrou (1811), suivi
bientôt d'une comédie en un acte et en vers : les Projets
de sagesse, qui n'obtint qu'un demi-succès. Latouche passa
ensuite trois ans en Italie, chargé par François de Neu-
château d'une mission dont le but est demeuré inconnu.
Revenu en France au début de la Restauration et n'ayant
plus l'emploi qui assurait sa vie matérielle, il écrivit divers
ouvrages de circonstance, dont quelques-uns lui procurèrent
des ressources, tels que : Histoire et procès complet des
prévenus de V assassinat de Fualdès (1818, 2 vol. in-8)
et complétépar des Mémoires deM''^^ Manson (1818, in-8),
l'une des accusées de ce même procès, et une Biographie pit-
toresque des députés (1820, in-8). Vers le même temps,
il publia les Dernières Lettres de deux amants de Bar-
celone (1821, in-8), supposées écrites pendant la peste
qui venait de ravager la ville ; Un Guide à Montmorency
(1823, in-18). Il fut collaborateur d'Emile Deschamps
pour deux comédies en vers, Selrnours et le Tour de fa-
veur, jouées toutes deux au théâtre Favart et dont la
seconde obtint plus de cent représentations. C'est alors
aussi que lui furent confiés les manuscrits d'André Chénier
(V. ce nom) et qu'il en tira un premier recueil (1819) où
il n'avait pas, quoi qu'on en ait dit plus tard, outrepassé
ses devoirs d'éditeur. Collaborateur du Constitutionnel,
suspendu en 1817 pour un article sur le Salon de 1817 où
il avait risqué une vague allusion au roi de Rome, et, direc-
teur du Mercure du XW siècle, il fit à la Restauration
et à ses représentants une guerre impitoyable, qu'il renou-
vela d'ailleurs dans le Figaro, après les journées de Juillet,
contre Louis-Philippe et ses ministres. Il passa les vingt
dernières années de sa vie dans l'ermitage qu'il avait
acquis près de Sceaux d'oti il a daté de nombreuses poé-
sies et la plupart de ses ouvrages. Antérieurement à cet
exil volontaire, motivé, dit-on, par la chute retentissante
d'une comédie en cinq actes, la Reine d'Espagne (Théâtre-
Français, 1831) et par les représailles que lui attira de
la part de G. Planche un article célèbre sur la Camara-
derie^ littéraire {Revue de Paris), Latouche avait
publié plusieurs romans et nouvelles : Olivier Brussen
(1823, 2 vol. in-12), traduction ou plutôt imitation du
conte d'Hoffmann intitulé M^^^ de Scudéry; Olivier
(1826, in-12), mystification anonyme, et sur une donnée
scabreuse, dirigée contre les admirateurs de M^^^ de Duras
qui avait écrit mais non publié un récit sentimental sous
ce même titre; Clément XIV et Carlo Bertinazzi (1827,
in-18), correspondance apocryphe dont un passage d'une
lettre de Galiani à M^« d'Epniay lui avait fourni l'idée
première; Fragoletta, Naples et Paris en 1199 (1829,
2 vol. in-8), etc., histoire d'un hermaphrodite. De 1833
à 1850, on lui dut encore: Vallée aux loups (1833, in-8),
mélange de vers et de prose; Grangeneuve (1835, 2 vol.
in-8); France et Marie (1836, 2 vol. in-8); Léo (1840,
2 vol. in-8); Un Mirage [iS^d, in-8); Adrienne {;iS4!^,
in-8), et trois recueils de poésies : Adieux (1844, in-12).
lypi® Pauline de Flougergues, qui avait veillé sur les der-
nières années de l'écrivain, a donné un recueil posthume :
Encore Adieu (iSo'i, in-12). Les papiers de Latouche
(renfermant, dit-on, des fragments inédits de Chénier) ont
été pillés et détruits lors de l'invasion de 1870. M. Tx.
BiiiL. : Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. III. —
G. Sand, Histoire de ma vie. -— Lefèvre-Dauaiier, Célé-
brités d'autrefois, 1853, in-12. — Henry Monnier, Mé-
moires de M. Joseph Prudhomme, 1857, 2 vol. in-18.
LA TOUCHE (Gaston), peintre et graveur français, né
à Sainl-Cloud en 1854. Il fut élève de Manet. On cite
parmi ses envois aux Salons : Conversation et Le Tréport
(1880); le Trépassé (1881); Un Incendie à Londres
(1882) ; Misère (1883) ; la Légende dupoint d'Argentan
(1884) ; Napoléon UI à Wilhemshœhe et la Sainte Fa-
mille, triptyque (1886) ; Première Communion (1889).
1015 -
LA TOUCHE — LA TOUR
En 1890, m Champ de Mars : les Pivoines^ Portrait de
ma mère ; en 1892 : la Sainte-Cène^ Lever de Inné sur
la mer^ le Rêve du Dante et des pastels ; en 1893 : Cha-
grin d'amour^ le Charme, rOrage, Communion bre-
tonne ; en 1894: les Amoureux, Vague de V Océan,
le Logis de la Belle au bois dormant. Charité chré-
tienne. M. La Touche est au nombre des peintres qui
ont cherché, en ces derniers temps, à placer dans des
cadres modernes les scènes de l'Evangile. Il a aussi
sculpté des médaillons (Enijo, 1874; Portrait de Got,
1877), gravé des eaux-fortes et des pointes sèches: la
Ferme de La Haye (1877) ; la Prière pendant la tem-
pête (1880) ; la Comptabilité, d'après Ribot; Un Inté-
rieur d'étudiant; les Esprits des ténèbres (1890) ; et
12 pointes sèches pour r Assommoir en 1879. E. Br.
LATOUCHE-Tréville (Louis-René-Madeleine Le Vas-
soR de), amiral français, né à Rochefort le 3 juin 1745,
mort le 30 août 1804. Il était entré jeune dans la marine
et y resta jusqu'en 1768. Après avoir été quelque temps
capitaine d'une compagnie de cavalerie, il demanda à ren-
trer dans la marine. Il se distingua plusieurs fois dans la
guerre de l'indépendance de l'Amérique. En 1786, il con-
courut à la rédaction du code maritime et, en 1789, il fut
envoyé comme député aux Etats généraux par le bailliage
de Montargis. Il reprit du service dans la marine en 1792
et conduisit avec succès plusieurs expéditions. Il fut néan-
moins destitué et emprisonné en 1793, et ne fut rendu à
la liberté qu'à la réaction de Thermidor ; il ne put même
être réintégré sur les cadres de la marine qu'après le
18 brumaire, il commanda une escadre à Brest et se ren-
contra devant Boulogne avec l'amiral anglais Nelson qu'il
obligea à la retraite (1801). Chargé ensuite de diriger
l'expédition de Saint-Domingue, il força la rade de Port-
au-Prince. A son retour en 1804, il commanda l'escadre
delà Méditerranée, et sa présence empêcha les Anglais de
prendre la rade de Toulon. Il mourut à bord du Bucen-
taure qu'il montait. G. R.
BiBL. : ViAui) et Fleurv, Histoire de la, ville et du port
de Rochefort ; Rochefort, 1815, t. II.
laïque. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Saint-Gaudens, cant. d'Aurignac; 620 hab.
LATOUKA. Peuplade africaine du bassin du Nil, établie
à l'E. des monts Lofit, entre le Nil blanc et le Sohat. Ils
sont de race galla, mais fortement métissés par les unions
avec les nègres de la vallée du Nil.
LATOUR. Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Muret, cant. de Montcsquieu-Volvestre ; 206 hab.
LA TOUR-d'Auvergne. Ch.-l. de cant. du dép. du Puy-
de-Dôme, arr. d'Issoire ; 2,142 hab. Elevage de bestiaux.
Fabrique de fromages. La ville, aux rues étroites et escar-
pées, s'étage sur une colline terminée par des orgues
basaltiques et dominant la Burande. C'était au moyen âge
une importante seigneurie. qui a donné son nom à la famille
de La Tour, dont le plus ancien représentant connu est
Bertrand, qui vivait au commencement du xiii^ siècle. La
maison de La Tour a donné naissance aux seigneurs de
Montgascon, à ceux d'Oliergues, aux vicomtes de Turenne,
aux ducs de Bouillon, à ceux d'Albret et de Château-
Thierry, aux comtes d'Auvergne, aux seigneurs de Mu-
rait, etc. Il ne subsiste que des vestiges informes de l'an-
cien château seigneurial.
LATOUR-de-Cârol. Com, du dép. des Pyrénées-Orien-
tales, arr. do Prades, cant. de Saillagouse ; 602 hab.
LATO UR-de-France. Ch.-l. de cant. du dép. des Pyré-
nées-Orientales, arr. de Perpignan; l,37o hab.
LATOUR-en-Woëvre. Coïïu du dép. de la Meuse, arr.
de Verdun-sur-Meuse, cant. de Fresne-en-Woëvre; 198 hab.
LATOUR (De)(V. Tour [De La]).
LA TOUR (CAGNrARD de) (V. Câgntârd de La Tour).
LA TOUR (Maurice-Quentin de), pastelliste-portraitiste
français, né à Saint-Quentin le 5 sept. 1701', mort à Saint-
Quentin le 17 févr. 1788. La Tour est l'artiste qui comprit
le mieux son époque et qui fut le plus imprégné de l'esprit du
xvni« siècle. Il n'eut pas de maître à proprement parler ; il
se loue beaucoup des bons conseils que lui donna Restent ;
le nom de cet artiste revient à chaque instant dans ses cause-
ries et sa correspondance, n se forma lui-même. Contrarié par
son père dans sa vocation naissante, il quitte à quinze ans la
maison familiale et demande aide à Tardieu dont il avait
lu le nom au bas d'une gravure : Tardieu le prit sous sa
protection, l'adressa à Delaunay, puis à Vernansal, qui
reconduisirent. Il fut enfin accueilli par Spoède. Nous ne
savons pas combien de temps il resta chez cet artiste mé-
diocre, ni ce qu'il put y apprendre. Il alla à Reims, peut-
être en 1722, lors du sacre de Louis XV. Nous le
trouvons au congrès de Cambrai en 1724. Les plénipo-
tentiaires se ruinaient en réceptions magnifiques ; La Tour
ne se laisse pas gagner par ces dehors factices, il ne s'ins-
pire que de la vérité. Il fait le portrait de l'ambassadrice
d'Espagne avec tant de naturel, il attrape si bien la res-
semblance de ceux qui ont recours à son talent, que tous
les grands personnages du congrès veulent avoir leur eflî-
gie de sa main. L'ambassadeur d'Angleterre s'intéresse
vivement au dessinateur ; il l'emmène à Londres et le loge
dans son palais. A. l'abri du besoin, La Tour songe à se
donner une éducation intellectuelle : il étudie les lettres ;
son esprit s'ouvre aux libertés politiques ; il devient un pen-
seur. C'est peut-être grâce à ce séjour en Angleterre que
La Tour devint un des plus grands physionomistes de l'école
française. Dès lors, il verra son modèle autant en psycholo-
gue qu'en peintre. « Ils croient que je ne saisis que les
traits de leur visage, mais je descends au fond d'eux-mêmes
à leur insu et je les remporte tout entiers. » La Tour expose
pour la première fois en 1737. Champfleury a relevé dans
les Hvrets officiels les envois de La Tour aux Salons jus-
qu'en l'année 1773. On peut y suivre le développement de
son talent et la formation de sa prodigieuse fortune. Dès
qu'il paraît, il fait impression sur le public ; le Mercure
de France parle de l'effet avantageux qu'il produit. En
1739, le portrait du Père Fiacre le met hors de pair;
M^^ de Mailly, la maîtresse du roi, veut être peinte par
lui. Chaque exposition est un triomphe. Le roi, la cour,
les philosophes et les artistes recherchent la faveur d'être
portraiturés par La Tour. Il est logé dans les galeries
du Louvre avec une petite pension. On défile dans son
ateher. n est reçu académicien en 1746 et nommé conseil-
ler en 1756. On ne connaît pas une seule peinture à l'huile
de La Tour : une excessive sensibilité de nerfs lui avait
rendu pénible le maniement des couleurs déliées dans ce
liquide. Il reprend, en les multipliant, les crayons des pas-
telhstes du xvi^ siècle et, pour la seconde fois, l'art fran-
çais crée un genre inimitable, fait d'élégance, de finesse
et de profondeur. Il met peu de couleurs dans ses tableaux.
Ses gammes ne sont que des associations de gris et rose,
de gris et bleu, de gris et lilas ; mais, par la multiplicité des
tons, les chairs rayonnent, les étoffes chatoient, l'être res-
pire et la matière s'agite. Toute sa vie, il fut préoccupé
des moyens de donner la durée à ses œuvres et essaya de
divers vernis. Ce travail acharné, des spéculations d'un
ordre philosophique et social auxquelles il se livra sans
mesure, troublèrent sa raison. Il se retira à Auteuil, puis
à Saint-Quentin, où il mourut en d788, ayant perdu la
direction de cette volonté qui l'avait conduit à la fortune et
à la gloire. L'œuvre de La Tour, en Angleterre, est encore
à rechercher. La National Galleryne possède aucun pastel
de lai, le Louvre en expose douze, presque tous de premier
ordre, et le musée de Saint-Quentin, qui est l'atelier même
de l'artiste, a quatre-vingts numéros du maître. Le plus
célèbre des pastels du Louvre est le grand portrait de
i¥'^^^ de Pompadoiir. Tout ce que le ra'ffinement des ha-
bitudes peut donner d'élégance à une femme a été rendu
par le dessinateur; tout ce que la coquetterie et le luxe
peuvent lui prêter d'éclat a été saisi : c'est le triomphe du joli ;
La Tour est resté vrai en restant superficiel. Deux mo-
dèles qu'il a étudiés avec passion sont Marie Leczinska et
la Dauphine Marie- Josèphe de Saxe, Il faut citer encore
LA TOUR
1016
les effigies du Maréchal de Saxe, de René Fremin^ le
sculpteur, et son propre portrait : l'artiste s'est représenté
sans poudre, dans sa blouse de travail. Nulle part le
xYiii^ siècle n est plus vivant qu'au musée de Saint-Quen-
tin. La cour, le théâtre, les artistes et les philosophes nous
livrent leur âme dans ce sourire que des juges prévenus
ont parfois reproché au pastelliste, mais qui n'est que
l'expression de la vérité à une époque spirituelle et aimable
entre toutes. Les préparations de La Tour du musée de
Saint-Quentin sont encore plus précieuses que les beaux
portraits si achevés du peintre Silvestre et de VAbbé Hu-
bert, ce liseur passionné dont la figure semble se transfor-
mer à chaque ligne du livre sur lequel il reste penché. Le
dessinateur a eu la main particulièrement délicate pour
exprimer le charme féminin : M^^ Mondonville, M^^^ Ca-
margo, M^^*^ Dangeville, nous enchantent encore par la
séduction de leur regard et de leur sourire. Latcte de l'ado -
rable 3i"* Fel, le chef-d'œuvre de l'artiste, est touchée d'un
crayon si léger qu'elle semble entrevue dans un rêve de
grâce voluptueuse. — La Tour fit un bel usage de la fortune
qu'il avait glorieusement acquise : il fonda en 1776, à Paris,
trois prix : le premier, d'anatomie; le second, de perspec-
tive ; le troisième, de demi-figure peinte. Celui-ci se distri-
bue encore aux élèves de l'Ecole des beaux-arts. En 1778,
il établit à Saint-Quentin une école gratuite de dessin et
un bureau de charité. Marie Bengesco.
BiBL.: Du Plaquet, Eloge historique de Maurice-Quen-
tin de Lu Tour, peintre du roi ; Saint-Quentin et Pads,
1788, in-8. — Bucelly d'Estrées, De La Tour, 1831. —
Ch. Desmaze, Maurice-Quentin de La Tour, peintre du
roi; Saint-Quentin, 1853, in-8, et Paris, 1854. — Ph. de
Chenevières, Maurice-Quentin de La Tour [Portraits iné-
dits d'artistes français), 1854, in-fol. — Champfleury, les
Peintres de Laon et de Saint-Quentin ; Paris, 1855, in-fol. —
E. et J. DE GoNCouRT, La Tour ; Paris, 1867, in-4. — Guif-
FRE Y etM. TouRNEux, Correspondance inédite de Maurice-
Quentin de La Tour; Paris, 1885, in-8. — Champfleury,
La Tour^ dans Collection des A rtistes célèbres ; Paris, 1886.
LATOUR (Jean-Baptiste Tenant de), littérateur et bi-
bliographe français, né en Périgord en 1779, mort au
Chaland (Haute-Vienne) en sept! 4862. Garde du corps
auprès de Louis XVIII de 4814 à 4815, puis chef du per-
sonnel de l'administration des postes, enfin bibliothécaire
du roi Louis-Philippe au château de Coaipiègne. On lui doit
une édition de Poésies de Malherbe, avec un commentaire
inédit d'André Chénier (4842) ; les éditions critiques des
OEuures de Chapelle et Bachaumont (4834) et de Ra-
can (1857); Mémoires d'un bibliophile (1863).
LATOUR (Jean-Raimond-Jacques-Amédée) , médecin
français, né à Toulouse le 42 juin 4805, mort à Châtillon
(Seine) le 28 juin 4882. Il se livra au journalisme médical
et ne tarda pas à s'y placer au premier rang. Il fut suc-
cessivement rédacteur en chef du Journal hebdomadaire
de médecine (1836), de h Presse médicale (4837) et de
la Gazette des médecins praticiens (4839); il publia de
1841 à 4847, sous le pseudonyme da Jea7i-Raimond, des
feuilletons pleins d'esprit dans la Gazette des hôpitaux,
fonda en 1845 le Congrès médical, et en 1847 V Union
médicale, dont il resta le rédacteur en chef jusqu'à sa
mort. C'est lui qui eut l'idée de l'Association générale de
prévoyance et de secours mutuels des médecins de France,
qu'un décret impérial de 1858 fonda définitivement. Les
services qu'il a rendus à la profession médicale sont du reste
très nombreux. D*" L. Hn.
LATOUR (Antoine Tenant de), littérateur français, né
à Saint- Yrieix le 30 août 4808, mort à Sceaux le 27 août
1881, fils de Jean-Baptiste (V. ci-dessus). Elève de
l'Ecole normale (promotion de 1826), il devint en 1832
précepteur du duc de Montpensier et en 1843 secrétaire des
commandements de ce prince. 11 a laissé : la Vie intime,
poésies (Paris, 1839, in-8); Essai sur l'étude de l'his-
toire de France au xix^ siècle (1835, in-8); Luther
(1835, in-12); Poésies complètes (1841, in-4 2) ; Petits
Chefs-d'œuvre historiques (1846, in-4 2); Relation du
voyage en Orient du duc de Montpensier (4847, in-8) ;
Etudes sur l'Espagne (1855, 2 vol. in-12); Don Miguel de
Manara (1857, in-12) ; la Baie de Cadix (1838, in-12) ;
V Espagne religieuse et littéraire (1862, in-12); Tolède
et les bords du Tage (1860, in-12); Etudes littéraires
sur l'Espagne contemporaine (1864, in-12); Espagne,
Traditions, mœurs et littérature (1868, in-12); Va-
lence et Valladolid {iSll , in-4 2) ; Psyché en Espagne
(4879, in-4 2), etc., et des traductions, avec éludes,
d'Alfiori, de Manzoni, de Silvio Pellico, de Calderon, etc.
LATOUR (Gustave, comte de), homme politique français,
né dans les Côtes-du-Nord en 1809. Compromis en 1832
dans les troubles de la Vendée, il fut obligé de quitter la
France et prit du service dans l'armée autrichienne où il
parvint au grade de capitaine. Après le coup d'Etat du
2 décembre 1831, il rentra en France et fut nommé avec
l'appui du gouvernement député au Corps législatif par
l'arr. de Lannion qui le réélut jusqu'à la chute de l'Em-
pire. Depuis lors, il a vécu dans la retraite. M. de La-
tour a collaboré à la Revue contemporaine ainsi qu'à
d'autres journaux et recueils littéraires et politiques, et
dirigé la Bretagne, journal de Saint-Brieuc. Il a publié:
Bu Mouvement social (1851, in-8); Stérilité des mis-
sions protestantes (iSljS, in-18); Scènes de la vie hon-
groise (4860, in-48); Nouvelles Scènes de la vie hon-
groise (1864, in-18), etc.
LA TOUR d'Auvergne (V. Bouillon [Ducs de] et Tour
d'Auvergne).
LATOUR DE Saint- Ybars (Isidore Latour, dit), littéra-
teur français, né à Saint-Ybars (Ariège) le 19marsl810,
mort à Saint-Ybars le 28 janv. 1891. Après avoir terminé
ses études à Toulouse, concouru, non sans succès, aux Jeux
floraux et fait représenter un premier drame, le Comte
de Gourie (1836), il vint à Paris et donna au Théâtre-
Français : Virginie, tragédie (1845), qui, malgré le con-
cours de Rachel, ne réussit qu'à demi, et le Vieux de la
Montagne (1847), dont le sort ne fut pas meilleur. Les
autres tentatives dramatiques de Latour de Saint-Ybars :
le Tribun de Palerme (Odéon, 1842) ; le Syrien (1847) ;
le Droit Chemin (1853); les Routiers (Porte-Saint-Mar-
tin, 1834) ; l'Affranchi (Odéon, 1870), n'ont pas été plus
favorisées. En 1868, les démêlés de l'auteur avec le comité
de lecture du Théâtre-Français au sujet de l'admission à
correction d'Alexandre le Grand, drame en vers, ame-
nèrent la modification de ce comité, mais la pièce ne fut
pas jouée. Latour de Saint-Ybars avait publié une étude
historique sur Néron, sa vie et son époque [i^^Q, in-8),
collaboré durant quelques semaines au Figaro (4868) et
donné au Temps des Nouvelles romaines. M. Tx.
LATO U R-DuMOULiN (Pieri e-Célestin), publiciste et homme
politique français, né à Paris le 18 févr. 1822, mort à
Beauvoir (Doubs) le 23 févr. 1888. Après s'être fait con-
naître comme économiste sous la monarchie de Juillet, il
fut, sous la seconde Piépublique, un des journalistes les plus
dévoués au prince Louis-Napoléon. Nommé en 4832 direc-
teur de l'imprimerie, de la librairie et de la presse au mi-
nistère de la police générale, il fut l'année suivante élu
député (avec l'appui du gouvernement) dans le dép. du
Doubs, obtint le renouvellement de son mandat en 1857
et en 1863 ; mais, à partir de cette dernière époque, se
prononça contre l'Empire autoritaire qu'il avait jusque-là
si docilement servi. Aussi l'appui de l'administration lui
fiL-il défaut en 1869. Il n'en fut pas moins réélu, soutint
l'interpellation des 116 et espéra quelque temps parvenir
au pouvoir, grâce a l'Empire parlementaire. Mais la révo-
lution du 4 sept, le rejeta pour toujours dans la vie privée.
— Parmi les ouvrages de ce publiciste, nous citerons : lJ7ie
Solution (4850) ; Etudes politiques sur V administra-
tion départementale (4850) ; Lettres sur la Consti-
tution de i852 (1864); la Marine française (4864) ;
Questions constitutionnelles {iSQl) ; Autorité et liberté
(1874); la France et le Septennat (1875).
LATOUR-Du-PiN (V. Tour-du-Pin).
LATOUR-Foissac (Philippe-François de), général fran-
çais, né le 1 1 juil. 1 750, mort à Hacqueville, près de Poissy,
1017
LÂTOUR — LATOVICI
en févr. 1804. Après avoir servi comme officier du génie
avant la Révolution, il prit part à la bataille de Jemappes
(6 nov. 1792), devint général de brigade (15 mai 1793),
parvint bientôt au grade de général de division, fut envoyé
en Italie au mois de juil. 1798 et, chargé l'année suivante
de la défense de Mantoue, capitula, après quatre mois de
siège (27 juil. 1799), ce qui lui valut d'être, après le
18 brumaire, destitué sans jugement par Bonaparte. Malgré
la publication d'un important mémoire (1801), il ne put
jamais se relever de cette disgrâce au sujet de laquelle l'em-
pereur s'exprima plus tard à Sainte-Hélène en termes qui
permettent de croire qu'elle n'était pas tout à fait méritée.
LA TOUR-Lândry (V. Tour-Landry).
LATOUR-Maubourg (Jean-Hector de Fay, marquis de),
maréchal de France, né au château de Maubourg en 1674
selon les uns, et en 1684, selon d'autres, mort à Paris le
1 5 mai 1764. Entré aux mousquetaires en 1698, il obtint le
régiment de Ponthieu en 1707. Créé inspecteur général de
l'infanterie le 1 5 mai 171 8, il fut promu brigadier le 1^^' févr.
1719. Nommé maréchal de camp le 20 févr. 1734, puis
lieutenant général des armées du roi en 1738, il se signala
particulièrement à la bataille de Dettingen le 27 juin
1743. Employé en 1746 à l'armée du prince de Conti, il fit
capituler les villes de Mons et Charleroi. A la bataille de
Raucoux, le 11 oct. 1746, il fut blessé à la hanche en
emportant le village. A l'armée de Flandre, en 1747, il
resta auprès du roi le jour de la bataille de Lawfeld (2 juil. ) .
En 1754, après s'être démis de son inspection, il obtint
le gouvernement de Saint-Malo et fut créé maréchal de
France trois ans plus tard, le 24 févr. 1757.
LATOUR-Maubourg (Marie-Charles-César de Fay, comte
de), général et homme politique français, né à Grenoble
(Isère) le 11 févr. 1757, mort à Paris le 28 mai 1831.
Colonel du régiment de Soissonnais en 1789 et député de
la noblesse aux Etats généraux, il se rallia au tiers état et
fut l'un des commissaires envoyés à Varennes parl'Assemblée
pour ramener Louis XVI à Paris. Rappelé à la tête de son
régiment à la suite de la déclaration de guerre, il fit partie de
Farmée de La Fayette en qualité de maréchal decamp. Latour-
Maubourg n'ayant pu cacher son indignation après les événe-
ments du 20 juin 1792 et menacé pour ce motif de la pros-
cription, quitta l'armée et tenta de se réfugier en Hollande.
Arrêté aux avant-postes autrichiens, il fut livré au roi de
Prusse, puis ensuite rendu aux Autrichiens après une cap-
tivité fort pénible. Mis en liberté par une clause spéciale
du traité de Campo-Formio, mais sans toutefois obtenir
l'autorisation de rentrer en France, Latour-Maubourg ré-
sida à l'étranger jusqu'au 18 brumaire, époque à laquelle
il put revenir à Paris. Il devint en 1801 membre du Corps
législatif et sénateur en 1806. Il fut alors envoyé en qua-
lité de commissaire extraordinaire dans les dép. de
l'Orne, de la Manche et du Calvados pour l'organisation de
la garde nationale. Dans toutes ces missions importantes,
oti il avait des pouvoirs presque illimités, il montra une
très grande modération et fit preuve d'un grand esprit de
conciliation. Il fut nommé pair de France en 1814.
LATOU R-Maubourg (Marie- Victor-Nicolas de Fay, mar-
quis de), général français, né à La Motte-Galaure (Drôme)
le 22 mai 1768, mort au château du Lys le 11 nov. 1850,
frère du précédent. Sous-lieutenant d'infanterie en 1782,
puis officier des gardes du corps, il était de service au château
de Versailles lors des journées des 5 et 6 oct. 1789, et c'est
lui qui conduisit la reine près de Louis XVI lorsque le château
fut envahi par le peuple. Colonel de cavalerie en 1792, il
émigra après le 1 0 août et tenta de gagner la Hollande,
mais de même que son frère il fut arrêté par les Autri-
chiens ; sa captivité ne fut cependant pas de longue durée.
Rentré en France au commencement de 1798, il devint
successivement à l'armée d'Egypte, aide de camp de Kleber
et de Menou ; il reçut sa première blessure à l'assaut
d'Alexandrie . Son bouillant courage lui en réservait
d'autres dans l'avenir. Colonel de cavalerie en 1805, fait
général de brigade sur le champ de bataille d'Austerlitz,
général de division quelques jours avant la bataille de
Friedland oti il fut encore blessé, envoyé en Espagne en
1808, il rendit les plus grands services aux batailles de
Madrid, de Cuenca et surtout àMedellin où il seconda ha-
bilement le général Lasalle. Pendant quatre années que
Latour-Maubourg resta dans la péninsule, il sut mériter,
par son intégrité et sa modération la reconnaissance du
peuple espagnol. Rappelé en France en 1812 pour prendre
le commandement d'une division de cavalerie de la grande
armée il se distingua à la Moskowa et à Mojaïsk et pen-
dant la terrible retraite de Russie. Dans la campagne de
1813, il eut la cuisse emportée à Leipzig en chargeant la
garde impériale russe, iimbasseur à Londres sous la Res-
tauration , Louis XVIIÏ lui confia le portefeuille de la
guerre et pendant son ministère de 1819 à 1821 il fit
rendre plusieurs ordonnances importantes, entre autres
celle qui portait réorganisation de l'infanterie. Gouverneur
des Invalides jusqu'en 1830, il devint ensuite gouverneur
du duc de Bordeaux. E. Berinard.
LATOUR-Maurourg (Just-Pons-Florimond de Fay, mar-
quis de), diplomate français, fils de Marie-Charles-César
(V. plus haut), né à Paris le 9 oct. 1781, mort à Rome le
23 avr. 1837. Entré dans la diplomatie sous le Consulat,
secrétaire d'ambassade à Copenhague, puis à Constantinople
(1806), ministre plénipotentiaire à Stuttgart (1813), il
lut, sous la Restauration, envoyé au même titre à Hanovre
(1816) et à Dresde (1819). Nommé ambassadeur à Cons-
tantinople en 1823, il fut rappelé peu après et resta sans
emploi jusqu'à la révolution de Juillet. En 1830, il obtint
l'ambassade de Naples et enfin (1831) celle de Rome.
LATOUR-Maubourg (Rodolphe de Fay, comte de), gé-
néral français, né à Paris le 8 oct. 1787, mort au château
de Boissise, près de Melun, le 27 mai 1871, frère du pré-
cédent. Il entra au service en 1806 comme sous-lieutenant
dans un régiment de chasseurs à cheval. Il prit part à la
grande armée aux campagnes de 1806 et de 1807 en Alle-
magne. Aide de camp du général Latour-Maubourg, il le
suivit en Espagne où il devint capitaine en 1809. Colonel
en 1815, maréchal de camp en 1826, lieutenant général en
1835, pair de France en 1845, il prit sa retraite "en 1848.
LATOUR-Maubourg (Armand-Charles-Septime de Fay,
vicomte de), diplomate français, né à Passy le 22 juil. 1801 ,
mort à Marseille le 18 avr. 1845, frère des précédents.
Attaché à l'ambassade de Constantinople (1823), secrétaire
de légation à Lisbonne (1826), puis à Hanovre (1827), il
fut, peu après la révolution de Juillet, envoyé à Vienne
comme chargé d'affaires (oct. 1830). De là il passa à
Bruxelles comme ministre plénipotentiaire (1832), fut en-
suite chargé de l'ambassade de Madrid (1836), succéda
l'année suivante à son frère aîné dans celle de Rome et fut
nommé pair de France le 20 juil. 1841.
LATOUR-Maubourg (César-Florimond de Fay, marquis
de), homme politique français, fils du marquis Just-Pons-
Florimond (V. plus haut), né à Dresde (Saxe) le 14 juil.
1820, mort à Paris le 25 févr. 1886. Ancien officier de
cavalerie, puis administrateur du Grand-Central, il se pré-
senta comme candidat officiel dans la première circonscrip-
tion de la Haute-Loire, qui l'envoya au Corps législatif en
1852, obtint au même titre le renouvellement de son mandat
en 1857 et 1863, et à partir de cette épocjue manifesta une
certaine tendance à l'opposition, ce qui lui fit perdre l'appui
du gouvernement. Il n'en fut pas moins réélu en 1869. La
révolution du 4 sept, le rejeta pour toujours dans la vie
privée.
Son fils unique, Just de Fay, comte de La Tour-Mau-
bourg, avait été tué au combat de Ladon le 24 nov. 1870.
LATOURRETTE. Com. du dép. de FAude, arr. de Car-
cassonne, cant. du Mas-Cabardès ; 254 hab.
LATOURRETTE. Com. du dép. de la Corrèze, arr. et
cant. d'Ussel; 207 hab.
LA TOURRETTE (Marquis de) (V. Tourrette [La]).
LATOVICI (Géogr. anc). Peuple celtique qui habitait
LATOVICI — LATRAN
1018 ~
sur la Save, au S.-O. de la Pannonie. On identifie Prœ-
torium Latovicarum avec NeustîBdt.
BiBL. : Zeuss, Die Deutschen. p. 256. — Ptolémée, II,
15, 2. — Plink, 111,28.
LATRADE (Louis Châssaïgnag de), homme politique
français, né à Sauvebœuf (Dordogne) le 23 nov. 1814,
mort le 26 déc. 1883. Ancien élève de l'Ecole polytech-
nique, il quitta Farmée dès 1833 et prit une part active à
la longue campagne du National contre le gouvernement
de Juillet. Envoyé, après la révolution de Février, counne
commissaire du gouvernement provisoire dans la Gironde,
puis dans la Corrèze, il représenta ce dernier département
à l'Assemblée constituante (1848) et à l'Assemblée légis-
lative (1849), où il combattit la politique de l'Elysée.
Expulsé de France au 2 décembre, il y rentra en 1 868 et lutta
énergiquement contre l'Empire. Après avoir administré la
Corrèze comme préfet sous le gouvernement de la Défense
nationale (1870-71), il la représenta de nouveau, à partir
d'avr. 1871, à l'Assemblée nationale, dans les rangs du
parti républicain. Elu député de Brive le 20 févr. 1876,
il fut, pendant la crise du 16 mai, au nombre des 363,
obtint le renouvellement de son mandat à deux reprises
(14 oct. 1877, 21 août 1881) et resta jusqu'à sa mort
fidèle au programme politique de Gambetta. A. Debidour.
LATRAN. Palais et basilique du S.-E. de Rome (V. ce
mot) qui tinrent une grande place dans son histoire au
moyen âge. Il doit son nom à la famille des Laterani^
parmi lesquels on cite L. Sextius Sextinus Lateranus, col-
lègue de Licinius Stolo dans le tribunat de la plèbe de 376
à 367 av. J,-G. et premier consul plébéien en 366 av.
J.-C, deux consuls de l'époque impériale du nom de J. Sex-
tius Lateranus (en 94 et 154 ap. J.-C.) et un Plautius
Lateranus, amant de Messaline, neveu du conquérant de
la Grande-Bretagne, qui fut impliqué dans la conspiration
de Pison contre Néron et décapité en 66 ap. J.-C. Proba-
blement par la confiscation de ses biens, le palais de Latran
devint propriété impériale. Il passa plus tard aux mains de
l'impératrice Fausta, femme de Constantin ; elle y bâtit
une église et le donna à l'évêque de Rome. Le palais de
Latran devint alors la résidence des papes et le resta jusqu'à
leur exode à Avignon. Il tomba en ruine pendant leur
absence, et, à leur retour, ils se fixèrent au Vatican, Le
palais actuel fut édidé sur l'ordre de Sixte-Quint et les
plans de D. Fontana en 1586. Bientôt transformé en orphe-
linat,'il fut affecté par Grégoire XVI à un musée de sculp-
ture (qui occupe seize salles) ; on y adjoignit un musée de
peinture (dix salles), et Pie IX créa à côté un très impor-
tant musée d'antiquités chrétiennes oii Ton réunit les sar-
cophages, inscriptions, etc., tirés des catacombes et des
vieilles basiliques. Sur la place de Latran, située devant le
palais, une chapelle renferme la Scala sania^ escalier de
marbre de vingt-huit marches qui, d'après les traditions,
serait celui de la maison de Pilate, point de départ de la
Passion du Christ; on ne le monte qu'à genoux. Sur cette
même place s'élève un obélisque de 32 m. de haut (47 m.
avec le piédestal); érigé par Thoutmès lïl (1597-60 av.
J.-C.) devant le temple du Soleil à Thèbes, transporté
par Constance dans le Grand Cirque (357 ap. J.-C), il a
été dressé ici en 1588. C'est le plus ancien de Rome. Au
S. du palais de Latran et contiguë est la basilique de San
Giovanni in Laterano, église-cathédrale de l'évêque de
Rome et la première de la chrétienté catholique. La basi-
lica Laterensis, édifiée par Constance, s'écroula au
ix^ siècle et fut rebâtie par Serge ÏII (904-9-11). A partir
de 1123, on y tint une série de grands conciles (V. ci-
dessous). C'est probablement l'église du monde la plus riche
en reliques. Au point de vue architectural, elle est com-
posée de parties d'époques très diverses, car, à partir du
pontificat de Grégoire XI, un grand nombre de papes
y ont fait ajouter ou modifier quelques parties. Dans les
dépendances se trouve le plus vieux baptistère de Rome,
San Giovanni in fonte^ dont la coupole est supportée par
huit colonnes de porphyre. C'est du haut du balcon qui
surmonte le portail que le pape bénit les fidèles le jour de
l'Ascension. Le palais et la basilique de Latran partagent
avec ceux du Vatican et Castel Gandolfo le privilège de
l'exterritorialité conféré par la loi des garanties du 13 mai
1871. A.-M. B.
Conciles de Latran. — Il a été tenu jusqu'en 1725,
dans la basilique de Latran, quinze conciles, parmi lesquels
quatre sont considérés comme généraux par toutes les
Eglises d'Occident. Le môme titre, attribué par les ultra-
montains à un cinquième concile, est sérieusement con-
testé. — 1123, concile général présidé par le pape Ca-
lixte II en personne. Plus de trois cents évoques et de six
cents abbés y assistèrent. L'objet principal de la convoca-
tion était la confirmation du concordat de Worms conclu
l'année précédente avec l'empereur Henri V (V. Investi-
ture, t. XX, p. 923, col. 2). On y publia vingt-deux
canons, dont la plupart sont des règlements disciplinaires
empruntés à des conciles antérieurs. 111 et XXI : Défense aux
prêtres, aux diacres, aux sous-diacres et aux moines de se
marier ou de prendre des concubines, et de garder chez
eux des femmes autres que celles qui étaient tolérées par
les anciens canons. Les mariages contractés par eux sont
déclarés nuls, et eux-mêmes seront soumis à la péni-
tence. XIV : Excommunication des laïques qui s'approprie-
ront les oblations faites à l'Eglise ou qui enfermeront des
églises dans des châteaux. XVII : Restriction des entre-
prises du clergé régulier, c.-à-d. interdiction aux abbés et
aux religieux d'admettre les pécheurs à la pénitence, de
visiter les malades, de leur administrer l'extrême onction,
de chanter des messes solennelles et pubhques. Ils devront
recevoir de leur évêque le saint chrême, les saintes huiles
et l'ordination. XVIII: Personne ne recevra église ou dîme
de la main des laïques, sinon du consentement de l'évêque.
1139, concile général, convoqué par Innocent II, qui en
fit l'ouverture (8 avr.). Il s'y trouva environ mille prélats.
L'objet le plus prochain de la convocation paraît avoir été
de supprimer les derniers vestiges du schisme qui avait
tenu Innocent II en échec depuis son élection jusqu'à la
mort de l'antipape Anaclet (22 janv. 1138) et la soumis-
sion de l'antipape Victor (29 mai). Après ces événements,
Roger de Sicile, protecteur d' Anaclet, avait reconnu Inno-
cent II, mais il persistait à maintenir dans l'Italie méridio-
nale la position qu'il y avait prise avec l'assistance de son
protégé. Le concile le condamna ; il condamna en outre
les doctrines des Pétrobusiens et des Henriciens (V. Pierre
DE Bruys et Henri de Lausanne), et il entendit les accu-
sations de l'évêque Manfred contre Arnaud de Brescia
(V. ce nom, t. IH, p. 1057, col. 2). Mais il n'est pas cer-
tain que ces accusations aient déterminé une condamna-
tion formelle. Parmi les trente canons publiés à Latran, la
plupart reproduisent des dépositions arrêtées à Reims
(1131). On les cite ordinairement sous le nom du concile
do Latran. IV : Injonction aux évêques et aux ecclésias-
tiques de ne scandaliser personne par les couleurs, la forme
et les superfluités de leurs habits, mais de se vêtir d'une
manière modeste et réguUère. VI, VII, XXI : Répression
du mariage et du concubinage des prêtres, diacres ou sous-
diacres, et des religieuses. X : Excommunication des laïques
qui ne rendront point aux évêques les dîmes ou églises
qu'ils détiennent, soit qu'ils les aient reçues des évêques,
soit que les princes ou d'autres personnes les leur aient
attribuées (V. Dîme, t. XIV, p. 575, col. 2). XII : époques
et durée de la trêve de Dieu. XIV : Prohibition, sous peine
de privation de la sépulture ecclésiastique, des joutes et
des tournois qui mettent la vie en péril. XX : Les rois et
les princes ont pouvoir d'exercer la justice, en consultant
les évêques. XXV : Défense de recevoir des bénéfices de la
main des laïques. XX VII : Défense aux religieuses de se
trouver dans un même chœur, avec des moines et des
chanoines, pour chanter l'office divin.
1179. Concile général convoqué par Alexandre III, après
la soumission de l'antipape Calixte III. Le pape le présida,
assis sur un siège élevé, entouré des cardinaux, des préfets,
- 4049 —
LATRAN
des sénateurs et des consuls de Rome. Trois cent deux
évoques s'y rendirent, parmi lesquels plusieurs prélats la-
tins de rOrient. Nectaire, abbé des Gabules, représentait
les Grecs. — Trois sessions : 5, 44 et 49 mars. — Vingt-
sept canons. Le P^ donne ou confirme aux cardinaux
le droit exclusif d'élire le pape, et fixe aux deux tiers des
voix la majorité nécessaire à Félection. Le III® défend de
nommer un évêqueâgé de moins de trente ans. Les doyen-
nés, les archidiaconés, les cures et autres bénéfices à
charge d'âmes ne seront donnés qu'à ceux qui auront
atteint l'âge de vingt-cinq ans. Le IV*^ règle le nombre des
chevaux que les supérieurs ecclésiastiques pourront mener
avec eux, en faisant la visite dans leurs diocèses : pour les
archevêques, quarante ou cinquante ; pour les évoques,
vingt ou trente; pour les archidiacres, cinq ou sept ; pour
les doyens, deux. Les supérieurs prendront garde de ne
point surcharger leurs inférieurs en visitant les églises
pauvres. Le V® renouvelle la défense d'ordonner des clercs,
sans titres ecclésiastiques : Si un évêque ordonne un prêtre
ou un diacre sans lui assigner un titre certain dont il
puisse subsister, il lui fournira de quoi vivre jusqu'à ce
qu'il lui assure un revenu ecclésiastique, à moins que le
clerc ne puisse subsister de son patrimoine. Le VP régle-
mente les formalités des jugements ecclésiastiques. Le
VIP condamne l'abus, passé en coutume, d'exiger de l'ar-
gent pour la sépulture des morts, la bénédiction des ma-
riages et l'administration des sacrements. Le VHP ordonne
aux coUateurs de nommer aux bénéfices dans les six mois
de leur vacance (V. Dévolution). LeXP réitère la prohi-
bition aux ecclésiastiques qui sont dans les ordres sacrés
d'avoir des femmes avec eux ; il leur défend de fréquenter
les monastères de filles, sans nécessité ; et il condamne les
sodomites à des peines très rigoureuses. Le XIV® fait dé-
fense aux laïques de transférer à d'autres laïques les dîmes
qu'ils possèdent, au péril de leur âme. On trouva le moyen
de se servir de ce canon pour conserver aux laïques les
dîmes dont on jugeait qu'ils se trouvaient en possession
avant le temps du IIP concile de Latran (V. Dîme, t. XIV,
p. 575, col. 2). LeXIX'^ excommunie ceux qui exigent des
contributions des églises et des ecclésiastiques, sans le
consentement des évêqueset du clergé. Le XX^ prohibe les
tournois. Le XXP concerne la trêve de Dieu. Le XXIIP or-
ganise les léproseries. Le XXVIP enjoint aux princes de
réprimer les hérétiques.
'1215, concile général convoqué et présidé par Inno-
cent III. Dès le commencement de son règne, ce pape s'était
proposé de réunir un concile universel ; mais il ne put réa-
liser ce projet que sur la fin de sa vie. La convocation fut
faite par bulle du 49 avr. 4213, avec indication pour le
mois de nov. 4245. Le concile s'assembla le 41 et dura
tout le reste du mois. Il est ordinairement cité dans le
droit canonique sous le nom absolu de Concile géné-
raL On lui a donné souvent aussi celui de Grand Concile^
à cause du nombre des prélats qui y assistèrent. Pourtant
le IP concile général de Lyon (1274) en réunit un nombre
plus considérable. A Latran, Innocent II[ était entouré de
74 patriarches et métropolitains, parmi lesquels les pa-
triarches de Constantinople et de Jérusalem, de 442 évêques
et de près de 900 abbés et prieurs. Les patriarches d'An-
tioche et d'Alexandrie étaient représentés par des députés.
Il y avait aussi des ambassadeurs des principaux princes
de la chrétienté. Le pape ouvrit le concile par un discours
plein, comme tous ses sermons, de pensées profondes et
d'allégories forcées. Les objets de la convocation étaient :
la « réforme de l'Eglise universelle », l'extirpation de l'hé-
résie et la conquête de la Terre sainte. On définit des
dogmes, on détermina des points très importants du droit
canonique et de la discipline, on décréta des mesures d'ex-
trême rigueur contre les hérétiques, et on régla les condi-
tions de la prochaine croisade. Mais, en tous ces actes, les
pères du concile ne jouèrent qu'un rôle fort subordonné.
En fait, ils ne firent guère qu'assister à la publication
de canons présentés par le pape et décrétés en son nom.
A quelques-uns on ajouta la mention : approbante sancto
concilia. — Les soixante-dix canons, généralement longs,
de ce concile, sont rédigés en forme de chapitres. I : Défi-
nition du dogme de la transsubstantiation (V. Eucharistie,
t. XVI, p. 720, col. 1). II : Condamnation des doctrines de
Joachim de Flore et de celles d'Amaury. III : Poursuites
et pénalités contre les hérétiques et leurs protecteurs.
IV : Les Grecs sont exhortés à se réunir et à se conformer
à l'Eglise romaine, afin qu'il n'y ait qu'un seul pasteur et
qu'un seul troupeau. V : Après le pape, reconnu de toute
antiquité pour le premier, la primatie est attribuée aux
patriarches dans l'ordre suivant : Constantinople, Alexan-
drie, Antioche, Jérusalem. Jusqu'alors, la tradition cons-
tante de l'Eglise de Rome plaçait le siège d'Alexandrie au-
dessus du siège de Constantinople. VI : On assemblera
tous les ans des conciles provinciaux pour la réforme des
mœurs, principalement du clergé. VIII : Manière de procé-
der dans les accusations des ecclésiastiques. Ce canon a
servi de fondement à toute la procédure criminelle, même
des tribunaux séculiers, avant la Révolution. IX : Célé-
bration du culte dans les lieux dont les habitants appar-
tiennent à des nations suivant des rites différents. XIÏ :
Les abbés et les moines tiendront des chapitres généraux
tous les trois ans. XIII : Défense d'établir de nouveaux
ordres religieux, de peur que la trop grande diversité
n'apporte la confusion dans l'Eglise. De tous les règlements
qu'elle a faits, ce canon est peut-être celui qu'elle a le
moins observé. XlV-XVll : Contre les dérèglements des
ecclésiastiques : incontinence, ivrognerie, habitude de la
chasse, fréquentation des farces et des spectacles d'his-
trions. XVIII : Défense aux prêtres, diacres et sous-diacres
de procéder à des opérations de chirurgie. XIX : Défense
de faire aucune bénédiction sur l'eau et sur le fer chaud
pour les épreuves judiciaires. Le XXP est le célèbre ca-
non : Omnis utriusque sexus; il ordonne à tout fidèle,
parvenu à l'âge de discrétion, de confesser seul à son
propre prêtre tous ses péchés, au moins une fois Tan, et
de communier au moins à Pâques. C'est le premier canon
qui ait ordonné formellement la confession sacramentelle.
XXII : Avant de rien prescrire aux malades, les médecins
devront, sous peine d'être exclus de l'Eglise, les exhorter
à appeler un prêtre, afin de pourvoir premièrement au sa-
lut de leur âme. XXIIÏ-XXX : Réglementation des élections
ecclésiastiques et de la collation des bénéfices. XXVI-
XLIV, XLVIII : Procédure ecclésiastique. L-LIl : Sur le
mariage ; parenté, publication. LXVIII-LXIX : Les juifs et
les mahométans porteront des habits particuliers, pour les
distinguer des chrétiens. Il est enjoint aux princes de les
empêcher de blasphémer contre Jésus-Christ, et défendu de
leur donner des charges et des offices publics. — Après
l'adoption de ces canons, le pape fit publier le décret pour
la croisade. Le concile jugea en outre la contestation pour
l'Empire, en faveur de Frédéric contre Otton ; il repoussa
la demande de Raimond, comte de Toulouse, demandant la
restitution de ses domaines, dont il avait été dépouillé par
les croisés.
4542-47, concile compté par les ultramontains comme
V*^ concile général de Latran. Dans la notice sur Jules II
(t. XXI, p. 287, col. 2), on trouvera des indications sur
la convocation, la composition et les premiers actes de cette
assemblée, dont la première session eut lieu le 3 mai 4512,
et la dernière le 16 mars 1547. Convoquée par Jules II,
elle avait été maintenue par Léon X. Dans la VHP session
(47 déc. 4513) fut lu un acte du roi Louis XII, désavouant
le concile de Pise et adhérant au concile de Latran. Dans
la session suivante (5 mai 4514) les prélats français firent
humblement leur soumission, et Léon X leur accorda l'ab-
solution des censures prononcées contre eux par son pré-
décesseur. Dans laX« session (4 mai 1515) le pape publia
quatre décrets. Le premier approuve l'institution 'des monts-
de-piété; le second concerne la liberté ecclésiastique, la
dignité épiscopale, et réprime quelques abus des exemp-
tions; le troisième défend, sous peine d'excommunication,
LATKAN — LATRINES
— 10-20 —
d'imprimer aucun livre avant qu'il ait été examiné dans le
diocèse où il est publié : à Rome, par le vicaire du pape
et le maître du Sacré Collège; dans les autres villes, par
l'évêque ou l'inquisiteur du lieu; le quatrième décerne une
citation péremptoire et finale contre les Français, au sujet
de la pragmatique sanction. Cette pragmatique fut solen-
nellement condamnée et révoquée, et le Concordat avec
François P** approuvé dans la XP session (19 déc. d516).
Dans les bulles contenant ces dispositions, Léon X inséra
une énonciation affirmant que le pape a une autorité entière
et une pleine puissance sur les conciles, pour les convo-
quer, transférer et dissoudre. Le dernier acte publié dans
ce concile fut un décret prescrivant la guerre contre les
Turcs, et ordonnant, pour y pourvoir, la levée pendant
trois ans de décimes sur tous les bénéfices de la chrétienté.
1725, concile convoqué par Benoît XIII, qui y appela les
évêques dépendant directement de la métropole de Rome,
les archevêques sans suffragants, les évêques relevant im-
médiatement du saint siège et les abbés exerçant une juri-
diction quasi épiscopale. Les actes furent souscrits par le
pape et 32 cardinaux, 5 archevêques, 32 évêques, 3 abbés
et 2 secrétaires. Outre ces 81 signataires, 4 cardinaux,
26 évêques, 3 abbés et 2 chapitres assistèrent par procu-
reurs. Parmi les nombreux officiers du concile, on comp-
tait 82 théologiens et canonistes, au nombre desquels se
trouvait Lambertini, alors archevêque de Théodosie et qui
devint plus tard le pape Benoît XIV. Sept sessions furent
tenues du ISavr. au 29 mai. On y fit plusieurs règlements
sur les devoirs des évêques et des autres pasteurs, sur les
instructions chrétiennes, la résidence, les ordinations, la
tenue des synodes et de diverses autres matières de discipline
ecclésiastique. Mais les objets principaux de la convocation
étaient la soumission de tout le clergé, la répression du
jansénisme et la confirmation solennelle de la bulle Uni-
genitus. Le premier décret publié dans ce concile ordonne
aux évêques, bénéficiers, prédicateurs et confesseurs de
signer et observer la profession de foi décrétée par Pie IV
le 13 nov. 1564. Le second enjoint à tous les évêques et
pasteurs des âmes de veiller, avec la plus grande exacti-
tude, à ce que la constitution Unigenitus, qu'il déclare
règle de la foi^ soit observée et exécutée par tous, de
quelque grade et quelque condition qu'ils soient, avec
robéissance entière qui lui est due. S'ils apprennent que
quelqu'un, demeurant dans leur diocèse, ne pense pas bien
ou parle mal de cette constitution, qu'ils ne négligent point
de procéder et de sévir contre lui, selon leur pouvoir et
juridiction pastorale. Lorsqu'ils le croiront utile, qu'ils dé-
noncent au siège apostolique ces opiniâtres et rebelles à
l'Eglise. Qu'ils recherchent diligemment les Uvres composés
contre cette constitution, ou qui soutiennent les doctrines
qu'elle a condamnées, et qu'ils se les fassent remettre pour
le déférer au saint-siège. E.-H. Vollet.
LATRAPE. Com. du dép. de la Dordogne, arr. de Sar-
lat, cant. de Villefranche-de-Belvès ; 76 hab.
LATRAPE, Com. du dép. de la Haute-Garonne, arr. de
Muret, cant. de Rieux; 850 hab.
LATRECEY. Com. du dép. de la Haute-Marne, arr. de
Chaumont, cant. de Chàteauvillain ; 685 hab. Stat. du ch.
de fer de l'Est, ligne de Châtillon à Chaumont.
LATREILLE (Pierre-André), naturaliste français, né à
Brive le 29 nov. 1762, mort à Paris le 6 févr. 1833. Ses
commencements furent difficiles; abandonné de ses pa-
rents, il dut son éducation à des personnes étrangères. Le
baron d'Espagnac le fit venir à Paris en 1778 et le plaça
au collège du cardinal Lemoine. Il fut ordonné prêtre en
1786, puis se retira à Brive et consacra tous ses loisirs
à l'étude des insectes. Il revint à Paris en 1788, mais lors
de la Révolution, fut condamné à la déportation ; ses dé-^
couvertes en entomologie l'avaient fait connaître à Bory
de Saint- Vincent et à Dargelas qui le sauvèrent. Il resta
donc à Brive et y publia en 1796 un ouvrage dans lequel
il établissait les bases de la science entomologique : Pré-
cis des caractères généraux des Insectes disposés dans
un ordre naturel (Brive, 1796, in-8). Proscrit de nou-
veau en 1797, il fut de nouveau sauvé par ses amis. L'an-
née suivante, il fut nommé correspondant de l'Institut et
obtint un emploi au Muséum. En 1814, il succéda à Oli-
vier à l'Académie dos sciences. Dans l'intervalle, il avait
professé la zoologie à l'Ecole d'AIfort. Enfin, à la mort de
Lamarck en 1829, il obtint l'une des deux chaires créées
par le dédoublement de celle qu'occupait ce savant. La-
treille a beaucoup écrit; nous citerons parmi ses ouvrages
les plus importants : Essai sur T liistoire des fourmis de
la France (Brive, 1798, in-12); Histoire naturelle
des Salamandres de France, etc. (Paris, 1800, in-8)
Histoire 7iatur elle des 5m^ês (Paris, 1801,2 vol. in-8)
Histoire naturelle des Fourmis, etc. (Paris, 1802, in-8)
histoire naturelle des Reptiles (Paris, 1802, 1826,
4 vol. in-18) ; Histoire naturelle des Crustacés et In-
sectes (Paris, 1802-05, 14 vol. in-8); Gênera Crusta-
ceorum et Insectoram, etc. (Paris, 1806-9, 4 vol.
in-8) ; Considération sur V ordre naturel des animaux
composant les classes des Crustacés, des Arachnides et
des Insectes (Paris, 1810, in-8) ; Centuries de planches
de l'Encyclopédie méthodique : Crustacés, Arachnides,
hisecles (Paris, '1818, in- 4) ; Mémoires sur divers su-
jets d'histoire naturelle des Insectes, etc. (Paris, 1819,
in-8) ; Passage des animaux invertébrés aux vertébrés
(Paris, d820, in-8) ; Recherches sur les zodiaques égyp-
tiens (Paris, 1821, in-8); Histoire naturelle et icono-
graphie des Insectes coléoptèresd' Europe {di\ec Dejean ;
Pans, 1822, in-8); Familles naturelles du règne ani-
mal, etc. (Paris, 1825, in~8) ; Cours d'entomologie, etc.
(Paris, 1831, in-8). Une partie des ouvrages précédents
ont été incorporés dans l'œuvre deBulFon. Latreille colla-
bora en outre au Règne animal de Cuvier, dont il publia
une nouvelle édition en 1829 (5 vol. in-8). Il a en outre
publié une foule d'articles dans les recueils périodiques, les
dictionnaires, etc. — Pour les services rendus par Latreille
principalement à V Entomologie, V. ce mot. D^ L. Hn.
LA TRÉIVIOILLE(V. Trémoille [La]).
L AT R ES NE. Com. du dép. de la Gironde, arr. de Bor-
deaux, cant. de Créon ; 1,778 hab. Stat. du ch. de fer
d'Orléans, ligne de Bordeaux à La Sauve.
LATRIE (ThéoL) (V. Adoration).
LATRILLE. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. d'Aire-sur-l'Adour ; 210 hab.
LA TRIMOUILLE (V. Trémoille [La]).
LATRINES ou LIEUX d'aisances. On désigne sous ce
nom un retrait où l'on satisfait les besoins naturels. Cette
pièce, appelée encore garde-robe, privé ou water-closet^
exige, au point de vue de la commodité et de la salubrité,
des dispositions spéciales, au sujet desquelles nous devons
entrer dans quelques développements. Le cabinet d'aisances
peut être compris dans Pintérieur de l'habitation ou placé
au dehors. Dans le premier cas, un petit vestibule ou pièce
d'accès doit précéder le privé proprement dit, si cette
pièce ne s'ouvre pas directement à l'extérieur. Il est bon
que ce vestibule ait une baie spéciale donnant de l'air et
de la lumière. Le cabinet doit être pourvu également d'une
fenêtre servant à l'éclairage et à la ventilation et garnie
d'un châssis vitré; l'exposition au N. est la meilleure
dans nos pays. Un siège, établi suivant divers systèmes,
communique, par un tuyau, avec la fosse d'aisances qui
sert de récipient. Les conduits doivent, autant que pos-
sible, avoir pour base des matériaux imperméables. Il est
bon de faire partir un conduit de ventilation de la par-
tie la plus élevée du plafond ou de la voûte qui recouvre
la pièce. Le sol est parqueté ou carrelé. Les tuyaux de
chute en poterie ou en fonte, ayant, les premiers 0"^25 de
diamètre et les seconds 0"'20, sont scellés avec des colliers
en métal dans les angles des murs ou noyés dans leur
épaisseur. La porte doit s'ouvrir, de préférence, en dedans
du cabinet et être garnie d'un verrou à l'intérieur. Les
dimensions, en plan, d'un cabinet privé sont, au minimum,
1™I0 sur O'^SO. Les privés doivent recevoir jour et air
— 1021 —
LATRINES
au moyen d'une baie de dimensions suffisantes. Au dernier
étage, ils peuvent être éclairés et aérés à l'aide d'une
trémie fermée à son extrémité par un châssis à tabatière.
Il est admis qu'un cabinet peut servir à l'usage de quatre
logements au plus.
La salubrité des cabinets d'aisances se ressent directe-
ment du système de réceptacles employés; il faut se repré-
senter en effet tout réceptacle de matières comme un foyer
plus ou moins actif de dégagements, duquel les émanations
tendent incessamment, quoi qu'on fasse, à gagner les
appartements. La véritable condition de l'assainissement
des cabinets, c'est donc la suppression même des récep-
tacles ou l'envoi direct des déjections aux égouts. Mais, en
dehors de ce moyen radical, il est clair que les inconvé-
nients sont d'autant moindres que les réceptacles sont
eux-mêmes plus réduits ou que les matières y ont moins
de facilité à se putréfier. A ce point de vue, les fosses
mobiles valent mieux que les fosses fixes, et les appareils
avec diviseur mieux que les appareils sans diviseur ; de
même encore, les agents chimiques qui préviennent la
fermentation sont un progrès sur l'état naturel. Ainsi, en
thèse générale, la première condition à rechercher, c'est
de réduire le foyer des émanations. La seconde condition
d'assainissement, bien connue aujourd'hui de tout le
monde, c'est l'usage d'une abondante quantité d'eau. Tous
les systèmes de fosses qui ont pour objet de garder la tota-
lité des matières, comme aussi ceux où l'on veut retenir
des éléments plus ou moins susceptibles d'être entraînés
par l'eau, sont, évidemment, un grand obstacle à la salu-
brité. Aussi pour avoir des cabinets véritablement dignes
du nom de water-closets^ a-t-on installé à Paris et à Lyon
des diviseurs, soit fixes, soit mobiles, qui laissent filtrer
immédiatement la totalité des liquides et, graduellement,
par voie de dissolution ou d'entraînement, la plus grande
partie des solides, si bien qu'il ne reste pour ainsi dire
plus dans le réceptacle que des corps inertes, souillés de
matières. Mais alors on se demande à quoi sert d'intro-
duire dans le mécanisme de l'expulsion une semblable
complication qui, sans préserver efficacement les galeries de
l'infection que l'on redoute pour elles, entretient néanmoins
au bas du tuyau de chute une source de mauvaises odeurs ;
car, si la quantité de matières retenues par le filtre est insi-
gnifiante par rapport à celle qui passe, elle suffit cependant
pour engendrer des émanations considérables. De tels
appareils ne se justifient que dans les maisons 0(1 la faible
inclinaison du tuyau de chute, par exemple, fait craindre
l'obstruction que pourraient déterminer les parties les plus
consistantes et surtout les corps étrangers. Sauf ce cas, ils
constituent évidemment une disposition fort illogique, puis-
qu'ils manquent à la condition première, qui est en même
temps la raison d'être des réceptacles, à savoir de conserver
les déjections sous une forme plus ou moins concentrée.
Quand on se propose de réaliser ce dernier objet, l'usage
de l'eau est forcément limité ; pour y suppléer on a imaginé
diverses dispositions de cuvettes. Mais ne vaut-il pas mieux
employer des systèmes qui imposent le départ immédiat de
tous les résidus domestiques, tels que les systèmes pneu-
matiques (V. Cerlieh, t. VI, p. 330)?
Une troisième condition pour prévenir les mauvaises
odeurs, c'est d'intercepter les communications entre le
siège et le tuyau de chute ; il faut que, d'une part,
toutes les fissures soient exactement fermées et que,
d'autre part, la cuvette soit munie d'une soupape joignant
hermétiquement. C'est ordinairement ce dernier point qui
laisse à désirer, sauf dans les cabinets bien pourvus d'eau,
où il est dès lors aisé de maintenir sur la soupape une
tranche liquide qui masque les rainures. Mais, quand l'eau
manque ou encore quand la propreté de la cuvette est mal
entretenue, le siège devient un foyer de mauvaises odeurs,
et il est désirable que son ouverture soit soigneusement
fermée. La planche qui se rabat dessus est généralement
insuffisante, puisque l'ajustement est imparfait et que les
émanations trouvent une issue entre la table du siège et la
face inférieure du couvercle. Nous parlons surtout ici
bien entendu des cabinets de la classe peu aisée. Or, c'est
pour eux principalement que les précautions sont néces-
saires, parce que la salubrité tend plus qu'ailleurs à y être
compromise. D'autre part, il faut que les moyens em-
ployés soient peu coûteux et d'un système très simple,
pouvant braver une certaine rudesse dans la manœuvre.
Sous ce rapport, on peut recommander la disposition
adoptée dans les prisons cellulaires belges nouvelles. La
cuvette du siège est en faïence ou en grès vernissé ; on y
ménage une rainure qu'on remplit de sable fin. Le cou-
vercle à tabatière fermant hermétiquement est muni d'un
rebord qui plonge dans la rainure et intercepte l'issue des
gaz. Parfois même, comme à la maison de réclusion de
Vilvorde,^ le couvercle est installé de manière à se refer-
mer par l'effet de son propre poids, dès que le détenu quitte
le siège. Enfin, dans les cabinets d'aisances, on ne doit
jamais négliger la ventilation. On ne saurait à aucun prix
se passer de ce moyen, puisqu'il permet, jusqu'à un
certain point, de se passer de tous les autres. Il ne fau-
drait pas se borner à placer les cabinets contre un des
murs extérieurs, dans lequel on pratique une ouverture
directe sur l'air libre, car il arrive souvent que c'est par
cette ouverture et les fentes de la porte du cabinet que
l'air extérieur pénètre dans l'appartement après s'être
chargé de miasmes et de virus dans le cabinet d'aisances.
Un danger beaucoup plus grave résulte encore de la fer-
meture de la fenêtre du cabinet, car l'appartement aspire
alors non sur l'air extérieur plus ou moins vicié, mais
sur les gaz excessivement dangereux dégagés par le water-
closet et sa canalisation, si une fuite' accidentelle ou un
défaut d'alimentation d'eau du syphon permettent une
communication directe entre le drainage et l'atmosphère
confinée du cabinet d'aisances: aspiration qui pourrait
alors introduire par jour et en certains cas plusieurs mil-
liers de mètres cubes d'air infect et chargé de virus dans
l'appartement. Nous pensons donc qu'il y a lieu de sépa-
rer l'atmosphère plus ou moins contaminée de chaque ca-
binet d'aisances, de l'atmosphère confinée de l'apparte-
ment, et qu'il faut ainsi non seulement isoler ces cabinets
au moyen d'un corridor, mais qu'il est encore nécessaire de
ventiler ce corridor de séparation au moyen d'une large
ouverture en communication permanente avec l'air libre du
dehors, air libre qui pourra ainsi s'opposer, par sa pression
positive, à toute aspiration de l'air du cabinet par la pres-
sion négative de l'atmosphère confinée de l'appartement
qui sera enfin mise à l'abri de toute pollution par les gaz
toxiques ou les virus du drainage des water-closets et des
urinoirs.
Toutes les fois que les circonstances du local le com-
portent, la manière la plus simple et en même temps la
plus efficace de réaliser la ventilation, c'est de pratiquer
une large croisée prenant jour sur un emplacement étendu
et découvert. Malheureusement, cette disposition n'est pas
toujours possible dans les quartiers populeux où le terrain
a beaucoup de prix, ni dans les édifices publics où les
constructions sont profondes et où l'on ne veut cependant
pas reléguer les cabinets aux extrémités du bâtiment
L'aération ordinaire est alors insuffisante. Le meilleur
moyen d'y suppléer paraît être d'adopter un tuyau ou che-
minée d'aspiration, partant soit du plafond du cabinet, soit
de 1 intérieur du siège et débouchant au-dessus du toit
II est bon que ce tuyau soit échauffé par le contact de
quelque cheminée à feu ou, à défaut, qu'on v maintienne
allume un bec de gaz. Cette disposition est surtout d'une
application facile dans les établissements industriels où l'on
peut, en général, faire déboucher le tuyau dans quelque
haute cheminée de fourneau et produire ainsi une aspira-
tion énergique.
Quand les cabinets sont construits en dehors de l'ha-
bitation, on recouvre généralement le sol d'un dallage
avec joints en ciment, en y ménageant une pente diri Je
vers le trou d'écoulement qui communique par un tube
lATRINES
1022 —
avec le tuyau de chute, suivant le système de lunette em-
ployé pour remplacer le siège (V. Lunette). Dans les
campagnes, les cabinets d'aisances sont à peu près incon-
nus, à cause de la répugnance que le paysan éprouve à
utiliser les matières fécales comme engrais. Il est, en
outre, très difficile de trouver des ouvriers qui retirent
les matières des fosses d'aisances lorsqu'elles y ont été
déposées. Il y a donc lieu de rechercher quels sont les
moyens les plus commodes pour le fermier d'arriver k
faire exécuter cette besogne par ses propres ouvriers. On
a proposé plusieurs solutions, soit qu'on veuille employer
les matières à l'état liquide, soit qu'on les fasse absorber
par les terres ou par les fumiers de ferme, ou bien
encore que les liquides soient recueillis à part et les
matières solides converties en poudrette. Le procédé le
plus simple consiste dans l'établissement d'une fosse
creusée en terre avec une profondeur de 1 m. à l"^oO.
Un abri serait placé pour les gens de la ferme à l'une
des extrémités, le reste étant recouvert de planches. On
jetterait de temps en temps des terres dans la fosse, des-
tinées à absorber les matières ; puis ces terres seraient
retirées pour être transportées dans les champs comme
engrais. Au besoin, on garnirait le fond et les parois de
cette fosse de revêtements en maçonnerie hydraulique.
Les fosses mobiles, qui sont d'un usage fréquent à Paris,
pourraient être adoptées dans les campagnes. L'appareil
se composerait d'un tonneau en bois fort,' percé, sur l'un
de ses fonds, d'une ouverture que l'on ferme au moyen
d'un tampon lors de l'enlèvement. Ce tonneau, placé au-
dessous d'un siège d'aisances, reçoit la matière par un
tuyau comme le montre la fig. 4 ; ce tuyau est pourvu à
Fig. 1.
la partie inférieure d'un manchon de 0'^25 à 0'"30 qui
lui forme enveloppe et peut glisser sur une longueur de
0^20 à O'^Sd, de manière à pouvoir descendre jusqu'à
l'ouverture, qu'il recouvre entièrement de façon à ce que
les matières s'écoulent sans épanchement. Quand le ton-
neau est plein, on fait remonter le manchon pour faciliter
l'enlèvement. 11 suffit de deux tonneaux d'un hectol.
chacun, avec enlèvement tous les quinze jours, pour une
terme de dix personnes. La fig. 2 montre l'installation
complète du cabinet. Le tonneau, placé dans une fosse peu
profonde, est supporté par deux barres de fer maintenues
en travers d'une cuvette en maçonnerie hydraulique, des-
tinée à recevoir les liquides qui pourraient s'épancher et
à en empêcher la filtration. Dans les campagnes, on peut
simplement poser le tonneau sur deux traverses de bois.
Dans le cas d'un cabinet construit à part, comme cela se
présente fréquem-
ment dans les ha-
bitations agricoles,
on pourrait élever
le siège et le pour-
voir de quelques
marches, afin que
le tonneau soit
placé au niveau du
sol et puisse être
plus facilement en-
levé, ce qui est im-
portant, eu égard
à la mauvaise vo-
lonté que montre le
cultivateur quand il
s'agit d'employer
ces matières. Voici
un autre mode de
construction très Fig. 2.
simple, qui permet
d'éviter tout transport immédiat des matières fécales et de
les mélanger aisément aux fumiers d'étable de manière à les
améhorer. La fosse des fumiers étant munie d'une citerne à
Fig
purin, on place le cabinet d'aisances près de cette citerne,
de manière à ce que les matières viennent se mélanger au
purin (fig. 3). Toutefois, au moment de l'emploi de ces
liquides, il faut ajouter une assez grande quantité d'eau et
remuer fortement toute la masse. Ces liquides servent à
l'arrosage des fumiers. Toute cette construction doit être
exécutée en bonne maçonnerie hydraulique.
On donne aussi le nom de cabinets d'aisances ou water-
closets à des locaux spéciaux, disposés dans les gares et
stations du chemin de fer pour l'usage des voyageurs et
qui sont tantôt isolés, tantôt attenant au bâtiment princi-
pal. Ces water-closets comprennent des cabinets distincts
pour les deux sexes, situés dans des pièces séparées l'une
de l'autre et ayant chacune une entrée particulière. La
partie réservée aux hommes contient, outre les cabinets
fermés, un certain nombre d'urinoirs ainsi que le montre
la fig, 4, qui représente le plan et la coupe d'un de ces
établissements. La pièce est rectangulaire et construite
au-dessus de la fosse qui reçoit directement les matières
provenant des lunettes et les liquides des urinoirs. Ceux-
ci sont au nombre de cinq et forment des petites stalles
de l'^SO de hauteur, 0"^63 de largeur et 0«^45 de pro-
fondeur. Les séparations et les parois, jusqu'à une certain
— 1023
LATRINES — LATTAIGNANT
hauteur, sont faites en matériaux inattaquables par les
urines (V. Urinoir). Il est préférable de diriger les liquides
Fig. 4.
vers un canal d'écoulement et non dans la fosse d'aisances,
qui serait trop fréquemment remplie dans les water-clo-
sets importants. Les cabinets fermés sont au nombre
Fig. 5.
de trois ; ils sont pourvus de lunettes avec col en pente
vers un orifice qui communique avec le tuyau de chute.
Les murs sont en briques ; la partie supérieure est à
jour ; la ventilation est établie par un tuyau adossé au
mur du fond. La fig. 5 représente le plan de cabinets
dans lesquels on a ménagé la séparation des deux sexes
au moyen d'un compartiment divisé lui-même en deux
parties : la première ne renfermant que des urinoirs et
possédant sur la voie une entrée masquée par une clôture
en menuiserie ; la seconde contenant des urinoirs et des
sièges et ayant son entrée du côté opposé à la voie.
En vertu de l'ordonnance du 20 nov. 4848, concernant la
salubrité des habitations, et de l'instruction, de même date,
concernant les moyens d'assurer la salubrité des habita-
tions, les conditions suivantes sont imposées pour l'éta-
blissement d'un cabinet d'aisances : ventilation par des
ouvertures ou par des tuyaux d'évent, convenablement
disposés ; sol imperméable. L. Knab.
LATRIS (Ichtyol.). Genre de Poissons osseux (Téléos-
téens), de l'ordre des Acanthoptérygiens Perciformes et de
la famille des Girrhitidse, à corps couvert de petites écailles,
à nageoire dorsale profondément divisée, la portion épi-
neuse portant dix-sept épines, l'anale à nombreux rayons; à
dents en velours et absence complète de canines, au pro-
percule finement denticulé. Deux formes sont seulement con-
nues ; elles habitent la Tasmanie et la Nouvelle-Zélande ;
l'une d'elles, le Latris hecateia^ est l'objet d'un commerce
important, et entre pour une large part dans l'alimenta-
tion. ROCHBR.
BiBL. : GuNTiiER, Siudy ofFishes.
LÂTROBE (Fleuve). Un des rares cours d'eau de la co-
lonie de Victoria (Australie), et un des principaux du Gipps
Land. Il naît dans le mont Baw-Baw, dans le Dividing
Rang, court d'abord au S.-E., puis à partir de Moe à l'E.,
en suivant presque constamment le chemin de fer de Mel-
bourne à Sale, jusqu'à cette ville, se jette dans le lac Wel-
lington et rejoint la mer par une série de lagunes au même
point que le Mitchell. Principal affluent, Macallister ; dé-
veloppement, 215 kil.
LATROBE (Benjamin-Henry), architecte et ingénieur
américain, né dans le Yorkshire (Angleterre) le 1^^ mai 4 767,
mort à la Nouvelle -Orléans en sept, 4820. D'abord employé
du Timbre, Latrobe, qui étudia l'architecture de 1783 à
1793, se rendit en Amérique où il fit exécuter de fort im-
portants travaux de génie civil et d'art parmi lesquels : la
régularisation du cours de la rivière James, des travaux de
fortification et l'érection de phares en Virginie ; la Banque
nationale, édifice tout en marbre blanc, et le château d'eau,
à Philadelphie ; la cathédrale et la Bourse de Baltimore ;
enfin l'ancienne salle des représentants à Washington.
Latrobe, qui avait été nommé inspecteur des travaux publics
de la Confédération des Etats-Unis, mourut de la fièvre
jaune à la Nouvelle-Orléans pendant qu'il dirigeait les tra-
vaux d'assainissement et d'adduction d'eau de cette ville.
Son fils, Benjamiii-Eenry (4806-1878), fut aussi un
ingénieur marquant. Ch. Lucas.
\aTROBE (Charles-Joseph), voyageur anglais, né en
4801, mort en 1875. Pris de la passion des voyages, il
parcourut l'Europe (Suisse et Tirol, 4824-30), puis
l'Amérique (483^). Chargé d'une mission du gouverne-
ment, il visita les Antilles en 4837 et, en 1839, fut nommé
surintendant du district de Port Philip dans la Nouvelle-
Galles du Sud. Il devint heutenant gouverneur de la colo-
nie de Victoria, au moment où la découverte des mines
d'or, attirant subitement une énorme afiluence d'aventu-
riers de toutes les nations, multipliait les difficultés de ces
fonctions, qu'il remplit avec tact et énergie. On a de lui des
relations de vovage et un recueil de poésies, The Solace of
Song{iS3T)/ B.-H. G.
LATRONCHE. Corn, du dép. de la Corrèze, arr. de
Tulle, cant. de Lapleau; 648 hab.
LATRUNCULI. Jeu des anciens Romains (V. Dames et
Echecs).
LATTAIGNANT (L'abbé Gabriel-Charles de), chanson-
nier français, né à Paris en 1697, mort à Paris le 10 janv.
1779. Bien qu'il fût pourvu d'un canonicat à Reims, il
LATTAÏGNANT — LAUBANIE
1024
passa la majeure partie de sa longue vie dans les salons et
les cabarets à la mode de sa ville natale. Outre quelques
opéras-comiques et vaudevilles pour lesquels il fut le col-
laborateur d'Anseaume, de Vadé et de Marcouville, et quel-
ques épîtres publiées isolément, on ne cite de Lattaignant
que les recueils de ses chansons : le premier, publié sous le
titre de Pièces dérobées à un ami (Amsterdam [Paris],
1750, 2 vol. in-12), dû à Meusnier deQuerlon; le second,
plus complet, intitulé Poésies^ recueillies par l'abbé de La
Porte (1757, 4 vol. in-12), et complété par des Chansons
et autres poésies posthumes (1779, in-12) ; un Choix
de ces pièces a été pratiqué par Millevoye et Beuchot (4 810,
in-48). Parmi les chansons les plus connues dont Lattai-
gnant est l'auteur, il faut rappeler au moins fai du bon
tabac dans ma tabatière. M. Tx.
LATTAIN VILLE. Com. du dép. de l'Oise, arr. de Beau-
vais, cant. de Chaumont ; 94 hab.
LATTARI (Francesco), directeur des archives de Ca-
gliari, né à Fuscaldo (prov. de Cosenza)en 1822. Pour le
récompenser de la part qu'il avait prise à l'insurrection de
la Calabre, Garibaldi lui fit donner en 1860 un emploi aux
archives ; il passa de là au secrétariat de l'université de
Pavie, et rentra ensuite dans le service des archives. Il a
publié, entre autres brochures, un Cenno storico sulVar-
chivio di Stato di Cagliari et une Histoire de file de
Caprera. G. Mazzoni.
LATTE. L Archéolo(;ie. — Grand sabre de cavalerie à
lame droite à un ou deux tranchants qui peut être considéré
comme la forme dérivée de l'épée d'armes ancienne et dont
la première apparition a lieu au xvii® siècle avec l'épée wal-
lonne (V. Epée et Sabre).
IL Construction. — Morceau de bois de cœur de chêne,
long et mince, refendu suivant le fil (V. Lattis).
LATTES. Com. du dép. de l'Hérault, arr. et cant. (2®)
de Montpellier, sur le Lez; 653 hab. Stat. de la ligne de
Montpellier à Palavas. Localité fort ancienne, on croit que
c'est l'ancien castellum Latara mentionné par Pline,
Pomponius Mêla et l'Anonyme de Ravenne. Au moyen
âge, c'était le port de Montpellier, et on l'appelait Latiœ
ou Palus, ce dernier nom venant des marais qui entourent
le village. Les seigneurs de Montpellier y avaient un châ-
teau, où ils se réfugièrent en 1141, lors de la révolte de
la ville contre leur autorité. Le port date de d 151 . La ville
suivit le sort de la seigneurie de Montpellier. — Lattes était
chef-lieu d'une châtellenie ou baylie au xm^ siècle; au xiv®
elle faisait partie de la baron nie de Montpellier. L'église,
autrefois dédiée à la Vierge, puis à saint Jean, est une
construction romane du x;i^ siècle avec portail orné do
sculptures. — Pépinières.
BiBL. : Hist. de Lamjuedoc, nouv. édition, p;(ssim. ~
V. la bibliograpiiie de l'art. Montpellier,
LATTIS (Constr.). On désigne ainsi l'ensemble des lattes
ou pièces de bois très légères (jue l'on cloue, dans un plan-
cher en bois, sur la surface inférieure des solives, pour
faciliter l'établissement des augets en plâtre formant le
remplissage, et recevoir l'enduit du plafond ; dans une cloi-
son, sur les faces des poteaux, pour maintenir également
les remplissages et les enduits ; sur les chevrons d'une toi-
ture, pour arrêter les tuiles. Les lattis pour planchers et
pour cloisons se composent de lattes presque jointives, po-
sées perpendiculairement à la direction des pièces sur les-
quelles on les cloue. Les lattes pour couvertures en tuiles
se posent par cours horizontaux, distants entre eux, de
milieu en milieu, d'une quantité égale au pureau des tuiles.
Elles portent sur plusieurs chevrons et sont disposées en
liaison, c.-à-d. que leurs extrémités sont, autant que pos-
sible, également distribuées entre tous les chevrons au lieu
d'être seulement clouées sur quelques-uns. L. K.
L ATTRE-Saint-Quentin. Com. du dép. du Pas-de-Calais,
arr. de Saint-Pol, cant. d'Avesnes-le-Comte ; 250 hab.
LATUDE (Jean-Henry, dit Danry ou Masers de), né à
Montagnacle 23 mars 1 725, mort à Paris le 1^^' janv. 1 805.
Enfant naturel d'une pauvre fille nommée Jeanneton Au-
brespy, il était à dix-sept ans garçon chirurgien dans l'armée
du Languedoc. Arrivé à Paris vers la fin de 1748, il y mena
une existence misérable. Le 27 avr. 1749, il imagina d'adres-
ser à la marquise de Pompadour une sorte de petite machine
explosive, de la poudre de vitriol sur de petites bouteilles
qui éclataient au choc ; puis il courut à Versailles annoncer
lui-même l'envoi de cette boîte, qui aurait été mise à la poste
à Paris par des gens, disait-il, dont il avait surpris des
débris de conversation suspecte. La ruse fut découverte et
Danry fut écroué à la Bastille le 1^^ mai 1749, transféré
le 21 juil. suivant à Vincennes, d'où il s'évada le 25 juin
1750. Réintégré à la Bastille le 28 juil. 1750, il s'évada
une seconde fois le 25 févr. 1756. Saisi en Hollande et
mis à la Bastille le 9 juin 1756, il fut transféré à Vin-
cennes le 15 août 1764; il s'évada une troisième fois le
17 nov. 1765. Malesherbes le fit placer, le 27 sept. 1775,
comme fou, à Charenton, d'où il sortit le 7 juin 1777.
Danry était un vilain homme. Il fut arrêté de nouveau et
conduit au Petit-Châtelet, le 16 juil. 1777, pour s'être
introduit chez une dame et lui avoir demandé de l'argent,
armé d'un pistolet. Mis définitivement en liberté le 25 'mars
1784, Danry sut merveilleusement exploiter sa longue
captivité, se faire passer pour un ancien officier du génie,
fils du marquis La Tude, qui serait tombé victime des
intrigues de la Pompadour. L'histoire d'une brave mer-
cière, M'^^ Legros, qui trouva l'un des mémoires de Danry,
égaré au coin d'une borne par un porte-clefs ivre, et qui
s'employa à la délivrance du prisonnier avec le dévouement
le plus admirable, contribua beaucoup au succès d'atten-
drissement qu'eut l'ancien garçon chirurgien. Latude avait
la manie de rédiger des mémoires sur les questions les plus
diverses. Plusieurs de ces mémoires ont été imprimés à
l'époque de la Révolution : Mémoire sur les moyens de
rétablir le crédit public et l'ordre dans les finances
de la France (Paris, 1799, in-8); Projet de coalition
des quatre-vingts départements de la France pour
sauver la République en moins de trois mois (Paris,
1799, in-8). Son principal ouvrage, le récit de sa déten-
tion, rédigé en collaboration avec l'avocat Thiéry, eut le
plus grand retentissement au moment de la Révolution. Il
est intitulé le Despotisme dévoilé ou Mémoires de
Henri Masers de La Tude, détenu pendant trente-cinq
ans dans les diverses prisons d'Etat (Paris, 1790, 3 fasc.
in-8). C'est un tissu de mensonges. La Bibliothèque de la
ville de Paris (hôtel Carnavalet) a acquis la fameuse
échelle de corde qui servit à Latude lors de son évasion
de la Bastille. Frantz Funck-Brentano.
BiBL. : Georges Bertin, Notice ea tête d'une nouvelle
édition des Mémoires de Henri Masers de Latude ; Paris,
1889, in-12. -— Frantz Fuxck-Br]:ntano, Latude, dans la
Revue des Deux Mondes, 1«^- oct. 1889, pp. 638-76. — Du
morne, Catal. des archives de la Bastille (t. IX du Catal.
des manusc. de la Bibl. de TArsenal); Paris, 1892-94, in-8.
LATYCHES (V. Lithuaniens).
LAU-Balâgnas. Com. du dép. des Hautes-Pyrénées, arr.
et cant. d'Argelès; 355 hab.
LAU (Jean-Marie du) (V. Du Lau).
LAUB, violoniste allemand, né à Prague le 19 janv.
1832, mort àGries, près de Botzen, le 17 mars 1 875. Entré
au Conservatoire en 1840, il y montra de très grandes dis-
positions. Ses succès s'affirmèrent à l'âge de dix-huit ans
dans des tournées qu'il fit en Bavière. Attaché à la chapelle
du duc de Saxe-Weimar quelques années après, il y resta
environ jusqu'en 1862, Il professa au conservatoire de
Moscou de 1866 à 1873. Laub était surtout remarquable
par le mécanisme de la main gauche. Il a laissé quelques
compositions très appréciées pour la profondeur du senti-
ment, particulièrement une polonaise.
LAU BAN. Ville de Prusse, district de Liegnitz, sur la
Queis ; 12,000 hab. Filatures, fabrication de mouchoirs,
impressions, teintureries, etc. Citée dès le x® siècle, elle
fut dévastée par les Hussites en 1427 et 1431 et par les
Suédois en 1640.
LAUBANIE (Yrieix de Magonthier de), général fran-
- 1025
LAUBANIE — LAUCHHAMMER
çais, néà Saint-Yrieix (Haute-Vienne) le6 févr. 1644, mort
à Paris le 25 juil. 1706. Il entra au service en 1665 en
qualité d'enseigne, dans le régiment de La Ferté. Lieute-
nant en 1666, il servit aux sièges de Tournai et de Lille,
puis en 1672 à ceux d'Arnhem, de Nimègue et de Crève-
cœur. Il fit la campagne de 1674, en Alsace, sous Turenne,
et assista à la bataille d'Entzheim. Il prit également part
au siège de Fribourg, sous le maréchal de Créqui, et en
1684 à la prise de Luxembourg. Maréchal de camp le
25 avr. 1691 et lieutenant général des armées du roi le
29 janv. 1702, il passa à Farmée d'Allemagne comman-
dée par Catinat. Gouverneur de Landau en 1704, il y fut
assiégé par le prince Eugène et le prince de Bade. Ayant
perdu la Yue à la suite d'une blessure reçue au cours du
siège, il n'en continua pas moins à diriger la défense et
n'ouvrit ses portes qu'après avoir obtenu les conditions les
plus honorables pour la garnison.
LAUBARDEMONT (Gironde) (V. Coutras).
LAUBARDEMONT (Jean-Martin, baron de), chancelier
d'Agen (7 mai 1630), premier président de la cour des
aides de Guyenne, mort à Paris en mai 1653 (la date et
le lieu de sa naissance ne sont pas connus). Ce fut un des
agents les plus actifs et les plus rigoureux de la politique
de Richelieu. Le 8 juil. 1634, il lui fut donné com^mission
de faire le procès à Urbain Grandier ; il fut rapporteur et
juge dans l'affaire de trahison de Cinq-Mars, oti fut impli-
qué de Thou. C'est à lui qu'on attribue le mot typique :
« Donnez-moi une ligne de l'écriture d'un homme et je me
charge de le faire pendre. »
LAUBE (Henrich), célèbre écrivain allemand, né à
Sprottau (Silésie) le 18 sept. 1806, mort à Vienne le
1^** août 1884. Il étudia la théologie à Halle et Brcslau,
fut précepteur, puis vécut de sa plume. Il fut emprisonné
neuf mois à Berlin à cause de ses opinions libérales (1834)
et de nouveau en 1838, voyagea en France et en Algérie,
revint se fixer à Leipzig, fut élu député d'Elbogen (Bohême)
au Parlement de i848 où il se déclara partisan de l'em-
pire héréditaire. En 1849, il prit la direction du théâtre
de la Hofburg à Vienne, la garda jusqu'en 1869, dirigea
ensuite le théâtre de Leipzig (1869-71 ) et le Stadttheater
de Vienne (1872-80). Il eut une grande influence dans
ces fonctions, travaillant à créer un répertoire où il fit une
large place aux œuvres françaises. Il a exposé ses prin-
cipes et ses actes dans trois ouvrages : Das Burgtheater
(Leipzig, 1868) ; Das Norddeidscke Theater (1872) ;
DasWiener Stadttheater (1875). Les œuvres littéraires
de Laube sont des pièces de théâtre, des romans et des
études historiques ou politiques. Au théâtre, il a donné
dans sa jeunesse (à Breslau) Zaganini, farce, et Gustav
Adolf^ drame; puis Monaldeschi, tragédie (1839); Ro-
koko, comédie (1842); Die Bernteinhexe, drame (1843) ;
Struensee, tragédie (1847), le premier de ses grands
succès; GottschedundGeller(,ç,omèà\e(iMd); DieKaiH-
scliûler, drame (1847); Prinz Friedrich, drame; Graf
Essex, tragédie (1856); Mo7itrose, tragédie (1859) ; Der
Statthalter von Bengalen, drame (i 866) ; Cato von
Eisen, comédie; Bœse Zungeii, comédie (1868); il
acheva le Demetrius de Schiller. Ces œuvres dramatiques
sont caractérisées par l'imitation des modèles français, une
habile conduite de l'action, des scènes vivantes; la poésie
et la psychologie sont assez rudimentaires. — Les romans
principaux de Laube sont : Das junge Europa (Mann-
heim, 1833-37, 3 vol.); Die Schauspielerin (1836);
Reisenovellen (1834-37, 6 vol. ; 2^^ éd., 1846-47,
dO vol.), qui continue les Reisebilder de Heine par une
description complète de l'Allemagne; Die Bandomire
(Mitau, 1842, 2 vol.) ; Der Prœtendent (Leipzig, 1842) ;
Die Grœfin Châteaubriant (1843, 3 vol.) ; Der deiitsche
Erieg (Leipzig, 1865-66, 9 vol.) qui passe pour son chef-
d'œuvre; Die Bœhminger (Stuttgart, 1880, 3 vol.);
Louison (Brunswick, 1881); Entweder-Oder {iSH^) ;
Die kleine Prinzessin; Blond mus sie sein (Breslau,
1883) ; Der Schatten Wilhelm (Leipzig, 1883); Ruben
GRANDE ENCYCLOPÉDIE — XXL
(1885). — Parmi ses autres écrits, citons son édition des
œuvres de W. Heinse (Leipzig, 1838, 10 vol.); Moderne
Charakieristiken (Mannheim, 1835, 2 vol.) ; Gesch, der
deiitschen Litteratur (Stuttgart, 1840, 4 vol.); Jagd-
brevier (Leipzig, 1841), ouvrage humoristique; Paris
iSil (Mannheim, 1848), intéressant tableau de la vie
politique d'alors ; une biographie de Fr. Grillparzer (1884),
enfin ses sonyemrs, Erinnerungen (iS\0-^iO et \SH-S\)
qui ouvrent et ferment la publication de ses œuvres com-
plètes (Vienne, 1875-82, 16 vol.). Ses œuvres dramatiques
avaient été réunies déjà (Leipzig, 1845-75, 13 vol.).
LAUBE (Gustav-Karl), géologue autrichien, né à Teplitz
(Bohême) le 9 janv. 1839. Il était depuis deux ans privat-
docent de paléontologie à l'université de Vienne, lorsqu'en
1869 il accompagna Koldewey, sur la Hansa, dans sa
seconde expédition au pôle Nord . Peu après son retour (1870) ,
il tut nommé professeur à l'Ecole technique supérieure de
Prague. Il occupe, depuis 1876, la chaire de géologie et
de paléontologie de l'université de cette ville. C'est sous sa
direction que furent conduits les travaux qui rendirent à
Teplitz, en mars d879, ses célèbres sources thermales,
quelque temps taries. Ses écrits, très nombreux, traitent
surtout des échinodermes fossiles: DieFaimades Scfiich-
tcn von St. Cassian (Vienne, 1865-70, 5 vol.); Die Gas-
tropoden, Bivalven und Echinodermen des braunen
Jura von Balin (Vienne, 1867); Geolog. Beobachtun-
gen gesammelt au f der Beise auf der Ransa {Simm ^
1874) ; Géologie des bœhm Erzgebirges (Prague, 1876);
Geolog. Exkursio7ien im Thermalgebiet des N.-W.
Bœkmens (Leipzig, 1884), etc. L. S.
LAUBERT. Corn, du dép. de la Lozère, arr. de Mende,
cant. de Ghâteauneuf-de-Randon ; 302 hab.
LA USES PIN (Léonel-Antoine de Mouci«t-Battefort,
comte de), homme politique français, né à Paris le 6 sept.
-1810. Elève de l'Ecole polytechnique (1829), il fut aide
de camp du maréchal Valée, gouverneur général de l'Al-
gérie, se distingua pendant les campagnes de 1840 et
démissionna en 1848 avec le grade de capitaine. Grand
propriétaire dans la Nièvre, maire de Tracy-sur-Loire, il
fut élu sénateur de la Nièvre le 5 janv. 1888 et siégea à
droite. Le comte de Laubespin, membre d'un grand nombre
de sociétés philanthropiques, a fait des donations considé-
rables à des œuvres charitables comme l'hospitalité de
nuit, l'Institut Pasteur, etc. 11 a publié, en collaboration
avec L. Marlet, VEphéméride de l'expédition des Alle-
mands en France (1587) de Michel de La Huguerye
(Paris, 1892, in-8), qui fait partie des publications de la
Société de l'histoire de France.
L'AUBESPINE (V. Aubespine [Famille de L']).
LAUBIES (Les). Corn, du dép. de la Lozère, arr. de
Mende, cant. de Saint-Amans ; 894 hab. Eaux minérales
du Mazel.
LAUBRESSEL. Com. dudép. de l'Aube, arr. deTroyes,
cant. de Lusigny ; 339 hab.
LAU BRI ÈRES. Com. du dép. de la Mayenne, arr. de
Château-Gontier, cant. de Cossé-Ie-Vivien ; 503 hab.
LAUCH. Rivière de la Haute-Alsace, affl. g. de rHl,qui
descend du Laucheck, passe à Guebwiller et finit à Col-
mar après un cours de 53 kil.
LAUCHART. Rivière d'Allemagne, affl. g. du Danube,
qui descend du Rauhe Alb, arrose dans la principauté de
Hohenzollern une vallée très pittoresque, et finit près de
Sigmaringen ; il a 57 kil. de long.
LAUCHE (Wilhelm), horticulteur allemand, né à Gar-
tow (Hanovre) le 21 mai 1827, mort le 12 sept. 1883. H
créa une maison de commerce renommée et transforma le
verger de Potsdam. 11 a publié Deutsche Pomoloqie (Ber-
lin, 1879-84, 6 vol., avec 300 pi. col.).
LAUCHERT (Richard), peintre allemand, né à Sigma-
nngen en 1825, mort à Berlin en 1868. Il se forma à
Paris et eut beaucoup de vogue dans les cours d'Alle-
magne comme portraitiste de l'aristocratie.
LAUCHHAIVIIVIER. Bourg de Prusse, district de Merse-
65
LAUCHiiÂMMER — LAUDANUM
1026
bourg (Saxe), sur l'Elster Noire. Grand établissement mé-
tallurgique créé en 4725. On y a fondu de grandes pièces
de bronze et préparé d'importantes charpentes de fer (palais
d'été du khédive au Caire, gares de Berlin, etc.).
LAIJCHST>€DT. Ville décrusse, district de Mersobourg
(Saxe), sur la Laucha ; 2,100 hab. Source saline ferru-
gineuse. Château (bâti en 4600) des ducs de Saxe-Merse-
jjourg, dont ce fut la résidence d'été.
LÂU COURT. Coîîi. du dép. de la Somme, arr. de Mont-
didier, cant. de Roye; 499 hab.
LAUD (William), théologien et homme politique anglais,
né à Reading le 5 oct. 4573, mort le 40 janv, 4645. Fils
d'un drapier de Reading, fellow de Saint-John's Collège à
Oxford en 4593, il fut ordonné prêtre en 4604. Il subit
pendant sa jeunesse riniluence de John Buckeridge, le
meneur de la réaction épiscopalicnne contre le calvinisme
triomphant. Ennemi des controverses doctrinales, attaché
à l'exacte observation des rites extérieurs et à la hiérar-
chie, il se fit connaître de bonne heure comme un polémiste
vigoureux, et il fut au commencement du xvii*^ siècle un
des leaders, à Oxford, du parti que ses adversaires accu-
saient d'inchner vers le papisme. Docteur en théologie et
chapelain de l'évêque Neile en 4608, il fut pourvu par son
patron de la cure de (^uxton (Kent) en 4610 et fut élu, le
40 mai 4644, « président » de Saint-John's Collège. Le roi
le fit doyen de Gloucester en 4646. A Gloucester, il pro-
céda sans ménagements à la réforme du culte, malgré
révoque Miles Smith, un calviniste convaincu. En 4621, il
fut promu à révêché de Saint-Da vids. Appelé par Jacques T*'
à disputer contre le jésuite Eisher, cpii avait réussi à con-
vertir à moitié la comtesse de Buckingham, il y consentit
et discuta la question de l'infaillibilité de l'Eglise (24 mai
4622) d'une manière qui lui assura l'estime particulière de
lord Buckingham, fils de la coiiitosse. Il était le théologien
préféré de Buckingham et du prince de Galles qui, le
27 mars 4625, devint roi sous le nom de Charles 1^*'. Dès
son avènement, Charles I'^'^ lui accorda toute sa confiance
en matière de politique religieuse. Le puritanisme préva-
lait dans le clergé anglican comme dans la société laïque ;
j^aud entreprit défaire triompher, par le moyen de l'auto-
rité royale, l'orthodoxie ritualiste, la tradition anglicane
du xvi® siècle, également éloignée du dogmatisme romain
et du dogmatisme genevois. Il se servit du roi comme d'un
instrument, au risque de le briser, et il le brisa. — C'est
surtout après la dissolution du premier Parlement du règne
(2 mars 4629) que Laud, devenu conseiller privé (4627)
et évéque de Londres (1628), régenta, au nom de Charles i^^^,
l'Eglise d'Angleterre. Il agit avec une rudesse, une intolé-
rance égales à la rudesse et à l'intolérance do ses adver-
saires. La Chambre étoilée et la cour de Haute Commis-
sion furent à son service pour frapper les apologistes du
presbytérianisme, les adversaires des génufiexions, les
iconoclastes, etc. ; l'université d'Oxford, dont il était chan-
celier depuis le 47 avr. 4629, permettait en môme temps,
pour lui plaire, l'impression des livres destinés à combattre
les polémistes puritains, tels que Prynne. Archevêque de
Canterbury au mois d'août 4633 après la mortd'Abbot, il
fit partie de la commission du Trésor après celle du comte
de Portland (1635). Comme il tenait beaucoup à ce que la
table de communion fût placée à l'extrémité orientale de
chaque église et comme les clergymcn opposés à cette
pratique furent persécutés par lui, sans acception de per-
sonnes, l'indignation grandit contre lui; on Paccusa de
papisme. Bien à tort, car il ne répondit jamais aux avances
des agents pontificaux, et il proposa môme contre les ca-
tholiques des mesures qui lui aliénèrent la bonne volonté
de la reine. Son célèbre différend avec l'Eghse écossaise
contribua à le perdre. « Le pape de Canterbury », comme
l'appelaient les Ecossais, leur fit imposer par Charles 1^^'
de nouveaux canons et un nouveau prayer-book. 11 fut
ainsi la cause directe des émeutes d'Edimbourg en juil,
4637. I^'avènement, comme conseiller du roi, de son ami
Wentworlh, lord Straiford (1639), lui rendit quelque
espoir, mais après la dissolution du Short Parlia^nent,
il fit promulguer en Convocation de nouveaux canons, à la
fois maladroits, tyranniques et ridicules. Le droit divin des
rois y était ouvertement proclamé; toute opposition à Ja
volonté absolue des rois y était qualifiée de damnable ; tout
le monde était désormais forcé de jurer fidélité « au gou-
vernement de l'Eglise par les archevêques, les doyens, les
archidiacres, etc. ». On rit beaucoup de cet et cetera^ et
la prestation de YEt cetera Oaih dut être bientôt sus-
pendue. Cependant le gouvernement royal était désarmé
contre les Ecossais; dos foules furieuses demandaient le
châtiment de Laud, considéré comme le plus coupable
complice de l'ioipopulaire Strafford. Le 48 déc. 4640, il
fut mis on accusation par la Chambre des communes, en-
fermé cà la Tour le 4^^* mars 4644. A la Tour, on Poublia
quelque temps ; mais, le 31 mai 4643, Prynne fut chargé
de saisir ses papiers personnels. Son procès commença le
42 mars 4644; condamné, hm\ que les lords eussent timi-
dement essayé de sauver sa tète, il fut décapité à Tower
jlill. Ses restes furent transportés dans la chapelle de
Saint-John's Collège, Oxford, le 24 juil. 4663. — Laud
a laissé des sermons (publ. en 1654, réédités en 4829),
quelques écrits de controverse et un journal dont Prynne
donna, dès 4644, une édition mutilée; Wliarton l'a publié
intégralement en 4695. Uneédition complète de ses œuvres
forme 7 vol. de la Library ofAnglo-Catholic Theology
(Oxford, 4 847-60, in-8). Sa vie a été écrite par un de ses
disciples, îleylyn, sous le titre de Cyprianus Anglicus.
— Sur l'ouvrage récent de M. Sinep-Kinson, Life and
Unies of yV. Laud, V. VAthenœum du 8 déc. 4894. L.
LAUDANUM (Thérap.). H y a lieu de distinguer le lau-
danum dit de Sydenham et celui dit de Rousseau. Le pre-
mier, beaucoup plus employé, en Erance du moins, est
constitué par une macération d'opium, de safran, de can-
nelle et de girofle dans du vin de Malaga. 4 gr. de lauda-
num représentent 50 centigr. d'opium ou 25 centigr. d'ex-
trait, chaque gramme contenant 35 gouttes de laudanum.
Le laudanum de Rousseau est obtenu par fermentation
de l'opium. Sa richesse en opium est le double de celui
de Sydenham, Ne renfermant ni safran, ni cannelle, il est
souvent mieux supporté par certaines personnes. En réa-
lité le laudanum est un extrait d'opium, renfermant
tous ou presque tous les alcaloïdes de cette substance.
Son action physiologique et thérapeutique se rattache donc
à l'étude de l'opium (V. Opium). Toutefois, le laudanum
étant d'un usage très courant, nous croyons devoir signa-
ler briè^^ement son mode d'emploi et sa toxicologie.
Le laudanum s'administre soit par la voie digestive en
potion ou en gouttes dans un peu d'eau, soit par la voie
rectale en lavement, soit encore comme calmant local :
liniment, cataplasme laudanisé. Sous cette dernière forme
son action est à peu près nulle, Pabsorption par Pépiderme
intacte étant tout au moins fort discutable. Par la voie di-
gestive, le laudanum peut être donné à la dose de 5 à 20
gouttes, dans le cas de coliques, de diarrhée. L'emploi du
laudanum contre la dysenterie et le choléra a été très
vanté; il agit surtout en immobihsant l'intestin. Les lave-
ments laudanisés ont souvent un double but : calmer les
douleurs et diminuer le réflexe anal et les contractions in-
testinales, pour permettre de garder le liquide : lavement
nutritif, lavement créosote.
Si le laudanum peut être donné à dose assez forte chez
l'adulte, bien qu'il faille tenir compte des réactions et des
susceptibilités individuelles, son maniement devient plus
dangereux chez l'enfant. Les doses suivantes doivent être
considérées comme des maxima : 4 goutte jusqu'à un an,
2 gouttes de un à deux ans, 3 gouttes de deux à trois
ans, 3 à 6 gouttes de cinq; à huit ans, encore ces quanti-
tés ne doivent-elles jamais être administrées en une fois.
Les gouttes sont diluées dans une potion et données à l'en-
fant dans les vingt-quatre heures. Au premier symptôme
de somnolence ou de contraction des pupilles, cesser l'ad-
ministration du médicament. Les symptômes d'intoxication
^ 4027 ---
LAUDANUM ^^ LAUDlVtO
par le laudanum sont évidemment ceux de toutes les pré-
parations opiacées. A côté en effet des alcaloïdes somnifères
comme la morphine, la narcéine, il renferme de redoutables
convulsivants : la thébaïne, la papavérine. Il faut ajouter
que la morphine elle-même est convulsivantc à une certaine
dose. Le syndrome de rempoisonnement par le laudanum
varie considérablement. Très souvent les empoisonnements
volontaires échouent parce que la quantité de laudanum in-
géré détermine des vomissements presque immédiats. Quand
l'absorption a eu lieu, on constate une somnolence exagé-
rée, coupée quelquefois par des mouvements convulsifs
violents, un spasme énergique du diaphragme et des muscles
abdominaux, faisant suite à urf relâchement plus ou moins
prolongé. Les pupilles sont rétrécies, punctiformes. Le pouls
devient filiforme, à peine perceptible, jusqu'au moment où
il cesse d'être senti, le cœur lui-même s'arrôtant dans une
dernière systole.
Contre l'intoxication laudaniquo, administrer, après le
vomitif de rigueur si l'empoisonnement est récent, du café
noir à haute dose, et une piqûre d'atropine do I/IO de
milligr. Faire la respiration artificielle même en cas de
mort apparente. De nombreuses observations ont montré en
effet que la mort arrivait par asphyxie et qu'il était sou-
vent possible de ramener des intoxiqués chez lesquels toute
manifestation vitale avait cessé. Les tractions rylhmées de
la langue, d'après le procédé de Laborde, sont ici absolu-
ment indiquées ; elles doivent être poursuivies plus d'une
heure au besoin, même quand elles paraissent au début ineffi-
caces. Quand les accidents les plus pressants sont conju-
res, le lavage plusieurs fois répété de l'estomac doit être
tenté; il est prouvé en effet que les sels d'opium s'éliminent
en grande partie par l'estomac ; il faut donc éviter qu'ils
pénètrent de nouveau dans l'intestin et par les vaisseaux
absorbants dans la grande circulation. D^ P. Langlois.
LAUDATI (Giuscppe), peintre italien, né à Pérouse
en 1672, mort à Pérouse en 1748. 11 travailla d'abord
dans sa patrie sous la direction de Pietro Montarini, puis
à Rome, sous celle de Carlo Maralta. Il revhil en 1700 à
Pérouse ; on y voit dans l'église San Domenico ses deux
ouvrages les plus vantés par Orlandi : Sainte Rose de
Lima et Pie V do7vnant à L'ambassadeur de Pologne un
peu de terre prise dans V enceinte sacrée du Vatican.
LAUDEMIUM (Droit). L'empliytéoto peut-il céder sondroit
à un tiers, meliorationes suas vendere^ jus emphyteuti-
cum trahis ferre, sans le consentement du dominus? Une
constitution de Justinien s'occupe de cette question. Elle
décide entre autres que l'assentiment du propriétaire est
nécessaire. Mais, comme il est à craindre que le maître ne
se fasse acheter son consentement à prix d'argent, Justi-
nien décide qu'il ne pourra exiger que le cinquantième du
prix de cession, ou, à défaut de prix, de la valeur estimative
du fonds. Bien que le texte ne le dise pas, il semble que le
propriétaire puisse à son choix demander la somme au cé-
dant ou au cessionnaire. Au moyen âge, les interprètes
ont appelé cette somme : laudemium, mot qui dérive de
laudare^ dont le sens dans la basse latinité est approuver,
consentir et qui avec d'autres formes analogues, laudemia,
laudes^ signifie ce qui est payé au seigneur du fief pour le
consentement qu'il donne au vassal d'aliéner son fief.
BiBL. : 3, Cod. Just., De Jur. emphijt.^ IV, 05. — Acca-
RTAs, Précis de droit romain; Paris', 1886-91, t. I, n» 283
bis, p. 728, noto 1. — Mainz, Cours de droit romain ;
Bruxelles, 1876, 1. 1, § M8. — Ducange, Glossarium mediœ
et infîmse latinitatis, v Laudare.
LAUDER (Sir John), lord Fountaiuhall, chroniqueur
écossais, né à Edimbourg le 2 août 1646, mort le 22 sept.
1722. Avocat renommé, il représenta le comté d'Hadding-
ton au Parlement écossais en 1685,1690, 1702. Il s'y mon-
tra protestant zélé et partisan de la révolution, qui lui valut
le poste de lord de session (1689) et le titre de lord Foun-
tainhall. Lord de justice en 1690, il repoussa l'union avec
l'Angleterre. Il a laissé des ouvrages qui sont des sources
de haute valeur pour l'histoire de l'Ecosse. Ce sont : The
Décisions ofthe lords ofcoiincil and session from the
i678 lo m 2 (Edimbourg, 1759-61, 2 vol.) ; Eistorical
Observes of mémorable occurents from 1680 to 1101
(publiés en 1840 par le Bannatync Club, qui fit imprimer
aussi, en 1848, les Historical Notices ofscottishajfairs,
extrait des décisions). R. S.
LAUDER (William), littérateur anglais, mort aux Bar-
bades en 1771. Professeur d'humanités à Edimbourg, il
s'était fait connaître par sa publication de Poelarum Scolo-
rum musœ Sacra'. (1739, 2 vol.), lorsqu'il suscita une
polémique très vive en attaquant Buchanan et en le déclarant
bien inférieur à Johnston. Il excita encore plus de bruit en
essayant de démontrer dans le Gentleman'' s Magazine que
le Paradis perdu de Milton n'était qu'un plagiat d'un
obscur poète latin, Jacobus Masenius. Cette assertion donna
naissance à une foule de brochures, et il fut prouvé par
Richardson que Lauder avait inventé de toutes pièces les
passages de Masenius qu'il accusait Milton d'avoir copiés.
Cependant Johnson lui-même, l'impeccahlc critique, s'était
fourvoyé dans cette aventure et avait été un des plus
chauds défenseurs de Lauder qu'il contraignit à avouer
publiquement son imposture. Lauder était disquaiitié. Il dut
émigrer aux Barbades après avoir essayé vainement d'atti-
rer de nouveau l'attention du public par des pamphlets
comme King Charles I vlndicated from Ihe charge of
plagiarism (Londres, 1734). R.\S.
BiDL. : PHrLALjrj'iiES, Pandœmonium; Londres, 1751,
in-i. — Tfie Progress of Envy ; Londres, 17Gl,in-l.—HEN-
DERSON, Life and surprising exploits ofthe famous W. L.,
1751. — BoswELL, Life of Samuet Johnson.
LAUDER (Sir Thomas Dick), littérateur anglais, né en
1784, mort le 28 mai 1848. Son début httéraire fut un
roman, Simon lloy gardener at Dumphail, publié eu
1817 dans hBlackwood's MagaùneeX qui fut attribué à
Walter Scott. Bientôt suivirent : Lochindhu (1825); The
Wolf of Badenoch(iH'il), empruntés à l'histoire et aux
légendes du comté do Moray. Ces romans obtinrent uu
grand succès et furent traduits dans presque toutes les
langues d'Europe. Ce succès fut encore dépassé par son
Account of the Great Moray Floods of 18:20 (1850)
qui est demeuré populaire. Citons encore : llighland
Hambles (1837, 3 vol.) ; Lege?ids and Talls of the lîi-
ghlands (1841, 3 voL) ; .1 Tour round tfie Coast of
Scotland (18i2). R. S.
LAUDER (Robert-Scott), peintre écossais, né en 1802,
mort en 1869. Ayant commencé ses études artistiques à
l'Académie d'Edimbourg, il les compléta à Londres, oii
pendant trois ans il dessina d'après l'antique au British
Muséum, 11^ débuta par de petits portraits, puis, de retour
d'Italie où il séjourna cinq ans, s'adonna aux sujets ro-
mantiques et bibliques. Ses ouvrages sont d'un style élevé,
d'un sentiment juste, d'une couleur riche et puissante. —
Son frère, James-Eckford, fut aussi un artiste distingué.
LAUDERDALE (Maitlând, ducs de) (V. Maitland).
LAU DES (Liturg.) (V. Heures canoniales, t. XX, p. 48),
LÂUDIN (Noël), peintre émailieur français, né en 1657,
mort à Limoges en 1727. Il apprit, dit-on, au Régent, alors
duc d'Orléans, le dessin et la fabrication de l'émail, art
dans lequel il était d'une très grande habileté. Ou voit
un certain nombre do ses émaux aux musées du Louvre et
de Cluny ; les plus estimés sont ceux qui servent do car-
tons d'autel à la cathédrale de Limoges : la Mort d'Abel,
le Sacrifice d'Abraha^i, les Noces de Cana, l'Adoration
des Mages et le Christ sur la croix. Il faut citer aussi
V Empereur Auguste à cheval (mus. de Limoges), émail
en forme de bouclier rond. Cet artiste signait Naudin en
mariant la lettre N à la lettre L.
LAUDIN (Joseph), émailieur français, né en 1667, mort
à Limoges en 1727. Il a exécuté un assez grand nombre
d'œuvres d'art, entre autres le portrait à'Etéonore Gali-
gaï (musée du Louvre), des cliasses, des pêches, etc.
LAUDINI DA Casentino (Jacopo) (V. Casentino).
LAU DIVIO DA Vezzano, humaniste italien du xv^ siècle.
Il était de la famille génoise des Nobili, mais on s'est
LAUDIViO — LAUFBERGER
d028 —
habitué à le désigner par le nom de son lieu de naissance
(bourg delà Ligurie). Chevalier de Saint- Jean de Jérusalem,
il adressa au cardinal Ammanati, dans les lettres qu'il lui
écrivit, les appels les plus pressants afin qu'il secouât la
torpeur des princes chrétiens et les décidât à s'opposer aux
envahissements de l'islamisme. 11 prit lui-même les armes
cl participa à la glorieuse défense de Rhodes. Rentré en
Italie, il y mena une vie aventureuse non exempte de pé-
rils, et dut à la culture des lettres, à laquelle il se consa-
cra, de précieuses amitiés, entre autres celle de J.-B.Gua-
rino, et la protection des grands, notamment du duc Borso
de Ferrare, dont il fréquenta la cour, et du pape Mar-
tin V. Mais en revanche il eut à souifrir, comme la plupart
des humanistes, de la jalouse susceptibilité de ses rivaux ;
Pontanus alla jusqu'à l'appeler inanissimiis et ineptissi-
mus poêla. Las de ces attaques, il se retira à Ciciano, en
Campanie, où il mourut. On a de lui : Epistolœ magni
Turci editœ (Naples et Rome, '1473, in-4), recueil de
prétendues lettres de Mohammed II, qui sont toutes de son
invention et qui eurent alors beaucoup de retentissement ;
De Vita B.Hieronymi (s. d., vers 1472); De Laudibus
sapienliœ et virtutis (s. d.). En -1884, M. 0. Braggio a
publié de lui sous le titre de Una Tragedia inedita del
liisorgimento une pièce assez intéressante : De Captiui-
iate ducis Jacobi. C'est une imitation des tragédies de Sé-
nèque, faite, comme la plupart des pièces des humanistes,
pour la lecture. Le choix d'un sujet moderne, et même
contemporain (le héros est Jacques Piccinino, qui fut arrêté
et étranglé dans sa prison en 1465, sur l'ordre du roi
Ferdinand de Naples) serait de la part de Laudivio une
remarquable hardiesse, si Albertino Mussato n'eût pas
composé, dès le commencement du xiv^ siècle, son Ece-
rinis; néanmoins, cette pièce où sont juxtaposés les pro-
cédés scéniques des mystères du moyen âge et ceux des
tragédies de Sénèque est un des plus curieux spécimens
du théâtre de la Renaissance. G. Mazzoni.
BinL. : TiRABosciii, Storia délia lelteratura italiaiw.,
liv. III, § XXIX.— A. Np:ri, Giornale ligustico, t. II, 147 et
suiv. — C. Braggio, Una Tragedia inedita del Risorgi-
inento; Gènes, 1884. — Pour les prédécesseurs de Laudivio,
W. Ci.oETTA, Die Anfœnge der Renaissancc-Traqœdie;
Ilalle, 1892.
LAUDON, général autrichien (V. Louijon).
LAU DON N 1ERE (René Goulâine de), capitaine calvi-
niste et explorateur français, mort en 1566. Il était parti
de Dieppe pour la Floride, avec Jean Ril}aut, en 1562,
envoyé par Coiigny qui voulait fonder en Amérique une
colonie protestante. Les navigateurs, arrivés sur les côtes
de la Floride, y installèrent une colonie sous le nom de
Port-Royal. Laudonnière et Ribaut rentrèrent ensuite à
Dieppe et la colonie ne prospéra pas ; ce qui restait de
colons fut rapatrié par les Anglais en 1564. Laudonnière,
qui était parti avec de nombreux gentilshommes pour
porter secours aux colons, ne les rencontra pas. Il apprit,
en arrivant à la Floride, la ruine de la colonie et résolut
d'en fonder une autre sous le nom de Caroline en l'iion-
neur de Charles IX. L'indiscipline des matelots l'empêcha
à son tour de réussir; ils provoquèrent, par leurs incur-
sions maritimes, les Espagnols des Antilles qui jurèrent
l'anéantissement delà nouvelle colonie. A ce moment, Jean
Ribaut amenait de Dieppe des navires chargés de colons,
avec la mission de remplacer Laudonnière. Une escadre
espagnole, conduite par Pedro Melendez de Avila, attaqua
lUbaut (Y. ce nom), tandis que Laudonnière parvenait à
gagner le large; il arriva en France en janv. 1566. On a
de lui: Histoire notable de la Floride, contenant les
trois vogages faits en icelle par des capitahies et des
pilotes français (Paris, 1586, in-8). G. R.
BiBL. : Basanier, Vllistoire notable de la Floride, 1586,
réimprimée, Paris, 1853, in-12. — Archives curieuses de
Vhistoire de France^ t. Vî, p. 200.
LÂUDUN. Corn, du dép. du Gard, arr. d'Uzès, cant. de
Roqucmaurc; 1,959 hab. Stat. duchem. de ferP.-L.-M.,
ligue d' A lais à L'Ardoise. Sucrerie et fabrique de ciments.
LAUENB0UR6. Ville de Prusse, district de Kœsîin (Po-
méranie), sur la Leba ; 7,500 hab. Elle appartint tour à
tour à l'ordre Teutonique (1322), à la Pologne (1454), à la
Poméranie, à la Pologne (1637), au Brandebourg (1657).
On y fabrique du vinaigre de bois, des machines agri-
coles, etc.
LAUENBOURG. Ville. — Ville de la province prus-
sienne de Slesvig-Holstein, sur la r. dr. de l'Elbe, à Pembou-
chure de la Delvenau (canal de Steckenitz) ; 5,000 hab.
Ancien château d'Artlenburg, rebâti en 1182 par le duc
Bernard de Saxe sous le nom de Lauenburg qui devint celui
du duché.
DuGïiÉ. — Le duché de Lauenbourg ou Saxe-Lauenhourg
s'étendait au N. de l'Elbe e%tre les territoires de Hambourg
à rO., de Holstein au N.-O. et au N., de Lubeck au N., de
Ratzeburg (Mecklembourg-Strelitz) et de Mecklembourg-
Schwerin à l'E. ; le fleuve le séparait du Hanovre (Saxe-
Lunebourg). Ce pays appartenait vers le xi^ siècle aux Po-
labes, Slaves du groupe wende. Il fit partie de l'évêché de
Ratzeburg fondé par Henri le Lion. A la chute de celui-ci,
il passa aux mains de Bernard l'Ascanien. Waldemar II
de Danemark le conquit en 1203, mais le reperdit en 1227.
A la mort d'Albert I«^\ dans le partage qui eut lieu entre
ses fils (V. Saxe), l'aîné, Jean I«% reçut la Basse-Saxe et
fonda la hgne de Saxe-Lauenbourg (1260). Le titre élec-
toral, d'abord partagé entre celle-ci et celle de Saxe-Wit-
tcnberg, fut attribué exclusivement a la ligne cadette par
la Bulle d'Or. En 1369, intervint entre les ducs de Lauen-
bourg et ceux de Brunswick un pacte garantissant à cha-
cun l'héritage de l'autre en cas d'extinction de sa famille.
Magnus l^^ (1507-43) décida au contraire que dans cette
hypothèse la succession reviendrait aux ducs de Saxe-Wit-
tenberg (ligne Ernestine). Un troisième pacte fut conclu en
1671 avec les électeurs de Saxe (ligne Albertine), par Ju-
lius-Franz. Quand l'extinction se produisit, parla mort de
ce dernier, le 29 sept. 1689, huit prétendants se présen-
tèrent. Le duc de Brunswick -Lunebourg l'emporta, fut
reconnu en 1702, et investi par l'empereur en 1728. Le
duché de Lauenbourg suivit les destinées du Hanovre; il
fut conquis par la France en 1803, incorporé au dép. des
Bouches-de-l'Elbe (1810), rendu au Hanovre en 1813,
cédé à la Prusse (sauf les cant. de Hadeln et Neuhaus) le
16 juil. 1816 et échangé par elle avec le Danemark contre
l'ancienne Poméranie suédoise (qu'il avait reçue au lieu de
la Norvège). Il reçut une administration particulière, fut
incorporé à l'Etat danois en 1853, uni au Holstein en i 855,
conquis par la Prusse en 1864; elle indemnisa l'Autriche
de sa part par un versement de i ,875,000 thalers. L'union
personnelle du duché de Lauenbourg et de la couronne de
Prusse fut convertie au 1«^ juil. 1876 en union complète,
et le duché fut incorporé à la prov. de Slesvig-llolstein.
L'empereur Guillaume II, en congédiant Bismarck, lui
donna le titre de duc de Lauenbourg.
BiBL. : KoBBE, Gescli. und Landesbeschreibung des lier-
zogtums Lauenburg; Altona, 1836, 3 vol. — Manecke,
Topographisch-historisclie Beschreibung des Herzoqtums
Lauenburg ; Mœlln, 1884.
LAU FACH. Bourg de Bavière, prov. de Franconie infé-
rieure, sur la Laufach, près d'Aschaffcnburg ; le 13 juil.
1866, les Prussiens y battirent les Hessois.
LAUFBERGER (Ferdinand), peintre autrichien, né à
Mariaschein (Bohême) le 16 févr. 1829, mort à Vienne le
16 juil. 1881. Il étudia à Prague, puis à Vienne, où
il eut pour maître Christian Ruben, et s'adonna à la
peinture d'histoire et de genre. Parmi ses œuvres déco-
ratives, nous citerons ses cartons pour le rideau de
l'Opéra-Comique de Vienne et pour la verrière du grand
portail du palais de l'exposition, ses peintures de la cage
de l'escalier du Musée autrichien {Vénus et les Arts);
parmi ses tableaux : Fête de la moisson, Cortège nup-
tial, le Public au Louvre, le Vieux Garçon, Un Marché
daiis la Haute-Hongrie, Reddition de Calais, Eclipse
de soleil. Voyageurs en montagne. Soir d'été auPrater.
Signalons en outre des gravures [Paysans delaRamsau),
des illustrations du genre humoristique, et d'excellentes
1029
AUFBERGER — iAlAMii
copies des œuvres de Délia Robbia notamment, rapportées
par lui d'Italie.
LAUFEN-lJiiwiESEiN. Bourg de Suisse, cant. de Zurich,
surtout connu par la chute du Rhin ; 2,400 hab. Près de
cette localité, le fleuve coule entre deux coUines de moyenne
élévation, sur Tune desquelles est situé le château de Laufen.
Ces collines sont reliées à travers le lit du fleuve par une
haute paroi de rochers, d'où le Rhin se précipite, divisé
par les rocs en plusieurs bras, avec un bruit étourdissant
qui s'entend de fort loin, dans un abîme de 25 m. de pro-
fondeur. La chute du Rhin rivalise avec les grandes chutes
d'eau du monde par le pittoresque du site et par les
rochers de toutes formes qui, contrariant le courant, don-
nent au fleuve mugissant un aspect grandiose.
LAUFENBOURG. Bourg de Suisse, cant. d'Argovie ;
815 hab. Située sur la rive gauche du Rhin, en face du
village badois de Klein-Laufenburg, cette localité est connue
par les rapides du Rhin formés par les blocs de granit
qui émergent du lit du fleuve et par la pêche du saumon,
très fructueuse dans cette partie du Rhin. Elle appartint
à l'Autriche jusqu'en 1803,
LAUFEY (Myth. scand.).Nom donné à lamèredeLoki ;
il signifie île ombragée. Laufey est l'épouse du géant
Farbauti; elle est souvent appelée Ndl, c.-à-d. aiguille.
LAUFFER (Jacques), historien suisse, né à Zofingue le
25 juil. 1688, mort le 26 févr. 1734. Après avoir étudié
l'histoire et la théologie à Halle et Utrecht, il fut quelque
temps pasteur, puis, dès 1718, professeur dliistoire et
d'éloquence à Berne. vSon principal ouvrage est une Expo-
sition exacte et complète de r histoire helvétique (Zu-
rich, 1736-38, 18 vol.),
LAUFON. Petite ville de Suisse, dans le cant. de Berne;
1,277 hab. Elle est située dans une vallée fertile du Jura,
qu'arrose la Birse (V, ce mol), sur la route de Berne à
Râle par le Jura. A proximité de Baie, Laufon, qui pos-
sède d'importantes carrières de pierres calcaires, fournit à
cette ville des matériaux de construction. Fabriques de
ciment et briqueterie. Il se trouvait près de Laufon une
station romaine sur l'emplacement de la(juelle on a recueilli
récemment un grand nombre de monnaies.
LAUGÉE (Désiré-François), peintre français, né à Ma-
romme (Seine-Inférieure) le 25 janv. 1823. Elève de
Picot et de l'Ecole des beaux-arts, il débuta au Salon
de 1845. Parmi ses tableaux, il faut citer surtout son
Van Dyck à Sauelthem et la Mort de Zurbaran (1850) ;
Lesueur chez les chartreux (1855); Sainte Elisabeth
de France lavant les pieds des pauvres (1865), à
l'Exposition universelle de 1867 ; des peintures murales
dans l'église Sainte-Clotilde, à Paris (1870) ; le Triomphe
de Flore, peinture décorative pour l'Hôtel continental
(1879); Victor Hugo sur son lit de mort (1880); les
Approches de l'automne (1892); le Fil de la Vierge
(1893). On lui doit des peintures murales exécutées dans
l'église de Saint-Pierre et Saint-Paul, à Saint-()uentin, et
à la Trinité, à Paris. Ciiallamel.
LAUGÉE (Georges), peintre français, né à Montivilliers
(Seine -inférieure) le 19 déc. 1853, fds du précédent.
Elève de son père, de Pils et de Lehmann. Les scènes de
M. Georges Laugée sont presque toutes des scènes de
plein air, claires et vivantes. Il a débuté au Salon de
1877 avec le Repas des Moissonneurs. Parmi ses autres
envois aux Salons, citons : Arracheuses de betteraves en
Picardie (1879); En octobre (1881), au musée de Bou-
logne-sur-Mer ; les Premiers Pas (1883), au musée de
Carcassonne ; Soleil couchant (i^SQ) ; Enterrement de
jeune fille, au hameau d'Etricourt (1887), au musée
de Saintes ; le Retour des champs et le Repos (1890) ;
Au Printemps de la vie (1891); la Rentrée au hameau,
fin du jour (1892) ; Glaneuses^ fin de jour (1893) ;
Au Pays normand et les Lapùis (1894). M. Georges
Laugée est le beau-frère du peintre Julien Dupré.
LAUGEL (Antoine-Auguste), littérateur français, né à
Strasbourg le 20 janv. 1830. Il entra à l'Ecole polytech-
nique en 1849, puis à l'Ecole nationale des mines d'où il
sortit en 1854 avec le diplôme d'ingénieur des mines. Mais
il se fit bientôt mettre en disponibilité pour se consacrer, dans
la vie privée, à des travaux scientifiques, philosophiques
et littéraires très variés. Il fut quelque temps secrétaire
du duc d'Aumale et compte aujourd'hui (1895) au nombre
des administrateurs du chemin de fer Paris-Lyon. Depuis
la fondation du Temps jusqu'en 1894, M. Laugel a rédigé
sans interruption la chronique scientifique de cejournal sous
le pseudonyme d'A. Vernier. Il a aussi collaboré avec une
grande activité à la Revue de Géologie et à la Revue des
Sciences et deV Industrie. Parmi ses ouvrages, tous publiés
à Paris, citons d'abord les travaux scientifiques : Etudes
scientifique s {i 859, in-1 8) ; Science et Philosophie (1 862,
in-18); la Voix, l Oreille et la Musique (1867, in-1 8);
r Optique et les Arts (1869, in-18); les Problèmes
(1873, in-8). Mais les ouvrages les plus appréciés do
M, Laugel sont ses essais historiques et biographiques :
les Etats-Ujiis pendant la guerre (1861-ë5, in-18),
ouvrage d'une impartialité douteuse où l'auteur cherche à
montrer les conditions du fonctionnement régulier d'une
démocratie; V/higlelerre politique et sociale (1873,
in-18); Lord Palmerston et Lord Russel (1876, in-18);
Louise de Coligny (1877, in-8); la Réforme au
xvi^ siècle, études et portraits {iHM, in-8); Fragments
d'histoire : Philippe H, Cathcriîie de Médias, Coli-
gny, Gust.-Adolphe, Richelieu (1886, in-8); Henry de
Rohan, son rôle politique et militaire sous Louis XI II
(1889, gr. in-8). Th. Ruyssen.
LAU61ER (Marie- Antoine), historien et littérateur fran-
çais, né à Manosque le 25 juil. 1713, mort à Paris le
7 avr. 1769. Jésuite, prédicateur à la cour, il fut secré-
taire d'ambassade à Cologne. Rédacteur de la Gazette de
France, il a laissé un certain nombre d'ouvrages qui ne
manquent pas de valeur et qui sont surtout remarquables
au point de vue du style. Citons : Essais sur V architec-
ture (Paris, 1753, in-8); Apologie de la musiijue fran-
çaise (1754, in-8); Histoire de la llépublique de Venise
(1759-68, 12 vol. in-12); Histoire de la paix de Bel-
grade {Um-m, 2 vol. in-1 2).
LAUGIER (André), chimiste et minéralogiste français,
né à Lisieux (Calvados) le l^^'août 1770, mort à Paris le
19 avr. 1832. D'abord élève pharmacien, puis professeur
de chimie et de pharmacie aux écoles d'instruction militaire
de Toulon et de Lille, il suppléa, à partir de 1802, Four-
croy, son parent, dans la chaire de chimie du Muséum
d'histoire naturelle et lui succéda comme professeur titu-
laire en 1810. Dans l'intervalle, il avait été nommé chef
du secrétariat de la direction générale de l'instruction pu-
blique, professeur d'histoire naturelle, directeur adjoint et
directeur de l'Ecole de pharmacie de Paris. 11 faisait partie
de l'Académie de médecine depuis sa création (1820). Il fut
enlevé par le choléra. Savant de grande valeur et manipu-
lateur des plus habiles, Laugier a été l'un des fondateurs,
en France, de la chimie minérale. Ses analyses, qui riva-
hsent, comme élégance et comme rigueur, avec celles de
son contemporain Vauquelin, ont révélé ou précisé la cons-
titution chimique d'un grand nombre de substances miné-
rales encore mal connues, il a aussi beaucoup étudié la
composition des aérolithes. Il a indiqué enfin d'excellents
procédés pratiques pour séparer le cobalt du nickel, le fer
du titane, le cérium du fer. Il n'a publié à part que ses
leçons du Muséum, sous le titre : Cours de chimie géné-
rale et pratique (Paris, 1828, 3 vol. in-8, et atlas).
Mais il a donné dans les Annales (1804-11) et dans les
Mémoires (1815-30) du Muséum d'histoire naturelle,
dans les Annales de chimie, dans le Bulletin de la So-
ciété philomaihique, de nombreux et importants mémoires
dont on trouvera la liste dans le Biogr.-liter. Handwœr-
lerbuchôe Poggendorff. Il a en outre collaboré d^u Diction-
naire technologique. L. S.
LAUGIER (Jean-Nicolas), graveur français, né à Tou-
lon le 22 juil. 1785, mort à Argenteuille 24 févr. 1875.
TAUGI1<:R — LAUMONT
— 1030
Il exposa pour la première fois en 4817. Elève de Girodet,
il s'est adonné principalement à la gravure d'histoire. Ses
planches sont très recherchées. On admire surtout son lUro
et Léandrej d'après Deîorme; les Pestiférés de Jaffa,
Léonidas aux Thermopyles et le portrait en pied de
Napoléon ¥'\ d'après L. David ; le portrait de Chateau-
briand, d'après Girodet; Washington^ d'après Léon Coi-
gnct; le ïiavissement de saint PaiiU du Poussin; la
Vierge sur les genoux de sainte Anne^ de Léonard de
Vinci; la Belle Jardinière, de Kaphaël; la Vierge au
Lapin blanc, du Titien. H a gravé, en outre, nombre de
vignettes pour des ouvrages importants, tels que : Ihjmen
et Naissance, recueil dédié à Napoléon et à Marie-Louise
(4842), et Don Quichotte (4820). Cuâllamel.
LAUGIER (César de Bellecouk, comte de), général
toscan, né à Portofcrrajo (île d'Elbe) le 5 oct. 4 789,
>nort à Florence le 25 mars 4871, d'une famille d'origine
française. Il fit avec honneur les campagnes d'Espagne et
de Russie et se rendit auprès de Murât à la chute de
l'Empire. Fait prisonnier par les Autrichiens (481S), il
rentra dans son pays en 4846, prit du service dans Far-
niée toscane comme capitaine en 4849, et fit nne carrière
rapide. Le 29 mai 48-^8, il commandait le contingent
toscan qui s'ilkistra au combat de Curtatone [Y . co moi).
En 4849, chargé de défendre la frontière de la Lunigiane,
il prit parti pour le grand-duc fugitif (février); 'mais,
a])andonné par ses troupes, il dut se retirer en Piémont.
Après le retour du grand-duc (juillet), il fut ministre de
la guerre. Faiblement soutenu dans ses essais de réorga-
niskion de l'armée, il donna sa démission le 12 oct. 4851.
Ecrivain militaire, le général Laugier a ymblié aussi des
ouvrages d'histoire contemporaine et même un roman,
Cosimo e Lavinia (Florence, 4829). F. 11.
LAUGIER (Stanislas), chirurgien français, né à Paris le
28 janv. 4799, mort à Paris le 45 févr. 4872, fds d'André
Laugier (V. ci-dessus). Elève de Dupuytren, agrégé de la
faculté de médecine en 4829, chirurgien du bureau central
en 4831, il devint peu après chirurgien consultant du roi
Louis-Philippe et en 1818 professeur de clinique chirurgi-
cale. Elu membre de F Académie de médecine en 4844, il
entra à l'Institut en 4808. Outre ses thèses de concours,
il a laissé une série de Mémoires insérés dans le Bulletin
chirurgical publié par lui, dans le dictionnaire en 30 vo-
lumes, le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pra-
tiijues, etc. Laugier imagina une nouvelle opération de la
listule lacrymale, de la cataracte par aspiration, du sym-
biépharon, etc., la suture osseuse dans les fractures obli-
ques, etc., et décrivit une variété de hernie crurale, un signe
nouveau de la fracture du crâne (écoulement de sérosité par
l'oreille), le moyen de reconnaître la présence de l'intestin
dans l'étranglement herniaire, etc. D'' L. Hn.
LAUGIER (Paul-Augustc-Ernest), astronome français,
né à Paris le 22 déc. 4842, mort à Paris le 5 avr. 4872,
frère du précédent. A sa sortie de FEcole polytechnique
(4854), il entra comme élève astronome à l'Observatoire do
l^aris, alors dirigé par Fr. Arago, qui l'associa à ses re-
cherches et dont il épousa la nièce, M^^^ Lucie Mathieu,
iille de l'astronome de ce nom, et secrétaire de son oncle
de 4836 jusqu'à sa mort. ¥m 4843, il fut élu membre de
l'Académie des sciences. Attaché, la même année, au Bureau
des longitudes, il en devint membre titulaire en 4862. Il
était en outre depuis 1848 examinateur à FEcole navale.
On lui doit d'importants travaux sur les taches du soleil,
dont il a le premier déterminé le mouvement propre, sur
la comète de lîalîey, sur les nébuleuses, dont il a donné
un catalogue, sur Fisochronisme du pendule, sur la com-
pensation des horloges astronomiques, sur le magnétisme
terrestre. Les résultats s'en trouvent exposés dans des mé-
moires et des articles qu'il a publiés dans les Comptes
rendus de V Académie des sciences et dans la Connais-
sance des Temps. L. S.
LAUGIER (Louis-Pierre), acteur français, né à Paris
le 44 mai 4864, fils du précédent. Il entra fort jeune au
Conservatoire, dans la classe de Delaunay, et obtint en
1 885 le premier prix de comédie. Engagé alors à la Comé-
die-Française, il y débuta le 23 sept. 1885 dans Orgon de
Tartufe, prenant ainsi, malgré son jeune âge, l'emploi des
pères nobles et des rôles à manteau, que comportait son
génie et son physique. Il ne tarda pas à occuper une place
honorable dans le répertoire. Il a été nommé sociétaire le
4«^ janv. 1894.
LAUGIER deChartrouse (Baron) (V. Chartrouse).
LAUGNAG. Corn, du dép. de Lot-et-Garonne, arr.
d'Agen, cant. de Prayssas; 702 hab.
LAUINGEN. Yille de Bavière, prov. de Souabe, sur le
Danube; 4,000 hab. Belle église renfermant les tombeaux
des ducs de Palatinat-Neubourg ; beau clocher isolé de
55 m. Important commerce agricole. Bâtie sur l'emplace-
ment d'un camp romain, quelque temps capitale des ducs
de Neubourg, elle fut ruinée par la guerre de Trente ans.
LAUJON (Pierre), chansonnier et auteur dramatique
français, né à Paris le 3 janv. 4727, mort à Paris le
43 juiî. 1841. Fils d'un procureur et condisciple de Turgot
au collège Louis-le-Grand, il fut, dès Fâge de vingt ans,
secrétaire du comte de Clermont, occupa les mêmes fonc-
tions auprès du duc de Bourbon et succéda en 1775 à
Gentil Bernard comme secrétaire général des- dragons.
Collaborateur de Favart pour divers ballets, divertissements
et pastorales, joués à Choisy, à Chantilly et au Théâtre-
Italien, il donna seul V Amoureux de quinze ans, comédie
lyrique en trois actes (1771), son plus grand succès, et
livrait en 1771 sous le titre &' A-Propos de société (3 voL
in-8) un choix de ses chansons. Ruiné par la Révolution,
il ne fit pas moins partie des sociétés bachiques qui se
formèrent sous le Directoire et se multiplièrent au début
du siècle. En 1809, il fut élu membre de l'Académie fran-
çaise, en remplacement de Portahs et allégua dans son
remerciement que, vu son grand âge, « il y avait urgence ».
Sous le titre cVÔEuvres choisies (1811, 4 vol. in-8,
portrait), il avait rassemblé une partie de son théâtre et
quelques-unes de ses meilleures chansons. M. Tx.
LAUJUZAN. Com. du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. de Nogaro ; 508 hab.
LAULNE. Com. du dép. de la Manche, arr. de Cou-
tances, cant. de Lessay; 483 hab.
LAULNE (Etienne de) (V. Delâune).
LAUMONT (François-Pierre-Nicolas Gillet de), miné-
ralogiste français, né à Paris le 28 mai 1747, mort le
l^^juin 1834. D'abord avocat au parlement de Paris, puis
élève de FEcole militaire, il en sortit enseigne en 1772, fut
promu capitaine en 1779, mais renonça en 1784 à la car-
rière des armes pour se consacrer tout entier à l'étude de
la minéralogie, qu'il cultivait depuis longtemps déjà dans
ses moments do loisir. Nommé la même année inspecteur
des mines et en 1794 l'un des trois membres, avec Le-
febvre d'Hellencourt et Lelièvre, de l'Agence des mines, il
organisa avec eux la nouvelle Ecole des raines de Paris,
fut membre du Conseil des mines et devint en 1810 ins-
pecteur général. Il prit sa retraite en 1832. Il avait été
élu en 1816 membre libre de l'Académie des sciences de
Paris. Gillet de Laumont a eu une grande part, comme sa-
vant et comme organisateur, aux progrès faits parla miné-
ralogie et la métallurgie et à l'essor imprimé à leur enseigne-
ment à la fm du xviii® siècle et au commencement du xix*^.
il avait débuté en 1784 par une exploration des mines
de la Bretagne et des Pyrénées, au cours de laquelle il avait
découvert, entre autres substances nouvelles, une zéolite
efflorescente, dénommée laumonite par Haiiy. Il reconnut
vers la même éfjoque la véritable nature des gisements de
lignite qui entourent Paris et qui avaient été pris un ins-
tant pour de la houille. En 1789, il présenta sur l'en-
semble des mines en exploitation un travail qui fut le point
de départ de la loi de 1810. H s'occupa, d'autre part,
d'améliorer les procédés de conversion de l'argent chloruré
en argent natif, de trempe de l'acier, d'analyse qualita-
tive du fer. Il réunit enfm un riche cabinet de minéralogie.
i031
LAUMONT ^^ LAUNOY
Il n'a donné à part aucun ouvrage, mais il a publié de |
nombreux mémoires et articles dans le Journal des
mines, dans les Àmiales des mines, dans le Journal de
physique, dans le Bulletin de la Sociéié philonia-
tkique, etc. L. S.
BiBL. : Moniteur unioersel du 2 sept, 1831. — ÏIÉiircART
DE TiiuiiY, Notice surGiltet de Launiont, dans les Annales
des mineS) 1834, p. 523.— J.-C. Poggendoiiff, Biogr.-lUer.
Ifandwœrterbuch; Lcipziii;, 1863.
LÂUNAG (Le) (V. Garonne [Haute-], t. XVIIt, p. ^M),
LAUNAC. Com. du dép. de la Haute- Garonne, arr. de
Toulouse, cant. de Grenade-sur-Garonne; 842 hab.
LAUNA6UET. Gom. du dép. de la Haute-Garonne, arr.
et cant. (N.) de Toulouse; 6i2 liab.
LAUNAY. Com, du dép. de FEure, arr. de Bernay,
cant. de Beaumont-le-Roger ; 3^20 liab.
LÂUNÂY-ViLLiERs. Com. du dép. de la Mayenne, arr.
de Laval, cant. de Loiron ; 514 liab.
LAUNAY (Philippe et Gautier de) (V. Aulnât).
LAUNAY (Pierre de), sieur de La Motte et de Vaufer-
lan, hébraïsant et théologien laïque, né à Pdois en 1573,
mort à Paris le 27 juin '4661. D'origine huguenote, il fut
d'abord contrôleur général des guerres en Picardie, mais
renonça à cette situation en 4613, pour se consacrer en-
tièrement à l'étude des textes sacrés. Parmi ses écrits,
analysés dans la France protestante (t. VI, pp. 428 et
suiv^), le principal est intitulé llemarques sur le texte de
la Bible, etc. (Genève, 16()7, in-4) ; c'est une classifica-
tion de tous les idiotismes de la langue biblique, qui peut
encore servir de concordance grammaticale ou rhétorique.
LAUNAY (Nicolas de) (Y. Delaunay).
LAUNAY, comte (xAntraigiies (V. ce nom).
LAUNAY (Alphonse-Henry Henryrt de), littérateur fran-
çais, né à Nevers le 10 août 1822, mort le 10 sept. 1891.
Capitaine de cuirassiers pendant !a guerre franco-alle-
mande. On lui doit : 1° des pièces de théâtre, entre
autres : IJrie Epreuve après la lettre (1866, in- 1 2), comédie
représentée à l'Odéon ; Adieu paniers (1864, in-12), co-
médie jouéeau Théâtre-Français; le Cousin Pons (1874),
drame d'après Balzac, joué à Cluny ; le J5^ Hussards,
joué au Vaudeville (1874); les Campagnes de Bois-
Fleury (id. , 1 877) ; 2^* dos romans : Mademoiselle Miqnon
(1873, in-12) ; les Demoiselles Sevelle (1883, in~12) ;
les Joyeuses (1886, in-12); le Crime de la rue des Li~
las (1889, 2 vol. in-12), etc. ; 3^ des études de la vie
militaire qui ont été remarquées, entre autres : Père in-
connu (1880, in-12) ; Culottes rouges (1883, in-12) ;
Discipline (188.^>, in-12).
LAUNAY (Georges-Alexis, baron de), général français,
né à Versailles le 3 déc. 1827. Elève do l'Ecole do Saint-
CyrenlSif), sous-lieutenant d'infanterie le l^^oct. 1847,
il partit pour l'Afrique dès le début de sa carrière. Envoyé
en Crimée avec son régiment, il assista au siège de Sébas-
topol. Chef de bataillon en 1858, il commandait en 1870
un régiment d'infanterie à l'armée <lu Rhin et prit part aux
opérations qui eurent lieu sous Metz. Général de brigade
le 4 nov. 1874 et divisionnaire le 27 déc. 1881, il était
à la tête du XIL- corps d'armée quand^il est passé dans le
cadre de réserve en 1892. E. Bernard.
LAUNAY (Jules-Paul-Louis), romancier français, né à
Paris en 1850. H débuta très jeune dans le journalisme,
et, dès 1877, collabora activement à la Marseillaise,
au Mot d'ordre et m Pièveil. En 1884, il entra à laiYa-
tion, où il exerça longtemps les fonctions de secrétaire de
la rédaction. Louis Launay a écrit de nombreux romans et
feuilletons. On peut citer : le Parc aux cerfs, le Petit
Mari, etc. Il écrivit en collaboration avec Maxime Ville-
mer: la Fille du renégat; avec BlauriccGogand, Vidocq,
dont le succès fut très grand; les Drames de r inquisi-
tion, V Orpheline du Temple, etc. H a fait jouer avec suc-
cès deux drames : Hoche (i 879), et la Sainte Ligue(iSS()).
LAUNCESTON. Ville d'Angleterre, comté do Cornwall,
sur l'Attery, alîl. du Tamer; 3,800 hab. Château ruiné;
église gothique de 1533.
L A U N C ESTO N . Deuxième ville de Tasmanie (Australasie) ,
principal centre commercial dans le Nord, ch.~I. du comté
de Cornwall ; sur la rivière Tamar, à 64 kil. de son em-
bouchure et sur sa partie maritime, à 192 kil. (213 par
chemin de fer)deHobart; 21,926 hab. Elle possède comme
avant- port Georgetown sur l'estuaire appelé Port Dalrymple,
mais peut recevoir directement les navires de 3 m. à la
marée. Aux environs, cultures, blés, pommes de terre,
fruits, etc. Reliée par chemin de fer à Scottsdale.
LÂUNE. Rivière à'îrlande (V. ce m.ot, t. XX, p. 949).
LAUNE (Etienne de) (V. Delâune).
LÂUNER (Marinette Boisière, épouse)» danseuse fran-
çaise, née vers la lin du xvni® siècle, morte à Paris en
1853. Cette artiste fort distinguée entra dès ses plus
jeunes années à Fécole de danse de l'Opéra, et débuta
comme «sujet» (1812), do la façon la plus heureuse.
Elle se fit surtout apprécier comme mime, et reprit avec
succès les rôles de M"^« Courtin. Sa renommée en ce genre
fut absolument exceptionnelle ; elle prit sa retraite en
1828. Quelques années plus tard elle se fit éditeur de
musique, et montra dans ce commerce un sentiment de
l'art remarquable.
LAUNEY (Bernard-René Jourdan de). Celui qui devait
être le dernier gouverneur de la Bastille, naquit en 1740
dans ce château môme, dont son père, René Jourdân de
Launey, eut le commandement en chef de 1718 à 4 749.
Par son mariage avec M^^^ de Jumilhac, Bernard de Lau-
ney obtint la survivance du gouvernement et il en fut in-
vesti grâce à la démission de son beau-père, au mois d'oct.
1774. Son rôle aurait été certainement des plus efïacées
sans la journée du 14 juil. 1789. Chargé de défendre la
Bastille, il ne sut faire qu'à demi son devoir, hésitant à
résister aussi bien qu'à se rendre ; aussi sa conduite a-t-
eilo été généralement blâmée par les innombrables écrivains
qui ont eu à juger les événements de cette journée. Per-
sonne n'ignore que de Launey, conduit à l'Hôtel de Ville par
ses vainqueurs, qui sans doute voulaient ainsi le sauver,
fut massacré sur la place de Grève, décapité, et que sa tète
fut pendant deux jours promenée au bout d'une pique à
travers Paris. Les papiers très nombreux, provenant de la
famille de Launey, sont conservés à la bibliothèque de
l'Arsenal, dans le fonds des archives de la Bastille. F. B.
LAUNEY (Jean-Baptiste de), archéologue français, né à
îsigny en 1752, mort à Bayeux le 6 déc. 1831. Avocat
et poète, il fut nommé en 1789 député du tiers aux Etats
généraux ; il fut l'un de ceux qui travaillèrent le plus à la
division de la l*'rance en {Ié[)artements, et ce fut lui qui fit
adopter le nom de Calvados, proposé concurrennnent à ce-
lui cVOrne-Inférieure. 11 s\Kicu()a beaucoup de littérature
et d'art, et fut chargé de recueillir et conserver les objets
d'art et de science provenant des établissements supprimés
dans son dé[)artement. On a de lui: Mémoires sur un
tableau conservé à Bayeux, qu'on dit représenter la
bataille de Formigny (t. I des Mémoires de la So-
ciété des antiquaires de Normajidie) ; Bayeux et ses
environs, poème (Bayeux, 1804, in~8); divers morceaux
de poésies insérés dans le Journal de Bayeux, entre autres
Bayeux rebâti ou les Amours de Pioilon. M. P.
LAUNOY. Com. du dép. de l'Aisne, arr do Boissons,
cant. (rOulchy-le~Château ; 164 liab.
LÂUNOY-sur-Vence. ('om, du dép. desArdennes, arr.
de Mézières, cant. de Signy-l'AbbaNo; 909 hab. Stat. du
chem. de fer de l'Est.
LAUNOY ou LAUNAY (Matthieu de), prédicateur de la
Ligue, né à La Forté-Alais. On croit généralement qu'il
mourut en Elandre. Lliislorien de Thmi écrit qu'il était
prêtre lorsqu'il passa au calvinisme (1560). Il se maria et
fut nominé ministre des Eghses réformées. Hétait pasteur à
Sedan, lorsqu'on découvrit qu'il entretenait des relations
adultères avec une de ses cousines. H s'enfuit à Paris et
rentra dans l'Eglise romaine. Mais le procès suivit son
cours à Sedan, et Launoy fut pendu en erfigie. Pour se jus-
tilier, il publia la Défense de Launoy, tant pour Inique
LAUNOY ~ LAURACEES
- 1082 ---
pour Henri Pennetier^ contre les fausses accusations
et perverses calomnies des ministres (Paris, 4578). Il
avait d'abord écrit contre ceux qui discutaient l'obéis-
sance due au roi ; mais, lorsque la Ligue eut ébranlé le
pouvoir de Henri III, il se fit ligueur fougueux; les Guises
l'avaient fait nommer chanoine de Saint-Gervais, à Sois-
sons; il entraîna cette ville dans leur parti. Appelé par
eux à Paris, il devint un des membres des plus ardents du
conseil des Quarante, puis des Seize. Suivant de Thou, il
fut le principal meneur des assemblées oii fut décidé l'assas-
sinat du président Brisson. Après la capitulation de Paris,
il se réfugia en Flandre, quoiqu'il eût été compris dans
l'amnistie accordée par Henri IV. E.-H. V.
BiBL. : Bayle, Dictionnaire historique et critique; Baie,
1741,4 vol. in-fol. — Cli. Labitte, De la Démocratie chez
les prédicateurs de la Ligue ; Paris, 1841, in-8.
LAUNOY (Jean de), théologien et critique français, né
au Val-de-Lis (Manche) le 21 déc. 1603, mort à Paris le
10 mars 1678. Prêtre et docteur de Sorbonne, il devint
célèbre par la hardiesse avec laquelle il attaqua les légendes
pieuses du martyrologe, ce qui lui valut le surnom de « dé-
nicheur de saints ». Ses œuvres, qui se composent de nom-
breux écrits de polémique, la plupart en latin, de travaux
sur la théologie et sur la discipline, d'histoires du collège de
Navarre, des écoles pendant et après Charlemagne, des
vicissitudes de la doctrine d'Aristote dans l'université de
Paris, ont été réunies après sa mort (Genève, 1731-32,
5 tom. en 10 vol. in-fol.).
LAUPEN. Bourg de Suisse, cant. de Berne, sur la Sin-
gine ; 922 hab. Un château, perché sur une colline, do-
mine la localité. Laupen est célèbre par la bataille qui eut
lieu sous ses murs, le 2 1 juil. 1339, entre les Bernois, d'une
part, et la noblesse coalisée et les Fribourgeois, d'autre part.
La première constitution de Berne, franchement démocra-
tique, favorisait l'émancipation des serfB du joug des nobles
et le développement de la République naissante; ce fut le
motif de l'agression de la noblesse des environs qui, sous
la conduite du comte de Nadau, vint assiéger Laupen. Les
Bernois, commandés par Rodolphe d'Erlach, remportèrent
une victoire qui les mit pour toujours à l'abri des attaques
de la noblesse.
LAUPIE (La). Com. dudép. de la Drôme, arr. de Mon-
télimar, cant. de Marsanne ; 404 hab.
LAUR (Francis), homme politique et ingénieur fran-
çais, né à Nevers le 5 sept. 1844. Sorti en 1866 de l'Ecole
des mines de Saint-Etienne, conseiller général de Constan-
tine en 1869, commandant du génie pendant la guerre de
1870, il était ingénieur à Saint-Etienne et adjoint au maire
de cette ville, lorsqu'aux élections de 1885 il fut élu au
second tour député de la Loire. A la Chambre, il prit place
à Pcxtrême gauche et se posa tout de suite en antagoniste
de l'administration : à propos de l'affaissement du Pont-
Neuf, de l'assassinat du préfet Barrême, etc. En 1886,
il prit une grande part aux interpellations sur les événe-
ments de Decazeville, réclama du gouvernement le retrait
des troupes, offrit, sans succès du reste, sa médiation entre
les ouvriers et la Compagnie et proposa, l'un des pre-
miers, l'exploitation directe de la mine par les mineurs.
Au mois de juil. 1887, il déclara, dans un article sensa-
tionnel publié par la France, dont il était rédacteur, et
signé XX, que, quelques mois auparavant, le général
Boulanger, alors ministre de la guerre, avait reçu de
94 généraux et d'une délégation de la droite deux pro-
positions de coup d'Etat. M. Paul de Cassagnac lui ayant
opposé dans V Autorité un démenti formel, il s'ensuivit,
entre les deux journaux , une retentissante polémique,
qui eut à la Chambre plus d'un écho et qui se termina
par des poursuites mutuelles en diliamation : M. de Cassa-
gnac fut condamné, sur la plainte de M. Laur, à 10 fr.
d'amende, et M. Laur^ sur celle de M. de Cassagnac, à
1 ,000 fr. Le député de la Loire fut, à partir de cette
époque, de toutes les manifestations et de toutes les pro-
pagandes en faveur du général, dont il devait demeurer
l'un des derniers partisans. Aux élections du 22 sept.
1889, il fut élu au second tour dans la troisième circonscrip-
tion de Saint-Denis, par 10,724 voix contre 8,359 ù
M. Antoine, de Metz. Invalidé, il fut réélu, le 16 févr.
1890, par 10,191 voix contre 4,953 à M. Lissagaray,
socialiste, et 2,163 à M. Houdard, modéré. A la nouvelle
Chambre, il se signala par ses interpellations presque quo-
tidiennes et par ses violentes sorties contre ses collègues de
la majorité. Le 10 janv, 1892, au cours de l'une des nom-
breuses scènes de tumulte provoquées dans la salle des
séances par cette attitude agressive, le ministre de l'in-
térieur, M. Constans, contre lequel il venait de reproduire à
la tribune quelques-unes des imputations outrageantes de
V Intransigeant, se précipita sur lui et le frappa sans
ménagement. Assigné en police correctionnelle pour voies
de fait, M. Constans fut renvoyé, presque sans débats, des
fins de la plainte, faute d'autorisation de poursuites. Vers
la même époque, M. Laur fonda une nouvelle feuille : la
Guerre aux abus. Il ne s'est pas représenté aux élections
de 1893, et il paraît avoir renoncé à la politique militante
pour se consacrer à des entreprises industrielles. lia publié
Revisioiî de ta législation des mines (1876, in-8 ; 2« éd.,
1884) ; Géologie et hydrologie de la plaine du Forez
(1882, in-8); le Paris- Hanoï-Pékin (1885, in-8); la
Mine aux mineurs (1887, in-32) ; les Mines et usines
en i889 (1890, 4 vol. in-8), etc. Il est un des collabora-
teurs de la Gravide Encyclopédie. L. S.
LAURABUC. Com. du dép.de l'Aude, arr. et cant. (S.)
de Castelnaudary ; 468 hab.
LAURAC. Com. du dép. de l'Ardèche, arr. et cant. de
Largentière ; 1 ,053 hab.
LAURAC. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Castelnau-
dary, cant. deFanjeaux; 466 hab.
l^UMOÉESo\ll^\}mHÉES(LauraceœUnd\,,Lauri-
nece DC.) (Bot.). Famille de plantes dicotylédones, à pétales
périgynes, composée d'arbres et d'arbustes aromatiques à
feuilles alternes, plus rarement opposées, coriaces, persis-
tantes et ponctuées, sans stipules. Seuls lesCassyiha sont
de petites herbes aphylles, parasites, qui ont la manière de
vivre de nos Cuscutes. Les fleurs, en général petites, sont
hermaphrodites ou unisexuées, ordinairement nombreuses
et disposées en grappes simples ou ramifiées de cymes ou
de glomérules; le périanthe simple, calycoïde, à préflorai-
son imbriquée, est garni, dans son fond, d'un réceptacle
charnu, concave, sur les bords duquel s'insèrent les éta-
mines; celles-ci, deux, trois ou quatre fois plus nombreuses
que les lobes du périanthe, portent des anthères introrses
ou extrorses, présentant la particularité très caractéris-
tique de s'ouvrir de bas en haut, lors de l'émission du
pollen, au moyen de trois ou quatre petits panneaux ou
valvules fixés à la partie supérieure. L'ovaire, uniloculaire, ne
renferme qu'un pvule anatrope suspendu au sommet de la
loge, avec un micropyle supère. Le fruit, d'ordinaire une
baie, rarement une drupe ou une achaine, est accompagné,
à sa base, par le périanthe et le réceptacle accrescents. La
graine, dépourvue d'albumen, contient un embryon très
volumineux à cotylédons épais et charnus. — Les Laura-
cées, répandues surtout dans les régions chaudes du globe,
sont divisées en huit tribus : l'^ CinnamOxMées (genres :
Cinnamomum Burm.^Machilus Rumph., Persea G^rtn. ,
Aionea AubL, etc.) ; 2^ Cryptocaryées (genres : Crypto-
carya R. Br., Boldu FeuilL, Ravensara Sonner., Ay-
dendron Nées et Mart., Acrodiclidium Nées, Silvia
AUem., Endia7idra R. Br., etc.); 3° Ocotées (genres :
Ocotea AubL, JSectandra}\(A., Dicypellium Nées, Sas-
safras Bauh., Gœppertia Nées, etc.) ; 4^ Tétranthérées
(genres : Tetranthera Jacq., Actinodaphne Nées, Litsœa
Juss. , Daphnidium Nées, Lindera'ïïmnh.^Laurus Tourn . ,
etc.) ; 5° CàssYTHÉES (genre : Gassytlia L.); 6^ Gyrocar-
PÉES (genres: Girocarpus Jacq., etc.); 7» Illigérées
genre : llligera Bl.) ; 8^ Hernàndiées (genre : Hernan-
th*<2 Plum.). Les Lauracées qui ne sont guère représen-
tées aujourd'hui en Europe que par les Lauriers, paraissent
4033
LAURACEES — LAURE
à l'époque crétacée (Sassafras Nées, Daphnophyllum
Heer) et sont très développées dans le tertiaire (Laurus
L., Pcrsea Ga'rtn., Cimiamomum Burm., etc.) (V. Lau-
rier). — Un grand nombre de Lauracées sont employées
en médecine; elles sont toutes excitantes, chaudes, parfois
acres, piquantes, irritantes. D^ L. Hn.
LAURAËT. Corn, du dép. du Gers, arr. de Condom,
cant. de Montréal; 437 hab.
LAURAGArS. Circonscription administrative et judi-
ciaire du Languedoc, prenant son nom du lieu de Laurac
(Aude), cant. de Fanjeaux. Cette localité n'est pas mentionnée
avant 1071 ; à cette date, elle appartenait, ainsi que le pays
avoisinant, anx comtes (plus tard vicomtes de Carcassonne)
qui la tenaient en fief des comtes de Toulouse. Auxiii^ siècle,
ce pays faisait partie du comté de Toulouse, possédé par Al-
phonse de Poitiers, frère de saint Louis. Laurac devient peu
après chef-lieu d'une jugerie de la sénéchaussée de Toulouse, et
le nom de Lauragais s'étend alors à tout le pays situé dans
les limites de cette circonscription judiciaire, pays qui depuis
1317 dépendit au spirituel des quatre diocèses de Toulouse,
Lavaur, Saint-Papoul et Mirepoix. En 1477, la jugerie
est érigée ©n comté et donnée par Louis XI à Bernard de
La Tour en échange du comté de Boulogne. Le comté ap-
partient plus tard à Catherine de Médicis, puis à Margue-
rite de Valois, fille de cette princesse; en 1558, on avait
créé à Castelnaudary un siège de sénéchaussée. Plus tard,
le pays fut en partie engagé aux ducs de Brancas qui
prirent le nom de ducs de Lauragais. Ce pays s'étendait
sur les deux versants de la Montagne Noire, dans les dép.
de l'Aude, de la Haute-Garonne, plus quelques localités
du Tarn et de l'Ariège.
BiBL.: Hlst. de Languedoc^ nouv. éd., XII, passim et
principalement 333-334.
LAURAGAIS (Louis-Léon-Félicité de Brancas, duc de),
écrivain et savant français, né à Versailles le 3 juil. 1733,
mort à Paris le 8 oct. 1824. Fils d'un duc de Brancas-
Villars, qui fut pair de France et lieutenant général
des armées du roi, il goûta peu, malgré une grande bra-
voure, le métier des armes et quitta le service dès 1758.
Il protégea dès lors avec la plus grande munificence les
arts, les lettres, les sciences, racheta, pour une somme con-
sidérable, aux comédiens du Théâtre-Français le droit de
placer des banquettes des deux côtés de la scène, reçut
dans cette circonstance et dans bien d'autres les encoura-
gements et les éloges de Voltaire, qui lui dédia son Ecos-
saise, cultiva lui-même avec fruit la chimie, le droit, la
médecine, eut part, notamment, aux recherches deLavoi-
sier sur la composition du diamant et défendit contre ses
détracteurs, au prix même de sa liberté, l'inoculation de
la petite vérole. En 1771, l'Académie des sciences de
Paris, dont il était depuis 1758 adjoint mécanicien, le
reçut associé vétéran. Il fut moins heureux comme auteur
dramatique : ses deux tragédies, Cly terrines Ire (1761) et
Jocasle (1781), ne virent jamais la rampe. Mais, d'un
esprit naturellement frondeur etsarcastique, il s'acquit une
véritable célébrité par ses épigrammes et par ses bons mots,
qui remplirent longtemps les recueils d'anas et qui lui va-
lurent, sous l'ancienne monarchie, cinq exils et quatre empri-
sonnements. La Révolution, qu'il avait d'abord accueillie, ne
lui laissa guère que sa tête : sa femme, qu'il avait abandon-
née, du reste, depuis longtemps, pour la célèbre Sophie Ar-
noult, périt sur l'échafaud, et ce qui lui restait d'une fortune
grandement compromise par ses largesses, et aussi par ses
dispendieuses liaisons, fut entièrement confisqué. Il ne mé-
nagea, par la suite, ni le Directoire, ni le Consulat, ni
l'Empire, ni la Restauration. Louis XVIII le comprit néan-
moins dans la première promotion des pairs de France et
il fut parmi les membres libres de l'Académie des sciences
créés en 181 6. Il mourut à un âge très avancé sans que sa
bonne humeur et sa libérale générosité se soient jamais
démenties. Son neveu, Louis- M arie-Biif file de Brancas
(V. Brancas, t. VU, p. 988), lui succéda dans ses titres
et dignités. II a publié un nombre considéiabie d'ouvrages,
d'opuscules et de recueils de lettres parmi lesquels nous
citerons seulement : Mémoire sur rinoculation (Paris,
1763, in-12); Du Droit des Français (Paris, 1771, in-4);
Mémoire 'pour moi^ par moi (Londres, 1773, in-8) ;
Aperçu historique sur la cause et la tenue des Etats
généraux (Paris, 1789, in-8); Lettres de L.-B, Laura-
guais à madame *** (Paris, 1802, in-8); Lettre à l'abbé
Geoffroy (Paris, 1802, in-8). Il avait réuni, à grands frais,
une riche bibliothèque ; mais il avait dû la vendre pour
subvenir à ses prodigalités. L. S.
LAURAGUEL. Com. du dép. de l'Aude, arr. de Limoux,
cant. d'Alaigne ; 473 hab.
LAURAHÙTTE. Ville de Prusse, district d'Oppeln (Silé-
sie), dans le bassin houiller de Haute-Silésie ; 10,000 hab.
Mines de houille, hauts fourneaux, fonderies, forges, usines
métallurgiques, briqueteries, etc.
L A U R A N A (Francesco da) , sculpteur italien du xv° siècle,
probablement originaire du bourg de Laurana en Dalmatie.
Il a passé sa vie au service du roi René d'Anjou et des
princes de sa maison ; le royaume de Napleset la France se
partagent ses oeuvres. De 1461 à 1466, il fondit pour le roi
René diverses médailles. De 1468 à 1471, il travailla en
Sicile (statue de la Vierge tenant l'Enfant^ au dôme de
Palerme). En 1474, il est à Naples où il fait une statue
de la Vierge pour le Château Neuf. De 1477 à 1483, il est
domicilié à Marseille, où il se marie. Il a laissé en France
trois œuvres importantes: le Tombeau de Charles IV
d'Anjou^ à la cathédrale du Mans (de 1475 environ); la
décoration de la Chapelle Saint-Lazare à l'église de la
Major à Marseille (de 1475-79 à 1481) ; et le Retable de
r église Saint-Didier d' Avignon [à^ 1478 à 1481), com-
mandé par le roi René pour l'église des Célestins de cette
ville. Jean-J. Marquet de Vasselot.
BiBL. : Courajod et Marcou, Catalogue raisonné du
Musée de sculpture comparée du Trocadéro. — Muntz,
Histoire de Vart pendant la Renaissance.
LAURATI (Pietro) (V. Lorenzetti).
LAURÉ (Terme d'art). Se dit d'un buste, d'une effigie
monétaire, dont le front est ceint d'une couronne de lau-
rier. Le laurier est l'emblème de la victoire et l'attribut
des souverains triomphateurs qui le font reproduire sou-
vent sur leurs monnaies et médailles commémoratives.
A Rome, le laurier était porté par le général victorieux, et le
jour où César triompha au retour de ses grandes guerres, il
se fit décerner par le Sénat le privilège de le porter cons-
tamment. Les empereurs romains continuèrent cet usage
et se firent souvent représenter avec la tête laurée. A
l'époque de la formation des grandes monarchies euro-
péennes, les rois et les empereurs reprirent cette tradition
dans leurs portraits officiels et leurs monnaies. En ce mo-
ment même, il y a encore en circulation des pièces fran-
çaises, autrichiennes, belges qui portent l'effigie laurée du
souverain. La couronne de laurier a été aussi, à l'époque
des Cours d'amour et la Gaie Science^ l'apanage des
poètes, par allusion au mythe d'Apollon, dieu des arts et
de la poésie, qui, lorsque Daphné lui eut échappé en se mé-
tamorphosant en laurier, se fit une couronne des feuilles
de cet arbuste et déclara qu'il lui était consacré. De là était
venu l'usage en Italie et dans quelques cours galantes du
midi de la France de couronner solennellement les grands
poètes : Le Tasse et Pétrarque sont les plus illustres de
ces exemples. Ad. Thiers.
LAURE. L'origine de ce mot est fort incertaine et, par
conséquent, très diversement indiquée. Dans l'histoire du
régime monastique, il désigne un groupe de cabanes, dans
lesquelles les anachorètes devaient vivre solitairement ,
quoique soumis à la direction d'un supérieur commun. Ils
ne se réunissaient que le samedi et le dimanche, pour
prendre ensemble leur repas, dans le réfectoire, et pour
assister au culte, dans une chapelle située au centre de la
« laure ». Les autres jours, chacun d'eux devait rester en
silence dans sa cabane, se nourrissant de pain et d'eau .
Ordinairement une cabane ne contenait qu'un anachorète ;
LAURE -^ LAURENÇOT
1034 —
mais à Tabenna, elle en recevait trois, au temps de Pa-
côme. E. 1I.~V.
LAURE (Lauranum). Com. du dép. de l'Aude, arr.
de Carcassonne, cant. de Peyriac-Minervois ; 1,324 liab.
Citée dès le ix® siècle; seigneurie mouvante des vicomtes
de Carcassonne. La famille de Laure fut dépossédée par
Simon de Montfort; le château, concédé pendant quelques
années à Raimond Vlï, comte de Toulouse, fut bientôt réuni
au domaine royal. Dès le xid^ siècle, il y avait des consuls
à Laure 0
BiBL.: D. Vaissète, lîist. de Languedoc^ passim. —
Maiiul, Carlulaire de Carcassonne^ lîl, 198-222.
LAURE (Jean-François-Hyacinthe- Jules), peintre fran-
çais, né à fxrenoble en mai 4806, mort à Parisen mai 1861 .
Elève d'Ingres, il voyagea en Italie et en Espagne. Ses meil-
leurs tableaux sont : Mozart cl Clément XÎV; VAssomp-
tion de la Vierge^ au ministère de l'intérieur; Millon
aveugle^ dictant le « Paradis perdu » à ses filles, au
musée de Lisieux. On lui doit surtout des portraits : sa
mère, son cousin Delorme, Lola Montés^ Hippolyte
Carnot, etc.
LAURE, dite de Noves (V. Pétharque).
LAURÉAT (V. Laurieb).
LAURÉAULT de Foncemagne (V. Foncemagne).
LAURÈDE. Com. du dép. des Landes, arr. de Dax,
cant. de Montfort ; 660 hab.
LAU RELIE (Laurelia Juss.) (Bot.). Genre de Monimia-
cées qui ne dilFère guère des Atherosperma (V. ce mot)
auxquels il a été rattaché. Il est représenté à l'époque
miocène par le L. rediuiva Ung., qu'Unger a découvert
à Radoboj en Croatie. l)^ L. Hn.
LAURELL (Axel-Adoîf), érudit et pédagogue finlandais,
né à Pieksœmœki en 1804, mort à Helsingfors en 4852.
Encouragé et soutenu par le grand poète finlandais Rune-
berg et parNervander, il fonda le lycée d'Helsingfors, qu'il
dirigea pendant plusieurs années. La vigoureuse impulsion
qu'il donna à l'étude du français, de l'allemand et du
russe, à côté du grec et du latin, contribua au grand suc-
cès de cet établissement. Nommé en 1 836 professeur de
dogmatique à l'université, il n'en resta pas moins recteur
du lycée jusqu'en 4840. Il a publié des dissertations sur
V éducation (4834 et 4833), et a dirigé pendant quelques
années une revue pédagogique : Vaktaren (1847-49).
LAURELLE (Bot.). Nom iwX^àiv^àwlSeritunoleander
(V. Nerium).
LAUREMBERG (Johann), satirique allemand, né à Ros-
tock le 26 févr. 1590, mort à Sorœ le 28 févr. 4658. Il fit
ses études à Rostock, où son père enseignait la médecine,
et voyagea ensuite en Hollande, en Angleterre, en France
et en Italie. C'est à Reims qu'il prit son grade de docteur.
A sou roiour, il fut nommé professeur de médecine à Puni-
versité de Rostock, et enfin professeur de mathématiques
à l'académie de Sorœ en Danemark. Il a été l'adversaire
des réformes d'Opitz (V. l'art. Atxemagne [Littérature]).
Ses quatre satires en bas -allemand, Veer Schertz Ge-
dichte, ont d'abord été imprimées à Copenhague en 4652 ;
une édition nouvelle, avec une introduction, des notes et
un glossaire, en a été donnée par W. Braune (Halle,
4879). Lauremberg est aussi l'auteur de deux comédies
latines avec des intermèdes en allemand, comprises dans
Triumphus Nuptialis Danicus (Copenhague, 4648). V.
Jafirbuch des Vereins fiir uiederdeutsche Spraclifor-
schung (4877). A. B.
LAÛREN (Ludvig -Léonard), écrivain finlandais, né à
Vas^a en 4824, mort à Vasa en 4884. Professeur de fran-
çais à Vasa (4854), professeur adjoint de théologie (!868),
puis recteur du lycée (4871), il a laissé de très nombreux
écrits pour le peuple : Bourdons (Hundor); Un Hécit de
Noël, Souvenirs d'école et d'université (4877); Fleurs
sans parfum cueillies dans V arrière-saison (recueil de
234 sonnets, 4883), etc. Il a collaboré à plusieurs jour-
naux, entre autres à Vllmarinen^ a dirigé le Vasabladet,
de 4803 à 4874 et de 4877 à 4880. On lui doit enfin des
Etudes sur la langue française (4866) et un Résumé des
principaux faits de l'histoire de l'Eglise de Fin-
lande (4875).
LAURENAN. Com. du dép. des Côtes-du-Nord, arr. de
Loudéac, cant. de Merdrignac ; 4,626 hab.
LAURENCE. Rivière (V. GmoNDE, t. XVIII, p. 983).
LAURENCE (Justin), homme politique français, né à
Mont-de-Marsan (Landes) le 28 août 4794, mort à Ville-
neuve-la-BataiHe (Lot-et-Garonne) le 28juiL 4863. Avo-
cat, protégé du général Lamarque, il devint avocat général
à Pau (44 nov. 4830) et député des Landes (5 juil. 4831 ).
H s'occupa spécialement des affaires de l'Algérie, où il alla
organiser la justice (21 août 4834). Directeur des affaires
d'Afrique le 23 juil. 4837, il fut constamment réélu dé-
puté jusqu'en 1848.
LAURENCIN (Jean-Espérance-Blandine, comte de), lit-
térateur français, né à Chaleuil le 47 janv. 4733, mort le
24 janv, 1842. Il prit part à la campagne de 4757, fut
grièvement blessé à Minden et quitta l'armée. Il a beau-
coup fait pour l'agrandissement de la ville de Lyon. Il
accompagna Montgolfier dans son ascension de 4783. Fort
lié avec Voltaire, d'Alembert, Rousseau, Ducis, il a laissé
quelquesjpoésies : la Mort du juste (4771); Philémon ou
le Triomphe de lavertu sur V amour (4755); la Vie cham-
pôtre{{"Vù), etc., et Lettre à Montgolfier (4780, in-8).
Sa femme, Julie d'Assier de La Chassagîie, a écrit
beaucoup de poésies agréables, éparses dans les recueils
du temps et : Alceste etMéloé (4777, in-8); Epître d'une
femme à son amie sur P obligation et les avantages qui
doivent déterminer les mères d allaiter leurs enfants
conformément au vœu de la nature (4774, in-8).
LAURENCIN (Aimé-François, comte de), général fran-
çais, né à Marcy (Rhône) le 25 oct. 4764, mort à La
Chassaigne (Rhône) le 7 oct. 4833. Après avoir servi dans
l'émigration, il rentra en France après le 48 brumaire,
fut adjoint au maire de Lyon, obtint sous la Restauration
les grades de colonel (4844) et de maréchal de camp (4829)
et fut député du Rhône de 4824 à 4827. A. Debidour.
LAURENCIN (Paul-Aimé Chapelle, plus connu sous le
nom de), auteur dramatique français, né à Beaumont (Cal-
vados) le 40 janv. 4808, mort à Monaco le 9 déc. 4890.
Directeur du théâtre des Variétés, il a donné soit seul, soit
en collaboration, un très grand nombre de pièces dont la
plupart ont été représentées au Gymnase. Citons : Ma
Femme et mon paraphiie (4835): Lestocq (4836);
rA bbé galant { 1 844 ) ; Turlurette (4 844); la Chasse aux
millions (4847); Pal marié ma fille (1854); Brelan
de maris (1854); le Beau-Père {i^^l); Une Femme em-
bellie (1861); Monsieur et madame Denis (4862);
Folambo (4863) ; Ces Scélérates de bonnes (4865) ;
Monsieur attend madame (1876).
Son fils, Paul- Adolphe^ né à Paris en 4837, rédac-
teur scientifique de divers journaux et recueils, a donné,
entre autres : P Etincelle électrique (4870, in-42) ; la
Pluie et le beau temps (4873, in-42 ; le Télégraphe
(Î877,in-12); la Galvanoplastie {iSS'S, m-i^); Explo-
rations sous-marine s dii<i Travailleur » et du « Ta/w-
m(m»(1884, in-12); ^^os Zmtflw^s (1888, in-8).
LAURENÇON (Léon-André-Hîppolyte), homme politique
français, né à Chantemerle (Hautes-Alpes) le 46 oct. 4844.
Avocat au barreau de Briançon, il fit comme volontaire la
guerre franco-allemande, et fut éhi, avec l'appui du gou-
vernement du 46 mai, député de Briançon le 44 oct. 4877.
Membre du centre gauche, il fut réélu en 4881 avec
un programme de républicain modéré et devint un des par-
tisans les plus convaincus de la politique opportuniste.
Réélu en 1 885, 4889, 1893, il a combattu le boulangisme.
LAUHENÇOT (Jacques-Henri), homme politique fran-
çais, né à Arbois le 48 janv. 4763, mort à Màcon le
19 août 4833. Député du Jura à la Convention le 4 sept.
4792, il vota la réclusion du roi et, partisan des Girondins,
fut incarcéré jusqu'au 9 thermidor. Il reprit son siège à la
Convention, en fut élu secrétaire (4795) et attaqua vive-
- 1035 —
LAURENÇOT -~- LAURËNS
ment Fouché. Treize départements Télurent au Conseil des
Cinq-Cents en Tan IV. Il opta pour le Jura et disparut de
la scène politique en l'an VllI.
LAURENÇOT (Charles-ilenri-Ladislas), auteur drama-
tique français, né à Arbois le 15 oct. 1805, mort à
Grange-Fontaine (Jura) le 30 avr. 1862, parent du pré-
cédent. Sous le pseudonyme do Léonce^ il a écrit soit seul,
soit en collaboration, une infinité de vaudevilles et de co-
médies, entre autres : la Nouvelle Clary (1829); les
Boudeur s {i%?i'à) ; le Marquis de Brancas (1839) ; Cha-
cun chez soi (1845); Un liêve (1845) ; le Gendre d'un
million7iaire (1846) ; la Fille a Nicolas (1849) ; Dans
la rue (1859) ; le Revers de la médaille (1861).
LAURENS. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de Bézicrs,
cant. de Muryiel; 1,044 liab. Stat. du chem. de fer du
Midi, ligne de Béziers à Bédarieux.
LAURENS (Henri-Joseph) V. Du Laurens).
LAURENS (Joseph- Bonaventurc), littérateur et artiste
français, né à Carpentras le 14 juil. 1801, mort le 28 juin
1890. Secrétaire de la faculté de médecine de Montpellier,
Collaborateur du baron Taylor pour les Voyages dans
Vancieniie France^ de lienouvier pour les études d'ar-
chéologie locale intitulées Monographies monunieniales
(1835-39), il a donné : Souvenirs d\m voyage d'art à
r île de Majorque (1840, in-8); Promenade h Lava-
lette (1841^ in-8) ; De Lyon à la Méditerranée (1834,
in-8); Album des Dames {'\H6A'. in-fol.), illustré de
jolies aquarelles de son frère ; Eludes Ihéoriques et pra-
tiques sur le beau pittoresque dans les arts du des-
sin (\Si9, in-8), etc.
LAURENS (Joseph-Augustin-Jules), peintre et lithogra-
phe français, né à Carpentras Ie26juilletl825, frère du pré-
cédent. Elève de son frère et de Paul Delaroche, il cultiva
surtout l'aquarelle et la lithographie. En 1847, il fut
chargé par le gouvernement d'accompagner la mission
archéologique envoyée en Turquie, en Perse et en Asie
Mineure, et il dessina pendant ce voyage des sites et des
costumes encore à peu près inconnus. Ces dessins furent
publiés en 1856 dans un ouvrage intitulé Voyage en
Turquie et en Perse (in-fol.). 11 exposa plusieurs litho-
graphies au Salon de 1853. Parmi les peintures à l'huile
et à l'aquarelle de cet artiste, nous citerons : Sur la
route de Téhéran (1855) ; Campagiie de Téhéran,
Près Marlotte (1857) ; Souvenir de décembre sur les
toits à Téhéran (1864); r hiver en Perse {iSiyl) ;
Chemin des Sables (1869) ; la Femme de Loth (1875) ;
le Hocher de Vannes (1880); Souvenir du Bosphore
(1882) ; A Sinope {ï^^^è) ; En Comtat-Venaissin, Der-
nières Feuilles (1860) ; A Keban-Maden (1891); Sur
les Monts de Vaucluse (1892), etc. Parmi ses nombreuses
lithographies et gravures, il faut mentionner : Chiens,
d'après Diaz; le Christ au tombeau, V Amour couronné,
Solitude, Religieuse (1859) ; l'Abreuvoir, d'après llosa
Bonheur ; Moine romain, d'après Cabanel ; le Lac, d'après
Decamps ; Chloé, d'après Delafosse (1866); En Janis-
saire (1873); le Soir, d'après Corot, Lavandières auver-
gnates. Frontières du Khoraçan(i^l3); le Lac dcMon-
trion (1880), etc.
LAURENS (Jean-Paul), célèbre peintre français, né à
Fourquevaux (Haute-Garonne) le 28 mars 1838. Son père
le laissa partir tout jeune à la suite d'un Piémontais, Pe-
doya, qui était venu décorer l'église et emmenait des élèves.
L'enfant s'arrêta dans l'Ariège, malade, écœuré de la du-
reté de son maître, puis s'enfuit à Toulouse, chez son oncle.
Son père dut payer un dédit à l'impitoyable Pedoya. 11
entra à l'Ecole des beaux-arts de Toulouse. En 1860, il
eut le prix au concours do la ville de Toulouse et fut en-
voyé à Paris. Elève de Coignet, il débuta au Salon par un
Caton d'Utique, En 1864, il exposa Tibère étouffe par
Caligula, composition d'un sentiment classique, mais déjà
très énergique d'expression. De 1861' à 1870, il exposa
Morias, l'ange de la nuit, offrant au Christ la cou-
ronne d'épines ; Après le bal, petite fille trouvée morte
par sa mère ; un Eamlet, un Saint Jean, Jésus et le Dé-
moniaq7ie. Enfin, il fut nommé professeur de dessin de la
ville de Paris. C'était la sécurité pour lui. En 1870, son
Jésus chassé de la synagogue et son Sai7it Ambroise
instruisant Ilonorius révélèrent amplement sa vigueur et
son coloris robuste porté aux teintes sombres.
En 1870, il donna VEpée de Dieu et la Mort de
M^"^ Darboy, compositions romantiques. Le Duc d'En--
ghien et le Pape Formose, en 1872, produisirent un eftet
énorme. Le duc d'Enghien, debout, est éclairé par une lan-
terne, et écoutant l'arrêt de mort. Le pape Formose, mort
et exhumé par son successeur, est accusé solennellement
d'usurpation. En 1873, sa Piscine de Bethsaïda nous ra-
menait aux tonalités éteintes des visions angéliques. En
1874, le peintre retrouve ses succès avec Saint Bruno
rel usant les présents de Roger, comte de Calabre, ta-
bleau lumineux où le ciel du Midi rayonne sur des costumes
aux tons vifs. H y est resté bien personnel et sans aucun
archaïsme. Dans l'Interdit (1875), le sens profond que
possède J.-P. Laurens des époques reculées apparaît avec
intensité. L'interdit a été lancé sur l'église barricadée et
maudite et en a tué la vie religieuse ; les cadavres d'un
jeune homme et d'une jeune fille attendent vainement sur
l'herbe les prières du temple muet. 1/ Excommunication
de Robert le Pieux (1875) respire aussi les tristesses du
moyen âge. Le roi, rejeté de l'Eglise pour avoir épousé sa
cousine Berthe, est seul et désolé avec elle dans le palais.
Le cortège de l'excommunication se retire, un cierge fume
encore à terre. La Répudiation est la suite de ce' drame.
Le roi, obligé de se séparer de sa bien-aimée, pleure dans
le fond du palais, et la reine, à Pavant, se désole tragique-
ment. Même sentiment poignant dans le François Borgia
devant le cercueil d'Isabelle de Portugal (1876), Le
prince, reconnaissant le cadavre de la femme aimée, le salue ;
les tons sourds du tableau ajoutent à la philosophie du sujet.
En 1877, la Mort de Marceau révélait chez le peintre une
aptitude au modernisme, et ce général français mort,
honoré par Pétat-major autrichien, produisit une vive ^mi-
s'àiion. Ses Emmurés de Car cassonne le ramenèrent l'an-
née suivante au moyen âge. L'épisode choisi est celui de
Bernard Délicieux, au milieu de la foule qui s'apaise et des
démolisseurs qui abattent les portes des cachots où péris-
saient les victimes derin(]uisition, les emmurés. Les Mu-
railles du saint office (1883), sinistres et rouges, mena-
cent le ciel ; c'est le tombeau terrible des condamnés. J^e
Torturé nous montrera la vengeance de l'Inquisition contre
Bernard. Honorius nous offre un type de jeune César
hébété. Dans les Derniers Moments de Maximilien
(1882), nous retrouvons la tragédie avec l'empereur em-
brassant le prêtre devant la })rison ; peu de temps après
c'est le Pajpe et l'Inquisiteur (Torquemadaet Sixte IV);
le moine lit avec autorité au vieux pape les statuts Urn-
hks.Torquemada et les rois calholiques nous représentent
Ferdinand et Isabelle inclinés devant le vieil inquisiteur.
Jean-Paul Laurens a composé \)0\\r i'hnitation d,e Jésus-
Christ des dessins très vivants. Dans son Faust, il a su"mêler
le drame et la fantaisie. Sa Mort de sainte Geneviève,
au Panthéon, est une vaste composition où la sainte, expire
environnée de pauvres, assistée de la reine Clotildeet véné-
rée des barbares eux-mêmes. Les Récits des temps wzr/ro-
^;^;^f/^>/^5 ne pouvaient être indifférents à ce psychologue du
passé. Ses quarante-deux dessins consacrés à cette^ époque
sont un commentaire précis et saisissant de l'admirable récit
d'Aug. Thierry. Parmi les dernières œuvres de Jean-Paul
Laurens, signalons le Plafotïd de VOdéon (1888). En
1890, il exposa les Sept Troubadours (fondation des Jeux
floraux). Son Louis XVI, exécuté pour l'Hôtel de Ville
(1891), représente le roi recevant du maire Bailly.la co-
carde aux trois couleurs en présence d'hommes du tiers
état et de gentilshommes. En 1894, il mit en scène la
fameuse Entrevue de Napoléon [^^ et de Pie VU, captif à
Fontainebleau. Charles Grandmougin.
BiiiL. : Gaston ScIiefer, Etudes,^ dans V Artiste, oct.
LAURENS — LAURENT
^ i036 -.
1887, janv. et sept. 1888, mars 1891. — Ferd. Fabre, le
Roman d'un peintre.
LAURENS (Paul-Pierre), homme politique français, né
à Venterol le 27 sept. 4847. Médecin, il fit comme aide-
major volontaire la guerre franco-allemande. Maire de
Nyons, il a été élu sénateur de la Drôme le 9 avr. 1893,
en remplacement de M. Clievandier, décédé, et réélu au
renouvellement triennal du 7 janv. 4894. Républicain ra-
dical, il fait partie de la gauche démocratique,
LAURENT (Saint), diacre et martyr, patron des rô-
tisseurs, mort en 258. Fête le 40 août. Conformément à
une passio reproduite par Adon, les Espagnols prétendent
qu'il est né à Iluesca en Aragon, fils d'un père qui s'appe-
lait Orense et d'une mère nommée Patience; les Romains
le retiennent pour leur ville. Ce qui paraît certain, c'est
qu'il était le premier des sept diacres de Rome, au temps
où saint Sixte II y était évêque ; d'où le titre d'archi-
diacre, qui lui est attribué par saint Ambroise et par saint
Augustin. Laurent accompagna en son supplice Sixte II,
qui avait été surpris pendant qu'il célébrait les mystères au
cimetière de Callixte. Comme il se plaignait de ne point
participer à sa glorieuse confession, l'évêque lui annonça
qu'il serait prochainement appelé à un martyre beaucoup
plus glorieux, et il lui recommanda de distribuer aux
pauvres les richesses dont il était le gardien. Laurent se
prépara au martyre ; ayant fait assembler les pauvres, il
leur distribua tout l'argent qu'il avait entre les mains ; il
vendit même les vases sacrés, pour augmenter la somme.
S'imaginant que les chrétiens possédaient de grands tré-
sors, le préfet de la ville ordonna à Laurent de les lui re-
mettre. Le saint répondit: «Notre Eglise est riche, et l'em-
pereur n'a point d'aussi grands trésors. Je te ferai voir ce
qu'elle a de plus précieux. Donne-moi du temps pour mettre
tout en ordre. » On lui accorda trois jours, pendant les-
quels il réunit les pauvres que l'Eglise nourrissait, les
aveugles, les boiteux, les estropiés. Il les présenta au préfet,
en lui disant: « Voici les trésors de l'Eglise que je t'ap-
porte. L'or, vil métal tiré de la terre, est l'occasion de beau-
coup de crimes. L'or véritable est la lumière divine que
ces pauvres ont reçue. » Le préfet furieux le fit déchirer
à coups de fouet, puis étendre sur un gril de fer rougi,
sous lequel on plaça de la braise demi-éteinte. Mais ce sup-
plice devint pour le martyr un rafraîchissement. Son visage
parut aux fidèles environné de lumière, et son corps exha-
lait une odeur suave. Toutefois les païens ne virent point
cette lumière et ne sentirent point cette odeur. Laurent
possédait son âme dans une si grande paix, qu'il dit tran-
quillement au préfet : «j'ai été assez longtemps de ce côté;
fais-moi retourner pour rôtir l'autre. » Enfin : « Mon corps
est assez cuit; tu peux en manger si tu le désires. » Alors
regardant au ciel, il pria Dieu pour la conversion des Ro-
mains et il rendit l'esprit. Des sénateurs, que sa constance
avait convertis, emportèrent son corps. On l'enterra près
de la.voie Tiburtine, dans Vager Veraniis, en la propriété
d'une veuve nommée Cyriaca, qu'il avait guérie d'affreux
maux de tète. Après les persécutions, on y éleva la basi-
lique de Saint-Laurent-hors-les-Murs. Pelage 11(578-590),
qui avait rapporté de Constantinople les reliques de saint
Etienne, les déposa dans le tombeau de saint Laurent.
Lorsqu'on voulut les placer près de lui, le corps de saint
Laurent se déplaça pour céder la droite au corps du pre-
mier diacre et du premier martyr de l'Eglise chrétienne.
Saint Grégoire le Grand raconte qu'au temps de Gélase,
son prédécesseur, comme on voulait réparer le tombeau de
saint Laurent, on découvrit son corps ; mais que tous ceux
qui le virent moururent dans les dix jours. Fortunat, cité
par Grégoire de Tours, écrit que, dans une bourgade d'Ita-
lie, nommée Rironas, on faisait rebâtir l'église de Saint-
Laurent. Une poutre se trouvant trop courte, le curé pria
le saint, qui avait fait tant de bien aux pauvres, d'avoir
pitié de sa pauvreté. Aussitôt la poutre s'allongea plus qu'il
n'était besoin pour le bâtiment. On scia l'excédent, dont
on fit des copeaux, que le peuple garda comme reliques :
ils rendaient la santé aux malades et la vue aux aveugles.
Les églises élevées en l'honneur de ce saint sont innom-
brables ; plus nombreux encore les miracles opérés par son
intercession. E.-ÏI. Vollet.
BiBL. : Outre les recueils de Vies des Saints, Bayer, ûa-
masus et Laurentius hispanis asserli; Rome, 1756, in-4. —
Pour la thèse contraire, Vita di san Lorenzo mart. et cit-
tadino romano ; Rome, 1756.
LAURENT, antipape. Quatre jours après la mort d'Anas-
tase (22 nov. 498), il fut élu dans la basilique de Constan-
tin, parle parti qui désirait entrer en accommodement avec
l'empereur, au sujet de VHénoticon. Le même jour, le
parti contraire, assemblé dans l'église de Sainte-Marie, éli-
sait Symmaque. Cette rivalité occasionna de sanglants con-
flits. Pour y mettre fin, on convint de soumettre l'élection
au jugement de Théodoric. Ce roi se prononça en faveur
de celui qui aurait été consacré le premier et qui aurait
obtenu le plus grand nombre de suffrages. 11 se trouva que
c'était Symmaque qui remplissait ces conditions : il fut
proclamé pape légitime. Mais après une courte soumission
les partisans de Laurent renouvelèrent leur opposition et la
soutinrent violemment pendant quelques années. E.-H. V.
BiBL. : DucHESNE, Etudes sur te Liber pontifîcaHs ; Pa-
ris, 1877, in-8.
LAURENT (Gaspard), théologien français, né dans la
seconde moitié du xvi^ siècle, mort à Genève. De religion
réformée, il alla s'établir à Genève, y reçut la bourgeoisie,
une chaire de belles-lettres et y devint en 1600 recteur
de l'Académie. Il a laissé de nombreuses dissertations tliéo-
logiques en latin et des manuscrits conservés à Genève.
LAURENT (Pierre-Joseph), ingénieur français, né à Bou-
chain en 1715, mort à Rennes en 1773. Il entreprit avec
succès de dessécher les marais de la Elandreet du Hainaut,
et restitua ainsi à l'agriculture des terrains immenses. Il
réussit ensuite à mener à bonne fin les travaux du canal
de jonction de la Somme avec l'Escaut et creusa le fameux
souterrain de Saint-Quentin. Nommé directeur des canaux
de Picardie et de Flandre par Louis XV, Laurent procéda
ensuite au dessèchement des mines de Bretagne, et cette
opération lui rapporta une fortune immense. Le roi de
France l'anoblit. E. H.
LAURENT (André), graveur anglais, né à Londres en
1720, mort à Paris en 1750. Elève de Lebas, il a gravé
avec succès, dans sa courte carrière, diverses œuvres de
Greuze, de Boucher, de Loutherbourg et de David Teniers.
LAURENT (Claude-Hilaire), homme politique français,
né dans la Haute-Saône en 1741, mort à Strasbourg le
40 avr. 1801. Docteur en médecine, il fut attaché en
1782 au service militaire comm^ médecin libre, entra en
1790 dans la première administration municipale de Stras-
bourg. 11 devint ensuite médecin des hôpitaux ambulants
de l'armée du Rhin et fut élu à la Convention par le dép.
du Bas-Rhin. En févr. 1793, il fut envoyé à Porrentruy
pour la réunion de ce pays à la France ; le mois suivant,
il fut commissaire à l'armée du Rhin. Au commencement
de l'an II, on l'envoya à l'armée du Nord ; il s'occupa de
l'approvisionnement de cette armée et y resta près d'une
année, après avoir assisté à la prise de Louvain et de Ma-
lines. Non réélu au Corps législatif, Laurent devint méde-
cin de l'hôpital militaire de Strasbourg en 1796 et pro-
fesseur au même hôpital en 1797. Elu au Conseil des
Cinq-Cents en 1798, il fut exclu au 18 brumaire du Corps
législatif et reprit son poste de médecin en chef de l'hôpital
de Strasbourg. A. Kuscinski.
LAURENT (Jean-Antoine), peintre français, né à Bacca-
rat en 1763, mort à Epinal en 1833, Peintre d'histoire,
il a laissé aussi des tableaux de genre, l'Amour dans une
rose, U Amour enchaîné, etc. Il a été directeur du musée
des Vosges.
LAU RENT (Jean-Louis-Maurice), anatomiste français, né
à Toulon le 8 juin 1784, mort à Paris le 30 janv. 1854.
D'abord chirurgien de la marine, il fut nommé en 1825 pro-
fesseur d'anatomie à l'Ecole de médecine navale de Toulon,
1037 -
LAURENT
en 1830 chirurgien en chef du port de Cherbourg. En 1832,
il vint à Paris, concourut en 1836 pour la chaire d'ana-
tomie de la faculté, fut en 1837 reçu docteur es sciences
naturelles et suppléa plusieurs fois de Blainville à la fa-
culté des sciences. Il a laissé des travaux remarquables sur
l'anatomie et la physiologie comparées. Citons entre autres :
Atlas d'anatomie physiologique (Paris, 1826, in-foh) ;
Prodrome d'analomie et de physiologie comparées
(Paris, 1837, in-8); Propositions générales relatives à
la doctrine philosophique des sciences (Paris, 1837) ;
Pech. sur lliydre et réponse d'eau douce, mémoire cou-
ronné par l'Académie des sciences (Paris, gr. in-8, atlas);
Zoophytologie (Paris, 1844, in-8); Annales françaises
et étrangères d'anatomie et de physiologie, avec Hol-
lard, etc. (Paris, 1837-39, 3 vol. in-8), etc. b^ L. Hn.
LAURENT (Paul-Mathieu), ait de VArdèche, historien
et homme politique français, né au Bourg-Saint-Andéol le
14 sept. 1793, mort à Versailles le 7 août 1877. Avo-
cat à Grenoble, puis à Privas, il fut un des plus ardents
propagateurs des doctrines saint-simoniennes dans le Midi.
Juge à Privas en 1840, élu député de l'Ardèche à la
Constituante de 1848 et à la Législative de 1849, il siégea
dans ces deux assemblées à l'extrôme gauche. Après le
2 décembre, le président le nomma bibliothécaire de l'Ar-
senal. Son Histoire de Napoléon, illustrée par Horace
Vernet, a eu plusieurs éditions de 1829 à 1810. Il a pu-
blié beaucoup d'autres ouvrages, notamment des Mémoires
de Saint-Simon et d' Eiifantin, travail dont l'avait chargé
Enfantin dans son testament et qui est resté inachevé.
LAURENT (Auguste), chimiste français, né à La Folie,
commune d'Arc (iïaute-Saône), le 14 nov. 1807, mort à
Paris le 15 avr. 1853. Fils do simples paysans, il ne reçut
dans son enfance qu'une instruction élémentaire, se fit
recevoir en 1826 élève externe de l'Ecole des mines de
Paris et en sortit en 1829 avec le diplôme d'ingénieur
civil. Deux ans après, il devint répétiteur du cours de Dumas
à l'Ecole centrale des arts et munufactures, puis fut atta-
ché, en qualité de chimiste, à divers établissements indus-
triels, entre autres à la fabrique de porcelaine de Sèvres
et à celle de Luxembourg, dans le grand-duché du même
nom. De 1838 à 1846, il professa la chimie à la faculté
des sciences de Bordeaux. Il revint ensuite se fixer à Paris,
y fonda avec son collaborateur et ami, Gerhardt, pour
la défense de leurs idées nouvelles, un journal intitulé
Comptes rendus mensuels des travaux chimiques de
l'étranger, fit quelque temps une suppléance à la Sorbonne
(1847) et fut nommé en 1848 essayeur à la Monnaie. Sa-
vant modeste et désintéressé, il vécut et mourut pauvre.
Il avait été initié par Dumas, alors qu'il était répétiteur
de son cours, aux procédés de l'analyse organique. Il réus-
sit bientôt à extraire du goudron de houille la naphtaline,
détermina sa composition, étudia ses combinaisons chlorées,
qu'il envisagea d'abord comme des chlorures d'un nouveau
carbure d'hydrogène, puis, adoptant l'idée des substitutions
et se posant en adversaire déclaré des doctrines duafis-
tiques de Berzehus, il conclut à l'identité, dans ces com-
binaisons, du rôle du chlore et de celui de l'hydrogène et
fut ainsi amené à sa théorie des noyaux (V. Chimie, t. XI,
p. 74), qui se trouve développée dans sa thèse de doctorat
(1837). Elle n'eut, il est vrai, qu'assez peu de succès.
Elle n'en marquait pas moins le premier pas dans la voie
nouvelle où devait s'engager plus avant Gerhardt (V. ce
nom), en créant la théorie des types, fondée comme la
sienne sur celle des substitutions. Elle lui avait, en outre,
fourni à lui-même les moyens de classer, le premier, les
corps par séries et d'établir pour chaque série un certain
nombre de types, dont quelques-uns subsistent encore :
anhydrides, amides, imides, aldéhydes, etc. En réalité, Lau-
rent et Gerhardt, dont les noms sont désormais insépa-
rables dans l'histoire de la science, ont été les fondateurs
communs de la doctrine atomique. L'apôtre le plus ardent
de la nouvelle théorie. Ad. Wurfz, les a, du reste, con-
fondus dans un même hommage. Si Gerhardt, dit-il, l'em-
portait par l'esprit de généralisation, Laurent lui était su-
périeur comme analyste et comme classificateur. On doit
encore à celui-ci une foule d'autres recherches et décou-
vertes, qui ont profité surtout à la chimie organique et à
la chimie industrielle et dont il a exposé les résultats dans
plusieurs centaines de mémoires originaux, notes et articles,
écrits pour une partie avec Gerhardt et publiés par les
Annales de chimie et de phijsique, par les Comptes
rendus de l'Académie des sciences de Paris, dont il était
correspondant depuis 1845, par le Journal de phar-
macie, etc. Il a seulement donné à part : Méthode de chi-
mie (Paris, 1854, in-8). L. S.
BiBL. : Ad. WuRTz, Laurent et Gerhardt, dans la pré-
lace du Dict. de chimie, t. I, p. xxxvir.
LAURENT (François), jurisconsulte et historien belge,
né à Luxembourg en juillet 1810, mort à Gand en févr.
1887. Il fut d'abord chef de division au ministère de la
justice, puis devint, en 1836, professeur de droit civil
à l'université de Gand. Il défendit avec ardeur les idées
libérales par son enseignement et par ses écrits. Le parti
catholique essaya de se débarrasser de cet adversaire re-
doutable et mit tout en œuvre pour obtenir sa destitution.
Pourtant le ministre de Decker maintint Laurent dans
sa chaire. Laurent se livrait en même temps à d'autres tra-
vaux; nous citerons d'abord ses Ettides sur l'histoire de
Vhumanité ((Bruxelles, '1861-70, 18 vol. in-8), ouvrage
dont la sincérité souleva des tempêtes. Les Etudes sur
r histoire de r humanité fondèrent la gloire de leur auteur
et firent sensation en France, en Allemagne, en Angleterre
et jusqu'en Amérique. Laurent commença ensuite la rédac-
tion de ses Principes de droit civil (Bruxelles, 1869-79,
33 vol. in-8) qui le placèrent au premier rang des juris-
consultes. Le succès des Principes du droit civil fut uni-
versel ; l'ouvrage ne tarda pas à devenir classique dans tous
les pays où le code Napoléon est en vigueur. Vint ensuite
le traité de Droit civil international (Bruxelles, 1880-
82, 8 voL in-8). En 1879, M. Para (V. ce nom), ministre
de la justice, chargea Laurent de préparer un Avant-Pro-
jet de revision du code civil (Bruxelles, 1882-84, 6 vol.
in-4) . Laurent était un philanthrope généreux et actif. Il fonda
à Gand la société Collier, destinée à répandre dans la classe
ouvrière l'esprit d'ordre et d'économie; cette œuvre réussit
pleinement en répandant le goût de l'épargne dans la jeu-
nesse scolaire.
LAURENT (Pierre-Alphonse), officier et mathématicien
français, né en 1813, mort à Paris en 1854. Ancien élève
de l'Ecole polytechnique et chef de bataillon du génie, il a
beaucoup cultivé les mathématiques et il a communiqué à
l'Académie des sciences (Comptes rendus, 1843-55) une
vingtaine de mémoires très intéressants sur les fonctions,
sur les mouvements infiniment petits, sur la polarisation
mobile, sur les ondes sonores et lumineuses, etc. Quel-
ques-uns ont fait l'objet de rapports élogieux : Sur le Cal-
cul des variations (1843) ; Extension du théorème de
Cauchy relatif à la convergence du développement
d'une fonction suivant les puissances ascendantes de
la variable (id.) ; Examen de la théorie de la lumière
dans le système des Oîides (posth.) ; Théorie des imagi-
naires (id,). h. S.
.n^r^^^-lS^^P^^^ '^^nd'^s de l'Acad. des se. de Paris:
18o5, p. 632. '
LAURENT (Jean-Baptiste-Emile), littérateur français,
né à Colombey (Meurthe) en 1819. Attaché à la Biblio-
thèque nationale (1844), puis à la bibliothèque de la
Chambre des députés (1847) où il occupe depuis 1880 le
poste de bibliothécaire en chef, son expérience des travaux
législatifs lui suggéra l'idée de l'importante collection des
Archives parlementair es, comi^YQmni la reproduction des
débats de nos Assemblées depuis 1789 jusqu'en 1860. Il
entreprit, en 1862, avec son collègue M. Mavidal, l'exé-
cution de cette œuvre considérable, qui compte déjà cent
quatorze volumes. On lui doit aussi un intéressant opus-
cule sur V Indemnité législative en France et à l'étran-
ger (Paris, 1882, in-8). ~ De plus, sous le pseudonyme
LAURENT
4038 -
d'Emile Colombey, iia donné en 1856, chez Aubry, une
édition de la Journée des madrigaux (avec îa carte de
Tendre), tirée ponr la première fois des manuscrits de Con-
rart. il a réimprimé en 4858 la Vraie Histoire comique
de Francion de Charles Sorel et les Aventures burles-
ques de Dassoucy (Paris, 2 yoI. in-42); en 4880, le
Roman bourgeois de Furetière (Paris, in-H); en 1885
et en 4891, les Lettres à Babet et les Lettres à Monsei-
gneur extraites des œuvres de Boursault ("2 vol. in- 12); en
Ï88G, la Corj^espondance authentique de ISinoyi de Len-
clos^ augmentée de lettres inédites (in-8). îl a publié de
plus, en 1858, Ruelles, Salons et Cabarets, \\\%iQ\vQ anec-
dotique de la littérature française pendant le xvii« siècle
(in-l:2, dont il a été donné en 1889 une nouvelle édition,
augmentée d'un second volume sur le xviu*^ siècle), et
Ninon de Lenclos et sa cour, roman (in-8); de 4860 à
1862, r Histoire anecdolique du duel dans toiis les
temps et dans tous les pays (réimprimée avec des aug-
mentations); les Originaux de la dernière heure, V Es-
prit au tliédtre, le Monde des voleurs et les Causes
gaies (5 vol., in-8); enfin, en 1889, les Aventures de
Babolin, roman (in-8).
LAURENT (Charles-Auguste), ingénieur et géologue
français, né à Ecouen (Seine-et-Oise) le 9 mail 821 . An-
cien élève de FEcole des arts et métiers d'Angers, il vint
compléter son instruction scicntitiquo à Paris, travailla
ensuite comme ouvrier chez Derosne et Cail, puis comme
sous-ingénieur dans les ateliers d'Essonncs, et passa de
là chez Degousée (V. ce nom), dont il devint le gendre et
l'associé (1848). Il a effectué de nombreux sondages arté-
siens : dans le Sahara algérien (1855), dansl'Attique pour
le compte du gouvernement grec (1856), en Espagne pour
la Compagnie des chemins de fer de Madrid à Alicante (1 858)
et pour le gouvernement espagnol (1860-61), etc. Il a en
même temps étudié, au point de vue géologique, les nom-
breuses régions qu'il a été appelé à visiter, et il a rendu
compte de ses recherches dans des mémoires publiés par
les recueils de diverses sociétés savantes. 11 a donné à
psrt : Mémoire sur le Sahara oriental (Paris, 1859,
in-8) ; Guide du sondeur^ avec Degousée (Paris, 1861,
2 Yol. in-8, 2« éd.), etc. ' L. S.
LAURENT (Joseph), acteur français, né en 1822, moit
à Champ-sur-Marne le 8 déc. 1893. 11 avait été d'abord
menuisier, mais prit le goût du tliéâtre de bonne heure et
devint en peu d'années l'un des fovoris des théâtres du
boulevard, grâce à sa ronde gaieté, à sa bonhomie et à la
sobriété de son jeu. il passa avec succès à l'Ambigu-
Comique, puis à la Gaîté et à la Porte-Saint-Martin. Il
établit plus de cent rôles dans les drames et les féeries
représentées à ces deux théâtres ; les plus marquants sont
ceux de Mousqueton dans Vingt Ans après et de Gorenflot
dans la Dame de Monsoreau ; dans l'ordre pathétique, il
se montra admirable dans le sonneur de Patrie^ le drame de
BI. Sardou.
LAURENT (Marie LuGUET, dame), artiste dramatique
française, née à Tuile en 4826. D'une famille d'acteurs,
elle parut en scène dès l'âge de trois ans, joua en province,
à Amiens, Rouen, Toulouse, Bruxelles (1846) où elle
épousa le baryton Pierre-Marie I^aurent (1821-54), à Mar-
seille, à Paris où elle débuta à i'Odéon (1848) dans Isa-
belle de Castille, y reparut Tannée suivante et fut remar-
quée dans François le Champi (déc. 1849) et les Contes
d'Hotfpian7i (1851), passa à la Porte-Saint-Martin, à
FAmbigu-Comique, au Châtelet, etc. Elle a surtout réussi
dans le drame populaire. Parmi ses meilleurs rôles, on
cite : la mère Pailleux de la Poissarde; llose Marquis des
Mères repenties; V Aïeule; Klytaimnestra des Erynnies;
Marfa de Michel Sti^ogojf, etc. Elle a fondé l'Orphelinat
des arts. Elle se remaria en 1859 avec l'acteur Desrieux,
mort en 1876.
LAURENT (Jean-Emile), économiste français, né à Bor-
deaux le 40 août 4830. Après avoir occupé divers postes
dans l'administration préfectorale, il fut promu en 4874
préfet du Tarn et devint successivement préfet de la Dor-
dogne (4872), secrétaire général de la préfecture de la
Seine (1873), préfet de la Manche et du Doubs (4877),
préfet du Calvados (4878) et enfin président du conseil de
préfecture de la Seine (4879). Auteur d'importants tra-
vaux d'économie politique, il fut nommé en 4872 membre
correspondant de l'Académie des sciences morales et poli-
tiques. Citons de lui : Etudes sur les Sociétés de secours
mutuels (Paris, 4857, in-42) ; le Compag^ionnage
(1860, in-8); le Paupérisme et les associations depré-
voyance (1860, gr. in--8) ; les Friendly Societies an--
glaises {{%^{), in-12) ; la Liberté de r imprimerie et de
la librairie (1869, in-8); la Législation et V adminis-
tration des hôpitaux et Iwspices (1875, in-8) ; l'Etat
actuel de la question des enfants assistés (1876, in-8) ;
les Logements insalubres (1882, in-8).
LAlJRENT(Mathieu-Paul-llermann), mathématicien fran-
çais, lils du chiuiiste Augtîste Laurent (V. ci-dessus), né
à Luxembourg le 2 sept. 1844. Sorti de l'Ecole polytech-
nique en 1862 et de l'Ecole d'application de Metz en 1864,
il fut un an lieutenant du génie, démissionna, se lit rece-
voir en 1865 docteur es sciences mathématiques avec deux
thèses intitulées : De la Continuité dans les séries et Sur
les Lignes isothermes, et fut nommé l'année suivante ré-
pétiteur d'analyse à l'Ecole polytechnique. Pendant la guerre
de 1870, il reprit du service actif dans le génie, fut déta-
ché après la paix à l'Ecole polytechnique comme inspecteur
des études, mais quitta de nouveau l'armée en 1872 et ne
conserva à l'Ecole polytechnique que ses fonctions de répé-
titeur. 11 les exerce toujours (1895). 11 est en outre depuis
1883 examinateur d'admission à la même école et depuis
\ 889 professeur de mathématiques à l'institut agronomique.
On lui doit d'importants travaux sur l'élimination, sur les
séries, sur les imaginaires, etc. Il a donné notamment une
théorie nouvelle de l'élimination qui permet de mettre
la résultante sous forme explicite pour un nombre quel-
conque d'équations, une théorie des équations aux déri-
vées partielles fondée sur ce principe nouveau que les con-
ditions d'intégrabilité regardées comme nécessaires et suffi-
santes peuvent être réduites à un nombre moindre, une
théorie des différentielles à indices quelconques établie,
pour la première fois, sur des bases rigoureuses, il est,
d'autre part, l'auteur d'ouvrages classiques très estimés,
dans lesquels, fervent disciple de Cauchy, il s'est surtout
inspiré des méthodes de l'illustre analyste : Traité d'aU
gcbre (Paris, 1867, 3 vol. in-8 ; 4« éd., 1887 ; 5« éd. du
t. Ill, 4894) ; Traité de mécanique rationnelle (Paris,
4874, 2 vol. in-8; 3'^ éd., 4889); Traité d' analyse [Va.^
ris, 4885-94, 7 vol. in-8), le plus complet et le plus étendu
sur la matière. Il a encore publié : Théorie des séries (Pa-
ris, 4864, in-8); Théorie des mic[2is(Paris,4865, in-8);
Tliéorie des équations différentielles ordinaires simul-
tanées (Paris, 4873, in-8) ; Théorie élémentaire des
fonctions elliptiques (Paris, 4882, in-8); Théorie des
jeux de hasard (Paris, 4893, in-42); Tliéorie et pra-
tique des assurances sur la vie (Paris, 4895, in-42); -—
ainsi qu'un grand nombre de mémoires originaux épars
A-àXi^\e& ISouvelles Annales de mathématiques, dans le
Journal de Liouville, dans le Journal de P Ecole polq-
technique, dans les Comptes rendus de V Académie des
sciences, etc. il dirige, avec M. Laisant, la partie mathé-
matique de la Grande Encyclopédie. L. S.
LAURENT (Charles-Michel-Ciément Quilleveré, dit),
pubhciste français, né à La Haye le 40 août 4849, fils de
Marie Laurent (V. ci-dessus). Secrétaire de la rédaction de
la France sousE. de Girardin, il fonda en 4884 le jour-
nal Paris où il fit une campagne très vive contre le bou-
langisme, et en 4890 le Jour, il fut de 4894 à 4893 con-
seiller municipal de Paris pour le quartier du faubourg
Montmartre.
LAURENT DE IliLLÉ(V. Rillé).
LAURENT DE ViLLEDEmL (Pierre-Charles), administra-
teur français, né à Paris en 4740, mort à une date incon»
— 1039 -
Î.AURENT ~- LAURENTUM
nue, dans l'émigration. Il était fils de Pierre-Joseph Lau-
rent (V. ci -dessus) et remplaça M. de Fourqueux au
contrôle général des finances le 3 mai 1787, passa au mi-
nistère de la maison du roi et de Paris le 25 juil. 4788,
donna sa démission le 46 juil. 4789 ; pourtant sa corres-
pondance ministérielle n'est close que le 21 juil. de la môme
année. Il avait succédé au baron de Breteuil, mais il n'eut
d'abord dans ses attributions ni les lettres de cachet ni le
clergé, que Loménie de Brienne s'était réservés. C'est seu-
lement après le rappel de Necker que l'ancien département
de 4757 recouvra son intégrité. 11 fut de la première émi-
gration, mais reparut en France à diverses reprises : le
26 févr. 4793, Jean Debry signale sa présence à Boulogne,
au cours d'une délibération de la Convention sur les émigrés.
On perd sa trace à partir de cette époque. IL Monin.
BiBL. : Almanachs royaux. — Moniteur 7'êimprimê^ In-
troduction^ p. 226, t, 1,' pp. 107, 228 ; t. XV, p. 567. ~
H. Monin, t:tat de Pans en n89;Vixvis, 1889, in-8,ch. xii
et passim.
LAURENT GiusTiNiANi (Saint), dit saint Laurent Justi-
nien^ premier patriarche de Venise, né en 4381, mort en
4465. Béatifié en 4524 par Clément Vil, canonisé en 4690
par Alexandre Vlll. Fête le 5 sept. Ba connaissance de la
r>ible et des éci'its des Pères lui lit donner io surnom de
Philosophas, OEuvres principales : hisiituliones monaS'
ticœ (Brescia, 4502), apologie de la vie monastique et de
la continence ; De Comptinctione et complanctu chris-
tianœperfectionis (Brescia, 4506), plaintes sur les mœurs
du clergé et nécessité de les réformer ; Sermones in sanc-
torum solemnitatibus (Brescia, 4506), plusieurs fois tra-
duits en langue vulgaire ; De Corpore Christi (Brescia,
4506).
LAURENT-l*iCîiAT (Léon), homme politique et pubhciste
français, né à Paris le 42 jud. 4 823, mort à Paris le 12 juin
4886. Mis en possession dès l'âge de dix-huit ans d'une for-
tune considérable, il entreprit avec son ami Henri Chevreau
une longue excursion en Italie, en Grèce et en Orient, et
tous deux publièrent, au retour, un premier recueil collectif
de poésies: les Voyageuses (48i4, gr. in-8). Collabora-
teur du Progrès de l'Aube, journal pohtique, rédigé à
Troyes par Louis Ulbach, son autre ami intime, il fonda
en 4854 avec lui la Pievue de Paris^ dont Maxime Du Camp
partagea la direction jusqu'à sa suppression par décret
(janv. 4858). En même temps il subventionna un recueil
d'érudition, la Coirespondance littéraire, adressait au
Phare de la Loire à Nantes un courrier politique très
remarqué, donnait une série de conférences rue de la Paix,
préparait la publication d'une Encyclopédie générale,
dont il abandonna ensuite la direction, et fut le principal
bailleur de fonds du lléueil de Deiescluze (4869). Elu re-
présentant delà Seine le 8 févr. 4874, il siégea à Pextrême
gauche et prit part à quelques-unes des plus importantes
discussions de l'Assemblée nationale qui le comprit au nom-
bre des sénateurs inamovibles nommés par elle. Tour à tour
poète, romancier et critique, Laurent-Pichat a publié:
Libres Paroles (4847, iïi-8), poésies ; la Chronique rimée
(4856, in-8); Avant le jour (4870, in-48) ; les liéveils
(4880, in-8) ; des romans et nouvelles: Cartes sur table
(4855, in-48); la Païenne (4857, in-48); la Sibylle
(4869, in-48) ; Gaston (4860, in-42) ; le Secret de Poli-
chinelle (4862, in-48) ; Commentaires de la vie (4868,
in-12); les Poètes de combat (1862, in-18), recueil des
conférences mentionnées plus haut ; VArt et les Artistes
en France (4859, in-46), faisant partie de la Bibliothèque
utile. M. Tx.
LAURENTIDES (Montagnes) (V. Canada).
LAURENTIE (Pierre-Sébastien), publiciste français, né
à Houga (Gers) le 24 janv. 1793, mort à Paris le 9 févr.
4876. Répétiteur de littérature à l'Ecole polytechnique
(4848), il devint en 4822 inspecteur général des études,
fut révoqué pour sa collaboration à la Quotidienne, en
4834 fonda le Courrier de V Europe et le Rénovateur
qui finirent par se fondre avec la Quotidienne dont il prit
la direction et où il publia sa fameuse thèse « sur la Li-
berté fondée sur le Droit divin ». Poursuivie par le gouver-
nement, la Quotidienne devint V Union monarchique,
puis r (J»io/i (1848), que Laurentie dirigea Jusqu'en 1859.
Il a énormément écrit. Citons : De V Eloquence publique
(Paris, 4819, in-8); Considérations sur les constitu-
tions démocratiques (4826, in-8); Histoire des ducs
d'Orléans (4832-34, 4 vol. in-8) ; De la Piévolution en
Europe (4832, in-8); Lettres sur V éducation {i^'dlS,
2 vol. in-8); les Crimes de T éducation française {l^l'i,
in*8).
LAURENTIEN (Terrain) (V. Paimitif [Terrain] et
Canada, t. Vlll, p. 4459).
LAURENTIUS (Pétri), réformateur suédois (V.Petrï).
LAURENTIUS Andre.e ou Mâster LARS, réformateur
suédois, né probablement à Strengnses vers 4480, mort à
Strengnœs en 1552. On sait fort peu de chose de sa jeu-
nesse ; ce qui semble certain, c'est qu'il fut reçu bachelier
à l'université d'Upsal en 4498, et que, la même année, il
séjourna quelque temps à Rome d'abord, puis à Kostock,
où il fut inscrit comme étudiant, et enfin à Leipzig. Acquis
par Olaus Pétri aux doctrines de Luther, il fut bientôt en
Suède un des propagateurs les plus ardents du protestan-
tisme ; il était alors archidoyen à Strenguics. En 4523, il
fut présenté au roi, sur l'esprit duquel il exerça bientôt
une grande intluenco : aussi c'est avec raison qu'on lui
attribue d'avoir gagné aux nouvelles doctrines Gustave
Vasa, qui lit de lui son chancelier. Jusqu'en 4534 4.auren-
tius jouit de la faveur royale ; mais il rompit avec son souve-
rain lorsque celui-ci commença à subir l'influence du Hol-
landais Peutingcr et du Pomèranien Georg Neuman. Il fut
mémo, en 4539, accusé, ainsi qu'Olaus Pétri, du crime de
haute trahison ; tous deux furent condamnés à mort, et ne
purent se racheter qu'en faisant abandon de tous leurs
biens à l'Etat. H passa dans la retraite, à Strengnœs, les
douze dernières années de sa \ie. C'était un des hommes
les plus instruits de son temps, mais il n'a laissé qu'un
traité sur la foi et les bonnes oeuvres (4528), et c'est sans
doute à tort qu'on lui a attribué la traduction suédoise du
Nouveau Testament, publiée avec des commentaires en
4526. En 4879, on a élevé à Strengnœs un monument à
sa mémoire. Th. C.
BiBL. : Th. Strômberg, Minnesieckning af Laur. An-
dreœ. — 8ghûuk, Svensh Literatur histoha; Stockholm,
1890, 1, p. 219. — Du même, ŒfversàLiaren afNya Testamen-
tet, dans lo. Siimlaren, 152(5. — Du môme, Cancelleren Laur.
Andréas tankar om presterkapet ; id., 1886. -- Rundgrkn,
Minne af Kyrkoreformatoi^en Laurontius Andreoi, dans
Svenska Akad. llandL, 1803.
LAURENTIUS Norvegus ou LAURENTIUS Nigolai,
appelé aussi Klosterlasse, jésuite norvégien, né en 4538,
mort à Yilna en 4622. Disciple des jésuites de Louvain, il
fut envoyé en Suède pour ramener, si possible, ce pays à
la foi catholique ; il déploya à cette œuvre, de 4576 à
4580, sous le règne de Jean III, une activité que le roi
approuvait presque publiquement. Au début de sa mission,
il ne s'était d'ailleurs pas fait connaître, et s'était appliqué
à ne prêcher et à n'enseigner que des doctrines admises
par les protestants ; bientôt, grâce à son éloquence, il ras-
sembla de nombreux disciples dans le collège qu'il dirigeait
à Riddarholm, dans un ancien couvent. En 4580, ayant
perdu la faveur du roi, à la suite, croit-on, de négocia-
tions avec le saint-siège, qui n'avaient pas abouti, il se
retira à Drottningholm et quitta peu après lo royaume pour
se retirer à Riga, puis à Vilna où il mourut. Th. C.
LAURENTUM. Ville très ancienne du Latium (V. ce
mot), au S.-O. d'Oslie, au Heu dit aujourd'hui Tor di Pa-
tcrno. Elle paraît avoir eu une certaine importance com-
merciale au temps des rois de Rome. l*lus tard elle resta
fidèle à Rome lors de la guerre latine, La légende y j)la-
çait la capitale du roi Latmus, auprès de laquelle Enée dé-
LAURENTUM — LAURIE
d040
barqua en Italie (Enéide) ; elle fut redevable à son impor-
tance religieuse d'être associée à toutes les histoires légen-
daires sur la fondation de Rome (V. Layinium).
LAURÉOLE (Bot.) (V. Dàphné).
LAURESSES. Corn, du dép. du Lot, arr. de Hgeac,
cant. de La Tronquière; 4,023 hab.
LAURET. Com. du dép. de l'Hérault, arr. de Mont-
pellier, cant. de Claret ; 160 hab.
LAURET. Com. du dép. des Landes, arr. de Saint-
Sever, cant. de Geaune; 249 hab.
LAURET! (Tommaso), dit II Siciliano, architecte et
peintre italien, né à Palerme en 4508, mort à Rome
en 4564. Il vint travailler à Rome sous la direction de
Sebastiano del Piombo, puis il alla passer plusieurs années
à Bologne où il construisit en 4564 la fontaine qui fut
ensuite surmontée de la statue de Neptune par Jean Bou-
logne et peignit pour l'église San Giacomo Maggiore plu-
sieurs tableaux, la Vierge avec des saints y les Funé-
railles de saint Augustin et la Résurrection. Le pape
Grégoire XIII l'appela à Rome où il exécuta des fresques
importantes : au Vatican, le plafond de la Stanza de Cons-
tantin, avec des sujets moitié historiques, moitié allégo-
riques, empruntés au Triomphe du christianisme, d'ans
le palais des Conservateurs (deuxième salle à droite après
l'ancienne chapelle), Brwte et ses fils^ Horatius Codés,
Miicius Scevola, Aulus Postumius au lac Régille. Lau-
reti fut directeur de l'Académie de Saint-Luc. E. Bx.
BiBL. : Vasari, éd. Milanesi, t. V, pp. 585-86, et VII,
p. 645. — Baglione, Vite de' pittori, scultori ed archit-
teili, 1573-i6i2; Rome, 1642, in-4. — Lanzi, Storia pitto-
rica delV Italia, t. IL
LAURÉUS ou LAUR/EUS (Alexander), peintre suédois,
né à Âbo en 4783, mort à Rome en 4 823. Elève de l'Ecole
des beaux-arts de Stockholm, il peignit d'abord des por-
traits et quelques tableaux d'histoire, puis s'essaya aux
tableaux de genre, qui lui valurent ses premiers succès.
Son dessein manque parfois de vigueur, mais il est toujours
exact ; les scènes familières qu'il reproduit sont pleines de
fraîcheur et très souvent curieuses par les effets de lumière
qu'il se plaît à étudier: clair de lune, lueur d'orage ou
clarté incertaine de la lampe. En 4847, grâce à une bourse
de voyage, il se rendit à Paris et y suivit, sans grand
avantage, semble-t-il, l'enseignement de Hersent; de Paris,
il passa à Rome, où il étudia le plein air et donna plus de
largeur à sa peinture. Voici le titre de quelques-unes de
ses toiles les plus connues : Finnois autour du feu au pied
dhine montagne; Vieille Femme qui chante dans son
livre de psaumes, en remuant la soupe; Barque chargée
de gens et de bétail à la lueur d'un éclair; Famille
lisant autour d'une table; Soirée dansante {i%\i)\
Gustave Vasa échappant aux Danois (4845); Jeunes
Filles de Tivoli; Brigands au milieu des ruines de la
campagne romaine ; Deux Brigands italiens interro-
geant une famille de paysans (4823) ; Brigands enle-
vant des femmes^ éclairés par des torches, — En 4824
on fit à Stockholm, au profit de sa veuve, une exposition
où l'on put réunir soixante-cinq de ses œuvres. Th. C.
LAURI (Baldassare), peintre flamand, né à Anvers
en 4570, mort à Rome en 4642. Son nom n'est connu
que sous cette transcription italienne. Après une série de
voyages sur lesquels on ne sait rien de précis, il se fixa à
J\ome, où il peignit des paysages dans la manière de son
ami, Paul Bril.
LAURI (Francesco), peintre italien, né à Rome en 4 640,
mort en 4635, fils du précédent. Il fut d'abord élève
de son père, puis il entra dans Tatelier d'Andréa Sacchi,
qui lui promit le plus brillant avenir et l'appelait un second
Raphaël. A une époque où les peintres du Nord venaient,
comme avait fait le père de Francesco, chercher des leçons
en Italie, le jeune artiste eut assez d'esprit d'indépendance
pour ne pas se contenter des modèles jqu'il avait sous les
yeux et alla étudier les maîtres étrangers, en Allemagne,
en Flandre, en Hollande et même à Paris. Il serait curieux
de voir l'influence que des modèles si différents avaient pu
produire sur un artiste bien doué ; malheureusement, Fran-
cesco mourut, tout jeune encore, quelques mois après son
retour à Rome. Sa seule œuvre connue, assez insignifiante,
est un plafond du palais Crescenzi, représentant les Trois
Grâces. H est impossible d'admettre, avec Fidrillo, qu'il
ait peint des personnages dans les tableaux de Claude
Lorrain. E. Bx.
BiBL. : Orlandi, Abecedario piltorico, accreschUo da
P. GuARiENTi; Venise, 1753, in-4. — Baldixugci, Notizie
di professori del disegno; Florence, 1681-1728, t. IV. —
FioRiLLo, Geschichte der zelchnenden Kûnste ; Gœttingue,
1798-1808, t. IV.
LAURI (Filippo), peintre italien, né à Rome en 4628,
mort à Rome en 4694, frère du précédent. Il eut pour
maître son beau-frère, Angelo Caroselli, et dut beaucoup
à l'exemple de son père. Comme celui-ci, il ne peignit
guère que des tableaux de petite dimension, où le paysage
tient une grande place ; ce n'est, dit-on, qu'à la suite
d|une gageure qu'il peignit les deux figures colossales
d'Adam et à'Eve, dans la chapelle Mignatelli, à Santa
Maria délia Pace. Raphaël Mengo avait une grande admi-
ration pour un Saint Xaxier de Filippo Lauri, qui se
trouvait dans une collection particulière. Les œuvres prin-
cipales de ce peintre sont : Vénus avec les Saisons (pa-
lais Doria) ; une suite de paysages au palais Borghèse :
Saint François malade ravi par la musique des anges,
un Sacrifice à Pan (musée du Louvre), Madeleine aux
pieds du Christ (musée de l'Ermitage, à Saint-Péters-
bourg); Vénus, r Amour et Pan (collection de lord Mon-
tagu). Un assez grand nombre des tableaux de Filippo
Lauri ont été gravés, en France par Valé et Levasseur,
en Angleterre par Byrne, Majori, Wright, etc. E. Bx.
BiBL. : Orlandi, Abecedario piltorico, accresciuto da
P. Guarienti; Venise, 1753, in-4.
LAURIA. Ville d'Italie, prov. de Potenza (Basilicate), à
4 5 kil. S. de Lagonegro, sur la r. g. de la Noce ; 4 0,000 hab.
(pour la com.). La ville haute entourée de murs, sur la
colline, domine la ville basse située dans la vallée. C'est la
patrie du célèbre amiral italien Roger deLauria (ou Loria).
LAURIAN (A. -T.), écrivain et homme politique roumain,
né en Transylvanie, dans le village de Fofeldea, en 1840,
mort en févr. 4884.11 compléta ses études à Vienne et fut
professeur de philosophie au collège de Saint-Sabbas,
à Bucarest, entre 4842 et 4848. En 48 i8, il revient
dans son pays natal pour y jouer un rôle important dans
le mouvement révolutionnaire roumain . Il passe ensuite en
Moldavie(4854),otiil futinspecteurdes écoles jusqu'en4858.
Après cette date, il se fixa à Bucarest comme professeur
(plus tard doyen) à la faculté des lettres. Ses œuvres sont :
Tentamen criticum in originem, derivationem et for-
mam linguœ Romanœ, in utraque Dada vigentis, vulgo
valachicœ (Vienne, 4848); la Témisienne, avecN. Bal-
ccscu (trad. franc, d'un livre paru en roumain en 4848) ; le
Magasin historique pour la Dacie, publication périodique,
qu'il rédigea avec Nicolas Balcescu de 4845 à 4847 (Buca-
rest, 5 vol.) ; une Histoire des Roumains {hssy , 4853,
3 vol., supplément, 4857 ; 2^ éd., Bucarest, 4862, en un
vol.) ; le Dictionnaire et le Glossaire de la langue rou-
maine, avec J. Massimu (1874-76). On lui doit aussi la
publication de la Chronique de Sincai. Distingué comme
historien, Laurian représente, comme philologue,' de la ma-
nière la plus parfaite, le courant latiniste, qui voulait im-
poser aux Roumains une langue réformée, ramenée jus-
qu'au ridicule au type latin et purgée de tout élément
étranger. N. Jorgâ.
BiBL. : J. Bianu, dans la Nouvelle Revue roumaine, II.
LAURICOGHA. Lac du Pérou, à 220 kil. N. de Lima,
une des deux sources du Maranon.
LAURIE. Com. du dép. du Cantal, arr. de Saint-Flour,
cant. deMassiac; 508 hab. Eglise du xiv® siècle, qui a
conservé de curieuses sculptures grotesques. Ancien châ-
teau du xve siècle avec remaniement du xvir\
LAURIE (André) (V. Grousset [Paschal]).
LAURIE (Simon Sommer ville), philosophe écossais, né
à Edimbourg le 43 nov. 4829. Fils d'un ministre presby-
1041 —
LAURÏE — LAURIER
térien, il prit ses grades à l'université d'Edimbourg, puis
voyagea comme précepteur sur le continent. De retour, à
vingt-cinq ans, il fut nommé secrétaire du comité d'édu-
cation de l'Eglise d'Ecosse, qui avait alors (elle l'eut jus-
qu'en 1872) la haute main sur l'éducation publique. Dans
cette fonction, qui impliquait l'inspection des écoles, voire
des écoles normales, il s'initia à toute la vie scolaire et au
détail des questions pédagogiques. En 1856, il devint en
outre visitor de la grande fondation Dick (Dick Bequest)
qui avait pour but d'élever la culture littéraire des institu-
teurs dans le N.-E. de l'Ecosse et le niveau de l'instruction
dans les écoles paroissiales en convertissant celles-ci en
écoles primaires supérieures, ce qu'on appelle en Angle-
terre iïi^/i^r-^rari^ elementary schools. Le but fut atteint.
Aujourd'hui la grande majorité des instituteurs sont gra-
dués d'une université et dans aucune autre contrée du
monde une aussi large proportion d'enfants des districts
ruraux ne reçoivent une instruction aussi complète. — La
question de la réforme des hôpitaux en Ecosse fut soulevée
en 1869 par M. Laurie. Pourvus de riches dotations, ces
établissements devaient élever et instruire les orphelins de
la classe commerçante : la réforme, préparée par une com-
mission dont M. Laurie était le rapporteur, consista à
étendre à tous ces enfants le bénéfice de l'instruction
secondaire. — En 1876 fut fondée pour M. Laurie àTuai-
versité d'Edimbourg une chaire de « théorie, histoire et
art de l'éducation », la première qui ait existé en Grande-
Bretagne. Bien des gens doutaient que ce fût là un objet
d'enseignement supérieur : le professeur triompha des ré-
sistances de l'opinion et fit reconnaître de tous non seule-
ment la nécessité de cet enseignement pour la préparation
des maîtres, mais sa valeur pour la culture générale des
étudiants. Aujourd'hui, dans toutes les universités d'Ecosse,
les questions d'éducation sont parmi celles dont la connais-
sance est requise pour le grade de Master of arts,
M. Laurie a publié en 1866 : Primary Instruction in
relation to Education (Mmhonrg, 1890,4® éd.); puis,
des nombreux articles, essais et rapports écrits dans l'exer-
cice de ses fonctions, il a recueilli les principaux en trois
volumes parus à intervalles : ïhe Training of the Teacher
and oiher educational papers (Londres, 1881); Occa-
sional Addresses on educational subjects (Cambridge,
1888) ; Teachers' Guild Addresses (Londres, 1892). Il a
donné d'autre part : ïhe Rise and early Constitution
of Universities^ wiih survey of Mediœual éducation
(Londres, 1886) ; The Life and educational writings
of Comenius (tmnïmàge, 1892, 3® éd.); Lectures on
Language and Linguistic Method in the school (Cam-
bridge, 1890; 2« éd., 1893) ; Institutes of Education,
with an Introduction to rational psychology (Edim-
bourg, 1892) : tous ouvrages très répandus en Angleterre
et en Amérique. En outre, M. Laurie a publié sous le
pseudonyme de Scotus Novanticus deux livres de philoso-
phie pure : Metaphysica nova et vetusta (1889, 2® éd.) ;
Ethica or the Ethics of Reason (1891, 2® éd.). Le pre-
mier est une critique de la connaissance. L'idée dominante
de l'auteur est la distinction qu'il établit entre la vie ani-
male de « récipience et d'association » et la vie humaine
de « percipience et de raison ». Le passage de l'une à
l'autre est l'œuvre de l'activité pure de la volonté et fait
du sujet animal un moi, une personne consciente. Par ce
processus, « la raison universelle ou divine se reproduit
dans les individus finis ». Cette vue ne serait cas sans
analogie avec celles de Hegel, si l'auteur n'insistait forte-
ment sur le dualisme de la pensée et de la nature, sur la
réalité de la personnalité individuelle et de la liberté. En
morale, M. Laurie combat à la fois l'intuitionisme et l'hé-
donisme, identifie l'idée et le sentiment du devoir avec
ridée et le sentiment de l'harmonie intérieure. Réaliser en
soi-même sa loi ou h^ixrhiie harmonia morum, en pre-
nant pour signe certain et pour récompense la paix qui en
résulte, voilà la tâche de tout homme. Là est aussi la base
de la philosophie sociale et politique de M. Laurie. H. M.
GRANDE ENCYCLOPÉDIE. — XXL
LAURIER. I. Botanique. — {Laurus Tourn.). Genre
de plantes Dicotylédones qui a donné son nom à la famille
des Lauracées. Des nombreuses espèces qui y entraient
naguère, il ne reste plus que deux caractérisées comme il
suit : fleurs hermaphrodites ou dioïques, régulières, cons-
truites sur le type binaire ; dans les fleurs hermaphrodites,
le réceptacle concave porte deux sépales extérieurs et deux
folioles (sépales ou pétales) alternes plus intérieures, puis
plus intérieurement six verticilles de deux étamines, les
deux plus extérieures oppositisépales, les deux suivantes
alternes, et ainsi de suite; filets accompagnés de deux
glandes latérales, anthères biioculaires déhiscentes par deux
panneaux et introrses ; gynécée libre, inséré au centre du
réceptacle ; il est constitué par un ovaire uniloculaire, sur-
monté d'un style à extrémité stigmatifère renflée, renfer-
mant un seul ovule anatrope et suspendu ; dans les fleurs
mâles, l'ovaire est stérile ; dans les fleurs femelles n'exis-
tent que quatre étamines stériles ; le fruit est une baie
monosperme ; la graine, dépourvue d'albumen, renferme un
embryon épais et charnu . Les Laurus sont des arbres de
l'Asie Mineure et des Canaries, à feuilles alternes, simples,
coriaces, persistantes, à fleurs réunies sur de petits axes
communs, insérés dans l'aisselle des feuilles ; l'inflores-
cence est formée de glomérules réunis autour d'un bour-
geon central et enveloppés par de grandes bractées imbri-
quées. — Le Laurus nobilis L. (I. vulgaris C. Bauh.),
encore appelé Laurier d'Apollon, L. commun, L. sauce,
Laurus nobilis.
L. franc, L. à jambons, est un bel arbre de 3 à 13 m. de
haut, originaire de l'Asie Mineure et répandu sur les côtes
de la Méditerranée ; il se trouve à l'état rustique jusqu'en
Corse; il est cultivé dans la plupart des jardins, mais
supporte difficilement les hivers de Paris. Le fruit est une
baie ovoïde, à pédoncule grêle, lisse, odorante, aroma-
tique ; on en retire une huile grasse, concrète, de couleur
verte, accompagnée d'une huile essentielle aromatique ; les
feuilles renferment la même essence; elles sont surtout
employées dans l'art culinaire ; elles sont excitantes et, à
haute dose, narcotiques. L'huile de laurier s'emploie en
médecine vétérinaire. On s'en sert aussi pour badigeonner
les boucheries parce que son odeur écarte les mouches. Le
L. canariensis Webb. habite les îles occidentales du N.
de l'Afrique.
66
LAURIER — 1042
Beaucoup d'anciens Laurus^ tels que: L. camphora L.,
L. cassia Burm., L. cinnamomumL.^ L, culilawan L.,
L. malabathnim Burm., L. porrecta Roxb., etc., ren-
trent dans le genre Carinellier (V. Cinnamoiium) ; le L. cas-
sia L., le L. glauca Tlibg. et le L. involucraia Valil
sont des Litsœa (V. ce mot), le L. benjoin L. est un
Lindera (V. ce mot); le L. persca L. un Persea (V. ce
mot), le L. picimrim un Nectandra (V. Negtandre), le
L. sassafras L. un Sassafras (V. ce mot). Enfin on donne
vulgairement le nom de Lauriers à des plantes qui s'en
rapprochent plus ou moins par le feuillage, mais appar-
tiennent à d'autres genres et même à des familles distinctes.
Le Laurier alexandrin est un Fragon (V. Ruscus), le
L. cerise un Prunier ou Cerisier (V. Lâurier-Gerise), le
L. rose un Nerium (V. ce mot), le L. de montagne un
Kalmia (V. ce mot), le L. de Saint- Aîitoine un Épilobe
(V. ce mot), le L. tin une Viorne (V. ce mot), le L. tu-
lipier un Magnolia (V. ce mot).
IL Paléontologie. — Le genre Laurus fait sa première
apparition dans le crétacé et se trouve représenté à la fois
dans le turonien de France (L. prœatavia Sap. et Mar.,
à Bagnols), le cénomanien du Missouri (Dakota-Group) et
le cénomanien du Groenland (flore d'Atané). Le type du
L. nobilis^ dont le L. canariensis n'est qu'une race, est
représenté dans le paléocène (forêt de Gelinden, étage
heersien) par le L. Omalii Sap. et Mar. et dans l'éocène
par le L. Decaisneana Heer. « Lors de l'éocène supé-
rieur des gypses d'Aix, dit de Saporta, le même type com-
prend un certain nombre de formes, parmi lesquelles il faut
distinguer le L. primig enia \]ng. , dont les variétés larges
conduisent insensiblement au L. canariensis. Il semble
que les formes étroites de ce même L. primigenia sont en
même temps les plus anciennes, marquant l'existence d'une
race due à l'influence du climat éocène ; les effets de cette
influence s'atténuent graduellement, à mesure que Ton
s'avance vers l'aquitanien et à Armissan d'abord, à Ma-
nosque ensuite, la liaison entre les feuilles amplifiées du
L, primigenia et celles des L. canariensis et nobilis se
prononce de plus en plus. Le L. pr inceps Heer, du mio-
cène supérieur, se rapproche plus encore de notre laurier,
dont la race canarienne se montre enfin, avec tous les ca-
ractères que nous lui connaissons, dans le pliocène infé-
rieur (calcaires concrétionnés) de Meximieux. » C'est le
L. nobilis lui-même qui se trouve dans les tufs calcaires
(quaternaires) de Montpellier. On voit que le genre Laurus
a été refoulé de plus en plus par le froid, depuis les ré-
gions circumpolaires (crétacé) vers le centre de l'Europe
(miocène) et vers la région méditerranéenne (quaternaire).
Dr L. Hn.
ni. Thérapeutique. — Les anciens lui attribuaient des
propriétés médicatrices nombreuses. Sous l'empire d'idées
religieuses, ils le considéraient comme purifiant et en fai-
saient un préservatif assuré contre les morsures veni-
meuses et les maladies contagieuses. Plus tard, on en fit
une véritable panacée : Dioscoride regardait les feuilles
comme astringentes et vomitives, la partie verte de l'écorce
comme lithontriptique ; Myrepsus recommandait les fruits
contre la toux ; Actuarius vantait les feuilles comme car-
minatives. Le laurier est aujourd'hui descendu de l'officine
à la cuisine. D^ R. Bl.
IV. Horticulture.— Le Laurier, Laurus nobilis L.,
L, d'Apollon^ L. sauce, est cultivé partout en France,
Sous le climat de Paris, on le place à l'abri d'un mur, à
l'exposition du midi et, bien souvent, il convient de le pro-
téger contre les froids de l'hiver, par une couche de feuilles
ou de paille. Il y reste de petite taille et on l'y recherche moins
pourrornomenlation que pour ses feuilles aromatiques. Dans
le Midi, bien qu'il succombe parfois sous les hivers rudes,
dans rOuest, en Algérie, en Corse, il atteint de belles di-
mensions. Son feuillage touffu et luisant le rend très déco-
ratif. On le plante en massifs ou par pieds isolés dans les
jardins paysagers. On en fait aussi des haies durables,
belles et très denses. Le Laurier se plaît dans une terre
fraîche et substantielle; mais, lorsque le climatlui convient,
il prospère encore dans les sols de qualité médiocre. On le
multiplie de boutures, de marcottes, d'éclats du pied et
aussi par le semis des fruits, en pleine terre ou sur couche
selon le climat. Il a fourni des variétés à larges feuilles,
à feuilles panachées ou ondulées que l'on multiplie par
greffes et par boutures. On cultive encore le L. camphrier
(L. camphora L.), dans les jardins méridionaux, le L.
sassafras L., jusque dans le N. de la France. Ces
espèces se multiplient de boutures, de marcottes et de re-
jetons. G. BOYER.
V. Histoire. — Le laurier, que les Grecs appelaient
Daphné (V. ce mot), dut à son parfum d'être de bonne
heure consacré aux dieux. Il le fut spécialement à Apollon,
dieu purificateur. Quand Oreste eut expié le meurtre de sa
mère, sur la fosse où étaient enfouies les victimes immo-
lées en sacrifice, on vit croître un laurier. Apollon lui-même,
se purifiant de la souillure encourue en tuant le monstre
Python, entra à Delphes une branche de laurier à la main.
Le laurier étant consacré au dieu des oracles, de la poésie,
des arts, on admit qu'il donnait la double vue ; on tressa des
couronnes de laurier aux artistes et en général aux héros
victorieux. Elles demeurèrent le symbole de la gloire. C'est
probablement parce qu'on présentait une branche de laurier
au candidat qui avait subi avec succès les épreuves de
rhétorique qu'il fut quaMè de baccalaïu^eatus (bachelier).
— En Angleterre, le roi voulut avoir son poète lauréat.
Ce fut peut-être d'abord le même que le lauréat de rhéto-
rique mis à son service ; le dernier de ceux-ci fut R. Whit-
tington, de l'université d'Oxford (1512). Mais la dignité
de poète lauréat s'est conservée. La première mention en
est faite sous Edouard IV. En 1630, un traitement de
100 livres sterling y fut attaché ; on y joignait une bar-
rique de vin des Canaries que remplaça au temps de Sou-
they un supplément de pension de 27 livres. Le poète lau-
réat était tenu de composer une ode pour l'anniversaire de
la naissance du souverain et parfois pour célébrer une vic-
toire nationale. Ces obligations tombèrent en désuétude à
la fin du règne de Georges 111. Les poètes lauréats furent
depuis 1670: J. Dryden, Nahum Tate, Nicholas Rowe,
Laurence Eusden, Colley Cibber, W. Whilehead, Th. War-
ton, Henry James, Pye, Rob. Southey, W. Wordsworth,
A. Tennyson. A.-M. B.
VL Architecture. — Les couronnes de feuilles de lau-
rier, employées dans l'antiquité gréco-romaine pour ré-
compenser les vainqueurs des jeux publics et pour orner
la tète du général qui revenait victorieux d'une guerre
contre l'ennemi, se retrouvent aussi, non seulement sur
les médailles frappées en l'honneur des victoires, mais en-
core sur les monuments d'architecture destinés à en per-
pétuer le souvenir. C'est ainsi que des couronnes déhcate-
ment sculptées décorent la frise du monument choragique
de Thrasyllus à Athènes et que, à Pompéi et à Rome, des
couronnes et des guirlandes, composées en tout ou en partie
de feuilles de laurier, se voient encore sur des tombeaux
et sur des temples. Depuis la Renaissance, des branches
et des couronnes de feuilles de laurier, souvent mêlées à
des feuilles d'autres arbres et à des fruits, ont entouré les
chiffres disposés sur des tambours de colonnes, des frises,
des piles de pont ou tous autres motifs d'architecture; par-
fois même des fûts de colonnes, comme dans la pompe by-
zantine, furent recouverts de feuilles de laurier sculptées
et comme imbriquées et dorées. Charles Lucas.
LAURIER-Cerise. I. Botanique. ~ Nom vulgaire du
Prunus lauro-cerasus L., de la famille des Rosacées,
de la section Cerasus du grand genre Prunus (V. Ceri-
sier); on l'appelle encore Laurier-Amandier, L. aux crèmes,
L. au lait, Amandier d'Espagne. Les principaux caractères
sont indiqués à l'art. Cerisier; ajoutons qu'il a le récep-
tacle court et les drupes peu charnues. Les feuilles allon-
gées, coriaces et lisses exhalent, quand on les froisse, une
odeur d'amande amère ; elles renferment en effet de l'amyg-
daline qui sous l'influence de l'émulsine se dédouble en
— 1043 ~
LAURIER — LAURIN
glycose, essence d'amandes amères et acide cyanhydrique ;
les graines renferment le même glycoside, D'* L. Hn.
II. TisÉRAPEUTiQUE. — Lcs feuiiles de cette plante sont un
toxique des plus dangereux, par leur essence et surtout
par l'acide cyanhydrique qu'elles dégagent. Quand on les
broie au contact de Feau, leurs propriétés sont celles de
Laurier-cerise (Prunus lauro-cerasus).
cette dernière substance : elles agissent comme un sédatif
nerveux et cardio-vasculaire. On les emploie contre la toux
en général et contre les palpitations nerveuses. L'huile
essentielle, dont une seule goutte est un poison le plus
souvent mortel, n'est jamais employée. On ne se sert que
de l'eau distillée; celle-ci est une préparation assez déli-
cate et sa teneur en acide cyanhydrique est très variable
selon qu'elle provient de feuilles d'Italie on de France,
récoltées en juillet ou au printemps, etc. ; il faut donc la
titrer soigneusement avant de l'employer : le plus souvent
on l'utilise comme véhicule de potions calmantes, à la dose
de 4 à '] 5 gr. Extérieurement elle est employée en lotions
contre le prurit ; enfin elle sert de véhicule ordinaire aux
solutions hypodermiques de morphine. Ajoutons que l'eau
de laurier-cerise est un désodorant très énergique utilisé
en pharmacie pour détruire l'odeur si tenace du musc, et
en médecine pour combattre les sueurs fétides des pieds.
Les feuilles sont quelquefois employées en nature, dans la
médecine populaire, pour aromatiser le lait et les crèmes
et leur donner des propriétés calmantes : cette pratique
n'est pas sans danger. En Amérique, on fait usage de
l'écorce du laurier-cerise. D^' R. Bl.
laurier-Rose (y. Nerium).
LAU RI ER (Clément), avocat et homme politique français,
né à Sainte-Radegonde (Indre) le 3 févr. 1832, mort à
Marseille le 20 sept. 1878. Après s'être fait connaître à
Paris comme avocat d'affaires, il plaida, vers la fin de
l'Empire, des causes politiques retentissantes et acquit une
grande popularité dans le parti républicain. Candidat irr^'-
conciliaÙe dans le Var aux élections de 1869, il fut,
après- le 4 sept., attaché par (xarabetta au ministère de
l'intérieur, comme directeur du personnel et du cabmet,
se rendit un peu plus tard en province, puis en Angleterre,
où il négocia l'emprunt Morgan (oct. 1870) et fut, jusqu'à
la fin de la guerre, un des principaux auxiliaires du gou-
vernement de la Défense nationale. Envoyé par le dép. du
Var à l'Assemblée nationale (8 févr. 1871), il donna sa
démission après le vote des préliminaires de la paix, fut
réélu le 2 juil., proposa en 1872 le rachat des chemins de
fer par l'Etat, demanda peu après que les princes d'Orléans
fussent remis en possession de leurs biens et, à partir de
cette époque, tourna le dos à ses anciens amis politiques
pour se rapprocher de la droite, à laquelle il ne tarda pas
à se donner corps et âme. Après avoir contribué au ren-
versement de Thiers (24 mai 1873), il soutint le gouver-
nement de Vordre moral. Désavoué par ses électeurs du
Var, il se fit envoyer à la Chambre des députés, le 20 févr.
1876, par l'arr. du Blanc, soiitint le ministère de Broglie
pendant la crise du 16 mai et, le 14 oct. 1877, obtint,
comme candidat officieL le renouvellement de son mandat.
-— On a publié de lui après sa mort un volume de Plai-
doyers et Œuvres choisies (1885, in-8). A. Debidour.
LAURIÈRE {Aureria). Ch.-l. de cant. du dép. delà
Haute-Vienne, arr. de Limoges depuis 1822 (antér. arr.
de Bellac) ; 1,434 hab. — Du château féodal plusieurs fois
détruit et relevé, il ne subsiste qu'une tour carrée. L'église
possède un beau reliquaire ciselé provenant des dépouilles
de l'abbaye do Grandmont.
LAURIÈRE (Eusèbe-Jacob de), jurisconsulte français,
né à Paris le 31 juil. 1639, mort à Paris le 19 jaHv. 1728.
Sa fumille était originaire de Loudun et son père occupa
successivement chez Monsieur, frère du roi, et chez le duc
de Longueville la charge de cliirurgien en chef. Eusèbe de
Laurière fut avocat au parlement de Paris en 1669, mais
renonça à plaider pour se livrer aux travaux d'érudition.
Il s'appliqua à l'étude des diverses sources du droit fran-
çais et compulsa tous les documents relatifs aux lois et
usages qui avaient été en vigueur en France depuis le droit
romain. On lui doit d'avoir'commencé le Recueil chrono-
logique des ordonnaîîces des rois de France de la troi-
sième race, recueil connu sous le nom ^' Ordonnances du
Louvre (1723 et années suiv.), et continué depuis par Se-
cousse, Pastoret, Pardessus, jusqu'en 1847 (V. Ordon-
nance). Il a, avec Berroyer, annoté les traités de Duplessis
sur la coutume de Paris (1702 ; nouv. éd., 1754). Il a
aussi édité et annoté les Institutes coutumières de Loisel
(1710). On doit citer également : Sur l Origine du droit
d'amortissement (1692, in-12); Sur le Ténement de
cinq ans (Paris, 1698, in-12) ; Texte des coutumes de
la prévôté de Paris (1698, in-8; 1777, 3 vol. in-12);
Traité des institutions et des substitutions contrac-
tuelles (1715, in-12). Enfin, Laurière a édité, en l'an-
notant et en l'augmentant, le Glossaire du droit fran-
çais de Ragueau (Paris, 1704, in-4). G. R.
BiBL. : Eloge de Laurière, en tôte du t. II des Ordon-
nances des rois de France. — Gaston de Rousiers,
Eloge d'Eusèbe de Laurière^ discours de rentrée de la
conférence des avocats stagiaires, le 23 ianv. 1875 ; Poi-
tiers, 1875.
LAURILLARD (Charles-Léopold), naturaliste français,
né à Blontbéhard le 21 janv. 1783, mort à Paris le 27janv.
1853. Il s'occupa d'abord de peinture et fut chargé par
Cuvier de l'exécution de ses dessins anatomiques"; il se
livra ensuite à l'anatomie comparée et à l'histoire natu-
relle en général et enrichit le Muséum d'un grand nombre
de préparations anaîomiques et d'ossements fossiles, entre
autres d'un squelette de mastodonte. Ouvrages principaux :
Eloge de Cuvier... {IWis, 1844, in-8); les Mammifères
et les races humaines (Paris, 1849, in-8, av. 121 pL),
ouvrage qui fait partie du Règne animal de Cuvier.
LAURIN ou LAUWERYN (Marc), numismatiste belge,
né à Bruges en 1530, mort à Calais en 1581. Il se voua à
l'étude de l'histoire ancienne et réunit de magnifiques col-
lections de numismatique et d'archéologie. Il écrivit la bio-
graphie des premiers empereurs romains et illustra son
ouvrage en y introduisant la reproduction des monnaies.
H parut sous le titre de : C. Julius Cœsar sive ïïistoriœ
imperatorum ùesarumque Romanorum ex antiquis
numismatibus resliiutœ (1563-76, 3 vol. in-foL); c'est
une merveille au point de vue typographique.
Son frère, Guido Laurin, jurisconsulte et philologue,
LAURIN — LAUS
— iOU
né à Bruges vers 1532, mort à Lille en 4589, écrivit un
commentaire des monnaies reproduites dans le Julius Cœsar,
BiBL. : Feys, Documents inédits concernant les frères
Laurin^ àâns les Ann. de la Soc. d'émulation de Bruges^
4« sér., t. IX.
b^ LAURIN (Kail-Oskar-Johan), compositeur suédois, né
en Gotland en 1813, mort au Brésil en 1853. Directeur
du chœur des étudiants à Upsal, il donna une vigoureuse
impulsion à l'étude du chant parmi la jeunesse académique.
Nommé en 1846 professeur au collège de Visby, il n y
resta que peu d'années et se rendit, pour cause de santé,
au Brésil, où il mourut de la fièvre jaune. On lui doit un
grand nombre de chants très populaires en Suède et entre
autres le quatuor : Ma Vie est une onde (Mittlif âr en vâg).
LAURIN US (Laurentinus-Laurentii), écrivain suédois,
né en 1573, mort en 1655. Pasteur aux environs de Lin-
kœping, il a laissé des œuvres suédoises et latines, curieuses
par l'érudition, souvent déplacée, qu'il y étale : Courte
Chronique de la Suède, de Magog au règne de dame
Christine (1647; 2® éd., 1717); Symbola Heroum et
Eeroïdum (1647); Musicœrudimenla(\66^).]\ a com-
posé en outre quelques psaumes.
LAURION (V. Ergastiria et Grèce, t. XIX, pp. Ti^6
et 297).
LAURIQUE (Série) (Chim.). Les composés les plus inté-
ressants appartenant à cette série sont : l'acide laurique, l'al-
déhyde correspondant et son éther glycérique ou trilaurine.
Acide laurique, C^^IP^O^. C'est un acide gras homo-
logue de l'acide acétique dont l'éther glycérique constitue
une partie importante des baies de laurier ; on le rencontre
aussi dans les fèves péchurines, dans le beurre de coco,
dans la graisse de Cylicodaphne sebiferaBi., dans la
graine des fruits de Maugifera gabonensis et même en
petite quantité dans le blanc de baleine. L'acide est inso-
luble dans l'eau et se volatilise avec la vapeur d'eau ; il
fond à 44^. Les laurates sont généralement fusibles, le lau-
rate de magnésie fond à 75°, la plupart des autres fondent
vers 120**. La distillation d'un mélange de laurate et de
formiate de baryum donne l'aldéhyde laurique. C. M.
LAURIS-suR-DuRANCE. Corn, du dép. de Vaucluse, arr.
d'Apt, cant. de Cadenet; 1,436 hab. Stat. du chem. de
fer P.-L.-M.
LAURISTON (Jacques-François Law de), comte de Tan-
carville, général français, né le 20 janv. 1724, mort en
1785. De la famille de Law, il se distingua dans l'Inde, où
il reçut le commandement des troupes en 1766 et devint
maréchal de camp en 1780.
LAU RISTON (Jacques-Alexandre-Bernard Law, marquis
de), maréchal de France, né à Pondichéry le 1^^ févr.
1768, mort à Paris le 12 juin 1828, fils du précédent.
Il entra à l'Ecole militaire en 1784 et s'y lia avec Bona-
parte. Capitaine en second en août 1791, il devint aide de
camp du général de Beauvoir, fit les campagnes de 1792-95
aux armées du Nord, de la Moselle et de Sambre-et-Meuse
et fut promu chef de brigade d'artillerie (1795). Il démis-
sionna le 5 avr. 1796, fut rappelé au service par Bona-
parte qui le prit pour aide de camp (1800). Il eut succes-
sivement la direction de l'Ecole d'artillerie de La Fère et
une mission diplomatique en Danemark (1801), porta en
Angleterre la ratification de la paix d'Amiens (1802), fut
nommé général de brigade, puis de division (févr. 1805) et,
préposé à l'expédition que Villeneuve conduisit aux An-
tilles, débarqua avant le désastre de Trafalgar. Il fit la cam-
pagne de 1805, prit possession des arsenaux de Venise en
1806, occupa Raguse où il se défendit contre les Russes
et les Monténégrins, fut nommé gouverneur général de
Venise (déc. 1807), assista aux conférences d'Èrfurt, fut
créé comte, prit part à l'attaque de Madrid, à la campagne
du prince Eugène en Hongrie, s'empara de Raab, commanda
l'artillerie de la garde à Wagram, où il contribua à la vic-
toire, fut envoyé en mission en Hollande, chargé d'accom-
pagner en France l'archiduchesse Marie-Louise, de ramener
les enfants du roi de Hollande après son abdication. Le
5 févr. 1811, Napoléon le nommait ambassadeur en Russie,
le chargeant de demander l'exclusion des navires anglais
de la Baltique et l'occupation de Riga et Revel par les
Français. Après l'échec de cette mission, Lauriston prit
part à la campagne de Russie, conclut avec Koutousov
l'armistice qui suivit la prise de Moscou, commanda l'ar-
rière-garde durant la retraite. En 1813, il organisa à
Magdebourgle 5^ corps d'armée qu'il commandaità Lutzen,
Bautzen, Wurschen, et y joignit le commandement du
11*^ corps. A la bataille de Leipzig, il était encore en deçà
de l'Elster quand le pont sauta, se jeta dans la rivière,
mais fut pris et interné à Berlin. Il rentra en France après
la Restauration et s'attacha à Louis XVîiï qui le nomma
capitaine des mousquetaires gris. Au moment des Cent-
Jours, il suivit le roi jusqu'à Béthune, puis se retira dans
sa terre de Richecourt (près de La Fère) et après Waterloo
revint au-devant du roi jusqu'à Cambrai. Il fut créé pair
de France le 17 aoiit et nommé commandant de la l''^ di-
vision d'infanterie de la garde. Il présida les conseils de
guerre qui jugèrent l'amiral Linois, le baron Boyer de Pey-
releau et le général Delaborde (1816). En 1817, il fut créé
marquis; en 1820, préposé auxl2« et 13^ divisions mili-
taires (côtes de la Manche). Il fut ministre de la maison
du roi dans les cabinets Richelieu et Villèle, du l'^'" nov.
1821 au 4 août 1824, promu maréchal de France le 6 juin
1823. Chargé de commander le 2® corps de réserve dans
l'expédition d'Espagne, il prit Pampelune.
Son fils aîné, le marquis Auguste- Jea7i' Alexandre, né
à La Fère le 10 oct. 1790, mort en juil. 1860, fut maré-
chal de camp, membre de la Chambre des pairs de Charles X
et de Louis-Philippe, député de l'Aisne à l'Assemblée na-
tionale (1849-51). ~ Le fils cadet, le comte Napoléon,
a répondu dans ses Observations sur les Mémoires du
duc de Raguse (1857) au sévère jugement porté par Mar-
mont sur son père. ^ A.-M. B.
BiBL. : V. Napoléon 1°'^.
LAURIUM (Grèce) (V. Ergastiria).
LAURON (Jean), archéologue et physicien français du
xvi^ siècle, né à Châteauroux. Avocat, procureur et enfin
proTcureur fiscal au siège de Châteauroux. On a de lui :
V Anémographie ou description des vents, avec la cause,
source, nature et propriété d'iceulx(?ms, 1586, in-8) ;
les Dernières Volontés de feu monsieur d'Aulmont,
comte de Chasteauroux, avec les soupirs de Jean Lau-
ron sur les misères de ce temps (Bourges, 1596, in-8) ;
les Deux premières Parties de Chasteauroux, ancien-
nement dit Déolz, où il est discouru au poème épique
de r antiquité, progrès et estendue de cette terre (Pa-
ris, 1613). Ce poème, qui devait avoir cinq chants, ne fut
probablement jamais terminé. M. P.
LAU ROUX. Com. du dép. de l'Hérault, arr. et cant. de
Lodève; 310 hab.
LAURVIG. Ville maritime de Norvège, ch.-l. de l'arr.
de Jarlberg-Laurvig, sur le fjord de Laurvig, à l'embou-
chure du Farrés-elv ; 11,200 hab. Commerce assez actif,
d'une valeur de 10 miUions de fr. environ; exportation
de feret de bois.
LAU S. Ancienne ville de l'Italie méridionale, aujourd'hui
Laïno, sur la côte de Lucanie, à l'embouchure de la petite ri-
vière de Laïno, au S. du golfe de Palicastro.
LAUS (M. -A.), dit de Boissy, littérateur français, né à
Paris en 1747, mort à une date inconnue. Bel esprit, au-
teur de comédies, de petits vers, d'épigrammes agréables;
amant de Fanny de Beauharnais, il joua quelque rôle dans
la société littéraire de ia fin du xvm^ siècle. Citons de lui :
le Quiproquo, comédie (1768) ; r Impromptu, YaudeviMe
(1768); le Double Déguisement, opéra-comique (1771);
la Course ou les Jockeys, comédie (1777); Roberti, drame
(1776); les Vierges de vingt ans, opéra-comique (1793);
les Travers du jour, comédie (1792); la Vraie Répu-
blicaine, vaudeville (1794), etc. ; des romans: Quinze Mi-
nutes, ou le Temps bien employé (1767, in-8); V Infor-
tuné (1768, in-12); Mes Délassements (1771-72, 3 vol.
ioi^;^ ~-
MALAISIE
les hautes montagnes de Sumatra comme dans le Tibf
Les Chevrotains (TragiUiis)^ les plus petits et les p^
primitifs de tous les Rufninants, ont leur centre de ^
persion dans la Malaisie. Les Cerfs de la même région s
blent des races insulaires, c.-à-d de taille amoindrie,
espèces d'Asie {Cervus philippensis, C, mariann
C. molucennsis), et cette dernière a été importée par
Malais jusqu'à la Nouvelle-Guinée. On trouve à Bornéo
race de chevaux domestiques (poneys), dont la taille
dépasse pas celle d'un chien de montagne. La présence d
Pan-iolin {Manls javanica) à Java est nn lien de j
entre la faune de cette région et celle de TAfrique.
Les Oiseaux nous offrent les types les phis caracté;
tiques de la faune orieniale. Au premier rang se p(a(
les ('.2ihos {Bucerolidœ) qui sont très varies et renfern
les plus gros de tous les Passereaux percheurs. Parmi
Gallinacés, l'Argus {Argiisanus giganteus, est propre
Malaisie, et les Gallus ferruyineus et G. Temmmcki
Java, sont probablement les progénileurs sauvages de
Coqs et Poules domestiques. Mais, comme on le con
facdement, la ligne de Wallace n'a pas ici l'imporia
qu'elle présente pour les Mammifères ou les Poissons d'
douce. Des types australiens tels que les Mégapodes,
espèce de Cacatoès, se trouvent jusqu'aux Philifipines ;
genre de Pigeon australien et océanien (Ptilofms) se
pand jusque dans la x^alaisie. En résumé, la faune omit
logique de cette sou^ -région relie la faune australienîi
la faune de l'Afrique. — Les Reptiles et les Batiaciens i
fèrent peu de ceux de l'Inde, et les Poissons d'eau do
se rattachent à la faune indo-chinoise. La limite est ici 1
nette entre la région orientale ou indienne et la région a
tralienne, conmie on peut le constater en passant de I
à Lo'isbok. Les Cyprinidœ ont encore vingt trois genre
Java et à Bornéo, tandis que cette famille fait couipU
ment défaut à Célèbes et aux Moluques, à partir de Le
bok, comme dans toute la région australienne. Le fait
d'autant plus frappant que les Mollusques terrestres (
ferent très peu de Bali à Lombok. ( es Mollusques, l
intéressants par leur grande taille et la variété de lei
formes, sont surtout abondants aux Philippines qui ne p
sèdent pas moins de 400 espèces : les genres Cochlosty
Cyclophorus, Leptopoma sont les plus remarquables.
La Malaisie est, après le N. du Brésil, la région
gb.be la plus riche en Insectes de tous les ordres. Les I
pillons les plus caractéristiques sont les genres Euplo
Hestia, Elymiiias, Thamantis^ Zeuxidia. etc. Les grai
Ornithoptères aux couleurs brillantes s'étendent jusqu
N. de l'Australie. Les Coléoptères sont représentés pai
genre spécial Mormolyce^ des Buprestes géants (Catoxt
tha), des Lucanidœ dont Odontotobis est le plus car
téristique, des Cétoines et surtout des Longicornes qui si
ici très abondants et de tonne élégante comme dans tou
les régions de forêts {Euryarthrum, Cœlosterna^ Ai
lasta, Astatlies). En résumé, si la ligne de Wallace exi
pour les Mammifères, les Poissons d'eau douce et mê
jusqu'à un certain point pour les Oiseaux, elle n'a plus
même importance pour les Reptiles, les Mollusques et
Insectes. Pour ces trois groupes, la faune de la Mala
s'étend jusqu'à la Nouvelle-Guinée et au N. de l'Ai
traiie.
Paléontologie. — La paléontologie de la Malai
n'est que très imparfaitement connue par les recherci
faites, à Java, par les naturalistes hollandais. Tout indi(
que cette région est restée rattachée au continent asiati(
jusqu'à la fin de la période tertiaire. La faune pliocèm
quaternaire de Java et de Sumatra, étudiée par Martin
Dubois aux monts Kendeng, est identique à celle des Si^
liks dans le N. de l'Inde. On trouve ici les genres i/i/tt?
Stegodorij Anoa, Hippopotamus ^ Sivatherium^ <
caractériisent la faune des Siwaliks. Plus récemment D
bois a décrit, sons le nom de Pithecanthropus erect\
des débris provenant du même gisement et qui sembl
indiquer un type intermédiaire entre les grands Sinj
anthropoïdes et l'homme. Les naturalistes ne sont pas
encore d'accord sur la véritable nature de ces ossements
fossiles. E. Trouessart.
Ethnographie. — La population primitive, dont on dis-
cerne des vertiges dans l'intérieur des grandes îles, semble
avoir été formée de Négritos et certainement d'une race à
peau noire de bonne heure refoulée par d'autres à peau
plus claire, spécialement par les Malais que nous voyons à
partir du xii*' siècle essaimer de Sumatra sur l'archipel en-
tier, fondant des Etats qu'au xvi® siècle les Européens sub-
juguèrent. II faut aussi tenir compte des immigrants chinois
actuellement au nombre de 2 millions, des Arabes, des Eu-
ropéens, etc. Les Malais {Oran Malayou, hommes errants)
sont une des principales races humaines (V. Race) et
s'étendent non seulement sur la Malaisie et la presqu'île de
Malacca, mais sur une grande partie de l'Océanieet jusqu'à
Madagascar. On en rapproche même les Japonais. Ils vont
de l'île de Pâqi^^s auxComores, du 249° long. (111° long.
0.) à 44° long. E. et de la Nouvelle-Zélande aux îles Hawaï,
du 23° lat. N. au 47° lat. S. Leur lieu d'origine serait le S.
de rindo-Chine. On les divise en deux groupes : Malais et
Polynésiens{\. Race et Polynésie). lisse seraient d'abord
répandus sur la Malaisie ju>qu'à l'île de Bouro (Moluques),
d'où ils auraient gagné les îles Samoa et Tonga, pour se
propager do là sur les autres îles polynésiennes. C'est un
millier d'années av. J.-C. que se serait accomplie la scis-
sion en Malais ocidentaux on asiatiques et orientaux ou
océaniques. Les premiers sont plus petits et plus voisins du
type mongol, cheveux longs, droits et rudes, barbe rare,
couleur allant du jaune froment au brun sombre, yeux
obliques ; ils sont mésocéphales, alors que les Polynésiens
sont brachycéphales; le prognathisme n'est pas exagéré.
Parmi les Malais aï>iatiques, on distingue deux types :'Bat-
taks et Malais, les premiers plus grands, plus forts, à
peau plus claire, cheveux moins drus, pommettes moins
saillantes. D'une manière générale, les veux sont d'autant
plus obliques qu'on se rapproche de l'Asie.
Les Malais occidentaux (pour les autres, V. Race et Poly-
nésie) comprennent les subdivisions suivantes : Tagals ou
Bisaya dans les îles Philippines, fortement métissés de
Négritos ; on y rattache les indigènes de Formose et des
îles Soulou ; — Malais proprement dits à Sumatra et dans
la presqu'île de Malacca ; — Sundanais à l'O. de Java,
intermédiaires entre les Malais, lesBattaks et les Javanais ;
— Javanais à l'E. de Java, les plus civilisés de tous; on
y rattache les Madourans et les Balinais; — Batlaks ou
Battas à l'intérieur de Sumatra, auxquels on rattache les
insulaires des îles Nias et Batou et les Hovas de Madagas-
car ; — Dayaks {Olo-Ngadjou) dans l'île de Bornéo, com-
prenant au S. les Biadjou, au centre les Ot-Danom; —
Macassars et Bouginais au S.-O. et au S.-E. de Célèbes ;
Alfmmms au N. de Célèbes et dans les Moluques.
Les Malais proprement dits sur lesquels il y a lieu d'in-
sister, en renvoyant pour les autres aux articles qui leur
sont consacrés et aux art. Bornéo, Java, Philippines, Su-
matra, etc., sont au nombre de 4 millions environ. Leur
centre fut dans Sumatra le royaume de Manany-Kabaou,
qui comprenait au xv« siècle le milieu de l'île. En 4160,
sous leur chef Sri Tri Bouwana, ils conquirent le littoral
oriental, puis la presqu'île de Malacca où ils fondèrent Sin-
gapour ; en 1252, les Javanais le leur prirent ; ils fondèrent
alors Malacca, se répandirent sur la presqu'île et prirent
un rôle prépondérant sur la navigation et le commerce qui
adopta leur langue depuis Ceylan jusqu'à la Nouvelle-Gui-
née. Convertis à l'islamisme, ils le propagèrent, mais sans
intolérance. C'est une race bien douée, d'inteUigence souple,
extraordinairement passionnée, témoignant d'un amour-
propre et d'une susceptibilité maladive ; une bravoure
poussée jusqu'à la folie, une réelle honnêteté. Ils excellent
dans la navigation et le négoce, dédaignent l'agriculture,
font cultiver leurs champs (surtout de riz) par des enclaves
(pour dettes ou captifs de guerre). Ils sont bien doués pour
l'industrie: tissage et teinture des étoffes ; travail du cuir,
MALAISIE --" MALAMBO
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du bois, des métaux ; armes, bijoux, etc. — Leur régime
politique est aristocratique ; le chef radja, maharadja ou
djaiigdi pertouan conmiande à des vassaux tributaires
{oran kaya), parmi lesquels il choisit les hauts dignitaires
{mantri). Leurs armes sont l'épée (klewang) et le kriss;
le fusil a éhminé la sarbacane (flèches empoisonnées) et la
fronde. Les praos des corsaires malais, aruiésà la moderne
de longs canons, furent la terreur de l'archipel malais jus-
qu'au jour ou les Hollandais les mirent à la raison. — Les
maisons sont de bois ou de bambous, sur pilolis, couvertes
de feuilles de palmier (aiap), accessibles par un escalier ; on
fait le feu en dehors. Les villages sont entourés de palis-
sades ou d'un mur en terre, avec, au milieu, une place
pour rassemblée. Le bétail est parqué sous la maison. —
La coutume {adai) que les Hollandais ont respectée est for-
mée d'usages malais, hindous et de prescriptions du Co-
ran, La peme de mort peut être rachetée par une compo-
sition ; celle-ci est la peine du vol. L'offensé peut provoquer
en duel son offenseur. Le Malais achète sa femme et a sur
elle un droit absolu. Les pauvres s'en procurent en servant
un certain temps leurs beaux-parents. Les neveux, enfants
de la samr, héritent de préférence à ceux du père (V. Fa-
mille). Les Malais sont généialement musulmans. Tous
mâchent le bétel. Us sont aussi passionnés pour le jeu que
pour les armes, jouant aux dès, aux cai1es(à la chmoise),
aux échecs, pariant dans les combats de coqs.
Linguistique. — La langue malaise appartient au
groupe des langues maléo ou malayo-polynésiennes.
Celles-ci se parlent sur tout l'océan Pacifique, de i'ile de
Pâques à Madagascar et à Lormose. Fr. Mulîer y discerne
trois divisions : langues malaises parlées dans la pre^-
qu'île de Malacca, laMalaisie,lesiles Mariannes. Formose,
JMadagascar ; — langues mélanésiennes padées dans les
lies Palau et des Carolines occidentales jusqu'à l'archi-
pel Marshallan N.-O., jusqu'aux îles Viti et aux Nou-
veUes-Hébrides au S.-E. ; — langues polynésiennes^
parlées des îles Hawaï à la Nouvelle-Zélande; celles-ci se-
raient dérivées dans Tordre suivant (d'après Whiîmee):
le tronc primitif serait représenté par le samoan duquel
dériveraient d'une part le tongan et le maori ; de l'auîre les
langues des îles Hervey, Touamotou, Hawai, Marquises;
du troisième celles des ifs Ellice et Tokelau.
Sur lesgénéralités,V. l'art. LïNGuisTiûUE, Lcbnomspropres
sont en général de deux syllabes, et les mêmes peuvent ser-
vir de noms et do verbes, etc. Les langues polynésiennes
ignorent le g, le d, le b, expriment tous les rapports gram-
maticaux par des particules isolées. Les langues mélané-
siennes ont six à sept consonnes de plus, y compris les
doubles consonnes ; des suffixes pronominaux possessifs.
Les langues malaises sont très riches en consonnes et em-
ploient les particules sous forme de préfixes, infixes et
suffixes. On se deniande pourtant si Je malais n'a pas rè-
gressivement dégénéré en les types inférieurs. Le mélané-
sien a subi l'influence du pa[)ou ; le malais celle des langues
indiennes; les dialectes uialais et javanais renferment beau-
coup de mois sanscrits. H est le seul qui ait une littéra-
ture écrite en alph.sbet arabe ou hindou, GiU a rédigé des
contes et chants polynésiens {Myths and Sujigs from Ihe
'Pacific; Londres, 4876); Whilmee, un dictionnaire com-
paré des langues polynésiennes.
Le malais proprement dit, parlé à Sumalra et Malacca,
est encorela langue commerci